Les lettres de la marquise Du Chatelet, vol. 2 [2]

  • Commentary
  • Uploaded by Epistematic
Citation preview

LES LETTRES DE LA MARQUISE DU CHATELET publiées par

THEODORE BESTERMAN II

lettres 232-486

1740-1749

INSTITUT ET MUSEE VOLTAIRE LES DELICES GENEVE

1958

LES LETTRES DE LA MARQUISE DU CHATELET

PUBLICATIONS DE L'INSTITUT ET MUSEE VOLTAIRE SOUS LA DIRECTION DE THEODORE BESTERMAN

SERIE D'ETUDES IV

LES LETTRES DE LA MARQUISE DU CHATELET puhliées par

THEODORE BESTERMAN II

lettres 2.32-486

1740-1749

INSTITUT ET MUSEE VOLTAIRE LES DELICES GENEVE

1958

Copyright 1958 by Theodore Besterman, Genève Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays, y compris !'U.R.S.S. Printed in Switzerland

ONULP

2.32.

à Johann Bernoulli

Vous me devez bien des réponses, monsieur, mais je ne laisse cependant de vous écrire pour vous donner avis de l'occasion du monde la plus heureuse pour moi puisque je puis espérer de vous voir plus tôt que je ne comptais, et d'une façon plus commode pour vous. M r du Chastellet est obligé d'aller faire un tour à Cirey pour ses affaires. Il ne sera qu'une quinzaine de jours, et de là il revient ici. Vous pourriez vous rendre à Cirey et il vous ramènerait ici dans une chaise à deux. Ce sera pour le commencement de février. Si cet arrangement peut vous convenir il me fera un plai­ sir infini, si cependant il ne vous était pas agréable vous êtes le maître d'en prendre un autre. J'aurai le temps de recevoir votre réponse, et celui de vous mander le temps avec plus de précision. J'ai bien besoin monsieur de votre présence et de votre amitié pour me faire oublier les indignes procédés de Koenig. Je vous en ferai juge quand j'aurai l'honneur de vous voir. Je me flatte que ses propos n'auront point changé les dispositions favorables où vous étiez pour moi. J'espère que vous trouverez que je les mérite, et je ne perdrai assurément aucune occasion de vous mar­ quer l'estime et la parfaite considération que j'aurai pour vous toute ma vie. J'espère y joindre l'amitié et je serai toujours plus que personne au monde monsieur votre très humble et très obéissante servante B RETEU IL nu CHASTELLET e à Bruxelles le II janvier 1740 A monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat Basel, L.Ia.684, PP· 398-401.

7

162-1'1

LETTRE 233

Février 1740

2.33. àjohann Bernoulli à Bruxelles ce I er février 1740 Je savais, monsieur, que les mêmes personnes qui vous avaient proposé de venir chez moi, vous en ont détourné, ainsi je me serais attendue à la lettre que je viens de recevoir de vous, si je n'avais cru pouvoir compter assez sur la fermeté de votre âme pour croire que leurs conseils arriveraient trop tard, et que vous ne voudriez pas manquer à un engagement aussi positif que celui de vos dernières lettres. Vous savez que je m'étais arrangée en conséquence, jusqu'à refuser à mr Koenig de rester l'hiver avec moi comme il le désirait et comme il vous l'avait même mandé par la lettre dont vous m'avez envoyé la copie. Cette lettre seule doit suffire, je crois, pour vous prouver que je n'ai jamais eu de tort avec lui, et que le seul motif qui l'ait porté à des extrémités si honteuses, est le dépit qu'il a eu de voir que depuis que j'ai eu l'espérance de vous avoir, je n'ai voulu entendre à aucune des propositions qu'il m'a faites de rester avec moi. La bassesse de ses procédés fait seule son avantage, il n'a rien à perdre et moi je me déshonorerais si je m'abaissais jusqu'à me justifier des bassesses dont il ose m'accuser. Ainsi je ne lui répondrai jamais que par le mépris que sa conduite mérite, sans cela il me serait aisé de le cou­ vrir de confusion par ses propres lettres, dans lesquelles il me demande pardon de la façon la plus basse. Il y a ici des Suisses qui ont été témoins de la façon dont je le traitais, et qui sont si indignés contre lui, que je crois qu'ils travailleront d'eux-mêmes à détruire les propos de mr Koenig sans que je m'en mêle. Il est vrai que je l'ai comblé de bontés et de bienfaits, lui et son frère, et que je n'ai pas d'autre reproche à me faire dans toute cette affaire, qui tourne cependant si malheureusement pour moi, puisqu'elle me prive de vous. Je ne vous cacherai point que j'en suis infini­ ment affiigée. La franchise de votre procédé me touche, et je vous en regrette davantage. Il me semble pourtant que si les sentiments que vous me marquez dans votre lettre sont véritables, comme je 8

Février 1740

LETTRE 233

le crois, vous devez sentir qu'il est bien injuste à vous de régler votre conduite sur des propos dont vous sentez l'indignité et la fausseté, et que si vous devez de la déférence aux personnes qui vous déconseillent de venir chez moi, vous devez peut-être quelque chose de plus à la parole que vous m'aviez donnée, et aux sentiments que j'ai pour vous. Le temps pourrait tout accom­ moder. Je crois que je n'ai rien à ajouter à cette proposition et que dans la circonstance où je suis rien ne peut mieux vous prouver l'envie extrême que j'ai de vivre avec vous, et l'amitié et la consi­ dération avec laquelle je suis monsieur, votre très humble et très obéissante servante T BRETEUIL DU CHA

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp.402-405.

Basel, L.Ia.684,

2.34. à Johann Bernoulli à Bruxelles le 24 février 1740 Ce n'est point votre lettre, monsieur, qui m'a fait croire que mr de Maupertuis vous avait empêché de venir chez moi, je le savais avant d'avoir reçu votre réponse, et je vous l'ai mandé. C'est donc à lui seul que je m'en prends, et ce n'est que de lui dont j'ai à me plaindre dans cette affaire, car on n'a véritablement à se plaindre que des gens sur qui l'on a des droits, et j'en avais sur son amitié. Je regarde Koenig comme un homme à qui la tête a tourné, et dont j'aurais dû me défaire plus tôt, mais je vous avoue que je ne m'attendais pas à la façon dont mr de Maupertuis s'est conduit dans cette affaire, et comme je suis infiniment sensible au bien, et au mal, il m'est difficile de l'oublier. Quant à vous monsieur vous ne devez regarder ce que je vous ai dit de vos engagements avec moi que comme une marque de mon estime pour vous, et de l'envie que j'avais de vous avoir. Je n'en eusse cert�inement jamais parlé à tout autre, et vous devez être très persuadé que quand même ils auraient été plus positifs

9

Février 1740

LETTRE 234

(si cela eût été possible) j'aurais été bien fâchée que vous ne fus­ siez venu chez moi que pour les remplir, ainsi vous ne devez avoir sur cela aucune inquiétude. Il me paraît par votre lettre à mr de Voltaire que vous avez été choqué de quelques termes dont mr Dillen s'est servi. Je puis vous assurer, qu[oiqu]e je n'aie point vu sa lettre, qu[e son] in[ tentio]n n'a point été de vous offenser, mais je suis très fâchée d'en avoir été l'occasion. Au reste je désire plus que vous mon­ sieur que tout ceci ne mette point de froid entre nous, et il ne tiendra pas à moi. Je me flatte même que si jamais je retournais à Cirey cela ne vous empêchera pas de m'y venir voir, de même que je vous assure que rien ne peut diminuer la véritable estime avec laquelle je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

A Monsieur monsieur Jean Bernoully le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp.406-409.

Basel,

L.Ia.684,

235. à Frédéric, prince royal de Prusse Monseigneur,

Bruxelles, 4 mars 1740

Je lis actuellement la suite du bel ouvrage de votre altesse royale; mais j'ai trop d'impatience de lui dire combien je suis enchantée pour attendre que j'en aie fini la lecture. Il faut, monseigneur, pour le bonheur du monde, que v. a. r. donne cet ouvrage au public. Votre nom n'y sera pas, mais votre cachet, je veux dire cet amour du bien public et de l'humanité y sera, et il n'y a aucun de ceux qui ont le bonheur de connaître v. a. r. qui ne l'y doive reconnaître. En lisant l'Anti-Machiavel, on croirait que v. a. r. ne s'est occupée toute sa vie que des méditations de la politique; mais moi, qui sais que ses talents s'étendent à tout, j'oserais lui parler de la métaphysique de Wolff et de Leibnitz, dont je me 10

LETTRE

235

Mars 1740

suis imaginée de faire une petite esquisse en français1 , si la lecture des ouvrages de v. a. r. me laissait assez de témérité pour lui envoyer les miens. Ces idées sont toutes nouvelles pour les têtes françaises, et peut-être que, habillées à notre mode, elles pour­ raient réussir; mais il faudrait l'éloquence et la profondeur de v. a. r. pour remplir cette carrière. Cependant, si vous l'ordonnez, et si vos occupations vous en laissent le temps, j'aurai l'honneur d'en envoyer quelques chapitres à v. a. r. Il me semble que les habitants de Cirey, en quelque lieu qu'ils soient, vous doivent les prémices de leurs travaux, et si v. a. r. daignait corriger l'ouvrage, je serais bien sûre du succès. Je suis, etc. Imprimé d'après Oeuvres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin 1788), xii.296-297.

1

les Institutions de physique.

236. à Francesco Algarotti A Bruxelles ce

IO

mars 1740

Je retrouve, monsieur, votre ancienne amitié pour moi dans votre lettre, et assurément j'y suis infiniment sensible. Je crois en avoir l'obligation au prince royal de Prusse qui m'a rappelée dans votre souvenir, et il ne pourra jamais me faire de faveur à laquelle je sois plus sensible. On dit qu'il est sur le point d'être roi, et je vous avoue qu'indépendamment de toutes les raisons qui me le font désirer, je suis curieuse de voir ce phénomène sur le trône. De l'espèce dont je suis, femme et française, je ne suis guère faite pour voyager; mais assurément ce serait pour un tel voyage qu'il serait permis de passer par-dessus les règles ordinaires. Il y en a encore un que vous savez que je désire depuis longtemps, mais qui s'éloigne tous les jours par les circonstances, c'est celui du pays que vous habitez, et pour lequel ma curiosité s'augmente, depuis que vous lui avez donné la préférence sur tous ceux qui voudraient vou.s posséder. J'irai peut-être cet été à Dunkerque, et de là avec des bonnes lunettes, je pourrai le voir de loin, comme II

Mars 1740

LETTRE 236

on conte que Moïse vit la terre promise; mais j'ai de bien meil­ leures raisons pour le regretter. Je voudrais pouvoir vous faire accroire que Bruxelles est le lieu du monde le plus digne de votre curiosité, ce pourrait être du moins votre chemin pour aller en Hollande. Je n'y suis pas aussi bien logée qu'à Cirey, mais je vous y recevrais avec le même plaisir. Je vous avoue que je suis ravie que mon mémoire vous ait plu; vous m'encouragez à lui donner des frères, mais non pas pour l'Académie, car je ne suis pas trop satisfaite du jugement. Si vous avez lu les pièces françaises qui ont été couronnées, j'espère que vous aurez trouvé que je n'ai pas tort, et qu'il n'y a pas à cela une vanité ridicule. Je suis fâchée de voir dans votre lettre à mr de Voltaire que vous quittez la philosophie pour l'histoire, j'espère que ce ne sera qu'une passade. Pour moi je suis à présent dans la métaphysique, et je partage mon temps entre Leibnitz, et mon procureur. Vous avez bien raison de dire que les choses après lesquelles on court ne valent pas souvent celles qu'on quitte; et si je n'avais pas d'enfants, je puis bien vous assurer que je n'aurais pas quitté les jolis pénates que vous connaissez. Je me dis souvent les vers, de plaisirs en regrets, de remords en désirs etc. mais on se doit à ses devoirs. Consolez-moi souvent, monsieur, par vos lettres, parlez de moi à mylord Hervey, quand le parlement sera fini, et continuez-moi votre amitié. Je suis. Imprimé d'après Opere del conte Algaroui (ed. novissima, Venezia 1794), xvi. 5 5-57. Le 18 mars nouvelle lettre du prince royal (Best.2057): 'Les ou­ vrages d'une dame qui réunit un

esprit mâle & profond à la délica­ tesse & au goût qui est le partage de son sexe, ne sauraient que m'être bien agréables.... ' Ensuite c'est encore l'Anti-MachiaYel.

2.37. à Frédéric, prince royal de Prusse Monseigneur, J'envoie enfin à v. a. r. mon essai de métaphysique; je souhaite & je crains presque également qu'elle ait le temps de le lire. Vous 12

LETTRE

237

Avril 1740

serez peut-être aussi étonné de le trouver imprimé, que j'en suis honteuse; les circonstances qui l'ont rendu public seraient trop longues à expliquer à v. a. r. J'attends pour savoir si je dois m'en repentir, ou m'en applaudir, ce que v. a. r. en pensera. Je me sou­ viens qu'elle a fait traduire sous ses yeux la métaphysique de \Volf, & qu'elle en a même corrigé quelques endroits de sa main; ainsi j'imagine que ces matières ne lui déplaisent point, puis­ qu'elle a daigné employer quelque partie de son temps à les lire. V. a. r. verra par la préface que ce livre n'était destiné que pour l'éducation d'un fils unique que j'ai, & que j'aime avec une ten­ dresse extrême; j'ai cru que je ne pouvais lui en donner une plus grande preuve qu'en tâchant de le rendre un peu moins ignorant que ne l'est ordinairement notre jeunesse; & voulant lui apprendre les éléments de la physique, j'ai été obligée d'en composer une, n'y ayant point en français de physique complète, ni qui soit à la portée de son âge; mais comme je suis persuadée que la physique ne peut se passer de la métaphysique, sur laquelle elle est fondée, j'ai voulu lui donner une idée de la métaphysique de mr de Leib­ nitz, que j'avoue être la seule qui m'ait satisfaite, quoiqu'il me reste encore bien des doutes. L'ouvrage aura plusieurs tomes, dont il n'y en a encore que le premier qui soit commencé à imprimer. Je crois qu'il paraîtra vers la Pentecôte, & je prendrai la liberté d'en présenter un exemplaire à v. a. r., si elle est contente de ce que j'ai l'honneur de lui envoyer aujourd'hui. Je m'aperçois que ma lettre est déjà très longue & que je n'ai point encore parlé à v. a. r. de ma reconnaissance de la boîte char­ mante qu'elle m'a fait la grâce de m'envoyer. Je n'ai rien vu de plus joli & de plus agréablement monté; mais v. a. r. me permettra de lui dire qu'il lui manque son plus bel ornement, & que quelque bien qu'elle m'ait traitée, je suis très jalouse du présent dont elle a honoré mr de Voltaire. Je crois qu'il a déjà envoyé à v. a. r. sa métaphysique de Newton, & vous serez peut-être étonné que nous soyons d'avis si différents; mais je ne sais si v. a. r. a lu un rabâcheur français qu'on appelle Montagne, qui en parlant de deux hommes qu'une véritable amitié unissait, dit: ils avaient tout 13

L E T T R E 237

Avril 1740

commun, hors le secret des autres, & leurs opinions 1 • Il me semble même que notre amitié en est plus respectable & plus sûre, puisque même la diversité d'opinion ne l'a pu altérer; la liberté de philosopher est aussi nécessaire que la liberté de conscience. V. a. r. nous jugera, & l'envie de mériter son suffrage nous fera faire de nouveaux efforts. V. a. r. me permettra de la faire souve­ nir de Machiavel; je m'intéresse à la publication d'un ouvrage qui doit être si utile au genre humain, avec le même zèle que j'ai l'honneur d'être &c.

A Versailles, ce 2 5 avril 1740 Imprimé d'après Oeuvres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin 1 788), xii.298-300. Dans les Oeuvres posthumes et en conséquence dans toutes les édi­ tions suivantes, la lettre est datée de Versailles; il n'y a nul indice dans la correspondance que mme du Châ­ telet soit allée en France: au con­ traire, Voltaire continue à parler d'elle comme si elle était présente; mais si elle était auprès de lui, pour­ quoi donc fut-ce lui qui envoya le livre de la marquise à Frédéric (Best.2076) ? Cela est tout aussi dif­ ficile à comprendre si effectivement mme Du Châtelet avait fait un ra­ pide voyage à Paris pour faire met­ tre son livre sous presse (absence qu'elle pouvait désirer voir ignorer à Bruxelles à cause de son procès), car dans ce cas, pourquoi écrire à Frédéric de Versailles et envoyer le

livre à Voltaire pour qu'il le fasse suivre ? Tout ceci pourrait avoir une explication parfaitement sim­ ple; par exemple, qu'elle ait désiré faire envoyer un manuscrit parti­ culier ou un jeu d'épreuves - le livre lui-même n'étant pas encore sorti. Bien que mme Du Châtelet n'eût certainement pas appelé ses Institu­ tions de physique un essai métaphy­ sique, l'ouvrage dépasse largement les limites d'un manuel de physique. Son raisonnement est développé sur une base très large, ainsi qu' il res­ sort des six premiers chapitres, qui traitent d'épistémologie (quoi qu'elle n'emploie pas ce mot); de l'exis­ tence de dieu; d'essence, d'attri buts et de modes; d' hypothèses; de l'es­ pace; et du temps. 1 d' après Montaigne, 1.xxviii.

238. à Johann Bernoulli à Bruxelles le 27 avril 1740 Je ne désire pas moins que vous monsieur que quelques circons­ tances favorables nous rassemblent. Je suis persuadée que j'y gagnerai de toutes façons non seulement par l'utilité que tout 14

L ETTRE 23 8

Avril

1740

homme qui pense doit trouver dans votre commerce, mais parce que je me flatte que j e vous convaincrais de plus en plus de la façon dont je pense pour vous. Il est bien malheureux qu'il se soit mêlé du Koenig dans tout cela, et ce n'est assurément pas ma faute. Il ne pouvait me faire de peine par lui-même, mais il a trouvé le secret de m'en faire, en me faisant perdre le plaisir que je me faisais de vivre avec vous, et de me faire connaître que j'avais eu tort de compter sur l'amitié de mr de Maupertuis. En vérité toute cette aventure me ferait croire au fatum. Je ne sais si vous avez vu une lettre que Koenig a écrite à r m Derlak1 , colonel suisse, et qu'il a envoyée ici pour m'être montrée, j e ne sais trop à quel dessein. Mais sans vouloir pénétrer si la malignité ou le repentir l'ont dictée, je lui ai fait dire que le silence était le seul parti qu'il eût à prendre, et que je me tiendrais aussi offensée de ses louanges, que je crains peu ses critiques, et j 'ai fait écrire à mr Derlak que je le priais de ne point montrer cette lettre. Il veut se donner l'air, du moins avec ses amis, de se repentir de ses torts, mais ils ne sont pas de l'espèce de ceux qui laissent lieu au repentir, et sans parler de tous les autres, il a violé un secret que je lui avais confié, et il n'est plus en son pouvoir de n'avoir pas commis cette faute irréparable, et dont les suites ne sont plus en son pouvoir. Je suis à la veille de les éprouver, voilà pour­ quoi je vous en parle. Je crois que vous n'ignorez pas cette énigme, et si vous la savez vous ne pouvez blâmer mon ressentiment. Parlons un peu de ce qui vous regarde. Tout le monde vous a donné l'Examen désintéressé de la figure de la terre2 • Pour moi je le croirais à la modération qui règne dans ce livre, quoi qu'il y ait d'autres circonstances qui me portent à en douter. Je vous prie de me mander ce que vous voulez que je croie sur cela, et ce que vous pensez du livre en cas qu'il ne soit pas de vous. On dit que Cassini a rendu les armes. Je sais tout cela assez confusément, je suis enfoncée dans les procès, et c' est une mer où je ne vois encore ni fond, ni rive. M r le marquis de Trichateau est mort depuis que je ne vous ai écrit. Il a laissé tous ces procès à mr du Chastellet, ainsi nous sommes au même point, avec une chicane de plus à essuyer. En vérité j 'aurais bien besoin de quelques-unes de vos

Avril

L E T T R E 23 8

1 :740

conversations pour antidote, suppléez-y par vos lettres, je vous supplie, et continuez-moi votre amitié sans compliments, vous voyez que je vous en donne l'exemple. Imprimé d'après le man uscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L. la.684, pp.4 1 0-4 1 3 . 1 il y avait à l'époque a u moins six membres de la famille suisse d'Erlach qui étaient au service de la France. 2 c'est parce que Maupertuis était irrité de ce qu'il considérait une en insuffisante reconnaissance France de ses travaux, qu'il avait si

Sire,

promptement accepté l'offre de Frédéric. Pour attirer l'attention sur lui-même, il avait publié une fai­ ble attaque contre ses propres dé­ couvertes, qu'il réfuta ensuite dans l'égaiement anonyme Examen dé­

sintéressé des dijférens ouvrages qui ont été faits pour déterminer la figure de la terre (Oldenbourg [? Paris]

1 7 3 8). Après quoi il fit encore pa­ raître, toujours anonymement, les Elémens de géographie ([s.l.] 1 740).

239. à Frédéric Il:, roi de Prusse

Permettez-moi de venir joindre ma joie à celle de vos états, & de l'Europe entière. Je me préparais à répondre à la lettre philoso­ phique dont le prince royal avait bien voulu m'honorer; mais je ne puis parler aujourd'hui à v. m. que des vœux que je fais pour elle, & du respect avec lequel je suis &c. A Bruxelles, ce

11

juin

1 740

Imprimé d'après les Oeuvres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin 178 8),

xii. 300-30 1 . Le roi Frédéric Guillaume étant mort le 3 1 mai, on s'étonne de la date du billet de mme Du Châtelet. Il semble que par discrétion les deux amis aient attendu un mot du nou­ veau roi, et ce n'est que le 6 j uin (Best.2097) qu'il écrivit à Voltaire: ' Mon cher ami, mon sort est changé, et j 'ai assisté aux derniers moments d'un roi, à son agonie, à sa mort. En parvenant à la royauté, je n'avais pas besoin assurément de cette leçon

pour être dégoûté de la vanité et des grandeurs humaines. . . . Pour dieu, ne m'écrivez qu'en homme, et mé­ prisez avec moi les titres, les noms et l'éclat extérieur.' C'était là le plus beau moment de la vie de Frédéric, prince-philosophe, qui ne devint que trop promptement le roi­ conquérant. La ' lettre philosophique' est datée du 1 9 mai (Best.2080). Les félicita­ tions assez tièdes qu'elle contient au sujet des Institutions de la marquise dépassent encore de beaucoup ses vraies opinions. En effet il écrit un

Juin

L E TTR E 23 9

peu plus tard à Jordan (Best.2 180), des profondeurs de son incompé­ tence totale dans ce domaine: 'La Minerve vient de faire sa physique; il y a du bon. C'est Koenig qui lui a dicté son thème; elle l'a ajusté, & orné par-ci par-là de quelque mot échappé à Voltaire à ses soupers . . . . '

24 0 .

1 740

Cela est amusant, mais c'est faux: les Institutions étaient pratiquement terminées avant que mme Du Châ­ telet prît Konig à son service; quant à Voltaire, il était anti-leibnizien, tandis que la marquise suivait la doctrine de Leibniz dans son ou­ vrage.

à [?Augustin Calmet] [Juin 1740]

[Elle annonce l'envoi d'une préface à laquelle elle a apporté les modifications demandées. L'ouvrage paraît être un travail généalogique.] Imprimé d'après un catalogue Degrange (Paris 1 95 7), cat.60, pp. 1 7-1 8, no.4 573. 24 z .

à Johann Bernoulli

Je suis trop heureuse monsieur que les indiscrétions de Koenig m'aient laissé auprès de vous le mérite de la confiance. Vous êtes le seul, mais c'est beaucoup pour moi. Le détail de ses procédés avec moi sont un tissu de bassesses qu'il aurait été aisé d'oublier avec lui, mais il y a joint une perfidie affreuse. J'avais composé dans mon loisir de Cirey des Elémens de phisique que je destinais pour mon fils et qu'une femme1 de mes amies qui était à Cirey me per­ suada de faire imprimer prétendant, ce qui est assez vrai, qu'il n'y en avait point en français, et qu'étant assurée de l'incognito puisque je ne me confiais qu'à elle, je jouirais du plaisir de me voir juger, sans courir aucun risque si le jugement n'était pas favo­ rable. Cela me parut plaisant, et je me rendis à ses raisons. Elle fit un voyage exprès à Paris pour le porter et il fut approuvé par mr Pitot en 173 8, c'est à dire environ un an avant que vous me fissiez l'honneur de venir à Cirey avec mr de Maupertuis et par con­ séquent un an ·avant que je connusse Koenig. Ce livre s'imprima 17 2 (Il)

Juin

1 74 0

L E T T R E 24 1

très lentement parce que mon libraire qui ne me connaissait point, non plus que mr Pitot, mon approbateur, me quittait pour tous les romans qui se présentaient. Enfin en vivant avec mr de Koenig je parlais souvent de métaphysique avec lui, dans le voyage surtout en venant ici elle faisait le sujet de nos entretiens. Il me parla de celle de Leibnits et me fit naître l'envie de la con­ naître. J'avais apporté avec moi la métaphisique de Volf traduite en français que le p. royal de Prusse, à présent roi, m'avait fait traduire et m'avait envoyée manuscrite. Je la lus donc avec atten­ tion, et j 'y trouvai de très belles idées, très neuves et que l'on ne connaissait point du tout en France. J'avais commencé mon ouvrage par quelques chapitres de métaphysique, j 'eus envie d'y donner une idée de celle de Leibnits qui je vous l'avoue me plut infiniment. La seule chose qui m'arrê­ tait c'était de confier mon secret à mr de Koenig dont le secours me devenait très utile pour mon dessein. Je balançai longtemps si je me confierais à lui, enfin me croyant sûre de sa probité et de son attachement, je lui confiai mon secret. J'y trouvai l'avantage de lire mon ouvrage à un habile homme et d'être sûre par consé­ quent qu'il n'y aurait point de fautes, ce dont je doutais fort, n'ayant consulté personne, et celui d'être aidée de ses lumières dans le dessein que j'avais fait de mettre à la tête de l' ouvrage quelques-unes des idées de mr de Leibnits sur la métaphysique. Nous partîmes dans ce temps-là pour Paris. Le livre était plus [ qu']à moitié imprimé, j 'engageai le libraire à recommencer les feuilles où je voulais mettre ma nouvelle métaphysique, et à faire quelques cartons, et je me mis à travailler. Il fallait pour bien faire lire plusieurs chapitres des ouvrages de V olf, comme ontologie, cosmologie &a, outre sa métaphisique que j 'avais lue et que j 'avais avec moi. Je n'avais point le temps de chercher dans les gros in-quarto les idées qu'il me fallait. Je priai m r de Koenig de me faire des extraits des chapitres qui m'étaient nécessaires, ce qu'il eut la bonté de faire, et sur quoi je travaillai en partie. Je partis pour venir ici ayant tout arrangé et mon secret depuis deux ans n'avait point transpiré. Ainsi je me voyais à la veille de jouir du plaisir de l'incognito mais je ne fus pas plus tôt partie que mr d e 18

L E T T R E 24 1

Juin

1740

Koenig le dit à tout le monde ajoutant que j'avais fait un livre qui ne valait rien, qu'il m'en avait fait un autre et que je ne l'avais pas suffisamment payé de sa peine. Jugez du bruit que cela fit, cela me revint de toutes parts, et je vous avoue que je fus outrée. Je balançai longtemps si je retirerais mon livre. Enfin je pris le parti de le laisser paraître parce qu'après le bruit que cela avait fait il y avait encore plus d'inconvénient à le retirer, et que de plus cela n'était guère possible, étant presque fini d'imprimer. Cependant je l'ai suspendu tant que j'ai pu, et enfin il va paraître, et tout le monde sait qu'il est de moi. Vous sentez tout ce que cela entraîne, et comment on peut qualifier un tel procédé. Mr de Koenig a écrit depuis peu une lettre à mr de V. qui suffirait pour le faire mettre aux petites maisons. Il lui fait entre autres entendre qu'il écrira contre mon livre, mais il m'a fait tout le mal qu'il me peut faire et je ne lui répondrai que par le silence et le mépris. Voil à monsieur le mot de l'énigme. Je vous enverrai l'ouvrage dès qu'il paraîtra, non pas qu'il soit digne de vous, mais parce que j'espère que par amitié pour moi vous vous y intéressez. Il n'est plus douteux à présent que c'est mr de Maup. qui a fait le livre qu'on vous avait attribué. Il ne s'en défend pas. Je ne sais si ce n'est pas là une plaisanterie un peu trop poussée. Vous savez qu'il y a les plus tristes nouvelles de ces mrs du Perou. Ils ont pensé être assommés par les habitants du pays, leurs papiers ont été brûlés, leurs instruments cassés, ils se sont enfuis dans les bois. Mr de Maurepas est outré. Je suis un peu offensée que vous croyez [que] j'ai eu besoin de Koenig pour savoir ce que c'est que la mineure d'un argument, mais j e ne suis pas difficile à vivre avec mes amis. Avez-vous vu le livre de Gamaches? Qu'en pensez-vous? J'espère que vous voudrez bien continuer un commerce où je trouve autant d'uti­ lité que d'agrément, et vous seriez bien injuste si vous doutiez monsieur de la vérité des sentiments que je veux avoir pour vous toute ma vie. Mr de Voltaire vous fait mille compliments. à Bruxelles le 30 juin 1740

Juin

1 740

L E T T R E 24 1

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.4 14-421. 242.

1

mme de Cham pbonin.

à Frédéric Il, ro i de Prusse

Sire, J'espère que mr de Camas1 aura rendu compte à v. m. du plaisir que j'ai eu de le voir, & de m'entretenir avec lui de tout ce qu'elle a déjà fait pour le bonheur de son peuple, & pour sa gloire. V. m. peut aisément s'imaginer combien il a eu de questions à essuyer; je puis vous assurer que j'ai trouvé le jour que j'ai passé avec lui bien court, & que je ne lui ai pas dit la moitié de ce que j'avais à lui dire, quoique nous avons toujours parlé de v. m. Je vois, par le choix qu'elle a fait de mr de Camas, & de ses compagnons, qu'elle se connaît aussi bien en hommes qu'en philosophie. Je n'ai guère connu d'homme plus aimable, & qui inspire plus la confiance; aussi n'ai-je pu m'empêcher de lui laisser voir le désir extrême que j'ai d'admirer de près v. m. Nous en avons examiné ensemble les moyens, & j'espère qu'il en aura écrit à v. m. Il y en avait un, qui n'est plus à présent en mon pouvoir; je m'en console dans l'espérance que le voyage de v. m. à Clèves me mettra à portée de lui faire ma cour, & de ne devoir cette satisfaction qu'à mon atta­ chement pour v. m. & au désir extrême que j'ai de l'en assurer moi-même. Je rougissais d'en avoir l'obligation à d'autres, & il me suffit que v. m. daigne le désirer pour que je fasse l'impossible pour y parvenir. V. m. doit bien croire que puisque le commencement des Insti­ tutions de physique ne lui a pas déplu, je vais presser la fin de l'impression, & j'espère les présenter à v. m., si j'ai le bonheur de la voir cet automne. Mais, sire, il faut que je vous dise que le cœur me saigne de voir le genre humain privé de la réfutation de Machiavel, & je ne puis trop rendre de grâces à v. m. de la bonté qu'elle a de m' excepter de la loi générale, & de m'en promettre un exemplaire; c'est le don le plus précieux que v. m. puisse me faire. Je ne crois pas que l'édition s'en achève en Hollande; mais 20

LE TTRE 242

Juillet

1740

j'imagine que v. m. en fera tirer quelques exemplaires à Berlin, & qu'elle n'oubliera pas alors la personne du monde qui fait le plus de cas de cet incomparable ouvrage; je ne connais rien de mieux écrit; & les pensées en sont si belles & si justes, qu'elles pour­ raient se passer des charmes de l'éloquence. J'espère que v. m. sera servie comme elle le désire, & que ce livre ne paraîtra point. Mr de Voltaire ira même en Hollande, si sa présence y est néces­ saire, comme je le crains infiniment; car les libraires de ce pays-là sont sujets à caution, & je puis assurer v. m. qu'il ne lui fera jamais de sacrifice plus sensible que celui de ce voyage; j'espère cependant encore qu'il pourra s'en dispenser. V. m. a sans doute bien des admirateurs qu'elle ne connaît point; mais je ne puis cependant finir cette lettre sans lui parler d'un des plus zélés, qui m'appartient de fort près, & que mr de Camas a vu ici; c'est mr du Chastellet2 , fils du colonel des gardes du grand duc; il a passé exprès à Bareith en venant de Vienne ici, pour avoir le plaisir de parler de v. m. & de connaître la princesse sa sœur3; il en est parti comblé des bontés que l'on a eues pour lui dans cette cour, & le cœur tout plein de Fédéric. Madame la margrave lui a donné un air de la composition de v. m.; nous l'avons fait exécuter, & je travaille à l'apprendre, car la musique de v. m. est bien savante pour un gosier français, & je ne désire­ rais de perfectionner le mien que pour chanter ses ouvrages, & ses louanges. V. m. est à présent occupée à recevoir les hommages de ses sujets de Prusse; mais j 'espère qu'elle est bien persuadée qu'on ne lui en rendra jamais de plus sincères & de plus respec­ tueux que celle qui a l'honneur d'être &c. A Bruxelles, ce 1 4 juillet 1 740 Imprimé d'après les Oeuyres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin 1 788) ,

xii. 3 0 1 -304. 1 Paul Heinrich Tilio von Camas, envoyé du roi de Prusse pour an­ noncer à Louis xv son avènement au trône.

2 Luc René, marquis Du Châtelet, au service successivement de la Flandre et de la Toscane. 3 Sophie Frédérique Wilhelmine de Prusse, margravine de Bayreuth, la plus aimable des sœurs du roi, plus tard très liée avec Voltaire.

21

LETTRE 24)

Août 1 740

243. à johann Bernoulli Je vous dois quelques reproches monsieur de la préférence que vous donnez à mr de Voltaire sur moi. Je suis bien sûre du plaisir qu'il aura à vous servir, mais je vous ai prévenu, car j'ai parlé de vous et de votre mérite à mr de Camas, envoyé de Prusse en France, qui a passé par ici pour nous voir, et qui y a resté quelques jours. C'est un des favoris du roi, et un homme de beaucoup de mérite. Il m'aurait été bien doux que vous eussiez été ici, car vous auriez fait connaissance avec lui. Je compte même aller voir le roi à Cleues s'il y vient assez tôt pour que son voyage cadre avec mes arangements. Je vous avoue que mon procès m'empêche de faire le projet d'aller à Berlin cette année, mais je compte bien y aller quelque jour, et si j'y al lais je serais charmée que vous pussiez être du voyage. Je vous avoue que je ne me console point que vous ne soyez point avec moi, et quand je pense à ce qui vous en a empêché, je conclus que la prudence humaine, et les bons pro­ cédés ne peuvent rien sur ces événements, et cela me ferait croire au fatum. Je ne suis point en commerce avec mr de Maupertuis. Il m'a fait un mal qu'il ne pourra jamais réparer et que je ne lui pardon­ nerai jamais en vous empêchant de venir ici, et j'ai été trop de ses amis pour conserver avec lui un commerce où il entrevoit beau­ coup de méfiance et de froideur. Mais tout le monde m'a mandé qu'il ne niait point à présent le livre de la Figure de la terre, et vous êtes je crois le seul avec lequel il s'en défende. Mr de V. est dans un commerce très vif avec lui dont je crois que la Prusse est l'objet. On me mande de Paris qu'il y va, mais je ne le puis croire. Mon livre n'est point encore achevé d'imprimer. Dès qu'il le sera j'aurai l'honneur de vous l'envoyer. Je ne sais si vous serez dédommagé du temps que vous mettrez à le lire, mais je compte plus sur votre amitié pour moi, que sur le livre. Mrs du Perou ne sont pas si mal qu'on l'avait dit. Il n'y a que leur chirurgien de tué. Leurs instruments, et leurs papiers ont été 22

Août 1 740

LETTRE 243

sauvés, et l'on dit que c'était une querelle particulière du chirur­ gien. Voilà les dernières nouvelles, j 'espère que ce n'en est pas une pour vous monsieur que les sentiments de considération avec lesquels je suis votre très humble et très obéissante servante à Bruxelles ce

2

e

août 1 740

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

BRETEUIL DU CHASTELLET

der Universitat Basel, pp.422-425.

L.la.684,

244. à Frédéric Il, roi de Prusse Sire, Si le bonheur de voir v. m. & de connaître celui que j 'admire depuis si longtemps n'était pas la chose du monde que je désire le plus, ce serait celle que je craindrais davantage. Ces deux senti­ ments se combattent en moi; mais je sens que le désir est le plus fort, & que quelque chose qui puisse en coûter à mon amour­ propre, j'attends l'honneur que v. m. me fait espérer avec un empressement égal àma reconnaissance. J'ai recours àvotreaimable Césarion1 , & je le supplie, lui qui me connaît, de bien dire à v. m. que je ne suis point telle que sa bonté pour moi me représente à son imagination, & que je ne mérite tout ce qu'elle daigne me dire de :flatteur que par mon attachement & mon admiration pour v. m. Croirez-vous, sire, qu'à la veille de recevoir la grâce dont v. m. veut m'honorer, j'ose lui en demander encore une autre? M. de Valory2 a mandé à mr de Voltaire, & les gazettes le disent presque, que v. m. honorera la France de sa présence3 ; je ne cherche point à pénétrer si le ministre & le gazetier ont raison; mais j 'ose repré­ senter à v. m. que Cirey est sur son chemin, & que je ne me conso­ lerais jamais, si je n'avais pas l'honneur d'y recevoir celui à qui nous y avons si souvent adressé nos hommages. J'ai prié mr de Kaiserling d'être mon intercesseur auprès de v. m. pour m'en obtenir cette grâce: les grandes âmes s'attachent par leurs bien­ faits, c'est là mon titre pour obtenir de v. m. la grâce que j ' en espère. 23

Août

LET TRE 244

1740

V. m. ne fait point sans doute de grâce à demi; ainsi j'ose espérer qu'elle ne mettra point de bornes à celle qu'elle m'accorde, & qu'elle me mettra à portée de profiter de tous les moments qu'elle daigne m'accorder; j'implore encore ici l'intercession de Césarion, avec lequel j'entre dans des détails que je n'ose faire à v. m. Je travaille à me rendre digne de ce que v. m. veut bien me dire sur l'ouvrage dont j'ai pris la liberté de lui envoyer le commen­ cement. Il est fini depuis longtemps, & j'espère le présenter à v. m. J'ai le dessein de donner en français une philosophie entière dans le goût de celle de mr Wolf, mais avec une sauce française. Je tâcherai de faire la sauce courte; il me semble qu'un tel ouvrage nous manque; ceux de mr Wolf rebuteraient la légèreté française par la forme seule; mais je suis persuadée que mes compatriotes goûteront cette façon précise & sévère de raisonner, quand on aura soin de ne les point effrayer par les mots de lemmes, de théorèmes, & de démonstrations, qui nous semblent hors de leur sphère quand on les emploie hors de la géométrie. Il est cepen­ dant certain que la marche de l'esprit est la même pour toutes les vérités; il est plus difficile de la démêler & de la suivre dans celles qui ne sont point soumises au calcul; mais cette difficulté doit encourager les personnes qui pensent, & qui doivent toutes sentir qu'une vérité n'est jamais trop achetée. Je crains de prouver le contraire à v. m. par cette énorme lettre, & que quelque vrai que soit mon respect & mon attachement pour elle, v. m. n'ait pas la patience d'aller jusqu'aux assurances que prend la liberté de lui en réitérer &c. à Bruxelles, ce

11

août

1 740

Imprimé d'après Oeuvres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin 1788), xii.304-307. 1 le baron von Keyserlingk. 2 Gui Louis Henri, marquis de Valory, ambassadeur de France à la cour de Prusse.

le mois suivant le roi fit un voyage incognito jusqu' à Strasbourg, voyage dont il envoya à Voltaire un récit fort spirituel en prose et en vers (Best.2 170). 3

Août

LE T T RE 24 5

1740

245. à Charles Augustin Ferio l, comte d' Argental Savez-vous mon cher ami qu'il est presque sûr que nous aurons le plaisir de vous voir au mois d'octobre? Mon procès me mène à Cirei pour cette indigne preuve, et cette preuve même me fera passer par Paris pour trouver les moyens de la reprocher, si tant est qu'il trouve un témoin. C'est ma seule ressource, n'ayant pu l'empêcher. Je pardonne à mon procès tous les maux qu'il me fait puisqu'il me procurera le plaisir de vous voir. Nous ne pourrons être qu'un moment à Paris, mais du moins ce moment nous le passerons avec vous. Je me fais aussi un grand plaisir de mener votre ami à Issi1 où j'espère qu'il sera bien reçu. Ce serait une belle occasion de donner Mahomet si vous en aviez un, nous le mettrions en train en passant, et on le représenterait à notre retour, car je compte que nous serons environ 2 mois à Cirey et que nous passerons par Paris à notre retour. Je ne puis vous dire le plaisir que je me fais de vous embrasser. Une grande revision qui se prépare recule encore ce plaisir de 2 mois, mais c'est beau­ coup de l'espérer. Dites je vous prie mille choses pour moi à madame Dargental et à l'autre ange 2 • Votre ami vous embrasse mille fois, pour moi vous savez que personne au monde ne vous aime plus tendrement. ce 2 1 août [ 1740] A Monsieur Monsieur Dargental conseiller au parlement rue de la Grange Bateliere A Paris vis à vis la rue de la sourdier. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 2

où habitait le cardinal Fleury. Pont-de-Veyle.

Août 1 740

LET T R E 246

246. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis Je ne sais point aimer, ni me réconcilier à demi, je vous ai rendu tout mon cœur, et je compte sur la sincérité du vôtre. Je ne vous ai point caché combien j'étais affligée d'être obligée de renoncer à l'amitié que j'avais pour vous, et je ne vous cache point le plaisir que je trouve à m'y livrer. Vous m'avez fait sentir combien il est cruel d'avoir à se plaindre de quelqu'un qu'on voudrait aimer, et qu' on ne peut se dispenser d'estimer. J'espère que je n'éprouverai plus avec vous que le plaisir que donne une amitié sans orage. La mienne pour vous n'en avait pas besoin, mais elle n'en est point affaiblie et il ne tiendra pas à moi de vous prouver combien les idées que vous aviez prises dans mon dernier voyage de Paris étaient injustes, et que personne n'aura jamais pour vous une estime plus véritable, et une amitié plus inviolable et plus tendre. dimanche

21

août [ 17 40]

Je vous félicite du bonheur que vous aurez sans doute quand vous recevrez cette lettre de voir F rédéric1 Marc Aurele, et de me donner de vos nouvelles quand vous serez revenu de votre extase. A Monsieur Monsieur de Maupertuis de l'Académie des sciences, &cc. &cc. à Vezel Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 12269, ff. 143-144.

1

Voltaire lui avait procuré une invitation à Berlin, où il devint le président de l'académie scientifique réorganisée par le roi .

247. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Vous ne pouviez monsieur me rendre un plus grand service que celui dont j'ai l'honneur de vous remercier. J'en sens toutes les difficultés, et je les sens avec plaisir puisqu'elles augmentent 26

Septembre z :740

LE TTRE 247

l'obligation que je vous ai. Je m'en acquitterai bien mal par un livre que je voudrais bien qui vous plût, et que je vous enverrai sûrement dès qu'il paraîtra. Mr de Voltaire ne laissera pas ignorer au roi de Prusse, un hom­ mage aussi flatteur que singulier. Je l'ai trouvé très bien à quelques longueurs près. Je crois qu'il doit vous mander le résultat de notre dissertation. Il vous fait mille compliments. Mr du Chas­ tellet joint ses remerciements aux miens, et je vous prie de rece­ voir ses compliments, et moi monsieur les assurances de tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre très humble, et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

Je crois que nous pourrions bien faire incessamment un petit voyage à Paris, et un à Cirei. à Bruxelles le I er 7

bre

1 740

Normandie A Monsieur Monsieur de Cideville conseiller du par­ lement de Rouën A Rouën Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, N ouv.acq.franç. 243 39, ff. 160- 1 6 1 . C 'est l a réponse à une lettre de

Cideville (Best. 2 1 6 5 a) annonçant à la marquise le succès de certaines démarches concernant les propriétés de m. Du Châtelet près de Rouen .

248. à Frédéric II, roi de Prusse Sire, Je ne sais ce qui m'afflige le plus, ou de savoir v. m. malade, ou de perdre l'espérance de lui faire ma cour; j 'espère qu'elle me saura gré du sacrifice que je lui fais, & que la présence de celui qui vous rendra cette lettre ( & que j'espère que v. m. ne gardera pas longtemps) lui prouvera mieux que tout ce que je pourrais lui dire le respect & l'attachement avec lesquels je suis &c. A Bruxelles, ce 8 sept. [ 1740] 27

Sep temhre z 740 Imprimé d'après Oeuvres pos­ thumes de Frédéric II (Berlin I 78 8),

xii.3 12. Cette lettre, de la dernière froi­ deur, et qu'on ne peut guère conce­ voir adressée par un particulier à un autre roi au dix-huitième siècle, s'explique pa r l'invitation aussi peu courtoise qu' enthousiaste de F ré­ déric: 'S 'il faut qu'Emilie accom­ pagne Apollon, j'y consens, mais, si je puis vous voir seul, j e préfère­ rai infiniment le dernier' (Best.

L E T T R E 248 2 150). Dans ces conditions Emilie naturellement laissa partir Apollon seul, et les deux hommes eurent leur première rencontre à Moyland, près Clèves, le 1 1 septembre. Pau­ vre Apollon! qui croyait que le roi y était venu pour le rencontrer! En vérité Frédéric était dans le pays pour surveiller ses p remières actions militaires. Le 14 Voltaire quittait le roi, et le même jour les forces de ce dernier prenaient Maaseyk.

249. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis lundi 1 2 [septembre 1 740] Je ne suis pas assez ennemie de moi-même monsieur pour vous avoir rien caché de ce que je savais des marches du roi, si j 'avais pu espérer de vous retenir ici, mais je ne savais autre chose, sinon que j'aurais le bonheur de le voir ici. Les dates m'étaient incon­ nues, et comme il devait aller à Vezel auparavant, et que sans son voyage de Strasbourg que j 'ignorais il y serait arrivé beaucoup plus tôt, je ne croyais pas que vous l'y attendissiez plus de 2 ou 3 jours. Souvenez-vous je vous prie que mr de V. et moi nous vous dîmes plusieurs fois que s. m. ne devait être que le 1 8 à Francfort sur le Main, et qu'elle ne serait pas à Cleues avant le 2 3 ou le 24. Nous n'en savions pas davantage pour les dates. Le reste était inutile, or puisque nous ne pûmes pas même obtenir 24heures de plus, jugez si nous pouvions espérer de vous retenir par des espérances, qui effectivement ont été trompées et qui ne nous donnaient rien de positif pour le temps. Vous voyez monsieur par mon empressement à me justifier d'un si petit tort qui n'est qu'apparent combien je suis devenue incapable d'en avoir jamais avec vous, car je veux bien que vous croyez que j'en ai eu, puisque la façon dont vous les oubliez m'est une nouvelle preuve, et un nouveau gage de votre amitié. 28

L E TTRE

249

Septemhre z 740

Je crois que vous ne doutez pas que je n'aie été bien sensible­ ment affligée et de la maladie du roi et de l'espérance de le voir. C'est assurément une des privations les plus sensibles que je pusse éprouver. J'ai eu bien des sortes de regrets en voyant partir mr de V. et le roi doit me savoir gré de ce sacrifice qui est grand de plus d'une façon, puisque j'ai bien senti qu'il m'ôtait toute espérance de voir le voyage des Pays Bas renoué. J'espère qu'il me renverra bientôt quelqu'un avec qui je compte passer ma vie, et que je ne lui ai prêté que pour très peu de j ours. Vous allez sans doute reprendre le chemin de Berlin avec le roi. Je suis bien fâchée de ne vous avoir pas revu, car j'avais bien des choses encore à vous dire. J'ai envoyé mon livre à s. m. par m r de V. C'est le seul exem­ plaire qui soit sorti des mains de Praut. Salmon continue ses diffi­ cultés, et avant qu'elles soient levées je crois qu'il se passera bien du temps, ainsi si vous vouliez me faire le plaisir de le lire, le roi aura la bonté de vous le prêter, car je crois qu'il ne lira guère. Je recevrais encore vos avis à temps, et je ferais faire des cartons, s'il y en a à faire. Surtout j e vous prie de me mander si vous trouvez ce que je dis sur Koenig dans la préface, bien, et suffisant, et si vous voudriez quelque chose de plus dans l'avertissement du libraire. J'ai dit la vérité dans l'un et dans l'autre, car vous avez dû voir par les aveux que je vous ai faits que je ne sais point la déguiser, même quand elle m'est contraire. Je l'ai adoucie à l'en­ droit de Koenig. Il y avait, par un homme qui a été quelque temps à moi, mais m r de V. a voulu que je misse cher_ moi et je n'ai pu le refuser. Mr de Camas vient de m'ôter le peu d'espérance qui me restait de voir le roi. J'en suis au désespoir. Je vous remercie du désir que vous aviez de me voir à Anuers. Mr de Camas me l'a dit, et encore autre chose qui m'a fait grand plaisir et dont je ne dirai mot. Je vous prie songez à m r Bernouilli. Le roi peut me le pro­ curer [?pour] un an. Je veux vous en avoir l' obligation. Je lui ai mandé que je vous prierais de le demander. Adieu, la poste me presse, j 'espèr� qu'à force de vous aimer vous n'en douterez plus.

Septembre z 740

LE TTRE 249

Vesel A Monsieur Monsieur de Maupertuis dans la suite du roi A Vesel Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 12269, pp. 4 15-4 17.

250 .

à Pierre Louis Moreau de Maupertuis

Je vous envoie monsieur une lettre que m. de Bernoulli m'a adressée à Bruxelles pour vous. Je ne sais si ma dernière lettre vous aura trouvé, je vous y demandais des conseils qui arriveront encore à temps si vous voulez me les donner. Je suis bien curieuse de savoir si vous avez lu mon livre, et ce que vous en pensez. Je vous sais un peu mauvais gré de n'avoir parlé à personne dans vos lettres des bontés singulières dont le roi a daigné hono­ rer mr de V. pendant son voyage à Cleues. Cela aurait fait un bon effet, et je vous prie de le réparer à l'occasion1 • Vous sentez aisé­ ment mes raisons et vous voyez que je vous parle entièrement sur le ton de notre ancienne amitié. J'espère m'en aller d'ici le 3 0. Je vais passer huit jours à Fontainebleau. Donnez-moi je vous prie des nouvelles de la fièvre du roi, vous savez combien je m'y inté­ resse. Adieu monsieur. Ecrivez-moi rue Couture S te Catherine, on me donnera, ou me renverra votre lettre. Je vois beaucoup monsieur de Vernique et j'ai tout lieu de m'en louer.

ce 9 g bre [ 1 740] Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr.12269, ff. 148-149. 1 la marquise, qui était pourtant capable de la plus extrême méfiance,

30

fait preuve ici de quelque naïveté: Voltaire avait rendu un service si­ gnalé à Maupertuis, et Maupertuis était devenu son ennemi.

Octobre

L ETTRE 2 5 J

1740

25 z . à Frédéric JI, roi de Prusse Sire, J'ai partagé bien sensiblement le plaisir que mr de Voltaire a eu d'admirer de près le Marc Aurèle moderne; les lettres qu'il m'écrit ne sont pleines que des louanges de v. m., & du bonheur qu'il a à passer ses jours auprès d'elle. J'ai pris le temps qu'il est occupé à exécuter en Hollande les ordres de v. m., pour venir faire un tour à la cour de France, où quelques affaires m'appelaient, & où j'ai voulu juger par moi­ même de l'état de celles de mr de Voltaire; il a eu l'honneur d'en parler à v. m.; il n'y a rien de positif contre lui; mais une infinité de petites aigreurs accumulées peuvent faire le même effet que des torts réels. Il ne tiendra qu'à v. m. de dissiper tous les nuages, & il suffirait que mr de Camas ne cachât point les bontés dont v. m. l'honore, & l'intérêt qu'elle daigne prendre à lui; je suis bien cer­ taine que cela suffirait pour procurer à mr de Voltaire un repos dont il est juste qu'il jouisse & dont sa santé a besoin. Je ne doute pas que v. m. ne lui donne cette nouvelle marque de ses bontés, & qu'elle ne fasse aujourd'hui par mr de Camas ce qu'elle daigna faire par mr de la Chétardie dans un temps où nous n'osions pas même en prier v. m. Louis xn disait qu'un roi de France ne devait pas venger les injures d'un duc d'Orléans; mais je suis persuadée que v. m., faite pour surpasser en tout les meilleurs rois, pense qu'un roi de Prusse doit protéger ceux que le prince royal hono­ rait de son amitié. Je suis bien affligée de me trouver à une autre cour que celle de v. m.; j'espère toujours que je pourrai satisfaire quelque jour le désir extrême que j'ai de l'admirer moi-même, & de l'assurer de vive voix du respect et de l'attachement avec les­ quels je suis &c. A Fontainebleau, ce Imprimé d'après

thumes de Frédéric.

xii. 307-309.

II

10

octob. 1740

Oeuvres pos­ (Berlin 1788), 31

Octobre z 740 2 52 .

LETTRE 2 5 2

à Pierre Louis Moreau de Maupertuis à Fontainebleau ce 22 g bre [ 1740]

Il ne peut jamais monsieur vous arriver tant de biens que je vous en souhaite. Je ne sais cependant plus ce qu'on peut vous sou­ haiter si vous joignez à votre mérite le contentement d'esprit qui est ce me semble la seule chose qui vous ait jamais manqué. Il était réservé à Federic1 de faire ce miracle, vous êtes à présent à ce que m'a dit mr de Camas dans le Remusberg d'où nous avons reçu tant de marques de bonté du prince qui fait aujourd'hui l'atten­ tion de l'Europe. Je suis ravie qu'il aime encore ce lieu qu'il a si longtemps habité, il me semble que c'est une assurance de plus pour les gens pour qui il a eu des bontés. Je suis ici depuis 1 5 jours, et je pourrais bien y passer le reste du voyage à peu près, et être ensuite trois semaines ou un mois à Paris, pour retourner plaider dans mes marais de Bruxelles, où j'attendrai que les beaux jours ramènent le voyage de Cleues. C'est par bonté pour moi que le roi ne vous a point montré mon livre. On me mande de Berlin qu'il y passe pour constant que Koenig me l'a dicté. Je n'exige sur ce bruit si injurieux d'autre service de votre amitié que de dire la vérité, car vous savez que mon amour-propre est aisé à contenter et que je ne rougis point d'avouer la part qu'il y a eue. La seule chose dont j'ai à rougir c'est d'avoir la plus petite obligation à un si malhonnête homme. Je viens de lire des Elemens de géographie qu'on peut intituler tome second de l'examen &c. et dont cette fois-ci je n'ai pas méconnu l'auteur2 • J'y ai trouvé bien des bonnes choses bien ins­ tructives et bien déduites, et je voudrais qu'il en parût souvent de la même main. Dès que ce livre, qui assurément ne me fera jamais autant de plaisir qu'il m'a fait de chagrin, paraîtra, c'est à dire dès que je serai partie de Paris, je vous l'enverrai, quoique je sache combien il est au-dessous de vous, et combien il mérite peu vos regards, mais il me semble que c'est une occasion de plus de vous prouver la vérité des sentiments de mon cœur pour vous. 32

L E TTR E

252

Octobre

1740

M r du Chastellet vous fait mille compliments. Je vous prie de dire à m. Algarotti que je l'aime malgré son silence. Il gèle ici tous les matins, mais pas si fort qu'à Tornéa. A Monsieur Monsieur de Maupertuis de l'Académie des sciences à Berlin Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr.12269, ff. I 5 0-15 I .

1 l e roi lui-même signait toujours Federic, forme qu'il trouvait plus mélodieuse que Frédéric. 2 Maupertuis.

2 53. à Louis Franço is Armand Du Plessis, duc de Richelieu à Paris ce 23 novembre [ 1 740] J'ai été cruellement payée de tout ce que j 'ai fait à Fontainebleau. J'ai ramené à bien l'affaire du monde la plus difficile, je procure à m r de Voltaire un retour honorable dans sa patrie, je lui rends la bienveillance du ministère, je lui rouvre le chemin des académies, enfin je lui rends en 3 semaines tout ce qu'il avait pris à tâche de perdre depuis six ans. Savez-vous comme il récompense tant de zèle et tant d'attachement? En partant pour Berlin il m'en mande la nouvelle avec sècheresse sachant bien qu'il me percera le cœur, et il m'abandonne à une douleur qui n'a point d'exemple, dont les autres hommes n'ont pas d'idée et que votre cœur seul peut com­ prendre. Je me suis échauffé le sang à veiller, j'avais la poitrine en mauvais état, la fièvre m'a pris, et j 'espère finir bientôt comme cette malheureuse madame de Richelieu, à cela près que je finirai plus vite, et que je n'aurai rien à regretter, puisque votre amitié était un bien dont je ne pouvais jamais jouir. Je retourne finir à Bruxelles, une vie où j 'ai eu plus de bonheur que de malheur, et qui finit d'elle-même dans le temps où je ne pouvais plus la sup­ porter. Croirez-vous que l'idée qui m'occupe le plus dans ces 33 3 (II)

Novemhre 1740

L ET T RE 2 5 J

moments funestes c'est la douleur affreuse où sera m. de Voltaire quand l'enivrement où il est de la cour de Prusse sera diminué. Je ne puis soutenir l'idée que mon souvenir fera un jour son tour­ ment, tous ceux qui m'ont aimée ne doivent jamais le lui repro­ cher. Au nom de la pitié et de l'amitié écrivez-moi à Bruxelles tout simplement. Je recevrai encore votre lettre et s'il me reste encore de la vie j'y répondrai et vous manderai l'assiette de mon âme dans ces moments qui paraissent si terribles aux malheureux et que j'attends avec joie comme la fin d'un malheur que je n'avais ni mérité ni prévu. Adieu souvenez-vous toujours de moi et soyez sûr que vous n'aurez jamais de meilleure amie. Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Cal­ vet, Avignon, Ms. 2702, ff.38-39. Cette lettre a toujours été datée de 1743, mais il n' y a pas le moindre doute qu'elle fut écrite en 1 740. Voir, par exemple, l'allusion à mme de Richelieu, morte le 3 août 1 740,

allusion d'une insensibilité qui ne s'explique que par l'état voisin de la démence où se trouvait la malheu­ reuse femme avec très peu de j usti­ fication. Voltaire était effectivement auprès de Frédéric, mais pour quel­ ques jours seulement, et encouragé par Fleury.

254- à Johann Bernoulli J'ai envoyé monsieur il y a bien longtemps votre lettre à m. de Maupertuis. Mon voyage à Cirey est incertain, mais il est bien sûr que je n'aurai point l'honneur de vous voir s'il faut pour cela que je passe par Bâle. Je suis venue à Paris pour quelques affaires et vous voyez bien que cela m'en éloigne infiniment. Je pourrais plus facilement vous envoyer chercher de Cirei en cas que cela vous convient. Je ne sais si les choses que vous désirez sont faisables. Si j'étais à portée de voir s. m. p. je m'en informerais, mais je crois que m. de Maupertuis ne me laissera rien à faire auprès de lui pour votre service. Je crois que j'aurai l'honneur de le voir au prin­ temps prochain et je puis vous assurer que dans ce temps et dans tout autre je rechercherai avec empressement les occasions de

34

Novembre

L E T T R E 254

1740

vous marquer la parfaite considération avec laquelle je suis mon­ sieur votre très humble et très obéissante servante BRETEU IL DU CHASTELLET

Je ne sais si vous avez vu les Elemens de géographie qui sont de la même main que l'Examen désintéressé. Vous la méconnaîtrez tant qu'il vous plaira. ce JO 9bre 1 740

A Monsieur monsieur Jean Bernoully le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp.426-429.

Basel,

L.Ia.684,

255. à fohann Bernoulli [ vers le 5 décembre I 740] Je compte voir le roi de Prusse incessamment monsieur, et je ne désire d'avoir quelque voix sur le choix des académiciens dont il veut composer un corps digne de faire le second tome de celui de Paris, que pour faire rendre justice à votre mérite. Mr de Mau­ pertuis qui est actuellement à Vesel vous servira peut-être plus utilement que moi, mais pas sûrement avec plus d'envie de vous marquer l'estime et l'amitié que j'ai pour vous. Je compte aller à Cirey vers le mois d'octobre et d'y passer 2 ou 3 mois. Je serais infiniment flattée que vous pussiez y venir passer ce temps avec moi, et j'ai bien envie de prier le roi de Prusse de mettre cette condition dans le marché. J'ai encore parlé de vous à mr de Camas qui a passé par ici en allant de Paris à Cleues, et je ne doute pas que vous n'alliez à Berlin, trouver un roi qui aime et protège tous les arts, et qui sait connaître et récompenser le mérite. J'ai vu m r de Maupert1:1is en passant ici. J'ai eu pour lui une amitié trop véritable pour avoir pu le revoir sans me raccommoder avec lui.

35

Décembre

1740

LETTRE 25 5

Je souhaite seulement que le retour de mon amitié lui ait fait autant de plaisir que j'en ai eu à la lui rendre. Je suis bien sûre qu'il a fait le livre de la figure de la terre depuis que je l'ai vu. J'aurai encore le temps de recevoir votre lettre ici. Adieu mon­ s[ieur,] comptez toujours sur les sentiments avec lesquels je suis votre h. et t. ob. serv• BRETEUIL nu CHASTELLET A Monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia. 684, pp.430-43 3 . C'est de cette époque environ que doit dater la lettre d'Helvétius à mme D u Châtelet (Best.2201 ) dans laquelle il 1 ui annonce qu'il a été malade, et il ajoute: 'Le premier

usage que je fais de ma nouvelle vie est de vous écrire et de vous mander que j'ai vu mr de Buffon. Il pense et parle comme il le doit de votre ou­ vrage, il le trouve écrit avec clarté, ordre, netteté, précision dans les mots et les idées, enfin il trouve admirable tout ce qui est à vous dans votre ouvrage.'

2 56. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis Je croyais monsieur que de Paris à Berlin la portée des tracasse­ ries était passée. Je ne sais ce que c'est que celle que l'on veut me faire avec vous, tout ce que je sais c'est que j'ai trouvé si établi à Paris que vous étiez l'auteur de l'Examen que je me serais fait rire au nez si j'avais dit le contraire, et j'en étais fort loin, car il y a peu de choses dont je sois plus persuadée surtout depuis que j'ai eu l'honneur de vous voir. Je ne connais mr de Cassini que par un livre très mal écrit qu'il vient de donner et par votre querelle, ainsi je suis bien éloignée de prendre son parti . Il me semble que vous devez être content de tout le monde. Je n'aime que trop mes amis, et je l'ai éprouvé, par la peine que m'a fait la cessation de votre amitié lorsque j'ai eu lieu de la craindre et du plaisir que j'aurai si vous m'aimez toujours un peu. à Bruxelles ce 2 3 dbre I 740

Décembre z :740

LETTRE 2 5 6

On a dû remettre de ma part à Paris à m. de Chambrier un exemplaire de mon ouvrage pour vous, j'espère qu'il trouvera le moyen de vous l'envoyer un peu vite. Suivez-vous le roi et son armée? pr Wesel Allemagne A Monsieur Monsieur de Maupertuis des académies des sciences de Paris, de Berlin, de Londres &cc. A Berlin Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 1 2269, ff.1 52- 1 5 3.

257. à Frédéric II, ro i de Prusse Sire, Mon devoir & mon attachement pour v. m. m'ordonnent égale­ ment de l'assurer de mon respect au commencement de la nou­ velle année. C'est avec ces sentiments que je serai toute la vie &c. A Bruxelles, le 24 décembre 1 740 Imprimé d'après Oeuvres pos­ II (Berlin 1788), xii. 309. thumes de Frédéric

258. à Louis François Armand Du Plessis, duc de Riche lieu à Bruxelles le 24 [décembre 1740] . . . J'y ai essuyé les deux seuls malheurs dont mon cœur fût suscep­ tible, celui d'avoir à me plaindre d'une personne pour qui j'ai tout quitté et sans q1:1i l'univers si vous n'y étiez pas ne serait rien à mes yeux, et celui d'être soupçonnée par mes meilleurs amis mêmes 37

Décemhre z 740

LETTRE 2 5 8

d'une action qui doit me rendre l'objet de leur mépris. Votre ami­ tié est la seule consolation qui me reste, mais il faudrait en jouir de cette amitié et je suis à 3 00 lieues de vous. Mon cœur n'est à son aise qu'avec vous, vous seul l'entendez et ce que les autres regardent en pitié comme une espèce de déraison vous paraît un sentiment qui l'est dans votre nature, s'il n'est pas dans la nature. Je ne sais pourquoi je vous ai avoué ce que je vous ai dit à Fontai­ nebleau. Ne cherchez point de raison à une chose dont je ne con­ nais pas bien la raison moi-même. Je vous l'ai dit parce que c'est la vérité et que je crois vous devoir compte de tout ce que mon cœur a senti; aucune réflexion [ne] l'aurait empêché, je me le reprocherais et je m'en repentirais si je ne croyais être sûre de votre caractère. C'est cette même certitude qui me fait me livrer sans crainte et sans remords à tous les mouvements de mon cœur pour vous. Sans doute le sentiment que j'ai pour vous doit être incompréhensible pour tout autre, mais il n'ôte rien à la passion effrénée qui fait actuellement mon malheur. On aurait beau me dire, cela est impossible j'ai une bonne réponse cela est, et cela sera toute ma vie quand même vous ne voudriez pas . . . . . . . On me mande de Paris que mon livre réussit, il ne me manque que de voir sentir son succès. Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Cal­ vet, Avignon, Ms.2702, ff.3 3-34.

259 . à Charles Augustin Feria !, comte d'Argental Je vous assure mon cher ami que depuis que je vous ai quitté j'ai été bien à plaindre, car j'ai joint à tout le chagrin de l'absence, une inquiétude affreuse sur les risques, et les suites d'un voyage tou­ jours très fatigant, mais que les débordements et la saison avaient rendu très périlleux. Il a été I2 jours sur l'eau puis dans les glaces de la Haie ici, je n'ai pu avoir pendant ce temps-là de ses nouvelles

38

LET TRE 259

Janvier 174 1

e t l a tête a pensé m'en tourner. Enfin i l est arrivé se portant assez bien à une fluxion sur les yeux près. Tous mes maux sont finis, et il me jure bien qu'ils le sont pour toujours. Le roi de Prusse est bien étonné qu'on le quitte pour aller à Bruxelles, il a demandé 3 jours de plus, votre ami les a refusés. Je crois qu'il est plus Alphonse que personne par le cœur, il ne conçoit pas de certains attachements, il faut croire qu'il en aimera mieux ses amis. Il n'y a rien qu'il n'ait fait pour retenir le vôtre, et je le crois outré contre moi, mais je le défie de me haïr plus que je l'ai haï depuis deux mois. Voilà vous me l'avouerez une plaisante rivalité. Votre ami vous écrit, il jure que vous avez dû avoir 2 lettres de lui depuis qu'il m'a quittée, mais je crois que vous aurez bientôt les correcti ons que vous demandez, et bien d'autres. Il craint pour le succès de Ma homet, il le croit trop fort pour nos mœurs. Le miracle de la fin, et nos petits maîtres sur le théâtre le font trembler. Il voulait la faire imprimer, mais ce n'est pas mon avis car j 'en espère beau­ coup. Il a fait avoir à Tiriot une pension du roi, c'est toujours bien fait de faire le bien, mais il ne fera que le rendre plus ingrat. Il n'a point d'espérance pour les bustes1 , ce roi ne veut acheter à présent que des canons, et des Suisses. Je ne crois pas qu'il y ait une plus grande contradiction que la démarche de la Silesie, et l'anti Machiavel, mais il peut prendre tant de provinces qu'il vou­ dra pourvu qu'il ne me prenne plus ce qui fait le charme de ma vie. Je suis véritablement touchée du sort de vos amis2 , je les connais et je les aime. Qu'est-ce donc que cette sœur qui les tourmente? il faut qu'elle soit bien déraisonnable. J'ai écrit à madame Dussé. Je vous prie de dire à m. Dussé combien je m'intéresse à son état. Je lui ai envoyé mon livre, il sera venu assez mal à propos, mais je ne prévoyais pas ce triste accident. Je suis ravie que vous soyez un peu content du style de mon avant-propos, et je désire que vous ayez la patience de lire le reste et de me mander ce que vous pensez de la métaphysique. C'est à présent à votre ami à vous envoyer des antimachiavels. Je crois qu'il n'en a plus. S'il avait le ballot qui a été confisqué m. du Chastelet vous le porterait. Pour le Charles 12 il 1:i' est pas encore imprimé, mais vous l'aurez d'abord. Je demande la réponse des [ . . . ] à cor et à cris. J'espère enfin que 39

Janvier z 74 z

L E T T R E 259

je l'aurai. Dites à madame Dargental combien je suis touchée des marques de son amitié et combien je la mérite et la désire. Adieu mon cher ami, aimez-moi à présent et toute ma vie, car on ne peut plus se passer de votre amitié quand on a une fois goûté ses charmes. Mille choses à m. votre frère. ce 7 janvier 174 1 Argalotti est comte. J'espère que nous verrons bientôt Mau­ pertuis duc. L'Algarotti vient à Paris, je crois que ce n'est pas pour y rien faire mais ce n'est qu'une conjecture. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 mme d'Argental avait hérité douze bustes d'empereurs romains,

2 60

qut elle avait voulu vendre à Fré­ déric. 2 le marquis d' Ussé et sa femme, Anne Théodore Françoise de Car­ voisin .

à Bonaventure Moussinot

Je vous rends bien des grâces monsieur de la jolie commission que vous avez bien voulu m'envoyer. J'en suis très contente, et j'imagine qu'une demi-heure employée à notre premier voyage de Paris à le retoucher sur la personne même, le rendra parfait autant qu'un profil peut l'être. J'espère qu'à présent que vous avez le portrait vous voudrez bien faire travailler à la miniature de ma bague. Je vous laisse le choix du peintre, et je ne le trou­ verai point cher quoi qu'il puisse coûter s'il est bien ressemblant, mais je vous supplie que le visage ne soit point trop grand par proportion à la place et de le faire mettre dans la bague avec une petite glace de façon qu'il ne puisse plus tomber. Je vous prie aussi de me faire faire une demi-douzaine de copies de celui de Barier, 3 en vert, et 3 comme celle que vous avez envoyée pour modèle et qui est très bien. Vous me les enverrez non montées avec la bague par une voie que je vous indiquerai.

Février 1 74 z

L E T T R E 260

Je suis ravie de trouver cette occasion de vous assurer de tous les sentiments avec lesquels je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET e à Bruxelles le 17 février 1741 A Monsieur Monsieur l'abbé Moussinot cloître St Merry A Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

261 .

à James J urin

Je crois devoir, monsieur, à votre mérite, et au cas infini que j'en fais, de vous soumettre une dispute qui m'a fourni l'occasion de vous donner une marque publique de mon estime, et dans laquelle vous êtes intéressé par le poids que vous donnez aux sentiments que vous favorisez. M. de Mairan n'aura pas manqué sans doute de vous envoyer la lettre dont je joins ici la réponse. Je crois que vous me pardon­ nerez plus aisément que lui de n' être pas de votre avis, quoi que je m'imagine cependant que vous n'exigeriez pas de moi que j'esti­ masse la force des corps par ce qu'ils ne font point. Je suis bien loin de me croire destinée à terminer une dispute si fameuse, mais je me suis senti une vocation toute particulière pour détruire le beau paradoxe sur lequel roule tout le mémoire que mr de Mairan donna en 1728 à l'Académie des sciences de Paris sur les forces vives. Quelque jugement que vous portiez entre nous monsieur, j'aurai toujours tiré de cette dispute l'avantage de vous dire moi­ même avec quelle considération j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble, et très obéissante servante La marquise DucHASTELLET à Bruxelles le 17 février 174 1 M. de Voltai_re qui est ici avec moi, me prie de vous faire mille très humbles compliments de sa part.

Février 174 1

L E T T R E 26 1

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, collection du capitaine A. K. Totton, Londres. James Jurin, médecin et physi­ cien, est connu surtout pour ses efforts à faire de la physiologie une science exacte. Le I 9 Cideville écrivait à la mar­ quise (Best. 2276) pour la remercier des /ns titu tions: 2 62.

Lecteur, ouvrez ce docte écrit; La physique pour vous quitte son [air sauvage, Et vous devinerez à son charmant [langage Que c'est Vénus qui vous ins­ [truit ... .

à Pierre Louis Mo reau de Maupertuis

Si la petite querelle que vous m'avez faite monsieur est une marque de votre amitié, elle me devient chère, et je vous en remercie. J'espère que m. de Chambrier vous aura fait tenir mon livre. Je lui en ai fait remettre aussi un exemplaire pour mr de Keizerling et un pour mr Jordan, auxquels je vous prie de le dire. J'espère que vous m'en manderez votre avis, vous êtes accoutumé à m'ins­ truire et je mérite que vous continuiez puisque je recevrai vos avis avec autant de docilité que de reconnaissance. Je parle dans un chapitre de mon livre de la force des corps et j'examine dans ce chapitre quelques raisonnements du mémoire de m. de Mairan dont je crois vous avoir parlé dans quelques-unes de mes lettres pendant que vous étiez à S t Malo en 173 8. On me mande aujour­ d'hui de Paris que m. de Mairan m'a répondu1 • Si vous voulez je vous enverrai sa réponse. Je suis à la suite de mon maudit procès, qui me tourne la tête, et qui fait grand tort à la géométrie et à la métaphysique. Je crois que pendant les absences du roi vous résolvez bien des problèmes. Je voudrais être digne que vous me fissiez part de vos occupa­ tions, mais j'aurais besoin de votre présence pour en profiter. Soyez je vous prie bien sûr que je serai toute ma vie la même pour vous, et que j'avais espéré et que j'espère encore que les petits nuages qui ont été entre nous ne serviront qu'à resserrer une amitié qui me sera toujours chère. M. de Voltaire vous fait les plus tendres compliments. à Bruxelles ce 24e février 1741 42

Février z 74 z

LE T T RE 262

Allemagne A Monsieur Monsieur de Maupertuis de l'académie des sciences &c A Berlin Imprimé d'après le manuscrit au­ togra phe, Bibliothèque nationale, Fr. 1 2269, ff. 1 5 4- 1 5 5 . 1 Lettre de M. de Mairan . . . à

Madame * * * sur la question des forces vives, en réponse aux ohjections qu , elle lui fait sur ce sujet dans ses institu­ tions de physique (Paris 1 74 1 ).

263. au comte Francesco Algarotti A Bruxelles ce

I

mars 174 1

J'aurais bien quelques reproches à vous faire, monsieur, de me laisser apprendre par les nouvelles publiques les lieux que vous habitez. Vous devez être bien sûr que je m'intéresse trop à vous pour ne pas mériter que vous m'en instruisiez vous-même. Vous me prodiguez vos rigueurs depuis que vous avez quitté l'Angle­ terre. J'ai cependant appris avec plaisir, et avec reconnaissance par mr de Beauveau1 et par mr de Voltaire que vous vous souve­ niez de moi quelquefois, mais il serait plus agréable et plus sûr de l'apprendre par vous-même. Vous voilà sur les confins de votre patrie, mais j'imagine que vous ne pénétrez pas plus avant; et comme je ne sais ni combien [de temps] vous resterez à Turin, ni quel lieu de l'Europe vous favoriserez ensuite de votre présence, je prends le parti d'envoyer cette lettre à mr de Keïserling; ce serait le chemin des écoliers, si ce n'était le plus sûr. Nous nous étions flattés pendant quelque temps de vous voir ici. S. m. avait mandé à mr de Voltaire que vous comptiez aller à Paris, et nous nous trouvions le plus joliment du monde sur votre chemin. J'espère que si cette bonne idée vous reprend, vous n'ou­ blierez pas de passer par Bruxelles. Les Institutions de physique voudraient bien vous rendre leurs hommages, mais elles ne savent où vous attraper. Il y en avait un exemplaire pour vous à Paris chez mr de Chapi.brier; quand nous apprîmes que vous deviez y faire un tour, je fis retirer l'exemplaire. Un de mes amis de l'Académie 43

Mars z74 z

LETTRE 263

des sciences comptait vous le présenter lui-même à Paris; mais je suis à présent toute déroutée. J'espère que vous voudrez bien me mander où vous voulez leur donner audience. J'ai vu dans les gazettes que vous avez passé à Berne. Je ne doute pas qu'un nommé Koënig qui y est, n'ait cherché à vous faire sa cour, et peut-être à obtenir votre protection pour être de l'Aca­ démie de Berlin; mais je compte trop sur votre amitié pour vous laisser ignorer, que c'est un homme qui ayant été à moi pendant quelque temps, a eu avec moi des procédés infâmes, et que j'ai les sujets les plus graves de me plaindre de lui. Mr de Maupertuis le sait bien, il en a été témoin; j'espère que vous ne voudrez point accorder votre protection à un homme qui en est indigne de toutes façons, et qui de plus a manqué à tout ce qu'il me devait. Je crois avoir assez de droits à votre amitié pour espérer que vous ne rendrez pas service à quelqu'un qui d'ailleurs vous est inconnu; car s'il vous l'était, je ne craindrais pas que vous vous intéressas­ siez pour lui. Monsieur de Voltaire vous fait ses compliments les plus tendres; nous espérons que vous renouerez quelque jour ce commerce si agréable; et nous sommes bien sûrs que son interruption n'a point altéré votre amitié. Pour nous soyez bien persuadé, monsieur, que quelque lieu que vous habitiez, je serai toujours la personne du monde qui m'intéresserai le plus véritablement à vous. Imprimé d'après Opere del conte Algarotti (ed. novissima, Venezia 1 794), xvi.58-6 1 .

2 64.

1 Charles Just de Beauvau, prince de Beauvau Craon.

à Charles Augustin Feria!, comte d' Argental ce 2 2 mars [ 174 1]

Mon cher ami vous ne pouvez me donner aucune marque d'amitié que je ne mérite par mes sentiments pour vous. Je suis infiniment sensible à l'attention que vous avez eue de me donner de vos nou­ velles, ce sera une grande joie quand nous recevrons quelques 44

L ETTRE

Mars 174 1

264

lignes de votre écriture car ce sera signe que vous êtes tout à fait guéri. Cependant ne vous pressez pas de nous donner cette satis­ faction mais faites-nous savoir par votre aimable secrétaire 1 les progrès de votre guérison. J'ai gagné depuis que je ne vous ai écrit un incident de mon procès qui tend à l'abréger mais qui recule pour le présent le plaisir que j'aurais de vous voir ce prin­ temps. Du moins je le crains bien, je sens à merveille que la cir­ constance est favorable, mais vous savez ce que c'est qu'une femme, et qu'il lui faut toujours une raison suffisante et osten­ sible pour voyager. Je sens que Mahomet y perd presque autant que moi. Peut-être le temps nous fournira-t-il quelque conjec­ ture favorable. J'ai vu dans la gazette la mort de madame de Mai­ nieres 2 . Est-ce la femme de notre ami? Mandez-le-moi car je veux lui écrire mon compliment, je crois qu'il n'est pas de condoléance. Mr de Mairan m'a fait l'honneur de m'écrire une lettre que vous aurez vue sans doute, je voudrais bien savoir un peu ce qu'on en dit dans le monde. Je ne sais encore si je lui répondrai, mais je sais bien que je suis très honorée d'avoir un tel adversaire. Il est heau même d'en tomber, et cependant j'espère que je ne tomberai pas. Vous ne pouvez vous figurer combien je suis ravie que vous ayez le courage de lire mon livre, et combien je suis :flattée que vous l'entendiez. Je vous assure que je le croirais bien mauvais si vous ne l'entendiez pas. La façon dont je vis avec celui3 qui vous a adressé un mémoire contre moi doit rassurer mes adversaires. On ne peut pas un plus grand contraste dans les sentiments phi­ losophiques ni une plus grande uniformité dans tous les autres surtout dans ceux qui nous attachent à vous, et comme nous ne voulons point séparer ce que l'amour a uni ainsi votre secrétaire sera de moitié si elle veut bien. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 mme d' Argental.

l'épouse du président. Voltaire, comme nous l'avons vu, était anti-leibnizien. 2

3

45

Mars z :74 1

L E T T RE 26 5

2 65. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis ce 22 mars [ 174 1] Ne trouvant point de moyen sûr monsieur de vous faire tenir le paquet ci-joint franc de port, je prends le parti de vous l'envoyer tout uniment par la poste. Je sais combien vous êtes au-dessus de ces misères, ainsi je me crois dispensée d'une plus longue excuse. Si vous n'avez point encore mon livre je serai désolée, il y a plus de 2 mois que j'en ai fait remettre 3 exemplaires à m. de Chambrier, un pour vous, monsieur, un pour mr de Keyserling, et un pour mr Jordan. Il serait étrange qu'il les eût gardés jusqu'à présent, et je ne le présume pas. Je me fais un grand plaisir de vous mettre des premiers à portée de juger par vous-même de la justice des reproches, et de la solidité des réponses que l'on me fait, dans la lettre ci-jointe. Je compte y répondre très promptement, car il me semble que cela n'est pas difficile. J'espère pouvoir faire impri­ mer ma réponse ici, et je vous l'enverrai dès qu'elle sortira de la presse. Vous êtes le seul qui soyez à portée de savoir si c'est m� de Koenig ou moi qui a fait la critique du mémoire de mr de Mairan, car je vous écrivis à S t Malo en 173 8, et longtemps avant que je susse si Koenig existait, à peu près les mêmes choses qui sont sur cela dans mon livre. Je ne vous rappelle cette anecdote que pour vous remettre le cas dans l'esprit et pour vous donner une idée du reste, car je ne compte en faire aucun usage. Vous savez l'histoire de l'errata si peu digne qu'il l'apprît au public et vous savez bien que Koenig ne le sut seulement pas, mais que la lettre que je vous avais écrite à S t Malo et qui contenait mes véritables sentiments sur les forces vives que j 'avais puisées dans l'étude que j'avais faite de l'excellent ouvrage de Jean Bernoulli, me paraissait faire un contraste avec cette note que je ne voulais pas laisser subsister, et vous devez bien aussi vous souvenir que je vous avais prié de l'effacer avant votre départ de Paris pour la Suisse, et par consé­ quent bien avant de connaître Koenig. Ainsi la malignité qu'il a cru mettre dans cette variation de mes sentiments en 173 8

L ETTR E 265

Mars 174 1

retombera sur lui. Enfin je vous ferai juge de ma réponse. Je n'ai pas le temps de vous en dire davantage, la poste va partir. Mr de V. vous fait mille tendres compliments. Vale. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 1 2269, ff. 1 56- 1 57.

2 66. à Jean Jacques Dortous de Mairan Bruxelles, 7 avril 1 74 1 J'ai cru devoir, monsieur, au cas infini que je fais de tout ce qui vient de vous la réponse 1 à votre lettre imprimée, que je joins ici. De quelque façon que le public décide je me tiendrai toujours honorée de disputer contre une personne de votre mérite. Je me flatte que la diversité de nos opinions n'altérera point l'estime que vous voulez bien m'accorder, comme elle ne changera jamais rien aux sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissante servante. Imprimé d'après The Collection of the autograph letters . . . formed by Alfred Morrisson ([London] 1 896)

2nd ser.iii. 1 89.

1 Réponse de madame * * * à la lettre . . . sur la question des forces vives (Bruxelles 174 1 ).

2 67. à Jean Anne Vincent de Larlan de Kercadio:, comte de Rochefàrt Lille, 24 avril [ 1 74 1 ] [Elle le réprimande de ne pas lui avoir envoyé les vers du duc de Nivernais 1 à madame de Rochefort2 . ] Nous sommes dans l'attente de Mahomet. Ce n'est point une infidélité que nous vous faisons. 47

Avril

1 74 1

L E T T R E 267

C'est une répétition pour vous la donner cet hiver, si vous avez des acteurs. M. de Bouflers prétend que le duc de Vilars y viendra. Si cela est, il faut qu'il se dépêche, car c'est pour mardi. Je vous supplie de dire à madame Du Defant que je lui donnerai des nou­ velles de l'effet qu'elle nous aura fait par la poste de mercredi. [Elle envoie ses salutations à son charmant cercle.] Votre très humble et très obéissante servante, BRETEUIL DU CHASTELLET

Imprimé d'après Lettres autogra­ phes comp osant la collection de m. Alfred BoYet (Paris I 887) i.267, no. 732. 1 Louis Jules Barbon Mancini­ Mazarini, duc de Nivernais.

2 Marie Thérèse de Brancas, com­ tesse de Rochefort; elle épousa le duc en secondes noces en 1782, et mourut la même année .

2 68. à johann Bernoulli Je ne sais monsieur à quoi attribuer votre silence depuis la lettre que je vous écrivis en partant de Paris l'hiver dernier. Je crains que votre santé n'ait été altérée, et vous ne devez pas douter de l'intérêt que j'y prends ainsi qu'à la nouvelle victoire que vous venez de remporter à l'Académie. Mon absence de Paris a été cause que mes ordres y ont été assez mal exécutés au sujet des Institutions phisiques. Vous étiez assu­ rément de ceux à qui je les destinais des premiers, et il se trouve cependant qu'on ne vient que de vous les envoyer. J'ai mis ce retardement à profit pour y joindre la lettre que ce dernier cha­ pitre de mon livre m'a attirée de la part de m. de Mairan, ma réponse à cette lettre, et l'ouvrage d'un m. l'abbé Deidier1 , enfant perdu de m. de Mairan, qui a mis son nom à un ouvrage contre m. votre père et contre moi, que m. de Mairan et lui ont composé ensemble. Ce sont là jusqu'à présent toutes les pièces du procès, et je crois que m. de Mairan n'a pas lieu d'être assez content du succès de la lettre pour vouloir répliquer. Quoiqu'il en soit, je

48

Avril

L ET T RE 268

174 1

sens combien on est fort avec elle. Il m'est glorieux sans doute de combattre contre le secrétaire de l'Académie, mais il me l'est sur­ tout de défendre une vérité que m. votre père semblait avoir mise à l'abri de toute atteinte. Son mémoire est comme un bouclier impénétrable à l'abri duquel je ne crains aucune attaque. C'est l'égide de Minerve. Le fond de la question ne paraît pas être ce qui intéresse beau­ coup m. de Mairan dans sa lettre, et j'ai été obligée de le suivre dans ma réponse pas à pas. Cependant vous verrez par l'ouvrage de m. Deidier qu'il n'était pas inutile de prouver de nouveau la fausseté du raisonnement de m. de Mairan dans son mémoire de 1 72 8 et de faire voir combien c'est une vision étrange de vouloir estimer la force des corps par ce qu'ils ne sont point. Vous devez vous souvenir monsieur qu'à Cirei m. de Voltaire vous montra une lettre de m. de Mairan dans laquelle, il disait que comme aucun adversaire n'avait répondu à son mémoire, il comptait qu'il avait terminé la querelle. C'était un motif bien différent qui avait empêché que m. votre père y répondît, mais pour moi, quelque aisé qu'il soit de faire voir la fausseté d'un raisonnement si pitoyable, j 'ai cru qu'il était encore assez glorieux pour moi de le détruire, et je vois par l'effet que ma lettre a produit, combien cela était néces­ saire. Je me flatte monsieur que cette petite querelle littéraire me rendra votre correspondance, vous savez combien elle m'est agréable, et combien je mérite votre amitié par tous les sentiments avec lesquels je suis, votre très humble, et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

J'ai ordonné que l'on envoyât aussi un exemplaire de mon livre à m. Daniel Bernoulli, et je vous prie de lui faire mille com­ pliments pour moi. M. de Maupertuis s'est perdu à la bataille de N euss2 , on n'en a point encore de nouvelles, et j 'en suis fort en peme. à Bruxelles le 28 avril 1 7 41 Imprimé d'après le manuscrit autographe, Offentliche Bibliothek

4 (II)

der Universitat pp.434-43 7.

Basel, L.la.684,

49

Avril 1

Nouvelle réfutation de l 'hypothèse des forces vives (Pari s 1 74 1 ). 2

LETTRE

1 74 1

c'est à la bataille de Mollwitz

268

que Maupertuis fut pris par les Au­ trichiens, qui le conduisirent à Vienne.

2 69. à Charles Augustin Feria (, com te d' Argental à Bruxelles ce

2

e

mai [ 174 1]

Ne me grondez pas, mon cher ami, voici le fait. Il a fallu faire passer ma réponse par la poste, et 500 exemplaires étaient diffi­ ciles à passer. Si j 'eusse pris une autre voie, j 'aurais essuyé les len­ teurs de la chambre syndicale, et la diligence était le plus impor­ tant de ma réponse. Si elle eût tardé, on eût dit que je l'aurais fait faire, et on n'en eût point senti les plaisanteries, parce que la lettre de Mairan à laquelle elles font toutes allusion, aurait été oubliée. J'ai donc été obligée pour la faire passer de me servir de toutes les voies possibles, or comme je ne voulais l'envoyer à personne en droiture que m. de Mairan ne l'eût eue, j 'ai été obligée d'attendre que m. du Chastellet, à qui j 'avais envoyé le paquet pour m. de Mairan et qui ne devait le donner que lorsqu'il aurait reçu un assez grand nombre d'exemplaires pour en donner à toute l' Aca­ démie, m'eût mandé que m. de Mairan l'avait. Voilà ce qui a retardé l'envoi de la vôtre que j'ai envoyée en droiture à m. votre frère. Tous mes amis et tous les ministres ont essuyé par la même raison le même retardement. Venons à la lettre elle même. Mairan est affiigé et cela est tout simple, il doit l' être d'avoir tort, et d'avoir mêlé du personnel dans une dispute purement littéraire. Ce n'est pas moi qui ai com­ mencé à y mettre des choses piquantes, il n'y a dans les institu­ tions que des politesses pour lui, et des raisons contre son para­ logisme, mais dans sa lettre il n'y a que des choses très piquantes pour moi, et aucune raison pour lui. Pouvais-je trop relever le reproche outrageant qu'il me fait de ne l'avoir ni lu, ni entendu, et d'avoir transcrit les simples résumés d'un autre? Y a-t-il rien de plus piquant et en même temps de plus injuste? J'ai senti toute 50

Mai

174 1

sa malignité, les discours de Koenig donnaient de la vraisem­ blance à ses reproches, et il n'a pas tenu à lui que je n'aie passé pour m'être parée des plumes du paon comme le geai de la fable. J'ai voulu le percer jusqu'au fond de l'âme, et je crois y avoir réussi. Il a la honte d'avoir mis de la mauvaise foi dans le fait, de l'impolitesse dans la forme, et des paralogismes dans le fond. Il est dans une situation cruelle, je l'avoue, car son silence est un aveu de son tort, et sa réponse ne ferait que montrer sa faiblesse. Il n'aura jamais le dernier [?mot] car je ne suis pas secrétaire de l'Académie, mais j'ai raison, et cela vaut tous les titres. Il fera très mal de ne pas répondre, mais n'ayant rien de bon à dire il ferait encore plus mal en répondant. Je suis fâchée pour lui qu'il m'ait imputé des choses si faciles à détruire. Je n'ai pas cité ses paroles, c'est à dire je n'ai pas cité toutes ses paroles, car je ne voulais pas transcrire 14 pages, mais tout ce que j'ai cité comme de lui se trouve, totidem verhis , dans son mémoire. Je l'ai prouvé à la pag. 7 de ma lettre, et si je n'avais craint d'ennuyer le lecteur je l'aurais prouvé en détail. Je ne désire aucune grâce de m. de Mairan ni aucun égard, qu'il réponde avec précision au dilemme que je lui ai fait aux pag. 1 7 et 2 1 de ma lettre, ou bien il se confesse convaincu d'avoir fait un paralogisme indigne d'un philosophe, il n'y a pas un 3 e parti. Je vous ai rendu compte de Mahomet, nous l'avons revu 2 fois et il m'a toujours fait le même effet. C'est ce que nous avons au théâtre de plus véritablement tragique. Mon avis serait que la Nouë le jouât à Paris. Si le public peut s'accoutumer à sa figure qui ressemble un peu à celle d'un singe, c'est le meilleur acteur qu'on puisse avoir. Ah mon cher ami que je vous ai regretté et désiré, que vous auriez pleuré, et que vous auriez eu de plaisir. Nous avons emporté la pièce, et les rôles. M. de V. est décidé à ne la point faire imprimer qu'elle n'ait été jouée à Paris. Votre lettre a fait des miracles sur cela, et je vous en remercie. Je suis véritablement affiigée des nouvelles que m. de Valory mande à son frère 1 à Lisle sur le pauvre Maupertuis. Il n'a point été tué à la bataille, mais il y a apparence qu'il a été tué par des paysans silésiens. Voici ce que m. de Valory mande. Il était allé

p

Mai z:74 1

joindre le roi à Brieg pour prendre congé de lui, et lui demander la permission d'aller voyager en Danemarck et en Islande, où il a toujours eu envie d'aller. Quand il a été arrivé à Brieg les ennemis ont fait une marche pour couper le roi, le roi s'est mis en marche de son côté, Maupertuis a été obligé de le suivre, il n'a pu retourner à Breslau dont la communication était coupée, il a été à la bataille toujours à côté du roi, qu'il n'a quitté que lorsque le roi a passé de l'aile droite qu'il commandait à l'aile gauche où commandait le maréchal Shuerin2 , et qui commençait à plier. Le roi seul y a rétabli l'ordre, et a ramené son infanterie à la charge. Le pauvre Maupertuis monté sur un mauvais bidet qu'il avait acheté la veille, n'a pu suivre le roi, il a été aux bagages pour monter dans les car­ rosses du roi, des valets qui s'étaient mis dedans n'ont pas voulu le souffrir, il est resté seul à pied au milieu de la nuit, et de la forêt, ne pouvant se faire entendre ni des Prussiens ni des Autrichiens, ni des Silesiens. On craint que les paysans de la Haute Silesie, qui sont acharnés par religion contre les Prussiens, ne l'aient canardé, car on dit qu'il s'était fait faire un habit bleu, comme les officiers prussiens. Ils l'auront pris pour un officier, et l'auront assommé, car il ne pouvait se faire entendre. Voilà un triste sort, cela n'est pourtant que des conjectures, mais elles ne sont que trop vraisemblables. La lettre de m. de Valory est du I 9 à Breslau et la bataille s'est donnée le 1 0. Il reste peu d'espérance, le roi a fait faire toutes les perquisitions imaginables, c'est une vraie perte pour la France, et pour l'Académie et j'en suis bien affiigée ainsi que votre ami. Camas est mort d'une fièvre maligne à Breslau, pour celui-là, . . ' Je ne m' en soucie guere. Vous êtes à présent bien à votre aise pour aimer le roi de Prusse, il s'est comporté comme Alexandre. M. de Valori n'en parle qu'avec enthousiasme, il marque que m. de Rothembourg3 a tiré le roi d'un très grand péril, ce qui fait également honneur à tous [. . . ]. Mais ce qui est charmant au roi c'est qu'il a écrit une grande lettre4 de sa main à votre ami, moitié prose, et moitié vers, char­ mante, elle est du 1 6. Ceux qui disent qu'ils sont brouillés seraient bien attrappés s'ils voyaient cette lettre, car elle est aussi tendre

LETTRE

Mai 174 1

269

qu'aucune qu'il en ait reçu. Il faudra absolument le raimer s'il continue, et vous m'avouerez que cela est bien beau 6 jours après une bataille. Voilà comme il s'exprime, on dit les Autrichiens hattus, et je le crois. Adieu mon cher ami, cette lettre est moitié gazette et moitié factum, mais tout doit vous marquer combien je vous aime tendrement. Faites-en part à nos amis et surtout à m. votre frère, et à madame Dargental. Votre ami baise vos ailes. P. S. J'apprends dans le moment que Maupertuis est à Viene, des paysans silésiens l'ont dépouillé, et l'ont laissé dans un bois où des hussards l'ont rencontré, et mené au comte de Neiperg 5 qui sachant son nom lui a donné de l'argent et des habits, et l'a envoyé à Viene avec les autres prisonniers, où l'on est ravi de l'avoir, et où il est fêté comme il le sera partout. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 Paul Frédéric Charles de Valory, grand prévôt du chapitre de Lille. 2 Kurt Christoph, comte Schwe­ rin.

27 0 .

3 comte Friedrich Rudolf von Rothenburg. 4 Best.23 12. 5 Wilhelm Renhard, comte von Neipperg, maréchal autrichien, bat­ tu par Frédéric à Mollwitz.

à Pierre Louis Mo reau de Maupertuis

Si vous aviez été témoin monsieur de tout ce que j'ai éprouvé depuis six jours vous rendriez à mon amitié la justice que vous lui devez, et vous me rendriez toute la vôtre. Je vous ai pleuré comme mort, et c'est avec une joie que l'on peut mieux sentir qu'exprimer que j'apprends que vous êtes à Viene sauvé de tous les dangers de la bataille, et de ceux que la dévotion avec laquelle on dit que les paysans silésiens canardent les officiers prussiens vous a fait courir. Je suis persuadée que vous trouverez à Vienne l'estime et les empressements que votre mérite et votre réputation vous attireront en tous lieux. Vous y verrez une reine qui est l'amour de ses peuples, et que tous ceux qui l'approchent adorent. Pour moi je suis persuadée que vous ferez la paix. Vous trouverez

53

Mai

LE TTRE 270

1 74 1

à la cour une de mes cousines que j'aime infiniment et qui sera bien aise d'avoir l'honneur de vous voir. J'espère qu'elle vous rappellera mon idée. Donnez-moi je vous supplie de vos nou­ velles, comptez à jamais sur une amitié que rien n'a pu éteindre et qui durera autant que ma vie. à Bruxelles ce

2

mai 1741

A Monsieur Monsieur de Maupertuis A Viene Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 12269, ff. 1 58- 1 5 9.

27 z . à Charles Augustin Ferio l, comte d' Argental à Bruxelles ce 18 mai 174 1 Mon cher ami, j'ai peur de vous faire repentir par mes questions de m'avoir si bien répondu à la première, cependant comme il s'y agit de ma fortune, et d'un procès où j'ai mis ma gloire, j'espère que vous m'excuserez. Le testament dont il s'agit est fait par­ devant notaire avec toutes les formalités requises, et il est très sensé, mais on me répond à ce que vous m'avez mandé, est-il permis en France de prouver la suhornation ou la friponnerie du notaire, ou des témoins ? Je crois moi que oui, or dit-on, une des raisons qui prouvent qu 'un notaire et des témoins sont des fripons, c 'est de recevoir le testament d'un homme imhécile, donc, dit-on, ne peut-on pas prouver cette friponnerie par son effet, c'est à dire, en prouvant l'imbécillité, et à cela je ne sais que répondre. Enfin une telle allégation, je ne veux pas reconnaître ce testament parce que le testateur était imhécile, serait-elle reçue? et si on refusait la per­ mission de la prouver sur quelles raisons ce refus serait-il fondé? Il est vrai, dit-on, le hon sens du testateur est attesté par le notaire et les témoins, mais moi,j ' ai des preuves de la fausseté de ce fait qu 'ils attestent, etje demande à prouver cettefausseté. Que répondrait-on? 54

Mai

L E TTRE 27 1

174 1

que répondrait-on? car voilà notre cas, et nous répondrons sui­ vant ce que vous nous manderez. Votre ami, qui n'a point de procès, se charge de vous répondre sur les bontés de m. Daumont1 pour Lanouë. Mademoiselle Gau­ tier2 est plus jolie que lui, mais je doute qu'on la trouve meilleure, et comme son jeu est à peu près dans le goût de celui de made­ moiselle Gossein, elle pourrait bien faire du train. Le roi de Prusse a encore écrit une lettre3 charmante à m. de V. du 2 mai, où il dit beaucoup de bien de m. de Belisle4 • La nouvelle de Lisle5 est si vraie, que nous pensâmes exciter une émeute dans le parterre parce que nous balancions à accorder la 3 e représentation. M r votre frère est bien aimable, faites-lui mes remerciements en attendant que je les lui fasse moi-même. Je crains de l'importuner. Mille choses à l'ange femelle. A Monsieur Monsieur Dargental conseiller au parlement rue de la grange bateliere A Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. Vers cette date Clairault écrivit à mme Du Châtelet au sujet des for­ ces vives; un fragment de cette épître a été reproduit par Simond Bérard, lsographie des hommes célè­ bres (Paris 1 828- 1 830), s. n. Et le même jour que la présente lettre la marquise en écrivit une autre à un révérend père, selon le ca­ talogue Charavay ( 1 852), no. 3266.

272 .

1 Louis Marie Augustin, duc d' Au­ mont, premier gentilhomme de la chambre en exercice. 2 collègue et maîtresse de La Noue, elle l'avait accompagné à Paris. 3 Best.232 1 . 4 le maréchal Charles Fouquet de Belleisle. 5 où Mahomet venait d'être repré­ senté avec un vif succès.

à Pierre Louis Moreau de Maupertuis

Quelque intéressante que soit pour moi, monsieur, ma dispute avec mr de Mairan, les nouvelles de ce qui vous touche, m'inté­ ressent bien d�vantage, mais comme la curiosité n'a nulle part à cet intérêt, mon amitié est contente de vous savoir à Berlin en

55

Mai

174 1

L ETTRE 272

bonne santé. J'espère qu'on vous y renverra de Viene une lettre que je vous y écrivis quand je sus que vous y étiez et que le comte de Harach1 mit dans son paquet à m. de Licheinstein2 • Cette lettre vous prouvera combien vous m'avez tour à tour causé d'inquié­ tude et de joie. Je suis charmée que vous preniez enfin le parti de revenir en France. La guerre de Silesie fera des arts de la Prusse des enfants mort-nés. Le roi n'y étant point Berlin doit être triste, et Paris devient tous les jours plus digne de vous posséder. Vous voyez que je suis bonne citoyenne, car je n'espère pas profiter si tôt du séjour que vous y ferez. Je commence à me repentir d'avoir entrepris cette besogne-ci, mais je suis incapable de l'abandonner. Une apparition de votre façon serait bien capable de me rendre du courage, vous me la faites espérer, et je me flatte que vous ne frusterez pas une attente si agréable, et qui m'est si nécessaire. Vous pourrez même si vous le voulez me rendre un très grand service pour mon procès, et je crois presque avoir droit d'y compter, mais il faudra que vous me donniez quelques jours. Il n'est pas possible de vous dire par lettre de quoi il s'agit, mais ce sera un double plaisir pour moi que de vous le dire moi-même, et de vous en avoir l'obligation. Je suis faite pour vous ruiner, mais je ne me puis refuser au plaisir que je sens à vous envoyer ma réponse à m. de Mairan. La sienne a si mal réussi, qu'elle a fait les trois quarts du succès de la mienne. Tout ce que je puis désirer c'est qu'elle m'ait fait autant d'honneur qu'elle a fait de tort au secrétaire. On a cru l'honneur de l'Académie intéressé dans sa défaite, et on n'a pas jugé à propos de lui laisser continuer la dispute. Il m'avait tracé un chemin si facile que je crois avoir beaucoup perdu à son silence. Si on allait estimer son mérite par les arguments qu'il ne fait pas, et par les objections qu'il ne détruit pas, l'Académie pourrait y gagner, et c'est apparemment sa vue dans la fin de la dispute. Je suis hon­ teuse d'avoir mêlé des plaisanteries dans une affaire si sérieuse, ce n'est assurément ni mon caractère ni mon style, mais il fallait répondre à des injures sans se fâcher et sans en dire, et cela n'était pas aisé. D'ailleurs il fallait se faire lire par les gens du monde et cela était encore plus difficile. Quant au fond de la question il ne

56

LE TTRE 272

Mai

1 :74 1

pouvait guère y gagner qu'en cas que la dispute eût continué, car je ne me suis attachée dans ma réponse, qu'à faire sentir tout le ridicule de la lettre du secrétaire, à me justifier de ses accusations, et à réfuter de nouveau le paralogisme pitoyable qu'il n'aurait jamais dû faire, et qu'il ne parviendra jamais à défendre, je veux dire cette ridicule façon d'estimer la force d'un corps par ce qu'il ne fait point. Il ne s'est pas cru assez fort tout seul pour défendre cette jolie découverte. Il s'est aidé d'un mr Deidier qui divise un petit livre, qui a paru le même jour que la lettre de Mairan, en 2 parties. Dans la première il prouve que le discours sur le mou­ vement donné par Bernoulli en 1726 est plein de paralogismes, et dans la seconde que la nouvelle façon d'estimer les forces par ce que les corps ne font point est le non plus ultra de l'esprit humain, et qu'elle a terrassé les partisans des forces vives pour jamais. Cette seconde partie est toute contre moi, mais ce livre ne vaut pas la peine de vous être envoyé, quoi qu'il soit tout plein d'algèbre. Il est vrai qu'il n'y a rien de si obscur que le mémoire de Mairan de 1728 mais il me semble pourtant que dans l'endroit que j'ai réfuté l'absurdité perce. Il passe pourtant le Mairan pour avoir le style exact et correct, à cela je réponds, qu'on lise son mémoire. Vous avez bien raison assurément monsieur de dire qu'en défi­ nissant le mot de force différemment, et ne voulant pas que sa mesure soit ses effets totaux sans y ajouter la condition du temps, alors il y aura bien de l'arbitraire, et il y en aura tant, qu'une même force de ressort produira les mêmes effets dans des temps infiniment différents selon qu'on lui laissera plus ou moins de liberté d'agir. Il faudra donc à toutes les différentes circonstances changer la mesure de l'estimation de cette force, ce qui prouve bien ce me semble que le temps n'a rien à faire dans la communi­ cation du mouvement et dans l'estimation des forces et combien on doit s'opposer à une façon de les estimer qui mettrait l'arbi­ traire et l'indéterminé à la place de la précision. Je suis au désespoir que vous n'ayez pas encore eu les Institu­ tions physiques, et je me suis repentie bien des fois de ne vous avoir pas don�é le seul exemplaire que j 'eusse quand vous pas­ sâtes ici. Je ne cloutais pas que vous ne les eussiez depuis longtemps,

57

Mai

1 74 1

L E T TR E 272

quand Praut les a trouvées toutes empaquetées dans un coin de sa boutique, à votre adresse. Celles que je destinais à mr de Keiserling et à m r Jordan ont eu le même sort, et comme on a fait cette découverte pendant que vous étiez à Viene, je les ai fait porter chez mr votre père. Je vous avoue qu'une des choses que je désire le plus c'est de savoir ce que vous en penserez. On a été persuadé jusqu'à ma réponse à mr de Mairan qu'il n'y avait de moi, que le style, mais comme j 'ai eu fait, imprimé, et envoyé, ma réponse à Mairan en 3 semaines on n'a pas pu me la disputer et on m'a rendu les Institutions. Ainsi il se trouve l'homme du monde à qui j 'ai le plus d'obligation, et je crois que cela ne contribue pas peu à le désespérer car on m'a mandé qu'il était au désespoir. Il n'a pas douté que sa lettre ne m'atterrât, et il l'avait si bien per­ suadé qu'on me complimentait déjà de l'honneur que j'avais d'être vaincue par lui. Mais je me repens de vous tant parler de cette dispute quand je puis vous parler de l'impatience avec laquelle j 'attends le livre dont vous me parlez. Je suis bien sûre d'y trouver mon instruction, et mon plaisir, et si je juge des autres par moi je sais bien qu'on en sera content. Pour moi monsieur il ne me manquera rien pour l'être si je puis compter comme autrefois sur votre amitié. Ce qui est sûr c'est que rien n'altèrera plus jamais la mienne pour vous. Voyez ce que vous en feriez si vous ne preniez pas tout de bon le parti de me rai mer. Vale. ce 29 mai [ 1 74 1 ] à Bruxelles V. vous a écrit hier. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 12269, ff.162-163. Le 3 0 mai, lettre de Cideville (Best.23 3 6); il remercie mme Du Châtelet de sa Réponse à Mairan, et lui assure, avec un peu d'exagéra­ tion, que 'Leibni ts triomphe dès que vous appuyez ses forces vives'. Et il ajoute: '. . . les matières les plus abstraites retiennent toujours sous

vos mains un certain air du monde et les grâces de votre toilette. Cela est pensé comme le penserait le plus grand philosophe, mais vous le dites comme la femme la plus aimable'. 1 le comte Joseph Harrach, pré­ sident du conseil de guerre impérial. 2 le prince Wenceslas Liechten­ stein, ambassadeur d'Autriche à Paris.

LE TT R E 273

Juin

174 1

273. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis Je veux que vous trouviez à votre arrivée à Paris, monsieur, les regrets que j'ai de ne vous avoir pas vu, et les reproches que je vous dois d'avoir trompé l'espérance que vous m'en aviez donnée. Je suis d'autant plus affligée que vous ayez pris cette maudite route des 2 ponts1 , que je suis dans l'impossibilité d'aller à Paris cette année, et que me voilà par conséquent bien éloignée du plaisir de vous voir. Si vous retournez en Prusse vous ne retrou­ verez plus Bruxelles sur votre chemin. Ainsi nous ne nous verrons pas sitôt, dont je suis bien affiigée car j'ai bien plus besoin de vous voir à présent que je veux me flatter que vous m'avez rendu votre amitié tout à fait. J'ai bien prié madame Daiguillon de vous dire le désir que j'ai de la ravoir, quoiqu'à vous dire vrai j'aimerais encore mieux n'en devoir le retour qu'à vous-même et à la justice que j'espère que vous rendez à mes sentiments pour vous. J'espère que vous avez enfin les Institutions physiques, et j'ai une envie de savoir ce que vous en pensez que j'ai bien de la peine à modérer, quoique je sente bien que vous n'aurez de longtemps le temps de les lire, cependant il me serait bien essentiel de savoir bientôt comment vous les trouverez. On les imprime en Holande, j'ai déjà fait bien des corrections, et je ferais toutes celles que vous jugeriez à propos. J'espère que vous serez content du morceau sur la figure de la terre, et du chap. des forces vives. Je désire que vous le soyez de l'exposition du système de mr de Leibnits, et pour l'attraction vous m'avez paru à Cirei si modéré dans vos sentiments sur cela que je ne crains point que vous me sachiez mauvais gré d'avoir quelque répugnance à l'admettre comme cause des phénomènes, et à en faire une propriété de la matière. Je crois que vous ne doutez pas du désir que j'ai de voir l'ouvrage dont vous me parlez dans votre dernière lettre de Berlin. Je me sou­ viens aussi que vous me parlâtes ici à votre passage d'une certaine métaphysique que vous avez retouchée. Enfin vous devez croire que j'aime trop à m'instruire pour n'être pas infiniment curieuse de tout ce qui vient de vous.

59

Juin z74 z

LE TTRE

273

Ma réponse à m. de Mairan aura galoppé toute l'Allemagne après vous. Je vous l'envoyai à Berlin quand je vous y sus retourné. Vous l'avez vu et vous en êtes un peu content, je crois que vous avez senti à la lecture de la sienne que je devais être piquée, sur­ tout après l'histoire de Koenig et je prétends que j'ai été bien sage dans ma réponse et que je m'en suis bien réfutée. Il ne répliquera point et si vous en parlez à madame Daiguillon elle vous dira pourquoi. Je lui ai eu des obligations infinies dans cette affaire, et je lui dois le succès qu'a eu ma réponse; car elle a été fort bien reçue. Cependant son mémoire est encore loué dans les journaux. Je ne sais cependant pas ce que l'on peut dire de pis d'un ouvrage si je ne l'ai pas dit du sien, et je me flatte de plus de l'avoir prouvé. C'est une étrange aventure pour le coup d'essai d'un secrétaire car le style de sa lettre est peut-être encore ce qu'il y a de plus mauvais. J'ai vu dans les gazettes que m. Euller était à Berlin, et qu'il entrait au service du roi de Prusse. C'est apparemment vous qui lui avez fait avoir place dans l'académie future, mais votre départ, ne dérangera-t-il point les arrangements? Je vous fais toutes ces questions, premièrement parce que je m'intéresse à lui comme à un homme de mérite, et secondement, parce que je voudrais lui faire tenir les institutions et ma lettre à Mairan, et je n'ai pas encore pu en trouver un moyen. J'imagine que s'il est à Berlin vous pourrez me faire ce plaisir, et je manderai que l'on porte le paquet chez vous, si vous voulez bien vous en charger. Avez-vous lu une brochure sur les forces vives qui a paru le même jour que la lettre de Mairan? Ce sont ses troupes auxiliaires, car il en a pris. Cela est d'un abbé Deidier. Le livre est moitié contre m. de Bernoulli et moitié contre moi. Il n'y a qu'un Didier qui puisse faire un tel assemblage, et je crois que m. Bernoulli en sera un peu choqué, car comme vous voyez, je me fais justice. C'est une pièce curieuse que cette brochure. On dit que votre estampe est gravée, j'ai grande envie de l'avoir, mais je ne veux pas la tenir d'un autre que vous. Si vous voulez me faire cette galanterie le bailli de Froulai pourra me l'apporter. Il vient ici le mois prochain. 60

Juin z :74 1

L E T TRE 273

M . de Voltaire est fort fâché que vous ne disiez rien pour lui dans vos lettres. Je suis témoin qu'il mérite que vous ne l'oubliiez pas. Il vous a aussi écrit à Viene, mais apparemment sa lettre ne vous est pas encore revenue. Je pourrais vous envoyer des lettres de Viene qui vous prouveraient combien je désirais que vous trouvassiez partout des marques de mon amitié. Je vous assure que le service que vous auriez pu me rendre dans mon procès, et dont je vous parlais dans la lettre qui était adressée à Berlin et qui vous galoppe à présent, n'entre pour rien dans le regret que j'ai que vous n'ayez pas passé par ici. Je n'ai besoin d'aucun intérêt pour en être affiigée que de celui de mon cœur. ce 26 juin [ 174 1] Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 12269, ff. 164- 167.

1

c'est à dire, des Deux-Ponts.

274. à Pierre Louis Moreau de Maupertuis à Bruxelles ce 8 août [ 174 1] Je suis un peu jalouse monsieur de voir votre portrait1 entre les mains de mr de Voltaire, et dene le point avoir. Il est vrai que le bon­ heur qu'il a de pouvoir l'orner doit lui mériter la préférence, sans cela assurément je la disputerais à tout le monde. Je ne veux pas ôter à madame Daiguillon le plaisir de vous dire la première de quelle façon vous êtes traité dans un petit quatrain assez satirique que l'on a mis au bas et que je viens de lui envoyer. Vous voyez qu'il y a longtemps que cette lettre devrait être partie. On ne croirait jamais qu'à Bruxelles on n'a pas le temps de finir une lettre, rien n'est cependant plus vrai. Un incident de mon procès, auquel je ne m'attendais pas, m'a occupée nuit et jour depuis 5 jours, (car il m'empêche souvent de dormir). Enfin je commence � respirer et à vous écrire. Votre dernière lettre à m. de Voltaire me donnerait trop d'amour-propre, si [je] ne savais 61

Août 174 1

LETTRE 274

pas combien vous estimez au-dessus de leur valeur ce qui vient des personnes que vous aimez, et je ne veux plus douter que je sois du nombre. Je ne me suis pas attendue que vous devinssiez leibnitien, ni que les monades fissent votre conquête. Je ne sais cependant si les idées métaphysiques qui sont au commencement du livre ne méritent pas du moins d'être connues, car vous m'avoue­ rez que la grandeur du lit du roi Og n'ôte rien de leur profondeur et de leur mérite aux idées métaphysiques de Leibnits dont Volf a ramassé les lambeaux épars, et qu'on peut dire de bonnes choses, et les bien arranger, quoiqu'on fasse une scolie un peu ridicule, Neuton a commenté l'apocalypse, cela vaut bien le lit du roi Og. Je me flattais que vous liriez le livre avec un crayon et que vous m'avertiriez de mes fautes. On en fait une édition en Holande qui sera très belle, et pour laquelle j'ai fait beaucoup de corrections et vous sentez bien que si vous vouliez me dire ce que vous pensez je serais sûre alors que l'édition serait bonne. Je me souviens que vous ave1 do nné cette marque d'amitié à m r de Voltaire pour les Ele­ mens de Neuton, et qu 'il en a heaucoup profité. Je sens bien que vous me conseillerez de retrancher toute la métaphysique, mais c'est surtout sur les I I derniers chapitres que je vous prie de m'éclairer, car enfin, je fais une petite partie du monde, et vous me plaisez beaucoup. Ainsi j'espère que vous ne resterez pas en si beau chemin pour achever le vers2 • Je n'ai point reçu de lettre de vous de Francfort, cela est bien sûr, je n'en ai reçu qu'une des Deux ponts. Depuis quelques jours, Varentrap3 , qui m'a fourni des livres, m'a mandé qu'il avait eu quelque envie de faire une édition de ma dispute mairanique, mais qu'il commençait à s'en repentir dans la crainte de ne la point vendre, ainsi elle n'aura point lieu, dont je suis très fâchée, car j'imagine que les gravures dont madame Daiguillon m'a parlé dans une de ses lettres y avaient rapport. Si on m'en avait donné l'idée, je l'aurais fait exécuter en Holande. Les libraires n'y sont pas si timides que Varentraap, et font tout ce que je veux pour ma nouvelle édition, dans laquelle la dispute entrera. Si j'ai jamais été curieuse de quelque chose c'est de votre cos­ mologie. La parallaxe de la lune est plus intéressante pour les 62

L E TTR E 274

Août 1 74 1

astronomes mais pour nous autres gens terrestres j'aimerais bien autant la cosmologie et je suis outrée de ne la point voir. Vous aviez eu quelque envie de faire imprimer le commencement de métaphysique que vous m'avez montré autrefois. Je serais bien fâchée que vous me cachassiez quelque chose de ce que vous voulez bien montrer. Les gazettes disent Euller à Berlin. Cela est-il vrai? est-ce vous qui l'y avez attiré? Je ne sais s'il ne s'en repentira pas. Il est vrai qu'il vient de Petersbourg, mais il y a bien des façons de perdre au change. Je voudrais lui envoyer les institutions, et les pièces de ma dispute avec Mairan. Pourriez-vous les lui faire tenir? j e vous les ferais remettre. J e suis assez fraîchement avec s. m. p . 4 M r de Camas avait tracassé, et le départ de mr de Voltaire lui a paru si étrange qu'il n'a jamais pu le digérer, ni me le pardonner. Ce qui vous est arrivé doit faire sentir à m. de V. combien il est heureux d'y être resté si peu, et je veux croire qu'il n'en avait pas besoin. Depuis la mort de Camas il m'a fait quelques agaceries, et cela en est resté là, mais vous m'avouerez qu'il est plaisant de faire des odes pour Gresset5 , et de vous répondre par Jordan. J'ai peur qu'il ne prenne le bizarre pour le grand. Quoiqu'à présent je ne m'y intéresse pas assez pour craindre rien, des personnes venues de Viene contaient étrangement pour lui le moment de votre prise, mais je sens bien qu'il faudrait un voyage de Paris pour en savoir davantage. Les lettres à m. de Voltaire continuent comme de coutume et touj ours des vers à tort et à travers. Keiser­ ling est revenu à Berlin, n'en pouvant plus. Je crois que le pauvre garçon aurait plus besoin d'un voyage chez Morand6 que d'aller en Silesie. Vous m'avouerez que c'est un bon et aimable garçon. Avez-vous vu l' Algarotti avant votre départ? Ce qu'il y a de bizarre c'est qu'il m'écrivait de Moscou, et de Londres, et que depuis qu'il est en Prusse, il ne m'a pas écrit. Je crois que les journaux ne parleront point de la lettre de Mairan et de la mienne. Il a trouvé apparemment qu'il était plus aisé de leur imposer silence, que de les faire parler à son gré. Je vous avoue que j 'en. suis fâchée, car cela me paraît une anecdote plai­ sante que je ne veux pas qu'on oublie. Ce Mairan est bien une

Août

1 74 1

LETTRE

274

preuve combien les réputations sont trompeuses. Il passe pour avoir le propos exact, et il me semble qu'il a précisément le défaut contraire et je vois que l'émulation qui est entre nous ne m'aveugle point, puisque vous pensez de même. Jurin, à qui j'ai envoyé cette dispute, m'a écrit une lettre scientifique, et qui assurément vaut mieux que celle de Mairan, mais aussi il me semble que c'est un autre homme. J'aurais bien besoin de quelques conversations avec vous pour y répondre, car quoi qu'elle ne soit pas publique, je suis très jalouse qu'elle le satisfasse, il n'y a guère de public dont je fasse autant de cas que de lui. Il s'agit de cette expérience du corps transporté dans un vaisseau et auquel un ressort donne la même vitesse qu'il acquiert par la translation dans le vaisseau et dont il est question à la pag. 443 et 444 des inst. Il prétend que je l'ai mal réfuté, et que la considération de la réaction du vaisseau ne peut point détruire son argument. Je vous avoue que j e voudrais que vous l'examinassiez, car la doctrine des forces vives est d'une vérité universelle. Natura est sibi semper consona, et quand je ne trouve pas la solution d'une difficulté, je suis bien sûre que c'est ma faute. Si vous voulez je vous enverrai sa lettre, car il prétend aussi que j'ai tort dans ce que je dis au parag. 5 82. Cependant m. de Bernoulli le père dans sa dernière lettre me fait le même argument pour prouver les forces vives que celui que j'emploie à ce parag. 5 82 et dont j'avoue que je ne sens pas le vice. Je crain­ drais plus d'avoir mr Jurin pour adversaire que m. de Mairan. Au reste vous devez être sûr que si vous voulez bien me mander ce que vous pensez de l'argument de m. Jurin, je ne vous citerai jamais, j'espère que vous n'en doutez pas. Les Institutions m'ont encore attiré un drôle d'adversaire, c'est Crousaz 7 , mais pour celui-là, il radote absolument, il a pourtant un livre sous presse, dans lequel il prouve que le leibnicisme renverse toute la morale. La lettre qu'il m'a écrite sur cela est à le faire enfermer. Je crains que celle-ci ne vous ennuie terriblement, mais vous n'avez qu'à vous imaginer qu'elle en contient 2 ou 3 que je vous aurais écrites depuis que celle-ci est commencée. Je suis bien incertaine de mon sort, je ne sais si la guerre me laissera ici, mais en quelque lieu que 64

L E T T R E 274

Août 1 74 1

je sois, vous serez toujours sûr d'y avoir une personne qui vous aime bien tendrement. Ayez un extrait8 des Institutions qui est dans le Mercure de juin, et qui est plein de louanges et de critiques. Je vous envoie la lettre de m. J urin, mais je n'en ai point de copie, ainsi, je vous prie ne l'égarez pas, et renvoyez-la-moi. Que dites-vous de celle du père Castel que madame Daiguillon m'a montrée? Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr.12269, ff. 168- 170. 1 gravé par Jean Daullé d'après Tournières, avec cette inscription par Voltaire (Best.23 54): Ce globe mal connu, qu' il a su me­ [surer, Devient un monument où sa gloire [se fonde. Son sort est de fixer la figure du [monde, De lui plaire et de l' éclairer. 2 c'est à dire le dernier vers du quatrain cité. 3 Franz Varrentrapp, libraire à Francfort. 4 sa maj esté prussienne.

le roi, désireux d'attirer Gresset à Berlin, lui avait adressé des vers; ce but ostensible en cachait, comme si souvent, un autre: celui d'éveiller la jalousie de Voltaire, procédé au­ quel Frédéric recourut plusieurs fois jusqu'à ce qu'il parvînt à faire l'acquisition du philosophe. 6 le chirurgien Sauveur François Morand. 7 Jean Pierre de Crousaz, mathé­ maticien à Lausanne. 8 'Exposition du Livre des Insti­ tu tions de physique, dans laquelle on examine les idées de Leibnits', Mer­ cure de France (Paris j uin 174 1), ii. 1274- 13 10. 5

275. à Jean Pierre de Crousaz. Je suis infiniment flattée, monsieur, de la lettre que mr Polier m'a envoyée de votre part. Il y a longtemps que votre nom m'est connu, et je suis ravie de joindre l'estime que votre lettre m'ins­ pire pour votre personne, à celle que j'ai depuis longtemps pour vos ouvrages. Il est triste, à la vérité, pour Bayle et pour mr Deleib­ nits que vous ayez cru ne pouvoir défendre le christianisme qu'en les attaquant, il me semble cependant que c'est un mauvais service à rendre à la religion que de vouloir prouver que les plus grands génies n'étaie�t pas de bons chrétiens, et je crois que cette seule considération aurait dû retenir votre zèle, je ne sais d'ailleurs s'il 5 (Il)

Août 174 1

LETTRE 27 5

ne vous emporte pas trop loin, et s'il vous sera facile de prouver que la Théodicée, ouvrage uniquement destiné à justifier la bonté du créateur, et l'excellence de ses ouvrages, soit ce qu'on a fait de plus monstrueux contre la religion. Mais quel que soit le succès de cette entreprise, on ne peut qu'en louer le motif, et c'est sans doute le motif seul, que m. le cardinal de Fleuri a eu en vue en vous exhortant à suivre votre projet. S. E. est trop occupée pour avoir le temps de juger les idées métaphysiques des philosophes, mais j'ai l'honneur de la connaître assez pour être sûre qu'elle penserait tout autrement que vous de celles de mr de Leibnits, si elle avait le temps de les examiner. Au reste je vous supplie, mon­ sieur, d'être bien persuadé que quelque éloignée que je sois de penser comme vous sur m. de Leibnits, puisque je le regarde comme un des philosophes qui a fait le plus d'honneur à l'huma­ nité qu'il a instruite, et rendu le plus de gloire à la divinité qu'il a prouvée, je n'en rends pas moins de justice à votre mérite, et à la droiture de vos intentions et que je serai toute ma vie avec ces sentiments monsieur votre très humble et très obéissante servante à Bruxelles ce 9 août

la marquise nu

CHASTELLET

1 74 1

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque cantonale vaudoise, Lausanne, Papiers Berthe de Crousaz, Commercium epistoli­ cum J. P. de Crousaz, iii.95-97.

C'est la réponse à une très longue lettre de Crousaz (Best.2 3 58a) dont une copie se trouve dans la même collection.

276. à Seguy à Bruxelles le

11

août

1 74 1

J'ai vu monsieur dans un projet de souscription que Varentrap m'a envoyé, que vous faisiez imprimer les Oeuvres de Rousseau. Les amateurs de la poésie sont heureux que vous vouliez bien vous charger de ce recueil, et les honnêtes gens qui ont eu des démêlés avec cet auteur ne pouvaient rien désirer de plus heureux, que de

66

Aoât 1 74 1

L E T T R E 276

voir paraître les œuvres sous vos auspices, car vous ne souffrirez pas sans doute, qu'on y mêle rien qui puisse les choquer. C'est ce que j'attends de vous, et p our mr de Voltaire en particulier, et je vous en aurai monsieur une obligation infinie. J'adresse cette lettre à Varrentrap pour vous la remettre, car depuis que vous êtes parti de Francfort, je ne sais plus où vous trouver; l' élection qui paraît s'éloigner ne vous ramènera-t-elle point ici? Je le désire infiniment, [d']autant plus que je ne puis vous le dire, monsieur, vôtre très humble et très obéissante servante BRETEU IL DU CHATELET

Mr de Voltaire me prie de vous faire mille compliments de sa part. Imprimé d' après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés. 2030, f. 29r. La mort de Rousseau, le 1 5 mars, n'a suscité aucun commentaire dans la correspondance de Voltaire et de la marquise; Seguy, précepteur du prince de Wurtemberg, préparait sa belle édition des Œuvres de Jean­ Bap tiste Rousseau (Bruxelles 1743). Cette édition est restée la seule pu­ blication de Seguy, dont on ignore jusqu'au prénom. Le 29 Seguy répondit (Best.2373) qu'il devait à Rousseau 'le témoi-

gnage de son innocence contre les accusations dont on l'a noirci, et j e dois a u public celui de la vérité' . C'est bien dit, mais le reste de la longue lettre est d' une lecture moins édifiante.Seguy exige de la part de Voltaire une 'lettre dans laquelle il me marquerait quelque regret du mal qu'il a dit de Rousseau et [m'en] parlerait avantageusement', faute de quoi il imprimerait les papiers de Rousseau contenant 'tout ce que la rigueur de son esprit a pu fournir à son ressentiment'.

277. à Johann Bernoulli

Je suis ravie, monsieur, de voir que vous ne m'avez point oubliée, car j 'avais quelque sujet de le croire après votre long silence. Je serai bien curieuse de savoir si les Institutions physiques vous plairont. Je sais que vous n'aimez pas le leibnicisme mais j 'espère qu'en récompense vous serez un peu content de la façon modérée dont je parle de l'attraction. On fait une nouvelle édition de cet 67

Août 174 1

L ET TRE

277

ouvrage en Holande, et je voudrais bien que vous m'aidassiez à le rendre moins mauvais par vos critiques. Je suis très fâchée que vous n'ayez pas vu la brochure de m. Deidier, c'est une pièce curieuse surtout sur ce qui regarde le mémoire de 1726 de mr votre père. Je me flatte qu'on vous l'enverra. Notre généalogie1 paraît enfin. Comme vous avez désiré cet ouvrage, si vous voulez m'envoyer une adresse à Strasbourg je vous l'enverrai, et je vous prie d'être bien persuadé qu'en cette occasion et en toute autre je n'aurai rien plus à cœur que de vous prouver avec quels sentiments je suis, monsieur, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET à Bruxelles ce 2 1 août 1 74 1 Mr de Mairan n'a point répliqué, ainsi le combat a fini faute de combattants2 • A Monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.la.684, pp.438-44 1.

278.

1 2

de Calmet. Corneille, Le Cid, rv.iii.

à Seguy à Bruxelles le g e 7bre 174 1

Je vous avoue, monsieur, que je pense fort différemment de vous sur les devoirs de l'amitié, et que je croirais en remplir un des plus sacrés, et en même temps un de ceux de la vie civile, en étouffant autant qu'il serait en moi une querelle aussi peu séante que celle qui a été entre les deux personnes pour lesquelles nous nous inté­ ressons. Je sens à merveille qu'il faut repousser la calomnie et se justifier d'un fait injurieux qu'on nous impute, ainsi je ne suis point étonnée que vous fassiez tous vos efforts pour justifier votre ami de l'imputation des couplets, par exemple; mais dans la que­ relle dont il s'agit, on n'a imputé aucun fait nouveau à son ennemi, 68

LE T TRE 278

Sep temhre z 74 z

on lui a reproché les faits notoires, ou du moins qui passaient pour tels. Il est juste de le justifier de ces faits s'il est possible, mais sera-ce en rapportant de nouveaux faits de la même nature, qui font tort à ses mœurs sans faire honneur à son esprit? ce sera au contraire laisser dans ses ouvrages une preuve subsistante contre lui, et qui déposera contre sa justification, Semel malus semper prœsumitur malus, maxime in eodem genere mali; il faut pardonner à une plaideuse de citer des axiomes de droit. Aucune des pièces qui ont été faites contre votre ami ne sont restées dans les ouvrages de celui qui a été son ennemi, et il me semble que cela doit suffire pour faire bannir de ses œuvres, et surtout d'une édition donnée par un homme comme vous tout ce qui a rapport à cette malheureuse querelle. Ce n'est pas que je me refuse à la voie de conciliation que vous m'offrez. J'ai cru devoir vous expo­ ser ma façon de penser, parce qu'il me semble qu'elle est fondée sur de si bonnes raisons, qu'elle ne peut manquer de faire impres­ sion sur un aussi bon esprit que le vôtre. Mais quoi qu'à votre place je n'eusse pas besoin de la lettre que vous désirez pour m'imposer silence sur cette querelle, puisque ce serait l'intérêt même de mon ami qui me ferait en dérober le souvenir, cependant je voudrais pouvoir disposer mons r de Voltaire à ce que vous désirez, et peut-être y parviendrais-je si j'avais une lettre de vous que je puisse montrer à mr de Voltaire. Je vous supplie donc de m'écrire la lettre que je vous demande, et je ne perdrai pas un moment à vous en mander l'effet. Vous sentez bien qu'il ne m'a pas été possible de lui montrer celle à laquelle je réponds. Quant à ce qui regarde mon père, ses bontés pour Rousseau dans les derniers temps de sa vie ne m'étaient point inconnues. Il aimait ses talents, et il ne pouvait être longtemps irrité. J'étais moi-même dans la croyance que les vers qu'on lui reprochait contre mon père étaient une calomnie, mais madame la duchesse de St Pierre, qui vit encore, m'a dit, que Rousseau les lui avait avoués en Suisse où elle le vit. Cela acheva de me déterminer à ne le jamais voir même en maison tierce. J'avoue que je serais au désespoir que yous renouvelassiez une querelle assoupie, et qui m'a toujours fait une peine extrême. Je me flatte que vous aurez

Sep tembre 174 1

L E TTR E 278

quelque égard à l'affiiction que cela me causerait. Je n'oublierai rien pour porter les choses au point où vous les désirez, et j 'espère que vous voudrez bien vous prêter à la façon dont vous sentez bien que cette demande doit être tournée pour être séante. Soyez je vous supplie persuadé monsieur de tous les sentiments avec lesquels je suis votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHATELLET

Voulez-vous bien me faire le plaisir de remettre ce billet à notre hersique [?hérétique] . Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés.2030, ff.29r-30.

2:79 .

à Seguy A Bruxelles le

20

7bre I 74 I

L'extrême intérêt que je prends à ce qui regarde monsieur de Vol­ taire, monsieur, et mon estime pour vous me font regarder comme une circonstance très heureuse que les papiers de monsr Rousseau soient tombés entre vos mains. Je suis persuadée que la probité la plus exacte règlera l'usage que vous en ferez, et je veux me flatter que vous compterez pour quelque chose l'intérêt que je prends à quelques-uns. J'ai montré à monsr de Voltaire votre lettre1 du 1 5 e de ce mois. Il est bien reconnaissant des sentiments que vous m'y témoignez pour lui, il est très bien disposé à vous écrire la lettre que vous désirez, persuadé que vous n'exigerez point trop de lui, et que vous sentirez vous-même que c' est une démarche délicate et qui demande des ménagements. Ayez la bonté de me mander si vous ne comptez pas retrancher de votre édition tout ce qui était contre lui dans les précédentes, afin d'effacer toutes les traces d'une que­ relle qui doit être à jamais oubliée. Mr de Voltaire ôtera de son côté de l'édition de ses ouvrages que l'on fait actuellement tout ce qui regarde monsr Rousseau, et vous en assurera par une lettre

Septembre z 74 1

LETTRE 279

dans laquelle il vous marquera ses véritables sentiments, qui sont l'amour de la paix, entre les gens de lettres, et l'estime qu'il fait des bons ouvrages de monsr Rousseau, et du talent qu'il avait pour la poésie. Mais il faudrait une occasion pour vous écrire. Ne pourriez-vous point lui envoyer un programme, et en répon­ dant à cette attention de votre part, il vous écrirait la lettre dont je viens de vous marquer à peu près le canevas. J'espère que moyennant cela non seulement aucune nouvelle querelle ne vou­ dra troubler la paix dont nous jouissons ici, mais que les anciennes seront oubliées. C'est une action digne de vous, et qui contri­ buera infiniment au repos de ma vie. En vérité il y aurait de la malice à nous en priver ici, car c'est le seul bien dont on y jouisse. Venons à ce qui regarde feu mon père. Je vous avoue, que je serais fâchée de voir les lettres imprimées, on n'écrit point des lettres avec assez de soin pour qu'elles soient dignes du public, et je vous avoue que je désirerais du moins, que vous eussiez la bonté de me ]es communiquer auparavant en cas que vous ayez le dessein d'en faire imprimer quelques-unes. Les lois de la société ne permettent guère que l'on imprime les lettres des particuliers, et si quelque chose peut rassurer sur cela, c'est qu'une édition donnée par vous n'offensera probablement personne, mais vous sentez bien que dans une correspondance très longue mon père a pu écrire bien des choses qui ne sont pas faites pour le public, et vous croyez bien que sa réputation m'est chère; ainsi je me flatte que vous voudrez bien me communiquer celles dont vous voudrez faire usage. J'attendrai votre réponse avec impatience, je me trouverai bien heureuse si je puis contribuer à une paix si désirable, ce sera une obligation bien sensible que je vous aurai, et ce sera avec un plaisir infini que je joindrai ce sentiment à tous ceux avec lesquels je suis, monsieur, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHATELLET

Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés. 203 0, f. 30.

1

elle ne nous est pas parvenue.

L E T T R E 280

Sep temhre Z J4 Z 280.

à Seguy A Bruxelles le

2 1 7 bre 1 74 1

Je vous ai écrit hier une lettre monsieur, dont j'espère que vous serez content. Je ne puis vous dire l'excès de ma joie de voir une affaire si désagréable prête à se terminer si honnêtement de part et d'autre. Je vous assure que je n'oublierai jamais vos procédés sur cela, et la manière dont vous en avez agi avec moi. J'espère que vous ne mettrez rien dans votre réponse qui puisse retarder la conclusion de l'affaire, ni faire penser à mr de Voltaire que ce n'est pas là la première fois que vous m'en avez écrit. Il est vif, et doux, son caractère impétueux veut être ménagé, mais avec de la douceur, de l'amitié, et de la raison, on en obtient tout. J'espère que vous m'accorderez ce que je vous ai demandé sur mon père. Il vous sera aisé de m'envoyer les lettres par la poste sans port, en les adressant à l'hôtel de la Tour, et je vous les renverrai avec la plus grande exactitude. Vous savez sans doute que le prince Charles est déclaré gouverneur général, mais on ne sait pas encore s'il viendra, ou s'il restera à Vienne comme le prince Eugène. On dit que cela ne plairait pas aux états. Soyez je vous supplie persuadé monsieur de la considération infinie avec laquelle je suis, votre très humble et très obéissante servante, BRETEUIL DU CHATELLET

Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés.2030, ff. 30-3 1 . Le 25 Seguy écrit à Voltaire (Best. 2 3 8 3) pour le remercier de ce qu' il consente 'à réparer le mal' qu' il a fai t, et répète qu'il demande 'des propos généraux d'estime, appli­ cable aux ouvrages et à la personne de m. Rousseau.' Deux j ours plus tard, lettre à la marquise (Best.23 84) pour souligner qu' il ne se contentera 72

pas d'une lettre où Voltai re ' me dira simplement qu'il fait cas de ses bons ouvrages et de son talent pour la poésie' . Le 29 Voltaire envoie à Seguy une lettre ostensible (Best. 23 85), où se trouvent les mots: 'Ses talents, ses malheurs et sa mort ont banni de mon cœur tout ressenti­ ment et n'ont laissé mes yeux ou­ verts qu'à ce qu'il avait de mérite' . Même j our, lettre de mme D u Châ­ telet.

Sep tembre z 74 z

LETTRE 28 1

28 z .

à Christian Wolff

Vous vous prêtez monsieur avec tant de bonté malgré la quanti té de vos affaires au plaisir et à l'instruction que je trouve dans votre commerce que c'est avec confiance que je vous importune si sou­ vent. J'ai eu l'honneur de vous écrire il y a très peu de temps pour un géomètre pour mon fils, et aujourd'hui je vous écris pour moi. Vous m'avez fait l'honneur de me marquer dans votre lettre du 6 août que vous n'attendiez qu'une occasion pour m'envoyer le reste des horas tuas suhcessiuos marhurgenses, et les réponses qu'on a faites aux objections de Crousas. Le libraire qui imprime les Institutions physiques à Amsterdam va à Leipsik. II s'appelle Pierre Mortier et il reviendra tout de suite, ainsi je pourrais les avoir par lui si vous vouliez avoir tant de bonté que de les lui faire remettre pour moi à Leipzik, dans le Hokmannische Hoffaujf de Peterstrassen. Je vous supplie aussi de vouloir bien y joindre un exemplaire de cette traduction allemande de ma dispute sur les forces vives, dont je vous ai l'obligation. Mon fils apprend l'alle­ mand, et je la lui ferai lire pour s'y fortifier. Dès que l'édition que l'on fait en Holande des institutions physiques sera finie j'aurai l'honneur de vous en envoyer un exemplaire pour vous, et un pour celui qui veut bien avoir la bonté de les traduire. Si vous pouvez avoir quelques moments à vous, je vous supplie de cher­ cher cette objection de m. Jurin contre les forces vives et de vouloir bien m'en mander votre avis. Mr J urin me paraît un homme de mérite. II m'a écrit à ce sujet, et je voudrais lui faire une réponse qui le satisf ît entièrement. Je suis persuadée qu'il prendrait, car je crois bien fermement qu'il n'y a qu'un bon esprit qu'on puisse convaincre, et c'est ce qui me fait espérer que vous ne douterez jamais de la haute estime et de tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être monsieur, votre très humble et très obéissante servante la marquise Du CHASTELLET à Bruxelles ce 22 7bre 174 1

Imprimé d'après le manuscrit auto­ graphe, Universitats- und Landes­ bibliothek Sachsen-Anhalt, Halle.

73

Sep tembre z 74 z

L E T T R E 282

282.

à Seguy A Bruxelles le 2 9 7bre 1 74 1

Je vous envoie monsieur une lettre 1 fort au-dessus de mes espé­ rances et je crois aussi des vôtres. Je ne puis vous dire avec quelle joie je vois cette malheureuse affaire terminée d'une façon si décente, si convenable, si honorable pour toutes les parties inté­ ressées. Je compte que vous aurez la bonté de marquer à mr de Voltaire combien vous êtes content. Votre lettre a fait un effet merveilleux, on doit tout attendre d'un cœur droit et juste tel que mr de Voltaire, que la colère peut emporter quelquefois mais que la vertu et la douceur ramèneront toujours. Je ne puis assez vous remercier du repos que vous me rendez, c'est une obligation que je n'oublierai jamais. Revenez-vous bientôt, pour recevoir les marques de la parfaite estime, de la reconnaissance, et de tous les sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHATELLET

Vous ne me répondez point sur ce qu'il pouvait y avoir dans les anciens ouvrages de Rousseau contre mr de Voltaire, mais les sentiments qui sont dans votre lettre me servent de réponse, et je suis sûre, que l'ancien et le nouveau en seront également bannis de votre édition. Les copies des lettres de mon père suffiront, je pourrais bien aller faire un tour à Paris dans le mois de novembre, ainsi je vous prie de me les adresser avant. Mr de Voltaire a déjà corrigé tout ce qui était contre mr de Rousseau dans ses ouvrages, pour l'édition que l'on en fait actuellement. Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés.2030, f.3 1 .

74

1 la lettre de Voltaire du même jour, citée plus haut.

Octobre

LE T TRE 283

174 1

283. à Seguy A Bruxelles [vers le

IO

octobre 174 1 ]

Je viens de voir monsieur la lettre1 , que vous avez écrite à mr de Voltaire, et je ne puis vous dire à quel point elle m'affiige. Je vous avoue, que je ne croyais pas que la lettre que je vous ai envoyée de lui vous laissât quelque chose à désirer. Le mot de mérite ren­ ferme tout le mérite littéraire, et celui de la société, et on n'entre guère dans le détail du caractère qu'à l'égard des gens avec les­ quels on a vécu de suite. Il n'est pas même vraisemblable qu'il vous en parle, et cela donnerait un air contraint à la lettre, qui l'empêcherait de produire son effet. Enfin, monsieur, je me .flatte que vous aurez assez de justice et d'amitié pour moi, pour ne point exiger une chose nullement nécessaire au but que nous nous proposons tous dans cette affaire. Je vous avoue que c'est un grand chagrin pour moi de voir une affaire que j'ai cru terminée, arrêtée pour une chose que je n'aurais assurément pas pu prévoir. J'espère monsieur, que vous ne démentirez point tous les sujets que vous m'avez donnés de vous être toute ma vie obligée, je vous le demande en grâce, et vous assure que ce procédé augmentera encore s'il est possible les sentiments auxquels je suis monsr votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHATELLET

Pour le mot de p robité, si vous craignez, qu'il ne soit entendu malicieusement je ne vois nul inconvénient à l'ôter. Imprimé d' après une copie an­ cienne, Bibliothèque historique de la ville de Paris, Rés.2030, f. 3 1 . 1 vers le 5 octobre Seguy avait écrit à Voltaire (Best.2387) pour lui demander deux changements dans sa lettre. En premier lieu, pour la phrase qui commence par les mots 'Ses talents' il propose de substituer: 'Ses talents, ses malheurs et ce que

j'ai appris de son caractère dans ce pays-ci ont banni de mon cœur tout ressentiment et n' ont laissé mes yeux ouverts qu'à son mérite'. Vol­ taire avait fait allusion dans sa lettre à la probité de Seguy. 'Souffrez, monsieur', réplique ce dernier avec une sensibilité qui dépasse de loin le sens commun, 'que je retranche le mot de probité. Mille gens qui

75

Octobre z 74 z cherchent à tout empoisonner di­ raient que le peu de probité que vous avez supposé à l'auteur vous a fait penser que celle de l'éditeur était nécessaire' . Le 1 4 réponse de Seguy à la mar­ quise (Best.23 9 1) . Il insiste très lon guement: ' Je défie tout homme qui connaît la valeur des termes de

LETTRE

28 3

ne pas trouver un sens très équi­ voque dans la phrase que je propose de corriger . . . . Je défie de n'en pas trouver un plus qu'équivoque dans le mot de probité placé où il l'est.' Il fait des allusions un peu louches aux lettres adressées à Rousseau par le père de mme Du Châtelet.

:,

284. à Charles Augustin Feria !, comte d Argental [ octobre 1 74 1 ] Mon cher ami, J e veux vous répondre aujourd'hui pour vous remercier de vos bontés, et de ce que vous ne voulez pas que je sois au désespoir d'être à Paris, ce qui m'arriverait certainement si je m'y trouvais sans vous. Mon départ ne tient plus qu'à ma grande revision, qui commencera d'abord qu'une autre qui est sur le tapis sera finie. Je compte que je partirai les premiers j ours de 9 6re , les fêtes ne m'arrêteront pas ni même la perte de ma revi­ sion que je devrais croire imperdable mais pour laquelle je crains toujours. Mon dieu que je vous crois fâché de ce pauvre mr de Plymont1 , et qu'il me semble que c'est dommage. On m'a mandé qu'il avait eu toutes les angoisses de ce triste pas, et cela a redoublé mon chagrin. Voulez-[vous] savoir une singulière nouvelle? Le roi de Prusse a écrit à mr de Voltaire pour le prier de se rendre à Berlin à la fin de 9bre ou au commencement de 1 obre . Mais je vous assure qu'il ne m'a pas paru avoir le mérite du sacrifice, on doit avoir fait à mr de Maupertuis les mêmes propositions de la part du roi. Il n'a pas les mêmes liens que votre ami, mais je crois qu'il a des sujets de mécontentement que votre ami n'a pas, et je serai fort trompée s'il y retourne. J'espère du moins le v[oir] à Paris auparavant. Ce projet de rassembler les beaux arts à Berlin, me paraît sentir la

76

L E TTRE 284

paix, on s'en flatte ici mais on a coutume d'y avoir de mauvaises nouvelles. Ne serait-il pas charmant de mettre Mahomet en train à notre passage, et de le trouver à notre retour? car je ne serai à Cirey que le temps de la preuve. Je serai votre voisine à Paris, madame Dautrei me fait le plaisir de m'y prêter sa maison. Adieu mon cher ami, que le triumvirat nous aime toujours et soit bien sûr de notre éternelle amitié. A Monsieur Monsieur Dargental conseiller au parlement rue de la Grange bateliere A Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. Les éditions ont inventé la date 'Bruxelles, 1 5 octobre 1 742'; la let-

tre est pourtant très certainement d'octobre 1 74 1 . 1 Daguesseau de Plainmont, mort le 29 septembre 1 74 1 .

285. à Seguy A Bruxelles ce 1 9

g hre I 74 I

Je suis aussi affligée qu' étonnée de ce que vous m'écrivez mon­ sieur. J'avais concerté avec mr de Voltaire la lettre en question, et je vous avoue que je croyais que vous en deviez être content, cepen­ dant comme nul ne peut être juge en sa propre cause, et qu'assu­ rément celle-ci est mienne, j'ai voulu consulter mr le comte de Lanoy1 , qui avait des bontés infinies pour mr Rousseau, et qui de plus, comme son exécuteur testament[aire], s'intéresse à sa répu­ tation. Je lui ai donc montré la lettre de mr de Voltaire, et il n'a pu deviner comment vous pouviez n'en être pas satisfait. Je crois qu'il doit vous en écrire aujourd'hui, et je ne doute pas [que] vous ne croyez vos engagements remplis, quand votre conduite aura pour témoin et pour approbateur le protecteur le plus déclaré de feu mr Rousseau. J'espère que vous reconnaîtrez que vous poussez la délicatesse trop loin. Jamais tout le mal que vous pourrez dire de mr de Volt_aire pourra-t-il faire autant d'honneur à votre ami que la lettre que l'on vous offre? elle est décente, honorable pour 77

Octohre 174 1

LETTRE 28 5

mr Rousseau, et convenable à tous égards, mais un mot de plus ou de moins romprait cet équilibre, est modus in rehus, sunt certi denique finis quos ultra cùra que nescù consistere rectum 2 ; je crois que nous sommes précisément dans le cas de cette règle d'Horace, & vous sentez bien monsieur, que tout le désir que vous m'avez marqué de terminer cette affaire, et dont je vous ai eu tant d'obli­ gation, deviendrait inutile, si vous en mettiez la fin à des condi­ tions que mr de Voltaire ne peut ni ne doit accepter. Si vous vous mettiez un moment à sa place, vous en conviendriez. J'ai trouvé l'expédient d'une lettre et la suppression de tout ce qui avait rap­ port à cette querelle très bon, très honnête, très décent. J'y ai porté mr de Voltaire, et malgré mon extrême amitié pour lui, je l'aurais condamné s'il s'y était refusé. Je n'ai trouvé aucun obs­ tacle à vaincre, et la lettre m'a paru si bien remplir mes vues et les vôtres, que je n'ai pas trouvé un mot à y changer ni à y ajouter, quoiqu'il m'en ait laissée la maîtresse avant de vous l'envoyer; & je vous offre d'en faire juge qui vous voudrez. L'éloge du caractère de mr Rousseau peut être fait par ses amis et par les gens qui ont vécu de suite avec lui, mais ce n'est pas d'un homme qui n'a jamais vécu avec lui qu'on peut l'exposer, supposé même que cet homme n'eût jamais eu sujet de s'en plaindre. Ce serait bien cela qui aurait l'air mendié, et contraint. La lettre de mr de Voltaire a l' air naturel, parce qu'elle l'est. Il ne vous a rien mandé qu'il ne pense, et ses discours la confirmeront toujours. J'espère monsieur que vous [vous] rendrez à toutes les raisons que je viens de vous exposer, et que vous n'exigerez rien de plus. Mr de Voltai re, qui a eu quelques accès de fièvre dont il n'est pas encore quitte, n'est pas en état de vous écrire sur cela une lettre aussi détaillée qu'il le voudrait, il s'en rapporte à moi, et je vous jure que j'ai tant à cœur la fin de cette malheureuse affaire, que j'exigerais tout de lui s'il m'avait laissé quelque chose à exiger. Mais je trouve que sa lettre contient tout ce que l'amour de son repos et de la paix eût pu me dicter de plus fort. Je vous demande donc en grâce monsieur de vous en contenter, les véritables inté­ rêts de votre ami l'exigent autant que la justice, & je vous offre encore de prendre pour juge qui vous voudrez. Mais non, je n'en

78

L ET T RE 2 8 5

veux point d'autre que vous-même, je trouverai dans les senti­ ments que vous avez bien voulu me marquer, et dans votre amour pour la paix tout ce que je pourrais attendre du juge le plus équi­ table. C'est donc à vous-même que je m'en remets. Je me flatte encore, que vous ne changerez point la joie que m'a causée la fin d'une affaire que j'ai cru terminée, dans le chagrin de la voir recommencer. Je veux vous devoir le repos de ma vie, qu'assuré­ ment une affaire où je suis si personnellement intéressée trouble­ rait. C'est la plus sensible obligation que je puisse vous avoir, et je ne l'oublierai jamais. Si le mot de probité vous paraît susceptible de quelque interpré­ tation maligne, j'ai déjà eu l'honneur de vous mander que monsr de Voltaire consentait à le supprimer. Nous n'avons cependant eu d' autre pensée en employant ce mot, sinon qu'on peut être sûr, puisque vous vous mêlez de cette édition, que vous ferez tout ce qu'on peut attendre du plus honnête homme, mais encore un coup nous con sen tons à le supp rimer: enfin pour vous mon­ trer à quel point je désire de n'avoir que des grâces à vous rendre dans cette affaire et combien mr de Voltaire désire de la finir je vous offre encore d'ajouter après ces mots, Votre amitié me fait regretter la peine, ceux-ci, et ce que j 'ai entendu dire ici à monsieur le comte de Lanay et à vous, monsr des sentiments qu 'il témoignait me réconcilie avec sa mémoire. Je crois qu'on ne peut pas sacrifier plus de choses à l'amour de la paix, et au désir de conserver votre amitié. J'espère monsieur que moyennant cette dernière phrase que le désir de vous satisfaire a seul dictée, tout sera enfin fini. Quant aux lettres de mon père, vous connaissez trop bien les lois de la société, pour ne pas suivre avec exactitude la première de toutes, qui est de ne jamais publier les lettres des particuliers sans leur consentement, ou sans celui des personnes qui les repré­ sentent. J 'attends donc avec impatience celles de mon père, à cause de mon prochain départ pour Paris, mais je les attends sans inquiétude, étant bien sûre que vous ne ferez usage que de celles que mon frère à qui je compte les communiquer, et moi, consen­ tirons, qui soi�nt rendues publiques. Je vous supplie donc de m'en envoyer les copies le plus tôt qu'il vous sera possible afin

79

Octobre 174 1

L E T T R E 285

que je puisse les recevoir avant mon départ. Je vous réitère mon­ sieur mes remerciements et les assurances de tous les sentiments que la façon dont cette affaire s'est terminée m'a inspirés pour vous, et avec lesquels je serai toute ma vie monsieur, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHATELLET homme d'un honneur si délicat Imprimé d'après une copie an­ étaient trop fortes. Il avait en effet cienne, Bibliothèque historique de entre les mains les lettres de j eu­ la ville de Paris, Rés.2030, ff. 3 1 -32. nesse de Voltaire à Rousseau, con­ Cette correspondance se poursuit par un billet de Voltaire de circa le tenant des allusions assez vigou­ 20 octobre (Best.2394), suivi d'une reuses à des contemporains; il avait lettre furieuse de Seguy à mme D u également les lettres du baron de Châtelet du 25 (Best.23 95), d'une Breteuil; Voltaire a été obligé de de Lannoy à Seguy du 3 1 (Best . céder à ce chantage, et on peut lire 2399), d'une grande épître de Seguy dans l'édition de Seguy (iii.477-478) à Voltaire du 9 novembre (Best. la fameuse lettre modifiée selon les 2403 ), et d' une réponse finale de exigences de l'éditeur. 1 Pierre, comte de Lannoy. Voltaire du 20 novembre environ 2 Horace, Satires, 1 .i. 106- 107; pour (Best.2406). Les armes de Seguy et les menaces employées par cet 'nescit' il faut lire 'nequit'.

:,

286. à Charles Augustin Feria !, com te d Argental à Cirey par Vassi en Champagne ce 2 l e 9bre 1 74 1

Nous voilà enfin mon cher ami dans ce Cirey que nous aimons tant, et où je passerais volontiers ma vie. Il ne nous y manque que le plaisir de vous y voir, mais je me flatte qu'il ne nous manquera pas longtemps, et que vous vous ressouviendrez de la partie qui s'est faite chez madame de Luxembourg. Nous sommes partis le lundi à 2 heures après-midi, nous nous sommes reposés à Nogent, et nous sommes arrivés ici le mardi à 10 heures du soir. Vous voyez que ce n'est pas un voyage. Vous aurez une chambre bien chaude, et vous serez bien choyé, enfin j'ycompte, et je serais très fâchée si mesespérancesétaient trompées. 80

LETTRE

286

Novembre 1 74 1

Votre ami raccommode Mahomet à force, il faudrait faire le possible et l'impossible pour le faire jouer à notre retour. Cela dépendrait de m. Daumont. S'il veut faire venir la Nouë il le fera, et il aura la Nouë s'il le veut bien. L'ambassadeur turc sera parti, et rien ne s'y opposera. Il est bien difficile qu'il soit bien joué sans que votre ami répète les acteurs, et si nous retournons une fois à Bruxelles c'en sera pour 2 ans au moins. Je ne sais combien les chicanes de m. de Hoensbroeck1 me retiendront ici mais je compte que nous serons à Paris pour la fin de février au plus tard. J'ai fait corvée en venant ici, et en y venant si précipitamment, mais c'était une corvée qui avait bien l'air d'être nécessaire. J'y suis arrivée la veille que l'homme d'affaires de ma partie s'y est rendu, mais tout est si bien disposé que je ne crois pas, quand je n'y serais pas venue, qu'il eût eu un seul témoin. L'enquête est fixée au 1 1 décembre mais pour moi je crois que le combat ne commencera pas faute de combattants. Je vous prie de dire bien des choses pour moi à mr de Solar2 • J'espère réparer à mon retour le contretemps qui m'a privée du plaisir de souper avec lui. J'ai aussi madame Debois à qui je voudrais que vous dissiez bien des choses pour moi, et que je suis au désespoir de n'avoir pas vue. J'espère la voir beaucoup à mon retour. Chargez-vous encore mon cher ange de dire à madame Dargental et à mr votre frère bien des choses tendres de notre part. Pour vous mon cher ami vous savez combien nous vous sommes attachés. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. Les éditions, sans aucune justifi­ cation, ont changé la date de cette lettre en lui substituant le 2 1 octobre 1 742, ce qui est d'autant plus décan-

certant que nous avons une autre lettre de mme Du Châtelet à Argen­ tal qui porte en réalité cette date. 1 J. S . , marquis de Hoensbroeck. 2 Roberto Ignazio Solaro di Bre­ glio, ambassadeur de Sardaigne à Paris.

81 6 (ln

Décemhre z J4 Z

LE T T RE 287

287. àjohann Bernou lli Je reçois votre lettre à Cirey monsieur où je suis venue pour une branche de mon grand procès. Quelque plaisir que j'aie de m'y retrouver je suis bien fâchée de n'être pas à Paris, où je serais peut-être à portée de suppléer à l'absence de m. du Chastellet pour ce que vous désirez. Il est à l'armée de m. le maréchal de Maillebois1 en quartier à Duren, dans le pays de Juliers, et peut­ être est-il à présent en tournée. Cependant à tout hasard je lui envoie votre lettre qui l'attrapera où elle pourra. Quelque part où ce soit je suis bien sûre qu'il écrira à m. le p. de Dombes2 , et je ne crains que le retard car il me semble que ce que vous désirez est très faisable. Comme votre lettre m'a été renvoyée de Bruxelles je l'ai reçue un peu tard. Je suis bien fâchée de tous ces contre­ temps, car rien ne m'aurait été plus agréable que de vous rendre un petit service. J'espère encore que je pourrai contribuer à ce que vous désirez, et vous ne devez pas douter que m. du Chastellet et moi n'y fassions de notre mieux. Je vous enverrai notre généalogie à mon retour à Paris. J'y ai si peu été à mon passage que je n'en ai pas eu le temps. La traduc­ tion allemande des Institutions attend la nouvelle édition pour paraître. J'y ai fait beaucoup de corrections, et elle est augmentée de la dispute mairanique, mais je n'ai pas touché au chapitre des forces vives. J'étais à la rentrée de l'Académie où je me flatte de l'avoir embarrassé. Il nous prononça un Eloge3 qui pour être en p etit n'était pas en raccourci. Il paraît une nouvelle édition de !'Examen désintéressé4 dans laquelle il n'est pas bien traité. J'ai vu avec peine, je vous l'avoue, dans un journal de Suisse un frag­ ment d'une lettre que je vous écrivis au sujet de ce livre quand il parut. Vous sentez bien que des lettres écrites dans la confiance de la société ne sont pas faites pour le public. Je vous supplie de faire mille compliments pour moi à mr votre père et d'être bien persuadé que personne n'est plus que moi monsieur votre très humble et très obéissante servante B RETEUIL DU CHASTELLET à Cirey par Vasi en Champagne ce 7 1obre 174 1 82

Décembre z J4 z

LE TTRE 287

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek 684, der Universitat Basel, L.Ia. 442-44 5. pp. 1 Jean Baptiste François Desma­ rets, marquis de Maillebois. 2 Louis Auguste de Bourbon, prince de Dombes. 3 Mairan a prononcé le 1 5 novem-

bre son discours commémoratif sur François Petit, dit Petit le médecin pour le distinguer de Jean Louis Petit, Petit le chirurgien; voir l'ou­ vrage de Mairan, Eloge des acadé­

miciens de l'Académie royale des sciences, morts dans les années z J4 Z , 1 742 e t ZJ43 (Paris 1747). 4

. de Maupertuis

288. à Charles Au gustin Feriol, comte d' Argental à Cirey ce 8 [janvier] de l'année 1742 J'ai été bien longtemps sans vous écrire, mon cher ami, mais j'ai cédé le plaisir à votre ami. Il mahometise sans cesse, mais quand aurons-nous un Mahomet? Le roi de Prusse se vante d'avoir la Nouë, mais je m'en fie à son avarice pour nous le laisser. Cepen­ dant il ne serait pas mal que mr Daumont s'en assurât, et j'espère que l'autre ange votre aimable frère lui en rafraîchit la mémoire, et lui en fera sentir la nécessité. Non, mon cher ami, nous ne passerons point notre vie à Cirey, il est trop doux de vivre avec vous. Nous en passerons à ce que j'espère une partie dans l'île 1 si ce maudit procès peut finir. Il va assez bien ici, et j'espère bientôt l'abandonner pour retourner à Paris. Je vais voir auparavant cette pauvre madame Dautrey dont l'état me touche et qui désire trop de nous voir, pour n'y pas aller. Vous savez que le projet de madame de Luxembourg et de madame de Bouffiers a eu le sort de toutes les parties faites à sou­ per. Si quelque chose me console c'est que je ne m'en étais pas beaucoup flattée, mais je suis en peine de la santé de madame de Luxembourg. Il y a un siècle qu'elle ne m'a écrit. Je ne perds point de vue le projet de faire jouer Mahomet avant de [. . . ] retourner à Bruxelles si nous avons la [. . . ] fût-ce à la rentrée, car je prévois que m r d' Hoensbroeck me donnera du temps par ses lenteurs, et je pourrai abandonner ceci dans le train où il est, sans crainte. Je vous assure que ce sera avec grand plaisir et que je

Janvier z :742

LETTRE 28 8

m'en fais un bien sensible de passer quelque temps avec vous, et de jouir d'une amitié qui fait le charme de ma vie. Dites mille choses pour nous aux 2 anges mâle et femelle de l'aimable triumvirat. A Monsieur Monsieur D'Argental Coner au parlement à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 à l'hôtel Lambert, dans l' île Saint-Louis.

289. à Pierre Rohert Le Cornier de Cidev ille A Cirei ce 1 4 janvier 1742 Il m'est arrivé bien des choses monsieur depuis que je n'ai eu l'honneur de vous écrire. J'ai gagné un grand incident de mon procès, j'en suis venue pour suivre un autre ici, et je suis sur le point de repartir pour Bruxelles pour tâcher de voir la fin du tout. Ce ne sera pas sans passer quelque temps à Paris, où votre ami, qui m'a fidèlement accompagnée dans toutes ces courses, compte faire jouer son prophète dès que son ambassadeur1 sera parti. Vous devriez bien venir l'entendre, il l'a encore beaucoup changé, et toujours en bien. Je crois par l'effet qu'il m'a fait à Lisle qu'il aura un grand succès. Nous voudrions bien avoir la Nouë pour le jouer, mais il fait le difficile, il veut qu'on le reçoive à la comédie avant de débuter. Cela est impossible et révolterait tout le public contre lui. On dit que le roi de Prusse le demande, mais je crois que son expérience de l'année passée le rendra un peu circonspect avec les rois du nord. Vous devriez bien l'exhorter à venir relever notre pauvre Comédie française qui est dans une terrible déca­ dence. Il n'en est pas de même de notre opéra. M elle Camargo vient de lui ajouter de nouveaux charmes, elle est rentrée sans aucune diminution de talent quoiqu'avec une grande augmenta­ tion de graisse. Je suis si accoutumée monsieur à vous ennuyer de mes affaires normandes, et elles réussissent si bien quand vous avez la bonté

LETTRE

Janvier z 742

289

de vous en mêler que je m'adresse à vous avec confiance pour vous prier de vouloir bien consulter le mémoire ci-joint à quelque habile avocat de Rouen qui me dise en le moins de mots qu'il pourra ce qu'il pense de mon affaire. Le fonds me paraît de 7 cha­ pons mais c'est une sentence cassée et cela devient grave pour moi. Il me paraît que j'ai raison et ce n'est pas que j'aime beau­ coup les chapons. Si on le juge à propos nous mènerons cette belle cause à votre parlement, et j'espère que vous voudrez bien m'accorder votre protection. Mr de Voltaire vous dit des choses bien tendres et moi je vous demande tous les pardons que je vous dois, et vous réitère les assurances des sentiments avec lesquels je suis monsieur votre très humble et très obéïssante servante BRETEUIL DucHATELLET

mr

de Cideuille

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff. 55-5 6.

29 0.

1 l'ambassadeur turc, qu'on crai­ gnait d'offenser par les représenta­ tions de Mahomet.

à Johann Bernoulli

Mr du Chastellet veut que je vous mande monsieur qu'à la récep­ tion de ma lettre il avait écrit à mr le prince de Dombes, qui lui a fait la réponse du monde la plus favorable. Je suis très fâchée que m. de Granduillars en ait rappelé, car il me semble que quand on a fait comme lui la moitié du chemin, il n'y a pas grand mal de l'achever. Il est triste d'expliquer une mauvaise plaisanterie, mais enfin je crois que l'énigme de l'éloge en petit mais non pas en raccourci sera expliquée quand vous saurez que l'éloge prononcé était celui de mr Petit, médecin. La nouvelle édition de l'examen désinté­ ressé était encore si rare quand je suis partie de Paris que je n'en ai pas pu avoi� pour moi, mais je me flatte qu'il est plus commun à présent, et si on l'y trouve je ne manquerai pas de le joindre à

85

Février z 742

LETTRE 290

ma généalogie que je vous enverrai dès que je serai à Paris où je compte arriver pour la première semaine de carême. Vous savez sans doute à présent que nos académiciens du Perou sont tous en bonne santé, que leur opération est faite, que mr de Maupertuis en est fort content, et qu'ils doivent être en chemin pour revenir. Je voudrais bien être à Paris quand ils y arriveront. Je ne crois pas que mr de Maupertuis retourne en Prusse, on n'a point envie en France de le céder une seconde fois. Soyez per­ suadé monsieur que je suis avec toute la considération possible votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à Cirei ce 2 février

17 42

A Monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat Basel, pp.446-449.

L.Ia.684,

29 z . à Frédéric 11:, ro i de Prusse Sire,

Versailles, 2 juin

1 7 42

Il m'est impossible de contenir ma joie et de ne la pas marquer à votre majesté, les bontés dont elle m'honore m'autorisent à prendre cette liberté, et à joindre ma voix au concert de louanges qui retentit ici au nom de v. m. Nous lui devons les avantages de la guerre, et je me flatte que nous lui devrons encore ceux de la paix. Pour moi, qui ai le bonheur d'avoir la première connu et admiré v. m., je serai toute ma vie celle qui prendrai le plus de part à sa gloire, et qui serai avec le plus profond respect, etc. Imprimé d'après Oeuvres pos­ II (Berlin 1788), xii. 309- 3 I O . Frédéric venait de battre les Authumes de Frédéric

86

trichiens à Chi tusitz, le 17 mai, ce qui lui permit de leur imposer le 10 juin la paix de Breslau.

Août

L ETTRE 292

1742

29 2 à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville [vers le

I

août 1 742]

Je vous rends des grâces infinies de toutes vos attentions, mon­ sieur. M. l'intendant a renvoyé les requêtes, et les a accordées. Je vous prie de lui en faire mes remerciements, et de recevoir les miens. Je suis enfin rétablie dans ma petite maison du faubourg St Honoré qui est fort jolie, mais je n'y serai pas longtemps, car je compte partir le 1 5 pour Bruxelles. Nous nous flattons avant ce temps d'avoir Mahomet. J'espère que vous n'oublierez pas que vous aviez fait le projet de venir passer ici une partie de l'hiver. J'espère que j'en profiterai. Soyez persuadé monsieur que per­ sonne ne sera jamais plus que moi, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DucHASTELLET

Normandie à monsieur monsieur de Cideuille conseiller au parle­ ment de Rouën A Rouën Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie

de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff. 57- 5 8. ·

293. à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental Je ne vous ai pas encore écrit mon cher ami pour vous marquer ma joie de voir m. votre oncle dans le conseil1 , mais j'espère que vous n'en doutez pas, et que vous êtes bien persuadé du vif inté­ rêt que ma tendre amitié me fera toujours prendre à tout ce qui vous est agréable. Je vous crois à Paris depuis plusieurs jours, et j'en fais mon compliment à madame Dargental et à vous. Pour moi je suis ici dans les horreurs de la procédure, travaillant beau­ coup et n'avançant guère. Je ne crois pas que je puisse voir la fin de mon incident pendant le temps que je puis rester ici, et je vous avoue que je m'en désole. Vous savez que votre ami a été voir le

Sep tembre 1742

L E TTRE 293

roi de Prusse, il n'a point abusé de sa liberté car il est parti le lundi, et il est revenu le samedi. Il lui a fait d'aussi beaux présents que les autres fois, et je m'y attendais bien. Adieu mon cher ami, j'ai bien envie de me retrouver avec vous, je crois que vous n'en doutez pas. Mille choses tendres je vous prie à madame Dargental. à Bruxelles ce

IO

7bre I 742

France à monsieur monsieur Dargental conseiller au parlement à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 le cardinal de Tencin fut nommé ministre sans portefeuille le 25 août.

294. à Charles Augustin Feria!, comte d' Argental Mon cher ami c'est à vous de me rassurer car vous savez que vous faites passer dans mon âme tous les mouvements de la vôtre, et vos craintes m'en ont donné. Il y a plus d'un mois qu'on dit Mahomet imprimé à Meaux1 , mais à moins que ce ne soit madame de Chimai2 qui l'y ait fait imprimer je ne puis deviner qui c'est. M. de V. ne connaît pas un chat à Meaux, et il serait outré que Mahomet fût imprimé en quelque lieu du monde que ce fût. Si vous apprenez quelque chose de positif j'espère que vous nous le manderez d'abord. Cela est presque impossible mais tout peut être, et une pièce représentée 3 fois, qui a été à la police3 , entre les mains de m. Minet4 et entre celles des acteurs peut avoir été volée. Je ne puis auj ourd'hui vous parler d'autre chose. Votre ami dit que je suis folle d'avoir sur cela aucune inquiétude. Il vous fait mille amitiés et à madame Dargental et moi aussi tout simplement. Nous n'espérons pas vous voir avant la fin d' octobre. Je suis bien inquiète de l'armée de m. de Maillebois5 • ce 2 2 7b re [ 1 742] e

France à monsieur monsieur Dargental conseiller au parlement rue S t Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris

88

L E T TRE 294

Imprimé d' après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 on ne connaît pas cette édition, mais la pièce fut imprimée plusieurs fois subrepticement à cette époque. 2 Gabrielle Françoise de Beauvau, femme d'Alexandre Gabriel de Hen­ nin-Lietard, prince de Chimay; il ne faut pas confondre cette dame avec la fille de Saint-Simon nommée plus haut (lettre 2 17); le mari de Gabrielle de Beauvau ne devint prince de Chimay qu'en 1 740.

Sep tembre 1742 3 à la suite d'une cabale montée par Joly de Fleury, secondé par Mouhy, cet ami dévoué de Voltaire, on avait obligé celui-ci à retirer Mahomet (Best.246 1-2469); mais nous verrons bientôt l'usage que fera Voltaire de cette condamnation. 4 le souffleur de la Comédie fran­ çaise. 5 la paix de Breslau avait obligé les forces françaises de Broglie et de Belleisle à se retirer; assiégées à Prague elles venaient d' être sauvées par l'approche de Maillebois.

29 5. à Charles Augustin Ferio f:, comte d' Argental à Bruxelles ce 3

g bre

1 742

Vous me tirez de deux grandes inquiétudes, mon cher ami. La première est celle de Mahomet, je crois que l'espérance de la voir rejouer me contiendra et vous avez très bien fait d'en parler dans votre lettre, quoique je croie que vous ne l'espérez pas plus que moi. L'autre peine dont vous m'avez tirée c'est au sujet de l'étoffe que madame de Bois désire, je savais bien que quelqu'un m'en avait demandé, mais il m'était impossible de me souvenir qui c'était et cela me tourmentait beaucoup. Je vous prie d'assurer madame Dargental et elle qu'elles en auront chacune 1 3 aunes de France que je leur apporterai, quand, c'est ce que j 'ignore. Mon avocat prétend que si je ne fais pas juger l'incident du testament avant mon départ il faudra absolument que je revienne pour le faire juger. Il faudrait donc passer ma vie à aller de Paris à Bruxelles, ce qui serait triste et cher. Si je puis donc espérer de le voir juger avant le 1 5 de novembre je resterai et retarderai le mariage de ma fille 1 , mais si je vois que cela soit impossible, je partirai d'abord. Voilà mon çher ami ma triste situation, elle est encore aggravée par l'inquiétude où je suis de nos maturins. On dit à tout moment

Octobre 1742

L ETTRE 29 5

ici qu'il y a eu des affaires et cela ne peut pas tarder, mais je saurai les détails bien tard, car je ne pourrai les apprendre que de France. Tout se prépare ici à la guerre, mais cela ne fera rien à mon procès, car ce ne sera pas la reine2 qui déclarera la guerre à la France mais l'Angleterre, ainsi la reine fera la guerre sous le nom de l' Angle­ terre comme nous sous le nom de l'empereur. Les Hessois et les Hanovriens arrivent à force, on a envoyé les passeports pour les équipages du roi d'Angleterre, et on ne doute point du siège de Dunkerke. Je crois que vous voyez tout cela avec autant de cha­ grin que moi, la société et les arts n'ont qu'à perdre par la guerre, et je ne crois pas que nous gagnions beaucoup à celle-ci, si ce n'est de la gloire pourtant, car le siège de Pragues nous fait grand honneur. Adieu mon cher ami, nous disons mille choses bien tendres à madame Dargental, et nous vous embrassons mille fois. Il n'y a plus d'étoffe dans la boutique où j'ai pris la mienne, j'en ai trouvé dans une autre, voilà un échantillon, elle me paraît de même. Cela reviendra à 10 livres et quelques sous de France l'aune de France, mais cela est plus large que le ras de St Maur ordinaire. Je compte que cela a à peu près la longueur du taffetas d'Angleterre. Si ces dames le veulent il faut que je le sache promp­ tement crainte qu'on ne le vende. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1

en effet Françoise Gabrielle Pau­ line n'épousa le duc de Montenero­ Caraffa que six mois plus tard. 2 Marie Thérèse.

296. à Charles Augustin Feria!, comte d'Argental Je viens de faire l'emplette de ces dames mon cher ami. Je vous prie de dire à madame Dargental que j'ai pris 24 aunes de France à la même pièce, madame de Bois et elle partageront comme elles voudront, mais je me suis un peu trompée, cela n'est pas si large que je l'avais mandé, mais la leur a précisément la même largeur

Octobre z 742

LET T RE 296

que la mienne. Je comptais que cela n'irait qu'à rn livres l'aune mais cela revient à 1 1 livres justes, la différence de l'aune et de l'argent de ce pays-ci fait qu'on se trompe à tout moment. Je n'ai pas cru que les 2 petites différences dussent m'arrêter. Votre ami a été un peu malade, et vous savez que quand il est malade il ne peut faire que des vers. Il s'est mis à raccommoder Zulime, et je crois que cela fait à présent une bonne pièce. Nous nous faisons un plaisir de vous la porter. J'ai pris mon parti de ne me plus flatter de finir mon incident et de le laisser finir sans moi, car cela me mènerait en 4 3 et je veux commencer mon année avec vous, ainsi je crois que je vous tiendrai ma parole pour la fin de ce mois, et je vous remercie bien, madame Dargental et vous, de ne me l'avoir pas rendue. Nous avons ignoré la maladie de m. de Solare, voulez-vous bien vous charger mon cher ami de lui mar­ quer combien nous nous y intéressons, et combien j'ai été aise d'apprendre sa convalescence en même temps que son danger. Adieu mon cher ami, je me fais un plaisir indicible de me dédom­ mager de tout l'ennui de Bruxelles et des procès par le plaisir de vivre avec madame Dargental et avec vous. à Bruxelles ce I 6e

g bre I 742

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

29:7.

à Charles Augustin Feria !, comte d'Argental à Bruxelles ce 2 I

g bre [ I 742]

Je suis tout étonnée de n'avoir pas eu de lettres de vous mon cher ami, je vous crois bien fâché de voir vos craintes vérifiées. Vous sentez bien que nous sommes outrés. M. de Voltaire vous a écrit hier1 et vous a fait part de ses démarches et de ses soupçons. Je tâche de le co11soler, et j'ai besoin de consolation moi-même, cela déroute tous nos projets, et m'ôte toute envie de partir d'ici. 91

Octobre z 742

LETTRE

297

Tiriot mande aujourd'hui à votre ami qu'il court dans Paris une lettre de lui au procureur général2 • Certainement il ne lui a pas écrit, mais cela me fâche, car on suppose donc qu'il faut lui écrire, mais nous ne voulons rien faire sans vos ordres et nous attendons de vos nouvelles avec impatience. Dites à madame Dargental mille choses pour moi. La Bonardiere me mande que l'affaire des tapisseries est finie, mais il lui en aura sans doute rendu compte. Adieu mon cher ami, je vous embrasse bien tristement et bien tendrement. France à monsieur monsieur Dargental conseiller au parlement, rue St Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 2

lettre perdue. Joly de Fleury.

298. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Je reçois toujours monsieur avec une reconnaissance nouvelle les marques que vous ne cessez de me donner de votre amitié. Je serais charmée de vous devoir l'établissement de mon fils. Made­ moiselle de Manneuille serait un trésor, mais comme je vous en dois sa découverte, il faudrait que je vous en dusse aussi la réus­ site, car je ne connais personne qui puisse traiter cette affaire, et de toutes les personnes que je pourrais connaître vous êtes celle qui me rendrait la plus sûre de la réussite. Je suis charmée de l'espé­ rance que vous me donnez de venir bientôt à Paris. Je me fais un grand plaisir de vous dire moi-même à quel point j'ai l'honneur d'être monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUI L D ucHASTELLET

à Paris ce 2 1 janvier 1743 Je suis bien persuadée que vous êtes intéressé à la perte que j'ai faite1 • 92

Janvier z :743

L ETTRE 29 8

M. de Voltaire vous fait les plus tendres compliments. M. le car­ dinal est à l'agonie, et ne peut ni vivre ni mourir2 • Normandie à monsieur monsieur de Cideuille à Rouen Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff. 6 1-62.

1 le marquis de Breteuil (voir une note de la lettre 8 1) mourut le 7 j an­ vier. 2 Fleury mourut le 29.

299. à la comtesse de La Neuv ille Ce 4 avril [ 1743] J'ai manqué m. de Châlons1 à Paris, madame. Je lui ai écrit, j'ai reçu hier sa réponse que j'ai trouvée bien raisonnable. Il m'a mandé que vous lui envoyiez monsieur votre fils à la Pentecôte, pour quelques jours, à son séminaire. S'il le trouve bien instruit de sa religion et de sa vocation, il vous promet de le tonsurer. Il croit que c'est l'aîné à qui vous voulez faire cette cérémonie. Je ne le puis croire, et encore moins que pour avoir plus tôt son béné­ fice, vous le destiniez à l'état ecclésiastique, ou plutôt madame, je juge que, quoique fort jeune, il vous donne des marques que dieu le destine à cet état. Pour ce qui regarde votre précepteur, il me répond que vous le croyez prévenu contre lui.Il vous croit trop prévenue en sa faveur, que peut-être vous soupçonnez que le curé de la Neuville lui a inspiré ces sentiments, que vous pouvez cependant savoir qu'il n'a jamais eu de confiance en lui, que c'est un capucin actuelle­ ment qui a soin de la paroisse; peut-être conservera-t-il des sen­ timents plus favorables pour votre précepteur, mais que, sur le refus que votre curé avait fait de lui donner un billet pour la confession, il lui demanda les raisons, qu'il lui en dit de si fortes qu'il ne peut lui en accorder un. 93

Avril 1 743

LE T TRE 29 9

Il désire fort, madame, de vous donner des marques de la consi­ dération qu'il a pour vous. Je vous supplie d'être persuadée madame, de l'attachement avec lequel, etc. DU CHASTELET Imprimé d'après Paul d'Etrée, 'Les surprises d'une perquisition',

Revue d'histoire littéraire de la France (Paris avril-juin 1906), xiii.

Claude Antoine de Choiseul­ Beaupré, évêque de Châlons-sur­ Marne. 1

336.

30 0.

à la comtesse de La Neuville Paris ce 1 5 avril 1 743

J'ai l'honneur de vous donner part, madame, du mariage de ma fille avec m. le duc de Montenero Caraffa. Je compte assez sur votre amitié pour me persuader que vous voudrez bien y prendre part. M. du Chastelet est touj ours en Bavière où il a passé l'hiver. C'est ce qui l'empêche d'avoir l'honneur de vous écrire. Soyez, je vous supplie, bien persuadée, madame, de tous les sentiments avec lesquels, etc. BRETEUIL DU CHASTELET

Mme la comtesse de la Neuville à Vassi en Champagne Imprimé d'après Paul d'Estrée, 'Les surprises d'une perquisition',

Revue

d'histoire

30

Sire,

littéraire

de

la

France (Paris avril-j uin 1 906), xiii .

3 3 6.

z . à Frédéric II, roi de Prusse Paris, 7 mai 1 743

Les bontés dont votre majesté m'honore m'autorisent à prendre la liberté de lui faire part du mariage de ma fille avec m. le duc de

94

Mai 1 743

L E T T R E 30 1

Montenegro- Caraffa. V. m. sait bien que, si mes vœux avaient été exaucés, ç'aurait été à sa cour qu'elle aurait passé sa vie, et ç'eût été un bonheur dont j'aurais été bien jalouse. Je ne perds cependant point l'espérance d'admirer quelque jour de près celui auquel j'ai voué depuis longtemps l'attachement le plus respec­ tueux et le plus inviolable. C'est avec ces sentiments et le plus profond respect que je serai toute ma vie. . . . Imprimé d'après Oeuvres posthu­ mes de Frédéric II (Berlin 1 788),

xii.3 1 0-3 1 I .

3 0 2.

à fohann Bernoul li

Je suis très flattée monsieur de la compagnie dans laquelle on veut me mettre, et en tout que l'on ait pensé à moi pour le recueil 1 dont vous me parlez. Je fais faire une seconde copie de mon por­ trait que Natier qui est à présent le meilleur pour le portrait, vient de finir, et aussitôt que la copie sera faite je vous l'adresserai par le carrosse de Strasbourg. Je ne sais lequel est le plus flatteur pour moi, ou l'usage qu'on veut faire de mon portrait, ou la bonté que vous avez de vouloir le garder. Je trouve encore en tout ceci un grand avantage, c'est d'avoir reçu de vos nouvelles. Vous devez être bien sûr qu'on n'oublie point quelqu'un comme vous quand on l'a une fois connu, et que les marques de votre amitié me feront toujours grand plaisir. M. de Voltaire me charge de vous faire mille compliments. Il a été un peu fâché que vous ne vous soyez pas souvenu de lui dans votre lettre d'autant plus qu'il a fait l'année passée 4 vers pour le portrait de m. votre père dont il espère que vous, et lui, avez été contents. Il veut se charger des mémoires sur ma vie que vous me demandez, et qui étaient bien ce qui m'embarrassait le plus dans cette affaii;e, mais puisqu'il veut bien me faire cet honneur-là, vous sentez combien je désire d'en profiter.

95

Juin 1 743

LETTRE 302

Je vous supplie de faire bien des compliments pour moi à votre père et à m. votre frère Daniel, et de me croire avec une considération infinie monsieur votre très humble et très obéissante servante mr

BRETEUIL DU CHASTELLET

à Paris grande rue du faubourg St Honoré le 3 juin 1743 Vous devez avoir reçu un exemplaire de la généalogie de notre maison que j'avais envoyé par le carrosse de Strasbourg. Je ne sais si vous savez que je viens de marier ma fille à un homme de la maison Caraffa. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, O ffentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.450-453 .

Jacob Brucker et Johann Jacob Haid, Bi/der-sa! heutiges Tages leben­ 1

der und durch Gelahrheit berühmter Schrijft-steller (Augspurg 1 745), iv.

3 03. à Jac ques Franç ois Paul Aldonce de Sade à Paris ce

10

avril [juin] 1743

. . . Vous savez le résultat de notre affaire de l'Académie. Ni votre archevêque ni vous ni nous ne sommes contents. Je vous avoue cependant qu'il est bien plaisant de voir remplir une place desti­ née à m. de V. par m. de Bayeux1 • Celle de l'abbé Bignon est donnée à son neveu2 ce qui n'est guère moins ridicule. Nous ne voulons [pas?] plus y penser que la cour d'elle-même ne pense à nous. Ne croyez pas que nous nous soyons mal conduits. Qui n'entend qu'une partie n'entend rien et m. de Richelieu ne hait pas à condamner ses amis. Votre archevêque ne doit point être fâché contre vous car m . de Mirepoix3 s'était chargé de lui mander le désistement et de plus nous espérions prendre la place par famine &c. Imprimé d' après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Cal­ vet, Avignon, MS. 2702, f. 34v.

Quoique la date du 1 0 avril ne soit pas absolument impossible, juin est beaucoup plus probable; voir la note

LE T T RE 303

de Best.2585 et les notes qui suivent ici. Vers le 1 5 juin Frédéric écrit à la marquise (Best. 259 1 ): ' Je ne conçois pas messieurs les Français: ils n'ont qu'un bon ministre\ ils le relèguent; un bon général5 , ils ne l'emploient point; un bon poète6 , ils le chassent'. 1 Paul d'Albert de Luynes, reçu

Juin 1 743 au fauteuil de Fleury le 1 6 mai 1 743 . 2 Armand Jérôme Bignon fut reçu le 27 juin à la place de Jean Paul Bignon, mort le 12 mai. 3 Jean François Boyer, qui avait été évêque de Mirepoix. 4 Chauvelin . 5 Belleisle. 6 Voltaire.

3 04. à Jac ques François Paul Aldonce de Sade Paris ce 28 juin 1743 . . .Imaginez-vous que m. de Voltaire, très mécontent déj à de tout ce qui s'était passé au sujet de l' Académie, a été si révolté du refus que l'on fait de laisser jouer la tragédie de Jules Cesar qu'il s'en est allé en Hollande d'où il ira vraisemblablement en Prusse, qui est tout ce que je crains, car le roi de Prusse est un rival très dan­ gereux pour moi. Je suis dans la plus grande affliction et quoique je sente qu'il a bien quelque tort, puisqu'à sa place je ne me serais sûrement pas en allée, cependant ce que je sens le plus c'est ma douleur. Je suis restée ici dans l'espérance de faire jouer Cezar et de hâter son retour. Je doute que j'y parvienne et en ce cas j'irai à la fin de juillet à Bruxelles où il m'a promis de me venir trouver. Voilà mon état, et mes marches &c. Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Cal­ vet, Avignon, MS. 2702, f.3 5r. Mme Du Châtelet n' avait pas compris ce qui se passait, et pour cause. Profitant de la suppression de Mahomet et de la Mort de César, Voltaire se dit disgracié et, se lais­ sant séduire par les tentations de Frédéric, se réfugia en Prusse. En réalité tout cela était un coup de théâtre préparé . avec le ministère

français, qui avait confié au poète une mission diplomatique secrète auprès du roi, ou plutôt, disons-le brutalement, d'espion auprès de son ami . C'est à cette époque qu'appartient la très curieuse et incompréhensible lettre, certainement chiffrée, de Vol­ taire à la marquise (Best.2596): ' Que dit vous de St Jean qui ne revient point! que diraient nous de Mar• . 1 . . .' un

97 7 (II)

Juillet z :743

L E TTR E 30 5

3 0 5. à Pierre Robert Le Cornier de Cideville Je vous envoie, monsieur, une lettre 1 charmante de votre ami, et que la vôtre a bien méritée. Je ne vous cache point que je l'ai lue et je n'ai pas même cru que la cérémonie de rattacher le cachet volant fût nécessaire. Je vous avoue même que je ne l'aurais pas envoyée à tout autre qu'à vous, mais je connais trop votre amitié pour mr de Voltaire et votre discrétion pour rien craindre. Vous sentez bien par là que je ne la trouve pas extrêmement sage, et que je vous prie de n'en donner de copie à qui que ce soit. Vous en sentirez aisément la conséquence en la lisant. Je n'ai pu encore obtenir qu'on joue Cesar, cependant je n'en désespère pas encore. Il n'y a jamais eu de négociation plus diffi­ cile parce qu'il n'y a rien de si difficile que de faire revenir les gens qui mettent l'humeur à la place de la raison. Votre ami est toujours à la Haie, je commence à espérer qu'il n'ira point en Prusse. Le roi de Prusse vient à Aix la Chapelle où j'espère qu'il l'y verra, mais je crains bien cette entrevue car le roi de Prusse paraît par ses lettres avoir une envie extrême de le retenir, mais j'espère que l'amitié l'emportera. Je voudrais bien pouvoir vous mander cette bonne nouvelle, je sais combien vous vous y inté­ ressez et c'est ce qui augmente encore monsieur l'estime et l'amitié . . ,, que vous m' avez msptre. Je suis bien fâchée que la lettre de votre ami ne soit pas de nature à être rendue publique. Je crois qu'on verra la vôtre avec bien du plaisir. Je compte qu'elle sera le mois prochain dans le Mercure. [à Paris ce

I

juillet 1743]

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie

de Rouen, Lettres de m me Du Châ­ telet à Cideville, ff.65-66. 1 Best. 2593.

LETTRE 306

Juillet 1743

.3 0 6. à Pierre Rohert Le Co rnier de Cideville Je ne suis pas sans espérance de vous rendre votre ami monsieur, j'espère qu'on jouera Cesar, et vous savez que c'était là la pierre d'achoppement du moins pour le présent. Cela ne tient plus qu'à quelques corrections auxquelles j'espère qu'il se prêtera. Le roi de Prusse va heureusement à Aix la Chapelle, ainsi votre ami n'aura pas besoin à ce que je me flatte d'aller à Berlin, et c'est une grande différence pour l'espérance de le revoir. Vous pouvez lui écrire à la Haje, il recevra votre lettre, et je sais combien elle lui fera de plaisir. Ma fille doit être à Naples à présent, ses dernières nouvelles sont de Rome. Elle a fait un voyage très agréable, et il me semble qu'elle commence à se consoler. Je vous rends bien des grâces de l'intérêt que vous y prenez. Adieu monsieur, continuez-moi votre amitié, et soyez bien sûr du cas infini que j'en fais. à Paris le 28 juillet 1743 Normandie à monsieur monsieur de Cideuille conseiller au parle­ ment de Rouen à Rouën Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie

de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff.63 -64.

.3 07. à Marc Pie rre de Voyer:, com te d'Argenson A Paris le 22 août 1 743 Le sieur Marchand 1 m'est venu trouver, monsieur, pour que j'eusse l'honneur de vous écrire en sa faveur. Vous avez eu la bonté de lui accorder, à la recommandation de m. de Voltaire, une fournitur� de dix mille habits pour les milices. Il s'est associé avec le sieur Devin pour la remplir. Ils ont eu l'honneur de vous

99

Août z :743

LE T TRE 307

représenter l'impossibilité où ils étaient de faire cette fourniture en drap de Lodève pour le temps prescrit, parce que la manufac­ ture était épuisée, et ne pouvait pas en fournir à temps, à cause de celui qu'il faut pour le faire venir. On a mandé à m. Devin que vous aviez donné cette entreprise à m. de Vallat. Il est bien diffi­ cile qu'il la fasse plus tôt que les sieurs Marchand et Devin. Car la manufacture de Lodève n'ira pas plus vite pour les uns que pour les autres et la même impossibilité doit subsister pour le sieur de Vallat comme pour les sieurs Marchand et Devin. M. de Voltaire vous serait, je crois, infiniment obligé si vous vouliez bien conserver cette entreprise au sieur Marchand. Mais si vous croyez que le sieur Vallat vous serve mieux, les sieurs Marchand et Devin vous supplient du moins cl'exiger du sieur de Vallat qu'il prenne les mêmes fournitures au prix qu'elles leur ont coûté, en montrant leur facture, ce qui me paraît selon toute justice, puisque sans cela ils se trouveraient ruinés. Je crois que m. de Voltaire ne pourra pas sitôt vous recomman­ der cette affaire lui-même. Je viens d'apprendre que le roi de Prusse ne va plus, ni à Aix-la-Chapelle, ni à Spa. Ainsi il va vrai­ semblablement partir pour Berlin. J'en suis dans une affiiction inexprimable. Il est affreux, après trois mois de peine, de n'être pas plus avancé que le premier jour. J'ai eu l'honneur de vous écrire ces jours passés une lettre sur m. du Chastelet, à laquelle j'espère que vous voudrez bien faire attention. Soyez, je vous supplie, bien persuadé, monsieur, que personne ne sera jamais avec plus d'attachement que moi, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELET

Imprimé d'après Mémoires du marquis d'Argenson (Paris 182 5 ), pp. 4 5 6-4 57. Il avait été convenu qu'après un certain intervalle on enverrait à Vol­ taire, pour lui permettre de quitter Frédéric, une lettre l'informant qu'il était de nouveau en faveur à la cour, et qu'on jouerait la Mort de César. 100

Cette pièce fut en effet représentée le 29 août, mais la lettre se fit atten­ dre et ce ne fut que le 3 1 août (Best. 263 7) que Maurepas l'adressait, non pas à Voltaire, mais à la marquise, ce qui était manquer aux convenan­ ces d'une façon inadmissible. La let­ tre est du reste loin de ce que les cir­ constances exigeaient - Maurepas

L E T TRE

Août

307

était incapable de maîtriser ses sen­ timents de haine pour Voltaire. 1 Philippe François Marchand de

z :;43

Varenne, de la famille de Voltaire; le comte d'Argenson était le ministre de la guerre.

3 0 8. à Johann Bernoulli Enfin monsieur le plus vilain portrait du monde doit être à pré­ sent à Strasbourg et bientôt à Basle. Je n'ai pu faire finir à temps celui qu'on fait ici, et j'ai été obligée d'en envoyer un qui était à Cirey, et dont je ne suis point contente. M. de Voltaire que j'attends incessamment de Berlin m'a flattée qu'il prendrait la peine de vous envoyer les mémoires qui doivent l'accompagner, ce portrait-là vaudra mieux que l'autre, c'est aussi celui auquel je m'intéresse le plus. Permettez que je fasse mille compliments à mr votre père, à m r votre frère Daniel, et que je vou s réitère les assurances des sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être mon­ sieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à Paris ce

I er g b r e

1743

Imprimé d'après le manuscrit autographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp . 4 5 4 -4 5 5.

Basel,

L.Ia.684,

3 09. à Char les Augustin Feriol, comte d� Argental Je me hâte mon cher ami de vous apprendre que je viens enfin de recevoir une lettre, elle est du 28, elle a 4 lignes. Il est clair par cette lettre qu'il a été 1 5 jours sans m'écrire. Il ne me parle point de son retour. Que de choses à lui reprocher! et que son cœur est loin du mien! Mais puisqu'il se porte bien je n'ai plus de reproche à lui faire, et je suis trop heureuse. Je vais aller à Bruxelles dès qu'une petite fièvre que j'ai sera passée, je l'y attendrai et je revien­ drai avec lui. J'y ai effectivement à faire. Mon rapporteur est tombé 10 1

Octobre z :743

LETTRE 309

en apoplexie, et le choix d'un autre rapporteur est une chose qui mérite attention, mais qui ne sera pas longue. J'ai fait prier notre ami le chevalier de Mouhi de mettre cette cause de mon départ dans ses nouvelles à la main, j'ai écrit à toutes les personnes de ma connaissance le sujet de mon départ, et j'ai annoncé mon retour avant la fin du mois, et je l'espère bien ainsi. Dites ma résurrec­ tion à me Dargental, je compte bien sur vous, sur elle et sur votre aimable frère pour représenter à m. de Voltaire combien il serait barbare à lui de m'exposer encore à de pareilles épreuves. Il m'en a pensé coûter la vie, et il m'en coûtera sûrement ma santé que je sens que de pareilles épreuves altèrent sensiblement, mais si j e le revois tous mes maux seront guéris. Adieu mon cher ami, écrivez­ moi à Bruxelles sur la place de Louuain et comptez sur l'amitié d'un cœur qui n'a jamais su changer. le

10

g bre [ 1743] à Lisle

A monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment rue S t Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

3 z o. à Charles Augustin Feria !, comte d' Argental Ne m'accusez point mon cher ami de vous avoir fait mystère du parti que j'ai pris. Vous n'étiez point à Paris. Si vous y aviez été j'aurais été trop heureuse. Je suis partie le vendredi à 9 heures du soir et m. de Meinieres me dit le jeudi au soir que vous ne reveniez que le samedi. J'ai enfin reçu un billet de m. de Voltaire, car cela ne peut pas s'appeler une lettre. Tout ce que j'ai éprouvé, tout ce qui s'est passé dans mon âme depuis que je vous ai écrit ne peut pas s'exprimer, j'ai été pendant 8 jours dans le plus violent déses­ poir, je ne doutais presque plus du malheur que je craignais et je ne sais pas comment je n'en suis pas morte. Enfin au bout de ce temps je reçois 4 mots de m. de Voltaire datés du 28 7bre en 102

LET T RE J I O

Octobre z 74.3

passant à Halls. Voilà la seule lettre que j'aie reçue de lui depuis le 1 4 7 bre . Dans le moment que je l'ai reçue vous sentez bien que je n'ai senti que le plaisir de savoir qu'il se portait bien, mais la suite m'a fait faire des réflexions bien cruelles. Je crois qu'il est impossible d'aimer plus tendrement, et d'être plus malheureuse. Imaginez vous que dans le temps que m. de Voltaire pouvait et devait par­ tir pour revenir ici, après m'avoir juré mille fois dans ses lettres qu'il ne serait pas à Berlin plus longtemps qu'en 1 740 (et il y fut 10 jours), dans ce temps-là il va à Bareith où assurément il n'avait que faire, il y passe 1 5 jours sans le roi de Pruse et sans m'écrire une seule ligne, il s'en retourne à Berlin, et y passe encore 1 5 jours, et que sais-je, peut-être y passera-t-il toute sa vie, et en vérité je le croirais si je ne savais pas qu'il a des affaires qui le rappelent in dispensablement à Paris. Il m'écrit 4 lignes en passant dans un cabaret sans m'expliquer les raisons de son séjour à Bareith ni celles de son silence. Enfin il m'écrit un billet tel qu'il m'en écri­ rait un de sa chambre à la mienne, et voilà la seule chose que j'aie reçue de lui depuis le 1 4 76re , c'est à dire depuis plus d'un mois. Concevez-vous que quelqu'un qui me connaît m'expose à la dou­ leur et à toutes les imprudences dont il sait bien que je suis capable quand je suis inquiète de lui? Vous savez ce qu'il m'en a coûté, j'ai pensé réellement en mourir, et j'en ai encore une petite fièvre lente qui se marque en double tierce et qui me prépare un très triste hiver. C'est un miracle que je n'aie pas passé Lisle. Dans l'excès de mon inquiétude et de ma douleur je ne sais où j'aurais pu aller, la fièvre m'en a préservée, mais je ne vous cache point que mon cœur est ulcéré et que je suis pénétrée de la plus vive douleur. A voi r à me plaindre de lui est une sorte de supplice que je ne connais­ sais pas. J'ai éprouvé à la vérité une situation plus cruelle, celle de trembler pour sa vie, mais je pouvais espérer que mes craintes étaient chimériques, et il n'y a point de ressource à ses procédés pour moi. Je sais par une lettre du 4 8 6re que m. de Podewils1 a reçue de lui et .qu'il m'a envoyée de la Haie qu'il comptait partir de Berlin le 1 1 ou le 1 2 , mais ce n'était pas un projet arrêté et 1 03

Octohre z 74.3

L ETT R E J I O

quelque opéra ou quelque comédie pourra bien le déranger. Il est singulier que je reçoive ses nouvelles par les ministres étrangers et par les gazettes, cependant je suis ici où je fais semblant d'avoir affaire, mais mon esprit n'en est pas capable. Heureusement qu'il n'a pas de quoi s'exercer. Je l'attendrai s'il revient ce mois-ci mais si son retour se retardait comme rien n'est plus possible, je retournerai chercher auprès de vous une consolation dont je suis bien incapable, et je compte aller ensevelir cet hiver mes chagrins à Cirey. M. de Podeuils m'a rendu le service d'empêcher mon courrier de passer la Haie. Je suis bien fâchée que madame Dargental soit incommodée, il est bien juste cependant qu'elle ait quelque petit malheur pour compenser le bonheur qu'elle a d'être aimée par un cœur corn[ me le] vôtre. Dites-lui je vous prie bien des choses de m[a part.] Ne montrez cette lettre à personne, je sens une triste consolation à vous ouvrir mon cœur. Le temps ni les torts ne font rien sur moi et je sens par ce que j'éprouve que la source de mes chagrins est intarissable. Dites quelque chose pour moi à m. votre frère. Je vous reporterai la lettre que vous m'avez envoyée. Per­ sonne ne sent mieux que moi combien tout ce qui vient de lui est précieux. Adieu mon cher ami, plaignez-moi, aimez-moi et écri­ vez-moi. Je suis je vous assure bien malheureuse. à Bruxelles ce I 5

x

hre

[

octobre 1743]

France à monsieur monsieur Dargental conseiller honoraire du parlement rue St Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

104

1 Otto Christoph, comte von Po­ dewils, ambassadeur de Prusse à La Haye.

LETTRE JII

Octobre 1743

3 z z . à Charles Augustin Feria!, comte d'Argental à Bruxelles ce 22

g bre

1743

Je n'ai reçu qu'hier 2 1 mon cher ami votre lettre du 12. Le paquet qui la contenait a couru toute la France avant de m'arriver. Assu­ rément j'aurais été bien fâchée de la perdre. Si quelque chose était capable d'adoucir les chagrins où le cœur a part ce serait cette lettre charmante. Le mien est bien malheureux, je ne reconnais plus celui d'où dépend et mon mal et mon bien, ni dans ses lettres, ni dans ses démarches. Il est ivre absolument. Je sais enfin par l'envoyé de Prusse à la Haie qu'il est parti de Berlin le 1 3. Il doit passer par Brunswick car il est fou des courettes d'Allemagne, enfin il met 12 jours à revenir de Berlin à la Haie, et il n'en a mis que 9 à y aller. Je sens bien que 3 jours dans une autre situation ne devraient pas être reprochés, mais quand vous songerez qu'il a fait durer 5 mois une absence qui devait être au plus de six semaines, qu'il a resté 1 5 jours à Barei th sans le roi de Prusse, qu'il a passé à son retour 1 5 jours de plus à Berlin, qu'il a été 3 semaines entières sans m'écrire, et que depuis 2 mois j'apprends ses desseins et ses marches par les ambassadeurs et par les gazettes, vous sentirez aisément combien je suis à plaindre. Tout ce que j'ai éprouvé depuis un mois détacherait peut-être toute autre que moi mais s'il peut me rendre malheureuse, il ne peut diminuer ma sensibilité et je sens que je ne serai jamais raisonnable. Je ne le voudrais pas même quand il ne tiendrait qu'à moi, et malgré tout ce que je souffre, je suis bien persuadée que celui qui aime le mieux est encore le plus heureux. Je vous demande en grâce d'écrire à votre ami, votre lettre lui fera sûrement une grande impression, et sans elle il ne croira peut-être jamais l'état où il m'a mise. Son cœur a bien à réparer avec moi s'il est encore digne du mien. Je suis sans doute bien à plaindre d'avoir besoin de votre secours, mais je vous aime tant que mon bonheur m'en sera encore plus cher s'il est possible. Si 105

Octohre z 743

L ETTRE J I I

je puis vous en devoir le retour écrivez-lui à la Haie. Vraisembla­ blement il y recevra encore votre lettre, car il ne manquera pas de prétexte pour s'y arrêter, et il me semble qu'il n'en néglige aucun pour prolonger son absence, mais quand il ne la recevrait pas à la Haie on la lui renverra ici, et quelque part où il la reçoive, elle lui fera sûrement un grand effet. Mettez à votre lettre une double enveloppe, à m. le haron de Podeuils envoyé de Prusse à la Haye, et une première enveloppe par-dessous à m. de Voltaire. Je ne vous nierai point que ma santé ne soit fort dérangée. Je tousse continuellement, j 'ai un mal affreux entre les 2 [?épaules] et j'ai acquis de plus une douleur fixe au côté droit que [?je crois au foie] et qui ne me quitte point. Je ne suis pas à présent assez [?heureuse] pour être fort affectée de mon état, cependant je vous avoue [ que je] voudrais être à Paris. Ma fièvre est cependant dimi­ nuée, et ce n'est presque plus rien, une autre que moi en serait morte, et peut-être serait-ce encore le meilleur. Je vous avoue cependant que votre amitié m'attache à la vie. Dites bien je vous supplie à madame Dargental combien je suis sensible à l'intérêt qu'elle a pris à ma situation. Je voudrais bien la savoir guérie, et contente. Dites aussi bien des choses pour moi à m. votre frère. J'espère vous revoir au commencement du mois prochain, mais vous savez de qui cela dépend. J'espère que mon voyage ne sera pas inutile à mes affaires, et qu'il m'en sauvera un autre. Adieu mon cher ami, écrivez-moi encore une fois, et soyez bien sûr que votre amitié fait la consolation de ma vie. France à monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parlement rue S t Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d' après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 06

Novembre ZJ43

LE T T RE 3 1 2

:,

3 z 2 . à Charles Augustin Ferio l, comte d Argental Lille [vers le 10 novembre 1743] [Ecrite après le retour de Voltaire, cette lettre exprime les angoisses de madame Du Châtelet au sujet de son voyage au milieu de l'hiver, en partie par terre et en partie par mer.] Imprimé d'après le catalogue de la vente [Gratet-Duplessis], Charavay

(Paris 10 décembre 1855), p.23, no.2 10 bis.

:,

3 1 3. à Charles Augustin Feria !, comte d Argental Votre ami vous a appris lui-même mon cher ami son arrivée et la fin de mes malheurs. J'ai toujours eu quelque espérance que quel­ qu'un dont vous preniez si constamment le parti malgré ses torts apparents n'était point coupable. Il ne l'est point car il m'aime, et vous sentez bien qu'il n'y a point de torts que cela n'efface, et c'est bien le cas de dire comme Zamore, non si je suis aimé, non tu n'es point coupable1 • Il dit qu'il m'a écrit de Bareith par milord Stairs2 parce qu'on lui avait dit que les hussards arrêteraient ses lettres par la voie ordinaire. Enfin l'amour me l'a rendu, je ne veux voir que mon bonheur. Il m'a bien priée de réparer sa répu­ tation auprès de vous, mais s'il m'aime comme il me le jure je crois que je n'ai pas grand chose à faire. Ah dites-lui bien mon cher ami quand vous le verrez combien je suis malheureuse pen­ dant son absence, dites-lui qu'il ne faut jamais se quitter quand on s'aime. Il y a toujours à perdre pour l'amour dans une absence de 5 mois, le cœur se désaccoutume d'aimer, on s'endurcit chez ces vilains Allemands, et à la cour d'un roi qui ne sait pas aimer. On ne m'a pas montré votre lettre, on n'a pas osé, mais je sais qu'on l'a lue, et je n'en suis point en peine. Nous sommes en chemin pour Paris. Il a eu un accès de fièvre depuis son retour mais il se porte très bien à présent. J'ai gagné avant de partir de 107

Novembre z :743

L E TTR E

313

Bruxelles un incident de mon procès assez considérable; ainsi de toutes façons je n'ai pas regret à mon voyage, je n'en ai point aux maux que j'ai soufferts, et si l'on peut m'en aimer davantage ils me seront bien chers. Ma santé se rétablit tous les jours, du lait et du régime remettront entièrement ma poitrine, il n'y a que mon mal de côté qui m'inquiète un peu, mais il n'est plus question de fièvre. Nous comptons être à Paris lundi ou mardi. Je sens que je ne serai parfaitement heureuse que quand je partagerai mon bon­ heur avec vous et avec madame Dargental à qui nous vous prions de dire pour nous les choses les plus tendres. Adieu mon cher ami, votre amitié fait le charme de ma vie, vous me l'avez marquée dans mes malheurs d'une façon qui est restée gravée dans mon cœur qui est à vous pour jamais. à Lisle ce 1 3 9 bre 1743 Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Th.B.C46. 1

Alz. ire, m.iv.

2 John deuxième Dal rymple, comte de Stair, avait commandé les troupes anglaises à la bataille de Dettingen, le 27 j uin 1743 .

.3 z 4. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Il est bien juste monsieur qu'après vous avoir affi.igé par la nou­ velle du départ de mr de Voltaire je vous annonce son retour. Sa santé a très bien soutenu la fatigue, et le voyage a été très agréable ainsi que la réception qu'on lui a faite ici. Pour moi je trouve tout cela très bien pourvu qu'on ne recommence plus. Nous comp­ tions vous trouver à Paris. Pamela de la Chaussée1 , Callirhoé Roland2 , ne pourront-ils point vous attirer? Je le désire infini­ ment, et je serai ravie d'avoir l'honneur de vous voir et de vous assurer de tous les sentiments que j'ai pour vous monsieur. ce 4 x hre [ 1 743]

Normandie à monsieur monsieur de Cideville à Rouen 108

Décemhre 1 743

L E T TRE 314

Imprimé d'après l e manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à C ideville, ff.67-68.

la Paméla de Nivelle de La Chaussée fut jouée une seule fois le 6 décembre. 2 c'est un lapsus pour Roy, dont l'opéra Callirhoé, musique de Des­ touches, fut repris le 22 octobre. 1

3 z 5. à Voltaire Dear Lover, On ne peut avoir recours qu'à ses amis dans le besoin. Je vous demande pardon d'aimer mieux vous écrire que vous parler, mais enfin, dear lover, j'aurais un extrême besoin de cinquante louis pour payer mon mois d'avril, douze louis et demi que je dois du jeu, et pour n'être pas absolument sans un sol. Je n'en toucherai que le dernier du mois. J'ai envoyé 5 oo 1. à mr du Châtelet pour l'équipage de son fils. Je vous les paierai en loyer de maison, ou bien, si vous voulez, voilà le billet de mr du Châtelet qu'heureu­ sement je n'ai pas déchiré. Il ne sera pas étonné que je n'aie pas pu le payer. Gardez-le et prêtez-m'en l'argent, et nous ferons un nouveau compte, ou je ne l'emploierai pas en dépense; cela vau­ dra mieux et pour moi et pour vous. Vous me ferez un grand plaisir; j'espère que vous le pouvez, car je suis sûre que si vous le pouvez vous le ferez. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed hy Alfred Morrison ([London] 1896), 2ème

série, iii. l 89.

C'est vers cette époque que le fu­ tur duc Du Châtelet, né en 1 7 27, et qui se fit soldat, devait être équipé, mais évidemment cet indice n'est pas concluant.

LETTRE

Janvier z :744

3 16

3 z 6. à Frédéric 1I, roi de Prusse Paris,

Sire,

2

janvier 1744

Les occasions d'assurer votre majesté de mon respect et de mon attachement me sont trop précieuses, pour ne pas profiter de celle que m'offre le commencement de l'année. Je ne sais ce qu'on peut y souhaiter à v. m.; mais il me semble qu'on ne peut désirer pour Achille que les années de Nestor. Pour moi, sire, je désire que v. m. continue de m'honorer de ses bontés, et qu'elle soit bien persuadée du respect avec lequel je suis, etc. Imprimé d'après Oeuyres posthu­ mes de Frédéric II (Berlin 1788), XÎÏ. J I I .

3 z 7. à johann Bernoulli J'ai appris monsieur par mr de Maupertuis que vous étiez marié1 , quoi que je sois un peu fâchée d'avoir appris cet événement par un autre que par vous. Je n'y prends pas moins de part et je vous prie d'être persuadé que j'en prendrai toujours infiniment à tout ce qui vous arrive. Je crois que mr de Voltaire vous envoie ce qu'il a eu la bonté de faire pour accompagner mon portrait. Je suis bien honteuse de tout le bien qu'il y dit de moi, et je le suis surtout de le mériter si peu. Oserais-je vous prier d'y faire ajouter que j'envoyai en 173 8 à l'Académie une dissertation sur la nature et la propagation du feu, que l'Académie eut la bonté de faire imprimer avec les pièces qui avaient remporté le prix, et qu'en 174 1 j'eus une dispute publique avec mr de Mairan au sujet des forces vives que je soutenais contre ce philosophe, et que les pièces de cette dispute qui consistent en la lettre de mr de Mairan et ma réponse furent imprimées, la lettre de m. de Mairan à Paris, et ma réponse à Bruxelles où j'étais alors. Je n'ai pas osé demander 1 10

LETTRE J I 7

Janvier 1744

à m. de Voltaire d'entrer dans les détails, mais il me semble qu'ils sont nécessaires, et que c'est cela surtout que le public est curieux de savoir. Je ne puis vous dire monsieur combien je suis sensible aux attentions que vous m'avez témoignées dans cette occasion, et combien je désire de vous convaincre que personne ne peut être plus que moi monsieur votre très humble et très obéissante servante à Paris Faubourg S t Honoré ce 7e janvier 44

BRETEUIL DU CHASTELLET

Je vous prie de faire bien des compliments à mr votre père, et de lui dire combien je suis flattée d'être dans sa dizaine. Ne m' ou­ bliez pas non plus auprès de mr votre frère Daniel. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.la.684, pp.4 56-46 1 .

1 Johann Bernoulli I I n'épousa Susanna Konig que le 1 0 février.

3 z 8. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Je m'attendais monsieur que vous m'apporteriez votre réponse vous-même. Je suis très fâchée que vous veniez si tard cette année dans la bonne ville, car je crois que j'en partirai de bonne heure avec votre ami pour Cirey. Je lui ai montré votre lettre, je crois que vous n'en doutez pas. Il vous fait mille amitiés et il m'a dit qu'il vous écrirait, mais je vous exhorte à venir recevoir sa lettre vous-même. C'est le vrai moyen de rétablir votre santé. M. de Voltaire a fait un voyage qui n'a été qu'une fête continuelle. Le roi de Prusse lui a fait jouer, exprès pour lui, l'opéra de Titus1 dans une salle admirable, mais la plus belle de toutes les fêtes a été celle de son retour. Il est revenu cousu de boîtes, de portraits et de présents, et _il me semble qu'il est content de la façon dont on l'a reçu ici et qu'il a lieu de l'être. Quant au sujet de son voyage, III

Janvier Z J44

L E TTRE 3 1 8

s'il en a un, je crois qu'il ne doit pas être public. Nous avons assisté hier à la chute de Montezume2 , qui est du dernier mauvais à une harangue près que Cortés fait à ses soldats et qui est assez belle. Cela nous donnera Merope3 • Nous avons de quoi nous consoler. Ne pouvant pas vous écrire des vers de ma façon je crois bien vous en dédommager en vous envoyant le portrait de madame de la Valière que m r de Voltaire a fait à souper sans avoir l'air d'y songer4 • Vous m'avez promis si obligeamment vos bons offices auprès de mr l'intendant de Rouen que je vais vous importuner pour faire diminuer le dixième de mes terres qui par une négligence de celui qui a fait la déclaration a été porté plus haut qu'il ne le doit être dans la rigueur la plus exacte 5 • Je vous serai bien obligée de m'obtenir cette petite grâce et d'être bien sûr que la reconnais­ sance n'ajoutera rien à mes sentiments pour vous. à Paris ce 9e janvier [ 1744] Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff.69-70. 1 Tito Vespasiano ou La Clemen:r_a di Tito, par Metastasio, musique de Hasse (Loewenberg, i. 1 8 5 ).

représentée le 20 février. ce s ont les vers (Best.27 1 4) adressés à Anne J ulie Françoise de Crussol d' Uzès, femme de Louis César Le Blanc de La Baume, duc de La Vallière: E tre femme sans j alousie Et belle sans coquetterie . . . .

par D u Bourg, représenté le 8 jan­ vier; Du Bourg avait lui-même composé une A1érope, jamais j ouée, mais éditée en 1 743.

la lettre est accompagnée d' une requête adressée à l'intendant (Best. 27 1 5, en note).

2

Montesuma ou Fernand Corte:r_,

3

4

5

3 19. à Charles Augustin Feria(, comte d' Argental Mon cher ami, on ne m'a point montré la dernière lettre qu'on vous a écrite. Je crois que c'est de peur que je ne réfutasse sa justi­ fication, mais en récompense on m'a montré la vôtre, et je vous 1 12

L ET TRE 3 1 9

Janvier 1744

en remercie mille fois. Je ne puis trouver que quelqu'un qui est de retour en bonne santé ait tort, mais il ne peut avoir entière­ ment raison que par la résolution où il est de ne plus voyager. Je compte bien qu'il vous l'a promis dans sa lettre, et ce serait un double sacrilège que de violer une promesse dont vous êtes le dépositaire. Tiriot veut se remparer de lui et j'en serais bien fâchée. Vous savez qu'il lui a fait donner une pension par le roi de Prusse, qui entre nous n'en avait pas trop envie. Cela a renoué le commerce. Tiriot, qui est je crois un peu embarrassé de sa figure depuis qu'il n'est plus chez la Popliniere, se retourne du côté de votre ami, dont il a besoin, et voudrait je crois qu'il lui avançât la pension. Il lui donne des avis vrais ou faux pour se rendre nécessaire, il pré­ tend par exemple que l' on fait clandestinement à Paris une édition en 6 volumes in 12 de ses ouvrages sur l'édition in 8° de Hollande que vous avez. Je crois que cela n'est pas vrai, ou que c'est Tiriot qui la fait faire pour gagner de l'argent, et en lui en donnant avis, il veut apparemment l'engager à s'en mêler, ce qui serait fort mal, car cette édition, si elle existe, ne peut lui faire tort qu'en cas qu'il s'en mêle. En tout, j'aimerais croire qu'il n'y en eût point, vous sentez pourquoi. Il dit qu'il pense ainsi, mais je crains son tripo­ tage avec Tiriot et vous me ferez plaisir dans l'occasion de mettre un mot dans vos lettres de la défiance qu'il en doit avoir. Vous savez si elle est fondée. Avez-vous [?vu] l' Algarotti? J'espère que vous nous manderez un peu ce qu'il dit de Berlin, et si Maupertuis revient comme la gazette le dit, et comme je ne le crois pas. J'ai trouvé une édition de Charles 1 2 en 2 volumes que je crois que vous n'avez pas, et que je vous enverrai par m. de Beauueau que nous attendons tous les j ours. Je le crois arrêté de Hollande ici par les glaces. Adieu mon cher ami, aimez-nous touj ours, et madame Dargental aussi car nous vous aimons l'un et l'autre bien tendrement. Je trouve encore bien des choses à refaire à Mahomet, il y tra­ vaille tous les jours. Comptez-vous le donner cette année? ce 28 janvier [ 1 744] 1 13 8 (Il)

Janvier z :744 Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. Le 18 février (Best. 27 34) Cide­ ville annonce qu'il a fait le néces­ saire auprès de l'intendant, félicite m. Du Châtelet de son grand cor­ don (c'est à dire de celui de l'ordre de Saint-Louis), et termine:

32 0 .

LETTRE

3 19

Ni les fleurs ni les fruits n'ornent [plus ces climats Où Corneille anima Pauline et Cor­ [ nélie; On n'écrit, on ne sent, il n'est de vrai [ appas Qu'aux lieux qu'orne Voltaire et [qu'éclaire Emilie.

à Charles Augustin Ferio l, comte d' Argental

Mon cher ami, mon compagnon dit qu'il vous écrira une grande lettre la première poste, je veux le gagner de vitesse, et avoir du moins le mérite de la diligence. Je suis enfin dans ce charmant Cirey, qui est plus charmant que jamais. Votre ami me paraît enchanté d'y être. Nous le quitterons pourtant au mois de 7bre pour mr le dauphin pour qui on travaille et pour qui il me semble qu'on fait des choses charmantes1 • Dites pour nous des choses bien tendres à madame Dargental et à votre aimable frère. Aimez­ nous toujours, cher ange, donnez-nous de vos nouvelles, et comptez à jamais sur l'amitié de deux cœurs qui vous sont dévoués pour toujours. à Cirey par Bar sur Aube de 18 avril 1744 à monsieur Monsieur Dargental, conseiller d'honneur, rue S1 Honoré, vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 14

Voltaire composait La Princesse de Navarre pour le mariage du dau­ 1

phin et de Marie Thérèse d'Espagne.

LE TTRE J 2 I

Mai z :744

32 z . à Charles Augustin Feria!, comte d' Argental Vous avez bien raison mon cher ami de croire qu'aucune situa­ tion de mon âme ne peut m'empêcher de partager tout ce qui vous touche. Je vous avoue que j'ai été confondue que la 1 ère poste après celle qui m'a appris le remerciement ne m'ait pas apporté un compliment à vous faire. Je n'en doutais aucunement, et j'ai pensé vous écrire 20 fois pour vous marquer ma joie, bien sûre qu'elle était fondée. Je suis encore persuadée que cela n'est que retardé, et je le désire assurément de tout mon cœur. J'espère que vous ne nous le laisserez pas ignorer, car vous sentez bien que quand je dis je ne n'est qu'une faute d'orthographe. Votre ami attend de vos nouvelles sur son gros paquet1 avec impatience. Le second acte est fait, vous l'aurez tout de suite, il retouche actuel­ lement Prudise. Il y est aheurté, tant mieux si elle peut devenir bonne, et il me semble qu'il y a de l'étoffe. Pour ce qu'il vous a envoyé, je vous avoue que je le trouve charmant. En vous remer­ ciant d'avoir fixé nos idées sur l'Ecole des mères2 , car on nous en mandait des choses bien diverses. En vous remerciant de la bonté que vous avez de vous intéresser à mes affaires et de parler quel­ quefois à la Bonardiere. En vous remerciant [sur]tout de nous aimer, je vous assure que nous le [ mé]ritons bien, car nous vous aimons à qui [mieux] mieux. Est-il vrai que m lle Rouillié épouse ce gras mr de Brou? Je voulais lui faire épouser le p. de Beauueau3 • Qu'en dites-vous madame Dargental? Dites-vous toujours je vous prie des choses bien tendres de ma part et de celle de mon compagnon. Adieu mon cher ami, ne nous oubliez pas auprès de votre aimable frère, et surtout auprès de vous. Ce 8 mai [ 1744] Des compliments au petit abbé Chauuelin4 pour nous deux. Notre retour dépend des ordres de mr de Richelieu, mais à propos vous êtes un ingrat, vous ne m'avez pas dit un mot de mes magots. Faites-leur mes compliments. II5

Mai 1 744

LET T RE 3 2 1

à monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment rue St Honoré à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Th.B. C48. 1 envoyé le 28 avril (Best.2762) et contenant une partie de La Princesse de Navarre, et un cinquième acte de Pandore.

.3 2 2 .

2 de Nivelle de La Chaussée, j ouée pour la première fois le 27 avril. 3 il épousa en 1 7 45 Marie Sophie de La Tour d'Auvergne. 4 Henri Philippe Chauvelin.

à johann Bernoulli

Je vous envoie monsieur un recueil de pièces qu'on vient de réim­

primer, et qui, tout indignes qu'elles sont de vous être présentées vous seront une preuve du cas que je fais de votre estime et du désir que j'ai que vous en soyez persuadé. Si les pièces de ce recueil peuvent vous fournir quelques réflexions pour ajouter à ce que mr de Voltaire a bien voulu vous envoyer pour accompagner mon portrait, j'en serai bien flattée. Si vous voulez y ajouter que je n'ai que deux enfants, que j'ai marié ma fille l'année passée à mr le duc de Montenero de la maison Caraffa, que j'ai composé les Institutions phisiques pour l'éducation de mon fils qui a 1 5 ans et qui est mousquetaire, cela allongera un peu la courroie. A l'égard de mes voyages je n'en ai point fait dont je puisse me vanter puisque je n'ai point été à Basle, mais pour mes correspondances elles sont beaucoup plus illustres que je ne mérite et pour le prou­ ver il suffit de vous nommer, et je vous supplie d'être à la tête. Mrs Volf, Euller, Maupertuis, Cleraut, Jurin, Jaquier1 , Muscem­ brock &c. m'écrivent quelquefois aussi, mais en vérité je suis hon­ teuse, et bien reconnaissante de toutes les peines que je vous donne. Je vous prie de faire mille compliments pour moi à m. votre père et à mr votre frère. Si le recueil que je vous envoie contenait quelque chose de nouveau je n'aurais pas manqué de le leur envoyer. Je vous désire tout le bonheur imaginable dans votre nouvel éta­ blissement et je vous prie d'être persuadé que je m'intéresserai 1 16

Mai 1744

LE TTRE 3 22

toute ma vie infiniment à ce qui vous touche étant très parfaite­ ment monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

Mr de Voltaire vous fait mille sincères compliments. à Cirey le 30 mai 17 44 Imprimé d' après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.462-465.

François Jacquier, minime, pro ­ fesseur de mathématique et d' astro­ nomie. 1

323. à Frédéric JI, roi de Prusse Sire, Je prends la liberté d'envoyer à v. m. une nouvelle édition1 de quelques pièces qu'elle a daigné recevoir avec bonté, lorsqu'elles parurent pour la première fois; les occasions de faire ma cour à v. m. me sont trop précieuses pour en négliger aucune. J'espère qu'elle recevra avec sa bonté ordinaire ce nouvel hommage que je rends plus encore au philosophe qu'au roi. Si j'osais, je supplierais v. m. de me permettre de lui témoigner la joie que je ressens de voir s. a. r. la princesse Ulrique2 remplacer par ses talents la reine Christine; elle était seule digne de remplir le trône de cette illustre reine. Je suis avec l'attachement le plus inviolable & le plus profond respect &c. A Cirey, ce 3 0 mai 1744 Imprimé d'après Oeuvres posthu­ mes de Frédéric II (Berlin 1 788), xii.

J I 1 -J I 2. 1 la Dissertation sur la nature et la propagation du feu venait de paraî­ tre sous forme de vol urne.

2 les fiançailles de la sœur de F ré­ déric avec Adolphe Frédéric de Holstein-Gottorp, prince royal de Suède, avaient été annoncées le 1 7 mars; le mariage fu t célébré le 1 7 j uillet.

II7

Mai

z :744

LETTR E 3 24

3 24. à James

Jurin

J'aurais bien dû monsieur répondre plus tôt à la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire au sujet de ma dispute avec m. de Mairan, mais un malheureux procès qui occupe les trois quarts de ma vie m'en a empêchée dans le temps. J'ai eu honte ensuite de reprendre les choses de si loin, et je n'aurais peut-être jamais sur­ monté cette mauvaise honte sans la nouvelle édition des pièces de ma dispute que j'ai l'honneur de vous envoyer. Je vous avoue que j'ai été ravie de trouver cette occasion de satisfaire le désir que j'ai de m'instruire par vos lumières. Ce désir ne souffre point de prescription, ainsi je vais vous proposer et vous soumettre mes réponses aux arguments de votre lettre. Vous commencez par me demander monsieur de faire grâce à la partie du paradoxe de m. de Mairan qui a pour objet les espaces parcourus par un corps qui remonte par la seule force de la pesan­ teur, et vous prenez cette partie de son paralogisme sous votre protection au point que vous m'assurez, que vous aba[n]donnez volontiers les ressorts non tendus que m. de Mairan prétend être la mesure de la force du corps, pourvu que je vous abandonne les espaces non parcourus par un corps qui remonte, et que je con­ vienne qu'ils doivent mesurer sa force, mais si je vous prouve que cescassontabsolumentlesmêmescommentpourrez-vousdéfendre l'un et abandonner l'autre? Ne m'en croyez pas, mais croyez-en m. de Mairan, lisez le n° 27 de son mémoire de 1728 et vous verrez qu'il y considère les coups de la pesanteur surmontés par le corps qui remonte comme une suite de ressorts égaux que ce corps rencontre sur sa route, et qu'il ferme en remontant. Je ne sais monsieur comment vous ferez après cela pour séparer ces deux cas, et j'attends que vous ayez bien voulu m'en instruire. Vous ajoutez ensuite qu'en mesurant les forces des corps par les simples vitesses vous rendrez raison suffisante de tout ce qui arrive dans le choc des corps à ressort, mais cependant dans de certains cas comme celui que m. Neuton examine à la dernière question de 1 18

L E TTR E J 24

Mai 1744

son optique, vous êtes obligé d'admettre une production et un anéantissement continuel de forces qui tient beaucoup du miracle. Votre estimation par la simple vitesse ne peut s'accorder non plus avec une égale conservation de forces dans l'univers, et ce n'est cependant pas un petit embarras métaphysique. Mais pour ne point sortir des considérations mathématiques qui fournissent des objets plus précis, examinons d'abord ce principe que vous avancez comme incontestable, que des pressions égales en temps égaux produisent des effets égaux, et par conséquent des forces égales. Ce sont les propres mots de votre lettre. Prenons les deux suites de ressorts semblables A et B. Je con­ viens avec vous que ces deux suites presseront également, quoi que le nombre des ressorts qui les compose ne soit pas égal. Mais en conclurai-je que la force de ces ressorts est comme leurs pres­ sions? Voilà le vice radical, et le point où je commencerais à me tromper si je concluais ainsi, car supposant que ces deux ressorts soient garnis chacun d'une pointe propre à entrer dans la terre glaise, quoi qu'on pût arrêter leur effort avec le même obstacle cependant il est sûr que la suite A fera un plus grand enfoncement que la suite B donc les corps D et E, animés par les 2 suites C A, C B, auront après la détente de ces ressorts, la force nécessaire pour faire les mêmes effets que les ressorts eux­ mêmes, donc leurs forces ne seront pas égales . Vous voyez donc qu'on ne peut comparer, comme vous faites dans votre lettre, l'effet d'un ressort lorsqu'il soutient un corps qui s'oppose seule­ ment à son expansion, avec l'effet que ce ressort produit lorsqu'il déploie toute sa force, que vous n'ayez prouvé auparavant que la force d'un corps qui est dans un mouvement actuel est égale à son élément, et que l'accumulation d'une infinité de pressions dans un temps fini doit avoir la même mesure que la pression infiniment petite qui s'exerce dans un temps infiniment petit. Ainsi en attendant que vous nous ayez fourni cette preuve je crois pou­ voir laisser sans scrupule l'art. 5 67 des institutions physiques tel qu'il est, malgré l'avis que vous voulez bien me donner, de le corriger.

Mai

1 744

L E TTR E 3 24

Je viens enfin à votre argument du bateau ou de la table mou­ vante qu'on peut appeler l' Achille de Jurin, car il me semble que vous y mettez autant de confiance que Zenon dans sa tortue. Voyons s'il faudra un Gregoire de S t Vincent pour le détruire. Soit b la masse du bateau, n celle du corps poussé en avant par le ressort r, v la vitesse du bateau et celle que peut donner au corps n le ressort r appuyé contre un point fixe du bateau quelle que soit la théorie que vous employez vous trouverez toujours après la détente du ressort, la vitesse du bateau = � u - un u + ub :==== et celle du corps = 1 _ 1 bv + bn · "I bn :-.="I bv + -::::::.-.:.--::.-- .. Or la force vive du bateau plus celle du corps font précisément la même somme après la détente, que la force vive du ressort ajoutée à celles du corps et du bateau avant la détente, car puisque le ressort r pouvait donner au corps n la vitesse u il avait la force vive uun, la force vive du bateau avant la détente était uub, et celle du corps n se mouvant d'un mouvement commun uun, 2 uun uub est donc la force vive totale avant la détente.

+

Or après la détente la force vive du bateau est b et celle du corps est n

+

(u +

) �� "' bb + bn

2



( u -u;

,y bb + bx

Ajoutant ces

2

)

2

quanti-

tés on a uub uun comme auparavant, et vous verrez manifestement en appliquant ce calcul général à l'exemple particulier que vous apportez dans votre lettre que la masse n'étant comme vous la supposez la

1

1 oo oooe

partie de la masse du bateau b, la vitesse du

bateau après la détente sera •

,

,

1 I - I 00 000

(je néglige ici les quantités

I

I

I 000 000

I 00 000

,

aussi petites par rapport a --- que --- par rapport a 1 ) , la vitesse du corps n après la détente sera 1 2 - 1 000 000

1 20

1 2-2 00 000

et non pas

comme vous l'avez mis dans votre lettre, (sans doute

Mai z 744

L E TTRE 324

par une inadvertance pareille à celle que vous me reprochez, et qui a fait mettre dans la fig. 80 des inst. physiques le point d'appui plus près du petit corps) . Donc puisque le bateau qui avait avant la détente 100 ooo de masse et I de vitesse n'a plus après la détente 2

que ---I de v1tesse, • " etre /'\ 100 000 -----sa r1orce d oit ( r - 1 00 oo[o] ) 1 - 1 00 ooo en quarant

1

I - 1 00 000



Donc le bateau a perdu la force

2

et à qui

peut-il l'avoir donnée si ce n'est au corps n? Mais ce corps avait avant la détente la force 1, le ressort lui en a donné I et il a acquis les 2 que le bateau a perdus, dont il y a 4 de force après la détente, donc j'ai eu raison de dire à l'art. 5 8 5 des inst. physiques que la même quantité de force vive qui était dans le bateau, dans le corps et dans le ressort avant la détente, se retrouvera dans le bateau, dans le corps et dans le ressort pris ensemble après la détente, et que cette force sera comme le carré de la vitesse, donc votre expé­ rience loin d'être contraire aux forces vives ne sert qu'à confirmer ce principe si beau, et si utile dans la dynamique et dont on a l'obligation à m. de Leibnits, que quel que soit le nombre des corps qui agissent les uns sur les autres, ce que les uns perdent de force les autres l'acquièrent, en sorte que le total des forces reste touj ours le même. Je crois pour cette fois-ci monsieur avoir satis­ fait au défi que vous avez fait à tous les philosophes de concilier le cas de votre bateau avec la doctrine des forces vives, et si cela pouvait leur acquérir un homme de votre mérite, je croirais avoir beaucoup fait en leur faveur. Vous savez sans doute que m. de Mairan n'a pas jugé à propos de répondre à ma lettre du moins jusqu'à présent. J'espère que vous avez reçu la réponse que j 'ai faite à un petit écrit que m. de Buffon me fit remettre l'année passée sans m'en nommer l'auteur. Je n'ai su qu'il était de vous que par la lettre de m. Turner à m. de Voltaire. Je remis ma réponse à m. de Buffon 4 jours après qu'on m'eût remis l'écrit. Ce que je dis ici pour vous faire voir que je ne suis pas touj ours aussi lente à répondre que je l'ai été cette fois-ci. Je serais charmée de savoir si vous avez été content de la façon dont j'ai répondu à ce petit écrit. J'espère que 12 1

Mai

1 744

LETTRE 324

vous le serez de cette lettre, et que vous la regarderez comme une preuve de l'estime infinie avec laquelle j'ai l'honneur d'être mon­ sieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

Si vous me faites réponse adressez je vous prie votre lettre à Paris, grande rue du faubourg S 1 Honoré. à Cirey ce 30 mai 1744

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, collection du capitaine A.K.Totton, Londres. 122

LETTRE 325

Juillet z 744

325. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Je suis bien flattée monsieur que mon ouvrage sur le feu vous ait plu, et je dois m'applaudir de l'avoir composé puisqu'il m'a pro­ curé la lettre pleine de choses charmantes que vous m'avez écrite. J'espère que votre philosophie se partagera entre la solitude et Paris, et que j'en profiterai. M. de Voltaire me prie de vous faire mille tendres compliments. Il est très en peine d'une lettre1 qu'il vous a écrite dans le commencement qu'il était ici et dans laquelle il vous priait de quelque chose auprès de madame du Pin. Comme vous ne lui avez pas répondu, il craint que cette lettre n'ait été perdue. Il a la fièvre assez fort depuis ce matin, ce qui m'inquiète beaucoup car je hais mortellement la fièvre surtout à la campagne. Soyez je vous prie bien persuadé monsieur du cas que je fais de votre suffrage et de votre amitié et du désir que j'ai d'acquérir l'un et l'autre. à Cirei ce 7 juillet 17 44 Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, f.72. 1 Best.2765, du 8 mai, lettre dans laquelle il demande à Cideville d'in­ tervenir auprès de mme Dupin pour

qu'elle ne s'adresse pas à Franqueil (c'est à dire, François Francœur) et Geliot (ou plutôt Pierre de Jelyotte) pour la musique de Pandore, le duc de Richelieu ayant l'intention de faire travailler Royer. Richelieu était alors le premier gentilhomme de la chambre en exercice.

3 2 6. à Charles Augustin Feriol, com te d 'Argental Nous avons eu hier le président1 toute la journée, mon cher ami, vous vous doutez bien que nous avons été ravis de le voir et de causer avec lui de ce ballet2 • Votre ami a travaillé jour et nuit jusqu'à son arrivée, et effectivement moi qui ne l'avais pas vu depuis la forme que vous avez vue en dernier lieu j'en ai été étonnée. Je n'ai pas reconnu le 3 e acte, je l'ai trouvé admirable, le 123

Juillet 1 744

LET T RE 326

président et moi nous avons pleuré, je crois qu'il n'y a plus que des détails à embellir mais que le fond de la pièce est très bien. Sancette est demeurée excellente et d'un plaisant très neuf. On transcrit la pièce et vous l'aurez incessamment. A l'égard des divertissements il y travaille encore, et il vous prie de retirer de Rameau celui qu'on lui a donné jusqu'à ce qu'il soit entièrement fini, parce que le président lui a dit que Rameau le traînait dans le ruisseau et le montrait à tout le monde, et vous sentez que cela peut faire grand tort à la pièce. Il a écrit à m. de Voltaire la même lettre qu'à vous, d'où je conclus qu'il est fou, mais pourvu qu'il nous fasse de bonne musique, à lui permis d'extravaguer. Le pré­ sident m'a paru très content de Cirey, il doit y revenir passer sept ou huit jours entre ses deux saisons. Je compte que lorsqu'il repartira pour Plombieres nous partirons pour Paris afin d'aller préparer des répétitions à m. de Richelieu. Je vous avoue que j'ai eu un grand plaisir à montrer ma maison au président et que j'ai bien joui de l'étonnement qu'elle lui a causé. Je quitterai tout cela avec plaisir pour vous aller revoir. Dites je vous prie des choses bien tendres pour moi à madame Dargental et à m. de Pondeuele. Votre ami vous embrasse mille fois, voulez-vous bien madame Dargental que j'en fasse autant? à Cirey ce 8 juillet [ 1744] M. de V. a la fièvre à force d'avoir travaillé. Il vous écrira la première poste, car j'espère que ce ne sera rien. Voilà un petit mot que mon malade qui souffre beaucoup a dicté pour son ange. La fièvre a fort augmenté ce soir, et je suis très inquiète et très ma[l]heureuse. Imprimé d' après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. Une lettre du 9 j uillet, adressée à monsieur 'Disnuelles', a passé à la vente du comte de G. . . (Paris 9 mai 1889), p. 1 4, no. 5 5 . 1 Hénault. 2 les éditeurs antérieurs voient ici

124

une allusion aux Chimères, non pas l' opéra comique de Piron ( 172 5 ), ce qui aurait été incompréhensible, mais sans doute Le Temple des chi­ mères de Hénault, ce qui est pire, puisque ce ballet n' a été j o ué qu'en 1 7 58. L' allusion ici est certainement à la Princesse de Navarre , comme pour le reste de la lettre.

LE T T R E

3 27

Juillet 1 744

32.7. à Charles Augustin Feria!, comte d' Argental Vous recevrez par cette poste mon cher ami la pièce de votre ami, je vous demande en grâce si vous avez de l'amitié pour moi de l'approuver cette fois-ci et de garder les critiques pour un autre temps. Je vous promets de faire faire toutes les corrections que vous voudrez, mais si vous allez paraître encore mécontents et l'accabler de critiques vous le ferez mourir. Sa santé est dans un état affreux, il s'est chagriné, il s'est inquiété, il s'est forcé de tra­ vail, il s'est donné la fièvre, et il est dans une langueur affreuse. Il se trouve mal à tout moment, il ne mange point, il ne dort point, enfin il est plus mal que quand il avait la fièvre et il est d'un chan­ gement affreux. Si dans cet état vous allez lui donner de nouvelle besogne et de nouvelles craintes que son travail ne soit pas approuvé vous le ferez mourir et moi aussi par conséquent. Il prend les choses si vivement, vous le savez bien, tâchez surtout que votre rapport à m. de Richelieu soit favorable, et qu'il accepte la pièce. Il embellira encore les détails quand il sera sûr qu'on la prendra, mais comment voulez-vous qu'on mette la dernière main à un ouvrage qu'on n'est pas sûr de conserver? Pour moi tout intérêt à part j 'en suis très contente, et je crois que vous le devez être, mais je vous supplie que votre amitié vous engage à le paraître et à écrire à m. de Richelieu comme a fait le président, qui a été très content . Je demande la même grâce à m. de Pondeueyle et à madame Dargental. Adieu mon cher ami, je vous embrasse tendrement, je suis très inquiète de votre ami et très à plaindre. ce

10

[juillet 1 744]

à monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment rue St Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Im p rimé d'a p rès le manuscrit au­ tographe, Pierpémt Morgan library, New York

Juillet 1744

L E T T RE 3 2 8

.32 8. à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental 28 juillet 1744 En vous remerciant de tout mon cœur, mon cher ami, de la lettre que vous venez d'écrire à m. de Voltaire; elle a achevé sa guérison. M. de Richelieu paraît fort content d'avance du compte que lui a rendu le président. J'espère que la pièce court après lui. A présent, si vous avez quelques corrections à demander, vous pouvez dire: peut-être cependant pourriez-vous attendre notre retour, qui sera, comme je comp te, pour le commencement de septembre. Nous aurons encore une apparition du président. Le roi vient de nous rassurer contre les hussards. Cirey est délicieux; mais nous le quitterons pour vous. Adieu, mon cher ami. Dites des choses bien tendres pour nous à mme d' Argental; faites-la souvenir qu'elle nous avait quelquefois promis des rabâchages. Ne nous oubliez pas auprès de m. de Pont-de-Vesles, et surtout auprès de vous, que nous aimons bien tendrement. Imprimé d'après Lettres inédites de madame la marquise Du Châtelet

à m. le comte d ' Argental (Paris 1 806), pp.273-274 .

.329. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville Heureusement, monsieur, les nouvelles de la santé de m. de Vol­ taire sont meilleures que celles du Rhin1 , il n'a eu qu'un accès. Pour nos troupes d'Alsace, elles ont bien besoin de la présence du roi et surtout du secours qu'il amène. Les ennemis sont maîtres de Sauerne. M. du Chastellet s'en est retiré en bon ordre, c'est tout ce qu'il pouvait faire, et sa retraite lui fait honneur, mais la communication avec Strasbourg n'en est pas moins coupée. Il faut espérer que le roi nous apportera des succès et une promotion 126

L E T TR E

329

Août 1 744

dont nous avons également besoin. Nous nous en allons à Paris, la maladie des bestiaux nous chasse. Sans doute que vous viendrez voir nos fêtes. M. de Voltaire vous dit les choses les plus tendres. Soyez persuadé monsieur du plaisir que j'ai à recevoir de vos nouvelles, et à vous faire souvenir de moi. à Cirey ce 14 août 1744 Normandie à monsieur monsieur de Cideuille conseiller du par­ lement de Rouen rue Gantry à Rouën Imprimé d'après le manuscrit autographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châtelet à Cideville, ff.73 -74.

1 allusion à la maladie du roi à Metz.

33 0 . à fohann Bernoulli [vers le 1 5 août 1744] Je suis bien fâchée monsieur que mon départ de Cirey me prive du plaisir de vous y voir, car je me flatte que vous n'auriez pas refusé la partie que m. de Maupertuis vous proposait. J'imagine que les hussards et les pandours pourront bien suspendre son voyage. M. de Voltaire me prie de vous faire mille compliments de sa part, il vous prie de 1 ui adresser le livre de votre ami à Paris sous le couvert de m. de la Rainieres1 • C'est aussi la voie dont je vous prie de vouloir bien vous servir pour m'envoyer les estampes que vous recevrez d'Allemagne, en mettant une première enveloppe à mon adresse faubourg S t Honoré, et une seconde à m. de la Rainieres. J'ai appris avec quelque plaisir que les 2 Koenig ont été chassés de Bernes pou:r 10 ans pour une affaire qui ne leur fait point d'honneur. Je tiens cette nouvelle d'un savant de Geneve. 127

Août 1 744

LETTRE 3 3 0

Soyez bien persuadé monsieur [de] ma reconnaissance de toutes vos attentions et que personne ne sera jamais avec plus de consi­ dération que moi votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

Vous savez sans doute que m. Godin est de retour. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.466-469.

Gaspard Grimod de La Rey­ nière, fermier général des postes. 1

33 z . à Charlier Je ne vous parlerai plus de l'évêque d'Amiens1 cher ange2 crainte de renouveler votre douleur, mais je vous assure que j'ai senti cette perte-là pour vous comme vous-même. Je ne savais point du tout que m. de Hoensbrock eût renoncé à preuves. La même poste qui m'a apporté votre lettre m'en a aussi apporté une de Daguilar où il me le mande. Je vais lui écrire en détail pour nos preuves, et je vous renvoie sur cela à la lettre que je lui écris et qu'il ira vous communiquer. Il me marque qu'il est ravi que je veuille bien suspendre la poursuite de l'incident parce qu'il ne croit pas que je pusse obtenir la permission d'aller à Bruxelles. J'ai bien besoin moyennant cela que vous me conti­ nuiez vos bontés et que vous conduisiez ma preuve, en vous remerciant de réveiller le zèle de Daguilar, qui effectivement en a besoin. Il faut tâcher de mettre la cause principale en état pour quand je pourrai obtenir permission d'aller vous trouver, et puisque cela ne tient plus qu'à nous, j'espère moyennant votre amitié cher ange que cela sera [ . . . ] . Je suis ravie que vous ayez remarqué ma petite attention à vous donner compagnie pour vos voyages. Adieu cher ange, aimez-moi toujours, car je vous assure qu'on ne peut vous aimer plus tendrement que je fais. Ce 2 e gbre [ 1744] à Paris 128

Octohre z 744

LETTRE 331

M. de Voltaire vous fait mille et mille compliments. à monsieur monsieur Charliers conseiller au souverain conseil de Brabant, près les dominicains à Bruxelles Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles. 1 Louis François Gabriel d' Or­ léans de La Motte. 2 mme Du Châtelet étant plutôt

avare de mots tendres, ce terme, dont m. et mme d' Argental sem­ blaient avoir l'exclusivité, adressé à son conseiller, autorise la déduction qui s'impose.

33 2. à Pierre Louis 114oreau de Maupertuis [vers le

I

novembre 1744]

Enfin monsieur je viens de recevoir une lettre de m. Dargenson qui me mande que m. Mansion a ce qu'il désire; j'en suis ravie, et je voudrais bien être la première à vous l'apprendre, mais je ne sais trop où vous êtes. Cependant la prochaine rentrée de l'Aca­ démie me fait présumer que vous n'êtes pas loin de Paris où je vous adresse cette lettre. J'envoyai chez vous le lendemain de votre départ, c'était le jour de mon arrivée à Paris, car vous savez que j'ai passé presque tout mon automne à Champ. J'aurais bien voulu y rester, mais mon rapporteur s'est avisé de tomber en apoplexie et il a fallu accourir ici. J'ai bientôt fini tout ce que j'y puis faire, et je compte être incessamment à Paris. Je me porte très mal, et j'ai grande envie, et grand besoin de revoir mes pénates. Je serai bien charmée si je vous trouve à mon retour, et si vous me fournissez souvent les occasions de vous voir et de vous assurer moi-même de la vérité et de la constance de mon amitié pour vous. France en diligence à monsieur monsieur de Maupertuis de l'Aca­ démie des s�iences rue Ste Anne près les Nouvelles catholiques A Paris 1 29 9 (II)

Novemhre 1 744

L E T T R E J32

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, fr. 12269, ff. 172 - 173 . Asse, p.43 3 , date cette lettre de novembre 174 1, ce gui est impos­ sible: l'allusion à l'automne passé à Champs (chez les La Vallière) situe

en effet la lettre en 174 1. O n voit d'après l'adresse que la lettre a été écrite de l'étranger, et que par con­ séquent mme Du Châtelet a dû faire une rapide visite, probablement à Bruxelles, pour rencontrer Charlier, avant de rentrer de Champs à Paris.

333. à Johann Bernou lli ce 1 1 9 bre 1 744

En vous remerciant monsieur de votre attention. La naissance de m. votre fille1 est une nouvelle intéressante pour les savants. C'est sûrement un grand géomètre de plus. Je vous assure qu'indépen­ damment de l'intérêt que je prends à la géométrie j'en prends infi­ niment à tout ce qui vous intéresse. M r de Voltaire me prie de vous faire les mêmes assurances de sa part, croyez monsieur que per­ sonne ne sera jamais avec plus d'estime que moi, votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL nu CHASTELLET Mr du Chastellet a été charmé de vous voir et il s'en est vanté à moi. J'espère que nous allons revoir m. de Maupertuis. En vous remerciant de n'avoir pas oublié le portrait éternel. à Monsieur monsieur Jean Bernoully le fils docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.la. 684, pp.470-473 .

pour une fois nous nous per­ mettons un sic; c'était un fils , Johann I I I (1744-1807), également astronome-mathématicien. 1

334. à Charlier Je suis très affligée cher ange que vous ayez été incommodé, et je serais bien fâchée que mon procès y contribuât. J'espère que vous êtes en pleine santé à présent. Je vous supplie de réparer le temps 1 30

LET T RE 33 4

Décemhre z744

perdu, de mettre l'écrit de reproches en état d'être servi, de faire avancer m. de Tourneuille, et de penser un peu aux preuves du principal afin que nous fassions cet hiver les preuves par écrit qui peuvent se faire à Bruxelles, et que nous puissions faire les autres au commencement du printemps prochain. J'ai écrit sur cela un grand mémoire à Daguilar pour vous le donner quand vous aurez fini la lecture de l'incident afin que nous tâchions de finir l'année prochaine comme je m'en flatte surtout avec votre secours. Man­ dez-moi je vous supplie comment se porte l'archiduchesse1 car les gazettes varient tellement sur cela qu'on ne sait que croire. Dites­ moi aussi si le comte de Lanoy vous a donné une seconde pièce de vers de m. de Voltaire que je lui ai envoyé pour vous commu­ niquer, car je suis en peine de savoir si le comte de Lanoi a reçu cette lettre. Adieu cher ange, aimez-moi toujours et ne vous ennuyez point de m'obliger, comme je ne me lasserai jamais de vous en marquer ma reconnaissance. M. Duchastellet et mon fils passent l'hiver à Bingen sur le bas Rhin où mon mari commande. M. de V. vous fait les plus ten[dres] compliments.

Madame Chateauroux est morte hier matin d'une fièvre maligne, c'est un événement affreux, elle avait 27 années2 • à monsieur monsieur Charliers conseiller au souv�rain conseil de Brabant vis à vis les dominicains à Bruxelles Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles. 1 Marie Anne, femme de Charles de Lorraine, archiduc d'Autriche, morte en couches. 2 on sait que pendant la maladie

du roi à Metz, profitant de ses craintes superstitieuses, ses confes­ seurs obtinrent la disgrâce de mme de Château roux, qui mourut quel­ que temps après; les mots de 'cœur brisé' et de 'poison' se firent natu­ rellement entendre.

131

Janvier 1745

LE TTRE 33 5

335. à Johann Bernoulli J 'ai reçu monsieur les six portraits que vous m'annonciez. Je vous avoue qu'ils font frayeur, mais c'est moins la faute du graveur que celle du peintre. Mon amour-propre y trouve encore son comp te, car ceux qui me verront me trouveront moins mal, et on suppose toujours les portraits embellis. J'attends la décade avec impatience. La compagnie me flatte autant pour le moins que la chose en elle-même, mais ce qui me flatte le plus, ce sont les occa­ sions de vous assurer des sentiments distingués avec lesquels j e suis monsieur votre très humble et très obéissante servante à Paris ce 2 5 janvier 1 745

BRETEUI L DU CHASTELLET

M. de Voltaire vous fait les plus sincères compliments. Mr de Maupertuis est à Berlin et y passera l'hiver. Natier ne sera pas fort content s'il voit son nom au bas de cette estampe mais comme vraisemblablement il ne la verra jamais il n'y a pas grand mal. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp.474-477.

Basel, L . Ia.684,

336. à Pierre Robert Le Cornier de Cideville [vers le 1 5 février 1 74 5 ] Je suis bien honteuse monsieur de ne vous écrire que pour vous demander des services, mais j'avais touj ours espéré que vous viendriez dans ce pays-ci et je me flatte encore que vous viendrez voir nos fêtes. J'ai encore recours à vous pour vous prier de me faire rendre justice ou plutôt de me faire profiter de celle que mr Delabourdonoie a bien voulu me rendre par amitié pour vous. 1 32

Février z 745

LETTRE 336

Les papiers ci-j oints vous apprendront de quoi il est question. Vous connaissez monsieur mes sentiments pour vous et combien j 'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL D ucHASTELLET

Mr de Voltaire vous fait les plus tendres compliments. Son frère, avec qui il est raccommodé, et qui ne veut ni vivre ni mou­ rir, l'occupe beaucoup ainsi que le mariage de madame la dauphine. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie

de Rouen, Lettres de mme du Châ­ telet à Cideville, f.7 5 bis.

337. à Johann Bernoulli J'ai reçu monsieur la décade où l'on m'a fait l'honneur de me placer, j 'en aurais été bien plus flattée si mr votre frère et m. votre père y avaient été. Je vous rends mille très humbles grâces de toutes les peines que vous avez bien voulu prendre pour cette affaire. M. de la Condamine est revenu, je ne l'ai pas encore vu, car les fêtes du mariage de m. le dauphin ne m'ont guère permis de sortir d'ici. M. de Voltaire vous fait les plus tendres compliments, et moi je suis monsieur avec bien de l'amitié votre très humble et très obéissante servante B RETEUI L DU C HASTELLET à Versailles le 9 mars 1 74 5 Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Biblio thek

der Universitat pp.478-479.

Basel,

L.Ia.684,

1 33

Mai 1 745

LETTRE 33 8

338. à Jac ques François Paul Aldonce de Sade à Paris ce 28 mai [ 1 74 5 ] Je ne puis me guérir de vous aimer e t de saisir avec empressement les occasions de vous le dire. Je vous envoie la Bataille de Fontenoi de ma part et de celle de l'auteur. Je désire que vous soyez heu­ reux et je le serai parfaitement si je puis quelque jour jouir de votre amitié. La vie vous aime trop pour que vous ne m'aimiez pas toute votre vie. Imprimé d' après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Ca1 vet, Avignon, Ms. 2702, f.4 5 r.

339. à Johann Bernoulli Je ne puis vous dire monsieur à quel point je suis sensible à votre attention et à celle de mr votre père. J'ai reçu le Neuton, et je vous en fais tous mes remerciements. Voulez-vous bien vous charger de marquer ma reconnaissance à mr votre père. D'abord que j'en pourrai trouver un de la même édition, ce qui, véritable­ ment n'est pas aisé, je vous l'enverrai, car pour celui de mr votre père je le garderai comme mon meuble le plus précieux. J'espère que par mr le baron de Thun ou par d'autres personnes à qui j'en ai demandé, je ne l'en priverai pas longtemps . Mr de Maupertuis est dans le moment du départ. La gaîté avec laquelle il nous quitte ne peut me consoler de sa perte. Il nous fait espérer que tant que mr son père vivra nous le reverrons de temps en temps. Je n'ai cessé monsieur de demander des nouvelles de votre pièce depuis que j'ai reçu votre lettre. J'ai même retardé quelque temps à vous répondre dans l'espérance de vous l'envoyer. Mr Cleraut m'a assuré qu'il n'y avait plus qu'une feuille à tirer, qu'elle serait 1 34

Juillet 1 745

LETTRE 339

finie incessamment, et qu'il n'en avait encore sorti aucune. Je vous assure que je ne la perdrai pas de vue, et que je vous l'enver­ rai d'abord qu'elle sera finie. Soyez bien persuadé monsieur des sentiments avec lesquels je ne cesserai jamais d'être votre très humble et très obéissante servante. BRETEUIL DU CHASTELLET à Paris le 3 juillet 1745 Mr de Voltaire est très sensible à l'honneur de votre souvenir et vous fait mille compliments très humbles. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d' après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat Basel, pp.480-483 .

L.Ia.684,

340 . à Johann Bernoulli à Paris le 14 août 1745 Enfin, monsieur, j'ai votre pièce sur le cabestan et je vous assure que ce n'est pas sans peine. J'espère que vous la recevrez inces­ samment, du moins on me l'a bien promis. S'il arrivait quelque quiproquo à la poste comme on en a déjà fait sur un paquet que je vous avais envoyé, je vous prie de l'y laisser et de me le mar­ quer. Je le ferai réparer. J'aurais bien voulu vous l'envoyer plus tôt et je voudrais trouver tous les jours des occasions de vous marquer combien je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Baie en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.48 5-486. 135

Août 1 745

LE T TRE

34 1

34 z . à Pierre Robert Le Cornier de Cideville ce

22

août [ 174 5 ] à Paris

Vous devez avoir reçu monsieur l'édition du Louure du poème1 de mr de Voltaire. Je voulais vous l'envoyer mais il n'a pas voulu m'en laisser le soin. Je suis bien aise du moins de vous faire voir que j'y ai pensé. J'espère que vous reviendrez un peu de meilleure heure cette année. J'y suis intéressée, car je compte aller la pro­ chaine de très bonne heure à Cirey. Je voudrais que vous me fissiez le plaisir de vous informer où l'on fait à Rouen des espèces de petites curiosités où il y a tout plein de petites figures de cire qu'on fait mouvoir par derrière par une manivelle. J'en ai vu une comme cela dans les rues et je me meurs d'envie d'en avoir une si cela est possible. On m'a dit que cela se faisait à Rouen. Vous avez tout perdu de n'avoir point vu jouer Alzire à m11e Cleron2 , c'est une pièce nouvelle. Le sylphe a du succès à l'Opéra et il me semble qu'il en mérite. On ne sait rien de positif sur le retour du roi, mais j'imagine que cela ne pas­ sera pas le commencement du mois prochain. Je suis établie dans ma nouvelle maison où je suis à merveille et où mr de Voltaire se trouve enfin à son aise. J'ai bien envie de vous y recevoir et de vous y assurer de tous mes sentiments pour vous monsieur. Normandie à monsieur monsieur de Cideuille conseiller au parlement de Rouën à Rouën Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff. 75-76.

La Bataille de Fontenoy. Claire Josèphe Hippolyte Léris de Latude Clairon. 1

2

L E TTRE 342

342. à Charlie r Je m'affligeais de votre silence mon cher ange et je n'en savais point la cause. Cela a dû beaucoup vous faire souffrir et je suis ravie que vous en soyez quitte. Voilà le mois d'octobre bien près, j'espère que ce sera la fin de mes peines et que j'aurai le tapis au mois d'octobre comme vous me l'avez fait espérer. Je n'imagine pas qu'il y ait rien à risquer pour cet incident malgré tous les inconvénients des temps, et j'imagine que s'il y avait quelque chose à craindre vous m'en avertiriez. Je compte donc que vous mettrez la déduction en état. M r Detourneuille y a aussi travaillé à ce que me mande Daguilar, et je compte que vous allez vous y mettre et en conférer avec mr Detourneuille si vous comptez tou­ jours faire juger l'incident au mois d'octobre comme je l'espère. Quant au principal je vous supplie cher ange d'engager d'Aguilar à faire ce que je lui demande depuis six mois, et ce que je ne puis pas obtenir. C'est qu'il m'obtienne des réquisitoires ad omnes judices, et que le conseil écrive aux recteurs des universités de Strasbourg et de Leipsik comme il a fait au lieutenant général de Chaumont, pour qu'ils reçoivent les dépositions des membres de l'université dont ils sont juges sur le mot leibzucd1 • Ces univer­ sités sont toutes disposées. J'y ai des correspondances et des amis qui veilleront à mes intérêts, mais vous sentez bien que si cela traîne les amis se refroidissent, les gens changent de lieu et on perd le fruit de toutes ses peines. Quand les devoirs seront faits, on les trouvera en définition de cause, et il faut tâcher de les faire tandis qu'on le peut avec profit. Je vous supplie donc cher ange, de me secourir, d'ordonner à d'Aguilar qu'il obtienne ces réqui­ sitoires, et une lettre du conseil au recteur de l'université de Strasbourg dont je lui ai mandé le nom et les titres. Ce sera pour commencer, les autres viendront après, mais enfin je dois être très affligée de l'inaction dans laquelle on est depuis 2 ans dans mon affaire, car il faut convenir que depuis mon départ de Bruxelles elle n'a pas ava.ncé d'une ligne, et toute mon espérance cher ange est en vous, vous le savez bien. Envoyez chercher Daguilar, faites-le 1 37

Sep tembre 1 745

LE T TRE 3 4 2

agir, et mandez-moi ce que je puis espérer et sur quoi je puis compter, pour l'incident, et le principal. Vandeneede est mort, et c'est un bon déblai pour moi, mais les délais occasionnés par sa mort doivent être passés à présent. Des réquisitoires expédiés sont plus faciles encore pour mr Duchene que des preuves litté­ rales, mais l'un n'empêche pas l'autre, et je voudrais que nous fissions tout ce que nous pouvons faire, mais surtout les réquisi­ toires, car sans cela toutes les démarches que j'ai faites devien­ dront inutiles. On m'a encore fait des propositions d'accommodement depuis que je ne vous ai écrit et on m'a envoyé une lettre de Hoensbrock même qui offre 1 5 0 mille livres de [France] mais vous croirez aisément que cela ne m'a pas tentée, à moins de 5 0000 de [France] il n'y a rien à faire. Un procès auquel vous [?travaillez] avec tant de bonté ne doit pas être abandonné si légèrement. Je crois bien qu'ils n'offriront jamais une somme honnête que cet incident ne soit jugé, jugez donc combien j'ai d'intérêt qu'il le soit, mais je n'ai rien à vous dire sur cela, vous connaissez mieux mes intérêts que moi-même. Je m'en remets à votre amitié mon cher ange, je m'y confie, car je la mérite, donnez-moi de vos nouvelles et soyez sûr d'une reconnaissance et d'un attachement qui ne finiront qu'avec la vie. Mr de Voltaire vous fait mille tendres compliments. Faites la bonne action d'écrire [à] ma fille. Elle sera enchantée de recev[oir de] vos nouvelles. Je sais qu'elle a beaucoup [d'am]itié pour vous. Son adresse est à madame la duchesse de Montenero Caraffa à Naples en Italie. J'ai changé de maison et mon adresse est à pré­ sent rue Trauersine. Adieu cher ange, je vous embrasse de tout mon cœur. à Paris ce I er 7bre 1745 Petit Vendin m'a mandé que tout moisissait dans ma maison à Bruxelles. Je voudrais bien la louer cet hiver à quelque colonel anglais. Imprimé d'après le manuscrit autographe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles.

138

1 c'est à dire, 'Leibzucht', rente viagère.

L E T T RE 3 43

.34.3. à

[?j Paris le [ 17e de 7bre 1745]

Je vous remercie, monsieur, d'avoir bien voulu retirer les tapis­ series; j'ai envoyé les 2 louis à mr Dixet; envoyez-moi, je vous prie, la copie simple de mes contrats pour avoir la décharge du dixième, et envoyez-la-moi sous le couvert de mr le marquis d'Argenson, secrétaire d'état des affaires étrangères à la cour, avec une double enveloppe à moi; je donnerai ordre incessamment au paiement des arrérages, j'en sens la nécessité; je me ferai un grand plaisir de vous servir dans votre affaire, vous pouvez y compter. Je suis un peu indignée de la façon dont on juge à Chaumont, mais j'espère que j'en aurai justice ici. Je vous envoie le poème de mr de Voltaire sur la bataille de Fontenoi, c'est la nouvelle édi­ tion. Il vous fait mille compliments, et moi je vous assure, mon­ sieur, que personne ne sera jamais plus que moi votre très humble et très obéissante servante. Imprimé d'après The Collec tion of autograph letters . . . formed . .. hy Alfred Morrison ([London] 1 896),

2nd ser.iii. 1 89. Dans le catalogue cité on propose d'identifier le destinataire en la per-

sonne de Thieriot, ce qui est évi­ demment impossible; la lettre est adressée à une personne intéressée au procès de mme Du Châtelet; voir aussi l'allusion à un tapis dans la lettre précédente.

344. à Johann Bernoulli On a été aussi surpris ici qu'à Basle monsieur du parti qu'a pris mr de Maupertuis, et on n'en a découvert la raison que depuis qu'il est arrivé. On marque aussi qu'il va se marier à m ile de Bork1 qui est une des filles de la reine, ainsi c'est l'amour qui nous l'enlève. On dit même que le roi de Prusse a rendu la place de président de l'académie de Berlin au m il Shmettau 2 , ce qui rendrait le sort poli­ tique de m. de Maupertuis bien différent. Je n'en ai pas eu de nou­ velles depuis son départ. M. de Maurepas qui en a eu, m'a dit qu'il 1 39

Sep tembre z 745

L E T T R E 344

paraissait fort content. Je suis ravie que vous ayez enfin reçu votre pièce. Oserais-je vous prier de me mander le prix d'une certaine espère de pendule qu'on fait à Basle, où l'on voit l'heure en mettant une lumière derrière et dont le mouvement est tout à découvert? J'aurais envie d'en avoir une si cela est aisé. Je vous supplie de vouloir bien m'en instruire. Soyez je vous prie bien persuadé monsieur de l'estime singulière avec laquelle je suis pour ma vie votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à Paris rue Trauersine le I 9 e 7bre I 74 5 à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils, docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.488-492. 1 ou plutôt von Borcke.

2 si ' m 11' représente maréchal, mme Du Châtelet s'est trompée: l'érudit Hermann W oldemar von Schmettau n'était pas soldat; la nouvelle était du reste fausse.

345. à Charlier Vous êtes adorable mon cher ange d'avoir fini cette déduction et de me le mander. Sans vous je ne saurais rien de rien, et il n'y a que vous sur qui on puisse véritablement compter. Pour d' Aguilar je n'en entends pas parler, je lui écris, je le gronde, mais douce­ ment cependant car nous avons besoin de lui, et dans le fond c'est un bon garçon mais trop négligent. Je lui ai envoyé la lettre pour mr du Chesne que vous me conseillez et je la lui ai envoyé à cachet volant. Vous verrez si elle est bien. Je lui en ai envoyé une de même pour le commandeur de St Germain dans laquelle je le prie de voir mr du Chene pour le porter à rapporter mon incident au mois d'octobre, mais que peut-il pour les raisons et quand le pro­ met-il? que faire à cela cher ange? Je n'espère qu'en vos bontés vous me manderez s'il y a quelque autre chose à faire. Je désire passionnément que cet incident soit rapporté, et je ne crains rien 140

Septembre z 745

L E T TRE 3 45

des circonstances présentes puisque vous me conseillez de le faire juger. J'espère que vous ne me laisserez pas ignorer quand je pourrai espérer qu'il le soit. Quant au principal je vous assure qu'il m'est bien essentiel d'avoir les réquisitoires parce que les universités qui sont bien disposées pour moi oublieront de quoi il s'agit, et que les gens qui y prennent mes intérêts à cœur peuvent ou se lasser, ou changer de lieu et je ne vois quel mal cela peut faire car [?quand] cela sera fait, cela le sera. Il y a cependant un an que j'y suis et que je ne puis en obtenir. En vérité cher ange je vous demande justice. Cela n'est-il pas honteux? je n'ai appris que par vous qu'il y a un incident sur cette matière. Je croyais qu'il n'y en avait point d'autre que la mort de Vandeneede, dont cependant je suis bien aise. Je ne sais donc de quoi il s'agit, et je vous prie instamment cher ange de me prendre sous votre protection, de faire juger l'incident, et de faire obtenir les réquisitoires sans quoi je ne recueil­ lerai jamais aucun fruit de tant de peines. Croyez du moins cher ange que les obligations que je vous ai ne s'effaceront jamais de mon cœur non plus que la tendre amitié qui m'attache à vous oour ma vie. Mr de Voltaire vous fait les plus tendres compliments. .L

à Paris ce 1 9e 7bre 1745 Imprimé d'après le manuscrit au­ to graphe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles.

346. à Johann Bernoulli à Fontainebleau le g e g bre 174 5 écrivez toujours à Paris rue Trauersine J'ai reçu votre lettre ici, monsieur. Si j'avais été à Paris j'aurais fait votre commission moi-même. J'ai écrit à une de mes femmes qui est restée à . Paris tout ce que vous me mandez à ce sujet. Je la lui recommande avec instance et j'espère qu'elle s'en acquittera à

Octohre z 745

L E TTR E 346

votre satisfaction. La plus grande difficulté sera de vous l'en­ voyer. Mr d' Osembrai a refusé de vous faire tenir votre pièce, ainsi je ne veux plus lui rien proposer. J'ai mandé qu'on s'adres­ sât à mr de la Reinieres. S'il ne le veut pas, je vous prie de me mander de quelle voie vous voulez que je me serve et à qui je l'adresserai à Strasbourg, car il me semble que le carrosse ne va plus à Bâle. Si vous voulez me faire grand plaisir vous m'enverrez deux pen­ dules nocturnes dont assurément le prix n'est pas effrayant. Je veux une pour moi, et une personne de mes amies m'en a demandé une avec instance. C'est précisément celle dont vous me parlez que je désire. J'aurai soin de faire remettre à mr de Maupertuis le père le montant, et je ferai payer dessus votre satin par cette seule considération que je sais par moi-même que d'en user autrement ôte la liberté des commissions et que je désire que vous m'en don­ niez quand cela vous sera commode. Comme nous sommes dans ce pays-ci assez ridicules sur ce qui vient des pays étrangers je vous prie de mettre la boîte qui contiendra les deux pendules à l'adresse de mr le mis Dargenson, ministre et secrétaire d'état des affaires étrangères à la cour, et vous lui en écrirez une simple lettre d'avis que vous m'enverrez et avec laquelle je ferai retirer la boîte en son nom. Cela est comme vous croyez bien, convenu avec lui. Assurément le motif de Maupertuis est bien fait pour le faire excuser d'autant plus qu'il a fait un mariage très honorable quoique peu lucratif à ce que je crois. Il m'a écrit pour m'en faire part, et me paraît très heureux. Il y a longtemps que l'édition de !'Examen désintéressé avec l'histoire du livre, paraît. Je l'ai à Cirey. Si vous en êtes curieux, je le ferai chercher à Paris. Il vient d'augmenter son nègre blanc1 et il en a fait sa Venus phisique 2 • Je le lirai à mon retour à Paris et vous en parlerai après. J'avoue que je ne le con­ naissais pas comme anatomiste mais il sera tout ce qu'il voudra. Pour moi monsieur je suis surtout votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse

L E T T R E 3 46

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Base!, L.la.684, pp.494-498.

Disserta tion physique à l'occasion du nègre blanc (Leyde 1 744). 2 Vénus p hysique ([ s .l.] 1 745) . 1

347. à François Jacquier On ne peut être plus sensible que je le suis, monsieur, à l'attention que vous avez eue de m'envoyer de la poudre de Ouakaka. Véri­ tablement il faut qu'elle soit bien rare, car celle-là n'est point encore comme celle que j'ai eue autrefois. Je ne vous en suis pas moins obligée, je vous assure. Ma fille aura été bien aise de vous voir à Naples, car, quoi qu'elle demeure à Capodimonte, j'espère que vous aurez été l'y chercher. Vous l'aurez trouvée prête d'accou­ cher. Je me flatte que vous m'écrirez de ce pays-là, et que vous me marquerez comment vous l'aurez trouvée. Les Eléments d'algèbre de m. Cleraut vont paraître1 • C'est à mon gré un des livres les plus utiles et où le génie supérieur à sa matière se fait le plus sentir. On imprime aussi la traduction de Keills de Monier2 • C'est son traité d'astronomie. Cet ouvrage m'a fait sus­ pendre celui que vous savez que je méditais sur cette matière. Je le lis actuellement, il me l'a prêté en feuilles, quoi qu'il ne paraisse pas encore. J'ai grande impatience que vous le lisiez pour que vous me mandiez ce que vous pensez de la traduction, car pour l'ouvrage de Keills, il me semble qu'il est jugé et qu'on l'estime avec justice. Mais ce qu'il faut lire, c'est la Vénus p hisùjue de Maupertuis, ou la seconde partie de son Nègre Mane, mais il est très rare; et je ne sais pas si vous l'aurez. J'aimerais mieux encore qu'il f ît de petits Maupertuis à mme Debork que de tels livres, mais, je vous prie, ne dites sur cela mon sentiment à personne, car son amour-propre ne pardonne pas aisément3 • Le mien sera très flatté d'être agrégée à l'Institut et de devoir cette distinction à votre amitié. J'en espère la nouvelle incessam­ ment. Vous ne ?erez pas étonné que je ne vous aie rien envoyé de ma façon depuis votre départ quand vous saurez que je mène la 1 43

Novembre 1745

L ETTRE

3 47

vie du monde la plus désordonnée, que je passe ma vie dans l'anti­ chambre du ministre de la guerre pour obtenir un régiment pour mon fils, que je me couche à 4 et 5 heures du matin et que je tra­ vaille quand j'ai du temps à une traduction de Newton. Si j'avais plus de temps, j'aurais entrepris celle de votre beau commentaire. Mais je me contenterai d'en donner quelques propositions, parce que je crains infiniment d'être prévenue dans mon travail qui est presque fini, et qui est cependant encore un secret que je vous recommande. Je serai ravie de pouvoir mettre à la tête, de l ' Insti­ tut de Boulogne. J'espère que vous m'enverrez le journal quand il paraîtra. Je vous serais aussi bien obligée si vous pouvez me pro­ curer la dissertation de votre ami sur les forces vives. Vous me promettez quelques nouvelles littéraires depuis longtemps. J' es­ père que vous acquitterez incessamment cette dette. Après la confidence que je viens de vous faire vous devez sentir avec com­ bien d'impatience j'attends la suite de votre Newton que vous me promettez. On attend votre calcul intégral4 avec toute l'impa­ tience que votre mérite inspire. Je vous enverrai mon portrait gravé en France quand je vous saurai de retour à Rome, parce que, comme je ne le veux pas plier, cela fera un grand paquet que je veux vous envoyer sans port. Vous savez toutes les faveurs du pape pour m. de Voltaire, il en a reçu une lettre 5 charmante. Il me charge de vous faire mille tendres compliments. Il est fort occupé de l'histoire des campagnes du roi à laquelle il travaille. Soyez persuadé, monsieur, que personne ne sera jamais avec plus d'es­ time et d'amitié que moi, votre très humble et très obéissante servante BRETEUI L DU CHASTELLET

A Paris, rue Trauersière ce 12 novembre 174 5 Italie Au Révérend Révérend père Jacquier, minime professeur de mathématique et d'astronomie au collège de la Sapience à Rome Imprimé, le manuscrit ayant été détruit pendant la guerre à Vitry-le-

144

François, d'après E. Jovy ' Quelques lettres inédites de la marquise Du

L E T T R E 3 47

Châtelet et de la duchesse de Choi­ seul', Bulletin du hibliophile (Paris 1906), pp.169- 172. 1 les Elemens d' algèhre de Cleraut [Clairault] parurent en effet à Paris en 1746. 2 [John Keill], Institutions as tro­ nomiques ou leçons élémentaires d'as­ tronomie [traduites par P. C. Le Monnier] (Paris 1746). 3 Maupertuis traversait une pé­ riode pénible de sa vie; pour justifier sa nomination à la présidence de

Novembre 1 745 l'Académie de Berlin il écrivait des livres qui ne faisaient que souligner la modestie de ses ressources intel­ lectuelles, et qui devaient l'exposer à l'ironie impitoyable de Voltaire. 4 mais l'impatience de mme Du Châtelet ne devait pas être satisfaite: les Elémens du calcul intégral de [Tommaso] Leseur et de [François] Jacquier ne parurent que bien après sa mort, à Parme, en 1768. 5 c'est la lettre du 1 5 septembre de Benoît XIV (Best.2967).

[? novembre 174 5] Je ne puis vous exprimer, mon cher ange, le plaisir que m'a fait votre lettre. Voilà donc enfin cet incident en état, et m. de Four et vous en pensez comme moi, je suis très persuadée qu'elle se peut juger sans moi. Elle ne peut essuyer aucune difficulté, et je connais trop bien le conseil de Brabant pour craindre la partialité. Je ne cesse d'écrire à Daguilar pour lui recommander la diligence et l'exactitude, mais sans vous cher ange rien n'irait. J'espère moyennant vos bontés que la cause principale sera en état cette année. Je m'arrange pour pouvoir avoir la permission de vous aller voir alors. Je vous supplie cher ange de prendre un peu connaissance des preuves que nous devons faire dans cette cause principale. Je mande à Daguilar de vous porter une grande lettre en forme de mémoire que je lui ai écrite sur cela, car il faut com­ mencer à faire nos preuves, du moins celles par écrit. Celles que je dois faire en Allemagne sont toutes prêtes. J'envoie à Daguilar par cette poste une attestation de l'univer­ sité de Strasbourg qu'il vous communiquera d'abord. Elle roule sur le mot Leibz.atch. J'en aurai une de l'université de Leipsik et une de celle de Marbourg. Mandez-moi si vous trouvez celle que j'envoie bien, pour le fond et pour la [forme] afin que je me règle sur cela pour les autres. 1 45 1 0 (10

Novembre 1745

LETTRE 348

On disait que vous pourriez bien avoir la princesse Charlotte, cela pourrait vous dédommager de l'archiduchesse que vous avez perdue; j 'ai vu le commandeur de S t Germain qui compte vous aller retrouver dans quelque temps. J'envoie par cette poste à mr de Lanoi la Henriade trauestie 1 • C'est une plaisanterie qui pourra vous divertir. Je ne doute pas qu'il ne vous la prête. L'au­ teur travesti vous fait les plus tendres compliments. Adieu cher ange, je vous aime de tout mon cœur vous le savez bien, mais j'aime à vous le dire. à monsieur monsieur Cherliers conseiller au souverain conseil de Brabant vis à vis les dominicains à Bruxelles Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles. 1 [Louis Charles Fougeret de

Monbron] , La Henriade, travestie en vers burles ques (Berlin [Paris]

1745); cette amusante parodie a connu de nombreuses édi tians.

349. à Johann Bernoulli J'ai reçu, monsieur, les deux pendules, qui sont arrivées à très bon port. Je vous en fais mille remerciements. J'ai fait remettre à m. Moreau1 ce que je vous redevais avec un petit bordereau. Je vous prie de me mander s'il n'y a point de ces sortes de pendules-là qui sonnent et s'il n'y a point d'inconvénient à les mettre sur une cheminée où il y a du feu. En cas qu'il s'en fasse de sonnantes, je vous prie de me mander combien elles coûtent. J'en voudrais encore avoir une pour Cirey, que je vous prierai d'y envoyer en droiture quand vous aurez eu la bonté de me répondre à cette lettre. Vous savez peut-être que la Lapone vient d'épouser un homme qui a dix mille livres de rente et qui lui en assure sept. Elle a bien fait assurément de quitterTornea.Voilà le roi de Prusse au comble de la gloire. J'espère qu'il en rejaillira quelque chose sur m. de Maupertuis à qui je m'intéresse toujours beaucoup. Je ne vous ai pas répondu sur m. votre frère de Strasbourg parce que les ballets me tiennent touj ours à Versailles, et qu'il faut 1 46

Décembre z:745

LETTRE 349

que je voie quelque fermier général pour cela, mais à vous dire le vrai cela est bien mal expliqué. Si vous pouviez me mettre un peu plus au clair ce qu'il désire je ferai ce qui me sera possible pour le lui procurer. C'est pour vous prouver dans toutes les occasions avec combien d' esti[me] et de considération je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante, BRETEUIL DU CHASTELLET

à Paris le

1 2 x bre

1745

M. de Voltaire me prie de vous faire mille tendres compliments. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils, docteur en droit &c. &c. à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.499-5o 2 •

1

c'est à dire, à Maupertuis père.

Mon cher ange je suis au désespoir de la lettre que je viens de recevoir de Daguilar. Il me marque que m. du Chene ne veut pas absolument rapporter le petit incident au sujet des réquisitoires. Ainsi nous voilà arrêtés tout court, et nous ne pouvons rien avancer sur le principal, ni faire nos preuves. Il ne donne aucune raison de son refus. C'est se déclarer bien partial pour moi. J'ai envie de me plaindre au conseil, et de demander un autre rappor­ teur. Est-ce ainsi cher ange que les affaires publiques n'influent point sur mes juges et y a-t-il un déni de justice plus criant et plus formel? Il a dit aussi qu'il ne travaillerait pas à l'incident de l'hiver. Or comme il ne s'agit pas de lire la cause, il me semble que la saison n'y fait rien. J'attends avec impatience ce que vous me conseillerez dans cette occurrence et votre réponse à ma dernière lettre. Je vous avoue que je suis au désespoir. M. le commandeur de St Germain µi.'avait assurée que m. du Chene travaillait à mon affaire et je vous avais même écrit mes craintes en conséquence,. 1 47

Décembre z 745

L ETTRE 3 5 0

mais j e vois bien qu'on l'avait trompé tout l e premier. L'abbé Lochet qui m'est venu voir m'a promis de faire agir m. de Lanoi et un de ses amis, mais cher ange je n'espère qu'en vous, mandez­ moi ce que je dois espérer et ce que je dois faire, et ayez pitié de moi, car je suis au désespoir. ce vendredi 17

xhre [ 1 745]

L'adresse de ma fille est, à madame la duchesse de Montenero Carajfa à Nap les en Italie. Je la crois accouchée à présent. M. du Chastellet est encore sur la frontière cette année, il y a 5 ans qu'il n'est revenu. Mon fils et m. de Voltaire vous font mille compli­ ments. Il est très vrai que le pape lui a envoyé 4 belles médailles d'or où est son portrait et lui a écrit une lettre charmante. Je vous en enverrai la copie si vous voulez. Voulez-vous l'original italien ou la traduction française? Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Archives du royaume de Belgique, Bruxelles.

35 z . à François jac quier Je ne sais, monsieur, où cette lettre vous prendra, mais je ne veux pas vous laisser avoir par d'autres que par moi les paroles du ballet que m. de Voltaire a composé pour le roi au retour de ses conquêtes. L'auteur vous fait mille compliments bien tendres. Mandez-moi si vous avez vu ma fille à Naples, si vous en avez été content. Je la crois accouchée à présent. Je n'ai pu encore entendre parler de Boulogne. J'imagine que ce sera pour votre retour à Rome. On n'a pas encore commencé l'impression de mon Newton. On grave les figures. Ce sera une affaire de six mois avant qu'il puisse paraître. Je voudrais bien être à portée de vous consulter et de vous dire vraiment l'estime et l'amitié avec lesquelles je suis, monsieur, votre très humble et très obéissante servante A Versailles, le 1 7 décembre 1 74 5 1 48

BRETEUIL DU CHAS TELET

Décembre 1745

L E TT R E 3 5 1

Au Révérend Révérend père Jaquier, minime, professeur de géo­ métrie et d'astronomie au Collège de la Sapience, à Rome Imprimé, le manuscrit ayant été détruit à Vitry-le-François, d' après E. J ovy ' Quelques lettres inédites

de la marquise Du Châtelet et de la duchesse de Choiseul', Bulletin du bibliophile (Paris 1 906), p. 1 73.

352. à Johann Bernoulli à Paris ce 8 janvier 1 746 Je suis très flattée monsieur de l' honneur de votre souvenir quelle que soit l'occasion qui me l'ait procurée, et j'espère que vous vou­ drez bien m'accorder la continuation de votre amitié, cette année et to utes celles de ma vie. Je crois que les monades sont un des fondements de la saine métaphysique, et que pour être bien trai­ tées elles demandent beaucoup de méditation et de temps. Je suis actuellement bien loin de tout cela, et j 'ai besoin d'une grande économie de temps pour ne point prendre sur les dissipations nécessaires du monde celui de mon travail actuel. Cela ne sera pas imprimé d'un an. Vous sentez bien que Basle en aura les prémices avec raison, et je serai trop payée de ma peine si mon travail est approuvé. Je crois qu'il sera utile surtout aux Français, car le latin de m. Neuton en est une des difficultés. C'est à mr votre père et à vous à lever les autres, et si j 'essaie quelque chose sur cela ce sera en profitant de ses lumières et de ses ouvrages. On ne parle pas bien de la santé de Maupertuis et j 'en suis affligée. Soyez per­ suadé monsieur que personne ne sera jamais plus que moi votre très humble et très obéissante servante BRETEUI L DU CHASTELLET

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat PP· 5o3 -5o4.

Basel, L.Ia.684,

1 49

Février z 746

LETTRE 353

Le 3 février [ 1 746] . . . M. de Voltaire travaille à l'histoire des campagnes du roi 1 , j'aurai soin de vous les envoyer. Imprimé d'après une copie an­ cienne, Bibliothèque et musée Cal­ vet, Avignon, Ms. 2702, f. 34r.

1 l' Histoire de la guerre de 1 74 1 , qui devint plus tard le Précis du

siècle de Louis XV.

354. à Johann Bernoulli Je ferai mon possible monsieur pour procurer à mr votre frère ce qu'il désire. Il m'a écrit pour me l'expliquer et je l'entends très bien à présent. Je vous serai bien obligée de m'envoyer une pen­ dule à Cirey comme celles que vous avez eu la bonté de m'envoyer ici sans répétition mais il faut que vous ayez la bonté d'adresser la boîte à m" de Haut� marchand de fer à 5' Diziers, et lui en faire donner avis par l'horloger. Comme le carrosse de Strasbourg passe par S t Diziers il sera aisé de l'y faire parvenir et j'en ferai remettre l'argent ici à m. Moreau qui à ce que j'espère vous a marqué avoir reçu celui que vous m'aviez dit de lui remettre pour les premiers. Il me semble qu' ordinairement il y a une petite lampe à ces pendules. Je ne sais si c'est une omission, mais il n'y en avait point aux deux que j'ai reçues. M. de Voltaire vous fait mille com­ pliments. Il me semble que l'enchantement de m. de Maupertuis pour la Prusse et pour sa femme continue. Adieu monsieur, soyez persuadé de tous les sentiments avec lesquels je suis votre très humble et très obéissante servante B RETEUIL DU C HASTELLET à Paris le 3 février 1 746 A Monsieur monsieur Jean Bernoully docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek

der Universitat pp. 5 0 5 -5 08.

Basel,

L.la.684,

L E T T RE

Mars 1 746

35 5

355. à Johann Bernoulli J'ai eu avis monsieur que la caisse de la pendule est arrivée à S1 Diziers, et j'en ai fait remettre le montant à mr Moreau de Maupertuis. Je vous en rends des grâces infinies. J'ai parlé de l'affaire à1 mr votre frère, elle est plus difficile que je ne croyais, cependant je n'oublierai rien pour lui rendre service, trop heu­ reuse de trouver cette occasion de vous prouver les sentiments avec lesquels je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à Paris ce 17 mars 1746 J'ai déjà eu l'honneur de vous mander que ce n'est point à Paris qu'on trouve !'Examen désintéressé mais en Hollande, sans cela vous en auriez eu il y a longtemps. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp. 5 o9-5 I O.

1

ou plutôt, de.

356. à Pierre Rohert Le Cornier de Cideville J'ai bien des grâces à vous rendre monsieur de l'attention que vous avez eue de me procurer l'ouvrage de madame du Boccage 1 • Je crois ne pouvoir choisir personne de plus propre que vous monsieur pour lui marquer combien j'en ai été contente et com­ bien je suis reconnaissante de ce qu'elle a bien voulu m'en envoyer un exemplaire. Je m'intéresse trop à la gloire de mon sexe pour n'avoir pas p ris beaucoup de part à la sienne. Je suis ravie qu'une Académie fondée dans un pays si rempli de talents et d'esprit ait commencé sa carrière par nous rendre justice. Il faudrait que l'Académie de Rouen f ît pour madame du Bocage ce que l'Insti­ tut de Boulogi:ie a bien voulu faire pour moi, qu'elle l'agrégeât à son corps, et assurément ce serait à bien meilleur titre. C'est une

Août 1 746

LETTRE 3 5 6

obligation de plus que j'ai à madame du Bocage de me procurer une occasion de vous renouveler monsieur les assurances des sen­ timents que vous me connaissez depuis bien longtemps pour vous. La santé de m. de Voltaire n'est pas trop bonne, mais aussi com­ ment se bien porter quand on fait une belle tragédie en 3 semaines? Paris ce 1 9 août [ 1746] à monsieur monsieur de Cideuille conseiller au parlement de Rouen à Rouën Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville, ff.77-78.

1 [ Anne Marie Fiquet Du Bocage] , Lettre de mme *** à une de ses amies sur les spectacles et principalement sur ropéra-comiq ue ([s.l.] 174 5 ).

357. à Johann Bernou lli Je n'ai pas pu avoir l'honneur de vous répondre par m. Moula1 monsieur. J'ai été bien flattée que vous m'ayez procuré sa con­ naissance. Tout ce qui se renommera de vous sera toujours bien reçu et mr Moula mérite beaucoup par lui-même. Je l'ai chargé de vous remettre le discours de m. de Voltaire à l'académie. L'auteur vous fait mille compliments, et est bien flatté que vous l'ayez désiré. Nous avons vu m. de Maupertuis ici par la mort de son père. Il est reparti très vite, et a trouvé la succession très médiocre. Je crois qu'elle n'a pas valu le voyage. Je l'ai trouvé fort triste, mais il aimait son père et c'est tout simple. Je ne connais le sujet du prix de Berlin que par ce que vous m'en mandez. Je serais bien tentée de défendre les monades mais je n'ai point de temps. Mon Neuton qui sera bientôt à l'impres­ sion, mais qui demande un travail continuel m'occupe toute entière. Je voudrais bien aussi que vous y travaillassiez pourvu que ce fût pour les défendre, mais l'invitation de m. de Maupertuis m'a l'air de toute autre chose, et alors j'en serais très fâchée, quoi­ que cependant je ne doive pas craindre qu'un aussi bon esprit que vous voulût les ré futer s'il les avait méditées.

LETTR E

3 57

Septembre z 746

Je n'ai point l'édition des Institutions dont vous me parlez, mais elle est imprimée en Holande, et il est honteux la peine qu'on a ici à avoir des livres étrangers. Le portrait qui y est est hideux, mais j'espère vous en envoyer bientôt un meilleur. Vous avez déjà eu la bonté de me procurer un Neuton de l'édition de 1 726 que je n'aurais pu traduire sans vous faute d'avoir la bonne édi­ tion. J'ai encore recours à vous pour vous prier de me faire avoir un Jaquier2 • C'est à mr Bousquet3 à Lausane qu'il faut s'adresser. Mon libraire, qui est à présent mr le Mercier4, rue S t Jaques, et qui fait continuellement des affaires avec lui a écrit et n'en a point de réponse. Il faudrait donc que vous eussiez la bonté de faire parler à ce Bousquet par quelqu'un de vos amis pour qu'il envoie pour le compte de mr le Mercier, la seconde partie du 3 e tome du Neuton de Jaquier, le second tome et les 2 parties du 3 e tome à tome battu sans être relié à l'adresse de Mr le marquis Dargenson, secrétaire d'état et ministre des affaires étrangères à la cour, sans autre enveloppe. J'aurai soin de les faire retirer. Il faut commen­ cer l'envoi par le 3 e volume dont je demande comme vous voyez bien deux secondes parties et une première. Il faut n'en envoyer qu'un à la fois par chaque poste, et qu'il soit bien battu pour que le paquet soit moins gros et m'avertir du départ du 1 er paquet. Je vous aurai monsieur la plus grande obligation car cela me manque absolument et j'en ai un besoin extrême. Comme c'est pour le compte de mr le Mercier il n'y aura point d'argent à donner à Bousquet. Comme c'est un livre qu'on vient de donner je crois qu'on en avait des tomes séparés. J'ai bien des pardons à vous demander et j'espère que vous ne doutez pas des sentiments avec lesquels je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET à Paris le 6 7bre 1746 Je crois que vous prenez trop d'intérêt à ce qui me regarde pour n'être pas bien aise d'apprendre que j'ai l'honneur d'être agrégée de l'Institut de Boulogne. à monsieur m�:msieur Jean Bernoulli le fils, docteur en droit à Basle en Suisse 153

Septembre 1 746

L E TTR E

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.la. 684, pp. 5 I I -5 1 9• Le 3 1 août (Best. 3 130) Cideville assure mme Du Châtelet qu'il a fait part à mme Du Bocage des louanges qu'elle lui a données sur son poème (elle avait gagné le prix de l' acadé­ mie de Rouen sur le sujet du Prix alternatif entre les belles-lettres et les sciences); et il félicite la marquise de son élection à l'institut de Bologne: Quand Bologne avec faste étale en [Italie Son registre annobli du beau nom [d'Emilie, Pourquoi ce sexe aimable, et que [tant nous aimons, En France est-il exclu de tout , . .;> . . . [academ1e Le 9 octobre (Best. 3 1 39), lettre du comte d'Argenson, ministre de la guerre, qui accepte d'employer

3 57

m. Du Châtelet en Lorraine, mais qui ne peut faire passer son fils en Fran­ che- Comté ni lui accorder d'appoin­ tements. 1 le mathématicien Frédéric Mou­ la, retiré à Neuchâtel. 2 Philosophiae naturalis principia mathematica . . . perpetuis commenta­ riis illustrata communi studio . . . Thomae Le Seur et Francisci Jac­ quier ( 1739-1742); mais cette édition a été faite à Genève par Barillot; la marquise n'a-t-elle pas plutôt songé aux Opuscula mathematica, philoso­ phica et philologica collegit . . . ac recensuit ]oh. Castillioneus, édités par Bousquet à Lausanne en 17 44? Pourtant on voit par la lettre sui­ vante que c'est Barillot qui a fait l'envoi: ce n'est donc probablement pas d'ouvrage que mme Du Châte­ let s'est trompée, mais d'éditeur. 3 Marc Michel Bousquet. 4 Pierre Gilles Le Mercier.

358. à Johann Bernoulli J'ai suivi votre conseil monsieur et je m'en suis si bien trouvée que je veux vous en remercier. M. Barillot m'a envoyé tout ce que m. le Mercier lui avait demandé. Il m'est impossible cependant de suivre celui que vous me donnez sur les monades. J'ai si peu de temps de suite à donner à l'étude que je ne puis me distraire de mon occupation présente, qui l' absorbe entièrement. C'est un bien beau sujet de prix et j'aurais bien voulu qu'on ne l'eût donné que l'année prochaine. Ce système serait bien heureux d'avoir un défenseur tel que vous et je l'en crois digne. Je suis bien sûre de l'être du souvenir dont vous m'honorez par les sentiments avec lesquels je suis monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET à Paris le

20c

9bre 1746

LE TTRE

Novembre 1746

358

à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Ia.684, pp. 5 20Universitat Basel, L. 5 22.

Le 22 décembre (Best. 3 1 5a), billet du comte d'Argenson accordant à m. Du Châtelet la permission de se rendre à Cirey et d'y rester un mois.

359. à Guillaume Thomas Franf ois Raynal [ 1 avril 1747] Je vous ai tous les mois une nouvelle obligation1 , monsieur; je vous prie d'être bien persuadé de ma reconnaissance. J'espère que m. Bronod vous aura montré ma dernière lettre; ainsi je ne vous parle point de mes affaires auxquelles j'espère que vous vous inté­ ressez autant que mon amitié pour vous le mérite. Imprimé d'après The collection of

au tograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([London] 1 896), 2nd

ser.iii. 1 89.

1

c'est peut-être une allusion au

Mercure, dont Raynal était un des

collaborateurs, ou plus probable­ ment aux nouvelles à la main qu'il venait de lancer.

3 60. à Franf ois jacquier Je vous assure que c'est une misère que l'irrégularité des postes, monsieur, car m. Cléraut me marque que vous vous plaignez de ne point recevoir de mes nouvelles, et moi j'étais en peine de ne point recevoir de réponse à la dernière lettre que je vous ai écrite. Je suis dans le même cas avec ma fille. C'est un des inconvénients de la guerre et, quoi que ce ne soit pas le plus grand, je le sup­ porte avec bien de l'impatience quand il me prive de vos lettres et qu'il vous fai� douter de mon amitié. Je revois les épreuves, ce qui est fort ennuyeux, et je travaille au commentaire, ce qui est

Avril 1 747

L ETTR E

3 60

fort difficile. Votre excellent ouvrage m'est d'un grand secours, et si j'avais eu le courage d'entreprendre un commentaire perpé­ tuel, je n'aurais pas hésité à traduire le vôtre. Je suis bien fâchée que nous soyons privés si longtemps de votre ouvrage sur le calcul intégral. Je voudrais bien savoir ce qui le retarde. Je n'ai jamais reçu ce journal italien où vous avez eu la bonté de faire mettre ma réponse à Juria1 • C'est m. Crammer 2 qui est ici et que je me fais un grand plaisir de voir, par tout ce que vous m'en avez dit, qui m'y fait penser. Je vous fais mon compliment avec grand plaisir sur la faveur de votre cousine, mme du Hausay3 , que m. Clé­ raut m'a apprise. Si vous lui écrivez, mandez-lui, je vous prie, que je serais bien aise qu'elle vînt me voir quand je suis à Versailles:, où elle est toujours, parce que j'aurais le plaisir de parler de vous avec elle et que je lui parlerais d'un service essentiel qu'elle peut rendre à m. Cléraut et que je crois qu'il a de la peine à lui en parler lui-même. Je vous prie même, quand vous écrirez à m. Cléraut de ne lui point parler de ce que je vous mande sur cet article. J'ai été hier à la rentrée à l'Académie où m. de Buffon nous a lu un mémoire4 sur la manière de brûler par réflexion à de très grandes distances par le moyen de plusieurs miroirs plans mobiles dont on réunit les images du soleil au même foyer. Il a brûlé à 1 5 0 pieds et son raisonnement conduit à prouver qu'avec un plus grand nombre de miroirs on brûlerait à six ou sept pieds, ce qui justifie Archimède contre Descartes; le mémoire de m. de Buffon est bien écrit et très instructif. Vous avez vu ma fille à Naples. Ainsi vous vous intéressez à elle, et vous serez bien aise d'apprendre qu'elle a été nommée dame du palais de la reine de Naples, ce qu'elle désirait fort. M. de Vol­ taire vous fait mille tendres compliments, et moi, je vous réitère, monsieur, les assurances d'une amitié qui durera autant que la vie de votre très humble et très obéissante servante. BRETEUIL DU CHASTELET

A Paris le 1 3 avril 1747 Imprimé, le manuscrit ayant été détruit à Vitry-le-François au cours

de la guerre, d'après E. Jovy ' Quel­ ques lettres inédites de la marquise

Avril Z J4J

LETTRE 360

D u Châtelet et de la duchesse de Choiseul', Bulletin du bibliophile (Paris 1 906 ) , pp. 1 7 3 - 1 7 5. 1 ou plutôt J urin. 2 le mathématicien Gabriel Cra­ mer. 3 sans doute mme Du Hausset, dame de compagnie de mme de Pompadour, dont les Mémoires

furent publiés en 1 809 par Quentin Craufurd dans ses Mélanges. 4 'Invention de miroirs ardents, pour brusIer à une grande distance', Histoire de l'Académie royale des sciences . . . M. D CCXLVJJ (Paris 1 7 52), pp.82- 1 0 1 (de la deuxième pagina­ tion).

36 z . à François facquier A Paris, ce

I er

juillet 1747

Votre lettre m'a fait un plaisir infini, monsieur, car je m'ennuyais d'être si longtemps sans recevoir de vos nouvelles. Je suis, je vous l'avoue, fort occupée de mon Newton, mais il n'y a point de diver­ sion plus agréable que celle de vous écrire, et si vous aviez le temps de faire vos lettres un peu plus longues, je ne pourrais pas avoir de meilleures instructions. Le premier livre est presque tout imprimé, il y aura quelque commentaire, mais il ne sera pas per­ pétuel. Il sera dans le second volume à la suite du troisième livre, et ne roulera que sur le système du monde et les propositions du premier livre qui y ont rapport. Je voudrais bien que vous m'en­ voyassiez vos leçons de physique et ce que vous me promettez sur les maxima et les minima. Plus vous m'enverrez de choses de votre façon, et plus je serai contente. Je n'ai pu voir encore le miroir de m. de Buffon à cause des mauvais temps, et de son départ pour la campagne, mais j'ai entendu le mémoire qu'il a lu sur cela à la rentrée, et cela m'a paru très curieux, et sera très utile, pour la chimie surtout. Je ne vous en fais point le détail, parce que je ne doute pas que vos amis de l'Académie ne vous l'aient fait. M. Cléraut et m. d'Alembert sont après le système du monde, ils ne veulent pas avec raison se laisser prévenir par les pièces des prix. Mon commentaire sera principalement un extrait du mémoire de m. Cléraut sur cela, et alors il est sûr qu'il sera de quelque uti­ lité, car vous �avez que l'Académie fait attendre bien longtemps ses mémoires.

Juillet z :74:7

L E TTR E 36 1

Savez-vous que m. de Fouché 1 a pris femme? C'est une made­ moiselle Desportes qu'on dit fort raisonnable et assez aimable, il a grand besoin de compagn ie à l'observatoire. Vous savez, mon­ sieur, combien je vous aime véritablement. Si vous voulez que j'envoie mes lettres pour vous quelque part pour être reçues plus sûrement, mandez-le-moi. Imprimé, le manuscrit n'ayant pas survécu à la destruction de Vitry-le­ François, d'après E. Jovy 'Quelques lettres inédites de la marquise Du

Châtelet et de la duchesse de Choi­ seul', Bulle tin du bibliophile (Paris 1906) , pp. 1 75-177. 1 Jean Paul Grandjean de Fouchy .

362. à Marc Pierre de Voyer, comte d'Argenson A Paris, le 8 juillet 1747 Je ne m'attendais pas, monsieur, quand j'ai eu l'honneur de vous écrire, que j'aurais si tôt un si grand compliment à vous faire 1 • Si vous connaissez mon attachement pour vous, vous êtes bien per­ suadé de l'intérêt que je prends à votre gloire, et du plaisir que j'ai à vous en assurer. M. de Voltaire vous exprimera2 sa joie et son attachement d'une manière plus élégante, mais personne ne sentira jamais l'un ni l'autre plus vivement que moi. Vous voyez que je suppose que vous m'avez accordé la permis­ sion que je vous ai demandée dans ma dernière. Imprimé d'après Mémoires du marquis d'Argenson (Paris 1 8 25),

p.465. 1 pour la bataille de Lauffeldt, où, le 2 juillet, le maréchal de Saxe infli­ gea une nouvelle défaite au duc de Cumberland.

2 il l'avait déj à fait 'le 4 de la pleine lune' (Best. 3 I 99) dans une lettre qui mérite la plus grande célébrité: c'est par elle qu'on apprend que Voltaire venait de créer le conte philoso­ phique.

Juillet 1747

L ETTRE 363

363. à Marc Pierre de Voyer, comte d'Argenson A Paris, ce 20 juillet 1747 Vous savez, monsieur, combien j'aime les occasions de vous faire souvenir de moi . Je n'ai garde de manquer celle qui se présente de vous envoyer la lettre de m. de Voltaire à m. le duc1 du Maine sur la bataille; ce sont des prémices qui vous appartiennent de droit. M. de Paulmy2 l'a célébrée, cette bataille, avec beaucoup de dignité et d'esprit dans sa lettre du te deum, car je me figure qu'il y a eu quelque part, et je trouve qu'il justifie tous les jours votre goût pour lui. Vous voyez bien, à la façon dont je vous en parle, que j'ai eu enfin de ses nouvelles. J'ai des grâces à vous rendre de la gratification que vous avez accordée à m. Desfosses, et de la lettre charmante que vous m'avez écrite. Croyez, monsieur, que vous ne pouvez accorder vos bontés à personne qui en sente mieux le prix, et qui les mérite par plus d'attachement que moi. L'auteur de l'épître me charge de vous dire en prose ce qu'i l aurait voulu dire en vers. Mais je suis bien indigne d'être son chancelier. Imprimé d'après Mémoires du marquis d'Argenson (Paris 182 5 ), pp.466-467. 1 ou plutôt à la duchesse: c'est l'Epître sur la Yictoire remportée par

le roy à Lawfe ld, 'Auguste fille et mère de héros . . . .' 2 Antoine René de Voyer, mar­ quis de Paulmy, fils du marquis d'Argenson.

3 64. à Johann Bernou lli à Paris ce 2 3 juillet 1747 Tout ce qui viendra de vous monsieur sera toujours très bien reçu et m. Ortmann1 paraît avoir beaucoup de mérite indépendam­ ment de celui qi:ie lui donne votre amitié et votre recommandation. I) 9

Juillet 1747

L ETTRE 3 64

Je voudrais lui être utile dans le temps qu'il séjournera ici et vous marquer par là les sentiments que je conserverai toute ma vie pour vous. Le prix a été donné à Berlin à un destructeur des monades. Je m'en doutais bien, et j'en suis d'autant plus aise de n'être pas entrée en lice. J'ai bien de l'impatience de vous soumettre mon ouvrage, je serai bien :flattée s'il a votre approbation. Ne doutez pas, je vous supplie monsieur des sentiments avec lesquels je suis pour ma vie votre très humble et très obéissante servante BRETEUI L DU CHASTELLET

M. de Voltaire vous fait mille compliments. à monsieur monsieur Jean Bernoulli docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp.52 3525, 538.

1 Jeremias ou Andreas Ortmann, qui avaient tous les deux des fonc­ tions publiques à Bâle.

365. à Johann Bernoulli [ vers le 5 janvier 1748] Le monde savant et surtout le monde mathématique doit partager, monsieur, les regrets que vous cause la perte que vous venez de faire1 • Pour moi l'intérêt que je prends à ce qui vous regarde est mon motif le plus pressant. Je vous prie d'en être bien persuadé, et que personne ne sera jamais plus que moi monsieur votre très humble et très obéissante servante BRETEU IL DU CHASTELLET Je vous supplie, monsieur, d'assurer mr votre frère Daniel de l'intérêt que je prends à son affliction. à monsieur monsieur Jean Bernoulli le fils docteur en droit à Basle en Suisse 1 60

Janvier z 748

L E T T R E 365

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp. 5 285 29.

Johann Bernoulli père mourut le 1 janvier 1 748. 1

3 66. à Johann Bernoulli Je n'ai pas attendu monsieur la part que vous me faites de la perte que vous venez de faire pour vous marquer combien je m'y intéresse. Je suis fâchée que mon absence de Paris me mette hors de portée de servir mr Ortman dans ce qu'il désire, mais à mon retour je ferai tout ce qui me sera possible pour lui prouver et à vous monsieur que personne ne sera jamais plus que moi votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

à Luneuille ce

10

février 48

à monsieur monsieur Jean Bernoully; docteur en droit à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der

Universitat Basel, L.Ia.684, pp.5 3 1 , 54o.

367. à Marc Pierre de Voyer, com te d 'Argenson A Lunéville, le 2 mars [ 1748] Eh bien, monsieur, je vous l'avais bien dit, me voilà à Lunéville. Je vous assure que nous avons passé un bien joli carnaval. Le roi de Pologne me comble de bontés, et je vous assure qu'il est bien difficile de le quitter. Je compte cependant avoir l'honneur de vous revoir avant la fin de ce mois. Vous savez que mon fils est arrivé à Gênes1 • Il a pensé se noyer dans le trajet. Je voudrais bien que vous eussiez pensé qu'il est lorrain, quand vous avez donné les gouvernements de Lorraine. N'y aurait-il pas moyen d'avoir 161 I 1 (Il)

Mars z :748

LETTRE 3 67

une lieutenance de roi, si vous les remplacez? J'espère que vous voudrez bien penser à lui. Je ne pense pas avoir besoin auprès de vous de la recommandation du roi de Pologne. Je compte trop sur vos bontés pour moi. M. de Voltaire, qui est ici et point à Nîmes, me prie de vous présenter ses respects. Soyez, je vous supplie, bien persuadé de l'attachement inviolable que je vous ai voué pour la vie. Vous m'avez défendu les compliments, et, comme cette défense est une marque de vos bontés, je me garderai bien de l'oublier. Le vieux Villars était brodé, et nous ne le sommes pas. BRETEUIL DU CHASTELET

Imprimé d'après Mémoires du marquis d'Argenson (Paris 1 825),

p.467.

où commandait le duc de Riche­ lieu. 1

368. à Augustin Calmet Lunéville, 4 mars I748 [Elle est désolée de ne l'avoir pas vu lorsqu'il vint à Lunéville.] Nous allons demain à la Malgrange1 • M. de Voltaire compte vous aller voir au retour et le roi compte qu'il vous ramènera . . . . Imprimé d'après le catalogue de la vente J[ustin] L[amoureux] (Pa­ ris 25 janvier 1 855), p.35, no.22 1 .

1 château commencé près d e Nan­ cy par Léopold et terminé par Sta­ nislas.

369 . à Marc Pierre de Voyer:, comte d'Argenson [avril 1748] Les bontés du roi de Pologne, monsieur, me portent à vous impor­ tuner. Il désirerait de me fixer dans ce pays-ci du moins pour une partie de l'année; le commandement de la Lorraine serait un 1 62

Avril 1748

L E T T R E 3 69

établissement pour m. du Châtelet, qui me donnerait une raison de demeurer ici. M. de Berchiny qui y commande à présent doit servir en campagne. Ainsi si vous vouliez y placer m. du Châtelet, vous me feriez un plaisir d'autant plus sensible, que vous savez que c'est ce que j'ai toujours désiré, et qu'assurément les bontés du roi de Pologne pour moi augmentent beaucoup les agréments de cette place. Vous sentez bien que je vous le demande à demeure, c'est à dire tant que le roi jugera à propos d'y employer un lieu­ tenant-général. J'attendrai votre réponse pour partir. Vous savez ma situation, combien m. du Châtelet a besoin de vos bontés. Ainsi j'espère que vous voudrez bien m'en donner une marque dans cette occasion. Je vous supplie d'être persuadé que personne ne sentira jamais plus que moi les obligations que je vous ai, et n'est avec un attachement plus véritable votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DU CHASTELLET

Imprimé d'après [René] , marquis d'Argenson, Autour d'un ministre de Louis xv (Paris 1 923), pp. 207-208. Pour lui permettre de rester à la cour de Stanislas, mme Du Châtelet sollicitait pour son mari le comman­ dement de Lorraine, mais il avait un

370 .

concu rrent, le comte Ladislas Louis Ignace de Bercsényi. Stanislas régla la difficulté d' une manière toute sa­ lomonique: il nomma m. Du Châ­ telet grand maréchal des logis, et m. de Bercsényi grand écuyer.

àjean Franço is de Sa int-Lambert

Cirey, jeudi [avril 1748] à deux heures après minuit Je crois qu'il est bien imprudent de vous écrire une seconde lettre avant d'avoir reçu de vos nouvelles. J'arrive à Cirey après une marche de treize heures. Si je ne vous écrivais pas aujourd'hui, vous n'auriez pas de mes lettres lundi. Si vous êtes digne que je vous aime, vous partirez mardi et vous serez ici jeudi ou vendredi. Allez à Joinville par Vaucouleurs. On quitte, je crois, la grande route à voie à Joinville. Quand vous y serez, demandez un mar­ chand nommé Laurent et priez-le de vous donner un guide pour

163

Avril 1748

LETTRE

370

Cirey. Il vous en donnera sûrement un ou bien vous en servira lui-même. Il n'y a que trois lieues de Joinville ici. Mon dieu, que Cirey me paraîtra beau quand vous y serez! Je n'en partirai point que je n'aie perdu l'espérance de vous y voir. Ainsi ce sera votre faute si vous n'y venez pas. J'écris un mot à madame Bouffi.ers. Faites semblant de ne pas savoir de mes nouvelles. Voyez-vous le petit papier que j'ai pris afin d'être sûre de vous écrire une petite lettre? Je veux la finir bien vite. Si je permettais à mon cœur de vous parler, il ne finirait pas si tôt et peut-être ne méritez-vous rien de ce qu'il aurait à vous dire. Nous verrons samedi si j'aurai une lettre de vous. Je fais ce qu'il m'est possible pour ne vous aimer qu'autant que je le devrais, mais j'ai bien peur de perdre ma peine et de vous aimer plus que vous ne le méritez. . . . A[Monsieurde Saint-Lambert] chez Monsieurde Vauxà Lunéville. Imprimé d'après Etienne Chara­ vay, Lettres autographes comp osant la collection de m. Alfred Bovet (Paris 1 8 87), p.794, no. 2084. Puisque Saint-Lambert ne con­ naissait pas encore le chemin de

Cirey, cette lettre app artient évi­ demment au commencement de la liaison: elle a donc été écrite après que la marquise eût quitté Luné­ ville pour Cirey en avril 1 748.

37 z . à Jean Franfois:, marquis de Saint-Lambert Ce lundi 29 [avril 1748] Ah, quelle pauvre excuse, vous feriez aussi bien toutes vos affaires à Nancy, c'est un sacrifice que j'exige et que vous me devez; je ne sais si vous auriez la cruauté de me tromper, mais je sais bien que cela vous sera impossible. Si vous saviez les affaires que j'ai à Paris et que je sacrifie à l'espérance incertaine de vous voir, vous verriez bien qu'on fait ce qu'on veut, quand on le veut bien; cependant je ne vous demande d'autre sacrifice que celui de n' être pas à Lunéville. Quand je vous saurai à Nancy je croirai tout ce que vous voudrez. Vous recevrez cette lettre mercredi, vous ne m'y répondrez que jeudi, répondez-moi de Nancy, et mandez164

Avril 1748

L E T T R E 371

moi positivement quand vous serez à Cirey. Je crois que quand vous serez une fois parti de Lunéville vous le serez bientôt pour venir ici, mais je me trouve bien extravagante de vouloir vous disputer à la plus aimable femme du monde1 , souvenez-vous du moins que ce n'est pas ma faute, et qu'il n'a pas tenu à moi de vous raccommoder, mais vous avez sans doute mieux aimé avoir un sacrifice à lui faire, et vous aurez le plaisir d'avoir le baron pour le faire agréer. Mon cœur et la vérité de mon caractère sont bien déplacés au milieu de tant de fausseté et de tant de manège, j'aime mieux en être la victime que de l'imiter. Je ne vous dirai point dans cette lettre que je vous aime, vous en seriez plus cou­ pable, et vous n'en seriez pas plus heureux; je suis bien sûre que vous serez fâché quand vous m'aurez laissé partir pour Paris, croyez que j'ai quelquefois du courage et de la fermeté, j'aurais voulu ne vous le prouver que par ma constance, j'ai reçu une lettre très aimable et beaucoup plus tendre que la vôtre, j'espère du moins que je conserverai mon ami, j'ai assez de générosité pour tout pardonner hors la fausseté, qui vous forçait à en avoir pour moi, mais peut-être, que je suis injuste, il ne tiendra qu'à vous de me le prouver et de ne pas perdre un cœur qui vous aimera toute la vie si vous le voulez. Mandez-moi si on sait que vous devez venir à Cirey. Imprimé d' après The Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.2 1 9. 1 Marie Françoise Catherine de Beauvau, fille de Marc de Beauvau, prince de Craon, femme de Louis

François, marquis de Bouffiers­ Remiencourt, maîtresse du roi Sta­ nislas; elle est également la mme B. qu'on voit paraître souvent dans les lettres à Saint-Lambert, avec qui elle venait d'avoir une liaison.

372 . à jean François, marquis de Saint-Lambert à Cirey, le

I

er

mai [ 174 8]

Pourquoi faut:- il que je doive la lettre la plus tendre que j'aie encore reçue de vous au chagrin de n'en avoir eu de moi; il faut

165

Mai 1 748

LETTRE

372

donc ne vous point écrire pour se faire aimer, mais si cela en est ainsi vous ne m'aimerez bientôt plus, car il faut que je vous dise tout le plaisir que m'a fait votre lettre; après celui de vous voir je n'en puis avoir de plus vif, cependant cette lettre, qui me rend si heureuse, m'annonce que je ne vous verrai point; mais je suis assez juste pour ne vous en savoir pas mauvais gré. Vous me con­ naissez bien peu si vous croyez que pour avoir le plaisir de vous voir je voudrais vous empêcher de voyager avec le prince1 ; croyez-vous que j'aie oublié que d'avoir fait la route à cheval en revenant a pensé vous rendre votre mal au foie; croyez que je n'oublie rien de ce qui vous touche, que votre santé, votre bon­ heur, votre fortune sont mes premiers soins. Vous sentez qu'avec cette crainte de l'effet que vous fait l'exercice violent du cheval je n'accepterai pas l'idée de venir ici en poste, il n'y aurait aucun des inconvénients que vous pouvez craindre de ce côté-ci, tout y est dans une sécurité parfaite, mais cela vous ferait mal, vous dérangerait de toutes façons, et pourrait n'être pas ignoré à Luné­ ville. Je renonce donc à cette espérance quoique j'en aie une impatience dont assurément vous seriez content si vous en étiez témoin; je ne ferai certainement rien à Paris qui me fût aussi agréable, je ne dis pas que de vous voir ici, mais même de vous y attendre; cependant cela m'est impossible, j'ai eu toutes les peines du monde à retenir mr de V. ici jusqu'au 9, qui sera de demain en huit; je devais partir le mercredi comme je vous l'ai marqué, mais j'ai obtenu de remettre au jeudi afin de recevoir encore une lettre de vous le mercredi qui est le jour que la poste arrive ici. Ces maudits papiers que je vous avais mandés, que j'avais pris pour mon prétexte, sont arrivés aujourd'hui, mais tous ces prétextes-là auraient pu me mener jusqu'au 20. D'ailleurs, quand je le pourrais, vous partez avec le prince, et il n'est point sûr du tout qu'il voulût passer par ici en s'en allant; cela lui ferait perdre 2 ou 3 jours, qu'il aimera mieux passer de plus avec sa sœur. S'il avait à me venir voir ce serait plutôt en allant en Loraine, mais cela ne m'avancerait de rien. Soyez sûr que puisque je ne vous attends pas cela m'est impossible, car, quoique je voie très clairement que quand je vous attendrais vous ne pourriez y venir, 166

L ETTRE 372

Mai

Z J48

je vous donnerais cette satisfaction, et j'aurais le plaisir de vous donner cette marque de mon amour, si cela était possible. Mr de V. a reçu des lettres qui le pressent de partir. Après avoir dit que je ne voulais partir que jeudi je n'ose changer si tôt d'avis, car lui, il voudrait partir demain; toutes mes affaires sont en l'air et dépen­ dent de l'exécution d'une transaction qu'il faut que j'aille presser, et en vérité j'ai déjà trop tardé. Après vous avoir dit toutes mes raisons, il faut que je vous parle de mes regrets; je vous assure que je suis au désespoir, je ne me console point de n'avoir pas attendu la St Stanislas 2 à Luné­ ville; si vous m'aviez donné cette idée le jour de mr Lagalassière3 j'y serais encore, cette idée fait le malheur de ma vie. Je ne vous ai pas encore dit que je vous ai écrit toutes les postes. Celle où vous n'en avez point reçu vous deviez certainement en avoir une, je vous en ai adressé chez Panpan4 , je ne le soupçonne pas d'infidé­ lité. Tâchez, je vous prie, de les retrouver; vous ne serez pas content des deux dernières, mais elles vous prouveront du moins que j'étais bien loin de l'indifférence dont vous me soupçonniez, voyez quel pouvoir vous avez sur moi et combien il vous est aisé d'apaiser la rage qui s'élevait dans mon âme. Votre lettre y a remis le calme et la douceur, je me reproche de vous avoir soupçonné, je vous en demande pardon, je m'abandonne à tout mon goût pour vous, mais je vous demande en grâce soyez beaucoup à Nancy, je crains les coquetteries et les insinuations du baron5 ; rien ne vous parle de moi, et mon cœur tout sensible qu'il est, est bien peu de chose au prix de tant de charmes - voyez combien vous êtes obligé de m'aimer pour me rassurer contre des craintes si justes. Mon âme est sensible et emportée, je crains tout de la vôtre, je l'avoue. Vous avez été amoureux de la plus aimable femme du monde, et cependant vous n'avez jamais aimé, je mérite moins qu'elle d'être aimée, et cependant je ne puis être heureuse si vous ne m'aimez davantage; il est bien sûr que je ne le puis être que par vous, j'ai assez combattu le goût qui m'entraîne vers vous pour avoir senti tout son pouvoir. Mais que voulez­ vous dire que j� suis accoutumée à prendre des engouements pour des passions? Je vous jure que depuis 1 5 ans je ne me suis connue 1 67

Mai 1 748

L E TTR E 372

qu'un goût, que jamais mon cœur n'a eu rien à se refuser ni à combattre, et que vous êtes le seul qui m'ayez fait sentir qu'il était encore capable d'aimer. Si vous m'aimez comme je le veux être, comme je mérite de l'être, comme il faut aimer enfin pour être heureux, je n'aurai que des grâces à rendre à l'amour. Cette lettre est bien longue et bien ridiculement pleine de détails, je ne la trouve pas aussi tendre que mon cœur; croyez que je vous aime encore plus que je ne vous le dis. Imprimé d'après The Collection of autograp h letters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii. 20 1 -202. Il est probable que c'est de cette époque environ qu'il faut dater la seule lettre que nous possédions de Saint-Lambert à la marquise, im­ primée d'après L[ ouise] Colet, 'M me Du Châtelet', Revue des deux mondes (Paris 1 5 septembre I 84 5), n.s. xi. 1047:

Je ne suis parti de Nancy qu'après la poste, parce que j 'avais écrit au facteur de m'y renvoyer tes lettres. J'attendais donc ce matin les trésors que je devais recevoir mercredi; le les ai reçus, j'en ai joui pendant ma route. Hélas! ils ne m'ont pas empê­ ché de sentir que je mettais cinq lieues de plus entre nous. Me voilà donc, mon cher amour, dans un lieu où j'ai bien moins de cette précieuse liberté qui de j our en jour me devient plus précieuse. . .. Le roi m'a reçu avec sa bonté ordi­ naire; il est bien assurément de toute sa cour ce que j'aime le mieux.Je suis bien plus déterminé que jamais à ne donner mon temps qu'à lui et à ne prendre absolument de tout mon voyage aucune distraction que celle que ma santé exige. Je reviens à ta lettre: il fallait que je fusse bien abattu pour ne t'écrire que quatre

168

mots le j our que j e t'ai qmttee. J'avais à te dire tout ce que je te dis ordinairement, tout ce que je te fais entendre, et puis tous mes regrets. Sois-en bien sûre, mon cher amour, ils n'ont j amais été aussi vifs, aussi vrais et moins susceptibles d'être affaiblis par la dissipation.La route m'accablait sans me distraire de toi, et toutes les dissipations qu'on pourrait m'offrir seraient repoussées par mes regrets et par cette mélan­ colie qui ne m'est que trop naturelle, et qui augmente si fort par ton absence. Je sens mon existence d'une manière pénible, et je me suis cher pourtant dès que j e me sou­ viens que tu m'aimes, et que je me di s que tu es avec moi. Mon cher cœur, fais-moi bien des détails sur la conduite de ton mari, sur tes amu­ sements, sur tout. Je n'ai j amais pris un intérêt plus passionné, plus ten­ dre, à tout ce que tu es, à tout ce que tu sens, tout ce que tu fais, tout ce que tu peux être et devenir. Ménage bien ta santé, rafraîchis-toi souvent; souviens-toi du grand principe de mme . . . : tout ce qui échauffe vieillit , tout ce qui rafraîchit rajeunit ... . Oh! si tu savais quel trésor je pos­ sède en toi, tu te ménagerais bien. Sois sûre que toutes les impressions vives et délicieuses que j'ai reçues de toi se sont conservées dans mon cœur, s'y sont même augmentées ,

Mai

L E T T R E 372 s'y conservent toujours. Il est bien impossible que rien [ne] fasse mon bonheur que toi; je serai toujours également rempli de ma tendresse et content de la sentir. 1 le prince de Beauvau- Craon, frère de mme de Boufflers.

1 748

qui tombait le 8 mai en 1 748. Antoine Marie de Chaumont, marquis de La Galaisière, un des principaux officiers de la cour de Lorraine. 4 Francois Etienne Devaux. 5 peut -"'être le baron de Contrison, gouverneur des cadets polonais. 2

3

3.73. à Jean François, marquis de Saint-Lambert ce samedi [ 4 mai 1748] Et bien me voilà donc seule dans ce triste château qui était ce matin pour moi le séjour le plus délicieux, mais ne le suis-je pas dans l'univers quand je ne vous vois plus? Je comptais vous écrire tout ce que j'ai pensé depuis que je vous ai quitté. Vous verriez que la joie de l'armistice et la douleur d'être éloignée de vous, remplissent mon cœur de tant de douleur et de tant de joie qu'il succombe sous les mouvements différents qui le déchirent, mais je me meurs de lassitude, je n'ai pas la force d'écrire, je n'ai que celle d'aimer. Mandez-moi en arrivant si on sait votre voyage. Je crois qu'on n'en parlera pas de ce côté-ci. Mandez-moi surtout comment vous vous portez car c'est là une inquiétude qui fait taire tout autre sentiment. Je suis accablée d'affaire, je veux partir mardi, et je ne le veux plus quand je songe que cela va m'éloigner de vous encore, mais je ne songerai qu'aux moyens de m'en rap­ procher, soyez-en bien sûr. J'espère que vous n'irez point au régiment, que vous profiterez de votre congé et de mon absence pour cultiver md votre mère et la déterminer à ce que vous désirez, que vous aurez soin de votre santé, que vous travaillerez, que vous m'écrirez sur tout, que vous ne me laisserez rien ignorer [de ce qui] se passe dans le cœur que j'adore, et sans [lequel] je ne puis plus vivre. Je trou[ve ma lettre] bien froide quand je la cam­ pa[re] à tout ce que je sens pour vous, mais je suis morte, je n'existe que pa_r mon amour. Vous verrez lundi si je vous aime et si je sais vous le dire. Ecrivez-moi à Paris, rue Trauersine, près la 16)

Mai 1:748

L ETTR E 373

fontaine de Richelieu, mais écrivez-moi comme vous me regar­ dez, consolez une âme qui est à vous sans réserve, répandez la joie dans un cœur qui vous idolâtre. Si vous m'aimez je puis tout supporter même votre absence qui est le plus grand des maux. Adieu, mon cœur va trouver le vôtre. Songez que je n'écrirai à md Bouflers que quand j'aurai eu de vos nouvelles. Je rouvre ma lettre pour vous prier de ne point parler de Zadig. Elle croirait que c'est moi qui vous l'ai lu en bonne fortune. Il vau­ drait mieux n'en rien dire, car cela attirerait peut-être entre eux une explication. Voilà Bernard, et 4 vers à md Pompadour1 , assez mauvais. C'est une infidélité que je commets pour vous, j'exige que vous ne les montrerez. à personne sans exception, vous aurez. la lettre osten­ sible lundi. Vuassy Loraine à monsieur Monsieur de St Lambert chez md de St Lambert rue St Michel à Nanci Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Musée de Mariemont. 1 sans doute le quatrain de Vol­ taire:

Pompadour, ton crayon divin Devait dessiner ton visage: Jamais une plus belle main N'aurait fait un plus bel ouvrage.

374. àjean François:, marq uis de Saint-Lambert à Bar le Duc, jeudi matin [9 mai 1748] Toutes mes défiances de votre caractère, toutes mes résolutions contre l'amour n'ont pu me garantir de celui que vous m'avez inspiré. Je ne cherche plus à le combattre, j'en sens l'inutilité; le temps que j'ai passé avec vous à Nanci l'a augmenté à un point dont je suis étonnée moi-même; mais, loin de me le reprocher, je sens un plaisir extrême à vous aimer, et c'est le seul qui puisse adoucir votre absence. Je suis bien contente de vous quand nous sommes tête-à-tête, mais je ne le suis point de l'effet que vous a 1 70

L E T T RE 3 74

Mai 1 748

fait mon départ; vous connaissez les goûts vifs, mais vous ne connaissez point encore l'amour, je suis sûre que vous serez aujour­ d'hui plus gai et plus spirituel que jamais à Lunéville, et cette idée m'affiige indépendamment de toute inquiétude. Si vous ne devez m'aimer que faiblement, si votre cœur n'est pas capable de se donner sans réserve, de s' occuper de moi uniquement, de m'aimer enfin sans bornes et sans mesure, que ferez-vous du mien? Toutes ces réflexions me tourmentent, mais elles m'occupent sans cesse, et je ne pense qu'à vous en voulant ne m'occuper que des raisons qui doivent m'empêcher d'y penser. Vous m'écrirez sans doute, mais vous prendrez sur vous pour m'écrire, vous voudriez que j'exigeasse moins, je recevrai quatre lignes de vous et ces quatre lignes vous auront coûté. J'ai bien peur que votre esprit ne fasse plus de cas d'une plaisanterie fine, que votre cœur d'un sentiment tendre. Enfin j 'ai bien peur d'avoir tort de vous trop aimer, je sens bien que je me contredis, et que c'est là me reprocher mon goût pour vous; mais, mes réflexions, mes combats, tout ce que je sens, tout ce que je pense, me prouve que je vous aime plus que je ne dois. Venez à Cirey me prouver que j'ai tort, je sens que vous n'en pouvez avoir que quand je ne vous vois pas. Cette lettre est pleine d'inconséquences, elle ne se ressent que trop du trouble que vous avez mis dans mon âme; il n'est plus temps de le calmer; j'attends votre première lettre avec une impa­ tience qu'elle ne remplira peut-être point, j 'ai bien peur de l'attendre encore après l'avoir reçue. Mandez-moi surtout com­ ment vous vous portez, je me reproche cette nuit que vous avez passée sans vous coucher, si vous en êtes malade, vous ne me le manderez point. Je voudrais savoir si vous avez essuyé bien des plaisanteries, et cependant je voudrais que vous ne me parlassiez que de vous; mais surtout parlez-moi de vos arrangements. Je vous attendrai à Cirey, n'en doutez pas, si vous le voulez bien fort, croyez que je n'aurai qu'une affaire, mais vous ne voulez rien bien fortement. Sans cette preuve 1 de votre amour que vous m'avez tant reproché d'exiger, je ne croirais pas que vous m'ai­ mez, j 'attache _à ce mot bien d'autres idées que vous, j'ai bien peur qu'en disant les mêmes choses nous ne nous entendions pas; 171

Mai

1 748

LETTRE

374

cependant je pense àla conduite que vous avez eue avec moi à Nancy, à tout ce que vous m'avez sacrifié, et tout l'amour que vous m'avez marqué; je me trouve injuste de vous dire autre chose sinon que je vous aime, ce sentiment efface tous les autres; croyez que, si vous ne venez pas à Cirey, vous aurez bien tort, je suis inconso­ lable quand je pense que si j'avais pensé à ce St Stanislas, je serais encore à Lunéville; mais il me semble que vous ne m'y avez jamais autant aimée qu'à Nancy. Je ne puis me repentir de rien, puisque vous m'aimez, c'est à moi que je le dois. Si je ne vous avais pas parlé chez mr de la Galaisière, vous ne m'aimeriez point, je ne sais si je n'eusse pas bien fait de laisser à votre amour-propre le plaisir qu'il trouvait à ne me plus aimer; c'est à vous à décider toutes les questions. Je ne sais si votre cœur en est digne. Je sais que cette lettre est trop longue; je devrais la jeter au feu, je vous en laisse le soin, mais prendrez-vous celui de me rassurer? P. S. - Je n'écris qu'à vous, ainsi ne parlez pas de ma lettre. Imprimé d'après L[ ouise] Colet, 'Mme Du Châtelet', Revue des deux mondes (Paris I 5 septembre I 84 5 ), n.s.xi. 1044- 1 045, et The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

M orrison ([Londres] 1 896), seconde

série, îii. 1 98. 1 Saint-Lambert avait renoncé à un voyage en I talie.

.375. à Jean François, marquis de Saint-Lambert à Vers ailles, ce dimanche, le 1 5 mai,

1 7 48

Ne doutez de mon cœur qu'autant qu'il le faut pour m'en aimer davantage, mais ne me laissez jamais douter du vôtre; mon amour n'a besoin d'aucun art, et moins vous en aurez plus vous serez ai mable, vous ne voulez donc pas me dire si vous avez reçu la lettre qui devait être chez Panpan du jour [de] votre départ pour Cirey. L'abbé de Bernis fait un poème des Saisons1 , on le dit même fort avancé; si j'en puis voir quelque chose je vous en ins­ truirai, mais songez qu'il a aussi fait le Soir. Adieu vous qui ferez 1 72

L E T TR E

37 5

Mai z 748

tous mes beaux jours et sans qui je ne voudrais jamais en passer aucun, nous n'avons point de crainte à avoir ni de reproches à nous faire, j'espère que vous serez bien aise d'apprendre cette nouvelle. Vale et me ama. Ne me parlez jamais dans vos lettres de personne qu'on puisse deviner, mais ne me laissez rien à deviner de votre amour. Remarquez que mes lettres sont plus longues que les vôtres; j'en suis cependant très contente, mais c'est pour­ quoi je voudrais qu'elles ne finissent point. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . ..formed by Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii.202.

1 le C. de B. [ cardinal François Joachim de Pierres de Bernis] , Les Qua tre saisons (Paris 1763).

3:76. à Jean François:, marquis de Saint-Lambert Jeudi, 23 mai [1 748] Comment pouvez-vous toujours me soupçonner? Puis-je vous négliger un moment? Je vous jure que je vous ai écrit toutes les postes, je vous jure que mon cœur est plein de vous et ne peut s'occuper d'autre chose; j'ai bien senti combien je vous aimais à la vivacité, que j'ai mise à l'affaire du commandement. J'ai si peu d'ambition, je suis si philosophe sur tout ce qui ne touche pas mon cœur que j'aurais tout abandonné si l'envie de vivre avec vous ne m'avait donné de l'ardeur. Vous dites que cette affaire est en bon train, je vous assure qu'elle est en très mauvais train selon ce que me mande aujourd'hui me de Bouflers, mais rien ne m'importe que votre cœur. Je supporterai tous les dégoûts, je ferai tout pour vous voir et pour vivre avec vous, cela est plus sûr que la constance de votre amour; mais, après vous en avoir assuré, il faut que je vous gronde. Comment! vous ne voulez pas avoir la justice de prendre mon parti et de penser que mon voyage a fait manquer un ordinaire, et que l'inexactitude du facteur ou votre séjour à _Lunéville a retardé l'autre; vous m'écrivez la lettre la plus sèche, et hors un congé, on n'en peut pas voir plus cruelle. 1 73

Mai 1 748

L E T T R E 3 76

Vous oubliez que vous m'avez mandé de vous écrire à Nanci et que vous êtes à Lunéville et que cela fait deux jours de différence. Je peux mourir, les courriers peuvent perdre vos paquets, mais je ne puis jamais vous négliger un moment, ni manquer à vous écrire; on n'aime guère quand on est si désinvolte et si détaché, qu'on traite si cavalièrement sa maîtresse et qu'on est si prêt à l'abandonner. Certainement quelque tort que vous eussiez avec moi, je ne pourrais jamais vous écrire une lettre si sèche, je sens que je vous écrirai toujours tendrement. Vous avez été une poste sans lettre de moi avant votre voyage de Cirey, cela vous fit un effet bien différent, quelle lettre vous m'écrivîtes et que vous avez bien dû vous apercevoir combien elle avait touché mon cœur, cependant vous devriez depuis cette aventure mettre plus de choses sur le compte de la poste. Vous devriez m'aimer davan­ tage et je vois avec douleur que vous m'aimez bien moins; je fais donc bien mal de vous tant aimer, d'être si occupée de vous. Ima­ ginez un peu combien quelqu'un qui ne s'occupe que de vous et du désir de vous revoir, qui voudrait que la poste partît tous les jours pour vous écrire tous les jours, qui n'a pas manqué un seul jour à vous écrire un volume, qui d'ailleurs est accablée de cha­ grin du tour que prennent ses affaires, combien une personne dans cette situation est affiigée de recevoir votre lettre du 20, et combien il faut qu'elle aime pour y répondre celle-ci. Celle du 18 était tendre, mais elle était bien courte; mais ce qui guérit toutes les places de mon cœur, ce qui le transporte de joie et d'amour c'est que vous restez en Lorraine, c'est que vous me sacrifiez la Toscane et l'Italie, alors la tête me tourne de plaisir et d'amour. Croyez que vous ne connaissez pas mon cœur, qu'il est plus tendre mille fois que vous ne le croyez, et que mes expressions quelque passionnées qu'elles soient sont toujours au-dessous de mes sentiments, parce qu'il n'y en a aucune qui puisse rendre ce que je sens pour vous. Je viens de brûler cette malheureuse lettre du 20, ne m'en écrivez plus de telles, je ne les mériterai jamais, imaginez-vous que je n'en aurai plus que dimanche; je vais passer 2 jours bien tristes, et si dimanche je n'ai pas une lettre tendre la tête me tournera tout à fait. Ne me mettez pas à de telles épreuves; 1 74

LETTRE 376

Mai

1 748

ma tête n'est pas assez bonne pour cela, quand mon cœur la con­ duit elle n'a pas le sens commun, répondez-moi seulement sur le portrait, la montre s'achève, le secret sera charmant; mais dites­ moi donc si vous voulez la copie de celui de mr de Voltaire ou bien en risquer un autre qui sera infâme sûrement. Vous n'allez point en Toscane, et n'y allez point pour moi; non je ne puis trop vous aimer, mais aussi je vous jure qu'il est impossible de vous aimer davantage. Moi, vous sacrifier, moi, qui vous sacrifierais toute la terre. Le roi de Sardaigne1 a accepté les préliminaires 2 , j'en suis sûre, je le sais de mr de Puisieulx3 ; ainsi voilà la reine de Hongrie4 , à quia et toute la terre en paix, que mon cœur y soit il ne tient qu'à vous. Vous n'avez qu'à m'aimer et m'écrire des lettres un peu plus longues; songez à réparer celle du 20. Moi, voilà mon plan, c'est de vous rej oindre au mois de juillet, de faire accroire à mr de Voltaire que cela est nécessaire à ma for­ tune d'aller à Cirey, où vous me viendrez voir, et ensui te de passer ma vie entière avec vous, soit à Lunéville soit à Cirey, et d'oublier pour vous le reste du monde. Si ce n'est pas là aimer, vous n'avez qu'à dire. Vous ne m'avez point mandé si on savait votre voyage à Cirey. Mais que m'importe? Ne me mandez qu'une chose, c'est que vous m'aimez, redites-le-moi sans cesse et vous ne me le direz jamais assez pour mon bonheur et pour réparer cette vilaine lettre du 20, mandez-moi si le projet de juillet vous convient, et je m'arrangerai en conséquence. Viendrez vous à Cirey? Je vous adore, et je suis jalouse du chev. de Listenai 5 Vous l'aimez trop, je vous aime à la folie. Rien n'est si sûr que la cession du roi de Sardaigne, mr de Reuil a mandé à me de Broglie6 que le roi de Sardaigne avait mandé à mr de Broune 7 qu'il ne comptât plus sur les Piémontois parce qu'il venait de signer l'armistice. Mr de Puisieulx en a la nouvelle, la reine de Hongrie est obligée de céder, on dit qu'elle enrage, mais qu'importe? Au nom de l'amour, n'affligez plus mon cœur, ne m'écrivez plus de lettres si cruelles, aimez-moi, attendez-moi, le mois de juillet ne se passera pas sans que je vous voie, vous n'allez point en Toscane, si vous saviez combien cela pénètre mon •

1 75

Mai z:748

L E T T R E 3 76

cœur, assurément rien de ce que vous lui sacrifiez n'est perdu; je vous adore, je vous adore. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896) , seconde série, iii. 202 -203 . 1 Charles Emmanuel m. 2 de la paix cl' Aix-la-Chapelle, si­ gnée le 18 octobre. 3 Louis Philoxène Brulart, mar­ quis de Puisieulx, ministre des af­ faires étrangères.

4

Marie Thérèse. Charles Roger de Bauffremont, chevalier de Listenay (Listenois), plus tard prince de Bauffremont . 6 Louise Augustine Salbigothon Crozat de Thiers, duchesse de Broglie. 7 le maréchal autrichien comte M aximilien Ulysses von Browne. 5

377. à fean François, marquis de Saint-Lambert Ce lundi 27 [mai 1748] à deux heures après minuit Je ne sais si vous m'aimez autant que vous le devez, je ne sais ce que deviendra le commandement de Loraine, tout ce que je sais c'est que je suis folle de joie. La reine de Hongrie a accédé aux préliminaires, le courrier est arrivé ce soir à 6 heures à Choisi; vous ne partirez point, je n'aurai plus rien à craindre pour vous. Je passerai ma vie avec vous, cela est sûr; tout le reste deviendra ce qu'il pourra. Je sais bien que cela doit empêcher B. de partir, et rendre mon affaire plus mauvaise, mais rien ne m'importe que votre cœur. Rassurez-moi sur mes craintes, faites-moi voir que vous méritez ma joie, elle est extrême. Je voudrais que vous eus­ siez été témoin de la folie dont j'ai été ce soir. Mr de V., qui sait que je dois avoir les plus grands sujets de chagrin, ne pouvait en revenir, et me croit absolument folle; je le suis sans doute si vous ne m'aimez que faiblement, mais je suis bien sage si votre cœur est digne du mien, car mon bonheur est assuré. Je ne vais plus songer qu'aux moyens de vous revoir, j'ai tout envoyé promener et demandé le rappel de mr du Chastelet. Mr de V. et m r de Croix1 veulent raccommoder tout cela, je ne sais s'ils en viendront à bout; pourvu que vous soyez bien sûr que mon seul intérêt dans tout ceci est de vivre avec vous, je serai contente. Pourquoi faut-il 176

Mai 1 748

LE T T R E )77

toujours que vous ayez à réparer, mais vous n'allez point en Toscane, vous ne pouvez avoir tort. Je vous adore, je ne sais, je ne sens, je ne vois que cela. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed h y Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

1 Alexandre Maximilien François de Croix, marquis de Heuchin.

série, iii. 193 .

378. à Jean François, marquis de Saint-Lambert [ver le 1 juin 1748] Je me souviens que je n'ai pas répondu à un article de votre lettre où vous me marquez que m. B. a des projets pour me faire vivre en Loraine que je ne dois pas rejeter, qu'ils seront suivis de plus grands avantages, &c.; mais je vous prie d'être bien persuadé et de persuader à me de B., et me de B. au roi que ce n'est point un établissement que je désire, et qu'il me faut; il ne me faut qu'em­ pêcher l'impossibilité où je serai toute ma vie d'aller dans un lieu où mr de Berchini occupe la place de mr du Châtelet, qu'on m'ôte cette exclusion que rien ne peut réparer, en faisant supprimer le commandement, et je jure bien de ne jamais rien désirer de ma vie. Je n'aurai pas les mêmes raisons pour l'y passer entière, mais mon attachement pour le roi et pour me de Bouflers m'en feront trou­ ver des prétextes que le voisinage de Cirey rendra très fréquents; qu'on me remette au même état où j'étais avant d'avoir le com­ mandement, et je ne demande rien; or cela ne peut se faire qu'en le faisant supprimer, ce que je crois très aisé si on veut. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed b y Alfred

M orrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii.2 10-2 1 . 1

1 77 1 2 (Il)

Juin 1 748

LE TTRE J79

379. à jean François, marquis de Saint-Lambert 1ère lettre du 5 juin, 48, car j 'espère en numéroter bien d'autres années Vous m'inquiétez extrêmement par ce que vous me dites de votre brouillerie avec me de Bouffiers et des explications que vous avez eues et dans lesquelles vous avez craint de me brouiller avec elle. Comment se peut-il que j 'y aie été mêlée? il ne me faudrait plus que cela. Vous savez si j'ai le moindre reproche à me faire sur son compte, si mon amitié s'est démentie un moment, et si je ne pour­ rais pas l'avoir rendue témoin de tout ce que je vous ai dit d'elle. Mais l'innocence ne sert à consoler que dans les choses où le cœur n'a pas de part, elle ne suffit pas pour me rassurer, elle ne suffirait pas pour me consoler, car, quoique vous ne veuillez pas croire à mon amitié pour me de Bouffiers, quoique vous en tourniez la vivacité en ridicule, il est cependant très vrai que mes expressions ne sont point au-delà de mes sentiments, et que je l'aime avec toute la tendresse que je lui marque. Jugez donc combien je suis effrayée d'avoir l'ombre d'une tracasserie avec elle. Je vous demande en grâce de m'éclaircir cela, et de me marquer du moins sur quoi cela roule, et, si cela n'a laissé aucun nuage dans son cœur. Je vous avoue que je ne me consolerai jamais je ne dis pas de perdre son amitié mais de la voir diminuer et que la crainte et les explications prissent la place de la confiance et de la vérité qui fait le fondement et le charme de notre commerce. Je sens qu'il faudra que vous m'écriviez quelques lignes de plus, mais je vous le demande en grâce. Je me porte très mal, et sans la crainte que m'a donnée votre lettre sur me de Bouffiers, et sans les choses tendres que vous m'y dites qui m'ont fait trouver des forces pour vous répondre, je ne pourrais pas vous écrire. Il y a cinq jours entiers que je n'ai rien mangé; j'ai une fièvre imperceptible, et beaucoup de toux et aucun appétit. J'attribue à ma diète de n'être pas à la mort. Ma santé diminue, car elle ne résiste plus au chagrin; l'affaire du

178

L E TTRE

379

Juin 1 748

commandement m'en donne un très violent et très juste, je ne me pardonne point d'avoir attiré à mr du Chastellet unsi grand dégoût, et je me vois exclue de Loraine sans retour; je reçois des compli­ ments de tout le monde sur le commandement, et je prévois quel esclandre va faire cette affaire. Elle est très humiliante pour moi, et en vérité elle l'est aussi pour m e de Boufflers, on nous dira brouillées; mais ce qui me touche le plus et à quoi il n'y a pas de consolation c'est de penser que je n'irai jamais à Lunéville, car il ne faut pas se flatter, si mr de Berchini a le commandement, il est impossible que mr du Chastellet ni moi remettions le pied en Loraine tant qu'il durera; il n'y a ni charge ni bienfaits qui puis­ sent effacer le dégoût de voir un Hongrois, son cadet, comman­ der à sa place, et rien ne le doit faire supporter; mon amitié pour me de B. suffirait seule pour me rendre cette idée insupportable, jugez ce qu'elle doit faire sur moi quand je songe que j'y aurais passé ma vie avec vous et que nous aurions encore eu des voyages de Cirey par-dessus le marché; mais moi exclue de Lunéville, où vous devez passer votre vie par devoir! Je ne vous verrai que des moments et votre légèreté naturelle vous dégoûtera bientôt d'un commerce si difficile et si rare. Vous n'avez jamais pris à cette affaire du commandement la part que vous y devez prendre, puisque vous m'aimez autant que vous le dites, car je ne puis me défendre du plaisir de le croire; vous n'avez jamais entré dans mes raisons et dans mes chagrins sur cette affaire, qui est peut-être la plus cruelle que je puisse jamais essuyer. Vous devriez bien animer me- de B. à exiger du roi de P. 1 2 choses auxquelles je me restreins: la première qu'il fasse envoyer à mr du Chastellet des patentes pures et simples, et la seconde qu'on supprime le commandement avant le retour de m r de Berchini; alors je suis contente et ne désire aucun dédom­ magement; en vérité son honneur y est intéressé, et son cœur doit l'être à ne pas passer la vie sans moi; car ce n'est point pour l'ani­ mer à faire conserver le commandement à mr du Chastellet que je lui dis que cela me séparera d'elle, c'est qu'il me sera impossible, d'une impossipilité qu'aucune bonté du roi de P. ne pourra détruire, d'aller à Lunéville tant que Berchini commandera; vous 1 79

Juin z J48

LE T TRE

379

le devez sentir aussi bien que moi, si vous pouvez prendre sur vous de penser sérieusement aux conséquences et aux circons­ tances de cette affaire. Voilà ce qui me perce le cœur or joignez à cela les reproches de mr du Chastellet, et de toute sa famille dont je suis accablée et qui ne cessent de me répéter avec raison, que j'ai fait le malheur de leur frère, que je lui ai cassé le cou, que, je lui ai fait faire une fausse démarche, et donné un dégoût mortel, et vous verrez que je suis bien à plaindre, et qu'on serait malade à moins, la sensibilité de mon caractère et son impétuosité ne me laissent aucune dissipation possible dans un violent chagrin, et je suis obligée de suspendre tout travail; la société m'est insuppor­ table, et je deviens toute hébétée, joignez à cela que je suis d'un changement affreux, et après aimez-moi si vous osez, il est vrai que mon cœur n'est point changé, et qu'il ne tient qu'à vous de me faire oublier toutes les injustices et les briganderies des hommes. Parlons de mon voyage de Cirey. Je vous ai mandé que j'avais mandé à me de Bouffiers que si elle le voulait et qu'elle crût que cela avançât mes affaires j'irais tout à l'heure à Comerci; je dois donc attendre sa commission et qu'il fût obligé de se retirer à Cirey j'y arriverais le même jour que lui et c'est bien le moins puisque c'est moi qui suis cause qu'il y est réduit; je dois donc attendre l'événement de cette affaire, que je compte que m r de Croix décidera et dont j'augure tout au plus mal, malgré son zèle et son amitié, or mr du Chastelet aura une autre commission, ou bien on la lui refusera. Si on ne lui en donne point d'autre et qu'il revienne à Cirey j'irai sans contredit; si on lui en donne une autre et que me de B. croie que je ferais bien d'aller à Comerci, corne je le lui offre, je serai à Comerci avant 1 5 jours; mais, si on donne une autre commission à mr du Châtelet, que par conséquent il reste quelque temps en Loraine, et que me B. ne me conseille pas d'y venir, je ne pourrai guère aller à Cirey que la cour ne soit partie de Comerci, sans quoi il serait trop marqué de n'y pas aller. Il est sûr que je vous verrai avant l'hiver si vous m'aimez tou­ jours et que vous m'écriviez des lettres aussi tendres que celle que je reçois aujourd'hui; mais l'hiver que deviendrons-nous? Vous comptez toujours comme aux temps heureux où nous devions le 1 80

L E T TR E 379

Juin 1 748

passer à Lunéville ensemble, mais c'est sur quoi il ne faut plus compter. Vous m'avez mandé une fois que vous pourriez venir à Paris, en avez-vous toujours le projet, en imaginez-vous la possi­ bilité? Ce serait bien là que nous passerions notre vie ensemble et tête-à-tête, mais c'est peut-être là où cela vous serait insuppor­ table, surtout pour un premier voyage. Si je vais à Cirey cet automne ou tout à l'heure, il faudra que je revienne ici cet hiver pour voir mr de Richelieu et pour mon Newton, qui est une affaire très précieuse et très essentielle pour moi. Je ne puis tra­ vailler à présent tant j'ai la tête à l'envers, je ne fais que végéter, et je ne sens que je suis capable de penser et de sentir que parce que je vous aime. Vous allez, dites-vous, à Comerci, le voyage serait bien suspect à quelqu'un de moins facile que moi, mais je ne puis me résoudre à vous soupçonner, je voudrais que vous eussiez la permission d'y aller et que vous n'y allassiez que quand mon sort, qui dépend comme vous voyez de bien des choses, sera décidé. Je voudrais que vous me plaignassiez et que vous me sussiez gré d'être si à plaindre, je voudrais que vous m'instruisiez de tout ce qui se passe sur mon affaire, et que vous missiez tout votre esprit et toute votre adresse à persuader à me de Bouffi.ers ce que je vous marque. Enfin vous voulez donc bien mon portrait; vous l'aurez, vous l'avez retardé prenez-vous-en à vous, vous aurez le visage de celui de m r de V. habillé et coiffé en Issé. Votre lettre à mr de V. est charmante et a très bien réussi. Faites-moi donc cette chanson que je vous demande ou ne faites jamais de vers, puisque vous n'en voulez pas faire pour moi. Si l'affaire du commandement réussit par miracle, car il n'y a plus que cela, je n'exigerais point votre portrait, parce que je ne vous quitterai point; mais, si elle manque il faudra passer par là. Je crains que [vous] allez bien vous mettre en colère, car je vous envoie une bouteille énorme d'huile de noisette tirée sans feu; il est étonnant comme cela fait venir les cheveux, et je prie de vous en inonder la tête comme un pharisien, vous verrez quel effet cela fera. Vous sayez que je ne veux pas que vous les coupiez, il est juste que j'en aie soin, mais, si ce présent vous fait trop de peine à 181

Juin

1748

LETTRE 379

recevoir, vous pouvez me renvoyer une bouteille d'huile de lampe, car c'est précisément le même prix. Ne voilà-t-il pas que je retombe dans mes anciens péchés et que je vous écris une lettre énorme? Vous ne m'aimerez plus. Je suis bien fâchée d'avoir oublié de numéroter mes lettres, je suis sûre qu'il y en a eu de perdues; je serais un peu fâchée qu'on les ouvrît, je les mets à la poste en même temps que celles de me de Boutiers, je les cacheterai toujours avec le cachet dont je me sers aujour­ d'hui, qui est une bacchanale. Je commence d'aujourd'hui à les numéroter, celle-ci est la première; en avez-vous reçu une petite à travers chou sur la paix de la reine de Hongrie? Mandez-moi combien vous en avez sans compter celle-ci, et je verrai sur mon almanach si c'est le compte. Adieu, comptez que vous ne sauriez me trop aimer, mon cœur est assez tendre pour n'être point en reste, mais il ne peut être sans défiance si vous ne prenez soin de le rassurer; écrivez-moi tou­ jours des lettres comme celle que je reçois aujourd'hui et je serai heureuse, c'est en vérité tout ce que je puis dire de plus fort dans la situation où je suis, car je me meurs de faiblesse et de chagrin, et je vous écris aujourd'hui à la réception de votre lettre crainte d'être tout à fait hors d'état de vous répondre demain, et je ne veux jamais que vous puissiez croire que je vous néglige un moment. Je relis votre lettre, elle m'enchante, mais je crains de ne la devoir qu'à mes reproches et que vous n'ayez fait des efforts pour être tendre; écrivez donc toujours de même et je ne crain­ drai rien. Imprimé d'après Th e Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.203-205.

1 inutile de souligner qu'il n'est plus question du roi de Prusse, mais de Stanislas, roi de Pologne.

L ETTRE 380

.3 8 0 .

Juin 1748

àjean François, marquis de Saint-Lambert [vers le 8 juin 1 748]

Je n'ai point envie de vous attendrir sur mon étatet devous inquiéter sur ma santé; mais enfin il est vrai que, toute excellente qu'elle est, elle ne peut résister au chagrin que me cause l'affaire du comman­ dement. Je sais tout supporter hors la honte, mais il y en a tant pour moi à avoir tiré mr de Chastellet de Phalsbourg, où il était content, pour le faire venir en Loraine essuyer le plus mortel dégoût, de le faire retourner chez lui, non seulement sans récom­ pense, mais encore avec la honte d'avoir cédé sa place à un Hon­ grois, son cadet. Je sens de si justes reproches de sa part et de celle de sa famille ( car vous devez vous souvenir qu'il n'a pas été consulté, et que tout s'est passé entre le roi de P., me Bouflers, et moi, parce que le roi de P. ne voulait pas absolument que je lui parlasse), que je ne puis soutenir tant de chagrins à la fois; la fièvre m'a pris, elle n'est pas assez forte pour m'ôter toute sensi­ bilité, et elle l'est assez pour joindre les souffrances du corps aux chagrins de l'âme; j 'avoue que l'injustice que vous avez de trouver ma sensibilité outrée dans cette occasion, et de m'accuser d'inté­ rêt, augmente encore beaucoup mon malheur, j'étais heureuse avant d'aller en Loraine, je ne désirais aucun changement à mon sort; me de Bouffi.ers le sait bien. Ne dois-je pas me trouver bien à plaindre d'avoir été si loin chercher des malheurs et des dégoûts? La philosophie, qui m'a touj ours garantie de l'ambition, ne peut rien p our moi dans cette occasion; plus je suis philosophe et conséquente et plus je suis à plaindre.

Le roi de Pologne, dites-vous, n 'est pas persuadé qu 'il me fasse tort, je ne dois point le presser si vivement pour une grâce qui ne dépendpoint de lui. Si le roi de Pologne n'est pas persuadé que cette

affaire me fasse un tort irréparable il est bien injuste, et moi je suis bien à p laindre de joindre à tous mes chagrins celui d'avoir à me plaindre de lu.i; car effectivement je vous prie de me dire quel plus grand tort on peut faire à quelqu'un que de le tirer d'un état 1 83

Juin 1748

LE T TRE 380

heureux pour lui faire éprouver un dégoût auquel je ne connais pas d'équivalent? Quant à la vivacité avec laquelle je le presse sur une affaire, dites-vous, qui ne dépend pas de lui, apparemment que vous ne vous êtes pas soucié de vous mettre au fait de cette affaire, quoique vous vouliez la juger. Mr d'Argenson est décidé à ne faire que ce que le roi de Pologne voudra; donc elle dépend du roi de Pologne; de savoir alors ce que le roi de Pologne doit sur cela à mr du Châtelet et à mr de Berchini, c'est une autre question. Je crois qu'il nous doit du moins de nous éviter la honte dont cette affaire nous couvre, et je ne demande que cela; la suppression du commandement en serait un moyen sûr, et c'est à quoi je borne mes désirs. Je vous avoue que vous avez mis dans cette affaire une décision, une ironie, une envie de me désapprouver, une dureté qui l'a bien empoisonnée et elle n'en avait pas besoin. Je vois bien qu'il ne faut pas être malheureux dans ce monde, et je croyais ne le pouvoir plus être; j'ai été prise à un piège dont je ne pouvais me défier, je suis très changée et je n'en avais pas besoin. Vous êtes trop heureux, car vous allez vous détacher de moi; il n'y a sûrement à présent plus de mal que de bien à attacher sa des­ tinée à la mienne; je ne sais si vous avez jamais pensé bien vérita­ blement à l'en faire dépendre, mais je suis bien sûre que vous ne le pensez plus; l'imprudence avec laquelle je me suis livrée à mon goût pour vous doit me rendre plus malheureuse que tout le reste. Je ne pouvais prévoir que l'affaire du commandement me f ît tant de chagrin, mais j'ai toujours prévu que votre caractère ferait mon malheur; vous auriez pu me consoler de tout, mais votre cœur est incapable d'un tel amour. J'ai été souper avec l'abbé de Bernis quoique j'eusse la fièvre, je voulais vous rendre compte des Saisons. Il m'a dit qu'il en avait un chant et demi de fait qu'il viendrait me le lire, que chaque chant aurait environ 5 00 vers, et ce qui me fait le plus de peine c'est que son plan est précisément le même que le vôtre, au point que jeserais tentée de croire qu'il en a eu connaissance par Adhémar1 ou par Panpan. Il compte y mettre fort peu de fable, et peindre les différents agréments et plaisirs de la société dans les différentes saisons. Quand j'aurai vu ce qu'il en a de fait je vous manderai ce 1 84

Juin 1748

L E TTR E 3 80

que j'en pense; comme vous ne l'avez pas encore commencé, il vous est très utile d'être instruit sur cela. Je suis très fâchée qu'on vous ait pri s le sujet qui était fait exprès pour votre talent; je ne prends cependant de véritable intérêt qu'à votre cœur, et j'ai pris là un bien mauvais parti. Imprimé d'après The Collection of autograph !e tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

Alexandre d'Adhémar de Mon­ teil de Brunier, marquis d' Adhémar. 1

série, iii. 206-207 •

.3 8 z . à Jean François, marquis de Saint-Lambert ce

10

juin [ 1748], à Paris

Il arrive certainement quelque chose de singulier aux lettres que je vous écris; je n'ai pas passé une seule poste sans vous écrire, j'ai du moins cet avantage-là sur vous, et vous me parlez de 2 postes sans avoir eu de lettres; cela est incroyable, on met toutes mes lettres pour la Loraine à la poste à la fois, on reçoit toutes les autres, que deviennent les vôtres? cela me passe. Tâchez de les retrouver; comptez par poste, depuis mon arrivée à Paris, vous en devez avoir autant qu'il y a eu de postes, et même une de plus que je vous ai écrit par Mets pour vous apprendre la paix de la reine de Hongrie. Voilà bien du temps perdu en détail de cour­ riers; mais il m'est important de me justifier auprès de vous, et que mes lettres ne soient pas perdues; comptez que je ne pourrais pas prendre sur moi d'être deux postes ni même une sans vous écrire, et que, quelque malcontente que je fusse de vous, ce ne serait jamais froidement que je pourrais prendre cela sur moi; non, je ne vous cherche point de querelle, et je ne suis que trop portée à vous justifier. Vous avez été accoutumé à traiter l'amour si légè­ rement, vous aviez sur cela des idées si opposées à celles qui peu­ vent me rendre heureuse que je ne suis point encore sans crainte avec vous, et _mon caractère est si vrai que je ne puis avoir un moment de crainte sans vous la marquer, et sans que mon amour

Juin 1 748

LET TRE 3 8 1

n'en souffre. Je crains votre inconstance, il est vrai, mais je crains presqu'autant votre tiédeur, je n'ai jamais eu d'art, et je crois en avoir besoin avec vous, je crois devoir vous cacher une partie de ce que je sens, et, quand vos lettres sont un peu moins tendres, je crois votre goût fini, et il ne me reste que des remords. Voilà l'état de mon cœur, si vous n'en êtes pas content prenez-vous-en à vous-même, je ne sai s point vous deviner et tout ce que je puis faire c'est de croire que vous m'aimez quand vous me le dites. Vous ne manquez guère de saisir une occasion de m'écrire une lettre courte, moi il faut que je prenne beaucoup sur moi pour finir les miennes, et cependant je vous jure que je ne manque ni d'affaires ni d'embarras; il faut que je vous rende compte de ma santé, de mes affaires, et de mes marchés. J'ai enfin pris sur moi de prendre médecine; huit jours de la diète la plus rigoureuse n'ont pu me guérir, ce qui me prouve que le chagrin empoisonne la diète même, je ne sais si je me trouverai mieux de ma médecine, mais je n'aurai pas à me reprocher d'être malade par ma faute. Je ne dors ni ne mange, et je tousse; du reste, je n'ai pas de fièvre, et je vais pour mes affaires, elles vont un peu mieux, je ne puis que trop me louer du roi de P., de mr de Croix, et de me de B., qui est une amie adorable; elle met une sensibilité dans l'amitié dont à peine je l'eusse cru capable, et, quoique je l'aime avec une ten­ dresse extrême, je trouve que je ne l'aime point trop. Vous savez sans doute que mr de Croix a écrit au nom du roi de P. pour faire changer la patente, je ne sais ce que fera mr d'Argenson; je l'ai vu depuis ma dernière lettre, et on ne peut pas être plus mécontente que je l'étais quand je suis sortie de chez lui; si je vous conte cela quelque jour, vous verrez que je suis bien à plaindre et que vous ne m'avez jamais plaint autant que vous le deviez. J'attends la réponse de me de B. sur la prop. que je lui ai fait d'aller tout à l'heure à Comerci; on a fait tout ce que je demandais, mais je me flatte que vous ne doutez pas que la reconnaissance ne décide encore plus promptement mon voyage que n'aurait fait l'intérêt. Je ferai expédier la patente si tant est qu'on la change, et je partirai; je suis ravie de la possibilité que vous avez d'aller à Comerci, profitez-en; allez m'y attendre, afin que cela soit moins 186

LETTRE 38 1

Juin Z J48

marqué. Quand mile la Rochesurion1 et toute la compagnie y arri­ vera j'irai à Cirey, et j'espère que vous ne m'y laisserez pas aller seule. Je crois avoir répondu à vos questions qui étaient un peu précises, vous avez trop l'air de mettre le marché à la main et de ne tenir à rien; comment voulez-vous qu'on ait avec vous cette confiance et cette sûreté, sans laquelle mon cœur n'est point à son aise et ne peut bien aimer. Peut-être faudrait-il mieux n'être que votre amie; il semble que vous m'y invitiez dans votre lettre, mais la première place est prise dans mon cœur; vous contente­ riez-vous de la seconde? Je ne sais, mais je n'ai point envie d'être votre amie; fâchez-vous-en si vous voulez . Pardonnez-moi les querelles que je vous fais avec me de B., elles sont vraies et d'ailleurs ne peuvent vous faire de mal. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii.20 5 -206.

1 Louise Adélaïde de Bourbon­ Conti (fille cadette de François Louis de Bourbon, prince de Conti), dite mademoiselle de La Roche-sur­ Yon.

382. à jean François:, marquis de Saint-Lambert [vers le 1 3 juin 1748] On ne se met jamais à la place des autres, et assurément vous moins que personne. Comment est-il possible que vous ne vou­ liez pas comprendre le désagrément affreux qu'il y a pour moi à échouer dans l'affaire du commandement, la honte dont cela me couvre dans le public et les justes reproches que cela m'attire de la part de mr du Chastellet et de sa famille? Ne sentez-vous pas qu'il ne peut y avoir aucune manière honorable de revenir en Loraine après un tel affront, et que mr du Châtellet ne doit jamais rencon­ trer mr de Berchini? Je compte si peu sur votre cœur, votre carac­ tère est si différent du mien, que vous seriez incapable de m'aimer longtemps même dans le sein du bonheur, jugez si vous m'aime­ rez malheureu� et d'une espèce de malheur qui nous sépare néces­ sairement. C'est bien à vous à me reprocher ma véracité et à m'en

Juin 1 748

L E T T R E 382

faire rougir! Ce serait à vous à l'imiter si vous étiez digne que je vous aime. Je ne puis être insensible à l'affront que j'attire à mr du Chastellet, je ferai tout pour le lui éviter; il ne tiendrait pas à vous que je ne prisse me de Bouflers en aversion par tout ce que vous m'en dites, mais ses lettres démentent toujours les vôtres; je suis bien plus contente de son amitié que de votre amour, et c'est à quoi je ne m'attendais pas. Pourquoi, si vous êtes si occupé de moi, faites-vous des vers si légers et si peu tendres? - vous sur­ tout qui dites que vous n'en faites jamais que d'après les senti­ ments de votre cœur. Avouez que vous avez voulu les faire pour me de B. et non pour moi, et que je vous demande inutilement quelques couplets sur la mesure de ceux imités de Métastase. Je dois assurément me trouver à plaindre d'avoir tant de peine à vous décider à cette bagatelle, que vous me disiez que la paix vous aurait mis au désespoir sans moi, que c'est pour moi que vous n'allez pas en Toscane, et que ce ne soit pas pour exprimer ces sentiments que vous faites des vers sur la paix. Je crois que vous avez plus de coquetterie que les personnes à qui vous en repro­ chez, et que vous seriez plus fâché de les perdre tout à fait qu'elles ne le pourraient être de vous savoir attaché ailleurs. Voilà pour­ quoi vous craignez tant qu'on ne devine mon goût pour vous à travers ma vivacité pour le commandement. Vous deviez rester à Lunéville pendant la Mallegrange, et vous allez à N anci; ce qui m'en plaît c'est que vous trouverez le vicomte1 • La Henriade a été adressée à Nancy; vous ne ferez pas mal d'écrire à mr de V. pour le remercier, car j'en suis sûre, et lui marquer combien vous êtes fâché de ne l'avoir pas reçue, de quelque façon que vous pensiez pour moi vous serez toujours bien aise de conserver son amitié. J'offre à m. 2 de Bouffiers d'aller tout à l'heure à Comerci si cela peut faire du bien à mon affaire, il y aura peu de monde jusqu'à la fin de juillet; je ne ferai point changer la patente de m. du Chas­ tellet sans une lettre du roi de Pologne, et mr du Chastellet ne peut montrer cette patente, c'est un labyrinthe dont je ne sortirai pas; j'ai pour moi la maîtresse, la possession, la raison et je serai sacrifiée. Je crois que me Pompadour ne souffrirait pas qu'on don­ nât un tel dégoût à me d'Estrade3 •

1 88

L ET T RE

382

Imprimé d' après The Collec tion of au tograph !et ters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.2 1 0. 1 Louis François de Rohan- Cha­ bot (second fils de Louis Bretagne

383.

Juin 1 :748 Alain, duc de Rohan), dit vicomte de Rohan. 2 mais c'est touj ours mme de Bouffiers. 3 Elisabeth Charlotte de Semon­ ville, comtesse d'Estrades.

àjean François, marquis de Saint-Lambert ce 16 juin, à Paris, '48'

Enfin, après m'avoir désespérée, après avoir pensé me faire mourir de chagrin - car il est vrai que vos injustices jointes à tout ce que j'ai éprouvé ont été plus fortes que ma santé - après m'avoir écrit les choses les plus dures, les plus affligeantes, dans un temps où je ne devais attendre de vous que des consolations, où l'intérêt que vous deviez prendre à ma douleur eût été seul capable de me la faire supporter; après tant d'humeur déplacée; après m'avoir fait entendre très clairement que vous ne m'aimez plus, que vous ne vouliez plus m'aimer, que vous vous repentiez de m'avoir aimée - vous convenez donc que vous avez tort. Un autre que moi, vous-même à ma place, vous auriez déjà pris votre parti; je devrais certainement me corriger du seul tort que j'aie avec vous et que vous n'avez cessé de me reprocher, de mettre trop d'ardeur dans mon goût pour vous, trop d'envie de passer ma vie avec vous, et étant comme vous la maîtresse d'aimer peu ou beaucoup selon que je suis aimée; vous sentez que, selon cette mesure, je serais bien près de ma guérison. Cependant je vais à Comerci, et j'y vais à la fin du mois; si je n'écoutais que mes intérêts, certaine­ ment je n'irais pas, le dégoût sera bien plus grand quand je l'aurai été chercher moi-même, je n'espère pas pouvoir ce qui surpasse les forces de me de Boufflers, il ne me convient pas même d'en jamais parler. Je quitte toutes mes affaires et mon livre, qu'il faut bien que vous _ayez la justice de regarder comme une affaire parce que c'en est une encore très essentielle pour moi. Ce livre est 1 89

Juin 1 748

L E T T RE 3 83

attendu, promis, commencé depuis deux ans, ma réputation en dépend; il n'était assurément rien moins que nécessaire de l' entre­ prendre, mais il est indispensable de le finir, et de le bien faire, et c'est un ouvrage dont ce qui me reste à faire demande le plus grand recueillement et la plus grande application. Mon départ de Paris si prompt fera une nouvelle, et c' est ce que je n'aime point à faire; mais je sacrifie tout cela au plaisir de vous revoir. J'avoue que quand je me suis résolue j'ai cru ne pas trop faire pour quelqu'un qui m'avait sacrifié l'Italie et qui paraissait ne vivre que pour m'aimer; vous m'avez fait voir que vous chan­ gez bien aisément de façon de penser, peut-être cette lettre d'au­ jourd'hui dont je suis si contente sera-t-elle suivie mardi d'une autre où vous me direz que vous travaillez à m'oublier et que vous êtes déjà fort avancé. Peut-être ne m'aimerez-vous plus quand j'arriverai, et je crains toujours de vous aimer mal à propos, et j'avoue que je désire souvent de ne vous avoir jamais aimé; mais aussi il faut que je vous avoue que ce n'est pas aujourd'hui, il vous est bien aisé de ranimer dans mon cœur le goût invincible qui m'entraîne vers vous, peut-être serait-il difficile de l' éteindre, mais je tâche toujours de tenir mon âme dans une telle situation que je trouve des ressources dans mon courage, dans ma philoso­ phie, et surtout dans mon goût pour l'étude si vous m'abandon­ nez. Vous me présentez trop souvent cette idée pour que je la perde, et vous me reprochez ensui te de vous aimer moins; mais comment voulez-vous qu'on se livre au plaisir d'aimer quand on craint à tout moment de s'en repentir. Tous mes sentiments sont durables, tout fait des traces profondes dans mon cœur; vous m'avez écrit des lettres cruelles, et surtout l'avant-dernière, qui était du 1 0, ne devrait peut-être jamais se pardonner. Cependant la tendresse que vous me marquez dans celle que je reçois aujour­ d'hui l'a presque effacée, je ne vois plus que votre amour et je veux oublier vos torts; mais croyez que l'amour y perd, on ne ramène point son cœur si aisément de la colère à la tendresse, et il en reste toujours quelque impression. Vous avez bien à réparer, et c'est bien votre faute si je ne vous aime pas autant que j'en suis capable. 1 90

L E T T R E 383

Juin 1 748

Enfin vous commencez donc à convenir que je ne puis jamais retourner en Loraine si Berchini y commande; ce qui me déses­ père c'est que vous prévoyez qu'il y commandera, et que, comme vous devinez touj ours juste dans les affaires, vous me faites perdre toutes les espérances que j'avais conçues et ce me semble avec assez de raison. Enfin la patente est changée, le roi de Pologne l'a désiré et obtenu et la reconnaissance que je lui dois de cette démarche autorise mon voyage; le plaisir de voir me de Boufflers y entre pour beaucoup, et vous en prendrez la part que vous vou­ drez; mais enfin il y a à parier que si vous aviez été en Toscane je serais restée à Paris. Je vous jure, et vous le verrez, que je ne dirai pas un mot du commandement au roi la première, j'en parlerai à me B., parce que dans cette affaire surtout je la regarde comme une autre moi-même; mais j'ai trop de confiance en son amitié pour croire que mon voyage fût nécessaire pour qu'elle fît tout ce qui dépend d'elle, ainsi vous voyez qu'il n'était nécessaire que pour les intérêts de mon cœur. Je me trouve fort changée; je ne sais comment vous me trouve­ rez; je n'ai plus de fièvre, mais je ne m'en porte guère mieux, sans la diète que j'ai fait j'aurais sûrement eu une grande maladie, je me livre à présent sans faim à ma gourmandise naturelle, et je pour­ rais bien finir par être sérieusement malade; pourvu que j'aie le temps d'arriver je ne m'en embarrasse pas, il est sûr que je ne ferai aucun remède malgré tout ce qu'on me dit, et que je partirai; mais, puisque vous convenez que vous ne pourrez venir à Paris qu'à la fin de l'hiver, et qu'il faudra que vous passiez quelques mois à votre régiment, avouez donc que je suis bien à plaindre d'avoir perdu ce commandement, et que j 'ai en effet perdu le bonheur de ma vie. De quoi me servirait d'être à Cirey? Votre régiment n'y sera pas, il faudra toujours passer au moins la moitié de l'année sans vous, et vous n'êtes guère capable de m'aimer malgré tant d'obstacles. Vous avez bien raison de croire qu'un revers de fortune n'est pas fait pour me rendre malheu­ reuse, l'affaire du commandement doit m'être sensible, tout s'y trouve; mais trouvez le moyen de passer votre vie avec moi, et vous verrez q{ie j 'en serai bientôt consolée, mais de perdre le

Juin 1748

LETT R E 383

bonheur de ma vie pour avoir désiré et obtenu ce qui devait l'assurer pour toujours; voilà ce qui vraisemblablement me rendra long­ temps malheureuse - je perds ma fortune, ma considération, la confiance de mon mari, mon amant, et mon amie intime, car n'est-ce pas les perdre que de ne les plus voir? Si vous trouvez que ce ne soit pas assez, et que j'y sois trop sensible, donnez-moi donc une âme capable de tant d'indifférence, car ce n'est pas de la phi­ losophie qu'il faut, c'est de l'insensibilité, et vous y perdriez plus que personne. Je ne sais ce que vous aurez pensé de mes critiques sur Cloé, mais envoyez-moi donc ces vers si tendres et où vous m'aimez tant, pour ceux-là, croyez que je n'y trouverai rien à redire, je n'ai nulle envie de les montrer, mais j'ai une impatience extrême de les lire. J'ai vu Adhémar, j'étais d'une humeur affreuse, je n'avais point reçu de lettres de vous, je l'ai presque pris en aversion parce qu'il ne m'en a pas parlé, et s'il m'en avait parlé ç'aurait été bien pis. Il dit qu'il reviendra à Comerci en même temps que moi, mais allez-y donc, afin que cela soit plus simple, et feignez d'igno­ rer mon retour et le changement de la patente. Je vous jure que je n'ai point dit à me de B., que vous aviez Mandeville et que je ne lui en ai parlé dans aucune de mes lettres; il faut qu'elle ait su par Panpan que vous l'aviez, et qu'elle ait voulu vous tendre un piège. Je vous gronderai beaucoup en arrivant de le lui avoir donné si tard, mais vous ne l'avez pas lu, car vous ne m'en avez jamais parlé, je n'en fais pas du tout de cas. Pour ma lettre à Mairan [elle] a dû vous paraître un persiflage, et je serais très fâchée que vous l'eussiez lue, car cela vous dégoûterait à jamais de mes ouvrages. Je ne sais ce qui arrive à mes lettres, mais vous me devinez très mal, car je ne vous écris point au hasard et quand je n'ai rien à faire, mais quelque affaire que j'aie je vous écris tous les jours de courrier et mes lettres pour vous sont mises à la poste avec celles pour me de B. C'est mon valet de chambre qui porte mon paquet, et qui est l'homme du monde le plus exact. Vous avez eu l'injus­ tice de me gronder pour vous avoir mis au fait des Saisons de l'abbé de Bernis, je fais mon possible pour les entendre, et assuré­ ment ce n'est pas pour mon plaisir. M e B. me presse fort de venir 1 92

L E TTR E 3 8 3

Juin z :748

et m'a répondu avec le plus grand empressement, elle est char­ mante pour moi, et rien ne me consolera jamais de ne pouvoir passer ma vie avec elle, puisque je vous perds en même temps, mais écrivez donc avec plus de circonspection sur un certain article, on ouvre souvent les lettres, et je serais outrée que celles que vous m'écrivez vous fissent le moindre tort. Je garde m IIe Che­ valier quoique plus maladroite et plus maussade que jamais, elle est toute étonnée de n'être pas renvoyée, mais je ne veux pas lui dire à qui elle le doit; elle verrait bientôt qu'elle n'a plus besoin de ma protection, je ne passerai peut-être pas par Cirey en allant, pour avoir plus de raison d'y aller dans le mois d'août, mais vous ne croirez jamais que c'est pour vous. Adieu! cette lettre est bien longue, n'est-ce pas? Cependant mon cœur a encore bien des choses à vous dire. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.207-209.

384. à Charles Augustin Feria{, comte d' Argental Eh bien mon cher ami mandez-moi donc comment vous vous portez de votre voyage, comment madame Dargental s'en trouve, si vous avez fait usage de l'hospitalière madame de Verpillac, si vous en êtes bien amoureux, si les eaux vous font [du] bien, si Plombieres est bien brillant. Vous avez là deux hommes que j'aime beaucoup et qui sont fort aimables, m. de Croix et le vicomte de Rohan. Les voyez-vous quelquefois? Nous allons nous rap­ procher de vous, nous allons à Comerci m. de V. et moi. J'espère que nous y serons le 1 er juillet. Je serai à portée de vous aller recevoir à Cirey au mois d'août, et ce sera un grand plaisir pour moi. Notre voyage de Comerci est indispensable, le r. de P. le désire, et je lui dois trop pour ne lui pas donner cette marque d'attachement. Mais Semiramis, je trouve que vous vous pressez beaucoup, j 'espère que vous la ferez retarder. Il est indispensable que m. de V. 1 1 3 (II )

93

Juin 1 748

L ETTRE 384

assiste aux répétitions. Vous le sentez sûrement, et je sens bien moi que je n'ai rien à vous dire sur les précautions à prendre pour assurer son succès. Adieu mon cher ami, dites mille choses pour moi à madame Dargental. Le roi a déclaré qu'il demanderait le grand prieuré1 • Les [uns] le donnent au prince d'Est2 et les autres à m. le comte de Clermont. On dit que le roi d'Espagne a accédé, mais cela ne m'est pas encore bien confirmé. Votre ami vous a écrit et vous adore, et pour moi vous savez qu'il ne s'en faut guère. ce 19 [juin 1748] Loraine monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parlement aux eaux de Plombieres Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 c'est le prince de Conti qui suc­ céda Jean Philippe, dit le chevalier d' Orléans.

François III d'Este, duc de Mo­ dène, qui avait épousé Charlotte, mlle de Valois, fille du régent. 2

385. à Jean François, marquis de Saint-Lambert ce mercredi 19 [juin 1748] Enfin je pars samedi 29, je n'ai assurément pas fait le quart de ce que j'ai à faire, et malgré cela je fais en huit jours, pour pouvoir partir, ce qui demanderait bien 3 mois; mais le travail n'est rien en comparaison de l'ardeur que j'y porte, et qui met mon sang dans une agitation bien contraire à ma figure et à ma santé, mais qui vous prouverait combien je vous aime si vous en étiez témoin. Il me semble que le temps ne va point pour avancer mon départ, et qu'il court la poste pour retarder mes affaires. Je ne sais si votre cœur est digne de tant d'impatience; quand je pense aux lettres que j'ai reçues de vous la semaine passée, je me trouve bien déraisonnable de vous tant aimer, de désirer si passionnément de vous revoir; ne croyez pas que vous tiendrez éternellement ainsi mon âme dans votre main, et qu'après m'avoir désespérée il vous suffira de m'écrire une lettre tendre pour me rendre tout mon

LETTRE

Juin 1748

385

amour, ne mêlez plus d'amertume au plaisir que je trouve à vous aimer, laissez-moi jouir du charme que je trouve dans votre amour. Quoi que je sois peut-être plus géomètre que vous, je ne suis pas si composée, je ne vous dirai pas que je vous aimerai tou­ jours à proportion de ce que je serai aimée, mais je vous dirai bien que je ne puis être heureuse en vous aimant si vous ne m'aimez avec excès. Souvenez-vous qu'en fait d'amour asser n'est point asser. Il n'en est pas de même en fait de lettres, vous n'aimez pas qu'elles soient longues, je veux pourtant dire que me B. m'a mandé le projet qu'elle a pour moi, et dont vous vous repentiez tant d'avoir parlé. Tout ce qui me ferait vivre avec elle et avec vous me conviendrait sans le mauvais commandement qui s'oppose à tout; enfin j'ai un répit et je vais en profiter, n'êtes-vous pas bien content de l'effet qu'à fait la lettre du comte? Vous devriez être honteux de ce que me de B. en a plus de joie que vous, je vous assure qu'elle m'aime beaucoup mieux. Je compte que vous êtes à Comerci à m'attendre, j'espère y arriver lundi 1 er; êtes-vous bien aise? Vous me désiriez tant, disiez-vous, vous devez être bien content de moi, je le serai bien de vous si je vous trouve aussi tendre que je vous ai quitté, et si vous me retrouvez avec autant de plaisir que le chev. de Listenai. Adieu, mr de V. ne m'a pas parlé de votre lettre, ne vous désolez pas, il viendra. Je donne à souper mardi à l'abbé de Bernis pour entendre ces Saisons, je compte recevoir cette pièce de vous où c'est si bien moi, et où vous êtes si tendre; j'en meurs d'impa­ tience. Je suis très humilié du Tibule, on le cherche sans relâche, mais il est presque introuvable d'une belle édition; vous l'aurez pourtant, puisse votre cœur en être digne. Adieu, je me meurs d'impatience de vous dire moi-même combien je vous aime. Vous êtes si économe de vos lettres que je crains que vous ne cessiez de m'écrire peur d'écrire une lettre de trop. Cependant je puis être forcée de retarder mon départ il serait affreux d'être sans lettre de vous pour consolation. Ecrivez-moi jusqu'à ce que je sois arrivée; vos lettres seront en sûreté. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] série, iii. 2 1 2.

1 896), seconde 195

Juin 1 748

L E T T R E 386

386. à jean François, marquis de Saint-Lambert ce 22 [juin 1748] Il y a assurément du malheur sur mes lettres; je vous jure que ie n'ai pas passé un jour de poste sans vous écrire, et que je n'ai jamais envoyé une lettre à la poste pour me Bouflers sans y en envoyer une en même temps pour vous; non, ne soyez point en colère contre moi, je vous aime passionnément, je ne suis pas maîtresse de ne vous le pas dire, il faut que je me livre au plaisir de vous montrer toute l'impatience que j'ai d'être au 1 de juillet, toute la joie que je sens de penser que je vais vous revoir; si vous êtes sensible au plaisir d'être aimé vous devez être bien heureux. Je pourrais vous quereller sur votre dernière lettre, mais je ne puis que vous aimer et vous le dire. Vous pouvez bien avoir quelques torts; mais je crois voir que vous m'aimez véritable­ ment, ainsi vous ne pouvez avoir aucun tort. J'espère que vous êtes à Comerci; je n'ai pas pu faire une ligne à Newton depuis que je suis ici, je n'ai pensé qu'à vous, car le commandement, qui me donne tant de tourments c'est encore vous, puisque c'est ce qui décidera si je passerai ma vie avec vous. Mais aimez-moi autant que vous le devez et je ne connaîtrai aucun malheur. Il est 5 heures du matin, je me meurs, ma santé dépérit, mais mon amour augmente. Ecrivez-moi toujours. er

Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.209-2 1 0.

3 87. à jean François, marquis de Saint-Lambert [?juillet 1748] Je vous écris de chez Me de Bouflers qui ne vous a point négligé. Vous avez l'appartement auprès de la chapelle et de la bibliothèque, on y tend un lit, et vous pourrez y aller ce soir. Je n'en sortirai 196

Juillet 1748

LE T T RE 387

pas quand vous y serez, le bonheur de ma vie en dépend, il est assez troublé par l'inquiétude où je suis sans l'être encore par l'absence; je vous demande en grâce, prenez sur vous d'y aller ce soir si vous voulez que je ne sois pas la plus malheureuse créa­ ture du monde. Vous devriez écrire votre état à Castres, et y envoyer Panpan, il faudrait savoir s'il ne faudrait pas vous sai­ gner. Je vous redemande en grâce, sachez ce que pense Castres, p rincip iis oheta, ce ne sera rien si vous vous traitez bien; buvez beaucoup de tisane, la limonade ne vous convient peut-être pas dans ce moment-ci, comptez que je ne puis vous parler que de votre santé. Mon amour m'est bien cher, mais rien ne me l'est vis-à-vis l'inquiétude où je suis. Ne m'épargnez point les détails, et croyez que vous ne m'en faites jamais assez; vous n'aviez pas mal à la tête hier, ce mal de tête m'inquiète, que buvez-vous? que prenez-vous? Envoyez Antoine à l'hôtel de Craon, mandez-moi quand vous y serez, si vous irez, écrivez-moi. Quand vous serez à l'hôtel de Craon vous ne m'écrirez plus, je ne vous quitterai pas, je vous adore, je n'ai pas encore osé parler à me Bouffi.ers, mais je lui parlerai, soyez-en sûr. Imprimé d'après Th e Collection of autograp h le tters . . . formed by Alfred

([Londres] 1 896), seconde série, iii. 190.

Morrison

3 88. à Ch arles Augustin Ferio l, com te d' Argental Que dites-vous de moi mon cher ami, qui meurs d'envie de vous écrire depuis que je suis ici, et qui n'ai pas encore pu en trouver le moment? On a de tout ici, hors du temps. Il est vrai que les 24 heures ne sont pas trop pour répéter 2 ou 3 opéras et autant de comédies. Je suis transportée de joie de ce que le roi fait pour Semiramis1 , je vous assure que votre petit abbé 2 est un garçon charmant. Enfin Semiramis sera donc jouée sans votre ami et sans vous. A la manière dont il m'a rendu compte de la dernière répé­ tition, où il m'empêcha inhumainement d'aller, elle sera très bien jouée. Il ne ve_ut pas absolument y aller, car quoique je ne puisse l'y suivre je lui ai laissé sur tout cela toute liberté. Il aime mieux 1 97

Juillet 1 748

L E T TRE 388

vous recevoir à Cirey à votre passage, et moi j'y trouve bien mieux mon compte. Y viendrez-vous mon cher ami? vous ne pouvez douter que je ne le désire, ce sera un grand plaisir pour moi de passer quelques jours avec madame Dargental et vous, et de jouir de Cirey avec les deux personnes du monde avec les­ quelles j'aime le mieux à jouir de tout. Il n'y a que 14 lieues d'ici, ainsi il me sera fort aisé de m'y trouver pour vous recevoir. J'ai laissé à votre ami le soin d'arranger cela avec vous, mais je ne veux céder à personne de vous dire le plaisir que je me fais de vous y voir. J'aurais bien une autre proposition à vous faire, ce serait de passer par ici. C'est le plus beau lieu du monde, il n'y a aucune étiquette parce que cela est réputé campagne. Le r. de P. est très aimable, et d'une bonté qui enchante. Madame de Bouffi.ers m'a chargée de vous mander et à madame Dargental qu'elle en serait enchantée. Jugez si je le serais, car j e vous remènerais ensuite jus­ qu'à Cirey. Vous seriez trop aimables l'un et l'autre si vous pou­ viez faire cet effort, je vous assure que vous ne vous en repen­ tiriez pas. Je ne puis me refuser de vous envoyer des vers d'un homme de notre société que vous connaissez déjà par l'épître à Cloé. Je suis persuadée qu'ils vous plairont. Il meurt d'envie de faire connais­ sance avec vous et il en est très digne. Je compte bien vous le mener à Cirey. Votre ami, qui l'aime beaucoup, veut lui faire avoir ses entrées à la comédie pour Semiramis, et assurément je ne crois pas que les comédiens y répugnent vu tout ce qu'il leur procure. Je vous demande cependant votre protection pour cette affaire, c'est un homme de condition de ce pays-ci mais qui n'est pas riche, qui meurt d'envie d'aller à Paris, et à qui ses entrées à la comédie feront une grande différence. J'en veux laisser le mérite à votre ami ainsi je vous prie de ne lui point dire que je vous en ai écrit. Adieu mon cher ami, cette lettre vous est commune avec madame Dargental, ainsi que le tendre attachement que je vous ai voué pour ma vie. à Comerci ce 30 juillet [ 1 748] 1 98

juillet 1 748

LETTRE 388

Notre petit poète vous prie de ne point donner de copies de ses vers à Plombieres parce qu'il y a beaucoup de lieutenants colonels lorrains. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

il avait accordé un crédit extra­ ordinaire pour les costumes et la mise en scène de Sémiramis. 2 Henri Philippe Chauvelin. 1

389-426. à Jean François, marq uis de Saint-Lamhert [Presque toutes les lettres de mme Du Châtelet à Saint-Lambert sont insuffisamment datées, ou encore, le plus souvent, pas du tout. Nous sommes parvenus à en placer le plus grand nombre à une date approximative, à quelques jours près, ou même à un jour précis. Pourtant un certain nombre échappent à un classement exact. En effet, au cours des dix-huit mois que durèrent ces amours funestes, on peut compter une vingtaine de déplacements de la marquise: c'est un va et vient entre Cirey, Paris, Versailles, Plom­ bières, Nancy, Lunéville, Commercy, sans tenir compte des petits voyages de La Malgrange, Chanteheu etc. Quant aux mouve­ ments de Saint-Lambert, on n'en sait pratiquement rien. Donc, p our les lettres qui ont été réunies ici tout ce qu'on peut dire c'est qu'elles ont probablement été écrites ou bien pendant l'été de 1 748, après le retour de la marquise de Paris, ou bien au prin­ temps avant son départ.] Toutes ces lettres ont été impri­ mées d'après The Collection of au to­ graph letters . . . formed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 1 90-2 37.

Il n'y a point de bonheur sans vous; venez donc finir le mien. Pouilli sera le prétexte. Je suis seule, à présent, de ce moment seulement. 1 99

L E T TRE

390

.39 0 Oui, je vous aime, tout vous le dit, tout vous le dira toujours, et je fais mon plaisir et mon bonheur de vous le dire. Je vais tâcher de donner la lettre; je vous en remercie, et vous en remercierai bien davantage ce soir.

.39 z Je volerai chez vous dès que j'aurai soupé. Me B. se couche. Elle est charmante et je suis bien coupable de ne lui en avoir pas parlé; mais je vous adore, et il me semble, que quand on aime on n'a aucun tort. Il faut que j'aille par les bosquets.

.39 2 J'apprends à force, mais je ne sais rien de bien sinon que je vous adore, que vous avez conquis mon cœur, et qu'il est à Nicolas pour toute ma vie; donnez-moi des nouvelles de Nicolas.

.39 .3

Dimanche

Mon cœur, il faudrait absolument que vous vinssiez à Comerci, car après ce que vous lui1 avez dit, hier, et pensant comme il fait à présent, il ferait peut-être une scène; si votre santé le permet, nous pourrons y aller demain ensemble. Je le prierai de parler au curé, je me meurs d'envie de conter tout cela à mr de Listenai, mais je n'en ferai rien, car tout cela est inutile, et il ne faut jamais faire que des confidences nécessaires, mais vous radotez donc de me recom­ mander de ne pas paraître devant mr de Listenai savoir ce que vous m'avez dit; assurément vous êtes bien coupable de me l'avoir dit, si vous croyez avoir besoin de me recommander de n'en pas paraître instruite, enfin je suis bien soulagée, je vous assure, je me remercie bien, je suis bien contente, vous ne serez plus le prétexte . 200

LETTRE 393

M e de B. n'en aura plus de ne point parler de vous avec la plus grande vivacité et je l'y forcerai bien et je serai moi-même à portée de parler, quoiqu'on ait bien l'air de vouloir l'éluder; mais cela est bien difficile, car je ne me laisse pas éluder. Parlez-moi de vos nouvelles, ne me parlez que de cela, ne vous inquiétez de rien, je vous rendrai compte ce soir de ce que m'aura dit me de B. et de ce que je vous adore, mais ayez soin de votre santé. 1

Voltaire.

39 4 à

11

heures et demie

Si mes inquiétudes ne sont pas de l'amour, si on peut aimer autant que je vous aime et n'être pas dans l'inquiétude la plus vive, j 'ai tort, et vous avez raison de me les reprocher, je ne serai tranquille que quand la fièvre vous aura quitté. Le roi vient de venir chez moi, je lui ai dit que j'avais du cha­ grin, que j'étais malade, que j'avais la migraine; il m'a trouvé mauvais visage, je lui ai dit ensuite que j'avais à lui parler et que je lui demandais un quart d'heure de conversation après dîner. Sur quoi, m'a-t-il dit, vous est-il venu quelque idée? Ce n'est point sur les affaires de mon mari, lui ai-je dit, mais sur les miennes propres, sur mon intérieur; vous avez assez de bonté pour moi pour que j'aie de la confiance en vous, l'amitié ne va point sans confiance et votre m. m'en marque. Assurément, m'a-t-il dit, mais de quoi s'agit-il: dites donc. Sire, cela ne se peut pas dire en un moment, donnez-moi une audience d'un quart d'heure et ne dites point que je vous l'ai demandée. Il me l'a promis et s'est en allé; je vais au dîner, et j'y vais tout agitée. Dès qu'il sera fini j 'aurai mon audience, et je vous marquerai dans le moment son succès. Je ne sens que le plaisir de vous donner la plus grande marque d'amour qu' on puisse recevoir de sa maîtresse; je n'en rougirai jamais si vous le méritez. Mr de V. est dans la plus grande fureur, je crains qu'il n'éclate; il m'a dit qu'il voyait bien ce matin que je n'avais pas de feu parce que j 'avais envoyé Mala chez vous, et il est sorti dans la plus grande colère; cela me pénètre de dou20 1

L E TTR E

3 94

leur, j'espère de vous tous les ménagements possibles pour le ramener, et surtout que vous sentirez combien vous devez m'aimer pour me consoler; je suis bien impatiente de savoir ce qu'aura dit Bagard.

A onze heures du soir, mercredi Je suis d'une inquiétude et d'une agitation que vous traiteriez d'ostentation si j'entreprenais de vous la peindre; je ne connais­ sais encore que votre absence, et c'en était bien assez, mais votre absence jointe à l'inquiétude de votre santé est un mal que je n'ai pas la force de supporter; dans un autre temps j 'aurais été affectée d'une scène assez vive que je viens d'avoir à votre sujet avec mr de Voltaire, et qui a fini par la négation totale, et par changer de conversation. Nous nous sommes quittés fort bien, et j'espère que demain il n'y pensera plus, surtout si vous vous portez bien, car je ne puis être maîtresse de moi quand je suis inquiète de vous. Mais ce qui m'importe dans ce moment-ci, ce ne sont ni les inquiétudes ni les injustices de me de Bouflers, c'est votre fièvre; si je n'en ai pas demain des nouvelles satisfaisantes je ne sais ce que je deviendrai. J'ai un si grand désir de parler au roi que mon impatience suffirait seule pour m'empêcher de dormir, jugez si je dormirai étant sans vous, et inquiété de vous. Mon dieu! qu'Antoine est heureux, et que je voudrais être à sa place, mais qui sera plus heureux que moi si ma confiance dans le roi fait l'effet que j'en espère. Je suis fâchée que cette confidence ne soit pas un plus grand sacrifice, qu'elle ne me coûte pas davantage, vous verriez si je balancerais; le chevalier de Listenai a bien dû s'apercevoir à souper combien je vous aimais, j e n'ai parlé qu'à lui; je sens que je l'aime de tout mon cœur, non parce qu'il est aimable, mais parce qu'il vous aime; je n'ai pu parler ce soir à m e de Bouflers, je lui parlerai demain, en lui disant que vous êtes malade; je fais demain l'enfance d'aller jusqu'à Nanci à 2 heures voir ma vieille maréchale afin d'être dans la même ville que vous. J'enverrai savoir de vos nouvelles, vous m'écrirez, je ne partirai que quand 202

L E T TRE

395

j'aurai votre réponse; vous m'enverrez Antoine le soir et j'aurai de vos nouvelles trois fois dans la journée; je prévois que vous serez saigné, mais que deviendra, que sera votre fièvre, je crois que le terrain où vous avez été a fait rentrer l'humeur qui s'était jetée sur vos dents, et que c'est cela qui vous a causé votre redou­ blement; mais enfin vous avez depuis hier la fièvre continue avec des redoublements, il n'y a point de tête, quelque bonne qu'elle soit, qui puisse tenir à cette inquiétude. Mandez-moi ce qu'a dit, ce que pense Bagar, faites passer une rivière dans votre cape, ne mangez point du tout, ne vous échauffez point, ne vous inquiétez point, ne vous affligez point, attendez le succès de ma conversa­ tion avec le roi, et soyez sûr que, quoiqu'il puisse arriver, rien ne me séparera jamais de vous, et que je ne ferai pas un pas qui n'ait pour objet de passer ma vie entièrement avec vous.

Je vous ai reproché quelquefois de n' être pas galant, mais je trouve que votre lettre l'est trop et qu'elle n'est point assez tendre; je vous aime bien mieux colère et tendre que froid et galant; je trouve qu'il y aurait trop à perdre à vous corriger; ainsi je vous prie de garder vos défauts et de m'aimer toujours de même. Giraudet1 est arrivé, je l'ai vu, allez chez lui avant de venir ici et prenez jour et heure. Je vous aime beaucoup. 1 dans la lettre 424 il y a Graindet, et dans 440 Girardet; il est proba­ blement question d'un seul persan-

nage, Jules Girardet, peintre de Stanislas.

39:J Je suis une paresseuse, je me lève, je n'ai qu'un moment et je l'emploie à vous dire que je vous adore, vous regrette et vous désire; venez qonc le plus tôt que vous pourrez, vous boirez et dînerez ici, j'espère aussi que vous y aimerez. 20 3

L ETTRE 3 9 8

Eh bien! je prends le pot de résiné, mais pourquoi me parlez-vous de réponse, et puisque vous êtes éveillé ne me venez-vous pas voir puisque je suis seule et que je ne dîne point; vos œufs au bouillon vous attendent et moi aussi, mais je ne suis pas si froide qu'eux. Voulez-vous ne me voir que quand nous ne pourrons pas être seuls? Il me semble que vous ne vous souciez guère de réparer ce que nous avons perdu hier, et j'ai tort de dire que vous m'aimez peu; la plus grande marque qu'on puisse en donner c'est de n'être pas avec ceux qu'on aime, quand on le peut sans i ndécence, c'est du moins celle qui m'afflige le plus; venez tout à l'heure si vous m'aimez, j'en ai besoin, car je suis malade à mourir.

399

à 3 heures

Assurément Panpan a bien la préférence sur moi auj ourd'hui, et j'aurai bientôt conté les lettres que vous m'avez écrites; si vous voulez cependant être seul et trouver un moyen de n'avoir pas de visites je pourrai vous aller voir cet après midi; mandez-le-moi, et si vous avez eu la visite de mr de Voltaire. Le R. est parti, mr du Châtelet n'est pas ici, on ne me tambourerai pas, comme l'autre jour. Cette infâme Chevalier est cause que vous n'avez pas cette lettre depuis 2 heures, et que je ne viens que de recevoir la vôtre. Si cela vous fait le moindre mal de sortir j'irai chez vous, mandez­ le-moi positivement, je suis chez moi et j'y suis toute seule. Ne dites pas, si on vous demande où vous avez pris du bouillon, que je vous en ai envoyé. 40 0

Je suis très inquiète de cette médecine, il y a cent personnes dans mon cabinet, nous sommes servies, il faut souper, mais il faut 204

LETTRE 400

encore plus vous dire que j'attends avec la dernière impatience le moment où je vous dirai que je vous adore. Ne mangez presque rien, n'abusez pas de votre appétit; en vérité je suis bien fâchée contre vous, car il peut être dangereux d'être trop purgé.

4o z Je suis très fâchée que vous n'ayez pas dormi, très inquiète de votre gorge, très impatiente de vous voir. Nous allons au château d'eau1 cet après-midi, j'enverrai chez vous au retour. Mandez­ moi si je vous enverrai quelque chose. Aimez-moi, mais surtout ayez soin de vous; je vous adore; êtes-vous purgé? devant le château de Commercy s'étendait un canal, à l'extrémité duquel Stanislas fit construire un 1

château d'eau, entouré de fontaines, de bassins où les dames donnaient à manger aux cygnes.

à 9 heures et demie Je suis piquée de m'éveiller de si bonne heure puisque je suis des­ tinée à vous voir si tard. Je vous demande, en grâce, d'envoyer chercher le père1 de Panpan et de savoir s'il est bien sûr que vous n'ayez pas cette petite fièvre qui accompagne presque toujours un petit dépôt à la poitrine. Restez tard dans votre lit, pensez à moi, finissez-y Pigmalion, ou votre chanson, dont je ne vous quitte point. Je crois qu'on peut tout exiger de votre esprit comme de votre cœur. Vous m'aimerez beaucoup si vous ne voulez pas rester en arrière, car je vous aime passionnément. 1

il était médecin militaire.

à

10

heures

Je m'éveille a':ec l'inquiétude de votre santé, moi qui suis accou­ tumée à ne sentir que le plaisir de vous aimer et le bonheur d'être 20 5

L E TTRE

403

aimée de vous. Je crains bien de vous avoir trop agité hier, ne me laissez rien ignorer sur cela si vous m'aimez; avoir soin de vous, écrire à Castres, me dire tout ce que vous avez senti, tout ce que vous comptez faire pour vous guérir, voilà les preuves de votre amour qui me toucheront le plus. Vous aurez du bouillon à dîner par Panpan, des eaux de Sedlitz et le livre, si ce maudit mr de Beauvau veut me le rendre. Nous allons dîner au Kioste 1 , je serai du moins plus près de vous; j'irai vous voir quand vous le vou­ drez, je voudrais que ce fût bientôt, car j'en ai bien de l'impa­ tience. Je laisse cette lettre à m 11e Chevalier dans l'espérance qu'à mon retour de la messe je trouverai de vos nouvelles. Voilà des pastilles, la moitié d'une suffira pour vous embaumer, mais il fau­ drait commencer par bien balayer, par ouvrir les fenêtres, pour ôter la mauvaise odeur, j'imagine que l'air ne vous fera pas de mal. Ayez d'autres matelas, et mandez-moi si vous voulez que j'en parle à me de Bouflers. Adieu, je vous adore. 1 mme Du Châtelet a certaine­ ment écrit Kioske, c'est à dire le kiosque, dans le parc de Commercy,

où des cascades étaient aménagées devant les fenêtres.

Que je regrette d'avoir été injuste hier, et de n'avoir pas employé tout le temps que nous avions à être ensemble à jouir de votre amour charmant, qui fait le bonheur de ma vie! Pardonnez-le-moi. Songez que je ne désire d'être aimable, tendre, estimable, que pour être aimée et estimée de vous, je pousse sur cela ma délica­ tesse à l'excès; mais doit-elle vous déplaire? Je connais mes défauts, mais je voudrais que vous les ignorassiez. Ce que je voudrais surtout c'est savoir que vous avez passé une bonne nuit, et que votre cœur est le même pour moi. Je vous envoie du thé, noyez­ vous-en; prenez-le très chaud et faites-le très léger, il ne vous échauffera pas, et vous fera transpirer; voilà du bouillon pour prendre très chaud après les eaux, une heure après. Vous m'avez écrit 5 lettres hier, quelle journée! et que j'ai bien tort d'en avoir 206

LETTRE

404

corrompu la fin, mais songez que celle-ci toute entière sera empoi­ sonnée si vous m'écrivez moins tendrement. On dîne sûrement au Kioste; si je pouvais vous aller voir un moment en sortant de dîner! je l'espère; mandez-moi si vous serez seul. Si vous voulez quelque chose par Panpan, adressez-vous à me de B. Adieu, aimez qui vous adore, mais aimez-là autant qu'hier dans la journée, et oublions la soirée.

N'ai-je pas bien raison d'aimer Antoine puisqu'il est la cause de la lettre charmante que je reçois de vous? Je ne puis y répondre, et cependant j'en suis enchantée; elle me dédommage bien de celle de ce matin. Jamais vous n'avez été plus tendre, plus aimable, plus adoré; je vous envoie du thé, prenez-en, c'est la seule façon de faire agir les eaux, nous en parlerons ce soir. J'espère arriver de bonne heure, mais je suis bien sûre de vous laisser dormir.

Je vous ai écrit par mIIe Chevalier, elle n'est pas là, je vous écris encore pour vous dire que je vous aime, et que je meurs d'envie de vous voir. On répète, dit-on, cet après[-midi] à 2 heures, j'en suis désolée mais venez-y, nous avons des pardons réciproques à nous demander, mais vous n'aimez point, vos lettres accourcis­ sent tous les jours comme vos visites; vous ne m'aimerez bientôt plus, voilà de quoi il faut être repentant.

à 9 h. et demie, mardi Vous m'avez dit hier des choses si tendres et si touchantes que vous avez pén�tré mon cœur; mais aimez-moi donc toujours de même, croyez que quand vous m'aimez j e vous adore. J'ai passé 207

L E TTRE

407

la nuit la plus agréable qu'on puisse passer sans vous; votre idée ne m'a point quittée. Vous voulez que je vous mande ce que je ferai aujourd'hui, ce que je veux faire tous les jours de ma vie; je vous verrai, je vous aimerai, je vous le dirai, mais que je le lise donc dans les yeux charmants que j'adore.

Il fait un temps charmant, et je ne peux jouir de rien, sans vous; je vous attends pour aller donner du pain à mes cygnes et me pro­ mener; venez chez moi dès que vous serez habillé, vous monterez ensuite à cheval, si vous voulez.

Tâchez de vous trouver dans le salon pour la sortie du dîner parce que nous prendrons notre revanche, et c'est bien quelque chose de jouer avec ce que l'on aime, car je suppose que vous . m, aimez encore un peu. 41 0

Vous avez encore été saigné, vous avez des taches rouges sur le corps, vous avez pensé vous trouver mal, je suis d'une inquiétude affreuse, il faut que je vous voie ou que je meure. Ne m'écrivez point, dites à la Chevalier comment vous [vous] trouvez, je vais renvoyer mon monde, je serai chez vous dans une demi-heure, si vous êtes libre et si vous me faites ouvrir le souterrain. Je vous adore. 41 l

à

11

heures

Je m'éveille avec la douleur de vous avoir affligé un moment hier, avec l'inquiétude de la manière dont vous aurez passé la nuit, 208

L ETTRE 4 1 1

mais avec tout l'amour que votre cœur charmant mérite. Comptez que le mien en est pénétré, que je n'ai jamais plus senti combien je suis heureuse d'être aimée de vous, et que je ne l'ai jamais mérité davantage. Je vais dîner à table, c'est à dire assister. Mandez-moi quand vous aurez vu vos médecins et ce qu' ils auront décidé. Envoyez demander à me de B. ce que vous voudrez. Elle pourrait être choquée que vous ne vous adressiez plus à elle. Je suis jalouse de toutes les préférences que vous pouvez donner, mais elle mérite b ien que je lui cède celle-là. Je vous adore, et c'est pour toute ma vie, mais il faut se coiffer.

4z2 Il est bien doux de s'éveiller pour relire vos lettres charmantes, et pour sentir le plaisir de vous adorer et d'être aimée de vous. Je sens que je ne pourrai plus me passer de recevoir de ces lettres, qui font le bonheur de ma vie. Je serai inquiète jusqu'à ce que je sache comment vous avez dormi, si votre médecin vous a laissé dormir, si je vous verrai au retour de la cascade. Voilà du bouillon, vous aurez du poulet ou du perdreau, mais je veux que vous soyez d'une sobriété extrême, et j 'aurai soin de vous y obliger. Que vos sentiments ne le soient pas; vous ne pouvez trop m'aimer, car j e vous adore. Je ne me suis éveillée qu'à I I heures et il faut s'habiller pour la cascade. Adieu. Vos vers sont délicieux, je les ai relus 3 ou 4 fois; je vous dirai . , ce que J. ' a1 remarque.

Jeudi, à 8 heures du soir Voilà une lettre dont vous ne serez pas content, mais vous le serez de moi, et j 'arriverai avant; et il faut que vous sachiez tout ce que je pense. Et b ien sachez donc que vos deux lettres m'enchantent, 209 14 (II)

LETTRE 4 1 3

et que je vous aime plus que jamais. Je vous verrai demain, je vou­ drais vous gronder du courrier, je n'en ai pas la force. Il est huit heures, on m'envoie chercher pour souper. Je vous adore.

Si vous ne me disiez pas que vous avez dormi 10 heures, j e serais bien malcontente de votre lettre; vous ne me parlez point d'hier au soir, vous ne me croyez pas digne de me faire des reproches. Vous verrez par ma lettre que je m'en suis fait, comptez que mon cœur est digne de tout, et que rien ne peut me rendre heureuse que le vôtre, tel que vous me l'avez fait voir hier, car vous étiez bien aimable hier. Je crois que vous avez mis dans votre régime de m'aimer moins, vous n'êtes point fait pour mon amusement, mais pour mon bonheur, et pour mon occupation entière si vous voulez; si vous ne m'écrivez pas une autre lettre je serai bien mécontente.

Vos lettres sont charmantes, surtout la dernière; vous avez plus d'esprit et plus de loisir que moi, mais non plus d'amour, n'ayez pas cette vanité-là, je vous prie. Mr de V. ne quitte pas sa chambre et ne cesse de me prêcher sur me de B., j'en suis excédée; je fais plus que je dois, mais c'est assurément ce qui ne peut jamais m'ar­ river avec vous. Je vous dois bien de l'amour, et je vous jure que je ne suis point en reste. Oui délices de mon cœur, puisque vous voulez un nom, oui, je vous adore, je vous attends avec la plus grande impatience, et je suis obligée de finir ma lettre parce qu'on m'interrompt; mais rien ne peut distraire mon cœur, il est toujours occupé de vous, et jamais il n'aura de distractions. Nous arrivons du château d'eau, j'avais écrit cette lettre avant de recevoir celle de 3 heures. Je n'en suis pas trop contente, mais je relis l'autre et je vous adore. 2 10

LETTRE 4 1 6

On ne peut point écrire en l'air des choses aussi tendres que lors­ qu'on a tout son loisir; d'ailleurs j'ai l'âme fort agitée, je vois qu'il n'y a aucune ressource avec qui vous savez, et que les bons procédés ne font pas plus sur elle que la colère, je crois qu'elle les craint encore davantage, je crois qu'elle fait tout ce qu'elle peut pour éloigner le roi de moi, elle n'y a pas réussi, mais elle y réus­ sira; mes bons procédés ne m'ont attiré que des aigreurs, elle ne veut pas que nous passions notre vie ensemble, cela est sûr; mais, si vous m'aimez autant que vous le dites, autant que vous le devez, et autant que je vous aime, nous nous en passerons bien. J'ai passé ma vie dans l'indépendance, et assurément je ne choisirais pas ses chaînes, je ne veux dépendre que de mon goût et de mes plaisirs, il n'y en a point pour moi sans vous, cela est sûr. Je n'ai point parlé de vous, et je me garderai d'en parler, elle sera assez à plaindre d'avoir à se reprocher de vous avoir manqué, et j'aime bien mieux qu'elle ait des remords que d'être obligée à la recon­ naissance, son aigreur, ses farces, son ton, sont inconcevables, et je vous assure qu'il faut songer à ne l'en plus embarrasser, et à ne s'en plus occuper, je ne veux plus l'être que du plaisir de m'occu­ per de vous, du soin de vous voir toute ma vie, et de ne vous jamais laisser douter de mon amour.

417 Je ne vous sais pas mauvais gré de n'être pas venu, mais bien de ne m'en avoir marqué aucun empressement, et de n'avoir vu que les difficultés sans songer aux expédients. J'ai bien envoyé mon laquais vous chercher; il n'a jamais pu trouver où vous logiez; vous auriez pu m'écrire un mot et envoyer votre laquais à ma femme de chambre. Vous aimez tant les choses aisées, vous avez si peu d'empr�ssement que je trouve que je suis revenue beau­ coup trop tôt. Je ne m'attendais pas à passer la nuit à vous gronder, 21I

LETTRE 4 1 7

mais je me gronde bien plus de vous avoir montré tant d'empres­ sement, je saurai me modérer, et prendre votre froideur pour modèle. Adieu, j'étais bien plus heureuse hier au soir, car j'espé­ rais vous trouver amoureux.

Vous êtes levé depuis deux heures et vous n'avez pas été voir vos officiers; je vous demande en grâce d'y aller, et de tâcher de monter la garde aujourd'hui pour partir demain, et de me venir dire, ou de me mander ce que vous ferez. Nous souperons ici. Songez-y.

Je m'éveille, et ce n'est pas pour vous voir, c'est pour aller à Chanteu1 • Qu'ai-je à faire de Chanteu, puisque je suis bien résolue à ne vouloir point avoir d'obligation à une femme avec laquelle je sens que je ne pourrais pas vivre. Le bonheur de vivre avec vous est le seul que mon cœur puisse connaître, mais vous ne voudriez pas que je l'achetasse à ce prix; tâchons de nous faire un bonheur indépendant, je vous jure que je n'aimerai jamais que vous, sans vous je serais bien sûre de n'aimer jamais rien. Je puis vivre ici, de quelque façon que mr V. me traite. Quand je ne lui devrai point le commandement, je vais mettre tous mes soins à empêcher seulement que Berchini l'ait, et j'espère y parvenir; alors je vous jure de passer ici la moitié de l'année, et de n'y jamais prendre aucun établissement, je ne veux avoir d'autres chaînes que celles qui m'attachent à vous. Il y a bien peu de gens qui soient dignes qu'on leur ait obligation, j'ai aimé m e de B. assez pour ne le pas craindre, mais je ne pense plus de même, je sens que peu à peu ses humeurs ont lassé mon amitié, et je suis aussi détaché d'elle que je vous suis liée invinciblement. Je vous aurai une obligation extrême de lui montrer la façon dont je 2 12

L E TTR E 4 1 9

pense, j e n'aurai point d'aigreur avec elle, mais je sens que j e n'aurai plus les mêmes manières. Mon extérieur est toujours l'image de mon cœur quoique vous en puissiez dire, et je ne crains pas que vous me le niiez longtemps. Voulez-vous de la limonade? Je revien­ drai le plus tôt qu'il me sera possible, il me reste bien peu de temps à vous voir, et on m'en dérobe trop; je ne suis heureuse qu avec vous. Chanteheu, petit village à l'ex­ trémité du canal de Lunéville, où 1

Stanislas avait construit encore une maison de plaisance.

42 0

Il y a 3 lettres de moi pour vous à Lunéville. Si cette lettre vous trouve à Nancy, partez dans l'instant, il n'y a rien de si nécessaire que votre présence à Lunéville dans ce moment-ci, pour écrire, en conséquence de ce que je vous marque dans mes lettres, et pour faire écrire me Bouflers, à qui j'écris aussi. Cela est très important et très pressé, car le séjour du roi ici s'annonce, et il n'y a pas un moment à perdre. Je veux absolument que vous alliez à Lunéville et je vous en saurai encore plus de gré que je ne vous en ai su d'en être parti. 42 z

à

2

heures et demie

Vous avez trouvé la seule manière de me consoler de votre absence, c'est de dormir; il m'a été impossible de vous écrire ce matin, on est venu lire la pièce chez moi d'abord parce que j 'ai été éveillée, je ne viens que de recevoir la vôtre; je voudrais en recevoir de pareilles à tous les quarts d'heure, non, vous n'aviez point tort hier au soir de m'aimer à la folie, mais vous avez encore s'il est possible plus raison aujourd'hui. Je vais passer dans ma chambre tout le temps qui s'écoulera jusqu'à ce que j 'aie le bonheur de vous revoir. L'aigreur et la fureur continuent, il n'y a rien à faire 213

LETTRE 42 1

avec un tel caractère que de l'éviter et de rougir de l'avoir aimé, surtout moi qui n'avais pas pour excuse l'illusion du goût et de l'amour, et qui cependant la regrette peut-être plus que vous. Mandez-moi comment vous vous serez trouvé de votre méde­ cine, je crains qu'elle ne vous échauffe, et qu'elle n'irrite vos entrailles. J'ai promis au roi les Provinciales pour ce soir, tâchez de les avoir, et apportez-les-moi. Adieu, je vous aime passionné­ ment; je ne suis occupée que de la manière de passer ma vie avec vous, sans être obligée de la passer ici, où je vois qu'il est impos­ sible que nous restions, mais il me serait encore plus impossible de vivre sans vous, je vous le jure, et je vous le prouverai toute ma vie. 42 2

J'aime vos injustices, car j'aime tout de vous, mais je n'aime point celles de me B., je fais ce que je puis pour les détruire, je lui ai fait répéter son rôle, ce matin j'ai été chez elle, je la crains parce qu'elle peut nous séparer. Je ne songe qu'à vivre avec vous, je suis capable de vous aimer absent sans chercher de distractions, mais vous vous pensez bien différemment. Jouissez du présent, venez le plus tôt que vous pourrez; je vous écrirai encore cet après-midi si vous voulez envoyer Antoine. Avez-vous bien dormi? Je l'espère, cela est nécessaire à mon bonheur.

423

Je vais à la chasse, mais je ne dîne point, vous trouverez de la soupe ici en mon absence et rien que cela, je vous aimerai en cou­ rant par monts et par vaux comme je vous aime à mon secrétaire; vous vous êtes éveillé trop matin, tâchez de vous rendormir, et ne me dites plus que vous employez mal le temps que nous pas­ sons ensemble. 2 14

L E TTRE 424

Voilà la lettre, écrivez m'en vite une qui lui ressemble comme 2 gouttes d'eau, et parlez y moi surtout de me de B. par rapport à votre affaire, et donnez-moi des commissions pour elle; un peu équivoques. On m'a demandé votre lettre. J'ai dit que je ne pou­ vais la donner sans la permission de me B., qu'elle était plus pour elle que pour moi. Remerciez la dedans de ce que j'ai envoyé sans savoir de vos nouvelles le matin, ne la datez pas, et qu'il y ait autant d'écriture que dans l'autre; il faudrait ne me voir aujour­ d'hui qu'en bonne fortune, et arriver à 9 heures pendant souper comme si vous débarquiez, je donnerai le mot à me B., qui vous dira qu'elle vous a retenu un logement chez me Hébert; ne venez qu'à 9 heures, cela est essentiel pour notre repos, et demandez à Antoine si les gens de mr de V. ne l'ont point vu, ne l'envoyez plus, m11e Chevalier attendra la lettre.

Je vais à une heure de la fontaine royale à cheval, vous y devriez y venir; me de B. n'en aura ni plus ni moins d'humeur. Elle ne veut aller au théâtre que pour jouer; cela vous fera du bien et me fera un plaisir extrême. Il y a mille ans que je ne vous ai vu; vous trouverez chez moi un morceau pour manger, mandez moi com­ ment vous vous portez, rendez-moi cette lettre qui s'est trouvée hier dans votre poche. Je vous adore, et je vous aime enfin pour vous aimer toujours.

Votre lettre est trop forte, vous vous mettez trop entre ses mains; il pourrait vous brouiller avec me B.; je ne le veux pas, je vous la renvoie corrigée, écrivez-la vite. J'attends 8 heures et demie avec impatience; voµs pourrez arriver alors; ne craignez rien de moi; je vous verrai après souper chez moi. 21 5

Août 1 748

LETT RE 427

4 27. à Charles Augustin Feriol� comte d' Argental Enfin mon cher ami, dieu n'a pas voulu que je jouisse du plaisir de vous recevoir à Cirey avec md Dargental. Je vous assure que ç'a été une grande privation pour moi, le plaisir de j ouer le silphe1 et une très jolie comédie ne m'en a point consolée surtout quand j'ai pensé que md Dargental et vous vous auriez pu être témoin de tout cela, et que c'est sa santé qui vous en a empêchés. Je suis en peine aussi de la santé de mr de Pondeueyle. Je vous supplie de m'en donner des nouvelles et de lui marquer l'intérêt que j'y prends. Nous sommes dans l'attente du succès de Semiramis car je ne puis me persuader qu'elle trompe nos espérances, et nous nous :flattons bien que vous ne nous laisserez pas ignorer nos triomphes. Votre ami compte aller en jouir, et surtout du plaisir de vous voir, avec le r. de P. quand il ira à Trianon2 • Mais j 'espère bien que vous ne le garderez que le temps du voyage du roi. Il doit être plus attaché que jamais à ce pays-ci car le r. de P. lui a donné les distinctions les plus :flatteuses et qu'il n'accorde que très difficilement. Adieu mon cher ami, aimez-nous, écrivez-nous, donnez-nous des nouvelles de la santé de md Dargental et dites-lui combien nous l'aimons et vous aussi. à Luneuille ce 20 août [ 1 748] Voilà une lettre qu'on m'a adressée pour vous, j 'en ai fait ren­ voyer d'autres qui me sont revenues, cela me fait saigner le cœur de voir qu'on vous a écrit à Cirey et que vous n'y avez pas reçu vos lettres. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 puisqu'il semble qu'il n'est pas question ici d'une comédie, c'était

2 16

probablement Zélindor, roi des syl­ phes, de Moncrif.

2 Stanislas et Voltaire arrivèrent à Paris le 29.

Août z :;48

LE T TRE 428

428. à Jean François, mar q uis de Saint-Lamhert A Plombières, ce vendredi [ 23 août 1748] Mon dieu, que je suis heureuse, voilà le roi qui part; vous aurez de mes nouvelles. Pour moi qui suis séparée de la moitié de moi­ même, je n'espère pas avoir cette consolation. Cette estafette prétendue de mr Assiot1 n'arrive point. Nous sommes ici logés comme des chiens, mais je ne sais quand nous en partirons. J'ai toujours espérance que ce sera lundi, je vous assure que j'y ferai de mon mieux; les jours me paraissent bien longs et cependant je les passe dans ma chambre, mais cette chambre est bien loin de la vôtre. Quelque chose a pris à me de Bouflers précisément à la moitié du chemin, cela n'est-il pas désolant? Il n'en faut pas parler je crois, mais je parie qu'elle serait partie tout de même quand cela l'aurait prise à Lunéville, ce qui doit vous consoler c'est que je suis dans le même état. J'espère que vous dormez terriblement, pour moi, je me suis levée à 6 heures aujourd'hui pour la fontaine, mais cela ne m'arrivera plus. M'aimez-vous avec cette ardeur, cette chaleur, cet emportement qui fait le charme de ma vie? Il y a bien loin d'ici à lundi mais aussi lundi je serai bien heureuse. Je vous adore et je sens que je ne puis vivre sans vous. Je voudrais vous écrire plus au long mais le roi veut partir. Je vous écrirai encore ce soir par la poste, je ne puis vous dire trop souvent combien je vous aime, je n'ai aucun esprit, car je me meurs de sommeil, mais mon cœur n'est jamais endormi. Imprimé d'après The Collection of autograph le tters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.21 2 .

1 mme Du Châtelet a certaine­ ment écrit Alliot, le majordome et intendant de Stanislas.

2 17

Août 1 748

LETTRE 429

429 . à Jean Franço is, marqu is de Saint- Lambert ce vendredi [30 août 1748], à sept heures du soir Je vous ai écrit ce matin, je me désolais de n'avoir point de vos nouvelles, et de n' en pas même espérer, je reçois votre lettre du 28, elle me fait un plaisir bien vif, je vous jure, mais il n'est pas sans mélange; je vois que vous ne me rendrez jamais justice, et que vous ne me connaîtrez jamais, ce qui m'en afflige le plus c'est qu'en vous aimant passionnément, je ne vous rends point heu­ reux; cette idée m'afflige, et je n'ai pas besoin d'affliction quand je suis éloignée de vous. Si quelque chose pouvait me réjouir ce serait votre aventure de chez Panpan, mais que je vous trouve aimable de vous reprocher le sommeil! J'espère donc que la poste de demain me portera une grande lettre de vous, je tremble que notre séjour ici ne se prolonge, je n'ose rien exiger sur cela, l'état de madame de B. est un prétexte. Je passe ma vie dans ma chambre, voilà ma consolation; ne vous affligez cependant pas encore, j'arri­ verai peut-être avant cette lettre, peut-être aussi n'irai-je pas à Saverne, mais soit à Saverne soit ici je vous aimerai, je vous regretterai, et je ne serai heureuse que quand je vous reverrai . Votre lettre est comme votre conversation, moitié tendre et moitié détachée, il semble que vous vous reprochiez de m'aimer, que vous craigniez de vous accoutumer à vous passer de moi . Pour moi je suis bien sûre de sentir à tout moment que vous me man­ quez, que sans vous tout le reste m'est insupportable, et que tout, jusqu'à la solitude, m'ennuie. Si je m'accordais de me repentir des sacrifices que je fais à la décence, si je me permettais de l' enfreindre, je suis si emportée, je hais tant la contrainte, j'ai tant de penchant à ne vivre que pour vous et avec vous, que je perdrais bientôt toute la douceur de notre vie. Vous savez qu'elle consiste à ne nous pas laisser pénétrer, et combien j'ai de chaînes; encouragez­ moi loin de me blâmer, sentez combien je suis à plaindre, mais n'augmentez pas mes malheurs par vos soupçons; je ne voyais 218

LETTRE

Août 1 748

429

que vaguement les raisons d'impossibilité de vous mener avec nous et celles qui ne me permettaient pas de rester à Lunéville quand je vous disais à Comerci que je n'irais pas à Saverne sans vous. J'ai vu depuis, et vous l'avez vu vous-même, combien cette privation était nécessaire, imaginez ce que le roi penserait s'il me voyait quitter me de B . pour rester à Lunéville, et quel intérêt n'ai-je pas qu'il nous croie inséparables, elle vient de lui écrire de la manière la plus forte sur mon compte, je lui ai écrit aussi une grande lettre bien tendre. J'écris à de Croix, en vérité, je relis votre lettre, la troisième page est bien ridicule, bien offensante pour moi, bien peu tendre, je ne sais pas s'il ne faudrait pas mieux n'être point aimée que de l'être par quelqu'un qui se reproche de vous aimer; comptez que de ce sentiment à celui de l'indifférence il n'y a pas loin, surtout pour vous qui avez tant de pouvoir sur vous-même. Enfin vous m'aimez malgré vous, moi que vous dites qui aime moins. Je remercie tous les j ours de ma vie l'amour de ce que vous m'aimez et de ce que je vous aime, il me semble qu'un amour aussi tendre, aussi vrai, peut tout faire supporter même l'absence. Dites-moi ce que vous faites tout le jour, qui vous voyez, à quoi vous travaillez. Moi je travaille tout le matin hors une demi-heure que je vais voir la p sse dans son bain, à 2 heures je vais prendre mon café chez elle, à 3 je me renferme jusqu'à huit que je soupe, nous nous couchons à onze, je n'ai encore pu que me mettre au courant de mes lettres et de mes affaires dans ces deux jours-ci, je vais travailler demain, si tant est que votre idée et vos soupçons m'en laissent la liberté, je vous aime avec une tendresse extrême, mais votre lettre ne le mérite pas. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . Jormed b y Alfred

Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii . 2 1 3 .

2 19

Août 1 748

L E TTR E 430

43 0 . à jean François, marquis de Saint-Lambert Samedi matin [3 1 août 1748] C'est assurément la plus malheureuse personne du monde qui vous écrit; on ne m'a point encore parlé, mais je vois très claire­ ment que nous resterons ici, et que les règles de me de B. et ses prétendues pertes lui serviront de prétexte. Le vicomte ne désire plus qu'elle aille à Saverne, il aime mieux qu'elle reste ici, elle y est comme un chien, comme un pauvre à l'hôpital; elle n'y dort pas une minute, et il est sûr que si sa santé va mal, elle ne s'y réta­ blira pas, mais elle est dure sur elle-même, faible et complaisante, et elle reste volontiers où elle est quelque mal qu'elle y soit, d'ail­ leurs elle aime mieux être ici avec sa perte qu'à Lunéville, où elle n'aurait ni vicomte, ni comète. Enfin il faut savoir souffrir ce qu'on ne peut empêcher; il n'y a qu'à nous imaginer que les 10 ou 1 1 jours que nous devions être séparés doivent être de suite, vous auriez pitié de moi si vous voyiez l'excès de malaise et d'ennui où je suis, si quelque chose avait pu adoucir le chagrin de votre absence ç'aurait été d'aller à Saverne et à Strasbourg, que j'ai fort envie de voir. J'aurais mieux aimé être à Lunéville, mais enfin je n'aurais pas eu du moins tous les malheurs ensemble, mais ima­ ginez-vous ce que c'est que d'être dans une écurie toute seule tout le jour, de n'en sortir que pour tuer le temps par une maudite comète qui ne m'intéresse point, et de penser que je pourrais pas­ ser à Cirey ou à Lunéville des jours délicieux avec vous? Si le chevalier de Listenai n'était pas à Paris et qu'il eût été pos­ sible qu'il vînt à Cirey, je crois que je me serais pendue de n'y avoir pas été; le vicomte ne veut pas jouer le complaisant ainsi ne vous pressez pas d'apprendre votre rôle, mais ne répandez pas cette nouvelle. Je crains que le travail ne me manque, car je tra­ vaille 10 heures par jour, et je n'avais pas compté être si long­ temps. Dieu sait quand ceci finira. Il eût été impraticable que vous y vinssiez, premièrement tout y est d'une cherté affreuse, et cela vous aurait ruiné. De plus on est logé cinquante dans une maison, 220

Août 1 748

L ETTRE 430

j'ai un fermier général qui couche à côté de moi, nous ne sommes séparés que par une tapisserie, et quelque bas qu'on parle on entend tout ce qu'on dit, et quand quelqu'un vient vous voir, tout le monde le sait, et vous voit jusque dans le fond de votre chambre. Nous ne mangeons que chez la p sse, vous n'y êtes point assez fami­ lier pour y passer votre journée; enfin cela est impraticable de toutes façons. Il faut regarder ceci comme un temps de calamité et tâcher de n'en plus essuyer de semblable; au bout du compte, si nous n'allons pas à Saverne nous n'y perdrons pas beaucoup de temps; si mr du Chastellet conserve le commandement de Loraine, j'aurai un établissement à Nancy, où je passerai les temps d'absence, ainsi je ne dépendrai plus des autres. Comptez que pour passer ma vie avec vous, il n'y a rien que je ne fasse, et qu'il n'y a point de fortune dont je voulusse si elle me séparait de vous. Je veux y passer tout le temps de ma vie, et je ne sacrifierai jamais ce plaisir qu'à la décence, et je l'y sacrifie parce que je crois qu'il y a plus à gagner qu'à perdre, et qu'une des choses qu'il faut le plus éviter dans la vie, ce sont les remords. Je ne sais quand vous recevrez cette lettre, mais c'est une grande consolation pour moi de m'en­ tretenir avec vous, et de vous ouvrir mon cœur. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.2 1 3-2 1 4.

43 z . à Jean François, marquis de Saint-Lamhert Dimanche [ 1 septembre 1748] à 2 heures, je l'ai commencée à 1 1 h Non, je ne vous apprendrai pas à moins aimer, moi à qui vous devez de connaître ce qu'on appelle aimer; votre amour, les marques que j'en reçois, la manière dont vous l'exprimez, tout ce que vous m'écrivez fait mon bonheur et enflamme mon amour. J'en avais biet?- besoin de bonheur, je suis plongée dans la tris­ tesse, je tremble de rester ici. Me de B. a ses règles du jour de notre 22 1

Septemhre z 748

LET TRE 4J I

départ, on la presse de rester; elle est faible, moi je n'ose la pres­ ser, je crains d'être indiscrète; elle a ici ce que je vais chercher à Lunéville, non elle ne l'a point, il n'y a point de cœur comme le vôtre, ni d'amour qui ressemble à celui qui nous unit; j'espère beaucoup en votre lettre, son amitié pour vous peut beaucoup. S'il me faut rester ici j'y mourrai; vous avez coqueté avec me de Thianges, vous l'avez trouvée aimable, vous avez cherché à m'oublier, du moins pour le temps de mon absence, moi je n'ai pas même cherché de dissipation, votre idée et ma chambre, voilà tout ce qui m'a occupée. Je ne puis vous savoir gré de vos coquet­ teries, il est vrai que votre lettre est tendre, mais ce n'est pas votre faute, vous avez fait tout ce qui était en vous pour distraire votre cœur, votre amour m'enchante, mais je sens qu'il n'est point encore ce qu'il peut être; comptez que je vous reproche bien plus les efforts que vous faites pour m'aimer moins, que les vivacités dont vous me demandez pardon, toutes injustes qu'elles étaient, elles me prouvaient votre amour et m'assuraient de votre repentir, vous croyez que je cherche de la dissipation, ni mon cœur, ni mon esprit n'en ont besoin, vous et la solitude, voilà tout ce que je désire, et que je ne réunirai peut-être jamais, et ce que vous ne souhaiterez peut-être pas toujours. Le roi m'écrit de Comerci une lettre charmante, il ne doit écrire qu'à moi, ainsi vous jugez bien qu'il m'écrira souvent. Me de B. ignore ce que vous a dit mr du Chastellet, et sûrement je ne le lui apprendrai pas; je ne crains presque plus Saverne, et je suis bien loin de le regretter, mais nous resterons ici, je vois avec douleur, quoiqu'on ne m'en ait encore rien dit. Ne me dites donc point des choses si cruelles, vous osez bien m'écrire que vous ne voulez pas que je vienne m'ennuyer à Lunéville, vous ne le dites pas de bonne foi, vous savez bien qu'un cœur comme le mien ne peut trouver le bonheur qu'où vous êtes. J'ai trouvé le trésor pour lequel l'Evangile dit qu'il faut tout abandonner; mais, si vous avez la tendresse et la vivacité de mes sentiments, vous n'avez point leur immutabilité, votre amour a des accès, et le plus grand crime de tout, celui de vous reprocher d'aimer, vous [le] com­ mettez à tout moment. Si j'avais autant d'amour-propre que vous 222

L E TTR E 43 1

Septembre z 748

m'en soupçonnez, croyez-vous qu'il fût bien content, croyez-vous que mon amour le soit de vos emportements momentanés que vous vous reprochez. Vous vous regardez comme un petit pro­ dige d'avoir soupiré auprès de me de Thiange et que ce ne fût pas pour elle. Auriez-vous dû seulement savoir si elle y était, et si elle est jolie? Mon cœur a encore bien des choses à apprendre au vôtre, vous deviez vous occuper de moi tout le jour, et je parie bien que vous n'y avez pas pensé tout le vendredi pendant votre concert et votre souper. Qu'avez-vous fait jeudi? vous ne m'avez point écrit; vous ne vous êtes point occupé de moi. Cette poste de Plombières, à qui nous avons dit tant d' injures, arrive et m'apporte une lettre de vous, en voilà trois aujourd'hui; voilà la quatrième que je vous écris, je vous en écrirai une cin­ quième par la poste. Vos lettres sont délicieuses, vous m'y dites quelquefois des injures, et de celles qui m'affiigent le plus, vous y doutez de mon amour, mais vous m'assurez du vôtre, la douceur d'être aimée adoucit même vos injustices; vous finissez la lettre de votre courrier par me prier de vous apprendre à moins aimer. Vous le désirez donc, mais assurément vous ne pouvez plus mal vous adresser. Désirez-vous que je vous aime avec toute la fureur, toute la folie, tout l'emportement dont je suis capable, montrez­ moi touj ours autant d'amour qu'il y en a dans quelques endroits de vos lettres. Vous ne pouvez vous imaginer combien elles m'en­ flamment et quel amour les marques de votre passion excitent dans mon cœur. Tous mes sentiments sont durabies, tout fait des traces profondes dans mon âme. J'ai passé tro is mois à me persua­ der que vous étiez incapable de passion, que je ne devais pas me permettre de vous aimer avec toute la sensibilité de mon cœur; vous me faisiez sentir à tout moment que j' étais prête à vous perdre, il faut bien du temps et bien de l'amour pour ramener mon cœur. Je ne passe jamais rapidement d'un sentiment à l'autre; assurément vous ne devez accuser quelqu'un qui vous parle ainsi que de trop de vérité, mais non pas d'exagération. Croyez que vous avez touj ours lu dans mon cœur, je veux touj ours que vous y lisiez, que ne pouvez-vous voir à présent ce qui s'y passe, com­ bien je vous adore, avec quelle impatience et quelle ardeur je 223

Septemhre z J48

LE TTR E 43 1

désire de me rejoindre à vous? Quand vous aimez vous remplissez tous les sentiments de mon cœur, vous réalisez toutes mes chi­ mères, je ne crois pas qu'il fût possible de trouver un cœur aussi tendre, aussi appliqué, aussi passionné que le vôtre; mais il a sou­ vent des disparates; s'il n'en avait pas, je crois que je partirais ce soir à pied pour l'aller trouver, peut-être m'aimerez-vous égale­ ment quelque jour et alors je ne désirerai plus rien. Je viens de la messe, où j'ai lu Tibulle, et où je ne me suis occupée que de vous, croyez qu'il ne me manque pour vous aimer mille fois plus que vous ne m'aimez que de croire que votre amour, vos emportements, ne sont point un beau songe. Je sens que votre façon de m'aimer vous tire de votre caractère, qui est tendre, mais qui n'est point emporté; ne dois-je pas craindre à tout moment que la paresse de votre cœur ne vous replonge dans cette apathie que vous appeliez de la tendresse et du sentiment. Que feriez-vous alors d'un cœur comme le mien? Voilà ce qui m'a retenu jusqu'à présent, il ne tient qu'à vous de me faire voir que j'ai tort et que vous méritez tout mon cœur; voulez-vous que je vous l'avoue? Il me semble que vous ne m'avez bien aimée que pendant votre maladie; je ne puis me plaindre, ce sont des nuances imperceptibles, mais mon cœur n'en échappe aucune. Ayez cepen­ dant soin de votre santé; baignez-vous, vous en aurez le temps par malheur, vous vous consoleriez de ma mort si je m'étais tuée dans le trou où je tombai en vous allant voir; mais je ne me conso­ lerais pas si je vous causais la plus petite incommodité quoique vous ne m'aimiez bien que quand vous êtes malade. Si vous m'aimez voyez Graindet; voilà la grandeur de ma bague, je sens combien cela me manque ici, je le veux, je l'exige, et je le mérite. Imprimé d'après The Collection of autograph let ters . . . formed hy Alfred

2 24

Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii.2 16-2 1 8.

LE T T RE 432

Septemhre z 748

43 2 . à Jean Franço is� marquis de Saint-Lamhert Ce lundi, [ 2 septembre 1748] au soir Mon dieu! que je suis malheureuse, triste, maussade, odieuse à moi-même et aux autres. Comment! je pourrais être avec vous et je suis encore ici, et je n'y vois ni fond ni rive. Me de Bouflers a quelque chose d'une force affreuse, elle en est outrée. Le vicomte devait venir à Lunéville le 4, nous sommes au 2, vous voyez bien que ce n'est pas lui qui la retient. Elle vient encore de me jurer que dès que cela ira moins fort nous partirons jeudi ou vendredi, voilà mes espérances; si cela passe la semaine je ne sais en vérité ce que je deviendrai, je suis comme un Kours 1 , je mécontente tout le monde, et si je ne contrains beaucoup, mais peut-être votre absence n'est-elle pas mon plus grand malheur, peut-être vous accoutumez-vous à vous passer de moi, peut-être coquetez-vous avec me de Thiange ou avec la Bouthillier2 • Vous l'avez tenté, vous l'avez souhaité, vous me l'avez mandé, mais vous seriez bien injuste; si vous voyiez la conduite que j'ai ici, vous vous repro­ cheriez bien, je ne dis pas la moindre coquetterie, mais la moindre distraction, si je ne retrouve plus les yeux charmants qui font mon bonheur. Si vous ne m'aimez plus avec cette ardeur que la jouissance n'affaiblissait jamais, vous aurez empoisonné ma vie; mais si vous m'aimez comme vous savez aimer, je serai bien heu­ reuse. J'ai essayé ma raison dans ce voyage-ci, j'en ai bien moins que je ne le croyais, il m'est impossible d'exister sans vous, et si vous ne venez pas à Paris cet hiver mon existence sera bien dou­ loureuse; et ce n'est pas la peine de vivre pour éprouver des pri­ vations si cruelles. J'ai aujourd'hui un dégoût de tout qui va jus­ qu'au dégoût de moi-même, mais je songe que vous m'aimez peut-être encore, et cela me rend du goût pour la vie. Mon homme vous attendra tant que vous voudrez, faites-le beaucoup attendre pour m'écrire beaucoup. La poste arrive demain, m'apportera-t-elle une lettre? je n'ose l'espérer. Je prends le prétexte de Ragonde que m11e veut voir jouer pour mon exprès. 22 5 1 5 (Il)

Septembre z :748

L ETTRE 43 2

Ainsi j'écris à mr du Châtelet et à Alliot; je jouerai Ragonde, le voulez-vous? connaissez-vous le rôle? Mais ce que je jouerai sûre­ ment, c'est la veuve, j'ai appris le rôle; m11e ne veut plus le voir jouer par un homme, nous ne jouerons point le Complaisant3 , il y a les veuves turques dont on a envoyé le premier rôle au comte, et qui sont charmantes; vous avez raison, mais vous l'avez tou­ jours, vous ne pouvez jamais avoir qu'un tort, ah, ne l'ayez jamais. Comment! voilà 4 pages d'écriture et je ne vous ai pas encore dit que je vous adore, mais tout ne vous le dit-il pas? J'aime à vous le dire et même à vous l'écrire, Newton ne m'est plus de rien, je ne puis m'appliquer surtout depuis qu'il est lundi, les premiers jours j'avais plus de courage. Mon dieu! quand vous dirai-je que je vous aime à la folie, que je vous adore et vous ne le croyez pas! Si je puis [?apprendre] le jour de notre départ je vous le man­ derai par un exprès. Vous viendrez au-devant de nous, et nous vous mettrons en 3 e dans le carrosse; prenez des escarpins de bottes. Mon dieu! que j'ai de l'impatience, combien mon sang bout dans mes veines. Imprimé d'après Th e Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii. 194- 195. 1 ours? 2 Gabrielle Pauline Bouthillier,

qui devait épouser Joseph Ignace Côme Alphonse Roch, marquis de Val belle, et en secondes noces Jean Balthazar d' Azémar de Montfalcon, comte d' Adhémar. 3 comédie de Pont-de-Veyle.

433. à jean Franç ois, marquis de Saint-Lambert [vers le 3 septembre 1748] Je reçois une petite lettre de vous, je regrettais bien de n'avoir point celle dont vous me parliez; je la reçois par un exprès. Je le fais attendre pour vous écrire plus au long, vous sentez bien que je suis affligée et enchantée que vous m'ayez envoyé cet exprès. .Je ne veux pas que ce courrier-ci parte sans vous porter des 226

L E T T R E 433

Sep temhre z 748

marques de mon amour; il est bien triste, bien affligé, et bien tendre. Je ne sais plus quand je vous remercie, je ne puis parler un moment à me Bouflers, elle n'est jamais seule; elle a quelque chose très fort, elle l'aura peut-être jusqu'au retour du roi. Elle n'en est, je crois, pas trop fâchée; elle s'amuse ici; moi j'y péris, cela est tout simple; mais ce n'est pas de l'amusement que je cherche, j'en suis incapable; je vous ai écrit par Lanay, je vous ai écrit par la poste. Je passai hier la journée à vous écrire; je vous envoie ma lettre; la poste n'est pas trop exacte, mais elle arrive tôt ou tard; qu'il n'en parte point sans m'apporter des marques de votre amour. Nous n'irons point, je crois, à Saverne; j'en suis bien aise, je n'y gagnerai pas de temps, car nous resterons ici plus que je n'y aurais été; mais vous auriez pu croire que je m'y amusais, et je sens que c'est un bonheur pour moi d'être sûre de calmer vos soupçons; quand vous saurez la manière dont je vis ici, vous verrez bien que vous ne devez que me plaindre et m'aimer, je sens que je vous pardonne toutes vos injustices, et que je n'en aurai Jamais. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896) , seconde série, iii. I 92.

434. à Charles Augustin Feria !, comte d' Argental En vous remerciant, mon cher ami, de la bonne nouvelle1 que vous m'apprenez. Je la savais déjà en gros, on l'avait mandée à mr de Thiers2 ici, mais j'avais besoin des détails que vous me faites. Je me suis bien doutée que Lanouë ferait tomber son rôle. Il a en mauvaise volonté ce qui lui manque en talent. La nécessité dont j'avoue qu'était la présence de m. de Voltaire pour répéter les acteurs et leur donner une nouvelle chaleur, m'aide à supporter son absence, mais je vous avoue que rien ne me ferait supporter qu'il restât plus longtemps que le r. de P. et j'espère mon cher ami que vous m� le renverrez. Admirez la contrariété de ma des­ tinée, me voilà à Plombieres et vous n'y êtes plus. Il ne me fau227

Septemhre z 748

L E T T R E 434

drait pas moins cependant que le plaisir de vous voir pour me faire supporter cet infernal séjour. J'espère le quitter demain, j'y ai passé 10 jours et je comptais y en passer quatre, mais m. de B. a été un peu malade, et cela m'a retenue. Je plains bien madame Dargental d'être obligée d'y revenir, mais nous nous arrangerons à l'avance pour vous voir à Cirey, sans quoi j'y ferai mettre le feu. J'ai eu une lettre de m. de Voltaire de la seconde représentation, dont il me paraît content. Adieu mon cher ami, buvez à ma santé avec celui que nous aimons, et priez madame Dargental de se mettre en tiers. Mille choses je vous supplie à m. de Pondeueyle. à Plombieres ce 5 7bre I 748 J'espère que vous me garderez Semiramis pour cet hiver. Deman­ dez un peu à l'abbé Chauvelin pourquoi il ne m'a pas répondu. On me traite ordinairement mieux que cela dans sa famille. à Monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment de Paris rue St Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 le succès de Sémiramis, jouée pour la première fois le 29 août; mais ce succès ne fut que modeste, du moins au niveau voltairien.

Anne Claude de Thiard, mar­ quis de Bissy, gouverneur du châ­ teau d' Auxonne, où Voltaire faillit être enfermé. 2

43 5. à fean Franço is, marquis de Saint-Lambert ce jeudi [ 5 septembre 1748] à midi Si vous voy[i]ez tout ce que j'essuie, tout ce que le vicomte vient de me dire! lui, qui est la douceur même, s'est presque emporté contre moi. Me de B. m'avoua hier qu'elle était très en état de partir, qu'elle y était de mardi, mais qu'elle désirait de rester pour son plaisir; sur cela j'ai dit restez et je partirai; aujourd'hui on dit je veux partir aussi, mais dit le vicomte quelque chose est plus 228

LETTRE

43 5

Septembre 1748

fort, vous risquez votre amie, vous avez un mauvais cœur. A cela je réponds, je veux partir seule; on dit que c'est impossible; moi j e dis je veux partir, fût-ce à pied; vous n'avez point de complai­ sance, dit-on. Qu'ai-je donc depuis dix jours que je meurs d'ennui, et de chagrin. Je tiens bon, on partira et je partirai, mais je partirai brouillée avec tout le monde, et on me le reprochera toute la vie; les 10 jours que j'ai péri d'ennui sont oubliés, et on ne voit que le tort que j 'ai de ne pas me sacrifier encore 1 0 autres jours; je vous jure bien que me voilà guérie des voyages. Je vous fais tout ce détail pour charmer le chagrin qu' il me cause, car vous recevrez cette lettre bien longtemps après mon arrivée, du moins je le veux croire, mais tout ce que j'essuie, et tout ce que je prévois que j 'essuierai et dont vous serez, j 'espère, témoin est incroyable. Je n'aurai jamais de complaisance, j'en suis trop mal payée, on pré­ tend qu'on a fait les derniers efforts pour m'empêcher de venir; cela est vrai pour Saverne, parce qu'on voyait que j 'en avais envie, mais on ne m'a rien dit pour Plombières, du moins que très légè­ rement, et j 'ai cru convenable pour elle d'y venir, surtout après avoir dit au roi de P. que je ne la quitterais pas, et après qu' il m'en a tant priée. Mais voilà trop parler d'elle, il faut pourtant encore que je vous en parle pour vous reprocher votre petite lettre; vous vous y êtes sans doute bien contraint, puisque vous me l'envoyez décachetée, et vous lui dites que vous l'aimez à la folie, et qu'elle vous permet sans doute de l'adorer toujours, que lui disiez-vous donc dans cette lettre qu'elle a déchiré si vite, vous lui faites croire apparem­ ment que je ne suis qu'une consolation de ses légèretés, que vous l'adorez toujours, mais que vous cherchez à vous distraire, comme avec Chloé, cela est toujours flatteur pour moi, qui ai bonne grâce après cela de m'attirer tant de querelles et d'avoir tant d'impa­ tience de vous aller retrouver. Elle l'a déchirée, non pas à cause des choses trop tendres qui étaient pour elle dedans, car je suis persuadée que ce triomphe ne lui aurait pas déplu, mais appa­ remment parce qu'elle a craint qu'elles ne fissent voir les droits que vous avez _sur elle; je suis bien sûre que, pour flatter son amour-propre, vous lui faites toujours accroire que vous êtes 22 9

Sep tembre z 748

L E T T R E 43 5

amoureux, mais on n'aime guère quand on peut dire à un autre qu'on aime. Vous me reprochez de vous aimer peu, je vous aime encore beaucoup trop pour le personnage que vous me faites jouer, et je vous avertis que je veux qu'il cesse; je me croirais bien coupable, moi que vous accusez de peu de délicatesse, si j'écrivais sur ce ton-là à Paris et si je disais un mot qui ne marquât l'amitié la plus décidée telle. Si ce ton-là vous est nécessaire pour conserver ses bontés, perdez-les courageusement, ou vous ne méritez pas mon cœur. Je ne sais trop comment vous ferez pour m'ôter les idées qui m'ôtent tout mon amour, mais c'est au vôtre, s'il est tel que vous le dites, et que je le croirais sans cela, à en trouver les moyens. Peut-être le plaisir de vous revoir m'empêchera-t-il de vous dire tout cela, il est cependant bien intéressant pour moi de vous le dire, puisque je sens que quelque tendre et quelque emporté que soit votre amour, jamais le mien n'y répondra que vous ne m'ayez ôté cette idée. Je garderai cette petite lettre jusqu'à ce que vous m'ayez donné sur cela la plus parfaite tranquillité, et ce qui m'afflige c'est que les moyens m'en paraissent presque impossibles et que vous m'avez ôté toute ma confiance en vous, puisque je vois par le ton de votre lettre, qui est cependant écrite pour que je la voie, que vous m'avez trompée. Je ne crois pas que vous l'aimiez; si je le croyais, je vous croirais un monstre de fausseté et de duplicité; mais il n'y a point de dessein quel qu'il soit qui puisse me faire supporter que vous en fassiez le semblant, surtout après votre confidence, on n'adore point son amie, on ne l'aime point à lafolie surtout quand on se pique d'attacher aux termes des idées pré­ cises. Mais encore un coup, que pouviez-vous lui dire dans cette lettre si précipitamment déchirée? Vous lui parliez sûrement de moi pour avoir l'air de m'aimer en l'attendant, je lui ai beaucoup parlé de vous depuis que nous sommes ici, et j'ai très bien vu, quand je lui parlais du chagrin que vous causait mon absence, qu'elle riait en elle-même de ma simplicité, et vraisemblablement de l'excès de ma vanité, qui ressemble assez à celle de la Basom­ pière1 ; enfin j'ai commencé cette lettre en vous aimant à la folie, et je sens que l'idée dont elle est remplie glace tous mes 2 30

Sep tembre z 748

L ETTRE 43 5

sentiments; c'est à vous à me l'ôter, si vous voulez être aimé comme je sens que je vous aimerais sans cette idée qui empoisonne toute ma vie, et qui cependant aujourd'hui m'est assez utile, puisqu'elle calme un peu l'extrême impatience que j'ai d'être à demain. Imprimé d'après The Collection of au tograph le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 2 18-2 1 9.

1 Charlotte de Beauvau-Craon, femme de Léopold Clément, mar­ quis de Bassompierre.

43 6. à Jean François, marquis de Saint-Lambert En me couchant, avant 2 heures [octobre 17 5 8] Je suis pénétrée de douleur de ne vous avoir pas vu le soir et de vous avoir fait veiller; on a fini la première partie, il n'était qu' onze heures; il a bien fallu en refaire une seconde. J'en ai été très affiigée, je suis rentrée à une heure; votre montre avance, vous deviez du moins m'écrire un mot en vous en allant. Je ne vous ai jamais plus aimé, je n'ai jamais eu plus d'impatience d'être avec vous. J'ai été au désespoir, presque comme à Plombières: je crois qu'on ne va nulle part, je dînerai avec le roi et je serai chez moi en me lavant la bouche; je vous adore, mandez-moi si vous avez dormi, et si vous m'aimez, je ne le puis trop savoir, car je vous adore. Imprimé d'après The Collec tion of au tograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 195.

43:7. à Jean Franço is, marquis de Saint-Lambert [?octobre 1748] Je ne veux pas vous laisser plus longtemps dans l'inquiétude, je n'ai de ressourc� que dans mon désespoir, on tourne tout en rail­ lerie, et sans me rien dire de désobligeant, je vois qu'on ne fera 23 1

Octobre z 748

LETTRE 437

rien. Que demanderai-je? Je vous avoue que la tête me tourne de douleur. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii. 1 9 1 .

438. àfean Franço is, marquis de Saint-Lambert [?octobre 1748] Je me suis levée, j'ai dit que j'avais perdu mon rôle; on a renvoyé tout le monde, on a dit qu'on ne jouerait point la pièce; on a beaucoup d'humeur, et, comme c'est vous à présent qu'on veut contrarier, on s'en prend à vous. Je n'ai cependant rien dit, je vous jure, qui ait rapport à ce que vous m'avez dit. Vous aurez de la soupe; je vous prie de me mander comment vous vous portez, comptez qu'il ne vous manque que de la santé pour être heureux si votre bonheur dépend de mon amour; je vous aime passionné­ ment, venez au sortir de notre dîner, je vais à la messe. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred

439 .

Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii. 19 5.

àjean Franço is, marquis de Saint-Lambert [?octobre 1748]

J'ai pensé vous jouer un beau tour, j'ai pensé me tuer en descen­ dant de carrosse, j'ai une jambe toute écorchée, et, comme je ne cesse de marcher, je compte que j'arriverai avec une jambe pourrie comme Philoctête. Ç'aurait été bien mal prendre mon temps, car vous m'aimés trop pour que je n'aime pas la vie. Je crois que je parviendrai à avoir la même santé que vous, car j'ai des batte­ ments de cœur perpétuels, je ne retrouverai mon bonheur et ma santé qu'à Comerci. Je le sens bien puisque vous y êtes, ce n'est 2 32

Octobre z :748

L ETTRE 439

pas à mes intérêts qu'il faut être sensible mais au bonheur de vous revoir, sans le changement de cette patente, il n'était point sûr du tout que je vous revisse avant l'automne ou plutôt pour cela vous m'avez bien des obligations s'il est vrai que je sois assez heureuse pour vous avoir fait connaître le plaisir de bien aimer, il vous rend bien aimable et il est impossible d'être si tendre et de faire à ce point la félicité d'un autre sans être heureux soi-même. Non, ne le croyez pas, je ne verrai que vous à Co merci, mes yeux ne verront et ne chercheront que vous et toutes mes paroles les plus indifférentes voudront dire que je vous adore. Je m'abandonne au plaisir de vous aimer, et je ne me le reproche plus, car je suis contente de votre cœur, et votre amour enflamme le mien. Je ne sais quand vous recevrez cette lettre; c'est pour avoir le plaisir de vous écrire et de vous dire que je vous adore, que je l'écris, c'est pour tromper l'impatience qui me dévore. Je vous aime à la folie, et je ne crains plus de vous aimer. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . Jormed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii. 196- 1 97.

440 . à Charles Augustin Feria !, comte d' Argental Mon cher ami, mr de Voltaire vous a instruit des raisons qu'il a cru avoir de rester ici. Je vous jure que je n'y ai nulle part, et que je m'immolais très volontiers pour son bien, d'autant plus que je compte vous revoir incessamment, mais j'ai pensé comme lui que tout cela pouvait aussi bien se traiter par lettres, et que ce serait un grand désagrément supposé qu'on ne pût pas empêcher la paro­ die 1 de Semiramis, par exemple, d'arriver la veille ou le lende­ main qu'on la jouerait. Le r. de P. a écrit à la reine pour la prier de l'empêcher. Il a des bontés infinies pour votre ami. Je crois que l'abbé de Bernis doit être content de lui, et qu'il répondra à sa confiance par une discrétion à toute épreuve. Je voudrais bien que tout ce train sur Zadig finît. Vous savez bien que mon sort est décidé, on reforme le commandement de Loraine. Je ne puis

233

Octobre z 748

L E T T R E 440

trop me louer des bontés du r. de P. à cette occasion, et assuré­ ment je lui serai attachée toute ma vie. Dites des choses bien tendres pour moi à me Dargental. Adieu mon cher ami, j'ai bien envie de me retrouver entre vous deux, et assurément ce ne sera jamais aussi tôt que je le désire. à Luneuille le 17 g bre 1748 à monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment rue St Honoré vis à vis la rue de la Sourdiere à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York.

1 Sémiramis, de Charles François Jean Bidault de Montigny, pas jouée, mais éditée en 1 749.

44 z . à Pierre Robert Le Cornier de Cideville Quoique la différence des méridiens que nous habitons monsieur mette quelques lacunes dans un commerce où je voudrais fort qu'il n'y en eût point, je compte toujours sur votre amitié et sur son activité. Je vous supplie donc de me faire le plaisir de vous informer des biens d'une mademoiselle de Beaugefroy dont les terres sont situées près de Rouen et qui est sœur d'une madame la marquise de Lenoncourt du Dicourt1 • Je voudrais des infor­ mations sur la naissance et sur les biens, quelles sont ces terres et ce qu'elles valent, si ce sont des gens de condition, et sur quel pied ils sont regardés dans la province. Je vous en aurai une obli­ gation infinie. Vous sentez bien qu'il s'agit d'un mariage, et dans ces cas-là on ne peut être trop bien informé. M. de Voltaire, qui est ici avec moi, vous fait mille compliments. Vous avez sûrement été bien aise du succès de Semiramis. J'espère que nous la verrons cet hiver. Je compte être à Paris au commen­ cement de l'année, et je serai charmée d'avoir l'honneur de vous y voir. Que dites-vous de Zadig, vous a-t-il plu? à L uneuille ce 3 9bre 1748 2 34

Novembre 1 748

L E T T RE 44 1

Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèques de la ville de Rouen: Archives de l'Académie de Rouen, Lettres de mme Du Châ­ telet à Cideville.

à travers ce salmigondis on re­ connaît à peine Thérèse Angélique de Ligniville, fille de Melchior de Ligniville, marquis d'Houécourt, femme de Charles Louis Henri de Lénoncourt, marquis de Blainville. 1

442. à Charles Au gustin Feriol, comte d'Argental Si votre ami ne s'était pas chargé, cher ange, de vous apprendre la grâce que le r. de P. a fait à mr du Chastellet1 je vous l'aurais appris moi-même, car je suis bien persuadée de l'intérêt que vous voulez bien prendre et md Dargental aussi, à qui je vous prie de faire les plus tendres compliments de ma part. Depuis que je suis ici je n'ai fait que de jouer l'opéra et la comédie. Votre ami nous a fait une comédie 2 en vers en un acte qui est très jolie et que nous avons jouée pour notre clôture. J'ai joué aussi l'acte du feu des Elemens3 , et je voudrais que vous y eussiez été car en vérité il a été exécuté comme à l'opéra. J'imagine qu'il vous aura envoyé ses vers à m. de Richelieu4 que je trouve charmants. Je compte passer les fêtes de noël à Cirey et vous revoir au commencement de l'année. Vous aurez donc Catilina5 le 1 5 . J'espère que vous nous manderez [ce] qui en arrivera. Adieu mon cher ami, je me fais une grande fête de vous embrasser. à Luneuille ce 3 0 9 bre 1748 à monsieur monsieur Dargental conseiller d'honneur du parle­ ment rue S t Honoré à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Pierpont Morgan library, New York. 1 il venait d'être nommé grand maréchal des logis. � probablement La Femme qui a

raison.

qui fait partie des Sens, de Roy. 'Epître au duc de Richelieu à qui le sénat de Gênes avait érigé une statue'. 5 de Crébillon, représenté le 20 décembre. 3

4

2

35

Novemhre/décemhre 1748

LETTRE 443

443. àjean François, marquis de Saint-Lambert (?novembre/ décembre 1748] Me laisser envoyer 2 fois chez vous sans m'écrire, me voir à 4 heures quand je vous demande de venir à une heure, et cela en me man­ dant que vous vous portez bien, c'est me dire assez comment vous pensez pour moi après la façon dont vous m'avez quittée hier au soir. Il faut partir pour Paris et nous séparer pour jamais; je ne sais ce qui arrivera demain, mais je puis tout supporter hors la façon indigne dont vous me traitez. Imprimé d'après The Collection of . . formed by Alfred

autograph le tters .

Morrison ([Londres] 1 896), seconde partie, iii. 1 97.

444. à Jean François, marquis de Saint-Lambert (?décembre 1748] Vous m'avez traitée si froidement aujourd'hui, vous avez eu l'air si peu occupé de moi, vous avez si peu songé à chercher des expé­ dients, à m'en demander, à m'en parler, à vous en plaindre; vous m'avez si peu regardée, enfin je suis si excessivement mécontente de vous, que je me console bien aisément de ne pouvoir vous ouvrir la porte de la maréchale 1 • Je me repens seulement de vous l'avoir proposé, et de l'avoir imaginé, je suis une indigne créa­ ture de vous en avoir parlé, je sens tout mon tort, et je n'en aurai plus de cette espèce. Je suis bien heureuse que vous ayez de si mauvais procédés avec moi à la veille de mon départ, j'en serai plus heureuse à Paris; je suis bien persuadée que vous n'avez pas tenté de venir ce soir, et je ne vous écrirais pas si je ne voulais vous faire voir que je me suis aperçue à votre conduite, et qu'elle fait sur moi l'effet qu'elle y doit faire. Imprimé d'après

Th e Collection of autograp h le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

partie, iii. 1 97- 1 98.

1

mme de Broglie.

L E T T R E 44 5'

Janvier 1 749

445. à Charles Augustin Ferio l:, comte d'Argental Cirey, 1 3 janvier 1749 Mon cher ami, je viens me justifier, quoi que je ne sois point coupable. Vous avez bien raison de croire que, si je pensais que la pré­ sence de m. de Voltaire fût nécessaire à Paris, je quitterais tout pour l'y ramener; mais je pense, en vérité, qu'il faut un peu laisser le public jeûner de Sémiramis, et la désirer comme elle le mérite. Je suis sûre de m. de Richelieu, et que la parodie ne sera point jouée. Voilà mes principales raisons pour ne point abandonner des affaires très essentielles et qui seraient bien ennuyeuses, si je ne les faisais pas à Cirey. Un maître de forge qui sort, un autre qui prend possession, des bois à visiter, des contestations à ter­ miner, tout cela, en n'y perdant pas un moment, ne peut être fait avant la fin du mois. Croyez, mon cher ami, que j'ai une impatience extrême de me retrouver avec vous et mme d' Argental, et de vous ramener votre ami, qui vous embrasse mille fois. Imprimé d'après Lettres inédites de madame la marquise Du Chaste/et

à m. le comte d ' Argental (Paris 1 806), pp. 287-288.

44 6. à Jean François:, marquis de Sa int-Lamhert [?janvier 1749] Au moindre dégoût qu'on me donnerait et un dégoût de telle espèce, il faudrait partir; le roi ne m'a jamais tant marqué de bonté et d'amitié que ce dernier voyage. Il a besoin de moi dans l'absence de me Bouflers, qui restera peut-être tout ce mois-ci, et de rester à Cirey marqu�rait peu d'empressement. Mr du Ch. me mande qu'il y mènera le chev. et vous; jugez si j'applaudis à cette 2 37

Janvier 1749

L E T T R E 44 6

proposition. Je vous adore, et je ne puis jamais me résoudre à ne vous le pas dire cent fois et de toutes les manières; je suis au déses­ poir d'être ici, et je travaille 18 heures sur 24 sans avoir encore rien de fixe dans la fin de mes travaux; ce qui est invariable et plus sûr qu'aucune vérité géométrique c'est que je vous aime à la folie; oui, à la folie. Imp rimé d'après The Collec tion of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 1 9 4 .

447. à jean François, marquis de Saint- Lamhert [? janvier 1749] Je joue un singulier rôle, il faut que j'aie bien de la vertu; l'envie d'être digne de vous, et du moins de me faire regretter si vous ne pouvez plus m'aimer me soutient; on quitte le vicomte pour vous enlever à moi, je ne puis plus en douter que par l'excès de la folie avec laquelle je vous aime. Le vicomte veut partir, et c'est moi qui l'en empêche peur de perdre quelqu'un qui m'a arraché le bonheur de ma vie et qui a employé tant d'art, de noirceur et de manège, pour vous détacher de moi, et qui y est enfin parvenu. Les lettres et les explications passent par moi, je puis tout éclaircir d'un mot et je me le refuse, et je m'oppose avec un courage iné­ branlable au départ du vicomte, qui seul pourrait me tranquilliser. Je passe ma vie à pleurer votre infidélité et à cacher mes larmes à qui pourrait me venger. Enfin que ne fais-je point? Pour m'en récompenser vous me faites mourir de douleur, moi et ce qui doit vous être cher, vous pouvez tout finir d'un mot, et vous me le refusez. Ce mot est que vous m ' aimez; mais, si vous ne m'aimez plus, ne le dites jamais. Au reste ne croyez pas que j'aie adressé une seule lettre au che r ni eu la moindre relation avec lui. Tout a passé par le prince. Je respecte vos folies les plus outrageantes, je veux tout faire pour regagner votre cœur, et je mourrai si je l'ai

238

Janvier 1749

L ETTRE 447

perdu. Si vous m'envoyiez votre portrait tout serait réparé, j'ai pensé écrire à Girard et mille fois pour le demander. Imprimé d'après The Collec tion of autograph le tters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] I 896), seconde série, iii.2 19-220.

448. à François ]acquier Paris 1 3 février I 749 J'ai perdu un an en Lorraine où il est impossible de travailler au milieu de la dissipation et de la vie coupée qu'on y mène. [Elle prépare une préface pour la traduction des Principes mathéma­ tiques de la Philosophie naturelle de Newton. Elle y ajoutera des considérations sur la terre, la lune et les nouvelles découvertes de Clairaut. L'astronome Pierre Lemonnier lui paraît meilleur obser­ vateur que bon géomètre. Elle parle aussi d' Algarotti et du séjour de m. du Châtelet fils à Rome.] Imprimé d'après un catalogue Charavay (Paris 5 mars 1890), cat. 1 1 8 , p. 1 1 , no.46.

449. à Johann Bernoulli Je suis touj ours charmée monsieur quand je reçois des marques de votre amitié et de votre souvenir. Je voudrais avoir été de quelque utilité dans ce pays-ci à mr Ortman que j'ai été fort aise de reconnaître et à qui je vous prie de faire mille compliments de ma part s'il est avec vous. J'ai été ravie de la justice que l' Acadé­ mie a rendue à mr votre frère Daniel1 et je vous supplie de lui en faire mon compliment. Je ne suis pas arrivée ici assez tôt pour voir m. de Maupertuis. On m'assure qu'il n'y reviendra pas, et qu'il partira tou_t de suite au mois d'avril de S t Malo où il est pour Ber lin. 239

Février 1749

LE T T RE

449

Je suis venue ici pour finir mon Neuton, et je n'en partirai pas qu'il ne soit fini. Vous en aurez sûrement un des premiers exem­ plaires. Je suis bien fâchée de n'avoir pas été à portée de profiter de vos lumières dans le travail et je voudrais bien que vous le trouvassiez digne de vous. Je vous supplie d'être persuadé qu'on ne peut être avec plus d'estime et de considération que moi mon­ sieur votre très humble et très obéissante servante à Paris ce 1 5 février

1 7 49

BRETEUIL DU CHASTELLET

à monsieur monsieur Jean Bernoully professeur en droit, à Basle en Suisse Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Offentliche Bibliothek der Universitat Basel, L.Ia.684, pp. 5 3 35 36. Le 17 février (Best. 3 3 62), lettre amicale de Stanislas: 'Je vous rends

mille grâces ma chère marquise du compte que vous me rendez de vos allures. J'envie le bonheur de tous les lieux où vous vous trouvez . .. . ' 1 nommé, le 24 juin 1748, associé étranger de l'Académie des sciences.

450 . à Jean François, marquis de Saint-Lambert [ vers le 1 5 février

1 7 49]

J'ai fait fermer ma porte tout le jour, et j'ai travaillé à mes affaires; je suis au bout, et je vais enfin travailler à mon livre, je n'ai vu que le baron de Tours à mon café, qui m'a demandé si je vous avais amené à Paris, pour vous prier à souper samedi avec moi: il vous a pris en amitié sur vos vers sur la paix qu'il sait par cœur, jugez s'il a gagné le mien. J'ai été souper chez me Bouflers où était me Mirepoix1 , elle m'a rappelé l'idée de l'Angleterre et j'ai été d'une tristesse horrible, elle aura cru que c'était humeur de l'avoir rencontrée, mais croyez qu'il n'y a que ce qui a quelque rapport à vous qui peut influer sur mon humeur, tout le reste m'est égal, je ne vais que demain à Versaille pour recevoir mes lettres avant de partir, je finirai celle-ci avant de partir demain; je voudrais 240

LETTRE

450

Février 1749

passer la nuit à vous écrire, mais il est 3 heures et je me meurs de sommeil, et de douleur d'être à 80 lieues de vous, cela m'est tous les jours plus sensible, je vous aime tous les jours davantage quand me rejoindrai-je à vous, mais l'Angleterre! Vous savez que c'est toujours là l'idée où j' interromps mes lettres, mais mon cœur ne connaît point les lacunes, il vous adore sans distraction et sans interruption. Dimanche, 8 heures du soir Cette maudite poste n'est point arrivée, ou bien je n'ai point de lettres; l'un et l'autre me désespèrent. J'ai attendu à la dernière extrémité, il faut que je parte; je vais souper et causer avec mr de Richelieu, je n'arriverai pas de bonne heure. Mon dieu! que je suis malheureuse loin de vous, je ne me console qu'en pensant que tout ce que je fais accélère le temps qui doit m'en rapprocher cette idée me fait tout supporter; je ne vois point le Listenai, cela me désole encore. Ne croyez pas les conseils du prince, il est inca­ pable d'aimer, il voudrait que vous fussiez de même; je voudrais bien savoir la fin de vos tracasseries, et que vous vous portez bien. Votre portrait, je vous le demande à genoux. Je me dédom­ magerais de cette petite lettre à Versailles, on m'y enverra les vôtres si j'en ai, quel état, et qu'il est [ ] de celui que j'ai quitté, j'en sens toute l'amertume; je vous adore, et je ne connaîtrai le bon­ heur que lorsque je serai réunie à vous pour jamais. Je pars. Imprimé d'après

The Collec tion of autograph le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii. 1 98- 1 99.

Anne Marguerite Gabrielle de Beauvau- Craon, veuve de Henri Jacques de Lorraine, prince de Lixin, épouse de Pierre Louis de Lévis de Lomagne, duc de Mirepoix. 1

45 z . à jean François, marquis de Saint -Lambert [ vers le 22 février 17 49] Avez-vous des caprices impardonnables? Vous avez voulu que je vous aimasse à fa folie, et nous ferons les seaux du puits; plus je

1 6 (Il)

Février z749

L ETTRE 4 5 1

vous aime, et moins vous m'aimez. Cependant je ne veux rien vous reprocher auj ourd'hui, je ne veux que vous adorer et vous remercier de m'avoir rendu la vie, en vérité je vous aurais fait pitié si vous aviez vu l'état où j'étais, et cet état dure depuis que vous êtes à Lunéville. Vous y êtes arrivé le 1 2, et depuis ce temps je n'ai eu que 4 lettres de vous, en comptant celle que je vous ai renvoyée. Je vous renvoie celle du chev r de Listenai; je voudrais vous renvoyer les lignes qui me déplaisent dans vos lettres; mais elles tiennent à des choses si tendres et si charmantes que je ne puis m'en détacher. Renvoyez-moi celle de Troies si vous m'aimez, donnez-moi la satisfaction de la brûler. J 'attends votre portrait avec la plus vive impatience, je vous supplie de ne le retarder plus; il y a 8 jours que je n'ai rien fait. J'étais hébétée, pourquoi m'avez-vous retardée; laissez-moi la liberté d'esprit nécessaire pour finir un ouvrage dont la fin me ramènera à Lunéville, j'y serai au mois de mai, je vous le jure encore mais n'est-ce pas à moi que je le jure, y a-t-il un moment de plaisir et de bonheur pour moi loin de vous? Je sens un vide que je voudrais bien que vous sentissiez, je suis bien moins sen­ sible à l'amitié, je l'annonce à ma honte, et je suis absolument insensible à tout le reste. Je suis très en peine de votre santé; si j'avais plus de confiance en votre amour, j 'espèrerais en votre régime, mais vous ne m'aimez peut-être pas assez pour en avoir pour l'amour de moi, songez cependant que c'est précisément cela que vous me devez, et qu'il n'y a rien que j 'exige autant. Vous n'allez point en Angleterre, et j'ai pu vous écrire j usqu'à présent sans vous en remercier, mais j'ai tant de choses à vous dire que ma main ne peut pas suivre mon cœur. Songez-vous bien au ravissement où je suis quand je pense que je vous reverrai au mois de mai pour ne vous quitter jamais, on fronde la paix, les harengères se disent dans les halles; tais-toi, tu es bête comme la paix. Moi, j'aime mr de Puisieulx et mr de St. Sévérin à la folie. Si je m'entendais en politique j ' en ferais l'apologie, de cette paix qu'on trouve si ridicule, je sens que je lui dois mon être, et que j e puis pardonner au sort tout ce qu'il pourra m e faire puisque mon étoile a fait faire la paix, car je suis bien sûre que c'en est là une 242

LETTRE 45 1

Février 1749

des raisons. L'amour veut que je sois heureuse, puisqu'il m'a fait rencontrer un cœur comme le vôtre, mais je voudrais que vous eussiez pu être témoin de ce qui s'est passé dans mon cœur quand j'ai lu écrit dans votre lettre ma chère maîtresse; il est vrai qu'il y a longtemps que je n'avais eu ce bonheur, mais comment quand vous recevez le 16 ma 3 e lettre qui doit être du 7, ne voyez-vous pas clairement qu'on retarde vos lettres? Vous auriez dû la rece­ voir le I O et à Lunéville au moins la poste d'ensuite, vous m'avez répondu le 1 5 à des lettres du 1 1 , donc celle du 7 a été retardée; il vous en manque encore une du 9, je vous supplie prenez un peu sur votre lecture de Baile pour les vérifier sur le dernier mémoire que je vous ai envoyé, et que je vous jure est exact, et tâchez de retrouver celle du 9. Elle est, je vous jure, essentielle à ne pas perdre. Continuez à numéroter les vôtres, il y en a eu sûrement de perdues, car voilà la première où vous me parlez du voyage d'Angleterre depuis celle de Nanci où vous me marquiez que vous y alliez. Je vous ai adressé la dernière poste une lettre par me Lemire, je suis un peu en peine qu'elle ne tombe dans les mains de mr Lemire, je crois qu'il est plus sûr de vous écrire par Panpan; mandez-le­ moi; mais vos deux lettres ( car je n'en ai pas eu jeudi, et je reçois aujourd'hui celle du 17 et celles du 19, et j'en ai reçu cependant une du roi et une de mr du Châtelet jeudi du 17). Vos deux lettres dis-je ne sont ni longues ni tendres, l'écriture en est rare pour remplir la page, elles ne ressemblent point à celle de Nanci, pour­ quoi ne m'aimez-vous jamais autant à Lunéville qu'à Nancy? Otez-moi cette inquiétude, elle empoisonne mon bonheur. Je craignais tant votre colère, qu'elles ont fait mon bonheur à la pre­ mière lecture; à la seconde ce n'est pas de même, surtout quand je relis celles de Nanci et que je les compare, vous avez bien de l'économie, et vous êtes bien maître de vous si vous m'aimez ainsi plus ou moins selon qu'il vous plaît; s'il est vrai cependant que votre amour dépende du mien, je ne dois pas me plaindre; vos deux dernières lettres ne me le prouvent pas trop. Pourquoi ne m'avoir écrit qu\m mot le jeudi matin et n'avoir pas pu trouver un moment dans le reste du jour pour m'écrire plus longuement? 2 43

Février 1749

LETTRE

45 1

L'état où j 'étais ne le méritait-il pas, pourquoi tant sacrifier aux fantaisies des autres? Croyez-vous que je pusse vous écrire autant que je fais si je ne vous écrivais que quand j 'en ai le temps, ce petit mot du jeudi est indigne, puisque vous me pardonniez, il fallait donc m'aimer et me le dire, mais vous êtes comme le sylphe non vous n ' aime z. qu 'à tourmenter mon âme , je vous l'ai prédit que je vous serais insupportable quand je vous aimerais autant que je puis aimer. Pourquoi l'avez-vous voulu? Croyez qu'il n'est pas aisé de faire mon bonheur. Avez-vous voulu que je vous adore pour me tourmenter, ou pour me sacrifier? Il me vient de temps en temps des idées bien tristes, mais pourquoi êtes-vous si diffé­ rent de vous-même à Nanci et à Lunéville? Mandez-moi si vous recevez exactement mes lettres par Mets, je vous écris tous les jours hors le mercredi, parce que ce jour-là aucun courrier ne part. Vous en devez recevoir six par semaine, mais je suis persuadée qu'il en partirait une tous les jours de Lunéville si vous vouliez vous en informer, car le courrier qui passe doit repasser, et, si vous saviez la différence que cela fait dans ma vie et dans mon bonheur, vous auriez cette complai­ sance; mais pourquoi faut-il que c'en soit une; voilà comme on écrit des lettres quand on aime, c'est vous qui avez grondé, qui vous êtes plaint, et je vous ai écrit au moins le double de ce que vous m'avez écrit, et songez à tout ce que j'ai à faire, quoique j e n e lise point Bayle, j'ai bien peur que votre amour e t le mien ne soient en même proportion que nos lettres. Imprimé d'après The Collection of autograph let ters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde partie, iii. 1 99-200.

452. à Jean François, marquis de Saint-Lambert Dimanche [mars 1 749 ] J'ai beau faire, j'ai beau relire vos deux dernières lettres, je ne puis trouver tout l'amour que je désirerais, et que le mien mérite. Vous me connaissez bien mal, ce ne sont point les lettres où vous 244

Mars z :749

LETTRE 4 5 2

me menaciez qui ont rendu les miennes plus tendres, ce sont les vôtres de N anci. Je regarde la perte de votre cœur comme le seul malheur que je craigne, mais c'est votre cœur tel que je le connais que j'adore, c'est lui qui peut faire mon bonheur, si vous me le rendez usé et refroidi je ne serai point heureuse; je vous aime avec une ardeur extrême et qui me rend tout le reste insipide; mais si vous m'aimez faiblement, à quoi vous serviront de tels senti­ ments? ils ne feront que vous importuner. Vous n'avez répondu à mes lettres qu'en gros, il y a mille articles que vous avez laissés sans réponse. L'amour ne s'accommode point de ces négligences, je passe ma vie à faire avec vous des monologues, voilà la 2 3 e lettre et j'en ai reçu I I ; si nous comptions par page, ce serait bien autre chose, mais ce ne sont ni les lignes ni les pages, ce sont les senti­ ments de votre cœur que je compte pour tout; quand il aime il le dit si éloquemment. Souvenez-vous du crime que vous avez commis en brûlant vos lettres et songez combien vous m'avez juré de le réparer. Adieu! le cher de Listenai a soupé ici, je vous avoue que je lui ai dit que je n'étais pas contente de vous, mais je lui en ai tant parlé qu'il a bien senti que je vous adore, vous le négligez; si vous m'aimiez vous lui écririez pour lui parler de moi et vous le devriez bien après l'indiscrète lettre que vous lui avez écrite et que je vous ai. . . . Il se croit débarrassé, mais par sa froi­ deur non par un rival, j'ai eu cette nuit un peu de débordement de bile, vous ne pourrez jamais être inquiet de ma santé, et si je le suis à présent ce n'est pas pour moi; je n'ose encore consulter et je crains d'avoir besoin d'être saignée. Je vais demain à une répé­ tition des cabinets; je mènerais une vie fort heureuse si votre idée ne venait pas sans cesse me faire sentir que tout cela n'est pas le bonheur; non, le bonheur n'est qu'avec vous, mais c'est avec ce vous que j'adore et dont l'amour est si tendre, vos vers et votre portrait je mérite tout. Je vous aime avec une tendresse que je ne . . pms exprimer. Imprimé d'après The Collection of autograp h letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] I 896), seconde

série, iii.22 I .

245

Mars 1 749

L E T TRE 4 5 3

453. à Jean François, mar quis de Saint-Lambert ce mercredi [mars 17 49] On ne peut pas faire toujours des monologues; mon cœur en fait avec vous depuis que vous êtes à Lunéville. Je suis extrême, vous le savez, il faut que je vous aime à la folie, ou que je meure de cha­ grin en me séparant de vous, il n'y a pas de milieu. En réponse aux lettres les plus tendres et dans lesquelles j'étais dans l'état le plus violent vous m'écrivez le vendredi et le samedi une lettre dans laquelle on sent la peine que vous avez eue à remplir votre papier, vous avez si peu de choses à me dire que vous me parlez de Catilina, dont personne ne parle plus 1 , et je sens à merveille que c'est pour me parler de me de B.; enfin ce n'est point vous, ce ne sont point vos lettres, ce n'est point votre cœur; vous me mettez au désespoir, vous me faites regretter de m'être attachée à vous; si vous aviez reçu de moi une lettre comme celle que je reçois aujourd'hui, que ne diriez-vous pas? Votre cœur est sans ressource pour moi puisque vous n'avez pas été touché de mes lettres, si vous ne voulez plus, si vous ne pouvez plus m'aimer comme vous m'avez aimée, ne me le cachez pas, l'incertitude où je suis est un supplice trop cruel, et sûrement je finirai par tomber malade; il faudra donc accoucher ici et renoncer à Lunéville et à vous. Mon sort est dans vos mains, mais j'aime mieux renoncer à vous que de retrouver votre cœur tel qu'il est depuis que vous êtes à Lunéville. Vous me trompez pour me de B.; mais qu'im­ porte la cause puisque vous ne m'aimez plus? Je me repens bien amèrement de m'être laissé séduire par votre amour et d'avoir cru qu'il y avait un cœur digne du mien; je passe ma vie à pleurer et à être au désespoir, et vous me parlez de bal! Les liens les plus tou­ chants ne vous retiennent pas; vous voulez continuer notre com­ merce pour me tourmenter, pour en jouir, peut-être pour me sacrifier; enfin vous n'êtes plus le même, vous ne me parlez plus de votre portrait que vous me promettiez la 1 ère poste. Je vous ad ore, cela est sûr; mais j'aime mieux mourir que d'aimer seule, c'est un trop grand supplice.

246

LETTRE 4 5 3

Imprimé d'après Th e Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde

Mars Z J49 1 dernière représentation de la pre­ mière série, le 1 er février I 749.

série, iii.22 1 -222.

4 54. à lvfarie Françoise Catherine de Beauveau- Craon:, marquise de B ouj/lers- Remiencourt Paris, jeudi, 3 avril 1749 Eh bien! il faut donc vous dire mon malheureux secret sans attendre votre réponse sur celui que je vous demandais, je sens que vous me le promettrez et que vous le garderez, et vous allez voir qu'il ne pourra pas se garder encore longtemps. Je suis grosse, et vous imaginez bien l'affiiction où je suis, com­ bien je crains pour ma santé, et même pour ma vie, combien je trouve ridicule d'accoucher à quarante ans, après en avoir été dix­ sept sans faire d'enfant; combien je suis affiigée pour mon fils. Je ne veux pas le dire encore, crainte que cela n'empêche son éta­ blissement, supposé qu'il s'en présentât quelque occasion, à quoi je ne vois nulle apparence. Personne ne s'en doute1 , il y paraît très peu, je compte cependant être dans le quatrième [mois] et je n'ai pas encore senti remuer. Ce ne sera qu'à quatre mois et demi; je suis si peu grosse que si je n'avais quelque étourdissement ou quelque incommodité, et si ma gorge n'était pas fort gonflée, je croirais que c'est un dérangement. Vous sentez combien je compte sur votre amitié, et combien j'en ai besoin pour me consoler et pour m'aider à supporter mon état. Il me serait bien dur de passer tant de temps sans vous et d'être privée de vous pendant mes couches. Cependant, comment les aller faire à Lunéville et y don­ ner cet embarras-là? Je ne sais si je dois assez compter sur les bontés du roi pour croire qu'il le désirât et qu'il me laissât le petit appartement de la reine que j'occupais, car je ne pourrais accou­ cher dans l'aile à_cause de l'odeur du fumier, du bruit et de l'éloi­ gnement où je serais du r. et de vous. Je crains que le roi ne soit 247

Avril ZJ49

LET T RE 4 5 4

alors à Comerci, et qu'il ne voulût pas abréger son voyage. J'accou­ cherai vraisemblablement à la fin d'août ou au commencement de septembre au plus tard. J'ignore quels sont les projets du roi pour ses voyages; il me serait bien dur de passer encore 8 mois sans vous, et peut-être plus, car avec le temps de mes couches cela ira au moins à 8 mois, et, pour peu qu'il me restât la moindre incom­ modité, je ne pourrais au commencement de l'hiver entreprendre un si grand voyage en relevant de couches; ce sera un des temps de ma vie où votre amitié sera la plus agréable et la plus néces­ saire, et où les bontés du roi me seront de la plus grande consola­ tion; il me semble bien dur de m'en priver, j'espère que vous ne le souffrirez pas. Vous voyez, cependant, combien de considéra­ tions doivent m'arrêter, je ne veux point abuser des bontés du roi pour moi, ni de votre amitié. M r du Châtelet veut que j'accouche à Lunéville, ou du moins il le désire fort; je le désire plus que lui, mais c'est à vous de voir si cela est possible et convenable, c'est à vous de me dire si vous le désirez, si le roi le désire, et ce que vous me conseillez. Si je dois accoucher à Lunéville, j'y retournerai à la fin de mai ou au commencement de juin, parce que je risquerai moins alors. Je ne crains point le voyage, j'irai doucement, je ne me suis jamais blessée et je suis très forte; rien ne me serait plus malsain que de me passer de vous; décidez donc mon sort, et, si vous voulez qu'il soit heureux, faites que je sois avec vous. J'atten­ drai votre réponse avec impatience; vous direz au roi tout ce que vous voudrez, je mets mon sort entre vos mains. Je compte que je trouverai en Loraine un bon accoucheur et une bonne garde; il serait bien cher d'accoucher à Paris, et bien triste d'y accoucher sans vous. Imprimé d'après The Collection of autograph le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.222n. 1 sancta simplicitas l tout le monde le savait. Vers la même date le mali-

cieux Collé écrivit dans son journal, i.68: 'Madame du Châtelet . . . est grosse . . . . Tout le monde veut que ce soit M. de Saint-Lambert qui ait fait cette ânerie-là.'

LETTRE

45 5

Avril 1 749

455. à Jean François:, marq uis de Saint-Lambert Jeudi matin, 3 [avril 1749] J'ai ajouté à la lettre, dont je vous ai envoyé la copie, une petite lettre dans laquelle je fais encore des instances, et dans laquelle je vais au-devant d'une difficulté qu'on ne mettrait pas en avant, mais qui serait peut-être la raison réelle des obstacles que je ren­ contrerais, c'est d'assurer que je n' imagine point que de garder l'appartement que j'avais, me donne aucun droit pour être traitée différemment de ce que je serais dans l'aile, et que je comptais me fournir de tout. Je prie me de B. de faire de cela un usage conve­ nable et utile, et je lui avoue tout ingénuement que je serais au désespoir d'accoucher ici; elle a le cœur bon dans le fonds, et je crois que la meilleure finesse est de n'en point avoir, du moins c'est la mienne, mais vous êtes bien loin de le croire; avec tant d'esprit, et l'esprit si juste et si fin, peut-on se méprendre si gros­ sièrement à un caractère aussi aisé à connaître que le mien? Il est certain que je suis incapable de soutenir l'idée d'accoucher ici, et d'y accoucher sans vous, et que, si je n'en mourais pas, la tête m'en tournerait, et que je suis capable de mille extravagances. Mandez-moi si réellement les odeurs vous incommodent, j'y aurai plus d'attention, mais j ' imagine que ce n'était qu'humeur. Jeudi, à 3 heures Enfin, vous êtes donc vous-même; voilà une lettre du 3 1 mars, qui me rendrait le bonheur de ma vie si elle était plus longue et si vous m'y éclaircissiez pourquoi vous étiez le 17 à Lunéville en m'écrivant de Nanci, et pourquoi vous êtes resté depuis le 2 3 jusqu'au 29 sans m'écrire. Vous n'êtes point assez fâché de l'état où vous m'avez mise, des peines cruelles que vous m'avez faites; vous êtes plus heureux que moi assurément, car vous ne pouvez pas douter de la tendresse infinie de mon cœur, et il me reste bien des doutes sur le. vôtre; il est certain que vous êtes refroidi, vous ne répondez point à mes lettres, vous ne répondez point à mon 2 49

Avril z:749

L E TTR E

45 5

cœur; vous m'écriviez, à Plombières 2 ou 3 fois par jour, et même en arrivant à Nanci, et vous m'écrivez, du 29 au 3 1, 4 pages bien courtes, et qui dans vos 3 jours ne vous ont pas tenu une demi­ heure à écrire; tout le reste a donc été perdu pour moi; vous n'avez pas besoin de m'écrire davantage, mais moi j'ai besoin que vous m'écriviez; vous n'avez pas douté de mon indulgence, et je vous en remercie, mais je crains bien que vous n'ayez pas vu com­ bien vous étiez coupable, combien vous avez déchiré mon cœur dans le temps où je vous adorais le plus. Vous ne m'en demandez pas pardon, vous ne me savez pas gré d'avoir craint de vous affii­ geret d'avoir contenu la plus juste indignation; enfin vous m'aimez, tout est dit pour mon bonheur; mais vous, vous m'avez fait sentir bien des nuances. Pourquoi faut-il que vous m'aimiez moins parce que je vous adore davantage? Seriez-vous donc de ceux que l'amour refroidit? J'ai écrit à me de B., vous le savez à présent, je lui ai encore récrit, et j'ai peur à présent d'avoir marqué trop de désir et trop d'empressement; je serais au désespoir s'il fallait accoucher ici, et, quelles que soient les conditions qu'on m'im­ pose, je vous en ferai le juge et je ferai tout ce que vous voudrez. Je crois que c'est aussi pour vous enlever à moi que me de Mirepoix vous presse tant pour l'Angleterre, car elle n'ignore sûrement pas que je vous aime; mais je ne vous soupçonne pas d'en être tenté, dans l'état où je suis. Si vous étiez à ma place, assurément vous exigeriez le séjour à Nanci, et je crains bien d'outrer avec vous la confiance et l'indulgence, il ne faut pas même outrer les vertus; mais enfin je remets mes intérêts entre vos mains, ne songez qu'à mon amour. Je vous permets d'aban­ donner mon amour-propre, mais songez qu'au milieu de l'amour le plus tendre, le plus déraisonnable, le plus emporté, je vous ai toujours dit que j'en mourrais, peut-être, mais que rien au monde ne me ferait vous pardonner ce tort si vous l'aviez avec moi, et vous pensez bien le soin qu'on prendrait de me le faire savoir. Non, je n'exige rien de vous que de m'aimer, que de me le dire tous les jours et plusieurs fois le jour, que de m'écrire des lettres que je puisse comparer à celles de Plombières et à vos premières de Nanci sans croire que vous m'aimez moins. Il vous faut bien 250

L E TTRE

45 5

Avril 1749

des efforts pour me croire, il m'en faudrait à moi beaucoup davan­ tage pour ne vous croire pas; je mets mon bonheur dans ma confiance en vous et dans la connaissance que je crois avoir de la vérité et de la candeur de votre âme; mais si elle n'est pas tendre, si votre amour n'a plus cette ardeur et cette vivacité qui ont sub­ jugué mon cœur, je ne serai point heureuse. Allez donc à Nanci, pour m'envoyer votre portrait, c'est assu­ rément le cas d'un sacrifice; envoyez-moi donc aussi ces vers sur le plaisir d'être à la campagne avec sa maîtresse. Quand ils ne seraient pas dans leur cadre ils sont tendres, ils sont pour moi, c'est tout ce que je leur demande, et vous croyez bien que per­ sonne ne les verra; mais vous ne m'enverrez rien de tout cela, et vous m'écrirez froidement. Vous ne sentez donc pas combien mon cœur a besoin d'être calme et rassuré? Tous mes sentiments sont durables, croyez-vous que les impressions que m'ont fait vos soupçons, votre dureté, l'idée que vous avez pensé à me quitter, que vous me l'avez écrit, que vous avez risqué ma santé et ma vie? et cela sans aucun fonde­ ment, sans que j'eusse le moindre tort, même sans me le dire, car ce n'est qu'à la 3 e lettre que vous êtes entré en explication. Croyez­ vous, dis-je, que tout cela soit effacé? La crainte de vous perdre, de vous faire un chagrin que l'éloignement met hors de portée d'ad oucir, d'enflammer votre sang et votre bile, m'a retenue et m'a fait renfermer dans mon cœur tout ce que je ne vous montrais pas; mais on n'est point aussi sensible que je le suis sans sentir le bien et le mal; vous avez bien à réparer avec moi, ne négligez pas de fermer les plaies de mon cœur, ôtez-moi le sentiment qui ne me quitte point, de me reprocher de m'être livrée à mon goût pour vous, de sentir que vous ferez et que vous faites mon mal­ heur, de faire quelquefois dans des accès de raison et de réflexion la résolution de profiter de la circonstance de mes couches pour me guérir de ma passion et pour quitter tout à fait un sentiment qui ne peut me rendre heureuse qu'avec vous. Je ne vous ai jamais rien caché de mon cœur, voilà son état, il vous adore, et il ne serait pas en mop pouvoir de me priver de vous; mais je regrette le pouvoir malheureux, et vous m'avez tellement déchirée, vous

Avril 1749

L E T T R E 45 5

paraissez vous en repentir si peu, vous ne paraissez pas même l'avoir senti! Votre lettre a un peu de l'insipidité de celles du vicomte, il semble que vous fassiez ce qu'il vous est possible pour me dire des choses tendres et que vous n'y puissiez parvenir; enfin, je ne suis plus dans l'état affreux où j'étais, mais je ne suis pas heureuse; mais je voudrais vous aimer moins, je voudrais même ne point aimer, et je me reproche ce sentiment, je ne l'avais pas à Plombières, j'étais bien loin de l'avoir à Cirey, il ne tient qu'à vous de me l'ôter. Mais je ne sais pourquoi vous êtes furieux quand mes lettres sont froides, et vous ne répondez point quand elles sont tendres; vous avez laissé mille choses sans réponse dans les 3 que vous a renvoyées mue votre sœur; vous [ne] me remer­ ciez pas de vous avoir éclairci ma conduite avec le cher de Beau­ veau1 , vous ne me dites pas seulement que vous me croyez; enfin, je suis malheureuse de vous aimer, mais je vous adore, et je n'ai pu encore vous le dire en moins de 8 pages. Fini samedi matin. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.222-224.

Ferdinand Jérôme de Beauvau­ Craon, chevalier de Beauvau, plus tard prince de Craon. 1

456. à Jean Franfois, marquis de Saint-Lambert ce mardi [?8 avril 1749 ], 3 heures après-midi Vous êtes malade, et je suis à quatre-vingt lieues de vous; vous êtes malade, et je ne suis pas au chevet de votre lit. Toute ma colère est cessée, je ne sens plus que mon inquiétude et mon désespoir; non, je n'ai plus de colère; non, je n'en aurai jamais; non, je n'ai plus que de l'attendrissement, de la douleur, de vous avoir déplu; ma dernière lettre vous aura affligé, peut-être révolté; mais elle venait à la suite de tant d'autres si tendres qu'il est impos­ sible que vous n'ayez pas démêlé dans la fureur qui y régnait tout l'amour qui l'avait dictée. Non, je crois votre cœur aussi sincère et aussi tendre qu'il me l'a toujours paru, j'écarte bien des idées 252

L E T T RE

456

Avril 1749

fâcheuses qui pourraient me venir, la différence de votre ton à Lunéville et à Nanci; je pourrais me dire que vous ne m'avez jamais écrit tendrement de Lunéville, pas même l'année passée; vous m'écriviez tous les j ours et souvent à toutes les heures à Nanci, et à peine m'écrivez-vous toutes les postes de Lunéville; et quelles lettres! et quel ton! j' aime pourtant cent fois mieux le ton sérieux et sec de votre dernière lettre que le ton ironique de celle que je vous ai renvoyée. Quelque cher que me soit tout ce qui vient de vous, ne me la renvoyez pas, elle m'a fait trop de peine, je n'y pense pas sans douleur, je vous ai cru raccommodé, et pourquoi ne le crois-je plus? Parce que je veux vous aimer, parce que je vous aimerai toute ma vie malgré vous, et même malgré moi, c'est à dire quand je ne l e voudrais pas, c'est moi qui vous écrit; non pas toutes les postes , mais tous les jours, mais à toutes les heures du jour. Nous avons changé de rôle, vous me voulez à vos pieds, et j'y suis, je vous y demande mille fois pardon de cette lettre de Troies, brûlez-là, songez que j'en ai usé ainsi sans que vous me le demandiez, je vous demande pardon de toutes celles qui n'ont pas été tendres, mon cœur les désavoue, si vous y pou­ viez lire vous en seriez content jamais il n'a été plus tendre et plus rempli de vous. Pourquoi voulez-vous vous souvenir des choses qui vous ont déplu, ne les ai-je pas réparées? Ne vous êtes-vous souvent applaudi de votre indulgence et de votre amour? Pour­ quoi avez-vous la cruauté de me dire que vous m 'avez aimée pas­ sionnément? Relisez mes lettres, et vous verrez que même dans la dernière je ne vous dis rien d'aussi cruel. Pourquoi voulez-vous me désespérer? Pourquoi voulez-vous touj ours me montrer que vous soupçonnez ma vérité? Je vous jure par tout ce qu'il y a de plus sacré, par vous, par l'amour, non pas que j 'ai eu pour vous, mais que j'aurai toute ma vie, et que je n'ai jamais mieux senti que dans ce moment, que voilà la 5 e lettre que je vous écris; je vous ai fait le détail des dates, je vous l'envoie encore, j'en ai adressé six à Nanci, et pas une à Lunéville avant le départ du prince, je n'avais pas tant d'envie que vous y fussiez. Si on vous les a renvoyées de Lunéville elles 11-'y ont pas été sans dessein, voyez les enveloppes, je n'ai point été convaincue l'année passée de m'être trompée, j e

25 3

Avril 1 749

L ETTRE 4 5 6

n'ai pas passé une seule poste sans vous ecnre, vous les avez toutes reçues, vous les avez reçues 4 ou 5 à la fois, ce n'est pas ainsi que je les mettais à la poste. J'en ai été la victime et c'est bien assez, mais je ne l'ai point mérité. Vous ne me décidez point sur le voyage d'Angleterre; je vous ai mandé que je suis grosse, j'ai besoin de prendre les mesures et des arrangements pour mes couches, très différents si je dois les faire à Lunéville ou à Paris. M r du Châtelet n'est pas si affiigé que moi de ma grossesse, il me mande qu'il espère que je lui ferai un garçon, c'est à vous à décider mon sort; je ne sais que penser de vos 2 dernières lettres. Etes-vous détaché de moi? Je ne le croirai que quand vous me l'aurez bien répété, et je sens que si vous me le répétez je ne m'en consolerai jamais; mais je sais que l'amour et le goût ne se ramènent point, et je pleure en secret l'erreur de mon cœur. Si vous me renvoyez mon portrait que j'ai eu l'imprudence de vous redemander dans ma dernière, vous me porterez un coup mortel; cependant je n'en doute presque plus par la froideur de votre dernière lettre, et par la manière dont vous semblez aller au-devant d'une rupture. Imprimé d'après The Collection of . . formed hy Alfred

autograph letters .

Morrison

série,

([Londres] 1896), seconde

iii. 220- 2 2 1 .

457. à Jean François, marquis de Saint-Lambert Ce dimanche [? i 3 avril 1749] Je n'ai point de lettres de vous aujourd'hui, cela est abominable, cela est d'une dureté et d'une barbarie qui est au-dessus de toute qualification, comme la douleur où je suis est au-dessus de toute expression. Ne soyez pas, cependant, excédé de mes lettres; si je n'en reçois pas la première poste, je ne vous écrirai plus. En récom­ pense, me de B. m'écrit beaucoup; je ne crois pas qu'elle pense que la moitié de la place de mr de Polignac, que le roi m'offre pour mon fils, ni la Loraine entière quand elle me la donnerait,

L E TTR E 4 5 7

Avril 1749

puisse me dédommager un moment de ce qu'elle m'ôte. C'est bien moi qui ne vous ferai plus de reproches, parce que j'en ai trop à vous faire. On m'apportera, peut-être cet après-midi, mes lettres que vous aurez renvoyées à mr d'Argenson, je m'attends à tout, et je saurai tout souffrir sans qu'il m'échappe jamais un mot dont me de B. ni vous puissiez vous plaindre. Je lui écris une grande lettre aujourd'hui, et je lui parle du régiment de mr de Thianges, à qui, comme je vous l'ai mandé, j'ai prié le cher de Listenai de la porter. Je serais moins affiigée de vos procédés si je voyais quelque vraisemblance à cette affaire; votre bonheur et votre fortune sont la seule manière de me consoler de votre perte. Je n'ai pas passé une seule poste sans vous écrire, même plusieurs lettres, et il y a bien longtemps qu'elles sont d'un ton qui atten­ drirait tout autre que vous; je ne vous soupçonne pas de les mon­ trer, je ne vous prie que de les brûler. Si vous avez promis de ne plus écrire, vous êtes plus exact à cette parole qu'à celles que vous m'aviez si souvent données, car il y a deux postes que je n'ai reçu de lettres de vous. Si je pouvais me blesser, je serais encore trop heureuse; ma grossesse augmente encore mon désespoir, cepen­ dant je me conserve comme si la vie m'était chère. Croyez qu'en parlant au roi, à Trianon, je lui dirai tout ce qu'il lui faut dire pour qu'il ne soit pas indisposé contre vous, que vous n'aurez jamais à vous plaindre de moi; mais il n'y a personne qui puisse m'imposer le supplice de vous revoir, puisque vous ne m'aimez plus et que je vous adore. Je suis en peine de votre santé; si vous étiez malade, je serais encore plus à plaindre; donnez-en du moins, des nouvelles au cher de Listenai, vous n'avez peut-être pas pro­ mis de ne lui plus écrire. Je parle du régiment à me B., dans une lettre ostensible au roi, et je lui parle de l'intérêt que j'y prends; s'il a repris des soupçons, cela les dissipera, et c'est encore un service que je vous rends à tous deux, sur lequel je crois que vous ne comptiez pas. Il m'a passé une folie par la tête, car que ne m'y passe-t-il pas, c'est de prendre le prétexte de la place de Polignac pour mener mon fils à Lunéville, prendre possession et remercier, avant le départ du roi, et je vous jure que sans ma grossesse je l'aurais fait;

Avril z:749

LETTRE 4 5 7

mais quelque malheureuse que vous me rendiez, je veux vous conserver quelqu'un que vous devez aimer, et je ne veux jamais avoir à vous faire de ces reproches qu'on ne peut se pardonner; mais n'êtes-vous pas dans ce cas-là avec vous-même? Une chose qui m'a retenue encore, c'est que si vous avez changé, si vous m'avez trahie, ma présence vous serait importune, et si vous m'aimez encore vous me saurez gré d'avoir refusé cette satisfac­ tion à mon impétuosité, et d'avoir préparé ma conservation, mais il n'y a plus de si. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.224-225 .

458. àjean François, marquis de Saint-Lambert A Versailles dimanche

I2 [ I J

avril I 749]

Vous le savez à présent ce qu'il faut faire pour remettre le calme dans le cœur que vous avez déchiré, et que la crainte de vous perdre tourmente plus que jamais. Vous croyez que rien ne peut altérer ma santé, et je ne puis me dissimuler que tant de sécurité marque peu d'intérêt. Cependant il est très vrai que depuis huit jours j'ai été si incommodée que j'ai été forcée de me faire saigner, sans quoi j'aurais eu le même accident qu' à Comerci. Je suis donc venue me faire saigner ici, afin de pouvoir aller voir le r. de P. à Trianon, où je crois même que je m'établirai pendant son séjour ici. Depuis ma saignée je suis plus malade, mais j'ai du moins fait ce que j'ai dû pour ôter le danger, qui dans l'état où je suis m'affii­ geait plus que dans tout autre. J'ai un mal de cœur et un mal de tête qui ne me quittent point depuis ma saignée; cela, joint à l'in­ quiétude mortelle que me donnent ces grenadiers, ne me laisse aucun moyen de travailler, je prends même beaucoup sur moi pour écrire ce soir; j'écris cependant aussi une grande lettre à me de B., à qui je ne vous cache pas que je me plains amèrement de la facilité avec laquelle vous avez saisi ce prétendu débouché des grenadiers, si vous cédez sur cela à la raison, à l'évidence, et à

LETTRE 45 8

Avril 1749

votre intérêt, car je n'exige pas que l'amour mette un grain dans la balance. Je ne serai pas malheureuse, puisque je vivrai avec vous, mais la plaie de mon cœur sur cela saignera longtemps; je vois à quoi tient le repos et le bonheur de ma vie, mais je le vois trop tard, je vous aime et je puis tout vous pardonner hors de vous séparer de moi, et de me faire vivre sans vous. Je me suis informée plus exactement de ces grenadiers depuis que je suis ici, vous croirez que je vous grossis les objets, vous devriez cependant être accoutumé à ma vérité et à mon désinté­ ressement, mais je vous jure qu'on m'a dit que presque aucun des officiers qui ont droit d'y entrer ne le veulent, qu'on a eu de la peine même à en trouver, que ceux qui y sont vivent ensemble comme chien et chat, qu'il y a des affaires tous les jours, et qu'ils sont d'autant plus à plaindre qu'ils sont obligés d'y vivre toute l'année, qu'ils n'auront pas de semestre, mais seulement des congés de grâce pour affaires, et qui seront toujours donnés à la faveur. Ils sont gouvernés par mr de St. Perne et par le major dont j'ai oublié le nom, les lieutenants colonels n'y ont que faire, aussi n'ont-ils que 6 mois de résidence, mais ce sont les seuls, ce serait vous casser le cou, et vous ne vous conduisez que par votre humeur, et non par votre intérêt si vous quittez le corps où vous êtes pour celui-là. Je ne veux entrer pour rien dans votre déci­ sion; vous sentez combien il serait peu flatteur pour moi de ne devoir qu'au désespoir que cela me causerait le sacrifice que vous m'en feriez, je serais inconsolable, je ne vous le cache pas, et prendre ce parti ou me quitter c'est la même chose; mais puisque vous ne l'avez pas senti, puisque vous vous y étiez résolu, puisque c'est le prince qui persiste , malgré vos instances, à ne vous pas nommer, je veux que vous ne vous déterminiez que par votre inté­ rêt. Je crois l'avoir prouvé à me B., au chevr de Listenai, et à vous même, que votre intérêt est de rester où vous êtes, ce que je vous demande pour moi, la seule chose où je veuille avoir part, et à laquelle je me crois en droit d'en avoir, c'est à la promptitude de votre décision. M e de B. me mande que le roi s'arrangera sans doute avec moi pour le voyage de Comerci, mais je vous déclare moi que je ne 1 7 (II)

Avril 1749

L E T T R E 45 8

veux point m'engager avec le roi que vous ne soyez décidé si vous irez aux grenadiers ou non. Vous m'avouerez qu'il y a de la barbarie à vouloir que je m'engage toujours à faire mes couches en Loraine en courant le risque de les y faire sans vous. Je ne veux là dedans ni incertitude ni équivoque; si vous refusez les grenadiers, j'irai faire mes couches en Loraine; mais, si vous faites dépendre le refus de la place de Pimont, il est bien sûr que je n'irai pas, car je ne puis croire que vous l'ayez; surtout, le roi s'étant lâché, comme vous me le marquez, à avouer au p. son aversion pour vous; mais cette aversion n'augmentera-t-elle pas en sachant que vous passez le temps de son absence à Lunéville quand votre devoir est d'être à Nanci? c'est sans doute une réflexion que vous n'avez pas faite. Je crois que vous êtes convaincu à présent que mon retour à Lunéville ne dépend ni de l'appartement, car on me le laisse, ni d'aucune autre circonstance, que de vous uniquement; il faut bien finir par me croire, quelque répugnance que vous y ayez, car je prouve par les faits. Me B. me mande du 9 que vous avez affaires à Nanci, vous vous me mandez que vous restez à Lunéville; j'aurais voulu du moins que vous eussiez reconduit le p. à Nanci. Quand j'étais à Lunéville vous deviez me quitter pour le reconduire, souvenez-vous-en, mais vous ne le croyez pas si nécessaire à présent. Je ne vous dis tout cela que pour vous faire voir que, si mon cœur était aussi soupçonneux que le vôtre, votre conduite ne me rassurerait pas, et qu'assurément on ne peut guère moins ménager ma délicatesse que vous le faites. Je ne serais pas étonnée que vous ne fussiez pas resté à Nanci, mais je dois l'être que vous n'y ayez pas même été; j'aurais voulu que vous y eussiez été et que mes lettres vous eussent fait retourner à Lunéville et vous en recevrez où je vous en presse, parce que moi, qui crois toujours tout ce que vous me dites, j'ai cru effectivement que vous seriez à Nanci, où même j e vous ai écrit, vous auriez d û aller quand ce n'aurait été que pour m'envoyer votre portrait, dont assurément je ne vous parlerai plus. Je crois que vous faites monter votre garde, au temps qu'il y a que vous n'y avez été; j'espère que ce n'est pas avec une pro­ messe de la remplacer quand je serai arrivée; mais peut-être alors

258

LETTRE 45 8

Avril z:749

mr de Chatelard, ennuyé de votre perpétuel séjour à Lunéville, ne voudra-t-il plus vous permettre d'y être, c'est encore une réflexion que vous ne faites pas, car il me semble que vous n'en faites aucune de celles qui peuvent s'opposer à vos goûts. Je vous le répète, il m'est trop amer de vous soupçonner et d'avoir à me plaindre des 2 personnes que j'aime le mieux; mon cœur était tranquille sur cet article, mais j'aurais voulu que c'eût été moi qui eusse exigé votre retour à Lunéville, que vous eussiez reconduit le p. à Nanci, et que vous y eussiez cherché votre portrait; si vous entendez par vos dettes tout ce que vous devez, il me paraît bien rigoureux de faire dépendre votre refus des grenadiers de cette condition, votre état n'est empiré que des mille écus de votre major, ce sont ces mille écus-là qu'il faut payer pour vous remettre dans l'état où vous étiez. Je suis au désespoir d'abandonner le projet du régiment, celui du Tianges vous aurait bien convenu. Je crois que mr de Remiancourt aura une compagnie des gardes, si cela est, en faisant payer vos mille écus d'état-major par des gratifications comme je vous en réponds moi, pourquoi ne l'au­ riez-vous pas? Tirez ce parti de votre séjour à Lunéville, et je vous jure que je vous en remercierai, loin de vous le reprocher, c'est cela qui serait une fortune, votre compagnie payerait le régi­ ment et au-delà, car Tianges a dit à de Croix qu'il se retiendrait à demander au r. de P. qu'il lui en f ît rendre l'argent qu'il lui a coûté, et c'est 2 cent louis, c'est cela qui serait une grande et bonne affaire pour vous, le r. persécuté par m11e de la Rochesurion pour la place de Pimont sera ravi de trouver ce débouché. Je sais que m11e La Roches demande le régiment pour le Lambertie 1 , mais le Lamberti offre 10 mille francs, qu'on lui donne celui de Poli­ gnac et celui de Tianges à vous; parlez-en à me B., à qui Lambertie ne tient pas du tout à cœur, faites-lui. . . . Envoyez-moi donc les papiers pour me d'Estherasi2 • Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Lon dres] 1 896), seconde série, iii. 226-2 27.

1 Nicolas François, marquis de Lambertye. 2 probablement la princesse Mikl6s J 6zsef Esterhazy.

Avril ZJ49

L E TTR E 4 5 9

459 . à fean Franço is, marquis de Saint-Lambert Lundi matin [ 1 4 avril 1749] à Versailles Je crois que vous ne cesserez jamais d'être injuste, comme je ne cesserai jamais d'être indulgente, de vous pardonner vos injus­ tices, et de vous adorer. Il n'y a qu'une chose que je ne vous par­ donne pas, c'est de me gronder si peu et de m'écrire une lettre si courte; mais comment votre cœur, s'il connaît le mien, et s'il en est digne, peut-il me soupçonner de ne vous avoir pas écrit en arri­ vant? Il ne faudrait pas pour cela vous aimer autant que j e fais, il ne faudrait que de l'amitié. Je ne vous ai pas écrit par le courrier de Mets, cela est vrai, je ne sais pas même quel jour ce courrier part, et je ne m'en suis jamais servi que 2 ou 3 fois l'année passée; mais j e vous promets qu'en arrivant à Paris mon premier soin sera de m'en informer, et de n'en laisser jamais partir un sans vous écrire. Voilà comme je sais me venger de vos injustices, mais vous vous me faites croire que ce courrier ne repasse pas par Lunéville, si cela est comme je le crois, car je n'ai jamais pu prendre encore sur moi de douter un moment de ce que vous me dites. Ecrivez­ moi tous les jours, je les recevrai à la fois, mais du moins je les recevrai, et je ne puis me passer de savoir jour par jour, ce que vous faites, et ce que vous pensez, je voudrais le savoir à toutes les heures et à tous les moments; je vous promets de vous écrire tous les jours, mais prenez vos précautions pour recevoir mes lettres, car, par exemple, ce qui arrive aujourd'hui est incroyable. Mr du Châtelet m'écrit de Lunéville du six et me répond à une lettre que je lui ai écrite en arrivant, or il est très certain que celle que je vous écrivais a été portée et mise à la poste en même temps, c'est toujours mr de Lafons qui les porte, et je vous ai dit de quelle exactitude et de quelle sûreté est ce Lafonds. Comment pouvez-vous croire que je manque à vous écrire, moi qui connais la sensibilité de votre cœur, moi qui serais au désespoir d'avoir à craindre pour votre santé, et qui sais quels 260

LETTRE

459

Avril 1749

effets l' inquiétude et le chagrin font sur elle, moi enfin qui vous écrirais quand vous ne devriez pas lire mes lettres, pour avoir la consolation de vous parler et de confier au papier les peines, les inquiétudes, les agitations, et les transports de mon cœur. Com­ ment pourrais-je vous oublier? Cela m'est impossible quand même vous m'y forceriez. Comment pourrais-je vous négliger? Vous êtes le commencement, la fin, le but, et le sujet continuel de toutes mes actions, et de toutes mes pensées. Je tremble qu'on ne retienne mes lettres; si on ouvrait celle que je vous ai écrite en réponse à vos tracasseries de Nanci je serais bien fâchée, car elle aigrirait encore, et je voudrais adoucir, mais mandez m'en donc la suite, ne me laissez rien ignorer, non, ne modérez point votre cœur, j'adore son impétuosité, et jusqu'à ses injustices. Numéro­ tez vos lettres comme je fais les miennes, du moins si on les ouvre on ne pourra pas les supprimer, mais après ce qui vous est arrivé l' année passée comment pouvez-vous m'imputer les fautes de la poste, comment votre cœur ne prend-il pas la défense du mien? Ne me soupçonnez pas de vous tromper, de mettre deux lettres à la poste à la fois, je suis incapable de ces petites finesses, mon cœur est tout ouvert et n'a rien qu'il déguise, mais il lui est bien sensible d'être soupçonné de fausseté, et de toutes vos injustices, c'est celle qui me coûterait le plus à pardonner. Croyez, mon cher amour, croyez, bonheur de ma vie, que jamais mon cœur n'aura avec vous un moment de distraction ni de négligence; votre cœur, votre amour, la chaleur et la sensibilité de votre âme sont pour moi la pierre précieuse pour la conservation de laquelle je donnerais tout ce que j'ai et tout ce que je suis. Je suis arrivée hier ici à 10 heures, mr de Richelieu m'attendait avec quelque impatience, et m'a grondée. Je l'aurais bientôt apaisé si j'avais pu lui dire pourquoi j'étais partie si tard, mais vous sentez bien qu'il faut que l'épanchement du cœur, l'amitié et la confiance mutuelle amènent les choses là; je crois qu'il ne nous verrait pas un quart d'heure ensemble sans être au fait. Nous avons beaucoup parlé du mariage de mon fils, je voudrais pour mille rai­ sons qu'il le fût,. mais surtout pour n'avoir pas de raison pour revenir ici. J'ai reçu votre lettre le matin à midi, j'ai frémi en la 26 1

Avril 1 749

L E TTE R

459

voyant si courte, j'ai été rassurée en la lisant; car je vous aime bien mieux. Imprimé d'après The Collection of . . formed hy Alfred

autograp h letters .

460 .

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.2 1 1 .

àjean François:, marquis de Saint-Lambert [? avril 1 749]

Il me reste encore quelque impression de toutes les réflexions que j' ai faites depuis la dernière poste, je me suis cru sacrifiée et oubliée, votre lettre a dissipé toutes mes craintes et transporté mon cœur. N'allez pas abuser du pouvoir que vous avez sur moi; vous pour­ riez me tromper, il est vrai, mais je vous en crois incapable, je ne crains rien de vous que la faiblesse de vos sentiments, mais songez que c'est le plus grand de tous les crimes, vous m'avez fait voir comment vous écrivez quand vous aimez; écrivez-moi touj ours de même et je serai trop heureuse, je crois que je vous écrirais tout le jour et toute la nuit si je ne craignais de vous excéder, toutes les autres occupations sont bien fades en comparaison. Il faut pour­ tant finir; adieu, je vous aime passionnément, et je vous aimerai toute ma vie si vous voulez, vous aurez le Dispensary par la pre­ mière poste, je m'étais flattée de vous le donner; vous ne pouvez vous imaginer tous les charmes que je me figurais dans votre séjour ici, le p. sera bien heureux à mes dépens. Adieu, je vous quitte enfin, mais votre idée ne me quitte point; j'ai parlé de vous à me Bouflers dans ma dernière lettre, vous avez raison. Imprimé d'après The Collection of autograph le tters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

partie, iii.200-20 1 .

1

le prince de Beauvau.

Avril 1 749

L E T T R E 46 1

46 z . à jean François, mar quis de Saint-Lambert [vers le 1 5 avril 1 749] à 2 heures Je viens d'avoir ma conversation. - Sire, ai-je dit; je vais vous confier un grand secret, mais je vis avec vous avec tant de liberté, vous me marquez tant de bonté et d'amitié, que je crois vous devoir ma confiance; il y a quelqu'un qui est fort amoureux de moi et qui est au désespoir de ne point aller à Comerci; j'en suis si touchée que je ne puis me dispenser de vous demander de l'y mener; vous savez qu'il n'y a point de femme qui se fâche de ce sentiment. Je vous avoue que ceux qu'il a pour moi me touchent beaucoup, que j'aime infiniment à vivre avec lui, et que j'ai beau­ coup de chagrin de celui que ce voyage lui cause. - 11 m'a répondu, je trouve très bon qu'on vienne me faire sa cour à Co merci, il n'a qu'à y venir, mais où le logerez-vous? Il n'a qu'à loger chez le curé comme à l'autre voyage, a-t-il dit, d'ailleurs, ce voyage-ci sera fort court, et ne l'en ayant pas mis du commencement cela paraîtrait singulier et ferait tenir des propos. Ces petits voyages causent mille tracasseries et sont la source de mille chipotages, je n'en ai mis personne, on m'a demandé Lubert; j'y ai consenti depuis, car il n'était pas sur ma liste. - Mais vous le mettrez donc des autres voyages. - Nous verrons, m'a-t-il dit. - Mais j'espère que votre amitié pour moi vous donnera de la bvnté pour lui. - Oh, pour cela oui, m'a-t-il répondu. Il faut vous annoncer que dans toute cette conversation il était plus embarrassé que moi, et qu'il a eu l'air d'en désirer la fin. Je crois qu'il craignait que je ne lui parlasse de l'affaire de Pymont, mais ce n'était pas le moment. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . Jormed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.2 1 5-2 1 6.

La date de cette lettre présente de nombreuses difficultés: en fait il est possible qu'elle appartienne à une période antérieure même d'un an. 1 le régiment de Pyrmont.

Avril 1:749

L E TTRE 462

462 . à Jean François, marquis de Saint-Lambert Ce jeudi 17 [avril 1749], à Trianon Vous ne m'avez point écrit cette poste apparemment parce que la dernière poste ne vous a pas apporté de lettres de moi, vous verrez si c'est ma faute, j'en reçois une du 12 de me de B. où elle me demande un modèle de lettre pour mIIe la Rochesurion, si vous m'aviez aussi écrit le 12 votre lettre serait arrivée comme la sienne, je sens tout le ridicule de sa demande, mais je crains tant que la lettre n'arrive trop tard que je lui envoie ce modèle, j'espère d'ail­ leurs y mettre toute la chaleur avec laquelle je désire cette affaire, mais je ne l'espère guère je ne vous le cache pas, et puisque me de B. me mande que vous ne voyez pas d'autre moyen d'éviter les gre­ nadiers. Je vois clairement moi, que le bonheur de ma vie est passé, et qu'il faut y renoncer pour toujours. Je ne sais ce que deviendra cette affaire et si vous entrerez dans les grenadiers, mais je suis bien sûre de 2 choses; la première, que si vous y entrez c'est la perte entière de votre fortune et le malheur de votre vie, et que la seconde, soit que vous entriez, ou que vous n'y entriez pas, cela m'a fait connaître votre cœur, et voir à quoi vous me sacri­ fiez et dans quel temps, et dans quelles circonstances. Je serai cependant assez faible pour vous le pardonner si le hasard fait que vous n'y entriez pas, mais croyez que je ne pourrai jamais l'ou­ blier. De quel droit osez-vous vous fâcher que je fasse venir mes robes d'été, et exiger que j'accouche en Lorraine, vous qui n'êtes pas sûr de ne pas quitter la Lorraine pour toujours dans un mois, et qui seriez déjà à votre garnison en Flandres sans le refus du prince de Beauvau. Quoi! vous êtes assez personnel pour trouver mauvais que je ne m'engage pas irrévocablement à faire mes couches à Lunéville, et cela pour que j'y sois en cas que vous y restiez, et que je courre le risque d'y accoucher sans vous. Peu vous importe où je fasse mes couches si vous n'êtes pas à Luné­ ville. Vous voulez bien avoir la bonté de vous séparer de moi pour toujours si c'est votre avantage, mais vous ne voulez pas

LETTRE

462

Avril ZJ49

que je reste ici 1 5 jours de plus si ma santé ou mes affaires l'exigent. Oh! vous en voulez trop aussi! Je ne m'arrange point pour partir ni le 20 , ni le 2 5 de mai, ni jamais, que vous ne soyez décidé sur ces grenadiers, et votre indécision ( que dis-je, votre indécision, ce n'est pas vous qui êtes indécis, puisque vous les demandez à cor et à cris) devrait me décider, si j'avais un peu de courage. Je dois assurément être fort reconnaissante des sacrifices que vous me faites pour me rassurer sur mes soupçons, je n'ai seule­ ment pas pu obtenir de vous que vous allassiez 12 heures à Nancy pour m'envoyer votre portrait, tout ce que me de B. m'a écrit sur votre sujet et sur votre fortune en dernier lieu. La manière dont elle sent et partage mes peines sur cela, ont resserré les liens qui m'attachent à elle, et si vous me quittez pour elle, je pourrai bien en mourir mais je ne la haïrai jamais. Je ne lui cache point com­ bien je suis indignée de la facilité avec laquelle vous avez embrassé cette prétendue ressource des grenadiers et de l'indifférence avec laquelle vous vous êtes résolu à vous séparer de moi pour toute votre vie. Je lui ouvre mon cœur, cela m'est impossible autre­ ment, vous en abuserez tous deux si vous voulez. Je crois que vous n'aurez point la place de Pimont, et qu'il n'y a personne sur la terre qui ait ce crédit-là sur l'esprit du roi. Il y a des choses qu'on n'obtient point des gens, et je crois celle-là du nombre, mais il faut cependant tout tenter pour l'obtenir et c'est assurément ce que je ferai. Ce que je réponds c'est d'obtenir une gratification de 50 1. au moins. Je sais jusqu'où va mon crédit; il n'a jamais été plus grand et le r. ne m'a jamais marqué tant d'ami­ tié; il veut absolument que je fasse mes couches à Lunéville; il dérangera tous ses projets pour y être, il me laisse l'appartement, je suis bien honteuse de penser que cela dépend de tout autre chose. Il fait non seulement accommoder ma petite maison mais il la meuble, je suis logée de tout auprès de lui, et je n'en sors point; je me force à dîner pour dîner avec lui tête à tête car ici aucun homme ne mange avec lui, et assurément je suis bien sûre que personne ne m'aime autant que lui. Vous écrivezatJ. chev. de Listenaicomme si j' étaiscapable d' exiger de vous que vous fussiez ingrat aux marques d'amitié du p. et de

26 5

Avril 1749

L E T T R E 462

sa sœur, mais les choses n'ont-elles pas leurs bornes, et quand vous auriez été reconduire le frère à Nanci, auriez-vous manqué à sa sœur puisque vous étiez décidé à me quitter l'année passée pour le reconduire. Non, je ne vous conseillerai jamais l'ingrati­ tude; je suis trop intéressée à vous trouver un cœur reconnais­ sant. J'ai écrit à me la Rochesurion pour lui apprendre l'arrivée du roi, depuis que je sais qu'elle doit demander la place de Pimont je ne sors de chez moi que pour lui rendre mes devoirs, et vous savez si personnellement j'ai lieu de l'aimer. Mr de Croix est très piqué contre moi de ce qu'il a appris par le public la place de mon fils, ma grossesse et de ce que j 'ai gardé 3 j ours ma chambre à Versailles pour me saigner sans le lui mander. Et en vérité je me repens d'avoir eu cette bassesse, mais vous m'avouerez du moins que ma conduite ne ressemble pas à la vôtre. Cette grossesse est publique; on en a tant parlé que j 'espère qu'on n'en parlera plus, je sens que je vous aime malgré les torts véritablement irrépa­ rables que vous avez avec moi et j'ai encore la faiblesse de vous le dire, mais, si vous allez à ces grenadiers, il faudra donc vous quitter. Je ne voulais pas prononcer jamais ce mot. Je n'ai pas encore vu le prince. Imprimé d'après The Collec tion of autog rap h letters . . . formed by Alfred

463.

([Londres] 1 896), seconde série, iii.227-228.

Morrison

àjean François, marquis de Saint-Lambert Trianon, ce 1 7e au soir [avril 1 74 9]

C'est assurément aujourd'hui le plus beau jour de ma vie, je n'ai plus d'humeur, je ne vous reproche plus rien, je suis trop heu­ reuse, voilà la gratification de mr d'Argenson que je reçois dans ce moment. Mr de Paulmi est un homme charmant, je l'aime à la folie; je n'ai point paru, mr d'Argenson ne sait pas qu'il me rend la plus heureuse personne du monde, il croit n'obliger que son

266

LETT R E 463

Avril 1749

neveu. Je suis au désespoir de ne l'avoir pas reçue assez tôt pour la poste d'aujourd'hui, elle ne partira que par celle de samedi, je vous supplie de la toucher tout de suite; vous pouvez, si vous ne voulez pas aller à Nanci, la faire toucher par qui vous voudrez, en mettant je crois votre nom au dos; on nous le dira. Je suis bien sûre de celle du roi de Pologne, ainsi j'aurai deux beaux jours dans ma vie. Je vous avoue que quelque espérance que m'eût donnée mr de Paulmi j'ai douté de celle-ci jusqu'à ce que je l'aie tenue. Je vous envoie sa lettre, car je fais contresigner le paquet pour plus de sûreté. Vous recevrez encore une lettre de moi cette poste-ci, le p. n'a encore vu ni mIIe La Roche-sur-Ion, qui est ici pour le r. de P., ni moi; le roi est à Choisi, il n'y a pas un ministre ici, et le prince reste à Paris; je voudrais, cependant, bien qu'il vît m11e La Roche-sur-Ion. Adieu, je vous avoue que je suis au comble de ma joie. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 1 88- 1 89. Le catalogue cité s'est trompé en supposant que Voltaire était le desti­ nataire de cette lettre.

Le ministre avait-il accordé quel­ que avancement à Saint-Lambert qui aurait détourné ce dernier de son projet du régiment de Pyrmont?

464. à Jean Franç ois, marquis de Saint-Lamhert Lundi [ 2 1 avril 1749 ] Je viens de recevoir vos papiers, ou, pour mieux dire, votre papier. Je ne puis vous pardonner votre négligence, car puisque les com­ missaires trouvent vos titres bons, cela aurait passé sans difficulté, et il y en aura beaucoup à les faire recevoir par supplément de la part de notre contrôleur général, qui est le plus dur et le plus diffi­ cultueux de tous les hommes. Je viens de copier ce papier et je vous le renvoie .. Je vais écrire à m e d'Esterhasi et faire de mon mieux, mais je doute beaucoup à présent du succès, à cause des 267

Avril z :749 difficultés que nous trouverons de la part de la France, qui, comme vous croyez bien paie ces dettes fort à contre cœur. Pen­ dant que je suis à l'article de vos affaires, il faut que je les coule à fond, me de B. a dit au p. de Beauveau que son fils avait le régi­ ment de Tianges, qu'il ne voulait point avoir l'air que ce fût pour lui qu'on renvoyât Belac; cependant il est sûr que Belac sera ren­ voyé, et que c'est un homme diffamé, et alors sûrement mr de R. aura la compagnie, car elle vaut mille écus. Je mande à me de B. tout cela, et je la prie de vous garder le régiment quand son fils aura la compagnie. Elle n'a pas encore écrit à m11e la Rochesurion, j'ai pris sur moi, et j'y ai beaucoup pris, vu ce qui s'est passé à Plombières, de faire semblant d'avoir reçu une lettre de me de B. dans laquelle elle me priait de lui recommander votre affaire. M 11e la Roch. m'a dit, que le roi l'avait reçue avec une telle humeur quand elle lui en avait parlé, qu'elle n'oserait pas recommencer. J'ai vu que le p. de B. l'en avait prié très faiblement. Il s'obstine, ce prince, à n'en point parler lui-même, et vous sentez combien il est ridicule de faire parler par mile de la Roche d'une affaire dont il n'ose pas dire un mot. Enfin je ne vois nulle apparence à son succès. Il y faudrait mettre du courage, de l'obstination et de la chaleur, et on n'a rien de tout cela. Je n'ai point marqué à me B. ce détail, parce que je veux laisser arriver la chose. Il n'y a que le régiment de vraisemblable, en cas que ce mr le quitte, et des gra­ tifications, mais je voudrais bien que vous eussiez en moi la con­ fiance de me dire une fois pour toutes l'état de vos affaires, car, quand vous m'en avez parlé, vous ne m'aviez rien dit de cette foule de petits créanciers qui vous désolaient. Il faudrait nettoyer tout cela, et ceux dont vous payez des intérêts, et garder votre major, qui à ce que m'a dit le prince attendra tant que vous vou­ drez, et vos amis pour les derniers. Je vous prie de me mander si vous serez tranquille et arrangé en cas que j'obtienne encore 50 1. du roi. Je les aurai sûrement si je veux, et je le voudrai dès que je ne verrai plus jour à autre chose, mais j'avoue que je ne serai tranquille que quand vous le serez, et que votre fortune, dans sa médiocrité, sera du moins aussi arrangée qu'elle le peut être. Il faut regarder l'affaire de Viene comme un

268

Avril 1 749 hasard heureux qui pourra très bien ne point arriver, et en vérité, par votre faute, et celle de vos parents. L'empereur, àce quej'espère, accordera la permission de faire examiner vos titres par les com­ missaires, mais l'admission de votre dette, par omission, voilà ce qui arrêtera, et dont j'augure très mal; ainsi je voudrais que vous fussiez arrangé indépendamment de cela. Si les petites obligations que vous croyez m'avoir de mon zèle vous gênent sur les reproches que vous voudriez me faire, je suis bien malheureuse, car de cet embarras à la cessation du goût il n'y a pas loin, pour moi ma délicatesse doit bien plus encore me donner des entraves. Je suis dans la classe de vos amis qui ne peuvent pas tout ce qu'ils veu­ lent, et j'aime bien mieux cette classe que l'autre; mais vous vous croyez autant lié par la reconnaissance des efforts, même impuis­ sants, que vous le seriez par les effets, et de tout cela, il en arrive que vous m'aimez beaucoup moins, et que vous ne m'aimerez bientôt plus du tout; je le vois par l'embarras qui règne dans vos lettres et surtout par la facilité avec laquelle vous vous étiez déter­ miné à vous séparer de moi. Je ne me repens point de vous avoir empêché d'entrer dans les grenadiers, c'était votre malheur, et la plus grande faute que vous pussiez faire de votre vie; et, si vous pouvez jamais m'avoir une obligation, c'est celle-là. J'irai cependant accoucher en Loraine, quoique mon cœur sente toutes les différences qu'il y a dans la manière dont vous m'aimez et celle dont vous m'avez aimée; votre lettre au chevr de Listenai, vos grenadiers, et bien des endroits de vos lettres me le font sentir, et ce qui m'affiige le plus sensiblement c'est que la manière emportée dont je vous ai marqué mon amour a produit cet effet, auquel je ne pouvais pas m'attendre. Me de B. met des grâces dans les choses qu'elle fait que je n'y mettrai jamais; vous êtes tout étonné, et assurément je dois l'être que son amitié déli­ cieuse ne vous tienne pas lieu de moi et de tout; vous me quitterez pour elle, en vous le reprochant, vous ne me tenez plus que par reconnaissance, non de ce que je puis avoir fait pour vous, car je n'ai rien fait encore, mais de tout l'amour que je vous ai marqué, et j'avoue que votre amitié, votre reconnaissance, toutes les espèces de sentiments que vous pouviez avoir pour moi ne pourront

26 9

Avril 1749 jamais me rendre heureuse. Votre amour tel que je l'ai connu est nécessaire au bonheur de ma vie, je ne sais ce que je vais chercher en Loraine, je ne sais ce que j'y ferai, mais je sais bien qu'il faut que je sois dans le même lieu que vous. Je ne suis sûre dans toute ma vie que de deux choses; je ne haïrai jamais me de Bouf., et je n'aurai jamais d'amitié pour vous; je voudrais ne vous avoir jamais connu, car vous connaissant je ne puis souhaiter de ne vous pas aimer; cependant je regrette mon indifférence, je serais au désespoir que vous ne fussiez pas à Lunéville et je ne puis vous y savoir, et être tranquille. Me de B. me fait l'éloge de votre amour pour moi, je devrais en être bien aise, je lui en sais gré, et cepen­ dant tout m'est suspect de ce côté-là. Ma tête est un chaos de contradictions; si elle ne fût revenue que cet hiver :, je l 'aurais quittée. Cette phrase est toujours dans mon esprit. Vous êtes bien cruel d'avoir troublé le bonheur que je trouvais à vous aimer si tendrement, vous ne connaissez pas tout ce que vous m'avez ôté, vous ne répondez plus à mes lettres, elles sont toujours du moins le double des vôtres, et vous laissez beau­ coup de choses sans réponse. Je sens que je vous deviendrai odieuse à force de reproches, mais je vous l'ai dit et vous l'avez voulu; il n'est pas aisé de faire mon bonheur, le temps où je ne trouvais rien à vous reprocher est bien passé. Me de B., me marquez-vous, était résolue à tout faire pour que vous ne vous éloignassiez pas d'elle, cependant dans une lettre du 12 que je vous garde, elle me marque qu'elle ne voit de ressource pour vous que les grenadiers si l'affaire de Pimont ne réussissait pas; or elle n'a pas encore écrit pour l'affaire de Pimont et si vous saviez comme le p. en a parlé à m11 e la Roch., et avec quelle nonchalance elle prend cette affaire, vous verriez qu'il faudrait que le r. en mourût d'envie pour la faire. J'aime me de B. de tout mon cœur, elle a le cœur excellent, mais elle ne met de chaleur à rien, je ne veux avoir que ce mérite-là auprès de vous, mais soyez sûr que si je ne m'y étais pas opposée vous seriez aux grenadiers à présent. Le p. a refusé de vous y nommer, du moins il l'a retardé et en cela je lui dois plus qu'à vous, il ne l'a pas fait pour m'obliger, mais il m'a rendu sur cela un service que je ne dois jamais oublier, et vous, vous ne devez

Avril 1 749 jamais vous souvenir de tout ce que je vous dis sur sa noncha­ lance, sa faiblesse, sa pusillanimité dans l'amitié; il joint à tous les défauts des choses excellentes, et le bonheur de notre vie, celui de vivre ensemble si vous vous en souciez, dépendra beaucoup de lui. Je viens de faire faire 2 copies du mémoire que je vous envoie, elles partiront jeudi; l'une que je fais envoyer à Tousaint par quelqu'un qu'il aime beaucoup, et l'autre que j 'envoie à me d'Este­ rasi. Je ne perdrai pas un moment à vous envoyer la réponse. Je voudrais bien que cette affaire pût finir à temps; engagez Baudouin 1 à traîner un peu. Je sais bien que les commissaires ne peuvent mettre votre dette sur l'état sans la permission de l'empereur, mais, s'ils sont nommés pour examiner les dettes, ils pourraient toujours examiner vos titres en attendant la réponse de Viene à notre requête. Cette réponse venue, l'examen de vos titres traî­ nera encore du temps, et vous arriverez trop tard. Songez du moins à rassembler vos pièces, vous dites que la plupart vous manquent, il faut chercher les moyens d'y suppléer et me mander quels sont ceux que je puis vous procurer pour que j'en fasse faire la recherche. Vous ne retournerez pas à Nanci pour cela, cela en vaudrait pourtant la peine, surtout pour engager les commissaires à l'examen de votre créance; l'admission après cela dépendra de la réponse de Viene, mais faites un peu souvenir le prince de ce que vous m'avez marqué dans une lettre qu'il vous avait dit qu'il se faisait fort de vous faire avoir une somme sur la vente du régi­ ment de Polignac pour payer vos dettes; c'est un point à ne pas négliger, mais qu'il négligera très volontiers. Je dîne ici tous les j ours et je ne soupe point; je mange très peu et je digère encore moins, je ne sais combien j 'y resterai, je ne sors pas de Trianon, je travaille tout le j our, c'est à dire le temps que j'ai de libre, et toute la nuit, dans l'espérance d'avancer mon départ, mais je n'avance guère. Ma miraculeuse santé se dérange un peu; si je puis arriver en Loraine, je crois que je l'y retrouverai, surtout si je retrouve votre cœur tel que je l'ai laissé; mais ne me faites point sentir que vous prenez votre parti de m'aimer et de ne me rien reprocher p�rce que je veux vous rendre, si je puis, quel­ ques services pour vos affaires; cela me met au désespoir.

ÂYril 1 749

L E T T RE 464

Mardi Vous trouverez bien de la tristesse et de l'humeur dans cette lettre, mais celle que je reçois de vous de N anci du 1 8 ne me laisse plus que l'envie de vous en demander pardon. Pourquoi ne m'écrivez­ vous jamais si tendrement de Lunéville? Mais je ne veux rien vous reprocher aujourd'hui et je l'oublie, je veux vous dire que je vous adore, et que votre amour, quand mon cœur est content, fait le bonheur de ma vie; ne craignez point le voyage de me de B., elle ne viendra pas; à ce que je crois, je ne vous cache pas que je fais tout ce que je puis pour qu'elle vienne, je l'aime bien mieux ici qu'à Lunéville, surtout quand je n'y suis pas, et de plus je crois qu'il serait essentiel pour elle de venir. Voilà au fait le motif qui me détermine, mais quand elle viendrait mon état me fournit des raisons pour ne la pas attendre, mais je crains que mon livre ne me retarde plus qu'elle. Je ne perds pas un moment de temps, je sacrifie au travail toutes sortes de plaisirs et même ma santé et le souper, mais malgré cela les dissipations et les devoirs se multi­ plient. Quand le roi sera parti, je m'enfermerai pour travailler, vous m'avez tellement agitée et affiigée que je vous jure que j'ai été plus d'un mois sans pouvoir m'appliquer; croyez que quand on aime aussi tendrement que moi, on se trouve bien malheu­ reuse d'être séparée de son amant, soyez sûr que je ne resterai pas une demi-heure de plus qu'il ne faut, mais je vous avoue que· je veux finir mon ouvrage, surtout à la veille d'accoucher, et, pou­ vant très bien mourir en couches. Je perdrai cette idée quand je serai avec vous, le malheur et les idées funestes ne pourront trou­ ver alors d'entrée dans mon âme, mais je me conduis en consé­ quence de cette idée, qui est au moins vraisemblable, et cela a augmenté mes affaires, je veux les laisser en ordre, et prendre des mesures pour mes papiers, dont l'arrangement m'a encore beau­ coup tenu et n'est pas fait. Je ne crois pas, malgré tant d'embarras, avoir raccourci mes lettres, je vous écris pour mon bonheur, et c'est le seul temps où je sois heureuse. Dans les autres temps je supporte la vie, ne soyez donc plus injuste. Dans cette lettre de Nanci qui me rend si 272

Avril 1 749 heureuse, qui me console de tout, il y a cependant une phrase qui m'afflige, il me semble que quoique vous p ussiez faireje dois toujours vous aimer. Mais il est bien sûr que je ne ferai jamais rien dont vous pussiez vous plaindre, si ce n'est de vous écrire de trop longues lettres. Je suis honteuse de celle-ci, mais comment la finir sans vous dire combien je suis enchantée d'avoir votre portrait; ce ne sont pas vos yeux, ce n'est pas votre physionomie, mais enfin il vous ressemble, et il fait mon bonheur, je vous en remercie avec transport quoique vous mel'ayezfaitbienlongtemps attendre, il y a eu une lettre de vous de perdue l'avant-dernière poste, cela est sûr; il est sûr aussi que je n'ai point reçu celle où vous me marquiez que les eaux de Plombières seraient votre prétexte pour venir à mes couches; mais comment se peut-il faire que vous receviez le 18 avril une lettre écrite le 28 mars, cela est incroyable. Que peut donc vous faire Châtelard? il faut que ce soit un véri­ table ours, car vous n'avez été à Lunéville que pour être avec le prince. Je suis bien aise que nous en soyons défaits cet été, mais il reviendra, et il faudrait pourtant tâcher de n'en pas dépendre. Est-ce qu'il pourrait vous empêcher d'être à Lunéville s'il voulait, pourvu que vous ne manquiez pas vous-même? Cela serait rigou­ reux. J'ai mieux n'avoir pas vos vers que de vous obliger à tra­ vailler; vous devriez avoir assez de confiance en moi pour me les envoyer esquissés; et il est bien sûr que je ne les montrerai point. Je suis déjà tourmentée de cette épître à me Bouflers; je serai bien difficile, je vous en avertis, et je ne veux aucune équivoque de sen­ timent, et aucune coquetterie; j'espère et j'exige que vous n'en montriez pas vos vers ni à elle ni à Panpan que je ne l'aie vue, et que je n'y aie consenti; assurément j'espère bien que les vers que vous ferez pour elle seront d'un autre ton que ceux que vous faites pour moi; mais il me faut au moins une octave de différence, je ne me contenterai pas des nuances de toutes les choses. Ce qui peut le plus m'inquiéter, c'est cette idée de faire des vers pour elle; je sais que c'est une des façons les plus sûres de lui plaire et je pour­ rais encore . . . m�is non, je ne veux rien croire, vous seriez trop coupable si vous me trompiez, et si votre cœur avait le plus petit 273 1 8 (Il)

Avril 1749 reproche à se faire; je ne veux point vous en faire aujourd'hui, votre lettre m'enchante, je la relis et je vous adore. Vous avez bien raison d'être inquiet de Mignone2 ; je le suis aussi, et je n'ai point de lettres de sa mère aujourd'hui; j'espère que vous m'en manderez de Lunéville. Accusez-moi donc la réception de vos reliefs, le p. prétend que vous les perdrez, que vous ne savez pas garder un papier, cela me fait trembler pour mes lettres. Votre écritoire doit être comblé; où les mettez-vous? Je vous conseille de les brûler, il y en a qui ne doivent être vues dans l'univers que de vous. Le roi de P. prétend que je suis ravie d'être grosse et que j'aime déjà mon enfant à la folie; il est vrai que depuis que je suis sûre d'accoucher à Lunéville je suis bien moins fâchée de mon état. Le roi de P. est charmant pour moi; s'il savait tout ce qu'il gâte par une injuste obstination, il me ferait l'aimer autant que je le dois. Mais comment le lui pardon­ ner? je ne connais de lui [rien d']injuste qu'en ce point. Adieu, je vous aime passionnément, et je trouve un plaisir bien délicieux à vous le dire; oui, je vous adore, mon dieu, que je suis heu­ reuse. Adieu. Vous me parlez de votre santé, et vous ne me dites jamais si vous n'avez point mal au côté ni de grosseur; cela m'inquiète beaucoup, et je vous supplie de m'en parler. Imprimé d'après The Collection of autograph le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii. 2 J 8-242. 1 peut-être le fermier - général François Baudon.

2 Louise Julie, fille de mme de Bouffiers; elle épousa plus tard Louis de Boisgelin de Cucé, comte de Boisgelin.

465. à fean François, marquis de Saint-Lambert à Trianon ce 29 [avril 1 749] Vous aurez vu bien de l'humeur dans mes dernières lettres, je me suis bien consultée, bien examinée; je vous trompais, je me trom­ pais moi-même quand je vous disais que le soupçon était loin de 274

LE TTRE 46 5

Avril z :749

mon cœur, je ne puis être tranquille tant que vous serez à Luné­ ville dans mon absence. Si ce soupçon flétrit votre goût, il détruit le mien, et assurément mes soupçons sont autrement fondés que les vôtres, rien ne peut nuire plus à vos affaires que d'être à Lunéville quand le r. arrivera. Vous avez fait assez preuve d'atta­ chement en restant toute l'absence, passé trois semaines à Nanci de suite, si vous voulez retrouver mon cœur, et que je parte, mais songez qu'on est huit jours à recevoir réponse, que le temps passe, et que je ne m'arrangerai d'une manière fixe et déterminée pour partir, que je ne sache que vous partez pour Nanci. Mettez cette paix entre nous, peut-être serais-je assez faible pour vous aimer et pour accoucher à Lunéville quand même vous n'iriez pas à Nanci, mais je serais malheureuse et tourmentée et je vous tour­ menterais; il n'y a que ce sacrifice qui puisse remettre le calme dans mon cœur, et je ne vois aucune raison de me le refuser; le chevr de Listenai, que cela afflige, y consent, et est témoin de la nécessité dont cela est à mon bonheur. Adieu, mandez-moi donc positivement que vous partez, et, si vous avez reçu les reliefs et la gratification; il se perd des lettres, j'en suis sûre, ainsi je voudrais l'être que celles-là ne le sont pas; songez que tout le monde croit que vous êtes raccommodé, qu'on me le mande, que le V. est quitté, et qu'il suffit qu'on le dise, et que je le craigne pour me tranquilliser; faites que je vous aime, sans me reprocher, sans craindre d'être malheureuse, sans regretter ma tranquillité, sans chercher les moyens de la ratrapper; mes couches sans vous seraient le seul, ne m'y forcez pas. J'en mourrais peut-être, car je puis prendre tout sur moi hors de ne vous pas aimer, je crois que cela surpasse mes forces. Reposez-vous sur moi de ce qu'il faut écrire à me B. pour le régiment, il n'y a que cela de faisable, et ce n'est pas assurément envie, mais on ne vous sert pas ici comme je le voudrais, il ne faut jamais en faire semblant; l'idée de Patot est divine. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1896) , seconde série, iii.228-229.

2 75

Mai 1 749

LETTRE

466

466. à Marie Françoise Catherine de Beauvau- Craon, marquise de B oufjlers- Remiencourt ce 3 mai ( 1749] L'abbé1 m'avait mandé que la pauvre petite mignonne était hors d'affaire, et qu'elle n'avait eu qu'un accès de fièvre en 4 jours, mais votre lettre du 2 6 me rend toutes mes inquiétudes. Je vous prie de m'en donner des nouvelles; je suis bien fâchée de n'être pas avec vous quand je vous sais triste et inquiète. C'est alors que notre séparation me devient insupportable, mais je vous jure qu'elle m'est toujours amère, et que vous êtes d'une nécessité indispensable pour mon bonheur. J'ai eu une bien plus grande peur que vous, et je l'ai gardée pendant 1 0 jours jusqu'à l'arrivée du prince2 • J'ai bien fait de ne vous pas inquiéter dans un temps où vous n'aviez pas encore de preuve que ce fût une fausse alarme. Je suis sûre par la manière dont mr de B. 2 m'a traitée, par l'air qu'il avait ici, et surtout par ce que vous me mandez de ses lettres à vous, que le malheur que nous craignions n'est pas arrivé, mais il est certain que votre lettre au V. a été perdue, et que je ne lui en ai rendu qu'une, qui était celle du quiproquo, et que le p. 2 vous a renvoyée; ainsi ni le vicomte ni moi n'avons reçu la lettre que vous lui aviez écrite. Voyez ce qu'elle peut être devenue, car cela n'est point bon à égarer. Votre réponse à la lettre que je vous ai écrite par mr de Listenai me déci­ dera sur bien des choses. Je vous prie de ne la pas retarder, cepen­ dant je vous avoue que je m'arrange pour partir le plus tôt que je pourrai, car je ne puis croire que le roi ait changé d'avis, ni vous non plus; cependant, pour me décider tout à fait, il me faut une réponse de vous bien positive. Le roi me paraît bien fâché d'avoir dit qu'il n'irait pas à sa première saison de Plombières, et je crois qu'il se dédira. Chargez-moi de choses vagues que je dirai comme de moi-même, que l'abbé en écrive aussi comme de lui-même, ce qui, comme vous savez, ne lui arrive que trop souvent, et vous

LE T TRE 466

Mai 1 749

attraperez le temps où je serai avec vous, et peut-être celui où vous le verrez, et alors vous prendrez votre parti. J'éclaire sa con­ duite le plus qu'il m'est possible; je ne le crois pas d'une fidélité bien exacte, mais je crois aussi qu'il n'y a rien qu'il aime autant que vous. Le jour que le roi partit il y eut un comité entre lui, mdllea , le p. 2 , et mr de la Galaisière sur ses régiments. Le P. m'a dit qu'il y fut arrêté que le roi demanderait, lorsqu'on les assemblera, l'année prochaine au mois d'août, car ce ne sera que l'année prochaine qu'on les conserve, et alors il nommera 3 colonels nouveaux, car Polig. ni Mont. ne le sont plus. S'il veut favoriser Polignac, il nommera Lamb. 4 au lieu pour ses 10 mille francs offerts, car il ne faut jamais sortir de là, et S t L. . . . à celui de Tianges pour le con­ server à Patot, et il en donnera les 2 cent louis que cependant le roi peut ne point faire donner, mais qu'il aura toujours tout prêts et qu'il donnera sans regret. L'affaire de mr de Belac sera finie avant ce temps, ainsi j'ai peur que la ressource de Rem. ne nous manque, mais Patot viendra à notre secours, et je suis sûre, du moins le p. me l'a dit, que mel le n'a demandé que celui de P. ou de Mont. mais qu'elle a laissé celui de Tiange pour mr votre fils. S'il en était autrement, je compte sur Patot et sur votre fermeté, elle n'a rien à dire quand le roi fera avoir à son L. un régiment pour les 10 mille francs qu'il en a offert, et je ne vois pas que la manière dont elle s'est portée à faire ce dont vous la priez dans votre lettre doive vous engager à abandonner sur cela vos intérêts pour les siens, ce n'est pas un avantage pour la petite Lambertie5 que vous aimez avec raison; il faudrait à son mari quelque chose qui l'en débarrassât, et je crois que l'intérêt du mari seul vous touche peu, en vérité est-il juste de préférer un homme qui a quitté le service et qui n'a pas vu tirer un coup de fusil à quelqu'un qui a bien servi. Je sais par mon expérience que ces sortes de raisons n'ont jamais rien décidé, mais cela me révolte toujours; mais ce qui décidera pour nous ce sera nous et l'intérêt de Patot, d'autant que le Lamb. aura son fait. Voilà qui est dit pour jusqu'à ce que nous nous voyions, mais il est important de ménager sur cela l'esprit du roi de longue main. 2 77

Mai 1 749

L ETTR E 466

Je vous ai mandé qu'il me laissait le petit appartement de la reine; il ferme le grand, et j'en suis bien aise, je n'aurai plus cette pierre d'achoppement. On passera par l'escalier de la marsane 6 et qui rend à son petit escalier, et il m'a promis un petit escalier dans la chambre verte pour aller dans le bosquet, ce qui me sera fort utile dans mon dernier mois, où il faudra me promener malgré que j'en aie. Ce pourra même être tout l'été le passage du roi pour venir chez moi, de son perron il n'y a qu'un pas. Je vous ai dit que l'aimable Chevalier était dehors, j 'en ai une d'une adresse charmante et du service du monde le plus agréable, mais c'est une des grandes . . . . que vous ayez jamais vues. Enfin excédée de toutes ces espèces, meIIe la Fons m'a offert ses services, et je les ai acceptés; elle ne sait pas attacher une épingle, mais elle est affectionnée et elle sait gouverner en couches. Je n'aurais pas imaginé de le lui proposer à cause de sa petite fille, mais elle s'en est détachée d'elle-même. Mr de la Fons restera ici pour nos com­ missions et pour arranger Argenteuil, et vous aurez melle la Fons; elle a un grand mérite à mes yeux, qui est d'être femme de mr de la Fons, n'ai-je pas mieux fait que de risquer de trouver encore une espèce? La Chevalier est placée, et c'est un repos d'esprit p our moi car elle me faisait pitié. Le p. m'a dit qu'il était chargé de me demander des pompons cramoisi et argent, mais il n'en a rien fait. Si vous en voulez, mandez-le-moi en droiture. J'ai dit au vicomte de ne plus se servir de l'adresse de l'abbé et de s'adresser à moi, tant que je serai ici, et moi je me servirai du couvert de Panpan, en vous remerciant d'avoir fait partir mr du Châtelet. Il l'est de jeudi avec son fils. Depuis quelque temps, je suis moins contente de mon fils, je ne sais s'il m'aime autant qu'il le devrait. Il n'a pas trop bien pris ma grossesse, et il se donne les airs de n'être pas content des 2 mille écus de rente que je lui ai arrangé; pour peu qu'il continue il n'en aura que quatre7 , car je lui ôterai la pension de 2400 1. que je lui fais, et le laisserai avec son régiment et sa charge, autant j'aurais fait pour lui par amitié autant j'en ferai peu pour une âme inté­ ressée. Vous serez au fait s'il vous parle, je ne crois pas qu'il l'ose, mais vous connaîtrez mieux que moi si je me trompe surtout sur

278

LETTRE

Mai 1749

466

son amitié pour moi, qui est ce qui m'intéresse le plus. Je vous prie de le prendre un peu sous votre gouvernement, de ne le pas gâter par trop de bonté, et de me mander avec vérité ce que vous pensez de son caractère: mais j'aime Brassac - est-ce qu'il voulait être à la fois chambellan et premier gentilhomme de la chambre? Voilà un étrange homme. Meuse qui est à présent à Sorci a eu une scène très vive avec le roi au sujet du duché de mr de Taillebour; il lui a soutenu qu'il lui avait promis de le faire duc; le roi lui dit que cela n'était pas vrai, et qu' il ne le serait jamais. La scène a été très violente, me Pompad: a raccommodé cela, et Meuse a soupé depuis à Marli avec le roi avant de partir. L'auriez-vous cru capable d'avoir une scène? savez-vous ce que dit mr de Talmont8 sur son duché quand on lui en fait compliment? Le roi a voulu anéantir les prétentions de notre maison en me faisant duc, ilfaut bien souffrir ce qu 'on ne peut empê­ cher. Si sa femme lui écrivait je croirais bien que ce propos-là n'est pas de lui, mais j'espère qu'il ne vous paraîtra pas mauvais. On trouve que le roi par cette grâce a fait une réponse très polie à lalettredeme deTalmont9 àmr de Maurepas ausujetdup. Edouard 10 • Le Maurepas est parti au désespoir, il n'en avait pas le plus petit soupçon. Vale, et me ama_; tu eris semper delicice animce mece. Voilà un petit thème! Le roi est plein de bonne volonté pour ma petite maison, et l'a fait meubler sans que je lui aie demandé. Parlez-lui-en quelque­ fois et ayez l'air de vous y intéresser. Imprimé d'après The Collection of

autograph letters . . . Jormed hy Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.229-23 1 . 1 probablement Pierre Charles François Parquet, l'un des aumô­ niers de la cour de Lorraine. 2 c'est touj ours le même prince de Beauvau-Craon. 3 mlle de La Roche-sur-Yon. 4 Lambertye.

Elisabeth de Ligniville, marquise de Lambertye. 6 lecture défectueuse? 7 c'est à dire, 4000 francs. 8 Antoine Charles Frédéric de La Trémoïlle, prince de Talmond. 9 Marie Louise J ablonowska, prin­ cesse de Talmond. 1 ° Charles Edouard, le jeune pré­ tendant. 5

2

79

Mai z:749 467. à Marie Françoise Catherine de Beauvau - Craon, marquise de B ou.fflers - Remiencourt ce

10

mai [ 1749]

Voilà encore une petite épître du V. Mr de S t L. m'a vue peu tran­ quillisée sur votre accident, il dit que la fable prend à merveille, le p. n'en revient point. Il m'a dit, le prince, que la belle-mère avait écrit pour vous faire venir; mandez-moi si vous viendrez d'abord que vous le saurez afin au moins que je ne me croise pas avec vous. Je vous attendrai pour repartir ensemble si je le puis, j'attends réponse à la missive que le chevr vous a remise pour me défaire des 2 cents louis. Je crois qu'il faut payer l'empereur. Adieu, j'ai une impatience de vous revoir qui nuit à mon travail; je ne sors plus, je ne fais que des a et des h, je n'ai même pas un Aristomène, et, quand je songe que tout cela finira par me retrou­ ver entre mr de S t Lam. et vous, je ne sens aucune privation, mais seulement mon impatience. Me Crèvecœur a eu mille écus de pension, personne ne sait à propos de quoi. Ecrivez au comte de parler à mr d'Argenson pour mr du Ch. comme le roi le lui a recommandé. Cela est, je crois, nécessaire. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . Jormed hy Alfred

Morrison ([London]

série. iii. 2 3 1 .

1 896),

seconde

468. à Jean François, marquis de Saint-Lamhert Dimanche 1 1 mai [ 1749] Point de lettres de vous aujourd'hui, voilà qui est affreux; ce n'est pas pour me rendre ma confiance et la tranquillité d'esprit néces­ saire à la vie que je mène. Imaginez si vous pouvez ce que c'est que d'être du jeudi au dimanche à attendre une lettre, et que cette 280

Mai

L E T T RE 468

1 749

lettre n'arrive point; tous mes soupçons alors me reprennent, et je suis très malheureuse quand la réflexion se mêle d'examiner votre conduite. Je vous avais toujours mandé qu'au retour du roi j'exi­ geais que vous fussiez à N anci; il est bien singulier que cette garde à remplacer se trouve précisément placée dans le mois du retour du roi; et il me semble que comptant que je reviendrais au mois de mai, et étant convenu que vous viendriez au-devant de moi, et que nous passerions quelques jours à Cirey, vous n'auriez jamais dû la placer ou l'accepter dans le mois de mai, le hasard vous sert touj ours bien singulièrement pour m'inquiéter. J'espère du moins que le 1 de juin vous irez à Nanci, et que vous n'en sortirez pas que pour venir à Cirey. Je me reproche l' impatience extrême que j'ai d'y être, s'il fallait pour abréger le temps de notre séparation que vous prissiez autant que moi sur ce que je pour­ rais appeler des devoirs, assurément vous ne le feriez pas. Je me lève à 9 heures, je ne soupe plus en ville, je ne reçois personne que le p., et je travaille presque tous les jours jusqu'à 5 heures du matin; mais pour soutenir cette vie-là, il faut avoir du moins l'esprit tranquille, et vous ne cessez de l'agiter; vous ne m'écrivez jamais qu'à 10 heures du soir, moyennant quoi vos lettres ne partent point, peu vous importe que cela m'inquiète et m'afflige. Ne puis-je, ne dois-je pas même penser, quand vous écrivez trop tard, ou que vous n'écrivez point, car cela vous est arrivé, que vous me sacrifiez à des choses plus agréables? Sans cela vous devriez assurément à Lunéville trouver le temps d'une lettre tous les trois jours. Je remarque encore que depuis que le temps de m on retour s'approche vous ne m'en pressez plus, je suis bien sotte moi de me tuer pour partir plus tôt; vous vouliez que je fusse le 20 mai à Cirei, et vous vous êtes mis volontairement dans l'im­ possibilité d'y être. Je crois que j 'arriverai trop tôt pour vous; en ce cas il vous est bien aisé de m'empêcher d'arriver, il n'y a jamais eu que vous, qui ayez mis de l'incertitude dans mon voyage; c'est cependant la pousser trop loin, si vos inégalités, si vos froideurs, si les contradictions et les obscurités de votre conduite, telles que celle de votre garde du mois de mai, quand vous exigez que j'arri­ vasse le 20; si tout cela continue, je ne prendrai pas le parti de er

28 1

Mai Z J49

LETTRE 468

rester ici, mais d'incertitudes en incertitudes, j'attraperai le g e mois, temps où il ne me sera plus possible de partir quand je le voudrais. J'ai toujours le dessein de partir mais je ne prendrai de jour, je ne le manderai à mr du Châtelet, je ne donnerai les ordres définitifs en conséquence, que quand je serai contente de vous, de votre conduite, de votre amour, de votre impatience, que je sens bien qui diminue tous les jours, en répondant à cette lettre exacte­ ment, ce que vous ne ferez point, car depuis longtemps vous m'écrivez sans me répondre, il se passera huit ou 10 jours. Si je ne suis pas contente de votre réponse, il m'en faudra encore autant; le mois de juin arrivera, passera, et je ne partirai point, car, si je ne suis pas à Lunéville avant le 1 er juillet, qui est le 8, je ne partirai pas, peut-être est-ce ce que vous désirez, peut-être êtes-vous em­ barrassé de tout l'amour que je vous ai fait voir, mais pourquoi chercher des détours, il vous est fort aisé de vous défaire de moi, au moins de ma présence pour cette année, et le temps, ou mes couches vous en déferont sûrement tout à fait. Vous n'avez jamais répondu aux reproches que je vous ai faits sur la lettre que vous avez écrite au chevr de Listenai; répondez à celle-ci du moins, mais répondez à tout, croyez que je ne l'oublierai point et songez qu'il faut décider mes marches, et qu'il est plus que temps. Le V. n'a pas reçu de lettre, vous l'avez peut-être reçue pour lui. Adieu, vous voyez bien que vous me mettez au désespoir. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.23 1 -232 .

469. à Jean François, marquis de Saint-Lambert [mai 1 749] Au nom de dieu, car je n'ose plus vous rien demander au nom de l'amour qui ne vous parle plus pour moi - ne négligez pas l'affaire du régiment; si le prince le veut bien, il l'emportera, on pourrait aisément faire un bon parti au petit Thiange avec l'argt 282

Mai 1 749 de votre compagnie, et votre famille vous aiderait sûrement. Je me charge de l'arrangement avec lui, je ferai écrire m 11e la Roche­ surion, au roi si vous le voulez; mais qui le peut mieux que me B.? Elle est à présent à portée de parler par ma lettre ostensible; dussiez-vous lui avoir cette obligation et l'en aimer mieux, je ne puis m'empêcher de vous le conseiller et de vous en presser; soyez heureux si vous le pouvez être avec tant de sujets de remords. On m'avait dit le régiment réformé, cela m'a empêché de parler plus tôt, j'en suis outrée. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed h y Alfred

Mor rison ([Londres] 1896), seconde série, iii. 197.

470 . à Jean François, marquis de Saint-Lambert [vers le 1 5 mai 1749] Point de lettre de vous, je voudrais être sûre que vous serez le 1 er juin à Nanci. Etes-vous arrangé avec mr du Châtelet pour venir au-devant de moi, comment comptez-vous faire pour Comerci? Votre santé m'inquiète, mes lettres que vous recevrez vous rassu­ reront sur mon cœur, il n'est pas possible, il n'est pas en mon pouvoir de ne vous pas aimer avec fureur, mais ne m'écrivez pas des lettres de 4 lignes, mais aimez-moi comme mon cœur l'exige et comme vous en êtes capable. Allez à Nanci, vous ne m'aimez que là, et répondez à mes lettres; on n'aime point quand on élude, qu'on écrit peu, qu'on ne veut pas répondre crainte de se brouiller encore. C'est en répondant qu'on ne se brouille point, mais vous ne me répondez plus, vous n'avez plus d'impatience, vous ne me pressez plus de partir; pourquoi donc voulez-vous que je vous aime? Je n'ai pas le temps de dormir ni de manger, et je ne puis finir mes lettres. Vous n'avez rien à faire, vous ne faites rien, vous m'écrivez 4 lignes, et vous vous vantez d'aimer, mais je vous aime à la folie, et c'est bien une folie, mais c'est pour la vie. Imprimé d'après "The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.2 3 2.

Mai 1749

L E T T RE 47 1

47 z . à Jean François, marquis de Saint- Lambert ce 1 8 mai [ 1749] Non, il n'est pas possible à mon cœur de vous exprimer combien il vous adore, l'impatience extrême où je suis de me rejoindre à vous pour ne vous quitter jamais. J'ai été bien malheureuse depuis jeudi; votre lettre du 12, qui devait arriver jeudi, 1 5 , n'est arrivée qu'aujourd'hui, 18. Mais que j'avais raison d'être affiigée de ne la pas recevoir cette lettre du 12, qu'elle est tendre, qu'elle m'a fait éprouver de plaisir, que j'en avais besoin, il y avait huit jours que je n'avais reçu de vous que des lettres de bouderies. Vous me grondez encore dans celle du 1 5 , je ne sais pas trop pourquoi, mais vous m'aimez; vous vous portez bien, et je vous pardonne tout. Je joignais jeudi au chagrin de n'avoir pas de lettres de vous, celui d'être inquiète de votre santé. Me B. me mandait que vous étiez malade, j'ai été 3 jours sans dormir, j'ai travaillé jour et nuit, mais mon esprit n'est pas si bon que mon corps, et mon inquié­ tude rendait bien des heures inutiles; aujourd'hui j'ai peur que l'agitation de l'impatience et du plaisir d'être contente de vous ne me retarde encore, je ne serai heureuse que quand j'aurai pu dire, je p artirai un teljour. Ne me reprochez pas mon Newton, j'en suis assez punie; je n'ai jamais fait de plus grand sacrifice à la raison que de rester ici pour le finir; c'est une besogne affreuse et pour laquelle il faut une tête et une santé de fer. Je ne fais que cela, je vous jure, et je me reproche bien le peu de temps que j'ai donné à la société depuis que je suis ici. Quand je songe que je serais actuellement avec vous. Mon dieu! que mr du Châtelet est aimable de vous avoir offert de vous amener; mais engagez-le donc à venir jusqu'à Troyes; si le che r ne nous sacrifie qu'au voyage de m11e Dandreselle, il n'y a rien à dire, mais sans cela engagez-le à venir; j'aimerais autant que mon fils ne vînt pas, cela ne ferait que vous contraindre; pour le cher il sera bien utile pour mr du Ch. et pour mr de V., à son défaut, il faudrait avoir Panpan, pour moi vous sentez bien que je n'aurai besoin de personne et que je ne 284

Mai 1 749

L ETTRE 47 1

verrai que vous; mais ne croyez donc pas que j'aie été 2 postes sans vous écrire, quelque mécontente que je fusse de vous; il me serait impossible d'en être une seule, mais vous vous m'écrivez des lettres bien courtes. Ce n'est plus le temps de Plombières, m'aimeriez-vous moins, moi qui vous aime mille fois davantage? Cela serait bien affreux, mais j'en ai bien peur. Prévenez le gra­ cieux curé pour Comerci, car sans doute vous y viendrez; j'y serai le moins que je pourrai, mais ne comptez pas sur ma tranquil­ lité. Vos lettres sont bien courtes pour que je sois si tranquille, vous ne vous êtes point justifié, vous n'avez pas grande impa­ tience que j'arrive, vous ne m'avez pas grondée une seule fois d'être restée le mois de mai à Paris; tout cela est vrai, prenez-y garde, mais ce qui l'est encore plus, c'est que je vous aime à la folie, je vous le dis trop, je vous le montre trop et vous en abuserez. Ecrivez au prince, il se plaint de votre silence, et il a raison. J'espère que vous irez le 1 er juin à Nanci; donnez-moi cette satisfaction et payez me votre mère d'avance, car je ne vous ne cèderai guère quand je serai arrivée. Imprimé d'après The Collec tion of au tograph letters . . . formed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii.232-233.

472. à jean Franç ois:, marquis de Saint-Lamhert ce 19 [?mai 1749] Oh, pour cela il est affreux de vous savoir malade, et de n'avoir pas un mot de vous pour me rassurer. Le cher de Listenai ne vous aurait pas refusé de me donner de vos nouvelles si vous ne l'aviez pas pu. Je suis au désespoir, et je vais y être jusqu'à dimanche, c'est une poste affreuse que celle de jeudi. Je vous aime passion­ nément; ne doutez jamais de mon cœur, il est à vous pour ma vie, livrez-vous au plaisir d'aimer et d'être aimé passionnément, mais écrivez-moi, ménagez-vous, nous nous reverrons bientôt pour ne

Mai z 749

LET TRE 472

nous jamais quitter. Me B. ne date point ses lettres, elle dit que vous êtes mieux, elle ne dit point ce que vous avez eu. Mon dieu! que je suis à plaindre, que je le serai jusqu'à dimanche; si je n'ai pas de lettres, que deviendrai-je? Donc je vous aime passionné­ ment, vous ne m'écrivez point assez; je crois que [vous] m'aimez, mais pourquoi ne me le pas dire? Avez-vous reçu mes lettres? Je vous adore, mon cher amant. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1 896), seconde série, iii.2 37.

473. à Jean Franf ois� marquis de Saint-Lamhert [vers le 25 mai 1749] Mr du Châtelet est arrivé avec me Lamberti; je ne puis vous expri­ mer ce qui s'est passé dans mon âme en voyant des personnes qui vous avaient quitté il y a huit jours, et le même mr du Ch., qui a été témoin de mon bonheur. Si on pouvait vous rendre compte de mon état vous verriez que des gens un peu clairvoyants auraient deviné une partie de ce qui se passait dans mon âme, au son trem­ blant de ma voix, et à l'air interdit que je ne pouvais cacher, ma situation présente avec vous, et celle où mr du Ch. m'a vue sans la voir, se sont représentées à mon esprit si vivement que j'ai été contrainte de quitter la compagnie plusieurs fois pour venir essuyer mes larmes. Je sens que vous n'en croirez rien, mais je satisfais mon cœur en vous peignant ce qui s'y passe; je savais bien que j'étais bien à plaindre, puisque vous m'aimez assez peu, que vous aviez assez peu d'estime pour moi pour ne pas prendre mon parti contre les soupçons infâmes qu'on veut vous donner contre moi; mais je ne savais pas combien j'étais malheureuse. Mr du Chastellet, avec une naïveté qui me donnait mille coups de poignard dont il ne se doutait pas, m'a appris des choses que je donnerais la moitié de ma vie pour oublier. J'ai si peur de me lais­ ser emporter par la fureur et le désespoir qu'il a mis dans mon

286

LETTRE 473

Mai 1 749

âme, que je me suis défendue de vous mander moi-même ce qui fera le supplice éternel de ma vie si vous ne le détruisez pas. J'ai chargé le chevr de Listenai de vous les mander, il connaît mon cœur, il le plaint, il n'a pu trouver aucune excuse vraisemblable. Vous ne répondrez peut-être pas au chevr de Listenai parce que vous n'avez rien à répondre; s'il en est ainsi, tout est fini pour moi, l'espérance qui me reste n'est fondée sur aucune vraisem­ blance, et cependant elle m'est si chère que je crains à présent de revoir le chevr de Listenai, crainte qu'il ne m'apporte votre condam­ nation, ou plutôt la mienne. Je vous ai écrit cet après-midi et je n'enverrai point ma lettre, elle me rendrait odieuse et ne vous ramènerait pas. Je ne peux vous montrer que mon extrême douleur, aussi bien les autres sen­ timents peuvent-ils à peine se faire entendre. Comment! vous, vous me quitteriez, sans raison, sans preuve, vous m'abandonne­ riez dans l'état où je suis, vous me feriez mourir de douleur, et après m'avoir parlé de fortune dans votre dernière lettre vous me trahiriez pour quelqu'un qui vous a fait tant d'outrages et dont le cœur est si peu fait pour le vôtre, vous me sacrifieriez à la faveur. Il n'y a donc plus de vérités, je ne croirai donc plus, même aux démonstrations mathématiques, il n'y en a aucune dont je ne suis plus sûre que je croyais l'être de la vérité de votre cœur; non, je douterai plutôt de mon existence, je croirai plutôt que 2 et 2 font 5 que de douter un moment que vous ayez la plus belle âme du monde. Trompez-moi toujours, mais ne m'ôtez pas cette idée, qui m'est plus chère que la vie. Mais comment résister à des faits? J'espère encore que vous les détruirez, mais on ne prendra que trop le soin cruel de me les apprendre et de me les prouver. Son­ gez-vous à l'espèce de supplice que j'éprouve tous les jours de poste? J'écris à ma meilleure amie, qui m'arrache le bonheur de ma vie, uniquement pour avoir le plaisir de me l'arracher, je ne lui laisse voir dans mes lettres que l'amitié la plus tendre, lorsque je devrais l'accabler des reproches les plus offensifs, j'ai l'air de la plaindre de l'infidélité prétendue de V., et je sais qu'elle le sacrifie pour un moment au plaisir barbare de m'ôter pour jamais le bon­ heur de ma vie. Je pourrais, en instruisant le vicomte tout finir, 287

Mai

1 749

LET T R E 473

tout éclaircir, lui envoyer du moins un témoin bien embarrassant, car sans moi il partirait, et il me faut des efforts . . . . J 'ai mandé à me B. que, si elle voulait me pro mettre de ne mon­ trer ma lettre à personne, surtout au chev r , je lui manderais le sujet de mes peines et je le lui manderais encore la 1 ère poste. Je suis pressée de prendre mes arrangements avec elle pour mon départ, et je vous le mande crainte qu'on ne veuille vous faire entendre parce que je nomme le chevr dans ma lettre que c'est pour autre chose, car que ne dois-je pas craindre? Imprimé d'après The Collection of autograp h letters . . . formed by Alfred

Morrison

([Londres] I 896), seconde

série, iii. 2 2 5 -226.

4:74. àjean François, marq uis de Saint-Lamhert Ce samedi 7 [juin 1 749] La po ste du jeudi m'est bien fatale, je n'ai point eu de lettres de vous, mais me de B. m'a bien consolée; elle est venue chez moi à midi, nous ne nous sommes quittées qu'à huit heures, et assuré­ ment le temps ne m'a pas duré; nous avons toujours, en vérité presque toujours, parlé de vous, elle a enchanté mon cœur, je l'en aime mille fois davantage. Elle dit que vous m'aimez passionné­ ment, que vous [le] lui disiez sans cesse. Je lui faisais l'argument des grenadiers, elle m'a juré que vous n'y auriez jamais pensé si vous aviez cru (comme cela était très vrai) que cela nous séparât pour toujours; je lui ai dit à quel point je vous adorais, que je m'en étais quelquefois repentie que j'avais espéré vous aimer fai­ blement, mais que ce n'était pas une âme comme la vôtre qu' on pouvait aimer médiocrement, que j'avais eu des torts, que je me reprocherais toujours ma lettre de Troyes, mais que mon amour les avait bien réparés, et qu'il me serait impossible d'en avoir à présent quand je le voudrais; que je vous aimais passionnément, que je craignais que vous ne m'aimassiez point, que la moindre diminution dans votre goût me rendrait malheureuse; enfin, après

288

L E TTRE 474

Juin 1 749

le plaisir de vous voir, il y a longtemps que je n'en ai eu de plus vif, je ne soupçonnerai jamais m e de B. Je me suis reprochée tout ce que je vous ai écrit sur cela, je ne veux point empoisonner mon amitié pour elle; si jamais elle m'ôtait votre cœur vous seriez apparemment de moitié. Je veux m'abandonner sur cela à votre amour et à son amitié, et je sens que quelque chose que vous me fassiez l'un et l'autre, je vous aimerai toujours tous deux. Vous voyez déjà ma confiance par la manière dont je vous parle d'elle, mais je l'aime à la folie, j'ai un goût naturel si vif pour elle, que pour peu qu'elle y mette du sien, je l'aime avec une tendresse extrême, et elle est charmante pour moi depuis son retour. Nous avons traité à fond l'article du vicomte, elle a lieu de s'en plaindre à présent. Elle le connaît tel qu'il est, mais elle m'a avoué que si elle le revoyait, ils se raccommoderaient, elle l'a aimé jus­ qu'à présent. Je crois que la comparaison de la chaleur de notre amour fait du tort à celui du vicomte, qui effectivement a un feu bien froid. Me de B. n'est peut-être pas capable d'aimer autant que moi, du moins je l'espère, je serais bien fâchée qu'ayant tant d'autres avantages sur moi elle ne me laissât pas celui-là, qui vaut tous les autres, du moins à mes yeux; mais, comme elle a l'esprit très fin et très délicat, elle est capable de sentir le plaisir d'être vivement aimée, et je suis bien sûre que le vicomte ne le lui don­ nera jamais; j'espère du moins, par la manière dont elle m'a parlé et dont elle pense à présent, qu'il ne sera plus à portée de me nuire dans son esprit. Nous verrons, s'il vient cet automne, comment il reconnaîtra les obligations qu'il croit m'avoir. Je suis au déses­ poir du voyage de meIIe Dandreselle, sans cela nos projets auraient réussi. Ce serait le bonheur de ma vie et le sien, je le lui ai bien dit, et j 'en répondrais sans cette malheureuse circonstance. Je vous prie, ne mettez pas votre cœur à cette melle Dandreselle, car après son départ j 'espère que nous réussirons; la présence du vicomte, s'il vient, ne sera qu'une raison de plus, mais savez-vous que m e de B. m'a inquiétée sur la Basom. 1 , elle dit que vous ne la quittez pas, et que vous voulez la convertir; voilà assurément un beau projet, et quçind elle le sera qu'en ferez-vous? elle est fort digne, je vous assure, de rester comme elle est, mais vous, vous I 9 (II)

Juin 1 749

LETTRE 474

seriez bien indigne d'y penser, je ne crois pas que votre cœur pût jamais être de la partie, mais aussi je compte trop sur votre pro­ bité pour vouloir me tromper sur cela, et je vous jure que vous aimant passionnément, sentant que je ne puis être heureuse qu'avec vous, il me serait impossible d'empêcher qu'une infidélité ne détruisît entièrement mon goût. Ne croyez pas que me Bouf. ait voulu faire une malice, elle ne m'en a parlé qu'à cause du danger des sermons, mais j'ai été tout de suite au fait; je sais qu'elle a eu du goût pour vous, et vous un peu pour elle. C'est assez pour m'inquiéter; d'ailleurs, comme vous voulez absolument avoir m r de Croix pour rival, c'est la seule manière de vous procurer cette satisfaction. Vous voyez bien qu'il vous sera aisé de détruire ce soupçon qui n'a pas pris encore de grandes racines, mais il le faut étouffer dans sa naissance. Me B. est allée à Versailles faire sa semaine, l'insupportable mis reviendra avec elle, ainsi quand même nous reviendrions en même temps, ce serait chacune de notre côté, je ne sais quand je serai libre. Me B. peut vous dire la vie que je mène, j'ai plus d'impa­ tience à présent de vous rejoindre que vous. Mandez-moi votre marche pendant Comerci, mandez-moi si vous aurez le curé, voyez si vous m'écrivez jamais d'aussi longues lettres que moi, mais raccommodez-moi donc avec le cher car vous m'y avez sûre­ ment brouillée en lui montrant ma lettre, mon amitié pour lui a cependant une source qui ne doit pas vous déplaire. Adieu donc, je vous quitte avec un regret extrême, mon cœur a encore bien des choses à vous dire; mais si je le laissais faire, quand aurait-il fini? J'ai montré votre portrait à me de B., elle dit qu'il serait assez bien si vous n'étiez pas roux, il faudra effectivement le charbon­ ner un peu; mais, tel qu'il est, il fait la consolation de ma vie. Adieu donc, je vous adore. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii. 23 3-234.

1

la marquise de Bassomp ierre.

Juin 1 749

LETTRE 47 5

475. àjean François, marq uis de Saint-Lambert Dimanche [vers le

10

juin 1749]

Non, la plus aimable créature qui respire - non, ne le croyez pas que me de B. ni personne au monde puisse me retarder d'une minute. Je vous assure que je vous sacrifie ma santé, mais que tout ce que je refuse, tout ce que je ne fais pas, ne sont pas des sacrifices; il faut en vérité que je sois de fer, mais l'amour me donne bien du courage. Je vous adore, et je suis dévorée de l'im­ patience la plus vive. Je me flatte toujours de partir. Mr Cléraut n'était point de moitié de mon projet du 16, et il est démontré impossible, mais je me flatte qu'il sera peu retardé. Il est impor­ tant que je finisse mon livre, mais voilà la dernière fois de ma vie que j'aurai quelque chose à faire qui ne sera pas vous. J'ai déj à dit à me de B. que je ne comptais revenir ici que par des circonstances imprévues mais [?que je ferais] des voyages tous les ans de pure société. Je croirais que je le pourrais, j'en suis bien éloignée et je voudrais passer plusieurs années de suite avec vous en Loraine. Je ne m'embarrasserais guère d'être oubliée, je vous le jure; je vous répète, je ne connais qu'un bonheur, c'est de passer tous les moments de ma vie avec vous, quand vous m'aimez, ou du moins quand vous me le montrez. Vous enflammez mon cœur, et je ne vois plus que vous dans la nature, votre cœur charmant tel que vous me le montrez dans vos deux lettres que je viens de recevoir à la fois est pour moi la pierre précieuse de l'Evangile. Je veux tout sacrifier pour en jouir, pour le conserver, je m'arrange pour . . . . . ' ne pas revenir 1c1, que vous ne m en pressiez pour y venir avec moi, car, si vous ne vous dégoûtez pas de moi par la continuité de la jouissance et par l'inaltérabilité de mes sentiments, vous n'au­ riez pas sur moi le crédit de me faire vous quitter un moment. Savez-vous que quand vous m'aimez comme vous m'aimez par cette poste, quand vous faites goûter à mon cœur le seul bonheur digne d'être désiré, j'en suis quelquefois affiigée?

Juin 1 749

L E T T RE

47 5

Je dois accoucher dans 3 mois, et j'aurais trop de regret à la vie, mais en vérité je ne me croyais pas assez de courage pour résister à mon impatience, si je n'avais pas pour prix de ce que je fais aujourd'hui la certitude de ne pas revenir à Paris que quand vous y viendrez, je ne le pourrais prendre sur moi, je ne fais ici que des x x et, malgré le retard de mon départ, il me restera encore bien des choses à faire là-bas. J'espère cependant dans 3 ou 4 jours pouvoir vous mander au juste où cela ira. Me B. n'entre pour rien dans mes arrangements, je ne savais ce que je disais, si je vous ai mandé le contraire, je ne m'en retournerai point avec elle quoi­ qu'il arrive; mais ne me parlez plus du comte, elle me respecte plus que vous, elle n'a pas osé m'en parler. Comment! vous seriez venu à cheval! je ne puis m'empêcher d'être bien aise que ce cheval nommé B. vous en ait empêché, car vous n'auriez jamais soutenu cette fatigue, surtout par la chaleur qu'il faisait; mais croyez que rien n'est perdu pour la sensibilité de mon cœur, mon cher amant, bonheur de ma vie; croyez que vous avez bien fait des choses pour moi que je n'oublierai jamais, mais que pouvez­ vous faire qui ne soit au-dessous de votre cœur, qui est à mes yeux d'un prix auquel toutes sortes de sacrifices cèdent? Mon dieu, que me de B. a été différente avec moi et avec vous; elle m'a dit de vous des choses qui ont pénétré et enchanté mon cœur; elle m'en était plus chère; elle est bien loin d'oser me presser pour le comte, qui, je vous jure, est à présent à mille lieues de penser à moi. Elle respecte mon cœur et mon amour pour vous, dont je ne lui ai pas caché toute la violence; elle retournera sûre­ ment ce mois-ci en Loraine, et elle le passera à Versailles, à Marli et à Vaureal, et moi je ne sortirai de ma chambre que pour monter en carrosse; elle est raccommodée hier avec le vicomte, mais ils ne s'aiment guère, et je vous jure que m11e Dandreselle est venue bien mal à propos. Je crains que vous faites trop d'honneur à Y. L., mais je veux croire que c'est que vous êtes comme les gens qui ont la jaunisse. Joignez donc à tout ce que votre cœur ado­ rable sent et exprime de m'écrire régulièrement et longuement. Les lettres du 19 et du 24 ont été perdues puisque vous les avez écrites. Adieu, je vous adore, je vous quitte pour travailler, et je 292

L E T T R E 47 5

Juin z :749

ne vous quitterai plus jamais, même comme cela. Si je voulais vous exprimer combien je vous aime, il faudrait que je fisse des expressions qui pussent vous rendre les emportements de mon cœur, car elles ne sont pas encore trouvées. Lundi matin Allez à Comerci le plus tôt que vous pouvez, j'espère partir le lundi 23 , je vous le manderai plus positivement jeudi, et n'en par­ lerai par cette poste à mr du Châtelet crainte qu'il ne prît son parti de partir sans vous, mais c'est par la façon dont mon travail avance que j'espère partir le 23 . Tâchez que mr du Ch. vienne au-devant de moi à la campagne de l'évêque de Troyes, qui est à deux lieues de Troies ou du moins à Bar-sur-Aube. Je crois que je mourrai de joie en vous revoyant, il faudra cependant vous contraindre; je voudrais bien être à ce moment-là, croyez que j e sacrifierai tout pour l'avancer. Imprimé d'après The Collection of au tograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii. 2 J 7-2 J 8.

4:76. à Jean François, marquis de Saint-Lambert [vers le 1 5 juin 1 75 9 ] Non, je n'ai plus de soupçons, je n'ai plus que de l'amour, il vous est si aisé de me les ôter ces soupçons que vous êtes bien coupable de me les laisser; c'est en m'écrivant des lettres tendres que vous les détruirez plus encore qu'en allant à Nanci, où je serai cepen­ dant bien aise de vous savoir le 1 er . Vous vous justifiez bien froi­ dement de votre lettre au che r de Listenai, vous ne me dites plus qu'il vous serait impossible de me quitter; vous vous êtes fami­ liarisé avec cette idée, elle ne vous effraie plus, et je crains que cela ne vous devienne plus aisé à mesure que cela me serait plus diffi­ cile. Vous ne m'avez pas grondée une seule fois d'être restée à Paris le mois de mai, et vous me paraissez craindre également que je ne parte tard et que vous ne restiez à Cirey quelques jours avec 29 3

Juin

1 749

LE T T RE 476

Mr du Châtelet. Mon départ ne dépend absolument pas de moi, mais de Cléraut et de la difficulté de ce que je fais, j'y sacrifie tout, jusqu'à ma figure; je vous prie de vous en souvenir si vous me trouvez changée. Savez-vous la vie que je mène depuis le départ du roi? Je me lève à 9 heures, quelquefois à 8, je travaille jusqu'à 3 , je prends mon café à 3 heures, je reprends le travail à 4, je le quitte à 10 pour manger un morceau seule, je cause j usqu'à minuit avec m. de V., qui assiste à mon souper et je reprends le travail à minuit jusqu'à 5 heures; quelquefois j'attends après mr Cléraut, et j'emploie le temps à mes affaires et à revoir mes épreuves. Me du Défant, me de B., tout le monde sans exception est refusé pour souper, et je me suis fait une loi de ne plus souper dehors pour pouvoir finir. Je conviens que si j'avais mené cette vie depuis que je suis à Paris j'aurais fini à présent, mais j 'ai commencé par avoir beaucoup d'affaires; je me suis livrée à la société le soir, je croyais que la journée me suffirait, j'ai vu qu'il fallait ou renoncer à aller accoucher à Lunéville, ou perdre tout le fruit de mon travail en cas que je meure en couches, ou me laisser des chaînes pour reve­ nir ici incessamment après mes couches en cas que je n'en meure pas, et j'ai senti que le seul moyen d'éviter tous les inconvénients qui se croisaient, et de mettre mon voyage de Paris à profit, qui m'a assez coûté de chagrin pour du moins en retirer quelque avantage, c'était de me séquestrer absolument, de risquer le tout pour le tout, et de ne plus faire que mon livre. Ma santé se sou­ tient merveilleusement, je suis sobre, et je me noie d'orgeat, cela me soutient. Mon enfant remue beaucoup, et se porte à ce que j'espère aussi bien que moi; si je pouvais jouir de mr Cléraut, je partirais à la fin du mois; il me restera encore bien des choses à faire là bas, et je ne resterai ici que le temps nécessaire pour finir celles où le conseil de mr Cléraut m'est indispensablement néces­ saire. Si je pouvais le ramener avec moi, je serais partie il y a long­ temps, mais c'est là chose impossible. Me B. me mande le voyage de m1 1e Dandreselle, et l'intérêt que le cher y prend; ainsi voilà nos projets plus reculés que jamais, j'avoue que s'ils pouvaient s'exécuter ils feraient le charme et la tranquillité de ma vie. J'envoie toujours des lettres du V.; mais, 2

94

LE TTRE 476

Juin 1 749

si j'étais bien sûre de vous, je m'opposerais bien à ce qu'elle le reprît, il est sot et tracassier; ce n'est pas la peine, il faut que je vous réponde à la crainte que vous avez d'être seul à Cirey avec mr du Châtelet; il ne dépend pas absolument de moi de vous en garantir, et, si vous aimez mieux me voir 10 ou 12 jours plus tard que de risquer cet accident, je n'ai rien à vous dire. Il me semble que vous mettez cela dans la balance, et vous devez sentir l'effet que cela fait sur moi; la crainte de vous exposer à cet accident m'empêche de donner un jour fixe à mr du Châtelet dans la crainte d'y manquer. Mon voyage dépend de la bonne volonté de mr Clé­ raut, et du temps qu'il me donne, et je ne puis encore prendre de jour positif, il faudrait le prendre trop éloigné. Le voyage du roi à Comerci me chagrine, si je ne suis pas partie quand il partira, il faudra, je crois, engager mr du Châtelet à vous mener à Comerci, vous emparer du gîte du gracieux curé, et je ne tarderai pas, j'espère, à vous en faire partir. J'écris par cette poste au cher pour le presser de donner rendez-vous à Cirey à mHe Dan­ dreselle, que j'irai en prier si cela peut lui convenir, et que j'amè­ nerai même s'il le veut. Le roi me dit l'année passée qu'il ne fallait point de permission pour aller à Comerci, ainsi je ne vois rien qui puisse s'opposer à votre voyage; vous aurez passé quinze jours environ à N anci, c'en sera assez et pour vous et pour moi, engagez mr du Châtelet à vous faire part des détails que je lui mande sur cela, cela vous sera plus aisé pour peu que vous lui en parliez. Je ne vois plus d'apparence au voyage de me Bouflers, elle me traite délicieusement et je l'aime autant que je la crains, ce qui est bien rare; je vous promets qu'elle vienne ou non de ne pas l'attendre. On retournera le 12 à Marli jusqu'au 20; on va le 1 er juillet à Com­ piègne; je ne vois guère là le temps de son voyage. On me pro­ pose de jouer la Mère coquette 1 , le voulez-vous? Je ne puis rien aimer que ce que je partage avec vous, car je n'aime pas Newton, au moins je le finis par raison, et par honneur, mais je n'aime que vous et ce qui a rapport à vous. Pressez le cher de donner ce rendez-vous à m11e Dandreselle à Cirey. En ce cas il y viendrait avec vous, et vous ne craindriez plus, j'espère, de rester à Cirey 24 heures, je l'amènerais à Comerci;

Juin z :749

LET T RE 476

cela serait très agréable. Je prie me B. de garder mon fils sous pré­ texte des comédies; il ne ferait que nous embarrasser à Cirey. J'espère qu'après avoir eu tant de congés pour Lunéville vous prenez vos mesures pour en avoir un pour Cirey! Je n'y serai que le temps que vous voudrez, et je me promets bien de passer ma vie à faire votre volonté, car je veux croire qu'elle sera toujours de ne vous jamais quitter. Le p. parle d'un voyage d'Angleterre l'année prochaine, mais je ne crains pas que vous me sacrifiiez à aucun prince; il m'a parlé de vos affaires le premier, je ne lui en parlais plus parce que j'en connais l'inutilité; il faut toujours être bien avec lui, jouir des grâces et de la facilité de son commerce, et n'en rien attendre. J'ai toujours aussi vivement dans la tête l'affaire du régiment, et je la crois seule faisable. Je ne suis pas contente des réponses que j'ai reçues de Viene, ce n'est pas le dernier mot, et j'ai encore quelque espérance. Adieu, voilà comme on écrit quand on aime autant que je fais. Adieu, je vous adore, mon âme se détache pour vous aller trouver; je crois que je mourrai de joie quand je vous reverrai si je vous retrouve tel que je vous ai laissé. Votre santé m'inquiète, j'espère que vous ne me trompez pas par votre régime. J'espère que le cher n'a pas repris Harsen, je n'aime point qu'il vous donne de mauvais exemples; songez que mile Dandreselle est dans une ignorance invincible et que je ne suis que trop sur la voie. Vous ne me parlez plus ni de Matin, ni de Saisons, ni de ces vers sur la solitude avec ce qu'on aime? Que faites-vous donc? Je n'ai pu rien voir des Saisons de l'abbé de Bernis, il est presque aussi paresseux que vous. Répondez à toute cette lettre; votre réponse sera longue, et les petites lettres me désespèrent, c'est une preuve sûre qu'on n'a pas grand chose à dire et que par consé­ quent on n'aime guère. Imprimé d'après Th e Collection of autograph le tters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii.2 34-2 36.

1

pièce de Charles Collé.

L ETTRE 477

Juin 1749

4JJ. à Jean François, marquis de Saint-Lambert ce 1 8 [juin 1 749] Enfin voilà donc une lettre de vous qui me donne un plaisir pur et sans mélange; je puis donc me livrer au plaisir de vous aimer et au bonheur d'être aimée, je puis donc faire le projet d'être heu­ reuse, et d'aller passer un an de suite avec vous. C'est sur quoi je compte, vous savez la manière dont le roi me traite, et que la cer­ titude de mes couches à Luneville ne dépendait plus que de vous, votre lettre d'aujourd 'hui achève de me décider. Enfin vous renon­ cez donc à ces grenadiers; il est bien cruel de penser qu'il a fallu vous le demander comme un sacrifice, et que vous vous y fussiez décidé si aisément, et que sans le p. cela eût été conclu sans attendre mon aveu, et sans répugnance de votre part; mais enfin vous y renoncez, et je suis trop heureuse. Je vous en sais le même gré, que si c'était réellement une fortune que vous me sacrifiez, mais j' espère de la justesse de votre esprit qu'en y réfléchissant vous verrez que c'était vous casser le cou et vous rendre malheureux, je dis même indépendamment de moi, en pure perte, mais enfin vous y avez renoncé sans voir encore d'arrangement fini dans vos affaires, et je ne puis douter que ce ne soit à la peine affreuse que vous avez vu que cela me faisait que vous l'avez sacrifié. Je vou­ drais que c'eût été à l'impossibilité que vous aviez de vous séparer de moi. J'espère, puisque c'est un sacrifice, que vous ne vous en repentirez pas. Voilà déjà cent louis de payés, car me B. me mande qu'enfin le roi a cédé et vous a donné 5 0 1., et je vous en ai envoyé 5 0 1. que je dois à l'amitié de mr de Paulmi, service assurément que je n'oublierai jamais; ainsi vous voilà presque comme vous comptiez être avant d'avoir compté avec votre maj or. Je suis bien loin d'être sans espérance pour le régiment de Tianges; il consent à le donner pour 2 cents l ouis; il me l'a dit, je vous les trouverai dans la. minute; votre retraite du régiment les paierait et une partie de vos dettes. Vous auriez 9 0d pour vivre jusqu'à ce 2 97

Juin 1 749

LETTRE

477

que vous touchiez votre pension de m e votre mère, et il faudrait vous y résoudre, cela me paraît très aisé. Je ne me consolerai jamais si vous ne l'avez pas, en cas que mr de Remiancourt1 ne l'ait pas, et je crois qu'il aura autre chose. J'en écris huit pages à me de B. aujourd'hui des moyens, des possibilités, et surtout je lui fais les plus fortes instances. Retournez à Lunéville, je l'exige, je l'aime trop pour la priver du plaisir de vous voir; il m'est venu dans l'esprit de faire demander le régiment au r. par le p. de Craon pour vous. Le roi ne le refuserait sûrement pas, mais il l'accordera, surtout s'il est persécuté pour la place de Pimont, qu'il refusera; faites donc écrire me B; le p . n'a pas encore parlé à m11e Larochesurion, elle devrait déjà l'avoir demandé, car quand même nous pourrions avoir le régiment il faut encore demander la place, afin que le roi soit trop heureux de se débarrasser de l'un par l'autre. Concertez tout cela avec me B., faites-la écrire à m11e et tenir l'affaire de mr de Remiancourt secrète, afin qu'on ne pense pas au régiment de Tianges pour d'autre que pour vous; allez à Lunéville échauffer m e B. pour ce régiment, je vous assure que cela est très vraisemblable, très possible, très faisable, plus pos­ sible que tout le reste, et c'est en vérité ce que je désirerais le plus pour vous dans les circonstances. Je n'ai osé demander les 5 o 1. du roy, je suis sûre de les avoir quand je voudrai; mais il vient d'en donner 50 1., et je crains qu'il ne se croie quitte de tout par là. Le plus pressé me paraît payé, et, si ni l'affaire de Pimont, ni celle du régiment ne se font, je les aurai sûrement. Envoyez-moi vos papiers ou du moins un mémoire bien détaillé; je l'enverrai à Viene, et peut-être pourrai-je faire l'affaire sans cession. Ainsi n'y pensez pas, assurément nous serons toujours à temps; je voudrais en tenir les 2 mille écus, enfin je ferai tout ce que je pourrai, peut­ être n'aura-t-on rien; mais il faut tout tenter, vous voyez si je sais garder ma rancune. Je vous ai presque pardonné votre lettre au chevr de Listenai; cependant je sens que j'étais plus heureuse quand je vous croyais incapable de vous passer de moi et à plus forte raison de me quitter, pourquoi ne le crois-je plus. Vous me parlez d'une lettre du 12 que je n'ai pas reçue, je vous ai écrit toutes les postes des volumes.

Juin 1 749

L ETT RE 477

Imprimé d'après The Collection of

autograph letters . . . formed hy Alfred Morrison ([Londres] 1896), seconde

série, iii. 2 3 6.

Stani slas Jean de Bouffi.ers, mar­ quis de Remiencourt (le chevalier de Bouffi.ers), fil s de mme de Bouf­ flers, qui avait douze ans. 1

478. à fean Franrois, marquis de Saint-Lambert ce mercredi [ 1 8 juin 1749] Je n'ai point eu de lettres de vous aujourd'hui, et mon cœur nage dans la joie, je ne fais pas un pas qui ne m'annonce mon départ, je dis adieu à tout le monde avec une joie délicieuse, même aux gens que je croyais aimer le mieux; il n'y a pas une de mes démarches et de mes actions qui ne tendent à me rapprocher de vous. Par­ donnez-moi de vous écrire une lettre si courte, vous devez tout me pardonner, car je laisserai mon livre imparfait; mais il faut que je me rejoigne à vous ou que je meure. Je vous adore, je vous aime avec une passion et un emportement que je crois que vous méritez et qui fait mon bonheur; je serai, j'espère, à Troies le 2 5 , l e 26, à Bar-sur-Aube, et l e 27 à Cirey. J'espère vous voir du moins à Bar-sur-Aube. J'écris à mr du Châtelet et au chev r; je voudrais que vous vissiez tout ce que je fais et tout ce que je ne fais pas pour partir; vous verriez bien que je vous idolâtre. Me B. ne va pas à Marli, et partira peut-être avant moi, mais sûrement sans moi. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed hy Alfred

Morrison ([Londres] 1896), seconde série, iii.238 .

479. à jean Franço is, marquis de Saint-Lambert [vers le 20 juin 1749] Inutile de s'affiiger et de s'inquiéter, c'est un bonheur incroyable d'écrire des lettres qui vont si bien à tout, et de trouver quel qu'un aussi crédule. Le p. n'en revient point et ne peut le croire. Le V. 2 99

Juin z :749

L E T T R E 479

n'a point reçu sa lettre; je ne lui parle et ne lui parlerai jamais de vous, je ne l'aime pas assez pour cela, et j'espère bien qu'il sera quitté à la première occasion, il est trop sot; mais j'avoue que je ne voulais pas qu'il le fût pour vous. J'envoie toutes les postes une lettre de lui, vous ne seriez guère capable de m'écrire toutes les postes pendant six semaines sans avoir de réponse, et cepen­ dant je ne puis désirer que vous m'aimiez comme lui; je ne vous désire rien que d'être bien vous-même. Il faut vous arranger par le canal du cher de Listenai avec mr du Châtelet pour qu'il vous amène tous deux au-devant de moi jusqu'à Traies. Mon dieu! quand est-ce que j'y serai? Il y a encore un expédient pour que mr du Châtelet vous amène tous deux et mon fils, s'il y peut venir, c'est qu'il emprunte une berline à de France, dites-le au chev r de Listenai. Le p. m'a dit que me Bouflers, la belle-mère, avait écrit au roi et à me de Bouffiers pour faire venir sa belle-fille. Je vou­ drais le savoir à l'avance, cela pourrait bien effectivement la faire venir, et en ce cas je l'attendrais pour partir; ce que le roi désire le plus c'est que je sois à Paris avec elle, mon état sera mon prétexte pour partir avant elle si son séjour ici se prolongeait, mais je ne voudrais pas me croiser en chemin. Adieu, je vous aime passion­ nément, je brûle de vous rejoindre, je travaille avec un empresse­ ment qui nuit souvent à ce que je fais; je ne veux plus jamais vous quitter si vous m'aimez, je vous le jure bien. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . Jormed by Alfred

Morrison ([Londres] 1896) , seconde série, iii. 237.

48 0. à Jean François, mar quis de Saint-Lambert [juillet 1749] à 8 h .

1

/2

Mon dieu que tout ce qui était chez moi quand vous êtes parti m'impatientait! que mon cœur avait de choses à vous dire! Vous m'avez traitée bien cruellement, vous ne m'avez pas regardée une seule fois; je sais bien que je dois encore vous en remercier, que 300

LE T T RE 480

Juillet 1 749

c'est décence, discrétion, mais je n'en ai pas moins senti la priva­ tion; je suis accoutumée à lire à tous les instants de ma vie dans vos yeux charmants que vous êtes occupé de moi, que vous m'aimez; je les cherche partout, et assurément je ne trouve rien qui leur ressemble; les miens n'ont plus rien à regarder. Cette maison de me de L., va me paraître telle qu'elle est, je n'y ai jamais été qu'avec vous, je la trouvais même aimable, je vais les voir ce soir tels qu'ils sont. Je viens de ma petite maison avec Z. Le bleu en est charmant, à présent qu'on l'a éclairci, je crois qu'on pourra y habiter à la fin de la semaine prochaine. J'ai été et je suis revenue à pied. J'ai fait avec une espèce de délices le même chemin que nous avons fait hier ensemble, je vous promets de ne guère man­ ger. Je suis d'une impatience extrême de savoir si vous monterez la garde demain. Si vous ne la montez pas, vous aurez été à Aroué 1 ; si vous la montez, vous n'irez que dimanche. Voilà une lettre pour le prince, vous la rapporterez si vous avez été à Aroué quand elle arrivera. Songez que si vous montez la garde demain je puis vous revoir lundi en revenant d'Aroué, songez qu'un jour est tout pour moi, et je n'ai pas besoin pour le sentir de mes craintes ridicules, car je les condamne; mais un jour passé avec vous vaut mieux qu'une éternité sans vous. Je vous aime avec démence, je le sens tous les jours davantage, c'est un si grand plaisir pour moi de passer avec vous tous mes moments que je ne puis perdre un si grand bonheur sans désespoir. Je ferai mon possible pour n'avoir pas d'humeur ce soir, mais comment ferai-je pour qu'on ne s'aper­ çoive pas de l'inquiétude et du malaise de mon âme, car c'est le mot qui peut rendre mon état? Il y a l'infini entre la manière dont je vous idolâtre et celle dont je vous aimais quand je suis partie pour Paris. Il me serait bien impossible à présent de m'imposer une telle privation; ne jugez point de moi par ce que j'ai été, je ne voulais pas vous aimer à cette occasion, mais à présent, que je vous connais davantage, je sens que je ne puis jamais vous aimer assez; si vous ne m'aimez pas moins, si mes torts - car je ne me pardonnerai jamais d'avoir perdu cinq mois loin de vous - n'ont pas affaibli cet amour charmant que je n'aurais pas osé espérer, qui fait le bonheur de ma vie, et sans lequel je ne pourrais vivre, 30 1

Juillet z:749

L E T T RE

480

je suis bien sûre qu'il n'existe personne d'aussi heureuse que moi, mais je vous avoue que je le crains. Je vous avoue que depuis mon retour je n'ai pas cessé de le craindre; il me semble que l'année passée vous ne m'auriez point quittée, même pour trois jours si guaiement, si indifféremment, sans m'avoir dit, du moins des yeux, que vous partiez avec chagrin. Rassurez-moi, mon cœur en a besoin, la moindre diminution dans vos sentiments me déchirerait de remords, je croirais toujours que ça été ma faute, que sans Paris vous auriez été toujours le même. Cette idée me tourmente, ôtez-la-moi si vous m'aimez. Songez que mon amour, que les chagrins que vous m'avez faits en voulant me quitter et par la crainte de ces grenadiers m'ont assez punie, que je vous aime avec une ardeur bien faite pour vous rendre heureux si vous pouvez m'aimer encore comme vous m'avez aimée. Ce n'est qu'en vous comparant à vous-même que je puis me plaindre; non, je ne le puis pas, vous m'avez trop montré d'amour ces 2 derniers jours-ci; non, votre cœur charmant est trop juste et trop tendre pour ne pas répondre au mien, qui vous idolâtre. Je n'ai rien trouvé de mieux à vous accorder que la cassette où vous renfer­ merez mes lettres. Rapportez-les, je vous le demande à genoux, bonheur de ma vie. Mettez un pain à la lettre du prince. Imprimé d'après L[ouise] Colet, 'Mme Du Châtelet', Revue des deux mondes (Paris 1 5 septembre 1 84 5), n.s.xi. 1048-r n49, et The Collection of

48 z .

autograph letters . . . formed by Alfred Morrison ([Londres] 1 896), seconde

série, iii .242. 1 Haroué, château des Craon.

àjean Franço is, marquis de Saint-Lambert [juillet 1749]

Pour cela vous êtes un étonnant homme, vous me mandez ven­ dredi à une heure que vous allez le samedi à Aroué, que vous y resterez le dimanche, que vous monterez la garde lundi, moi j'en­ voie vite à Aroué un exprès, j'adresse ma lettre au prince, et vous 302

L E T T R E 48 I

Juillet ZJ49

n'y étiez pas à midi aujourd'hui. Le carrosse de Nanci est arrivé, et il n'y a rien pour moi; qu'êtes-vous donc devenu? Vous voulez donc que ma tête tourne, vous voulez donc absolument me faire sentir que vous ne m'aimez plus comme vous avez aimé, et que je n'ai que trop raison d'en sentir les différences. Il me passe quel­ quefois par la tête que vous êtes malade, qu'il vous est arrivé quelque accident de Nanci à Aroué; mais je chasse ces idées, qui me désespèreraient. Si vous aviez par hasard monté la garde hier et que vous n'allassiez qu'aujourd'hui à Aroué vous m'auriez écrit par le carrosse. Je me perds dans mes réflexions, je vous envoie la lettre du p., et je suis bien indignée de vous aimer autant. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred

Morrison ([Londres] I 896), seconde série, iii.242-243 .

48 2 . à Pierre Charles François Parquet à Luneville le 24 juillet [ 1749] Mon cher abbé, je suis plus sensible au bien qu'au mal, j'étais au désespoir de ne vous point voir, mais je vous l'avais pardonné, et je suis transportée du plaisir de vous voir et de recevoir cette marque de votre amitié. Madame Bouflers en est comblée et très flattée de vous avoir décidé. Je l'ai laissée à Comerci avec la cour, et je suis venue ici me qualifier pour mes couches. Je compte que la cour y sera de retour le 1 5 ou le 16 d'août, c'est à dire avant mes couches, mais comme il faut que vous passiez par Bar le duc vous y saurez si le roi est à Comerci ou à Luneville. S'il est à Comerci, il faudra que vous y passiez pour voir md de Bouflers et quand vous y aurez été 2 ou 3 jours vous viendrez vous établir ici avec moi. Vous y trouverez mr de Voltaire, mr de S t Lambert et Panpan. Je vous assure que vous ne vous y ennuyerez pas, mais je suis persuadée que vous y trouverez la route, et je l'arrange pour que vous n_e passiez pas par Paris. Outre qu'elle serait plus longue, je crains, les délices de Capouë. Il faut donc aller d'où vous

Juillet 1749

LETTRE 4 8 2

êtes à Beauvais, de Beauvais à Senlis, de Senlis à Soissons, et de Soissons à Chalons sur Marne, car de Soissons vous êtes dans la grande route de Paris à Luneville, de Chalons à S t Diziers et Bar le duc, à Ligni et St Aubin. La poste va partout comme croyez­ vous bien. De S t Aubin, la poste vous mènera à Comerci si le roi y est, et à Toul, à Nanci, et à Luneville, si le roi y est. Si vous voulez voir Comerci en passant quoi que le roi n'y soit pas cela ne vous détourne que d'une lieue. Adieu cher abbé, mon cœur nage dans la joie de penser que je vais vous voir. Je vous jure qu'on est fort heureux ici, jugez ce que ce sera quand vous y serez. J'ai envoyé votre lettre à m. Bouffiers. Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Nouv.acq.franç. 243 3 9, ff. 1 5 3 - 1 5 4.

48.3. à fean François, marquis de Saint-Lamhert [?août 1749] Il y a un mot dans votre lettre que je ne puis lire; au plaisir que me font ceux que j'ai lus je sens combien je dois regretter ceux qui m'échappent, venez me l'expliquer bien vite. Le roi a déclaré la charge de mr du Châtelet [vide?], et l'a présenté à mr Issolinski1 , ainsi du moins cela est fait, si ce n'est pas bien fait; j'ai les mêmes maux qu'hier, et je vous aime autant, venez-y voir si vous en doutez, vous aurez à dîner à midi. Imprimé d'après The Collection of autograph letters . . . formed by Alfred Mor rison ([Londres] 1896), seconde partie, iii. 197.

il est certainement question ici d'un des nombreux Ossolinski à la cour de Stanislas. 1

Août 1 749

484.

àjean François, marquis de Saint-Lamhert [?août 1749]

Ramenez votre cœur, mais je sais trop que le goût ne se ramène pas, l'étude, le soin de ma santé, qui assurément en exige, l'éloi­ gnement, peut-être même la dissipation pourront-ils quelque chose sur moi. Je l'essaierai du moins, et si je suis malheureuse vous l'ignorerez, je ne vous demande que de me parler vrai. Je sens que je vous excède de mes lettres, j 'espère que je prendrai sur moi de ne vous plus écrire j usqu'à ce que vous ayez décidé mon sort; je souhaite que vous ne vous fassiez pas plus de reproches que je vous en ferai, et j 'espère que ceci assurera la tranquillité du reste de ma vie, la lettre où je vous redemande mon portrait était bien violente et bien emportée, mais elle marquait bien de l'amour e t je crois l'avoir bien expiée; gardez-le, je vous en conjure, mais rendez-moi ma tranquillité. Imprimé d'après The Collection of autograph le tters . . . formed by Alfred

485.

Morrison ([Londres] 1 896) , seconde

série, iii. 220.

àj ean Franço is, marquis de Saint-Lamhert Samedi au soir [3 1 août 1749]

Vous me connaissez bien peu, vous rendez bien peu justice aux empressements de mon cœur si vous croyez que je puisse être deux jours sans avoir de vos lettres, lorsqu'il m'est possible de faire autrement. Vous êtes d'une confiance sur la possibilité de monter vos gardes en arrivant, qui ne s'accorde guère avec l'im­ patience avec laquelle je supporte votre absence. Enfin, si vous avez des affaires et des devoirs à Aroué, j'aime mieux cela que des plaisirs. Quand jesuis avec vous, je supporte monétat avecpatience, je ne m'en aperçois souvent pas; mais quand je vous ai perdu, je 20 (Il)

Août Z J49

ne vois plus rien qu'en noir. J'ai encore été aujourd'hui à ma petite maison, à pied, et mon ventre est si terriblement tombé, j'ai si mal aux reins, je suis si triste ce soir, que je ne serais point étonnée d'accoucher cette nuit, mais j 'en serais bien désolée, quoique j e sache que cela vous ferait plaisir. J'en supporterai mes douleurs plus patiemment quand je vous saurai dans le même lieu que moi. Je vous ai écrit hier huit pages, vous ne les recevrez que lundi. Vous n'articulez point si vous reviendrez mardi, et si vous pourrez éviter d'aller à Nanci au mois de septembre moyennant cette garde. Ne me laissez pas d'incertitude, je suis d'une affliction et d'un découragement qui m'effrayeraient si je croyais aux pressenti­ ments. Je ne désire que de vous revoir encore. Il y a bien loin d'ici à mardi. Le prince va être bien heureux de vous posséder; il n'en connaîtra pas le prix si bien que moi: j'ai reçu enfin une lettre de sa part. La princesse vient demain souper avec moi. Si vous ne rassurez pas mon cœur, si vous ne m'écrivez pas tendrement, je serai bien à plaindre. Du moins, dites bien au prince que vous n'irez plus à Aroué avant mes couches; je ne le souffrirais pas. Je ne me ferai soigner qu'à votre retour, j'espérais travailler pendant votre absence. Je n'ai pas encore pu. J'ai un mal de reins insup­ portable et un découragement dans l'esprit et dans toute ma per­ sonne dont mon cœur seul est préservé. Ma lettre qui est à Nanci vous plaira plus que celle-ci; je ne vous aimais pas mieux, mais j'avais plus de force pour vous le dire, il y avait moins de temps que je vous avais quitté! Je finis parce que je ne puis plus écrire. Imprimé d'après L(ouise] Colet, 'Mme Du Châtelet', Revue des deux

mondes (Paris 1 5 septembre 1 845),

n.s.xi. 1 049.

486. à Claude Sallier [vers le

I

septembre 1 749]

J'use de la liberté que vous m'avez donnée monsieur de remettre entre vos mains des manuscrits que j'ai grand intérêt qui restent après moi. J'espère bien que je vous remercierai encore de ce 306

L E T T R E 486

Septembre z :749

service et que mes couches, dont je n'attends que le moment, ne seront pas aussi funestes que je le crains. Je vous supplierai de vouloir bien mettre un numéro à ces manuscrits et les faire enre­ gistrer afin qu'ils ne soient pas perdus. M r de Voltaire qui est ici avec moi vous fait les plus tendres compliments, et moi je vous réitère monsieur les assurances des sentiments avec lesquels je ne cesserai jamais d'être votre très humble et très obéissante servante BRETEUIL DucHASTELLET

A monsieur monsieur l'abbé Salier à la Bibliothèque du roi à Paris Imprimé d'après le manuscrit au­ tographe, Bibliothèque nationale, Fr. 1 2267, ff.4-5. Avec cette lettre, mme Du Châ­ telet envoya le premier volume de son manuscrit, qui reçut le numéro 2 1 16; le reste du manuscrit fut aj outé par la suite, malheureuse­ ment sans mention de date; main­ tenant le manuscrit est relié de telle façon, en trois volumes, qu'aucune certitude n'est possible, mais il semble que mme D u Châtelet dût envoyer elle-même son commen­ taire (maintenant Fr. 1 2268); quoi

20* (Il)

qu'il en soit, dans ce volume une feuille a été reliée portant l'inscrip­ tion de sa main; Comentaire sur le liure / des principes mathématiques de mr Neuton / papiers déposés / à la bibliothèque du roy / par me du Chastellet entre / les mains de mr l'abé Sallier / le io 7bre 1 749 /. La date paraît avoir été écrite par la mar­ quise plus tard que le corps de la note: on dirait en effet qu'elle avait préparé la lettre et le manuscrit pour l'expédition, et que la date fut ajoutée lorsqu'elle comprit qu'elle pourrait mourir.

TABL E D ES NO MS [Cette table constitue également la liste des lettres, les correspondants de mme Du Châtelet étant indiqués par des astérisques ; les renvois sont aux numéros des lettres.]

Ahen Saïd (Le Blanc), 3 8 Acta eruditorum, 1 22 Addison, Joseph, Remarks on reveral parts of ltaly, 92n. Adélaïde Du Guesclin (Vol taire), 1 Adhémar, Alexandre d' Adhémar de Monteil de Brunier, marquis d', 3 80, 3 8 3 Adhémar, Jean Balthazar d'Azémar de Montfalcon, comte d ' , 4 3 2n Adolphe Frédéric de Holstein-Gottorp, prince royal (roi) de Suède, 323 Aguil ar, d', 3 3 1 , 3 34, 342, 3 4 5 , 348 Aiguillon, Anne Charlotte de Crussol-Florensac, duchesse d', 1 8, 28, 37, 1 97, 2 3°, 273 , 274 Aiguillon, Armand Louis de Vignerot Du Plessis-Richelieu, duc d', 1 8n Aix-la- Chapelle, paix d', 376, 377 Alembert, Jean Le Rond d', 36 1 Algarotti, (comte) Francesco, 40, 43, 4 5 , 49, p , 5 2, 69, 1 24, 1 2 5 , 1 5 6, 208, 23 1 , 236, 2 5 2, 2 5 9, 274, 3 1 9, 448; Il Neutonianismo per le dame, 63n, 88, I I J , 1 1 7, u 8, 1 20, 1 24n, 1 2 5 , 1 26, 1 3 5 , 1 39- 1 4 1 , 1 4 5 , 1 67; - Le Neutonianisme pour les dames, 1 3 5 , 1 5 2, l 87 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 44, 5 3, 5 7, 63 , 6 5 -67, 7 1 , 88, 1 1 3 , 1 1 7, 1 37, 1 87, 200, 230, 236, 263 Alis. voir Athys. Alliot, 428, 432 Almanach nocturne pour les années z:739- 1742, 1 67, 1 70, 1 72, 1 73 , 176, 1 82 Alzira (Voltaire), 66n Alzire (Voltaire), 5 0, 5 2, 5 5 , 63, 6 5 , 66, 7 1 , 78, 8 5 , 94, 9 5 , r n 8, 3 1 3 , 341 Américains, Les. voir Al'{_ire. Anacréon (Cidevil le), 5 0 An cezune- Cadart, Françoise Félicité Colbert de Torcy, 1 4n Ancezune- Cadart, Joseph André d', 1 4n Andry de Boisregard, Nicolas, 1 73 Anti-Machiavel, L '. voir Frédéric, prince royal de Prusse. Antoine, 3 87, 3 9 5 ; 40 5 , 422, 424 Archimède, 3 60

TABLE DES NOMS

Arenberg, Léopold Philippe Charles, duc et prince d', 94, 2 1 7, 2 1 8 Argalotti. voir Algarotti, Francesco Argenson, Marc Pierre de Voyer, comte d', 1 83 , 1 96, 203 , 204, 209, 307, 3 3 2, 347, 3 80, 3 8 1 , 4 5 7, 463, 467 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 3 62, 3 6 3 , 3 67, 3 6 9 - lettres de lui, adressées à mme Du Châtelet, 3 5 7 n, 3 5 8n Argenson, René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d', 94n, 99, 1 67, 1 73 , 1 79, 1 82, 1 83 , 1 89, 1 9 5 , 203-2 1 0, 343, 346, 3 5 7, 3 6 3 n Argental, Charles Augustin Feriol, comte d', 24n, 5 0, 5 3 , 5 4, 9 8n, r n9, l 1 3 , 1 5 6, 1 92 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 2 5 , 78-82, 84, 86, 89, 9 1 , 93 - 96, 99, 1 23 , 1 28, 1 3 1 , 1 47, 1 5 3 , 1 5 5 , 1 60, 1 62- 1 67, 1 691 7 3, 1 76, 1 78- 1 84, 1 8 8, 1 9 1 , 1 9 3 , 1 96, 1 97, 1 99, 20 1 , 202, 204, 205 , 207, 209, 2 1 0, 2 1 3 , 2 1 5 , 24 5 , 2 5 9, 264, 27 1 , 2 84, 293 -297, 3 o9-3 1 3 , 3 1 9-3 2 1 , 3 26-3 28, 3 84, 3 8 8, 428, 434, 442, 44 5 Argental, Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d', 1 1 3, 1 2 3 , 1 2 8, 1 3 1 , 1 47, 1 72, 1 79, 1 80, 1 88, 24 5 , 264, 27 1 , 286, 293 -297, 3 09-3 1 1 , 3 1 3 , 3 1 9-3 2 1 , 3 26-3 28, 3 84, 427, 434, 440, 442, 44 5 Arioste, 5 3 Armagnac, Charles de Lorraine, comte d', 42n, 2 80 Armagnac, Françoise Adélaïde de Noailles, comtesse d', 4 2, 9 5 , 96n Arnaud, François Thomas Marie de Baculard d ' , 1 78 Aroué. voir Haroué Arouet, Armand, 1 2 1 Art poétique, L ' (B oileau) , 92 Assiot. voir Alliot. Athys (Quinault-Lully) , 2 1 Aumont, Louis Marie Augustin, duc d', 27 1 , 286 Autreau, Jacques, La Magie de l'amour, 3 7 Autrey, Henri d e Fabry d e Moncault, comte d ' , 22n, 3 8 Autrey, Marie Thérèse Fleuriau, comtesse d', 2 2 , 3 8, 284, 2 8 8 Auxonne, château d ' , 1 4 , 1 5 , 4 3 4n Avignon, 1 4n Aydie, le chevalier Blaise Marie d', 1 8 2 Bab or, mme, 3 7n Bagard (Bagar) , 394, 3 9 5 Bar-sur-Aube, 92 Barbier, Edmond Jean François, 3 7n, 82n, 1 1 2n, 20 1 n Barillot & fils, 3 p n, 3 5 8 Bassompierre, Charlotte de Beauvau- Craon, marquise de, 43 5 , 474 Bassompierre, Léopold Clément, marquis de, 43 5 n Bataille de Fontenoy, L a (Voltai re) , 3 3 8, 34 1 , 3 43 310

TABLE DES NOMS

Bauffremont, Charles Roger de Bauffremont, prince de, 376, 3 8 5 , 3 9 3 , 39 5 , 43 o , 4 5 o -4 5 2, 4 5 7, 4 5 8, 462-468, 47 1 -473 , 476, 477, 479 Bayle, Pierre, 1 86, 4 5 1 Beauregard , Salenne de, 1 8 on Beausobre, Isaac de, 1 86n Beauvau - Craon, Charles Just de Beauvau, prince de, 263 , 3 1 9, 3 2 1 , 3 73, 403 , 4 5 4, 460, 462-464, 466, 468, 469, 47 1 , 476, 477, 480, 48 1 Beauvau- Craon, F . J . de, chevalier d e Beauvau. voir Craon, F . J . de Beauvau- Craon, prince de. Beauvau-Craon, Marie Sophie de La Tour d' Auvergne, p incesse de, 321n Bécheran (Bécherand), l e duc de. voir La Trémoïlle, C. A. R . , duc de. Bécherand, abbé, 37n Belac, monsieur de, 464, 466 Belleisle, Charles Fouquet de, 27 1 , 294, 303n Bengesco, Georges, 66n Benoît x1v, 347, 3 5 0 Berchiny (Bercheni, etc.) monsieur de. voir Bercsényi, comte L.L. G . de. Bercsényi, comte Ladislas Louis Ignace de, 369, 378-3 80, 3 8 2, 3 8 3 , 4 1 9 Berger, 5 4 , 8 1 , 96, 1 8 8 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 8 5 Bernard, Pierre Joseph, 92; Castor e t Pollux, 9 2 , 1 04 Bernières, Gilles Henri Maignard, marquis de, 1 5 8n, 1 62 Bernières, Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de, 3 3 n, 1 04, 1 5 8 , 1 70, 1 73 , 1 76, 1 82, 1 8 5 , 1 99 Bernis, ( cardinal) François Joachim de Pierres de, Les Quatre saisons, 3 7 5 , 3 8 3 , 3 8 5 , 4 76 Bernoulli, Daniel, 1 2n, 2 1 , 203 , 2 1 1 , 22 1 , 268, 302, 308, 3 1 7, 3 22, 349, 3 5 5 , 3 5 6, 449 Bernoulli, Jakob, 2 1 i n Bernoulli, Johann, père, 1 2n, 2 1 , 1 7 5 , 203 , 2 1 1 , 22 1 , 227, 229, 268, 274, 277, 302, 308, 3 1 7, 322, 3 3 9, 3 5 2, 3 6 5 ; Commercium philoso­ phicum et mathematicum, 203 , 2 1 1 , 2 1 4, 220 Bernoulli, Johann, fils, 1 2n, 2 1 , 1 1 8, 1 24, 1 42a, 1 7 5 , 223 , 248, 249, 273 , 2 87, 290; Discours sur les loix de la communication du mouvement, 1 1 3 , 266, 273 *- lettres à lui adressées par mme D u Châtelet, 203 , 2 1 1 , 2 1 4, 220, 22 1 , 226 - 23 1 , 2 3 2, 234, 2 3 8, 24 1 , 243 , 2 5 4 , 2 5 5 , 268, 277, 302, 308, 3 1 7, 3 2 2, 3 3 0, 3 3 3 , 3 3 5 , 3 3 7, 3 3 9, 34 o , 3 44, 346, 349, 3 5 2, 3 5 4, 3 5 5 , 3 5 7, 3 5 8, 3 64-366, 449 Bernoulli, Johann 111, 3 3 3 Bernoulli, Niklaus, père, 2 1 1 n Bernoulli, Niklaus, fils, 203 , 2 1 i n 311

TABLE DES NOMS

Bernoulli, Susanna, 3 r 7n Bertrand, Jean, 63n Berwick, James FitzJames, duc de, 42n Besnier, 7 Besterman, Theodore, A World bihliography of bibliographies, 1 22n Beuchot, A. J. Q., 66n Beuvron, Anne Pierre d'Harcourt, comte de. voir Harcourt, A. P d' Harcourt, duc d'. Beuvron, Thérèse Eulalie de Beau poil de Saint-Aulaire, comtesse de, 3 5 Bignon, Armand Jérôme, 3 03 Bignon, Jean Paul, 303 Bissy, Anne Claude de Thiard, marquis de, 4 34 Blainville, Charles Louis Henri de Lénoncourt, marquis de, 44 m Blainville, Thérèse Angélique de Ligni ville, marquise de, 44 1 Blenheim, le palais de, 66 Blois, mile de. voir Françoise Marie de Bourbon. Boerhaave, Hermann, 76, 9 5, 97 Boileau, 5 6n; L 'Art poétique, 92 Bois, mme de. voir Debois. Boisgelin, Louis Bruno de Boisgelin de Cucé, comte de, 464n Boisgelin, Louise Julie de Boufflers, comtesse de, 464, 46 5 Boissy, Louis de, La ***, 1 03 Borcke, mlle von, 344, 3 47 Bosc Du Bouchet, Jeanne Grâce. voir Argental, J. G. Bosc Du Bouchet, comtesse d'. Bouchet, mlle de. voir Argental, J. G. Bosc Du Bouchet, comtesse d'. Boufflers, Joseph Marie, duc de, 37, 267 Boufflers, Madeleine Angélique de Neuville-Villeroy, duchesse de. voir Luxembourg. Boufflers-Remiencourt, Louis François, marquis de, 37m Boufflers-Remiencourt, Marie Françoise Catherine de Beauvau­ Craon, marquise de, 3 70 *- lettres à elle adressées par mme Du Châtelet, 4 5 4 , 466, 467 Bouhier, Jean, 82n Bourbon- Conti, Louise Adélaïde de (mile de La Roche-sur-Y on), 3 8 1 , 462-464, 466, 469, 477 Bourgogne, duc de. voir Louis, duc de Bourgogne. Bousquet, Marc Michel, 3 5 7 Bouthillier, Gabrielle Pauline, 43 2 Boyer, Jean François, 3 04 Brancas, mme de. voir Villars-Brancas, M. A. Fremyn, duchesse de. Brancas, Bufile Hyacinthe Toussaint de, dit le comte de Cereste, 3 6 Br'ancas, Louis Bufile de, dit l e comte d e Forcalquier, 3 6, 46 3 12

TABLE

DES

NOMS

*- lettre à lui adressée par mme D u Châtelet, 47 Brancas, Marie Françoise Renée de Carbonnel de Canisy de Bran cas, dite la comtesse de Forcalquier, 37, 42 Brassac, René de Galard de Béarn, marquis de, 1 79, 466 Brémond, François de, 206, 208 Breslau, paix de, 29 1 , 294n Breteuil, abbé de, 201 n Breteuil, Elisabeth Théodore Le Tonnelier de, 82, I I 5 , u 9, 20 1 , 203 , 2 1 2 Breteuil, François Victor Le Tonnelier, marquis de, 82n Breteuil, Gabrielle Anne de Froulay, baronne de, 9n Breteuil, Louis Nicolas Le Tonnelier, baron de, 82n, 278-280, 28 3n, 285 Brevedent, 3 3 Broglie, Louise Augustine Salbigothon Crozat de Thiers, duchesse de, 376, 444 Broglie, Victor François, duc de, 294n Bronod, 1 5 4, 3 5 9 Brosses, Charles de, baron d e Montfalcon, 3 7n Brosses, Françoise de, 3 7n Brou, monsieur de, 3 2 1 Browne, comte Maximilian Ulysses von, 376 Brumoy, le père, 94 Buffon, Georges Louis Leclerc, comte de, 8n, 25 5 n ; 'Invention de miroirs ardents', 360, 3 6 1 Bussy- Rabutin, Michel Celse Roger de, 9 5 C., mme de, 94 Caderousse, 1 4 Callirhoé (Roy-Destouches), 3 1 4 Calmer, Augustin, Histoire généalogi que de la maison Du Châtelet, 220, 277, 287, 290, 302 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 22 5 , 368 Camargo, Marie Anne de Cupis de, 24, 289 Camas, Paul Heinrich Tilio von, 242, 243, 249, 2 5 1 , 2 5 2, 2 5 5 , 269, 274 Cambray, monsieur de. voir Fénelon, F. de Salignac de La Mothe. Caraffa. voir Montenero. Caroline, reine d'Angleterre, 6 5 , 66, 1 1 3 Cassandre, 1 86 Cassandre, pseudonyme, 9 5 Cassini, Jacques, 1 1 3, 1 77, 2 1 6, 238, 2 5 6 Cassini, Jean Dominique, 1 77, 2 1 6 Castel, Louis Bertrand, 62n, 63n, 1 5 2

313

TABLE DES NOMS

Castera, Louis Adrien D u Perrou de, 1 3 5 , I 5 2, I 87 Castillion, Jean, 3 5 7n Castor et Pollux (Bernard-Rameau), 92, 1 04 Castres, 3 87, 403 Castro-Piagno, comte, 1 7n Catilina (Crébillon), 442, 45 3 Caumont, Joseph de Seitres, marquis de, 1 4n Caux de Montlebert, Gilles de, Lysimachus, r 1 2 Caylus, Anne Claude Philippe de Tubières Grimoard de Pestels de Levis, corn te de, 1 8 3 Celsius, Anders, 44n Cereste, comte de. voir Brancas, B. H. T. de. *Cereste, Louis de Brancas de Forcalquier, marquis de, lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 1 7, 22 Césarion. voir Keyserlingk, baron Dietrich von. Chales, Claude François Milliet de, 1 86n Chalmazel, Louis de Talaru, marquis de, 3 5 Châlons, monsieur de. voir Choiseul-Beaupré, Claude Antoine de. Chamarande, Louis d'Ormaison, comte de, 3 5 Chambrier. voir Le Chambrier, baron Johann. Champbonin, mme de, 76, 92, 1 47, 1 5 4, 1 5 7, 1 62, 1 70, 1 74, 1 79, 1 82, 1 84, 1 8 8, 1 89, 1 9 1 , 1 96, 202, 204, 207-209, 24 1 Champbonin, monsieur de, 208 Chanteheu, 4 1 9 Chantilly, 3 5 Chapelle, Claude Emmanuel Lhuillier, dit, 1 4 1 Charles, prince. voir Armagnac, Charles de Lorraine, comte d'. Charles de Lorraine, archiduc d'Autriche, 3 3 4n Charles Emmanuel m, roi de Sardaigne, 96, 376 Charlier, 3 3 2n *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 3 3 1 , 3 3 4, 3 42, 3 44, 345 , 348, 3 5 0 Charlotte, reine d'Angleterre, 66n Charlotte, princesse, 348 Charlotte Aglaé d ' Orléans, dite mlle de Valois, princesse de Modène, 36-3 8, 3 84n Charolais, mlle de. voir Louise Anne de Bourbon- Condé. Chassé, Claude Dominique de, 3 7 Chausserais, mlle de, 9n Châteauroux, Marie Anne de Mailly de Nesle, duchesse de, 3 6n, 334 Châtelard, 464 Chaulieu, Guillaume Amfrye de, 1 60

3 14

TAB LE DES NOMS

Chauvelin, Germain Louis, 1 3 , 1 4, 1 8, 24n, 5 1 , 76, 79-82, 84, 9 1 , 93-9 5 , 99, 3o3n Chauvelin, Henri Philippe, 3 2 1 , 3 8 8, 434 Chevalier, mlle, 383, 399, 403 , 406, 4 1 0, 4 1 7, 424, 466 Chimay, Alexandre Gabriel de Hennin-Lietard, prince de, 294n Chimay, Charles Louis Antoine de Hennin - Lietart, prince de, 2 1 7n Chimay, Charlotte de Rouvroi Saint - Simon, princesse de Chimay, 2 1 7, 294n Chimay, Gabrielle Françoise de Beauvau, princesse de Chimay, 294 Chimères, Les (ballet), 3 26n Choiseul-Beaupré, Claude Antoine de, 299 Chotusitz, bataille de, 29 1 n Christine, reine d e Suède, 40, 69, 3 2 3 Chubb, Thomas, 92 *Cideville, Pierre Robert Le Cornier de, lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 5 0, 5 5, 5 8, 64, 70, 72, 87, 97, I Oo , I O I , 1 07, 1 09, 1 30, 1 3 8, 1 5 0, 1 9 2, 1 98, 2 1 9, 247, 289, 292, 298, 3 0 5 , 306 , 3 1 4, 3 1 8, ) 2 5 ' 3 29, 3 36, 34 1 ' 3 5 6, 44 1 - lettres de lui adressées à mme Du Châtelet, r n, 3 4n, 74n, 262n, 3 20n, 3 5 8n Clairault, Alexis Claude, 1 1 , 24, 26, 27, 3 1 , 43, 44, 49, 5 2, 5 9, 62, 63, 6 5 , 73 , 1 0 5 , 1 08, 1 1 4, 1 2 5 , 1 42a, 1 44, 22 1 , 222, 229, 3 22, 3 39, 360, 3 6 1 , 47 5 , 476; Eléments d'algèbre, 349 - lettre de lui adressée à mme Du châtelet, 27 1 n Clairon, Claire Josèphe Hippolyte Léris d e Latude, 3 4 1 Clarke, John, 1 86n Clarke, Samuel, 1 20, 1 86n; A Collection ofpapers, 1 86n Clément X I I , 20 1 Clemenz.a di Tito, La. voir Titus. Cleraut. voir Clairault, A. C. Clermont, Louis de Bourbon-Condé, comte de, 24 Clermont, mlle de. voir Marie Anne de Bourbon. Cleveland ( Prévost d ' Exiles), 5 6 Colasse, Pascal, Thétis et Pelée, 63n Colbert, Jean Baptiste, 3n Colet. voir Collé, Charles. Collé, Charles, 1 5 7; Journal, 4 5 4; La Mère coquette, 476 Commercium epistolicum. voir Leibniz, G. W. , Commercium philosophicum. Condé, la maison de, 3 8n, 99n Condé, Louis II de Bourbon, prince de, 66 Conte du Tonneau, Le (Swift), 1 8 Conti, François Louis de Bourbon, prince de, 3 8 1 , 3 84

T A B LE DES N O M S

Contrison, baron de, 3 72n Corneille, Pierre, Le Cid, 1 6 2 ; Cinna, 2 04, Héraclius, 3 7, 3 8 Corneille, Thomas, Ariane, 1 6 2 Cotin, Charles, 5 6 Courbon-Blénac, Anne Marie Peirenc de Moras, comtesse de, 1 1 2 , 1 1 5 Courbon-Blénac, Charles Angélique de La Roche, comte de, 1 1 2, 1 1 5 Cramer, Gabriel, mathématicien, 360 Craon, Marc de Beauvau, prince de, 3 7 1 n, 477 Craon, Ferdinand Jérôme de Beauvau - Craon, prince de, 4 5 5 n Craufurd, Quentin, Mélanges, 360n Crébillon, Prosper Jolyot de, 5 6, 1 67, 1 73 ; Catilina, 44 2 , 4 5 3 Crépinade, La (Voltaire), 78 Creteil, 9, 4 2 , 4 3 Crèvecœur, Charlotte Catherine de Fargès, marquise de, 3 7, 467 Croix, monsieur de. voir Heuchin, A. M. F. de Croix, marquis de. Crousaz, Jean Pierre de, 2 74, 2 8 1 *- lettre à lui adressée par mme D u Châtelet, 2 75 - lettre de lui adressée à mme Du Châtelet, 2 7 5 n Cumberland, duc de. voir Guillaume Auguste, duc d e Cumberland. Daguesseau, Henri François, 99n, n 8, 1 2 3 , 1 67, 1 73 , 1 8 2 , 1 83 , 1 89, 1 9 1 , 1 93

Daguesseau de Fresnes, Jean Baptiste, 99n, 1 2 3 , 1 73 , 1 79, 1 80, 1 83 Daguesseau de Plainmont, 2 84 Daguilar. voir Aguilar, d'. Daidie, le chevalier. voir Aydie, chevalier B. M. d'. Daiguillon, mme. voir Aiguillon, A. C. de Crussol-Florensac, duchesse d'. Dargenson, monsieur. voir Argenson, R. L. de Voyer, marquis d'. Dandreselle, mlle, 47 1 , 474-476 Dargental, monsieur. voir Argental, C. A. Feriol, comte d'. Dasambray, 78 Darnaud. voir Arnaud, F. T. M. de Baculard d'. Daullé, Jean. voir Osembrai, d'. Daumond, monsieur. voir Aumont, L M. A., duc d'. Dautrei, mme. voir Autrey, M. T. Fleuriau, comtesse d'. Debois, mme, 2 86, 2 9 5, 296 Dechalles. voir Chales, C. F. Milliet de. Deformont. voir Formont, J. B. N. Defresne, monsieur. voir Daguesseau de Fresnes, J. B. Deidier, Nouvelle réfutation de l'hypothèse des forces vives, 268, 272, 2 73, 2 77 Delagni, mlle. voir Lagny, mlle de.

3 16

TABLE DES NOMS

Delauraguais, mme. voir Lauraguais, A. G. F. d'O, duchesse de. Della Robbia, Girolamo, 9n Demairan, monsieur. voir Mairan, J. J. Dortous de. Demouhi, le chevalier. voir Mouhy, Charles de Fieux, chevalier de. Demolieres, monsieur. voir Molières, J. P. de. Demoulin, 68, 8 r , 94, 1 82, 1 8 8 Deniau. voir Denyau. Denis, Marie Louise, r 1 2, 1 1 9, r 2 1 , 1 47 Denyau, 1 82 Deon, monsieur, 2 1 0 Derham, William, 'Experiments about the motion of pendulums in vacuo', 1 93 Derlak. voir Erlach d'. Des Alleurs, Roland Puchot, 206, 208 Des Arcs, Charles François, marquis, dit le comte de Luc, 1 66, 1 67 Descartes, René, 5 3 , 69, 1 1 7, 1 20, 1 4 3 , 1 44, 1 5 1 , 3 60; 0pera philosophiea omnia, 1 86; Opuscula posthuma physica et mathematica, 1 86 Desfonraines, Pierre François Guyot, 5 r , p, 8 1 , 9 5 , 1 5 6, 1 67, 1 9 3; Le Médiateur, 202; Ohservations sur les écrits modernes, 5 i n, 5 2, 20 1 , 202, 204; La Vo!tairomanie, l 5 6-2 1 3 , 2 1 7, 2 1 8 Desfosses, 363 Deshayes, mlle. vo ir La Popelinière, mme Le Riche de. Deshoulières, Antoinette Du Ligier de La Garde, 1 47n Desmarets, Léopold, 2 1 2, 2 1 7 Desportes, mlle. voir Fouchy, mme J. P. Grandjean de. Destouches, André Cardinal, Callirhoé, 3 1 5, Les Eléments, 1 8; Issé, 1 Dethiel, mlle, 1 9 Detourneuille. voir T ourneuille, de. Dettingen, bataille de, 3 1 3 Devaux, François Etienne, 3 72, 3 80, 3 83 , 3 87, 3 99, 429, 4 5 1 , 464, 466, 482 Devaux, Jean, 402 Devernic, monsieur. voir Vernique. Devin, 3 07 Diatribe du docteur Akakia (V o1 taire ), 203n Dictionnaire ph ilosophique (Voltaire), 63n Didon (Lefranc de Pompignan), 1 8, 50 Dillen, monsieur, 2 34 Discours en vers sur l'homme (Voltaire), 1 1 7, 12 3, 1 3 1, 1 3 6, 1 3 7, 1 4 5 , 1 5 4 - 1 5 7, 1 82, 1 89, 1 97, 2 1 2, 2 1 3 , 2 1 5 Dixet, 343 Dolivet, abbé. voir Olivet, P. J. Thoulier d'. Dombes, Louis Auguste de Bourbon, prince de, 287, 290

TABLE DES NOMS

Droysen, H., 'Die Marquise du Châtelet, Voltaire und der Philosoph Christian Wolff', 2 1 5 n Du Bocage, Anne Marie Fiquet, Lettre . . . sur les spectacles, 3 3 9; Prix alternatif entre les belles-lettres et les sciences, 3 5 7n Dubos, Jean Baptiste, 206, 209 Du B ourg, Mérope, 3 1 2n; Montesuma, 3 1 8 Dubourtroude. voir La Londe, J . B . F. Lecordier de Bigars Du Bourg-Théroulde, marquis de. Dubreuil, 94 Du Châtelet, Luc René, marquis, 242 *Du Châtelet, Marie de Fleming, marquise, lettre à elle adressée par mme Du Châtelet, 39 Du Châtelet-Lomont, Florent Claude, marquis, passim Du Châtelet-Lomont, Françoise Gabrielle. voir Montenero, F. G. Du Châtelet-Lomont, duchesse de. Du Châtelet-Lomont, Louis Marie Florent, (duc), 1 07 , 1 09, 1 1 2, 1 1 6, 2 1 1 , 238, 239, 298, 3 1 5 , 3 22, 3 34, 3 4 7 , 3 5 7n, 3 6 7 , 4 5 7 , 466, 4 7 6 Du Châtelet-Lomont, Victor Esprit, 20, 2 1 Duchene (Du Chesne), 3 42, 3 4 5 , 3 5 o Duclos, Charles Pinot, 1 1 9, 1 2 1 Du Deffand, Marie de Vichy de Chamrond, marquise, 3 3n, 3 5 n, 40n, 26 7 , 47 6 Du Fay, Charles François de Cisternay, 8n, 3 8, 1 29, 1 3 2, 1 5 6; ' Obser­ vations physiques sur le meslange de quelques couleurs dans la teinture', 1 5 1 , 1 5 2 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 1 43 Dufresne, mlle ou mme. voir Dupré, C. M. J. Du Hausser, mme, 3 60 Du Jarry, abbé. voir Juillard, Laurent. Du Luc, Charles Gaspard Guillaume de Vintimille, 1 66 Du Maine, Anne Louise Bénédicte de B ourbon-C ondé, duchesse, 66, 363 Du Maine, Louis Auguste de Bourbon, duc, 363 Du Moulin. voir Demoulin. Dupin, Claude, 1 47n, 1 8 8 Dupin, Louise Marie Madeleine, 1 4 7 , 3 2 5 Dupré, Catherine Marie Jeanne (mlle d e Seine, mlle o u mme Dufresne) , I, )3 Du Puis, Pierre, 9 5 Du Resnel, Jean François Du Bellay, 1 3n, 6 3 , r o 1 , r o8, 1 1 3 , I I 5 , 1 3 8 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 1 02 Du Sauzet, Henri, 209, 2 1 3n Dussé, monsieur. voir Ussé, L. S. Bernin de Valentiné, marquis d'.

318

TABLE DES NOMS

Du tot, Réflexions politiques sur les finances et le commerce, 1 4 8 Du Val (?), 90 Ecole des amis, L ' (Nivelle de La Chaussée), 1 0 1 Ecole des femmes, L ' (Molière), 2 1 7 Ecole des mères, L ' (Nivelle de La Chaussée), 3 2 1 Edouard VI I , roi d'Angleterre, 8on Eléments, Les (Roy-Destouches), 1 8 Eléments de la philosophie de Newton (Vol taire), 73, 76, 78, 80, 82, 8 3 , 88, 92, 94 - 96, 99, 1 04, 1 08, 1 1 3 , 1 1 7, 1 1 8, 1 20, 1 23 - 1 2 5 , 1 29, 1 30, 1 3 2, 1 3 9, 1 46, 1 64, 1 7 3 , 274 - deuxième édition, 1 3 3 , 1 3 5 , 1 3 7 Elisabeth, princesse palatine, 69 Elisabeth, reine d'Angleterre, 1 48n Elisabeth Charlotte d'Orléans, duchesse de Lorraine, 76, 90, 96n Elisabeth Thérèse de Lorraine, reine de Sardaigne, 96 Enfant prodigue, L ' (Voltaire), 7 1 , 74, 76, 78, 80, 8 3 , 92, 94, 1 08, 1 1 3, 1 17 Enghien, 2 1 8 Entragues, marquis d', 1 5 6 Envieux, L ' (Voltaire), 1 3 1 , 1 5 7, 1 60, 1 6 5 Eon, monsieur d ' , 2 1 0 Epître à Julie. voir Pour et le contre, Le. Epître à Uranie. voir Pour et le contre, Le. 'Epître au duc de Richelieu' (Voltaire), 442 Epître sur la victoire . . . à Lawfeld (Voltaire), 363 Epître sur le honheur. voir Discours sur l' lwmme. Epltre sur l'envie. voir Discours sur l'homme. Erlach, colonel d', 2 3 8 Erlach, famille d ' , 2 3 8n Essai sur la nature du feu et sur sa propagation (Voltaire), 1 26, 1 3 2, 2 1 9 Essai sur la philosophie de Neuton. voir Eléments de la philosophie de Newton. Essay on man, An (Pope), 63 Este, prince d'. voir François m. Esterhazy, princesse Mikl6s J 6zsef, 4 5 8, 464 Estrades, Elisabeth Charlotte de Semonville, comtesse d', 3 82 Euclide, Les Elémens . . . expliquez., 1 86; Les Quinze livres des éléments, 1 86 Eugène de Savoie- Carignan, prince, 280 Euler, Leonhard, 1 27, 2 1 1 , 273 , 274, 3 22 Examen désintéressé. voir Maupertuis.

TABLE DES NOMS

Fahle of the hees :, The (Mandeville), 63 Fagon de Lugny, Barthélemy Christophe, La Pupille, 1 7, 2 1 Fagon, Louis, 24 Fat puni:, Le (Pont-de-Veyle) , 1 2 3 , 1 97 Fatio, Nicolas, 1 29, 1 3 3 Faverolles, mme de, 78 Femme qui a raison :, La (Voltaire), 442 Fénelon, François de Salignac de La Mothe, 69; Dialogue des morts, 69n; Fahles, 69n; Télémaque, 68n, 23 1 Fermat, Pierre de, 1 43 Ferrand & Darty, 94 Fête de Béléhat:, La (Voltaire), 5 6n Feuquieres, monsieur de, 1 70 Fié, mlle, 208 Fleury, cardinal André Hercule de, 37, 42, 5 3n, 8 1 , 82, 99, 1 03 , 1 82, 1 89, 245 n , 2 5 3 n , 298 Florian, Marie Elisabeth, marquise de, 1 1 2, 1 1 5, 1 1 9, 1 2 1 , 14 7 Florian, Philippe Antoine de Claris, marquis de, 1 1 2 n Fontaine, abbé, 1 09 Fontaine, Marie Elisabeth de. voir Florian, M. E., marquise de. Fontaine, Nicolas Joseph de D ompierre, seigneur de, 1 1 2 n Fontaines, des. voir Desfontaines, P. F. Guyot. Fontenelle, Bernard Le Bovier de, 3 8, 5 2, 5 4, 8 8, 1 20, 1 26n, 1 29, 1 3 5 , 1 39, 1 40, 1 46, 1 73 , 1 96, 22 1 ; Entretiens sur la pluralité des mondes :, Thétis et Pelée, 63n, 1 24n; Histoire de l'Académie royale des sciences, 1 20 Forcalquier, comte de. voir Brancas, L. B. de. Forcalquier, la. voir Brancas, M. F. R. de Carbonnel de Canisy de. Formont, Jean Baptiste Nicolas, 3 3 , 64, 70, 87, 1 00, 1 0 1 , 1 09, 1 2 1 , 1 30, 206 Foscarini, Marco, 8 8 Fouchy, Jean Paul Grandjean de, 3 6 1 Fouchy, mme Jean Paul Grandjean de, 3 6 1 Four, de, 3 4 8 F ranchini. voir F ranquini. Francœur, François, 3 2 5 n François, duc d e Lorraine (l'empereur François 1), 63n, 464, 467 François I, roi de France, 9n François I I I d'Este, archiduc de Modène, 36n, 37, 3 8, 3 84 Françoise Marie de Bourbon, dite mlle de Blois, duchesse d'Orléans, 36- 3 8 Franquini, abbé, 40, 5 3 , 63 , r n3 Frédéric, électeur palatin, 69n Frédéric, prince de Galles, 66n 320

TABLE DES N OMS

Frédéric, prince royal (Frédéric I I , roi) de Prusse, 7 5 -23 8; L 'Anti­ Machiavel, 2 1 8, 220n, 2 24n, 23 1 , 23 5 , 236, 2 5 9 *- lettres à lui adressées par mme D u Châtelet, 1 3 6, 1 6 1 , 1 8 5 , 1 93 , 2 1 8, 224, 23 1 , 23 5 , 237, 239, 242, 244, 248, 2 5 0, 2 5 6, 30 1 , 3 1 6, 3 23 lettres de lui, adressées à mme Du Châtelet, 1 48n, 1 5 0n, 1 77n, 1 96n, 208n, 22 on, 224n, 236n, 239n Frédéric Guillaume 1 , roi de Prusse, 76, 84, 9 3 , 1 29, 230 F réret, Nicolas, 92n Froulay, Charles François, comte de, 63, 88, 1 1 7 Froulay, Louis Gabriel, chevalier de, 63n, 76, 79-8 1 , 84, 86, 94-96, 1 1 3 , 1 3 7, 2 1 7 �- lettre à lui adressée par mme D u Châtelet, 9 8 Fuller, monsieur. voir Euler, Leonhard. Furetière, Antoine, 1 70 Fuzelier, Louis, Les 1ndes galantes, 42n Galilée, 1 29, 1 3 3 Gamaches, Etienne Simon de, Astronomie physique, I 5 1 , 24 1 Gaussin, Jeanne Catherine, 1 , 78, 80, 27 1 Gautier, mlle, 27 1 Gayot de Pitaval, François, 1 73 Gazette d'Amsterdam, 80, 8 1 , 9 3 n Gazette d' Utrech t, 9 6 Genlis, Stéphanie Félicité Du Crest d e Saint-Aubin, comtesse d e , 2 1 n Georges I I , roi d'Angleterre, 6 5 n, 66n, 9 5 Georges m, roi d'Angleterre, 66n Gervasi, 89n Gesvres, François Bernard Potier, duc de, 36n Girard, 2 1 8n Girardet, Jules, 396, 43 1 , 447 Giraudet. voir Girardet, Jules. Givet, 76n Godin, Louis, 1 1 3 , 3 3 1 Gossein, mlle. voir Gaussin, Jeanne Catherine. Gradot ( café), 29, 30 *Graffigny, Françoise Paule d'Issembourg d'Happoncourt Huguet de, lettres à elle adressées par mme Du Châtelet, 90, 1 90, 2 1 2, 2 1 7 Graindet. voir Giraudet. Grandia, 1 48 Grandvillars, monsieur de, 290 Granet, François; 92n Gravesende. voir 'S-Gravesande, W. J. 321

TA B LE D E S N O M S

Gray, Stephen, 1 5 6 Gresset, Jean Baptiste Louis, 5 3 n, 63, 7 1 , 27 4 ; La Chartreuse, 5 3; Le Lutrin vivant, 5 3; Vert- Vert, 5 3, 63 Guillaume 1v, stadhouder des Pays-Bas, 2 1 1 Guillaume Auguste, duc de Cumberland, 362n Guinée, Guiner. voir Guisnée. Guise, Anne Marie Joseph de Lorraine, comte d'Harcourt, p rince de, 1 2, 82

Guise, Elisabeth Sophie, princesse de. voir Richelieu, E. S., duchesse de. Guise, Marie Louise Christine de Montjeu, princesse de, 1 2n Guisnée, 1 6, 24, 1 86 Hainault, le président. voir Hénault, C. J. F. Halley, Edmund, 78 Haroué, château d', 480, 48 1 , 48 5 Harrach, comte Joseph, 272 Harsen, 476 Hasse, Johann Adolf, Tito Vespasiano, 3 1 8 Haut, de, 3 5 4 Hautefort, le chevalier Gabriel de, 3 5 Hébert, mme, 424 Helvétius, Claude Adrien, 1 66, 1 73 , 1 82, 1 97 Hénault, Charles Jean François, 3 5 , 3 27; Le Temple de la chimère, 3 27-3 29 Henriade, La (Voltaire), 5 6, 7 5 , 8 5 , 1 04, 1 48, 1 87, 223, 3 82 Héraclius (Corneille) , 37, 3 8 Hérault, Marie Hélène Moreau de Séchelles, 1 82, 2 1 5 Hérault, René, 3 8, 94, 9 5 , 99, 1 66, 1 67, 1 7 1 , 205 , 207, 209, 2 1 5 , 2 1 7, 2 1 8 Hervey, John, baron Hervey o f Ickworth, 88, 1 1 7, 200, 2 3 0, 2 3 6 Heuchin, Alexandre Maximilien François d e Croix, marquis d e , 3 77, 379, 3 8 1 , 3 8 3 , 429, 462, 474 Hill, Aaron, 66n Histoire de Charles XII (Voltaire) , 67, 2 5 9, 3 1 9 Histoire de la guerre de 1 741 (Voltaire) , 3 5 3 Histoire de Louis XIV. voir Siècle de Louis XIV. Histoire des ouvrages sçavans, 1 86n Histoire du vicomte de Turenne (Ramsay), 3 6- 3 8 H oensbroeck, J. S . , marquis de, 286, 2 8 8 , 3 3 1 , 3 42 Hoey, van, 1 5 7, 1 63 , 1 64, 1 66 , 1 72, 1 73 , 1 79, 209, 2 1 3 Horace, 5 3 n Houécourt, Melchior d e Ligniville, marquis d', 44 1 n Hunaud, 1 5 6 Huygens, Christiaan, 1 1 3 n, 1 77n 322

TABLE

DES

NOMS

Issé (La Motte-Destouches), 1 , 379 Issolinski. voir O ssolinski. Issy, 245

Jacquier, François, 3 22; Elémens du calcul intégral, 3 47, 3 60; ed. Principia mathematica, 3 5 7n, 3 60 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 3 47, 3 5 1 , 360, 3 6 1 , 448 Jardin du roi (des plantes), 8 Jeanne. voir Pucelle d'Orléans, La. Jelyotte, Pierre de, 3 2 5 n Joly d e Fleury, Guillaume François, 1 8, 24n, 294, 297 Jordan, Charles Etienne, 1 36, 1 8 5 , 262, 265 , 272, 274 J ore, Claude François, 68, 94, 1 99 Journal de Trévoux. voir Mémoires pour l 'h istoire des sciences & des heaux-arts. Jouy, Antoine Louis Rouillé, comte de, 1 3 , 5 1 J uillard, Laurent, 2 30n jules César. voir Mort de César, La. Jurin, James, 274, 2 8 1 , 3 22 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 26 1 , 3 24 Keill, John, 1 92; lntroductio ad veram physicam, 1 56, 1 86; An Intro­ duction to natural philosophy, 1 5 6, 1 86; Institutions astronom iques, 347 Keyserlingk, baron Dietrich von, 1 07, 1 6 1 , 1 8 5 , 244, 262, 265 , 272, 274 Konig, Johann Samuel, 203 , 2 1 1 , 2 1 6, 220-239, 24 1 , 249, 2 5 2, 263 , 265 ' 269, 273 , 3 30 Konig (frère de Johann Samuel), 22 1 , 233, 3 30 Konig, Susanna, 3 1 7n Kortholt, Christian, 1 86n L., mme de, 3 6 L a Bonardière, 297, 3 2 1 La Bourdonnaie, de, 3 3 6 La B riffe, Pierre Arnaud de. voir La Ferrière, P . A. d e La Briffe, marquis de. La Calprenède, Gauthier de Costes, seigneur de, Cassandre, 1 86n La Chaussée, Pierre Claude Nivelle de, L 'Ecole des amis, 92, 1 0 1 ; L 'Ecole des mères, 3 2 1 ; Paméla, 3 1 4; L e Préjugé à la mode, 92 La Chétardie, Joachim Jacques Trotti, marquis de, 93n, 2 5 1 La Condamine, Charles Marie de, 4, 1 5 , 42, 1 1 3 , 1 5 9, 24 1 , 24 3 , 290, 3 3 7 La Ferrière, Pierre Arnaud de La Briffe, marquis de, 1 4 323

TABLE DES NOMS

La Ferté-Imbault, Marie Thérèse, marquise de, 22 3 La Ferté-Imbault, Philippe Charles d 'Etampes, marquis de, 22 3 n Lafons (de Lafonds), 4 5 9, 466 Lafons, mme, 466 La Fontaine, Jean de, 5 6 L a Galaisière, Antoine Marie d e Chaumont, marquis de, 3 72, 3 74, 466 Lagny, mlle de, 1 6, 26 Lagny, Thomas Fantet de, 1 6n La Grange- Chancel, François Joseph, Cassandre, 1 86n La Hire, Philippe de, 1 77n L'Aigle, Louis Gabriel Des Aires, comte de, 3 5 n L'Aigle, Marie Anne Petit d e Villeneuve, comtesse de, 3 5 La Londe, Jean Baptiste François Lecordier de Bigars Du Bourg­ Théroulde, marquis de, 3 3 La Marre, 57, 94 , 1 28, 1 3 1 , 1 47, 1 5 7, 1 60, 1 6 5 - 1 67, 1 70, 1 72, 1 73 , 1 76, 1 78, 1 99 Lambert, hôtel, 1 47, 1 5 3 , 1 5 6, 1 64, 1 70, 1 88, 1 9 1 , 1 96, 204, 207, 208, 2 30, 288 Lambert de Thorigny, 1 47n Lambertye, Nicolas François, marquis de, 4 5 8, 466, 473 Lambertye, Elisabeth de Lignivi lle, marquise de, 466, 473 La Motte, Antoine Houdard de, i n, 66 La Motte, Louis François Gabriel d'Orléans de, 3 3 1 *La Neuville, comtesse de, lettres à elle adressées par mme Du Châtelet, 299, 300 Lannoy, Pierre, comte de, 2 8 5 , 3 34, 348, 3 5 0 La Noue, Jean Baptiste Sauvé, 434; Mahomet II, 1 79, 1 82, 1 97, 1 9 8, 269, 27 1 , 286, 288, 289 Lanoy, 43 3 La Popelini ère, Alexandre Jean Joseph Le Riche de, 1 04, 1 06, 1 1 2 , 1 2 1 , 1 76, 1 82, 1 8 8, 1 99 , 3 1 9 La Popelinière, mme Le Riche de (née Deshayes) , i n, 1 06, 1 1 2, 1 1 5 , 1 2 1 ; 'Extrait du livre de m. Rameau', 1 2 i n, 1 7 5 La Reynière, Gaspard Grimod de, 3 30, 3 47 La R ivière-Bourdet, 3 3n La Roche - sur - Yon, mlle. voir Bourbon- Conti, Louise Adélaïde de. La Serre, Jean Louis Ignace de, 5 4 La Trémoïlle, Charles Armand René, duc de, 37n, 3 8 , 42 La Trémoïlle, Marie Hortense Victoire de La Tour d'Auvergne, duchesse de, 37n Lauffeldt, bataille de, 3 62n Launay, 5 4 ; Le Paresseux, 54n; La Vérité fahuliste, 5 4n

3 24

TABLE DES NOMS

Lauraguais, Adélaïde Geneviève Félicité d'O, duchesse de, 1 2, 3 6, 40-42 Lauraguais, Louis de Brancas-Villars, duc de, 1 2n Laurent, 3 70 La Vallière, Anne Julie Françoise de Crussol d'Uzès, duchesse de, 3 1 8 La Vallière, Louis César Le Blanc de La Baume, duc de, 3 1 2n Le Blanc, Jean Bernard, 82n; Aben Saïd, 3 8 L e Breton, mlle, 3 8 Lebrun, Charles, 1 47n, 2 3 0 L e Chambrier, baron Johann, 78, 8 3 , 2 5 6, 262, 263 , 265 Ledet, Etienne, 2 1 o Ledeuil-d'Enquin, J ., La marquise Du Châtelet à Semur, 20 Le Feron, Jean Baptiste Maximilien, 3 5 n Le Feron, Marie Anne Petit de Villeneuve. voir L'Aigle, M. A. Petit de Villeneuve, comtesse de. Lefranc de Pompignan, comte Jean J acques, 5 0, 5 2; Didon, 1 8n, 5 0; Zoraïde, 5 2 Leibniz, Gottfried Wilhelm, 1 20, 1 22, 1 29, 23 5 , 236, 238, 24 1 , 265 , 272n, 273 , 274, 277; A Collection ofpapers, 1 86; Commercium philo­ sophicum et mathematicum, 203 , 2 1 1 , 2 1 4, 22 1 ; Epistolae ad diversos, 1 86 Le Mairan, monsieur. voir Mairan, J . J. Dortous de. Le Maire, mlle. voir Lemaure, C. N. Lemaure, Catherine Nicole, 7, 1 8, 2 1 , 22, 63, 92 Le Mercier, Pierre Gilles, 3 5 7, 3 5 9 Lemire, 45 1 Le Monnier, P. C., 348 Lenglet Du Fresnoy, Nicolas, 5 6n Lenoncourt du Dicourt, marquise de. voir Blainville, A. de Ligniville, marquise de. Léon, princesse de, 2 3 Léopold Joseph, duc de Lorraine, 76n Le Ratz de Lanthenée, 1 8 2 Leseur, Tommaso, et François Jacquier, Elémens du calcul intégral, 3 47, 3 60; edd. Principia mathematica, 3 5 7n, 3 60 Le Sueur, Eustache, 1 47n, 2 30

·r.

Lettre de mademoiselle de Seine, 3 6n Lettre à m. D*** au sujet du prix de poésie (Voltaire), 2 30n Lettre de m. de Voltaire à m. l'abbé Dubos, 209

' Lettre de m. de Voltaire sur l'ouvrage de m. du Tot', 1 48 'Lettres de mr. de Voltaire à mr. de Maupertuis', 1 48 Lettresphilosoplziques (Voltaire), 1 2n, 1 3n, 1 4, 1 5 , 63, 64, 76, 1 66, 1 70, 1 7 1 , 1 8 2, 1 89 2 1 (Il)

TABLE DES NOMS

Le Vayer, Jean Jacques, 1 8 Leveau, Louis, 1 47n Lévesque de Burigny, Jean, 1 82, 2 1 3 Lézeau, marquis de, 1 04 L'Hospital, marquis de. voir Sainte-Mesme, G. F. A. de L'Hospital, marquis de. Liechtenstein, prince Wenceslas, 272 Linant, Michel, 5 5 , 5 8, 64, 70, 72, 94, 1 00, 1 04, 1 07, 1 09, r r o, 1 1 2, l l 5, l 1 6, 1 72, 1 76, 1 92, 1 98, 1 99 Linant, mile, 70, 72, 1 00, 1 07, 1 09, 1 1 0, 1 1 6, 1 9 2 Listenay (Listenois ), C. R. de Bauffremont, chevalier de. voir Bauf­ fremont, C. R. de Bauffremont, prince de. Lixin, Henri Jacques de Lorraine, prince de, 1 7n Lixin, A. M. G. de Beauvau - Craon, princesse de. voir Mirepoix, A. M. G. de Beauvau-Craon, duchesse de. Locher, 3 5 1 Locke, John, 24, 1 60 Lorraine, duc de. voir François et Léopold Joseph. Lorraine, duchesse de. voir Elisabeth Charlotte et Marie Thérèse. Lorraine, madame de. voir Elisabeth Charlotte d'O rléans. Louis XII, roi de France, 2 5 1 Louis xv, roi de France, 37, 42, 242n, 3 29, 3 4 1 Louis, duc d e Bourgogne ( 1 682- r 7 1 2) , 69 Louis, duc d'Orléans, 3 7 Louis, fils d e Louis xv, 3 20, 3 3 7 Louis-le -grand, collège de, 1 60n Louise Anne de Bourbon- Condé, dite mile de Charolais, 9n, 3 5 Louville, Jacques Eugène d' Allonville, chevalier de, 1 20; Remarques sur la question des forces vives, 1 20n Lubert, 46 1 Luc, comte de. voir Des Arcs, C. F., marquis. Luce, La. voir Algarotti, Francesco, Il neutonianismo. Lucrèce, 96n Luçon, monsieur de. voir Bussy-Rabutin, M. C. R. de. Lully, Jean Baptiste, 9 2; Athys, 2 1 Lussan, Marguerite de, Les Veillées de Thessalie, 3 7 Luxembourg, Charles François d e Montmorency, duc de, 3 7n Luxembourg, Madeleine Angélique de Neuville - Villeroy, successivement duchesse de Boufflers et duchesse de, 37, 3 8, 42, 288 Luxembourg, Marie Sophie Emilie Honorate Colbert, duchesse de, 3 7, 288 Luynes, Charles Philippe d'Albert, duc de, 3 8, 5 3n Luynes, Marie Brulart, duchesse de, 3 8

3 26

TABLE DES NOMS

Luynes, Paul d'Albert de, 303 Lysimachus (Caux de Montlebert), 1 1 2 M., médecin, 3 8 Maaseyk, 248n Machiavel , 2 42 Madrid, château de, 9, 22 Maffei, marquis Francesco Sci pione, 1 23 ; Meropa, 1 23n Mahomet (Voltaire), 2 1 5 , 2 5 9, 264, 267, 269, 27 1 , 284, 286, 288, 292, 2 94, 2 9 5 , 3 I 9 Mahomet II (La Noue), 1 79, 1 8 2, 1 97, 1 98 Maillebois, Jean Baptiste François Desmarets, marquis de, 287, 294 Mailly, Louise Julie de Mailly de Nesle, comtesse de, 36n, 3 8n, 42, 22 4n Mainières, le président de. voir Mesnières, J. B. F. Durey de. Mairan, Jean Jacques Dortous de, 1 1 8, 1 3 3 , 1 46- 1 48, 1 64-2 1 1 , 220, 22 1 , 26 1 , 262; 'Dissertation sur l'estimation . . . des forces motrices des corps', 1 20, 1 24, 1 3 9, 26 1 , 26 5 , 268, 272, 3 2 4; Eloges des académiciens, 287, 290; 'Lettre de M. de Mairan . . . à Madame ***', 262, 264, 268, 269, 272 - 274, 2 87, 3 1 7, 3 24, 3 8 3 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 1 44, 266 Mala, 3 94 Malebranche, Nicolas, I 3 2 Malezieu, Nicolas de, Elémens de géométrie, 1 86 Malgrange, La, 3 68, 3 82 Mandeville, Bernard , The Fahle ofthe bees (La Fable des abeilles) , 63, 3 8 3 Manneville, mademoiselle de, 298 Mansion, 3 3 2 Manteuffel, comte Ernest Christof von, 2 1 5 n Marchand de Varenne, Philippe François, 3 07 Marie Anne, archiduchesse d 'Autriche, 3 3 4 Marie Anne de Bourbon, dite mlle de Clermont, 5 6 Marie Leszczynska, reine de France, 4 I , 5 3n Marie Louise Elisabeth de France, duchesse de Parme, 22 4n Marie Thérèse d'Autriche, reine de Hongrie, 63n, 29 5 , 3 76, 377, 379 Marie Thérèse d'Espagne, femme du dauphin Louis, 3 20n, 3 3 6, 3 3 7 Marin de La Haye, I 4 7n Marivaux, Pierre Carl et de Chamblain de, 3 8 Marlborough, John Churchill, duc de, 66n Marseillais et le lion, Le (Voltaire), 63n Massuet, Pierre, 1 86n Maupertuis (père de P. L. Moreau de Maupertuis), 347, 3 5 5 , 3 5 6, 3 5 7 Maupertuis, Pierre Louis Moreau de, 1 8, 2 1 , 3 8 , 44, 5 2, 5 3 , 63, 6 5 , 7 1 , 1 1 3 , l 1 7, 1 40, 1 67, 1 70, 1 82, 203 , 2 1 1 , 2 1 7, 22 1 , 226-242, 2 5 0n, 2 5 3 ,

TABLE DES N OMS

254, 2 5 9, 263 , 268, 269, 2 84, 29 0, 3 1 7, 3 20, 3 22, 3 30, 3 3 3 , 3 3 5 , 3 3 9 , 3 44, 346, 3 5 2, 3 5 4, 3 5 7, 449; Dissertation physique à l'occasion du nègre blanc, 347, 3 48; Eléments de géographie, 2 5 1 , 2 5 3 ; Examen désin­ téressé des dijférens ouvrages qui ont été faits pour déterminer lafigure de la terre, 2 37, 242, 25 1 , 2 5 3 -25 5 , 347, 3 5 5 ; La Figure de la terre, 1 1 4n, 1 1 7, 1 26, 1 27, 1 29, 1 77, 1 86; - The Figure of the earth, 220, 2 2 1 ; Mémoire sur les figures des corps célestes, 1 29, 1 4 1 , 1 86; 'Sur les loix d'attraction', 1 24, 1 27, 1 29; Vénus physique, 346, 3 47 *- lettres à 1 ui adressées par mme Du Châtel et, 2 - 1 3, 1 5 , 1 6, 22, 24, 26 -3 2, 40, 4 1 , 43, 49, 5 9 -62, 69, 73, 1 0 5 , 1 08, 1 1 4, 1 1 8, 1 20, 1 22, 1 24, 1 26, 1 27, 1 29, 1 3 2- 1 34, 1 3 9, 1 4 1 , 1 4 5 , 1 46, 1 48, 1 49, 1 5 1 , 1 5 2, 1 7 5 , 1 77, 1 9 5 , 2 1 6, 222, 223, 246, 249, 2 5 0, 2 5 2, 2 5 6, 262, 26 5 , 270, 272-274, 3 3 2 Maupertuis, mme de, 344, 346, 347 Maurepas, Jean Frédéric Phélypeaux, comte de, 82n, 99, 1 1 4, 1 63 , 1 67, 1 70, 1 73 , 1 79, 1 8 2, 1 8 3, 1 89, 24 1 , 466 *- lettre de lui adressée à mme Du Châtelet, 3 07n Maurice, comte de Saxe, 3 62n Maynieres, monsieur de. voir Mesnières, J. B. F. Durey de. Médiateur, Le (Desfontaines ), 203 Melon, Jean François, 1 1 8, 1 20; Essai politique sur le commerce, 1 1 8 , 1 48 Mémoire sur la satire (Voltaire), 1 7on- 1 79, 1 93 Mémoires pour l'histoire des sciences & des heaux-arts, 63n, 1 20, 1 46 Mercure de France, 63n Mère coquette, La (Collé) , 476 Mérope (Du Bourg), 3 1 8 Mérope (Voltaire), 1 2 3, 1 3 0, 1 3 1 , 1 3 8, 205 , 3 1 8 Meslay, de. voir Rouillé de Meslay. Mesnières, Jean Baptiste François Durey de, 1 64, 1 73, 1 82, 1 89, 207, 209, 2 1 0, 264, 3 1 0 Metastasio, Pietro, 3 82; Tito Vespasiano, 3 1 8 Meuse, 466 Meynieres, monsieur de. voir Mesnières, J. B. F. Durey de. Mézières, Eugène Marie de Béthisy, marquis de, 2 1 n Mézières, Mau guet de, 2 1 Mignonne. voir Boisgelin, L . J . de Boufflers, comtesse de. Mignot, Marie Elisabeth. voir Florian, M. E., marquise de. Mignot, Marie Louise. voir Denis, M. L. Mignot, Pierre François, 1 66, 1 67, 1 8 2 Milon, Alexandre, 42n Minet, 294 Mirepoix, Anne Marguerite Gabrielle de Beauvau- Craon, duchesse de, 4 5 °, 4 5 5

TABLE DES NOMS

Mirepoix, Pierre Louis de Lévis de Lomagne, duc de, 4 5 0n Modène, mme de. voir Charlotte Aglaé d'Orléans. Modène, monsieur de. voir François 111. Moland, Louis, 66n Molière, 5 6; L 'Ecole des femmes, 2 1 7 Molières, Joseph Privat de, Leçons de physique, 1 20, 1 3 2 Mollwitz, bataille de, 268a Moncrif, François Augustin Paradis de, 1 1 2; Les Ames rivales, 1 1 2n, Essais sur la nécessité et sur les moyens de plaire, 1 1 2n; Zélindor, 427 Mondain, Le (Voltaire), 68, 70, 74, 76-8 1 , 8 5 , 86, 9 3 , 9 5 , 9 8 Montaigne, 2 3 7 Montazet, Antoine d e Mal vin de, 1 5 6 Montenero, Alfonso Caraffa, duc de, 29 5 , 300, 30 1 , 306 Montenero, Françoise Gabrielle Pauline Du Châtelet-Lomont, duchesse de, 29 5 , 300, 3 02, 306, 3 22, 342, 3 47, 3 5 0, 3 5 1 , 3 60 Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, 1 8 Montesuma (Du Bourg), 3 1 8 Montigny, Charles François Jean Bidault de, Sémiramis, 440, 445 Montjeu, 1 2n Montmort, Pierre Rémond de, Essayd' analyse surlesjeuxde hazard, 2 1 1 Mont-Valérien, 3 1 , 6 1 , 1 1 4, 1 1 8, 1 48 Morand, Sauveur François, 274 Moras, Anne Marie Peirenc de. voir Courbon-Blénac, A. M. Peirenc, comtesse de. Moreau, monsieur. voir Maupertuis père. Mort de César, La (Voltaire), 5 7, 3 04-307 Mortier, Pierre, 2 8 1 Mouhy, Charles de Fieux, chevalier de, 8 1 , 1 69, 1 7 1 , 1 8 8, 1 89, 1 9 1 , 1 96, 202, 209, 2 1 0, 2 1 3 , 2 1 5 , 294, 309 Moula, Frédéric, 3 5 7 Moussinot, Bonaventure, 1 5 7, 1 60, 1 70, 1 97, 1 99 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 7 5 , 1 42, 260 Moyland, 248n Murayre (Mu raire), 63n Musschenbroek, Pieter van, 21 3 , 3 22; Epitome elementorum physico­ mathematicorum, 1 86; Essai de physique, 1 86; Physicae experimen­ tales et geometricae naturalem, I 86; Tentamina experimentorum naturalium captorum in Academia del cimenta, 1 6 1 . Nassau-Siegen, Charlotte de Mailly -Nesle, princesse de, 3 6 Nasseau-Siegen; Maximilien Guillaume Adolphe de, 3 6n Nattier, Jean Marc, 30 1 , 3 3 5

TABLE DES NOMS

Neipperg, Wilhelm Renhard, comte von, 269 Nesle, Louise Julie de Mailly de. Yoir Mailly, L. J. de Mailly de Nesle, comtesse de. Nesle, Marie Anne de Mailly de. Yoir Châteauroux, M. A. de Mailly de Nesle, duchesse de. Nesle, Pauline Félicité de Mailly de. Yoir Vintimille, P. F. de Mailly de Nesle de. Neufville de Brunaubois-Montador, le chevalier Jean Florent Joseph de, 1 67n, 1 76, 1 82 Newton, sir I saac, 5 2 - 5 4, 78, 1 24, 1 3 9, 1 44, 1 70, 1 73 , 1 77, 1 8 5 , 3 47, 3 86, 432, 448, 449, 47 1 , 475 , 476, 486; The Chronology of ancient kingdoms amended, 92; Opticks, 1 86; Principia mathematica, 78n, 1 1 3n, 1 1 4, l 5 I , 1 5 2, 1 86, 3 5 8, 3 6 1 , 3 62; Traité d'optique, 1 86, 274, 3 24, 3 3 9, 3 5 1 , 3 5 2, 3 5 7 Newtonade, La. voir Eléments de la philosophie de Newton, Les. Nivernais, Louis Jules Barbon Mancini-Mazarini, duc de, 267 Nivernais, Marie Thérèse de Brancas, successivement comtesse de Rochefort et duchesse de, 267 Noailles, famille de, 99n Noailles, régiment de, 22 Nollet, Jean Antoine, 63n Nouvelles de la répuhlique des lettres, 1 86n Ohservations sur les écrits modernes (Desfontaines), 5 i n, 5 2, 20 1 , 202, 204 Ode sur l'ingratitude (Voltaire), 70, 78 Ode sur la paix de 1736 (Voltaire), 70, 78, 8 3 Ode sur la superstition (Voltaire), 70, 7 8 , 8 3 , 1 89 Ode sur messieurs de l' Académie des sciences (Voltaire), 1 4 5 Odieuvre, Michel, 63n Œdipe (Voltaire), 1 67n Olivet, Pierre Joseph Thoulier d', 1 66, 1 84 Orange, prince d'. voir Guillaume IV. Orléans, Charlotte Aglaé d'. voir Charlotte Aglaé d'Orléans. Orléans, duc d'. Yoir Louis et Philippe. Orléans, duchesse d'. voir Françoise Marie de Bourbon. Orléans, Elisabeth Charlotte d'. voir Elisabeth Charlotte d'Orléans. Orléans, Jean Philippe, chevalier d', 3 84n Orondate. voir Villars-Brancas, L. A. de Brancas, duc de. Ortmann, Jeremias ou Andreas, 364, 3 66, 449 Osembrai, d', 274n, 3 46 Ossolinski, monsieur, 483 Ossone. voir Auxonne.

3 3°

TABLE DES N O MS

Ouakaka, poudre d', 347 Ovide, 1 08n Oxford, 66 Pallu, Bertrand René, 4 5 Paméla (La Chaussée), 3 1 4 Pandore (Voltaire), 3 2 1n, 3 2 5 n Panpan . voir Devaux, F . E. Parabès, mme de, 4 5 Pardies, Ignace Gaston, Elémens de géométrie, 1 86; Œuvres, 1 86 Pâris, François de, 1 76 Pascal, Blaise, 5 6; Les Provinciales, 42 1 Pa tot, 46 5 , 466 Paulmy, Antoine René de Voyer, marquis de, 363, 463 , 477 Pélissier, mlle, 22 Pello, 1 77 Petit, François, 287, 290 Petit, Jean Louis, 287n Petit-Bourg, 3 7, 42 Petit Vendin, 342 Philippe v, roi d'Espagne, 224n Philippe, duc d'Anj ou, 42n Philippe, duc d'Orléans, régent de France, 36n Philippe de Bourbon, duc de Parme, 224n Philisbourg, camp et bataille de, 1 7, 42n Piazzetta, G. R., 63 n Picard, Jean, 1 77n, 22 1 Piron, Alexis, 7 1 ; L 'Amant mystérieux, 2 1 ; Les Chimères, 3 26; Les Courses de Tempé, 2 1

Pitaval. voir Gayot de Pitaval, François. Pitot, Henri, 1 20, 24 1 Pitteri, Marco, 63n Plotz, Johann Ernst von, 1 6 1 , 1 68, 1 8 5 Podewils, Otto Christoph, comte von, 3 1 0, 3 I I Polignac, régiment de, 4 5 7, 4 5 8, 464 Pomeau, René, La Religion de Voltaire, 1 5 4n Pompadour, Jeanne Antoinette Poisson Le Normant d'Etioles, mar­ quise de, 3 60n, 373, 466 Pont-de-Veyle, Antoine Feriol, comte de, 1 7, 24, 3 5 , 37, 1 28, 1 47, 1 66, 1 76, 1 79- 1 83 , 1 88, 24 5 , 27 1 , J I O, 3 1 I , 3 20, 3 26 - 3 2 8, 427, 434; Le Complaisant, 4 3 2; Le Fat puni, 1 23, 1 97 Pope, Alexandre, An Essay on man, 63 , I O I , 1 02n; An Essay on criti­ cism, 1 02n; Les Principes de la morale et du goût, 1 02

33 1

TA B L E D E S

NOMS

Porée, Charles, 1 60 *Parquet, Pierre Charles François, lettre à lui adressée p ar mme D u Châtelet, 482 Portail, Jean Louis, 3 6n Portail, Marthe Antoinette Aubery de Vatran, 3 6 Poilli, 3 89 Pour et contre, Le (Prévost d'Exiles), 1 2, 1 5 , 1 6, 5 4, 1 67, 1 74, 1 76 Pour et le contre, Le (Voltaire), 1 60, 1 82 Prague, siège de, 294n, 29 5 Prault, Laurent François, 1 5 5 , 1 5 7, 1 82, 1 89, 2 1 3 , 2 49, 272 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 1 86 Précis du siècle de Louis xv (Vol taire), 3 5 3 Préjugé à la mode, Le (Nivelle de La Chaussée), 92 Préservatif, Le (Voltaire), 1 5 6n, 1 88, 1 89, 1 99, 204, 2 1 0n Prévost d'Exiles, Antoine François, 5 6, 63 , 78, 83; Cleveland, 5 6; Le Pour et le contre, 1 2, 1 5 , 1 6, 5 4, 1 67, 1 74, 1 76 Princesse de Babylone, La (Voltaire), 3 7n Princesse de Navarre, La (Voltaire), 3 20, 3 2 1 , 3 2 5 -3 28, 3 3 6 Provost, dom. voir Prévost d'Exiles, A. F. Pucelle d ' Orléans, La (Voltaire), 3 7, 5 1 , 5 3 , 82, 84, 89, 9 3 -9 5 , 99 Puisieulx, Louis Philoxène B rulart, marquis de, 3 7 5 , 4 5 1 Pupille, La (Fagan de Lugny), 1 7, 2 1 Pyrmont, le régiment de, 46 1 -477 Quinault, Jeanne Françoise, r n, 3 7, 8 1 , 1 3 1 , 1 67, 1 76, 1 79, 205 Quinault, Philippe, Athys, 2 1 Quinault-Dufresne, Abraham Alexis, r n, 69n Quito, 1 77 R., abbé de. voir Du Resnel, J. F. D u B. Rabor, mme, 3 7 Racine, Jean, Bajazet, 1 62; Britannicus, 7 1 ; Phèdre, 24; Les Plaideurs, 2 1 8, 2 1 9 Ragonde, 432 Rambouillet, 3 7 Rambures, Louis Antoine de La Roche-Fontenil le, marquis de, 3 5 Rameau, Jean Philippe, Castor et Pollux, 92; Génération harmonique, 1 2 m, 1 75 ; Les Indes galantes, 42n; La Princesse de Navarre, 3 26; Samson, 2 4, 92 Ramsay, Andrew Michael, 1 73; Histoire du vicomte de Turenne, 3 6n, 37, 3 8 Ratz d e Lanthenée. voir Le Ratz de Lanthenée.

3 32

TABLE DES NOMS

*Raynal, Guillaume Thomas François, lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 3 5 9 Réaumur, René Antoine Ferchault de, 73, 1 2 6, 1 2 9, 1 3 2 , 1 48, 1 49, 1 5 l , l 5 2 , 2 l 6, 220 , 2 2 l Recueil de pièces qui ont remporté le prix de l' Académie des sciences, 1 2 9n Regnault, Noël, Les Entretiens physiques d' Ariste et d' Eudoxe, 1 86 Renalo, 40n Renaud, père. voir Reyneau, C. R. Resnel, Henriette de FitzJames, marquise de, 4 2 Resnel, Jean Baptiste Louis de Clermont d' Amboise, marquis de, 42n Resnel, Louis de Clermont-cl' Amboise, marquis de, 3n Revol, pseudonyme de Voltaire, 76 Reyneau, Charles René, 1 46 Richelieu, Elisabeth Sophie de Lorraine de Guise, duchesse de, 1 2 n, 1 4, 1 6, 1 7, 2 2 , 2 4, 2 7, 2 8, 3 5 -37, 4 2 , 4 5 , 48, 5 3 , 69, 76, 80, 84, 86, 9 1 , 93 -96, 1 1 8, 1 2 9, 1 3 2 , 2 1 6, 2 2 2 , 22 3 , 2 5 3 *- lettre à elle adressée par mme D u Châtelet, 77 Richelieu, Louis François Armand Du Plessis, duc de, 1 2n, 1 7, 1 8, 2 7, 2 8, 9 3 , 94, 3 2 5 -3 2 8, 3 67, 44 5 , 4 5 ° , 4 5 9 *- lettres à lui adressées par mme D u Châtelet, 3 5 -3 8, 4 2 , 4 5 , 46, 48, 1 3 5 , 25 3, 25 8 Richer, Jean, 1 77 Robert, monsieur, 1 86 *Rochefort, Jean Anne Vincent de Larlan de Kercadio, comte de, lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 267 Rochefort, M. T. de Brancas, comtesse de. voir Nivernais, M. T. de Brancas, duchesse de. Rohan, mme de. voir Soubise, M. S. de Courcillon, princesse de Soubise. Rohan, monsieur de. voir Soubise, H. M. de Rohan-Soubise, prince de, dit prince de Rohan. Rohan, Louis Bretagne Alain, duc de, 3 8 2 n Rohan- Chabot, Louis François de, dit vicomte de Rohan, 3 8 2 , 43 2 , 43 5 , 447, 4 5 5 , 46 5 , 466, 468, 473 -476, 479 Rohault, Jacques, Traité de physique, 1 86 Rollin, Charles, 1 03 ; Histoire ancienne, 1 03 n; Traité des études, 1 03n Ronceine, 5 3 Roques, Pierre, 1 86n Rothelin, Charles d'Orléans de, 63n, 94 Rothenburg, corpte Friedrich Rudolf von, 2 69 Rouillé, Antoine Louis. voir Jouy, A. L. Rouillé, comte de. Rouillé, mlle, 3 2 1

333

TABLE D E S NOMS

Rouillé de Meslay, 1 5 6, Pièce qui a remporté le prix de l'Académ ie royale des sciences, 1 20 Rousseau, Jean Baptiste, 5 4 , 5 6, 76, 78, 80, 8 1 , 9 1 , 94-96, 99, 1 5 6- 1 5 8, 1 60, 1 63 , 1 64, 1 6 5 , 1 66, 1 73 , 1 8 5 , 2 1 5 , 2 1 7, 2 1 8, 276, 278-2 80, 282, 283, 2 8 5 Rousseau, Jean Jacques, 2 1 8n Roy, Pierre Charles, 80; Callirhoé, 3 1 4 ; Discours que doit prononcer m. l'abbé Seguy, 1 93n; Les Eléments, 1 8n, 442 Royal society, 1 86 Royer, 3 2 5 n Rupelmonde, Marie Marguerite E lisabeth d ' Aligre, comtesse de, 3 8 Rupelmonde, Maxime d e Recourt, comte de, 3 8n Sade, Donatien Alphonse François, 'marquis' de, r n Sade, Jacques François Paul Aldonce de, 1 3 7 *- lettres à lui adressées par mme Du Châtelet 1 , 1 4 , 1 8, 2 1 , 3 4, 303 , 3 o4, 3 3 8 Sade, Jean Bap tiste François Joseph, comte de, r n Sade, chevalier Josep h David de, 1 n *Saint-Lambert, Jean François, marquis de, lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 370- 3 8 3 , 3 8 5 -3 87, 3 89-426, 42 8-43 3 , 43 5 -43 9, 443 , 444 , 446, 447, 4 5 0-4 5 3, 4 5 5 -4 6 5 , 4 68-48 1 , 4 83-48 5 - lettre de lui, adressée à mme D u Châtelet, 372n Saint-Lambert, mlle de, 4 5 5 Sainte-Mesme, Guillaume François Antoine de L'Hospital, marquis de, 227; Traité analytique des sections coniques, 1 86 Saint-Hyacinthe, Hyacinthe Cordonnier, dit, 1 82, 2 1 3 ; Chef-d' œuvre d'un inconnu, 1 80; Déification du docteur Aristarchus Massa, 1 8 0 Saint-Louis ( domestique de mme Du Châtelet) , r o 5 Saint-Mard, Rémond de, 2 1 3 Saint-Pierre, François Marie Spinola, duc de, 3 n Saint-Pierre, Marguerite Thérèse Colbert de Croissy, duchesse de, 3, 8, 1 0, 1 4n, 24n, 39, 42, 5 3 , 5 9, 1 1 8, 1 20, 1 64, 278 Saint-Sévérin, monsieur de, 4 5 1 Saint-Simon, Louis de Rouvroy, duc de, 9 5n Salin de Saillan, famille de, 3 8n Sallé, Marie, 42 Sallier, Claude, 92, r 5 6 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 486 Samié, 1 1 2 Samson (Voltaire), r n, 22, 24, 92 Sardaigne, roi de. voir Charles Emmanuel m. Saurin, Bernard Joseph, r 2 3 , 1 5 7 3 34

TABLE DES NOMS

Saurin, Jacques, Discours historiques :, critiques:, théologiques et moraux, 1 86 Saurin, Joseph, 1 5 7, 1 64 Saxe, le maréchal de. voir Maurice, comte de Saxe. Scheuchzer, Johann Jacob, Beschreihung der Natur- Geschichten des Schweitz.erlandes, I 8 5 Schilling, Wilhelm, 2 1 8 Schmettau , Hermann Woldemar von, 3 4 5 Schoppe, Caspar, 5 6 Schwerin, Kurt Christoph, comte, 269 Sciopius (Scopius). voir Schoppe, Caspar. Scoppius. voir Schoppe, Caspar. Scudéry, Georges de, 1 47n Scudéry, Madeleine de, 1 47n Séchelles, Jean Moreau de, 21 5 *Seguy, lettres à lui adressées par mme Du Châtelet, 276, 278-280, 282, 283, 2 8 5 - lettres d e lui adressées à mme D u Châtelet, 276n, 280n, 284n, 28 5n Seguy, Joseph, 63n, 1 93n Seine, mlle de. voir Dupré, C. M. J., et Quinault, J. F. Sémiramis (Voltai re), 3 84, 3 88, 427, 434, 440, 44 5 Servan, Jean Nicolas, dit Servandoni, 63n 'S-Gravesande, Willem Jacob, 95, 97, 2 1 6; Philosophiae neutonianae institutiones, I 86; Physicae elementa mathematica experimentis conjirmata, I 86 Shakespeare, Julius Caesar, 66 Siècle de Louis x1v:, Le (Vol taire) , 5 2, 67, 84, 1 3 I, 1 84, 1 87, 1 98, 209, 2 1 5 Solaro di Breglio, Roberto Ignazio, 286 Sophie F réderique Wilhelmine de Prusse, margravine de Bayreuth, 242 Soubise, Hercule Mériadic de Rohan-Soubise, duc de Rohan-Rohan, prince de, dit prince de Rohan, 3 7 Soubise, Marie Sophie d e Courcillon, princesse d e Soubise, 37 Soucieux (?), abbé, 6 Stainville, François Joseph de Choiseul, marquis de, 63 Stainville, Françoise Louise de Bassompierre, marquise de, 1 90 Stair, John Dalrymple, comte de, 3 I 3 Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, 67, 367-483 - lettre de lui, adressée à mme Du Châtelet, 449n Swift, Jonathan, The Tale of a tuh (Le Conte du tonneau), 1 8 T aillebour, monsieur de, 466 Tanis et Zélide (Voltaire) , r n

33 5

TABLE DES NOMS

Temple du goût, Le (Voltaire), 66 Télémaque (Fénelon), 68n, 2 3 1 Tencin, cardinal Pierre Guérin de, 1 96, 2 0 1 , 2 03 , 2 93 Thétis et Pelée (Fontenelle-Colasse), 63 Thianges, Gabrielle de Rochechouart Mortemart, marquise de, 4 5 7, 458 Thianges, régiment de, 464, 466, 469, 477 Thibouville, Henri Lambert d'Herbigny, marquis de, 3 5 Thieriot, Nicolas Claude, 42n, 5 3 , 63, 8 1 , 84, 86, 9 1 , 96, 1 04, 1 3 3 , 1 3 6, 1 4 1 , 1 45 - 1 47, 1 5 5 - 2 1 3 , 2 1 8, 2 5 9, 297, 3 2 0 *- lettres à lui adressées par mme D u Châtelet, 5 1 , 5 4 , 5 6, 5 7n, 74, 78, 8 3 , 92, 1 03 , 1 06, I I 0- 1 1 2, I I 5 , 1 1 9, 1 2 1 , 1 4 0, 1 5 3 , 1 5 6, 2 06, 2 08 lettre de lui, adressée à mme Du Châtelet, 1 63 n Thiers, monsieur de. voir Bissy, A . C . d e Thiard, marquis de. Thomson, James, Poem to the memory ofsir Isaac Newton, 78 Thun, baron de, 3 3 6 Tibulle, 3 8 5 , 43 1 Titus (Tito Vespasiano) (Metastasio-Hasse ), 3 1 8 Toulouse, Louis Alexandre de Bourbon, comte de, 3 7n, 99n Toulouse, Sophie de Noailles, comtesse de, 99n Tournefort, Joseph Pitron de, Relation d'un voyage du Levant, 1 8 5 Tournemine, René Joseph, 1 60, 1 73 T ourneuille, de, 3 34, 342 Tournières, 2 74n Tours, baron de, 4 5 o Traité de métaphysique (Voltaire), 9 3 Transactions philosophiques, 1 86, 2 06 Trichâteau, Marc Antoine Du Châtelet, marquis de, 1 5 9, 2 3 8 Trichâteau, Isabelle Agnès d e Hoensbroeck, marquise de, 1 5 9n Trublet, Nicolas Charles Joseph, 1 24, 1 46 *- lettre à lui adressée par mme D u Châtelet, 1 74

Ulrique (Louise Ulrique) de Prusse, princesse royale (reine) de Suède, 323 Ussé, Anne Théodore Françoise de Carvoisin, marquise d', 2 5 9 Ussé, Louis Sébastien Bernin d e Valentiné, marquis d ' , 1 64, 2 5 9 Utile examen des trois dernières épîtres du sieur Rousseau (Voltaire) , 9 1 Valbelle, Ignace Côme Alphonse Roch, marquis de, 43 2 n Valence, monsieur de. voir Milon, Alexandre. Vallat, de, 307 Valois, mlle de. voir Charlotte Aglaé d ' Orléans.

TABLE DES NOMS

V alory Paul Frédéric Charles de, 269 V alory, Gui Louis Henri, marquis de, 244, 269 V anburgh, sir John, 66n Vandeneede, 3 4 5 Varrentrapp, Franz, 274, 276 Veillées de Thessalie, Les (Lussan), 3 7 Vencilo, 40 Vendin, 342 V enier, le chevalier, 8 8 Vernique, 3 , 4, 62, 1 1 4, 1 46, 2 5 0 Verpillau (ou Verpillac), mme de, 1 80, 3 8 3 Verteillac, Marie Magdeleine Angélique d e L a Broune, comtesse de, l 80, 3 8 3 Villars, Pierre, marquis de, 9 5 n Villars-Brancas, Louis Antoine de Brancas, duc de, 3 5 n, 4 5 , 47, 9 5n, 267, 3 67 Villars-Brancas, Marie Angélique Fremyn, duchesse de VillarsBranca s, 3 5 , 3 7, 3 8, 4 1 , 42, 4 5 , 48 Villefort de Montjeu, Philippe d' Isarn de, 7 5 , 82 Vintimille, Pauline Félicité de Mailly de Nesle de, 3 6n Virgile, Enéide, 4 5 n Volf. voir Wolff, Johann Christian. *Voltaire, lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 3 1 5 - lettre de lui ad ressée à mme Du Châtelet, 3 04n Voltairomanie, La. voir Desfontaines, P. F. Guyot. Whiston, William, 1 86 Willcox, 5 6 Wolff, Johann Christian, 1 29, 1 4 1 , 1 46, 2 1 5 , 2 3 5 , 237, 24 1 , 244 , 274, 3 22 *- lettre à lui adressée par mme Du Châtelet, 28 1 Zadig (Voltaire), 373, 440 Zaïre (Voltaire) , 1 1 3 , 1 67 Zeno, Alessandro, et mme Zeno, 3n, 44, 5 3, 8 8 Zulime (Voltaire), 80, 1 5 4, 1 5 7, 1 62- 1 64, 1 67, 1 73, 1 76, 1 79, 205 , 207, 2 l o, 2 l ) , 296

IMPRIME EN SUI SSE

337

Imprimerie Centrale Lausanne S. A. Planche en couleurs de Roto-Sada g à Genève