Les Symboles bibliques: lexique théologique [4 ed.] 2204081566, 9782204081566

Le symbole est, pour la Bible, la chair même de son langage. Le Seigneur qui a créé le monde par sa Parole fait de toute

1,530 147 8MB

French Pages 452 [401] Year 2009

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

Les Symboles bibliques: lexique théologique [4 ed.]
 2204081566, 9782204081566

Citation preview

SYMBOLES BIBLIQUES

.

'

'

,

.

.... . -! _• .

.

\,.

.,

_J

I,

Maurice Cocagnac

Lexique théologique

MAURICE COCAGNAC

LES SYMBOLES BIBLIQUES Lexique théologique

LA LUJli:UÈRE - LE FEU - L'EAU - LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT - LA TERRE - LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE - L'ARBRE - LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG- LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT - LE BESTIAIRE BIBLIQUE - L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE- LE CŒUR, LE CORPS - LE TRAVAIL DES HOMMES - LE REPOS DE DIEU - LE GESTE PROPHÉTIQUE - L'HUILE, L'ONCTION - LES BRUITS, LE CRI, LE SON DES INSTRUMENTS - LA JOIE, LA FÊTE PAR LA DANSE ETLETAMBOUR-LAMALADIE,LAMORTETLARÉSURRECTION-LATENTE,L'ARCHE DE L'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES - LE TEMPLE.

4e édition

LES ÉDITIONS DU.CERF PARIS

2009

Estimez le travail immense des prophètes écrivains d'Israël pour construire une Bible, livre unique, en. brochant leurs pages dans le monothéisme, luttant contre un peuple idolâtre

qui les fait voler dans l'espace, qui les répand pour en faire un paysage, jardin perdu ou paradis, pays où coulent le miel et le lait, terre promise qui s'abandonne au monde

par angoisse du désert. MICHEL SERRES

Les cinq sens

Imprlmé en France

© Les Éditions du Cerf, 1993 (29, boulevard Latour-Maubourg 75340 Paris Cedex 07) www.editionsducerf.fr

ISBN 978-2-204-08156-6

PRÉFACE

Qui ne s'est heurté à ce verset de /'Apocalypse (5, 6) : « Et je vis, au milieu du trône et des quatre vivants, et au milieu des vieillards, un agneau debout, comme égorgé. Il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept souffles de Dieu envoyés vers toute la terre. » À qui penserait que

/'Apocalypse est un livre d'images, des difficultés insolubles s'offriraient. Comment loger sept yeux sur-le front d'un agneau ? Et les sept cornes, conviennent-elles à une bête née récemment ? Comment associer la station debout à ce« comme immolé» qui semble la fonder? Et enfin, après que le ciel nous a été dépeint sous une /orme concentrique, tous les adorateurs entourant un

centre constitué par le trône et Celui qui y siège, comment se représenter la place de cet agneau « au milieu » de tout ce qui a été situé auparavant ? Ces difficultés risquent de faire reculer ceux qui tentent d imaginer /!inimaginable; alors que les grincements et les contradictions d'images ainsi décelés nous montrent que nous n avons pas à imaginer mais à tenter d approcher ce qui est au-delà de Firitaginable. Ici chaque image est chargée d un sens, et ce ne sont pas les images mais leurs sens qui ont à l articuler de façon cohérente. Une systématique proprement conceptuelle est en jeu, mais elle n'est pas médiatisée par des termes philosophiques abstraits, elle l'est par des images qui ont pour raison d'être de porter des sens. Cet exemple nous fait toucher du doigt le vif besoin que nous avons du lexique théologique des symboles bibliques que Maurice Cocagnac nous offre ici. Celui qui l'aura suivi au long de cet ouvrage entendra vibrer les symboles de /'Apocalypse et le livre s'animera comme un drame lyrique englobant Funivers. Est-ce par excès de modestie que l'auteur nous présente cet ouvrage comme un lexique? Certes le copieux index analytique qui Fachève montre qu on peut en /aire usage comme d'un très riche lexique. Mais Cocagnac a une relation trop intime avec timage pour s'être contenté de nous expliquer la signification des diverses images dont la Bible fait usage. Il les parcourt dans leur enchaînement dynamique, et il fait bon le suivre en ce parcours, ce qui, d'ordinaire, n est pas le cas lorsqu on aborde un lexique. C'est donc dans leur contexte naturel et dans leur déploiement spontané que ces symboles s'enchaînent. Et l'on a toujours un pied inséré dans le plus concret du réel et l'autre qui s'essaie à trouver une prise dans la transposition d 0ù s'élance le révélé. Celui qui se sera engagé dans ce parcours accédera à une vue du monde non formulée mais éprouvée. Tout commence par la lumière, issue de la toute première parole. Puis viennent les quatre éléments, sous leur visage biblique, c'est-à-dire en commençant par le feu qui éblouit 1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

5

LES SYMBOLES BIBLIQUES

l'homme quand il tente de fixer les yeux sur Dieu, et en s'achevant par la terre, lieu de l'homme. L'eau et le sou/fie effectuent la transition. Puis une évocation du ciel dessine une grande verticale ascensionnelle : montagne, montée vers Dieu, cité de Gloire. Ensuite vient la vie, et d'abord l'arbre porteur de vie, à la fois glorieux, maudit et bénéfique. En place centrale se situe la vigne, étroitement associée à la coupe et au sang. Au vin, boisson végétale, fait pendant le pain, nourriture végétale. Ensuite le monde animal se déploie, certains de ses représentants étant

porteurs d'une charge symbolique plus marquée. Et, dans un drame suscité par l'amour que Dieu lui porte, l'homme entre en scène, cœur et corps. Un homme à l'œuvre, mais invité à prendre part au repos du Dieu qui vient. Dans l'homme en mouvement est mise en valeur la portée prophétique du geste. Portée capitale du geste de l'onction d'huile. Puis la parole et l'ouïe s'éveillent avec tous les bruits et les sons, de la détresse à l'exultation. La joie et la fête unissent geste et son par la danse et le tambour. À cette joie font pendant maladie et mort qui appellent la résurrection. Il est temps alors de nous introduire sous la tente, refuge de l'homme dont Dieu vient partager/e nomadisme. De là nous tournerons nos regards vers le temple, pôle de la foi d'Israël et lumière des nations. Que ceux qui veulent se familiariser avec l'imaginaire biblique se·mettent en route. Du début de la Genèse à la /in de !'Apocalypse, la Bible se mettra à leur parler un langage nouveau, grâce à tefféta prononcé par Maurice Cocagnac. 6

DOMINIQUE BARTHÉLEMY.

INTRODUCTION

Le symbole est, pour la Bible, la chair même de son langage. La langue hébraïque se prête admirablement

à cette incarnation : la parole de Dieu est ainsi proférée sur tous les tons. Le

grand miroir du monde et toutes les facettes du cœur humain déploient leurs richesses pour mettre l'homme en présence de son Dieu.

Le Seigneur qui a créé le monde par sa Parole fait de toutes choses une parole et peut ainsi articuler un message qui s'adresse à -l'homme tout entier, à son intelligence, à son ardeur émotionnelle, à son seris de la beauté. Cet appel passe aussi par l'horreur et la violence, tissées

comme la toile de fond du destin tragique de l'humauité. · Des recherches actuelles sur la symbolique, on ne retiendra ici que la formule de Paul Ricœur: « Le symbole donne à penser. » Cette proposition révèle la générosité de tout ce qui existe, sa force significative et sa puissance d'évocation. C'est en les conduisant au cœur des choses que

Dieu fait entrer le théologien et l'esprit contemplatif dans son mystère. La symbolique biblique n'est pas un système de formules codées. Le verbe de Dieu n'est pas gardé sous clef, une clef que conserveraient jalousement les initiés d'une religion à mystères. Elle ressemble plutôt à la graine que le semeur jette dans le champ, sans trop se soucier de la rentabilité de son investissement. Tel est le Père du Ciel qui fait pleuvoir sa parole sur les cœurs fertiles comme sur les esprits secs. Cet ouvrage ne relève pas d'une philosophie particulière et ne propose pas davantage une méthode pédagogique déterminée. Ils' efforce de regrouper les principaux symboles pour leur permettre de s'éclairer mutuellement, par affinité ou par contraste.

Par affinité, les symboles peuvent se regrouper en constellations. Ces ensembles célestes tiennent leur cohérence de l' œil qui les réunit. Le regard spirituel, pour sa part, assemble les symboles de mauière très originale. Il révèle leur affinité naturelle quand les choses s'assemblent selon leurs essences: la vigne, le vin, le pressoir, la coupe sont des réalités d'ordre vinicole. Le regard peut cependant briser cette chaîne et s'intéresser à la vigne en tant que champ, au vin

comme liqueur d'ivresse et de folie. Le pressoir peut être le lieu de la vinification mais aussi le lieu de la vengeance sanglante. Un symbole particulier peut entrer en composition dans des séries fort diverses, voire opposées.

7

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Par contraste, le fond et la forme peuvent révéler la richesse secrète de réalités ainsi affrontées. Sur fond d'eau, par exemple, se dessinent des images de significations opposées : l'eau peut être signe de vie et de fécondité, elle peut aussi évoquer la mort. Cette divergence est

sensible dès le début de la Genèse : les eaux du ciel et les eaux abyssales ne sont pas de même nature : la pluie et la rosée pourront symboliser la Parole divine vivifiante, alors que les eaux du gouffre, repaires de monstres marins et de démons malins, deviendront l'espace de la dévoration et de la mort. Les symboles jouent ainsi sur le contraste. Sur l'horizon du désert brûlant ou dans l'ardeur d'une fournaise, un peu d'eau, un vent frais ne peuvent être que miraculeux ou divins. Planant sur un peuple fidèle ou infidèle, l'ombre de l'épée devient successivement signe de protection, image de la Parole, ou menace de destruction. À l'extrême limite de cette ambivalence, des assemblages contradictoires deviendront significatifs : eau qui brûle, feu qui rafraîchit. Le symbole, en effet, jongle parfois avec le paradoxe et l'étonnement. Il ne craint pas le scandale. Il se transmute : le feu dévorant de la colère devient l'ardeur del' amour et le sentiment cuisant de la jalousie. La Parole est un feu, !'Esprit de la Pentecôte retombe en flammes et l'embrasement de !'Apocalypse révèle le sens de l'histoire et l'ultime réalité des choses. Le feu des heures sombres s'illumine et !'Agneau réfracte dans sa splendeur une nouvelle création

préservée de toute opacité. La poésie inspirée de la Bible maintient ainsi un fù conducteur entre les diverses étapes de la Révélation. Cette conduite est un trait d'union entre les différents genres littéraires, elle conserve la permanence de leur propos. Les symboles bibliques sont ici présentés par des thèmes qui suscitent de multiples variations. Ces ensembles de signes se recoupent ou se distinguent pour assurer le rayonnement et la

fascination du texte. C'est dans cette organisation inspirée que la symbolique biblique révèle la vie intense et l'ardeur de la Parole qui sauve. Cet ouvrage espère être utile à l'analyse théologique ; il voudrait aussi aider la lecture savoureuse de la Bible, la Lectio divina - la lecture du texte assistée par !'Esprit - qui touche le cœur de l'homme au point exact où se retrouvent tous les pouvoirs de son âme. Ce lexique n'est pas un dictionnaire quel' on consulte occasionnellement. On peut certes s'y référer pour répondre à une question particulière, mais son usage est plus large. La présentation et la citation de textes bibliques ne font qu'un. Elles doivent induire un désir d'aller plus loin. Cette recherche peut utiliser des moyens analytiques ; elle peut aussi s'orienter vers la perception de significations cachées que seul le cœur est capable de révéler. L'expérience de ceux qui lisent la Bible depuis longtemps montre bien que des textes lus et relus livrent un jour un sens entièrement nouveau. L'intelligence, par une intervention de l'Esprit, s'est alors curieusement accordée aux exigences d'une lucidité profonde qui manquait jusque-là de moyens d'expression. La juxtaposition des textes prépare cet élargissement du sens.

8

INTRODUCTION

Les vingt et un chapitres de cet ouvrage constituent un cadre de recherche, mais la proposition symbolique de la Bible se prolonge à l'infini. Un index peut assurer les coordonnées d'un travail personnel susceptible d'élargir le champ de la réflexion. Les concordances, les oppositions de sens, l'étonnement suscité par les ambiguïtés, l'émergence d'une logique paradoxale permettent de pénétrer dans l'épaisseur de la proposition divine. Les thèmes et les symboles s'entrecroisent, le tissu biblique devient parfois trop serré. Le recours à un index peut être alors utile, il détaille les composantes d'un texte qui use des images à profusion, selon un schéma qui lui laisse la plus grande liberté. Je remercie Alice COLLET pour son aide. Elle a révisé le texte de cet ouvrage et en a assuré

la mise en place informatique.

9

LA LUMIÈRE Dieu est lumière.

L'éclat du Seigneut Sabaot. Le Dieu des armées. Les astres glorieux et déchus. La face de Dieu. La lumière perdue et retrouvée. L'aveuglement d'Israël. Les yeux de Tobit l'ancien.

La lumière de Dieu brille en Jésus Christ. «Je suis la lumière du monde». La lumière à l' œuvre. Le commandement nouveau.

Les objets de lumière. La lampe. Le candélabre sacré. La couronne de lumière. Les pierres précieuses.

pour les humains, mais le visage du roi en gardait le reflet : « Dans la lumière du visage royal est la vie» (Pr 16, 15). Dans les mythologies anciennes, les concurrents de la divinité principale tentaient de s'élever au rang du Dieu suprême pour s'emparer de sa splendeur. Le Seigneur d'Israël est unique et sans rival : SEIGNEUR, mon Dieu, tu es si grand ! Vêtu de faste et d'éclat, drapé de lumière comme d'un manteau. [Ps 104, 2.] Sa majesté voile les cieux la terre est pleine de sa gloire. Son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains, c'est là que se cache sa force. [Ha 3, 3-4.J Dieu s'entoure d'une splendeur redoutable; lui, Shaddaï, nous ne pouvons l'atteindre. (Jb 37, 22-23.J

La lumière réside auprès de lui. [Dn 2, 22.]

DIEU EST LUMIÈRE Les religions du Proche-Orient asiatique ont souvent doté les dieux d'une auréole de splendeur. Cet éclat demeurait insoutenable

Dans la fantastique apparition du « Char du Seigneur», Ézéchiel discerne, après le feu, une lumière qui est Dieu lui-même. Le thème de la lumière devient ici le moyen extrême de dire Dieu : Et je vis comme l'éclat du vermeil, quelque chose

13

LES SYMBOLES BIBLIQUES comme du feu près de lui, tout autour, depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessous, je vis

quelque chose comme du feu et une lueur tout autour. L'aspect de cette lueur, tout autour, était comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les nuages, les jours de pluie. C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire

du SEIGNEUR. Je regardai et je tombai la face contre terre; et j'entendis la voix de quelqu'un qui me parlait. [Ez 1, 27-28.] Pour le livre de la Sagesse, la lumière est

éternelle, c'est-à-dire qu'elle est un attribut de Dieu. On dit de la Sagesse : Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté. [Sg 7, 26.J

La lumière est ici plus qu'un rayonnement perceptible par la vue, c'est l'énergie infinie, débordante de la nature divine, son être essentiellement généreux. Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. Elle est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations, comparée à la lumière, elle l'emporte; car celle-ci fait place à .la nuit, mais contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas. [Sg 7, 28-30.l

Les hommes peuvent participer à la lumière divine et, par

là même, à une vie

pleine de bonheur, d'intelligence et de sagesse : En toi est la source de vie, par ta lumière, nous voyons la lumière.

[Ps 36, 10.] L'évangile de Jean commence par la même affirmation : La vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie. [ ... ]

14

Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme. [Tn 1, 4-5 et 9.] Quant à l'épître aux Hébreux, elle renoue

avec la tradition du livre de la Sagesse : le Verbe, fils du Père, tient de ce Père la lumière créatrice et conservatrice du monde: « Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce Fils qui soutient l'univers par sa parole puissante ... » [He 1, 3].

Paul invoque : Le Roi des rois et Seigneur des seigneurs le seul qui possède l'immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul d'entre les_ hommes n'a vu ni ne peut voir. [1 Tm 6, 16.]

Et Jacques de conclure : Tout don excellent, toute donation parfaite vient d'en haut et descend du Père des lumières, chez qui n'existe aucun chà.ngement, ni l'ombre d'une variation. [Tc 1, 17].

L'ÉCLAT DU SEIGNEUR SABAOT

Le Dieu des armées. La liturgie chrétienne invoque le Seigneur Sabaot. Elle se réfère ainsi à la grande vision qui sert de cadre à la vocation du prophète Isaïe. Je vis le SEIGNEUR assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l'un à l'autre ces paroles :

LA LUMIÈRE « Saint, saint, saint est le SEIGNEUR Sabaot. Sa gloire remplit toute la terre.» [Is 6, 1-3.]

pouvoir vivifiant de Dieu, capable de rendre vie à la poussière :

« Sabaot » apparaît pour la première fois comme le nom du Seigneur invoqué dans l'antique sanctuaire de Silo. De ce Seigneur il est dit qu'il« trône sur les chérubins ». (1 S 1, 3 ; 4, 4.) Cette formule met surtout en relief la puissance de Dieu sur les anges, les astres, les éléments qui composent le monde. « Ainsi furent achevés le ciel et la terre et toute leur armée» (Gn 2, 1).

Réveillez-vous, criez de joie vous qui demeurez dans la poussière, car ta rosée est une rosée de lumière. [Is 26, 19.]

La réalité sous-jacente à l'image d'une armée est moins celle du combat que celle du

déploiement de la force du prince : Il tend les cieux comme une toile,

les déploie comme une tente où il habite. [... ] Levez les yeux là-haut et voyez : Qui a créé ces astres ?

Il déploie leur année en bon ordre,

il les appelle tous par leur nom. Sa vigueur est si grande et telle est sa force que pas un ne manque. [Is 40, 22 et 26.]

La force des années c'est l'obéissance. Les astres doivent à leur Seigneur tout-puissant l'humble obéissance des créatures.

Il envoie la lumière, elle part,

il la rappelle, elle obéit en tremblant ; les étoiles brillent à leur poste, joyeuses : les appelle-t-il, elles répondent : Nous voici! elles brillent avec joie pour leur Créateur. [Ba 3, 33-35.l

Le serein est l'humidité qui se manifeste après une belle journée. Le soleil a brillé, les étoiles maintenant resplendissent, il est donc naturel d'allier l'eau du ciel à la luruière. C'est aînsi que le symbole de la lumière et celui de l'eau s'unissent pour signifier le

Les astres constituent donc la garde d'honneur du Maître de toutes choses. C'est dans ce déploiement que le Seigneur manifeste sa gloire : Qui est ce roi de gloire ? C'est le SEIGNEUR Sabaot,

c'est lui le roi de gloire. [Ps 24, 10.] Mais le Dieu des armées célestes n'est pas un Seigneur que sa transcendance confine dans sa gloire. S'il cache son visage aux yeux des pécheurs, il demeure miséricordieux et peut irradier son pardon : SEIGNEUR Sabaot, reviens rnfin, observe des cieux et vois, visite cette vigne, protège-la [. .. ] SEIGNEUR Sabaot, fais-nous revenir, fais luire sur nous ta face et nous serons sauvés. [Ps 80, 15 et 20.]

Et Paul, tourmenté par un mal inconnu qui le déroute, s'entend dire : « Ma grâce te suffit, car la puissance se déploie dans la faiblesse.» (2 Co 12, 9). L'épître aux Romains contient la seule référence du Nouveau Testament au Dieu Sabaot. li s'agit d'une citation d'Isaïe (Is 1, 9), qui évoque la miséricorde de Dieu qui ne détruit pas entièrement le peuple d'Israël devenu pécheur, pour pouvoir le régénérer : « Si le SEIGNEUR Sabaot ne nous avait pas laissé une descendance, nous serions devenus comme Sodome, semblables à Gomorrhe» [Rrn 9, 29]. Le déploiement de la force du Dieu très-

15

LES SYMBOLES BIBLIQUES

haut n'est donc pas seulement une démons-

tration dissuasive, l'étalage d'un pouvoir redoutable. Paradoxalement, c'est dans le pardon et la restauration que cette force proprement divine se manifeste : Car ta force est le principe de ta justice, et de dominer sur tout te fait ménager tout.

[Sg 12, 16.J Le Seigneur Sabaot n'est donc pas, comme Arès ou Mars, un dieu de la guerre. Il n'est pas davantage une divinité apparentée à une dynastie solaire, lunaire ou stellaire. Créateur du ciel et de la terre, la splendeur de sa face est d'un autre ordre. La cacher ou la dévoiler relève de la liberté transcendante du Dieu vivant. C'est en vertu de cette liberté proprement divine que le Seigneur des armées, le chef de guerre, celui qui jadis sortait avec les armées d'Israël, se convertit en Seigneur désarmé et ouvre la perspective d'un Messie qui sera le Prince de la paix. Allez, contemplez les hauts faits du SEIGNEUR, lui qui remplit la terre de stupeurs. Il met fin aux guerres jusqu'au bout de la terre; l'arc, il l'a rompu, la lance, il l'a brisée, il a brûlé les boucliers au feu. Arrêtez, connaissez que moi je suis Dieu.

[Ps 46, 9-10.J

Les astres glorieux et déchus. Dieu n'a pas à lutter contre les astres qu'il a créés. Même si les hommes ont tendance à leur prêter une âme plus ou moins divine, la Bible parle d'eux comme des choses : ils sont des luminaires ou des flambeaux (mahôrot), fixés au firmament pour briller de jour et de nuit (Gn 1, 14-19). Les astres ne

16

sont donc pas des rivaux du Seigneur et la jalousie qu'il peut manifester porte sur le culte des astres, fréquent dans les religions du Proche et du Moyen-Orient. Quand le roi Josias entreprend la réforme spirituelle de son peuple, ils' attaque au culte idolâtrique des Baals, des stèles et des pieux sacrés, ainsi qu'à l'armée des deux, conçue comme l'ensemble des astres. Le soleil, la lune et les étoiles pouvaient, en effet, sous l'influence des cultes païens, exercer sur Israël une fascination et susciter des pratiques coupables. Le roi supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient dans des hauts lieux, dans les villes de Juda et les environs de Jérusalem, et ceux qui sacrifiaient à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations, et à toute l'armée du ciel. [2 R 23, 5].

L'écho de cette détermination se retrouve dans le Deutéronome : Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune et les étoiles et toute l'armée des cieux, ne va pas te laisser entraîner à te prosterner devant eux et à les servir. Le SEIGNEUR ton Dieu les a donnés en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel. [Dt 4, 19.]

Et le livre de la Sagesse déplore ces hommes qui, partant des biens visibles, n'ont pas été capables de connaître Celui-qui-est et qui, considérant les œuvres, n'ont pas reconnu

!'Artisan. Mais c'est le feu, ou le vent, ou l'air rapide, ou la voûte étoilée, ou l'eau impétueuse, ou les luminaires du ciel qu'ils ont considérés comme des dieux gouverneurs du monde ! Que si, charmés de leur beauté, ils les ont pris pour des dieux,

LA LUMIÈRE qu'ils sachent combien leur Maître est supérieur, car c'est la source même de la beauté qui les a

créés. [Sg 13, 1-3.] Au cœur de la grande louange cosmique, les astres entrent dans le concert des créatures : Louez le SEIGNEUR depuis les cieux, louez-le dans les hauteurs [ ... ] Louez-le, toutes ses armées ! Louez-le, soleil et lune, louez-le, tous les astres de lumière !

[Ps 148, 1-3.]

Le livre de la Sagesse va découvrir le lien entre la beauté et la lumière. Comparée aux réalités créées, la Sagesse qui les revêt de

beauté brille d'un éclat singulier : La Sagesse surpasse toutes les constellations ;

comparée à la lumière, elle l'emporte; car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas.

[Sg 7, 29-30.]

Au concours des splendeurs, la lntnière créatrice de Dieu l'emporte parce que son

éclat s'impose aussi bien dans l'ordre du bien que dans celui du beau. Les astres apparaissent parfois comme des auxiliaires de l'action divine. Dans le cantique de Débora, un des plus anciens textes de la Bible, on célèbre la victoire d'Israël sur les rois de Canaan et la mort de Sisera, chef des troupes de Yavin. Les étoiles se montrent comme les alliées du peuple de Dieu: Du haut, les étoiles ont combattu

de leurs orbites, elles ont combattu contre Ug 5, 20.]

Sisera.

D'anciens textes d'Ougarit faisaient des

étoiles des divinités combattantes. Ici, elles

sont mentionnées comme de simples instruments de Dieu.

Déjà, dans le livre de Josué, on voit le Seigneur bombarder les adversaires de la coalition qui unit Israël à Gabaôn. Mais, par la suite, Josué parle à Dieu et lance un ordre aux astres : Soleil arrête-toi sur Gabaôn, et toi, lune, sur la vallée d'Ayyalôn.

Le miracle a lieu mais le texte conclut : Ni avant, ni après, il n'y eut de jour comparable à ce jour où le SEIGNEUR obéit à un homme Gos 10, 12 et 14].

Dans ce récit, les astres apparaissent

comme des serviteurs d'autant plus modestes qu'ils se conforment à un ordre humain. Le thème de la déchéance des astres qui se sont dressés contre la divinité principale a connu plusieurs variations. En Isaïe, on trouve cependant un texte inspiré par

l'étonnement que suscite la chute du roi de Babylone. Le Fils de l'Aurore dont on constate la défaillance spectaculaire deviendra, dans la Bible latine, Lucifer, l'astre brillant par excellence. Cet être de lumière prendra alors la tête de la rébellion angélique : Comment es-tu tombé du del,

Astre brillant, Fils de !'Aurore? [... ] Toi qui disais : je monterai aux cieux, je hausserai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu, je siégerai sur la montagne del' assemblée divine. [Is 14, 12-13.J

Une séquence poétique du même ordre se trouve en Ézéchiel (Ez 28, 11-19). Il s'agit d'une prophétie contre le Prince de Tyr, mais l'astre déchu est ici le chérubin

17

LES SYMBOLES BIBLIQUES

étincelant qui gardait le paradis de !'Éden. Sa chute devient un objet d'épouvante. Avec la troisième trompette qui annonce des grands fléaux de l' Apocalypse, on assiste à la chute d'un astre nocif : Du ciel un astre immense comme une torche. Il tomba fleuves et sur les sources des est : Absinthe. Le tiers des

tomba, brûlant sur le tiei:s des eaux. Son nom eaux devint de

!'absinthe et beaucoup d'autres hommes mou-

nuent à cause des eaux qui étaient devenues amères. [Ap 8, 10-11.]

C'est aussi dans !'Apocalypse que !'Etoile du matin est réhabilitée : elle devient le symbole de la puissance retrouvée avec la gloire du Christ ressuscité (Ap 2, 28). C'est finalement le Christ lui-même qui peut dire : «Je suis le rejeton de la race de David, !'Étoile radieuse du matin» (Ap 22, 16).

La face de Dieu. Le visage d'un roi reflète, de droit, quelque chose de cette splendeur divine. On retrouve cette idée dans le livre des Proverbes de la Bible : « Dans la lumière du visage royal est la vie» (Pr 16, 15). Le mot hébreu qui signifie « face » peut, comme en français, former la locution « en face de ». Il s'agit donc de la présence. La luminosité plus ou moins grande d'un visage peut moduler l'intensité de la présence depuis l'éblouissement mortel jusqu'à la douce clarté d'une intimité sereine. La« face de Dieu » manifeste sa splendeur d'une manière intolérable; Jacob considère comme un miracle d'avoir échappé à ce rayonnement : «J'ai vu la face de Dieu et j'ai eu la vie sauve.» (Gn 32, 31.)

18

La face épouvante aussi parce qu'elle irradie une lumière qui révèle la- vérité et manifeste la misère et le péché des hommes, leur nudité et leur faute. Adam dit à Dieu : «J'ai entendu ton pas dans le jardin ; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché» (Gn 3, 10). Le reflet de la lumière divine sur le visage de Moïse l'incite à se voiler la face pour ne pas éblouir dangereusement les Israélites (Ex 34, 29-35). Et pourtant, loin de la face de Dieu, l'homme se trouve plongé dans les ténèbres. Le texte de cette bénédiction implore l'illu-

mination divine : Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde ! Que le SEIGNEUR fasse pour toi -rayonner son visage et te fasse grâce ! Que le SEIGNEUR te découvre sa face et t'apporte

la paix ! [Nb 6, 24-26.J La prière du peuple reprend le même thème: Pour ton serviteur, illumine ta face,

apprends-moi à faire tes volontés. [Ps 119, 135.] SEIGNEUR) fais-nous revenir, fais luire sur nous ta face et nous serons sauvés. [Ps 80, 4].

La lumière de la face divine accorde au peuple la grâce d'une puissance particulière: Heureux le peuple qui sait l'acclamation, SEIGNEUR, à la clarté de ta face ils iront. [. .. ] L'éclat de leur puissance, c'est toi, en ta faveur tu exaltes notre vigueur. [Ps 89, 16 et 18.]

C'est ainsi que Dieu peut ranimer la gloire du sanctuaire ravagé par sa colère : « Que ta face illumine ton sanctuaire, désolé par toimême, Seigneur» (Dn 9, 17).

LA LUMIÈRE

Le psaume 31 utilise le terme de « face » en deux passages conjoints, mais dans deux sens différents:« l'être-au-monde» et «l'être-en-Dieu» :

Mais tu as pitié de tous parce que tu peux tout, Tu fermes les yeux sur le péché des hommes pour qu'ils se repentent. [Sg 11, 23.]

Quand Dieu ferme les yeux, c'est aussi pour refuser une offrande inacceptable :

Tu combles, face au monde, ceux qui eont pris pour refuge. Tu les caches là où se cache ta face loin des intrigues des hommes, [Ps 31, 20-21.]

Quand vous étendez les mains, je détourne les

La Bible ne dessine pas des yeux sur la face de Dieu, Le symbolisme des yeux est tout autre : il signifie l'omniprésence active du Seigneur auprès des hommes et dans sa création tout entière. Nul ne peut échapper aux yeux de Dieu :

blasphèmes de Sennachérib, s'adresse ainsi à Dieu:

S'ils se dérobent à mes yeux au fond de la mer là, je commanderai au serpent de les mordre. [ .. .] Je fixerai les yeux sur eux pour leur malheur

et non pour leur bonheur. [...] Voici, les yeux du SEIGNEUR sont sur le royaume du pécheur. [Am 9, 3-4 et 8,]

Celui qui redoute trop le regard des

yeux. [._.] Vos mains sont pleines de sang, lavez-vous, purifiez-vous! [ls 1, 15-16.] Le roi Ézéchias, par contre, outré des

Prête l'oreille, SEIGNEUR, et entends, ouvre les yeux, SEIGNEUR, et vois. Entends les paroles de Sennachérib qui a envoyé dire des insultes au Dieu vivant.

[Is 37, 17.l

[Gn 9, 8-11.]

L'arc de Dieu, arme de sa puissance, est à jamais déposé dans le ciel, et l'arc-en-ciel devient le signe de l'alliance miséricordieuse : Et Dieu dit : « Voici le signe de l'alliance que je mets entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir ; je mets· mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre. Lorsque j'assemblerai les nuées sur la. terre et que l'arc apparaîtra dans la nuée, je me souviendrai de l'alliance qu'il y a entre moi et vous et tous les êtres animés, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. Quand l'arc sera dans la nuée, je le verrai et me souviendrai de l'alliance éternelle

L'EAU

qu'il y a entre Dieu et tous les êtres animés, en somme toute chair qui est sur la terre. >> Dieu dit à Noé : « Tel est le signe de l'alliance .que je mets entre moi et toute chair qui est sur

la terre.» [Gn 9, 12-17.l

L'eau signe de bénédiction et de malédiction. La fertilité du sol est liée à la pluie : elle irrigue les champs et remplit les puits des espaces désertiques pour abreuver les troupeaux. Les Psaumes chantent ce bienfait de Dieu: Tu. visites la terre et tu l'abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Diell regorgent d'eau, tu prépares les moissons. Ainsi tu prépares la terre, tu arroses les sillons ; t~ aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, tu bénis les semailles. Tu couronnes une année de bienfaits, sur ton passage rùisselle l'abondance. Au désert les pâturages ruissellent, les collines débordent d'allégresse. Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé.

Tout exulte et chante. [Ps 65, 10-14.] La pluie, bénédiction terrestre, devient en Isaïe le symbole de la Parole. Avant d'être articulée en discours, cette parole est grâce, é_nergie active, don substantiel :

ne même tjue la pluie et la neige descendent des

cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé 1a terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer pour fournir- la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma

bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai voulu et réalisé

l'objet de sa mission. [Is 55, 10-11.] Matthieu, rapportant le discours inaugural de Jésus, dit : « Le Père du ciel fait lever son soleil sur les méchants et les bons et fait pleuvoir sur les justes et les-injustes>> (Mt 5,

45). L'Ancien Testament a lié le don de l'eàu à l'obéissance à la Loi, et la sécheresse à l'infidélité : Si vous vous conduisez selon mes lois, [. . .] je vous donnerai en leur saison les pluies qu'il vous faut, et la terre donnera ses produits et l'arbre de la campagne ses fruits. [. .. ] Si vous ne m'écoutez pas, je briserai votre orgueilleuse puissance, je vous ferai un ciel de fer et une terre d'airain [. ..] Votre terre ne donnera plus ses produits et l'arbre de la campagne ne donnera plus ses fruits. [Lv 26, 3-4 et 18-20; voir aussi Dt 28, 12; Ps 107, 33-35; Is 50, 2.]

La grande sécheresse qui frappe Israël au temps du prophète Élie est souvent interprétée, selon l'esprit du Lévitique et du Deutéronome, comme une punition de l'infidélité d'Israël. Sans exclure cet aspect, un autre enjeu se manifeste dans cette histoire. Dieu veut montrer 4_' abord qu'il est _seul maître des éléments et non pas le Baal importé par l'épouse d'Achab, la païenne Jézabel. Il entend aussi confirmer Élie_ dans sa mission de porte-parole du Dieu d'Israël. La compétition entre Élie et les dervicbes sanglants réunis sur le mont Carmel (peut-être des magiciens « faiseurs de pluie ») se terminera par leur déconfiture. Ainsi s'affirme le pouvoir du Seigneur d'Israël sur sa création (1 R 17 et 18).

59

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les eaux de l'Exode et de la libération.

Moïse enfant, menacé par l'ordonnance meurtrière de Pharaon, est embarqué par sa mère sur les eaux du Nili au péril du courant et des crocodiles. Recueilli par la fille de Pharaon, il bénéficiera d'une éducation capable de faire de lui le chef de la communauté d'Israël. Son nom même « Tiré des eaux » est un signe de la puissance divine (Ex 2, 1-10). Le miracle de la mer des Roseaux est l'œuvre du Seigneur, maître des vents. C'est en effet un vent d'est qui, à la fois, ouvre le passage salutaire pour le peuple d'Israël et referme un piège sur la cavalerie égyptienne. Cet épisode a été considéré par la tradition comme la naissance du peuple de Dieu. Pour les chrétiens, l'eau de la sortie d'Égypte deviendra le symbole du baptême. Moïse étendit sa main sur la mer. Le SEIGNEUR refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est

et il la mit à sec. Les eaux se fendirent et les enfants d'Israël s'engagèrent dans le lit asséché de la mer; avec une muraille d'eau à leur droite et à leur gauche. [Ex 14, 21-22.l Car je ne veux pas que vous l'ignoriez, frères ; nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer, tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. [1 Co 10, 1-2; voir aussi Ex 14, 15-31; Ps 78, 13; Ps 106, 9-12; Ps 114, 1-5; Sg 10, 18-19.]

Au cours de la inarche dans le désert, le peuple assoiffé réclame del' eau. Sur la prière de Moïse, Dieu adoucira les eaux saumâtres

ou fera jaillir l'eau fraîche du rocher. Ces miracles sont nés de l'inquiétude du peuple, de son incrédulité qui finiront par lasser

Moïse: La tradition biblique verra dans cette défiance le germe de l'infidélité d'Israël.

60

Israël) sur l'injonction de Moïse, leva le camp d)auprès de la mer des Roseaux. Ils se dirigèrent vers le désert de Shur) où ils marchèrent trois jours sans trouver de point d'eau. Ils parvinrent à Mara, dont ils ne purent boire l'eau, tant elle était amère : d'où le nom de Mara donné à ce lieu. Le peuple murmura contre Moïse en disant:« Qu'allons-nous boire?» Moïse cria alors

vers le SEIGNEUR et le SEIGNEUR lui indiqua une sorte de bois. Moïse l'ayant jeté dans l'eau, celle-ci devint douce. [Ex 15, 22-25; voir aussi Ex 17, 1-7; Nb 20, 1-13.l

Une allégorie de Paul fera du rocher jaillissant dans le désert l'image du Christ, source d'eau vive : Tous mangèrent la même nourriture spirituelle et tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher c'était le Christ. Cependant la plupart d'entre eux ne furent pas agréables à Dieu, puisque leurs cadavres jonchèrent le désert. [! Co, 10, 3-5.l

RENCONTRES AUTOUR DES POINTS D'EAU

Dans les étendues désertiques du Proche-Orient, les points d'eau assurent existence des hommes et des bêtes. Des puits jalonnent les chemins qui se croisent et permettent ainSi des rencontres. Le puits est le lieu de l'eau vive. En le creusant, les hommes dégagent Wle source profonde, ils font ainsi apparaître une énergie qui vient d'ailleurs et qui maintient son débit. La citerne, par contre, est un réservoir sur lequel on ne peut compter : il dépend des

r

L'EAU

précipitations locales, qui peuvent être hasardeuses, et d'une étanchéité qui n'est pas toujours assurée.

Jérémie donne une haute valeur symbolique

à cette différence lorsqu'il répercute les

reproches de Dieu à son peuple : Ils m'ont abandonné, moi, la Source d'eau vive, pour se creuser des _citernes,

Le peuple d'Israël chante autour du puits désigné jadis par Dieu (Nb 21, 16-18). Jésus rencontre la Samaritaine près du puits de Jacob. Il lui révèle l'eau vive qui éteint défiuitivement la soif (Jn 4, 1-26). Jésus rencontre le paralytique près de la piscine de Bézatha. Il lui révèle l'énergie divine toujours au travail pour le salut des hommes (Jn 5, 1-18).

citernes lézardées qui ne tiennent pas l'eau. [Jr 2, 13.]

Les religions païennes divinisaient les sources ; les premiers livres de la Bible en font un lieu de rencontre entre Dieu et l'homme, et aussi un point de ·communica-

tion entre les humains. L'Ange de Dieu annonce à Agar, servante de Sara et d' Abram, sa fécondité future, près du puits de Lhaï Roï (Gn 16, 7-14). L'Ange conduit Agar, désespérée par la mort prochaine de son enfant, près d'un puits sauveur (Gn 21, 14-19). L'alliance d'Abraham avec Abimélek a lieu près du puits de Bersabée (Gn 21, 25-31). C'est près d'un puits que le serviteur d'Abraham découvre Rébecca qui deviendra l'épouse de son fils Isaac (Gn 24, 1-27). Après une dispute avec les bergers de Gérar au sujet des puits, Isaac retourne à Bersabée. Il bâtit un autel au Seigneur qui lui est apparu (Gn 26, 15-25). Jacob rencontre Rachel auprès d'un puits (Gn 29, 1-6). Jacob achète le domaine de Sichem et, vraisemblablement, la source jaillissante au fond d'un puits profond (Gn 33, 19). C'est, selon la tradition, auprès de ce puits que Jésus rencontrera la Samaritaine. Au pays de Madiân, Moïse rencontre sa future épouse près d'un puits (Ex 2, 11-22).

DE L'ABLUTION À LA RENAISSANCE L'eau des ablutions.

L'eau lave. La crasse est un handicap pour le corps humain, très spécialement dans l'ordre des relations à autrui. Certains états de saleté interdisent d'autres actes. Se laver les

pieds et les mains sont des opérations quotidiennes. Toutefois, le simple lavage peut se charger d'une signification spirituelle. Comme rite d'accueil, il est recommandé de laver les pieds du visiteur (Gn 18, 4). Jésus donnera un sens plus profond à cette coutume : Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres [Jn 13, 14].

Se laver les mains pouvait devenir un signe d'innocence :

Je lave mes mains en l'innocence et tourne autour de ton autel, SEIGNEUR. [Ps 26, 6.]

Ponce-Pilate se lave publiquement les mains au cours du procès de Jésus, il entend ainsi dégager sa responsabilité juridique (Mt 27, 24). 61

LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'ablution prend, dans la Bible, une valeur rituelle et confère ainsi à l'eau un pouvoir proprement religieux. Les prescriptions concernant la sexualité exigent un bain pour restituer une pureté qui a aussi une valeur religieuse (Lv 15). Le contact avec un lépreux (Lv 14, 8-9) ou avec un cadavre (Lv 11, 40) suppose une purification par l'eau. Au sacrifice de la vache rousse succède une aspersion de son sang. Brûlé, le corps de la victime fournira des cendres qui entreront dans la composition d'une eau lustrale (Nb 19, 1-10; He 9, 13). Au grand Jour des Expiations, après le sacrifice des boucs, une purification radicale précède l'entrée dans le sanctuaire : Quand il aura envoyé le bouc au désert, Aaron

rentrera dans la Tente de Réunion, retirera les vêtements de lin qu'il avait mis pour entrer au sanctuaire. Il les déposera là et se lavera le corps avec de l'eau dans un lieu consacré. Puis il reprendra ses vêtements et sortira pour offrir son

holocauste et celui _du peuple. Il fera le rite d'expiation pour lui et pour le peuple. [Lv 16, 22-24.]

Un bain doit précéder la vêture des prêtres : Tu feras approcher Aaron et ses fils de la Tente de Réunion et tu les feras baigner. Tu prendras les vêtements et tu revêtiras Aaron de la tunique,

du manteau de l'éphod, de l'éphod, du pectoral, et tu le ceindras de l'écharpe de l'éphod. [Ex 29, 4-5.l La purification de Naamân le lépreux dans le Jourdain n'est pas qu'une simple pratique de guSrisseur. Il s'agit d'un acte prophétique d'Elisée : Naamân est guéri parce qu'il obéit à l'homme de Dieu. Le

62

transfert du mal sur Géhazi est le châtiment de sa cupidité (2 R 5). Mais, si le rituel d'ablution restitue la capacité de poser un acte liturgique, le péché est d'un autre ordre. Le prophète Ézéchiel montre Jérusalem, roulée dans son sang, non baignée à sa naissance. Cet état est plus qu'une incapacité, c'est le symbole de son infidélité radicale. C'est donc Dieu lui-même qui doit baigner et purifier l'impure qui est, en fait, un être spirituellement mal formé :

À ta naissance, au jour où tu vins au monde, on ne coupa pas le cordon, on ne te lava pas dans l'eau pour te nettoyer, on ne te frotta pas de sel, on ne t'enveloppa pas de langes. [ ... ] Alois je passai près de toi et je te vis. [ ... ] Je te baignai dans l'eau, je lavai le sang qui tè couvrait, je t' oignis d'huile. Je ·te donnai des vêtements brodés, des chaussures de cuir fin, un bandeau de lin et un manteau de soie. [Ez 16, 4 et 8-10.] Ces textes font écho à celui qui ouvre le livre du prophère Isaïe : Allons ! Discutons ! dit le SEIGNEUR. Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront. Si vous vous décidez à obéir ... [Is 1, 18.]

Il ne s'agit pas seulement ici dè laver mais d'ôter la teinture couleur de sang, la faute indélébile que seul Dieu peut effacer en pardonnant. Job sait bien que l'homme ne peut pas effacer son péché comme une quelconque souillure : Si j'ai commis le mal, pourquoi me fatiguer en vain ?

L'EAU Que je me lave avec la saponaire et que je purifie mes mains avec la soude ? Tu me plonges alors dans l'ordure, et mes vêtements mêmes me prennent en hor-

reur.

Ob 9, 29-31.]

On comprend alors les cris du psaume : Lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi. [... ] Lave-moi et je serai plus blanc que neige. [Ps 51, 4 et 9.]

Ce lessivage radical sera aussi puissant qu'une purificarion par le feu. Un texte de Malachie annonce déjà le Messager de Dieu, capable de baptiser dans l'eau et dans le feu : « Qui soutiendra le jour de son arrivée ? Qui restera droit quand il apparaîtra ? Car il est comme le feu du fondeur, comme la lessive des blanchisseurs» (Ml 3, 2). L'ablution dont seul Dieu est capable s'exprime ici, paradoxalement, par la conjonction ardente de l'eau et du feu.

L'eau de la restauration et de la renaissance.

Un grand texte d'Ézéchiel montre que l'ablution divine prépare une restauration radicale de son peuple. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures, je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. [Ez 36, 25-26.J

Dieu renouvelle le miracle de l'eau que Moïse fit jaillir dans le désert pour le garder en vie:

Les miséreux et les pauvres cherchent de l'eau, et rien! Leur langue est desséchée par la soif. Moi, le SEIGNEUR, je les exaucerai, Dieu d'Israël, je ne les délaisserai pas. Sur des monts chauves, je ferai jaillir des fleuves et des sources au milieu des vallons. Je transformerai le désert en étang et la terre aride en fontaine. [Is 41, 17-18; voir aussi Is 43, 20.]

Ézéchiel décrit le Temple nouveau. Le monde se trouve arrosé par un fleuve qui prend sa source au côté oriental du sanctuaire. Cette eau n'est pas destinée à l'irrigation ou à l'ablution, elle est grâce, puissance

de régénération du peuple d'Israël, comme l'eau fait fructifier le désert.

Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que de l'eau sortait de sous le seuil du Temple, vers l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient. L'eau descendait de sous le côté droit > désigne l'activité créatrice du Seigneur et, très concrètement, le

résultat de cette action, la sphère respirable que suppose l'éclosion de la vie, l' atmo-

sphère.

Un Dieu agriculteur. Un Dieu habile et patient comme un paysan. L'agriculture divine. Les chemins de Dieu sur la terre.

monde. Cette genèse apparaît comme une interpénétration de ce qui est structuré mais sans vie (firmament, continent) avec l'éten-

La nouvelle terre.

l'eau primordiale et l'esprit porteur d'éner-

La semaine de travail, divisée en six jours,

va servir de cadre symbolique à la genèse du

due limitée mais potentiellement fertile,

LA TERRE EN GENÈSE

gie et de souffle, la ruah de Dieu. Les eaux primordiales se séparent en « eaux d'en haut », la pluie, et en « eaux d'en bas», eaux de résurgences, qui apportent la vie. La terre est ainsi fertilisée. Et le règne végétal s'étend sur le monde :

La terre des origines. Le récit de la création débute par une rurieuse formule-: « En un commencement,

Dieu dit : « Que la terre se couvre de verdure, d'herbe qui rend féconde sa semence, d'arbres fruitiers qui, selon leur espèce, portent sur terre

91

LES SYMBOLES BIBLIQUES des fruits ayant en eux-mêmes leur semence ! » Il en fut ainsi. La terre produisit de la verdure,

de l'herbe qui rend féconde sa semence selon son espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin: troisième jour. [Gn 1, 11-13.]

L'apparition du règne animal est présentée comme un grouillement en milieu aquatique. Les monstres marins ne sont pas ici, comme dans les mythologies anciennes, des divinités primordiales, mais de simples créatures de Dieu. Il faut aussi noter un changement : le chaos initial (tohu-bohu) était stérile. Le chaos apparent de la prolifération animale, dans l'eau comme dans l'air, est une abondante offre de vie. Dieu dit : « Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l'oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel. » Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remÙants selûn leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. Dieu les bénit en disant : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez les eaux dans les mers, et que l'oiseau prolifère sur la terre ! » Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour. [Gn 1, 20-23.]

C'est sur la terre que va apparaître l'ordre secrètement inclus dans le chaos vital. Face au monde aquatique, le milieu terrestre, ferme et structuré, est, pour l'auteur biblique, le lieu de la mise en ordre. Créée par Dieu, la terre est créatrice d'ordre. Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants, selon leur espèce : bestiaux, petites bêtes et bêtes sauvages selon leur espèce ! » Il en fut ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les

92

petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. [Gn 1, 24-25.]

Les deux récits de la création de l'homme insistent sur deux aspects différents de cette création particulière. L'homme est « image de Dieu», créé à sa ressemblance. À ce titre, il est maître des animaux (Gn 1, 26). L'homme est terrestre et terrien : Le SEIGr--ŒUR Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. [Gn 2, 7 ,]

Le souvenir de cette origine doit conserver en l'homme l'esprit d'humilité (proche du latin humus, la terre, humilis signifie humble). Cette humilité ne doit pas être mise en question par le pouvoir que le Seigneur confère à l'homme. Que [l'homme] soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre.

[Gn 1, 26.J En fait, cette domination doit se garder de devenir une tyrannie. Elle doit être plutôt un pouvoir qui maintient la terre et ses habitants en équilibre écologique. Au temps où les divinités primitives se nommaient« Maître de la terre, de la mer ou des animaux », leur pouvoir était celui d'un juste souverain. Adam, investi d'un tel mandat en vettu de sa ressemblance divine, doit maintenir la justice sur la terre et sur tous les règnes de la vie. L'homme ne doit pas être un prédateur fou qui dilapide les richesses de la Nature. À la différence du premier récit de la création, qui montre le Seigneur couvrant d'un seul coup le sol aride d'un tapis de verdure, la . seconde relation déèrit ainsi

LA TERRE

l'apparition du monde végétal : « Un flux montait de la terre et irriguait toute la sur-

face du sol» (Gn 2, 6). Sans mentionner une apparition générale des végétaux, Dieu plante un jardin qui est décrit comme un verger. Le flux initial se répartit alors en quatre fleuves. Le SEIGNEUR Dieu planta un jardin en Éden, à l'orient, et il y plaça l'homme qu'il avait formé. Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Un fleuve

sortait d'Éden pour irriguer le jardin ; de là il se partageait pour former quatre bras. [Gn 2, 8-10.J

Le mot hébreu gan qui désigne cette création végétale signifie un lieu clôturé, privilégié par le point d'eau qui assure sa fécondité. Ce jardin contraste avec le désert ou la steppe (éden). Le mot «paradis» est un mot d'origine iranienne qui signifie « parc >>. Il a trouvé sa transcription hébraï-

que (Ct 4, 13 ; Qo 2, 5; Ne 2, 8). Le jardin d'Éden est le lieu de résidence du premier homme : « Le SEIGNEUR Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Éden pour cultiver le sol et le garder » (Gn 2, 15). Après la faute du premier couple, les pécheurs se trouvent exclus. Le symbolisme de la clôture du jardin s'inverse. Ce qui était protection d'un bonheur devient une « défense d'entrer», le signe du bannissement.

Le SEIGNEUR Dieu l'expulsa du jardin d'Éden pour cultiver le sol d'où·il avait été pris. Ayant chassé l'homme, il posta les chérubins à l'orient du jardin d'Éden avec la flanune de

l'épée foudroyante pour garder le chemin de l'arbre de vie. [Gn 3, 23-24.]

Le jardin, mémoire du paradis. La Bible accorde au jardin une siguification symbolique importante. Ce lieu privilégié est un domaine divin, une« part-Dieu», le signe de la puissance régénératrice et fécondante du Seigneur. Oui, le SEIGNEUR a pitié de Sion,

il a pitié de toutes ses ruines. De son site désertique,

il fera un Éden

et de sa steppe le jardin du SEIGNEUR. On y entendra des cris d'enthousiasme et de joie, dans l'action de grâces, au son de la musique.

[Is 51, 3; voir aussi Is 58, 11; Jr 31, 12.] Ézéchiel mentionne le jardin de Dieu en Éden (Ez 28, 13; 31, 8-9). Restaurée par Dieu, la terre dévastée redevient un paradis. « Cette terreJ naguère dévastée, est comme un jardin d'Eden » (Ez 36, 35).

Dieu est capable de dessécher une terre d'idolâtrie et très spécialement lorsque des cultes agraires païens détournent Israël de la fidélité à son Dieu. Oui, vous aurez honte des térébinthes qui font vos délices, et vous rougirez des jardins qui vous charment. Car vous serez comme un térébinthe au feuillage flétri et comme un jardin qui n'a plus d'eau.

[Is 1, 29-30.l Isaïe condamne les cultes impies dans les jardins, qui sont en réalité des bosquets sacrés où se trouvent des idoles : C'est un peuple qui me vexe,

en face, sans arrêt :

ils font des sacrifices dans des jardins,

93

LES SYMBOLES BIBLIQUES ils font fumer des aromates sur des briques, ils se tiennent dans des sépulcres, ils passent la nuit dans des grottes,

C'est dans un jardin que Jésus réunit ses disciples. Ce même lieu sera celui de son agonie (Jn 18, 1-2). C'est dans un jardin que

ils mangent de la viande de porc. [Is 65, 3-4.J

se trouvera le lieu de sa sépulture et que

La colère de Dieu était inévitable : Le Seigneur a été comme un ennemi,

il a détruit Israël. [... ] Il a forcé comme un jardin son endos. [Lm 2, 5-6.] Avant que le fléau de la colère divine ne vienne s'abattre sur elle, la terre est un paradis. Devant lui, le feu dévore, derrière lui, la flamme consume. Le pays est comme un jardin d'Éden, devant lui, derrière lui, c'est une lande désolée!

Aussi rien ne lui échappe. (JI 2, 3.] Dans le Cantique des cantiques, le jardin clos est la vierge qui n'ouvrira qu'à son fiancé.

se produira la manifestation du tombeau vide (Jn 19, 41; 20, 1-10). Marie Madeleine prend Jésus pour le jardinier (Jn 20, 15). Il convient de noter l'importance de l'imaginaire paradisiaque dans les représentations de l'au-delà bienheureux. Le Paradis est devenu, pour la tradition juive et chrétienne, le lieu de la glorification des hommes jugés dignes de participer à la gloire divine. Le « Paradis » désignait, dans la tradition chrétienne ancienne, un jardin doté d'une

fontaine qui précédait la basilique. On le retrouve au centre du cloître monastique. « Paradis » est à l'origine du mot « parvis » qui désigne maintenant la place devant une cathédrale ou une église monumentale. Ce lieu a longtemps gardé un certain caractère sacré.

Tu es un jardin verrouillé, ma sœur, ô fiancée; une source verrouillée,

une fontaine scellée ! Tes surgeons sont un paradis de grenades,

avec des fruits de choix ;

LA TERRE MAUDITE, NOYÉE ET RESCAPÉE

le henné avec le nard,

du nard et du safran, de la cannelle et du cinnamome avec toutes sortes d'arbres à encens; de la myrrhe et de l'aloès, avec tous les baumes de première qualité. Je suis une fontaine de jardins, un puits d'eaux courantes, ruisselant du Liban !

Éveille-toi, Aquilon ! Viens, Autan

1

Fais respirer mon jardin, et que ses baumes ruissellent ! Que mon chéri vienne à son jardin

et en mange les fruits de choix! [Ct 4, 12-16.]

94

La malédiction du sol. La faute d'Adam entrame une modification de sa situation dans la création. De jardinier, il devient un journalier besogneux. Maudite, la terre se rebelle avant de s'ouvrir

pour ensevelir l'homme tiré de la poussière. Le SEIGNEUR dit à Adam : « Puisque tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé del' arbre dont je t'avais formellement prescrit de ne pas

LA TERRE manger, le sol sera maudit à cause de toi. C'est dans la peine que tu t'en nourriras tous les jours de. ta vie, il fera .germer pour toi l'épine et le

chardon et tu mangeras l'herbe des champs. A la sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu'à ce_ que tu retournes au sol car c'est de lui que tu as été pris. Oui, tu es poussière et à la poussière tu retourneras.» [Gn 3, 17-19.]

La malédiction de Dieu n'est pas irrévocable. Le patriarche Lamek entrevoit en son fils Noé celui qui apportera une consolation qui tempérera la rigueur du décret divin. Lamek vécut cent quatre-vingt-deux ans et en-

gendra un fils. Il l'appela du nom de Noé en disant : « Celui-ci nous réconfortera de nos labeurs et de la peine qu'impose à nos mains ill1 SEIGNEUR.» [Gn 5, 28-29.]

sol maudit par le

Dans le long récit du Déluge (Gn 6, 5 à 9, 28), la terre se trouve noyée et, avec elle, tous les vivants pervers ou pervertis, hommes et animaux. Dieu dit à Noé : « Pour moi la fin de toute chair est arrivée ! Car à cause des hoinmes la terre est remplie de violence, et je vais les détruire avec la terre.» [Gn 6, 13.]

Noé est la figure du juste par excellence,

il sauve la création en entrant dans le plan de Dieu. Le Seigneur promet : Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l'homme. Certes, le cœur de l'homme est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l'ai fait. Tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaleur, été et hiver, jour et nuit jamais ne cesseront. [Gn 8, 21-22.]

Le projet divin entend restaurer l'humanité et l'ensemble des vivants par le moyen du >

[Le 13, 6-9.J Le thème du Seigneur maître du champ trouvera son expression parfaite dans le

de la Parole. Mais ce champ est un lieu de bataille : les paysans jaloux sont capables parfois de saboter le travail de leurs voisins. L'ennemi ici c'est le Diable, le chef des forces obscures, qui tente de stériliser les

symbolisme du Dieu vigneron (voir p. 156

cœurs.

Paul utilise le thème de la greffe pour éclairer l'étrange arboriculture de Dieu. La

Devant cette attaque, la parade du Maître du champ est la patience. Il attendra le jour du Jugement pour opérer le discernement : en ce jour, la nature des êtres sera dévoilée, démasquée et les êtres nocifs seront mis hors d'état de nuire.

104

« La vigne dans le Nouveau Testament»,

dans le chapitre «Lavigne, le vin, la coupe, le sang».)

communauté chrétienne a été greffée sur le

tronc d'Israël. Elle ne doit pas s'enorgueillir de cette opération, mais découvrir là une action de la grâce qui inverse parfois ce que

réclame l'ordre naturel.

LA TERRE Or, si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Mais si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu_ as été greffé parmi les branches restantes de

l'olivier pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des

branches. Tu peux bien faire le fier! Ce n'est pas toi qui portes la racine, mais c'est la racine qui te porte. Tu diras sans doute : des branches ont été coupées pour que je sois greffé. Fort bien. Elles ont été coupées à cause de leur infidélité, et toi, c'est par la foi que tu tiens. Ne t' enorgueillis pas, crains plutôt. Car, si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, bonté envers toi, pourvu que tu demeures en cette bonté ; autrement tu seras retranché, toi àussi. Quant à eux, s'ils ne demeurent pas dans l'infidélité, ils seront greffés, eux aussi; car Dieu a le pouvoir de les greffer de noll.veau. Si toi, en effet, retranché de l'olivier sauvage auquel tu appartenais par nature, tu as été, contrairement à- ta nature, greffé sur l'olivier franc, combien plus ceux-ci seront-ils greffés sur leur propre olivier auquel ils appartiennent par nature ! [fun 11, 16-24.]

Les chemins de Dieu sur la terre Les auteurs de la Bible ont les pieds sur terre : quand ils veulent parler de la conduite de Dieu et du cheminement spirituel des hommes, le verbe« marcher » leur vient tout naturellement à l'esprit. Quand il s'appelait encore Abram, le premier patriarche entendit la voix de Dieu: C'est moi le Dieu puissant. Marche en ma présence et sois intègre. Je veux te faire don de

mon alliance entre toi et moi, je te ferai proliférer

à l'extrême. [Gn 17, 1-2.J

Fort de cette promesse, Abraham envoie un serviteur en quête d'une femme pour son fils. Il lui dit : Le SEIGNEUR en présence de qui j'ai marché enverra son ange avec toi et fera réussir ton voyage : tu prendras pour mon fils une femme de ma

famille et de la maison de mon père. [Gn24, 40.] Quand Jacob bénit Joseph panni ses frères, il dit : Le Dieu en présence de qui ont marché mes pères Abraham et Isaac, le Dieu qui fut mon berger dep_uis que j'existe jusqu'à ce jour,

l'ange qui m'a délivré de tout mal, qu'il bénisse ces garçons. [Gn 48, 15-16.] Au temps de !'Exode, Dieu se fait le guide de son peuple. Le SEIGNEUR lui-même marchait à leur tête : colonne de nuée le jour pour leur ouvrir la route, colonne de feu la nuit pour les éclairer. [Ex 13, 21.]

Moïse précise même le détail de l'itinéraire fixé par Dieu :

Puis nous nous sommes tournés pour partir vers le désert, sur le chemin de la mer des Joncs, comme le SEIGNEUR me l'avait dit, et nous avons contourné longtemps la montagne de Séïr. [Dt 2, l.]

C'est en guerrier que le Seigneur marche, avec l'armée de son peuple, pour le défendre. · C'est le SEIGNEUR votre Dieu qui marche avec vous, afin de combattre pour vous contre vos ennemis, pour venir à votre secours. [Dt 20, 4.]

105

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le chemin de Dieu est une voie spmtuelle. Moïse dit : Tu te souviendras de toute la route que le SEIGNEUR t'a fait parcollrir depuis quarante ans dans le désert, afin de te mettre dans la pauvreté; ainsi il t'éprouvait pour connaître ce qu'il y avait dans ton cœur. [Dt 8, 2.]

La conduite de Dieu respecte la liberté des hommes : le chemin d'Israël se trouve devant un carrefour. C'est l'heure du choix et Dieu adresse à son peuple un solennel avertissement: Vois, je mets aujourd'hui devant toi la vie et le

bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Alors tu vivras, tu deviendras nombreux, et le SEIGNEUR ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. [Dt 30, 15-16.J

Mais Dieu connaît la faiblesse du cœur de l'homme : l'infidélité de son peuple est toujours possible.

où avaient marché leurs pères qui avaient écouté les commandements du SEIGNEUR. Ug 2, 17.]

Dans une circonstance plus particulière, Jérémie utilisera aussi le symbolisme de la croisée des chemins. C'est l'heure où Dieu décide de ne plus combattre pour son peuple qu'il va châtier : il lui doune l'ordre d'abandonner Jérusalem assiégée par N abuchodonosor. La ville est condamnée, seule la fuite de ses habitants sauvera leur vie. Ainsi parle le SEIGNEUR. Voici, je place devant vous le chemin de la vie et le chemin de la mort. Qui restera dans cette ville mourra par l'épée, la famine et la peste ; mais qui en sortira et se rendra aux Chaldéens, vos .assaillants, vivra, il aura sa vie comme butin. Ur 21, 8-9.]

Les livres sapientiaux reprennent l'image de l'embranchement pour avertir le jeune homme qui se laisse entraîner à l'adultère. En prenant la mauvaise voie, celui-ci ne se rend pas compte qu'il est en danger de mort et passible de la condamnation formulée par le Lévitique (Lv 20, 10). Il peut être aussi victime de la vengeance du mari bafoué. Le père dit donc à son fils :

Mais si ton cœur se détourne, si tu n'écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : vous disparaîtrez totalement, vous ne prolongerez pas vos jours sur la terre où tu vas entrer pour en prendre possession en passant le Jourdain. Je prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort. Choisis donc la vie. [Dt 30, 17-19.]

Que ton cœur ne dévie pas vers ces chemins, ne s'égare pas dans ces sentiers. [Pr 7, 25.]

De fait, sur le chemin de !'Exode, l'infidélité d'Israël se manifestera.

La Sagesse se trouve, elle aussi, à la croisée des routes pour inviter l'homme à prendre le chemin de la raison.

Même leurs juges, ils ne les écoutèrent pas, car ils se prostituèrent à d'autres dieux et se prosternèrentdevant eux ; ils s'écartèrent très vite du chemin

106

Le Sage décrit alors la folie, le pouvoir dangereux d'une femme pervertie : Nombreux ceux qu'elle a frappés de mort et les plus robustes furent tous ses victimes. Sa demeure est la demeure du Shéol,

la pente vers le parvis des morts. [Pr 7, 26-27.l

La Sagesse n'appelle-t-elle pas? L'intelligence n'élève-t-elle pas la voix?

LA TERRE Au sommet des hauteurs qui dominent la route, au croisement des chemins, elle se poste ; près des portes, à l'entrée de la cité, sur les voies d'accès, elle s'écrie : « Humains ! C'est vous que j'appelle, ma voix s'adresse aux enfants des hommes.» [Pr 8, 1-4.]

Il existe un chemin de la paix et uu chemin de la guerre. Le chemin du méchant est tortueux, dangereux : c'est la voie de la discorde et du conflit.

Éveille-toi, éveille-toi ! Revêts-toi de force, bras du SEIGNEUR. Éveille-toi comme aux jours d'autrefois, des générations de jadis. N'est-ce pas toi qui as fendu Ra.hab, transpercé le Dragon ? N'est-ce pas toi qui as désséché la mer, les eaux du Grand Abîme ?

Qui as fait du fond de la mer un chemin, pour que passent les rachetés? [Is 51, 9-11.]

Ils n'ont pas connu la voie de la paix, le droit ne suit pas leurs traces, ils se font des sentiers tortueux,

Un psaume insiste sur l'aspect mystérieux du chemin de Dieu. Seul le Seigneur est capable de tailler une route dans cet élément insaisissable qu'est l'eau.

quiconque les suit ignore la paix. [Is 59, 8.] (cité par Paul, Rm 3, 17.)

À l'heure de la naissance de Jean Baptiste, son père, Zacharie, entonne un cantique. Le Messie qui vient est le seul Astre, le seul Guide capable de montrer le chemin de la paix. Si Jean Baptiste a pour ruission de préparer les voies du Sauveur (Le 1, 76), seul« !'Astre d'en haut »,Jésus Christ peut: « illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l'ombre de la mort, afin de guider nos pas dans le chemin de la paix». (Le 1, 79.) Dans l'Ancien Testament, le Grand Chemin est celui de !'Exode. Pour Isaïe, cette Voie commence par un passage frayé

forces ténébreuses et malignes. Isaïe, ici, provoque Dieu :

dans la

mer_ Le prophète, pour évoquer le mystère de l'eau profonde, cite Rahab et le Dragon primordial, monstres mythiques qui désiguaient jadis le chaos et le mal. Ces bêtes fantastiques désignent aussi l'Égypte, pervertie par son orgueil et sa violence. La victoire sur la mer est donc considérée comme un triomphe sur les puissances maléfiques. Le passage par l'eau est une brèche, une fissure opérée dans l'empire des

Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables. Et tes traces, nul ne les connaît. [Ps 77, 20.]

Un proverbe« numérique» montre que la création est comme chiffrée par les traces de Dieu. Dans l'esprit du Sage, cette évocation de l'inconnu renvoie l'homme vers le profond secret du Dieu caché, inconnaissable. Il est trois choses qui me dépassent et quatre que je ne connais pas : le chemin de l'aigle dans les deux, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin du vaisseau en haute mer,

le chemin de l'homme chez la jeune femme. [Pr 30, 18-19.]

Après la déportation à Babylone, le chemin qui ramène les exilés en leur patrie prend une grande valeur symbolique. Ce retour signifie également la conversion du peuple à son Seigueur. Isaïe invite israël à préparer ce départ, à ôter tous les obstacles visibles et invisibles qui pourraient s'opposer à cette libération.

107

LES SYMBOLES BIBLIQUES Une voix proclame _:

« Dans le désert dégagez un chemin pour le SEIGNEUR, nivelez dans la steppe

une chaussée pour votre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute colline et toute montagne soient rabaissées. »

[Is 40, 3-4.] (Voir aussi Is 57, 14.) Ce texte sera repris par Jean Baptiste pour annoncer la venue du Messie (Mt 3, 3). Les 'rapatriés de l'exil doivent traverser un désert. Le chemin du retour prend l'allure d'un nouvel Exode.

Oui, je vais mettre en plein désert un chemin, dans la lande, des sentiers ; les bêtes sauvages me rendront gloire, les chacals et les autruches ;

car je procure en plein désert de l'eau, des fleuves dans la lande,

pour abreuver mon peuple, mon élu, le peuple que j'ai formé pour moi et qui redira ma louange. [1s 43, 19-21.]

Isaïe décrit encore ce chemin comme une voie royale, une digue élevée au-dessus d'une plaine bien irriguée. Cette route est celle d'un peuple purifié. Il y aura une chaussée et un chemin, on l'appellera la voie sacrée ;

l'impur n'y passera pas ; c'est Lui qui pour eux ira par ce chemin, et les insensés ne s'y égareront pas. Il n'y aura pas de lion et la plus féroce des bêtes n'y montera pas, on ne l'y rencontrera pas, mais les rachetés y marcheront. Ceux qu'a libérés le SEIGNEUR-reviendront, ils arriveront à Sion criant de joie, portant sur leur tête une joie éternelle. [Is 35, 8-10.]

108

Jérémie invite Israël à_ faire une pause sur son chemin et à réfléchir. Amsi parle le SEIGNEUR : Arrêtez-vous sur les routes pour faire le point, renseignez-vous sur les sentiers traditionnels. Où est la route du bonheur? Alors suivez-la et vous trouverez le repos pour vos âmes.

[Jr 6, 16.] Mais le péché peut toujours faire trébucher le peuple sur la route qui doit le conduire vers son Seigneur. Dieu dit : Mon peuple, lui, m'a oublié pour brûler des offrandes à ceux qui ne sont rien, qui le font trébucher sur ses routes, sur les chemins traditionnels, et il prend des sentiers, des routes non frayées. Aussi transforme-t-il son pays en une étendue désolée qui toujours arrachera des cris d'effroi.

[Jr 18, 15-16.] Les Psaumes et les Proverbes décrivent le bon chemin, celui qui mène à Dieu : Tu m'apprendras le chemin de la vie, devant ta face, plénitude de joie. [Ps 16, 11.]

Mon pied se tient sur le droit chemin. [Ps 26, 12.l Le SEIGNEUR lui-même donnera le bonheur et notre terre donnera son fruit ; Justice marchera devant lui et ses pas traceront le chemin. [Ps 85, 13-14.] Veille à ce que mon chemin ne soit pas fatal, conduis-moi sur le chemin d'éternité. [Ps 139, 24.] Les chemins de la Sagesse sont des chemins de délices, tous ses sentiers sont une voie vers le bonheur. [... ] Tu iras ton chemin en sécurité, ton pied n'achoppera pas. [Pr 3, 17 et 23.]

LA TERRE

Deux chemins s'opposent : La route des justes est comme la lrunière de l'aube, dont l'éclat grandit jusqu'au plein jour; le chemin des méchants est comme l'obscurité : ils ne savent pas sur quoi ils trébuchent.

[Pr 4, 18-19.] Épines et pièges sur le chemin des pervers, qui tient à la vie s'en éloigne. [Pr 22, 5.]

Dieu peut dresser des obstacles et tendre des pièges sur le chemin des pécheurs. L'homme, sous le coup de la colère divine, s'exclame: Il a barré mes chemins avec des pierres de taille, obstrué mes sentiers.

Il est pour moi un ours

aux aguets,

un lion à l'affût. Faisant dévier mes chemins, il m'a déchiré, il a fait de moi une horreur. [Lm 3, 9-11.]

Pour Osée, Dieu barre le chemin de la perversion où s'est engagé le peuple d'Israël, comme une épouse infidèle à son mari. Je vais obstruer son chemin avec des ronces,

je l'entourerai d'une barrière pour qu'elle ne trouve plus ses sentiers;

elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas, elle les cherchera et ne les trouvera pas. Alors elle dira : « Je veux retourner vers mon

premier mari. » [Os 2, 8-9.] Le Seigneur guette les infidèles sur le chemin de leur idolâtrie : J'ai donc été pour eux comme un liOn, comme un léopard, près du chemin, je me tenais aux aguets ; j'ai fondu sur eux comme une ourse privée de ses petits, j'ai déchiré l'enveloppe de leur cœur.

[Os 13, 7-8.]

Dans le Nouveau Testament, Jésus chemine beaucoup. Sur sa route, il rencontre la

Samaritaine (Jn 4, 1-42). Il guérit l'aveugle qui mendiait, assis au bord du chemin (Le 18, 35). Dans la parabole, le bon Samaritain ne dévie pas du chemin de la miséricorde (Le 10, 29-37). A Thomas qui lui demande où il va et comment aller vers le Père, Jésus répond : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi. [Jn 14, 6.]

Le mystère de ce chemin s'approfondir quand Philippe demande à Jésus de lui montrer le Père. Jésus répond alors : « Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi?» (Jn 14, 10.) Il révèle ainsi que ce chemin est tout intérieur.

Jésus trace clairement le chemin qui conduit à la communion parfaite avec lui.

Tout commence par l'appel adressé aux pêcheurs de Galilée dont il va faire ses apôtres. Il leur dit : Venez à ma suite et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes. Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. [Mc 1, 17-18.]

Après cette invitation, Jésus va conduire ses disciples plus loin. Il les mène vers un don total. Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. [Mc 8, 34.]

Le chemin de la Croix n'est pas une dévotion facultative, c'est l'itinéraire qu'il

faut emprunter pour participer, à la suite de Jésus, au mystère de son amour sauveur.

C'est sur le chemin d'Emmaüs que Jésus révèle le sens de sa mission (Le 24, 13-35).

109

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Quand le Maître s'est effacé aux yeux des deux pèlerins, ils s'écrient :

LA NOUVELLE TERRE

Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand

La nouvelle terre, c'est d'abord la terre retrouvée après l'exil. Cette terre, soulagée du poids du péché, est transfigurée et retrouve sa fécondité.

il nous expliquait les Écritures? [Le 24, 32.] Pour Paul, le chemin qui le conduit à Damas est aussi le lieu de sa rencontre avec le Seigneur (Ac 9, 1-9). L'épître aux Hébreux décrit admirablement le chemin de la foi d'Abraham et des patriarches.

la Terre promise; c'est dans un campement qu'il

Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu : me voici ! Je le jure la main levée : les nations, qui vous entourent, porteront leur propre déshonneur. Vous, montagnes d'Israël, vous ferez pousser vos branches et vous porterez votre fruit pour mon peuple d'Israël, car il va bientôt revenir. Oui, je viens vers vous, je me tourne vers vous montagnes : vous serez cultivées et ensemencées. Je multiplierai sur vous les hommes, la maison d'Israël tout entière, les villes seront habitées, les ruines reconstruites. [Ez 36, 6-10.]

vivait, ainsi qu'Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse que lui, car il attendait la cité

On dira : Ce pays qui était dévasté est devenu

Grâce à la foi, Abraham obéit à l'appel de Dieu;

il partit vers un pays qui devait lui être donné en héritage. Et _il partit sans savoir où il allait. Grâce à la foi, il vint séjourner comme un étranger dans

qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu

lui-même est le bâtisseur et l'architecte. [He 11, 8-10.]

Le cheminement perpétuel de la foi caractérise la condition du croyant. Cette destinée n'est pas une errance sur des chemins hasardeux, mais une perpétuelle « marche à l'Étoile » qui ne permet jamais le retour à une demeure fixe. C'est dans la foi qu'ils sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l'avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. Or, parler ainsi, c'est montrer clairement qu'on est à la recherche d'une patrie. S'ils avaient pensé à celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d'y revenir. En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des deux. Et Dieu n'a pas refusé d'être invoqué comme leur Dieu, puisqu'il leur a préparé une cité céleste. [He 11, 13-16.J

110

comme un jardin d'Éden. [Ez 36, 35.] Ces textes semblent être l'écho d'une exhortation d'Isaïe qui rappelait que Dieu est maître de la fécondité du sol et seul capable de créer un jardin paradisiaque. Oui, le SEIGNEUR réconforte Sion, il réconforte toutes ses dévastations ; il rend son désert pareil à un Éden et sa steppe pareille au jardin du SEIGNEUR; on y trouvera enthousiasme et jubilation, actions de grâce et son de la musique. [Is 51, 3 .]

Considérée en sa seule matérialité, la terre de la première création est fragile et caduque. Seule l'éternelle puissance de Dieu peut la transfigurer. Levez vos yeux vers les cieux, puis regardez en bas vers la terre ; oui, les cieux, comme une fumée, s'effilocheront, la terre, comme un habit, s'usera et ses habitants mourront comme des insectes.

LA TERRE Mais mon salut sera là pour toujours et ma justice ne sera pas terrassée. [Is 51, 6.]

Le prophète appelle de tout sou cœur l'intervention du Seigneur. Surgis, Surgis, revêts-toi de puissance, bras du SEIGNEUR, surgis comme aux jours du temps passé. [Is 51, 9.]

Cette puissance créatrice et salvatrice du Seigneur va recréer un paradis qui réunira, dans l'harmonie et la paix, toutes les formes de vie. La réconciliation de l'homme et du serpent efface l'effet du fruit vénéneux de l'ancienne faute. Le loup habite avec l'agneau,

la panthère se couche près du chevreau, veau et lionceau paissent ensemble sous la conduite d'un petit garçon. La vache et l'ourse lient amitié, leurs petits gîtent ensemble. Le lion mange de la paille comme le bœuf. Le nourrisson s'amuse sur le trou du cobra, sur le repaire de la vipère, l'enfant met la main. On ne fait plus de mal ni de ravages sur toute ma sainte montagne, car le pays est rempli de la connaissance du SEIGNEUR

comme les eaux comblent la mer. [Is 11, 6-9.]

Le Seigneur opère une nouvelle création. Il crée un ordre nouveau, il crée, pour son peuple, une joie définitive qui a pour source son propre bonheur divin. La mort demeure certes, mais ses interventions absurdes et scandaleuses sont supprimées. Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle ; ainsi le passé ne sera plus rappelé, il ne remontera plus jusqu'au secret du cœur. Au contraire, c'est un enthousiasme et une exultation perpétuels que je vais créer ;

en effet, l'exultation que je vais créer ce sera Jérusalem, et l'enthousiasme ce sera son peuple; oui, j'exulterai au sujet de Jérusalem et je serai dans l'enthousiasme au sujet de mon peuple ! Désormais, on n'y entendra plus retentir ni pleurs, ni cris. Il n'y aura plus là de nourrisson emporté en quelques jours, ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours; le plus jeune, en effet, mourra centenaire, et le plus malchanceux, c'est centenaire aussi qu'il deviendra moins que rien. [Is 65, 17-20.]

À la fin de ce chapitre, on découvre le reflet du tableau paradisiaque dépeint précédemment (en Is 11, 6-9) : « le loup et l'agneau brouteront ensemble, ... » PatÙ reprend ainsi le thème de cette recréation cosmique : La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu ; si elle est assujettie à la vanité, - non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise-, c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création, jusqu'à ce jour, gémit en travail d'enfantement. Et non pas elle seule : nousmêmes qui possédons les prémices de l'Esprit,· nous gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps. [Rm 8, 19-23.l

Dans la perspective de cette nouvelle création, l' Apocalypse situelanouvelleJ érusalem. Ici, la mort n'est pas setÙement privée de ses interventions scandaleuses, elle est éliminée. En de nombreux textes, PatÙ a déjà montré que le Christ, par sa résurrection, a vaincu la mort. Le nouveau monde évoqué par l' Apocalypse se substitue à l'ordre terrestre fragile,

111

LES SYMBOLES BIBLIQUES

temporel et transitoire. Le nouveau ciel et

comme une jeune mariée parée pour son époux.

la nouvelle terre se rejoignent. L'unité lumi-

J'entendis alors W1e voix clamer, du trône : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il

neuse du- nouveau monde tient sa clarté de la splendeur de l' Agneau immolé. Puis, je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle - le premier ciel, en_ effet) et la première terre ont disparu, et de mer il n'y en a plus. Et je vis

la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu j elle s'est faite belle,

aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toutes larmes de leurs yeux ; de mort, il n'y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en -est allé.»

[Ap 21, 1-4.J 112

LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE La montagne qui touche le ciel. La tour de Babel. La sainte montagne d'Israël. Le -Très-Haut et la montée vers Dieu.

Le Dieu d'en haut. La montée vers Dieu. Jésus sur les montagnes.

vent enrobe la montagne, et pousse vers elle

une couronne de nuages qui semblent désigner sa royauté. La plupart des grandes civilisations ont été fascinées par les montagnes. Mythes et légendes) rituels et pèlerinages, ont souvent déifié la montagne. La Bible lui a donné la parole pour révéler le mystère du Très-Haut, l'unique Seigneur d'Israël.

Les montagnes saintes et les lieux sacrificiels.

Les montagnes des dieux. Sion. Le sacrifice d'Abraham. Les « hauts lieux ». Dieu comme rocher. Les rochers de Dieu. La citadelle et la cité de Dieu.

LA MONTAGNE QUI TOUCHE LE CIEL

La tour de Babel. Parmi toutes les réalités géographiques chargées d'un pouvoir symbolique, la montagne tîent une place éminente. Elle touche

le ciel, et la gravir est un acte religieux. Elle est le premier sanctuaire et le premier autel. On peut l'imaginer comme le centre ou l'axe du monde lorsque, d'un pic culminant, se découvre un paysage à perte de vue.

Tous les éléments semblent s'être donné rendez-vous dans la montagne, cette masse terrestre. Le volcan crache le feu, un haut

sommet se drape dans les neiges éternelles pour dispenser l'eau, source de la vie. Le

Le texte de la Genèse (Gn 11, 1-9) fait allusion à des tours-sanctuaires babyloniennes nommées ziggourat. Ces édifices comportaient des étages et des chambres saintes. Les légendes anciennes montrent le grand dieu Mardouk entrant dans le sanctuaire du sommet (Le mythe d'Éra, 2' tablette, 3). Quant à l'épopée de Gilgamesh, elle présente le héros du Déluge sacrifiant sur une ziggourat, après la décrue des eaux (Épopée de Gilgamesh, 11' tablette, 157): Les témoignages historiques anciens décrivent ces 115

LES SYMBOLES BIBLIQUES

masses énormes, qui pouvaient mesurer cent mètres de côté à la base, et tout autant en hauteur. Le dieu pouvait séjourner dans le sanctuaire du sommet, certains disent qu'il y résidait. Descendait-il dans le sanctuaire d'en-bas ? Quelle que soit la réponse, la ziggourat était la représentation d'une montagne qui unissait le ciel à la terre. La ziggourat de Babylone se nommait « Temple du fondement du ciel et de la terre». C'est à cet édifice que fait allusion le récit biblique de la tour de Babel. Une des clefs de cet épisode se trouve dans la Genèse, au chapitre 10. Là est dressée la table des peuples issus de Noé : Sem, Cham et Japhet. Dans la lignée de Cham apparaît Nemrod, dont il est dit : « Il fut le premier héros sur la terre, lui qui fut un chasseur héroïque devant le SEIGNEUR» (Gn 10, 8-9). Le chasseur est l'homme qui domine les bêtes sauvages ou les monstres. Cette force le désigne pour assurer la royauté ou passer au rang des dièux. C'est ainsi qu'Hercule étrangla de ses mains le lion de Némée, un fauve qu'aucune arme ne pouvait blesser. Il se revêtit de sa peau. Avant d'être un grand dieu, Dionysos Zagraeus était « le grand chasseur». Le chasseur de la Bible, Nemrod, est devenu légendaire, un dicton en est témoin : «Tel Nemrod, un grand chasseur héroïque devant le SEIGNEUR. » Les capitales de son royaume furent Babet Érek, Akkad, toutes les villes du pays de Shinéar. [Gn 10, 10.] Nemrod est donc roi en Mésopotamie. On retrouve le pays de Shinéar, plaine alluviale de la Babylonie, au début du récit de la tour de Babel.

116

La terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots. Or, en se déplaçant vers l'orient, les hommes découvrirent une plaine dans le pays de Shinéar et y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : «Allons! Moulons des briques et cuisons-les au four. » Les briques leur servirent de pierres et le bitume de mortier. «Allons!, dirent-ils, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre.» [Gn 11, 1-4.J

Cette opération, pour la Bible, est une double faute. Elle prétend mettre le ciel à portée de la terre, ce qui est un blasphème. Par ailleurs, la prétention de Babel (le mot veut dire « Porte des dieux ») doit être rabaissée. L'empire d'un roi mis au rang des dieux devient alors l'objet d'une critique radicale. Par un jeu de mots qui fait glisser le nom de Babel vers un dérivé du verbe bâlal qui veut dire confondre, la tour de Babel va devenir la tour de la confusion. Le SEIGNEUR descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils d'Adam.·« Eh, dit le SEIGNEUR, ils ne sont tous qu'un peuple et qu'une langue, et c'est là leur première œuvre ! Maintenant, rien de ce qu'ils projetteront de faire ne leur sera inaccessible ! Allons, descendons et brouillons ici leur langue, qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres ! » De là, le SEIGNEUR les dispersa sur toute la surface de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi lui donna-t-on le nom de Babel, ca_r c'est là que le SEIGNEUR brouilla la langue de toute la terre, et c'est de là que le SEIGNEUR dispersa les hommes sur toute la surface de la terre. [Gn 11, 5-9.] La royauté politico-religieuse de Babylone est ainsi condamnée. On retrouve ici la question cruciale qui a toujours interrogé la conscience d'Israël : le problème de la

LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

royauté. La royauté des hommes ne conduit-

elle pas le souverain terrestre à oublier la prééminence absolue de la royauté divine ?

qu'un phénomène météorologique : c'est la théophanie la plus spectaculaire de toute la Bible. La montagne tremble, un lourd nuage crache des éclairs, le paysage est incendié. Le fracas du tonnerre se module en son de cor

La sainte montagne d'Israël. Cette montagne sacrée, pour l'Israël du

et finalement en parole divine (Ex 19, 16-19). Le Deutéronome résume l'événement en termes plus sobres. Ils' adresse ainsi

Nord, a nom Horeb ; au Sud, elle se nomme

aux Israélites :

«Sinaï». Dans les deux cas, il s'agit de la

Ce jour-là, vous vous êtes approchés, vous vous êtes tenus, debout, au pied de la montagne : elle était en feu, einbrasée jusqu'en plein ciel dans les ténèbres des nuages et de la nuit épaisse. Et le SEIGNEUR vous a parlé du milieu du feu : une voix que vous entendiez, mais vous n'aperceviez aucune forme, il n'y avait rien d'autre que la voix, Il vous a communiqué son Alliance, les dix paroles qu'il vous a ordonné de mettre en pratique et il les a écrites sur deux tables de pierre. [Dt 4, 11-13.]

« montagne de Dieu».

L'Horeb est le lieu privilégié où Moïse est mis en présence du Dieu caché dans l'ardeur d'un buisson qui brûle sans rien consumer.

Le prophète s'entend dire : «N'approche pas d'ici ! Retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte »(Ex 3, 5). Au cours de son exode, le peuple de Dieu infléchit son itinéraire vers le sud. Il passe

par le grand massif montagneux du Sinaï, dont les sommets culminent à plus de 2000 mètres. La Bible signale un plateau, voisin de la « Montagne de Dieu». C'était là un espace favorable au campement et all rassemblement. Pour cette raison, la tradition continue d'affirmer que le Djebel Mousa, qui atteint 2 314 mètres, doit être considéré comme la sainte montagne de l'Alliance, au pied de laquelle le peuple se réunit. Le troisième mois après leur sortie d'Égypte[ ... ], les fils d'Israël arrivèrent au désert de Sinaï. Ils partirent de Refidim, arrivèrent au désert de Sinaï et campèrent dàns le désert. Israël campa ici, face à la montagne, mais Moïse monta vers Dieu. [Ex 19, 1-3.] La sainteté de la montagne va se manifes-

ter de multiples façons. Tout d'abord par l'orage. La description qu'en donne le livre de l'Exode révèle plus

Face à cette montagne rayonnante, mais dangereuse par l'énergie divine qu'elle déploie et la transcendance qu'elle manifeste, des précautions s'imposent. Des purifica-

tions sont requises ; elles demandent plus que le lavage des vêtements : le cœur doit être préparé comme à la veille d'une grande fête. Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Va vers le peuple et sanctifie-le aujourd'hui et demain; qu'ils lavent leurs manteaux. Qu'ils soient prêts pour le troisième jour, car le SEIGNEUR descendra sur la montagne de Sinaï aux yeux de tout le peuple. » [Ex 19, 10-11.] De sévères interdictions créent comme une barrière de respect autour de la montagne, devenue un lieu saint : Fixe des limites pour le peuple en disant : « Gardez-vous de monter sur la montagne et

d'en toucher les abords. » Quiconque touchera la

117

LES SYMBOLES BIBLIQUES montagne sera mis à mort ! ·Nulle main ne touchera le coupable, mais· il sera lapidé ou percé de traits. Ni bête ni homme ne survivra. [Ex 19, 12-13a.J

Cette recommandation se termine par la révélation que seuls quelques-uns, au signal

donné, pourront gravir la montagne (Gn 19, 136). Outre Moïse, Aaron et ses deux fils, soixante-dix des anciens d'Israël feront partie de ce groupe choisi (Ex 24, !). On note aussi le son de la corne de bélier qui réglait la marche d'Israël (Ex 19, 13). Cet instrument rituel répond en écho à la trompe mystérieuse (Ex 19, 16) qui prélude à la voix de Dieu. La conclusion solennelle de l'Alliance prend d'abord une forme juridique : les deux-parties doivent écrire le contrat. Moïse

écrit le mémorandum de la Loi, après le serment du peuple qui a été tenu à distance (Ex 24, 1-3). Plus tard, le Seigneur lui-même remet· à Moïse seul le document original, gravé sur des tables de pierre. Le prophète devra attendre quarante jours et connaître

une nouvelle manifestation de la gloire du Seigneur avant la remise définitive de la Loi (Ex 24, 12-18). Auparavant, Moïse a posé l'acte qui suit normalement les manifestations de Dieu :

l'érection d'une stèle. Il s'agit cette fois d'un autel et de douze pierres qui représentent les

douze tribus d'Israël et l'unité qui fait de ces groupes un seul peuple de Dieu. « Il [Moïse] se leva de bon matin et bâtit un autel au bas de la montagne, avec douze stèles pour les douze tribus d'Israël» (Ex 24, 4). L'autel va recevoir les holocaustes qui

Moïse envoya les jeunes gens d'Israël, ceux-ci offrirent des holocaustes et sacrifièrent au SE~Gl'IBUR des taurillons comme sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du- sang et la mit dans les coupes·; avec le reste du sang, il aspergea l'autel. Il prit le livre de l'Alliance et en fit lecture au peuple, Celui-ci dit:« Tout ce que le SEIGNEUR a dit nous le mettrons en pratique, nous l'entendrons. » Moïse prit le sang, en aspergea le pellple et dit : « Voici le sang de ·l'Alliance que le SEIGl'IBUR a conclue avec vous sur la base de toutes ces paroles. » [Ex 24, 5-8.] ·

Le groupe privilégié, qui gravit la montagne, fait l'expérience de la contemplation de Dieu. L'orage de la théophanie est passé : le ciel, pur comme une pierre précieuse, an-

nonce la paix, fruit de l'Alliance. Le banquet, que célèbrent ces hommes, est le signe

de la convivialité divine que le Seigneur propose à son peuple. Et Moïse monta, ainsi qu' Aaron, Nadav et Avihou, et soixante-dix des anciens d'Israël. Ils virent le Dieu d'Israël et, sous ses pieds, c'était comme une sorte de pavement de lazulite, d'une limpidité semblable au fond du ciel. Sur ces privilégiés des .fils d'Israël, il ne porta pas la main ; ils contemplèrent Dieu, ils mangèrent et ils burent. [Ex 24, 9-11.]

L'Horeb, montagne de Dieu, réapparaîtra

dans le récit biblique quand Élie sera soumis

à rude épreuve. Le prophète, « passionné pour le Seigneur» et avide de restaurer l'unité d'Israël, vieilt de soutenir un dur combat contre l'idolâtrie. Il a fait tomber le feu de Dieu sur un autel de douze pierres, symbole de la cohésion du peuple et de la foi en un Dieu unique. Dans la sainte montagne,

non loin du lieu où Moïse érigea douze stèles

il est favorisé d'une théo-

concluent le rite de l'Alliance : l'aspersion

près d'un autel,

de sang en est le moment le plus significatif.

phanie avec vent, feu et tremblement de

118

terre. La montagne de Dieu demeure en

LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

activité, elle reste le point de référence de la

foi monothéiste et de la fidélité du Dieu de l'Alliance (1 R 19, 7-15).

LE TRÈS-HAUT ET LA MONTÉE VERS DIEU

C'est du haut du ciel que Dieu écoute et pardonne, qu'il agit et juge, qu'il agrée la conversion d'Israël pécheur. Quand Dieu punit par la sécheresse, le ciel, sous le firmament, est fermé. Mais, du haut du ciel supérieur, le Seigneur peut pardonner et envoyer la pluie (1 R 8, 30-36). Quand un fléau s'abat sur le pays : famine, peste ou

sauterelles, le fidèle étendra sa main vers le sanctuaire, mais c'est du haut du

Le Dieu d'en haut.

Pour les Hébreux, le ciel règne en deçà et au-delà du firmament, voûte solide qui porte les étoiles. Cette cosmologie qui peut sembler naïve illustre, en fait, une certitude de la foi d'Israël : au-delà de l'horizon matériel, le « ciel de Dieu » est une réalité d'un autre ordre. L'idée de hauteur échappe à tout repérage selon les trois dimensions de l'es~

ciel que

Dieu pardonnera et fera cesser le désastre. Même l'étranger sera ainsi exaucé. Quand le

peuple part en guerre, Salomon ne demande pas au Seigneur de sortir, comme autrefois, avec l'armée-d'Israël : du ciel où il réside, Dieu peut donner la victoire (1 R 8, 37-45).

Le ciel illimité semble être le seul lieu possible pour le Seigneur immense. La présence de Dieu dans un temple ne limite-t-elle pas cette grandeur ? Dieu, par la voix

pace, pour. offrir une perception spirituelle

d'Isaïe, pose lui-même cette qüestion :

de la transcendance. Au jour de la dédicace, la posture de Salomon et les formules de sa prière rappel-

Le ciel est mon trône et la terre est l'escabeau de mes pieds. Quelle est donc la maison que vous bâtirez pour moi? Quel sera l'emplacement de mon repos ?

lent cette immensité divine. Salomon se plaça devant l'autel du SEIGNEUR, en présence de toute l'assemblée d'Israël; il étendit

lès mains vers le ciel et dit : « SEIGNEUR, Dieu dils'raël, il n'y a pas de Dieu comme toi, ni en haut dans le ciel, ni en bas sur la terre, pour garder l'Alliance et la bienveillance envers tes serviteurs qui marchent devant toi de tout leur

[Is 66, !.)

Les Actes des Apôtres citeront ce passage (Ac 7, 48-49). Le point de vue de Dieu est au-dessus des étoiles :

cœur. » [1 R 8, 22-23.]

Dieu surveille l'armée des corps célestes mais les hommes ne sont tous que terre et

Le roi sait bien qu'un temple ne peut contenir le Seigneur.

cendre. [Si 17, 32.)

Est-ce· que vraiment Dieu pourrait habiter sur la terre? Les cieux eux-mêmes et les cieux des cieux ne peuvent te contenir ! Combien moins

cette Maison que j'ai bâtie! [! R 8, 27.)

Rien n'échappe au regard du Seigneur d'en haut. Du haut des cieux, le SEIGNEUR regarde et voit tous les fils d'Adam ; du lieu de sa demeure, il observe

119

LES SYMBOLES BIBLIQUES tous les habitants de la terre ; lui seul forme leurs cœurs, y discerne tous leurs actes. [Ps 33, 13-15.]

Ce texte introduit immédiatement à la parole de Jésus, expliquant à Nicodème le mystère du baptême.

Ce regard n'est pas hautain mais miséricordieux :

à moins de naître d'en haut,

Le SEIGNEUR s'est penché du haut de son sanctuaire et des cieux a regardé sur là terre, afin d'écouter le soupir du captif et libérer les clients de la mort. [Ps 102, 20-21.]

nul ne peut voir le Royaume de Dieu. L..J En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'.Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Un 3, 3 et 5.]

La prière, que Jésus enseigne à ses apôtres, commence par : « Notre Père qui es dans les cieux.» (Mt 6, 9) et ]'Épître aux Hébreux dit que la tente de Dieu se déploie au-delà de la création d'ici-bas (He 9, 11). D'en haut, Dieu ne se contente pas d'écouter la prière ou de considérer toute chose d'un oeil supérieur. D'en haut, il agit. Il fait tomber son feu sur les sacrifices en signe d'acquiescement (2 M 2, 10) ou par châtiment (Lm 1, 13). Sa colère est alors celle du lion, sa parole devient un rugissement qui secoue le monde.

« D'en haut » est une locution adverbiale de lieu. -Mais ce « lieu » divin n'est pas un objet repérable par la démarche ordinaire de l'esprit. L' œuvre divine du salut, annoncée par les prophètes et réalisée par le Christ, fait intuitivement pressentir que cet « en haut» est un amour souverainement clairvoyant et efficace. Dieu se tient au faîte de tout amour. Jésus est l'astre d'en haut qui visite le monde (Le 1, 78). Jean Baptiste désigne ainsi le Christ : « Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tout» (Jn 3, 31). Jésus dit aux Juifs : « Vous êtes d'en bas ; moi je suis d'en haut» (Jn 8, 23). À l'heure du jugement de Jésus, Pilate fait figure de simple instrument dans la réalisation du plan divin de salut. Quand le Romain demande à Jésus : « D'où es-tu?», il n'obtient pas de réponse.

D'en haut le SEIGNEUR rugit, de sa sainte habitation il donne de la voix. Il rugit, oui, il rugit contre son domaine en poussant des cris de fouleurs de raisin contre tous les habitants de la terre. Le tapage parvient aux confins de la terre. Ur 25, 30-31.J

C'est du haut des cieux, du trône royal, que s'élance la parole fracassante du Seigneur (Sg 18, 15). C'est d'en haut qu'est envoyé !'Esprit qui peut, comme un printemps de Dieu, régénérer le monde. L'épreuve durera : jusqu'à ce que se répande sur nous l'Esprit d'en haut, et que le désert redevienne un verger, un verger qui fait penser à une forêt. [ls 32, 15.]

120

En vérité, en vérité, je te le dis,

Pilate lui dit donc ; « Tu ne- me par_les pas ? Ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te relâcher et que j'ai pouvoir de te crucifier ? »Jésus lui répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne t'avait été donné d'en haut.» Un 19, 10-11.]

Peu avant son Ascension, Jésus annonce la venue du Saint Esprit : Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans

LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE )a ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la

force d'en haut. [Le 24, 49.] Pour Paul, la Jérusalem d'en haut est libre (Ga 4, 26). TI faut rechercher les choses d'en haut (Col 3, 1-2). Pour Jacques, la Sagesse et tout don excellent viennent d'en haut (Je 1,17; 3, 15 et 17). . «Très-Haut» (élyôn) est un nom de Dieu que l'on retrouve cent fois dans l'Ancien Testament et neuf fois dans le Nouveau Testament (hupsistos). Ce nom désigne la puissance redoutable du Seigneur. Le SEIGNEUR, ses ennemis sont brisés, le Très-Haut tonne des cieux. [1 S 2, 10.] C'est le SEIGNEUR, le Très-Haut, le redoutable,

lé grand roi sur toute la terre. Il tient des peuples sous notre joug et

des nations sous nos pieds. [Ps 47, 3-4.J

Les Israélites ont eu tort de braver le Très-Haut. Ils tentaient, ils bravaient Dieu, le Très-Haut, se refusaient de garder ses témoignages. [... ] Dieu entendit et s'emporta, il rejeta tout à fait Israël. [Ps 78, 56 et 59.l

L'escalade orgueilleuse du roi de Babylone se termine par une chute spectaculaire. Toi qui avais dit dans ton cœur :

«]'escaladerai les cieux, au-dessus dès étoiles de Dieu, j'élèverai mon trône, je siégerai sur la montagne de l'assemblée, aux confins du septentrion. Je monterai au sommet des nuages, je m'égalerai"au Très-Haut.» Mais tu as été précipité au shéol,

dans les profondeurs de l'abîme. [Is 14, 13-15.l

À l'inverse du roi orgueilleux, le souverain confiant en Dieu bénéficie de sa grâce prévenante. Oui, le roi se confie dans le SEIGNEUR,

la grâce du Très-Haut le garde du faux pas. [Ps 21, 8.] Quand l'homme se souvient du TrèsHaut, Dieu se souvient de lui et, sans se lasser, met un terme à sa colère pour manifester sa tendresse. Ils se souvenaient : Dieu leur rocher, Dieu le Très-Haut, leur rédempteur! [... ] Lui alors, dans sa tendresse, effaçait les torts au lieu de dévaster ; san~ se lasser, il revenait de sa colère au lieu de réveiller tout son courroux. Il se souvenait : eux, cette chair, souffle qui s'en va et ne revient pas.

[Ps 78, 35 et 38-39.] Le Très-Haut prend soin des hommes et, si le médecin soigne, c'est le Seigneur qui guérit : C'est en effet du Très-Haut que vient la guérison, comme un cadeau que l'on reçoit du roi.

[Si 38, 2.l C'est ainsi que le Très-Haut s'approche de l'homme.L'auteur du Deutéronome s' exclame: Quelle est la grande nation dont les dieux se fassent aussi proches que le SEIGNEUR notre Dieu l'est pour nous, chaque fois que nous l'invo-

quons? [Dt 4, 7.] Le Deutéronome assure que cette proximité est le fait de la parole divine, capable de pénétrer le cœur de l'homme. Inutile de chercher le Seigneur dans l'espace, il est

121

LES SYMBOLES BIBLIQUES

présent dans l'âme de l'homme obéissant et attentif. Car cette Loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte. Elle n'est pas dans les cieux, qu'il te faille dire: « Qui montera pour nous aux cieux pour la chercher, que nous l'entendions pour la mettre en pratique?» Elle n'est pas au-delà des mers qu'il te faille dire : « Qui ira pour nous au-delà des mers nous .la chercher, que nous l'entendions pour la mettre en pratique? » Car la parole est tout près de toi, elle est dans- ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. [Dt 30, 11-14.]

À l'heure de l' Annonciation, l'ange mentionnera par deux fois le Très-Haut. Marie, concevant Jésus, commence à vivre le _mystère de la présence du Fils de Dieu parmi les hommes. « Voici que tu concevras dans ton sein et enfan-

tera un -fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut.» [ ... ] Mais Marie dit à l'ange:« Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ? » L1ange lui répondit: Israël. Pour Paul, le Christ était déjà présent dans le désert, comme une source vive au temps de !'Exode. L'apôtre dit :

Les Psaumes invoquent dix-huit fois le Seigneur comme le Rocher. Dieu est la cita-

delle du psalmiste (Ps 62, 3 et 7). Il en est le rempart (Ps 31, 4). Qui est mon Rocher sinon Dieu ? (Ps 18, 32) Que le Rocher ne soit pas sourd! (Ps 28, 1) Pourquoi oublie-t-il? (Ps 42, 10) Il faut acclamer le Rocher qui est le salut (Ps 95, 1). Ce nom de Dièu se retrouve aussi en Isaïe, mais cette fois le Rocher n'est pas seulement une défense passive, mais une forme agressive, massive, qui fera plier les nations hautaines, retranchées dans leurs montagnes, repliées sur leurs hauteurs. Faites confiance au SEIGNEUR pour toujours, au SEIGNEUR, le Rocher éternel, car il fait plier ceux qui habitaient les hauteurs

et il abat la cité inaccessible. [Is 26, 4-5.] 130

Tous mangèrent la même nourriture spirituelle et tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel. qui les suivait : ce

rocher, c'était le Christ [1 Co 10, 4].

La citadelle et la cité de Dieu. Le Temple, le palais royal, la citadelle et la cité ont fini par former un ensemble, doté d'une haute valeur symbolique.

LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

Les défenses naturelles du mont Sion et les fortifications construites ne sont que l'infrastructure d'une protection qui serait dérisoire sans la présence du Seigneur : il est, lui, la vraie citadelle, une forteresse : Dieu est pour nous un refuge et un fort, un secours toujours offert dans la détresse. [Ps 46, 2.J Dans les palais de Sion, Dieu est connu comme citadelle. [Ps 48, 4.]

Le fidèle persécuté trouve en Dieu sa protection, sa citadelle. Mais le SEIGNEUR est devenu m~ forteresse ; mon Dieu est le rocher où je me réfugie. [Ps 94, 22.]

Béni soit le SEIGNEUR, mon rocher, qui entraîne mes mains pour le combat, mes doigts pour la bataille.

Il est mon allié, ma forteresse, ma citadelle, et mon libérateur, mon bouclier, et je me réfugie près de lui. [Ps 144, 1-2.l

Jérusalem est une cité, mais qui en est le roi? Isaïe parle de la « cité de David» (Is 22, 9) Il n'a certainement pas manqué de rois pour voir en Jérusalem « leur ville». Cette ville, pourtant, se trouve sanctifiée par la présence du Temple. Elle est donc la Cité de Dieu. Ainsi la nomment les Psaumes. Il est un fleuve dont les bras réjouissent la Cité de Dieu, la plus sainte des demeures du Très-Haut. Dieu est au milieu d'elle ; elle n'est pas ébranlée,

Dieu la secourt dès le point du jour ; des nations ont grondé, des royaumes se sont ébranlés; il a donné de la voix et la terre a fondu. Le SEIGNEUR, le Tout-Puissant, est avec nous.

Nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob. [Ps 46, 5-8.] Le SEIGNEUR a fondé Sion sur les montagnes saintes, il en aime les portes plus que toutes les demeures de Jacob. On fait sur toi des récits de gloire, Cité de Dieu! [Ps 87, 1-3.]

Le cantique de Tobit (Th 13, 1-18) voit. dans Jérusalem la Cité sainte (Tb 13, 10). Elle a été châtiée pour ses fautes, mais après son pardon, elle sera non seulement régénérée mais transfigurée : Oui, je bénis le Seigneur, le grand Roi parce qu'on reconstruira Jérusalem et, dans la ville, sa Maison pour tous les siècles. Heureux serai-je, si le reste de ma race voit ta gloire et célèbre le Roi du del. Les portes de Jérusalem seront bâties en saphir et en émeraude ; en pierres précieuses seront tous tes murs. Les tours de Jérusalem seront bâties en or et leurs défenses en or pur. Les rues de Jérusalem seront pavées d'escarboucles et de pierres d'Ofir. Les portes de Jérusalem chanteront des hymnes d'allégresse et toutes ses maisons chanteront : > (Si 24, 9.)

L'ARBRE

LES ARBRES D'ISRAËL

Ton épouse : une vigne fructueuse au cœur de ta maison.

Tes fils : des plants d'olivier

L'olivier.

à l'entour de ta table. [Ps 128, 3.]

L'olivier est le premier arbre rescapé du Déluge. « La colombe revint vers lui [Noé], sur le soir, et voici qu'elle avait dans le bec un rameau tout frais d'olivier» (Gn 8, 11). L'olivier est en bonne place parmi les plantes et les arbres qui font du pays de Canaan une terre de rêve. « Pays de froment et d'orge, de vigne, de figuiers et de grenadiers, pays d'oliviers, d'huile et de miel, pays où le pain ne sera pas mesuré et où tu ne manqueras de rien» (Dt 8, 8-9.) L'huile d'olive est utilisée pour le candélabre qui doit sans cesse brûler devant le Rideau du Témoignage, dans la Tente du Rendez-vous (Lv 24, 2-3). A l'état sauvage, l'olivier est dans toute sa splendeur naturelle. Son bois est digne d'entrer dans la construction du « Debir », de la partie la plus sainte du Temple. « Il [Salomon] fit la porte du Debir à montants en bois d'olivier sauvage, le jambage à cinq

Israël est comme l'épouse bien-aimée de Dieu. Infidèle, elle sera durement châtiée.

retraits, deux vantaux en bois d'olivier sau-

vage.» (1 R 6, 31-32.) Judith et ses compagnes se couronnent de

feuilles d'olivier, pour danser et chanter leur action de grâces au Seigneur, après la mort d'Holopherne (Jdt 15, 13). L'olivier apparaît dans les Psaumes. Et moi, comme un olivier verdoyant dans la maison de Dieu, je compte sur l'amour de Dieu toujours et à jamais. [Ps 52, 10.]

La vigne et l'olivier traduisent la fécondité etle bonheur de la famille du juste.

Olivier verdoyant chargé de fruits superbes, ainsi le SEIGNEUR t'avait nommée. Avec un bruit fracassant il y a mis lefeu, ses rameaux sont atteints. [Tr 11, 16.]

Mais Israël se convertit, il retrouvera la force et la splendeur d'un arbre régénéré. Je serai comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis, il enfoncera ses racines comme le. chêne du

Liban; ses rejetons s'étendront,

il aura la splendeur de l'olivier. [Os 14, 6-7.] La cinquième vision de Zacharie fait apparaître un chandelier et deux oliviers symboliques (Za 4, 1-14. Voir« Le candélabre sacré» (p. 26), dans le chapitre « La lumière»). Pour I' Apocalypse, les deux oliviers représentent deux témoins mystérieux, engagés dans le combat eschatologique et dotés de pouvoirs semblables à ceux de Moïse (Ap 11, 3-7). Paul, dans l'épître aux Romains, utilise l'image de la greffe de l'olivier pour éclairer l'étrange arboriculture de Dieu qui greffe la communauté chrétienne sur le tronc d'Israël (Rm 11, 17-24. Voir aussi « L'agriculture divine » (p. 102) dans le chapitre « La terre»). 143

LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'amandier.

en treille fournit aussi un abri contre l'ardeur du soleil). « Juda et Israël demeurèrent en

Pour déjouer les plans de son beau-père Laban qui n'a pas cessé de le tromper,Jacob use d'une magie qui lui permet d'augmenter son propre troupeau. Parmi les baguettes magiques, il en est qui sont taillées dans le bois d'amandier (Gn 30, 37). Le candélabre du premier sanctuaire portait au bout de ses branches des calices d'or en forme de fleur d'amandier (Ex 25, 33). L'amandier, premier à fleurir était le symbole de la vigilance et, en quelque sorte, l'emblème du veilleur. Après la vocation de Jérémie, la main de Dieu touche la bouche du prophète pour la purifier (Jr 1, 9). La première vision de

sécurité, chacun sous sa vigne et son figuier,

Jérémie met l'accent sur la vigilance de Dieu en tout ce qui concerne sa parole. La parole du SEIGNEUR me fut adressée en ces termes : « Que vois-tu, Jérémie?» Je répon-

dis: «Je vois une branche d'amandier». Alors le SEIGNEUR me dit : « Tu as bien vu, car je veille sur ma parole pour l'accomplir.» Ur 1, 11-12.J

de Dan à Béer-Shéva, durant toute la vie de Salomon» (1 R 5, 5). On ne brandira plus l'épée, nation contre nation, on n'apprendra plus à se battre. Ils demeurèrent chacun sous sa vigne et son

figuier. [Mi 4, 3-4.] « Manger le fruit de sa vigne ou de son figuier» est une formule similaire (2 R 18, 31). Le figuier annonce la venue de l'été : Car voilà, l'hiver est passé. [. ..] Le figuier forme ses premiers fruits. [Ct 2, 11 et 13.]

Jésus annonce de la même manière la venue

du Fils de l'homme : Comprenez cette comparaison empruntée au figuier : dès que ses rameaux deviennent tendres et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez quel' été est proche. De même, vous aussi, quand vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l'homme est proche, qu'il est à vos portes. [Mt 24, 32-33.]

Le figuier. C'est en cousant des feuilles de figuier qu'Adam et Ève se fabriquent les pagnes qui voilent leur honte et leur fragilité. Ils seront remplacés par des tuniques de peau. Le Seigneur dispose ainsi des êtres vivants qu'il a créés pour mieux protéger l'homme, voué maintenant à l'existence dans un monde hostile (Gn 3, 7 et 21). Le figuier, aux larges feuilles, donne de l'ombre et un lieu de repos. Habiter sous un figuier est un signe de paix (la vigne cultivée 144

« Dévaster la vigne et le figuier», c'est saccager la terre accordée par Dieu à son peuple (Os 2, 14). C'est là l'œuvre de l'en-

vahisseur. Un peuple est monté contre mon pays, puissant et innombrable. [. ..] Il a fait de ma vigne un désert, réduit en miettes mon figuier ; il les a tous pelés, abattus, leurs rameaux sont devenus blancs. OJ l, 6-7.J

Marc racontera le geste de Jésus qui dessèche un figuier (Mc Il, 12-14 et20-24).

L'ARBRE

(Voir« Les gestes du Christ» (p. 316), dans le chapitre « Le geste prophétique ».) Un texte de !'Apocalypse reprend une image d'Isaïe (Is 34, 4) : Les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme les fruits verts d'un figuier battu par la tempête. [Ap 6, 13 .]

Le grenadier,

La grenade est deux fois nommée dans le Cantique des cantiques.« Comme la tranche

d'une grenade est ta tempe à travers le voile» (Ct 4, 3). Les grenadiers, toujours liés à l'évocation de la vigne, sont une des plus belles parures de la campagne printanière. Dès le matin nous irons aux vignobles. Nous verrons si _la vigne bourgeonne, si les pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleurs. [Ct 7, 13.]

Avec du jus de grenades, on fait une boisson agréable (Ct 8, 2). Des grenades de diverses couleurs ornaient le bas du vêtement du Grand Prêtre (Ex 28, 33-34). Les chapiteaux des deux colonnes, qui faisaient partie du portique du Temple, avaient chacune deux· cents grena-

des sculptées (1 R 7, 18-20).

Le pommier,

Dans le Cantique des cantiques, le pommier est lié au monde et aux choses de ramour. Comme un pommier au milieu des arbres

de la forêt,

tel est mon bien-aimé parmi les garçons.

A son ombre, selon mon désir, je m'assieds;

et son fruit est doux à mon palais. Il me fait entrer au cabaret, mais son enseigne au-dessus de moi est Amour. Restaurez-moi avec des gâteaux de raisins ; soutenez-moi avec des pommes : car je suis malade d'amour. [Ct 2, 3-5.] Vers la fin du cantique, se trouve un texte mystérieux qui _a connu bien des interpréta~

tians. On peut cependant remarquer que l'arbre fournit un espace propice à l'amour

et à la fécondité. Cet amour est ardent comme le feu, mais il n'est pas que désir : il est une flamme de Y ah, son caractère est sacré. Le Bien-aimé parle : Sous le pommier je t'ai réveillée, là-même où ta mère te conçut, là où conçut celle qui t'a enfantée.

La Bien-aimée répond : Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l'amour est fort comme la Mort,

la jalousie inflexible comme le Shéol, ses traits sont des traits de feu,

une flamme de Yah. [Ct 8, 5-6.J

Le chêne et le térébinthe. (Voir aussi1 dans ce même chapitre,« L'ar-

bre des lieux saints» (p. 136)). En ce qui concerne le chêne proprement dit, celui que l'on nomme chêne de Bashân (pays situé à l'est du lac de Tibériade) est un arbre de grande taille, qui est devenu le symbole de l'orgueil. Quand le Seigneur paraît dans sa majesté, l'orgueil sous toutes ses formes se retrouve humilié, y compris celui des chênes altiers.

145

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Oui, ce sera un jour du

SEIGNEUR

Sabaot

sur tout· ce qui est orgueilleux et hautain, sur tout ce qui est élevé pour qu'il soit abaissé; sur tous les cèdres du Liban hautains et élevés,

je suis passé, voici qu'il n'était plus, je l'ai cherché, on ne l'a pas trouvé.

[Ps 37, 35-36.J La voix de Dieu manifeste sa toute-

sur tous les chênes de Bashân. [ls 2, 12-13.]

puissance, comme l'orage retentissant qui

Tyr était fier de ses longs avirons en chêne de Bashân (Ez 27, 6). L'arbre hautain symbolise aussi les peuples oppresseurs d'Israël. Lors du grand retour après la captivité, ils seront hwniliés.

foudroie les plus grands arbres. Voix du SEIGNEUR, elle fracasse les cèdres,

le

SEIGNEUR

fracasse les cèdres du Liban.

Il fait bondir comme un veau le Liban. [Ps 29, 5-6.J

Gémissez, chênes de Bashân, car elle est abattue la forêt inaccessible.

[Za 11, 2.]

Le cèdre.

Aussi imposant que le grand chêne, le cèdre altier peut être humilié, lui aussi (Is 2, 13). Mais le cèdre demeure une œuvre magnifique du Seigneur. On parle beaucoup des cèdres dans les Psaumes : ils doivent louer Dieu (Ps 148, 9), parce que c'est lui qui les a plantés.

Ézéchiel, en une grande image, raconte

l'histoire tragique de son temps : un grand aigle (certains disent un vautour) désigne le roi de Babylone ; il arrache au grand cèdre du royaume de Juda sa «pointe», le roi Y oyakîn, pour le déporter à Babylone. Une nouvelle semence est apportée dans le territoire conquis: c'est le roi Sédécias, un roi en

tutelle. Cette semence produit une vigne « d'espèce rampante», c'est-à-dire des gens

prêts à collaborer avec le dominateur babylonien. Un serment solennel qui prend Dieu à témoin est exigé par le roi de Babylone. Après l'avoir proféré, le roi Sédécias le tra-

Les arbres du SEIGNEUR se rassasient,

les cèdres du Liban qu'il a plantés. [Ps 104, 16.] Les arbres plantés par Dieu, même les plus grands et les plus beaux, ne peuvent donc être considérés comme divins. Le cèdre donne parfois une idée de mesure, de vaste dimension. Le juste grandit

comme un cèdre (Ps 92, 13). Israël, en tant que vigne de Dieu, couvrait les cèdres de ses pampres (Ps 80, 11). Le cèdre est le symbole de la fausse grandeur : une gloire usurpée est caduque.

hira, espérant s'entendre avec l'Égypte pour se libérer du joug de l'envahisseur. Mais un serment devant Dieu est définitif. La faute du roi sera punie : Sédécias aura les yeux crevés au terme d'un procès pour haute

trahison. Dans un dernier poème en vers, Ézéchiel transmet un message de Dieu, excédé par la

misérable politique des hommes. Le Seigneur reprend les choses en mains, il devient, lui, l'aigle royal à la place du rapace babylonien. Le rameau qu'il cueille c'est le petit reste d'Israël qui deviendra un grand

J'ai vu l'impie forcené

arbre, après avoir été transplanté en terre

s'élever comme le cèdre du Liban ;

d'Israël.

146

L'ARBRE

Ainsi parle le Seigneur DIEU : « Et moi, je prendrai à la cime du grand cèdre,

et au sommet de ses branches je cueillerai un rameau; et je le planterai moi-même sur une montagne

très élevée.

on désignait les lieux de cultes païens et les arbres qui les signalaient. Les dieux des cultes agraires se flétrissent, mais le Seigneur demeure comme le seul vrai Dieu de la fertilité et de la fécondité. Éphraïm ! Qu'ai-je encore à faire avec les idoles ? C'est moi qui lui réponds et qui veille sur lui. Je suis, moi, comme un cyprès toujours vert, c'est de moi que procède ton fruit. [Os 14, 9.]

Sur la haute montagne d'Israël, je le planterai. Il poussera des branches, portera du fruit et deviendra un cèdre magnifique. Toutes sortes d'oiseaux habiteront sous lui, toutes sortes de volatiles reposeront à l'ombre de ses branches. Et tous les arbres des champs sauront que c'est moi, le SEIGNEUR, qui humilie l'arbre élevé et qui élève

l'arbre humilié, qui fais dessécher l'arbre vert, et reverdir l'arbre

La Sagesse grandit sur terre « comme le cyprès sur les hauteurs de !'Hermon» (Si 24, 13). Lorsque le grand prêtre Simon sortait de derrière le voile du sanctuaire, sa gloire était« comme le cyprès quis' élève jusqu'aux nues» (Si 50, 10).

sec. Moi, le SEIGNEUR, je le dis, je le fais. » [Ez 17, 22-24.]

Le saule et le peuplier.

Le bois de cèdre est considéré comme précieux, il fournit le matériau pour construire le palais du roi et la Maison du Seigneur. « Le roi [David] dit au prophète Natân : "Tu vois, je suis installé dans une maison de cèdre, tandis quel' arche de Dieu est installée au milieu d'une tente de toile" » (2 S 7, 2.) Mais c'est Salomon qui construit le Tem pie:

Nous gardons ici le mot saule, pour traduire un arbre de la famille des salicacées qui comprend le saule et le peuplier. Les baguettes de saule font partie de l'attirail magique de Jacob (Gn 30, 37). Tout arbre a besoin d'eau pour croître et verdir_ Le saule, familier des rivières et des lacs, devient facilement le symbole de la vie qu'apporte l'eau.



Après qu'il eut bâti la Maison et qu'il l'eut achevée, Salomon y fit un plafond à caissons dont l'armature était en cèdre. Il construisit le bas-côté contre toute la Maison ; sa hauteur était de cinq coudées. Il s'encastrait dans la Maison avec des troncs de cèdre. [! R 6, 9-10.]

Le cyprès, Osée va reprendre le thème des « arbres verdoyants» pour le retourner. Par ce nom,

Ainsi parle le SEIGNEUR [... ] : « Ne crains pas, mon serviteur Jacob, le Redressé, celui que j'ai choisi, car je répandrai des eaux sur l'assoiffé, des ruissellements sur la desséchée; je répandrai mon Esprit sur ta descendance, ma bénédiction sur tes rejetons ; ils croîtront comme en plein herbage, tels des saules au bord des cours d'eau.» [Is 44, 2-4.]

Dans l'allégorie de l'aigle d'Ézéchiel, la semence de vigne pousse comme un saule.

147

LES SYMBOLES BIBLIQUES Il la mit dans un champ préparé au bord d'un cours d'eau abondant,

il la mit comme un saule. Elle poussa et devint une vigne féconde. [Ez 17, 5-6.l

Job évoque Béhémoth, l'hippopotame : Il se cache dans les roseaux des marécages. Le couvert des lotus lui sert d'ombrage et les saules de la rivière le couvrent.

Ob 40, 21-22.J 148

Les fleuves de Babylone étaient peut-être des canaux que creusaient les déportés d 'Israël. Les cithares pendues aux saules ne sont décrochées que pour entonner des chants de lamentation ou murmurer la nostalgie de la terre perdue. Là-bas, au bord des fleuves de Babylone, nous restions assis, éplorés, en pensant à Sion. Aux saules du voisinage, nous avions pendu nos cithares ... [Ps 137, 1-2.J

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG La vigne,

La vigne comme signe de bénédiction, de joie et de paix. La vigne d'Israël. La vigne dans le Nouveau Testament. Le ·pressoir.

passer de la vigne, on peut boire de l'eau mais, pour l'homme biblique, le sol couvert de sarments, ombragé par les treilles, est une terre bénie.

Le vin de la sagesse et de l'ivresse.

La vigne comme signe de bénédiction, de joie et de paix.

La coupe. La coupe de communion.

Après la faute du premier homme, Dieu lui déclare :

La coupe de colère. La coupe dans l'Évangile.

Le sol est maudit à cause de toi. [ ... ] Il produira pour toi épines et chardons

et tu mangeras l'herbe des champs.

Le sang.

Le sang des sacrifices et de l'Alliance. Le sang du Christ.

[Gn 3, 17-18.J

Cette malédiction n'est pas définitive. Le livre de la Genèse, après huit patriarches d'une longévité exceptionnelle, mentionne

LA VIGNE

La vigne est une culture singuliêre, in-

comparable à d'autres de nature plus vivrière. Le raisin n'est pas qu'un fruit parmi les fruits et le vin n'est pas une boisson faite pour désaltérer. Son effet est ambigu : il réjouit le cœur mais il peut aussi alourdir le corps et enténébrer l'esprit. On peut se

Lamek qui, à l'âge de cent quatre-vingt-deux ans, engendre un fils qu'il nomme Noé. L'avenir de cet enfant lui semble remarquable; il sera l'instrument de la miséricorde divine, capable de tempérer la rigueur de son propre jugement:« Celui-ci nous apportera, dans notre travail et le labeur de nos mains, une consolation tirée du sol que le SEIGNEUR a maudit» (Gn 5, 29). Noé., nommé« le cultivateur», est consi-

déré comme le premier vigneron. On ne 151

LES SYMBOLES BIBLIQUES

mentionne pas ses autres plantations, ses cultures vivrières ou fourragères. La vigne apparaît comme un agrément de la vie, un superflu qui n'est pas absolument nécessaire, sans cesser d'être très important. La vigne et le vin, la treille comme lieu de repos sont des signes d'une de ces« repentances » divines qui ne sont nullement des faiblesses. Dieu revient sur sa malédiction du sol, douloureusement gratté par l'homme pour survivre. Le raisin est le don d'un Seigneur capable d'agrémenter la vie de ceux qui, coinme Noé, « marchent avec lui». « Noé, le cultivateur, commença à planter la vigne» (Gn 9, 20). Surpris par la force du breuvage extrait de cette vigne, Noé s'enivre et se dénude à l'intérieur de sa tente. Le récit qui s'ensuit a pour but de mettre en garde contre l'ivrognerie. Il entend aussi justifier la malignité de Cham et des Cananéens. Ce prolongement moral du récit n'a rien à voir avec le symbolisme de la vigne et du vin. Quand, sur l'ordre de Dieu, Moïse envoie des hommes en terre de Canaan pour reconnaître le territoire, il les charge d'une mission d'espionnage et leur demande aussi de rapporter des produits du pays. Ces émissaires semblent avoir été fascinés par la vigne. C'était l'époque des premiers raisins. [...] Ils parvinrent au val d'Eskol; ils y coupèrent un

Car je sais combien nombreux sont vos crimes, énormes vos péchés. [Am 5, 11-12; voir aussi So 1, 13.]

La malédiction de Dieu peut tomber sur la terre. Elle prend concrètement la forme des invasions, symbolisées par des insectes piquants (mouches et sauterelles) qui raseront le pays. Il arrivera en ce jour-là que tout lieu où il y avait mille pieds de vigne, valant mille pièces ·d'argent, deviendra ronces et épines. Avec flèches et arc on y pénétrera, car tout le pays sera ronces et épines. [ls 7, 23-24.]

Joël compare les envahisseurs à des sauterelles ou à des fauves aux dents longues. Les fautes d'Israël sont semblables aux excès d'un ivrogne ; ce châtiment détruit la vigne et sème la désolation sur toute la terre, tous les arbres sont atteints. Réveillez-vous, ivrognes, et pleurez ! Tous les buveurs de vin, lamentez-vous sur le vin nouveau: il vous est retiré de la bouche ! Car un peuple est monté contre mon pays. [. .. ] Il a fait de ma vigne un désert. [. .. ] La vigne est étiolée. [. .. ] Tous les arbres des champs ont séché. U1 1, 5.12.J

Les méchants sont privés de la bénédiction divine que symbolise la vigne :

Voler les biens d'un homme est un péché, mais le tuer pour prendre sa vigne est le comble de l'horreur. Le roi Achab et la reine Jézabel se virent reprocher ce crime. Leur châtiment sera non seulement cruel mais infamant : l'intervention des chiens manifeste cette flétrissure annoncée par le prophète Élie.

Ces vignes délicieuses que vous avez· plantées, vous n'en boirez pas le vin.

La parole du SEIGNEUR fut adressée à Élie le Tishbite en ces termes : « Lève-toi et descends

sarment et une grappe de raisin qu'ils emportèrent à deux, sur une perche. [.. .] On appela ce

heu val d'Eskol, à cause de la grappe qu'y avaient coupée les Israélites. [Nb 13, 20-24.]

152

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG à la rencontre d'Achab, roi d'Israël à Samarie. Le_voici qui est descendu dans la vigne de Nabot pour se l'approprier. Tu lui diras ceci : Ainsi parle le SEIGNEUR : Tu as assassiné et de plus tu usurpes! C'est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR : À l'endroit même où tes chiens ont

Jappé le sang de Nabot, les chiens lapperont ton sang à toi aussi. [... ] Les chiens dévoreront Jézabel dans le champ de Yizréel. Celui de la famille d'Achab qui mourra dans la ville, les

chiens le mangeront. [1 R 21, 17-24 et tout le chapitre 21.] Au contraire, la paix et la sécurité, assurées par un bon roi, sont une véritable bénédiction. La vigne est associée ici au figuier, arbre aux feuilles larges, dispensateur d'une ombre propice au repos. «Juda et Israël habitèrent en paix, chacun sous sa vigne et sous son figuier, pendaut toute la vie du roi Salomon» (1 R 5, 5). La vigne et le figuier sont des signes de prospérité (2 R 18, 31). Quaud Dieu règnera à Sion, la paix sera

assurée : On n'apprendra plus à faire la guerre. Mais chacun sera assis sous sa vigne et sous son

Pour Amos, la restauration d'Israël va de pair avec la surabondauce de la fécondité du pays. Parmi tous les fruits de la terre, le raisin occupe la première place. Voici venir des jours - oracle du SEIGNEUR où se suivront de près le laboureur et le moissonneur, celui qui foule le raisin_ et celui qui répand la semence. Les montagnes suinteront de jus de raisin, toutes les collines deviendront liquides. [Am 9, 13; voir aussi Za 8, 12.]

Pour le Bien-aimé du Cantique des cautiques, les discours de la Bien-aimée sont comme un vin exquis. L'amante entraîne alors son amaut dans la campagne printanière, transfigurée par la saison nouvelle. Nous passerons la nuit dans les villages, dès le matin nous irons aux vignobles. Nous verrons si la vigne bourgeonne, si les pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleurs. Alors je te ferai le dol.1 de mes amours. [Ct 7, 12-13.]

figuier. [Mi 4, 3-4.]

Dans cette perspective messianique, Zacharie voit venir celui qu'il nomme « le Germe». Voici que je vais introduire mon serviteur «Germe», et j'écarterai l'iniquité de ce pays, en un seul jour. Ce jour-là - oracle du SEIGNEUR Sabaot -vous vous inviterez l'oo l'autre, sous la vigne et sous le figuier. [Za 3, 8-10.]

La vigne est aussi un symbole de la fécondité de l'homme qui craint Dieu. Ton épouse : une vigne fructueuse au cœur de ta maison. [Ps 128, 3,]

La vigne d'Israël,

Dieu est, pour la Bible, le seul créateur. Les fruits de la terre sont donnés aux hommes pour les nourrir (Gn 2, 9 et 16). C'est donc une trahison, un véritable adultère, que d'attribuer aux faux dieux la création et la répartition de ces biens nécessaires à la vie. Tel est l'avis du prophète Osée (Os 2, 7-10), la boisson, le moût et le vin sont en bonne place dans la liste des denrées essentielles, qui deviennent impures quand on les attribue à des divinités méprisables.

153

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Tu as aimé le salaire [les biens de la terre] impur

J' eff espérais du raisin.

sur toutes les aires à blé. Ni l'aire, ni la cuve ne les nourriront,

Pourquoi seulement du verjus ? Eh bien ! je vais vous apprendre ce que je vais faire de ma vigne : en ôter la haie pour qu'on la broute, en abattre le mur pour qu'on la piétine. Qu'elle soit saccagée, non plus taillée ni cultivée ; sur elle : épines et ronces ! J'interdirai aux nuages

le vin nouveau les décevra. [. .. ]

Tis ne feront plus au

SEIGNEUR

de libations de

vin, ils ne lui offriront plus de sacrifices ;

leur pain sera comme un pain de deuil, et tous ceux qui en mangeront deviendront impurs. [Os 9, 1-4.]

La vigne, signe de bénédiction, devient alors le symbole d'Israël. Sa fécondité était d'origine divine, la trahison spirituelle du peuple élu le ramène à la stérilité, causée par l'abandon de Dieu. Israël était une vigne luxuriante donnant beaucoup de fruits. Plus les fruits se multipliaient,

plus il

a

multiplié ses autels. [Os 10, 1.]

Il s'agit, bien sûr, des autels idolâtriques. « Leur cœur est double » s'exclamera le prophète et cette duplicité entraînera la malédiction de la terre, dont les épines et les chardons sont le signe (Os 10, 8).

d'y laisser pleuvoir la pluie. [Is 5, 1-6.] Le prophète parle maintenant clairement: cette vigne de Dieu, c'est Israël et Juda que Dieu considérait comme un plant choisi. Le fruit attendu- était l'innocence, et c'est du

sang qui coule ; à la place de la sérénité de la justice retentit un cri d'horreur (Is 5, 7). La terre est maudite : « dix arpents de vigne ne donneront qu'un tonnelet» et un peuple

d'ivrognes court de fêtes en fêtes, dans la plus totale ignorance de leur Seigneur (Is 5,

10-11). Plus tard, après le grand Jugement, quand Israël se trouve purifié, le prophète entonne encore un chant de la vigne, mais il proclame cette fois la restauration de son domaine et

le retour de la bénédiction sur la terre. Isaïe reprend et développe le même thème dans son chant de la vigne. Que je chante à mon ami le chant de son amour pour sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il la bêcha, l'épierra, il la planta de muscat. Au milieu il bâtit une tour, il y creusa même une cuve. Il en espérait des raisins, mais elle ne lui donna que du verjus. Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de

Juda,

La vigne délicieuse, chantez-la ! Moi, le SEIGNEUR, j'en suis le gardien ; à tout instant je l'arrose de peur que ne tombe son feuillage ; nuit et jour je la garde. Je n'éprouve plus de colère! Qu'il y ait épines et ronces : je leur ferai la guerre, je les brûlerai toutes. [ls 27, 2-4.]

Le psaume 80 est une prière pour la restauration d'Israël. L'image de la vigne plantée par Dieu mais châtiée exprime la

soyez juges, je vous en prie, entre ma vigne et moi. Que pouvais-je faire pour ma vigne, que je n'aie

gloire, l'épreuve, mais aussi l'espérance dl.l

fait?

9-17).

154

peuple de Dieu en un possible salut (Ps 80,

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Jérémie reprend le même thème : l'idolâtrie est la cause de la dégénérescence de la

La deuxième allégorie est en forme de complainte sur les princes d'Israël·:

vigne amoureusement plantée, Moi, pourtant, je t'avais plantée comme un cep

Ta mère était comme une vigne plantée au bord de l'eau.

de choix,

Elle était féconde et feuillue,

une bouture d'authentique provenance,

grâce à l'abondance de l'eau. Elle poussa des rameaux puissants qui devinrent des sceptres royaux ; ils grandirent et S'élevèrent jusqu'au milieu des nuages, on les admira pour leur hauteur et pour l'abondance de leur feuillage. Mais elle a été arrachée et jetée à terre, 1 le vent d est a desséché ses fruits, le feu a tout dévoré. La voici transportée au désert, au pays sec et aride. Le feu est sorti de sa tige, il a dévoré ses branches et son fruit. Elle n'aura plus son rameau puissant, son sceptre royal[Ez 19, W-14.]

Cûmment t'es-tu changée en plant dégénéré, Vigne bâtarde! (Jr 2, 21.]

Le châtiment ne va pas tarder, Les _envahisseurs montent à l'assaut de la vigne construite en terrasses (Jr 5, 10), Juda est une vigne stérile (Jr 8, 13). Une image insolite montre le prophète qui cherche, sur l'ordre de Dieu, quelques fidèles encore capables d'entendre sa parole. L'homme de Dieu ressemble alors à un pauvre qui grappille une vigne après la vendange (Jr 6, 9). En Ézéchiel, on trouve plusieurs allégories de la vigne. Dans une première, il est dit que le cep de vigne n'est pas un bois d'œuvre: oil il porte du fruit, ou il n'est qu'un bois à brûler. Fils d'homme, en quoi le bois de la vigne vaudrait-il mieux que_le bois de toute autre branche d'arbre dans

la forêt ? [... ] C est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR : Tout comme le bois de la vigne parmi les arbres

de la forêt, que j'ai jeté au feu pour le conswner, ainsi ai-je traité les habitants de Jérusalem. [Ez 15, 2 et 6.]

Et la malédiction de Dieu retombe sur la terre : Je forai de ce pays un désert parce qu'ils m'ont été infidèles. Œz 15, 8.]

Une troisième allégorie d'Ézéchiel illustre le thème de la vigne d'une manière particulière. Elle considère les vrilles des sarments, capables de s'accrocher à des supports pour aider la croissance des tiges. Israël est bien cette vigne qui cherche des points d'appui auprès du roi de Babylone ou du Pharaon égyptien. Ces souverains sont considérés comme des aigles. Mais le tuteur égyptien ne risque-t-il pas d'étouffer la vigne d'Israël qui se fixe à lui, en croyant trouver là son salut ? L'aigle ne va-t~il pas briser ses racines, arracher ses fruits, en sorte que sèchent toutes les feuilles nouvelles qu'elle poussera, sans qu'il soit besoin d'un effort puissant et d'un peuple nombreux, pour l'arracher de ses racines? [Ez 17, 9.]

155

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Isaïe donne aussi un exemple d'un peuple païen, Moab, représenté symboliquement par son vignoble (Is 16, 7-10; voir aussi Jr 48, 32-33 ).

La vigne dans le Nouveau Testament.

Les évangiles synoptiques racontent tous l'histoire des vignerons meurtriers. C'est là une parabole, truffée de précisions allégoriques que discernent parfaitement les adversaires de Jésus. Et il se mit à leur parler en paraboles. « Un homme a planté une vigne, l'a entourée d'une clôture, il a creusé une cuve et bâti une tour ; puis il l'a donnée en fermage à des vignerons et il est parti. Le moment venu, il a envoyé un serviteur aux vignerons pour recevoir d'eux sa part des fruits de la vigne. Les vignerons l'ont saisi, roué de coups et renvoyé les mains vides. Il leur a envoyé un àutre serviteur; celui-là aussi, ils l'ont frappé à la tête et insulté. Il en a envoyé un autre - celui-là ils l'ont tué -, puis beaucoup d'autres : ils ont roué de coups les uns et tué les autres. Il ne lui restait plus que son fils bienaimé. Il l'a envoyé en dernier vers eux en se disant : "Ils respecteront mon fùs. Mais ces vignerons se sont dit entre eux: "C'est l'héritier. Venez! Tuons-le et nous aurons l'héritage." Ils l'ont saisi, tué et jeté hors de la vigne_. Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, fera Périr les vignerons et confiera la vigne à d'autres. N'avez-vous pas lu ce passage de l'Écriture : La pierre qu'ont jetée les bâtisseurs, c'est elle qui est devenue la pierre angulaire. C'èst là l'œuvre du Seigneur : quelle merveille à nos yeux ! Ils cherchaient à l'arrêter, mais ils eurent peur de la foule. Ils avaient bien compris que c'était pour

156

eux qu'il avait dit cette parabole. Et le laissant, ils s'en allèrent. [Mc 12, 1-12.]

Et Matthieu ajoute : « Aussi je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera retiré

pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits» (Mt 21, 43 ). Les grands prêtres et les Pharisiens se sentent alors visés par cette parabole et commencent à tenir conseil pour éliminer ce

signe de contradiction qu'est Jésus. L'intérêt de cette remarque de Matthieu est de présenter de manière concrète le

Royaume de Dieu. Il s'agit d'un champ, d'une «terre» qui doit produire des fruits. On retrouve ici l'esprit des « paraboles agricoles » du Royaume. Le Père du ciel détient la terre et les semences 1 mais la collaboration des hommes, ouvriers de ce domaine divin, est nécessaire pour que le sol donne son

fruit. Les travailleurs de la vigne divine doivent apporter ce fruit au Maître qui pourra alors le répartir en toute justice, selon

les besoins de chacun. C'est le sens de la parabole des ouvriers de la onzième heure qui s'en furent, sur le tard, travailler dans la

vigne pour un salaire égal à celui des lève-tôt (Mt 20, 1-16). Le chapitre 15 de l'évangile de Jean commence par une grande allégorie de la vigne. Jésus dit : Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron: Tout sarment qui ne porte pas de fruit, il le coupe, et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, pour qu'il en porte encore plus. Un 15, 1-2.]

La taille de la vigne est un art difficile. Il faut retrancher nombre de sarments pour laisser les plus vigoureux ; et ceux-ci doivent être encore taillés, émondés, pour distribùer la sève de manière productive.

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG Émondés, vous l'êtes déjà, grâce à la parole que je vous ai annoncée.

Si quelqu'un ne demeure pas en moi, on le jette dehors comme un sarment

ijn 15, 3.]

et il se dessèche ; puis on les ramasse et on les jette au feu et ils brûlent. ijn 15, 6.J

« Émondé » signifie purifié. L'instruction des disciples par Jésus n'était pas un enseignement de sagesse tranquille. Certaines de ses paroles étaient choquantes, voire scandaleuses. D'autres annonçaient le passage par la douleur. Les discours du Christ ont fait de lui et de ses disciples des signes de contradiction. Ces paroles tranchantes produisaient un effet redoutable: «Je ne suis pas venu apporter la paix maisle glaive» (Mt 10, 34). Les vignerons utilisaient jadis une serpette soigneusement affutée pour la taille de la vigne. Cet instrument devient le symbole de l'action incisive de la parole purificatrice. Demeurez. en moi, comme moi en vous. be même. que le sarment ne peut pas, de luimême1 porter du fruit, sans demeurer sur le cep, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. ijn 15, 4.]

Garder la parole de Jésus, c'est demeurer attaché à lui. Le verbe « demeurer » évoque aussi la fidélité à l'Alliance qui va être renouvelée dans le sang du Christ. Je suis le cep ; vous êtes les sarments. Qui. demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire.

Un

15, 5.J

La sève passe du cep dans les sarments.

La grâce, l'énergie divine qui vient du Père par le Fils, est la puissance fructifiante qui permet aux disciples unis à leur Seigneur de porter des fruits dans le champ du Royaume.

Les sarments secs ne sont que du bois à brûler, ce thème a déjà été développé par Ézéchiel (Ez 15, 2 et 6).

Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l'aurez. C'est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit,

et vous serez alors mes disciples.

Un

15, 7-8.J

Le pressoir. Pour presser le raisin, on ne disposait pas jadis en Israël de la machinerie que la technique vinicole a développée par la suite. On foulait le raisin dans une cuve et le rythme de ce piétinement pouvait entraîner des chants et des cris de joie. Cette liesse célébrait la bénédiction divine de la terre et tout particulièrement celle de la vigne, source de joie et symbole évident de la générosité de Dieu. Pour les peuples païens, les vendanges étaient aussi une fête, qui n'excluait pas une référence religieuse à un dieu garant de la prospérité du vignoble. « Les notables de Sichem sortirent dans la campagne pour vendanger leurs vignes, ils foulèrent le raisin, organisèrent des réjouissances et entrèrent

dans le temple de leur dieu» (Jg 9, 27). Quand viennent le malheur et la dévastation, le silence des vignes, au temps des vendanges, est particulièrement sinistre. Moab l'orgueilleux était fier de ses vignes, 157

LES SYMBOLES BIBLIQUES

de ses gâteaux de raisins, mais cette vanité agricole n'était que le signe de son désir dominateur. Humilié, consterné, ce pays se lamente et se répand en pleurs. Vigne de Sibma je t'arrose de mes larmes. [. ..] Le cri s'est éteint, la joie et l'allégresse ont disparu des vergers, dans les vignes, plus de liesse ni de cri joyeux ; le fouleur ne foule plus le vin dans le pressoir, le cri a cessé. C'est pourquoi mes entrailles, pour Moab, frémissent comme une cithare. [Is 16, 9-11.]

La Bible est capable de retourner les symboles comme un vêtement réversible. Le thème du pressoir est ainsi traité par les prophètes. La cuve où dansent les joyeux vendangeurs va devenir un lieu d'horreur, le

lieu où les hommes sont écrasés par leurs ennemis, ou détruits par la colère divine. Le jus des raisins rouges devient alors du sang. Le Seigneur a foulé au pressoir la vierge, fille de Juda. [Lm 1, 15.J

Isaïe reprend cette image pour en faire une vision hallucinante, à la limite du soutenable. Il entend ainsi évoquer le jugement des peuples ennemis d'Israël, en particulier Édom, dont Boçra, située au nord de Petra, était la principale forteresse. Quel est donc celui qui vient d'Édom, de Boçra, en habits éclatants, magnifiquement drapé dans son manteau, s'avançant dans la plénitude de sa force? C'est moi qui parle avec justice, qui suis puissant pour sauver. - Pourquoi ce rouge à ton manteau ? Pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir? - À la cuve, j'ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple, pas un n'était avec moi.

158

Alors je les ai foulés dans ma colère, je les ai piétinés avec fureur, leur sang a giclé sur mes habits, et j'ai taché tous mes vêtements. Car j'ai au cœur un jour de vengeance, c'est l'année de ma rétribution qui vient. [Is 63, 1-4.]

Un oracle de Jérémie contre les nations utilise la même image : Le SEIGNEUR rugit d'en haut, de sa demeure sainte il élève la voix, il rugit avec fureur contre son pacage, il pousse des cris de fouleur à la cuve contre tous les habitants de la terre. [Jr 25, 30.]

L' Apocalypse reprend souvent des textes de l'Ancien Testament. C'est ici Joël qui fournit la référence. Au« jour du Seigneur»,

jour du jugement final, les nations pécheresses sont convoquées pour subir le châtiment dans la vallée de «Josaphat», nom qui veut dire « le Seigneur juge». Que les nations s'ébranlent et qu'elles montent

à la vallée de Josaphat ! Car là je siégerai pour juger toutes les nations du monde. Lancez la faucille : la moisson est mûre ; venez, foulez, le pressoir est comble ; les cuves débordent, tant leur méchanceté est grande. [Jl 4, 12-13.] L' Ange préposé au feu cria d'une voix puissante à celui qui tenait la faucille : « Jctte ta faucille aiguisée, vendange les grappes dans la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs. » L' Ange alors jeta sa faucille sur la terre et il vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense ! Puis on la foula hors de la ville, et il en coula du sang qui monta jusqu'au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades. [Ap 14, 18-20; voir aussi Ap 19, 15.]

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

LE VIN DE LA SAGESSE ET DE L'IVRESSE Si le pain fortifie le cœur de l'homme, le

vin le réjouit (Ps 104, 15), La Sagesse, qui dresse sa table pour ses hôtes, n'oublie pas le vin. La Sagesse a bâti sa maison, "elle a dressé ses se:()t colonnes, elle a abattu ses bêtes, préparé son vin. [... ] À l'homme insensé elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j'ai préparé ! Quittez la niaiserie où vous vivez, marchez droit dans la voie de l'intelligence. »

[Pr 9, 1-6.J

Le festin messianique, décrit par Isaïe, imagine l'entrée dans le Royaume de Dieu comme l'accès à un banquet où rien ne manque, pour effacer la tristesse du châtiment, des lourdes peines et du deuil. Le vin réchauffera les cœurs après le long hiver de l'épreuve. Le SEIGNEUR Sabaot prépare pour tous les peuples sur cette montagne un festin de viandes grasses, un festin de ·bons vins,

.de viandes moelleuses, de vins dé"cantés. [Is 25, 6.]

Jésus évoque, lui aussi, un banquet eschatologique (Mt 8, 11). Cette image est au cœur de la parabole des invités discourtois (Mt 22, 1-14). Après l'institution de ]'Eucharistie, le Christ déclare : Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la _vigne, jusqu'au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon

Père [Mt 26, 29].

Le vin nouveau a, par ailleurs, fourni l'image du renouveau spirituel qu'apporte l'enseignement de Jésus. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouveau dans des Outres neuves, et l'un et l'autre se conservent. [Mt 9, 17.]

Cependant le Lévitique interdit le vin aux prêtres quand ils se rendent à la Tente du Rendez-vous. L'interdiction vaut aussi quand les ministres de Dieu discernent le sacré du profane et lorsqu'ils révèlent les décrets de la Loi (Lv 10, 8-11). L'ivrognerie, pour les prophètes, est un dérèglement ; c'est aussi un vice qui peut entraîner des déviations spirituelles. Malheur à ceux qui se lèvent tôt le matin pour courir à la boisson, qui s'attardent le soir, ivres de vin. Ce ne sont que harpes et cithares, tambourins et flûtes et du vin pour leurs beuveries. Mais pour l'œuvre du SEIGNEUR pas un regard, l'action de ses mains, ils ne la voient pas. C'est pourquoi mon peuple est exilé, faute de connaissance. [Is 5, 11-13.]

Quand le pays est dirigé par un cercle d'ivrognes, le châtiment n'est pas loin. Par un glissement d'images, Isaïe montre que ce cercle désastreux sera remplacé par une couronne lumineuse: Dieu sera lui-même le restaurateur de son peuple. Malheur à l'orgueilleuse couronne des ivrognes

d'Éphraün, à la fleur fanée de sa superbe splendeùr, sise au sommet de la grasse vallée, à ceux que terrasse le vin. [Is 28, l.]

159

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le prince assyrien, instrument de la colère de Dieu, va déferler avec son armée, comme une tempête dévastatrice. Il va fouler aux pieds cette couronne d'abrutis. Ce jour-là, c'est le

SEIGNEUR

Sabaot

qui" deviendra la couronne de splendeur et un superbe diadème

pour le reste de son peuple. [Is 28, 5.] Dans la parabole des cruches entrechoquées, Jérémie annonce d'une manière saisissante le châtiment de Dieu contre Jérusalem. Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël : « Toute cruche peut se remplir de vin!» Et s'ils te répondent : « Ne savons-nous pas que toute cruche peut-se remplir de vin?», tu leur diras: « Ainsi parle le -SEIGNEUR. Voici que je vais remplir d'ivresse tous les habitants de ce pays, les rois qui occupent le trône de David, les prêtres et les prophètes et tous les habitants de Jérusalem. Puis je les casserai l'un contre l'autre, pères et fils, pêle-mêle - oracle du SEIGNEUR. Sans pitié, sans merci, sans m'attendrir je les détruirai.» [Jr 13, 12-14.]

La sagesse d'Israël met souvent en garde contre le pouvoir dangereux du vin. L'état d'ivresse et la sottise sont souvent mentionnés ensemble. Une ronce pousse dans la main d'un ivrogne comme un proverbe dans la bouche d'un sot. Un archer blessant tout le monde, tel est celui qui embauche le sot et l'ivrogne qui

passent. [Pr 26, 9-10.] C'est encore dans le livre des Proverbes quel' on trouve la description fantastique des effets de l'ivresse. Après avoir cité les malheurs, les regrets cuisants, les querelles, les lamentations, les violences désordonnées, les troubles de ]a vue, le sage en vient à la description des hallucinations alcooliques. 160

Ne regarde pas le vin, comme il est vermeil ! Comme il brille dans la coupe ! Comme il coule tout droit ! Il finit par mordre comme un serpent, par piquer comme une vipère. Tes yeux verront d'étranges choses, ton cœur s'exprimera de trav_ers. Tu seras comme un homme couché en haute mer, ou couché à la pointe d'un mât. On m'a battu, je n'ai point mal! On m>a rossé, je n'ai rien senti! Quand m'éveillerai-je? ... J'en redemanderai encore! [Pr 23, 31-35.J

LA COUPE

Dans la Bible, la coupe est, bien sûr, le récipient d'un liquide, mais le terme désigne aussi le contenu, la part ; il rejoint ainsi la signification d'autres mots tels que « le lot » (tiré au sort, réparti) ou « l'héritage». SEIGNEUR, ma part d'héritage et ma coupe, c'est toi qui garantis mon lot ; le cordeau me marque un enclos de délices. [Ps 16, 5-6.l

Ainsi va s'établir une réciprocité : si Dieu réserve à son peuple un lot de bonheur, le Seigneur lui-même est loti. Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage,

quand il répartit les fils de l'homme, il fixa les limites des peuples suivant le nombre

des fils de Dieu ; mais le lot du

SEIGNEUR,

ce fut son peuple,

Jacob fut sa part d'héritage. [Dt 32, 8-9.]

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

La coupe de communion. La coupe est surtout un symbole de communion. Elle circulait dans les banquets comme signe de l'amitié partagée. Pour reprocher à David son adultère, Natân évoque la tendresse d'un homme qui n'avait qu'une brebis : une seule petite qu'il avait achetée. Il la nourrissait et elle grandissait avec lui et avec ses enfants, mangeant son pain, buvant dans sa coupe, dormant sur sOn sein : c'était comme sa fille. [2 S 12, 3.]

La coupe est aussi le signe de la communion avec Dieu. Ma coupe déborde. Oui, grâce et bonheur me pressent tous les jours de ma vie. [Ps 23, 5-6.]

Élever la coupe pleine des bienfaits de Dieu, c'est manifester au monde son salut, _c'est rendre grâce. Comment rendrai-je au SEIGNEUR tout le bien qu'il m'a fait? J'élèverai la coupe du salut, j'invoquerai le nom du SEIGNEUR. [Ps 116, 12-13.]

Au cours de l'éloge du prêtre Simon, le Siracide décrit le rituel qui utilisait la coupe pour une libation, signe de communion. Il étendait la main sur la coupe, faisait couler un peu du jus de la grappe

et le tépandait au pied de l'autel, parfum agréable au Très-Haut, roi du monde.

[Si 50, 15 .J

Cependant le péché peut rompre la comnmnion avec Dieu. Le sacrifice d'expiation devient alors nécessaire. Il comporte un rite d'aspersion par le sang qui est le prix du péché. Parmi les objets liturgiques du temple ancien, les « coupes d 1 aspersion » sont souvent mentionnées (Nb 4, 14; Nb 19, 17-20; Za 14, 20). Mais le symbolisme de la coupe peut se renverser : le vase de communion, de bonheur et de bénédiction peut devenir un signe de rupture, de folie et de honte. Les sacrifices offerts aux démons sont bien le signe de la communion avec les puissances du mal. Le cantique de Moïse dit des Israélites : Ils sacrifiaient aux démons qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu'ils ne connaissaient pas. [Dt 32, 17.]

L'idolâtrie n'est pas une tentation passagère. Des siècles plus tard, Paul s'écrira: «Je ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons. Vous ne pouvez boire à la coupe du Seigneur et à la coupe des démons» (1 Co 10, 20-21). Cette coupe démoniaque est l'héritage des cultes idolâtriques païens. Babylone apparaît comme la capitale de toutes les perversions spirituelles. Reprenantle thème de l'infidélité conçue comme une prostitution, l'Apocalypse dépeint la Prostituée fameuse ; c'est Babylone devenue l'archétype du mal. Elle tient à la main une coupe. La femme, vêtue de pourpre et d'écarlate, étincelait d'or, de pierres précieuses et de perles; elle tenait à la main une coupe en or, remplie des abominations et des souillures de sa prostitution. [... ] Et sous mes yeux, la femme se saoulait du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus. [Ap 17, 4-6.]

161

LES SYMBOLES BIBLIQUES

La coupe de la colère.

L'idolâtrie est le plus grave des péchés. Elle suscite la jalousie de Dieu et sa colère. La vindicte divine poussera le Seigneur à faire boire, jusqu'à la lie de la démence, la coupe du péché qui a tenté Israël. Réveille-toi, réveille-toi ! Debout, Jérusalem ! Toi qui as bu de la main du SEIGNEUR la coupe de sa colère. C'est un calice, une coupe de vertige. [Is 51, 17 .]

Quand Jérémie prononce ses oracles contre les nations, ses révélations s'appuient

sur la vision d'une coupe terrifiante qui annonce le châtiment. Le SEIGNEUR me parla ainsi : Prends de ma main cette coupe de vin de colère et fais-la boire à toutes les nations vers lesquelles je vais t'envoyer ;

elles boiront, chancelleront et ·deviendront folles, à cause de l'épée que je vais envoyer au milieu d'elles. [... ] Tu leur diras : Buvez r Enivrez-vous! Vomissez! Tombez sans pouvoir vous-relever. Ur 25, 15 et 27.]

!,a coupe de Dieu contient la punition d'Edom: Vois, ceux qui n'auraient pas dû boire la coupe la boiront sûrement et toi, tu ·resterais impuni? Tu ne resteras pas impuni, mais tu la boiras pour de bon! Ur 49, 12.l

Pour Ézéchiel, Jérusalem (nommée ici Oholiba) ne pourra détourner la coupe de la colère divine. Tu boiras la coupe de_ta sœur, coupe profonde et large, qui fera rire et s·e motj_uer, tant sa contenance est grande. Tu seras remplie d'ivresse et de douleur, coupe de désolation et de dévastation,

162

la coupe de ta sœur Samarie. Tu la boiras, ru la videras, puis tu en mordras les morceaux et tu te déchireras le sein. [Ez 23, 32-34.]

Dans la quatrième malédiction d'Habaquq, le conquérant, après avoir avili le vaincu qu'il pousse à la boisson, se retrouve dans l'état honteux de sa victime. Malheur à qui fait boire.ses voisins, à qui verse son poison jusqu'à les enivrer pour regarder leur nudité ! Tu t'es saturé d'ignominie, non de gloire! Bois à ton tour et montre ton prépuce ! Elle passe pour toi la coupe ·de la droite du SEIGNEUR,

et l'infamie va recouvrir ta gloire. [Ha 2, 15-16.] Un psaume dit de Dieu :

Il fera pleuvoir sur les impies charbons de feu et de soufre et dans leur coupe, un vent de flamme pour leur part. [Ps 11, 6.] C'est une coupe en la _main du SEIGNEUR, du vin écumant, plein d';:uomates : il verse, ils en lèchent la lie, ils boivent, tous les impies de la terre. [Ps 75, 9.]

Les sept fléaux de !'Apocalypse sont symbolisés par sept coupes. Puis l'un des quatre Vivants remit aux sept Anges sept coupes en or, remplies de la colère du Dieu qui vit pour les siècles des siècles [Ap 15, 7].

La coupe dans l'Évangile.

Le thème de la coupe se retrouve plusieurs fois dans l'Évangile, soit pour signifier la souffrance, soit pour établir un nouveau rituel de communion.

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Quand la mère des fils de Zébédée vient trouver Jésus, c'est pour demander les meilleures places pour Jacques et Jean dans le Royaume messianique. Jésus répond : « "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. - Soit, dit-il, vous la boirez» (Mt 20, 22-23). Un peu plus tard, Jésus explique le contenu de cette coupe. « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour une multitude» (Mt 20, 28). Le passage parallèle de Marc associe à la coupe le baptême du feu, celui de la Passion et de la mott (Mc 10, 38-39). Les évangiles synoptiques montrent Jésus au comble de l'angoisse, à l'heure de son arrestation. Fléchissant les genoux, il priait disant : « Père ! Si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse ! » Alors il apparut un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon

plus instante et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre.

[Le 22,41-44.l La coupe eucharistique est bien celle de l'Alliance renouvelée dans le sang de Jésus. Prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps donné pour vous ; faites cela en mémoire de moi. » Il fit de même pour la coupe après le repas, disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous. » [Le 22, 19-20.]

LE SANG

Le sang des sacrifices et de l'Alliance.

Pour la Bible, le sang possède une dimension mystérieuse. Ce fluide contient la vie, mais comme celle-ci est un don de Dieu, le sang est bien la « part » de Dieu. À ce titre, le sang mérite un traitement à part, lorsqu'il est répandu lors de l'abattage des animaux qui seront consommés ou sacrifiés. Il en est de même quand il se trouve versé accidentellement, ou volontairement dans la guerre, ou au cours d'une exécution judiciaire, ou de façon criminelle. Le sang menstruel est considéré comme impur et suscite un temps d'impureté (Lv 15, 19-30). Le sang des animaux ne peut être consommé: Où que vous habitiez, vous ne mangerez pas de sang, qu'il s'agisse d'oiseau ou d'animal. Quiconque mange du sang, quel qu'il soit, celui-là sera retranché de sa race [Lv 7, 26-27].

Le sang de l'animal sacrifié sert de signe sur la patte des Hébreux dans la nuit de la Pâque. Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez. En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur lorsque je frapperai le pays d'Égypte. [Ex 12, 13.]

Le sang se mêle à l'huile pour l'aspersion qui consacre les vêtements sacerdotaux d'Aaron et de ses fils. Tu prendras du sang qui est sur l'autel et de l'huile d'onction, et tu en aspergeras Aaron et ses

163

LES SYMBOLES BIBLIQUES vêtements, ses fils et leurs vêtements i ils seront ainsi consacrés, lui et ses vêtements, ainsi que ses

fils et les vêtements de ses fils. [Ex 29, 21.]

Les textes sacerdotaux mentionnent plusieurs manipulations sacrées du sang. Il est répandu (Ex 24, 6); on immerge dans le sang (Lv 14, 6 et51); cependantle rituel de l'aspersion est le plus souvent décrit (Lv 4,

7, 16-17). L'aspersion de sang prend toute sa die mension quand elle conclut l'Alliance. Après un sacrifice de communion solennel : Moïse prit la moitié du sang et la mit dans des bassins, et l'autre moitié du sang, il la répandit sur l'autel. Il prit le livre de l'Alliance et en fit une lecture au peuple qui déclara : « Tout ce que le SEIGNEUR a

dit, nous le ferons. » Moïse,

ayant pris du sang, le répandit sur le peuple et dit : « Ceci est le sang de l'Alliance que le SEIGNEUR a conclue avec vous. » [Ex 24, 6-8.]

Dans le N cuveau Testament, ce rite est évoqué et transposé pour signifier la puissance rédemptrice du sang du Christ (He 9, 13). La première épître de Pierre commence par une salutation qui évoque le rite de l'aspersion du sang. Elle s'adresse aux chrétiens de la Diaspora, « élus selon la prescience de Dieu le Père) dans la sanctification de !'Esprit, pour obéir à Jésus Christ et être aspergés de son sang (1 P 1, 1-2). Le sang est, pour les Hébreux, le siège de l'âme principe de la vie. Le sang acquiert ainsi une sorte de personnalité qui le pousse à crier vengeance. L'image est saisissante quand Dieu reproche à Caïn le meurtre d'Abel. Le cri du sang est parole dans la bouche de la terre. « Qu'as-tu fait ? Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant, sois maudit et _chassé

164

du sol fertile qui a ouvert ta bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère » (Gn 4, 10-11). Le Seigneur se manifeste ainsi comme remplissant la fonction de Gaël (vengeur du sang). Cette tradition est enracinée dans des coutumes de ripostes violentes, susceptibles de dégénérer en massacre, comme le proclame le chant sauvage de Lamek (Gn 4, 23-24). Dans le nouvel ordre proclamé par Dieu après le Déluge, s'inscrit un précepte de non-violence et sa justification :

Qui verse le sang de l'homme, par l'homme alira son sang versé. Car à l'image de Dieu l'homme a été fait. [Gn 9, 6.] Dieu est seul maître de la vie, car c'est lui qui la donne. Blesser un homme ou le tuer, c'est atteindre le Seigneur lui-même, présent en son image créée. C'est en tant que Maître du sang que le Seigneur inspirera phis tard la réglementation de la vengeance (Jos 20, 1-9). Le sang qui a lié l'Alliance entre Dieu et les hommes « se met à crier » quand les hommes la rompent. Dieu se réserve alors la vengeance du Vengeur du sang. Voici ce que chante le cantique de Moïse (Dt 32, 1-44) : Le SEIGNEUR est justice et rectitude [Dt 32, 4].

Mais, quand on se détourne des chemins de l'Alliance, il crie : À moi la vengeance et la rétribution, pour le temps où leur pied trébuchera. Car il est proche le jour de leur ruine.

[Dt 32, 35.l Les innocentes victimes de la rébellion seront vengées par Dieu :

LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG Car il vengera le sang de ses serviteurs, -il rendra la pareille à ses adversaires.

sant ainsi la responsabilité de la condamnation (Dt 17, 5-7 ;Jn 8, 7).

[Dt 32, 43.]

L'épître aux Hébreux reprend le même thème, en mentionnant l'aspersion du sang de la première Alliance pour annoncer le châtiment de ceux qui, par leur apostasie, :méprisent le sang de l'Alliance nouvelle, scellée dans le sang versé par le Christ. D'un châtiment combien plus grave sera jugé

passible, ne pensez-vous pas, celui qui aura

fottlé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l'Alliance dans lequel il a été sanctifié, et outragé l'Esprit de la grâce ? Nous connaissons en effet celui qui a dit : « À moi la vengeance. C'est moi qui rétribuerai.» [He 10, 29-30.]

Dieu, donc, venge le sang (JI 4, 21) et

c'est même lui qui mène.l'enquête car rien ne lui échappe; c'est ainsi qu'il sauve les humbles. Lui qui recherche le sang [versé], il se souvient,

il n'oublie pas le cri des malheureux. [Ps 9, 13.] Le sang « retombe » sur celui qui l'a versé. L'expression est si courante dans la Bible qu'elle sera étendue à des fautes qui n'entraînent pas d'effusion de sang. Celui qui est condamné à mort pour autre chose qu'un crime de sang voit son propre sang retomber sur lui-même. « Quiconque maudira son père ou sa mère devra mourir. Puisqu'il a maudit son père ou sa mère, son sang retombera sur lui» (Lv 20, 9). Il faut noter que la lapidation tenait les exécuteurs de la sentence hors de portée des éclaboussures sanglantes. Acte collectif, cette exécution répartissait la responsabilité sur les auteurs du châtiment. Les témoins à charge jetaient les premières pierres, endos-

Le sang du Christ. Le sang de Jésus est innocent, et Judas le sait mieux que quiconque: «J'ai péché en livrant un sang innocent» (Mt 27, 4). Ce sang retombera sur la collectivité des accusateurs : les grands prêtres et les anciens qui manipulent la foule. « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants » (Mt 27, 25; voir aussi Jr 51, 35 et Le 23, 28-32). L'enseignement de Jésus dans la synagogue de Capharnaum révèle que la chair du « Fils de l'homme » est une nourriture et son sang un breuvage, viatiques sur le chemin de la Résurrection. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour.

(Jn 6, 54.]

Ce discours annonce l'institution de !'Eucharistie. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, versé pour la multitude» [Mc 14, 24].

La « coupe de bénédiction » du rituel juif de la Pâque se prêtait à un rituel de communion avec Dieu, auquel on offrait le sacrifice. Paul écrit, en ce qui concerne l'Eucharistie : La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas une communion au sang du

Christ? [1 Co 10, 16].

Void l'ultime recommandation de Paul aux anciens d'Éphèse qui sont les bergers de la communauté chrétienne : « Paissez 165

LES SYMBOLES BIBLIQUES

l'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son propre sang» (Ac 20, 28). « Son propre sang» est sans doute une métaphore osée : ce sang de Dieu est le Christ, fils de Dieu, et aussi le sang versé par Jésus pour créer son Église. Paul dira encore: Nous sommes justifiés par son .sang. [Rm 5, 9.]

En lui, par son sang, nous sommes délivrés. [Ep 1, 7.] En Jésus Christ, vous qui étiez loin, vous avez été rendus proches par le sang du Christ. [Ep 2, 13.l Ayant établi la paix par le sang de la croix. [Col 1, 20.]

Se référant à l'expiation rituelle de l'Ancien Testament, Paul évoque le « propitiatoire» de l'ancienne arche >, conformément à cette autre parole « Tu es prêtre à jamais à la manière de Melkisédek ». [He 5, 5-6, citant Ps 2, 7 et 110, 4.J

Une figure mystérieuse : Mdkisédeq.

Cette épître développera le sens de l'identification de Jésus à Melkisédeq (He 7).

Melkisédeq est une figure mystérieuse de l'Ancien Testament, qui apparaît au livre de la Genèse. Il est à la fois roi et prêtre_ Il est le ministre du Dieu Très-Haut qui semble avoir été un dieu cananéen, qu'Israël assimilera plus tard au Seigneur. Maître du paîn et du vin, Melkisédeq reçoit aussi la dîme cl'Abraham et prononce une bénédiction. C'est Mellcisédeq, roi de Salem, qui fournit du pain et du vin. Il étaii prêtre de Dieu, le Très-

Haut, et il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre ! Béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré .tes adversaires entre tes mains ! »

174

Le pain et la parole. Jésus est conduit au désert pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il finit par avoir faim. Le tentateur s'approcha de lui et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais il répliqua : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. »

[Mt 4, 2-4] La réponse de Jésus se réfère à un passage du Deutéronome :

LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT Il: [le SEIGNEUR] t'a mis dans la pauvreté, il t'a fait- avoir faim et il t'a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain seulement mais de tout ce qui sort de la bouche

du

SEIGNEUR.

[Dt

8, 3 .]

Ce qui sort de la bouche du Seigneur est bien sa parole fiable et fidèle (Ps 89, 35). L'analogie entre le pain et la parole devient manifeste dans la parabole du semeur. Le blé mis en terre germe de manière différente selon la qualité des terrains. La parole de Dieu est donc semée dans le cœur de l'homme comme une réalité qui doit fructifier. Le semeur sème la Parole. [ ... ] Et voici ceux qui ont été ensemencés « dans la bonne terre » : ceux-là entendent la Parole, ils l'accueillent et portent du fruit « trente pour un, soixante pour un, cent pour un». [Mc 4, 14 et 20.]

La multiplication des pains. C'est dans le désert que Jésus va nourrir cinq mille hommes. Le lieu choisi a une valeur symbolique : il se réfère à la manne du désert au temps de !'Exode. Cette multiplication est la fructification d'un petit reste, peut-être les reliefs d'un repas : -cinq pains et deux poissons. C'est ce petit reste que Jésus va multiplier, selon l'ordonnance éternelle du Seigneur qui préservait jadis une part de son peuple pour faire renaître Israël. Par ailleurs, la fraction du pain est importante. Multipliés, les pains vont paradoxalement devenir le symbole efficace de l'unité des participants. Ce repas pris en commun crée une certaine communion. C'est une masse qui a suivi le Christ, c'est Wl groupe

qui le quittera. Ceux qui ont vécu ce miracle, garderont le souvenir d'une journée marquée par un signe puissant : ce repas prodigieux. Les deux aspects du geste de Jésus s'unissent pour faire de cette multiplication une préparation au mystère eucharistique. La fraction du pain et la création d'Wle communauté de croyants sont comme le signe et l'anticipation de l'Église à venir. Ils s'étendirent par rangées de cent et de cinquante. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et levant son regard vers le ciel, il prononça la bénédiction, rompit les pains et il les donnait aux disciples pour qu'ils les offrent aux gens. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. Ils mangèrent tous et furent rassasiés. [Mc 6, 40-42.]

Le pain de vie. Le discours de Jésus sur le pain de vie n'est pas, d'emblée, facile à saisir. On se contentera de proposer ici trois éléments d'interprétation. Au départ, il faut considérer le parallèle constant entre le pain mystérieux qu' annonce le Christ et le récit du don de la manne dans l'Exode. La manne était Wle nourriture périssable et terrestre. Le pain de vie est une nourriture éternelle, parce qu'elle est un don de Dieu qui vient du ciel. Jésus s'adresse à Wl auditoire qui comporte des Juifs, curieux de son enseignement mais facilement critiques. Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui deni.eure en la vie éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera, car c'est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau. Un 6, 27.l

175

LES SYMBOLES BIBLIQUES

En vérité; en vérité, je vous le' dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c'est

mon Père qui vous donne le véritable pain du

ciel. C e_st le pain de Dieu, c'est celui qui descend du Père du ciel et qui donne la vie au monde. Un 6, 32-33.J Un autre élément d'interprétation important, c'est le sens très _fort que Jésus donne au terme de volonté. Pour pénétrer cette signification, il faut rapprocher deux textes : le premier est extrait du discours sur le pain de vie: Je suîs descendu du ciel pour faire non pas ma propre volonté, mais la volonté de Celui qui m'a

envoyé. Or, la volonté de Celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.

Un 6, 38-39.l L'autre texte est extrait del'enseignement

du Christ, après sa rencontre avec la Samaritaine. C'est le temps de la récolte, les disciples n'ont qu'à lever les yeux, devant euX les blés sont tout blancs, prêts pour la moisson. Jésus leur dit : «J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. » Sur quoi les disciples se dirent entre eux : « Quelqu'un lui aurait-il donné à manger?» Jésus leur dit:« Ma nourriture c'est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre. » [J_n 4, 32-34.]

Quand l'homme, comme Jésus, fait la volonté du Père, il découvre que cette volonté divine est un projet de salut. Ce qui nourrit l'homme dans sa foi et son espérance, c'est l'acquisition de cette certitude. La volonté de Dieu n'est plus ici un pouvoir divin conçu de façon vague ou abstraite, mais c'est le désir efficace de salut qui hante le cœur de Dieu.

176

Un dernier point de repère est une affirmation de Jésus concernant le mystère de sa chair. Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l'éternité. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée

pour que le monde ait la vie. Un 6, 51.] Les Juifs se récrient : cette formule est pour eux profondément scandaleuse. Jésus insiste : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraie nourriture et mon sang vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Et comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera

vivra par moi. Un 6, 54-57.]

Le mot « chair » ne signifie pas simplement ici la matière organique humaine. C'est l'homme tout entier, avec ses grandes possibilités, souvent mal employées, et ses faiblesses trop évidentes. Le sang est, pour la Bible, le principe vital donné par Dieu. Comme le dit Jésus éternellement vivant en communion avec son Père : « Manger ma chair et boire mon sang », c'est entrèr, par le Christ véritablement homme, en symbiose parfaite avec le Père. La protestation des Juifs et, plus tard, de certains disciples vient d'un refus ou d'un aveuglement. Jésus conclut : Tel est le pain qui est descendu du ciel ; il est bien différent de celui que vos pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui- mangera dµ pain que voici vivra pour l'éternité. [Jn 6, 58.]

Le pain de la terre maintient l'homme en cette vie. Le pain du ciel fait de lui une créature appelée à la vie éternelle.

LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

Le pain partagé.

A l'heure de sa Passion, le Christ réunit ses disciples pour fêter la Pâque. Le pain qu'il partage, annoncé comme son propre corps, prend la suite de l'agneau immolé et partagé à l'heure de ]'Exode. Paul nous donne le témoignage le plus ancien de cette Eucharistie : Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps ; car tous, nous participons à cet unique pain. [1 Co 10, 16-17.l

Moi, voici ce que j'ai reçu du Seigneur, ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit ; « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi.» [1 Co Il, 23-24; voir aussi Mt 26, 26-29; Mc 14, 22-25; Le 22, 14-20.]

Les pèlerins d'Emmaüs ont entendu sur la route l'enseignement de Jésus, sans le reconnaître. Il leur expliquait le mystère du Christ, souffrant et glorieux. Au cours du repas du soir, ils vont le reconnaître à la fraction du pain.

Quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible. Et ils se dirent l'un à l'autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis gu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » [Le 24, 30-32.]

Jésus ressuscité prend pour la dernière fois un repas avec ses disciples. Jésus vient, il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec les poissons. Ce fut la troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples depuis qu'il était relevé des morts» Un 21, 13-14].

Comme au jour de la multiplication des pains, comme à l'heure de la Cène, la fraction du pain a été certainement, pour les disciples de Jésus, un moment essentiel de !'Eucharistie. Pour la première communauté chrétienne, la fraction du pain désignait la célébration de ce sacrement. Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières [Ac 2, 42 ; voir aussi Ac 20, 7]. 177

LE BESTIAIRE BIBLIQUE Le cheval. Dieu piège le cheval invincible. La tentation du cheval. Les prophètes vitupèrent le cheval. Les chevaux prophétiques. Les chevaux de l'Apocalypse. L'âne comme anticheval. L'agneau et le bouc. L'agneau de l'holocauste. L'agneau des prophètes. L'agneau pascal. La chèvre et le bouc.

La colombe et l'aigle. La colombe et la tourterelle. L'aigle.

Le lion, le serpent et les monstres. Le lion. Le serpent. Le dragon et les monstres. Les animaux ont, depuis toujours, fasciné

les hommes. Sauvages ou domestiqués, familiers ou exotiques, ils ont suscité de nombreu-

ses réactions et, de nos jours encore, l'homme reste séduit par le monde animal. On redoute leur force, on mesure l'étonnante portée de leurs sens, on admire leurs pouvoirs, leurs

rituels et leurs stratégies, les manifestations surprenantes de leurs instincts. A date ancienne, s'est établie une réelle symbiose entre l'homme et l'animal qui a trouvé dans la magie sa transcription fantastique. Les rites de chasse et les pratiques de sorcellerie divinatoire et curative ont ainsi

créé une surréalité du monde animal, que révèlent toujours les fignres peintes ou sculptées, les objets usuels ou culturels ainsi que les récits mythologiques. Le« Maître des animaux, » doté d'intelligence humaine et du pouvoir de ses sujets fut, peut-être, une des fignres les plus anciennes de la divinité. La symbolique biblique de l'animal demeure cependant particulière. Israël a connu des périodes d'idolâtrie, mais les cultes zoolâtriques ne semblent pas l'avoir vraiment tenté (r adoration du veau d'or n'est qu'un épisode). Les chroniqueurs, les légistes, les prophètes et les scribes inspirés évoquent d'abord les animaux d'une manière toute réaliste. Ils parlent des victimes sacrificielles, du cheval militaire ou de la bête de somme. Mais l'imaginaire biblique ne s'en est pas tenu là, il a, lui aussi, créé une surréalité animale qui mérite d'être examinée. Ces inventions de l'imagination demeurent cependant contrôlées par l'axe spirituel des

181

LES SYMBOLES BIBLIQUES

écrits voués à la révélation du Dieu unique, du Seigneur de l'Alliance avec Israël et tous les hommes. Dans cette perspective, la symbolique du cheval biblique est d'une importance majeure.

LE CHEVAL Dieu piège le cheval invincible. Le cheval apparaît pour la première fois dans la Bible au cours du récit qui affronte Joseph aux Égyptiens démunis d'argent pour acheter des céréales. La livraison des troupeaux sera le prix de ce ravitaillement. « Ils amenèrent leurs troupeaux à Joseph et celui-ci leur donna du pain pour prix des chevaux, du petit et du gros bétail, et des ânes» (Gn 47, 17). Les chevaux, premiers nommés, ne font pas partie du bétail. Le gouvernement d'Égypte connut, entre 1730 et 1550 avant J.-C., une période intermédiaire, celle des Hyksos. Ainsi nommait-on les dominateurs de la vallée du Nil qui introduisirent en Égypte un cheval de race mongolique, dont les appellations sesm-t pour la cavale et soumsin pour le cheval de guerre, semblent bien d'origine

asiatique. Le vocabulaire hébreu pour cheval, cavalier, attelage (pârâsh, rékesh, râkav) laisse apparaître une certaine confusion entre l'animal et l'ensemble chevaVcavalier ou chevaVchar/guerrier véhiculé. Le combattant d'Israël ne sera longtemps

182

qu'un bédouin ou un paysan qui se défend contre l'ennemi monté sur un cheval. Ceci apparaît dans la bénédiction de la tribu de Dan qui dispose de groupes de fantassins pour harceler les envahisseurs étrangers. Dan sera un serpent sur le chemin, un aspic sur le sentier, qui mord les jarrets du cheval et son cavalier tombe à la renverse. [Gn 49, 17.]

Mais celui qui a remporté la première victoire contre le cheval est bien le Seigneur qui a piégé les brillants attelages égyptiens dans les étangs de la mer des Roseaux. Cet épisode (Ex 14), commenté par le cantique de Moïse (Ex 15, 1-20), a été revêtu d'une grande valeur symbolique par la tradition biblique. L'image fantastique du cheval en est une des clés d'interprétation. Dieu vient au secours de son peuple et manifeste sa puissance comme au jour de la création, quand le souffle divin planait sur les eaux avant de vaincre le chaos et de mettre en ordre le monde des choses inertes et vivantes. Le SEIGNEUR refoula la iner toute la nuit pai: un vent d'est puissant et il mit la mer à sec. Les eaux se fendirent. [Ex 14, 21.] Au souffle de tes narines les eaux s'amoncelèrent [ .. .] tu fis souffler le vent, la mer les recouvrit. [Ex 15, 8 et 10.]

Ceci est bien l'écho de la Genèse : « Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux"» (Gn l, 6). Le cheval, monture des invasions indoeuropéennes, est apparu doté d'une puissance fantastique. Cette auréole était plutôt obscure, car le cheval portait la mort ; ·le

LE BESTIAIRE BIBLIQUE

radical mar (mrit) est celui de la mort (mar-.échal, cauche-mar en français, mare, la ju'Îilent en anglais). Les mythologies maritimes .voyaient facilement des chevaux dans la mer 'agitée, là où nous évoquons les moutons de lahoule déferlante. La symbolique du cheval dela mort rejoint ici le pouvoir déstructurant de I' Abîme biblique (tehôm), dont la mer en furie est une émergence. Quand, sur l'ordre de Dieu, Moïse étend la main pour la deuxième fois, la mer reflue vers les attelages égyptiens qui, désembourbés, font retraite vers leur rivage de départ. ·Mort contre mort, le reflux des eaux profondes va submerger la vague des chevaux :

Le prophète Habaquq prête à Dieu uoe cavalerie qui est l'instrument de sa colère. Il fait sans doute allusion dans ce texte _-au passage de la mer Rouge (Ha 3, 8-15) . Le livre de Josué mentionne uo ordre divin qui voue chars et chevaux à l'anathème, au cours d'un combat contre les peuples cananéens.

Les eaux revinrent et recouvrirent les chars et les Cavaliers ; de toutes les forces de Pharaon qui

ont été discutées. L'exigence divine porte sur la foi d'Israël : Dieu combat pour Israël et son assistance ne lui fera pas défaut. Peut-être trouve-t-on ici une méfiance pour l'armée de métier, dont chars et chevaux sont l'armement nécessaire. Sans doute, demeure encore la crainte instinctive du cheval dcint les pouvoirs relèvent de la puissance des ténèbres.

àvaient pénétré dans la mer derrière Israël, il ne resta personne. [Ex 14, 28.]

Tu fis souiller ton vent, la mer les recouvrit, ·ils s'engouffrèrent. comme plomb dans les eaux formidables. [Ex 15, 10.]

Chars et forces de Pharaon, à la mer il les lança. La fleur des écuyers

Le SEIGNEUR dit à Josué : « Ne crains pas, car demain, à cette même heure, je les livre tous, tués, à Israël; tu couperas les jarrets de leurs chevaux et tu brûleras leurs-chars.»

(Josll, 6.J

Cet orc;lre est scrupuleusement e:xécuté

(Jos 11, 9). Les raisons de cette exécution

sombra dans la mer des Joncs, les abîmes ks recouvrirent, ils descend_ir~nt au gouffre comme une pierre. [Ex 15, 4-5.]

C'est ainsi que _la puissance équestre, taz~de-marée mortel, s'engouffre dans !'Abîme majestueux du chaos originel. Une image du psaume vient spontanément à l'esprit : Les flots de l'Abîme s'appellent l'un l'autre au fracas de tes cataractes. [Ps 42, 8.]

C'est dans les eaux primordiales que le Seigneur liquide la force égyptienne, qui tenait sa rapidité. et sa fluidité de l'agilité puissante du cheval.

La tentation du cheval. L'anathème du cheval est remis en question par la décision de David après sa victoire sur les Araméens conduits par Hadadézer. David lui prit mille sept cents cavaliers et vingt mille fantassins. David coupa les jarrets de tous ces attelages. Toutefois, il garda cent de ces attelages. [2 S 8, 4.l

Le char attelé deviendra vite le sigoe dela puissance royale. Le fils de David l'entend bien ainsi, lui qui tente d'évincer son· père. 183

LES SYMBOLES BIBLIQUES

« Absalom se procura un char et des chevaux ainsi que cinquante hommes qui couraient devant lui» (2 S 15, 1). Le prophète Samuel, en sa sagesse, avait prévu cette dérive du pouvoir royal et prévenu le peuple. Voici comment gouvernera le roi qui règnera sur vous : il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char. [1 S 8, 11.]

Le livre du Deutéronome, commentaire de la Loi datant de l'époque royale, constate que la possession d'une importante cavalerie fait du roi d'Israël un prince tenté de ressembler aux monarques païens. Une brève injonction précise la « théologie » de cette méfiance vis-à-vis du cheval. Il [le roi] ne devra pas posséder un grand nombre de chevaux ou faire retourner le peuple

en Égypte_ pour avoir un grand nombre de chevaux, puisque le SEIGNEUR vous a dit:« Non, vous ne retournerez plus sur cette route. »

[Dt 17, 16.J > [Gn 3, 14-15.]

Quand Isaïe annonce de nouveaux cieux et une nouvelle terre, au milieu des animaux réconciliés, on découvre encore le serpent, mais réduit à l'impuissance. Le Hon, comme le bœuf, mangera du fourrage; quant au serpent, la poussière sera sa nourriture. Il- ne fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, dit le SEIGNEUR. [Is 65, 25.]

199

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Au livre de ]'Exode, le Seigneur montre à Moïse que son pouvoir est supérieur à la simple magie. Le bâton de Moïse devient un serpent et redevient un bâton.

Le SEIGNEUR lui dit : « Qu'as-tu à la main?» « Un bâton», dit-il. «Jette-le à terre.» Il le jeta à terre : le bâton devint un serpent et Moïse s'enfuit devant lui. Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Étends la main et prends-le par la queue. » Il étendit la main et le saisit : le serpent redevint bâton dans sa main. - « C'est afin qu'ils croient que le SEIGNEUR t'est apparu, le Dieu de leurs pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob.» [Ex 4, 2-5.]

Ce prodige est immédiatement doublé par un second: Le SEIGNEUR lui dit encore:« Mets donc la main dans ton sein. » Il mit la main dans son sein et la retira: sa main était lépreuse, couleur de neige. Le SEIGNEUR dit : « Remets la main dans ton sein. » Il remit la main dans son sein et la retira

de son sein : elle était redevenue normale. « Alors, s'ils ne te croient pas et n'entendent pas la voix du premier signe, ils croiront à la voix du signe suivant. Alors, s'ils ne croient pas plus à ces deux signes et n'entendent pas ta voix, tu prendras de l'eau du Fleuve et la répandras à terre ; 1' eau que tu auras prise au Fleuve, sur la terre deviendra du sang.» [Ex 4, 6-9.]

La conjugaison d'un prodige fantastique et d'un rituel de guérison n'est certes pas

accidentelle. Le serpent, emblème de guérison, se retrouvera dans répisode du serpent d'airain. La tradition des prêtres raconte d'une

façon particulière les prouesses de Moïse et d' Aaron, face aux magiciens égyptiens. Le bâton d' Aaron devient un serpent monstrueux qui dévore. les reptiles similaires,

également produits par les sorciers de la cour

200

de Pharaon. Le terme hébreu, utilisé pour désigner ces bêtes, tannin, suggère de gros serpents marins, des dragons ou des monstres qui, d'ordinaire, représentent les forces

du mal. En route vers la Terre promise, le peuple se met à critiquer Moïse. Alors le SEIGNEUR·envoya contre le peuple des serpents brûlants qui le mordirent et il mourut un grand nombre de gens en Israël [Nb 21, 6; voir aussi Dt 8, 15.] Ces serpents brûlants, dits saraph, sont sans doute ainsi nommés à cause de leur morsure cuisante. On est cependant tenté de

rapprocher le qualificatif saraf, du substantif pluriel seraphim, sérafins. Le terme désigne des êtres célestes, admis en présence de

Dieu.

A l'heure de la vocation d'Isaïe, ils se

tiennent aux côtés du Seigneur dans le

Temple. L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé. Sa traîne remplissait le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. [Is 6, 1-2.J L'iconographie ancienne de l'Orient révèle l'existence d'êtres composites, possé-

dant un corps de serpent et dotés d'ailes. Le texte d'Isaïe précise : Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler. [Is 6, 2.]

Qu'il s'agisse du Temple réel ou d'un édifice perçu au cours d'une vision, c'est sur

l'autel des parfums que l'un des séraphins va prendre la braise destinée à la purification du prophète.

LE BESTIAIRE BIBLIQUE

L'un des séraphins vola vers moi, tenant à la main une braise qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel. Il m'en toucha la bouche et me dit : « Dès lors que ceci a touché tes lèvres ta faute est écartée, ton péché est effacé, » [Is 6, 6-7.l Ministres du feu et purificateurs, les séra-

phins sont donc les serviteurs de Dieu, des êtres célestes et bienfaisants. Ils n'ont rien de commun avec les serpents « brûlants » (saraph) du désert, qui sont des reptiles terrestres devenus instruments de la colère divine. Au moment d'entrer en teri-e de Canaan, le peuple se met à critiquer Dieu et Moïse. La morsure de serpents « brûlants » sera leur châtiment. Repentant, les Hébreux demandent à Moïse d'intercéder pour eux auprès de Dieu, d'éloigner les serpents. La réponse de Dieu est mystérieuse : l'image d'un serpent guérisseur apportera le soulagement désiré. Le Seigneur dit à Moïse : « Fais faire un serperit brûlant et fixe-le à une hampe; quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve. » Moïse fit un serpent d'airain et le fixa à une hampe et lorsqu'un serpent mordaît un homme, celui-ci regardaît le serpent d'aîrain et il avait la vie sauve. [Nb 21, 8-9.J

et qu'ils périssaîent sous la morsure des serpents sinueux, ta colère ne dura pas jusqu'au bout. En guise d'avertissement ils furent effrayés quelque temps, tout en ayant un gage de salut qui leur rappelaît le commandement de ta Loi. En effet, ·quiconque se retournait était sauvé, non par l'Objet regardé, mais par toi, le Sauveur de tous. [Sg 16, 5-7.J

Malgré cette affirmation, une tentation idolâtrique pouvait naître de cette image. Le roi Ézékias, fidèle au Seigneur jaloux, s' aperçut que le serpent d'airain n'était plus une relique, mais qu'il était devenu l'objet d'un culte impie. C'est lui [Ézékias] qui fit disparaître les hauts lieux, brisa leS stèles, coupa le poteau sacré et mit en pièces le serpent de bronze que Moïse avait fait, car les fils d'Israël avaient brulé de l'encens devant lui jusqu'à cette époque : on l'appelait Nehoushtân. [2 R 18, 4.]

Jean rappellera la valeur salutaire de l'image envoyée par Dieu pour révéler la mystérieuse« élévation» de Jésus. Il donne à ce terme un double sens : élévation sur la croix et élévation dans la gloire. Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éter-

nelle. IJn 3, 14-15.]

Le récit insiste sur un fait : le Seigneur prend lui-même l'initiative de cette opération. Il n'y a pas là d'introduction au culte d'un dieu guérisseur. Le livre de la Sagesse souligne ce point et donne de l'épisode une interprétation spirituelle.

Pour Jésus, le serpent rejoint le scorpion dans une liste d'êtres malfaisants de nature démoniaque. Il dit : «Je voyais Satan tomber comme l'éclair» (Le 10, 18). Et se toumant vers ses disciples :

Et même quand la fureur terrible des bêtes venimeuses se déchaîna contre les tiens

Voici, je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents et scorpions, et toute la puissance

201

LES SYMBOLES BIBLIQUES de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire [Le 10, 19].

Jésus invective les scribes et les Pharisiens

hypocrites, dignes fils de ceux qui ont assassiné les prophètes : « Serpents, engeance de vipères, comment pourriez-vous échapper au châtiment de la géhenne ? » (Mt 23, 33). Dans le bestiaire évangélique, le serpent se signale par son astuce. Il ne s'agit pas ici de ruse néfaste, mais d'extrême prudence. Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc astucieux comme des serpents et candides comme des colombes [Mt 10, 16].

Le Dragon et les monstres.

Il existe sans doute chez l1homme une mémoire ancestrale des grands animaux préhistoriques. Parmi ceux qui demeurent, de grosses bêtes comme le crocodile ou l'hippopotame, les cétacés, les grands squales ou l'anaconda sud-américain, ont toujours le pouvoir de susciter la peur. L'imagination peut aussi inventer des êtres compOsites : les civilisations mésopotamiennes n'ont pas, en cela, manqué de créativité. La démonologie cananéenne, les êtres fabuleux issus de la mer et de l'imagination des matelots tyriens, ont enrichi le catalogue des monstres fantastiques. Le domaine de ces monstres est significatif: c'est le fond de la mer, les marécages, les déserts, les ruines et les cimetières que l'on dit hantés par ces êtres fabuleux. Les creux de la terre, les grottes profondes et, pour la Bible, le Tehom (le grand Abîme) jouent le rôle de repaires démoniaques. L'air, domaine de certains oiseaux prédateurs, peut 202

aussi accueillir des monstres volants qui seront d'autant plus redoutables qu'on les dir invisibles. Le mot hébreu qui signifie dragon (tannin) est apparenté à tan qui signifie chacal. Ce dernier animal est devenu, par son cri, la voix sinistre du désert : solitude et désolation, approche de la mort. Tu nous poussais au milieu des chacals et nous couvrais de l'ombre de la mort. [Ps 44, 20.]

On sait que le dieu égyptien Anubis, représenté avec une tête de chacal ou de chien sauvage, était le dieu psychopompe et le maître des cérémonies funéraires. Tannin désigne à la fois le serpent, le Dragon et le monstre marin. Le dragon est souvent associé à « Leviathan » monstre fluvial, que Job (40, 25) assimile à un crocodile (dans lequel Ézéchiel voit un symbole de l'Égypte). Les deux monstres aquatiques sont les adversaires du Seigneur : Ce jour-là,_ le SEIGNEUR interviendra avec son épée acérée, énorme, puissante contre Leviathan, le serpent fuyant, contre Leviathan, le serpent tortueux, il tuera le Dragon de la mer. [Is 27, 1.]

Le combat des dieux contre le chaos, représenté par des monstres, est un thème ancien.Tel est le combat de Tispak contre le Dragon géant (voir J. Bottera,« Lorsque les dieux faisaient les hommes», Paris, 1989, p. 464-469). Ces récits se déroulent en un temps mythique, qui peut être celui des origines mais, tout aussi bien, celui de la lutte perpétuelle du bien contre le mal. Cependant, le texte suivant situe ce combat dans une temporalité historique : le Dragon,

LE BESTIAIRE BIBLIQUE

caché au fond de l'Abûne, est vaincu à l'heure du passage de la mer des Roseaux, au moment de la libération d'Israël. Surgis, surgis, revêts-toi de puissance,

bfas du

SEIGNEUR,

surgis, comme aux jours du temps passé, des générations d'autrefois. N'est-ce pas toi qui as taillé en pièces le Tempétueux, transpercé le Dragon ? N'est-ce pas toi qui as dévasté la Mer, les eaux de l' Abûne gigantesque, qui as fait du fond de la mer un chemin, pour que passent les rachetés? [Is 51, 9-10.J

Ce texte est un bon exemple de la manière dont la Bible utilise le mythe pour l'intégrer dans la Révélation. La puissance créatrice de Dieu est toujours à I1 œuvre

dans le gouvernemellt et les restaurations d'un univers menacé. L'imaginaire fournit ici le langage qui permet d'exprimer la réalité. Le fait brut révèle ainsi son sens. Passant du concret au fabuleux, le dragon reçoit des ailes· et n'en devient que plus dangereux. La Philistie va connaître un sort de plus en plus difficile. Ne te réjouis pas, Philistie tout entière, de ce que le gourdin qui te frappait a été brisé, car de la souche du serpent sOrtira une vipère et de celle-ci un dragon volant. [Is 14, 29.]

Le dragon volant est porté au nombre des habitants du désert. Peut-être ce dragon était-il, à l'origine, un chat-huant ou une chauve-souris, tous deux êtres impurs, nocturnes et locataires d'anfractuosités ténébreuses. Le_rapace nocturne et le choucas sont des images de désolation (Ps 102, 7). Quant à la chauve-souris, elle est mentionnée dans un texte impressionnant d'Isaïe. Quand vient le Jour du Seigneur,

les idoles sont jetées à ces êtres impurs dans l'ombre de grottes terrifiantes. Entrez dans les creux des rochers et dans les antres de la terre, devant la terreur du SEIGNEUR et l'éclat de sa majesté quand il se lèvera pour terrifier la terre. En ce jour-là, les humains jetteront aux taupes et aux chauves-souris leurs idoles d'argent et leurs idoles d'or, qu'ils avaient fabriquées pour se

prosterner devant elles. [ls 2, 19-20.] Le roi de Babylone, agresseur d'Israël, est comparé à un vampire et à un ogre. Il m'a dévorée, il m'a sucée, Nabuchodonosor,

roi de Babylone, il m'a laissée comme un plat léché. Comme un monstre, il m'a engloutie, il s'est rempli le ventre de ma moelle et m'a rejetée. Ur 51, 34.J Le livre de Daniel décrit le combat et la victoire du prophète contre le grand Dragon. Ce monstre rappelle la déesse babylonienne, Tiamat, qui se dressa contre les dieux à la tête d'une coalition des forces du chaos (voir « Le Poème babylonien de la création», in Les Religions du Proche-Orient asiatique, Paris, Fayard-Denoël, 1970, p. 42). L'exploit de Daniel lui vaut l'épreuve de la fosse aux lions. Il y échappe miraculeusement, et ce prodige contraint le roi à reconnaître la toute-puissance du Seigneur, Dieu de Daniel (Dn 14, 23-42). Le dragon apparaît dans l' Apocalypse comme le grand symbole de Satan et des puissances du mal. Sa description révèle les attributs de son pouvoir. Alors un autre signe apparut dans le ciel : C'était un grand dragon rouge feu. Il avait sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes sept diadèmes.

203

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Sa queue, qui balayait le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le dragon se posta devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l'enfant dès sa nais-

sance. [Ap 12, 3-4.] Le monstre pourchasse la femme, vêtue du soleil et couronnée d'étoiles, qui doit enfanter le Messie (Ap 12, 1-2 et 5-6). Il est vaiucu dans le ciel par Michel (Ap 12, 7-9). Précipité sur la terre, il reprend sa poursuite de la femme qui lui échappe (Ap 12, 13-14 et 16). Il continue le combat contre la descendance de la femme, contre ceux qui demeurent fidèles à Dieu et à Jésus (Ap 12, 17). Au chapitre suivant, un monstre apparaît, bête composite, qui représente l'Empire romain. Son nom blasphématoire rappelle la

prétention des empereurs de Rome qui portaient des noms divins. Alors, je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, sur ses cornes dix diadèmes et sur ses têtes un

nom blasphématoire. La bête que je vis ressemblait au léopard, ses pattes étaient comme celles de l'ours,

et sa gueule comme la gueule du lion. Et le dragon lui conféra sa puissance, son trône er un pouvoir immense. [Ap 13, 1-2.J

Cette bête n'a qu'un désir, pousser les hommes au blasphème. Bientôt se manifeste un agneau, mais sa forme innocente est trompeuse, il parle comme un dragon. Il pousse les hommes à adorer la bête. Cet agneau représente sans doute ceux qui, de manière directe ou indirecte, séduisent les hommes pour les conduire à la sujétion au pouvoir impie de Rome. Les êtres composites sont parfois d'origine céleste : tels sont les chérubins qui

204

encadrent l'arche de l'Alliance (Ex 25, 18-22). Ils jouent un rôle important dans les visions d'Ezéchiel (Ez 1, 4-25; 10, 1-22). Ici les chérubins (keroubim) ressemblent aux kan·bu assyriens. Une forme humaine, dotée d'ailes, pouvait porter une tête de faucon. En Ézéchiel, les chérubins ont quatre faces : d'homme, de lion, de taureau et d'aigle. Comme les séraphins ils sont liés au mystère du feu (Ez 10, 2 et 7). Au livre de Daniel, les quatre bêtes monstrueuses (Dn 7, 3-8) symbolisent la succession des empires humains : l'Empire néo-babylonien, aiusi que ceux des Mèdes, des Perses et des Grecs. Le premier animal fabuleux est un lion doté d'ailes d'aigle, le second est simplement un ours, le troisièine est un léopard équipé de quatre ailes d'oiseau et portant une tête à quatre visages. La dernière bête est sans nom, elle porte dix cornes (la dynastie des Séleucides) et une corne plus petite « avec des yeux d'homme et une bouche qui profère des choses monstrueuses» (on reconnaît ici Antiochus Épiphane, tristement célèbre pour son impiété). Le symbolisme de ce chapitre opère par contraste. Les bêtes composites représentent les forces du mal à l' œuvre dans le monde : c'est leur hétérogénéité qui signale leur malignité. Face à elles, le vieillard assis au milieu du feu éternel est une image de transcendance. Quant au roi de forme humaine, il représente l'être qui a parfaitement réalisé les possibilités de sa propre essence : c'est l'homme parfait, l'Adam restitué en sa forme originelle. La vision de Daniel fouruira à l'auteur de l' Apocalypse une grande part des images nécessaires pour révéler les combats eschatologiques, qui précéderont la victoîre du Christ identifié au Fils de l'homme.

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE Heurs et malheurs de l'Alliance. La jalousie. Le maître et l'époux. Les infortunes de l'amour de Dieu. L'alliance des cœurs et des corps.

Les miracles de la miséricorde. Le frémissement des entrailles. Dieu rachète l'homme pour qu'il puisse se racheter. Le Gaël.

Le berger. Dieu est le grand Berger. Les pasteurs du grand Berger. Le bon Pasteur. D'anciennes traductions d'un célèbre passage d'Isaïe faisaient du Seigneur d'Israël un « Dieu caché » : elles voulaient sans doute manifester sa transcendance. Une version améliorée nous montre un peuple païen, prosterné devant le Seigneur que l'on invoque à Jérusalem : « Il n'y a de Dieu que chez toi ! il n'y en a pas d'autres, pas d'autre dieu. » En vérité, tu es un Dieu qui se cache, Dieu d'Israël, sauveur» (Is 45, 14-15). Un Dieu qui se cache n'est pas définitivement hors d'atteinte. Il peut s'éclipser, dérober sa face pour un temps, il finit tou-

jours par la révéler : sa colère n'a qu'un temps et sa miséricorde est le fond de sa nature. li ne contraint pas l'homme, non plus, à le chercher au cours d'une aventure hasardeuse : Je n'ai pas parlé en secret, en quelque coin d'un obscur pays, je n'ai pas dit à la race de Jacob : Cherchez-moi dans le chaos ! Je suis le SEIGNEUR qui proclame la justice, qui annonce des choses vraies. [Is 45, 19.]

Ces choses vraies, qui proclament la Justice incréée, sont les réalités de la vie humaine,. capables de devenir les symboles de l'amour divin pour son peuple. L'homme est un être pathétique, mû par des tendances quis' affrontent en un combat perpétuel. Ce pathos, pourtant, n'est pas un chaos, une agitation stérile sur fond de néant. Le tumulte des passions est rythmé par un cœur et le Seigneur, qui scrute les reins aussi bien que les cœurs, ne saurait reprocher sa nature à une créature qu'il a voulu chamelle. Bien plus, le mouvement des passions humaines va s'appliquer au domaine redoutable de l'anthropomorphisme. Le Dieu d'Israël montre ses passions divines :·jalousie, colère, repentir, tendresse, miséricorde, avec une souveraine désinvolture. Il n'y a pas

207

LES SYMBOLES BIBLIQUES

là d'inconséquence mais l'émergence douloureuse d'un projet. Les passions de Dieu s'engagent sur le chemin de la Passion du Fils, Serviteur souffrant de l'amour divin, capable de détruire la mort. La miséricorde n'a que faire de la logique implacable qui trace les plans des hommes. Sa Sagesse inclut la folie de la Croix et d'incroyables détours quis' engagent dans les sinuosités du cœur. Tout commence par un mystère. Quelle est donc cette jalousie qui affecte le Seigneur, au point de nous montrer sa face rouge de colère, tout en la gardant pure de cette démesure qui naît chez les hommes de l'envie ?

HEURS ET MALHEURS DE L'ALLIANCE

La jalousie. Moïse vient d'invoquer Dieu en ces termes : « SEIGNEUR, SEIGNEUR, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6). Il présente aussitôt sa requête : « Que mon Seigneur veuille bien aller au milieu de nous, bien que ce soit un peuple à la nuque raide» (Ex 34, 9). La réponse divine ne tardera pas : « Tu ne te prosterneras pas devant un autre dieu, car le SEIGNEUR a pour nom Jaloux : c'est un Dieu jaloux.» (Ex 34, 14). Le terme de « jaloux », en hébreu, est riche de sens. Il évoque d'abord la rougeur qui envahit le visage, comme une étoffe s'imprègne aussitôt qu'on la plonge dans un bain de teinture.

208

Cette jalousie peut être la rivalité et suppose 1' envie. Elle est aussi l'ardeur amoureuse et, pour finir, le zèle qui est une obéissance, un acquiescement, portés par l'enthousiasme, mais tout aussi bien le souci de tirer toutes les conséquences d'une décision. L'adjectif« jaloux» possède deux formes hébraïques : une simple modification vocalique permet de désigner plus particulièrement la jalousie de Dieu qui n'est pas, à proprement parler, une émotion mais l' ardeur de la nature divine. Cette jalousie est d'abord le soin que, face aux hommes, le Seigneur prend de sa gloire. L'armure spirituelle dont le chrétien doit, selon Paul, se revêtir renvoie à une autre métaphore guerrière qui, cette fois, concerne Dieu lui-même. La panoplie des attributs divins compte, parmi ses-armes, la jalousie: Le SEIGNEUR [ ... ] a revêtu comme cuirasse la Justice, sur sa tête le casque du salut, il a revêtu comme tunique des habits de vengeance, il s'est drapé de la jalousie comme d'un manteau. [ls 59, 17.]

L'effrayante image du pressoir sanglant et du guerrier qui confond vendange et vengeance est un prolongement de cette évocation des armes de la colère divine :

À la cuve, j'ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple, pas un n'était avec moi. Alors je les ai foulés dans ma colère, je les ai piétinés dans ma fureur, leur sang a giclé sur mes habits, et f ai taché tous mes vêtements. Car j'ai au cœur un jour de vengeance.

[1s 63, 3-4.l

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Le Deutéronome assimile la colère et la jalousie divines à un feu :

Gardez-vous d'oublier l'Alliance que le SEIGNEUR votre Dieu a conclue avec vous, et de vous

fabriquer une image sculptée de quoi que ce soit, malgré la défense du SEIGNEUR ton Dieu ; car le SEIGNEUR est un feu dévorant, un Dieu jaloux. [Dt 4, 23-24 ; voir aussi Dt 6, 14-15.]

Dieu a conduit jadis son peuple dans le désert comme un berger attentif. Israël, rétif, déviant, a fait l'expérience de la jalousie divine : Ils déviaient, ils trahissaient comme leurs pères, se retournaient comme un arc infidèle ; ils l'indignaient avec leurs hauts lieux, par leurs idoles) ils le rendaient jaloux.

[Ps 78, 57-58.J Ézéchiel, enlevé par ]'Esprit, est conduit à Jérusalem en un lieu très particulier : « Là où se trouve l'idole de la jalousie, qui excite la jalousie» (Ez 8, 3 ). Un peu plus loin, à l'entrée de la porte de la Maison de SEIGNEUR, le prophète découvrira des femmes assises qui pleurent le dieu du printemps Tammuz, alias Adonis (Ez 8, 14). Le châtiment a pourtant été annoncé : J'irai jusqu'au bout de ma colère, j'assouvirai ma

fureur contre eux et je me Vengerai ; alors ils connaîtront que je suis le SEIGNEUR, que j'ai parlé dans ma jalousie, en allant jusqu'au bout de ma fureur contre eux. [Ez5, 13.]

Cette jalousie proprement divine ne se réfère pas encore, à titre de métaphore, à l'amour conjugal déçu. Elle est ici l'amour divin dans toute son ardeur, dans toute sa violence, un amour exaspéré, exacerbé par la tiédeur et l'indifférence du peuple élu. La déclaration d'entrée de Nahum est fracassante :

Le SEIGNEUR est un Dieu jaloux et vengeur, le SEIGNEUR est vengeur ; il est expert en fureur ! Le SEIGNEUR se venge de ses adversaires; il s'enflamme contre ses ennemis. Certes le SEIGNEUR est lent à la colère et d'une grande puissance, mais le SEIGNEUR ne laisse rien passer.

[Na 1, 2-3.]

Ce Dieu transcendant est un être passionné: Ainsi parle le SEIGNEUR, le Tout-Puissant : J'éprouve une immense jalousie pour Sion et je brûle d'une ardente passion pour elle. [Za 8, 2.]

S'il ne parle pas directement de l'amour de Dieu, le Cantique des cantiques lui fournit un contrepoint humain.Jalousie est ici le paroxysme de 1' amour qui révèle ainsi son ardente nature : Fort comme la Mort est Amour, inflexible comme Enfer est Jalousie ; ses flammes sont des flammes de feu, une flamme de Dieu. [Ct 8, 6.]

Si l'amour tombe comme un coup de foudre, la jalousie est alors un retour de flamme. Ce que Dieu défend par les manifestations de sa jalousie, c'est bien sa gloire, son renom. Mais le saint Nom de Dieu est aussi Miséricorde. Israël infidèle est attaqué par Sennachérib. Malgré les ravages de l'envahisseur, le peuple de Dieu ne sera pas entièrement détruit et pourra renaître. La jalousie du Seigneur le préservera : Le reste survivant de la maison de Juda produira de nouvelles racines en bas et des fruits en haut. Car de Jérusalem sortira un reste

209

LES SYMBOLES BIBLIQUES et des survivants du mont Sion.

L'amour jaloux du SEIGNEUR Sabaot fera cela. [Is 37, 31-32.]

Ainsi parle le Seigneur qui met un terme

à la longue déportation du peuple infi' dèle : Je les ai traités comme le méritaient leurs souillures et leurs transgressions,.et je leur ~i _caché ma

face. C'est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR Dieu : Maintenant je vais ramener les captifs de Jacob, je vais prendre en pitié toute la maison d'Israël et je me montrerai jaloux de mon saint Nom. [Ez 39, 24-25.l

L'Ange dit au prophète Zacharie : ainsi parle le SEIGNEUR :

Téprouve un amour très jaloux pour Jérusalem et pour Sion. [.. .] Je me tourne de nouveau vers Jérusalem avec compassion; mon Temple y sera rebâti. [. ..] Le SEIGNEUR consolera encore Sion, il fera encore choix de Jérusalem. [Za 1, 14 et 16-17.]

Dieu prend un soin jaloux des justes. Le livre de la Sagesse reprend le thème de la panoplie divine, mais ses armes sont, cette fois, utilisées pour protéger les fidèles l'ardeur jalouse figure ici en bonne place. Les justes vivent à jamais, et leur récompense est auprès du Seigneur, et le Très-Haut a souci d'eux. [. ..] De sa droite il les protègera et de son bras, comme d'un bouclier, il les couvrira. Pour armure il prendra son ardeur jalouse. [Sg 5, 15-17.]

Les justes participent à la jalousie divine du Seigneur. Leur ardeur à le servir est un zèle jaloux de son honneur. Élie est bien l'exemple le plus frappant de cette intransigeance inspirée. Il dit :

210

Je suis rempli d'un zèle-jaloux pour le SEIGNEUR Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton Alliance, qu'ils ont abattu tes autels et tué des prophètes par l'épée. Je suis resté moi seul et ils cherchent à m'ôter la vie. [1 R 19, 10; voir aussi 1 R 19, 14.]

Le zèle de l'homme pour Dieu et les choses divines n'est pas une notion symbolique comme la Jalousie, passion attribuée au Seigneur, il s'agit plutôt de la vertu de religion. Pourtant, le zèle que met Jésus à chasser les vendeurs du Temple et à interdire aux portefaix l'usage d'un raccourci qui viole l'espace sacré possède une valeur symbolique et même prophétique. Il rappelle ainsi que le Temple est le centre spirituel d'Israël et non pas un lieu de commerce. « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de négoce. » Ses disciples se rappelèrent ce qui est écrit : « Le zèle pour ta maison me dévorera.» !Jn 2, 16-17, citation du Ps 69, 10.J

Pour Paul, les pratiques démoniaques peuvent exciter la jalousie du Seigneur : Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons. Ou bien voudrions-nous provoquer la jalousie du Seigneur? Serions-nous plus forts que lui? [1 Co 10, 21-22].

Paul éprouve une jalousie divine pour ses fidèles de Corinthe : J'éprouve à votre égard une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ [2 Co 11, 2].

Le maître et l'époux. Le terme hébreu baal exprime d'abord la . propriété, la possession, la maîtrise. Le

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

possesseur d'un domaine est un baa!, L' archer est le baal des flèches. L'époux est le baal de son épouse. Le baal d'un domaine peut être un propriétaire terrien. Mais ce domaine est aussi le lieu où une divinité exerce sa puissance : tels sont les nombreux baals cananéens qui deviendront pour Israël l'objet d'une tentation idolâtrique. Le pouvoir de ces divinités localisées est fragile. Le baal d'une source tarie est dépossédé de son pouvoir. Tel est le cas aussi d'un baal dont le territoire est envahi par des étrangers qui introduisent là le culte d'un autre Dieu. A l'inverse, le Dieu d'Israël se nomme « Seigneur [adôn] de toute la terre». « Voici : l'arche de l'Alliance du Seigneur [adôn] de toute la terre va passer devant vous dans le Jourdain » (Jos 3, 11 ; voir aussi J os 3, 13 où Dieu est nommé le SEIGNEUR).« Les montagnes fondent comme la cire devant le Seigneur de toute la terre » (Ps 97, 5 ; voir aussi Za 4, 14 et 6, 5; Mi 4, 13). Très proche par le sens, le terme mâcha! désigne l'empire sur les êtres. Il alterne parfois avec mâlcoth, le pouvoir royal. Le Seigneur, roi des rois, domine le temps et l'espace : Ton règne [mâlcoth], un règne pour les siècles, ton empire [mâchal] pour les âges des âges. [Ps 145, 13.J

Bénissez le SEIGNEUR, toutes ses œuvres, en tous lieux de son domaine [mémchalah]. [Ps 103, 22.J

Dans le livre des Chroniques, David célèbre ainsi le pouvoir absolu du « Maître de tout» (mâcha! bacol).

À toi, SEIGNEUR, la grandeur, la force, la splendeur, la durée ·et la gloire, car tout ce qui est au ciel et sur la terre est à toi. À toi, SEIGNEUR, la

royauté : tu es souverainement élevé au-dessus de tout. La richesse et la gloire te précèdent, tu es maître de tout. [1 Ch 29, 11-12.]

Par neuf fois, !'Apocalypse mentionnera le Maître-de-tout, le Pantocratôr que l'art roman saura si bien peindre à l'intérieur des absides et sculpter sur le tympan des portes des églises. Je suis !'Alpha et !'Oméga, dit le Seigneur Dieu, « Il est, Il était et Il vient», le Maître-de-tout

[Ap 1, 8].

Pour exprimer la maîtrise de Dieu sur le monde, la Bible a donc dû se démarquer par rapport au terme de Baal trop compromis dans la dénomination des divinités païennes. Par contre, au sens humain de ce terme, l'époux a été l'objet d'une transposition symbolique. Par les prophètes, le Seigneur se présente comme l'époux, le baal du peuple qu'il a pris comme épouse dans le cadre de l'Alliance, contractée avec les Patriarches et renouvelée sur le Sinaï par l'intermédiaire de Moïse. Dans la société ancienne d'Israël, l'époux est le maître de sa femme. Cette sujétion n'exclut pas l'amour, la tendresse et la délicatesse du mari. L'homme, dont les droits sont supérieurs, porte aussi le poids des plus lourdes responsabilités. Pour le Deutéronome, « agir en mari (en baa[) » c'est consommer le mariage (Dt 21, 13). Les femmes doivent honorer leur mari et non les mépriser (Est 1, 20). C'est l'homme marié qui reçoit l'indemnité quand son épouse a subi un dommage (Ex 21, 22). La polygamie reste libre, le choix d'une épouse ou I' affir. mation d'une préférence reste à la discrétion du mari, mais la femme possède des recours (Ex 21, 10-11). L'adultère est condamné par le Déca-

211

LES SYMBOLES BIBLIQUES

logue (Ex 20, 14; Dt 5, 18). L'adultère d'un homme avec une femme mariée est puni par la lapidation des complices. Un mari volage qui rencontre des femmes non mariées est, tout au plus, mal considéré. L'inconduite d'une femme mariée est sévèrement punie mais son baal a le pouvoir de lui pardonner. Le baal peut répudier sa femme en tout bien tout bonneur, à condition de lui donner un acte écrit de divorce. La femme seule, veuve ou répudiée, peut être rachetée. Le terme même de « Gaël », souvent traduit par «sauveur» signifie « racheteur ». Avantla déclaration de Jésus en faveur de l'indissolubilité matrimoniale (Mt 19, 3-9), on discerne un courant favorable à la monogamie (Pr 5, 15-19; Qo 9, 9; Si 26, 1-4; Pr 31, 10-31). L'histoire de Tobie, par exemple, est le récit exemplaire de la famille monogame. C'est cet idéal matrimonial que présupposent les prophètes pour faire du mariage le symbole de l'union du Seigneur avec son peuple.

Les infortunes de l'amour de Dieu, Un des plus anciens prophètes, Osée, se situe dans le troisième quart du vr:rt siècle avant Jésus-Christ. Cet homme du royaume du nord, nommé Israël, mais aussi Jacob ou Ephraïm, va assister à la décadence de son pays. L'Assyrie est en pleine expansion guerrière alors quel' autre grande puissance, l'Égypte, se trouve affaiblie. Israël ne sait à quel protecteur se vouer et cette hésitation ne pourra pas lui éviter une fm tragique. Osée est un voyant, il discerne les signes du désastre, mais il est aussi un porte-parole du Seigneur. 212

Cette parole n'est pas que verbale : elle utilise aussi le comportement prophétique qui joint souvent le geste à la révélation. Osée cependant va plus loin, il utilise comme symbole les faits les plus intimes de sa situation matrimoniale. Cette impudeur radicale n'est pas un étalage de turpitudes, mais la chair même du message qu'il transmet au peuple infidèle. Son intention est de montrer que les malheurs d'Israël ne relèvent pas d'un destin absurde : ils sont les conséquences logiques de la trahison de l'amour de Dieu, de l'infidélité d'un peuple oublieux de l'Alliance qui l'a jadis consacré. L'identité précise de la femme choisie; différente des appellations symboliques suivantes, montre bien que ce récit n'est pas une parabole mais la relation d'un vécu. Commencement de ce que le SEIGNEUR a dit par Osée. Le SEIGNEUR dit à Osée : « Va, prends une femme se livrant à la prostitution et des enfants de prostitution, car le pays ne fait que se prostituer en se détournant du SEIGNEUR. »

Il alla donc prendre Gomer, fille de Diblayim, qui conçut et lui enfanta un fils. Le SEIGNEUR lui dit : « Appelle-le du nom de Yizréel, car encore un peu de temps, et je châtierai la maison- de Jéhu pour le sang versé à Yizréel, et je mettrai fin à la royauté de la maison d'Israël. Il adviéndra, en ce jour-là, que je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Yizréel. » Elle conçut encore et enfanta une-fille. Le SEIGNEUR

lui dit : « Appelle-la du nom de Lo-

Ruhamah - c'est-à-dire Non-aimée - car désormais je n'aurai plus pitié de la maison d'Israël pour lui pardonner encore. Mais de la maison de Juda j'aurai pitié et je les sauverai par le SEIGNEUR leur Dieu. Je ne les sauverai ni par l'arc, ni par l'épée, ni par la guerre, ni par les chevaux, ni _par les cavaliers. » Elle sevra Lo-Ruhamah, conçut encore et enfanta

un fils. Le SEIGNEUR dit:« Appelle-le du nom de

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE Lo-Ammi - c'est-à-dire Celui qui n'est pas mon peuple - car vous n'êtes pas mon peuple et moi je n'existe pas pour vous.» [Os 1, 2-8.]

Le nom symbolique des enfants introduit le message de Dieu : il s'agit des rapports entre lui et son peuple. Dieu commence maintenant le procès. Comme une femme dépravée, le peuple va subir son châtiment. Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès ! Car elle n'est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari. Qu'elle écarte de sa face ses prostitutions, et d'entre ses seins ses adultères. Sinon je la déshabillerai toute nue et la mettrai comme au jour de sa naissance ; je la rendrai pareille au désert, je la réduirai en terre aride, je la ferai mourir de soif, et de ses enfants je n'aurai pas pitié, car ce sont des enfants de prostitution. Oui, leur mère s'est prostituée, celle qui les conçut s'est déshonorée; car elle a dit : «Je veux courir après mes amants, qui me donnent mon pain et mon eau, ina laine et mon lin, mon huile et ma boisson. »

[Os 2, 4-7.J Les fausses conversions ne modifient pas le comportement pervers de_ l'infidèle. La sanction du Seigneur est inévitable. Je dévasterai sa vigne et son figuier,

dont elle disait : Ils sont le salaire que m'ont donné mes amants; j'en ferai un hallier et la bête sauvage les dévorera. Je la châtierai pour les jours des Baals

auxquels elle brûlait de l'encens. [Os 2, 14-15.] Cependant, la miséricorde divine est capable non seulement de pardonner mais de restaurer radicalement l'être déchu. Dieu reprend dès le début le jeu amoureux :

séduction, fiançailles, renaissance de celle que le Seigneur n'a jamais condamnée de façon défiuitive. C'est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. Là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du val d'Akor une porte d'espérance. Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle montait du pays d'Égypte. Il adviendra en ce jour-là

- oracle du SEIGNEUR que tu m'appelleras« Mon mari», et tu ne m'appelleras plus« Mon Baal». J'écarterai de sa bouche les noms des Baals) et ils ne seront plus mentionnés par leur nom. [Os 2, 16-19.]

Le désert évoqué ici rappelle celui de !'Exode. Il est le lieu de la naissance du peuple d'Israël et le symbole de toute renaissance spirituelle. On remarque aussi l'importance du nom. Le terme de baal prête à confusion : le Seigneur risque d'être pris pour un baal entre autres divinités païennes portant ce titre. L'autre nom pour dire mari (ishi) établit une distinction radicale : Je te fiancerai à moi pour toujours; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité,

et tu connaîtras le SEIGNEUR. [Os 2, 21-22.l Le mot traduit ici par tendresse est

hésed. C'est l'amour vécu dans le cadre de l'Alliance. Du côté de Dieu, il signifie sa générosité inépuisable et, pour l'homme, la piété conçue comme une sownission tendre et chaleureuse.

213

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Ézéchiel va reprendre le même thème pour raconter, de manière symbolique, l'histoire de Jérusalem. Ce récit, d'une rare verdeur, est fait pour interpeller le peuple de Jérusalem, au risque de le choquer. Il évoque ainsi l'horreur que suscite la trahison de la ville sainte. La force du symbole tient à la crudité de l'expression. Vautré dans son péché, Israël somnole, il faut le réveiller pour le convertir. Arraché à sa misère, à sa léthargie, le peuple de Dieu découvrira alors la grandeur de la miséricorde divine et la puissance de son pouvoir régénérateur. Les passages cités ici sont insuffisants pour restituer toute la richesse du récit. Ils peuvent révéler le sens d'une histoire parfois triviale, qui dévoile un monde de tendresse infinie : celle du Seigneur de la miséricorde. Le prophète. rappelle que Jérusalem était d'abord une cité cananéenne, avant de devenir la capitale de David et le lieu de l'implantation du Temple. La ville garde sans doute quelque chose de cette origine païenne, qui la porte à la perversion.

À ta naissance, au jour où tu es née, on ne t'a pas coupé le cordon, tu n'as pas été lavée dans l'eau pour être purifiée ; tu n'as pas été frottée de sel

ni enveloppée de langes. Nul œil ne s'est apitoyé sur toi pour te donner par pitié un seul de ces soins : par le dégoût qu'on avait de toi, tu as été jetée dans les champs, le jour ..où tu es née. Passant près de toi, je t'ai vue te débattre dans ton sang ; je t'ai dit, alors que tu étais dans ton sang : Vis l - Je t'ai rendue vigoureuse comme une herbe des champs; alors tu t'es mise à croître et à grandir et tu parvins à la beauté des beautés ; tes seins se formèrent, du poil te poussa : mais tu étais sans vêtements, nue. En passant près de toi, je t'ai vue: or tu étais à l'âge des amours. J'ai étendu sur toi le pan de mon

214

habit et couvert ta nudité; je t'ai fait un serment et suis entré en alliance avec toi - oracle_ du

Seigneur DIEU. [Ez 16, 4-8.] Lavée, habillée, la petite fille est devenue une femme splendide. Mais tu t'es fiée à ta beauté et, à la mesure de ton renom, tu t'es prostituée; tu as prodigué tes débauches à tout passant - tu as été à lui. Tu as pris de tes vêtements dont tu as bariolé les hauts lieux et tu t'es prostituée dessus - que cela ne vienne ni ne se passe ! Tu as pris tes splendides bijoux d'or et d'argent que je t'avais donnés; tù t'es fait des images viriles, tu t'es prostituée avec

elles. [Ez 16, 15-17.] Ces images étaient un piège idolâtrique. Les dieux cruels exigeaient des sacrifices

humains: Tu as pris tes fils et tes filles que tu m'avais enfantés et tu les as sacrifiés à ces images. Il ne te suffisait donc pas de te .débaucher? Tu as égorgé mes fils et tu les as livrés en les leur

sacrifiant. [Ez 16, 20-21-] Le prophète dresse ens~te la liste des prostitutions de l'infidèle. L'Egypte, Assour, la Chaldée ont été, tour à tour, les amants de cette créature insatiable, au cœur enfiévré.

La perversion de Jérusalem est allée jusqu'à inverser l'ordre des choses ·:

À toutes les prostituées on fait un cadeau ; mais c'est toi qui as fait ce cadeau à tous tes amants ; tu les as soudoyés pour qu'ils viennent vers toi de partout, se débaucher avec toi. Toi, dans tes débauches, tu as fait à l'inverse des autres fem~ mes; tu n'étais pas recherchée comme prostituée; or; en donnant un salaire sans en recevoir, tu as inversé les rôles. [Ez 16, 33-34.] Les amants de la prostituée perverse vont être rassemblés par le Seigneur pour devenir

les bourreaux de son infâmie et de son

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

supplice. Ici, le récit symbolique suit, pas à pas, l'histoire des malheurs de Jérusalem. Le thème de la nudité est particulièrement éloquent. Après la nudité de l'enfant abandonnée et recueillie, après la nudité provocante de la prostituée, voici venir l'heure de la nudité fatale, l'instant de honte insoutenable avant la mort : Prostituée, écoute donc la parole du SEIGNEUR : Ainsi parle le Seigneur: DIEU : Parce que ton sexe a été découvert et que ta nudité a été dévoilée; au cours de tes débauches avec tes amants et toutes tes idoles abominables, à cause ·du sang de tes fils que tu leur as livrés, eh bien, je vais ·rassembler tous les amants auxquels tu as plu, tous ceux que tu as aimés, outre ceux que tu as haïs ; je les rassemblerai contre toi de partout, je dévoilerai devant eux ta nudité ; ils verront toute ta nudité. Je t'applique le châtiment des femmes adultères et de celles qui répandent le sang ; je te mettrai en sang par ma fureur et ma jalousie. Je" te livre entre leurs mains ; ils raseront ton estrade et démoliront tes podiums ; ils te- dépouilleront de tes vêtements et prendront tes splendides bijoux; ils te laisseront sans vêtements, nue. Ils dresseront la foule contre toi ; ils te lapideront, ils te lacéreront de leurs épées, ils brûleront tes maisons, ils exécuteront contre toi la sentence, aux yeux d'une multitude de femmes ; je mettrai fin à ta vie de

prostituée. [Ez 16, 35-41.] Longtemps encore, le texte se répand en invectives. Puis, brusquement, sans transition, retentit l'annonce de la miséricorde divine. Nulle mention d'une conversion, d'une pénitence méritoire. Dieu n'a jamais, pour sa part, rompu l'Alliance. Il se souvient de son pacte éternel et, remontant le temps jalonné d'horreur et de misère, il ramène tout à son principe : quand Israël était enfant.

Car ainsi parle le Seigneur DIEU. J'agirai à ton égard comme tu as agi, toi qui as méprisé la malédiction en rompant l'alliance. Moi je me souviendrai de mon alliance avec toi, aux jours de ta jeunesse ; j'établirai avec toi une alliance éternelle. Tu te souviendràs de ta conduite et tu seras confuse quand tu accueilleras tes sœurs aînées auprès de tes cadettes ; je te les donnerai pour filles, mais sans qu'elles participent à ton alliance.J'établirai mon alliance avec toi : alors tu connaîtras que je suis le SEIGNEUR, afin que tu te souviennes, afin que tu sois honteuse et que, de confusion, tu ne puisses plus ouvrir la bouche lorsque-je t'absoudrai de tout ce que tu as fait

- oracle du Seigneur DIEU. [Ez 16, 59-63.]

L'alliance des cœurs et des corps.

Le chapitre 54 d'Isaïe reprend le thème du mariage du Seigneur avec son peuple dans une perspective nouvelle.Jérusalem est bien le centre de la communauté d'Israël, considérée comme l'épouse de Dieu ; le texte la présente dans un état d'abandon, de veuvage, de stérilité_ Le thème de la prnstitution n'apparaît pas. Tout commence par un cri de joie, celle de la fécondité retrouvée. Pousse des acclamations, toi, stérile, qui n'enfantais plus, explose en acclamations et vibre, toi qui ne mettais plus au monde ! Car les voici en foule, les fils de la désolée plus n_ombreux que les fils de l'épousée, dit le SEIGNEUR.

Élargis l'espace de ta tente, les toiles de tes demeures, qu'on les distende! Ne ménage rien ! Allonge tes cordages et tes piquets, fais-les tenir ! Car à droite et à gauche tu vas déborder ; ta descendance héritera des nations

qui peupleront les villes désolées. [Is 54, 1-3.]

215

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le thème de la honte apparaît mais ce n'est pas, comme en Ézéchiel, le châtiment de l'impudeur. La honte est plutôt ici la peur d'uue femme désemparée. L'adolescente sans mari vit dans uue incertitude pénible : telle fut la situation du peuple hébreu en Égypte avant !'Exode. La femme mariée, privée de la présence de son

époux, connaît l'angoisse de la solitude dangereuse et stérile : telle fut la condition douloureuse d'Israël déporté en Babylonie. Ne crains pas, car tu n'éprouveras plus de honte, ne te sens plus outragée, car tu n'auras plus à rougir, tu oublieras la honte de ton adolescence, la risée sur ton veuvage, tu ne t'en souviendras

plus. Car celui qui t'a faite, c'est ton époux : le SEIGNEUR, le tout-puissant, c'est son nom; le Saint d'Israël, c'est celui qui te rachète, il s'appelle _le Dieu de toute la terre.

[ls 54, 4-5.J L'époux dit à l'épouse : Je suis celui qui t'a faite. C'est en tant que Créateur que Dieu peut recréer l'homme, endommagé radicalement par le péché. Le Créateur se nomme aussi le « Dieu de toute la terre » : il est d'une tout autre nature que les divinités païennes impuissantes. Comme en Ézéchiel, la restauration de l'épouse se fera par un retour aux « jeunes années >>) aux jours de l'Alliance vécue dans toute sa fraîcheur. L'amitié, la tendresse (hésed) retouvées caractérisent ce pacte d'amour. Car, telle une femme abandonnée et dont l'esprit est accablé, le SEIGNEUR t'a rappelée : « La femme des jeunes années, vraiment serait-elle rejetée? », a dit ton Dieu.

216

Un bref instant, je t'avais abandonnée, mais sans relâche, avec tendresse, je vais te rassembler. Dans un débordement d'irritation, j'avais c~ché

mon visage, un instant) loin de toi, mais avec une amitié_sans fin je te manifeste ma tendresse, dit celui qui te rachète, le SEIGNEUR.

[Is 54, 6-8.J Le Cantique des cantiques a posé uu grave problème à la conscience juive et chrétienne. Deux orientations semblent opposer les interp:i:-étations de ce livre consacré à l'amour. La première voit dans ce texte uue allégorie des rapports entre le Seigneur et son peuple. La seconde, naturaliste, ne discerne dans cet épithalame qu'uue célébration de l'amour charnel. Une lecture plus fine conduit à se demander si ces -interprétations contraires sont contradictoires. La sexualité, à date ancienne et dans beaucoup de civilisations, n'est pas dépourvue d'une dimension ·sacrée. Pour Israël, de toute évidence, cet aspect religieux est consacré par sa référence à l'Alliance que le Seigneur contracte avec son peuple. Ainsi parle Malachie : Le SEIGNEUR est témoin entre toi et la femme de ta jeunesse que tu as trahie, bien qu'elle fût ta compagne et la femme de ton alliance. N'a-t-il pas fait un seul être, qui a chair et souffle de vie ? Et cet être unique, que cherche-t-il? Une postérité donnée par Dieu ! Respect donc à votre vie, et la femme de ta jeunesse, ne la trahis point ! Car je hais la répudiation, dit le SEIGNEUR Dieu

d'Israël. [Ml 2, 14-16.] La Sagesse est parfois présentée comme la compagne et la gardienne de l'homme droit.

L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE Quand la Sagesse entrera dans ton cœur et que le savoir fera les délices de ton âme, la prudence veillera sur toi,

LES MIRACLES DE LA MISÉRICORDE

l'intelligence te gardera. [... ]

Le frémissement des entrailles.

Pour te garder aussi de la femme d'un autre, de l'inconnue aux paroles enjôleuses; elle a abandonné l'ami de sa jeunesse, elle a oublié l'alliance avec son Dieu. [Pr 2, 10'11 et 16-17.]

La tradition juive tend à personnifier la Sagesse, qui est identifiée à la présence divine, la shekkinah. Elle devient alors le double féminin de l'homme pieux, hasid, c'est-à-dire fidèle à l'Alliance divine. Ce pacte est vraiment un lien d'amour indisso-

luble, comme devrait être celui qui unit l'homme à la femme. Dans le cadre du christianisme, Paul va reprendre ce thème d'une manière magistrale : Maris, aimez vos femmes comme le Christ a

aimé l'Église : il s'est livré pour elle. [... ] De la même façon, les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c'est s'aimer soi-même. Car nul n'a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C'est justement cc que le Christ a fait pour l'Église : ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? « Voici donc que l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair»; ce mystère est grand; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église. [Ep 5, 25 et 28-31; citation de Gn 2, 24.]

Et si l'on en revient au Cantique des cantiques, on peut en finir avec le jeu des interprétations qui s'affirment contradictoires, en répétant ce qui a été très justement dit : « le sens spirituel du Canrique est dans son sens littéral».

L'origine du mot hébreu que l'on traduit par pitié, compassion ou miséricorde, n'est pas clairement déterminée. La racine rhm oriente vers le sens de: être doux ou être large. Le substantif réhem désigne le sein maternel ; quant au pluriel rahamim il exprime le sentiment viscéral de fraternité et concerne d'abord une origine utérine identique. Ce sens est bien illustré par l'épisode de Joseph reconnaissant son petit frère Benjamin. «Joseph se hâta de sortir, car ses entrailles s'étaient émues pour son frère et les larmes lui venaient aux yeux : il entra dans sa chambre et là, il pleura » (Gn 43, 30). Les entrailles deviennent finalement le siège des émotions profondes, l'état amoureux, par exemple. Quand le Bien-aimé du Cantique des cantiques frappe, de nuit, à la porte de celle qu'il aime et que déjà sa main cherche à manœuvrer la serrure de sa chambre, l' émotion s'empare de la jeune fille : « Mon Bien-aimé a passé la main par la fente, et pour lui mes entrailles ont frémi» (Ct 5, 4). Le corps prend sa part d'une grande souffrance; celle-ci peut être le regret de la faute ou la peine du châtiment. Vois, SEIGNEUR, quelle est mon angoisse! Mes entrailles frémissent ; mon cœur en moi se retourne : Ah! je n'ai fait qu'être rebelle! [Lm 1, 20.] Mes yeux sont consumés de larmes, mes entrailles frémissent, mon foie s'épand à terre

217

LES SYMBOLES BIBLIQUES

pour le brisement de la fille de mon peuple. [Lm 2, 11.]

Jérémie est brûlé par la Parole de Dieu. Sa clairvoyance lui fait vivre d'avance le terrible châtiment du peuple auquel il s'identifie. Mes entrailles ! Mes entrailles ! Que je souffre !

Parois de mon cœur ! Mon cccur s>agite en moi! Je ne puis me taire,

car j'ai entendu l'appel du cor, le cri de guerre. Ur 4, 19.] Mais le Seigneur n'est pas un Dieu impassible. Le prophète lui prête des entrailles susceptibles de compâtir au malheur de son peuple. Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher un enfant tellement préféré

que, chaque fois que j'en parle, je veuille me souvenir de lui ? C'est pour cela que mes entrailles s'émeuvent pour lui,

que pour lui déborde ma tendresse. Ur 31, 20.]

La colère de Dieu est une manifestation de sa justice ; pourtant le Seigneur ne la laisse pas déborder sans mesure. Adma et Ceboyim sont deux villes détruites dans le cataclysme qui effaça Sodome, tel ne sera pas le sort du peuple que Dieu s'est choisi. Comment t'abandonnerais-je Éphraïm, te livrerais-je Israël ? Comment te traiterais-je comme Ad.ma, te rendrais-je semblable à Ceboyim ? Mon cœur est en moi bouleversé) toutes mes entrailles frémissent. Je ne donnerai pas cours à ardeur de ma colère) je ne détruirai pas à nouveau Éphraïm, car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi, je suis le Saint et je ne viendrai pas avec fureur. [Os 11, 8-9.]

r

218

Dieu conserve avec son peuple un lien que ne peut mieux décrire l'attachement viscéral d'une mère pour son enfant : Une femme oublie-t-elle son petit enfant) est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t'oublierai pas. Vois, je t'ai gravé sur les paumes de mes mains.

[Is 49, 15-16.]

Le Seigneur, parfois, semble se cacher. Ce que l'on redoute le plus, c'est l'interruption de sa miséricorde. Regarde du ciel et vois, depuis ta demeure sainte et glorieuse. Où sont ta jalousie et ta puissance ? Le frémissement de tes entrailles et ta pitié _pour moi se sont-ils contenus? [ .. .]

Toi, SEIGNEUR, tu es narre père. [Is 63, 15-16.]

Par contre, > Les cœurs non violents renoncent au pouvoir de la force, ils cassent la chaîne dangereuse de l'agressivité démesurée : ils rejoignent les artisans de paix également béatifiés dans ce discours. «-Heureux les cœurs purs. » On retrouve ici les cœurs unifiés et sans partage que chantent les Psaumes et les prophètes. Les

cœurs purs sont aussi les cœurs .droits qui ignorent les déviations et les torsions du mensonge. Les Béatitudes décrivent donc ces êtres dont la simplicité rejoint une parfaite authenticité. Cet état du cœur est l' œuvre du Dieu loué par le psaume : Tu aimes la vérité au fond de l'être. [. .. ] Crée pour moi un cœur pur, Dieu. [Ps 51, 8 et 12.]

Paul fait souvent allusion au cœur. Le cœur doit croire que Jésus est ressuscité des morts pour obtenir le salut; la foi du cœur obtient la justice (Rrn 10, 9-10). Par la foi, les yeux du cœur sont illuminés (Ep 1, 18). Dans le cœur des croyants se répand un esprit nouveau, l'esprit du Fils qui crie « Abba, Père» (Ga 4, 6). La paix de Dieu prend le cœur des fidèles sous sa garde (Ph 4, 7). Pour Pierre, la véritable parure de la femme n'est pas sa toilette, mais la disposition de son cœur : Que votre parure ne soit pas extérieure : cheveux tressés, bijOux d'or, toilettes élégantes; mais qu'elle soit la disposition cachée du cœur, parure incorruptible d'un esprit doux et paisible qui est de grand prix devant Dieu. [l P 3, 3-4.]

Jean ne parle pas beaucoup du cœur, et pourtant on lui doit un rapprochement symbolique particulièrement évocateur : Au jour de la fête des Tentes ; Jésus dit : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive celui qui croit en moi, selon le mot de !'Écriture : De son sein couleront des sources d'eau vive. » Il parlait de !'Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui; car il n'y avait pas encore d'Esprit parce que Jésus n'avait

pas encore été glorifié. (Jn 7, 37-39.]

241

LES SYMBOLES BIBLIQUES

En fait, la citation n'est pas littérale et renvoie à des textes comme celui d'Isaïe (Is 55, 1) ainsi qu'à ceux qui annoncent l'effusion de !'Esprit (Za 14, 8; Is 58, 11; JI 3, 1-5). Le cœur de Jésus est évoqué, après sa mort, lorsqu'il est percé par la lance d'un soldat : « Un des soldats, d'un coup de lance, le frappa au côté et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau» (Jn 19, 34). · Certes le texte parle du côté et non pas du cœur, mais l'identification symbolique du corps de Jésus avec le Temple de Jérusalem (Jn 2, 21) ramène tout naturellement vers le Temple entrevu par Ézéchiel : « Voici que de l'eau sortait du seuil du Temple, vers l'orient. [... ] L'eau descendait de dessous le côté droit» (Ez 47, 1). Et !'Apocalypse met dans la bouche de celui qui est l' Alpha et !'Oméga, le Principe et la Fin, les paroles suivantes : « Celui qui a soif je lui donnerai de la source de vie gratuitement » (Ap 21, 6). La soif, la source, le cœur et le temple sont donc des symboles qui s'unissent pour révéler le mystère du cœur du Christ et de !'Esprit qu'il répand comme un flux de vie nouvelle.

et le port-de-tête exprime le cœur humble ou altier, soumis ou rebelle. Égorger est un acte sacrificiel : la section

des vaisseaux du cou vide le corps de son sang. Ce sang est le principe de la vie et n'appartient qu'à Dieu: il doit couler à terre comme une libation. Les victimes des sacri-

fices sont égorgées. Il est dit du sacrifiant : « Il immolera le taureau devant le SEIGNEUR et les fils d'Aaron, les prêtres, prendront le sang et le feront couler tout autour-de l'au-

tel» (Lv 1, 5). Tel est aussi le sort du petit bétail ; quant

aux oiseaux on leur pince le cou pour arracher leur tête (Lv l, 15). Au cours de la guerre sainte contre les Amalécites, c'est Samuel le prophète qui égorge leur roi : « Et Samuel égorgea Agag devant le SEIGNEUR à Guilgal » (1 S 15, 33). Égorger, offrir le sang de victimes à la divinité est un acte qui fait partie de la guerre sainte, telle qu'elle était conçue au Moyen-Orient et en Égypte, bien que dans

ce dernier cas, le geste de Pharaon massacrant les captifs prenne une forme si hiératique quel' on peut penser qu'il ait une simple valeur symbolique. C'est au temps de Xerxès (430 av. J.-C.) qu'eut lieu la grande revanche des Juifs

persécutés : LE CORPS

Le cou et la nuque. Le cou est le point le plus fragile du corps humain : point motte!, point d' enchainement des captifs, du carcan, point de splendeur quand le collier l'entoure, point de caresse et de tendresse. Le cou porte la tête

242

De leur côté, les Juifs des provinces royales se réunirent pour mettre leur vie en sûreté. Ils se débarrassèrent de leurs ennemis_ en égorgeant soixante-quinze mille de leurs adversaires

[Est 9, 16]. Le texte grec, plus modeste parle de

quinze mille victimes. Rompre la nuque d'un animal impur comme l'âne est une façon cl' obéir à la légis-

lation des premiers-nés sans offrir un sacri-

LE CŒUR, LE CORPS

fice par substitution : « Tous les premiers-

nés des ânes tu les rachèteras par un mouton. Si tu ne les rachètes pas, tu leur rompras la riuque » (Ex 13, 13). Mais la nuque raidie devient le symbole de l'esprit de révolte et d'inintelligence spirituelle : Reconnais que ce n'est pas parce que tu es juste que le SEIGNEUR ton Dieu te donne ce bon pays en possession, car tu es un peuple à la nuque raide. [Dt 9, 6.] Circoncisez vos cœurs et ne raidissez pas votre

nuque. [Dt 10, 16.] Car je connais ton esprit rebelle et la raideur de ta nuque. [Dt 31, 27.]

L'expression est fréquente et se retrouve tout au long de la Bible : Ne raidissez pas vos nuques comme l'ont fait vos

pères. [2 Ch 30, 8.] Car je sais que tu es obstiné ; de fer est le muscle de ton cou et ton front d'airain. [Is 48, 4.] Ils _ont raidi leur nuque pour ne pas écouter mes paroles. Ur 19, 15.]

« Présenter une épaule rebelle » peut être le signe d'un refus des exigences divines :

Ils ne voulurent pas être attentifs : ils me présentèrent une épaule rebelle ; ils endurcirent leurs oreilles pour ne pas entendre [Za 7, 11 ; voir aussi Ne 9, 16-17]. Nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis ! [Ac 7, 51].

Raidir sa nuque, c'est refuser le joug. Ce joug peut être celui de Dieu, celui qui permet au Seigneur de conduire son peuple vers le salut. La nuque souple est alors symbole de fidélité et de confiance. Tel est le joug de la sagesse :

Ses entraves te deviendront une puissante protection, ses colliers une parure précieuse. Son joug sera un ornement d'or, et ses liens un ruban de pourpre. [Si 6, 29-30.] Mettez votre cou sous le joug, que vos âmes reçoivent l'instruction. [Si 51, 26.]

Les prophètes utilisent souvent l'image de la nuque et du joug (Is 9, 3 ; 10, 27; 58, 6). · Pour Jérémie toutefois, un joug matériel devient l'accessoire d'un geste prophétique : Le SEIGNEUR parla ainsi : Fais-toi des cordes et un joug et mets-les sur ta nuque Ur 27, 2].

Les chapitres 27 et 28 décrivent la gesticulation de Jérémie assisté du prophète Hananya. Ce long psychodrame spirituel aboutit à une conclusion importante. Le Seigneur impose un joug de bois sur la nuque raidie d'Israël. À l'heure de sa conversion, ayant perçu cette contrainte comme un châtiment mérité, le joug sera brisé et la liberté retrouvée. Mais Dieu réserve pour les nations obstinées un joug de fer qui ne laisse espérer aucun affranchiSsement. C'est au cou que l'on passe les fets de l'esclavage. Tel fut le sort de Joseph vendu par ses frères : On affligea ses pieds d'entraves, on lui passa des fers au cou, [Ps 105, 18.]

Le châtiment des accapareurs sera comme un carcan, les obligeant à courber leur tête orgueilleuse. Ainsi parle le SEIGNEUR

:

Void que je projette contre cette engeance un

malheur tel que vous n'en pourrez retirer votre cou; et vous ne pourrez marcher la tête haute, car ce sera un temps de malheur. [Mi 2, 3.J

243

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Isaïe, quant à lui, célèbre la libération de Jérusalem en ces termes :

Sur son cou est campée la force

Éveille-toi, éveille-toi ! Revêts ta force, Sion ! [ .. .] Secoue ta poussière ! lève-toi,Jérusalem captive ! les chaînes sont tombées de ton cou) fille de Sion captive. [Is 52, 1-2.]

L'homme n'est pas un animal, ni un être sauvage ; raidir son cou est dérisoire, sa gorge et sa nuque sont fragiles.L'oblation de cette faiblesse peut devenir tendresse. Pour le Cantique des cantiques, le cou est un objet érotique : le passage suivant révèle un symbolisme complexe qui inclut!' attelage du cheval du roi et la mise en valeur du cou par les bijoux :

Pour Osée, le joug que Dieu pose sur le cou d'Israël n'est nullement Wle servitude mais bien plutôt le symbole de la coopération entre le Seigneur et sa créature. Ainsi l'homme peut labourer le champ de la Justice. Quand l'orgueil le pousse à travailler seul, c'est rinjustice qui devient son champ

d'action: Éphraïm est une génisse bien dressée, aimant à fouler l'aire ; Et moi, je fais passer le joug sur son· cou superbe !

J'attellerai Éphraïm, Juda labourera, Jacob traînera la herse. Faites-vous des semailles selon la justice, moissonnez à proportion de l'amour. [Os 10, 11-12.J

Le livre de Jab contient une profonde réflexion sur la force animale. La puissance d'un bœuf sauvage refuse le licol. Le quadrupède, en effet, met sa confiance dans la force de son cou et, quand il est doté de cornes, c'est le cou qui fait de ces,, excroissances des armes redoutables. « Elever sa corne » est pour la Bible une expression qui sîgnifie montrer sa puissance. Le bœuf sauvage voudra+il te servir, passer la nuit chez toi devant ta crèche ? Attacheras-tu une corde à son cou? IJb 39, 9-10.]

Que peut-on dire de Léviathan ? Je parlerai aussi de ses membres je dirai sa force incomparable. [. .. ]

244

et devant lui bondit la violence.

IJb 41, 4 et 14.]

À ma cavale, attelée à un char digne de Pharaon, je te compare, ma Bien-aimée. Tes joues sont belles entre les torsades et ton cou dans les colliers. [Ct 1, 9-10.]

Et, par allusion à un lieu éclatant de blancheur : « Ton cou est comme la tour d'ivoire.» (Ct 7, 5.) Le port du cou peut révéler l'orgueil de la femme riche et, tout aussi bien, un désir hautain de séduction : Puisque les filles de Sion sont orgueilleuses et qu'elles ont le cou tendu en lançant des

œillades, [... ]

-

le Seigneur rendra galeux le crâne des filles de Sion et il découvrira leur front. [Is 3, 16-17.]

Le rôle du collier est ambigu. Dans de nombreux groupes humains, il est une protection contre le malheur ou les mauvais sorts. Sa puissance magique peut aussi s'inverser et souligner la fascination de la beauté (Tdt 10, 4). Il devient alors un maillon de la chaîne d'amour qui captive : Tu me fais perdre le sens par un seul de tes regards par un anneau de ton collier. [Ct 4, 9.]

LE CŒUR, LE CORPS

Le collier peut aussi être un signe de pouvoir : il remplace la chaîne d'esclavage autour du cou de Jose ph : « Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph, il le revêtit d'habits de lin fin et lui passa au cou un collier d'or» (Gn 41, 42). Mais le collier peut devenir une parure idolâtrique. Par la voix d'Osée, le Seigneur rappelle le temps de l'infidélité d'Israël qu'il nomme son épouse. Je la châtierai pour les jours des Baals auxquels elle brûlait de l'encens,

quand elle se parait de son anneau et de son collier

et qu'elle courait après ses amants; et moi, elle m'oubliait! [Os 2, 15.]

L'auteur du psaume 73 est scandalisé par la prospérité des impies. Leur perversion les pousse à se croire au-dessus de la condition humaine: Rien n'entame leur riche prestance; de la peine des hommes ils sont absents, avec Adam ils ne sont point frappés. C'est pourquoi l'orgueil est leur collier. [Ps 73, 4-6.l

La tendresse porte souvent à entourer le cou de l'être aimé ou pardonné. Les larmes se mêlent souvent à ce geste qui rapproche les cœurs dans le désir de les unir. Alors il [Toseph] se jeta au cou de son frère Benjamin et pleura. Benjamin aussi pleura à son cou. Puis il couvrit tous ses frères de baisers et pleura en les embrassant [Gn 45, 14-15; voir

aussi 1b 11, 11-13]. Mais ce geste peut être perverti. La première épouse de Samson n'hésite pas à « jouer le grand jeu » pour obtenir la réponse del' énigme que son mari a proposée :

Alors la femme de Samson pleura à son cou : « Tu n'as pour moi que de la haine, disait-elle, tu ne m'aimes pas [. . .] » Elle pleura à son cou pendant les sept jours que dura le festin. Le septième jour, il lui donna la solution car elle

l'avait obsédé. CTg 14, 16-17.] Jésus, dans la parabole de l'enfant prodigue, manifeste le mystère du pardon de Dieu en inversant l'ordre habituel des choses : c'est le Père qui court au-devant de son fils pour le réintégrer dans son sein, dans l'espace de l'amour paternel qui ne s'est jamais effacé. Ce mouvement spontané du corps et du cœur humains révèle la transcendance de la miséricorde : Tandis qu'il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou ·et l'embrassa tendrement [Le 15, 20].

Le dos et la face. Le livre de !'Exode contient un épisode significatif pour préciser la nature des relations que l'homme peut avoir avec le Seigneur. Il est dit de Moïse : « Le SEIGNEUR parlait à Moïse face à face, comme on se parle d'homme à homme» (Ex 33, 11). Au cours de cette conversation, Moïse demande au Seigneur de se manifester en personne (littéralement « par ta face qui vient») au peuple d'Israël. Le Dieu caché pourra alors devenir, de manière sensible, le chef et le guide de cette communauté qui a pris le départ dans la nuit de Pâques qui est aussi la nuit de la foi obscure. Le Seigneur acquiesce. Moïse s'exclame : « Fais-moi donc voir ta gloire. » Dieu dit : « Je ferai passer sur toi mes bienfaits et je proclamerai devant toi le nom de "SEIGNEUR"·; j'accorde ma

245

LES SYMBOLES BIBLIQUES bienveillance à qui je l'accorde, je fais miséricorde à qui je fais miséricorde. » Il dit : « Tu ne peux voir ma face, car l'homme ne saurait me voir et vivre. »

Le SEIGNEUR dit : « Voici un lieu près de moi. Tu te tiendras sur le rocher. Alors, quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, de ma main, je t'abriterai tant que je passerai. Puis, j'écarterai ma main et tu me verras de.dos; mais ma face, on ne peut la voir. » [Ex 33, 18-23.]

À la « face qui vient » réclamée par Moïse, le Seigneur substitue « le dos qui vient de

passer». Le sens est .clair : la présence de Dieu n'est donnée que par la vision des traces de son amour, dans sa création, dans l'histoire du salut. Le dos est ici le sillage de grâce laissé par le passage de Dieu. Celui qui > prétend lui fixer son programme. Le Seigneur est libre et ses actes n'émergent que dans le présent, ils ne sont jamais « à venir ». Passés, ils ne s'effacent pas : leur fécondité durable demeure visible. Ce qui est traduit ici par « un lieu près de moi » se réfère à la préposition hébraïque èt qui exprime tous les sens de la proximité. Il s'agit donc d'un lieu où peut se mànifester la présence divine. Ce lieu est comme un poste d'observation. Moïse doit aller prendre position sur un rocher comme une sentinelle. La posture· recroquevillée dans la grotte, par contre, est une attente passive. Au sortir de cet état, le prophète pourra déceler les traces de Dieu. Texte unique en son genre, cet épisode de !'Exode a fait de la vision du dos de Dieu un thème inépuisable de réflexion théologique et spirituelle_ L'expression « tourner le dos à » a pour équivalent« se détourner de», très fréquent dans la Bible.

246

Dans un tout autre sens que celui du passage de !'Exode précédemment cité, Dieu montre son dos pour manifester sa colère: C'est mon dos et non ma face que je leu:r montrerai au jour de leur ruine. [Jr 18, 17.]

Cette décision est une réponse aux virevoltes d'Israël infidèle : Ils disent au bois : « Tu es mon père ! » et à la pierre : « Toi, tu m'as enfanté ! » Car ils tournent vers moi leur dos [leur nuque] et non leur face ; mais au temps de malheur, ils crierit : « Lève-toi, sauve-nous!» ijr 2, 27.]

Le Seigneur dit aussi : Toi-même m'as repo~ssé - oracle du SEIGNEUR-

tu m'as tourné le dos. Alors j'ai étendu la main contre toi et je t'ai détruite: je suis fatigué de consoler. [Jr 15, 6_]

Le prophète Ézéchiel, conduit par un messager de Dieu, est amené à constater les cultes païens qui déshonorent le Temple. Ici on se lamente sur la mort d'Adonis, mais là les Juifs spirituellement désorientés se tournent vers l'orient pour adorer le soleil : Il m'amena vers le paIVÎs intérieur de la Maisàn du SEIGNEUR; voici qu'à l'entrée du Temple du SEIGNEUR, entre le vestibule et l'autel, il y avait environ vingt-cinq hommes, le dos tourné au Temple du SEIGNEUR et le visage vers l'orient ; ils se prosternaient vers l'orient, devant le soleil. [Ez 8, 16.]

Paul évoquera plus tard « ceux qui tournent le dos à la vérité» (Tt 1, 14). L'expression > fut sur Élie (1 R 18, 46) et sur Élisée (2 R 3, 15), ainsi que sur les hommes charismatiques (Esd 7, 6). Ézéchiel témoigne ainsi de l'action de la main de Dieu :

La main du SEIGNEUR, qui avait été sur moi le soir précédant la venue du rescapé, m'ouvrit la bouche au moment où il arriva vers moi le matin. Ma bouche s'ouvrit et je ne fus plus muet [Ez 33, 22].

La main du Seigneur se conjoint à son esprit pour enlever le prophète en une vision et le conduite ainsi dans une vallée où il assistera à la reviviscence des ossements desséchés (Ez 37, 1). Le fidèle sait que Dieu tient en sa main le souffle de toute créature (Dn 5, 23). Il ne peut oublier ses enfants dans la détresse et dit à Sion :

LE CŒUR, LE CORPS

Même si les femmes oubliaient [leurs enfants], moi, je ne t'oublierai pas !

Vois, je t'ai gravée sur les paumes de mes mains [Is 49, 15-16.] Ces mains de Dieu, tablettes indestructibles del' espérance, prendront chair dans les mains du Christ crucifié. Elles deviendront alors les témoins de la Résurrection. Jésus dit à Thomas : > ; cette investiture est valable à jamais et concerne la tribu tout entière. « Lorsque tu auras fait avancer les Lévites devant le SEIGNEUR, les Israélites leur imposeront les mains» (Nb 8, 10). Quand Jésus impose les mains sur une personne, la main de Dieu, unie à la main de , l'homme par le corps de Jésus, accomplit des miracles. Le Christ répond souvent à une demande formulée:

LE CŒUR, LE CORPS On lui amène un sourd, qui de plus parlait difficilement, et on le prie de lui imposer la main. Le prenant hors de la foule, à part, il lui mit les doigts daris les oreilles et avec sa salive lui toucha

Le doigt de Dieu symbolise la force divine agissante. Quand Moïse étend son bâton et frappe la poussière du sol pour susciter un

la langue. [Mc 7, 32-33.]

Égyptiens : « Les magiciens dirent à Pharaon: c'est le doigt de Dieu» (Ex 8, 15). La Loi a été écrite par le doigt de Dieu. Moïse dit:

Jésus est en train de parler avec les disciples de Jean Baptiste et, «Tandis qu'il leur parlait, voici qu'un chef s'approche, et il se prosternait devant lui en disant : ma fille est morte à l'instant; mais viens lui imposer les mains et elle vivra» (Mt 9, 18; Mc 5, 23). La demande souvent n'est pas mention-

née, elle est implicite chez ceux qui entreprennent la démarche : « Au coucher du soleil tous ceux qui avaient des malades atteints de maux divers les lui amenèrent et lui, imposant les mains à chacun d'eux, il les

guérissait» (Le 4, 40). La main de Jésus touche le lépreux pour le purifier, non seulement pour le guérir mais aussi pour le débarrasser d'une souillure légale qui l'exclut de la société. Jésus ne craint pas pour lui-même la contagion de cette souillure. En fait, sa main remplace le rituel compliqué, de style magique, qui prétendait à haute époque chasser le démon de la lèpre (Mt 8, 3; voir aussi Lv 14, 1-9). Jésus n'étend pas la main sur les démoniaques, il les interpelle, les adjure (Mc 1, 25; 5, 8; 9, 25). On ne dit pas ce qu'il fit exactement pour chasser le démon muet (Mt 12, 22), mais des Juifsl'accusent d'être de connivence avec Béelzéboul, le prince des démons.Jésus met en évidence l'incohérence de cette accusation (Le 11, 17 -19), mais répond : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu c'est donc que le règne de Dieu sur vous est arrivé» (Le 11, 20). Matthieu parle de !'Esprit de Dieu à la place du doigt (Mt 12, 28).

nuage de moustiques qui harcèleront les

Le SEIGNEUR m'avait donné les deux tables de pierre écrites du doigt de Dieu, conformes en tout point aux paroles qu'il vous avait dites du milieu du feu, sur la montagne au jour de l'As-

semblée [Dt 9, 10]. Et le psalmiste s'exclame : « À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts ! » (Ps 8, 4). On ne peut omettre l'apparition hallucinante qui troubla le festin de Balthasar : Soudain apparurent des doigts de main humaine qui se mirent à écrire derrière le lampadaire, sur le plâtre du mur du palais royal, et le roi vit la paume de 1a main qui écrivait [Dn 5, 5].

Dans le rituel du Lévitique, le doigt du prêtre plonge dans le sang du sacrifice pour pratiquer des aspersions, marquer les cornes

de l'autel, etc. (Lv 4, 6; 4, 17). Moïse marque ainsi le lobe de l'oreille, le pouce et le gros orteil d'Aaron lors de sa consécration

sacerdotale (Lv 8, 23 ). Le même geste accompli avec un doigt

trempé dans l'huile entre dans le rituel de la purification des lépreux (Lv 14, 17). La séquence symbolique onction-huile-Esprit permet peut-être de comprendre l'équivalence doigt-Esprit en Luc et Matthieu. · Le pouce et le gros orteil, points forts de l'organisme, peuvent être coupés quand on veut réduire un prince à l'impuissance : tel

fut le sort d'Adoni-Bézeq (Jg 1, 5-7). La main de Dieu est donc le symbole de

255

LES SYMBOLES BIBLIQUES

sa puissance et de sa miséricorde. Elle communique son pouvoir. au prêtre et au prophète. Quant au simple fidèle, s'il veut marcher main dans la main avec son Seigneur, il doit garder sa propre main en lien

sera aussi le sort des violents emportés par

leur superbe. Le Seigneur n'aura de cesse : Tant qu'il n'aura pas brisé les reins des violents et tiré vengeance des nations, exterminé la multitude des orgueilleux

étroit avec le cœur :

et brisé le sceptre des injustes. [Si 35, 20-21.]

Se trouve+il chez toi un pauvre, d'entre tes frères, dans une ville de ton pays que le SEIGNEUR ton Dieu t'a donné? Tu n'endurciras pas ton cœur ni ne fermeras ta main à ton frère pauvre, mais tu lui .ouvriras ta main et tu lui

La ceinture apparaît alors comme le lien qui rassemble les forces des reins. Elle peut,

prêteras ce qui lui manque. [Dt 15, 7-8.]

Les reins, la ceinture et le sac de pénitence. C'est toute une région du corps qui est désignée par ce terme de « reins », et non pas seulement l'appareil rénal. Elle inclut la ceinture, la zone pelvienne etl' espace occupé par l'appareil génital. Les reins sont d'abord le siège de la puissance : une colonne vertébrale solide, assistée par des muscles lombaires et abdominaux bien développés. Tel est l'hippopotame Béhémoth : Vois, sa force réside dans ses reins, sa vigueur dans les muscles de son ventre. (Jb 40, 16.]

Briser les reins d'un ennemi, c'est le détruire : Bénis, SEIGNEUR, sa vaillance, et agrée l'œuvre de ses mains. Brise les reins à ceux qui se dressent contre lui, et que ceux qui le haïssent ne se redressent plus.

[Dt 33, 11.] Les reins qui permettent à l'homme de se tenir debout peuvent le dresser contre Dieu. Casser les reins, c'est briser l'orgueil. Tel

256

bien sûr) porter les armes du guerrier : «Joab était vêtu de sa tenue militaire, sur

laquelle il avait ceint une épée attachée à ses reins dans son fourreau» (2 S 20, 8). La ceinture permet aussî de relever le vêtement, qui devient ainsi une tenue de voyage ou de course : « La main du Sn

fut sur Élie, il ceignit ses reins et courut devant Achab jusqu'à l'arrivée à Yizréel » (1 R 18, 46).

GNEUR

Les reins ceints signifieront alors"!'esprit attentif, prêt à recevoir l'ordre de Dieu, le

signal du départ. Au début de !'Exode, Dieu avertit ainsi les convives du repas pascal : C'est ainsi que vous la mangerez : vos reins ceints, vos sandales aux pieds et votre bâton à la main. Vous ia mangerez en toute hâte, c'est une pâque pour le SEIGNEUR [Ex 12, 11]. L'ennemi d'Israël est toujours aux aguets. Dieu n'a qu'à le siffler, il accourt pour attaquer, sans se rendre compte qu'il n'est

que l'instrument du châtiment que le Seigneur veut appliquer à son peuple : Chez lui [l'ennemi] nul n'est fatigué, nul ne trébuche, nul ne dort ni ne sommeille, nul ne dénoue la ceinture de ses reins. [1s 5, 27 .]

Jésus dit à ses disciples : Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui

LE CŒUR, LE CORPS attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera [Le 12, 35].

Les reins ceints signifient aussi une volonté déterminée, comme celle de la parfaite maîtresse de maison présentée par le livre des Proverbes comme un modèle de sagesse:

Quant au pagne de peau qui ceint les reins d'Élie et de Jean Baptiste (2 R 1, 8 ; Mt 3, 4), il est porté en même temps qu'un manteau fait d'une toison ou de poils de chameau. Peut-être ce vêtement était-il celui d'anciens chamanes qui endossaient volontiers la peau des bêtes. Certaines pratiques des« fils de prophètes», techniques extatiques,_ comportement marginalisant, peuvent

Elle ceint vigoureusement ses reins,

le laisser penser. L'allure extérieure des

elle déploie la force de ses bras. Elle sait que ses affaires vont bien. [Pr 31, 17-18.]

« hommes de Dieu » à date ancienne manifeste la différence qui fait d'eux des êtres consacrés à la Parole.

Le vêtement sur les reins.

Les reins mis à nu.

Le vêtement sur les reins peut signifier l'état d'esprit de celµi qui le porte. Pour prendre le deuil, on déchirait ses vêtements et l'on ceignait un pagne de toile grossière, un« sac». Telle est la réaction immédiate de Jacob recevant la fausse nouvelle de la mort de Joseph: «Jacob déchira son vêtement et mit un sac sur ses reins et fit le deuil de son fils pendant longtemps» (Gn 37, 34). Ce rituel de deuil se transpose aisément en geste de pénitence. · Au livre de Judith, on voit les Juifs pratiquer cette ascèse tandis qu'ils supplient Dieu de les sauver d'Holopheme. Le sac devient ainsi un symbole si important qu'on en revêt les troupeaux et même l'autel! (Jdt 4, 10-14.) Telle est aussi la pénitence du peuple et du roi de Ninive, bouleversés par la prédication de Jonas (Jon 3, 5-6). On comprend la signification de cet acte. Il faut humilier les reins dont on a vu qu'ils permettent à l'homme de se dresser devant Dieu en un acte d'orgueil.

Le début du livre de Michée laisse entrevoir la condamnation solennelle d'Israël l'infidèle. L'action purificatrice de Dieu commence par tout ramener au point zéro. La ville de Samarie est à l'origine de la révolte du peuple de Dieu : elle sera la première bouleversée, dénudée : Je vais faire de Samarie_ un champ de ruines, une terre à vignes. Je ferai débouler ses pierres dans le ravin, et ses fondations je les mettrai à nu. [Mi 1, 6.]

C'est aussi en état de nudité que ce prophète va commencer sa grande lamentation: Je vais me lamenter et hurler, j'irai déchaussé et nu, j'entonnerai une lamentation à la manière des chacals, un chant de deuil comme les autruches. [Mi 1, 8.]

La pénitence peut, en effet, entraîner un état extatique qui pousse à un total dépouil-

257

LES SYMBOLES BIBLIQUES

lement, dont la nudité physique devient le signe (voir l'épisode chamanique raconté en 1 S 19, 18-24). Cette nudité n'est pas impudique, elle procède du désir de ne rien

cacher à Dieu, en particulier.tout ce qui_vient de ce monde mystérieux des pulsions et des désirs que la Bible nomme « les reins».

0 Dieu, tu sais -ma folie et mes offenses sont à nu devant toi. [Ps 69, 6.]

L'efficacité de ce dépouillement pénitentiel est admirablement décrite dans un long passage d'Isaïe. Le prophète s'adresse aux femmes de Jérusalem : elles doivent comprendre que leur orgueil entraine le châtiment du pays :

Frémissez, vous qui êtes altières. Tremblez, vous qui êtes pleines de superbe, Dépouillez-vous,dénudez-vous,ceignezvosreins. Frappez-vous les seins sur le sort des campagnes

riantes. [Is 32, 11-12.] Isaïe décrit la stérilité de la campagne et le silence de mort qui plane sur la ville : Car la _citadelle est abandonnée, la ville tapageuse est désertée ; Ophel et Donjon seront dénudés à jamais, délices des ·ânes sauvages, pacage de troupeaux.

[Is 32, 14.J Mais toute pénitence touche la miséricorde de Dieu. La nudité du corps, les reins maîtrisés par la ceinture de l'ascèse préparent le retour de !'Esprit qui féconde et reconstruit : Jusqu'à ce que se répande sur nous l'Esprit d'en haut, et que le désert devienne un verger, [. .. ] mon peuple habitera dans un séjour de paix, des demeures superbes, des résidences altières.

[Is 32, 15 et 18.]

258

Dans une perspective différente Isaïe) à la demande de Dieu, va se retrouver tout nu à la disposition de la Parole divine qui enjoint à ses prophètes de l'appuyer par des gestes tout à fait insolites. Le Seigneur dit : « Va, dénoue la toile de sac que tu as sur les reins, ôte les sandales que tu as aux pieds. Et il fit ainsi, allant nu et déchaussé» (Is 20, 2). Le Seigneur s'explique, cette nudité représente celle des prisonniers égyptiens et des Nubiens, massivement capturés par _le roi d'Assyrie. Israël a eu tort de rechercher, contre le roi, l'alliance d'une armée en déroute et condamnée à la honte d'un dépouillement total. Les « reins » incluent la force génitale de l'homme mais, outre le sexe, cette expression désigne aussi la descendance parentale, objet de la sollicitude de Dieu lorsqu'ils' agit des patriarches, des prêtres ou des rois. Dieu dit [à Jacob] : « Sois fécond et multiplie. Une nation, une assemblée de nations naîtra de toi et des rois sortiront de tes reins» [Gn 35, 11].

David ne bâtira pas le Temple du Seigneur:

r

Tu as eu dans esprit de bâtir une maison pour mon Nom, et tu as bien fait. Seulement, ce n'est pas toi qui bâtiras cette maison, c'est ton fils .iSsu de tes reins, qui bâtira la maison pour mon Nom

[1 R 8, 18-19]. La Bible n'utilise pas de termes précis pour désigner les parties génitales (sauf Dt 23, 2). Cette discrétion verbale correspond à une pudeur qu_e le récit de la création relie au péché originel (Gn 2, 25 ; 3, 10-11). Ce sentiment est, en fait, une crainte. Le sexe est puissant par sa fécondité mais fra-

LE CŒUR, LE CORPS

gile. Quand on sait le pouvoir que les anciens attachaient au regard, les effets d'un mauvais œil étaient considérés comme ravageurs. >.

Le médecin à la table des malades. Jésus est le médecin des pécheurs, tout autant que le guérisseur des malades. Il ne craint pas la promiscuité morale avec ceux que la caste des « purs » considère comme des pestiférés. Le sens de ce comportement

383

LES SYMBOLES BIBLIQUES

est révélé à l'heure de la vocation de Lévi, dit Matthieu.

le jour du sabbat (Le 14, 1-6). Il n'a pas fini

En passant, Jésus vit Lévi, le fils d'Alphée, assis au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit. Le voici à table dans sa maison, et beaucoup de collecteurs d'impôts et de pécheurs avaient pris place avec Jésus et ses disciples, car ils étaient nombreux et ils le suivaient. Et des scribes pharisiens, voyant qu'il mangeait avec les pécheurs et les collecteurs d'impôts, disaient à ses disciples : « Quoi ! Il mange avec les collecteurs d'impôts et les pécheurs ? » Jésus, qui avait entendu, leur dit : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs. » [Mc 2, 14-17.J

Il dit à celui qui l'avait invité « Quand tu donnes un déjeuner ou un diner, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins, sinon eux aussi t'inviteront en retour, et cela te sera rendu. Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles, et tu seras heureux parce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre: en effet, cela te sera rendu à la résurrection des justes. » [Le 14, 12-14.J

Zachée descend en hâte de l'arbre qui lui sert d'observatoire, pour répondre à l'appel de Jésus qui s'est invité chez lui. Il le reçoit tout joyeux mais, pour les Juifs, entrer dans la maison d'un pécheur notoire revenait à

festin. Cette colère n'est pas un mouvenient

contracter une impureté. La seule présence

serviteur :

de Jésus pousse Zachée à la conversion. Zachée, s'avançant, dit au Seigneur:« Eh bien! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple.» [Le 19, 8]. Jésus se contente de const_ater la guérison: Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu [Le 19, 9-10].

Jésus, invité à la table des pécheurs, déclare en retour qu'il est nécessaire d'inviter les pauvres, les petits, les infirmes. Prié à déjeuner par un Pharisien, Jésus entre dans sa demeure après avoir guéri un hydropique

384

d'étonner l'assistance.

Quand les invités discourtois de la parabole se sont tous excusés pour ne pas se rendre au dîner préparé, le maître de maison entre en colère. Ce sont les pauvres et les

infirmes qui prendront place dans la salle du d'humeur, elle symbolise l'énergie de la justice divine qui, dans une perspective escha-

tologique, opérera en temps voulu le discernement qui s'impose. Le maître dit à son « Va-t-en vite par les places et les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. » Puis le serviteur vint dire : « Maître, on a fait tout cc que tu as ordonné, et il y a encore de la place. » Le maître dit alors au serviteur:« Va-t-en par les routes et les jardins, et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ceux qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner. » [Le 14, 21-24.J

Cette vision des choses est confirmée avec

vigueur, dans la parabole du pauvre Lazare qui gît, malade et seul, à la porte du riche, C'est Lazare qui prendra place, à côté d'Abraham, dans la béatitude éternelle (Le 16, 19-31). Les païens et les étrangers rejoindront les

LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

pauvres et les infirmes au grand festin céleste. Jésus l'annonce à l'heure où il admire la foi du centurion. Chez personne en Israël, je n'ai trouvé une telle

foi. Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le Royaume des cieux. [Mt 8, 10-11.]

LE CHRIST SOUFFRANT

Le Juste livre sa vie pour le salut du monde.

Abraham (Gn 22, 1-19). Le sang de l'agneau devient le bouclier contre I' Ange exterminateur (Ex 12, 7 et 13). Tout premier-né doit être sacrifié mais la substitution est possible (Ex 13, 13 )_ Un bouc ira périr dans le désert au grand Jour des Expiations, porteur des péchés d'Israël (Lv 16). Au terme de cette

tradition, Isaïe désigne un être humain comme pouvant être la victime du « sacrifice d'expiation». Le SEIGNEUR a voulu le broyer par la souffrance. Si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours, et la volonté du SEIGNEUR aboutira. [Is 53, 10.]

La deuxième clef est le procédé des « réductions » qui jalonnent l'histoire d'Is-

Matthieu relate les multiples guérisons qui ont marqué le début du ministère de Jésus. Il donne un sens plus profond à ces oeuvres de miséticorde, en citant le prophète Isaïe (Is 53, 4) : « C'est lui qui a pris nos infirmités et s'est chargé de nos maladies » (Mt 8, 17). Isaïe, dans le quatrième chant du Serviteur (Is 52, 13 à 53, 12), décrit la souffrance rédemptrice d'Ull être mystérieux. Cet être, pour la tradition juive, est une figure allégorique: il représente le peuple d'Israël humilié, écrasé par !'Exil et finalement racheté et glorifié. Commencée par Jean Baptiste (Jn 1, 29), l'interprétation chrétienne voît en ce Serviteur souffrant le Christ Jésus qui, par sa Passion et sa Résurrection, fonde l'Église, peuple des rachetés, et la glorifie. Deux clefs bibliques ouvrent cette dernière perspective. La première clef est le procédé des substitutions sacrificielles, qui ont, dès l'origine, commandé la vie cultuelle d'Israël. Un bélier remplace Isaac en passe d'être sacrifié par

raël. La grande masse du peuple élu se réduit, par l'épreuve, à un « petit reste» que conserve la miséricorde de Dieu. Ce petit reste se réduit à un seul Juste qui deviendra l'instrument de la régénération. Ce Juste est l'innocent dont la vie a du « prix aux yeux de Dieu ». Cette vie peut servir à monnayer la miséricorde divine : tel est le marchandage entre Abraham et le Seigneur pour sauver Sodome (Gn 18, 22-32). Plus tard, un petit reste fidèle deviendra la semence d'un peuple renouvelé pour « éviter à Israël le sort de Sodome» (Is 1, 9). Ce reste se réduit à une seule personne dans le cadre du quatrième chant du Serviteur (Is 53, 10-11). Ce Juste prendra le nom de « Germe » et désignera, dans une perspective messianique, un rejeton, descendant légitime de David. Des jours viennent - oracle du SEIGNEUR où je susciterai pour David un rejeton légitime : un roi règne avec compétence,

il défend le droit et la justice dans le pays. Ur 23, 5.J 385

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le nom de « Germe » est repris par Zacharie (Za 3, 8; 6, 12). Le procédé de réduction anime deux textes de Paul, hautement significatifs. Le premier est un pressant appel : Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n'avait pas connu le péché, il l'a, pour nous, identifié au péché, afin que par lui, nous devenions justice de Dieu. [2 Co 5, 20-21.]

Le second texte a pour cadre un discours de Paul qui justifie l' aunonce de l'Évangile aux païens : Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en_ devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu'il est écrit:« Maudit quiconque est pendu au bois.» [Ga 3, 13].

Ces deux textes ont pour arrière-fond le rituel du Jour des Expiations. Un bouc « pour le Seîgneur » était sacrifié à l'entrée du sanctuaire, un autre bouc, « pour Azazel » était envoyé au diable. Le premier texte de Paul identifie Jésus à la victime sacrifiée dans le Temple, à ceci près que ce sacrifice est « unique » parce que Jésus est « uni » (identifié) une fois pour toutes au péché, afin que le péché soit mis à mort dans la mort même de Jésus. Le second texte met Jésus en situation de bouc envoyé à Azazel, le Démon, le maudit. En la personne du Christ, la malédiction est retournée à celui d'où provient la déchéance humaine. L'homme, ainsi libéré de cette contrainte mortelle, retrouve l'axe lumineux de la bénédiction donnée à Abraham pour s'étendre à l'humanité tout entière. L'effet de réduction qui fait de Jésus le Juste, mourant pour tous, sè retrouve en deux textes de Jean. Le second, reprenantle

386

preffiler, ms1ste sur l'importance de cette affirmation. Devant les hésitations des Pharisiens, le grand prêtre tranche : L'un d'entre eux [grands prêtres et Pharisiens réunis], Caïphe, qui était Grand Prêtre en cette année-là, dit:« Vous n'y comprenez rien et vous ne percevez même pas que c'est votre avantage qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière.» Ce n'est pas de luî-même qu'il prononça ces paroles, mais comme il était Grand Prêtre en cette année-là, il fit cette prophétie qu'il fallait que Jésus meure pour la nation et non seulement pour elle, mais pour réunir dans l'unité les enfants de Dieu qui sont dispersés. (Jn 11, 49-52.]

Au moment où Jésus est conduit chez Hanne, beau-père de Caïphe, Jean remarque : « C'est ce même Caïphe qui avait suggéré aux Juifs : "Il est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple." » (Jn 18, 14.)

Dialogue entre Isaïe et l'Évangile. Le Nouveau Testament cite souvent Isaïe. La lecture chrétienne des textes du Serviteur souffrant, et spécialement le quatrième chant (Is 52, 13 à 53, 12) relève d'une cohérence proprement biblique. L'alternance des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament met en lumière cette connexion. La figure du Serviteur est paradoxale : bafoué par les hommes, il est exalté par Dieu. Le prophète dit : Void que mon Serviteur triomphera, il sera haut placé, élevé, exalté à l'extrême. [Is 52, 13.J

Pierre affirme devant le peuple de Jérusalem:

LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION Vous avez rejeté le Saint et le Juste) et vous avez réclamé pour vous la grâce d'un meurtrier. Le

Prince de la vie que vous aviez fait mourir, Dieu l'a ressuscité des morts - nous en sommes les

témoins. [Ac 3,-14-15.] Jésus annonce la fin du règne de Satan : C'est maintenant le îugernent de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors. Pour moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai à moi tous les hommes Un 12,

31-32].

Isaïe voit paraître l'homme des douleurs : Les foules ont été horrifiées à son sujet - à ce point détruite, son apparence n'était plus celle d'un homme

et son aspect n'était plus celui des fils d'Adam_-. [ls 52, 15.l

Jésus, ridiculisé, est présenté à la foule : Jésus vint alors à l'extérieur; il portait la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Pilate leur· dit : « Voici l'homme ! » Mais dès que les grands prêtres et leurs gens le virent, ils se mirent à crier « Crucifie-le ! Crucifie-le! » [Jn 19, 5-6.l

La Croix est au cc.eut du message de Paul : « Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens» (1 Co 1, 23). Isaïe décrit l'émerveillement des païens devant la glorification de cet être humilié :

À son sujet, les foules des nations vont être émerveillées, des rois vont rester bouche close, car ils voient ce qui ne leur avait pas été raconté et ils observent ce qu'ils n'avaient pas entendu dire. [ls 52, 15.l

Paul reprend en substance les derniers mots en expliquant qu'il a mis son point d'honneur à ne s'adresser qu'aux païens :

Mais je me suis fait un point d'honneur de n'annoncer l'Évangile que là où le nom de Christ n'avait pas encore été prononcé, pour ne pas bâtir sur les fondations qu'un autre avait posées. Ainsi je me conforme à ce qui est écrit : « Ils verront ceux à qui on ne l'avait pas annoncé et ceux qui n'en avaient pas entendu parler comprendront.» [Rm 15, 20-21.]

Isaïe sait qu'il annonce des choses incroyables : Qui donc a cru à ce que nous avons entendu

dire? Le_ bras du SEIGNEUR, en faveur de qui a-t-il été

dévoilé? [ls 53, l.] Jean cite le même verset mais fait allusion

à l'incrédulité de ceux qui entouraient Jésus: Quoiqu'il eût opéré devant eux tant de signes, ils ne croyaient pas en lui, de sorte que s'accomplit la parole que le prophète Isaïe avait dite : « Seigneur qui a cru ce que nous ·avons entendu dire? Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été

révélé?» [Jn 12, 37.J Paul cite aussi ce passage mais fait allusion à l'incroyance de ceux qui écoutent sa prédication (Rm 10, 16). Voici maintenant la description du Serviteur brisé et méprisé : Devant Lui, celui-là végétait comme un rejeton, comme une racine sortant d'une terre aride; il n'avait ni aspect, ni prestance telle que nous le remarquions, ni apparence telle que nous le recherchions. Il était méprisé, laissé de côté par les hommes, hom:me de douleurs, familier de la souffrance, tel celui devant- qui l'on cache son visage ; oui, méprisé, nous ne l'estimions nullement.

[Is 53, 2-3.] Marc fait allusion au mépris qui double la souffrance de Jésus (Mc 9, 12).

387

LES SYMBOLES BIBLIQUES

Mais le grand texte à mettre en parallèle avec ce tableau de la déchéance du Serviteur est, bien sûr, l'hymne de l'épître aux Philippiens. Il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur,

devenant semblable aux hommes et reconnu à son aspect comme un homme,

il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix. [Ph 2, 7-8,]

Dans les versets suivants, on discerne bien le mystère de la substitution : l'innocent porte les souffrances, les douleurs, le poids du péché et le châtiment des hommes per-

vertis. En fait, ce sont nous souffrances qu'il a portées, ce sont nos douleurs qu'il a supportées, et nous, nous l'estimions touché, frappé par Dieu et humilié.

Mais lui, il était déshonoré à cause de nos révoltes, broyé à cause de nos perversités : la sanction, gage de paix pour nous, était sur lui, et dans ses plaies se trouvait notre guérison.

[1s 53, 4-5.] Pour Paul, le Christ a sauvé les hommes en s'identifiant à leur misère. C'est en lui qu'est vaincue la haine, fruit vénéneux du péché. Jésus s'est identifié à notre péché (2 Co 5, 21). Il est devenu malédîction pour nous (Ga 3, 13). Il a été livré pour nos fautes (Rm 4, 25). Le Christ est notre paix, par sa Croix il a tué la haine (Ep 2, 14-18). Le passage suivant utilise le symbolisme du troupeau errant et de l'agneau innocent et soumis. Nous étions tous, comme du petit bétail, nous étions errants nous nous tournions chacun vers son chemin,

388

et le SEIGNEUR a fait retomber sur lui la perversité de nous tous. Brutalisé, il s'humilie; il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent : elle est muette; lui n'ouvre pas la bouche".

[ls 53, 6-7.J Pierre reprend l'image du troupeau égaré, dont le Christ est devenu le pasteur. Vous étiez égarés comme des brebis, mais maintenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardîen de vos âmes [1 P 2, 25].

Le Serviteur « retranché de la terre des

vivants» connaît, de plus, la honte d'une sépulture indigne. Sous la contrainte, sous le jugement, il a été

enlevé, les gens de sa génération, qui se préoccupe d'eux? Oui, il a été retranché de la terre des vivants,

à cause de la révolte de son peuple, le coup est sur lui. On a mis chez les méchants son sépulcre, chez les riches son tombeau, bien qu'il n'ait pas commis de violence et qu'il n'y eût pas de fraude dans sa bouche.

[ls 53, 8-9.] Jésus est,

lui

aussi, enterré dans

le

tom-

beau d'un homme. riche (Mt 27, 57-60). À

la différence des riches évoqués par Isaïe, Joseph d'Arimathée, disciple de Jésus, était bon et courageux. Le signe de honte devient ici W1 signe; d'honneur.

Le prophète désigne alors le Serviteur comme la victime humaine d'un sacrifice d'expiation. Le SEIGNEUR a voulu le broyer par la souffrance ; si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation,

LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

il verra une descendance, il prolongera ses jours, et la volonté du SEIGNEUR aboutira. [ls 53, 10.]

Jean, dans sa première épître, dit de Jésus : Jésus Christ, qui est le Juste, est, lui, victime expiatoire pour nos péchés ; et pas seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. [! Jn 2, 1-2.l

Paul dit de Jésus : « C'est lui que Dieu a destiné à servir d'expiation par son sang » (Rrn 3, 25). L'épître aux Hébreux voit en Jésus le Grand Prêtre qui, par son sang, purifie le peuple de son péché (He 9, 12-14 ; 2, 17-18). Pour accomplir l'œuvre du salut, Jésus conforme sa volonté à celle du Père : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre » Œn 4, 34). Et à l'heure de l'agonie : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté se réalise ! » (Mt 26, 42). Les souffrances du Serviteur vont connaitre une immense fécondité. Ayant payé de sa personne, il verra une descendance, il sera comblé de jours; sitôt connu, juste, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des foules,

du fait que lui-même supporte leurs perversités. Dès lors je lui taillerai sa part dans les foules, et c'est avec des myriades qu'il constituera sa part de butin, puisqu'ils' est dépouillé lui-même jusqu'à la mort et qu'avec les pécheurs il s'est laissé recenser, puisqu'il a porté, lui, les fautes des foules et que, pour les pécheurs, il vient s'interposer. [ls 53, 11-12.]