Les Celtes : origine, histoire, hériitage [146]

- Edito : Qui est le plus Celte ? - Cadrage : Sur les traces de la dame de Vix - Interview : « Les Celtes ne sont plus c

481 35 19MB

French Pages 100 Year 2014

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

Les Celtes  : origine, histoire, hériitage [146]

Citation preview

A

.llONDADORJ FRANCE

REVIVEZ

Conseil Général

www.cotedor.fr

/ •

Depuis trente ans, les Celtes sont à la inode. En

1991, une exposition inarquante

organisée à Venise attire un tnillion de personnes. Chaque inois d'août, le Fes­ tival interceltique de Lorient

(44e édition cette année) réunit des centaines de

tnilliers de visiteurs. La inode celte s'alitnente à deux sources bien différentes. D'une part, les anciens Celtes qu'étudient les archéologues et les historiens.

D'autre part, la tradition celtique, qui fascine un certain no1nbre d'habitants des tnarges atlantiques. Les anciens Celtes ont vécu entre le VIIIe et le Ier siècle avant

notre ère sur une vaste zone géographique, des îles Britanniques à la Hongrie. Leur civilisation rasse1nblait des peuples différents. Elle était brillante, originale, en constante évolution. L'art celte, qui tend vers l'abstraction, apparaît d'une troublante inodernité. Or, au 1no1nent où l'on prenait conscience de la richesse de la civilisation celte, l'Europe se construisait. D'où la tentation d'en faire nos lointains précurseurs: ne serions-nous pas tous celtes? Mais que deviennent alors les Bretons, les Irlandais, les Gallois ou les Galiciens d'Espagne? Beaucoup d'entre eux ont toujours revendiqué une connexion particulière avec l'héritage celte. Malgré les vicissitudes de l'histoire, inalgré les flux et les reflux des envahisseurs, leurs pays seraient restés des sanctuaires celtiques. Sont-ils plus celtes que les autres? On verra dans ce nu1néro que l'archéologie et l'histoire apportent quelques réponses à cette question. Mais sans clore le débat. Le rapport à l'identité celte cristallise des aspirations, des nostalgies, des rêves. Et l'archéologie ne peut pas grand-chose contre les rêves ...

Jean-François Mondot

LES CAHIERS �iïll@�[ij:f&\]Jl:i 06

Retour sur la découverte de la sépulture de Vix.

--=-��

.

..__.__...___ _ ......._. __._....... ._...... ..___ ,._ -·--­ ····----.. -- --·----........._ __ -· --i____ .......�..._... .. .. . .. ·-......q.• ..,__ - -- --·- ­ . ------ -......___ _ .... -··-·--·-·..... -·---··-... -. · -- - ··--·-­ . . -.,_. ..._ ..... ....... - · ·---·- ..· .. ... ... _ ___, ___

..

..

.

60 ans après, la princesse inhumée dévoile peu à peu son mystère.

... -..... --...- - -111

Sur les traces de la

da

me de

Vix

.. .. .. . _ .,, -.on .. .,_ , .... ..... .- . . ... .... .. _ _ ..._ .......... ..,___ ·-----.. _ ._,._.._____ _ .. _ ..- ....- . ..-... --··� . ..- ..... . ... ... . ...___..._,,,._.._ ,._.... , ....- ... .... .. .. .. ... . - ..- . .. ... ... ... ....... ..,.._.. ..... _ ___ .., . _

. .

. .

bl:C�':.�'::!: ::C l?":

18

Entre le ixe et le r'" siècle av.

J.-c.,

l'essor du fer va façonner un nouvel environ­ nement h umain .

...�··· __ 1

--·

32

À la fois

propriétaires

fonciers et guerriers, les chefs celtes contrôlent, dès600av. J.-c., le terri­ toire depuis leurs forte­ resses.

70

62

De l'Europe à !'Anatolie et aux Balkans, l'histoire d'une formidable expansion.

S'ils occupent une place à part dans notre imagi­ naire, les Gaulois sont bien celtes jusque dans leur diversité.

Recevez Les Cahiers de Science &

Vie chez vous.

Votre bulletin d'abonnement se trouve en page 60, la vente par correspondance en pages 94-95. Vous pouvez aussi vous abonner par téléphone au 01.46.48.47.87 ou par Internet sur http://www.kiosquemaq.com. Un encart abonnement est jeté sur les exemplaires de la vente au numéro. Diffusion: France métropolitaine, Suisse, Belgique. Un encart Boutique Science & Vie Télescopes est jeté sur les exemplaires de toute la diffusion abonnés France métropolitaine.

"N°

146

•Juillet 2014

38

Agriculteurs organisés et prévoyants, les Celtes se révèleront être des artisans très productifs...

CADRAGE

6

Reportage :

Sur les traces

de la dame de Vix Marie-Catherine Mérat

14

Interview : Olivier Buchsenschutz «

Les Celtes ne sont plus considérés

comme des Barbares » Jean-François Mondot

QUI SONT LES CELTES?

18 �::l w a: "' ... "' .:.J w "' V> a:

.... '

il

... 0 z

Vi 13

_,

..i Vi

CULTURE ET RELIGION

L'âge du fer forge le paysage Claire Lecœuvre

24

Celtes en quête d'identité

32

L'ère des Princes

38

Culture paysanne

Christophe Migeon

Philippe Testard-Vaillant

44

Marielle Mayo

50

Quand la langue fait l'union

54

Au cœur de la créativité celte

Anne Debroise

Émilie Formosa

L'EUROPE DES CELTES

62 70

Par monts et par vaux Morgane Kergoat

Les Gaulois, des Celtes comme les autres? Karine Jacquet

Jean-Philippe Noël

!t z :::> z a: w u Gl 0

Dialogues avec les dieux

76

' 13

Oppida, la montée des villes fortifiées Fabienne Lemarchand

D'HIER



À AUJOURD'HUI

"' V>

... ai w "' a: w "' z w N z '!' ;;: V> s: 0 a; w

_,

g ai ,;) "' :::> z � � 0 il:

88

ies racines celtes La Bretagne, entre vra et héritage fantasmé.

?

82

Aux confins de la culture celte

88

Et la Bretagne redevint celte

96

Interview : Venceslas Kruta

Nicolas Chevassus-au-Louis

Pascale Desclos

«

Chaque Européen peut revendiquer

une filiation avec un peuple celte» Jean-François Mondot

Nous tenons à remercier, pour leur contribution à la réalisation de ce numéro, Olivier Buchsenschutz, archéoI gue et directeur de recherche �u_CNRS; �atthie� Poux, archéologue etpr?fesseur? !'_université _ ., , , .. • • . . . , .. , , - • • • 1j , . , , .. , ,

REPORTAGE

Il y a soixante ans, en Bourgogne, était mise au jour la sépulture d 'une mystérieuse femme dans une cité du vf siècle av. J .-C., révélant l'existence d 'une société princière complexe et organisée. Histoire d 'une découverte exceptionnelle . . .

_ures

6 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

races

anvier 1953, commune de Vix (Côte-d'Or). La nuit tombe, le froid est glacial. Au pied du mont Lassois, un homme resté seul sur un chantier de fouilles creuse la terre gelée. Soudain, sa pioche heurte un objet métallique. Maurice Moisson, simple manœuvre agricole, assistant sur le chantier de fouilles dirigé par l'archéologue René Joffroy, ne sait pas encore qu'il vient de faire une découverte exceptionnelle, qui va bouleverser la protohistoire européenne: la mise au jour des premiers vestiges de l'une des plus riches sépultures celtes de la fin du Hallstatt (550-450 av. J .-C.). L'objet métallique exhumé est l'anse d'un cratère en bronze d'1,64 m de hauteur, le plus grand vase grec connu à ce jour. Il accompagne dans sa dernière demeure une femme, « la dame de Vix '» qui repose sur la caisse d'un char démonté. Elle porte au cou un torque (collier celte) en or. Sur son ventre a été déposé un second torque, en bronze, enroulé d'une lanière de cuir. Bracelets en lignite, colliers en perles d'ambre, anneaux de bronze, fibules décorées d'ambre, de corail et de feuilles d'or, complètent sa luxueuse parure.

UN SITE SANS ÉQUIVALENT EN EUROPE

1

Le site de Vix a, depuis, livré bien d'autres trésors : un sanctuaire, non loin de la tombe, des habitations, un palais aux dimensions magistrales sur les hauteurs du mont Lassois, des fortifications monumentales. . . Autant de découvertes qui révèlent la présence en ces lieux, à la fin du premier âge du fer, d'une véri­ table principauté celte et surtout, d'une société bien plus complexe qu'initialement supposé. « Le site de Vix est sans équivalent en Europe, observe Bruno Chaume, chercheur CNRS au laboratoire ArTeHiS (Archéologie, Terre, Histoire, Sociétés) à Dijon.

Depuis le début, les découvertes y sont exceptionnelles.

»

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 7

REPORTAGE La veillée

mortuaire. Les pleureuses comme la défunte ont la tête couverte. Celle-ci porte de riches bijoux dont un torque en or de 480 g., possible symbole d'autorité militaire.

I

GRECS ET ETRUSQUES OFFRA1ENT AUX PRINCES HALLSTAT TIENS DES PIECES DE TRES GRANDE VALEUR CONTRE DES MÉTAUX ET DES ESCLAVES '

A tel point qu'un programme de recherche international lui est aujourd'hui entièrement consacré. Le site suscite l'intérêt des archéologues depuis plus de soixante ans. Dans les années 1930 déjà, Jean Lagorgette, notable érudit, découvrait sur les pentes du mont Lassois de nombreux fragments de céramique ornés de curieux motifs colorés, géo­ métriques ou zoomorphes, mais aussi des tessons d'origine grecque et des petits objets en bronze et en fer provenant d'Étrurie.

DES OBJETS VENUS D'AILLEURS

ÀVOIR • Le Muséedu Pays Châtillonnais -Trésor de Vix, 14, rue de la Libération, 21400 Châtillon-sur-Seine. www.musee-vixJr/!r/

« Ce chercheurse rend compte qu'il estface à un site ex­ ceptionnel, raconte Félicie Fougère, conservatrice du Musée du Pays Châtillonnais-Trésor de Vix. Toutes

les campagnes de fouilles postérieures s'attacheront à mieux caractériser ce que cet érudit avait perçu : un lieu où les Celtes exprimaient un art tout particulier de la céramique ornée et dans lequel sont attestés des contacts avec les lointains mondes des Grecs et des Étrusques. »

8 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

Une vingtaine d'années plus tard, lorsque l'archéo­ logue René Joffroy et son assistant Maurice Moisson découvrent la tombe de Vix, la question des liens que devaient entretenir les Celtes avec le monde médi­ terranéen est au centre des premières discussions. Car une particularité intrigue les protohistoriens: la tombe recèle un assortiment d'objets prestigieux régionaux mais aussi importés. Ainsi, du cratère grec au décor typique qui servait à mélanger l'eau et le vin au cours du banquet. Après des années de controverse, sa provenance exacte fait consensus: il a été réalisé vers 530 av. J.-C., non en Grèce même, mais dans une colonie hellène du sud de l'Italie, dans les environs des villes de Tarente et Sybaris.« On est

certain qu'il vient de là, car on a retrouvé d'autres vases issus de cette région, dont les techniques de fabrication l ires » , indique Bruno Chaume. Sur le bord sont simia de son couvercle et le long de la paroi ouest de la tombe a aussi été déposée de la vaisselle en métal et céramique d'origine variée. Sur huit vases identifiés,

N X

::! w 8:

w a:

i2

u a:

s

..,

z z

� a: :I:

�z w :I: u

Q

Femmes de pouvoir a tombe de Vix n'est pas la

observent Patrice Brun et Bruno

cohésion sociale dans un monde

seule tombe à char fémi­

Chaume. Doit-on y voir l'émer­

dominé par l'idéologie guerrière.

nine identifiée par les

gence de lignages matrilinéaires

" Le roi leur déléguait certaines de

qui supposent la transmission de

ses attn"butions. Les rapports de

vertes dans le domaine nord alpin

la filiation par les femmes? Hypo­

pouvoirs s'exprimaient lors de ban­

occidental, pour la période

thèse contestable

quets rituels destinés à consolider un

L

archéologues. Parmi les

25 décou­ 530-

450 av. J.-C., neuf sépultures sur 15 sont féminines, parmi les­

car,

même dans

ce cas, le pouvoir politique reste détenu par les hommes. La com­

lien d'assujettissement ou de subor­

dination auec les invités. Le service à

quelles trois, peut-être quatre, de

paraison avec le haut Moyen Âge,

boisson que certaines femmes de très

statut princier. «L'apparente pré­

en revanche, apparaît pertinente.

haut rang emportaient dans la tombe

sence fréquente des femmes (...J suggère qu'elles ont pu régulièrement

Les deux chercheurs évoquent le

durant les V� et v• siècles av.

cas des reines germaniques qui se

}.-C. fait inévitablement écho à

tenir le rôle de dirigeantes

devaient de maintenir stabilité et

pratiques médiévales.

"

'

région de Vulci, \a de ère. . . étrang . ndlr)et\es sept sontd 'ongine n heàvi ' l'oeno choé (crue le pour centra en Italie, pour . 1 d'Italie ve anses ca \ a région d'Athènes deux bassinsà e b ic, i m o à .ique.·· \e grand bassin céram en . es up entre l e site pour les deux c� ux ercia es comin écha fi monde Doit-on parler princier, et le de é a is, qu du mont Lasso " est un peu. fart. . 1 1 - mot "commerce u:; pas . médit erranéen·"' ar elie n' entrœt ruue ' mon la e de • temIL suppose l' usag hanges enquestWn c é s e l ed.ans en ligne de compt 'univer sité Paris-1 l e à ur se es or pr . . père Patrice Brun ' protohistoire la de te ne, sp écialis le. Panthéon-Sorbon ,,;....,tpl u.s probab 1 , se Jl ll SlAK-" changes e europ éenne. c es ,,,.;ques : les Grecs Lli""'"' dipi � x cadeau , laiar J, m ede . ment sous ts intéresses avec , cantae . d es 1111 1 avaient , pièces de tres et les EtrUSques, '1.� . s hallstatoertS 1_ �uroffraientdes _.i lesprince ' ou le granu craboisson a , s . service . ,. nde valeur des gra taux etdes esclaves mé s de , tère par exemp le trouée de la Seine a l e . domin . qui assi· n . Le site de Vix, reliant le B sud rd no circulauon axe majeur de

�t





c�tre

�·

»

ces

M.-C. M

Le char

mortuaire est démonté. li sera enterré avec

la dépouille, marque réservée aux défunts

puissants.

surie col d u sont cratère de ViX représentés des hoplites et des

auriges (conduc­ te ur s de char)

ns. gréco-romai

LES CAHIERS

DE SCIENCE &

VIE 9

REPORTAGE Les équipes conduites par l'archéologue Bruno Chaume ont mis au jour les vestiges d'impression­ nantes fortifications.

parisien aux bassins Saône-Rhône, aurait alors bénéficié de sa position stratégique. Une « économie des biens de prestige » se serait ainsi mise en place, essentielle aux élites hallstat­ tiennes pour asseoir leur pouvoir. « En se procu­ rant ces biens de prestige, elles montraient qu'elles étaient puissantes, qu'elles avaient les moyens d'échanger avec des contrées lointaines, avance Bruno Chaume. Cela leur permettait aussi d'offrir des cadeaux à leurs vassaux ou aux aristocrates qu'elles contrôlaient, car elles avaient besoin de relais de pouvoir pour dominer un vaste territoire. » La

carte de répartition des sites princiers du Berry à l'ouest de la Bavière, dont celui de Vix, montre en effet un maillage régulier de l'espace, qui laisse supposer que chaque site contrôlait un territoire d'une cinquantaine de kilomètres de rayon. Le site princier de Vix s'est révélé être un véri­ table centre de pouvoir à la société fortement hiérarchisée. Les découvertes réalisées dans le cadre du programme de recherche international Vix et son environnement le confirment. Initié en 2001, et conduit par Bruno Chaume, il réunit des équipes française, allemande, autrichienne et suisse, ainsi que les services de fouilles de la Sarre et du Bade-Wurtemberg. Sur les hauteurs du mont Lassois, les archéolo­ gues ont découvert un habitat dense, fortement stratifié: une grande rue distribuait les accès à une quinzaine d'enclos délimités par des fossés palissadés, au sein desquels se trouvaient des

10 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

z ...

t;

0 Q! ... 0 z



0 _, ... Q! ...

:1: '

... z z ... > ... 0 .... .... Vi Q! ...

> z :i œ· ... !!!

...

� ....

Q! ...

Q. '"' '

!;;: Q! ...

L u L '·

habitations de différentes dimensions.

Sur le couvercle du cratère, une femme tient des réci­ pients rituels, indiquant une possible fonction reli­ gieuse de la dame de Vix.

Les trous de poteaux creusés dans la roche ont fourni les plans de plusieurs maisons », rapporte Bruno Chaume. «

Au centre du plateau, dans l'enclos le plus vaste, les équipes ont mis au jour un grand bâtiment à abside, aux dimensions gigantesques: 35 m de lon­ gueur, 21,5 m de largeur pour 15 à 20 m de hauteur. Fait exceptionnel, des fragments d'enduit peints ont été retrouvés, qui indiquent que les murs étaient colorés en jaune et rouge. « Nous avons identifié six bâ.timents de différentes tailles. Nous pensons qu'ils sont la traduction architecturale de la hiérarchie sociale. Le plus grand était sans doute le palais de la dame de Vix » , w

� w w _,

explique Bruno Chaume. Des rangées de trous de poteaux, au sud du plateau, ont aussi révélé l'exis­ tence de trois bâtiments sur pilotis, sans doute des greniers collectifs. En 2013, les archéologues y ont découvert des graines carbonisées d'orge en grande quantité. « Cela indique que l'on a géré collectivement

les ressources vivrières pour les gens qui vivaient sur le plateau», conclut l'archéologue.

DES FORTIFICATIONS ROUGES Les fouilles ont encore révélé l'existence de forti­ fications monumentales, « plus gigantesques encore qu'à Heuneburg (résidence princière située dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne), enserrant une surface de près de 50 hectares. Des remparts palissadés devaient être édifiés sur des talus de 3 à 4 m de hauteur et de 20 à 30 m de largeur. « Les for­

-



»

UNE ÉLITE SOCIALE P UISSANTE MOBILISAIT DES MILLIERS D'HOMMES POUR REALISER DES CONSTRUCTIONS MONUMENTALES I

tifications étaient peintes en rouge, on en a la preuve. Il fallait donc se protéger, mais aussi montrer sa puis­ sance », pense Bruno Chaume.

Si la question se posait il y a encore quelques années, il n'est plus possible de douter de l'existence d'une société complexe et organisée à Vix. « Une élite

sation en Europe. Cela signifierait qu'elle a démarré dès les vie-ve siècles av. J.-C., soit quatre siècles plus tôt que prévu. En effet, c'est seulement au 1ie siècle av. J .-C. qu'ont émergé les vastes oppida gaulois. « La diversité des activités fonctionnelles (artisanales, économiques, politiques, idéologiques, ndlr) ne

sociale très puissante s'exprimait sur ce site, à travers la capacité à entretenir des liens étroits avec le monde méditerranéen et à mobiliser un nombre considérable d'hommes pour réaliser des constructions monumen­ tales », résume Félicie Fougère. Plus de 5 ooo per­

semble pas avoir été suffisante pour que le site ait pu atteindre le niveau urbain», tempère Patrice Brun,

sonnes vivaient sans doute sur les hauteurs du Mont Lassois. Le site témoigne d'un tel développement que les scientifiques s'interrogent: a-t-on affaire à un phénomène d'urbanisation ? Répondre par l'af­ firmative bouleverserait toute l'histoire de l'urbani-

qui préfère parler d'urbanisation inachevée. Quant à comprendre le rôle des femmes, ou plutôt d'une femme, dans cette société, les archéologues en sont réduits aux conjectures. Qui est la dame de Vix ? La question a fait couler beaucoup d'encre.

Fouiller sans pioche ni truelle

D

epuis le début des

Des mesures électromagné­

les recherches ' " explique Bruno

été fait dans le monde. ,, Un

années 2000, des pros­

tiques détectent les contrastes

Chaume, qui dirige le pro­

premier essai a été réalisé en

pections géophysiques

de conductivité entre une

gramme de recherche Vue et

2013 : 70 hectares couverts en

sont menées sur le site de Vix.

structure archéologique et

son environnement. À tel point

cinq jours.

Elles permettent d'obtenir, de

le milieu qui l'entoure.

que l'archéologue envisage de

spectaculaires: nous avons déjà

manière non destructive, des

extrêmement précis, on voit

couvrir ainsi des milliers d'hec­

trouvé un habitat. Sans cette tech­

images en deux dimensions

presque tous les trous de poteaux.

tares autour du mont Lassois,

nique, trouver un nouveau site

du sous-sol, et donc le plan des

On sait ainsi exactement où

pour mettre aujour des habi­

reviendrait à chercher une aiguille

vestiges �mage page ci-contre).

.fouiller, ce qui accélère beaucoup

tats de plaine.

dans une meule de.foin!,, M.-C.M

"

C'est

"

Cela n'a jamais

«

Les résultats sont

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 11

REPORTAGE L'étude des reste de son crâne a révélé que la dame de Vix avait autour de 35 ans, qu'elle souffrait d'arthrose et d'un torticolis... (moulage).

D'autres objets funéraires indiquent qu'elle aurait également assumé une importante charge religieuse. La phiale (coupe) d'argent et l'œnochoé, notam­ ment, ont pu remplir une fonction rituelle. La pre­ mière devait être utilisée pour offrir des libations, tandis que la seconde était sans doute manipulée pour verser le liquide dans la phiale. Une hypo­ thèse renforcée par la présence, sur le cratère, de la statuette d'une femme voilée qui tenait à l'origine ces deux mêmes objets. La dame jouissait peut-être aussi de prérogatives dans ledomainede la guerre. « De même que les poignards d'apparat, le torque d'or pouvait conférer une dimension militaire à l'autorité de celui, ou plutôt de celle, qui le détenait », analyse en

effet le protohistorien Pierre-Yves Milcent.

UN SANCTUAIRE CONSACRÉ AUX ÉLITES La découverte, en 1991, du sanctuaire des « her­ bues » près de la tombe, a confirmé le rôle central que devait jouer cette femme dans la société. A l'entrée, deux statues en pierre ont été retrouvées. l!une d'elles, un personnage assis portant au cou un torque très semblable à celui de la tombe, serait la représentation de la dame de Vix, selon Bruno Chaume, pour qui le sanctuaire « aurait pu être '

/\

PRETRESSE OU REINE, LA D�ME DE VIX DEVAIT JOUER UI;J ROLE CENTRAL DANS LA SOCIETE I

Lors de la découverte de sa tombe, l'imaginaire col­ lectif a voulu voir une jeune et belle princesse. Mais dès les années 1980, l'étude de son squelette a écorné cette image, révélant plusieurs pathologies: un torti­ colis congénital, qui devait entraîner une déforma­ tion de la face, une malformation des hanches et de l'arthrose, qui devaient rendre la princesse boiteuse. Elles ont aussi indiqué que la défunte devait avoir au moins 35 ans, un âge considéré à l'époque comme l'entrée dans la vieillesse. « Nous espérons pouvoir prêter le crane à un laboratoire de police scientifique d'ici à quelques mois, pour reconstituer virtuellement son visage », annonce Félicie Fougère.

ÀLIRE



La tombeprincière

de Vix, Claude Rolley (dir.), Paris, Picard et Société des amis du muséeduChâtillonais, (2vol.) 2003. •surles rootesdu vase de Vix, Félicie Fougère, catalogue d'exposition, 2013. •Lecomplexearisto­ cratiquede Vix, noovel/es recherches surl'habitatetJesys­ tèmedefortification, Bruno Chaumeet Claude Mordant, Editions universitaires de Dio j n, 20TI.

Reste la question de son rôle social. Pourquoi a­ t-elle bénéficié de funérailles aussi prestigieuses ? Était-elle une reine ? Une prêtresse? Le mobilier de sa tombe apporte quelques indices. Le cratère d'abord. Il était rempli au moment de son enseve­ lissement, ce qui suppose, selon Claude Rolley, que « la dame de Vix présidait des festivités au cours des­ quelles des boissons - vin ou plutôt alcools vernaculaires - pouvaient être consommés en quantités très impor­ tantes » (le cratère a une capacité de 1 loo litres), et

ce en présence de plusieurs dizaines à quelques cen­ taines de convives. De telles cérémonies devaient être l'occasion d'afficher sa richesse, de montrer sa générosité, d'asseoir son pouvoir, de nouer ou ren­ forcer les liens avec d'autres communautés.

12 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

consacré à l' héroïsation des élites, pour mieux asseoir et pérenniser le pouvoir d'un lignage dynastique » (*)_

Reste une question, entêtante. Pourquoi le site aris­ tocratique de Vix, comme la plupart des sites de hauteur connus pour être des résidences princières, a-t-il périclité dès la première moitié du ve siècle av. J .-C. ? L'arrachement des têtes des statues du sanctuaire des herbues -« on les a découpées à l'her­ minette, on en voit les traces » - suggère la survenue d'événements violents. Doit-on y voir une révolte populaire liée au refus du despotisme ? Des conflits guerriers entre sites concurrents ? Ou cette dispari­ tion est-elle liée à une incapacité des élites à gérer un développement trop rapide de leur principauté ? l!explication n'est évidemment pas monocausale. Une évidence s'impose néanmoins : ces sociétés ne possédaient pas d'écriture, or« sans écriture, pas d'administration, donc de gros problèmes de gestion », observe Bruno Chaume. En outre, certains sites ne se seraient plus retrouvés en position stratégique. « Il a pu y avoir une reconfiguration des réseaux qui étaient en place entre le monde hallstattien et le monde méditerranéen. Certains sites n'auraient plus été des nœuds, des têtes de pont. Ça a pu être le cas de Vix. »

Les investigations futures permettront peut-être de résoudre l'énigme. « Nous avons fouillé un demi­ hectare à Vix, soit à peine r % du site ! » . Restent 49,5 hectares à défricher, de quoi occuper des géné­ rations d'archéologues. Marie-Catherine Mérat

X

> w 0 a: 0 � a: ... VI ;;: z z

g _,

� :I: u VI

� Q. ::> 0 w "' VI

� B !!! 0 '. "Découverte du trésor de Vix, entre histoire et légende•, in

Bulletin de la Société an:héologique et historique du Châtillonnais, 2014.

M_, _,

8



ressta/1s

TÉLÉCHARGEZ-LA DÈS MAINTENANT SURVOTRESMARTPHONE

Disponible sur

� Google· play

Interview d'Olivier Buchsenschutz

Les Celtes ne sont ......-...lus considérés comme des Barbares PROPOS RF.CUEILLIS P.1RJE.1N-FR.1NÇOIS .lfOi'l:DOT - PHOTOS OUl'/ER ROLLER 14 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

Durant près de huit siècles, Ies Celtes anciens forgent une civilisatian innovante, dont les techniques, mœurs et traditions vont se diffuser à toute l'Europe. À la lumière des decouvertes archéologiques, l'histoire Jette un regard neuf sur cette culture brillante et originale.

Au cours de ce millénaire, beaucoup de changements surviennent. On ne doit donc pas considérer les Celtes comme un bloc. Dire « les Celtes» sans ajouter à quelle époque on se réfère, c'est un peu comme si l'on parlait du royaume de France sans préciser si l'on se situe sous Philippe Auguste ou sous Louis XIV csv:

Quelles sont les principales ruptures qui inter­

viennent au cours de ces huit siècles? OB: Les archéologues divisent l'âge du fer en deux pé­

riodes: celle de Hallstatt (du v111eau vesiècle avant J.-C.) et celle de La Tène (du veau 1er siècle).

À la fin du Hallstatt, au

vesiècle, certaines tombes sont très riches. Dans celle de Hochdorf (vers 540), par exemple, le défunt était étendu sur un sofa de bronze, et portait sur lui un petit poignard, des flèches, un arc, des hameçons... Autant d'objets cor­ respondant manifestement à ses activités habituel les. On avait recouvert d'une feuille d'or ses chaussures et son poignard pour montrer son rang exceptionnel. Un siècle plus tard, ces tombes spectaculaires disparaissent. La société repose toujours sur la domination de familles aris­ tocratiques. Mais les hiérarchies semblent moins pesantes.

csv:

À quel moment la culture celtique connaît-elle

son extension maximale? Peut-on véritablement parler d'Europe celte? O. B.: La période des ive et 111esiècles marque l'apogée de la civilisation celte. Déjà présente en Europe centrale, elle s'étend vers l'est jusqu'en Moravie, plus au sud dans les Balkans, en Hongrie et en Roumanie. En Italie, les Celtes

OLIVIER BUCHSENSCHUTZ est archéologue, directeur de recherche au CNRS; il travaille à !'École normale supérieure et enseigne à l'université Paris-1. Ses recherches se concentrent princi­ palement autour de l'habitat et de l'éco­ nomie à l'âge du fer européen au moyen du croisement des textes et des données archéologiques et paléo-géographiques. Son ouvrage Les Celtes a été publié en 2007 aux éditions Armand Colin.

Cahiers de Science & Vie: Pourquoi est-ce seulement

colonisent la plaine du Pô. Ils poussent même jusqu'à

depuis une vingtaine d'années que l'on mesure l'origi­

Delphes, mais sans s'y implanter. En Espagne ou en Angle­

nalité de la civilisation celtique?

terre, il est plus difficile d'affirmer que les cultures de l'âge

Olivier Buchsenschutz: Jusqu'à une date récente, l'his­

du fer sont celtiques. En Espagne, on constate la présence

toire des Celtes était brouillée par des préjugés sur la

de toponymes, d'armes, d'outils celtiques: mais sont-ils

notion de civilisation. D'une part, on reprenait le mode de

une composante des populations locales ou manifestent­

pensée des auteurs antiques, qui reléguaient les Celtes

ils une influence des groupes plus septentrionaux? Dans

du côté des Barbares. D'autre part, on restait prisonnier

lesîles Britanniques, on a découvert des objets décorés ou

d'une grille de lecture de l'évolution des cultures humaines

des sépultures à char très proches de celles du Continent,

établissant une progression linéaire des sociétés depuis

mais on ne connaît pas de toponymes celtiques avant

les chasseurs-cueilleurs jusqu'aux villes et à l'écriture. Or,

le 11esiècle de notre ère. Malgré ces réserves, on peut

chez les Celtes, les phases d'urbanisation sont suivies

véritablement parler d'une Europe celtique.

d'un retour à un habitat dispersé. Ils s'intégraient donc mal à ce schéma d'évolution en ligne droite. L'idée que les

csv: Cette expansion semble coïncider avec le moment

cultures évoluent chacune à leur façon ne s'est imposée

où l'art celte est le plus original, le plus innovant...

que grâce aux apports de l'ethnologie. Parai lèlement à ce

O. B.: L'art celtique le plus original est effectivement

changement de mentalité, les fouilles archéologiques se

celui qui se développe du veau 111esiècle. C'est un art

sont multipliées. Ainsi, un corpus très riche de données

qui s'abstient de toute visée narrative et abandonne la

s'est-il constitué en même temps que reculaient les pré­

représentation humaine et végétale. Sur les monnaies

jugés les plus tenaces sur la notion de civilisation. Cette

frappées à partir du 111e siècle, on voit le modèle grec,

double évolution nous permet de porter un regard neuf

avec l'effigie Philippe de Macédoine sur l'avers, et un

sur l'originalité de la culture celtique.

cavalier sur le revers, réinterprété jusqu'à devenir presque abstrait. Mais l'art celtique témoigne aussi d'une gram­

csv:

Combien de temps cette civilisation s'est­

maire décorative originale: on juxtapose d'abord des

elle maintenue? Était-elle stable ou a-t-elle connu

motifs isolés, répétés, puis il sont enchaînés en frise. D u

des mutations?

veau 111esiècle, ces frises se complexifient: on repère

O. B.: La civilisation des Celtes anciens coïncide avec

des symétries à deux ou quatre éléments, mais aussi

l'âge du fer en Europe. C'est une longue période qui com­

à trois. L'organisation de ces ensembles, avec ces élé­

mence au v111e siècle, avec l'introduction du fer, et qui

ments triples en trois dimensions, s'apparente plus à

s'achève au 1er siècle avant J.-C. avec la conquête romaine.

une branche de gui qu'à la structure des frises grecques.

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 15

Interview d'Oiiuier Buchsenschutz

qui se trouvent à l'abri des remparts mais aussi vraisem­ blablement soumises à des taxes d'octroi. Quoi qu'il en soit, le réseau des oppida a facilité la conquête romaine. Parce qu'il est plus aisé de contrôler un pays où les forces sont concentrées dans des villes qu'un pays où la popu­ lation vit à la campagne dans des habitats dispersés.

csv:

Après la conquête romaine, combien de temps

se maintient la culture celtique? Et disparaît-elle vrai­ ment partout? O. B.: La conquête romaine de la Gaule n'est que le dernier épisode d'une longue histoire. Alors que les campagnes de la Gaule encore indépendante restent traditionnelles, les oppida livrent des objets et des architectures forte­ ment influencés par les modes romaines dès le début du 1er siècle av. J.-C. La coalition autour de Vercintégorix, en

Aux Ille et Ile siècles, ils connaissent une croissance econom1que etonnante /

.

/

52, reste un événement exceptionnel. Les aristocrates continuent de régner sur leurs oppida jusqu'aux années

20 av. J.-C., participent à la conquête de la Germanie avec les Romains, et entrent dans l'Empire sans état d'âme, semble-t-il. Sous Auguste, la transformation culturelle est rapide: l'architecture en pierre, l'urbanisation planifiée dans les plaines, les théâtres et les aqueducs, les sculp­ tures anthropomorphes s'imposent. Dès lors la culture dominante est bien gréco-romaine et urbaine. C'est à la

L'art celtique abolit aussi la différence entre premier

campagne que se conservent les traditions celtiques,

plan et arrière-plan caractéristique de l'art classique.

l'architecture de bois, la langue, les pratiques religieuses,

Sur l'autel gallo-romain de Vendœuvres (Indre), qui date

qui seront qualifiées de « païennes» quand s'impose le

du 11e siècle après J.-C., on voit au premier plan un dieu

christianisme. Le déclin des villes romaines et l'arrivée de

anthropomorphe qui semble romain, même s'il est affublé

nouvelles populations plutôt rurales à partir du ive siècle

d'attributs empruntés à la tradition celte; à l'arrière-plan,

favorisent une résurgence de traditions celtiques. Mais

les « vides » sont travaillés avec autant de soin que le

la combinaison des composantes celtique, romaine et

personnage. Ces multiples niveaux de lecture sont fré­

germanique, est devenue désormais le fondement de la

quents dans les décors des fibules, des fourreaux d'épée,

culture des Gaules.

comme si l'artisan jouait de cette ambiguïté. csv: csv:

La civilisation celtique devient moins dynamique,

moins créative après le 111• siècle...

Comment voyez-vous le développement de la

recherche sur les Celtes dans les prochaines années? O.B.: J'espère que le public sera sensibilisé à la véritable

ve et ive siècles, marqués par l'éclosion

histoire des Celtes plutôt qu'aux épisodes anecdotiques

d'un art innovant et par un mode de développement très

de l'histoire-bataille. Ensuite, je crois que les découvertes

original, les Celtes semblent renouer avec l'évolution des

de résidences rurales qui se développent au même endroit

cultures méridionales. Aux 111e et ue siècles, ils connaissent

sur une très longue durée, comme celle de Paule, en

une croissance étonnante tout en s'intégrant dans le mo­

Bretagne, vont se multiplier, bouleversant nos schémas

dèle économique méditerranéen. Un peu partout dans le

évolutifs. Enfin, et c'est peut-être le plus inattendu, des

monde celtique se constituent alors des agglomérations

indices d'occupation, dès le ve s. avant J.-c. se multiplient,

artisanales, qui produisent en grosses quantités des objets

sous les villes actuelles, comme à Lyon, Bourges ou Bor­

en bronze et en fer, et où le commerce se développe. Mais

deaux. Cette« urbanisation» ancienne dont la durée est

ces agglomérations restent trop peu organisées pour que

assez courte mais dont les traces sont claires nous oblige

l'on puisse les qualifier de villes.

encore à revoir le comportement de cette société capable

Celles que César appelle oppida apparaissent au siècle

de s'épanouir aussi bien dans la ville qu'à la campagne.

O. B.: Après les

suivant. Elles sont presque toutes situées sur des hau­ teurs. Là, comme dans les plaines, elles se caractérisent par des fortifications gigantesques englobant des sur­ faces considérables. On y retrouve les artisans et les com­ merçants. Indéniablement, il fallait une volonté politique forte pour les faire venir sur ces lieux d'accès difficile. Il me semble que seuls les aristocrates étaient capables de diriger ce mouvement d'urbanisation inédit dans le monde celtique. Je pense qu'on assiste à la reprise en main par les nobles de ces nouvelles activités lucratives,

16 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 17

QU 1 SONT LES CELTES ?

Les Celtes rayonnent sur l'ensemble de l'Europe. Malgré leur savoir-faire remarquable, ils ne sont pas les seuls

à développer une civilisation originale : l'apparition du fer suscite des changements économiques et géographiques. 18 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

'âge du fer est un mo­ ment un peu paradoxal de l'histoire de l'humanité. Il semble à la fois lointain - il se situe à la fin de la Préhistoire - et proche, car s'y inventent des traits fondamentaux d'un monde dont nous sommes en­ core les héritiers. Un certain nombre d'outils en fer inventés à cette époque furent utilisés jusqu'à la révolution industrielle ! L'âge du fer est indissociable des Celtes. D'abord parce qu'ils développent un savoir-faire métallur­ gique remarquable. Ensuite parce que leur civili­ sation rayonne sur l'ensemble de l'Europe. Pour autant, cette époque est plus variée, plus bigarrée qu'on pourrait le penser. D'autres peuples, très dif­ férents, vivent au contact des Celtes : Germains, Étrusques, Vénètes, Ligures . . . Quelles sont les re­ lations entre tous ces peuples ? Et en quoi les Celtes se différencient des autres peuples de l'âge du fer ? Age du cuivre, âge du bronze, âge du fer, cette classification selon la nature des métaux a une histoire. Elle a été inventée, en 1823, par le premier conser­ vateur du musée d'archéologie de Copenhague, Christian Jürgensen Thomsen, lors d'un inven­ taire des collections dont il avait la responsabilité. Simple, pratique, elle perdure encore aujourd'hui. Elle est utilisée dans toutes les aires de civilisation, de l'Europe au Proche-Orient. Selon la géographie, les limites chronologiques de toutes ces périodes ne sont évidemment pas partout les mêmes. En Europe du Nord, l'âge du fer s'étend du vnie siècle au Ier siècle avant notre ère. Les archéo­ logues l'ont divisé à la fin du XIXe siècle en deux grandes périodes qui permettent de distinguer une évolution géographique, sociale et culturelle. Le premier âge du fer, dit période de Hallstatt ( 730460), du nom d'un site archéologique près d'un village autrichien, correspond à la formation de la A

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 19

QU 1 SONT LES CELTES ? culture celte. Le deuxième âge du fer, la période de La Tène, du nom d'un site archéologique situé sur le lac de Neuchâtel, correspond à l'extension de la culture celte à toute l'Europe. Ces deux périodes ont elles-mêmes été à leur tour subdivisées en tranches chronologiques encore plus fines. Le fil rouge de cette période, qui lui vaut son nom, c'est donc l'introduction du fer et ses multiples conséquences, économiques, sociales et culturelles. Certes, l'appa­ rition et l'utilisation du fer ne coïncident pas exac­ tement avec la classification simplifiée de Christian Jürgensen Thomsen. Le fer, employé dès le xe siècle, ne remplace pas le bronze du jour au lendemain. Jusqu'au début de notre ère coexisteront des objets en fer, en bronze et en pierre. ,

'

� Peuples de l'âge du fer � ��

u

.

..._

,

UN ART DE COUR DESTINE A L'ELITE Néanmoins, le VIIIe siècle se caractérise bien par une diffusion accrue des objets en fer. Au début de l'âge du fer, ce métal est l'apanage des élites. Jusqu'au vies. av. J.-C., il sert à fabriquer des épées ainsi que des bracelets, des anneaux et des épingles. Les épées hallstattiennes du VIIIe s. av. J.-C., lon­ gues de 80 cm, seront remplacées au ye s. av. J .-C. par des poignards, plus pratiques. C'est avant toute chose la valeur symbolique de ces objets (et en particulier des épées), leur rareté, leur prestige, qui semble primordiale. En Europe du Nord comme en Grèce ou en Étrurie, les sociétés du premier âge du fer sont dominées par une aris­ tocratie puissante, qui met au premier rang de ses valeurs l'héroïsme guerrier. Or, cette valeur est symbolisée par l'armement. «Le savoir-faire du forgeron doit souligner le pres­ tige du futur possesseur de l'objet. Certains artisans se spécialisent et produisent du fer de très bonne qualité pour la fabrication de fourreaux et d'épées, par exemple'» note Marion Berranger, archéo­

C'est un art de cour, destiné à plaire aux aristo­ crates et à affirmer leur statut. Par la suite, les armes vont changer de forme et de fonction. Les épées forgées par les Celtes, en particulier, deviennent réputées : «Les armes celtes de l'époque laténienne ont été adoptées par différents peuples périphériques, dont les Vénètes et les Ligures en Italie du Nord. I.:épée droite à deux tranchants, de 6ocm de longueur, évolue jusqu'au 1er siècle avant Jésus-Christ. Elle s'allonge ensuite et se dote d'une extrémité d'abord arrondie, puis très acérée>>, relève

Thierry Lejars. C'est au vies-vesiècle av. J.-C. que le fer n'est plus réservé à l'usage exclusif des élites aristocratiques. Dans le domaine artisanal, il est utilisé pour forger des outils pour le travail du textile, du cuir et du métal. Mais c'est sur le plan agricole que l'usage

Chronologie

métallurgiste à l'université Belfort-Montbéliard et auteure d'une thèse sur l'évolution des techniques sidérurgiques en Europe. Les élites favorisent ainsi les artisans pour créer des épées, fourreaux et décors de char en fer de bonne qualité et de belle facture.

-800

-700

HALLSTATI

Premier âge du fer L'EXPANSION CELTE

Dépôt formé de huit faux et d'une pierre à affûter. (Heidetrank, lie s.-1er s. av. J.-C.)

1 ntrod Sépultures individuelles aristocratiques masculines dominantes

ction du fer la civilisation celte Sépultures individuelles aristocratiques féminines dominantes

HABITAT

Habitat dispersé t fennes isolées ART

20 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

-

LE TERROIR EST DE PLUS EN PLUS Ol}DÇ)NNÉ, MODELÉ ET CONTROLE PAR L'HOMME Les zones de stockage, greniers au sol ou surélevés, sont alignées selon la même orientation que les maisons au toit de chaume ou de bardeaux de bois.

-600

-500

-400

-300

1

-200

Apogée de la vilisation celte

Civilisation des o ida

Tombes à char princières d'une richesse exceptionnelle

"""'=!'""""��

Premières résidences princières fortifiées ,r-....

Agglomérations artisanales

figuratif

Jo .;,,,k-yJ) "'·

TÈr'rJE Dettxième âge dufer 1 ----------11------- illfÜ ,;(A, LA

Ascension des princes aristocratiques du Jer âge de fer

-100

- � � v\

Romanisatio

Développement d grandes nécropoles (jusqu'à 20 individus)

Habitat dispersé mais

Nouvelles agglomérations

regroupement des silos

artisanales

l

Développement des oppida

de moins en moins figurait f Évacuation des représentations humain et animales



LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 21

1 ·:ii'



QU 1 SONT LES CELTES ? du fer a des conséquences économiques très fortes. L'exploitation des ressources du sol est d'abord conditionnée par le climat. Entre 850 et 750 av. J .-C., le climat, chaud et sec, devient frais et humide. Ce changement conduit les populations à étendre les cultures et à adopter de nouvelles pratiques agricoles. La technique du brûlis, alors en vigueur, ne stabilise pas les habitats. En mettant le feu à une zone boisée pour la cultiver, la terre s'épuise vite. Cela pousse les populations à se déplacer en fonction des cultures.

LE PAYSAGE SE MORCELLE La stabilisation des habitats et l'exploitation des parcelles sur le long terme nécessitent de recourir à d'autres pratiques. Le retournement de la terre associé à la rotation des cultures et à la fertilisation au moyen de fumier permet de ne pas épuiser le sol. Au cours de l'âge du fer, le paysage se retrouve ainsi de plus en plus segmenté entre forêts, champs cultivés, prairies de fauche et pâturages. Cest alors que se développent des structures paysagères qui nous sont familières. Les fouilles archéologiques mettent en évidence des parceIles bordées de fossés et desservies par des chemins. Le terroir est de plus en plus ordonné, modelé et contrôlé par l'homme.

Les outils en fer, plus résistants que ceux en bronze, mieux adaptés au travail de la terre, ont-ils joué un rôle dans cette transformation du territoire ? Sur ce point l'archéologie n'apportepasde réponses formelles. Le fer se dégrade relativement vite et se révèle difficile à dater. Les plus anciens outils agricoles en fer remontent au ye siècle. C'est le cas d'une lame, de taille intermédiaire entre la faux et la faucille, découverte à Gournay-sur-Aronde. Si la généralisation du fer reste encore à dater pour les pratiques agricoles, il faut noter que les Celtes ont considérablement transformé l'agricul­ ture. « Faux, bêche, on retrouve tous les outils de base qui seront utilisés jusqu'au MoyenAge '» souligne Patrice Brun, enseignant-chercheur à l'université Paris-Sorbonne. Si les Celtes se distinguent par leur savoir-faire métallurgique, pour autant ils ne sont pas les seuls à développer une civilisation originale. Germains, Étrusques, Ligures, Illyriens, Scythes . . . une grande diversité de peuples entretiennent avec eux des contacts réguliers ou épisodiques. Ins­ tallés dans la plaine du Pô, dès le IXe s. av J.-C., les Étrusques ont étendu leur réseau d'influence sur le pourtour méditerranéen. Ce sont eux qui ont introduit la plupart des céramiques attiques �

La Jabrication dufer Les objets en fer de Bibracte et de Heidetrank nous sont fami­ liers. (Clé et platine de serrure, pince.)

L

es Celtes ne fondent pas le fer.

le métal est sous la forme de barre.

Bien qu'ils le chauffent à haute

Ce demi-produit est ensuite trans­

température, ils le travaillent

formé dans un atelier de forge.

sous sa forme solide (jusqu'à

Avec la maîtrise croissante des

1 530°C). La qualité du métal dépend

techniques de forgeage, les Celtes

du minerai d'origine, mais aussi de

élaborent des demi-produits de

l'opération de réduction et des trai­

diverses qualités selon leurs formes :

tements en forge. Il s'agit tout

bipyramidés courts, longs, quadran­

d'abord de réduire le minerai en

gulaires, plats à extrémité roulée.

métal dans des foyers confinés.

Les Celtes produisent différentes barres,

La température des bas-fourneaux,

certaines de très bonne qualité pour

entre 1 ooo et 1 200 •c, suffit pour

des objets spécif iques comme les outils

faire fondre la silice, qui coule

ou les armes, d'autres moins bonnes,

hors du minerai et forme des

pour les objets comme la clouterie

déchets, les scories. La seconde

par exemple. Les Romains, qui utilisent

étape, l'épuration, a pour objectif,

encore plus largement le fer, intro­

par une alternance de chauffes

duisent par la suite des barres de

et de martelages, de régulariser les

formes et de qualités plus standardi­

surfaces du produit métallique et

sées», explique Marion Berranger,

d'évacuer les impuretés présentes

archéo-métallurgiste à l'université

dans le métal. À la fin de ce travail,

22 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

Belfort Montbéliard.

C. L.

"

/\

F AUX, BECHE, TOUS LES OUTILS DE BASE SERONT UTILISÉS JUSQU'AU MOYEN AGE /\

r

*

découvertes en Europe. Ils sont les intermédiaires privilégiés des Celtes dans leurs relations avec le monde méditerranéen. Les Germains constituent un autre peuple impor­ tant de l'âge du fer. Les historiens romains les confondaient parfois avec les Celtes. Leur nom, cité pour la première fois par César, regroupe de nombreuses populations provenant des Pays­ Bas, de la Suède et du Danemark actuels. Ils sont présents dans ces régions dès le IIIe millénaire et migrent vers le sud à partir du xesiècle avant notre ère. Au ye siècle, ces populations atteignent le Rhin, qui délimite alors leur territoire. C'est en le traversant qu'elles se confrontent aux Gaulois, puis aux troupes de César.

ÉCHANGES ET ALLIANCES POLITIQUES La carte des peuples de l'âge du fer se révèle assez complexe. Les auteurs antiques se montrent parfois d'une précision toute relative pour les localiser. C'est le cas pour les Vénètes, installés en Vénétie, dans le nord-est de l'Italie, dont la culture italique intègre des éléments celtes, pour les Ligures, cir­ conscrits au sud des Alpes françaises et italiennes. Beaucoup plus à l'est, on relève la présence des Illyriens, des Daces, des Scythes avec lesquels les Celtes seront en contact au ivesiècle, lors de leur plus grande extension géographique. Quelles étaient les relations entre ces différents peuples ? «Les aristocrates ont des liens avec leurs homologues, no tamment dans le cas d'échanges matri­ moniaux, qui scellent souvent des alliances politiques . Ces liens expliquent d'ailleurs pourquoi les innovations techniques sont quasiment concomitantes au ve siècle dans les différents peuples. Tout se passe comme si les aristocrates, pour faire bonne figure, devaient arborer l'épée la plus récente. Cela implique des contacts fré­ quents, à la fois pour pouvoir se comparer à ses pairs et pour s'approprier, au besoin, leurs dernières inno­ vations'» estime Thierry Lejars. Plusieurs décou­

vertes archéologiques témoignent de l'existence de ces contacts : «Les Celtes de l'Allemagne du Sud offraient l'hospitalité aux aristocrates étrusques dès l'époque de Hallstatt. Dans ce même lieu nous avons trouvé un éventail, signe de l'autorité étrusque. Et ces échanges fonctionnent dans les deux sens. Des bracelets et des parures celtes du vue siècle ont, par exemple, été retrouvés dans des sanctuaires de Sicile'» ajoute

Stéphane Verger, directeur du Laboratoire archéo­ logie et philologie d'Orient et d'Occident.

La société celte diffère-elle fondamentalement de celles des autres peuples de l'âge du fer ? Comme le relève le spécialiste de l'histoire celte Olivier Buchsenschutz, directeur de recherche au CNRS, tout dépend de la période considérée: «Au vue­ siècle, ces sociétés aristocratiques ne sont pas très différentes de ce que l'on connaît au même moment chez les Grecs ou les Étrusques. Mais la vraie rupture survient au ve siècle. A Rome, la plèbe se révolte contre les aristocrates, et à Athènes la démocratie se développe. Chez les Celtes, on ne constate pas de semblable évolution. C'est donc à partir de ce moment-là que les Celtes empruntent un mode de développement original, qui se démarque également des autres par l'urbanisation. »

v1e

'

Le fer ne remplace pas abruptement le bronze. En témoigne un atelier de bronzier, à Bibracte, qui produisait des fibules. (Maquette d'après fouilles.)

Au 1er siècle, la conquête romaine marque la fin de l'âge du fer. Un monde en apparence plus unifié, celui de la romanisation, le remplace. Pour au­ tant un certain nombre de traits fondamentaux de l'âge du fer vont se maintenir, parfois pendant des siècles. C'est le cas par exemple de ce pay­ sage ordonné et hiérarchisé que les Celtes ont développé, et dont certaines de nos campagnes donnent à voir l'héritage. Claire Lecœuvre

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 23

0 c (f) 0 z --1 r m (f) n m

� r

m "' () )> ;! m ;o "' 0 m "' Q m z () m l20 < m

� m (f)

·v

�! � � � V)



~

~

�) � � � �

AKG/ E. LESSING · AKG / THIERRY LE MAGE·RMN GRAND PALAIS / INGRID GESKE·HEIDEN BPK, BERLIN, DIST. RMN GRAND PALAIS / PHOTOS E. LESSING ·AKG •

L'archéologie ne cesse de mettre à mal l 'image d 'un peuple celte homogène :

à partir de quand les Celtes méritent-ils d ' être nommés ainsi et comment leur culture se dif fuse-t-elle dans l 'Europe

du premier millénaire ?

La culture, plus que l'apparte­ nance ethnique, rassemble les différents peuples qui ont ensemencé l'Europe à l'âge du fer.

n refusant tout écrit pour consigner leur savoir ou se raconter, les Celtes n'ont guère facilité la tâche des historiens. Lacunes, extrapolations, approximations, sup­ positions, sont le lot quotidien des chercheurs qui tentent de dissiper l'épais brouillard qui colle à leurs origines. D'où viennent ces peuples qui, à défaut de textes, nous ont légué un patri­ moine artistique d'une formidable originalité ? Viennent-ils seulement de quelque part ? Dans un contexte de cultures mouvantes et protéiformes, à partir de quand la civilisation celte, l'une des premières à inaugurer l'histoire de l'Europe occidentale, prend-elle vraiment corps ? l.:identifi­ cation ethnique d'une culture sans écriture est une vraie gageure. Pour mener cette investigation de longue haleine, l'enquêteur ne peut se contenter des récits souvent biaisés des Grecs et des Romains qui, dès le vie siècle, mentionnent leurs étranges voisins. I..:étude des langues anciennes et de leur dis­ sémination, associée à celle des nombreux vestiges archéologiques exhumés de l'Atlantique aux Carpates, demeure le meilleur moyen d'esquisser des cartes de peuplement et de lever - un peu le voile sur le mystère des origines. Traditionnel­ lement, on expliquait l'expansion celte au cours du dernier millénaire avant notre ère par une succes­ sion de migrations vers l'ouest et le sud depuis une aire initiale située au nord des Alpes ayant plus ou moins la forme d'un haricot- de l'est de la France j usqu'à la Bohême. Ces dernières années, de nouvelles découvertes archéologiques, mais LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 25

QU 1 SONT LES CELTES ? aussi linguistiques, notamment dans les régions autour du « noyau initial », remettent en question ce schéma invasionniste. Dès le vie siècle av. J .-C. le nom Keltài apparaît dans les textes des Grecs, qui désignent par là une mosaïque de peuples rencontrés au gré de leurs échanges commerciaux sur les marges de la Médi­ terranée. « Le Danube prend sa source au pays des Keltài '» nous informe l'historien Hérodote. Keltài étant le nom générique que ces peuples se donnent eux-mêmes, on peut en déduire que les Celtes avaient conscience au moins dès cette époque de leur propre identité (cf. D. Garcia, La Celtique méditerranéenne). Les Grecs et les Romains - qui latinisent le nom en Celtae - intrigués, souvent choqués par ces « barbares » follement exotiques, les décrivent à travers le prisme de stéréotypes et de préjugés tenaces: hirsutes, bâtis à chaux et à sable, forcément cruels, ivrognes invétérés, parfai­ tement irrationnels et imprévisibles, capables au combat du meilleur comme du pire, d'une vaillance héroïque comme d'une débandade de bétail affolé. Les invasions celtes de l'Italie et de la Grèce, aux Ive et IIIe siècles av. J.-C., n'ont rien fait pour enjoliver le tableau. Depuis la splendeur et le raffinement de leurs cités, Grecs et Romains n'ont souvent fait qu'accentuer dans ces descrip­ tions condescendantes les comportements ou les traits de caractère les plus divergents des leurs. Leur éclairage reste limité. Par ailleurs, les sources gréco-latines s'attachent essentiellement aux populations celtes de la périphérie méridionale, celles qui à partir du ive siècle av. J .-C. viennent I

LA PLURALITE DES PROFILS EMPECHE DE DISTING UER UNE > /\

26 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

-

À travers les échanges,

l'ouest de la péninsule Ibérique s'imprègne de culture celte. Ce chariot cultuel en bronze de Mérida, en Espagne, met en scène les animaux les plus représentés: le cheval et le sanglier (v1e-ve s.).

Le site de Hallstatt, près de Salzbourg, en Autriche, est considéré comme le berceau des Celtes. La période dite de Hallstatt correspond au premier âge du fer (v111e-ve s. av. J.-C.).

sion celte

(1ve-111e

s . av.

J. -c .) e 1i::;:i Extemio11 de la culture: Çflft 1 .,.,, M0