Les premières occupations agricoles de l'arc antillais migration et insularité: Le cas de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique 9781841716497, 9781407327228

This volume undertakes to research the major issues regarding the early agricultural occupations in Martinique. These in

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Les premières occupations agricoles de l'arc antillais migration et insularité: Le cas de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique
 9781841716497, 9781407327228

Table of contents :
Cover
Title Pages
Copyright
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
CHAPTER 1
CHAPTER 2
CONCLUSION
ABSTRACT (En.)
ABSTRACT (Sp.)
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX

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Paris Monographs in American Archaeology 15 Series Editor: Eric Taladoire

Les premières occupations agricoles de l’arc antillais, migration et insularité Le cas de l’occupation saladoïde ancienne de la Martinique

Benoît Bérard

BAR International Series 1299 2004

ISBN 9781841716497 paperback ISBN 9781407327228 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781841716497 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

PUBLISHING

REMERCIEMENTS

Cet ouvrage a pour origine la thèse de doctorat en "Anthropologie, Ethnologie, Préhistoire" de l'Université de Paris I que j'ai soutenue en juin 2003 en Sorbonne. Je tiens donc à remercier en premier lieu ma directrice de thèse, Danièle Lavallée, qui m'a accueilli au sein de l'UMR 8096 "Archéologie des Amériques" et qui m'a accompagné tout au long de ce travail doctoral. Ce livre doit beaucoup à ses conseils et ses relectures. Je remercie également les autres membres du jury, C. Hofman, A. Delpuech et E. Taladoire pour avoir accepté de consacrer un peu de leur temps à l'évaluation de mon travail. Leurs remarques et leurs critiques ont permis de rendre le texte publié aujourd'hui bien meilleur que l'original. Un merci plus particulier à E. Taladoire pour m'avoir accueilli dans le département d'"Archéologie des Amériques" de l'Université de Paris I-Panthéon Sorbonne et pour m'avoir permis de publier cet ouvrage dans la collection des Paris Monographs in American Archaeology qu'il dirige. Je suis extrêmement reconnaissant à l'U.F.R. "Art et Archéologie" de l'Université de Paris I- Panthéon Sorbonne pour m'avoir accordé une allocation de recherche allouée par le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche dans le cadre du D.E.A "Ethnologie-Anthropologie-Préhistoire". De même, je ne saurais trop remercier l'U.F.R. "Lettre et Sciences Humaines" de l'Université des Antilles et de la Guyane pour m'avoir accueilli en son sein comme moniteur puis A.T.E.R.. Ces deux institutions m'ont permis de réaliser ce travail dans d'incomparables conditions de confort matériel. Le Service Régional de l'Archéologie de Martinique qui m'a accueilli comme volontaire à l'aide technique lors de mon arrivée en Martinique a été pour moi un lieu d'accueil et un soutien constant au cours de ces années. Qu'il trouve ici l'expression de ma plus sincère gratitude. Je suis reconnaissant au Musée Département de Préhistoire de la Martinique et à sa conservatrice C. Celma pour m'avoir ouvert les portes de son institution et de ses réserves. Merci aussi à l'ensemble du personnel du musée et plus particulièrement à Rose-Colette, Jean-Claude et bien sur No, pour la qualité de leur accueil et leur soutien. Le Bureau Régional du Patrimoine et sa conservatrice L. Rose Beuze m'ont offert les mêmes facilités d'accès à la collection Pinchon. Qu'ils soient assurés de ma reconnaissance. De même, il me faut particulièrement remercier C. Leton qui m'a guidé au sein de la collection. Cette thèse ne serait pas ce qu'elle est si je n'avais bénéficié de l'aide d'un grand nombre de personnes. Tout d'abord, les différentes opérations de terrain qui sont à la base de ce mémoire n'auraient pu exister sans la participation d'un grand nombre de fouilleurs bénévoles. Parmi eux, je tiens tout particulièrement à remercier mes étudiants pour m'avoir supporté aussi pendant les vacances. Que tous trouvent ici l'expression de ma reconnaissance et qu'ils voient dans ce livre une matérialisation de leurs efforts. J.-P. Giraud, qui m'a accueilli en 1995 en Martinique, est pour beaucoup dans l'existence même de cette recherche. Il est à l'origine de la reprise des fouilles à Vivé et du Projet Collectif de Recherche "Le Néolithique martiniquais dans son contexte antillais". En tant que Conservateur Régional de l'Archéologie, il m'a offert des conditions de recherche d'une qualité 3

exceptionnelle. Travailler à ses côtés pendant quelques années fut un grand plaisir. Pour tout cela et pour son amitié qu'il soit ici remercié. Il me faut remercier G. Kieffer, S. Knippenberg, J.-P. Raynal, C. Tardy et G. Vernet pour avoir accepté de venir travailler en Martinique, leur expertise contribue largement à la richesse de ce mémoire. Merci à A. Berthé pour m'avoir permis d'utiliser les figures inédites de son mémoire de maîtrise. L'illustration de cet ouvrage doit beaucoup à D. Molez et surtout à F. Honoré dont j'ai, sans scrupule, exploité l'immense gentillesse. Je ne saurais trop les en remercier. Francis-Moaeva Peltier et Patricia Denizot m'ont aidé à extraire patiemment plus d’une centaine de vases de plusieurs milliers de tessons. Qu’ils trouvent ici l’expression de toute ma gratitude. Merci à mon bataillon de relecteurs: J.-P. Giraud, S. Grouard, M. Guillaume, N. Serrand, N. Vidal, G. Vernet. Ils sont pour beaucoup dans la qualité de ce travail. Les erreurs restantes sont une production purement personnelle. Merci à D. Bonnissent pour quelques longues conversations téléphoniques sur le "huec" qui m'ont toujours éclairé. Merci à C. Stouvenot pour les différents documents qu'il m'a fait parvenir. Merci aussi à S. Veuve pour le soutien photographique qu'il m'a accordé en différentes occasions. Merci à mes traducteurs Andreea Popescu et Marc Guillaume. Merci, enfin, à mon frère Thomas pour la logistique informatique. Pour des raisons plus personnelles mais tout aussi importantes, il me faut ensuite remercier J. Pettruci, l'équipe du Centre Archéologique de Pincevent, P. Bodu, B. Valentin, Y. Taborin, N. Pigeot, O. Kayser et l'équipe du Service Régional de l'Archéologie de Martinique. L'existence de cet ouvrage doit beaucoup à chacun d'entre eux. Enfin et surtout merci à Jeanne et Victor.

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TABLE DES MATIERES

4. La méthode de travail. ........................................ 32 LES OPÉRATIONS DE TERRAIN ...................................... 33 1. Le site de Vivé .................................................... 33 2. Le site de Moulin l’Etang ................................... 52 3. Le site de Fond-Brûlé. ........................................ 59 4. Le site de l'Anse Couleuvre................................. 65 5. Les sites de Lasalle et de La Pointe. ................... 70 LA DATATION DE L'OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE. ............................................................. 72 GÉOGRAPHIE SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE.73 1. Introduction........................................................ 73 2. Géographie amérindienne générale de la Martinique, problèmes taphonomiques et questions méthodologiques. ............................................................................... 73 3. Essai de géographie Saladoïde ancienne. ........... 76 LE MATÉRIEL CÉRAMIQUE. ......................................... 83 1. Introduction........................................................ 83 2. La méthode d'analyse. ........................................ 85 3. Le comptage. ...................................................... 89 4. Essai de typologie............................................. 103 5. Analyse fonctionnelle........................................ 153 6. Conclusion. ...................................................... 158 LE MATÉRIEL LITHIQUE. ........................................... 159 1. Présentation. .................................................... 159 2. l’outillage non débité........................................ 159 3. Les restes de débitage....................................... 164 4. Les éléments de parure. .................................... 174 5. Les échanges à longue distance. ....................... 178

AVANT-PROPOS.......................................................... 6 INTRODUCTION ......................................................... 7 LES ANTILLES .............................................................. 7 1. Une mer et un océan ............................................ 7 2. Les Antilles........................................................... 8 LA MARTINIQUE ........................................................... 9 1. La formation de l’île............................................. 9 2. Le climat .............................................................. 9 3. Le couvert végétal .............................................. 10 4. Les littoraux ....................................................... 10 ÉTAT DES CONNAISSANCES CONCERNANT L’OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DES ANTILLES................................................................... 12 NOTIONS D’ARCHÉOLOGIE CARAÏBE ............................ 12 1. Le cadre théorique ............................................. 12 2. Cadre chrono-culturel........................................ 13 HISTORIQUE DE LA DÉFINITION DE LA SÉRIE SALADOÏDE .................................................................................. 15 1.Une origine continentale ..................................... 15 2. Le Saladoïde insulaire........................................ 17 3. Les principaux programmes de recherche concernant le Saladoïde Ancien au cours des vingt dernières années. ................................................... 19 4. Les principales problématiques de recherches actuelles concernant le Saladoïde cedrosan ancien.22 L’OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE. ........................................................... 25

CONCLUSION .......................................................... 180 ABSTRACT ................................................................ 182 RESUMEN ................................................................. 198 BIBLIOGRAPHIE ........................................................ 200 LISTE DES FIGURES ................................................... 212 LISTE DES TABLEAUX ................................................ 214

INTRODUCTION........................................................... 25 1. Historique des recherches. ................................. 25 2. Les objectifs de l’étude. ...................................... 29 3. Inventaire des sites............................................. 30

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AVANT-PROPOS

La réalisation d'un travail doctoral est une expérience par définition individuelle. Cependant, la recherche que nous présentons ici n'aurait pu être menée à bien sans la coopération de nombreuses personnes (fouilleurs bénévoles et chercheurs) aux origines et aux compétences diverses. Toutes ces énergies se sont associées autour d'un projet fédérateur, l'analyse des premières occupations agricoles de l'Arc Antillais. S'il fut aisé de regrouper ces compétences, c'est que ces occupations sont au centre d'une multitude d'interrogations.

complexes que nous venons de présenter. Avant toute chose, il nous est donc paru nécessaire de synthétiser et surtout d'enrichir les données disponibles. C'est la réalisation de ce projet à vocation pratique qui constitue l'essentiel de cet ouvrage. Il ne s'agit donc en aucun cas d'un travail innovant au niveau théorique ou méthodologique. Nous avons juste cherché à appliquer du mieux possible à l'espace antillais les acquis des dernières décennies dans ces domaines. Notre travail a consisté, tout d'abord, en la réalisation d'importantes recherches de terrain (fouilles programmées et sondages). Ces recherches de terrain se sont étalées sur près de cinq ans et heureusement avaient été largement initiées par J.-P. Giraud, conservateur régional de l'archéologie en Martinique de 1994 à 1999. Les fruits de ces fouilles sont venus compléter les riches collections déjà disponibles dans l'île. C'est l'ensemble de ces séries (anciennes et nouvelles) qui a fait l'objet de notre analyse. La maîtrise que nous avons ainsi pu avoir sur la totalité de la chaîne opératoire archéologique nous a permis d'obtenir une adéquation maximale entre les différentes phases de notre travail (travaux de terrain et analyse du matériel).

Sont-elles liées à un ou plusieurs ensembles culturels? Quelles sont les motivations et le mode de fonctionnement du phénomène pionnier qui est à leur origine? Quelles ont été les modalités d'adaptation de ces groupes à l'espace insulaire antillais? Jusqu'où peut-on pousser leur caractérisation et ainsi affiner leur définition? Quels sont les modes d'organisations économiques et sociaux qui soustendent l'existence de ces premières cultures agrocéramistes? Le choix de la Martinique pour aborder ces questions n'est pas lié à une richesse exceptionnelle de l'île en vestiges archéologiques ou à l'excellence particulière de leurs conditions de conservation. Notre choix de travailler en Martinique repose avant tout sur la reconnaissance de la richesse de l'histoire des recherches traitant de ces questions. Une histoire qui nous permettait de construire notre réflexion à partir d'une base déjà solide.

Le développement qui va suivre s'organise donc en trois grandes parties correspondant aux différentes phases de notre étude. Nous décrirons tout d'abord le contexte géographique et archéologique à partir duquel nous avons déterminé la nature de notre programme de recherche. Ensuite, nous nous attacherons à détailler les données liées aux différentes opérations de terrain que nous avons menées. Enfin, nous présenterons les différentes analyses que nous avons réalisées.

Cependant, l'avancement de la recherche ne nous paraissait pas suffisant pour pouvoir aborder directement les questions

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INTRODUCTION

Figure 1: L'aire Caraïbe (d'après D. Kiphuth in Rouse, 1992)

environnement nouveau, formé par une mer et un océan séparés par un chapelet d’îles (figure 1). Des îles qui, derrière quelques grandes constantes, présentent des visages variés.

LES ANTILLES

L’archipel des Antilles compte parmi les terres les plus jeunes présentes à la surface de notre planète. Les différentes îles qui le composent sont apparues depuis seulement quelques millions d’années. Ce phénomène d’émergence de terres nouvelles est toujours actif de nos jours et d’autres îles devraient faire prochainement leur apparition (Volcan sousmarin de Kick’em-Jenny au nord de la Grenade). Ces îles, vierges de tout organisme vivant (terrestre) lors de leur apparition, sont un terrain idéal pour l’étude des migrations végétales, animales et humaines. Cet intérêt est renforcé par la proximité des îles entre elles et par celle existant avec différents points du continent américain (Floride, Presqu’île du Yucatan, Venezuela).

1. Une mer et un océan

L’Arc Antillais marque la séparation entre l’Océan Atlantique et la mer des Antilles. Ces deux ensembles ont des caractéristiques très différentes qui conditionnent les possibilités de navigation, d’exploitation des ressources marines ainsi que les possibilités d’installations côtières.

1.1. La mer des Antilles La mer des Antilles forme avec le golfe du Mexique une «méditerranée américaine» limitée au sud, au nord et à l’ouest par le continent américain et à l’est par la Floride, les Bahamas et les Antilles. Elle a une superficie de deux millions et demi de kilomètres carrés (Pinot, 1999). En dehors des épisodes cycloniques, cette mer présente, sous le vent des îles, un visage des plus paisibles. Ses littoraux continentaux et insulaires sont dominés par une alternance de fonds coralliens et de marais littoraux (mangroves).

Il y a 2500 ans, des hommes embarquaient sur les côtes du Venezuela pour partir à la découverte de ces nouvelles terres. Ils emportaient dans leurs canots différentes espèces végétales et animales soigneusement sélectionnées, mais surtout ils étaient porteurs d’une culture dont l’arrivée constituerait, jusqu’à la colonisation européenne, le changement socio-économique majeur de l’histoire des Petites Antilles. Cette culture originale qui s’était développée le long du cours de l’Orénoque allait devoir s’adapter à un 7

par un ensemble de phénomènes volcaniques, une période de régression (liée à une phase de plissement) et une période de transgression (entraînant une sédimentation). Actuellement, les Grandes Antilles constituent 98% des terres émergées de l’archipel (Cuba, 114524km2; Haïti, 76484km2; Jamaïque, 10991km2 et Porto Rico, 8897km2) (Oruno Lara, 1999). Elles sont formées de plateaux séparés par des chaînes montagneuses pouvant atteindre 3000 m d’altitude (Point culminant le Pico Duarte en République Dominicaine, 3175m). Figure 2: Les courants marins dans la Mer des Antilles (d'après U.S. hydrographic Office in Veloz Maggiolo, 1991).

2.2. Les Petites Antilles Les Petites Antilles, issues de phénomènes volcaniques sousmarins, sont constituées de deux ensembles distincts ayant une histoire géologique différente. Ainsi, l’activité le long d’un arc volcanique externe (figure 3) a entraîné l’apparition progressive d’un certain nombre d’îles au cours du Tertiaire. Et c'est l'activité le long d'un arc interne qui est à l'origine de la formation des autres îles à la fin du Tertiaire.

Les courants sont permanents et vigoureux (le courant caraïbe a une vitesse généralement supérieure à 2 km/h). Ils sont liés à l’entrée des eaux atlantiques dans la mer des Antilles par les canaux qui séparent les Petites Antilles. Cette pénétration s’effectue selon une orientation ouest nord-ouest. Ces eaux vont ensuite remonter le long du continent pour ressortir de la mer des Antilles par le détroit de Floride (figure 2).

Les îles appartenant à ces deux ensembles ont des morphologies très différentes. Les îles de l’arc externe ont connu une longue histoire sous-marine. Leur socle volcanique est généralement couvert par des dépôts calcaires d’origine corallienne. Elles sont plates et relativement sèches. Les îles de l’arc interne, au relief beaucoup plus prononcé s’organisent autour d’un ou plusieurs cônes volcaniques parfois encore actif (Montagne Pelée en Martinique, les Soufrières de St Vincent, de Ste Lucie, de la Dominique, de la Guadeloupe et de Monserrat). Ces hauts reliefs bloquent les nuages poussés par les alizés ce qui entraîne une pluviométrie importante dans ces îles.

Ces courants marins sont donc plus ou moins favorables à deux types de navigations dans le sens continent-Antilles: une route au sud depuis le Venezuela et une route à l'ouest depuis la presqu’île du Yucatan.

1.2. L’océan Atlantique L’océan Atlantique constitue la frontière orientale des Antilles. Partout où elles ne sont pas freinées par des récifs coralliens, les houles de l’Atlantique, poussées par les alizés et les courants nord équatoriaux et guyanais, viennent frapper les côtes des Petites Antilles. Elles donnent ainsi un aspect plus déchiqueté à ces côtes au vent, opposé à la douceur des côtes sous le vent regardant la mer des Antilles.

2. Les Antilles.

Les Antilles sont le fruit d’une histoire géologique complexe qui débute, il y a 135 millions d’années. Aujourd’hui, le domaine caraïbe (mer des Antilles, Petites Antilles et Grandes Antilles) correspond à une plaque lithosphérique autonome, la plaque Caraïbe, coincée entre les deux plaques américaines et la plaque Pacifique Est (Hatzenberger, 2001). Les Antilles peuvent être divisées en deux sous ensembles les Grandes Antilles et les Petites Antilles.

2.1. Les Grandes Antilles Les Grandes Antilles correspondent à la partie la plus ancienne de l’archipel. Leur formation a débuté à la fin du jurassique avec l’apparition des proto-antilles. Après un morcellement et une lente dérive au cours du Tertiaire, ces proto-antilles constituent le socle de base des Grandes Antilles actuelles. Le visage de ces îles a ensuite été modelé

Figure 3: Les arcs volcaniques liés à la formation des Petites Antilles.

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Figure 4: La Martinique (dessin D. Molez).

Antilles (Tazieff et Westercamp, 1980). Les parties les plus anciennes de l’île (presqu’île de Ste Anne et presqu’île de la Caravelle) se sont formées entre la fin de l’Oligocène et le Miocène supérieur (entre 23 et 10 millions d’années). Le reste de l’île est lié a l’activité volcanique le long de l’arc interne entre le Miocène supérieur et le Quaternaire récent (la Montagne Pelée est un volcan toujours actif). En dehors de quelques formations côtières (calcaires récifaux) la Martinique est donc exclusivement constituée de roches volcaniques.

LA MARTINIQUE

La Martinique se situe au centre de l'archipel des Petites Antilles entre Ste Lucie (distante de 30 km vers le sud) et la Dominique (distante de 25km vers le nord). Elle s’étend sur une soixantaine de kilomètres du NW au SE et sur une trentaine de kilomètres de large pour une superficie totale de 1090 km2 (figure 4). Son point culminant, la Montagne Pelée, s’élève à 1397 m au-dessus du niveau de la mer (Lasserre (dir), 1977).

2. Le climat

1. La formation de l’île

L’île bénéficie d’un climat tropical caractérisé par l’alternance d’une saison humide, l’hivernage de juin à décembre, et d’une saison sèche, le carême de janvier à mai. Par ailleurs, entre juin et octobre, les Antilles se trouvent sur la route des cyclones nord-atlantiques. Ces phénomènes très

La formation de la Martinique est liée à l’activité des deux arcs volcaniques (externe et interne) à l’origine des Petites 9

végétation tropicale sèche. Enfin les sommets de la Montagne Pelée et les Pitons du Carbet sont couverts d’une forêt d’altitude surmontée de savanes sommitales (Fiard, 1994a; Hatzenberger, 2001).

destructeurs, caractérisés par des vents supérieurs à 64 nœuds (environ 130 km/h), sont associés à de très fortes précipitations (150 mm d’eau sont tombés en une heure à Fort-de-France lors du passage du cyclone Dorothy). En dehors des périodes cycloniques, le régime des vents est dominé par les Alizés qui viennent du nord-est. La température moyenne est relativement stable tout au long de l’année. Elle varie entre 24°4 en janvier et 26°6 en septembre à Fort-de-France. La moyenne annuelle est de 25°6. Le niveau de précipitation moyen en Martinique est de 3241 mm par an (figure 5). Cependant, le volume de précipitation est très variable dans les différentes zones de l’île. Ainsi, 1174 mm sont recueillis en moyenne par an dans le sud de l’île qui est une zone très plate. À l’inverse, ce sont plus de 8000 mm qui tombent chaque année au sommet de la Montagne Pelée. Ces différences dans le régime des précipitations sont à l’origine de la diversité des types de couvert végétal que l’on rencontre dans l’île.

Série tropicale à tendance sèche Série tropicale humide Série d'altitude

Figure 6: Carte du couvert végétal actuel de la Martinique (d'après Lasserre (dir.), 1977).

La végétation actuelle de la Martinique présente un visage très différent de celui qu’ont connu les Amérindiens. La culture extensive de la canne à sucre à l’époque coloniale a entraîné un déboisement massif de l’île. C’est une végétation très dégradée qui s’offre aujourd’hui à notre regard (Hatzenberger, 2001). Nous verrons plus loin dans quelle mesure peut être reconstitué l’environnement végétal précolombien. 4. Les littoraux

On trouve en Martinique trois types de littoraux: des plages de sable (corallien ou volcanique), des côtes rocheuses généralement escarpées et des mangroves à palétuviers. De façon générale, la côte au vent subissant les assauts de la houle atlantique est plus découpée que la côte sous le vent. Cependant, les côtes de la moitié sud de l’île bénéficient de la protection de platures coralliennes qui tempère les effets de cette houle. Par contre, dans le nord de l’île, on observe une descente rapide des fonds marins (figure 7). La diversité des littoraux martiniquais permettait aux Amérindiens d’avoir accès à une grande variété de ressources marines et littorales.

Figure 5: Données climatologiques concernant la Martinique (d'après Lasserre (dir), 1977).

3. Le couvert végétal

Trois grands types de couvert végétal sont présents en Martinique (figure 6). L’essentiel de la Martinique est couvert d’une végétation tropicale humide méso-hygrophile. Le sud de l’île et la côte sous le vent sont, eux, associés à une 10

La Martinique, située au cœur des Petites Antilles, est, après la Guadeloupe, la plus grande des îles de cet archipel. Sa longue histoire géologique est à l’origine de la constitution d’écosystèmes terrestres et marins variés. C’est sans doute en partie pour ces raisons que l’île a été choisie comme lieu

d’installation par les premiers groupes agro-céramistes lors de leur migration depuis les côtes du Venezuela. Ce sont ces populations, identifiées archéologiquement à la série Saladoïde, que nous allons maintenant nous attacher à définir.

Figure 7

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ÉTAT DES CONNAISSANCES CONCERNANT L’OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DES ANTILLES

de caractères. Ainsi, la notion de Paléo-indien fait référence sur le continent à des systèmes économiques basés sur la grande chasse spécialisée. Or ce type de pratique est totalement absent dans les Antilles (Cruxent et Rouse, 1969).

NOTIONS D’ARCHEOLOGIE CARAÏBE

Au sein des quatre âges précédemment décrits, les ensembles sont classés en complexes, sous-séries et séries (Rouse et al, 1985).

1. Le cadre théorique

Le complexe: il regroupe des ensembles ayant des caractéristiques véritablement identiques et appartenant à une aire géographique réduite, parfois même à un seul site. Il est désigné par le nom du site typique, exemple: complexe Diamant. Un complexe est défini par quelques traits culturels qui sont censés permettre d’identifier un groupe humain particulier. Cette caractérisation repose principalement sur une analyse stylistique des restes céramiques. Les termes, "phase" et "style", sont aussi utilisés par certains archéologues dans le même sens que "complexe".

L’aire culturelle caraïbe comprend l’ensemble des Antilles et des Bahamas, le centre et l’est du Venezuela, les plaines côtières du Guyana et l’ouest du Surinam (Rouse, 1962 et 1964). Au sein de cet ensemble, différents outils conceptuels plus ou moins spécifiques ont été développés par les archéologues. Plusieurs systèmes ont été utilisés afin de classer les découvertes et d’établir un lien entre groupes humains et vestiges matériels. Cependant, le cadre théorique le plus largement utilisé, celui que d'ailleurs nous emploierons au cours de cet ouvrage, est essentiellement issu des travaux de I. Rouse (Cruxent et Rouse, 1958/1959; Rouse, 1986 et 1992; Rouse et Allaire, 1978; Rouse et al., 1985; Vescelius, 1980). Les cultures archéologiques sont tout d’abord classées dans un système en 4 âges: l’Age Lithique qui correspond aux ensembles ne connaissant que la pierre taillée, l’Age Archaïque caractérisé par l’utilisation d’outils en pierre polie et en coquillages, l’Age Céramique caractérisé par l’apparition de la poterie et l’Age Historique qui correspond à la période de contact entre Amérindiens et Européens (Rouse, 1972). Le système précédent (périodes paléoindienne, méso-indienne, néo-indienne et indo-hispanique), plus proche de celui employé par les archéologues nord américains, était construit en fonction de critères technologiques, mais aussi selon une analyse du mode de subsistance. Il a été abandonné suite à la démonstration qu’il n’existait pas une corrélation parfaite entre ces deux classes

La sous-série: elle correspond à un ensemble de complexes présentant des caractères similaires et distribués dans une importante aire géographique. Les sous-séries sont caractérisées par l’ajout du suffixe "an" au nom du site typique, exemple: la sous-série cedrosane d’après le site de Cedros à Trinidad. La série: elle est composée par un ensemble de sous-séries correspondant à une tradition commune ou ayant un ancêtre commun. La série ne peut être rattachée, ni au concept d’horizon, ni à celui de tradition, car elle associe les fruits de variations chronologiques aussi bien que géographiques. Les séries sont caractérisées par l’ajout du suffixe "oïde" au nom du site typique, exemple: la série saladoïde d’après le site de Saladero au Venezuela.

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Tableau 1: Chronologie des cultures amérindiennes des Antilles (d'après Delpuech, 2001 et Rouse et Faber-Morse, 1999).

(Pantel, 1987). Les travaux concernant leur lieu d’origine sur le continent restent à compléter. Cependant dans l’état actuel des connaissances, l’hypothèse la plus largement admise est qu’ils sont originaires de la presqu’île du Yucatan (Veloz Maggiolo, 1993; Wilson, 1998). Les découvertes effectuées dans les Grandes Antilles ont été ainsi rapprochées de différentes phases lithiques définies par Mac Neish lors de ses travaux au Belize (Mac Neish et Nelken-Turner, 1983).

2. Cadre chrono-culturel.

La Préhistoire des Antilles est particulièrement courte (tableau 1). Elle débute au cinquième millénaire avant J.-C. avec l’arrivée de groupes de chasseurs-cueilleurs dans les Grandes Antilles1. Les occupations les plus anciennes sont localisées en Haïti (site de Vignier, 5580 B.P.; soit entre 4510 et 4350 av. J.-C.2) et à l’Est de Cuba (abri de Levisa, 5140 B.P.; soit entre 4250 et 3700 av. J.-C.) (Wilson, 1998). Ces groupes casimiroïdes casimirans3, qui exploitent tant les écosystèmes côtiers que les zones montagneuses de ces îles, sont caractérisés par une industrie lithique laminaire en silex

Au cours du troisième millénaire avant notre ère, on observe dans les Antilles l’apparition de cultures d'Age archaïque. Deux ensembles culturels peuvent être distingués. Dans les Grandes Antilles et les îles Vierges, des groupes, associés à la série casimiroïde, développent l’usage des outils en pierre polie et en coquillage tout en continuant à pratiquer le débitage laminaire. Vers le Sud, on trouve des traces de cette tradition technique jusqu’à Antigua (Davis, 2001). Dans le nord des Petites Antilles, entre les îles Vierges et la Guadeloupe, un second groupe ne pratiquant pas le débitage laminaire a été rapproché de la série ortoiroïde4 initialement identifiée à Trinidad. Cependant, l’hypothèse d’une

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Des sites plus anciens ont été identifiés à Trinidad (P. Harris, 1976), mais il ne s’agit pas véritablement de cultures antillaises. Ces occupations Ortoiroïdes sont à rapprocher des groupes occupant les basses terres du Venezuela au même moment. 2 De façon systématique, les dates exprimées en avant et après J.-C. correspondront à des dates calibrées. 3 Cette sous-série tient son nom de site de Casimir situé dans la région de Fort Liberté en Haïti et décrit pour la première fois par I. Rouse (Rouse, 1939).

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D'après le site d'Ortoire à Trinidad. Il s'agit d'un amas coquillier sondé en 1953 par I. Rouse qui y a mis au jour des pointes en os et de l'outillage lithique poli (Harris, 1976).

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migration d’origine méridionale de groupes archaïques se heurte à l’absence quasi totale de sites dans le sud des Petites Antilles. Seuls les gisements de Boutbois et du Godinot en Martinique (Allaire et Mattioni, 1983; Bérard, 2002a) pourraient appartenir à cet ensemble.

La préhistoire des Antilles va s’achever de façon brutale avec l’arrivée des Espagnols à la fin du XVIéme siècle. Cette rencontre des deux mondes va provoquer progressivement la disparition quasi totale des cultures amérindiennes dans l'archipel.

Ces groupes archaïques vont être les témoins, au cours de la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère, de l’arrivée de nouvelles populations originaires du bassin de l’Orénoque. Ces groupes pionniers agro-céramistes, rattachés à la sous-série saladoïde cedrosane, vont rapidement s’installer dans une zone allant de Trinidad à l’est d’Hispaniola. Pendant près d’un millénaire, ils vont former un ensemble culturel homogène fondé sur l’existence de nombreuses relations inter-îles (Knippenberg, 2001; Stouvenot, 1998). Cette unité est ainsi démontrée lors de la transition entre la phase saladoïde cédrosane ancienne et la phase saladoïde cédrosane modifiée ou récente. En effet, au cours du quatrième siècle après J.C. on observe une modification, synchrone dans toutes les îles, de la céramique vraisemblabement liée à l’arrivée de groupes barrancoïdes5 qui s’installent à ce moment dans l’île de Trinidad (soussérie barrancoïde erinan6, Boomert, 2000). Pendant toute l’occupation saladoïde des Antilles des groupes précéramiques vont continuer à occuper l’essentiel d’Hispaniola ainsi que Cuba.

Notre connaissance de la Préhistoire des Antilles repose encore très largement, directement ou indirectement, sur les travaux d’I. Rouse. Le principal objectif de ses recherches est la distinction de groupes culturels, "ethniques", sur la base d’une caractérisation stylistique des ensembles céramiques. Sur cette même base sont déduits les rapports ayant existé entre ces différents groupes. Ce système s’est révélé d’une grande efficacité pour l’établissement des grandes lignes du cadre chrono-culturel. Cette réussite est en grande partie due à la personne même d’I. Rouse et à la fréquentation assidue qu’il a pu avoir pendant longtemps des collections archéologiques originaires de toutes les Antilles et du continent. Cependant, l’élargissement des problématiques auquel nous assistons depuis quelques années nous fait approcher des limites de ce système. En effet, si la caractérisation stylistique des ensembles céramiques permet de mettre en évidence l’existence de rapports ayant existé entre différents groupes humains, elle se révèle peu adaptée à la caractérisation de la nature de ces rapports. Ainsi, si le cadre chrono-culturel en notre possession nous permet d’entrevoir des questions d’une grande complexité, le traitement sérieux de celle-ci ne saurait faire l’économie d’études plus diversifiées et approfondies. Et ce, même si le temps nécessaire à leur mise en place à une échelle aussi vaste que l’aire Caraïbe peut paraître décourageant au regard de la rapidité et de l’efficacité avec lesquelles ont pu être établies les grandes lignes de la Préhistoire antillaise.

L'homogénéité culturelle liée à la série saladoïde va voler en éclats au cours du septième siècle. Deux grands ensembles vont alors se former. Le premier caractérisé par la série ostionoïde7 est lié à la pénétration de groupes céramistes dans les Grandes Antilles (Hispaniola, Cuba et Jamaïque). La confrontation de ces populations à un nouveau type d’environnement et le développement de nouvelles techniques agricoles (conucos8) vont permettre la mise en place progressive d’une société hiérarchisée. L’influence de ces groupes va s’étendre jusque dans les îles vierges et les Bahamas. Au même moment, dans les Petites Antilles, vont se développer des cultures originales qui ont été regroupées au sein de la série troumassoïde9. Dans le nord des Petites Antilles a été identifiée la sous-série troumassoïde marmorane10 alors que dans le sud on voit se succéder les sous-séries troumassane et suazane11 (Allaire, 1977; Hofman, 1995; Rouse et al., 1985). La Guadeloupe semble marquer la limite entre ces deux ensembles. 5

D'après le site de Los Barrancos au Vénézuéla. Pour plus de détails voir le chapitre sur l'Origine continentale de la série Saladoïde. 6 Le site de Erin situé dans le sud de Trinidad a livré depuis la fin du XIXème siècle un matériel céramique montrant une forte parenté avec celui issus des sites Barrancoïdes continentaux (Boomert, 2000). 7 D'après le site de Los Otiones à Puerto rico fouillé dès 1919 par de Hosto et qui a servi de base une des premières études chronologiques de la Préhistoire antillaise (de Hosto, 1919). 8 Champs surélevés dont le rendement est amélioré par un apport régulier de déchets organiques. 9 Définie appartir des travaux de M. Mc Kusick dans le site de Troumassé à Ste Lucie (Mc Kusick, 1960). 10 Définie par I.Rouse et B. Faber Morse d'après le site de Marmora Bay à Antigua (Faber Morse et Rouse, 1999). 11 Définie à partir des travaux de R.P. Bullen sur le gisement de Savane Suazey à la Grenade (Bullen, 1964). 14

millénaire avant J.-C. avec l’apparition de la série saladoïde dans le moyen Orénoque (sous série ronquinane). Les dates les plus anciennes, validées par ces archéologues, ont été obtenues pour l’occupation du site de La Gruta (4090 ± 105 B.P. et 4065 ± 85 B.P. soit autour de 2500 av. J.-C.). Ensuite, ces chercheurs, s’appuyant sur les résultats des fouilles de Rouse et Cruxent à Saladero, évoquent l’extension, vers le début du second millénaire, de la série saladoïde vers le bas Orénoque où elle serait antérieure à la série Barrancoïde (Saladero, 2880 ± 130 B.-P., soit un peu avant 1000 av. J.C.). La série Barrancoïde, issue de la série saladoïde, apparaît donc ensuite au début du premier millénaire avant J.-C. dans le bas Orénoque (Saladero, 2800 ± 150 B.-P. soit autour de 1000 av. J.-C.). Son développement aurait repoussé les groupes associés à la série saladoïde vers la zone côtière. Ce remplacement de la sous-série saladoïde ronquinane par la série barrancoïde dans le bas Orénoque a été interprété par I. Rouse (Rouse, 1983) comme le résultat d’une interaction forte entre les deux groupes (guerre, prise de contrôle politique, pression économique) (Lévi-Strauss, 1943).

HISTORIQUE DE LA DEFINITION DE LA SERIE SALADOÏDE

Le développement des groupes liés à la série saladoïde est un événement majeur de la Préhistoire des Antilles. Il marque le passage d’une économie de prédation à une économie de production. Rapidement, il est apparu que cette rupture culturelle devait être mise en rapport avec un mouvement migratoire (Hatt, 1924; Howard, 1947; Osgood, 1942; Rouse, 1940). L’identification de ce phénomène a été largement facilitée par l’aspect très caractéristique de la céramique saladoïde. Depuis, de nombreux travaux ont permis d’affiner notre connaissance de cette série. 1.Une origine continentale

Le modèle développé par M. Sanoja et I. Vargas est basé sur l’hypothèse d’une chronologie courte (Vargas et Sanoja, 1978). Ces deux chercheurs s’appuient pour cela sur les résultats de leurs travaux dans le bas et le moyen Orénoque (Sanoja, 1979; Vargas, 1983). Leur choix d’une chronologie courte est lié principalement à deux éléments. Premièrement, dans le bas Orénoque, ils n’ont pas retrouvé à Saladero la composante saladoïde12 identifiée par J. Cruxent et I. Rouse et datée entre 2880 ± 130 B.P. et 2520 ± 140 B.P. (autour de 1000 av. J.-C.). Ainsi, pour eux l’occupation formative du bas Orénoque est exclusivement liée à la série barrancoïde, ou à la tradition Barrancas pour reprendre leur terminologie. Elle débute autour de 2700 B.P. (Sanoja, 1979). Ensuite, M. Sanoja et I. Vargas rejettent les dates anciennes obtenues à La Gruta et à Ronquin. En se basant sur une autre série de datations issues des mêmes gisements, ils considèrent que l’occupation formative du moyen Orénoque ne débute pas avant 2600 B.P. (autour de 800 av. J.-C.). En conséquence, ils avancent l’hypothèse d’un développement distinct des deux séries.

Les traces les plus anciennes de la série saladoïde ont été identifiées au Venezuela au niveau du cours moyen de l’Orénoque entre sa confluence avec le Rio Apure et son delta (Roosevelt, 1980; Rouse et Cruxent, 1958/1959; Vargas, 1981). Cependant la datation de cette occupation est au centre d’une importante controverse.

1.1. Le bas et le moyen Orénoque. Les travaux archéologiques dans la zone de l’Orénoque ont débuté avec les recherches menées par Osgood et Howard (Howard, 1943 et 1947). Ces derniers vont fouiller les sites de Los Barrancos dans le bas Orénoque et de Ronquin dans le moyen Orénoque. Ils y définiront deux styles céramiques qu’ils mettront en rapport avec des ensembles déjà décrits dans les Antilles (complexe Erin de Trinidad pour Los Barrancos et complexes Cuevas (Porto rico) et Palo seco (Trinidad) pour Ronquin). Ces travaux sont poursuivis dans les années cinquante par I. Rouse et J. Cruxent qui vont, entre autres, effectuer les premières recherches à Saladero. Ils publieront, suite à leurs recherches, en 1958/59: "An archaeological chronology of Venezuela". On y trouve, sur la base des premières datations radiocarbones, une chronologie culturelle comparative des différentes zones du bassin de l’Orénoque. Cette chronologie est dominée par deux séries, la série barrancoïde et la série saladoïde. Ces premiers résultats vont être complétés dans les années soixante-dix par A. Roosevelt qui entreprend de nouvelles fouilles à Ronquin, Corozal et La Gruta (Roosevelt, 1978 et 1980; Rouse et al., 1976). A la même période une équipe vénézuélienne, dirigée par M. Sanoja et I. Vargas, réalise des travaux dans le bas et moyen Orénoque (Sanoja, 1979; Vargas, 1981). En plus de certaines différences terminologiques et théoriques, les travaux de ces deux équipes, pourtant effectués en partie dans les mêmes sites, vont aboutir à la publication de deux chronologies pour l’essentiel incompatibles.

On le voit, les différences sont nombreuses entre les cadres chrono-culturels proposés par ces deux groupes de chercheurs. Au-delà de la diversité des méthodes d’analyse et des terminologies, le problème est essentiellement lié à la piètre qualité du cortège de dates issu du bassin de l’Orénoque. En effet, les sites qui nous intéressent sont situés dans des dépôts dunaires en bordure du fleuve. Ils ont de ce fait subi diverses pollutions. Tout d’abord, du lignite présent à l’état naturel dans ces dépôts a entraîné l’obtention d’un ensemble de dates exagérément anciennes. Ensuite, une certaine quantité de charbons récents sont mélangés aux vestiges précolombiens. Ainsi, sur plus de 70 dates obtenues pour l’occupation du site de Corozal, près de la moitié doivent être rejetées du fait de leur jeunesse exagérée (Boomert, 2000).

I. Rouse et A. Roosevelt proposent une chronologie longue pour l’occupation formative du bassin de l’Orénoque (tableau 2). Cette occupation débuterait au troisième

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Ils rejettent de ce fait l’appellation Saladoïde au profit de Ronquinoïde. 15

Tableau 2: Chronologie de l'occupation amérindienne du bassin de l'Orénoque (d'après Rouse et al., 1985). Ages: L=Lithique, A=Archaïque, C=Céramique, H=Historique. Séries: (A)= Arauquinoïde, (B)=Barrancoïde, (S)= Saladoïde. * Callage chronologique basé sur des datattion radiocarbones.

Les différents chercheurs se voient donc dans l’obligation de faire un choix au sein de cette multitude de dates en fonction de critères extérieurs. Ainsi, les divergences que nous avons remarquées sont en partie due aux différences de point de vue existant entre I. Rouse et A. Roosevelt, et, M. Sanoja et I. Vargas, concernant la question du mode d’introduction des cultures formatives dans le bassin de l’Orénoque (origine amazonienne ou andine) et les liens existant entre ces cultures et les foyers céramistes précoces du continent sudaméricain (Lathrap, 1970; Meggers et Evans, 1978; Sanoja, 1979; Rouse et al., 1985).

réalisée par ces chercheurs de la céramique associée aux deux séries, saladoïde et barrancoïde, semble bien démontrer l’existence d’un développement séparé et non d’un lien de filiation entre ces ensembles. Quoi qu’il en soit, la sous-série saladoïde ronquinane est caractérisée par des occupations situées directement sur les rives du fleuve voire sur des îles au milieu de celui-ci. Le mode de subsistance de ces groupes est caractérisé par la pratique de l’horticulture sur brûlis. Leur alimentation est dominée par la consommation du manioc amer qui est attestée par la présence de nombreuses platines destinées à la cuisson de la cassave ainsi que par celle de nombreux petits éclats de pierre taillée correspondant à des dents de grages (râpes à manioc). On trouve aussi vraisemblablement dans les jardins des tubercules (patates douces, ignames), du piment (Boomert, 2000) et de façon annexe du maïs (Vargas, 1981). Leur régime alimentaire est complété grâce à l’exploitation de la forêt, tant pour la cueillette que pour la chasse, ainsi que par le produit de la pêche.

Que peut-on dire aujourd’hui concernant la datation du saladoïde ronquinan et la nature de ses relations avec la série barrancoïde? Une partie de la solution au problème de datation doit être recherchée hors du bassin de l’Orénoque, non pas chez des précurseurs mal identifiés mais plutôt dans les Antilles chez des successeurs depuis longtemps reconnus. En effet, depuis quelques années la date de la première vague migratoire saladoïde a fortement reculé dans le temps. Plusieurs sites ayant livré des dates antérieures à l’an 0 (Trants (Montserrat) 2430 ± 80 B.P., 2390 ± 60 B.P. (Petersen, 1996); Hope Estate (St. Martin) 2275 ± 60 B.P., 2250 ± 45 B.P. (Haviser, 1991); Sorcé (Vieques) 2110 ± 80 B.P.), l’arrivée des premiers horticulteurs céramistes dans l’archipel aurait donc eu lieu au plus tard au cours du Véme siècle avant notre ère. Ces données apparaissent peu compatibles avec la chronologie courte proposée par M. Sanoja et I. Vargas qui place l’origine de la série au IXéme siècle avant J.-C. dans le moyen Orénoque et situe la constitution de sa composante côtière au début de notre ère (Sanoja, 1979; Vargas, 1978). Cependant, l’analyse soignée

La production céramique saladoïde ronquinane est d'abord caractérisée par sa qualité technique, elle est fine (6 mm en moyenne) et bien cuite. Le dégraissant est constitué de sable (Cruxent et Rouse, 1958/59; Vargas, 1981). Les vases sont montés selon la technique du colombin. En plus des platines, les formes les plus fréquentes sont les formes ouvertes de bols et de marmites (figure 8). Le plus souvent carénés ces vases ont un profil de cloche renversée. On rencontre quelques formes fermées principalement des bouteilles et des urnes. 16

Figure 8: Les formes de vases saladoïde ronquinan (d'après Vargas, 1981).

Tous ces vases sont ronds. Leurs fonds sont le plus souvent arrondis, quelques fois plats. Les décors les plus fréquents sont les motifs ou les bandes peintes. Les couleurs utilisées sont par ordre de fréquence le rouge, le blanc et le noir. Les éléments polychromes les plus caractéristiques correspondent à des motifs peints en blanc sur rouge. Les décors modelés sont peu nombreux, ils peuvent être localisés sur toutes les parties des vases. Il s’agit essentiellement de boutons. Les décors modelés incisés sont eux plus développés. Ils correspondent aux décors de boutons ponctués (papules) et aux adornos13 biomorphes. Enfin, les décors incisés sont aussi représentés, généralement à proximité des bords des vases. Les motifs les plus caractéristiques sont les motifs zonés-incisés, pointillés et zonés pointillés. La céramique saladoïde ronquinane est donc caractérisée par l’abondance des décors (16% des tessons sont décorés) et la diversité des techniques utilisées (Vargas, 1981). L’industrie lithique se compose de mortiers et pilons, de haches polies et d’éclats indéterminés dont les plus petits correspondent à des dents de grages à manioc.

Cependant tous les chercheurs s’accordent sur le fait que cette occupation côtière correspond à une évolution de la sous-série ronquinane du moyen Orénoque sous l’influence de la série barrancoïde du bas Orénoque. Le fruit de ce phénomène est la sous-série saladoïde cédrosane. Cet ensemble culturel occuperait la bande littorale allant de l’île de Margarita au Nord du plateau des Guyanes, en incluant l’île de Trinidad (Rouse et al., 1985). A l’heure actuelle, on n’a identifié dans cette zone que peu d’occupations liées à cette sous-série. De plus, beaucoup de ces sites sont relativement tardifs (postérieurs aux premières occupations antillaises). Les dates les plus anciennes ont été obtenues sur le site de Cedros à Trinidad (2140 ± 170 B.P. soit autour de 150 av. J.-C.). Cependant, si l’on accepte le modèle mis en place par I. Rouse, modèle qui s’accorde bien avec les dates anciennes obtenues dans les Antilles, l’occupation saladoïde de la bande côtière devrait remonter au début du premier millénaire avant notre ère (Rouse, 1992; Rouse et al., 1985). Les cinq cents ans s’écoulant entre leur arrivée et leur départ pour les îles auraient permis à ces groupes de s'adapter aux écosystèmes littoraux. Jusqu’à ce que soient découverts des sites plus anciens correspondant à cette phase d’adaptation, le saladoïde côtier forme un ensemble homogène avec le saladoïde insulaire. Ils forment à eux deux la sous-série cedrosane.

1.2. L’occupation côtière. Depuis le moyen Orénoque, l'ensemble culturel correspondant à la série saladoïde va se déplacer vers la zone littorale. Différentes hypothèses ont été émises concernant la chronologie et la cause de ce développement de la série saladoïde vers les côtes (Rouse et al., 1985; Vargas, 1978).

2. Le Saladoïde insulaire.

L’étude de la composante insulaire de la série saladoïde a suivi les grandes étapes de la recherche archéologique dans cette zone. Les premiers travaux classificatoires dans les Antilles ont été réalisés à Puerto Rico par de Hosto au début

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Ce terme espagnol signifiant "ornement" est utilisé tel quel en anglais et français par les archéologues de l'aire caraïbe pour désigner de petites figurines anthropo-zoomorphes souvent associées à des éléments de préhension. 17

du XXème siècle. Il s’est alors attaché à décrire l’évolution de la céramique à travers les différentes couches du gisement d’Ostiones (Hosto, 1919). Cependant, le premier véritable essai de classification chronologique a été réalisé par G. Hatt sur la base des fouilles qu’il a effectué entre 1922 et 1923 dans les Îles Vierges (Hatt, 1924). Ce travail de mise en place d’une chronologie culturelle a ensuite été poursuivit par S. Loven (Loven, 1935), F. Rainey (Rainey, 1940), M. Mc Kusick (Mc Kusick, 1960) et surtout I. Rouse. Ces recherches ont permis de définir la série saladoïde, sur la base d’une analyse stylistique de la céramique, et de cerner l’espace géographique et chronologique concerné par cet ensemble culturel. Au cours des vingt-cinq dernières années cette étape classificatoire a été dépassée et de nouvelles problématiques de recherche sont apparues (Siegel, 1991). Elles ont pour objectif de déterminer le contexte et les mécanismes liés au développement du phénomène saladoïde dans les Antilles.

utilisées par les groupes huecans semblent très différentes de celles identifiées sur les sites cedrosans (Rodriguez Ramos, 2001). Depuis les fouilles de La Hueca, la composante huecan a été identifiée dans d’autres sites, Hope Estate à St Martin (Haviser, 1991; Hofman et Hoogland, 1999; Bonnissent, Henocq et Stouvenot, 2002), Punta Candeloro à Puerto Rico (Rodriguez Lòpez, 1989 et 1991), Morel et Basse-Terre en Guadeloupe (Hofman et Hoogland, 1999; Romon, 2001). Ces occupations seraient datées entre le Vème et le IIème siècle avant J.-C., elles sont donc contemporaines des premières implantations cedrosan saladoïdes. Actuellement, beaucoup de questions sont toujours sans réponses concernant La Hueca et les relations qu’il entretient avec le Saladoïde cedrosan. Sommes-nous face à une migration unique qui aurait produit deux ensembles distincts en arrivant au nord des Petites Antilles? S’agit-il de deux migrations (Huécoïde et Saladoïde) séparées mais parallèles? Les gisements type La Hueca pourrait-ils correspondre à des installations de groupes spécialisés (fabricants de parure)? Ces questions sont au centre du débat opposant principalement I. Rouse à L. Chanlatte sur la valeur même du phénomène La Hueca. S’agit-il d’une sous-série (Saladoïde huecan; Rouse, 1992) ou d’une série (Huecoïde ou Guapoïde14; Chanlatte, 1981, Chanlatte, 1995)?

Nous l’avons vu plus haut, l’occupation formative des Antilles débute donc au cours du Véme siècle avant notre ère. Elle est liée à la migration depuis les côtes du Venezuela de groupes humains associés à la série saladoïde. Ces groupes vont occuper une zone allant de la côte continentale à l’extrémité orientale de l’île d’Hispaniola. Leur progression le long de l’arc antillais semble avoir été relativement rapide. En effet, les datations dont nous disposons actuellement donne l'impression d'une diffusion quasi "instantanée" (les plus anciennes occupations de Puerto Rico sont datées autour de 2200 B.P. (Rouse et Alegria, 1990; Rodriguez, 1991)). Il faut cependant relativiser la valeur de cette constatation du fait du manque cruel de dates anciennes dans le Sud des Petites Antilles. Deux sous-séries saladoïdes sont associées à ces premières occupations agricoles de l’arc antillais, la soussérie cédrosane associée aussi à l’occupation côtière continentale et la sous-série huecane. A l’heure actuelle les datations à notre disposition ne permettent pas d’établir l’antériorité de l’un ou l’autre de ces ensembles culturels.

Ce débat se poursuit maintenant depuis plus de 20 ans. Nous nous trouvons face à un exemple parfait des limites que nous avons déjà soulignées de l’analyse stylistique qui est à la base du système mis en place par I. Rouse: il est très difficile d’évaluer par ce moyen la nature des rapports qu’entretiennent les entités identifiées. La solution ne pourra donc venir que d’une diversification des types d’analyses. Des travaux ont déjà été effectués dans ce sens (Narganes Storde, 1995; Oliver, 1999; Rodriguez Ramos, 2001) malheureusement aucune véritable typologie de la céramique huecane n’est actuellement disponible (il en existerait une non publiée (Rodriguez Lòpez, 1997) d’après Oliver, 1999).

2.1. La sous-série huecane 2.2. La sous-série cedrosane L’identification et la définition de la sous-série huecane sont récentes et posent encore beaucoup de questions. C’est en 1979 que L. Chanlatte publie le premier article concernant la fouille du site de Sorcé/La Hueca sur l’île de Vieques à l’Est de Puerto Rico. Il y discerne deux ensembles culturels. Le premier appartient classiquement à la sous-série cedrosane déjà bien connue. Par contre, le second est tout à fait original bien que montrant une certaine parenté avec la série saladoïde. Le site de La Hueca est ainsi caractérisé par une céramique proche de la céramique saladoïde cedrosane mais légèrement différente. On n’y retrouve pas les décors peints en rouges et blancs et de façon générale la peinture n’est utilisée que pour souligner les incisions. Par contre, le cortège de motifs incisés et modelé caractéristique du saladoïde cedrosan est présent. Il est même enrichi de motifs zonés incisés pointillés. Au-delà de la céramique, les sites huecans se distinguent des sites saladoïdes cedrosans par l’importance de la parure, qui présente une très grande diversité dans les matières premières utilisées, et par l’absence de sépultures dans les sites d’habitats (Oliver, 1999). Enfin, et surtout, les techniques de taille du silex

Si la sous-série huecane reste pour l’instant limitée au nord des Petites Antilles (Entre Puerto Rico et la Guadeloupe), on trouve des occupations cedrosanes dans l’ensemble de la zone saladoïde. Dans l’état actuel de nos connaissances, aucun changement important n’a été identifié au sein de cet ensemble culturel entre les toutes premières installations et le quatrième siècle après J.-C.. Cette première phase qui est au centre de nos préoccupations correspond au Saladoïde cedrosan ancien. Nous n’allons pas ici rentrer dans le détail des caractéristiques du Saladoïde cedrosan ancien, ce point constituant le cœur de notre travail. Nous nous contenterons donc pour l’instant d’une présentation rapide et dans ce but nous reprendrons les mots de J.P. Giraud: "Dès l’origine, ces pionniers vont mettre en place des sites importants tels que Trants à Monserrat, Pearls à Grenade ou Vivé en Martinique. (...). Ils possèdent des poteries 14

D'après le site malheureusement mal conservé de Rio Guapo au Venezuela

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caractéristiques décorées de croisillons incisés (essentiellement des coupes) ou de lignes courbes incisées, et d'autres revêtues de motifs géométriques peints blanc sur rouge. Les décors peints semblent dériver des décors Ronquinan. Les vases portent souvent des anses à décor modelé zoomorphe ou anthropomorphe. Il s'agit de coupes circulaires ou ovales, en hamac, de bouteilles, de grands vases, de bols hémisphériques. Les platines, grands disques en céramique destinés à cuire la galette de manioc, abondent et témoignent de l'importance du manioc comme nourriture de base de ces populations. On admet que ces horticulteurs faisaient pousser en plus de la patate douce, des piments et, sans doute, des plantes médicinales et des plantes qui fournissaient des fibres (coton). A ces premières occupations d'agriculteurs ou plutôt d'horticulteurs dans les Antilles sont associés des restes d'animaux variés: tortue marines, iguanes, oiseaux, Oryzomyini sp. (gros rongeur aujourd'hui disparu), opossum, agouti et chiens (ces trois dernières espèces sont apportées par l'Homme d'Amérique du Sud), et de très abondants restes de crabes terrestres. (...). Les relations entre les îles sont fréquentes, attestées par des systèmes d'échange et de diffusion de perles à partir de quelques centres producteurs comme Trants (perles en cornaline), Pearls (perles en améthyste). Les minéraux utilisés pour confectionner les perles ont une origine souvent exotique (extérieure à l'île où elles sont produites). Cette origine peut être dans certains cas le continent sud américain." (Giraud, 2000).

3. Les principaux programmes de recherche concernant le Saladoïde Ancien au cours des vingt dernières années.

3.1. Le site de Trants à Monserrat. Le site de Trants dans l’île de Monserrat a fait l’objet de plusieurs opérations archéologiques depuis la fin des années 70 sous la direction de D. Watters (Watters, 1980) puis de J. Petersen et D. Watters. Ce gisement est localisé sur un plateau à proximité de la côte au vent de l’île (figure 9). Les vestiges amérindiens sont répartis sur une surface de 60 hectares. Ils correspondent à une occupation saladoïde ancienne datée entre 2430 ± 80 B.P. et 1620 ± 90 B.P. (Petersen et Watters, 1991). Depuis le début des années 90, le gisement de Trants a fait l’objet d’une étude systématique par une équipe pluridisciplinaire. Ces travaux se sont concentrés autour de quatre axes principaux: la compréhension de l’organisation interne du site (Petersen, 1996; Watters, 1994; Watters et Petersen, 1995), l’étude des restes céramiques (Petersen et Watters, 1995; Reed et Petersen, 2001; Watters et Petersen, 1999), l’étude des artéfacts lithiques (débitage et parure) (Bartone et Crock, 1993; Crock et Bartone, 1998; Watters et Scaglion, 1994) et l’analyse des ressources alimentaires (Reitz, 1994; Reis et Steadman, 1999; Steadman et al., 1984).

A cela on peut ajouter que les villages les plus anciens sont de petite taille et reflètent les modèles d'habitat continentaux en bordure de petites vallées. A Grenade, Antigua, Saint Martin ou Vieques, ces villages sont localisés sur les terrasses de petites rivières qui donnent accès aux meilleurs emplacements pour les jardins. Enfin, les dépôts funéraires ne laissent apparaître aucune différenciation sociale comme ce sera le cas plus tard chez les Taïnos des Grandes Antilles.

Concernant l’organisation du site, l’étude, basée sur différentes tranchées et sondages, un important programme de prospection de surface ainsi que sur des analyses physicochimiques des sédiments, a abouti à la mise en évidence d’une zone ovale d’environ 5 hectares correspondant à un espace central cerné par une ceinture présentant une forte densité de vestiges. Ces données ont été interprétées comme la matérialisation d’un village formé d’une place centrale, en bordure de laquelle sont localisées les habitations elles même cernées par une couronne de déchets (Petersen, 1996).

Il est un peu tôt pour discuter des hypothèses concernant les modalités précises de la migration saladoïde ancienne dans les Antilles. Cependant, on peut déjà noter que certaines îles des Petites Antilles n’ont pas été concernées par le phénomène. Ainsi aucun site, correspondant à cette première phase céramique antillaise, n’a été découvert dans les îles d’Antigua, Barbuda, St Eustache, Saba et Anguilla (Rouse et Faber-Morse, 1999). L’avancée dans les Antilles des populations céramistes s’est effectuée au dépend des groupes archaïques qui occupaient la zone antérieurement. Peu de traces témoignant de contacts entre ces deux ensembles culturels ont jusqu’à présent été identifiées. Cela est vraisemblablement en partie dû à la faible densité de l’occupation précéramique des Petites Antilles. Les seules traces importantes d’interaction ont été identifiées à l’extrémité septentrionale de la zone d’occupation saladoïde, à l'extrémité orientale de l'île d'Hispaniola, où un ensemble de sites associés au complexe El Caïmito montre l’acquisition de la technologie céramique par des groupes dont le système économique reste basé sur la chasse et la cueillette (Rouse, 1992).

Les études menées sur les restes céramiques découverts à Trants ont eu pour principal objectif de discuter de la présence ou non d’une composante saladoïde huecane dans le site. La conclusion de ces travaux est que s’il y a des tessons portant des décors de style La Hueca à Trants, le site ne possède pas de composante Saladoïde huecane proprement dite (Watters et Petersen, 1999). L’analyse technologique des restes de débitage conduite par J. Crock et B. Bartone a confirmé l’utilisation de la percussion posée sur enclume à la phase Saladoïde ancienne déjà identifiée par les travaux de J. Walker (Walker, 1980). Enfin, l’étude des restes fauniques a montré la variété des sources de protéines animales exploitées par les Amérindiens. Ainsi, les restes d’une vingtaine d’espèces de poissons ont été identifiées, témoignant de la diversité des écosystèmes fréquentés par les pêcheurs (récifs coralliens, côtes rocheuses, haute mer).

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Figure 9: Localisation des principaux sites saladoïdes anciens fouillés au cours des 20 dernières années.

L'alimentation était complétée par la consommation de reptiles (tortues marines, iguanes), de mammifères (agouti, Dasyprocta cf. leporina; rat des rizières, Oryzomyini, Megalomys sp.) de crustacés (crabes terrestres, Cardisoma guanhumi), ainsi que par celle d’au moins treize espèces d’oiseaux différentes. Au sein de ces vestiges, on observe un partage équitable parmi les individus identifiés entre les espèces terrestres et les espèces marines.

Les études réalisées suite à cette fouille se sont concentrées sur la compréhension de l'organisation spatiale du site (Siegel, 1989; Siegel et Bernstein, 1991), l'analyse de la céramique (Roe, 1989) et l'identification des ressources alimentaires utilisées par les Amérindiens (deFrance, 1989; deFrance, Keegan et Newsom, 1996). Concernant l'organisation du village saladoïde de Maisabel, les études de densité du matériel recueilli lors des sondages à la tarière ont permis de mettre en évidence la présence d'une zone centrale pauvre en vestiges cernée par des buttes dépotoirs. La zone centrale, où l'on trouve la concentration la plus forte de structures (trous de poteaux et sépultures), a été interprétée comme le lieu d'habitation proprement dit où l'on trouve les carbets autour d'une place. Enfin, sur la base de comparaisons ethnographiques, P. Siegel a évoqué l'hypothèse selon laquelle la constitution des dépotoirs pourrait être en partie liée à des actions rituelles de bris de vaisselle associées à un culte des ancêtres (Siegel, 1989).

3.2. Le site de Maisabel à Porto Rico Le site de Maisabel est localisé sur une plaine côtière au nord de Porto Rico (figure 9). Il a fait l’objet d’une fouille dirigée par P. Siegel et P. Roe entre 1980 et 1987 (Siegel et Roe, 1991). Ces travaux ont consisté en un sondage systématique du gisement à l'aide d'une tarière mécanique de 55 cm de diamètre, puis à la fouille de trois zones correspondant à une surface totale de 280 m2 (Siegel et Bernstein, 1991). A Maisabel, les vestiges amérindiens couvrent une surface de plus de 13 hectares. Ils correspondent à une occupation allant du Saladoïde ancien à l'Ostionoïde. Six dates ont été obtenues pour l'occupation Saladoïde ancienne de ce site. Elles se répartissent entre 2060 ± 110 B.P. et 1520 ±50 B.P. (Rouse et Alegria, 1990).

Les restes céramiques recueillis à Maisabel ont servi de support à une réflexion méthodologique. Ce travail réalisé par P. Roe a abouti à la mise en place d'une méthode d'analyse grammaticale des formes et des décors (Roe, 1989).

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Enfin, un effort tout particulier a été réalisé afin d'étudier la variation des ressources alimentaires utilisées par les occupants du site. Ces travaux avaient pour principal objectif l'identification de l'adaptation progressive de ces populations pionnières au milieu insulaire. Il se dégage de ces analyses que dès le début de l'occupation saladoïde la plus grande partie de l'alimentation est fournie non pas par des espèces importées du continent mais par des espèces locales, terrestres (Crabe de terre Gecarcinidae, Hutia Isolobodon portoricensis, Columbidae) et marines (poissons, coquillages, tortues). L'évolution observée correspond en fait, à la fin de la phase Saladoïde, à un arrêt de la capture du crabe de terre et en contrepartie à une intensification de l'utilisation des ressources marines.

1998). Associées à l'étude des éléments de parure, ces analyses ont permis de mettre en évidence l'existence de réseaux d'échanges à longue distance. D'autres chercheurs ont analysé les techniques utilisées pour la fabrication de ces outils en pierre (Chauvière, 1997; Chauvière et Lenoble, 1995; Haviser, 1999). Plusieurs études des restes de faune ont été conduites par différents chercheurs. Elles ont concerné les restes de vertébrés (Grouard, 1998; Haviser, 1991) ainsi que les mollusques et les crustacés (Jansen, 1999; Serrand, 1997 et 1998; Weydert, 1994). Les restes osseux sont largement dominés par les espèces marines (tortues, poissons). Cette orientation est d'autant plus remarquable que le site de Hope Estate se situe à l'intérieur des terres. Les espèces terrestres correspondent à des mammifères (chien, agouti, rat des rizières), des reptiles (iguanes, ameives) et des oiseaux qui présentent une grande diversité. Concernant les restes de mollusques, plus de 80 taxons différents ont été identifiés. L'ensemble est dominé par les burgos (Citarium pica) et les nérites. Par ailleurs, différentes espèces ont été utilisées pour la fabrication d'outils (lames de haches/herminette, grattoirs) et d'éléments de parure. Enfin, les vestiges amérindiens sont pris dans un sédiment en grande partie composé de restes de crabes de terre ce qui montre l'importance de cette espèce dans l'alimentation des groupes ayant occupé le site.

3.3. Le site de Hope Estate à St. Martin. Le site de Hope Estate est localisé dans le Nord-Est de l'île de Saint Martin à 2 km du bord de mer (figure 9). Il occupe un plateau d'environ un hectare situé 85 m au-dessus du niveau de la mer (Hoogland, 1999). Ce gisement a fait l'objet de plusieurs opérations archéologiques depuis sa découverte en 1987. Tout d'abord, en 1987 et 1988, une première campagne de sondage a été menée par J. Haviser associé à H. Petitjean Roget, C. Leton et J.-B. Barret (Barret et Leton, 1989; Haviser, 1988 et 1991). Ensuite, les travaux ont repris en 1993 sous la direction de C. Henocq associé à J. Haviser, C. Hofman et M. Hoogland (Hofman et Hoogland (eds), 1999). Enfin, depuis 1994, la fouille est dirigée par D. Bonnissent (Bonnissent, 1997, 1998a et 2002). Les vestiges découverts à Hope Estate se répartissent au sein de trois ensembles culturels: Saladoïde huecan, Saladoïde ancien et Saladoïde modifié. Les études menées sur ce site majeur de la Préhistoire des Antilles sont nombreuses et variées. Ces travaux ont concerné l'organisation interne du site, les restes céramiques, l'industrie lithique, la parure, les ressources alimentaires (animales et végétales) et le contexte environnemental. Du fait de la difficulté qu'il y a à distinguer au niveau stratigraphique les composantes saladoïde huecane et saladoïde cedrosane ancienne du site, ces différentes études (en dehors de l'analyse céramique) traitent de façon globale ces deux ensembles.

Enfin, une étude des macrorestes végétaux découverts à Hope Estate a permis d'obtenir quelques informations environnementales (Newsom et Molengraaff, 1999). Vingtsept taxons différents ont été identifiés à partir de l'analyse des graines et des charbons. Ils indiquent la présence d'une forêt tropicale sèche.

3.4. Le site de Sorcé/La Hueca à Vieques. Le site de Sorcé/La Hueca est localisé sur la côte Sud-Ouest de l'île de Vieques à l'Est de Porto Rico (figure 9). Bordé par une rivière (Rio Urbano), il se trouve sur un plateau à moins de 500 m de la côte. La fouille de ce site a été conduite par L. A. Chanlatte Baik entre 1977 et 1997. C'est ainsi près de 1000 m2 qui ont été dégagés. Il a ainsi pu être mis en évidence une double occupation ancienne du site15, saladoïde huecane (locus La Hueca) et saladoïde cedrosane (locus Sorcé). La date la plus ancienne obtenue concernant l'occupation saladoïde cedrosane est de 1915 ± 80 B.P. (autour de 110 ap. J.-C.). Les différentes études réalisées sur le site de La Hueca/Sorcé ont eu pour objectif la comparaison des composantes saladoïde huecane et saladoïde cedrosane ancienne en vue d'une meilleure caractérisation du Saladoïde huecan. Ces travaux ont concerné la céramique (Chanlatte, 1991), les éléments de parure (Nanganes Storde, 1998; Oliver, 1999) et les restes de faune (Nanganes Storde, 1985). Ils nous permettent d'avoir une vision relativement large de l'occupation saladoïde ancienne du site. Ainsi, au sein des éléments de parure 13 types ont été distinguées correspondant à des représentations anthropomorphes, anthropo-zoomorphes (hommes-

L'organisation interne du gisement a été analysée à l'aide de différentes techniques: sondages, électro-résistivité (Stouvenot 1995; Stouvenot, 1996) et micro-carottages (Stouvenot, 1997). Il se dégage de ces études que le centre du plateau correspond à une zone peu dense en vestiges cernée par une couronne de dépotoirs. L'essentiel des vestiges céramiques a été attribué au Saladoïde huecan et au Saladoïde cedrosan modifié (Hofman, 1999). Cependant quelques formes caractéristiques se rattachant au Saladoïde ancien ont pu être identifiées (Bonnissent, 1998b). La majorité des études réalisées à ce jour ont eu pour objectif la distinction des différents ensembles culturels présents. Les restes lithiques découverts à Hope Estate ont servi de supports à différentes recherches. Leur objectif premier a été l'identification des matières premières utilisées (Haviser, 1993; Haviser, 1994) et de leur lieu d'origine (Stouvenot,

15

Une occupation post-saladoïde du gisement a aussi été documentée. 21

grenouilles (sic)), zoomorphes (batraciens, chauves-souris, rongeurs) ainsi qu'à différentes formes de perles (Nanganes Storde, 1998). Par ailleurs, beaucoup de ces pièces ont été réalisées dans des matières premières que l'on ne trouve pas à l'état naturel dans l'île de Vieques. Elles témoignent de l'existence de réseaux d'échange à longue distance.

montrent la prédominance des espèces terrestres dans l'alimentation protidique des Amérindiens de Pearls. De plus ces analyses mettent en évidence le rôle important des espèces végétales dans le régime alimentaire (Stoke et Keegan, 1994). Enfin, une analyse iconographique des adornos découverts à Pearls a cherché à dégager les bases du système symbolique matérialisé par ces éléments.

Concernant les ressources alimentaires, 65% de la faune identifiée dans les dépôts saladoïde anciens correspondent à des restes de poissons. Ils nous offrent une image de la diversité des écosystèmes marins exploités (fonds sableux, récifs coralliens, zones d'estuaire, haute mer). Concernant les espèces terrestres, on trouve principalement des restes de mammifères (chien, hutia) et d'oiseaux (Columbidae, Muscicapidae). Enfin, l'alimentation était complétée par la consommation d'invertébrés (crabes de terre, coquillages) (Nanganes Storde, 1985).

4. Les principales problématiques de recherches actuelles concernant le Saladoïde cedrosan ancien.

Jusqu'à la fin des années 70, les recherches concernant le Saladoïde ancien se sont limitées à l'identification et la classification des différentes représentations locales de cet ensemble. Nous venons de le voir, depuis cette date des programmes de recherches pluridisciplinaires ont été développés. Ils ont eu pour objectif général la mise en place de modèles explicatifs au phénomène saladoïde dans les Antilles (phénomène migratoire et modalités d'adaptation à l'espace insulaire). L'observation des différents types d'approches employés par ces chercheurs va nous permettre de faire un tour rapide des principales questions actuelles concernant le ou les premiers peuplements agricoles des Antilles.

3.5. Le site de Pearls à Grenade. Le site de Pearls est situé sur la côte Est de l'île de Grenade (figure 9). Il occupe une plaine côtière bordée par une rivière. Initialement sondé par R. Bullen en 1962 (Bullen, 1964), il avait été rattaché au Saladoïde cedrosan ancien. En dehors d'une petite opération conduite par H. Petitjean Roget en 1980, il n'a ensuite plus été exploité jusqu'à la fin des années 80. Entre 1988 et 1990 de nouveaux travaux ont été réalisés sous la direction de A. Cody (Cody, 1991; Cody et Keegan, 1989), puis W. Keegan (Keegan, 1993). Le site de Pearls qui correspond vraisemblablement à une occupation multiple s'étend sur à peu près 10 hectares. Trois dates ont été obtenues, elles se répartissent entre 1914 ± 51 B.P. et 1711 ± 74 B.P. Les travaux de terrain ont consisté en différents sondages, des mesures d'électro-résistivité et de la photo-interprétation. L'objectif de ces recherches était de déterminer l'étendue du gisement et son état de conservation. Ce travail été rendu nécessaire par les nombreuses déprédations qu'avait connues le site (construction d'un aéroport, terrassements, travaux agricoles et pillages). Les résultats obtenus ont servi de support à des études concernant les éléments de parure (Cody, 1991), l'alimentation (deFrance et al., 1996; Stoke, 1993) ainsi que l'iconographie des adornos (Byrne et Keegan, 2001).

4.1. La gestion du territoire et des ressources alimentaires. Plusieurs études ont été menées afin de réintégrer les sites saladoïdes anciens dans leur contexte géographique (Barrau et Montbrun, 1978; Delpuech, 1995; Haviser, 1997; Watter, 1980; Watters et Rouse, 1989; Wilson, 1989). Leur résultat a été principalement utilisé pour déterminer les critères présidant au choix du lieu d'implantation des villages (proximité de la mer, proximité d'une source d'eau douce, configuration géomorphologique, etc…). Ces données sont venues nourrir la discussion concernant les causes et les modalités de la migration saladoïde.

De nombreux éléments de parure ont été recueillis sur le site de Pearls. Ils témoignent d'une grande diversité au niveau des matières premières dont beaucoup n'existent pas à l'état naturel dans l'île de Grenade. Par ailleurs, une grande quantité de restes de fabrication de perles en améthystes a été identifiée. Il a ainsi pu être mis en évidence l'existence d'un artisanat local.

Par ailleurs de très nombreuses études ont cherché à caractériser les ressources alimentaires utilisées par les Amérindiens (deFrance, 1989; deFrance et al, 1996; Grouard, 2001; Jones, 1985; Serrand, 2002; Wing, 1989). Différentes méthodes ont ainsi été utilisées: archéozoologie, paléobotanique et analyses isotopiques. Les principaux objectifs de ces travaux ont été l'identification de l'introduction d'espèces animales et végétales d'origine continentale ainsi que l'étude des rapports espèces terrestres/espèces maritimes et espèces locales/espèces importées au sein du régime alimentaire.

Concernant les ressources alimentaires, les restes de vertébrés ont été analysés. Plus de 65% des individus identifiés correspondent à des poissons, les 35% restants étant attribué à des espèces terrestres. La diversité des taxons de poissons reconnus a permis de mettre en évidence l'exploitation par les Amérindiens de différents écosystèmes maritimes (rivage, récifs, haute mer). Par ailleurs, une analyse isotopique a été réalisée sur des ossements humains recueillis lors de la fouille. Les résultats obtenus sont en opposition avec ceux de l'analyse archéozoologique. Ils

Concernant l'introduction par les Amérindiens d'espèces continentales, des études de "pièges à faune" naturels tendent à démontrer l'absence dans les Antilles de l'agouti, de l'opossum et du chien avant l'arrivée des premiers groupes saladoïdes (Pregill et al, 1994, Wing et Wing, 1997). Cependant, la possibilité d'une migration non-anthropique 22

4.4. La caractérisation de la production

reste évoquée concernant l'agouti (Grouard, 2001). L'analyse de l'introduction précolombienne d'espèces végétales dans les Antilles est plus problématique du fait de la discrétion de certains restes. Il est cependant admis que les Saladoïdes ont introduit un certain nombre de plantes dans les Antilles au premier rang desquelles se trouve le manioc amer.

céramique. Il est difficile de considérer la caractérisation de la production céramique saladoïde ancienne comme une nouvelle problématique de recherche alors que ce type d'étude est à la base même de la définition de cet ensemble culturel. Cependant, on a assisté au cours des dernières années à un changement important des méthodes d'analyse. Afin de dépasser les limites inhérentes aux études stylistiques, différents chercheurs (Boomert, 2001; Duval, 1996; Hofman, 1999; Reed et Petersen, 2001; Roe, 1989) ont réalisé de nouveaux types de travaux caractérisés par une étude plus fine du matériel et la prise en compte de critères typologiques. Cependant, ces recherches ont gardé comme objectif principal la caractérisation culturelle. On distingue de cet ensemble un essai d'"ethnotypologie" (Harris, 1998) cherchant à établir les bases d'une analyse fonctionnelle des ensembles céramiques.

Enfin, les différentes analyses concernant la composition de la diète ont cherché à tester le "modèle traditionnel" selon lequel les premiers immigrants, non encore adaptés à l'espace antillais, auraient eu une alimentation basée sur la consommation d'espèces terrestres, espèces en partie importées du continent. Elles ont démontré que, si le régime alimentaire est majoritairement composé de taxons terrestres, dès le début de leur présence dans les Antilles les Amérindiens avaient une très bonne maîtrise du milieu marin.

4.2. L'organisation spatiale des villages. 4.5. Les relations ayant existé entre les différents groupes.

Un certain nombre d'études ont porté sur la compréhension de l'organisation interne des établissements saladoïdes anciens (Petersen, 1996; Siegel, 1989; Stouvenot, 1997). Les besoins de cette recherche ont entraîné une modification complète des méthodes de fouille. Jusqu'alors la plupart des opérations de terrain s'étaient limitées à quelques sondages de 1 m2 dans les zones de dépotoir. Différentes pratiques nouvelles ont donc été expérimentées: prospections et ramassages de surface, prospections par électrorésistivité, analyses physico-chimiques des sédiments, microcarottages, tarièrages mécaniques, sondages systématiques et surtout fouilles extensives. Les résultats obtenus lors de ces travaux ont souvent été enrichis par la comparaison avec des modèles ethnographiques d'habitat circulaire ("ring village model") observés dans la zone amazonienne (Heckenberger et Petersen, 1998; Siegel, 1989). L'objectif de ces comparaisons était de déduire de l'organisation spatiale du village des informations sur son organisation sociale.

Deux types de problématiques ont été développées concernant les relations entretenues par les premiers groupes céramistes des Antilles. Un premier ensemble d'étude a cherché à identifier des réseaux d'échanges à longue distance au sein et à l'extérieur de l'ensemble saladoïde. D'autre part, un plus grand nombre de recherches a porté sur les relations ayant existé entre les deux ensembles cedrosan et huecan. Ces deux types de recherches tendaient à définir plus précisément la nature des ensembles culturels concernés. La mise en évidence d'échanges à longue distance s'est appuyée sur la recherche de l'origine des éléments exogènes présents dans les collections. Ces travaux ont principalement porté sur l'outillage lithique (Knippenberg, 2001) ainsi que sur les éléments de parures (Cody, 1993; Serrand, 1998; Stouvenot, 1998; Watters et Scaglion, 1994). Ils ont permis de démontrer l'existence de relations soutenues entre les différentes îles des Antilles mais aussi avec le continent sudaméricain.

4.3. Le système technique. Une des nouvelles approches développées au cours des dernières années a été l'étude des artefacts dans une perspective technologique. Ces études ont concerné aussi bien la céramique (Carini, 1991; Hofman, 1999) que l'industrie lithique (Bartone et Crock, 1993; Crock et Bartone, 1998; Rodriguez Ramos, 2001; Walker, 1980 et 1983), l'outillage en coquille (Serrand, 2002) et les éléments de parure (Crock et Bartone, 1998; de Mille et Varney, 2003). Ces différents travaux, basés sur la reconnaissance du fait technique comme un fait culturel à part entière, offrent une alternative à la caractérisation des ensembles basée sur l'analyse stylistique des restes céramiques. Ces différentes analyses, pour l'instant limitées à l'étude d'une chaîne opératoire particulière, tendent à la définition d'un système technique global caractérisant les groupes saladoïdes anciens.

Les études mettant en relation des ensembles saladoïdes cedrosans anciens et des ensembles saladoïdes huecans ont eu pour principal objectif la distinction de ces deux groupes. Le traitement de cette question a été le moteur d'un élargissement des méthodes d'analyses lié à la volonté d'aller au-delà la simple constatation d'une différence ou d'une ressemblance.

Ainsi au cours des vingt dernières années, la recherche archéologique sur les premières occupations agricoles de l'arc antillais a connu des avancées importantes. Ces nouvelles connaissances ont été obtenues grâce à un renouvellement des méthodes de fouilles en relation avec une diversification des problématiques de recherche. Jusqu'à la seconde moitié des années 90 et le début de nos travaux, la Martinique est restée, en dehors de quelques études 23

spécifiques, largement étrangère à ce mouvement. Heureusement, comme nous allons le voir, il n'en a pas toujours été ainsi. Durant les années 60-70, les travaux réalisés dans l'île ont joué un rôle majeur dans

l'enrichissement des connaissances concernant le Saladoïde ancien. Ces recherches souvent d'une grande modernité dans leurs objectifs ont offert une base solide à nos investigations.

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L’OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE.

préhistoire martiniquaise (Pinchon, 1952). Il y classe ses découvertes au sein de deux ensembles qu'il identifie aux populations ayant occupé successivement les Petites Antilles selon les récits des chroniqueurs. Ainsi, il nomme "Arawak" la phase ancienne et "Caraïbe" la phase récente. Il fonde la distinction entre les deux phases sur l'identification d'une différence de technique de fabrication de la céramique (colombin et "trois pans soudés") (Pinchon, 1963).

INTRODUCTION.

1. Historique des recherches.

À la suite de R. Pinchon, un certain nombre de chercheurs vont entreprendre dans les années 60 des fouilles en Martinique. La figure principale de cette période est J. Petitjean Roget. Il découvre et fouille, entre autres, deux sites saladoïdes anciens dans la commune du Lorrain, Grande Anse et Fond-Brûlé. Ces travaux vont être les premiers à présenter une étude systématique des vestiges basée sur des méthodes d'analyse statistique (J. Petitjean Roget, 1970a et 1970b). Grâce à cela, il distingue pour la première fois l'horizon saladoïde ancien qu'il nomme Proto-Arawak. C'est à la fin de cette période que va être introduit dans les Petites Antilles le terme "Saladoïde" (Mattioni et Bullen, 1970) emprunté aux travaux de Rouse et Cruxent sur la préhistoire du Venezuela (Rouse et Cruxent, 1958/59). Dans cette nouvelle terminologie, la première phase est appelée "Saladoïde insulaire".

Les premières occupations agricoles des Antilles sont liées à un mouvement migratoire qui trouve son origine dans le bassin de l’Orénoque. La mise en évidence de ce phénomène repose entre autres sur la comparaison de séries provenant de Martinique avec des séries continentales (Mattioni, 1974). En effet, les recherches archéologiques en Martinique possèdent une histoire riche et ancienne. Dès leur origine, elles ont concerné la tranche chronologique qui est au centre de nos préoccupations.

1.1. Les principaux travaux. C'est en 1937 que J.-B. Delawarde publie le premier article consacré à ses découvertes dans le site du Marigot (Delawarde, 1937). Ces travaux lui avaient été inspirés par l'exposition de pièces précolombiennes réalisée dans le cadre des festivités du tricentenaire de la colonie. Il va ensuite poursuivre ses recherches dont les résultats seront publiés en 1946. Ils concernent entre autres le site de Vivé au Lorrain. Il rapproche les découvertes réalisées sur ces sites d'une première phase d'occupation amérindienne de l'île. Durant la même période, E. Revert entreprend, en relation avec des chercheurs du Musée de l'Homme à Paris, des fouilles dans différents sites martiniquais et entre autres, en 1940, à Lasalle dans la commune de Sainte-Marie (Harcourt, 1952).

Dans les années 70, deux opérations de fouilles extensives vont être conduites par M. Mattioni sur les sites de Vivé et de Fond-Brûlé (Mattioni, 1979 et 1981). Il fouille ainsi 100 m2 à Vivé entre 1971 et 1974 et 200 m2 à Fond-Brûlé entre 1977 et 1980. Durant la même période va être réalisé par H. Petitjean Roget le premier travail doctoral consacré, entre autres, à la Préhistoire martiniquaise (H. Petitjean Roget, 1975). Au-delà de la vision générale de la Préhistoire des Petites Antilles qu'il nous offre, ce travail est particulièrement original par l'importance qu'il donne aux éléments métaphysiques de la culture des groupes humains étudiés. S'appuyant sur un important corpus de vases reconstitués, ce chercheur réalise une analyse iconographique des décors de poteries qui sert de base à une interprétation du

À partir des années 40, R. Pinchon va prendre le relais de J.B. Delawarde. Il réalise des travaux dans différents sites de l'île (entre autres à l'Adoration au Marigot et à Vivé au Lorrain) et publie en 1952 une première chronologie de la 25

1.2.2. Le mode de gestion de l'espace insulaire.

système symbolique qui les sous-tend. Par ailleurs, les nombreuses prospections réalisées par H. Petitjean Roget vont permettre la mise au jour de plusieurs sites durant cette décennie.

Deux études ont cherché à mettre en évidence le mode de gestion de l'espace insulaire développé par les groupes saladoïdes anciens (Barrau et Monbrun, 1978; Petitjean Roget, 1975). La première étude réalisée par H. Petitjean Roget montre tout d'abord une concentration des sites sur la côte nord-est de l'île. Ce choix, d'une zone aux côtes découpées et proche de la Montagne Pelée, s'expliquerait par un intérêt marqué de ces groupes pour l'exploitation des ressources terrestres (agriculture, cueillette et chasse) au détriment des ressources maritimes. Les Amérindiens auraient ainsi recherché les meilleures terres agricoles ainsi que la proximité de la forêt humide. Cette hypothèse s'appuie principalement sur l'absence de restes de coquillages ou de poissons dans les sites. H. Petitjean Roget interprète cette orientation terrestre de l'économie comme la conséquence de la migration rapide de groupes continentaux n'ayant pas eu le temps de s'adapter à l'exploitation des écosystèmes côtiers et recherchant des niches écologiques de type "forêt tropicale humide" (Petitjean Roget, 1975).

Ces différents travaux réalisés dans les années 70 sont, de par les méthodes employées et les objectifs affichés, d'une grande modernité. Ils ont permis un enrichissement considérable des connaissances concernant les premières occupations agricoles de Martinique.

1.2. Synthèse thématique. 1.2.1. La datation de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique. Trois sites saladoïdes anciens martiniquais ont fait l'objet de datations absolues (tableau 3). Il s'agit des gisements de Lasalle (Rouse et al., 1985), Vivé (Mattioni, 1979) et FondBrûlé ( Mattioni, 1982; Schvoerer et al., 1985). D'autres travaux ont permis d'avoir des informations dans le domaine de la chronologie par la corrélation des niveaux de dépôts volcaniques présents dans les différents sites (Allaire, 1989; Roobol et al., 1976). Ils ont entre autres souligné la présence de dépôts éruptifs (cendres et ponces) correspondant à un phénomène daté de 1655 ± 150 B.P. (S-85) dans la stratigraphie de plusieurs sites.

La seconde étude réalisée par J. Barrau et C. Monbrun part du même constat, la localisation préférentielle des sites saladoïdes dans le nord-est de l'île. A partir de là, ils proposent une liste des contraintes que les Amérindiens devaient prendre en compte lors de leur installation : accès à la mer, accès à l'eau douce, possibilité d'atterrissage pour les canoës, accès aux ressources terrestres, accès aux ressources marines et accès aux ressources de la mangrove. Enfin, ils rapprochent des groupes saladoïdes un type de stratégie basée sur un inintérêt pour l'exploitation de la mangrove au profit de l'exploitation des ressources terrestres. Cela leur permet de définir l'environnement type d'un village saladoïde (figure 10). Il s'agit d'un plateau côtier à proximité de l'embouchure d'une rivière.

Suite à ces différents travaux, la datation de l'occupation des sites de Vivé et Lasalle ne semble poser aucun problème (IIIème siècle ap. J.-C.). Elles sont cohérentes entre elles et en accord avec les autres dates provenant de la Caraïbe. Il n'en est pas de même pour celle du site de Fond-Brûlé. Les sept datations obtenues se répartissent sur près d'un millénaire. Les dates les plus jeunes sont comparables à celles de Vivé et Lasalle. Les dates les plus anciennes (2480 ± 40 B.P., 2215 ± 115 B.P.), initialement rejetées, ont été de nouveau prises en considération après la publication dans d'autres îles de dates comparables au cours des dernières années (Schvoerer et al., 1985a et 1985b; Allaire, 1989). Ainsi, sa possible ancienneté et quelques caractères stylistiques de sa céramique ont fait de Fond-Brûlé un des sites pris en compte dans le débats concernant le Saladoïde huecan ou Guapoïde (Hofman, 1993; H. Petitjean Roget, 1981, 1989 et 1990). Il est donc considéré comme possible que les premières occupations agricoles de Martinique correspondent à deux ensembles culturels : le Saladoïde cédrosan ancien et le Saladoïde huecan. Sites Références Méthodes Dates Lasalle Y 1116 C14 1770±100 B.P. Vivé RL 156 C14 1730±100 B.P. Fond-Brulé Nancy C14 2480±40 B.P. Fond-Brulé Nancy C14 2215±115 B.P. Fond-Brulé Ly-2197 C14 2100±210 B.P. Fond-Brulé BDX 156 TL 2010±300 B.P. Fond-Brulé BDX 161 TL 1865±210 B.P. Fond-Brulé Ny-478 C14 1650±210 B.P. Fond-Brulé Ly-2196 C14 1630±80 B.P. P2 S-85 C14 1655±150 B.P. P2 ? C14 1670±60 B.P.

Figure 10: Environnement type d'une implantation saladoïde (d'après Barrau et Monbrun, 1978). 0. Littoral, 1. Rivière, 2. Eminence côtière, 3. Forêt.

Tableau 3: Les datations anciennes concernant les premières occupations agro-céramistes de Martinique.

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Les travaux réalisés par R. Pinchon et J. Petijean Roget sont de nature essentiellement descriptive. M. Mattioni a, lui, essayé de définir un nombre limité de types permettant de classer l'ensemble de la production céramique saladoïde ancienne. Il s'est appuyé pour cela sur les très riches collections qu'il a recueilli lors des fouilles de Vivé et FondBrûlé. Sa classification se compose de 9 grandes familles de formes: les marmites, les platines, les bouteilles, les brûleparfums, les vasques, les coupes gravées, les vases à ouïcou, les vases peints en blanc et rouge sur cru et les vases à engobe rouge (figure11) (Mattioni, 1981 et 1982). Un ensemble de 14 critères concourent à la description de ces types. Cette typologie a une grande qualité qui est la possibilité qu'elle offre d'associer l'ensemble des tessons à l'un ou l'autre des types. Elle permet ainsi d'étudier aisément la fréquence des différents types et leur répartition dans l'espace. Elle a cependant un important défaut: la nature du critère principal de définition varie en fonction des types. Il peut s'agir de la fonction, de la forme ou du décor. De ce fait, les différents types définis ne sont pas exclusifs. Elle se révèle donc d'un maniement très hasardeux lorsqu'il s'agit d'interpréter les informations obtenues.

1.2.3. L'organisation de l'espace domestique. Les fouilles extensives conduites par M. Mattioni à Vivé et Fond-Brûlé nous offrent des informations précieuses concernant l'organisation spatiale d'un village saladoïde ancien. Dans ces deux sites, des zones d'activités culinaires, caractérisées par la présence de nombreux foyers, généralement à bordure de pierre, et de restes céramiques abondants, ont été mises au jour. À Fond-Brûlé, cette zone occupe environ 100 m2. Le reste des 200 m2 excavés correspond à un espace ne présentant aucune structure et une densité extrêmement faible de vestiges (Mattioni, 1981). À Vivé, la zone des foyers occupe environ 60 m2. Dans les 40 m2 restants, on trouve très peu de céramiques, mais quatre trous de poteaux et cinq sépultures ont été identifiés. L'emprise de la fouille correspondrait donc à une zone d'activité culinaire située en bordure d'un bâtiment. Par ailleurs, en se basant sur la faible épaisseur de la couche d'occupation de Vivé, critère à la validité plus que limitée, M. Mattioni a estimé la durée de l'occupation entre 75 et 175 ans (Mattioni, 1979a). 1.2.4. La céramique. Trois types d'études ont été réalisés concernant la céramique saladoïde ancienne de Martinique. Un premier ensemble de travaux a cherché à établir une typologie de cette production céramique (Mattioni, 1976, 1979, 1981 et 1982; J. Petitjean Roget, 1970a et 1970b; Pinchon, 1964). Un second type d'analyse a visé la description et l'interprétation du système symbolique exprimé au travers des décors présents sur les vases (Duprat, 1974; Mattioni, 1968; H. Petitjean Roget, 1975, 1976a et 1976b; J. Petitjean Roget et H. Petitjean Roget, 1973a et 1973b). Enfin, différentes investigations ont eu pour objectif la compréhension des techniques de fabrication utilisées par les potiers (Gautier, 1974a et 1974b; Gustave et al., 1993, Petitjean Roget, 1975; Walter, 1991 et 1992).

Figure 11: Les neuf familles de forme de la céramique saladoïde ancienne (d'après Mattioni, 1981).

La céramique saladoïde ancienne est particulièrement remarquable par la richesse et la diversité des décors qui lui sont associés. Les premières études traitant spécifiquement de cet aspect sont à mettre au crédit de M. Mattioni (Mattioni, 1968). Cependant, les travaux les plus poussés ont été réalisés par H. Petitjean Roget dans le cadre de son mémoire doctoral (H. Petitjean Roget, 1975).

R. Pinchon a, le premier, cherché à classer les vases arawaks (saladoïdes) de Martinique. Il a ainsi présenté un corpus de céramiques reconstituées principalement issues du site l'Adoration au Marigot. Il les a regroupés selon leur fonction supposée, utilitaire ou rituelle. Les vases utilitaires regroupent différents types de marmites ainsi que les platines à manioc. Parmi les formes à vocation rituelle, il décrit des vasques polychromes, différents types de coupes ainsi que des pièces plus originales (vases zoomorphes, "lampes romaines") (Pinchon, 1964).

L'article de M. Mattioni insiste, s'appuyant sur une méthode de tri automatique, sur la corrélation étroite qui existe entre la forme des vases et les décors dont ils sont porteurs. Il considère la céramique saladoïde comme ayant un caractère principalement religieux. C'est ce caractère rituel de la céramique qui expliquerait la rigueur de l'association formes/décors. L'étude réalisée par H. Petitjean Roget est basée sur une analyse iconographique tendant à identifier les motifs principaux et leur déclinaison. Il a ainsi pu rapprocher un ensemble de motifs abstraits, de représentations plus figuratives. Il y a reconnu deux figures principales, la grenouille (figure 12) et la chauve-souris frugivore, et une figure secondaire, la tortue. Il a ensuite analysé l'organisation de ces différentes présentations sur les vases. Ces observations, complétées par la lecture des mythes Taïnos recueillis par R. Pané, lui ont permis de développer une hypothèse interprétative concernant ces décorations symboliques. Ainsi, il note: "Dans la pensée des Saladoïdes et des Taïnos, ces animaux symbolisent l'homme et la femme associés dans l'univers, lui-même figuré par la Tortue. Leur union représente la société et rappelle les ancêtres mythiques.

Un second cortège de vases de différentes périodes a été décrit par J. Petitjean Roget dans le cadre de la présentation d'une taxonomie des ensembles reconstitués (J. Petitjean Roget, 1970a et 1970b). Certaines de ces formes sont à rapprocher du Saladoïde ancien. Il identifie ainsi en Martinique le type "Grande Anse interior incised" défini par R. Bullen (Bullen, 1964) et le type "Troumasse incised cylinder" inventé par W. Haag (Haag, 1964). De plus, il décrit un certain nombre de types nouveaux dont deux vases en forme de cloche qu'il qualifie de campanuliformes : "Campanuliforme Francine Fond-Brûlé" et "Campanuliforme Pinchon La Salle" et une jarre "Jarre Mario Diamant Polychrome". 27

1.2.5. L'outillage lithique.

Les femmes parce qu'elles sont à l'origine de la vie doivent être figurées au dessus des hommes. Ainsi s'explique la position de la grenouille (femme) sur la chauve-souris (homme) …" (Petitjean Roget, 1981, p. 134). Si ces hypothèses sont intéressantes ont peut quand même souligner l'écart chronologique existant entre ces céramiques et l'époque de la collecte des mythes utilisés.

Seules deux petites études ont porté spécifiquement sur l'outillage lithique associé à la phase saladoïde ancienne en Martinique. La première réalisée par M. Mattioni (Mattioni, 1973) présente la collection issue de ses fouilles de Vivé. L'article très court donne principalement un inventaire du matériel qui se compose d'éclats de jaspes et de roches magmatiques, de galets polis, de percuteurs, de haches polies et de mortiers. Une analyse plus poussée a été réalisée par L. Allaire (Allaire, 1985). Elle conclut, à partir d'une étude morphométrique rapide du matériel recueilli sur le site de Séguineau (commune du Lorrain), à l'usage de la percussion posée sur enclume. Ces deux travaux insistent par ailleurs sur la très faible quantité de pièces retouchées présentes dans ces deux séries. 1.2.6. Le système symbolique. Différentes études ont permis d'obtenir des informations sur le système symbolique des premières populations agricoles de Martinique. Tout d'abord, cinq sépultures ont été découvertes au cours des fouilles conduites par M. Mattioni à Vivé (figure 13) auxquelles il faut ajouter un crâne isolé découvert sur le niveau d'occupation (Mattioni, 1972a, 1972b, 1976 et 1979). D'après l'auteur, il s'agirait de trois sépultures primaires et de deux sépultures secondaires. Pour les inhumations primaires, deux individus sont couchés sur le côté droit en position fléchie et le dernier est allongé sur le dos le visage tourné vers la gauche. Dans la première sépulture secondaire, les os ont été regroupés dans une fosse circulaire de 40 cm de diamètre. Les côtes de l'individu ont été regroupées à l'intérieur de la boîte crânienne. Dans la seconde, le corps semble être en position étendue sur le dos. Le maxillaire inférieur aurait été retiré et déposé entre les jambes de l'individu avec 5 perles en améthystes. De plus, un collier de perles a été découvert au niveau du maxillaire supérieur. Enfin, au-dessus de 4 de ces tombes un feu a été entretenu pendant un certain temps provoquant la rubéfaction du sédiment. Mattioni a rapproché cette constatation de différentes descriptions concernant les Caraïbes des Petites Antilles (Chevillard, 1973).

Figure 12: Le thème de la grenouille dans l'art saladoïde (d'après H. Petitjean Roget, 1989).

Enfin, deux types d'études ont concerné le mode de fabrication de la céramique saladoïde ancienne16. Un premier ensemble de travaux s'est appuyé sur un cortège d'analyses physico-chimiques (Gautier, 1974a et 1974b; Gustave et al., 1993; Walter, 1991 et 1992). Les principales informations issues de ces recherches sont la nature des pigments utilisés pour les décors peints (rouge = oxyde de fer, blanc = kaolinite, noir = bitume), l'origine locale des matériaux utilisés (argiles et dégraissants) et la température de cuisson (autour de 600-700°). Une autre voie d'accès à la connaissance, basée sur l'expérimentation, a été suivie par H. Petitjean Roget (H. Petitjean Roget, 1975). Ainsi, il décrit la chaîne opératoire complète de fabrication d'un vase peint qualifié de campanuliforme ainsi que celle liée à la fabrication d'un "vase Mario". Le travail est basé sur le montage au colombin des différentes parties du vase qui sont ensuite assemblées puis lissées. Les décors peints sont réalisés après séchage et avant cuisson.

Cependant, de façon générale, l'absence d'un anthropologue physique lors de la fouille, associée à la très mauvaise qualité de conservation des restes qui a rendu leur dégagement particulièrement difficile, nous incitent à considérer avec la plus grande prudence les interprétations que nous donne M. Mattioni de ces sépultures. D'autres informations concernant le système symbolique ont été obtenues à partir de l'étude des décors de céramiques. H. Petitjean Roget a ainsi pu, à partir des résultats de son étude de la poterie (cf. chap.1.2.4.), étendre son analyse à d'autres éléments de la culture matérielle : les pétroglyphes où il retrouve des représentations de la femme/grenouille et de l'homme/chauve-souris, les trigonolithes où il voit le triple symbole de la pierre, de l'arbre et de l'oiseau propice aux accouchements et aux semences.

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Le travail de R. Pinchon (Pinchon, 1963) sur la distinction entre technique au colombin et technique à "trois pans soudés" qui a depuis largement été remis en question ne sera pas détaillé ici. 28

Figure 13: Les sépultures de Vivé (d'après Mattioni, 1979).

programme de recherche que nous avons mis en place avait donc pour objectif de traiter l'ensemble des questions concernant les premières occupations agricoles de Martinique.

2. Les objectifs de l’étude.

Nous venons de le voir, beaucoup de questions avaient été abordées dans des travaux passés concernant les premières occupations agricoles de la Martinique. Cependant, l'essentiel de ces études remonte à plus de vingt ans et il nous semblait utile de réexaminer l'ensemble de ces questions à la lumière des travaux récents effectués dans les îles voisines (cf. Historique de la définition de la série Saladoïde, Chap. 3 et 4). De plus, un certain nombre de points qui nous paraissaient intéressants n'avait pas été abordés (principalement la réintégration de cette occupation dans son cadre naturel).

2.1. La datation de l'occupation. Nous souhaitions donc tout d'abord revenir sur la datation de cette occupation. En effet, les dates très anciennes obtenues ces dernières années dans d'autres îles ne connaissaient pas d'équivalent en Martinique. Le seul site éventuellement comparable était celui de Fond-Brûlé, mais sa datation posait de nombreux problèmes. Par ailleurs, il était nécessaire de s'interroger sur l'homogénéité culturelle de ces premières occupations agricoles. L'essentiel des travaux anciens ayant été réalisé avant que ne soit clairement identifiée la soussérie Saladoïde huecane, il était nécessaire d'examiner de près la possibilité de l'existence de cette composante dans l'île. Cette hypothèse avait d'ailleurs été évoquée dans quelques travaux (Haviser, 1997; Hofman, 1993; Petitjean Roget, 1989 et 1990) essentiellement sur la base des dates les plus anciennes obtenues à Fond-Brûlé.

Deux possibilités s'offraient donc à nous: nous concentrer sur un thème particulier en menant l'analyse le plus loin possible ou opter pour une étude plus globale. Le choix d'une problématique étroite nous paraissait poser quelques problèmes dans un cadre géographique (la Martinique) et chronologique (les premières cultures formatives) aussi limité. Ces problèmes étaient amplifiés par les faiblesses d'un cadre général composé de plus de pistes de recherche que de connaissances assurées. Il nous est donc apparu plus utile à l'avancement de la recherche d'opter pour une problématique large. Nous avions en cela l'ambition d'offrir des bases solides pour de futures analyses plus pointues. Le

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2.2. Les études paléo-environnementales.

s'est fait à partir d'études stylistiques dont l'objectif était l'identification d'un ensemble de fossiles directeurs typiques. Nous souhaitions aller au-delà, sans pour autant ignorer la question de la caractérisation des ensembles. Notre objectif était de réaliser une étude typologique des restes céramiques offrant une base solide à une analyse fonctionnelle de ces vestiges. Notre objectif final était l'utilisation des données ainsi obtenues dans le cadre d'une recherche sur l'organisation spatiale des ensembles domestiques. La typologie crée par M. Mattioni ne permettait pas d'atteindre ce but à cause de certaines faiblesses théoriques que nous avons déjà soulignées. Nous avons donc cherché à en développer une nouvelle plus adaptée à nos besoins.

Ensuite, nous avons cherché à réintégrer les ensembles culturels identifiés dans leur environnement naturel. Il s'agissait là d'un travail inédit en Martinique concernant cette période de l'occupation amérindienne de l'île. La faible ampleur des changements climatiques survenus au cours des deux derniers millénaires, surtout dans la zone tropicale, pourrait inciter à considérer de peu d'intérêt la réalisation d'études paléo-environnementales. Il n'en est rien. En effet, penser cela serait nier l'impact de l'occupation humaine. Une occupation qui se traduit toujours par la construction d'un paysage, tant au niveau matériel qu'au niveau symbolique. Ainsi, il nous paraissait qu'un certain nombre de questions concernant la relation qu'entretenaient les Amérindiens avec leur environnement (modalités d'exploitation du milieu naturel, nature des pratiques agricoles) méritaient aussi d'être posées.

2.6. La caractérisation de l'outillage lithique. Très peu d'études ont concerné l'industrie lithique des premières occupations céramiques de Martinique. Les difficultés principales étaient l'absence quasi totale d'éléments retouchés parmi les restes de débitage et le caractère ubiquiste de l'outillage poli. Des résultats intéressants avaient cependant été obtenus dans d'autres îles par l'intermédiaire d'études technologiques. Il nous paraissait souhaitable de réaliser le même type d'analyses. Nos objectifs étaient : de voir jusqu'où l'on pouvait aller dans la caractérisation culturelle des ensembles par l'étude de ce type de vestiges, de réussir à distinguer déchets et produits du débitage (préliminaire incontournable à toute étude spatiale) et d'identifier l'origine des matières premières et leur état lors de l'introduction dans les sites afin de reconnaître des déplacements et des échanges à moyenne et longue distance.

2.3. L'analyse du mode de gestion de l'espace insulaire. Les quelques études concernant l'emplacement des sites amérindiens martiniquais ont permis de mettre en évidence un certain nombre de caractéristiques se rapportant spécifiquement à la phase saladoïde. Cependant, certaines conclusions issues de ces recherches, entre autres celles concernant l'exploitation des ressources animales, apparaissent en contradiction avec les informations issues d'autres îles de la Caraïbe. Un nouveau traitement de cette question majeure apparaissait nécessaire. Les résultats obtenus pourraient nous permettre de nous interroger non seulement sur la nature et les modalités du phénomène migratoire saladoïde, mais aussi sur l'intensité de l'occupation humaine de l'île à cette période.

2.7. L'intégration des données locales dans leur contexte régional. Enfin, nous souhaitions réintégrer l'ensemble des informations concernant la Martinique dans leur contexte régional afin d'identifier divergences et récurrences. Ce travail devait nous permettre de nous interroger sur la nature des phénomènes migratoires à la base de l'introduction des cultures formatives dans les Antilles et ainsi déterminer les travaux à mettre en place en vue de l'établissement d'un modèle régional. De plus, nous souhaitions entrevoir par ce biais quelle pouvait être la nature (sociale, économique voire politique) de l'ensemble saladoïde cedrosan ancien.

2.4. L'analyse de l'organisation de l'espace villageois. Nous l'avons vu, un modèle concernant l'organisation des villages saladoïdes a été développé au cours des dernières années (Heckenberger et Petersen, 1998; Siegel, 1989). La Martinique, qui possédait jusqu'au début des années 80 un rôle de "leader" concernant les questions d'analyse spatiales à la suite des fouilles extensives de M. Mattioni, est restée extérieure à ce mouvement. Il était nécessaire de réinvestir ce champ de la recherche. De plus, nous nous posions des questions sur le mode de formation de ces sites s'étendant parfois sur plusieurs dizaines d'hectares. Fallait-il les interpréter comme le résultat d'une unique occupation de grande ampleur (hypothèse la plus généralement admise) ou comme la conséquence de plusieurs occupations successives?

3. Inventaire des sites.

Avant de pouvoir concevoir un programme de recherche permettant de répondre aux différents besoins que nous venons de détailler, il était nécessaire de faire un inventaire des sites répertoriés correspondant à notre tranche chronologique. Pour cela nous nous sommes appuyés sur les données issues de la carte archéologique de la Martinique développée par N. Vidal (Vidal, 2003). Au sein de cette base de données, 96 sites précolombiens sont actuellement répertoriés (Bérard et Vidal, 2003), 11 correspondent à la période qui nous intéresse. Il s'agit des gisements de Grand'Rivière (Grand'Rivière), Moulin l'Etang (Basse

2.5. La caractérisation de la production céramique. La production céramique est à la base de la définition des ensembles culturels dans les Antilles. Ce travail de définition 30

Pointe), Rivière Capot (Basse Pointe), Vivé (Lorrain), FondBrûlé (Lorrain), Grande Anse (Lorrain), L'Adoration (Ste Marie), Fond Saint-Jacques (Ste Marie), Rue Eugène Agricole (Ste Marie), Lasalle (Ste Marie), Petite Rivière Salée (Trinité) (figure 14).

moins intensive. Nous ne possédons dans le meilleur des cas que des descriptions très succinctes de ces travaux. Enfin, les sites de Rivière Capot (Allaire, 1977), Petite Rivière-Salée (Pinchon, 1952; H. Petitjean Roget, 1976c), Grand'Rivière (H. Petitjean Roget, 1976d) et Fond Saint Jacques (Allaire, 1977) n'ont été identifiés que par l'intermédiaire de ramassages de surface.

La qualité de l'information concernant ces différents gisements est très variable. Deux d'entre eux ont fait l'objet de fouilles extensives, Vivé (Mattioni, 1979) et Fond-Brûlé (Mattioni, 1982). Ceux de Moulin l'Etang (Fayaud, 1976), Grande Anse (J. Petitjean Roget), l'Adoration (Pinchon, 1952; Vidal, 1995), Rue Eugène Agricole (Pinel de la Taule, 1970) et Lasalle (Pinchon, 1952; Pinel de la Taule, 1970; Revert in Harcourt, 1952) ont été sondés de façon plus ou

Ces onze gisements et les connaissances s'y rattachant ont donc été la base à partir de laquelle nous avons établi notre programme de travail. Certains de ces sites sont aujourd'hui détruits (Grande Anse, Lasalle) ou fortement dégradés (Rue Eugène Agricole, Petite Rivière-Salée, Grand'Rivière).

Figure 14: Carte des sites saladoïdes anciens de Martinique.

31

nous avons réalisées. Nous avons complété notre échantillon par des séries issues de fouilles plus anciennes. Dans un souci de cohérence chronologique, nous nous sommes limité aux sites pour lesquels nous pouvions attester que l'occupation était antérieure au début du IVéme siècle ap. J.C.. Cette attribution chronologique s'est faite soit sur la base de datations radiocarbones, soit par le fait que la couche d'occupation était scellée par le niveau de retombées volcaniques (ponces) daté de la fin du IIIème siècle ap. J.-C. (Grunewald, 1964; Westercamp et Traineau, 1983). Ainsi, nous avons intégré à nos études du matériel issu des sites de Fond-Brûlé (fouilles Mattioni), Vivé (fouilles Mattioni18), Moulin l'Etang (fouilles Fayaud) et Lasalle (collection Pinchon). À cet ensemble nous avons ajouté, pour l'étude de l'industrie lithique, le site de La Pointe au Marigot pour lequel nous possédions des informations de qualité liées à l'opération préventive récente dirigée par N. Vidal (Bérard et Vidal, 2002; Vidal, 1995).

4. La méthode de travail.

4.1. Les travaux de terrain. L'établissement d'un programme de recherche adapté a débuté par le recensement des questions dont le traitement nécessitait la réalisation de travaux de terrain. Trois domaines ont été identifiés: l'organisation spatiale des occupations, le mode de constitution des sites et les différentes études spécifiques (datations, géologie, paléoenvironnement) nécessitant la réalisation d'observations et de prélèvements. L'étude de l'organisation spatiale des activités au sein d'un village amérindien ne pouvait être entreprise avec précision que par l'intermédiaire d'une fouille extensive. Face à la lourdeur d'une telle opération, nous avons été largement aidé par la reprise en 1996 par J.-P. Giraud de la fouille programmée du site de Vivé. Ce chantier, dirigé par J.P. Giraud et N. Vidal avec notre collaboration entre 1996 et 1999, puis par nous-mêmes entre 2000 et 2001, a associé une fouille en aire ouverte à un programme de sondages systématiques. Ces travaux seront notre principale source d'information concernant les questions d'ordre spatial.

4.3. La mise en place d'une équipe de recherche. La diversité des questions que nous nous proposons d'aborder dans le cadre de cet ouvrage ne pouvait être atteinte par le travail d'un homme seul. Il a donc été nécessaire de regrouper toute une équipe de recherche autour de notre projet. Cela a été réalisé dans le cadre du projet collectif de recherche sur "Le Néolithique martiniquais dans son contexte antillais" mis en place par J. P. Giraud en 1995 et dont nous avons repris la direction depuis l'année 2000. C'est dans ce cadre qu'ont pu être traitées les questions se rapportant à l'origine des matières premières lithiques, à la téphrostratigraphie et au paléo-environnement. Enfin, l'essentiel des informations qui servent de support à notre étude géographique est issu de la carte archéologique de la Martinique développée par N. Vidal du Service Régional de l'Archéologie.

L'analyse de l'organisation générale et du mode de constitution des premiers sites formatifs martiniquais passait pour nous par le développement d'un programme de sondages. Deux gisements ont donc été sondés afin de répondre à cet objectif, Vivé et Moulin l'Etang. Le site de Vivé a été sondé manuellement entre 1996 et 2001 dans le cadre de l'opération de fouille programmée. Le gisement de Moulin l'Etang a, lui, fait l'objet d'une opération de sondages mécaniques en 1999 sous notre direction. Enfin, le programme des opérations de terrain a été complété par la réalisation de sondages plus limités dans les sites de Fond-Brûlé et de l'Anse Couleuvre17. Ces travaux avaient pour objectif principal l'obtention d'une datation de ces occupations sur la base d'observations stratigraphiques, de l'étude du matériel céramique et de datations radiocarbones. Nous avons conduit ces travaux en 1999 à Fond-Brûlé et en 2001 à l'Anse Couleuvre.

Telles sont le cadre et les lignes directrices de la recherche que nous allons maintenant présenter. Nous commencerons par détailler l'ensemble des informations se rapportant aux travaux de terrain qui sont à la base de nos investigations. Puis, nous présenterons les différentes études thématiques que nous avons détaillées précédemment. Enfin, nous tenterons de synthétiser l'ensemble des résultats et de les comparer à ceux issus d'autres îles des Antilles afin de voir si l'on peut ainsi dégager l'ébauche d'un modèle régional concernant les premières occupations formatives de l'archipel.

4.2. L'exploitation des séries issues de fouilles anciennes. L'étude des restes lithiques et céramiques que nous souhaitions réaliser nécessitait l'accès à des séries issues de contextes stratigraphiques fiables. Une quantité importante de matériel a été récoltée lors des opérations de terrain que 17

Le site de l'Anse Couleuvre n'appartient pas à la liste des sites saladoïde ancien que nous avons présentée ci-dessus. Il s'agit d'un gisement découvert trés récemment et présentant une occupation saladoïde indéterminée. Sa position géographique proche de la zone occupée par les sites saladoïdes anciens (figure 18) déjà reconnus nous a incité à le sonder afin de préciser son attribution chronologique.

18

Il nous faut ici remercier Mlle A. Berthé qui nous a aimablement permis d'utiliser les différentes figures qu'elle a réalisées dans le cadre de la préparation d'un mémoire de maîtrise de l'Université de Paris I consacré à la série céramique issue des fouilles dirigées par M. Mattioni à Vivé. 32

Figure 15: Localisation du site de Vivé, la zone grisée correspond aux limites du gisement archéologique (dessin D. Molez).

Ces deux objectifs qui se sont traduits sur le terrain par une zone de fouille en aire ouverte et une série de sondages, ont été le fil directeur de nos travaux entre 1996 et 2001.

LES OPERATIONS DE TERRAIN

1.1. Situation Géographique 1. Le site de Vivé Le site de Vivé est localisé sur la côte nord-est de la Martinique, à mi-chemin entre les bourgs de Basse-Pointe et du Lorrain (figure 15). Il est installé au pied de la Montagne Pelée sur un plateau bordé au nord par l'océan Atlantique qu'il domine d'une dizaine de mètres. Ce plateau est délimité au sud-est par la rivière Rouge et au nord-ouest par la rivière Capot qui est une des plus grandes rivières de Martinique. Prenant sa source dans le massif de la Montagne Pelée, elle a, comme la rivière Rouge, un régime pérenne. Elle a formé, près de son embouchure, une vaste plaine alluviale où elle divague. Le site occupe l'extrémité est de ce plateau.

Le site de Vivé au Lorrain est un des sites de référence pour les groupes porteurs de la céramique de style Saladoïde cedrosan ancien dans les Petites Antilles. Situé au Nord de la côte au vent de la Martinique, il a fait l'objet d'opérations de terrain et de publications nombreuses depuis les années 30. Pour notre part, c'est en 1996 que nous avons repris avec J.P. Giraud et N. Vidal la fouille de ce gisement dans le cadre d’une opération programmée. A ce moment, le site de Vivé nous semblait compatible avec le questionnement multiple qui était le nôtre. Nous souhaitions, au-delà de la caractérisation précise des artefacts céramiques et lithiques rattachés au Saladoïde ancien, obtenir des informations concernant l'organisation spatiale et le mode de formation d'un tel gisement. Pour cela, il était nécessaire de fouiller une grande surface afin d'obtenir une bonne image de l'organisation spatiale des structures en creux. De plus, il fallait conduire une exploration systématique du gisement afin d'être à même de déterminer s'il correspondait à un seul grand village ou à une série d'occupations plus ou moins décalées dans le temps et dans l'espace.

Ce secteur semble avoir été épargné par les deux nuées ardentes dites d'Ajoupa Bouillon datées respectivement de 2740+/-70 B.P. et 2400+/- B.P., ainsi que par les retombées de ponces P4 (2400+/-70 B.P.) et P3 (2010+/-140 B.P.). Ce dernier épisode a été, sans conteste, la plus importante activité enregistrée par le volcan au cours de sa période récente. Cependant, il est possible que le site ait subi les conséquences du phénomène, paroxysmal, de type "blast" (déferlante cendro-ponceuse) qui a probablement tout détruit autour du cratère dans un rayon de 15 km (Westercamp et Andreieff, 1989). C'est, semble-t-il, après cet épisode éruptif 33

que se placent les premières traces d'occupations humaines sur le site de Vivé (Allaire, 1989). Les terrains des piémonts de la Montagne Pelée et du Morne Jacob où est localisé le site sont parmi les plus fertiles de la Martinique. Exposés aux vents dominants, les alizés, ils reçoivent des précipitations abondantes, entre 2000 et 3000 mm d'eau par an, qui ont favorisé la constitution de sols relativement épais bien drainés du fait de leur nature ponceuse. Ils ont fait l'objet d'une intense activité agricole depuis leur occupation par les colons en 1657, après l'expulsion des derniers Amérindiens. Le terrain qui nous intéresse a été ainsi successivement une plantation de cannes à sucre, de cultures maraîchères, de bananes et d'ananas. Depuis 1996, la parcelle est de nouveau plantée en bananes à l'exception de son extrémité vers le nord-est où sont cultivées des pastèques.

1.2. Historique des recherches

Figure 16: Plan des opérations anciennes (trois sondages de l'opération de 1984 (N, O et P) étaient localisés au-delà de la limite sud-ouest de cette carte).

Le site de Vivé a été découvert au milieu des années 1930 par Jean-Baptiste Delawarde. Il a fait l'objet de plusieurs fouilles depuis cette date. Les premières ont été entreprises en 1943 par l'inventeur (Delawarde, 1946). Les travaux de terrain ont ensuite été repris en 1946-1947 par R. Pinchon (Pinchon, 1952). De ces premières explorations nous ne connaissons que peu de choses notamment sur leur localisation précise et leur ampleur réelle.

1.3. Les travaux récents 1.3.1. L'emprise des travaux. C'est en 1996 que les recherches ont repris à Vivé sous la direction de J.-P. Giraud. Durant cette première campagne, 12 sondages de 2 m2 (2x1) ont été réalisés afin de préciser un certain nombre de points concernant la stratigraphie et l'état de conservation du gisement. Nous souhaitions obtenir ces informations afin de pouvoir choisir en connaissance de cause l'emplacement de la fouille en aire ouverte. Ces sondages ont été implantés dans la zone de concentration nord de la couche inférieure localisée par M. Mattioni (Mattioni, 1984) (figure 17). Ils nous ont permis de cerner les limites de cette concentration et de vérifier la bonne conservation de la couche inférieure parfaitement scellée par le niveau de ponce.

Par la suite, c’est M. Mattioni qui conduisit les recherches les plus importantes à Vivé. Tout d’abord, il entreprend en 1969 une campagne de sondages «ayant pour but principal l’établissement d’une stratigraphie précise.» (Mattioni, 1984). Il met ainsi en évidence que le gisement comporte deux couches d’occupation distinctes, séparées par un niveau de ponce. La couche supérieure du gisement est fortement perturbée par les travaux agricoles, mais la couche inférieure a été scellée par les retombées pliniennes. Il élargit ensuite ses sondages à une fouille de sauvetage qu’il mène entre juillet 1971 et mars 1974. Ces travaux permettent de dégager une surface de 100 m2. Il y découvre quelques structures d’habitat (4 trous de poteaux et une vingtaine de foyers) ainsi que 5 sépultures. Par ailleurs, le mobilier mis au jour est considérable, plus de 20000 tessons et près de 900 artéfacts lithiques (Mattioni, 1979). En 1975, un sondage de 4 m2 est réalisé à Vivé Est par D. Emond et S. Vallée étudiants à l’Université de Montréal (Emond et Vallée, 1975). Enfin, en 1984, M. Mattioni réalise seize nouveaux sondages de 1 m2 sur le plateau (figure 16). Il cherche ainsi à cerner l’extension de l’occupation humaine et les zones de plus forte densité de vestiges afin d'étayer un projet d'achat d'une partie du site pour constituer une réserve archéologique. Ces travaux font apparaître que, si la seconde occupation perturbée par les travaux agricoles, s'étend à la presque totalité du plateau, la couche inférieure n'occupe qu'une partie de la terrasse, soit deux grandes zones séparées, au nord et au sud-ouest du plateau (Mattioni, 1984).

Figure 17: Zones de concentration de vestiges dans la couche inférieure (d'après Mattioni, 1984).

34

Figure 18: Vivé - Plan d'implantation des sondages et de la zone 1.

Entre 1997 et 2001, nous nous sommes concentrés sur deux types de travaux. D'une part, nous avons installé, dans un secteur repéré en 1996 et présentant une forte concentration de vestiges, une aire de fouille de 110 m2, la Zone 1. D'autre part, nous avons poursuivi le programme, entamé en 1996, de sondage systématique de la concentration nord de M. Mattioni. Au total, 23 sondages de 2 m2 qui ont été réalisés (figure 18). Par ailleurs, le sondage 6 et le sondage 20 ont été étendus respectivement de 11 m2 et de 5 m2 afin d'entreprendre la fouille des structures qui y avaient été découvertes. Finalement, c'est une surface cumulée de 170 m2 au niveau de la couche inférieure d'occupation amérindienne qui a été excavée lors de nos travaux.

pliniennes, auxquels elles sont associées et d’analyser l’évolution post-éruptive de ces dépôts. Les premiers résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication (Bérard, Kieffer, Raynal et Vernet, 2002). Les données que nous présenterons ici s’inspirent très largement de ce travail. Concernant la stratigraphie du site de Vivé, on distingue de haut en bas (figure 19): Couche 1 : colluvions argilo-limoneuses noires (0,40m à 0,50m) portant le sol actuel et contenant, vers sa base, le 1er niveau archéologique remanié par les labours.

1.3.2. La stratigraphie.

Couche 2 : niveau à ponces (0,30m à 0,40m) de couleur jaune claire constitué de ponces anguleuses dans une matrice sableuse. On ne distingue pas de granoclassement net. En lame mince, ce niveau est constitué de ponces "fraîches", de minéraux libres et de fragments laviques (lithiques) gris parfois altérés. Ce niveau peut être considéré comme une retombée plinienne non remaniée.

Le site de Vivé est étudié du point de vue géologique depuis 1997 par les membres du G.D.R. 1122 du CNRS «Hommes et volcans avant l’Histoire». Ce travail fait partie d’une étude plus vaste menée dans le cadre du P.C.R. que nous dirigeons sur «le Néolithique martiniquais dans son contexte antillais». Elle a pour objet l’étude de plusieurs sites précolombiens reconnus dans le domaine de la Montagne Pelée. Il s’agit de déterminer la situation stratigraphique et chronologique de ces occupations par rapport à des niveaux volcaniques, principalement des retombées de ponces

Couche 3 : mince niveau discontinu (0,01m à 0,02m) de cendres fines. Il s’agit d’un dépôt de type blast (ou surge) en place. 35

par les Amérindiens soit l’éruption de la Montagne Pelée. Nous verrons comment cette hypothèse est renforcée par les observations réalisées lors de la fouille.

Couche 4 : colluvions limono-argileuses brunes (0,30m) avec traces de pédogenèse (paléosol) contenant de rares ponces. Ce niveau correspond au second niveau archéologique. En lame mince, il est identifiable à un sol peu développé, installé aux dépens de matériaux issus d’une retombée plinienne antérieure.

En ce qui concerne la tephrochronologie, on retiendra que, dans l’état actuel des connaissances, tous les auteurs s’accordent pour identifier l’éruption responsable de la mise en place des couches 2 et 3 comme étant celle datée vers 280 AD, soit l’éruption P2 (Traineau et al., 1989). La couche 5 pourrait donc correspondre à l’éruption P3 datée vers 60 avant J.-C. . Nous le verrons, ces données sont en parfaite adéquation avec l'attribution chronoculturelle des différents couches d'occupations amérindiennes ainsi qu'avec les différentes datations radiocarbones réalisées sur du matériel archéologique.

Couche 5 : colluvions sableuses brunes à jaunâtres (0,15m) contenant de nombreuses ponces. Ce niveau correspond à une retombée plinienne plus ou moins remaniée. Couche 6 : niveau à blocs décimétriques arrondis de roches volcaniques dans une matrice sableuse grise (0,25m observé). Il s’agit vraisemblablement d’alluvions torrentielles.

1.3.3. La datation du site. Seules deux dates, une pour la couche inférieure (1730 ± 100, RL 156) et une pour la couche supérieure (1530 ± 75, UGA 112), avaient été obtenues à partir d'échantillons récoltés lors des fouilles dirigées par M. Mattioni. Il nous est donc apparu nécessaire de compléter ces données par la mise en place d'un programme de datation radio-carbones concernant la couche d'occupation inférieure. Ce programme avait deux objectifs: la détermination de la durée d'occupation de la Zone 1 et la détermination du décalage chronologique ayant pu exister entre l'occupation de cette zone et celle d'autres secteurs concernés par les sondages. Ce sont au total treize dates qui ont ainsi été obtenues (figure 20a). Deux dates exagérément jeunes ( 925 ± 90 BP (LY9889) et 1305 ± 65 B.P. (LY-9890)) sont sans aucun doute liées à une pollution des échantillons. Les autres références sont relativement cohérentes entre elles et avec l'attribution culturelle du site. Cependant, des échantillons comparables ont été datés par accélérateur de particules par les laboratoires d'Oxford et Potsdam et un décalage d'environ 100 années radiocarbones a été observé entre les résultats fournis par ces deux laboratoires. Du fait de leur plus grande convergence avec les dates obtenues selon la méthode traditionnelle, il nous paraît falloir privilégier les résultats fournis par le laboratoire de Potsdam. Ainsi, l'occupation de la Zone 1 a eu lieu entre 1750 et 1600 B.P. (figure 20b). Cette attribution chronologique est en parfait accord avec la date obtenue par M. Mattioni et avec le terminus que constitue l'éruption P2 pour laquelle nous possédons deux dates très cohérentes (1655 ± 150 B.-P. et 1670 ± 60 B.-P.). Après calibration, cela situe donc l'occupation de la Zone 1 entre 250 et 450 de notre ère.

Figure 19: Stratigraphie du site de Vivé (d'après Bérard, Kieffer, Raynal et Vernet, 2002).

En résumé, la stratigraphie du site de Vivé montre donc l’existence de deux phases éruptives de la Montagne Pelée: • La couche 5 correspond à une retombée plinienne remaniée par colluvionnement et dont le sommet est pédogenisé. • Les couches 2 et 3 correspondent à un épisode éruptif qui débute par un blast responsable de la mise en place d’un mince niveau cendreux (niveau 3) et se poursuit par une phase plinienne responsable de la mise en place d’un niveau à ponces, le niveau 2.

La date obtenue à partir d'un charbon provenant du sondage 16, 1845 ± 50 B.P. (LYON-1246 (OXA)), est légèrement plus ancienne que celles provenant de la Zone 1 (figure 20a). Le décalage est d'environ 150 ans. Nous montrerons plus loin comment peut-être interprétée cette constatation à la lumière d'autres données issues de la fouille de ce sondage.

Il est intéressant de noter que le niveau archéologique inférieur (couche 4) est directement recouvert par les produits d’un épisode éruptif (couches 2 et 3); cette disposition stratigraphique plaide pour que la cause de l’abandon du site

36

Figure 20 : Datations radiocarbones de l'occupation saladoïde ancienne de Vivé.

1.3.2. La méthode de fouille.

ou d’appariement. Enfin, l’ensemble du sédiment de la couche 4 a été tamisé par décapage et par mètres carrés avec des tamis de maille de 5 et 2 mm.

La même méthode de fouille a été appliquée à la réalisation des sondages et à l'excavation des zones 1 et 2. 1.4. Les résultats19. La couche 1, contenant les vestiges d'une occupation amérindienne démantelée par les travaux agricoles, a été retirée rapidement (à la pelle et la pioche dans les sondages et avec un tracto-pelle dans la Zone 1). Les structures en creux liées à cette occupation récente et creusées aux dépens de la couche de ponce (couche 2) ont été vidées complètement par moitiés afin d'observer l'organisation de leur remplissage. Le matériel localisé dans les trois dimensions a été recueilli par unités stratigraphiques et l'ensemble du sédiment a été tamisé. La seule exception à cette règle a été la fouille de la structure 4 du sondage 20 qui, correspondant à une sépulture, a été fouillée horizontalement dans sa totalité.

1.4.1. Les questions taphonomiques. Lors des fouilles réalisées par M. Mattioni dans les années 70, il avait émis l’hypothèse que le sommet de la couche 4 correspondait à un abandon rapide du site lié à l’éruption volcanique P2 à l’origine du dépôt des couches 2 et 3. Il s’appuyait pour cela sur la présence de: " ... foyers intacts entourés de bordures de pierre avec des récipients de cuisson encore posés dessus; (de) récipients en céramique intacts, posés sur les sols d'implantation de l'époque et recouverts par de la ponce volcanique." (Mattioni, 1981, p.20). Nous avons pu faire les mêmes observations dans la Zone 1 après le dégagement du sommet de la couche 4 (figure 21). Cette hypothèse d'un abandon rapide du site au début de l'éruption a d'ailleurs été confirmée par les études micromorphologiques (cf. Chap. 1.3.2.). Le sommet de la couche d'occupation inférieure de Vivé nous offre un instantané exceptionnel de l'organisation d'un village amérindien du IIIéme siècle après J.-C..

La couche d’occupation inférieure (couche 4) ne laissait pas apparaître de stratification interne. Elle a donc été traitée de façon globale (seules les structures en creux ont été distinguées et fouillées spécifiquement). La fouille a été menée à la truelle par passes mécaniques de 5 à 10 cm d’épaisseur suivant l’abondance des vestiges. Des plans par mètres carrés, localisant l’ensemble du mobilier, ont été réalisés pour chaque décapage. Ils ont servi de base au démontage au cours duquel toutes les pièces ont été coordonnées afin de pouvoir observer au mieux leur répartition horizontale et verticale et les liaisons de collage

19

Nous ne présenterons ici que les résultats concernant la couche d'occupation inférieure qui de par son attribution chronologique est au centre de nos préoccupations. 37

Figure 21: Vue du sommet de la couche 4 avec une platine à manioc et deux marmites écrasées en place à proximité d'un foyer (un creusement de terrier est la cause de l'absence d'une partie de la platine).

Cependant, ces conditions exceptionnelles de conservation doivent être tempérées. La nature extrêmement acide des sédiments volcaniques a entraîné la disparition de la quasitotalité des restes osseux et conchyliens. Les quelques éléments identifiés sont un fragment de lambi (Strombus gigas) en partie calciné, quelques fragments d'émail dentaire de rongeurs et quelques taches poudreuses blanchâtres ayant vraisemblablement été de l'os. Le site de Vivé se prête donc bien mal à l'étude des pratiques cynégétiques et halieutiques.

excavation. Mais, plus que par la quantité de vestiges découverts, la fouille de la Zone 1 s'est révélée exceptionnelle, comme nous l'avons dit plus haut, par la qualité de conservation du sol d'abandon. La vision que nous avons obtenu suite au dégagement de ce sol nous a permis d'avoir une compréhension immédiate de l'organisation spatiale des activités. Le sol d'abandon.

Enfin, la couleur très sombre de la couche 4 ainsi que l'homogénéité du sédiment ont rendu très difficile la lecture des structures en creux. Elles n'ont souvent pu être observées qu'à partir du sommet de la couche 5 plus claire. Les informations liées à leur niveau d'ouverture sont donc généralement manquantes.

La topographie du sol d'abandon est marquée par la présence d'une butte qui s'étend autour du mètre carré F12. Elle est bordée au Sud par un "talweg" qui traverse la zone de fouille d'Est en Ouest (figure 22). Cette butte est constituée d'une importante accumulation de vestiges lithiques et céramiques au sein d'un sédiment très sombre. Cette accumulation est à l'origine d'une dilatation de la couche d'occupation qui a une épaisseur de 70 centimètres à son sommet. Dans le reste de la Zone 1, l'épaisseur de la couche d'occupation est comprise entre 10 et 25 centimètres. Cette accumulation nous paraît correspondre à un dépotoir. C'est ce même dépotoir qui avait été en partie mis au jour en 1996 au cours de l'excavation du sondage 9.

1.4.2. La Zone 1. La Zone 1 a une superficie de 110 m2 (5x22 m). Elle est située sur le bord S-W du sondage 9 qui était le plus riche de ceux que nous avions réalisés lors de la campagne de 1996. La fouille de la Zone 1 a été réalisée en plusieurs campagnes entre 1997 et 2000. Elle a livré une grande quantité de vestiges. Ainsi, 1091 pièces lithiques, débitées ou polies, et 14358 tessons de céramique ont été mis au jour lors de son

38

F E D C 2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

B 23

Figure 22: Zone 1, Topographie du sommet de la couche 4. (Les zones les plus sombres sont les plus basses, une courbe de niveau tous les 5 centimètres)

D'autres structures évidentes en relation avec le sol d'abandon ont pu être identifiées. Ainsi, une accumulation de pierres brûlées et de charbons a été identifiée dans les carrés C/E-16/17 (figure 23). Cet ensemble ne présente aucune organisation interne et le sédiment aux alentours n'est pas rubéfié. Il s'agit donc vraisemblablement des restes de foyers démantelés.

Figure 23: Zone 1 – Sommet de la couche 4, vidange de foyers

Les bandes 3 à 6 ont, elles, livré les restes de quatre structures de combustion. Il s'agit de foyers à plat, trois pierres bordaient l'un d'entre eux (figure 24). Plusieurs vases complets étaient en relation avec cet ensemble. Il s'agit de marmites, de pots, de platines à manioc et de demi-vases "Mario" (J. Petitjean Roget, 1968) (figure 25). Nous sommes donc vraisemblablement face à une zone d'activités culinaires. Il nous faut cependant revenir sur la présence, a priori étonnante, de deux moitiés supérieures de vases "Mario" posées têtes en bas à proximité de ces foyers. Notre hypothèse est qu'il pourrait s'agir d'un exemple de recyclage. Après l'usure de leur fond, certains vases "Mario" seraient aménagés pour servir de support aux marmites retirées du feu. La présence de ces pièces serait alors en accord avec la fonction supposée de cet espace. Enfin, deux concentrations de restes de débitage étaient associées à cet ensemble (figure 26).

Figure 24: Zone 1 – Sommet de la couche 4, Bandes 5 et 6, structures de combustions.

Quatre structures en creux peuvent finalement être associées au sol d'abandon. Elles sont situées dans les bandes 2 à 5 (figure 26). Une, la structure 4, est située à cheval sur les carrés B5 et C5. Les trois autres sont concentrées en limite de fouille dans la zone F-2/4. Ces structures ont pu être localisées dès leur niveau d'ouverture, au sommet de la couche 4, du fait de la couleur particulièrement claire du sédiment dans cette partie de la Zone 1.

39

Figure 25: Zone1 - Sommet couche 4, ensemble des vases liés à la zone d'activités culinaires (dessin F. Honoré).

40

Figure 26: Zone 1 – Plan analytique du sol d'abandon.

Figure 27: Zone 1 - Plans et coupes des différentes structures en creux.

41

F 150-180

E D C 2

3

4

5

6

7

8

9

B 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23

120-150 90-120 60-90 30-60 0-30

Zone 1- Densité des vestiges-Décapage 3

F

2

3

4

5

6

7

8

9

210-240

E

180-210

D

150-180

C

120-150

B 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23

90-120 60-90 30-60

Zone 1- Densité des vestiges-Décapages 4 et 5

0-30

Figure 28: Zone 1 - Comparaison de la densité des vestiges découverts lors du décapage 3 et lors des décapages 4 et 5 en nombre de pièces par mètre carré.

homogénéité laisse supposer que ces différents trous de poteaux pourraient correspondre au même bâtiment. Les informations en notre possession étant particulièrement lacunaires, il serait trop hasardeux d'essayer d'en déduire la nature de cette superstructure. Et ce, d'autant plus qu'aucune structure d'habitat contemporaine n'est connue dans les Antilles. Les bâtiments tardifs les plus souvent décrits sont constitués d'un cercle de poteaux légers d'une dizaine de mètres de diamètres et de un ou deux poteaux centraux plus massifs (Drewett, 2000; Hofman, Delpuech et Hoogland, 2001; Righter et Lundberg, 1993; Stouvenot, 2001; Versteeg et Schinkel,1992). D'autres structures plus importantes présentent deux cercles de poteaux (Hofman, Delpuech et Hoogland, 2001; Versteeg et Schinkel,1992).

La structure 1, située dans le carré F2, est en partie interceptée par la limite Est de la fouille. Elle possède une profondeur maximale de 35 cm pour un diamètre d'environ 50 cm à l'ouverture (figure 27). La structure 2, située dans le carré F3, se présente à son sommet sous la forme d'une fosse aux contours oblongs, dont la partie Est se situait au-delà de la limite de fouille. Une dizaine de centimètres sous son niveau d’ouverture, on observait un arrêt du creusement, sauf dans une zone de contours circulaires (diamètre: 30 cm) où il se poursuivait pendant 25 cm (figure 27). Ce surcreusement pourrait correspondre à l'enfoncement d'un poteau au fond de la fosse. La structure 3, située dans les carrés E4 et F4, se présentait, elle aussi en son sommet sous la forme d’une fosse aux contours oblongs (120x50 cm). À vingt-cinq centimètres sous son niveau d’ouverture, la fosse se divise en deux creusements indépendants d’une trentaine de centimètres de diamètre. Ces surcreusements nous semblent pouvoir être interprétés de la même manière que celui de la structure 2. Au total, de son niveau d’ouverture au fond de ces deux surcreusements, cette structure est profonde d’un peu plus de 50 cm (figure 27).

La structure 4, située dans les carrés B5 et C5, correspond à un creusement relativement cylindrique de 50 cm de profondeur. Son diamètre à son niveau d'ouverture était d'une quarantaine de centimètres. Cette structure isolée est difficile à interpréter. La couche d'occupation. Dans la Zone 1, l'épaisseur de la couche d'occupation (couche 4) varie entre 10 cm et 70 cm au niveau de la butte dépotoir. Nous avons tenté de déterminer si, durant toute la durée de l'occupation, l'organisation des activités avait été comparable à celle que nous avons observée sur le sol d'abandon.

Ces différents creusements, dont aucun ne contient une concentration particulière de vestiges, nous semblent devoir être interprétés comme étant des trous de poteaux. En prenant en compte les surcreusements présents dans les structures 2 et 3, on observe une certaine homogénéité de cet ensemble avec des trous de 35 à 50 cm de profondeur pour un diamètre compris entre 30 et 50 centimètres20. Cette

l'ensemble de la structure 1 et non pas à celui du surcreusement lié à l'enfoncement du poteau comme cela est le cas pour les structures 2 et 3.

20

Cette valeur de 50 cm doit d'ailleurs certainement être revue à la baisse car elle correspond au diamètre de

42

Carré B8 - Fréquence des vestiges par altitudes 9 8 7 6 5 4 3 2 1

15 5

15 3

15 1

9 14

14 7

14 5

14 3

14 1

13 9

13 7

13 5

13 3

13 1

12 9

12 7

12 5

12 3

12 1

11 7

11 9

0

Carré B14 - Fréquence des vestiges par altitudes 14 12 10 8 6 4 2

16 3

16 1

15 9

15 7

15 5

15 3

15 1

14 9

14 7

14 5

14 3

14 1

13 9

7 13

13 5

13 3

1 13

12 9

12 7

0

Carré B20 - Fréquence des vestiges par altitudes 9 8 7 6 5 4 3 2 1

14 6

14 4

14 2

0 14

13 8

13 6

4 13

2 13

13 0

12 8

12 6

12 4

2 12

0 12

11 8

11 6

11 4

2 11

0 11

10

8

0

Figure 29: Zone 1 – Fréquences des vestiges au sein de la couche d'occupation, carrés B8, B14 et B20.

Pour cela nous avons réalisé des plans de densité par décapage. Il apparaît que l'organisation spatiale des vestiges reste relativement constante dans l'épaisseur de la couche. Cependant, il nous a semblé discerner une reprise de concentration entre le décapage 3 et les décapages 4 et 5 dans la zone B-8/15 (figure 28). Enfin, afin d'affiner notre perception en éliminant l'imprécision liée à l'aspect artificiel des décapages nous avons réalisé une étude de la fréquence des vestiges en fonction de l'altitude pour quatre mètres

carrés : D2, B8, B14 et B20 (figure 29). Le choix de ces carrés est lié à notre souci de nous éloigner de la butte dépotoir dont la puissance risquait de perturber notre analyse. La première constatation est l'absence d'une coupure nette dans la répartition des vestiges dans l'épaisseur de la couche 4. Cependant, le graphique correspondant au mètre carré B8 montre assez clairement l'existence de deux niveaux de concentration de vestiges. Le premier correspond au sommet de la couche 4. le second se situe à une quinzaine de

43

centimètres de profondeur au sein de cette même couche. Les graphiques correspondant aux mètres carrés B14 et B20 sont moins clairs. On peut cependant se demander, à la lumière des résultats obtenus en B8, si un phénomène semblable ne peut pas y être distingué. Enfin, le carré D2 présente les signes d'une occupation unique. La couche y est d'ailleurs très fine (15 cm).

1.4.3. Les sondages. Ce sont 23 sondages qui ont été réalisés entre 1996 et 2001. Leur implantation a été décidée en fonction de notre désir de cerner les limites de l'occupation mise au jour lors de la fouille de la Zone 1. Nous avons par ailleurs cherché à la mettre en relation avec la zone fouillée par M. Mattioni (figure 30).

Ainsi, le haut de la couche (15 à 20 cm d'épaisseur, soit approximativement les décapages 1 à 3) semble correspondre à une dernière occupation que l'on peut associer au sol d'abandon. L'organisation spatiale des vestiges est comparable dans toute l'épaisseur de ce niveau, ce qui laisse supposer que l'espace délimité par la Zone 1 a fonctionné de la même façon durant la période correspondante. Le fond de la couche 4 (approximativement les décapages 4 et 5), bien que moins riche que son sommet, montre une reprise de concentration des vestiges dans la partie sud-est de la Zone 1. De plus, l'organisation spatiale de ces vestiges semble différente à ce niveau. Il reste cependant à déterminer s'il s'agit, au cours de la même occupation, d'un changement d'organisation de l'espace de la Zone 1, ou des restes d'une occupation plus ancienne. Nous allons maintenant voir si l'analyse des sondages peut nous éclairer sur ce point particulier.

Quelques structures ont été identifiées lors du creusement de ces sondages. Ainsi, nous avons déjà signalé que le sondage 9 correspondait à la butte-dépotoir observée de façon plus large au cours de la fouille de la Zone 1. Par ailleurs, le sondage 3 réalisé en 1996 a lui aussi livré une quantité très importante de vestiges (988 tessons pour 2 m2). L'épaisseur de la couche 4 y varie entre 60 cm et 90 cm. Elle a, à son sommet, un pendage marqué (figure 31). Enfin, le sédiment de la couche 4 y était particulièrement sombre. Bien que l'emprise du sondage 3 soit trop limitée pour que nous soyons absolument catégorique, il semble que nous soyons face à une butte-dépotoir comparable à celle clairement identifiée dans la Zone 1 et le sondage 9.

Figure 30: Plan synthétique de l'ensemble des opérations archéologiques ayant concerné le site de Vivé.

44

Figure 31: Sondage 3, coupe Est

Le sondage 8 est un des plus riches que nous ayons réalisé (854 tessons pour 2 m2). Une structure en creux a pu être observée au cours de sa fouille. Il s'agit d'un trou circulaire d'une quarantaine de centimètres de diamètre et d'une profondeur d'au moins 20 cm. Son niveau d'ouverture n'a malheureusement pu être distingué le sédiment encaissant et son remplissage étant semblables.

L'étroitesse relative et la profondeur de ce creusement nous incitent à penser qu'il correspond à l'emplacement occupé par le poteau lui-même. Dans ce cas, la mise en place des deux structures serait contemporaine, le poteau ayant été installé dans le fond de la fosse et calé par son remplissage. L'autre possibilité est que le trou de poteau ait été réalisé postérieurement aux dépens du remplissage de la structure 1. La difficulté inhérente à la lecture des creusements dans le sommet de la couche 3 ne nous a pas permis de trancher entre ces deux possibilités.

Enfin, le sondage 6 a livré en 1996 une fosse (structure 1) contenant des restes osseux mal conservés. Nous avons donc décidé en 1997 d'élargir ce sondage à une zone de fouille de 11 m2 (3x3,5 m) afin de mieux cerner les limites de cette structure. Il s'agit d'une fosse ovale (110x130 cm) d'une cinquantaine de centimètres de profondeur dont les contours n'ont pu être distingués qu'à partir de la moitié inférieure plus claire de la couche 4 (figure 32). C'est au fond de cette fosse, à l'est, que se trouvaient les restes osseux sous la forme d'une masse blanchâtre, informe et pulvérulente. Leur état de conservation n'a pas permis leur identification. Au sein du remplissage de cette fosse, nous avons pu distinguer, dès le sommet de la couche 4, un trou de poteau (structure 2) d'une trentaine de centimètres de diamètre et d'une profondeur de soixante centimètres (figure 32). Il était adossé au bord sudouest de la fosse.

Au-delà de l'identification des structures qu'il est difficile d'interpréter dans le cadre d'excavations aussi limitées, nous avons cherché à comprendre, par l'analyse des sondages, l'organisation générale du site et son mode de formation. Pour cela nous avons réalisé un plan de densité des vestiges à l'échelle du site (figure 33).

45

entre 50 et 100 tessons par mètre carré. Enfin, les sondages 1, 2, 10, 11, 13, 14, 15 et 23 se sont révélés très pauvres avec entre 0 et 20 tessons par mètres carrés. Il se dégage de la répartition spatiale de ces différents ensembles deux secteur de concentration séparés par une zone "vide". Le secteur ouest correspond à l'ensemble formé par les sondages 3 à 9, la Zone 1 ainsi que les sondages 12 et 21. Le secteur est est constitué des sondages 16 à 20. Dans le secteur ouest, comme nous l'avons vu pour la Zone 1, l'occupation est principalement concentrée dans le haut de la couche 4 et elle a été interrompue par l'éruption volcanique P2. Nous avons donc cherché à voir si la concentration du secteur est présentait les mêmes caractéristiques ou s'il existait un décalage chronologique entre les deux ensembles. Pour cela nous avons observé la distribution des vestiges au sein de la couche 4 dans les sondages 16 et 17 (figure 34). Il apparaît que dans ces deux sondages le sol scellé par l'éruption P2 ainsi que les dix premiers centimètres de la couche 4 sont pauvres en vestiges contrairement à ce que nous avons observé dans la Zone 1. Ainsi, c'est la partie inférieure de cette même couche qui présente la plus forte concentration de restes. Afin de vérifier cette observation, nous avons fait réaliser une datation sur un charbon provenant du niveau de concentration inférieur du sondage 16. La date ainsi obtenue, 1845 ± 50 B.P. (LYON-1246 (OXA)) ,soit de 69 à 320 ap. J.C., est environ 200 ans plus ancienne que celles liées à l'éruption P2 et près de 100 ans plus ancienne que les plus vieilles dates liées à l'occupation de la Zone 1 (figure 20). L'antériorité ainsi démontrée de l'activité dans le secteur est, par rapport au secteur ouest, nous a incité à repenser la nature même du site de Vivé.

Figure 32: Sondage 6 – Plan des structures en creux.

Dans la Zone 1, 14358 tessons ont été démontés, soit une densité moyenne de 130 tessons/m2. Sept sondages possèdent, eux aussi, une densité moyenne supérieure ou égale à 100 tessons/m2. Il s’agit des sondages 3, 5, 7, 8, 9, 16 et 22. Quatre d’entre eux, les sondages 7, 8, 9 et 22, sont situés a proximité de la Zone 1. Huit sondages (sondages 4, 6, 12, 17,18,19,20 et 21) présentent eux une densité comprise

Figure 33: Vivé – Plan de densité des vestiges.

46

Sondage 16 - Fréquence des vestiges par altitudes 14 12 10 8 6 4 2 0 50

53

56

59

62

65

68

71

74

77

80

83

86

89

92

95

98 101 104

Sondage 17 - Fréquence des vestiges par altitudes

113

111

109

107

105

103

101

99

97

95

93

91

89

87

85

10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

Figure 34: Fréquence des vestiges en fonction de l’altitude dans les sondage 16 et 17. L’altitude du sommet de la couche 4 est figurée par l’intersection des axes des abscisses et des ordonnées.

sud-ouest de M. Mattioni et les secteurs est et ouest que nous avons distingués au sein du secteur nord de M. Mattioni (figure 35). Cette réalité pourrait-être la conséquence de la pratique de l'agriculture itinérante sur brûlis. L'agriculture itinérante sur brûlis est le mode de culture traditionnel des Amérindiens de la zone amazonienne et la pratique du brûlis a été observée dans les Petites Antilles par les chroniqueurs européens lors de leur arrivée (Du Tertre, 1667-1671).

1.4.4. Le site de Vivé: nature et mode de constitution. Les sondages réalisés par M. Mattioni (Mattioni, 1984) avaient montré que l'occupation de la couche 4 s'étendait sur une surface d'environ 6 hectares divisée en deux zones de concentration. Nos propres travaux ont permis d'élargir légèrement cette zone vers le Nord d'environ un hectare. La question qui se pose à nous est: l'ensemble de cette surface correspond-t-elle à un seul village ou à plusieurs occupations légèrement décalées dans le temps et dans l'espace? Nous l'avons vu, des sites contemporains de plusieurs hectares ont été considérés comme le fruit d'une occupation unique de longue durée (Petersen, 1996; Watters, 1994; Watters et Petersen, 1995).

La pratique très largement décrite de l'agriculture sur brûlis débute par la réalisation d'un abattis. Les arbres coupés sont laissés sur place et après un temps nécessaire à leur séchage, le feu est mis à la parcelle. Le résidu cendreux issu de cet incendie va permettre une fertilisation des sols où sont effectuées les plantations (principalement le manioc dans le cas qui nous intéresse). Le manioc est une plante exigeante pour ce qui est de la qualité des sols. Il n'est exploité que pendant un an sur une parcelle donnée (P. Grenant, 1979; F. Grenand et Haxaire C., 1977 d'après Tardy, 1998; Tardy, 1998). Cela implique la réalisation selon un rythme annuel de nouveaux abattis et de nouveaux brûlis.

Cependant, les éléments que nous venons de détailler concernant le décalage chronologique existant entre les secteurs est et ouest du gisement de Vivé nous incitent à penser que la couche archéologique inférieure de Vivé est constituée des restes de plusieurs occupations distinctes. Trois ensembles ont ainsi déjà pu être distingués: le secteur

47

Figure 35: Vivé – Limites des deux zones d'occupations (secteurs ouest et est) distinguées au sein du secteur nord de M. Mattioni.

Des espèces moins exigeantes (maïs, légumineuses) peuvent être cultivées pendant un an ou deux sur la parcelle ayant déjà donné du manioc. Cependant, une période de jachère est nécessaire avant que puisse être réalisée une nouvelle plantation de manioc dans cette même parcelle. Cette jachère permet la reconstitution d'un couvert végétal dont la combustion offrira l'engrais nécessaire à cette nouvelle plantation. Pour qu'il y ait une reconstitution complète ou quasi complète du couvert végétal, la durée de la jachère doit être comprise entre 40 (P. Grenant, 1979) et 50 ans (Mazoyer et Roudart, 1997). L'importance de la surface nécessaire à la mise en place d'un cycle long de jachère provoque un éloignement progressif des champs du village. Il est alors parfois préférable de déplacer les habitations près des nouveaux abattis. De même, la pratique d'une jachère courte, de 4 à 6 ans (Gely, 1984 d'après Tardy, 1998), ne permettant pas une reconstitution satisfaisante du couvert végétal provoque un épuisement progressif des sols, nécessitant à terme le déplacement du village vers une nouvelle zone forestière. Après un certain temps, l'emplacement du village initial est souvent réoccupé. En effet, il possède toujours les qualités qui avaient favorisé la première installation et certaines espèces végétales (arbres fruitiers) plantées lors de celle-ci sont encore présentes.

Ce secteur est cerné par des zones vides de vestiges sur tout son côté est et en deux points sur son côté ouest (figure 33). Différents types de structures y ont été localisés (figure 36) : • Des structures de combustions correspondant à des zones d'activités culinaires (nord de la Zone 1 et nord de la zone Mattioni). • Des trous de poteaux (nord de la Zone 1, sud de la zone Mattioni, sondages 6 et 8). • Des sépultures (Zone Mattioni et peut-être sondage 6). • Des dépotoirs (Zone 1/sondage 9, sondage 3 et peutêtre 22). Enfin, trois zones de concentration présentent plus de 100 tessons par mètre carré. La surface totale du secteur ouest est proche de l'hectare. Seuls 242 mètres carrés de cette occupation ont été dégagés au cours des différentes opérations de fouille, soit environ 2,5 % de la surface totale. Il n'est donc évidemment pas possible de développer un modèle d'organisation spécifique à partir d'un échantillon aussi réduit. Nous nous contenterons donc de tester sur les données de Vivé l'un des modèles actuels, celui du "concentric circular village" développé à partir des travaux réalisés sur les sites contemporains de Trants et Maisabel (Heckenberger et Petersen, 1998; Siegel, 1989). Il apparaît que le modèle théorique semble relativement compatible avec les données de terrain. Les dépotoirs sont situés en bordure de la zone d'occupation à proximité des secteurs d'habitation et d'activité. La zone centrale apparaît relativement pauvre en vestiges. La réalisation de fouilles plus étendues dans des sites à occupation unique (ou occupations multiples mais relativement distinctes comme à Vivé) apparaît cependant nécessaire à une validation complète du modèle.

Il nous semble que les occupations multiples du site de Vivé pourraient être la conséquence de ce type d'agriculture forestière. 1.4.5. L'organisation spatiale du secteur ouest. La synthèse des données issues de la fouille de la Zone 1 et des sondages 3 à 9, 12, 21 et 22 avec celles qui sont liées aux travaux conduits par M. Mattioni, permet d'avancer quelques hypothèses concernant l'organisation spatiale de l'occupation du secteur ouest.

48

Figure 36: Vivé - Plan analytique du secteur ouest.

fragments de charbon de bois provenant de la couche 4 ont été analysés par C. Tardy (Tardy, 2001). Cette étude a permis d'identifier 43 taxons (tableau 4) qui permettent de reconstituer en partie l'environnement végétal du site au moment de son occupation.

1.5. Paléoenvironnement. Le site de Vivé a fait l'objet de la première étude paléobotanique jamais réalisée en Martinique. Ainsi, 640 49

Concernant les espèces "utiles" ont peut aussi noter la présence au sein de la série du Génipa (Genipa americana) dont le fruit donne une teinture bleu foncée.

C. Tardy a ainsi pu remarquer la dominance du faciès mésophytique de type forestier dense. Un autre type de cortège végétal caractéristique des environnements marécageux et ripicoles est aussi représenté au sein de la série de Vivé. Ce point est en parfaite adéquation avec la proximité de la Rivière Rouge et de la petite mangrove de La Crabière. Enfin, deux espèces, clairement intrusives, ont été identifiées : le Gayac (Guaiacum officinale) et le Bois de Fer (cf Sideroxylon). Il s'agit de taxons caractéristiques des faciès xérophytiques. La zone de ce type la plus proche du site est la presqu'île de La Caravelle à une vingtaine de kilomètres au sud. L'introduction de ces espèces à Vivé est vraisemblablement due à leurs qualités mécaniques particulières. Il s'agit de bois d'une extrême dureté.

On le voit, les Amérindiens ont connu un environnement très différent de celui dans lequel nous avons réalisé les fouilles (l'espèce dominante était alors le bananier). Il se sont installés au sein d'une forêt mésophile, à proximité immédiate de formations marécageuses et ripicoles. Par ailleurs, ils étaient peu éloignés de la grande forêt hygrophile vraisemblablement distante de moins de 2 km (Hatzenberger, 2001). Ils ont ainsi pu exploiter les nombreuses ressources (végétales mais aussi animales) liées à ces divers faciès végétaux.

FAMILLES

Genres/espèces

Nb de frag.

FAMILLES

Genres/espèces

Nb de frag

AQUIFOLIACEAE

Ilex sp.

4

PTERIDOPHYTE

Indet.VV10

2

ARECACEAE

Indet.VV5

8

RUBIACEAE

Type Chymarrhis

25

BIGNONIACEAE

Tabebuia sp. cf pallida

21

RUBIACEAE

cf. Genipa americana

5

BURSERACEAE

Type Dacryodes

12

RUBIACEAE

Indet.VV3

31

CAPPARIDACEAE

Capparis sp.

3

RUTACEAE

Zanthoxylum/Amyris

6

CHRYSOBALANACEAE

Indet.VV2

6

SAPINDACEAE

Sapindus sp.

42

CLUSIACEAE

cf Garcinia humilis

15

SAPOTACEAE

Manilkara sp.

12

CLUSIACEAE

cf Calophyllum calaba

14

SAPOTACEAE

sp1. Type Pouteria

35

FLACOURTIACEAE

Casearia sp.

4

SAPOTACEAE

sp2. cf Sideroxylon

3

LAURACEAE

cf Endichleria

10

Indet.VV17

16

LAURACEAE

Nectandra sp.

7

SIMARUBACEAE

Simaruba amara

18

LAURACEAE

Indet.VV6

10

STERCULIACEAE

Guazuma sp.

14

LEG. CAESALPINIACEAE LEG. FABACEAE

Hymenea courbaril

13

THEACEAE

Ternstroemia sp

1

Lonchocarpus sp.

7

THEOPHRASTACEA

Jacquinia sp.

2

LEG. FABACEAE

Type Erythrina

1

VERBENACEAE

9

LEG. FABACEAE

Pterocarpus officinalis

7

VERBENACEAE

cf Citharexylum fruticosum

Inga sp.

12

LEG. MIMOSACEAE

Type Leucanea

LEGUMINOSEAE

Vitex sp.

8

ZYGOPHYLLACEAE

Guaiacum officinale

11

4

Tubercules/Rhizome

Indet.VV12

3

Indet.VV1

26

Graines/Fruits

Indet.VV15

5

Indet.VV14

4

Indet.VV16

1

MALVACEAE

Hibiscus sp.

3

Indet.VV4

21

MELASTOMATACEAE

Indet.VV8

8

Indet.VV7

2

MELIACEAE

Cedrela sp.

30

Indet.VV9

9

MYRTACEAE

Type Eugenia

9

Indet.VV11

18

MYRTACEAE

Pimenta racemosa

28

Indet.VV13

4

PIPERACEAE

Piper sp.

1

Indéterminables

52

POLYGONACEAE

Coccoloba cf uvifera

18

Total

640

LEG. MIMOSACEAE

INDETERMINES

Tableau 4 : Vivé – Résultats de l'étude anthracologique (d'après Tardy, 2001).

50

une butte-dépotoir, 5 sépultures et quelques structures en creux ont aussi été identifiées. Malheureusement, aucun bâtiment complet n'était compris dans l'emprise des travaux.

1.6. Synthèse et Conclusion. Le site archéologique de Vivé dont la superficie totale est supérieure à 10 hectares est constitué des restes de plusieurs occupations saladoïdes plus réduites légèrement décalées dans le temps et l'espace (décalage d'environ 150 ans entre les secteurs est et ouest). Ces occupations multiples pourraient être liées à la pratique de l'agriculture itinérante sur brûlis en milieu forestier.

Les données précises issues des zones de fouilles extensives corrélées avec celles qui sont liées au programme de sondages systématiques nous permettent d'avoir une première idée de l'organisation du village correspondant au secteur ouest. Bien que seul environ 2,5 % de sa surface aient été fouillés, il semble correspondre Très grossièrement au modèle du "concentric circular village" développé dans des sites contemporains d'après des données ethnographiques amazoniennes.

Une de ces occupations (secteur ouest) offre l'intérêt d'avoir fait l'objet d'un abandon précipité lié à l'éruption de la Montagne Pelée P2 (couches 2 et 3) datée de la fin du IIIéme siècle après J.-C.. Sa fouille permet d'obtenir un instantané unique de l'organisation d'un village saladoïde ancien. C'est cette occupation qui a fait l'objet de deux opérations de fouilles extensives qui ont permis le dégagement de 242 m2 en deux zones principales (Zone 1 et Zone Mattioni). L'excavation de ces loci a entraîné la mise au jour de deux zones d'activités culinaires où des céramiques complètes ont été découvertes dans leur contexte d'utilisation. Par ailleurs,

Enfin, le site de Vivé a livré une énorme quantité de matériels céramique (plus de 40000 tessons) et lithique au cours des différentes fouilles dont il a fait l'objet. L'analyse de ces séries bien datées et issues d'un contexte stratigraphique indiscutable va être notre principale source d'information concernant la caractérisation des artéfacts liés à la phase saladoïde ancienne.

51

2. Le site de Moulin l’Etang

Figure 37: Localisation du site de Moulin l'Etang, la zone grisée marque l'emplacement du gisement (dessin D. Molez).

d'embarcations, ni de rivages permettant le stockage au sec de celles-ci. Seule l'embouchure de la rivière Pocquet légèrement à l'est du site offre ce type d'opportunités. Ce gisement côtier présente donc de très fortes analogies concernant sa situation géographique avec celui de Vivé qui est d'ailleurs peu éloigné (2,5 km au sud).

2.1. Situation géographique Situé au nord de la côte atlantique de la Martinique, le gisement de Moulin l'Étang se trouve sur le territoire de la commune de Basse Pointe (figure 37), à moins d'un kilomètre de l'entrée du bourg. Le site, localisé sur un plateau côtier, est bordé à l'est par la rivière Pocquet, au Sud par la route nationale n°1 et au nord par la mer qu'il domine d'une trentaine de mètres.

2.2. Historique des recherches Le site amérindien de Moulin l'Etang apparaît de façon officielle pour la première fois dans une déclaration de découverte fortuite effectuée le 6 septembre 1975 à la mairie de Basse Pointe par R.-L. Fayaud. Cependant, ce site était connu avant cette déclaration de différentes personnes, dont le R. Pinchon (Fayaud, 1976) et H. Petitjean Roget qui présente un adorno issu de ce gisement dans sa thèse (H. Petitjean Roget, 1975). En ce lieu, les différents prospecteurs avaient découvert des vestiges amérindiens, principalement de la céramique, amenés à la surface par les travaux agricoles.

Les vestiges amérindiens sont actuellement localisés dans deux parcelles agricoles, la première plantée en ananas et la seconde plantée en canne à sucre. Ces terres agricoles d'une grande richesse, sont formées de sédiments d'origine pyroclastique. Ils sont le produit des éruptions répétées de la Montagne Pelée qui domine le site et dont le sommet n'est éloigné que de 9 km. La rivière Pocquet est une source d'eau douce pérenne dans cette zone de fortes précipitations (2200 mm par an sur le site et plus de 8000 mm au sommet du bassin versant de la rivière Pocquet). L'accès à la mer depuis le site s'effectue le long d'une pente relativement raide. La côte à ce niveau ne propose pas de havres sûrs permettant le mouillage

Depuis sa découverte et avant nos travaux, ce gisement n'avait été l'objet que d'une seule opération archéologique. En effet, R.-L. Fayaud avait supposé dès la découverte du 52

2.3. Les travaux récents.

site, par comparaison avec le gisement voisin de Vivé, que sous la couche altérée par les travaux agricoles pouvait se trouver un autre niveau archéologique. Un niveau qui aurait pu être protégé, comme à Vivé, par une couche de ponce fruit de l'éruption de la Montagne Pelée datée du IIIème siècle ap. J.C.. René-Louis Fayaud a donc conduit une opération de sondage en 1976 afin de vérifier cette hypothèse.

2.3.1. L'emprise des travaux. En 1999, nous avons réalisé 10 sondages d'environ 2 m2 (2 m x1 m) sur le site (figure 38). Nous souhaitions ainsi obtenir une petite série dans un contexte chronostratigraphique fiable afin de pouvoir reprendre sur de bonnes bases l'étude de la série Fayaud. Par ailleurs, nous avons cherché à déterminer l'extension du site pour pouvoir mettre en rapport cette information avec celles issues entre autres de la fouille du site voisin de Vivé. Enfin, différents échantillons ont été prélevés par l'équipe du GDR 1122 en vue d'une analyse géologique poussée et des charbons ont été recueillis pour datations.

Au cours de ces travaux deux sondages de 2 m2 ont été effectués. Ils ont permis d'obtenir une première stratigraphie du site ainsi qu'un mobilier essentiellement composée de matériel céramique (1939 tessons et 63 restes minéraux). Une étude rapide de ce mobilier céramique a incité R.-L. Fayaud, à attribuer la couche inférieure à l'horizon saladoïde ancien et la couche supérieure à l'horizon saladoïde modifié. Cette attribution est basée sur l’identification d’une importante quantité de tessons peints ainsi que de différentes formes caractéristiques (bouteilles, coupes gravées, platines à manioc apodes).

L'implantation des sondages a été guidée par notre désir de déterminer l'étendue de l'occupation inférieure du site et d'obtenir une idée de la variation de la densité des vestiges en son sein. Cependant, notre liberté dans ce domaine a largement été limitée par l'obligation que nous avions de ne point détruire les cultures. Nous n'avons donc pu implanter des sondages qu'en bordure des différents chemins d'exploitation de la plantation. C'est la cause principale de leur implantation irrégulière.

Entre les travaux de R.-L. Fayaud et ceux que nous avons réalisés, le site de Moulin l'Etang n'a connu que quelques prospections sporadiques et n'a fait l'objet d'aucune publication notable.

Figure 38: Moulin l’Etang – Plan de l’implantation des sondages.

53

2.3.2. La stratigraphie21.

présente sous le niveau archéologique. Cette succession stratigraphique (retombée plinienne + blast, niveau archéologique et retombée plinienne inférieure) semble être la situation classique pour les sites de la côte atlantique puisqu'on la retrouve aussi bien à Vivé qu'à Moulin l'Étang.

En 1999, les sondages réalisés sur le site de Moulin l'Étang ont permis de relever une stratigraphie assez comparable à celle du site de Vivé (figure 39). On distingue de haut en bas : - Couche 1 : colluvions argilo-limoneuses noires (0,40m à 0,50m) contenant des éléments archéologiques précolombiens remaniés et correspondant à portant le sol actuel. - Couche 2 : niveau à ponces (0,35m à 0,40m) de couleur jaune clair constitué de ponces anguleuses dans une matrice sableuse. On ne distingue pas de granoclassement net. - Couche 3 : double liseré (0,03m) de cendres fines de couleur jaune à ocre. - Couche 4 : colluvions limono-argileuses brunes (0,40m) avec traces de pédogénèse (paléosol) contenant de rares ponces. Ce niveau correspond à un second niveau archéologique précolombien. - Couche 5 : niveau à ponces (0,30m à 0,35m) de couleur ocre constitué de ponces anguleuses altérées dans une matrice sableuse. On ne distingue pas de granoclassement net. - Couche 6: niveau argileux ocre sombre (0,20m observé).

2.3.3. La datation du site. Suite à la perte de plusieurs échantillons lors de leur préparation en laboratoire, nous n'avons finalement pu obtenir qu'une seule date concernant l'occupation saladoïde ancienne du site de Moulin l'Etang, 1625 ± 35 B.P. (Lyon1862 (Poz-1030)) soit entre 358 et 534 après J.-C.. Elle est tout à fait comparable à celles que nous avons obtenues pour l'occupation de Vivé. 2.3.4. La méthode de fouille. Les sondages d'environ 2 m2 ont été réalisés à l'aide d'une tracto-pelle. Le décapage a été réalisé en passes fines (entre 1 et 2 cm d'épaisseur). Le matériel a été récolté par unités stratigraphiques. Le niveau inférieur d'occupation a lui été divisé en couches artificielles d'une épaisseur comprise entre 10 et 15 cm. Le matériel issu de chacune de ces couches a ainsi été individualisé. Par ce procédé, nous souhaitions nous donner les moyens de distinguer l'existence d'une évolution au sein de ce niveau inférieur. Le temps imparti aux opérations de terrain ne permettant pas de tamiser les déblais, ils ont juste fait l'objet d'un tri manuel ne permettant généralement pas de récolter la partie fine du matériel. Enfin, la stratigraphie de chacun des sondages a fait l'objet d'un ou deux relevés de coupes.

Deux lames minces de grand format ont été réalisées sur cette séquence pour servir de support à une étude micromorphologique. Elles concernent le niveau 6 et les niveaux 3, 4 et 5 sup.

L'objectif de notre travail n'était pas d'obtenir une vision exhaustive du site mais plutôt d'obtenir quelques informations essentielles pouvant être complétées par celles issues de grandes fouilles programmées.

2.4. Les résultats. 2.4.1. Les questions taphonomiques. La position stratigraphique des vestiges saladoïdes anciens à Moulin l'Etang est comparable à celle que nous avons observée à Vivé. Cependant, aucun des sondages ne nous a permis d'observer les signes d'un abandon rapide du site au moment de l'éruption P2 de la Montagne Pelée. Aucun vase complet n'a été découvert posé sur le sommet de la couche 4. Le village amérindien de Moulin l'Etang pourrait donc avoir été abandonné depuis un certain temps au moment de l'éruption volcanique.

Figure 39: Stratigraphie du site de Moulin l’Etang (dessin F. Honoré).

La séquence de Moulin l'Étang confirme la présence d'un niveau précolombien situé entre deux épisodes éruptifs de la Montagne Pelée. L’épisode éruptif supérieur est constitué par une retombée plinienne surmontant un dépôt de blast. Une seconde retombée plinienne, assez bien conservée, est

Concernant les conditions de conservation des vestiges à Moulin l'Etang, elles sont comparables à celles que nous avons rencontrées à Vivé. La présence des retombées pliniennes (couches 2 et 3) a assuré l'intégrité de la couche d'occupation (couche 4). Malheureusement, la grande acidité du sédiment constituant cette couche n'a pas permis la conservation dans de bonnes conditions des vestiges osseux et conchyliens. Une seule trace osseuse a pu être observée au cours de la fouille. Elle se trouvait dans le creusement qui occupe la majeure partie du sondage 10.

21

La stratigraphie de Moulin l'Etang a été analysée comme celle de Vivé par les chercheurs du GDR 1122 du CNRS dans le cadre du PCR que nous coordonnons sur "Le Néolithique martiniquais dans son contexte antillais". Les résultats de ces travaux ont déjà fait l'objet de deux publications (Bérard et al., 2002 et Bérard et al., à paraître).

54

Figure 40: Moulin l’Etang – Répartition des vestiges en surface.

trouve encore actuellement des vestiges (il est difficile d'évaluer l'étendue de la partie détruite au sud) mesure donc environ 150 m d'est en ouest et 100 m du nord au sud.

2.4.2. L'étendue du site. Du matériel remonté par les travaux agricoles se trouve en surface du gisement dans toute la superficie des parcelles que nous avons examinées (figure 40). Concernant la couche d'occupation inférieure (couche 4), les dix sondages que nous avons réalisés nous ont permis de bien cerner l'étendue du site ou au moins d'une de ses occupations (figure 41).

2.4.3. La couche d'occupation. Aucune unité stratigraphique n'a pu être distinguée au sein de la couche d'occupation (couche 4) en dehors d'un lit charbonneux dans le sondage 4 et des différents niveaux constituant le remplissage du creusement identifié dans le sondage 10.

Au sud, le site est coupé brutalement par la route nationale. Le creusement de l'étang de l'habitation Moulin l'Etang de l'autre côté de la route a vraisemblablement entraîné la destruction de toute la partie nord du gisement. A l'ouest, la limite de la zone de concentration que nous avons cernée se trouve au niveau du sondage 3. De ce côté, aucune reprise de concentration n'a été identifiée au niveau du sondage 9. La limite nord est moins nette entre autres du fait du creusement récent d'un bassin de décantation dans cette zone. A l'est, la limite de la zone de concentration est marquée par les sondages 5 et 8. Aucune reprise de concentration n'a été identifiée au niveau des sondages 6 et 7. La zone où l'on

L'unité stratigraphique identifiée au sein de la couche d'occupation dans la coupe ouest du sondage 4 (figure 42) correspond à un petit lit de cailloutis contenant des charbons et de la terre rubéfiée mélangés avec des tessons. Son épaisseur maximale est de 10 cm. Son aspect inorganisé nous incite à penser que ce niveau correspond à une vidange de foyer.

55

Figure 41: Moulin l’Etang – Limites de l’occupation de la couche 4.

La structure identifiée dans le sondage 10 est une fosse d'un mètre de profondeur (figure 43). Elle est creusée aux dépens des couches 4 et 5. Les couches de ponces et de cendres (couche 2 et couche 3) sont absentes de la stratigraphie du sondage 10. Dans ces conditions il nous a été difficile de déterminer si l'ouverture de cette fosse était située au sommet de la couche 4 ou au sein de la couche 1. Une analyse rapide du matériel céramique découvert au sein de la fosse nous a poussé à la rapprocher de la couche saladoïde ancienne (couche 4). Concernant la fonction de cette fosse, l'étude de son remplissage peut nous apporter quelques informations. Il est composé d'une superposition de lentilles plus ou moins épaisses (figure 43). Cette hétérogénéité du remplissage nous

fait penser que le comblement de la fosse a été relativement lent. Par ailleurs, une importante quantité de restes céramiques et lithiques ont été découverts dans cette structure et un fragment osseux a été identifié dans sa partie basse. Son mauvais état de conservation n'a pas permis de réaliser de détermination spécifique. Enfin, le sommet du remplissage est constitué par un niveau de sédiment rubéfié laissant supposer qu'un feu a été entretenu à cet endroit. La diversité des vestiges découverts, leur état fragmentaire et la lenteur supposée du comblement nous incitent à penser que cette fosse a servi de dépotoir.

Figure 42: Moulin l’Etang – Sondage 4 coupe ouest. (C4, couche d’ocupation; C4a, vidange de foyers?)

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Figure 43: Moulin l’Etang – Sondage 10 coupes Nord (A) et Sud (B).

En dehors de ces deux structures évidentes, la couche d'occupation peut être traitée de façon globale. Au total, ce sont 1164 restes céramiques qui ont été découverts au sein de la couche 4. Comme à Vivé, nous avons tenté à Moulin l'Etang d'évaluer les variations d'intensité de l'occupation par l'étude de la densité de ces restes céramique dans les différents sondages (figure 42). Le sondage le plus riche est le sondage 4 avec une densité supérieure à 300 tessons/m2. Il forme avec les sondages 2 et 10 la zone de plus forte intensité de l'occupation. Un second ensemble est formé par les sondages 5 et 8 où du matériel a été découvert en très faible quantité. Enfin, les autres sondages se sont révélés stériles ou quasi stériles. La quantité de matériel découvert dans les différents sondages semble pouvoir être corrélée avec les variations d'épaisseur de la couche d'occupation.

Ainsi, la couche 4 a une épaisseur de 60 cm dans le sondage 4 et de 30 cm dans le sondage 5. La comparaison des données issues des sondages de Moulin l'Etang avec celles qui sont liées à la fouille de Vivé nous amène à avancer une hypothèse concernant la nature du secteur du gisement correspondant au sondage 4. Comme nous l'avons dit plus haut, dans ce sondage, la couche d'occupation est très épaisse et d'une grande richesse (309 tessons/m2)22. De plus, les restes d'une vidange de foyer ont 22

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Dans le cadre d'une comparaison avec les données de Vivé, les valeurs de densité obtenue à Moulin l'Etang doivent être corrigées à la hausse du fait de la différence de méthode de fouille (sondages mécaniques, absence de tamisage).

satisfaisante les informations que nous venons de présenter. On peut juste noter que ces recherches semblent avoir concerné la même occupation que celle que nous avons cernée par nos travaux.

été identifiés en son sein. A cet ensemble il faut ajouter que le sédiment est particulièrement sombre et que l'on a découvert dans ce sondage, en plus des tessons, une grande quantité de galets (certains portant des traces de feu). Ces différentes caractéristiques nous paraissent comparables à celles des zones de dépotoir que nous avons identifiées à Vivé (pour le dépotoir de la Zone 1: épaisseur de la couche 70 cm, entre 250 et 500 tessons/m2).

2.6. Conclusion. Les travaux réalisés à Moulin l'Etang sont évidemment bien plus limités que ceux que nous avons effectués à Vivé. Les conclusions que nous avons pu tirer concernant l'organisation interne de ce gisement sont donc des plus anecdotiques. Les structures identifiées (fosse, dépotoir) sont beaucoup trop rares pour pouvoir servir de base à une quelconque analyse de ce type.

2.5. Synthèse avec les données anciennes. La corrélation des informations que nous avons obtenues à Moulin L'Etang avec celles issues des sondages réalisés par R. L. Fayaud (Fayaud, 1976) connaît une difficulté majeure. Les deux sondages Fayaud n'ont fait l'objet d'aucun repérage précis. Le sondage I est localisé: "en limite de parcelle agricole entre un chemin d'accès et une zone de futaies et de broussailles" (Fayaud, 1976 p.6). Le sondage II est situé, lui, dans la bananeraie à 25 m au Nord du premier. La parcelle en question correspond à celle où sont localisés les sondages 4 à 8 et 10. La stratigraphie du sondage I est marquée par l'absence des niveaux pliniens liés à l'éruption P2. La stratigraphie du sondage II est, elle, tout à fait comparable à celle que nous avons présentée.

Cependant, l'opération de sondages que nous avons réalisée nous a permis d'avoir une première vision de ce site saladoïde ancien jusque-là très mal connu. Ainsi, malgré les difficultés liées au nécessaire respect des cultures, nous avons pu cerner les limites de l'occupation ou au moins de l'une des occupations de la couche inférieure. Cet ensemble qui devait s'étendre sur plus d'un hectare a malheureusement été en partie détruit par la construction de la route nationale 1 au sud et par le creusement d'un bassin de décantation au nord.

Dans ces deux sondages, la couche d'occupation n'a qu'une vingtaine de centimètres d'épaisseur. Elle est cependant relativement riche en matériel archéologique (125 tessons/m2 dans le sondage I et 114 tessons/m2 dans le sondage II). De plus, deux vases fracturés en place ont été dégagés lors de la fouille du sondage I. Par comparaison avec les informations obtenues à Vivé ces données pourraient indiquer que le secteur fouillé pourrait correspondre à une zone d'activité. La faiblesse des informations à notre disposition incite cependant à la plus grande prudence concernant cette hypothèse.

Enfin, on peut noter la grande ressemblance qui existe entre ce site et celui, contemporain, de Vivé. Ainsi, la stratigraphie de ces deux gisements est identique. Les retombées pliniennes liées à l'éruption P2 de la Montagne Pelée y séparent deux niveaux d'occupation amérindiens. De la même façon, on peut noter la proximité géographique des deux sites qui ont été implantés dans des conditions géomorphologiques comparables. Ils sont situés sur un petit plateau côtier à proximité immédiate d'une rivière. Nous montrerons plus loin que cette ressemblance entre les deux gisements concerne aussi les artéfacts qui y ont été découverts.

Nous l'avons dit, l'absence de localisation précise des sondages Fayaud ne permet pas d'exploiter de façon

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3. Le site de Fond-Brûlé.

Figure 44: Localisation du site de Fond-Brûlé. La zone grisée indique l'emplacement du gisement (dessin D. Molez).

3.1. Localisation géographique

3.2. Historique des recherches

Le gisement de Fond-Brûlé est situé sur le territoire de la commune du Lorrain. Il est précisément localisé sur la rive nord-ouest de la rivière Grande Anse au niveau de son embouchure (figure 44). Il se trouve donc à proximité immédiate d'une source d'eau pérenne et la plage de Grande Anse offre un accès aisé à la mer.

Repéré et sondé rapidement par R. Pinchon en 1946 et par E. Revert en 1949 (Montbrun, 1984), le site de Fond-Brûlé est mentionné pour la première fois par R. Pinchon en 1952 (Pinchon, 1952). Il est ensuite cité par le même chercheur dans son répertoire des sites martiniquais (Pinchon, 1963). Au cours des années 1966 et 1967, deux opérations de sondage y sont réalisées, la première par F. Turcat (deux sondages de 1,5 m2 (1 x 1,5 m); Turcat, 1966-67) et la seconde par M. Mattioni (un sondage de 24 m2 (3 x 8 m); Mattioni, 1968).

Faisant directement face au site de Fond-Brûlé, sur l'autre rive de la rivière, se trouve le site précolombien de Grande Anse inventé et sondé par J. Petitjean Roget dans les années 60. Depuis cette date, il a été en grande partie détruit par les travaux de construction d'un stade et d'une piscine. La rivière Grande Anse se traverse à gué au niveau de ces deux gisements.

C'est en 1977, qu'une fouille de sauvetage de grande ampleur est programmée suite à un projet, abandonné par la suite, de construction d'un lotissement sur la zone archéologique. Dans ce cadre, des sondages préliminaires sont réalisés par M. Mattioni (Mattioni, 1977). Il s'agit d'une tranchée de 5 m2 (10 x 0,5 m) et deux tests de 1/4 de m2 (0,5 x 0,5 m). De plus, C. Montbrun réalise un sondage de 4m2 au niveau de la couche supérieure d'occupation (post-saladoïde). Après ce premier diagnostic, une fouille extensive est conduite par M. Mattioni entre 1977 et 1980 (Mattioni, 1980, 1981 et 1982).

La position topographique de ces deux sites est différente de celle des sites supposés contemporains de Vivé et de Moulin L'Etang. Ces derniers sont localisés sur un plateau côtier alors que le site de Fond-Brûlé est comme son nom l'indique situé dans un fond de vallée. La très grande proximité de la rivière Grande Anse entraîne, par ailleurs, quelques spécificités taphonomiques que nous détaillerons lors de l'analyse de la stratigraphie. 59

Une surface totale de 200 m2 est ainsi décapée23. Une très importante quantité de vestiges céramiques et lithiques est mise au jour au cours de ces travaux (11658 tessons de céramique et 875 pièces lithiques qui sont représentées à 82 % par des restes de débitage en jaspe, en calcédoine ou en roches magmatiques effusives (basaltes, andésites)). Une trentaine de structures de combustion sont aussi répertoriées ainsi qu'une structure en creux pouvant être un trou de poteau. En raison de l'acidité des sédiments volcaniques contenant les restes de l'occupation, le matériel osseux et conchylien n'a pas ou très mal été conservé à Fond-Brûlé.

3.3. Les travaux récents 3.3.1. L'objectif et l'emprise des travaux Nous venons de le voir, le gisement de Fond-Brûlé a fait l'objet de nombreuses et importantes opérations de sondage et de fouille. L'objectif de nos travaux était, avant tout, de vérifier l'état de conservation du gisement et d'effectuer une nouvelle étude stratigraphique, associant analyses sédimentologiques et datations par le radiocarbone. Par ce moyen, nous souhaitions obtenir des informations permettant d'aborder sur de nouvelles bases la question de l'attribution chrono-culturelle de cette occupation. Par ailleurs, nous avons cherché à cerner l'extension du site.

Cette fouille a fait l'objet d'une publication monographique sommaire (Mattioni, 1982) où est exposée, entre autres, la typologie céramique adoptée par M. Mattioni pour la phase saladoïde ancienne et une analyse spatiale de la zone fouillée. Concernant l'attribution chronologique précise de l'occupation du site de Fond-Brûlé, une série de datations C14 et Gamma-TL ont été réalisées (tableau 5). Elles soulèvent de nombreuses interrogations.

Pour cela nous avons réalisé quatre sondages mécaniques en mai 1999 (figure 45). Le choix de leur implantation dans l'axe nord-ouest/sud-est a été guidé par notre désir d'avoir une vision de la stratigraphie du gisement dans différents contextes géomorphologiques. Deux éléments ont ainsi été pris en compte: la proximité de la Rivière Grande Anse et à l'opposé la proximité du morne qui borde le nord du site. La répartition des sondages dans l'axe nord-est/sud-ouest est liée à notre volonté de cerner les limites de l'occupation. Enfin, nous avons pris en compte la localisation de la zone de fouille Mattioni.

Site Références Méthodes Dates Fond-Brulé Nancy C14 2480±40 B.P. Fond-Brulé Nancy C14 2215±115 B.P. Fond-Brulé Ly-2197 C14 2100±210 B.P. Fond-Brulé BDX 156 TL 2010±300 B.P. Fond-Brulé BDX 161 TL 1865±210 B.P. Fond-Brulé Ny-478 C14 1650±210 B.P. Fond-Brulé Ly-2196 C14 1630±80 B.P. Tableau 5 : les datations de l'occupation amérindienne du site de Fond-Brûlé.

En effet, les premières dates très anciennes obtenues par le laboratoire de Nancy n'ont pas été acceptées par les fouilleurs et une nouvelle datation a été effectuée (Ny-478). Elles placent l'occupation du site autour des Ier et IIème siècle de notre ère (Mattioni, 1981). Une troisième campagne de datation utilisant la méthode par GammaThermoluminescence a enfin été menée (BDX 156 et BDX 161). L'occupation de Fond-Brûlé a finalement été située entre le début de notre ère et le début du IIéme siècle par les fouilleurs (Schvoerer et al., 1985a et 1985b). Cependant, les discussions concernant l'attribution chronoculturelle du site de Fond-Brûlé ont repris suite à la publication des travaux concernant le site de Sorcé/La Hueca et à la caractérisation de l'ensemble saladoïde huecan (ou huecoïde ou guapoïde, cf. chap. "La sous-série huecane"). En effet, à partir de ce moment, l'occupation de Fond-Brûlé a été associée à cet ensemble culturel par différents chercheurs sur la base de l'analyse stylistique de quelques pièces isolées et surtout des dates anciennes que nous avons présentées plus haut (Haviser, 1997; Hofman, 1993; H. Petitjean Roget, 1989 et 1990). Aucune étude n'a été réalisée par la suite permettant de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse.

Figure 45: Fond-Brûlé - Implantation des sondages de 1999.

3.3.2. La stratigraphie du site. Comme nous le soupçonnions, la stratigraphie du site de Fond-Brûlé est marquée par l'importance des variations latérales de faciès. Ces variations sont liées à la proximité de la rivière Grande Anse d'un côté, ce qui entraîne un apport d'alluvions, et à un apport de colluvions depuis le petit morne qui limite le site au Nord-Ouest.

23

Au cours des différentes opérations que nous venons de présenter, une surface totale de 232,5 m2 avait donc été fouillée au niveau de la couche inférieure d'occupation avant notre intervention.

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Figure 46: Fond-Brûlé – Stratigraphie des différents sondages.

D'un point de vue général, la stratigraphie que nous avons observée est assez proche de celle qui a été décrite par M. Mattioni (figure 46). • Le sommet de la stratigraphie correspond à des remblais récents liés à l'aménagement de la route qui borde le site à l'Ouest (Sondages 1, 3 et surtout 4). • Ensuite, un premier niveau est constitué d'un sédiment

argilo-sableux contenant des ponces roulées ainsi que des vestiges amérindiens. Cette couche est parfois couverte d'un niveau de colluvions descendus du petit morne voisin (sondage 1). Ces colluvions contiennent quelques vestiges amérindiens liés à l'occupation tardive située au sommet de la colline.

61





Cette couche recouvre un niveau de ponce. L'analyse de ce niveau de ponce dans le sondage 2, le plus près de la rivière (Bérard et al., 2002 et à paraître) montre qu'elle est en position secondaire. En effet, on a pu observer un microlitage de cette couche lié à un granoclassement des ponces qui la constituent. Elle correspond donc à des apports alluvionnaires vraisemblablement liés à l'éruption P2 ou P3 de la Montagne Pelée. La zone Mattioni se trouvant entre le sondage 2 et la rivière, le niveau de ponce observé par le fouilleur devait vraisemblablement aussi y être composé d'éléments en position secondaire Enfin, on trouve à la base de la stratigraphie une couche argileuse claire aux dépens de laquelle s'est développé un paléosol correspondant au premier niveau d'occupation amérindien. Dans le sondage 1, deux niveaux d'occupation ont pu être distingués au sein de cette couche.

Nous détaillerons plus tard les conséquences de ces résultats sur la datation de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique de façon générale. Concernant l'attribution culturelle du site de Fond-Brûlé les nouvelles dates en notre possession incite à rejeter l'hypothèse d'une occupation saladoïde huecane du gisement. Nous verrons que cette idée se trouve largement confirmée par les résultats de l'analyse du matériel céramique.

• La diversité des faciès stratigraphiques observés à FondBrûlé et surtout l'absence de retombées pliniennes en place n'ont pas permis que soit réalisée une analyse tephrostratigraphique précise. Cela est d'autant plus dommage que, du fait des datations anciennes obtenues sur ce site, l'hypothèse avait été évoquée de l'association la couche de ponce, non pas à l'éruption P2 (1670 ± 40 B.P.) comme à Vivé et Moulin l'Etang, mais à l'éruption P3 (2010 ± 140 B.P.) de la Montagne Pelée (Allaire, 1989). 3.3.3. La datation de l'occupation. Cette attribution incertaine des niveaux de retombées volcaniques est essentiellement liée au gros problème de datation que nous avons souligné précédemment. Un problème dont les conséquences rendent même incertaine l'attribution culturelle de la couche d'occupation amérindienne. Il nous est donc apparu indispensable d'obtenir de nouvelles datations à partir d'échantillon provenant des différents sondages que nous avons réalisés. Quatre charbons ont ainsi été prélevés, deux dans le sondage 1 et deux dans le sondage 3. Dans le sondage 1, les échantillons proviennent des deux niveaux que nous avons pu distinguer au sein de la couche d'occupation.

Figure 47: Fond-Brûlé – Datations absolues.

3.3.4. La méthode de fouille. Les sondages ont été réalisés à l'aide d'une tracto-pelle. Les couches supérieures ont été retirées rapidement jusqu'au sommet de la couche de ponce. La fouille a ensuite été réalisée par des décapages successifs les plus fins possibles (environ deux centimètres d'épaisseur). Au sein de la couche d'occupation, le matériel a été récolté par niveaux artificiels d'une dizaine de centimètres d'épaisseur. Les déblais n'ont pas été tamisés mais ceux issus de la couche d'occupation ont été individualisés en fonction des niveaux artificiels de décapage. Ces différents ensembles ont ensuite fait l'objet d'un tri manuel.

Les résultats d'analyses par le radiocarbone des différents charbons sont très homogènes (figure 47). Ils sont par ailleurs tout à fait comparables aux datations les plus récentes obtenues par M. Mattioni (Ly 2196 et Ny 478). Ils correspondent de plus à la limite supérieure de l'intervalle de validité des datations par thermoluminescence. Les trois dates exceptionnellement anciennes obtenues précédemment semblent donc devoir être rejetées. Nous avons vu qu'une partie des dépôts est constituée par des alluvions. On peut alors se demander si les charbons ayant donné ces dates très anciennes n'étaient pas en position secondaire. Une fois éliminées ces dates douteuses, les six autres dates radiocarbones situent l'occupation du site de Fond-Brûlé se situe entre 1650 et 1620 B.P., soit une date la plus probable d'occupation autour de 420 ap. J.-C.. Au niveau de précision qui est le nôtre, l'occupation de Fond-Brûlé apparaît donc comme contemporaine de celles des sites de Vivé et Moulin l'Etang. Enfin, ces datations permettent d'attribuer définitivement le niveau de ponce qui scelle la couche d'occupation à l'éruption P2 de la Montagne Pelée.

Dans les sondages 1 et 3, la fouille mécanique de la couche d'occupation a été interrompue en cours d'opérations du fait de la découverte d'une structure de combustion dans le sondage 1 et d'une concentration de restes céramiques dans le sondage 3. Le décapage a été poursuivi à la truelle jusqu'à la couche stérile. Par ailleurs, dans le sondage 4, où l'on trouve une importante épaisseur de remblais historiques, la fouille a dû être interrompue pour des raisons de sécurité au sommet de la couche d'occupation. Enfin, chaque sondage a fait l'objet d'un ou plusieurs relevés stratigraphiques et des charbons de bois ont été prélevés afin de servir de supports à des datations par le radiocarbone. 62

caractérisé par l'abondance des structures de combustion et des restes céramiques dominés par les vases de cuissons (marmites et platines). Il correspond selon toute vraisemblance à une zone d'activités culinaires.

3.4. Les résultats. 3.4.1. L'étendue du site. Les quatre sondages que nous avons réalisés nous permettent tout d'abord d'apporter quelques informations concernant l'étendue du site. Le site de Fond-Brûlé se développe sur une bande de terre orientée sud-ouest/nord-est d'environ 25 m de large. Il est limité d'un côté par la rivière Grande Anse et de l'autre par la pente d'un petit morne. Au Sud-Ouest, le sondage 4 correspond à peu près à la fin de l'occupation. La limite Nord-Est du site est plus difficile à déterminer. Elle se situe vraisemblablement dans la parcelle adjacente à celle où nous sommes intervenus. Le site s'étendrait ainsi sur près de 100 m de long et sur au maximum 25 m de large. Cette taille limitée du gisement nous incite à nous interroger sur les rapports qui pourraient avoir existé entre le site de FondBrûlé et la très proche occupation de Grande Anse. En effet, il semble assez probable que ces deux sites aient pu fonctionner de façon synchrone. Nous l'avons dit, à ce niveau la Rivière Grande Anse peut être traversée à gué sans aucune difficulté. La surface totale de ces deux gisements, qui occupe à la quasi-totalité de la petite plaine côtière formée par les alluvions de la rivière, est de 4,5 hectares. Malheureusement la destruction quasi complète du site de Grande Anse ne nous permet pas d'aller au-delà dans l'analyse.

Le sondage 3 semble pouvoir être rattaché à cet ensemble bien qu'aucune structure de combustion n'y ait été découverte. La densité du matériel y est comparable à celle de la partie proche de la zone Mattioni (figure 48). De plus, trois formes archéologiquement complètes de marmites ont pu être reconstituées à partir des tessons que nous y avons découverts.

3.4.2. La couche d'occupation. Une seule structure a été identifiée au cours de nos travaux. Il s'agit d'un foyer situé au fond du sondage 1 qui s'étend légèrement au-delà de son coin nord-ouest. C'est un foyer à plat, sans bordure de pierre, constitué d'une lentille cendrocharboneuse d'une épaisseur maximale de 4 cm qui couvre un niveau de terre rubéfiée de 2 à 3 centimètres d'épaisseur. Il est localisé dans le fond de la couche d'occupation sous un premier niveau présentant une importante concentration de vestiges. Il a ainsi été possible dans le sondage 1 de diviser la couche d'occupation en deux unités stratigraphiques. Le niveau supérieur riche en vestiges est composé d'un sédiment argileux brun clair. Le niveau inférieur dans lequel se trouve le foyer présente un sédiment plus clair.

Figure 48: Plan de densité des restes céramiques (d’après Mattioni, 1981). Les différents niveaux de gris correspondent du plus sombre au plus clair à des concentration de: + de 100 tessons/m2, + de 20 tessons par m2 et moins de 20 tessons/m2.

Concernant l'intensité de l'occupation, seuls les sondages 1 et 3 ont livré une quantité significative de matériel (respectivement 32 et 136 tessons). Quelques pièces (7 tessons) ont aussi été trouvées dans le sondage 4 sur le sommet de la couche d'occupation. Enfin, le sondage 2 a livré une couche d'occupation très claire et particulièrement pauvre en vestiges (5 tessons).

Le sondage 2 très pauvre en vestiges est lui aussi en cohérence avec les données de la zone Mattioni. En effet, très peu de vestiges avaient été découverts près du bord nordest de cette zone (figure 48). Le sondage 1 et son foyer à plat sont beaucoup plus éloignés de la zone Mattioni. Il pourrait correspondre à un autre espace séparé du premier par la zone "vide" marquée par la partie nord-est de la zone Mattioni et le sondage 2.

3.5. Synthèse avec les données anciennes.

Il nous paraît très hasardeux de tenter une quelconque analyse concernant l'organisation générale du village amérindien de Fond-Brûlé. D'autant plus si, comme nous le supposons, le locus Mattioni doit être considéré comme un des éléments d'un ensemble plus vaste intégrant le site de Grande Anse. On peut juste noter de façon anecdotique l'aspect pratique que représente l'installation d'une zone d'activités culinaire à proximité immédiate d'une source d'eau douce.

Nous avons essayé d'intégrer les nouvelles données que nous venons de présenter à celles beaucoup plus riches qui sont issues de la fouille dirigée par M. Mattioni24. Le secteur mis au jour au cours de cette fouille (Mattioni, 1981) est 24

La localisation trop imprécise des sondages Turcat 1966 (Turcat, 1966/67) et l'absence de localisation de la zone Mattioni 1967 (Mattioni, 1968) ne nous ont pas permis d'intégrer leur résultats à ce niveau de notre analyse.

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Nous ne sommes cependant pas forcément en désaccord avec le rattachement de certaines pièces de Fond-Brûlé à un style saladoïde huecan comme cela a été fait par H. Petitjean Roget (H. Petitjean Roget, 1989 et 1990). Il nous semble, comme cela a été dit pour le site de Trants (Watters et Petersen, 1999), que s'il y a des éléments de style saladoïde huecan à Fond-Brûlé, il n'y a pas pour autant d'occupation saladoïde huecane de ce site. Cette remarque est aussi valable pour d'autres sites saladoïdes cedrosans anciens de Martinique. On peut d'ailleurs se demander, si certains éléments du style saladoïde huecan ne font pas partie du vocabulaire décoratif saladoïde cedrosan ancien de façon générale. En conclusion, après avoir traité le cas du site de Fond-Brûlé qui avait fait l'objet d'un débat, il nous paraît que les différents gisements correspondant aux premières occupations agricoles de Martinique forment un ensemble culturel homogène qui doit être rattaché au Saladoïde cedrosan ancien. Les études que nous présentons plus loin concernant les différents vestiges découverts lors de la fouille de ces sites viennent largement confirmer ce point.

3.6. Conclusion. Une des questions fondamentales concernant le site de nordest était celle de son attribution chrono-culturelle. La solution à cette question nous a en partie été donnée par les nouvelles datations que nous avons obtenues. Concernant l'analyse stylistique des restes céramiques, on peut tout d'abord noter qu'au moins 25 % des tessons découverts par M. Mattioni portent un décor peint alors que ce type de décoration est censé être absent ou très rare au sein des séries huecanes. De plus, une maîtrise a été soutenue récemment à l'Université de Paris I sur la série céramique issue des fouilles Mattioni (Calado, 1998). Son auteur y conclut concernant ce sujet: "Je tiens par-là même à affirmer qu'il n'y a rien dans le matériel de Fond-Brûlé qui puisse être associé au matériel Huecoïde." (Calado, 1998, p.65). Pour notre part, nous n'avons rien pu observer qui puisse distinguer Fond-Brûlé de l'ensemble des sites saladoïdes cedrosans anciens de Martinique au sein des différentes séries que nous avons étudiées (Turcat, Mattioni et Bérard). Concernant le matériel issu de nos sondages, on peut noter que seuls 22 % des tessons décorés ne portent pas de peinture.

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4. Le site de l'Anse Couleuvre.

Figure 49: Localisation du site de l’Anse Couleuvre. (La zone grisée marque l’emplacement du gisement)

4.1. Localisation Géographique. 4.2. Les travaux de terrain. Le site de l'Anse Couleuvre est localisé à l'extrême nord de la côte caraïbe de la Martinique. Eloigné de moins de 6 kilomètres du sommet de la Montagne Pelée, il est situé à une cinquantaine de mètres de la plage entre la rive nord de la rivière Anse Couleuvre et les pentes abruptes d'un petit morne (figure 49). Ce gisement amérindien a été découvert par L. Desgrottes en 1994 à la suite du passage du cyclone Cindy. Les très fortes précipitations liées à ce phénomène ont fait sortir la rivière Anse Couleuvre de son lit provoquant une importante érosion d'une terrasse qui a mis au jour des vestiges précolombiens.

4.2.1. L'objectif et l'emprise des travaux. Le site de l'Anse Couleuvre n'avait fait l'objet d'aucune opération archéologique avant notre intervention. Nos objectifs ne pouvaient donc être que des plus simples. Nous souhaitions déterminer l'état de conservation et l'étendue du gisement ainsi qu'une attribution chronologique concernant son occupation. Pour cela, nous avons dégagé en trois points, sur une largeur d'environ 1 m, la coupe naturelle liée à l'érosion provoquée par le passage du cyclone Cindy. De plus, nous avons réalisé deux sondages de 2 et 4 m2 sur le petit plateau situé à son sommet (figure 50). La fouille de deux des coupes, coupes 1 et 2, a été menée à son terme. Le temps imparti au stage de fouille n'a malheureusement pas permis d'achever le dégagement de la coupe 3. De même, la fouille du sondage 1 a dû être interrompue à 2m sous le niveau du sol actuel, au sommet de la couche d'occupation amérindienne, pour des raisons évidentes de sécurité.

Les éléments découverts nous ont permis de rattacher une partie de cette occupation à la phase saladoïde. Leur petit nombre ne permettait cependant pas de donner une attribution chronologique plus précise à cet ensemble. Ce site nous paraissait pouvoir être un équivalent intéressant aux gisements saladoïdes anciens du nord de la côte au vent. Nous avons donc entrepris de le sonder en mars 2001 dans le cadre du stage de fouille archéologique lié aux enseignements d'Archéologie du département d'Histoire de l'Université des Antilles et de la Guyane.

65

Figure 50: Anse Couleuvre – Plan de l’implantation des sondages.

4.2.2. La stratigraphie.

côte au vent. En effet, aucune trace du niveau de ponce lié à l'éruption P2 n'a pu y être observée. Deux hypothèses peuvent expliquer cette réalité, soit les retombées liées à P2 n'ont pas touché la côte Caraïbe, soit les niveaux liés à ce phénomène éruptif ont été érodés anciennement dans cette zone. On peut juste noter que la tephrostratigraphie du gisement de l'Anse Couleuvre est comparable à celle observée dans d'autres sites du nord de la côte sous le vent de la Martinique (Bérard et al., 2002 et à paraître). Enfin et surtout, la stratigraphie du site de l'Anse Couleuvre est originale par la présence de niveaux d'occupation amérindiens séparés par de couches stériles. En cela il s'agit d'un gisement unique en Martinique.

La stratigraphie la plus complète a été observée suite au dégagement de la coupe 2 (figure 51). On y observe : • •





Couche 1 : niveau de terre végétal contenant des vestiges historiques ainsi que quelques tessons précolombiens tardifs. Couche 2 : niveau de ponce localement perturbé par la présence de racines de bambou. Les observations réalisées sur la même couche dans la coupe 3 semblent indiquer qu'il s'agit de retombées en place. Elles pourraient être associées à l'éruption P1 de la Montagne Pelée (650 ± 20 B.P.). Couche 3: La couche 3 se compose d'un sédiment argilo-ponceux gris-brun. Nous avons pu distinguer en son sein une alternance de niveaux clairs et foncés (3a à 3g). Les différents niveaux foncés, pédogénéisés, (3a, 3c, 3e et 3g) paraissent correspondre à autant de niveaux d'occupation amérindiens. Les niveaux clairs pourraient correspondre à des colluvions provenant du morne voisin. Les analyses micromorphologiques sont en cours. Couche 4 : niveau de tuf ancien partiellement altéré formant la base de la stratigraphie.

4.2.3. La méthode de fouille. L'ensemble des travaux a été réalisé manuellement. Les couches historiques ont été retirées rapidement à la pelle et à la pioche. La fouille des niveaux précolombiens a ensuite été menée à la truelle en respectant la stratigraphie naturelle du gisement. Cependant, les unités stratigraphiques dont l'épaisseur était supérieure à 15 cm ont été divisées en niveaux artificiels d'environ 10 cm d'épaisseur. L'ensemble des sédiments a été tamisé avec des tamis de mailles de 5 et 2 mm. Du fait de la surface très limitée des zones de fouille, le matériel a été récolté par secteur (coupes 1 à 3 et sondage 1) et niveau stratigraphique.

La stratigraphie du site de l'Anse Couleuvre se distingue assez nettement de celles que nous avons observées sur la

66

Figure 51

Ainsi, les vestiges précolombiens n'ont été conservés que dans une bande étroite coincée entre la rive nord de la rivière de l'Anse Couleuvre et un petit morne. Il est cependant possible que des lambeaux de sites aient été préservés sur l'autre rive dans des positions topographiques comparables (pied de pente).

4.3. Les résultats. 4.3.1. Etat de conservation et étendue du site. Le gisement précolombien de l'Anse Couleuvre a subi de nombreuses déprédations depuis son abandon. Originellement, il devait occuper la quasi-totalité de la terrasse alluviale située à l'embouchure de la rivière Anse Couleuvre. Une partie de cette terrasse a depuis été érodée par les crues de la rivière. De plus, la destruction du gisement a été complétée par les aménagements liés à l'installation de l'Habitation Tardon. Ainsi, dans le sondage 2 situé à proximité de la maison du géreur nous avons pu observer que les couches précolombiennes avaient été décapées lors de la construction de ce bâtiment.

Concernant la bande nord que nous avons sondée, nous avons pu y observer dans la coupe naturelle la présence des niveaux d'occupation précolombiens sur une longueur d'environ 40 m. Le sondage 1 nous a permis d'attester de leur présence sur une profondeur d'au moins 11 m depuis la coupe en direction du pied du morne. Dans la zone préservée du site, les vestiges amérindiens de la couche 3 paraissent être en place. En effet, nous avons pu observer a plusieurs reprises lors du dégagement de la coupe 67

2 de gros fragments de vases fracturés sur place, les différents tessons les constituant encore en connexion.

Lors de la fouille du niveau 3e, 105 tessons de céramique ont été découverts. Cet ensemble est caractérisé par un nombre encore important de tessons décorés. Cependant, les décors peints et particulièrement les décors bichromes rouges et blancs sont moins fréquents que dans le niveau inférieur. On observe par contre une présence plus marquée de la peinture noire (figure 53a). La collection compte aussi une grande anse à oreille monochrome perforée (figure 53b). Concernant les formes, trois vases relativement complets ont été découverts. Il s'agit d'un bol simple (figure 53c), d'une vasque carénée (figure 53d) et d'une petite coupe naviforme (figure 53e). Ces différents éléments sont caractéristiques du complexe de l'Espérance définit par L. Allaire qui en fait l'origine de la série Troumassoïde en Martinique (Allaire, 1977). L'occupation du niveau 3e pourrait donc être datée entre 600 et 750 de notre ère.

4.3.2. La datation de l'occupation. Bien que des charbons aient été prélevés dans ce but, nous ne possédons encore aucune datation absolue concernant l'occupation amérindienne du site de l'Anse Couleuvre. Seule l'analyse des restes céramiques découverts lors du nettoyage de la coupe 2 nous donne quelques informations concernant cette question. Au sein de cette coupe, 5 niveaux d'occupation amérindiens ont été distingués. Quatre sont situés au sein de la couche 3. Lors de la fouille du plus ancien d'entre eux, le niveau 3g, 79 tessons de céramique ont été recueillis. Ils sont caractérisés par l'importance des décors et particulièrement des décors peints bichromes, rouges et blancs (figure 52a). Un décor modelé incisé caractéristique a aussi été découvert (figure 52b). Concernant les formes, deux vases relativement complets ont été découverts. Il s'agit d'une petite urne (figure 52c) et d'une coupe en hamac (figure 52d). Ces différents éléments sont caractéristiques du Saladoïde modifié représenté en Martinique par le complexe du Diamant (J. Petitjean Roget, 1968a et 1968b). Cette attribution situerait l'occupation du niveau 3g entre 400 et 600 de notre ère.

Les couches 3a et 3c ont livré un matériel très fragmenté et peu important (respectivement 39 et 65 tessons). Les quelques observations que nous avons pu effectuer semblent indiquer, en accord avec l'étude stratigraphique, que l'occupation de ces couches est à rapprocher de la série Troumassoïde, sans plus de précision.

Figure 52: Anse Couleuvre – Coupe 2, couche 3g (dessin F. Honoré).

68

Figure 53: Anse Couleuvre – Coupe 2, couche 3e (dessin F. Honoré).

est constitué d'une série d'occupations allant du Véme siècle de notre ère à l'époque coloniale. Que ces différentes occupations soient nettement séparées stratigraphiquement par des niveaux stériles fait de l'Anse de Couleuvre un gisement tout à fait exceptionnel en Martinique. Malheureusement, contrairement à nos espérances, aucun vestige attribuable à la phase saladoïde ancienne n'y a été découvert. Il nous paraissait cependant intéressant de présenter ces travaux inédits car certaines informations liées à cette fouille nous serons utiles pour l'essai de géographie saladoïde ancienne de la Martinique que nous allons présenter un peu plus loin.

Enfin, la couche 1 est totalement perturbée par les aménagements historiques. Elle contient cependant quelques vestiges céramiques précolombiens. Parmi les quelques pièces que nous avons récoltées, les éléments décorés sont particulièrement rares. Il s'agit essentiellement de tessons présentant des décors "scratchés"25. Cette couche d'occupation la plus récente pourrait être attribuée de la série Suazoïde (Allaire, 1977). Cette hypothèse est en accord avec le rapprochement avec l'éruption P1 de la Montagne Pelée du niveau de ponce sous-jacent. 4.4. Conclusion. Ainsi, le site de l'Anse Couleuvre, en grande partie détruit,

25

Il s'agit d'un type de décor caractéristique de la série Suazoïde. Ce traitement de surface est réalisé avant séchage par frottement avec des fibres végétales de la paroi externe de certains vases. Des motifs grossiers en chevrons sont parfois ainsi obtenus.

69

5. Les sites de Lasalle et de La Pointe.

Figure 54: Localisation du site de Lasalle, la zone grisée marque l’emplacement du gisement (Dessin D. Molez).

Il nous faut maintenant présenter rapidement deux gisements qui n'ont pas fait l'objet de travaux de terrain mais dont nous avons analysé les collections issues de fouilles anciennes. Il s'agit des sites de Lasalle à Ste-Marie et de La Pointe au Marigot.

Lasalle (J. Petitjean Roget, 1970a et 1970c; Pinchon, 1952; Pinel de la Taule, 1970). Aujourd'hui, ce gisement amérindien n'existe plus, il a été entièrement détruit par la construction d'un centre commercial et de la nouvelle mairie de la commune. C'est pour cette raison que nous n'avons pu entreprendre de nouveaux travaux sur ce site important. La collection Revert est conservée au Musée de l'Homme et la collection Pinchon est sous la responsabilité du Service Régional du Patrimoine de Martinique. Le reste du matériel issu de ce site se trouve dans des collections privées.

5.1. Le site de Lasalle. Le site de Lasalle est localisé dans la commune de Ste Marie, sur un plateau à l'arrière du bourg. Éloigné de quelques dizaines de mètres de la mer, il est bordé au nord par la rivière de Ste Marie (figure 54). L'occupation amérindienne de ce lieu a vraisemblablement été découverte par le docteur Rose-Rosette (Beuze, non daté), les premières fouilles y ont été menées par M.E. Revert en janvier et février 1940 (Revert, 1949). Il y a excavé deux tranchées perpendiculaires ainsi qu'une série de sondages. Suite à ces travaux, il évalue l'aire de dispersion des vestiges (les niveaux supérieurs ont été perturbés par les travaux agricoles) à une vingtaine d'hectares. La stratigraphie relevée à l'occasion de ces recherches ne présente pas de niveau correspondant aux retombées de l'éruption P2 de la Montagne Pelée. Cependant, nous l'avons vu nous possédons une datation radiocarbone permettant de situer précisément l'occupation saladoïde ancienne du gisement (1770 ± 80 B.P., Y-1116). Suite à la fouille Revert, différentes opérations de sondages ou de ramassage de surface plus limitées ont été conduites à

5.2. Le site de La Pointe. Le site de la Pointe est localisé sur la côte nord-est de la Martinique dans la commune du Marigot (figure 55). Il est situé à proximité de la mer, entre la rivière du Lorrain et la rivière du Marigot, à une altitude moyenne de 40 m. Plusieurs gisements préhistoriques ont été découverts sur la commune du Marigot dès les années 1930. La première mention est le fait de J.B. Delawarde (Delawarde, 1935) qui en décrit la stratigraphie sans localiser précisément les gisements. En 1952, R. Pinchon décrit deux sites "l'Adoration" et "l'Étang" sur la commune du Marigot (Pinchon, 1952). Il les attribue aux Arawaks. 70

Figure 55: Localisation du site de La Pointe (Marigot). La zone grisée indique l'emplacement du gisement

de datation en notre possession sont issus de l'étude stylistique de la céramique. Ainsi, selon N. Vidal, l'occupation de La Pointe serait située chronologiquement entre celle du niveau inférieur de Vivé (IIIéme siècle) et celle du Diamant (VIéme siècle). On peut donc attribuer le site de l'Adoration au début de la transition Saladoïde ancien/Saladoïde modifié (Bérard et Vidal, 2002).

Enfin, en 1995, une opération préventive d'évaluation est conduite par N. Vidal à La Pointe dans le cadre d'un projet de lotissement (Vidal, 1995). La zone évaluée semble correspondre au site de l'Adoration décrit par R. Pinchon. Cinquante sondages et une grande tranchée ont été réalisés lors de cette évaluation. C'est la série lithique liée à cette opération que nous avons étudiée. Les vestiges issus de ce site n'ont pas été découverts en place. Ils sont soit remaniés par les labours sur le plateau, soit colluviés dans la pente. On les trouve immédiatement sous le sol actuel et jusqu'à une soixantaine de centimètres de profondeur. Les seuls éléments

71

Figure 56: Datation de l’occupation saladoïde ancienne de Martinique.

Ainsi, nous sommes face à un ensemble de sites chronologiquement très homogènes. Aucune occupation martiniquaise ne peut-être mise en rapport avec les dates très anciennes obtenues dans quelques sites du nord des Antilles (Trants, Hope Estate, Sorcé). Cette datation des sites saladoïdes anciens de Martinique présente deux avantages. Tout d'abord, l'absence d'occupation antérieure à l'an 0 nous permet d'éviter les difficultés liées à la question du Saladoïde huecan. Ensuite, la date de 1600 B.P. correspond au début de la transition vers le Saladoïde modifié. Ainsi, notre échantillon d'étude se révèle parfaitement adapté à notre objectif, la caractérisation de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique qui marque la présence des premiers groupes agro-céramistes dans l'île.

LA DATATION DE L'OCCUPATION SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE.

Avant le début de nos recherches, nous possédions un échantillon de onze dates en rapport avec l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique: deux concernaient l'éruption P2, une, le site de Vivé, une autre le site de Lasalle et sept le site de Fond-Brûlé. Nous en avons fait réaliser dixhuit autres: une pour le site de Moulin l'Etang, treize pour le site de Vivé et quatre pour le site de Fond-Brûlé. Ces nouvelles données nous ont tout d'abord permis comme nous l'avons vu plus haut de régler de façon définitive la question de l'attribution chronologique et culturelle du site de Fond-Brûlé. De plus, elles offrent une base fiable pour la datation de l'occupation saladoïde ancienne de la Martinique. Une fois éliminées les dates réalisées sur des échantillons pollués et identifiées les difficultés liées aux problèmes d'étalonnage de certains laboratoires (cf. chap. Le site de Vivé), toutes les dates en notre possession sont comprises entre 1850 et 1600 B.P. (soit entre approximativement 100 et 450 ap. J.-C.) (figure 56).

Enfin, Concernant la répartition des différentes occupations au sein de ces 250 années radiocarbones, deux ensembles peuvent être distingués. Deux sites, Vivé secteur est (1845 ± 50) et Lasalle (1770 ± 80), ont été occupés anciennement. Les autres gisements, Vivé secteur ouest, Moulin l'Etang et Fond-Brûlé, ont été occupés plus récemment (principalement entre 1700 et 1600 B.P.), juste avant l'éruption P2. Cependant, malgré ce léger décalage chronologique ces différents sites forment, comme nous allons le voir maintenant, un ensemble culturellement très homogène.

72

2. Géographie amérindienne générale de la Martinique, problèmes taphonomiques et questions méthodologiques.

GEOGRAPHIE SALADOÏDE ANCIENNE DE LA MARTINIQUE26.

2.1. La carte archéologique précolombienne de la Martinique, biais taphonomiques et biais de prospection. 1. Introduction. La carte archéologique précolombienne de la Martinique s'est constituée au fil des ans depuis les premières prospections réalisées dans les années trente par le R.P. Delawarde. Une grande partie des découvertes est à mettre à l'actif du R.P. Pinchon qui publiera d'ailleurs en 1952 la première carte (Pinchon, 1952). Une carte, qu'il complètera au fur et à mesure de ses nouvelles découvertes (Pinchon, 1963). Plus tardivement, un autre important travail de prospection réalisé par L. Allaire aboutit à la découverte de nombreux nouveaux sites (Allaire, 1977). Depuis cette date, cette base de données s'enrichit au rythme des opérations de prospection-inventaire (H. Petitjean Roget, 1976; Gros et Martin, 1993), des fouilles de sauvetage liées aux travaux d'aménagement et des découvertes fortuites (Vidal, 2003). Dans son état actuel, la carte archéologique précolombienne de la Martinique compte 96 sites (figure 57).

L'occupation archaïque de la Martinique paraît avoir été des plus limitées. Seuls deux gisements, Boutbois et Le Godinot, sont vraisemblablement à mettre en relation avec cette période de la Préhistoire de l'île (Allaire et Mattioni, 1983 ; Bérard, 2002a). Les premiers groupes formatifs sont donc arrivés dans une île pas ou très peu occupée par d'autres populations. Ils ont donc eu toute liberté pour choisir, au sein des écosystèmes présents, leurs lieux d'installation. L'étude de l'environnement des sites saladoïdes anciens permet donc, du fait de cette absence de contraintes anthropiques externes, d'analyser précisément les éléments constitutifs du concept d'espace naturel domestique chez ces groupes. L'intérêt de ce type d'études a d'ailleurs déjà été souligné par certains chercheurs. Ainsi, pour la Martinique, deux recherches concernant cette question ont été réalisées anciennement (Barrau et Montbrun, 1978; H. Petitjean Roget, 1975).

On peut déjà souligner quelques points concernant la répartition de ces sites au sein de l’île. Premièrement, une très faible quantité de gisements (8) est localisée à l’intérieur des terres. De plus, seuls deux d’entre eux correspondent à des sites d’habitat d’âge céramique. Par ailleurs, on peut remarquer une occupation supérieure de la côte atlantique avec 58 sites contre seulement 31 sur la côte caraïbe. Enfin, alors que l’occupation amérindienne des côtes de l’île est très intense, on observe quelques zones où aucun site n’a encore été découvert. Il s’agit principalement de la portion de côtes entre les communes du Prêcheur et de Grand Rivière à l’extrême nord de l’île ainsi que la Baie de Fort-de-France.

Depuis ces travaux, de nouveaux sites ont été découverts et nos connaissances ont beaucoup progressé concernant l'analyse des mécanismes de la migration saladoïde ancienne dans les Antilles (Keegan, 1985; Siegel, 1991; Haviser, 1997) ainsi que les questions paléoenvironnementales tant en Martinique (Joseph, 1997; Hatzenberger, 2001; Tardy, 2001) qu'à l'échelle de la Caraïbe. Il nous paraissait donc important de reprendre l'analyse du mode de gestion saladoïde ancien du territoire martiniquais à la lumière de ces nouvelles données.

Après ces premières constatations et avant d’aller au-delà dans l’analyse, il est nécessaire de s’interroger sur la fidélité de l’image de l’occupation amérindienne de la Martinique que nous offre cette carte. Deux types de problèmes principaux peuvent perturber notre vision, les biais de prospections et les questions d’ordre taphonomique.

Par ce travail, nous souhaitions mieux caractériser l'environnement dans lequel s'inscrivent les premières occupations céramiques de la Martinique. Nous espérions ainsi cerner le concept d'espace naturel domestique chez ces populations mais aussi, dans un second temps, identifier un potentiel de ressources naturelles disponibles à proximité des villages et ainsi caractériser l'économie de ces groupes. Mais, avant tout, ce travail ne pouvait être effectué sans un tour d'horizon préalable des problèmes méthodologiques liés à ce type d'étude afin de choisir l'angle d'approche le plus adapté et de déterminer la valeur des informations que nous pouvions espérer obtenir de notre échantillon d'étude.

Les biais de prospections sont de deux types. Premièrement, les techniques de prospections utilisées (prospections pédestres, sondages) prédéterminent le type de site qui peut être découvert. Deuxièmement, certaines zones de l’île ont été, du fait de conditions d’accès difficiles, beaucoup moins fréquentées par les archéologues. Ainsi, en Martinique, l’essentiel des sites a été découvert lors de prospections pédestres qui ne permettent de localiser que des gisements de surface. Plusieurs éléments viennent cependant atténuer ce problème. Premièrement, en dehors des pourtours de la Montagne Pelée, il n’y a eu qu’un très faible développement des sols depuis le début de l’occupation amérindienne de l’île.

26

Cette étude est inspirée d'une publication synthétique concernant une étude diachronique de cette question en Martinique (Bérard et Vidal, 2003).

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55 56

53 52 54

57

Figure 57: Carte archéologique précolombienne de la Martinique 1- Macouba 2-Moulin l'Etang 3- Rivière Capot 4- Vivé 5- Rivière Rouge 6- Lotissement Fond-Brûlé 7- Fond-Brûlé 8- Grand'Anse 9- Pointe Canon 10- Seguineau 11- L'Adoration 12- L'Etang 13- Galba 14- Cimetierre Marigot 15- Anse Charpentier 16- Fond St-Jacques 17- Stade Ste-Marie 18- Eugène Agricole 19- Ilet Ste-Marie 20- Lassale 21- Petite Rivière Salée 22- Gendarmerie Trinité 23- Anse du Bout 24- Chateau Dubuc

25- Mangrove du Galion 26- Galion 27- Ilet Chancel 28- Pointe Royale 29- Ilet Madame 30- Morne Courbaril 31- Pointe Courché 32- L'Esperance 33- Dostaly 34- Usine simon 35- Pointe Prairie 36- Cap Est 37- Sans souci 38- Chateau Paille N. 39- Chateau Paille S. 40- Petite Grenade 41- Pointe Faula 42- Massy-Massy 43- Paquemar 44- A-tout-Risque 45- La Malevaux 46- Macabou 47- Grande Anse Macabou 48- Pointe Macré

49- Cul-de-sac Ferré 50- Cap Ferré 51- Cap Chevalier 52- Ilet Hardy 53- Ilet à Aigrette 54- Pointe Baham 55- Anse Trabaud 56- Savane des Pétrif. 57- Ilet Cabrits 58- Route des Salines 59- Pointe Marin 60- Anse Figuier 61- Montravail 62- Debat 63- La Suin 64- St-Esprit 65- Passe des fous 66- Corps de Garde 67- Trois Rivières 68- Ilet du Céron 69- Tête Singe 70- Hotel Plein Sud 71- Dizac 72- Terres Rouges

74

73- Anse Cafard 74- Petite Anse 75- Grande Anse 76- Anse à l'Ane 77- Anse Mitan 78- Gros Ilet 79- Pointe des grives 80- Tivoli 81- Anse Madame 82- Fond Bourlet 83- Fond Capot 84- Pothuau 85- Le Coin 86- Godinot 87- Boutbois 88- Petite Anse 89-St-Pierre, Mouillage 90- St-Pierre, Fort 91- Anse Belleville 92- Habitation Céron 93- Anse Céron 94- Anse Couleuvre 95- Grand'Rivière 96- Demain

Ensuite, la pérennité de cette occupation sur les pourtours de la Montagne Pelée a permis d’identifier des sites anciens grâce à la présence en surface de matériels récents (Vivé, Moulin l’Etang, Fond-Brûlé). Enfin, la bande littorale de cinq communes martiniquaise a fait l’objet d’un programme de sondages systématiques (Gros et Martin, 1993). Les biais de prospection liés à la faible fréquentation de certains lieux ont des conséquences plus notables. Le vide archéologique identifié entre Le Prêcheur et Grand Rivière correspond ainsi aux seules côtes de Martinique qui ne soient pas accessibles par la route. On a là, de façon caractéristique, un artéfact de prospection. Cela est d’autant plus évident que des sites ont été identifiés aux deux extrémités de cette zone. De la même façon, si le très faible nombre de sites présents à l’intérieur des terres correspond vraisemblablement à une occupation plus limitée de cette zone par les Amérindiens, la vision que nous en avons actuellement est certainement accentuée par la difficulté des prospections dans ce type d’environnement.

(Goodwin, 1979; Wilson, 1989) s'est attaché à déterminer la variation de l'intensité de l'occupation amérindienne au cours du temps. Ils ont ensuite mis cette information en rapport avec les variations de mode de subsistance de ces groupes. Un second ensemble d'études (Barrau et Monbrun, 1978; Haviser, 1987, 1989 et 1997; H. Petitjean Roget, 1975) s'est attaché à déterminer les critères principaux présidant au choix des lieux d'installation des villages. De ces informations, ils ont déduit les stratégies de subsistance des différents groupes étudiés. Barrau et Montbrun, 1978

• • • •

Goodwin, 1979

Les problèmes taphonomiques sont le second élément qui altère notre perception de l’occupation amérindienne de la Martinique. Deux phénomènes semblent à même d’entraîner la disparition complète de gisements archéologiques: les travaux d’aménagement et le recul des côtes. Ainsi, la très faible quantité de sites précolombiens identifiés autour de la baie de Fort-de-France est sans aucun doute liée à la très forte urbanisation de cette zone. En effet, près de la moitié des martiniquais vivent dans ce secteur de l'île. Le problème du recul des côtes est plus délicat à traiter. Il concerne essentiellement le sud de l’île où la faiblesse de la bathymétrie et du relief est favorable à ce phénomène. Deux sites saladoïdes partiellement détruits, Anse Charpentier sur la côte atlantique et Anse Corps de Garde sur la côte caraïbe, nous ont permis de mettre en évidence la réalité de ce phénomène. Ces destructions, qu’il est difficile d’évaluer, ont été limitées au sud de la côte au vent par la présence au large d’une barrière de corail qui offre une certaine protection.

Haviser, 1987, 1989

Watters, 1980

Wilson, 1989

• • • • • • • • • • • • • • • • • •

Accès à la mer Eau douce Possibilité d'atterrissage des canots Ressources terrestres, Ressources marines Ressources de la mangrove Localisation des gisements Taille des gisements Densité de l'occupation Mode de subsistance Protection par rapport au soleil Distance à la mer Distance aux gîtes de matière première lithique Distance à l'eau douce Qualité des terres agricoles Distance à la mangrove Distance aux sources d'argiles Localisation des gisements Distance à la mer Nature des sols Superficie des sites Distance entre les sites Distance à l'eau douce

Tableau n°6 : Les différents critères pris en compte dans les études concernant les modalités d'occupation du sol et les stratégies de subsistance.

En résumé, si parmi les éléments qui perturbent notre analyse il est facile d’identifier certains artéfacts de prospection ainsi que les problèmes liés aux travaux d’aménagement, il est difficile d’évaluer la quantité de sites enfouis profondément qui n’ont pu être découverts ainsi que l’importance des destructions liées à l’érosion marine. Cependant, il nous a semblé que le nombre important de sites déjà répertoriés dans la carte archéologique offrait une base suffisante pour entreprendre l'étude qui nous intéresse.

2.2.2. La méthode d'étude. Nous souhaitions à la fois étudier l'intensité du peuplement saladoïde ancien de la Martinique et cerner le concept d'espace naturel domestique correspondant à cet ensemble culturel. Pour cela, il nous paraissait primordial de caractériser l'environnement naturel au sein duquel s'est effectué ce peuplement. Ensuite, nous avons choisi un ensemble de critères adaptés à l'environnement martiniquais. Ainsi parmi les critères d'analyse présentés ci-dessus (tableau 6) nous n'avons pas retenu : • La superficie des sites, cette information nous paraissait fortement sujette à caution car elle était liée dans la plupart des cas à des ramassages de surface. • La protection par rapport au soleil, l'importance du couvert végétal martiniquais et la construction d'abris par les Amérindiens nous paraissaient rendre peu déterminant ce critère. • La distance aux sources d'argiles, le sous-sol volcanique de la Martinique s'altère principalement sous forme d'argiles (Lasserre (dir.), 1977; Pons et Julius, 1984). L'approvisionnement ne pose donc pas de problème particulier, différentes analyses physico-

2.2. Questions méthodologiques. 2.2.1. Historique des recherches. Nous l'avons dit, deux études ont été réalisées concernant les stratégies amérindiennes d'occupation du territoire martiniquais (Barrau et Monbrun, 1978). D'autres travaux de ce type ont été réalisés ailleurs dans la Caraïbe (Goodwin, 1979; Haviser, 1987, 1989 et 1997; Watters, 1980; Wilson, 1989). L'analyse de ces recherches a servi de base à la mise au point de la méthode d'étude que nous avons utilisée (Tableau 6). Ces différentes études peuvent être classées en deux catégories. Un premier groupe de chercheurs 75

ailleurs, nous possédons une unique source d'information directe constituée par l'étude anthracologique réalisée par C. Tardy sur le site de Vivé (Tardy, 2001).

chimiques (Gautier, 1974; Walter 1991 et 1992) ont d'ailleurs montré qu'il s'effectue systématiquement à proximité immédiate du lieu d'habitat.

3.1.1. Le couvert végétal climacique des pourtours de la Montagne Pelée.

Nous avons donc finalement pris en compte pour chaque site sept critères: • la proximité du rivage, • l'environnement géomorphologique, • les conditions d'accès à l'eau douce, • la qualité des terres pour l'agriculture, • l'environnement végétal, • la proximité des mangroves • ainsi que les conditions d'accès aux gîtes de jaspe.

Les études tendant à reconstituer le couvert végétal climacique de la Martinique s'appuient sur deux éléments: l'analyse des zones forestières reliques et la lecture des premiers chroniqueurs européens. D'après ces études, dix des onze sites qui nous intéressent étaient localisés dans un environnement végétal comparable (le site de Grand'Rivière fait exception) (figure 58). En fonction des différentes terminologies, cet environnement est décrit comme étant une forêt mésophile (Hatzenberger, 2001) ou une sylve sempervirente saisonnière tropicale (Joseph, 1997). Une bonne caractérisation de ce type d'environnement végétal à la Martinique nous est donnée par J.P. Fiard (Fiard, 1994a).

3. Essai de géographie Saladoïde ancienne.

Parmi les quatre-vingt-seize sites répertoriés par la carte archéologique, douze ont connu une occupation de longue durée. Il y a été découvert des vestiges correspondant à plusieurs phases de la Préhistoire martiniquaise. Ainsi, dix d’entre eux possèdent une composante Saladoïde et une composante post-Saladoïde. Pour les besoins de notre étude nous avons individualisé au sein de ces sites chaque phase d’occupation (Saladoïde ancien, Saladoïde récent, Troumassoïde et Suazoïde). Il en résulte que les 96 sites correspondent à 118 entités chrono-géographiques. Elles se répartissent en 2 sites vraisemblablement précéramiques, 11 sites Saladoïdes anciens, 25 sites Saladoïdes récent, 10 sites Saladoïdes indéterminés27, 11 sites Troumassoïdes, 18 sites Suazoïdes, 23 sites postsaladoïdes indéterminés, 7 sites à cupules, polissoirs ou pétroglyphes et 11 sites indéterminés. Notre étude ne concernera donc que les 11 sites saladoïdes anciens répertoriés: Grand'Rivière, Moulin l'Etang, Rivière Capot, Vivé, Fond-Brûlé, Grande Anse, L'Adoration, Fond Saint-Jacques, Rue Eugène Agricole, Lasalle et Petite Rivière Salée. Ces occupations de la phase saladoïde ancienne sont localisées exclusivement à l'extrême nord-est de l'île, sur les pourtours de la Montagne Pelée (figure 14). Dans un premier temps, nous tenterons donc d'effectuer une reconstitution de l'environnement dans cette zone géographique durant la phase saladoïde ancienne.

La forêt sempervirente saisonnière tropicale est caractérisée par une canopée élevée (25 à 30 m), une frondaison à prédominance sempervirente (10 à 30 % d'espèces décidues: Poiriers pays (Tabebuia heterophylla), Bois-savonnette (Lonchocarpus violaceus), Savonnette grand-bois (Lonchocarpus pentaphyllus), Bois-la-glue (S a p i u m caribaum)), une architecture complexe avec un étage inférieur dense, l'importance des épiphytes phanérogamiques et une pluviométrie comprise entre 1500 et 2500 mm par an. Les bons bio-indicateurs de ce type de couvert végétal sont le Pois doux blanc (Inga laurina), le Galba (Calophyllum calaba), le Bois-lait (Tabernaemontana citrifolia) et le Balata (Manilkara bidentata) qui est un bio-indicateur du stade climacique. A cet ensemble ont peu ajouter un certain nombre d'espèces plus ubiquistes : le Bois-rivière (Chimarrhis cymosa), le Bois-doux (Endlicheria sericea), le Bois d'Inde (Pimenta racemosa), le Bois-cannelle (Canella winterana), le Tendre à caillou (Acacia muricata), l'Acajoupays (Cedrela mexicana), le Palmiste-montagne (Prestoea montana), le Bois lézard (Vitex sp.), le Bois gli-gli (Bucida bucera) et quelques épineux (Hatzenberger, 2001). Le site de Grand'Rivière, le seul à ne pas se trouver dans une zone de forêt mésophile, était caractérisé par un couvert végétal hygrophile (Hatzenberger, 2001) ou forêt ombrophile submontagnarde (Fiard, 1994a) qui possède une canopée plus élevée (entre 30 et 40 m). Elle est caractérisée par la présence, entre autres, du Châtaignier (Soanea massoni), du Gommier blanc (Dacyodes excesa), de l'Acomat franc (Homalium racemosum), les fougères arborescentes (Cyathea arborea) ainsi que par l'importance de la série des palmiers.

3.1. Données paléoenvironnementales concernant le nord de la Martinique. Nous disposons de deux types de reconstitutions paléoenvironnementales pour la zone qui nous intéresse. Un ensemble d'études biogéographiques nous offre indirectement des informations par la reconstitution du couvert végétal climacique de la Martinique (Fiard, 1994a et 1994b; Hatzenberger, 2001; Joseph, 1997 et 2000). Dans le cadre de notre analyse, il nous a paru essentiel de compléter ces données paléobotaniques en prenant en compte les effets des phénomènes volcaniques sur cet environnement. Par

Après cette présentation de la végétation climatique de la zone nord-est de la Martinique, il nous faut maintenant tenter d'évaluer l'importance des phénomènes exceptionnels que sont les éruptions de la Montagne Pelée.

27

La qualité de l’information que nous possédons sur les différents sites et très variable. Il n’a donc pas toujours été possible de donner une identité chrono-culturelle précise à chacun d’entre eux. 76

Figure 58: Le couvert végétal climacique de la Martinique (d’après Joseph, 1997).

3.1.2. Les effets du volcanisme récent de la Montagne Pelée sur le couvert végétal du nord de la Martinique.

et des lits cendreux caractéristiques qu'une phase éruptive de type blast. Ces deux épisodes éruptifs ont été décrits par les vulcanologues:

Nous avons entrepris depuis 1998 une étude du volcanisme récent de la Montagne Pelée et de son influence sur l'occupation amérindienne de l'île. Ce travail est mené dans le cadre du Projet Collectif de Recherche "Le Néolithique martiniquais dans son contexte antillais" et du G.D.R. 1122 du CNRS "Hommes et volcans avant l'Histoire". Les premiers résultats de ce travail ont déjà fait l'objet de publications (Bérard et al., 2002 et 2003). Les études réalisées sur cinq sites amérindiens de Martinique dont trois sites saladoïdes anciens (Vivé, Moulin l'Etang et Fond-Brûlé) nous permettent d'avoir une première idée de l'impact probable des éruptions de la Montagne Pelée sur l'environnement des groupes qui nous intéressent.

" Le tephra supérieur de Vivé (TV1): Défini sur le site archéologique de Vivé sur la côte atlantique où il recouvre le niveau archéologique inférieur, il est également présent sur le site archéologique de Moulin l’Étang dans une position stratigraphique comparable. Il est constitué par deux niveaux: à la base un mince niveau (épaisseur: 0,03 m max.) de cendres grises plus ou moins microlitées et un niveau à ponces (épaisseur: 0,40 m max.). Il est interprété comme le témoin d’un épisode éruptif de la Montagne Pelée comprenant un blast initial suivi par une phase plinienne.

Deux épisodes éruptifs ont été observés dans les stratigraphies des sites saladoïdes anciens de Vivé et Moulin l'Etang (la stratigraphie de Fond-Brûlé ne présentait que des éléments en position secondaire). Ces niveaux ne présentent pas de formation attribuable à des coulées pyroclastiques mais seulement des dépôts de retombées pliniennes (ponces)

Du point de vue chronologique, nous pouvons dire qu’il intervient lors de l’occupation du site de Vivé par des Amérindiens de culture Saladoïde ancienne, vers le IIIéme siècle. Il pourrait être identifié à l’éruption datée vers 280 AD, soit l’éruption P2 de H. TRAINEAU et al, 1989. 77

et 2003). Ce phénomène puissant de souffle directionnel a vraisemblablement ravagé la végétation d'une grande partie du flanc nord-est de la Montagne. Jusqu'à présent seuls des faciès terminaux ont été observés dans les gisements archéologiques. Ils sont cependant liés dans certains cas à un abandon précipité du site (Vivé). L'éruption s'est achevée par une pluie de ponce dont les effets ont dû être comparables à ceux que nous avons décrits précédemment pour l'éruption P3/TME2. Selon les cartes isopaques (Traineau et al., 1989) la zone des 1 m de retombées s'étend du cratère de la Montagne Pelée à la côte en direction du nord (communes de Macouba et Basse Pointe) (figure 59). On peut donc imaginer que tout ce secteur a connu une déforestation sévère suite aux deux épisodes éruptifs qui constituent le phénomène P2. Nous ne possédons actuellement aucun élément permettant d'évaluer vitesse de retour de la végétation suite à ce phénomène. Nous pouvons juste noter que le site de Vivé à été réoccupé par les Amérindiens environ cent ans plus tard (1530±75, Uga-113).

Le tephra inférieur de Moulin l’Étang. (TME2): Défini sur le site archéologique de Moulin l’Étang sur la côte atlantique où il est présent sous le niveau archéologique inférieur, il est également présent sur le site archéologique de Vivé, dans une position stratigraphique comparable mais plus dégradé. Il est constitué par un niveau à ponces (épaisseur: 0, 35 m max.). Il est interprété comme le témoin de la phase plinienne d’un épisode éruptif de la Montagne Pelée. Du point de vue chronologique, nous pouvons dire qu’il est nettement antérieur à l’occupation des sites de Vivé et de Moulin l’Étang (IIIéme siècle), en effet son sommet est toujours nettement affecté par le développement d’un sol qui contient les vestiges archéologiques. Il pourrait être identifié à l’éruption datée vers 60 avant J.-C., soit l’éruption P3 de H. TRAINEAU et al., 1989" (Bérard et al., 2003). Ainsi les groupes saladoïdes anciens se sont installés dans une île marquée par les conséquences de l'éruption P3/TME2 et ils ont été témoins de l'éruption P2/TV1. L'aire géographique concernée par ces deux phénomènes nous est connue (Traineau, 1982). Il est cependant difficile d'évaluer précisément l'impact de ces deux épisodes volcaniques sur l'environnement. Celui-ci est en effet fortement lié à l'éloignement par rapport au cratère ainsi qu'aux reliefs pour les phénomènes de type "blast". Concernant l'éruption P3/TME2, elle n'a pour l'instant été associée qu'à une forte retombée de ponce. Ce phénomène a dû provoquer essentiellement une défoliation du couvert végétal dans toute la zone concernée par les retombées ainsi que le bris de certaines branches. Par ailleurs, en fonction de l'épaisseur des dépôts, il a dû avoir une action léthale sur les strates herbacées et arbustives. Enfin, on considère que cette action s'étend à la strate arborée à partir d'une épaisseur de dépôt supérieure à 90 cm (Fiard, 1994a; Kieffer, Raynal et Vernet, communication orale). Selon les cartes isopaques (Traineau et al., 1989) la zone correspondant à une épaisseur de retombées supérieure à 1m s'étend sur les pourtours du cratère de la Montagne Pelée et le long des ses flancs en direction du Prêcheur jusqu'à la mer (figure 59). La zone où l'épaisseur des retombées est comprise en 50 cm et 1 m correspond, elle, à la totalité du massif de la Montagne Pelée. Les premiers groupes formatifs à occuper la Martinique se sont donc installés dans un secteur portant encore les stigmates de cette éruption. On peut même se demander dans quelle mesure l'éclaircissement du couvert végétal lié à celleci a pu influer sur leur choix. Il a en effet sans aucun doute facilité les travaux de défrichement liés à l'installation des villages et des champs. De même, il a dû rendre plus aisée la circulation dans les sous-bois.

Figure 59: Carte isopaques des retombées P2 et P3 (d’après Traineau et al., 1989).

3.1.3. Les données paléoenvironnementales directes Les seules données paléoenvironnementales directes que nous possédons actuellement concernant la phase saladoïde ancienne à la Martinique sont issues de l'étude anthracologique réalisée à Vivé par C. Tardy (Tardy, 2001). Nous avons déjà rapidement présenté les résultats de ce travail. Ils sont en partie en accord avec les reconstitutions de la forêt climatique martiniquaise que nous avons présentées ci-dessus. Le couvert végétal autour du site de Vivé est dominé par un faciès mésophytique. La forêt sempervirente saisonnière tropicale semble donc bien couvrir la côte nordest de la Martinique durant la phase saladoïde ancienne. La présence marquée du Balata (Manilkara sp.) semble indiquer le caractère climacique de cette sylve. L'étude réalisée par C. Tardy nous offre cependant une caractérisation plus détaillée de la végétation aux alentours du gisement de Vivé. Elle met entre autres en évidence la grande diversité spécifique de ce milieu marquée par la présence d'espèces liées aux environnements marécageux et ripicoles tout proches. De

L'éruption P2/TV1 se compose de deux phases tout d'abord un "blast" puis une retombée de ponce. La caractérisation de ce "blast" est une des nouvelles informations issue du programme que nous avons mis en place (Bérard et al., 2002 78

3.2.2. L'environnement géomorphologique.

même, la présence marquée du Poirier (Tabebuia sp.) qui est un des taxons qui dominent le spectre, semble caractériser un milieu ouvert. Cet élément est peut-être une conséquence de l'anthropisation du site (création d'une clairière pour le village, abattis pour les cultures).

La côte nord-est de la Martinique est composée de deux types d'environnements géomorphologiques: des plateaux côtiers liés à des rivages accidentés et des fonds de vallées généralement associés à de petites plages. On trouve des sites saladoïdes anciens dans ces deux types de contextes. Sur les onze gisements concernés par notre étude, cinq sont situés dans des fonds de vallées (Grand'Rivière, Fond-Brûlé, Fond St. Jacques, Rue Eugène Agricole et Grande Anse) et six sont installés sur des plateaux côtiers (Moulin l'Etang, Rivière Capot, Vivé, La Pointe, Lasalle et Petite Rivière Salée). Il ne semble donc pas que les groupes saladoïdes anciens aient eu une préférence pour l'une ou l'autre de ces positions.

Les différents travaux que nous venons de résumer nous donnent une bonne idée du couvert végétal du nord-est de la Martinique où sont situés tous les sites saladoïdes anciens. Il s'agit maintenant de déterminer précisément les éléments qui ont motivé le choix de ce lieu d'installation.

3.2. Caractérisation de l'espace naturel domestique des groupes saladoïdes anciens

3.2.3. Les conditions d'accès à l'eau douce.

3.2.1. L'éloignement par rapport au rivage.

Le nord-est de la Martinique est parcouru par un grand nombre de rivières pérennes ce qui est loin d'être le cas de toute l'île. À cela, il faut ajouter quelques sources situées sur les flancs de la Montagne Pelée (Lasserre (dir.), 1977). Nous avons déterminé pour chaque site la distance qui le séparait de la source d'eau douce la plus proche (tableau 8).

Le premier critère que nous avons pris en compte dans le cadre de notre analyse est l'éloignement des gisements par rapport au rivage (tableau 7). Il apparaît que l'ensemble des gisements se trouve à proximité immédiate du rivage (distance moyenne : 163 m). Cependant aucun d'entre eux n'est situé directement sur la plage (distance minimale : 75 m) comme cela a pu être observé pour des sites plus tardifs (Bérard et Vidal, 2003). Cette distance minimale observée par rapport au rivage est vraisemblablement liée à l'aspect mouvementé de la mer sur la côte au vent.

Nom du site Distance à l'eau douce Grand'Rivière 250 m Moulin l'Etang 175 m Rivière Capot 150 m Vivé 100 m Fond-Brûlé 0m Grande Anse 0m La Pointe 500 m Fond St. Jacques 100 m Lasalle 275 m Eugène Agricole 125 m Petite Rivière Salée 50 m

Le choix des groupes saladoïdes anciens d'installer leurs villages près de la mer témoigne de leur intérêt pour cet élément, source de nourriture importante et voie de circulation privilégiée. Cette constatation va à l'encontre de l'idée développée par H. Petitjean Roget qui déclare, s'appuyant sur l'absence de restes de coquillages et de poissons dans les sites,: "Sans affirmer que la pêche était totalement inexistante, elle ne devait jouer qu'un rôle très mineur dans la composition des régimes alimentaires" (H. Petitjean Roget, 1975, Volume I, p.122). Pour notre part, l'absence des restes marins dans les sites saladoïdes anciens nous semble plutôt devoir être mise en rapport avec la forte acidité du sédiment, idée d'ailleurs déjà développée par R. Pinchon (Pinchon, 1952). L'utilisation par ces groupes des ressources marines (poissons, coquillages et crustacés) a d'ailleurs été mise en évidence dans d'autres sites de la Caraïbe offrant des conditions sédimentaires plus favorables (deFrance, 1989; Grouard, 2001; Serrand, 2002).

Tableau n°8: Distance des sites saladoïdes anciens à l'eau douce.

Tous les gisements sont situés non loin d'une rivière (distance moyenne : 157 m , distance maximale: 500m). Deux d'entre eux, Fond-Brûlé et Grande Anse, sont même situés directement au bord d'un cours d'eau. La proximité d'une rivière semble donc bien être un des éléments constitutifs de cet espace naturel domestique saladoïde ancien que nous cherchons à définir. Il faut dire que cette situation offre de nombreux avantages. Le premier d'entre eux est, bien sur, un accès aisé à l'eau douce. Cependant, cet élément ne semble pas expliquer à lui seul l'intérêt de groupes saladoïdes anciens pour les cours d'eau28. Ils permettent aussi de pratiquer la pêche en eau douce et surtout les embouchures de rivières sont souvent les seuls lieux possibles d'atterrissage pour les pirogues sur le littoral très découpé du nord-est de la Martinique.

Nom du site Distance à la mer Grand'Rivière 75 m Moulin l'Etang 150 m Rivière Capot 200 m Vivé 250 m Fond-Brûlé 75 m Grande Anse 150 m La Pointe 250 m Fond St. Jacques 100 m Lasalle 200 m Eugène Agricole 100 m Petite Rivière Salée 250 m

28

D'autres méthodes d'accès à l'eau douce à l'aide de puits ont d'ailleurs été décrites dans les Antilles (Drewett, 2000).

Tableau n°7: Distance des sites saladoïdes anciens à la mer.

79

Figure 60: Carte pédologique de la Martinique (d’après Lasserre (dir.), 1977).

3.2.4. La qualité des terres pour l'agriculture.

région de Martinique où existe la plus grande proximité entre ce type de végétation et la bande côtière (figure 58). Il était donc aisé pour les habitants de ces villages d'avoir accès aux riches ressources, végétales et animales, associées à ce type de milieu.

Les habitats saladoïdes anciens de Martinique ont été implantés sur des sols brun-rouille à halloysite (figure 60). Ce sont des sols très favorables à l'agriculture possédant une bonne porosité qui permettent un bon développement des racines. La plupart de ces sols sont d'ailleurs toujours cultivés en Martinique. La banane et la canne à sucre y donnent de bons résultats, tout comme les jardins familiaux (Calmet-Daage in Lasserre (dir), 1977). On trouve aussi quelques champs de manioc dans cette zone. Les premiers groupes formatifs ayant occupé la Martinique se sont donc installés dans un secteur offrant des sols particulièrement favorables à l'agriculture. Cet élément a pu jouer un rôle important dans le choix de la côte nord-est de l'île comme zone de colonisation.

3.2.6. Les conditions d'accès aux mangroves.

3.2.5. L'environnement végétal. Nous l'avons déjà vu l'ensemble des sites saladoïdes anciens de Martinique, à l'exception de celui de Grand'Rivière, se trouve dans une zone couverte d'une forêt tropicale mésophile ou forêt sempervirente saisonnière tropicale. Le fait que tous ces gisements soient situées à proximité du bord de mer et d'un cours d'eau nous incite à penser que les données locales issues de la fouille de Vivé peuvent être étendues à l'ensemble des sites. Ainsi, l'environnement végétal des sites saladoïdes anciens était dominé par la forêt mésophile mais aussi par des faciès plus locaux liées à des milieux humides ou ripicoles. Leurs lieux d'implantation offraient donc des ressources variées. De plus, l'ensemble de ces gisements se trouvaient à proximité immédiate de la forêt hygrophile (ombrophile submontagnarde), voire en son sein dans le cas du gisement de Grand'Rivière. La zone concernée par l'occupation saladoïde ancienne correspond en effet à la

Figure 60: Carte des sites saladoïdes anciens et des mangroves de Martinique (d’après Lasserre (dir.), 1977).

80

3.3. Synthèse et conclusion.

L'exploitation des ressources de la mangrove a été un élément majeur de l'économie de certains groupes amérindiens en Martinique (Barrau et Montbrun, 1978; Bérard et Vidal, 2003). Il nous a donc paru important de prendre en compte cet élément dans le cadre de notre étude. Il est rapidement apparu qu'il n'existe aucune corrélation entre l'emplacement les villages saladoïdes anciens et la présence de mangroves (figure 61). Les ressources liées à ce milieu très riche ne semblent donc pas avoir joué un rôle important dans l'économie de ces premiers groupes formatifs de la Préhistoire martiniquaise.

Les premiers groupes saladoïdes anciens sont arrivés dans une île vide (ou presque vide) de toute occupation humaine et possédant une grande diversité géographique sur un territoire limité. Au sein de ce territoire, ces populations ont fait preuve d'une grande rigueur quant au choix de leurs lieux d'installations. L'ensemble des sites choisis montre une étonnante homogénéité. Il faut y voir le reflet de la précision du concept d'espace naturel domestique chez ces groupes pionniers.

3.2.7. Les conditions d'accès aux gîtes de

Tous les sites sont répartis sur 28 km de côte au nord-est de l'île (soit en moyenne 1 site tous les 2,8 km). Ils sont localisés à proximité de la mer, voie de circulation privilégiée et source de nourriture importante. De plus, ils bénéficient, grâce à la présence d'un cours d'eau, d'un accès aisé à l'eau douce et aux ressources alimentaires liées à ce milieu (poissons, écrevisses) ainsi que d'un lieu d'atterrissage pour leurs pirogues. Leurs habitations installées aux dépens d'une forêt tropicale mésophile sont proches de la forêt tropicale hygrophile. Ces deux milieux sont particulièrement favorables à la chasse et à la cueillette et ils offrent des arbres de hautes futaies adaptés à la construction des habitations ou la réalisation des pirogues. Enfin, tous ces villages ont été installés sur des terres volcaniques particulièrement favorables à l'agriculture et bénéficiant d'une pluviométrie importante du fait de la proximité de la Montagne Pelée. La nécessité de répondre à un certain nombre de besoins communs et primaires pourrait, à elle seule, expliquer l'aspect très semblable de ces différents lieux d'implantation. Il n'en est rien. La suite de l'occupation amérindienne de la Martinique nous montre que d'autres types d'environnements sont aptes à subvenir aux besoins d'une communauté villageoise. Ainsi, des habitats plus tardifs ont été installés loin de cours d'eau pérennes, sur des terres agricoles de qualité inférieure, mais à proximité de mangroves et/ou de récifs coralliens (Bérard et Vidal, 2003).

jaspe.

Nous ne possédons que peu de points de comparaisons valables concernant l'environnement naturel des saladoïdes anciens dans d'autres îles de la Caraïbe, en dehors d'une étude très générale mettant en évidence une localisation préférentielle dans le nord-est des îles (Haviser, 1997). Les quelques études plus poussées sont généralement diachroniques et n'intègrent que peu de sites saladoïdes anciens dans leur échantillon d'analyse. Ainsi, D. Watters ne cite que le site Trants pour l'île de Monserrat (Watters, 1980). Il présente des caractéristiques très proche des gisements martiniquais. Situé à proximité de hauteurs sur un plateau côtier à l'est de l'île, il est bordé au sud par une rivière. Enfin, les sols aux alentours du site sont favorables à l'agriculture. De même, C. Goodwin analyse deux gisements de St. Christophe (Goodwin, 1979). Le premier, Christ Church, présente les mêmes caractéristiques que les sites décrits précédemment (proximité des hauteurs, plateau côtier, proximité de la rivière et bonnes terres agricoles). Le second, Cayon, se distingue par son implantation à l'intérieur des terres (la mer se trouve à environ 2 km). Cependant, il est situé sur de bonnes terres agricoles au bord d'un cours d'eau.

Figure 62: Carte des gîtes de jaspe en Martinique.

Les restes de débitage découverts dans les sites saladoïdes anciens sont principalement constitués par des jaspes. Il nous paraissait donc intéressant de voir si la proximité des gîtes de jaspes avait pu jouer un rôle lors du choix du lieu d'implantation des villages. Ces gîtes sont concentrés en Martinique dans trois zones, la presqu'île de Ste Anne, la presqu'île de la Caravelle et une zone correspondant à la base de la presqu'île formée par les communes des Trois Ilets, des Anses d'Arlet et du Diamant (figure 62). On ne trouve de sites saladoïdes anciens dans aucun de ces secteurs. Le jaspe retrouvé sur les sites provient majoritairement de la Presqu'île de la Caravelle (Bérard, 2002b). Les Amérindiens ont donc effectué régulièrement des déplacements souvent supérieurs à 10km pour venir s'approvisionner en matière première siliceuse.

Le manque de données fiables rend pour l'instant difficile la réalisation d'une synthèse à l'échelle de l'Arc Antillais. Les 81

quelques exemples que nous venons de décrire permettent cependant de souligner quelques éléments qui pourront servir de base de départ à de futurs travaux. Ainsi, la proximité d'un cours d'eau, la qualité des terres pour la l'agriculture, la proximité de la mer et celle de hauteurs semblent avoir été des éléments déterminants dans le choix par les groupes saladoïdes anciens de leur lieux d'installation. Certaines îles importantes des Petites Antilles (Antigua, Barbuda, Anguilla) n'ont pas été occupées par ces premiers groupes agro-céramistes (Rouse et Faber Morse, 1999). On peut ce demander si cela n'est pas dû à leur aspect plat et relativement sec qui paraît peu compatible avec les exigences que nous venons de présenter.

amérindienne de l'île. Cependant, ces onze sites ne correspondent pas forcément à onze villages saladoïdes anciens. En effet, nous avons vu que le site de Vivé avait connu plusieurs abandons et réoccupations. Enfin, une fois mis en évidence leur aspect temporaire, nous ne sommes pas capables d'évaluer sérieusement la durée de ces différentes occupations. Conscient de l'importance de ces difficultés nous nous contenterons d'une seule remarque concernant l'intensité de l'occupation saladoïde ancienne de l'île. La pratique par ces groupes de l'agriculture itinérante sur brûlis semble les avoir contraints à déplacer régulièrement leurs villages. Il est donc possible que l'ensemble des gisements soit le reflet de l'occupation de l'île par un nombre très limité de groupes. La proximité géographique des sites et leur grande homogénéité au niveau environnemental plaident en ce sens. Cette hypothèse est aussi en accord avec la grande similitude des restes céramiques découverts lors de la fouille de ces différentes occupations comme nous allons le voir maintenant.

Enfin, nous nous sommes refusés à évaluer l'intensité de la présence saladoïde ancienne à la Martinique. L'exercice pourtant pratiqué par certains de nos collègues (Goodwin, 1979; Wilson, 1989) nous paraissait des plus hasardeux. En effet, dans l'état actuel de nos connaissances, onze sites archéologiques correspondent à environ 300 ans d'occupation

82

1.1.2. Informations générales concernant la céramique saladoïde ancienne.

LE MATERIEL CERAMIQUE.

Ce type d'étude dépassant notre domaine de compétence, nous ne réaliserons pas d'analyse technologique de la céramique saladoïde ancienne. Nous souhaitons cependant donner quelques informations concernant la fabrication de ces produits.

1. Introduction.

La plupart des vases ont été montés au colombin, les stigmates caractéristiques de cette technique sont visibles sur la tranche d'un grand nombre de tessons. Cette remarque n'exclut pas le fait que certains récipients aient pu être réalisés selon d'autres techniques. Cependant, aucun signe de l'usage du tour n'a été identifié. Cette technique est d'ailleurs à priori inconnue des amérindiens ayant peuplé les Antilles.

L'apparition de la céramique est une étape culturelle majeure. Elle est généralement le marqueur de changements économiques et sociaux de grande ampleur. Les groupes que nous étudions ici sont les premiers à introduire cette technique dans les Antilles. La céramique dont ils sont porteurs est à l'origine de leur identification et elle constitue encore aujourd'hui le corps principal de leur définition en tant qu'ensemble culturel.

La matière première utilisée (argile et dégraissant) a généralement été récoltée à proximité immédiate du site d'habitat. Il est de plus possible que le dégraissant ait été naturellement présent dans l'argile (Gautier, 1974; Walter, 1991 et 1992). L'ajout d'un dégraissant grossier (ponces, esquilles de jaspe) a cependant été observé dans la pâte de certains vases épais.

Leur production, très variée, est d'une grande qualité et surtout elle est rehaussée par une décoration très riche tant du point de vue technique qu'iconographique. Elle témoigne d'un important investissement technique et symbolique qui est le signe de sa haute valeur sociale. De plus, pour l'archéologue, les restes céramiques constituent souvent la majeure partie des vestiges découverts lors de la fouille de sites saladoïdes anciens. Cela est d'autant plus vrai en Martinique où les restes alimentaires ont disparu du fait de l'acidité du sédiment. La grande valeur sociale que les groupes saladoïdes anciens accordaient à leur production céramique et l'image fidèle que nous en offrent les collections archéologiques en font donc une source d'information primordiale.

La céramique saladoïde ancienne est généralement fine. L'épaisseur moyenne des tessons de Vivé est de 6 mm. Cependant comme nous le verrons plus tard , cette donnée varie selon le type de vase. Enfin, la céramique saladoïde ancienne est bien cuite. Elle est sonnante. Seules quelques pièces épaisses n'ont pas cette qualité. Il faut aussi noter que très peu d'accident de cuisson ont pu être observés sur les restes céramique présents dans les sites d'habitat que nous avons étudiés. Seules quelques pièces surcuites ont été remarquées.

C'est la qualité de l'informateur qui autorise l'enquêteur à avoir des ambitions élevées. De ce point de vue, la céramique saladoïde ancienne peut servir de support à une grande quantité d'investigations. Avant de déterminer celles que nous allons mener ici, voyons d'abord les possibilités qu'offrent de façon spécifique les collections martiniquaises.

Notre très rapide aperçu technologique de la céramique saladoïde ancienne s'arrête là. On peut remarquer qu'il semble possible de distinguer par leur technique de fabrication les vases à pâte fine des vases à pâte épaisse. Cela peut constituer une première piste à suivre dans le cadre d'une future étude technologique.

1.1. Présentation de l'échantillon. 1.1.1. La constitution de l'échantillon.

1.2. Les objectifs de l'étude.

Les restes céramiques sont jusqu'à présent les marqueurs les plus sensibles des changements culturels identifiés par les archéologues. Il nous a donc paru nécessaire de sélectionner avec la plus grande rigueur possible les collections que nous allions prendre en compte dans le cadre de notre analyse. Nous n'avons ainsi retenu que les séries liées à des occupations antérieures à 1600 B.P.. Cette caractérisation chronologique s'est basée sur des datations absolues, et/ou sur le scellement de la couche d'occupation par les retombées de l'éruption P2. Au final, seuls quatre sites ont été retenus : Vivé (collections Mattioni et Bérard/Giraud), Moulin l'Etang (Collections Fayaud et Bérard), Fond-Brûlé (Collections Mattioni, Turcat et Bérard) et Lasalle (Collection Pinchon). Ces collections constituent un ensemble de plusieurs dizaines de milliers de tessons et de plus de trois cents formes archéologiquement complètes.

La richesse de la production céramique saladoïde ancienne la rend à même de répondre à une grande variété d'interrogations. Nous n'avons pas été guidé dans notre travail par un souci d'exhaustivité, nous avons plutôt cherché à traiter certains points précis. Dans un premier temps, nous avons voulu caractériser la composante martiniquaise de l'ensemble saladoïde ancien. L'objectif était entre autres de pouvoir comparer cette production locale avec celles originaires d'autres îles. Nous souhaitions ainsi être à même de discuter du degré d'homogénéité des différentes manifestations de l'ensemble culturel saladoïde ancien dans les Antilles. Il nous paraissait en effet probable que la céramique saladoïde ancienne était un marqueur culturel suffisamment fin pour que nous puissions, par une analyse adaptée, distinguer différents 83

sous-ensembles régionaux au sein de l'aire saladoïde. Il se serait alors agi de préciser la valeur et les limites, pour cette phase, du concept de "complexe" développé par I. Rouse. Actuellement, l'île est toujours l'unité géographique associée à cette notion sans que cette association repose sur une quelconque base théorique ou pratique. Il paraît donc intéressant de se demander si des ensembles culturels géographiquement plus réduits ou plus étendus ont pu exister. D'ailleurs, certains travaux développant l'idée que, pour les populations amérindiennes, la mer n'était pas une frontière mais un lien (Watters, 1997; Watters et Rouse, 1989) offrent déjà une base à la conception de petits groupes culturels (complexes ?) occupant un espace à cheval sur plusieurs îles.

ensembles céramiques. La logique de ce type d'analyse a été inversée par P. Roe (Roe, 1989). Il s'appuie sur l'étude de vases complets qu'il réduit à un ensemble de caractères morphologiques. Par cette méthode, il pense déduire les grandes règles d'une grammaire stylistique caractérisant chaque ensemble céramique. À ce jour, nous ne connaissons pas d'exemples notables de l'application de cette méthode dans les Antilles. Enfin, une dernière étude réalisée par A. Boomert (Boomert, 2000) se base, elle, sur l'analyse de vases complets pour définir un ensemble de formes typiques de chaque phase chronologique. Quelle que soit la variété de ces approches, elles ont toutes pour objectif l'identification et la caractérisation de groupes culturels.

Le second objectif de notre travail a été de réaliser une analyse fonctionnelle des restes céramiques. Il nous semblait essentiel de trouver les moyens de donner à ce type de vestiges la place prépondérante qui devait être la sienne lors de l'analyse de l'organisation spatiale d'un village saladoïde ancien. Ce type d’étude ne peut aboutir que si elle s’appuie sur une typologie adaptée de la céramique saladoïde ancienne. Or, un tel outil n'existait pas. L’essentiel de notre travail s’est donc résumé au développement de cette typologie.

1.3.2. L'analyse fonctionnelle. L'analyse fonctionnelle des vestiges céramiques apparaît être dans les Antilles une spécialité essentiellement réservée à un axe martinico-trinidadien. La principale raison à cela est l'existence dans ces deux îles de collections importantes de vases complets qui offrent le support nécessaire à ce type d'études. Cela est d'autant plus vrai en Martinique où de grandes surfaces ont été fouillées dès les années 70. En Martinique, ce type de préoccupation transparaît déjà dans les travaux de R. Pinchon (Pinchon, 1964). Pour la première fois, il décrit un ensemble de vases caractéristiques qu'il essaye de rapprocher d'une fonction supposée, domestique ou rituelle. Cependant, c'est M. Mattioni qui ira le plus loin dans ce sens. S'appuyant sur un corpus d'une centaine de vases reconstitués recueillis lors de la fouille extensive des sites de Vivé et Fond-Brûlé, il établit une première typologie de la céramique saladoïde ancienne composée de 9 types (Mattioni, 1979, 1982). Bien que ce point ne soit pas clairement explicité, ce travail paraît avoir eu pour principale fonction l'analyse fonctionnelle des restes céramiques (Mattioni, 1982). Cette analyse est d'ailleurs effectuée en parallèle d'une étude spatiale. L'étude fonctionnelle réalisée au même moment par C. Goodwin à St-Kitts (Goodwin, 1979) s'appuie très largement sur ce travail. Malheureusement, la typologie établie par Mattioni se révèle difficile d'utilisation. En effet, les différents types sont définis en fonction de critères de nature très différente (fonction supposée, forme, décor). Seul, un chercheur possédant déjà une connaissance intime de la céramique saladoïde ancienne et une compréhension intuitive du système implicite qui soutend la pensée de M. Mattioni peut être à même d'user (efficacement?) de cette typologie.

1.3. Historique des recherches. 1.3.1. La caractérisation culturelle. Avant de déterminer la méthode que nous allons suivre au cours de notre analyse, il est important de voir comment d'autres chercheurs antillanistes ont cherché à répondre aux questions que nous nous posons. Aux Antilles, la première méthode de caractérisation culturelle à partir des restes céramiques a été développée par I. Rouse (Rouse, 1939, 1972 et 1986). Elle se base sur l'identification d'un certain nombre de caractères, les plus souvent stylistiques mais aussi parfois morphologiques ou techniques, qui définissent un mode spécifique à chaque ensemble culturel. C'est ce genre d'étude qui est à la base de l'édification de la chronologie culturelle de la Préhistoire antillaise. En parallèle, R.P. Bullen et A.K. Bullen ont développé une méthode d'analyse basée sur la définition d'un certain nombre de types décoratifs et de types de vases définis par une forme et un décor (Bullen, 1964 et Bullen et Bullen, 1972). On peut associer à ce type d'étude les travaux réalisés par J. Petitjean Roget (J. Petitjean Roget, 1970a, 1970b, 1970c). Ce genre d'approche aboutit à la définition d'une multitude de types d'inégale valeur, vouée à être réduite lors de l'établissement d'une véritable typologie des ensembles reconstitués. Malheureusement, une telle typologie se fait toujours attendre.

À Trinidad, l'ébauche d'une étude fonctionnelle est proposée par P. Harris en 1978 (Harris, 1978) avec une première caractérisation des ensembles céramiques par l'intermédiaire d'un corpus de formes complètes. Ces ensembles servent de base à un essai unique d'ethnotypologie céramique (Harris, 1998) s'appuyant sur des informations issues de l'étude de deux groupes amérindiens actuels et d'un groupe historique.

Par la suite, un certain nombre de chercheurs (Allaire, 1977; Duval, 1996; Hofman, 1993) se basant sur une étude quantitative précise des tessons ont cherché à enrichir leur analyse. Pour cela, influencés par les travaux d'A. Shepard (Shepard, 1965), ils ont rapproché les fragments de vases d'un ensemble de formes théoriques jetant ainsi les bases d'une première typologie morphologique raisonnée des

Enfin, très récemment, une étude fonctionnelle d'une collection céramique ostionoïde (Grande Antilles, Porto Rico) a été menée par C. Espenshade (Espenshade, 2000). Elle se base sur une typologie des formes complètes à partir de laquelle sont analysés un certain nombre de caractères 84

signe que ces différentes nuances correspondaient à un unique concept chromatique, nous avons donc choisi de les traiter de façon globale.

(volumes, ouverture, présence d'anses) qui permettent de définir une fonction supposée pour chaque type. C'est en nous appuyant sur la richesse des collections à notre disposition et en nous inspirant des différentes recherches que nous venons de présenter, que nous avons établi la méthode d'analyse que nous avons suivie tout au long de notre étude et que nous allons maintenant présenter.

Les trois couleurs sont parfois associées pour la représentation de certains motifs. Nous avons choisi de distinguer les décors monochromes, bichromes et trichromes. Les informations concernant les combinaisons de couleurs utilisées pour réaliser ces motifs ont-elles été collectées indépendamment du décompte général. Enfin, lors de cette analyse des décors peints nous avons pris en compte les couleurs présentes sur la face externe et sur la face interne des tessons de façon globale. C'est en fonction de ce même principe qu'ont été analysées les différentes combinaisons de types de décors.

2. La méthode d'analyse.

Afin d'atteindre le double objectif que nous nous sommes fixés, pour chaque série analysée de façon intégrale, notre étude a été organisée en trois étapes. Tout d'abord, nous avons tenté de réaliser le maximum de recollages sur le matériel à notre disposition afin de pouvoir bénéficier de la collection la plus importante possible de formes complètes. Ensuite, nous avons effectué un décompte en fonction de critères décoratifs et morphologiques d'un échantillon ou de la totalité des tessons composant chaque série. Nous avons ainsi analysé les collections provenant des sites de Vivé (Série Bérard-Giraud), de Fond-Brûlé (Série Bérard) et de Moulin l'Etang (Série Bérard). Enfin, nous avons tenté d'établir une typologie raisonnée de la céramique saladoïde cedrosane ancienne de Martinique à partir de l'analyse de l'ensemble des formes complètes issues des quatre gisements composant notre corpus (Vivé, Fond-Brûlé, Moulin l’Etang et Lasalle).

PEINTURE

INCISION

MODELAGE

2.1. La caractérisation culturelle. Nous l'avons vu, la caractérisation culturelle des ensembles céramiques dans les Antilles est essentiellement basée sur les résultats d'une analyse quantitative fine des tessons de poterie prenant en compte leur position sur le vase et le type de décors dont ils sont porteurs (Allaire, 1977; Duval, 1996; Hofman, 1993). Pour réintégrer les collections saladoïdes anciennes de Martinique dans leur contexte antillais, nous ne pouvions nous passer de ce type d'analyse. Afin de réaliser ce travail nous avons créé un tableau de comptage croisant types de décors et attributions morphologiques. Notre étude étant synchronique nous avons, afin de l'alléger, adapté ce tableau à la réalité de la céramique saladoïde ancienne.

Sans Décor Monochrome Bichrome Trichrome Incision Incision+Monochrome Incision+Bichrome Incision+Trichrome Zoné-Incisé Zoné-Incisé+Monochrome Zoné-Incisé+Bichrome Zoné-Incisé+Trichrome Modelage Modelage+Monochrome Modelage+Bichrome Modelage+Trichrome Modelage+Incision Modelage+ Incision +Monochrome Modelage+ Incision +Bichrome Modelage+ Incision +Trichrome Adornos Adornos+Monochrome Adornos+Bichrome Adornos+Trichrome

Tableau n°9: Les critères décoratifs pris en compte lors de l'étude.

Les décors incisés et gravés

2.1.2. Les différents types de décors.

Nous avons compté dans les décors incisés les motifs réalisés par un enlèvement de matière effectué avant séchage du pot (Balfet, Fauvet Berthelot et Monzon, 1989). Nous avons ainsi pris en compte les décors incisés simples et les différents cas où cette technique est utilisée en association avec d'autres (peinture, modelage). De plus, nous avons individualisé un type de décor particulier, lié à la définition même de la phase saladoïde ancienne. Il s'agit de motifs caractérisés par des zones délimitées par une incision et remplies par un motif gravé (enlèvements de matière réalisés après séchage), généralement grillagé. Ce type décoratif est communément appelé ZIC (Zoné-Incisé-Croisillonné). Différents motifs pouvant être représentés à l’intérieur des zones délimitées par l'incision, nous avons choisi de traiter de façon globale l'ensemble de ces décors zonés-incisés. Les

Trois grands types de décors ont été distingués: les décors peints, les décors gravés et incisés, et les décors modelés (tableau n°9). Les décors peints Trois couleurs ont été utilisées par les saladoïdes anciens pour réaliser leurs décors peints: le rouge, le blanc et le noir. Différentes nuances de rouge peuvent exister, cependant une rapide observation de la collection nous a permis de remarquer que ces différentes nuances étaient utilisées de façon identique (même position sur les vases, mêmes représentations iconographiques). Cela nous paraissait être le 85

décors zonés-incisés-croisillonnés ont été décomptés de façon indépendante.

La base : il s'agit de la portion du vase sur laquelle il repose. Trois types de bases ont été distingués: les bases plates (quelques bases très légèrement concaves ont été intégrées à cet ensemble), les piédestaux correspondant à des pieds hauts uniques et les pieds de vases à supports excentrés (figure 63).

Les décors modelés Nous avons considéré comme décors modelés toutes les décorations réalisées par un déplacement de matière provoquant un relief à la surface du vase ou par un ajout de matière (Balfet, Fauvet Berthelot et Monzon, 1989). Nous avons associé à ce décompte les différents cas où cette technique est utilisée en association avec d'autres. Par ailleurs, nous avons individualisé au sein de cet ensemble les adornos qui sont des figures, modelées, incisées et parfois peintes, anthropomorphes, zoomorphes ou teratomorphes. 2.1.3. Les différents critères morphologiques.

Figure 63: Différents types de bases et de préhensions. a. Fond plat, b. Piédestal, c. Supports excentrés, d. Anse en D, e. Oreille, f. Tenon.

Nous avons au cours de notre étude, croisé les informations se rapportant aux décors avec un certain nombre de critères morphologiques (tableau 10). Notre objectif était d'identifier l'emplacement des décors sur les vases, de façon générale et pour chaque type de décor en particulier. Nous avons enfin distingué au sein de cet ensemble les éléments se rapportant à deux types de vases particuliers : les platines et les cylindres. Nous possédions, en effet, de bonnes descriptions de ces types qui nous permettaient de les distinguer dès ce stade initial de l'analyse. Ces deux décomptes sont la préfiguration de l'outil dont la mise en place pourrait être une sorte d'aboutissement pour notre étude, c'est-à-dire un tableau de comptage des restes céramiques saladoïdes anciens par types de vases.

PARTIE REPRÉSENTÉE Bord Base

PRÉHENSIONS

PLATINES CYLINDRE

Le goulot : il s'agit de l'encolure des bouteilles. Initialement nous avions tenté de décompter aussi les éléments de col. Malheureusement, il nous est rapidement apparu qu'il était difficile de les distinguer de certains tessons provenant du corps de vases à profil concave. Nous avons donc abandonné cette catégorie. Les tessons provenant de col de vases à encolures larges ont donc été finalement décomptés avec les éléments de corps. Le corps : il correspond à la partie du vase comprise entre la base et l'encolure ou le bord. Les préhensions.

Plate Piédestal Pieds

Nous avons distingué trois types de préhensions (figure 63): Les anses: De profil en D, elles sont verticales et fixées par deux points aux vases.

Goulot Corps Anses en D Oreilles Tenons Bord Fond Panse Extrémités

Les oreilles: Il s'agit d'appendices de forme aplatie, exceptionnellement ajourés, se développant à partir du bord du récipient. Les tenons: Il s'agit d'éléments pleins fixés à la paroi du récipient. Les types de vases particuliers.

Tableau 10: Les critères morphologiques pris en compte lors de l'étude.

Nous avons distingué au cours du comptage les éléments appartenant à deux types de vase particuliers, les platines et les cylindres dits "Brûle-parfum".

Les différentes parties du vase.

Les platines: Les platines sont des disques de céramique, avec un bord plus ou moins aménagé, destinés à la cuisson de la galette de manioc, la cassave29 (figure 64). Ces éléments caractéristiques, encore en usage chez certaines populations amérindiennes actuelles de la zone amazonienne, ont été depuis longtemps identifiés dans les séries archéologiques antillaises.

Pour la définition des différentes parties de vase que nous avons distinguées au cours de notre travail, nous nous sommes largement inspiré des écrits de H. Balfet, M.F. Fauvet Berthelot et S. Monzon (Balfet, Fauvet Berthelot et Monzon, 1989) et de J.-C. Gardin (Gardin, 1976). Le bord : il s'agit de la partie d'un récipient qui borde l'ouverture, soit la lèvre, soit une portion plus importante délimitée par un aménagement morphologique ou décoratif particulier.

29

Les platines peuvent aussi parfois servir à cuire des galettes de maïs.

86

composé d'un bord et d'un fragment de corps a été divisé en deux unités morphologiques et le décor porté par chacune d’elles a été observé. Il en a été fait de même avec les vases reconstitués.

2.2. L'analyse fonctionnelle. Le second objectif de notre travail est la réalisation d'une analyse fonctionnelle des restes céramiques destinée à venir nourrir une future étude paléthnologique d'un village saladoïde ancien. Pour cela, il fallait, tout d’abord, établir une typologie de cette production. Ce travail a été réalisé en deux temps. Nous avons choisi comme premier critère d'analyse la forme des vases. Bien que non exclusive, la relation existant entre forme et fonction n’est plus à démontrer. Nous avons ensuite analysé les décors portés par les différents types identifiés. La présence ou l'absence de décors, leur nature et leur importance quand ils étaient présents, nous paraissaient être des éléments pouvant éclairer la fonction des récipients. De plus, il nous paraissait essentiel de mettre en évidence les relations existant entre formes et décors afin que cette information puisse être utilisée pour associer les tessons composant l'essentiel des collections archéologiques à des types ou des familles de types de vases.

Figure 64: Exemple de platine à manioc provenant du site de Vivé.

Les cylindres dits "brûle-parfum" : Les vases cylindres ont été décrits la première fois par W. Haag (Haag, 1964) sous le nom de "Troumassé incised cylinder". Il s'agit de céramiques de profil tronconique portant généralement une peinture rouge couvrante associée à un décor incisé. La base de ces pièces est complètement ajourée, leur sommet présente généralement une ouverture de diamètre variable (figure 65).

Enfin, nous avons tenté pour chacun des types d'émettre une hypothèse concernant sa fonction en nous appuyant non seulement sur les critères morphologiques et décoratifs à la base de sa définition mais aussi sur l'observation des traces macroscopiques d'utilisation. 2.2.1. Les différents types de formes. Afin d'établir une typologie raisonnée basée sur la forme des vases, nous avons tout d'abord décomposé chaque récipient en plusieurs unités morphologiques. Ces unités sont les mêmes que celles que nous avons utilisées au cours du comptage (bord, encolure, corps, base, préhensions). Pour chacune de ces unités nous avons déterminé un certain nombre de types. La céramique que nous avons analysée a été montée au colombin, cela implique une production moins standardisée que celle qui peut être réalisée à l'aide d'un tour. Pour cette raison, et afin de ne pas multiplier inutilement les types morphologiques, nous ne sommes pas allés trop loin dans la définition de ces critères d’analyse. Enfin, avant d'étudier ces différents éléments et leur association nous avons effectué la distinction classique entre vases fermés et vases ouverts.

Figure 65: Exemple de cylindre"brûle-parfum" (Vivé).

2.1.4. L'unité de comptage.

Vases ouverts, vases fermés.

L'une des spécificités des collections que nous avons analysées est leur richesse en vases reconstitués et en fragments de grande taille. Afin d'intégrer de façon cohérente ces pièces à notre analyse et de cerner au plus près la position de chaque type de décor sur les récipients, nous n'avons pas choisi comme unité de comptage le tesson. Nous avons préféré effectuer notre décompte en fonction des unités morphologiques présentées plus haut. Ainsi, un tesson

Nous avons considéré comme ouverts tous les vases dont le diamètre maximal correspond avec l'ouverture, sans tenir compte de l'orientation du bord. Les vases fermés regroupent donc les récipients dont le diamètre d'ouverture est inférieur à leur diamètre maximal.

87

Tableau 11: Les différents critères morphologiques pris en compte lors du classement typologique.

Les corps.

11). Concernant la section de ces pièces, nous avons utilisé les mêmes catégories que pour les vases fermés.

Au sein des récipients fermés, nous avons distingué six types de profils de corps: les corps cylindriques, les corps tronconiques, les corps arrondis, les corps ovales30, les corps carénés et les vases effigies (tableau 11). De plus nous avons complété notre étude par l'analyse de la section de ces vases. Ainsi, quatre types de sections ont été observés : les sections circulaires, les sections ovales, les sections quadrangulaires et les sections polylobées.

Les encolures. Nous avons distingué quatre types de profils d'encolures valables pour les vases fermés: les cols droits, les cols concaves, les cols convexes et les goulots. À cela il faut ajouter les vases fermés dépourvus d'encolures (tableau 11).

Au sein des vases ouverts, nous avons distingué cinq types de corps: les corps plats, les corps tronconiques, les corps arrondis, les corps carénés et les corps à profil en S (tableau

Les bases et les préhensions. Nous avons utilisé pour classer les bases des vases complets les mêmes catégories que celles que nous avons utilisées au cours du comptage des tessons, c'est-à-dire: les fond plats, les piédestaux et les pieds excentrés (tableau 11). Nous avons

30

Les vases arrondis ont un corps dont le diamètre maximal est supérieur à la hauteur contrairement au vases ovales dont le diamètre maximal du corps est inférieur à sa hauteur. 88

Un second groupe était marqué par une usure caractéristique de la surface interne (figure 67). Ce type d'altération d'origine chimique a depuis longtemps été décrit (Pinchon, 1964; Mattioni, 1982). Il est généralement associé à la préparation du Ouïcou, la bière de manioc. L'analyse de ces traces d'utilisation a servi de base au classement que nous avons fait de nos types de vases selon des critères d'ordre fonctionnel.

fait de même en ce qui concerne les types de préhension qui ont été divisés en anses en D, oreilles et tenons (tableau 11). Les bords. Nous avons distingué trois grands types de bords (tableau 11) valables pour les vases fermés comme pour les vases ouverts: Les bords simples, les bords anguleux et les bords épaissis. Au sein des bords épaissis, nous avons distingué les bords ronds et les bords triangulaires. Afin d'aller plus loin dans l'analyse nous avons aussi pris en compte le module des récipients, leur indice d'ouverture ainsi que l'épaisseur et la couleur de leur pâte. Par ailleurs, nous avons caractérisé la couleur de la pâte (face interne et face externe) de chacun des vases en fonction du code Cailleux de couleur des sols (Cailleux, 1982). Les informations concernant le profil et la section du corps, l'encolure, la base, l'indice d'ouverture et le module des vases fondent la définition de chaque type morphologique. Les résultats de l'analyse des autres critères (bord, préhension, épaisseur et couleur de la pâte) n'ont été utilisés que pour affiner la description de chaque type. 2.2.2. Les différents types de décors. Concernant l'analyse des décors présents sur les récipients reconstitués nous avons tout d'abord estimé l'aspect plus ou moins couvrant de ces décorations. Puis nous les avons analysées en fonction des mêmes critères que ceux que nous avons utilisés au cours du décompte des tessons. Le croisement de ces données avec les résultats du classement morphologique a servi à l'établissement de la version finale de notre typologie.

Figure 67: Exemple d'altération de la surface interne de certains récipients.

3. Le comptage.

2.2.3. Les traces d'utilisation. Sur chacun des récipients de notre échantillon d'analyse nous avons cherché à observer des traces macroscopiques d'utilisation. Deux types de stigmates ont ainsi pu être caractérisés. Un premier ensemble de vases portait sur leur partie inférieure les traces de chauffages répétées (noircissement de la surface externe, oxydation marquée de la pâte au niveau du fond liée aux cuissons multiples) (figure 66).

3.1. Fond-Brûlé. Lors des sondages que nous avons effectués à Fond-Brûlé en 1999 nous avons recueilli 180 tessons de céramique au sein de la couche saladoïde ancienne. À cet ensemble correspondent 154 unités de comptage. La différence entre les deux chiffres est liée au nombre important de recollages réalisés sur le matériel provenant du sondage 3 (le plus riche). Il s'agit donc d'une petite série. En conséquence, les résultats de l'analyse quantitative que nous allons maintenant présenter doivent être considérés avec prudence. 3.1.1. Analyse des caractères morphologiques. Les 154 unités de comptages se répartissent en 36 bords, 104 tessons de corps, 4 bases et 10 éléments de préhension (tableau 12). Au sein de ces éléments 19, soit 12% de l'ensemble, ont pu être associés à des récipients de type platine et 2 à des vases de type cylindre "brûle-parfum". Concernant les fragments de bases, ils appartenaient tous à des vases à fond plat. Aucune préhension de type tenon n'a été identifiée au sein de la série de Fond-Brûlé. Les 10 éléments de préhension observés se divisent de façon relativement équitable (4/6) entre les anses en D et les oreilles.

Figure 66: Vase ayant subit des chauffages répétés.

89

PLATINES Bords Base plat

PEINTURE

INCISION

Goulots Corps Bords plat.

CYLINDRES Fonds plat. Panses Cyl.

PRÉHENSIONS Extr. Cyl. Anses

Oreilles Tenons TOTAL

piédestal

Sans décor

16

3

0

0

65

5

14

0

0

1

1

0

105

Monochrome

0

0

0

0

10

0

0

0

0

0

0

0

10

Bichrome

0

0

0

0

10

0

0

0

0

2

0

0

12

Trichrome

1

0

0

0

2

0

0

0

0

0

0

0

3

Incision

0

0

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

Incision+ monochr.

2

1

0

0

1

0

0

0

2

0

0

0

6

Incision+ bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Incision+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Zoné-Incisé

2

0

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

3

Z-I+Monochr.

4

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

4

Z-I+bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Z-I+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Modelage

1

0

0

0

0

0

0

0

0

1

2

0

4

MODELAGE Modelage+monochr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Modelage+bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Modelage+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Modelage incisé

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

3

0

3

Modelage+mono+inc

2

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

2

Modelage+bichr+inc

1

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1

Modelage+trichr+inc

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Adornos

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

adornos+monochr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

adornos+bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

adornos+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

TOTAL

29

4

0

0

90

5

14

0

2

4

6

0

154

Total pièces

Total decors

180

49

Tableau 12: Fond-Brûlé - Tableau de comptage des restes céramiques.

3.1.2. Analyse des caractères décoratifs.

La technique décorative la moins souvent utilisée à FondBrûlé est le modelage. Elle n'est présente que sur 20% des éléments décorés. Ce pourcentage se divise en 8% d'éléments uniquement modelés, 6% d'éléments modelés et incisés et 6% d'éléments associant les trois techniques, peinture, incision et modelage. Enfin, aucun adorno n'était présent dans la petite série que nous avons récoltée à FondBrûlé.

Parmi les 154 unités de comptage, 49 (soit 32%) correspondent à des éléments décorés (tableau 12). La technique décorative dominante est la peinture, 77,5% des éléments décorés portent de la peinture. Ce pourcentage se décompose en 51% d'éléments uniquement peints, 20,5% d'éléments portant un décor associant peinture et incision et 6% d'éléments portant un décor à la fois modelé, peint et incisé (figure 68). Parmi ces éléments peints, 58% portent uniquement de la peinture rouge, 34% de la peinture rouge et de la peinture blanche et 8% un décor trichrome rouge, blanc et noir. Concernant les éléments trichromes, ils correspondent systématiquement à des pièces portant un motif peint en rouge et blanc sur leur face externe et de la peinture noire sur leur face interne.

Au-delà de la fréquence des différentes techniques décoratives et de leur association, il est intéressant d'observer précisément les différentes catégories décoratives que nous avions intégrées à notre tableau de décompte et qui sont absentes de la série de Fond-Brûlé (tableau 13). Ainsi, sur les 23 catégories décoratives que compte notre tableau, 12 n'ont pas de représentant. Il s'agit tout d'abord des quatre catégories correspondant aux adornos. Cette absence est évidemment due à la faiblesse numérique de la série. Ensuite, aucun élément associant la gravure à un décor peint bichrome ou trichrome n'a été observé. Il en est de même pour les décors associant modelage et peinture et pour les décors modelés, incisés, trichromes. L'analyse de séries plus conséquentes nous permettra de vérifier si ces types d'associations sont réellement absents de la grammaire décorative saladoïde ancienne.

L'incision arrive en deuxième position des techniques utilisées à Fond-Brûlé, elle est présente sur 40,5% des éléments décorés. Ce pourcentage se décompose en 8% d'éléments uniquement incisés (dont 6% de motifs zonéincisé), 20,5% d'éléments associant peinture et incision, 6% d'éléments ayant un décor modelé et incisé et enfin 6% d'éléments gravés, modelés et peints.

90

3.1.3. La position des décors sur les vases. Les décors ont été préférentiellement positionnés par les potiers de Fond-Brûlé sur les préhensions et les bords des récipients. Ainsi, 80% des préhensions et 45% des bords portent un décor contre 28% des éléments de corps et 25% des bases. Les valeurs numériques sont ici aussi à considérer avec la plus grande prudence du fait de la faiblesse numérique de l'échantillon. Par ailleurs, on peut remarquer que les décors faisant appel à la technique du modelage sont exclusivement réservés aux préhensions et aux bords des vases. À l'inverse, les décors peints simples sont préférentiellement (88% des cas) situés sur le corps des poteries. Concernant les deux types de vases que nous avons individualisés, les éléments de platines découverts à FondBrûlé ne portent aucun décor contrairement aux fragments de cylindres identifiés qui portent tous deux un décor associant incision et peinture rouge. En raisonnant en termes de présence-absence sur une collection aussi limitée que celle Fond-Brûlé (tableau 13), on s'aperçoit qu'un grand nombre de combinaisons positiondécor sont absentes. L'analyse de séries plus importantes que nous allons mener maintenant nous permettra de vérifier sur des bases plus solides ces premières observations.

Figure 68: Fond-Brûlé - Fréquence des différentes techniques décoratives.

PLATINES Bords Base plat Sans décor

16

16

Monochrome PEINTURE

PRÉHENSIONS Extr. Cyl. Anses

Oreilles Tenons TOTAL

piédestal 16

16

16

16

16

16

16

16

16

16 16

16

16 16

16 16

Incision Incision+ monochr.

CYLINDRES Fonds plat. Panses Cyl.

16

Bichrome Trichrome

Goulots Corps Bords plat.

16

16

16

16

Incision+ bichr. INCISION

Incision+trichr. Zoné-Incisé

16

Z-I+Monochr.

16

16

16 16

Z-I+bichr. Z-I+trichr. Modelage

16

16

16

16

MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé

16

16

Modelage+mono+inc

16

16

Modelage+bichr+inc

16

16

Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr. TOTAL

16

16

16

16

16

16

16

16

Tableau 13: Fond-Brûlé - Tableau de comptage des restes céramiques en terme de présence-absence.

91

16

Moulin l'Etang. L'occurrence des éléments de vases cylindres est bien moindre. Seuls 15 éléments ont été identifiés.

3.2. Moulin l'Etang.

3.2.2. Analyse des caractères décoratifs.

Lors des sondages que nous avons réalisés en 1999 sur le site de Moulin l'Etang, nous avons récolté une série céramique de 1164 pièces. Au cours de notre étude, nous avons décomposé cette collection en 1197 unités de comptage. Contrairement à la série de Fond-Brûlé, on peut donc accorder une certaine validité statistique à cet ensemble.

Sur les 1197 unités décomptées à Moulin l'Etang, 502, soit 42% de l'ensemble, correspondent à des éléments décorés (tableau 14). Ici aussi la peinture est la technique dominante, 83% des pièces décorées en portent. Ce pourcentage se décompose en 58 % d'éléments simplement peints, 19% portant un décor peint et incisé, 1% peints et modelés et 5% d'éléments à la fois peints, incisés et modelés (dont 1% d'adornos peints) (figure 69). Ces différents décors peints sont dans 66,5% des cas monochromes rouges, dans 27% des cas bichromes rouges et blancs et dans 6,5% des cas trichromes rouges, blancs et noirs. Un seul élément (soit 0,25% des pièces) se distingue de cet ensemble en portant uniquement de la peinture noire. Il s'agit d'une pièce dont la petite taille ne permet pas d'évaluer correctement la diversité chromatique du décor porté par le vase dont elle est issue. Enfin, on peut remarquer que la couleur noire est utilisée comme à FondBrûlé sur la face interne de vases portant un décor peint rouge et blanc sur leur face externe. De plus, à Moulin l'Etang, elle apparaît aussi sur des pièces associant incision et peinture rouge et blanche. Elle est alors utilisée pour souligner les incisions. C'est le cas, entre autres, sur près de la moitié des adornos que compte la série.

3.2.1. Analyse des caractères morphologiques. La série céramique de Moulin l'Etang se compose de 263 bords, 806 éléments de corps, 2 goulots, 75 fragments de bases et 51 éléments de préhensions (tableau 14). Concernant les trois types de bases que nous avons distingués au cours de notre étude, les fonds plats dominent très largement l'échantillon (62 éléments). Les pieds hauts arrivent en seconde position avec 13 éléments. Aucun support excentré n'a, par contre, été identifié. Les préhensions se divisent en 18 anses en D, 20 oreilles et 13 tenons. On retrouve la relative équivalence entre les anses et les oreilles que nous avions déjà remarquée à Fond-Brûlé. Les tenons semblent eux avoir une fréquence moindre. Les platines sont représentées au sein de la série par 123 éléments, soit 10% de l'ensemble. Il s’agit d’un pourcentage proche de celui que nous avons observé à

Moulin l'Etang 1999-total couche 4

PLATINES Bords

Fonds plats

PEINTURE

INCISION

MODELAGE

Cols piedes.

Goulots Tessons Bords plat.

CYLINDRES Fonds plat. Panses Cyl.

ANSES Extr. Cyl. Verticales

Oreilles Tenons TOTAL

Pieds

Sans décor

82

56

4

0

0

0

419

28

91

0

1

11

1

2

695

Monochrome

55

4

9

0

0

0

100

1

1

0

0

3

1

1

175

Bichrome

8

1

0

0

1

1

80

0

0

1

0

2

2

0

96

Trichrome

2

0

0

0

0

1

18

0

0

0

0

0

0

0

21

Incision

8

0

0

0

0

0

27

1

0

1

0

0

0

0

37

Incision+monochr.

27

1

0

0

0

0

33

1

0

2

8

0

0

0

72

Incision+bichr.

2

0

0

0

0

0

11

0

0

2

0

0

0

0

15

Incision+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Zoné-Incisé

11

0

0

0

0

0

11

0

0

0

0

0

2

0

24

Z-I+Monochr.

7

0

0

0

0

0

2

0

0

0

0

0

0

0

9

Z-I+bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Z-I+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Modelage

4

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

2

0

6

Modelage+monochr.

2

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

2

Modelage+bichr.

0

0

0

0

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

Modelage+trichr.

0

0

0

0

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

Modelage incisé

6

0

0

0

0

0

1

0

0

0

0

1

6

4

18

Modelage+mono+inc

8

0

0

0

0

0

3

0

0

0

0

1

4

0

16

Modelage+bichr+inc

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1

0

1

Modelage+trichr+inc

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1

1

Adornos

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1

1

2

adornos+monochr.

1

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1

2

adornos+bichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

adornos+trichr.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

3

3

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

223

62

13

0

1

2

707

31

92

6

9

18

20

13

1197

TOTAL

ZIC : Total pièces 1164

Mono N Mono B BI-R/NBi-B/N 1

1

ZIC Mono :

Total decors

ZIC Bichro :

502

ZIC Trichro :

Tableau 14: Moulin l'Etang - Tableau de comptage des restes céramiques.

92

Des motifs incisés sont présents sur 39,5% des éléments décorés. Cet ensemble correspond à 12% d'éléments simplement incisés (dont 5% de motifs zonés-incisés), 19% d'éléments peints et incisés (dont 2% de motifs zonésincisés), 3,5% d'éléments modelés et incisés (dont 0,5% d'adornos) et 5% d'éléments à la fois peints, incisés et modelés (dont 1% d'adornos) (figure 69). On peut noter l'étroite association qui existe entre incision et peinture, 60% des éléments incisés portent aussi de la peinture. En dehors des adornos, c'est généralement (85% des cas) un motif peint monochrome qui est associé à l'incision. Cette constatation semble correspondre à une règle stricte en ce qui concerne les décors zonés-incisés. À l'inverse, l'association incision-trichromie semble être réservée aux éléments associant peinture, incision et modelage. Parmi les éléments décorés, 10,5% portent un motif modelé. Ce chiffre comprend les 1,5% de décors type adornos que compte la série. Ce pourcentage d'éléments décorés par modelage correspond à 1% de pièces ayant été décorées uniquement par modelage, 1% d'éléments peints et modelés, 3,5% d'éléments modelés et incisés (dont 0,5% d'adornos) et 5% d'éléments à la fois peints, incisés et modelés. Ainsi, la technique du modelage n'est utilisée que très rarement de façon indépendante par les potiers amérindiens (moins de 10% des cas). La technique du modelage semble étroitement associée à celle de l'incision (80% des cas pour le total modelé-incisé et modelé-incisé-peint). Ayant déjà souligné au paragraphe précédent les liens qui semblent exister entre incision et peinture, il n'est donc pas étonnant de constater que la catégorie d'éléments modelés la plus représentée est celle qui associe le modelage à l'incision et à la peinture (50% des cas).

Figure 69: Moulin l'Étang – Fréquence des différentes techniques décoratives.

Moulin l'Etang 1999-total couche 4

PLATINES Bords

Fonds plats

PEINTURE

INCISION

Cols piedes.

Goulots Tessons Bords plat.

CYLINDRES Fonds plat. Panses Cyl.

ANSES Extr. Cyl. Verticales

Oreilles Tenons TOTAL

Pieds

Sans décor

82

56

4

419

28

91

Monochrome

55

4

9

100

1

1

Bichrome

8

1

Trichrome

2

1

1

80

1

18

Incision

8

Incision+monochr.

27

Incision+bichr.

2

11

Zoné-Incisé

11

11

Z-I+Monochr.

7

2

1

1 1

11

1

2

695

3

1

1

175

2

2

96 21

27

1

1

33

1

2

37 8

72

2

15

Incision+trichr. 2

24 9

Z-I+bichr. Z-I+trichr. MODELAGE

Modelage

4

Modelage+monochr.

2

2

2

Modelage+bichr.

1

Modelage+trichr.

1

1 1

Modelage incisé

6

1

1

Modelage+mono+inc

8

3

1

Modelage+bichr+inc

6

4

4

Adornos

1 1

18 16

1

Modelage+trichr+inc adornos+monochr.

6

1 1

1

1

2

1

2

3

3

13

1197

adornos+bichr. adornos+trichr. TOTAL

223

62

13

1

2

707

31 ZIC :

Total pièces 1164

Mono N Mono B BI-R/NBi-B/N 1

92

6

9

18

20

1

ZIC Mono :

Total decors

ZIC Bichro :

502

ZIC Trichro :

Tableau 15: Moulin l'Étang – Tableau de comptage des restes céramiques en terme de présence-absence.

93

En raisonnant en termes de présence-absence (tableau 15) on s'aperçoit que 12 des 23 catégories décoratives n'ont pas de représentant parmi les éléments de préhension. Ainsi, l'incision utilisée seule ou en association avec de la peinture est quasiment absente, seuls deux éléments d'oreilles portent un décor zoné-incisé. De même, il n'y a aucun représentant des décors associant simplement modelage et peinture. Cette observation doit cependant être mise en parallèle avec la très faible occurrence de ces types décoratifs au niveau de la série en général. Enfin, la trichromie n'est jamais présente indépendamment de son association avec le modelage et de l'incision.

Après cette analyse des techniques décoratives utilisées à Moulin l'Etang, une sorte de hiérarchie commence à se dégager. Ainsi, la peinture semble être l'élément de base du vocabulaire décoratif saladoïde ancien. L'incision intervient en second, le plus souvent en association avec la peinture. Enfin, le modelage paraît réservé aux décors les plus complexes où il est associé de façon quasi systématique à l'incision et le plus souvent à l'incision et à la peinture. La décoration céramique saladoïde ancienne paraît ainsi se rapprocher dans son organisation d'une langue agglutinante. Le même type de remarque peut s'appliquer au mode de gestion des couleurs. On a ainsi observé que la diversification chromatique se faisait d'abord par l'agglutination d'une couleur secondaire, le blanc, à une couleur primaire, le rouge, puis par l'addition d'une couleur tertiaire, le noir, à l'ensemble couleur primaire-couleur secondaire. Le blanc et le noir n'interviennent jamais de façon autonome.

Les bords. Les bords sont majoritairement décorés par de la peinture, on trouve ensuite les décors incisés et surtout ceux qui associent incision et peinture, et enfin les décors modelés (tableau 14). Si les décors intégrant des éléments modelés sont les moins nombreux, c'est cependant sur les bords, après les préhensions, qu'on les rencontre le plus fréquemment (15% des cas). De la même façon, les décors utilisant l'incision sont plus fréquemment positionnés sur le bord des récipients que sur leur corps (39% des cas).

Enfin, concernant l'analyse en termes de présence-absence (tableau 15), la série de Moulin l'Etang, plus importante numériquement que celle de Fond-Brûlé, nous permet de voir que la quasi-totalité des types de décors prévus dans notre tableau sont représentés. Seules quatre catégories n'ont pas de représentants. Il s'agit des catégories: incision plus peinture trichrome, motifs zonés-incisés plus peinture bichrome et trichrome et des adornos bichromes. L'analyse de la très riche série de Vivé nous permettra de vérifier ces premières constatations.

L'essentiel des catégories décoratives ont des représentants parmi les éléments de bords à l'exception de celles qui sont absentes de la série en général (tableau 15). Seuls sont absents les types adornos trichromes, réservés aux tenons, et les 4 types associant la technique du modelage à des motifs bichromes ou trichromes. Ces dernières ne sont d'ailleurs représentées chacune que par un seul élément au sein de la série de Moulin l'Etang.

3.2.3. La position des décors sur les vases. Les décors ont été préférentiellement positionnés sur les goulots, puis les préhensions, les bords, le corps et la base. Ainsi 100% des goulots, 66% des préhensions et 58% des bords portent un décor, contre seulement 39% des éléments de corps et 20% des bases.

Le corps. Les éléments de corps portent préférentiellement des décors peints simples (69% des cas), puis des décors utilisant l'incision (29% des cas) et enfin très rarement des décors intégrant des éléments modelés (2 % des cas) (tableau 14). Ainsi, la plupart des types décoratifs associés à la technique du modelage n'ont pas de représentants parmi les éléments de corps. Enfin, on peut noter que si les décors trichromes sont nombreux, il s'agit en réalité de pièces peintes en noir sur leur face interne et portant un décor bichrome rouge et blanc sur leur face externe. C'est aussi sur le corps des récipients que les motifs bichromes ont la plus forte occurrence, soit individuellement, soit associés à de l'incision.

Les goulots. Les deux goulots que comprend la série portent un décor peint. Un décor bichrome dans un cas et trichrome dans l'autre. Il nous faudra vérifier sur un échantillon plus large la validité de cette observation. Les préhensions. Les préhensions sont majoritairement décorées par modelage (26 éléments sur les 37 décorés). À deux exception près, ce modelage est toujours associé à de l'incision et le plus souvent (13 cas) à de l'incision et de la peinture. On retrouve là les règles que nous avions identifiées précédemment. Par ailleurs, on peut remarquer l'association étroite existant entre adornos et préhensions, 6 adornos sur 7 sont liés à un élément de préhension. Concernant les différences de traitement existant entre les trois types de préhensions que nous avons distingués, elles sont peu marquées. On peut cependant remarquer que les oreilles sont les seules à porter des motifs zonés-incisés. À l'inverse, les anses en D sont les seules à ne pas avoir été associées à des adornos. Cependant, la série de Moulin l'Etang ne compte que 7 adornos, il faudra donc vérifier cette information sur un échantillon plus conséquent.

Les bases. Les bases ne portent globalement que rarement des décorations. Cependant, dans le détail, on s'aperçoit que les piédestaux portent dans 70% des cas un décors et qu'il s'agit systématiquement d'une peinture rouge couvrante. Les fonds plats ne sont, eux, décorés que dans moins de 10% des cas, le plus souvent par un motif monochrome. On peut se demander, à l'image de ce que nous avons noté concernant le mode de complexification des décors, si la complexité morphologique que représentent les pieds hauts par rapport aux fonds plats n'est pas en relation avec le fort taux de décoration de ces éléments.

94

Les platines et les cylindres.

3.3. Vivé.

Les décors sont rares sur les platines. Ils ne sont cependant pas totalement absents. La série de Moulin l'Etang comprend 4 éléments de platine décorés, 3 sont des bords. Trois types décoratif sont ainsi représentés: la peinture monochrome, l'incision et l'incision rehaussée de peinture rouge.

À Vivé, nous avons récolté plus de 20000 restes céramiques entre 1996 et 2001. De cette énorme masse de matériel, nous avons choisi de ne traiter qu'un échantillon. Lors de la sélection de celui-ci nous avons été guidé par deux objectifs. Tout d'abord, nous souhaitions posséder des éléments permettant de traiter de l'évolution de la production céramique au cours des différentes occupations du gisement. Ensuite, nous voulions être à même de pouvoir comparer la composition d'échantillon provenant de secteurs ayant eu des fonctions différentes. En conséquence, nous avons choisi de traiter le matériel issu de la Zone 1 et provenant de toute l'épaisseur de la couche d'occupation. Enfin, au sein de cette zone, nous avons choisi d'analyser les restes céramiques provenant des bandes 2 à 12 qui recouvrent la zone d'activité culinaire et l'essentiel de la butte dépotoir. Au total, dans cette zone ce sont 7376 tessons représentant un poids de 123 kg (poids moyen par tesson: 17 g) qui ont été récoltés au cours des différentes campagnes. Nous avons regroupé ces éléments au sein de 7216 unités de comptage. La différence entre ces deux chiffres est liée au fort taux de recollage des vestiges découverts au sommet de la couche d'occupation.

À l'inverse, 14 des 15 éléments de cylindre "brûle-parfum" sont décorés. Très majoritairement, il s'agit de décors incisés monochromes (10 cas sur 14). On trouve aussi un élément simplement peint en rouge, un autre portant juste un motif incisé et enfin deux éléments décorés par un motif incisé associé à de la peinture rouge et de la peinture blanche. Sur toutes ces pièces, la peinture rouge est utilisée de façon couvrante et le blanc quand il est présent ne sert qu'à souligner le motif incisé. Un certain nombre de règles concernant l'organisation du système décoratif et l'emplacement des décors sur les vases commencent à se dégager suite à l'analyse de la série céramique provenant du gisement de Moulin l'Etang. Elles semblent témoigner de l'aspect très codifié de la production céramique saladoïde ancienne. Il nous faut maintenant voir si l'analyse de la très riche série que nous avons recueillie à Vivé nous permettra de confirmer cette première impression.

Vivé-totd1à3 Bords Fonds Cols plats Piédes Pieds

Goulots Tessons

PLATINES CYLINDRES ANSES Bords plat. Fonds plat. Panses Cyl. Extr. Cyl. Verticales Oreilles

Tenons TOTAL %/tot

%/totdécor

Sans décor

374

273

14

0

0

5

2564

103

346

0

2

46

10

1

3738

62,4

/

Monochrome Bichrome Trichrome

115 42 4

12 1 0

26 1 0

0 0 0

0 0 0

7 5 1

384 547 86

3 0 0

4 0 0

4 0 0

5 0 0

11 17 0

3 0 0

0 0 0

574 613 91

9,6 10,2 1,5

25,5 27,2 4,0

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

50 34 2 0 86 46 0 0

2 2 0 0 2 0 0 0

1 3 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 1 0 0 0 0

0 4 3 3 0 0 0 0

99 99 49 27 62 24 0 0

3 0 0 0 0 0 0 0

3 0 0 0 0 0 0 0

0 35 13 0 0 0 0 0

1 17 8 0 0 0 0 0

1 1 4 5 0 0 0 0

2 4 1 0 6 2 1 0

1 1 0 0 0 0 0 0

164 200 80 36 156 72 1 0

2,7 3,3 1,3 0,6 2,6 1,2 0,0 0,0

7,3 8,9 3,6 1,6 6,9 3,2 0,0 0,0

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr.

19 5 1 0 72 27 3 0 1 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0

3 1 0 0 9 9 6 9 0 0 0 0

3 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0

0 1 0 0 0 1 2 0 0 0 0 0

4 1 0 0 9 0 3 5 1 0 1 2

2 1 0 2 16 11 0 1 4 0 0 0

0 0 0 0 5 1 0 1 11 2 1 4

31 9 1 2 112 52 15 16 17 2 2 6

0,5 0,2 0,0 0,0 1,9 0,9 0,3 0,3 0,3 0,0 0,0 0,1

1,4 0,4 0,0 0,1 5,0 2,3 0,7 0,7 0,8 0,1 0,1 0,3

TOTAL

881

292

45

0

2

30

3978

113

353

54

37

111

66

28

5990

100

100

Mono N Mono B BI-R/N 28 70 19

Bi-B/N 13

PEINTURE

INCISION

Total pièces 6165

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

94 26 Taux frag. Total decors 3 16 2252 0 Poids Total 99098g

Tableau 16: Vivé, Zone 1 – Tableau de comptage des restes céramiques provenant des décapages 1 à 3.

95

Vivé-totd4à5

PEINTURE

INCISION

PLATINES Bords Fonds Cols Goulots Tessons Bords plat. Fonds plat. plats Piedes. Pieds

CYLINDRES Panses Cyl. Extr. Cyl.

ANSES Verticales Oreilles

Tenons TOTAL %/tot %/totdécors

Sans décor

66

53

4

0

0

0

378

24

68

0

1

7

1

0

602

55,2

11,3

Monochrome Bichrome Trichrome

19 14 1

4 0 0

6 1 0

0 0 0

0 0 0

2 1 0

69 120 32

0 0 0

0 0 0

1 2 0

3 0 0

5 6 0

0 0 0

0 0 0

109 144 33

10,0 13,2 3,0

22,3 29,4 6,7

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

7 13 0 3 18 16 0 0

1 2 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

1 0 1 0 0 0 0 0

25 12 3 7 6 13 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 6 3 0 0 0 0 0

0 0 2 0 0 0 0 0

0 1 0 3 0 0 0 0

1 0 0 0 2 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

35 34 9 13 26 29 0 0

3,2 3,1 0,8 1,2 2,4 2,7 0,0 0,0

7,2 7,0 1,8 2,7 5,3 5,9 0,0 0,0

0 0 0 0 16 6 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 1 1 1 2 0 0 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 3 1 0 0 0 0 0

0 0 0 0 1 0 0 1 1 0 0 0

0 0 0 2 5 3 0 0 0 1 0 0

1 0 0 0 0 0 0 1 8 1 0 0

2 0 0 2 23 13 2 4 9 2 0 0

0,2 0,0 0,0 0,2 2,1 1,2 0,2 0,4 0,8 0,2 0,0 0,0

0,4 0,0 0,0 0,4 4,7 2,7 0,4 0,8 1,8 0,4 0,0 0,0

179

60

11

0

0

5

670

25

68

12

10

25

15

11

1091

100

100

Mono N Mono B BI-R/N 4 10 2

Bi-B/N 1

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

15 12 0 0

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr. TOTAL

Total pièces 1080

Taux frag. Total decors 20 g/tes 489 Poids Total 21711

Tableau 17: Vivé, Zone 1 – Tableau de comptage des restes céramiques provenant des décapages 4 et 5.

Cependant, avant de nous lancer dans l'analyse de cette série, il nous paraissait important d'évaluer l'homogénéité de notre échantillon d'un point de vue diachronique. En effet, lors de la présentation des résultats de la fouille du site de Vivé, nous avons mis en évidence dans la Zone 1 l'existence d'une certaine rupture au sein de la couche d'occupation. Deux ensembles avaient été distingués correspondant grossièrement aux décapages 1 à 3 d'un côté et aux décapages 4 et 5 de l'autre. C'est le matériel céramique provenant de ces deux ensembles que nous souhaitons maintenant rapidement comparer. C'est une forte impression d'homogénéité qui se dégage de la lecture des données issues de la comparaison de ces deux séries (tableau 16 et 17). Elle justifie pleinement un traitement global du matériel céramique provenant de toute l'épaisseur de la couche d'occupation31.

de la série contre seulement 14% de pieds hauts type piédestal. Les préhensions sont majoritairement de type anse en D (53% des cas). Viennent en deuxième position les oreilles (31% des cas) et enfin les tenons (16% des cas). On ne retrouve donc plus, dans l'importante collection de Vivé, la relative équivalence entre anses et oreilles que nous avions observée précédemment. Les platines à manioc sont représentées au sein de notre échantillon par 574 éléments. Elles représentent donc 8% de la série. Cette occurrence est relativement semblable à celle que nous avions observée à Moulin l'Etang. Seuls 113 éléments ont pu être associés aux cylindres dits "brûlesparfums". Ils représentent 1,5% de l'échantillon d'étude. Là aussi nous sommes dans des proportions comparables à celles que nous avons mises en évidence à Moulin l'Etang.

3.3.1. Analyse des caractères morphologiques.

3.3.2. Analyse des caractères décoratifs.

La série céramique de Vivé se compose 1268 bords, 37 éléments de goulots, 5230 tessons de corps, 417 éléments de bases et 262 préhensions (tableau 18). L'importance numérique de notre échantillon permet donc de réaliser, sur des bases solides, l'analyse de chacune de ces catégories morphologiques.

Le taux d'éléments décorés à Vivé est de 38, 5%. Il est donc très proche de ceux des séries analysées précédemment. La technique la plus utilisée est la peinture (78,5% des cas) puis vient l'incision (41,5% des cas) et enfin le modelage (11,5% des cas).

Ainsi, concernant les trois types de bases, les supports excentrés font pour la première fois leur apparition (3 éléments). Ils sont systématiquement liés à des vases effigies, zoomorphes ou anthropomorphes. Sinon, les fonds plats dominent très largement l'échantillon. Ils représentent 86%

Les 78,5% d'éléments peints se divisent en 57% d'éléments uniquement peints, 17% d'éléments peints et incisés, 0,5% d'éléments peints et modelés et 4,5% d'éléments associant peinture, incision et modelage (figure 70). On le voit l'association simple modelage-peinture est quasiment absente. Concernant les couleurs utilisées, on retrouve parmi les éléments peints 50,5% de motifs monochromes, 40% de motifs bichromes et 9,5% de motifs trichromes.

31

Ce traitement global n'est légitime que dans le cadre de la méthode d'analyse que nous nous proposons d'appliquer. En effet, des spécificités pourraient apparaître suite à l'utilisation d'autres méthodes d'étude. 96

Vivé-tot Bords Fonds Cols Goulots plats Piédes. Pieds

PEINTURE

INCISION

Sans décor Monochrome Bichrome Trichrome

444 135 58 5

333 16 1

18 33 2

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

58 47 2 3 110 62

3 4

1 4

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr. TOTAL

Total pièces 7376

1

1

5 9 6 1

3002 462 677 120

133 3

422 4

1 4 4 5

126 112 52 36 68 37

3

3

3 1

5

10 10 7 12

1

4735

145

429

Mono N Mono B BI-R/N 32 80 21

Bi-B/N 14

2

19 5 1

1 2

90 33 3

PLATINES Tessons Bords plat. Fonds plat.

2

CYLINDRES Panses Cyl. Extr. Cyl.

5 2

41 16

359

58

3

2

37

Tenons TOTAL

3 8

54 16 25

11 3

1

4426 694 771 126

1 17 10

1 2 4 8

3 4 1

1 1

202 236 89 53 188 101 1

1

8 2 1

1

1 1

4 3

1

1076

ANSES Verticales Oreilles

66

47

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

112 38 3

4 1

2 1

10

4 21 14

3 6 2 1 1 2 140

1 4 1

2 19 4 1 5

34 9 1 4 137 65 17 21 26 6 2 7

81

41

7216

5 1

Taux frag. Total decors 17 g/tes 2790 Poids Total 123281

Tableau 18: Vivé – Tableau de comptage des restes céramiques.

Le mode d'utilisation des couleurs, le rouge, le blanc et le noir, est comparable à celui que nous avons observé à FondBrûlé et Moulin l'Etang. La seule couleur à être utilisée de façon isolée est le rouge et la bichromie correspond toujours à l'association du rouge et du blanc. Seules quelques pièces (6% des éléments peints) étaient en contradiction avec cette observation. De plus, il s'agit de nouveau d'éléments de petite taille ne rendant pas bien compte de la composition chromatique du décor du vase dont ils sont issus. Ainsi, un certain nombre de pièces portant uniquement de la peinture noire correspond à la base, non peinte sur la face externe, de vase portant une décoration bichrome, rouge et blanche, sur l'extérieur de leur corps. Cependant, quelques éléments de plus grande taille nous incitent à penser que la peinture noire peut être associée, de façon exceptionnelle,uniquement à de la peinture rouge. Sinon, l'usage de la peinture noire est limité à la décoration de la face interne de vase bichrome extérieurement et au soulignement de l'incision sur certains vases associant incision et peinture.

Plus de la moitié de ces pièces (52,5%) portent le motif zoné-incise-croisilloné considéré comme étant un des éléments caractéristiques de la céramique saladoïde ancienne.

Les 41,5% d'éléments incisés que compte la série se répartissent en 14% d'éléments uniquement incisés (dont 7% de motifs zonés-incisés), 17% d'éléments peints et incisés (dont 3,5% de motifs zonés-incisés), 6% d'éléments modelés et incisés et enfin 4,5% d'éléments à la fois peints, incisés et modelés (figure 70). On le voit l'incision est le plus souvent associée à la peinture (52% des cas). Ce sont généralement des motifs monochromes qui font l'objet de cette association (68% des cas). Cela est particulièrement vrai pour les motifs zonés-incisés, un seul élément sur les 7216 que compte l'échantillon présente l'association motif zoné-incisé, bichromie. De façon générale, les motifs zonésincisés représentent 25% des éléments portant de l'incision.

Figure 70: Vivé – Fréquence des différentes techniques décoratives.

97

La technique du modelage est la moins fréquemment utilisée par les potiers, seuls 12% des pièces en portent les traces. Ces 12% se divisent en 1% de pièces uniquement modelées, 0,5% de pièces modelées et peintes, 6% de pièces modelées et incisées (dont 1% d'adornos) et enfin 4,5% de pièces décorées à la fois par peinture, incision et modelage (dont 0,5% d'adornos) (figure 70). On le voit bien, comme nous l'avions déjà souligné lors de l'analyse de la série de Moulin l'Etang, la technique n'est qu'exceptionnellement employée sans être associée à l'incision (seulement 12,5% des cas). Ainsi l'association modelage-peinture ne semble pouvoir exister que très rarement (10% des éléments modelés et peints) sans la présence de l'incision. Ensuite, concernant la relation existant entre le modelage, l'incision et la peinture, on remarque une forte proportion de motifs trichromes. Ils sont présents sur 24% des éléments modelés, incisés et

Vivé-tot Bords Fonds Cols Goulots plats Piédes. Pieds

PEINTURE

INCISION

Sans décor Monochrome Bichrome Trichrome

444 135 58 5

333 16 1

18 33 2

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

58 47 2 3 110 62

3 4

1 4

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr. TOTAL

Enfin, l'analyse en termes de présence-absence montre que seul le type zoné-incisé trichrome n'a pas de représentant au sein de l'échantillon (tableau 19). Cependant, on peut considérer les types zoné-incisé bichrome (un représentant), modelage bichrome (un représentant) et modelage trichrome (4 représentant) comme étant tout à fait anecdotiques. Le type adorno bichrome ne possède lui aussi que très peu de représentant, mais la valeur de cette observation est limitée du fait du petit nombre d'adornos que compte l'échantillon (41 éléments).

PLATINES Tessons Bords plat. Fonds plat.

5 9 6 1

3002 462 677 120

133 3

422 4

1 4 4 5

126 112 52 36 68 37

3

3

19 5 1

3 1

5

90 33 3

10 10 7 12

1

4735

145

429

Mono N Mono B BI-R/N 32 80 21

Bi-B/N 14

1

1 2

2

CYLINDRES Panses Cyl. Extr. Cyl.

5 2

41 16

359

58

2

37

ANSES Verticales Oreilles

Tenons TOTAL

3 8

54 16 25

11 3

1

4426 694 771 126

1 17 10

1 2 4 8

3 4 1

1 1

202 236 89 53 188 101 1

1

8 2 1

1

1 1

4 3

1

1076

Total pièces 7376

peints. Cette occurrence est deux fois et demi supérieure à celle que nous avons observée lors de l'analyse de l'ensemble des éléments décorés (9,5%).

66

47

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

112 38 3

4 1

2 1

10

4 21 14

3 6 2 1 1 2 140

1 4 1

2 19 4 1 5

34 9 1 4 137 65 17 21 26 6 2 7

81

41

7216

5 1

Taux frag. Total decors 17 g/tes 2790 Poids Total 123281

Tableau 19: Vivé – Tableau de comptage des restes céramiques en terme de présence-absence.

3.3.3. La position des décors sur les vases.

Les goulots.

Les potiers de Vivé ont situé les décors préférentiellement sur les goulots (86,5% des goulots sont décorés), les préhensions (75%de préhensions décorées) et sur les bords des récipients (59% des bords portent un décor). Le corps et la base des vases ne sont, eux, décorés que dans moins de la moitié des cas (36,5% des cas pour les éléments de corps et 16% des cas pour les éléments de bases).

La décoration des goulots utilise la technique de la peinture de façon quasi systématique. Un seul des 32 éléments décorés ne porte pas de peinture. Dans près de la moitié des cas (15 sur 32) la peinture est associée à un motif incisé (tableau 18). Le motif peint associé à l'incision est le plus souvent polychrome (9 éléments sur 16). Cette constatation est en relation avec l'usage, que nous avons noté précédemment, de la peinture pour souligner les motifs 98

incisés. Le modelage n'intervient que rarement dans la décoration des goulots (2 cas sur 32) et toujours en association avec la peinture rouge et l'incision. Ainsi tous les autres types décoratifs intégrant la technique du modelage ne sont pas représentés parmi les éléments de goulots. Il en est de même des motifs zonés-incisés qui ne sont jamais positionnés à cet endroit (tableau 19).

isolée. En dehors d'un cas où elle est utilisée juste en association avec l'incision et d’un autre où elle est utilisée juste en association avec le modelage, elle est systématiquement liée à l'incision et au modelage (8 cas sur 10). De même, si l'incision intervient très souvent, elle est, dans 37 cas sur 39, utilisée en relation avec le modelage. Ainsi, les seules catégories de décors représentées sur les tenons, en dehors de trois éléments anecdotiques sont celles qui associent incision et modelage avec ou sans peinture (tableau 19). D'ailleurs, 70% des adornos de notre échantillon d'étude sont liés à des préhensions de type tenon.

Les préhensions. Les préhensions sont globalement très décorées. Cependant, on observe des variations de ce taux de décoration et des types décoratifs utilisés entre les différents éléments de préhension que nous avons distingués au cours de notre analyse.

Les bords. Les décors portés par les bords des récipients utilisent en priorité les techniques de l'incision et de la peinture (respectivement présentes sur 65% et 56% des éléments). Le modelage n'intervient que dans la décoration de 24% des pièces.

Les anses en D sont décorées dans 61,5% des cas. La peinture intervient dans cette décoration dans 80% des cas, l'incision dans 46,5% des cas et le modelage dans 35% des cas. Les éléments décorés les plus représentés sont les anses portant simplement un décor peint en rouge et blanc (25 éléments sur 86). Puis, viennent les anses simplement peintes en rouge (16/86). Concernant les anses décorées à la fois par de la peinture et de l'incision, elles portent majoritairement des motifs trichromes (8 cas sur 15). Il en est de même pour les anses associant peinture, incision et modelage qui sont peintes en rouge, blanc et noir dans 8 cas sur 13. Par ailleurs, la série de Vivé nous permet d'observer pour la première fois la relation qui peut exister entre les anses en D et les adornos. Les seuls types décoratifs à ne pas être utilisés sur les anses sont les motifs zonés-incisés, la peinture trichrome non associée à de l'incision soit les types, "trichrome" et "modelage trichrome" (cela découle naturellement des règles d'utilisation de la peinture noire que nous avons décrites plus haut) et enfin le type "modelage, incision, monochrome" ainsi que le type "modelage bichrome" qui est de toute façon quasiment absent de l'ensemble de la série (tableau 19).

Parmi les éléments peints, 56% ne font appel à aucune autre technique pour leur décoration, 33% portent aussi un décor incisé, 1,5% associent peinture et modelage et 9,5% associent la peinture à l'incision et au modelage. Les motifs monochromes dominent largement l'échantillon (66% des cas), suivis par les motifs bichromes (18% des cas). Les éléments de bords portant les trois couleurs de la palette saladoïde ancienne sont quasi inexistants (2% des cas). L'incision a une occurrence, sur les bords des récipients, largement supérieure à celle que nous avons observée pour l'ensemble de l'échantillon. Les bords incisés sont pour prés de la moitié (172 cas sur 409) liés à des motifs zonés-incisés. C'est d'ailleurs dans cette position que l'on trouve le plus fréquemment ce type de motif. Dans 41% des cas l'incision est utilisée seule, dans 28% des cas en association avec la peinture, dans 22% des cas en association avec le modelage et, enfin, dans 9% des cas l'incision est associée à la fois au modelage et à la peinture.

Les oreilles sont décorées dans 86,5% des cas. La technique la plus souvent utilisée pour réaliser ces décorations est l'incision qui est présente sur 85,5% des éléments décorés. Puis viennent le modelage (68,5% des éléments) et la peinture (32% des éléments). La fréquence des différentes techniques de décoration sur les oreilles se distingue radicalement de celle que nous avons observée pour l'ensemble de l'échantillon. La prééminence de l'incision est, entre autres, liée à l'importance des motifs zonés–incisés qui représentent 11 des 19 éléments portant de l'incision associée ou non à de la peinture. Concernant le modelage, s'il est utilisé fréquemment, c'est presque exclusivement en association avec l'incision (43 cas sur 48). Le type décoratif le plus fréquent est ainsi "modelage incision" (21 éléments sur 70) devant le type "modelage incision monochrome" (14 éléments sur 70). À l'inverse, l'ensemble des décors intégrant des motifs peints bichromes ou trichromes n'ont au maximum qu'un représentant et souvent aucun (tableau 19). La seule exception à cette règle est le type "modelage trichrome" avec quatre représentants.

Quant au modelage, il n'est que très rarement utilisé de façon autonome (12,5% des cas). Il est le plus souvent associé à l'incision, avec ou sans peinture (83,5% des cas). Un adorno isolé a été associé à un bord. Il s'agit du seul adorno de la série n'ayant pas été considéré comme appartenant à ou constituant un élément de préhension. Les seules catégories décoratives n'ayant pas de représentant parmi les bords, en dehors de celle absente de la série en général (zoné-incisé trichrome), sont les types associant les motifs zonés-incisés à la polychromie, les types associant adornos et peinture et, enfin, les types associant modelage et trichromie (tableau 19). Le corps. Les éléments de corps portent un décor dans 36,5% des cas. Dans 88% des cas, ces pièces portent des motifs peints. On trouve, ensuite, sur 25% d'entre elles des décors incisés et sur 2,5% des éléments modelés. Sur le corps des récipients, la peinture est, dans 76% des cas, utilisée de façon isolée. Sinon, elle est présente en association avec de l'incision sur 21% des éléments peints. Elle n'intervient que rarement avec l'incision et le modelage

Les tenons sont décorés dans 97,5% des cas. La technique la plus utilisée est l'incision présente sur 97,5% des pièces (39 sur 40) suivie de très près par le modelage (95% des pièces, 38/40). La peinture est, elle, beaucoup plus rare (25% des pièces, 10/40). De plus, elle n'est jamais utilisée de façon 99

(2,5% des cas) et quasiment jamais uniquement associée au modelage (1 pièce sur 1733). C'est sur le corps des vases que l'on rencontre le plus souvent des éléments trichromes. Ils représentent 14% des éléments dont la décoration fait uniquement appel à la technique de la peinture. Il s'agit dans ce cas, comme nous l'avons déjà souligné lors de l'analyse globale de la série, d'éléments portant de la peinture noire sur leur face interne et un motif bichrome sur leur face externe. Les autres éléments portant un décor trichrome associent toujours la peinture à l'incision ou à l'incision et au modelage. Dans ce cas, la couleur noire est utilisée pour souligner les motifs incisés.

incisés. Sur le bord de ces récipients, on a aussi observé quelques décors modelés et un exemple de décor associant modelage et incision. À l'inverse, les éléments de cylindres sont décorés dans 97,5% des cas. Pour ce qui est des éléments de panse cette proportion s'élève même à 100%. Le décor des "brûlesparfums" fait toujours appel (à une exception près) à la peinture. Le plus souvent elle est associée à un motif incisé (84 éléments sur 110). Le modelage intervient de façon plus anecdotique (10 pièces sur 110) et presque toujours en association avec la peinture et l'incision (9 cas sur 10). Ces décors modelés sont préférentiellement positionnés sur les extrémités des cylindres (8 cas sur 10). On retrouve, là, la définition du cylindre "brûle-parfum" caractérisé par un décor généralement constitué d'une peinture rouge couvrante associée à un motif incisé parfois souligné de peinture blanche. Enfin, dans sa partie supérieure, on trouve parfois des éléments modelés.

L'incision est parfois utilisée seule (41% des cas) mais le plus souvent on la trouve associée à des motifs peints (50,5% des cas). Les motifs zonés-incisés ne sont présents que sur 22% des éléments de corps portant un décor incisé. Les décors modelés, rares sur le corps des vases, sont presque toujours associés à de l'incision (10 éléments sur 43) ou à de la peinture et de l'incision (29 éléments sur 43). Le fait qu'aucun adorno ne soit associé à la panse des récipients est dû au fait que ces éléments ont été considérés comme des préhensions de type tenon quand ils se trouvaient dans cette position.

Nous allons maintenant tenter de faire la synthèse des informations que nous avons obtenues grâce à l'analyse de la série Vivé et de les comparer avec celles qui sont issues de l'étude des autres séries. Nous espérons ainsi pouvoir dégager un premier ensemble de règles qui sous-tendent la production céramique saladoïde ancienne à la Martinique.

En dehors des adornos, la plupart des types décoratifs peuvent être positionnés sur le corps des vases. Les seuls autres types absents sont les types zonés-incisés polychromes et modelés polychromes (tableau 19). Nous avons vu que cela était valable pour l'ensemble de la série.

3.4. Synthèse. 3.4.1. Analyse des caractères morphologiques.

La base.

En dehors de l'observation "révolutionnaire" selon laquelle lorsque l'on brise un vase on obtient généralement plus de tessons de corps que de tessons de bords ou de fond, l'étude que nous avons réalisée des trois séries céramiques de FondBrûlé, Moulin l'Etang et Vivé nous a permis d'observer la fréquence des différents types de bases et de préhension ainsi que celle des éléments de platines et de cylindres.

La base est à la partie des récipients de Vivé portant le moins souvent une décoration. Seuls 16% des éléments de bases ont cette caractéristique. Cependant, la situation est très contrastée en fonction des différents types de bases. Ainsi, les 3 supports excentrés présents dans notre échantillon sont décorés. Ces éléments exceptionnels sont à mettre en relation avec des vases effigies, anthropomorphes ou zoomorphes.

La base des céramiques est le plus souvent constituée par un fond plat. Moins de 20% des éléments correspondent à des pieds hauts de type piédestal. Enfin, l'usage de supports excentrés est très exceptionnel (seulement 3 pièces pour l'ensemble des 3 séries).

Les pieds hauts de type piédestal sont le plus souvent décorés (40 éléments sur 58 soit 69% des cas) (tableau 18). Pour 33 des 40 éléments décorés, il s'est agi pour les potiers de couvrir le piédestal de peinture rouge. Deux exemples sont, eux, parés d'un motif bichrome. Sinon, l'incision a été quelques fois utilisée, généralement associée à de la peinture rouge (4 cas), plus exceptionnellement de façon autonome (1 cas).

Les potiers saladoïdes anciens installaient le plus souvent sur leurs récipients des éléments de préhension de type anse en D (environ 50% des cas). Les oreilles, elles aussi fréquemment utilisées, sont moins nombreuses (un peu plus de 30% des cas). Enfin, les tenons, plus rares, constituent moins de 20% de l'échantillon.

Enfin, les fonds plats ne sont que très exceptionnellement décorés (seulement dans 7% des cas) que ce soit sur leur face interne ou leur face externe. Les rares décorations que compte l'échantillon font appel principalement à la peinture (21 pièces sur 26).

Dans les différentes séries que nous avons analysées, les fréquences des éléments de platines et de cylindres sont très comparables. Ainsi, entre 8% et 12% des vestiges céramiques correspondent à des fragments de platines à manioc. Les éléments de cylindres sont beaucoup moins nombreux. Ils représentent entre 1% et 1,5% des vestiges céramiques.

Les platines et les cylindres. Les éléments de platines ne sont que très rarement décorés (3% des cas). Sur la face supérieure des platines, on ne trouve que des décors peints monochromes ou des décors 100

3.4.2. Analyse des caractères décoratifs.

Ainsi, bien que la règle apparaisse ici moins stricte, il semble exister un rapport évident entre la façon dont les potiers gèrent l'association des techniques décoratives et celle dont ils gèrent l'association des couleurs. La technique de base paraît être la peinture. L'incision intervient elle aussi de façon isolée mais beaucoup plus rarement. Ensuite, quand deux techniques sont utilisées de façon conjointe, deux combinaisons sont possibles. La première associe la peinture et l'incision et la seconde l'incision et le modelage. Enfin, les motifs les plus complexes associent les trois techniques.

Le taux de décoration de la céramique saladoide ancienne est particulièrement élevé, près de 40% des restes sont décorés. Trois techniques décoratives ont été utilisées par les potiers: la peinture, l'incision et le modelage. La gravure n'intervient que dans la réalisation des motifs zonés-incisés. La technique la plus fréquemment utilisée est la peinture. Elle entre dans la composition des décors de plus de 75% des pièces ornées. L'incision intervient en second, elle a été utilisée sur environ 40% des pièces décorées. Enfin, le modelage n'est utilisé que dans un peu plus de 10% des cas (le taux supérieur observé à Fond-Brûlé doit vraisemblablement être mis en relation avec la faiblesse numérique de la série). Une homogénéité certaine a été observée entre les différentes séries concernant ce classement des techniques décoratives en termes de fréquence. Cependant, il nous est apparu que les principes qui régissent l’organisation des décors portés par les céramiques saladoïdes anciennes allaient bien au-delà de cette première constatation.

Aux différentes règles que nous venons de présenter il faut ajouter quelques observations plus limitées. Les motifs bichromes sont présents sur les récipients portant un décor uniquement peint ou associant peinture et incision. Ils sont par contre très rares quand la technique du modelage est présente (moins de 1% des éléments décorés à Vivé). Par ailleurs, les motifs zonés-incisés qui représentent environ un quart des éléments incisés ne sont jamais associés à des motifs peints polychromes (1 élément sur près de 9000). Il résulte de ces observations et de celles que nous avons présentées précédemment que l'on peut considérer comme anecdotiques, voire hors normes, les types décoratifs associant le modelage et la peinture sans incision, ceux associant motifs zonés-incisés et polychromie et enfin ceux qui associent modelage et bichromie. Parmi ces types décoratifs, le plus fréquent "modelage, incision, bichrome" représente moins de 0,6% des éléments décorés que nous avons analysés.

De la gestion de la palette chromatique. Trois couleurs sont utilisées par les potiers: le rouge, le blanc et le noir. Leur utilisation est liée à une règle stricte. Les décors monochromes (entre 50% et 65% des éléments peints) sont toujours réalisés avec de la peinture rouge. Les décors bichromes (entre 25% et 40% des éléments peints) associent toujours la peinture blanche à la peinture rouge. Et, bien sur, les décors trichromes (entre 6% et 10% des éléments peints) sont constitués par l'association des trois couleurs présentées plus haut. La couleur noire n'intervient alors que sur la face interne de vases portant un motif bichrome sur leur face externe ou pour souligner un motif incisé.

Au-delà du fort taux de décoration de la céramique saladoïde ancienne qui témoigne de la haute valeur symbolique de cette production, il se dégage donc une impression de grande rigueur quant à l'organisation de ces décors. Il nous faut maintenant voir ce qu'il en est des règles régissant la position de ces décorations sur les récipients.

Ainsi, la diversification et la complexification chromatique est toujours obtenue par l'ajout d'une nouvelle couleur à la couleur de base puis aux couleurs de base. Il s'agit là d'un système agglutinant.

3.4.3. La position des décors sur les vases. Les goulots, pièces peu nombreuses et liées à un type particulier de récipients, les bouteilles, sont les éléments les plus souvent décorés. Sinon les taux de décoration les plus élevés sont liés aux différentes additions portées par les poteries: préhensions, piédestaux et supports excentrés. Viennent seulement ensuite le bord, le corps et enfin les fonds plats.

Quelques pièces exceptionnelles semblent cependant déroger à ce principe et associent la peinture rouge et la peinture noire. De l'association des différentes techniques décoratives. •

La seule technique a être utilisée majoritairement de façon isolée est la peinture.



L'incision est dans plus de la moitié des cas utilisée en association avec la peinture.



Le modelage est quasi systématiquement associé à l'incision (le fort pourcentage d'éléments juste modelés présents dans la série de Fond-Brûlé est vraisemblablement lié à la petite taille de l'échantillon) et souvent à de l'incision et de la peinture.

Par ailleurs, il existe une relation étroite entre les taux de décoration des différentes parties des vases et la complexité des décors qu'elles portent. Les éléments les plus souvent ornés portent aussi les décors les plus complexes, ceux associant le plus grand nombre de techniques. Ainsi, le corps des céramiques est généralement décoré juste par de la peinture, les bords par de l'incision (souvent associée à de la peinture) et les préhensions ont le plus fort taux de modelage. Il semble donc, là aussi exister une règle relativement précise concernant chaque type de décors et la position qu'il peut occuper sur le vase. Seuls les pieds hauts fréquemment décorés mais simplement par de la peinture se distinguent de cet ensemble.



Le modelage n'est quasiment jamais associé à la peinture sans la présence d'un motif incisé.

Au-delà de ce principe général, on peut observer que les motifs zonés-incisés sont très majoritairement positionnés 101

sur le bord des récipients et sur les préhensions de type oreille.

espaces de fonctions différentes sont associés des panoplies d'artefacts (et donc d'artefacts céramiques) différentes. Afin de vérifier si les tableaux de comptages que nous avons réalisés pouvaient servir à ces fins, nous avons analysé les séries céramiques provenant de deux secteurs de la Zone 1 de Vivé: celui correspondant aux bandes 3 à 6 et celui constitué par les bandes 10 à 12. La fouille avait permis d'éclairer la fonction de ces deux espaces. Les bandes 3 à 6 correspondent à une zone d'activités culinaires et les bandes 10 à 12 correspondent à un dépotoir. Il nous paraissait donc intéressant de comparer les restes céramiques provenant de ces deux zones afin de voir si ce type d'analyse permettait de rendre compte de leur différence fonctionnelle. De plus, le choix de ces deux secteurs particuliers s'appuyait sur la supposition que la série issue du dépotoir était représentative de la production céramique en général alors que la série provenant de la zone de cuisine devait montrer les signes d'une adaptation à cette fonction particulière.

Enfin, si les platines ne sont que très exceptionnellement ornées, les cylindres le sont presque systématiquement par un décor associant peinture et incision. Cette différence doit vraisemblablement être mise en relation avec la fonction de ces objets. La platine est un récipient lié à la cuisson des aliments alors qu'une fonction rituelle a souvent été évoquée concernant les cylindres (Hagg, 1964). L'image de la céramique saladoïde ancienne qui se dégage de notre étude est celle d'une activité fortement codifiée laissant peu de place à l'improvisation. Cette rigueur est d'autant plus remarquable que les motifs décoratifs traités sont d'une grande variété et d'une grande complexité. On ne peut que voir là le signe de la forte valeur sociale et symbolique de la production céramique pour ces groupes d'agriculteurs pionniers. Nous allons voir maintenant si l'analyse typologique confirme ou non cette première impression. Mais avant cela, il nous paraissait intéressant de voir si le type d'analyse que nous venons de réaliser pouvait servir à atteindre un de nos objectifs, l'interprétation fonctionnelle des différents espaces qui constituent un village saladoïde ancien.

Le comptage des restes céramiques provenant de ces deux secteurs a été conduit selon les mêmes principes que l'analyse que nous avons présentée plus haut (tableaux 20 et 21). Il n’apparaît aucune différence notable entre les deux secteurs suite à ce travail. De plus, les quelques différences que l'on peut observer (pourcentage de matériel décoré inférieur de 5% dans la zone de dépotoir) sont difficilement interprétables. La seule conclusion sérieuse que l'on puisse tirer est donc que la méthode n’était pas adaptée à l'objectif. Seule l'analyse des restes céramiques en fonction d'une typologie des récipients complets paraît apte à fournir les informations souhaitées. C'est à l'établissement d'un tel outil que nous allons maintenant nous consacrer.

3.5. Comptage et analyse fonctionnelle: interrogations méthodologiques. Ce type de travail repose sur l'hypothèse, largement validée dans d'autres contextes (Binford, 1983; Leroi-Gourhan, Brezillon, 1972 et Rigaud, 1985), selon laquelle à des

vv-tot d1à3 bd 3 à 6 Bords Fonds Cols Goulots Tessons plats Piédes Pieds

PLATINES Bords plat. Fonds plat.

CYLINDRES Panses Cyl. Extr. Cyl.

ANSES Verticales Oreilles

Tenons TOTAL %/total

%/totdécor

/

Sans décor Monochrome Bichrome Trichrome

91 29 7 0

76 2 0 0

4 11 0 0

0 0 0 0

0 0 0 0

3 1 3 0

581 91 135 41

21 2 0 0

69 3 0 0

0 1 0 0

0 0 0 0

10 1 4 0

2 0 0 0

1 0 0 0

858 141 149 41

59,4 9,8 10,3 2,8

24,1 25,4 7,0

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

8 11 1 0 20 10 0 0

0 0 0 0 1 0 0 0

1 1 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 1 0 0 0 0

0 0 1 1 0 0 0 0

27 27 15 13 21 4 0 0

2 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0

0 8 2 0 0 0 0 0

0 5 1 0 0 0 0 0

0 0 1 0 0 0 0 0

0 1 0 0 2 1 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0

41 53 21 15 44 15 0 0

2,8 3,7 1,5 1,0 3,0 1,0 0,0 0,0

7,0 9,0 3,6 2,6 7,5 2,6 0,0 0,0

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr.

3 2 1 0 16 6 1 0 1 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 2 0 0 4 0 0 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 0 4 0 1 2 0 0 0 2

0 1 0 2 3 2 0 1 2 0 0 0

0 0 0 0 4 0 0 0 2 0 0 2

5 3 1 2 29 8 2 7 5 0 0 4

0,3 0,2 0,1 0,1 2,0 0,6 0,1 0,5 0,3 0,0 0,0 0,3

0,9 0,5 0,2 0,3 4,9 1,4 0,3 1,2 0,9 0,0 0,0 0,7

TOTAL

207

79

17

0

2

9

961

26

73

11

6

26

17

10

1444

100

100

Mono N Mono B BI-R/N 2 9 4

Bi-B/N 1

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

27 6 0 0

PEINTURE

INCISION

Total pièces 1773

Taux frag. Total decors 18 g/tes 586 Poids Total 32238

Tableau 20: Vivé, Zone 1 - Tableau de comptage des restes céramiques provenant des bandes 3 à 6 (décapages 1 à 3).

102

Vivé-totd1 à 3 bd 10 à 12 Bords Fonds Cols Goulots plats piédes pieds

Tessons

PLATINES CYLINDRES ANSES Bords plat. Fonds plat. Panses Cyl. Extr. Cyl. Verticales

Oreilles

Tenons TOTAL %/total

%/totdécor

Sans décor Monochrome Bichrome Trichrome

167 45 25 3

98 5 1 0

4 9 0 0

0 0 0 0

0 0 0 0

1 2 2 1

1180 163 219 14

56 0 0 0

158 0 0 0

0 2 0 0

1 3 0 0

19 5 6 0

6 1 0 0

0 0 0 0

1690 235 253 18

64,7 9,0 9,7 0,7

25,4 27,4 1,9

Incision Incision+monochr. Incision+bichr. Incision+trichr. Zoné-Incisé Z-I+Monochr. Z-I+bichr. Z-I+trichr.

29 11 1 0 41 22 0 0

1 1 0 0 1 0 0 0

0 2 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 1 2 1 0 0 0 0

38 45 21 7 23 10 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 0 0 0 0 0

0 23 8 0 0 0 0 0

0 7 4 0 0 0 0 0

0 1 3 0 0 0 0 0

1 1 1 0 2 1 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

71 92 40 8 67 33 0 0

2,7 3,5 1,5 0,3 2,6 1,3 0,0 0,0

7,7 10,0 4,3 0,9 7,3 3,6 0,0 0,0

Modelage MODELAGE Modelage+monochr. Modelage+bichr. Modelage+trichr. Modelage incisé Modelage+mono+inc Modelage+bichr+inc Modelage+trichr+inc Adornos adornos+monochr. adornos+bichr. adornos+trichr.

5 1 0 0 30 13 1 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0

1 1 0 0 5 7 5 2 0 0 0 0

0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

0 1 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0

3 0 0 0 1 0 1 1 1 0 1 0

2 0 0 0 7 4 0 0 1 0 0 0

0 0 0 0 1 0 0 1 5 1 0 1

11 3 0 0 45 26 8 4 7 1 1 1

0,4 0,1 0,0 0,0 1,7 1,0 0,3 0,2 0,3 0,0 0,0 0,0

1,2 0,3 0,0 0,0 4,9 2,8 0,9 0,4 0,8 0,1 0,1 0,1

TOTAL

394

107

15

0

0

11

1741

58

159

33

18

42

27

9

2614

100

100

Mono N Mono B BI-R/N 10 44 3

Bi-B/N 9

ZIC : ZIC Mono : ZIC Bichro : ZIC Trichro :

35 16 0 0

PEINTURE

INCISION

Total pièces 2524

Taux frag. Total decors 15 g/tes 924 Poids Total 38275

Tableau 21: Vivé, Zone 1 – Tableau de comptage des restes céramiques provenant des bandes 10 à 12 (décapages 1 à 3).

4. Essai de typologie.

Nous disposions pour réaliser notre étude typologique d'un corpus exceptionnel de vases saladoïdes anciens. Ce sont ainsi 312 formes archéologiquement complètes ou très largement reconstituées que nous avons pu analyser au cours de nos travaux. Elles proviennent des sites de Vivé (collection Mattioni, 87 pièces; Collection Bérard/Giraud, 165 pièces), Fond-Brûlé (Collection Mattioni, 43 pièces; collection Turcat, 1 pièce; collection Bérard, 5 pièces), Moulin l'Etang (collection Bérard, 6 pièces) et Lasalle (collection Pinchon, 5 pièces). Dans un premier temps, nous avons réalisé un classement morphologique de ces récipients.

4.1. Analyse morphologique. La céramique saladoïde ancienne est très largement dominée par les récipients ouverts. Sur les 312 pièces que compte notre échantillon, 253 (82%) correspondent à des vases de ce type. Ce sont eux que nous allons présenter en premier. 4.1.1. Les formes ouvertes. Quatre critères ont été pris en compte pour la définition des différents types : la morphologie du profil du corps des vases, celle de la section de cette même partie, leur indice d'ouverture et enfin le module des pièces. La description des ensembles ainsi définis a été ensuite complétée par l'analyse de la base de ces récipients ainsi que celle des préhensions qui leurs sont associées.

Tableau 22: Classement des formes ouvertes en fonction de leur profil.

103

Répartition des formes tronconiques en fonction de leur indice d'ouverture 3

Nbr de pièces

C

B

2

1

0 0,32

0,36

0,4

0,44

0,48

0,52

0,56

0,6

0,64

Indice d'ouverture

Figure 71

valeur limite entre ces deux types de formes l'indice 0,4 (les formes de type B, plus fermées, ont un indice d'ouverture supérieur à 0,4. Les formes de type C ont donc, elles, un indice d'ouverture inférieur à 0,4). C'était une des possibilités qui étaient apparues suite à l'analyse de l'histogramme de répartition des vases en fonction de ce critère (figure 71). La validité de ce choix est confirmée, comme nous le verrons plus tard, par les différents types de décors portés par les deux ensembles de vases ainsi distingués.

Le profil du corps Notre premier critère de classement a été le profil des vases. Ainsi, sept catégories de formes fermées ont été distinguées (tableau 22). Les formes B et C de profil tronconique ont été distinguées en fonction de leur indice d'ouverture (hauteur du corps/diamètre à l'ouverture). Nous avons choisi comme

Indice d'ouverture des vases carénés 14 12

nbr de pièces

10 8 6 4 2 0 0,16

0,24

0,32

0,4

0,48

0,56

0,64

indice d'ouverture

Figure 72

104

0,72

0,8

De la même façon, les formes F et G de profil caréné ont été distinguées en fonction de la valeur de leur indice d'ouverture. La série étant plus conséquente, le choix de la valeur limite 0,4 a pu se faire aisément à partir de l'analyse de l'histogramme de répartition des vases en fonction de leur indice d'ouverture (figure 72). Ainsi, les formes de type F sont plus ouvertes avec un indice d'ouverture inférieur à 0,4, alors que les formes de type G sont plus fermées (indice d'ouverture supérieur à 0,4). De plus, les récipients de forme F sont plus bas (hauteur moyenne du corps : 59 mm). La panse des vases de forme G a, elle, une hauteur moyenne de 143 mm.

leur contour. Cela donne par exemple une forme en hamac (terme parfois retenu dans la littérature), plus ou moins marquée, aux vases ovales (figure 74). Le module Suite à l'analyse du profil, de la section des vases fermés, 13 types morphologiques ont été caractérisés (tableau 24). Nous avons, ensuite, analysé la taille des éléments appartenant à chacune de ces classes afin d'évaluer l'importance de ce critère pour la définition de chaque type. Nous avons, de plus, tenté de déterminer pour certaines formes l'existence de plusieurs modules types.

Fréquence des différents types de profils de formes ouvertes A 13% B 6%

G 33%

C 2% D 12% E 1% F 33%

Figure 73

L'occurrence de chacun de ces types est très variable. Les formes carénées de type F et G dominent largement l'échantillon avec respectivement 85 et 82 pièces (soit 34% et 32% des formes ouvertes). Viennent ensuite les platines à manioc, type A, avec 32 pièces (soit 12,5%), et les formes convexes de type D (30 pièces, 12%). Enfin, les formes de type B et surtout C et E sont peu représentées (respectivement 15, 4 et 3 pièces) (figure 73). La section Nous avons ensuite intégré à notre analyse un nouveau critère, la section des récipients (tableau 23). Il en ressort que tous les types de profils de corps sont associés à des vases de section ronde. Les types D, F et G sont aussi associés à des récipients ovales. De même, les vases de type F et G ont parfois une section polylobée. Enfin, seuls les récipients carénés de type F constituent l'échantillon des vases à section quadrangulaire.

Figure 74: Vivé - Coupe ovale (dessin F. Honoré).

La taille des platines à manioc, type A, paraît très variable. Le diamètre des pièces que nous avons examinées était compris entre 190 mm et 590 mm (diamètre moyenne : 430 mm, Ecart-type: 82). La platine ayant un diamètre de 190 mm se distingue cependant nettement du reste de l'échantillon (figure 75).

Malgré la diversité des types de sections, la série est très largement dominée par des céramiques rondes. Ainsi, parmi les récipients de type D, seuls 10% (3 sur 30) ont une section ovale. Les céramiques de type G se répartissent, elles, en 2 pièces polylobées (2,5%), 9 ovales (11%) et 71 rondes (86,5%). Enfin, les vases de type F sont eux aussi majoritairement ronds (58 pièces soit 68%) puis ovales (14 pièces soit 16,5%), quadrangulaires (10 pièces soit 12%) et enfin polylobés (3 pièces soit 3,5%).

L'analyse du module des vases de type B sur piédestal ne présente que peu d'intérêt la collection ne comprenant qu'une seule pièce de ce type. Le diamètre d'ouverture des vases de type B à fond plat a lui une valeur moyenne de 135 mm (Ecart-type : 45). La forte variabilité de ce diamètre dont semble témoigner l'importance de l'écart-type est en fait liée à l'existence de deux modules distincts de récipients. Un premier groupe de petits vases ont un diamètre d'ouverture compris entre 80 mm et 135 mm et un second groupe correspond à des individus plus grand dont le diamètre d'ouverture est compris entre 160 mm et 220 mm (figure 76).

Il faut, enfin, noter que les céramiques n'ayant pas une section ronde sont caractérisées par un abaissement de leur niveau d'ouverture entre les différents points remarquables de 105

Tableau 23 : Classement des formes ouvertes en fonction de leur profil et de leur section.

106

(diamètres d'ouverture : 115 mm et 170 mm) et la troisième est nettement plus grande (diamètre d'ouverture: 267 mm).

Histogramme de répartition des platines à manioc en fonction de leur diamètre

Nbre de pièces

8 histogramme de répartition des vases de type D en fonction de leur diamètre d'ouverture

6 4 2

5

Nbre de pièces

0 190 230 270 310 350 390 430 470 510 550 590 Diamètre en mm

Figure 75

4 3 2 1 0 50

Nbre de pièces

2 1

180

200

170

190

210

230

250

270

290

Il en est de même pour les vases carénés de type G qui, malgré la variabilité de leur diamètre d'ouverture (compris entre 140 mm et 440 mm) et la diversité de leur section, se répartissent de façon équilibrée autour de leur diamètre moyen d'une valeur de 270 mm (figure 78).

0 160

150

Les récipients carénés très ouverts de type F ont un diamètre d'ouverture très variable compris entre 100 mm et 330 mm (diamètre moyen: 190 mm, Ecart-type: 57). Cependant, il ne nous a pas été possible de distinguer plusieurs groupes morphométriques au sein de la série. La nature de leur section (ronde, ovale, polylobée ou quadrangulaire) ne semble avoir aucune influence sur cette donnée.

3

140

130

Les récipients ayant un profil en S sont très peu nombreux dans la collection (seulement 3 pièces). Cependant, deux d'entre eux sont particulièrement petits (diamètre d'ouverture: 80 mm et 100 mm) et le dernier est de grande taille (diamètre d'ouverture: 240 mm). Cette grande dissemblance morphométrique nous incite à penser, malgré la faiblesse de l'échantillon, qu'il existe deux modules distincts parmi les récipients de ce type.

4

120

110

Figure 77

Histogramme de répartition des vases de type B en fonction de leur diamètre d'ouverture

100

90

Diamètres en mm

Trop peu de vases de type C sont présents dans la série (4 pièces) pour que soit réalisée sur des bases sérieuses une quelconque analyse statistique de leur module. Leur diamètre d'ouverture moyen est de 207 mm et paraît être très variable (Ecart-type: 119). Ainsi, malgré la faiblesse numérique de l'échantillon, il nous est apparu valide de distinguer un petit module (diamètre d'ouverture inférieur à 120 mm) et un grand module (diamètre d'ouverture supérieur à 245 mm). En effet, comme nous le verrons plus tard, cette hypothèse se trouve validée par l'analyse des types de décors associés à ces deux ensembles.

80

70

220

Diamètre en mm

Figure 76

Les récipients de profil arrondi et de section ronde sont eux plus nombreux (27 pièces). Le diamètre d'ouverture moyen de ces vases est de 132 mm (Ecart-type: 66). Comme nous l'avons observé pour les vases tronconiques de type B, l'analyse de l'histogramme de répartition des vases de type D en fonction de leur diamètre d'ouverture (figure 77) semble montrer l'existence de deux ensembles distincts. Ainsi, un premier groupe est composé de petits récipients dont le diamètre d'ouverture est compris entre 55 et 157 mm et un second ensemble est constitué par des vases plus grands au diamètre compris entre 210 et 295 mm. Une distinction semble aussi pouvoir être effectuée parmi les trois vases arrondis de section ovale32. Deux pièces sont de petite taille

Histogramme de répartition des vases de type G en fonction de leur diamètre d'ouverture

Nbre de pièces

12 10 8 6 4 2 0 150

170

190

210

230

250

270

290

310

Diamètre en mm

Figure 78

32

Les données concernant les mensurations des vases ovales ont été obtenues en réalisant la moyenne entre valeurs minimales et valeurs maximales (exemple : la valeur du diamètre d'ouverture correspond à la moyenne du diamètre d'ouverture maximal avec le diamètre d'ouverture minimal). 107

330

350

370

390

410

Tableau 24 : Classement des formes ouvertes en fonction de leurs profil, section et module.

108

grand module. Des additions de ce type sont cependant quelquefois présentes sur les pièces de section ronde et de petite taille (5/20). Il s'agit, à part à peu près égale, de tenons (2 cas) et d'anses (3 cas). Une seule oreille a été observée et elle est située sur un vase ayant aussi une anse.

Suite à l'analyse du profil, de l'indice d'ouverture, de la section et du module des vases ouverts, 18 types morphologiques ont été caractérisés (tableau 24). Nous avons ensuite cherché à affiner l'image de ces types par la prise en compte de la base de ces pièces ainsi que celle des éléments de préhension. Nous avons ainsi observé la fréquence de ces éléments pour chaque type de vase et aussi tenter de déterminer quelques associations systématiques permettant d'identifier les cas où la nature de la base ou des préhensions constitue une partie de la définition du type morphologique.

Concernant les vases à profil en S, un tenon a été disposé sur un des deux petits récipients. Les récipients portant le plus fréquemment des éléments de préhension sont les vases carénés de types F et G. Ainsi, 37 des 85 céramiques de type F que compte la série (43,5%) portent au moins un élément de préhension. La nature de la base de ces vases ne semble avoir aucune influence sur la présence ou l'absence de ces additions. Il en va différemment lorsque l'on considère leur section. Ainsi, les récipients ronds sont ceux qui portent le moins souvent des préhensions (20/58, 34,5%), viennent ensuite les formes quadrangulaires (5/10, 50%) puis les vases polylobés (2/3, 66%) et enfin les récipients ovales (10/14, 71,5%). Lorsque l'on observe la nature de ces préhensions, les récipients ovales et quadrangulaires portent uniquement des oreilles. Les vases ronds et polylobés sont eux associés indifféremment à des anses ou des oreilles. Aucun tenon n'a été observé sur les céramiques de type F.

Les bases Nous avons donc dans un premier temps mis en relation les différents types de corps identifiés avec les différents types de bases. Toutes les formes définies plus haut sont associées à des bases de type fond plat. Par contre, seuls les corps de type B et F sont parfois associés à des bases de type piédestal. Dans le cas des corps de type B, cette association paraît tout à fait exceptionnelle, une seule pièce en témoigne. Par contre, près d'un tiers des corps de type F sont associés à un piédestal (26 sur 85). Aucun des vases ouverts de notre échantillon ne repose sur des supports excentrés. Enfin, deux pièces exceptionnelles ont un fond rond et donc une base punctiforme.

Les vases carénés de type G sont ceux qui portent le plus souvent des éléments de préhension (57/82, 70%). De plus, des associations systématiques ont pu être observée. Elles montrent que dans certains cas précis, la présence de préhensions et leur nature fait partie de la définition du type morphologique. Ainsi, les vases ovales portent toujours deux anses en D. De même, les récipients polylobés ont toujours deux tenons. Pour ce qui est des céramiques de section ronde, elles portent différents types de préhensions. Le plus souvent, il s'agit d'oreilles (38 cas sur 44). Il s'agit parfois d'une seule oreille (9 cas), mais le plus souvent deux éléments de ce type sont présents sur les pièces (22 cas). Enfin, elles sont parfois au nombre de 4 (4 cas) et encore plus rarement elles sont associées à des anses (3 cas). Dans ce dernier cas de figure, l'anse est rattachée au bord du vase au niveau du sommet de l'oreille. Les anses n'interviennent par ailleurs que très rarement de façon isolée (5 cas). De même, une seule pièce de la collection porte un unique tenon.

Concernant les types morphologiques pouvant être associés, soit à un fond plat soit à un piédestal, les variations de la nature de la base n'influent en rien sur les autres caractéristiques du vase. Enfin, si nous n'avons pu reconstituer aucun vase ouvert reposant sur des supports excentrés, nous avons pu observer au sein de la collection de Vivé certains tessons prouvant l’existence de tels récipients. Il s'agissait a priori de vases carénés très ouverts de type F. Les préhensions Nous avons enfin achevé notre étude par l'analyse des éléments de préhensions présents sur chaque type de vase. Les platines à manioc, type A, ne portent que très exceptionnellement des préhensions. Un unique élément de la série est associé à une préhension de type oreille. Il s'agit de la plus petite platine de la série que nous avions déjà distinguée précédemment.

Nous avons finalement classé les formes ouvertes en fonction de leur profil, de leur section, de leur module et enfin nous avons pris en compte la nature de leur base et du type de préhensions qu'elles portent. Dix-huit types morphologiques ont ainsi été définis (tableau 25). Nous n'avons pas souhaité intégrer à ce niveau de l'analyse les informations concernant leur bord et la couleur de leur pâte. Ils nous paraissaient en effet peu discriminants dans ce premier temps de l'étude. Nous réintégrerons ces données lors de l'analyse finale associant les critères morphologiques et décoratifs.

Aucun des récipients tronconiques de type B de grand module, avec ou sans piédestal, n'est associé à une quelconque préhension. Seuls les vases de petite taille portent parfois de telles additions (5/11). Il s'agit indifféremment, d'oreilles, de tenons ou d'anses en D. Aucune des céramiques tronconiques de type C ne porte de préhension. Il en est de même avec les vases de type D de

109

Tableau 25 : Classement morphologique final des formes ouvertes.

110

4.1.2. Les formes fermées

La section

La collection que nous étudions comprend 59 formes fermées. Ce type de récipient représente donc moins de 20% de l'ensemble des pièces. Nous avons mené sur cette petite série une analyse comparable à celle que nous avons effectuée sur les formes ouvertes.

À deux exceptions près, tous les vases fermés sont de section ronde. Les seules pièces ne répondant pas à ce critère sont un récipient caréné de section ovale et la bouteille effigie de section polylobée (tableau 26). L'encolure

Le profil du corps Quatre types d'encolures ont été observés sur les récipients fermés : les cols droits, les cols concaves, les cols convexes et les goulots. Nous avons croisé les informations concernant ces éléments avec celles qui étaient issues de l'analyse du corps des vases (tableau 27). Au total, 30 vases fermés parmi les 59 que compte la série ont une encolure.

L'ensemble des vases fermés ont été répartis au sein de six classes correspondant à différents types de profils de corps (tableau 26). Le type le plus fréquent est le type E correspondant aux vases carénés avec 26 individus, soit près de la moitié de la série. Viennent ensuite, les vases tronconiques (cylindres (sic) dits "brûles parfum"), type B, avec 19 représentants puis les récipients arrondis, type C, avec 9 pièces. Les céramiques fermées cylindriques ou ovales ainsi que les formes anthropo-zoomorphes (type "bouteille effigie") sont elles très rares. Elles ne sont représentées au sein de l'échantillon que par une ou deux pièces. Pour les formes cylindriques, cela peut s'expliquer en partie par la difficulté qu'il y a à reconstituer de tels volumes.

Les céramiques ayant un corps cylindrique, type A, portent toujours un goulot. Les récipients tronconiques, type B, n'ont jamais d'encolure. Les céramiques au corps arrondis, type C, ont presque toujours une encolure (8/9). Il s'agit, soit d'un col concave (6/8), soit, plus rarement, d'un goulot (2/5). Le vase ovale de type D et la bouteille anthropo-zoomorphe que compte la série n'ont pas d'encolure. Les récipients carénés peuvent être associés à tous les types que nous avons distingués ou ne pas avoir d'encolure (6 cas sur 26). Quand une encolure est présente, il s'agit le plus souvent d'un col concave (12/26). Les cols droits et les goulots ont une occurrence moindre (respectivement 4/26 et 3/26). Enfin, les cols convexes paraissent exceptionnels, une seule pièce de la collection témoigne de leur existence (figure 79).

Figure 79: Vivé-Vase caréné à col convexe (dessin F. Honoré).

Le module L'identification de différents modules au sein des types que nous avons distingués suite à l'analyse du corps et de l'encolure des vases fermés se révèle difficile. En effet, les ensembles sur lesquels nous allons devoir travailler ne possèdent aucune validité statistique. Les différentes séries comptent généralement moins de 10 éléments. Nous nous contenterons donc de quelques observations dont la validité nous a été confirmée, comme nous allons le voir plus loin, par la prise en compte des informations concernant le décor et les préhensions portées par ces pièces.

Tableau 26: Classement des formes fermées en fonction du profil de leur corps.

111

Tableau 27: Classement des formes fermées en fonction de leur encolure et de la section et du profil de leur corps.

Ainsi, les deux céramiques cylindriques que compte la série sont de tailles très différentes (Hauteur du corps: 137 mm et 430 mm). Il faut vraisemblablement y voir l'existence de deux modules distincts pour les récipients de ce type (tableau 28).

Parmi les récipients carénés surmontés d'un col concave, trois pièces paraissent se distinguer des six autres de par leur grande taille. Leur diamètre au sommet du col est supérieur à 235 mm alors que toutes les autres pièces ont un diamètre à ce niveau inférieur à 170 mm. Par ailleurs, au sein des vases carénés sans encolure et sans pied un groupe constitué par deux individus très semblables peut être distingué. Il est constitué des deux plus petits récipients de la série dont le diamètre maximum est de 115 mm et 120 mm alors que l'autre élément de ce type à un diamètre maximum de 250 mm.

L'analyse de la taille des céramiques tronconiques de type "brûle parfum" ne permet pas de mettre en évidence l'existence d'une bimodalité, et ce malgré l'importance relative de l'échantillon (19 pièces). Le diamètre maximum de ces pièces est compris entre 100 et 220 (valeur moyenne: 134 mm, Ecart-type: 34). L'essentiel des éléments a cependant un diamètre maximal compris entre 100 mm et 120 mm (10 pièces sur 19). Cet ensemble doit peut-être être distingué du reste de la série.

La base Les céramiques saladoïdes anciennes fermées ont généralement un fond plat. Seules deux pièces carénées sans encolures sont associées à un piédestal (tableau 28). Enfin, un élément, la bouteille effigie, possède des supports excentrés (figure 80).

Les deux récipients arrondis surmontés d'un goulot sont tous deux de petite taille. La hauteur du corps de ces deux pièces est égale à 35 mm. Les vases arrondis associés à un col concave ne semblent pas non plus pouvoir être divisés en sous-ensembles en fonction de leur taille.

112

s'agit, soit d'une oreille (4 cas), soit d'une anse (2 cas) (figure 82). Trois autres types de vases portent aussi parfois des anses. Il s'agit des récipients arrondis à col concave, des vases carénés à col droit et des céramiques carénées à col concave de petit module (tableau 28).

Figure 80: Vivé-Bouteille effigie (dessin F. Honoré).

Les additions Après avoir analysé les vases fermés en fonction de leur corps, de leur encolure, de leur module et de leur base, l'analyse des éléments de préhension se fait sur la base de séries très limitées. Nous nous limiterons donc de nouveau à souligner quelques informations nous paraissant pertinentes sans mener une véritable analyse systématique.

Figure 82: Vivé-Cylindre "brûle-parfum" portant une anse (dessin F. Honoré).

Ainsi, le grand récipient cylindrique surmonté d'un goulot est complété par trois anses en D (figure 81). De même, les "brûle-parfums" ont parfois une préhension (6 cas sur 19). Il

Figure 81: Vivé-Grand vase fermé cylindrique (dessin F. Honoré).

113

Tableau 28: Classement final des formes fermées selon des critères morphologiques.

Enfin, trois types de vases carénés sans encolure semblent être aussi définis par les additions qu'ils portent. Tout d'abord, l'unique vase fermé de section ovale porte deux anses et un goulot situé sur sa panse (figure 83). Ensuite, les deux récipients sur piédestal sont complétés par deux tenons. Enfin, on a ajouté sur la panse des deux éléments de petite taille distingués précédemment, deux tubes (figure 84).

Figure 84: Vivé-Fragment de petit inhalateur.

Au final, nous avons regroupé les 59 formes fermées de la série au sein de 17 types morphologiques. Comme précédemment avec les formes ouvertes et pour les mêmes raisons nous n'avons pas souhaité intégrer à ce niveau de l'analyse les informations concernant le bord des vases et la couleur de leur pâte.

Collection Conseil Général de la Martinique/Musée départemental de Préhistoire.

Figure 83: Vivé-Vase fermé caréné de section ovale.

114

4.1.3. Synthèse.

exception à cette règle, il s'agit du récipient fermé caréné à col convexe (figure 79). Il semble s'agir d'une pièce tout à fait exceptionnelle. Enfin, concernant toujours la représentativité de notre typologie, notre collection de vases fermés était relativement limitée (59 pièces), il est fort possible que notre inventaire soit incomplet. Ainsi, certains tessons venant de Vivé semblent indiquer l'existence de récipients fermés de section quadrangulaire sans qu'il ait été possible de reconstituer la morphologie complète de tels vases.

La complexité de la production céramique saladoïde ancienne que nous avions entrevue au cours de l'analyse des tessons se confirme largement au niveau des pièces complètes. En effet, malgré une volonté constante de simplification ce sont 18 types de formes ouvertes et 17 types de formes fermées que nous avons définis suite à l'analyse morphologie de ces récipients (tableau 29). La fréquence de ces différents types au sein de notre échantillon est très variable. Certains types ne possèdent, en effet, qu'un seul représentant. Cependant, nous avons pu voir, au cours de l'analyse des tessons, qu'il ne s'agissait pas de pièces uniques. En effet, différents fragments ont pu être rapprochés de ces types rares. Il n'existe qu'une seule

La céramique saladoïde ancienne est particulièrement remarquable par l'importance et la richesse de ses décors. Nous allons donc maintenant classer les différents types morphologiques que nous avons identifiés en fonction des décorations dont ils sont porteurs.

Tableau 29: Les types morphologiques de la céramique saladoïde ancienne.

115

avons observé. Nous avons donc réparti les récipients en 5 ensembles: • ceux ne portant pas de décor, • ceux ne portant de décorations que sur les additions • puis ceux décorés sur les additions et le bord • ceux ornés sur le corps ou l'encolure. • Et enfin, au sein de cette dernière catégorie, nous avons distingué les éléments associés à un décor couvrant.

4.2. Analyse des décors. La première étape de notre classement des céramiques saladoïdes anciennes en fonction de leur décor nous paraissait logiquement devoir être la distinction entre les types morphologiques ne portant jamais de décors et ceux qui peuvent en porter. Ce fut un travail rapidement mené, en effet, la totalité des types morphologiques décrits plus hauts peuvent être associés à un décor. Il nous a donc fallut observer la fréquence des éléments décorés sur chacun des types.

Ainsi, trois types de formes ouvertes et cinq types de formes fermées peuvent ne pas être décorées (tableau 30). Trois types de formes ouvertes et quatre types de formes fermées ne portent parfois des ornements que sur leurs additions. Ensuite, quatre types de formes ouvertes et deux types de formes fermées ne portent dans certains cas des décors que sur leurs bords et leurs préhensions. Enfin, seul un petit nombre de types (3 formes ouvertes et 2 formes fermées) sont décorés sur le corps ou l'encolure sans que le motif ne couvre la totalité du corps. En effet, les décors concernant le corps ou l'encolure des vases sont le plus souvent des décors couvrants. Ce type de motif concerne 10 formes ouvertes et 12 formes fermées.

4.2.1. Fréquence des éléments décorés pour chaque type morphologique. Les formes ouvertes Les différents types de formes ouvertes ont pu être regroupés en trois groupes en fonction de la fréquence avec laquelle ils portent un décor. Un premier groupe, ne comprenant que les platines à manioc, correspond aux types n'étant qu'exceptionnellement décorés (1 platine sur 32 porte un motif incisé). Le second groupe correspond aux types n'étant pas systématiquement décorés. Seuls les vases carénés de type G et de section ronde (49 pièces décorées sur 71) et les récipients tronconiques de type C de grand module (1 pièce décorée sur 2) appartiennent à cet ensemble. Enfin, le dernier groupe rassemble tous les autres types qui sont décorés de façon systématique ou quasi systématique.

Ce premier classement des céramiques saladoïdes anciennes en fonction de leur décoration nous permet d'observer trois types de relations forme-décor. Nous avons, tout d'abord, des formes peu décorées, celles dont le corps n'est jamais orné. On observe ensuite un ensemble de formes dont le corps est parfois décoré mais pas systématiquement par un motif couvrant. Enfin, certains types sont toujours associés à un décor couvrant. Il faut aussi remarquer que quatre types morphologiques (une forme ouverte et trois formes fermées) sont associés en partie à des éléments pas ou peu décorés et en partie à des pièces portant un décor couvrant. Cette matérialisation par la décoration de deux ensembles distincts parmi des récipients de même forme nous semble pouvoir être interprétée comme une différenciation à caractère fonctionnelle. Des récipients de même forme, mais différents par leur ornementation, auraient ainsi rempli des fonctions, techniquement semblables, mais symboliquement distinctes.

Les formes fermées Nous avons regroupé les différents types de formes fermées en fonction des mêmes critères que les formes ouvertes. L'unique type ne portant pas de décoration correspond aux vases à profil ovale de type D. Cependant au cours de l'analyse de la série céramique de Vivé des éléments décorés correspondant à cette forme ont été observés. Cinq types de formes fermées ne portent pas systématiquement de décors. Il s'agit des formes arrondies à col concave (4 pièces décorées sur 6), des pièces carénées à col droit (1 décorée sur 4), des pièces carénées à col concave de petit module (3 décorées sur 7) et enfin des formes carénées sans encolure de grand module (1 décorée sur 2). Les autres types morphologiques sont systématiquement décorés.

En dehors des quelques cas que nous venons de détailler, il nous faut constater que la céramique saladoïde ancienne est caractérisée par l'existence d'une relation assez stricte entre forme et décor. Chaque type morphologie est associé à la déclinaison d'un type particulier de décor. On retrouve là les signes de la rigueur conceptuelle liée à l'activité céramique que nous avions déjà soulignée précédemment. Cela paraît d'autant plus remarquable quand on s'attache à l'analyse de certains motifs particuliers.

4.2.2. Evaluation du degré de décoration. Lors de l'étude des tessons, nous avions observé que les éléments les plus fréquemment décorés étaient les additions (pieds, préhensions, goulots), puis le bord des vases et enfin leur corps. Il nous a paru intéressant de classer les différents types morphologiques selon l’emplacement des décorations qu’ils portent. L'idée était que les principes que nous avions déduits de l’observation des tessons devaient se vérifier à l'échelle du vase. Il devait alors y avoir un premier groupe de récipients peu décorés ne portant des décorations que sur les additions, un second groupe moyennement décoré portant des décorations sur leurs additions et leur bord et enfin un dernier groupe très décoré, portant des ornements sur les additions, le bord et le corps. C'est effectivement ce que nous

4.2.3. Les motifs zonés-incisés et les décors peints bichromes. Ainsi, en dernier lieu, nous souhaitons, dans le cadre de cette analyse des différents types de décors portés par la céramique saladoïde ancienne, observer le rapport qui existe entre la forme des vases et deux types de décors particuliers. Il s'agit des motifs zoné-incisés et des décors couvrants, peints, bichromes. Notre désir d'effectuer cette étude est lié au fait que ces deux types sont à la base de la définition de la sous-série saladoïde cédrosane ancienne.

116

Tableau 30: Classement des types morphologiques en fonction de l'aspect plus ou moins couvrant de leur décor.

Les motifs zonés-incisés

Parmi les formes ouvertes, il s'agit des récipients carénés de type F, de section ronde, ovale ou quadrangulaire ainsi que des petites vases de type D. Sur les récipients carénés, les motifs zonés-incisés sont toujours localisés sur le marli que forme le bord de ces vases ainsi que sur les oreilles (figure 85). Sur les céramiques de type D les motifs zonés-incisés couvrent la totalité du corps de la pièce (figure 86).

L'utilisation des motifs zonés-incisés par les potiers amérindiens est liée à la décoration d'un nombre limité de récipients. Seuls cinq types morphologiques portent de tels ornements (4 formes ouvertes et 1 forme fermée) (tableau 31).

117

Tableau 31: Représentation des motifs zonés-incisés et peints bichromes.

Un seul type de forme fermée porte des motifs zonés-incisés. Il s'agit des vases carénés sans encolure à piédestal. Les motifs zonés-incisés couvrent la partie supérieure du corps de ces pièces. La présence d'un piédestal nous incitait déjà à rapprocher ces éléments des récipients ouverts de type F qui

sont les seuls à parfois aussi en avoir un. La parenté qui existe entre ces deux types concernant les décors qui leurs sont associés (motifs zonés-incisés) renforce encore cette impression.

118

Figure 86: Vivé-Grand vase arrondi décoré par un motif zoné incisé (dessin G. Desrayaud).

Une première analyse de la relation forme-décor nous a permis de distinguer 39 types morpho-décoratifs (19 formes ouvertes et 20 formes fermées) (tableau 32). Le degré de précision que nous avons atteint nous paraît suffisant dans la perspective de l'étude fonctionnelle de la céramique saladoïde ancienne que nous souhaitons mener. Cependant, afin de pouvoir réaliser à l’avenir ce type d'étude uniquement à partir de restes fragmentés (tessons), il nous est apparu nécessaire d'aller plus loin dans l'analyse de la relation forme-décors. C'est ce que nous allons faire au sein de la définition que nous allons maintenant donner de chacun des 39 types que nous avons identifiés. Nous y intégrerons aussi les informations concernant la nature du bord de ces vases ainsi que celles qui concernent la couleur de leur pâte.

Figure 85: Vivé-Vase ouvert, caréné, évasé, décoré par un motif zoné-incisé (dessin F. Honoré).

4.3. Synthèse de la typologie morphodécorative de la céramique saladoïde ancienne.

Les décors peints bichromes. Les décors couvrants peints en rouge et blanc concernent 17 types morphologiques, 8 formes ouvertes et neuf formes fermées (tableau 31). Il s'agit donc de l'essentiel des types associés à des motifs couvrants. Les seuls autres types de décors couvrants présents sont les motifs zonés-incisés et les motifs monochromes associés à de l'incision. Il est donc possible de regrouper les récipients très décorés en un nombre très limité d'ensembles (3) en fonction du type de leur décoration. Il faut se demander s'il ne s'agit pas du signe de l'existence d'une équivalence symbolique entre les différents types de vases qui composent ces ensembles. Nous tenterons de voir s'il est possible d'aller plus loin dans ce sens au cours de l'analyse fonctionnelle à venir.

Nous allons maintenant faire une présentation synthétique des 39 types morpho-décoratifs que nous avons identifiés. Nous insisterons, tout d'abord, sur les caractères qui sont à la base de la définition de chaque type. Puis, nous enrichirons notre description par un certain nombre d'informations complémentaires. Nous utiliserons, entre autres, des informations issues de l'analyse des tessons. Au cours de cette présentation, nous nous attacherons, non seulement à présenter les éléments les plus caractéristiques, mais aussi à montrer le degré de variabilité de chaque type (Adams et Adams, 1991). Enfin, nous essayerons lorsque que ce sera possible de rapprocher les différents types que nous avons distingués d'éléments comparables décrits précédemment.

119

Tableau 32: Classement morpho-décoratif de la céramique saladoïde ancienne.

120

4.3.1. Les formes ouvertes



Les platines à manioc Définition : le corps des platines à manioc est formé par un disque d'argile (figure 87).



Description : • Échantillon: 32 pièces. • Morphométrie: 190 mm