Les télévisions du monde: un panorama dans 110 pays 9782204029933, 2204029939

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Les télévisions du monde: un panorama dans 110 pays
 9782204029933, 2204029939

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CinemAction UN PANORAMA Te DANS 160 PAYS

Corlet - Télérama | Centre national du cinéma

Procirep

RÉUNI PAR GUY HENNEBELLE SE

LES BELGES, LES ESPAGNOIS, LES ALLEMANDS, LES POLONAIS, LES CHILIENS, LES AFRICAINS ONT EGALEMENT CANAL.

CAT Nete qu on EC CANAL au Moins oh n'est pas devant la téle. RSCG EURO ASSOCIES & TONG-CUONG BABINET, /#

CENTRAL EUROPEAN ECONOMIC REVIEW 75 000 ex., Belgique, trimestriel. Ce magazine créé durant l'été 1995 est un supplément du Wall Street Journal Europe, par ailleurs disponible sur abonnement. Edité à Bruxelles, il suit de près tous “les développements de l'économie de marché du Danube à l'Oural”.

GORRIERE DELLA SERA 700 000 ex., Italie, quotidien. “La vecchia signora” (née en 1866) de Milan se porte encore bien. Toujours sérieuse, rigoureuse et rangée. Sous la houlette de Giovanni Agnelli, patron de la Fiat.

daire, En Asie, la FEER a les meilleurs chiffres, les meilleures analyses, les meilleurs scoops, les meilleures plumes. Tout le monde le sait, de Pékin à Kuala Lumpur...

FINANCIAL TIMES 500 000 ex. Royaume-Uni, quotidien. Politique internationale, business, management... Le journal de référence, couleur saumon, de la City. Et du reste du monde.

FORTUNE 755 000 ex., Etats-Unis,

120 000 ex., Etats-Unis, quotidien. Publié à Boston mais

bimensuel. Fondé en 1930, le sommet des magazines d’affaires, par ses qualités éditoriales, informatives, graphiques et la qualité, très haut de gamme, de ses 3,5 millions de lecteurs.

lu from coast to coast, cet élégant

GAZETA WYBORCZA 550 000 ex. en

tabloïd est réputé pour sa couverture des affaires internationales. La fondatrice de la Christian Science Church, Mary Baker Eddy, l'avait créé en 1908 en réaction contre la presse à sensation.

semaine et 1 000 000 ex. le weekend, Pologne, quotidien. La

THE CHRISTIAN SCIENCE MONITOR

THE ECONOMIST 535 170 ex., Royaume-Uni, hebdomadaire. Economies, sociétés, politiques, technologies... L'un des hebdomadaires les plus influents dans le monde des affaires internationales. Le “leader's digest”, vraiment.

L'EUROPEO 110 000 ex. Italie, hebdomadaire. Fondé le 11 novembre 1945 par le journaliste Arrigo Benedetti, L'Europeo, édité à Milan, se revendique comme laïque (comprendre : non

démocrate-chrétien). Plus léger que ses concurrents L'Espresso ou Panorama, il s’est fait une spécialité des photos très “nature” des personnages de la vie publique péninsulaire.

FAR EASTERN ECONOMIC REVIEW 72 009 ex., Hong Kong, hebdoma-

“Gazette électorale”, fondée par Adam Michnik en mai 1989, est devenue grande, malgré une immense faiblesse de moyens. Et avec une immense ambition journalistique : celle d’être laïque, informative et concise.

THE INDEPENDENT 276 000 ex., Royaume-Uni, quotidien. Né en 1986, conçu par des mécontents pour des mécontents, ce journal s’est taillé une place respectée dans le paysage médiatique. La maquette de son édition dominicale (325 000 ex.)

est un modèle du genre. Racheté par le groupe Mirror au terme d’une douloureuse crise de financement, malmené par la guerre des prix entamée par Rupert Murdoch, il reste néanmoins digne de son titre :

depuis 1987, promoteur des

réformes économiques, pourfendeur des tares du passé : sa langue de bois s’est déliée. Et son supplément économique du jeudi, Finanssovye Izvestia, est d’une belle couleur saumon.

LA JORNADA 50 000 ex., Mexique, quotidien. Né en 1983, “la Journée”, journal indépendant de gauche et farouche opposant au Parti révolutionnaire institutionnel, se caractérise par son style “cultivé” qu'illustrent, particulièrement dans La Jornada Semanal, de grandes signatures comme Carlos Fuentes ou Mario Benedetti.

JOURNAL DE GENÈVE ET GAZETTE DE LAUSANNE 29 000 ex., Suisse,

quotidien. “Quotidien suisse d'audience internationale”, tel qu’il se nomme ; et ses distingués lecteurs de la ville de Calvin le croient, à juste titre.

IKATHIMERINI 22 000 ex., Grèce, quotidien. Fondé en 1919, antinazi pendant la guerre, et conservateur de toujours, c’est le journal grec qui consacre le plus de place à l'international. Situé au centre droit de l’échiquier hellène, son sérieux fait que toutes les tendances le lisent.

LIBÉRATION 10 000 ex., Maroc, quotidien. Organe de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), c’est le porte-parole de l'opposition socialiste, inspirée

par la grande ombre de Mehdi Ben Barka.

LOS ANGELES TIMES 1 089 690 ex.,

nir le journal turc de référence. Il revient de loin : en 1979, son rédacteur en chef a été assassiné par Ali Agca, l’homme qui a tiré sur le pape...

MOSKOVSKI KOMSOMOLETS 1 160 000 ex., Russie, quotidien. Un des plus gros tirages du pays, fleuron de la presse populaire, le “journal sociopolitique de la jeunesse” fait parfois dans le sensationnel.

NATURE 50 000 ex., GrandeBretagne, hebdomadaire. Depuis 1869, cette revue scien-

tifique au prestige mérité accueille - après plusieurs mois de vérifications — les comptesrendus des innovations majeures. Son âge ne l'empêche pas de rester d’un étonnant dynamisme.

THE NEW YORK TIMES 1 141 366 ex. Etats-Unis, quotidien. Près de 1 000 journalistes garantissent la réputation de ce journal de référence où figurent “all the news that's fit to print” - toute l’information digne d’être publiée.

NEZAVISSIMAÏA GAZETA 50 000 ex., Russie, quotidien. Le journal de Vitali Tretiakov (dont Courrier International a publié simultanément le n° 1 en français le 21 déc. 1990) manifeste hautement l’indépendance de son nom. Premier succès éditorial en Russie, notamment auprès des leaders d'opinion, sa réussite est manifeste.

Etats-Unis, quotidien. 500 g

NIHON KEIZAI SHIMBUN 3 013 000 ex.

IZVESTIA 750 000 ex., Russie, quoti-

par jour, 2 kg le dimanche, une quinzaine de prix Pulitzer: le géant international de la côte Ouest.

dien. L'ancien organe des soviets de Petrograd, créé en 1917, a bien changé. Perestroïkiste

quotidien. “Nationalité”, fondé en 1950, est en train de redeve-

Japon, quotidien. Le plus important journal financier du Japon, lu par la quasi-totalité des cadres japonais. Ses 1 800 journalistes veillent à la rigueur de l'information. L’énorme groupe Nikkei publie |etc. |

indépendant.

MILLIYET 1 060 000 ex., Turquie,

Chaque jeudi l’essentiel de la presse mondiale en français

Directeur : Guy Hennebelle Codirectrice : Monique Martineau Rédaction : 106, Bd Saint-Denis, 92400 Courbevoie Tél. : (1) 43.33.70.34. FX 835s70;

CinémAction est coédité par les Éditions Corlet (Z.I., route de Vire, 14110 Condé-sur-Noireau) et

S1X {OIS par an

par Télérama.

CinémAction est diffusé en librairies par les Éditions du Cerf, 29,

bd Latour-Maubourg,

75007

CinémAction

Panis, Tél44 181212; CinémAction concours Livre.

est publié avec le

du Centre national du

Comité éditorial : Rida Behi (Babafilm, Tunis), Philippe Boitel (Télérama), Goéry Delacôte (Exploratorium, San Francisco), Marie de Morière (CinémAction),

Daniel Junqua (ancien directeur du Centre de formation des journalistes), Jean Rozat (Arte), Jean Verrier

(CinémAction

et Paris

VIII). Conseillers à la rédaction : Jean-Luc Douin (cinéma) et Jean Belot (télévision).

Fondé en 1978, par Guy Hennebelle et Monique Martineau, CinémAction est une revue thé-

matique sur le cinéma et la télévision, de France

fait le point sur un sujet de cinéma ou de télévision

et d'ailleurs.

Dossier à plusieurs voix, chaque numéro constitue une mine d'informations et une somme d'analyses sur un thème, un cinéma,

un auteur ou l'art du grand ou du petit écran.

ISSN 0243-4504 ISBN 2-85480-881-9 Commission paritaire : 61.838 Les articles signés n'engagent que leur auteur. Dessin de couverture : Jean Hin (Télérama). © CinémAction-Corlet 1995

La liste des 100 numéros parus depuis 1978 et les conditions de vente et d'abonnement est aux pages 470 - 471 - 472. Diffusion en librairies : Le Cerf.

Sommaire °

Préambule:

|. Amérique

Guy Hennebelle

11

du Nord

+

Canada

Sylviane Tramier

14

+

États-Unis

Mouny Berrah

20

Il. Amérique latine

Argentine

Bolivie

Carmen Rico et Martha Prieto

38

Jorge Torres Garay et Jaime Reyes

Valazquez

40

Brésil

Bernard Vassas

42

Chili

Carlos Català et Carmen Rico

56

Colombie

Michèle Viaud

58

Costa Rica

Iliäna Guillén et Carmen Rico

61

Cuba

Leandro Delgado

62

Équateur

Carmen Rico

63

Jean-Michel Caroît

64

Jamaïque

Jean-Michel Caroît

66

Mexique

Enrique E. Sanchez Ruiz

67

Carmen Rico

741

Pérou

Fernando

72

Porto Rico

Frederico Iglesias

76

République dominicaine

Armando Almanzar R.

78

Haïti

Nicaragua

Vivas

—— ———

°

Uruguay

Carmen Rico

19

+

Venezuela

Liliane Blaser

81

II. Europe de l’Est Coordination:

Yves

Gauthier

*

Albanie

Christophe Chiclet

86

*

Bosnie

Nedim Loncarevic

87

* _ Bulgarie

Nedko Peev

90

*

Croatie

Damir Matkovic

2

°

Hongrie

Paul Gradvohl

96

°

Macédoine

Christophe Chiclet

99

*

Pologne

Jean-Michel Smoluch

100

*

République tchèque

Lubica Vychovala-Jolly

103

°_

Roumanie

Nicolas Pelissier

105

°

Slovaquie

Lubica Vychovala-Jolly

109

*

Slovénie

Anne-Laure Stamminger

111

°

Ex-URSS

Antoine Garcia (et Christophe Chiclet : Arménie)

114

Nevena Dakovic

148

*

(CEI et Pays Baltes)

Yougoslavie (Serbie-Monténégro)

IV. Europe de l'Ouest Allemagne

Roland Schneider

154

Autriche

André Lewin

164

Belgique

Frédéric Antoine

170

Chypre

Christophe Chiclet et Lizbeth Malkmus

181

Danemark

Henriette Madsen

183

Espagne

Emmanuel

186

Finlande

Anna-Maria

France

Pierre Beylot

196

Grande-Bretagne

Tana

Wollen

215

Grèce

Christophe Chiclet

225

Irlande

Paschal Preston

228

Italie

Augusto Sainati

230

Luxembourg

Stéphane Benassi

238

Norvège

Catherine Argoud-Daudon

246

Pays-Bas

Sophie Perrier

249

Portugal

Eduardo Sampaio

232

Suède

Alexandra Gaillard et Lennart Weibull

260

Larraz

Delarbre

194

a

+

*

——

Suisse

Turquie

V. Maghreb *

René Rickenman et Pierre-Henri Zoller

262

Christophe Chiclet

268

Hassan Zénati

274

et Moyen-Orient

iperie

*

Arabie saoudite

Judith Cahen

280

°

Bahreïn

Judith Cahen

283

.

Égypte

Ahmed Loutfy, Walid El Khachab, Judith Cahen

284

*

Emirats arabes unis

Judith Cahen

287

°

Iran

Barry Lowe

288

+.

Israël

Ariel Schweitser

290

°

Jordanie

Judith Cahen et Pierre Pinta

293

°

Koweït

Judith Cahen

295

°

Liban

Pierre Pinta

296

°

Maroc

Judith Cahen

299

°

Oman

Judith Cahen

303

°

Qatar

Judith Cahen

304

°

Syrie

°

Tunisie

Judith Cahen et Pierre Pinta

305

Judith Cahen

308

VI. Afrique noire Coordination: Jean-Paul Lafrance (et Philippe Jallon)

*

Afrique du Sud

Philippe Jallon

312

°

Angola

Henri-Paul Bolap

316

°

Bénin

Henri-Paul Bolap

312

°

Burkina Faso

Alain Péricard

318

°

Burundi

Henri-Paul Bolap

320

°

Cameroun

Henri-Paul Bolap

321

°

Centrafrique

Henri-Paul Bolap

324

°

Congo

Henri-Paul Bolap

326

*

Côte-d'Ivoire

Philippe Jallon

328

°

Djibouti

Philippe Jallon

334

+

Éthiopie

Philippe Jallon

335

°

Gabon

Henri-Paul Bolap

336

°

Ghana

Henri-Paul Bolap

338

°

Guinée

Henri-Paul Bolap

340

*

Guinée-Bissau

Henri-Paul Bolap

341

*

Guinée équatoriale

Henri-Paul Bolap

342

°

Kenya

Henri-Paul Bolap

343

°

Mali

Alain Péricard

348

°

Maurice

Gilbert Ahnee

349

°

Mauritanie

Philippe Jallon

392

°

Mozambique

Henri-Paul Bolap

555

°

Namibie

Henri-Paul Bolap

354

°

Niger

Alain Péricard

355

*

Nigeria

Henri-Paul Bolap

357

*

Ouganda

Philippe Jallon

360

°

Réunion

Philippe Jallon

361

°

Rwanda

Philippe Jallon

302

°

_Säo Tomé et Principe

Henri-Paul Bolap

363

°

Sénégal

Henri-Paul Bolap

364

°

Sierra Leone

gérer rer

ER EE D Philippe Jallon

———————————————————

366

°

Soudan

Philippe Jallon

367

* _ Swaziland

Philippe Jallon

368

°

Tanzanie

Philippe Jallon

369

°

Tchad

Henri-Paul Bolap

370

°_

Togo

Henri-Paul Bolap

SZ

e … Zaïre

Henri-Paul Bolap

18

*

Zambie

Henri-Paul Bolap

376

°*

Zimbabwe

Henri-Paul Bolap

377

VII. Asie et Pacifique °

Afghanistan

Barry Lowe

382

°

Australie

Michelle Royer

383

*

Bangladesh

Barry Lowe

390

°

Birmanie

Barry Lowe

301

*

Brunei

Barry Lowe

392

° __ Cambodge

Barry Lowe

398

*.

Chine

Véronique Petitprez

395

*

Îles Cook

Barry Lowe

406

°

Corée du Nord

Barry Lowe

407

I

*

Corée du Sud

Barry Lowe

408

+.

Îles Fidji

Barry Lowe

411

*

Hong Kong

Barry Lowe

413

Inde

André Lewin

416

*

Indonésie

Barry Lowe

423

*

Japon

Barry Lowe

426

*

Laos

Barry Lowe

434

°*

Macao

Barry Lowe

435

°

Malaisie

Barry Lowe

436

°

Maldives

Barry Lowe

438

° __ Mongolie

Barry Lowe

439

°

Nauru

Barry Lowe

440

°

Népal

Barry Lowe

441

°

Niue

Barry Lowe

442

Barry Lowe

443

M

+ __ Nouvelle-Calédonie +

Nouvelle-Zélande

Barry Lowe

443

°

Pakistan

Barry Lowe

446

Barry Lowe

448

Barry Lowe

450

* °

Papouasie-Nouvelle-Guinée Philippines

°

Polynésie française

Barry Lowe

453

°

Samoa

Barry Lowe

454

°

Seychelles

Bertrand d’Aix

455

°

Singapour

Barry Lowe

455

°

Sri Lanka

Barry Lowe

458

°

Taiwan

Barry Lowe

460

+

Thaïlande

Barry Lowe

462

°

Tonga

Barry Lowe

465

:

Vanuatu

Barry Lowe

466

Barry Lowe

467

°

occidentales

Viêt-nam

Générique Conception et coordination générale: Guy Hennebelle. Coordination (totale ou partielle): Europe de l’Est: Yves Gauthier; Asie: Barry Lowe; Afrique noire: Jean-Paul Lafrance (et Philippe Jallon); Amérique latine: Jean-Paul Lafrance, Carmen Rico et Guy Hennebelle. Traduction: Anglais: Michel Euvrard, Goubert, Anne de Mezia.

Marie-Odile

Dupé.

Espagnol:

Martha

Prieto-

Adaptation: Alexandra Gaillard, Guy Hennebelle.

Secrétariat de rédaction et maquette: Joël Taïeb, Guy Hennebelle. Remerciements: Jean-Marc Moisy, Michelle Royer, Michel Euvrard, Hassan Zénati, Guido Convents,

Paul Willemen,

Yves

Gauthier, Jean-Paul Lafrance,

Isaac Léon Frias, André

Lange, José Luis Saez, Maati Kabal, Rinaldo Depeigne, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Judith Cahen, Daniel Junqua, Denis Decraene, Anne-Marie Meier-Bozza, Pierre Véronneau, Réal La Rochelle, Mactar Silla, Bruno Finel, RFI (service documentation), Souhayr Belhassen,

Jean Rozat, Claire Lafitte, William Main, Arnaud Mary, les ambassades de France au Danemark, en Colombie, en Norvège, Henri Caillavet, Denis Bossard, Philippe Thureau-Dangin. Et toutes les personnes qui ont apporté un concours à titre où a un autre. Cartes : Michel

Euvrard.

Nous remercions le Centre national du cinéma, la Procirep, le ministère de la Coopération

et la SCAM qui ont participé au financement de cette enquête mondiale, ainsi que, pour leur soutien publicitaire, Arte et Canal +.

Préambule

En 1988, CinémAction publiait, de concert avec Télérama, un panorama des situations télévisuelles dans

110 pays. À notre connaissance,

c’était, avec cette ampleur, une première en toutes lan-

gues. L’édition française avait été traduite en italien dans les mois suivants. Bien que cette première édition ait été assez rapidement épuisée, nous n’avions pas voulu la réimprimer car dans tous les pays les télévisions changent très vite. Notre vœu est de proposer régulièrement un nouveau tour du monde aux lecteurs intéressés par les perpétuelles mutations du petit écran. Sept ans après, c’est une version complètement nouvelle que nous proposons ici. Nous avons porté le nombre de pays couverts de 110 à 158. C’est un public large que nous souhaitons atteindre avec ce volume qui n’est pas destiné seulement à des spécialistes pointus. C’est pourquoi la démarche se veut journalistique: nous avons cherché, à travers des textes si possibles vivants, à restituer toute la richesse culturelle et humaine de

la multiplicité des chaînes dans la plupart des pays et non pas à noyer le lecteur sous une avalanche de chiffres, d'adresses ou de données purement techniques. Il existe, en français, en anglais et en d’autres langues. d’excellents guides ou « handbooks » sur la situation économique et juridique des chaînes dans les grands pays. Nous y renvoyons volontiers. Ce panorama réalisé fin 1994 et publié début 1995 fait ressortir quelques constantes relativement simples: — presque partout le nombre de chaînes se multiplie; — presque partout coexistent des chaînes publiques et des chaînes privées; — partout les programmes américains sont appréciés et occupent de larges pans de la programmation,

surtout les feuilletons

et les séries;

— la langue anglo-américaine se répand à travers tout ou partie des grilles de beaucoup de chafnes: dans nombre de pays coexistent désormais des chaînes en langues nationales et en anglais; — Ja publicité est présente dans presque tous les pays et n’est exclue que sur un nombre fort

limité de chaînes; — Je câble et plus encore les paraboles transforment (en effet, Mac Luhan!) de plus en plus le monde en un village; — Ja France n’est pas une puissance télévisuelle: ses programmes ne sont largement présents que dans une partie de ses anciennes colonies, surtout en Afrique noire. C’est dommage car elle en aurait pourtant les moyens: le Brésil a bien réussi à faire aimer un peu partout ses telenovelas. À noter le cas particulier de l’Algérie qui, malgré son nationalisme sourcilleux, regarde davantage les chaînes françaises que la chaîne nationale, grâce aux « paraboles diaboliques ».

Nous avons pu réaliser cette édition grâce au soutien du Centre national du cinéma, de la Proci-

rep, du ministère de la Coopération et de la SCAM, ainsi que de Arte et de Canal+: qu'ils en soient remerciés. De même que tous ceux qui ont aidés à constituer l’équipe rédactionnelle. Certains continents ou ensembles de pays ont fait l’objet d’une coordination régionale: ainsi l'Asie et le Pacifique qui ont été presque entièrement pris en charge par Barry Lowe depuis l’Australie; l’Europe de l’Est par Yves Gauthier. L'Afrique doit beaucoup à Jean-Paul Lafrance et à Philippe Jallon. Le monde arabe à Judith Cahen. L'Amérique latine à Carmen Rico et à Jean-Paul Lafrance. Nous avons regroupé des chiffres clés dans un encadré au début de chaque article national: il n’y a pas toujours été possible de trouver certains d’entre eux. Rendez-vous dans deux ans pour une nouvelle édition. Guy HENNEBELLE 11

Amérique du Nord

Les télévisions du monde

Canada — Population: 27,4 millions. — En 1990, il y avait au Canada 641 téléviseurs pour 1000 habitants. — 99% des foyers possèdent au moins un appareil. Plus de la moitié en a plus d’un. —

En 1993, sur un total de 10 247 000 ména-

ges, 9 815 000 possédaient un ou plusieurs postes en couleur. — 92,6 % des foyers sont câblés et 69 % des ménages sont abonnés. —

En 1993, 7 925 000 ménages possédaient 1

magnétoscope ou plus. — Sur le réseau hertzien, le Canada offre 11 chaînes de télévision : deux chaînes publiques nationales, quatre chaînes éducatives publiques provinciales, une chaîne nationale privée en anglais, deux chaînes privées régionales en anglais, deux chaînes privées régionales en français. — Sur le câble, s’ajoute un large éventail comprenant une douzaine de chaînes thématiques: deux chaînes publiques d’information en continu (Newsworld et RDI), deux chaînes de sport (TSN et RDS), deux chaînes de vidéo-clips (Musique-Plus et Much-Music), deux chaînes pour la jeunesse (Canal Famille et YTV), deux chaînes de prévisions météorologiques (Météomédia et Weather now), deux chaînes de

Les Canadiens sont de fervents amateurs de télévision. La presque totalité (99 %) des foyers possède au moins un récepteur, et en moyenne, le Canadien passe un peu plus de vingt-trois heures par semaine devant le petit écran. Logique engouement, dira-t-on, dans le pays natal du premier grand théoricien des médias électroniques, Marshall McLuhan, celui qui a donné au monde l’aphorisme fondateur de la théorie de la communication de masse dans le village planétaire: «Le médium, c’est le message. » L'histoire de la télévision au Canada est intimement liée à celle du pays, et à ses efforts

pour s’affranchir de la tutelle britannique, tout en se gardant de l’emprise américaine. 14

retransmission des séances du parlement fédéral et des assemblées provinciales (CPac), et une chaîne communautaire, par exemple TEOQ (Télévision ethnique du Québec), qui diffuse des émissions en trente langues. Le téléspectateur peut choisir un service plus étendu de chaînes thématiques, àpéage avec décodeur, et des services à la carte. Il aura alors à sa disposition plusieurs chaînes spécialisées dans le cinéma et les œuvres de fiction (Premier Choix, First Choice, Super Écran, Moviemax,

The Classic

Channel et Showcase), une chaîne de musique country (The Country Network), une chaîne de reportages scientifiques (Discovery), une chaîne culturelle (Bravo), une chaîne traitant de sujets féminins (Lifestyle Television), une chaîne de documentaires sur la vie quotidienne (YOU: Your Channel), et une chaîne de variétés (Arts et Divertissement). — Directement, s’il vit près de la frontière américaine, ou par câble, le téléspectateur canadien a accès aux trois grands réseaux américains (ABC,

NBC,

CBS),

à la chaîne

américaine

d’information en continu (CNN), au réseau de télévision publique américaine (PBS). — L'équipement en antennes paraboliques reste marginal: 275 000 ménages en possèdent une.

Le développement et l’essor fulgurant de la télévision, fortement influencés par la géographie du pays, sont allés de pair avec la modernisation rapide du Canada après la Deuxième Guerre mondiale. Dans un territoire étendu sur 6 000 kilomètres du Pacifique à l’Atlantique, faiblement peuplé, à l’exception de la portion qui longe la frontière américaine, la télévision se devait d’être une industrie de pointe, capable de relever le défi de l’étendue du pays, mais aussi un outil d’affirmation de l’identité nationale. Sa structure, son contenu ont été mode-

lés par la volonté du Canada de préserver son caractère distinct de celui de son puissant voisin américain.

Canada

Autant que le rail, l’autre grand moyen de communication qui a cimenté l’unité nationale, la radio et la télévision ont contribué à façonner l’identité canadienne. « Les communications influencent toutes les sociétés, mais elles ont tout particulièrement forgé les contours et l’esprit du Canada », note le critique Robert

Fulford!. Dès l’avènement de la radiodiffusion, avant

la Deuxième Guerre mondiale, le Canada pose en termes de souveraineté nationale la question de la propriété des moyens de communications. En 1932, devant une commission sénatoriale,

et alors qu’existe déjà un bon nombre de stations de radios privées, un groupe de pression se fait l’avocat de sociétés de télévision d’Etat : « Le Canada doit-il établir un réseau contrôlé par des Canadiens, ou par des entreprises commerciales contrôlées par des intérêts américains ? Voilà l'alternative : l’État ou les EtatsUnis?. » A la suite de ce débat, le gouvernement crée une régie publique de radiodiffusion. C’est avec cette controverse bien à l’esprit que le gouvernement a annoncé en 1949 une politique nationale de la télévision. A ce moment-là, il y avait déjà 3 600 téléviseurs, mais pas une seule chaîne canadienne*. Il faudra attendre encore trois ans pour voir apparaître la première. Ce sera une chaîne publique, et déjà à deux branches: l’une basée à Montréal, en français, l’autre à Toronto, en anglais.

Ce n’est que neuf ans plus tard, en 19%1, qu’ouvrira le premier réseau privé. La télévision canadienne a donc un peu plus de quarante ans et d’emblée, elle s’est voulue un instrument d’affirmation nationale. Mais la concurrence des chaînes américaines s’est considérablement accentuée au cours des dernières années. La prolifération des chaînes spécialisées s’est poursuivie. La vénérable télévision publique voit aujourd’hui sa clientèle s’effriter, et donc son rôle remis en question. Au cours des années 80, elle a dû faire l’amère expérience de l’austérité et de la décroissance des fonds publics. L'Etat se serrant la ceinture pour contenir ses déficits, elle a été invitée à en faire autant, et à combler ses besoins financiers par des revenus publicitaires. Il en résulte une course à l’audimat entre chaînes privées et publiques qui a un effet de nivellement et d’uniformisation des émissions. Mais pendant que la télévision publique tente

de se redéfinir, la télévision privée conventionnelle subit l’assaut des chaînes thématiques dif-

fusées par le câble qui connaît une formidable expansion depuis la fin des années 80. Avec plus de 7 millions d’abonnés, et plus de 92 % des foyers ayant accès à la télédistribution, le Canada est le pays le plus câblé du monde. Le téléspectateur, s’il n’est pas câblé, peut néanmoins avoir accès à au moins cinq Ou six chaînes généralistes canadiennes. Et s’il demeure près de la frontière américaine, il peut aussi capter par ondes hertziennes les stations américaines proches affiliées aux trois grands réseaux privés américains (CBS, NBC, ABC) et au réseau public américain (PBS). S’il préfère « consommer » canadien, et suivant qu’il réside dans l’une ou l’autre des dix provinces, ou l’un ou l’autre des deux territoires (Yukon, ou Territoire du Nord-Ouest), il pourra choisir entre deux chaînes, l’une en anglais (Canadian Broadcasting Corporation), l’autre en français, du réseau public national (Société RadioCanada), une chaîne privée nationale de langue anglaise (CTV), deux chaînes privées régionales de langue française (TVA et TOS au Québec), une chaîne privée quasi nationale de langue anglaise (Global dans les provinces anglophones), deux chaînes publiques régionales (SRTQ au Québec, TVO en Ontario). Les chaînes hertziennes ont longtemps été dominées par la télévision publique, et ses deux composantes, anglaise (CBC) et française (SRC). Pendant presque dix ans, la télévision d’État est restée maîtresse du terrain, sans autre

concurrence canadienne, mais déjà avec celle des chaînes américaines. C’est d’ailleurs cette situation inéquitable — qui faisait que les Canadiens des régions frontalières avaient le choix entre les chaînes américaines et la Société Radio-Canada, alors que ceux des régions éloignées n’avaient que la chaîne publique — qui a amené le gouvernement à autoriser la création d’un autre réseau, canadien et privé : CTV,

qui a vu le jour en octobre 1961.

La tradition britannique de la BBC La société d’État ou télévision publique (Société Radio-Canada) se situe dans la tradition britannique de la BBC. Administrée de façon indépendante du gouvernement, elle n’est en aucune façon un organe politique inféodé au pouvoir. Elle dispose de deux chaînes géné15

Les télévisions du monde

ralistes, et depuis janvier 1995, de deux chaînes d’information en continu distribuées par câble. Elle exploite 19 stations et alimente 28 autres, affiliées, à travers le Canada. Elle gère

en outre un service de radio et de télévision dans le grand Nord qui diffuse des émissions dans 7 langues indigènes. Plus des trois quarts

de son budget annuel de 1300 millions de dollars canadiens proviennent de l’Etat, le reste de revenus publicitaires. Le Canada ne perçoit pas de redevance. La télévision publique est subventionnée à 80 % par l’État, alors que la télévision privée, organisée en réseaux ou indépendante, puise ses ressources dans les recettes publicitaires. La télévision génère au Canada des revenus publicitaires annuels de 1,5 milliard de dollars.

Après le réseau d’État et le réseau privé CTV, la station indépendante Global est classée dans la catégorie des réseaux, car bien que basée à Toronto, ses émissions sont diffusées par réémetteur dans tout le Canada anglais. En outre, il existe un certain nombre de réseaux régionaux, comme

le réseau TVA, qui diffuse des

émissions en français dans la province de Québec. Également généraliste et diffusé par ondes hertziennes, le réseau Télévision Quatre Saisons

(TQS) est captable au Québec seulement, de même que le réseau public de la Société de Radio-Télévision du Québec (SRTO). Plusieurs systèmes de télévision publique éducative sont également captables par ondes hertziennes ou disponibles sur le câble: Access Network en Alberta, BC-Knowledge en Colombie britannique, et TVO en Ontario. Propriétaire des 19 stations qui forment son réseau, la télévision d’Etat fournit aussi cer-

taines émissions à des stations affiliées, propriétés de groupes de presse indépendants. Quant aux réseaux privés (CTV, TVA), ils fonctionnent plutôt comme des coopératives d’échange d’émissions pour les stations qui en font partie. CTV par exemple est composé de 25 stations affiliées qui sont la propriété d’un des huit grands groupes privés: Baton Broadcasting Incorporated, Maclean Hunter, Western International Communications, Electrohome Communications, CFCF Inc, CHUM Ltd, Mof-

fat Communications et Newfoundland Broadcasting. En outre, une vingtaine de stations canadiennes sont totalement indépendantes, non affiliées aux grands réseaux, public ou privés et elles ont une diffusion régionale. 16

Aujourd’hui, plus des trois quarts des foyers canadiens reçoivent la télévision par le câble. L’avènement de la câblodistribution a amené une prolifération de chaînes thématiques et sérieusement compliqué le paysage audiovisuel. Sur le câble canadien, le téléspectateur peut voyager en seconde ou en première classe. Ou, si l’on préfère, il a le choix entre le modèle standard ou le modèle de luxe, l’ordinaire ou

le menu gastronomique. Moyennant un abonnement mensuel de base d’environ 25 dollars canadiens, il a droit au

service de base composé, en règle générale, des cinq ou six chaînes généralistes canadiennes, des quatre chaînes américaines,

et d’un

certain nombre de chaînes thématiques consacrées au sport, à la musique, à la météo et à la retransmission des débats du parlement fédéral et des assemblées provinciales. Pour quelques dollars de plus, il a accès au service en option qui comprend des chaînes thématiques supplémentaires (CNN ou chaînes de cinéma) et des chaînes de télévision à péage. Autrement dit, il y a foule sur la télécommande: le téléphage peut zapper sur une trentaine ou une cinquantaine de chaînes, selon qu’il est abonné au service de base ou au service en option que lui proposent les compagnies de câblo-distribution. Sur ce nombre, cinq sont des chaînes américaines, le reste est canadien. En outre, dix nouvelles chaînes thé-

matiques canadiennes ont été autorisées en 1994 et ont commencé à être diffusées sur le câble, certaines

incluses

dans

le service

de

base, d’autres dans le service optionnel, en janvierel995 Et ce n’est pas fini. La capacité des réseaux câblés est aujourd’hui de 52 chaînes. Mais les câblo-distributeurs, fortement encouragés par l’organisme de tutelle, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui accorde et renouvelle les licences de tous les télédiffuseurs, ont entre-

pris une vaste modernisation et la numérisation de leurs réseaux. Ce qui permettra de doubler, de tripler, voire de quintupler leur capacité. Après le remplacement du cuivre par du fibre optique, on pourra faire des compressions numériques de chaînes et alimenter par câble toutes les chaînes transmises par satellite et captables par antenne parabolique. On parle, hyperboliquement, de 500 chaînes en l’an 2000. Devant cette pléthore, le téléspectateur perd

Canada

quelque peu ses repères. Il n’y a pas si longtemps, à Montréal, on disait: «J'ai vu un film au 2.» Tout le monde comprenait: «La chaîne d’État en français », qui occupait le numéro 2 sur le sélecteur. La chaîne affiliée au réseau TVA était connue sous le nom de «canal 10 », pour les mêmes raisons. L’arrivée du câble a bousculé ces habitudes. Selon la compagnie qui dessert votre région, le «2 »

route électronique est déjà une réalité pour des milliers d’abonnés dans la province de l’Ontario, et grâce au second et à son système Videoway, plus de 215 000 foyers québécois goûtent aux joies de l’interactivité télévisuelle. Videoway, c’est un peu le Minitel à la télévision. Le système — un décodeur muni d’un microprocesseur et d’une mémoire — a mille usages. Il fournit à l’abonné des services télé-

est le «4»,

matiques, des jeux vidéo, des services de domotique, de téléachats, de courrier électro-

le «10»

est le «7»,

la chaîne

d’information en continu de CBC peut se trouver au poste « 29 » ou « 36 ». Pour s’y retrouver, l’usager a tout intérêt à consulter le tableau de correspondance qui figure dans les magazines hebdomadaires de télévision. Le paysage audiovisuel canadien est donc une scène mouvante qui se transforme rapidement. Au cours des vingt dernières années, sa structure s’est profondément modifiée avec l’apparition du câble. Elle est devenue plus complexe, sujette aux grandes manœuvres de rachats et de fusions, menées par les groupes de presse pour consolider ou diversifier leurs opérations. Elle a aussi amené un émiettement de l’audience.

nique, de transactions bancaires, de réservations de billets de spectacles, et un service de télévision interactive. L’interactivité permet par exemple au téléspectateur de choisir entre plusieurs angles de caméra dans certaines émissions (en particulier les retransmissions de matchs de hockey sur glace). En outre, le groupe Vidéotron se lance sur l’autoroute électronique. Il a conclu un accord de partenariat technologique avec la société américaine IBM pour la mise sur pied d’un système multiservices expérimental dans une région du Québec, le système UBI (Universalité bidirectionnalité interactivité), qui offre une gamme de services et de produits (petites annonces,

1 400 câblo-distributeurs En 1994, il y avait un peu plus de 1 400 entreprises de câblo-distribution au Canada, dont 221 dans la province de Québec seulement. Six compagnies se partagent 57 % des abonnés. Parmi elles, deux géants se détachent: Rogers Communications Inc., basé à Toronto, premier câblo-distributeur du pays, qui compte plus de deux millions d’abonnés, et le groupe Vidéotron de Montréal, deuxième câblo-distributeur du Canada qui a un million d’abonnés. Derrière se presse une foule de petites entreprises qui peuvent ne compter qu’une cinquantaine d’abonnés. La télédistribution n’a pas conduit seulement à une progression exponentielle du nombre de chaînes. Elle a aussi amené des innovations technologiques qui font du Canada un pionnier des télécommunications. Autoroutes électroniques et télévision interactive sont les maftres mots de ce nouvel âge de la communication de masse. Le Canada a quelques longueurs d'avance. Dans ce domaine, les groupes Rogers Communications et Vidéotron se distinguent encore.

Grâce au premier, l’auto-

annuaire, courrier électronique,

services financiers, etc.) véhiculés sur le réseau câblé de Vidéotron. Les câblo-distributeurs misent sur ces avancées technologiques, et les infinies perspectives qu’elles ouvrent, pour convaincre les téléspectateurs de ne pas opter pour l’antenne parabolique et l’accès direct au satellite, lesquels restent, de fait, relativement marginaux.

Qu’elles soient regroupées en réseaux ou indépendantes, hertziennes ou câblées, publi-

ques ou commerciales, généralistes ou thématiques, toutes les chaînes canadiennes sont placées sous la tutelle du Conseil de la radio et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui accorde et renouvelle les licences et définit un cahier des charges. Depuis

les débuts, le CRTC

a cherché

à

maintenir une certaine équité géographique et linguistique dans l’attribution des permis de diffusion. Ainsi, la société d’État a deux chatnes généralistes, l’une en anglais, l’autre en français, que l’on peut capter dans toutes les

régions, même si la population de quelque 7 millions francophones est principalement concentrée dans la province de Québec. Pour les mêmes

raisons, le CRTC

la création

d’une

chaîne

a autorisé en 1994

d’information

en #4

Les télévisions du monde

continu en français (RD), car une telle chaîne de langue anglaise, Newsworld, existait depuis 1989. Parmi les 10 nouvelles chaînes qui ont obtenu une licence en 1994, se trouvent deux

chaînes de langue française (RDI et Arts et Divertissement). Le CRTC,

créé en 1968, est investi d’un

pouvoir règlementaire. Il lui arrive aussi de «susciter » ou d’encourager des demandes de licence, s’il juge qu’un marché est mal servi. Il agit ainsi en gestionnaire de l’offre, autant quantitative que qualitative. Ou comme le précise une brochure de l’organisme: «Le CRTC veille à ce qu’une majorité de canaux soit consacrée à des services canadiens pour augmenter l’auditoire, de même que le nombre et la qualité des émissions canadiennes. » Pour ce faire, il peut exiger un certain pourcentage de «contenu canadien » des chaînes canadiennes, et établit un code de déontologie en matière de scènes de violence et en matière de publicité destinée aux enfants. Toutes les stations doivent diffuser au moins 60% d’émissions canadiennes chaque jour,

dont au moins 50 % en soirée, aux heures de

tines dès qu’ils touchent à des thèmes délicats comme la violence domestique, la délinquance ou la mort. Mais la directive a ses limites, et l’autorité

du CRTC n’est pas sans bornes. En effet, il n’a aucun moyen de contrôler le contenu des émissions diffusées sur les chaînes américaines, qui, bien que leur part d’audience ait reculé au cours des dernières années, occupent quand même quelque 28 % du marché canadien. Dans la part qui revient aux chaînes canadiennes, ce sont les réseaux privés qui se taillent la part du lion. Les cotes d’écoute de la télévision

d’État

se

sont

effritées,

bien

qu’elles résistent mieux dans la population francophone. Ainsi, le réseau public CBC (anglais) ne recueille qu'environ 13% d’audience. Cette courbe déclinante de la télévision d’État met en danger la source principale de ses revenus: l’enveloppe votée chaque année par le parlement canadien.

Le public francophone

grande écoute. Dans le cas des stations d’Etat, 60 % des émissions doivent être canadiennes,

en tout temps. Les chaînes thématiques ont chacune des pourcentages précis de contenu canadien à respecter, 30 % pour les chaînes de vidéo-clips, 35% pour les chaînes de

sports. Quant aux entreprises de télévision à péage (comme Super Ecran, ou First Choice spécialisées dans la retransmission de films), elles doivent consacrer au moins 20 % de leurs recettes à la production d’émissions canadiennes. Le CRTC peut également forcer les câblodistributeurs à inscrire une chaîne dans leur service de base plutôt que l’offrir seulement en option. Depuis le 1% janvier 1994, les chaînes, publiques et privées, sont tenues de respecter un code de déontologie visant à bannir les scènes de violence « gratuite » du petit écran. La directive adoptée par le CRTC est appliquée « volontairement » par les télédiffuseurs, mais l’organisme de tutelle se réserve le droit de refuser le renouvellement du permis de diffusion aux récalcitrants. Les grilles horaires ont été réaménagées de manière à repousser après 21 heures les émissions pour adultes comportant des scènes de violence. En outre, le CRTC recommande la plus grande

prudence aux réalisateurs d'émissions enfan18

Au Canada français, la tendance est inversée. Le public francophone regarde beaucoup moins les télévisions étrangères (donc américaines) que le public anglophone. Ainsi, alors que les émissions canadiennes font 31% d’audience dans le public anglophone, elles recueillent près de 74% auprès du public francophone. Les francophones sont aussi plus fidèles que les anglophones à la télévision d’État, qui se maintient à 25 % d’audience environ. Mais chez les francophones également, c’est le grand réseau privé TVA qui est en tête, avec plus de 40% d’audience. Depuis 1989, les Canadiens peuvent aussi regarder la télévision internationale du consortium TVS qui est diffusée par câble. C’est bien entendu dans la province de Québec que cette chaîne francophone a le plus d'amateurs. Elle donne accès à un certain nombre d’émissions françaises, belges et suisses sélectionnées, mais son audience, bien qu’en progression, reste

marginale, en deçà de 2% au Québec. L’émission phare de TV5, comme dans d’autres pays, est L'école des fans. Une nouvelle chaîne câblée anglophone, Showcase, lancée le 1° janvier 1995, s’est fixé

pour objectif la diffusion de fictions européennes. Aux heures de grande écoute, la program-

Canada neEN

mation

est entièrement

canadienne,

mais en

dehors du prime time, environ 40 % du temps d’antenne est consacré à des émissions étrangères en provenance d'Europe.

la grille horaire, et réservent le prime time, de 19 à 23 heures, à des comédies

ou des

vu leur part d’audience combinée passer, aux

séries américaines, bien plus lucratives. Ainsi la lettre de la loi est bien respectée, mais il ne reste pas grand-chose de son esprit. Prenons à présent la programmation de la chaîne privée francophone de Montréal (CFTM), affiliée au réseau TVA : on note que

heures de grande écoute, de 90 % à 62 %. Les

30%

Au cours des dernières années, l’audience

des

chaînes

commerciales

américaines

a

décliné au Canada. De 1975 à 1990, elles ont

émissions canadiennes ont profité de la tendance des téléspectateurs à délaisser les chaînes américaines.

De 1985

à 1990, leur cote

aux heures de grande écoute est montée de 19,6% à 25,4%. Parmi les facteurs qui peuvent expliquer la hausse de l’audience des émissions canadiennes, il faut sans

aucun

doute mentionner

la

création en 1983 d’un fonds d’aide, géré par Téléfilm Canada, qui accorde un soutien financier aux entreprises de production indépendantes dans la mesure où elles obtiennent un accord de diffusion par une chaîne canadienne, privée ou publique. Ce programme a eu pour effet de stimuler la production de séries canadiennes, d’émissions de variétés, d'émissions

pour enfants, et de documentaires. à 1990, le fonds a consacré

De 1986

265 millions de

dollars à la production télévisuelle canadienne. Les émissions américaines parviennent aussi au téléspectateur canadien par le biais des chaînes canadiennes elles-mêmes. Malgré le quota de contenu canadien imposé par le CRTC, les chaînes privées ont rapidement compris tout le profit qu’elles pouvaient tirer de l’achat bon marché de séries américaines dont les Canadiens sont friands. Pour remplir leur quota canadien, elles diffusent alors des jeux télévisés ou des émissions peu chères à produire. Par exemple, à la station anglophone CFCF de Montréal, affiliée au réseau privé CTV, les téléromans (feuilletons, Ndir), les comédies, les

séries dramatiques sont tous américains. En outre, 43% des films présentés sont aussi américains. Le contenu canadien, il faut aller le chercher dans les émissions d’informations,

les JT et les magazines d’actualités, les jeux télévisés, et certaines émissions sportives

comme la retransmission de matchs de baseball. Alors que la télévision d’État a réussi à « canadianiser » la tranche horaire de grande écoute sur ses chaînes anglophones et francophones, les chaînes commerciales repoussent les émissions canadiennes vers les marges de

des

téléromans,

62%

des

comédies,

65 % des films et 80% des feuilletons dramatiques sont américains. La comparaison entre la programmation de CFTM et CFCEF, deux chaînes commerciales, l’une francophone,

l’autre anglophone, est révélatrice. Elle permet de saisir les caractéristiques particulières de l’audience francophone au Canada. Alors qu’en tête du palmarès des anglophones figurent des émissions ou des séries américaines diffusées sur les chaînes canadiennes (America’s Funniest Home

Videos, Roseanne, New

York Police Department Blue), les francophones donnent invariablement leur préférence aux séries produites par leur télévision. Le phénomène est frappant et comparable à la dévotion que portent les Brésiliens et les Mexicains à leurs propres telenovelas. En fait, la différence entre les goûts des francophones et des anglophones se résume simplement ainsi: auprès des francophones, 6 des 10 émissions les plus populaires sont des téléromans produits au Québec; au Canada anglais, 6 des 10 émissions les plus populaires sont des comédies américaines. Les plus grands succès de la télévision francophone du Canada depuis ses débuts sont des téléromans

réalisés

au

Québec,

mettant

en

vedette des comédiens québécois, et traitant de sujets québécois. Depuis Les belles histoires des pays d’en haut, qui a fait les beaux jours de la télévision canadienne francophone dans les années 50, jusqu’au succès extravagant du drame historico-paysan Les filles de Caleb en 1991 et 1992, qui a pulvérisé tous les records d’audience, certains épisodes atteignant le chiffre de 3 millions de téléspectateurs au Québec (sur une population totale d’un peu plus de 7 millions d’habitants).

Des téléfilms de haut niveau Les téléfilms et les dramatiques bénéficient souvent d’une réalisation de haut niveau. Des

19

Les télévisions du monde

Les filles de Caleb (Émilie, la passion d'une vie), célèbre feuilleton québécois

cinéastes et des écrivains de renom travaillent volontiers pour la télévision. C’est le cas du cinéaste Jean Beaudin, qui a réalisé Les filles de Caleb, ou de l’écrivain Victor LévyBeaulieu, auteur de la série Cormoran, un des

grands succès de l’année 1993. Les francophones du Canada, qu’ils soient adultes ou adolescents, raffolent de leurs téléromans

et de

leurs séries dramatiques. Ils font tellement bloc derrière leurs productions qu’ils parviennent à les propulser en tête de l’audimat canadien.

Bien que la télévision reste d’abord et avant tout un divertissement, et le plus populaire de tous, elle est aussi pour les Canadiens la principale source d’informations locales, nationales ou internationales. Celles-ci — reportages, bulletins et journaux télévisés — sont le point fort de la télévision d’État. The National et Le Téléjournal sont les grands rendez-vous quotidiens que les Canadiens ont avec l’information, à 22 heures. Les

deux émissions les plus regardées au Canada étaient des téléfilms francophones, dont bien

téléspectateurs sont farouchement attachés à cette grille horaire qui place le grand JT à la fin de la soirée. Lorsque CBC, la chaîne publique anglophone, s’est avisée d’avancer à 21

sûr, en numéro

heures son JT, l’audience s’est effondrée. Mal

Ainsi, au cours

de la saison

1990-1991,

les

un, l’insurpassable Filles de

Caleb (que je viens de citer). Cette même année, cinq téléfilms francophones se classaient dans les dix premières émissions canadiennes. Anglophones et francophones se rejoignent pourtant le samedi soir, lorsque les deux chaînes généralistes de la télévision d’État présentent La soirée du hockey, ou Hockey night in Canada,

retransmission

en direct des matchs

de la Ligue nationale. C’est la doyenne des émissions, et c’est toujours une des favorites des Canadiens. 20

payée de son audace, au bout de deux ans, CBC a dû s’avouer vaincue et le remettre à 22 heures. L’information reste cependant la locomotive de la télévision publique. Surtout pour la chaîne anglophone qui n’a pas, avec ses téléromans, autant de succès d’audience que sa sœur francophone. Outre les dramatiques et les feuilletons, la télévision d’État produit elle-même les reportages, les documentaires, les reconstitutions historiques, ou bien

elle les achète à des producteurs indépendants.

Canada

Les chaînes commerciales,

quant à elles, se

contentent d’acheter des productions à l’étranger, principalement aux Etats-Unis. Les budgets consentis par la société d’État à la couverture des actualités nationales et internationales sont sans commune mesure avec ceux ee réseaux privés et des chaînes commerciaes: Dans

le domaine

de l’information,

il faut

aussi noter que la Chambre des Communes du Canada a été pionnière lorsqu’elle a autorisé, en

1977,

la

retransmission

des

débats

parlementaires.

Sources — Statistique Canada, Ottawa — Conseil de la Radio et des Télécommunications Canadiennes, Ottawa — Association canadienne de télévision par câble, Ottawa



médias (Ottawa). — Firmes de sondages Nielsen et BBM.

L’intensification de la concurrence et la multiplication des chaînes ont eu pour effet de fragmenter l’audience. Cet émiettement se traduit à son tour par une continuelle érosion des recettes publicitaires pour les chaînes généralistes traditionnelles.

A première vue, la prolifération des chaînes offre un choix plus vaste. Mais en réalité, la télévision a peu gagné en diversité. Il n’y a guère de différence d’une chaîne généraliste à l’autre, surtout celles du secteur privé,

qui ne se démarquent guère de leurs voisines américaines. Principalement défendue et illustrée par la télévision

TVS

Par contre, l’audience

et les recettes d’abonnement et de publicité des services à péage et des chaînes thématiques sont en hausse.

d’État, l’identité canadienne

Groupe de Recherches sur les jeunes et

les médias, Université de Montréal — Broadcast Research Council of Canada, Toronto — Matthews media directory, Annuaire des

Depuis 1989, TVS s’est taillé une niche dans le paysage audiovisuel canadien. Il diffuse sur le câble une programmation francophone, provenant d'Europe et du Canada. On peut y suivre chaque jour les informations françaises de TF1 ou de France 2, les journaux télévisés belges et suisses, ainsi que plusieurs émissions littéraires et culturelles de la télévision française (Bouillon de culture, Jamais sans mon livre, etc.). Au moins

2 millions de personnes regardent TV5 au moins deux heures par semaine, selon la firme de sondage Nielsen. Les cotes d’écoute de TVS restent cepen-

de la

dant très faibles. Elle fait 1,5 % d’audience

production télévisuelle ne va pas de soi. Cette télévision d’État, qui a un cahier des charges très contraignant, est pourtant décriée de toutes parts, comme une machine trop lourde qui coûte trop cher. En réalité, on estime que la Société Radio-Canada ne coûte à chaque Canadien qu'environ 10 cents par jour. Mais la télévision publique est en crise et elle est à la recherche d’un second souffle, prise en tenaille entre les exigences de son mandat, les coups de boutoir de la concurrence et les contraintes budgétaires de l’État. La notion même de service public passe par une rude épreuve dont il est bien difficile aujourd’hui de prédire l’issue.

au Québec. Avec plus de 7 millions de francophones, la grande majorité concentrée dans la province de Québec et le reste dans la province du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, et du

Manitoba, le Canada est pourtant un bassin important de téléspectateurs pour les émissions en français.

1. Dans Communications, Canadian Encyclopedia (Edmonton : Hurtig, 1985), vol. 1, p. 382 ; cité par Mary Vipond dans The mass media in Canada, Publishers, Toronto, 1992.

James

Lorimer

and

Company,

2. Cité par Peter Desbarats, dans Guide to Canadian news

Sylviane TRAMIER

media,

Harcourt Brace Jovanovich,

Canada,

1990.

3. Cité par Mary Vipond dans The mass media in Canada.

21

Les télévisions du monde

États-Unis Superficie: 9 364 000 km? Population: 248 691 873 habitants Capitale: Washington DC (District of Columbia) Langues utilisées à la TV: anglais, espagnol Nombre de téléviseurs: 167 000 000 Nombre de chaînes publiques: (au sens américain) 303 stations locales dont la plupart en UHF Nombre de chaînes nationales: 4 Nombre de chaînes câblées: 63 Pourcentage de programmes français: insignifiant (des chaînes locales retransmettent un JT et beaucoup plus rarement des films en version originale).

Contre toute idée reçue, la télévision américaine, c’est d’abord la diversité. Si le rôle des trois networks, ABC, CBS et NBC, reste

dominant, les stations locales indépendantes sont en progression constante depuis les années 70; la télévision publique, en fait une entreprise privée à but non lucratif, gagne en professionalisme et en qualité; le câble, les « all

news » du type CNN, les chaînes spécialisées par genres, thèmes, ethnies ou autre discipline, les services à la commande ou pay-per-view, et la Fox de Rupert Murdoch ont non seulement consolidé leur part de marché mais se placent désormais en concurrents directs auprès des annonceurs. La bataille nationale que se livrent les chaînes pour attirer les recettes publicitaires s’inscrit sur fond de bataille planétaire quand il s’agit de rachat de groupes, de l’introduction de nouvelles technologies

comme le reste, ne devait plus obéir qu’aux lois du marché. Replacé dans le contexte de la montée en puissance de Wall Street, avec son cortège de golden boys et de junk bonds, la manne télévision apparaissait aux investisseurs comme intarissable. 1980-1985 est la grande période d’acquisitions: la Taft Broadcasting couvre, avec 12 stations, près de 12% du marché, la limite fixée par la FCC. A la même période, Capital Cities Communications, un autre géant, acquiert ABC qui va se révéler l’une des meilleures affaires du paysage médiatique. 1985 toujours, Metromedia est cédée à la Fox, propriété du géant des médias Rupert Murdoch et du magnat du pétrole Martin Davis. Une transaction de plus de 2 milliards de dollars qui couvre sept stations, touchant dix des marchés les plus importants du pays, ce qui fait de la Fox le quatrième nerwork. 1985 encore, la General Electric acquiert RCA qui comporte NBC; le groupe Taft revient sur le marché mais cette fois pour vendre la part des stations non affiliées de son réseau. À cette époque, le groupe possède encore la compagnie de production de dessins animés Hanna-Barbera qu’il revendra dans les années 90 à la Turner Broadcasting System. Autre transaction marquante de cette période, l'achat par la National Amusement, distributeur possédant quelque 400 salles de cinéma, de la Viacom, compagnie de câble, distribution et production. Ces affaires ne sont qu’une infime partie de l’activité, qui, pendant une dizaine d’années, a agité le monde de la communication.

Pour la télévision aux Etats-Unis, la décen-

Au début des années 90, le marché s’essouffle et connaît un ralentissement sérieux; de nombreuses faillites sont déclarées, comme

nie 80 a été importante car elle a été celle du changement en matière de statut et de réglementation. Sous l’administration Reagan, la toute-puissante Federal Communication

celle de la Grant Broadcasting’s qui n’aura, malgré sa taille impressionnante, vécu que deux ans. Entre-temps, Sony a acheté la Columbia Pictures. En 1988, elle avait acquis

Commission, FCC, a soulagé les détenteurs de

CBS Records. La MGM

licences d’exploitation du rôle de dépositaires des valeurs publiques dans lequel les enfermaient des règlements adoptés 1l y a une cinquantaine d’années. En un mot, la télévision,

«mains de l’étranger » quand, en 1990, Kirk Kervokian la cède à un homme d’affaires ita-

comme

la haute définition, ou carrément

de

révolution avec les autoroutes de l’information.

22

passe, elle aussi, aux

lien, Giancarlo Parretti. La même année, un autre fleuron d'Hollywood, la MCA, est

États-Unis one ne eme dd

racheté par le groupe japonais Matsushita Electric. Un troisième groupe japonais, Toshiba Corporation, investit dans Time Warner Entertainment, compagnie de cinéma, musique, télévision et câble, propriétaire, entre autres, de

dans la tranche horaire du matin avec Good Morning America, en prime time une demiheure avant les autres avec le journal de Peter Jennings, et à minuit avec Nightline de Ted

Koppel. ABC a été le premier network à intro-

plus

duire, dès les années 60, les insertions publi-

cotées. A la fin des années 80, des sept sœurs de la mythologie hollywoodienne, deux seulement, Paramount et Disney, appartiennent à des Américains. Les gros investisseurs natio-

citaires dans les programmes en prime time; jusque-là la liste des sponsors apparaissait en fin d'émission. Actuellement, ABC est prêt de toucher par le biais de ses stations affiliées, 25 % de la population américaine, limite de pénétration fixée par la FCC. La Federal Communication Commission, agence gouvernementale, est chargée de la réglementation en matière de communications à l’échelle fédérale et avec l’étranger, ce qui inclut la radio, la télévision, le câble et les technologies nouvelles. Chargée de veiller aux intérêts du public, elle délivre et retire les autorisations d’exploitation dans le secteur de l’audiovisuel sans pour autant intervenir au niveau de la censure, interdite par le Communication Act de 1934. La FCC est également chargée de répartir les canaux et fréquences de diffusion. Elle adresse ses rapports et conclusions directement au Congrès des Etats-Unis.

HBO,

l’une

naux, comme

des

chaînes

câblées

les

Coca-Cola, un moment intéres-

sés, se sont retirés, alors que les Britanniques et les Australiens ont rejoint les Japonais, suivis plus récemment par des capitaux du Golfe.

Les grands réseaux et leurs stations Les networks sont des réseaux de stations interconnectées par satellite, ce qui permet de substantielles économies d’échelle dans la diffusion, à partir d’une source unique, de programmes communs mais également de messages publicitaires. Pour les stations affiliées au réseau, le service fourni par le network revient moins cher que la production ou l’achat de programmes propres. Les trois networks nationaux, ABC, NBC et CBS, couvrent l’inté-

gralité du territoire américain et comptent chacun environ 200 stations qui s’alimentent à la source centrale pour 60 % de leur programmation. American Broadcasting Corporation — ABC. C’est Edward Noble, le propriétaire de Life Savers Candy, qui est à l’Amérique ce que le berlingot est à la France, qui crée en 1943 le plus jeune des networks, ABC. Racheté en 1986 par Capital Cities pour 3,5 milliards de dollars, ABC opère un changement fondamental en 1976 en développant, le premier, information et sports, deux créneaux qui marqueront les années 80. Ce n’est pas la seule

innovation.

En

1977,

avec

Roots

(Racines), adapté du roman d’Alex Haley, ABC impose une nouvelle manière de programmer en diffusant la série en huit soirées consécutives; un succès jamais égalé. Quoique disposant de moins de stations que ses concurrents — huit dont quatre sont venues avec le rachat de 1986 —, ABC s’est imposé

Les stations ABC: WABC — NewYork/KABC — Los Angeles /WLS TVChicago! KGO TV-San Francisco/WPTVI TV-Philadelphia/HTRK TV-Houston/KFSN

TV-Fresno/WTVD Raleigh-Durham.

Columbia Broadcasting System —

CBS.

. Six stations forment l’essentiel du réseau natio-

nal de CBS qui, jusqu’en 1976 où elle sera devancée par ABC, tient la première place. CBS a eu à affronter deux grandes crises: une restructuration au milieu des années 80 accompagnée de licenciements et de nouvelles orientations de travail à l’occasion de son rachat par Tish & Family, nouveau venu dans le monde des médias, mais aussi la concurrence

du câble touchant 60 % des foyers, et de la vidéo touchant 70% des foyers. Fondé en 1927, CBS a pourtant su s’adapter, notamment en diversifiant ses activités; ainsi le réseau est

propriétaire de studios de production pour la télévision à Los Angeles. En juin 1994, CBS a fait une offre d’achat pour QVC Network, un réseau de télévision à domicile situé à Phi23

Les télévisions du monde

Les stations CBS : WCBS-New York/XNXTLos Angeles/WBBM-Chicago/WCAVPhiladelphia/KCIX

a dû affronter une réglementation qui interdit de contrôler à la fois production et distribution dans certains cas, or elle possède la 20th Century. La FCC l’a cependant exclue du champ d’application de la loi en définissant un network comme par oukase du président Eltsine et que l’autorisation peut donc être retirée à tout moment...).

L’œil des steppes Trois de ces chaînes sont régionales. MTK (Compagnie de télévision moscovite) et TV Saint-Pétersbourg comptent parmi les plus anciennes chaînes publiques du pays et elles n’ont eu de cesse de s’étendre géographiquement, à telle enseigne qu’elles font de plus en plus figure de chaînes nationales: TV (rebaptisée 5 SaintSaint-Pétersbourg

Pétersbourg en juillet 1994) est ainsi regardée à Moscou, au Tatarstan, à Krasnoïarsk, à Bar-

naoul dans l’Altaï et même en Biélorussie. Paradoxalement, cette extension dans l’espace s’accompagne d’un conformisme et d’un ennui grandissants des émissions, alors que la chaîne de Léningrad, par exemple, avait produit dans les dernières années de la perestroïka deux des. émissions les plus percutantes de la télévision soviétique: La cinquième roue de Bella Kourkova (actuellement présidente de la chaîne) et 600 minutes d'Alexandre Nevzorov qui, après avoir commencé par arriver sur les lieux des crimes avant la police, a fini par sombrer dans l’hystérie nationaliste (évincé de l’écran, il est aujourd’hui député à la Douma). 2X2, qui partage avec MTK le troisième canal, est en revanche une chaîne commerciale

que l’on a vu progresser à l’instar de NTV et qui apparaît déjà comme un « modèle » pour la plupart des chaînes régionales privées. En voici le cocktail type: fréquents flashes d'informations, essentiellement locales, avec un

penchant pour l’actualité criminelle et mondaine, voire frivole; nombreux dessins animés

(Walt Disney à 90 %), films et séries étrangères, publicité à outrance, conseils pratiques, mode et musique (piratage de Music TV). Les chaînes de ce genre sont particulièrement prisées par un public jeune, entre 15 et 30 ans, et il n’est donc pas surprenant de les voir proliférer en province. 260 étaient déjà enregistrées en juillet 1994 et 600 autres se trouvaient sur la liste d’attente! Ces chaînes commerciales dont les propriétaires véritables se cachent souvent sous des prête-noms font une concurrence sérieuse aux chaînes régionales publiques qui, elles, sont entravées par la double pression du politique et de l’économique.

Naguère directement subordonnées au Gostéléradio (Comité d’État à la télévision et à la radiodiffusion) et chaperonnées par le comité régional du Parti communiste, elles ont depuis 1992 une triple tutelle: le ministère de la Presse et de l’Information, l’administration

locale et le collectif du studio lui-même. Quant à leur financement, il est assuré par le ministère des Finances de Russie sans passer par les organes locaux. L’avantage en est que l’administration régionale, en minorité, n’a pratiquement plus de droit de regard sur les programmes : «Nous avons obtenu une liberté dont on ne pouvait que rêver autrefois, tant pour le contenu des émissions que pour le 119

Les télévisions du monde

choix du personnel », déclare N. Tchebotarev,

directeur général de DON-TR (Rostov-sur-leDon). Mais le revers de la médaille est que, les crédits fédéraux ayant une nette tendance à baisser, les chaînes publiques régionales ne peuvent pas remplacer leur matériel obsolète et se trouvent souvent au bord de la faillite,

cependant que les cadres les plus compétents mordent à l’hameçon des chaînes commerciales. Dans cette situation, l’administration locale

se fait toujours plus pressante: « Combien vous faut-il ? 300 millions, 400 millions ? Nous vous les offrons, prenez ! >» Et certains cèdent au chant de sirène, comme

la télévision d’Oren-

bourg qui s’appela un moment L’œil des steppes et qui a dû dire adieu à son indépendance. Une situation qui paraît sans issue pour l’instant. Autre problème: l’absence d’un canal fédéral commun,

réservé aux chaînes régionales,

lesquelles sont aujourd’hui contraintes de «se greffer » sur la chaîne RTR. Ce qui provoque les protestations des téléspectateurs, notamment le soir (DON-TR, par exemple, diffuse ses émissions entre 17h et 20h). Les chaînes régionales publiques commencent toutefois à se réunir pour mieux défendre leurs intérêts, comme on a pu le voir à Orel en juin 1994 lors d’un premier séminaire où s’étaient retrouvés Rost de Toula, Takt de Koursk, Don-Nord

de Voronèje, Polis de Tambov, TVK de Lipetsk, Magnit de Belgorod, Iceberg d’Orel et beaucoup d’autres consœurs régionales. Quoi qu’il en soit, les chaînes commerciales ont de beaux jours devant elles, comme à Krasnoïarsk où Afontovo émet sur le neuvième canal 24h sur 24h depuis le 2 avril 1993 et est aujourd’hui la chaîne la plus populaire de la ville (parfois, jusqu’à 40 % d’audience au prime time). Alexandre Karpov, son directeur, admet passer encore 30% de films pirates, mais 1l y en avait 100 % un an plus tôt. « Tout le monde a conscience qu'il faut se civiliser », dit-il. Une place à part doit être faite, au niveau régional, aux chaînes qui émettent, du moins en partie, en d’autres langues que le russe. En effet, sur les 89 entités territoriales qui constituent aujourd’hui la Russie, 32 ont été organisées sur une base ethnique (21 républiques, 10 districts autonomes et une région autonome), même quand le peuple éponyme y est

largement

minoritaire

Sakha. Notons 120

comme

en Yakoutie-

en passant que l’on a com-

mencé en 1994 à diffuser par satellite les chatnes régionales de Yakoutie afin d’atteindre un million et demi d’habitants dispersés sur un territoire vaste comme sept fois la France. Le volume horaire attribué à telle ou telle langue (une centaine d’ethnies peuplent le territoire de la Russie mais on ne compte « que » 35 langues de télévision en dehors du russe) varie d’une chaîne à l’autre. Il s’agit pour l'essentiel d’informations locales et d’émissions culturelles ou folkloriques, comme Sakha Syrè sur la chaîne Yakoutsk ou Sonnunar sur Sakha-TV. Cette dernière est une chaîne privée qui a fait son apparition en 1992 et qui émet toute la journée alors que la chaîne publique Yakoutsk doit se contenter d’une tranche entre 19h et 22h. Il en va de même ailleurs. Curieusement, les chaînes privées consacrent peu de temps à la langue nationale (75 à 90% des émissions sont en russe), en dépit de leur plus grande variété qui, toutefois, relève surtout de l’éclectisme.

Ainsi, au Tatarstan,

la

chaîne privée Efir offre un mélange bizarre de films russes et étrangers (traduction russe), de repiquages de MTV et de Super Channel, d’infos pratiques Quoi ? Où ? Combien ? et d’émissions de la chaîne turque Avrazia (Eurasie) qui sont gratuitement accordées par la Turquie (sans traduction puisque le tatar est apparenté au turc). Il reste que la plupart des émissions des chaînes régionales, publiques ou privées, sont encore d’une telle médiocrité que les téléspectateurs regardent essentiellement les chaînes nationales Ostankino et RTR, ainsi que 5 Saint-Pétersbourg et NTV lorsque celles-ci sont accessibles (70 à 90 % de taux d’écoute cumulé le soir selon un sondage de la fondation Opinion publique). Examinons donc de plus près les principales émissions, informatives et autres, offertes par les grandes chaînes au public de Russie et au-delà.

La guéguerre des infos La grand-messe de la télévision soviétique était le journal Vrémia (Temps, époque) de 21h qui passait simultanément sur les deux chaînes nationales comme sur les principales chaînes régionales et où les informations étaient lues par des speakers à la diction parfaite et quelque peu solennelle (ils étaient d’ailleurs membres du syndicat des acteurs).

Russie RES

Pas question d’improviser le moindre mot! Et le journal devait commencer immanquablement par les nouveaux succès dans les entreprises, aux chantiers et champs du pays. Ce modèle subsista même à l’ère de la glasnost (transparence), bien que l’on constate — surtout à partir du printemps 1989, date du Ie Congrès des députés du peuple de l'URSS — une évolution vers des informations plus objectives et contrastées. La télévision restait indéniablement très en retard sur la presse qui, depuis l’abo-

d’une émission d’information vraiment objective, ouverte à tous les courants, mais la majorité « rouge-brun » du parlement ne l’entendait pas de cette oreille; on eut très vite droit à une heure de propagande «à la Goebbels » (qualificatif unaniment employé par la presse démocratique) qui ne tarda guère à lasser la majeure partie du public (5 % d’audience en juin 1993). Cette Heure parlementaire fut supprimée après la dissolution du parlement russe en septembre 1993, mais voici que les dépu-

lition de la censure

tés de la nouvelle couvée, mécontents de la façon dont on les montre ou ne les montre

en août 1990, avait mis

les bouchées doubles. Il faudra en fait attendre l’apparition de la chaîne Russie et de son journal Vesti (Nouvelles) à 20h, le 13 mai 1991, pour que les choses commencent à bouger véritablement à la télévision. Certes, il y avait eu une première hirondelle en 1990: les bulletins d’information TSN qui passaient vers minuit sur la première chaîne et dont les jeunes et hardis journalistes n’allaient pas tarder à être limogés (ce sont d’ailleurs eux qui créeront ensuite Vesti). Ce qui change alors, c’est à la fois le contenu, le choix des informations (références avouées par Tatiana Mitkova, la « madone de l’info »: BBC et CNN) et la nature même des présentateurs: il s’agit à présent de véritables journalistes qui n’hésitent pas à improviser ni à user de l’humour et du sarcasme, sans crain-

dre de tousser ou de se gratter le nez — un sacrilège qui, auparavant, coûta cher à certains speakers du journal Vrémia. Autre innovation importante: l’afflux d’images étrangères qui a battu en brèche le monopole des agences Tass et Novosti. Après la disparition de l'URSS, Ostankino (ex-première chaîne) s’émancipe à son tour et tente de transformer son journal en le rebaptisant Novosti (Nouvelles). La concurrence entre les deux journaux (en soi, un phénomène

pas à la télévision (V. Jirinovski, l’émule russe de Le Pen, est ici au créneau), voudraient de

nouveau avoir droit à une émission spécifique. Ainsi, l’article 9 du projet concocté par un comité ad hoc de la Douma d’Etat (chambre basse du Parlement) établit «à la seconde près » quand et comment devront être éclairées les activités des parlementaires à la télévision (monologues, dialogues, tables rondes, reportages). Cela se fera-t-il? Egor Yakovlev et Oleg Poptsov, les présidents d’Ostankino et de RTR, y sont farouchement opposés, traduisant en cela une opinion majoritaire dans le

pays. Nul doute, cependant,

que cette bataille n’aurait pas lieu si les deux grandes chaînes publiques avaient montré plus d’indépendance à l’égard du pouvoir. En réaction, on a assisté en 1993 à une expansion sans précédent des journaux d’information étrangers. En tête, bien évidemment, CNN dont un journal est diffusé par TV6 ainsi que par plusieurs chaînes régionales privées. Sa popularité fut à l’apogée aussitôt après l’écrasement du putsch d’octobre 1993 car, pendant près de deux jours, les Moscovites et les téléspectateurs d’autres villes ne purent voir les événements en direct que grâce à l’équipe de cette chaîne américaine alors que ses consœurs russes étaient pour ainsi dire

inédit) tourne bientôt à l’avantage de Novosti car, peu à peu, la chaîne Russie (RTR) s’est mise à la remorque du pouvoir présidentiel et gouvernemental. Résultat: les trois pionniers

journaux (toujours en traduction simultanée) de la BBC et d’ITN sur la chaîne moscovite

de Vesti —

2X2, ABC

A. Gournov,

Y. Rostov, V. Fler-

koyski — ont préféré se faire correspondants à Londres, New York et Tel-Aviv. Quant au Parlement, écarté du droit à l’information dès

lors qu’il s’opposait à Boris Eltsine, il vota et imposa en 1992 l’instauration d’une Heure parlementaire sur RTR, de 19h à 20h. Cette initiative aurait pu avoir des effets positifs si les députés avaient réussi à donner l’exemple

muettes. À la suite de CNN,

sur RTR,

Deutsche

sont venus les

Welle

sur 5

Saint-Pétersbourg... Seuls les journaux français brillent par leur absence. Il reste que l’engouement pour ces étrangers ne cesse de diminuer (le journal de CNN est passé de 35 % d’écoute à Moscou en octobre 1993 à 6 % en mai 1994). D’abord parce que les trois quarts des informations intéressent peu le public russe et que la traduction 121

Les télévisions du monde

simultanée est on ne peut plus fastidieuse pour l’auditeur. Mais aussi et surtout parce qu’un journal russe de type nouveau, Segodnia (Aujourd’hui), a fait son entrée sur la scène

de l’information grâce à la chaîne indépendante NTV. Tout le mérite en revient à Evguéni Kissilev dont le magazine dominical Ztogui (Bilan) fut un modèle sur Ostankino (il atteignit des records en 1993 avec un indice d’écoute de 30 à 35 %) avant d’en être banni. Aujourd’hui, c’est l’émission phare de NTV. Son principe est de passer en revue les principaux événements de la semaine en les faisant commenter par des experts — hommes politiques, économistes, sociologues, juristes — de différents

bords. Son impact est tel qu’Ostankino a dû créer à son tour, également le dimanche soir,

un magazine intitulé Voskressénié (Dimanche, mais aussi Résurrection, ce qui correspond à la volonté moralisatrice de cette émission qui voudrait contribuer, par le biais des gloses sur le bilan de la semaine, « au renouveau moral

de la Russie », comme l’a annoncé son présentateur Sergueï Alexeïev). Parallèlement, la chaîne 2X2 a inauguré la pratique des flashes d’information en cascade (cinq minutes toutes les heures) qui, privilégiant les nouvelles cocasses et insolites, ont acquis une grande popularité chez les moins de 30 ans. L’exemple de NTV a par ailleurs poussé la chaîne publique moscovite MTK et 5 Saint-Pétersbourg à refaire leurs journaux dans le sens d’une information plus variée, dynamique et objective. Notons cependant un point commun à tous les journaux des chaînes nationales russes, publiques ou privées: les événements de la Russie et des Etats de l’ex-URSS y tiennent une place privilégiée (80 à 90 %). Mais il faut bien dire que ce désintérêt pour les pays étrangers est. un reflet exact de l’opinion publique, comme le montrent tous les sondages depuis deux ans. Voici, ci-contre, l’audience des journaux les

plus regardés à Moscou et dans sa région* (il va de soi que certains spectateurs regardent deux ou plusieurs journaux).

Le «poison occidental » La mue de la télévision soviétique s’était amorcée en 1987-1989 avec l’avènement d’émissions plus libres de contenu et de ton, 122

1. 21 2. 21 3. 4,

Novosti (Ostankino, h) Itogui (NTV, dimanche h) Segodnia (NTV, 22 h): Vesti (RTR, 20h)

5. Outro, « Matin » Due

kino, 6 h30) 5. Segodnia (NTV, 19 h) : 6. Télétype de Moscou

(MTK, 22h) 7. Voskressénié (Ostankino dimanche 22 h) 8. Flashes (2X2) 9. CNN (TV6, 19h) 9. Vesti (RTR, 23h) Ne regardent aucun journal télévisé

AE 21,3 % 18,0% 16,4% 15,0 % 13,2% 9,6 % 7,9 7,5 % 6,1 % 4,3 % 12,0 %5

notamment par les soins du groupe VID —

qui produisit Regard, Politburo (du nom de Politkovski, son animateur !) et d’autres — et de l’équipe de Bella Kourkova sur la chaîne de Léningrad. Pourtant, dès l’été 1991, la plupart d’entre elles ont disparu ou se sont affadies. C’est au tournant de 1991-1992 que commence le véritable bouleversement des programmes. Quiconque reviendrait en Russie après une absence de trois années ne reconnaîtrait guère le petit écran. Non seulement parce que des chaînes privées et le câble (voir encadré) ont fait une entrée en force, mais surtout parce que les images mêmes et la structure des programmes se sont considérablement transformées. Si on laisse de côté l’information,

exami-

née plus haut, il saute d’abord aux yeux que la grille « soviétique » articulée sur deux axes (selon le contenu: didactique, culturel, récréatif; selon la destination: pour enfants, jeunes, femmes, ruraux, soldats et marins, pour tous) a complètement disparu au profit d’un meltingpot où dominent la fiction et le ludique. Ensuite, les émissions « maison », originales, disparaissent l’une après l’autre devant le déferlement des productions occidentales, avant tout américaines, reprises telles quelles ou à peine adaptées au public russe. Un exemple révélateur: les émissions sportives. Ce qui était naguère un champ très riche et varié, reflétant presque toute la palette des sports olympiques, s’est réduit comme une peau de chagrin pour mettre en exergue le sport professionnel occidental (près de 50 %

Russie

des émissions sportives au printemps 1994) dont les téléspectateurs russes n’avaient jusquelà presque aucune notion. Conséquence prévisible: les matches de hockey de la NHL ou de basket de la NBA ont une audience qui varie entre 3 et 9 %. Et le catch, la Formule

1, le kick-boxing et autres sports exotiques n’y changent pas grand-chose. La raison de cette attitude? Elle est ingénument avouée par un responsable de 5 Saint-Pétersbourg à qui l’on demandait pourquoi cette chaîne retransmettait les matches du championnat de football d’Italie: « Parce qu'ils nous sont offerts gratuitement !/» En effet, vu leur état de dénuement

matériel, les grandes chaînes sont incapables de résister aux «présents des Danaens ». La vague de violence et d’érotisme qui a déferlé sans crier gare sur les ex-Soviétiques pousse Soljenitsyne comme les « national-patriotes » à dénoncer le « poison occidental insidieusement inoculé au peuple russe ». La métamorphose est criante en matière de films. Alors que la télévision projetait encore, jusqu’au milieu de 1992, 80% environ de films soviétiques, plus de la moitié étaient d’origine étrangère dès la fin de 1993. Qui plus est, il s’agit pour l’essentiel de films de série C ou D. Certes, les téléspectateurs et les critiques ont fini par se récrier devant ce flot indigeste et l’on assiste depuis le printemps 1994 à une indéniable « nostalgie » pour les films soviétiques, depuis Tarkovski jusqu’aux œuvres du réalisme socialiste comme les films d’Alexandrov et Pyriev, mais il reste un obstacle de taille: les films américains sont bien moins chers que les fiims du cru (durant le premier semestre de 1994, les studios Mosfilm réclamaient 300 millions de roubles à la chaîne RTR pour un paquet de 19 films). Un revirement semble s’annoncer grâce encore à NTV qui, comme l’a confirmé en juin 1994 son patron Igor Malachenko, revendique trois principes: 1. n’acheter ou n’accepter que des films étrangers de série A ou B (c’est un fait que l’on n’avait jamais vu autant de films de Fellini, Bergman, Fassbinder, Resnais, Buñuel, etc., à la télévision russe); 2. passer aussi bien les meilleurs classiques soviétiques que les films des nouveaux cinéastes russes qui, le plus souvent, ne sont même plus projetés dans les salles; 3. ne pas couper les films avec des spots publicitaires, contrairement à toutes les autres chaînes. Les résultats ne se sont pas fait

PPT TYPHEHKO ETES

Le LOIRET LOI REOHMAA SKYEOBHUA CREER

ER

i 8 94r.

. Une le triomphe

couverture de TV-Parc, des séries américaines

attendre puisque les films de NTV sont aujourd’hui les plus regardés. Il n’empêche que NTV renonce pour l’instant à créer ses propres programmes. Or les deux chaînes publiques montrent aussi dans ce domaine une nette tendance à la baisse. Elles avaient cru trouver une solution en constituant dès 1992 des unités autonomes dites «TO » (groupements de création, telles que Respublika,

Lad, K-2, ATV,

Novaïa

studia,

Master-TV, qui doivent produire et financer leurs émissions en cherchant elles-mêmes des sponsors. Des groupes indépendants comme TV-Progrès et Ren-TV ont également vu le jour, et on leur doit certaines émissions intéressantes, mais le système risque de dégénérer à cause de l’appât du gain: les fameux « sponsors » sont de plus en plus douteux et tyranniques. En outre, on voit RTR ou Ostankino refuser de plus en plus souvent des émissions de leurs propres «TO» qui se retrouvent ainsi Grosjean comme devant, au bord de la faillite. 123

Les télévisions

du monde

Les domaines à avoir le plus souffert de la nouvelle donne télévisuelle («/à, comme dans l’économie, le capitalisme sauvage fait des ravages irréparables », se lamente l’écrivain Valentin Raspoutine) sont le culturel (musique classique, opéra, ballet, émissions littéraires et scientifiques), les dramatiques et les téléfilms, ainsi que les émissions pour enfants qui tenaient une place de choix à la télévision soviétique: aujourd’hui, Walt Disney et encore Walt Disney. Seule 5 Saint-Pétersbourg déclare vouloir développer son programme pour les enfants et les adolescents et, d’une façon générale, revenir

à une

télévision

«moins

béti-

fiante » (dixit B. Kourkova, juin 1994). Ce n’est pas un hasard si cette chaîne affectionne les programmes de La Sept’. Et Alexandre Aronov, poète et critique de télévision dans le quotidien Moskovski komsomolets, de s’exclamer : « Osez et donnez-nous aussi une Arte / » Mais il faudrait pour cela d’autres subsides que ceux accordés actuellement par l'Etat. Faute de moyens, voire d’imagination, mais devant l’irritation grandissante du public secondé par une presse presque unanime’, les grandes chaînes se sont mises à repasser des enregistrements d’émissions anciennes mais autrefois très populaires, comme Autour du rire et Les treize chaises (sous Brejnev, en dépit de la censure, ces deux émissions humoristiques étaient un exutoire pour les Soviétiques, un peu à la façon des fameuses anecdotes si répandues; aujourd’hui, paradoxalement, elles participent de la nostalgie pour un passé pourtant peu éloigné). Ou bien à ressusciter carrément des émissions telles que KVN (Club des gais et des ingénieux; deux équipes d’étudiants s’affrontent avec humour sur des sujets précis), qui fut créée en 1964 puis interdite en 1972 sur ordre d’un Souslov excédé par des sous-entendus trop téméraires. Autres revenants, plus récents ceux-là: Regard dont nous avons déjà parlé et surtout Avant et après minuit de Vladimir Moltchanov, qui, alternant reportages pointus et interviews de personnalités pas toujours en odeur de sainteté auprès du régime, fut une des émissions vedettes de la perestroïka. Elle s’appelle aujourd’hui Avant et après, passe en début de soirée et... a perdu toute son acuité, son originalité (ce n’est plus qu’un kaléidoscope des

images de Reuter qui, d’ailleurs, est le sponsor de l’émission). Et tel est le sort de la plu124

part de ces resucées ou d’autres qui, contrairement aux rediffusions susmentionnées, n’arri-

vent pas à mordre sur le public: on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve.

Plus favorable est l’accueil réservé à trois mastodontes, les émissions les plus anciennes de la télévision russe qui ont su perdurer sans perdre leur saveur originelle et qui sont, comme le suggère un auditeur d’Ekho Moskvy (cette radio donne chaque semaine la parole aux gens qui, par téléphone, peuvent dire tout ce qu’ils pensent des émissions de la télévi-

sion), «trois repères visibles au milieu de l’océan d’anarchie et d’instabilité qui a englouti toutes nos valeurs fausses ou réelles ». Il s’agit du Club des voyageurs créé en mars 1960 (et animé par Youri Senkévitch depuis 1973), du Monde des animaux et de Kinopanorama. A côté de ces doyens on assiste depuis 1992 à une véritable valse des émissions plus éphémères les unes que les autres (durée moyenne: trois ou quatre mois). On s’aperçoit néanmoins, en examinant le programme des différentes chaînes publiques, privées ou régionales, que le prime time (19 h 30-23 h) est essentiellement occupé, outre les journaux et les films, par trois types d'émissions qui, à vrai dire, façonnent le visage de la nouvelle télévision russe et qui, significativement, relèvent toutes de modèles importés: les 1alk-shows, les jeux et les feuilletons ou séries. Le tout abondamment assaisonné de spots publicitaires que l’on a vu s’abattre soudain comme une avalanche sur un public ahuri qui, jusqu’en 1992, avait été pratiquement sevré de reklama (le mot, on le voit, est d’origine française), laquelle atteint aujourd’hui des proportions inédites ailleurs puisque les films et les émissions peuvent être fréquemment interrompus par des spots interminables et souvent surréalistes: on y vante des produits introuvables, des banques et compagnies financières inaccessibles au grand public. Il reste que la manne publicitaire provient de plus en plus souvent d’annonceurs étrangers qui se sont jetés sur les tarifs relativement bas (comme le géant Master Foods avec ses Snickers et autres Whiskas ou la compagnie Procter & Gamble qui avait acheté pour quelques caisses de shampooing le droit de promouvoir jusqu’à la nausée ses savons et shampooings pendant toute l’année 1993 sur la chaîne de Saint-Pétersbourg)°.

Russie

Novela contre soap opera Vladislav Listiev, journaliste de 37 ans, est Sans conteste celui qui incarne le mieux l'actuelle télévision russe. Après avoir été en 1987 un des pères de Regard, il a créé et animé sur Ostankino les deux émissions les plus populaires de ces dernières années. D'abord, Le champ aux miracles dont le nom répond si bien à l’attente du public russe à l’heure où tout s’en va à vau-l’eau, mais qui,

plus prosaïquement, est un hybride de deux jeux télévisés américains: The Wheel of Fortune (pas besoin de traduire pour les téléspectateurs français) et Let’s make a Bill. Ce jeu qui a lieu le vendredi soir attire des participants venus de toute l’ex-URSS et atteint en Russie comme dans la CEI des taux d’écoute sans précédent: entre 30 et 55 %. Son succès a fait éclore sur toutes les chaînes une ribambelle de jeux plus ou moins imités d’un modèle américain: L-Club (The Price is Right; version française: Le juste prix), Coup de foudre (Blind Date), Par la bouche des enfants (The Child’s Play), L’heureux hasard (Trivial Pursuit, jeu anglais), Brain Ring, etc. On pourrait croire que la télévision russe est à court d’imagination, elle qui, pourtant, avait conçu un jeu éminemment original et d’un bon niveau intellectuel: Quoi ? Où ? Quand ? Une

équipe de cinq « érudits » y est opposée à tous les téléspectateurs (questions envoyées par courrier) et doit obtenir la première six points si elle veut gagner (les prix étaient auparavant des livres et des albums; aujourd’hui, des mil-

lions de roubles !). Ce jeu en lice depuis avril 1976 arrive derrière Le champ aux miracles, avec 18 à 22% d’audience. Après avoir lancé son jeu, V. Listiev a créé Tema (Thème) qui, en peu de temps, est devenue l’émission « sérieuse » la plus regardée en Russie (le mardi à 20h sur Ostankino). Une fois de plus, l’idée venait d'Amérique et, plus exactement, du célèbre Phil Donahue. Un public de tous âges pose des questions à un ou deux spécialistes du sujet débattu, depuis les maladies vénériennes et l’infidélité conjugale jusqu’au métier de cascadeur et aux vieilles filles. Le tout orchestré et arbitré par Listiev. Et une fois de plus, une véritable vague de talk-shows a suivi cette réussite, toujours suivant le modèle d’une personnalité causant

avec un journaliste ou avec un public trié ou non sur le volet. Voici les principaux dans un ordre de popularité décroissant (Tema arrive largement en tête avec 18 à 25 % d’audience):

Six soirées avec Y. Nikouline (NTV), Dimanche avec D. Dibroy (NTV), Le moment de vérité (RTR), Presse-Club (Ostankino; un auditoire de personnalités et de journalistes commentent des reportages sur des sujets d’actualité et des faits de société), Beau monde (Ostankino), Nous de Vladimir Pozner qui fut un pionnier du genre et a travaillé aux ÉtatsUnis avec Donahue, Sans retouche (RTR), Bonsoir Moscou (MTK). Quant à V. Listiev, il vient de mettre en route Heure de pointe (quatre fois par semaine, à 19h, vingt minutes d’entretien avec un ténor de la politique, du monde des affaires ou de la culture, qu’il interroge sur les événements du jour) en empruntant même à son confrère américain Larry King ses fameuses bretelles par-dessus la chemise. Si tous ces talk-shows répondent bien au goût des Russes pour la parlote, les causeries à bâtons rompus, ne risquent-ils cependant pas à la longue de lasser le public par une profusion excessive? Ce qui, par contre, ne semble guère en passe de décevoir les ex-Soviétiques, ce sont les interminables feuilletons latino-américains. Tout a commencé avec la novela brésilienne L’esclave Isaura qui fit un tabac en 1989 (« Voyez, même les esclaves vivent mieux que nous ! », entendait-on dire alors). Mais tous les records ont été battus par Les riches pleurent aussi (jusqu’à 56 % à l’audimat), un feuilleton mexicain qui a fait vibrer tous les exSoviétiques après que l’URSS eut éclaté. On vit les combats s’arrêter en Abkhazie et dans le Haut-Karabakh à l’heure où cette novela était diffusée; et les téléspectateurs de Moldavie commencèrent de manifester lorsque le gouvernement, poussé par les nationalistes roumanophiles, parla d’arrêter la diffusion d’Ostankino en 1992. Après Los Ricos lloran también, on a projeté Simplement Maria, et voici maintenant Rose sauvage: même histoire, mêmes personnages ou presque.

Est-ce pour garder plus sûrement leur ancrage dans la CEI que les deux grandes chaînes de Russie ont persévéré dans la voie du feuilleton latino-américain ? D’aucuns l’ont prétendu. Mais comment expliquer que la 125

Les télévisions du monde

novela fasse également florès sur des chaînes limitées à la Russie, comme

MTK, 2X2 et 5

Saint-Pétersbourg, ainsi que sur les régionales? Le Venezuela, la Colombie, le Pérou, le

Chili contribuent tous à garnir les programmes russes. Certes, il y a eu des réactions à cette vague de feuilletons naïfs et larmoyants. Ainsi, Evguéni Kissilev de NTV déclare que sa chaîne refuse « par principe » toute novela sud-américaine. Mais que voit-on à la place? Des séries et des soap operas américains. Leur succès est indéniable, surtout auprès des jeunes plus friands de violence, mais ils n’ont pas pu entamer la popularité des novelas qui continuent à drainer l’auditoire le plus varié. Il est significatif que le soap à avoir le mieux mordu soit Santa Barbara (RTR, 19 à 24% de taux d’écoute), qui est très proche en esprit des novelas (même le héros principal, Cruz Castillo, est un chicano). Sociologues, critiques et psychologues n’ont évidemment pas manqué de se pencher sur ce phénomène, accentué par l’échec des quelques tentatives de feuilletons russes comme Goriatchev et les autres (5-6 % de taux d’écoute). Désir d’évasion chez une population traumatisée par la «thérapie de choc » ? Certes. Mais l’explication la plus répandue est que la mentalité et les conditions de vie des SudAméricains sont aujourd’hui les plus proches de celles des habitants de la défunte Union soviétique. Ils préfèrent croire que la réussite et le bonheur tombent du ciel, comme par miracle, et que tout s’écoule naturellement vers un happy end inéluctable, alors que les personnages américains, plus pragmatiques, parviennent généralement au succès par une suite de longs efforts, à travers une série d’embüûches et d’obstacles. « Seule la foi dans le prodige peut sauver le peuple russe », proférait un poète du siècle dernier.

Contradictions

de l’avenir

Quelle que soit la popularité de toutes ces émissions importées, les responsables des chaînes sont bien conscients que persévérer dans cette voie ne peut qu'être néfaste pour l’avenir de la télévision russe. Lorsque les producteurs étrangers finiront, un jour ou l’autre, par demander le prix fort pour leurs émissions, les 126

chaînes de Russie, avant tout les publiques, se retrouveront avec une caisse vide et une absence de personnel qualifié qui, d’ores et déjà, est mis en fuite par les bas salaires et l’impossibilité de créer des émissions originales. Certains suggèrent de multiplier les chaînes privées et de ne garder qu’une chaîne publique qui serait financée par le biais d’un impôt spécial. Mais le plus pressant semble bien être de « nettoyer les écuries d’Augias », comme le dit Egor Yakovlev en invitant l’Office fédéral pour la télévision et la radiodiffusion (dont il est le directeur !), jusque-là curieusement inactif, à en finir avec l’anarchie

et la corruption qui gangrènent les chaînes publiques et le réseau câblé. Du reste, les difficultés n’empêchent pas de rêver et de faire de grands projets. Le symbole pourrait en être le surélèvement de la tour d’Ostankino, dans le nord de Moscou, qui atteindra ainsi 562,46 m et sera de nouveau

le plus haut édifice au monde, devant la tour de télévision de Toronto. Plusieurs nouvelles chaînes privées ont vu le jour en 1994 (M-49, M-S1, Marathon-TV qui s’apprête à collaborer avec la chaîne musicale francophone MCM) et, selon les experts, il sera possible de recevoir à Moscou et dans sa région, dès la fin de 1995, plus de 40 chaînes (15 hertziennes, 20 par satellite, le reste par câble). Il est question de créer prochainement une grande chaîne d’information en continu Novosti Rossii (Nouvelles de Russie) qui sera également diffusée par satellite dans une grande partie du monde. Un événement important a été le lancement par fusée Proton, le 20 janvier 1994, d’un satellite de la nouvelle génération GALS qui, destiné à la diffusion directe, permettra de réduire à 0,6-1 m le dia-

mètre des antennes paraboliques.

Il existe toutefois un obstacle majeur qui incite à mettre en doute ce développement des chaînes russes dans les délais indiqués: l’arriération considérable du parc de téléviseurs. Les postes « made in USSR » ne sont équipés, à 90 %, que pour la réception de 6 à 8 chatnes. Et leur renouvellement risque de s’étaler sur une assez longue période pour la raison suivante. La fabrication de téléviseurs en Russie a fortement diminué du fait que les principales usines se trouvaient en Ukraine, en

Russie

Satellite, câble et mafia

Encore en 1987 les téméraires qui ornaient leur balcon d’une antenne parabolique avaient droit illico à une visite des « organes » (KGB). Aujourd’hui,

les « soucoupes », comme

on les

appelle familièrement, sont un signe de prestige dans toutes les grandes villes de Russie. Les «nouveaux riches» en arborent une sur leur balcon même s’ils ne connaissent aucune langue étrangère. Pour les véritables amateurs de télévisions étrangères, il n’y a que l’embarras du choix puisque les douze satellites passant au-dessus de l’ex-URSS — dont cinq englobent toute la Russie — permettent de capter des dizaines de chaînes américaines, anglaises, mexicaines, françaises, allemandes, turques,

etc. Quant aux deux satellites du système Moscou Global, ils apportent les deux grandes chaînes publiques russes sur les deux côtés de V’Atlantique et dans la zone de l’océan Indien. L’acquisition d’une « soucoupe » reste cependant un luxe pour la plupart des gens: environ 500 dollars pour la réception d’un satellite et 700 roubles pour deux (le salaire moyen était de 65 dollars en été 1994). Heureusement, le câble était là. Un des plus grands bouleversements du champ médiatique depuis 1991 aura été sans conteste l’entrée de la télévision par câble dans un grand nombre de foyers urbains. Ainsi, il existe actuellement à Moscou plus de 200 «studios » qui desservent chacun quelques pâtés d'immeubles ou tout un quartier pour les plus puissants (TroparévoTVT, Koda, TV-Kountsévo

dont l’auditoire est

de 500 000 à 700 000 personnes). Généralement installés dans les REOu (ex-JEK, offices de gérance des immeubles d’habitation), ces studios sont le plus souvent composés de quatre personnes (directeur, comptable, technicien, agent publicitaire) et financés officiellement par l’abonnement, la publicité locale et les annonces des particuliers (depuis la vente d’une paire de chaussures jusqu'aux offres à peine voilées de prostituées). Quant au programme, il est des plus rudimentaires: deux ou trois films américains provenant des sempiternelles vidéocassettes pirates. Le système de codage est si primitif qu’une légion de bricoleurs fournissent des

décodeurs « universels » et que des centaines de milliers de Moscovites peuvent regarder à l’œil les films câblés. Certains studios surmontés d’une antenne parabolique passent également les programmes de Super Channel et de MTV. Les Izvestia parlent de l’«âge de pierre» du câble en Russie en raison de l’anarchie qui règne dans ce domaine. Il suffit de dire que seulement deux studios de Moscou avaient une licence officielle en juin 1994 et une trentaine étaient sur la liste d’attente ! La mairie, de son côté, fait traîner les formalités car, murmure-t-

on, elle envisagerait de faire main basse sur le réseau câblé sous prétexte d’y remettre de l’ordre. Une société municipale dite Mostelecom va être mise en place, cependant qu’un système équipé par Magnovox CATV Systems (USA) est aujourd’hui testé dans le quartier de Nagatino: capable d’émettre dans une bande de fréquence allant jusqu’à 600 MHz, il permettra de recevoir chez soi jusqu’à soixante chaînes. Le maire de Saint-Pétersbourg A. Sobtchak menace aussi de faire le ménage. Il est vrai que l’absence de contrôle devient intolérable non seulement en raison d’un piratage sans frein mais aussi parce que nombre de studios projettent du porno hard (parfois « maison ») aux heures de plus grande écoute. Le fléau est tel qu’on a vu par exemple les autorités de NijniNovgorod et Samara (ex-Kouïbychev) « autoriser » le passage des films pornos «entre 1 h et 4h du matin», tout en exigeant de la police des mœurs récemment créée qu’elle surveille de plus près le câble. Toutefois, nombreux sont les sceptiques quant à une remise en ordre efficace car la majeure partie du réseau câblé est aujourd’hui aux mains de groupes mafieux (de même que le marché de vidéocassettes), notamment des narcotrafiquants qui y voient un moyen commode de blanchir une partie de leur argent. «Le combat pour le câble passe par la lutte contre la mafia », déclarait en juillet 1994 un député de la Douma de Moscou. Mais les observateurs estiment que, dans tous les cas de figure, fonctionnaires et mafieux finiront par s’entendre pour contrôler et partager un marché juteux.

A.G. SÉRRERESEN

127

Les télévisions du monde

Biélorussie et en Lituanie, et suite aussi à la

crise économique générale (environ dix millions de postes produits par l'URSS en 1990, seulement deux millions en Russie en 1992). Certes, la vente de téléviseurs étrangers, essentiellement japonais, ne cesse de progresser mais leur prix les rend inaccessibles à la majorité de la population (quatre à cinq fois le salaire moyen pour les moins chers). Le nombre des magnétoscopes progresse plus rapidement: selon le Centre panrusse d’étude de l’opinion publique (VTSIOM), 9 % des foyers de Russie en possédaient un en juin 1994 contre 5% en juin de l’année précédente (près de 20% dans la capitale). Les gens sont en l’occurrence stimulés par un large réseau de vente de vidéocassettes (pirates à 95 %), efficace au point que les nouveautés nordaméricaines arrivent souvent maintenant à Moscou et Saint-Pétersbourg plus tôt que dans les capitales européennes. Point n’est besoin d’ajouter que les films — tous en traduction russe simultanée artisanale — sont à 98% américains.

1. Au 1° janvier 1994. Soit une baisse de 430 000 habitants par rapport à janvier 1993. 2. Au 1* janvier 1994 (estimations du ministère des Télécommunications de la Fédération de Russie). Le chiffre exact est cependant difficile à établir du fait qu'aucune redevance n'existe et qu'une quantité grandissante de téléviseurs importés par des milliers de gros et petits revendeurs ne sont pas inventoriés. Sans compter que nombre de familles s’ingénient à conserver pendant quinze ans ou même plus leurs vieux postes cent fois rafistolés. La revue Sem dneï (7 jours) avance qu'il y aurait en Russie près de 75 millions de téléviseurs encore en service. Selon un sondage effectué en juin 1994, 70 % des foyers à Moscou et Saint-Pétersbourg possèdent un téléviseur couleur, 40 % ont deux postes ou plus (à la cuisine, à la datcha). 3. Cf. M. Gleizer,

Radio

i TV

SSSR,

Moscou,

1989.

4. Komkon-2 (mars-juillet 1994). Il n'existe pas en Russie d’audimat électronique pour deux raisons principales : la vétusté du réseau téléphonique et des centraux (en outre, seulement 13

habitants de Russie sur 100 ont le téléphone), ainsi que la suspicion atavique des téléspectateurs ex-soviétiques « qui croiraient être ainsi espionnés chez eux par le KGB » (V. Vilichek, directeur du Centre de recherches sociologiques). Donc, seule méthode : les sondages de plus en plus fréquents mais pas tou-

jours fiables ; par exemple, le Centre précité est rattaché à la chaîne Ostankino. Nous avons, quant à nous, privilégié Komkon-2

Convoitises Il apparaît d’ores et déjà qu’en dépit des nombreux problèmes et écueils, un marché audiovisuel aussi vaste que celui de la Russie et de la CEI attire toutes les convoitises. Sa conquête se fera-t-elle par des moyens civilisés? « Tel Etat, telle télévision », répète Oleg Poptsov, le patron de RTR. Nul doute en effet que les destinées des chaînes russes, publiques ou privées, soient étroitement liées à l’avenir politique et économique du pays. L'histoire de la Russie montre que son peuple a toujours trouvé la force d’un sursaut lorsqu'il paraissait toucher le fond. Une place importante dans cette remontée vers la lumière ne pourra que revenir à la télévision si, après avoir abandonné sa fonction de loubok (chromo) qui fut longtemps la sienne, elle choisit de se rapprocher de l’icône telle que la définissait le philosophe russe Pavel Florenski: « Ouverte sur le monde et tournée vers l’intérieur de l’homme ».

Antoine

128

GARCIA

et la fondation Opinion publique, deux organismes indépendants. 5. L’avance de ce journal télévisé est encore plus marquée si l’on considère toute la Russie, voire l’ex-URSS. Mais grande est la force d'inertie qui joue en sa faveur chez les ex-Soviétiques qui n'ont regardé pendant des décennies que Vrémia (d’ailleurs, tout le monde continue à appeler ainsi le journal de 21 h malgré son changement de nom). 6. Cela dit, 78 % des personnes interrogées déclarent s’informer sur le monde avant tout grâce à la télévision (14 % pour la radio et 8% pour la presse). 7. 5 Saint-Pétersbourg est considérée comme la chaîne la plus « francophile », d'autant que les films et programmes français ont connu un recul général face à l’avalanche américaine (en 1989, 20 % des programmes importés par la télévision soviétique étaient français et seulement 5 % américains !). Aujourd'hui, la chaîne Universités russes diffuse chaque mardi deux cours de français (1"° et 2° années) et, de temps à autre, un docu-

mentaire ou un film en français. Ailleurs, quelques éclaircies comme les cycles Chabrol et Resnais — sans parler de l’immuable Belmondo avec des scores de 18 à 21 % — et même Fort Boyard qui, sur NTV, obtenait au printemps 1994 une audience honorable de 8 % le samedi soir. Il n'empêche que les chaînes françaises devraient, à l’instar des Américains et aujourd’hui de Berlusconi, faire preuve de plus d’offensive et de « générosité» en Russie comme dans les ex-républiques de l'URSS si l’on veut éviter que la présence télévisuelle française ne soit bientôt réduite à la portion congrue. Ce serait d'autant plus regrettable que, d’après un sondage de juin 1994, 26 % des téléspectateurs de la partie européenne de la Russie affirment préférer les films français. La diffusion de Charlemagne et de Hélène et les garçons à l’automne 1994 annonce-t-elle un début d'intérêt pour les feuilletons à la française ? 8. Relevons l’apparition en mai 1994, pour la première fois en Russie, d'un magazine de télévision, TV Park, qui, confectionné à Moscou mais imprimé en Finlande, publie chaque semaine les taux d'audience de différentes chaînes et émissions. 9. Un sondage réalisé en juin 1994 par la fondation Opinion publique révèle que 65 % des habitants de Russie ne sont jamais influencés par les pubs de la télé. Et 52 % avouent être irrités par toute cette reklama.

Ukraine

Ukraine Viennent ensuite des chaînes privées «commerciales ». En quatrième position, à-tête (en français dans le texte) qui émet la journée. En cinquième, Youtar ou 37° (programme le matin puis à partir de

Superficie : 603 700 km? Population: 52 130 000 habitants Capitale: Kiev Langues utilisées à la télévision: ukrainien, russe + 8 Nombre de chaînes nationales publiques: 3 Nombre de chaînes régionales publiques: 22 Nombre de chaînes privées: plus de 30 Nombre de chaînes étrangères: 2 russes + 2 (Ouest) Couverture territoriale: 99,8 % Nombre de téléviseurs: environ 18 mil-

Enfin, dans l’ordre, ICTV

lions! dont 50 % noir et blanc 1. Voir notes à la p.132.

Splendeur et misère La transformation du paysage télévisuel survenue en trois ans est peut-être plus frappante en Ukraine que dans toutes les autres exrépubliques de l’URSS. A l’époque soviétique, la majorité des habitants n’avaient droit qu’à trois chaînes,

les deux

fédérales

venues

de

Moscou et celle de Kiev où pouvaient s’insérer deux ou trois heures des studios régionaux. La langue russe dominait largement, représentant à peu près 80 % du volume global des émissions regardées en Ukraine. Imaginez à présent que vous êtes descendu dans un hôtel de Kiev et que vous avez devant vous le «classique » téléviseur soviétique à huit canaux au maximum. Passons-les en revue dans l’ordre. Sur le premier canal, la chaîne Ostankino intégralement diffusée malgré les régulières menaces d’interruption. Sur le deuxième, UT-1, la première chaîne nationale ukrainienne qui émet en moyenne 15,4 heures par jour et dessert 96% de la population. Le troisième canal est partagé par trois chaîfnes: Russie (RTR de Moscou; environ six heures quotidiennes) et les deux autres chaînes nationales

de l'Ukraine,

res) et UT-3

(2,7h)2

72%

peuvent recevoir ce canal.

UT-2

(3,7 heu-

des habitants

dites Têtetoute Canal 17h).

(joint-venture

du

Centre de télévision et de la société américaine Story First Communication, également cofondatrice à Moscou de Radio Maximum), Tonis (cette chaîne envisage de créer en 1995 un Canal slave devant être diffusé par satellite) et Gravis (ou 35° Canal) qui débute ses émissions à 19h. Le choix est par conséquent plus riche qu’à Moscou et, si l’on ajoute les nombreuses chaînes régionales, publiques ou privées, il est logique, comme le fait le poète Boris Oleinik, de parler d’une « floraison sans précédent de la télévision en Ukraine ». Le tableau doit cependant être nuancé car, derrière cette «splendeur » apparente, se cache une «misère» à la fois d’ordre politique et économique. Les responsables de la chaîne UT-1 se plaignent avec raison d’avoir hérité d’un matériel «à la limite de l’exploitable », or la gravité de la crise économique en Ukraine ne permet guère d’améliorer les choses dans un proche avenir, même s’il est déjà question de construire à Kiev, avec l’aide allemande, un télé-

centre moderne qui sera l’un des plus importants d'Europe. Le manque de ressources a des effets désastreux sur la qualité des programmes. Par le nombre d’émissions folkloriques (danses, chants, artisanat, paysages ukrainiens), les trois UT ne le cèdent sans doute qu’aux télévisions d’Asie centrale. On conçoit qu’elles visent, avec des émissions pédagogiques sur l’histoire et la culture ukrainiennes, à nourrir

la quête identitaire de tout un peuple, mais leur surabondance et leur indigence professionnelle commencent déjà, comme le montrent les sondages indépendants réalisés par l’université de Kiev, à lasser et même irriter le public (80 % des personnes interrogées à Kiev et dans sa région en juin 1994 jugeaient « extrêmement ennuyeux» les programmes d’UT-1). Fait 17

Les télévisions du monde

significatif : les émissions les plus prisées sur les chaînes nationales publiques sont, en dépit de leur apparition tardive (après 23 h), celles du « Studio jeune » qui ne craint pas de faire des pieds de nez aux tabous et clichés de tous bords. Les chaînes « commerciales » sont, certes,

plus populaires (certains soirs, jusqu’à 60-70 % cumulés à l’audimat) mais elles diffusent essentiellement les programmes des satellites (Super Channel, MTV) ou les vidéocassettes de films occidentaux piratés (les mafias du marché de la vidéo opèrent sur tout le territoire de l’ex-URSS et c’est donc la même production, toujours en traduction russe, qui circule à travers les quinze anciennes républiques fédérées). Les experts prédisent un fiasco presque général des chaînes privées lorsqu'elles se verront contraintes de payer les droits correspondants. Mais si les autorités s’y décident, ce sera pour des raisons relevant moins du droit international que de la politique proprement dite. S’il n’existe officiellement plus de censure en Ukraine, le contrôle qui s’exerce sur l’information de la part des autorités a montré une nette tendance à s’accentuer depuis la période de libéralisme relatif en 1992. Les principaux journaux des chaînes nationales (UTN, Vikna, Sit-3) sont aujourd’hui délaissés par le public au profit des bulletins régionaux en Ukraine occidentale (Lvov, Ternopol) et des journaux des chaînes russes dans l’est et le sud de l'Ukraine (un sondage réalisé en juin 1994 montre que 85 % des habitants des régions de Kharkovsk, Dniépropétrovsk,

Donetsk, Zapo-

rojie, Odessa et de Crimée regardent en priorité les informations d’Ostankino et de RTR). Alors que la plupart des chaînes commerciales préfèrent ne diffuser aucune information politique (Tête-à-tête, Tonis) ou seulement les journaux de chaînes étrangères (CBS, ITN sur ICTV, Euronews, ZDF sur Youtar), Gravis a

voulu être un franc-tireur dans ce domaine... et l’a payé cher puisque la chaîne s’est vue retirer sa licence en juillet 1994. Prétexte officiel: la «propagande de la violence et du sexe, la publicité de l'alcool et du tabac, qui portent atteinte à la nation ukrainienne >. Mais un membre du Conseil national de la télévision et de la radiodiffusion (créé par décret présidentiel mais non entériné par le Parlement) avouait que la cause réelle en était la place trop grande accordée par Gravis aux 130

rivaux de Kravtchouk,

notamment

à Leonid

Koutchma, pendant la campagne présidentielle. Dans la foulée, ledit Conseil a décidé que toutes les chaînes indépendantes devront redemander leur licence avant le 1° décembre

1994,

«sous peine d’être écartées des ondes ». Mais la question linguistique a également contribué à motiver cette décision.

Problèmes de langues Dès l’indépendance acquise en 1991, les dirigeants des trois chaînes nationales furent invités par les ministères de la Culture et de l’Information à promouvoir l’«ukrainisation des Ukrainiens ». Trois siècles d’incorporation à l’empire russe, puis soviétique, ont en effet abouti à une russification certaine de nombreux Ukrainiens. Si les Russes sont 22% et les Ukrainiens environ 73 %, ces derniers, quoi-

que étant bilingues, ont souvent reçu une éducation russe (il n’y avait que 15 à 18 % d’écoles ukrainiennes dans la plupart des grandes villes) et parlent russe chez eux (sans compter qu’il y a près de 40% de couples mixtes), surtout dans les villes à l’est du Dniepr mais aussi dans le Sud et dans la partie centrale du pays. Comme les chaînes réagissaient sans trop de zèle à la directive des ministères, une loi sur la télévision et la radiodiffu-

sion adoptée décembre 1993 de ne diffuser c’est-à-dire en

par la Rada (parlement) en enjoint aux chaînes publiques que dans la «langue d’Etat », ukrainien. C’était chose faite dès l’été 1994 sur UT-1, UT-2 et UT-3 (à l’exception des films soviétiques ou doublés en russe). Résultat: les émissions en direct sont bannies afin d’éviter tout lapsus. On a même vu des excès ridicules, comme

lors de

l’enregistrement d’un jeu télévisé où une jeune fille avait spontanément donné sa réponse en russe; eh bien, l’animateur l’obligea à la répéter devant la caméra après l’avoir apprise par cœur en ukrainien! Les chaînes privées qui réagissent davantage aux raisons du marché qu’aux impératifs idéologiques laissent une entière liberté linguistique sur leurs ondes, et le résultat est que 70 à 90 % du temps d’antenne est en russe (par ailleurs, Tonis, Tête-à-tête et nombre de chaînes régionales retransmettent, à la demande du public, des émissions de chaînes russes, en

Ukraine

particulier de la chaîne indépendante NTV qui ne peut être reçue sur la majeure partie du territoire ukrainien). C’est contre cette emprise du russe que part en guerre le Conseil national susmentionné en exigeant que désormais 50 % des émissions

soient en ukrainien, une

part qui sera progressivement accrue par la suite. D’un autre côté, ce Conseil s’emploie à restreindre la portion de la chaîne Russie (RTR) sur le deuxième canal en accordant plus de place à UT-2, UT-3 et aux chaînes régionales. Vladimir Barsouk, président du Conseil national de la télévision et de la radiodiffusion, argue que le russe sera suffisamment présent en Ukraine avec les tranches horaires réservées à différentes langues sur les chaînes régionales. Et surtout grâce à la chaîne Ostankino qui couvre presque tout le territoire ukrainien. Celle-ci s’attire cependant les foudres du gouvernement qui lui reproche de s’ingérer dans les affaires ukrainiennes (les correspondants d’Ostankino à Kiev et Odessa, en Crimée et à Kharkov s’étaient vu retirer leur accréditation au printemps 1994) et menace de « fermer le robinet ». Les attaques sont particulièrement vives de la part des dirigeants du mouvement nationaliste Roukh qui ont appelé plusieurs fois à boycotter la chaîne «impérialiste ». Du reste, ils s’en prennent également aux chaînes régionales d'Ukraine méridionale et orientale, jugées par eux «excessivement russophones ». Les hommes politiques modérés conseillent toutefois de renoncer à la contrainte et de laisser faire le temps, en évitant une ukrainisation forcée — en particulier au moyen de la télévision — des Ukrainiens russophones, mais aussi des Russes de souche, qui pourrait conduire à la sécession de nombreuses régions*.

Le miroir des régions La télévision régionale est vite apparue comme un miroir parfait des problèmes politico-linguistiques qui se posent à l’Ukraine. Les chaînes publiques d’importance locale se greffent généralement sur UT-1 ou sur le canal où sont déjà réunies UT-2, UT-3

et Russie,

avec un temps d’antenne global variant de trois à huit heures. Différent aussi est leur taux

d’audience et, à cet égard, le contraste est sen-

sible entre les chaînes des sept régions occi-

dentales (Lvov, Ivanovo-Frankovsk, Ternopol,

Volhynie, Rovno, Trancarpatie, Tchernovtsy) et celles du reste de l’Ukraine. Les plus populaires dans l’ouest du pays sont les chaînes publiques qui, solidement prises en main par les municipalités nationalistes, n’émettent qu’en ukrainien et entraînent dans leur sillage les rares chaînes régionales privées qui ne parviennent pas à s’imposer vraiment. Ainsi, la région de Lvov ne reçoit que la chaîne régionale publique Mist (Le pont) et deux chaînes privées sises à Kiev, 37° Canal et ICTV. Notons

toutefois qu’il existe d’importantes communautés: biélorusse (450 000 habitants), moldavoroumaine (450 000), bulgare (240 000), hongroise (160 000) et polonaise (plus de 200 000 personnes), qui ont parfois droit à des émissions dans leur langue et qui, par ailleurs, captent aisément les télévisions polonaise, roumaine ou hongroise. Quant aux téléspectateurs de Galicie (Lvov) et de Volhynie (Loutsk), ils ont un accès hertzien direct aux deux chafînes polonaises PT-1 et PT-2. Autre différence: les chaînes des régions occidentales accordent une place nullement négligeable aux émissions politiques et religieuses (essentiellement de l’Église uniate) alors que les consœurs de l’Ukraine centrale et orientale font parade de leur « apolitisme ». Là, les chaînes régionales publiques, qui dépendent presque toujours des municipalités où domine encore souvent l’ancienne nomenklatura communiste, le cèdent de beaucoup en

audience aux chaînes commerciales qui, malgré les entraves de toute sorte de la part des autorités locales, prolifèrent tant sur les canaux hertziens que sur le câble. Pour ce qui est de la part d'émissions en russe, elle varie selon les régions, de 40 à 60 % dans la partie centrale à 90% en Ukraine méridionale dite Nouvelle-Russie (Odessa, Nikolaïev, Kherson). Prenons un cas intermédiaire typique: la patrie des Cosaques zaporogues dont la fameuse réponse au sultan de Constantinople inspira Apollinaire. Outre les trois chaînes nationales et les deux russes, les habitants de Zaporojie et de sa région (plus de deux millions d’habitants) peuvent regarder la chaîne publique ZT (Télévision de Zaporojie) et trois chaînes privées: Zaporijjia, Khortitsa et KITS. ZT qui a droit à deux ou trois heures quotidiennes sur le canal d’UT-1 se borne aux infos et à la publicité locales, ainsi qu'aux interviews et inter131

Les télévisions du monde

ventions de fonctionnaires. La part du russe y est de 40 % environ. Zaporijjia, chaîne privée aux sponsors imprécis (ils viendraient d'Ukraine occidentale), émet à partir de 19h et privilégie l’ukrainien (80 %), les variétés et les émissions culturelles. Khortitsa (à partir de 18h) et KITS sont deux chaînes câblées qui desservent les trois quarts de la ville et sont de loin les plus populaires parmi les moins de 30 ans, en particulier la seconde qui diffuse pratiquement 24 heures sur 24. Y dominent les films américains, inévitablement piratés, et les clips de MTV. En juin 1994 ces deux chaînes restaient russophones à 90 Z malgré les rappels à l’ordre — plutôt mous — des autorités locales. Un sondage effectué à la fin de mai 1994 donnait les taux d’écoute suivants au prime time (entre 19 h 30 et 23h; les gens peuvent évidemment regarder plus d’une chaîne dans ce laps de temps): KITS (35 %), Ostankino (31 %), Khortitsa (22 ), Russie (15 %), UT-1 (9%), Zaporijjia (7 %), ZT (4%), UT-2 (3 %). Si les observateurs sont d’avis que l’avenir de la télévision ukrainienne, étant donné les

comportements disparates des habitants, va se jouer essentiellement dans les régions, il reste que les choix médiatiques seront longtemps encore influencés en premier lieu par la politique. À. G.

1. Valent également ici, comme pour les autres États de la CEI, les remarques faites à propos de la Russie (note 2, p. 68). On s'inquiète par ailleurs de l'extrême vieillissement du parc de téléviseurs car, selon les experts, 20 à 30% des gens, pour l'essentiel des retraités, risquent de se retrouver sans poste dans deux ou trois ans et sans possibilité d’en acheter un, étant donné

les prix prohibitifs en Ukraine et en Biélorussie, en Transcau-

casie et en Asie centrale. 2. Pour

UT-1,

UT-2,

UT-3,

données

de juin 1994.

3. Leonid Koutchma a promis, lors de la campagne des présidentielles en juillet 1994, de conférer au russe un « statut officiel ». Après sa victoire grâce essentiellement aux voix « orientales », il semble bien que la pression linguistique sur les chatnes publiques et surtout privées doive se relâcher quelque peu.

132

TV en Tauride La Crimée, que les Anciens appelaient Chersonèse taurique ou Tauride, mérite une mention à part pour des raisons historiques et politico-culturelles. Alors khanat tatar, elle fut conquise et annexée par la Russie en 1775, mais

en

1954

Nikita Khrouchtchev

allait en faire cadeau à l’Ukraine pour célébrer le tricentenaire de la réunion de cette dernière avec la Russie. La république autonome de Crimée (27 000 km?, plus de deux millions et demi d’habitants) est en majorité peuplée de Russes (63 %) et d’Ukrainiens (22 %), mais y vivent aussi des Allemands, des Grecs pontiques et d’autres ethnies, notamment des Tatars qui, presque tous déportés en Asie centrale et en Sibérie par Staline, reviennent peu à peu dans leur patrie d’origine (plus de 250 000 dès 1994). Cela explique que la chaîne publique TNK offre, à part le russe, des émissions en ukrainien, grec, arménien, allemand et criméo-tatar. Il

reste que ces tranches sont plutôt infimes (quinze à trente minutes), d’autant que TNK est elle-même installée sur le canal partagé par UT-2, UT-3 et Russie (avec une brève incursion sur UT-1 à 21 h 30). L’affrontement linguistico-télévisé a donc essentiellement lieu entre Ostankino et la première chaîne ukrainienne UT-1. Et comme la bataille est perdue d’avance par cette dernière auprès d’une population russophone à 90%, les autorités de Kiev s’emploient à réduire l’horaire de Russie et à perturber la diffusion de la grande chaîne russe Ostankino, soit par des interruptions «techniques », soit par des coupures surprises qui provoquent la fureur des téléspectateurs (lorsque, par exemple, le président L. Kravtchouk faisait brusquement irruption avec un discours en ukrainien au beau milieu des feuilletons Santa Barbara ou Simplement Maria !) Le parlement de Crimée, en conflit ouvert avec Kiev, s’apprête à riposter en installant la chaîne Russie (RTR) sur un canal qui lui sera réservé et en assurant une meilleure diffusion d’Ostankino grâce au satellite et au câble (encore peu développé). Des projets sont aussi formés pour la réception des chaînes russes indépendantes NTV et TV6. Mais tout dépendra de l’exacerbation ou de l’apaisement des tensions dans le «triangle torride » Kiev-Moscou-Simféropol.

À. G.

Biélorussie

Biélorussie Superficie: 207 600 km? Population: 10 312000 habitants Capitale: Minsk Nombre de chaînes nationales publiques: 1 Nombre de chaînes nationales privées: 1 Nombre de chaînes étrangères: 4 (russes) Langues utilisées à la télévision : biélorusse, russe, polonais Couverture territoriale: 100 % Nombre de téléviseurs: environ 3,5 millions dont 50% noir et blanc

telle enseigne qu’on a pu entendre Oleg Poptsov, patron de la chaîne russe RTR, répondre

à ses détracteurs que, s’ils avaient la nostalgie de la télévision soviétique, ils n’avaient qu’à regarder la chaîne nationale biélorusse. N’empêche que le tableau n’est pas aussi sombre pour les téléspectateurs. D’abord parce que Stanislav Chouchkévitch, le président du Parlement, avait autorisé en 1993 l’installation

de chaînes « commerciales » sur le huitième canal hertzien. Certes, le gros des émissions,

qui commencent à 18h en semaine et à 15h Le grand écrivain biélorusse Vassyl Bykov reprochait en juin 1994 à la télévision de son pays d’être restée «la plus soviétique, dans sa structure comme en esprit, de toutes celles des Etats nés de l’URSS ». Rien d’étonnant à cela quand on sait que l’administration est restée aux mains des fonctionnaires communistes, parmi les plus conservateurs de VPURSS, après la proclamation de l’indépendance de la Biélorussie à l’automne 1991. Alors que l’Ukraine se couvrait d’un grand nombre de chaînes privées et que la Russie donnait des exemples de qualité et d’indépendance.

réelles

(NTV,

TV6,

5

Saint-

Pétersbourg), le troisième Etat slave s’est retrouvé aux côtés du Turkménistan et de l’Ouzbékistan pour sa conception des médias

électroniques.

\

Télévision biélorusse, l’unique chaîne d’Etat, émet en moyenne douze heures par jour qui sont « remplies » tant par le studio central de Minsk que par les six filiales régionales, notamment celles de Gomel, Vitebsk et Grodno. D’une façon générale, ces dernières

sont même plus inventives que le télécentre de la capitale mais, faute de moyens, la création de programmes originaux est pratiquement nulle. Hormis quelques émissions de bon niveau consacrées à l’histoire de la culture biélorusse, en particulier à l’humaniste F. Skorina

et aux poètes I. Kolas ou I. Koupala, il s’agit pour l’essentiel d’informations locales, d’interviews et de reportages qui, par leur forme archaïque et leur intonation même, paraissent sortir tout droit de la période brejnévienne. A

les samedi

et dimanche,

était constitué

des

incontournables films américains et clips de Music TV, mais on avait bientôt vu apparaître des bulletins d’information beaucoup plus objectifs que ceux de la chaîne d’État. Après que Chouchkévitch eut été évincé par la majorité communiste du Parlement, les ennuis com-

mencèrent pour le 8 canal: les chaînes privées n’ont eu droit à la vie sauve qu’après avoir promis, au printemps 1994, de «ne pas faire de politique ». Parallèlement, le Comité d’Etat pour la télévision et la radiodiffusion avait fermé Jeunesse de Biélarus et Krinitsa,

deux radios indépendantes. Cette mainmise sur les médias a permis au Premier ministre V. Kébitch, candidat de la nomenklatura, d’être

omniprésent sur les ondes lors des élections présidentielles de juillet 1994, mais pareil excès s’est finalement retourné contre lui en favorisant la victoire du populiste Alexandre Loukachenko. La leçon servira-t-elle à ce dernier qui a promis de promouvoir enfin la liberté d’information dans les médias de Biélorussie, y compris le développement du câble qui, jusqu’à présent, est en butte à l’hostilité des municipalités ? Mais si le public biélorusse ne se sent pas coupé du reste du monde, c’est avant tout grâce à la présence hertzienne d’au moins quatre chaînes russes sur son territoire — Ostankino et RTR à 100%, TV Saint-Pétersbourg et NTV (bientôt aussi TV6) sur une bonne moitié du pays —, à quoi il convient d’ajouter la réception de l’UT-1 ukrainienne dans le sud et de TV Polonia dans l’ouest et le nord133

Les télévisions du monde

ouest; par ailleurs, la colonie polonaise importante (plus de 400 000 personnes) a droit à des tranches d’une demi-heure en polonais sur la chaîne biélorusse. Les Russes sont plus de 13 % en Biélorussie mais les autochtones sont eux-mêmes russophones dans leur grande majorité, la russification

durant trois siècles

ayant été facilitée par le fait que le biélorusse n’a commencé à se distinguer du russe qu’au XVe siècle et ne s’est imposé comme langue littéraire, à partir de la fin du siècle dernier, que dans une frange de l’intelligentsia nationale. Il est significatif que les émissions de Télévision biélorusse soient elles-mêmes en russe à 70-80 %. Les dirigeants biélorusses, soucieux de maintenir de bons rapports avec le voisin

russe, n’ont jamais montré, contrairement aux Ukrainiens, la moindre intention d’interrom-

pre ou de réduire la diffusion des chaînes russes qui sont regardées par 90 % de la population (celle-ci, en fait, ne se rabat sur la télé-

vision nationale que pour les nouvelles de Biélorussie, en particulier au journal Panorama de 21h). Les mauvaises langues prétendent même que la trop grande présence des chaînes russes est ce qui empêche la télévision biélorusse de s’envoler vraiment. Quoi qu’il en soit, cette situation ne semble guère devoir changer dans un proche avenir. Et pour avoir une idée du petit écran tel qu’il existe actuellement pour la majorité du public biélorusse, on se reportera donc à l’article sur la Russie.

Moldavie Superficie: 33 700 km? Population: 4365 000 habitants Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes régionales: 1 Nombre de chaînes étrangères: 2 Langues utilisées à la télévision: moldave + 4 Couverture territoriale: 99,9 Nombre de téléviseurs: environ 1 300 000, dont 45 à 50% noir et blanc

« Trois, sept et as... » A l’image de Hermann, le héros d'Alexandre Pouchkine (qui fut lui-même exilé de 1820 à 1823 en Moldavie,

alors Bessarabie) dont le destin était suspendu à trois cartes, la majorité des téléspectateurs moldaves semblent voués à trois chaînes: les deux fédérales de Moscou et celle de Kichi-

nev (rebaptisé Chisinau) à l’époque soviétique, la chaîne nationale et deux étrangères aujourd’hui: Moldova, Romäânia-1 et Ostankino-1. Tel est l’ordre où ces trois chaînes apparaissent dans les programmes de télévision. La première chaîne publique de Roumanie a fait son entrée sur le canal hertzien à l’automne 1990, après la proclamation de la souveraineté 134

de la Moldavie

et l’accession

du moldave,

forme dialectale du roumain, au statut de « langue d’Etat ». D’abord limitée à deux ou trois heures quotidiennes, sa diffusion débute maintenant à 14h du lundi au vendredi et à 8h en week-end. (Pour le contenu de ses émissions nous renvoyons à l’article sur la Roumanie.) Les chaînes russes ont suivi une évolution inverse, leur part ne cessant de décroître au fil des querelles intérieures (entre rives gauche et droite du Dniestr), des dissensions russo-moldaves et des difficultés économiques en Moldavie comme en Russie. La chaîne RTR (nommée ici Ostankino-2) a fini par disparaître entièrement, cependant qu’Ostankino (encore appelée Ostankino-1 bien qu’elle reste désormais seule et qu’il n’existe nulle part de «seconde » Ostankino) n’est plus diffusée, depuis juin 1994, qu’à partir de 18h durant toute la semaine. Très symboliquement, ses émissions commencent par un de ces feuilletons mexicains (actuellement et pour une bonne année, Rose sauvage) dont on a vu qu’ils provoquèrent, il y a peu, la grogne des ménagères moldaves lorsqu'il fut question, sous la pression des partisans de la « Grande

Moldavie OU

Roumanie » menés par Mircea Druc, de mettre fin à la diffusion d’Ostankino. Il convient de préciser que si les Moldaves constituent près de 65 % de la population, ils sont parfaitement bilingues à 75 % et que le taux des mariages mixtes, russo-moldaves ou moldavoukrainiens, est très élevé dans le pays (environ 35 %). Ce qui explique en partie la popularité de la chaîne russe: 60 % des habitants de Chisinau avouaient la préférer dans un sondage de mars 1994, mais l’indice d’écoute semble être inférieur dans les zones rurales. On a beau invoquer des raisons financières pour la réduction de la diffusion d’Ostankino, il est clair pour tout le monde que les considérations politiques viennent ici en premier lieu. Il suffit d’une baisse de tension, comme

en été 1994 où le Parlement a adopté une nou-

velle Constitution qui fait du moldave — et non du roumain — la langue d’État officielle et qui lâche du lest à l’égard de la Transnistrie et des Gagaouzes, pour que l’on parle de reprendre la diffusion d’Ostankino le matin « si le gouvernement russe accepte de payer un peu mieux» (dixit A. Usaty, président de la d’Etat Téléradiodiffusion de Compagnie Moldavie). L’unique chaîne aujourd’hui la seule tous les jours à 8h, désormais entre 10h et dimanche) faute « trou » pourrait être

nationale Moldova est à débuter ses émissions mais elle les interrompt et 16h (sauf les samedi de crédits suffisants. Le loué, selon un responsa-

ble de la chaîne, à des structures commercia-

les, mais force est de constater jusqu’à présent une résistance certaine des autorités à la création de chaînes privées. Les tentatives dans ce sens

sont

encore

balbutiantes

et restent,

comme le câble, limitées à la capitale. Moldova n’a cessé, depuis 1990, d’accroître progressivement la part des émissions en moldave, surtout au détriment du russe qui n’a plus droit qu’à une ou deux heures par jour, notamment le journal quotidien Messager (Courrier) à 19h et Vecteur, une émission qui aborde les problèmes économiques, sociaux et culturels « à travers le prisme du monde intérieur de l’homme ». Il existe également une émission en ukrainien le samedi, Svitanok (Aube), une autre en bulgare le dimanche matin (2% de Bulgares en Moldavie), cependant que les Gagaouzes, un peuple turcophone christianisé (3,5 %), disposent d’une demi-heure dans leur

langue le mercredi, ainsi que de deux retransmissions de la chaîne turque TRT les mardi et jeudi matin. Si Moldova ne crée pratiquement pas de dramatiques ou d’autres émissions trop coûteuses, elle semble apporter une attention toute spéciale à la «propagande» de la culture nationale, notamment à la poésie qui fut toujours au cœur de la tradition moldo-valaque. Il serait difficile de trouver dans les pays de l’ex-URSS ou de l’Europe une chaîne qui consacre autant de temps aux poètes: on a pu dénombrer jusqu’à quatre émissions en une semaine, parfois même au prime time! Il reste que le menu le plus fréquent dans cette tranche horaire (19h-23h) se présente comme suit: journal en russe, programme politique (débat, interview), variétés, journal en moldave, film (outre les productions américaines, la chaîne moldave fait plus de place que d’autres aux films latins, notamment français, espagnols et italiens). Le tableau est quelque peu différent dans la république autoproclamée de Transnistrie (ou Transdniestrie, mais en fait Cisdniestrie pour les autochtones). Dans cette bande de 5 000 km? et de 800 000 habitants qui compte environ 65 % de russophones, la chaîne roumaine est inexistante et la diffusion de Moldova est plutôt « perturbée » depuis la guerre civile de 1992. En revanche, les deux chaî-

nes de Russie RTR et Ostankino sont rement diffusées, ainsi que la principale ukrainienne UT-1. A quoi s’ajoutent la régionale de Tiraspol (en russe à 90 %)

entièchaîne chaîne et une

chaîne commerciale, Asket, qui, alors qu’elle

aurait pu se contenter de diffuser les habituels films piratés et les clips de Music TV, a fait preuve d’une témérité inouïe en produisant des émissions politiques et en dénonçant notamment la corruption des gouvernants de Transnistrie. Ceux-ci en auraient fait depuis longtemps une bouchée, n’était le soutien tacite dont elle jouit de la part d'Alexandre Lebed, commandant en chef de la toute puissante XIVe Armée ex-soviétique. On peut toutefois douter que l’exemple d’Asket soit prochainement appelé à faire des émules au « pays des trois chênes » que chante une vieille ballade moldave. Antoine

GARCIA

135

Les télévisions du monde

Pays Baltes Superficie (km?) Population Capitale Nombre de chaînes natio-

nales publiques Nombre de chaînes natio-

nales privées Nombre de chaînes étran-

gères Langues

utilisées à la|

télévision Couverture territoriale Nombre de téléviseurs

lituanien

estonien

+3 100 % |1 765 000 !

+ 1 100 % 650 000

dont environ 30 % noir et blanc

à cet aspect, la profusion d’émissions consacrées à la musique traditionnelle, en particulier aux chants et chœurs populaires. Ce n’est pas un hasard si les fêtes et festivals folkloriques ont joué un rôle nullement négligeable dans la lutte pour l’indépendance à partir de 1988. Vytautas Landsbergis, le premier président lituanien qui proclama l’indépendance de son pays dès mars 1990, était lui-même musicologue. Aussi, de même qu’on a parlé à cet égard de « révolutions chantantes », les télévisions baltes peuvent-elles être qualifiées de «chantantes ». Autre point commun: le soin apporté aux informations nationales et locales qui viennent loin devant les nouvelles de l’étranger et sur-

tout de la CET, au point que l’ex-URSS semble se trouver sur une autre planète si l’on ne regarde que Panorama (nom du principal

Une

télévision

chantante

Si les trois républiques baltes furent les pionnières en URSS dans la voie de l’émancipation, c’est aussi qu’elles étaient les moins soviétisées et avaient joui d’une relative autonomie linguistique et culturelle depuis leur annexion en août 1940 (en fait depuis l’été 1944, compte tenu de l’occupation allemande). Aujourd’hui, affirme le directeur de Baltios TV, la télévision de ces trois Etats « a coupé tous les ponts avec l’époque soviétique ». Telle est du moins la volonté affichée car il reste du chemin à faire pour mettre en place des chaînes nationales vraiment indépendantes visà-vis du pouvoir et capables de créer des programmes de qualité (les difficultés économiques, certes, y sont pour beaucoup). A ne considérer que les émissions nationales — on verra en effet l’audience importante des chaînes étrangères —, un trait commun saute aux yeux: la place accordée à la célébration du passé, notamment aux années 30, avec une image idyllique et idéalisée de la vie rurale de l’entre-deux-guerres. Certains de ces programmes sont populaires, comme Sous son

propre toit (Télévision lituanienne) qui atteint

parfois 30 % à l’audimat. Et, fortement liée 136

journal

sur

LTV,

Télévision

lituanienne,

à

21h, avec la journaliste et animatrice très populaire A. Zukauskine, ainsi que sur TV-I, lettonienne, à 20 h 30; 50 % de taux d’écoute

pour le premier et 35 % pour le second) ou Caméra

actuelle en Estonie. Par ailleurs, les

studios régionaux ont droit à de fréquentes tranches horaires (généralement, une demiheure) sur les chaînes nationales publiques: TV-Jurmala, TV-Liepaja, Daugavpils-TV, etc., sur TV-II en Lettonie; plus de vingt studios en Lituanie; TV-Pärnu, TV-Tartu sur ETV (la

chaîne publique d’Estonie). On notera également que les Baltes sont ceux qui, dans l’exURSS, passent en moyenne le moins de temps devant un poste de télé (deux à trois heures par jour), semblables en cela au public scandinave qui est le moins «téléphage» en Europe. Cependant, il existe aussi des différences notables entre ces trois pays. À première vue, la frontière passe entre, d’une part, la Litua-

nie et la Lettonie qui font linguistiquement partie du groupe balte (indo-européen) et, de l’autre, l’Estonie dont la langue finnoougrienne est très proche du finlandais. Néanmoins, il nous paraît plus légitime de réunir l’Estonie et la Lettonie face à une Lituanie qui

Pays Baltes

se distingue d’elles sur plusieurs points capitaux. Pour aller vite, la Lituanie catholique et agricole, longtemps liée à la Pologne après avoir formé au Moyen Age un puissant grandduché qui s’étendait de la Baltique à la mer Noire, comporte aujourd’hui sur son territoire des minorités russophones (plus de 10 %) et polonaises (7 %) relativement faibles, alors que l’Estonie et la Lettonie plus industrialisées, qui se trouvèrent dans l’orbite allemande avant d’être conquises par la Russie au XVIIE siècle et qui n’ont été indépendantes que de 1918 à 1940, sont de confession luthérienne et doi-

vent compter avec une forte minorité russe (46 % en Lettonie, environ 34 % en Estonie). Ces aspects ont contribué à déterminer tant l’attitude des autorités en matière de télévision que les comportements des téléspectateurs.

Les perfides étrangères

(en même temps que celles des pays de la CED) ! Cependant, les considérations économiques ont fini par prévaloir: d’abord, la Russie paie une redevance pour la diffusion d’Ostankino sur les ondes hertziennes; ensuite,

cette chaîne a accepté d’insérer uniquement des spots publicitaires lituaniens dans ses proprammes regardés en Lituanie. C’est Litpoliinter qui a empoché le contrat jusqu’au 31 décembre 1996, mais d’ores et déjà des concurrents guettent ce gâteau car 65 % des Lituaniens, surtout en milieu urbain, avouent regarder régulièrement Ostankino et 88 % ne souhaitent pas que sa diffusion cesse. Il suffit de dire qu’au prime time (20h30-23h), seulement deux émissions de la télévision lituanienne dépassent en taux d’écoute celles d’Ostankino: 01-02-03 (chronique des crimes et faits divers, 44%) et Benski show (un analogue de Surprise sur prise, 42 %). Quant à Santa Barbara, après la disparition de RTR en Lituanie, elle a été reprise (en version russe !) par Tele 3. En Estonie,

La télévision lituanienne est la première en URSS à avoir conquis son indépendance véritable, s’étant retranchée à Kaunas après que des unités spéciales de l’armée soviétique eurent pris d’assaut le télécentre de Vilnius dans la nuit du 12 au 13 janvier 1991, faisant quatorze morts. Mais, de façon paradoxale, il a fallu attendre la vitoire du PDT

(ex-communiste) de A. Brazauskas aux législatives de novembre 1992 pour que la censure disparaisse enfin et que le feu vert soit donné au développement des chaînes privées et du câble. Outre LTV, la chaîne publique qui émet depuis 9h du matin, il existe deux chaînes indépendantes, Tele 3 et Litpoliinter dont le propriétaire est un Lituanien des Etats-Unis. Des trois grandes chaînes régionales — Baltios TV, Vilnius Televisia et Kaunas plus — seule la première est financée par des capitaux privés dont l’origine, faute d’une loi sur la transparence, n’est pas toujours claire’. Enfin, deux chaînes étrangères sont disponibles sur le réseau hertzien: TV Polonia (à partir de 18h en semaine et de 9h les samedi et dimanche) et Ostankino. Celle-ci a bien failli disparaître au printemps 1994 sous la pression des nationalistes radicaux qui lui reprochent d’«attenter à l'indépendance du pays », notamment en publiant chaque soir les prévisions météorologiques pour les pays baltes

au contraire,

la politique l’a

emporté sur l’économie et le gouvernement de droite a interrompu à partir de juin 1994 la diffusion hertzienne d’Ostankino considérée comme la «télévision des occupants » par nombre de députés du Riigikogu (parlement). Résultat: il a fallu débourser plus de 1,5 million de couronnes estoniennes pour combler le manque à gagner et augmenter en outre le prix de location des ondes pour les chaînes privées Kanal 2 et EVTV qui partage son canal un jour sur deux avec Reklaamitelevisioon, la chaîne des affaires. Celles-ci, qui n’émettent que le soir (programme type de Kanal 2 : journal CNN, clips musicaux, deux films, Hollywood Boutique qui est un télémagasin par téléphone), n’ont aucun mal à surclasser l’unique chaîne nationale publique ETV ou Eesti Televisioon (Télévision estonienne), sans conteste la plus insipide de toutes sur les rives de la Baltique. Et c’est bien ici que le bât blesse. Car s’il est peut-être logique que 95 % des non-Estoniens aient préféré regarder Ostankino, il est plus insolite que 40 % des Estoniens déclarent avoir fait ce même choix deux à trois heures par jour en moyenne (sondage réalisé en juin 1994 par le groupe sociologique indépendant Emor). Seulement 7 % des Estoniens ont dit approuver le bannissement de la chaîne russe. Mais, comme

le proclame

le président Lennart Meri, « l’Estonie ne sera jamais une Belgique ». 137

Les télévisions du monde

Si les russophones vont désormais devoir compter sur le câble pour capter Ostankino, ainsi que RTR et 5 Saint-Pétersbourg (une joint-venture pourrait être créée à cet effet, en particulier pour couvrir le nord-est de l’Estonie où est concentrée la population russophone), les Estoniens doivent en revanche se

contenter

de

trois

chaînes.

finlandaises:

Soome TV 1, Soome TV 2 et Soome MTV 3

(voir l’article sur la Finlande). Là est sans doute la véritable raison du manque d’intérêt

teur au journal Respublika, il semble bien que les

télévisions

baltes

aient

oublié,

dans

l’euphorie de l’indépendance attendue depuis si longtemps, qu’«il n’y a qu’un moyen d’assurer le succès des chaînes nationales : créer

des

émissions

originales,

de qualité,

aptes à supporter la comparaison avec les ‘‘perfides étrangères’, et un seul juge: le téléspectateur ». Espérons que les télévisions des trois pays baltes sauront aboutir dans cette recherche.

des chaînes estoniennes. En effet, la télévision

finlandaise était accessible à la plupart des habitants depuis plusieurs décennies et l’on voyait même, dès le début des années 70, nombre de Soviétiques faire le voyage de Tallinn rien que pour regarder des films américains (seuls les sous-titres étaient en finnois) sur les chaînes finlandaises.. Ajoutons-y la grande popularité des chaînes diffusées par le satellite (nombre d’antennes paraboliques sont artisanales) et le câble, au point que les jour-

AC:

naux estoniens sont les seuls, dans toute l’ex-

URSS, à publier régulièrement les programmes complets de Super Channel, RTL Plus, Filmnet Plus, Discovery, Eurosport, Music TV

et Children’s Channel. C’était en Lettonie que les chaînes russes ont tenu le plus longtemps. RTR avait d’abord été confinée en soirée puis elle a disparu le 1+ juillet 1994. Ostankino reste présente toute la journée, mais nul doute que son destin est lié aux vicissitudes politiques, avec le choix entre la « modération lituanienne » et l’extrémisme estonien. Du reste, la Lettonie apparaît comme la plus imperméable aux chaînes étrangères autres que les russes, que ce soit sur le réseau hertzien, par le câble ou le satellite. Les deux chaînes nationales publiques TV1 et TV2 (avec sa filiale LTS plus spécialement destinée aux régions orientales du pays) sont côtoyées par trois chaînes privées qui se partagent le 7° canal: KS-Video, Studio Laine (seul dans les pays baltes à diffuser des programmes et films érotiques après minuit) et IGE-TV. Tandis que TVI affectionne les séries américaines et brésiliennes, mais aussi scandinaves, TVII offre un

mélange plutôt éclectique où l’on trouve des

programmes scolaires, de fréquentes émissions

des studios régionaux et des «blocs » en polonais, ukrainien et russe (notamment le journal Segodnia (Aujourd’hui). Comme le fait remarquer A. Zhukas, rédac138

1. Au 1* janvier 1994. En mai 1994, 51,2 % des foyers lituaniens possédaient deux téléviseurs ou plus (le deuxième poste est à 75% un de ces portables Silelis de l'usine de Kaunas qui étaient populaires dans toute l'URSS). 2. Au 1‘ janvier 1993. 3. On assiste sur les chaînes privées à un réel abus des journaux de CNN qui passent trois fois en cinq heures sur Baltios TV et autant sur Tele 3. 4. Mentionnons aussi quelques quarts d’heure en russe sur les chaînes estoniennes Eest TV et Reklaama TV, des tranches horaires plus fréquentes en russe, polonais et biélorusse sur LTV et Vilnius Televisia en Lituanie.

Azerbaïdjan

Ë Transcaucasie

Superficie: 86 600 km? Population: 7 248 000 habitants Capitale: Bakou Nombre de chaînes nationales publiques: 2 Nombre de chaînes régionales: 2 Nombre de chaînes étrangères: 3 Couverture territoriale: 96,9 Z1 Nombre de téléviseurs: plus de 1 500 000? dont 55 % noir et blanc

La bataille turco-russe

infrastructures obsolètes, de créer des émissions

et de retenir les cadres les plus compétents (ce qui est d’autant plus regrettable qu’il existait une excellente école à Bakou, les premiers essais cinématographiques azéris remontant même à 1916). Aujourd’hui, la plupart des chaînes ne peuvent émettre que le soir à partir de 18h ou 19 h, rarement au-delà de 23h.

Et les fréquentes coupures de courant, surtout en Géorgie et en Arménie (seulement deux heures d’électricité le soir en juin 1994), limitent encore plus la diffusion des programmes. Comme les conflits autour du Haut-Karabakh,

Les trois républiques transcaucasiennes qui marchèrent longtemps main dans la main, de plein gré au printemps 1918 puis quelque peu forcées par les bolcheviks, semblent avoir été rejetées dans le Moyen Age par les rancœurs et les hostilités séculaires brusquement remontées à la surface, comme une boue. Et la télé-

vision ne pouvait évidemment pas faire exception à l’effondrement généralisé de l’économie, le plus brutal de toute l’ex-URSS. Faute d’argent, il est impossible de moderniser des

de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, auxquels pourraient s’ajouter le Nakhitchévan et l’Adjarie, ne paraissent guère en voie de règlement, l’avenir immédiat des télévisions transcaucasiennes reste peint de couleurs tristes. D'autant qu'aux contraintes matérielles s’ajoute la censure politique et militaire qui, à différents degrés et avec des hauts et des bas, sévit sur les ondes plus que dans la presse de ces pays. En Azerbaïdjan, à l’automne 1993, la 159

Les télévisions du monde

deuxième chaîne avait été cédée à la compagnie indépendante BMT, Gueïdar Aliev, l’ancien premier secrétaire du PC revenu au pouvoir, souhaitant montrer que, contrairement à son prédécesseur nationaliste Aboulfaz Eltchibey, il était partisan d’une liberté relative des médias. Mais l’idylle fut de courte durée. C’est que BMT, en quelques mois à peine, avait acquis une grande popularité (jusqu’à 80% d’audience pour son journal du soir) grâce à sa volonté de donner systématiquement la parole à tous les partis et tendances. Et en

mai 1994 la deuxième chaîne a dû rentrer dans le giron de l’État, bien que BMT eût acheté un bail de vingt ans. On assiste à présent à une sorte de partage des fonctions entre les deux chaînes d’État. La première chaîne est vouée à la propagande officielle, aux informations passées par un double crible et aux interminables interviews de hauts fonctionnaires. Avec de bonnes doses de chants et danses populaires. Inutile d’ajouter que cette chaîne est la plus ennuyeuse et la moins regardée, si l’on excepte les films, le

plus souvent soviétiques ou indiens (la faveur exceptionnelle des productions indiennes dans l’ex-URSS et surtout en Azerbaïdjan ou au Tadjikistan mérite un examen à part). Quant

à la

deuxième

chaîne,

elle

est

aujourd’hui entièrement dépolitisée et ne se consacre qu'aux jeux et variétés, à la musique et aux films, notamment turcs et améri-

étudiants en sociologie: 20 à 25 % d’audience

pour TRT-1,

60 à 70%

pour les russes*.

Quelles en sont les raisons? Cette même enquête apporte des éléments de réponse. Les gens, surtout ceux au-dessus de 30 ans, ne se

sentent guère concernés et se disent même irrités par l’éblouissante et « facile » vie turque, trop éloignée de leurs préoccupations (du moins telle qu’elle apparaît sur les écrans), alors que les réalités postsoviétiques de Russie et des autres pays de la CEI leur sont on ne peut plus proches. « Certes, il y a toujours eu des différences entre les peuples de l'URSS, mais on aura

beau dire, nous sommes

tous

marqués au sceau d’une mentalité soviétique bien différente de l’occidentale >», avoue Hussein Tahir, un ouvrier de 40 ans.

Il reste qu’Ankara ne relâche pas ses efforts et finance entièrement la diffusion de sa chaîne sur le sol azéri, dans le cadre de l’offensive

culturelle tous azimuts en direction des peuples du « grand Touran », la patrie commune des ethnies turcophones selon l’idéologie panturquiste. Mais ne vaut-il pas mieux que la Russie et la Turquie s’affrontent dans cette région par télévisions interposées plutôt que par les armes“?

A. G.

cains. Il existe, en outre, deux studios « com-

merciaux » qui, sur le réseau câblé desservant quelques quartiers de Bakou, diffusent essentiellement les catégories C et D américaines dont on a vu qu’elles circulent à travers toute l’ex-URSS en version russe. Un comique azerbaïdjanais parlait à ce propos de « complot russo-américain » qui vise à répandre en Eurasie la culture de masse yankee tout en maintenant le russe comme langue véhiculaire. Face à la «démission» de la télévision nationale, les Azéris ont dû se rabattre, comme

les Estoniens, sur les chaînes étrangères: deux

russes et une turque. Cette dernière, TRT-1,

a connu au début un franc succès (on s’entassait en famille devant un poste pour regarder ses émissions; rappelons que l’azéri et le turc sont des langues très proches) mais elle est aujourd’hui en perte de vitesse et les gens semblent

revenir

aux

deux

chaînes

russes,

Ostankino et Russie (RTR), comme le montre une enquête réalisée en juin 1994 par des 140

1. Ces données englobent également le Haut-Karabakh qui, s’il fait juridiquement partie de l’Azerbaïdjan, s’est pratiquement coupé de Bakou pour se tourner vers Erévan (tous les Azéris ont quitté la région), y compris en matière de télévision. 2. Au 1‘ janvier 1991. À cette époque, environ 90 % des gens possédaient au moins un téléviseur, mais cette proportion a quelque peu diminué suite à l’afflux de centaines de milliers d’Eraz (Azéris réfugiés d'Arménie). 3. Sur la première chaîne azerbaïdjanaise, environ 5% d'émissions en russe, notamment le journal Ici Bakou. 4. G. Aliev, lorsqu'il s'était retranché dans son fief du Nakhitchévan (enclave azerbaïdjanaise en Arménie), avait obtenu d’Ankara, en mars 1992, un crédit de 100 millions de dollars

portant notamment sur la réception de plusieurs chaînes turques dans cette république autonome. Par ailleurs, A. Eltchibey avait signé en son temps un accord permettant d ‘échanger les émissions télévisées entre Tabriz (Azerbaïdjan iranien) et Bakou, mais l’Iran y a mis unilatéralement fin en janvier 1994, jugeant «trop laïque et frivole » la télévision azerbaïdjanaise.

Géorgie

Géorgie Superficie : 69 700 km?

Population: 5 480 000 habitants! Capitale: Tbilissi Nombre de chaînes nationales publiques: 2 Nombre de chaînes régionales privées: 3 Nombre de chaînes étrangères: 2 Couverture territoriale: 98 % Nombre de téléviseurs: environ 1 450 0002, dont 50 % noir et blanc

Un programme fantôme Semblable aux bâtiments calcinés de l’avenue Roustavéli (les «Champs-Elysées » de Tbilissi) — suite aux combats du Nouvel An 1992 pour chasser le président Zviad Gamsakhourdia —, la télévision géorgienne ne s’est pas encore remise de la commotion des trois dernières années. Or les deux chaînes géorgiennes comptaient naguère parmi les plus intéressantes et créatives d'Union soviétique, légèrement plus libres même, en particulier grâce à un groupe de réalisateurs doués, souvent venus du cinéma et parfois opérant dans les deux domaines. Les téléfilms et longs métrages des auteurs géorgiens, de Otar Iosseliani à Tenguiz Abouladzé qui réalisa Repentir, le film emblématique de la perestroïka, étaient de qualité mondialement reconnue. Curieusement, c’est le président nationaliste Zviad Gamsakhourdia, un ancien dissident, qui

porta le premier coup sérieux à la télévision dès 1991 en faisant la chasse aux intellectuels trop critiques à son égard et en limogeant les cadres les plus compétents. Il alla même jusqu’à imposer toute une série d’émissions dithyrambiques sur son père, le romancier Constantin Gamsakhourdia. Puis la guerre civile, la lutte des clans et des mafias firent le reste, obligeant à fuir, essentiellement à

Moscou, nombre d’intellectuels et de professionnels. Le retour d’Edouard

Chevardnadzé,

ancien maître du PC géorgien qui fut ensuite le ministre des Affaires étrangères de Gorbatchev, n’y a presque rien changé pour l’instant. Comme dans l’Azerbaïdjan voisin, les deux

chaînes publiques se partagent les tâches. La première est pesamment officielle, quoique avec cette touche de décontraction typiquement géorgienne qui autorise «lapsus» et « bévues ». Ses journaux du matin (Alioni à 7h30) et du soir (Moambé à 20h) montrent une nette préférence pour les nouvelles de l’étranger, moins censurables et surtout moins «tristes » que celles du pays (le journal Messager, à 22h deux ou trois fois par semaine, est destiné aux 6 % de Russes qui vivent en Géorgie). La rubrique la plus populaire est, le samedi à 23 h, {llusion qui projette des films classiques étrangers, notamment italiens et français, ainsi que Vidéo-Vidéo le mercredi soir. La deuxième chaîne d’État semble avoir pour spécialité de divertir le public avec des émissions comme Vidéo-æil qui affectionne la caméra invisible ou Patience inspirée de l’inénarrable Benny Hill. Toutefois,

contrairement

à 1’Azerbaïdjan,

trois chaînes privées ont fait leur apparition en 1994 avec l’appui de Chevardnadzé (mais aussi avec l’accord tacite de ne pas se mêler aux débats politiques du pays): Ibervizia, Thamarioni et Kavkasia. La première est plus axée sur un public de jeunes et d’étudiants (films et séries des Etats-Unis, clips de MTV), cependant que Thamarioni est vouée aux « ménagères » avec les soap operas provenant essentiellement, en traduction russe, de la chaîne moscovite MTK et de 5 Saint-Pétersbourg. Il importe néanmoins de préciser que ces chaînes privées ne couvrent que Tbilissi et une partie de sa région’. Dans le reste du pays, mis à part quelques chaînes régionales balbutiantes, comme à Koutaïssi, les gens ne reçoivent que la première chaîne nationale et Ostankino qui, émettant toute la journée, est sans

conteste la plus prisée. Nombre de nationalistes géorgiens voient d’un mauvais œil cette prééminence de la télévision russe, mais encore faudrait-il lui opposer des programmes géorgiens de qualité. Quant aux républiques sécessionnistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, elles ont carrément renoncé à la télévision 141

Les télévisions du monde

géorgienne et, outre les infos locales distillées par des studios rudimentaires, on n’y regarde que Ostankino et la chaîne Russie (RTR). Cette dernière est par ailleurs également reçue en entier à Tbilissi et dans sa région. La popularité des deux chaînes russes est de surcroît favorisée par le fait qu’elles sont les seules à disposer de programmes annoncés à l’avance et donc prévisibles. En effet, les chaînes géorgiennes ont renoncé depuis plusieurs mois à publier l’horaire d’émissions toujours remplacées au dernier moment et, souvent même, inexistantes quelques heures avant leur sortie car réalisées au pied levé. Face à l’irritation grandissante des téléspectateurs, l’entrefilet suivant fut publié dans l’hebdomadaire 3 A + (20-26 juin 1994), au milieu des programmes d’Ostankino et de RTR: «Les lecteurs courroucés demandent pourquoi

nous avons cessé de donner les programmes des chaînes géorgiennes. Les responsables de la télévision nous ont expliqué que, pour différentes circonstances indépendantes de leur volonté, le programme change d’une heure à l’autre et qu'il est donc impossible de publier quoi que ce soit à l’avance, même la veille. » Programme fantôme pour un pays qui, comme le disait le regretté Tenguiz Abouladzé, «n’a pas fini d’errer parmi les ombres nostalgiques du passé et les spectres d’un avenir inquiétant ».

AC 1. Au 1 janvier 1991. 2. Au 1* janvier 1990. 3. Le câble, jusque-là mal vu par les autorités,

commence

à se répandre aussi à Tbilissi car il permet notamment aux fortes communautés arménienne, azérie et russe de la capitale d’avoir leurs propres studios et programmes.

Arménie Superficie: 29 800 km? Population : 3 500 000 habitants Capitale: Erevan Langue utilisée à la télévision: arménien Nombre de téléviseurs: 700 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes régionales: 2 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes câblées: 10 Nombre de magnétoscopes: 700 000 Pourcentage de programmes français: très faible

142

Indépendante depuis 1991, la petite Arménie est en guerre contre son voisin azéri depuis 1989 pour l’enclave arménienne du HautKarabakh.

De ce fait, l’ Arménie

est victime

d’un blocus économique qui lui cause une grave crise énergétique. Les coupures de courant sont habituelles et gênent considérablement

le travail des télévisions

arméniennes,

malgré la débrouillardise des téléspectateurs qui achètent des petits postes de 12W branchés sur des générateurs. L’Arménie dispose de 700 000 postes, soit 1 pour 5 habitants.

Arménie

Il existe deux chaînes de télévisions publiques, la 1" et la 2°, émettant uniquement en arménien, couvrant tout le territoire de la jeune république ainsi que le Karabakh et le sud de la Géorgie où vit une forte minorité arménienne. L’émetteur principal est situé dans la capitale, Erevan, et dispose d’une dizaine de

réémetteurs Karabakh.

dans

tous

le pays

et un

au

L’Arménie a hérité des lourdes structures de l’administration soviétique. La télévision, forte de 3 000 employés, dépend du ministère de la Radio Télévision d’État. Il y a une direction et une rédaction unique pour les deux chaînes qui sont financées par le budget de ce ministère et la publicité. Il n’existe pas de redevance. A cause du manque d'électricité, la 1'° et la 2° émettent de 19h à 24h en hiver et de 18h à 1h, avec un programme le dimanche matin. La 1° est plus axée sur les nouvelles, la politique et les programmes pour la jeunesse. La 2° offre des films, des émissions cul-

turelles et musicales. Ces chaînes enregistrent aussi des émissions de chaînes étrangères (russes, anglo-saxonnes) qu’elles rediffusent après accords bilatéraux. 90 % des programmes sont nationaux et les 10 % consistent en achats en Russie, en Europe et aux Etats-Unis à cause du manque de devises. Les programmes publics les plus regardés sont le JT, l’émission de divertissement Troi-

sième Canal et l’émission politique Face à face. Par ailleurs, de la mi-1992

à début 1993,

une télévision privée basée à Erevan et couvrant tout le pays a connu un énorme succès. Haï-Lour (Nouvelles d'Arménie) utilisait les émetteurs des chaînes publiques, louant un canal spécifique. Mais l’équipe, jeune et dynamique, manquant de moyens financiers, dut mettre la clé sous la porte au bout de six mois, au grand regret des téléspectateurs.

Enfin, il existe aussi deux chaînes régionales. La première, Chirac, appartient à la municipalité de Gumri. Elle émet uniquement dans le nord du pays. La deuxième appartient au gouvernement arménien du Karabakh. Artsakh (nom arménien du Karabakh) émet à Stépanakert sur l’enclave et le sud de l’Arménie (le Zangézour). Émettant deux à trois heures par

jour, elle donne essentiellement des nouvelles de la guerre.

Les téléspectateurs arméniens captent aussi dans les zones limitrophes les télévisions turques, azéries et géorgiennes. Les séries américaines diffusées par les télés turques sont assez suivies par la jeunesse. L’Arménie est aussi totalement couverte par la chaîne de la CELL, ex-première chaîne soviétique: Ostankino, et le programme de télévision du gouvernement de la Fédération de Russie. Ces deux chaînes émettent en russe. La population, assez bien équipée en antennes paraboliques, en magnétoscopes et en vidéo, capte les chaînes sur satellites. Autre curiosité arménienne, une dizaine de

sociétés privées offrent la télévision câblée non cryptée. 90 % des foyers de Erevan sont câblés et une importante proportion en province et dans le Karabakh. L’abonnement est d’environ 3 francs par mois, somme dérisoire si le salaire minimum n’était de 17 francs. Cette dizaine de programmes diffusent des films, des émissions pour la jeunesse et des émissions de CNN, MTV...

La diaspora Sachant que les Arméniens sont plus nombreux en diaspora qu’en Arménie, les relations entre les deux parties de ce peuple se sont multipliées depuis la chute du communisme à Erevan. Il existe donc une coopération entre les deux chaînes publiques et les quatre chaînes arméniennes basées en Amérique du Nord. Trois, dont la plus ancienne (Horizon), sont installées à Los Angeles dont les quartiers nord sont rebaptisés « Los Armenos » ou « Los Iranos ». Elles ont des relais à Boston et à New York. La quatrième émet au Canada dans la région d’Ottawa-Toronto. Ces chaînes bilingues (arménien-anglais) diffusent des émissions produites à Erevan et envoient en Arménie certains de leurs programmes.

Christophe CHICLET 143

Les télévisions du monde

Asie

centrale

Superficie (km?)

2717 300

198 500

Population Nombre de chaînes nationales

16 970 000

4 485 000

publiques

2

Nombre de chaînes nationales

privées Nombre de chaînes étrangères Nombre de chaînes régionales Couverture territoriale Nombre de téléviseurs

3 à 19 98,99 © 5 200 000 dont environ

50% NB

Tardivement atteintes par les vagues de la perestroïka gorbatchevienne, les républiques d’Asie centrale apparaissent comme les plus durablement soviétisées lorsqu'elles accèdent comme malgré elles à l’indépendance, au lendemain du putsch manqué d’août 1991 à Moscou. En dépit de l’éveil des différents nationalismes et d’une volonté toujours plus marquée de se distancier de la Russie, c’est le parti communiste et sa nomenklatura qui y tiennent encore les principaux rênes du pouvoir, étant bien entendu peu désireux de lâcher les médias et en particulier la télévision. Il n'empêche que les cinq nouveaux Etats ne constituent pas une réalité uniforme et qu’aux clivages traditionnels (entre nomades et sédentaires, turcophones et iranophones, etc.) sont venus s’ajouter ceux de la domination russe puis soviétique. Une ligne relativement nette semble aujourd’hui se dessiner entre, d’un côté, le Kazakhstan et le Kirghizistan plus démocratiques et, de l’autre, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan aux régimes conservateurs et même autocratiques. Sans entrer dans l’analyse des circonstances et facteurs ayant conduit à cette situation, notons qu’il n’est pas négligeable, sans doute, que le Kazakhstan et le Kirghizistan aient été les plus

superficiellement islamisés et les plus « européanisés » par le biais de la civilisation russe; non seulement on y compte de fortes popula-

144

tions russophones (plus de la moitié au Kazakhstan, près de 30 % en Kirghizie) mais les élites et une large partie des citadins parlent souvent mieux le russe que leur langue maternelle. Les deux symboles en sont le poète kazakh Oljas Souleïmenov et l’écrivain kirghiz Tchinguiz Aïtmatov qui, mondialement célèbres, ont adopté tous deux le russe comme moyen d’expression. Le premier a d’ailleurs déclaré en juin 1944 que le russe devrait avoir le statut de langue d’État au côté de kazakh. La télévision, miroir moderne qui a remplacé celui, stendhalien, du roman, ne pouvait manquer de refléter ces différences. Avant même de considérer le contenu et la tonalité des chaînes, on est frappé par le développement des télés indépendantes, ainsi que du câble, au Kirghizistan et surtout au Kazakhstan, alors que les trois autres républiques ne comptent aucun studio privé et bannissent résolument le câble comme le satellite (on a assisté, au début de 1994, à une chasse aux

antennes paraboliques, pourtant peu répandues, à Tachkent sur ordre personnel du président ouzbek Islam Karimov). Au Kazakhstan, les studios indépendants qui diffusent sur le réseau câblé ou louent quelques heures sur les 19 chaînes régionales publiques étaient environ 200 en juillet 1994. Ce sont cependant trois chaînes indépendantes ancrées à Alma-Ata (Almaty) et reçues par près de 35% de la population qui donnent aujourd’hui le ton: KTK, TAN et TOTEM. Toutes trois ont suivi l’évolution menant des films hollywoodiens de troisième zone et du kung-fu made in Hong Kong à la création d'émissions où dominent les variétés et les jeux, mais qui font également place à des documentaires, des reportages et des bulletins d’information. Leur grand avantage sur les chaînes d’Etat est de pouvoir compter sur un personnel réduit au strict minimum mais compétent et mieux rémunéré: 35 employés à KTK contre environ 1500 pour la première chaîne kazakhe! Il n’existe pour ainsi dire pas

Kazakhstan,

de sondages d’opinion au Kazakhstan — et encore moins chez ses voisins centreasiatiques —, mais des observateurs impartiaux constatent que ces chaînes privées l’emportent d’ores et déjà en audience sur les deux chaînes nationales publiques. Au demeurant, la deuxième ne diffuse que 4,8 heures par jour en moyenne contre 13,2 heures pour la première chaîne (données de juin 1994). Cette dernière, qui réserve par ailleurs des « tranches » en allemand (Guten abend, journal de quarante minutes le samedi), en ouïgour et en coréen, tend à augmenter la part du kazakh au détriment du russe qui, en mai 1994, était la langue d’environ 35 % des émissions. Cela ne fait certes pas l’affaire des Russes qui sont largement majoritaires dans le nord du pays, mais on leur rétorque qu’ils peuvent créer chez eux des chaînes privées et disposent en outre d’Ostankino (baptisée ici «Orbita-4) et de Russie (RTR) reçues en entier dans tout le Kazakhstan et dans les autres républiques d’Asie centrale. A ces étrangères il convient d’ajouter les programmes des chaînes publiques ouzbèke (5h par jour) et kirghize (5h) car les trois pays, suite à un accord signé en janvier 1993, procèdent à un échange télévisuel. Néanmoins, les deux voisines sont beaucoup moins regardées que la chaîne turque Eurasie (4h) qui est présente dans toute l’Asie centrale, comme

en Azer-

baïdjan ou au Tatarstan. Il est intéressant de voir que les chaînes privées, notamment KTK qui émet toute la journée, accordent au russe la part du lion (75 à 90 % du temps d’antenne). Pour quelle raison ? Ce n’est sans doute pas pour faire concurrence à Ostankino et RTR car, si ces deux chaînes

sont de loin les plus regardées, leur audience est moins affaire de langue que de qualité des émissions. (On a vu dans l’article sur la Russie que la télévision s’y heurte à nombre de problèmes, mais il n'empêche que la différence de niveau entre les chaînes de Moscou et celles de l’ancienne périphérie soviétique est encore considérable et qu’il faudra du temps à ces dernières pour surmonter le retard en matière d’infrastructures, de cadres et aussi de

conception audiovisuelle.) La véritable cause de l’adoption du russe par les chaînes privées kazakhes est avouée en privé par un responsable de KTK: « Notre choix est un pari sur l’avenir, afin d’être en bonne place pour conquérir le marché centre-asiatique, et même au-

Kirghizistan

delà. En effet, si nos langues, excepté le tadJik, sont proches l’une de l’autre, leur compréhension réclame néanmoins un certain effort qui n'est guère de mise quand on regarde la télévision pour se détendre. Or il s'avère que le russe, toutes populations additionnées, est en Asie centrale la langue qui peut potentiellement toucher le plus large public. » Une fois de plus, les chaînes « commerciales » font prévaloir l’économique sur le politique et l’idéologique. Il en va de même au Kirghizistan avec l’unique chaîne privée d’importance, Pyramide, qui émet sur le troisième canal. Toutefois, ses émissions commencent assez tard dans la soirée car ce canal est partagé avec les chaînes ouzbèke, kazakhe et turque (Eurasie). Si cette dernière est surtout regardée dans la région d’Och, où vit une forte communauté

d’Ouz-

beks (qui reçoivent par ailleurs les émissions de Tachkent sans passer par Bichkek), la faible audience des deux chaînes voisines par rapport à Pyramide pousse à diminuer leur temps d’antenne en dépit des accords signés avec les gouvernements correspondants. Il reste que la majorité de la population (rurale à 60 %) n’a accès qu’à deux chaînes: Ostankino (depuis le 18 juillet 1994, ramenée à six heures le soir pour des raisons économiques) et la première chaîne kirghize (en fait, l’unique) qui étend la suprématie du kirghize face au russe (moitié-moitié en 1991, 85% contre 14%

en

été 1994;

de temps

à autre,

une

demi-heure d’informations en allemand pour une communauté de 1000 000 personnes en 1988 qui se réduit comme une peau de chagrin). Outre la vétusté de son matériel, la télévision kirghize (réduite à quatre-cinq heures d'émissions à partir de l’été 1994) est aujourd’hui confrontée à un grave problème de cadres, étant donné que ceux-ci étaient russophones à 80 % et qu’ils sont emportés par le flot d’émigration russe de plus en plus important. Face à cette situation inquiétante, un décret du président Askar Akaïev (juin 1994) a remis à égalité le kirghiz et le russe, mais la pression de mouvements comme Erk ou Union nationale ne se relâche pas en vue d’une « homogénéité ethnique » du pays. Et voici la dernière trouvaille visant à reconquérir les téléspectateurs: un projet est à l’étude pour diffuser en direct sur la chaîne nationale les x exécutions de condamnés à mort. Le général 145

Les télévisions du monde

Superficie (km?) Population Nombre de Nombre de Nombre de Couverture Nombre de

447 400 21 210 000

chaînes publiques chaînes privées chaînes étrangères

téléviseurs

488 100 3 800 000 1 0 2 (3) 99%

98,8 %

3 350 000

env. 700 000

143 100 5 510 000

96,4%

850 000

dont 55 à 60% NB

Soutalinov, ministre de l’Intérieur, a répondu en juillet 1994 aux journalistes qui l’interrogeaient au sujet de cette « première »: « De tels procédés sont intolérables dans les pays civilisés, mais chez nous l’impossible est possible. » Affaire à suivre. Mais d’ores et déjà le même genre de « reportage » est envisagé au Turkménistan. On assiste en même temps à des velléités, de la part des gouvernements en place, de contrôler de plus près les médias. Le président Akaïev a par exemple déclaré le 14 juillet 1994: «Il apparaît qu'aux étapes de transition il convient plutôt de limiter les droits de la presse parce que la liberté illimitée des médias porte atteinte aux intérêts de l’État... Je croyais auparavant que des journaux et des chaînes de télévision libres allaient accélérer le processus de démocratisation, mais je me rends compte que c'était une illusion et que le président ouzbek Islam Karimov avait peutêtre raison. » Si l’on ajoute à cela les signes d’irritation manifestes du président kazakh Noursultan Nazarbaïev à l’égard des chaînes et journaux indépendants, on s’aperçoit com-

La moindre information concernant le pays, voire l’Asie centrale, est soigneusement éliminée des journaux d’Ostankino et de RTR. La censure de Tachkent n’a pas laissé passer, par exemple, le long entretien (en mai 1994 sur Ostankino) avec Youri Tchourbanov, le gendre de Brejnev qui vient de purger une peine de sept ans. Motif ? Il avait été impliqué dans la fameuse « affaire ouzbèke » et risquait donc de faire des révélations indélicates sur les anciens dirigeants communistes de l’Ouzbékis-

États est fragile et précaire. Mais l’exemple des trois autres pays de la région est à la fois contagieux et rebutant. S’il est dans l’ex-URSS une « réserve » de la télévision soviétique telle qu’elle existait sous Brejnev et Tchernenko, à l’époque de la « stagnation », c’est bel et bien celle du triangle Ouzbékistan-Tadjikistan-Turkménistan. Le gouvernement national-communiste de chacun de ces nouveaux Etats exerce un contrôle des plus vigilants sur tous les médias, allant jusqu’à supprimer ou couper les émissions des chaînes russes et turque qui sont jugées partiales ou tout simplement « inopportunes », «propres à heurter la sensibilité du public

faible écoute. Mais cela a suffi à déchaîner l’ire du président Karimov. De même, toute allusion aux problèmes ethniques est absolument évitée, qu’il s’agisse des pogromes contre les Turcs Meskhets dans un passé récent ou des réalités de la guerre civile au Tadjikistan. Comme le déclare sans détour un responsable de la première chaîne nationale ouzbèke, la tâche primordiale de la télévision « doit être d’expliquer au peuple les événements et la situation courante, de lui inculquer le respect des ancêtres et de son passé, enfin de lui apprendre à survivre dans une période difficile de son histoire ». D’où les reportages et documentaires didactiques, les interminables interviews de personnalités politiques, cultu-

bien la relative liberté conquise dans ces deux

national », comme l’énonce la formule rituelle. 146

tan.

Les tabous sont innombrables — politiques, moraux, religieux, culturels, écologiques. On a vu interdire en Ouzbékistan et au Turkménistan une émission traitant du désastre écologique de la mer d’Aral «afin de ne pas déprimer la population ». Ce prétexte revient d’ailleurs le plus souvent et évite d’aborder la moindre situation de conflit, le « négatif » en général. Un reportage tourné en 1991 sur lP« épidémie » de femmes qui s’immolaient par le feu en Ouzbékistan et au Tadjikistan est resté interdit pendant trois ans avant d’être montré une seule fois sur la première chaîne ouzbèke, avec des coupures,

à une heure de

Ouzbékistan,

relles et scientifiques, voire de simples gens «porteurs de la sagesse populaire ». Pourtant, au contraire des télévisions plus que démunies du Tadjikistan et du Turkménistan, les deux chaînes publiques ouzbèkes ont les moyens de concocter des programmes dignes de ce nom, notamment grâce au télécentre de Tachkent qui, soit dit en passant, est le troisième du monde en hauteur (375 m) après les tours de Toronto et d’Ostankino.

Mais à quelles émissions locales le public a-t-il droit ? Le cinéaste tadjik B. Khoudoïnazarov, auteur de l’excellent Baz na bach (Pair, impair), a calculé que plus de la moitié des émissions chez lui et en Ouzbékistan ont pour thème la culture rurale et traditionnelle, les arts

appliqués, les coutumes nationales, les récits des akyn (conteurs populaires), les chants et danses du pays et des voisins. Certes, tout ceci s’explique par le désir compréhensible de faire découvrir aux gens un passé et une civilisation fortement occultés, mutilés ou défigurés sous le régime soviétique. Mais, outre que ce genre d’émissions ne peuvent satisfaire une population dont près de la moitié a moins de 20 ans (recensement de 1989 en Ouzbékistan), il ne s’agit le plus souvent, comme le constate ce même cinéaste, que de remplacer des mythes par d’autres mythes, tels celui de Tamerlan le « grand ancêtre » des Ouzbeks (on ne compte plus les émissions qui lui furent consacrées ces deux dernières années) ou du « glorieux » passé ouzbek des villes de Samar-

cande et Boukhara, en réalité berceaux de la

culture tadjike. Notons d’ailleurs que les Tadjiks, plus nombreux en Ouzbékistan que ne le montrent les statistiques officielles, ont droit à des tranches horaires dans leur langue, de plus en plus réduites, sur la première chaîne ouzbèke, mais qu’il leur est interdit de capter les émissions de la télévision de Douchanbé tout comme de mettre en place, malgré leurs demandes

réitérées,

une

chaîne

locale hert-

zienne ou câblée. Le

Tadjikistan,

en

revanche,

réserve

un

canal à la première chaîne de Tachkent car il existe une forte minorité ouzbèke d’environ 23 %. Comme le Tadjikistan est le seul État iranophone de la région, l’Iran n’avait pas manqué de lui proposer certains programmes islamogouvernement Le télévisés. démocratique du Tadjikistan accepta, en 1992, de diffuser quotidiennement dix à quinze

minutes

Turkménistan,

d’informations

Tadjikistan

de la télévision

de

Téhéran et, deux à trois fois par semaine, des

émissions culturelles et éducatives iraniennes. Mais le nouveau gouvernement de I. Rakhmonov y a mis fin pour ne pas heurter le voisin ouzbek

dont

les baïonnettes,

aux

côtés

de

l’armée russe, l’ont porté au pouvoir en décembre 1992. On a de même fermé les studios de télévision câblée qui avaient commencé de se développer à Douchanbé. Prétexte traditionnel: leur propagande de l’alcool, du tabac, de la pornographie et. des valeurs antimusulmanes. Pis encore, la chasse aux journalistes dissidents est ouverte, comme dans le cas d’Alim Abdoulov, réalisateur de la télé-

vision tadjike assassiné chez «inconnus » en mai 1994.

lui par

des

Devant l’indigence extrême de l’unique chaîne publique, les gens montrent une nette préférence pour les chaînes russes et surtout les novelas sud-américaines qui y sont diffusées, bien que leur connaissance du russe soit souvent moins bonne qu’au Kazakhstan. Mais que regarder d’autre ? C’est cependant au Turkménistan qu’on semble être allé le plus loin. La seule chaîne nationale, qui n’émet généralement qu’entre 18h et 23h, consacre

une bonne moitié du

temps d’antenne aux paroles et gestes du président Separmourad Niyazov proclamé turkmenbachi, « père des Turkmènes ». La caméra le suit carrément à la trace lors de ses déplacements dans le pays ou à l’étranger, chaque téléspectateur a pu ainsi lui tenir compagnie, seconde après seconde, pendant son pèlerinage à La Mecque. Et ce n’est pas tout: depuis juin 1994 les émissions quotidiennes de la radio et de la télévision doivent débuter par un serment d’allégeance en turkmène et en russe, où il est dit notamment: « Turkménistan, si je te cause le moindre mal, que mon bras soit paralysé, si je profère la moindre calomnie à ton égard, que ma langue se fige. À l’instant où je te trahirai, que mon souffle s'arrête... » Quant à l’autre moitié du temps d’antenne, elle est occupée par les danses traditionnelles, les chants épiques des poètes-bakchis et les interminables paysages impressionnistes du Karakorum aux sons du luth oriental. Antoine

GARCIA

147

Les télévisions du monde

Yougoslavie (Serbie-Monténégro) Superficie: 255 804 km? Population : 5 750 000 habitants Capitale: Belgrade Langues utilisées à la télévision: serbe, hongrois, roumain, albanais + autres langues minoritaires Nombre de téléviseurs: 3 600 000 Nombre de chaînes publiques: 7 Nombre de chaînes privées: environ 40 chaînes hertziennes Nombre de magnétoscopes: 1 400 000 Nombre de chaînes accessibles par satellite: environ 30 Pourcentage de programmes français: 1 %

Les premières projections de télévision ont été organisées en Serbie en 1938-1939 par la firme hollandaise Philips; la première émission quotidienne de «la chaîne expérimentale » a été diffusée à Zagreb le 29 novembre 1956, à Belgrade près de deux ans plus tard. Après ces débuts modestes, comparables à ceux des autres pays d'Europe de l’Est, la télévision connut en Yougoslavie une croissance frénétique. Aujourd’hui, en Serbie-Monténégro, elle con-

naît la même efflorescence chaotique qu’en Italie ou en Grèce. C’est un grand paradoxe, compte tenu de la situation politique et de

l’inflation record. Télévision d’Etat, elle est financée depuis le début par une redevance et par des subventions accordées à certains programmes. Il n’y avait à l’origine qu’une seule chaîne, mais le réseau s’agrandit progressivement. La seconde chaîne de TV Belgrade fut inaugurée dans les années 70, et la troisième dans les années 80. Cette dernière devait être une chaîne « alternative » pour la jeunesse, mais elle s’écarta très vite de ce caractère originel de « chaîne du monde d’aujourd’hui ». Tant que la fédération yougoslave exista, chaque république avait sa propre télévision qui 148

comportait une, et pour les plus importantes, deux et même trois chaînes. Ces télévisions étaient fédérées dans un pool, YUTV, qui les représentait dans les organismes internationaux. Neuf centres de télévision et quinze chaînes étaient mis à contribution pour composer la grille de,la télévision fédérale, sorte de col-

lage d’émissions d’origines différentes — même le journal parlé était diffusé chaque jour d’un centre différent. A partir de la fin des années 70, le réseau de stations régionales s’est élargi, mais celles-ci ne produisaient pour la plupart que des journaux télévisés, quotidiens ou seulement hebdomadaires. La télévision était donc entièrement publique et hertzienne, avec un réseau de relais qui couvrait tout le pays. A partir des années 80, la production de spots publicitaires a constitué une part de plus en plus importante de l’autofinancement de la télévision d’Etat.

Feu YUTV... Quand l’État fédéral cessa d’exister, le pool YUTV disparut aussi, et après une période de vide, l’entreprise publique de Radio-Télévision de la République serbe vit le jour, le 1° janvier 1993. Elle comprend trois centres, à Belgrade (trois chaînes), Novi Sad (deux chaînes) et Pristina. Si l’on ajoute la Radio-Télévision du Monténégro dont le siège est à Podgorica (une chaîne), il existe donc en SerbieMonténégro quatre centres de télévision et sept chaînes publiques, dont le réseau de transmetteurs et de récepteurs a été assez bien préservé, mais bien sûr depuis trois ans, il n’existe plus de règlements ni d’organismes fédéraux. Vu l'inflation, la redevance ne rapporte presque plus rien, et il est pratiquement impos-

Yougoslavie

sible de sévir contre ceux qui ne la paient pas ou mal (plus de 90 % de la population). Privée de revenus réguliers, la télévision a donc

dû réduire sa production; quand l’économie a retrouvé un peu de stabilité, la redevance a été ajoutée sous forme de taxe supplémentaire aux factures d’électricité. La télévision d’État a donc maintenant trois sources de financement: la publicité et la vente de services, la redevance et de (très faibles) subventions de l’État pour les émissions par satellite à destination de la diaspora, en vue d’aider les émigrés à « maintenir et préserver la culture nationale » et à «rester en contact avec la mère patrie ». L’éclatement de l’ex-Yougoslavie a eu des conséquences de trois sortes: une forte augmentation du nombre des chaînes; le rôle accru

joué par la télévision dans la couverture des événements politiques et militaires, qu’elle tend à modeler; la naissance d’un nouveau type d'organisation et de financement. Une opposition est apparue entre deux séries d’options. D'un côté, les chaînes indépendantes, privées (constituées en sociétés par actions), commerciales (s’autofinançant par la production de spots publicitaires, et, paradoxalement, sans aucune forme d’abonnement), pluralistes et démocratiques pour ce qui concerne les émis-

sions d’information.

0

De l’autre, la télévision d’État, publique, partiellement

commerciale

seulement,

soutenant

fidèlement le gouvernement et le parti au pouvoir, et naturellement très critique envers les forces d’opposition. Ainsi ce fut au début un geste politique de regarder la chaîne ITV Studio B. Ces réactions de rejet se sont aujourd’hui atténuées, mais il en subsiste un aspect positif: une forte tension démocratique dans les médias et des conflits d’opinions et d’attitudes.

Les chaînes indépendantes Avec la vague de chaînes indépendantes est apparu un phénomène nouveau, l’adoption par les stations régionales de CNN comme modèle. Dans une période où quelques-uns gagnent beaucoup d’argent pendant que les autres ont du mal à survivre, beaucoup d'hommes d’affaires de province ambitionnent de devenir le Ted

Turner local (symbole de la réussite !) et ils se sont, au printemps 1994, lancés dans la pro-

duction, sans licence, contribuant à l’inénar-

rable chaos télévisuel de l’ex-Yougoslavie. ITV Studio B a été, en 1990, la première chaîne indépendante; elle est issue de la station de radio du même nom, comme TV Politika, née de Radio Politika, elle-même éma-

nation du quotidien le plus populaire du pays, et comme beaucoup de chaînes régionales. D’autres, comme La Chaîne des arts ou TV Palma, sont nées directement comme chaînes

locales. C’est à Belgrade qu’il y a aujourd’hui le plus grand nombre de chaînes indépendantes locales ; les dernières à obtenir leur licence

sont celles de Kragujevac et de Cacak. Les chaînes privées promettent toutes d’assurer au minimum 50 % de leur programmation avec leur propre production comme le demande la loi et de consacrer à la publicité moins que les 20 % autorisés. A les écouter, leur objectif serait d’abord d’éduquer et d’informer, et seulement ensuite de distraire. Ce n’est jamais ce qui se passe en fait. Les chaînes de Belgrade diffusent toute la journée (et la nuit par satellite), les chaînes indépendantes régionales de cinq à douze heures par jour, entre midi et minuit. Quant à la télévision par câble, on en était en 1988 au stade de la recherche et des projets, et la situation économique du pays a fait qu’on n’a guère progressé depuis. Aussi en Yougoslavie aujourd’hui, la télévision par câble se résume-t-elle à la diffusion d’un choix d'émissions des chaînes conventionnelles, sans

abonnement mais sans gain de qualité. La télévision par câble ressemble à une antenne communautaire un peu plus complexe; seules les nouvelles HLM de certains quartiers de Belgrade sont équipées du système qui permet une qualité accrue de la réception de la télévision d’État. Il existe aussi en province, notamment en Serbie, des îlots câblés comme Nis, où sont

diffusées gratuitement des émissions supplémentaires en tout genre. Toutefois, en l’absence d’un contrôle central, il est impossible de dresser un tableau complet de la situation. Ce qui s’est multiplié dans la dernière décennie, par contre, à côté d’une épidémie de chafnes privées pirates, ce sont les antennes paraboliques, dont beaucoup de maisons sont équipées en particulier au Kosovo (à cause d’une tradition patriarcale qui fait de ces antennes des « fenêtres sur le monde », l’explication selon laquelle on s’en équipe pour capter les émissions de la télévision albanaise n’est pas très 149

Les télévisions du monde

convaincante). Malgré le brouillage, il est possible de capter jusqu’à trente chaînes différentes, dont Sky One, MTV, Super Channel, TNT, Discovery, UK Gold, Eurosport, etc. On peut

aussi se procurer des décodeurs pirates pour capter Bravo, Movie Channel, RTL5 ou Sky Movie, mais c’est un achat dispendieux pour un résultat souvent de mauvaise qualité.

Les chaînes: organisation et qualité On peut distinguer en gros deux types de chaînes. D’une part, les chaînes « officielles » qui s’acquittent d’abord de leurs tâches éducative, informative et culturelle avant de penser au divertissement; de l’autre, les chaînes

pirates, pauvres et improvisées, qui optent pour les jeux du cirque, un flot ininterrompu de belles images électroniques pour faire oublier les soucis et la grisaille de la vie quotidienne. Cette division ne recouvre pas exactement la division précédente entre chaînes d’Etat, publiques, et chaînes indépendantes, privées, commerciales. L'exemple le plus frappant de chaîne pirate est TV Palma (Belgrade), qui programme des séries, des films (quatre par jour, en reprise le lendemain) et des vidéo-clips de musique pop. Conséquence logique des sanctions infligées par l'ONU : presque personne ne paie de droits. Cette pratique a été inaugurée par les chaînes pirates mais s’est rapidement étendue aux autres: même

dans la situation actuelle,

il n’est pas rare de voir à la télévision des films non encore distribués en Europe (ainsi The Firm avant son lancement en Grande-Bretagne, ou Sister Act IT). Une telle pratique ne garantit évidemment pas la qualité des copies! Comme la Yougoslavie est un petit marché, les pertes des Américains n’excèdent sans doute pas 200 000 dollars pour l’ensemble des supports. C’est TV Palma qui va le plus loin dans ce sens. Aucune de ces chaînes ne diffuse d'informations, et leurs émissions sont coupées

de fréquentes « pauses commerciales ». La grille habituelle des chaînes indépendantes locales comporte des émissions matinales informatives (comment commencer la journée), des nouvelles, des variétés. Le prime time est réservé aux films, aux sports et à la politique.

150

EEE —

"|

Beaucoup d’émissions politiques : tables rondes, discussions, reportages, émissions interactives, où s’expriment les opinions divergentes

et s’échangent des propos enflammés. Quand tous les autres moyens d’information et de communication eurent disparu, on vit apparaître des émissions-collages d’information comme Sur les autres chaînes ou Fenêtre sur le monde qui donnent les différentes versions des mêmes événements dans les différents médias. Des différences et des lacunes révélatrices apparaissent alors, non seulement dans le traitement et le commentaire des nouvelles mais aussi dans l’exposé des faits et dans les extraits choisis respectivement par la télévision d’État et par les autres chaînes, par les chatnes nationales et par les chaînes étrangères comme CNN, la BBC, etc. Une petite partie de ces émissions est réalisée en studio avec un très petit budget — elles ressemblent à une émission de radio illustrée — et le reste est emprunté à d’autres chaînes. Il n’existe pas de statistiques. La grille est dominée par les émissions d’informations (35 %, dont 29 % pour les actualités, la courbe est ascendante). TV Belgrade 2 diffuse les séances du Parlement. Le sport n’occupe que 7%, dont les trois quarts de reportages en direct, surtout lors des grands événements comme les jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football. Tous les autres genres (reportages, variétés, spectacles, films et dramatiques) varient entre 2 et 14 %. Les émissions proprement éducatives ne trouvent place que sur la première chaîne d’État, et consistent le plus souvent en rediffusions d’anciennes séries comme Survival. Tous les films yougoslaves sont diffusés à la télévision aux meilleures heures d’écoute six mois après leur sortie commerciale. Il existe plusieurs projets de séries, surtout des mélodrames. Les émissions pour enfants occupent une place importante (jusqu’à 12 %). La principale innovation récente (avril 1994) est le télétexte. Tous les grands événements, les Oscars, le festival de Cannes, les événements

sportifs sont couverts jeux télévisés, après la grille, connaissent popularité. Environ 57 % des programme national tres nationaux, 17 %

en direct par satellite. Les avoir été quasi retirés de depuis peu un regain de

émissions diffusées sur le sont produits par les cendans le reste du pays, et

Yougoslavie

26 % proviennent de différents pays étrangers, dont environ 7 % des États-Unis. Huit compagnies indépendantes produisent, sous contrat, des émissions puis achètent du temps, pendant lequel elles peuvent diffuser ce qu'elles veulent. Ce «temps acheté» et ces « émissions indépendantes » ont été très utiles en périodes d'élection. Jusqu'en novembre 1993, des émissions étaient diffusées par satellite en Europe et aux Etats-Unis, elles sont depuis cette date limitées à l’Europe ; environ deux tiers de la grille quotidienne sont occupés par un choix d’émissions de la journée sur les trois chaînes de TV Belgrade, le tiers restant l’est par des rediffu-

sions ; très peu d'émissions sont produites spécialement pour ce programme. Toutes les chafnes indépendantes ont des projets de diffusion par satellite qui sont restés jusqu'ici, vu leur coût, à l’état de vœux

pieux.

Environ 70 % de la population regarde quotidiennement la télévision dont la plus grande partie à Belgrade et en Voïvodine. Il existe une grande différence entre les provinces — où environ 50 % de la population regardent la télévision d'Etat — et Belgrade — où près de 70 % regardent les chaînes indépendantes comme Politika et ITV Studio B. Il est significatif que près de 30 % regardent quotidiennement trois chaînes et plus, mais seulement 2,1% regardent régulièrement des chaînes étrangères (là où elles sont accessibles, comme dans les zones frontalières) alors que 3 % ne les regardent jamais.

Émission historique sur Tito sions d’information; les adolescents préfèrent les films et la musique, et les femmes les films et les mélodrames. Par contre, les échelles de

popularité sont assez précises: les meilleures heures d’écoute sont réservées aux émissions d’information, aux films et au sport, aux trans-

missions en direct d'événements importants ou à des émissions spéciales sur l’actualité. Les émissions jouissant des plus hautes cotes d’écoute sont le journal télévisé, les variétés,

les films et les séries et, en quatrième position, une série yougoslave au titre ironique: Des gens heureux. Nevena

DAKOVIC

Actuellement, le débat porte principalement sur les émissions d’informations (où l’accent est mis sur la politique, les affaires étrangères et la guerre), sur leur objectivité et leur distanciation face à une situation complexe. C’est un sujet sur lequel les opinions varient beau-

coup, mais seulement 15% des spectateurs pensent que la télévision d’État offre une information complète et approfondie. Ce qui manque le plus, ou ce qui n’est pas divulgué, ce sont des données concrètes sur les goûts du public selon le genre, l’âge, l’éducation et même la nationalité. On ne possède pas d’éléments de comparaison qui permettraient une généralisation, aussi ne puis-je offrir qu’une estimation : la majorité — les spectateurs masculins d'âge moyen possédant une éducation supérieure — regarde les sports et les émis-

Emissions en français Le pourcentage d'émissions en français n’a Jamais été élevé; de 2 % en 1992, il a chuté

à 1% en 1993. Mais pendant certaines périodes (1990-1992 par exemple), certaines émissions d’Antenne 2 et de La Sept ont été assez populaires et diffusées régulièrement chaque mois, et même chaque semaine ; elles ont eu

une influence sur la conception et la programmation de chaînes comme la chaîne des arts de Belgrade. Le public francophone est peu nombreux et concentré à Belgrade; il est parfois évalué à moins de 50 000 personnes.

151

[V

Europe l'Ouest

Les télévisions du monde

Allemagne Superficie : 357 480 km? Population : 78 000 000 habitants Capitale: Berlin Langues utilisées à la télévision: allemand, anglais, turc Nombre de téléviseurs: 31 800 000 Nombre de magnétoscopes: 13 900 000 Nombre de chaînes publiques: 4 (11 avec les troisièmes régionales) Nombre de chaînes privées: 10 Nombre de chaînes étrangères: 8 (11 avec les françaises)

Le paysage télévisuel allemand reste, en théorie, contrôlé par les chaînes publiques ARD, ZDPF, les troisièmes chaînes régionales

et 3 SAT,alimentées par une redeva par l’État. Mais, la Commission européenne de Bruxelles paraît considérer ce procédé comme incompatible avec le droit européen, pour l’assimiler, sous la pression des chaînes privées françaises, espagnoles et portugaises, à une subvention étatique en infraction avec leslois du marché. Certains responsables allemands craignent déjà que lasuppression de A + RD cnodancdion ein vée ne peut être maintenue qu’à condition que lPavenir des chaînes publiques soit garanti matériellement parl’État, le cascontraire étant considéré comme une infraction à la Loi fondamentale. En somme, sans la garantie de la coexistence du public et du privé, la pluralité ne serait en fait plus respectée. L'Allemagne réunifiée possède quatre chaînes publiques: la première chaîne, ARD'

an

nn en

du

Süddeutscher

Rundfunk

Stuttgart (SDR) et du Saarländischer Rundfunk Sarrebruck (SR) Westdeutscher Rundfunk (WDR) de Cologne, Hessischer Rundfunk 154

epuis 1984, 3SAT quidit-

Potsdam, et cn, d

Si les bases juridiques et financières de la télévision publique furent établies dès 1950, une réglementation de 1974 fixe la perception d’une redevance unique. Cette organisation a généré le modèle d’équilibre statutaire d’un grand service fédéral public, construit sur de solides bases régionales. ARD définit le proPOUR Ru PRE Re tir des programmes divei es chaînes régionales. Le résultat constitue un bel ut “et

ml

r exemple, pr on RDA EUR puis du SWPF, NDR, SFB, SDR et HR, et enfin de RB, MDR et SR. Decette manière, l'emprise trop. tique central est exclue, pesante du pouvoir polit du moins très atténuée, etl’éclosion detalents f ut véritable vedettariat. Une telle diversification géographique a pour résultat que

la conception

même

d’une

«reine

Christine » dépasse tout à fait l’entendement

du public allemand. Si les salaires des présentateurs sont bien plus modestes que chez

Re

uis 1961, une 3€ chaîne régionale, passée à 8 programmes régionaux, en l’occuren a Südwestfunk (SWF) formé du Südwestfunk Baden-Baden,

(HR) de Francfort, Nordeutscher Rundfunk (NDR) de Hambourg auquel est associé Radio Bremen (RB), Berlin 1, issu du Sender Freies Berlin (SFB) qui a, en fait, absorbé l’ancienne télévision nationale de la RDA, et les nouvelles chaîînes partie de la orientale, à savoir Mitteldeutscher Rundfunk (MDR) de Leipzig, et Ostdeutscher Rundfunk Brandenburg (ORB) de

raisonnables. Te cachets les ne dev de artistes et animateurs de renom tournent autour de 35 000 DM (120 000 F) pour un gala de Harald Schmidt, et 27 000 DM (94 000 F) pour le groupe Truck Stop. Né de la volonté des gouvernements des différents Länder, ZDF estabsolument indépendant de ARD, mais les deux chaînes ont

Allemagne

l'habitude de collaborer dans une compétition

permanente, et, dans un sens, salutaire, ponc-

tuée par les taux d’audience respectifs. Un peu FR revie .rêtre, A

A celui qui douterait encore du fait que la réunification s’est effectuéeà sens unique, il suffit de signaler que le cinéma de l’ancienne RDA

reste totalement

inconnu

à l’Ouest, et

a disparu du petit écran à l’Est (si l’on fait abstraction de quelques films anodins sur ORB). On assiste, par contre, sur les chaînes orientales, à une invasion de films et de séries d’origine américaine, Miami Vice en tête, suivi

raitant des problèmes de société. Une dualité très mesurée définit les règles de ORAN entre . . et le

de Magnum, Golden Girls et Shaft. L’honneur national est à peine sauvé par la diffusion de l’incontournable Lindenstrasse sur MDR, et la réhabilitation douteuse de l’idole nazie Zarah Leander, par l’intermédiaire, il est vrai, de Detlev Sierck, le talentueux auteur de Habanera.

Si MDR s'efforce de maintenir un certain équilibre par la diffusion de films danois, français ou italiens, ORB, pourtant choyé plus que

decoutume par 3 Sai,semontreparailleurs sez sensib

L’absorption de la RDA Les Allemands de l’Est considèrent de plus en plus ouvertement qu’ils ont fait un marché de dupes dans bien des domaines. Socialement diminués par le prestique et le pouvoir envahissant de leurs concitoyens de l'Ouest, économiquement traumatisés par la réussite exemplaire et facilement arrogante de l’économie de marché, ils ont vite perdu leurs atouts culturels, parfois réels, déjà amputés précédemment par l’agaçante idéologie officielle, devenue franchement obsolète depuis la disparition du rideau de fer. En dépit des critiques d’antan, l’exemple de la Defa reste présent dans les esprits. La mise au chômage d’une partie importante des artistes et des techniciens de Babelsberg, écartés pour cause de « désuétude » d’un univers qui les a toujours superbement ignorés, exclut toute perspective d’un come back intellectuel, même sur leur ter-

rain familier, et la tentation mercantile de l’Occident est d’autant plus forte que cette société, trop longtemps claustrée, éprouve un besoin avide derattrapage de valeurs qui furent constamment réprimées par les bureaucrates de la culture. L’autre Allemagne se trouve aujourd’hui dans la situation des Français de 1945, privés pendant quatre ansde la manne américaine, aussi bien musicale etcinématographique que matérielle.

prob

de l’environne-

ment et aux soucis du consommateur. La réunification ne semble réalisée qu’autour de la série policière de l’ancienne RDA, Polizeiruf 110, qui empiète même occasionnellement sur ARD et 3 Sat. Le penchant presque atavique des Allemands pour le polar made in Germany reste aussi prononcé sur l’Oder que sur le Rhin. Le champ de bataille desnouveaux médias est concentré surBerlin, plus que jamais caisse

de résonance et vitrine de l’Allemagne nouvelle. Lancée en novembre 1993 à partir de la tour de télévision du Alexanderplatz sur CanalS et le câble, la chaîne privée IA est notoirement financée par le géant américain Time Warner et l’affairiste hongrois Georg Soros. Installée sans complexes sur le canal de l’ancienne DDR 1, cette évidente machine

de propagande dans un monde fragilisé couvre 24 heures sur 24 les 7 000 000d’habitants du Brandebourg et de l’agglomération berlinoise. Ancien thuriféraire du « nouveau cinéma allemand » d’après Oberhausen, le cinéaste Ulrich Schamoni possédait initialement 10 % des parts de la chaîne, mais il vient de s’en distancer au moment où elle est en passe de devenir la ge voulait fire rétérence à Es | pays. Si le sigle voulait faire référence à Eins A, ce qui signifie en l’occurrence « Premier choix », l'humour berlinois l’a baptisé « Eselsfernsehen » (télévision d’ânes). Il faut dire qu’à Berlin, qui capte 33 programmes, la concurrence est effrénée. 155

Les télévisions du monde

marginalité,

TL soit une

augmentation

de

372 000

durant

le

tatest plutôt és ant Si Eins Plus drainait avant la fusion 0,7 % des spectateurs, 3 Sat n’a progressé depuis que de 0,8 à 1 %. Il est évident que le bénéficiaire de l’opération a été le secteur Le au rente bien SHARE de la qualité. Le nou RTL, qui a cessé d’être « périphérique », émis en 1993 un total Ée 43 jours de publie cité. Soucie Sa ZO! an

nomme

terres

vernement helvétique a réagi plus vigoureu-

sement que Bonn en refusant purement et simplement la concession d’unegrille à ce trust. L’amour-propre germanique trouvera peut-être

une légère consolation dans le fait que le distributeur munichois Leo Kirch, qui avait, pour

ainsi dire, lemonopole dansl’alimentation des

télévisions publiques allemandes en films américains, et s’était, par sa collaboration avec plusieurs chaînes privées, assuré au fil des ans une position solide qui équivalait à un véritable

cain ABC. Elle produit en outre, avec la Lux italienne, une série sur La Bible en 21 épisodes pour le compte de la chaîne d’informations CNN. Une voie inédite qui inspirera peut-être les télévisions européennes. Toujours en quête de formules nouvelles, le secteur privé s’est lancé à fond dans les falkshows et les jeux interactifs. Le talk-show, peu onéreux, est cependant soumis à un essoufflement rapide. Placé aux heures de travail ménager à raison de cinq sujets par semaine,

ilest surnomméBügelfernsehen « » (télévision derepassage) par la critique. Après RTL, ARD et Pro7, Sat1 envisage

un show

quotidien.

Les animateurs s’entretiennent avec leurs invités de problèmes conjugaux, de sexe ou de 156

mais la Er

n est Aer

TS et encaisse e un SL hebdomadaire de 30 000 DM (105 000 F). Pour un coût de production de 500 000 DM, l’émission fait une recette publicitaire de 138 000 DM par minute. Aussi prévoit-on une centaine d’émissions d’ici 1996. poule aux œufs d’or. Tiré de la sociologie, le terme est ee à la ne ae 1 ne

see: multiplient st bell ul par exemple, on enregistre 40 000 appels pour mouvoir une marionnette, en l’occurrence un troll dénommé

Hugo, à travers des embüûches multiples. Sur Sat 1, Super S’appuie sur ses 500 000 fidèles, et la chaîne américaine MTV cible spécifiquement un public d’adolescents. Ces jeux, plus ou moins débiles, visent un public très jeune, soi-disant délaissé jusqu’à présent. Même RTL, pourtant, considère que ce genre de divertissement n’est pas encore mûr. Les chaînes privées s’obstinent à chercher la recette miracle. Dans le cadre Kinofilme für das Fernsehen, Pro7 lance la série policière Strassen von Berlin avec Uwe Ochsenknecht. Après Der Bergdoktor, Sat1 va tourner à Vienne la série policière Kommissar Rex avec pour vedette un berger allemand, le Sat1 Show attire de plus en plus les animateurs de variétés, et Première propose au footballeur Franz Beckenbauer le magazine quotidien du Mondial. Pour étoffer les programmes au-delà de minuit,

qui ne représentent

pourtant

que

Fan de 10 % du marché, RTLpropose un tprêt à suivre

ne ‘exemple. Certes, le privé connaît ses problèmes. Au

bord de la faillite, Vox de Cologne doit héberger les actualités de RTL, et l’abonnement mensuel à Première augmente de 8,5 %, ce qui fera un total de 44,50 DM (155 F). Dans la bataille pour le temps imparti à la publicité, Sat1 craint que son jeu Glucksrad gêne l'extension de cette dernière, du fait que l’on veut englober ses 45 minutes dans le quota des 20 %.

Allemagne

Cet empire médiatique, localisé à Unterfôh-

ring, contrôle encore Kabelkanal avec sa trentaine de films et sa quarantaine de séries hebpas

encore

cäblé

partout,

et

de KR

égi iffusé dans la région du Main-RhinNeckar. Avec des pointes de 8000000 de spectateurs, RTL ne craint aucune concurrence. Comment expliquer ce succès ? Inutile d’insister sur les séries américaines au rabais, amorties depuis belle lurette dans leur pays d’origine. Les films, de même provenance, ratissent dans le domaine du western ou du thriller dans le meilleur, l’horreur et

l'érotisme dans le pire des cas. Si le divertissement facile et léger s’impose vingt heures sur vingt-quatre, une dizaine de magazines ou de variétés du cru prétendent au moins à une certaine identité, avec notamment le très populaire Rudi Carrell, et les séries allemandes ten-

tent d’établir un certain équilibre avec l’autre rive de BAMIANEUE RE OPEN ME

domadaires, dont Die Strassen von San Fran-

cisco qui fait des ravages auprès des adolescents, les chaînes sportives DSF (Deutsches Sportfernsehen) et Eurosport, et la chaîne cinéma Première de Hambourg, entrecoupée parfois de variétés et de sport. Pour compléter le panorama, Viva de Cologne, qui n’est pas encore câblé partout, s’adonne, entre les flashs d'informations, aux clips et jeux interactifs et à la vidéo, Vox affronte la concurrence au moyen de films, de feuilletons, de variétés et de récits d’aventures et de voyages, 0e ne laFr d’information N-TV diffuse de Be alités de CNN et Euronews «en Re de la Deutsche Welle en plusieurs langues. Le Kulturkanal K 3 donne quotidiennement dans le Palatinat un tableau des manifestations de cette

RTL?2, qui a Aabnhione ntles faveurs du très jeune public avec des émissions aussi racoleuses que Exclusiv. —_ le RTI Sat 1 et Pro 7 du magnat Leo Kirch. Domiciliéà M oublé d égional pour les informations locales, du BadeWurtemberg à la Rhénanie-Palatinat, émet, lui aussi, virtuellement à plein temps. Reprenant parfois certaines séries de chaînes publiques, il joue largement sur le divertissement musical léger et l’appât du gain, deux atouts majeurs qui garantissent une popularité confortable auprès des quelque 6 000 000 spectateurs. Si les séries allemandes comme Der Bergdoktor ont un goût de réchauffé, le film érotique made in Germany encombre régulièrement les heures tardives, parfois concurrencé par un polar français ou une aventure costumée italienne pimentée d’une sauce égrillarde. la loi presque sans On alors que les émissions sérieuses sont très faiblement représentées, au bénéfice des talk shows et des émissions sportives. Mais c’est dans le domaine des variétés et des jeux que cette puissante chaîne privéea pu S imposer surtout à un public de consommateurs très passifs et conformistes. de tion sa quinzaine Pro 7diffuse sans interrup , amédiens quoti films de izaine i r é _séries et sad ricains, à 3 500 000 d’adeptes réguliers

7

nesdu ORF autrichien (Osterreicher Rundfunk) de Vienne. Les militaires et personnels civils américains suivent à partir de leur ancienne zone d’implantation les émissions du AFN (American Forces Network), diffusées en anglais, comme celles de NBC-Super, antenne munichoise de Super Channel, qui donnent, avec des variétés, des reportages et du sport, ainsi qu’un film au cœur de la nuit, les informations de ITN et NBC. Il en est de même de MTV, diffusé par MTV-Europe de Munich, mais cette chaîne musicale avec ses clips et

vidéos est en particulier destinée au jeune public, très américanisé dans ce pays. L’impor15%

Les télévisions du monde

tante colonie turque regarde avec passion TRTInternational qui émet tous les jours depuis Berlin des programmes dans sa langue maternelle, de 16 heures à minuit, avec un flash

quotidien à 6 heures du matin. Si EE ASS mande, He beaucoup d intérêt Es les milieux cultivés, nos voisins regardent très peu la chaîne francophone parisienne de Satellima-

émissions politiques jouissent d’un renom jus-

tifié par leur objectivité, dénuée de toute emphase suspecte. Le monde journalistique pouvait seape en toute UE à des titres

ges TV5, et bien moins encore 7F 1, France2

ou France 3.

Déc si (a ue do no ee était discrètement présente dans À propos Film, l’expérience audacieuse du Kleines Fernsehspiel au ZDF fournissait, par un subtil dosage de réalité documentaire et de fiction télévisuelle, d'expression théâtrale et de réflexion historique, une excellente ouverture thématique et formelle sur le monde contemporain. Si les séries pionnières des débuts n’ont pu résisterà l’usure du temps et peut-être à une exploitation abusive, il Po encore admettre

Le contenu des programmes

naître.qu’après des débuts pe dd)

tie. ess

CM

titue D

TE

el

»

ont

privé. La télévision publique avait pourtant connu Re AT E elle ER souvent révélé à ses concitoyens. Suivit une audacieuse politique d’avant-garde expérimentale, initiée par le ZDPF, puis une période de consolidation interne avec des séries réputées, telles que le feuille-

ton familial Lindenstrasse produit par Geissen-

dürffer, qui fut une saga réaliste, attentive à laviede tous les joursdesgensmodestes, tsurtout desséries policières comme Tato DaniokeDer AIT DerROMMEAr, où pla nait l’ombre d'Edgar Wallace, voire des récits d’aventures et de voyage comme Länder, Menschen, Abenteuer, des documentaires sur la nature et sa faunecomme Expeditionen ins Tierreich, ou des émissions d’un régionalisme

populaire comme Zum Blauen Bock. Dans tous ces registres affleurent les pen-

écran, replié frileusement sur les valeurs sûres d’un divertissement dénué d’ aspérités morales ë ie L’ A à ani moral incolore

intellectuel,

A Ole ER et inodore dans le domaine

très vulnérable,

dans

le petit

monde télévisuel, 31e caisse ne résonance de l’audimat. On assis L éralisé D or non sans té

cences, par des réalisateurs et des techniciens issus des excellentes écoles de cinéma et de

télévision du pays:

surlesécrans germaniques, sa sans toutefoisdisPE

eHR

Quoi qu’il en

Soit, _

chants ataviques pour l’ex ploration, le milieu

naturel ou les racines de la Heimat. Une

analyse, un peu sommaire peut-être, permet de

repérer parmi ces priorités de l’âme germani158

relativement tenue à mes, la

do SEE

EP

en d’ siies tai

inue à défen-

ae

Allemagne

conséquente que chez nous, surtout en raison d’une séparation plus nette avec le secteur privé, donc d’une moins grande perméabilité aux productions des studios californiens. Faisant l’économie des ronflantes déclarations de principe face au GATT, la télévision allemande reste plus ouverte que la nôtre aux feuilletons européens, notamment

britanniques, ou encore

canadiens et australiens. Le ZDF, par exemple, a pu enregistrer le succès de la série australienne Die fliegenden Arzte, qui déroule ses 240 épisodes sur trois ans, et de l’audacieuse série italienne en six parties, Allein gegen die Mafia qui connut cependant une chute d’audience rapide. Si, pour le cinéma, la présence française se limite, en dehors de Téchiné, aux poids plume, en l’occurrence Lelouch,

et Giovanni,

Corneau

3 Sat avait

lancé mi-1994 un cycle de 5 films, consacré à Carol

Reed,

dont

le célèbre

Troisième

homme. Mais les Américains restent massivement présents avec 27 films sur quinze jours, contre 4français. Pour les séries, seuls Golden

Girls, Einsatz

in Manhattan

et In der

Hitze der Natcht, soit trois reprises, représentent actuellement la bannière étoilée sur ARD,

qui parvient à vendre en même temps la série Der Fahnder en France. Les succès les plus indubitables reviennent cependant toujours à des reprises comme Lindenstrasse, Tatort, et le hit inépuisable de la BBC, Der Doktor und das liebe Vieh, lancé en 1979, sur ARD, Derrick et Der Alte sur

ZDF. Il est vrai que l’incontournable Dallas figure toujours dans la grille commune du matin de ARD et ZDF.

Tatort : rencontre entre le commissaire Palu (Jochen Senf) de SR (à gauche) et le commissaire Schimanski (Goetz George) de WDR (à droite).

beck et Der Fahnder sur ARD. Les enquêtes sur le trafic de drogue, les magouilles d’entrepreneurs véreux autour du travail au noir, le détournement

de mineures,

se font chez les

habitués du bistrot du coin, les trafiquants d’armes, les réseaux du milieu dans l’univers Les nouvelles séries carcéral ou la meilleure société. Si l’originalité n’est guère au rendez-vous, l’ombre tutéSi elles n’ont plus la qualité, et ne connaislaire d’Eduard Zimmermann, qui poursuit avec détermination sa traque de Aktenzeichen XY sent plus le succès, de leurs aînées, les nouUngelôst, plane toujours sur l’ensemble. velles séries allemandes prolifèrent sur les Autre tradition qui garde les faveurs du chaînes publiques qui ont conservé un profil public, la série familiale, restée fidèle aux délibérément national. En tête, la nouvelle série modèles éprouvés. Si les titres ont changé, la du ZDF, Faust, dont seul le titre fait référence ES Y, nouvelle génération ne connaît plus le succès à Goethe. Comme dans le médiocre cinéma foudroyant des précurseurs de la dernière allemand des années d’après-guerre, nos voisins ont conservé une nette prédilection pour )* décennie. ZDF propose actuellement Pension Corona, Die Weltings vom Hauptbahnhof, Elble thriller. Le spectateur a le choix entre florenz, Der Land Arzt, Ihre Exzellenz die Lukas und Sohn, Soko S 113, Die StadtindiaBotschafterin, Freunde fürs Leben, et Cornener, Es muss nicht immer Mord sein, bientôt lius hilft, ARD laisse le choix entre Zwei Der Schattenmann, sur ZDF, Einsatz fur Loh159

\

Les télévisions du monde

Schlitzohren in Antalya, Auto Fritze, Mit List

und Krücke,

Marienhof, Alles Glück dieser

Erde, Drei Mann

im Bett, Zwei Halbe sind

noch lange kein Ganzes et Blankenese. Parfois agrémentées de suspense, ces séries, dont la plus populaire est une sitcom du Süddeutscher Rundfunk avec Gisela May se déroulant avec humour dans une maison de retraite, comportent en général entre douze etquatorze suites, jusqu’à vingt-six exceptionnellement. Embrouilles sentimentales, parmi les habitants d’un quartier, d’une rue, d’un immeuble, parfois pimentées par les agissements troubles d’un escroc, ces séries décrivent le microcosme

urbain de voisins confrontés aux tracas de la maladie ou aux joies humbles d’une fête de ue er urette agères, au milieu portuaire, ou

mieu compacte des voisins et amis est examinée à la loupe avec une précision bon enfant. Les fabricants prolixes de ces feuilletons se penchent aussi bien sur les relations de voisinage d’un médecin de campagne ou d’un propriétaire foncier, que sur le profil équivoque d’un trafiquant de voitures, ou la nostalgie épaisse de la Heimat en milieu rural. 4 Devant cette pléthore, il n’est point étonnant que le téléfilm allemand ne soit représenté que deux ou trois fois par semaine, les pourvoyeurs habituels étant WDR, BR et

SWF.

Des jeux et variétés aux sports Le ZDF semble l’emporter dans les variétés de qualité. Mais, au royaume

de la con-

sommation facile, la musique classique, l’opéra, et même le jazz sont réduits à la portion congrue. A la recherche de l’impact auprès des jeunes spectateurs, courtisés de façon pressante par les chaînes privées, le ZDF se dit particulièrement attentif à l’esthétique età l’esprit du temps. Ainsi, il va supprimer, en 1995, ses deux shows, Musik liegt in der Luft et Melodien für Millionen, considérés comme dépassés, et le très populaire animateur de ces émissions, Dieter Thomas

Heck, prépare un nou-

veau show, Musik für Millionen qui,-neuf fois l’an, tentera de combiner la partie musicale du premier et le suspense du second. Dans un 160

même

souci de diversité, toujours sur ZDF,

le show le plus populaire, Wetten Dass fusionnera avec Aktuelles Sportstudio. Les autres favoris de la chaîne sont Sonntagskonzert, Die volkstümliche Hitparade, et la célèbre manifestation caritative de Aktion Sorgenkined,

Goldmillion. Sur ARD, la popularité est au rendez-vous de Verstehen Sie Spass, Sag die Wahrheit, Geld oder Liebe et Dingsda, de même que pour le curieux quiz animalier Mich laust der Affe. caoité. Sile contenu de ces variétés musicales, titillées par la passion du jeu, mérite souvent la critique, le professionnalisme technique est digne de respect. Il est certain que le nombre et la qualité de ces amusements constituent le meilleur baromètre des hauts et des bas de la télé allemande. Faisant mentir la légende, les Allemands, eux aussi, deviennent des sportifs en chambre, conquis par le zapping et la publicité. Stimulées par le vedettariat d’une Steffi Graf sur les courts de tennis, et l’entrée de l’équipe de football

au sérail des élus du Mondial,

les

retransmissions sportives s’étalent sans mesure. Ainsi, en direct de Roland-Garros, après Dusseldorf et avant Wimbledon, les deux chaînes

publiques ont retransmis 50 heures d’images en une semaine. La lutte pour la diffusion en direct revêt une âpreté inouïe, du fait des énormes enjeux financiers. Lasituation dominante deSat 1,avec son émission sportive Ran, est bien compromise depuis que ARD et ZDF ont réduit ce poste à un strapontin pour le Mondial, en se réservant le monopole de l’exclusivité en direct. Les manœuvres autour du tennis sont tout aussi acharnées, et RTL est allé

jusqu’à vendre

à DSF

de son ennemi juré

Kirch, les droits de seconde diffusion en dif-

féré du tournoi de Wimbledon.

Les séductions de la nature |mouvement si le

Ronnie runienlenpa late explique l’importance d’une série anecdotique comme Geschichten aus der Heimat sur ARD, qui montre à la fois la recherche documentaire au

Allemagne

cœur de la fiction et l° attachement inextinguible de l’âme germaniqueà la notion intraduisible de Heimat. En sens inverse, le goût du déracinement aventureux, même programmé, est stimulé par les conseils, toujours à jour de ARD Ratïgeber Reise, où le globe-trotter est informé sur la guerre civile au Yémen ou les attentats en Turquie, aussi bien que sur la température en Tasmanie. Malgré les contraintes

teur allemand a le choix entre Panorama ARD

Exclusiv,

à côté

des

actualités

et

de la

Tagesschau sur ARD, Auslandsjournal, le quotidien Heute, et surtout le successeur de Bon-

ner Perspektiven, Bonn Direkt, qui en est à sa 300° émission avec une moyenne de 5 000 000 de spectateurs, sur ZDF. ) el’Alle-

de l’audimat, les émissions animalières ou eth-

nographiques,

comme

Wunder der Erde sur

ARD, Naturzeit et la belle série documentaire

Wunderbare Welt sur ZDF, présentent aux heures de grande écoute la faune et la nature sauvages de l’Alaska à la Namibie.

restes

a Paix d’Augsbourg. En tout cas, Das Wort zum Sonntag, qui a déjà enregistré 2 000 émissions en quarante ans, apporte une information religieuse attrayante grâce à des présentateurs choisis par les différentes confessions, et souvent nantis d’une forte dose d’humour qui fait

régulièrement croître leur audience, puisque RD

capt

VE

GE

à

_Le souci d’une information sérieuse du ne badine pas avec l’objectivité et le sens pratique qui englobe les problèmes juridiques, techniques ou médicaux de la vie quotidienne. Mais le secteur privé semble moins sourcilleux sur ladéontologie, et Sat1 prévoit, après RTL, le lancement d’un reality show. La menace est telle que le congrès de l’Union des élèves vient de se prononcer solennellement contre l’exaltation de la violence sous toutes ses formes, et la projection par le petit écran d’une image systématiquement irréaliste du monde. Les chaînes

que et pratique,Si Si 1 Tes Allemands prennent à tout âge, ils vouent raine, comme dans Das war Einmal de ARDa un véritable à l’éducation de leurs sur les fastes années 70, et Zeugen des Jahenfants, visés par des émissions qui sont parmi rhunderts de ZDF, hélas relégué aux oublietles meilleures du monde, y compris celles de tes de minuit. l’ancienne RDA. Là encore, l’irruption du

tal,etlemagazine économique Wiso sur ZDEF, Brisant du MDR, Globus sur l’environnement,

Plus Minus sur les questions monétaires, Titel Thesen Temperamente,

Pro und Kontra, Zak

Magazin, le satirique Scheibenwischer et Kontraste défendent avec succès le sigle du ARD. Seul Explosif sur RTL soutient la concurrence. Pour les bonnes émissions politiques, l’élec-

privéestpeut-être entraindechanger les choses. L’audimat réclame sa Dorothée germanique, entourée de jeux très concurrents dans la débilité. Fini peut-être le temps merveilleux du paradis des émissions enfantines, peuplées de personnages mythiques de contes de fées, et préservant au sein des foyers le sanctuaire des « Gartenzwerge », ces gnomes de jardin indissociables du paysage agreste d’outre-Rhin. Pour le moment encore, sur les chaînes publiques, on PRES le COEUR en culottes

Les télévisions du monde

tudes,

s'étendant

même

aux

week-ends

sur

ARD, qui diffuse le dimanche, à une heure familiale, Je dessin animé il die Sadden

que les nine eeeémettent io les jours pour les enfants en fin d’après-midi. Mais ces programmes sont grignotés par les économies et les publicités insidieuses. Dans ce contexte, il est plutôt réjouissant de constater que ARD et ZDF ont mis sur pied un programme quotidien commun de vacances durant neuf semaines, de 9 à 11 heu-

res. La nécessité de se mobiliser contre les sirènes mercantiles du privé a fait programmer 45 films pour enfants, comme Pan Tau et le célèbre Meister Eder und sein Pumuck,

donc les classiques du genre. Actuellement, durant les week-ends surtout, le téléphile en herbe a le choix entre Käptn Blaubär Club, Disney Club, Sesamstrasse, Die Sendung mit der Maus, et la série Nils Holgersson en 26 épisodes sur ARD, Die Biene Maja et Tim und Struppi, c’est-à-dire Tintin et Milou, sur ZDF.

La consommation:

audiences et favoris Onestime que les revenus supérieurs et les” gens dotés d’une instruction solide privilégient eichainesphbliques En mai 1994, 18% des

le monde germanophone. En dépit des apparences, la télévision allemande est cependant mieux lotie que le cinéma européen, noyé dans 80 % de produits américains, et où moins de 5% des films de cinéma franchissent leurs frontières nationales.

Le hit-parade de l’audimat des premiers mois de l’année 1994 informe sur les titres qui ont mobilisé le plus fort nombre de spectateurs. Pour les variétés, on trouve Verstehen

Sie Spass (ARD : 9 000 000), Rudis Urlaubsshow (RTL: 7300000), Zum Stanglwirt (RTL: 7000000), Vol Erwischt (ZDF: 6 600 000) et Das grosse Wunschkonzert (SAT 1: 4600000), pour les jeux Wetten Dass (ZDF: 13 700 000), Die 100 000 Markshow (RTL: 6500000) et Glucksrad (Sat 1: 4 700 000), pour les feuilletons familiaux Lindenstrasse (ARD: 8 000 000), Faust (ZDF: 6 500 000) et Ein Bayer auf Rügen (Sat 1: 6 500 000), pour les séries policières Tatort (ARD: 11000000) et Derrick (ZDF: 9 900 000), pour les émissions animalières Tiere vor der Kamera (ARD: 7 000 000) et Wunderbare Welt (ZDF: 4 900 000), pour le sport Ran (Sat 1: 6900000), pour le talkshow Schreinemakers Live (Sat 1 : 5 600 000), alors qu’un film a mobilisé 4 700 000 spectateurs devant Pro 7, et que les émissions pour enfants captivent 1 800 000 adeptes sur RTL 2, et 1 200 000 sur Kabelkanal, grands favoris du jeune âge.

spectateurs regardaient RTL, 16% ZDEF, 16%

Les appréciations de la critique profession-

ARD, 14% Sat1, 9 % Pro 7 et 7 % les troisièmes chaînes. Le temps de vision diminue

nelle s’écartent sensiblement de cette liste, en

avec la multiplication des chaînes qui se concentrent en un nombre réduit de mains. Une analyse des grilles de ARD, ZDF, RTL et Sat. 1, donne la répartition des genres, avec 44% deséries, 31 % de films, 11 % de variétés et jeux, 8 % de pièces télévisuelles, 4 % de talkshows et 2 % dethéâtre, soit un total de 2 260

minutes par jour. La moitié des séries et films est de provenance américaine contre 19 % pour

retenant pour la même période et sans ordre de préférence, un Tatortcentré sur le sida et le thriller allemand Leporella, sur ARD; un

film italien traitant du viol, Vergewaltigt, la série transalpine Allein gegen die Mafia, du théâtre populaire avec Kein Platz für Idioten, une pièce télévisée de Jean-Marie Koltès Die Nacht kurz vor den Wäldern, sur ZDF; de l'humour noir britannique avec Black Adder, sur 3 Sat; et une pièce policière du jeune et talentueux Roland Suso Richter, Alles ausser

Mord, sur Pro 7. Il faut remarquer que RTL et Sat1 ne sont jamais cités ici. 1. Arbeitsgemeinschaft der üffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland. Communauté de travail

des stations de radio de droit public de la RFA. 2. Zweites Deutsches Fernsehen = deuxième télévision allemande. 3. Radio und Fernsehgesellschaft der deutschen und rätoromanischen Schweiz.

162

En pleine mutation, la télévision allemande succombe de plus enplus à laloid’airain de la concurrence commerciale. Il faut espérer que les institutions publiques sauront conserver la

Allemagne

maîtrise des rênes de l’avenir, à un moment surtout où les gouvernants comme teur conscient mesurent de mieux

le spectaen mieux

l’ampleur du danger face à des réalités politiques, sociales et économiques peu engageantes dans un pays devenu en cinquante ans l’élève modèle, et aujourd’hui, en fait, un mafservices annexes, comme le Minitel, par exemple.

Emissions les plus représentatives (selon les responsables des chaînes publiques)

Par contre, les hertziennes chaînes misent

surlesémissions grand public, généralement grand favori Tatort se voit de plus en plus dépassée par la violence dans les jungles urbai-

ARD: Tagesschau. Tatort. Samstagabendschau (grande variétés du samedi soir).

Die Grosse émission de

nes de la Ruhr, de Francfort, Berlin et Ham-

ZDF: Heute. Ihre Exzellenz die Botschafterin. Derrick (ZDF a enregistré 22 000 000 de spectateurs lors d’une retransmission dominicale du Mondial).

bourg, ou ailleurs.

Une réaction énergique des responsables devient pressante, et les pouvoirs publics suggèrent la mise en place d’un Medienrat (Conseil des Médias) rénové, extérieur aux chaînes, et réellement indépendant des partis politiques, des syndicats et des intérêts privés. Pour protéger et préserver le consommateur, on réclame la création d’une « Stiftung Medientest » (Fondation test des médias). Le précédent président fédéral, le respecta-

Bibliographie

ble Richard von Weisäcker, avait invité en son

— Prêt pour l’Europe, le genre policier à la télévision allemande

château berlinois de Bellevue les principaux responsables de la télévision publique et privée de son pays, en l’occurrence Jobst Plog de ARD, Dieter Stole du ZDF, Leo Kürch, qui contrôle notamment Sat1,PRO7,DSF, Kabel-

— Un feuilleton allemand, « La rue des tilleuls » — La série sans fin

kanal, et Première, ainsi que Bertelsmann pour

RTE, et legroupe depresse Sp ringer qui reste la bête noire des intellectuels allemands. Geste spectaculaire qui constituait une réaction contre les débordements des programmes, et une manifestation d’indignation face aux démonstrations de violence de l’automne 1993. II avait, au préalable, chargé une commission d’experts d’établir un « Bericht zur Lage des Fernsehens » (Rapport sur l’état de la télévision), sous la houlette de l’ancien viceprésident du « Bundesverfassungsgericht » (Cour constitutionnelle fédérale), dont le président en exercice a accédé à la fonction suprême du pays. Il lui sera difficile de se dérober devant cet appel... Roland SCHNEIDER

Chaînes régionales : Bayerischer Rundfunk, Westdeutscher Rundfunk, Sudwest Rundfunk, Süddeutscher Rundfunk, Borddeutscher Rundfunk, Mitteldeutscher Rundfunk, Hessischer Rundfunk, Sender Freies Berlin, Ost-

deutscher Rundfunk Brandenburg. re no

Chaînes

De

étrangères

International,

captables:

MTV-Europe,

TRTNBC-

Superchannel, AFN (en anglais), ORF 1 et 2 (Autriche), SRG (Suisse), TVS (France) et sur le câble TF1,

France

2 et France

3

(France). 163

Les télévisions du monde

Autriche Superficie: 83 855 km? Population: 8 000 000 habitants Capitale: Vienne Langue utilisée à la télévision: allemand Nombre de téléviseurs: 3 000 000 Nombre de magnétoscopes: 1 700 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de foyers câblés: 930 000 Nombre de paraboles satellites: 650 000 Nombre de réseaux câblés: 259 français : Pourcentage de programmes négligeable

La première société de radio-diffusion autrichienne a été fondée en 1924 sous le nom de Ravag (Radio-Verkehrs-AG). En 1938, après l’Anschluss par l’Allemagne hitlérienne, elle fut incorporée à la radio allemande. Dès la fin du deuxième conflit mondial, en

1945, l’'ORF (Oesterreichischer Rund-Funk) a été créée sous la forme d’un monopole étatique (partagé entre le gouvernement fédéral et les Laender), à l’initiative des hommes politiques autrichiens fondateurs de la Ile République et sur l’incitation des puissances occupantes; l’'ORF était à l’époque essentiellement centrée sur la radiodiffusion, mais la télévision y à fait des progrès rapides; les premières émissions expérimentales datent de 1955, et des émissions régulières (en noir et blanc) sont diffusées dès 1957. L’ORF a été réformée, dans le sens d’une plus grande indépendance politique et d’une meilleure autonomie financière, à la suite d’un référendum popu-

Vers la fin du monopole de la télévision publique Cette situation va cependant évoluer très rapidement. En effet, l’entrée de l’Autriche dans l’Union européenne le 1° janvier 1995, des données économiques (poids croissant de l’Allemagne dans le marché de la presse et de la publicité), et des facteurs techniques (taille réduite du pays permettant la réception des transmissions par voie directe et par satellites), obligent le gouvernement de Vienne et les responsables de l’ORF à passer de la situation actuelle d’un monopole étroit de droit et de fait, à celle de partenaire prioritaire techniquement et économiquement dans une économie de marché et de libre concurrence. Les partis politiques restent à cet égard assez partagés; majoritaire dans le pays et à la tête du gouvernement de coalition depuis plusieurs années, le parti socialiste SPOe en particulier (mais pas lui seulement) appuyé par une fraction des journalistes et du personnel de l’actuelle ORF et par une bonne partie de l’opinion publique, cherche à préserver au maximum le rôle fondamental du secteur public, garant de l’intérêt général et de la culture spécifique de l’Autriche. Pour sa part, la Commission européenne des droits de l’homme de Strasbourg s’est, en janvier 1992, prononcée dans cinq instances contre le monopole de l’ORF; l’un de ces recours avait été déposé par le redouté chef du parti libéral Jôrg Haider, aux tendances nationalistes et xénophobes prononcées. La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée dans le même sens en 1993.

laire tenu en 1967; une seconde réforme inter-

venue

en 1974 lui donne davantage de res-

ponsabilités administratives et financières. Son statut actuel résulte de la loi du 28 septembre 1984. Si le statut de monopole public de la radiodiffusion a été supprimé par une loi en 1993, il n’en est pas encore, en cette fin de 1994, de même

164

pour la télévision.

ÔSTERREICHISCHER

RUNDFUNK

Autriche

présélectionné par le conseil d’administration :

Trois options

Gerhard Zeiler, ancien directeur de la brillante

C’est donc probablement en 1995, en tout cas après les élections générales d’octobre 1994 et l’entrée de l’Autriche dans l’Union européenne début 1995, que le gouvernement devra choisir entre trois options de libéralisation: maintenir l’ORF dans son statut d’entreprise publique en lui laissant la responsabilité de ses deux chaînes actuelles, et

accepter la création d’une troisième chaîne totalement privée; — garder l’ORF avec une seule chaîne publique et privatiser sa seconde chaîne; —

trouver une solution « à

l’autrichienne >» mixant les responsabilités et les capitaux publics et privés et panachant les programmes de diverses provenances. L’étroitesse relative du marché autrichien en public et en ressources publicitaires (moins de 8 millions d’habitants), et la concurrence déjà très vive des chaînes allemandes, compréhensibles et captables par tous, conduisent les spécialistes à s’interroger sur la viabilité de trois chaînes.

chaîne privée de télévision allemande RTL 2; âgé de 38 ans, il est considéré comme proche des socialistes (il a été le secrétaire personnel des chanceliers Sinowatz et Vranitzky); c’est à lui qu’incomberont la transformation de V’ORF, la fin du monopole, et l’avènement de

la privatisation. Il procédera sans nul doute à un rajeunissement des cadres, à des économies budgétaires, à une simplification des méthodes et de la gestion, et à la modernisation des programmes, qui ont été la clé de sa réussite en Allemagne. Mais il devra compter avec les structures politico-administratives de l’ORF, qui assurent théoriquement l’indépendance éditoriale des deux chaînes, mais créent aussi un lien très fort avec toutes les forces qui comptent en Autriche. Et l’on ne sait pas encore si ces structures seront ou non transformées avec la fin du monopole.

Le budget D'’ores

et déjà, au

début

de 1993,

Hans

Dichand, le «patron » du quotidien KronenZeitung (le plus fort tirage de la presse autrichienne, qui touche un foyer sur deux), a confirmé son intention de briguer la création d’une chaîne de télévision privée, de préférence à la place de la deuxième chaîne publique de l’'ORF. Dès que fut connu l’arrêt de la Cour de Strasbourg, il a annoncé la création de Télé 2, dont il détient une partie du capital, les autres partenaires n’étant pas divulgués jusqu'ici. Mais d’autres

combinaisons

technico-financières,

associant journaux et Capitaux autrichiens et étrangers, se mettent sur les rangs. La sortie du monopole a coïncidé avec la fin du mandat, à l’automne 1994, de l’ancien intendant général de l’ORF, Gerd Bacher, 69 ans,

dont le règne, positif mais astreignant, aura duré près d’un quart de siècle. Ce journaliste autrichien, un moment conseiller du chancelier alle-

mand Helmut Kohl, a en effet occupé les fonctions d’intendant général de 1967 à 1974, puis sans interruption depuis 1978. Très indépendant, sans appartenance politique affirmée, assez volontiers dirigiste, très personnel, excellent professionnel, discuté mais respecté par tous, Gerd Bacher a fortement imprimé sa marque et imposé ses conceptions à la télévision autrichienne d’aujourd’hui. Son successeur avait été

Le budget est en 1994 de 9,4 milliards de schillings (4,7 milliards de francs), ce qui en fait la 40° entreprise autrichienne; ce budget était il y a deux ans encore alimenté à 47 par la redevance; celle-ci se monte en 1994 à 200 schillings par mois (soit environ 100 francs, près 1 200 francs par an) et à 43% par la publicité, le solde représentant essentiellement des droits de retransmission. La part de la publicité augmente régulièrement, et atteint désormais 50 % des res-

sources de la télévision (la télévision recueille 27,5 % des budgets publicitaires dépensés en Autriche, contre 52% pour la presse écrite nationale ou régionale, 13,5 %

pour la radio, et 6% pour l’affichage). Le nouvel intendant demandera probablement une augmentation de la redevance, et une poursuite du relèvement progressif du temps d’antenne alloué à la publicité. Celle-ci représente actuellement environ 20 minutes par jour pour la télévision; il est prévu 25 minutes par canal en 1995, 30 minutes en 1997, 35 minutes en 1999, mais l’Autriche devra probablement adopter le moment venu les temps prévus par les directives communautaires. Les tarifs ont déjà été sensiblement augmentés en 1992 (+ 28 %). L’ORF emploie 3 500 permanents ainsi que de très nombreux pigistes (dont une partie est actuellement en voie de licenciement).

165

Les télévisions du monde

Les structures L’Autriche n’a traditionnellement ministre chargé de l’information; un relevant des bureaux du chancelier assure une certaine coordination du

pas de service fédéral secteur.

L'information, de même que le statut de l’ORF, est uniquement régie par des lois constitutionnelles et des textes législatifs ordinaires. Ainsi, la loi constitutionnelle du 10 juillet 1974

garantit-elle l’indépendance de la radiodiffusion, cependant qu’une loi du 28 septembre 1984, révisée en 1985, 1986 et 1987, régit l’organisation, le fonctionnement

et le contrôle de la

radio et de la télévision. De simples directives internes concernent la grille horaire, les tarifs de publicité, les conditions de travail des journalistes, les orientations

des émissions.

L’intendant général est nommé pour une période de quatre ans (renouvelable sans limitation) par le Kuratorium, sorte de conseil d’administration où le gouvernement et les partis politiques jouent un rôle primordial. Ce Kuratorium est composé de 35 membres nommés pour trois ans (6 par le gouvernement en proportion de la représentation des partis politiques, 9 par les neuf Bundeslaender — Etats de la Fédération —, 9 par le gouvernement, 5 par le comité d’établissement, 6 enfin représentant les auditeurs et téléspectateurs). Le rôle de

déférées

au Conseil constitutionnel.

Ainsi, en

teurs, etc.). Cette instance peut faire des recom-

1988, l’ancien président Kurt Waldheim s’estil plaint de l’insolence des questions qui lui avaient été posées par certains journalistes pendant la campagne présidentielle; la commission avait fait droit à cette requête, mais le Conseil constitutionnel a infirmé cette décision. Fin 1991, le parti libéral de Vienne (celui de Jôrg Haider) s’est plaint d’un manque d’objectivité de l’ORF pendant la campagne pour les élections municipales de Vienne; il lui a été donné tort en janvier 1992, la commission ayant estimé que le candidat avait disposé d’un droit de réplique suffisant. Une commission de contrôle de trois membres supervise la gestion financière de l’ORF. Enfin, le Conseil autrichien de la presse (Presserat), créé en 1961, traite également des affaires de la télévision; il peut être saisi par des journalistes, des téléspectateurs ou d’autres

mandations au Kuratorium, où il est de surcroît

personnes

représenté par 6 membres. Une commission de vérification du statut de

déontologie ou l’objectivité ont été violées lors d’une émission.

cette institution est, entre maintes autres tâches,

d’attribuer les fréquences nouvelles «à des groupes intéressés » et de superviser la place, les tarifs et les modalités de la publicité. La représentation des auditeurs et téléspectateurs est assurée par une instance de 36 membres, dont 16 désignés par les « partenaires sociaux » (syndicats et patronat), les Églises (chrétiennes, est-il précisé), les partis politiques, et 20 nommés par le chancelier fédéral dans les secteurs les plus divers (sport, culture, science, éducation, tourisme, jeunesse, personnes âgées, famille, transporteurs, agriculteurs, consomma-

Les programmes de la télévision publique Bien entendu, les émissions des deux chaî-

nes de J’ORF couvrent la totalité du territoire autrichien (sauf décrochages régionaux de la 166

la radiodiffusion existe depuis 1975. Elle est avant tout chargée de veiller à la stricte observation du statut, en particulier en cas de plaintes concernant l’objectivité des informations. Elle se compose de 17 membres nommés par le président de la république pour quatre ans; 9 doivent appartenir à l’ordre judiciaire, 4 sont proposés par le comité d’établissement et 4 par l’instance représentant les auditeurs et les téléspectateurs. La commission, qui ne peut agir qu’à la suite d’une plainte (individuelle ou collective) pourrait entre autres être amenée à statuer sur les conditions d’octroi d’une fréquence, mais il ne semble pas qu’elle ait été amenée à en débattre dans aucune des plus de 600 affaires qu’elle a jugées depuis 1975. La seule sanction est la publication de la décision selon les modalités déterminées par la commission, mais en cas de récidive, le journaliste ou l’intendant général peuvent être sanctionnés, et même révoqués. Les décisions peuvent être

intéressées, si elles estiment que la

deuxième chaîne), mais ses émissions télévisées peuvent également être captées dans tous les pays alentour, augmentant sensiblement son influence (importante notamment lorsque existait encore le rideau de fer): Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Slovénie, Croatie, nord de l'Italie (et notamment Trentin-Adige,

Autriche

soit le Tyrol du Sud), est de la Suisse, sud de l’Allemagne. La télévision diffuse deux programmes différents, mais complémentaires, et dont certaines émissions (informations générales) sont communes. ORF 1 assure une couverture nationale globale, alors qu'ORF2 a plusieurs heures hebdomadaires de décrochages régionaux, dont les émissions (la plupart du temps des reportages ou des informations locales, mais aussi certains programmes culturels) sont assurées par les stations régionales situées dans les neuf Laender fédérés du pays. En semaine, les programmes d’ORF 1 ne commencent qu’à 9 heures pour se terminer vers 2 heures du matin; ceux d’ORF2 commencent

à 12 heu-

res 50 et se terminent vers 2 heures du matin. Le dimanche, les plages horaires sont plus étendues.

Les Autrichiens sont très fiers de leur télévision, qu’à l’instar de la plupart des citoyens de beaucoup de pays, ils considèrent comme «la meilleure du monde». Les statistiques montrent qu’ils lui sont fidèles: les deux chatnes de l’ORF mobilisent actuellement 77 % de parts de marché, mais cette proportion tend à diminuer lorsque la concurrence est plus forte et plus tentante: de 40 à 50% seulement sur les réseaux câblés, où plus de vingt autres programmes, la plupart en langue allemande, offrent une grande diversité, des heures d’écoute plus larges et des programmes plus «affriolants » (il n’y a pas d’émissions X dans les programmes autrichiens). Globalement, on peut dire que si les Autrichiens apprécient leur télévision, c’est qu’elle leur ressemble: les émissions donnent l’image d’un pays paisible (par contraste avec tant de régions du monde troublées, souvent montrées et d’ailleurs intelligemment expliquées), prospère, raisonnablement conservateur, moderniste sans passion, nationaliste sans excès, adepte de la neutralité, à la fois fier et navré d’être

un État de taille modeste, viscéralement hos-

tile à l'énergie nucléaire et aux courses de tau-

reaux, fondamentalement économe, soucieux de son environnement, de ses consommateurs,

de sa paix sociale, de sa qualité de vie, de

ses valeurs familiales et morales, de ses mon-

tagnes et de ses lacs.

Objectivité L’objectivité est de règle à la télévision, mais on décèle, derrière l’apparente brusquerie de certains animateurs de débats ou journalistes et un habile équilibre dans la composition des débats, des tendances très nettes, que le gouvernement de coalition (socialiste et conservateur) ne désavouerait pas: hostilité à la xénophobie, ouverture vis-à-vis des étrangers et surtout des réfugiés, dénonciation des violences et des nationalismes,

faveur aux droits de l’homme, sympathie vis-à-vis des minorités, réserve prudente face à l’Allemagne très (trop ?) présente économiquement, quelques traces d’ironie teintée de souvenirs historiques vis-à-vis de la France et de la Grande-Bretagne, observation critique vis-à-vis des États-Unis, attention prudente vis-à-vis de l’ancienne Union soviétique et de son ex-empire, attitude mêlant critiques et bons conseils face à la politique de la communauté mondiale dans l’ex-Yougoslavie, compréhension intéressée empreinte d’un léger arrière-goût impérial de parrainage vis-à-vis des espoirs de développement des nouveaux Etats de l’Europe centrale et orientale... La campagne pour le référendum européen du 12 juin 1994 en a été un nouveau témoignage : globalement, sans renoncer tout à fait à la présentation d’adversaires de l’adhésion et à des propos critiques vis-à-vis de la «bureaucratie

de Bruxelles », du dirigisme

et du manque de démocratie de l’Europe communautaire, l’'ORF en tant que corps constitué s’est engagé en faveur de l’adhésion. Le faible taux d’abstention (18 %) et l’écrasante majorité du «Oui» (plus de 66 %) lui doivent beaucoup.

Si les fictions (surtout films et séries), divertissements et variétés représentent 37 %, la part des émissions éducatives et culturelles est élevée (plus de 22 %), celle des informations et magazines ne l’est guère moins (21 %). Les émissions religieuses, humanitaires (’ORF a lancé depuis deux ans une spectatulaire et efficace opération — Nachbar in Not-Voisin dans la détresse — en faveur de la Bosnie), ou pour la jeunesse prennent le reste du temps (il y a deux heures quotidiennes d’émissions pour les jeunes, trois le samedi et le dimanche). Les informations et les débats sont souvent de qualité (les quatre ou cinq principaux chefs des partis politiques s’y retrouvent souvent 167

Les télévisions du monde

eux-mêmes pour débattre de l’actualité), mais d’une présentation extrêmement classique, très statique et rapidement monotone. La notion de prime time est difficile à définir en Autriche, pays où l’on se lève et se couche tôt, où la fréquentation des offices religieux et des fêtes locales reste forte, de même que l’esprit de famille. Compte tenu des horaires de travail, le prime time commence sans doute vers 18 h 30, culmine vers 20 h 15 pour se terminer à 22 heures. Plus de la moitié des programmes sont d’origine autrichienne, une part importante des autres programmes sont allemands ou américains (les films sont doublés, les Autrichiens connaissent peu le sous-titrage); s’il y a pas mal de sujets sur la France, beaucoup sont le fait d’équipes autrichiennes et les programmes français sont essentiellement des films doublés, d’ailleurs fort populaires. Mais pour des raïsons de coût, l’ORF participe de plus en plus à des co-productions. Parmi les plus importantes co-productions multinationales de ces dernières années, La dynastie des Strauss ou La marche de Radetzky, où l’ORF était chef de file, et où la France était présente.

Les émissions d’informations — Club2 (longue émission-débat d’ORF 2 sur l’actualité nationale et internationale — rythme selon les besoins) — Presse Stunde (émission-débat dominicale sur ORF1) — Schwarz auf Weiss (magazine mensuel d’ORF2 sur les médias) — Inlandsreport (magazines hebdomadaires de politique intérieure sur ORF 1 et ORF2) — Auslandsreport (magazines hebdomadaires de politique internationale sur ORF 1 et ORF 2) — Kompass (émission hebdomadaire sur de grands sujets d’actualité) — Teleskop (émission hebdomadaire sur un thème particulier) — Runder Tisch (débat politique spontané, souvent diffusé à l’issue du journal télévisé de 22 heures) — Schilling (magazine hebdomadaire consacré aux problèmes financiers sur ORF 2) — Kontroverse Spezial (émission-débat sur ORF 2) Par ailleurs, la télévision diffuse chaque dimanche des émissions spéciales destinées aux minorités ethniques installées en Autriche: croates, slovènes, turques.

168

La télévision par câble Il existe en Autriche 259 réseaux câblés, qui touchent actuellement 30% des foyers; le Land de Haute-Autriche compte 110 réseaux, le Tyrol 38, la Styrie 31 ; chaque ville importante compte au moins un réseau câblé, Vienne en compte 6, d’autres au moins deux (comme Linz). On estime le nombre total d’abonnés collectifs (hôtels) ou individuels reliés aux réseaux câblés à plus de 874 000 en 1992, plus de 900 000 en 1993, et la progression pourrait atteindre au moins 100 000 par an. Wiener Telekabel compte 313 000 abonnés, mais dessert en plus Graz et Klagenfurt. Liwest (Linz) a 55 000 abonnés, InnsbrückWôrgl en a 45 000, Burgenland Kabel 30 000, Telesystem Tirol 25 000. C’est sur le câble de Vienne, qui dispose actuellement de 22 canaux (et même 30 pour les téléviseurs les plus récents), que sont notamment diffusés TV5 Europe (depuis décembre 1991) et depuis 1993 la chaîne culturelle européenne à base francoallemande Arte. Le réseau câblé de Vienne appartient à la Wiener Holding, où la ville de Vienne avait naguère des intérêts majoritaires, qui ont été maintenant cédés à la Bank Austria. C’est également sur certains réseaux câblés que sont diffusées des émissions en croate, en slovène, ou en hongrois. En septembre 1992, la Cour suprême a rendu, après onze années d’une intense bataille juridique, un arrêt selon lequel une station émettant de l’étranger pouvait être diffusée par un réseau câblé en Autriche sans que soit violé le monopole, même si les émissions sont exclusivement destinées au public autrichien. Les réseaux câblés diffusent en général plus de vingt programmes, parmi lesquels les deux chaînes autrichiennes et une majorité de chaînes allemandes. Mais on y trouve aussi des programmes français, américains, anglais, italiens, néerlandais,

et dans les zones

frontiè-

res, hongrois, tchèques ou slovaques.

La télévision par satellites Les paraboles installées (650 000 actuellement) desservent actuellement 20 % des foyers autrichiens. Par satellites (TDF 1 + 2, Télécom 1C), les programmes français suivants

Autriche

peuvent Plus,

être captés: TF1, France

M6,

Euro

Musique

MCM,

2, Canal CJ, TV5

Europe, Canal J, Canal Jimmy, Eurosport, ainsi que la chaîne culturelle Arte. Les satellites Astra 1B et Copernicus diffusent essentiellement des programmes en langue allemande, éventuellement

en anglais, en italien, en sué-

dois, en néerlandais, en japonais, en danois et en norvégien; les stations les plus populaires et les plus suivies sont RTL, Pro 7, puis les deux ARD,

chaînes etc.

autrichiennes,

RTL2,

ZDF,

Tant que des chaînes françaises ne se seront pas décidées à s’installer sur Astra, dont les paraboles (bon marché) sont pratiquement les seules à équiper, en Autriche comme dans le reste de l’Europe centrale et orientale, les foyers domestiques, la diffusion des chaînes francophones y restera marginale; la très grande majorité des téléspectateurs hésitent à se doter de deux paraboles, d’autant que celle qui permet de recevoir les chaînes françaises est nettement plus coûteuse, et placés devant le choix, s’équipent prioritairement en Astra. Et voilà pourquoi, dans tant de pays, votre télévision est muette... en français. André LEWIN

Les chaînes étrangères sont captables en direct dans les régions frontalières, chaînes bavaroises, suisses, italiennes, slovènes, slo-

vaques, tchèques, hongroises. Les chaînes étrangères captables en Autriche par satellites : — Satellite Astra: MCM, SAT 1, Sky One, MTV, RTL Plus, Children’s TV, CNN International, Eurosport, 3 Sat, Pro 7, Sky Live. — Satellites TDF 1, TDF 2, Télécom 1C: TF 1, France 2, Arte, Canal + (codé), M6, Euro Musique MCM, CJ, TV5 Europe, Canal Jimmy, Canal J, Eurosport.

chaînes

étrangères

captables

TF 1, France 2, Canal +, M6, Euro Musique MCM, CJ, TV 5 Europe, Canal Jimmy,

Eurosport (canal en langue française) peuvent être captés en Autriche soit par les satellites TDF, soit par câble. Arte également, mais surtout en allemand (le canal en langue française peut être sélectionné sur demande). Pour le moment, aucune chaîne de langue française ne s’est décidée à s’installer sur le satellite Astra... La télévision autrichienne (ORF 2) diffuse un magazine mensuel d’une demi-heure en français, Echos de France, essentiellement

consacré à des sujets français (tourisme et régions françaises, technologies, gastronomie, haute couture, spectacles, personnalités de passage, livres, culture, etc.)

L’audience est surtout assurée par le public francophone, ainsi que par les Autrichiens parlant français (17 % des Autrichiens affirment comprendre le français). Il y a en Autriche environ 4000 ressortissants français (dont la moitié à Vienne) et environ 2000 francophones d’autres origines (surtout à Vienne).

Audience des programmes câblés en Autriche

Les chaînes étrangères

Les

Place des programmes français

par

câble: Arte, CNN International, TV5 Europe, RTL, Pro7, Sat1, RTL2, ZDF, ARD, 3 Sat, Bavière, Eurosport, Vox (codé), DRS, MTV, DSF, Süd-West, Superchannel, Rai Uno.

(chiffres de fin 1993, d’après le quotidien Standard) RTL: 40,4 PO EST Sat15936.0 ORF 1: 36,1 ORF 2:°33,5 RTL 2:33? ZDF: 29,5 Premiere: 29 ARD : 28,9 3/Sa1:125,9 Bavière: 24,5 Mox 215 Arte: 19,9 Euronews: 18,4 MTV : 17,4

169

Les télévisions du monde

Belgique Superficie: 30 500 km? Population : 10 000 000 habitants Capitale: Bruxelles Langues utilisées à la télévision: français au sud, flamand au nord Nombre de téléviseurs: 3 300 000 Nombre de magnétoscopes: 1 800 000 (49 % des foyers) Nombre de chaînes publiques: 4 Nombre de chaînes privées: 2 Nombre de chaînes à péage: 2 Nombre de chaînes étrangères captables via le câble: entre 20 et 25 selon les régions Nombre d’antennes paraboliques: 35 à 40 000

Les chaînes Les 4 chaînes publiques: RTBF1 et Télé 21 et BRTN TVI et TV2. Les 2 chaînes privées: RTL-TVi, VTM. Les 2 chaînes à péage sur les 3 réseaux: Canal + TVCF et FilmNet, cette dernière diffusant à la fois FilmNet plus et The complete movie channel. Les chaînes étrangères captables via le câble: TF1, France 2, France 3, Arte, Eurosport (F), Eurosport International, Euronews,

MCM,

NOS 1, 2 et 3, ARD,

ZDF,

WDR (dans certaines régions), RTL Allemagne (dans la région limitrophe), BBC 1 et 2, RAI International, TVE International, RTP International, TRT International, CNN International, NBC Superchannel, MTV Europe, TNT-Cartoon (dans la région bruxelloise

uniquement), RTL-Luxembourg région frontalière uniquement).

(dans

la

Huit chaînes de télévision « nationales » — la plupart en son stéréo numérique Nicam — pour un royaume de dix millions d’habitants. La possibilité de capter chaque jour entre 25 et 35 programmes acheminés par câble. Un taux d’abonnement à la télédistribution dépassant les 97 % des foyers. La Belgique a assurément

des airs de pays de cocagne

télévision. 170

de la

Qu’on ne prenne cependant pas le téléspectateur belge pour un surhomme! Même si la masse d’offre des programmes le place, théoriquement, en face de choix cornéliens quotidiens, son comportement ordinaire l’amène à ne regarder le plus souvent que les chaînes relevant de son aire culturelle et linguistique et à ne s’aventurer dans la jungle des autres stations de télévision que lorsque l’ennui le tenaille vraiment. De longue date sous domination culturelle directe de la France, le Belge francophone a ainsi coutume de « regarder français » et fait peu de différence entre ses instituts d’émissions «nationaux » et les chaînes d’outreQuiévrain, sauf lorsqu'il recherche un programme à caractère identificatoire fort comme les informations, le sport ou certains jeux. Chaque soir, il fait ses emplettes télévisuelles sur un marché très large. Et pas toujours au bénéfice des chaînes francophones de Belgique. Le Flamand, qui n’a jamais voulu être assimilé aux Hollandais, entend, par contre, affir-

mer sa différence avec ses voisins du Nord par l’accent dont il gratifie sa langue et l’usage qu’il fait de son vocabulaire. Aussi était-ce par défaut, et faute de mieux, qu’il se sentait jadis attiré par les chaînes hollandaises, à la programmation plus disparate et (parfois) plus populaire que celle de sa télévision publique. Depuis l’apparition de la télévision privée en Flandre, à la fin des années 80, la donne du

problème s’est inversée. Aujourd’hui, les Flamands trouvent au sein de leur communauté une large variété de programmes autochtones. Et ils ne consomment quasiment plus que des émissions «made in Flanders» (faites en Flandres).

Les paysages En Flandre, quatre chaînes de télévision « nationales » se partagent le paysage. D’un côté, les deux chaînes publiques réunies au sein de la BRTN (Nederlandse Radio — en

Belgique

Televisie — uitzendingen in België, Omroep van de Vlaamse Gemeenschap), la radiotélévision de la Communauté flamande de Belgique: TV1, au profit généraliste et TV2, chaîne complémentaire. De l’autre: VTM (Vlaamse Televisie Maatschappij), la Société Flamande

de Télévision,

une chaîne privée généraliste, à l’origine propriété des éditeurs de presse flamands et aujourd’hui entre les mains de deux groupes: le holding médias flamand VMH (55,5 % du capital) et le groupe d’édition hollandais VNU (44,3 %). Au milieu du paysage: la chaîne à péage FilmNet Vlaanderen, maillon belge du réseau de télévision payante FilmNet dont l’actionnaire principal est le groupe Richemont International qui propose ses programmes sur deux réseaux: un canal « film » intitulé «the complete movie channel » et l’autre, FilmNet Plus, comprenant aussi des programmes sportifs, quelques variétés et des émissions pour enfants. En termes d’audience, VTM s’est imposée dès sa création en 1989 comme la chaîne la plus regardée en Flandre. En 1993, elle recueillait 43,2 % de parts de marché (PdM) dans la tranche 17-23 h contre 28,5 % à TV1

et 4,1 % à TV2. Le reste de l’audience se partage principalement entre les trois chaînes publiques hollandaises. Côté francophone, la morphologie du paysage audiovisuel diffère peu de ce qu’elle est en Flandre, même si les conditions de fonctionnement sont fort différentes. Ici aussi, on

recense deux chaînes publiques issues de la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF): RTBF1 et Télé 21, l’une au profil généraliste et l’autre à fonction complémentaire. En face: RTL-TVi, une chaîne généraliste privée (avec TVi pour « télévision indépendante »), composante locale de la multinationale CLT qui détient 64% de son capital, le reste appartenant aux éditeurs de la presse quotidienne francophone belge réunis dans la société Audiopresse. Une chaîne à péage complète le tableau: Canal + TVCF (avec TVCF pour « télévision de la Communauté française de Belgique»), fidèle déclinaison locale du concept Canal+ France qui détient 42% de son capital. Comme en Flandre, c’est la chaîne privée qui mène le bal de l’audimat en Belgique francophone avec en moyenne 23,5 % de parts de marché dans la tranche 17 - 23 h contre 18,4 %

à RTBF1 et 3,2% à Sports 21, nom que portait Télé 21 en 1993. Canal +, enfin, recueille

entre 1 et 2% de téléspectateurs. Alors qu’en Flandre, les trois chaînes «nationales » rassemblent plus de 75 % des parts d’audience, en Belgique francophone, les émetteurs nationaux n’atteignent plus aujourd’hui 50 % de PdM. Près de 35 % des téléspectateurs leurs préfèrent en effet les chaînes françaises et surtout TF1, dont l’audience varie entre 18 et 19%... et est donc parfois plus regardée que la télévision publique nationale. Il existe enfin en Belgique une troisième Communauté culturelle reconnue par la loi: la Communauté germanophone, qui regroupe environ 60 000 âmes à l’extrême est du pays. Comme la Communauté flamande et la Communauté française, les germanophones ont légalement le droit d’organiser leur propre univers audiovisuel. Si c’est chose faite en radio,

ils n’ont, faute de moyens, pas développé de projets de chaîne de télévision. Que ce soit au nord ou sud du pays, c’est au tournant des années 90 que s’est officiellement « clichée » l’actuelle composition des paysages audiovisuels avec, comme principaux éléments déterminants, la reconnaissance offi-

cielle d’une chaîne de télévision privée par la Communauté et l’organisation de l’attribution des ressources publicitaires entre chaînes privées et publiques. C’est aussi à ce moment que sont apparues les chaînes à péage qui diffusent sur la Belgique. Mais rien ne permet d’affirmer que le prudent partage obtenu à l’époque résistera à l’usure des ans et aux phénomènes de concurrence, de dérégulation et d’internationalisation qui ne cessent, depuis lors, d’animer l’audiovisuel européen...

Une Wallonie sous influences Cette concurrence, on la connaît pourtant de longue date chez les francophones. Les rivalités entre les programmes de la RTB (nom de la RTBF au temps où la Belgique n’était pas encore fédérale) et les chaînes françaises ne datent pas d’hier. Dès sa naissance en 1953, la télévision publique s’était trouvée en situation de compétition vis-à-vis des programmes parisiens, aussi aisément captables par voie hertzienne que les émetteurs nationaux. 171

Les télévisions du monde

Aussi la télévision nationale publique a-t-elle très tôt cultivé un souci de complémentarité plutôt que de compétition avec ses grandes voisines françaises, négociant avec elles des accords de prédiffusion de séries et feuilletons et calquant, avec quelques jours d’avance, sa programmation de films sur les choix des diffuseurs parisiens. La télévision belge n’avait cependant pas pressenti que sa véritable concurrente ne poindrait pas du côté de Goliath mais de celui de David. Alors que tout était calme, c’est du Luxembourg qu’est surgi l’« ennemi », appuyé dans sa quête du public belge par un cheval de Troie presque inattendu: la télédistribution. Née à Namur dès 1960, la câblodistribution

n’avait d’abord servi qu’à acheminer dans les vallées encaissées les images qu’on y recevait avec difficultés. Mais, rapidement, les anten-

nes haut placées et les relais des câblodistributeurs (publics et privés) permirent aux Belges de capter les télévisions de tous les pays limitrophes: France, Grande-Bretagne, PaysBas, Allemagne. et Luxembourg. D'un coup, la télévision de ce petit pays de 300 000 habitants, qui ne s’adressait qu'aux spectateurs de la Lorraine française, s’est aussi mise à parler à plusieurs centaines de milliers de Belges. Pour les télédistributeurs, l’intégration de la chaîne luxembourgeoise dans leur bouquet de programmes était une aubaine: sans abonnement au câble, impossible pour la plupart des Belges de voir la télé grand-ducale et ses fictions si attractives («une série et un film tous les soirs »). Pour Télé Luxembourg, l’arrivée sur le marché belge relevait du sauvetage. Criblée de dettes dues à sa zone de diffusion naturelle trop étriquée, la station était le mauvais élève de la CLT, la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion. L’ouverture vers la Belgique lui permettait d’atteindre un plantureux nouveau marché publicitaire. Le capital de la CLT étant déjà à l’époque en bonne partie entre des mains belges (Albert Frère, Groupe Bruxelles-Lambert), cette arrivée avait même des airs de retour aux sources... C’est ainsi que Télé-Luxembourg, devenue RTL-Télévision, investit la bergerie belge, accueillie à bras ouverts par un public populaire considérant essentiellement la télévision comme un instrument de divertissement et non comme l’outil d’information ou de formation qu’en avait fait la RTB. (y2

Solution «à la belge » Cette pénétration insidieuse laissa d’abord la télévision publique de marbre. Elle n’en eut cure jusqu’au jour où les mesures d’audience sonnèrent l’alarme: la chaîne privée prenait le pas sur la chaîne publique et celle-ci risquait de perdre tout son crédit. S’ensuivit une période de turbulences où les programmateurs de la RTBF s’essayèrent à tous les styles afin de contenir les voies d’eaux par où s’échappaient les téléspectateurs. Ce n’est qu’à la fin des années 80 que la programmation de la télévision publique retrouvera un semblant d’équilibre. sans pour autant pallier le déséquilibre survenu au bénéfice de la télévision privée. Sous la pression du climat économique libéral des années 80, le monopole d’émission dont disposait le service public de télévision avait en effet été mis en cause. Son principe de base, le « pluralisme interne », ne satisfaisait plus les partis de droite pour qui l’audiovisuel était « aux mains des socialistes », première force politique de la Belgique francophone. Ils lui opposèrent un «pluralisme externe » où plusieurs entreprises de télévision se concurrenceraient sur le marché, offrant chacune « leur vérité », leur lecture du monde.

Ce débat conduira en 1987 à l’autorisation légale des télévisions privées au Nord comme au Sud, la concession francophone allant comme prévu à RTL qui n’avait cessé de déployer de nouvelles attentions à l’égard des Belges: dédoublement de son parc d’émetteurs afin de ne pas leur offrir le même programme qu’aux Lorrains. Création d’émissions spécifiques à leur intention, dont un Journal télévisé (dès 1983). Obtention d’une autorisation permettant l’installation d’un faisceau hertzien entre ses studios bruxellois et la station-mère à Luxembourg. De là à « belgiciser » totalement la chaîne, il n’y avait qu’un pas qu’une reconnaissance officielle permettra de franchir en juillet 1987. Deux mois plus tard, RTL troquait ses habits luxembourgeois contre une livrée noir-jaune-rouge et ajoutait les trois lettres «TVi» à son blason. Le bipôle télévision publique-télévision privée était installé et les modes de financement bien déterminés : à la chaîne privée les recettes publicitaires; aux médias publics le financement de l’État, calculé sous forme d’une « dotation » au mon-

Belgique

tant fixé par le gouvernement de chaque Communauté, indépendamment de ce que lui rapporte effectivement la collecte de la redevance perçue auprès de chaque détenteur de téléviseur et d’autoradio.

Pour les socialistes, grands défenseurs de l’audiovisuel public, ce partage était inadmissible. Les besoins financiers de la Communauté française ne cessant de croître, il était clair que le montant de la dotation de la RTBF finirait par ne plus suffire à ses besoins. L’audiovisuel public devait donc également avoir accès à la publicité, mais sans pour autant étouffer RTL-TVi. Revenus au pouvoir en 1989, les socialistes concrétisèrent ce nou-

veau partage du gâteau. Depuis ce « compromis des Belges », la majeure partie des écrans publicitaires de RTL-TVi et de la RTBF sont gérés par une société commune, TVB. Garante d’un équilibrage peu commun entre le financement publicitaire de la chaîne privée et de la chaîne publique, TVB applique une mécanique complexe qui impose dans de nombreux cas à tout annonceur souhaitant un écran publicitaire sur la RTBF... d’en acheter en même temps deux sur RTL-TVi. De quoi lier à jamais le sort de la télévision privée et de la télévision publique, la part des ressources publicitaires de cette dernière ne pouvant cependant dépasser 25 % de son budget. L'arrivée de la publicité, toutefois, n’a pas sauvé la RTBF. La hausse des coûts de pro-

duction et des salaires d’une part, la nonindexation de la dotation de l’État de l’autre contraignirent l’audiovisuel public à de nouvelles restrictions. Depuis l’hiver 1993, une partie du personnel, mis en prépension, a dû quitter ses fonctions, administrateur général et directeur de la télévision en tête. La RTBF vit depuis lors une cure de rajeunissement et d’amaigrissement. L’ère du personnel phéthorique, du débordement d’activités et de la décentralisation à tout va dans les sous-régions wallonnes semble désormais révolue. La RTBF dit aujourd’hui vouloir se recentrer sur les missions qui lui avaient été assignées par le décret qui la créa en 1977: informer, assurer le développement culturel, l'éducation permanente et divertir. Ce repositionnement et les vastes « Carrefours de l’audiovisuel» qui l'ont accompagné fin 1993 n’ont cependant pas mis fin au malaise d’un secteur qui s’estime réduit à la portion congrue, défavorisé par rapport

à RTL dans l’accord TVB, incapable de répondre à son cahier des charges (notamment en matière de productions de fictions) et craint une contamination par le modèle commercial.

L’art de la contre-programmation Malgré cette situation tourmentée, la chaîne publique principale RTBF1 semble aujourd’hui avoir assis son public et sa logique de programmation. Après diverses ouvertures d’antenne précoces et un journal (JT) de 13h qui n’a pas convaincu, RTBF1 se contente désormais d’une programmation de fin d’aprèsmidi et de soirée dont les points forts se situent en prime time. C’est là, après le JT de 19h30, que la chaîne gagne ses points d’audience avec des programmes qui marquent sa différence à la fois face à RTL et aux chafnes françaises. La tranche 20h-21h 30 lui permet notamment de proposer un jeu intellectuel très populaire (Double 7) et des magazines d’enquêtes-reportages de qualité concernant des faits de société (Faits divers, Au nom de la loi...) ou des sujets de vie quotidienne (Autant savoir). C’est aussi dans cette case qu'est né et s’est développé le fameux magazine Strip-tease, chargé de « déshabiller la société belge »… La plupart de ces magazines sont diffusés depuis plusieurs années déjà. Mais aucun n’a la longévité de l’émission animalière Le jardin extraordinaire qui figure à la même place dans la grille de la télévision publique. depuis 1962. A part d’autres cases plus tardives, comprenant des magazines spécialisés (sciences, culture), le reste du temps de programmation de soirée est essentiellement occupé par une abondante diffusion, six jours sur sept, de films et plus rarement de téléfilms, à 62% d’origine européenne. Sauf en période estivale, RTBFI1 est, par contre, très peu friande de séries et de feuilletons, qu’elle laisse à la télévision privée. Quant aux émissions de variétés, qui atteignent rarement le brio de leurs consœurs françaises, elles ne durent jamais longtemps, restrictions budgétaires obligent. Si le prime time du service public paraît avoir choisi le bon cap, on ne peut en dire autant de sa programmation d’avant-soirée. Face aux fictions et au jeux qui drainent alors la majeure partie de l’audience sur RTL-TVi 173

Les télévisions du monde

ro

ELELELELELEE

mais aussi, sinon surtout, sur TF1 et France

2, la RTBF n’a pas jusqu'ici réussi à imposer une alternative forte, sinon dans le créneau

des programmes pour enfants qu’elle vient de décider de déplacer sur sa chaîne complémentaire Télé 21. Enfin, elle vit un véritable calvaire dans la

tranche 19-20h. Si son journal télévisé de 19 h30 reste un de ses points forts, sa cote audimétrique a été dépassée par celle du JT de RTL-TVi, diffusé trente minutes plus tôt. La RTBF, qui croyait l’information son bastion imprenable, ne s’est jamais remise de cette défaite. Tout comme elle cherche désespérément une contre-programmation efficace entre 19h et 19 h 30, lorsque RTL diffuse ses informations.

La dernière tentative, lancée à

la rentrée d’automne 1994, prévoit à cette heure-là un « journal des sports ». Il sera peutêtre la bonne formule.

Télé-girouette De grandes interrogations subsistent aussi sur le sort de la deuxième chaîne publique, dont les différentes formules imaginées depuis sa création (1977) n’ont jamais convaincu. Chaîne « bis », « des minorités », « de la culture» au moment où RTBF1 rêvait d’être RTL,

Télé2

s’était

finalement

muée,

en

Télé 21. Visant des téléspectateurs « curieux de tout », cette chaîne développait une originale programmation de prime time faite de documentaires et d’émissions culturelles et couvrait l’ensemble des directs sportifs. Son audience n’ayant cependant jamais dépassé quelques pour cent de PdM en dehors de la retransmission de matches de football, Télé 21 fut liquidée en 1993 et sa dépouille divisée en. trois chaînes réparties sur les émetteurs du défunt programme. L’une de ces chaînes devait être une déclinaison belge de France 3. Elle ne vit jamais le jour. Une autre devait être une adaptation belge de Eurosport. Faute d’accord, elle se mua en Sports 21 et poursuivit les diffusions sportives de Télé 21. La troisième devint Arte 21, un compromis entre une chaîne belge et la chaîne culturelle franco-allemande diffusant en journée des programmes de la RTBF et proposant ensuite le signal français de Arte. mais crypté, et uniquement destiné aux têtes de réseaux des câblodistributeurs. 174

aa

L'accord associant la télévision belge au consortium Arte coûtait cher et rapportait peu à la RTBE, incapable d’infléchir la programma-

tion de Arte comme elle l’aurait voulu. Aussi n’a-t-il pas été prolongé. Depuis mars 1994, les composantes hybrides de la deuxième chaîne publique ont à nouveau été rassemblées en un seul réseau, Télé 21, chaîne de rediffusions et de programmes sportifs qui tente depuis la rentrée d’automne 1994 de propo-

ser quelques programmes en contreprogrammation. Quant à Arte, les télédistributeurs en relaient aujourd’hui le signal au même titre que celui d’autres chaînes étrangères.

TVi: l’ambition des petits Aux restrictions et à l’esprit chagrin de la RTBF, RTL-TVi a toujours su opposer une impression de croissance, d’aisance et d’optimisme (parfois forcé) d’autant plus aisée qu’un gouffre existe entre les moyens de l’audiovisuel public (7 milliards par an pour 2 chaînes tv et 5 chaînes radio) et ceux de la chaîne privée et que la part de productions propres des deux réseaux de télévisions sont incomparables (54% à la RTBF, 31% à RTL). Télévision à petit budget, RTL-TVi emploie un personnel peu nombreux, recourt à la presse écrite (coactionnaire de la chaîne) pour sa couverture de l’information régionale. mais a toujours su se donner des airs de grande. Elle diffuse ainsi des programmes de mi-journée depuis 1977 et émet en continu de 12h à 24h depuis 1987, alors que la RTBF n’a pas tenu son daytime plus d’une saison. RTL-TVi est aussi seule à diffuser un journal quotidien à 13 h, la RTBF y ayant renoncé. Le week-end enfin, RTL-TVi a été la première à ouvrir son antenne tôt le matin (1983), avec des émissions enfantines. Entourant son JT de 13 h et s’étendant tout au long de l’après-midi, des séries constituent l'essentiel de sa programmation d’accompagnement. Celles-ci se retrouvent aussi massivement dans le prime time, dominé par les programmes de fiction (à 76 % extra-européens) où elles alternent avec films et téléfilms. RTLTVi propose très peu de productions propres sinon un (discutable) talk-show de société, un talk-show culturel, une émission de jeu et un débat politique dominical. Ses émissions de

RE

,

Belgique "UN Ah SAROBeRIque

Emission

variétés, son reality show — le seul du genre en Belgique francophone — et ses magazines de reportage ont été rayés de la grille pour raisons d’économies,

tout comme

la seconde

édition de son JT. Ces programmes commencent cependant à repointer timidement le nez depuis la rentrée d’automne 1994. A RTL-TVi, on joue dans un mouchoir de poche financier et ses résultats très moyens sur un marché publicitaire qu’elle doit partager avec la RTBF font souvent froncer les sourcils aux grands patrons de la CLT. Ceux-ci menacent de temps à autre la station de disparition ou d’intégration dans un réseau où elle serait réduite à quelques fenêtres régionales. Des déclarations du président de la CLT Gaston Thorn, reconnaissant le caractère impératif d’une programmation à coloration nationale, laissent actuel-

lement peu de maintenir dans il ne reste donc nomies. Tout

chances à ce spectre. Pour se les grâces de la Compagnie, à RTL-TVi qu’à faire des écoen conservant l’audience maxi-

pour enfants

male qu’elle recueille déjà en fin d’après-midi lors des diffusions en avant-première des sitcoms de AB Productions (Hélène et les garçons, Les filles d’à côté) et lors de son access prime time composé de son journal, où l’information est traitée de manière plus populaire et avec plus de proximité qu’à la RTBF. Jusqu’à il y a peu, on y trouvait un jeu au succès presque inexplicable. Il vient d’être remplacée par une autre sitcom de AB Productions.

Canal, modèle français Canal + TVCEF offre en Belgique, par hertzien et par câble, une programmation proche de ce que Canal + propose en France, y compris dans ses périodes en clair. Ses productions belges sont peu importantes, sinon dans le domaine de la retransmission du champion175

Les télévisions du monde

nat national de football où la chaîne partage l'exclusivité — et les frais — avec sa consœur flamande FilmNet+. Cet élément de «belgitude » mis à part, la chaîne n’a pas conservé longtemps les productions nationales qu’elle avait fièrement programmées lors de son lancement. Ses talk-shows sont maintenant relayés de Paris et seule une brève émission de marionnettes politiques humoristiques rappelle, de temps à autre, l’identité « TVCF » de la chaîne, de même que les sujets locaux abordés dans le magazine de reportages 24 h. La Belgique « étant un plaisir et devant le rester», comme l’affirmait l’émission d’humour belge que diffusait la chaîne à ses débuts, Canal + TVCF constitue toutefois un cas à part dans la galaxie « Canal ». De tou-

tes les participations du groupe en dehors des frontières de l’Hexagone, la Belgique est en effet le seul pays où, pour constituer le capital de son entreprise, la société française a dû s’allier.. à la télévision publique, en application de la «stratégie du compromis » qui règle ici tous les conflits. Et voilà pourquoi Canal + TVCF est propriété de Canal+ France (42,67 %), du groupe d’investissement Deficom, proche du parti socialiste wallon (BeneIuX

Paye

Tv,

225.012

)met

de

da

SRTRE

(25,01 %). Mais le capital n’est pas le seul lien entre la télévision publique et la chaîne cryptée. Les deux entreprises possèdent aussi une centrale commune d’achat des droits de diffusion des films (CCTV). Les montants demandés pour un passage sur la chaîne publique sont cependant parfois si élevés que, malgré cette facilité, celle-ci ne peut les payer. Le film finit alors par aboutir. sur RTL-TVi. Plus de 150000 foyers sont abonnés à Canal + pour une somme de près de 1 000 FB par mois, avec un taux de réabonnement de 90 %. La chaîne a donc encore de beaux jours devant elle même si son développement se heurte à l’apathie des télédistributeurs qui rechignent à accueillir sans contrepartie le bouquet de chaînes que Canal voudrait commercialiser en Belgique.

Imageries locales Les télédistributeurs commencent en effet à

se vendre au plus offrant et à opérer des choix parmi les programmes qu’ils relaient. Car les 176

câbles coaxiaux ne sont pas extensibles et, en attendant la compression numérique, le stade de saturation approche. Dejà, les télédistributeurs doivent se soumettre à diverses obligations qu’ils estiment contraignantes et on a même voulu ponctionner une taxe sur leurs (plantureux) bénéfices afin de financer la création audiovisuelle nationale. Ils s’y sont opposés et ont obtenu gain de cause. Il y aura bien une taxe. Mais elle sera payée... par chaque abonné! Une des obligations des câblodistributeurs est de relayer les programmes de la télévision locale et communautaire (TVLC) de leur région. Ces télévisions, financées par une dotation de la Communauté française et par la publicité, sont au nombre d’une douzaine. Contrôlées par des conseils où siègent culturels et politiques, elles concentrent d’ordinaire leurs activités sur l’information régionale. Diffusant «en boucle » le même programme tout au long de la journée, elles accomplissent un travail que la RTBF parvient de plus en plus difficilement à réaliser. Aussi des conventions commencent-elles à être signées entre ces partenaires afin de travailler de concert plutôt que de manière concurrentielle.

Une Flandre spéculaire Les embrouillamini qui caractérisent le paysage audiovisuel wallon se rencontrent moins en terre flamande. Ici, les choses ont longtemps été claires: hors de la BRT, voix officielle et publique, point de salut. RTL, qui entendait jeter son dévolu sur la Flandre au début des années 80, en a été pour ses frais. Tout comme ceux qui souhaitaient y installer des télévisions locales. Ce n’est qu’au tournant des années 90 que la Flandre s’est dégelée sous la pression du courant néolibéral. Accusé de favoriser le CVP, le parti catholique dominant et parfois mis en cause pour son traitement trop progressiste de l’information, le pluralisme interne de la BRT a lui aussi été mis à mal. Mais l’accouchement de la télévision privée a été beaucoup plus pénible dans le plat pays où personne ne voulait d’intrusion étrangère risquant de faire fuir une partie des bénéfices hors des frontières flamandes. Si la Flandre s’ouvrait à la télévision commerciale, il fallait que ce soit avec des

Belgique

BRTN

Tartufo

RASE

EL RARE

177

Les télévisions du monde

partenaires majoritairement flamands. Et la presse, dont les recettes risquaient de diminuer suite à l’avènement de la publicité télévisée, devait être associée au tour de table. Aussi les négociations furent-elles longues. Finalement, le 27 octobre 1987, des éditeurs représentant 85 % de la presse flamande tombent d’accord pour constituer entre eux la société VTM. Débauchant les stars de la télévision publique, engageant un bataillon de speakerines parmi les dernières « miss Belgique » et achetant les droits de plusieurs émissions étrangères à succès, VTM entame sa conquête de la Flandre le 1° février 1989. Alors que la chaîne n’est diffusée que par câble, elle recueille dès son lancement 31 % de PdM. Un an plus tard, elle dépasse les 40 %. Les téléspectateurs flamands ont abandonné en masse les télévisions hollandaises, dont l’audience passe de 33 % à 10 % de PdM entre 1989 et 1993 et boudent le BRTN. Entre janvier et décembre 1989, TV1 perd ainsi 10% de PdM. Par la suite cependant, la télévision publique se ressaisira. Mais elle n’a toujours pas retrouvé l’audience dont elle disposait avant l’arrivée de sa concurrente privée. Même si elle n’a cessé de voguer de succès en succès, VTM a déjà derrière elle une longue histoire, parsemée d’embüûches, de coups fourrés et de licenciements. Son capital aussi a en partie changé de mains. Au cours des années 1992-1993, la société d’édition hollandaise VNU est en effet devenue actionnaire de référence de plusieurs groupes de presse flamands et, par le fait même, mattresse d’une part importante du capital de VTM. Les autres éditeurs flamands se présentant en ordre dispersé au conseil d’administration de la chaîne, la télévision privée flamande, créée pour et par la Flandre, risquait de tomber entre des mains bataves. Pour éviter ce retour de manivelle

de l’histoire,

on

s’empressa d’adjoindre aux éditeurs un consortium regroupant plusieurs sociétés flamandes, notamment issues du monde de la finance.

C’est ainsi que naquit le VMH (Vlaamse Media Holding) qui a réussi à maintenir VTM entre les mains de « mère Flandre » en possédant 55 % du capital de la chaîne privée. Mais rien ne permet de prévoir les intentions à long terme de la VNU, qui détient par ailleurs déjà une partie du capital de RTL 4-Hollande… 178

Consommer flamand Au contraire de RTL-TVi, qui produit peu et diffuse un nombre impressionnant de fictions d’origine étrangère, VTM doit son succès à ses productions propres et au caractère « flamand » très affiché de ses programmes... qui n’a pas été sans déteindre sur la BRTN. Alors que le « Top 100 » des programmes les plus regardés en Belgique francophone en 1993 place en tête les journaux télévisés de RTL et de la RTBF ainsi que la retransmission des funérailles du roi Baudouin, le même

classement commence en Flandre par un feuilleton humoristique flamand de VTM (Meester), un show humoristique de la même chaîne (Gaston en Leo), comprenant un minifeuilleton inénarrable intitulé Frituur terminus (La Friterie du terminus), et la série flamande de la BRT F.C. de Kampioenen, sitcom se déroulant dans des milieux sousfootballistiques, conçue pour concurrencer les fictions flamandes de VTM. Sur les 100 émissions les plus regardées en Flandre en 1993, 62 avaient été diffusées par VTM et parmi celles-ci, 71 % étaient des productions propres à la chaîne. Pourtant, au total du temps de diffusion, les « émissions flamandes » ne représentent «que» 49,3% de ses programmes, contre 54% à la BRTN. A côté d’un nombre imposant de fictions populaires qui ont rendu aux accents flamands leurs lettres de noblesse, VTM a aussi forgé sa réputation sur son émission de variétés Tien om te zien et divers talk-shows. Enfin, la place occupée par l’information (14% du temps d’antenne) est loin d’être négligeable. Disposant de matériel de liaison par satellite et d’accords avec plusieurs réseaux privés étrangers réunis dans le «consortium SNG» — mais n’ayant pas accès aux échanges UER —, VTM s’est tissé son propre réseau et s’est constitué sa propre hiérarchie de l’information. Celle-ci va souvent à l’encontre des logiques classiques du journalisme de service public, favorise le fait divers et l’événement «de société ». Tout comme RTL-TVi, VTM propose son journal à 19h alors que la BRT ne diffuse le sien qu’à 19 h 30. A 19 h, la chaîne affiche ainsi une moyenne de 57 % de PdM, score que la BRTN ne parvient pas à atteindre trente minutes plus tard. Et ce n’est pas là la seule comparaison entre la station fla-

Belgique

mande et RTL-TVi. VTM est également seule chaîne de sa Communauté à proposer journal télévisé à 13h. Sa programmation daytime est aussi très largement composée séries

nord-américaines

et,

à 19h30,

la un de de elle

oppose le jeu La roue de la fortune, au JT de la BRTN. La place des jeux est toutefois plus importante sur VTM où ils enserrent le Journal de 19h de part et d’autre. Ses programmes de soirée sont aussi plus variés que ceux de RTL, et comprennent plusieurs magazines d’information aux côtés des fictions flamandes et étrangères. Enfin, VTM propose toujours une seconde édition de son journal. dont le nombre de téléspectateurs dépasse souvent celui de la première édition du JT de la BRTN.

A la poursuite de la recette privée Petite dernière de la classe télévisuelle belge, VTM a réussi le pari d'imposer ses modes et ses logiques de programmation aux autres acteurs audiovisuels. La BRTN a ainsi dû adapter ses grilles suite au succès des rendez-vous fixés par VTM en contreprogrammation de ses propres émissions. Comme la chaîne privée, la télévision publique a depuis lors misé sur une certaine « flamandisation » de ses programmes de fiction et de variétés. Fidèle à l’image de marque de la télévision publique, la BRTN présente toutefois une grille plus européenne que VTM (80% de ses achats de programmes se font en Europe). Sa programmation comprend aussi une part importante de productions propres, un nombre conséquent de magazines, des émissions service et des débats ainsi que des talkshows naviguant entre culture et divertissement. Un des produits les plus réussis de la chaîne est le magazine d’actualités De zevende dag (Le septième jour) diffusé le dimanche matin. Le plus connu est son émission de reportages Panorama, presque aussi ancienne que la BRT elle-même. Obligée par son statut public d’accorder un temps d’antenne important aux «piliers » de la société flamande (partis politiques, interloculeurs sociaux), TV1 se voit contrainte d’insérer ces émissions « door derden » (concédées à des tiers) au milieu de ces soirées. Cette

situation la désavantage évidemment face à VTM, exempte de ce type d’obligations. Ce handicap mis à part, il faut reconnaître que, une fois le choc de VTM amorti, le profil général de la programmation de TV1 a été largement modifié dans une optique grand public. La chaîne a ainsi centré sa programmation d’après-midi sur la diffusion de fictions, a créé un premier Journal d’avant-soirée à 18h et alterne avant son JT jeux et séries. En début de prime time, TV1 fait primer les séries et les feuilletons, les programmes «à contenu » n’apparaissant qu’en deuxième rideau. De quoi attaquer la télévision privée sur son propre terrain, ce que certains analystes lui ont reproché, estimant qu’à cette chasse à l’audience, le service public risquait bien de perdre son âme. La crise traversée par la BRTN n’a jamais été aussi ardue que celle rencontrée par la RTBF et les vagues de contestation (ou de désolation) n’y ont jamais pris la même ampleur. Malgré un financement uniquement assuré par l’État et la sponsorisation — la Communauté flamande continue à réserver l’argent de la publicité à la chaîne privée — les finances de l’audiovisuel public flamand ne connaissent pas le niveau de déliquescence rencontré du côté francophone. Le montant plus élevé de la dotation de la BRTN n’est sans doute pas étranger à ce fait, de même que son absence de volonté d’occuper à tout prix l’ensemble du terrain de l’audiovisuel. La BRTN ne s’est ainsi que rarement associée à de grands projets internationaux. Elle ne contribue à aucune chaîne télévisée paneuropéenne. Et, volonté politique oblige, sa stratégie de développement régional a été beaucoup moins poussée que celle de la RTBF. Les Flamands voulant faire de Bruxelles «leur » capitale, ils y ont concentré l’essentiel de leur arsenal audiovisuel alors que les francophones, tiraillés entre Bruxelles et des tendances wallonnes sous-régionales, ont dû essaimer les infrastructures de la RTBF aux quatre coins de leur territoire.

Les autres TV Tout comme

Télé 21, le sort du deuxième

réseau de la BRTN (TV2) reste sujet à conjectures. Chaîne des directs, des rediffusions

et du sport, hébergeant une partie des émis179

Les télévisions du monde

sions concédées, TV2 présente aussi un profil culturel et quelques programmes destinés à des publics minoritaires. Elle n’en reste pas moins d’abord une chaîne d’appoint, quoique la BRTN essaie d’en promotionner l’identité. Quant à FilmNet Vlaanderen, elle propose sur ses deux canaux à peu de choses près la même chose qu’aux Néerlandais ou aux Nordiques, bien que les programmes diffusés sur le câble de Flandre constituent une version spécifique de ce grand réseau nord-européen. La retransmission en direct de matches du championnat de football belge, entamée en août 1992 et partagée avec Canal + TVCF, en constitue la principale originalité « nationale ». Ayant un prix d’abonnement identique à celui de Canal + mais s’adressant à une population plus vaste et lui offrant simultanément l’accès à ses deux canaux, FilmNet Plus et « The complete movie channel » ne comptent « que » 170 000 abonnés. Sans doute parce que la programmation, centrée sur des films anglo-saxons, ne rencontre pas les préoccupations identitaires flamandes. Le développement du double réseau devrait, en partie, pallier cet inconvénient. Quelques télévisions régionales, enfin, commencent à éclore dans le paysage audiovisuel flamand. Contrairement à leurs consœurs wallonnes, ces dernières ne sont pas aidées directement par l’Etat et vivent principalement de la publicité locale. Sauf dans la région de Bruxelles, capitale francophone enclavée en territoire flamand, où la présence de la chaîne communautaire Télé Bruxelles, obtenue après une longue guerre de procédure entre Flamands et Wallons, a entraîné la création de son alter

ego néerlandophone Tv Brussel, largement soutenue par les pouvoirs publics flamands. Chassez le linguistique. En Belgique, il revient toujours au galop...

Un

avenir sombre ?

Pourtant, ce n’est pas du côté des querelles internes que se dessinent les principaux points d’interrogation qui risquent d’altérer les paysages audiovisuels de ce petit royaume. Les menaces, aujourd’hui, proviennent de l’extérieur. Des imposants voisins de la Belgique et, surtout, des grands groupes multimédias transnationaux pour qui ce petit pays câblé représente toujours une des premières proies sur le chemin de la conquête de l’Europe. 180

Ardents défenseurs de leur identité culturelle, les Belges s’étaient opposés au libéralisme de la directive européenne « Télévision sans frontières » et ont lutté pour que l’exception culturelle figure dans les accords du Gatt. Tant qu’ils le peuvent, ils essaient de filtrer l’accès à leur territoire en contrôlant la nature des programmes diffusés sur leurs câbles. C’est ainsi qu’une bataille homérique opposa en 1990 la Communauté française à TF1, qui entendait diffuser en Belgique, via satellite, un

programme ne comprenant que des publicités belges. Dans le même ordre d’idée, on parle en Flandre d’une « pax media » visant à unir tous les opérateurs pour interdire l’accès du paysage aux chaînes privées luxembourgeoises RTL4 et RTLS5 et à la chaîne nordique SBS qui diffusent déjà en néerlandais à destination des Pays-Bas et ne feraient qu’une bouchée de VTM... Alors que celle-ci, fière du monopole de fait dont elle dispose, prévoit justement de lancer d’ici peu une deuxième chaîne complémentaire. Jusqu'à présent, ces parades politicojudiciaires ont quelque peu préservé les opérateurs belges d’une concurrence étrangère frontale qui n’aurait de chance de réussir que si elle adaptait ses programmes aux goûts identitaires « flamands » et à l’appétit de culture francophone des Wallons. Mais résisteront-ils encore longtemps? Frédéric ANTOINE

Les programmes français Francophile, le téléspectateur wallon et bruxellois francophone aime les programmes qui parlent sa langue. Aussi la quasi-totalité des programmes des chaînes francophones sont-ils en français, qu’ils soient produits sur place ou importés de pays de langue française. Les programmes étrangers sont d’ordinaire doublés. Certains films, peu nombreux,

sont sous-titrés. En Flandre, les programmes français sont peu importants, les productions étrangères étant plutôt acquises sur les marchés anglosaxons. La BRTN a cependant diffusé Hélène et les garçons avant son JT de 19 h 30, en version française sous-titrée pendant l’été 1994. Peut-être un nouveau marché pour les sitcoms françaises?

Chypre

Chypre l’Angleterre, de l’Amérique latine. Quant aux émissions françaises, elles se réduisent à quelques films. En 1990, la Cyprus Broadcasting Corporation a signé des accords de réciprocité avec la principale chaîne publique grecque, ET 1, qui rediffuse sur le satellite européen tous les

Superficie : 9 251 km? Population: 660 000 habitants Capitale: Nicosie Langues utilisées à la télévision: grec, turc Nombre de téléviseurs: 240 000 (92% des foyers) Nombre de magnétoscopes: 71 % des foyers Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 3 (dont une sur le câble) Nombre de chaînes câblées: 1 Nombre de chaînes étrangères captables: au moins 10 en direct et autant par satellite Pourcentage de programmes français: négligeable

soirs de 20 heures à 23 heures. En outre, en

L'île de Chypre est le pays le plus riche de la Méditerranée orientale après Israël. Cette économie florissante lui permet d’avoir un paysage audiovisuel offrant une assez large diversité aux téléspectateurs. Il faut noter toutefois que depuis 1974 l’île est coupée en deux: au sud, sur plus de la moitié du territoire, la République de Chypre peuplée de Grecs; au nord, l’entité autoproclamée

sous

la houlette de l’armée d’Ankara, la République turque du nord de Chypre (RTNC). La République légale dispose de cinq chaïnes contre une seule en RTNC. La partie sud, beaucoup plus prospère, dispose de 240 000 téléviseurs,

soit un

pour

2,5 habitants.

Au

nord, les statistiques sont inexistantes mais on estime qu’il y a environ un poste pour 4 ou. 5 habitants. Les heures de grande écoute se situent entre 19h30 et 20h30. En République de Chypre, la Cyprus Broadcasting Corporation, organisme d’Etat, émet sur deux canaux: RIK 1 et RIK2. Avec 75 émetteurs, ces chaînes publiques couvrent l’ensemble de l’île. Un Conseil d’administration de neuf membres est nommé par le Conseil des ministres de la République. Ces chatnes vivent grâce à la redevance, aux aides publiques et à la publicité. Outre leur propre production, elles importent des programmes de l’étranger,

notamment

des

Etats-Unis,

de

1993, sont entrées en scène deux chaînes privées hertziennes (Logos et Antenna) et une chaîne câblée (Lumière). Selon l’Institut indépendant de sondage de l’audimat (Kerta), la RIK aurait 40% d’audience. Les émissions les plus regardées, à part le journal du soir de 20 h 30, sont le divertissement du samedi soir («Plaisant samedi soir ») et des séries à l’eau de rose américaines et brésiliennes. La première chaîne s’est donné pour mission de «promouvoir la culture chypriote et son identité nationale ». Par souci de représenter toute la population de l’île, hellénophone et turcophone, la RIK s’est efforcée de programmer des feuilletons et des films grecs sous-titrés. Mais cette pratique a été abandonnée. Il ne reste aujourd’hui qu’un programme hebdomadaire dit de « culture turque » en version originale non sous-titrée. Il y a aussi un bulletin d’information quotidien en langue turque à destination de la RTNC. En 1993, la Cyprus Broadcasting Corporation a pu s’associer à une chaîne européenne et transmettre « Euronews » sur RIK 2. D’une manière générale la production indépendante locale est quasi inexistante, on importe presque tout. Par exemple, les enfants n’ont droit qu’à des films étrangers. Rares sont les émissions sur l’histoire de l’île (excepté les documentaires et feuilletons étrangers, essentiellement anglo-saxons ou grecs), rares aussi sont les émissions culturelles. A noter cependant l’émission hebdomadaire sur la musique suivie par 11 % des téléspectateurs. RIK diffuse aussi deux émissions très écoutées pour la jeunesse: « Horizon » et « Départ ». En tant que chaîne publique la RIK bénéficie de fonds plus importants. Ainsi elle a pu 181

Les télévisions du monde

acheter les droits de retransmission du tournoi de tennis de Wimbledon et du Mondial de football. En ce qui concerne ce dernier, les téléspectateurs ont été dérangés par les fréquents spots publicitaires qui leur gâchaient le spectacle. Par contre, la population hellénophone du sud de l’île a pu suivre les matchs sans interruption grâce à la chaîne publique de la RTNC, Bayrak. Celle-ci émet depuis la partie nord de l’île occupée par l’armée turque. Elle produit une partie de ses programmes: journaux télévisés et magazines culturels. Ses émissions sont suivies par les nombreux Chypriotes chassés du nord de l’île en 1974. C’est le seul moyen pour eux de revoir leurs villages. Bayrak achète de nombreux programmes en Turquie et quelques-uns aux Etats-Unis. Selon l'institut de sondage Kerta, la chaîne la plus populaire, après les deux canaux de la RIK, est la chaîne privée Antenna (26 % d’audience). Il s’agit de la filiale chypriote d’une des plus grosses télévisions privées grecques. Ses succès sont dus essentiellement aux films américains qu’elle diffuse ainsi qu’à une émission de divertissement produite à Athènes. Antenna Chypre produit assez peu, car la plupart des programmes viennent de la maison mère, excepté le journal télévisé. Derrière Antenna, une nouvelle venue typiquement chypriote creuse son trou: Logos. Appartenant à l’Église orthodoxe grecque autocéphale de Chypre, cette chaîne est une société de droit privé émettant sous PAL 025 depuis le 26 avril 1992. Kerta la crédite d’un taux d’écoute de 10%. Couvrant l’ensemble de l’île, elle dispose de huit réémetteurs. Elle est financée par le très riche archevêché ainsi que par une publicité omniprésente. 50 % des programmes sont produits sur place: émissions nationalistes, religieuses, culturelles, mais aussi

divertissements. C’est une très bonne chaîne pour les programmes sportifs. Grâce à sa coopération avec la chaîne privée Sky, Logos réussit à transmettre des matchs de football britanniques (que même les Anglais n’arrivent pas à capter !). Ne poursuivant pas de buts

lucratifs, la chaîne est financée en grande partie par l’Église et la publicité. Parmi les émissions les plus regardées il faut citer l’équivalent local des « Chiffres et des Lettres » et des sujets sur l’hellénisme. Elle diffuse aussi une émission de jeux culturels destinée aux ado182

lescents. C’est aussi la seule chaîne qui a une émission hebdomadaire avec la participation d’enfants chypriotes. Elle propose parfois des programmes français. Logos exporte certaines de ses émissions en Grèce et se prépare à en faire autant aux Etats-Unis. Si ses moyens le lui permettent, elle souhaiterait acheter une part de satellite pour diffuser en direction du monde orthodoxe (Europe de l’Est, Moyen-Orient). La petite chaîne câblée et codée, Lumière,

compte 3 000 abonnés. Elle n’offre que des retransmissions en anglais. Gérée par Multichoice, une compagnie néerlandaise, Lumière s’adresse à un public jeune, international, ins-

truit. Ses adeptes peuvent suivre des programmes de la CNN,

de la MTV

et de la BBC.

En outre, les transmissions étant financées par des souscriptions et non par la publicité, les cinéphiles chypriotes ont la possibilité de voir d’un bout à l’autre, sans interruptions intempestives, quatre films par jour. Pour certains programmes, notamment sportifs, la chaîne propose la double audio: grec/anglais. En règle générale, sur toutes les chaînes, les programmes « sérieux » passent à des heures de faible écoute. La mode est à la frivolité. Même Logos va ajouter dans sa programmation un divertissement déjà populaire sur ses ondes radio (« Prends, donne ! »). Par ailleurs, on parle de l’arrivée imminente de la première chaîne grecque privée, Mega, réputée plus «légère » encore qu’Antenna; ainsi que la mise en exploitation d’une chaîne, Sigma, par un groupe de presse chypriote, le DIAS, avec des partenaires grecs. Des milliers de Chypriotes disposent déjà d’antennes paraboliques pour capter des programmes étrangers, essentiellement anglophones. Au nord de l’île, quelques centaines d’habitants captent les programmes turcs. Par les ondes hertziennes, il est possible de recevoir à l’intérieur de l’île 5 chaînes turques, 1 turque chypriote, 2 syriennes; sur la côte, les habitants réussissent à capter les chaînes libanaises, égyptiennes, jordaniennes, israéliennes, et près des bases britanniques, la SSVC. Enfin, l’usage du magnétoscope et de la vidéo est largement répandu dans le pays.

Christophe CHICLET et Lizbeth MALKMUS

Danemark

Danemark Superficie: 43 069 km? Population: 5 200 000 habitants Capitale: Copenhague Langue utilisée à la télévision: danois Nombre de téléviseurs: 96 % Nombre de magnétoscopes: 60 % Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes câblées privées: 1 Pourcentage de programmes français: négligeable

Jusqu’en 1988, la télévision nationale était le monopole de la Danish Broadcasting Authority (la DR). Mais en 1988, ce monopole a éclaté avec l’arrivée d’une nouvelle chaîne semi-publique, TV2, en partie commerciale. Actuellement, on dénombre quelque 14 chaînes au Danemark. En plus de DR TV et de V2

il

existe

environ : 12 . Chaînes

commerciales!. De plus, 10 chaînes régionales appartiennent à TV2, et de ce fait, ne sont pas comptabilisées dans les chaînes indépendantes. DR TV et TV2 sont protégées par la loi de l’arrivée de nouvelles chaînes nationales. Il est donc impossible qu’une société crée une autre chaîne nationale dans le pays. DR TV et TV2 sont aussi les deux plus importantes en ce qui concerne le nombre de téléspectateurs. Le Danois passe en moyenne 161 minutes par jour devant la télévision. Il consacre 47 minutes à la DR TV, 68 à TV2 et 46 aux

autres chaînes.

Le service public: DR TV et TV2 C’est TV2 qui fait le meilleur indice d’écoute, mais la DR est le média le plus important. La DR a un statut d’institution indépendante. Elle n’a pas le droit de rechercher des bénéfices et elle ne peut être contrôlée directement par les hommes politiques, car elle ne fait pas partie de l’État. Le ministère de la Communication et de la Culture n’a donc ni responsabilité ni influence en ce qui concerne le contenu des émissions.

Pour autant, la DR n’est pas tout à fait libre, car le Parlement joue un rôle décisif dans le recrutement de ses directeurs. Elle a pour mission de produire des programmes de qualité. 50% de sa programmation doit être de son cru. Elle doit aussi satisfaire à des critères de variété, magazines et journaux d’information, divertissement et programmes culturels. La DR est pratiquement financée par la redevance très élevée. (En 1992, elle s’élevait à 231 dollars alors qu’elle n’est que de 176 dollars en Allemagne, de 120 dollars en Angleterre et de 102 dollars en France.) C’est la seule chaîne nationale qui n’ait pas de contraintes commerciales. De grands bouleversements l’attendent car son conseil d'administration prévoit de réorganiser sa structure: bon nombre de programmes seront à l’avenir achetés à des sociétés privées. TV2, elle, est financée à la fois par la rede-

vance et par la publicité. Elle a un faible taux de production. Elle est surtout financée par une fondation qui tire environ 80 % de ses revenus de la société nationalisée TV2 Reklame A/S. (La publicité ne doit pas dépasser 20 minutes par jour au Danemark.) Les 20 % de recettes restants proviennent de la redevance, que la DR et TV2 se répartissent dans une proportion de un quart, trois quarts. TV2 à une structure comparable à celle de la chaîne britannique Channel 4, la plupart de ses programmes sont produits par des sociétés privées, en vue de limiter au maximum la bureaucratie et les équipements de production. TV2 a été créée dans un souci de décentralisation de la télévision: son siège a été situé en province, à Odense et, et on l’a dit, elle possède 10 sta-

tions régionales. Par ailleurs, le ministre de la Communication y joue un rôle décisif. TV2 à trois unités de programmation: l’une comprend les informations et magazines d’actualité, la deuxième les reportages, la dernière la fiction. Les unités de reportages et de fiction ont surtout pour tâche d’établir des contrats avec les sociétés privées qui produisent ensuite les émissions. TV2 produit surtout les 183

Les télévisions du monde

journaux et les magazines d’information. Comme la DR, institution de service public, elle doit mettre l’accent sur la qualité et la variété.

Le câble et le satellite 1,3 million de foyers danois sont câblés. Le Danemark possède l’un des réseaux les plus avancés du monde. A la différence de ce qui se passe en Finlande et aux USA (où exis-

La programmation DR TV et TV2 diffusent environ un tiers de programmes d’information, un tiers de fiction, et un tiers de divertissement2. 8 % du temps d’antenne est consacré à la jeunesse, et 2 % à la publicité. Les reportages représentent 9 % des magazines d’information, 9 % des émissions d’actualité, 5 % des programmes culturels, 3% des émissions traitant de la nature, des documentaires ani-

maliers et de voyage, 3 % des autres émissions sur la vie quotidienne et 3 % des émissions régionales. La fiction est représentée par 11% de dramatiques et 13% de feuilletons. Le divertissement inclut des émissions sur le sport (9%), la musique (4%) et 12% d’émissions sont qualifiées de «pur divertissement ». La DR produit la moitié de ses émissions, alors que TV2 n’en produit que le quart (surtout les journaux et les magazines d’actualité). Toutefois les chaînes régionales produisent 88% de leur programmation. La part de la fiction danoise est faible: 1,5 % des 31,4% de fiction diffusée sur DR TV, et pratiquement aucune fiction sur TV2. La production de fictions coûte très cher. En 1990, par exemple, la minute de feuilleton était estimée entre 2 860 et 4 290 dollars,

alors que les feuilletons étrangers ne coûtaient que 6 430 dollars /’heure. DR TV produit 9 % d’émissions pour la Jeunesse et en achète 2%, alors que TV2 diffuse 4 % d’émission pour la jeunesse qui sont des coproductions. Dans l’ensemble, DR TV diffuse deux fois plus d'émissions pour la jeunesse que TV2. B & U, l’unité de production des émissions pour la jeunesse de DR TV, a très bonne réputation et elle a obtenu de nombreux prix.

184

tent des chaînes à péage, retransmises par le câble) il n’est pas une alternative aux chaînes hertziennes. De ce fait, il n’existe pas de grandes sociétés de câble. A l’avenir, il est prévu de privilégier un réseau nommé Telewide-Band-Net avec communication à double sens. Tous les abonnés pourront recevoir et émettre toutes sortes de signaux électroniques (téléphone, informatique, vidéo, téléphone à écran et télévision). Mais le développement de ce réseau à l’échelle du pays coûtera au bas mot 32 millions de dollars, et personne n’a osé jusqu’à présent présenter une telle facture au gouvernement! La réception par satellite a été autorisée au s

Danemark dès antenne agréée.

/

1987,

sous

réserve

d’une

Bien que la retransmission par le câble des chaînes danoises soit interdite, c’est ce que fait, depuis 1990, TV3 depuis Londres. Actuellement, 52 % des foyers reçoivent le satellite, et 8 % de la population possède une antenne parabolique*. TV3 est sans conteste la chaîne satellite la plus regardée au Danemark, bien que Filmnet ait aussi un nombre considérable de téléspectateurs. Il y a un projet en discussion pour diffuser 16 chaînes par satellite, ce qui modifierait beaucoup la nature de ce que reçoit le téléspectateur actuel.

Le public Les Danois regardent surtout TV2. Ils lui consacrent 42% du temps qu’ils passent devant la télévision, 29 Z allant à DR TV et les 29% restant aux autres chaînes. Les émissions qui connaissent le plus de succès sont les rencontres de football nationales, les JT et les films danois. Mais les films

étrangers et les matches internationaux font eux aussi de bons indices. Le téléspectateur moyen passe beaucoup de temps devant les variétés. Mais ce qui est le plus regardé est, dans l’ordre, les informations, le sport, les feuilletons, les dramatiques et la publicité. Concernant l’éducation, les spectateurs de DR TV et de TV2 ne sont pas les mêmes. Les gens n’ayant pas fait d’études secondaires regardent plutôt TV2, alors que les autres sont devant DR TV. Toutes les couches de la population, excepté les cadres,

Danemark

La mire

Indices d’écoute des films français, sur DR TV, en 1993 — — —

La balance : Trois hommes Hiver 54 :

et un couffin :

— Vanille fraise : — La neige et le feu: — Le petit prince a dit: — Krapatchouk :

3% 6% 1%

6% 12% 7% 2%

regardent surtout TV2. Par ailleurs, plus le téléspectateur a un niveau intellectuel élevé moins il regarde la télévision. Les différences de sexe ne jouent pas vis-à-vis du petit écran. Les enfants regardent la télévision environ 1 h 30 par jour. Ils passent plus de temps devant DR TV, moins devant TV2 et très peu sur les autres chaînes. En général, la consommation télévisuelle est de 1 h 30 à 3 heures par jour. Les heures de grande écoute sur DR TV, tant les jours de semaine que le week-end,

sont entre TV2,

18h30

de la télévision

et 22h30,

elles sont entre

danoise

alors que sur

18 et 22 heures.

Dans quelques années une nouvelle chaîne nationale (et une nouvelle station de radio) va apparaître. DR TV, TV2 et TV3* sont toutes trois intéressées de l’acheter. On ne sait pas si ce sera une nouvelle chaîne de service public ou une chaîne commerciale de plus. Henriette MADSEN 1. Le nombre de chaînes dépend des méthodes de calcul. Par exemple, l’Euro-Factbook Nasic Hardware Audience Data (1993) en trouve 50, parce qu'ils prennent en compte les petites stations qui émettent sur les mêmes canaux que les chaînes indépendantes. Dans cette étude, nous prenons nos sources auprès

du Gallup TV-Meter,

de l’Institut Gallup danois, 1994.

2. Dansk Kultur og mediastatistik, 1993, p. 109. Données éta-

blies à partir des émissions diffusées à partir de 17h. Dans cette partie, les sources proviennent des chiffres de Dansk kultur og mediastatistik de 1993. 3. Euro-Factbook, 1993, p. 71, fournit des informations plus en détail sur la réception du câble et du satellite au Danemark. En pourcentages cela donne : 54 % de foyers recevant MATVHH, 48 % CABLEISAT-HH, 17 % CABLE, 24 % SMATV et 7% ayant une antenne parabolique. 4. TV3 s'appelle aussi TV3 Danemark. C’est la seule chaîne diffusée par satellite qui base son assise économique au Danemark. Elle fait partie de ScanSat qui émet aussi en direction de la Suède et de la Norvège.

185

Les télévisions du monde

Espagne

Les Espagnols entretiennent avec leur télévision des rapports particulièrement passionnels et difficiles. Après l’avoir longtemps méprisée et tenue en suspicion à l’époque de

vents qui viennent du dehors ne corrompent la pureté de l’atmosphère espagnole ». Porte-parole pendant vingt ans des deux piliers du régime, l’Église et la Phalange, expression du fascisme à l’espagnole, la télévision tendait à gommer l’information politique et sociale pour multiplier les émissions de divertissement: les jeux, les récitals de chansons plus ou moins folkloriques, les matches de football et les corridas. L'Espagne franquiste était extrêmement centralisée, mais en 1960 un centre de production et de diffusion complémentaire de celui de Madrid avait été créé à Barcelone. En 1964, on inaugure de nouvelles installations dans la banlieue de

la dictature franquiste où elle était au service

Madrid, à Prado del Rey, et l’on autorise la

de l’Ordre moral et de l’Etat national catholique, ils avaient fondé de très grands espoirs sur le rôle qu’elle pourrait jouer au service de la démocratie et de la culture. Le désenchantement qui prévaut vingt ans après la disparition du Caudillo en 1975 est à la mesure de cette illusion. L’ironie de l’histoire a fait que ce sont les socialistes de Felipe Gonzalez, au pouvoir depuis 1982 et grands défenseurs naguère de la télévision de service public, qui ont mis fin à son monopole. Beaucoup pensent qu’ils ont manqué de clairvoyance en n’accordant pas aux deux chaînes publiques les moyens d’assurer leur mission au moment même où l’autorisation des chaî-

diffusion de quelques émissions en catalan. La

Superficie: 504 782 km? Population: 39 000 000 habitants Langues utilisées à la télévision: castillan, catalan, basque, galicien

Foyers équipés d’un magnétoscope: 48 % Nombre de chaînes publiques: 10 (2 nationales et 8 autonomiques) Nombre de chaînes privées: 3 Nombre de télévisions locales: 500 environ

nes

privées,

en

août

1989,

bouleversait

l’ensemble du paysage audiovisuel.

Une

laborieuse

démocratisation

deuxième

chaîne

est créée en

1965,

date à

laquelle on supprime la redevance, ce qui fait de la TVE une télévision publique et commerciale qui n’a d’autres ressources que les recettes publicitaires. La situation de monopole produisait alors des revenus très importants qui permettaient même de financer la radio publique qui n’incluait aucune publicité. L’abondance d’argent et la gestion de la télévision nationale selon des critères plus politiques qu’économiques avaient entraîné une surabondance de personnel et des dépenses souvent inconsidérées. Le système Pal de télévision en couleur fut adopté en 1969, et les émissions en couleur se généralisèrent sur les deux chafînes à partir de 1975. La nouvelle Constitution démocratique approuvée par référendum en 1978 proclamait dans son article 20 la liberté d’expression, et il devenait clair qu’il faudrait désormais un contrôle parlementaire

sur les moyens de communication dépendant L’une des tâches prioritaires des hommes politiques dans la période de transition de la dictature à la démocratie fut précisément la démocratisation d’un outil de pouvoir aussi

puissant que la télévision étatique. Elle dépendait, depuis sa création en 1956, du ministère

de l’Information et du Tourisme qui contrôlait tous les médias et qui veillait, selon les

paroles du Caudillo lui-même, à ce que «les 186

de l’État, afin d’éviter les abus.

Le nouveau statut de la Radio Télévision Espagnole (RTVE) fut adopté en 1980. Il définissait l’audiovisuel comme un service public géré par un directeur général, nommé par le gouvernement et révocable. Il est assisté d’un conseil d’administration de douze membres élus par les députés et les sénateurs et qui est l’organisme de contrôle.

rem

La télévision

fait alors son

entrée dans

l’hémicycle et retransmet en direct les grands débats parlementaires. Elle joue un rôle décisif le 23 février 1981, lorsqu'elle diffuse dans tout le pays des images du Parlement investi

par un détachement de la Garde Civile, lors de la tentative de coup d’État du colonel Tejero. Un opérateur avait laissé tourner une caméra malgré l’interdiction des putschistes. Les Espagnols, traumatisés par ces images qui leur rappelaient un passé redoutable, ne furent rassurés que lorsque le roi Juan Carlos, revêtu de son uniforme de capitaine général des armées, apparut à son tour sur les écrans pour affirmer solennellement son appui au gouvernement démocratique. En déclarant alors que le gouvernement ne pouvait tolérer «les actions et les attitudes des personnes qui prétendaient interrompre le processus démocratique », le roi confirmait de façon éclatante le rôle que la télévision allait jouer désormais dans la consolidation d’une monarchie constitutionnelle moderne.

Du monopole à la guerre des chaînes La meilleure preuve des progrès de la démocratie fut précisément, peu de temps après cette tentative de coup d’Etat, l’alternance politique qui se produisit en 1982. Malgré le contrôle relatif des médias et notamment de la télévision par les centristes de l’Union du centre démocratique (UCD) qui étaient au gouvernement, les élections furent largement remportées par le Parti socialiste ouvrier espagnol

(PSOE) de Felipe Gonzalez. L’une des premières tâches du nouveau gouvernement fut la décentralisation. Par réaction contre la centralisation extrême imposée par le franquisme, on proclama le droit à l’autonomie des différentes nationalités et régions et ce processus déboucha,

en 1984, sur la reconnaissance

de

dix-sept communautés autonomes dont les dirigeants rêvaient tous d’avoir leur propre télévision. Le statut de la Radio Télévision Espagnole (RTVE), voté en 1980 afin de faire passer dans les faits les principes démocratiques, garantissait « l’accès aux moyens de communication des groupes sociaux et politiques significatifs, dans le respect du pluralisme et

à

Espagne RPG STEE

des diverses langues de l'Espagne ». Les trois communautés où le sentiment nationaliste est le plus fort du fait de l’existence d’une langue différente de la langue nationale, le castillan, furent les premières qui obtinrent leur télévision: le Pays basque, la Catalogne et la Galice. A la même époque, l’organisation du Mundial de football en Espagne (1982) accéléra la modernisation des installations de la télévision nationale qui investit à cette occasion plus de quinze milliards de pesetas. On construisit un nouvel édifice: Torrespaña au centre de Madrid ainsi que de nouveaux studios dans la banlieue de Barcelone, à San Cugat. La télévision basque, Euskal Telebista (ETB), fut la première à briser le monopole des deux chaînes nationales lorsqu'elle commença ses émissions en basque le 1° janvier 1983, sans attendre la bénédiction de Madrid.

Les autorités du Parlement basque installé à Vitoria firent alors de gros efforts pour tenter de développer l’emploi de leur langue qui était parlée par un million de personnes environ. Elles ont donc participé au financement de cette première télévision autonomique qui est restée dans le domaine public. Le ton d’Euskal Telebista qui pouvait être comprise par environ 20 % de la population vivant au Pays Basque, était à ses débuts très nationa-

liste. L’hostilité manifestée par certains de ses Journalistes à l’égard des institutions de l’État espagnol provoqua même, en 1987, la réaction de certains parlementaires qui s’émurent en particulier de l’emploi systématique d’une terminologie qui montrait que ces journalis-

tes ne reconnaissaient par les frontières des

Etats actuels. C’est ainsi qu’ils parlaient par exemple d’Euskadi Nord pour désigner le Pays basque français et d’Euskadi Sud pour désigner la communauté autonome basque en Espagne, à laquelle ils annexaïent d’ailleurs la Navarre. On leur reprochait de ne point se conformer, ce faisant, aux Principes de base

de la programmation adoptés en 1981 par le conseil d'administration de la RTVE et qui fait obligation aux journalistes d’œuvrer « au renforcement du sentiment d'unité nationale >» afin de lutter contre la crise d’identité dont souffre l’Espagne. L’audience de cette première chaîne en basque étant limitée par le petit nombre d’audideurs susceptibles de la comprendre, le gouvernement

autonome

a lancé, en mai

1986, 187

Les télévisions du monde

une deuxième chaîne, ETB2 qui est bilingue et dont l’audience a rapidement dépassé celle de la première. La chaîne catalane TV3 qui a commencé sa programmation régulière en janvier 1984 est sans aucun doute la mieux organisée des trois premières chaînes autonomiques et celle qui atteint la plus grande audience. Elle s’est très vite imposée, non seulement en Catalogne où elle a un public potentiel de six millions de personnes dans les quatre provinces de cette communauté: Barcelone,

Gérone,

Lérida

et

Tarragone, mais également à Valence et aux Baléares. Actuellement, TV3 touche en Cata-

logne un public supérieur à celui de TV2, la seconde chaîne nationale, et elle fait presque jeu égal avec la première chaîne nationale. Les Catalans ont systématiquement utilisé la télévision pour le renforcement de leur identité et la diffusion de leur langue. Des cours de catalan, à partir d’une nouvelle méthode intitulée Digui digui ont été diffusés à la fois sur TV3 et sur le circuit catalan de la Radio Télévision Espagnole (RTVE). Une enquête réalisée en 1978 dans la province de Barcelone qui est celle qui accueille la plus forte immigration intérieure, en provenance d’Andalousie, de Castille et d'Aragon, montrait que 57 % des habitants étaient nés en Catalogne et que 43 % seulement considéraient le catalan comme leur langue maternelle. Pour la Catalogne considérée dans son ensemble, le pourcentage des habitants qui parlaient couramment le catalan s’élevait à 50 % alors que ceux qui le comprenaient représentaient 80 % de la population totale. De même que le Pays Basque, la (Catalogne s’est dotée d’une deuxième chaîne autonomique :: Canal 33. La télévision galicienne, TVG, a commencé

ses émissions en 1985, et comme le galicien est très proche du portugais, son audience s’étend aux provinces portugaises proches de la frontière où son influence est grande. Il y a dans l’Espagne de 1995 huit chaînes autonomiques. En plus des deux chaînes basques ETB1 et ETB2, des deux chaînes catalanes, TV3 et Canal 33 et de la chaîne galicienne TVG, l’on trouve Telemadrid, inaugurée en 1989 puis Canal Sur en Andalousie et Canal 9, à Valence.

Ces télévisions autono-

miques se sont regroupées au sein de la Fédération des organismes de radio et de télévision autonomiques (Forta), afin de lutter de

façon plus efficace contre la domination des 188

deux chaînes nationales, TVEI

et TVE2.

La

Forta a remporté un grand succès lorsqu’elle a obtenu, en négociant directement avec la Ligue professionnelle de football, exclusivité de la diffusion

des matches

de football,

le

samedi. La somme payée en 1994, 54 milliards de pesetas, pour défendre ce monopole montre bien l’importance de l’enjeu. Les moyens dont elle dispose ont également permis à cette fédération des télévisions autonomiques de produire quelques émissions prestigieuses. C’est ainsi qu’elle a, par exemple, présenté à Cannes, en 1993, une série de quatre épisodes d’une heure sur Le jeune Picasso dont le metteur en scène était le cinéaste chevronné Juan Antonio Bardem. On trouve, en plus de ces huit télévisions autonomiques, un grand nombre de télévisions locales, cinq cents environ selon un article du quotidien El Pais (29-08-94), qui se sont développées de façon plus ou moins anarchique en profitant du vide juridique sur ce sujet. Il existe même une Association des télévisions locales (Atel) qui indique que ces stations se sont développées surtout en Andalousie, à Valence, en Catalogne, aux Baléares, au Pays Basque et à Madrid. La télévision locale de Bilbao, au Pays Basque, peut être vue par plus d’un million de personnes, celle de Madrid nommée Telemadroño, par environ 500 000 personnes et celle d’Hospitalet, en Catalogne, par 1 200 000 personnes.

Télévisions privées Le paysage audiovisuel espagnol a été bouleversé en 1989, lorsque le gouvernement socialiste a dû tenir sa promesse d’autoriser les télévisions privées. Trois concessions de dix ans ont été accordées: Canal+, une chaîne payante sur le modèle de son homonyme française qui est par ailleurs l’une des actionnaires,

Tele5,

indissociable

de

son

puissant

patron Silvio Berlusconi, associé ici à l’Allemand Leo Kirch et Antena 3 dont l’actionnaire principal est le patron du groupe de presse Zeta: Antonio Asensio. L’irruption des chaînes privées a eu pour conséquence logique la baisse du taux d’audience de la télévision publique qui est passé pour les deux chaînes

nationales

TVE1

et TVE2,

de 51 % de

l’audience globale en 1991 à 45,5 % en 1992.

Espagne

Les présentateurs

vedettes

du JT de TVE

Les télévisions autonomiques, quant à elles, sont restées remarquablement stables ne perdant que 1 % d’audience. La plus belle réussite du secteur privé est Canal+, chaîne payante dont le capital est réparti entre le groupe espagnol multimédia Prisa que dirige Jésûüs Polanco (il comprend notamment le quotidien El Pats et la chaîne de radios SER), Canal+ France et des banques espagnoles (March, Bilbao Vizcaya, Bankinter, Caja Madrid...). Lancée en septembre 1990 dans le plus grand scepticisme, cette chaîne comptait quatre ans plus tard, en septembre 1994, plus de 850 000 abonnés qui payaient 3 500 pesetas par mois. Tele5 est en 1994 Ia deuxième chaîne du pays pour l’audience, après la première chaîne nationale TVE1 et elle est suivie par Antena 3 qui dépasse la deuxième chaîne nationale EVE. La diffusion des émissions par satellite s’est fortement développée au cours des dernières années. En plus des trois satellites que l’on pouvait recevoir jusque-là en Espagne: Astra (qui diffuse notamment la chaîne mexicaine Galavisiôén,

suivie dans

1 million environ de

foyers espagnols, et quatre chaînes espagno-

15h-15h30:

Ana

Blanco

et Matiés

Prats

les codées: Cinemania, Documania, Cineclassics et Minimax), Eutelsat F1 (Euronews et

TV 5, la seule chaîne francophone accessible aux Espagnols), et Intelsat (BBC World Service, CNN..),

le nouveau

satellite Hispasat

diffuse depuis septembre 1994 cinq chaînes supplémentaires, codées, en espagnol: Teledeporte et Canal Cläsico qui dépendent du service public et trois chaînes privées: Canal 31 (fihale de Canal+ qui diffuse quatre films quotidiens), Antena 3 Satélite, centrée sur l’actua-

lité et Telesat 5 destinée aux plus jeunes. La présence de la télévision espagnole dans le monde est assurée par TVE Internacional sur le satellite Eutelsat F2 que l’on reçoit en Europe et en Afrique du Nord et par la chaîne Hispavision sur le satellite Hispasat à destination de l’ Amérique.

La quantité au détriment de la qualité Un bon nombre d’Espagnols qui pestèrent contre le monopole de la télévision publique qui s’était maintenu jusqu’en 1989, en vien189

Les télévisions du monde

nent, cinq ans plus tard, à regretter l’époque où il n’y avait que deux chaînes mais où la publicité était moins envahissante et où les émissions, moins nombreuses, étaient souvent

de meilleure qualité. L'arrivée des nouvelles chaînes privées alors que la télévision publique devait, elle aussi, vivre de la publicité

dans un pays où il n’y avait ni redevance ni, théoriquement, de subventions, ne pouvait que provoquer une crise. La seule chaîne codée, Canal+, qui ne se trouve pas mise en concurrence directe avec les autres pour le partage du gâteau publicitaire semble avoir tiré bénéfice de l’abaissement moyen de la qualité des émissions sur ses rivales. Juan Cueto qui a été le directeur de cette chaîne jusqu’en 1994 en a fait la chaîne du cinéma de qualité où l’on passe les films en version originale et sans coupures. Cette chaîne a également diffusé systématiquement le cinéma espagnol récent qui a, par ailleurs, du mal à trouver son public naturel du fait de la mainmise des grosses sociétés américaines sur les circuits de distribution et d’exploitation. En 1993 par exemple, Canal+ a acheté les droits de diffusion de 40 films espagnols sur un total de 43 films produits dans l’année. En plus du cinéma qui reste la priorité, Canal+ a fait porter son effort sur la diffusion du football et des corridas. Avant de quitter cette chaîne codée qui avait atteint le seuil de rentabilité vers 1993, lorsqu'elle put faire état de 800 000 abonnés, Juan Cueto a lancé quatre chaînes thématiques sur le satellite Astra : Cinemania et Cineclassics consacrées au cinéma, Documania, l’équivalent de Planète en France et consacrée donc aux documentaires et reportages et Minimax, destinée aux enfants. Le nouveau directeur, Carlos Abad, a décidé

d'émettre 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine, à partir de septembre 1994, Canal + Espagne était à cette date la troisième chaîne à péage d'Europe pour le nombre d’abonnés, après Canal + France et la chaîne britannique B.Sky. B. La concurrence pour le partage du marché publicitaire a mis aux prises surtout les deux chaînes nationales TVET et TV2 et les deux chaînes privées non codées: TeleS et Antena 3. Cette concurrence s’est traduite par des rabais exorbitants aux annonceurs et par une augmentation excessive des messages

publicitaires. C’est Tele 5, qui de ce point de vue, a la plus mauvaise image. En 1992, sur 190

un total de 3 403 heures consacrées à la publicité sur l’ensemble des chaînes, Tele 5 en avait diffusé à elle seule 819, soit 24%, contre

448 heures seulement à Antena 3 (13 %) et 395 à TVE1 (11 %). De 1989 à 1992 le nombre des spots publicitaires a été multiplié par trois. Tele 5 et Antena3 ont dépassé plusieurs fois en 1993 le pourcentage autorisé d’espaces publicitaires qui est de dix minutes au maximum par heure. Ces excès en viennent même à inquiéter certains publicitaires qui craignent qu’ils n’émoussent l’efficacité du message. Par ailleurs, les associations de téléspectateurs et

les associations de consommateurs dénoncent constamment le caractère violent et sexiste de nombreux spots. La publicité pour les boissons alcoolisées est importante, surtout sur Tele S et Antena 3. On a constaté également que les treize chatnes: 2 nationales, 8 autonomiques et 3 privées, augmentent sans cesse la part du cinéma dans leur programmation. En 1992, le cinéma représentait pour l’ensemble des chaînes 30 % des images diffusées. Viennent ensuite les séries qui englobent notamment les célèbres feuilletons importés d'Amérique latine, les relenovelas ou culebrones, avec 16,5 %, puis les

programmes de variétés et musicaux, 15 %. L’invasion du petit écran par les émissions américaines augmente de façon constante et apparemment inexorable, et cette véritable colonisation culturelle est particulièrement choquante en ce qui concerne la diffusion des films. En juin 1994 le quotidien El Pais signalait que sur chaque heure diffusée sur l’ensemble des chaînes espagnoles, plus de 20 minutes correspondaient à des productions américaines (25-6-1994). La course effrénée aux contrats publicitaires a également fait que toutes les chaînes, y compris les télévisions publiques, ont sacrifié les émissions destinées aux enfants qui sont considérées comme moins « rentables » en dehors de la période des fêtes de fin d’année. En se battant avec les armes de la télévision commerciale à laquelle elle appartient, la télévision publique a obtenu quelques beaux succès. En 1994 le culebrôn (feuilleton) AleJandra à été le plus regardé et Tele 5 a essayé de détourner une partie du public, prioritairement féminin, en programmant à la même heure La vida alrededor (La vie autour de nous) qui est une revue de l’actualité selon la presse du cœur. L’émission la plus popu-

Espagne

L'émission

laire sur les deux années

1993 et 1994, sui-

vie régulièrement par plus de 8 millions de téléspectateurs, a été toujours sur TVEI, Quién sabe dôénde ? (Qui sait où ?) une sorte

de Perdu de vue à l’espagnole où l’excellent journaliste Paco Lobatôn a le mérite de poser, à partir des cas concrets qu’évoque ce reality show de véritables problèmes de société: l’intégration des enfants d’origine africaine, les mariages mixtes, la violence conjugale... La télévision publique compte en effet parmi son personnel des journalistes de grand talent qui ont pour la plupart résisté aux propositions alléchantes des chaînes privées. Citons, en plus de Paco Lobatôn, l’animateur de Quién sabe dônde ?, Diego Galän, extraordinaire historien

du cinéma espagnol sur lequel il a été réalisé plusieurs séries, et notamment,

en 1992 une

série pour TVE2 en 23 épisodes sur les grands acteurs espagnols intitulée Queridos cômicos (Chers comédiens), le cuisinier basque Karlos

Arguinano et son Ment de cada dia (Menu

vedette

de TVE1:

Quién

sabe

dônde ?

de chaque jour), Pedro Piqueras et Elena Sänchez, les présentateurs du journal télévisé le plus suivi, celui de la mi-journée de 15h à 15h30

sur TVE1,

Narciso

Ibâñez Serrador,

inventeur de l’émission la plus célèbre de l’histoire de la télévision espagnole, Un, dos, tres.

responda,

otra

vez (Un, deux,

trois...

répondez à nouveau), la doctoresse Elena Ochoa, qui après avoir brisé bien des tabous en parlant avec justesse des problèmes sexuels dans Hablemos de sexo (Parlons de sexe) anime en 1995 une émission dans la même tonalité Luz roja (Lumière rouge) qui évoque les comportements troubles, les obsessions, la violence,

la peur.

L'émission vedette de TeleS est une sorte de reality show conjugal, Su media naranja (Votre moitié), un concours

dans lequel les

trois couples en compétition doivent faire la preuve de la connaissance intime qu’ils ont l’un de l’autre. Antena 3 a connu de beaux succès avec ses 191

Les télévisions du monde

telecomedias, des comédies de situation où interviennent les meilleurs acteurs, comme ce

fut le cas dans Farmacia de guardia (Pharmacie de garde) mise en scène par le talentueux Antonio Mercero. Le dernier journal télévisé d’Antena 3, à 1 heure du matin, alors que beaucoup d’Espagnols ne sont pas encore

couchés, est le plus suivi dans cette tranche horaire, grâce à la popularité de son présentateur, José Maria Carrascal, célèbre pour ses attaques virulentes contre le gouvernement des

socialistes et la fantaisie de ses cravates.

Qu'’ont-ils fait pour mériter ça ? La dégradation de la qualité moyenne des émissions sur toutes les chaînes depuis l’arrivée des télévisions privées a provoqué un profond malaise en Espagne où l’on a commencé à parler de telebasura (téléordure) et à se demander si la télévision n’était pas finalement un ennemi redoutable tapi dans chaque foyer. Cet ennemi apparaît comme d’autant plus redoutable qu’il séduit et hypnotise ses victimes dont il occupe plus de la moitié des loisirs. Ces victimes consentantes passent d’ailleurs de plus en plus de temps en sa compagnie, Car la consommation d’images est l’une des plus fortes d'Europe. Les Espagnols dont 98 % déclarent posséder un téléviseur en couleur ont passé en moyenne chaque jour 3 heures et 23 minutes devant le petit écran en 1993 et 4 heures et 5 minutes en 1994. Comme ils prennent leurs repas et se couchent plus tard que la plupart des autres Européens, les moments de plus grande écoute (prime time) sont fortement décalés par rapport par exemple à ce qu’ils sont en France. Le prime time de la mi-journée se situe l’après-midi de 15h à 15h30. C’est l’heure du déjeuner, et plus de 44% des 32 millions de téléspectateurs potentiels se retrouvent devant le petit écran. La télévision publique a maintenu sa suprématie sur cette tranche horaire, et le journal télévisé de TVEI est suivi par 26,9% des spectateurs alors que le taux d’écoute n’est que de 8,5 % pour Antena3 et 3,4% pour Tele 5. Le décalage horaire par rapport aux autres pays européens se maintient en soirée où le prime time se situe de 22 h à 22 h 30, avec 60 % de l’audience potentielle. Un taux élevé de plus de 50 % des spectateurs potentiels se maintient jusqu’à minuit. 192

C’est bien évidemment à ces heures de forte écoute que la guerre des chaînes fait rage. Tous les coups sont bons pour distancer les concurrents et notamment en modifiant la grille des programmes afin de passer un film surprise ou une émission qui s’inspire très fortement de celle qui fait recette chez le voisin. Après le journal télévisé de la mi-journée, TVE1 essaie, par exemple, de retenir la plus grande partie des 8 millions de téléspectateurs qui le regardent en leur offrant, à 15 h 30, le feuilleton lar-

moyant de l’année. Le public se plaint des fréquents changements de programmes et du manque de respect que l’on montre à son égard en se souciant fort peu de la ponctualité. Il est en effet tout à fait courant qu’une émission commence en avance ou avec 10 ou 15 minutes de retard ou que l’on se permette de raccourcir la durée d’un film pour augmenter celle des spots publicitaires. Le quotidien ET Pais du 29 mai 1994 signalait par exemple que Tele 5 avait amputé le film de la soirée de 15 mn et que TVEI1, non contente de commencer

la diffu-

sion de son film, la même soirée avec plus de 8 minutes de retard, l’avait ensuite interrompu par quatre coupures publicitaires d’une durée totale de 20 mn. Les méthodes qu’emploie Antonio Asensio, directeur d’Antena 3, sont souvent dénoncées

par la presse tamment de publique, il mirobolants (notamment

écrite. Alors qu’il se plaint consla concurrence de la télévision reconnaît qu’il paie des salaires à certains présentateurs vedettes Emilio Aragén) et il n’hésite pas

à humilier ses concurrents comme

il l’a fait,

en septembre 1994, en offrant une somme quatre fois supérieure à ce que proposait la télévision publique pour la diffusion d’un match de football de la coupe de l'UEFA entre le Sporting de Lisbonne et le Real Madrid. C’est également lui qui a associé de curieuse façon la charité et le taux d’audience d’Antena3 lorsqu'il a organisé, toujours en septembre 1994, à grand renfort de publicité, un match

de football entre deux équipes andalouses afin d’offrir le voyage vers une clinique américaine à un enfant leucémique. Le directeur d’Antena3 s’engageait en outre à verser aux parents de l’enfant une peseta pour chaque téléspectateur qui aurait visionné la rencontre pendant plus de 15 minutes. La Sofres était chargée d’évaluer le nombre de téléspectateurs et donc, indirectement, la somme que recevraient les malheureux parents.

Espagne

Diego Galan,

Taux moyen d’écoute des diverses chaînes en Espagne en 1993 TVE 1 Tele 5 Antena 3

TVEZ2 Canal+ Canal Sur

TV3 Telemadrid Canal 9 Canal 33

étrangères TV locales Les pourcentages sont établis en fonction des 14 millions de téléspectateurs potentiels de plus de quatorze ans (source : Annuaire du quotidien El Pais, 1994).

Le comble de l’indécence dans l’exploitation du malheur avait été atteint en 1992 lorsque l’on avait retrouvé dans le petit village

« Monsieur

cinéma » de la télévision

espagnole

d’Alcasser, près de Valence, les corps de trois fillettes assassinées et que l’on avait vu les Journalistes des différentes chaînes s’empoigner afin d’arracher aux parents éplorés des images et des déclarations émouvantes. Après les excès des quatre années qui ont suivi la fin du monopole de la télévision publique (1990-1994), il semble que le gouvernement espagnol ait enfin décidé de réagir contre la dégradation de la qualité des programmes. Pour que le service public puisse jouer pleinement son rôle de contrepoids à la logique purement commerciale des chaînes privées il semble nécessaire de lui octroyer des subventions qui compenseraient la baisse des recettes publicitaires inéluctablement provoquée par une politique plus ambitieuse des programmes. Le directeur général de RTVE, Jordi Candau, qui s’est longtemps plaint de prêcher dans le désert, se réjouissait, à l’automne 1994, de ce changement d’attitude et envisageait une réorganisation des programmes en réduisant les spots publicitaires, en supprimant les reality shows et en revenant à la production de séries de prestige. Emmanuel

LARRAZ

193

Les télévisions du monde

Finlande Superficie: 338 000 km? Population : 5 000 000 habitants Capitale: Helsinki Langues utilisées à la télévision: finnois, suédois Nombre de téléviseurs: 2 105 400 Nombre de magnétoscopes: 1 473 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 1 français : Pourcentage de programmes négligeable

Par ses statuts comme par son organisation, la Radiotélévision finlandaise (sigle: YLE) se

présente comme

un organisme classique au

capital social détenu à 99,9 Z par l'Etat, et

dont les activités sont supervisées par le ministère des Transports et des Communications. Constituée en 1926 à Helsinki, YLE procède à sa première transmission télévisée en 1955. Depuis lors, elle reste propriétaire des réseaux, des émetteurs et des relais du pays. La télévision finlandaise est financée presque à 80% par une redevance dont le coût annuel s’élève à 850 F. Le reste des recettes provient des subventions allouées par l’État, et de la location de la troisième chaîne. Les Finlandais ont jeté leur dévolu sur le système PAL 625/50, faisant traditionnellement du marché des installations l’apanage de la société Nokia, entreprise nationale d’électronique tant professionnelle que grand public. Depuis le début des années 80, un système de télétexte est proposé lors des pauses du matin, les services offerts étant similaires à

ceux du minitel en France.

Trois chaînes au nombre de quatre... Les programmes télévisés s’organisent en trois chaînes principales. La première, chaîne généraliste assurant toute la gamme des produits télévisuels clas194

siques, a son siège à Helsinki. Sa vocation de chaîne officielle d’information et d’actualité est clairement affichée. La deuxième

est assez similaire, mais son

siège se trouve à Tempere et sa programmation a un caractère régional. Ces deux chaînes sœurs fonctionnent sans publicité, avec l’obligation d'émettre en suédois par le biais du sous-titrage. Les programmes d’origine nationale sont majoritaires, malgré une ouverture sur les productions européennes et nord-américaines. La troisième s'appelle MTV. Chaîne de programmation nationale louée par YLE à des fins commerciales, elle est donc la seule auto-

risée à pratiquer la publicité. YLE reste actionnaire de MTV à hauteur de 20 %. Les programmes de cette troisième chaîne s’alignent évidemment sur les canons commerciaux: variétés, séries américaines ou anglo-saxonnes, films et démonstrations sportives alternent avec des spots publicitaires, lesquels, très courts, se

montrent d’une singulière sobriété de conception. Enfin, les téléspectateurs finlandais reçoivent tous une quatrième chaîne qui vient de Suède, relayée par le réseau finlandais.

Multilinguisme Dans ce pays bilingue, la population finlandaise manifeste un intérêt soutenu pour cette quatrième chaîne. Peut-être ce respect scrupuleux de la minorité suédophone paraîtra-t-il déroutant à l’esprit du jacobin français, au regard surtout des effectifs modestes de cette minorité (12%) — mais il faut savoir qu’il n’en va pas de même des quelque 2% de Lapons, certes bien moins nombreux, lesquels

ne disposent que de programmes radio financés conjointement avec la Norvège et la Suède. Les journaux télévisés passent systématiquement en finnois et en suédois, en alternance

sur les deux chaînes d’État.

Finlande

Autre marque de respect linguistique: la diffusion exclusivement sous-titrée de tous les programmes étrangers, documentaires ou pas. Du doublage, aucune pratique. Même les séries américaines ne connaissent pas d’autres formes de présentation que la version originale. La vogue des antennes paraboliques a également gagné la Finlande, d’autant que les langues étrangères sont communément pratiquées, particulièrement l’anglais, mais aussi l’allemand, le russe et le français. Il existe d’ailleurs un système d’abonnement à un réseau câblé permettant de recevoir les grandes chafnes internationales. Les émissions de la télévision russe et estonienne sont peu prisées du public, bien qu’on puisse les capter aisément sur une partie du territoire national. En revanche, la télévision finlandaise est historiquement très populaire en Estonie, l’estonien étant relativement proche du finnois. Il y a eu, à l’époque de l’URSS, des tentatives de brouillage peu réussies, et il semble que l’indépendance de cette république n’ait guère entamé l’engouement de la population pour la TV finlandaise. Quant au public francophone, il se montre extrêmement limité mais les milieux culturels sont en revanche volontiers francophiles. Quelques séries hexagonales passent à l’écran,

tel

l’incontournable

Commissaire

Maigret.

Sobriété La télévision en Finlande revendique un esprit d’indépendance, de sobriété et de sérieux propre à la culture protestante. En effet, le conseil d'administration de YLE est désigné par le Parlement, et sa liberté vis-à-vis du gouvernement apparaît incontestable. La sobriété du climat télévisuel est particulièrement patente dans les débats de politique intérieure, idéologiquement dépassionnés. Ainsi, lors de la récente campagne électorale présidentielle — premier scrutin du genre au suffrage universel direct —, les débats sans émotion se sont

caractérisés par le plus vif souci d'égalité des temps de parole. De même, les journaux télévisés laissent traditionnellement peu de place aux commentaires. Le besoin d’une information de qualité se révèle particulièrement exigeant dans un pays qui atteint des records mondiaux de tirage et

d’abonnement par habitant aux quotidiens de la presse écrite. Le classicisme du fonctionnement de la télévision finlandaise ne doit pas masquer une certaine modernité: par exemple, le pourcentage de personnel féminin à des postes de responsabilité est particulièrement élevé. Si ce phénomène est courant en Finlande, il n’en reste

pas moins un sujet de fierté. La vie publique officielle figure en bonne place, mais souvent sans protocole ni décorum. Ainsi, la réception officielle donnée au palais présidentiel lors de la fête nationale est retransmise dans son intégralité et suivie avec beaucoup d’intérêt par la population. Cette retransmission a même battu le record de l’audimat de l’année 1993 ! Les émissions commencent normalement vers

17heures

sur

toutes

les

chaînes,

à

l'exception de quelques programmes éducatifs ou scolaires diffusés le matin ou l’après-midi. En toute logique, les deux chaînes publiques proposent beaucoup de documentaires et reportages. Les émissions culturelles font la part belle aux différents festivals de l’été, comme

celui du jazz à Tempere. Les associations les plus diverses (clubs amateurs artistiques ou sportifs.) jouissent d’un accès à l’antenne relativement aisé, ce qui confère aux programmes un aspect familial pouvant contrebalancer une austérité apparente de ton et de style. La protection de l’environnement fait partie des thèmes les plus fréquents dans ce pays où la population vit encore très près de la nature. Les Finlandais apprécient particulièrement le sport (avec évidemment un faible pour le saut à ski et le hockey, mais aussi pour l’athlétisme) et les informations. La pornographie comme la violence sont généralement proscrites, malgré une évolution récente sur MTV. Certes, la télévision finlandaise s’exporte peu, probablement en raison de la difficulté de la langue finnoise. Le produit télévisé le plus vendu au-delà des frontières est le dessin animé pour enfants Les Moomins, présenté en feuilleton. L’adhésion de la Finlande à l’Union européenne en 1995 contribuera sans doute à accélérer la modification du paysage audiovisuel finlandais.

Anna-Maria

DELARBRE

195

Les télévisions du monde

France Superficie: 550 000 km? Population: 55 000 000 habitants Capitale: Paris Langue utilisée à la télévision: français Nombre de téléviseurs: 20 900 000 Nombre de magnétoscopes: 12 686 000 Nombre de chaînes publiques: 4 Nombre de chaînes privées: 3 (dont 1 à

péage)

Nombre de chaînes reçues sur le câble: 12 Nombre de chaînes captables par satellite: 19 (par Astra et Telecom 2A et 2B)

Au cours des années 80, le paysage audiovisuel français s’est profondément transformé : l’apparition de chaînes privées financées par la publicité a entraîné les professionnels de l’audiovisuel dans une politique de conquête de l’audience à laquelle le secteur public n’a pas échappé. Proche avant tout de son public, cette «néo-télévision » fait la part belle au divertissement et privilégie la dimension conviviale au détriment du contenu informatif. Pour de nombreux critiques et chercheurs, elle a tendance à ne plus parler que d’elle-même et de la relation qu’elle instaure avec les téléspectateurs!. Mais toutes les chaînes ne sont pas prisonnières au même degré de la course à l’audience: ainsi, la création de chat-

nes à dominante thématique comme Canal+ ou Arte? a-t-elle permis de prendre en compte d’une façon nouvelle les attentes de certaines catégories de téléspectateurs. Aujourd’hui, la diversification et l’internationalisation de l’offre de programmes se poursuivent avec le développement du câble et du satellite, seulement ébauché dans la décennie

précédente, et devraient s’accroître encore avec l’arrivée prochaine de la compression numérique. Le secteur public, toujours partagé entre la référence à la vocation culturelle et pédagogique qu’il avait dans le passé, et la logique commerciale à laquelle le contraint sa lutte avec TF1, participe à cette diversification du paysage audiovisuel à travers le lancement de nouvelles chaînes, Arte et La Cinquième, 196

«chaîne du savoir et de la connaissance », ou

à travers des expériences plus ponctuelles comme celles de Télé-emploi (mars-avril 1994).

Les étapes de la diversification du paysage audiovisuel français A l’époque de l’ORTF des années 60 et jusqu’au début des années 80, on pouvait encore parler de «la » télévision. Aujourd’hui, le téléspectateur a le choix entre quatre chaînes publiques (France 2, France 3, Arte et La Cinquième), deux chaînes commerciales privées (TF1 et M6), une chaîne cryptée (Canal +), une douzaine de chaînes câblées en français (captables également par satellite) auxquelles peuvent s’ajouter des chaînes câblées locales (plusieurs dizaines en France) et enfin, grâce aux seuls satellites Astra et Telecom 2A et 2B, huit chaînes en allemand, huit chaînes en anglais et trois chaînes en espagnol... La télévision est donc devenue une réalité plurielle qui se caractérise par une très grande diversité de statuts, de modes de financement,

de supports, et de concepts de programmation. Cette mutation a été rendue possible par une série d’évolutions technologiques et institutionnelles qui ont radicalement modifié la manière dont le téléspectateur «consomme» la télévision. La principale innovation des années 80 est certainement la création de chaînes privées. La France était l’un des derniers pays occidentaux à rester fidèle au monopole du service public. L’éclatement de l’ORTF en 1974 répondait à la volonté d’accorder davantage d’autonomie aux sociétés de programme et de créer une concurrence entre les chaînes, mais

cette compétition, sensible notamment dans le domaine de l’information et du divertissement,

s’opérait toujours au sein du service public. Longtemps attachée au maintien du monopole, la classe politique dans son ensemble (com-

a

munistes exceptés) va peu à peu découvrir les vertus du privé. On attend de l’arrivée de ces nouvelles chaînes davantage de pluralisme, une gestion plus rationnelle et des programmes plus diversifiés et plus conformes aux attentes des téléspectateurs. La loi sur la communication audiovisuelle de 1982 prévoyait l’octroi de concessions de service public à des opérateurs privés. Cette disposition permet

Se

Z…L…|… M.

France UN

cryptée financée par abonnement et conçue sur le modèle de la chaîne câblée américaine HBO spécialisée dans le cinéma. Peu de gens auraient imaginé à l’époque que Canal + deviendrait, dix ans plus tard, un groupe inter-

du petit écran à coups de salaires mirifiques, mais la télévision à paillettes dont il est le promoteur ne rencontre pas le succès escompté. L'avenir de ces nouvelles chaînes privées paraît bien incertain: La Cinq et M6 ont beau multiplier les séries américaines au mépris de la réglementation sur les quotas de diffusion d'œuvres françaises, elles n’obtiennent pas pour autant les faveurs du public. Le développement de l’information voulu par Robert Hersant sur La Cinq coûtera fort cher sans assurer le véritable décollage de la chaîne. La privatisation de TF1 en 1987 inaugure en revanche une ère de suprématie sans partage pour la télévision commerciale. Le minis-

national, leader, avec ses filiales, de la télé-

tre de la Culture

vision payante en Europe. Le projet, confié à

François Léotard, avait annoncé que la chaîne serait attribuée au « mieux-disant culturel », mais c’est avec de toutes autres intentions que Francis Bouygues devient pour 3 milliards de francs le propriétaire, avec ses partenaires, de 50 % du capital de la chaîne. Son mot d’ordre c’est: « Faire de l’audience » et rien d’autre: «Pendant le temps qu'il faudra », déclare-til, «je mettrai du film bien français, bien franchouillard, du feuilleton, de la variété ». Toutes les émissions qui n’atteignent pas les 40 de parts de marché sont condamnées à disparaître. Mais l’arrivée de Bouygues ne fait qu’amplifier une tendance déjà suivie par ses prédécesseurs à la tête de TF1 : depuis qu’en juillet 1983 Hervé Bourges est devenu PDG

d’abord la création en 1984 de Canal +, chaîne

André

Rousselet,

PDG

d’Havas

et ami

de

François Mitterrand, suscite à ses débuts le scepticisme de l’opposition de droite et l’hostilité d’une partie de la gauche qui voit dans Canal + une chaîne inégalitaire, réservée à un

public favorisé, et une menace pour le cinéma français. Après une première année difficile, Canal + obtient l’autorisation de diffuser de la publicité dans la tranche de diffusion en clair de 18h30 à 20h30. Son audience encore modeste et le fait qu’elle ne diffuse pas de grands journaux télévisés font que la chaîne à péage n’est pas perçue comme un enjeu politique important, ce qui lui permet de rester en marge des grandes manœuvres qui agitent le monde de l’audiovisuel dans les années 1985-1987. A la suite du rapport Bredin, le gouvernement socialiste décide en effet de créer deux nouvelles chaînes privées à diffusion hertzienne qui commencent à émettre quelques semaines avant les législatives de mars 1986. La Cinq est attribuée de manière assez arbitraire à un groupe d’actionnaires mené par Silvio Berlusconi, réputé socialiste à l’époque et patron du plus grand réseau de télévisions privées italien. TV6, dont le lancement déclenche moins de polémiques, doit, quant à elle, consacrer la moitié de ses programmes à des émissions musicales. Avec l’alternance de mars 1986, on procède à une réattribution de La Cinq et de TV6: Robert Hersant entre dans le capital de La Cinq et s’associe avec Berlusconi, tandis que Métropole TV (M6), contrôlée par la Compagnie luxembourgeoise de télévision, succède à TV6. Berlusconi veut appliquer les recettes qui ont fait sa fortune en Italie; il attire quelques stars

s

et de la Communication,

de la chaîne, celle-ci a délaissé la mission tra-

ditionnelle du service public et s’est engagée dans une course à l’audience en multipliant jeux, variétés et divertissements. C’est le règne du Bébête Show et de Cocoricocoboy, des Patrick, Sabatier et Sébastien, animateurs au

sourire toujours resplendissant. Bernard Tapie commence sa carrière médiatique et François Mitterrand se prête à une interview très « chébran » en compagnie d’un Yves Mourousi qui s’assoit négligemment sur le bureau du président. Cette évolution vers une télévision grand public a affecté également les autres chaînes publiques avec le développement du parrainage et de la sponsorisation, et l’augmentation des recettes publicitaires, déplafonnées par la loi de 1982 alors qu’elles étaient auparavant limitées à 25 % du budget des chaînes. Au

début

des

années

90, la redevance

ne

représente plus que la moitié des ressources d’Antenne 2 et les deux tiers de celles de FR3“. Les deux chaînes publiques sont donc 197

Les télévisions du monde

inéluctablement entraînées dans une logique commerciale qu’elles ont du mal à concilier avec les missions de service public qu’elles doivent continuer à assumer. Tandis que TF1 rafle plus de la moitié des recettes publicitaires et que le coût des programmes devient de plus en plus élevé, les autres chaînes souffrent de la crise du marché publicitaire: fin 1991, La Cinq qui avait été reprise en mai 1990 par le groupe Hachette dépose son bilan et cesse d'émettre le 12 avril 1992. Après cette disparition qui conforte la position de M6 et consacre l’hégémonie de TF1, le service public cherche des parades qui lui permettent d’arrêter l’érosion de son audience. La réunion d’Antenne 2 et de FR3 sous la houlette d’un président commun en août 1989 était censée permettre aux chaînes publiques d’affronter la concurrence dans la complémentarité. Mais il faut attendre l’arrivée en décembre 1990 à la présidence commune d'Hervé Bourges, proche des socialistes, pour que les sociétés de programmes, rebaptisées en septembre 1992 France 2 et France 3, entament leur redressement. Redressement financier, dû essentiellement à la rallonge budgétaire d’un milliard et

demi de francs accordée à Hervé Bourges, alors qu’elle avait été refusée à son prédécesseur Philippe Guilhaume, proche de l’opposition de droite. Redressement aussi en termes d’audience, Hervé Bourges et son conseiller Pascal Josèphe appliquant à nouveau la stratégie de programmation populaire qui leur avait permis de remettre TF1 sur les rails dans les années 80. Bien que ses dirigeants s’en défendent, France Télévision se comporte alors de plus en plus comme une « chaîne commerciale d’État », orientation que la nomination de Jean-Pierre Elkabach à la présidence commune est loin d’avoir modifiée. France 2 et France 3 ont d’autant plus de mal à inscrire une dimension culturelle dans leur grille de programmation que depuis septembre 1992 une nouvelle chaîne publique entièrement dévolue à la culture, Arte, diffuse à partir de 19 heures

sur le canal laissé libre par La Cinq. Le risque est grand de voir les chaînes publiques traditionnelles abandonner à la chaîne francoallemande — et à la chaîne du savoir qui a rejoint Arte dans la journée sur le même canal hertzien — la tâche difficile de réaliser une programmation exigeante sans enfermer la culture dans un ghetto réservé à une élite. Tout au long de la dernière décennie, la 198

télévision a souvent été au centre du débat politique. L'État ne renonce pas, loin de là, à intervenir dans l’audiovisuel quelle que soit la majorité du moment, mais le contrôle qu’il exerce sur un secteur perçu, plus que jamais, comme un enjeu de pouvoir est beaucoup moins direct que dans le passé. Sous la présidence du Général de Gaulle, le travail des

journalistes était étroitement surveillé par les services du ministère de l’Information. En 1963, le plus célèbre des ministres de l’Information du Général, Alain Pevyrefitte, venait lui-

même présenter devant les caméras la nouvelle formule du journal télévisé. On considérait alors que les journalistes de télévision n’étaient pas des journalistes comme les autres mais qu’ils représentaient, selon le mot de Georges Pompidou, « la voix de la France » et ne devaient donc pas exprimer de points de vue critiques par rapport à la politique gouvernementale. Incontestablement, les journalistes jouissent aujourd’hui d’une bien plus grande liberté de parole qu’autrefois, mais il demeure qu’à chaque changement de majorité on remplace les dirigeants de chaînes et les responsables de l’information marqués politiquement. Ou simplement ceux dont l’indépendance d’esprit semble constituer une menace pour le pouvoir en place, surtout à l’approche de nouvelles échéances électorales: après bien d’autres, Christian Dauriac, directeur régional de

France

3-Ile-de-France,

ou

Paul

Amar,

présentateur-vedette du journal de France 2 en ont fait les frais en août 1994. La loi de 1982 avait pourtant prévu la création d’une institution qui aurait pu permettre à l’audiovisuel de s’émanciper de la tutelle de l’État: la Haute Autorité, instance intermédiaire entre le pouvoir politique et les chaînes, chargée de nommer les présidents des chaînes publiques, de veiller au respect des cahiers des charges et consultée avant toute transformation du paysage audiovisuel, notamment la création de nouvelles chaînes. Mais l’indépendance de cette Haute Autorité — comme celle des instances qui lui ont succédé: CNCL durant l'alternance de 1986-1988 et CSA depuis janvier 1989° — à souvent été mise en cause: le mode de désignation de ses membres, calqué sur celui du Conseil Constitutionnel, donnait à la composition de cet organismetampon une signification nettement politique. De plus, le pouvoir des différentes instances de régulation qui se sont succédé est resté bien

France

symbolique: la plupart du temps, elles se sont révélées incapables de faire appliquer la réglementation, qu’il s’agisse des quotas de diffusion d'œuvres françaises, du nombre de films diffusés ou du respect du pluralisme politique dans les journaux télévisés. Pis, elles ont été tenues à l’écart de presque toutes les grandes décisions qui ont bouleversé l’audiovisuel dans les dix dernières années: nommer André Rousselet

à la tête de Canal +, attribuer La

Cinq à Berlusconi, choisir de privatiser TF1 ou d’installer Arte sur l’ancien canal de La Cinq, ce sont là des décisions politiques prises avant tout à l’Elysée ou à Matignon. Le secteur privé n’échappe évidemment pas non plus aux influences politiques: on sait par exemple que l’un des premiers soins de la direction installée par Francis Bouygues à la tête de TF1 a été de renvoyer Michel Polac, animateur de la dérangeante émission Droit de réponse. Enfin, si l’on en croit le réquisitoire lancé par André Rousselet à l’encontre d’Édouard Balladur’, le gouvernement peut aussi peser sur les actionnaires d’une chaîne privée afin qu’ils se débarrassent d’un PDG qui est aussi un adversaire politique.

De la tutelle de l’État à la «dictature de l’audimat » de ces péripéties politicoAu-delà médiatiques, le véritable enjeu de pouvoir dans le monde de l’audiovisuel durant la dernière décennie a été la conquête de l’audience, à tel point que certains ont pu dire qu’on était passé de la tutelle de l’État à la « dictature

de l’audimat »$. Mais cette affirmation mérite d’être nuancée car derrière les notions très vagues et ambiguës d’«audience» ou de «grand public», on prend de plus en plus conscience de la diversité des attentes des publics auxquelles la télévision des années 90 apporte des réponses également de plus en plus diverses. Selon le statut juridique de la chaîne, ce n’est pas le même type d’audience qui est recherché: les chaînes commerciales privées financent leur activité en « vendant » en quelque sorte leur public aux annonceurs pour qui les téléspectateurs sont des consommateurs potentiels. Il est donc vital pour les chaînes commerciales de conquérir l’audience la plus grande possible — et de la conserver

— afin d’attirer des sponsors et de vendre au meilleur prix leurs espaces publicitaires. Elles pratiquent une programmation « fédérative » qui a pour but de rassembler le public le plus vaste possible en lui proposant le programme le plus consensuel possible?. En suivant cette logique, avec 41 % de part de marché et 55 % des recettes publicitaires en 1993, TF1 caracole loin devant le service public et ses concurrents privés (M6 obtient 11,2% de part d’audience et 16 % des investissements publicitaires). La télévision publique des années 60 n’était pas soumise à ce souci permanent de l’audience puisqu’elle était financée par la redevance; elle pouvait donc se permettre de proposer à des heures de grande écoute des programmes destinés à des publics minoritaires. Jusqu'au milieu des années 80, notamment lorsque Pierre Desgraupes dirigeait Antenne 2 (1981-1984), le service public pratiquait encore une programmation « composite » qui ne cherchait pas à toucher tout le monde en même temps mais qui préférait atteindre les uns après les autres tous les publics!!, avec des programmes de distraction tels que Champs Elysées ou L’académie des neuf, de grands feuilletons poulaires comme Chateauvallon, le Dallas français, des émissions destinées à rajeunir l’image de la chaîne comme Les enfants du rock — mais sans reléguer pour autant la culture à des heures scandaleusement nocturnes. Désormais, le service public s’engage à son

tour

dans

la course

à l’audience,

sans

doute parce qu’il a besoin d’engranger des recettes publicitaires, mais aussi parce qu’une évolution plus profonde des mentalités fait qu’aux yeux d’une grande partie de l’opinion et des professionnels, le prestige d’une chaîne de télévision et la réussite de ses dirigeants ne se mesurent plus à l’originalité et à la qualité de ses programmes mais à leur impact auprès du public. Certaines personnalités importantes comme Pierre Bourdieu ou Max Gallo militaient il y a encore quelques années «pour une télévision publique sans publicité»ii — libérée donc de la quête de mais il est l’audience à tout prix — aujourd’hui peu probable que les grandes chafnes publiques généralistes puissent un jour revenir en arrière et ne plus se soucier de leur audimat. Seul le statut des chaînes à péage, qu’elles soient câblées, ou hertziennes et cryptées comme Canal+, permet d’échapper quelque peu à cette préoccupation obsédante. 199

Les télévisions du eo monde DRE or erD

n

D

f

p

à

Évidemment, il n’est pas inintéressant pour ces chaînes de miser sur une expansion de leur potentiel d'abonnés (surtout pour les chaînes câblées qui partent d’un niveau assez bas), mais ce public d'abonnés, et donc de privilégiés, ne peut pas croître indéfiniment sans que le statut de la chaîne ne change de nature. La chaîne n’a pas à conquérir tous les soirs son public: celui-ci lui est durablement acquis puisqu'il a pris l’initiative de s’abonner en connaissance de cause. L'abonnement annuel fait que le public peut évaluer sa satisfaction sur une durée longue et que l’éventuelle sanction n’est pas immédiate. L’objectif de ce type de chaîne n’est donc pas de rechercher forcément une audience maximale pour chacun de ses programmes, mais de satisfaire les publics très ciblés qui ont choisi de s’abonner à la chaîne — parfois pour des raisons très différentes, une chaîne comme

Canal + réunissant

par exemple les amateurs de cinéma et les passionnés de football. De plus, la pratique de la multidiffusion fait que l’audience d’un programme doit s’apprécier sur l’ensemble de ses diffusions; grâce à cette pratique, le téléspectateur bénéficie d’une liberté nouvelle puisqu'il n’obéit plus aux rendez-vous uniques que lui fixaient à des horaires parfois contraignants les chaînes traditionnelles.

Audience et téléspectateur Pour conquérir l’audience, il faut connaître le public. Les dirigeants des chaînes s’entourent de spécialistes de la programmation qui vont désormais avoir une influence déterminante sur la stratégie de chaque chaîne. Pierre Wiehn à Antenne 2 sous Desgraupes, puis à TF1, Carlo Freccero, auprès de BerIuscon sur Lam Cinqmetesurm Canale es aujourd’hui conseiller d’Elkabach sur France Télévision, Pascal Josèphe auprès d’Hervé Bourges, sont quelques-uns de ces professionnels qui ont la haute main sur l’élaboration des grilles de programmation. Des responsables d’unités de programmation peuvent également avoir une influence importante sur l’image de la chaîne, comme Pascale Breugnot,

productrice en 1983 sur Antenne 2, de Psyshow, la première émission consacrée à l’intimité des couples, et devenue aujourd’hui la

grande prêtresse du reality show sur TF1. Mais la programmation n’est pas une science exacte 200

S e Pn

SOEP A

et on a beau multiplier les études de marché ou les enquêtes sociologiques avant de mettre en chantier une nouvelle série télévisée ou de lancer une nouvelle formule de talk-show,

rien ne dit que le public sera au rendez-vous et appréciera ce produit pourtant entièrement conçu pour répondre à ces attentes supposées. Depuis 1982, les professionnels de l’audiovisuel ont cependant à leur disposition des indicateurs d'audience beaucoup plus fiables que dans le passé où il fallait se contenter d’enquétes par téléphone ou de carnets d’écoute remplis avec plus ou moins de sérieux par les foyers sondés. L’audimètre, un boîtier placé sur le téléviseur, indique à tout moment quelle est la chaîne captée. En 1989, un nouveau système muni d’une télécommande permet de savoir quels sont les membres du foyer qui regardent la télévision, chacun devant signaler sa présence en appuyant sur un boutonpoussoir. Mais aucun système ne permet de mesurer l’attention effective des téléspectateurs qui se trouvent devant leur poste — et encore moins leur degré de satisfaction. Les enquétes réalisées par les instituts Médiamétrie ou Sofres-Nielsen montrent que le public de masse de la télévision n’est homogène qu’en apparence. En France où 95 % des foyers possèdent un poste de télévision, chaque individu regarde la télévision en moyenne trois heures par jour (177 minutes par individu de 4 ans et plus en 1993) ce qui situe notre pays loin derrière des pays gros consommateurs de télévision Grande-Bretagne la comme (228 minutes) ou les Etats-Unis (270 minutes). L’audience par foyer — et non plus par individu — est cependant très supérieure (5 h 02 en moyenne), ce qui semble indiquer que l’écoute collective au sein de la cellule familiale régresse au profit d’une consommation plus autonome, favorisée par l’indivualisation des modes de vie, mais aussi par le développement du magnétoscope (60,7 % des foyers en possèdent) et le multi-équipement (il concerne 31,7% des foyers contre seulement 5,6% en 1980). La diffusion de masse du magnétoscope au cours des années 80 a transformé la façon dont beaucoup de téléspectateurs utilisent la télévision: la grille de programmes n’a plus la même dimension contraignante puisque l’on peut regarder n’importe quand un programme enregistré. Cela peut servir d’alibi aux programmateurs qui n’hésiteront plus à diffuser un film de ciné-club ou

France

A ————— — — "

une émission culturelle au-delà de minuit sous prétexte que l’amateur peut toujours la regarder le lendemain. Le téléspectateur peut aussi devenir programmateur en constituant progressivement sa vidéothèque personnelle. La télécommande (84,4% des foyers en sont équipés) est également une innovation technologique qui, depuis une dizaine d’années, a modifié profondément le compôrtement des téléspectateurs, notamment à travers la pratique du zapping. Le zappeur peut avoir l’illusion de maîtriser le flux d’images déversé par la télévision sans s’attacher à aucun programme en particulier. Hantise des publicitaires, ce phénomène montre qu’il est de plus en plus difficile de fidéliser des télésspectateurs à l’attention très versatile, tentés à chaque instant de fabriquer leur propre programme avec leur télécommande. L’écoute de la télévision varie également de façon importante en fonction de l’âge, de l’activité et des revenus. Contrairement à un préjugé profondément enraciné, les enfants et les adolescents regardent moins la télévision que les adultes (121 minutes pour les 4-14 ans). Les plus âgés sont les plus assidus face à leur poste de télévision: plus de quatre heures par jour pour les plus de 50 ans (248 minutes), alors que les jeunes de 15 à 24 ans se contentent de deux heures quotidiennes (128 minutes). Les actifs regardent évidemment moins la télévision que ceux qui ne travaillent pas, surtout s’ils sont diplômés et appartiennent à des catégories socioprofessionnelles favorisées — les fameuses « CSP+», chères aux publicitaires. En revanche, la situation géographique a peu d’incidence sur les habitudes des téléspectateurs, sauf pour les Parisiens qui sont beaucoup moins fidèles au petit écran que les provinciaux (ils s’en tiennent eux aussi à deux heures de télévision par jour). La réalité statistique ne peut évidemment pas rendre compte de la diversité des comportements individuels et masque la complexité des différents modes de consommation de la télévision qui ne peuvent être appréhendés que par des études sociologiques plus subtiles. Si les téléspectateurs ne regardent pas tous la télévision de la même manière, c’est aussi parce que les chaînes sont de plus en plus nombreuses et que leurs stratégies de programmation visent des publics différents. L’apparition de chaînes thématiques face aux chaînes généralistes tradi-

tionnelles constitue notamment un facteur de différenciation des publics, qui sera encore accru par l’arrivée d’ici quelques années des services interactifs que permettra la compression numérique. C’est là aussi une évolution inégalitaire puisqu'on a d’un côté une majorité de téléspectateurs qui reçoivent six chafnes de base!? et de l’autre un groupe de téléspectateurs qui grâce à l’abonnement, au câble ou au satellite peuvent en regarder près de quarante! Parmi ces programmes nombreux, on peut distinguer trois grands concepts de télévision auxquels correspond à chaque fois une conception différente du téléspectateur: d’abord, la télévision privée qui utilise sans états d’âme les recettes qui lui permettront de fédérer un public de masse, ensuite le service public déchiré entre un pôle commercial vers lequel tend France 2, et un pôle culturel, à la fois régional et européen, dont relèvent France 3, et plus nettement

encore,

Arte et La Cinquième. Enfin, les télévisions à péage qui proposent des programmes conçus de manière beaucoup plus ciblée. Si Arte et les télévisions à péage constituent incontestablement des modèles alternatifs, il est dif-

ficile de ne pas envisager simultanément les politiques de TF1 et de France Télévision qui s’affrontent directement sur tous les terrainsclefs du point de vue de l’audience.

TF1, une hégémonie sans

états d’âme

Placée depuis sa privatisation sous le signe de la rentabilité, TF1 se montre également sou-

cieuse de son image de marque. Son vice-

président Etienne Mougeotte qui déclarait déjà en 1990 qu’une « chaîne, même commerciale et a fortiori si elle est leader sur son marché, doit aussi savoir diffuser des programmes qui auront surtout un impact d’image ou n'intéresseront que des publics sélectifs », réaffirme aujourd’hui que TF1 ne veut plus

«céder au culte des 40%» de parts de marché. TF1 affiche sa suprématie dans le domaine

de l’information,

de la fiction, des

sports et des divertissements, elle prétend même assumer une mission d’« intérêt public » avec ses reality shows (!), mais on aurait du mal à trouver dans sa grille de programmes la trace d’une émission réellement ambitieuse 201

Les télévisions du monde SZ] ZE] Un mois après le lancement de LCI

TF 1àla reconquête de son image Le lancement par TF1 de La

pour accéder à la meilleure case

sur les plateaux de LCI. Entre le

nier, représente l’une des plus 2 importantes opérations de relations publiques de ces dernières

rendre délicate toute inflexion de la ligne éditoriale. Déplaire à Chris" tophe Dechavanne ou à Nicolas

cinquante personnes ont été invitées. En moins d'un mois, plus de troisë cents.

Chaine info (LCI), le 24juin der:

re années, Aveccettechaîne d'info mations en continu, diffusée sur

le câble, le groupe Bouygues

tentede redresser sonimagetélé. visuelle, en s'adressant notam-

horaire ont également contribué à

24 juin et le 5 juillet, plus de cent

Hulot, c'était prendre le risque de Te] est le choix: ce n'est pas la voir ces vedettes passer à la Qualité de l'information quiÉ ri concurrence. Du coup, les partisans té iée sur LOT mais Le M

— très minoritaires — de la thèse

se des SPinvités, Communiqués de selon laquelle plus une chaîne esse, pages entières de publicité soigne son image, plus elle ren- be LE Fm grâce à LCI,

ment aux élites.

lines TF 1tient antenne ouverte et le fait

Depuissaprivatisation en 1987, _réussi à faire entendre leur voix. savoir.Certainsjours;ilssontPrès

l'ex-première chaîne, passée sous

Quelques membres de la rédaction

— secteur sensible de l'entreprise

Rééerehie des antennes entre TF1

moquait des critiques: dureté en affaires, guerre d'audience impi-

ont préféré partir, plus où moins discrètement. Au sein de la hiérar-

et LCI a été subtilement gommée {es jourmalistes edetiens Gael

le contrôle de Bouygues se

A écran. Bxtrème habileté: là

toyable contre France Télévision, _che, seule Dominique Cantien, ex-

poivre d'Arvor, Guillaume

FR IPeasE publicides variétés, afini par Durand, Charles Villeneuve, Ruth taire, reality-shows racoleurs et responsable quitter la chaîne pour rejoindre Ejkrief, etc.) travaillent aux côtés variétés paillettes ;sansoublier les France 2. d'anonymes etiles linvités Ipresti-

infractions aux divers règlements

selesque ge Se :nn tion ou la publicité.

Bref,

dans

le paysage audiovisuel français, la

chaîne Bouygues avait peu à peu acquis une image des plus néga-

Débat interne ou pas, Une

jeux Etes

reconquête de l'image a toutefois

commencé. La

première

phase a

coïncidé avec DES à a des

variétés paillettes qui avaient fait le succès dela chaîne (départ de Jean-

Le Monde,

de LES

Télévision identité

journalistes, etc.).

24-25 juillet 1994

à la recherche

A l’intérieur du service public, c’est surtout France Télévision qui se pose le problème de son identité. Doit-elle entrer dans une concurrence frontale avec la principale chaîne commerciale? Doit-elle au contraire préserver une spécificité propre au service plublic? Ses dirigeants ont beau prétendre qu’ils cherchent à établir une complémentarité entre France 2 et 202

France 3, on a plutôt le sentiment qu’ils privilégient l’audience de France 2, transformée en machine de guerre contre TF1, quitte à concurrencer certains des programmes les plus regardés de France 3. Face à TF1 d’un côté, et à Arte et La Cinquième de l’autre, France Télévision devrait redéfinir sa ligne éditoriale de manière plus claire et cohérente. Le service public a des atouts, particulièrement dans le domaine de l’information et des magazines culturels ou de société — atouts qu’une meilleure synergie entre France 2 et France 3 permettrait de préserver.

etc.) succèdent ;à d’autres qui le; sont moins (députés de base, scientifiques, sociologues, amiraux,

et dérangeante répondant au souci d’Étienne Mougeotte. TF1, qui ne se prive pas de dénoncer la «dérive commerciale des chaînes d’État » *, est avant tout une affaire prospère qui a su diversifier ses sources de financement avec la production cinématographique et télévisuelle, le parrainage, le télé-achat, ou la vente de produits dérivés (cassettes, livres, disques, etc.). Face à la puissance de TF1, M6, l’autre chaîne commerciale privée, n’a guère d’autre ressource que de suivre des stratégies de contre-programmation: musique, information de proximité, ou encore rediffusions de séries « cultes » (Mission impossible, Chapeau melon et bottes de cuir) pour les amateurs du genre. Cette démarche lui a permis de conforter son audience qui a nettement progressé, surtout depuis la disparition de La Cinq (11,2% en moyenne); elle se dit aujourd’hui la 3° chaîne des moins de 50 ans et la 2° des 25-34 ans.

France de son

"—

Les enjeux de la concurrence: la fiction, premier terrain d’affrontement Plus que jamais, la fiction apparaît comme le genre privilégié des Français puisqu'elle représente 37,2 % de leur consommation télévisuelle. Les films de cinéma n’occupent qu’une faible part des programmes diffusés par les chaînes (3 % de la grille de TF1 en 1992) en raison des cahiers des charges qui limitent le nombre de films diffusés chaque année, notamment en prime timelf. En revanche, ils peuvent être très payants en termes d’audience: 14 des 20 meilleurs scores d’audience de TF1 pour 1993 sont des films parmi lesquels — contrairement à une idée très répandue — les films américains n’ont pas l’avantage. Même si Liaison fatale d’Adrian Lyne est le film le plus regardé de l’année 1993, il bat de peu Une époque formidable ou Les bronzés font du ski qui montrent l’attachement d’une majorité de téléspectateurs à un comique pas très raffiné mais bien français !?. Dans le secteur du cinéma, TF1 a les moyens d’acheter les films « grand public » avec lesquels la chaîne est à peu près sûre de remporter un succès d’audience: ainsi les dix films les plus regardés en 1993 (parmi lesquels six films français) sont des films diffusés par TF1. France Télévision remporte également de bons scores d’audience avec sa programmation cinématographique mais ses performances restent en deçà de celles de TF1. France 3 avait été désignée lors de l’éclatement de l'ORTF comme la « chaîne du cinéma »; elle conserve cette spécificité notamment avec le

Cinéma

de minuit du dimanche

soir ou La

France

dernière séance. En revanche, on peut regretter le recul de la cinéphilie sur France 2 avec la disparition du ciné-club du vendredi soir et celle, plus ancienne, des émissions sur le cinéma comme Étoiles et toiles, et surtout, Cinéma, cinémas, jamais durablement remplacées. La France en films, nouveau créneau réservé au seul cinéma français, ne pourra remplacer le ciné-club de Claude-Jean Philippe qui permettait de découvrir aussi des classiques étrangers en version originale. Nulle cinéphilie en revanche sur M6: de Robocop 2 aux Sous-doués en vacances, la programmation est dominée par des films d’action ou des comiques, plutôt bas de gamme, et inclut des genres destinés à des publics plus restreints (karaté, péplum, érotique soff). M6 réalise cependant 18 de ses 20 meilleurs scores d’audience avec des films de cinéma, parmi lesquels seulement six films français. Les fictions télévisées constituent une part beaucoup plus grande de l’offre télévisuelle (25 %): là encore, TF1 affirme sa suprématie malgré une résistance plus marquée du service public. Les séries policières occupent une part importante des fictions diffusées par TF1. Si l’on excepte l’indémodable Columbo qui arrive encore à attirer des millions de téléspectateurs en prime time, même quand il

s’agit de rediffusions!”, les séries policières françaises se multiplient. Sur TF1, Navarro, Le commissaire Moulin, Julie Lescaut, Le commissaire Rocca, Le commissaire Dumas

d’Orgheuil, Van Loc (écrit et interprété par l’ex-patron de la PJ de Marseille), Cordier juge et flic, Le JAP (juge d’application des peines), sur France 2, RG avec Victor Lanoux,

Le Lyonnais, la nouvelle série de Maigret avec Bruno

Cremer,

ou

encore

Nestor

Burma

incarné avec humour et nonchalance par Guy Marchand, témoignent de la prospérité d’un genre qui rencontre les faveurs du public en première partie de soirée. Seule M6, continue de (re)diffuser des séries américaines — pas seulement policières — en prime time. Entre les figures paternelles rassurantes incarnées par Roger Hanin ou Victor Lanoux et les baroudeurs en blouson de cuir tels que le commis-

saire Moulin (Yves Rénier), le téléspectateur n’a guère le choix qu'entre des stéréotypes

auxquels des acteurs expérimentés tels que Roger Hanin, Claude Rich, Bruno Cremer, etc., parviennent cependant à donner une certaine présence. Beaucoup de ces séries ne pro-

posent rien d’autre que des intrigues construites de manière efficace et des héros placés dans des situations prévisibles mais auxquels le téléspectateur est censé pouvoir s’identifier. On y cherche en vain le regard âpre et sans concession sur le métier de policier que jette, par exemple, Bertrand Tavernier dans son film L. 627. Certaines de ces fictions se distinguent cependant par un scénario et une mise en scène beaucoup plus travaillés, et une approche de la réalité moins convenue: c’est le cas des Maigret, de Burma, ou du Lyonnais, par-

fois réalisé par des metteurs en scène de cinéma (Paul Vecchiali, Cyril Collard), et dont le héros est un jeune inspecteur d’origine maghrébine (Kader Boukhanef). La saga familiale est un autre filon à la mode illustré sur TF1 par Une famille formidable, Les grandes marées, ou Les cœurs brûlés, et sur France 2, par Le château des oli-

viers, grand succès de l’été 1993. Sur le registre du mélodrame ou de l’humour, ces fictions

«unitaires » jouent encore plus fortement sur l'identification que les policiers. Intrigues sentimentales compliquées, conflits de génération, vieilles rancunes familiales et petits aléas de la vie quotidienne, tels sont les ingrédients de ces fictions habilement orchestrées pour entretenir l’attention des téléspectateurs pendant plusieurs semaines. Chacun peut y reconnaître ses propres problèmes, même si certaines de ces fictions mettent en scène des personnages dotés d’une fortune nettement supérieure à la moyenne. Les feuilletons américains tels que Dallas ou Dynastie ont révélé depuis longtemps la part de fascination que suscitait la vie des riches qui noient leurs peines de cœur à bord d’un yacht ou dans une villa luxueuse, mais dont les tracas ressemblent tellement à ceux du citoyen ordinaire. Aujourd’hui, le téléspectateur privilégie les fictions qui adaptent ce schéma dans des décors et avec des personnages bien français, comme ceux des _Cœurs brûlés, feuilleton de l’été 1992, rediffusé avec un égal succès durant l’été 1994,

et auquel TF1 à adjoint une suite tout aussi romanesque (Les yeux d'Hélène), diffusée à l’automne 1994. Sur France 2, avec Les mattres du pain, L'’instit, Le château des oliviers,

qui ont tous battu des records d’audience avec près de 50% de parts de marché, on joue habilement sur un registre un peu différent qui est celui de la défense de la nature, la nostalgie du terroir, la solidarité et la tolérance, 203

Les télévisions du monde

valeurs incarnées notamment par Gérard Klein en missionnaire laïque dans L'’instit?. A côté de ces « grands » feuilletons diffusés par épisodes d’une heure et demie, les sitcoms à la française (diffusées par épisodes de 26 minutes) ont connu un développement sans précédent. Avec Hélène et les garçons, Le miel

à-vis de la manière dont les médias — et particulièrement la télévision — traitaient l’information. En novembre

1993, 49%

çais seulement estimaient que s'étaient passées vraiment ou comme

la télévision

des Fran-

«les choses à peu près

les montrait»,

contre

AB productions s’est spécialisée dans ce genre nouveau qui a conquis un large public, d’adolescents, mais aussi d’adultes et de jeunes

65 % en 1988. Les événements de Roumanie (1989), puis la guerre du Golfe (1990-1991), ont rendu les Français particulièrement sensibles à la manipulation de l’information. La quête du sensationnel dans les faits divers

enfants. La série-culte, Hélène, a ainsi rem-

comme

porté, en 1993, 75 % de parts de marché parmi les enfants de 4 à 10 ans et 77 % parmi ceux de 11 à 14 ans! M6 a tenté de son côté d’exploiter ce filon avec Classe mannequin.

médiation excessive de certaines affaires (par exemple l’affaire OM-Valenciennes) ont contribué à cet effritement de la confiance du public vis-à-vis des médias. Cette sévérité, parfois injuste, à l’égard des journalistes (57 % des personnes interrogées pensent qu’ils ne sont pas indépendants des partis politiques, du pouvoir ou de l’argent !) est surtout le fait des jeunes: dans la catégorie des 18-24 ans, la crédibilité de la télévision s’effondre littéralement (7% de confiance contre 45% en 1989)#... Les Français sont pourtant toujours très nombreux à regarder les journaux télévisés. TF1 est leader en termes d’audience pour

et les abeilles, ou Les filles d’à côté, la société

On peut s’étonner, ou se désoler, du succès

de ces séries qui proposent une vision aseptisée de la jeunesse, coupée de la réalité sociale. Dans cet univers artificiel, pas de problèmes scolaires ou professionnels, pas de conflits parentaux, pas de drogue, de racisme, ni de sida. A l’inverse, la série Seconde B, lancée

par France Télévision pour contrer Hélène, et qui tente d’évoquer le mal de vivre des banlieues, n’a pas eu le même succès2l. Si l'audience de la fiction, toutes catégories confondues, est en pleine ascension, les maisons

de production françaises sont en crise. La production de fictions légères (de type sitcoms) et d'émissions de «flux » (variétés, magazines, documentaires) reste rentable. En revanche, les réalisations plus ambitieuses sont périlleuses pour leurs promoteurs et plusieurs sociétés spécialisées dans la fiction lourde ont dû récemment déposer leur bilan. Les chaînes ne financent plus en effet que 30 à 50 % du coût de production (alors qu’elles en payaient la quasi-totalité il y a dix ans), et les droits de diffusion d’un téléfilm restent très inférieurs à ceux d’un film de cinéma, tandis que les coûts de tournage sont en France parmi les plus élevés du monde, ce qui conduit beaucoup de sociétés de production à délocaliser leurs tournages, notamment en Europe de VEst: récemment, un Maigret a par exemple été entièrement tourné à Prague?2.

L'information, deuxième ligne de front Des enquêtes récentes ont montré que les Français étaient de plus en plus méfiants vis204

dans les drames internationaux, et la

toutes ses éditions, le 23 heures de Jean-Pierre

Pernaut dépassant même les 50 % de parts de marché. Pour cette édition, TF1 a joué la carte de l’information de proximité en concluant des accords avec les principaux quotidiens régionaux. France 3 qui exploite naturellement le même créneau obtient des chiffres d’audience importants pour ses actualités régionales diffusées dans le 79/20 suivi par six à sept millions de personnes#. M6 s’est également lancée avec succès dans la voie de l’information locale. Après avoir créé une formule de journal en images faisant rapidement le tour de l’actualité à un horaire stratégique: le 6 minutes de 19 h 54, elle a programmé une série de 6 minutes locaux préparés par ses neuf antennes locales implantées dans des grandes villes comme Lyon, Nancy ou Grenoble. Diffusés à 20h35, ces flashs toucheraient potentiellement 1 Français sur 5 et recueilleraient 25 à 40 % de part d’audience dans les agglo-

mérations concernées. Dans le domaine de l'information généraliste, France 3 a lancé une formule originale pour son journal du soir, présenté par Christine Ockrent, qui propose un résumé de l’actualité en images et surtout un débat sur un thème important de l’actualité. Fixé à un horaire variable, vers 22 heures ou

e|l2189S SaI|IID ‘Z 29UR14 LL © = © d

N

Le chateau

des ol IV. iers, de Nico las Gessner

199811S92W ‘Q TF1

Les grandes marées,

de Jean

Sagols

Les télévisions du monde

23 heures, le Soir de France 3 vise évidem-

ment un public plus restreint. Pour le 20 heures, les chaînes misent sur l’image de marque de leurs présentateurs-vedettes, Patrick Poivre

d’Arvor

et Claire

Chazal

sur

TF1,

Bruno Masure et Paul Amar sur France 2. Transformer les journalistes en stars du petit écran comporte cependant des risques. Patrick Poivre d’Arvor a été mis en cause à propos de sa «vraie-fausse» interview de Fidel Castro”, ou de ses relations avec Pierre Bot-

ton, gendre du maire de Lyon, et homme d’affaires poursuivi par la justice. Pourtant reconnu pour son sérieux et ses qualités professionnelles, Paul Amar a lui aussi dérapé en juin 1994 à l’occasion d’un débat organisé sur le plateau du journal entre Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen. En offrant aux deux participants des gants de boxe, Paul Amar voulait désamorcer symboliquement l’affrontement violent qui aurait pu se produire entre les deux champions de la polémique que sont Tapie et Le Pen. L'initiative de Paul Amar qui lui valut d’être suspendu, puis remercié définitivement par France 2 — apparut cependant davantage comme une tentative fâcheuse pour transformer le débat politique en un spectacle de cirque. La chaîne insiste maintenant beaucoup sur le fait que le présentateur n’est là que pour servir l’actualité et qu’il ne doit pas s’approprier un journal qui est celui de toute la rédaction’. En dehors de la « grand-messe » du 20 heures, l’information est également présente à travers des magazines de débat comme L'’heure de vérité, créée sur Antenne 2 en 1982 par François-Henri de Virieu, et qui est l’une des seules émissions politiques régulières à la télévision. Il s’agit moins ici d’un débat où s’affrontent des idées contradictoires, comme

pouvait l’être À armes égales dans les années 70, que de la performance individuelle d’un responsable qui passe un examen de passage politico-médiatique déterminant pour la suite de sa carrière. La formule du face à face est réservée aux grandes échéances électorales: les débats Mitterrand-Giscard de 1981, Chirac-Fabius de 1986 ou Chirac-Mitterrand de 1988 sont restés dans les annales comme des épreuves décisives pour chacun des candidats et leur parti. 7 sur 7, émission animée

par Anne Sinclair, est aussi un rendez-vous

politique fréquenté par les principaux dirigeants français, mais c’est en même temps un falk206

show où des personnalités du monde du spectacle comme Madonna ou Michel Sardou?’ sont également invitées à commenter l’actualité. Les magazines dits « de société » faisant généralement alterner débat et reportage sont beaucoup plus nombreux que ceux qui se limitent à la politique#. La tonalité de l’émission change profondément selon la personnalité de l’animateur et le style qu’il impose à l’émission. Dans les années 80, Michel Polac

avait révolutionné avec Droit de réponse le genre du débat en faisant s’affronter ses nombreux invités de manière violemment polémique sur tous les sujets qui dérangent. On se souvient également des échanges virulents que Christophe Dechavanne dans Ciel mon mardi (TF1) ou (de façon plus éphémère) Guillaume Durand sur La Cinq dans Les absents ont toujours tort semblaient s’ingénier à provoquer. Bien que France 2 ait décidé d’organiser chaque mois un vaste forum où des jeunes pourraient s’exprimer très librement sous la houlette de Christian Spitz, le «Doc» de Fun Radio?, la tendance semble être actuellement à des confrontations plus contrôlées — voire décalées dans le temps, comme le montre l’émission de Jean-Luc Delarue Ça se discute où des invités développent en direct un point de vue lors d’un premier débat, et où d’autres invités défendent le point de vue contraire le lendemain... Sur des questions aussi différentes que l’ex-Yougoslavie, l’école, la drogue ou. le nucléaire, le modèle du débat « sérieux »

est La marche du siècle de Jean-Marie Cavada (France 3): dans ce débat soigneusement préparé, l’animateur n’est pas un simple « chauffeur de salles », il pousse ses invités à aller au fond des choses par un questionnement incisif, et prend aussi le temps de les écouter. Dans un registre plus intimiste, Mireille Dumas interroge dans Bas les masques des personnes qui ont vécu une expérience traumatisante ou se trouvent dans une situation d’exclusion.

Victimes

d’inceste,

séropositifs,

ex-otages, ou enfants de parents trop célèbres passent dans ce confessionnal médiatique que Mireille Dumas prend soin de ne pas transformer en spectacle voyeuriste comme l’ont fait certains reality shows. Enfin, la référence dans le domaine du reportage généraliste reste Envoyé spécial de Paul Nahon et Bernard Benyamin. Programmer un tel magazine à 20h 50 avait semblé un pari bien téméraire mais l'initiative des dirigeants de France 2 s’est

France ES

avérée un remarquable succès, TF1 de son côté ne prend pas le risque de diffuser en prime time ses magazines de reportage et d'investigation, tels que Le droit de savoir, Reportages ou 52 sur la Une de Jean Bertolino. A côté de ces magazines généralistes, il existe de nombreuses émissions plus ciblées dans les domaines de la santé (Santé à la Une, Savoir plus), de la découverte d’horizons lointains (Ushuaïa sur TF1, Thalassa et Faut pas rêver sur France 3), de la science (E = M6, C’est pas sorcier et Nimbus sur France 3), de l’histoire (Les brûlures de l’histoire, de Laure Adler et Patrick Rotman sur France 3), de l’économie (Les enquêtes de Capital sur M6, ou sous une forme plus pratique, Combien ça coûte ? sur TF1), ou de l’emploi (Emplois du temps sur France 3, La tête de l’emploi sur M6). France 3 affiche sa volonté de se présenter comme

une chaîne solidaire, au service

du public, à travers des émissions comme Ruban rouge (émission mensuelle sur le sida) ou Premier service (sur l’immigration). La chaîne des régions se veut également éducative (Génération 3, produit avec le concours du CNDP) et ouverte sur l’Europe (Continentales, l’Eurojournal, Euronews). M6 se mon-

tre particulièrement dynamique dans le domaine des magazines, avec notamment Culture pub, qui explore de manière souvent intéressante le monde de la publicité et des médias, ou Zone interdite, magazine de reportages diffusé une fois par mois en prime time. Reste la culture rejetée trop souvent à des horaires très tardifs (Le cercle de minuit, La 25e heure diffusés sur France 2 en « troisième partie de soirée ».). Tandis que les émissions consacrées à la télévision elle-même se multiplient (Télé-vision sur TF1, Lignes de mire de Jacques Chancel sur France 3), celles qui se penchent seulement sur la littérature ont du mal à trouver leur audience: après la disparition des émissions littéraires de Bernard Rapp, France 2 se contente de rapides bandes annonces présentant chaque jour un nouveau livre. Patrick Poivre d'Arvor continue cependant de présenter Ex-libris sur TF1, et France 3 propose une nouvelle émission littéraire (4h! Quels titres !) animée par Philippe Tesson et Patricia Martin. Quant à Bernard Pivot, il a retrouvé, avec satisfaction semble-t-il, pour son Bouillon de culture, le créneau du vendredi

soir où il avait présenté Apostrophes avec succès, pendant près de quinze ans.

Genre inclassable, le reality show joue de manière très douteuse sur la participation émotionnelle du téléspectateur. La vogue de cette nouvelle forme d’émissions qui se situent aux confins de l’information et de la fiction — et dans des décors clinquants qui rappellent ceux des plateaux de variétés — date du début des années 90. Antenne 2 propose alors La nuit des héros qui présente des reconstitutions d’événements authentiques avec l’aide d’acteurs et des victimes elles-mêmes qui jouent leur propre rôle. Les événements reconstitués sont des accidents de toutes sortes qui ont frappé des gens comme les autres, généralement secourus par des «héros » qui sont aussi des citoyens ordinaires. À côté de cette version « boy-scout » du reality show qui exalte la solidarité sociale, se développent sur TF1 des émissions plus intimistes comme L'amour en danger, sorte de happening télévisé où un couple dévoile devant les caméras ses problèmes affectifs et sexuels et reçoit les conseils d’une psychanalyste. Après le départ de Laurent Cabrol, animateur de La nuit des

héros, parti à TF1 créer une émission similaire intitulée pompeusement Les marches de la gloire, le service public maintient quelques mois l’émission puis abandonne la formule. TF1 détient désormais l’exclusivité du genre avec notamment deux émissions présentées par Jacques Pradel: Perdu de vue qui tente de retrouver des personnes disparues, parfois depuis plusieurs années, et Témoin n°1 qui se penche sur des affaires criminelles non résolues, en lançant des appels à témoin qui peuvent être interprétés comme des appels à la délation. On a souvent dénoncé le voyeurisme de ces émissions qui exploitent le malheur de gens simples en excitant la curiosité morbide du téléspectateur. Mais il faut aussi souligner le caractère trompeur de reconstitutions qui grâce au pseudo-amateurisme de la réalisation et au mélange entre documents réels et séquences entièrement mises en scène cherchent à créer une impression d’authenticité. Le comble de l’escroquerie intellectuelle est représenté par l’émission Mystères qui, grâce à la technique de la reconstitution, présente des événements surnaturels comme parfaitement vraisemblables. Le goût du téléspectateur pour les histoires vraies a conduit les programmateurs à inventer un genre nouveau, cousin du reality show: le « docudrame » dont l’un des premiers exemples en France a été le téléfilm 207

Les télévisions du monde

réalisé à partir de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly, et diffusé en septembre 1994, un peu plus d’un an après les faits. Tandis que l’on annonce pour bientôt des «docudrames » sur l’arrestation du terroriste Carlos ou le drame du sang contaminé, on ne peut que s'interroger sur l’ambiguité d’un genre qui mélange la liberté d’interprétation propre à la fiction et la prétention à l’objectivité d’un document portant sur des faits réels.

Dernier secteur-clé : le divertissement Dans le domaine du divertissement, des évo-

lutions importantes se sont manifestées ces dernières années: les variétés qui ont connu leur apogée à la fin des années 80, à l’époque où TF1 diffusait une émission de variétés quatre soirs par semaine*!, sont complètement en perte de vitesse. Les anciens animateursvedettes — Patrick Sabatier, Jean-Pierre Foucault, Michel Drucker — se sont usés. Des

formules qui paraissaient inébranlables comme celle de Sacrée soirée ont été abandonnées. Des animateurs comme Nagui ont rajeuni le genre: décontraction, humour, impertinence et absence de play-back sont les atouts de son émission Taratata. Parallèlement, les émissions

que l’on appelle faute de mieux des talk-shows se sont multipliées: généralement conçues autour de la présence d’un invité venu faire la promotion d’un livre, d’un disque ou d’un spectacle, ces émissions-patchwork mêlent séquences d’interview, chroniques insolites sur la vie quotidienne, anecdotes pittoresques ou croustillantes, sketches comiques, intermèdes de variétés, gags et pitreries en tous genres ?. De Coucou c’est nous de Christophe Dechavanne, à Studio Gabriel de Michel Drucker,

en passant par Frou Frou de Christine Bravo* — transposition télévisée de magazines féminins tels que Elle ou Cosmopolitan —, ces émissions « d'accompagnement » qui n’exigent pas une attention très soutenue occupent le créneau stratégique du 19/20 h en semaine ou le samedi (pour Christine Bravo). Il est parfois difficile de distinguer talk-show et émission d'humour pur. De ce point de vue, France 2 n’a rien à envier à TF1 : avec Surprise sur prises de Georges Beller ou des 208

recrues comme Arthur, « l’animateur le plus con de la bande FM », elle peut rivaliser avec Sébastien, c’est fou, Super Nana, où Les grosses têtes de Philippe Bouvard. Beaucoup de téléspectateurs sont également friands d’émissions spéciales: céromonie de remise des 7 d’Or ou des l’Eurovision#.

Césars, En 1993,

concours c’est avec

de la

retransmission de l’élection de Miss France que France 3 a remporté, et de loin, sa plus forte audience de l’année: 19,1 % d’audience

moyenne et 40,3% de part de marché! Le domaine des jeux se porte bien lui aussi: sur TF1, Le juste prix, Une famille en or ou La roue de la fortune continuent à attirer le public aux alentours de midi et de 18 heures; mais

sur France Télévision, des jeux faisant appel à un savoir moins superficiel comme Questions pour un champion, ou des formules nouvelles faisant rivaliser 200 candidats sur le même plateau comme Que le meilleur gagne plus réunissent une audience encore plus forte, y compris lorsqu'ils sont diffusés exceptionnellement à 20 h 50. Enfin un jeu comme Les clés de Fort Boyard,

qui, loin des studios,

mêle jeux de rôles, énigmes et compétition sportive, a eu un tel succès que son inventeur Jacques Antoine a pu en vendre la formule à de nombreuses télévisions étrangères. Enfin, on peut classer dans le divertissement deux secteurs où la compétition entre les chatnes est acharnée: le sport et les émissions pour enfants. Depuis le début des années 80, le montant des droits de diffusion pour un match de football a fortement augmenté, mais c’est avec des retransmissions sportives que TF1 a battu tous ses records d’audience (65,7 % de part de marché pour le match de coupe d’Europe Marseille/Milan en 1993). Avec le foot et la formule 1, TF1 détient deux

atouts essentiels, mais le service public conserve l’exclusivité de manifestations qui attirent une audience importante, comme le Tour de France cycliste, le Tournoi des Cinq Nations ou le tournoi de tennis de Roland Garros. Dans le domaine des émissions pour enfants, les dessins animés du Disney Club de TF1 l’emportent largement (88 % de parts de marché). Mais le Club Dorothée de TF1 diffuse aussi beaucoup de dessins animés japonais de très médiocre facture et des sitcoms à l’humour calamiteux, comme Salut les mus-

clés. Dans le secteur public, la programmation est beaucoup plus soignée (même si elle

a... 0 Ne

NN

France TANCE

est inégale) avec les mercredis animés par Maureen Dor, le rendez-vous quotidien des Minikeums (marionnettes parodiant les vedettes de la télé sur fond de musique rap) et des dessins animés d’une grande qualité plastique comme Batman (diffusé précédemment sur Canal +).

Arte, l’alternative culturelle Issue de La Sept, chaîne culturelle câblée créée en 1986, Arte est diffusée de 19 heures

à 24 heures depuis le 28 septembre 1992 sur le cinquième réseau hertzien libérée par la disparition de La Cinq. Elle est également captée par les dix millions de foyers câblés en Allemagne, par 1,6 million de foyers câblés francophones en Belgique, ou par 350 000 foyers câblés en Suisse. La moitié des programmes de la chaîne franco-allemande sont produits en Allemagne, l’autre moitié en France (+ 50 heures/an produits par la RTBF). Ghetto culturel pour les uns, bouffée d’air pur dans un paysage audiovisuel dominé par la médiocrité pour les autres, Arte a suscité depuis deux ans de nombreuses controverses. On a dénoncé pêle-mêle l’importance du coût financier de la chaîne pour une audience trop faible, la concurrence à l’égard des autres chafnes de service public dont elle ampute les ressources et qu’elle décharge de la mission culturelle qu’elles assumaient auparavant, les différences de conception de la culture entre la France et l’Allemagne, et surtout le caractère trop élitiste d’une entreprise à laquelle la majorité des téléspectateurs risquait de demeurer indifférente. Malgré l’opposition violente de parlementaires de la nouvelle majorité de droite,-

et-ula.

méfiance

de

certains

intellectuels, la diffusion hertzienne d’Arte semble un fait acquis depuis qu’Edouard Balladur s’est prononcé en sa faveur. Bien que l’audience reste modeste (0,9 % en moyenne en 1993, mais certaines émissions ont dépassé les 10 % de parts de marché), Arte s’est fait peu à peu connaître d’un public plus nombreux; elle constitue un espace de création et de découverte irremplaçable, que presque personne aujourd’hui ne songe à remettre en cause. Arte n’est pas une chaîne généraliste puisqu’elle ne pratique pas tous les genres (pas de jeux, de variétés ou de grands JT) mais

J.C. Arte. Guillou

Sur Arte: Cognacq-Jay, Un téléfilm de Laurent Heynemann sur les débuts de la télévision française sous l'Occupation

elle offre une palette de programmes beaucoup plus variée que ne le croient ceux qui pourfendent son austérité sans jamais la regarder. Arte est la seule chaîne à présenter à 20 h 40%, et en version originale, des classiques ou des films empruntés à des cinématographies dédaignées par les chaînes généralistes. Avec des films de Nanni Moretti, Jane Campion, Nikita Mikhalkov ou Woody Allen,

c’est aussi la chaîne du cinéma d’auteur le plus récent. Le lundi en prime time, Arte propose des films de renom qui pourraient être appréciés par un large public, tels que Le temps des gitans d’Emir Kusturica, Embrassemoi idiot de Billy Wilder ou un cycle Jacques Tati qui a permis à la chaîne d’obtenir ses meilleurs scores d’audience en 1993*7. Le mercredi à 22 h 40, Arte nous fait décou-

vrir des classiques du cinéma avec, par exemple, un remarquable cycle consacré à l’expres209

Les télévisions du monde

sionnisme allemand des années 20, un cycle Ozu, ou un cycle consacré au Cinema Novo

brésilien. Le vendredi soir (23 h 10) est réservé à des films plus rares et originaux, de TokyoGa de Wenders au Décaméron de Pasolini. On peut voir aussi chaque dimanche à 19 heures des courts métrages muets de Chaplin, Keaton ou Laurel et Hardy. Paradis du cinéphile, Arte fait également la place dans Snark à la création audiovisuelle la plus avant-gardiste. L’une des grandes originalités de la programmation d’Arte est que la diffusion d’un film ou d’un documentaire ne se fait pas de manière arbitraire mais qu’elle s’inscrit dans le cadre d’un cycle ou d’une soirée thématique. L’âge d’or de Bunuel ou Adieu Philippine de Jacques Rozier illustrent par exemple des soirées consacrées respectivement au surréalisme ou à la Nouvelle Vague, aux côtés de documentaires portant sur ces mouvements. C’est une manière de remettre en cause la hiérarchie des genres (où le film occupe souvent la première place) et de prolonger le plaisir ou l'intérêt que le téléspectateur a pu ressentir en suivant l’œuvre fictionnelle. Arte consacre deux soirées à la fiction télévisée: le vendredi

à 20h40,

ce

sont

des

drames

psychologiques, des policiers, des sagas, des biographies. En 1994, la chaîne a présenté deux séries de chroniques qui évoquent la vie des jeunes des années 50 à nos jours: Tous les garçons et les filles de mon âge, collection de dix fois 60 minutes, signée par des jeunes réalisateurs français et par des cinéastes confirmés (Jean-Claude Brisseau, André Téchiné, Claire Denis, Chantal Akerman, Oli-

vier Assayas, etc.), et Les années lycée d’Éric Barbier et Cédric Klapisch (2 x 90 minutes). Le samedi à 22h 15 sont diffusées des œuvres plus inhabituelles comme Lettres pour L... de Romain Goupil, Un désir si vif de Hal Hartley ou Les bienheureux, un inédit d’Ingmar Bergman. Comme on le voit, Arte remet en cause les frontières entre cinéma et télévision en demandant à des cinéastes de réaliser des téléfilms, et en diffusant des œuvres parfois conçues selon deux versions, l’une destinée au cinéma, l’autre à la télévision (c’est le cas par exemple des films de Téchiné ou Assayas). Arte œuvre aussi pour redonner tout son prestige au genre du documentaire d’auteur avec des séries comme Grand Format ou Notre Temps, qui du Viêt-nam vu par Robert Kramer aux disparus d’Argentine, en passant 210

par l’enquête d’Amos Gitaï sur les néo-nazis, explorent, partout dans le monde, les événements-clés de notre époque. L’art, la littérature, les sciences sont également présents à travers plusieurs magazines. Profil donne la parole à des philosophes, des écrivains ou des cinéastes8. Quant à Histoire parallèle, c’est un des grands rendez-vous d’Arte. Depuis septembre 1989, l’historien Marc Ferro y pratique avec d’autres spécialistes une relecture passionnante d’actualités de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, depuis la rentrée 1994, Alex Taylor, ex-présentateur de Continentales, anime

Confetti tous les jours à 19 heures, magazine qui, du musée du corbillard aux strip-teaseuses d'Amsterdam, passe en revue les aspects les plus pittoresques et singuliers de la vie quotidienne des Européens. Arte c’est également l’information, avec Transit, magazine de reportage et de débat, longtemps présenté par Daniel Leconte, et avec 8 1/2, journal préparé par la rédaction franco-allemande. Diffusé à 20h30, ce journal tout en images de huit minutes et demie jette sur l’actualité internationale un regard débarrassé des préoccupations franco-françaises dont sont trop souvent prisonniers les journaux des autres chaînes. Arte ce sont aussi les spectacles avec le rendez-vous de Musica le mercredi. Consacré tantôt à l’opéra, de Madame Butterfly au Wozzeck de Patrice Chéreau, au théâtre avec Le mariage de Figaro monté par Jean-Pierre Vincent ou Les légendes de la forêt viennoise mises en scène par André Engel, à la danse avec des soirées consacrées à Martha Graham ou Dominique Bagouet, Musica propose aussi des portraits de grands interprètes (Glenn Gould, VIladimir Horowitz, etc.) ou de compositeurs de musique de films (Nino Rota, Georges Delerue, etc.). Enfin, Arte

s’intéresse

aussi aux

musiques d’aujourd’hui: Macadam dépoussière le rock avec MC Solaar, Cheb Khaled, Stan Getz ou Paul McCartney. Quant à Megamix de Martin Meissonnier, elle s’ouvre à toutes

les musiques du monde en mêlant rap, rock, raï, reggae, salsa et flamenco. Depuis le 15 décembre 1994, se pose le problème de la synergie, souhaitée par les pouvoirs publics, entre Arte et La Cinquième, nouvelle chaîne éducative présidée par JeanMarie Cavada, qui émet dans la journée sur le cinquième canal hertzien. Cette chaîne qui devrait consacrer la moitié de son budget de 815 millions de francs aux programmes, se

France

Afin de mieux résisterà la puissance américaine

Canal Plus et Bertelsmann font alliance dans latélévision payante en Europe Le Monde,

veut une chaîne du savoir et de la connaissance, mais aussi une chaîne de services permettant de faire face à un certain nombre de problèmes sociaux. La chaîne propose ainsi des émissions sur l’emploi, dans la lignée de Téléemploi, diffusé sur le cinquième canal en mars-avril 1994, ou sur la prévention (usage des médicaments, sida, etc.). Cette chaîne qui pratique la multidiffusion et encourage le téléspectateur à l’interactivité grâce au téléphone et au minitel, évite les programmes longs et se présente comme une mosaïque de « modus les » d’une durée inférieure à treize minutes.

Les télévisions à péage : des «télés pas comme les autres » Avec 7,5 milliards de chiffre d’affaires en

1993 — soit un résultat meilleur que celui de TF1 —, 3,7 millions d’abonnés individuels en France et un taux de réabonnement de 96,5 %,

Canal+

affiche

une

réussite

incontestable.

Canal + a su se diversifier, d’abord en éditant

et en commercialisant de nouvelles chaînes thématiques sur le câble et le satellite. Ensuite, en exportant son concept de base à travers des filiales en Europe, et même en Afrique. Enfin, en multipliant ses investissements dans des domaines aussi différents que la fabrication de matériels de réception (décodeurs, antennes satellite), la production cinématographique et télévisuelle, ou le financement de clubs sportifs (avec notamment le club de football du Paris Saint-Germain). Mais la première réussite de Canal +, c’est d’avoir assuré la pérennité de la formule imaginée en 1984 par André Rousselet. Canal+ propose d’abord à ses abonnés du cinéma récent et des événements sportifs, mais elle a su également élargir son audience grâce à ses programmes en clair très appréciés notamment par les jeunes. Si les films récents constituent l’essentiel de la programmation cinématographique de Canal +*°, la chaîne diffuse S aussi des films plus anciens à l’occasion

23 juillet 1994

d’hommages (Nuit Cassavetes, Nuit Jean Renoir) ou dans le cadre du « Cinéma de quartier ». Sous la houlette de Charles Bietry, le service des sports de Canal + privilégie le football (il a obtenu par exemple l’exclusivité de la diffusion du Championnat de France jusqu’en l’an 2000); mais Canal + s’intéresse aussi à d’autres sports (athlétisme, boxe, catch, golf, basket, etc.). La chaîne diffuse également des flashes d’information, des dessins animés

(Canaille peluche, Ça cartoon, Les Simpson), deux cents documentaires par an, des fictions télévisées (en 1993, elle a investi 100 millions de francs pour la production de 25 téléfilms français), des courts métrages, des concerts de rock, des corridas, mais aussi des spectacles

exceptionnels retransmis en direct comme le concert de Luciano Pavarotti à Paris ou Le misanthrope mis en scène par Jacques Weber. Parmi les programmes en clair, le Top 50 (devenu Le plein de super), le Journal du cinéma d’Isabelle Giordano — un peu trop lié à l’actualité promotionnelle mais sans équivalent sur d’autres chaînes —,

Télés-dimanche

de Michel Denisot consacrée à une personnalité des médias, La grande famille de Michel Field et surtout Nulle part ailleurs de Philippe Gildas, drainent un public jeune qui apprécie le dynamisme, l’humour ou le goût de la provocation des animateurs de ces émissions. Emission de contre-programmation, diffusée maintenant de 18h45 à 20h30, Nulle part ailleurs a réussi à séduire un public lassé par les divertissements classiques de l’access prime time ou par le rituel de la « grand-messe » du 20 heures. Autour du tandem Philippe GildasAntoine de Caunes se sont succédé chroniqueurs et humoristes à l’ironie décapante (Karl Zéro, Jérôme Bonaldi, «Les Nuls», etc.). L'émission sombre parfois dans le divertissement grotesque mais elle peut être aussi, surtout grâce aux Guignols de l'info, irrésistible de drôlerie sans être stupide. Parodiant de manière cruelle mais très convaincante les vedettes du microcosme politico-médiatique, les marionnettes des Guignols paraissent par-

fois plus « vraies » que leurs modèles...

211

Les télévisions du monde

Depuis 1990, Canal+ s’est lancée dans la production de chaînes thématiques accessibles sur le câble et par satellite. On sait que ces nouveaux moyens de diffusion ont connu en France un démarrage difficile. Après les hésitations sur le choix de la fibre optique ou du câble coaxial classique, le fiasco du satellite «haute définition » TDF1 abandonné en 1990 après avoir englouti des sommes énormes, la France se situe pratiquement au dernier rang européen avec 1,27 million d’abonnés au câble et 5,2 millions de prises raccordables. Mais le marché du câble et du satellite est en plein développement et on estime qu’il y aura 3,4 millions d’abonnés en l’an 2000 (2,3 millions pour les prévisions les plus pessimistes) sans compter tous les foyers qui pourront capter ces programmes grâce à une antenne parabolique. Longtemps, le câble a été boudé par les téléspectateurs français faute de programmes attractifs. Dans un certain nombre de villes de plus ou moins grande importance (Montpellier, Angers,

Rennes,

Lille ou Epinal...), se

sont créées des chaînes câblées locales qui limitent à la diffusion de journaux ou magazines concernant l’actualité régionale, qui connaissent d’importants problèmes financement.

se de et de

Les chaînes thématiques éditées par Canal+ offrent en revanche une gamme très variée de programmes: Planète est spécialisée dans les documentaires, Paris Première dans les spectacles parisiens, Canal J dans les émissions pour enfants, Canal Jimmy dans les sériescultes, MCM dans la musique, Eurosport — produit en association avec TF1 — dans le sport; enfin, Ciné Cinéfil diffuse des grands classiques du cinéma en noir et blanc et Ciné Cinémas des films des dix dernières années. Canal + propose aux foyers non raccordés au câble un « bouquet » réunissant ces huit chafînes par le biais de Canalsatellite. Pour 136 F par mois (105F pour les abonnés de Canal qui paient déjà 169 F mensuels), on peut recevoir les six chaînes de base, auxquelles on peut ajouter les deux chaînes cinéma pour 50 EF. L'offre totale (324 F/mois) représente un investissement non négligeable; l’accès à ces chaînes thématiques est donc encore réservé à un public assez privilégié. Fin 1993, Canalsatellite réussit plus de 100000 d’abonnés 212

(50 % sont des cadres supérieurs); quant aux abonnés du câble, ils sont environ 900 000 à

recevoir des chaînes comme Canal J ou Eurosport, et 100 000 à disposer des deux chaînes cinéma. Canal + compte réunir à terme 1,5 million d'abonnés en France pour ses chaînes thématiques. Mais elle n’a pas attendu le développement du marché français pour exporter à l’étranger, d’une part son concept de base, avec des Canal+ implantés en Belgique (149 000 abonnés), en Espagne (767 000 abonnés), en Allemagne (755 000 abonnés), en Afrique (29000 abonnés au Sénégal, en Côted’Ivoire et en Tunisie) et même en Pologne (lancement à l’automne 1994). D’autre part, ses chaînes thématiques, transposées notamment en Espagne avec Minimax (chaîne pour enfants), Documania,

Cinemania et Cineclas-

sics (mêmes équipes de programmation que pour Ciné Cinéfil). On ne peut conclure sur Canal + sans insister sur le rôle primordial que joue aujourd’hui la chaîne dans la production cinématographique et audiovisuelle: avec Le Studio

Canal+,

la chaîne

intervient dans le

montage financier de plus de 90 % des films français et produit également des films étrangers — y compris des films américains! Sa filiale Ellipse produit des fictions télévisées, des dessins animés, des jeux ou des magazines. Canal+ n’est pas le seul groupe audiovisuel à s’intéresser au câble et au satellite. Si l’audience des chaînes étrangères captables par satellite, telles que CNN, Sky News, la BBC ou la chaîne musicale MTV, reste marginale,

il faut aussi compter avec des chaînes comme RTL Télévision, implantée à Metz et dépendant comme M6 de la CLT“, ou Télé Monte Carlo. Mais le cas le plus intéressant

est celui de l’expérience audacieuse dans laquelle s’est engagée TF1, avec le lancement en juin 1994 de LCI, chaîne d’information en continu. Sur le modèle de CNN ou, à la radio, de France-Info, cette chaîne diffuse 19 heures

par jour à partir de 6h du matin des miniJournaux de sept à dix minutes, des débats, et des magazines permettant d'approfondir tel ou tel aspect de l’actualité. Diffusée sur le câble (et captable également par le satellite Telecom 2B), cette chaîne serait accessible à 400 000 foyers dès juin 1994 grâce à des accords avec les principaux câblo-opérateurs. TF1 compte pour rentabiliser sa chaîne sur une

France

forte

augmentation

câblés

du

d’ici l’an 2000.

potentiel Certes,

de foyers on sait que

l’information est un secteur où la demande est supérieure à l’offre*, mais la télévision suppose des conditions d’écoute plus contraignantes que la radio et rien ne dit que le téléspectateur français souhaitera s’y adapter. Le succès planétaire de CNN peut pousser à l’optimisme mais les débuts difficiles d’Euronews — chaîne câblée d’information en continu lancée en janvier 1993 par les chaînes publiques européennes au premier rang desquelles, France Télévision, mais sans la participation de la BBC et des chaînes allemandes ARD et ZDF — incite à la prudence.

TEL

SION La télévision française médiocre ? Pas tant que cela, explique un chroniqueur portugais ins-

tallé à Londres. Du moins à l'étranger... TV5, la chaîne francophone, tranche en effet sur les inepties des télés américaines et espagnoles. Cocorico |

Grâce à TV5, Voltaire s'amuse La télé francophone parmi les meilleures du monde far

çais,

Courrier

international

17-23

novembre

à à La

1994

Une diversification grandissante La multiplication de chaînes câblées, le développement du satellite, l’apparition de chaînes culturelles hertziennes, l’arrivée annon-

cée pour 1996 de services interactifs grâce au numérique, prouvent que le paysage audiovisuel français ne cesse de se diversifier, faisant évoluer avec lui les comportements des téléspectateurs. Mais cette évolution est inégalement partagée. Pour des raisons qui tiennent à l’éducation ou aux revenus dont chacun dispose, tout le monde n’a pas envie de découvrir Arte, ou n’a pas les moyens de s’offrir un abonnement à une chaîne à péage. Or les chaînes accessibles à tous ont tendance à uniformiser leurs programmes afin de réunir la plus grande audience possible. Sans doute, ne faut-il pas caricaturer: tout n’est pas que paillettes et divertissement facile sur les chaînes

généralistes; il y a, on l’a vu, des

émissions de qualité sur France Télévision et même sur TF1 ou M6. Le risque demeure cependant d’une dérive peu démocratique de notre paysage audiovisuel, avec d’un côté une télévision de privilégiés, culturelle, variée, innovante, de l’autre la télévision du plus grand nombre, que le manque d’imagination et d’audace des programmateurs condamnerait à une superficialité et un conformisme de plus en plus grands.

Bibliographie sommaire Les données chiffrées proviennent essentiellement de L'année TV 93 éditée par Médiamétrie et des documents fournis par les Services de presse de TF1, LCI, France Télévision, Canal +, Arte et M6, que je

remercie. De nombreux articles du Monde et de Télérama ont également été exploités. On peut consulter pour plus d’informations sur l’histoire de la télévision Haute fidélité, Pouvoir et télévision, 1935-1994, de Jérôme Bourdon, Seuil, 1994. Pour une approche plus sociologique, La fenêtre et le miroir, La télévision et ses programmes, de Dominique

Mehl, Payot,

1992.

Enfin pour une vision synthétique, L'état des médias, sous la direction de Jean-Marie

Charon, La Découverte-MédiaspouvoirsCFPJ, 1991. Ces trois ouvrages comportent des bibliographies très complètes.

Pierre BEYLOT

213

Les télévisionsEEE... du monde AR Red

1. Umberto Eco est l’un des premiers à avoir développé ce point de vue sur ce qu’il a baptisé la « néo-télévision » dans «TV: la transparence perdue » (1983), in La Guerre du faux, Livre de Poche, coll. Biblio Essais, 1988, pp. 196-220. 2. On pourrait ajouter M6 à cette liste: la chaîne diffuse tous les genres maïs privilégie la musique depuis sa création avec dix émissions musicales hebdomadaires. 3. On peut aujourd’hui se procurer une antenne et un récepteur, de qualité correcte, capables de capter Astra et Télécom 2A et 2B pour 2 à 3000 francs français. 4. La publicité n’est introduite sur FR3 qu’en 1983. 5. CNCL : Commission nationale de la communication et des libertés ; CSA : Conseil supérieur de l'audiovisuel.

6. Le président de la République et les présidents des deux Assemblées désignent chacun trois membres. 7. «Édouard m'a tuer », Le Monde, 18 février 1994. 8. Titre d’un livre du journaliste Noël Mamère, La dictature de l’audimat, La Découverte, 1988.

21. Cf. Dominique Pasquier, « Hélène et les garçons: une éducation sentimentale », Esprit, juin 1994, pp. 125-144. Il y a dans Hélène quelques allusions aux vrais problèmes des jeunes (sida, etc.), mais elles sont très furtives. 22. Le Monde Radio-TV, dimanche 31 juillet-lundi 1° août 1994, pp. 32-33. 23. Sondage Sofres pour Médiaspouvoirs, La Croix et Télérama, 12 janvier 1994, pp. 8-13. 24. 61 scores supérieurs à 11,9 % d'audience (= 6,1 millions

de téléspectateurs). Record avec 40% de parts de marché. 25. Il s'agissait d’un montage présenté par la chaîne comme un entretien accordé en tête à tête aux journalistes de TF1,

P. Poivre d’Arvor et Régis Faucon. 26. Dossier de presse fourni par la chaîne (rentrée 1994). 27. C’est grâce à ce dernier que l’émission a réalisé sa meilleure audience en 1993 (39% de parts de marché). 28. Le secteur des magazines et documentaires est l’un de ceux où l'offre (26,6 %) est supérieure à la demande (14,4 %).

sentent 4,6 % de l'offre et 9,5 % de la consommation télévisuelle.

29. Connu pour organiser sur cette radio des dialogues sans tabou sur tous les problèmes des jeunes, notamment dans le domaine de la sexualité. 30. France Télévision est également présent dans le domaine du magazine de reportages avec notamment Première ligne, Les cinq continents ou le magazine franco-belge Strip-tease. Citons aussi les documentaires diffusés hors du cadre d'émissions régulières, comme Justice en France de Daniel Karlin et Tony Lainé ou Notre télévision de Pierre Tchernia et Jérôme Bourdon qui ont obtenu une audience appréciable. 31. Ces émissions, qui avaient alors les faveurs du public, avaient également l’avantage de pouvoir être interrompues par plusieurs coupes publicitaires. 32. À ces éléments hétéroclites peuvent s'ajouter des coupures publicitaires, voire des séquences d’information comme dans Studio Gabriel où le présentateur du 20 heures intervient à 19h20 pour lancer les titres du journal. 33. Rebaptisé « Chéri(e), j'ai un truc à te dire! » à la rentrée 1994. 34. Doit-on ajouter à cette liste le Téléthon ou la soirée Sida ? Ce sont par leur mise en scène de grands galas médiatiques, mais il est difficile de ranger dans les divertissements ces émissions de solidarité et d’appel à la conscience collective.

vis-à-vis du cinéma américain. 11 des 13 films les plus regardés de France 3 en 1993 sont des films américains, dont 1 James Bond, 3 Inspecteur Harry avec Clint Eastwood, et les 3 épisodes des Dents de la mer. Le film le plus enregistré est Rain Man, diffusé par France 2. 18. Et 27,7 % de la consommation télévisuelle pour les chaînes hertziennes. 19. Meilleur score d'audience pour une série en 1993 avec 22,1 % d'audience moyenne (11359000 téléspectateurs) et 49,4 % de parts de marché. Rappelons que l’audience moyenne

35. Notamment Dominique Wolton, «Arte, la culture et la télévision », Le Monde, 23 septembre 1992. 36. Autre originalité d’Arte, elle ne diffuse pas de publicité ; ses films commencent donc dix minutes plus tôt que les programmes des chaînes concurrentes. 37. 2 millions de téléspectateurs et 8,5 % de parts de marché pour Jour de fête. 38. Des épisodes de la série Cinéastes de notre temps de Janine Bazin et André S. Labarthe ont été diffusés dans le cadre de cette émission.

9. C’est le «less objectionable program » (le programme qui repousse le moins) qu'affectionnent les networks américains. 10. Ces notions de programmation fédérative et composite sont définies par D. Mehl dans La fenêtre et le miroir, la TV et ses programmes, Payot, 1992, pp. 151-166. 11. Manifeste publié dans Le Monde, 19 octobre 1988. 12. TF1, F2 et F3, Arte, La Cinquième

et M6. L'audience

d’Arte tournant autour de 1 % et celle de la Cinquième étant à ses débuts assez modeste, on peut dire que pour une grande majorité de téléspectateurs le choix se fait entre 4 programmes seulement... 13. «Entretien avec Anita Rudman », Décisions médias, n° 37, juillet 1990 ; repris in Dossiers de l’audiovisuel, n° 41, « Pro-

grammes et programmation : la TV à l’heure du marketing », INA/La Documentation française, janvier-février 1992, p. 22. La deuxième citation est extraite du Monde,

31 août 1994, p. 15.

14. Extrait du dossier de presse fourni par la chaîne. 15. M6 a lancé en mars 1993 une chaîne câblée Série Club qui dispose de 270 000 abonnés début 1994. 16. 192 films par an (170 pour TF1) dont 104 entre 20 h 30 et 22h30, avec interdiction de diffuser un film le samedi soir. Pour toutes les chaînes hertziennes non cryptées, les films repré-

17. Il serait hâtif d’en conclure à une désaffection du public

représente le nombre de téléspectateurs à avoir regardé ce pro-

39. Les films de cinéma constituent 44,3 % de l’offre de pro-

gramme (1% = 514000 individus âgés de 4 ans et plus) et la part du marché, le pourcentage de téléspectateurs à avoir regardé ce programme par rapport au nombre total d’individus ayant regardé la télévision. TF1 a diffusé quelques Columbo inédits mais la plupart sont des rediffusions. À la rentrée 1994, TF1 redonne ses faveurs aux séries américaines en programmant Rick Hunter dans la tranche stratégique 19 h-20 h. 20. Dans Les cœurs brûlés et Le château des oliviers, on

gramme de Canal +. Un chiffre à rapprocher des 4,6 % de films proposés par les chaînes hertziennes en clair. 40. L'émission a obtenu grâce aux Guignols jusqu'à 20 % de parts de marché. 41. Diffusée en hertzien en Lorraine, cette chaîne concurrence les programmes régionaux de France 3. 42. Les journaux télévisés représentaient en 1993 6,5 % de l'offre de programmes (sur toutes les chaînes hertziennes) et

familiale au extérieures.

surtout les gros consommateurs de télévision qui sont friands d’information.

trouve cependant un point de départ similaire : une propriété

214

centre

de conflits de famille et de convoitises

13,2%

de la consommation

télévisuelle.

On sait que ce sont

Grande-Bretagne

Grande-Bretagne Superficie : 244 103 km? Population: 57 000 000 habitants Capitale: Londres Langue utilisée à la télévision: anglais Nombre de téléviseurs: 35 000 000 Nombre de magnétoscopes: 16 400 000 Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 48 Nombre d’antennes paraboliques: 2 632 000 Nombre de foyers câblés: 2 500 000 Pourcentage de programmes français: faible

La télévision britannique connaît des changements radicaux depuis 1989 et d’autres menacent à l’horizon. Le système fondé sur quatre chaînes hertziennes qui était progressivement développé depuis les premiers programmes quotidiens de la BBC en 1936 complété par la création d’ITV (un réseau régional commercial) en 1955, a été profondément déstabilisé. L’insécurité qui en résulte affecte toujours l’industrie à tous les niveaux. A l’origine de ces changements, il y a des raisons très diverses: les développements technologiques, une volonté politique, les forces du marché et les mouvements qui ont affecté la culture et la démographie britanniques. Si le marteau qui a enfoncé le clou a été la loi sur l’audiovisuel (Broadcasting Act) de 1990, il y avait plus d’une main pour le tenir! Les publicitaires faisaient preuve de plus en plus d’impatience devant le monopole virtuel des ventes d’espaces publicitaires et ils ont fait du forcing auprès du gouvernement Thatcher pour que soit créée une cinquième chaîne hertzienne au milieu des années 80. Le projet erre quelque part entre projet de loi et chambre des débats. De toute façon, si le gouvernement, quel qu’il soit, avait voulu protéger le statu quo il aurait été bien en peine: le câble et le satellite (3 millions de foyers) rendaient cette concurrence inévitable. Le fait est que la loi sur l’audiovisuel n’a pas concerné que la télévision commerciale, elle a fait des vagues à la BBC. Aussi bien, «service public» n’avait jamais été un des

mots favoris de Thatcher qui avait depuis longtemps la BBC dans sa ligne de mire. Le paradoxe est que des horizons politiques très différents ont prêté main-forte à ses assauts.

Les indépendants Après ducteur, s’assurer originaux

avoir aidé Channel 4 à devenir prole lobby des indépendants voulut un créneau de 10 % des programmes sur les quatre chaînes hertziennes.

Dès 1989, le succès de cette chaîne avait démontré, à la fois aux tenants du marché libre

et aux iconoclastes de la gauche libérale, que l’intégration verticale de la production et de la diffusion telle que pratiquée par le tandem BBC/ITV n’était pas indispensable. En spécifiant que la BBC et ITV devaient réserver 25 % de leur production aux producteurs indépendants dès 1992, le projet de loi permit à ceux-ci de jouer un rôle efficace dans la destruction de ce tandem qui détenait le monopole. Les contrats à court terme, la chasse aux commandes et les coproductions sont des caractéristiques du nouvel ordre télévisuel. Beaucoup de membres du personnel de la BBC et de ITV licenciés pour raisons d’économie et recherche d’efficacité ont rejoint la troupe des indépendants qui fournissent leurs anciens employeurs — certains ont fait remarquer que c’était d’ailleurs pour plus cher! Malgré des heures de diffusion plus nombreuses, l’apparition de nouvelles chaînes sur le câble ou le satellite et une augmentation des sommes affectées à la production indépendante, l’offre continue à dépasser la demande. Les membres inscrits au PACT (l’organisation des producteurs indépendants) sont maintenant 1300, mais 600 à 800 ne travaillent qu’une fois par an et seul un petit nombre obtient des commandes de plus de 1 million de livres. Les plus importants sont Thames, ancienne société de ITV, Broadcast Communication, Hat Trick,

Select TV, Tiger et Mentorn. Comme les quotas jouent toujours un rôle important, producteurs et diffuseurs se disputent sur la manière 215

Les télévisions du monde

dont le pourcentage « indépendant » est réparti. En 1992, une fois mis à part les informations et l’actualité, l'Open University (l’enseignement universitaire), les retransmissions des débats parlementaires et les scénarios (tous secteurs non touchés par les quotas), les commandes indépendantes de la BBC ne s’élevaient qu’à 11 % de sa production (BFI Film and Television Handbook 1994, page 58). Autre conflit récurrent: qui a la propriété des droits sur les émissions commandées aux indépendants? Ceux-ci semblent déterminés à lutter pour les arracher aux diffuseurs.

Les protestations contre ces pressurations du gouvernement sur les budgets de production

(et sur les dividendes des actionnaires) ont été ignorées avec superbe ! Toutes les sociétés de ITV ont été restructurées de façon draconienne; pas de licenciements, mais des « dégraissages » ! Toutefois, on a reconnu l'instabilité ainsi causée à ITV en instituant un moratoire sur les reprises de sociétés jusqu’à la fin de 1993. Et il y a eu des fusions ou des rachats contraints: Tyne Tee fusionna avec Yorkshire TV pendant la durée du dit moratoire. Début 1994, Carlton racheta Central, le groupe MAI (principal actionnaire de Meridian, le nouveau concessionnaire de Sou-

La vente

aux

enchères

de ITV

Mais qu’est devenu le réseau ITV après la loi sur l’audiovisuel de 1990 ? Même les concepteurs de la loi ont dû admettre que c’est un fiasco. La concession d’ITV devait être renouvelée en 1991. Les modalités ayant été modifiées (je vous passe les détails), quatre sociétés perdirent leurs concessions: Thames, TV-AM (les programmes du matin de ITV), TSW (Télévision SouthWest) et TS (Television South). Ironie de l’histoire: TV-AM avait été l’une des sociétés préférées de Mme Thatcher et son gouvernement fut bien embarrassé quand elle fit part de son désarroi personnel face à cette disparition. Le scorpion de la libre entreprise s’était fait piquer par sa propre queue. La loi laissait un héritage difficile au réseau ITV. Les seize sociétés qui ont obtenu des concessions en 1991 sont frappées de différentes servitudes,

notamment

les redevances

annuelles à payer au Trésor. Par exemple, Yorkshire-Tyne Tees doit régler 52,7 millions de livres chaque année pour sa concession. Carlton (qui enleva la concession londonienne

pour les jours de semaine à Thames) doit payer 43 millions. Meridian (qui a raflé la concession de TV South) 36,5 millions. Au bas de l’échelle, Granada paie relativement peu: 9 millions, LWT (London Weekend); 7,5 millions et STV (Scottish TV) et Central ne paient que 2 000 livres chacune. En plus, ITV doit payer des pourcentages sur les recettes publicitaires. En 1993, ceux-ci s’élevaient

à 119 millions, ce qui fait plus de 330 millions d’impôts pour cette année-là (BFI Film and Television Handbook 1994, page 49). 216

thern) reprit Anglia et Granada racheta London Weekend. L'équilibre des forces en a été modifié durablement: on peut raisonnablement penser que vers l’an 2000 ITV se composera de trois ou quatre grandes sociétés (peut-être persuaderontelles le gouvernement d’être plus coulant sur les restrictions à la propriété des médias ?). Le sort de Thames TV, qui a perdu sa concession pour les jours de semaine en 1993, est significatif: c’est maintenant une grande société indépendante qui produit des émissions commandées par les nouvelles sociétés de ITV et de la BBC. Sa vaste filmothèque d’émissions, amassées au cours des vingt années de sa concession, a constitué l’un de ses arguments de vente lorsque Pearson la racheta à Thorn-EMI. Ainsi, l’une des cinq grandes sociétés de ITV d’avant 1991 est devenue une petite composante, à la valeur certes très estimable, d’une multinationale intéressée par les médias.

Le satellite et le câble A elles toutes, les chaînes britanniques ne constituent que du menu fretin. Alors que le câble et le satellite ont reçu un traitement préférentiel de la part du gouvernement pour favoriser leur démarrage, elles sont toujours soumises,

hertziennes,

à des réglementations

strictes en ce qui concerne la propriété. Ainsi, un conglomérat de multinationales basé sur le continent a le droit d’acquérir jusqu’à deux sociétés de ITV, mais les sociétés de presse britanniques ne peuvent, elles, posséder que 20 % de l’une et 5 % de l’autre. Les proprié-

a

taires de deux chaînes (qu’elles soient nationales ou régionales) n’ont droit qu’à 20 % des actions d’une troisième et à 5 % d’une autre. Deux poids, deux mesures: les plus importantes sociétés d’ITV font du lobbying, pour faire disparaître ces incohérences. La plus flagrante est la tolérance envers la taille de l’empire de Rupert Murdoch qui règne sur les médias en Grande-Bretagne. Les titres de News International n’occupent-ils pas 35 % du marché de la presse britannique ? On y retrouve The Sun, le quotidien à plus fort tirage, la prestigieuse écurie du Times et News of the World, le journal du dimanche à plus fort tirage. Or News International possède aussi 51 % de BSkyB, le satellite diffusant en Grande-Bretagne. Le rachat de BSB, qui était en faillite, par

Murdoch, et sa fusion avec Sky de News International en 1990 à fait l’effet d’un coup de tonnerre dans l’establishment médiatique, surtout en raison de l’indifférence affichée par le gouvernement. À l’époque, la compagnie-mère de Murdoch, News Corporation, était couverte de dettes d’un montant estimé à 7,6 milliards de

livres, et elle devait de l’argent à 146 organismes financiers (Media Guardian du 29 août 1994, page 15). Grâce à un réaménagement très imaginatif de cette dette, Murdoch put se réembarquer dans une série de rachats, dont celui de BSB. II a fait allusion à ses pertes dans le satellite en parlant « d’investissement ». La loi sur l’audiovisuel ne s’occupant que des chaînes commerciales hertziennes, l’acquisition par Murdoch de BSB ne rencontra aucun obstacle législatif. Greg Dyke s’est fait le porte-parole de ses confrères profondément blessés en commentant ainsi ce traitement préférentiel: « Il est évident que la relation privilégiée entre Rupert Murdoch et le gouvernement Thatcher a changé la nature du jeu.» Alors que les règles sur la propriété multimédia établies par la loi de 1990 ont été conçues pour créer une diversité, News International n’a pas été empêché d’être majoritaire dans le capital de BSkyB. Tous les autres groupes de télévision et de presse se sont trouvés désavantagés. Il est clair que cette exception est la récompense accordée à Murdoch pour avoir pesé de tout son poids dans les colonnes de ses journaux en faveur du gouvernement Thatcher. Moralité: faites du lobbying et du lèche-bottisme pour parvenir à vos fins (The Guardian, août 1994).

US Grande-Bretagne ETS

Fin août 1994, BSkyB a annoncé que ses bénéfices étaient passés de 17,2 à 67,9 mil-

lions dans les six premiers mois (The Guardian, août 1994). En même temps, elle annonçait qu’elle augmenterait son abonnement de 3 livres par mois, à partir d’octobre. Ce qui représente une augmentation de 43 %. Elle a aussi modifié de manière considérable la compétition pour l’audimat. En mai 1994, 2632000 foyers étaient équipés en antennes paraboliques et le câble et le satellite représentaient 6,8% de l’audimat: chiffre peu important en lui-même, mais il révèle la pression sur les autres chaînes. En effet, la part de la BBC est descendue à 41,6 % et la concurrence avec ITV et Channel 4 qui sont à 51,6 % est rendue encore plus vive (Screen Digest, août 1994). Les bénéfices de BSkyB vont faire de l’ombre commerciale au réseau ITV (ils constituent à peu près le tiers des recettes totales de la publicité du réseau hertzien) et ils vont accroître sa capacité de faire monter les enchères lors du renouvellement des concessions. Pour l’heure, la pénétration du câble en Grande-Bretagne est la plus faible d'Europe. En01993 Melle était dé n22/% dans tlés

2,5 millions de foyers branchés en GrandeBretagne, alors que ce taux est de 62% dans les 22 millions de foyers allemands, par exemple (Screen Digest, août 1994, page 178). Mais la reprise du câble par les télécoms pourrait changer la situation. Les analystes prédisent que les sociétés installant des réseaux câblés en Grande-Bretagne dépenseront environ 6milliards de livres avant l’an 2000, et

espèrent ramasser d’ici dix ans 5,5 milliards par an de revenus (The Guardian, 30 août 1994, page 6). À ce propos, notons que les sociétés de télécom américaines réalisent 67 % des investissements dans le câble en GrandeBretagne: heureuse alternative au fait qu’elles ne peuvent proposer à la fois câble et télé-

phone dans la même zone de concession aux États-Unis. Mais ce sont les deux plus grandes rivales britanniques, BT et Mercury, qui voient leur développement restreint d’autant, de ce côté-ci de l’Atlantique. BT, inquiète de ce que les télécoms américaines courtisent les clients britanniques en leur proposant des services interactifs supplémentaires, développe le VOD (Vidéo sur demande) afin d’être tout à faite compétitive dès 2001. 217

Les télévisions du monde

La lutte entre le câble via le téléphone et via le satellite sera de toute évidence très rude dans les années qui viennent, d’autant plus que les deux systèmes doivent non seulement rivaliser entre eux mais compter avec les marchés de la vidéo (vente et location) très bien installés en Grande-Bretagne, qui rapportent 1,2 milliard par an (The Guardian,

30 août,

page 6).

Nouvelles alliances, nouveaux profits La nouvelle concurrence et l’augmentation vertigineuse des coûts de production ont conduit à des alliances peu orthodoxes. D’abord, les restrictions concernant la sponsorisation des émissions sur les chaînes commerciales se sont assouplies. L’inspecteur Morse, détective populaire, amateur d’opéra et de vraie « ale » a vu le générique de son feuilleton éponyme surchargé de slogans pour Beamish Stout, une bière brune irlandaise. La tension entre créneaux de marketing, indices d’écoute et profits est apparue clairement lorsqu’une marque de tampax s’est retrouvée associée à une série de films « pour les femmes ». Les publicitaires vont très probablement exercer plus de pouvoir dans la production, et un certain nombre de sociétés se penchent déjà sur le système américain du barter. Les revenus provenant de la sponsorisation ont doublé en l’espace de deux ans à la télévision et à la radio, jusqu’à atteindre 70 millions de livres en 1994. Sur cette somme, 40 millions sont allés à la télé-

vision (Broadcast, 24 juin 1904, page 18). La BBC et BSkyB ont fait des offres communes pour les retransmissions sportives. La première fois que ce partenariat douteux s’est manifesté, ce fut lors de la retransmission en

direct du Premier League football, arrachée à ITV. La BBC obtint le droit de retransmettre les matches de la Premier League en différé le samedi soir, tandis que BSkyB pouvait le faire en direct le dimanche et le lundi soir. L'affaire démontrait le pouvoir qu’a le satellite de « voler » aux téléspectateurs qui n’ont pas d’antenne parabolique le droit de voir des événements sportifs majeurs. Une commission

parlementaire a depuis dressé la liste de huit événements « d'importance nationale » qui doi218

vent rester du domaine de la télévision hertzienne, mais le satellite a les moyens de faire monter les enchères et ses tentacules n’ont pas fini de s’étendre. Le sacro-saint cricket a vendu les droits de tous ses Test matches dans le monde entier à BSkyB. La BBC assure toujours la couverture des Test matches nationaux, mais le directeur de l’organisme responsable (du TCCB) cherche à les «retirer de la liste » après avoir accepté 60 millions de livres de BSkyB pour les droits de retransmission des matches internationaux et de la Benson and Hedges Cup. La plupart des associations sportives seront tentées par les « prix compétitifs » que peut offrir «le» satellite. Ces contrats sont symptomatiques de la modification du milieu de la télévision britannique. Ils font la une parce que les événements sportifs sont (ou étaient) un ciment pour la nation; le sport à la télévision a un large public masculin très recherché par les publicitaires: il est aussi très regardé par les hommes politiques.

Le service public Le Livre Blanc de 1988, qui définissait les paramètres du projet de loi sur l’audiovisuel qui devint finalement la loi en 1990 (déjà évoquée), définissait trois critères pour la future télévision: concurrence, choix et qualité. La concurrence entre fournisseurs devait entraîner un plus grand choix de produits. Mais qualité est un terme chargé d’émotion, qui n’a pas le même sens pour tout le monde ! Les producteurs ont vu, avec le nouveau système, leurs critères se dégrader, et le fait est que la production s’est banalisée. Les programmes d’importation, surtout les jeux de style américain et les feuilletons à l’eau de rose australiens, sont devenus aussi nombreux

que synonymes de médiocrité, tandis que la production nationale chutait après avoir été réputée « la meilleure du monde ». On détruisait sa créativité en usant des instruments brutaux de la loi du marché. Le départ de David Plowright de Granada, où il avait été, pendant des années, responsable des programmes portant la griffe de la société, fut la goutte d’eau qui fit déborder la colère. (Il ne pouvait plus supporter les comptables bornés désormais à la tête de Granada.) La menace qui se dessinait sur les programmes de qualité se doublait

Grande-Bretagne

Sleptoe and Son:

une comédie

de la BBC

des années

60

219

Les télévisions du monde

d’une crainte concernant le rôle démocratique du petit écran. A «l’âge d’or» de la télévision britannique, tout le monde arrivait au travail en discutant de la pièce provocatrice ou du documentaire vus la veille. On s’en souvint et l’une des choses les plus bizarres au début des années 90 fut d’entendre des gens qui, pendant les années 70, avaient fait campagne contre le monopole « patriarcal » de la BBC, se mettre à la défendre violemment contre « l’assaut barbare du libre marché »!

l’on appela le «choix du producteur ». Cette politique causa un énorme bouleversement et changea les pratiques des producteurs qui s’en trouvèrent alourdies. Quelles ont été les conséquences de ces turbulences sur la programmation?

La programmation Dès qu’on parle qualité, on songe à Retour à Brideshead et aux Joyaux de la Couronne. Diffusées au milieu des années 80, leur coût

La BBC L'Histoire jugera si John Birt a été le meilleur des directeurs généraux de la BBC. En tout cas, depuis sa prise de fonction en 1993, il s’est taillé une réputation aussi détestable que celle de Graham Taylor, le directeur de la catastrophique équipe de football anglaise! Dans la bouche

de ses détracteurs, le terme

« Birtism» traduit un mélange méprisant de discours patronal, de pragmatisme politique et d’idéalisme appauvri.. Sa nomination à l’un des postes les plus prestigieux de Grande-Bretagne fut controversée car elle fut imposée par le président du directoire, Marmaduke Hussey. Il se vit dans le rôle de garant de l’avenir de la BBC, menacée par différents membres du cabinet Thatcher qui réclamaient un changement total en direction du libéralisme. Pour jouer ce rôle protecteur, il voulut donner le change. Mais le prix à payer parut trop élevé à beaucoup. Panorama, l'émission d’actualités hebdomadaire de qualité de la BBC, se vit retirer trois numéros à une période politiquement sensible. Le premier traitait du commerce des armes avec l’Irak, elle était programmée au moment où la guerre du Golfe était sur le point d’éclater. Puis ce fut une émission critique vis-à-vis de la politique fiscale du Parti conservateur, qui devait passer la veille des élections nationales, et la troisième dénonçait la corruption dans le Borough de Westminster sous contrôle conservateur, juste avant les élections locales. Autre

facteur: pour prouver

de production élevé et leur succès auprès de la critique sont toujours des critères d’excellence. Mais de tels budgets n’existent plus aujourd’hui — chacune de ces séries avait, paraît-il, coûté au bas mot 5 millions de livres! Le changement le plus net est notable dans la forme: on fabrique des programmes plus courts, avec des titres accrocheurs. Ce qui permet de donner à différents sujets une identité particulière. Les diffuseurs, conscients du pouvoir « éraflant » de la télécommande, calent les

émissions dans un créneau hebdomadaire ou quotidien ou dans des magazines qui visent un public particulier, afin de fidéliser l’audience ou de la regagner. Par exemple, au lieu d’annoncer des reportages ou des documentaires sous leur titre, Channel 4 a lancé deux émis-

sions fourre-tout régulières dans lesquelles il les case: Dispatches et Cutting Edge. La BBC s’est alignée jusqu’à un certain point, mais a, de manière plus significative, refondu ses magazines pour des publics ciblés et des groupes précis. L’impulsion, là encore, est venue en 1988 de Channel 4, avec son Media Show, une émission sur les médias, et

Network 7, un magazine plein de punch destiné aux jeunes. Ces deux émissions utilisaient une présentation très rythmée, des techniques d’interview vivantes, un montage rapide et des graphismes dynamiques. Déjà un peu démodé peut-être? Il n’empêche, ce principe de rassembler des sujets ou des publics particuliers sous la même bannière pour ensuite essayer d'augmenter l’attrait de l’émission semble désormais un procédé classique. BBC2, par exemple, a récemment diffusé en milieu de semaine et à une heure de grande

au gouverne-

écoute le début d’une série intitulée The Net,

ment et au public que la redevance annuelle était justifiée, 1l entreprit d’améliorer la ren-

une émission traitant d'informatique. The Late Show est un magazine culturel et artistique qui passe quotidiennement après le dernier jour-

tabilité en mettant en œuvre une politique que 220

Grande-Bretagne

Blind Date, audimat

nal et Def II s’adresse au jeune public en début de soirée. On parle sans doute plus du premier qu’on ne le regarde, mais ces deux magazines créent indubitablement la tendance. En ces temps d’économie budgétaire, la BBC a particulièrement bien réussi à réutiliser son fonds d’émissions anciennes, reflétant

et créant à la fois la nostalgie des années 60 pour des émissions adorées et connues de tous. Le fait de ranimer ainsi le souvenir de ces vieilles émissions bien-aimées a fait plus que tous les débats pour rappeler au public la place traditionnelle de la BBC au cœur de la culture nationale. Cops on the Box fut un exemple de saison thématique sur la police, allant de reportages documentaires aux séries dramatiques telles que Z Car qui appartiennent à la mythologie de la culture populaire britannique. En plus de ces rediffusions, BBC Entreprises a ressorti bon nombre de documents d’archives sur cas-

settes vidéo. Les vieilles comédies comme Steptoe and Son, Dad’s Army et Fawlty Towers connaissent un énorme succès. Les émissions les plus populaires restent toujours celles dont la durée de vie est la plus lon-

assuré

gue. Coronation Street a démarré sur ITV le 9 décembre 1960 et fait toujours un malheur au hit-parade, avec près de 17 millions de spectateurs trois fois par semaine. Le feuilleton à l’eau de rose de la BBC EastEnders vient juste après avec 14 millions et des émissions comme Blind Date (LWT), Noel’s House Party (BBC1) et You’ve been Framed ! (Granada) n’ont pas perdu leur public avec le temps. La sécurité apportée par la popularité d’une émission a encouragé des approches plus conservatrices en ce qui concerne la programmation, alors que le besoin de réduire les coûts de production exacerbait encore plus ce penchant. Les grands feuilletons tels que Coronation Street, EastEnders et Brookside sont passés de deux à trois diffusions par semaine, en compétition très serrée, sans compter une diffusion spéciale le week-end. La BBC a eu du mal à ne pas diffuser trois soirs par semaine son feuilleton fétiche Casualty, qui a pour cadre un hôpital, pour rivaliser avec le feuilleton policier de ITV The Bill. De la même manière, le pouvoir d’attraction des vedettes s’est de plus en plus affirmé. Après le succès de The Darling Buds of May 221

Les télévisions du monde

produit par Yorkshire TV, David Jason devint quasiment indispensable à la réalisation de toute comédie. Aucun falk-show ne pouvait se faire sans la houlette de Jonathan Ross ou de Clive Anderson, et on ne voyait plus que les comédiennes Dawn French et Jennifer Saunders. La pression grandissante de l’indice d’écoute entraîne une raréfaction des émissions prêtes à prendre des risques et à découvrir de nouveaux talents. Lorsqu'une personnalité nouvelle a du succès et crève l’écran, la machinerie

publicitaire s’en empare pour entretenir et augmenter sa popularité, justifiant ainsi la fréquence de ses apparitions et son salaire exorbitant. Deux cas illustrent cela: celui de Chris Evans, le jeune présentateur de Big Breakfast sur Channel 4, qui a très vite présenté par la suite Don't Forget your Toothbrush et celui de Nick Berry dont le récent contrat de 1 million de livres pour son rôle vedette dans Heartbeat équivaut, comme on dit en anglais, à «une paire de menottes en or ». L’équilibre entre tradition et modernité a été le mieux réussi dans certaines comédies dramatiques de la BBC. Victor Meldrew, le personnage joué par Richard Wilson dans One Foot in the Grave, est la version revisitée d’un

archétype populaire. Acariâtre, entêté et cafardeux, 1l incarne une tradition populaire de personnages énervants et traités durement qui remonte à Wilfred Brambell, au vieux Steptoe, et bien au-delà. Son cri de colère «Je n'arrive pas à y croire /» était une phrase passe-partout qui a très vite franchi les limites du petit écran. Il est peut-être plus étonnant de constater la popularité de Patsy, personnage créé par Jennifer Saunders et joué par Joanna Lumley dans le feuilleton comique Absolutely fabulous ! Lumley est plus connue pour avoir été l’une des séduisantes actrices de Chapeau melon et bottes de cuir, feuilleton des années 60 devenu

depuis une série culte. Son coup de génie fut de ne pas abuser de cette séduction afin de pouvoir en faire une parodie plus tard. Patsy est une femme qui boit trop, fume comme un sapeur et n’a aucun instinct maternel; elle ne vit que pour les boutiques et les soirées. Elle piétine allègrement les notions conventionnelles de la féminité qui se sacrifie, et les femmes applaudissent l’exploit. Sa marionnette et sa statue de cire chez Mme Tussaud sont la

preuve de la consécration suprême. L'arrivée 222

du Caméscope

a introduit

une

nouvelle esthétique et de nouveaux formats. La demande «d’entrée» à la télévision de non-professionnels a été une idée centrale du lobby faisant le forcing à Channel 4, mais les caméras amateurs et les documentaires d’agitprop ont fait leur temps. BBC2 a sorti de nouveaux documentaires avec Video Diaries. Chaque émission était réalisée par une personne comme vous et moi, à qui l’on avait appris le maniement de la caméra vidéo et qui était aidée, mais non dirigée, par des professionnels dans la salle de montage. Les résultats furent fascinants parce que les journalistes amateurs accrochaient le téléspectateur en leur montrant de nouveaux univers qui pouvaient tout à coup être compris dans une autre perspective, sans que l’on ait recours au commentaire pesant d’une voix off. Ces « journalistes » n’étaient pas des personnages de la télévision conventionnelle,

ils étaient choisis de

toute évidence pour leur statut social peu élevé — y compris, par exemple, un supporter de football, une jeune routarde, un médecin alba-

nais et la femme et la fille d’un mineur en grève. Du même coup, leurs histoires ouvraient la porte à des expériences sortant de l’ordinaire. Video Diaries peut être citée comme l’une des formes d’émissions de service public les plus novatrices, dans une époque nouvelle et déréglementée, puisque c’était de « vrais » gens qui arrivaient à intéresser le public et à faire entendre ces voix inhabituelles. Pour honorer sa mission de proposer « qualité et diversité », la BBC

semble

être reve-

nue sur un terrain qu’elle affectionne: la classique adaptation d'œuvres littéraires. Son adaptation du Rouge et le noir de Stendhal a fait un bide auprès des téléspectateurs, et fut éreintée par la critique, mais la série sur Middlemarch de George Eliot (coproduite avec WGB Boston) s’attira les louanges de la critique et préserva ce que l’on appelle le «niveau culturel élevé » de la BBC. Un feuilleton en cinq épisodes basé sur Martin Chuzzlewit, roman de Dickens, et Pride and Prejudice de Jane Austen sont sur les rails. Comme ce type de programmation de « qualité » a plus de chance de favoriser des coproductions et de se vendre à l’étranger que les portraits plus graveleux de la vie contemporaine, la BBC s’est découvert un intérêt pour la vie agitée et pleine d’humour des pauvres HLM de Dublin que l’on trouve dans l’œuvre de Roddy Doyle, adaptées sous forme de dramatique dans

Grande-Bretagne

Prime

Family en quatre parties, et avec The Snapper, un film tourné pour Screen 2. Le goût des Britanniques pour des dramatiques maison est très prononcé, et en 1992, seul le feuilleton australien Neighbours trouvait une place dans le Top 20 des heures de grande écoute. Fin juin 1994, il était descendu dans la liste du Top 70 et faisait un peu moins de 8 millions de téléspectateurs. (Broadcast/BARB, 24 juin 1994). Pourtant, en ce qui concerne les films diffusés, les Américains ont

plus de succès que les Britanniques. 77 % des foyers sont équipés en vidéo (Screen Digest, août 94), le marché des cassettes est dominé par les Américains; cela fait que le cinéma US, les dramatiques et les feuilletons comiques produits en Grande-Bretagne risquent de composer encore pour très longtemps le menu audiovisuel dans le pays. Les émissions étrangères proviennent essentiellement des Etats-Unis ou d’Australie. Les émissions françaises occupent une place très réduite, quoique les voyages et le sentiment d’appartenir à l’Union européenne entraînent un intérêt plus grand pour tout ce qui vient du continent. Il y a des cours de langues européennes le dimanche matin à la télévision, et

Suspect Il

les émissions traitant de gastronomie et de voyages connaissent de plus en plus de succès. L’émission Crystal Maze sur Channel 4 est inspirée de Fort Boyard, mais là s’arrétent les échanges télévisuels anglo-français. Aux yeux des Britanniques, la France est synonyme de qualité de vie (meilleure qu’en Grande-Bretagne), de bonne chère et de bons vins auxquels s’ajoute l’évasion des vacances. Il n’est pas surprenant que les livres écrits par Peter Mayle sur son échappée salvatrice en Provence soient devenus des best-sellers. A tel point qu’on ne pouvait pas prendre le métro aux heures de pointe sans les voir entre toutes les mains. Mais il faut croire que les lecteurs de Mayle avaient une image ou un souvenir bien à eux de la Provence, parce que l’adaptation par la BBC, qui pensait faire un tabac, de Toujours Provence a été un bide retentissant. Une mauvaise distribution et de mauvais dialogues y sont peut-être pour quelque chose, mais quoi qu’il en soit, les Provençaux ont dû pousser un «ouf» de soulagement. Les films français passent sur BBC 2 et sur Channel 4. En 1992, sur 2 480 films diffusés

sur le réseau hertzien, il n’y avait que 86 français. Ce qui est mieux que pour le cinéma ita223

Les télévisions du monde

lien (27 films) ou allemand (16), mais les films de langue anglaise sont prédominants. Plus de la moitié des titres (1503) étaient des films américains, 571 anglais et 55 australiens. La même année, BSkyB estimait que 80 % de sa diffusion cinématographique se composait de films américains. (BFI Film and Television Handbook, 1994, page 52.)

Contrôle et technologie Ces cinq dernières années, les contradictions entre une économie déréglementée et des contrôles politiques centralisés n’ont fait que s’accentuer. La loi de 1980 avait allégé l’emprise de l’ITC, et créé deux autorités différentes ayant pour mission de surveiller les programmes. La mission spécifique du BSC (Broadcasting Standard Council) était d’estimer le degré de «bon goût et de décence ». Le sexe et la violence composent dans la mentalité britannique un drôle d’attelage de « saletés » à éliminer, et les chiens de garde réclamaient à cor et à cri des moyens de censure. La tâche du BSC n’était que de sanctionner en faisant aboutir les plaintes qui lui semblaient justifiées. Le BCC (Broadcasting Complaints Committee) fut instauré pour que les personnes dont la radio ou la télévision avaient terni l’image puissent obtenir réparation. Dans le même temps, les diffuseurs s’autocensuraient. Ils doivent toujours respecter la ligne symbolique de partage des eaux de 9 heures du soir (après cette heure, les enfants sont censés être au lit), et un cahier des charges leur dicte ce qui peut ou ne peut pas être montré. Cette abondance d’organismes régulateurs, qui manquent de mordant et n’ont pas les mêmes missions, est de l’avis général complètement ridicule. Le BSC et le BCC ne vont pas tarder à se regrouper et à être refondus. Les débats sur le service public ont aussi fait naître des demandes diverses pour la création d’un nouveau corps qui obligerait beaucoup plus les responsables de l’audiovisuel à rendre des comptes aux téléspectateurs. Les projets et textes sur ce sujet vont apparaître d’ici la prochaine BBC Charter Review. Depuis 1983, la BBFC (British Board of Film Classification) doit aussi inclure dans ses compétences le classement de toutes les bandes vidéo qui pénètrent sur le territoire, y

compris tous les vieux films qui ressortent en 224

cassettes, pour décider de leur aptitude à être vus par tous. Tous publics veut dire implicitement: y compris les enfants, car on suppose que les enfants sont susceptibles de regarder, seuls, ou avec leurs parents, des choses «pas convenables ». L’industrie de la vidéo et l’incompétence parentale reçoivent régulièrement un tir nourri de critiques de la part des défenseurs de la morale. Le magnétoscope, qui a permis d’élargir plus sensiblement le choix du téléspectateur, paraît désormais relever du domaine du passé. Ce fut quand même la première technologie audiovisuelle qui permit aux téléspectateurs d’échapper aux censeurs. De ce fait, on l’accable depuis d’être la cause de beaucoup des maux qui frappent la société britannique. Un nouvel épisode de dénigrement commença après le procès des deux jeunes garçons auteurs du meurtre de James Bulger. On peut dire sans exagérer que ce meurtre et son procès secouèrent tout le pays et firent naître la honte et l’incrédulité. Rien n’expliquait les abysses de dépravation sociale existant apparemment au cœur de la vie du pays. Lorsqu’on révéla que le père de l’un des deux garçons possédait la cassette d’un film d’horreur intitulé Child’s Play 3, les cassettes vidéo furent la cible du tollé général qui s’ensuivit. Le rétablissement de la censure fut évité, mais

on demanda

à la BBFC

d’être encore plus

stricte, et de devenir l’une des institutions les

plus rigoureuses d'Europe. Ce vent de panique concernant l’influence supposée de la vidéo sur le comportement sera peut-être l’un des derniers efforts de la part du gouvernement pour réglementer le monde de l’audiovisuel: l’atout est dans le camp de la technologie, et les réglementations ne pourront bientôt plus empêcher les gens de regarder ce qu’ils veulent, quand ils le veulent. Dans le monde multimédia, numérique, qui se dessine, l’idée de choix va devenir paradoxale: il y aura tout simplement beaucoup trop d'options! Ce qui ne veut pas dire que les débats sont près de disparaître: les programmes de télévision occupent une place trop importante dans la vie culturelle, les gens qui travaillent dans ce secteur sont encore trop nombreux, et la fierté professionnelle de faire «des émissions de qualité » correspond encore à l’attente du public. Il n'empêche que l’optimisme n’est pas de saison| Tana WOLLEN

Grèce

Grèce Superficie: 131 990 km? Population: 11 000 000 habitants Capitale: Athènes Langue utilisée à la télévision: grec Nombre de téléviseurs: 2 500 000 Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées: 90 Pourcentage de programmes français: faible

Le paysage audiovisuel grec a été longtemps archaïque. Aujourd’hui, il est carrément anarchique. Longtemps sous-développé, le pays a accédé à la modernité depuis trois décennies seulement. Cela lui a permis de sauter plusieurs étapes et d’être parfois mieux équipé dans le domaine des communications que certains pays de l’Europe occidentale. Avec près de 2,5 millions de téléviseurs (1 pour 2,2 habitants), les téléspectateurs ont le choix

en juillet 1994 entre 90 chaînes de télévision. Mais certaines ne sont que locales et la durée de vie de l’ensemble de ces canaux est souvent aléatoire. Jusqu’à l’entrée de la Grèce dans la CEE et l’arrivée des socialistes au pouvoir en 1981, il n’existait que deux chaînes: ERT appartenant à l’État et Yened appartenant aux forces armées. en effet, les militaires grecs, ayant une longue tradition de coup d’Etat, ont carrément préféré avoir leur propre chaîne avec, quand il le fallait, des présentateurs en uniformes! En 1982, le nouveau gouvernement a abrogé cette aberration historique. Yened est passé au service public sous le nom de ERT2. Peu après, une troisième chaîne publique à vocation régionale en Grèce du nord voit le jour: ERT3. A la fin des années 80 les trois chaînes ERT (Radio Télévision Grecque) prennent le nom de ET1, ET2, ET3 (Télévision Grecque), l’activité radio étant séparée. Le président, le vice-président et les mem-

bres du conseil d'administration des trois chaînes publiques sont nommés directement par le ministre de la Présidence, une sorte de vice-

premier ministre ayant la haute main sur toute

l'administration publique. Ces postes sont éminemment politiques. Depuis 1989 il existe l’équivalent grec du Conseil supérieur de l’audiovisuel: l’ESR (Conseil national de la radiotélévision). Régi par des lois de 1989 et 1993, il donne son avis sur les nominations à la direction d’ET, mais le ministère de la

Présidence n’est pas tenu de suivre ces avis. L’ESR recommande aussi l’attribution des fréquences des chaînes privées et veille en principe sur le respect des règles de la déontologie des journalistes de la télévision. Cela n’empêche pas nombre d’opérateurs d’émettre en toute illégalité sur des canaux « occupés de force ». Les trois chaînes publiques sont financées

par la redevance,

la publicité, les

dons du public et les subventions de l’Etat, ainsi que par la vente de programmes à l'étranger. Quant aux chaînes privées, toutes récentes, nées au début des années 90, elles vivent de

la publicité, très présente, des dons du public ou des lobbies politiques et de la vente de leurs programmes. En effet, les chaînes privées sont assez connotées politiquement: proconservateurs ou pro-socialistes. À noter que la loi sur les chaînes privées est très précise pour éviter que les opérateurs privés (grands capitaines de presse et/ou armateurs et autres hommes d’affaires dont les capitaines de l’armement maritime Vardinogiannis et Alafouzou et le spécialiste de télécoms Kokkalis) soient en position de monopole économique ou politique. En clair, aucun actionnaire ne peut contrôler plus de 25 % du capital, les parents proches et éloignés ne peuvent détenir ensemble plus de 25 % de ce capital, quant aux participations étrangères elles sont autorisées à hauteur maximum de 25 % sauf pour des opérateurs issus de l’Union européenne. Toutes les chaînes, publiques et privées, émettent une variété de programmes produits en Grèce ou achetés à l’étranger. Les chaînes privées ont plus de programmes étrangers: anglo-saxons et latino-américains (séries légères). Mais l’ESR tente dans la mesure de ses possibilités d’imposer le pluralisme et pour 229

Les télévisions du monde

toutes les chaînes, en principe, 50 % des programmes doivent être issus de l’Union européenne. La publicité ne doit pas excéder 15 du temps d’antenne d’une émission et 20 % d’une heure de diffusion. Mais dans la réalité le contrôle de l’État est complètement anarchique! Sur près de 90 chaînes privées seule une quinzaine ont le droit légal d’émettre, après décision de l’ESR. Aïnsi en 1993,

un mégalomane, avec des moyens techniques minimum s’est installé en toute illégalité sur un canal inoccupé..

Là, assis, en plan fixe,

chez lui, il déversait sa propre logorrhée pendant des heures sur n’importe quel sujet plus ou moins d’actualité!

Quatre grandes chaînes commerciales généralistes Les quatre grandes chaînes commerciales généralistes sont Antenna, Megga Channel, Star Channel et Sky TV. Elles se livrent une concurrence sans merci et ont su capter une grande partie des auditeurs des chaînes publiques. Les JT d’Antenna et de Megga Chanel sont particulièrement regardés. Trois de ces chaînes appartiennent à des armateurs. On assiste en Grèce à des regroupements entre groupes de presse et grands opérateurs industriels. C’est ainsi que se créent des groupes multimédia: presse écrite, radio, télévision.

Derrière ces quatre grands, deux moyens: New Channel et Kanali5. Ce dernier canal appartient à un groupe de presse socialiste, populiste et nationaliste. Enfin trois chaînes plus petites au niveau de l’audience: Néa Tiléorassi (Nouvelle Télévision), Seven X, axée sur le cinéma et Juniors

TV, pour les enfants et adolescents. Ces neuf chaînes émettent sur l’ensemble du territoire national. Il existe aussi une vingtaine de chaînes régionales appartenant soit à des opérateurs privés, soit aux municipalités. Dans la région du grand Athènes et de l’Attique représentant 40 % de la population grecque, on compte Tilétora (Télé Maintenant), Souper Ellas (Super Grèce), Télécity, 902 TV,

Geromino

Groovy (chaîne musicale).

Salonique, la deuxième ville du pays avec un million d'habitants, est aussi bien pourvue.

Outre la chaîne publique de la Macédoine226

Thrace ET3, il existe deux canaux privés, Makedonia TV et TV Salonik, et deux chaî-

nes municipales, TV 100 à Salonique et Argo TV à Kalamaria, dans la banlieue est de la capitale de la Macédoine grecque. Le reste de la Macédoine dispose de trois autres chaînes municipales : Vergina à Verria, West à Kozani, TVS (Thessalie Radio Télévision) à Volos et Top à Larissa. Le Péloponnèse a aussi ses deux chaînes: Top à Corinthe et SuperB à Patras. Idem pour l’île de Crète avec Kriti TV (TV Crète) à Iraklion et Kidon TV à La Canée.

Enfin, il existe une chaîne en Epire,

ITV (loannina TV), et une dans l’archipel du Dodécanèse,

TV4,

à Rhodes.

A noter qu’il n’existe rien en Thrace où vivent les 120 000 musulmans de la minorité en partie turcophone. Citoyens de « seconde zone », ils préfèrent

orienter

leurs

antennes

vers Istanbul et regardent de préférence les programmes de Turquie dans leur langue maternelle. Dans les zones frontalières du nord, les vil-

lages peuvent capter les télévisions albanaise, macédoniennes et bulgares, mais elles ne sont

quasiment pas écoutées. Pour agrémenter ce paysage audiovisuel déjà bien chargé, les grandes villes captent les satellites et réémettent gratuitement sur le réseau hertzien. Une bonne partie du pays reçoit donc gratuitement TVS qui fait un bon score surtout à Athènes, en particulier pour le JT de F2, mais aussi RTL, BBC, CNN, CBS. MTV, Eurosport, RAI 1 et 2, TVE, deux chaînes alle-

mandes et la chaîne du gouvernement de Russie. Cette dernière est très regardée par les milhers de Grecs rapatriés de l’ex-URSS. Enfin, grâce à un accord de réciprocité, ET 1 diffuse le programme chypriote de la télévision publique, RIK. Et pour pimenter le tout, quelques chaînes athéniennes à la qualité technique médiocre ne sont que des paravents pour diffuser après 24h des films porno. Des études sur le câble sont en cours actuellement. Le câblage pourrait débuter dans le quartier historique restauré de Plaka, suivi petit à petit par l’ensemble des quartiers de la capitale. Cette surdose de programmes par voie hertzienne et bientôt par le câble a empêché le développement des antennes paraboliques. En revanche,

magnétoscopes

et vidéo

K7

sont

d'usage courant. Cette compétition farouche entre secteur public national, municipal et privé

Téléfilm

s’est traduite par de meilleurs JT mais aussi par une baisse générale de la qualité des programmes submergés de jeux à l’italienne, de séries américaines et brésiliennes et d’autres souvent piratées en Europe. D'ailleurs, beaucoup de chaînes n’émettent que quelques heures par jour et leur durée de vie devrait être relativement courte à moins que des regroupements aient lieu. Face à une telle diversité, il n’y a donc pas d’émissions phares. Le public se répartit suivant les tranches d’âge, ses intérêts intellectuels et politiques. Les farouches partisans des socialistes du Pasok (Mouvement socialiste panhellénique au pouvoir de 1981 à 1989 et depuis octobre 1993) ne regardent jamais les JT d’Antenna ou de Megga Chanel (ils préfèrent les informations des chaînes publiques ou de Kanali5), lesquels, en revanche, sont prisés par les militants conservateurs de la Nouvelle Démocratie (au pouvoir de 1974 à 1981 et entre 1990 à 1993). Pour l’ensemble de ces raisons il n’est pas étonnant que de nombreux foyers soient équipés de plusieurs postes!

grec

L’hellénisme diasporique dans sa zone d’expansion historique (Turquie, Caucase, Crimée, Egypte, Soudan, Liban) a disparu. En revanche, il est bien implanté aux Etats-Unis depuis le début du siècle, puis au Canada, en Australie et même en Allemagne. Ces communautés sont bien encadrées par une presse locale en langue grecque, ainsi que par plusieurs radios. Par contre, la télévision grecque à l’étranger n’est guère développée. Au début des années 90, l’'ERA (Radio grecque d’Amérique) basée à Philadelphie a ouvert un département télévision émettant à New York avec des programmes bilingues (grec, anglais) à destination du quartier grec d’Astoria. Outre les programmes d’informations pratiques pour la communauté,

le ton des émissions est très

nationaliste: pro-chypriote, anti-turc, antimacédonien et anti-albanais. Il semblerait que cette télévision soit relativement proche du parti démocrate américain.

Christophe CHICLET 221

Les télévisions du monde

rlande cès, elle amoindrira encore les chances de réussite d’une troisième chaîne commerciale.

Superficie: 70 283 km? Population: 3 600 000 habitants Capitale: Dublin Langue utilisée à la télévision: anglais Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 0

En plus des deux chaînes d’État, bon nombre de foyers irlandais ont accès à un choix relativement important de chaînes supplémentaires; dont les britanniques toutes proches bien entendu (un tiers des foyers peuvent capter quelques-unes, sinon l’ensemble, des quatre chaînes britanniques du réseau hertzien).

Nombre de chaînes reçues sur le câble: 10 environ

Pourcentage de programmes français: négligeable

La télévision était déjà bien implantée après la Seconde

Guerre

mondiale,

mais

ce n’est

qu’en 1961 qu’elle couvrit tout le pays.

En 1978, la RTE radio-télédiffusion d’État (Radio Telefis Eireann) reçut l’autorisation de créer une deuxième chaîne. La loi de 1988 prévoit l’arrivée d’une troisième, qui serait à la fois privée et commerciale. (A la fin des années

80, un consortium

d’investisseurs

et

d’industriels avait reçu l’autorisation de la mettre en place mais les autorités lui retirèrent sa licence en. 1991.) Jusqu’à quel point une chaîne supplémentaire, tirant ses ressources uniquement de la publicité, serait-elle viable en Irlande? A

En outre, 40 % environ des foyers reçoivent aussi les chaînes câblées. La plupart se trouvent à Dublin et le reste dans les zones urbaines. Depuis 1988, le câble « sans fil» (MMDS) a l’autorisation de diffuser dans les petites villes et les campagnes, mais à ce jour le succès commercial se fait attendre: le prix est trop élevé. Et beaucoup d’Irlandais s’abonnent aussi au câble ou à MMDS pour avoir une meilleure réception des quatre chaînes britanniques. Toutefois la plupart des jeunes préfèrent recevoir MTV que les chaînes anglaises. Enfin, 3 à 6% des foyers sont abonnés à la télévision par satellite, mais ces données sont imprécises car les cas de piratage sont relativement nombreux.

l’heure actuelle, les deux chaînes de la RTE

et les stations de radio sont financées en partie par la redevance et, pour une autre partie, par les recettes publicitaires (50 % à peu près). Une troisième chaîne se trouverait donc confrontée au défi de la viabilité dans une économie assez modeste et pour une population de 3,5 millions d’habitants, dont le revenu par tête surtout en ce qui concerne la publicité est très en dessous du niveau européen moyen. Il n’existe pas de services régionaux, mais

en 1994, la RTE a lancé une rubrique régionale dans le cadre du JT du soir. Autre projet en cours: une chaîne en gaélique qui diffuserait six heures par jour. Cette chaîne publique devrait démarrer en 1995 ; si c’est un suc-

228

Le câble et MMDS proposent un service de base comprenant les deux chaînes irlandaises et les quatre britanniques (les deux BBC, plus ITV et Channel 4). En sus, ils proposaient Sky News,

Sky 1, MTV,

Children’s

Channel

et

Super Channel. Fin 1993 et début 1994, Sky et MTV avaient disparu du service offert à cause d’un désaccord entre les sociétés et Sky et MTV qui voulaient augmenter les prix de leur abonnement; ils sont parvenus à un arrangement et ces deux chaînes sont de retour. La seule émission de langue française est un journal d’une demi-heure, tard le soir, qui fait par-

tie d’un magazine d’information en langues étrangères sur une des chaînes du câble. Depuis l’été 1994, le câble et MMDS ont augmenté le nombre de chaînes étrangères pro-

Irlande

posées. On y trouve ainsi la chaîne française

TVS qui va diffuser à l’avenir plusieurs heures par Jour. Au total, entre la réception frontalière des chaînes britanniques, l’abonnement au câble, à MMDS et au satellite, les téléspectateurs dis-

posent d’un large éventail de chaînes en concurrence avec les deux chaînes du service public. Deux tiers des foyers reçoivent au moins les quatre chaînes britanniques et seul moins d’un tiers ne dispose que des chaînes de la RTE. Malgré cette concurrence, les deux chaînes de la RTE font généralement un très bon indice d’écoute. Elles faisaient 65 % d’audience aux heures de grande écoute (de 18 heures à minuit) au début des années 90, mais elles ne font plus que 50% chez les abonnés

au câble, à MMDS

ou au satellite.

Qui plus est, les productions de la RTE se classent généralement parmi les premières dans le « Top Ten » hebdomadaire des émissions les plus regardées. La RTE fait remarquer qu’en 1993, plus de 80% des grands succès d’audience étaient des productions maison, ou des commandes qu’elle avait passées au secteur privé. Les deux meilleurs indices d’écoute ces dernières années sont The Late Late Show (un talk-show qui passe le vendredi soir depuis vingt ans, dont l’animateur est Gay Byrne, superstar de la télévision irlandaise), et Glenroe (un feuilleton qui a pour cadre le milieu rural).

Selon les études les plus récentes (1992), le temps moyen que passent les adultes devant la télévision est de 108 minutes par jour, et les trois genres d’émissions qu’ils regardent le plus sont les feuilletons, les journaux et les dramatiques. Le classement varie selon les classes sociales: les milieux aisés regardent la télévision 78 minutes par jour, et les moins favorisés 114 minutes. Si les premiers regardent en général davantage les émissions de la RTE, tout le monde, en revanche, passe à peu

près le même temps devant les différents genres d'émission. Le facteur âge joue aussi un rôle significatif. Par exemple, les jeunes regardent plus les feuilletons, les sitcoms et les émissions musicales que les personnes plus âgées (surtout celles de plus de 55 ans) qui regardent davantage les informations, tout comme les milieux aisés. Et alors que les dramatiques sont l’un des trois genres les plus

regardés (avec les informations et les feuilletons, ils font le meilleur indice d’écoute chez

les adultes), la RTE n’a produit que 78 heures de dramatiques en 1989-1990 sur un total de 2879 heures d’importations.

Face aux critiques concernant ce faible niveau de production, la RTE a essayé de se justifier en faisant remarquer que ces productions coûtent cher et qu’elle a peu de moyens comparé aux autres télévisions européennes. Le ministre de la Culture et de la Communication a fait part de son souhait de voir augmenter de façon considérable la part de dramatiques et d’autres émissions produites sur place, et il a mis en œuvre de nouvelles mesures obligeant le service public à s’approvisionner auprès du secteur privé pour 20 % de ses émissions. Autre sujet de discussions et d’inquiétude: les JT et les magazines d’actualité. Très regardés, ils représentent près de 10 % de la programmation des deux chaînes, et ils sont presque tous faits maison. Ici, contrairement au cas des dramatiques, c’est la qualité plus que la quantité qui est préoccupante. Critiques et téléspectateurs (bon nombre de journalistes et de producteurs aussi) déplorent le manque d’indépendance politique de la RTE. On lui reproche très souvent de ne pas pouvoir, ou de ne pas vouloir, produire des émissions critiques vis-à-vis du gouvernement ou vis-à-vis des intérêts politiques et économiques de ce pays. Le statut légal de la télévision, encore mal défini, est en cause, mais aussi le clientélisme qui règne partout dans l’économie et la société irlandaises. Jusqu’à présent, ni diverses initiatives, ni la nomination d’un membre

du Parti travailliste comme ministre responsable de l’audiovisuel n’ont changé grand chose. Les propositions du ministre de faire réaliser plus de magazines d’information par des sociétés privées ne promettent pas forcément un grand changement dans ce sens, surtout si les traditions et les politiques éditoriales timorées de la RTE dans ce domaine, et

son statut inchangés.

de

dépendance

légale,

restent

Paschal PRESTON

229

Les télévisions du monde

Italie Superficie: 301 277 km? Population: 58 000 000 habitants Capitale: Rome Langue utilisée à la télévision: italien Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées nationales: 9 Nombre de chaînes privées locales: 603 Nombre de chaînes étrangères captables en direct: 3

Un brin d'histoire Le début de la télévision italienne date de 1954, mais le véritable acte de naissance de

celle que l’on connaît aujourd’hui date de vingt ans plus tard. En 1974, le monopole de la RAI fut brisé par deux sentences de la Cour Constitutionnelle reconnaissant, d’une part, le droit de diffusion des émissions des chaînes étrangères, et, d’autre part, le droit d’existence

des petites stations, qui s’étaient entre-temps implantées. La condition posée par la Cour, dans le deuxième

Douze chaînes nationales et plusieurs centaines de chaînes régionales: décidément, dans le paysage télévisuel italien, il y a de quoi en mettre plein la vue aux téléspectateurs transalpins! Deux chiffres peuvent donner une idée du menu quotidien offert au public. 4 311 films retransmis en 1993 par les six principales chaînes nationales (trois publiques, soit les trois chaînes de la RAI —

Raïiuno, Raïi-

due et Raïtre — et trois privées — Retequattro, Canale 5 et Italia 1 — dont le propriétaire est l’actuel chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi), correspondent à une moyenne de 11 films par jour, parmi lesquels le téléspectateur peut choisir. Et cela sans tenir compte des autres chaînes nationales et surtout des télévisions locales, ni des produits de fiction autres que les films (séries, soap operas, sitcoms, etc.). Aucune limitation n’est prévue quant aux jours et horaires de programmation des films, ce qui fait que le cinéma est le vrai plat du jour, disponible à n’importe quel moment de la journée et de la nuit. Mais la particularité de la situation italienne ne tient pas seulement à cette surabondance de l’offre télécinématographique. D’autres aspects, plus enracinés dans la politique récente, font de l'Italie un pays tout à fait spécial dans le

panorama télévisuel européen. Pour les comprendre, il est quasiment indispensable de faire un petit pas en arrière pour en cerner les origines. 230

cas, tenait à la dimension

«locale» des émissions: aucune station ne pouvait grandir jusqu’à devenir nationale. Cela dit, la décision de la Cour avait plutôt l’effet de supprimer une interdiction que de créer un système de normes nouveau, attribution qui revenait au Parlement.

Ce dernier, toutefois,

se garda de créer au préalable ce système de normes (qui ne sera complètement établi qu’en 1990, soit seize ans plus tard, avec la «loi Mammi », du nom du ministre des Télécom-

munications de l’époque), permettant de la sorte le développement « sauvage » du paysage télévisuel. Développement favorisé par ailleurs par plusieurs composantes, dont trois au moins particulièrement essentielles. Tout d’abord, le changement radical et l’accroissement impétueux du marché publicitaire — lié à la modernisation de la structure commerciale de la grande distribution en Italie — qui a canalisé des ressources importantes vers la télévision à partir de la fin des années 70, et qui a donc été la condition économique dudit développement, son véritable moteur. Ensuite, et par conséquent, la nécessité de faire correspondre à l’accroissement des investissements publicitaires l’accroissement de leur rentabilité, et donc du nombre de téléspectateurs: la nécessité, finalement, de construire la programmation selon une logique plus quantitative que qualitative. C’est là la condition socioculturelle du développement. Enfin, la tolérance envers les chaînes qui ont pu profiter de l’absence de réglementation pour rejoindre cette dimen-

Italie

Néo-télévision et «culture de flot » La relation de proximité avec la vie quotidienne est un des aspects les plus frappants de ce que désormais on appelle la « Néotélévision », par opposition à une « Paléotélévision », ou télévision traditionnelle, qui

serait celle des origines!. Ce qui marque la néo-télévision — qui, non par hasard, trouve dans le cas italien un des exemples les plus clairs — est bien la volonté d’établir une sorte de continuité entre les espaces et les temps de la vie et les espaces et les temps de la télévision. Cela affecte tantôt la position du spectateur tantôt la programmation elle-même. Le spectateur, quant à lui, est moins placé dans une situation de distance et de soumission au discours tenu par la télévision, qu’il n’est impliqué dans son processus, soit directement, par les différentes formes de participation du public aux émissions, soit symboliquement, car tout « se passe » à la télévision. Non seulement les événements de la vie politique, les apparitions des personnages publics, le sport (certains événements — par exemple, les courses cyclistes — deviennent presque exclusivement

télévisés, ou «télévisibles »), les

guerres (cf. la guerre du Golfe); non seulement, donc, les événements

majeurs, mais

aussi, et surtout, les actions apparemment

moins importantes : la cuisine, les disputes de ménage, les conversations, les commentaires

des grands événements, la lecture des journaux, les achats, les jeux, etc. Le spectateur

a donc l’impression de vivre dans une sorte de contiguïté avec la télévision, c’est-à-dire avec un espace qui reproduit son mode de vie, voire qui se substitue à sa vie et la constitue. D'où l’énorme appeal qui émane de la télévision, et les efforts parfois désespérés d’apparaître dans cette « agora » électronique. La programmation, d’autre part, est aussi sensiblement impliquée par ce processus visant à établir une telle contiguïité, si bien qu’elle s’oriente thématiquement de plus en plus vers l’actualité, et que — ce qui est le plus important — elle perd progressivement la distinction claire et nette des genres, et même des émissions elles-mêmes. S’il est pratiquement impossible de distinguer un reportage d’un spectacle, ou la « réalité » de la « fiction » (cf. le ralk-show, exemple typique de cette homogénéisation), il est aussi difficile d’établir les frontières entre des émissions qui s’entremêlent, s’interrompent,

se superposent. C’est cette organisation de plus en plus homogène et homogénéisante de la programmation qu’on appelle flot.

sion nationale théoriquement interdite par la décision initiale de la Cour constitutionnelle,

et pour constituer, en somme, ce public capable d’attirer l’intérêt des investisseurs. C’est donc ici la condition politico-judiciaire du développement. Il serait difficile de comprendre ce qu’est la télévision italienne aujourd’hui sans tenir compte de cet entrelacement d’intérêts économiques et de pouvoirs qui s’y réalise. Entrelacement qui est d’ailleurs parfaitement synthétisé par Silvio Berlusconi, lequel, à la propriété des trois principales chaînes privées et à sa récente activité politique, ajoute de nombreuses propriétés dans les domaines les plus divers: la grande distribution commerciale, le sport (l’équipe de foot du Milan AC), les assurances, la presse et l’édition (Mondadori), le cinéma, la publicité, etc. Ce qui fait un véritable système intégré, capable d'accompagner la vie quotidienne de tout un chacun dans ses besoins et ses loisirs.

L'offre de télévision en Italie L'aspect multiforme de la néo-télévision auquel on a fait allusion se traduit en Italie, premièrement, par une offre quantitativement exceptionnelle. En fait, aux 12 chaînes nationales déjà mentionnées il faut ajouter 603 chaînes à diffusion locale (= régionale ou subrégionale) et 3 chaînes étrangères (France 2 — qui est visible dans l'Italie du Nord et dans une bonne partie de la côte tyrrhénienne, qui fait face à la Corse — , et les deux chaînes de la Suisse italienne et de l’Istrie, toutes les

deux visibles seulement dans les zones proches des frontières). Ce qui fait que chaque spectateur de n’importe quelle région peut choisir en moyenne entre une trentaine de chaînes. (Par ailleurs, la diffusion par câble n’existe pas encore, et la réception par satellite est moins répandue qu'ailleurs: cela se comprend, vu l’abondance de l’offre italienne.) A cette abondance du côté de l’émission correspond bien évidemment une pareille abondance du côté de la réception: là les statistiques ne sont pas très précises, car la seule donnée sûre est celle des abonnés à la RAI, qui, en 1992, ont constitué 77,24 % du total

des familles italiennes. Mais dans ce domaine le taux de fraude est particulièrement élevé, 291

Les télévisions du monde

fit de remarquer que les deux sociétés concessionnaires de la publicité pour les deux groupes ont ramassé, toujours en 1992, plus de 90 % du montant total des recettes. Le marché de la publicité, et par conséquent celui de la communication et de l’information télévisée, est donc pratiquement partagé parmi ces deux groupes. Si on tient compte du fait qu’à l’heure actuelle la loi place la RAÏ sous le contrôle du gouvernement, et que ce dernier est dirigé par le propriétaire de la Fininvest, on comprend facilement que, paradoxalement,

rendez-vous annuel de la chanson italienne, qui est traditionnellement l’émission la plus suivie de toute la programmation italienne de l’année télévisée). Encore: c’est Raïuno qui retransmet les matches de foot les plus importants, qui a le journal télévisé le plus suivi, qui retransmet la messe chaque dimanche matin. Conformément à ce caractère en un sens «officiel» ou «institutionnel» de la chaîne, le style des émissions est sage, l’aspect des personnages plus représentatifs (anchormen du journal, journalistes célèbres, présentateurs, etc.) toujours correct. C’est une image fiable que la chaîne veut transmettre d’elle-même: significatif, par exemple, est le choix de confier l’émission quotidienne du matin d’été (Unomattina estate) à deux présentateurs qui, dans la vie, forment un couple marié. C’est aussi l’image d’une grande famille que Raïuno veut faire passer: ainsi, il n’est pas rare que deux émissions qui s’entrecroisent ou dont l’une est « contenue » dans l’autre se mettent en liaison par des appels des présentateurs qui dialoguent ou plaisantent entre eux, d’un ton très confidentiel. Il s’agit en somme de construire, par l’ensemble de la programmation, une image de marque conforme aux destinataires privilégiés par ce type de programmation, les famil-

l’Italie, en dépit de ses 615 chaînes, risque de

les. Ainsi, les films, qui sont une des ressour-

tomber dans une situation de monopole télévisuel. On comprend également les préoccupations qui animent le débat politique italien, où la situation de la télévision prend un relief tout à fait exceptionnel, surtout par rapport à ce qui arrive dans d’autres pays.

ces quantitativement plus importantes de Raiuno (1 060 films programmés au cours de 1993, soit pratiquement 3 films par jour) sont d'habitude choisis (surtout pour le prime time) parmi la production plus connue ou qui peut compter sur des stars connues, de façon à proposer un spectacle agréable pour toute la famille. La cinéphilie ou le cinéma de recherche n’ont pas beaucoup d’espace. Les films programmés sont de préférence d’origine américaine (52,8 % du total des films projetés pour la première fois en 1993), ou italienne (18,5 %); le reste de la programmation, suite aussi à des contraintes imposées par la «loi Mammi », est presque exclusivement d’origine CEE, les films extra-CEE programmés pour la première fois en 1993 n’ayant été que 2,5 % du total. Dans le cadre de cette politique familiale, la programmation pour enfants a aussi sa place, avec des émissions dans l’après-midi, qui proposent surtout des dessins animés, souvent de production Disney.

puisque, en réalité, pratiquement tous les foyers sont équipés d’un téléviseur. C’est bien sûr la publicité qui assure pour l’essentiel la subsistance de cette multitude de chaînes: mis à part la RAI (service public), qui peut compter aussi sur les recettes de la redevance (presque 7 milliards de francs en 1992), et les deux chaînes nationales qui fonctionnent par abonnement (Tele +1, qui a une programmation exclusivement cinématographique, et Tele+2, qui ne retransmet que du sport), le reste du financement du système relève de la vente d’espaces publicitaires. Celle-ci en 1992 a rapporté 16,5 milliards de francs. Pour avoir une idée de la force du duopole RAÏI-Fininvest dans le marché italien, il suf-

Du

côté de la RAI

Si le contrôle politico-économique des six principales chaînes risque d’être ramené toujours à l’entourage du Président du Conseil, les six chaînes concernées, elles, ne sont pas tout à fait assimilables les unes aux autres quant aux choix de programmation. Du côté de la RAI, Raïiuno est tradition-

nellement la chaîne « généraliste » du groupe, c’est-à-dire celle qui s’adresse à tous les segments du public, par une programmation prudente et équilibrée. C’est la chaîne des émissions « grand public », celle des variétés du

samedi soir, ou du Festival de San Remo (le 232

Raidue, deuxième chaîne du service public,

Italie

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CURE Di BELLEZZA

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Direttore Eugenio Scalfari

Anno 19 - Numero 220- L. 1300

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SEDE: 00185 ROMA Pa tra 11/b, lol, 06/49821, Fax40822923 (c.post.2412 RomaAD).Spad. abbon. RER on $C.SE Fo 2 ad 7 RgroLML AnaOneKB M.3,

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martedi 20 setternbre 1994

Scontronel Cda:ilvertice dell'azienda a rapport daPivettie Scognamiglio

I marines Larivolta della Raï Oggiscioperanoigiomnalisti, sottoaccusala Moratti ad Haiti show in tv Legae Pds dannobattaglia insieme Taradash avverte: “Ci

ROMA- Rivolta alla Raï: oggi sciopero dei giornalisti,

mettono sotto accusa la Moraiti, mentre Lega e Pds minacciano guerra sul decreto. Eieri la questione à arrivata alle massime caricheistituzionali: Pivetti ha chiamato Scal, i presidenti delle Camere riceveranno il Cda di Viale Mazzini, E Taradash avverte: “C'èilrischio che la pee bocci il piano editoriale”. ALLE PAGINE 6,7,8891 servizi di

Credere, obbedire e lottizzare.. di GIORGIO BOCCA ORNE eereti a sono arriv te governo e Inparticolare delsuopresidenFons tennl ILmassimo.

te,

è perfettamente inutiOUI conta PORIS Ceche sapranno fare, conta che

La Repubblica

s’appuie plus nettement, pour sa programmation, sur la fiction cinématographique et surtout télévisée. Bien que d’autres genres d’émissions Soient aussi présents dans la grille de Raidue (variété à midi, reality shows dans l’après-midi, etc.) et que la chaîne ait récemment développé le secteur de l’information et des reportages, par ailleurs traditionnellement suivi, c’est la fiction qui est le véritable pilier de la journée: en 1993, presque 1 500 heures ont été occupées par les séries (surtout soap), et 1207 par le cinéma (862 films). Un des succès d’audience les plus importants de la chaîne, ces dernières années, a été d’ailleurs

la série Beautiful, programmée tous les jours en début d’après-midi, et le dimanche soir. Toutefois, l’image de Raidue dépasse largement

sa programmation

«rose », non

seule-

ment en vertu des autres genres qui trouvent également leur place et auxquels on a fait allusion, mais aussi en vertu d’une connotation

génériquement « culturelle » que la chaîne avait dès ses origines et qui n’a pas été complètement supprimée. C’est par exemple à Raidue

qu’on doit la plupart de la programmation de théâtre, ou certaines émissions de musique de qualité (jazz, blues, etc.), ou encore certains documentaires et reportages sur des faits politiques et sociaux étrangers, etc. Raïitre, enfin, a assurément le profil le plus

articulé du panorama télévisé italien, tantôt du point de vue de la recherche « linguistique » des émissions, tantôt au niveau de la conception de la grille de programmation. Née en 1979 comme chaîne vouée à une programmation essentiellement régionale, dès 1987 elle a changé radicalement sa physionomie, suite aux nouveaux équilibres politiques internes à la RAI, qui ont attribué la direction de Raitre à Angelo Guglielmi, un intellectuel ouvert à l’expérimentation des langages, provenant d’ailleurs lui-même d’un groupe de l’avantgarde littéraire. En 1987, l’audience de Raitre était pratiquement inexistante, la qualité des émissions dans l’ensemble assez modeste: il y avait donc, d’une part, la grande difficulté de capter l’audience, qu’on ne pouvait attirer que par des idées originales, faute de quoi la 233

Les télévisions du monde

force de l’habitude aurait fait préférer les chaînes déjà bien installées; d’autre part, un vaste

espace de programmation à remplir. Situation donc à peu près idéale pour expérimenter des formules nouvelles. Par exemple, comment occuper l’espace horaire de 20heures, celui qui précède le prime time (qui commence, lui, à 20 h 30)? Moment de grande concurrence, car entre 19 h45 et 20 h30 il y a au moins cinq chaînes qui ont leur journal, et une sixième chaîne (Retequattro) qui a une émission d’actualité très suivie, ce moment est évidemment propice à l’exercice du zapping. De son côté, Raitre y oppose donc une émission — Blob — qui fait du zapping lui-même son principe ordinateur.

Blob Ce titre bizarre est aussi celui d’un film américain de science-fiction des années 50,

The Blob (Irving S. Yeaworth, USA, 1958), qui désigne une substance fluide qui envahit progressivement tous les espaces, terrorisant la population, un peu comme le font les images qui sortent de la télévision pour se glisser sauvagement partout. Dans l’émission, il s’agit donc tout simplement de mettre en scène cette invasion sauvage des images télévisées, en proposant des minuscules fragments des émissions diffusées la veille par toutes les chaînes, montés dans un ordre apparemment fortuit, mais en réalité très cohérent. Plusieurs figures rhétoriques peuvent constituer les principes directeurs susceptibles de commander le montage: l’ironie, l’hyperbole, la synecdoque, la répétition, etc., mais ce qui compte est l’effet d’ensemble auquel on parvient, c’est-à-dire l’effet d’une marmelade gigantesque et indigeste, qu’on ne peut pas assimiler, et dont il ne nous reste que des bribes, des miettes. On est évidemment en pleine autoréférentialité, mais Blob n’est pas seulement un parfait exemple de méta-télévision, mais aussi un exemple typique de la dissolution et de la contamination des genres induites par la

néo-télévision?.

Dans cette même direction vont d’ailleurs d’autres émissions de Raïitre, telles que Publimania, émission qui propose les meilleurs spots produits dans le monde, et réunis autour d’un thème chaque fois différent; ou Schegge, 234

émission construite avec des morceaux d’anciennes émissions, qui — autre aspect caractéristique de la néo-télévision — n’a pas une place fixe dans la grille de programmation, mais remplit les trous, lorsqu'il y en a. C’est toutefois l’actualité qui constitue la vraie image de marque de Raïitre. Actualité qui revêt différentes formes, et qui, dans l’ensemble, arrive à couvrir plusieurs genres. L’émission principale est sans doute Milano, Italia, diffusée quotidiennement en direct en fin de soirée (22 h 45-23 h 45) d’un théâtre milanais, où l’on discute de l’actualité politique du jour, en présence d’un public directement ou indirectement concerné par cette actualité, et qui peut prendre la parole. La spécificité de cette formule tient justement dans la place centrale accordée aux interventions du public, qui est en fait le protagoniste de l’émission. Ici, l’approche de la réalité est de type commentatif : il s’agit d'interpréter après coup ce qui se passe ailleurs, une réalité que l’émission tient pour acquise. Une autre façon de mettre en scène (et en récit) la réalité est bien représentée par Un giorno in pretura, émission qui retransmet, en différé, quelques procès filmés dans les tribunaux italiens. Il peut s’agir du petit procès fait à un pickpocket aussi bien que des grands procès de « Tangentopoli » (les scandales révélés par l’opération « Mains propres »): dans tous les cas, c’est la « flagrance » de la réalité qu’on vise. L'approche adoptée, ici comme dans d’autres émissions (Storie vere, Sottotraccia, etc.), est plutôt de type représentatif: on veut montrer les aspects moins connus, parfois dramatiques, parfois plus futiles de la réalité, essayant, pour ainsi dire, de l’intensifier, un peu à la manière néoréaliste. Enfin, un troisième type d’approche donne lieu à des émissions dites « de service », dont

l’archétype est Chi lha visto ?, émission qui s’occupe des personnes disparues, racontant leurs histoires et invitant en même temps les téléspectateurs à téléphoner s’ils pensent pouvoir donner des renseignements utiles à les retrouver. On a donc dans ce cas une approche plus directe, qu’on dirait modificative, tendant non plus seulement à commenter ou représenter la réalité, mais à y intervenir activement. Les deux aspects illustrés de la programmation de Raïtre, soit la recherche d’une con-

Italie

Le citoyen face

aux empires des médias La télévision, qui tient une telle place dans la vie de nos contemporains, tombe de plus en plus sous la coupe de grands groupes privés multimédia. De puissants empires au pouvoir redoutable s'affrontent dans une concurrence

effrénée à l'échelle de la planète. Nathalie Quéruel présente ceux qui les gouvernent. Comment le citoyen peut-il préserver sa liberté face à ces empereurs qui tendent à contrôler l'information ? Pascal Paillardet a enquêté pour répondre à cette question. À côté des chaînes privées, le service public conserve un rôle décisif pour imaginer une télévision de qualité, destinée non pas à une élite, mais à tous : c'est ce que montrent Jean-Marie Cavada et Mamine Pirotte. Le premier explique comment il conçoit “la Cinquième”, la chaîne éducative qu'il dirige et qui commencera à émettre le 15 décembre. La seconde tire les leçons de trente ans d'expérience de productrice à la Radio télévision belge francophone (RTBF). Ce dossier, éclairé par un important sondage

use

CSA:-« La Vie », est la contribution de notre heb-

Reinhard Mohn, du groupe Bentels-

,

domadaire au grand rendez-vous annuel de l'université d'été de la Communication, la se-

. : ‘ : : maine prochaine, à Hourtin (Gironde).

Momioch SINe Dertaconl

mann.. Point commun? [ls possé-

dent des empires médiatiques. En tien traiv

tières. Il s'exerce dans l'anonymat, et s’insinue, par les mots à les

tiguïté maximale entre télévision et réalité, et, à l’opposé, la mise en valeur du radical éloignement de la réalité opéré par «l’acte télé-

images, dans nos consciences. Subtilement. Sournoisement, Mais quelle est leur influence réelle ? Y at-il danger que le pouvoir médiatique se substitue au pouvoir politique? Enquête sur

ces empereurs qui nous gouvernent... à notre insu.

À

dans la rubrique Eveline —

des dizaines de

minutes d’images des guerres, ou tumultes, ou

visuel », sont aussi au centre de la recherche

autres événements en quelque sorte remarquables (tremblements de terre, incendies, érup-

plus ouvertement linguistique mise en œuvre

tions, mais aussi visites de rois, mariages de

à Fuori orario, émission nocturne de Raiïtre.

princesses, etc.), qui arrivent dans le monde, mais dont on n’a pas normalement l’écho. Eveline utilise les images provenant quotidiennement des circuits internationaux, qui sont d’habitude écartées par les journaux télévisés. Ces images de guerre, de mort, de sang qui

C’est dans cet espace (à partir de 1 heure et pendant un temps très variable, entre dix minutes et six heures, et même plus) qu’on peut travailler sur la durée comme élément spécifique de la télévision. Moment faible de la programmation, du point de vue de l’écoute du grand public, la nuit devient une occasion précieuse pour apprécier l’intensité du temps télévisé: un temps qui peut donner à la fois l’impression d’une extrême immédiateté de la télévision et celle du caractère intrinsèquement fictif de ce qu’elle nous montre. Les heures de la nuit sont After hours, pour citer le titre du film de Scorsese, repris par l’émission: ce sont des heures en dehors de tout horaire, dans lesquelles, donc, les contraintes logiques et temporelles de la programmation diurne peuvent sauter. C’est ainsi que, dans le cadre de

Fuori orario, on peut voir par exemple —

coule dans la rue, dénuées de tout commen-

taire off ou d’un montage narrativement cohérent, rendent concrètement perceptibles à la fois la capacité caractéristique de la télévision — et seulement de celle-ci — d’être « sur » n’importe quel fait, comme un œil hypertrophique et omnivore, et sa capacité de transformer en fiction tout ce qu’elle « voit ». Les tumultes ou les calamités qu’on voit passer à l’écran n’existent pour nous que par cette attestation donnée par l’image télévisée. Tout a déjà été, ou n’a jamais été, peu importe. Ce qui compte est seulement cette capacité en quelque sorte « performative » de la télévision. 235

Les télévisions du monde

Du

côté de la Fininvest

Même du côté de la Fininvest la tendance dominante est celle de la caractérisation des chaînes. Les choix de programmation sont encore plus marqués que ceux de la Raï, d’une part, en raison d’une politique qui va de plus en plus dans le sens de la spécialisation des grilles; d’autre part, parce que le groupe Fininvest n’a pas les mêmes contraintes institutionnelles légales que la Raï. (En fait, celleci est obligée de faire place aussi — bien qu’en mesure relativement limitée — à des sujets non particulièrement attrayants pour le grand public: émissions des associations d’inspiration sociale, événements des sports mineurs, etc.) Canale 5, la chaîne principale du groupe, fonde sa programmation essentiellement sur la spectacularisation de l’information et des variétés. On peut repérer clairement cette visée, par exemple, dans des émissions qui utilisent les nouvelles du jour comme de simples prétextes pour exprimer un commentaire, dont le style devient le vrai sujet de l’émission: un style qui peut être rageur (cf. Sgarbi quotidiani), ou satirique (cf. Sfriscia la notizia), etc. Cette orientation spectaculaire revient dans l’exhibition de «la vie quotidienne comme représentation » — pour reprendre une expression d’Erving Goffman — typique de certaines émissions de variétés qui jouent sur la théâtralisation de situations courantes: disputes entre conjoints, copropriétaires, etc. (cf. Forum); conversations (cf. le falk-show quotidien Maurizio Costanzo show), etc. C’est donc par l’insistance sur l’aspect « intéressant » des faits et des espaces quotidiens que Canale 5 s’adresse au grand public, sans opérer des sélections trop restrictives quant aux cibles visées. Un choix plus spécifique, du point de vue des destinataires, est opéré, par contre, par les deux autres chaînes du groupe Fininvest, Retequattro et Italia 1. Retequattro, pour ce qui la concerne, est explicitement destinée aux femmes, grâce à une programmation fondée

sur la fiction — notamment les séries américaines, mais aussi une quantité abondante de films (711 en 1993, dont à peu près 200 dramatiques, 100 comédies, nombreux policiers, etc.), films souvent présentés sous des titres à fort impact affectif (7 bellissimi, Gli indi236

menticabili, etc.) — et grâce aussi à l’élimination totale du sport et des dessins animés, c’est-à-dire les genres préférés par les hommes et les enfants. Italia 1, d’autre part, tout en réservant, elle

aussi, une place importante à la fiction (mais avec des différences remarquables par rapport à Retequattro: par exemple une présence beaucoup moins importante des films dramatiques), a recueilli la programmation sportive du groupe — ce qui oriente la chaîne vers le public masculin — et s’adresse aussi massivement aux enfants (793 heures de dessins animés en 1993) et aux adolescents par des émissions de l’après-midi très suivies par les jeunes générations de spectateurs.

Les stations

locales

Si la télévision en Italie est aujourd’hui extrêmement présente dans la vie quotidienne, cela ne tient pas seulement à l’offre abondante proposée par les deux groupes dominants. En fait, d’une part, il y a d’autres chaînes natio-

nales (qui ont pourtant du mal à se positionner dans ce paysage bondé, et qui pour cela choisissent de plus en plus la spécialisation thématique: musicale, cinématographique, culturelle, etc.); d’autre part, et surtout, il y a

des centaines de stations locales qui, bien qu’elles soient quantitativement moins « pénétrantes », constituent parfois des phénomènes commerciaux ou sociaux d’un certain intérêt. Dans cette réalité, ce ne sont pas tellement les stations qui essayent d’imiter, en petit, les chaînes nationales qui sont intéressantes pour leur impact. C’est plutôt une façon un peu rustique de penser la télévision, typique des situations culturellement ou géographiquement périphériques, qui mérite plus d’attention, en vertu de son extraordinaire diffusion. Façon rustique qui donne lieu, d’un côté, au phénomène des ventes par télévision: on peut acheter n'importe quoi à la télévision italienne, des casseroles pour la cuisine au tableau d’auteur, du linge de maison aux appartements à la mer ou même à l’étranger (on se souvient d’une émission qui proposait des appartements au Kenya, à acheter pour les vacances); des cassettes porno (dont la publicité est faite la nuit) aux voitures d’occasion. Plusieurs chaînes sont « spécialisées » dans ce genre d’émission auquel elles consacrent toute la programmation.

Italie

D'un autre côté, cette façon de penser la télévision donne lieu à une programmation ouverte à tout sujet susceptible de stimuler un bavardage incontrôlé: les thèmes concernant la vie administrative aussi bien que les commentaires sur le sport des équipes locales, les magiciens improvisés qui prétendent résoudre les problèmes de santé ou de cœur des gens qui appellent par téléphone aussi bien que les médecins qui illustrent les effets ou les symptômes de telle ou telle maladie, etc. Ce qui rapproche ces émissions, c’est l’idée d’une totale « utilisabilité » du territoire de la télévision: non seulement aucun sujet n’est

est effective, puisqu'elle touche la participation directe des spectateurs aux actions amorcées par la télévision (achats, discussions, jeux, etc.). L'observation de tels phénomènes relève plutôt du domaine de la sociologie. Ce n’est qu’en tenant compte de cette articulation complexe de la télévision italienne qu’on peut comprendre aussi la présence massive du discours sur la télévision à la une des Journaux, ainsi que la vivacité des études concernant ce domaine*. Augusto SAINATI

exclu, de par sa nature, de la communication

télévisée, toute activité y étant admise, mais encore tout le monde a accès à la télévision. Aucune limite ou aucun critère de sélection n’est mis en place, que ce soit du point de vue de la maîtrise de la langue ou de la prononciation,

ou de celui du rôle social —

et

donc de l’habilitation à parler — des intervenants aux émissions, ou, enfin, de celui de la

connaissance des sujets traités. N'importe qui peut parler de n’importe quoi ! L’anonymat est, par ailleurs, la dimension normale pour ce type d’émissions: dans les débats, on s’appelle par le prénom, ou on ne s’appelle pas du tout, les présentateurs des ventes ne se présentent pas eux-mêmes, etc. La contiguïté parvient ici à son stade littéral, celui de la perméabilité totale de la frontière entre la télévision et ce qui lui est extérieur, et de l’interchangeabilité des espaces. Ce qui est intéressant dans l’exemple italien, c’est la multiplicité des interactions sociales suscitées par la télévision. À un premier niveau, l'interaction touche des aspects politico-économiques, que l’actuelle situation montre particulièrement bien. Le «conflit d’intérêts » qu’incarne Berlusconi est un conflit entre sa position politique et son activité industrielle dans le domaine de la communication. À ce niveau, la télévision est un objet de réflexion privilégié pour les politologues ou les juristes. A un deuxième niveau, l'interaction est de type contractuel, car elle concerne la capacité de la télévision d’impliquer les spectateurs selon les stratégies de programmation élaborées par les diverses chaînes. Ici, ce sont plutôt les médiologues qui sont concernés par une telle problématique. A un troisième niveau, enfin, l’interaction

Sources - Garante per la Radiodiffusione e l’Editoria, Relazione annuale al Parlamento per la Radiodiffusione (al 31 marzo 1994), Ed. Presidenza del Consiglio dei Ministri. - RAI Radiotelevisione Italiana, Annuario 1992-93,

Ed. Nuova

- Rapporto Media,

Eri, 1993.

Ed. Prima

Comunica-

zione, 1994, - Gulliver, n° 7-8/1994.

1. On trouvera une excellente description des modèles de la « Paléo-» et de la « Néo-télévision » in F. Casetti — R. Odin, «De la paléo- à la néo-télévision. Approche sémio-pragmatique », in Communications, 1990, 51, p. 9-26. En ce qui concerne les modalités et les spécificités de ce passage en Italie, voir G. Bettetini, «L'Italia televisiva chiama davvero l'Europa ? », in C.D. Rath, H.H. Davis, F. Garçon, G. Bettetini, A. Grasso (eds.), Le televisioni in Europa, Torino, Ed. Fondazione Giovanni

Agnelli, 1990, p. 237-282 ; et G. Simonelli, « La televisione italiana dal monopolio alla deregulation », ibid, p. 283-310. 2. Il faut signaler par ailleurs que cette émission, devenue « culte », a inondé — à la manière du fluide dont elle tire son nom — la langue courante de néologismes. Ainsi « blobbare » (= blobber ? ? ?), qui signifie à peu près synthétiser plusieurs textes en un seul par des mélanges drôles ; ou «blobbata », l’action de blobber ; jusqu'à « blobbino », « blobbometro », etc. 3. Parmi les productions plus intéressantes, il faut signaler surtout la riche collection d’études « RAI-VPT », soutenue et édi-

tée par la RAI: pratiquement tous les aspects et tous les genres de la télévision y sont analysés dans des perspectives différentes (sociologiques, historiques, ethnologiques, sémiologiques, etc.) et complémentaires. Plus de 100 volumes ont déjà paru dans cette collection.

237

Les télévisions du monde

Luxembourg Superficie : 2 586 km? Population: 395 000 habitants Capitale: Luxembourg Langues utilisées à la télévision: luxembourgeois, italien Nombre de téléviseurs: 99 % des foyers sont équipés Nombre de chaînes publiques: 0 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de chaînes étrangères captables: 40 Pourcentage de programmes français: environ 25

RTL Hei Elei: deux heures de programme quotidien Deux heures de programme quotidien en langue luxembourgeoise diffusées entre 19 h 15 et 21h15 depuis le mois d’octobre 1991, cela semble

suffisant, si l’on en croit Alain

Berwick, le responsable de la chaîne depuis le 1° juillet 1994. Il précise que, la spécificité de Hei Elei étant de diffuser des informations relatives à la vie du Luxembourg, c’est vers les autres chaînes européennes captables sur le territoire que les téléspectateurs doivent se tourner pour y trouver fictions, émissions de divertissement, documentaires ou

D'une superficie de 2 586 km? sur lesquels se répartissent 395 000 habitants, le GrandDuché de Luxembourg occupe une place importante au sein de l’Europe. Tout d’abord parce que sa capitale, Luxembourg, est avec Bruxelles et Strasbourg l’une des trois capitales administratives de l’Union européenne puisqu'elle abrite le Parlement européen, mais également parce que la puissance de son économie permet à de nombreux frontaliers de venir chaque année s’installer sur le sol grandducal pour y travailler. Le nombre important d’étrangers vivant au Grand-Duché, augmenté des fonctionnaires européens, ne fait donc qu’accentuer le trilinguisme déjà de mise dans le pays. Tous les Luxembourgeois parlent en effet couramment trois langues: le luxembourgeois, qui est leur langue natale, le français qui est la langue administrative du pays et l’allemand. De plus, nombre d’entre eux sont également anglophones.

Le mélange des langues et des cultures particulier à ce pays induit donc un particularisme de la demande et des habitudes des téléspectateurs. Ainsi le public luxembourgeois se satisfait-il de la vingtaine de chaînes hertziennes étrangères captables au Grand-Duché, au

point que RTL Hei Elei, la seule télévision

hertzienne nationale, n’émet que deux heures

chaque jour. 238

jeux télévisés. Ces différents types d’émissions sont en effet absents du programme Hei Elei dont les 18 heures et demie de diffusion sont actuellement constituées en semaine d’un journal national d’une demi-heure, d’une émission

thématique liée à l’actualité politique, sociale ou culturelle du Grand-Duché et d’une rediffusion des informations du jour. Avec ces deux heures de programme quotidien, RTL Hei Elei possède tout de même 35,5 % des parts d’audience, ce qui en fait la chaîne la plus regardée sur sa plage de diffusion et sans doute la plus appréciée du public luxembourgeois. Pour un observateur étranger, RTL Hei Elei apparaît, par son abondance d’émissions de plateau et l’absence de créations fictionnelles, comme la chaîne de proximité d’une région de l’Europe. Pour les Luxembourgeois en revanche, elle est /a chaîne nationale d’infor-

mation. Sans importer aucun programme et sans jouer le jeu du profit maximum en axant sa programmation sur des émissions de divertissement,

RTL

Hei Elei se veut

la chaîne

d’information et de culture destinée au public luxembourgeois. Par souci de fidélisation du téléspectateur et prenant exemple sur certaines de ses consœurs européennes, la télévision luxembourgeoise propose une grille des programmes et un horaire de diffusion? immuables de jour en jour et de semaine en

Luxembourg

semaine. Ainsi retrouve-t-on du lundi au samedi la même organisation du début de la soirée:

Les programmes débutent à 19h 15 avec Hei Elei Agenda, un télétexte d’une durée de 10 minutes qui affiche les horaires des manifestations culturelles et sportives des principales villes du pays. A 19h25, Deemols propose cinq minutes d’archives et exhume les actualités luxembourgeoises d’il y a trente ans. A

19h30,

Hei Elei Aktuell,

le journal

télévisé en langue luxembourgeoise d’une demi-heure décrit et analyse les principaux événements nationaux et internationaux du jour. C’est à 20 heures que RTL Hei Elei diffuse un magazine, différent chaque jour de la semaine, d’une durée de 45 minutes

du

lundi au vendredi et de une heure et demie le samedi.

Chaque semaine, la soirée du lundi est consacrée au public jeune et alterne reportages sur la vie dans les lycées, jeux sous forme de quiz opposant des élèves, débats sur des sujets d’actualité entre adolescents et spécialistes invités sur le plateau et émissions sur l’actualité du rock au Luxembourg. La soirée du mardi propose, avec Life, une émission interactive où des spécialistes, invités sur le plateau des studios de Bertrange, tentent de répondre aux questions que se posent les téléspectateurs sur des sujets relatifs à l’actualité nationale ou internationale. Deux mercredis par mois, les cinéphiles luxembourgeois peuvent retrouver Zinemag, un magazine consacré aux sorties cinématographiques, la plupart du temps enrichi d’un dossier se rapportant aux sujets développés dans les films présentés. Les deux autres mercredis sont consacrés à des retransmissions sportives ou à la diffusion d’archives de la télévision luxembourgeoise. Teschend den Zeilen permet tous les jeudis aux journalistes luxembourgeois de débattre de

l'actualité de la semaine dans un « club de la presse » grand-ducal. | Le Hei Elei Magazine du vendredi à lui pour but de traiter de l’actualité internationale ayant un rapport direct avec la vie politique, économique ou culturelle du Luxembourg. Par-

fois, la soirée est ouverte aux chefs cuisiniers

du pays qui, lorsque l’actualité n’est pas assez fournie,

dévoilent

leurs

secrets

aux

téléspectateurs. Le samedi enfin, RTL Hei Elei propose à son public un magazine plus long qui, de 20 heures à 21 heures 30, se propose de passer en revue l’actualité culturelle du GrandDuché. Hei Elei Kultur alterne retransmissions de concerts, de pièces de théâtre, de films indépendants luxembourgeois (dont certains sont coproduits par la chaîne) et offre également interviews et reportages sur les acteurs culturels du pays. Chaque soirée (y compris celle du dimanche) s’achève par la rediffusion du Hei Elei

Aktuell. Le dimanche est le seul jour qui offre une grille des programmes sensiblement différente de celle des autres jours. Les émissions commencent plus tôt, à 12heures, avec Buona Dominica, un magazine d’une heure en langue italienne (la communauté italienne est très importante au Grand-Duché de Luxembourg) produit par la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion et diffusé sur plusieurs autres chaînes européennes. Les programmes continuent jusqu’à 14 heures 30 puis s’interrompent pour ne reprendre qu’à 18 heures 30 avec la rediffusion de Buona Dominica. Après la diffusion de la seconde partie du journal, la soirée du dimanche se poursuit avec Hei Elei Sportclub, un magazine sportif et s’achève comme les autres jours par la rediffusion de Hei Elei Aktuell. Ce détail des programmes hebdomadaires de RTL Hei Elei montre combien la chaîne est proche du public luxembourgeois. Aucun aspect de la vie du Grand-Duché ne semble en effet échapper aux caméras de la chaîne qui s’impose logiquement comme leader sur sa plage de diffusion.

Plus de quarante programmes internationaux diffusés par câble Deux heures de programme quotidien en langue luxembourgeoise, cela signifie également que les téléspectateurs grand-ducaux sont tenus, en dehors de l’horaire de diffusion de RTL Hei Elei, de se rabattre sur les autres

239

Les télévisions du monde

chaînes européennes captables sur le sol luxembourgeois. La barrière de la langue n'étant pas un handicap, il reste à savoir de quelles façons les Luxembourgeois peuvent avoir accès aux programmes des télévisions étrangères. Les téléspectateurs luxembourgeois ne sont pas directement soumis à la redevance, ce qui rend difficile tout dénombrement. L’agence de marketing IP Luxembourg estime toutefois que près de 99% des ménages (soit environ 142000 ménages sur 144 700) sont équipés d’un ou plusieurs postes de télévision et qu’un minimum de 85% d’entre eux (environ 123 000 ménages) sont abonnés à l’une des sept sociétés d’exploitation du câble. Ce chiffre tend du reste à s’accroître, compte tenu du faible coût de l’abonnement (environ 700 F par an) et de la récente publication d’un décret interdisant la présence d’antennes sur les toits des zones câblées. Quarante programmes internationaux diffusés par câble, satellites et ondes hertziennes* sont actuellement accessibles au public luxembourgeois. Le téléspectateur peut ainsi choisir parmi toutes les chaînes privées ou publiques en provenance d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas, de France ou de GrandeBretagne, l’émission qu’il jugera la plus intéressante. RTL Hei Elei est l’une des deux sociétés télévisuelles dont le groupe financier privé luxembourgeois CLT Multi Média détient 100 % du capital. C’est d’ailleurs à ce groupe et non aux téléspectateurs que revient l’obligation de verser au Gouvernement grand-ducal la redevance annuelle destinée à rémunérer les concessions d’exploitation des ondes accordées par l’Etat. Bien qu’il n’existe pas de haute autorité de l’audiovisuel au Luxembourg, RTL Hei Elei doit cependant répondre à certains impératifs fixés par un cahier des charges imposé par le Service des médias et de l’audiovisuel, autorité de tutelle et organisme

d’État. C’est ainsi qu’un accord conclu entre le Gouvernement et la CLT a conduit à un plafonnement des recettes publicitaires à 100 millions de francs luxembourgeois (100 Flux =16,35F), l’État contribuant au financement du programme pour le solde. Cet accord vise également à n’autoriser la diffu-

sion des messages publicitaires que les vendredis, samedis et dimanches, à condition tou240

tefois que ceux-ci ne soient pas de nature promotionnelle.

Une

consommation

télévisuelle

dictée par le trilinguisme Sur 331 000 téléspectateurs, il faut différencier les Luxembourgeois (235 000 personnes), terme générique qui regroupe les natifs du Grand-Duché,

et les Grands-Ducaux,

terme

générique qui désigne toute personne vivant sur le sol luxembourgeois.

D’après une étude d’ILRes-TV94, d’une manière générale, plus de 25% des Luxembourgeois regardent RTL Hei Elei entre 19h 30 et 20h, c’est-à-dire pendant la diffusion du journal. A 20 h, heure des autres journaux européens, l’audience chute aux environs de 15%, pour n'être plus que de 11% à 20 h 15, heure à laquelle débutent les prime time allemands. Les Luxembourgeois s’intéressent davantage à Hei Elei Aktuell qu’aux différents programmes de la soirée et ils ont tendance à changer de chaîne une fois le journal terminé. Qu'il s’agisse des Luxembourgeois ou de l’ensemble des Grand-Ducaux, les programmes de RTL Hei Elei sont plus suivis le dimanche que les autres jours de la semaine, la soirée du samedi ayant le plus faible taux d’audience.

Après RTL Hei Elei (45 % des Luxembourgeois et 33 % des Grand-Ducaux la regardent), c’est la chaîne allemande RTL Television qui, avec plus de 15 % des parts de marché, arrive en seconde position. Cette chaîne possède cinq décrochages régionaux dont un couvre la frontière luxembourgeoise. La différence la plus importante qui existe entre téléspectateurs luxembourgeois et téléspectateurs grand-ducaux réside dans l’intérêt porté aux programmes francophones. En effet, si les Luxembourgeois regardent parfois TF1, les Grand-Ducaux apprécient également France 2 ou les chaînes francophones belges RTL TVI et RTBF1 : les natifs du Grand-Duché semblent plus attirés par les chaînes germanophones et ce sont surtout les étrangers qui regardent les chaînes francophones.

©

Un public partagé entre chaînes francophones et chaînes germanophones

entre

19h30

et 20h30

et 7 %,

ZDF. Mais on remarque que 7 % de ces téléspectateurs apprécient également TF1 qui arrive ici en seconde position des chaînes étrangères les plus regardées. Avec

10%

des parts d'audience,

TF1

est

la chaîne étrangère préférée des cadres supérieurs et des indépendants, la suivante étant RTL TV Lorraine (7 % des parts d’audience). Ces observations tendent donc à montrer qu'après le programme de langue luxembourgeoise, les téléspectateurs grand-ducaux affichent des goûts différents pour chaînes francophones ou chaînes germanophones selon la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent. Cependant, d’une façon générale, ce sont les chaînes

allemandes,

RTL

Television

Luxembourg NN OO GIIIOUTS

Pour m'informer et me brancher

Le Grand-Duché étant un petit pays, il est difficile de dire s’il existe des différences quant à la consommation de la télévision en fonction du lieu géographique. En revanche, l’étude ILRes-TV94 montre qu’il existe des différences notables en fonction de la classe sociale des téléspectateurs. Si RTL Hei Elei est sensiblement regardée par le même nombre de téléspectateurs dans les différentes catégories socioprofessionnelles (38 % des ménagères, 36% des personnes responsables d’achats et 34 % des cadres supérieurs et des indépendants), il n’en est pas de même pour les autres chaînes. Ainsi, 13 % des ménagères préfèrent regarder RTL Television entre 19h 30 et 20 h 30 et 11 ©, la chaîne allemande publique ZDF. Cette catégorie semble donc avoir un penchant pour les programmes de langue allemande. Il en est de même pour les personnes responsables d’achats dont 15 % regardent RTL Television

I

en tête,

qui sont les plus regardées par les GrandDucaux (49% des parts d’audience sur 24 heures de télévision), les chaînes francophones n’attirant que 27 % des téléspectateurs.

RTL.MA TÉLÉ “COUPS DE CŒUR’

Grand-Duché, il n’en demeure pas moins que par l’intermédiaire de la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion, RTL est présent dans quatre autres pays d'Europe. Au total, la CLT exploite ou détient des participations dans neuf chaînes européennes, de sorte que plus de 200 millions de téléspectateurs peuvent capter au moins l’une d’entre elles. Ainsi, lorsque l’on observe l’organigramme des parts d’audience hebdomadaire des chaînes de télévision au Luxembourg, on constate qu'entre 19h 30 et 20h 30, près de 56,5 % des

téléspectateurs regardent l’un des neuf programmes affiliés à la CLT.

M6, Série Club et RTL TV: les trois programmes français de la

CLT Si M6 et Série Club, dont la CLT

dans l’est de la France

La CLT : l’un des premiers opérateurs de télévision en Europe S’il n'existe qu’une chaîne de télévision au

détient

25 % du capital, sont aujourd’hui considérées comme des chaînes françaises à part entière, il n’en est pas de même pour RTL TV que le public voit toujours comme une station de télévision luxembourgeoise. Ceci est sans doute dû au fait que la chaîne, dont les studios sont installés à Metz depuis 1991, n’est captable par ondes hertziennes qu’au Luxembourg et (soit une couverture

de 1,5 million de téléspectateurs). S’imposant comme la chaîne lorraine de proximité, elle possède tout de même dans cette région une part d’audience moyenne de 15 % qui atteint même plus de 25 % sur la cible des 15-34 ans, 241

Les télévisions du monde

plaçant la chaîne juste derrière TF1 dans ce segment. D’autre part, RTL TV a récemment entrepris d’élargir sa couverture technique en se développant sur le câble, y confirmant aujourd’hui sa position de leader sur le marché français avec 8 % de part d’audience en soirée. Si l’on considère qu’en un an, le potentiel de réception par câble a progressé de 24 %, il en ressort que RTL TV atteint désormais 10% des foyers français équipés d’un poste de télévision (RTL TV est reçu sur le câble dans 150 communes françaises). De plus, on peut penser avec les responsables de la CLT que la diffusion de ce programme par le satellite Télécom 2B, dont la liaison mon-

tante est située au Grand-Duché, devrait permettre d’élargir l’audience potentielle de RTL TV à l’ensemble de l’Europe. Proximité, jeunesse et modernité semblent être les maîtres mots de la chaîne. Proximité tout d’abord avec le 40 minutes, un journal régional en direct et en public qui traque l’information, aussi futile soit-elle, dans toute

la Lorraine (jusqu’au plus profond des campagnes) et la restitue pratiquement sans commentaire chaque soir à 19 heures. Proximité également avec les émissions de jeux proposées par RTL TV et dont les candidats ne sont, la plupart du temps, que des Lorrains. C’est en effet le cas pour Le scrabble, adaptation télévisée du jeu de société du même nom et Doublé gagnant (co-animé par la populaire Fabienne Egal, transfuge de TF1), jeu sans subtilité basé sur un minimum de réflexion et de rapidité. Proximité enfin dans les publicités (il y a trois coupures publicitaires dans chaque film programmé) diffusées tout au long de la journée. La majorité de ces publicités vantent en effet les mérites de magasins, parcs d’attractions ou garages de la région et sont mélangées aux annonces pour les grandes marques que l’on retrouve sur les chaînes nationales. L'esprit « jeune » de la chaîne est incarné par l’abondance de programmes musicaux diffusant des clips vidéo (Le classement et Music Family), ainsi que par l’équipe des 45 personnes qui travaillent à RTL TV et dont la moyenne d’âge est de 30 ans. Outre les nombreuses séries proposées aux téléspectateurs (la grille des programmes repose sur 70 % de fictions achetées aux autres télévisions et largement éprouvées par celles-ci) et dont on sait qu’elles ciblent surtout les 15-25 ans, 242

la plupart des émissions autoproduites s’adressent également à un public jeune. C’est le cas de Junior, diffusé le mercredi et le dimanche

de 9h à 16h et dont le quotidien ZnfoMatin affirme qu’il est «sans doute l’un des programmes télé destinés aux enfants les plus intelligents et pédagogiques »; de Ciné Express, magazine d’information sur l’actualité cinématographique grand-public de la semaine; de Les femmes et les enfants d’abord, programme quotidien diffusé de 12h à 13h 30

combinant fictions, informations et

jeux; et de Samedi en famille qui alterne lui aussi fictions, informations diverses et dessins

animés. L'aspect moderne de RTL TV est ouvertement (et de façon pas toujours très heureuse) affiché à l’écran. Le symbole quelque peu «tape-à-l’œil » de cette modernité est un « studio automatique » utilisé dans deux productions de la chaîne lorraine: Music Family et Studio Info. Dans le premier cas, il s’agit d’une émission hebdomadaire proposant des « matchs musicaux » que l’animateur, Jean-Luc Bertrand, réalise seul en direct au grand bonheur des zappeurs de Canal+. Studio Info, quant à lui, est un rendez-vous d’information qui intervient cinq fois par jour (13h30, 16h, 17h, 18h et 20 h 30) et qui repose sur le même principe. Le journaliste semble ici être aux commandes d’un vaisseau spatial et porte sur la tête un casque-micro à la façon d’un commentateur sportif, ce qui n’est pas d’un effet des plus sérieux. Il est toutefois important de préciser que RTL TV accorde une place importante au cinéma en diffusant plus de 450 longs métrages chaque année. Bien que les films proposés ne soient pas systématiquement des chefsd'œuvre ni des productions récentes, la programmation dans ce domaine réserve parfois de bonnes surprises et permet de redécouvrir certains grands réalisateurs. De plus, la chaîne est à l’origine d’une nouvelle formule interactive permettant aux téléspectateurs de choisir leur film du mardi soir par serveur vocal. Le film... à vous de choisir est en même temps un jeu de pronostics, les téléspectateurs pariant sur la fiction qui sera élue. Pour la rentrée 1994, RTL TV affirmait son

désir de s’insérer dans le marché télévisuel français en installant de nouveaux studios au CNIT de Paris ou sera produite l’émission F comme Femme. Grâce à ce « pied-à-terre », le

Luxembourg

programme quotidien qui propose aux « femmes au foyer » des rubriques telles que: mode,

Four m'amuser et pour gagner

beauté, éducation, voyages, santé, décoration, échelonnées de 8 h 50 à 15 h, se voit renforcé

de deux nouvelles chroniqueuses: Caroline Barclay et Valérie-Anne Giscard d'Estaing. Enfin, il faut préciser que la CLT n’entend pas s’arrêter en si bon chemin dans sa pénétration du paysage audiovisuel français. En effet, elle s’est associée en février 1994 à la Lyonnaise Communications, France Télécom

et TF1 dans la société Telcarte pour la mise en place d’une chaîne de paiement à la séance (pay-per-view) dénommée Multivision. Cette chaîne qui sera distribuée par les réseaux câblés diffusera essentiellement des films récents et devrait être lancée fin mai 1994. La Lyonnaise Communications et France Télécom ont déjà expérimenté avec succès ce nouveau concept de télévision entre le 2avril et le 30 juin 1993 sur le réseau câblé de SaintGermain-en-Laye auprès d’un échantillon de 3200 abonnés disposant d’un terminal Visiopass.

RTL TVI: leader sur le marché belge francophone C’est en 1987 que la CTL décide de s’attaquer au marché belge francophone en lançant RTL TVIL qui après sept ans d’existence est devenu ieader sur ce marché avec une audience moyenne de 27% entre 17 et 23 heures, se situant loin devant TF1 (17,5 %) et la chaîne publique nationale RTBF (17,8 %). Aujourd’hui, le groupe luxembourgeois reste l’actionnaire majoritaire de la chaîne dont il détient 66% du capital. Si l’on en juge par la grille des programmes,

le secret

de RTL

TVI

semble

résider

dans un souci d’être une chaîne très proche du grand public, mélangeant séries américaines, sitcoms françaises de AB Production et émissions populistes ayant pour thèmes le sport (Football Mondial et Foot Dimanche) la vie des têtes couronnées d'Europe (Place Royale) ou les belles automobiles (La collection de Léon et La saga de la formule 1). La fidélisation des téléspectateurs passe également par un jeu de proximité qui intervient à trois moments clés de la journée télévisée: avant

RTL.MA TÉLÉ “COUPS DE CŒUR”

le journal de 13 heures, avant celui de 19h et à 19h35, juste avant la série ou le film de la soirée. Entre loterie et « caméra cachée » le principe de Fera, fera pas associe deux concepts largement éprouvés à la radio comme à la télévision: l’animatrice appelle une personne dont le numéro de téléphone est sélectionné au hasard, et l’invite à se brancher sur

RTL TVI. Après avoir visionné une courte séquence, souvent drôle, au cours de laquelle des passants sont priés d’exécuter une action, le candidat doit se prononcer sur le fait que le dernier intervenant va ou non accomplir cet acte. S’il voit juste, le candidat empoche une cagnotte qui augmente à chaque mauvaise réponse. Parmi ses 5155heures de programme annuel, RTL TVI en consacre 3 335 à la dif-

fusion de fictions (films ou fictions télévisées) achetées aux Etats-Unis, en France (Top Models, Hélène et les garçons et consorts) et en Grande-Bretagne (Chapeau melon, Les sentinelles de l’air, etc.). L'essentiel des films proposés aux téléspectateurs sont américains à gros budget, et il suffit pour en juger, d’observer la programmation des Grandes premières de RTL TVI, soirée cinéma de primetime (20 heures) qui présente des films récents trois jeudis par mois, parmi lesquels pour la rentrée 1994: Point break, a-t-il un flic pour sauver la teuse et le milliardaire, Les Star Trek V, etc. Quoi qu’il

extrême limite, Y reine ?, La channuits de Harlem, en soit, la chaîne

belge fait tout de même la part belle au cinéma, puisqu'elle diffuse une moyenne de 11 films chaque semaine. En ce qui concerne les fictions télévisées, 243

Les télévisions du monde

on note là aussi une large domination des productions d’outre-Atlantique que RTL TVI parvient souvent à obtenir en première diffusion francophone. Ce sera le cas en 1995 pour SeaQuest, le gardien des océans, série produite par Steven Spielberg qui mélange faits scientifiques authentiques, fiction et fantaisie pure sur fond de protection de l’environnement; New York, police d’État, série policière hyperréaliste d’un nouveau genre et Power Rangers série destinée au public jeune mettant en scène cinq adolescents aux prises avec une sorcière intergalactique. Chaque jour, RTL TVI diffuse une moyenne de 10 séries ou feuilletons, ce qui est considérable si l’on précise que la chaîne n’émet que de 12h à Oh 30 en semaine (les émissions commençant à 8 h 30 le samedi et à 7h le dimanche). Parmi les 1 521 heures annuelles d’autoproduction, la plus large place (679 heures) est faite aux variétés, jeux et divertissement dont Les invincibles et Y’en aura pour tout le monde seront en 1995 deux des principaux représentants. Divertissement pour la première

aucune autre station RTL d’Europe. C’est le cas de Entr'act, magazine polyculturel; de Livres et vous, émission de plateau «à la Apostrophe » qui réuni plusieurs auteurs autour d’un thème et de Média Pub, magazine largement inspiré de Culture Pub conçue par la petite sœur M6. Il est également à noter que, chaque jour, RTL TVI, pour ne pas faillir à son image de chaîne populaire, diffuse en moyenne 30 minutes de vidéo-clips musicaux et une émission de télé-achat. Enfin, on peut déplorer l’absence d’une véritable émission pour les enfants, et préciser que seulement 31 des 1 521 heures d’autoproduction annuelles sont consacrées aux programmes pour la jeunesse.

de ces émissions, qui, elle aussi, joue la carte

En janvier 1984, la CTL lance par le truchement de son unique chaîne RTL, un programme de langue allemande diffusé depuis le Luxembourg et captable dans le sud-ouest de l’Allemagne. Dix ans plus tard, RTL Plus, devenu RTL Television en décembre 1992 (et dont la CLT détient toujours 46,1 % du capital), est la première chaîne allemande, sinon européenne, en terme à la fois d’audience et de revenus. Aujourd’hui installée à Cologne, elle a une part d’audience de 18,9 % et devance les chaînes du service public ainsi que ses concurrentes du secteur privé. Ces résul-

de la proximité: un lundi sur deux à 20 heures, un couple est emmené en hélicoptère, les yeux bandés, jusqu’à un endroit de Wallonie qu’il devra situer avant de se livrer à une série d’épreuves alliant aventure, sport, culture générale et tourisme qui lui permettront de replacer dans son contexte un objet insolite. ŸY’en aura pour tout le monde, autre fer de lance de la rentrée

1994, se veut un

divertissement humoristique d’un genre nouveau, diffusé lui aussi deux lundis par mois. Le principe de cette émission est basé sur la parodie d’un journal télévisé dont la fausse rédaction propose interviews bidons, scoops véreux, reportages truqués et commentaires humoristiques de l’actualité, le tout n’étant pas sans rappeler le JT des Nuls. Chaque année, RTL TVI produit également 638 heures de programmes consacrés à l’actualité, au sport et aux magazines. L'actualité est traitée dans les deux éditions quotidiennes (13h et 19h) d’un journal de vingt minutes, dans Controverse, une émission hebdomadaire de débat proposée tous les dimanches de 12h à 13h et dans L'invité politique. Si les magazines sont essentiellement consacrés aux sports

(football et sports automobiles) et à la vie des animaux, il existe tout de même quelques rendez-vous culturels que l’on ne retrouve sur

244

En Allemagne, RTL Television est devenue l’une des premières chaînes européennes

tats sont flatteurs,

surtout

si l’on considère

qu’ils ont été obtenus avec un potentiel de réception limité à 90 % des foyers allemands, inférieur à celui des chaînes publiques. Tout comme ses consœurs francophones, RTL Television joue pleinement la carte de la popularité et de la proximité. Elle se veut typiquement allemande et s’enorgueillit d’avoir été la première en Europe à proposer des programmes érotiques à ses téléspectateurs. Pourtant, elle aussi diffuse une large majorité de fictions anglo-saxonnes, à la seule différence qu’elle ne se contente pas d’acheter en exclusivité européenne ces programmes: elle participe à leur production, comme ce fut récemment le cas avec les séries Highlander et Sea-

Luxembourg

Quest, Son association avec les groupes MCA/Universal en mars 1991 et Columbia/TriStar en janvier 1992 n’est sans doute pas étrangère au fait que RTL Television apparaisse comme étant actuellement la chaîne d'Europe la plus américaine. Cette constatation est également valable pour les programmes qu’elle autoproduit, qu’il s’agisse des magazines, des jeux, des émissions de variété ou des fictions, car contrairement

aux autres

sociétés télévisuelles de la CLT, RTL Television produit ses propres téléfilms et séries (sitcoms et soaps pour l’essentiel). Forte du succès de RTL Television, la CLT décide de lancer RTL2 en mars 1993, afin de

consolider sa position sur le marché allemand en offrant au public une programmation complémentaire et plus ciblée. En un an, RTL2 a réussi à atteindre le rang de quatrième chaîne privée en Allemagne avec une part d’audience de 3,4 %, sur la base d’une couverture

chaînes

Contrairement aux autres chaînes du groupe CLT (si l’on excepte RTL Hei Elei), RTLA et RTLS5 sont diffusées à partir du Luxembourg. Ces deux chaînes néerlandophones sont complémentaires dans la mesure où c’est RTLA qui, dans le souci d’élargir son public, a décidé de créer RTLS. RTLA,

dont

la CLT

détient

atteint 29 %, chiffre record dans l’histoire de

la chaîne. Sa grille des programmes est sensiblement identique à celle de RTL TV depuis qu’en décembre 1993, elle a créé RTLA Productions, dont le but est de produire des « continuity programmes », c’est à dire des productions

en studio, des jeux, etc.

Le 2 octobre 1993, RTLA inaugure un nouveau programme sous le nom de RTLS, s’adressant à un public jeune et proposant des émissions de sport, des séries, des documen-

taires et des talk-shows. RTLS ne relève pas d’une nouvelle entité juridique, mais constitue un programme complémentaire offert par RTLA4 à ses téléspectateurs. Après six mois d’existence, RTLS représentait 6,6 % des parts d’audience aux Pays-Bas. Stéphane BENASSI

tech-

nique d’environ 50 % des foyers. Ce score lui permet également de se classer première des «petites chaînes » alors qu’à l’époque de sa création six chaînes voyaient le jour outreRhin. La chaîne se veut une sorte de complément de RTL Television et s’adresse surtout à un public jeune, détenant 9,3% des parts d’audience auprès des 6 - 13 ans et 4,7% après des 14-29 ans. La grille des programmes offre, à côté des indispensables et traditionnels longs métrages inédits et séries, des productions originales telles que Ruck-Zuck (jeu), Bravo-TV (magazine de musique pop) et Die Werbetrommel (magazine consacré à la publicité). Précisons enfin qu’au mois de mars 1994, la CLT a augmenté sa participation dans le capital de RTL2 de 15% à 24%.

RTL4 et RTLS: les deux hollandaises de la CLT

en octobre 1989. Elle est aujourd’hui leader sur le marché néerlandais et sa part d’audience

47,27 7. du

capital, fut la première des deux à voir le jour

Place de la France — Toutes les chaînes de télévision hertziennes françaises à l’exception de Canal + sont captables au Grand-Duché de Luxembourg (Canal + Belgique est actuellement testé sur le câble d’un quartier du Luxembourg Ville). —

Avec

7,3%

des parts du marché,

TF1

est la chaîne française la plus regardée, suivie par France2 (2,4% des parts de marché) et RTL TV Lorraine (1,4% des parts de marché). TFI est également la troisième plus grande audience du Luxembourg derrière RTL Hei Elei (35,5 %) et RTL Television (15 %). — Tous les Luxembourgeois sont trilingues (luxembourgeois,

allemand,

français) et le

français est la langue administrative du pays. Il existe indéniablement un public francophone au Grand-Duché de Luxembourg, d’autant qu’en plus de toutes les chaînes françaises, les téléspectateurs luxembourgeois ont également accès aux chaînes francophones belges.

1. Avant cette date, il existait depuis 1969 une émission hebdomadaire en luxembourgeois diffusée sur les ondes de RTL, chaîne de télévision francophone créée en 1954. Aujourd’hui, RTL Hei Elei possède son propre canal de diffusion. 2. Le samedi RTL Hei Elei émet jusqu’à 22 heures. Le dimanche, elle émet de 12 heures à 14 heures 30 puis de 18 heures 30 à 22 heures. 3. Aucune étude n’a encore été effectuée pour estimer l’importance de ces deux derniers modes de diffusion.

245

Les télévisions du monde

Norvège fiction avec

Superficie: 375 000 km? Population : 4324 815 habitants Capitale: Oslo Langues utilisées à la télévision: sur les chaînes publiques, deux langues officielles: émissions

encore la chaîne la plus regardée car elle offre un profil de sérieux incontesté. Il faut également souligner qu’elle a fermement tenu à conserver son indépendance commerciale, et que sa principale source de revenus demeure la redevance — 1 325 couronnes par an, et par

(lapon) pour certaines

régionales. Sur les chaînes pri-

vées: le norvégien,

le suédois,

le danois,

l’anglais Nombre de téléviseurs: 1 963 227 Nombre de magnétoscopes: 1 955 002 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 4 Nombre de foyers câblés: 38 515 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 21 Nombre d’antennes paraboliques: 400 000 Pourcentage de programmes français: négligeable

La

Norvège,

4,3 millions

pour

d’habitants,

une

population

compte

foyer, soit, environ,

teur de la télévision éducative

de la chaîne,

pourtant en place depuis une bonne quinzaine d’années, et pas du tout menacé par les chafnes privées concurrentes. Mais, en cette période de crise des années 90, l’économie des

de

en tout une

Norge, TV 1000, et TV2. en 1960, NRK, première

1 060 francs français. On

peut donc y regarder des films sans aucune coupure publicitaire. La restructuration a également touché le sec-

chaîne de télévision publique. Norsk Rikskringkasting (NRK) et quatre chaînes privées, TV3, TV Établie

11,9 %.

NRK, selon les statistiques officielles, reste

le bokmal, le nynorsk (variantes du norvé-

gien) et le samisk

15,5 %, et enfin les programmes

pour la jeunesse avec

chaîne

nationale à système hertzien, fait figure de véritable institution avec ses quelque 2 000 employés au statut de fonctionnaires. Son siège

4,6% que représentaient ces programmes n’était pas négligeable, d’autant que leur utilisation semblait décroître. Partisans et détracteurs se sont alors affrontés, et une enquête a été lancée en 1994, pour évaluer l’audience réelle. Les résultats semblent indiquer que la baisse n’est pas significative, mais une refonte des programmes, mieux adaptés aux besoins réels des utilisateurs potentiels, est envisagée,

— «fylke » —, qui lui permettent d’élaborer les programmes régionaux. Déstabilisée par la crise régionale qui, ces dernières années, a ébranlé le système économique norvégien, et mise à mal par l’arrivée sur le marché de

à la place de la suppression. On sait déjà que les programmes éducatifs seront sans doute concentrés sur une journée, avec des reprises spécialement adaptées aux malentendants (le souci de prendre en compte le handicap, quel qu’il soit, est une constante que l’on retrouve à tous les niveaux en Norvège, et pas seulement dans le secteur éducatif). Dans la mesure où la Norvège a une popu-

l’audiovisuel, de chaînes privées concurrentes,

lation peu importante et où NRK fonctionne

NRK a dû sortir de sa routine et rajeunir son image de marque — ce qu’elle semble avoir

grâce aux subventions de l’État et à la redevance, la production est forcément limitée: la chaîne fait surtout appel à des sous-traitants, ou procède à des achats de programmes qu’elle adapte. Elle ne peut prétendre rivaliser avec les autres chaînes privées dans le domaine des grands spectacles de divertisse-

se trouve à Oslo, mais elle possède des unités décentralisées dans chacun des 19 districts,

réussi, au prix d’une profonde restructuration,

tout en préservant son statut de chaîne nationale de l’information, de l’éducation et de la

culture. Dans la mesure où NRK consacre le tiers de son temps de diffusion aux programmes d’information, elle jouit aux yeux du

public d’une solide réputation de sérieux. Loin

ment (à peine 6,8 % de sa diffusion), mais renforce plutôt ses secteurs privilégiés: l’infor-

derrière, avec

mation, le journal télévisé, le sport, la fiction,

246

19,1 , arrive le sport, puis la

Norvège

TV3. French de Photo Connection

Talk-show

tout en s’associant systématiquement aux grandes causes humanitaires, tous les ans, par une journée de collecte nationale où alternent spectacles et résultats ville par ville. A côté de NRK, qui reste assurément la plus grande, il existe quatre autres chaînes, commerciales. Ces chaînes privées ont fait leur apparition dès 1987, avec TV3, chaîne câblée,

propriété du groupe suédois Kinnevikgruppen et dont le siège se trouve à Londres. Initialement, TV3 avait une diffusion unique pour le Danemark,

érotique sur TV3

System, la chaîne a son siège à Oslo et émet de 17h à 2h30. A la différence de TV3, elle

accorde une plus grande importance au sport, mais elle présente sensiblement le même profil, avec une tendance très américaine, bien évidemment, dans le choix des séries et des

films.

En 1989, arrive TV 1000, issue de TV 1000

Sverige, sa grande sœur, 100 % propriété du groupe suédois TV 1000 Sverige AB. Ses programmes accordent une importance primordiale

la Norvège et la Suède, mais, en

à la musique, aux films, au sport et aux émis-

1990, a été créée TV3 Norvège avec une production indépendante. Pourtant, de par son contenu, la chaîne ne semble pas se rapprocher particulièrement de la spécificité norvégienne. Les programmes sont une suite de feuilletons et de séries américains ou australiens, entrecoupée de deux flashs d’informa-

sions pour la jeunesse. Elle vise résolument un public jeune.

tion internationale d’une durée de 3 mn, à 19 h 25 et 21 h, avec, aux alentours de 23 h 30,

un spectacle avec un invité d'honneur, généraiement de nationalité norvégienne. La chaîne émet en continu de 8h à 3 h30, et touche un

public d’adolescents, de jeunes et de femmes au foyer. Ensuite, par ordre chronologique sont apparues: en 1988, une autre chaîne câblée com-

merciale, TV Norge. Propriété exclusive du groupe américain Scandinavian Broadcasting

Quant à la petite dernière, TV2, elle est née

en septembre 1992 et doit son existence à une société d’actionnaires privés, dont le plus important est le groupe norvégien Schibsted, avec le tiers des actions. Ce groupe est déjà très majoritairement présent dans le secteur des médias en Norvège, et contrôle une partie non négligeable de la presse écrite. La chaîne a une distribution par système hertzien, ce qui représente un avantage certain dans la mesure où 99 Z des foyers norvégiens possèdent un poste de télévision, soit 1,96 million de foyers

contre 38 515 pour le câble. Si l’on voit sur TV2 quelques séries et films d’origine américaine, on y trouve également des productions françaises telles que Hélène 247

Les télévisions du monde

et les garçons, ou Fort Boyard. Le journal télévisé y est plus étoffé et moins international que sur les autres chaînes privées et l’on y voit aussi des reportages et des documentaires scandinaves. C’est sans aucun doute la chaîne privée la plus proche des Norvégiens, dans son contenu

et son

approche...

Mais les Norvégiens ont accès à un nombre bien plus élevé de chaînes, soit par l’antenne parabolique, soit par le câble (21 chaînes en moyenne). Parmi elles, figurent: TVS avec un potentiel de 413 167 foyers et la chaîne musicale française MCM International qui diffuse par câble, sur Oslo uniquement, 24h sur 24, depuis le 1‘ mai 1994. Sur un total de 1 983 057 foyers norvégiens, près de 400 000 possèdent une antenne parabolique — ce qui est considérable, si l’on compare ce chiffre aux 350 000 foyers français possédant une telle antenne et... 38 515 sont abonnés au câble. Un marché câblé que se partage un réseau de 600 câblo-opérateurs, selon les chiffres 1993, publiés par l’Office national de contrôle des télécommunications répartis dans 450 communes. M. Knut Bormer, directeur de Norsk Kabel

TV Forbund, l’association des câblo-opérateurs norvégiens, a exprimé de réelles inquiétudes devant cette prolifération qui nuit à leur rentabilité. Il a incité les adhérents à se regrouper, en vue de l’arrivée du système numérique. Le capital norvégien ne s’est, semble-til, jamais intéressé au secteur du câble, et les

nouvelles techniques seront coûteuses: l’installation, pour un potentiel de 600 000 abonnés, est estimée à 3 milliards de couronnes...

Toujours dans la perspective numérique, le câblo-opérateur Télé-TV A/S a prévu de s’associer à la formation de Nordisk Satellit Distribusjon (NSD) qui regroupe: Svensk Kabel TV (Suède); Tele Danmark As (Danemark); Helsinki Media Company Oy (Finlande); Norks Telekom AS (Norvège: 200 000 abonnés). Il évalue le potentiel de NSD à 2,4 millions d’abonnés, ce qui représente un enjeu considérable, au niveau nordique et européen. Les objectifs sont clairement avoués: dominer la distribution du câble et absorber le potentiel des antennes paraboliques et du système hertzien. Pour cela, il faudrait rapidement développer une stratégie dans l’industrie des programmes et obtenir une position 248

satellitaire permettant de couvrir toute la région nordique. Dans ce pays où téléviseur, câble, antenne

parabolique, magnétoscope et ordinateur font partie intégrante du quotidien, chacun a conscience des enjeux commerciaux et de la pression incessante de la concurrence. Les parlementaires norvégiens observent de près la politique européenne en audiovisuel, et un groupe s’est rendu en France pour étudier le fonctionnement du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Parallèlement, le ministère norvégien de l’Education développe les sections audiovisuelles dans les collèges et lycées car éduquer face à l’image fait partie des priorités. Autorités gouvernementales, juristes et professionnels de l’audiovisuel se préparent ici aussi aux bouleversements tout proches, avec,

au cœur du débat, la liberté du citoyen et l’éducation des jeunes face à l’image.

Catherine ARGOUD-DAUDON

Les programmes français MCM

International,

la chaîne

musicale

française, diffuse en continu sur Olso depuis le 1°mai 1994. Chaîne publique NKK : — Quelques films français, sous-titrés en norvégien. — Reportages (notamment sur Sarajevo). Chaîne privée TV2 : — Série Hélène et les garçons, avec sous-titrage en norvégien, et grand succès. — Fort Boyard, réadapté en norvégien. Chaîne éducative : — 1955: diffusion d’une méthode d’apprentissage du français, production scandinave (Finlande, Norvège, Suède). Le public norvégien est essentiellement tourné vers le monde anglo-saxon : les francophiles et francophones représentent une très infime partie de la population. L’anglais a pratiquement un statut de langue maternelle numéro 2; l’allemand est la langue vivante étrangère numéro 1 (70 % des élèves) et le français, la langue vivante étrangère numéro2 (23 % des élèves). Mais, la France reste une destination touristique privilégiée avec 350 000 séjours enregistrés par les agences de voyages, en 1993...

Pays-Bas

Pays-Bas Superficie: 40 844 km? Population: 15 000 000 habitants Capitale: La Haye Langue utilisée à la télévision: néerlandais Nombre de téléviseurs: 7 400 000 Nombre de magnétoscopes: 61 % des foyers Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées: 2 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 28 Foyers câblés: 90 % Pourcentage de programmes français: faible

Qui ouvre le journal des programmes télévisés aux Pays-Bas ne sera pas seulement désorienté par l’étrangeté de la langue néerlandaise: la complexité même de la programmation pourrait bien constituer, pour celui qui n’est pas prêt à percer les mystères du Nord, une source de découragement fatale. Ce n’est pas seulement le nombre des chaînes (36 à Amsterdam) qui peuvent l’effrayer, mais aussi l'inscription de sigles indéchiffrables face aux programmes des trois premières chaînes: Avro,

KRO, NCRV... Que le touriste ne désespère pas pour autant. Pour comprendre le système de la télévision néerlandaise, quelques données de base sur lPhistoire lui sont nécessaires. Depuis la fin du XIXe siècle jusque dans les années 60, la société néerlandaise a connu le phénomène de la division par catégorie idéologique: les quatre principaux groupements, les catholiques, les protestants, les socialistes et les libéraux (ou « neutres ») organisaient leurs activités (clubs de sport, église), leurs institutions (écoles, hôpitaux), leurs journaux, de façon séparée et bien reconnaissable. Quoi de plus normal alors qu’apparaissent dans l’entre-deux-guerres des associations de radiodiffusion, et après la Seconde Guerre mondiale des associations de télédiffusion, correspondant à ce schéma caractéristique de la société de « colonnes » ? Les catholiques ont leur association de télévision KRO, les protestants NCRV et VPRO, les évangélistes EO, les socialistes Vara, les neu-

tres Tros, Avro, et Véronica... La NOS (Fon-

dation néerlandaise de radiodiffusiontélévision), elle, est chargée de réaliser les programmes à but commun (informations, retransmission d’événements nationaux ou sportifs.) ainsi que ceux dédaignés par les autres associations, comme les programmes pour les minorités culturelles ou les émissions sur l’art. Ces neuf principales associations répartissent leurs programmes sur les trois chaînes publiques. Mais il ne s’agit là que des plus importantes! Car ce sont 35 associations en tout qui se partagent les ondes publiques. Cette surabondance reflète la conception néerlandaise de la démocratie. À savoir que chaque sousgroupe de la société doit pouvoir être représenté et s’exprimer. Ainsi, toute association qui arrive à recueillir 60 000 signatures et à prouver qu’elle parle pour un ensemble oublié de la société, ou qu’elle peut remplir une mission sous-estimée dans le système actuel, peut obtenir un temps d’émission sur l’une des chaînes publiques. Plus le nombre des membres de l’association est important, plus le temps accordé est long. Ainsi, la Ligue humaniste, l’organisation de programmes éducatifs Teleac, les partis politiques, les mormons,

la

Fondation de télévision islamique, et encore bien d’autres groupuscules, ont accès, pour quelques heures par semaines, voire par mois, au gâteau télévisuel néerlandais. Les programmes des associations sont financés par là publicité (30 %)), la redevance (70%), et de façon facultative pour les 9 grandes associations (excepté la NOS), par l’argent versé par leurs membres, lequel peut aussi être utilisé à d’autres fins: confection d’un journal de programmes télévisés ou organisation d’activités pour les membres. L'originalité du système est pourtant menacée par la concurrence depuis la fin de la décennie

80. En octobre

1989, afin de con-

tourner la loi néerlandaise qui interdisait alors les chaînes privées sur son sol, RTL 4 commençait à émettre à partir du Luxembourg par satellite. Ses ondes sont captées sur le câble 249

Les télévisions du monde

qui irrigue le territoire néerlandais. Depuis 1989, la popularité de RTL4 n’a cessé de grandir. Sa ligne plus moderne et plus jeune, les nombreuses émissions à grand public qu’elle présente (séries américaines, soaps et jeux) en ont fait la chaîne la plus regardée du pays. On estime que la principale raison pour les Néerlandais d’acheter une antenne satellite (3,5% des foyers néerlandais en étaient équipés fin 1993), est de capter RTL 4 lorsqu'ils ne reçoivent pas le câble. Enfin, en octobre

1993, RT 5, issue de la même

mai-

son mère que RTL4 au Luxembourg (CLT), devenait la deuxième chaîne privée du pays. Visant un public plus spécifique, celui des jeunes, des hommes et des personnes à haut niveau de formation, son objectif est d’absorber 10% du marché.

Ce n’est pas tout ! Ce n’est pas tout! A côté de ces cinq grandes chaînes néerlandaises on trouve une multitude de chaînes étrangères transmises par le câble. Il faut dire que ce dernier irrigue dans le pays 90 % des foyers, les 10 % restants correspondant aux régions forestières les plus reculées. Son abonnement est la plupart du temps inclus automatiquement dans la facture d'électricité et son montant est limité: de 45 à 75 F par mois environ selon les municipalités. Ainsi, l’immense majorité des Néerlandais est en mesure de regarder les deux chaînes belges néerlandophones (BRT1 et BRT2), anglaises (BBC1 et BBC2), américaines (Super Channel, MTV), allemandes (ARD et ZDF) la chaîne sportive Eurosport, et la plupart d’entre eux est à même de recevoir d’autres chaînes comme

CNN, la RAI Uno, TV5 Europe, Dis-

covery,

RTL+..

une trentaine en tout.

Enfin depuis 1992, des expériences de télévision régionale sont en cours. Trois provinces émettent quelques heures par jour sur fréquences hertziennes. Si ces chaînes connaissent de faibles taux d’audience, ce n’est pas le cas d’ATS, la chaîne locale d'Amsterdam.

Transmise par le câble de la capitale depuis 1992, elle s’étend de plus en plus aux communes environnantes. Ses présentateurs, essentiellement des jeunes au style « branchés mais compétents », exposent des programmes informatifs sur l’actualité politique, sociale, écono250

mique et culturelle de la ville et de ses environs. Ses flashs d’information ont un grand succès, certains d’entre eux absorbant même

parfois la plus grande part de l'audience amstellodamoise. Finalement, bien que RTL4 soit devenue de très loin la chaîne la plus regardée du pays (29 % de l’audience en 93), que RTL poursuive son ascension et que l’ensemble des chaînes étrangères, des chaînes régionales et des cassettes vidéo (environ 4 % de l’audience) représentent le nombre non négligeable de 18 % du marché, le système public arrive avec ses trois chaînes à conserver de justesse la majorité de l’audience (51 %). L'arrivée de RTL4 et 5 et la levée de l’interdiction des chaînes privées sur le territoire néerlandais en 1992 ont cependant acculé le système public à réagir. Les désavantages de cette ouverture démocratique sont évidents: la répartition d’une multitude d’associations sur seulement trois chaînes exclut la répétition quotidienne des mêmes programmes aux mêmes heures et empêche le téléspectateur d’avoir une vision claire des émissions à venir. D’autre part, les moyens financiers s’éparpillent sur plusieurs programmes de même nature au lieu de concourir à des réalisations plus ambitieuses, et les coûts des bâtiments et de

l’administration sont multipliés: le système public est moins concurrentiel. Depuis 1991, les associations sont ainsi vivement conviées par le ministère de la Culture à travailler ensemble. Depuis 1992, les 9 grandes associations d'émission sont réparties trois à trois de façon fixe sur les trois chaînes. D’une part, les associations doivent collaborer « verticalement » sur une chaîne, en

constituant des programmes communs, ou en se répartissant les tâches de façon à ne pas doubler des programmes de même nature. D'autre part, les trois chaînes doivent s’accorder « horizontalement », faisant en sorte, par

exemple, que si à 20 h 30, la première chaîne programme un film, la deuxième présente alors une émission d’information et la troisième un jeu... « Mais il s’agit d’un véritable tournant culturel qui impose un bouleversement des mentalités », explique Mme Straatman, responsable des relations internationales de la NOS. En effet, l’identité propre à l’association, base

du système public d’antan, risque de se dissoudre dans le moule de la chaîne. Que penser par exemple de la combinaison sur une

Pays-Bas

même chaîne de l’association évangélique EO, considérée comme la dernière « pure et dure »

vent réaliser elles-mêmes au moins la moitié

des associations d’origine religieuse, avec les

les des émissions achetées bon marché à l'étranger soient diffusées. Enfin, le temps consacré à la publicité ne doit pas dépasser 6,5 %, et les pages publicitaires ne peuvent entrecouper les programmes. Ces règles imposées au système public lui donnent un visage bien distinct de celui des deux chaînes privées. 75 % des programmes de RTL5 viennent de l’étranger, tandis que les programmes des deux chaînes sont constamment interrompues par la pub. C’est l’information qui a dominé en 1993 les programmes des chaînes publiques. Leurs actualités fréquentes (toutes les deux heures de 16 heures à minuit) et relativement brèves (celles de 20 h, les plus longues, durent vingt minutes), sont complétées tous les jours de la semaine à 18h15 et presque tous les soirs vers 21 heures par des programmes qui traitent deux ou trois sujets d’actualité plus en

deux associations les plus «dans le vent», visant un public de jeunes, que sont Veronica et Tros ?

Des En

associations

variées

fait, depuis

la fin des

années 60, la

«couleur» d’une association n’a cessé de s’affadir. Il existe bien sûr encore quelques différences entre elles. Les associations d’inspiration religieuse émettent un pourcentage relativement important de programmes sur la religion (environ 10 % pour l’association protestante NCRV, alors qu’une association « neutre » n’y consacre aucune place). Les films ou séries qu’elles choisissent ont un caractère plus «bon enfant », présentent très peu de violence, et tendent à transmettre un message moral. La petite maison dans la prairie est un exemple typique de feuilleton retransmis par l’association évangélique EO. A l’opposé, l’association « neutre » Veronica, conçue pour un public de jeunes, diffuse beaucoup de musique populaire, de films d’action même violents, et est la seule

à oser présenter des programmes érotiques, des émissions sur le sexe, et des films osés. Mais

certaines associations ont connu des modifications radicales qui les ont dénaturées: la VPRO, autrefois caractérisée par son origine protestante, est aujourd’hui une association avant-gardiste, qui recherche surtout la qualité des programmes et n’hésite pas à adopter des formes inédites au risque de réduire son audience. La VARA, il fut un temps socialiste pure et dure, est devenue une chaîne populiste avec des jeux et des feuilletons qui visent le grand public. D'une façon générale, les grandes associations du réseau public tendent à se ressembler. Toutes présentent des jeux et des séries, des talk-shows, des programmes d’information, des émissions culturelles et pour enfants. D’ailleurs, toutes sont tenues, selon la loi néerlan-

daise, de respecter des quotas pour leurs programmes: 20 % des programmes doivent être culturels, 30 % informatifs ou éducatifs, et 10 % consacrés à l’art (ce pourcentage pouvant être ou non compté dans le pourcentage de programmes culturels). De plus, elles doi-

de leurs émissions, cela afin d’éviter que seu-

profondeur. Enfin à 22 h30, la NOS, l’asso-

ciation qui réalise les programmes communs, présente de nouveau des reportages et des commentaires sur l’actualité du jour. Les documentaires sont également nombreux (presque un par jour) et en général de bonne qualité. Ils abordent des sujets les plus divers, allant des reportages sur le tiers monde aux thèmes de société en passant par des sujets originaux ou plus grand public, comme les pannes de voiture... Les films sur la nature constituent environ 4% de tous les programmes dits d’information.

Enfin, les talk shows sont en

vogue dans ce pays. Mais leur qualité est loin d’atteindre celle d’une Marche du siècle ou d’un Apostrophe. Il s’agit le plus souvent de personnes qui viennent raconter leurs problèmes, l’animateur essayant, à l’aide d’un spécialiste, d’y trouver une solution. Les grands débats sur des thèmes politiques, culturels ou de société sont, eux, quasiment absents des

ondes néerlandaises.

La place de la fiction C’est, par contre, la fiction qui vient en première place des programmes des chaînes privées, alors qu’elle prend le deuxième rang pour ceux des chaînes publiques. La grande majorité des séries, soaps ou films viennent de l’étranger. 90 % des films diffusés sont 25

Les télévisions du monde

même achetés ailleurs. bien sûr des État-Unis nes publiques et 75 % vées), le reste venant

La part du lion vient (60 % pour les chaîpour les chaînes pride Grande-Bretagne,

d'Australie, d'Allemagne, d’Italie, de France,

etc. Quelle que soit leur origine, tous sont diffusés en VO et sous-titrés en néerlandais. Bien sûr, rien n'empêche les Néerlandais doués en langues (et ils sont nombreux) de regarder les films diffusés par la BBC ou par les chaînes allemandes. au risque de regarder James Dean ou Michel Piccoli parler en allemand... Par contre, en ce qui concerne les soaps, de plus en plus sont fabriqués au niveau national, le modèle américain étant adapté aux habitudes et aux problèmes typiquement néerlandais de façon à ce que les téléspectateurs s’identifient mieux aux personnages. Comme dans les autres pays européens, les jeux et les reality shows ont envahi progressivement les chaînes publiques et privées des Pays-Bas. Chaque association a son jeu qui est transmis vers 18 heures. Les comiques constituent, par contre, une véritable spécialité nationale. Les Néerlandais se plaisent à dire que, à l’instar de leurs voisins allemands, ils disposent d’un sens inné de l’humour. De nombreux one man show font régulièrement leurs sketches télévisés. Certains, comme Freek

de Jonge, restent pendant une heure en scène et racontent des histoires qui s’entremêlent, avec un humour satirique qui touche tant la psychologie des individus que les rouages sociaux. Ou encore le dimanche soir deux comiques commentent l’actualité de la semaine selon une approche critique de gauche, et la prennent comme prétexte à la réalisation de sketches. Sans parler du spectacle comique d'André van Duyn, un dinosaure de la télévision néerlandaise. Ou bien encore de Paul de Leeuw qui raconte, chante, et interviewe de façon comique et provocante des personnes sur des sujets sensibles comme le sida ou l’homosexualité.… Voilà pour les « grands ». Les programmes néerlandais sont cependant loin d’oublier les

jeunes: les chaînes publiques leur consacraient même 13 % de leur temps en 1993. Chaque association a ses propres programmes pour l’enfance, ce qui multiplie leur variété. De

nombreux dessins animés, des programmes de clowns, d’autres mettant en scène des enfants

concernés par les problèmes des animaux, l’éternelle Rue Sésame et bien d’autres encore, 252

jusqu’à la diffusion d’un véritable Jeugdjournal, des actualités pour enfants. Ce journal quotidien présente les actualités du journal des adultes d’une façon accessible par les enfants, et y ajoute quelques thèmes les concernant spécifiquement. Aussi, la chaîne Kindernet diffuse pendant plusieurs heures par jour des programmes uniquement destinés aux enfants.

Le sport et le commerce Enfin, dans un pays où les habitants pratiquent plutôt deux sports qu’un et plutôt trois que deux, ce tableau ne pourrait être complet si l’on n’y mentionnait les programmes sportifs. Les chaînes publiques leur consacrent 10 % de leur temps. Tous les jours, la NOS diffuse un journal des sports à 22h15. Le dimanche et le mercredi, les émissions sportives occupent une grande partie de leurs soirées. Les fanatiques peuvent aussi Zapper sur la chaîne belge BBC 1 qui consacre le samedi une grande partie de sa journée au sport. Enfin, la chaîne Eurosport, qui peut être écoutée en néerlandais, permet aux drogués du sport de consommer à toute heure de la journée leur dose d’émissions sportives. Mais c’est surtout le sport national, le football, qui réveille les passions des Néerlandais. Les matchs de foot détiennent régulièrement les records d’audience. Que l’on en juge: sur les 10 émissions les plus regardées en 1993, 8 étaient des matchs de foot. Lors des compétitions internationales, le nombre des auditeurs peut atteindre des records absolus: 11 millions (pour une population totale de 15 millions d’habitants !) pour les matchs du Mondial 1994 auxquels participait l’équipe nationale... Les matchs qui font s’affronter les grands clubs nationaux, comme AjaxAmsterdam/Feyenoord-Rotterdam, ou un match comme Ajax/Auxerre, sont également au Top 20 des programmes les mieux regardés en 1993: Mais s’ils sont sportifs, les Néerlandais ont aussi une longue tradition de commerçants. Ook dat nog (Encore ça) est une émission diffusée depuis cinq ans, le soir à 20h15, en plein prime time, avec un immense succès. Organisée avec une association de consommateurs, elle s’intéresse aux erreurs et aux abus qui surviennent parfois lors d’un achat ou face

———

— ——— —"

à l’administration. Par exemple, un canapé n’est pas livré à la date prévue, et lorsqu'il arrive, il a une autre couleur que celle demandée, le tissu est déchiré, etc. L'équipe du programme tente alors de résoudre le problème, de contacter la direction du magasin pour réparer le dommage, et donne des conseils aux consommateurs. Tout cela se passe de façon amusante, quatre présentateurs reconstituant par des sketches le déroulement des événements et accompagnant l’émission de blagues et d’ironie

face à la situation.

En

1993, cette

émission venait, après le sport, le journal de 20h et la commémoration des morts de la Seconde Guerre mondiale, en quatrième place des programmes les plus regardés.

Pays-Bas ie

_ . _]_].î.î].—].

fait une déclaration qui est enregistrée sur une cassette vidéo. Celle-ci est montrée en direct à la personne aimée et le public attend avec émotion sa réaction: va-t-il répondre positivement ou la rupture est-elle définitive? Ce programme du producteur John de Mol est non seulement populaire aux Pays-Bas, mais s’est également vendu en Allemagne, en Espagne, au Portugal et en Italie. Même succès pour l’émission Love Letters, ou des personnes se demandent en mariage, et où, ensuite, un jeu détermine quel couple va pouvoir se marier devant les caméras de télévision. Ou encore du Surprise Show, ou des personnes sont surprises de diverses manières, revoient de façon inattendue des membres de leur famille. Les larmes. et le rire. On l’a dit, les Néer-

Crimes et reality shows Dans le même genre de réalisations à but plus ou moins informatif, mais sur un autre thème, plusieurs émissions sur la criminalité ont ici des succès d’audience étonnants. Actuellement,

deux

émissions,

Deadline

et

Opsporing Verzocht (On recherche) tentent de résoudre, en collaboration avec la police, des

crimes ou délits non élucidés jusqu'alors. Des victimes viennent témoigner et des conseils sont donnés aux spectateurs pour ne pas se faire voler, cambrioler, agresser. En avril 1994, juste avant les élections législatives,

Deadline avait réalisé un scoop en filmant avec une caméra cachée des membres du parti d’extrême droite qui racontaient comment ils avaient mis le feu à des centres d'immigrés, ce qui avait suscité une grande commotion dans le pays et peut-être contribué au faible score de l’extrême droite (3 %) aux élections. Mais ne nous y trompons pas. Les Néerlandais adorent aussi s’attendrir devant leur petit écran. Et avec les reality shows, les sen-

timents ont le vent en poupe. L'émission néerlandaise All you need is love est allée une fois jusqu’à retenir 60 % des téléspectateurs, soit 3,6 millions

de Hollandais

le souffle

coupé.

«Nous partons de l’idée qu’il y a des millions de gens qui sont seuls ou se sentent seuls. Et nous essayons d'y remédier », explique Martin Anders, impliqué dans la réalisation du programme. Lorsqu'une personne est amoureuse d’une autre, ou bien désire renouer

une relation qui s’était défaite, cette personne

landais disposent d’un inégalable sens de l’humour. Les comiques sont donc légion à la télévision. Mais ceux qui attirent le grand public sont ceux qui arrivent à en faire un spectacle. André van Duyn, qui fait rire depuis des lustres, est de ceux-ci. Ses sketches sont

entrecoupés de danses ou de chansons.

Ou

encore le show de Paul de Leeuw, déjà cité,

qui a lieu le dimanche après-midi et bat des records d’audience. Ces personnalités, dont les programmes n’ont pas le clinquant d’un Champs-Elysées, remplissent la même fonction sociale de divertissement grand public qu’un Drucker

en France, mais à la sauce

hollan-

daise: humoristique et critique. Cependant le rassemblement national autour des vedettes du petit écran est quelque peu fictif. Les enquétes montrent en effet que si en général, les différentes classes sociales regardent autant de programmes d’information et de fiction, leurs différences se manifestent lors de l’écoute des programmes de divertissement: plus la personne jouit d’un haut niveau d’éducation, moins elle les regarde. Enfin, la fiction est également présente dans le palmarès des émissions. Les séries néerlandaises sont nombreuses. La plupart sont des soaps à faible budget, se déroulant essentiellement en intérieur et exposant les problèmes relationnels et de la vie quotidienne des personnages. Elles sont diffusées à l’heure du prime time des séries, un peu plus tôt que celui des films et des spectacles, en général vers 18 h 30-19 h (l’heure à laquelle les Néerlandais finissent de manger). Oppassen (Baby sitting), une comédie autour de baby-sitters dans laquelle interviennent souvent les problèmes 253

Les télévisions du monde

d’environnement, est très populaire. De même Medisch Centrum West (Centre médical Ouest), une série dont le cadre est un hôpital, et qui met en scène les histoires relationnelles entre docteurs, infirmières et patients. Sans oublier l’éternel Goede tijden Slechte tijden (Bons moments, mauvais moments), qui, tous les soirs de la semaine à 20 heures depuis des années, poursuit l’histoire des mêmes personnages typiques de la classe moyenne néerlandaise.. Cela n’exclut sûrement pas les séries américaines: The Bold and the Beautiful et Flying Doctors décrochent dans ce pays des records d’audience. Les films les plus regardés et appréciés des Néerlandais viennent d’ailleurs tous d’outreAtlantique. Selon les informations récoltées auprès des diverses associations diffusant le plus de programmes populaires, RTL4, AVRO, Veronica, TROS, les genres qui accro-

chent le mieux ici sont d’abord les films d’action et d’aventure, puis les films romantiques et dramatiques et les comédies. James Bond est l’exemple type du film à succès, mais aussi Police Academy, ou encore des films dramatiques comme À cry for help, qui raconte l’histoire d’une femme battue et de son procès contre la police. D’ailleurs, les films plus psychologiques mais très connus ou aux acteurs réputés, comme Rain Man peuvent aussi remporter d’excellents scores. Par contre, les films néerlandais sont rares, et leur ligne épurée, leur rythme plus lent ne sont pas de ceux qui attirent le plus grand public. Face à l’attirance du modèle américain, le

paysage audiovisuel néerlandais réussira-t-il à préserver son identité? Le gouvernement néerlandais a choisi de conserver des chaînes publiques dont le profil se distingue des chafnes privées, notamment grâce au système des quotas. Mais ces exigences sont justement à l’origine des velléités d’évasion de certaines associations tentées par l’aventure du privé: c’est le cas de Veronica, une association des-

tinée aux jeunes « dans le vent», et qui est sur le point de prendre le large. Ces événements illustrent bien le fait que la menace du système ne vient pas seulement de la concurrence du privé, mais arrive aussi de l’intérieur: les associations mêmes, clés de la diversité des

programmes, sont séduites aussi bien que RTL4 et 5 par les modèles d'émissions à l’américaine. Au 254

moins

leur

système

de financement

permet-il de laisser des espaces protégés pour la réalisation de programmes originaux. La télévision néerlandaise, par son système public multiforme, ses chaînes privées et sa grande ouverture sur l’étranger, continue malgré tout à refleter les multiples facettes de nos sociétés. Sophie PERRIER

Les programmes français Sur les chaînes de télévision publiques et privées néerlandaises, les seuls programmes français diffusés sont des films. Grossièrement, on peut estimer qu'environ 5 % des films étrangers (qui représentent 90% du total des films) sont français. Il faut dire que la France n’est pas en vogue dans ce petit pays très tourné vers les pays anglo-saxons. Ainsi, si tous les Néerlandais parlent anglais,

très peu d’entre eux comprennent le français. D'autre part, les Néerlandais, habitués aux

films américains au rythme soutenu, n’accrochent pas forcément aux films plus psychologiques et plus lents venus de France. Cela n’empêche pas de temps à autre qu’une association prenne l’initiative d’une rétrospective française. Cela a été le cas en 1994 où, pendant plusieurs semaines, des films avec Brigitte Bardot, puis des films de Claude

Lelouch,

ont

été diffusés

sur

les

ondes hollandaises. En fait, la façon la plus sûre de trouver un film français est de faire le détour... par la télévision belge néerlandophone (qui arrive par câble jusqu’à presque 90 % des foyers néerlandais)! La Belgique étant un pays à moitié tourné vers la France, même les chaînes néerlandophones diffusent fréquemment des films français. L'avantage pour un Néerlandais est qu’il pourra lire les sous-titres dans sa langue! Enfin depuis 1985, TVS Europe a fait son apparition sur le sol néerlandais. Aujourd’hui, ce sont 70% des foyers qui peuvent la capter grâce au câble. Cependant, les enquêtes montrent que les Néerlandais ne regardaient TVS qu’environ 2 heures par an en 1993! Et l’on peut se demander s’il s’agit bien des Néerlandais et pas plutôt des quelques milliers de Français ou ressortissant d’autres pays francophones résidant aux Pays-Bas. Car les francophiles ne sont plus légion dans ce pays.

Portugal

Portugal Superficie: 92 082 km? Population: 9 300 000 habitants Capitale: Lisbonne Langue utilisée à la télévision: portugais Nombre de téléviseurs: 80 % des foyers Nombre de magnétoscopes: 37 % des foyers Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 2 Nombre de chaînes reçues sur le câble: celles de tous les satellites qui arrosent l’Europe Nombre d’antennes paraboliques 7 % des foyers Pourcentage de programmes français: quasiment inexistants

La guerre des audiences fait rage dans le paysage audiovisuel portugais (PAP) où tous les coups sont bons pour gagner une confortable portion du gâteau publicitaire devenu exigu après la création en 1992 de deux chaînes privées (la SIC et la TVI-catholique) venues s’ajouter aux deux réseaux de l’Etat. La dérégulation est de mise, le direct est à la mode, les programmes sont chamboulés au moindre prétexte de l’actualité. Les coucours populaires, les soaps américains, les reality shows et les films classiques ou assez récents se succèdent, se ressemblent et parfois se répètent à quelques jours d’intervalle dans les quatre chaînes. Les meilleures « vedetteslocomotives » de la télévision publique ont signé des contrats fabuleux avec la concurrence et ont changé d’écurie. Les feuilletons brésiliens, très prisés par les Portugais, passent le matin, l’après-midi et le soir, et le football occupe une place royale dans les programmations. Les téléspectateurs portugais qui viennent en tête de tous les autres pays européens, avec une présence de 258 minutes par jour devant le petit écran (contre 177 minutes en France et 125 minutes en Suède) ne savent plus à quel saint se vouer. Mordus au jeu, ils ont appris à zapper et sont devenus plus exigeants. Invité à participer en direct sur la Place publique pour manifester son mécontentement,

à plaider sa cause dans Le juge décide, révéler ses dons artistiques dans Pluie d’étoiles ou encore à mettre à l’épreuve ses émotions devant les caméras dans un programme très controversé pour sa sensiblerie mais de grande audience qui s’appelle Pardonne-moi — le téléspectateur portugais est devenu la cible numéro un dans cette guerre d’audiences à la vie à la mort. Roberto Carneiro, président de la chaîne catholique, la Télévision indépendante (TVIQuatro), ancien ministre de l’Éducation dans un précédent gouvernement du premier ministre libéral Cavaco Silva, affirmait récemment:

«J'ai un an pour arriver à 25 % d’audience et je pense pouvoir atteindre les 30 % d'ici deux ans. » La TVI et la SIC — celle-ci dirigée par Francisco Pinto Balsemao, ancien premier ministre, fondateur du Parti social-démocrate

(PSD, au pouvoir), patron du plus important groupe de presse qui possède notamment le plus influent des hebdomadaires portugais (Expresso) — savent qu’elles ne pourront subsister que si elles deviennent viables jusqu’en 1996. Aucun actionnaire ne pourra supporter que ces deux chaînes procèdent, comme elles l’ont fait jusqu’à maintenant, à des renforts annuels de capital de l’ordre des 5 millions de contos (150 millions de francs). Et la consolidation de leur position dans le PAP ne peut se faire que par le partage de l’influence de la RTP qui, en 1987, s’octroyait plus de 53% des recettes publicitaires nationales. En attribuant en février 1992 les deux chaînes privées, le gouvernement libéral du premier

ministre Anibal Cavaco Silva mettait fin au

monopole d’État dont jouissait depuis 1955 la Radio Télévision Portugaise (RTP) avec ses deux réseaux: RTP1 (Canall) et RTP2 (Canal 2). Il entendait ainsi instaurer une « saine concurrence » en faveur du pluralisme et couper court aux critiques fréquentes de l’opposition et du président socialiste Mario Soares contre les pressions du gouvernement sur la télévision publique. D'autre part, il y avait la promesse réité289

Les télévisions du monde

rée successivement par plusieurs gouvernements après la «Révolution des œillets » d’avril 1974, d’attribuer une chaîne de télé-

vision à l’Église catholique en reconnaissant l’importance de cette institution dans le tissu social et traditionnel du pays. Entrée sur un pied d'égalité avec deux autres groupes dans la course

à l’attribution

des

deux

chaînes,

l’Église catholique, qui disposait déjà d’un réseau de radio (Radio Renascença) couvrant tout le pays, a été choisie, ainsi que la SIC (voir ci-après) « pour la qualité technique du projet, sa fiabilité économique, le contenu des programmes et sa capacité de réponse à la diversité de l'intérêt public ». Le gouvernement tenait toutefois à souligner que son choix, au détriment d’un autre présenté par un ancien PDG de la télévision publique et ancien ministre de

la Communication

sociale,

l’avocat

Proença de Carvalho, n’avait pas été motivé par des considérations d’ordre politique ou religieux. Les seules réserves à l’octroi des deux chaînes privées ont été émises à cette occasion par des experts financiers et commerciaux qui se demandaient s’il y avait la place pour quatre chaînes et s’il ne serait pas mieux de

concentrer tous les efforts autour d’une seule

chaîne privée, ou que l’Etat se départisse de l’une des siennes (la RTP 2, à vocation culturelle et politique). La société indépendante de communication (SIC) a été la première à commencer ses émissions en octobre 1992. Dotée d’un capital initial de 6 millions de contos, elle est dirigée par le groupe Soincom (25 %), le holding où le groupe Pinto Balsemao est majoritaire, formé par neuf sociétés liées à la presse écrite et régionale ainsi qu’à la distribution de films et à l’édition. 15 % du capital est détenu par la Comar,

une

holding des frères Marinho,

propriétaires du géant de la télévision brésilienne Globo. Ces deux groupes se proposaient de donner davantage de place à l’information et à l’actualité sociale que les chaînes publiques. Ils voulaient une information « plus nerveuse, plus rigoureuse et plus sérieuse ». Modeste à ses débuts — elle limitait sa grille au soir, de 17heures à minuit — la chaîne de la SIC est venue jeter le vrai pavé dans la mare de l’information télévisée au Portugal. «Nous n'’allons pas vous montrer le Portugal assis, le Portugal des déjeuners, des dîners mondains. Nous allons pratiquer des émissions en direct >, annonçait Pinto Balse256

mao en préconisant d’interrompre les programmes avec des flashes d’information. Selon lui,

«il est possible d’être populaire sans être populiste et d’être en même temps intelligent ». Ces émissions commencent normalement vers 11 heures du matin et se terminent à deux heures la nuit, avec un pourcentage de 60 % de production nationale. Elle a entamé sérieusement l’audience de sa rivale la plus directe (RTP1), grâce notamment à ses programmes d’information et aux feuilletons brésiliens (telenovelas) du réseau Globo. Pour la première fois, l’audience de la RTP1 est descendue sous

la barre des 50 %. Pour lui donner un grand coup, la SIC passait en exclusivité à l’été 1994 tous les feuilletons de Globo, privant ainsi la télévision de l’État d’une source importante de sa popularité auprès des spectateurs. Le journaliste Emidio Rangel, directeur de la SIC, considère qu’en Europe on ne fait pas mieux qu’au Portugal dans le domaine de la programmation et qu’il y a beaucoup d’émissions de sa chaîne, notamment des reportages, qui passent sur France 3. Les contraintes de cette guerre des audiences sont toutefois visibles et risquent d’infléchir la politique des chaînes, obligés de faire feu de tout bois pour survivre financièrement. Emidio Rangel minimise le récent contrat de sa station avec deux Eglises qui lui louent une plage horaire. Davantage que d’Églises, il s’agit pourtant de deux sectes (l’Eglise Mana et l’Eglise du Royaume de Dieu), très influentes au Brésil, qui ont fait au cours des quatre dernières années de nombreux fidèles au Portugal. « Leurs programmes sont préparés par des équipes appartenant à ces Églises et nous ne sommes responsables que de leur diffusion. La SIC ne ferme pas ses portes aux différentes confessions religieuses, montrant ainsi sa vocation pluraliste », affirme-t-il. Mais l’ouverture de la SIC à ces programmes grassement payés relève davantage d’une recherche de recettes tous azimuts que du souci de pluralisme affiché par son directeur. Le secret de la réussite de la SIC vient du choix et du dosage des feuilletons brésiliens, des journaux d’information nerveux et très critiques envers le gouvernement, de la foison des reality shows ainsi que des programmes sportifs (football, basket-ball) et des programmes osés importés d’Italie ou d'Allemagne

Portugal OO

mm

(Tutti Fruti) ou des États-Unis (Play Boy) que la station passe après minuit. Au cours de ces quatre derniers mois, la SIC a ravi plus de 10 points d’audience à la

RTP1 et fait jeu égal avec la télévision de

LA GUERRE DES CHAÎNES FAIT RAGE AU PORTUGAL

DALLAS SUR TAGE «

.

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»

+

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Les Portugais sont désabusés. La concurrence acharnée entre les chaînes n'a pas réellement contribué à diversifier l'offre de programmes, et l'ensemble du secteur se débat dans une crise financière permanente.

l'Etat. En juin 1994 l’émission du samedi de son programme quotidien Femmes de sable (feuilleton brésilien produit par le réseau Globo) a battu un record historique. Pour la première fois, en effet, elle a dépassé l’audience de

a bataille de l'asilience

procurant les droits de des matches de fobthal

ü débauschomt

Parabens (bonne fête), un concours destiné à

ceux qui fêtent leur anniversaire, avec multitude de cadeaux, musique, variétés et humour.

Ce programme est présenté par Herman Jose, la vedette fétiche et impertinente de la RTP1, mi-Jacques Martin, mi-Patrick Sabatier, qui a connu un fort succès en présentant des années durant une version très populaire et très farfelue de La roue de la fortune.

M. Pinto Balsemso, patron de la SIC, en compagnie de la jeune Brésilienne Lilisns Ramos, dont les aventures politico-nmoureuses ont passionné les téléspectateurs portugais.

Le PDG de la SIC table sur les bons films,

classiques et récents, pour creuser l’écart qui le sépare de la RTPA «Lusomundo (une société de distribution, actionnaire de la SIC) est pour nous un associé important dans la mesure où elle fournira 40 % de notre programmation en langue non portugaise. public y gagnera du bon cinéma ».

Le

Pinto Balsemao, 57 ans, le patron de presse le plus important au Portugal, potentiel candidat à la succession du président socialiste Mario Soares en 1996, se défend toutefois de

vouloir répéter l’effet Berlusconi. Il fait valoir son expérience politique et le fait d’avoir été un des fondateurs de l’actuel parti au pouvoir (PSD). Mais il est certain que son avenir politique est lié très fortement à l’avenir de sa chaîne de télévision. Figée, neutre ou réductrice, tournée vers une

actualité internationale inoffensive dans ses répercussions internes et limitée à des informations institutionnelles de propagande — la RTP1 a été depuis sa création en 1995 un des piliers du régime salazariste qui a duré plus de quarante ans. Elle a accompagné l’euphorie de la « Révolution des œillets » en avril 1974 ainsi que le naturel débordement de tous les secteurs de la vie portugaise. Tour à tour populiste, sincère, maladroite, toujours active,

elle est vite retombée sous la coupe des partis politiques au pouvoir. Son parcours à connu tous les soubresauts du « processus révolutionnaire en cours » et les expériences de la consolidation de la démocratie. Son personnel

vie

d'un pé
. Elle ouvrait également la porte à des collaborations SSRmilieux privées; le parrainage, jusqu'ici interdit, était autorisé sous la forme d’une plus grande souplesse dans le recours à des financements publicitaires. 1992-1993: restructuration au pas de charge. Bien que soumise à son autorité de tutelle (le gouvernement fédéral), la SSR était une association de droit privé exerçant un monopole public par délégation de pouvoir. Ses modes de gestion étaient relativement lourds car il fallait veiller à maintenir les sacro-saints équilibres politico-linguistiques du fédéralisme. Satisfaisantes pendant des décennies, ses structures étaient devenues inadaptées. La SSR demeure une association de droit privé, mais avec un allégement considérable de ses structures : elle doit fonctionner comme une entreprise. 263

Les télévisions du monde

quel (vendredi 20 heures), À bon entendeur (défense offensive des consommateurs), le magazine scientifique Télescope, Spécial cinéma (film et invité sur le plateau) ou, LR,

&

encore Table ouverte, vénérable émission de

7 four

NAVARRO &

Réat. LIU

Navarro

NUIT LEXUS

en

Suisse

La Télévision suisse romande: charme, séduction et audimat L’année 1992 a accéléré les modifications de la grille des programmes: suppression de certaines émissions (littéraires, par exemple) remplacées par des programmes plus attractifs. La logique de l’audimat a contribué à adoucir l’image publique d’une télévision jugée trop austère, pour prendre les traits du charme et de la proximité. Nouveau logo, ravalement ou création des décors de studio, promotion accrue des programmes maison avec de nouvelles têtes, jeunes, et répétition jusqu’à satiété — on en rira dans les chaumières — du slogan «Nous sommes votre télévision ». Nouveaux espaces publicitaires et nouveaux tarifs, sponsorisation et nouveaux types de financement: tout cela ne pouvait rester sans conséquences sur la programmation. Plus que jamais, la TSR entend sauver sa place dans le prime time et regagner de l’audience sur des espaces horaires, notamment avant 19 heures et après 22heures. Un deuxième objectif est de rajeunir le public, soit par la création d’émissions nouvelles, soit par un style plus cool. Un rejet: l’émission éducative Magellan malgré son excellente réputation n’a guère bénéficié de ces changements, ni en moyens, ni quant à son heure de diffusion. Dans ce cours nouveau, la TSR a le mérite

de continuer à programmer, presque chaque jour, une émission maison de qualité comme elle le fait depuis 20 ans et plus, après le téléjournal de 19 h 30 (audience maximum comme il se doit). S’imposent notamment deux magazines, Temps présent (jeudi 20 heures) et Tell 264

débat en direct avec interventions téléphoniques du public, programmée depuis bientôt trente ans le dimanche à 11 h 30 (en moyenne, selon les sujets traités, l’audience de ces émissions varie de 15% à 35 %). Dans le domaine de l’actualité le mot d’ordre est plus que jamais Problèmes suisses ou Regard suisse sur l’étranger. Une nouvelle émission, Face à la presse, en est une

illustration. Un autre exemple révélateur est fourni par la réorientation du prestigieux magazine Temps présent (plus de 1 000 émissions à ce jour). Conçu sur le mode du dossier d’une haute exigence journalistique, ce magazine, le plus primé de la TSR, parvenait souvent à créer l’événement par sa volonté de synthèse et d’indépendance. Il veille à rester à la hauteur de sa réputation, mais il traite désormais plusieurs sujets à la fois, proches de l’actualité, et renonce en partie aux dossiers de soixante minutes — que, dixit l’audimat, une audience élargie trouve trop longs. Parallèlement, la TSR a réduit mais renforcé ses départements de création et de gestion, avec une logique d’esprit d’entreprise et des critères d’efficacité. Elle a créé des programmes pour jeunes et pour enfants en essayant d’éviter le modèle Dorothée mais sans échapper aux cadeaux et concours d’une télévision dite «plus interactive ». Des jeux et divertissements à budget modeste ont été testés avec plus ou moins de succès (et de parrainage). Ainsi Téléduo, animateur dynamique et gaieté sur le plateau, une sorte de Roue de la fortune du pauvre... (modestie des décors et absence d’animatrice de charme): l’objectif est de récupérer durant le week-end et en semaine, dès 18 heures, les

adeptes de TF1. Parmi les nouveautés

de fin de soirée, les

essais ont été moins concluants dans la rubrique dite « coquine » (après 23 heures) avec des émissions comme Vanille-fraise (soft sex) ou Oh, les filles, dialogue intime et souvent com-

plaisant entre des invités et une animatrice ad hoc. Compte tenu de son budget, la TSR a en partie renoncé aux variétés — trop coûteuses par rapport aux offres des chaînes françai-

Suisse Er

—_—..——

ses —, mais à développé une politique fructueuse de coproductions francophones. Ainsi, certains épisodes de séries comme Navarro ou L'instit sont réalisés dans un cadre helvétique et la TSR bénéficie d’une priorité de programmation pour d’autres épisodes. Moins originale est sa politique d’occupation du terrain, matin et après-midi, par des

diffusions systématiques de séries américaines, de feuilletons français (Hélène et les garçons), brésiliens.

La télévision suisse alémanique : tradition et menaces La télévision suisse alémanique — en allemand SE-DRS, pour nous ci-après « TSA » — constitue, et de loin, la grande sœur des trois chaînes nationales. La sacro-sainte péréquationredistribution risque aujourd’hui de devenir un moyen de pression car la TSA est tentée d’augmenter sa part du gâteau, au détriment des deux autres chaînes minoritaires. Paradoxalement peut-être, la plus importante des trois chaînes est aussi la plus exposée, la plus fréquemment contestée. Pour différentes raisons. Tout

d’abord,

elle doit s’adresser

à des

populations contrastées, allant des cantons fondateurs de la Suisse centrale — profonde — réputés traditionalistes et conservateurs, aux grandes villes comme Berne — capitale garante des valeurs nationales — Bâle et sa tradition éclairée et libérale et enfin la puissante Zurich, dont le poids économique excède son million d’habitants et qui abrite la fraction la plus importante et la plus influente de la droite du pays. Celle-ci ne manque donc pas de surveiller de près les programmes de la TSA réputés manipulés par des journalistes gauchistes — le plus souvent des personnalités proches des mouvances socialistes, écologistes, et féministes.

Par ailleurs, de puissants éditeurs et groupes de presse, dont la maison Ringier (son chiffre d’affaire est supérieur au budget total de la SSR) souhaitent depuis longtemps bri-

ser le monopole d’une SSR réputée « arrogante» par la création de chaînes privées. Enfin dans cette partie la plus câblée du pays (plus de 65 %), la concurrence des chaf-

nes de langue allemande, publiques et privées, est très forte, en particulier les appétits de l’omniprésente RTL. Avec une part de marché de l’ordre de 30 % la TSA développe par nécessité ses propres parades. D’une part, la tradition des grands magazines et débats sur des sujets nationaux s’est renforcée, avec la création très appréciée d’un bref magazine quotidien, 10 vor 10 (10 moins 10). Deuxième ligne de défense, des émissions de variétés nationales d’une certaine ampleur grâce à un budget adéquat. Enfin, un retour au schwytzerdutch (suisse allemand comportant de nombreuses variations dialectales selon les cantons), au détriment du hoch deutsch ou «bon allemand >» — qui n’est plus utilisé que dans moins de 25 % des programmes, dont le téléjournal. On assiste aussi à un renforcement de la télévision de proximité qui fait la part belle aux traditions folkloriques en costumes et chorales de circonstance. Compensation ou consolation pour les francophones: se multiplient les émissions alémaniques avec traduction simultanée en son bi-canal.

L’onde De

de choc RTL

même

que

la TSR

avait dû, en

son

temps, faire face au phénomène TF1 privatisé, le public suisse alémanique cède depuis quelques années aux séductions des chaînes privées allemandes Sati et RTL. En 1993, la concurrence de RTL s’est trans-

formée en psychodrame, lorsque la chaîne luxembourgeoise demanda une concession pour inclure quelques heures de « fenêtre suisse » dans son programme allemand. Elle n’aurait pas manqué d’augmenter encore sa part de marché (17 %) et surtout, de drainer de la publicité helvétique. «Si le gouvernement accorde cette concession, nous sommes Cuits ou presque », déclara en substance le directeur général de la SSR. En effet, fut-il dit, la vorace et démagogue RTL, alliée vraisemblablement à quelques éditeurs suisses, en faisant main basse sur une

part de la publicité et des parrainages nécessaires à la SSR, mettrait en danger tout l’édifice de la télévision publique nationale qui risquait de se trouver dans l’obligation de solliciter une augmentation de la redevance — une 265

Les télévisions

du monde

fois de trop — ou, pis encore, de réviser au profit de la TSA la fameuse répartition, affaiblissant d’autant les télévisions romande et suisse italienne. ce scénario catastrophe, le gouvernement le contourna de justesse en avril 1994; il refusa

à RTL

la concession

en

arguant que cette nouvelle offre de programme risquait de mettre en péril les missions de la SSR. En contrepartie, le gouvernement demanda à la SSR de faire un sérieux effort pour crédibiliser sa nouvelle quatrième chaîne. Cette fameuse quatrième chaîne nationale (S+), lancée en 1993, susceptible de prendre en charge de grandes retransmissions sportives, et destinée par ailleurs à des publics minoritaires et hétéroclites (de l’ordre de 4 à 5 ), ne parvint pourtant pas à s’imposer sur ce modeste créneau en Suisse alémanique et laissa les Romands complètement indifférents, ou presque. Soulagée d’être débarrassée d’une RTL installée dans ses frontières, la SSR veut relan-

cer l’opération avortée S+ sous le label Suisse 4. Mais avec quelles perspectives ? Interrogé à ce sujet en septembre 1994, le directeur général de la SSR, A. Riva, déclarait: « On y débattra aussi, toutes régions confondues, de politique nationale ; les émissions intéressantes des différentes chaînes seront reprises en traduction soignée » (L'Hebdo, 1* septem-

bre 1994). S4 travaillera en collaboration avec différents partenaires privés. Encore un exemple de compromis à la façon helvétique! En 1995, S4 devrait pouvoir être captée dans plus de 90% des ménages suisses. On attend pour voir. Entre-temps on verra autre chose: les débuts — la concession est accordée — d’une télévision régionale zurichoise, TeleZüri, bénéficiant de l’expérience de vrais pros en la matière et, doit-on s’en étonner? de l’appui d’éditeurs et de la béné-

diction plus ou moins discrète de quelques gros calibres du capitalisme zurichois.

La télévision suisse-italienne : résister avec élégance Paradoxale TSI: alors que la population de sa région ne compte que 120 000 ménages, elle se veut télévision « nationale » et parvient à relever ce défi. On insistera moins ici sur 266

les programmes pour souligner quelques chiffres révélateurs, que les responsables de la TSI ne manquent pas eux-mêmes de mettre prioritairement

en évidence.

Ainsi, la TSI n’a que 6 000 heures de programmes à proposer face aux 180 000 heures des télévisions étrangères accessibles à son public via les téléréseaux (70% de postes câblés). Fondamentalement, elle a choisi de se battre sur son terrain en contraste avec la puissance d’attraction des chaînes italiennes: ainsi, évitant tout sensationnalisme, elle mise sur

l’information, les grands reportages, le théâtre populaire, les feuilletons familiaux et fait une place appréciable aux retransmissions de manifestations culturelles et aux documentaires de qualité. Son téléjournal de 19 h 30 bénéficie de près de 60 % de l’audience, celle-ci étant d’environ 30 % en moyenne durant le prime time. Aucun complexe d’infériorité par rapport à ses consœurs alémanique et romande. Avec son budget de 134 millions de francs suisses, elle parvient à diffuser environ 5 600 heures de programmes annuellement, dont plus de 1400 heures de productions maison. Enfin, dernière surprise, et qui n’est pas la moindre, son audience globale serait de l’ordre non plus des 120 000 foyers helvétiques régionaux, seuls pris en compte dans les sondages et l’audimat, mais de l’ordre du million de spectateurs, en comptant les 600 000 téléspec-

tateurs italophones des autres régions de la Suisse, et près de 50000 frontaliers qui la regardent. en Italie.

Tendances

et incertitudes

Dans l’ensemble, les degrés d’adhésion de leurs publics ne présentent pas entre les trois chaînes de différences notables. Par ailleurs, ces dernières années, la reconnaissance inter-

nationale (prix et distinctions) place globalement la télévision suisse en position respectable, avec peut-être une légère avance pour la TSR. Peu de bouleversements sont prévisibles au sein de la SSR, par contre, les initiatives privées vont se développer. Une soixantaine de concessions privées ont été octroyées, d’autres sont en attente ou en gestation. Celles-ci concernent bon nombre de projets fort modestes

AR Suisse

SR

Participation du public et autorité de plainte Dans les années 70, la SSR tenta de développer de façon originale des structures de représentation des téléspectateurs. Elle institua dans les différentes régions des associations de téléspectateurs visant « à servir l'intérêt public et faire valoir les intérêts des divers milieux de la population vis-à-vis de l’organisation professionnelle (responsables des programmes) ». Après un incontestable succès d’adhésion, marqué d’une forte politisation, ces « sociétés régionales de radio-télévision » ont progressivement perdu de leur importance, quantitativement et qualitativement. Pour la plupart de leurs membres elles ne devenaient que de simples chambres d’enregistrement des décisions prises par la SSR, qui, de son

remment souhaitée par des couches éclairées de la population et par la SSR elle-même. Quant aux dérives de l’audimat, Claude Torracinta qui, à la TSR, incarna, comme responsable de l’information, la résistance à ces facilités, les redoute: « Si la TSR, comme toutes

les autres télévisions, diffusait son lot de films de troisième ordre, de variétés stupides, de documentaires médiocres, de reportages ratés, elle pouvait être considérée comme une télé de qualité... Cette situation favorable devient de plus en plus difficile à préserver » (Les collections du Nouvel Observateur, n° 17, 1993). Cette observation est valable, peu ou prou, pour les deux autres chaînes. Pierre-Henri ZOLLER et René RICKENMAN

côté, en vint à les considérer comme de sim-

ples relais veillant à ce que les « intérêts des divers milieux de la population » correspondent à ses vœux. Aujourd’hui la désaffection pour ces sociétés, parfois en état de survie, semble

devoir marquer l’échec d’un essai louable de démocratisation. Quand les émissions de la SSR faillissent à leur mandat, la loi a prévu des instances de médiation. Médiateurs-conciliateurs dans chaque région peuvent régler l’amiable de certains problèmes. Si le litige est plus sérieux, intervient « l’autorité indépendante ».

(quelques heures de télévision par semaine centrées sur la vie locale), mais aussi des « poids lourds », tel Telezüri, déjà mentionné,

dont l’audience potentielle sera comparable à celle de la TSR (plus d’un million de téléspectateurs). Les rapports de force entre les éditeurs et leurs alliés économiques (banques, grandes industries) d’une part, et la SSR d’autre part, ne permettent pas de faire des pronostics solides. L'essentiel des règles du jeu étant fixé par la loi de 1992, les forces politiques ne joueront vraisemblablement pas de rôle déterminant. La SSR saura-t-elle, par contre, exercer de façon plus significative sa fonction de rapprochement des trois régions linguistiques, donc de la cohésion nationale? Sa marge de manœuvre est réelle, sous-utilisée, mais appa-

La télévision et ses

suisse

concurrentes

Les parts de marché que chacune des trois chaînes de la SSR doit partager avec les chaînes étrangères françaises, allemandes et italiennes,

sont

fortement

convergentes,

comme l’indiquent les chiffres qui suivent (moyennes annuelles pour 1993): Les parts de marché de la TSR, 32 %, la maintiennent en position dominante face aux chaînes françaises prises isolément (TF1: 29 100 DD 12/0 370 MO, autres: 15%). On constate donc que, au total, 64% des Suisses romands

délaissent

leur télévision. Exprimée en minutes d’utilisation, la moyenne est de 144 minutes par jour et par personne, dont 46 minutes pour la TSR. La SF-DSR est en moins bonne position, soit 29 % des parts de marché contre 68 % pour l’ensemble des chaînes étrangères. Le temps-TV est légèrement inférieur, 125 minutes. La TSI, quant à elle, doit se contenter de

27 % des parts de marché alors que le total des chaînes étrangères est de 67 %, dont 8% pour la RAÏII, mais 15% pour Canale. Toujours selon la même source, l’Annuaire de la SSR 1993, les Suisses italiens seraient

les plus gros consommateurs 153 minutes par jour.

avec

267

Les télévisions du monde

Turquie Superficie: 780 000 km? Population: 60 000 000 habitants Capitale: Ankara Langue utilisée à la télévision: turc Nombre de téléviseurs: 11 000 000 Nombre de chaînes publiques: 7 Nombre de chaînes privées: 300 Nombre de chaînes étrangères captables: 15 Pourcentage de programmes français: nul

60 millions d’habitants, 11 millions de télé-

viseurs (soit un poste pour un peu plus de cinq personnes): la Turquie n’est peut-être pas le pays le plus riche de la région, avec un PNB per capita aux alentours de 2 000 dollars, mais certainement celui au plus fort potentiel de développement. Dans le domaine des communications, Ankara vient de le prouver en lançant durant l’été 1994 son propre satellite, Turksat, mis sur orbitre au deuxième essai par la fusée Ariane à Kourou. La modernité du paysage audiovisuel turc est une nouveauté récente. En effet, jusqu’en 1983-1985, le pays étouffait sous le carcan étatiste issu du kémalisme. Mustafa Kemal Ataturk, le père de la Turquie moderne, avait mis en place une économie basée sur le dirigisme. Mais avec l’arrivée au pouvoir en 1983 de Turgut Ozal comme Premier ministre puis comme président de la République (il est décédé en 1993), la Turquie s’est ouverte à l’économie de marché et une partie des grands holdings d’Etat ont été privatisés ou sont en passe de l’être. Ce boom économique a permis l’apparition de près de 300 télévisions privées, nationales et locales depuis 1992. Cette anarchie a été codifiée par une nouvelle loi réglementant l’audiovisuel public et privé et la création du tout nouveau Conseil supérieur de la radio-télévision, chargé de surveiller les programmations des chaînes publiques et privées et d’attribuer les canaux. Les chaînes publiques sont regroupées au sein de l’organisme public TRT: Turk Radio Télévision. Le Conseil d'administration de la TRT propose de multiples candidats représen268

tant les grandes tendances politiques et syndicales. Ensuite le Conseil supérieur de la radiotélévision en sélectionne trois qu’il présente au président de la République. C’est ce dernier, actuellement Suleyman Demirel, qui choisit l’heureux élu à ce poste éminemment politique. Enfin, les services du Premier ministre, Mme

Tansu Ciller depuis 1992, supervise la

programmation de la TRT. Sans dépendre d’un ministère particulier, la TRT est étroitement contrôlée par deux des trois plus hautes instances dirigeantes du pays: présidences de la République et du Conseil. Contrairement à la Grèce des années 70 l’armée a su se faire discrète dans le monde de l’audiovisuel. IL faut dire qu’elle est suffisamment puissante pour imposer ses vues au pouvoir civil, surtout depuis la mort du président Ozal.

Les chaînes publiques TRT dispose de sept canaux: TRT1, TRT2,

TRT3, TRT4 et TRT International, ainsi que TRT Avrasya (vocation internationale, à destination de l’Asie centrale) et TRT GAP (vocation régionale, Sud-Est anatolien). TRT1 et TRT2 sont des chaînes publiques généralistes. TRT1 a la plus grande audience, émettant 24 heures sur 24. Elle est suivie par TRT2, d'inspiration plus culturelle, qui émet du matin jusqu’à 2 heures la nuit. Depuis l’arrivée des chaînes privées, les informations de TRTI1 et TRT2 sont beaucoup moins suivies. En effet, elles diffusent presque en intégralité tous les discours officiels et reproduisent sans critique l’idéologie du pouvoir en place. Ses JT de 20 heures, peu vivants, n’emballent plus les téléspectateurs. En revanche, les émissions de sport et plus particulièrement de football sont très suivies. Durant la tranche principale d’écoute (20 h-23 h) les téléspectateurs regardent aussi sur TRT1 et 2 les films, des jeux et des divertissements et les émissions musicales. Les grands-parents et parents sont très

Turquie

friands de musique traditionnelle et les enfants de « pop-turque » qui est désormais bien diffusée (75 % des programmes sont de production turque, 25% de production étrangère, moyenne statistique, toutes chaînes confondues). Le matin, les chaînes publiques programment des émissions pour les jeunes enfants pas encore scolarisés. L’après-midi est réservé aux enfants du primaire qui n’ont plus cours à cette heure.

Enfin,

le samedi,

la TRT

pro-

gramme des émissions de musique et de divertissements pour les adolescents. TRT2 diffuse aussi des flashs d’information en anglais, en allemand et en français durant la période touristique. TRT3 qui émet du matin à 2 heures la nuit, s’est spécialisée dans les émissions culturelles, ainsi que sur le créneau jeunesse et sport. Quant à TRT4, c’est une chaîne éducative qui émet du milieu de l’après-midi à minuit. Les canaux de la TRT produisent la majorité de leurs programmes et en achètent une grosse minorité en Occident, en particulier aux EtatsUnis. Les programmes locaux les plus appré-

mer Noire (Fédération de Russie, Ukraine avec ses populations tatares, Moldavie où réside la minorité turcophone gagaouze, Géorgie où vivent des Meshkètes, des Adjars et des Abkhazes turquifiés) sont aussi l’objet de la sollicitation de ce satellite. A noter que, même à l’époque de la guerre froide, lorsque la Turquie et l'URSS n’appartenaient pas aux mêmes camps, Ankara était déjà le premier à vendre des productions cinématographiques aux républiques soviétiques turcophones. Cette télévision est aussi la voix d’Ankara dans le monde turcophone, de la Macédoine à la Chine. Elle est accusée, à tort ou à raison, par les voi-

sins de la Turquie d’être l’instrument d’une politique pan-touranienne, et de chercher à réunir toutes les populations turcophones. Jusqu’à la fin de 1993, le domaine public contrôlait aussi plusieurs chaînes régionales municipales. Etrangement, avec la nouvelle loi de 1994, ces chaînes se sont sabordées, inca-

ciés sont surtout des séries turques, des sit-

pables de résister à la concurrence locale privée. Ce sabordage n’est pas inintéressant quand on songe qu’au printemps 1994, le parti islamique turc Refah a conquis la plupart des grandes villes.

coms, regardées par les familles. La TRT, présente chaque année au MIP-TV de Cannes, achète régulièrement quelques classiques du cinéma français, sans plus. Mais si

Les chaînes privées

elle achète assez peu, elle vend relativement,

en particulier dans le monde arabe, en Asie du Sud-Est et en Europe de l’Est. En effet, les programmes turcs, peu chers, sont appréciés des téléspectateurs de ces pays, surtout les sitcoms et les films à l’eau de rose. Mais la TRT vit aussi des subventions de l’État, de

la publicité et d’une taxe l’achat de tout téléviseur. est une spécialité turque. tez un produit « X », une vous permet de financer

de quelques % sur Cet impôt indirect Quand vous achetaxe sur ce produit un organe public

LY Ÿ.

La cinquième chaîne de la TRT, dénommée TRT-INT (Internationale), émet depuis quelques années. C’est la dernière venue dans le paysage audiovisuel public. Jusqu’en septem-

bre, elle émettait sur Eutelsat. Désormais elle

utilise son propre satellite: Turksat. Elle émet en direction des ex-républiques soviétiques turcophones: Azerbaïdjan (en guerre contre les

Arméniens Kazakhstan,

1989), Turkménistan, depuis Ouzbékistan, et Kirghizie. Le

Nord Caucase et la côte septentrionale de la

En Turquie la technologie a devancé la législation. En effet, c’est dès avant la révision de la Constitution et la nouvelle loi sur l’audiovisuel que les chaînes privées ont commencé

à s'installer. Basées

à Istanbul, elles

envoyaient par avion en Allemagne et en Angleterre leurs programmes produits sur place, en France via le système de télécommunication Numéris. Ces émissions étaient retransmises en Turquie sur le satellite. Devant cette concurrence sauvage, le pouvoir a accepté les canaux privés locaux. Dès 1993, ils se sont glissés dans ce vide juridique. InterStar fut la première à émettre. Aujourd’hui le domaine privé est relativement bien codifié. Le Conseil supérieur de la radio-télévision y veille. À l’automne 1994, ATV est la chaîne privée la plus écoutée. Elle a su capter un fort pourcentage de l’audimat turc. Elle appartient à un groupe d’hommes d’affaires qui dirige le premier quotidien national, Sabah. Ce journal, populaire à l’image du Sun britannique, est très apprécié par le « petit 269

Les télévisions du monde

peuple » des grandes villes de l’Anatolie occidentale, ATV et Sabah sont plutôt liés au courant libéral, partisan des privatisations. Derrière ATV,

Show

TV est la deuxième

chaîne privée la plus regardée. Elle appartient à un autre groupe de presse, celui détenu par Hiürriyet, un des plus grands quotidiens turcs, populaire comme Sabah, mais plutôt proche des milieux kémalistes républicains. La troisième grande chaîne privée, InterStar, appartient au groupe bancaire Iktisat qui contrôle d’autres secteurs de l’économie. InterStar joue la carte d’un professionnalisme neutre. Derrière ces trois grandes chaînes privées nationales, il y a quatre chaînes privées moyennes d’audience nationale. Kanal D appartient au groupe de presse Müilliyet, de tendance

A Istanbul et à Ankara, la population dispose aussi du câble installé par les PTT turques. Avec un abonnement bon marché, ces téléspectateurs peuvent voir toutes les grandes télévisions turques, publiques et privées, ainsi qu’une dizaine d’étrangères. A noter enfin qu’il n’existe aucun programme en langue kurde malgré plusieurs millions de locuteurs: centralisme Kkémaliste oblige. Christophe

CHICLET

centre droite, TGRT est, quant à elle, contrô-

lée par le groupe de presse Türkiye de la droite nationaliste. Les deux suivantes n’ont pas cette coloration politique. Elles appartiennent à des hommes d’affaires. Kanal6 est détenu par Ahmed Ozal, le fils du défunt président Turgut Ozal. Enfin, HBB est la propriété d’un affairiste peu connu. Enfin, le paysage audiovisuel turc est complété de près de 300 petites chaînes privées locales. Chaque ville de taille moyenne ou petite a en effet son canal qui émet dans un faible périmètre. Toutes ces chaînes privées vivent de la publicité et des fonds de leurs propriétaires, groupes de presse ou groupes industriels. Les grandes chaînes privées utilisent le satellite et disposent aussi de réémetteurs dans tout le pays. Aïnsi avec une antenne normale, le téléspectateur turc peut capter une quinzaine de chaînes. Enfin, la TRT retransmet gratuitement les chaînes étrangères sur le satellite par voie hertzienne. Les grandes villes regardent assez souvent CNN, la BBC, 3SAT (Allemagne) et les programmes allemands de RTL. En effet, beaucoup d’anciens travailleurs immigrés de retour parlent la langue de Goethe. En revanche, TVS est peu regardé, vu le nombre limité de francophones. Avec toutes ces possibilités, le recours à l’antenne parabolique est peu développé. Dans les endroits reculés et dans les villages, la population est trop pauvre pour s’en payer. En revanche, chaque café dispose d’un poste et souvent d’un magnétoscope, ce qui permet aux villageois de venir voir la télé ou des films sur des cassettes vidéo louées. 270

Fictions turques

L'essentiel

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ACTIVITE

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V

Maghreb et

Moyen-Orient

Les télévisions

du monde

oérie Superficie: 2 300 000 km? Population : 25 000 000 habitants Capitale: Alger Langues utilisées à la télévision: arabe, français Nombre de téléviseurs: 2 000 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes étrangères captables: une dizaine, dont les chaînes françaises

Avant même l’intrusion de l’antenne parabolique dans l’univers médiatique clos de l’Algérien moyen, la chaîne nationale unique de télévision, gérée par l’Entreprise nationale de télévision (ENTV), trouvait rarement grâce auprès des téléspectateurs. Depuis, la comparaison n’a pas arrangé les choses et les Algériens se sont rendus compte que leur petit écran est à des années-lumière des images qui leur tombent du ciel. Ce n’est pas une affaire de moyens ni de technologie: en effet l’'ENTV gère théoriquement un parc matériel que lui envierait plus d’une chaîne européenne. Mais la médiocrité des programmes tient le plus souvent à l’emprise qu’exercent sur ce « média lourd » des gouvernements éphémères (six en cinq ans) tenant en laisse des directeurs généraux fort respectueux de la règle du jeu. Leur souci principal est d’utiliser la télévision comme une caisse de résonance de leur politique au jour le jour. Le manque de professionnalisme et d’imagination — même lorsqu'il s’agit d’importation de séries étrangères, égyptiennes, américaines, brésiliennes — apporte une explication supplémentaire à la désaffection du public. « Le quasi-boycottage de la télévision par les nationaux pourrait être interprété comme une forme raffinée de désobéissance civile. Il ne faut pas se leurrer: si demain une plus grande partie du pays était couverte par la parabole,

un plus grand nombre d’Algériens

diraient non à la télévision algérienne, ni plus ni moins », écrit Malek Bellil, désenchanté, dans l’hebdomadaire Ruptures. 274

Les émetteurs de l’'ENTV couvrent la quasitotalité de ce pays immense (2 300 000 km?) et ses 3 500 heures annuelles de programmes sont captées par près de deux millions de récepteurs dont la moitié sont fabriqués sur place. L’une des deux usines, à Sidi Bel Abbès (Ouest algérien), a été incendiée par des groupes armés islamistes mais rapidement remise en état. L'histoire de la télévision algérienne est faite aussi de la confrontation entre la «religion de l’image » et la «religion du livre » (le Coran). Cinq journalistes de la télévision l’ont écrite avec leur sang. La faiblesse de la production nationale étant criante, le «feuilleton égyptien» (il s’agit d’ailleurs souvent de séries produites par des entreprises des pays du Golfe employant des auteurs, réalisateurs et acteurs égyptiens) s’est imposé très tôt comme le produit de substitution par excellence. Les drames sociaux occupent toujours une place de choix dans le prime time et les séries religieuses meublent tous les ans les longues veillées du Ramadan. Mais si les /oukoum stories pèsent moins dans la programmation que les soap operas, ils continuent à avoir mauvaise presse, tandis que les femmes au foyer, ne boudant pas leur plaisir, s’en repaissent toutes affaires cessantes entre 19 heures et 20 heures. La décision de surseoir à l’arabisation totale du petit écran, programmée pour le 5 juillet 1992, a épargné in extremis aux Algériens un chapitre supplémentaire dans les relations tumultueuses entre la critique et les feuilletons orientaux. Les tirs groupés se concentrent désormais sur le JT. L’effort d'adaptation du contenu, de présentation et d’animation consenti sous l’aiguillon de la «parabole», qui a ouvert l’espace médiatique aux chaînes étrangères, a été de courte durée. Le JT est redevenu la revue protocolaire de l’information, articulée sur l’agenda des représentants de l’État, dont les activités sont présentées selon une hiérarchie immuable, institutionnelle. « C’est le degré zéro de l'information », se plaint un commentateur de L'Hebdo libéré. I regrette que le téléspectateur algérien soit ainsi laissé

10 JT

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D CT

Les télévisions

du monde

en proie facile à la « désinformation » des chafnes étrangères: « l serait intéressant de voir comment les télés françaises voient le téléspectateur algérien : passe-t-il pour un niais, un complexé, un obsédé des devises et de la minijupe. TF1 et F2 nous apprécient autant que la France, la question est de savoir à quel point la France nous aime. » Revoilà posé sous une autre forme le problème mille fois débattu en Algérie des rapports ambigus de type «Je t'aime, moi non plus », entre la France et son

ancienne colonie. Une ambiguïté qui se perpétue à travers les images transmises par satellite. Le « virus » de la parabole (comprenez antennes paraboliques) a été inoculé à l’Algérie immédiatement après le « séisme » d’octobre 1988, ce soulèvement populaire qui à failli emporter le régime. Pour les uns, politiques avisés, « l’ouverture du ciel algérien » aux images venues d’ailleurs était le prélude à une démocratisation des institutions qu’ils sentaient inéluctable. La télévision nationale réussit d’ailleurs à s’engouffrer dans la brèche et à s’ouvrir aux débats politiques jusqu’à faire jeu égal avec les chaînes sur satellite. Mais pour les partisans de la « pensée unique » dispensée pendant près de trente ans par le Front de libération nationale (FLN, parti unique), l’intrusion des télé-

visions étrangères n’était qu’une diversion permettant un court répit propice à la reconquête des positions perdues. Dès qu’ils le pourront, d’ailleurs, ils partiront à l’assaut du satellite. Les réactions aux premières images étrangères « violant » l’intimité des foyers algériens jusque-là préservée, recoupent ces deux attitudes politiques contradictoires. Rassurant, minimisant le « danger » de ces programmes parachutés, voici d’abord AlgérieActualité, hebdomadaire gouvernemental, faisant dire à un des premiers privilégiés de la parabole: « Est-ce que toutes les télés se ressemblent ? Le satellite, un danger pour nos valeurs ? Allons donc! Elles en ont vu d’autres (ces valeurs) et sont loin d’être aussi impressionnables qu'une pellicule. »

Le satellite ne fait pas peur. AlgérieActualité enfonce le clou: « De toute évidence, il n’y a pas le feu en la demeure, même si cela nous oblige à ne pas ignorer des développements technologiques et des innovations qui finiront tôt ou tard par agir directement ou indirectement sur nous. » Quelques mois plus

tard,

même

enthousiasme

naïf

assorti

d’une première réserve: « Si l’Algérien qui a 276

résisté à la tentation

de déculturation,

aux

massacres, aux premiers effets de la radio et de la télévision, peut mieux exprimer sa fierté nationale à travers ses médias, alors il est fort probable que ces images plurielles envoyées du ciel ne seront que des images de culture,

de connaissance et d’enrichissement. En somme, il faut nous donner les moyens de riposter pour mieux préserver le moi national et banaliser le satellite. » Plus terre à terre, d’autres

commentateurs

font l’éloge de ces « satellites qui véhiculent l’évasion, la distraction et l'ouverture sur le monde en mettant fin au monopole de l’information » (d’État). Ils célèbrent aussi les paraboles qui permettent « le voyage sans passeport, ni devises », deux « raretés » dans l’Algé-

rie du début des années 90, qui commence à ressentir les effets de la « contrainte extérieure »,

comme on disait par euphémisme, autrement dit la quasi-fermeture du marché financier international aux demandes algériennes. Ces quelques phrases résument la perception superficielle que les autorités avaient de l’impact à court terme des télévisions étrangères sur la société. Le choc frontal leur révélera la fragilité de l’« identité nationale » et des « constantes » censées lui donner sa substance: arabité, islam, valeurs de Novembre d’indépendance), etc.

(la guerre

Dans la rue, pastichant le mot d’ordre officiel « Pour une vie meilleure » par lequel le président Chadli Bendjedid voulait marquer le début de sa présidence après des années d’austérité boumédiéniste,

les jeunes de moins

de

vingt ans proclament sans illusions : « Pour une vie meilleure, partez ailleurs. » Les «hittistes », ces désœuvrés adossés toute

la journée aux murs de leur quartier (d’où le sobriquet qui leur est accolé) ne tarderont d’ailleurs pas à laisser exploser leur révolte, faisant vaciller le système politique sur ses bases. Ils résument leurs frustrations d’un néologisme: la « malvie ». « Mabkach » — il ne reste rien est leur leitmotiv. Les premières inquiétudes percent assez tôt sous le discours lénifiant de la presse officielle. Déjà, on parle de « riposte », de « brouillage »

et même d’« interdiction » des antennes paraboliques. Des imams des quartiers populaires commencent à les qualifier dans leurs prêches de « diaboliques ». Peu à peu, par un glissement sémantique dont les Algériens ont le secret, les propriétaires de paraboles de « bran-

Algérie

REPORTAGE

ZAPPING FOU A BAB EL OUED En Algérie, la télévision nationale est submergée par les chaînes françaises. Toutle pays regarde « La Roue de la fortune » ou « Du côté de chez Fred ». D'Alger à Constantine, on suit les élections municipales sur A2 ou sur La 5. Un reportage

chés » deviennent des « paradiabolisés» ». La suite sera écrite par le Front islamique du salut (FIS), candidat au pouvoir. Ses imams prononcent excommunication

sur excommunication,

alors que ses militants les plus zélés vont jusqu’à se hisser sur les toits pour neutraliser le «monstre» en coupant le câble ou en endommageant la tête de lecture. Révolution Africaine sonne l’alarme en annonçant que «la guerre des TV est commencée » entre la chaîne nationale toujours unique et les chaînes étrangères de plus en plus envahissantes: après Télécom 1 et Astra, s’annonce Télécom 2, soit des dizaines de pro-

grammes en diverses langues théoriquement accessibles aux téléspectateurs algériens. Mais,

si l’on prend conscience

et acte de

ce « phénomène de société » et de la « mutation » qui frappe le paysage médiatique algérien, on joue la compétition pacifique en demandant «plus de moyens matériels pour la télévision algérienne » et en répétant que «ce n’est nullement une menace, mais le challenge le plus excitant de cette fin de siècle ». Rêve ou boutade, certains s’interrogent: « À quand un satellite algérien », etc. Rien à voir avec l’agressivité de ce député de la dernière Assemblée nationale du FLN préconisant de « boucher » les satellites pour empêcher les « images du diable » de troubler l’intimidé des foyers algériens. Canal Plus, que d’ingénieux bricoleurs décodent sans bourse

de Thierry Leclère dans

Télérama,

6 juin 1990

délier, devient « Canal Bliss », le canal de Bel-

zébuth. Un psychologue tente d’expliquer l’engouement des jeunes pour la chaîne cryptée: « Dans un pays hermétiquement fermé aux échanges culturels et sexuels, les films à faible moralité (sic — traduisez les films pornographiques) sont une forme d’exutoire nécessaire à l'équilibre psychique des jeunes Algériens ». Dans un autre registre, un commentateur s’indigne: « On veut islamiser un pays musulman déjà islamisé à mort qui pleure la disparition de Canal Plus (les décodeurs bricolés localement ne suffisaient plus à triompher du brouillage de cette chaîne). C’est pourtant le pays le plus musulman de la planète, un ayatollah s’y ennuierait ». Alors que le débat se déroulait cahin-caha dans la presse publique entre partisans et adversaires du satellite, les paraboles poussaient comme des champignons sur les terrasses. Le phénomène s’étend rapidement à toutes les couches de la société et d’individuelle — ornant uniquement les riches villas de la banlieue cossue de la capitale et de quelques autres grandes villes —, l’installation ne tarde pas à devenir collective. Les cités populaires s’équipent à leur tour. Les initiatives personnelles sont relayées très rapidement par l’enthousiasme des locataires qui se cotisent pour s’équiper et s'organisent pour gérer «leur» parabole dans des conditions qui ne leur épargnent d’ailleurs pas les querelles de 204

Les télévisions

du monde

les difficultés à gérer des antennes collectives, l’individualisation revient en force.

ÉLÉS

eeSATELLITES EL

1e A LA TÊTE A L'ÉTRANGER

LES PIEDS EN

ALGÉRIE {.

ET

|

Li

OoOPTrrrrell

En 1993, le lancement d’une seconde chaîne

publique, serpent de mer de tous les directeurs généraux de la télévision depuis dix ans, a été une expérience éphémère. Le projet expérimenté consistait à arroser d’images nationales les émigrés algériens en Europe, et en France en particulier. Essai peu concluant. Alger ne semble plus croire dans les vertus d’une saine émulation de deux chaînes publiques. Si une seconde chaîne de télévision voit le jour, elle sera sans doute privée. Mais ce ne sera pas pour demain. En

revanche,

les

Algériens

résidant

en

Europe peuvent capter depuis le début de l’été 1994 les programmes de la chaîne unique. Les adultes y trouvent sans doute un « parfum du pays», mais surtout un apaisement à leurs angoisses devant l’« irréparable ». L'intérêt des plus jeunes ne semble pas dépasser le stade de la curiosité. Mais les femmes au foyer ont renoué à travers ces programmes avec le. feuilleton égyptien. Non sans plaisir, affirmentelles, ravies de voir « comblée » une

lacune

des TV françaises. Hassan ZENATI

voisinage. Les « pirates » sont à l’affût, petits malins qui n'hésitent pas à se brancher en douce et gratuitement sur le câble de leur prochain, altérant ainsi l’image qu’il capte sur son récepteur. L’humoriste Slim, iconoclaste parmi tous, s’empresse de décréter la naissance de la «République algérienne parabolique et populaire ». Un clin d'œil complice par lequel parabolique remplace démocratique. Avec le temps, les passions se sont calmées. Les chaînes étrangères — essentiellement françaises, langue oblige, mais aussi allemandes, anglaises et américaines — se sont intégrées dans le paysage médiatique algérien. La presse publique et privée consacre une place de choix à annoncer et commenter leurs programmes dans ses pages spécialisées. Les tabous ont sauté. Dix millions d’Algériens au moins sont aujourd’hui « parabolés ». Une antenne pouvant desservir jusqu’à 500 foyers, il leur en aura coûté entre 5 000 et 10 000 dinars selon la qualité et la nature des équipements supplémentaires installés. Le marché, encore florissant, est

exploité par des installateurs privés à la rentabilité assurée. Mais avec la baisse du coût des équipements, la diversité des programmes, les disparités des niveaux culturels des usagers et 278

DÉNNENT RER Sie? ViSTE, \ E

ii

IT DÉREG

ER TE (

Algérie

L'arabo-islamisme à domicile Voici la liste des chaînes arabophones diffusées gratuitement par le satellite Eutelsat en France

L Egyptian Satellite Channel (ESC fusée depuis le 12 décembre 1992 chaine d'Etat propose un bestof des é £

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dominantes divertisser (mu : théâtre, cinéma...) et informations (surtout l'actualité des pays du Moyen-Orient et des Ftats-Uni

4 - Middle East Broadcasting Center (MBC)

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- MRC a également déposé au CSA une demande de conventionnement pour être re prise sur le câble français

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pour une rep vembre 1995.

Demain,

d’autres chaînes I

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algériennes : Le monopole

d’État de l’audiovisuel est

mort en théorie en avril 1992. Un cahier de charges a été en effet établi à cette date par le gouvernement, .

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émissions spéciales sur le 6 - oubairv (Emirats arabes unis) : dif

fusée depuis février 1994, cette chaîne qui émet de Londres propose des programmes généralistes en

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du vendredi.

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définissant les conditions

techniques générales d’utilisation des ondes par des diffuseurs nationaux publics et pri=

2e Radio télévision marocaine (RTM) : diffusée depuis le 5 mars 1995, cette cha ublique pr istes diffus compréhensibh

.

.

vés. . Des A cahiers . particuliers de charges 2 2 : devaient être ensuite élaborés en fonction des

autorisations demandées. Le monopole surà ces textes. Une vingtaine de

vit cependant

demandes de création de radio et quatre de télévisions privées dénombrées en 1992 sont toujours en souffrance, sous réserve qu’elles aient été maintenues par leurs promoteurs. En matière de fréquences, en bande VHF, il n’existe aucune fréquence nationale. En UHF, trois chaînes nationales pourraient être

AP te Hot Bird dont rar fondée gvptiens, hommes d'alares Ko projet, dont des s et des Sy DS resent seven des à es hu

arabophone, en projét, pourrait mon lancement par Eutelsat est prévu pour 1 toute l'Europe, de l'Islande à Moscou. Cetre chaîne, au

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ochainement sur le satelde l'année et qui couvrira le 85 mi s de dollars

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n'aient accordé « 4

7 AMEME19 LPANEMENTUE

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créées. Deux au moins pourraient être accor-

dées à des privés et la dernière à l’État, qui aurait ainsi sa seconde chaîne. Mais quelque vingt-quatre chaînes régionales seraient possibles sur ces canaux UHF si les chaînes

nationales ne trouvaient pas de. promoteurs.

On n’en est plus là, cependant. L’essentiel de la politique actuelle consiste en effet à bien gérer la chaîne unique, à la fois pour des considérations politiques et financières.

Les Algériens en Algérie regardent les chaînes

ue françaises. Les Arabes en France s'équipent parfois de para-

boles pour capter des chaînes arabophones, explique Laurent Neumann dans L'Événement du jeudi, 17-23 novembre 1994.

219

Les télévisions

du monde

Arabie Superficie : 2 149 690 km? Population : 15 900 000 habitants Capitale: Riyad Langues utilisées sur les chaînes publiques: arabe, anglais Nombre de téléviseurs: 4 100 000 Nombre de magnétoscopes: 2 000 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de chaînes captables via satellite: 7 Pourcentage de programmes français : négligeable.

Alors que les investissements publicitaires dans les revues et les journaux saoudiens sont énormes (190 millions de dollars!), la télévision ne bénéficie que d’une part relativement petite du budget; en effet, jusqu’en 1986, la publicité était strictement interdite sur le petit écran. La flambée des prix du pétrole avait auparavant,

il est vrai, permis à l'Etat saou-

dien de débloquer des sommes astronomiques à destination des médias sans avoir recours à des investissements privés; la chute du prix du baril au début des années 80 obligea les dirigeants du royaume à remplacer les financements étatiques par ceux de groupes privés. Au départ, seules les publicités en anglais

saoudite destinées aux pays arabo-musulmans posent de nombreux problèmes: impossible, en effet, de présenter une campagne de communication qui ne cadre pas parfaitement avec les mentalités,

les traditions ou la religion. Par exemple, Dennis Tuckwelle, international media director de BDDP, raconte, dans

CB News du 24 juin 1994, qu’il a fallu refaire le visuel de la campagne internationale du Sheraton: « Un maître d'hôtel en habit invite le client à pénétrer dans l'hôtel. Tout à fait anodin.

Oui, mais.

sur son plateau traîne un

verre de cognac, interdit par l'islam... Sur le visuel de la campagne régionale, le verre a donc été remplacé par une tasse de café. » De plus, les femmes figurent dans les pubs seulement lorsque leur présence est jugée absolument nécessaire et à condition qu’elle soient couvertes, bien entendu, du hidjab de rigueur. On ne voit d’ailleurs souvent d’elles que les mains ou on les devine lorsqu'on comprend que le plan d’un père et d’un fils se régalant de la cuisine d’une mère invisible est en fait une prise de vue subjective où la caméra tient la place des yeux de cette même mère.

Le pouvoir des censeurs

étaient tolérées sur la deuxième chaîne, elle-

même anglophone; depuis le 1° janvier 1986,

Installés

dans un département

spécial du

la première chaîne (en arabe) présente, elle aussi, des plages publicitaires. Dès lors, les

ministère de l’Information,

revenus de la télévision nationale ont considérablement augmenté et elle est ainsi devenue très vite une concurrente de taille pour les médias non saoudiens captés dans le royaume. Par exemple, l’apport publicitaire dans la télévision saoudienne a eu comme conséquences que RMC Moyen-Orient, la radio la plus populaire dans la région, a vu ses revenus baisser de 50 %. Aborder le sujet de la publicité quand il s’agit de l’Arabie saoudite est un must quand on sait que, pour un annonceur, les pays du Golfe offrent un énorme potentiel de consommation. Pourtant, les campagnes publicitaires

trées à leurs concitoyens soient, entre autres,

280

les censeurs

veil-

lent attentivement à ce que les images mon« allégées » de toute scène susceptible de provoquer le désir sexuel, ou montrant des femmes habillées avec indécence, en train de danser, ou dans des positions amoureuses, ou

encore engagées dans des compétitions sportives; est également censurée toute allusion aux boissons alcooliques, toute marque d’irrespect pour les religions révélées, et enfin, toute référence au sionisme... Voici, selon Broadcasting in the Arab World, quelques-unes des scènes d’un western que ne pourront voir les Saoudiens: le shérif entre dans un bar — censuré puisque l’alcool

Arabie saoudite

est interdit. Le shérif parle à une femme — censuré puisque la femme n’est pas voilée. Finalement toutes les scènes avec le shérif seront censurées puisque son insigne ressemble à l’étoile de David et pourrait donc être associée à l’État d’Israël… Par ailleurs, de par l’importance du marché télévisuel saoudien, certains programmes égyptiens sont conçus et réalisés selon les critères moraux du royaume. /ndex on Censorship a publié en 1992 une liste de restrictions concernant les images égyptiennes retransmises à Jeddah: les scènes représentant la vie d’un couple ne peuvent être jouées que par des acteurs qui son bel et bien mariés, les scènes d’un père ou d’une mère qui embrassent respectivement leurs filles ou fils doient être Jouées par des acteurs ayant effectivement ce type de relations parentales...

Le rôle des magnétoscopes Un Français ayant vécu à plusieurs reprises dans le royaume saoudien m’a un jour déclaré: « Ce pays a une grande particularité : il est en même temps le plus grand censeur d'images que je connaisse et le plus grand marché de cassettes pornographiques ! » Cette étonnante déclaration doit évidemment être relativisée puisqu'il n’y a jamais eu d’enquête sur le sujet. Pourtant, lorsqu'on sait que 12 % des Saoudiens possèdent un magnétoscope et que la plupart des cassettes vidéo sont vendues sous le manteau pour échapper à la censure, on peut en déduire qu’il existe bel et bien une industrie d’images parallèle en Arabie saoudite... La vente des magnétoscopes commence en 1972. Au départ, l’introduction des cassettes dans le pays ne fait l’objet d’aucun contrôle puis, lorsque les inspecteurs de douanes et le ministère de l’Information, dotés assez tard des

moyens leur permettant de visualiser les cassettes, se rendent compte de leur contenu, la

libre importation est immédiatement interdite. Commence alors la contrebande: des sociétés se spécialisent dans la copie d’émissions venant d'Amérique ou d’Angleterre; le travail

étant effectué dans des temps très courts, même les publicités sont enregistrées. Par ailleurs, la rentabilité du marché est telle que certains films programmés sur les télévisions occi-

dentales sont en vente dans le royaume dans la journée du lendemain. A ses débuts (1965), la télévision saoudienne était des plus artisanales: les programmes étaient plus ou moins improvisés par le

ministère de l’Information, et les retransmis-

sions n’avaient lieu que quelques heures le matin et une heure dans la soirée. Les premières émissions en direct n’ont été mises en place que tardivement et concernaient uniquement des fêtes religieuses durant le Ramadan ou le pèlerinage à La Mecque. Même les informations étaient en différé. Les antennes paraboliques ayant été, jusqu’à une

date

récente,

interdites,

les

spectateurs

avaient rarement l’occasion de comparer leur télévision avec celle d’autres pays; cependant, depuis

1990,

certains

téléfilms

comme

Columbo, par exemple, considérés comme pouvant être montrés facilement au public, ont été importés. Au cours des quatre dernières années, le royaume a également permis la retransmission de certains programmes par satellites pour les chaînes suivantes: BBC TV, CFI (mélange des émissions des trois chaînes publique françaises), CNN,

Prime

Sports,

MTV,

Star Plus

(téléfilms américains) et Art-Sports. Paradoxalement,

la chaîne

saoudienne

retransmettant

depuis Londres, MBC, n’est pas captée dans le royaume... En ce qui concerne les émissions importées du reste du monde arabe, on peut remarquer que la majorité des programmes pour enfants et de nombreux téléfilms sont écrits et produits par la Syrie et non par l'Egypte, comme on pourrait s’y attendre. Une des particularités de l’infrastructure de la télévision saoudienne est que les studios implantés à travers le pays ont chacun leur domaine spécifique; ainsi, celui de Jeddah réalise quasi exclusivement des programmes pour enfants, tandis que les locaux installés à Dammam sont équipés pour réaliser les émissions de jeux-concours et que les journaux télévisés sont tous faits et retransmis par les studios de Riyad. Comme tous les étés depuis plusieurs années, alors que de nombreux Saoudiens sont en villégiature au Caire ou dans d’autres capitales à travers le monde, un programme spécial, L'été et les gens, est retransmis, en alter-

nance, depuis Riyad, Jeddah, Dammam, Qasim ou Abah et s’intéresse aux activités des cen281

Les télévisions

du monde

ARABIE SAOUDITE Anti-parabolique © Le ministère saoudien de l’intérieur a sommé lundi les habitants du royaume de se débarrasser des antennes paraboliques en leur possession dans un délai d’un mois. L'installation d'antennes para-

EE

été favorisée par la crise du Golfe (août 1990-février

1991 La Croix, 28 juin 1994

tres touristiques à travers le pays; de nombreuses interviews avec les estivants sont réalisées au cours du programme. L’été est également l’époque où les deux chaînes confondues retransmettent le plus de téléfilms: jusqu’à 6 par jour, le plus souvent d’origine arabe, répartis tout au long de la journée. Autre fait notable: depuis un an le célèbre présentateur et homme de lettres Abd Allah al-Zid coordonne et présente un magazine dont l'originalité est de parler pêle-mêle d’informaüon et de culture.

Une épine dans le flanc du roi Fahd

travaillent

pour

des compagnies

et l’Amérique. Depuis, outre les téléfilms américains, Channel3 transmet des programmes sportifs et éducatifs.

Avec la flambée des prix du pétrole, le gouvernement saoudien a réalisé le projet qui consistait à relier les pays arabes les uns aux autres afin qu’ils soient indépendants du reste du monde: deux satellites furent ainsi mis en orbite et les bureaux de l’Arabsat installés en plein Riyad.

Judith CAHEN

Américains

pétrolières

locales; en 1980, 3 000 étaient employés par l’Aramco et 3 600 par d’autres. C’est à leur destination que l’Aramco créa une chaîne en 1957. Les programmes étaient diffusés en

arabe et en anglais et respectaient, autant que 282

Elle devint, alors, le lien direct entre les boys

Arabsat

L'intérêt américain pour cette partie du monde est né, on le sait, en même temps que la découverte du pétrole sur les terres arides du Centre-Ouest de la péninsule arabique: la compagnie, initialement américaine, Aramco (Arabian American Oil Company), participa aux premiers travaux de forage dès les années 30. Cette coopération américano-saoudienne dura jusqu’en 1973, date à laquelle l’ Aramco devint saoudienne à part entière. Pourtant, aujourd’hui encore, de nombreux

faire se pouvait, la moralité dictée par les auto-

rités. Aujourd’hui, celle qui est communément appelée la « troisième chaîne du royaume » est privée et ne diffuse plus que des programmes en anglais de 15 à 22 heures. Le moment de gloire de cette chaîne a évidemment été pendant la guerre du Golfe et le débarquement de troupes de l’armée américaine sur le sol natal du prophète Mahomet.

1. La majeure partie des chiffres cités dans cet article et les suivants proviennent de l'ouvrage collectif dirigé par Douglas A. Boyd : Broadcasting in the Arab World, ed. lowa State University Press, 1993, 386 p., des statistiques de l'Unesco de 1993 et de L'état du monde

1994 (La Découverte).

Bahreïn

Bahreïn Superficie: 678 km? Population: 530 000 habitants Capitale: Manama Langues utilisées dans le pays et sur les chaînes publiques: arabe (anglais, français) Nombre de téléviseurs: 170 000 Nombre de magnétoscopes: 80 000 Nombre de chaînes publiques: 4 Pourcentage de programmes français: négligeable

Le conglomérat d’îles qui constitue le sultanat s’étend sur à peine 678 km?, ce qui fait

du Bahreïn depuis

le plus petit Etat arabe. Reliée,

le milieu

des années

80, à l’Arabie

saoudite par un gigantesque pont, Bahreïn est un important site touristique pour tous les habitants de la péninsule: ils peuvent, en effet,

goûter certaines des joies interdites dans leur propre pays, par exemple, des spectacles live importés d’Occident, et consommer de l’alcoo!... La relative permissivité de l’émirat en ce qui concerne les mœurs s’étend aux ondes hertziennes; et pourtant, les responsables ont

longtemps pensé qu’à cause de la taille du pays, il était inutile d’utiliser un média à grande échelle. C’est pour cette raison que la radio, fondée

en

1955, ne diffusait que dix

heures par jour en 1980 et que ses studios sont restés inchangés depuis bientôt quarante ans... La télévision a été conçue pour le public locai, mais aussi pour les téléspectateurs des pays voisins. C’est, en fait, la compagnie américaine, RTV, qui, en 1972, donna à Bahreïn

une concession ; un petit studio fut mis en place en 1973, et commencèrent les retransmissions. À ses débuts, la nouvelle télévision

enthousiasma un public lassé par la monotonie caractéristique des programmes de l’Aramco (voir l’article sur l’Arabie Saoudite)

et de la télévision saoudienne; la chaîne représenta également un pôle d’attraction pour les publicitaires qui entrevoyaient la possibilité de toucher une partie du public saoudien.

Il faudra attendre 1976 pour que le ministère de l’Information de l’émirat décide de mettre fin au contrat qui le liait à la compagnie américaine; les rumeurs d'infiltration de la RTV par la CIA et la volonté de créer un réseau propre à Bahreïn furent les principales raisons qui motivèrent la rupture. Toutefois, les responsables décidèrent de maintenir l'orientation publicitaire commencée avec la RTV.

Peu de créations locales, sauf

pour les hôtels et les sports sont généralement repris des pays voisins. Jusqu’à ce que l’Arabie saoudite permette, en 1986, la publicité sur sa télévision, l’émirat avait une position exceptonnelle du fait de sa proximité: des placards dans la presse de la région vantaient d’ailleurs la télévision de Bahreïn et incitaient les publicitaires à l’utiliser comme support. Depuis 1991, dotée de deux chaînes nationales, elle retransmet quatre-vingt-cinq heures par semaine, avec des pointes pendant le week-end

musulman,

les jeudi et vendredi;

une production locale limitée, des téléfilms arabes importés d'Egypte, de Doubaï et de Jordanie, des séries anglaises et américaines cons-

tituent le gros de la programmation. Quant aux journaux télévisés, ils sont réalisés, pour les informations régionales, grâce à l’Agence d’information nationale et pour les infos internationales par le biais de CNN. La guerre du Golfe amena à Bahreïn un flux de techniciens occidentaux et fut l’occasion de moderniser son infrastructure. De plus, CNN commença à diffuser, en différé, d’abord

un heure par jour, puis 18 heures en 1992, à 24 heures en 1994. Pour pallier le manque de ressources naturelles du pays, la télévision de Bahreïn

œu-

vre beaucoup à la promotion des produits de luxe ainsi que de l’industrie touristique. Mais pour entrer en compétition avec les autres chaînes

de la région,

il lui reste

à investir

sérieusement dans les nouvelles techniques et à mettre en place une politique de management plus percutante.

LC 283

Les télévisions du monde

Égypte Les antennes paraboliques poussent comme des champignons. Les téléspectateurs en achètent à un rythme vertigineux. Selon le minis-

Superficie : 1 000 000 km? Population: 54 800 000 habitants Capitale: Le Caire Langues utilisées sur les chaînes publiques: arabe, anglais, français Nombre de téléviseurs: 1 pour 5 habitants Nombre de magnétoscopes: 1,7 million Nombre de chaînes publiques: 7 (2 nationales et 5 régionales) Nombre de chaînes via satellite: 2

tère de l’Information,

La télévision égyptienne est l’une des plus anciennes du monde arabe. Officiellement, elle

a commencé à diffuser ses programmes le 23 juillet 1960, date anniversaire de la « révolution » de Nasser. Depuis, elle a toujours été un organe du pouvoir et un instrument de propagande de l’État. Elle compte aujourd’hui sept chaînes: deux nationales (la Une et la Deux) et cinq régionales (pour le Caire et sa région, la zone du canal de Suez, Alexandrie,

le delta du Nil, le sud de la Haute-Egypte). Ce réseau va continuer à se développer,

notamment

en direction du Sinaï et de la

Haute-Egypte. II y a même un projet ambitieux de lancement

de chaînes

sportives,

de la radio et de la télévision et, surtout, sous

l’autorité du ministre de l’Information. L'Etat défend avec acharnement son monopole, ce qui explique le refus du réseau câblé. Quant à l’idée d’une chaîne privée, le ministre de l'Information a déclaré plus d’une fois qu’elle est contraire à la souveraineté de l’État. Mais depuis 1990, sous la pression de l’hégémonie du satellite et des Etats-Unis, et en prévision de la guerre du Golfe, l’État a fait quelques concessions. Il est devenu possible aujourd’hui de capter, par décodeur, CNN et MTV. La réception de programmes étrangers par satel-

284

préserver les mœurs, les traditions, les valeurs,

le ministère a multiplié les chaînes régionales et le nombre d’heures de diffusion. Les deux chaînes nationales assurent chacune 18 et 21 heures de transmission et devront bientôt émettre 24 heures sur 24. C’est une décision du ministre de l’Information, M. Safouat El-Chérif, qui a d’ailleurs suscité une vive polémique, mais qui prouve l'intérêt que l’État porte aux médias comme moyen de conquérir l’opinion publique. Chaque chaîne choisit son style et sa politique exécutive dans les limites implicites des

de

variétés et autres. Toutes ces chaînes sont publiques et réunies par une direction centrale au Caire, la Télévision de la République Arabe d'Egypte. Elles sont placées sous la tutelle de l’Union

lite est de plus en plus courante.

98 % de ces antennes

se trouvent dans le Grand Caire. Soucieux de préserver l’image libérale du régime, il n’a pas interdit ces monstres de la technologie moderne, qualifiés de « paradiaboliques » par les intégristes. En plus des traditionnels MBC, BBC, Super Channel et TVS5, les Egyptiens reçoivent entre 60 et 80 chaînes, dont les chafnes israéliennes, espagnoles et turques. Évoquant les mesures à prendre pour « faire face à l’invasion médiatique étrangère » et pour

Programmes français ? Pour ce qui est des programmes français, il a fallu passer par des négociations ardues avant d’obtenir une émission hebdomadaire d’une heure et demie, Panorama français,

la diffusion en différé de certains programmes envoyés par CFI (souvent sans soustitres, ni présentation). Il s’agit en général de programmes pour enfants, de variétés, d'émissions dramatiques et même de rencontres sportives. Les journaux télévisés reprennent les informations

diffusées par CFI, le

commentaire étant traduit en arabe. Plus de cent mille Égyptiens parlent le français couramment et sont imprégnés de culture française. Néanmoins, les émissions françaises restent marginales.

interdits politiques et religieux (parfois explicités par des circulaires officielles). La Une prend en charge les programmes de services et la plus grande part de l’information. Elle bénéficie des plus grands suffrages. C’est la chaîne la plus égyptienne, si l’on peut dire, puisqu'elle repose exclusivement sur la production locale. Elle diffuse chaque jour quatre bulletins d’information, quatre flashes, deux revues de presse, trois feuilletons, des variétés nationales. Le vendredi, elle transmet le sermon du cheikh Metoualli El Chaaraoui,

prédicateur renommé dans le monde arabe et personnalité très médiatique. Il intervient en arabe dialectal égyptien et donne du Coran une exégèse accessible à tous. La chaîne propose aussi beaucoup de sport, surtout du football dont les Égyptiens sont fous. Elle retransmet presque tous les matchs du championnat de première division en plus des épreuves régionales et internationales, comme la Coupe d’Afrique des Nations, la Coupe d'Europe et le Mondial. La Deux offre surtout des programmes étrangers (feuilletons, variétés), des programmes culturels (destinés à une élite occidenta-

lisée: ballet, musique classique) et des bulletins d’information en anglais et en français. Les chaînes régionales sont censées traiter des problèmes spécifiques locaux. Mais on leur reproche de calquer leurs programmes sur ceux des chaînes mères. Leur avantage, cependant, est d’être jeunes. D'une manière générale, la télévision égyptienne réserve une part importante aux fictions. Le feuilleton quotidien est un programme essentiel sur toutes les chaînes. La Une présente deux à trois feuilletons arabes quotidiens,

souvent des soap operas. La Deux diffuse un à deux feuilletons étrangers (le plus souvent américain, parfois britannique ou australien, rarement français). Un des objectifs non avoués de la télévision, et qui semble particulièrement évident en Égypte, est celui de faire du petit écran un pôle d’attraction occupant le plus grand nombre de gens, le plus longtemps possible. C’est pour cette raison que les feuilletons et séries égyptiens, mais aussi et surtout américains, sont souvent programmés et dominent en fait le gros des programmes. L’engouement du public pour les fictions venues d’Amérique s’explique par le fait que les personnages qu’ils mettent en scène, leurs rôles sociaux,

Nasser

56

leur manière d’être et d’agir sont inconcevables pour l’Egyptien moyen. Ces fictions le font rêver, ce qui assure, en fin de compte,

leur immense succès. L’heure de la diffusion de la série ou du feuilleton déclenche un incroyable rituel. Tous les membres de la famille présents délaissent leurs occupations pour s’agglutiner devant le petit écran. Ce rituel ne se limite pas d’ailleurs aux personnes oisives. Si vous aviez le malheur de quitter la zone franche de PortSaïd à l’heure du feuilleton, vous ne pourriez

pas passer la douane. Il vous faudrait attendre la fin de l’épisode. Pendant la période du carême, les programmateurs établissent des grilles particulières qui prévoient en plus des feuilletons ordinaires des séries «spéciales Ramadan». Ces dernières durent du premier au dernier jour du mois et sont, d’une année à l’autre, impatiemment atten-

dues par des millions de téléspectateurs. Ce sont en général des contes modernes ou empruntés aux Mille et une nuits tandis qu’une large place est également accordée aux jeux télévisés, immanquablement agrémentés de danses et de chants dont le public raffole. Le difficile bras de fer qui oppose le pouvoir aux intégristes et en particulier aux Gama’at Islamiyya a amené la télévision, consciente de son influence, à s’engager à sa manière. Depuis quelques années, elle produit

des émissions ayant pour but de convaincre les gens de prendre parti pour l’État plutôt que pour les « fous de Dieu ». Aïnsi, la plupart des feuilletons traitent des problèmes de société et puisent leur inspiration dans le domaine social,

voire politique. Il s’agit surtout de critiques 285

Les télévisions

du monde

implicites qui agissent en ancrant l’intérêt du téléspectateur dans des situations auxquelles il s’identifie aisément. Il est regrettable, cependant, qu’elles restent noyées dans l’anecdotique et soient délibérément maintenues dans le cadre d’un divertissement sans portée pédagogique. Les

films,

les séries,

les feuilletons,

les

variétés passent dans la tranche horaire de plus forte

audience,

c’est-à-dire

entre

19

et

24 heures. Les émissions de divertissement ne représentent

que

11,25 %.

Il n’y a pas de relation entre le temps d’antenne et le taux d’audience. Les programmes pour enfants sont diffusés aux heures creuses, le matin et l’après-midi. Il faut reconnaître cependant que beaucoup d'efforts ont été faits pour les améliorer sur les plans quantitatif et qualitatif. Aujourd’hui, quatre à cinq heures par jour sur les chaînes nationales et une heure par jour sur les chaînes régionales sont consacrées aux enfants. Les grands absents du petit écran sont les documentaires. Globalement, depuis le milieu des années 80, le téléspectateur égyptien moyen ne peut que constater une amélioration du contenu comme de la forme de la programmation. Le public arabe demande aujourd’hui plus que jamais de meilleurs produits et on peut dire que la télévision égyptienne lui a donné dans l’ensemble satisfaction. Un autre facteur a également poussé le pays à une plus grande compétitivité audiovisuelle: alors que les quinze ans de guerre civile au Liban avaient permis à l'Égypte de se propulser à la première place de la production télévisuelle et cinématographique, la fin de la guerre a entraîné le retour du concurrent libanais sur le marché de la vente de programmes. Pour ce qui est du financement de la télévision, Sa source première (mais non majeure) est, bien entendu, le budget d'Etat. Le gouvernement perçoit une redevance sur les récepteurs vendus,

ainsi qu’une taxe dite de con-

sommation et une part forfaitaire de la facture d’électricité. Mais la principale source de revenu est la publicité: 40 à 45 % des recettes. Dans la perspective de l’instauration d’une économie de marché, la télévision sombre dans le mercantilisme. La publicité est omniprésente, même en sous-titres sur les images des films, feuilletons ou matchs de football ! Aucune loi 286

ne réglemente ce phénomène. Aucun quota n’est fixé. La plage publicitaire peut atteindre 45 minutes d’affilée avant un feuilleton très regardé ! Les ventes aux pays arabes (programmes, feuilletons et autres) sont également une source de revenu appréciable. Les acteurs égyptiens y sont, en effet, les plus populaires, c’est pourquoi il y a une demande importante de productions égyptiennes. Sur ce plan, la télévision égyptienne est fortement concurrencée par de très nombreuses sociétés de production à capitaux égyptiens ou à capitaux mixtes qui recourent, elles aussi, à des artistes égyptiens de renom. Les dirigeants de la télévision voient dans le satellite un des meilleurs moyens de diffuser leur production à travers le monde; mais une prévision à long terme peut laisser craindre une diminution des ventes dans le reste du monde arabe du fait de l’accroissement des retransmissions en direct de ces mêmes programmes par satellite. Enfin, la télévision égyptienne est devenue actionnaire, il y a quelques années, de la chaîne européenne d’information, et des programmes de coopération sont prévus entre le satellite égyptien et Euronews, faisant miroiter ainsi la possibilité de l’ouverture d’un marché occidental pour l'Egypte. D'après

Walid EL KHACHAB, Ahmed LOUFTI et Judith CAHEN

Répartition du temps d’antenne Feuilletons, films, divertissement Émissions ciblées ouvriers, etc.)

téléfilms,

11825 (enfants,

Culture

Informations,

sport, femmes, 66,66 37,40

analyses

Émissions religieuses Télévision scolaire

13,70

10,80 5107

Emirats

arabes

unis

Emirats arabes unis Superficie: 83 600 km? Population : 1 700 000 habitants Capitale: Abu Dhabi Nombre de récepteurs: 600 000 Nombre de magnétoscopes: 300 000 Nombre de chaînes publiques: 5 Langues utilisées à la télévision: arabe (anglais) Pourcentage de programmes français : négligeable Été 1969, trois ans avant le départ de l’admi-

nistration anglaise et la création consécutive des Emirats

arabes unis, Abu

Dhabi

inaugure la

chaîne Abu Dhabi 5 en noir et blanc. Lorsqu’en décembre 1972, la ville devient la capitale des Emirats arabes unis, cette télévision devient

nationale et passe à la couleur deux ans plus tard. A la différence du personnel chargé de la radiodiffusion auprès du ministère de l’Information, qui est local, la plupart des employés de production et tous les techniciens sont, jusqu’à la fin des années 80, de nationalité jordanienne, soudanaise, égyptienne et libanaise ; les deux premiers directeurs de la télévision ont été respectivement jordanien et soudanais. Cette hétérogéneité entraîna une distorsion culturelle entre la population et les programmes télévisés. Cependant l’exotisme et la nouveauté du système lui assurèrent un succès immédiat. Pendant

toute

la décennie

80, la chaîne

n’émettait que pendant sept heures (de 17 à 24 heures) ; le journal télévisé de 21 heures présentait régulièrement de petits reportages sur la vie et les activités du président et du viceprésident des Émirats, puis des nouvelles du pays et enfin des informations internationales reprises via le satellite. Pendant l’heure qui suivait la page d’informations, seuls des reportages sur différents aspects des Emirats étaient projetés. À 22 heures 30, une réplique exacte du JT précédent était programmée en anglais. La fin des programmes était réservée à des émissions de variétés, en arabe ou en anglais. Dans l'après-midi se succédaient, par contre, des émissions pour enfants et de longues séries de téléfilms arabes importés.

À la fin des années 80, une deuxième chaîne partiellement anglophone, Abu Dhabi 35, est créée ; elle retransmet exclusivement des pro-

grammes occidentaux, de 16 heures 30 à minuit. La chaîne principale commence alors ses programmes dès 9 heures et suit, en fait, le schéma

de la programmation d'Occident : les émissions du matin visent un public féminin, elles sont suivies par des informations puis par un programme d’éducation, des variétés et des soap operas arabes jusqu’à minuit. Aujourd’hui, les programmes de la télévision fédérale atteignent 90 % de la population des émirats et sont également reçus par le sultanat d’Oman, l’Arabie saoudite et le Qatar ; la poli-

tique audiovisuelle suivie par le ministère de l’Information privilégie les programmes internes d’information et de culture. Bien que les dirigeants du pays soient préoccupés du rôle unificateur d’une télévision nationale, les différents émirats ont chacun la possibilité d’avoir leur chaîne. La ville de Doubaï,

par exemple, la ville au monde qui totalise le plus de banques internationales par habitant, a une chaîne qui est surtout tournée vers la publicité : elle choisit ses émissions (occidentales ou arabes) en fonction de l’audience espérée et par conséquent des recettes publicitaires potentielles. Doubaï 10 est, en fait, une télévision régio-

nale; sa programmation se limite à des informations, des interviews, des programmes reli-

gieux, quelques vieux films sous-titrés et peu de nouvelles productions arabes. Depuis 1978, l’émirat

a

aussi

une

deuxième

chaîne,

anglophone. é Pendant longtemps, la télévision des Emirats a boycotté l'Egypte, suite aux accords de Camp David qui avaient fait perdre à celle-c1 de nombreux autres marchés arabes. Mais, comme

il

suffisait que les émissions ou les films ne soient pas enregistrés depuis les studios du Caire pour que l’interdiction soit levée, Doubaï louait souvent ses studios aux Égyptiens. Depuis peu, l’idée d’une paix avec l’État hébreu ayant fait son chemin, les productions égyptiennes font de nouveau partie des programmes des Emirats arabes unis. Judith CAHEN 287

Les télévisions

du monde

Iran Superficie : 1 648 000 km? Population: 61 660 000 habitants Capitale: Téhéran Langues utilisées à la télévision: persan (farsi) et anglais Nombre de téléviseurs: 6 000 000 Couverture du réseau: 100 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 ES 2 Nombre de chaînes à péage: 0 Pourcentage de programmes français: 4%

La télévision d’État ne soulève pas l’enthousiasme des Iraniens. C’est l’une des institutions dont se sont en effet emparées les mollahs zélés pour renforcer leur domination 1dé0logique. Son rôle se ramène à servir les objectifs de la révolution islamique, au point d’en

arriver à oublier d'informer et de divertir le public. Elle reflète comme un miroir le visage sévère et peu amène du pays. Les images que le monde voit de l’Iran — religieux en tenue psalmodiant des versets du Coran devant une foule de fidèles, manifestants

criant des slo-

gans anti-américains, défilés militaires et tous les autres clichés concernant cette culture extrémiste — se retrouvent dans les images belliqueuses d’une nation en proie à une ferveur révolutionnaire. La Télédiffusion de la République islamique d’Iran (IRIB) dispose de deux chaînes, qui couvrent tout le territoire à travers un réseau de 25stations régionales. L’IRIB diffuse 53 heures par semaine et produit la plupart des programmes. 14% seulement proviennent de l’importation, principalement de GrandeBretagne, d'Allemagne et de France. Ont la préférence les documentaires traitant d’histoire naturelle et d’autres sujets « sans risques ». On diffuse volontiers des films qui démontrent la perfidie des gouvernements occidentaux et montrent comment les musulmans résistent à leur diabolique influence. Par exemple, Le Lion du désert, avec Anthony Quinn, qui raconte l’histoire d’un chef musulman en révolte contre une armée occidentale, est très

288

prisé des programmateurs de l’IRIB, il a été diffusé de nombreuses fois. La production s’organise autour de 10 départements. Les plus importants sont ceux de l’information et des émissions religieuses qui fournissent une grande partie des programmes. Les informations sont un moyen de propagande et les reportages correspondent à la politique d’un régime dominé par les religieux: anti-occidental, intégriste, moralisateur.

Le département de l’information produit plusieurs bulletins quotidiens, ainsi que des magazines d’actualité et des documentaires. Les nouvelles de l’étranger sont traitées sans aucune subtilité, tout comme les sujets domestiques. Le département des sujets religieux, le mieux servi, offre des émissions quotidiennes

avec lectures du Coran, et commentaires par les mollahs les plus importants. Les événements religieux sont toujours retransmis, et le programme du vendredi comporte toujours la prière dans l’une des plus grandes mosquées. Le Haj ou pèlerinage annuel à La Mecque est un moment important dans le calendrier de la

L’Iran interdit les « paraboles sataniques » Cette nouvelle loi vise 4 lutter

contre la télévision étrangére, Le Parlement iranien a interdit hier « toute importation, fabrication et utilisation » des antennes paraboliques de réception des chaînes de télévision étrangères. L'apparition de quelque 500 000 antennes paraboliques à Té-

héran et dans les grandes villes a déclenché plusieurs mois de polémique au sein du régime iranien. Plus de deux millions d’Iraniens pouvaient ainsi capter les chaînes étrangères. La loi charge le ministère de l'Intérieur et les Bassidji, miliciens volontaires, de démanteler les antennes « dans les

meilleurs délais ». Les fabriquants et distributeurs « seront jugés par des tribunaux révolutionnaires et leurs biens saisis ». Pour les artisans de la loi, « {es antennes sont des outils sata-

niques qui menacent les fondements du régime ». Des députés hostiles au texte ont prévenu que « /a lutte contre la technologie est un vain effort ». (D'après AFP.)

Le Figaro

Iran

Speakerine

télévision dont les équipes couvrent le rituel sous toutes ses formes. L’IRIB diffuse également des émissions sur le sport, des feuilletons

à l’eau de rose, des

dramatiques, des émissions pour la jeunesse, des programmes éducatifs et des miniséries de temps à autre. Les magazines culturels reflètent la tradition classique de l’héritage iranien, et sont très islamiques dans leurs points de vue. Des films produits sur place sont parfois diffusés, mais il faut qu’ils soient « politiquement corrects ». Un bulletin d'informations en anglais est diffusé régulièrement, mais tout le reste est en persan, la langue officielle. Les programmes étrangers sont aussi doublés en persan. Les femmes sont quasiment absentes: presque toutes les émissions sont présentées par des hommes, et la plupart des autres rôles dans les émissions qui ne sont pas des journaux sont aussi masculins. Occupant une place mineure

dans

la production

télévisuelle,

les

femmes sont pratiquement invisibles à l’écran. L’IRIB participe activement aux organismes internationaux de télédiffusion et a joué un rôle-clé dans la conférence intitulée Asia

iranienne

Vision, en fournissant le centre de coordina-

tion pour le raccordement aux circuits par satellite. La télévision ne satisfaisant pas la population dans son ensemble, le public dispose d’une alternative: le magnétoscope. L’Iran est peut-être l’un des pays où il a plus de succès que la télévision. 40 % des Iraniens en sont équipés. Il permet au peuple iranien de résister à l’orthodoxie des chefs islamiques purs et durs. Longtemps interdit, son usage est officieusement toléré. On se procure les cassettes à la nuit tombée et on les regarde à l’abri des regards indiscrets. Le marché noir des magnétoscopes et cassettes revêt d’énormes proportions: l’assouplissement récent des restrictions a sans doute été inspiré au gouvernement par le désir de contrôler un commerce illicite plus que par un fléchissement à l’égard des influences occidentales. On trouve toutes sortes de cassettes occidentales, excepté celles qui pourraient provoquer l’ire de la police religieuse, les films pornographiques par exemple, comble de l’abomination…. Barry LOWE 289

Les télévisions du monde

Israël de connaissances de production locale (une émission consacrée à des nouveautés scientifiques par exemple), et des films arabes, surtout égyptiens, diffusés traditionnellement le vendredi. Une grande partie des programmes

Superficie: 20 770 km? Population: 5 000 000 habitants Capitale: Tel-Aviv — Jérusalem (?) Langues utilisées à la télévision: hébreu, arabe, anglais, russe

Nombre

de téléviseurs: 1152860

foyers

en arabe est sous-titrée en hébreu; de même

(90,3 %) Nombre de magnétoscopes: 692 413 foyers Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 1

que bon nombre d’émissions en hébreu sont sous-titrées en arabe (contribution à l’effort de rapprochement entre les deux peuples). Le soir, entre 20h et minuit, des programmes pour

Nombre de chaînes reçues sur le câble: 25 (dont 5 israéliennes privées) Pourcentage de programmes français: faible

adultes en hébreu, dont plus de 40 % sont de

production locale. Outre un journal d’informations quotidien,

Longtemps, les Israéliens n’ont eu qu’une seule

chaîne

nationale.

Depuis

1990,

des

grands changements ont eu lieu dans le paysage télévisuel avec la mise en place du câble et la création d’une deuxième chaîne nationale. La télévision israélienne a été créée en 1968, c’est une télévision publique financée

par la redevance et la sponsorisation. Elle est régie par un comité auquel participent des spécialistes de l’audiovisuel, mais aussi plusieurs délégués du gouvernement et des partis au pouvoir. Aussi la composition du comité change-t-elle à chaque législature. La première chaîne a commencé par diffuser trois à quatre heures par jour dont un journal d’informations quotidien. Dans les années 70, la programmation s’est étendue à 1618 heures quotidiennes. La couleur a fait son apparition lors de la visite du président égyptien Sadate, en 1977. Mais c’est seulement en

1983 que le noir et blanc à disparu. Depuis les années 70, la programmation de la chaîne est divisée en trois tranches: pendant la journée (9h-18h 30), des émissions

pour les enfants et la jeunesse dont une large part d'émissions éducatives en lien avec le programme des écoles primaires et des lycées (la télévision éducative, bien que diffusant sur le même

réseau

que la première

chaîne,

est

dirigée d’une façon autonome). Entre 18 h 30 et 20 h, des émissions en arabe destinées à la

population

palestinienne.

Elle comprend

un

journal d’informations quotidien, des émissions 290

Mabat

(Regard),

diffusé

en

prime time (20 h), la chaîne propose aussi une variété d’émissions liées à l’actualité du pays. La plus populaire est Mabat Sheni (Deuxième regard), magazine d’actualité composé de longs reportages sur des sujets politiques et sociaux. Ces deux dernières années, la plupart des numéros de ce magazine ont été consacrés aux thèmes liés au rapprochement entre Israéliens et Palestiniens et entre Israël et les pays arabes voisins. La chaîne produit et diffuse également bon nombre de documentaires ainsi que des fictions (de 50 et 90 minutes). L'une d’elles, un téléfilm de long métrage intitulé Le pain, a remporté en 1986 le prestigieux Prix Italia. Autre production importante, la série documentaire Amoud Haesh (La colonne de feu): dix-neuf chapitres consacrés à l’histoire du sionisme depuis la deuxième

moitié du XIX® siècle jusqu’à la fondation de l'Etat d'Israël en 1948. Cette série, réalisée en

1980 par Igal Loussin, est également celle qui a été la plus diffusée à l’étranger, encourageant ainsi la direction à investir dans la production des émissions de connaissance destinées à la fois à un public local et à une diffusion internationale. Le pourcentage relativement élevé d’émissions de connaissance sur la première chaîne

est dû certainement à son caractère de chaîne

publique, financée par l’État. Or, on lui reproche d’engendrer une «politisation », car le comité de surveillance ne manque pas d’intervenir dans sa programmation. L'affaire qui a mis le feu aux poudres a été l’interdiction en

Israël



Le pain, de Ram

1978 d’un film produit par la chaîne, Hirbeth Hizza, qui montrait des soldats israéliens expulser des habitants palestinens de leur village pendant la guerre de 1948. Depuis, le sujet revient régulièrement à l’ordre de jour et sous différentes formes. Par exemple jusque dans les années 90, la chaîne n’a pas pu diffuser de programmes le samedi, jour du sabbat juif, à cause des pressions des partis religieux membres de la coalition gouvernementale. Plusieurs responsables de la chaîne exigent depuis quelques années sa privatisation, au moins partielle, et appellent à la création d’un organisme indépendant, à la fois financièrement

et moralement,

de l’État.

La

concurrence que la première chaîne subit de la part des autres chaînes privées, depuis le début des années 90, renforce cette revendication. La deuxième chaîne israélienne a été créée en 1994: privée, elle est financée essentielle-

ment par la publicité. Elle est dirigée par trois sociétés, Reshet, Keshet et Tal-Ed, chargées,

LS

Levy, prix Italia 1986

locale se limite pour l’instant à des jeux télévisés, à des émissions

de variété, à des talk

shows, et à des retransmissions sportives. La chaîne produit et diffuse également un feuilleton satirique tournant autour de la vie de jeunes gens à Tel-Aviv. Cette série, Hahamishia Hacamerit

(Le quintette

de chambre),

a un

succès d’audience notable qui confirme l’orientation de la chaîne vers le public jeune. Le prime

time entre

20 heures

et 23 heures,

est

consacré surtout à des talk shows, très populaires en Israël; ce genre d’émissions atteint souvent 30 % -35 % de l’audimat. Mais des spécialistes prévoient une baisse de l’intérêt du public pour ces programmes, car, diffusés quatre à cinq fois par semaine, ils risquent d’épuiser leur stock d’invités potentiels. Le caractère commercial de la deuxième chaîne se manifeste également par la grande quantité des publicités. Pendant le prime time par exemple, un spot coupe les programmes toutes les six-sept minutes. On peut se demander, à ce propos, si la direction de la chaîne mettra à exécution son intention de développer, à partir de sa deuxième année, la pro-

chacune, de deux jours de diffusion par semaine, le septième jour (le samedi) étant partagé à tour de rôle. Bien que la loi sur la télévision l’oblige à diffuser au moins 33 % de production locale, la première année de son fonctionnement a été largement dominée par

les documentaires et les magazines culturels n’attirent qu’un nombre très limité de téléspec-

des films, des téléfilms et des feuilletons étran-

tateurs, et ils ont été retirés très vite de l’écran.

gers,

la plupart

américains.

Sa production

duction d’émissions de connaissance: en effet,

Le câble est apparu en 1990. II existe six 291

Les télévisions du monde

sociétés, chargées, chacune, de la diffusion sur

plusieurs régions (trente). Les téléspectateurs peuvent regarder cinq chaînes locales (et plus de vingt chaînes étrangères captées par satellite). Le câble fonctionne uniquement par abonnements, la publicité lui étant, pour le moment,

interdite. C’est un très grand succès commercial : plus d’un million d’abonnés parmi la population israélienne (près de 70 % du potentiel du marché). Des sociologues expliquent ce résultat par le besoin de se libérer de la tension et du sentiment

d’étouffement,

de la mentalité

« état de siège » qui caractérisent la vie en Israël. Les chaînes câblées locales diffusent surtout des programmes importés. La chaîne de la famille propose des téléfilms et des feuilletons, pour la plupart américains, mais également sudaméricains (argentins et vénézuéliens). La chaîne

du cinéma, la chaîne pour les enfants et la chaîne de la culture et de la science se basent aussi sur une programmation américaine, avec quelques exceptions (la chaîne pour les enfants diffuse également des dessins animés japonais et la chaîne de la culture et de la science diffuse un nombre considérable d'émissions de connaissance anglaises et, plus rarement, françaises). La chaîne du sport est la seule à diffuser, à côté

d’une programmation importée, un nombre important d'émissions de production locale, surtout des retransmissions sportives. Les chaînes étrangères sur le câble proposent un choix plus ou moins parallèle à ce qu’on trouve en Europe: CNN, MTV, BBC, Sky News, France 2, TV5, Eurosport (entre autres).

Mais aussi bon nombre de chaînes arabes (égyptiennes, jordaniennes, libanaises, marocaines) destinées surtout à la population arabe et à la population juive originaire de l’ Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ainsi que des chaînes russes destinées aux immigrés de l’ex-URSS. Ces chaînes ne sont pas toujours diffusées dans tout le pays, mais principalement dans les régions et les villes où habite une population spécifique. Ainsi des villes comme Beer-Sheva ou Rehovot, qui accueillent de grandes communautés d’origine russe, ont bien évidemment des chaînes qui correspondent à leurs besoins culturels. La télévision par câble se développe très rapidement. On projette de créer plusieurs chaînes locales supplémentaires (une en arabe, une en russe, une chaîne d’informations) et d’accroître

le nombre de chaînes étrangères captées par satellite. Mais ce projet dépendra largement de la 292

C'est à l'occasion de la visite de Sadate en Israël

que la télévision israélienne a émis pour la première fois en couleur

levée, probable dans un proche avenir, de l’interdiction de diffuser des publicités sur le câble. L’audimat 1994 donne un petit avantage à la deuxième chaîne, avec 37 % de téléspectateurs. Elle est suivie par le câble avec 33 % et la première chaîne avec 30%. L’avantage de la deuxième chaîne s’explique surtout par un effet de curiosité qui risque de diminuer la deuxième année. Les émissions les plus populaires des trois chaînes, celles qui sont diffusées en prime time, sont révélatrices de leur orientation : journal télévisé et reportages d’actualité pour la première chaîne, falk shows et émissions de variétés pour la deuxième, films américains pour le câble.

Le développement de l’espace télévisuel en Israël a été si rapide ces dernières années qu’il est très difficile de prévoir son évolution. Y aurat-il suffisamment de place pour tant de chaînes dans le contexte démographique et économique d’un si petit pays ? La première chaîne, « historique », sera-t-elle privatisée ? Y aura-t-il une coopération, et sous quelle forme, entre les chaînes israéliennes et celles des pays arabes voisins (ou avec celle, annoncée, des Palestiniens) ?

Ariel SCHWEITSER

Une francophonie faible Chaînes françaises ou francophones sur le câble: France 2, Arte, TVS. Programmes français : Apostrophes sur la chaîne culturelle du câble (1992-1993, succès très limité).

Jordanie

Jordanie Superficie: 89 000 km? Population: 4,3 millions

Capitale: Amman Langues utilisées à la télévision: arabe (hébreu, anglais, français) Nombre de téléviseurs: 900 000 Nombre de magnétoscopes: 400 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes étrangères captables en direct: 5 (Chypre, Égypte, Israël, Liban et Syrie) Nombre de chaînes via satellite: 6 (CNN, Star Plus, BBC, CFI, Prime Sport, Zee TV)

Bien avant que le traité de paix ne soit signé entre l'Etat hébreu et le royaume hachémite, la télévision jordanienne avait déjà un pied-à-terre en Cisjordanie et en Israël: ses 15 relais implantés à travers le pays étaient en effet positionnés afin que les signaux couleur puissent être reçus par ses voisins, Israël, la Syrie, qui ont une population palestinienne et l’Arabie Saoudite. Une programmation spécialement conçue pour un public israélien et palestinien commença à être diffusée dès le début des années 70; l’accent fut surtout mis, excepté en ce qui concerne les programmes

occidentaux,

ment les horaires des émissions jordaniennes en hébreu. Mais il est fort probable que l’audience israélienne de la chaîne jordanienne a aujourd’hui baissé, d’abord lorsque la télévision israélienne a ouvert une deuxième chaîne, très tardivement par rapport à l’avance technologique du pays — au début des années 80 —, puis lorsque le câble a été introduit dans les plus grandes villes. Quoi qu’il en soit, en 1985, on estimait à un million l’audience

de la télévision jordanienne à l’extérieur. Depuis quinze ans, la télévision jordanienne bénéficie d’un service en français; résultat d’un accord, il stipule que le gouvernement français fournit des films et des émissions culturelles et que deux coopérants français sont chargés de préparer et de présenter le bulletin d’information quotidien en langue française. C’est de cette même époque que date la Compagnie de production de télévision, radio et cinéma jordanienne, qui occupe un espace de 400 mètres carrés et est équipée d’un matériel très sophistiqué (les locaux peuvent être loués à des compagnies cinématographiques privées). L’Etat, qui participe pour 51 % au centre de production, a permis, quelques

sur un

journal télévisé en hébreu dans le but de donner des informations sur le royaume hachémite et de propager la position arabe sur la question du Moyen-Orient, mais aussi de donner aux téléspectateurs israéliens un point de vue alternatif sur la situation politique, sociale et économique de leur pays (voir l’encadré de Pierre Pinta).

L'impact de ces informations sur le public est difficilement appréciable mais, alors que les Israéliens voient dans les radios égyptienne, syrienne et irakienne, de simples instruments de propagande, le journal télévisé jordanien en hébreu est bien perçu par les citoyens et les professionnels des médias; un effort est fait en particulier pour que le contenu des informations soit politiquement acceptable par la population. Le quotidien israélien anglophone Jerusalem Post, publie d’ailleurs quotidienne-

Une

bonne

audience

Les deux chaînes nationales semblent avoir une bonne audience dans le pays (entre 2 et 3 millions de téléspectateurs pour une population de 4,3 millions d’habitants), mais

aussi dans les territoires limitrophes, la Syrie du Sud, Israël, la Cisjordanie (65 % d’écoute) et Gaza. On compte un peu moins d’un million de récepteurs et 400 000 magnétoscopes. Membre d’Intelsat depuis 1970, la Jordanie a accès aux grandes manifestations mondiales. C’est la télé du monde arabe qui diffuse le plus de programmes en provenance d'Occident. La première chaîne utilise exclusivement l’arabe, tandis que la

seconde offre des émissions en anglais, en français et en hébreu. PP

293

Les télévisions

du monde

années plus tard, la construction de deux grands studios de 600 mètres carrés chacun. A 100 % entreprise publique, la télévision jordanienne tire ses revenus de la publicité mais aussi de la redevance. Jusqu'à récemment, les spots étaient produits par d’autres pays arabes mais réalisés en fonction des goûts du public du royaume. Les autorités expliquent que si elles ont décidé de faire de la télévision une institution étatique, c’est pour diffuser à la population ce qu’elle doit voir et non pas, comme ce qui pourrait avoir lieu avec une télévision privée,

ce qu’elle aimerait voir. C’est pourquoi les thèmes de programmes choisis pour couvrir une diffusion journalière et leur durée sont précisés dans un canevas très strict. 56 % des programmes de la première chaîne sont jordaniens, tandis que 17 % proviennent d’autres pays arabes et 14 % de pays non arabes. Ils ont la particularité d’être diffusés à l’heure, tant la programmation est étudiée dans les moindres détails; les seul retards sur

l’horaire sont qui, une fois pectent plus dards.. Bien

en fait dus aux films étrangers coupées les publicités, ne resle temps des programmes stanque la priorité soit donnée aux

émissions arabes, les films étrangers (soustitrés) attirent de nombreux téléspectateurs et,

par conséquent, les annonceurs

publicitaires.

Depuis février 1993, la télévision d’Amman

est reliée à Arabsat où la première chaîne diffuse 70 heures de programmes en arabe par semaine (14 heures de variétés contre 3 heures de culture), tandis que la deuxième ne retrans-

met que 42 heures de programmes hebdomadaires, dont 21 heures de programmes en anglais,

15 en français et 2 en arabe.

Judith CAHEN

La place du français Formé

au

lendemain

de

la Première

Guerre mondiale sous l’autorité britannique,

le royaume de Jordanie a tout naturellement adopté l’anglais comme seconde langue après l’arabe. Toutefois, des accords spécifiques ont été conclus avec Paris sur la fourniture de programmes en français. Ainsi la deuxième chaîne de télévision jordanienne diffuse-t-elle des émissions en français tôt dans l’après-midi et la nuit.

294

Programmes Depuis

en hébreu

1972, la télévision jordanienne

concocte à destination de la West Bank (la

rive droite du Jourdain) des programmes... en hébreu! Il s’agissait en effet de donner à «l'ennemi» une vision arabe (et jordanienne) des problèmes dans la région. Par la suite, ces programmes se sont diversifiés, afin de toucher un large public israélien. Un enjeu de taille, dans une région où la guerre des ondes a remplacé les affrontements militaires,

et où la Palestine

vit sa «renais-

sance ». Gageons que cette saine compétition aura des répercussions bénéfiques en Jordanie même. Car dans ce pays la télévision, et les médias

en général,

sont à la

botte. Le pouvoir se réfugie en effet derrière la loi martiale instaurée en 1967 (!) pour brider la liberté de la presse et des ondes. Si la Constitution garantit en principe cette liberté, c’est le ministère de l’Information qui détient le pouvoir absolu. Sont interdites pêle-mêle (ou strictement contrôlées) toutes les informations

sur la famille

royale,

l’armée, les services de renseignements (les très redoutés moukhabaraï),

et plus généra-

lement tous les domaines considérés comme sensibles. Ainsi, Channel One et Channel Two, les

deux seules chaînes jordaniennes, totalement sous la coupe du pouvoir, sont-elles invitées à pratiquer l’autocensure. Parfois, le ministère intervient directement, par exemple lorsque des déclarations sont jugées trop propalestiniennes (les Palestiniens constituant 60% de la population du royaume, toute question les concernant est a priori « sensible »). Les journalistes n’ont accès aux informations que par le canal officiel et leur liberté de mouvement est assez réduite. Pourtant les compétences sont là. En matière de savoir-faire par exemple, les techniciens jordaniens ont aidé au développement de la télévision dans le Golfe. Il est vrai que ces techniciens-là sont le plus souvent palestiniens. Pierre PINTA

Koweit

Koweït Superficie : 17 811 km? Population : 2 000 000 habitants Capitale: Koweït Langues utilisées à la télévision : arabe, anglais. Nombre de téléviseurs : 900 000 Nombre de magnétoscopes : 420 000 Nombre de chaînes publiques : 2 Nombre de chaînes privées : 0 Nombre de chaînes étrangères captables en direct: celles des pays voisins. Nombre de chaînes via satellite: 1 Pourcentage de programmes français : négligeable

nèrent aussi dans leurs bagages des scénarios, des costumes et des décors ; ils prirent même tou-

tes les marionnettes du spectacle pour enfants lftah Ya Simsim (Sésame, ouvre-toi), mais sur-

tout les deux « puppets » préférés des enfants arabes à travers le monde: le perroquet Melsoun et son acolyte (mélange de chameau et d’ours) Noaman. Avant guerre, seules deux chaînes existaient

sur le territoire : KTV 1 et KTV 2. La première, considérée comme la principale, fonctionne depuis les années 50 ; essentiellement arabophone, ses programmes sont diffusés de 17 heures à 23 heures, excepté le vendredi et

Au moment où le Koweït s’apprête à fêter le quatrième anniversaire de sa libération, les traces de la guerre du Golfe se sont définitivement estompées ; Koweït City a retrouvé un visage humain et, depuis novembre 1992, la production pétrolière a rattrapé son niveau d’avant août 1990. Cependant, les traumatismes provoqués par l'invasion du 2 août 1990 restent vifs parmi la population. La société, elle aussi, en porte des traces car elle a profondément été modifiée par le départ de plus d’un million d’étrangers, en particulier de l’essentiel de la communauté palestinienne, qui fuyaient la guerre et qui, jusqu’à présent, ne sont toujours pas revenus au Koweït. Au niveau politique, le panorama koweïti a changé et s’est même beaucoup amélioré par rapport aux années qui ont précédé l’invasion irakienne. En effet, un des prix à payer en contrepartie de l’aide américaine au petit Etat a été l'instauration d’élections parlementaires libres ;

le précédent parlement ayant été dissous en 1986, les nouvelles élections qui eurent lieu en octobre 1992 ont certainement représenté un pas vers la démocratisation. Au cours des cinq mois d'occupation du Koweït, la radio et la télévision ont été durement

touchées. Tous les équipements radiophoniques ont été emmenés en Irak, tandis que tous les émetteurs et les immeubles de la radio situés à proximité de Koweït City étaient détruits. Paradoxalement, et dans un même temps, les tours

de transmission étaient laissées intactes… L'équipement de la télévision subit le même sort que celui de la radio et les Irakiens emme-

durant les fêtes religieuses. La deuxième chaîne est plus récente puisqu'elle n’a commencé à émettre qu’en 1978 et vise un auditoire bien spécifique ; elle est même définie comme la chaîne du service culturel étranger. En effet, hormis des publicités en arabe et quelques téléfilms, la majorité de la programmation de KTV 2 est en anglais et est produite par des pays anglophones (essentiellement l’Australie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis).

La guerre a finalement enrichi la télévision. Autant

les ravages

furent

grands,

autant

la

reconstruction fut fulgurante, grâce à l’apport des Américains qui permit l’acquisition d’un matériel audiovisuel de pointe. Aujourd’hui, une troisième chaîne est retransmise par satellite : MBC, la chaîne saoudienne

qui émet depuis Londres. Devant cette (relative) concurrence,

la télévision nationale

a décidé

d'améliorer sa programmation. Ainsi, les programmes pour enfants se veulent un peu plus orientés vers la culture avec des programmes comme le Magazine des enfants (Majalat alAtfal), présenté tous les vendredis matin, et qui traite différents sujets culturels. Le samedi, une autre émission de ce type, L'art des petits, a un esprit plus éducatif : les jeunes téléspectateurs y reçoivent une initiation à la peinture et au dessin par petit écran interposé. Pour les plus grands, un tour d’horizon présente des artistes du monde. Et l’émission Les couleurs populaires consacrée aux grands poètes arabes est, elle, quotidienne.

Judith CAHEN 295

Les télévisions

du monde

Liban Superficie : 10 452 km? Population: 3 000 000 habitants Capitale: Beyrouth Langues utilisées à la télévision: arabe, français, anglais Nombre de téléviseurs: 330 à 750 postes pour 1000 habitants Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées: environ 50 Le 20 juin 1994, le Premier ministre libanais, Rafic Hariri, déclarait: « Je ne serai assuré-

ment pas le fossoyeur des libertés médiatiques. » Dans un pays où les fossoyeurs — les vrais — n’ont pas chômé de 1975 à 1990 et où la liberté la plus élémentaire, celle de res-

ter en vie, dépendait du bon vouloir des chefs de guerre ou de son voisin de palier, 1l y a des mots qui font froid dans le dos. Et pourtant, ce sont ces mots-là que la population attend aujourd’hui; des mots qui en disent long sur le traumatisme résultant des années de plomb, quand la radio et la télévision étaient les seuls liens avec l’extérieur. Un paysage audiovisuel qui «explosa»- en 1985, à la faveur de la décomposition de l’Etat libanais. S’épanouirent alors non pas des fleurs, mais des émetteurs, pour la plus grande satisfaction des « patrons » — chefs de clans ou de milices —, et du petit peuple, qui fit du zapping une variante somme toute pacifique du mitraillage à tir continu ! C’est au moins une dizaine de chaînes TV qui devaient ainsi voir le jour entre 1985 et 1990. Les accords de Taëf (1989),

qui jetèrent les bases du renouveau libanais, annonçaient la reprise en main par l’appareil d’État d’une situation anarchique qui ne cessait d’empirer : peut-être 40 chaînes pirates en 1992 et une soixantaine en 1993 ! Le retour à la paix devait naturellement poser la question de la liberté d'expression, et plus généralement de la liberté d'émettre. On vit alors des âmes sensibles et généreuses défendre le pluralisme de l’information et dénoncer le « despotisme » du ministère de l’Information, le tout bien évi-

demment au nom de la « démocratie ». Et il est vrai que si l’État libanais doit s’acquitter de 296

cette difficile mission d’assurer tout à la fois le pluralisme et la paix civile, il doit le faire dans un environnement hautement instable et au rythme des humeurs lunatiques du « grand frère » syrien. Les Libanais sont des Arabes. Des Arabes « libanais » certes (et cette nuance fait toute la différence), mais des Arabes tout de même. Qui plus est, à l’image des Palestiniens des « territoires » (occupés ou fraîchement autonomes),

ils ont vécu pendant des années société violente,

qui a durablement

dans une commo-

tionné les consciences et perverti les esprits. On s’en doute, le miroir qu’est la télévision a répercuté ces mutations. Ainsi, telle agence de publicité n’hésitait-elle pas en 1990 à recourir à cet outil de mort détestable et redoutable qu’est la voiture piégée, afin de promouvoir une marque de sportswear ! La population libanaise était déjà volontiers encline à consommer du sensationnel et du « musclé » ; la guerre n’a rien

arrangé, bien au contraire, puisqu'elle est devenue par la force des choses le quotidien de toute une génération, celle des plus pauvres et des plus démunis. L’un des symptômes de cette existence où seul compte l'instant, de cette «culture de l’éphémère », c’est justement la boulimie de spots publicitaires, qui se succèdent sur les écrans privés à la vitesse d’une katioucha crachant la mort. Entre les spots, ce

sont les séries américaines qui ont le plus de succès, d’autant que le puritanisme d’outreAtlantique met les chaînes à l’abri de la critique et de la censure. Quand, cependant, le censeur fait preuve d’un zèle excessif — dans les régions aux mains du Hezbollah par exemple, à Baalbek et dans la banlieue sud de Beyrouth —, il reste le recours à la « mosaïque », cette

grille multicolore qui, en Europe, sert à garantir l’anonymat. Un artifice qui, précisons-le, n’a qu’une fonction exclusive de « cache-sexe ». Toutefois, les moralistes de tous poils sont démunis devant la prolifération d’antennes paraboliques (« para-diaboliques », comme les ont si poétiquement baptisées les islamistes algériens), qui permettent de voler des programmes du monde entier.

Liban

Jusqu'en 1985, Télé-Liban, la chaîne nationale, est parvenue tant bien que mal à sauver son monopole. Elle cède toutefois devant l'offensive déclenchée par la plus puissante des milices, les Forces libanaises (FL, chrétiennes),

qui se dote d’un média à la hauteur de ses ambitions : la LBC (Lebanese Broadcasting Corporation), de fait la première télé-pirate du Liban (par suite, les FL Ss’offriront une seconde station, Canal 33). La désagrégation de l’État aidant, dans les deux années qui suivent, cha-

que faction libanaise ou presque possède sa ou ses stations de radio et de télévision. Quant aux trois canaux de Télé-Liban, ils survivent notamment grâce à l’aide de la France, francophonie

oblige ! Cette prolifération des télés pirates intervient au moment même où la monnaie nationale, la livre libanaise, s’effondre. Tout un

chacun peut alors s’offrir son spot publicitaire pour la modique somme d’une centaine de dollars, quand les tarifs étaient quinze fois supérieurs un an auparavant. La LBC reste de loin la première station privée, disposant de ressources financières importantes — on a mis en avant la sponsorisation ; il faudrait aussi parler des revenus moins présentables, le racket, les armes et la drogue notamment — et de moyens techniques performants (par exemple des ordinateurs graphiques). En 1990, ce sont au moins dix chaînes privées qui se sont créées, au gré des formations politico-militaires et des réduits qu’elles con-

LIBAN, LEVÉE DE LA CENSURE TOTALE SUR L'INFORMATION ————————_———————_——_—_—_—_——

La liesse des journalistes politiques Pendant quatre mois, les journalistes libanais n'ont pu vivre leur passion, la politique. Depuis le 26 juillet, qui marque la fin de la censure, ils reprennent goût à la vie. IX mille journalistes ont repris Vie au Liban. Depuis le 26 juillet, la censure totale sur tion de TéléLiban, la Using bé

leur h régionLa d'origine. On one bien que celle situation

n'aurait paspu

durer. »

Les responsables de Fporabende chaînes Pourleurséquipes — « on

libanais, auillet dernier, et

sentait bien que nos journalistes considéraient leur

de «préserver l'unité nationale » àlasuite d’une violente explosion à l'église Notre-Dame de-la-Garde.

Peu importe que l'infor-

mation

ait eu à nouveau

droit de cité grâce à un

E RSS affrontement entre le premier retrouvée àfaire chaque semaine la qu'une demi-heure plus iard, plus miciar. DCRuleMn ec Haegunmlgedemmenl éme dau Momeol D'A jenile Es auà CRT diParlement. M. NabinBe!La…fois, passeencore:ondécouvrede Au dé on a ruàame einede ne EE romplacé

Souad

Belhaddad,

Le Monde,

7-8 août 1994

notamment les deux stations des FL. Caprice politique dans les premiers temps — car fantastique moyen de propagande —, la télé intéresse de plus en plus les banquiers, qui ne se contentent plus de financer mais en viennent à créer leurs stations, comme le fait Henri Sfeir

en septembre 1991 avec ICN. Et puis cette floraison de télés pirates peut aussi avoir des répercussions inattendues: tous ces jeunes créatifs par exemple, qui se lancent avec enthousiasme dans la conception de spots publicitaires, une manière pour eux d’exprimer leurs frustrastions et de refuser le fatalisme ambiant ; en tout, deux

mille personnes à la fin des années 80 — concepteurs, commerciaux, mannequins —, COndamnés par la nouvelle réglementation et le

trôlent. Entre-temps, le 22 octobre 1989, les der-

retour des grandes agences américaines et euro-

niers représentants de la légalité libanaise (les 62 députés d’avant 1975) se sont réunis à Taëf,

péennes. En 1992, on recense une quarantaine

en Arabie saoudite, afin de signer un « docu-

milices, des ministres ou des financiers, et pas

ment d’entente nationale », qui stipule que seront réorganisés «l’ensemble des moyens d’information, conformément à la loi et dans le cadre de la “‘liberté responsable’”, de façon à servir les orientations de l'entente et de la fin de la guerre ». Sur le terrain, la «liberté responsable » se résume au dépeçage du pays et à sa mise en coupe réglée par les milices. Il n'empêche, les légalistes ne se laissent pas impressionner et dotent la nouvelle Constitution d’un article courageux (l’article 13), qui proclamme la liberté d’expression — la vraie! — après suppression, naturellement, des médias audiovisuels créés lors de la guerre. Il reçoivent le soutien de la

moins de 186 stations radio ! Rien que sur le Grand-Beyrouth, une région de 600 km?, on dénombre une quinzaine de chaînes, correspondant approximativement aux différentes zones contrôlées par des partis ou des milices riva-

milice Amal (chiite), des Druzes et des instan-

ces musulmanes rivaliser

avec

en général, qui ne peuvent

la suprématie

chrétienne,

et

de chaînes privées, détenues par des chefs de

les, des Forces libanaises au Hezbollah, en pas-

sant par le parti communiste. Si la grande majorité de ces télés ont choisi de plagier leurs homologues occidentales, certains canaux se sont délibérément mis au service d’une cause ou d’une idéologie, telle AIl-Nour («La lumière »), la station du Hezbollah pro-iranien,

qui diffuse à longueur de journée les enseignements du Prophète. Cette même année 1992, l’État libanais, qui vient de mener à bien la pacification du GrandBeyrouth (désarmement des milices, suppression des lignes de démarcation et déploiement 297

Les télévisions du monde

de l’armée), décide d’engager son programme de réglementation de l’audiovisuel privé, en s’en prenant d'emblée — signe d’un malaise et d’une grande maladresse — à la liberté d’information. Le tollé est général, d’autant que la plupart des stations directement visées (celles des FL par exemple) font assaut de mauvaise foi et d’hypocrisie. Le Parlement et le gouverne-

vision n’échappe pas à ces tares ancestrales que sont le népotisme et la corruption. Il reste enfin à améliorer très sensiblement la qualité générale des médias audiovisuels libanais. Pierre PINTA

ment usent pourtant d'arguments déterminants,

notamment le fait que ce pays, tourmenté par quinze années d’affrontement et de haine, a besoin de sérénité pour engager la réconciliation nationale. Et il est vrai que certaines télés avaient distillé pendant des années des discours franchement haineux, qui ne pouvaient qu’entretenir un climat de guerre civile. Le projet échoue et les télés continuent de se multiplier : en 1993, elles sont une soixantaine... Le gou-

vernement ne désarme pourtant pas. Au printemps 1992, un projet de loi est annoncé, qui doit remettre de l’ordre dans le paysage audiovisuel. La reprise en main de la chose publique se fait de plus en plus sentir, et ce sont plus de 50 demandes qui affluent sur le bureau du ministre de l’Information. La nomination du milliardaire Rafic Hariri au poste de Premier ministre (octobre 1992) confirme la stabilisation politique et laisse entrevoir une amélioration de la situation économique — Rafic Hariri qui, notons-le au passage, possède sa propre station, Futur TV. Le 23 février 1994, il fait inter-

dire la diffusion d’informations sur toutes les

Francophone La tradition francophone (et souvent francophile) d’une majorité de Libanais favorise bien évidemment la diffusion de programmes français au Liban. Sur l’ensemble des pays

arabes, la France vient en troisième position

(13% du total), derrière les Etats-Unis et l'Égypte. Au Liban, toutefois, cette part est

plus importante, d’autant que la politique de coopération met en avant la gratuité des programmes.

Ainsi,

les émissions

du service

public (France 2 notamment) sont-elles appréciées et recherchées, d’abord pour leur variété et leur qualité. Cependant, depuis quelques années,

l’offensive

américaine

marque

des

points, à l’image du « cow-boy » Marlboro, dont l'effigie dépasse d’une tête celle de l’imam Khomeiny.. Et puis la Syrie a une dent contre la France et supporte mal la liberté de ton des journalistes du «20 heures ». Elle a donc insidieusement engagé une opération de dénigrement de la culture française en général, et contraint le gouvernement libanais à lui emboîter le pas.

chaînes, hormis Télé-Liban. Cet oukase coïn-

cide très exactement avec la dissolution du parti de Samir Geagea, le chef des ex-Forces libanaises. Le message est clair: on veut abattre la LBC, la télé la plus regardée, et à travers elle, les autres chaînes jugées défavorables au gouvernement. La méthode est rude, mais l’adversaire est de taille ! Trois mois plus tard,

le Parlement adopte un projet de loi sur les médias audiovisuels jugé assez libéral : il confirme l’existence d’un secteur privé (une quarantaine de stations de télévision), garantit le pluralisme de l’information, et autorise les partis et les organismes communautaires à avoir leurs stations. Rafic Hariri a tenu parole : il ne serait pas le « fossoyeur des libertés médiatiques ». Cependant, la partie n’est pas gagnée. D’abord

parce que la stabilité politique n’est qu’appa-

rente et que la Syrie peut à tout moment intervenir dans les affaires intérieures libanaises;

ensuite parce que le pays est profondément gangrené par les pratiques mafieuses et que la télé298

Chiffres ? Le Liban n’a jamais livré beaucoup de statistiques le concernant. Depuis 1975, les choses sont encore plus simples: il n’y a rien; du moins rien de sûr. Ce que l’on peut affirmer, par contre, c’est que les Libanais sont très friands de télé, comme le sont d’ailleurs leurs voisins. Pour ce qui est du nombre de téléviseurs,

les chiffres

750 postes pour

varient

de 330

à

1000 habitants ; de toute

façon, loin devant la Syrie et la Jordanie, ou

même Israël. En juillet 1994, on comptait une cinquantaine de chaînes privées et les 3 canaux

de Télé-Liban

(record du monde

pour le nombre d’habitants !). Si l’arabe reste la langue la plus utilisée, le français, et surtout l’anglais depuis une dizaine d’années, tiennent une place importante.

Maroc

Maroc part de France, mais aussi des États-Unis (touJours sous-titrées en français). Aujourd’hui, on assiste à une arabisation de la télévision — 75 % des programmes sont en arabe — mais aussi à une marocanisation des émissions ou des téléfilms, tandis qu’un effort est fait en ce qui concerne la jeunesse des présentateurs, la vivacité des programmes et les publicités pour des produits nationaux.

Superficie : 450 000 km? Population : 26 000 000 habitants Capitale: Rabat Langues utilisées à la télévision: arabe, fran-

çais, espagnol Nombre de téléviseurs: 3 200 000 Nombre de magnétoscopes: 800 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de chaînes étrangères captables: 2 Nombre d’antennes paraboliques: 400 000

Un certain type de réalité sociale Les premiers pas de la télévision marocaine sont intimement liés, non seulement à l’indé-

La chaîne publique marocaine, RTM, ouvre

pendance du pays mais aussi à la consécration du régime monarchique: les premières images qui seront retransmises par le petit

aujourd’hui ses programmes — après la traditionnelle lecture du Coran et les moins traditionnelles vingt minutes de Récréation enfanline — avec une série relatant la vie d’une famille maghrébine en Europe. La famille Ramdam, feuilleton presque quotidien (excepté le vendredi et le dimanche),

écran seront, en effet, celles de l’intronisation du roi Hassan IL, en mars 1962. Ainsi, c’est

avec cette retransmission que la première chaîne publique marocaine inaugurera le principe, immuable à ce jour, de sa subordination politique et économique au pouvoir

monarchique. Emettant

de

studios

implantés

à Rabat,

RTM dispose de sept relais, à Tanger et dans les principales autres villes marocaines; en 1990, avec

ses 27 émetteurs,

elle couvre

les

principaux centres urbains du pays. Rabat et Casablanca ont chacune deux studios. En quatre ans, elle a un peu plus que doublé ses heures de transmission hebdomadaires : en

1990, la période du Ramadan

était celle

où la chaîne publique émettait le plus longtemps (environ 46 heures par semaine), alors qu’une semaine normale en 1994 totalise 98 heures. Longtemps, les seules productions proprement marocaines se résumaient aux Journaux télévisés, à la fameuse et toujours actuelle Soi-

rée hebdomadaire de variétés du samedi soir (de 22 heures à 23 heures 15), à quelques pièces de théâtre et chansons, et enfin aux reportages sur les nombreuses cérémonies officielles. L’essentiel des émissions étaient importées du monde arabe et d'Occident: la plu-

à midi et demi, raconte avec humour les réa-

lités de l’émigration. Cette sitcom 100 % français raconte, un peu à la façon Cosby Show, l’histoire d’une famille arabe émigrée de longue date ; le père est chauffeur de taxi tandis que ses enfants, nés en France et se définissant donc comme Beurs, poursuivent ou non des études en France et en Suisse. Ce feuilleton a déjà été diffusé par M6. Pays tampon entre le continent africain et l’Europe, le Maroc est conscient de la réalité socioéconomique liée aux pressions migratoires; d’autant plus qu’il est le seul pays non européen à contrôler la sécurité du détroit de Gibraltar dans le cadre de la « convention de Schengen ». Le ministère de la Communauté marocaine à l’étranger coproduit avec la chaîne publique une émission bihebdomadaire qui fait un peu pendant à la série française: Aflas, en effet, rend visite à des familles maghrébines émigrées à l’étranger et ne lésine pas sur une mise en scène à effets de surprise, pour la plus grande joie des téléspectateurs. Le pourcentage d'émissions religieuses reste assez faible (6 heures) mais les programmes 299

Les télévisions du monde

sont significatifs: ils informent sur la politique religieuse de certains pays dont ils révèlent le degré d’ouverture ou, au contraire, de

puritanisme et ils rendent compte des préoccupations religieuses quotidiennes de tout un chacun. La crainte de l’État marocain d’une montée intégriste qui déstabilise son voisin est visualisable dans les prêches et les questions au mufti du vendredi sur RTM.

Une télé d’emprunt ? A l’heure actuelle, l’emprise saoudienne et égyptienne sur la RTM a baissé et, depuis 1988

surtout,

le nombre

d’émissions

ou de

téléfilms produits par le Maroc a augmenté, sans que la place accordée aux films français et, surtout,

américains

en soit, pour autant,

diminuée. Téléfilms marocains en dialecte tel Trésor commun

de Ahmed Haïidar, émissions

artistiques, jeux à l’américaine, émissions d’actualités ou sur la santé sont présentés en prime time, avant le journal en arabe de 20 h 30 et occupent une place non négligeable dans le panorama télévisuel. Pourtant, avec une moyenne de 70 téléviseurs pour 1 000 habitants, le Maroc est un des pays arabes le moins fourni en boîtes à images et arrive même en dernière position en Afrique du Nord. Selon un article publié dans CB News en mai 1994, l'Algérie dispose de 73 postes pour 1000 habitants, la Tunisie de 75 et la Libye de 91.

RTM

et 2M: filles de pub

Les investissements dans les spots publicitaires s’élèvent à quelque 20 millions de dollars; en effet, la pub est omniprésente, souvent dense, et concentrée aux alentours des

journaux télévisés (elle occupe jusqu’à 20 minutes !). Vantant de nombreux produits occidentaux, elle est rarement étrangère à 100 %; si les produits le sont (Pampers, Omo, Nes-

café.…..), la production, la réalisation et l’acting sont marocains. Généralement assez longs, ces

spots utilisent les ficelles du métier avec une

évidente lourdeur, mais une certaine dose d'humour fondé à l’occasion sur les doubles sens ou les sous-entendus sexuels fait son 300

apparition. On voit aussi des publicités françaises ou en français tandis que d’autres sont américaines et sous-titrées en arabe.

La télé publique : RTM La présentation proprement dite ou les logos utilisés par la chaîne publique font appel à des techniques télévisuelles de pointe: générique du JT, présentations des plages de publicité ou des actualités sont réalisés grâce au graphisme assisté par ordinateur et donnent une approche visuelle tout à fait agréable. A la différence de la chaîne privée 2M, RTM n’émet que douze heures par jour (de midi à minuit environ).

La récitation des prières, qui commencent les programmes, est entrecoupée d’images de mains tendues vers un ciel en mouvement tandis que la lecture coranique proprement dite est une sorte de karaoké oriental où le téléspectateur peut suivre la lecture grâce à une flèche se déplaçant au rythme du chant du mufti. Le vendredi, RTM

consacre toute une

tranche horaire aux émissions religieuses: dix minutes de préceptes religieux avec Lumière de la foi, suivies de la retransmission en direct

de la prière dirigée par le roi et, enfin, un quart d’heure pendant lequel le mufti répond aux questions des téléspectateurs concernant la pratique. Environ quatre-vingt-dix minutes sont chaque jour consacrées aux enfants; Récréation enfantine présente, dix minutes après l’ouverture des programmes et à 18 heures 15, des dessins animés japonais qui sont soit doublés en arabe classique soit doublés en français. La RTM s'intéresse particulièrement à l’audience des jeunes le mercredi: Train des enfants est animé par une présentatrice qui entraîne avec elle des enfants dans des rondes et des chansons arabes. Pour les plus grands, ce sont des films (français pour la plupart), des retransmissions sportives ou le magazine Taxi Clip qui occupent le reste de l’aprèsmidi. Les jeux télévisés s’échelonnent régulièrement tout au long de la programmation; au son de la trompette de Miles Davis, une caméra suit un jeune et fringant présentateur alors qu’il se prépare à entrer en scène, le jeuconcours Le voyageur vient de commencer.

Maroc

Cette émission est conçue à l’américaine: décors, questions de géographie à la Trivial Pursuit tout y est avec, à la clé, un voyage à gagner. Le vendredi, on peut assister au chaste /nsijam (Harmonie), jeu qui met deux couples en compétition. Tous les week-ends de l’été, la plage de Témara

accueille

des

concurrents

qui, à la

façon de Jeux en frontières, participent avec enthousiasme à 4 x 4. Avec des visages avenants, maquillés et souriants, présentatrices et journalistes du JT font preuve d’un grand professionnalisme. Il existe trois journaux quotidiens en arabe d’un total de 75 minutes. Celui de 20 heures 30 est le plus long, ceux de la mi-journée et de la dernière édition durent quinze minutes chacun. Ces deux derniers présentent l’essentiel de l’actualité internationale avec une prédominance pour les informations sur le monde arabe (pourparlers de paix, bande de Gaza, guerre au Yémen...). Les événements nationaux sont souvent présentés brièvement et bon nombre d’informations concernent des congrès ou des consécrations officiels présidés par le roi Hassan IL. Un tiers du temps du JT est consacré au Sport. En ce qui concerne le journal du soir, il peut, selon l’importance de l’événement, durer

jusqu’à deux heures; il s’intéresse, par ordre décroissant, aux activités royales, aux nouvelles nationales, à celles du monde arabe, à l’actua-

lité d'Afrique puis à celle du reste du monde et, enfin, au sport et à la météo.

Pour des raisons liées au passé colonial du Maroc mais aussi à la proximité géographique, deux journaux télévisés de quinze minutes chacun sont diffusés tous les jours en français (18 heures) et en espagnol (19 heures). Les sources

d’information

sont, c’est vrai

également pour la chaîne privée, le cabinet du Palais, le ministère de l’Information, l’ Agence nationale d’information et la MAP (Maghreb Arab Press). Seule la RTM

est reliée directe-

ment à l'Espagne et à la France et est membre de l’Union européenne de radiodiffusion

ainsi que de l’Union de la radiodiffusion des

États arabes.

Une chaîne privée: 2M C’est sous la pression de la presse écrite,

des intellectuels et des jeunes, étouffés par une télévision à caractère quelquefois vieillot et propagandiste, que le roi décida, en 1980, la création de la première télévision privée et cryptée d’Afrique (l’abonnement coûte environ

100 francs par mois); deux

tiers de ses

capitaux sont marocains (35 % appartiennent aux banques marocaines et 31,5 % à l’'Omnium

nord-africain), et le reste est détenu par des groupes privés internationaux comme TF1 (qui propose 1 000 heures de programme par an à 2M), Vidéotron (Canada) ou le holding qui appartenait à l’homme d’affaires anglais décédé, Robert Maxwell. La chaîne privée 2M n’a commencé à fonctionner qu’en 1989. Elle émet aujourd’hui sans interruption de 8 heures à 3 heures du matin et ses quatre heures journalières en clair sont particulièrement suivies — et donc truffées de publicités — par des téléspectateurs qui regardent avec plaisir les différents dessins animés, téléfilms, interviews

en direct des gens de la rue et infos. Le nombre d’abonnés avoisine les 100 000. Tenue de respecter la morale et la religion, 2M a les mains libres en ce qui concerne sa programmation: émissions pour enfants et dessins animés le matin, films (égyptiens, français et anglais), séries et documentaires l’après-midi et le soir; elle consacre, par ailleurs, 20 heu-

res par permet, arabe, marge

semaine à sa production propre et se dans les journaux télévisés (l’un en l’autre en français), une plus grande d’actualités internationales que sa

consœur.

2M — Mode de financement: abonnements, 85 %.

publicité,

15 %,

— Provenance des émissions: productions américaines, 45 % ; productions de la chaîne, 30%; productions arabes, 15%; productions françaises, 5 % ; reste du monde, 5 %.

— Les succès d’audience: films (40 %), informations (39 %), magazines produits par la chaîne (30%), feuilletons et séries (24,5 %), sport (22%) et documentaires (20 %). — Place des programmes français: 70 % des programmes sont diffusés en français. Ces chiffres proviennent de l'enquête nationale Multimédia réalisée en décembre 1993 et qui nous ont été communiqués par le développement marketing de 2M.

301

Les télévisions du monde

Les péripéties de TVS

UNE MEDINA SOUS DEPENDANCE La drogue du petit écran a ouvert les yeux des Marocains sur le monde extérieur,

Il faut évoquer dans ce panorama marocain

mais les leur a fermés

la situation de la chaîne TV5 (Europe); exclusivement francophone, cette dernière transmet,

sur le voisinage le plus proche. par Latefa IMANE, Journaliste, Casablanca, Maroc

grâce à Intelsat, de Russie jusqu’au Maroc et sélectionne pour ses téléspectateurs des émissions précédemment

diffusées

en France,

en

Belgique, en Suisse et au Québec. Depuis quatre ans, TV5

a cessé d'émettre

au Maroc: elle est punie pour avoir rediffusé une émission consacrée au livre de Gilles Perrault Notre ami le roi. Depuis, c’est MBC,

la

chaîne à capitaux saoudiens diffusée depuis Londres, qui a pris la place hertzienne de TVS5. Grâce aux paraboles — estimées à 400 000 — les téléspectateurs peuvent, cependant, non

seulement

capter TV5

mais

aussi

Eutelsat ou Arabsat.

Lancement d’une chaîne thématique

Médina marocaine.

Histoires

de développement,

n° 18, juin 1992

Depuis le 11 mai 1993, une chaîne à thème, Canal Santé Maroc, a commencé à transmet-

tre ses premières émissions; avec pour objectif la formation et l’information scientifiques, cette

nouvelle chaîne utilise le faisceau hertzien et le système de cryptage et de décryptage de 2M. Les images qui sont utilisées pour les émissions de Canal Santé proviennent de reportages réalisés au Maroc, de productions des universités, des hôpitaux et des instituts de recherche au Maroc et dans le monde ; pour 1994, les responsables prévoyaient 80 % de production nationale. L’auditoire visé est constitué de médecins, d’universitaires, de pharmaciens, de biologistes...

et aussi de militaires.

Qui regarde quoi ? Dans le monde arabo-musulman, la télévision utilise, presque exclusivement, la langue arabe dite « classique », parfois très différente

des nombreux

dialectes parlés. A la fin des

années 80, on estimait que 65 % de la population marocaine était analphabète, dont 78 % de femmes et 95 % de la population féminine rurale. 302

Ainsi, alors que la télévision transmet un certain nombre de ses émissions et de ses

films dans la langue de Voltaire, à peine 10 % de la population rurale comprend le français... En outre, le nombre de téléviseurs au Maroc

est assez faible: en moyenne 1 poste pour 14 personnes. Selon une enquête du quotidien national Le Matin du Sahara effectuée en novembre 1990, 72 % de la population reçoit TVM,

issue de RTM,

30 % reçoit 2M, 17 %

capte TV5, tandis que les télévisions espagnoles et algériennes sont reçues par 13 % et 5 % de la population marocaine. La préférence des téléspectateurs pour TVM concerne surtout les films en arabe et les informations, les longues plages de publicité sont souvent vues avec un certain déplaisir; 2M est surtout appréciée pour ses nombreux films et téléfilms mais le public réclame de plus en plus d’émissions typiquement marocaines.

Judith CAHEN

Oman

Oman Superficie: 212 457 km? Population: 1 400 000 habitants Capitale: Mascate Langues utilisées à la télévision: arabe, anglais Nombre de téléviseurs: 300 000 Nombre de magnétoscopes: 200 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Pourcentage de programmes français: nul

La télévision omanaise est l’une des plus jeunes de la péninsule arabique; elle voit le jour le 17 novembre 1974, quatre ans après la prise du pouvoir par le sultan Qabous ben Saïd; une station émettrice est alors installée

à Mascate. Elle sera pendant cinq ans gérée, grâce à un contrat passé avec le ministère de l'Information, par une compagnie ouestallemande.

En

1979, des techniciens

chaîne ne retransmet que de 15 heures à minuit. La production locale est essentiellement constituée d’émissions préenregistrées qui sont diffusées

chaque

semaine; on y retrouve

un

programme familial, des jeux, des variétés musicales, différents programmes pour les enfants et sur l’éducation (la santé, le trafic routier ou l’histoire du pays). Seuls les JT sont en direct: de 20 heures à 20 heures 30, en anglais, à 22 heures, en arabe. Le Sultanat

n'ayant pas d’envoyés spéciaux dans le monde, les images arrivent exclusivement par satellite, grâce à l’Union européenne de radiodiffusion. Le reste de la programmation, essentiellement de la fiction, est importé surtout de l’Égypte et, sinon,

de l’Occident; les téléspectateurs

peuvent voir de vieux documentaires et des séries américaines comme Star Trek ou Kung Fu.

arabes,

mais non omanais (jordaniens), prennent en main les deux relais.

Vu le coût exorbitant des téléviseurs, il avait

La télévision de Mascate s’est trouvée confrontée à ses débuts à l’opposition des milieux religieux mais elle fut rapidement étouffée par le gouvernement qui promit que le petit écran serait aussi utilisé pour propager la parole divine.

été décidé d’installer de gigantesques écrans afin que les plus défavorisés des Omanais puissent jouir de l’image ! En 1980, un écran géant fut ainsi installé à un carrefour très fréquenté de la capitale. Mais il attirait la nuit une foule si nombreuse que les embouteillages obligèrent les autorités à mettre fin à ce système dès 1986...

Excepté le vendredi, où les programmes commencent en même temps que le grand rendez-vous religieux hebdomadaire, l’unique

Judith CAHEN

303

Les télévisions du monde

Qatar Superficie: 11 000 km? Population: 450 000 habitants Capitale: Doha Langues utilisées à la télévision: arabe, anglais Nombre de téléviseurs: 130 000 Nombre de magnétoscopes: 90 000 Nombre de chaînes publiques: 2 français : Pourcentage de programmes négligeable

commerçantes du pays investissent aussi dans la promotion de leurs produits. La mention des boissons alcooliques est interdite, mais 1l n’est

pas non plus permis de faire de la publicité comparative ni de vanter des produits susceptibles de choquer les valeurs familiales. Les spots ne peuvent être présentés avant ou après les émissions religieuses ou politiques.

Judith CAHEN

Le Qatar inaugura sa première chaîne en annonçant le départ des Anglais de l’émirat; conçue pour n'être que temporaire, elle dura et, aujourd’hui, les responsables des programmes ont trouvé un juste équilibre entre les émissions

occidentales

et arabes,

en laissant

une place à la production locale (surtout des variétés et des informations). En temps normal, cette télé, visible à Abu

Dhabi, à Bahreïn et jusqu’au nord de l’Arabie saoudite, n’émet qu’en fin d’après-midi jusqu’à minuit; en été, par contre, quatre heures sont spécialement destinées aux jeunes en vacances, captables au Koweït et dans les Emirats arabes unis. Durant l’année, nombreu-

ses sont les émissions pour enfants, dont les incontournables Sesame et Le monde merveilleux de Disney, mais le public apprécie plus particulièrement les émissions qui mélangent éducation et information, le téléfilm religieux

diffusé quotidiennement et les informations du soir, elles-mêmes suivies de productions arabes et occidentales importées. Au milieu des années 80, le Qatar lança, comme ses voisins, une deuxième chaîne,

anglophone, Channel 37, en profitant de la construction de nouveaux studios et de l'implantation d’autres stations émettrices. De 13 heures à minuit, elle programme des séries américaines, telles Dallas ou Miami Vice, et à 22 heures le JT, également en anglais. Bien que la télévision soit majoritairement financée par l’État, elle est ouverte depuis longtemps aux annonces publicitaires; on y vante de nombreux produits européens et japonais, vendus sur place. Les grandes familles 304

Quatre mois après l'accord de coopération signé à Paris

La difficile naissance de la télévision palestinienne La future chaîne palestinienne vetrelle démarrer au mois de Juin, comme le souhaite de juin, l'OLP? Le retard pris dans les négociations israélo-palesti= Qui incent celles sur l'attribution des fré qi es l'attributi radio. et télévision -, les pro-

blèmes

de bureaucratie

divers orgenismes

coordinateur du dossier télévision entre l'OLP, le gouverne. ment français, Union euro= péenne et l'UNESCO. La Multiplication des centres de décision de l'OLP, et la lenteur des aîdes internationales ont repoussé à plus tard des études, : es décision. Jusqu'à quand

des

et pays

«On part

ants, la complexité du

er (technique, juridique},

ünt déjà fait reculer le calendrier

es une priorité de l'OLP, qui

Celle opération, mais qui resie

La communication a toujours

serles populations des temioires

La future télévision palesti-

do sluel ines. Les dia. mienne doit se congtruire essenFeu comes. Les des icllement par l'aide internatio cusslons sur les fréquences ont nale. La Commission commencé le 24 janvier à Taba européenne, qui a accordé une (Egypte) pour s'interrompre première subvevention en 1553 (de l'ordre de2 millions quelques jours plus tard, mais mil ions d'écu: s SOÏt elles devraient reprendre d'ici . Le pays, en effet, revient de loin.

Ancienne colonie allemande du Sud-Ouest africain, confiée en 1920 par la Société des Nations (ancêtre de l'ONU) au mandat de l’Afrique du Sud, à la suite de la défaite des

troupes impériales allemandes pendant la Première Guerre mondiale, la Namibie devint pratiquement une colonie de l’Afrique du Sud qui y appliqua toutes ses lois discriminatoires en dépit des protestations de la communauté internationale,

notamment

des

résolutions de l'ONU mettant officiellement fin à cette tutelle en 1966. II fallut tout le courage, la ténacité et la volonté de sa majorité noire? conduite par la Swapo* et le soutien résolu de l’Angola voisine, pour que la Namibie accède enfin à l’indépendance. Le 21 mars 354

la SWABC

ou

tant

pour

les contenus

qu’au

niveau

technologique. Elle relayait donc fidèlement les programmes et positions adoptés à Pretoria, et s’exprimait presque uniquement en afrikaans, langue parlée seulement par une petite partie de la minorité blanche présente sur le sol namibien. Mais, après l’indépendance, la loi sur la radiodiffusion et télévision, adoptée en 1991,

les politiques de programmation télévisuelle en

et

SABC,

contre

Sa télévision se veut un des instruments d’une œuvre patiente, mais constante. De fait, et comme l’affirmait son directeur général, M. Nahum Gorelick, lors d’un séminaire sur

nationale

sud-africain

South West African Broadcasting Corporation, n’était qu’un relais local de sa lointaine mar-

lui assigna d’autres objectifs, et la SWABC devint la Nambian Broadcasting Corporation, NBC. De plus, l’anglais fut adopté comme langue officielle du pays, au détriment de l’afrikaans. Mais la télévision ne dispose encore que d’un canal et ne couvre que 25 % du territoire national, surtout en zones urbai-

nes. Elle ne désespère cependant pas d’émettre un jour, même pour quelques heures, dans les neuf langues

locales,

en vue

de toucher

la plus grande partie de la population, à l’instar du réseau de radiodiffusion. Le pays est aussi desservi par la chaîne de télévision câblée sud-africaine M-Net, dont l’audience est

cependant tombée de 18% à 4%, après la réorientation des programmes de la NBC. Preuve que les téléspectateurs veulent avant tout voir refléter leurs propres réalités sur leurs petits écrans. Car de stature internationale, MNet diffuse des films, du divertissement et du

sport. Les programmes de la NBC, eux, s’ils sont en partie d’origine européenne (essentiellement de Grande-Bretagne), font une large part aux programmes nationaux. Réorientation qui a été décidée en vue de contrer la trop grande américanisation de ceux de la défunte SWABC. Car la Namibie indépendante essaie, autant que

Namibie-Niger

faire se peut, de se procurer des programmes provenant des télévisions du continent. Cela n’est pas toujours facile, l’Union des radios et télévisions nationales d'Afrique étant moribonde. Tout comme la plupart des pays d’Afrique australe, ses proches voisins, elle importe aussi des programmes d’ailleurs, mais s’intéresse surtout à ceux qui traitent de problèmes sociaux tels que le développement économique, les libertés politiques et les interactions sociales. Sur le plan intérieur, la NBC

est indépen-

dante du pouvoir politique et, contrairement à ce qui se voit ailleurs dans la plupart des pays d’Afrique, elle ne s’interdit pas d’être critique à l’égard du gouvernement. Elle s’est donnée pour mission de promouvoir résolument les cultures namibiennes, voire de bâtir à la longue une culture nationale, en faisant

la synthèse des composantes du pays en la matière. Elle encourage la production et la diffusion de programmes locaux, afin de montrer d’abord ce qui se passe sur place. En dépit des ressources limitées dont elle dispose et aussi de dysfonctionnements organisationnels hérités de la SWABC, qui faisaient que 92 % de son budget était affecté aux frais de fonctionnement

(salaires

et entretien

des locaux

notamment) et 18 % seulement à la production, la NBC produit de nombreux documentaires et reportages sur des problèmes tels que la sécheresse,

la réforme

agraire et foncière,

le sous-emploi, l’équité et l’égalité en matière d'emploi, etc. Ayant découvert que son public est friand d'émissions sur les affaires publiques ou de débats politiques en direct, elle en produit énormément. Par ailleurs, la NBC diffuse aussi son lot de feuilletons américains, anglais, australiens ou des séries sud-africaines et brésiliennes. Henri-Paul

BOLAP

Niger Superficie : 1 189 000 km? Population : 7 490 000 habitants Capitale: Niamey Langues utilisées à la télévision: français, arabe, djerma, gourmantché, haoussa, kanuri, peul. Nombre

de téléviseurs: 50 000

Nombre Nombre

de chaînes publiques: 1 de chaînes privées: 0

La majorité des Nigériens consacrent leur soirée du jeudi à la télévision. Jusqu’à la fin du régime militaire, en 1991, le téléjournal de ce jour était, avec

la radio d’État, la seule

source d’information officielle sur les décisions du conseil des ministres. Puis les téléspectateurs attendaient, en fin de soirée, le feuille-

ton américain ou brésilien ou encore le film de la semaine. L’avènement de la démocratie n’a pas modifié les habitudes mais de plus en plus, ce même soir, entre l’information et le divertissement, à l’heure de plus forte écoute,

ce sont les imams et les marabouts qui monopolisent les ondes et qui disposent de longues périodes pour diffuser leurs sermons. Dans ce pays à 90 % musulman, l’accès aux ondes de Télé-Sahel devient un enjeu pour les nombreux groupes islamiques: en 1992, les téléspectateurs ont même pu assister à une vigoureuse empoignade en direct entre les représentants de deux obédiences opposées. C’est désormais le gouvernement qui nomme par décret les imams officiels qui prêchent le jeudi: les autres se contentent d’émissions occasionnelles, lors du Ramadan ou de la Tabaski (fête du mouton). Avec détermination,

1. Namibian Broadcasting Corporation, communication présentée par M. Nahum Gorelick, directeur général de la Namibian Broadcasting Corporation, lors du séminaire « What's on

les journalistes se sont opposés à ce que la prière du vendredi soit télévisée. Quant à la demande de l’Église catholique, qui souhaitait obtenir quinze minutes de temps d’antenne

television ? » organisé à Johannesbourg en 1992, avec le con-

hebdomadaire,

cours du Partenariat Afrique-Canada et de Vidéo Tiers-monde. Traduction libre. 2. 85 %, contre 6 % de Blancs, majoritairement originaires d'Afrique du Sud ou descendants de colons allemands et le reste composé de métis. 3. La South West African People's Organization, dirigée par Sam Nujoma, qui devint président du pays à l'indépendance, son parti ayant remporté 57% des suffrages lors des élections de novembre 1989.

elle fut refusée à la suite des

pressions de quelques notables musulmans. Situation exceptionnelle dans la région, la télévision du Niger touche plus de 80% de la population, qui vit sur les 20% les plus peuplés du territoire de ce vaste pays. La manne de l’uranium des années 70 et 80 a 355

Les télévisions

du monde

Un film nigérien

permis au gouvernement d’investir 28 milliards de FCFA (560 millions de francs) dans des infrastructures

télévisuelles

modernes,

à la

mesure d’un pays étendu et peu peuplé. Douze agglomérations disposent aujourd’hui d’équipements de production et de diffusion. À 1 250 km de la capitale (dont 600 de piste), l’oasis saharienne de Bilma est équipée depuis peu d’émetteurs TV et FM. Des villes isolées comme Agadez et Diffa diffusent à la fois en hertzien et par satellite. Télé-Sahel dispose, en outre, de deux

unités de production mobiles à énergie solaire. La chaîne est née en 1979, des suites de

la retransmission en 1978, par la télévision éducative du Niger, du Mondial

de football,

et le nouveau réseau devait grandement bénéficier de l’expérience et de l’enracinement de la télé scolaire en ondes depuis 1964. Plus d’un millier de récepteurs collectifs donnés par la France — aujourd’hui hors service faute de pièces de rechange fonctionnaient alors avec des batteries ou à l’énergie solaire. Aujourd’hui, selon un responsable de l’Office de radio télévision du Niger (ORTN), le nom-

bre de 50 000 récepteurs privés officiellement déclarés devrait au moins être doublé: la contrebande qui existe avec le Nigeria rend tout aussi aléatoires les estimations du parc de magnétoscopes et d’antennes paraboliques. La rente minière ayant beaucoup diminué, l’État nigérien a tenté d’instituer une redevance pour les propriétaires de téléviseurs, mais il s’est heurté à une forte opposition. Un principe semblable à celui qui est appliqué par des pays voi-

sins a alors été adopté : la redevance est perçue 356

d'Oumarou

Ganda:

Saïtane

sur les factures d’électricité, en fonction de la

consommation. Résultat: les consommateurs d'électricité qui n’ont pas la télévision paient la redevance, alors que ceux qui utilisent un générateur ou des batteries pour faire fonctionner leur téléviseur en sont exemptés ! Propriétaire des infrastructures, la société nigérienne de télévision est aussi responsable de l’entretien, de la formation professionnelle, de

la réalisation et de la commercialisation des programmes produits par l’'ORTN dont dépend TéléSahel. Près de la moitié de la programmation de cette dernière touche la culture ou l’éducation. De nombreux programmes originaux utilisant les langues locales sont produits, notamment dans le domaine du sport: la diffusion télévisée de matches de lutte traditionnelle interrompt pratiquement toute activité à travers le pays. Mais la réduction des moyens ne favorise guère l’autonomie des services d’information, fruits de la fragile démocratisation entamée en 1991. Aujourd’hui, les professionnels de l'ORTN sont inquiets. Ils voient revenir subrepticement certaines personnes qui ont servi le régime d’exception: « La censure montre le bout de son nez » confie un journaliste. Les islamistes envoyés par la présidence se font de plus en plus nombreux. Cependant, les Nigériens n’ont jamais pris pour argent comptant les messages diffusés par leur téléviseur. Et, si le jeudi, après le téléjournal, le poste reste allumé pendant que les prêcheurs déclament, dans les familles les conversations vont

bon train... pas toujoursà propos de religion. Alain PÉRICARD

Nigeria

Nigeria Superficie: 923 768 km? Population: 88 500 000 habitants Capitale: Abuja Langues utilisées à la télévision: anglais, yoruba, 1bo, haoussa, fulani.. Nombre de téléviseurs: 10 000 000 Nombre de magnétoscopes: 1 500 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes reçues: 10

Des 71 millions de téléviseurs que possédaient les 677 millions d’Africains en 1994, le Nigeria en compte à lui seul près de 10 millions'. Cette donnée, comme plusieurs autres, démontre amplement qu’Abuja est la capitale d’un grand pays en Afrique. Cependant, l’instabilité politique dans laquelle il s’est plongé depuis 1966, avec le renversement et l’assassinat des principaux dirigeants de son premier régime civil, y a occasionné une spirale économique inexorable, ainsi qu’une perte de crédibilité quasi totale sur le plan diplomatique. À telle enseigne qu’on est désormais en droit de se demander si, à l’instar de l’alba-

tros du poète, ses ailes de géant ne l’empêchent pas de voler ? Dans ie domaine de la télévision toutefois,

le pays a résolument pris son envol. De fait, la télévision par voie hertzienne est

une vieille histoire au Nigeria. Elle remonte à 1959, soit bien avant la totalité des pays d'Afrique francophone et même anglophone. Et l’on y parle désormais de câblo-distribution télévisée par micro-ondes ou MMDS,

dont se

servent déjà 100 000 personnes.

Du pain et des jeux ? L’avance historique prise par ce pays dans ce domaine est donc indéniable. Sa première

1. Sources : revue Wireless International, mai 1994 et AndréJean Tudesq, op. cit, p.309. L'Afrique du Sud qui vient après en Afrique subsaharienne, n'en compte que 2,5 millions.

émission télévisée fut visionnée le 31 octobre 1959 à Ibadan,

à l’ouest. Elle était l’œuvre

d’une compagnie dénommée Western Nigeria Television

(WNTV),

qui avait bénéficié

du

concours de la coopération britannique, par l’entremise de l’Overseas Rediffusion Ltd. Ce service s’étendit dès l’année suivante à Enugu à l’est et en 1962 au nord du pays. Les trois régions qui abritent les principaux groupes ethniques du pays, les Yorubas, Ibos et Haoussas, furent donc dotées de la télévision très rapidement,

en

raison

de la compétition

à

laquelle elles se livrent. La télévision y fonctionnait

sous

la forme

de

sociétés

mixtes,

alliant les intérêts des gouvernements régionaux et ceux de compagnies privées qui, généralement, avaient contribué à leur lancement.

Les contenus des programmes étaient souvent étrangers, comme

à Ibadan à l’ouest, où

le pourcentage de réalisations de provenance extérieure

s’élevait en

1962

à 72 %, contre

15,5 % seulement de productions nationales, essentiellement des JT et du sport. Mais à la même période et à Enugu, l’'ENTV produisait quinze des trente-quatre heures et demie de sa programmation hebdomadaire. Et Ibadan, en plein cœur des grands royaumes anciens d’Ife, de Benin, d’Oyo et d’Ondo, se rattrapa quelques années plus tard, en réduisant la proportion d'émissions étrangères dans ses programmes de 80 % à 15 % seulement. D’ailleurs, la

télévision nigériane, malgré ses penchants pseudo-américains, est bien connue pour son utilisation intensive des langues nationales et pour son nationalisme culturel. Globalement, dans tout le pays, l’équipement des ménages en récepteurs fut assez lent. En 1963, on ne dénombrait ainsi que 12 500 postes, soit pour une population alors évaluée à 55 millions

d’habitants,

un récepteur pour

4 452 personnes !

Après la guerre du Biafra qui vit notamment la destruction de la florissante et dynamique télévision d’Enugu, ce média prit rapidement de l’importance dans le pays. D'abord, 357

Les télévisions du monde

l'affirmation culturelle qui l’a toujours caractérisé connut un nouvel essor avec la production d'émissions

nationales,

à partir de scé-

narios d’auteurs tels que Amos Totuola, Chinua Achebe ou Wole Soyinka, couronné plus tard par le prix Nobel de littérature. Dans cette veine, la dramaturgie yoruba, très développée, eut de plus en plus droit de cité sur les petits écrans nationaux, grâce, entre autres, à l’Ori-

sun Theatre Group. Les importations d’émissions étrangères diminuèrent de ce fait de 33,7 % à la WNTV

en 1975 et, conséquem-

ment, le nombre de récepteurs privés augmenta. En 1974, la NBC (Nigeria Broadcasting Corporation) les estimait à 200 000, dont 75 000 dans la seule ville de Lagos, l’ancienne capitale. Rien d’étonnant, si l’on considère,

comme André-Jean Tudesq, qu’une émission comique nationale dénommée Alawada, battit des records de popularité pendant cette période. En outre, en 1978, 16 % des programmes télévisés se rapportaient à l’éducation scolaire ou populaire. Entre 1981 et 1984, ses émissions d’information sont passées de 70 à 27 % de la programmation, celles de divertissement de 22,8 % à 51 %. Du pain et des jeux... Les émissions importées, qui représentaient,

La télévision officielle nigériane couvre donc à l’heure actuelle la quasi-totalité des trente États de la Fédération et au-delà, étant captée dans tous les pays voisins, jusqu’en GE née équatoriale.

La tête hideuse

de la censure

Les téléspectateurs disposent également, dans une dizaine d’États, de stations locales privées. Il en fut ainsi de la LTV Channel 8 à Lagos en 1980, œuvre d’un parti fortement implanté localement, opposé au pouvoir central et dont la programmation, essentiellement en yoruba, comprenait aussi des films chinois ayant la faveur du public. Mais cette station fut incendiée, certainement par ceux qui n’appréciaient pas son existence. Cependant, presque partout au Nigeria, surtout dans les grandes localités, on a le choix entre quatre canaux d’accès direct. Ces télévisions diffusent déjà, selon Tudesq, la moitié des heures

de programmes de toutes les autres télévisions africaines. Par ailleurs, en 1993, des licences

69 % pour les productions nationales, provenaient en premier lieu des Etats-Unis (54 %),

d'exploitation de services télévisuels ont été accordées à 14 compagnies. Parmi celles-ci, se trouve certainement la Beti ou Black Entertainment Television International, originaire des Etats-Unis et qui diffuse des productions télé-

du Royaume-Uni

visuelles des Noirs américains. Ce réseau, créé

en

1984,

29%

du

temps

d’antenne

contre

(27 %) et du Brésil (4 %).

Aux heures de grande écoute, les télévisions

en août 1993, a l’ambition de s’implanter dans

nigérianes diffusent à 79 % des productions nationales, très populaires, qui sont d’ailleurs importées par d’autres pays africains. Parmi

toute

celles-ci, on compte

de 700 millions

les divertissements,

qui

ne sont importés que dans une proportion de 42 %, contre un « sommet » de 98 % d’importations d’émissions de divertissement par la télévision ougandaise! Devant la diversité de la nation nigériane, un service national de télévision eut du mal à s'implanter. En 1977 cependant, les militaires au pouvoir créèrent la NTA ou Nigeria’s Television Authority, qui coordonnait la dizaine de compagnies régionales préexistantes et les neuf autres qui furent lancées peu après. Cette autorité centrale divisa le pays en six zones de production télévisuelle, comprenant chacune trois ou quatre stations. En

1988, elle-même

fournissait 65 heures d'émissions hebdomadaires au réseau des 22 stations du pays, s’ajoutant aux productions propres de ces stations. 358

l’Afrique,

au

sud

de

l’Europe,

dans

l’océan Indien, ainsi que dans certaines parties du Moyen-Orient. Son audience potentielle à Malte,

de personnes,

au sud du Portugal,

est en Crète,

en Espagne,

Madagascar, île Maurice, Réunion, Seychelles,

Chypre, Liban, Israël, sud de la Jordanie, Arabie saoudite et Yémen. Ses programmes seront aussi disponibles dans les chambres d’hôtel de la région. Ils comprendront essentiellement du divertissement familial, genre Cosby Show, de

la musique, des vidéoclips, des nouvelles, des sports, du cinéma et aussi des magazines éducatifs, le tout en anglais. Une première entente a été signée avec Bop-TV, la télévision du défunt bantoustan sud-africain du Bophutatswana qui, par son dynamisme, s’était créé une large audience en Afrique australe. Cependant au Nigeria, la tête hideuse de la censure pointe toujours, en dépit de la tradition frondeuse des médias du pays, et du très

Nigeria NES TUE

Ne

La Beti: des téléfilms avec

des Noirs américains.

bon réseau d'institutions de formation en communication dont il dispose. C’est ainsi qu’une station privée, Nitel-TV Channel 21, considé-

rée comme illégale, a été interdite en 1993 par la NBC, la National Broadcasting Commission. Mais ce combat d’arrière-garde d’un régime militaire, de plus en plus contesté d’ailleurs, risque d’être vain. Car le pays reçoit déjà, outre le service public des stations du réseau de la NTA,

d’autres

stations comme

les bri-

taine d’organismes créés dans une trentaine de pays d’Afrique après la WNTV en 1959, la moitié au moins est implantée au Nigeria. Ils diffusent environ 100 000 heures de programmes par an, soit plus de 55% du temps d’antenne de toutes les télévisions africaines. Ce nain économique et politique peut, à tout moment, redevenir le géant qu’il était. Pourvu que lui soient Ôtés des handicaps qui hypothèquent encore lourdement son destin.

tanniques Sky 1, Sky Movies, Eurosport et MTV par le satellite européen Astra; du satellite Arabsat, lui sont fournies les émissions de la télévision de l’Arabie saoudite, celles de CNN, de Canal France International, de BopTV, et d’Intelsat 505 la chaîne câblée et pri-

vée sud-africaine M-Net?. Le paysage télévisuel du Nigeria est, par conséquent, très riche. En effet, de la cinquan-

Ici Les bannis avec Otis Young

Henri-Paul

BOLAP

2. Cette station câblée sud-africaine compte 2 000 employés, 850 000 abonnés en Afrique du Sud même, et plusieurs autres de la Namibie au Nigeria, en passant par l’Angola, le Mozambique,

le Swaziland,

etc. Elle leur présente

surtout

des films,

des sports et le service de nouvelles mondiales de la BBC.

359

Les télévisions du monde

Ouganda Superficie: 241 038 km? Population : 16 590 000 habitants Capitale: Kampala Langues utilisées à la télévision:

nationales anglais,

a fortement

présence de programmes à finalité éducative, dans les domaines aussi passionnants que

luganda, kiswahili, français

l’agriculture, les impôts, l’éducation et le rôle

Nombre de Nombre de Nombre de Pourcentage cophones:

des femmes. Les programmes à caractère politique ne sont guère plus attrayants. Pendant une demiheure, le journal de 21 heures se contente de couvrir, en trois langues, les activités du gouvernement. Muselage ? « 11 suffit qu’un leader appelle la chaîne privée pour pouvoir bénéfi-

téléviseurs: 200 000 chaîne publique: 1 chaînes privées: 2 de programmes français ou fran15 %

Lorsque la télévision nationale ougandaise (UTV) a commencé ses émissions, le 9 octobre 1963, le pays ne possédait presque aucun récepteur et seuls 20 000 foyers étaient reliés au réseau électrique. Cela n’a pas empêché un certain Harry Engel, homme d’affaires or1ginaire de Manhattan, de monter ce projet fou,

avec pour tout personnel trente-cinq autochtones et cinq Européens. Ni les Japonais de fournir l’équipement technique. Ni les Américains d’offrir, dans les premiers temps, l’assistance technique. D’emblée, la télévision affichait haut et fort

son souci d'éducation populaire et mettait rapidement en place des programmes scolaires. A l’époque, 40 % des programmes étaient diffusés en luganda, la principale langue du pays, et 60 % en anglais. La grille se composait, à parité, d'émissions en direct et de films.

Ambitions

inassouvies

Depuis, les choses ont beaucoup — et plutôt mal — évolué. Les émissions commencent à 18h (16h le samedi et 15h le dimanche) et se terminent vers minuit. Toutefois, depuis le 28 janvier 1994, grâce à un accord avec Canal France International, UTV

diffuse huit

heures de programmes en français, réparties entre le samedi et le dimanche matin (CFI fournit également, en anglais, un bulletin quo-

tidien d’informations

de 10 minutes).

La proportion d’émissions nationales (40 % selon nos estimations, 80 % selon une autre source, probablement exagérée) ou en langues 360

(luganda et swahili)

chuté. En revanche, on note encore une forte

cier d’une demi-heure d'antenne », résume un

observateur. Le reste de l’actualité est traité par les journaux de prise et de fermeture d’antenne, ainsi que par ceux en langues nationales (luganda et swahili, 15 minutes chacun).

Souvent didactique, parfois rébarbatif Restent les quelque sept heures hebdomadaires d’émissions enfantines. Et surtout, principaux succès d’audience, les séries et feuilletons étrangers. Ainsi, la série française

Riviera a-t-elle récemment rencontré un énorme succès et engendré une vive déception lorsque fut diffusé le dernier épisode. Par ailleurs, l'équipement d'UTV commence à s’épuiser et l’art du bricolage règne en maftre. Seule fonctionne parfaitement la « cellule présidentielle » — deux régies U-Matic et unités de tournage, réservées aux seules activités. présidentielles ! La création, en 1993, de

Cable Sat International (CTV) n’a guère modifié la donne télévisuelle. Disponible sur la région de Kampala, cette chaîne privée rediffuse le signal de CNN et le saupoudre de films et séries américains. En revanche, l’arrivée d’une autre chaîne privée, International TV Network (ITN), fin octobre 1994, pourrait bien remettre les pendules à l’heure. Même si la programmation en est, pour l’essentiel,

d’origine

américaine.

Phewl:

Réunion

Réunion Superficie : 2 512 km? Population: 606 100 habitants Capitale: Saint-Denis Langues utilisées à la télévision: français + créole dans quelques émissions Nombre de téléviseurs: 150 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 4

Six chaînes hertziennes pour les quelque 125 000 foyers de cette petite île française du bout du monde ! Nombre de leurs compatriotes, sous d’autres latitudes, s’en contenteraient

volontiers. Mais bien des Réunionnais ont l’impression d’avoir perdu une partie de leur âme dans ce raz de marée cathodique, depuis la disparition de Télé Free-Dom, au début de 1993. En cingans d’existence (moins une interruption de quinze mois), la chaîne pirate, fondée par l’ancien président du conseil général, Camille Sudre, avait su se créer un public, grâce à une programmation impécunieuse mais hardie: films d’action et de karaté, émissions-

défouloirs où l’on pouvait s’exprimer en créole et, bien sûr, le fameux porno du vendredi soir.

Avec, en point d'orgue, l'interview que le président Mitterrand accorda, en 1988, à la chaîne

pirate plutôt qu’à RFO (Radio France Outremer Réunion). Mais pour le règlement des droits d’auteur, prière de s’adresser à côté. D’où les foudres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),

qui fit saisir les émetteurs le 24 février 1991. Bilan: huit morts et des millions de francs de dégâts, au cours des émeutes qui s’ensuivirent. L'été 1992 aura été un peu trop chaud pour Télé Free-Dom: le CSA a profité de l’occasion pour amputer les prétentions de la chaîne pirate, en

lui accordant

seulement

TV Sud propose, de 18 heures à 22 heures, une ou deux émissions de proximité, entrelardées de clips musicaux,

films à dominante

de films et de télé-

anglo-saxonne.

TV4, qui dessert le nord et l’est de l’île, se voulait, elle aussi, une chaîne de proximité.

Culturelle, de surcroît. Résultat: la programmation ressemble à s’y méprendre à celle de la chaîne multilatérale francophone TV5-Québec-Canada.

Antenne Réunion, qui partageait auparavant son temps d'émission avec Canal Réunion, est

devenue une chaîne à part entière. Enfin, si l’on peut dire: il s’agit plutôt d’un mélange de TF1 et d’Eurosport !

Les trois autres chaînes ont été maintenues dans leur fauteuil par le CSA. Canal Réunion continue de monnayer le signal de Canal Plus auprès de ses quelque 30 000 abonnés. RFO 2 reprend, depuis 1983, celui de France 2. Enfin l’ancêtre,

RFO 1, lancée

comme

cadeau

de

Noël en 1964 et colorisée depuis 1976, continue son parcours de numéro un. Avec pour ossature une programmation issue de France Télévision, la chaîne publique offre plusieurs rendez-vous réguliers de variétés, d'émissions de services et d’informations locales. Nombreux sont les autochtones qui lui reprochent d’être la « voix de la métropole » plus qu’une chaîne locale. Dans un souci d’élargissement du marché publicitaire pour les chaînes privées, RFO 2 n’est plus autorisée, depuis mai 1994, à diffuser des messages publicitaires à caractère local. Pour les deux chaînes publiques, l’essentiel reste donc à faire: s’inscrire dans la durée.

trois fré-

quences sur les dix qu’elle occupait. Ce qui aura permis à trois autres chaînes de s’implanter durablement.

Philippe JALLON 361

Les télévisions du monde

Rwanda

(avant les massacres)

région de Kigali. Quelques mois plus tard, le sud et le sud-ouest du pays possédaient aussi le leur.

Capitale: Kigali Langues utilisées à la télévision: français, kinyarwanda

1992. D'abord le week-end et, depuis la fin

Superficie : 26 338 km? Population : 7 336 000 habitants

Tout a commencé le 31 décembre 1992. Malgré le «conflit armé » (pudique appellation officielle de la guerre civile), l’année 1993 promettait d’être moins sombre que les précédentes : la télévision rwandaise venait de diffuser ses premières émissions. Un projet caressé de longue date. Déjà, vers 1980, les autorités envisageaient de créer, à Kigali, une TV en circuit fermé. Puis, la Belgique avait promis de construire un grand bâtiment pour la télévision. Projet avorté. Mais entre-temps,

Bruxelles avait formé une soixantaine de personnes, dont une partie auprès de la RTBF. La France a repris le flambeau. Constatant que les Rwandais avaient déjà acheté deux régies et trois caméras Betacam SP, et séduite par leur bonne volonté, la Coopération française a fourni l’équipement complémentaire et le réseau d’émetteurs. Pendant quatre ou cinq mois, un émetteur de 100 W a permis de diffuser des émissions expérimentales dans la

362

Tout

a bien

commencé,

le 31

décembre

de 1993, le vendredi, de 18 heures à 23 heures.

Balbutiements aidant, la grille des programmes fluctuait. Au menu: des films en français, du «théâtre filmé » en kinyarwanda, quelques clips maison, beaucoup de chansons filmées en orchestre (avec seulement deux caméras), des débats. Et surtout, deux journaux télé-

visés réguliers d’une demi-heure, en français et en kinyarwanda (les sujets étaient traités par les mêmes journalistes dans les deux langues). Langue de bois ? Mille fois moins que dans bien d’autres pays d’Afrique. En témoigne une longue interview de Paul Kagamé (chef du Front patriotique rwandais, désormais au pouvoir), en février 1993, qui surprit plus d’un autochtone.

Mais, le 6 avril 1994, le chef de l’État était assassiné, entraînant dans son sillage cinq cent mille victimes. Depuis, plus aucun des douze. journalistes de la télévision rwandaise ne réside dans le pays. Tout s’est terminé le dimanche 3 avril 1994.

Philippe JALLON

Säo Tomé et Principe

Sao Tomé et Principe ne facilite pas la diffusion des programmes, surtout dans la seconde île, Principe.

Superficie: 36 100 km? Population : 120 000 habitants Capitale: Säo Tomé Langues utilisées à la télévision: portugais (80%),

français

(10%),

langues

Le petit écran a été fortement mis à contribution lors de la transition démocratique des dernières années, qui a vu, après bien des remous, Miguel Trovoada succéder en douceur à Manuel Pinto da Costa.

locales

(10 ) Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre

de chaînes reçues: 3 + paraboles

Peuplée seulement de 120 000 habitants, la

république de Säo Tomé et Principe, ancienne colonie portugaise située au large des côtes gabonaises et indépendante depuis 1975, dispose de la télévision à titre expérimental depuis mai

1989: la TVS,

ou Televisao

da

Säo Tomé e Principe, y a été implantée avec le concours de l’ancienne métropole. Les émissions publiques n’ont commencé qu’en 1992. Elles ont lieu quatre jours par semaine, trois heures et demie par jour... avec sept personnes seulement, soit nettement moins que le nombre moyen de personnes habitant un logement familial dans une grande ville de la région. De plus, le relief montagneux du pays

S1 le pays et sa télévision sont minuscules, leur position géographique en fait un bien commode carrefour des communications dans cette région du continent. Les fortunés peuvent, avec des antennes paraboliques, capter les réseaux français CFI, américain CNN, nigé-

rians et gabonais. La radio Voix de l’Amérique y a construit son centre émetteur. Un investissement de 60 millions de dollars sur trois ans, soit plus du double du PIB annuel du pays. L’émetteur de 100 kW qui y est installé, équipé d’une antenne de transmission multidirectionnelle,

rayonnera

sur

2 500 km,

soit sur une zone allant de la Côte-d'Ivoire à l’Angola.

Henri-Paul

BOLAP

363

Les télévisions du monde

Sénégal tion. L'un des objectifs de cette institution

Superficie: 196 200 km? Population : 7 320 000 habitants Capitale: Dakar

était,

Langues utilisées à la télévision: français, anglais, portugais, arabe, wolof, sérère, dioula, peul, soninké

Nombre de téléviseurs: 600 000 Nombre de magnétoscopes: 30 000 Nombre de chaînes publiques: 2 (dont TVS) Nombre de chaînes reçues: 7 ou 8

En irait-il de la démocratie au Sénégal comme des célèbres piles d’une célèbre marque ? Les deux semblent avoir en commun le fait de s’user lorsqu’on s’en sert. De fait, si le Sénégal a longtemps été présenté et constituait effectivement — l’une des rares démocraties en Afrique subsaharienne, le modèle paraît avoir pris un coup de vieux. Et sa télévision s’en ressent.

La télévision.

et les jeux !

Ainsi, dans le catalogue des fraudes électorales reprochées par l’opposition au Parti socialiste

et à son

candidat,

Abdou

Diouf,

vainqueur de la dernière élection présidentielle de février 1993, figurait notamment la mauvaise utilisation du temps d’antenne entre les partis et les candidats à la télévision et à la radio. En effet, si le temps officiellement imparti aux différents candidats était scrupuleusement respecté, le passage à l’écran à longueur de journées, de magazines, de bulletins télévisés ou d’autres émissions, de ministres, secrétaires d'Etat ou responsables politiques du parti au pouvoir, a vidé ce formalisme de tout son

sens.

Pourtant,

un

code

électoral,

ainsi

qu’une loi sur la communication, jugés exemplaires et inédits en leur temps, avaient été adoptés préalablement à la tenue de cette consultation. De plus, un Haut Conseil de la radio-télévision avait été créé en 1992, succédant à un Haut Conseil de la communica364

selon

le président

Abdou

Diouf,

de

« promouvoir le pluralisme politique dans les médias, et de se donner (..) les moyens d’une prise en charge plus complète des préoccupations et des attentes de toutes les composantes de la société sénégalaise ». Pourtant, la télévision sénégalaise compte parmi les plus anciennes d’Afrique francophone. En effet, vingt ans avant le Cameroun certainement mieux loti, le Sénégal inaugura avec l’aide de l’Unesco en 1965, une télévi-

sion exclusivement éducative, « animée par vingt personnes, chauffeurs et techniciens inclus », ainsi que le souligne André-Jean Tudesq'. L’émetteur de 50 watts installé à cette occasion n’avait qu’une portée de 30 km autour de Dakar. Un autre à Thiès, financé par l'Unesco,

la France

et le Canada,

était plus

puissant. Les émissions diffusées à cette époque n’avaient que deux objectifs: instruire et informer le public. Elles traitaient des institutions du pays, d'éducation civique, de santé, d'hygiène et de nutrition en langue wolof, parlée et comprise par la quasi-totalité de la population du pays. Une campagne d’alphabétisation de masse en français ne connut pas un résultat probant. Il fallut attendre les Jeux olympiques de Munich en septembre 1972 pour voir le pays se doter d’un réseau de télévision nationale à caractère général. C’est la fourniture de deux émetteurs implantés à Dakar et à Thiès, par la société française Thomson-CSF, qui permit ce démarrage. Conséquemment,

l’Office de radiodiffusion-

télévision sénégalais (ORTS) fut créé en décembre 1973. Mais le réseau ne diffusait qu’un peu moins de trois heures par jour. En 1975, alors que les heures d’antenne hebdomadaires avaient été portées à vingt-huit, ces émissions étaient encore constituées de 60 de productions étrangères. On y retrouvait notamment

des documentaires,

séries télévi-

sées, films et émissions pour enfants, provenant essentiellement de France et des Etats-Unis.

Sénégal

« Les temps modernes » Actuellement, la télévision sénégalaise est dotée d’émetteurs à Dakar, Thiès, Ziguinchor, Tambacounda et Louga, grâce à un accord conclu avec la France en 1984. Mais l’ORTS, devenu simplement la RTS (Société nationale de radio-télévision sénégalaise) depuis le 1° janvier 1992, ne couvre toujours qu’à peine 30 % du territoire national. Elle émet de 17h à 1h25 en semaine, et plus longuement les vendredis et fins de semaine. Outre le français, elle fait une large place aux langues nationales, notamment

le wolof, le sérère, le

dioula, le peulh et le soninké, qui disposent de temps d’antenne pour des bulletins, des émissions pour les jeunes et divers programmes de culture ou d’éducation. Mais, contrai-

rement à des directives données par le Haut Conseil de la communication il y a bien longtemps, la règle des 60-40 qui devait s’appliquer aux pourcentages respectifs des émissions nationales et étrangères sur les écrans sénégalais n’est toujours pas respectée. Les premières n’occupent toujours, au mieux, que 49% du temps d’antenne. Cette proportion augmente légèrement aux heures de grande écoute, pour s'établir à 50 %. De ce fait, à Dakar comme Libreville ou Yaoundé, ce sont

sage sénégalais de la période précoloniale, Koch Barma Fall. Toutefois, à part la RTS, les téléspectateurs sénégalais les plus fortunés disposent depuis 1990-91, des services télévisés de la chaîne française Canal Horizons, filiale de Canal+

dans le capital de laquelle la RTS détient 18,8 % des parts. Après trois ans de fonctionnement, cette chaîne comptait 10 600 abonnés

dans le pays, qui payaient une redevance de 15 000F CFA par mois fin 1994. Il diffuse habituellement en semaine de 7h du matin à 1h 10 la nuit et les fins de semaine de 6 h 30 à 4h 40. Ses émissions sont surtout constituées de dessins animés pour enfants, de documentaires,

magazines,

feuilletons,

films

et

de

sports, provenant soit d’Europe et principalement

de France,

soit des Etats-Unis.

TV 5 « Afrique », la télévision francophone internationale, dont le directeur est d’ailleurs

un Sénégalais, est reçue également à Dakar depuis 1992 et en MMDS depuis 1993. Mais ses programmes (24heures sur 24 depuis 1993) sont plus diversifiés, comprenant des journaux télévisés français, belge, suisse et canadien,

la météo

sur cinq continents,

des

jeux, des documentaires, magazines, ainsi que des productions d’autres télévisions africaines.

à Abidjan, les mêmes

Henri-Paul

BOLAP

émissions sélectionnées dans le lot fourni par Canal France International, Transtel et la prolifique machine à rêves de Hollywood, qui prédominent. Et cela, même si les Sénégalais, comme la plupart des Africains, ont un

engouement indéniable pour les productions nationales ou africaines. Le succès de Fann Océan,

une

coproduction

Télévision belge et Agence turelle et technique (ACCT) Cette série, qui connut un le pays, relata en 1991, en minutes

chacun,

ORTS,

Radio-

de coopération culen est une preuve. grand succès dans six épisodes de 52

les déboires

familiaux

d’un

usurier sénégalais qui s'était enrichi. Elle n’avait coûté que 180 millions de francs CFA de l’époque, ce qui montre que des productions nationales de bonne qualité sont possibles avec peu de moyens. C’est d’ailleurs ce que font les troupes théâtrales comme celle du Diamano-i-Tey («Les temps modernes »), avec leurs pièces théâtrales filmées, ou des émis-

sions comme Dara-i-Koch, consacrée à la phi-

losophie, aux maximes

et aux pensées d’un

Fann

1. André-Jean

Tudesq,

Paris, Anthropos/INA,

L'Afrique

Océan

noire et ses télévisions,

1992, p. 51.

365

Les télévisions du monde

Sierra Superficie: 71 740 km? Population : 4 151 000 habitants Capitale: Freetown Langues utilisées à la télévision: anglais, créole, temné, mendé, limba Nombre de téléviseurs: 50 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Pourcentage de programmes français: entre 5 et 10%

(estimation)

à la radio, ses installations avaient été détrui-

entre factions rivales.

Édifiée avec de faibles moyens, elle a été inaugurée le 27 avril 1967, soit deux ans jour pour jour après l’indépendance du pays. Ses cinq heures de programmes quotidiens, diffusés jusqu’à une trentaine de kilomètres autour de la capitale, étaient en grande partie d’origine étrangère, notamment de la BBC. Le reste était consacré à l’information. Mais une information d’un genre bien particulier, ainsi que le rapporte André-Jean Tudesq (déjà cité): « Sur trois équipes chargées d'illustrer les actualités, une restait en permanence à la résidence du chef de l’État et une autre dans les bureaux du vice-président et du Premier ministre. » Autrement dit, les vingt-trois agents de la télévision ne coûtaient pas trop cher en frais de déplacements. Huit ans

plus

tard,

l’ouverture

d’antenne

était toujours aussi parcimonieuse: une petite quarantaine d’heures par semaine. Mais entretemps, la couverture du réseau (en couleurs depuis 1978) s'était étendue jusqu’à 130 km de la capitale. Le ministère de l’Information et de la Communication avait institué une redevance: 30 leones pour les récepteurs en 366

noir et blanc,

50 leones

pour les postes en

couleurs. De même, la publicité (6 % du temps d’antenne) avait-elle été introduite à la télévision. La SLBS proposait, chaque semaine, cinq films étrangers (importés du RoyaumeUni et des États-Unis), diffusés en version originale anglaise, ainsi qu’une douzaine d’heures de production autochtone. Optimisme aidant, les autorités envisageaient l’extension

du réseau télévisé à l’ensemble

La télévision sierra-léonaise (SLBS) a cessé d'émettre pendant plus d’une dizaine d’années, jusque vers le début de 1993. Contrairement

tes par des combats

Leone

du pays.

Un contrat de 25 millions de dollars a eu beau être signé avec Siemens en octobre 1988 pour sa reconstruction, les Sierra-Léonais devront encore patienter quatre années avant que la SLBS ne recommence à émettre. Au programme: des émissions guère plus attrayantes que jadis. En revanche, l’antenne reste ouverte beaucoup plus longtemps qu’auparavant: à peu près de 6h à 10h, puis de 12h jusqu’à minuit. Les programmes importés viennent pour la plupart d'Angleterre, grâce à un accord avec la BBC. Toutefois, environnement

géolinguistique oblige, la SLBS reprend des émissions de CFI (sport, musique, films et informations) depuis avril 1994. La production nationale, elle, se limite à des journaux et à des falk-shows sur la santé, le développement, l’éducation et les femmes. Les JT (10 à 15 minutes) sont présentés en anglais et en langues

nationales: créole,

temné,

mendé

et

Himba. Selon une source non confirmée, une société locale a d’ores et déjà effectué toutes les démarches pour débloquer une fréquence. Par ailleurs, des rumeurs persistantes évoquent un projet, piloté par un Camerounais, de rediffusion d’un bouquet de chaînes en MMDS. Tout cela pour un marché exigu estimé à quelque 50 000 téléviseurs.

Philippe JALLON

Soudan

Soudan tenter de leur télévision nationale à forte coloration progouvernementale. On notera toutefois que, depuis ses débuts

Superficie : 2 505 813 km? Population : 25 300 000 habitants Capitale : Khartoum Langues utilisées à la télévision: arabe, anglais, dinka, français + nombreux dialectes Nombre de téléviseurs: de 250000 à 2 000 000 selon les estimations... Nombre de chaînes publiques: 1 Pourcentage de programmes français: moins de 5%

expérimentaux

Du strict point de vue de la couverture géographique, la télévision soudanaise (SNTC) figure en queue de peloton: selon nos calculs, la réception hertzienne serait possible sur seulement 6 % du territoire ! Ce chiffre, pris tel

quel, pourrait induire en erreur. Dans ce pays gigantesque, le plus étendu de toute l’Afrique (presque cinq fois la France), de nombreuses régions sont désertiques ou semi-désertiques et l’essentiel de la population sédentarisée est en mesure de capter les images de la SNTC, grâce à vingt-quatre émetteurs et relais hertziens disséminés à travers le pays. La plupart ont été mis en place entre 1973 et 1978, avec

l’aide des États-Unis. Face à cette relative pénurie d’images hertziennes,

d’aucuns

se

sont

tournés

vers

la

réception parabolique. Mais le gouvernement soudanais, soucieux de contrôler les images diffusées, semble limiter l’accès aux paraboles. Quitte à proposer d’autres images, moins susceptibles de heurter la susceptibilité d’une dictature islamique qui ne dit pas son nom. Tel était l’objectif d’un récent et ambitieux projet de rediffusion de chaînes arabes en MMDS, censé supprimer toute velléité de s’offrir des antennes « paradiaboliques ». Les autorités du pays avaient alors demandé une subvention pour quelque 30000 décodeurs, qu’elles comptaient vendre à l’avance afin de financer les installations de rediffusion. Toutefois, il semble que les gens n'étaient pas prêts à payer pour quelque chose qu’ils ne pourraient pas voir à brève échéance. Le projet a donc capoté et les Soudanais doivent se con-

en 1962 et officiels en 1963,

la SNTC fait preuve d’un exceptionnel intérêt pour les langues nationales. Grâce au fédéralisme du pays, les chaînes de chaque État peuvent diffuser, chaque jour, trois heures de programmes locaux. Pour ce faire, les stations régionales utilisent volontiers, en plus de l’arabe, les langues des populations auxquelles elles s’adressent. Au menu : des programmes sur la culture, le développement, l’agriculture, etc. Mais les stations du sud du pays, en particulier celle de Juba, semblent

préfé-

rer l’anglais à l’arabe, sans pour autant oublier la langue nationale ni les dialectes du cru. La SNTC diffuse une soixantaine d’heures de programmes par semaine. Tous les jours, de 16h à minuit, avec

une rallonge le ven-

dredi — jour férié de l’islam — entre 8 h et 13h. Des récitations du Coran saluent l’ouverture et la fermeture

d’antenne

(les chrétiens,

eux, ont leur émission religieuse le dimanche soir). Entre-temps, les téléspectateurs ont droit à une programmation diversifiée, à défaut d’être opulente. Les émissions nationales mettent l’accent sur des sujets culturels au sens large. Côté importations, on notera de nombreux films et séries d’origine arabe; ceux qui viennent de l’Occident sont tous doublés en arabe. De même, la SNTC est bien pourvue en images sportives, grâce à la coopération allemande

(Transtel).

L'information autochtone, soigneusement encadrée, est enrichie par des JT quotidiens en anglais (30 minutes) et en français (15 minutes; à partir, semble-t-il, du signal de CET). Dès janvier 1995, les Soudanais devraient avoir droit à une deuxième chaîne publique, à laquelle s’associeront des sociétés locales. Il semble que la future chaîne ait d’ores et déjà obtenu l’autorisation de reprendre des programmes de CNN et de Sky News. PARA 367

Les télévisions du monde

Swaziland Superficie: 17 363 km? Population : 768 000 habitants Capitale: Mbabane Langues utilisées à la télévision: anglais, siswati Nombre de téléviseurs: 30 000 (estimation) Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Pourcentage de programmes français: moins de 5 %

L'émission la plus souvent rediffusée par la télévision du Swaziland (Swazi TV) n’est autre que. la messe dominicale ! Un jour, les responsables décident de filmer un office religieux avec, semble-t-il, de gros moyens four-

nis par les Sud-Africains. Une aubaine pour cette télévision, l’une des plus nécessiteuses d'Afrique ! Et comme :1l s’agit là des rares images locales de bonne qualité, les responsables de Swazi TV ne se privent pas de rediffuser à satiété cet événement cathodique et catholique majeur. On pourrait multiplier les anecdotes au sujet de Swazi TV. À commencer par celle de sa création, en 1978. Pendant trois ans, c’est une

société britannique, Electronic Rental Plus, qui en est propriétaire. Jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que, dans ce petit pays enclavé, la télé-

368

vision n’est guère lucrative. Malgré trois études de faisabilité aussi pessimistes l’une que l’autre, le gouvernement décide de racheter la

télévision en 1982. Depuis les débuts de la télévision dans le pays et jusque vers 1987-1988, les gens n’ont pas le droit de posséder leur propre téléviseur ; 1ls doivent le louer à l’État, qui en contrôle la distribution.

Et, en plus du prix de location, perçoit une redevance. Les maigres recettes engendrées par Swazi TV ne lui ont jamais permis de faire dans le haut de gamme pour ses quelque quatre ou cinq heures de programmes quotidiens. La publicité traditionnelle — essentiellement nationale — ne suffisant pas, on multiplie les parrainages à l’occasion d’émissions religieuses ou sportives. Pour toute production locale, on se contente de journaux en siswati et en anglais, et de quelques bricolages appelés magazines. Le reste vient de l’étranger: images de la BBC, fourniture de programmes enregistrés par la SABC sud-africaine, reprises d'émissions françaises (sports et documentaires sur l’Afrique). Heureusement, les insaüsfaits peuvent toujours se rabattre sur les chaînes sud-africaines.

Philippe JALLON

Tanzanie

Tanzanie des débats parlementaires, trois groupes tanZaniens avaient déjà sollicité des fréquences pour leurs projets de chaînes commerciales. Deux d’entre eux ont pu obtenir le feu vert gouvernemental: Coastal Television Network

Superficie : 945 087 km? Population : 26 635 000 habitants Capitale: Dodama Langues utilisées à la télévision: kiswabhili, anglais Nombre de téléviseurs: environ 100 000 Nombre de magnétoscopes: de 50000 àS 70 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 3 Pourcentage de programmes français: moins de 1%

Depuis

1964,

la Tanzanie

n’a

cessé

(CTV) et Independent Television Ltd (ITV).

Il semble qu’une troisième chaîne, Dartelevision (DTV) ait, elle aussi, obtenu le précieux

sésame ; toujours est-il qu’elle a commencé, comme

de

caresser des projets chimériques de télévision publique continentale car il existe une chaîne publique sur l’île tanzanienne de Zanzibar: TVZ.

les deux

région de économique.

Résultat: à défaut de télévision d’État,

la partie continentale du pays possède désormais trois chaînes de télévision privées ! Pourtant, le projet ne semble pas incongru. En 1992, l’Union internationale des télécommunications, sollicitée par les autorités, mandate

la fondation britannique Thomson, qui élabore un schéma directeur pour la télédiffusion en Tanzanie. Coût global: entre 43 et 45 millions de dollars américains. La première tranche consiste notamment à construire six émetteurs. C’est seulement dans un deuxième temps — contrairement à la chronologie qu’ont adoptée les Rwandais — que l’on achètera le matériel et que l’on formera le personnel. Et pour finir, on construira de quoi abriter tout le monde. Reste à réunir les fonds nécessaires. Problème encore non résolu, malgré les offres de coopération de la chaîne sud-africaine cryptée M-Net. En attendant, les travaux de construction de la future

TV publique ont commencé depuis avril 1993. Entre-temps, le parlement décidait de légaliser l’audiovisuel privé. C’est chose faite depuis le 23 avril 1993. Avant même le début

Dar

autres,

à émettre

es-Salaam,

la

dans

la

capitale

Explosion cathodique Signe des temps, ITV a été créée par IPP, l’une des plus importantes sociétés de biens de consommation du pays (les barils de lessive ont toujours fait beaucoup pour l’audiovisuel...). Son propriétaire, Reginald Mengi, aurait reçu des menaces de mort dès la mise en service de sa chaîne. Ce qui ne l’a pas empêché de recruter l’ancien patron de KTN, Kenya Television Network. L’objectif avoué du directeur général est de faire d’ITV une télévision grand public et de mettre l’accent sur les divertissements, le sport et les émissions familiales. Il entend également diffuser des journaux

d’information,

des

films,

des

variétés et des émissions sur le développement communautaire. Le début des émissions n’a pas été choisi par hasard: il correspond à

l’ouverture de la Coupe du monde de football aux Etats-Unis. La nouvelle chaîne a diffusé ses premières images le 10 juin 1994, avec des matches des précédentes coupes du monde, et a aussitôt enchaîné sur le Mondial 94. Mais pour l'instant, la zone de diffusion

se limite aux alentours de Dar es-Salaam. A terme, ITV envisage d’émettre sur l’ensemble du territoire. Quant à CTV, une source non confirmée nous indique qu’elle rediffuserait en partie le

369

Les télévisions du monde

signal de CNN, agrémenté d’un « canal vidéo » d'images importées. Cela ne devrait pas faire obstacle à la seule chaîne publique du pays, l’insulaire Television Zanzibar (TVZ). Si tant est que, depuis sa création en 1974, TVZ ait réussi à devenir une chaîne à part entière. En effet, malgré un personnel pléthorique (AndréJean Tudesq dénombre 213 agents) et deux émetteurs de 40 kW remis à neuf par la RFA en

1986,

TVZ

diffuse

peu:

seulement

une

trentaine d’heures par semaine. La production locale (45 %) est réalisée en kiswahili (65 %) et en anglais (35 %). Les programmes importés proviennent en majorité du Royaume-Uni,

d'Allemagne et des Etats-Unis. De 19h jusque vers 23 h (minuit le week-end et les jours fériés), TVZ propose des émissions au sein desquelles dominent l’éducation, l’information et le divertissement. Le directeur de TVZ souligne que les studios ne sont pas opérationnels et attend avec impatience un nouvel équipement pour bientôt, qui devrait donner un deuxième souffle à sa chaîne. Il semble que TVZ se soit également spécialisée dans le piratage (sans payer les droits) d'émissions et de vidéos d’origine étrangère. Les continentaux qui n’ont pas la chance — ou la malchance — de capter TVZ se rabattent soit sur les chaînes des pays limitrophes (le pays partage sept frontières), soit sur les signaux satellitaires. Naguère, des petits malins s’ingéniaient d’ailleurs à pirater le signal de M-Net et à le rediffuser sur la région de Dar es-Salaam. Sans payer le moindre droit d'auteur,

bien entendu.

Philippe JALLON

Tchad Superficie: 1 284 000 km? Population : 5 820 000 habitants Capitale: N’Djamena Langues utilisées à la télévision: français, arabe + langues locales Nombre de téléviseurs: 10 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 3 ou 4

Depuis le 1° novembre 1965, date du déclenchement d’une révolte populaire à Mangalmé, dans la préfecture du Guéra, donc aux premières années de son indépendance, jusqu’à très récemment encore, le Tchad n’a pratiquement pas connu de paix. En effet, cette révolte spontanée contre la lourdeur des impôts et les abus du gouvernement Tombalbaye fut suivie par la naissance du Frolinat (le Front de libération nationale du Tchad) dirigé par le Dr Abba Siddick et par le renversement et la mort du président Tombalbaye en avril 1975. A partir de ce moment,

la guerre civile s’intensifia

dans le pays et l’on assista à une succession rapide de régimes politiques. Les différents présidents qui se sont installés à N’Djaména jusqu’en 1990 ont eu pour première préoccupation d’assurer leurs arrières, car leurs alliés d’hier devenaient très rapidement de mortels ennemis, attendant la moindre faille pour se mettre à leur place. C’est ce qui arriva au général Malloum, tombeur de Tombalbaye. Remplacé par Goukouni Oueddeï, un des anciens leaders du Frolinat, ce dernier fut à son tour détrôné par Hissène Habré, son compagnon de lutte dans la rébellion; le même Habré fut chassé par un de ses anciens lieutenants,

Idriss

Déby,

actuellement

chef

de

l’État tchadien, qui a dû déjà lui-même sévir contre certains de ses anciens compagnons d’armes au maquis, devenus rebelles. Et cela, sans compter la présidence éphémère de Lol Mahamat Choua. A telle enseigne qu’à un 370

Tchad

moment de l’histoire récente de ce pays, l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique n’hésita pas à titrer à la une: « Tchad: État néant. » On peut, à partir de ces circonstances, com-

prendre que le Tchad ne se soit pas doté de la télévision aussi rapidement que la plupart de ses voisins. Il dut tout de même s’y résoudre pour s’atteler à former une nation de ses sociétés et parties éparses.

année pour les services de la radiodiffusion. Celle-ci, il est vrai, est de loin mieux implan-

tée dans le pays, où l’on comptait, en 1990, plus de 1 350 000 de postes récepteurs contre seulement 7 000 téléviseurs ! Quant au contenu des émissions Tchad,

sur les 832 heures

de Télé-

annuelles

de pro-

grammes télévisés que cette station dispense, l’Unesco a pu établir que 25 % étaient constituées (en 1988) d'informations, 7,8 % dévo-

Mais il a fallu attendre 1987 pour que les autorités du pays, alors dirigé par Hissène Habré, commencent à se préoccuper de l’absence de télévision. En décembre de cette année-là, naquit officiellement Télé-Tchad. En

septembre 1988, la France accepta d’octroyer à N’Djaména 185 millions de francs CFA pour l'installation d’une station de télévision nationale. Le premier émetteur ne fut cependant installé qu’en 1989. Celui-ci ne diffuse toujours que dans un rayon de 15 km autour de la capitale, en français et en arabe principalement, dans quelques-unes de la centaine de langues nationales (parmi lesquelles le sara), de temps en temps. Son temps d’antenne est encore limité à douze heures par semaine et il ne sera certainement pas prolongé dans un proche avenir, le Tchad étant caractérisé pour le moment par une extrême rareté de ressources. De plus, le pays a de nombreuses autres priorités. Selon la dernière édition de l’annuaire statistique de l'Unesco parue en 1991, cette télévision n’employait que 34 personnes en 1987; parmi celles-ci, diverses tâches, 20,6 % étaient

20,6 % étaient affectées à 17,6 % de l’administration, des journalistes, 8,8 %

lues à l’éducation (dont 3,1 % de programmes destinés au monde rural). La religion, surtout des émissions islamiques, se voyait consacrer 4,7 % du temps d’antenne et la publicité un maigre 1,7 %, à l’image de la chétive économie tchadienne. Par contre, le divertissement,

fait surtout de productions étrangères, notamment de films, feuilletons télévisés (37,5 %), de pièces de théâtre françaises,

américaines,

soudanaises, irakiennes ou égyptiennes, de musique (8,3 %) et de sports (4,2 %), occupait le haut du pavé avec au total 51,6 % du

temps d’écran. Dans cette grille de divertissement, se retrouvent de temps à autre des productions nationales: pièces de théâtre de troupes locales, vidéo-clips musicaux d’artistes nationaux, reportages sportifs, notamment sur les courses de chevaux, que les Tchadiens apprécient particulièrement. Les Tchadiens, les N’Djaménois surtout et ceux du sud du pays (dans les environs des villes de Bongor, Sarh et Moundou notamment),

reçoivent

également

les

télévisions

camerounaise et nigérianes. La capitale est en effet située à un jet de pierre de sa « jumelle » camerounaise, Kousséri. De plus, le Nigeria n’est pas bien loin, avec son paysage médiatique et télévisuel foisonnant.

employées aux programmes et un pourcentage appréciable, soit 29,4 %, à la production. Mais son budget n’était que de 100 millions de FCFA

en 1987, soit 2 millions de FF suivant

l’ancienne parité, contre 287 millions la même

Henri-Paul

BOLAP

371

Les télévisions du monde

Togo Superficie: 56 800 km? Population : 3 500 000 habitants Capitale: Lomé Langues utilisées à la télévision: français (90 %), éwé, kabyé (5 %), anglais (5 %) Nombre de téléviseurs: 25 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0

La Radio-Télévision de la Nouvelle Marche, tel est le nom

de la télé du Togo. Lan-

cée officiellement en juillet 1973, en plein mouvement d’« authenticité» prônée par le chef de l’État zaïrois et suivi par ses homologues tchadien et togolais, elle se voulait l'instrument de l’affirmation culturelle du pays. Et ce, d’autant que les premières images télévisées projetées provenaient de la GBC, la télévision du frère ennemi ghanéen. Dès 1969, celle-ci louait une demi-heure d’antenne par jour au voisin de l’autre côté d’Aflao (quartier de Lomé par lequel passe la frontière entre les deux pays)! La télévision togolaise à sa naissance en juillet 1973 ne rayonnait qu’autour de Lomé, sur une Zone de 35 km; elle ne disposait que d’un émetteur de 100 W, fourni par la coopération française. Les langues utilisées étaient surtout le français et deux de celles qui sont le plus parlées dans le pays, l’éwé et le kabyé. Car les missions assignées par le président Eyadéma lors de l’inauguration furent notamment de « toucher le grand public pour l’instruire, l’éduqguer et l’informer ». Au début, cet objectif fut difficilement atteint, faute de moyens logistiques pour la

production d’émissions nationales véritablement instructives ou éducatives. Tudesq révèle ainsi qu’il n’y avait ni car de reportage, ni magnétoscopes pour les montages et que 67 % de la programmation étaient occupés par des émissions venues de France. Quant aux productions nationales, elles consistaient surtout en bulletins d’informations. Cette situation devait changer rapidement, aux plans techni-

que et humain. Sur le premier point, des équiA72

pements plus performants ayant été installés entre 1975 et 1976, la couverture télévisuelle

atteignit 80 %. La couleur, en 1977, améliora nettement le confort de réception. Les personnels s’accrurent progressivement, atteignant 198 agents en 1982. Mais parmi eux,

les

techniciens

effectivement

formés

étaient peu nombreux et les productions nationales, qui ne bénéficiaient pas d’un grand budget, eurent du mal à décoller. Quant aux contenus des émissions, la France, par l’entremise de l’Institut national

de l’audiovisuel (INA) et l’Allemagne fédérale, via les services de Transtel, continuaient

de fournir à Lomé, parfois gratuitement, de nombreuses heures de programmation. Toutefois, de plus en plus de Togolais étaient envoyés pour des formations spécialisées, notamment en production-réalisation en France,

en journalisme à l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé (ESIJY), fon-

dée en 1970 au Cameroun par M. Hervé Bourges. En dépit de la modicité des budgets réservés à la production dans les ressources de leur télévision, ils commencèrent à affirmer l’identité culturelle du pays, en proposant aux téléspectateurs des émissions mettant en exergue les spécificités du pays. Tudesq cite dans ce sens des émissions telles que Le flamboyant, Hilim de la Bina, un festival de fouets et de cravaches avec danses et défilés de groupes, ainsi que des documentaires ou des séries dramatiques, dont les scénarios, à l’instar de celui

du Décret, étaient tirés de problèmes quotidiens dans le pays. Les troupes théâtrales furent également mises à contribution, produi-

sant saynètes, sketches et pièces humoristiques. A telle enseigne que des émissions togolaises ont déjà été retenues par Images Sud-Nord, une banque d’émissions constituée sur l’initiative d'Hervé Bourges, alors président de la Sofirad, en vue de promouvoir la diffusion de productions de télévisions africaines ailleurs dans le monde. On peut toutefois regretter qu’à la différence du Burkina

Faso, la télévision

togolaise,

en

dépit de son originalité, n’ait pas encore donné

Togo - Zaïre

naissance à un cinéma ou à une industrie de l’audiovisuel. Par ailleurs, voulant envers et contre tout rester fidèle à une des missions qui

Zaïre

lui furent assignées à sa naissance, l’éducation,

cette télévision consacre ses écrans deux fois par mois à une émission de 30 minutes sur le monde rural. Y sont présentées des réalisations conduites par les paysans dans leur environnement. Ceux-ci recevaient ces émissions par le biais des coopératives agricoles disposant de téléviseurs. Toutefois, faute de moyens financiers ou techniques, la périodicité de ces émissions est souvent sujette à caution. Pourtant, une plus grande place accordée à des réalisations de ce genre pourrait faire en sorte que la télévision, en Afrique, dans des pays comme

Superficie: 2 345 410 km? Population : 36 600 000 habitants Capitale: Kinshasa Langues utilisées à la télévision: français

le

Togo, soit moins perçue comme un class-média, mais devienne

véritablement

un mass-média,

(80%),

lingala, swahili,

(20 %) Nombre Nombre Nombre Nombre

de de de de

tshiluba, kikongo

téléviseurs: 1 250 000 chaînes publiques: 1 chaînes privées: 3 chaînes reçues : nombreuses

selon le mot du chercheur Tjadé Eonè. On peut encore citer les désormais traditionnelles émissions de télévisions africaines sur la santé, les variétés nationales et internationales, les émis-

sions pour enfants, malheureusement très peu souvent produites sur place mais surtout importées. Une tranche de critique littéraire existait également à la télévision togolaise. Baptisée Canal « C », elle était parrainée par des éditeurs

locaux. La Radio-Télévision de la Nouvelle Marche diffuse, outre des bulletins réguliers en français, en éwé et en kabyé (les principales langues du sud et du nord du pays) les envois de Canal France

International,

utilisés dans une

proportion de 60 % à 65 %. Son implantation semble toutefois satisfaisante, puisque statistiquement, il y existe un poste de télévision pour 100 personnes. La télévision togolaise est à l’image de la plupart de celles qui ont été implantées en Afrique

subsaharienne.

Comme

elles, la Radio-

Télévision de la Nouvelle Marche souffre d’un côté, de l’insuffisance des moyens tant humains

que matériels et financiers, ce qui limite la créativité et la création nationales ; mais de l’autre,

de la trop grande emprise des dirigeants politiques et de la classe dominante en général. Et cela même si, avant la vague de démocratisation qui a balayé un certain nombre de dictatures militaires du continent (mais pas celle du Togo), les voisins de l’Est, soumis au « laxismebéninisme » du président Kérékou, trouvaient ses programmes plus intéressants que ceux de leur propre télévision. Henri-Paul BOLAP

« C’est le plus beau jour de ma vie », avait écrit le maréchal Mobutu (alors simplement général), dans le Livre d’or ouvert à l’occasion de l’inauguration solennelle par lui de la majestueuse et futuriste Cité de la Voix du Zaïre, dans la zone de Lingwala, avenue des

Martyrs de l’Indépendance. Ancien journaliste lui-même, le chef de l’État du Congo-Kinshasa avait des raisons particulières de se réjouir de cet événement. Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement avait consacré d’énormes investissements à l’amélioration des infrastructures techniques de la communication. Les pouvoirs publics voulaient doter le pays de moyens de diffusion de leur discours à la mesure du rôle qu’ils croyaient que Kinshasa pouvait et devait jouer en Afrique. Le pays avait les moyens de cette ambition. Le Zaïre de la fin de la décennie 60 et du début des années 70 avait en effet atteint son apogée et visait sinon l’hégémonie, du moins une place prépondérante dans les domaines politique, économique, culturel, voire sportif en Afrique noire. De

plus,

Mobutu,

comme

le note

William

Oyonné!, exerçait manifestement un étonnant magnétisme sur les foules, non seulement con-

golaises, de cette époque, mais aussi du reste de l’Afrique. La disparition de Lumumba et N’Krumah laissait une place vide dans les cœurs des Africains pour des héros nationa373

Les télévisions du monde

listes et « anti-impérialistes ». Et le Mobutu des premières années semblait être de cette trempe. Habile polémiste au langage coloré et utilisant à merveille les subtilités et raccourcis du lingala, une des langues nationales du pays, brillant orateur à la voix claire et posée, articulant méticuleusement ses mots pour leur donner le meilleur effet comme on l’apprend en radio, il avait de la prestance et de la présence devant les foules et, surtout, devant les

micros. La télévision arrivait donc comme un point d’orgue à cette entreprise de contrôle mental du Zaïre. Déjà, le président se faisait entendre chaque jour à la radio: dès l’arrivée de la télévision, il intervint presque chaque soir sur le petit écran. L’« objectif 80 » était dans tous les discours et toutes les chansons. Mobutu ne disait-il pas lui-même et ne faisait-il pas chanter par tous les musiciens du pays qu’au début des années

80, à l’heure des bilans à la fin

de la deuxième décennie des indépendances africaines, son pays ne devait absolument pas se trouver en deuxième ou troisième position pour tout en Afrique, mais absolument en première ? Et la Voix du Zaïre radio dotée d’émetteurs

de 500KW,

les premiers

avant

ceux de la station franco-gabonaise Africa N° 1, dont la diffusion débordait largement les frontières du pays, fut fort justement baptisée «le plus grand tam-tam d’Afrique ».

Plus de vingt ans après, les temps ont bien changé. Les vingt-deux étages de la tour de la Voix du Zaïre se dressent toujours sur l'avenue des Martyrs, rebaptisée avenue du 24

Novembre. Cette date est celle du coup d’État qui, en 1965, porta le général au pouvoir, mettant fin au pouvoir civil chaotique des Lumumba,

Kasavubu,

Tshombé

et

autres

Cyrille Adoula, succédant à une colonisation belge particulièrement dure. Mais cette « cité » n’est plus qu’une coquille presque vide, l'ombre de ce qu’elle fut: des ascenseurs en panne depuis trop longtemps et dont personne ne semble plus se soucier de la réparation, systèmes de climatisation éteints et qui rendent tout travail particulièrement pénible dans des studios radio ou télé confinés et fortement éclairés, fréquents arrêts ou coupures du cou-

rant électrique, etc. Le « plus grand tam-tam

d'Afrique » n’a plus bonne mine. 374

De Radio-Léopoldville à Congo Vox et à l’ORTZ Et pourtant, la radio d’abord, la télévision

ensuite ont une longue histoire au CongoZaïre. Ainsi, la télévision vit-elle le jour en 1966. En effet, dès la fin des années 40 et le début des années

50, Radio-Léopoldville,

voix de la colonie du Congo belge, fut une des premières stations de radiodiffusion de l’Afrique tropicale, après celle, installée en face, à Brazzaville en Afrique équatoriale française (AEF), dirigée par le gouverneur d’origine antillaise Félix Éboué, afin de faire front

à la propagande

vichyste

Dakar.

comme

Radio-Léo,

diffusée

depuis

elle était familiè-

rement appelée, inondait toute l’Afrique centrale et de l’Ouest des merveilleuses mélodies, merengue, rumba et cha-cha des Paul Kamba,

Wendo,

Adu Elenga; plus tard, les rythmes

afro-cubains

des

Kabasele,

«Dr.»

Nico,

Rochereau, Franco et Déchau prirent le relais. C’est donc sur ce riche héritage que la télévision Zaïroise put s'implanter. La première station du pays fut inaugurée le 23 novembre 1966. Congo Vox était une société d’économie mixte, avec une participation de l’ordre de 40 % de l’État à son capital, contre 50 % d'intérêts belges. Avec Télé-Collège, une station de télévision éducative installée à Lubumbashi (ancienne Élisabethville), elle fut absorbée par le ministère de l’Orientation nationale (Communication) que dirigeait alors Sakombi Inongo, célèbre et infatigable chantre du mouvement de retour à l’authenticité. En 1973, avec la création de l’ORTZ, fut également intégrée dans le service public et unique de radiotélévision, une autre station privée de radiodiffusion, vieille de dix ans. En 1983,

l'Office produisit 62 heures d’informations, 23 de programmes éducatifs, culturels et civiques. Leur contenu devait, selon Oyonné,

« assurer

la participation effective des populations zaïroises au fonctionnement des institutions et à la promotion des valeurs de la nation zaïroise dans son ensemble ». Toutefois, la presque

totalité de ces émissions étant en langue française dans un pays où 42,1 % de personnes ne savent ni lire ni écrire, il se posait effec-

tivement un problème linguistique. Quoi qu'il en soit, la télévision zaïroise a pu rectifier le tir depuis lors, donnant des informations non

Zaïre

seulement en français, mais aussi dans quatre des langues principales du pays, le lingala, le tshiluba, le swahili et le kikongo. Mais cellesci n’occupent que 20 % du temps d’antenne, contre 80 % pour le français et ce, en dépit de la politique officielle de retour à l’authenticité. En outre, la plupart des émissions vien-

nent d'Europe. Elles sont transmises par la coopération française à travers Canal France International, par Transtel ou par les échanges avec la Belgique, la Suisse, les pays de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), l’'URTNA? et les inévitables séries B et soaps des États-Unis ou, de plus en plus, du Brésil. Ainsi Chuck Norris est-il une célébrité à Kinshasa, ainsi que Dona Beïjà, personnage d’une felenovela brésilienne.

Mais,

avec

les différentes

interven-

tions de la France dans la vie politique du pays depuis la présidence de Giscard d'Estaing, un sentiment antifrançais semble dans les préférences perceptible, même télévisuelles.

Quand l'ORTZ se voulait « le plus grand tam-tam d'Afrique »…

jettent surtout des films, des documentaires,

des jeux, des variétés et du sport, tous programmes internationaux qui comblent parfaitement leurs besoins d’évasion d’une réalité trop pesante et incertaine. En outre, des chafnes étrangères sont disponibles pour les Kinois, avec ou sans décodeurs,

en vertu de l’« arti-

Quant à la production nationale, elle ne comprend que les informations, des program-

cle 16*»:

mes ou des documentaires sur la culture, le folklore, les variétés (compte tenu de la

C’est donc naturellement et sans déplaisir que les téléspectateurs captifs de la Voix du Zaïre, du « plus grand tam-tam d'Afrique » des beaux jours, se sont tournés vers ces nouveaux

grande richesse du pays dans ce domaine), les sports.

Aujourd’hui, les journaux télévisés s’ouvrent chaque jour avec une image du « Guide », du citoyen président-fondateur émergeant des nuages comme un messie et délivrant son message salvateur à un peuple désormais complètement désabusé, appauvri et quasiment mourant. La plupart des Zaïrois, à l’exception de ceux appartenant à la mouvance présidentielle, ne regardent plus les émissions de l’ORTZ que lorsque y sont présentés des variétés, du sport ou des documentaires sur le pays. Pour le reste, quand ils veulent s’informer sur le monde,

rêver, se divertir sans

amertume,

CNN, Eurosport, TV5-Afrique.

écrans, ces nouvelles

fenêtres

sur le monde.

Henri-Paul

BOLAP

ils

n’ont que l’embarras du choix. Disposant de dix frontières, ils peuvent, du nord au sud, de

l’est à l’ouest, capter les chaînes des pays voisins: angolaise au Bas-Zaïre, centrafricaine au Nord, zambienne à l’Est, brazzavilloise à Kins-

hasa, etc. De plus, dans la capitale, ils peuvent aussi visionner des stations privées telles que Canal Kin depuis 1991, Télé 66 depuis 1992 et Antenne A depuis 1993; celles-ci émettent généralement de 18h à 24h et pro-

1. William Oyonné, journaliste d'origine gabonaise et ancien directeur général de la télévision de ce pays, est l’auteur d'une thèse très critique de Master’s Degree soutenue à l’Université

du Québec à Montréal en 1983, portant sur la « Communica-

tion et l’opinion publique dans l’État périphérique : le cas du Zaïre », 275 pages, mai 1983. 2. L'URTNA, c'est l’Union des radiodiffusions télévisions nationales d'Afrique, dont l’une des missions est de permettre l'échange de programmes de radio et télé entre les institutions spécialisées africaines. Installée à Nairobi au Kenya, elle fonctionne difficilement, faute de moyens financiers. 3. Selon les Zaïrois, l’article 16 est le dernier, non écrit, d’une

des nombreuses constitutions ou manifestes de leur pays, qui les autorise à se « débrouiller » pour vivre décemment.

375

Les télévisions du monde

Zambie sie du Nord en 1961, dénommée

Superficie: 752614 km? Population : 7 800 000 habitants Capitale: Lusaka Langues utilisées à la télévision: anglais + 7 langues nationales dont le bemba Nombre de téléviseurs: 600 000 environ Nombre de magnétoscopes: 45 000 (1989) Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes reçues: chaînes du Zimbalwe, d'Afrique du Sud, et par satellite CNN, Worldnet.

Des programmes du Nigeria, du Ghana et du Kenya

Le gouvernement zambien a octroyé en juillet 1994 des licences d’exploitation à 7 sociétés de communication,

dont 4 pour la radio

et 3 pour la télévision. Cette nouvelle vient en quelque sorte consacrer le mouvement de libéralisation enclenché dans ce pays au cours des dernières années. Une dynamique qui a déjà vu la fin du régime quasi inamovible de l’ex-président Kaunda, qui demeura au pouvoir pendant vingt-sept ans, soit de l’indépendance de la Zambie (ancienne Rhodésie du Nord) en 1964, à sa défaite électorale face à l’ancien

novembre

syndicaliste

Frederick

Chiluba,

en

1991.

Depuis sa création officielle en 1964, date

de l’indépendance, la Zambia Broadcasting Services a toujours été contrôlé par le gouvernement et le parti unique au pouvoir, l’'UNIP. Certes, comme l'indique Tudesq, la Zambie a connu la télévision dès 1961, alors que, colonie de la couronne britannique, elle

faisait encore partie de la Fédération d’Afrique centrale, qui réunissait les deux Rhodé-

sies du Sud et du Nord, ainsi que le Nyassaland. Ces territoires sont actuellement connus sous

les

noms

de

Malawi.

Mais

Mytton!,

spécialiste

Zimbabwe,

comme

Zambie

le montre

britannique

et

Graham

de la radio

en Afrique, ce n’est que lorsque l’indépendance apparut inévitable que les Britanniques libérèrent les organismes de communication de

l'emprise officielle pour en faire des institutions autonomes des pouvoirs politiques à venir. La télévision qui vit le jour en Rhodé376

Rhodesian

Television Ltd, était l’œuvre d’une compagnie privée, la Lonhro, qui l’avait surtout implantée dans la région où elle était très présente, la Copperbelt, d’où était extrait le cuivre, principale richesse du pays. Elle s’en servait surtout pour des fins éducatives.

Après l’indépendance, le nouveau pouvoir racheta les anciennes stations de radiodiffusion et télévision pour créer à leur place la ZBS,

service national de radio-télévision, qui s’implanta progressivement dans le pays. Des stations furent ainsi créées à Lusaka, Kitwe et Kabwe et la ZBS devint la Zambia National Broadcasting Corporation, ZNBC. Elle dispose de stations-relais dans les chefslieux des sept provinces du pays, en dehors des installations déjà citées, et de la centrale à Lusaka, à Kasama, Chipata, Mongu, Solwezi, Mansa et Kabwe. Cette dernière ville

possède toujours un service de télévision éducative, qui diffuse ses vingt-six heures hebdomadaires de réalisations à but scolaire dans tout le reste du pays. Au

total

donc,

la

ZNBC

dispose

de

12 émetteurs d’une capacité technique de 20kW, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte africain. Ses programmes, qui totalisent 75 heures hebdomadaires, sont reçus en anglais et dans sept des nombreuses langues de Zambie. D'abord largement importés, ils inclurent des pourcentages de plus en plus importants de la programmation télévisuelle nationale. Tudesq note ainsi que de deux heures au début, les émissions locales occupaient un bon tiers des quarante-huit heures de ses programmes hebdomadaires plus de dix ans après. Les productions étrangères, qui continuaient d’avoir une bonne place dans les projections

Zambie

de la Zambia Television, provenaient d’abord des Etats-Unis, qui envoyaient des séries universelles comme Dallas ou Dynastie, des dessins animés comme les Flinstones, The Untouchables, etc. Mais Tudesq signale que quelques émissions diffusées par la ZNBC étaient aussi originaires du Nigeria, du Kenya et du Ghana. La Zambie, ayant signé un accord de coopération avec ses partenaires de la Communauté économique de l’Afrique australe, peut également recevoir des émissions du Zimbabwe, du Swaziland ou du Botswana. Les téléspectateurs n’ignorent plus rien des différentes chaînes sud-africaines. Ces échanges, qui s’effectuaient auparavant de manière tout à fait fortuite, connaîtront certainement un dévelop-

pement désormais

poussé,

étant

officiels,

donné

avec

qu'ils

seront

l’avènement

de la

démocratie en Afrique du Sud et la fin officielle de l’apartheid. Le nombre de postes récepteurs, qui n’était que 13000 en 1971, augmenta de manière sensible

par la suite, avec

notamment

l’ins-

tallation de la télévision en couleur en 1976 par le Japon, qui avait aussi doté le pays à

- Zimbabwe

Zimbabwe Superficie: 390 800 km? Population : 9 120 000 habitants Capitale: Harare Langues utilisées à la télévision:

anglais

(80 %), langues nationales dont.le shona et

ndébélé (20 %) Nombre de téléviseurs: 400 000 Nombre de magnétoscopes: 45 000 Nombre de chaînes publiques: 2 + 1 régionale Nombre de chaînes privées: 1 Chaînes reçues: Bop-TV, M-Net, chaîne sud-africaine,

zambienne,

CNN,

CFI, etc.

La

Zimbabwe

Broadcasting

(ZBC),

héritière

de la Rhodesia

Corporation Television

Corporation, est née en trois temps:

d’un réseau hertzien; ce der-

— d’abord, en novembre 1960, des négociations entre la RTC et une société privée,

nier dessert également les services téléphoniques. D’autre part, les développements de la télévision éducative favorisèrent l’implantation de la télévision générale. En effet, il y a

la Rhodesia Television Ltd, permirent la production et la projection des premières images télévisées du pays, dont la réalisation fut facilitée par les recettes publicitaires et le paie-

dix ans,

ment

cette occasion

20heures

d’émissions

étaient projetées en Zambie. ETV

éducatives

Grâce

à cette

(Educational Television), de nombreuses

personnes purent apprendre une des langues les plus parlées du pays, le bemba, ou encore recevoir des enseignements sur l’histoire, les sciences,

l’environnement,

l’économie

et les

techniques. Des téléviseurs avaient été fournis à des écoles recevant ces émissions éducatives. Mais ce service autonome fut interrompu en 1986. Le pays compte actuellement environ 600 000 téléviseurs, ce qui le place sur une position intermédiaire en Afrique, entre la Côte-d'Ivoire où près de 810 000 téléviseurs ont été recensés et des «nains» comme le Mozambique, qui dispose d’à peine 50 000 appareils, pour une population double de celle de la Zambie. Henri-Paul

BOLAP

1. Graham Mytton, Mass Communication in Africa, London,

1983

d’une redevance;



ensuite, une télévision éducative implantée dans 140 écoles du pays démarra en 1963. Elle programmait des émissions scolaires tous les jours, ainsi qu’un magazine hebdomadaire pour les enseignants et un programme dominical d'éducation pour les adultes, comme le signale Tudesq'; — enfin, en 1976, alors que les perspectives d'indépendance se précisaient et que le pays s’appelait encore bizarrement « RhodésieZimbabwe », fut créée la ZBC.

Mais, avec l'indépendance, le départ de nombreux ingénieurs blancs priva la jeune République de compétences techniques dont elle avait un pressant besoin. C’est pourquoi on se contenta dans un premier temps de séries américaines comme Dallas, Dynastie ou Falcon

Crest;

cette habitude

devint

ensuite

une seconde nature. D’autant que ces productions étrangères ne coûtaient pas grand-chose, contrairement aux productions nationales. Actuellement, les émissions importées représentent 75 % de la programmation télévisuelle STN

Les télévisions du monde

du Zimbabwe?.

Elles proviennent

du Commonwealth

(Royaume-Uni,

des pays

les qui sont dirigées vers les enfants, 13 %,

Australie,

et les émissions

Nouvelle-Zélande et Canada), parfois aussi de l’ex-URSS, du Brésil ou de l’ancienne Tché-

coslovaquie, plus rarement des Etats-Unis ou de France.

Les productions

nationales,

com-

prenant surtout les informations, montent à peine à 48 % aux heures de grande écoute. La télévision, comme la radio, demeure aux

mains du gouvernement, mais elle est largement alimentée par d’importantes rentrées de fonds générées par la publicité. Ceux-ci, qui s’élevaient en 1986 à 68,5 millions de dollars,

compensaient largement les 5,6 millions dépensés pour l’importation d'émissions étrangères. La télévision zimbabwéenne dispose également d’un personnel hautement qualifié, issu du département de communication de masse de l’Université de Harare. Elle consacre 51 % de ses émissions au divertissement et 23 % de son temps d’antenne aux informations, soit à peu près autant que le Nigeria (27 %) et moins que le Burkina Faso (53 %) ou le Sénégal (43 %). Elles parviennent aux populations en anglais surtout,

avec

quelques

bulletins

en shona

religieuses,

1 %.

La ZBC

compte aussi sur la coopération avec ses voisins immédiats dans le cadre de la Conférence de coordination du développement en Afrique australe (SADCC), pour enrichir ses programmes de télévision ou ses grands écrans. Un accord a été signé à cet effet en 1988 avec les neuf pays qui constituent cette communauté. Mais la qualité des programmes que l’on peut attendre des télévisions du Mozambique, d’Angola, de Zambie ou du Swaziland n’est pas des plus excitantes. Par contre, avec la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, cette coopération connaîtra sans doute un nouvel essor. Le public zimbabwéen, qui dispose d’environ 400 000 récepteurs, aime bien les productions locales. Il reste beaucoup à faire pour le satisfaire. Henri-Paul

BOLAP

et

en ndébélé, les deux principales langues du pays. La télévision zimbabwéenne dispose de trois chaînes, deux nationales et une régionale, dont

les écrans sont ouverts 45 heures par semaine. La première, très populaire, a une programmation composée essentiellement de séries grand public et de téléfilms anglo-américains, de dessins

animés,

de show

business

et de

sports. La deuxième, TV2, plus intellectuelle, diffuse surtout des documentaires et des débats

1. André-Jean Tudesq, op. cit, p. 34. 2. Sur ce point, voir la communication de Prudence Uriri, de Capricorn Video Unit, une maison de producteurs indépendants du pays, lors de la réunion de Johannesbourg en octobre 1992, sur les politiques de programmation des productions locales dans les télévisions d'Afrique australe.

de société. Enfin la troisième, régionale, est

implantée à Bulawayo, la deuxième ville du pays. Sa programmation est surtout faite de reprises des émissions des deux premières. Globalement, 78 % des émissions de diver-

tissement de cette télévision sont d’origine étrangère, en dépit de la forte identité culturelle du pays, qui a déjà produit des artistes de renommée mondiale comme Thomas Mapfumo ou les Bhundu Boys. Ceux-ci disposent d'émissions telles que Music, 7 Years after ou Mvengemvenge qui programment de la musi-

que locale, traditionnelle

ou moderne,

des

documentaires sur le pays ou des dramatiques en langues nationales, comme Mukadoto. D'autre part, des émissions éducatives prio-

ritairement destinées au monde rural occupent 6,7 % des programmes de cette télévision, cel378

En Afrique, plus de 80% des programmes de la télévision sont importés

Afrique

Le défi africain de TV5 Fondée il y a dix ans, établie à Paris, TV5 est la télévision francophone la plus connue au monde... sauf en France. Regroupant une sélection d'émissions des télévisions françaises, suisses, belges et canadiennes, elle arrose aujourd’hui les cinq continents. Sa branche africaine, TV5 Afrique, est née en juin 1992. Sa diffusion est assurée par le satellite russe Statsionar 12 et depuis peu par le satellite Intelsat 702. Treize conventions ont été signées avec des télévisions africaines et un réseau de correspondants se met peu à peu en place, annonce Mactar Silla, son directeur. « Notre objectif est de créer une présence intelligente et de qualité de l'Afrique. A travers les neuf heures de programmes produits directement ou en coproduction avec des télévisions africaines. » Depuis le 20 mars 1994, la chaîne diffuse un magazine sportif. d’une heure mensuelle, ainsi qu'une revue de presse africaine, réalisée à partir de 60 titres publiés dans 18 pays francophones d'Afrique.

— Comment satisfaire d’Alger à Pretoria, de Dakar à Brazzaville, un public aussi diversifié? TVS n'est-elle pas une «télévision fourre-tout » ? Non, nous sommes tout sauf une « ONU de l'audiovisuel africain ». Il faut certes disposer de repères pour que les uns et les autres se retrouvent dans la grille de programmes. Nous essayons de maintenir les grands équilibres pour préserver l’originalité de la chaîne mais nous ne travaillons pas dans une logique de quotas. Chaque émission est visionnée et discutée lors des comités de programmes. Si une émission est mauvaise, elle n’est pas diffusée. Nous voulons que la diffusion soit cohérente et de qualité. Bien sûr, chacun défend ses positions, mais c’est ce qui fait

le concept de TV5, une chaîne unique dans le monde. Et qui rend aussi l’exercice difficile. Mais chez nous, il faut aussi faire preuve de tolérance,

on ne peut pas se recroqueviller dans un nationalisme étroit. Je suis Sénégalais mais j'ai défendu, durant les sélections, davantage de pro-

grammes camerounais Ou ivoiriens que sénégalais. J'essaie de me mettre à la place du téléspectateur, en me demandant quelle est l’émission qui rendra le meilleur service au continent. Si une émission belge, française, québécoise ou suisse est de qualité, elle doit, dans la même logique, être diffusée.

— En matière d’informations, comment se fait l’arbitrage sur l’actualité ? Nous diffusons les journaux de dix-sept chafnes partenaires. Et, bien entendu,

nous

ne cen-

surons rien! Chacun a son approche de l’information. Pour ma part, je n’interviens jamais dans le contenu pour dire aux journalistes responsables de l’information de TVS5 de traiter le sujet de telle ou telle façon. Je veux parler de l’Afrique en parlant de ses difficultés sans aucune

ambiguïté, sans aucun parti pris mais en essayant de trouver des solutions. Nous recevons aussi bien des dirigeants au pouvoir que des opposants. Si quelqu'un n’est pas d’accord avec une idée, il peut venir à l’antenne et exprimer une opinion contradictoire. Pendant la guerre du Golfe, nous avons été la seule chaîne à présenter un point de vue différent de celui des autres grands médias. Nous ne sommes ni la télé des opposants ni celle du pouvoir. Nous donnons la possibilité au téléspectateur d’avoir accès à l’information. A lui, après, de se forger ses propres convictions.

— Quelle est l’audience de TV5 en Afrique et comment réussissez-vous à la mesurer ? Au Gabon,

on a calculé que le chiffre de la

diffusion a été multiplié par trois depuis la signature d’une convention en janvier 1993. Au Cameroun, il y a près de 10000 téléspectateurs de TV5. Au Sénégal, lorsque nous avons lancé TV5 Afrique, le 30 septembre 1992, un journal plutôt sceptique et narquois a titré: « Une chaîne de télévision élitiste pour 100 personnes. » Aujourd’hui, 1l y a 350 antennes paraboliques et grâce au réseau d’antennes micro-ondes, plus de 11 000 Sénégalais reçoivent le signal de TVS. Tant et si bien que les Sénégalais regardent davantage TV5 que la télévision nationale. Certains enregistrent même les émissions et commercialisent les cassettes. L’an dernier, nous avons réalisé une étude au Burundi, au Cameroun,

au

Sénégal et en Côte-d'Ivoire, après la diffusion du magazine Correspondance. On s’est rendu compte en dépouillant les réponses que les Africains étaient très demandeurs d'émissions sur le sport, sur la science ou sur l’économie. (...) Nous allons

diffuser prochainement un questionnaire auprès de 5 000 personnes dans cinq pays africains, afin de mieux cerner l’opinion du téléspectateur. Il est devenu nécessaire pour nous de disposer d’instruments de mesure. — Comment s’articulent les relations entre, d’un côté, une structure interétatique, TV5, et

de l’autre, des télévisions nationales étatiques ? Dans le projet TVS, l’Afrique dispose du statut de partenaire. Mais un Africain est à la tête d’un programme qui n’est pas financé par l’Afrique. C’est presque un paradoxe, quand on sait que les Africains n’ont généralement pas leur mot à dire sur tout ce qui se crée sur le continent. (...)

Propos recueillis par Christophe GUIBELEGUIET, Croissance, juillet-août 1994

D10

VI Âsie

et

— D D

©O

Les télévisions du monde

Afghanistan Superficie: 652 225 km? Population : 17 400 000 habitants Capitale: Kaboul Langues utilisées à la télévision:

pashtu,

dari, arabe

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de

téléviseurs: 630 000 du réseau: 100 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0

La télévision afghane est actuellement dans le même état d’impuissance que la plupart des autres institutions de ce pays ravagé par les conflits. Tandis que les milices rivales poursuivent leurs combats incessants pour obtenir le contrôle de la capitale, les dommages de

la guerre ont réduit le service de télévision de l’État à de courtes périodes de diffusion suivies de longues périodes de silence. Beaucoup des stations de relais régionales (elles sont au nombre

de 16) ont cessé d’émettre, et c’est

la radio qui a repris la tâche de l’information auprès de la plus grande partie de la population. Au cours des premières années du régime communiste soutenu par l’Union soviétique, la télévision s’est répandue dans tout le pays — avec l’aide soviétique — et a été développée comme moyen de propagande. Pour cette raison, les équipements de transmission devinrent la cible des rebelles moujahedins,

et au

bout de quelques années l’ensemble du réseau était quasiment hors d’usage. Les tentatives de reconstruction ont été timides et sporadiques, ce qui fait que l’on ne reçoit plus désormais la télévision que dans les grandes villes. Le service de radio et télédiffusion afghan

(ARTV) prétend fonctionner 42heures par semaine sur le canal 5. Même lorsque ses studios et ses émetteurs fonctionnent, une bonne

partie du public n’en profite pas à cause des

pannes d'électricité qui se produisent très souvent, et font partie de la vie en état de siège que connaît la capitale, Kaboul, et, dans une moindre mesure, les autres centres urbains du 382

pays. La télévision afghane est sous le contrôle du ministère de l’Information et de la Culture qui se préoccupe plus pour le moment de la survie du gouvernement que de la mise en œuvre d’une politique concernant les médias. De ce fait, le contenu des programmes de l’ARTV consiste essentiellement en messages politiques de la faction qui gouverne et en reportages tout à fait partiaux sur la guerre civile. D’autres émissions sont consacrées à des programmes musicaux et culturels, éducatifs, et on trouve aussi des émissions de

divertissement. La dimension religieuse de la politique afghane se retrouve dans les programmes de l’ARTV par la place importante accordée aux lectures du Coran et aux commentaires qu’en font les chefs islamiques. L’ARTV diffuse aussi des programmes venant de l’étranger, principalement de l’Iran, du Pakistan et des pays arabes. Les problèmes de logistique chroniques de la télévision nationale ont poussé les gens à s'intéresser aux émissions des pays voisins. Les villes proches des frontières avec l’Iran, le Pakistan, le Turkménistan, le Tadjikistan et

l’Ouzbékistan regardent plus les télévisions étrangères que l’ARTV. Le public afghan dispose aussi de cassettes vidéo, qui connaissent un grand succès en raison du manque de fiabilité de la télévision d’État. Les magnétoscopes sont très prisés dans les villes, même si la plupart des cassettes qui circulent proviennent de l’étranger. L’instabilité politique extrême ne permettra sans doute pas d’améliorer la télévision dans un proche avenir, bien que les chefs de factions rivales aient commencé depuis peu à investir dans des équipements de transmission afin d’augmenter leurs moyens de propagande. La guerre

civile

étant

toujours,

semble-t-il,

dans une impasse, les Afghans vont de plus en plus se tourner vers les émissions étrangères et les cassettes vidéo. Barry LOWE

Australie

Australie Superficie: 7 000 000 km? Population : 17 400 000 habitants Capitale: Canberra Langue utilisée à la télévision: anglais Nombre de téléviseurs: 7 910 000 Nombre de magnétoscopes: 2 900 000 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 3 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 10

Le Français qui arrive à Sydney s’esclaffe souvent devant les publicités ringardes qui, toutes les dix minutes, interrompent les émis-

sions et les films des trois chaînes privées (Channel 7, 9 et 10). Se rabattre sur les deux

chaînes publiques n’allège que partiellement le malaise; l’une

d’elles,

l’ABC

(Australian

Broadcasting Commission), leur épargnera certes totalement tout intermède publicitaire, mais l’autre, SBS (Special Broadcasting Service), leur infligera, entre les émissions multilingues,

des annonces publicitaires de même calibre ou à caractère multiculturel. Pourtant, c’est ainsi

que l’étranger se familiarisera avec les habitudes télévisuelles du pays: malgré un choix limité de cinq chaînes, les Australiens eux aussi font du «zapping » pour échapper à la publicité, suivre plusieurs feuilletons à la fois ou capter les dernières nouvelles sur Channel 9. Face à la concurrence et soucieux d’offrir à ses téléspectateurs une certaine variété, les réseaux privés tentent, sans grand succès, de se diversifier pour se singulariser: afin d’attirer les jeunes, Channel 10 leur propose des clips et des émissions de plus ou moins bonne qualité. Channel7 fait dans la comédie et le drame, mais pour se joindre à l’Australien typique, féru de sport (rugby, cricket ou tennis), il vous suffit de vous planter devant la 9 ou, mieux encore, de vous installer devant

un demi de bière dans l’un des 6 000 « pubs » abonnés à Sky Channel qui retransmet les événements sportifs par satellite.

Sport et télévision Vous l’avez déjà compris, le sport est l’occupation favorite des Australiens et dire que sport et télévision sont des amants inséparables est devenu un lieu commun: les émissions sportives (émissions régulières, reportages, retransmissions) saturent les écrans tous les week-ends et mobilisent régulièrement 30 % des spectateurs. Pourtant, elles suscitent aussi d’intenses débats sur le bien-fondé du parrainage des matchs sportifs par les grandes marques de cigarettes et de bière, et sur le rôle néfaste de la télévision sur les compétitions sportives. Par ailleurs, le choix et l’impartialité des retransmissions sont parfois mis en doute.

Les sports féminins sont aussi sujets à controverse: pourquoi ne représentent-ils que 2 % du temps de télévision consacré aux sports ? Les Australiennes s’en plaignent bruyamment et les chaînes et réseaux commencent à saisir le message: le public sportif féminin représenterait-1l un public potentiel négligé auquel il serait grand temps de songer ? Tina Turner, chanteuse américaine et superstar de la vidéo promotionnelle de l’équipe australienne Rugby League, a contribué à cette nouvelle prise de conscience et davantage d’Australiennes se sont mises à regarder le rugby à 13 à la télévision.

SBS

retransmet

aussi,

depuis peu, les compétitions de sports plus marginaux et féminins ! Face à cet engouement toujours grandissant des Australiens pour le sport à l’écran, on ne s’étonnera guère qu’il provoque aussi la parodie et la satire: sur l’ABC, This Sporting Life et Live and Sweaty font de l’émission sportive un spectacle humoristique, féministe et postmoderne, et de l’évé-

nement politique un match de foot. Quant à SBS, la chaîne la moins regardée (à peine 6 %), elle a fait un record d’audience

en télévisant la Coupe du monde de football. Mais c’est Channel7 qui a obtenu les droits de retransmission des jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Passe-temps favori, sujet à 383

Les télévisions du monde

controverse

entre hommes

et femmes,

objet

d’une concurrence active entre les chaînes, et

moyen Ô combien critiqué d’encourager ou de canaliser les nationalismes et régionalismes, l’émission sportive tient une place centrale sur toutes les chaînes et tous le réseaux audiovisuels, et ceci. six ans avant les jeux Olympiques de l’an 2000 qui, comme chacun sait, se dérouleront à Sydney! Pourtant, au verso de cette image quelque peu macho des téléspectateurs australiens se dévoile aussi son envers: la retransmission sur l’'ABC du Sydney Gay and Lesbian MardiGras Parade. Ce défilé, qui entre dans le contexte du carnaval homosexuel (et attire des foules de touristes et. de nombreuses devi-

les conservateurs, en dévoilant régulièrement les scandales politiques, les problèmes écologiques ou les affaires de corruption. Si elle prend certains systématiquement à rebroussepoil, elle constitue pour d’autres, ceux qui tendent vers la gauche, une base de référence fiable sur laquelle bâtir leurs opinions. L'émission scientifique Quantum, et nombre de documentaires d’excellente qualité complètent cette image d’une chaîne qui ne se perd guère en futilités. Même son magazine Attitude, destiné aux jeunes adultes, préfère confronter les problèmes qui les préoccupent plutôt que de les divertir. L’ABC joue aussi un rôle de leader dans la programmation: c’est la première chaîne à

ses étrangères !), a battu tous les records d'audience en fin de soirée, même si sa

réaliser et diffuser une minisérie, Heartland,

retransmission à la télévision a fait beaucoup parler les plus réactionnaires de la droite. Les Australiens raffolent de festivités en plein air

Blancs. Les chaînes privées, motivées par les indices d’écoute, se l’arrachent! Ainsi l’ ABC

et l’on ne s’étonnera pas de voir les chaînes capitaliser sur cet esprit de fête en télévisant les opéras en plein air, les feux d’artifice de fin d'année ou la nouvelle que Sydney accueillera les jeux Olympiques. Tous ces prétextes à festoyer sont autant de succès d’audience.

Culture Si les Australiens

aiment

s’amuser,

concernant les relations entre Aborigènes et remplit, de façon indirecte certes, son objectif premier: être une chaîne d’influence nationale qui s’adresse à tous les Australiens grâce à des émissions innovantes de qualité qui reflètent de plus en plus les préoccupations du pays et sa diversité culturelle. Entièrement financée par le gouvernement fédéral, sans aucune ressource publicitaire, l’ABC dispose cependant d’une indépendance complète, même si les politiciens tentent régulièrement de lui forcer la main et si les spectateurs contestent périodiquement sa présentation des événements.

ils ne

refusent cependant pas de s’éduquer: l’ ABC, la chaîne publique de notoriété nationale, offre matins et soirs, en conjonction avec les universités, un programme éducatif Open Learning Programme, qui permetà tout Australien de préparer un diplôme universitaire sans sortir de chez lui. La réputation de l’ABC d’être une chaîne « sérieuse », pour les gens éduqués (ou en voie de l’être) est donc bien

méritée: les émissions sur les arts et spectacles, les retransmissions de débats parlemen-

Profitant de sa notoriété,

l’ ABC

fait cha-

que semaine dans Media Watch une revue analytique très minutieuse et peu flatteuse des médias

(presse écrite, télévision, radio). Elle

met en question leur objectivité et leur sens moral et démontre sans ambages leur irresponsabilité sociale. Qui pourrait s’offrir le luxe d’être si présomptueuse sinon une chaîne audelà de tout soupçon ? Une belle réussite pour une chaîne sous contrôle de l’État!

taires, le ton austère des actualités nationales

et internationales en font une chaîne qui n’a rien de populiste. Pourtant, ce qui repousse (l’intellectualisme) peut aussi séduire; et si l'ABC n’attire que 15 % des spectateurs, 90 % avouent la regarder de temps à autre pour ses reportages objectifs de l’actualité ou ses documentaires de haute qualité. Four Corners, émission à caractère critique et analytique, soulève souvent la controverse, notamment parmi 384

Les minorités Les moyens techniques dont dispose l’ ABC lui permettent de diffuser ses émissions dans toute l’ Australie (dont la taille, ne l’oublions pas, est tout de même 14fois celle de la France !), ce qui n’est pas le cas de l’autre

chaîne publique, SBS. En effet, cette dernière

Australie

On the Ball, une

se trouve pénalisée par la faible capacité de ses émetteurs et seulement 75 % des Australiens peuvent la recevoir. Son public, si limité

soit-il, est cependant varié puisque essentiellement urbain. Chaîne multiculturelle, de créa-

tion récente, SBS vise la multiplicité ethnique et traduit ses préoccupations: 40 % des Australiens étant des immigrés de première ou deuxième génération, le potentiel est grand, même

si les spectateurs d’origine chinoise, ita-

lienne, grecque ou autre, ne regardent que les émissions directement liées à leur culture. Dès 7heures du matin, tous les jours de la semaine, World Watch, grâce aux journaux télévisés sans sous-titres transmis par satellite des quatre coins du monde, peut vous replonger dans le quotidien de votre terre maternelle.

des émissions

de sport de SBS

rigène affirment haut et fort, par leur simple présence, la variété culturelle et linguistique de l’Australie. Les réseaux privés doivent eux, comme toutes les chaînes, montrer leur tolérance des minorités en se pliant à la loi antidiscrimination qui Ss’applique à tous, et interdit à toute chaîne de télévision de dénigrer les femmes, les gens de couleur, les handicapés, les homosexuels et les immigrés. Si le multiculturalisme est parfois considéré répressif parce qu’il s’inscrit dans l’irritante idéologie du « politiquement correct », il procure aussi des échappatoires à l’influence des cultures anglophones; celle de l’Angleterre, plus visible dans la programmation de l’ ABC, et celle des Etats-Unis, qui s'exprime dans le secteur privé.

Le soir, des films étrangers, souvent européens

en langue originale sous-titrée, complètent cette programmation multilingue. Issue des principes du multiculturalisme, SBS n’a peur ni des minorités indigènes, ni des immigrés, et encore moins de leurs accents: les présentateurs d’origine grecque, chinoise, slave, indienne, abo-

Un bol d’air frais SBS a davantage d’influence sur les Australiens que ne le laisse prévoir le nombre de 3385

Les télévisions du monde

ses téléspectateurs: comme l’ABC, elle informe ceux qui forgent les opinions de la société australienne. Pour les Australiens cultivés et les intellectuels, SBS est un bol d’air

frais. Grâce à des émissions comme Dateline, qui diffuse des reportages venus de l’étranger ou The Cutting Edge, qui passe des documentaires du monde

entier, ils peuvent aisément

sortir des confins maritimes qui isolent et enferment cette grande île qu’est l’Australie. Malgré leur réputation de chaînes sérieuses (voire pour certains ennuyeuses), les chaînes publiques ne perdent pas totalement leur sens de l’humour: D Generation avec ses jeunes acteurs comiques se délecte dans l’insolence, Frontline dans la parodie des émissions d'actualité et Eat Carpet verserait plutôt dans la provocation. Le divertissement, lui, est surtout le mono-

Oprah Winfrey et Donahue, ou les soaps de même

provenance

et de qualité

semblable,

Roseanne, Seinfeld, Melrose Place, Law and Order et Berverley Hills 90210. Résultat: Channel 10 semble tirée d’affaire ! Faut-il s’en réjouir se demandent certains qui soutiennent la campagne gouvernementale « Achetez australien ! » ? L'Australie a toujours eu un nombre élevé de programmes importés (environ 50 %), dont beaucoup viennent des Etats-Unis, et, à l’heure actuelle, Channel7 est en grande

partie responsable de ce chiffre important.

La favorite Channel 9 est de loin la favorite des Australiens et pour cause ! Première chaîne com-

pole des trois réseaux de télévisions privées

merciale,

(Channel 7, 9 et 10). Avec 80 % de l’audience

réputation grâce à la retransmission d’événe-

à se partager, les réseaux se plagient et se font concurrence. À l'instar des télévisions américaines,

l’«infotainement »,

les

«reality

shows », les «tabloid TV » des chaînes privées, tournent l'information en spectacle médiatique, mêlant sexe, violence, intrigues sentimentales pour le plaisir voyeuriste de ses nombreux

spectateurs; Real Life, A current

Affair, émissions dans cette veine, font rituellement des records d’audience. Le fort sens des responsabilités sociales se lit dans les feuilletons de fabrication locale d’une grande popularité et sur ce point les secteurs privé et public se rejoignent: À Country Practice (Channel 10), Blue Heelers (Channel 7) et GP (ABC) traitent, dans des styles

analogues, les problèmes

sociaux comme

le

sida, la drogue, le chômage ou le racisme. Les

soaps locaux aux records de popularité, tels Home and Away, Neighbours, jouent le rôle de véritables contes moraux modernes. Faciles d’accès, ils s’adressent à tous, créent l’audience des télévisions privées et, leurs res-

sources venant essentiellement des recettes publicitaires, assurent leur survie. Les trois chaînes privées ont subi de grands bouleversements ces dernières années: Channel 10 à d’abord fait faillite, puis, recevant l’aide financière des grandes banques australiennes, s’est vue contrainte de rentabiliser à tout prix. La solution était facile: s’approvisionner en émissions nord-américaines à records d'audience telles que les falk-shows 386

ments

elle s’est vite taillé une excellente

sportifs

(course

de

voiture,

cricket,

rugby), à la diffusion de films récents presque tous les soirs de la semaine, et à ses comédies américaines. Les excellentes relations d’affaires de son propriétaire, Kerry Packer (grand ponte de l’audiovisuel qui possède aussi des quotidiens) lui permettent d’avoir un service d’information de qualité et des magazines qui sont devenus de véritables institutions: Sunday, le dimanche matin, offre informations,

interviews de personnages politiques et documents sur l’actualité. Mais c’est 60 minutes (copie de l’émission américaine du même nom) qui, depuis des années, reste en tête de

liste: magazine populaire du dimanche soir, il mêle enquêtes, portraits de personnalités politiques ou de gens peu ordinaires et investigations de sujets à controverse, le tout sur un ton légèrement sensationnaliste. Considéré avec mépris par certains, loué par d’autres pour ses scoops, 60 minutes crée tout de même l'actualité et fonctionne comme un point de rencontre entre Australiens de tous milieux. Les jeux ne manquent pas au menu du télédivertissement : Wheel of Fortune, Family Show, et Amazing à l'intention des enfants, monopolisent l’écran en fin d’après-midi sur Channel7 pour le plaisir de ses téléamateurs, grands et petits, qui savourent le suspense de la compétition et la promesse des récompenses somptueuses.

Les Australiens n’aiment guère se prendre trop au sérieux: ils apprécient l’humour irré-

Australie

vérencieux,

les

sarcasmes

insolents

et

la

moquerie railleuse illustrés par des séries, produits du terroir: Mother and Son, histoire hila-

rante d’un fils empêtré dans une relation complexe avec sa mère sénile et envahissante, ou

Hey Dad, sitcom à propos d’un père qui tente d'élever ses enfants et de travailler avec une secrétaire écervelée. L'émission Full Frontal,

elle, se délecte dans le style d'humour préféré des Australiens: la parodie. Pleine de gros gags, de personnages grotesques qui imitent les grandes stars de la télévision australienne et américaine, Full Frontal est un succès. Le

rire étant, paraît-il, communicatif, chaque gag est accompagné de rires enregistrés pour signaler les moments drôles et. ça marche!

drames, films policiers, sont au menu

quoti-

dien des chaînes privées. Sur les chaînes publiques, nouvelles régulières et films d’intérêt variable ponctuent la journée. La jeunesse, elle, a toujours été un public privilégié des télévisions: les enfants australiens, avides d’audiovisuel,

passent plusieurs

heures devant l’écran chaque jour de la semaine. Ils ont leurs émissions et leurs plages horaires en matinées et en début d’aprèsmidi. Play School (ABC) pour les préscolai-

res est une émission australienne originale à caractère interactif que les écoles maternelles montrent à leurs jeunes élèves pour « encourager une écoute active», dit-on. Quant à Sesame Street (ABC), c’est une véritable ins-

titution américaine qui divertit et éduque les Jeunes

Une

denrée

devenue

enfants

tout en

les amusant,

et ceci

depuis plus d’une décennie.

rare

Les chaînes privées, elles, s’adonnent

Les miniséries australiennes qui faisaient fureur dans les années 80 (plus de 100 réalisées en dix ans de 1978 à 1988) sont passées de mode. D’après la critique, ces séries auraient contribué à la construction de l’identité australienne moderne grâce aux thèmes historiques qu’elles abordaient (comme The Dismissal et Anzacs). Quoi qu’il en soit, les miniséries sont devenues des denrées rares, non pas que les goûts du public aient changé

ou que l'identité australienne ait fini d’être construite, mais tout simplement à cause des

contraintes budgétaires. Les difficultés subies de 1989 à 1991 par les réseaux privés ont exigé la réduction du nombre de productions

aux

émissions américaines de qualité médiocre mais très prisées des enfants qui peuvent choisir entre les 390 heures de programmation obligatoire (selon les règlements) qui leur sont allouées par an, sur chaque chaîne. The Wonderful World of Walt Disney du dimanche après-midi sait encore mobiliser jeunes et moins jeunes. Les documentaires australiens, souvent excellents, et les programmes hebdomadaires sur les animaux comme 7alk to the Animals permettent aux enfants et à leurs parents, les jours de congé, de se rassembler autour de leur petit écran sans craindre d’être exposés à des scènes de violence. Comme dans beaucoup de pays occidentaux, le nombre élevé d’heures que les enfants pas-

seulement

sent assis devant la télévision, la médiocrité

9 miniséries sont passées à l’écran et, en 1993, aucune n’a été émise sur les réseaux privés. Ainsi, alors que les téléspectateurs des chafînes publiques ne représentent qu’un cinquième du public télévisuel, ce sont elles qui produi-

des émissions qui leur sont adressées, le grand nombre de films violents diffusés sur les chaînes privées, alarment parents et éducateurs qui ont pour porte-parole divers organismes soucieux de la protection des jeunes téléspectateurs. Les clips, les programmes musicaux ou le dessin animé culte américain The Simpson Family, sont plutôt appréciés des 15-20 ans. Les émissions hebdomadaires comme Eat Carpet (SBS) ou Attitude (ABC) visent les jeunes adultes mais elles représentent des excep-

à

gros

budget.

En

1990-1991,

sent les séries qui, après avoir fait leur preuve,

seront peut-être rachetées par les réseaux privés; tel est le cas de Mother and Son. En Australie, il ne fait guère bon être au chômage si l’on est en plus téléphile: en effet, les spectateurs de l’après-midi, femmes au foyer, retraités, chômeurs et gens sans emploi, ont un choix de programmes très limité. En dépit de leur nombre important, ils ne reçoivent guère d'émissions de qualité: films démodés, feuilletons américains sentimentaux du genre Days of our Lives, Restless Years, mélo-

tions. En effet, peu d'émissions s’adressent à un public adolescent, et ce dernier doit donc

se tourner vers des films que certains jugent beaucoup trop corsés pour de jeunes âmes encore en plein apprentissage. Un système de classification a été consti387

Les télévisions du monde

tué pour signaler aux téléspectateurs le genre de public visé par les différents programmes. Les suppléments TV des journaux utilisent ce système pour informer les téléspectateurs de la présence de scènes à caractère violent ou sexuel dans les divers programmes. Les films pornographiques classés «R » sont interdits sur les chaînes hertziennes mais il n’est pas exclu que l’Australian Broadcasting Authority (équivalent du CSA français) les autorise bientôt sur les chaînes câblées. Généralement, l’Australien n’aime guère plaisanter sur les questions d’ordre moral et sexuel. Le puritanisme anglo-saxon s’infiltre aisément dans les médias à tort ou à raison: certaines publicités jugées sexistes ont été retirées très rapidement des réseaux privés à cause des protestations venant des téléspectateurs. The Funniest Home Sexy Videos, produit local de Channel 9, a vu sa diffusion

interrompue

au beau milieu, sur un simple coup de téléphone de Kerry Packer.

Chaînes régionales Les cinq chaînes nationales sont prolongées par les télévisions régionales gérées indépendamment des réseaux privés mais qui diffusent leurs programmes. Ainsi, Prime TV offre les programmes de Channel 7 avec des variations locales à certaines heures de la journée, WIN et NBN diffusent Channel9 et NRTV Channel 10. Les Australiens qui vivent dans le «bush » (nom donné à la brousse

austra-

lienne) et dont l’isolement géographique est difficile à imaginer pour un Européen, sont très attachés à leur télévision régionale et à lABC, seuls liens quotidiens avec le reste du pays. Comme l’on pourrait s’y attendre, leurs préférences vont aux Journaux télévisés et magazines quotidiens. On pourrait se demander quel peut être l’avenir télévisuel d’un pays si vaste à la

population réduite? Il se résume en trois mots: le câble, la CTV (Community Television) et l’Asie. Les services des télévisions câblées, bran-

chées sur le système de câble optique de com, prévoient d'offrir, à partir de fin 10 chaînes à leurs abonnés. Les 5 chaînes s ziennes ont réagi avec hostilité à cette 388

Tele1994, hertinva-

sion, d'autant plus que ces services demandaient le droit de retransmettre les grands événements sportifs ! Le ministère de la Communication a tranché et, en accord avec

l’éthi-

que démocratique et le principe de l’égalité devant l’antenne, a produit une liste (valable 10 ans) des grandes manifestations sportives dont la retransmission sera assurée par les chaînes hertziennes, gratuites et ouvertes à tous. Les droits de retransmission des jeux Olympiques de l’an 2000 feront l’objet de futures négociations entre les télévisions câblées, les réseaux privés, le Comité olympique et l’ABA (Australian Broadcasting Authority). La CTV (Community Television), phénomène d’ampleur internationale, est aussi présente en Australie sous la forme de télévision câblée. En fait, elle est même très active mais

aussi très marginale: produite par les groupes minoritaires, elle s’inspire de la Community Radio (qui possède, elle, 108 stations !). D’après les spécialistes, elle aurait un avenir

prometteur, si seulement elle cessait de faire figure de parent pauvre de la télévision australienne. Esthétiquement médiocre, elle est l’objet de moqueries de la part des chaînes mieux «rangées » qui considèrent ses émissions avec le sérieux qu’on accorde aux photos de famille de ses voisins. Les groupes religieux, les amoureux

de jazz, les handicapés,

les marginaux, les personnes âgées (en tout 61 groupes ont été dénombrés), participent ou cherchent à participer à la CTV. Son pouvoir est indéniable: groupes de femmes et surtout groupes aborigènes peuvent enfin se faire entendre. La télévision aborigène est particulièrement active à Alice Spring dans le centre de l’Australie, mais aussi dans le quartier de Redfern à Sydney. Elle représente le symbole de la prise de parole des Aborigènes, sans médiation blanche. C’est ainsi que s’exprime un Aborigène à propos de la CTV: La majorité des non-Aborigènes s'imaginent qu'en ce qui nous concerne, ce sont eux les experts. On ne nous donne pas le droit de parler en notre propre nom... la chose principale pour nous, c’est d’avoir l'accès, et c’est

là une chose qu'on n'a jamais eue avant (la CTV) et dans aucun média — y compris l’ABC et SBS".

Australie

Les 263 épisodes de Neighbours AUSTRALIE, LA TÉLÉVISION DES ABORIGÈNES

Si l'Australie est grande importatrice d’émissions étrangères venant des États-Unis et d'Europe, elle est aussi exportatrice et se targue d’avoir vendu en Asie 263 épidodes du soap australien Neighbours. L'acheteur, le service de télévision de Hong Kong, diffuse ses programmes par satellite dans 38 pays d’Asie. L'Australie est en train de prendre pleinement conscience de l’importance capitale que les pays d'Asie du Sud-Est pourraient jouer dans son avenir économique et politique; la carte audiovisuelle serait un atout d’envergure. N'oublions pas que ces pays constituent, par leur population grandissante, un énorme potenüel télévisuel et les chaînes et réseaux australiens ont bien l'intention de capitaliser dessus. Le plus grand marché d’exportation des séries australiennes reste cependant la GrandeBretagne, aussi amateur de Neighbours, Home and Away, À Country Practice, The Flying Doctors pour n’en citer que quelques-unes. Depuis

1993, l’ABC

possède aussi un ser-

vice international (ABC AUSTV) sur l’Asie. Il émet ses émissions d’actualité par satellite

et est sponsorisé par des entreprises australiennes. Les répercussions sur les pays récepteurs sont parfois imprévues; en effet le ministre des Affaires étrangères s’inquiétait dernièrement de l’image que l’ABC TV donnait des politiciens australiens aux pays asiatiques: la diffusion des échanges cinglants (voire insultants !) entre politiciens n’aide guère à bâtir une image positive de l’Australie à l’étranger! Mais ne touche-t-on pas là à l’un des problèmes que pose la diffusion de l’actualité locale à l’étranger ? L'Australie,

avec

son

immense

territoire

isolé entre le Pacifique et l'Asie, ses 17 millions d’habitants d’origines variées et sa culture

dominante

européenne,

possède

un

système télévisuel qui reflète et articule les nombreuses préoccupations de ses habitants et de ses leaders: multiculturalisme, sexisme, question aborigène, attachement à la culture anglo-américaine, contraintes économiques et

place de l’Australie sur la scène internationale, sont autant de questions qui se posent à l’Australie d’aujourd’hui et que ses médias doivent confronter. Bénéficiant d’un secteur privé contrôlé par la dictature de l’audimat et d’un sec-

Tanami Network : du désert à la télé interactive AMI, €'est avan Gouit Le num

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Autonomes

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Le Monde

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Gyênes etunepupulition quisuufMie

Radio-Télévision,

ai

4

2-3 octobre

1994

teur public davantage préoccupé par des questions d’ordre politique et culturel, la télévision australienne est fortement convaincue que son avenir est lié à l’expansion de ses moyens technologiques,

chez

elle,

et

sur

la scène

asiatique.

Michelle ROYER

La France

en Australie

La population francophone est tout aussi variée que le reste de la population australienne; originaire de la France métropolitaine, des DOM-TOM et de divers pays francophones, elle compte en tout

52 790 habitants?.

Le public francophile dépasse de loin ces chiffres; la culture française ayant gardé un statut privilégié, les films français (qui passent sur l’ABC et SBS) sont très prisés des gens cultivés et des intellectuels de diverses origines culturelles. La chaîne nationale multiculturelle, SBS, diffuse de nombreux films français et le feuilleton Navarro qui a fait de nombreux adeptes. Elle vient de signer un accord avec Canal France International (mars 1994) qui a pour objectif l’échange de programmes d’actualités, de magazines et de documentaires. Depuis 1993, les francophones et francophiles peuvent déjà se mettre au courant des dernières nouvelles françaises avec World Watch qui retransmet tous les matins le journal de France 2 (de CFI).

1. Cunningham Stuart & Miller Toby, Contemporary Television, Sydney, UNSW Press, 1994, p. 165. 2. Ce chiffre inclut toutes les personnes qui parlent régulièrement le français chez elles.

389

Les télévisions du monde

Bangladesh Superficie: 114036 km? Population : 122 280 000 habitants Capitale: Dhaka Langues utilisées à la télévision: bangladais, anglais Nombre de Nombre de Nombre de Nombre de Pourcentage

téléviseurs: 600 000 chaînes publiques: 2 chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0 de programmes français: négli-

geable

En dépit de l’importance de la population, la télévision au Bangladesh est peu développée (ce en quoi elle reflète le manque général d’infrastructure du pays). Alors que l’Inde voisine connaît un accroissement sans précédent de son industrie andiovisuelle,

les Ban-

gladais en sont encore aux années 60 sur ce plan. Ils ont d’autres priorités, plus fondamentales. Cependant, le gouvernement a récem-

ment pris la décision de dédoubler la télévision d’État en deux chaînes. Elle était née en 1964 alors que le Pakistan était encore uni, soit sept ans avant l’accès douloureux à l’indépendance. Après celle-ci, Bangladesh Télévision (BTV) fut créée avec la mission de couvrir l’ensemble du pays car seules les villes étaient équipées jusque-là. Elle tire ses revenus de la publicité, de la sponsorisation et de la redevance. L'Etat paie le reste, notamment les dépenses au jour le jour. l

La publicité télévisée a été lente à s’installer. Encore actuellement, elle ne couvre que 5 % du coût du fonctionnement du réseau. La loi islamique prohibe les spots pour le tabac et l’alcool ainsi que les allusions sexuelles.

Les programmes reflètent les préoccupations de la bourgeoisie car la plupart des Bangladais sont trop pauvres, de toute façon, pour

390

posséder un téléviseur (5 % des gens seulement ont un poste). BTV met l’accent sur la langue et la culture nationales. La première chaîne émet 80 % de ses programmes en bangladais (autrefois appelé bengali). Quand la deuxième chaîne fut lancée en 1994, il avait été annoncé que son principal objectif serait de renforcer l’obligation d’émettre en bangladais mais finalement c’est la première chaîne qui émet à 100% dans la langue nationale tandis que la deuxième relaie des programmes par satellite venus

de Grande-Bretagne,

d’Australie,

des

Etats-Unis, de Singapour, d'Allemagne et du Japon.

La une privilégie le divertissement et les nouvelles locales et la deux relaie à la fois CNN et BBC World Service à partir du réseau Star de Hong Kong. Elle a la préférence des élites urbaines tandis que la une est surtout regardée dans les campagnes. L’une et l’autre émettent 54 heures par semaine. Le souci de privilégier le bangladais a entraîné une production nationale importante: soap operas, séries, drames de long métrage, variétés, émissions pour enfants et programmes religieux. On trouve aussi du sport (6 %), des documentaires éducatifs sur les problèmes sociaux ou de santé: eau, inondation, agricul-

ture, hygiène, nutrition. Jusqu'à tout récemment, le Bangladesh accordait peu d’intérêt aux chaînes par satellite, à la différence de ce qui se passe partout ailleurs en Asie. Toutefois, quelques riches Bangladais se sont équipés en paraboles pour capter Star TV et d’autres chaînes. Mais globalement, l’extrême pauvreté handicape ce pays.

Barry LOWE

Birmanie

Birmanie en les soumettant à la propagande du régime.

Superficie: 676 577 km? Population : 43 500 000 habitants Capitale: Rangoon Langues parlées à la télévision: anglais, shan, karen, kachin Nombre de téléviseurs: 1 000 000

Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

Des émissions en Karen, kachin, et shan, qui sont des langues minoritaires, ont démarré, birman,

du réseau: 100 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0 français: aucun

Myanma (l’ancienne Birmanie) est l’exemple-type d’un modèle autoritaire de télévision. La seule chaîne du pays-TV Myanma (TVM) —

est sous le contrôle strict du Con-

seil de restauration de l’ordre et de la juridiction d’État (SLORC,

State Law and Order

Restoration Council), une junte militaire qui gouverne d’une poigne de fer. La fonction de la télévision est ouvertement idéologique. Elle soutient la politique de répression du SLORC, tout en refusant à l’opposition démocratique de jouer un rôle dans la vie politique. TVM a adopté une politique encore plus dure depuis les mesures énergiques prises par l’armée en 1992, à la suite d’une élection remportée par

l’opposition, mais annulée par les généraux intransigeants qui gouvernent le pays. TVM a depuis peu fait de lourds investissements pour pouvoir atteindre les 43 millions d'habitants de Myanma; on la reçoit désormais partout dans le pays, grâce à un réseau de stations régionales alimentées par un satellite de communication chinois. Objectif principal de cette expansion: atteindre les minorités ethniques en rébellion intermittente contre le pouvoir central, pratiquement depuis que la Grande-Bretagne a accordé l’indépendance au pays en 1948. Au cours des deux dernières années,

le SLORC

a tenté de mettre

fin

à ces insurrections à l’aide de mesures militaires et de mouvements diplomatiques. Le développement de la télévision jusque dans les zones de trouble proches de la frontière est perçu comme un moyen de ramener les minorités ethniques

au sein de l’union nationale,

dont le contenu est à la fois politique et éducatif. Ce développement de TVM ne s’applique pas aux heures de retransmission qui restent limitées à 28 heures par semaine. La chaîne émet généralement de 18 heures à 22 heures. Un peu plus de la moitié des programmes sont produits sur place, le reste est importé essentiellement des États-Unis et du Japon. (La télévision de Myanma a pu se développer grâce à une aide japonaise, elle a donc adopté le format américain NTSC: il est dès lors plus facile d’importer des programmes des ÉtatsUnis et du Japon, car cela évite les problèmes

de conversion.)

Les programmes produits par TVM comportent des journaux et des magazines d’information, des programmes

musicaux

et culturels,

des émissions éducatives pour la jeunesse, et des téléfilms et des dramatiques. Les journaux, qui ouvrent la soirée, s’en tiennent aux décla-

rations gouvernementales, et n’ont pratiquement aucune crédibilité auprès du public. Les magazines d’information et les documentaires ont la même réputation. Cependant les émissions culturelles, qui traitent de la musique birmane, ainsi que de la danse traditionnelle, sont

en général appréciées. Myanma a sa propre industrie du cinéma et ses films sont très programmés à la télévision. Un peu calqués sur les modèles indiens, ces drames mélangent souvent musique, danse et mélodrame, en des

intrigues complexes qui prennent une dimension épique. Les téléspectateurs ne connaissent ni les séries ni les feuilletons. Ils préfèrent les dramatiques en un épisode, et les programmes qui ne sont pas «à suivre». Les émissions éducatives pour la jeunesse souffrent quelque peu des techniques de production primaires et des exigences imposées par l’orthodoxie politique. Il existe aussi des émissions comiques,

mais la interdite.

satire

politique

est

absolument

391

Les télévisions

du monde

Les programmes d’importation qui passent sur TVM comprennent des films hollywoodiens et des émissions de variétés. Il semble qu’il y ait moins de contraintes avec ce genre de programmes qu’en ce qui concerne les productions nationales, et les films d'Hollywood

à succès passent de temps à autre. La préférence va cependant aux variétés musicales présentant des chanteurs de l’époque de James Last. Elvis Presley est très apprécié à Myanma, ses films et les retransmissions de ses concerts sont régulièrement diffusés. La télévision par satellite teste actuellement la politique de contrôle strict imposée par le SLORC. En théorie, les citoyens de Myanma ont le droit d’avoir une antenne parabolique

pour recevoir Star TV et d’autres services régionaux que propose le satellite. Cependant il faut un permis pour se servir de son antenne parabolique, et le régime n’en a jusqu'ici délivré qu'un petit nombre, réservant la réception de cette télévision à une toute petite partie de la population. La vidéo est très populaire, surtout dans la bourgeoisie urbaine qui soutient l’industrie florissante de la production et de la vente de cassettes. Bon nombre de cellesci circulant chez les possesseurs de magnétoscopes de Rangoon sont introduites dans le pays par des gens qui reviennent de l’étranger, et ces denrées-là sont très recherchées. Barry LOWE

Brunei Superficie : 5 765 km? Population : 411 000 habitants Capitale: Bandar Seri Begawan Langues utilisées à la télévision: malais, anglais Nombre de téléviseurs: 100 000 (dont 93 % couleur) Couverture du réseau: 99% Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun

Brunei est un petit pays riche dont les médias reproduisent l’idéologie de l’État islamique conservateur actuellement au pouvoir. Le sultanat investit énormément dans les services publics pour surmonter les désavantages d’une population peu nombreuse et d’un petit territoire. La Radio-Télévision de Brunei (la RTB) sur une chaîne unique est l’une de ces institutions qui ne manquent pas de moyens. Les foyers urbains de Brunei reçoivent

68 heures de télévision. Plus de 40 % des programmes sont produits sur place. Ils insistent sur

l'information,

par des journaux

et des

émissions d’actualité, les émissions culturelles sont inspirées par les modèles islamiques de la télévision d’Etat. 392

Les émissions locales sont produites par la RTB, la plupart dans ses propres studios, et sont assez simples dans leur réalisation. Le journal du soir, qui met l’accent sur la politique régionale, est censé attirer un large public. Les émissions religieuses jouent également un rôle majeur dans la télédiffusion et transmettent les valeurs d’un pays qui est l’un des avant-postes, parmi les plus sectaires, de l'islam, à l’est du golfe Persique. Les religieux musulmans exercent une grande influence sur la programmation, et ils ont guidé le développement de la télévision à Brunei en jouant un rôle de censeurs luttant contre l’intrusion des valeurs occidentales et chrétiennes. Cette influence se retrouve aussi dans les 55 à 60% de programmes provenant de l'étranger. Ces programmes sont achetés à la Malaisie et à l'Indonésie, et, dans une moindre mesure, aux États-Unis, à la Grande-

Bretagne et à l’Australie. Les émissions de langue anglaise de ces trois pays ne sont généralement pas sous-titrées ou doublées, et on leur assigne la fonction de servir de cours d'enseignement de l’anglais. La gamme de programmes provenant de l’étranger que diffuse la RTB comprend des documentaires, des émissions éducatives et pour la jeunesse, du sport, des magazines culturels et les dramatiques produites à l’Ouest qui sont les moins

Brunei Cambodge UNE - COMOOUSE

percutantes. La RTB affirme que les programmes locaux rencontrent le même succès que les programmes d’importation, bien qu’il n’y ait que peu de sondages pour le démontrer. Les heures de grande écoute — de 19 à 22 heures — comprennent des programmes locaux et d’autres provenant de l’étranger. Il n’est pas question pour l'instant d’introduire une chaîne à péage ou des chaînes pri_ vées dans le pays. La faible densité de la population ferait sans doute que ces chaînes ne seraient pas viables, alors que la production de la chaîne d’État ne faciliterait pas l’implantation de nouvelles chaînes dans ce minuscule marché qu’est Brunei. Les priorités instituées par les censeurs gouvernementaux font que la réputation de la télévision de Brunei est d’être sans attrait et de manquer de punch. L’une des conséquences de ce fait est que le public se tourne de plus en plus vers les télévisions par satellite, celle de Star TV basée à Hong Kong, CNN et la Télévision Internationale australienne. Il y a peu de temps encore, les adeptes du satellite étaient les expatriés travaillant à Brunei. Mais les citoyens

aisés,

désireux

de profiter des

bénéfices que leur accorde le haut revenu par habitant, ont commencé à s’équiper pour recevoir les télévisions du monde entier. Développement qui consterne les milieux officiels, car

les hommes politiques se demandent quel impact aura cette tendance sur l’intégralité de

la culture de Brunei qui est certes unique mais très isolée. Un autre fait qui prouve que le public n’est pas tout à fait satisfait de la télévision d’État est le nombre croissant de magnétoscopes. 65 % au moins des foyers sont équipés, et les magasins de locations de cassettes marchent très bien, ce qui signifie que les cassettes d'importation vont se frayer une place substantielle dans le marché. La location est soumise à une censure très stricte et la loi traduit un point de vue des plus conventionnels en ce qui concerne les histoires d’amour et les autres sujets. Mais l’importante communauté d’expatriés a su détourner ces restrictions en se créant un réseau d’échanges de cassettes, réseau qui commence tout juste à fonctionner dans la population locale. La mondialisation de la télévision est un problème très important pour Brunei, pays qui cherche à protéger sa culture en pratiquant une politique d’isolement par rapport aux influences extérieures. Le satellite menace de franchir ces barrières, apportant avec lui les images tentatrices des cultures libérales des pays occidentaux. Au gouvernement de décider s’il doit exercer une tradition d’autoritarisme et restreindre l’accès à la télédiffusion par satellite, ou au contraire guider le peuple dans cette culture nouvelle qui est celle de l’âge de la télévision par satellite. BE

Cambodge Superficie : 181 035 km? Population : 9 240 000 habitants Capitale: Phnom Penh Langues utilisées à la télévision: khmer, français Nombre de téléviseurs: 100 000 Étendue du réseau: dans un rayon de 75 km autour de Phnom Penh Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 1 Nombre de chaînes à péage: 0 Pourcentage de programmes en français: environ 10

La meilleure de la télévision ler d’un service guerre civile ont

façon de décrire la situation cambodgienne serait de parde transition. Vingt années de laissé l’infrastructure du pays

en ruines, et les tentatives de reconstruction

se trouvent retardées par la poursuite de guérillas khmères rouges dans les provinces occidentales. Pourtant, le développement des équipements de communication est une priorité pour le nouveau gouvernement élu démocratiquement pour relancer la confiance de la population et contrer la propagande anti395

Les télévisions

du monde

gouvernementale des Khmers rouges. La communauté internationale s’est engagée à aider le Cambodge à construire un réseau. Le gouvernement australien apporte actuellement un soutien technique et une assistance dans le domaine de la formation, et d’autres projets d’aides de ce type sont en route. Une première chaîne privée a été créée: la SIC (Shinawatra International Cambodia) a démarré en 1993, elle appartient à des investisseurs thaïlandais. La compagnie mère, qui exploite déjà le câble thai, est l’International Broadcasting Corporation, qui appartient au géant de la communication et de l’informatique Shinawatra: il a investi 30 millions de dollars dans la SIC. La plupart des programmes de cette nouvelle station sont déjà achetés par l’International Broadcasting Corporation pour la Thaïlande. Ils sont simplement expédiés au Cambodge et doublés en khmer pour le public cambodgien. Leur contenu pro-

vient de différentes sources internationales: d’Australie,

des

Etats-Unis,

de

Grande-

programmes français les plus populaires au Cambodge sont les documentaires. La petite taille du pays le rend très vulnérable aux invasions de programmes radio et télé de ses voisins; les émissions thaïlandaises et vietnamiennes sont facilement reçues dans les provinces frontalières. La télévision vietnamienne plaît beaucoup aux Vietnamiens qui vivent dans l’est du pays, et c’est une cause d’amertume pour beaucoup de Cambodgiens qui ont déjà du mal à supporter leur présence. Mais c’est la Thaïlande qui exercera sans doute le plus d’influence sur la culture médiatique du Cambodge avec le développement de chaînes lui appartenant. La vidéo connaît un certain succès, surtout auprès de la minorité chinoise qui se procure des cassettes produites par Hong Kong. Seuls quelques Cambodgiens ont assez de moyens pour acheter une antenne parabolique pour capter les télévisions internationales, mais cette partie du marché devrait se développer lentement dans les dix prochaines années.

Bretagne, d’autres pays d'Europe de l’Ouest, de Thaïlande et d’autres pays d’Asie du SudEst. Les spectateurs ont le choix entre des informations, des reportages d’actualité, des documentaires et des émissions de divertissement. La percée de la SIC est plus importante que celle de la télévision d’État, bien que peu de gens dans les campagnes disposent d’un téléviseur, ce qui fait que le potentiel d’écoute de la chaîne n’est pas encore atteint. La télévision d’État CTV (Cambodia Television) ne touche que 75 km autour de Phnom Penh. Elle ne diffuse que 28heures par semaine, le soir à une heure de grande écoute. Les programmes sont dans l’ensemble produits sur place et comprennent informations et émissions culturelles. 10 % environ de cette production locale se compose de programmes d’information, les 90 % restants étant des programmes de divertissement. Malgré un maigre budget et des équipements primaires, CTV produit 80 % des programmes qu’elle diffuse. Le reste est importé des pays de l’Asie du Sud-Est et d'Europe de l’Ouest. Une grande partie des programmes européens est en français. Même s’il reste peu de francophones au Cambodge (ils ont été la cible des liquidations

par les Khmers rouges au cours de leur bref, mais sanglant, règne dans les années 70), il existe une poussée de nostalgie pour la culture de l’ancienne puissance coloniale. Les 394

Barry LOWE Centre Français du

Commerce Extérieur Direction des Industries et Services

un Ex

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Guide des télévisions d'Asie

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ET

CFCE

DOSSIERS Les Editions

L chaîne

du CFCE

Un guide technique et financier, par chaîne, établi par Marie Carrard.

Chine

Chine Superficie: 9 700 000 km? Population : 1 200 000 000 habitants Capitale: Pékin Langue utilisée à la télévision: mandarin (cantonais,

tibétain, ouïgour)

Nombre de magnétoscopes: 900 000 sont entrés en 1992... Nombre de chaînes publiques: 3 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes câblées: 1000 Nombre de chaînes reçues sur le câble: 6 Nombre d’antennes paraboliques: 1 à

5 000 000

Un poste de télévision public protégé par une caisse en bois trône sur la place, désertée dans la journée, d’un village cantonais. Il s’allume

aux

heures

du

soir,

comme

une

récompense attendue, après le travail dans les champs ou dans les usines avoisinantes. L’acquisition d’un téléviseur ne s’est pas encore généralisée dans les campagnes chinoises. Ceux des villageois qui en sont privés ont tout de même droit, eux aussi, au petit écran,

comme

semble

le prouver

l’intention

toute

« socio-humaniste » des autorités locales. Ici,

le téléviseur public a remplacé les hautparleurs d’antan, qui distillaient sans interruption slogans officiels et informations. C’est un signe de ces temps, l’un des effets d’une politique de réformes qui a promis, il y a quinze ans, à tout un chacun l’accès à un con-

fort relatif et au monde de ja consommation et bouleversé les habitudes de vie. Cette image nous renvoie aussi à une Chine pauvre et arriérée qui tend de plus en plus à s’estomper et que l’on oublie vite au contact des grandes villes gagnées aujourd’hui par une frénésie moderniste. En l’occurrence, voir un

téléviseur public est chose surprenante. C’est aussi un spectacle qui paraît d’autant plus insolite lorsqu'il se déroule dans un village situé à quelque 50 kilomètres de Shenzhen, l’une des cinq Zones économiques spéciales, et la première d’entre toutes, dans la province méridionale du Guangdong. Région la plus prospère de Chine avec une croissance

annuelle de 20 %. Là également où sont manufacturés des téléviseurs de marque japonaise dernier cri qui seront commercialisés sur place, pour une partie, ou exportés. À l'inverse, dans les provinces les plus reculées et les plus pauvres du Nord-Ouest, il n’est plus étonnant aujourd’hui de voir un téléviseur planté au beau milieu d’une masure en terre battue. Dans les villes, la télévision

appartient résolument au décor quotidien. Il y a dix ans, le poste de télévision faisait partie des «trois objets de luxe », avec la machine à laver et le réfrigérateur auxquels aspirait chaque couple moderne. Il a été remplacé depuis par la voiture, voire le voyage à l’étranger. Les disparités entre les multiples régions, entre les villes et les campagnes, aux habitudes de vie et langues différentes, peuvent être énormes. Elles prennent des formes extrêmes entre le Nord et le Sud que cristallise l’image antinomique de deux villes, Pékin et Canton. Dans la capitale, centre politique et admistratif, à la vie noctune restreinte et aux hivers rigoureux, la télévision est un point essentiel

dans un mode de vie qui laisse à la plupart de ses habitants-fonctionnaires un temps de loisir assez long, en dehors des heures de travail régulières. A l’inverse, dans la métropole méridionale, noyau économique du pays, la télévision constitue un élément secondaire, un

luxe pour qui a du temps à tuer. Ici, beaucoup d’activités se déroulent à l’extérieur des foyers, les distractions pullulent, le temps est associé à l’argent. Quitte à choisir, on préfère encore « boire le thé du soir» dans un restaurant réputé pour parler affaires plutôt que de rester devant un téléviseur. Et quitte à choisir entre les deux chaînes locales et celles de Hong Kong accessibles sans difficultés et également en cantonais, on préférera les secondes,

plus

riches

en

distractions. Quoi qu’il en soit, mer qu'aujourd'hui pays, la télévision est populaire. Elle laisse

informations

et

en

il n’est pas vain d’affiret dans l’ensemble du devenue le média le plus derrière elle le cinéma 395

Les télévisions du monde

fait qu’étendre son influence sur le territoire. En 1984, 64,7 % de la population pouvait la

jusqu'où peuvent aller les réformes. Faisant sienne la formule paradoxale lancée par Deng Xiaoping d’« économie de marché socialiste », la télévision chinoise oscille donc entre la fidélité à d’anciennes habitudes et l’ambition d’être au diapason avec les changements qui mar-

capter, en 1993, c’est 82 %. Et la moitié de

quent, dans d’autres domaines,

qui n’a plus les moyens de rivaliser avec elle, et ne peut encore officiellement s’appuyer sur elle pour trouver des financements. Alors que l’un régresse, en termes d’audience, l’autre ne

son milliard 200 millions d’habitants dispose désormais d’un récepteur. Produit nouveau et symbole de l’amélioration du niveau

de vie, la télévision,

d’une

façon générale, ne fait que susciter toujours plus d’engouement. Les gens sont loin d’en être arrivés à saturation, d’en critiquer l’influence néfaste au sein de la famille et de vouloir redécouvrir des occupations plus rustiques. Plutôt que de remettre en question ses fonctions ou de s’interroger sur sa propre attitude par rapport à elle, on préfère critiquer le contenu de ses programmes et en suggérer les possibles améliorations. Que demande-t-on en gros ? Plus de spontanéité, c’est-à-dire, davantage d'émissions

en direct et de falk-shows;

une forme plus divertissante et de meilleure qualité; une plus grande diversité des programmes et une ouverture sur le réel; et, enfin, si possible, une orientation idéologique moins pesante. Certaines de ces suggestions ont été entendues. C’est sans doute une marque des années 90, en Chine, que de faire cas des goûts du citoyen-téléspectateur; celui-ci disposant de peu de moyens de pression. A cela deux raisons. Tout d’abord,

l’inévitable

raison politique: l’expérience des manifestations de 1989 oblige le gouvernement à ménager l’opinion populaire et à prévenir le mécontentement social. Raison économique, ensuite,

mais elle reste accessoire: les bénéfices publicitaires croissants incitent certaines chaînes à modifier leur rapport avec le téléspectateur, perçu désormais comme un marché potentiel. L'innovation provient surtout des télévisions régionales. Elles prennent de plus en plus leurs distances (autorisées ou tolérées) avec le modèle central, qui, lui, n’a guère changé avec les années. À Pékin, la télévision nationale

semble toujours autant vouée à la mainmise politique et faire fi des questions de rentabilité, bien qu’elle s’efforce tout de même de se donner une meilleure image de marque. Dans les régions, les chaînes bénéficient d’une politique plus libérale et plus axée sur la commercialisation. En fait, elles servent aux autorités centrales de ballons d’essai pour évaluer 396

la Chine des

années 90.

Ce qui n’a pas changé Mais voyons d’abord ce qui n’a pas changé. La télévision, en Chine, est un monopole d’État, depuis sa création en 1958: principe

qui gouverne —

ou gouvernait —

tous les

États socialistes. Elle est d’ailleurs passée, avec la radio, entre les filets des récentes réformes

économiques qui ont touché d’autres institutions, tel le cinéma, en janvier 1993, devenu

désormais son propre responsable financier. Symbole de ce monopole: le ministère de la Radio,

appelé

de la Télévision

«guangdianbu »,

et du

dont

Cinéma,

le bâtiment

domine la partie ouest de l’avenue de la Paix Éternelle,

à Pékin.

L’instance

centrale

qui

veille officiellement à la destinée des 93 stations (1 nationale, 29 provinciales ou régionales et 63 municipales) que compte le pays. Officieusement, on dit qu’il obéit de près au Département de la propagande du Comité Central du Parti. Son apparence austère, du plus pur style stalinien des années 50, semble coller parfaitement à sa fonction d’administrateur et de censeur

suprême,

aux multi-

ples services et au personnel en surnombre. Le « guangdianbu » a pour tâche, dans son essence, de superviser le contenu des programmes, de garantir leur « moralité » et leur fidélité à la ligne politique du moment. Il est également chargé de toutes les relations officielles avec l’étranger. Son autorité, au plan local,

il la délègue à des bureaux, « guangdianju », établis dans les trente provinces ou régions et dans les trois municipalités autonomes (Pékin, Shanghai, Tianjin) que comprend le pays. Enfin, il gère et administre directement les trois chaînes de la seule télévision nationale, la CCTV (Télévision Centrale de Chine), abri-

tées dans une tour blanche d’une vingtaine d’étages qui se situe dans ses parages. Cette tour est reconnaissable, de loin, à son antenne

parabolique et, de près, à l’inévitable garde

EE

militaire postée à l’entrée de tous les lieux officiels jugés d'importance. Et comme si leurs liens politico-géographiques n'étaient pas encore suffisamment proches, les deux instances sont dirigées par une même personne, M. Yang Weiguang, qui cumule depuis peu les fonctions de président de CCTV et de viceministre de la télévision. Les trois chaînes de CCTV sont tenues de se conformer à « l’idéal télévisuel » du pouvoir central; un idéal qui conserve toujours les formes aussi peu séduisantes qu’hier: ce qui frappe encore, lorsqu'on regarde ces trois chaînes,

c’est leur style compassé,

l’attitude

hiératique des présentateurs. D’une manière générale, le sérieux y domine, qu’imposent l’obligation de surveiller son langage, et la sujétion à deux missions principales, celles d'informer et d’éduquer les « masses», en limitant au possible l’infiltration d’un point de vue étranger. Le journal de 19 heures, diffusé

en mandarin

et en simultané

sur toutes les

chaînes régionales, est exemplaire

à ce titre,

bien qu’il représente un cas extrême. Quelles que soient les tendances, libérales ou conservatrices, qui animent la politique du pays, il demeure soumis, depuis maintenant plus de dix ans, à des règles invariables. Pré-enregistré tous les après-midi à 15 heures, parfois ponctué de brusques sautes d’images, signes d’une coupure, il diffuse le message certifié des autorités à 600 millions de téléspectateurs, par l’intermédiaire d’un couple de journalistes au visage crispé. Considérés comme la voix et l’œil du régime de Pékin, filmés sans variations en plan américain, les deux présentateurs débitent à tour de rôle un texte écrit à la virgule près. Dans de telles conditions, difficile d’imaginer le moindre écart. Et pourtant, contre toute attente, un facteur humain peut encore

enrayer ce mécanisme apparemment si bien huilé: on l’a vu lors des événements de Tiananmen,

en

1989.

Le couple de journalistes

habituel, nommé durant la période « libérale » de 1988, avait eu l’audace de porter le deuil au soir de l’annonce, le 4 juin, de l’interven-

tion militaire contre le mouvement étudiant. Privé d’antenne illico, il fut remplacé par un nouveau

doublet au dévouement

sans failles,

toujours en service à ce jour, et, aime-t-on dire à Pékin, « très apprécié de Deng Xiaoping en personne ». Sur sa demi-heure de diffusion, ce journal rend compte, selon un rituel de 20 à 25 mi-

LR

LE Aa

Chine EN 4

nutes, des actualités nationales: l’état du pays et ses réalisations économiques, les activités de ses dirigeants, leurs visites, leurs réunions,

ou leurs rencontres avec des hôtes étrangers. Les cinq dernières minutes sont consacrées à l'actualité internationale: sélectionnée selon les impératifs du ministère des Affaires étrangères, elle est illustrée par des images achetées à des télévisions étrangères, en général américaines, et commentée par des textes tirés de dépêches de l’agence de presse officielle Chine Nouvelle. Pour ceux qu’intéresse l’actualité politique chinoise et qui disposent de moyens d'informations complémentaires, ce journal est moins regardé pour son contenu proprement dit que pour les signes qu’il émet. Ce qu’il tait ou laisse voir, comme la soudaine réapparition d’un dirigeant, tout prend un sens. De la même manière que l’on a appris à lire entre les lignes d’un journal, on sait aussi comment

décoder paroles, silences, images et absences d’images. Les télévisions locales n’échappent pas non plus à ce cloisonnement de l’information. Les Journaux régionaux y sont non seulement conformes

au

discours

officiel

de Pékin,

mais

encore dictés par les instances provinciales. Seule variante autorisée: dans certaines régions, politiquement sensibles et habitées par des minorités ethniques, tels le Tibet et le Xin-

jiang à l’extrême Nord-Ouest, ou encore la province du Guangdong, où l’usage du cantonais est irréductible, des journaux télévisés dans la langue du terroir sont diffusés en plus de celui en mandarin. A l’attention des étrangers, enfin, une même

version du journal de 19 heures est présentée en anglais, chaque soir vers 23 heures sur CTV2,

et le dimanche,

en français, dans le

cadre d’une émission de 50 minutes. Les chaînes des grandes métropoles, telles que Pékin, Shanghai et Canton, suivent également cette pratique. A côté de cet exemple de contrôle renforcé,

les autres émissions proposées par les trois chaînes nationales ne présentent pas toutes un visage aussi fermé. Depuis le début des années 90, des efforts sont entrepris en vue de varier

leur contenu et de s’adresser à un public différencié, selon les spécialités qui sont attribuées à chacune d’elles: information et téléfilms, pour CCTV 1 ; économie et éducation, pour

CCTV2,

CCTV3.

sport et culture,

enfin,

Mais elles restent animées

pour

par le 397

Les télévisions du monde

même sérieux, par une même volonté d’accorder la priorité à des programmes informant de la situation nationale et éduquant les gens à être confiants dans toutes les formes de réussites (économiques, sportives, culturelles) de la Chine. Quel que soit l’air du temps, la télévision chinoise est restée fidèle à certains genres d'émissions tels que les cours par correspondance, le documentaire et les téléfilms dit de propagande. Sans doute l’une des seules au monde à diffuser des cours par correspondance,

la télévision

chinoise

possède

une

chaîne spécialisée (CCTV 2) qui, avec les années, n’a fait qu’accroître la durée et la diversité de ses émissions pédagogiques. Limitées au matin, elles se sont étendues à l’après-

midi, et offrent gratuitement un large éventail de matières: maths, chimie, physique, informatique, comptabilité, ingénierie, droit ou économie. Moyennant le paiement d’un droit d'inscription à une faculté correspondante, le téléspectateur peut passer deux fois l’an des examens et obtenir un diplôme universitaire, agréé par le ministère chinois de l'Éducation. Il peut encore suivre des cours de go ou d’échecs chinois ou encore apprendre des langues étrangères: anglais, français, japonais. Ces programmes linguistiques, diffusés égale-

Un goût pour le documentaire

téléspectateurs). Dans son contenu, ensuite: les sujets répondent davantage aux attentes de la population, orientées vers le social, le voyage, ou les nouveaux enjeux économiques. Récemment, une série documentaire de quatorze heures, diffusée en prime time sur la première chaîne nationale, Un tour dans quatorze villes côtières, aperçu de l’histoire et de la situation présente de villes chinoises de la côte est,

villes-phares de la politique de réformes

et

d’ouverture, conciliait ces trois thèmes. Il en

est de même d’une autre série — en quarante parties celle-ci! — produite en 1993 par la

ment par certaines chaînes régionales, comme celles de Pékin ou de la province du Guangxi,

télévision de Pékin et intitulée 7, rue de Chine.

sont sponsorisés par les différents pays, via leurs ambassades, dans le cadre de la promotion de leur culture et de leur langue.

à 800 000 francs (un coût relativement élevé selon les standards chinois), cette série retrace les événements majeurs qui ont jalonné durant quatre siècles la plus grande artère de Pékin, l'avenue Chang’An (Paix Éternelle): lieu symbolique entre tous, courant d’est en ouest et séparant en son milieu la Cité Interdite de la place Tiananmen. C'était l’occasion de

Un goût pour le documentaire Le documentaire fut toujours un genre très prisé auprès des autorités comme du public, et continue à être diffusé en grand nombre sur toutes les chaînes. Si, par le passé, il variait

sur les thèmes de paysages en fleurs, de hautsfourneaux ou de chantiers navals, produit uniforme des studios d’actualité, maintenant fermés, il a quelque peu évolué. Dans sa forme, d’abord: grâce à la technique vidéo qui permet le son direct, il intègre davantage d’interviews sur le vif; l’expérience des équipes de télévision a fait également son chemin; beaucoup de temps et d'argent peuvent être consacrés au tournage d’un sujet (on aime en particulier réaliser des séries, qui fidéliseront les 598

Réalisée en un an pour une somme supérieure

remettre en mémoire l’histoire politique, économique, culturelle et sociale de la Chine : le mouvement du 4 mai 1919, la déclaration du 1‘ octobre 1949 par Mao, le déclenchement de

la Révolution culturelle en août 1966. Mais en faisant l’impasse sur les manifestations de 1989. Combinant documents d’archives et reconstitutions, le documentaire rassemblait par

ailleurs bon nombre d’interviews: celles de gens des quartiers populaires à proximité de l’avenue, celles d’habitants prestigieux de Zhongnanhai, prolongement de la Cité Interdite et cœur du pouvoir, comme MM. Jiang Zemin (secrétaire général du Parti) et Li Peng (Premier ministre). Diffusée juste après le jour-

Chine

nal du soir, cette série devrait avoir remporté un certain succès d’audience. Le discours que laissent entendre ces documentaires n’est plus ouvertement louangeur ou pontifiant, comme il put l'être jadis d’une manière systématique, ou fabriqué comme une suite de poncifs. Il cherche à susciter l’émotion, vise le consensus général. Il se veut plus sincère, c’est-à-dire moins mystificateur, même s’il privilégie toujours le sens « positif » des choses. Tout compte fait, cette forme de sin-

cérité n’apparaît pas moins comme un ballon d'oxygène pour une population lasse des mots d'ordre. Ce parti pris s’est étendu jusqu'aux documentaires commémorant des dates anni-

Des sujets à tendance

idéologique

tre et avec un objectif, bien sûr, différent. Le

versaires, tel, par exemple, le centenaire de la naissance de Mao, en décembre 1993, qui fit

reportage anglais fut condamné par le gouver-

l’objet sée en travers appelés

chaîne câblée de BBC

d’une série de douze épisodes diffuprime time et très bien accueillie. A une foule de témoignages de gens de tous horizons, depuis les vétérans

de la Longue Marche, les paysans de Yan’an,

nement chinois et interdit de diffusion sur la

Hong Kong.

Les téléfilms « dominants »

jusqu'aux enfants, aux infirmières ou aux personnalités étrangères, ayant côtoyé ou partagé

Récemment, le quotidien officiel de langue

la vie du dirigeant; à travers des documents

anglaise, China Daily, faisait état du réflexe,

d’archives inédits et la découverte de son univers quotidien, la série prenait résolument le parti de l’émotion et de la mémoire subjectives, du sentiment de proximité. Une forme d’enquête, réalisée par des journalistes durant une année, aux nombreux changements de scènes et de périodes. Le temps d’une célébration et d’un rappel à une histoire pour laquelle beaucoup éprouvent de la nostalgie, cette série affirmait aussi la volonté de ne pas réveiller les blessures du passé récent. Elle escamotait toute critique possible, à une heure de bouleversements socioéconomiques et alors que se posaient avec acuité des problèmes d’identité culturelle, au nom d’une stabilité politique et

sociale souhaitée par une majorité de la population. Elle épousait donc un point de vue incontestable: figure de légende appartenant aujourd’hui au patrimoine national, le Président n’en fut pas moins homme. Ce qui pouvait justifier certains épisodes peu reluisants de sa carrière, passés sous silence, mais con-

nus de tous : sa part de responsabilité dans la Révolution

culturelle,

ses

« faiblesses »

à

l’égard de Jiang Qing, sa quatrième épouse. Par un ironique retour des choses, la BBC, qui

signa dans le même temps un reportage sur les vices cachés de Mao, adopta le même point de vue, mais dans un tout autre regis-

toujours vif, du gouvernement quand il s’agit d’exercer des pressions, administratives ou autres, sur les producteurs, pour réaliser davan-

tage de téléfilms aux sujets « dominants ». Un euphémisme qui désigne les sujets à tendance idéologique. Mais, nuançaïit le journal, qui dit «dominants» ne signifie pas pour autant absence du public. De fait, au cinéma, par exemple, les longs métrages sur les héros des années 60 (« Jiao Yulu ») ou sur les figures révolutionnaires (Deng Xiaoping, Zhu De, Zhou Enlai, et bien sûr, Mao) connaissent un

succès qui ne s’explique pas seulement par le fait que les billets d’entrée soient souvent distribués gratuitement par les «unités de travail ». Il existe une nostalgie réelle du passé, nourrie par l’appréhension du lendemain et par ce que l’on juge être l’écroulement actuel de valeurs morales, comme l'intégrité, associées aux débuts du communisme. De plus, à l’image de la série documentaire sur Mao, les films de propagande tendent à être moins manichéens qu’autrefois, à délivrer un message plus subtil. S’ils ont connu une éclipse au cours de la décennie 80, au profit de séries étrangères, les

téléfilms « dominants » font un retour en force sur les chaînes chinoises dans les années 90. Retour à la tradition, en quelque sorte. Leur 509

Les télévisions du monde s

réapparition remonte à 1992, années où la direction nationale annonce sa décision de produire davantage de programmes nationaux et de développer leur diffusion tout en réduisant celle de séries étrangères (venues des EtatsUnis, mais surtout de Hong Kong et de Taiwan). Cette décision n’est pas motivée par des contraintes économiques: la production de programmes nationaux est autrement plus coûteuse que les séries américaines comme Columbo, Hunter, Alexis Korbi ou encore Dynastie, un

temps très populaires et achetées à bas tarif, voire offertes par de grandes marques étrangères implantées en Chine (Coca Cola par exemple), contre un espace publicitaire gratuit. Elle aurait été prise à la suite de plaintes de téléspectateurs chinois las de regarder ces séries et désireux de voir des produits nationaux. Il serait aussi reproché aux télévisions régionales et à CCTV de combler les heures de faible audience par des rediffusions (émissions de danses et de variétés, films de guerre,

soap operas, documentaires). Réels ou imaginaires, ces griefs n’en sont pas moins pratiques pour remettre à l’honneur la puissance idéologique à la télévision. En 1992, la production de 400 nouveaux téléfilms et séries est annoncée, dont la diffusion n’est pas épuisée deux ans plus tard. 40 d’entre eux, en 198 épisodes, ont trait au monde industriel. Parmi

ceux-ci, quatre séries sont dédiées aux grandes aciéries et une, aux chantiers pétroliers. Trente-deux téléfilms traitent du monde rural. Récemment, CCTV 1 diffusait chaque jour en prime time, Marées changeantes, une série de

vingt épisodes contant l’histoire, dans les années 30, d’un couple victime des mœurs féodales ancrées dans un village de pêcheurs. Autre exemple, Le village Nanjie, où comment un village moderne, après s’être enrichi, ne sait comment employer son argent. Deux téléfilms ont été consacrés à d’éminents scientifiques ayant sacrifié leur vie à la recherche de la bombe atomique; une centaine d’autres, aux guerres auxquelles se sont livrés les communistes contre le Kuomintang ou l’armée japonaise, et aux figures qui ont marqué l’histoire de la Chine Nouvelle. Cette fois, l’accent est

mis sur la qualité du regard qui doit être porté sur les événements et les personnages réels. Le gouvernement prête un soin particulier à ce que la « ressemblance physique et morale » des protagonistes, ainsi que la « véracité » des faits soient respectées. « Les événements mon400

Sitcoms…

trés dans de nombreux téléfilms sur des sujets similaires manqguaient tellement d'originalité et étaient tellement stéréotypés qu'ils pouvaient difficilement maintenir le téléspectateur devant son téléviseur. Les téléfilms de guerre, par exemple, étaient surchargés de scènes de batailles et de personnages représentés d’une manière manichéenne », déclare-t-on officiel-

lement. Enfin, restent les productions touchant aux questions de la jeunesse et de la famille. Amour pour la rivière des perles, en trentesix épisodes, fait partie de cette catégorie. Il retrace l’histoire d’un groupe de jeunes Cantonais envoyés dans les campagnes durant la Révolution culturelle, puis devenus hommes d’affaires à succès, après leur retour à Canton, à la fin des années 70.

La qualité de ces téléfilms

« dominants »

laisse bien souvent à désirer, Parce que subventionnés et imposés par l’État. En principe, toute chaîne est libre de gérer comme elle l’entend les subventions accordées par le gouvernement, de déterminer son programme de travail et son propre système de distribution. Il arrive cependant qu’elle soit tenue d’obéir à des quotas fixés par le pouvoir politique, comme on l’a vu. La réalisation de ces téléfilms « dominants » (ou d’un autre genre) est confiée au centre de production (ou centre d’art télévisuel) attaché à chacune (ou presque) des 700 et quelques chaînes du pays. Ne se sentant aucune responsabilité financière, ce centre est tenté de bâcler le travail, d’autant

plus qu’il n’en tire aucun profit: la chaîne diffuse le téléfilm en ne lui payant quasiment aucun droit. Si paiement il y a, il s’élève généralement entre 600 et 800 francs par feuilleton, et les droits ne sont pas toujours versés: 1l arrive en effet qu’après qu’une chaîne

Chine

municipale s’en est acquitée, les chaînes d’autres villes appartenant à la même province s’en dispensent d’elles-mêmes. Le troc est également monnaie courante, entre les centres

comme entre les chaînes. Jusqu'à la fin des années 80, ce système, sans loi bien établie, était accepté comme allant de soi. Mais de nouveaux enjeux économiques sont apparus au cours de la décennie 90. Les centres renâclent désormais à produire ce genre de téléfilms « dominants » et à admettre sans broncher un système qui les défavorise. L’arrivée des soap operas sur le petit écran, l’envolée publici-

taire et la valeur décroissante des subsides de l'Etat sont en train de bouleverser les anciennes données. Des tiraillements se font jour entre chaînes de télévision et centres de production. Ceux-ci accusent celles-là de s’enrichir sur leur dos et menacent de faire scission (c’est déjà le cas à Shanghai). D’un côté, les chaînes refusent de revoir le système de diffusion qui les avantage tout en réalisant des gains considérables grâce à la publicité. CCTV,

en particulier, s'accroche à son mono-

pole, craignant le transfert des apports citaires vers la production et la perte droits de préemption sur des téléfilms laires qui ont fait récemment ses beaux En un mot, elle redoute la concurrence

publide ses popuJours.

Sitcoms.…

plaint d’être

rentré

investissement

difficilement

initial, évalué

dans

son

à 3 millions

et

demi de francs pour les trois sitcoms, bien que celles-ci aient été programmées et reprogrammées par quelque 300 chaînes chinoises. Celle à laquelle il est rattaché, la Télévision de Pékin, aurait récolté pour Espérances 4,8 millions en apports publicitaires, et 2,5 millions de francs pour La maison d’édi-

tion, Sans en faire bénéficier son centre de production. La Télévision centrale aurait acquis les droit de Je t'aime pour toujours, fixés à

avec

3,5 millions de francs, en diffusant trois spots

les chaînes régionales. De l’autre, les producteurs doivent maintenant faire de plus en plus appel au sponsorat et aspirent à la commercialisation. «Les centres de production devraient pouvoir partager avec les chaînes TV les gains commerciaux qu'elles réalisent afin de garder leurs capacités de production

publicitaires avant chaque épisode pour paiement aux producteurs.

et progresser au plan économique », revendique un responsable du Centre d’Art Télé-

visuel de Pékin. La direction du « guangdianbu » ne s’est pas encore prononcée sur ce principe. Mais l’idée n’est pas écartée qu’il faille restructurer le système de production et de diffusion de longs métrages, de téléfilms et de vidéos placé sous différentes juridictions et instances, en vue

d’une plus grande cohésion et de l’établissement d’une véritable industrie. Sans doute, le plus impatient à ce qu’une réforme intervienne est le Centre d’art télévisuel de Pékin, qui est à l’origine du « phénomène soap opera », et dont trois au moins des productions-fleuves ont remporté un succès inégalé: Espérances, La maison d'édition et Je t'aime pour toujours. Mais le centre se

Chaque année, le Bureau de la radio, de la

télévision et du cinéma de Pékin accorde à ce centre une subvention de 2,3 millions de francs

pour ses frais de production. Une somme insuffisante pour couvrir la centaine d’épisodes annuels qu’il produit. Son autre source principale

de

financement,

:il

la

trouve

aujourd’hui auprès de grandes entreprises.

Les sitcoms Contrepoids aux téléfilms « dominants », les sitcoms ont fait leur apparition en Chine en 1990 avec Espérances, une série de 50 épisodes au goût très pékinois. Ce qui n’a pas empêché les régions d’être gagnées à leur tour par la fièvre. L’intention avouée de son réalisateur était de créer une histoire que les gens souhaiteraient voir et revoir. Pari tenu. Diffusé d’abord à Pékin puis dans dix autres villes à l’automne 1990, Espérances revient 401

Les télévisions du monde

régulièrement sur les chaînes en prime time. Et même CCTV a succombé à la demande populaire ! Des centaines de millions de téléspectateurs se sont ainsi passionnés pour les démêlés, les joies et les peines de deux familles, l’une d’intellectuels, les Wang, l’autre

d'ouvriers, les Liu. Tout commence dans les années 60 et s’achève à la fin des années 80. Nostalgie du passé, humour bon enfant, réalisme d’une quotidienneté sous diverses époques, bons sentiments: le composé ne peut que séduire. Le destin des personnages est marqué par les aléas politiques, maïs la série se garde d’un parti pris idéologique. Elle vise avant tout le consensus,

TS Une qualité en hausse

ou, pour dire autre-

ment, à « promouvoir les liens de compréhension entre le gouvernement et les citoyens, et entre les gens de tous horizons confondus ». But atteint, si l’on en juge par le soutien que lui a apporté le secrétaire général du Parti. Elle est l’œuvre, enfin, d’un groupe de jeu-

un outil de distraction. A la suite des performances sans précédent

nes écrivains, devenus les « stakhanovistes du

du Centre d’art télévisuel de Pékin, celui de

soap » : à la cadence d’un épisode par jour,

la Télévision centrale s’est mis à produire à son tour des sitcoms et à s’attacher les services d’un groupe de scénaristes plutôt spécialisé dans le drame costumé et l’adpatation d'œuvres classiques: Le rêve dans le pavillon rouge, Le voyage en Occident, qui ont sans doute plus diverti les Japonais et les Coréens du Sud que les Chinois, ou encore L'empereur Tang Minghuang. Dans cette catégorie, trois exceptions de «sitcoms costumées » qui furent ou sont très populaires: Yang Guifei, Wu Zetian, réalisés par un

ceux-ci

enchaînent

scénario

sur scénario,

en

majorité pour le compte du Centre d’art télévisuel de Pékin. Leur originalité consiste à créer des histoires inédites, toujours contemporaines, à pouvoir rompre avec la tradition de l’adaptation littéraire. Les séries qu’ils ont imaginées par la suite ont été accueillies avec le même enthousiasme: entre autres, La mai-

son d'édition (vingt-cinq épisodes) et Je t'aime pour toujours (quarante et un épisodes), interprétés par de jeunes acteurs de cinéma ou de théâtre, très vite portés aux nues. Marqué par un humour caustique et une pratique du double sens, le premier relate les tribulations de six Journalistes travaillant pour un magazine social au titre éloquent: Le guide du savoirvivre. Entre le rire et les larmes, le second

suit les peines de cœur d’un groupe de jeunes

Pékinois.

Mélodrame

bon

teint,

étude

indulgente des mœurs contemporaines. Dans leur forme, ces soap operas sont en tout point jumeaux de ce qui se fait ailleurs,

avec leurs imperfections. Mais leurs multiples rebondissements, leur prolongement en 30 ou

50 épisodes, loin d’ennuyer le public chinois, le rapprochent au contraire de la tradition des romans classiques ou des contes populaires. Jugeant que de nombreuses scènes étaient superflues, le gouvernement a appelé à une réduction de la longueur de ces séries. Vu leur inflation, il semble qu’il n’ait pas été entendu.

402

En tout cas, c’est avec elles que la télévision est aussi devenue, pour de nombreux Chinois,

cinéaste,

Chen

Jialin,

exercé

dans

l’art des

films historiques, portraits d’une concubine et d’une impératrice fameuses, et Yang Naiwu et

Xiao Baicai, produit par le centre de Shanghaïi. Connu pour être aussi un opéra, ce drame

a captivé les foules par ses sous-entendus (ambiguïtés) politiques, plus ou moins cachés sous le masque d’une love story. Il relate en effet le cas, inspiré de faits réels, du faux procès d’un lettré, victime de la conspiration de magistrats corrompus, sous la dernière dynastie des Qing. Cette série avait aussi de particulier qu’elle n’était pas pékinoise. Si elles parlent des Chinois moyens,

des jeunes, des intellectuels, et

s'adressent à une majorité de la population, les productions du Centre de Pékin ne sentent pas moins leur terroir: truffées de parler pékinois, incompréhensible pour un Shanghaien ou un Cantonais, elles sont aussi imprégnées

Chine

aa

de l’esprit de la capitale. En reprenant à leur compte le « phénomène soap opera », les centres de production d’autres municipalités ou provinces ont donc misé à fond sur le caractère régional. Par exemple, Une famille de Shanghai, ou l’ascension d’une pauvre orpheline devenue femme d’affaires à tout crin, met

l’accent sur le passé capitaliste de la plus grande métropole chinoise, et sur sa renaissance actuelle au monde des affaires. Evadées de la ville s'intéresse, lui, aux problèmes ren-

contrés par de jeunes paysannes venues faire fortune dans la Zone économique spéciale de Shenzhen.

Des émissions

Séduisant les foules, ces sitcoms sont un facteur d’enrichissement pour les chaînes ; elles

servent d'appel d’offre aux publicitaires, qui se pressent au portillon. Sept milliards de francs en frais publicitaires auraient été investis en 1992 par les sociétés chinoises. Ce chiffre serait destiné à tripler d’ici l’an 2000. Le temps de diffusion quotidien de spots est passé d’une demi-heure à plus d’une heure en l’espace de quelques années. Leur qualité ne fait aussi que s’améliorer et leur coût de production augmenter. La tendance actuelle est de faire jouer des stars de cinéma,

de sitcoms,

ou des athlètes médaillés, dont la participation se paie très cher. Le record est détenu par l'actrice Gong Li qui aurait reçu 700 000 francs pour une brève apparition dans un spot vantant les mérites du climatiseur Beautiful. L’ère s’estompe où des publicités peu séduisantes promouvaient équipement industriel, machines-outils et tracteurs. De tous les médias, la télévision est deve-

nue le plus riche sans aucun doute. Depuis peu, elle semble prête à payer pour sa modernisation. L'argent rend possible aujourd’hui une diversification et une spécialisation de ses programmes, la création de nouvelles chaînes,

et un accroissement l'étranger.

Economie,

de

ses

liens

avec

sport, culture

spécialisées

pour mettre la population de plain-pied avec l’économie de marché. Le sport occupe aussi une place de choix avec des émissions quotidiennes ou hebdomadaires, des retransmissions

d’événéments sportifs à l’étranger, en direct ou en différé. Les Jeux asiatiques, qui se sont déroulés à Pékin en 1990 et qui ont été couverts quotidiennement par les chaînes chinoises, ont joué un rôle important dans le développement du sport sur le petit écran. La culture, enfin, fait elle aussi l’objet de quantité d'émissions: retransmissions de concerts (classiques) et d’opéras (chinois le plus souvent), reportages, variétés et entretiens, surtout appréciés des jeunes, avec des artistes sur le plateau ou sur les lieux d’un événement. A l’approche de son centenaire, et peut-être aussi dans le but d’attirer à nouveau le public dans les salles, le cinéma est bien représenté: les nouvelles sorties sont annoncées chaque semaine; des émissions plus spécifiques sont programmées: une histoire du cinéma hollywoodien,

une

série sur le cinéma

européen,

une autre sur les techniques cinématographiques, toutes produites par des chaînes chinoises qui ont fait appel, pour l’occasion, à d’éminents spécialistes. En revanche, la diffusion de longs métrages n’a pas encore l’importance qu’elle a acquise dans d’autres pays. Elle se déroule sans jours ou heures fixes, d’une manière irrégulière, avec une majorité de films chinois, dont les droits sont

tidiens, falk-shows, micro-trottoirs. Les infor-

moindres s’ils ont été réalisés avant la réforme de01993 Ces émissions spécialisées visent des publics qui sont de moins en moins considérés comme

mations boursières voisinent avec la présentation d’entreprises de mode. Tout est prétexte

relevant du tout indistinct des « masses », selon leurs différences de classes, d’éducation et

L'économie, le sport et la culture sont trois domaines en pleine ascension, traités sous des formes multiples: reportages, magazines quo-

403

Les télévisions du monde

d'âge, mais pas encore de sexe : les émissions pour la gent féminine sont inexistantes. Cela va des dessins animés américains ou japonais du week-end, des travaux manuels, quotidiens,

aux rappels nostalgiques de Soleil rouge et à ses informations pratiques sur la vie de retraité.

Vivre...

Quelques chiffres — La Chine compte quelque 700 chaînes publiques à échelon national, provincial, municipal, et communal. Mais aucune chaîne

privée. — Les chaînes câblées sont au nombre d’environ un millier, depuis celles qui couvrent d'importants centres urbains tels que Pékin, Shanghai, Wuhan ou Chengdu, jusqu’à celles à «usage interne », créées à l’attention exclusive de grandes unités (les

Aciéries de la Capitale, par exemple). — CCTV et BTV sont placées sur satellite Asiasat 1. Les télévisions du Guizhou et du Yunnan (Sud) utilisent conjointement un relais d’Asiasat 1. 14 chaînes provinciales et municipales se sont, de plus, inscrites en 1994

sur la liste des lancements

à venir,

pour bénéficier à leur tour des services d’un satellite de télécommunication. — La réglementation actuelle interdit la possession privée d’antennes paraboliques. Le nombre de celles-ci est estimé entre 1 et 5 millions. — Le nombre de magnétoscopes en Chine est difficile à évaluer, leur commerce relevant aussi de la contrebande. L’importation frauduleuse

semble, en tout cas, en

pleine expansion: selon des chiffres officiels, pas moins de 900000 magnétoscopes auraient pénétré illégalement le territoire chinois dans la seule année 1992! — Les chaînes câblées étrangères pouvant être captées: Canal France International, CNN International (Etats-Unis), BBC Inter-

national (Grande-Bretagne), NHK (Japon), Star TV (Hong Kong) et la télévision russe. —

Le mandarin, langue officielle, est la

seule utilisée, à l'exception de trois régions: Canton, le Tibet et le Xinjiang (Nord-Ouest),

où des émissions sont diffusées en langue locale (cantonaise,

404

tibétaine,

ouïgoure).

Bientôt des chaînes

commerciales

Dorénavant, les chaînes publiques chinoises vont devoir compter avec l’entrée de chaînes commerciales ou câblées, financées moitié avec

des investissements privés (entreprises, publicité), moitié avec des fonds du gouvernement régional.

Comme

les autres,

toutefois,

elles

sont placées sous la juridiction du ministère de la Radio, de la Télévision

et de ses bureaux provinciaux.

et du Cinéma,

A Shanghai,

depuis 1993, s’est créée TV Orient, une chaîne de télévision herzienne, axée sur le social et le culturel. Pékin, la même année, a inauguré une chaîne câblée, sorte de Canal Plus chi-

nois qui programmerait encore davantage, de films que la chaîne française et reviendrait à 20 francs mensuels au plus pour chaque abonné.

Canton,

enfin, met la dernière main

à la préparation d’une chaîne commerciale herzienne, en mandarin,

qui devrait commencer

à émettre courant 1994, pour quelques heures quotidiennes. Elle sera généraliste, financée en partie par des capitaux hongkongais. À

la différence

des

deux

précédentes,

sans

concurrence, sa difficulté principale sera de drainer un public gagné de longue date aux chaînes cantonaises (et accessoirement anglophones) de la télévision de Hong Kong. Si ces trois chaînes revendiquent la différence, comparées à leur rivales publiques, elles privilégient, comme elles, les productions nationales. Là encore, plutôt un choix politique, culturel, qu’une question financière.

Chine

Sans doute aussi. Poussée

à aller de l’avant

en raison d’un décollage économique généralisé, la télévision chinoise veut certes vivre avec son temps, mais en vivant pour le moment ses transformations de l’intérieur. En comptant sur ses propres forces.

Véronique PETITPREZ

. avec

son

1. Dans un communiqué officiel rendu public lors de la Semaine internationale de la télévision, le 16 mai 1994, la télévision pékinoise, BTV, a annoncé sa volonté d’accroître, dans un proche avenir, ses échanges avec l’Europe, et fait état que la diffusion de programmes étrangers ne devrait pas excéder 25 % du total de ses émissions.

temps

La collaboration avec l’étranger reste timide, même si l’envie en est exprimée, même si les contacts se sont développés. En voici quelques signes extérieurs: l'intention affirmée par CCTV, mais avortée en 1989, de procéder à un échange de programmes avec la chaîne publique française, alors Antenne 2 ; la parti-

cipation accrue de télévisions chinoises à des

festivals internationaux; l’envoi régulier de missions en Europe et aux Etats-Unis; la tenue annuelle d’un MIPTV chinois qui a lieu en alternance à Shanghai et à Chengdu (Sichuan), et qui attire, semble-t-il, de plus en plus de professionnels étrangers. Malgré cela, l’importation de programmes étrangers reste minime! , tout comme l’exploitation de programmes chinois, qui se limite, principalement a quelques pays asiatiques: le Viêt-nam, pour des kung-fu ou des dramatiques bon marché, Singapour, le Japon, la Corée du Sud, Hong Kong, pour des superproductions, telles que Le voyage en Occident où Dunhuanzg. L’étranger se trouve aussi aux portes de la Chine, avec ses chaînes câblées. Mais ces portes ne sont qu’entrebâllées. CNN, la chaîne d'informations

américaine,

NHK,

du Japon,

Star TV de Hong Kong qui chapeaute quatre chaînes: BBC News, MTV, Sport TV et Chinese TV, en mandarin, sont accessibles dans

les hôtels réservés aux touristes ou résidents étrangers, ainsi que dans quelques grandes unités privilégiées, comme les studios de Pékin, depuis 1993. Méfiance ? Sans aucun doute. On en a vu les effets, le 4 juin 1994, lorsque les ondes de CNN se sont brouillées au moment de la diffusion d’un reportage sur la répression du mouvement de 1989. Volonté d’indépendance ?

Les programmes français — La chaîne nationale CCTV présente une émission dominicale en français de 50 minutes, diffusée à 23 heures et répondant au schéma suivant: résumé des actualités de la semaine écoulée, diffusion d’un documentaire sur la Chine, d’un reportage d’actualité lié aux relations franco-chinoises, cours

de cuisine. Ce programme s’adresse avant tout au public restreint d’étrangers francophones résidant en Chine. L'absence, ou la

rare diffusion, de programmes français, ainsi que le parti pris de focaliser l’attention sur la Chine, dissuadent pour une grande part le public chinois francophone de suivre cette émission. —

La télévision pékinoise, BTV, a inau-

guré début 1994 une émission en français, elle aussi dominicale,

mais en prime time,

et sous-titrée en chinois. S’adressant à un public élargi aux non-francophones, elle privilégie l’actualité culturelle et le divertissement: information sur des événementss culturels français en Chine, interviews de résidents français, et diffusion de programmes importés (fictions, documentaires).

feuilletons,

ou

— Une émission hebdomadaire d’apprentissage du français est par ailleurs diffusée par CCTV2 et la télévision du Guangxi (Sud).

405

Les télévisions du monde

Îles Cook Superficie: 241 km? Population : 18 000 habitants Capitale: Rarotonga Langues parlées à la télévision: maori des îles Cook Nombre de téléviseurs: 3 500 Couverture du réseau: 30 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun

d’heure d’informations, et 45 minutes d’émis-

anglais,

de l’île, et s’attache à représenter les valeurs

autochtones traditionnelles. Les cinq heures de programmes restantes sont fournies par TVNZ. On y trouve un JT quotidien produit par TVNZ, plus un mélange de programmes néo-zélandais, australiens, amé-

ricains et anglais. Parmi les émissions récemment diffusées qui ont été le plus appréciées,

Les îles Cook, minuscule État du Pacifique,

ont découvert le monde de la télévision en faisant preuve d’énergie et d’enthousiasme. Le réseau, bien qu’il se limite à une petite partie du pays, connaît un grand succès d'audience,

et reçoit le soutien

du

secteur

privé. En fait, sur les six télévisions récemment créées dans les petits pays du Pacifique, à Niue, Tonga, Vanuatu, Nauru, dans les Samoa occidentales et les îles Cook, c’est la

télévision des îles Cook qui réussit le mieux en fait de production locale et de publicité. Elle a fait son apparition en 1989, dans le

cadre d’un contrat avec TVNZ, la télévision d’État de Nouvelle-Zélande. Ce contrat prévoyait la construction d’équipements de retransmission et de production, un soutien au niveau de la gestion et la fourniture de programmes. La télévision est contrôlée et dirigée par la Cook Islands. Broadcasting and

Television Corporation (CIBTVC), organisme d'Etat, qui gère aussi la radio. A l’aide de cassettes Super VHS peu onéreuses et de retransmissions, CIBTVC

touche environ 3 500 foyers

de l’île centrale de Rarotonga, qui abrite la capitale éponyme, et l’île septentrionale de Manihiki. Il est question d’élargir le réseau pour toucher deux autres îles septentrionales, Mauke et Atiu à la fin de 1994, et à plus long

terme d’arriver jusqu’aux îles de l’archipel des Cook dès qu’il y aura assez d’argent pour améliorer les équipements de transmission. La télévision des îles Cook diffuse 6 heures

par jour, de 17 à 23 heures. Une heure de programme est produite sur place, dans les stu-

dios 406

de Rarotonga.

Il comporte

sion à caractère culturel. Le JT est alimenté par CIBTVC et par la radio. L’émission culturelle met en valeur les activités culturelles

un

quart

on trouve Sesame Street, une fiction policière australienne, Police Rescue, une série néo-

zélandaise sur les habitants des îles du Pacifique vivant en Nouvelle-Zélande, intitulée Tagata Pacifika. Le public des îles Cook s’intéresse éngrmément aux programmes traitant de l'information. Le magazine néo-zélandais 60 minutes, calqué sur le magazine américain portant le même titre, est très regardé. CIBTVC tire ses ressources d’une subvention gouvernementale et de la publicité. Pour le moment,

les recettes publicitaires couvrent

environ le tiers de ses frais de fonctionnement. Ce qui est beaucoup plus que dans les autres petites îles du Pacifique, mais encore insuffisant pour que la télévision soit autonome, et ses comptes seront sans doute encore déficitaires dans les prochaines années. Bien qu’elle soit une charge financière pour le pays, la télévision est très appréciée des habitants des îles Cook. Ils ne la voient pas seulement comme le moyen de recevoir des informations ou un moyen de divertissement,

mais comme un instrument pour protéger leur culture de l’influence qu’exercera à l’avenir le satellite. Leur télévision est très modeste en ce qui concerne le production et ses standards, mais sa création a permis aux insulaires de posséder une infrastructure et de contrôler ce qui se diffuse chez eux, avant que d’autres télévisions, distribuées par des réseaux satellite sur lesquels ils n’ont aucun pouvoir, ne

commencent à déverser des messages susceptibles de détruire leur culture originale. Barry LOWE

Corée du Nord

Corée

du Nord d'Europe de l’Est, de Cuba et d’autres pays

Superficie : 120 540 km? Population : 22 600 000 habitants Capitale : Pyongyang Nombre de téléviseurs : 2 000 000 Couverture du réseau: 80 % Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun

socialistes, et elle continue à les diffuser. Ces

émissions, le plus souvent à caractère éducatif, mais d’un style à la fois mielleux et doctrinaire, restent assez austères et sont doublées

La Corée du Nord, qui a vécu pendant des

décennies en ermite isolé à cause de son marxisme intransigeant, commence à s’ouvrir un peu sur le monde extérieur depuis la mort, en 1994, de son dictateur au long règne, Kim Il Sung. Jusqu’à présent, la télévision était le reflet du militantisme austère de cette société communiste. La télévision remplissait un rôle politique et éducatif, elle était fermement contrôlée pour empêcher la propagation des idées occidentales « décadentes ». Cependant, le nouveau régime, avec à sa tête Kim Jong Il, fils de l’ancien

dictateur,

a laissé entendre

qu’il

était désireux

de rejoindre

la communauté

internationale,

et cela affectera forcément

la

nature et le rôle de la télévisicn.

en coréen. Les émissions produites par KCTV comprennent les journaux et magazines d’information, ainsi que des programmes éducatifs et culturels. Le journal traduit la politique du pouvoir en place et fait preuve de la même myopie en ce qui concerne l’étranger. Les programmes d’information sont chargés de messages politiques très clairs ; les programmes éducatifs tournent autour de thèmes socialistes ; et les émissions culturelles s’en tien-

nent à la culture révolutionnaire et au culte de la personnalité développé autour de l’ancien dictateur Kim Il Sung. Seuls 10 % des Coréens du Nord ont la télévision, et la plupart habitent Pyongyang; la télévision n’a pratiquement aucune influence sur la masse paysanne. Quelques habitants des campagnes ont accès à une télévision régionale qui relaie les programmes de TVI et quelques journaux et magazines produits localement, comme

la Mansudae

Television

Sta-

années 90. Bien que le système ne marche presque plus, KCTV a en stock des tas de program-

tion qui diffuse quelques heures chaque weekend. Mansudae a été créée en 1983 en tant que télévision communautaire. Elle est censée être dirigée par un comité de représentants des citoyens ; en fait, elle est contrôlée par l’agence centrale qui dirige KCTV, et le contenu de ses émissions ne diffère pas beaucoup de celui de la télévision d’Etat. Les Nord-Coréens se rendent compte que leur télévision fait piètre figure comparée à celles des autres pays. Les habitants de Pyongyang et d’autres villes situées dans le sud du pays peuvent voir en effet des émissions sud-coréennes, bien que les autorités fassent tout pour brouiller les signaux. Cet arrosage est devenu une arme de propagande utilisée par Séoul pour montrer aux Nord-Coréens ce qui leur manque en étant coupés du monde capitaliste. Lorsque le satellite sud-coréen

mes

entrera en fonction, ce flot de retransmissions

La Korean Central Television (KCTV) a été créée en 1969 ävec l’aide de la Chine, elle diffuse sur trois chaînes, TV1, TV2 et TV3,

207 heures en tout par semaine. TVI et TV2 émettent 77heures par semaine, et TV3 63 heures. TV1 est diffusée dans tout le pays par l’intermédiaire de stations-relais situées à Kaesong et Mansudae. TV2 et TV3 ne sont reçues que dans la capitale, Pyongyang. La programmation est équitablement répartie entre les productions locales et les émissions importées, pour l’essentiel, d’autres pays communistes. Ces importations étaient autrefois reçues en échange de programmes nord-coréens, dans le cadre d’un système de troc, qui existait jusqu’à la chute du bloc de l’Est au début des

provenant

du

Viêt-nam,

de

Chine,

407

Les télévisions du monde

télévisées par delà la frontière solidement gardée qui sépare les deux ennemis jurés, ne pourra que grossir. Le gouvernement nord-coréen cherche à contrer cette influence en améliorant la qualité de sa propre télévision, moins dans le contenu que dans les formes. Mais pour ce faire, il lui faut investir dans un programme de rénovation et remplacer la plupart des vieux équipements soviétiques et chinois qui sont encore utilisés. Mais le pays est en situation de faillite, et la chute de l’Union soviétique a signifié la fin des aides étrangères, tandis que les banques occidentales ont décidé de geler leur assistance tant que Pyongyang n’aura pas commencé à rembourser les 14 milliards de dollars qui lui ont déjà été prêtés. Le récent rapprochement entre Kim Jong Il et Washington

Superficie: 98 484 km? Population : 44 200 000 habitants Capitale: Séoul parlées

anglais Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

à la télévision:

tact a eu lieu avec Radio Television Malay-

sia, télévision d’État, qui pourrait déboucher sur une assistance comprenant formation et échanges de programmes. Il se peut aussi qu’à long terme les relations avec le Sud s’améliorent assez pour que les liens se nouent entre les deux télévisions coréennes. Mais il faudra que l’attitude du gouvernement nord-coréen évolue énormément,

et qu’il se débarrasse de

son souci obsessionnel de pureté idéologique. Barry LOWE

u Sud

Corée Langues

mettra peut-être fin à ces sanctions, mais l’économie nord-coréenne qui est en triste état mettra longtemps avant de pouvoir investir dans un équipement aussi peu vital que la télévision. Les fonctionnaires ont cherché une aide directe auprès de télévisions voisines. Un con-

coréen,

téléviseurs: 13 000 000 du réseau: 97 chaînes publiques: 3 chaînes privées: 1 chaînes à péage: 0 français: moins de 1 %

La télévision sud-coréenne est, depuis son

télévision deux heures par jour, en moyenne, soit deux fois moins que les Japonais, et beaucoup moins que dans les autres pays voisins. Les chaînes ne diffusent que onze heures par Jour, en semaine, ce qui restreint de fait le taux d’audience. La télévision 24 heures sur 24 n'existe donc pas encore en Corée du Sud. Le câble va offrir une alternative aux deux grandes chaînes d’État qui dominent le marché depuis trois décennies. Après tout un processus de réglementations et de conditions préalables, les autorités ont sorti un plan qui prévoit l'attribution de 116 concessions aux télévisions à péage, dont 57 seront affectées

la

aux centres urbains, le reste étant réservé aux

coupe de l’État. Ce n’est que très récemment que des pressions se sont fait sentir pour qu’on introduise de nouvelles technologies et une chaîne à péage, ce qui a obligé le gouvernement à revoir sa politique et à ouvrir le marché. Ce changement d’attitude est dû aussi au fait que la télévision sud-coréenne n’est pas très populaire. Les Sud-Coréens regardent la

communautés rurales. La législation concernant la propriété de ces licences est très stricte, afin de préserver les valeurs culturelles et les production coréennes. Toutes les chaînes câblées devront diffuser uniquement en coréen, et les capitaux étrangers seront sévèrement limités. Conformément à sa tradition qui est d’être très présent dans l’audiovisuel, le gouvernement

lancement

408

en

1962,

complètement

sous

Corée

sera l’un des principaux acteurs du câble en fournissant leur capital de départ aux chaînes culturelles, éducatives et pour la jeunesse. Les prévisions montrant que le câble ne pourra pas s’autofinancer tant qu’il n’y aura pas 1 million d’abonnés, les réseaux hertziens

vont pouvoir conserver la première place pendant de nombreuses années encore. Le premier réseau, le Korean Broadcasting System (KBS), fait actuellement 40 % d’audience sur ses deux chaînes, suivi de près par la Munhwa Broadcasting Corporation (MBC) qui touche environ 36 % du public. Le reste se partage entre le troisième réseau, le Seoul Broadcasting System, et une petite chaîne éducative d’inspiration gouvernementale, l'Education Broadcasting System (EBS). Les forces armées américaines ont elles aussi leur chaîne, qui s’adresse aux troupes stationnées en Corée du Sud — Armed Forces Korean Network — qui jouit d’une petite audience dans le pays. KBS, qui tire ses ressources de la redevance

du Sud

Lovers” Drama et un talk-show, Into the Night Talk, avec le monde du spectacle. Sur les deux chaînes la législation limite la publicité à 8 % du temps d’antenne. Le principal concurrent de KBS, MBC, est plus dépendant vis-à-vis de la publicité, ce qui l’a incité à se comporter de manière compétitive dans la course à l’audience qu’il entretient avec KBS. « Munhwa » veut dire culture en coréen, et, comme son nom l'indique, MBC

cherche à faire du culturel à la télévision. Lancé en 1969, le réseau appartient à une agence gouvernementale, la Foundation for Broadcasting Culture. MBS met beaucoup d’argent dans la production locale pour atteindre son quota de 89 % d’émissions produites sur place. Certaines de ses productions sont très ambitieuses et disposent d’un gros budget, c’est le cas du documentaire The Sea King Jan Bo-Go qui a pour sujet l’histoire d’un amiral coréen au IX: siècle, et qui a nécessité la construction d’un navire et sa mise à flot pour reconstituer son épopée. Les importations

et de la publicité, a défini un modèle de télé-

sont essentiellement des films américains, ainsi

vision qui met surtout l’accent sur la culture et la production locales. 95 % des program-

que des documentaires, des dessins animés et des émissions pour la jeunesse. MBC importe aussi de Grande-Bretagne et d’Australie. MBC accorde la priorité aux journaux et magazines d’information. Le JT du soir est l’émission la plus regardée, et les magazines font également un taux d’audience très élevé. A la différence des autres télévisions de cette partie du monde, MBC traite directement les informations venant de l’étranger, grâce à un réseau de correspondants répartis dans neuf antennes internationales. L'information sur MBC sait aussi faire preuve d'originalité comme le prouve l’émission TV Gossips : the Bitter and the Sweet, qui, par la bouche de

mes

de sa première

chaîne,

Channel 1, sont

produits sur place, le reste provenant de nombreux pays comprenant les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, l’Italie, le Canada, la Hon-

grie, la Pologne, le Mexique, l’Australie, la Malaisie et Hong Kong. En achetant à l’étranger, KBS

cherche

délibérément

à diversifier

les sources, afin d’éviter le déséquilibre en faveur des seuls programmes américains. La deuxième

chaîne de KBS,

peu moins indépendante au tations, lesquelles occupent temps d’antenne. Les deux 90 heures par semaine. Channel 1 est considérée

Channel 2, est un

niveau des impor13 % environ du chaînes émettent comme

la chaîne

la plus «sérieuse», elle met l’accent sur l’information, les documentaires et les émis-

sions à caractère culturel.

Channel2 est la

chaîne du divertissement, elle diffuse surtout

des feuilletons qu’elle produit ou importe, des séries,

dramatiques,

sitcoms,

émissions

de

variétés et autres programmes de divertissement. Les émissions qui connaissent le plus de succès sont le programme musical intitulé Open Concert, le magazine 25 Hours of Events, un programme documentaire, Documentary Theatre, le feuilleton à l’eau de rose

marionnettes, tourne l’actualité en dérision. Le troisième réseau sud-coréen, SBS, est

une télévision privée dont le lancement remonte à 1991. Sa création était une riposte du secteur privé à la prédominance des deux télévisions d’Etat. Il appartient à un consortium de 31 sociétés de taille moyenne, qui se sont unies aussi pour réagir face à la domination des grandes entreprises. Bien qu’elle ne soit reçue que sur 53 % du territoire, SBS s’est déjà assuré 17 % de l’audience, en attirant le public avec ses programmes « intellectuels » qui traitent de culture et d’information. Les émissions culturelles et éducatives occupent 49,4 % des programmes, les fictions et 409

Les télévisions du monde

divertissements, 28,4 %, les journaux et maga-

fut le cas de What on Earth is Love, qui attei-

zines d’informations,

gnit le taux record de 70 %. L’un des feuilletons les plus interminables a été produit par MBC : Diary of a Farm Family. I relate les succès et les tribulations d’une famille de paysans coréens: ses débuts remontent à 1980 et on vient d’en diffuser le 700 © épisode! Les problèmes de société et le statut de la femme servent souvent de point de départ aux fictions. Deux œuvres récentes ont connu un succès considérable: Sons and Daughters, qui dénonçait la préférence pour les héritiers

22,2 %.

SBS favorise la production, 87 % du temps d’antenne est consacré à des émissions qu’elle produit. Les importations, films, fictions et documentaires,

proviennent des Etats-Unis et

de différents pays d'Europe. Comme les deux télévisions d’État, elle diffuse 90 heures par semaine,

en deux tranches

horaires: une, le

matin, interrompue par la mire en fin de matinée et jusqu’au début de l’après-midi, suivie d’un programme de fin d’après-midi qui se prolonge en soirée. La chaîne est financée uniquement par les recettes publicitaires ; s’adressant à des groupes socio-économiques aisés, elle a pu augmenter le prix de ses spots et devenir la plus chère du pays, avec 9 250 dollars les 30 secondes. Le mépris affiché par le gouvernement pour les programmes d’importation a permis à la télévision sud-coréenne de développer des caractéristiques propres. Les programmes étrangers y sont notoirement absents. Si l’on établit une moyenne avec les cinq chaînes du pays, les importations ne font que 8,9 % du temps d’antenne. Qui plus est, cette petite proportion est en général reléguée aux tranches horaires les moins regardées. Aux heures de grande écoute, en soirée, les importations ne font plus que 2,8 %. Les programmes américains

dominent,

et représentent

75 % de la

totalité des importations. Les 25 % restants proviennent essentiellement de GrandeBretagne, du Japon et de France. Ces émissions sont le plus souvent

culturelles, ou ce

sont des magazines d’information, alors que les programmes américains se composent surtout de fictions et de produits de divertissement. Autre conséquence de cette préférence accordée aux productions locales: la Corée du Sud possède l’une des industries les plus florissantes dans cette partie du monde et ce bien qu’il n’existe pas de grandes possibilités d’exportation. Les critères de production sont élevés, et les maisons de production concentrées autour de Séoul ont développé des genres typiquement coréens. Le feuilleton connaît par exemple une forme très caractéristique. Beaucoup sont tirés de thèmes historiques. La série à succès Years of Hupheaval a marqué par le niveau sophistiqué de sa forme et de la technique utilisée. Les histoires d’amour font généralement beaucoup d’audience, comme ce 410

mâles, et les injustices que cela entraîne ; The

Season of Tempest, l’histoire de deux jeunes femmes qui traversent la crise de la trentaine et se remettent en question. L’un des projets les plus ambitieux récemment montés par les producteurs sud-coréens est une série en seize épisodes, intitulée Pilots, retraçant la vie de trois jeunes pilotes que leur carrière entraîne autour du monde dans de multiples aventures. Les comédies sont aussi très prisées: Humour Brings Happiness reste dans la tradition humoristique du pays, tandis que Sunday Night Parade mêle un comique plus moderne au format du falk-show. Les jeux télévisés sont également très regardés. L’un des plus populaires s’appelle Mystery Quiz. L’autonomie dont fait preuve la télévision coréenne s’applique aux émissions pour la jeunesse, et on ne regarde pas Sesame Street ou des productions américaines de ce type en Corée du Sud. Ppo-Ppo-Ppo est l’émission pour la jeunesse qui s’adresse aux jeunes enfants non scolarisés. Le concept de Housewives Expedition Team est typiquement coréen: il s’agit de promener des femmes au foyer citadines dans tout le pays et de leur faire découvrir ses réalités. Une autre émission qui s'adresse aux femmes, Economic Information for Housewives en dit long sur le statut et le rôle occupés par les femmes dans la société coréenne. Les documentaristes trouvent aussi un marché à leur portée à la télévision. Par exemple il y eut Seoul, Home Town to Preserve, pour célébrer le 600° anniversaire de la capitale, et KoreaJapan, the Differences, documentaire en trois parties sur les relations souvent conflictuelles entre ces deux voisins de l’Est asiatique. Ces relations entre le Japon et la Corée sont aussi un des problèmes de la télévision, car le Japon menace d’arroser le pays, notamment en lançant un satellite qui créera une nouvelle

Corée du Sud - Îles Fidji génération de chaînes à péage. Mais quand la Corée du Sud rejoindra à son tour la communauté des télévisions par satellite, en 1995, ses

deux satellites diffuseront des programmes coréens sur le territoire japonais. Le satellite coréen sera au cœur de la télévision à péage du pays car celle-ci se procurera l’essentiel de ses programmes précisément par satellite. La première société de câble mettra l’accent sur les valeurs nationales qui ont toujours été au centre des préoccupations culturelles du gouvernement dans le domaine de l’audiovisuel. Il est prévu que les premières chaînes câblées traiteront de culture, de religion, d’information d'éducation et de divertissement, dans les for-

mes dramatiques traditionnelles et modernes du pays. Trois de ces nouvelles chaînes, au moins, seront directement contrôlées par des sociétés

des émissions pour la jeunesse et du sport. La chaîne sportive sera pratiquement financée par les fonds avancés pour les Jeux olympiques de 1988 qui n’ont pas tous été dépensés à cette occasion. Le développement de la télévision sudcoréenne Va aussi avoir un impact très important sur la publicité. La législation actuelle qui la limite à 8 % du temps d’antenne sera moins contraignante une fois qu’il y aura un plus grand nombre de chaînes à la disposition des publicitaires. Le bond économique que connaît actuellement le pays a entraîné une augmentation considérable de la consommation et les industriels et les sociétés commerciales font pression pour qu’une plus grande place soit accordée à la publicité sur le petit écran. Barry LOWE

nationalisées. Elles s’occuperont de la culture,

Fidji

A

mière licence, mais plusieurs mois avant qu’il

Superficie : 18 333 km? Population : 800 000 habitants Capitale: Suva Langues parlées à la télévision: fidjien, hindoustan,

La

fut renversé par un coup d'Etat monté de l’armée qui imposa une nouvelle Constitution garantissant le pouvoir politique aux Mélanésiens. Lorsque la situation se fut stabilisée et que le nouveau gouvernement ressortit le dossier de la télévision, l'empire d’Alan Bond

anglais

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

téléviseurs: 50 000 du réseau: 50 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0 en français: aucun

télévision

démarrer

n’installe son réseau en 1987, le gouvernement

dans

a eu

beaucoup

les îles Fidji,

en

s'était écroulé, et de nouvelles

offres furent

lancées aux parties intéressées. Il en résulta une solution temporaire qui

de mal raison

à de

l’indécision du gouvernement et du manque de ressources techniques et humaines lors de la période de lancement. Pourtant, Fidji étant l'État du Pacifique le plus étendu et le plus autonome sur le plan économique, les investisseurs étrangers se sont précipités lorsque le gouvernement annonça, il y a dix ans, qu’il souhaitait introduire la télévision dans ses îles. C’est l’Australien Alan Bond qui obtint la pre-

donnait à TVNZ, la télévision d’Etat de Nouvelle-Zélande, une concession pour une période d’intérim, renouvelable chaque mois,

jusqu’à ce que l’avenir de la télévision des Fidji soit définitivement assuré. L’une des raisons expliquant cet arrangement temporaire voulu par le gouvernement est qu’à l’époque, en 1991, on souhaitait que la télévision soit opérationnelle en novembre pour la Coupe du monde de rugby, afin que les Fidjiens, très amateurs de ce sport, puissent suivre les matches de l’équipe nationale. Ce

nouveau

service,

Fiji One,

était

en

411

Les télévisions du monde

grande partie fourni par TVNZ qui puisait dans son stock de programmes étrangers (la Nouvelle-Zélande ne produit qu’une petite partie de ses programmes), avec un complément de production locale. Les émissions régionales comprenaient un magazine de sport bihebdomadaire, une heure hebdomadaire consacrée aux événements sportifs internationaux, et un magazine d’information hebdomadaire de 60 minutes. Ajouté à cela, un bulletin d’infor-

mation produit chaque soir par le ministère de l'Information dans les studios de son Centre vidéo national. Ce bulletin ne jouit pas d’une grande crédibilité auprès des habitants des Fidji qui le considèrent comme un moyen de propagande. Le ministère de l’Information produit aussi une heure d’émission religieuse hebdomadaire, reflet de l’allégeance officielle du gouvernement aux missions chrétiennes de l’île. Les standards de production n'étaient pas toujours à la hauteur, ainsi, le bulletin d’informations était souvent diffusé en retard, parce

que l’équipe n’avait pas fini de le préparer. Parfois même, lorsque la rédaction n’était pas prête, on rediffusait à la place le journal de la veille... La licence permanente a finalement été attribuée à un partenariat de trois sociétés, dont TVNZ, qui conservait 25 % des parts et son rôle de gestionnaire, en collaboration avec une société de communications locale créée par des hommes

d’affaires, Viti Television,

détenant

24 , tandis qu'avec 51 % des parts la Fiji Development Bank devenait majoritaire, et représentait les quatorze dirigeants héréditaires des provinces des Fidji, le Grand Conseil des chefs. Ce nouveau

service, toujours sous le con-

trôle de TVNZ, ne diffère pas beaucoup du précédent, et la plupart des programmes proviennent de TVNZ. On y trouve les séries policières australiennes comme Blue Heelers, une émission australienne d’info-divertissement, Talk to the Animals, et une dramatique historique australienne tournée il y a bien longtemps, Against the Wind. Le premier feuilleton

néo-zélandais,

Shortland

Street,

est lui

aussi diffusé sur Fiji One, ainsi que le journal du soir de TVNZ. Fiji One émet 42 heures par semaine, de 17 à 23heures. Pour le moment, seuls les habitants de l’île principale, Viti Levu,

412

peuvent

la recevoir,

mais

il est

question d'élargir le réseau pour toucher les autres îles. La licence accordée pour une durée de six ans en 1994 prévoit aussi l’arrivée de deux chaînes à péage qui compléteraient le service déjà en place. Bien que la date de leur lancement

ne soit pas encore

fixée, les conces-

sionnaires travaillent sur ce dossier afin que la télévision à péage démarre vers la fin de 1995. Il n’est cependant pas sûr qu’un tel service soit viable étant donné le faible nombre d'habitants et de téléviseurs. Le projet prévoit une chaîne en hindoustani qui s’adresserait aux Indo-Fidjiens, lesquels sont les descendants des travailleurs introduits par les colons anglais pour s’occuper des plantations de canne à

sucre. Les Indo-Fidjiens

sont mieux équipés en téléviseurs que les autochtones, et participent plus à l’économie du pays. Ils ont aussi gardé des liens avec leur culture d’origine et ne se lassent pas des films indiens qu’ils se procurent pour le moment dans les magasins de location vidéo. Ils sont peut-être assez nombreux pour permettre à une chaîne à péage d’exister, si elle répond à leur attente, mais

en ce qui concerne la population autochtone, il n’est pas sûr du tout qu’on y trouve assez d'abonnés pour que la chaîne soit viable. II est aussi probable qu’une télévision à péage serait dépendante de considérations politiques, et ses opérateurs ne disposeraient sans doute pas de l’autonomie suffisante pour assurer son bon fonctionnement. Une autre raison de douter du succès de cette télévision à péage est le manque d’enthousiasme dont font preuve les Fidjiens en ce qui concerne la télévision. Les IndoFidjiens, premiers visés par les publicitaires, préfèrent en général regarder des cassettes indiennes, tandis que les autochtones ne s’intéressent qu’aux retransmissions des grands événements sportifs. Le clergé, qui exerce une grande influence, a aussi fait part de son insatisfaction, car il trouve que les « valeurs de la famille » sont trop absentes des programmes. Tous ces facteurs pourraient bien retarder pour un bon moment l'apparition d’une télévision à péage dans les îles Fidji. Barry LOWE

Hong Kong

Hong Kong Superficie : 1 072 km? Population : 5 900 000 habitants Capitale: Victoria Langues utilisées à la TV: cantonais, anglais

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Programme

téléviseurs: 1 600 000 du réseau: 99% chaînes publiques: 0 chaînes privées: 5 français: aucun

Malgré sa petite taille, un statut politique douteux et un avenir incertain, Hong Kong exerce sur le monde de la télévision une influence qui va bien au-delà de l’importance qu’elle a au plan international. C’est dû au fait que Hong Kong est le port d’attache de Star TV, le réseau satellite international qui joue un rôle de premier plan dans la télédiffusion à travers toute l’Asie. Star TV, lancé en 1991,

appartient Murdoch multiples ainsi que représente

à l’empire médiatique de Rupert qui, par ses participations dans de organes de presse et de télévision, dans le domaine des transports, l’une des plus importantes multi-

nationales de la planète. Il s’est assuré 63,6 %

des actions du holding qui possède Star TV — la HutchVision BVI — lors d’une offre de rachat en 1993, tandis que le reste des actions était conservé par l’ancien propriétaire, le groupe Hutchinson Whampoa, appartenant au milliardaire Li Ka-Shing et à sa famille. En achetant cette participation dans Star TV, Murdoch s’est rapproché encore un peu plus de son but: posséder un réseau de télévision couvrant le monde entier. Il détient déjà le réseau Fox aux Etats-Unis, lequel devient, petit à petit, un jeune concurrent de plus en plus dangereux pour les trois grands réseaux américains déjà en place, et il est majoritaire dans le réseau satellite européen basé à Londres, BsSky. Ses chaînes de télévision font déjà le tour de la terre et couvrent

trois continents,

et leur public représente les trois cinquièmes de la population mondiale. Star TV, dont l’emprise s’étend du nordest de l’Afrique à l’île de Bornéo, est d’abord un service basé sur la vente d’espaces publi-

citaires,

qui diffuse

sur

cinq

canaux.

Son

audience est estimée à 12 millions de foyers, répartis dans 38 pays. Lorsqu'ils ne disposent pas d’antenne parabolique pour capter Star, les téléspectateurs sont abonnés à une chaîne à péage qui relaie par câble le satellite. Le plus grand marché est actuellement l’Inde, où Star

tire plus de 80 % de ses recettes publicitaires. Néanmoins,

le réseau

est en

train de se

positionner pour s’approprier les marchés de la Chine et de Taiwan, et s’attache à augmenter de façon considérable le nombre de ses émissions en chinois. Il est prévu de créer un réseau de 12 chaînes régionales dans les deux prochaînes années. Ces nouvelles chaînes chinoises diffuseront essentiellement en mandarin. Star n’a pas, pour le moment,

l’autorisa-

tion d’émettre en cantonais — langue majoritairement parlée à Hong Kong — afin de protéger les deux réseaux hertziens de Hong Kong et le futur réseau câblé qui doit démarrer sous peu. Mais cette restriction sera levée vers le milieu de l’année 1996. Les cinq chaînes actuellement proposées par Star sont une chaîne de sport — Prime Sports — qui diffuse conjointement avec la chaîne câblée américaine du même nom; une chaîne musicale, en collaboration avec MTV basée aux Etats-Unis; une chaîne chinoise, qui

achète la plupart de ses programmes à ATV de Hong Kong; une chaîne d’information, en partenariat avec BBC World Service; et Star Plus, chaîne de divertissement.

Star vient de

lancer une chaîne de cinéma — Star Movies — qui n’est reçue que par ses abonnés, et a en projet d’autres chaînes à péage. Toutes ces chaînes diffusent 24 heures sur 24; le réseau se vante de fournir 43 800 heures de télévision par an. Les sondages démontrent que sur les cinq chaînes de Star ce sont les feuilletons et les sitcoms américains qui attirent le plus les spectateurs asiatiques. Bay Watch, Richmond Hill, The Bold and the Beautiful, Santa Barbara et The Wonder Years ont des indices d’audience très élevés. La nouvelle sitcom, Moonlighting, récemment diffusée à l’écran, a recueilli un 413

Les télévisions du monde

très bon indice, tandis que les séries américaines LA Law et Picket Fences ont connu elles aussi un grand succès auprès du public. La chaîne BBC que Star retransmet dans le sud du pays, rivalise sérieusement avec les relais de CNN qui couvrent le même secteur. Cette chaîne propose, toutes les heures, un bulletin d’information centré sur l’Asie, des informations

économiques mises à jour, ainsi que des magazines d’information et des documentaires. Les téléspectateurs de Hong Kong vont découvrir la télévision à péage avec le lancement d’un nouveau réseau câblé Wharf Cable — qui devrait commencer à émettre fin 1994. Selon le programme ambitieux annoncé, ce réseau offrira jusqu’à 20 chaînes différentes à ses abonnés d’ici trois ans. Au départ, il devrait proposer 14 chaînes, sept provenant de Star TV, et sept autres choisies parmi les chaînes cantonaises qui seraient retransmises par micro-ondes. Mais l’avenir de Wharf Cable est fortement lié à l’arrivée d’une nouvelle technologie, le câble à fibre optique, qui servira aussi pour les télécommunications de Hong Kong lorsque cette industrie sera déréglementée vers le milieu de l’année 1995. Wharf Cable affirme que son réseau deviendra le plus grand système de télévision par câble du monde. La société pense relier 1 million et demi d’abonnés en trois ans, et vise une

percée de 40% auprès des foyers de Hong Kong dans la même période. Mais le programme de Wharf Cable coûtera forcément très cher. Hong Kong étant pour l’essentiel un marché de langue cantonaise, il faudra qu’une

bonne partie des émissions soient en cantonais. Comme il n’existe aucun marché cantonais important en dehors de Hong Kong, la plupart des émissions devront être produites sur place et ne seront pas exportables. Les experts pensent que ce facteur pourrait remettre en question l’optimisme conquérant dont fait preuve Wharf dans ses projets financiers. Les deux réseaux hertziens de Hong Kong se partagent l’un des marchés les plus florissants de la région. Mais l’un d’eux, Televi-

sion Broadcasts Limited (TVB), s'affirme comme un concurrent si sérieux face à son

rival Asia Television (ATV) que l’avenir de ce dernier paraît émettent sur deux cantonais, l’autre tonaise de ATV — a perdu de sa

414

menacé. Les deux réseaux chaînes différentes, l’une en

en anglais. La chaîne canappelée Home Channel — popularité et ses indices

d’audience font moins de 15 %. Ses propriétaires, le groupe Sun Garment et la famille Lam, ont réagi en réduisant sérieusement les dépenses. Ces mesures ont permis de réduire le déficit, mais une nouvelle crise point à l’horizon avec le lancement de Wharf Cable,

qui menace de diminuer encore l’audience déjà bien maigre de ATV. TVB, au contraire — qui appartient à un magnat de l’industrie du cinéma locale, Sir Run Run Shaw et au groupe Kerry de Robert Kuok — occupe une position prédominante sur le marché et semble avoir moins de soucis à se faire avec le lancement de Wharf Cable. Sa chaîne en cantonais — Jade Channel — fait un taux de 80 % d’audience, ce qui lui a permis de faire le bénéfice record de 46,8 millions de dollars en 1992-1993, soit une augmentation de

48 % par payer 10 secondes Channel. pour être

rapport à l’année précédente. TVB fait 000 dollars le spot publicitaire de 30 aux heures de grande écoute sur Jade Elle prend actuellement des mesures encore plus présente sur les nouveaux

marchés, très lucratifs, qui s’ouvrent à l’heure

actuelle à Taiwan et en Chine. Jade Channel produit 98 % de ses programmes. Le reste est importé de Chine, des EtatsUnis et de Grande-Bretagne. La programmation se répartit ainsi: feuilletons et divertissement: 56,8 %, programmes culturels: 16 % ;

émissions pour la jeunesse: 15,8 % ; informations et journaux: 9,1 % et sport:

1,2 %. La

chaîne en anglais de TVB — Pearl Channel — importe 90 % de ses programmes, surtout des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et du Japon. Elle propose des feuilletons, des films, des sitcoms et d’autres émissions de divertissement

dans

une

proportion

de 40%;

les

documentaires et programmes culturels font 24,5 % ; les journaux et magazines d’information, 15,5 % ; les émissions pour la jeunesse, 14,5 % ; et le sport, 5,5 %. Les deux chaînes

de TVB

émettent 244 heures par semaine.

Les deux chaînes de ATV, la Home

Chan-

nel et World Channel qui est en anglais, émettent un total de 318 heures par semaine. Home Channel diffuse 93 % de productions locales, et importe quelques émissions de Chine et de Taiwan. La programmation s’établit comme suit: feuilletons, films, comédies et émissions

de divertissement: 46 % ; journaux et magazines d’information: 32 % ; émissions pour la jeunesse: 8 ; programmes éducatifs: 8 %: sports: 6%; et divers: 6 %. World Channel

Hong Kong

fonctionne essentiellement à partir de programmes d’importation des États-Unis et de Grande-Bretagne. Tout comme

déjà dans le sud de la Chine et projette à long terme de jouer un rôle encore plus important dans le développement de la télévision qui doit accompagner l’essor de l’économie chinoise. Mais le marché de la télévision taiwanaise s’est révélé politiquement plus facile d’accès, et c’est avec Taiwan que TVB continue à faire le plus de bénéfices.

Pearl Channel,

elle touche un public très restreint, comparé aux chaînes en cantonais; à elles deux, elles

font moins de 5 % d’audience. La forte demande de productions locales à la télévision a permis à la colonie de créer une industrie d’exportation qui vend de plus en plus à Taiwan et à la Chine. TVB émet

Barry LOWE

CHAÎNES ET PROGRAMMES POUR LES ESPACES LES PLUS PEUPLÉS

mg À &sà Mongolie

e

Su

Lin 7

OCEAN PACIFIQUE

Pr mures : de Le ayant la télévision couleur

Pourcentage de foyers ayant un magnétoscope

100% (si œ)

w

:

%

: D

LH

4

fé £f LA

l

4 Le Monde

diplomatique,

janvier 1994

415

Les télévisions du monde

Inde l’histoire du pays; pas étonnant non plus que, dans l’Inde rurale des 600 000 villages, les télévisions collectives attirent aux heures de grande écoute plus de cent millions de téléspectateurs; pas étonnant que l’appareil de télévision individuel ou collectif devienne lui-

Superficie : 3 288 000 km? Population : 900 000 000 habitants Capitale: New Delhi Langues utilisées à la télévision: chaînes nationales: hindi, et anglais; chaînes régionales: assamais (en Assam), bengali (à Calcutta et au Bengale), cachemiri (au Cachemire), gujarati (à Ahmedabad et au Gujarat), kannada

(à Bangalore

et au

même

Karnataka),

malayalam (au Kerala), marathi (à Bombay et au Maharashtra), oriya (en Orissa), penjabi (au Penjab), tamoul (à Madras et au Tamil Nadu), telugu (à Hyderabad et en Andhra Pradesh), urdu (dans les Etats du

nord de l’Inde à forte proportion de population musulmane),

etc.

Nombre de téléviseurs: 46 000 000 Nombre de magnétoscopes: sans doute 10 000 000 Nombre de chaînes publiques : 6 (+ les chatnes locales) Nombre de chaînes privées: 14 Nombre de chaînes reçues sur le câble ou par satellite: 8 Nombre de foyers câblés: 8 300 000 Nombre d’antennes paraboliques: 7 300 000

commencent-ils

traduction

des termes sanscrits « loin » et « vision ». Mais le terme « Darshan » a également une signification philosophique et religieuse, bien plus profonde et vaste encore que le mot « vision » en français; 1l s’agit d’une expérience mystique, le plus souvent

collective,

au cours

de

laquelle une divinité, une personnalité importante ou un groupe de héros font partager aux spectateurs,

véritables communiants,

l’exalta-

tion d’un événement et leur transmettent les vertus guerrières, familiales ou morales dont ils sont porteurs. Pas étonnant donc qu’en Inde, les programmes fassent une large part aux films et aux feuilletons retraçant inlassablement les mythes fondateurs de la religion, de la culture et de 416

de culte et de vénération,

à perturber,

en Inde comme

ailleurs dans le monde, cette image traditionnelle. Le libéralisme économique du gouvernement actuel, le goût prononcé de la nouvelle classe moyenne indienne (plus de cent millions de personnes) pour le progrès technologique et certaines habitudes occidentales, la volonté d’ouverture du pays aux investis-

La télévision publique, aujourd’hui encore la plus importante du pays, s’appelle, depuis sa création en 1976, Doordarshan,

instrument

puisqu'il permet aux dieux et aux héros d’apparaître, et qu’il soit parfois orné de fleurs et de guirlandes à l’instar d’un autel; pas étonnant enfin que les acteurs qui incarnent les divinités tutélaires soient facilement identifiés à leurs personnages et puissent faire des carrières politiques fulgurantes, comme on en a vu naguère (et encore actuellement) plusieurs exemples spectaculaires dans les Etats du sud du pays notamment. Sans doute l’intrusion récente des satellites et l’attrait des productions américaines

sements

étrangers, amènent

des changements

rapides dans le paysage télévisuel, remisant quelque peu au rancart, du moins dans ce domaine,

l’attitude facilement

nationaliste

et

protectionniste de l’administration, la tradition socialisante encore vivace dans la vieille génération du parti du Congrès au pouvoir pratiquement sans interruption depuis l’indépendance de l’Inde il y a un demi-siècle, le langage parfois xénophobe ou simplement méfiant de l’intelligentsia. Mais en Inde, rien n’est fixé à jamais: un fondamentalisme hindou en expansion qui prône au besoin par la force le retour aux valeurs religieuses ancestrales et la marginalisation des religions « importées » (soit l'islam et le christianisme), une réaction nationaliste

contre des pressions extérieures (en fait américaines) trop visibles, une crise interne sérieuse ou des menaces

aux frontières, peu-

EEE

Inde

————

vent brusquement freiner, voire arrêter, l’évo-

lution en cours. Fin 1994 pourtant, la télévision indienne était en pleine mutation; l’explosion de la concurrence privée (nationale ou étrangère) du câble et du satellite pousse Doordarshan à se transformer rapidement et en profondeur.

tir de 1971, des bulletins d’information

sont

également diffusés en anglais. Jusqu'en 1976, c’est AII India Radio (AIR), l'organisme éta-

tique de radiodiffusion, qui est chargée de la télévision. En 1976, le gouvernement crée Doordarshan (communément appelé DD), dont l'expansion est accélérée par la tenue fin 1982 des Jeux asiatiques à Delhi, qui obligèrent Doordarshan à se moderniser pour retransmettre ces manifestations sportives à 21 pays. le réseau

public de DD

touche

potentiellement 85% de la population de l’Inde (qui est de 900 millions d’habitants) et les deux tiers du territoire, grâce à un réseau

de 564 émetteurs et ré-émetteurs (il y en avait 46 il y a dix ans). Actuellement, 25 000 personnes travaillent à plein temps à DD. Il existe bien sûr des différences géographiques sensibles, entre les Etats frontaliers les plus éloignés aux confins de la Chine ou du Tibet, ou encore les Etats à population dispersée (la couverture télévisuelle de population varie d'environ 45 % comme en Arunachal Pradesh ou au Nagaland à environ 60 % comme

au

Sikkim,

au Madhya

836 en 1992). En 1961, sous le gouvernement de Jawaharlal Nehru, la municipalité de Delhi lance la première télévision scolaire; celle-ci est aujourd’hui généralisée dans presque tout le pays, et fonctionne dans les différentes lanelle ne relève pas de Doordarshan,

L'histoire de la télévision indienne débute en septembre 1959 par quelques heures d'informations en langue hindie trois jours par semaine dans la région de Delhi (le hindi est parlé par près de 40% de la population de l’Inde, mais c’est surtout la langue du Nord et des plaines indo-gangétiques). En 1965 commencent les émissions régulières, et à par-

1994,

métrages par an: 948 en 1990, 910 en 1991,

gues régionales, voire dans les idiomes locaux;

Origines et évolutions

En

leurs, l’Inde reste le premier producteur de films au monde, avec environ 900 longs

Pradesh,

au

Rajastan) et les États les plus riches ou à la population la plus dense (la couverture y atteint parfois 100 %, comme au Penjab, à Delhi, à Pondichéry ou à Goa, 99 % comme en Haryana, environ 95 % comme au Bengale occidental ou au Tamil Nadu). 31 centres produisent des émissions à travers le pays, cependant que deux studios ultra-modernes fonctionnent dans la capitale (rappelons que par ail-

mais du

ministère de l’Éducation et de l’Institut central de technologie éducative. instructions d’Indira Gandhi,

Dès 1975, sur alors Premier

ministre, l’Inde se dote du premier réseau mondial de télévision éducative par satellite: 2 400 villages des zones les moins développées de six Etats à travers le pays reçoivent chaque soir des émissions collectives consacrées à l’agriculture, à la santé, à l’éducation des adultes, aux problèmes féminins, etc., et

chaque matin des émissions scolaires éducatives, le tout dans les langues parlées localement. A partir de 1982, DD diffuse un programme national par satellite aux stations de retransmissions régionales et généralise la couleur; ce programme alterne des émissions en anglais et en hindi, parfois sous-titrées. Par principe, ces programmes mettent l’accent sur l’intégration nationale et l’harmonie entre les communautés et les religions; ils comportent des émissions d'informations, des documentaires, des reportages sportifs (le cricket, le hockey, le polo et le tennis sont des sports nationaux où les Indiens excellent), des magazines culturels et scientifiques, de la musique et de la danse (avant tout indiennes traditionnelles), des

pièces de théâtre, des films (indiens surtout mais aussi étrangers), de grands feuilletons mythiques ou historiques (qui peuvent à raison d’une heure par semaine durer plusieurs années),

et beaucoup

de séries,

réalisations

typiquement indiennes narrant (selon le style de sitcoms ou celui de la telenovela brésilienne) les problèmes quotidiens des classes moyennes, d’émancipation féminine, de couple, de relations avec la belle-famille, de dot

(un problème essentiel dans les classes moyennes, bien que la pratique en ait été interdite), de conflits de générations,

d’exode

rural, de

relations de travail... Les 25 Etats fédérés du pays reçoivent également un deuxième programme, avec des 417

Les télévisions du monde

décrochages régionaux prolongés et des émissions produites dans les studios de 13 capitales régionales dans la langue qui y est communément parlée (rappelons que l’Inde compte 24 langues constitutionnelles, plus l’anglais). Certaines régions possèdent en outre des stations locales, qui produisent des émissions « de proximité » concernant des zones rurales ou des quartiers urbains spécifiques. L'année 1976 voit l'introduction de la publicité à la télévision, qui en tire des ressources de plus en plus appréciables, car le budget de DD était jusque-là uniquement alimenté par des dotations budgétaires, le système de la redevance n’existant pas en Inde. Il y a également de plus en plus d'émissions patronnées par des grandes entreprises du secteur public ou privé. Les recettes publicitaires de DD atteignent près de quatre milliards de roupies (un milliard de francs), sur un budget de fonctionnement de plus de 8 milliards de roupies (deux milliards de francs). L’année 1985 consacre la naissance du Teletext (appelé en Inde Intext), avec plusieurs services d’informations (générales, météorologiques, horaires d’avions et de chemins de fer, ét)

L'année 1991 amène l'apparition des premières paraboles individuelles de réception d'émissions par satellites. Comme ailleurs, la couverture de la guerre du Golfe par CNN pousse beaucoup d’Indiensà s’équiper, car il y a dans la région du Golfe plusieurs centaines de milliers d’Indiens expatriés, dont le pays suit le destin avec angoisse. En 1994, 7,3 millions de foyers sont équipés de paraboles, recevant des émissions de chaînes publiques ou privées. À partir de 1991, DD réserve également un créneau à la retransmission partielle des débats parlementaires (une après-midi par semaine, pour les séances de questions), ainsi qu’à la retransmission du discours annuel sur l’état de l’Union

indienne

du Président,

des discours

d’investiture gouvernementaux, des discussions budgétaires, notamment le budget des chemins derter.

Les chaînes Depuis 1993, Doordarshan s’est sensiblement diversifié. Aux deux programmes anciens 418

| | 5 ; f

H F d

L] U

s

Une

scène

de Krishna

DD 1 (national) et DD 2 (national avec décro-

chages régionaux, créé en 1984) s’est substitué un réseau de 6 chaînes publiques hertziennes nationales et régionales, cependant que le lancement du satellite Insat B permettait de passer certaines chaînes sur satellite: —

DD1,

chaîne

généraliste,

qui dessert

près de 30 millions de foyers et atteint plus de 120 millions de téléspectateurs. Elle émet 15 heures par jour, surtout en hindi, mais avec

des programmes en anglais et depuis 1992 en urdu (langue surtout parlée par les musulmans du Nord du pays. —

DD2

(Metrochannel),

chaîne

plutôt

orientée vers la jeunesse urbaine, présente dans les neuf principales villes du pays (toutes «cités millionnaires »): Delhi, Calcutta, Bombay, Madras, Hyderabad, Bangalore, Lucknow,

Ahmedabad, Jaipur. Depuis avril 1993, DD 2 est également diffusée par satellite. DD 2 couvre près de 8millions de foyers et près de 30 millions de téléspectateurs urbains. Elle émet 15 heures par jour, et s’est spécialisée dans la diffusion de films. — DD3, qui émet à partir de l’été 1994, est une chaîne «élitiste » à programmes essentiellement culturels. Elle émet actuellement 5 heures par jour. DD 3 est également diffusée par satellite.

Inde

"7

— DD4 (Sud) émet vers les États méridionaux de l’Inde dans leurs langues régionales (Karnataka, avec Bangalore, en langue kannada; Tamil Nadu, avec Madras, en langue tamoule; Kerala, avec Trivandrum, en langue

malayalam; Andhra Pradesh, avec Hyderabad, en langue telugu). Elle émet 15 heures par jour. 3 —

DDS

(Est) émet vers les États du golfe

du Bengale et les régions frontalières de l’Est (Bengale, avec Calcutta, en langue bengalie; Orissa, avec Bhubaneshwar, en langue oriya; Assam en langue assamaise, etc.). Elle émet 15 heures par jour. —

DD6

(Est et Nord-Est)

émet

vers

le

Maharashtra, avec Bombay, en langue marathi; le Gujarat, avec Ahmedabad,

en langue

gujarati; le Penjab, avec Chandigarh, en langue penjabi (avec une importance particulière réservée aux Sikhs, qui sont en majorité dans cet Etat); le Cachemire, avec Srinagar, en lan-

gue cachemirie. DD 6 a été également dotée d’une transmission par satellite. Elle émet 15 heures par jour. Le prime time est difficile à définir dans un pays où une grande partie (plus de 60 %) de la population est rurale et voit son rythme de vie réglé par les moussons et les travaux des champs. On peut cependant dire que le dimanche matin de 9 à 11 heures (l’heure des grandes séries historiques et mythiques), et les soirées de 20 heures à 22 heures sont les heures de plus grande écoute, au moins dans les villes.

Le magnétoscope

et le câble

La généralisation des magnétoscopes (souvent fabriqués sur place sous licence) amène la naissance, à partir de 1988, d’une nouvelle

forme d’information télévisée, qui permet également d’échapper assez largement à une censure encore vigilante sur les antennes publiques: le bi-mensuel /ndia Today lance en 1988 une cassette mensuelle d’informations Newstrack, traitant (en anglais) une dizaine de

sujets les plus divers de l’actualité, entrecoupés de publicité. D’autres magazines ont été créés depuis lors. Le fait que l’Inde soit une véritable démocratie où la liberté d'expression n’est pas un vain mot (la vigueur de la presse le prouve),

a permis sans restriction gouvernementale le développement des paraboles pour la réception d'émissions par satellites et le câblage (contrairement à la Chine et, à l’Arabie saou-

dite où les paraboles sont interdites et la réception de programmes étrangers réprimée). L'apparition du câble dans les villes les plus importantes est un phénomène récent, dont les

débuts remontent à 1984. Pratiquement inexistant jusqu’en 1992, le câble touche en 1993 400 000 foyers abonnés, et 8,3 millions mi-1994; 5 000 raccordements quotidiens sont

actuellement effectués ! Mais cette croissance incroyable reste anarchique, encore peu réglementée (comme l’est d’ailleurs la protection des droits: le piratage et la contrefaçon sont des pratiques généralisées en Inde). Près de 100 000 câblo-opérateurs (!), parmi lesquels beaucoup de bricoleurs-amateurs, diffusent des

programmes dans les villages ou les quartiers moyennant un câblage de fortune et des redevances minimes, de quelques roupies par mois ; d’autres,

davantage

organisés,

sont

regroupés en une vingtaine d’associations plus importantes. Les revenus des quelques grands câblo-opérateurs proviennent essentiellement de la publicité (grandes entreprises indiennes LES INDIENS PRENNENT GOÛT AUX TÉLÉVISIONS COMMERCIALES

LA PERCÉE SATELLITAIRE DE ZEE TV La sclérose de Doordarsham, le service public de télévision indien, a ouvert grande la porte aux opérateurs privés. Néanmoins, la préférence des téléspectateurs se porte d'abord sur les programmes nationaux.

Le Monde,

Radio-Télévision,

24-25 juillet 1994

essentiellement, mais aussi quelques multinationales), et d’une redevance mensuelle par abonnements. Les chaînes câblées les plus populaires sont, à l’heure actuelle (car les câblo-opérateurs privés nouent et dénouent rapidement leurs alliances, et se font, ou non, une concurrence acharnée; le lancement en 1995 du satellite AsiaSat2 amènera sans nul doute de nouvelles modifications, avec plus de 32 canaux disponibles, sans même

parler des satellites russes

Horizont et Ekran, qui peuvent faire des propositions de prix alléchantes): — Star-TV (du groupe de l’Australien Rupert Murdoch, lequel en possède 63 %), qui diffuse sur l’Asie entière (de la Jordanie au

Japon), et sur l’Inde en particulier, regroupe Star Plus (divertissement

et variétés), Prime

419

Les télévisions

du monde

Sports, ChannelV (musique traditionnelle et jazz, moitié indiens, moitié étrangers), MTV

(qui a depuis avril 1994 quitté le groupe), BBC. Les premiers programmes ont été diffusés en mai 1991. Ils sont essentiellement en langue anglaise. — CNN International et Canal France International sont accessibles aux particuliers équipés des paraboles appropriées, ou aux institutionnels (hôtels, universités, etc.). — ATN (Asian Television Network)

a

démarré depuis Bombay ses émissions en langue hindie en août 1992, avec de forts concours américain et britannique (ABN, Reuters, Thames TV).

— Le groupe indien Zee-TV (chaîne en langue hindie alternant débats, feuilletons, musique), animé par Subhas Chandra, un homme d’affaires de Bombay, par l’intermédiaire de la société Asia Today. Cette firme à l’origine purement indienne envisage également des programmes en d’autres langues nationales. Les émissions ont démarré en octobre 1992. L’une des émissions les plus populaires est Aap ki Adalat, animée par Rajat Sharma; elle est d’un ton très critique vis-à-

vis de l’establishment politique, économique et social, et a un taux d’écoute exceptionnel. Le groupe Murdoch vient cependant de prendre une participation de 49,9 % au capital de Zee TV, afin d’être également présent sur le marché hindiphone. — Sun TV (en langue tamoule) accessible depuis Madras dans une grande partie du Sud.

ductions anglo-saxonnes, le film d’Attenborough sur Gandhi étant lui diffusé très régulièrement). Mais la palme revenait aux brefs « sérials » d’une heure, parfois reliés les uns aux autres, comme «Humlog», un «soap opera » de 156 épisodes diffusé en 1984-1985, et traitant de thèmes sociaux familiers aux téléspectateurs de l’époque.

Les méga-productions Quelques « méga-productions » (le terme est utilisé sur place) sur les mythes religieux fondateurs du pays, à grand spectacle et à budget élévé, diffusées le dimanche matin pendant une heure, suscitaient un nombre incroyable de spots publicitaires (20 à 25 minutes parfois) et mobilisaient une proportion élevée de la population de l’Inde, toutes religions et langues confondues : on peut réellement dire que le pays s’arrêtait largement de fonctionner pendant la diffusion du Ramayana

(1987) ou du

Mahabharata (1988-1989), qui restent probablement les plus gros succès d’antenne en Inde. Par la suite, d’autres séries ont été tour-

nées, ne serait-ce que pour ne pas favoriser les seuls mythes hindous, comme Tamas (sur la violence au temps de la Partition de l’Inde anglaise en 1947), ou Tippu Sultan (souverain musulman qui lutta contre les Anglais avec l’aide des Français, à la fin du XVII siècle),

ble depuis le Kerala dans une partie du Sud). Cette chaîne est partiellement financée par l'Etat du Kerala. — MTV, qui a quitté le groupe Star-TV il y a quelques mois, va tenter de se lancer seul

ou encore Janvani (histoire de dirigeants incapables ou corrompus mis en cause par de simples citoyens) ou Chandrakarta. Ces feuilletons doivent concurrencer Santa Barbara et Dallas qui sont désormais diffusés sur les chaînes privées. Face à la menace potentielle que constituent

sur le marché indien, mais aura la tâche dif-

les chaînes

ficile s’il n’accepte pas de se plier aux goûts très spécifiques du public indien. Les programmes de la télévision publique sont restés longtemps très traditionnels et d’une

dont le quasi-monopole est maintenant sérieusement entamé, n’a pas tardé à réagir. La répartition de la publicité a été un facteur important dans cette prise de conscience: en 1993 en effet, les deux chaînes par satellite représentaient déjà 20 % du total (11 % pour Zee TV, 9% pour Star TV).



Asianet (en langue malayalam,

accessi-

tonalité assez moralisatrice, volontiers pédago-

gique. Les émissions de divertissements laissaient une part réduite aux jeux (jeux de connaissances parfois très pointues, avec concours par exemple entre collèges ou universités de diverses régions de l’Inde), une part assez large aux films de production indienne (surtout en langue hindie) mais aussi aux films étrangers (avec une certaine faveur aux pro420

satellites, la télévision

publique,

Des réformes Une

équipe de quelques responsables

de

haut niveau a alors lancé une série de réfor-

Inde

et certaines émissions se montrent assez critiques du gouvernement et de la télévision ellemême

(émission Question hour). Enfin, on a

même pu voir, le dimanche matin, des films de Walt Disney, chose impensable il y a encore quelques mois! Début 1994, l'implantation de 170 nouveaux réémetteurs était décidée, et 108 séries nou-

velles commandées. D’ambitieux feuilletons en costume sur les événements historiques ou mythiques de l’Inde mobiliseront les meilleurs acteurs, des milliers de figurants, des décora-

teurs et des metteurs en scène de talent: The great Maratha, Chandrakanta, Akbar the Great, connaîtront une diffusion nationale qui devrait retenir l’attention d’un public passionné, comme l’avaient fait à la fin des années 80 les feuilletons Mahabharata et Ramayana, dont le succès d’ailleurs ne se dément pas (et a donné lieu à une édition en cassettes: plusieurs dizaines de cassettes à raison de trois heures chacune !). DD 1 consacre la moitié du temps d’antenne au divertissement, un tiers aux informations et MM.

Basa, Singh

Deo et Ghose

le reste à l’éducation. Sur les 70 heures diffusées hebdomadairement par DD 1, 23 % sont

consacrés

à des films

(parfois en anglais),

mes. Avec l’accord du secrétaire d’État à l'information et à la radiodiffusion (le poste qu'illustra Indira Gandhi avant qu’elle ne devienne Premier ministre en 1966) K.P. Singh Déo, et sous la dynamique impulsion du secrétaire secrétaire général à l’information et à la radio-diffusion, Bhaskar Ghose, ur Bengali qui fut naguère un efficace directeur général de Doordarshan, une réoganisation générale de

hindi), 19% aux informations (alternées en hindi, en anglais et en urdu, dont un programme présenté simultanément pour les malentendants), 10 % aux magazines (ceux sur le mode de vie, la cuisine, les arts ménagers, la mode, sont très populaires), 9% aux arts (musique, danse, folklore), 6 % aux documen-

DD

des 6

taires et reportages, 5 % aux débats, 5 % aux

chaînes, déjà étudiée), la part de la publicité et du patronage élargie, des accords avec le secteur privé négociés (sauf pour les informations, à l’exception des informations économi-

émissions pour les femmes ou les jeunes, 2 %

fut entreprise

(ce fut la création

ques et industrielles), un nombre considérable

de nouvelles productions lancées directement par le nouveau directeur général de DD, R. Basu (alors qu’il fallait auparavant l’accord d’un très complexe comité interministériel), et des améliorations techniques importantes ont été décidées. Quant à l’interventionnisme gouvernemental

et à la censure

(officielle

ou

interne), l’une des plaies chroniques de l’information audiovisuelle en Inde, on s’efforce de

se montrer plus souple: quelques scènes de nus (mais très pudiques et « artistiques ») ont ainsi pu être montrées sur les écrans officiels,

20 % à des feuilletons (tous en hindi ou en

d’autres langues indiennes, avec sous-titres en

aux

sports,

et 1 %

aux

annonces.

Les chaînes régionales divisent leur temps d’antenne

(de 18 à 24heures

par semaine)

équitablement entre information, éducation et divertissement. On trouve 12% de programmes sur l’agriculture, autant d'émissions sur les arts, 11% de débats, 10% de films et autant d’informations, 9 % de feuilletons, 8 %

d'émissions pour les femmes et les jeunes, autant de programmes scolaires, postscolaires ou

sur

la santé,

6%

de

documentaires

et

reportages, 4 % de magazines, 3 % de sports. Il semble que DD ait au cours de l’année 1994 regagné un peu du terrain perdu en terme d’audience.

En effet, une fois l’attrait de la

nouveauté et le charme de la curiosité passés, 421

Les télévisions du monde

un fait demeure: la grande masse de la population indienne ne parle pas l’anglais (5 % seulement, ce qui représente malgré tout 45 millions de personnes, mais dispersées à tra-

vers le pays). Même si les classes moyennes aisées, et par conséquent intéressantes pour les publicitaires,

sont

souvent

plus

ou

moins

anglophones, c’est loin d’être le cas général, et la très grande majorité des téléspectateurs redevient vite fidèle aux émissions et aux films en langues nationales, d’autant que le public indien est habitué à ne pas payer de redevance, et que l’idée d'émissions codées y est irréaliste

(sur

900 millions

d’Indiens,

seuls

7 millions paient un impôt sur le revenu). Selon les dernières statistiques disponibles, DD attire actuellement 87 % du public, Zee TV 11 % et Star TV seulement 2 % (c’est-à-dire

moins que le public potentiel anglophone). Comme

le film

indien,

excellent

produit

d’exportation dans les Etats du Golfe et le monde arabe, ainsi que dans le pays qui comptent d'importantes minorités indiennes ou hindiphones (océan Indien, île Maurice, Seychel-

les, Afrique anglophone et notamment

Afri-

que du Sud, Caraïbes, Royaume-Uni, Canada,

Etats-Unis..), les programmes de télévision sont très appréciés d’une certaine clientèle indienne ou orientale, et se vendent par cassettes, souvent piratées. Le satellite vient ren-

JT indien

des émissions anglo-saxonnes, qui sera le test essentiel : ce vaste pays arrivera-t-il à résister à la moderne offensive technologique des programmes par satellites, qui commencent à couvrir le ciel asiatique ? La réponse appartient largement à la télévision nationale, publique et privée, et à la qualité de ses productions, plus encore qu’à un réflexe national. La concurrence sera sans nul doute acharnée, mais l’Inde a déjà absorbé sans perdre de sa spécificité culturelle les invasions moghole et anglaise, et il y a de fortes chances qu’elle parvienne, une fois de plus, à préserver son âme.

forcer cette expansion: les programmes de Zee TV sont en particulier reçus dans le Golfe, à Dubai, au Koweit, dans les Emirats Unis, au Pakistan, au Népal, etc.

C’est finalement la plus ou moins grande perméabilité de la grande masse de l’Inde à

En association avec les chaînes publiques

Canal Plus _ cherche às'implanter en Inde Le Monde,

422

André LEWIN

Arabes

24 janvier

1994

Programmes français ? Quelle est la place des programmes français: pratiquement inexistante, en dehors de la reprise de quelques programmes de Canal France International. Y a-t-il un public francophone (et francophile): les Indiens francophones sont peu nombreux

(quelques

dizaines

de milliers,

issus pour l’essentiel des enseignements secondaire et supérieur, ou de stages en France), et ne forment pas un public suffisant. Seule exception possible: les résidents français de Pondichéry (environ 15 000 sur place, généralement francophones, mais pas intégralement) et les Indiens de Pondichéry parlant français (quelques milliers). Cette communauté pourrait être dotée d’un programme local de langue française (comme c’est déjà le cas pour la radio, plusieurs heures par semaine).

Indonésie

Indonésie Superficie: 1 904 569 km? Population : 187 600 000 habitants Capitale: Djakarta Langues utilisées à la télévision: bahasa, anglais Nombre de téléviseurs: 10 000 000 Couverture du réseau: 70 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 5 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 2%

Les relations entre les médias et le gouvernement autoritaire de l’Indonésie ont toujours posé problème. Aux périodes de tolérance succèdent régulièrement des reprises en mains brutales. La dernière fois, les trois magazines d’information générale les plus importants ont dû cesser de paraître du jour au lendemain, parce qu’ils avaient osé critiquer, à mots couverts, un ministre influent. Bien que la presse écrite soit la plus directement en ligne de mire, la télévision doit aussi se soumettre à une autocensure permanente. Malgré ce climat, la télévision indonésienne tente du mieux qu’elle peut de suivre l’expansion économique croissante du pays. La bourgeoisie gagne du terrain, l’argent circule de plus en plus, les industriels et les importateurs recherchent donc de nouvelles chaînes commerciales, et le développement d’un plus grand choix de débouchés à la télévision est fortement souhaité. Le paysage audiovisuel indonésien est dominé par la chaîne d’État Televisi Republik Indonesia. TVRI a été lancée en 1962 par l’ancien président Sukarno qui pensait que la télévision accélérerait la modernisation de son pays, grâce à une chaîne éducative. Au départ, le réseau était financé par la publicité, la redevance et une subvention annuelle. Seuls les habitants de Djakarta et de quelques grandes villes pouvaient en profiter, mais, en 1976, l'Indonésie devint le troisième pays du monde à lancer son propre satellite de communications et TVRI commença à toucher tout le pays. Le président Suharto s’aperçut que la télévision pouvait servir à exprimer des points de

vue indépendants, il décida donc en 1981 de limiter son autonomie, en interdisant la publicité sur la chaîne nationale, la rendant de ce

fait plus dépendante des subventions, donc plus facile à contrôler. Le ton des rédactions changea, et TVRI devint très vite la voix du régime. Le public en fut très déçu, la chaîne devenait sans intérêt, trop lisse, et la demande de chaînes privées pour contrebalancer TVRI se fit de plus en plus forte. Pour finir, en 1987, à une période au cours de laquelle la politique du gouvernement se fit plus souple, le régime céda à cette demande et permit le lancement de la première télévision privée indonésienne, Rajawali Citra Televisi Indonesia (RCTI). L'attribution de la licence fut enta-

chée

par le népotisme

notoire

du régime

Suharto, le fils de celui-ci, Bambang

Trihat-

modojo, directeur du groupe Bimantara, devenant propriétaire de cette nouvelle station appelée à faire de gros bénéfices. RCTI fut d’abord lancée en tant que télévision à péage dans la région de Djakarta, mais le réseau ne tarda pas à augmenter sa zone de couverture et devint accessible à tous, avec la création d’une

deuxième chaîne en 1993. Une deuxième licence fut accordée en 1990,

à un cousin du président cette fois, Sudwikatmono, en partenariat avec l’un des amis les plus puissants de Suharto. Ce réseau, Surya Citra Televisi (SCTV), ne couvrait au départ que la ville de Surabaya. Dans les faits, cette petite sœur diffusait surtout des programmes-relais de RCTI, et quelques émissions à caractère local. La troisième licence fut attribuée à Cipta Lamtoro Gung Persada, société appartenant à la fille aînée de Suharto, Siti Hardiyanti Indra Rukmana. Ce nouveau réseau, Televisi Pendikikan Indonesia (Indonesian Educational

Television) reçut l’autorisation d’émettre dans tout le pays. Il n’en allait pas de même pour RCTI et SCTV dont les zones de couverture initiales ne dépassaient pas les villes de Djakarta et de Surabaya. Bien que TPI fût en principe une chaîne éducative, elle ne devait consacrer que 16,6 % de son temps d’antenne à des programmes d’éducation, et 16,6 % à des 423

Les télévisions du monde

émissions éducatives « plus ouvertes ». Comme elle était reçue dans tout le pays et avait l’autorisation de consacrer 20 % de son temps d’antenne à la publicité, elle était nettement avantagée par rapport à ses deux concurrentes. Le gouvernement dut finalement reconnaftre l'injustice de la situation, et RCTI et SCTV purent se développer dans les autres villes. Elles couvrent aujourd’hui la plupart des grands centres urbains, y compris Bandung, Yogyakarta, Denpasar, Ambon et Medan, et sont devenues des télévisions nationales, tout

comme TPI. Deux autres licences ont été accordées au cours de ces dernières années, la première au groupe Salim, qui appartient à Liem Siæ Liong, l’un des hommes les plus riches d’Indonésie, ami intime du président Suharto. Ce réseau porte le nom de Indosir Visual Mandiri

(IVM)

et fin 1994 venait juste de

commencer à émettre. L’autre licence fut concédée à des chefs d’entreprise du pays, les frères Bakrie: leur chaîne s’appelle Cakrawala Andalas Televisi (Anteve). Même si le paysage audiovisuel s’est trouvé transformé depuis l'attribution de ces licences, ce changement de

politique n’a pas entraîné une modification radicale de la position officielle. L'ouverture au secteur privé répondait plus à la demande de programmes étrangers qu’à l’adoption d’attitudes plus libérales. Le mépris du public pour les programmes fades de TVRI avait permis le développement d’un marché souterrain de la location de cassettes, et poussé les télé-

spectateurs à se tourner vers les diffusions pirates en provenance de pays voisins. Le gouvernement comprit qu’il devait faire quelque chose pour restaurer la crédibilité de la télévision indonésienne.

TVRI

est désormais

menacée

TVRI est désormais menacée par les télévisions privées. Elle essaie de défendre sa position en étendant la couverture de son réseau aux îles et provinces lointaines. Le réseau pense élargir son audience, à l’heure actuelle il couvre 70 % du pays, en utilisant la nouvelle génération de satellites, notamment Indostar-1, dont le lancement

est prévu pour

1995. L’Indonésie est très au point en ce qui concerne cette technologie. Son satellite Palapa-B2 relaie le réseau australien ATVI

424

dans toute l’Asie du Sud-Est. Indostar-1 utilisera trois de ses cinq transmetteurs pour la télévision et consacrera une chaîne à TVRI. TVRI est très liée à la production locale, ce qui a nui à sa capacité de rivaliser sur un pied d’égalité avec les nouvelles télévisions commerciales. La chaîne d’État consacre 70 de son temps d’antenne aux programmes produits sur place. Les importations proviennent de différentes sources, États-Unis, GrandeBretagne, Japon, Australie, France, Allemagne,

Malaisie et Brésil. TVRI met l’accent sur le rôle éducatif que lui a attribué dès le départ son fondateur, le président Sukarno. Les émissions éducatives et religieuses occupent 23 % du temps d’antenne, les journaux et magazines d’information,

28 %, et les émissions

de

divertissement font 43 %. Une petite partie des importations est diffusée en anglais, le reste étant sous-titré en indonésien. TVRI dispose de deux canaux et émet 114 heures par semaine. Alors que TVRI a dû faire des efforts pour conserver sa part d'audience et s’adapter aux nouvelles réalités télévisuelles, tout en respectant son cahier des charges, sa principale concurrente, RCTI, avance à pas de géant. Elle diffuse sur deux canaux, 110 heures par semaine, et touche une vingtaine de grandes ou moyennes villes. Son succès tient à sa politique de programmes d’importation, et la proportion entre programmes locaux et étrangers est l’inverse de celle de TVRI: 30 % de productions locales, 70 % d’importations. La plupart proviennent des États-Unis, de GrandeBretagne, de Hong Kong, de Singapour et d’Australie. La chaîne insiste sur le divertissement, qui occupe environ 55 % du temps; les journaux et magazines d’information 20 %, les programmes éducatifs 15 %. SCTV a connu un succès tout aussi remarquable dans un laps de temps encore plus court. Elle a déjà dépassé sa concurrente RCTI dans un domaine: ses tarifs publicitaires sont les plus élevés de toute la télévision indonésienne — 4 500 dollars pour 30 secondes aux heures de grande écoute, soit pratiquement deux fois plus que sur RCTI. Si SCTV proposait au départ beaucoup de programmes provenant de RCTI, elle affirme depuis peu son indépendance, et met l’accent sur les productions locales au cours de ses 126 heures de diffusion hebdomadaire. Les émissions produites sur place occupent 42 % de sa programmation,

et cette proportion est en augmenta-

Indonésie

tion afin d’atteindre une répartition 50/50 de programmes locaux et étrangers. Les 58 % d'importation sont diffusés en anglais, le plus souvent

sous-titré en bahasa; lorsqu'il s’agit

d’autres langues étrangères, les programmes sont alors doublés en bahasa. Les sources d'importation sont très diverses, États-Unis (pour la plus grande part), Hong Kong (le public indonésien ne se lasse pas des films de kung-fu), Japon, Inde, Philippines, Malaisie, Mexique, Australie et Grande-Bretagne. La chaîne cherche à mettre en valeur les productions de la région. Sa grille accorde une grande importance au divertissement, qui représente 50 % de la programmation. On y trouve des

films,

des

sitcoms,

des feuilletons,

des

émissions de variétés et des dessins animés. Les programmes d’information et d’éducation, y compris les émissions pour la jeunesse, occupent 20 % du temps d’antenne, et les bulletins d’information,

10 %.

Les bulletins d’information à la télévision privée sont un phénomène assez récent en Indonésie, ils sont très regardés parce qu’ils ne sont pas soumis à l’influence pesante du gouvernement qui a converti les journaux de TVRI en une suite de déclarations officielles. Néanmoins,

les producteurs sont très conscients d’être dans une zone à risques, entre la tolérance officielle

et l’accusation d’être subversifs, aussi s’attachent-ils à éviter les sujets brûlants pour s’en tenir à des faits de sociétés « sans danger ». Le journal du soir de SCTV — Seputar Indonesia — fait l’un des meilleurs indices d’audience de la chaîne. Le programme le plus suivi est le feuilleton de début de soirée, américain, le plus souvent, diffusé entre 19 et 21 heures.

La chaîne La chaîne

éducative éducative

nationale,

TPI, a eu

beaucoup plus de mal à atteindre ses objectifs que les deux premières télévisions privées. Malgré le soutien officiel du puissant ministère de l’Information et de TVRI qui lui permit de se servir de l’un de ses studios pour la production, TPI a dû faire des efforts pour offrir le service éducatif national qu’elle promettait. Pour l’instant, elle ne propose qu’une heure de programme éducatif par jour, chaque matin à partir de 9h30, sous la forme d’une émission en deux parties d’une demiheure chacune, s’adressant aux lycéens et trai-

tant des sujets suivants: indonésien, anglais, mathématiques, biologie, chimie, physique, géographie et économie. Elle parvient cependant à remplir son cahier des charges (16,6 % de programmes scolaires) en rediffusant l’émission dans l’après-midi. Les programmes diffusés sur une semaine repassent aussi la semaine suivante. Mais le gros problème est que la plupart des établissements secondaires d’Indonésie n’ont toujours pas de téléviseurs

pour recevoir ces émissions. TPI a été lancée avant que le ministère de l’Education ne trouve l’argent nécessaire pour équiper les établissements. De plus, les émissions ne suivent pas le programme scolaire national, et les enseignants n’ont pas les documents qui leur permettraient d’inclure ces émissions dans leurs cours. La partie la moins officielle des programmes éducatifs de TPI est consacrée à des cours de langues (arabe, français, anglais et allemand), des émissions d’instruction reli-

gieuse et d’autres visant à développer le patriotisme (comme la série produite par le gouvernement,

intitulée Z love Indonesia).

Cependant, comme TPI dépend pour sa survie de la publicité, on la soupçonne de faire de l’éducatif pour la forme, et d’avoir choisi en fait cet habillage pour réaliser une opération commerciale rentable. TPI est vivement critiquée par des groupes d’intérêts d’horizons divers, car elle offre aux publicitaires un marché de jeunes, surtout quand l’on sait que les enfants sont les plus vulnérables en ce qui concerne la publicité. TPI répond qu’elle ne diffuse que des publicités « à caractère éducatif »,

mais ses adversaires ne se satisfont pas de cet argument. En fait, les publicités qui passent sur TPI ne sont pas vraiment différentes de celles que l’on peut voir sur les autres chaînes. Le brusque changement survenu dans le pays, qui est passé d’une télévision d’État à une industrie plus ouverte sur le privé, affecte grandement le public qui se retrouve pour la première fois plongé dans le monde de la consommation. Les observateurs voient dans ces changements le symbole de la lutte qui se joue entre l’Etat et le capitalisme qui submerge actuellement la société indonésienne. Bien que l’Etat conserve le droit d’exercer un contrôle politique sur les médias, la télévision pourrait bien être le terrain sur lequel le régime devra finalement admettre qu’il n’a plus beaucoup d’emprise. Barry LOWE 425

Les télévisions

du monde

Japon Superficie: 377 708 km? Population : 124 900 000 habitants Capitale: Tokyo Langue utilisée à la télévision: japonais Nombre de téléviseurs: 80 000 000 Couverture du réseau: 100 % du territoire Nombre de chaînes publiques: 4 Nombre de chaînes privées: 5 (avec plus de 100 filiales régionales) Nombre de chaînes à péage: 131 Programmes français: 1 %

Le Japon est l’un des épicentres de la télévision au niveau mondial, et dispose d’une industrie de télécommunications aussi diversifiée et puissante que l’industrie électronique japonaise qui produit la plus grande partie des téléviseurs de la planète. La télévision y est devenue un mode de vie: les habitants passent en moyenne trois heures et demie devant leur poste, ce qui est l’un des indices d’écoute les plus élevés du monde. L’industrie télévisuelle, qui dispose de ressources innombrables, a fait proliférer un tas de produits uniques, et le Japon est devenu un des * principaux exportateurs de programmes. Mais c’est dans le domaine de la technologie que la télévision japonaise se place vraiment en tête. La dernière nouveauté qui apparaît aujourd’hui dans les foyers japonais, et qui sera bientôt lancée sur le marché mondial, est

la télévision à haute définition (HDTV), con-

nue ici sous le nom de Hi-Vision. Nouvelle génération de formats télévisuels, la TV Haute Définition a été développée par la chaîne d'Etat NHK. Une plus grande densité de lignes fournit une qualité d’image bien meilleure, même sur les écrans géants. Les signaux TVHD contiennent cinq fois plus d’informations visuelles que les signaux habituels. L’écran se compose de 1 125 lignes, au lieu des 625 du système PAL ou des 525 du NTSC. Les industriels comparent la différence entre la Télévision Haute Définition et les formats

habituels

(Secam,

NTSC

et PAL)

à la

différence existant entre la couleur et le noir et blanc. 426

Hi-Vision est disponible au Japon sur une chaîne à péage expérimentale développée par la Hi-Vision Promotion Association, société en

participation fondée par NHK et la chaîne commerciale Japan Satellite Broadcasting Inc. (JSB) qui diffuse 8 heures par jour en TVHD. Il va falloir un peu de temps pour que la Haute Définition devienne le modèle universel, car les téléspectateurs doivent acheter de nouveaux téléviseurs pour la recevoir, mais le Japon est assuré de récolter les plus grands bénéfices lorsque ce nouveau format existera partout dans le monde, ayant été le premier à mettre au point sa technologie. Néanmoins, le lancement de la TVHD pourrait bien n’être que la seule éclaircie à l’horizon pour la télévision japonaise, qui se porte assez mal à cause de la diminution des rentrées publicitaires et de la lenteur à laquelle progressent les nouvelles chaînes à péage. La récession a frappé durement l’industrie des médias,

et certaines

sociétés

parmi les plus

grandes souffrent d’une baisse de profits assez inquiétante. Au cours de ces dernières années,

quatre des cinq grandes chaînes commerciales ont vu leurs bénéfices chuter brutalement de 70 %. Le numéro 1 du marché — Fuji TV — a simplement pu se maintenir à niveau. Cette tendance semble vouloir s’inverser, et

les chaînes s’attendent à des bénéfices modestes dans la deuxième moitié de la décennie. Mais les véritables problèmes semblent se focaliser sur le développement des services à péage qui n’ont pas suscité l’enthousiasme auprès du public comme ils auraient dû le faire. Les abonnements n’ont pas atteint les prévisions, loin de là, ce qui a créé un man-

que de trésorerie important, et a obligé certaines compagnies à déposer leur bilan. Un exemple de cette lente progression des abonnés est le dilemme auquel est confrontée Japan Satellite Broadcasting, l’une des sociétés les plus performantes, qui a besoin de 3 millions et demi d’abonnés pour faire des bénéfices mais n’a, jusqu’à maintenant, même pas atteint la moitié de cet objectif. Certaines des chafnes satellites les plus récentes ont eu bien du

Japon

mal à trouver plus de 20000 abonnés. Les consommateurs se montrent réticents vis-à-vis du satellite à cause des coûts d'installation qui sont trop élevés. Une antenne parabolique vaut 1 200 dollars environ. Le ministère des Postes et Télécommunications japonais a aussi réglementé l’arrivée des chaînes à péage en interdisant les ristournes sur les abonnements multichaînes, ce qui veut dire que les abonnés paient plus qu'ailleurs (68 dollars par mois) pour recevoir six chaînes. Le ministère des Postes et Télécommunications a freiné le développement de la télévision à péage pour plusieurs raisons. Au départ, il voulait empêcher que les grandes sociétés soient à même de dominer ce nouveau marché. Mais un démarrage très lent a découragé nombre de futures chaînes à péage d’investir dans un marché aussi peu sûr, et les sociétés existantes furent donc les seules à risquer le grand saut. De ce fait, le ministère s’est vu obligé d’assouplir ses restrictions et d’autoriser les sociétés à prendre la plupart des licences. Mais il a aussi décidé de freiner temporairement le marché du satellite en retardant le lancement du deuxième satellite de communications japonais, ce qui a profondément déplu aux cinq grandes chaînes commerciales qui attendent le moment propice pour mettre en service leur propre diffusion par ce moyen.

cité sur les chaînes de NHK. La redevance varie selon que les foyers ne reçoivent que les chaînes hertziennes ou le satellite en plus. Tout en fournissant un vaste éventail de services aux publics, NHK est aussi à l’avant-garde de la technologie, elle a introduit la couleur au

Au total, ces problèmes ont profité aux sociétés du câble, dont les abonnements ne cessent

Programmes éducatifs: 76,8 % Programmes culturels: 21,1 % Journaux et magazines d’information: 2,1 %

d'augmenter, car les gens se rendent compte qu’il est plus intéressant financièrement de s’abonner au câble plutôt qu’au satellite. Malgré l’intense activité qui a marqué l’industrie de la télévision au cours des dix dernières années, elle est toujours dominée par la présence monolithique de NHK (Nippon Hoso Kyokai), la télévision et la radio de service public. NHK a été la première à manifester un engagement précoce dans une économie audiovisuelle mixte. Créée en 1925 en tant que radio, puis télévision en 1953, NHK est devenue l’une des institutions les plus puissantes du monde. Ses nombreux services, qui emploient plus de 13 000 personnes, diffusent 1 040 heures de programmes par semaines. En 1994, son budget de fonctionnement s’élevait à 566,66 milliards de yen. Elle comprend quatre chaînes de télévision, deux hertziennes —

GTV et ETV — et deux chaînes satellites — DBS-1 et DBS-2 — qui tirent leurs ressources de la redevance; il n’y a pas de publi-

Japon

en

1960,

le satellite

en

1984,

et la

TVHD: en. 1989. Le total de ses 585 heures et demie de diffusion hebdomadaire se compose à parts égales de journaux et de magazines d’information, de programmes éducatifs, et d'émissions culturelles ou de divertissement. Ils sont réparis sur chaque chaîne de la manière suivante:

General

TV —

GTV

(La chaîne principale de NHK), 127 heures par semaine. Journaux et magazines d’information : 41,3 % Programmes culturels: 25,2 % Emissions de divertissement: 22,5 % Programmes éducatifs: 11 %

Éducation

TV —

ETV

126 heures et demie par semaine.

Direct Broadcast Satellite One — DBS-1 168 heures par semaine. Journaux et magazines d’information : 57,3 % Programmes culturels: 21,2 % Programmes éducatifs: 12,1 % Émissions de divertissement: 9,4%

Direct Broadcast Satellite TWO — DBS-2 164 heures par semaine. Programmes éducatifs: 32,3 % Programmes

culturels: 30,6 %

Émissions de divertissement: 25 % Journaux et magazines d’information : 12,1 %

427

Les télévisions du monde

L'une des innovations apportées récemment par NHK est la traduction en anglais de certains de ses programmes d’information sur GTV, pour les visiteurs parlant l’anglais. Ce service est obtenu en reliant le magnétoscope du téléspectateur à un système de son en multiplex, il reçoit ainsi la bande-son en anglais par une source différente. Jusqu’à maintenant, ce service comprend le principal journal du

Les sondages montrent que sur NHK les programmes japonais sont en général plus regardés que les émissions importées. L’émission numéro 1 sur GTV est le championnat de lutte Grand Sumo, puis viennent un feuilleton produit sur place, une série à caractère historique et le journal du soir. ETV fait le plus d'audience avec une émission qui s’appelle

soir,

House et les marionnettes. Sur DBS-1, les programmes qui ont le plus de succès sont les retransmissions des matches de foot, puis ce sont les émissions sur la pêche et le journal

un

magazine

d’information

intitulé

Today's Japan, un magazine régional Asia Now, et deux magazines d’économie: Japan Business Today et Japan Business Weekly. Un service de ce type a été mis en place il y a peu à l’intention des téléspectateurs chinois, avec traduction en mandarin de l’émission hebdomadaire China Now. Le service satellite DBS-2 propose un choix plus grand d'émissions en langues étrangères. On y trouve des journaux et magazines d’information en anglais, provenant des chaînes américaines ABC et CNN, et des chaînes

anglaises BBC et ITN. Sont également diffusés 12 bulletins d’information par semaine en français, fournis par France 2, et 12 bulletins en allemand de la ZDF. D’autres journaux existent aussi en russe, en espagnol, en mandarin, coréen, et thai. Les bulletins en anglais

de Hong Kong et des Philippines sont aussi retransmis pour les expatriés originaires de ces pays. DBS-2 diffuse tout un choix de programmes d’information provenant de sources étrangères très diverses. Y compris le magazine australien Foreign Correspondent et 60 Minutes, les émissions françaises CAPA News Magazine et Envoyé Spécial, Drehscheibe Europa d'Allemagne et Inside Asia de Singapour: DBS-1 met surtout l’accent sur le sport et retransmet régulièrement les matches de baseball, de basket, et de football américain,

en

provenance des Etats-Unis, ainsi que les tournois de golf internationaux. Le sport local qui est le mieux couvert à la télévision est le combat de sumos. En ce qui concerne les fictions et les émissions de divertissement importées, la NHK privilégie les programmes américains. Parmi les plus regardés on trouve La petite maison dans la prairie, Murphy Brown, Dr Quinn — femme médecin, Full House et The Wonder Years. On trouve aussi une émission sur la poésie chinoise et un magazine hebdomadaire qui traite des arts du spectacle japonais. 428

Whiz-kids TV, avant la sitcom américaine Full

américain de ABC. Sur DBS-2, les rediffusions

et les fictions japonaises sont les deux types de programme les plus regardés, avant les dessins animés. Le cahier des charges de NHK oblige ses chaînes à une couverture totale de l’information. NHK diffuse un total de 171 heures de journaux et magazines d’information par semaine. GTV propose, dans l’après-midi, un bulletin d’information de cinq minutes toutes les heures. Les journaux et les informations totalisent sept heures par jour. Le journal le plus important est à 19 heures, il fait un des indices d’écoute les plus importants. NHK n'utilise que 4,8 % d’importations sur GTV

et 5,2%

sur ETV,

mais

ces

chiffres

atteignent 40 % sur chacun des deux services satellite. Les importations consistent essentiellement en films, environ 47,2 %, suivis de séries (15,7 %), dessins animés (11,5 %) et

documentaires (5,8 %). Les principales sources d'importation sont les Etats-Unis (54,2 %), la»

France

=(17,1%)

‘etat

Grande

Bretagne (12,4%). Tous les grands pays sont représentés sur NHK, y compris l’ Allemagne, l’Australie, Hong Kong, les Pays-Bas, la Russie et l'Espagne. Le rôle de NHK dans la télévision japonaise dépasse ses fonctions de prestateur de services. Elle dirige aussi un programme de recherche et de développement visant à fournir des innovations technologiques à l’industrie. La TVHD n’est qu’une de ses inventions les plus récentes. Un autre domaine dans lequel NHK se révèle tout à fait en pointe est l’application de la vidéo numérique aux caméras de télévision. NHK a mis au point une nouvelle cassette vidéo demi-pouce à grande capacité numérique qui doit devenir un classique de cette industrie. L'invention est liée à la nouvelle caméra mise au point par les chercheurs

Un jeu japonais salissant

de NHK, la Super-Harp. NHK s'intéresse aussi à l’écran à affichage à plasma qui fournit une définition de haut niveau sur les écrans géants. En dépit de son importance NHK n’arrive pas en tête en termes d’audience. Celle qui se distingue en ce domaine est l’une des cinq chaînes privées — Fuji TV — la seule à avoir fait encore quelques bénéfices pendant la récession qui a frappé au début des années 90. Créée en 1959, Fuji est numéro un au Japon

depuis plusieurs années, elle fait payer 74 000 dollars le spot publicitaire de 30 secondes aux heures de grande écoute, ce qui est

l’un des tarifs les plus chers du monde. Elle émet sur une seule station 165heures par semaine. Presque toutes ses émissions sont produites sur place, les importations ne représentent que 1 % des programmes. Elles proviennent surtout des Etats-Unis et de GrandeBretagne. L'essentiel de la programmation est composé d'émissions de divertissement, environ 85 % du total. Puis ce sont les journaux (10 %) et le sport (5 %).

Le second rôle : Asahi NBC Le second rôle est tenu par The Asahi National Broadcasting Company, créée en 1957 par un consortium comprenant l’un des journaux les plus importants du Japon: Asahi Shimbun. Asahi met l’accent sur les programmes culturels et d’information et diffuse 154 heures par semaine. La programmation se décompose ainsi: divertissement, 32,8 %, programmes culturels, 32 %, journaux, 18,8 %, programmes éducatifs, 15 %, autres, 1,4 %.

Asahi diffuse 95 % de programmes japonais, et 5 % d'importation, essentiellement des programmes américains. La récession a frappé durement la plupart des sociétés, mais Asahi a été particulièrement touchée, ses bénéfices ont chuté de 72 % au cours de l’année 1992. Mais

le pire était encore

à venir, et l’année

suivante ses marges bénéficiaires ont baissé de près de 90 % pour atteindre 5 millions de dollars, soit le bénéfice le plus bas pour une chaîne nationale. 429

Les télévisions du monde

La chaîne qui vient ensuite est la Nippon Television Network Corporation (NTV), créée

en 1952. Son principal actionnaire est le groupe de presse Yomiuri, qui est le plus important du Japon. Sur 164 heures et demie elle diffuse 94 % de productions nationales, et 6% d’importations, américaines pour la plupart. La programmation se répartit de la sorte: divertissement, 44,7 %, programmes culturels, 22,1 %, journaux, 20,4 %, programmes éducatifs, 11,3 %, autres, 0,6 %, et publicité, 0,9 %.

La chaîne la plus ancienne est la Tokyo Broadcasting System, Inc. (TBS) fondée en 1951 ; elle appartient actuellement à un consortium dirigé par quelques-unes des banques et des compagnies d’assurances les plus importantes du pays. TBS émet 151 heures et demie par semaine, 89 % de ses programmes sont produits sur place, 11 % sont importés. Les importations proviennent essentiellement des États-Unis, et de Grande-Bretagne pour une petite partie. L’accent est mis sur les journaux et l’information,

et la répartition est la sui-

vante: journaux et magazines d’information, 30,2 , divertissement, 33,3 %, programmes culturels, 20 %, programmes éducatifs, 15,3 %, autres, 1,2 %.

Plus de 150 sociétés japonaises travaillent actuellement pour la télévision. La plupart fournissent des programmes régionaux pour les provinces et les zones plus éloignées de l'archipel. Parmi les chaînes régionales les plus importantes on trouve Chiba Television, Gifu Broadcasting, Kansai Telecasting, Nara Television, Television Kanagawa, Television Osaka, Television Saitama, et Wakayama Tele-

vision. La plupart sont des filiales de chaînes nationales basées à Tokyo et peuvent de ce fait leur acheter des programmes, tels que les bulletins d’information. Certaines chaînes régionales sont distribuées par le câble, surtout celles qui s’adressent aux publics des zones rurales éloignées. Les chaînes japonaises proposent un grand choix de produits, reflet de la concurrence qui existe pour créer et conserver les parts de marché. Les chaînes rivales essaient d’avoir une image personnalisée qui attire des publics ciblés et les fidélise. Asahi cultive le genre japonais avec des émissions qui s’inspirent de la culture du pays. Fuji s’adresse à un très large public, et met l’accent sur le divertissement, et le succès est bien au rendez-vous.

Nippon offre une diversité qui lui a permis 430

de s’attirer les publics qui aiment bien que les émissions de divertissement soient coupées d’un peu de « sérieux » sous forme de programmes d’information. Tokyo Broadcasting est plus typée, avec une programmation consistant en journaux, programmes culturels et éducatifs.

Diversité des chaînes à péage Cette diversité se retrouve à une échelle encore plus grande dans la télévision à péage, laquelle propose le choix le plus intéressant que l’on puisse trouver à l’heure actuelle dans le monde. Au dernier recensement il y avait 131 chaînes câblées, allant de la chaîne d’infor-

mations continue aux chaînes de vie quotidienne ou pour la jeunesse. Par exemple: Fashion Channel est l’exploration visuelle de l’industrie de la mode; Music Bird, celle de

la musique populaire ; Candy Children’s Channel s’adresse uniquement aux enfants; JCTV relaie les retransmissions satellite de CNN, en partie doublées en japonais; Japan Sports Channel, offre du sport 24 heures sur 24; Sho-

chiku Entertainment passe des films et des pièces de théâtre japonais; la station Weather and Marine a énormément d’abonnés chez les professionnels de la pêche; Book Channel est un

service pour les bibliophiles; Discovery Channel une version locale de la chaîne American Discovery et de Discovery Europe; Nikkeï InforStation, diffuse des informations

écono-

miques et financières; et Space Shower, des clips vidéo 24 heures sur 24. La télévision à péage s’est révélée être un marché incertain, et son lancement quelques années avant que la crise mondiale frappe le Japon en 1992 est très mal tombé pour beaucoup d’investisseurs qui ont perdu de l’argent dans quelques-unes des premières entreprises. Seuls les investisseurs les plus audacieux et les plus solides sont prêts à se risquer dans cette industrie, comme on l’a vu la dernière fois que le ministère des Postes et Télécommunications a mis sur le marché de nouvelles licences au début de l’année 1993. Sur les six licences proposées, seules quatre ont trouvé preneur: Asahi en a pris une pour lancer une chaîne d’information; la société SVN Space Vision une autre pour faire une chaîne de sports et de divertissement; une entreprise

Japon

Une série historique du dimanche

nommée «Let’s Try Life Design Channel » s’est portée acquéreur pour créer une chaîne éducative et Channel0 a obtenu la dernière pour lancer une chaîne consacrée au sport, à la mode, et à l’information dans le triangle Kyoto-Kobe-Osaka. Le fait que trois candidats sur les quatre acceptés soient des entreprises déjà bien établies a été perçu comme un échec par le ministère des Postes et Télécommunications qui voulait encourager d’autres acteurs à jouer un rôle dans le développement de ce marché. Il y a cependant des signes montrant que les investisseurs reprennent confiance dans le marché de la télévision à péage. C’est dû en partie à l’intérêt que manifestent de futurs investisseurs étrangers, surtout les Américains. Une entreprise à participation susceptible de voir le jour dans un proche avenir regroupera la société américaine Telecommunications et les japonaises Pioneer et Sumitomo dans un nouveau consortium du câble, pour lancer la première télévision par câble à fibres optiques. Cette chaîne comportera une chaîne de cinéma à péage, une chaîne de télé-achat et —

seuls

les Japonais pouvaient en éprouver le besoin — une chaîne de karaoké. Dans le même temps les services du câble déjà existants voient la situation s’améliorer légèrement. Les abonnements aux réseaux câblés urbains aug-

soir:

Masamune

le cyclope

mentent petit à petit et ont dépassé la barre des 750000. En même temps, le taux de « débit », autrement dit de câblés qui se tournent vers d’autres fournisseurs, baisse de

manière encourageante.

Une production nationale forte Non seulement le Japon a imprimé le rythme au reste du monde en ce qui concerne l’évolution technologique et structurelle de l’industrie télévisuelle, mais il a aussi modes-

tement contribué tions des genres genres orientaux ple est celui des

à sa culture par ses adaptaoccidentaux et en créant des tout à fait uniques. Un exemsitcoms japonaises qui met-

tent l’accent sur la bouffonnerie, et des jeux

qui utilisent la farce pour affronter la contrainte sociale qui veut que les Japonais ne perdent jamais la face. Les produits de ce type paraissent souvent puérils aux publics occidentaux mais leurs références culturelles en font un bon moyen d’observer le génie japonais, profondément immergé dans les conventions et les rites sociaux, étayé par un système hiérarchique rigide de relations et d’interactions sociales. Les jeux télévisés, au cours desquels les concurrents sont humiliés d’une façon ini431

Les télévisions du monde

maginable pour un public occidental, offrent aux Japonais un aperçu libérateur d’un autre monde possible dans lequel les contraintes des règles sociales sont suspendues. Le Japon produit une part de ses programmes plus grande que bien des pays occidentaux dont la télévision est très avancée. Il a ainsi pu résister à l’hégémonie mondiale exercée par Hollywood: par conséquent, le produit proposé au public est mieux adapté au contexte culturel. Le Japon a pu aussi maintenir une industrie d’exportation qui fournit différents marchés étrangers depuis les années 60. Les films de science-fiction de série B, dans lesquels on trouve toujours une espèce de monstre mutant grossièrement animé, sont les reliques de cette période où le Japon devenait un marchand de produits télévisés au niveau international. Parmi les productions de cette époque qui ont fasciné une génération de téléspectateurs occidentaux, 1l faut citer Les sept samouraï, l'adaptation japonaise du western hollywoodien introduisant certains aspects de l’héritage historique japonais dans le monde occidental, et les dessins

animés du type Kimba, le lion blanc. En fait, les années 60 furent l’apogée des relations qu’a entretenues le Japon avec le monde occidental en ce qui concerne ses productions télévisuelles. Depuis, les programmes d'exportation ont été plutôt vendus à d’autres pays d’Asie où la télévision faisait son apparition. Malgré tout, l’industrie du cinéma japonaise,

mondialement

reconnue,

conserve

Une journée type Un jour de semaine type sur la chaîne généraliste de NHK commence avant l’aube par un journal et la météo, puis ce sont les programmes pour enfants et un magazine à 8 h 35 intitulé Living Journal, qui s’adresse aux femmes au foyer. Ensuite, une émission quotidienne qui a pour objectif de promouvoir la famille: Let's Play with Mother. Viennent ensuite une émission portant sur la cuisine, un documentaire de voyages japonais — TV Trip Around Japan, et un journal d’information à 11h30. Puis c’est un magazine d’actualité — Japan at Noon et le court épisode d’un feuilleton intitulé Piano (de 15 minutes). À 14h 30 on trouve l'émission interactive Phone-in for Advice, dans laquelle les téléspectateurs posent des questions sur une variété incroyable de sujets à de soi-disant experts, dans une ambiance

qui rappelle un peu celle du courrier du cœur. À 15h 30 on trouve une émission de calligraphie suivie d’une nouvelle émission interactive (traitant cette fois de questions juridiques), puis c’est l’heure de la sitcom américaine Murphy Brown, d’un concours de chant amateur, suivis d’un magazine scien-

tique intitulé So That's Why, et d’une émission musicale. Après 17 heures, le nombre des téléspec-

tateurs augmentant, GTV passe à une programmation plus populaire, qui commence par le feuilleton américain La petite maison dans la prairie, série très suivie au Japon.

aujourd’hui l'intérêt du monde occidental. Mais une bonne partie de cette production n’est pas exportable; conforme aux goûts et aux attentes du public japonais, elle est trop ambiguë pour un public occidental. Les Japonais veulent une télévision qui soit proche de leurs préoccupations et de leur culture, c’est la raison pour laquelle les programmes importés occupent si peu de place sur les chaînes hertziennes. Les jeux télévisés sont très regardés. Certains — tel Le Japon veut savoir sur NHK — sont sérieux et éducatifs. D’autres s’inspirent des modèles américains, mais il y en a de purement japonais en ce qu’on y trouve toutes ces épreuves bizarres que l’on fait subir aux concurrents. Les émissions musicales ou qui font appel à des célébrités du monde du spectacle connaissent un grand suc-

Puis ce sont le journal régional de 18 heures, et le grand journal du soir de 19 heures, qui fait l’un des taux d’audience les plus élevés dans le pays. Vers 20 heures commen-

cès, surtout auprès des jeunes, et occupent une

comédies théâtrales traditionnelles.

bonne place dans les programmes 432

des gran-

cent les heures de grande écoute, et là, GTV

offre toute une gamme d'émissions d’intérêt général, comprenant histoire naturelle, musique, journal de voyage, un programme scientifique et un feuilleton de type samouraï. Un autre bulletin d'informations est diffusé à 21 heures, suivi du magazine d’information Today's Closeup. Après 22 heures, c’est l’heure du sport, d’un documentaire historique et d’un autre feuilleton américain Dr Quinn, femme médecin. La programmation de fin de semaine accorde plus de place au sport mais ressemble assez à celle de la semaine.

De temps

à autre, on trouve

des

programmes de type régional, très populaires, tels que Rakugo et Manzai, dérivés de

Japon

des chaînes. D’autres genres qui marchent très bien sont les talk-shows; les défilés de mode

accompagnés de commentaires sur les dernières tendances; les documentaires de voyages (sur les sites remarquables du Japon et d’autres destinations internationales); les événements sportifs (les plus populaires sont les combats de sumos,

le base-ball, le basket, le football,

le tennis, la boxe et la pêche); les documentaires (sur toutes sortes de sujets, le plus souvent d'intérêt national ou régional); les rubri-

ques culinaires (cuisines orientale et occidentale) ;: les programmes de remise en forme (avec des exercices à faire chez soi); les pièces de théâtre contemporain; les fictions his-

toriques (les Japonais sont passionnés par l’époque des samouraï); les séries contemporaines ou historiques; les émissions scientifiques; les débats: les émissions portant sur

l’artisanat et les loisirs. La programmation de Tokyo Broadcasting System est à peu de choses près la même que celle de NHK et des autres chaînes concurrentes, même si l’on y rencontre plus de dramatiques et de feuilletons. Parmi les feuilletons diffusés sur TBS on trouve Edo wo Kiru (l’inévitable série samouraï), The Hotel et The Eldest Son's Wife (sujet très approprié pour une dramatique japonaise).

Television Tokyo — la chaîne 12 — petite dernière dans le monde des cinq grandes chaînes nationales, insiste plus sur les émissions de divertissement et de variétés, et notamment

sur les shows interactifs où le public est amené à participer. L'émission la plus regardée — TV Champion —, diffusée tous les jeudis entre 19 h 30 et 21 heures, présente des concurrents

qui doivent subir des épreuves frôlant souvent le masochisme, par exemple, ingurgiter une énorme quantité de choses dégoûtantes. Le public japonais est réputé pour apprécier le spectacle de ces étranges souffrances qu’on inflige aux candidats...

Barry LOWE

Un présentateur

à NTV

433

Les télévisions

du monde

Laos Superficie: 236 800 km? Population : 4 600 000 habitants Capitale: Vientiane Langues utilisées à la télévision: lao, thai Nombre de téléviseurs: 35 000 Couverture du réseau: 60% du pays Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 3 %

Le Laos est une nation pauvre, qui n’a pas d'ouverture sur la mer, est sous-équipée, et souffre de l’exubérance économique de son voisin, la Thaïlande : la télévision connaît donc les

mêmes handicaps. Des décennies d’instabilité politique et l’impact dû aux conflits en Indochine ont empêché son développement, tout en encourageant une mentalité isolationniste que le gouvernement essaie maintenant de changer. Pour le moment, la télédiffusion est aux mains

du pouvoir, héritage du socialisme dur qui a dans le passé dirigé le pays d’une poigne de fer. Mais des réformes progressives sont en cours pour développer une économie de marché, ce qui implique un assouplissement des lois réglementant les médias. ' La Télévision nationale laotienne d’Etat (la LNTV), émettant sur la canal 8, diffuse actuel-

lement 21 heures par semaine. La plupart des émissions sont produites sur place, en laotien. Cependant une petite partie est constituée maintenant par des importations, d'Australie, de France, des Etats-Unis et d’autres pays. Au fur et à mesure que la LNTV augmentera son temps d’antenne, les programmes étrangers occuperont plus de place. La plupart des productions locales mettent l’accent sur les informations et le rôle éducatif incarné par le service public. Les journaux ont toujours tendance à faire de la propagande gouvernementale. Il existe aussi des programmes culturels plus neutres. La ENTV est reçue par les habitants des fertiles vallées du centre, mais n’est pas captée dans les zones plus élevées, à faible densité de

revenu par habitant est de moins de 500 dollars, et les 35 000 postes appartiennent à la petite bourgeoisie qui réside dans la capitale Vientiane et dans les grandes villes de province. Deux facteurs sont décisifs pour la télévision au Laos. Le premier, c’est la proximité immédiate de la Thaïlande, avec laquelle elle

partage une longue frontière. On peut capter plusieurs chaînes thaïlandaises au Laos, et leur public y est, paraît-il, plus nombreux que celui de la LNTV, d’autant que le thai est assez proche du laotien pour que les gens le comprennent. Les Laotiens sont attirés par les émissions

thaïlandaises,

de meilleure qualité,

et de plus grand choix. Ils aiment les films d’action américains et les dramatiques qui connaissent un grand succès en Thaïlande. L’une des chaînes thai va jusqu’à émettre sur la même fréquence que la LNTV, ce qui a pour résultat d'empêcher la chaîne laotienne de diffuser ses programmes dans certains endroits du pays! Cette intrusion compromet sévèrement la capacité de la LNTV de se développer. On pense que plus de 80 % des téléspectateurs laotiens regardent une chaîne thaïlandaise aux heures de grande écoute. Deuxième facteur: pour résoudre ce problème, on cherche le concours d’un autre voi-

sin puissant, la chaîne publique australienne. Australian Broadcasting Corporation (ABC), qui a participé à une série de projets pour améliorer les niveaux techniques et créatifs de la télévision laotienne et l’aider à récupérer les téléspectateurs attirés par la télévision thaïlandaise. Cette aide a surtout consisté à former le personnel. Mais l’ABC a également fourni des équipements de transmission et une assistance technique pour améliorer la qualité et l’étendue de la réception. Autre moyen utilisé par la LNTV pour réduire l’influence de la télévision thaïlandaise: encourager l’équipement en paraboles pour capter CNN,

la BBC,

Star, etc. Jusqu'à pré-

sent, seul un petit nombre ont pu acheter une antenne mais il devrait s’accroître.

population, près des frontières chinoise et vietnamienne. De toute façon, peu de familles sont assez riches pour acheter un téléviseur. Le

434

Barry LOWE

Macao

Macao Superficie: 17 km? Population : 510 000 habitants Capitale: Macao Langues utilisées à la télévision: portugais et cantonais Nombre de Nombre de Nombre de Nombre de

téléviseurs: 90 000 chaînes publiques: 0 chaînes privées: 1 s chaînes à péage: 0

Malgré sa taille minuscule et son petit nombre d’habitants, la colonie portugaise de Macao — qui doit bientôt retourner sous domination chinoise — dispose d’une télévision bien établie et très au point. L'administration coloniale ne cherche pas le moins du monde à exercer un contrôle sur elle, ce qui ne détonne pas avec la politique de laissez-faire qui règne dans cette colonie. Pourtant, son importance est grande car elle doit préparer les gens aux changements qui vont survenir lorsqu'ils deviendront citoyens chi1nois en 1999. L’accent est mis sur les informations et les sujets d’actualité concernant la Chine et traitent la culture chinoise. Teledifusao de Macao (TDM) est une société privée dans laquelle le gouvernement est majoritaire. Le reste des parts est aux mains de deux sociétés locales : le groupe Nam Kwong et Edmund Ho. Il diffuse sur deux canaux (le 30

et le 32) dont l’un présente des programmes en portugais et l’autre en cantonais. La chaîne cantonaise est celle qui a le plus de téléspectateurs dans cette enclave qui compte un demi-million d’habitants. Elle diffuse 52 heures par semaine, sept à huit heures par soirée. Environ 60 % des programmes sont produits sur place. Le JT diffusé à 19 heures fait le plus d’audience. Il insiste sur les informations locales et chinoises. Sont aussi très populaires les documentaires (essentiellement importés) et les émissions sportives. Les habitants de Macao aiment beaucoup le football, héritage européen oblige. L’autre activité sportive qui passionne la colonie est la course de lévriers : quatre émissions y sont consacrées chaque semaine, on y conseille les parieurs, très nombreux. Les 40 % restants se composent d'émissions importées de Chine, de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de Malaisie, de Grande-Bretagne

et d'Australie. Plus de la moitié sont en cantonais, le reste est en anglais (sous-titré en chinois) et en potunghua, un dialecte chinois. La chaîne cantonaise de TDM diffuse aussi chaque jour une émission pour la jeunesse d’une durée de 30 minutes, et un feuilleton sentimen-

tal à 19h45. La chaîne portugaise, elle, prolonge l’héritage culturel de Macao, dernier vestige de l’immense

empire portugais aujourd’hui disparu. Les habitants en sont en général fiers et continuent à s'intéresser à la langue et à la société du lointain Portugal : ils entendent bien conserver leur identité lorsqu'ils seront réunifiés avec la Chine. La chaîne portugaise émet 38 heures par semaine, surtout des programmes importés (elle ne produit que 20 % de ses émissions) : la plus grande partie — 75 % — provient du Portugal, une grande part étant retransmis quotidiennement par satellite. Les 25 % restants sont surtout des programmes de langue anglaise, achetés à l’Australie et à la Grande-Bretagne. Les productions locales ne concernent que les JT et des événements particuliers tels que le Grand Prix automobile de Macao et l’élection de Miss Macao. Un film est diffusé chaque soir, juste après le feuilleton sentimental portugais. Le personnage de dessin animé américain Mickey Mouse est très populaire, on peut le voir tous les soirs à une heure de grande écoute. Les téléspectateurs portugais aiment aussi beaucoup les jeux. C’est quand même le journal du soir qui a le plus grand indice d’écoute, car on y traite en détail des événements régionaux et internationaux. Macao reçoit des émissions de Chine et de Hong Kong. Les gens s'intéressent spécialement

à la télévision

chinoise,

car

Macao

s'efforce de développer ses liens commerciaux et ses investissements en Chine. Les antennes paraboliques s’achètent facilement, mais on n’en compte pour le moment que quelques milliers: la colonie reçoit déjà gratuitement tellement de chaînes! Les magnétoscopes sont presque aussi nombreux que les téléviseurs, et les cassettes importées de Hong Kong connaissent un vif succès. Les films chinois sur cassette commencent aussi à être très demandés. Barry LOWE 435

Les télévisions

du monde

Malaisie Superficie: 329 750 km? Population: 19 050 000 Capitale: Kuala Lumpur Langues parlées à la télévision:

de la censure gouvernementale et du contrôle strict exercé sur le contenu des programmes. Les trois chaînes hertziennes doivent observer malais,

une ligne clairement définie, selon les valeurs

anglais, cantonais, bahasa, tamoul, hindi

islamiques pour tout ce qui est relatif à la

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de

sexualité. Simultanément,

téléviseurs: 3 000 000 du réseau: 98 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 1 chaînes à péage: 0

les autorités malai-

La télévision malaisienne, longtemps freinée par une politique de contrôle strict de la part

siennes se méfient terriblement de tout message qui pourrait mettre en péril leur hégémonie sur le plan politique. Il est également question d’attribuer une licence à un nouveau réseau hertzien qui toucherait les foyers de la péninsule, avec la possibilité de l’étendre aux États de Bornéo.

des autorités, est sur le point de connaître un

L'attribution de cette licence, à ce qui devien-

développement important qui lui permettra de rivaliser avec ses voisins les plus dynamiques. Jusqu'à maintenant, elle était dominée par la Radio Télévision Malaisienne (RTM) qui dif-

dra TV4, va sans doute déclencher une guerre économique entre les compagnies locales et étrangères qui attendaient de se faire une place dans le paysage audiovisuel. Parmi les concurrents en première ligne on trouve le géant de l’électronique et des télécommunications Rediffusion, le groupe de presse malaisien Utusan Melayu, et l’une des plus grandes sociétés commerciales du pays, Melewar. Un autre changement qui va avoir d’énormes répercussions est la nouvelle réglementation qui veut que les chaînes augmentent leurs productions locales jusqu’à ce qu’elles atteignent 80 % des programmes en l’an 2000.

fuse sur deux chaînes, TV1 et TV2. Un réseau

privé, Sistem Televisyen Malaysia Berhad, diffusant sur TV3 était son seul concurrent. Mais la demande

d’ouverture

du marché,

comme

dans les pays voisins, a fini par convaincre le gouvernement de la nécessité d’assouplir sa politique, et d’autoriser la télévision à péage et de nouvelles chaînes privées. Le gouvernement a cependant déclaré que ces changements n’affecteront pas la prédominance de RTM. C’est pourquoi la première télévision à péage qui doit être lancée en Malaisie le sera sous contrôle de celle-ci. Cette

Actuellement,

RTM

diffuse entre 40 et 60 %

télévision, Satellite News Service (SNS), dont

d'émissions produites sur place, et la proportion est encore plus faible en ce qui concerne TV3. Cette nouvelle exigence augmentera de

il est beaucoup question comportera trois chaî-

façon significative les coûts de fonctionnement,

nes, à savoir la chaîne d’information continue de CNN, puis sa concurrente directe, BBC

car la plupart des programmes

World réseau et une Sports

importées à moindres frais des Etats-Unis et d’autres pays. Mais ce sera une aubaine pour le cinéma et la production TV malais. Le gouvernement veut encourager celle-ci afin de devenir à son tour exportateur de programmes. Il entend aussi protéger la culture nationale et empêcher l’invasion étrangère. RTM diffuse 163 heures par semaine sur ses deux chaînes. Elle doit prendre en compte les trois principaux groupes ethniques du pays, les autochtones malais et les communautés chinoises et indiennes descendant des immigrants

Service, diffusée de Hong Kong par le satellite Star TV de Rupert Murdoch, chaîne de sport en continu — Prime — fournie elle aussi par Star TV. SNS

émettra, comme

son nom l'indique, par trans-

mission satellite cryptée. Au départ, elle ne sera reçue que dans la capitale Kuala Lumpur et dans les villes environnantes de la vallée du Klang. Jusqu'à maintenant, les antennes paraboliques privées étaient interdites, et ce n’est que très récemment que les hôtels ont reçu l’autorisation d’en installer pour recevoir Star TV et CNN. Cette interdiction découlait 436

étrangers dif-

fusés à l’heure actuelle sont des rediffusions

qui travaillaient sur les plantations, introduits

Malaisie

par les Anglais au siècle dernier. La programmation de RTM s’adresse aux Chinois en cantonais, langue le plus parlée par la communauté, tandis que la communauté indienne a des émissions en hindoustani et en tamoul. Le passé colonial de la Malaisie fait que la plupart des habitants parlent l’anglais, c’est pourquoi une bonne partie des programmes sont en cette langue et sont très souvent retransmis sans sous-titres. TVI importe 40 % de ses programmes, des États-Unis, du Japon, de Hong Kong, d’Indonésie, de l’Inde, d'Amérique latine, d’Allemagne, de France et de pays arabes qui fournissent des émissions islamiques. Les programmes achetés à Hong Kong consistent surtout en feuilletons, fictions historiques et films de kung-fu qui intéressent le public chinois. L'Inde

fournit des dramatiques,

des films et

des émissions religieuses pour le public indien. Les feuilletons latino-américains ont la cote auprès des programmateurs de TVI, surtout en raison de leur faible prix. TV1 diffuse aussi une sélection d'émissions provenant des relais de CNN et de Star TV. La chaîne attache une grande importance aux journaux et aux magazines d’information qui occupent, en moyenne, 34 % du temps d’antenne. La fiction, y compris les films et les feuilletons, obtient 30 du temps d’antenne; les émissions pour la jeunesse, 12 % ; le sport, 6 % ; les émissions reli-

gieuses (surtout islamiques) 9 Z et le divertissement et les variétés, 9 %. TVI1 émet 100 heures et demie par semaine et a un taux d'audience de 36%. Ses programmes sont retransmis dans les deux États de Bornéo par deux chaînes régionales, RTM Srawak et TV Malaysia Sabath, ce qui lui permet de couvrir plus de 98% du territoire. Elle arrose aussi les pays voisins que sont l’Indonésie, Singapour, la Thaïlande et Brunei. La deuxième chaîne, TV2, émet 63 heures par semaine et fait 28 % de parts d’audience. TV2 diffuse plus de programmes étrangers que TV1, la proportion atteint 60%. RTM est financée à la fois par la publicité, la redevance et une subvention annuelle versée par l’État. La redevance est en général de 9,40 dollars par foyer, et, ajoutéeà la subvention du gouvernement, couvre 60 % des frais de fonctionnement du réseau. La publicité, limité à 24 heures et demie par semaine, se monte 7 700 dollars les trente secondes à une heure de grande écoute. Le cahier des charges de RTM exige

que les spots publicitaires soient produits dans le pays, et la publicité pour l’alcool, le tabac, et les produits d'hygiène féminine est interdite. La chaîne privée, TV3, a été créée en 1983,

vingt ans après l’apparition de la télévision en Malaisie. Elle appartient à un consortium assez flou composé de grands groupes locaux et de petits actionnaires, dirigés par Pehsam Malaysia qui dispose de 33,15 % des actions, et incluant Renong Berhad (9,65 %), Perbadanan Kemajuan Ekonomi Negeri Johor (8,17 %), et HSBC (7,14 %). La chaîne tire ses ressources

de la publicité, laquelle occupe 19 heures et demie des 84 heures de diffusion hebdomadaire. TV3 s’attire 32 % de parts d’audience. Elle diffuse dans toutes les langues du pays et touche environ 97 % du territoire, y compris Sabah et Sarawak. Elle importe 65 % de ses programmes de différents pays parmi lesquels les EtatsUnis, la Grande-Bretagne, Hong Kong et l’Australie. Les fictions et le divertissement y sont privilégiés. Les dramatiques occupent 29,1 % des programmes ; puis viennent les films, 25,7 % ; les documentaires, 14,3 % ; les journaux et magazines d’information, 12,6 % ; le sport, 9,5 % ; les émissions pour la jeunesse, 4,6 % et les émissions de variétés, 2,9 %.

Le programme le plus regardé sur TV3 est Pendekar-Pedang Maut, titre d’une série produite sur place. Une sitcom chinoise, Pi Mai

Pi Mai tang Tu, Vient en seconde troisième place, on trouve un jeu Kuiz. Le programme d’importation le plus de succès, et arrive numéro

position. En intitulé Pop qui connaît quatre dans

ce classement, est le feuilleton américain MacGyver, et en cinquième position on trouve

Cerekarama, dans le cadre duquel sont diffusés des téléfilms produits sur place. Ce qui oblige la Malaisie à revoir sa politique concernant l’audiovisuel est l’impact des télévisions frontalières. Les pays proches, Singapour, l’Indonésie et la Thaïlande, ont des industries en plein essor dans ce domaine et de nouveaux réseaux hertziens et satellite arrosent le pays. Le bahasa parlé en Indonésie ressemble à la langue des Malais, et Singapour consacre une partie de son temps d’antenne à des émissions en langue malaise, si bien que beaucoup de ses programmes intéressent le public malais. Les programmes en chinois de Singapour et d’autres pays voisins sont regardés par les Chinois habitant les zones frontalières. Barry LOWE

437

Les télévisions du monde

aldives Superficie: 300 km? Population: 240 000 Capitale: Male Langues parlées à la télévision: anglais Nombre de téléviseurs: 7 000 Couverture du réseau: 30 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun

produits sont diffusés en dhiveli, langue parlée aux Maldives, et en anglais (car les Maldives sont une ancienne colonie britannique). dhiveli,

Les importations qui occupent 15 heures du temps d’antenne hebdomadaire sont toutes diffusées dans leurs langues d’origine. La plupart proviennent de Grande-Bretagne et des Etats-Unis; échappent à cette règle quelques émissions religieuses importées du Koweit, et,

parfois, d’autres pays arabes: comportant des lectures et des commentaires

du Coran, elles

sont le plus souvent diffusées en arabe. La télévision aux Maldives est adaptée à la taille et à la situation de ce petit archipel, c’est un service à la fois basique et insulaire. Créée en 1978 dans le cadre d’un programme d’aide internationale, Television Maldives (TVM) fonctionne comme réseau public sous le contrôle du gouvernement et propose un service minimum à la petite proportion de la population qui habite le centre de cette longue suite

d’îles s’étirant sur plusieurs centaines de kilomètres dans l’océan Indien. Emettant à partir de la capitale Male, TVM ne dépasse guère un petit périmètre autour, et son public ne représente même pas 20 % des habitants. TVM est presque entièrement financée par une subvention annuelle de l’État.

La publicité (5 %) est réglementée par les principes islamiques. Les possesseurs de téléviseurs doivent payer une redevance annuelle, très peu élevée, qui ne couvre que 3 % du coût de fonctionnement. TVM émet environ 34 heures par semaine, 19 heures, soit 54 %, étant consacrées à des

productions locales. C’est-à-dire les informations, les magazines et des émissions à carac-

tère culturel. L’unité de production est basée au siège de la télévision, à Male. Les journaux télévisés sont surveillés de près par le ministère de l’Information et celui des Postes et Télécommunications. Les programmes ainsi 438

Le secteur du tourisme, qui joue un rôle important dans la fragile économie des Maldives, pousse à l’amélioration de la télévision.

Les plages encore vierges sont en effet de plus en plus recherchées par les touristes d'Europe et d’Australie: les hôteliers voudraient qu’on les autorise à installer des antennes paraboliques pour recevoir CNN et Star par satellite. Mais les autorités ont pris soin d’éloigner les centres touristiques des villes, afin que la population locale ne soit pas contaminée par «le matérialisme occidental » et la télévision par satellite n’a pas bonne presse: le gouvernement ne tient pas tellement à ouvrir cette boîte de Pandore.….. Les habitants pallient les insuffisances de la télévision d’État en s’équipant en magnétoscopes. Le nombre d’appareils — 45 % des gens en possèdent un — est très élevé pour cette partie du monde. Quelques magasins de location proposent un grand choix de cassettes provenant de différents pays, parmi lesquels le Sri Lanka, pays le plus proche des Maldives, l’Inde, les Etats-Unis, les pays du MoyenOrient et l’Europe, mais les possesseurs de magnétoscopes pratiquent plutôt entre eux un système d’échanges de cassettes, qui permet à des produits de toutes provenances de circuler ainsi de la main à la main. Barry LOWE

Mongolie

Mongolie Superficie : 1 565 000 km? Population : 2 360 000 habitants Capitale: Oulan Bator Langues utilisées à la télévision: mongol, anglais Nombre de téléviseurs: 120 000 Couverture du réseau: 40% du pays Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 10 %

La télévision mongole à radicalement changé depuis que la nation s’est libérée de l’emprise de son puissant voisin du nord. Autrefois, l’un des satallites les plus rigoureusement orthodoxes de l’URSS, la Mongolie a lutté pour construire une économie autosuffisante depuis la chute de l’empire soviétique. Celui-ci ne lésinait pas sur les subventions pour alimenter la télévision mongole, car il croyait dans son rôle idéologique pour maintenir le peuple mongol sur la voie du socialisme. Instaurée il y a près de trente ans par des techniciens

soviétiques,

la télévision d’État a d’abord périclité lorsque le cordon ombilical avec Moscou a été rompu. L'économie du pays souffrant de symptômes de sevrage très prononcés, le gouvernement a dû consacrer ses maigres ressources à d’autres services publics, laissant de ce fait la télévision se débrouiller toute seule. Mais au cours des dernières années, Mon-

gol Televiz (MTV) s’est redressée de façon spectaculaire. Après sa séparation de la radio, dotée d’une nouvelle identité, elle a obtenu suf-

fisamment de fonds pour commencer à émettre sur une deuxième chaîne, avec des programmes venant de l’étranger. Cette nouvelle chaîne, qui a un émetteur plus faible, ne peut être captée que dans la capitale Oulan Bator, et quelques grandes villes comme Darhan et Ertenet. Elle a acheté des programmes à des producteurs étrangers et sert de relais aux programmes diffusés par satellite par CNN, Star TV et Canal France International. Tout en proposant un produit moins figé et plus attirant que les programmes soviétiques assez rébarbatifs auxquels étaient habitués les Mongols, cette nouvelle chaîne répond à

l’objectif du gouvernement qui est d’ouvrir le pays sur le monde extérieur. Il met l’accent sur l’expansion d’une économie de libre échange pouvant exporter vers les pays occidentaux. Ces télévisions du monde que peuvent maintenant découvrir les Mongols sont une ouverture culturelle très importante pour cette nation isolée. On espère qu’elle incitera les gens à chercher des perspectives au-delà des frontières et à apprendre les valeurs du capitalisme par les exemples des pays occidentaux. La Mongol Televiz dépend toujours à 90 % de l’Etat pour son fonctionnement. Mais elle a commencé à vendre des espaces publicitaires, et ils devraient augmenter en nombre

au

fur et à mesure que l’économie s’ouvre à l’extérieur et que les entreprises privées développent leurs marchés. Actuellement la première chaîne, qui diffuse surtout en mongol, émet 39

heures par semaine. Sa production consiste surtout en journaux et magazines d’information, et en émissions promouvant la culture traditionnelle. Le format des JT a commencé à changer, ce n’est plus le modèle communiste dans lequel «tout allait toujours bien chez nous » tandis que l’international consistait à « exprimer sa gratitude aux Soviétiques pour leur aide », ou à dramatiser les menaces venant de

la Chine ou de l’Occident. Les Mongols s’intéressent de plus en plus à ce qui se passe derrière leurs frontières et les journaux reflètent cet intérêt. Des émissions éducatives cherchent à susciter partout un intérêt envers les différentes réformes. Mais il y a encore un fossé entre la capacité de production locale et le temps d’antenne de la Mongol Televiz qui est souvent occupé par des reprises de films soviétiques doublés en mongol. Là où elle est reçue, la deuxième chaîne connaît plus de succès. Le public préfère les nouvelles et les documentaires sur des sujets de politique internationale produits par CNN. On s'intéresse aussi beaucoup au sport et aux rencontres internationales,

surtout au football.

La Mongolie a eu la chance de posséder un réseau en état de marche lorsque ses liens de dépendance avec l’empire soviétique ont été brusquement rompus. B..L 439

Les télévisions

du monde

Nauru Superficie: 21 km? Population: 9 400 Capitale: Nauru Langue utilisée à la télévision: anglais Nombre de téléviseurs: 1 000

Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

du réseau : 100 chaînes d'Etat: 1

chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0 français: aucun

Le revenu par habitant de Nauru est l’un des plus élevés du monde. Ce minuscule Etat isolé du Pacifique s’est en effet enrichi grâce aux mines de phosphate; elles sont aujourd’hui épuisées mais les Nauruans tirent désormais profit des investissements effectués à partir de ces royalties. Malgré le petit nombre de ses habitants, l’île dispose d’une télévision depuis 1990. Celle-ci fonctionne en liaison avec TVNZ, la télévision publique de NouvelleZélande, qui a saisi l’occasion dès que le gouvernement a souhaité implanter le service en 1980. L'opérateur de la chaîne est le Nauru’s Department of Island Development and Industry qui surveille le contenu des programmes et les retransmissions. : NTV dépend financièrement de l’État. Elle est censée augmenter ses ressources par la publicité, mais le secteur commercial

est très

modeste. La télévision est très rudimentaire. Son siège est un bâtiment sans prétention, situé près du

centre le plus peuplé de l’île. Elle diffuse à

l’aide d’un émetteur à faible puissance qui couvre sans problèmes les 21 km? du territoire. Le format adopté est le Super VHS, très adapté aux retransmissions de TVNZ qui utilise d’ailleurs le même type de format pour les autres pays du Pacifique. NTV émet G6heures par jour, de 17 à 23 heures. La programmation est fournie par les forfaits de TVNZ. II n’existe pas de programmes régionaux, mais on prévoit de lancer un bulletin d’information quotidien. TVNZ

440

a proposé de fournir l’équipement de production de base nécessaire à la production d’un journal. Tous les programmes sont donc en anglais, langue parlée par tous les habitants, car Nauru a été longtemps sous administration australienne avant d’obtenir son indépendance en 1968. Les programmes de TVNZ sont faits pour être regardés par toute la famille, ils évitent donc les sujets litigieux, surtout ce qui peut entraîner des scènes érotiques ou violentes susceptibles d’offenser la morale des habitants, très influencée par le protestantisme sévère introduit par les missions. Ces programmes proviennent de Nouvelle-Zélande, d’Australie, des Etats-Unis, et de Grande-Bretagne, et font

partie du lot qui est proposé aux autres clients de TVNZ dans la zone Pacifique. Une partie — les journaux et magazines d’actualité — est retransmise directement par satellite dans le studio de TVN. Le reste arrive sous forme de cassettes prêtes à être diffusées. TVNZ envoie son journal du soir, ainsi que les deux magazines hebdomadaires Sixty Minutes et Foreign Correspondent. Le reste est composé d’émissions pour la jeunesse, de séries, de retransmissions

sportives, films, sitcoms, des-

sins animés et feuilletons. Dans les envois les plus récents on trouvait le dessin animé américain Batman,

et Lois and Clark, un nouveau

feuilleton basé sur les aventures de Superman. The Nanny, série américaine, connaît un grand

succès d’audience, tout comme la série policière australienne Police Rescue. La télévision est très bien acceptée à Nauru; les Nauruans sont parmi les spectateurs les plus assidus de cette partie du monde. La plupart des foyers possèdent aussi un magnétoscope, et les locations de cassettes”marchent fort. En effet, la plupart des habitants enrichis par le phosphate ne travaillent pas. La télévision et le magnétoscope jouent donc un rôle capital dans leurs vies, car il leur faut bien occuper tout ce temps de loisir. BUTS

Népal

Népal tales ont secoué à intervalles réguliers la capi-

Superficie: 140 800 km? Population : 20 400 000 habitants Capitale: Katmandou Langues utilisées à la télévision: népalais, anglais, hindi Nombre de téléviseurs: 50 000 Couverture du réseau: 50% du pays Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun.

tale, Katmandou, ces dernières années, provo-

Le Népal est un nouveau venu dans la communauté télévisuelle, et, bien que la télévision

existe dans le pays depuis près de dix ans, le nombre de téléspectateurs est toujours très peu élevé : moins de 2 % des Népalais ont un téléviseur, et la configuration montagneuse du pays fait que la réception se limite aux villes des plaines et des vallées. De ce fait, ce média possède un statut élitiste, et les téléspectateurs sont en

général membres de la minorité aisée du pays. La seule chaîne est la NTV, Nepal Television Corporation, chaîne d’État, qui diffuse sur

Channel 5. NTV émet cinq heures par jour, en soirée. Les heures de grande écoute se situent entre 20 h et 22 heures. Bien que chaîne publique, NTV a besoin de la publicité pour vivre. A l’heure actuelle, elle fournit jusqu’à 50 % de ses revenus: 15 minutes par heure! La NTV produit 70 % environ de ses programmes. Les 30 % restants sont importés de l’Inde,

du

Pakistan,

des

Etats-Unis,

de

la

Grande-Bretagne, du Japon et de l’ Allemagne. La production locale consiste en journaux et magazines d’information, et en émissions cul-

turelles et en programmes musicaux. C’est le JT du soir qui fait le plus grand indice d’écoute. Il reflète complètement la politique du gouvernement, lequel subit actuellement des pressions de la part des classes bourgeoises qui lui reprochent son manque de principes démocratiques. La monarchie népalaise a renoncé, il y a peu, au pouvoir absolu,

mais

la lenteur dans

les

réformes politiques est mal vécue par les populations urbaines en expansion et qui veulent que le peuple joue un plus grand rôle dans l’administration. Les manifestations antigouvernemen-

quant de sévères ripostes de la part des forces gouvernementales, mais le journal sur la NTV évite studieusement de rendre compte des activités du mouvement démocratique et donne uniquement un point de vue officiel sur ce qui se passe. Le magazine d’informations Pratikrya Joue un rôle similaire. Un autre problème est l’attraction culturelle qu’exerce l’Inde sur ce pays coincé à l’intérieur des terres. Même s’il existe des liens ethniques entre certains Népalais et les communautés indiennes implantées à la frontière méridionale du pays, la politique de la NTV est de mettre l’accent sur la culture et sur les traditions népalaises. Toutes les émissions locales sont en népalais et la production locale s’en tient à des sujets qui traitent des valeurs culturelles du pays. Une émission qui connaît beaucoup de succès est Sangeët Sangam, qui retransmet des concerts de musique traditionnelle, la NTV produit aussi des documentaires sur certains aspects du patrimoine népalais, et des téléfilms mettant en scène les tra-

ditions et les thèmes religieux. Lorsqu'elle achète des programmes étrangers, la NTV essaie de contrebalancer la popularité que connaissent les émissions indiennes en diffusant des émissions pakistanaises. Mais ce sont les feuilletons

sentimentaux

indiens,

produits par Bombay, qui font le plus d’audience. Bien que la NTV prétende que ses journaux font le meilleur indice d’écoute, les

observateurs indépendants pensent que les feuilletons indiens les dépassent largement. Les téléspectateurs ont ainsi adoré le feuilleton de l’épopée hindoue, Le Mahabharata. Les films indiens, qui mêlent musique, romance et vio-

lence, reçoivent aussi un très bon accueil. Quant aux émissions pakistanaises, ce sont les documentaires qui ont le plus de succès. Les émissions indiennes passent en hindi car beaucoup de Népalais comprennent cette langue. Les émissions importées de Grande-Bretagne sont aussi diffusées sans sous-titres, beaucoup de Népalais parlant l’anglais. Barry LOWE

441

Les télévisions du monde

Niue le contrat avec TVNZ,

Superficie: 260 km? Population: 1 600 Capitale: Alofi Langues parlées à la télévision: anglais, niue Nombre de téléviseurs: 300 Couverture du réseau: 100 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: aucun

Niue est le plus petit État souverain monde, avec une population de moins 2 000 habitants l'étranger,

en

(le nombre

d’îliens

Nouvelle-Zélande

du de

vivant à

surtout,

est

plus élevé que celui des insulaires). Mais cela n’a pas empêché cette île isolée du Pacifique d’avoir sa propre télévision. Niue fut l’un des premiers mini-États du Pacifique à se lancer dans

la création

d’une

télévision,

en

1988.

et vit aussi de recet-

tes publicitaires. Mais le secteur commercial est si peu important qu’elles n’entrent pratiquement pas en compte dans le budget. Le gouvernement finance la télévision à partir de ses propres fonds, et à l’aide de prêts ou de subventions provenant de l’étranger. Le nouveau complexe de radio-télé-diffusion a été financé pour une part grâce à une aide du gouvernement australien. TVNZ fournit l’équipement technique et un soutien au niveau de la gestion mais BCN est dirigée par une équipe locale. Elle diffuse six heures par jour, de 17 à 23 heures. La plus grande partie du temps est occupée par les programmes fournis par TVNZ. Seuls les journaux et bulletins d’information

sont produits dans

l’île, aux

studios

d’Alofi, et ils sont diffusés dans la langue vernaculaire. TVNZ propose en direct son propre journal du soir: Niue est une ancienne colonie de la Nouvelle-Zélande,

et les liens

D’autres pays beaucoup plus étendus, comme Kiribati dont la population est dix fois plus importante, attendent toujours leur télévision.

économiques avec la métropole sont restés forts. Le reste des programmes fournis par TVNZ est un mélange de productions étran-

La Broadcasting Corporation de Niue (BCN) gère également la radio sur l’île. Elle fonctionne grâce à un équipement et un soutien

Etats-Unis et de Grande-Bretagne). Parmi les diffusions qui ont été très bien

technique

fourni

par

TVNZ,

la télévision

publique de Nouvelle-Zélande. TVNZ propose le même type de service à cinq autres pays du Pacifique. Elle a ainsi installé un studio de télévision à Alofi, la capitale, qui vient de s’agrandir et de se transformer en complexe radio-télévision,

et c’est

la télévision

néo-

zélandaise qui fournit régulièrement l’essentiel des programmes. Certains sont en vidéo, ils arrivent dans l’île par avion. Les bulletins d’information et d’autres sujets en prise avec l’actualité internationale sont distribués par satellite. La télévision de Niue ne dispose, forcément,

que d’un très petit budget. TVNZ utilise les cassettes vidéo Super VHS, format qui sert dans les îles du Pacifique à la production et à la diffusion. BCN reçoit une subvention de s l'État, dont la plus grande partie sert à payer

442

gères (provenant surtout de l’Australie, des

reçues, on trouve la série américaine L.A. Law,

l'anglaise London's Burning et l'émission pour la jeunesse néo-zélandaise Chatterbox. Les Journaux et les magazines d’information, tout comme les émissions d’info-divertissement, sont aussi très regardés, car les habitants, mal-

gré, ou à cause de leur isolement géographique, s'intéressent énormément à ce qui se passe dans le monde. Le contenu des émissions distribuées par TVNZ dans les îles du Pacifique est pour tout public, le sexe et la violence en sont totalement absents car il ne faut pas heurter les missions qui exercent une grande influence. La télévision

occupe

une

grande place à

Niue, elle est devenue une institution sociale

importante dans la petite communauté. Barry LOWE

Nouvelle-Calédonie

- Nouvelle-Zélande

Nouvelle- NouvelleCalédonie Zélande Superficie: 19 000 km? Population : 170 000 habitants Capitale: Nouméa Langues utilisées à la télévision: français, kanak Nombre de téléviseurs: 41 000 Couverture: 100 % Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 100

La télévision a été lancée en NouvelleCalédonie en 1982, sur le modèle de ce qui avait été fait en Polynésie huit ans plus tôt. C’est Paris et RFO qui sont les opérateurs mais le personnel local jouit cependant d’une certaine autonomie. Au début, il n’y avait qu’une seule chaîne captable dans la capitale et autour. Mais à présent, on en compte deux qui couvrent tout le pays. L'essentiel des programmes émane de France 2 et de France 3, diffusés par satellite, plus rarement (à cause du décalage horaire)

en direct depuis la France. La première chaîne émet 84 heures par semaine et la deuxième 63. Il n’existe qu’un petit nombre de programmes en kanak. Les réclamations des Kanaks, majo-

ritaires, et des groupes minoritaires (Wallisiens et Futuniens, Vietnamiens) n’ont guère eu de s résultats à cet égard, à ce jour. Pal

Superficie: 269 057 km? Population : 3 400 000 habitants Capitale: Wellington Langues utilisées à la télévision: anglais, maori Nombre de téléviseurs: 1 300 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 2 Nombre de chaînes à péage: 1 Programmes français: aucun

La télévision néo-zélandaise a la chance d’être l’un des marchés les moins réglementés de cette partie du monde. Malgré cela, l’industrie est dominée par une chaîne d’État qui s’est montrée très entreprenante, bien que peu soucieuse de soutenir la production locale et de faire naître une culture propre au pays. Alors que la télévision publique — TV New Zealand (TVNZ) — ne connaît aucun problème et réalise des bénéfices, les Néo-

Zélandais doivent se contenter d’une programmation qui consiste, pour l’essentiel, en des rediffusions étrangères. La seule chaîne privée du pays — TV3 — doit lutter pour rester viable, tandis qu’une nouvelle chaîne à péage — Sky Network — doit encore augmenter le nombre de ses abonnés pour assurer son avenir. Il n’existe pratiquement pas de législation limitant l’industrie télévisuelle, et pourtant TVNZ a pu rester la première sur le marché; cela est dû au fait que ce marché est trop petit pour qu’une concurrence réelle puisse s’exercer. Depuis 34 ans TVNZ a joué en solo, ce qui lui a permis d’occuper presque tout le paysage audiovisuel disponible et potentiel. La télévision a donc démarré en 1960, à Auckland, la plus grande ville, avec deux heures de diffusion, deux fois par semaine. La pre-

mière programmation comportait Les aventures de Robin des Bois. Au départ, elle tirait ses ressources de la redevance, mais la publi-

443

Les télévisions

du monde

cité fit son apparition dès 1961 et vit sa part augmenter régulièrement. Puis, lorsque trois autres grandes villes furent à leur tour desservies — Christchurch, Wellington et Dunedin —, on créa la New Zealand Broadcasting Commission, organisme d'Etat chargé de gérer la

télédiffusion.

Dans

les

années

70,

la

demande d’une deuxième chaîne se fit sentir. Au lieu d’accorder la licence à des candidats du privé, le gouvernement décida de l’octroyer à NZBC. Le réseau fut restructuré en 1980, et devint TVZN. Enfin, en 1989, une troisième licence fut attribuée à une société privée, TV3. En 1990, on mit sur le marché de nouvel-

les licences pour les sociétés privées qui souhaitaient ouvrir des stations régionales. Sur près de 40 licences disponibles, une seule a trouvé preneur: Canterbury Television (CTV) qui émet depuis Christchurch en direction d’un public d'environ 250 000 personnes habitant la région de Canterbury, dans l’île sud de la Nouvelle-Zélande.

Autre

initiative

récente,

l'apparition d’une chaîne à péage hertzienne — Sky — qui diffuse sur trois chaînes et s’adresse à 100 000 foyers d’abonnés. La première chaîne de TVNZ — TVI — est la plus ancienne et propose un mélange composite de programmes d’importation. TV1 atteint 45 % du public et diffuse les émissions les plus populaires, telles que Crimewatch, production locale, et la série Country Calendar, qui existe sans interruption depuis 1966. Seuls 27 % des programmes sont produits dans le pays: c’est l’une des plus faibles proportions de la zone de l’Asie du Pacifique et des pays développés dans le monde. La plupart des importations

viennent

d’Australie,

des États-

Unis et de Grande-Bretagne. Mais une bonne part des importations australiennes sont déjà elles-mêmes importées, si bien que la programmation étrangère se compose essentiellement de productions américaines et anglaises.

TV1 favorise le divertissement. Les feuilletons et les dramatiques occupent 21 % du temps d’antenne; les films et les séries: 19 % ; les journaux et magazines d’information, 8 %; le sport, 7 %; les documentaires, 5 % ; les émissions religieuses, 0,4 % ; et les

émissions culturelles 0,3 % seulement. Les émissions en maori s’adressent aux autochtones, mais ne font même pas 1 % de l’ensemble des programmes. On y trouve un bulletin d'informations en maori. La production locale ne concerne que les journaux, les magazines

444

le sport et parfois, un documentaire. La seule œuvre de fiction produite en Nouvelle-Zélande est le premier feuilleton tourné dans le pays, diffusé quotidiennement, Shorland Street qui tire son nom de l’adresse des studios d’Auckland occupés au départ par TVNZ. Ce feuilleton, qui a pour cadre une clinique médicale, est regardé par 90 % des Jeunes, et a été vendu à la chaîne anglaise ITN. La plupart des productions diffusées par TVI1 et TV2 sont tournées par la société de production South Pacific Pictures, laquelle appartient entièrement à TVNZ. South Pacific a étendu, 1l y a peu, ses activités en se lançant dans des coproductions avec des maisons étrangères, comme ce fut le cas pour White Fang (Croc-Blanc), coproduite par la France et le Canada. L’unité de programmes d’information,

d’histoire naturelle de TVNZ, basée dans la ville méridionale de Dunedin, est devenue

mondialement célèbre pour ses émissions sur la vie sauvage. TVNZ peut aussi se vanter d’avoir le plus grand studio de production de l’hémisphère sud, l’Avalon Studio, qui se trouve à Wellington. TV2, deuxième chaîne de TVNZ,

s’octroie

35 % d’audience avec une programmation semblable à celle de sa grande sœur. Elle insiste cependant plus sur les programmes locaux, qui font 40 % de son temps d’antenne. Les programmes éducatifs occupent également une bonne partie de ses matinées, qu’elle consacre à des émissions telles que Pathways, série

récemment diffusée. Son émission traitant de la consommation,

Fair Go, fait l’un des plus

forts taux d’audience du pays. TVNZ se distingue aussi sur la scène internationale. Elle possède 30 % des parts de la société

de télévision

Asian

Business

News,

dont le siège est à Singapour, chaîne retransmise par satellite qui s’adresse aux publics de l'Asie du Sud-Est intéressés par l’actualité économique. TVNZ a fourni l'essentiel des moyens et des ressources pour créer cette chaîne, laquelle émet 18 heures par jour, en direction de la Chine méridionale, de Taiwan,

Hong Kong, les Philippines, la Corée, Singapour et l'Indonésie. Elle est également actionnaire de South Pacific, qui fournit des programmes et des moyens de diffusion à six pays, les îles Fidji, les Samoa Occidentales, Nauru, les îles Cook, Niue et Vanuatu où elle

travaille

en collaboration

avec

la française

Nouvelle-Zélande

RFO. Un service similaire est prévu pour les îles Salomon, et TVNZ étudie aussi la proposition d’établir un second réseau de télévision en Papouasie-Nouvelle-Guinée. TVNZ investit aussi de manière importante dans d’autres entreprises de télécommunications. Elle détient 15 % des actions de la nouvelle chaîne à péage, Sky, et est majoritaire

Beverly Hills 90210, le magazine d’informa-

au sein de Clear Communications, le deuxième

émissions américaines consistent essentiellement

fournisseur de télécommunications du pays. Ces activités, combinées avec sa première fonction, ont fait de TVNZ un groupe extrêmement florissant. Il connaît une croissance de 13 % depuis 1989, et attire la plupart des recettes publicitaires du pays. La publicité fournit plus de 70 % des revenus du réseau.

de comédies, talk-shows et dramatiques Oprah

En 1993, les bénéfices nets de TVNZ

étaient

en augmentation de 40 %. La seule concurrente de TVNZ,

TV3, a dû

se battre de toutes ses forces pour se faire une place. À une époque, la société était menacée et n'a échappé au règlement judiciaire qu'avec l’arrivée de nouveaux capitaux de la banque australienne Westpac et de la chaîne canadienne CanWest

Global. CanWest,

qui a

20 % des parts de TV3 et peut porter cette participation jusqu’à 50 %, contrôle complètement la direction de la chaîne. TV3 fait maintenant 16 % d’audience, ce qui n’est pas tellement mieux qu'auparavant. Mais elle a pu conserver son public en dépit des incursions lancées par Sky qui semble plutôt marcher sur les plates-bandes de TVNZ. Quatre ans après sa création, TV3 a réalisé pour la première fois des bénéfices en 1993, et son avenir sem-

ble plus serein maintenant qu’elle est soutenue par des capitaux étrangers. La chaîne est reçue dans 93 % du pays, et sa programmation est de type traditionnel. Les émissions à caractère régional ne font que 22 %, mais la plupart sont diffusées aux heures de grande écoute, et là, le taux passe à 41 %. Les programmes, si l’on considère leur répartition, s’attachent à satisfaire tous les publics. Les films viennent en premier et font 15 %; devant les comédies,

14 %; les émis-

sions pour la jeunesse, 13 % ; les journaux et les magazines d’information, 10 %; le cinéma, 10 % ; les talk-shows, 9 % ; les dramatiques, 7 % ; les documentaires,

tion intitulé 20/20, la sitcom américaine Home

Improvement et un documentaire produit sur place, Inside New Zealand. La plupart des importations de TV3 proviennent des Etats-Unis (environ 70 % du total de

sa programmation). Le reste vient de GrandeBretagne (4,5 %), et d'Australie (3 %). Les Winfrey, NYPD Blue et Star Trek - The Next Generation connaissent toujours le même succès. La Nouvelle-Zélande est entrée dans l’ère de la télévision à péage bien avant la plupart de ses voisins, en établissant le réseau Sky en 1989. Le principal actionnaire en est le groupe américain Telecommunications Inc, qui possède 51 % des parts. Sky est une chaîne cryptée qui a un peu plus de 100 000 abonnés, soit un taux d’audience de 2 %. Le réseau propose trois chafnes : une chaîne d’information continue, à partir de relais de CNN et de BBC World Service,

les nouvelles locales étant fournies par des retransmissions du journal du soir de TVNZ en différé; une chaîne de cinéma, alimentée par l’ Américaine Home Box Office ; et une chaîne

consacrée au sport. Hormis le bulletin d’informations de NZTV, la chaîne sportive est le seul

débouché offert par Sky à la production locale. 10 de ses programmes ont trait à des événements sportifs locaux. Le sport occupe une place prédominante dans les médias, ce qui reflète l’intérêt presque obsessionnel des Néo-Zélandais pour le rugby et le cricket. L’un des programmes qui ont fait un triomphe ces dernières années est un produit purement néo-zélandais : l'émission hebdomadaire À Dog’s Life, un concours de chiens de berger qui doivent faire exécuter un parcours d’obstacles à un petit troupeau de moutons avant de le conduire à un enclos. Les épreuves sont jugées en temps, et les premiers de chaque série disputent la finale, le propriétaire du chien gagnant étant récompensé par une belle somme d’argent. Ce concours a attiré une foule de téléspectateurs et le concept fut même copié en Australie où 1l ne rencontra pas tout à fait le même succès.

5 % ; le sport, 4%;

les émissions culinaires, 4 %; les feuilletons, 4% et les magazines, 2%. Parmi les plus récents succès d’audience, on trouve deux feuilletons américains, Melrose Place et

Barry LOWE

445

Les télévisions du monde

Pakistan nissant des programmes ainsi que des productions en langues régionales, telles que le pashto, le bluchi, le pendjabi, le sarieki,

Superficie: 803 940 km? Population : 122 400 000 habitants Capitale: Islamabad Langues

utilisées

anglais,

pendjabi,

à la télévision:

pashto, hindko,

ourdou,

bluchi,

sarieki, brahvi, sindhi

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

téléviseurs: 3 000 000 du réseau: 100 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 1 chaînes à péage: 0 français: aucun

La télévision pakistanaise est sur une courbe ascendante, stimulée par la concurrence entre la télévision d’État, établie de longue date, et

le nouveau service privé qui connaît un grand succès. Les deux systèmes luttent désormais au coude à coude pour fidéliser les multiples ethnies qui composent le public pakistanais. Chacun fait la part belle à l’innovation afin de s’attirer de nouveaux téléspectateurs. Le service public s’attache à mieux adapter sa programmation aux différentes communautés, tandis que la télévision privée, elle, s’efforce d'élargir sa zone de réception. Le lancement de la télévision pakistanaise remonte à 1964 quand fut créée la Pakistan Television (Corporation (PTC), organisme d’État. La PTC a ouvert une deuxième chaîne en 1993 et propose maintenant 130 heures d'émissions par semaine, retransmises dans tout le pays grâce à un réseau de cinq stations régionales et de 29 stations-relais. Elle tire ses ressources des recettes publicitaires et de la redevance, laquelle coûte 9 dollars. Elle compte également sur des plans de développement de l’Etat, et a obtenu, il y a peu, une aide du Japon de 20 millions de dollars qui a servi à acheter du matériel pour le lancement de sa deuxième chaîne. Les programmes de la PTC sont essentiellement en ourdou, la langue la plus parlée au Pakistan. Mais une bonne partie des émissions

de provenance étrangère sont diffusées dans leur langue originale, l’anglais, et ne sont pas

doublées. Les stations régionales s’adressent aux nombreuses minorités ethniques, en four446

l’hindko,

le brahvi

et le sindhi.

La PTC produit ou commande environ 80 % de sa programmation, à savoir les journaux et magazines

d’information,

les émissions

reli-

gieuses et les programmes de divertissement. La production locale fournit des feuilletons, des séries et des dramatiques. Les importations couvrent toutes sortes de programmes, mais privilégient l’information et l’info-divertissement, elles sont de provenance diverse: EtatsUnis, Australie, Allemagne,

Grande-Bretagne

et République tchèque, surtout. Le contenu rédactionnel et politique est surveillé de près par les agences gouvernementales et par les institutions islamiques. La période d’instabilité politique qu’a connue le Pakistan ces dernières années a permis aux journaux et magazines d’information de jouir d’une plus grande liberté, mais les producteurs

exercent toujours une autocensure assez stricte. Le respect des valeurs de l’islam est à l’ordre du jour. Le traitement de thèmes relatifs à la sexualité est très réglementé. La publicité pour l’alcool ou le tabac est interdite. Le concurrent de la PTC est un réseau privé lancé en 1989 par un consortium d'intérêts locaux qui comprend aussi des capitaux provenant d’entreprises d’État. Shalimar Television Network

(STN)

fonctionne

sur la base

d’un système de franchises, qui permet aux opérateurs d’acquérir un temps d’antenne occupé par leurs programmes et par la publicité. Ce système a permis d'ouvrir la télévision et la production à des groupes d’intérêts différents,

fournissant

du

même

coup

aux

Pakistanais un service plus moderne et tourné vers la consommation. La STN ne diffusait au départ que dans six grandes villes du pays: Islamabad, Lahore, Karachi, Quetta, Faisalabad et Peshawar.

Ces

marchés regroupent plus de la moitié des téléspectateurs du pays. Mais le succès précoce de l’entreprise l’a incitée à élargir son réseau, lequel gagnera dès 1995 quinze autres centres urbains, ce qui lui permettra de concurrencer

Pakistan

efficacement

la domination

exercée

par la

PTC. La STN diffuse d’abord en ourdou, mais

utilise aussi des programmes d’importation en anglais, qui ne sont pas doublés. La plupart de ces importations proviennent des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. La STN émet 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7. Les tarifs de diffusion étant moins élevés aux heures creuses, par exemple à partir de minuit, divers organismes peuvent ainsi proposer leurs programmes sur Shalimar, ce sont entre autres des associations culturelles ou religieuses à but non lucratif qui s’adressent à un public ciblé. Le système permet également aux stations régionales de développer une couleur particulière et de refléter les différences locales, ce qui fidélise le public régional auprès de la chaîne. Aux heures qui ne sont pas encore franchisées, la STN occupe l’antenne avec des retransmissions en direct de CNN. La station locale de Karachi, la plus grande ville du pays, fait actuellement le meilleur taux

d’audience de la chaîne. Sous le nom de Network Television Marketing Channel 12 (du nom de la société qui a acheté la franchise à Shalimar), la station de Karachi touche près de 600 000 foyers et fournit toutes sortes de programmes. Elle privilégie le divertissement, et les programmes les plus regardés sont des séries et dramatiques produites sur place. Le plus grand succès d’audience est un feuille-

Ehsas, un feuilleton

pakistanais

ton, intitulé Friday Urdu Prama;

puis vien-

nent une émission de variétés et de promotion des jeunes talents qui a pour nom Music Challenge, la série américaine, Dark Justice,

et la sitcom Aff, enfin, en numéro cinq on trouve un magazine hebdomadaire de cinéma. Les stations de Shalimar font déjà des bénéfices sur la plupart de ces programmes franchisés. L’emprise de la publicité devrait cependant augmenter à mesure que le réseau élargira sa couverture dans le pays. La plupart des stations vendent en moyenne des espaces publicitaires de cinq à dix minutes par heure. Elles pensent augmenter ces recettes, surtout lorsque les nouvelles stations entreront en service en 1995. La télévision à péage n’est pas encore arrivée au Pakistan, mais l’influence des programmes par satellite de Star TV diffusés dans le pays voisin, l’Inde, est considérée avec inté-

rêt par les Pakistanais. Bien que le Pakistan soit plus opposé de par son idéologie à l'influence de la culture occidentale que l’Inde, les stations locales ne tarderont sans doute pas beaucoup à relayer les diffusions par satellite de Star. Seul un tout petit nombre de foyers possède actuellement une antenne parabolique, mais ce nombre devrait augmenter, car l’éco-

nomie en pleine croissance incite la bourgeoisie à s’équiper en biens de consommation. Barry LOWE

447

Les télévisions du monde

PapouasieNouvelle-Guinée Nine, qui appartient à l’homme le plus riche d'Australie; Kerry Packer. Lorsque EMTV fut

Superficie : 461 691 km? Population : 3 900 000 habitants Capitale: Port Moresby Langues

utilisées

à la télévision:

lancée, il existait déjà une autre chaîne ausanglais,

pidgin Nombre

de téléviseurs: 230 000

Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programme

du réseau: 30 % chaînes publiques: 0 chaînes privée: 1 chaînes à péage: 0 français: aucun

La télévision est encore très récente en Papouasie-Nouvelle-Guinée, c’est pourquoi elle fait l’objet d’études attentives. Un grand nombre d’universitaires du monde entier se sont penchés sur son cas, et la considèrent comme un exemple de développement dans une société du tiers monde isolée. Ils ont eu tendance à critiquer son fonctionnement qu'ils estiment trop influencé par l’impérialisme culturel occidental en raison de l’importance des programmes étrangers. Les investisseurs surveillent eux aussi de près ce nouvel équipement. Ils n’ont d’abord pas cru qu’il pouvait jouer un rôle dans l’économie du pays. Le gouvernement, les hommes

politiques, les chefs traditionnels

et les autorités de l’Église se sont aussi inquiétés de l’impact que pouvait avoir la télévision sur une société qui change rapidement, étant passée par la force des choses d’une structure tribale existant depuis des millénaires à une nation qui s’est industrialisée en l’espace de

quelques décennies. Malgré des problèmes de démarrage assez importants Media Niugini TV (EMTV)

s’est

établie comme force culturelle et commerciale en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et elle a maintenant atteint un stade où elle commence à faire un peu de bénéfice. EMTV est une filiale de la chaîne commerciale australienne Network

448

tralienne. Elle disparut au bout d’un an et EMTV dut se battre pendant quatre ans pour devenir solvable. Les moyens de communications de Papouasie-Nouvelle-Guinée étant très peu développés, EMTV ne pouvait, jusqu’à ces derniers temps, être reçue que dans la capitale Port Moresby, et dans quelques grandes villes. Certains centres urbains plus éloignés, comme Rabaul, étaient relayés quotidiennement par vidéo. Mais en 1993, EMTV

a lancé un nouveau

relais par satellite qui distribue ses programmes à partir du satellite indonésien Palapa jusque dans les îles les plus éloignées et dans les vallées. Bien que seul un petit nombre de citoyens puisse se payer une antenne parabolique, bon nombre de sociétés et d’institutions officielles ont tout fait pour s’assurer la réception du satellite afin de la relayer auprès des communautés locales. Les installations minières et les grandes plantations ont installé des antennes pour leurs employés, et des réseauxrelais ont été mis en place dans les zones urbaines avec liaison satellite, par exemple à Daru, Manus et Lorengau. Les autorités provinciales

se sont, elles aussi, montrées

inté-

ressées en achetant des paraboles qu’elles ont fait installer dans les centres les plus peuplés. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a demandé aux organismes qui lui fournissent habituellement une aide de collaborer à l’achat de ces antennes paraboliques tant attendues. EMTV émet 84 heures par semaine, et presque tous ses programmes sont importés. C’est le principal reproche qui est fait à la chaîne: elle n’a pas assez encouragé le développement d’une industrie de production locale qui reflé-

Papouasie-Nouvelle-Guinée

terait la culture du pays, et d’autre part, la télévision met en danger l'intégrité culturelle de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. EMTV réfute fermement ces accusations, en faisant remarquer qu’il n'existait aucune production locale, aucun équipement ni de personnels formés pour une production sur place lorsqu'ils se lancèrent il y a septans. Au moins, argumente la direction de EMTV, les maisons de production tirent profit de la publicité qui passe sur les chaînes, à raison de 12 minutes par heure,

et la production

d’émissions

se

développe un petit peu. La programmation locale se limite à trois secteurs: le journal, produit sur place par la rédaction de EMT V; des clips musicaux, faits par des musiciens et des sociétés de l’industrie locale qui est, sur ce plan-là, très dynamique; et les émissions religieuses, financées par les Eglises et les missions.

EMTV s'emploie à réunir les futurs producteurs et les sponsors, bien que le prix assez bas du spot publicitaire — moins de 200 dollars pour 30 secondes de publicité — entraîne un revenu faible pour ce qui concerne la production. Hormis les productions locales déjà citées, la programmation sur EMTV consiste surtout en émissions australiennes et américaines. Une bonne partie des programmes sont vendus à un prix symbolique par la compagnie-mère Network Nine. On y retrouve des rediffusions de vieilles productions américaines telles que Hawaï 5-0 et Bewitched. Malgré son ancienneté, Bonanza est toujours très regardé. On peut aussi voir des émissions provenant de la BBC,

Yes, Minister, The Bill, E-Street, et un

tas de programmes australiens, par exemple le feuilleton Neighbours (Les voisins), exporté dans le monde entier.

Lumen 2 000 est un exemple de ces émissions religieuses; il s’agit d’un show hebdo-

madaire avec prières, chants religieux et sermons, produit par un organisme catholique qui s'appelle Religious Television Association Communication Institute TV Production. Cet organisme a lancé il y a peu une nouvelle émission La famille chrétienne dans notre société en mutation (The Christian Family in our Changing Society), diffusée deux fois par semaine, une fois en anglais, une fois en pidgin. Les clips musicaux sont produits pour l'émission Perfect Breat, et traduisent bien les nouveaux styles musicaux qui se développent dans le melting-pot culturel qu'est la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La plupart sont produits par deux maisons de production, Pacific View Production et Pacific Gold Studios. Le département de l’information produit un bulletin de 30 minutes chaque soir, et donne les grands titres de l’actualité. On peut voir aussi

un

falk-show

intitulé

Chit-Chat,

une

émission sur les voyages financée par la compagnie aérienne de Papouasie-Nouvelle-Guinée, un programme pour la jeunesse, et du sport, notamment les matches du championnat national de rugby.

Jusqu’à maintenant les tentatives de production de feuilletons ou téléfilms n'ont pas encore abouti, à cause du manque de capitaux. Mais la chose n’est pas du tout impossible, et ce ne sont pas les sponsors qui manquent.

L'influence de l’Australie est particulièrement manifeste dans le sport. Les gens s’intéressent plus au championnat de rugby australien qu’à celui de Papouasie-Nouvelle-Guinée parce que le premier est plus présent sur EMTV. De fait, les programmes les plus populaires sont les trois retransmissions annuelles des matches de rugby inter-Etat australiens, en direct, qui mettent pratiquement tout le pays en cessation d’activité devant le poste. Les magazines d’information australiens exercent aussi une grande influence sur la PapouasieNouvelle-Guinée. Le magazine 60 Minutes de Network Nine a été censuré il y a peu pour un reportage jugé trop osé sur Madonna. La télévision de Papouasie-Nouvelle-Guinée semble

avoir un bel avenir devant elle, sur-

tout si on la compare à ses homologues des autres pays du Pacifique qui souffrent de leur trop petit nombre d’habitants et dont l’économie est encore peu développée. La PapouasieNouvelle-Guinée est au seuil d’un bond en avant économique, qu’alimente le développement rapide de son industrie minière. Avec près de 4 millions d’habitants, dont beaucoup attendent le partage des bienfaits que va leur

apporter la croissance, la télévision a tout ce qu’il faut pour accélérer son développement. Barry LOWE 449

Les télévisions du monde

Philippines

Superficie: 299 669 km? Population : 67 000 000 habitants Capitale: Manille Langues utilisées à la télévision: anglais, pilipino, cebuano Nombre de téléviseurs: 10 000 000 Couverture télévision: 88 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées : 8 dont 2 UHF Nombre de chaînes cablées: 2 Programmes français: négligeable Lors des cinq coups ou tentatives de coups d'Etat qui ont ébranlé les Philippines pendant les années

80, du renversement

de la dicta-

ture Marcos par Cory Aquino aux rébellions de l’armée contre son gouvernement, les batailles les plus violentes se sont livrées autour des studios de télévision. Le rôle central joué par la télévision dans les remous politiques des dernières années est venu souligner son importance dans la vie politique et culturelle de ce pays, le plus occidentalisé de l’Asie du Sud-Est.

La formule coloniale

des

célèbre qui résume Philippines,

sous

l’histoire domination

espagnole puis américaine, « 300 années de couvent, 50 de Hollywood», traduit bien l’impact culturel de la période américaine (1898-1946). Bien que l'occupation américaine soit antérieure à l’avènement de la télévision,

elle a cependant mis en place les attitudes culturelles qui préparaient les Philippins à l’adopter avec enthousiasme bien avant les autres populations de la région.

En dépit de l’influence américaine, les genres télévisuels philippins présentent de forts éléments indigènes; les formes et les conventions de la télévision occidentale se sont sensiblement modifiées au contact des thèmes locaux. Comme l’industrie cinématographique, la télévision philippine a enfanté un star system parallèle à celui de Hollywood; l’actuel vice-président, Joseph « Erap » Estrada, est un ancien acteur de films d’action, et sa popularité de vedette du grand et du petit écran a 450

été la rampe politique.

de lancement

de sa carrière

Les Philippines ont évité le sort de beaucoup de pays du tiers monde dont la télévision naissante a été rapidement inondée de produits importés des pays occidentaux. Une majorité de Philippins considèrent la télévision comme un moyen de diffusion de la culture nationale, et cette attitude a permis le développement d’une vigoureuse industrie de production télévisuelle, capable aujourd’hui d’assurer une bonne partie de la programmation. La chaîne de télévision commerciale la plus populaire, ABS/CBN (environ 30% d’audience), programme 87 % de productions philippines. Bien que les autres chaînes programment davantage de productions étrangères, surtout américaines, les émissions les plus

regardées sont invariablement les séries et les téléfilms à saveur fortement locale. En fait, les Philippines vont à contre-courant

du flot dominant Nord-Sud de la programmation télévisuelle. La télévision philippine a incontestablement un accent « filipino », qu’il s’agisse du burlesque dans les comédies ou de l’omniprésence dans les dramatiques du personnage de l’opprimé luttant contre l’Injustice. Elle a toujours été suffisamment proche du cœur des Philippins pour résister à la séduction facile des produits américains.

Avec l’apparition récente des réseaux câblés, une vague de programmes importés est venue faire l’assaut

du public,

mais

la fidélité

de

celui-ci aux produits locaux forcera sans doute les opérateurs des réseaux câblés à augmenter le contenu philippin de leur programmation s’ils veulent concurrencer les chaînes non codées. La télévision a joué un rôle important dans la diffusion de la langue officielle, le pilipino. On parle 70 langues dans les 7 000 îles qui composent les Philippines; en 1946, peu après l’indépendance, le gouvernement a décidé

Philippines

qu’une langue basée sur la tagalog parlé dans la région de Manille serait la langue officielle du pays. Toutefois, son usage ne se répandait que lentement avant qu’elle ne devînt la langue de la télévision et qu’elle n’entrât au foyer de la plupart des citoyens, qui durent l’apprendre pour comprendre le nouveau média. Il y a présentèment sept chaînes, une publique et six privées; la chaîne publique, Peoples Television Network (canal 4), est financée directement par l’État, mais une partie du

coût d'opération est défrayée par la publicité. Elle utilise largement le pilipino, en particulier dans les émissions d’information et d’affaires publiques (alors que les chaînes privées y utilisent surtout l’anglais). Des six chaînes privées, les deux plus récentes, SBN

21 (canal 55) et DZAC

23 (canal

56) diffusent en UHF, qui n’est reçu que dans environ 8 % des foyers équipés de télévision. Les quatre principales chaînes privées sont en grande partie aux mains des grandes familles de l’oligarchie politique et économique; la famille Lopez, l’une des plus puissantes du pays, est ainsi propriétaire d’ABS/CBN, la plus grosse chaîne, et d’un des nouveaux

réseaux

câblés. Il y a aujourd’hui deux réseaux câblés, Sky Cable

et Asian

Cable

Communications; ils

possèdent six canaux locaux et diffusent en majorité des émissions étrangères. Moins de 3 % des foyers sont équipés du câble (environ 200 000 abonnés), mais le nombre en aug-

mente rapidement. L'industrie du câble a connu une croissance spectaculaire ces deux dernières années dans le grand Manille et les métropoles provinciales. Au dernier comptage, il y avait 253 détenteurs de permis et 285 demandes. Ce dynamisme résulte de la politique libérale du gouvernement, qui encourage la concurrence dans les médias et a refusé d’imposer des restrictions qui donneraient aux détenteurs de permis l’exclusivité du câble.

Ce sont les couches socio-économiques les plus favorisées qui constituent à l’heure actuelle la clientèle du câble, mais la tendance

est d’inclure la bourgeoisie moyenne. Presque aucun foyer n’est équipé d’une antenne parabolique, et la programmation par satellite reste l’exclusivité des réseaux câblés. La chaîne ABS/CBN jouit de la plus grande audience grâce à son mélange séduisant d'émissions

locales et d'émissions

américaines.

Sa pro-

grammation (divertissement 61,5 %, nouvelles

et affaires publiques 18,2 %, émissions pour enfants 14,6 %, émissions religieuses 3,9 %, émissions culturelles 1,3%, émissions éduca-

tives 0,6 %) reflète l'intérêt marqué des Philippins pour les émissions d’information. La plupart des émissions d’information sont diffusées en anglais alors que la plupart des émissions de divertissement, à l’exception des produits importés, le sont en pilipino. L’une de ses concurrentes les plus sérieuses, Channel 7, du réseau GMA, met l’accent

sur les journaux et les magazines d’information, et consacre 24% de sa programmation à ce genre. La répartition de ses autres programmes s'effectue ainsi: variétés musicales, 21 %, émissions pour la jeunesse, 13 % théàâtre, 9 % émissions religieuses, 9 % comédies, 7 % films, 5 % émissions sur le cinéma, 3 % sports, 3 % émissions éducatives, 2 % téléfilms, 2% et magazines 2 %. 68 % environ

des programmes sont produits sur place, et les 32 % restants sont importés. L'émission actuellement la plus regardée est une sitcom produite aux Philippines, intitulée Ober Da Bakod (Par-dessus la clôture), puis vient une émission de variétés, Vilma (qui tire son nom de l’animatrice Vilma Santos, laquelle est aussi

vedette de cinéma), et enfin les films produits dans le pays. La plupart des importations sont fabriquées à Hollywood. Les trois autres chaînes VHE ont à peu près les mêmes

indices d'écoute, même

si ceux-ci

peuvent varier. Le sport occupe plus de place sur les chaînes qui proposent un mélange d'émissions individuelles. La recherche d’audience est une industrie très au point aux Philippines et chaque réseau essaie de trouver le bon dosage pour s’assurer la fidélité du public ciblé. Des études récentes ont démontré que les Philippins regardent la télévision entre trois et cinq heures par jour. Les plus assidus sont les enfants, puis ce sont les retraités. Les femmes passent plus de temps devant la télévision que les hommes, et les Philippins qui ont fait des études regardent plus la télévision que ceux qui ont un niveau moins élevé. Aux heures de grande écoute, ce sont les populations urbaines qui forment la plus grande part 451

Les télévisions du monde

d'audience, tandis que les ruraux regardent plus la télévision en dehors des heures de grande écoute.

Le magnétoscope est très populaire, et près du tiers des foyers en est équipé. Mais c’est très souvent en Bétamax, format qui a conti-

nué à dominer le marché philippin quand les autres pays l’abandonnaient. Beaucoup de foyers se convertissent au VHS. Les clubs vidéo, qu’on trouve partout sauf dans les villages les plus reculés, proposent un assortiment de films d’action et de films d’amour philippins et de succès hollywoodiens, à des tarifs de location très bas (parfois seulement 1F). Les Philippines se moquent notoirement des accords internationaux sur le copyright, et une bonne partie du stock de cassettes est de provenance douteuse. Les genres les plus populaires à la télévision sont les téléfilms, les séries, les mélodrames, les variétés, les émissions d’informa-

tion et les talk shows. Il existe des liens étroits entre la production télévisuelle et la production cinématographique, laquelle rivalise en volume avec les autres grands centres de production du tiers monde, Bombay, Le Caire et

Hong Kong. Les films qui passent en salle sont rapidement remontés pour leur passage à la télévision. Les vedettes de cinéma apparaissent souvent dans de petits rôles dans les mélodrames,

les comédies et les émissions de

variétés de la télévision. Les émissions d’affaires publiques prennent souvent la forme de talk shows mettant en présence des ennemis jurés dont les différends se sont parfois réglés dans le sang, et qui y exposent calmement leurs points de vue opposés. Dans ce pays très politisé, elles sont programmées tard le soir ou tôt le matin, par exemple à 8 heures comme

Kape at Balita (Nouvelles

et café).

La plupart des chaînes ont un service d’information important et diffusent 24 heures sur 24 des bulletins nourris des reportages de leurs propres journalistes. Sur la plupart des chaînes, le principal journal passe à 22 heures; la politique et les événements locaux y prennent le pas sur les affaires internationales; 1l est complété par des bulletins spéciaux de nouvelles économiques.

Les feuilletons ont la faveur du public. Techniquement assez primitifs selon des critères occidentaux, ils sont bâtis selon une for452

mule immuable qui assez grossière, des une large dose de d’entre eux, Manok lets de San Pedro)

combine une psychologie plaisanteries éprouvées et gags burlesques. Deux ni San Pedro (Les pouet Buddy and Sol, ont

connu un succès durable; dans le premier, un

poulet qui parle est le mentor et le meilleur ami d’un jeune homme naïf ; l’une des vedettes du deuxième est un acteur américain dont le physique différent est à l’origine de nombreux gags.

Le mélodrame règne sur la télévision philippine; il tourne toujours autour de l’amour et de la trahison, mais il a des ressorts plus particulièrement philippins, la vertu pour les femmes et l’honneur pour les hommes. Les émissions pour enfants ont une place importante; ce sont souvent des émissions de variétés assez légères dont le contenu est très marqué par le commanditaire. L’une des plus populaires, Batibot, destinée aux enfants d’âge pré-scolaire, met en vedette un personnage costumé en abeille qui enseigne, entre autres, l’alphabet.

Les Philippins s’intéressent assez peu au sport-spectacle. La télévision ne couvre régulièrement que le championnat

de basket-ball,

en direct de Manille, et programme quelques matches de boxe. Comme on pouvait s’y attendre dans un pays de solide tradition catholique, les émissions religieuses, notamment Le rosaire en famille et L’essence du Christ, ont un public nombreux,

mais

les sectes

fondamentalistes

américaines éveillent aussi l'intérêt. Les émissions religieuses monopolisent les matinées du dimanche. La télévision témoigne d’un certain intérêt pour la culture; les différentes chaînes diffusent une émission hebdomadaire sur les arts qui rend compte des expositions et autres événements culturels. Les émissions musicales mettent en vedette des artistes philippins dans un répertoire de succès américains; pratiquement aucune place n’est faite à la musique autochtone.

Les produits étrangers occupent à peu près 50 % de la programmation, mais ce pourcentage est trompeur, car beaucoup d’entre eux apparaissent sur les chaînes câblées dont l’audience est encore très faible. Il serait plus significatif de savoir combien le spectateur

Philippines - Polynésie française

moyen regarde d'émissions étrangères. Environ 35 % selon les statistiques des chaînes. 80 % des produits importés sont américains, le reste vient de Hong Kong et de GrandeBretagne. Il y a peu d’intérêt pour des émissions en d’autres langues que l’anglais; la programmation en français est à peu près inexistante. Les films, les séries, les miniséries

et les

dramatiques constituent l’essentiel des importations; NYPD Blue, Sea Quest, Highlander sont parmi les plus suivies; les films du kungfu de Hong Kong ont un public fidèle, surtout dans l’importante communauté chinoise. Les chaînes achètent régulièrement des émissions d’information et des documentaires américains et anglais; les émissions de la chaîne Discovery sont très appréciées, et Sesame Street connaît un succès durable. Les études d’opinion font apparaître des caractères particuliers du public philippin. Les habitudes d’écoute montrent que c’est l’ensemble de la programmation d’une chaîne plutôt que des émissions particulières qui lui assure sa part d'audience.

Autrement

Polynésie française Superficie : 3 941 km? Population : 210 000 habitants Capitale: Papeete Langues utilisées à la télévision: français, tahitien Nombre de récepteurs: 13 000 Couverture: 30 Nombre de chaînes publiques: 2 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 90 %

dit, le specta-

teur philippin ne zappe pas beaucoup d’une chaîne à l’autre, mais reste plutôt fidèle à celle qui lui offre l’ensemble de programmes le plus satisfaisant. Les Philippines sont un pays d’insomniaques; l’écoute est relativement élevée aux heures tardives, aussi beaucoup des meilleures émissions sont-elles programmées après 22 heures. Il faut dire que la circulation automobile est tellement difficile à Manille que beaucoup de banlieusards rentrent très tard chez eux. C’est pourquoi le grand journal télévisé passe à 22 heures et les tarifs publicitaires sont plus élevés à partir de 19 heures, plus tard que dans la plupart des autres pays. Les émissions les plus écoutées par les classes favorisées sont les émissions d’information, aussi la publicité des produits et des services de luxe est-elle concentrée autour d’elles. Les couches urbaines pauvres et les populations rurales préfèrent les mélos, les séries, les variétés. Cependant, certaines chaînes, répon-

La Polynésie française a une décennie d’avance sur les autres pays de la région Pacifique. Territoire français d’outre-mer, elle possède en effet sa chaîne publique depuis 1965, offerte par une métropole soucieuse d’apporter les bienfaits de sa civilisation à ses citoyens du bout du monde, et de leur inculquer la lan-

gue et la culture françaises. Alors qu’au début seule la capitale, Papeete, et l’île centrale étaient couvertes, aujourd’hui

la réception a été étendue aux autres îles tahitiennes puis aux quatre archipels qui composent la Polynésie française. La télévision est gérée par RFO (RadioFrance Outre-Mer) qui possède deux chaînes: l’une surtout consacrée aux affaires locales et à l’information, l’autre davantage tournée vers le divertissement. La plupart des programmes viennent de France2 et France 3. Les deux chaînes émettent un total de 145 heures par semaine: 81 heures sur la première (essentiellement avec des programmes de France 2) et 64 sur la deuxième (essentiel-

dant au désir des populations rurales, programment maintenant des émissions d’informations en cebuano, la principale langue des îles du sud, et projettent de le faire en ilongo, autre langue méridionale.

quelques émissions locales, en tahitien, dont un bulletin d’information quotidien de 7 minutes.

Barry LOWE

B. L.

lement France 3). Ces chaînes diffusent aussi

453

Les télévisions du monde

Samoa

occidentales

Superficie: 2 831 km? Population : 200 000 habitants Capitale: Apia Langues utilisées à la télévision: samoan Nombre de téléviseurs: 5 000 Couverture

public s’intéresse énormément à ce qui se passe en Nouvelle-Zélande, les Samoa ayant été sous administration néo-zélandaise pendant un demi-siècle. En profitant du fait que le décalage horaire et de près de vingt-quatre heures, l’équipe du Department of Broadcasting traduit les nouvelles internationales du journal de TVNZ pour qu’elles soient doublées en samoan avant d’être diffusées.

anglais,

du réseau: 50 %

Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes

français: aucun

Créée en 1993, après bien des atermoiements, la télévision aux Samoa ressemble à

celles qui existent déjà dans les cinq autres nations du Pacifique (les îles Fidji, Vanuatu, les îles Cook, Niue et Nauru), qui fonction-

nent toutes sous contrat aves le réseau néozélandais TV New Zealand (TVNZ). Les programmes font partie d’un forfait déjà proposé aux cinq autres clients, et sont retransmis par liaison satellite en ce qui concerne les magazines d’information et les journaux, et par ondes hertziennes pour les émissions qui sont moins en prise directe sur l’actualité. La télévision des Samoa est gérée par le Western Samoan Department of Broadcasting, qui s’occupait déjà de la radio. Son siège se trouve dans la capitale, Apia, à la maison du Department of Broadcasting. Le format retenu par TVNZ est le Super VHS, ce qui veut dire que les frais de lancement et de fonctionnement sont réduits au minimum. Le contrat comprend la fourniture d'équipements de production de base, du même format Super VHS. Les ressources proviennent directement de l’État. Les recettes publicitaires sont pratiquement négligeables. TV Western Samoa émet six heures par jour, entre 18 heures et minuit. Les émissions régionales n’occupent que les 15 minutes du bulletin d’information produit par l’équipe du

Department of Broadcasting, qui utilise les sources de la station de radio. Le bulletin d’information traite de la politique locale, de l’économie et d’informations à caractère social ou culturel. TV Western Samoa diffuse également

454

le principal journal

de TVNZ.

Le

Les programmes étrangers de TV Western Samoa consistent en un mélange de magazines d’information et d'émissions de divertissement. TVNZ ne produit pratiquement pas de programmes, elle achète 8 000 heures par an aux autres pays, ce qui laisse un vaste choix de produits dans lesquels puiser pour alimenter les télévisions des îles du Pacifique. La seule contrainte exigée est que ces programmes soient visibles par tous. La société des Samoa, comme celles des autres petites îles du Pacifique, a été très influencée par les valeurs morales chrétiennes enseignées par les missionnaires. La liberté de mœurs affichée par la télévision occidentale est fortement rejetée, et TVNZ doit choisir judicieusement ses programmes afin de ne pas heurter les sensibilités. Il faut éviter absolument tout type d’émission dont le contenu présente des scènes trop violentes ou érotiques. L’équipe du Western Samoan Broadcasting Department contrôle les programmes qu’elle reçoit afin de s’assurer qu’ils ne transgressent pas les codes de moralité en vigueur. Les programmes expédiés par TVNZ comportent des émissions néo-zélandaises, australiennes, américaines et anglaises. Deux séries

policières australiennes ont reçu un très bon accueil: Police Rescue et Blue Heelers. L'émission néo-zélandaise pour enfants Chatterbox est très appréciée du jeune public, ainsi que la célèbre Sesame Street. Les séries américaines qui marchent bien sont L.A. Law et The Nanny. Tagata Pacifika produite par la Nouvelle-Zélande est également très suivie, c’est une série retraçant la vie des communautés des îles du Pacifique installées en Nouvelle-Zélande. B. L.

Seychelles - Singapour

Seychelles Singapour Superficie: 444 km? Population: 70 000 Capitale: Mahé Langues utilisées à la télévision: français, créole Nombre de téléviseurs: 13 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0

anglais,

La télévision a été introduite en 1968. On compte aujourd’hui 13 000 récepteurs. La couverture de Mahé, la capitale, et des îles pro-

ches est assurée par deux émetteurs principaux de 500 et 100 W et par neuf transpondeursrelais de 10 W en Pal BG. Les programmes sont diffusés quatre heures par jour en semaine,

six heures le samedi et sept heures

le dimanche, en trois langues (créole, anglais, français). La production locale est limitée par l’insuffisance des structures: la télévision seychelloise ne dispose en effet que de deux studios opérationnels pour les variétés et le journal télévisé. Un grand plateau est en cours de finition. Le matériel est léger mais l’équipement vidéo (BVU 3/4 de pouce) est un format qui

entre en désuétude. La SBC (Seychelles Broadcasting Corporation) est abonnée à l’agence Reuter et à l’AFP. Elle utilise en outre des images de CNN qu’elle capte par le monitoring de CF. La SBC a mis à l’étude la création d’une deuxième chaîne dont les programmes seraient composés d’une sélection d'émissions en provenance des satellites qui diffusent CFI, Arabsat, la BBC, la télévision sud-africaine, CNN

et Deustche Welle. Bertrand

d’AIX

Superficie: 620 km? Population : 2 800 000 habitants Capitale: Singapour Langues utilisées à la télévision: mandarin, anglais, tamoul, malais Nombre de téléviseurs: 1 000 000 Couverture du réseau: 100 % Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 1 Programmes français: moins de 1 %

Jusqu’à ces derniers temps, le pouvoir tenait bien en mains la télévision et freinait le developpement d’un marché riche en potentialités. Mais Singapour est le pays le plus riche de l’Asie du Sud-Est, le revenu par habitant est plus élevé qu’en Australie: les consommateurs exigent donc de la qualité et de la variété de leur télévision. Ils ont fini par obtenir gain de cause. Alors qu’en 1992 Singapore Broadcasing Corporation (SBC), organisme d’État, était contrôlé de près pour refléter les objectifs idéologiques du père fondateur de Singapour, le Premier ministre longtemps au pouvoir, Lee Kuan Yem, elle a été incitée à développer une politique multi-culturelle et à diversifier ses programmes pour s’adresser à tous les groupes ethniques de l’île. . Actuellement,

il existe trois canaux

diffé-

rents. Channel 5 émet en anglais, Channel 8 est essentiellement chinois avec quelques émissions en tamoul, et Channel 12 est anglais, mais avec quelques émissions en malais. Le temps imparti à chaque langue se décompose ainsi: 59 % pour l’anglais, 32 % pour le chinois, 5% pour le malais et 4% pour le tamoul. La place importante de l’anglais s'explique par la quantité de programmes importés et par la politique gouvernementale soucieuse de faciliter les échanges commerciaux. Channel 5 émet 104 heures et demie par semaine, Channel 8, 95 heures, et Channel 12,

58 heures et demie: ce qui donne 258 heures de diffusion par semaine par la SBC. Le téléspectateur moyen passe trois heures environ devant son poste tous les soirs. Les heures de 455

Les télévisions du monde

Culture

grande audience 23 heures.

se

situent

entre

19

et

La mission de la SBC est d’informer, d’éduquersetiderdivertin:-dercesfait-lesiTT.etsles

magazines d’actualité sont prioritaires. Les premiers sont une valeur sûre pour Channel et Channel 12. On trouve des magazines d’information sur les trois chaînes. Sur la chaîne de langue anglaise, les JT d’une demi-heure, sont situés à 19 heures et 22h 30, Channel8 dif-

fuse un journal en tamoul tous les soirs à 18 h 30, et Channel 12 un journal en malais à 19h30. Le magazine Talking Points produit par la SBC connaît un grand succès tous les mercredis à 20 heures, tandis que /nside Asia,

magazine

à vocation

plus

régionale,

passe chaque lundi à 22 heures. Le système de parti unique, et le rejet de toute contestation font que très peu de sujets peuvent être discutés : les magazines et les JT sont très dociles et ne cherchent pas la confrontation des points de vue. Les gens se plaignent de l’absence d’informations vraiment

documentaires,

des

traditionnelle

émissions

de divertisse-

ment, des jeux, des variétés, et des programmes musicaux et culturels. La SBC produit aussi un feuilleton en chinois. Fin 1994, elle diffusait Larceny of Love à base de romance et de trahison, fonds de commerce

habituels

des feuilletons chinois. Ces productions sont tournées dans les studios de la chaîne ellemême, à Tuas TV Wolrd, inaugurés en 1992

pour fabriquer des films destinés à l’exportation. Depuis, certaines dramatiques de langue anglaise y ont été tournées, y compris le succès de l’année 1993 Time Tomorrow. On importe toutes sortes de genres et de différents pays, surtout des Etats-Unis, de Grande-Bretagne du Canada, de Hong Kong, de Chine et de Taïwan (dans une moindre mesure, d'Allemagne, de France, d'Italie, des Pays-Bas, de Suède, de l’Inde, de l’Indoné-

sie, de Brunei, et même parfois des pays d’Amérique latine, d'Egypte, de Turquie et de Corée

du

occupent

Sud).

Les

les heures

comédies

américaines

de grande

écoute

sur

locales à la télévision, et déplorent qu’on ne

Channel 5, avec

leur parle que de la situation et de l’économie internationales. Les programmes étrangers occupent 66 % du temps d’antenne. Sur les 34% produits sur

Junction, 1 love Lucy et 1 dream of Jeannie qui attirent toujours autant les téléspectateurs malgré leur ancienneté. Des programmes plus récents, tels que Murphy Brown, Northern Exposure et NYPD Blue sont diffusés plus tard dans la soirée. Channel 5 consacre une bonne

place, on trouve surtout les JT et les magazines d’information, ou d’info-divertissement, des

456

Hogan's

Heroes,

Petticoat

Singapour

partie de son temps d’antenne aux films américains à grand succès: il en passe même deux dans la soirée le vendredi et le samedi. Channel 8 est le domaine des dramatiques chinoises: feuilletons sentimentaux, téléfilms, sitcoms, mélodrames et films de kung-fu pro-

duits par les grandes compagnies de Hong Kong et d’autres régions de Chine, et même des productions made in Singapore. L'une des sitcoms qui a connu le plus de succès est Twin Bliss, qui est passée tous les soirs sur Channel8 en 1994. C’est l’histoire d’une exchanteuse d’opéra chinoise qui doit triompher par l’esprit des pièges que lui tendent son ancien amant et une rivale pleine de malice. L’intrigue tourne autour des éternelles questions morales que sont la trahison et l’infidélité. Une approche moins traditionnelle se retrouve dans la série moderniste Legendary Ranger, dont l'intrigue, de type science-fiction, raconte l’histoire d’un médecin qui découvre le moyen secret de créer un être humain parfait en sacrifiant un certain nombre de vies innocentes. The Proud Wanderer est un feuilleton kung-fu, qui comporte au moins un combat au sabre par épisode. Who is the Winner II est un feuilleton hebdomadaire très populaire qui traite de l’obsession des Chinois pour le Jeu. Malgré cette variété et son souci de satisfaire chacune des communautés ethniques de Singapour, la SBC affronte maintenant une rude concurrence sur le marché. En avrii 1992,

Singapore Cable Vision (SCV) a commencé à émettre en tant que première chaîne à péage, ét. la* première année, elle . a fait 21 000 abonnés. La société, qui fonctionne sur

le principe d’une participation 35 % / 65 % de la SBC et de Singapore International Media (filiale de Temasek Holding), s’est fixé pour

but d’atteindre 10% des 720 000 foyers de Singapour avant 1997. La SVC propose trois chaînes

à ses

abonnés: NewsVision,

chaîne

d’information continue qui diffuse surtout partir de CNN (avec aussi des journaux de BBC et de ITN, de la japonaise NHK et l’australienne ATVD; VarietyVision diffuse

à la de un

mélange de films, feuilletons, sitcoms, variétés et dessins animés en mandarin; et Movie-

Vision qui passe 24 heures sur 24 des films de langue anglaise fournis par Home Box Office Asia, filiale de la Time

la télévision à péage, c’est par crainte de perdre le contrôle de la situation s’il ne répondait pas à la demande pressante du public d’avoir plus de choix. L’acquisition d’antennes paraboliques est strictement interdite à Singapour, et le gouvernement ne tient pas à ce que les citoyens aient accès à des émissions provenant d’autres régions que de la péninsule malaise: elles risqueraient en effet d’introduire des idées politiques « inacceptables ». Le câble était un moindre mal car on peut toujours contrôler un service hertzien. La SCV émet par ondes courtes reçues par des transmetteurs, et converties en signaux UHF puis retransmises à l’antenne de l’abonné. L'installation du réseau câblé de la SCV a suscité beaucoup d’intérêt de la part des investisseurs étrangers qui souhaitent s’implanter sur ce marché très lucratif des médias. L'étape suivante devait être l’introduction d’une nouvelle chaîne à péage qui se consacrerait aux informations économiques. Singapour est l’endroit idéal pour baser un service qui via le satellite indonésien Palapa, s’adresse à Hong Kong à l'Indonésie, aux Philippines, à la Thaïlande et à Taïwan. Cette chaîne économique est financée par Television New Zealand, laquelle joue déjà un rôle de premier plan dans le Pacifique, en partenariat avec une société américaine Telecommunications Inc. et une société de Singapour, Asia Business News, filiale de Temasek Holding. Elle a démarré fin 1994, et prévoit de diffuser, 96 heures par semaine,

des informations traitant de l’économie de la région. De leur grand voisin malais les Singapouriens reçoivent les deux chaînes de la RTM: Channel1 interesse énormément la minorité malaise de Singapour. Channel 2 propose plus d'émissions en anglais ou en chinois et elle est très regardée par les Singapouriens d’origine chinoise. Bien qu’ils disposent de 8 chaînes de télévision (9, lorsque Asia Business News

débu-

tera ses programmes), les habitants consomment beaucoup de magnétoscopes et cassettes vidéo: 84% des foyers possèdent un magnétoscope. Quant aux cassettes, celles qui marchent le mieux sont les films chinois en provenance de Hong Kong.

Warner. =

Si le gouvernement s’est résolu à accepter

Barry LOWE 457

Les télévisions du monde

Sri L anka Superficie: 65 610 km? Population : 17 800 000 habitants Capitale: Colombo Langues utilisées à la télévision: cingalais, tamoul, anglais, hindi

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programme

téléviseurs: 1 800 000 du réseau: 98 % chaînes publiques: 1 chaînes privées: 3 chaînes à péage: 0 français: aucun

Les turbulences politiques à l’origine d’une longue guerre civile au Sri Lanka n’ont pas empêché l’île de développer une télévision qui est un modèle de diversité dans l’Asie du SudEst. Lancée sur une initiative gouvernementale au début des années 80, la télévision sri-

lankaise est maintenant aux mains de trois chaînes privées qui sont en concurrence avec le service public. Ces chaînes ont su éviter le terrain miné que constitue le mélange explosif des ethnies en répondant aux besoins des deux races principales — les Cingalais, les plus nombreux, et les Tamouls, qui se sentent mal intégrés — et en offrant le spectacle d’un multiculturalisme créatif auquel aspirait depuis longtemps cette nation assiégée. La télévision est apparue au Sri Lanka en 1979 avec l’Independent Television Network (ITN), chaîne mixte puisqu'elle appartient à la fois à l’État et à des entreprises privées, et qu’elle est indépendante du pouvoir au niveau de sa rédaction. Elle tire son financement de la redevance (5,20 dollars pour les téléviseurs couleur et 3 dollars pour les noir et blanc) et de la publicité. ITN diffuse 47 heures par semaine, et seuls 60 % des pro-

grammes sont produits dans le pays. Le reste est importé de Grande-Bretagne, des EtatsUnis, du Canada, de Singapour, de Thaïlande, d'Australie,

de Malaisie,

d'Allemagne

et de

l’Inde. Les programmes nationaux sont dans les deux langues du pays, le cingalais et le tamoul, tandis que les programmes importés sont en anglais. La grille des programmes met l’accent sur le divertissement,

458

ainsi les dra-

matiques arrivent en tête (21,51 %), devant les émissions à caractère musical (17,45 %), les variétés (16,57 %), les émissions éducatives (14,98 %), les journaux et magazines d’information (11,69 %), les émissions pour la jeunesse (6,06 %), le sport (5,22 %), les émissions religieuses (3,86 %) et les autres (2,66 %). La première concurrente que dut affronter ITN fut celle de la société d'Etat Sri Lanka Rupavahini Corporation (SLRC) qui a commencé à émettre en 1982. Son cahier des charges lui impose de promouvoir la culture autochtone. Elle émet 75 heures par semaine, nettement plus que ses concurrentes, et 74,3

du temps d’antenne est consacré aux programmes

produits

dans

le pays.

Les

25,7

res-

tants proviennent des Etats-Unis, de GrandeBretagne, du Japon et de l’Inde. En tant que service public, la SLRC attache une grande

importance aux journaux et magazines d’information, qui représentent 19,2 % de ses programmes. La chaîne favorise également les documentaires, les émissions pour la jeunesse, et les émissions religieuses et magazines culturels. Elle propose aussi des programmes éducatifs, certains en relation avec des programmes

de

formation

ponctuels,

d’autres

plus

informels. La SLRC tire son financement de la redevance, de la publicité, de la sponsorisation et de ses ventes de programmes. La première société entièrement privée à entrer en concurrence avec la SLRC et ITN fut MTV, créée en 1992 sous forme de société

à participation, comprenant des entreprises locales et un consortium d’investisseurs étrangers, dont Singapore Telecom. Cette chaîne couvre maintenant plus de 85 % du pays grâce à un réseau de relais. MTV diffuse surtout des programmes d’importation, seules 10 % de ses émissions sont produites sur place. La plupart sont en anglais, 20% en cingalais ou en tamoul. MTV importe des programmes provenant des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de

l’Inde, de Hong Kong, de Singapour, d’Australie et de Malaisie. Les informations internationales et les magazines d’information occupent 9 % des 55 heures hebdomadaires de son

Sri Lanka AE

RE

temps d’antenne. Ils comprennent des retransmissions des journaux de CNN, d’Asia Business News de Singapour, et des bulletins d'informations de l’Australian Broadcasting Corporation. Le reste de la programmation se compose de feuilletons, sitcoms, films, comédies musicales, documentaires, programmes

éducatifs, sport et émissions sur la cuisine. Les genres les plus populaires sur MTV sont, dans l’ordre, les feuilletons, les films, les

sitcoms et les comédies musicales. L’un des feuilletons les plus appréciés est Le Mahabharata, avec ses multiples épisodes et ses costumes d’époque, inspiré de l’épopée hindou éponyme. Les feuilletons américains comme The Fresh Prince of Bel Air connaissent un énorme succès, de même que les sitcoms Who's the Boss et Punky Brewster. America's Funniest

Home

Video

(vidéos

amateur)

est

aussi une émission très suivie et passe deux fois par semaine. Les dessins animés américains, tels que Super Mario

Brothers,

occu-

pent une grande place sur MTV, de même que les événements sportifs internationaux, notamment les matches de rugby. Le quatrième et dernier acteur à entrer en scène est la chaîne privée, toute récente, Teles-

han. Elle propose surtout du sport et des émissions de divertissement. Ses 35 heures de diffusion hebdomadaire se composent, à parts égales, d'émissions produites dans le pays et de programmes importés des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Australie, du Japon et de l’Inde. Bien qu’elle soit encore très jeune, Teleshan cherche déjà à faire des bénéfices. Le marché a salué avec enthousiasme son arrivée et la soutient en payant au tarif le plus élevé les spots publicitaires: 350 dollars pour 30 secondes de publicité. Trois chaînes sur les quatre que l’on trouve au Sri Lanka sont très attachées à la production locale, de ce fait l’industrie de la télévision et du cinéma est très florissante et promise à un bel d’avenir. Ce sont les feuilletons et les films qui font le meilleur indice d’écoute sur la plupart des chaînes, et leur production permet à toute une constellation de vedettes sri-iankaises de travailler et de se livrer à des campagnes de promotion sur les différentes chaînes en concurrence. Deux téléfilms récents traitent des thèmes de l’amour et de la fidélité que l’on retrouve dans toutes

Feuilleton

sri-lankais

la colère de son père en tombant amoureuse du meilleur ami de celui-ci; et Makara qui raconte le mariage forcé d’une jeune fille avec un vieillard obsédé par l’idée de la mort. Onze ans de guerre civile et une violence politique sauvage qui a donné un nouveau sens au mot terrorisme auraient pu mettre en péril, à court terme, le développement du Sri Lanka. Mais l’optimisme démontré par l’industrie télévisuelle qui s’est développée pendant cette période de crise, et l’enthousiasme dont ont fait preuve les gens pour les différents produits qu’on leur proposait, permettent d’espérer que l'héritage culturel mixte des deux communautés rivales formant le Sri Lanka peut être montré à la télévision comme un exemple de tolérance.

les histoires sri-lankaises, il s’agit de Parami

Pooja, l'histoire d’une jeune fille qui s’attire

Barry LOWE 459

Les télévisions du monde

Taïwan occupent 20 On y trouve et culturels vice public

Superficie : 36 179 km? Population : 21 000 000 habitants Capitale: Taipeh Langues utilisées à la télévision: mandarin, taïwanais, hakkanese,

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de 200 pirates) Programmes

divertissement, essentiellement des feuilletons

anglais

téléviseurs: 7 000 000 du réseau: 100 % chaînes publiques: 3 chaînes privées: 0 chaînes à péage: O (plus de

produits sur place, des dramatiques historiques et des films d’action (kung-fu). CTC

des États-Unis, du Japon, de Hong Kong, de

français: 1 %

ce qui crée une

situation

de

chaos dans laquelle la télévision échappe à tout contrôle. Ces chaînes pirates ont créé une situation de fait accompli, en déréglementant l’industrie, et en obligeant le gouvernement à voter des lois qui légalisent leur existence. Les chaînes légales sont les trois hertziennes, sous contrôle gouvernemental strict. La première, la China Television Company (CTC), est contrôlée par le parti en place, le très conservateur Kuomintang. Elle a pour mission de fournir un service public d'informations, bien qu’elle ait plutôt tendance en réalité à se charger de faire la propagande gouvernementale, par des Journaux et magazines d’information très inspirés de la ligne du Kuomintang. Ils 460

consa-

cre les trois quarts de ses 133 heures de diffusion hebdomadaire à des programmes produits dans l’île. Le quart restant est importé

La télévision taïwanaise connaît aujourd’hui les mêmes bouleversements que le système politique de l’île, en raison des réformes radicales qui sont mises en place. La main de fer du parti au pouvoir, le Kuomintang — dirigé par des vieillards exilés du continent qui se sont retirés à Taiwan après avoir perdu la guerre entre les communistes de Mao en 1949 — relâche un peu son étreinte sous la pression des réformes démocratiques. Une nouvelle génération demande la modernisation du pays sur le plan politique, et l’assouplissement d’une loi martiale qui n’est plus d’actualité. Dans le même temps, les médias exigent l’abolition des contrôles gouvernementaux qui ont prévalu ces 45 dernières années. Cette poussée est si forte que des dizaines de chaînes à péage se sont établies malgré l’interdiction officielle,

% du temps d’antenne sur CTC. aussi des programmes éducatifs (20 %), et des émissions de ser(11 %). Le reste est consacré au

Grande-Bretagne, d’autres pays d'Europe et d'Australie. Ces importations comportent des programmes éducatifs et des documentaires «comme

il faut », des sitcoms américaines et

des feuilletons, des magazines d’information et des films provenant de différents pays. La plupart des programmes d’importation sont en anglais, car la bourgeoisie de Taiwan s’intéresse beaucoup à l’apprentissage des langues étrangères. Les émissions de CTC en chinois utilisent aussi le mandarin, langue parlée par les exilés du Kuomintang qui ont rallié l’île en 1949, et la langue désormais officielle, le taïwanais, parlé par la majorité des autochtones, dont les ancêtres ont émigré dans l’île, venant de Chine, au cours des XVIIE et XIXe

siècles; ainsi que le hakkanese, langue parlée par un groupe d’émigrants qui furent les premiers à quitter la Chine. Depuis sa création en 1969, la CTC a donc été l’un des porte-parole idéologiques du Kuomintang qui s’est servi d’elle pour maintenir vivace l’idée d’une Chine non communiste. Cependant, les récentes améliorations dans les relations avec Pékin, et le fait qu’une tentative d’invasion des communistes soit de moins en moins probable ont permis au Kuomintang de relâcher la pression. Assurés de la sécurité de la nation, ils cherchent à profiter enfin de la prospérité gagnée au prix de quatre décennies de sacrifices et d’austérité. Bien que CTC ait essayé d’améliorer ses programmes de divertissement,

les téléspectateurs

se sont

de plus en plus éloignés d’elle, et de sa politique de l’autruche en ce qui concerne la nouvelle réalité économique et politique du pays.

Taiwan

Le même destin menaçait aussi une autre chaîne, la Chinese TV System (CIS), qui appartient à des sociétés privées mais qui est sous le contrôle du ministère de la Défense,

et doit son financement à des subventions gouvernementales et à la publicité. Malgré tout, CIS s’est bien battue pour conserver sa part d’audience. Elle a ainsi lancé un service en UHF qui propose un enseignement à distance. Cette station UHF émet 39 heures par semaine, à côté des 145 heures de la chaîne VHF de CTS. CTS donne la priorité aux programmes produits sur place et les importations n’occupent que 18,5% du temps d’antenne. Ces importations ne concernent que les feuilletons, les films, les dessins animés et les documentaires, provenant des Etats-Unis, du Japon, de

Hong Kong, du Canada, d'Europe et d’Australie. La plupart sont diffusées dans la langue originale, l’anglais. Le mandarin est la langue la plus utilisée sur CTS; pour environ 83 % des programmes. Le taïwanais n’occupe que 3,5% du temps d’antenne. La grille de CTS privilégie les émissions de divertissement et les programmes éducatifs. Les feuilletons produits sur place, qui sont souvent inspirés de thèmes historiques, font le plus d’audience et prédominent aux heures de grande écoute, de 19 heures à 22 h 30, ainsi que les émissions de variétés. Les journaux et magazines d’information viennent aussi en bonne place sur cette chaîne. Les JT mettent l’accent sur l’actualité financière, bien que les débats parlementaires très animés en soient rarement absents. Le troisième acteur est la Taiwan Television Enterprise (TTE) qui fut la première télévision du pays, dès 1962. Elle est sous le contrôle d’un organisme qui représente les gouvernements provinciaux, et son financement provient de la publicité. Elle émet 123 heures par semaine et fait en général le meilleur indice. Les quatre cinquièmes de sa programmation sont produits sur place; le reste provient des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d'Allemagne,

de Hong

Kong,

du Japon, du

Canada et de France. Ces importations vont des fiims aux dramatiques, en passant par des documentaires et des programmes culturels. TTE diffuse surtout en mandarin, et les importations sont en mandarin ou en anglais, avec quelques productions locales en taïwanais et en hakkenese. Il existe «une» quatrième chaîne qui n’apparaît jamais dans les programmes offi-

ciels. « La Quatrième Chaîne » est le nom que l’on donne aux chaînes à péage qui sont si nombreuses qu’on a du mal à les compter! Aucune d’elles ne possède de licence, elles sont donc illégales, même si les autorités ferment les yeux sur leurs activités depuis plusieurs années. Leur arrivée est due à la frustration causée par l’enfermement du système qui dépend trop du gouvernement. Au dernier recensement 1l existait au moins 200 sociétés de câble « souterraines » qui offrent tout un choix de programmes aux centres urbains de l’île. Elles touchent ainsi près de 1,2 million de foyers, et proposent jusqu’à 40 chaînes différentes. Le coût moyen de l’abonnement est de 25 dollars. La plupart fonctionnent par relais-satellite, à partir de Star TV de Hong Kong, CNN et d’autres réseaux japonais, qui sont retransmis,

par câble, aux abonnés.

« La Quatrième Chaîne » a posé un tel défi au monopole des trois chaînes légales que le gouvernement a dû mettre en place une législation pour autoriser la télévision à péage. Mais cette législation s’est révélée être très décevante pour les sociétés internationales, comme la News Limited de Rupert Murdoch, qui cherchent depuis longtemps à prendre pied dans l’industrie, très lucrative, des médias à

Taiwan. Les nouvelles lois interdisent en effet à des capitaux étrangers d’acquérir une chaîne taïwanaise: cette restriction est censée protéger le pays, et l’empêcher de subir une trop grande influence étrangère. Les nouvelles chafnes câblées n’auront droit qu’à 80 % de programmes étrangers. La télévision taïwanaise ne sera pas aussi libérale que l’espéraient ses pionniers. La nouvelle législation permet à une commission nommée par le Parlement de surveiller les chaînes à péage, en épluchant leurs grilles de programmes ainsi qu’en fixant le prix de l’abonnement. Les premières licences concernant quatre ou cinq chaînes qui comportent jusqu’à 60 franchises devaient être attribuées à la fin de 1994, après que la commission parlementaire eut passé en revue les candidats. L’une des concessions accordée au Kuomintang permet aux partis politiques d’acquérir leur propre chaîne câblée, alors que les réformateurs y étaient opposés. Les entreprises souhaitent vivement signer des contrats de distribution avec les chaînes hertziennes ou satellite les plus importantes de la région. Un consortium taïwanais a signé un accord avec Star 461

Les télévisions

du monde

TV, tandis qu’un autre cherche à relayer les émissions provenant de la chaîne hertzienne TVB de Hong Kong. La légalisation de la télévision à péage avait aussi pour but de contenter les partenaires commerciaux de l’île, surtout les États-Unis et le Japon, qui n’appréciaient pas du tout de voir leurs émissions par satellite piratées par tous les Taiwanais qui pouvaient s’offrir une antenne parabolique et quelques kilomètres de câble. Taiwan est réputé pour être un des pays où les droits d’auteur sont peu respectés, notamment grâce aux réseaux câblés pirates;

le gouvernement avait hâte de supprimer cette cause d’irritation. La peur de voir apparaître une chaîne à péage porno n’est pas non plus étrangère à cette démarche. L'économie taïwanaise est l’une des plus riches du monde, ses réserves dépassent celles des États-Unis, et pourtant, sa télévision est, en termes de qualité et de développement, très en retard de celles de ses voisins immédiats, ce que les citoyens de Taiwan ont de plus en plus de mal à supporter. Barry LOWE

Thaïlande Superficie : 514 095 km? Population : 57 200 000 habitants Capitale : Bangkok Langues utilisées à la télévision: anglais Nombre de téléviseurs: 11 000 000

Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

thaï,

du réseau: 95 % chaînes publiques: 5 chaînes privées: 2 chaînes à péage: 2 français: moins de 1 %

La télévision existe en Thaïlande depuis près de quarante ans, mais ce n’est qu’au cours de ces dernières années qu’elle est devenue un véritable média pour les Thaïlandais : 75 % de foyers environ possèdent actuellement un téléviseur. Après une longue période de stagnation, elle est en train de se développer à grande vitesse, suivant la courbe d’une économie florissante qui fait de la Thaïlande l’un des fameux dragons du Sud-Est asiatique. La consommation

ne cessant

de s’accroître,

le

besoin de véhiculer la publicité a terriblement augmenté aussi; les créneaux sont très recherchés. La pub, on peut le dire, a suscité une

amélioration des programmes, laquelle a amené à son tour un intérêt grandissant tant du public que des investisseurs. Aujourd’hui, la télévi-

sion thaïlandaise pourrait devenir la plus moderne de la région. Elle a démarré comme service public, sur le modèle autoritaire des médias contrôlés par le gouvernement. Les premières chaînes n’appartenaient-elles pas à des branches du pouvoir et à l’armée, et fonctionnant sous leur gouverne? Les nouveaux arrivants ont eux aussi dû accepter ce contrôle rigoureux de la programmation et du contenu des émissions. Mais lorsque le pays est entré dans une période d’expansion économique, dans les années 90, le gouvernement à eu la sagesse di assouplir sa main-mise, et à laissé le secteur privé agir à sa guise dans ce domaine. Ce qui permit aux nouvelles chaînes par câble et satellite de démarrer sans trop d’interférences officielles, et a donné au secteur audiovi-

suel commercial le champ libre pour améliorer la qualité de ses services, tant auprès des publicitaires que des téléspectateurs. Sur les cinq réseaux hertziens que compte la Thaïlande, les deux à être les moins sou-

mis au contrôle du gouvernement — Ja Chaîne 3, Bangkok Entertainment Company (BEC), et la 7, Bangkok Broadcasting and TV Company (BBTC) — sont aussi celles qui ont su le mieux tirer parti du nouveau climat politique et économique.

Thaïlande

A elles deux ces deux chaînes se partagent plus de 65 % de l’audience, ce qui leur confère la part du lion en ce qui concerne les recettes publicitaires, qui augmentent actuellement de 25 % par an. BEC et BBTC ont pu accroître leurs tarifs publicitaires de 30 % par an depuis 1991. A une heure de grande écoute, 30 secondes de publicité sur Channel3 coûtent 4 000 dollars, et la demande

est si forte

que les publicitaires doivent s’inscrire douze mois à l’avance! Autre secteur qui se développe de manière (encore plus) dynamique: la télévision à péage; elle révolutionne la bourgeoisie thaïlandaise. Le premier rôle est tenu par l’International Broadcasting Corporation (IBC), propriété du groupe Shinawatra Computer and Communications, l’une des plus grosses entreprises du pays. Lancée en 1989, IBC dirige une télévision à péage qui comporte cinq chafnes, distribuées par micro-ondes. On y trouve une chaîne d’information continue, alimentée

par retransmissions

satellite de CBS,

de la

BBC, ITN, ABC, NHK et Deutsche Welle, et

diffusée essentiellement en anglais, sauf quelques bulletins d’information aux heures de grande écoute qui sont sous-titrées en thaï. Il existe aussi une chaîne de divertissement, qui diffuse des programmes provenant des réseaux américains Fox, Warner et Columbia/Tristar, doublés en thaï; une chaîne d’information, de

divertissement et de variétés qui retransmet une sélection de programmes doublés en thaï, ou avec le son original en anglais sur équipement annexe; une chaîne consacrée au sport, avec des commentaires en anglais mais comportant quelques émissions en thaï; et, pour finir, la chaîne de cinéma Home Box Office. Chacune diffuse un total de 168 heures. Seuls 2 % des programmes de IBC sont produits sur place. Les importations proviennent des États-Unis et de Grande-Bretagne principalement, et une petite proportion vient de pays européens, dont la France. Pour le moment,

IBC

a réussi à abonner

5 %

des

foyers de Bangkok, ils paient 25 dollars par mois pour recevoir les cinq chaînes. IBC investit également beaucoup sur les futures chaînes qui, pense-t-elle, dépendront du satellite. La société s’est assuré une licence de distribution exclusive par satellite pour huit ans auprès du gouvernement, et prépare le lancement de deux satellites qui formeront le noyau central du réseau thaïlandais. Le gou-

vernement à démontré son intérêt pour cette diffusion en assouplissant les restrictions qui pesaient sur la possession d’antennes paraboliques privées. Le vrai bénéficiaire de cette tendance en faveur du satellite devrait être la principale concurrente de IBC, Thai Sky Television. Propriété conjointe d’une société locale, la Siam Broadcasting and Communications Company, et d’un investisseur étranger, Hwa Kay Thai de Hong Kong, les trois chaînes non stop de Thaï Sky détiennent déjà 5 % du marché de la télévision à péage. Il faut dire que cette société a eu de la difficulté à rivaliser avec IBC dans la chasse aux abonnements. A cause de problèmes de mise en route, elle n’a, en effet, pas pu émettre avant janvier 1992. Bien que des études récentes aient montré que Thaï Sky était à court d’argent, elle vient de signer avec le réseau Star TV de Hong Kong pour l’achat de cinq chaînes de langue anglaise, lesquelles ajoutées à une chaîne en thaï formeraient la base de l’abonnement à Thaï Sky. Il existe aussi un marché souterrain, car des chaînes illégales, sans licence, fonctionnent,

surtout dans les grandes villes et les villes de province. Elles s’appuient sur la retransmission par câble de programmes satellite, captés par les antennes pirates. Le gouvernement a toléré jusqu’à maintenant ces opérations de détournement, mais prévoit de mettre sur le marché des licences pour les réseaux de télévision à péage en province, ce qui devrait mettre fin à ce marché souterrain. Les trois chaînes traditionnelles de Thaïlande se livrent une compétition acharnée elles n’ont que 30 % des parts d’audience à se partager — mais elles occupent toujours une position centrale dans le paysage audiovisuel. La première — la chaîne 9 de la Mass Communication Organisation of Thailand (MCOT) — a introduit la télévision dans le pays dans les années 50. Elle diffuse 70 heures par semaine. Elle produit la plus grande partie de ses programmes et importe des émissions des EtatsUnis et de divers pays d'Europe. Cette chaîne est reçue sur 60% du territoire, et sa part d’audience est de 6% environ. Le second réseau était une société à participation appartenant à l’armée. La chaîne 5 de la Royal Thai Army Television a démarré en 1958, pour satisfaire la demande des gros bonnets de l’armée qui voulaient jouer un rôle dans la nouvelle industrie audiovisuelle, et dis463

Les télévisions du monde

poser d’un moyen pour communiquer directement avec le peuple. Les forces armées ne veulent pas se limiter à assurer la défense du pays, on les retrouve dans les nombreux coups d’État qui se sont succédé depuis la naissance de la nation au début du siècle. Le fait que l’armée possède et dirige une chaîne de télévision n’est donc pas extraordinaire étant donné ce contexte. Army Television émet 82 heures par semaine et couvre 67 % du pays. Sa part d’audience est de 10% à peu près. Les programmes mettent l’accent sur les informations, journaux et magazines. Le sport, les documentaires, les fictions, les variétés et les

émissions culturelles y ont aussi leur place. Plus de 70 % des émissions sont produites sur place, bien qu’elles soient en fait achetées à des maisons de production. Toutes sont en thaï, celles qui sont importées sont soit doublées soit sous-titrées avant diffusion. La troisième chaîne traditionnelle est la 11, Television of Thailand, connue sous le nom

de Chaîne des relations publiques du gouvernement. Elle est sous son contrôle direct et relayée vers les centres de province grâce à un réseau de sept stations locales qui couvrent les sept régions administratives du pays. Elle est regardée par environ 14 % des foyers. 70 % au moins de ses programmes sont des productions locales. Le reste, importé des Etats-Unis, du Japon, d'Australie, de Grande-Bretagne, de

France et d’autres pays, est doublé ou soustitré en thaï pour une part, et pour une autre part diffusé en anglais. Les importations com-

prennent des documentaires, des émissions sur le sport, des programmes pour la jeunesse, des émissions musicales, et des films. La chaîne 11 insiste sur les journaux et les magazines d’information. Le journal du soir dure 90 minutes, et mêle les déclarations du pouvoir en place aux nouvelles de l’étranger et du monde économique. Le gouvernement se manifeste aussi en diffusant des émissions qui annoncent les possibilités de carrière dans la fonction publique, et les offres de marché en ce qui concerne les contrats avec l’Etat. La chaîne 11 propose aussi des programmes éducatifs qui permettent de suivre les cours de deux universités et du ministère de l’Éducation. Elle diffuse aussi des cours de langues pour ceux qui apprennent l’anglais ou d’autres langues européennes. La télévision travaille en relation avec toute une gamme de productions locales. Les feuilletons sont le genre qui fait le plus d’audience, et de nombreuses sociétés se lancent dans ce marché. Elles produisent aussi des émissions pour la jeunesse, des magazines culturels ou musicaux, et des émissions de divertissement

comme les shows de variétés. La vidéo connaît un grand succès en Thaïlande, 20 % des foyers possèdent un magnétoscope. Le marché de la location de cassettes repose surtout sur les films d’importation, qu’ils soient américains ou en provenance de Hong Kong.

Les feuilletons japonais sont appréciés.

464

Barry LOWE

lci Quelle

nuit merveilleuse!

Tonga

Tonga Superficie: 748 km? Population : 105 000 habitants Capitale: Nuku’Alofa Langues utilisées à la télévision: anglais, tongan

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

téléviseurs: 10 000 du réseau: 50 % chaînes publiques: 0 chaînes privées: 2 chaînes à péage: 0 français: aucun

L’archipel de Tonga s’est toujours tenu à l’écart des grands mouvements affectant les îles du Pacifique. Il a réussi à échapper à l’emprise coloniale des Européens au siècle dernier, à conserver ses institutions politiques traditionnelles, et continue à faire preuve de la même indépendance dans ses relations avec les puissances étrangères, ce qui est une source d’irritation pour ses voisins. En ce qui concerne sa télévision, Tonga a fait preuve du même anticonformisme. Alors que la NouvelleZélande est en position de force dans les pays anglophones du Pacifique, la France contrôlant les territoires francophones, Tonga a échappé à leur clientélisme en créant sa propre télévision. Elle est unique pour plusieurs raisons. C’est une institution complètement privée, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays du Pacifique, elle utilise le système américain NTSC dans une zone dominée par PAL ou

La nouvelle

venue,

TV7,

se distingue en

étant la seule télévision d’inspiration chrétienne de la région. Appelée à s’installer sur l’île par le roi qui souhaitait une chaîne défendant les valeurs chrétiennes par une programmation de type familial, elle reflète l’engagement très fort dont font preuve les habitants envers la religion introduite par les missionnaires au siècle dernier. TV7, dont le siège se trouve à Nuku’Alofa,

la capitale, est financée par les dons privés des Eglises et de particuliers vivant à Tonga ou à l’étranger, aux Etats-Unis principalement. Elle est multi-confessionnelle dans son organisation et ses points de vue, et s’efforce de servir les intérêts de toutes les grandes confessions existant à Tonga. TV7 émet 11 heures par jour, du lundi au samedi, et 7 heures le dimanche. La plupart des émissions sont importées et diffusées en anglais. Elle produit une heure de programme hebdomadaire, diffusé en tongan. Il s’agit de journaux ou de magazines d’information, et de reportages sur les événements locaux, religieux ou non. Ce programme dure parfois plus longtemps à l’occasion d’événements particuliers, une grande cérémonie religieuse ou tout autre cérémonie officielle d’importance. TV7 dispose de ses propres moyens de production. Les importations comportent des services religieux télévisés, les sermons de prédicateurs américains célèbres, des lectures et commen-

Devant le faible nombre d’abonnés, le service

taires de la Bible et des émissions religieuses pour les enfants. On y trouve aussi des programmes de sport et de divertissement, tous américains. Ils sont envoyés régulièrement en cassette. TV7 dispose également d’une antenne parabolique pour recevoir CNN, et compose des magazines d’information et des journaux à partir de cette source. Pour le moment, l’émetteur de TV7 ne couvre que deux îles situées au centre de l’archipel de Tonga: Tonga Tapu et Eua. La chaîne touche environ 30 000 téléspectateurs.

dut devenir non payant au moment où se mettait en place un 2° réseau en septembre 91.

commerciale, qui propose des programmes de

Secam, et ses orientations sont nettement reli-

gieuses alors que partout ailleurs la télévision est laïque, enfin, on y trouve plusieurs opérateurs tandis qu’il n’existe qu’une seule chaîne dans la plupart des pays voisins. Tout a commencé avec l’arrivée d’une télévision à péage, fonctionnant grâce à des capitaux privés, s’adressant aux abonnés de l’île

principale, Tonga Tapu, qui payaient un décodeur pour recevoir une télévision hertzienne.

TV3,

sa rivale, est une

chaîne

purement

465

Les télévisions du monde

divertissement, importés en totalité des EtatsUnis. Elle n’accorde que très rarement une place à des émissions locales en dialecte tongan. Ses ressources proviennent essentiellement de la publicité, bien que ce secteur n’ait pas connu le développement rapide qu’on espérait, en raison de la petite taille du secteur commercial et aussi à cause du conservatisme des hommes d’affaires de l’île. Malgré tout, la publicité gagne du terrain, et les deux chaînes espèrent arriver un jour à équilibrer leur budget.

Le taux de pénétration n’a cessé d’augmenter depuis les débuts de TV3, en 1990. Cependant les téléspectateurs ayant voyagé reprochent à TV7 de faire du prosélytisme, et à TV3 que les rediffusions américaines soient de médiocre qualité. Le lancement d’une troisième chaîne est à l’étude, mais les deux chaî-

nes existantes ayant déjà du mal à engranger des recettes publicitaires, ce lancement ne se fera sans doute pas dans un proche avenir. Barry LOWE

Vanuatu Superficie: 14760 km? Population : 200 000 habitants Capitale: Port Vila Langues parlées à la télévision: français Nombre de téléviseurs: 5 000 Nombre de chaînes publiques: 1 Nombre de chaînes privées: 0 Nombre de chaînes à péage: 0 Programmes français: 50 %

anglais,

La personnalité double de Vanuatu, territoire du Pacifique autrefois administré conjointement par la France et la Grande-Bretagne, a retardé son entrée dans le monde de la télévision. Les deux puissances coloniales ont en effet toutes deux voulu imposer leur culture et leur langue aux Mélanésiens. Résultat: on parle deux langues à Vanuatu, ce qui entraîne l’existence de moyens de communication différents. De plus, la plupart des habitants parlent en première langue l’un des nombreux dialectes du pays, et la «lingua franca » est une sorte de pidgin local: la situation linguistique de Vanuatu est assez compliquée. La télévision a démarré en 1992, grâce à une aide de 1 million et demi de dollars de la France et à une aide de TV New Zealand (TVN2) qui fournit des programmes provenant de son propre fonds. 466

La télévision de Vanuatu est sous l’égide de la Vanuatu Broadcasting Corporation, organisme d’État, qui gérait déjà la radio. La Television blong Vanuatu (TVbV) est financée par le gouvernement et par des aides étrangères. Jusqu’à maintenant ce sont les Français qui l’ont surtout aidée à fonctionner. Il faudra du temps pour que les recettes publicitaires contribuent sensiblement à ses frais de fonctionnement, même s’ils ne sont pas très coûteux. La chaîne dispose d’une liaison satellite qui lui permet de recevoir des programmes fournis par TVNZ et Radio France Outre-mer

(RFO). Au départ, seuls les habitants de Port-Vila

et des villages environnants pouvaient recevoir TVbV. Vanuatu étant un archipel, sa capacité de retransmission va devoir se développer considérablement avant de pouvoir toucher toutes les îles dans lesquelles vit la plus grande partie de la population dispersée dans des villages isolés. Les habitants de la deuxième ville du pays, Luganville, ont pu capter TVbV en juillet 1993, grâce à l'installation d’une stationrelais permettant de diffuser des programmes provenant de Port-Vila, sur cassettes vidéo. Pour l'instant, ce service régional ne diffuse les émissions en provenance de Port-Vila que quatre heures par jour. À Port-Vila, TVbV émet quatre heures en

a

soirée. Le contenu des programmes se répartit à parts égales entre français et anglais. RFO fournit les émissions en français, à partir d’une sélection d’émissions produites par France 2 et France 3. RFO fournit le même type de service aux autres territoires de langue française du Pacifique. Ces programmes comportent un bulletin d’information quotidien, retransmis par satellite, alors que la plupart des autres programmes sont retransmis par ondes hertziennes. TVNZ fournit les programmes en anglais, qui sont distribués de la même manière que ceux de RFO. C’est un mélange d’émissions néo-zélandaises, et de programmes australiens, américains et anglais. On y trouve un bulletin d’information quotidien, basé sur le journal de TVNZ, des feuilletons, des séries, des

dessins animés et des émissions sportives. Si la télévision a été chaleureusement accueillie par les habitants des villes qui com-

NO

NO

- NES Viêt-nam UT NIVanuatu TP 4 CR

posent son public actuel, TVbV mettre en place une production du lancement, il était question de place un bulletin d’informations

n’a pas pu locale. Lors produire sur locales quo-

tidien, en dialecte, mais, bien qu’on ait fourni

les équipements de base, ce journal local n’a pas encore vu le jour, et le public doit se tourner vers la radio pour avoir les nouvelles du pays ! TVbV importe donc 100 % de ses programmes. (Tant TVNZ que RFO aimeraient voir évoluer cette situation.) Le gouvernement se justifie en disant qu’il a fait le premier pas en acquérant l’infrastructure qui permettra de développer la télévision et de lui donner un contenu culturel adapté au pays. Le temps presse car les retransmissions par satellite de réseaux voisins vont arriver, et laisseront peu de place aux initiatives locales. Barry LOWE

Viet-nam Superficie : 329 560 km? Population : 72 000 000 habitants Capitale : Hanoi Langues utilisées à la télévision : vietnamien, anglais, français, russe

Nombre de Couverture Nombre de Nombre de Nombre de Programmes

téléviseurs: 14 000 000 du réseau: 40% du pays chaînes publiques: 3 chaînes privées: 0 chaînes à péage: 0 français: 5 %

Le Viêt-nam est actuellement prêt à faire le bond en avant économique qui lui permettra de rivaliser — certains pensent même qu’il pourrait les surpasser — avec les dragons de P Asie orientale: la Corée du Sud, de Taïwan

et de Hong Kong. Son potentiel n’a pas échappé aux magnats qui règnent sur les médias dans le monde: ils se sont introduits à Hanoi ces dernières années pour tenter une implantation. Le siège de la Vietnam Television (VTV) regorge de dons faits par des

réseaux étrangers: quatre Landcruisers Toyota flambant neuves ont été offertes par Kerry Packer, directeur de la télévision australienne,

Ted Turner de CNN lui a fait don d’une antenne parabolique, deux autres viennent de la télévision française, une autre de la Star TV de Rupert Murdoch, et une dernière de l’Australian Broadcasting Corporation. Ces gestes de bonne volonté mettent en relief la guerre féroce qui se déroule entre les réseaux internationaux pour obtenir une part des actions dans le domaine de l’audiovisuel au Viêt-nam. Le gouvernement a cependant fait preuve de prudence. Tout en cherchant à développer une économie de marché, il n’est pas très chaud pour abandonner le contrôle de la télévision qui a pour rôle de soutenir l’idéologie dominante. Mais les pressions sont très fortes. On estime à 14 millions le nombre de foyers vietnamiens possédant un téléviseur, l’un des taux de pénétration les plus élevés dans les pays en développement. La nouvelle génération d’industriels veut faire connaître ses 467

Les télévisions du monde

produits, et la télévision est le moyen le plus évident pour accéder au marché. Il y a quatre ans, le gouvernement accepta l’introduction de la publicité sur VTV, mais à faible dose (5% du temps d’antenne). Pour ceux qui eurent la chance d’en profiter l’expérience fut un succès remarquable. Les fabricants de boissons non alcoolisées ont vu leurs ventes quadrupler, les ventes de bières augmentèrent dans les mêmes proportions et le whisky est devenu une boisson populaire, à tel point que le Viêtnam est maintenant le plus grand consommateur de la région. VTV ne diffusant que quatre heures par jour, les publicitaires devaient se partager 12 minutes. Le prix avait beau être très attractif : 120 dollars US pour un spot de 30 secondes en début de soirée et 300 dollars US, entre 20 et 21 heures, les annonceurs res-

taient sur leur faim. Les deux chaînes publiques n’offrant qu’une portion aussi congrue, le gouvernement proposa l’ouverture d’une troisième chaîne, consacrée aux programmes venant de l’étranger, avec une politique publicitaire beaucoup plus libérale. Mais cette idée fut rejetée par le Parti communiste qui s’oppose à l’arrivée du capitalisme dans le pays et à une emprise subséquente sur les médias qu’il regarde comme une nouvelle invasion impérialiste. Un compromis a été trouvé: augmentation du temps d’antenne des chaînes nationales existantes, qui émettent 18 heures par jour depuis décembre 1994, et lancement d’une troisième chaîne, mais à une

échelle modeste et avec une période d’essai. Egalement en décembre 1994 (avec deux heures quotidiennes de dessins animés et autres programmes de divertissement soft, fournis par Network 7, un réseau australien). Dans le même temps, le ministère de l’Information et de la Culture tâtait le terrain pour la création d’un réseau à péage: un service de 18 chaînes est à l’étude, qui fonctionnerait 24 heures sur 24, par ondes courtes, et s’adresserait aux

abonnés des grandes villes. Une chaîne à péage américaine, International Family Entertainment, dirigée par le télé-évangéliste Pat Robertson, est semble-t-il au premier rang des fournisseurs pressentis. Les télévisions étrangères sont déjà là, à vrai dire, pour les rares Vietnamiens qui ont les moyens de s’offrir une antenne parabolique. Ce n’est pas très légal mais le gouvernement ferme les yeux: on estime à plusieurs milliers

le nombre 468

de paraboles

dans le pays.

Et

l’armée vietnamienne projette même d’en produire et d’en vendre! La principale chaîne, c’est Channel2 qui couvre tout le pays en confiant ses programmes au satellite indonésien Palapa: les téléspectateurs des 53 provinces les reçoivent par des émetteurs à ondes courtes. Quelques régions plus éloignées reçoivent encore leurs programmes sur cassettes vidéo. Channel 1, lui, diffuse à partir d’émetteurs sur ondes moyennes aux populations urbaines de Hanoï, Hô Chi Minh ville et Haiphong. Les programmes sont produits sur place à 55 %, 45 % provenant des importations. Les émissions maison portent la marque du moule communiste: discours officiels longs, sans aucune coupure, reportages ennuyeux sur les congrès du parti ou autres « événements », JT mettant l’accent sur les positions officielles, programmes d’information ou éducatifs très influencés par l’idéologie, enfin émissions culturelles manquant totalement d’imagination. Nouveauté: des cours de langues étrangères, surtout d’anglais. La télévision vietnamienne souffre d’un sérieux problème de qualité. Les importations, choisies avec soin pour leur nature concensuelle, sont affectées par le traitement qui consiste à recouvrir la bande son originale par une voix off en vietnamien qui squeeze celle de tous les personnages, au lieu d’utiliser les sous-titres ou le doublage. Ce problème de qualité est en partie politique: pourquoi modifier une télévision jugée satisfaisante du point de vue de la propagande? Un autre problème est le manque de professionnalisme: le gouvernement australien a mandaté l’Australian Broadcasting Commission pour qu’elle fournisse une aide à la formation sur cinq ans. Une autre aide internationale concerne l’amélioration de la technique. Dans le passé, les programmes étrangers venaient des pays communistes. Maintenant, le public demande des programmes occidentaux, et le gouvernement essaie d’y répondre. Les feuilletons sentimentaux et les dramatiques sont ceux qui connaissent le plus de succès, puis viennent les films, les informations et l'actualité, les émissions sur le sport, et enfin les émissions pour la jeunesse.

Barry LOWE

COGNITION

e COMMUNICATION Re.

+ POLITIQUE

=

ERMES

13-14

ESPACES PUBLICS EN IMAGES Dominique Wolton Avant-propos Image, image, quand tu nous tiens. Isabelle Veyrat-Masson Présentation Juste des images.

Peter Dahlgren L'espace public et les médias: une nouvelle ère?

Jean Mouchon L'information politique en champ et en contre-champ. Michel Gheude La réunion invisible.

I. Statuts de l’image Daniel Dayan Introduction. Entre public et privé: la construction sociale des images. John Durham Peters, Eric W. Rothenbuhler

Agnès Chauveau Un idéaltype: la communication du Premier ministre Laurent Fabius, Juillet 1984 - mars 1989.

Au-delà de la peur des images. La réalité de la construction. Eliséo Véron De l’image sémiologique aux discursivités. Le temps d’une photo. Igal Bursztyn Le visage comme champ de bataille. Gros plans, visages d'acteurs et enjeux identitaires dans le cinéma israélien. John David Viera La propriété des images : l'exemple américain. Dominique Mehl La «vie publique privée».

Michael Schudson

II. Images, événements, société

technologies de la communication».

Isabelle Veyrat-Masson Introduction. Images de guerre et guerre des images. Dan Hallin Images de guerre à la télévision américaine : le Viêt-nam et le Golfe persique. Marc Ferro, Dominique Wolton Guerre et déontologie de l’information.

Marc Vernet Christian Metz (1931 - 1993).

Daniele Caramani, Véronique Mottier, William Ossipow La guerre du Golfe et la presse genevoise. Kurt R. Hesse Télévision et révolution. L'influence des médias occidentaux sur le changement politique en RDA. Dan Hallin, Paolo Mancini Rencontres au sommet: vers une sphère publique internationale? Les sommets Reagan-Gorbatchev. Marie-Françoise Lévy Les représentations sociales de la jeunesse à la télévision française. Les années soixante. Arnaud Mercier L'institutionnalisation de la profession de journaliste.

Trout or Hamburger: Politics and Telemythology. Philippe Marion L'affect télévisuel. Les funérailles du roi Baudouin. Kim Christian Schroder Discours critique ou marketing. Les enjeux d’une sémiotique de la publicité.

IV. Point de vue Yves Winkin Trois mots pour tout dire. Une analyse critique de l’expression «nouvelles

Hommage

Lectures Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts

Philippe Breton Ernst Cassirer François Jost Alain et Frédéric Le Diberder

Sophie de Mijolla-Mellor Simone Rozès et Paul Lombard

Dominique Schnapper James Tully Michel Van De Kerchove et François Ost

Georges Vignaux Michel Wieviorka Dominique Wolton

III. Image et politique

Résumés

Isabelle Veyrat-Masson Introduction. Instrumentaliser les images. Pour quoi faire?

Ouvrages reçus

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13-14, 1994

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Revue HERMES Directeur de la publication: Dominique WOLTON Secrétaire de rédaction: Thierry Sylvain BAUDART Rédaction: 27, rue Damesme 75013 Paris Tél. (1)45.89.96.66 Fax (1)45.80.79.29 Diffusion: en commande permanente à CNRS Editions

20-22, rue Saint-Amand - 75015 Paris - Tél.: (1)45.33.16.00 - Fax: (1)45.33.92.13 Vente au numéro: par l'intermédiaire de votre libraire ou à CNRS Editions

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Le cinéma «direct», René Prédal. 150F Architecture, décor et cinéma, Françoise Puaux.

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Le cinéma fantastique, Jean-Pierre Piton. Histoire du cinéma, René Prédal. 150F Les conceptions du montage, Pierre Maillot et Valérie Mouroux.

150F

Le suspense au cinéma, Jean Bessalel et André Gardies. 150F

70: Le néoréalisme italien, René Prédal. 150F 69: Les revues de cinéma dans le monde, Guy Hennebelle et

Agnès Guy. 150F 68 : Panorama des genres au cinéma, Michel Serceau. 120F 67: 20 ans de théories féministes sur le cinéma, Geneviève Vincendeau et Bérénice Reynaud. 120F 66: Atouts et faiblesses du cinéma français, René Prédal. 120 F 65: Cinéma et histoire. Autour de Marc Ferro, François Gar-

çon. 120F 64: Demain, le cinéma ethnographique ? Jean-Paul Colleyn et Catherine De Clippel. 120F 63: Les théories de la communication, Robert Boure et Isabelle Pailliart. 120F 62: La musique à l’écran, Alain Garel et François Porcile.

120F

et René Prédal. 175 F 43: Les cinémas arabes, Mouny Berrah, Jacques Lévy, ClaudeMichel Cluny. 120F 42:

Serceau. 120F 25 ans de sémiologie au cinéma, André Gardies. Les feuilletons

télévisés européens,

120F

René Gardies.

120F

La comédie

italienne, Michel

41: Le documentaire 40: Aujourd’hui,

132F

128F

le cinéma québécois, Louise Carrière.

119F

145 F 36: Cinéma et monde rural, René Prédal et Michel Duvigneau. 120F 35: Le cinéma de Costa-Gavras, René Prédal. 104F 34: Sembène Ousmane, Michel Serceau. 60F 33: Youssef Chahine, l’Alexandrin, Christian Bosséno. 32:

L’Holocauste

à l’écran, Annette

Insdorf.

80F

132F

31: Des jeunes à la caméra, Monique Martineau. 89F 29-30: Les cinémas indiens, Aruna Vausev et Philippe Lenglet. 89F 28: Cinéma

allemand, Roland Schneider.

27: L'écran handicapé, 20 ans d’utopies

75 F

Olga Béhar. 713F

au cinéma,

Michel

Serceau.

100F

24: Cinémas de l’émigration, Christian Bosséno. 100F 21-22: Graine de cinéastes, Monique Martineau, Françoise Fontenelle et Claude

Desimoni.

100F

18-19: Images d’en France (Cinémas des régions Il), Guy Hennebelle. 100F 16: Cinémas

paysans,

Christian

Bosséno.

100F

1 à 15, 17, 20, 26, 48: épuisés

Cinémas métis, Guy Hennebelle et Roland Schneider. 120 F Les grandes « écoles » esthétiques, Guy Hennebelle, Alain et Odette Virmaux. 90F

Hors-série

54: L'amour du cinéma américain, Francis Bordat. 120F 53°: Le remake et l'adaptation, Michel Serceau et Serge Proto52 51

Serceau.

français, René Prédal.

39: Le cinéma sud-africain, Keyan Tomaselli. 50F 38: La science à l'écran, Jean-Jacques Meusy. 112F 37: Cinéma et judéité, Annie Goldmann et Guy Hennebelle.

25:

61: L'enseignement du scénario, Pierre Maillot. 120F 60 : Histoire des théories du cinéma, Joël Magny et Guy Hennebelle. 120F 59: Les dessous du cinéma porno, Antoine Rakovski et Daniel 58: Sir 56: 55:

série cinéma

popoff. 120F



Le cinéma selon Godard, René Prédal. 120F Le cinéma d’animation, Pascal Vimenet et Michel Roudevitch. 120 F

Les métiers 160F

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L'enseignement du cinéma dans l’Europe des 12, Monique Martineau. 200 F Les scénaristes français, René Prédal. 200F

— —

Cinéma et bande dessinée, Gilles Ciment. 150F L'enseignement du cinéma au Québec-Canada,

50: Cinéma et psychanalyse, Alain Dhote. 120F 49: Le film religieux, Philippe Boitel et Guy Hennebelle. 60F 47: Les théories du cinéma aujourd’hui, Jacques Kermabon.

140F 46: Le cinéma

Mark

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Francis Bordat, Raphaël Bassan.

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