L'empire des roses. Chefs d'oeuvres de l'art persan du XIXe siècle 9461614411, 9789461614414

Le musée du Louvre-Lens présente la toute première rétrospective au monde consacrée à l'art fastueux de la dynastie

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French Pages 430 [217] Year 2018

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Polecaj historie

L'empire des roses. Chefs d'oeuvres de l'art persan du XIXe siècle
 9461614411, 9789461614414

Table of contents :
Frontispice
Sommaire
L'art de l'Iran qajar, l'Europe et la Modernité
Histoires
État et société sous les Qajars (1786-1925)
Peintres voyageurs en Iran: regards documentaires et artistiques
France-Iran 1807: une rencontre manquée?
L'art des volutes en Iran qajar
Naissance d'une conscience patrimoniale dans l'Iran qajar
Le vrai des uns, le faux des autres
Le décor néo-safavide, historicisme ou filiation artistique?
Spiritualités
Matériaux mystiques. L'art religieux et dévotionnel de l'Iran qajar
Rondes-bosses d'acier. Les sculptures de ʿalam
Nur ʿAli Shah, une icône du soufisme iranien
Apparats
«Taille de guêpe et barbe fleurant l'ambroisie». Les portraits de Fath ʿAli Shah
Dessins et calligraphies de Nasir al-Din Shah
Splendeur et modernisme. Les ordres et décorations de la dynastie qajare
Astrologie et astronomie: des étoiles et du pouvoir
Armes et armures. Typologies, usages et symboles
Portraits de femme, reflets du monde de la représentation féminine dans l'art sous les Qajars
Musique qajare. La formation d'une nouvelle tradition
Étude de la technique picturale d'une peinture qajare sur toile
Images
«La lignée de Mani». Sur la notion de peinture en Iran qajar
Avec vue sur jardins
La rose et l'oiseau: du thème littéraire à la description clinique
Muhammad Hasan Afshar portraitiste
Mirza Abu’l Hasan Khan Ghaffari Kashani, Saniʿ al-Mulk (1814-1866)
Aqa Buzurg Shirazi
Ismaʿil Jalayir
Kamal al-Mulk, peintre de la réalité
Les laques iraniens. Petits pinceaux, grande peinture
L’émail en Iran qajar
De lapis et d’or. L’enluminure en Iran qajar
Quotidiens
Le palais du Golestan. Symbole de l’architecture royale sous les Qajars
Dépeindre les dessins de Mirza Akbar. Mémoire esquissée du Téhéran qajar
Batailles et cavaliers. L’invention d’un nouveau décor architectural
Faïences et porcelaines. Quelques réflexions sur les productions de vaisselle de céramique en Iran qajar
Souffler des vases de larmes: aperçu sur les productions de verre à la période qajare
Habiller le quotidien: le décor e khatamkari et ses développements
Apparences
Les tapis de l’époque qajare
Chaînettes et petits points, l’art de la broderie
Manteaux longs et jupes courtes: évolution et transformation du costume sous les Qajars
Impressions sur étoffe
Modernités
L’art de l’illustration dans les ouvrages lithographiés de l’époque qajare
Édification d’un pouvoir, composition d’une histoire. L’héritage photographique de l’époque qajare
Carte de l’Iran au XIXe siècle
Bibliographie
Index
Crédits

Citation preview

18-2698

Cet ouvrage accompagne l'exposition « L'Empire des roses. Chefs-d'œuvre de l'art persan

du xix• siècle» présentée au musée du Louvre-Lens du 28 mars au 23 juillet 2018. Cette exposition a été rendue possible grâce au soutien de la Fondation Crédit Mutuel No rd Europe et de la Fondation Total.

a

DATION d"entreprise

édit ~ Mutuel

- - - Nord Europe - - -

~

FONDATION

~TOTAi..

L'exposition, ainsi que le colloque qui l'accompagne, bénéfi cient de l'aide généreuse du Fonds Elahé Omidyar Mir-Djalali institué par le Roshan Cultural H eritage Institute, au sei n du fo nds de dotation du musée du Louvre.

Rf,SHAN CULTURAL HERITAGE

INSTITUTE Elle est réalisée en partena1iat avec la maison Lelih re pour les soieries d'ameublement et Sane(

L'Empire des roses Chefs-d'ceuvre de l'art persan du

Avec la participation du palais du Golestan, et du musée national d'Iran.

Sous la direction de Gwenaëlle Fellinger avec la collaboration de Carol Guillaume

Couverture Cat.1 12 Reliu re du Divan-i Khaqan de Fath \c\.li Shah Iran, début du XIX' siècle !vlanuscrit : encre, couleurs Cl or sur papier ; reliure : papier mâché, décor peim et verni Oaquc) H. 28,8 cm ; 1. 18,5 cm Londres, The B,i tish Library, 10 Islamic 3558, fonds de l'lndia O ffice

© Musée du Louvre-Lens, Lens, 201 8 © Éditions Snoeck, Ga nd, 201 8 "~"'" louvrelens.fr ,vww.snoeckpublishers.be ISBN musée du Louvre-Lens : 978-2-36838-048-2 ISBN Éditions Snoeck : 978-94-6161-441-4

/

D épôt légal : ma rs 201 8 Imprimé en U nion européenne

Lc}oW-RE . "it.

R*giar

Hauts-de-France

snoeck

s

XIXe

siècle

EXPOSITION

LISTE DES PRÊTEURS

Paris. musée d·o rsay

Allemagne

orientale

Gotti ngen, collection Chich :\ Iarzolph

Paris. musée du Louvre, département des Arts

Paris. musée du LomTe. département des Antiquités

Cne e:-.'Position organisée par

LE MUSÉE DU LOUVRE-LENS

LISTE DES AUTEURS

de rislam

Présidenr d u conseil d'administration : Jean-Luc Martinez

Belgique

Paris. musée du Quai Branly - J acqu es C hirac

Direcu·ice : Marie Lavandier

Bruxelles, collection H assan :\ Iohazzab

Paris. Bibliothèque-musée de !'O péra

Ludovic Vigreux

Canada

Rennes. musée des Beaux-Ans de Rennes

Chef du seivice conse1wtion : Luc Piralla-Heng Vong

Toronto, musée Aga Khan

Romans. musée international de la Chaussure

Anne-Sophie Haegeman, Louise Kolodziejski,

Émirats arabes unis

\ alençay. château de \ 'alençay

Pascaline Paul, Anne Sarosy

Dubai, T he Fa1j am Foundation

\ ersaille . collection Laure Soustiel

Chargées de recherche et d'exposition :

• \TC".

Cité de la céramique -

è\Te et Limoges

Raphaëlle Baume et Antoine Olech

France

Mul timédia : Guilaine Legeay et Noël Rouvrais

Avignon, musée Calvet

et de Tria.non

Baccarat, coll ection patrimoni ale

Iran

Beauvais, M uDO - musée départemental de l'Oise

Teberan. musée national d·lran

Téhéran. palais du Gole tan

Président-directeur :Jean-Luc Martinez

Cannes, musée de la Castre

Administrateur général : Karim Mouttalib

Carpentras, bibliothèque-musée l nguimbertine

Administratrice générale adj ointe :

Châlon-sur-Saône, musée Nicéphore Niepce

Italie

Valérie Forey-Jauregui

Compiègne, musée national du palais de Compiègne

\ ê:ni, . Bibliothèque nationale :\ larciana

D irecteur de la Médiation et de la Program mation

La Courneuve, Centre des archives diplomatiq ues -

Commissariat

Archives du ministère des Affai res étrangères

Liban

Dijon, musée des Beaux-Arts

~routh. collection Hadi :\laktabi

Lyon, musée des T issus

Gwenaëlle Fellinger, conservateur du patrimoine,

Marseille, BlVfVR - biblioth èque municipale

Portugal

département des Arts de l'Islam, musée du Louvre

de !'Alcazar

Lisbonne. musée Calou te Gulbenkian

Hana Chidiac, responsable de l'unité patrim oniale

Marseille, musée des Art décoratifs, de la Faïence

Afri que du Nord et Proche-Orient

et de la Mode

Qatar

du mu ée du Quai Branly - J acques C hirac

Marseille, musée des civilisations de l'Europe

Doha. musée d' ..\rt islamique

Assistées de D ominiq ue Misigaro et Carol Guillaume,

et de la Médi terranée - M U CEM

boursières du Fonds Elahé Omidyar Mir-Djalali

M oulins, Centre national du costume de scè ne

institué par le Roshan Cultu ral H eritage Institute

Paris, Cité de la musique - Philha rmonie de Paris

Londres, The British Library

Pa ris, BU LAC - Bibliothèque universitaire

Londre . \ ï ct01i a and Albert :\luseum

Royaume-Uni

Direction artistique

des langues et civi lisations

O xford ..-\shmolean :\Iuse um

Monsieur Christian Lacroix

Pa1i s, collection Asiyeh Ziai Gharaghozlu

\\ïndsor. Royal Collection

Scénographie

Paris, collection Zargar

Mathis Boucher, musée du Louvre-Lens

Pa ris, collection Vincent l'H errou

Bellinzona ..\rchi\·es cantonale du Te in

Paris, École nationale supéri eure des beaux-arts

Berne. :\!usée historique Genfre. collection de la princesse Eylal1 Kadjar

Paris, collection Famille Moghtader UIS

e

ÉDITION

Paris, INALCO - Institut national des langues

Musée du Louvre-Lens

et civilisations orientales

Genè\·e. collection ouda,·ar Farmafarmaian

Coordination et suivi éditorial : Charles-Hilaire Valentin

Paris, musée de la Légion d'hon neur

Zurich. musée Rietberg

Musée du Louvre

Paris, musée de ['Armée - H ôtel national

Recherches documentaires : C harlotte :\faury

des Invalides

Et les collectionneurs qui ont souhaité

Relectures : Monique Buresi et Marie Fradet

Pa ris, musée des Arts Décoratifs

garder ranon~mat.

Coordination des campagnes photographiques au musée du Louvre : H élène Bendej acq

Éditions Snoeck Direction et contribu tion éditoriale : Lamia Gu ill aume Conception et réalisation graphique : Lydie T homas Traduction de l'anglais vers le français : J ean-Yves Cotté, Camille Fort Relecture : Anne-ClaireJu ramie Iconographie : Anne Tailleux

MoyaCarey Conservateur, Victo1ia and Albert ~Iuseum, Londres Mounia Chekhab Aboudaya (M.C.A.) Conservateur, musée d' An islamique, Doha

\ ersaille,. musée national de châteaux de Versailles

R égie des œ uvres : Typhaine Ameil,

culturell e : Vincent Pomarède

Alireza Anisi ICHHTO, T éhéran

Pi.errefine-sur- eine. Archives nationales

Adm inistrateur adjoint délégué aux ressources :

LE MUSÉE DU LOUVRE

Ulrike al-Khanùs (U.K.) Diœcteur des collections, musée Aga Khan, Toronto

Hana Chidiac (H.C.) Responsable de l'unité pahùnonia/e Ajiique du No1d et Proche-01ient, musée du Quai Branly J acques Chirac, Pa1is Annabelle Collinet Chargée de colleclion, département des Arts de l'Islam, musée du Louvre, Paii s Julien Cuny (J.C.) Conservateia; département des Antiquités 01i entales, musée du Louvre, Paris Claire Délery (C.D.) Co11Servateur, musée national des arts asiatiques Guimet, Paris

TomDutheil Attaché de conservation, musée de la Légion d'honneur et des Ordres de chevalerie, Paris Gwenaëlle Fellinger Conservateur en chef, département des Arts de l'Islam, musée du Louvre, Paris Christiane Gruber Prefesseur, université du Michigan, Ann Arbor Carol Guillaume (C.G.) Co//aborahice scientifique, musée du Louvre, Pa1is, boursière du Dr Elahé Omidya r /llir-Djalali Enùly Hannam (E.Ha.) Assistant Curator, The Royal Collection Trust, \ Vindsor Elal1e Helbig (E. He.) Prefesseur assistant, université de Zurich Farhad Kazenù (F.K.) Docteur en médecine, master en histoire de l'art Axel Langer (A.L.) Conservateur, musée Rietberg, Zu1i ch Francesca Leoni (F.L.) Conservateur, Ashmolean Muse um, Oxford Hadi Maktabi (H.M.) Docteur en histoire de l'art (un ive rsité d'Oxford), maitre de c01!ferences à l'Université américaine de Beyrouth

Ulrich Marzolph Prefesseur, université de Gottingen Charlotte Maury (C.M .) Chargée de collection, département des Arts de l'Islam, musée du Louvre, Paris Nader Nasiri Moghaddam Prefesseur, université de Strasbourg Arash Mohafez Docteur en et/mo·musicologie Filiz Çakir Phillip (F.C.P.) Conservateur, musée Aga Khan, Toronto Bita Pourvash (B.P.) Assis/ante de co11Servation, musée Aga Khan, Toron to Francis Richard (F.R.) Ancien directeur scientifique de la BUI.A C, ancien dùecteur du département des Arts de l'Islam. ancien conservateur des manuscrits peisans de la Bibliothèque nationale de France TimStanley Conservateur en chef, Victo ria and Albert Museum, Londres Dounia Tal1iri Restauratrice du patrimoine

Remerciements Une exposition es t un e histoire de rencontre et

pone et me ef\i.r de guide. Bien au -delà de prêts

Urs ul a Sims-\Villia ms et Angela Rowbottom ;

de leur œ il expert. Parmi eux, j 'adresse mes

dotation, Philippe Gaboria u, do nt l'enthousias me

nombreux so nt ce ux qui ont co ntribu é à celle-ci,

réali é·. nombreux ont ceux qui ont accuei lli ce

à l'Ashm olean Muse um,

rem erciements

et l'efficacité nous portent. Au départe ment

la rend ant concrète et possible. Ma reco nn aissance

projet ayec enthou ia me et biem·eillance. Qu'ils

a u National l'viuse um of Scotland, Fri eclerike

C hristin e

Senon ,

des Antiqu ités orientales, M ariell e Pic, Vin ce nt

Voigt et X avier D ectot ; au musée Ri etberg,

Véronique Tréluye1~ Amé lie Couvrat-D esve rgnes,

Blancha rd , Julien Cuny, Marianne Cotey et

\'a, en premier lieu, à J ean-Luc l\lfartinez,

oient cou a uré de ma reconnaissan ce :

Fra ncesca Leoni ;

à

Sandrine

Nollinge1~

Gaymay,

J eann e-Marie

11arie-

président-directe ur du musée du Louvre, à Marie

En France. à la Bibliothèque nationale de

Axel La nger ; a u Musée histo riqu e de Berne,

Aurélia Streri , Axe lle D eleau, Vélia D aha n,

Elisabet Gou la-Iglesias m 'ont rendu bien plus

Lava ndi er, directri ce du musée du Louvre-Lens,

France. Annie \'ernay-:\'ouri : à !'École nationale

Alban vo n Stockhausen ; aux Archi vio di Staco

D oun ia Tahiri, Anne J acquin, Olivier Tavoso,

qu 'un se rvice.

Emmanuelle

del Cantone T icino, Ca rl o Aglia ti et M arco

C hristine Pa ri selle, Élodie Abadie-Berger. J 'y

Arts de l'Islam. Ils surent soutenir un p roj et dont

Brugerolles ; à la bibliothèque de t-.Iarseille,

Poncio ni ; à la D avid Collection , Kj elcl Von

adjoins tou s ce ux qui ont trava illé dans l'ombre

Il es t difficile de ne fa ire que remercier les

l'évidence n'allait pas de soi. J 'adresse égale ment

op hie Astier et Monique Brun ; au musée des

Folsach ; a u musée Aga Kh an, à Toronto, Filiz

des institutions étrangè res et dont j'ignore le nom .

membres du département des Ans de l'Islam, a u

Ti us de Lyo n, Maximili en D urand, Claire

Çakir Phillip, Ulrike al-Kh a mis et Bita Pourvash ;

à Ya nni ck Lin tz, directri ce du département des

ma plus profonde gratitude a ux directeurs et a ux

upérieure

des

beaux-arts,

musée du Lou vre, tant leur ai de fut indispensable

membres de l'Ira n Cultural H eritage, H a nclicrafts

Berthommier, Marie-Hélène Guelcon. Véronique

a u musée d'Art isla miqu e de D oha, Juli a Gonn ella

Au musée du Louvre-Lens, j e sais le rôle tout

à chaqu e instan t. Marie Fraclet, M oniqu e Buresi,

a nd Tourism Organi zation (ICHHTO), qu i nous

de Buren, Isabelle Breto nes ; au musée de la

et M ouni a C hekh ab-Aboudaya ; a u musée M alek

parti culi èrement effi cace que jouent Typhaine

Carlos Fern a nd es, H élène Bencl ej acq , Élodie

ouvrirent leurs portes et nous permirent d 'exposer

Ca tre à Cannes, Christophe Rou tan -Delacour ;

à T éhéra n, Sayyid Mohammad Hosseini M ojtaba

Ameil,

C harl es-Hil aire

Pomet, Juli a Blonce et R achel De Souza surent

au musée de !'Armée, Olivier Renaudeau et J ean-

et M ey a m Abcloli ; a u C levela nd Muse um of Art,

Valentin. M a reco nn aissance leur est acquise. J e

répo ndre prése nt clans les mom ents d ' urge nce.

des œ uvres parti culi èrement exceptionnelles, clans le cadre d 'un e fru ctueu e collabo ration. Pa rmi

Paul

eux, j e remercie tout particulièrement MM. les

à

la

age-Fresnay, ainsi qu 'Émili e Pruclhom ; bibliothèqu e-musée

Inguimbertine

de

Dr Muha mm ad H asan Talebian, }.1fuh amm acl

Carpentras, J ea n-Fran çois D elmas ; au musée

Reza K a rga1~J ebrae l Nokancleh, Maso ucl Nosrati,

Borély et clans les rése rves mutu a lisées de la \·ille

M ath is

Boucher

et

Louise Mackie ; à la fondation Farjam , Alexa ndra

tiens également à remercier Luc Piralla, Ann e-

Isabelle

Balm er, qui a accepté de nous aider da ns des

Sophie H aege man, Loui se Kolodziejski, X avier

Laure Goisnard , Annabelle Collinet, D elphine

délais plus qu e res treints.

J ory, Pasca line Paul, R aphaë lle Baume, Anto ine

Miroudot, Étienne Blo ncl ea u, Ju d ith

Olec, Gui laine Legeay, Noël Rouvrais, Gautier

Rocco R ante, Carine Ju vin , M a ri e-José Castor

Luche,

Oli\'ier

Ségissement,

Ann e· H enon,

et

de M a rseill e, Dominique Sama nni ; a u MuCEM,

U ne perso nn e a urait su nous guid er et nous

Verb eke et ses équipes, Magalie Vern et, Bruno

ont to us apporté leur pierre à l'édifi ce. J' ajoute

Manso ureh Azaclva ri.Je n'o ubli e pas non plus tou s

J ea n-Franço is C hou gnet, Émilie Girard et t-.Iarie-

co nseill er mi eux qu e toute a utre : C hahryar Aclle

Cappelle, auq uel j'acijoins Alexis Grégo rat de

à leurs noms les sui va nts, dont le passage au

ass istés

des

avisées

Nlassoumeh

Ahm acli

les membres des équip es du musée national d'Ira n

Cha rl otte Calafat; à l'Institut nati ona l d es langues

no us a manqu é. No us remercions so n épouse

l'agence Claudin e Colin , Va lérie C hevali e1~ K a rin e

dépa rtement fut précieux: Dominique Misigaro et

et du palais du Golestan, qui ont su répondre

orientales et à la Bibliothèque universitaire des

M aryam Adle de nous avoir la issé profiter de

D eso mbre, Virginie Labroche, Fabien Du fou lon et

Kia noos h Motaghedi.J'adresse un immense merci

à nos qu estions, nous ouvrir leurs réserves et

langues et des civilisatio ns, Benj am in Guichard,

sa bibliothèq ue. Pour leurs co nseils précieux et

to us les membres de l'équipe du musée qui a uront

à Farhad K azemi , à la réactivité salvatri ce. À cieux

nous assister en toute chose avec bienveilla nce

Isabelle Lakomy, Laura Laco ur et D aniela Pasca ;

avisés, pour a\·oir su me guid er clans les méandres

contribu é a u succès de cette entreprise.

personnes, je dois bien plus que toute autre.

Au se rvi ce de

Musées de France, pou r leur

la stimul ati on in tellectu elle do nt j 'avais besoin et m 'oblige r à me surp asser. Carol Gu illa um e

et a mitié. J e joins également parmi ces soutiens

au musée d 'Orsay, Thomas Galifot ; au musée

de suj ets a ussi techniqu es qu e méco nnus avec

le nom de Mme Ela hé Omidyar Mir:Jalali , qui ,

de la Légion d 'honn eur, Ann e D echefclebien

enthousias me et pati ence, j e remercie D avid

par l'interm édiaire du Fonds Roshan, soutint la

et Tom Dutheil ; à la C ité de la céramiqu e de

Sulzberger et U lri ch M a rzolph . J' y ajoute,

effi cace administration, Vin ce nt Lefèvre, Philippe

préparation de ce tte exposition, mais a ussi du

Sèvres, Laurence Tilli a rd et Stéph a ni e Brouillet ;

pour leur aide particulièrement précieuse et

Sa unier et Romain Siege nfuhr nous ont été

et Cha rl otte M a ury ont davantage œ uvré pour

colloq ue qui l'accompagne.

a u musée de la Musique, Philippe Brugui ère ;

leur co nn a issa nce insondable des coll ections

précieux, de même qu 'à l'ambassade de France à

cette exposition que leur se ul nom d 'auteur ne le

au musée des Beaux-Arts de Renn es, François

intern ationales, v\/illi am Rob inso n et R oma in

T éhéran,J amel Oubechou , Eme! Maurel, Peyman

la isse pense r.

D erakh shan et Saeecleh Moradi.

Complices de chaqu e insta nt, elles urent m'offrir

M es plus vifs remerciements vont à M . Christian

Coul on ; au musée intern a tion a l de la Chaussure

Pingann a ud, Ri m M ezgha ni, Laure Soustiel,

Lacroix, qui sut faire vivre les œ uvres de l'exposition

de Romans, Anne Couclurier ; au musée national

Abolala Souclava1~ Iva n Szanto et Layla Di ba.

avec modesti e et brio.Je sais le rôle discret et effi cace

des châtea ux de Ve rsailles et de Trianon , Frédéri c

À Christiane Grube r et à Arash Mohafez qui ont

Au musée du Louvre, nombreux furent ce ux qu i

veuille bien m 'en excuser.J e la clôturerai avec ceux

que J ean-Philippe Pons et Dimitri Hadji yann akis

Lacaille ; aux Archives dipl omatiques de la

accepté d 'éc rire clans des délais fort co urt , va

nous aidèrent : à la Directio n de la production

qui m'ont accueillie, so utenu e ou permis de me co nsacrer à ce projet : Elisabeth et Franci Fellinge r,

D e cette longue liste, si j 'ai oublié quelqu 'u n, qu 'il

jouent à ses côtés. L'exposition leur doi t bien plus

Cou rn euve, Grégoire Eldin et M arsha Sirven :

ma reconnaissance. J e sais aussi ce qu e j e doi s à

culturelle, Michel Antonpietri, Clio K aragheo rgis,

qu 'ils ne vo udront le reco nnaître. Tous trois sont

à

Baccarat, à Paris, t-.Ian uela

Rodolphe C ha mon al, à Gilles Fabre-Rou sea u,

Pascal Perinel et C laire C halvet surent me

Laurence et K arim Lahmaicli, C laire et J érémy

assurés de ma gratitude et de mon amiti é.

Lerch ; à Ca nn es, Frédérique Citera-B ullot ; à

à Ma ryam Faro ughi Q ajar et M a ri e-Françoise

co nseiller en temps uti le ; les ate liers du musée,

Lainé et mes alliés en toutes circo nstances : Émilie

Bea une, Laure 11enetri er ; a u musée Vive nel

Roy, à Fatema h Sou clavar Farmafarmai an et

sous la houl ette de Fabrice La urent, de Dorothée

Girard et Adrien J oly, Annabelle Tenèze, Séve rine Lepape, No uran e Ben Azzo un a et Élise de Laharpe.

la fondation

J 'adresse un e menti on toute parti culière à H ana

de Com pi ègne, C laire Iselin ; à la Bibliothèque

Salma n Fa rm afa rm a ian, à K a rim Kh a n, à Leyla

Gruse r et d 'Alin e Cy mb ler, élaborère nt avec leur

Chicliac, qui fut , avec moi, à l'origine de ce projet.

nationale universita ire de Strasbourg, Frédéric

Moghta cler, à Alexa ndra Za rga r. En plus de mes

dextérité habituelle les montages des œ uvres du

Si ses multipl es occupations et ses projets actuels

Blun et D a niel Bornemann ; a u laboratoire

remerciem ents, Eyla h Kadjar H a moud a, Asiyeh

musée : qu e Pascal Goujet, J ean-Louis Ruella n et

Enfin, Vi ctoire, Clémence et Colombe firent

l'en ont di straite ces dernières semaines, elle sait

Arc'a ntiqu e, C harlene Pele-Mezian i et Loretta

Zia i, H asan M ohazzab et H a di Maktabi savent

leurs équipes, a insi qu e les membres des ate liers

montre d 'un e infinie patience enve rs un e mam a n

qu elle place fondamenta le elle occupe ici.

Rossetti.

qu 'i ls peuvent comp ter sur mon a mitié.

de menuiseri e, de peinture et d'encadrement en

très peu disponibl e. Sans leur pré ence et celle

soient vivement remerciés ; à la Direction des

de M acla ni Che urfa, au souti en indéfectibl e, ri en n'aurait été possible. Cet ouvrage leur est dédi é.

À l'étrange r, Emil y H ann a m et ses collègues ;

D e nomb reux resta urateurs ont co ntribué à

relations extérieures, Anne-Laure Beatrix, Adel

comm e

a u Victo ri a and Albert Muse um , Tim Stanley,

fac ili te r la lecture des œ uvres, à rendre possible

Ziane, Sophie Grange et Coralie J a mes furent

parti culiers, qui ont bien vo ulu m'ouvrir leurs

t-- Ioya Carey et Sara Mittica; à la British Library,

leur exposition ou simplement à nous co nseiller

toujours de bon co nseil. J'y ajoute, au fonds de

M es remerciements vo nt à tou s les prête urs de

l'exposition,

grandes

institu tions

Glll\NAË LLE fELLI NGER

Préfaces

L

e musée du Louvre-Lens propose avec « L'Empire des roses » une exploratio n singulière de l'histoire de l'art. Non seulement l'exposition met en lumière une période artistique méconnue des Occidentaux, mais elle aborde l'Iran qajar dans une démarche historiographique originale, menant le visiteur sur la trace des voyageurs européens qu i

sil lonnèrent le pays au

x1x• siècle,

découvrant un art mêlant avec flamboya nce prod uction de cour et

L

'exposition intitulée « L'Empire des roses », organisée par le musée du Louvre-Lens, est le préambule à la découverte et à la célébration de l'art qajar. Ce dernier, jusqu'à présent, n'est, à tort, ni aussi connu, ni aussi prisé qu'il pourrait l'être. À cet égard, l'événement que représente cette exposition est d'une importance majeure.

Convier le palais du Golestan à cette manifestation, c'est rappeler que le site, qui figure au

traditions populaires.

Patrimoine mondial de l'Unesco, est un complexe historique sans équivalent, de par sa collection L'exposition offre également l'occasion de rappeler les liens anciens qui existent en matière

d'art qajar. Sa contribution à l'exposition, par le prêt exceptionnel de dix-neuf pièces - parmi les plus

x1x• siècle qui vit la redécouverte de la Perse antique

prestigieuses, toutes choisies, non dans les salles d'exposition, mais dans les réserves - , prouve la

et entraîna l'essor des musées universels. Grâce à l'accord de coopération entre le musée du Louvre

qualité de cette collection ; ces pièces constituent, dans leur très vaste majorité, des chefs-d'œuvre

et l' ICHHTO, organisation iranienne chargée des musées et du patrimoine, signé en 2016 à l'occasi on

de la période.

cu lturell e entre la France et l'Iran, renforcés en ce

du voyage d'État du président Rohani en France, le Louvre-Lens peut, au sein de cette expositio n exceptionne lle, présenter des chefs-d'œuvre qui n'éta ient jamais sortis du territoire iranien. Que les autorités iraniennes en soient ici profondément remerciées.

Outre ses bâtiments ornés de carreaux de céramique et de décors exceptionnels, le palais du Go lestan préserve un fonds d'archives photographiques comprenant 19 000 photographies et films inédits, une col lection de tapis et de costumes, ainsi qu'une bib liothèque abritant les plus importants

Outre la générosité des prêteurs, parmi lesque ls de nombreux co llectionneurs privés, nous

manuscrits du patrimoine mondial: l'album Gulshan, le Shahnamah de Baysungur, I' Histoire universelle

souha iton s sa luer la Fondation Crédit Mutuel Nord Europe, la Fondation Total et le Fonds Elahé

()ami al-Tawarikh) de Rashid al-Oin et Les Mille et Une Nuits .. . N'oublions pas de mentionner les

Omidyar Mir-Djalali du Roshan Cultural Heritage lnstitute, qui ont apporté leur soutien à cette

peintures, œuvres des plus grands artistes de la période qajare, qui permettent de qualifier le palais

exposition particulièrement ambitieuse.

du Golestan de« Paradis de l'art qajar ».

Pour cette toute première exposition sur les arts de l'Islam organisée au musée du Lou vre-Lens,

Cet art, en somme, est un art glorieux. Et sa gloire, sa magnificence se laisseront sans nul doute

nous remercions très sincèrement ses commissaires, Gwenaëlle Fellinger et Hana Chidiac, ainsi que

éprouver, que ce soit à l'occasion de cette remarquable exposition ou en allant visiter le palais du

M. Christian Lacroix pour sa scénographie éblouissante et Yannick Lintz, directrice du département

Go lestan et ses trésors hérités de la période qajare.

des Arts de l'Islam du musée du Louvre. Masoud Nosrati

À l'heure où le musée du Louvre est le premier musée occidenta l à présenter une exposition de grande ampleur à Téhéran, le Louvre-Lens offre à ses visiteurs une plongée dans l'art et l'histoire de ce pays à la culture plurimillénaire, pour lequel la France entretient une fascination très ancienne . Nous souhaitons que cette collaboration exceptionnelle entre les institutions françaises et iraniennes prélude à de nouveaux échanges mettant en valeur la richesse de nos histoires communes . Marie Lavandi er Directrice, musée du Louvre-Lens

Jean-Luc Martinez Président-directeur, musée du Louvre

Directeur, palais du Go/estan

201 8

est une année faste dans la relation entre les musées fran çais

été utilisé comme un modèle exceptionnel par les architectes et les artistes provenant de l'étranger,

et iraniens, grâce aux deux expositions d'envergure que sont

à différentes périodes.

« Le Louvre à Téhéran » et « L'Empire des roses : chefs-d'œuvre

de l'art persan du x1x• siècle ». Ces deux événements cu ltu rels

Parmi les autres caractéristiques intéressantes du complexe palatia l, citons Ayvan-e Takht-e Marmar

majeurs participent au développement des liens entre nos deux nations, et constituent une occasion

qui est la plus ancienne structure du centre historique de Téhéran, ainsi que la très impressionnante

exceptionnelle pour nos peuples de découvrir des œuvres en provenance, entre autres, de nos musées.

tour appelée Shams-ol lmareh, « l'édifice du soleil ». Mais aussi le Kakh-e Abyaz qui, depuis le début,

Pour l'heure, « L'Empire des roses : chefs-d'œuvre de l'art persan du x1x• siècle » nous ramè ne

politique de grande valeur architecturale en Iran est le Khabgah (« maison d'hôtes ») ou le Kakh-e

a été le lieu de travail des chanceliers et des premiers ministres. Un autre bâtiment historique et à la dynastie qajare des x1x• et xx• siècles, où l'Iran connut des changements politiques, sociaux

Elizabeth, qui est la structure la plus récente du complexe palatial.

et économiques majeurs dûs aux échanges naissants avec l'Occident. Cette période historiq ue est aujourd'hui reconnue comme une époque de profonde mutation de la société persane qui vit affl uer diplomates, marchands et voyageurs quand les rois qajars voyagent, eux, en Europe.

Le Palais du Golestan ne constitue pas aujourd'hui qu'un exemple d'architecture iranienne. Les objets qu'il contient sont aux aussi d'une qualité rare et c'est pour cette raison qu'il est considéré comme le musée de l'époque qajare. Il abrita également les premiers studios de cinéma et de

Cette dynastie iranienne d'origine turque régna sur l'Iran de 1785 à 1925. C'est en 1779, à la

photographie d' Iran.

suite du décès de Karim Khan Zand, chef de la dynastie Zand, au sud de la Perse, qu'Aqa Muhamma d Khan, chef de la tribu qajare, a entrepris de réunifier l' Iran. Durant un siècle et demi, la société a été

Avec ses 80 000 objets, le palais du Golestan détient l'une des plus anciennes et des plus complètes

soumise à des processus de modernisation . Le rôle influent des valeurs artistiques et architectura les

collections d'œuvres d'art. Par exemple, cette collection unique de 338 tapis persans tissés à la main,

de l'antique Perse ainsi que les influences contemporaines de l'Occident sur les arts et l'architect ure

dont le plus précieux est le premier tapis documentaire d'Iran réali sé par Kamal al-Mulk, l'un des plus

ont façonné une nouvelle identité artistique.

grands peintres iraniens. Notons que trente de ces tapis sont conservés au musée des Tapis de Téhéran.

L'art qajar se distingue par un style exubérant et une utilisation flamboyante de la couleur, qui

D'autres œuvres consti tuent cette collection d'importance : plus de 1115 peintures d'artistes

s'intensifie dans le courant du x1x• siècle. Ici, l'art persan peut être comparé aux développeme nts

locaux et étrangers reconnus, la plus ancienne horloge publique du pays, une collection d'anciennes

de l'art européen à la même époque, où la maîtrise technologique a rendu possible des formes

armes militaires, et surtout, des trésors célèbres tels le Takht-e Tavus (« le trône de paon »), le Takht-e

virtuoses de création.

Naderi et le )ahan Nama Globe, chef-d'œuvre incontesté en Iran et dans le monde. Sans oublier

500 000 documents écrits présents dans les archives du palais et ayant appartenus au gouvernement, Aqa Muhammad Khan a été couronné officiellement comme shah en 1796 et a établi sa capita le à

témoins des événements historiques politiques et sociaux les plus importants du pays; 1 040 albums

Téhéran, un vil lage près des ruines de l'ancienne ville de Rayy. En raison de la longue histoire de l' Ira n,

de photographes célèbres de l'époque qajare, ainsi que plus de 4000 photographies individuelles, de

il y a eu de nombreux cas de délocalisations de la capitale au cours des âges. Téhéran est aujourd'hui

toutes tailles, témoins rares et exceptionnels de l'h istoire, de la société iranienne et du monde aux

la 32• capitale nationale de l'Iran, située au carrefour des routes historiques les plus importantes du

xv111 • et x1x• siècles. Cette photothèque est aujourd'hui considérée comme la deuxième plus importante

pays (routes de la soie et des épices). Avant l'arrivée au pouvoir de la dynastie safavide (1553 ), il

réserve de photographies anciennes (grâce aux voyages de Nasir al-Oin Shah et de Mozaffar al-Oin

s'agissait d'un village qui devint progressivement une ville, cerclée de fortifications avec quatre portes,

Shah en Iran et en Europe) après celle du Musée royal de Grande-Bretagne. Les documents les plus

114 tours et cinq quartiers appelés Ud/ajan, Sange/a}, Cha/eh Meydan, Bazaar et, le plus important de

anciens vont de la période timuride (du début du v 11• siècle jusqu 'à la fin du v1 11• siècle) à la période

tous, l'Arg qui faisait office de quartier gouvernemental.

safavide (x• et x1 • sièc les).

La partie la plus ancienne de l'Arg est le jardin du Golestan, typiquement persan. Datant de l'époq ue

Le palais du Golestan est aussi réputé pour être l'une des plus riches bibliothèques royales d'Iran,

safavide, il fut choisi sous la dynastie qajare comme centre gouvernemental et capitale politique de

avec la bibliothèque royale qajare, qui comprend plus de 3 200 manuscrits dont certains uniques,

l'Iran en 1785, en rai son de sa position stratégique, défensive et géographique appropriée. Le palais du

relatifs à l'art, à la littérature, aux sciences ou à la calligraphie, et ne provenant pas seulement d'Iran,

Golestan, qui était alors la résidence des rois qajars, était situé dans la partie nord du jardin; il peut être

mais de partout dans le monde. Une partie de ce fonds provient de la collection du Shah 'Abbas,

considéré comme le seul édifice bien conservé du Dar-al Kha/afeh datant de l'époque qajare. C'était en

de la dynastie safavide, qui a ensuite été léguée à Nasir al-Oin Shah. Ces documents comprennent

effet l'un des lieux les plus influents de Téhéran du point de vue culturel, social et politique. Il s'agissa it

des éléments tels que des correspondances de rois, princes, dignitaires, gouverneurs, documents

non seu lement d'un comp lexe gouvernemental et résidentiel, mais aussi d'un centre de rassembleme nt

de différents ministères, documents financiers, traités et manuscrits, y compris des articles

et de création artistique, à l'origine de l'école d'architecture qajare, en Iran et dans le monde.

dactylographiés, imprimés ou manuscrits, communications, parchemins, carnets, cartes, etc ... chacun avec le potentiel d'une ressource historique de première main qui peut être utile pour les chercheurs.

Le palais du Golestan est le témoin d'une grande variété d'arts décoratifs et architecturaux iraniens et étrangers datant des xv111 • et x1x• siècles. Les décorations font référence à divers épisodes des deux

Remercie ments

cents dernières années de l'histoire iranienne jusqu'à nos jours grâce à une grande variété de sculptures

Je veux ici remercier Marie Lavandier, directrice du musée du Louvre-Lens et Jean-Luc Marti nez, président-

sur pierre, de miroirs, de peintures et surtout de carreaux de céramique magnifiquement travaillés .

directeur du musée du Louvre à Paris, pour accueillir cette exposition. Je remercie également Massoud

Ces remarquables productions sont la plupart du temps le résultat d'expériences traditionnelles et

Nosrati, directeur du Palais du Golestan, et Gebrael Nokandeh, directeur du musée national d'Iran pour le

artistiques datant de la période qajare ou d'avant. En outre, l'art de cette période est également

prêt des œuvres. Mais aussi M. Moonesan, vice-Président de la République islamique d'Iran, président de

important en raison de sa proximité avec la période moderne, de sorte que beaucoup d'œuvres d'art

l'ICHHTO, et Françoise Nyssen, ministre de la Culture française qui ont permis ces accords.

contemporain trouvent leurs racines dan s la période qajare. L'impact des arts occidentaux apparaît clairement dans l'art iranien moderne, qui a pris naissance durant cette période. En conséquence, le palais du Go lestan est reconnu comme le prototype de l'art combinatoire de l' Iran et de l'Occident.

Cette collaboration est une nouvelle étape dans la poursuite et la consolidation de la coopération muséa le entre l'Iran et la France, et j 'espère qu'e lle sera suivie de bien d'autres manifestations d'envergure.

Le rôle influent des val eurs artistiques et architecturales de l' Ira n ancien ain si que les impacts de

Mohammad Hassan Talebia n

l'Occident sur l'art et l'architecture de l'époque ont transformé le palais en un complexe unique qui a

Directeur de l'ICHHTO

L

'art qajar appartient à ces espaces-temps qui m'ont toujours fasciné, inspiré, entre deux mondes, deux époques. Sans parler de la luxuriance des étoffes et des couleurs de ces portraits si particuliers. De même que l'opulence du Second Empire fut l'une de mes

N

ous sommes très heureux d'apporter notre soutien à l'exposition« L'Empire des roses. Chefs-d'œuvre de l'art persan du x1x• siècle » organisée par le musée du LouvreLens et le département des Arts de l'Islam du musée du Louvre. Cette exposition se

concentre sur l'art magnifique de la dynastie qajare qui régna sur l'Iran de 1786 à 1925. L'art original et surprenant créé durant cette période fut particulièrement riche et prodigieux,

sources d'inspiration, enfant.

J'ai conçu la scénographie en suivant le découpage thématique très précis des commissai res

en partie grâce à des artistes de cour exceptionnellement doués. Un certain nombre de shahs qajars

de l'expos ition, Gwenaëlle Fe lli nger et Hana Chid iac. J'ai été attiré d'emb lée par les images et plan s

étaient aussi hautement qualifiés en dessin et en calligraphie et, au cours de leur règne, de nouvelles

de palais qajars et me suis dit que l'on devait construire une abstraction de palais ou de cité, avec

techniques ont émergé, qui jouent encore un rôle fondamental dans l'art iranien contemporain.

des perspectives, des allées, des espaces distincts. C'est ainsi que j'ai soumis l'idée de ces salles

Malgré cette influence remarquable, peu d'œuvres de l'époque ont été étudiées et exposées afin que

thématiques bien distinctes signalées par leur couleur - reprises en partie dans ce catalogue - ,

le public en découvre toutes les richesses.

une par thème, traitée en camaïeu, soit en peinture, soit en soies brochées ou damassées rappelant le x1x• occidental et ce va-et-vient d'inspirations entre Paris, Londres et « L'Empire des roses ».

« L'Empire des roses » offre de nouvelles perspectives sur l'une des périodes les plus fascinantes de l'histoire de l'Iran, présentant plus de 400 œuvres d'art qajares qui proviennent d'un large éventail

M . Christian Lacroix Designer

de col lections privées et d'importantes institutions européennes, nord-américaines et du MoyenOrient. L'exposition met en lumière un grand nombre de peintures, dessins, bijoux, émaux, tapis, vêtements, photographies et armes de cérémonie, dont beaucoup sont exposés pour la première fois . De la part du Roshan Cultural Heritage lnstitute, j'ai l'honneur de présenter mes chaleureuses félicitations à Jean-Luc Martinez pour sa vision et son action remarquable à la tête du musée du Louvre, et je remercie vivement Christian Lacroix dont la scénographie vibrante et colorée complète la splendeur des chefs-d'œuvre de l'art qajar. Je tiens à féliciter également Yannick Lintz et tous ceux qui ont contribué à l'installation de cette exposition, notamment les boursiers Elahé Omidyar Mir-Djalali du musée du Louvre. Cette exposition et son catalogue, ainsi que le col loque internationa l qui aura lieu en juin, bénéficient de l'aide du Fonds Elahé Om idyar Mir-Djalali, qui soutient des programmes éducatifs liés

à l'art et à la culture persans au musée du Louvre et offre des bourses aux chercheurs engagés dans la recherche et les publications relatives à l'art et à la culture persans. J'espère que cette exposition sera appréciée du public et qu'elle ouvrira de nouvelles perspectives sur l'histoire remarquable de l'art qajar en Iran. Elah é Omi dyar M ir-Dj alali, Ph. D. Présidente Roshan Cultural Heritoge lnstitute

/

Sommaire

Avertissement Nous avons choisi pour la tran sc ription des

Signe

termes persans une version si mplifiée de celle de la Library of Congress, afin d 'alléger la graphie des mots et faciliter leur lecture. Les signes

1!

diacritiques des consonnes et des voye lles ont

u

ainsi été abandonnés. Lei est en outre transcritj et

u

non zh, pour être plus conforme à la phonétique du

.

Omis a b p t

français. La forme enclitique de la conjonction de

s J

coordination « u », équivalent du « et » français, devi ent « va » (par exemple : gul-u bulbul est tran scrit gui va bulbul).

Ch h kh

Les orthographes, courantes en français, de certains substantifs et noms propres persans ont été gardées, bien qu 'ell es ne so ient pas conformes

d z

à ce système (par exemple : boteh, Hafez, Chiraz, Ispahan ... ). De même ont été conservées les formes des noms d ' auteurs et d ' institutions tels

Î

Translittération

)

que leurs détenteurs les ont eux-mêmes transcrits

r

z

officiellement en alphabet latin.

16

GWE;(AELLE F ELLI NG ER

ne permettant de satisfaire à toutes les exigences.

Histoires

Il ne s'agit que d ' une convention, qui ne saurait remplacer la richesse d 'un e langue. Ainsi, dans le sys tème adopté, la translittération des voyelles se limite malheureusement à a, u et i, au détriment persan actuel. Les persanophones rectifieront

gh

GWE:-IAËLLE fELLl 1'GER

Spiritualités

y y ou y1 a

S

290

74

76

Batailles et cavaliers L'invention d'un nouveau décor architectural

Apparats

298

M OYA C AREY

GWE;(Af. LLE FEL.Ll:--'GE R

102

CAROL G i..: ILL-\U\ I E

112

302

Faïences et porcelaines - Quelques réflexions sur les productions de vaisselle de céramique en Iran qajar G11'E;(AËLLE f ELLJ;(GER

310

Souffler des vases de larmes : aperçu sur les production s de verre à la période qajare G11·ENAË LLE fELLl;(GER

« Taille de guêpe et barbe fleurant l'ambroisie » Les portraits de Fath 'Ali Shah

288

Le palais du Golestan Symbole de l'architecture royale sous les Qajars Dépeindre les dessins de Mirza Akbar Mémoire esquissée du Téhéran qajar

:\l'ur 'Ali Shah, une icône du so ufisme irani en

320

H abi ller le quotidi en : le décor de khatamkari et ses développem ents G11·E:-IA ËLLE FELLl:\G ER

322

Apparences

326

FRANC ESCA LEO;(I

D essins et calligraphies de Nasir al-Din Sha h

128

Splendeur et modernisme Les ordres et décorations de la dynastie qajare

Les tapis de l'époque qajare

GWENAËLLE f ELLl:\GER

Chaînettes et petits points, l'art de la broderie

136

Manteaux longs et jupes courtes : évolution et tra nsformation du costume so us les Qajars

G111c:xAELLE FELu:s;crn

142

F1u z ÇAK IR PHI LLIP

Portraits de femme, reflets du monde de la représentation féminine dans l'art sous les Qajars

170

190

« La lignée de Mani» sur la notion de peinture en Iran qajar

192

C A ROL G UILI..At;\I E

G11·ENAELLE fELLI NGER, H ANA C HI DI AC

358

Modernités

368

l\'asir al-Din Shah, les a n s et l'Europe

184

Images

350

160

Étude de la technique picturale d'une peinture qajare sur toile D OU:\IA T A I-IIRI

Gll'E;(AËLLE f ELLl;(GER

342

I mpressions sur étoffe

Musique qajare - La formation d'une nouvelle tradition ARAS I-I M O HAFEZ

328

H AD I M AKTABI

130

Astrologie et astronomie des étoi les et du pouvoir

M OU:-IIA C I-I EKAB AilOUDAYA

u, aw, v h

66

92

Armes et armures - Typologies, usages et symboles

n

276

fR.1."\CIS RI C I-J ARD

52

Matériaux mystiques L'art religieux et dévotionnel de l'Iran qajar

k

m

270

GWENAËLLE fELLl:\GER

AUREZA A.i,I SI

T O\ I D UTI-IEIL

1

De lapis et d'or - L'enluminure en Iran qajar

60

CAROL Gt.:1LL-\U\IE

f q g

46

Le décor néo-safavide, histori cisme ou fili ation a rtistique ?

C1-1Ml1.01- 11: M AU RY

l ' espérons, ces choix.

248

L'émail en Iran qajar

Le vrai des un s, le fa ux des autres

s

ces inadéquations et nou s pardonneront, nous

T I\I STA:\LE\'

38

Naissance d'une conscience patrimoniale dans l'Iran qajar NADER NAS IRI ~ifOG I-I ADDA~ I

A N1'A BELLE C O LLJ;( ET

z

246

L'art des volu tes en Iran qajar C A RO L G u 1LLAU\ IE, F ARI-I AD K,.,zE, 11

240

26

France-Iran 1807 : un e rencontre manquée ? FARI-IAD KAZE\ 11

Isma' ilJalayir K ama] al-Mulk, peintre de la réalité ~1. Ci-JEK I-J AB, G. FELLINGER Les laques iraniens - Petits pinceaux, grande peinture

Peintres voyageurs en Ira n : rega rds documentaires et a rtistique f ARI-IAD K AZEW

238

CI-IARLOTrE M AU RY

Ci-JARLOTTE M AUR\'

22

Rondes-bosses d ' acier - Les sculptures de 'alam

t

des sons équivalents au « é » et au « o » dans le

20

État et société sous les Qajars (1786-1925) D E;(IS H ER.\!,\)';;(

J sh s z

224

C I-I A RLOTIE M AURY

Aqa Buzurg Shirazi

CHRISTIANE GRUBER

Choisir une transcription est une tâche ardue

Mirza Abu'! H asan KJ1an Ghaffari Kashani , Sani' al-Mulk (1814--1866)

L'art de l'Iran qajar, l'Europe et la Modernité

Avec vue sur jardins

G11·E;(AËLLE fELLl:\GER

3ï0

L'art de l'illustration dans les ouvrages lithographiés de l'époque qajare

382

ULRICH M AR ZOLPI-J

Édification d'un pouvoir, composition d'une histoire L'héritage photographique de l'époque qajare

390

El.AME H EL.BIG

200

CAROL G u 11..L-1u , 1E

La rose et l'oiseau : du thème littéraire à la description clinique

u 1~

khwa

Gl\'ENAl'.LLE f ELLl :\GER

Muhammad H asan

210

fs har portraitiste

Gll'E:-IAËLLE F ELU;(GER

220

Carte de l'Iran au Bibliographie Index

x1x• siècle

414 416 424

L'art de l'Iran qajar, l'Europe et la Modernité G\\·E:-:Ai~LU-: fELLINGER

D

urant fort longtemps, l'art qajar fut cons idéré, en France surtout, comme au mieux, sans inté rêt, au pire, inest hétiq ue. Peu de chercheu rs l'ont, en effet, jugé digne de s'y pencher et il fal lut attendre la fin des années 1990 pour que se tienne, aux États-Unis et en Angleterre, la première exposition dédiée à la peinture de cette période. Pour qui

s'y intéresse, pourtant, le siècle des Qajars est fascinant. Fascinant par la variété de ses productions, par l'usage des productions artistiques, si habilement détournées en instrument politique, par l'ass im il ation d'u ne modern ité qui vient les frapper de ple in fouet et dont les souverains jouent pour

façonner un État, reconnu sur la scène internationale, qu'ils veulent à la pointe de la technologie, un État moderne, un État qui tire profit des avancées européennes, à propos desquelles néanmoins, transparaît une certaine désillusion. En témoignent ces propos de Nasir al-Oin Shah :

« Si seulement les Européens n'avaient jamais mis les pieds dans notre pays, nous nous serions épa rgné bien des tortures. Mais pu isque ces étra ngers y o nt pénétré, j'entends bien en tirer le plus d'avantages possible 1 . » Alors qu'ils héritent d'un xv111• siècle tourmenté, en proie aux rivalités entre tribus, leur premier acte fondateur est le choix d'une nouvelle capita le, en 1786, marquant ainsi, au trave rs d'une décision urbanistiq ue forte, une ru pture avec leurs prédécesse urs imméd iats, comme les Zands insta llés à Chiraz, ou plus anciens, comme les Safavides à Ispahan. L'installation à Téhéran s'accompagne de la création, ou plutôt, de la re-création d'un palais, dont le nom, celui du Golestan, rappelle autant la littérature classique que la douceur printanière du jardin des roses. L'œuvre littéraire de Saadi, célèbre



1

poète du x111• siècle, intitulée de la même manière, fa it parti e des références de tout lettré. En France, ce recuei l est t radu it, pour la prem ière fois, en 1634, par le savant orientaliste, André du Ryer, sous le titre L'Empire des roses . Nous lui en avons emprunté la formule, qui évoque cette dualité fondamentale entre un art d'empire, flamboyant et guerrier, et la préciosité des œuvres qu'il produisit. Le pouvoir des Qajars s'étend sur un territoire ancien, un territoire que les Européens désignent parfois enco re sous le terme, impropre, de Perse. Le mot, dérivé du grec m :poLc;, lui-même lointain cousin du terme fars (..,..)•)2, désigne, dans les sources classiques, l'Empire achéménide 3 . JI est repris par les voyageurs du xv11• siècle, puis, sans discontinuité, par ceux du xv111• et du x1x• siècle. Ce n'est pourtant pas ainsi que se dés ignent les habitants de ce pays, l' Iran. La dichotomie entre les deux usages est, là encore, éclairante : le premier renvoie à un lo intain passé, à un fantasme dépourvu d'existence réel le et d'histoire. Dans cet ouvrage, l'emploi du terme « perse » se limite donc aux seuls passages traitant du point de vue des voyageurs occidentaux du x1x• siècle. Pour le reste, nous parlerons d' Iran.

1 1 Kasté-Kadjar [Qgsr-i Qgjar]: campagne de Téhéran

européen sur l'art qajar, dès le x1x• siècle, est peu amène. Au temps de l'invention de l'art islamique, marqué au sceau du décor et du passé 8 , l'a rt persan est, en effet, d'abord privé d' historicité, ce que révèle la constitution des col lections, tant en Angleterre, du Victoria and Albert Museum 9 , qu'en France, de l'Union centrale des arts décoratifs. Il s'agit alors de revivi fier les arts industriels européens, de leur fournir matière à inspiration, de susciter un nouvel élan créateur, dans une

Jul es Laurens Iran, Qasr-i Q1ja r; 28 mars 18..J.8 M ine graphite et co ul eurs sur papier H. 28,9 cm ; 1. H ,8 cm Paris, École nati onale supé ri eure des bea ux-arts, EBA 2 163

époque de changements sociaux et de bouleversements intellectuels 10 . Le mouvement des Arts and Crafts joue ains i un rôle fondamental dans la définition première des arts qajars 11 . Nul n'est besoin d'histoire pour copier une technique ou un motif. En tant qu'artisanat 12 , en ce x1x• sièc le aux multiples facettes, temps de la colonisation, d'o uverture au monde, d'émergence des nations et de grands bouleversements économiques et sociaux, les œu vres de l'Iran du x1x• siècle sont essentie llement perçues sous l'angle de la prouesse technique, de la réalisation manuelle qu'il convient de conserver, car en voie d'extinction. Par l'esprit de classification et de hiérarchisation

Cet art de l'Iran du x1x• siècle induit, dès l'origine, une incompréhension chez les Européens qui le

propre au x1x• siècle européen , on réduit des productions artistiques à une conception binaire, à

visitent, peintres, diplomates ou savants. Leur regard fut négativement fondateur dans la réception

une opposition fondamentale entre création manuelle et art in du striel, entre tradition et progrès,

de ce dernier, alors même qu'ils sont à l'origine de nombre de collections. Bercés des récits exaltés

un progrès incarné par Auguste Comte et les po sitivistes, qui n'i maginaient pas que l'on pût ref use r

héri tés des siècles précédents et de l'esthétique de la ruine provenant du mouvement romantique

les avancées techniques.

européen, ils se heurtent à une réalité inattendue4, qui provoque quelquefo is de violentes réactions . La liste en est longue, mais une seule les résume:

« C'était affreux, abominable ! N'allez pas vous amuser d'en essayer, pour peu que vos yeux soient délicats : vous y attraperiez fatalement une entorse de la rétine avec ophtalmie finale 5 . »

En parallèle, les œuvres sont également reléguées au rang de témoignages de la vi e quotidienne, investissant les musées d'ethnologie, quelle que soit leu r origine prem ière, en un second déni d'histoire de l'art. Confrontés à des productions qui leur sont, non seulement contem poraine s, mais visuellement familières, les orientalistes, parfaitement aptes à catégoriser le passé, ne savent que

Le j ugement tranché de Jules Laurens, en 1848, contrast e avec les producti ons futures de

faire. Cette dichotomie fondamentale, entre objet d'artisanat et objet de la banalité, parcourt les

l'artiste, définitivement marquées par son séjour en terre iranienne. Il est loin d'êt re isolé : entre

siècles, le XIX', puis le xx•, empêchant parfois les plus grands chercheurs de vo ir dans les productions

les commentaires dévastateurs d'un prince Saltykov sur la musique qu 'on lui offre 6 et ceux, tout

de ce x1x• siècle autre chose qu'un art en décadence, abâtardi au contact de l'Europe. Un exemple

aussi acerbes, d'un Julien de Rochechouart sur les artistes comme sur leurs œuvres 7 , le regard

en est emblématique. Le père des études iraniennes, intrin sèq uement inscrit dan s l'histoire de la

16

I INTRODUCTION

naissance du patrimoine iranien, Art hu r Upham Pope, omet bi en souvent la période qajare dans sa monumentale somme destinée à établ ir une défi nition nation ale et patrimoniale de l'art persan, le

Survey of Persian Art, paru en 1938. Dans nombre d'articl es niant l'évi dence, celle-ci est, ou passée sous silence, ou vue comme la marque d' un dernier fe u précéda nt l' ultime décadenceB_ Les arts du

x1x• siècle

ne trouvent leur place que dans un volume sup plémenta ire, et tardif, puisque paru en

1976, consacré, là encore, à l'artisanat, aux handicrafts 14, une entreprise dont la vocation première était de tenter de conserver un savoir-faire inscrit dans une défi nitio n nationa le et non d'analyser des productions dans un contexte historique précis. Longtemps, les historiens de l'art islamique, mêm e les plus grands, en conservèrent l' idée. L'Europe était passée par là, avait imposé ses ca nons, ses techniques, dévoyé un art classique 15 . Le shah lui - même ne se fait-il pas portraiturer, par phot ograph ie et ambassadeur interposés, en Occident (cat. 2) ? « L'art islamique », lui, était mo rt au

x1x• siècle 16 .

Peu osaient s'aventurer sur

ces terra incognito, trop proches et obscures. Basil Rob inson fut l'un des premiers 17 .

À sa su ite et à celle de la révolution islamique, qui poussa nombre de chercheurs iraniens à s'installer qui aux États-Unis, qui en Europe, le champ des possibles se modifie, au point d'aboutir, en 1998, à une grande exposition sur la peinture . Elle révèle au public anglo-saxon cet art jusqu'alors laissé dans l'ombre 18 . Mais là encore, le filtre occidental est présent : si l'art qajar est enfin réhabilité, il l'est par la peinture et, principalement, par la peinture sur toile, la plus familière des Occidentaux. Certes, la notion de peinture en Iran est plus étendue qu 'en Occident, incluant tout type de support : à la même époque, la publication exhaustive de la col lection de laques de Nasser Kha lil i met en lumière un matériau privilégié par les artistes du

x1x• siècle, auquel s'essaient

tous les grands peintres 19 . La hiérarchie européenne des arts avait marqué de son sceau les arts qajars, tandis que céramiques, métaux, armes et textiles étaient encore relégués au fond des réserves ou présentés sous l'angle des productions de la vie quotidienne . Plus ieurs phénomènes se rejoignent alors d'une part, la décennie 2000, encouragée par les découvertes liées à l'exposition de 1998,

2 1 Portrait de Nasir al-Din Shah) commandé par Fambassadeur d)Iran en France Amin al-Mulk

cueille les fruits semés une dizaine d'années plus tôt : les études se multiplient, aboutissant, très récemment, à la tenue de deux expositions et à la publication tout aussi récente de pas moins de cinq ouvrages, tous consacrés aux laques 20 En parallèle naît l'intérêt pour la photographie, no uveau moyen de pe indre sans pinceau, dont les prémices avaient été mises en lumière, dès 1981, par l'étude pionnière de Chahryar Adle et de Yahya Zoka 21 . Les nombreuses expositions qu i lui so nt consacrées, sans même évoquer les articles scientifiques dont elle est l'objet, établissent son importance, aujourd'hui en tout lieu acceptée. Une nouvelle fois, c'est un médium familier des Européens qui trouve faveur auprès des chercheurs, malgré la reconnaissance immédiate de la spécificité de la photographie iranienne. Enfin, les études sur les techniques apparaissent, en majorité, consacrées à la céramique et,

Victor Da rjou France, Pari s, 1858 Huile sur toil e H. 100,2 cm ; 1. 80 cm Dubai, fond ation Farjam

1. Polak 1976, p. 294, cité par Ekhtiar 2001, p. 153. La traduction est mienne. 2. Ce terme désigne, aujourd'hui, la région de Chira2 et de Persépolis. Substantivé, il désigne également la langue parlée en Iran (jarsi). 3. Chez Thucydide, Hérodote ou Xénophon, notamment. les siècles safavides sont 4. Cette image dure encore souvent vus comme un âge d'or, auquel succèdent un très sombre xv111 ' et un décadent XIX' siècle. S. Laurens 1901, p. 618. 6. Saltykov 2014, p. 67 : « une musique aussi lugubre que discordante ». 7. Citons, par exemple:« Les Persans n'ont aucune idée de la peinture comme nous l'entendons et, qui plus est, ils ne la comprennent pas », dans Rochechouart 1863, p. 260. 8. Sur la définition et la naissance de l'art islamique, voir Labrusse, Makariou et Possémé 2007; sur la notion d'art islamique et sur sa mort présumée au XIX' siècle, voir Shalem 2012. 9. Voir à ce sujet, Carey 2017. 10. Sur l'image de l'autre et son emploi dans sa propre définition, voir Stoichita 2014. 11. Voir à ce sujet Graves 2012. 12. En anglais, craft. Sur cette notion, voir l'ouvrage de Adamson 2013. 1

plus spécifiquement, aux carreaux de revêtement 22 . Souvent liées à des programmes d'analyses scientifiques, el les s'inscrivent dans la continuité de programmes similaires concernant les périodes antérieures 23 , et observent les divisions trad itionne llement étab lies entre les techniques et des matériaux. Or, s'il est pratique, dans un cata logue, de les conserver partiel lement, du moins avonsno us tenté de les gommer dans l'exposition telle qu'elle s'offre aux visiteurs, qui mêle peintures, objets, photographies, manuscrits et ouvrages lithographiés. Il semblait donc qu'un moment était advenu, celui de tenter une synthèse, qui mettrait en lumière la pluralité des œuvres, d'essayer de renverser le regard et de porter une analyse historique, départie d'une vision trop européo-centrée. Nous y sommes aidés par une scénograph ie d'exception, œuvre subtile de M. Christian Lacroix, qui sut, par un habile choix de coloris, les rehausser sans leur faire d'ombre. De pa rt et d'autre d'une rue intérieure, quatre pavillons reprennent les thématiques du parcours : la découverte, le cont exte politique et culturel, les arts de cour, la production artistiq ue et ses bouleversements. Vitrines anciennes et chaises de style Napoléon Il l, obligeamment prêtées par le Mobilier national, contribuent à restituer l'ambiance du

x1x• siècle.

l'envie de quelque nouvelle étude sur les arts de la période qajare.

18

I INTRODUCTION

Puisse ce précieux écrin susciter

13. Par exemple, dans l'article de Léa Bronstein sur les émaux, où l'auteur s'efforce d'expliquer à quel point les productions d'émail du règne de Fath 'Ali Shah ne sont que des exemples abâtardis d'une production plus ancienne, dont il ne connaît aucun exemple: L. Bronstein, « Enamels », dans SPA, vol. Ill, p. 2587. 14. SPH. 15. Sur la notion d'art classique, voir Gruber 2012 [publication en ligne non paginée). 16. Cela est encore avoué à demi-mot, lors de la brillante communication d'Oleg Grabar, qui, en ouverture d'un colloque consécutif à l'exposition de 1998, tente une définition de l'art qajar, au prisme de cette recherche d'identité qui traverse le XIX' siècle Grabar 2001, p. 183-186. 17. Sur la bibliographie de B. Robinson, voir en fin d'ouvrage. 18. Diba et Ekhtiar 1998. 19. Les deux volumes concernant les laques conservées dans la collection Khalili sont publiés en 1997 et 1998, soit concomitamment à l'exposition de New York et de Brooklyn. 20. Une exposition s'est tenue à Harvard de septembre à décembre 2017 et a donné lieu à deux publications : Roxburgh 2017a ; Roxburgh 2017b . Par ailleurs, la Freer and Sackler Gallery a également publié, à l'occasion de

19

I

la même exposition, un ouvrage consacré à la donation effectuée à cette institution par A. Soudavar: A Co/lector's Passion (Farhad, McWilliams et Rettig 2017) et prépare une exposition des œuvres. Enfin, il faut ajouter à la liste la publication du musée Malek à Téhéran, également sur la donation effectuée par la famille Soudavar en mémoire de Ez2at-Malek Soudavar: Musée Malek 2012, ainsi, plus anciennement, que le catalogue de l'exposition consacrée aux laques de tout type, à Münster, en 2009 : Auf 1001 nachts, lslamische Lockkunst in Deutschen Museen und Bib liotheken (Münster 2009). 21. Adle et Zoka 1983, p. 249-280. 22. Initiées par Jennifer Scarce, ces études se concentrent, pour la très grande majorité, sur la céramique à décor peint sous glaçure et, plus spécifiquement, sur l'atelier de 'Ali Muhammad Isfahani. Le premier article est : 1976a. Une exposition-dossier avait été tenue à Berlin sur les carreaux de céramique en 2002 : Qadscharische Bildfliesen im Ethnologischen Museum Berlin (Berlin 2002). 23. C'est le cas, par exemple, des programmes européens menés avec F. Voigt au musée d'Édimbourg, auquel fut associé le C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France), à Paris. Ces recherches ont donné lieu à plusieurs articles et posters, notamment: Vo igt et Reiche 2012, p. 515-544.

/

Etat et société sous les Qajars (1786-1925) D ENIS H ERMANN

A

près avoir servi la dynastie safavide (1501-1722), les tribus turkmènes qajares originaires de la région d'Astarabad (aujourd'hui Gorgan, dans le nord-ouest de l' Iran) parvinrent au cours de la seconde moitié du xv111 • siècle à unifier l'Iran sous leur autorité. Le fondateur de la dynastie, Aqa Muhammad Khan (règne 1779-1797), élimina ses principaux rivaux,

notamment les Zands (1751-1794), remporta des victoires militaires en Géorgie et dans le sud du

Caucase et fit de Téhéran la nouvelle capitale en 1786. La capacité des tribus qajares à construire un État et une autorité po litique reconnue, en dépit du nombre relativement faible de leurs khans, s'explique principalement par leur aptitude à créer très rapidement des liens avec les divers acteurs

J

tribaux, sociaux, religieux et économiques, et cela en engageant différentes actions. Le s dons de terres

(tuyul) et la capacité à intervenir comme arbitre lors de conflits associés à la possession de la terre d'une part, la culture cérémoniale de l'échange de cadeaux (pishkish) d'autre part, constituèrent des éléments centraux de la cu lture politique et de l'économie de l'Iran sous les Qajars . Les politiques de mariage qu'ils mirent en place leur permirent, par ailleurs, de s'associer aux plus influentes famil les1 . Dans la seconde moitié de la période qajare, l'organ isation et la structuration de ces liens surent évoluer, accordant ainsi davantage d'importance à une série de pouvoirs intermédiaires 2 . L' Iran connut de profonds bouleversements économ iques et sociaux à la période qajare. On comptait environ trois millions d'habitants au début du x1x• siècle et dix à l'aube du siècle dernier. On a souvent

1

évoqué le passage d'une société désignée comme« médiévale 3 »ou« féodale» à la modernité incarnée par l'avènement du mouvement constitutionnel et l'établ issement d'un parlement (maj/is) en 1906, de même que l'émergence de débats contradicto ires sur l'avenir de la nation dans la presse et différents cercles et sociétés politiques (anjuman). La population, encore aux deux tiers nomade et semi-nomade au début du x1x• siècle, se sédentarisa progressivement pour représenter 25 % à un tiers de la population au début du xx• siècle. Le caractère« méd iéval »et« féodal » de l'Iran qajar dans la première moitié du x1x• siècle se manifestait en particulier par le poids considérable de l'agriculture et des grands marchands dans l'économie nationale, par l'importance du retard techn ique sur l' Empire ottoman, ainsi que par le caractère tribal de son organisation politique et militaire 4 . #

-~~

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Chiisme et société à la période qajare

.'}

i9 N'étant pas des sayyids (descendants du Prophète ou des imam s), contrairement aux Safavides, qu i clamaient être les descendant s de l'imam Kazim (mort en 799) et à qui l'Iran devait l'établissement du chiisme comme religion d'État, les Qajars ont, néanmoins, souffert d'un certain manque de légitimité

1

l

re ligieuse vis-à-vis de leurs prédécesseurs 5 . Aqa Muhammad Khan et son successeur Fath 'Ali Shah (règne 1797-1834) multiplièrent ainsi les marques de respect envers le clergé chiite. Des mosquées furent construites et des mausolées embe lli s. Fath 'Ali Shah commanda , du reste, de nombreux traités re ligieux aux oulémas, auxquels il alloua des bourses. Ces derniers voya ient alors avec satisfaction le pays entrer dans une période de relative stabilité politique et l'identité chiite renforcée après le règne de Nadir Shah Afshar (1736-1747), marqué par des tentatives de rapprochement, vo ire de retour, vers le sunnisme 6 . De plus, un grand nombre de princes et de gouverneurs furent initiés à l'ésotérisme chiite et furent des acteurs de prem ier plan dans les diverses controverses re ligieuses qui animèrent les différents courants religieux chiites 7 . En dépit de cela, la période qajare a longtemps été considérée comme une phase de déclin intel lectue l, tout d'abord, par rapport à l'époque safavide, qui constitua un tournant décisif pour l'histoire du chi isme ; ensuite, en ra iso n de la vulnérabi lité croissante vis-à-vis de l'influence Ci-co ntre : détail du cat. 23

politique, économique, culturelle et militaire de l'Occident durant la seconde moitié du x1x• siècle .

22

I HISTOIRES

-·-

.-.

C'est au cours du règne de Nasir al-Din Shah (1848-1896) que les oulémas ont peu à peu contesté le régime qaj ar, accusé de s'être compromis avec les puissances occidentales et d'avoir abandonné son rôle historique de « propagateur de la religion » et de « défenseur de la charia ». Ainsi fut remis en cause le modèle implicite de partage du pouvoir entre autorités politiques et autorités religieuses qui prévalait jusqu'alors et qui se traduisait notamment lors de la période safavide par la collaboration étroite entre l'État et des oulémas comme 'Al i al-Karaki (mort en 1534) et Sheikh Baha al-Din al-Amili (mort en 1621) 8 . Le profond enracinement du chiisme en Iran au début de la période qaj are cimente de fait la culture

3

et l'identité iraniennes dans un territoire plus strictement défini que par le passé. L'Iran safavide, puis qajar, s'est donc largement pensé et défini comme une forme de sultanat chiite, dont le souverain est désigné par Dieu en tant que protecteur de la « secte [ici chiite] sau vée » (ftrqa-yi najati).

Le sentiment d'être assiégé et les premiers débats sur la réforme

1

Les constitutionnalistes à la légation anglaise

Antoin Se\Tuguin Iran , T éhéran , 1906 Négatif sur plaque de verre H. 13 cm ; 1. 18 cm Bruxelles, collection Hassan l\fohazzab

La société iranienne fut très marquée au cours de la période qajare par le sentiment progressif la régie britannique Talbot en 1890-1892 14 et dont certaines franges développèrent une littérature

d'être ass iégée par l'extérieur, et tout particul ièrement par les puissances russe et britannique. Cette perception joua un rô le moteur dans l'histoire des institutions de la dynastie et ses choix politiques, et

politique toujours plus complexe et complète, intellectuels religieux et sécularistes, dignitaires qajars

d'une manière générale dans l'histo ire des dynamiques sociales, religieuses et intellectuelles. Ainsi, les

réformistes, marchands menacés par le nouvel ordre économique.

guerres russo-persanes de 1804-1813 et de 1826-1828 9, suivies de pertes de territoires conséquentes dans le Caucase, aboutirent dès le début du x1x• siècle à la naissance de projets réformistes portés,

Cette contestation progressive se manifesta de façon éclatante par l'assassinat du souverain Nasir

dans un premier temps, par le prince 'Abbas Mirza (mort en 1833), gouverneur d'Azerbaïdjan en 1799

al-Din Shah par un militant panislamiste proche de l' intellectuel religieux réformateur Sayyid Jamal

puis désigné successeur (vali'ahd) du souverain Fath 'Ali Shah en 1818, qui prôna une réforme de

al-Din al-Afghani (mort en 1897) 15, Riza Kirmani (mort en 1896). Si la situation de l'endettement du

l'organisation des forces armées par la constitution d'une armée de métier. Après une longue période

pays s'accentua sous le règne de Muzaffar al-Din Shah (1896-1907), ce dernier souverain s'engagea

attentiste de l'État, eu égard à la question des réformes, redoutant l'opposition de multiples acteurs

néanmoins dans une politique plus volontairement réformiste, notamment eu égard à l'évo lution

mais également un affaiblissement de son autorité, la nomination par le souverain Nasir al-Din Shah du

du statut des minorités religieuses et dans le soutien de l'État au développement d'écoles dites

Premier ministre Amir Kabir (mort en 1852) constitua un tournant important. Ce dernier fonda entre

modernistes. Cependant, la contestation ne fléchit pas et les luttes entre factions au sein de l'État

autres le Dar al-Funun, l'École polytechnique de Téhéran, en 1851 10 . Cette institution avait l'objectif

s'accentuèrent. L'affaiblissement de l'État, visible à travers les révocations rapides de ses différents

de faire entrer l'Iran dans la modernité technique. Amir Kabir travailla aussi à réorganiser l'appare il

Prem iers ministres, marqua le début d'une crise politique particulièrement longue et aiguë 16 . À partir

politique autour de nouvelles pratiques institutionnelles et budgétaires. Toutefois, sa disgrâce très

de 1905, des demandes de réformes politiques et institutionnelles se fi rent plus fortes. Le clergé

rapide pu is son assass inat marquèrent un nouveau coup d'arrêt aux réfo rmes.

joua un rôle central dans celles-ci, exigeant dans un premier temps la fondation d'une maison de justice ('ada/atkhanah), puis celle d'un parlement élu et la rédaction d'une consultation. Ces

En dépit des pertes de territoires dans le Caucase, l' Iran demeura très attaché à administrer

différentes demandes furent accordées par le souverain et la première session du parlement se tint

davantage d'espaces sur ses franges est persanophones, organisant deux cam pagnes de conquête de

le 7 octobre 1906. Toutefois, le nouveau souverain Muhammad 'Ali Shah (règne 1907-1909; mort en 1925) s'opposa très fermement à cette nouvelle dynamique et légitimité politique. Les violences qui

Herat, et perturbant par conséquent le rôle tampon attribué aux territo ires de l'Afghanistan moderne par la Russie et le Royaume-Uni dans ce conflit géostratégique resté célèbre dans l'historiographie

s'ensuivirent, la désorganisation de l'économie et l'insécurité grandissante, l'avènement de la Première

sous la qualification de« Grand Jeu 11 ». Ainsi, sous Muhammad Shah (règne 1834-1848), la première

Guerre mondiale et l'entrée sur le territo ire iranien de forces armées étrangères (britanniques, russes,

tentative, en 1837-1838, s'avéra un échec. Les Anglais ava ient alors occupé l'île de Khark située en

ottomanes, allemandes) aboutirent à un effondrement des structures étatiques et sociales et à un

face du port de Bushihr, d'une importance économique et militaire majeure, pour forcer les Qajars

morce llement du pays. Ainsi, certaines forces politiques initialement proconstitutionnalistes muèrent

à abandonner leur siège. La seconde tentative en 1856 fut couronnée de succès, mais les forces

progressivement vers un caractère plus régionaliste (tout spécialement en Azerbaïdjan iranien et au

britanniques occupèrent cette fois Bushihr, forçant les armées qajares à la ret ra ite. Au-delà de Herat,

Gilan). En 1921, un militaire iranien au service de la brigade cosaque, Reza Khan (mort en 1945),

il apparaît plus généralement que le Khurasan était une région où les Qajars rencontraient davantage

parvint à s'emparer du pouvoir par un coup d'État, établissant comme priorité absolue le contrôle

de difficultés à établir des liens sociaux forts avec les différents acteurs loca ux.

du territoire, dans un premier temps par sa reconquête militaire et sa réunification politique 17 . C'est certainement la raison pour laquelle il attendit 1925 pour abolir de facto la dynastie qajare et fonder la nouvelle dynastie pah lavie (1925-1979).

De l'affaiblissement de la légitimité de la dynastie à l'avènement du mouvement constitutionnel 1

Ces différents échecs militaires, le déve loppement des missions chrétiennes, le défi posé par l'émergence de la religion babie, aboutissant notamment à de véritables campagnes mil itaires dans le Mazandaran entre septembre 1848 et mai 1849 et à Zan jan au mois de mai 185012, puis l'endettement croissant de l'État à partir des années 1870, conduisant à l'abandon de pans entiers de l'économie sous la forme de monopoles 13 attribués à des sujets étrangers, affaiblirent considérablement la dynastie. Sa légitim ité fut remise en cause par des groupes extrêmement divers de la société iranienne : oulémas qu i accompagnèrent efficacement la campagne contre le monopole du tabac attribué à

24

1

HISTOIRES

1. Voir Ashraf 2016a; Ashraf 2016b, p. 550-576. 2. C'est à ce titre que V. Martin parla de « pacte qajar ». Voir Martin 2005. 3. Voir Lambton 1987, p. ix. 4. Voir lssawi 1971; Ebrahimnejad 1999. 5. Voir Algar 1969, p. 22. 6. Voirîucker 1994, p.163-179. 7. Voir Hermann 2017, p. 12-15 en particulie r ; Hermann et Mervin 2010. 8 . Sur ces derniers, et plus largement sur les oulémas ayant migré du Jabal 'Amil (actuel Liban-sud) pour se mettre au service de l'État safavide, voir Abisaab 2004.

9. Voir Atkin 1980; Avery 1971, p. 17-46. 10. Ekhtiar 2001, p. 153-163, Eadem 2000. 11 . Voir Mojtahed Zadeh 2005. 12. Amanat 1989. 13. On pense principalement à la concession Reuter octroyant en 1872 un monopole sur l'extraction des matières premières de l'Iran à un citoyen britannique du nom de Jul ius Reuter (mort en 1899) pour une durée de cent cinquante ans. D'autres concessions, comme le monopole du trafic sur le fleuve Karun, octroyé aux Britanniques en 1888, ont créé moins d'émules dans la population et chez les oulémas. Plus généralement

25

I

concernant les concessions, voir M. Ettehadieh, «Concessions.Il. ln the Qajar Period », Elr, vol. VI, 1993, p. 120-122. 14. Sur la concession de tabac accordée à la régie britannique Talbot en 1890, voir Lambton 1965, p. 119-157, Keddie 1966. 15 . Sur ce dernier, voir Keddie 1983. 16. Voir Keddie 1969, vol. 5/ 1, p. 3-31; 1969, vol. 5/ 2, p. 151167; 1969, vol. 5/ 3, p. 234-250. 17 . Voir Richard 2009, p. 69-103.

Peintres voyageurs en Iran : regards documentaires • • et art1st1ques

Après la mission scien ti fique qu i accompagne

ambassad eur extraordinaire de Louis-P hilippe

le géné ral Bonaparte sur les bords du Nil, en

à Téhéran en 1840. Celui-ci part

1798, lors de la campagne d'Égypte, de telles

mission scientifique, composée notamment

entreprises

d' un

scientifiques

se

renouvellent.

architecte

marse il lais,

Pascal

Xavier

Les savants parcourent l'Orient et en tirent

Coste (17 87-1879) et d'un peintre, Eugène

études

et

Napoléon Jean-Baptiste Flandin (1809-1889).

cartographiques, tant au profit des intérêts

Tous deux lauréats de l'Institut de France en

topographiques,

géolog iques

militaires que commerciaux, en y alliant études

1839, ils sont désignés pour accompagner le

ethnographiques,

plénipo tentiaire en Iran, l'un en raison de son

sociales,

botaniques

ou

relevés architecturaux destinés à servir les Arts

séjour au Caire en 18224, où il avait croqué et

et !'Histoire. De nombreux artistes peintres

dressé le plan des monuments de cette ville,

pa rticipent à ces missions 1 et l' importance de

l'autre pour sa précédente carrière de peintre

ces études est jugée telle qu'en 1842 se crée

militaire en

en France un service des Missions, au sein de la

séparés de la mission Sercey, Flandin et Coste

Algérie en

1837. Rapidement

division des sciences et lettres du ministère de

parcou rent l'Iran. Alors que l'architecte Coste

l'instruction publique 2 .

effect ue des re levés de plans et d'élévations de monum ents« antiques et modernes », c'est-à-

Pour ce qui est de l'Iran, après l'échec

FARHAD KAZEMI

avec une

d'une diplomati e durable

avec la France durant

dire aussi bien préislamiques que postérieurs à l'invasion arabe, ain si que des

vues intégrant

le Premier Empire, il faut attendre le règne de

ces monuments dans le relief et le paysage.

Louis-Philippe pour être témoin d'un timide

Sa précision documentaire atteste une très

retour des Français sur le terrain dipl omatique

bonne compréhension de l'architecture locale.

iranien, désormais devenu le terrain de jeu de

À l' inverse, Eugène Flandin préfère mettre en

la Russie et du Royaume-Uni. L'accès à l'Iran

avant le pittoresque des monuments, intacts ou

est alors facilité par la libre circulation des

en ruines, en y intégrant des personnages. Ces

navires civil s dans les détroits des Dardanelles

deux visions des mêmes paysages se mêlent au

et du Bosphore, permettant un accostage à

sein d'une monumentale publication incluant

Trébizonde 3 .

textes et planches, parue en 1869, équivalent pour l' Iran de ce qu'avait été La Description de

La

première

mission

diplomatique

d'importance est celle du comte de Sercey,

l'Égypte, œuvre de la mission scientifique de la

campagne d'Égypte évoquée plus haut.

5 1 Décor du pavillon Coula-Pouchideh Pascal Coste Iran, Ispahan, 24 avril 1840 Mine graphite et encre sur papier H . 30 cm ; 1. 20 cm Marseille, bibliothèque municipale de l'Alcaza1; MS 1132fol.37

4 1 Jules Laurens

6 1 Route de Téhéran

peignant !)Euphrate

à Ispahan

Jules Didier France, 1850-18 75 Huile sur toile H. 32,5 cm ; 1. 40,3 cm Carpentras, bibliot hèque-musée Inguimbertine, 887 .3.30

Jules Laurens Iran, 29 mars 1848 Mine graphite et couleurs sur papier H . 27 ,5 cm ; 1. 43 ,9 cm Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, EBA 2409

26 I

HISTOIRES

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vis ions complémentaires et pourtant décalées

s'inspirent du côté romantique des rui nes 7 , les

d'inno mbrables dessins croqués çà et là, dont

de l' Iran. Leurs témo ignages laissent paraître

autres consignent consciencieusement notes,

il s'in spira longtemps après avoir retrouvé sa

leur fascination pour cet Orient myst érieux,

mémoires,

leurs traces. Le géographe a pour miss ion

Provence nata le. JI en rappo rt a, en outre, six

nourris des sources classiques tels Hérodote ou

découverts dans le cadre de leur mission .

d'effectuer des relevés géographiques des

table aux qajars et quelques objetss.

et

géologue,

plus Xavier

tard,

un

Hommaire

géographe de

Hell,

accompagné d u pe intre Jules Laurens, suivent

la possibilité d'une liai son en t re celle-ci et la mer Noire. La mission, déjà compromise

plans et relevés des bâtiments

Polype, tout comme des écrits dithyrambiqu es

Ces documents, source d'inspi ration pour les

des voyageurs du xv11 • siècle, tels que ceux du

futures missions vers l' Iran du dernie r quart du

Les représentat ions graphiques de l'Iran

chevalier Jean Chardin ou de Jean-Baptiste

x1x• siècle, constituent aujourd'hui des sources

avant les années 1840 sont nombreuses, en

Tavernier. Leurs écrits montrent également le

d'une valeur inestimable, nous relatant avec

pourtou rs d e la me r Caspienne et d'étudier

pa r la su rvenue de la Révolution de 1848 en

pa rticulier au xv11 • sièc le, mais les dessins en

choc ressenti par la découverte de la réalité du

précision l'état de monuments définitivement

France, est dramatiquemen t interrompue par

son t soit fantais istes, véhiculant le fantasme

terra in, qu'il s'agisse de l'état de ruine résultant

dérobés à nos études par les affres du t emps.

la mort brutale d'Hommaire de Hell. Laurens

de l'Or ient, soit arrangés par les graveurs qui

des guerres du xv11 1• siècle et des tremblements

affronte un retour solitaire , dans un pays

les on t ensuite publiés, pour complaire au

de terre fréquents dans la région, ou des

en proie à une cri se de succession liée à la

goû t européen. L'arc hitecte, le géographe et

mœurs qu'ils ne comprennent pas 6 . Dans leurs

mort de Muhammad Shah la même an née.

les deu x peintres évoqués ici léguèrent aux

œuvres composées sur place comme dans

Il peut néanmo ins conserver les précieuses

gén ération s suivantes

ce lles réalisées à leur retour en France, les uns

28

I HISTOIRES

de

voyageurs

deux

fi

Gat. 11

notes et les relevés de son ami, tout comme

ans

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L'auteur,

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Muhammad

'Ali

Mirza

Shah,

est gouverneur de

Kirmanshah.

Mi litaire émérite, distingué lors de la bataille

~~'f.~P4~~i~~ ~~!r.0~~d. v~~ ..:,; v~~~;~.;J,1 • • •

d'Erzeroum contre l'Empire ottoman en 1821, il

lti~i

meu rt soudainement à Bagdad la même année.

.f{.\:\.:,;~\p lv\:...,...YCIJ\.;•11..:.: I

-r

'Ali

~:-..,{~~8:1~.v) i:.r,-uv;f'~./~ .i~'UX!~k;~ .,:AA/: :. ·

1;,11

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prince

Dawlatshah (1789-1821), premier fils de Fat h

~. . . .t,,~_(',_;;~;~.,..,.(·4.4:".~''J..; d. .,~.~.IJ~,.:...ittJ,' . • •. ! , • • r~ . - . . . . i.f!~~·~:



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le

~ ~~..; ;~ .$~~-

La lettre s'adresse à Louis XVI II (règne 18141824) et évoque le retour en France du docteur Barrachin, médecin militaire devenu instructeur en Iran en 1815, auprès de Muhammad 'Ali

.:..;,,'-abil)-Allah $afa , « Hatef, Sayyed Ahmad Esfahani », Elr, vol. XII, fasc. 1, 2003, p. 54-55.

54

1

Portrait du poète Yàghma Jandaqi (1781-1859)

Attribué à Aga Buzurg Shirazi Vers 18.30-1860 Co uleurs e l or sur papier H. 33,4 cm ; 1. 26,5 cm Pa1·is, musée du Louvre, départem ent des Arts de l'Islam, MAO 779, acq . l 987

Personnage complexe et provocateur, Yaghma

décide de mener une vie d'errance. C'est alors

en page, les portraits individuels réalisés dans les

Jandaqi, de son vrai nom Mirza Abu'I Hasan,

qu'il choisit le nom de plume de Yaghma, qui

années 1850-1860, notamment par Abu'I Hasan

occupe une place particulière au sein de

signifie, littéralement, « pillage ». Il travailla dans

Ghaffari (voir p. 224-227)2. En 1850, Yaghma est

la littérature iranienne et qajare.

Premier-

différentes villes et devint le maître spiritue l du

âgé de soixante-dix ans. Or, sur le portrait du

né d'une fam ille pauvre, il travail le, dès son

vizir de Muhammad Shah, Hajji Mirza Aqasi.

Louvre, il paraît en avoir trente, quarante tout

plus jeune âge, comme chame lier dans son

À Kashan, il fut accusé d'hérésie pour ses écrits.

au plus. Il s'agit donc probablement d'un po rt rait

vill age natal situé en bordure du Dasht-i Kavir.

On lui doit en effet des poèmes satiriques, voire

posthume et rétrospectif3. L'identification du

Il est remarqué par un notable qui le prend

obscènes, ma is auss i des lamentations sur le

sujet repose sur le vers inscrit sur le feuillet que

à son service et lui apprend à lire et à écrire,

drame de Karbala, le tout dans une langue

tient le poète . Il est tiré d'un poème de Yaghma

devient son secrétaire et compose très tôt des

simple et accessible. Les poètes contestataires

composé au moment où celui-ci décide de suivre la voi e des derviches.

poèmes sous le pseudonyme de Majnun. Les

de la Révolution constitution nelle le prendront

circonstances politiques l'obligent à changer de

comme modèle et les historiens de la littérature

patron. Ce nouvel employeur le rudoie, finit par

le

le jeter en prison, lui inflige des sévices corpore ls

mouvement de retour ve rs une langue persane

comptent

parmi

les

représentants

C.M.

du

et confisque ses biens. Une fois libéré, le poète,

épurée des emprunts à l'arabe (bazgasht)1. Ce

âgé de vi ngt ans et à jamais traum atisé par

portrait de Yaghma, réputé être de la main d'Aqa

cette expérience, prend l'habit des derviches et

Buzurg Shirazi (cat. 233), rappel le, par sa mise

l 1. Rypka 1968, p. 333-334; Al Davud 1357-1362 h. 2. Ka rimzadeh Tabrizi 1985, vol. 1, n' 15, p. S-6 ; Zoka 1367 h., vol. 1, p. 456-458. 3. Pour un autre portrait rétrospectif, voir cat. 222 .

/

58

j HISTOIRES

Le vrai des uns, le faux des autres 1 CAROL GUILLAUME

À la fin du x1x• siècle, l'archéologie du Moyen-

de peintures, dont le colophon indique qu' il fut

Orient est au coeur de la lutte d'influence que

copié pour le go uverneur de Chiraz en 1614 ;

se livrent les grands musées d'Occident : les

il fut systémati quement cité pour il lustrer le

missions britanniques, françaises et allemandes

phénomène du pastiche des modèles timourides

s'e nchaînent pour te nter de déco uvrir les gra nds

par les peintres et enlumineurs safavid es 6 . La

sites

qualité de la cal ligraphie, des enlum inures et,

de

!'Antiquité,

co ll ectent,

étiquettent,

Les voyageurs et amateurs, qui

surtout, des pein t ures, ne pou vaient être que

avaient su, par leurs récits, éve il ler l'intérêt des

!'oeuvre d'artistes acti fs sous le règne du grand

scientifiques, suivent désormais les pas de ces

Shah 'Abbas J•'. Jusque dans les années 1980, on

exposent.

grandes missions officielles et les comptoirs

lisait d'ailleurs, dans les ouvrages spéciali sés, que

d'antiquaires se multiplient, de Téhéran à Paris,

la grand e traditi on de la pe int ure de manuscrit

en passant par le Caire ou Bagdad.

iranienn e s'était étei nte avec les derniers feux de

Dans les années 1890, Armand De Patter,

l'empire, à la fi n du xv 11• siècle.

comme bien d'autres avant lui, effectue son

55

1

Relief à décor néo-achéménide

Iran, Chi raz (?), vers 1880 (?) Albât re, déco r sc ulpté H . 35 cm ; 1. 25 cm Paris, musée du Louvre, département des Ans de l'Islam , AFI 2344

Ce relief, qui représente un souverain et deux de

1992, alors qu'ell e étudie le fonds

ses serviteurs, fut découvert dans les réserves

« Grand Tou r » en Orient. Du Caire, il rapport e,

islamique de la New York Li brary, où le précieux

du dépa rtement des Antiqu ités orientales du

entre au t res, au mo ins trois reliefs achéménides,

manuscrit est co nservé, Barbara Schmitz 7 , prise

musée du Louvre, avant d'être transmis au

censés provenir des ruines de Persépolis . En

de doutes, requ iert des analyses scientifiques :

département des Arts de l'Islam . Cette première

1908, le Brooklyn Museum en fait l'acquisition.

de

ass ignati on révèle son histoire et, si l'on ignore

Ils restent exposés comme tels jusqu 'à une

pigments qui, à ce jour, ne sont attestés qu'à

encore les conditions de son arri vée dans les

publication, en 1963, de John D. Conney, qui

partir du x1x• siècle. Pour autant, les peintures

collection s nationales, il fut con sidéré, un temps,

les assimile à des faux (fakes )2. Oscar White

incriminées sont-elles des fau x ? Rien n'est moins

co mme un authentique vestige de Persépolis, à

Muscarella,

au

sûr si l'on con sidère les pratiques artistiques

l' instar des trois reliefs acquis par le Broo klyn

Metropolitan Museum of Art, les décrit à son

iranienn es, quand bien même dérangeraient-

Museum au début du xx• siècle, ou de celu i

tour comme de grossières imitations; les reliefs

elles notre expérience de l' histoire de l'art 8 . Un

conservé au Briti sh Museum 1 .

archéologue

3

et

chercheur

En

nombreuses

peintures

comportent

des

En 1980, Judith Lerner,

certain nom bre de manuscrits, toutes époques

Les voyageurs qui tra versèrent l'Empi re

spécialiste de l' Iran pré islamique, est parm i les

confondu es et que l'on voit encore passe r en

qajar ju squ'au début du xx• siècle ne pouvaie nt

premières à revenir sur le terme de « faux 4 » :

vente, présentent des blancs, des cases vides

pourtant

le style de ces reliefs, leur sujet, leur technique

destinées à être peintes. Ces manuscrits sont

comm andés par Fath 'Ali Shah et ses fil s, sit ués

de réalisation en font, selon elle, d'authentiques

généraleme nt désignés comme « in achevés ».

à proximité des grands sites achéménides et

oeuvres iraniennes... du x1x• siècle. Les détails

Peut-être sera it-il plus juste de lire « à compléter ».

dont l' iconographie, comprenant scènes de

par ses

Ces ficti ons d'i nauth enti cité, nombreuses

t rône et de cha sse, ren voyait, en partie, aux

prédécesseurs n'étant qu'adaptations d'artistes

dans l'étude des productio ns du x1x• siècle,

reliefs de Persépolis ou de Kirmanshah 2 . Certes,

partent en réserve

.

anachroniques vivement dénoncés d'époque

qaja re

(1785-1925)

cop iant

ignorer

les

reliefs

monumentaux

leu r

révèlent en creu x l' hi stoire de la réception de

il ne s'agissa it pas là de pastiches ni même de

modèle, dans une dynamique en tou t point

l'art qaj ar, longtemps déco nsidéré, si ce n'est

copies à proprement parler, mais de véritables

comparable au courant antiquisant développé

méprisé, par les chercheurs et les profess ionne ls

portrai ts sculpté s, aux revendications po litiqu es

en Occident depui s la fin du xv 111• siècle.

des musées. Ce dési ntérêt eut pour conséquence

affirmées - Fath 'Ali Shah y était parfaiteme nt

d'entraver un pan entier de l' histoire de l'art

reconna issab le3 .

iranien, dont la connai ssan ce aurait pourtant pu

Œil expert, œil faussaire ?

éviter bi en des mé prises.

Dan s la seconde moitié du siècle, à la faveur

provenant peut-êt re du même atelier. Le mu sée

Briti sh Mu seum est ainsi orné d' une scène de

du développement de l'archéologie mod ern e

du Lou vre con servant une grande part de la

trône semblable, dont les person nages sont

et de la photographie4, le go ût des prin ces

collection De Patter, il n'est pas impossible

chaussés des mêmes souliers à lacet s8 .

Ainsi le jugement de l'expert n'échappe-t-il

et des élites pour les modèles du passé et,

que ce relief en provienne, au même titre que

pas toujours à l'aveuglement - ou, plutôt, à la

notamment, de l' Iran préislamique, se précise et

ceu x de la colle ction am éricaine, bien qu' il n'ait

se renouvelle. Dan s les palais de Chiraz, près de

pas été possible d'en trou ver trace dans les

Persépol is, des reliefs, qui reproduisent plus ou

inventaires 7 .

fa scinati on que peuven t opérer un nom, une période, qu i est encore un nom masqué : on parle bien d'époque achéménide ou d'époque safavide comme on parle du siècle de Louis XIV ou du style Napoléon .. . Ma is comme tout discours, l' histoire de l'art est un jeu d'ombres et de lumières, une affaire de choix, qui peu vent agir à l' inverse de ce que la discipline voudrait être : agir en faussaire et « distordre l'histoire », pour reprend re les mots d'Arthur Upham Popes. Le cas du prétendu revival timouride à l'é poque safavide en offre un au t re exemp le à l'origine de cette hypothèse, une copie du

Shahnamah de Firda w si enluminée et rehaussée

60

1

HISTOIRES

J

1. Ce texte est en partie extrait d'une inte rve ntion, « Le faux dans l'histoire de l'art du domai ne islamiq ue un aperçu », prononcée dans le cadre du sémi naire « Le faux et la question de l'a rt », organ isé par Jacqueline Lichtenstein à l'École du Louvre (décembremai 2013). 2. Voir Lerner 1980, p. 5-16. 3. Ibid. 4. Ibid. 5. « [t he forger] whose greed and unscrupulousness frequently force into t he market and eve n into publ ic collection s falsifications that mislead t he pu blic, corrupt aesthetic standards distort history and waste mon ey », Pope 1939, p. 177. 6. Voir notamment Gru be 1967, p. 359-362. 7. Voir Schmitz 1992, p. 105-1 11. 8. À ce titre, le témoignage de Cla ude Anet, écrivain voyageur du début du xx• sièc le, rare de par son ouverture d'esprit, est éclairant (Anet 1929, version électronique, emp. 609).

mo ins fidè lement les sculptures achéménides,

La valeur de copie ne susc ite ici aucun

ornent les souba ssements des résidences. La

doute et si les personnages se mblent proch es

maison Afif-Abad, destinée au prince Mirza 'Ali

des re liefs origi nau x, le traite ment des pieds,

Muh am mad Khan Qa vam et dont le décor fut

chau ssés de souliers la cés, témoignent des

achevé da ns les années 1880, en est un exemples.

libertés que le sculpteur s'octro ie.

Parfois même, ces sculpt ures rehau ssent des

Les reliefs sculptés ne so nt pas la seule

éléments d'architecture intérieure, tels que

manifestation du style néo-achéménide qui,

les manteaux de cheminée6. Les dimension s

dans les années 1880, se déploie sur de

relati vement réduites du relief conservé au

nombreux supports. Parmi les plus répandu s,

musée du Louvre, comparables à celles des trois

des carreau x de céramique, produits à Téhéran,

rel iefs du Brooklyn Museum, laissent croire qu' il

reprennent des motifs trè s proches de celui de

s'agit, là au ssi, d'un élément de décor intérieur,

ce rel ief. Un ca rreau auj ourd' hui co nservé au

C.G.

J

1. British Museum, 2009,6042.1; sur les reliefs de Brooklyn, voir p. 60 du présent volume. 2. Sur le sujet, voir Floor 2005, p. 163-190. Il est à noter qu'un relief, mettant en scène Nasir al-Din Shah, fut sculpté dans les années 1870, dans la région du Mazandaran. 3. Sur la dimension politique de ces reliefs, voir Luft 2001, p. 31-49 et Amanat 2018, emplacement 3698. 4. Voir p. 390-401 du présent volume. 5. Voir Grigor 2009, p. 273-290. Contrairement aux exemples d'époque zande et des premières années du x1x• siècle (voir Floor 2005, p. 162-163), il s'agit ici de copies très proches des modè les. 6. Voir Lerner 2015, p. 158-177. 7. Je remercie Julien Cuny pour m'avoir suggéré cette hypothèse et pour avoir vérifié les inventaires de la collection De Patter au département des Antiquités orientales. 8. British Museum, 1981,0604.2.

56

1

Bassin (tas)

5 7 Épée à lame droite 1

Ira n, fi n d u x 1x'· siècle (?) Alliage de cui \' rc, décor grm·é et incrusté d 'arge nt D. 23 cm ; l. 12 cm Bruxe lles, collec ti on Hassan M oh azza b

Ira n, lin du X\111'" - début du x1x•· siècle Épée : ac ier damassé, déco r grm·é et ciselé; fourreau : bois. cui1; fe1; déco r à l'arge nt Épée : L. 99 cm ; l. 1 1,5 cm Fourreau : L. Bï cm ; l. 15,5 cm Pari s, mu sée de !'Arm ée, 701 +

Cette épée à double tranchant comporte une

dans l'art islamique, selon les sources arabes et

garde de métal au décor gravé sur ses deux

persanes. Parmi les figures d'homme-reptile, il

faces, alternant inscriptions et motifs figuratifs.

en est une célèbre, celle de Zahhak, décrit dans

Près de la garde, quatre cartouches, disposés

le Shahnamah comme ayant deux serpents lui

sur deux lignes, contiennent des inscriptions à

sortant des épaules, qui fut, par la suite, vaincu

la longue calligraphie en thuluth, suivis, dans

par le héros Faridun 3 .

un médaillon centré, d'une figure couronnée.

Selon l'alchimiste Jabir Ibn Hayyan (721-776),

Sur la lame, deux serpents s'entrelacent à

« pour tuer un serpent, il faut, sur un papier,

d'autres inscription s jusqu'à la pointe. La garde

dessiner, avec une encre spécialement préparée

métal lique est moulée d'un bloc et s'achève par

pour cela, un serpent ou un homme en train de

des quillons dont les extrémités prennent la

tuer un serpent 4 ». La présence d'un tel motif

forme d'une tête de dragon 1 .

sur les lames des épées et des sabres iraniens

Les épées et les sabres (talwars) indien s

remonte, peut-être, à son emploi dans un but

ont, probablement, influencé leurs pendants

talismanique, attesté sur les premières armes

v111• et 1x• siècles.

iraniens à poignée droite, plus tardifs. Ceux-ci

du monde islamique, dès les

montrent, par ailleurs, des éléments glanés dans

Dans le soufisme, le serpent représente un

les traditions nationales historiques, comme en

état du comportement humain empreint de

témoigne cette épée conservée au musée de

mauvaises habitudes.

l'Armée, dont les inscriptions compre nnent des

F.C.P.

titulatures renvoyant à la période médiévale. Les quillons à têtes de dragon furent prisés des Timourides, sans doute en raison des influences ch inoises présentes en Iran depuis l'époque ilkhanide.

Le dragon, sous

les Timouride s,

revêt, en outre, une signification particulière, esthétique et apotropaïque 2• Serpent et dragon ont, tous deux, des connotations symboliques

Ce petit bassin aux parois renflées présente un

sur une forme ancienne, des éléments de décor

aussi sur des céramiques, comme en témoigne

profil connu dans le monde iranien depuis le

issus du passé à d'autres levant toute amb iguïté

un e série de carreaux ornés de saynètes tirée s

x1v• siècle.

quant à sa datation. Les motifs de la panse

du même ouvrage, dont le musée du Louvre

et il est généralement associé aux productions

alternent

possède

liées aux sultans injus à Chiraz, au milieu du

et cartouches inscrits portant des titulatures

sur la même œuvre les diverses tendances

x1v• siècle 1 .

similaires à celles que l'on trouve sur les métaux

artistiques qui traversent la fin du

On le désigne sous le terme de tas

Si la forme a peut-être pu perdurer

médaillons

figurant

des

caval iers

sept

exemp laires2 •

Ainsi

x1x•

siècle,

injuides, organisation vraisemb lablem ent copiée

historicisme, éclectisme, références littéraires et

sur un modèle médiéval. Le fond, en revanche,

redécouvertes de techniques oubliées .

perdu cours. Leur usage est rare à la période

est orné d'un so le il traité à la manière qajare et

qajare et possiblement lié au développement

d'un décor d'arcatures abritant des personnages

du commerce de l'art et du goût développé

fantastiques aux têtes d'animaux, semblant

d'argent ont, depuis le milieu du

xv1•

par les Européens pour les métaux médiévaux,

sortis des décors du Livre des merveilles du

ou à une tentative de revivi fier une techn ique

monde ('Ajaib al-Makhluqat) de Qasvin i, rédigé

depuis longtemps disparue dans le monde

au

x111• siècle.

Cette thématique en vogue à la

iranien . À l'instar des productions historicistes

période qajare se retrouve sur nombre d'objets

des rivages méditerranéens, ce bassin mêle,

en métal, en particulier su r des plateaux, mais

62

1

HISTOIRES

1. Voir Chodyii ski 2000, p. 269-273. 2. Çakir 2016, p. 160-162. 3. Daneshvari 2011, p. 22-25. 4. Kraus 1986, p. 85 ; Alexander 2015, p. 180-181.

s'allient

siècle,

durant de nombreux siècles, les incrustations

1

G.F.

1

1. Sur la définition de cette école du Fars, voir notamment Meliki an-Ch irvani 1969, p. 19-36 et Melikian-Chirvani 1973. 2. MAO 1191 à MAO 1196 et MAO 2176, actuellement déposés au musée du Quai Branly-Jacques Chirac.

63

I

58 Namah-yi Khusravan (Livre des souverains)

59

J a lal a l-Din l\ Iirza Inde, Bom bay, 1308 h. (1890) Ouvrage imprimé H. 2 1,3 cm ; l. 13,6 cm (ferm é) Paris, Bibliothèq ue universitaire des langues et des civilisa tions, RES M O:'IJ 8 5 788

Iran, T éhéran (?), fin du XIX' siècle ou débu t d u xx'· siècle Céramiq ue siliceuse, décor mo ulé et peint sous glaçure H . 2 14cm; l.11 2cm Pari s, musée du Lo uvre, département des Arts de l'Islam . .\L\O 682. ac hat, 1981

1

Le Livre des souverains raconte l'histo ire de

il s'inspira de monnaies sassan ides publiées

l'Iran, des origines à l'époque moderne. Écrit et

en Europe dans des ouvrages savantss ; il eut

publ ié entre 1868 et 1871, il se divise en trois

peut-être aussi accès aux toutes premières

tomes, Je premier portant sur une période allant

photographies des sites antiques de l' Iran . Sa

des origines mythiques à la fin de l'époque

galerie de portraits royaux devint en quelques

sassan ide, le second et Je troisième sur les

décennies une formule ca noniq ue, reprise sur

dynasties de l'époque islamique, des Tahirides

des supports variés, tant dans la céramique

{820-873) aux Zands (1750-1794). Le quatrième

architecturale (cat. 59) que sur les tapi s et

tome, consacré à la dynastie qajare, ne vit

les textiles 6 .

jamais le jour

1

C.M.

.

L'auteur, Jalal al-O in Mirza {1827-1872),

1

Encadrement de fenêtre

Cet encadrement de fenêtre à fronton polylobé

1. A. Amanat et F. Vejdani, « Jalâl-al-Din mirzâ », Elr, vol. XIV, fasc. 4, 2008, p. 405-410. 2. Sur la vision de l'histoire dans le monde islamiq ue : Melville 2012. 3. Le premier tome fu t rééd ité à Vienne en 1878. L'ouvrage ici présenté est une réédition indienne en quatre volumes. 4. 'Abd al-Muttalib fit partie d'un groupe d'étudiants envoyé en France en 1858. À son ret ou r, il réal ise des lithographies d'Iran et est employé de la post e iranienne. Il participe à la réalisation des ill ustrations de Kali/a va Dimna de Nasrallah Munshi paru en 1865. On conna ît aussi de lui quelques portraits peints à l'huile. Voi r Karimzadeh Tabrizi 1985, vol. 1, p. 344-345, n' 599 ; Marzolph 2001, p. 39-40. S. Tels que Longpérier 1840. 6. Sur le Namah-yi Khusravan et son in fi uence, vo ir p. 65.

se

compose

de

vingt-cinq

carreaux .

Des

enroulements végétaux symétriques et en léger relief couronnent un assemblage de portra it s imaginaires des roi s anciens de l'Iran. Deu x figures de Victoires sonnant du cor, semblant sorties de bas-reliefs romains, sont logées dans les éco inçons de l'arc de la baie 1. L'homogénéité généra le du décor, unifié par une même palette de

couleurs,

di ssimule

un

éclectisme

des

sources d'inspiration propre à l'art qaj ar de la

cinquante -cinquième fils de Fath 'Ali Shah,

fi n du x1x• siècle . La composition végétale du

était un esprit moderne, tourné vers l' Europe

fronton, où se déploient de grandes arabesques

des Lumières et proche de la franc-maçonnerie

en relief et des enroulements porteurs de

iranienne naissante. Sa vision de l'histoire,

tulipes et d'œillets, n'est pas sans rappeler la

profondément

grammaire décorative de l'art ottoman du xv1•

tradition

nation aliste,

rompt

historiographique

avec

persane

la

ou du xv11 • siècle 2 .

établie

depuis le x• siècle . Jusqu'alors indissociable

Les effigies de rois sont, quant à elles, inspirées

d'une narration propre à la cosmogonie et

de lithographies d'époque qajare, publiées da ns

à l'historiographie islamiques, elle débutait

le Namah-yi Khusravan (Livre des souverains),

avec

ouvrage rédigé par le prince Jalal al-Oin Mirza

la

création

d'Adam,

évoquait

les

(cat. 58) et publié à Téhéran entre 1868 et 1871 .

différents prophètes, puis le récit de la vie Muhammad,

de

prélude

aux

On y reconnaît, notamment, Luhrasp, Gushtasp,

conquêtes

Hurmuz 1er, Shapur Il, Khusraw Il, tels qu' ils so nt

arabes. Jalal al-Oin Mirza ignore ce récit pour se

concentrer

exclusivement

sur

\:

l'h istoire

représentés dans ledit ouvrage. Si les profils et

1

iranienne. Dans le premier tome, il introduit

les postures des personnages restent fidèles au modèle lithographié, le traitement des volumes

de surcroît des dynasties mythiques jusque1

là négligées, puisant dans des textes néozoroastriens du xv1 • siècle

2

.

est, en revanche, simplifié et les jeux d'ombre et

1

Comme l'indique la

de lum ière abandonnés. Un rideau et un parapet

1

ont été ajoutés à l'arrière des figures, ainsi que

préface, l'ouvrage est composé dans un langage 1

simple et accessible, et vise un large pub lic, à l'encontre de la prose fleurie des chroniques des siècles précédents. Les trois tomes parurent séparément à

des fruits et des récipients au premier plan. Le Namah-yi Khusravan servit souvent de modèles

i

aux peintres sur céramiq ue. Des portraits au

1 .

traitement plus proche de l'œuvre ori ginale se

.

Téhéran entre 1868 et 187l3. Les illustrations furent exécutées par le peintre et dessinateur 'Abd

al-Muttalib,

formé

aux

picturales et graphiques européennes

.

rencontrent au pala is du Golestan à Téhéran sur des ca rreaux exécutés par Sayyid Muhamma d Riza en 1898-1899 . On les retrouve également

techniques 4

,,

Pour

..

réaliser les illustrations du Namah-yi Khusravan,

-··-

-··-·--·-·---·----

dans d'autres maisons particulières de Téhéran construites à la fin du x1x• siècle, de même que dans la Takiyya Mu 'avin al-Mulk de Kirmanshah 3 .

C.M .

1

64

I HISTOIRES

1. Su r le moti f de Victoi re, voi r Diba et Ekhtiyar 1998, p. 256. 2. Cette veine ottomane se retrouve sur d'autres carreaux et vaisselles de la fin du x1x• siècle en Iran. À pro pos de copies de pièces ottomanes d'lznik exécutées par les potiers d'lspahan et commandées par la firme anglaise Wright and Hansford, voir Watson 1981, p. 176-179

et Watson 2006, p. 333-362 et 340-342. Les poteries ottomanes d' lznik étaie nt alors considérées en Europe comme iraniennes. Les commandes de Wright and Hansford destinées à fournir des modèles aux écoles d'art anglaises étaient donc perçues comme une revivification des arts anciens de l'Iran.

65 I

3. Su r l'infiuence du Namah-yi Khusrava n dans la cé ramiq ue arc hitecturale: M irazizi et Sadeghpour Firouza badi 2017, p. 73-85; Sh iraz i et al. 1932 h., p. 61 -77. 2015; également Riyazi 2016, p. 88-9 1 et 250-254.

Le décor néo-safavide, historicisme ou filiation artistique ? GWENAËLLE fELLINGER

Lorsqu'en 1977 Geza Fehervari publie un

Si le style des peintures anciennes est

article recensant de nombreuses portes à

préservé, certains détails permettent de les en

décor peint, il élabore une chronologie et

différencier. Ainsi, sur les portes conservées

une catégorisation des décors en fonction des

au Victoria and Albert Museum (cat. 60), la

datations inscrites sur ces dernières. Il établit

ta ill e démesurée des turbans des personnages,

quatre styles, comprenant plusieurs exemples

le traitement ombré des visages et le décor

similaires, dont certains incluent des dates

parfois foisonnant dénotent une esthétique

renvoyant à la période safavide, s'inscrivant

générale différente de celle du xv1 1• siècle.

dans une vision téléologique de l'évolution

On considère souvent que le Chehel Sutun

artistique 1 . Néanmoins, dès cette période, des

d'J spahan est la référence principale pour les

incohérences iconographiques sont relevées 2 .

décors des portes peintes 8 . Un certain nombre

En 1995, Eva Baer, dans l'étude très précise

d'entre elles sont réputées en provenir, ce qui

d'un coffret conservé à Berlin, souligne le fait

a contribué à les placer durant longtemps au

que l'objet montre de mult iples incohérences

xv11 • siècle et à entretenir la confusion entre

stylistiques et iconographiques et le réatt r ibue

d'éventuelles véritables portes du xv11 • siècle

au x1x• siècle 3 . Peu de temps avant, Ernst

et leurs pendants du x1x• sièc le 9 . Mais ces

Grube s'était interrogé sur les objets que l'on

confusions doivent plus aux marchands qui les

a tôt fait de qualifier de faux ou de pastiches

ont fait entrer dans les collections de musée

et qui présentent le même type de décor,

qu'aux créateurs de ces objets, une telle

mêlant sous un vocable identique oeuvres

provenance étant particulièrement flatteuse

historicistes, copies servant à apprendre le

pour les oeu vresrn.

style des grands maîtres, véritables pastiches ou faux avérés 4 .

La datation précise de la plupart de ces oeuvres n'est guère évidente. De faço n généra le,

60

J

Porte à décor peint

Iran. Ispahan (?), 2"d,· moitié du x,x,· siècle (datée l 102 h. I 1690-1691 ) Bois, décor peint et verni (laque) H. 178 cm ; l. 43 ,5 cm (par vaniai l) Londres, Victoria and Albert i\!Iuseum, \ \19,9/ A- 1933 , don professeur Percy Newbe rry

Bibl. : Fehervari 1969, pl. X .

61

J

Porte à décor peint

Signée 'Ali Reza Iran, Ispahan (?), 2""' moi Lié du x1x' siècle (datée safar l 054 h. I avril-mai 1644) Bois, décor peint et vern i (laque) H. 169 cm ; 1. 48,5 cm (par vamois) Lisbonne, musée Calouste Gulbenkian , 322 J\-B

Bibl. : Fehervari 1969, pl. VIII

cl

IX.

En effet, depuis le x1v• siècle au moins,

leur chronologie au se in du x1x• siècle n'a, pour

la formation des peintres dans le monde

l'instant, pas intéressé. Beaucoup sont ainsi

iranien

Imitation

attribuées à Mirza Aqa lmami, issu d'une illustre

familiale, spécialisation d'ateliers, copie des

famille de peintres d'Jspahan, dont de nombreux

est

faite

d'imitation.

grands maîtres servent à initier les jeunes

membres se spécialisent dans la confection

peintres. À la période qajare, les grandes

d'oeuvres

références en peinture sont les artistes du

appelées laquesn. Mirza Aqa lmami est formé au

xv1 1• siè cle et, notamment, Riz a-i 'Abbasi. En

Majma' al-Sanay', à Téhéran, sous la direction de

peintes

et

vernies,

couramment

témoig ne la rencontre entre Claude Anet, en

Razi, enlumineur et peintre de laque travaillant

1909-19 10, et un vieux peintre de Téhéran ,

à la manière des Safavides 12 . Cela po urrai t donc

qui montre bien à quel po in t l' imitation

expliquer le développement de ce style et de

des anciens fait partie de la formation des

cette spécialisation. Toutefois, la grande variété

peintres 5 . Ce qui apparaît alors, aux yeux

des compositions et des traitements des décors

des historiens, comme de simples pastiches

présents sur les portes aujourd'hui connues,

des siècles précédents pourrait aussi être

autant que sur les coffrets, incite à voir dans

interprété

cette production plus qu'un seul atelier, fut-il

comme

une

série

d'exercices

destinés à assimiler et à revivifier la manière

productifl3_

traditionne ll e. Nombre de voyageurs notent, d'ai ll eurs,

les

q uali t és

de

copistes

Cat. 61 Les portes offrent toutes une même mise

des

pe int res persans, de même que leur habileté

en

page, composée d'un

pannea u ce ntral

à reproduire sans cesse le s mêmes scènes,

rectangula ire haut et peu large, ento uré de

systématique, car l'organisation décorative y est

collectionneurs occidentaux, un âge d'or des

variée. Il est rare que les revers so ient ornés .

productions artistiques.

faci li tée par l'emploi de poncifs 6 . L'emploi de

deux plus petits panneaux, pris dans un bâti.

dates et de signatures évoquant la période

Ce type d'assemblage date au moins du début

Il est tentant de penser que l'épanouissement

safavide peut alors être vu comme un élément

du x1x• siècle, comme en attestent deux portes

des portes et des coffrets peints à la manière

de référence historique et non comme une

exposées au Musée national de Téhéran 14 .

safavide est lié à la présence des marchands

simple tentative de tromperie, ainsi que le

Le décor, souvent en médaillon, s'y déploie

occidentaux

remarquent Eva Baer et Ernst Grube 7 . Le nom

comme sur une re liure : le panneau central

iranien qui naît dans les dernières décennies

et

à l'engouement pour l'art

de 'Ali Riza, visible sur la porte conservée à la

est occupé par une scène dans un médaillon

du x1x• siècle. Néanmoins, cela sera it oubl ier

fondation Caloust e Gu lbenkian (cat . 61) , es t ,

aux écoinçons souvent travaillés de motifs

que la période safavide, qui vo it l'établissement

vraisemb lablement, une réf ére nce au grand

d'enluminure. Les deux panneaux supérieurs

du

peintre et ca lli graphe de la première moitié

reprenn ent le même principe, en format réduit.

reste une référence incontournable pour les

du xv11• siècle.

Le bâti est souvent peint, sans que cela ne soit

peintres, est, pour les Qajars comme pour les

66

I HISTOIRES

chiisme comme

religion

d'État et qui

1

1. Fehervari 1969, p. 268-280. 2. G. Fehervari s'en fait lui-même l'écho dans l'article cité, où il reprend les propos de B. Robinson, par exemple, dans la note 13, p. 272. 3. Baer 1995, p. 343-379. Cette étude prend la suite de celle publiée en 1937 par E. Kühnel sur le même objet: Kühnel 1937, p. 47-58. 4. Grube 1982, p. 277-300. 5. Anet 1929, p. 62-64. 6. Le comte de Rochechouart décrit ainsi l'emploi des poncifs et en déduit que les peintres n'ont aucune qualité de dessinateur: Rochechouart 1867, p. 270. 7. Voir les deux articles précédemment cités. 8. Baerl995,p.352.

9. Voir, sur ce sujet, G. Fellinger, « Porte à décor peint», dans Makariou 2012, p. 379-380. Par ailleurs, la porte du musée du Louvre qui fait l'objet de cet article mériterait d'être reconsidérée et des analyses scientifiques apporteraient beaucoup à la précision de sa datation, plusieurs décors successifs y étant superposés. Cette réputation est aussi celle de la porte conservée au Victoria and Albert Museum, 423-1906 et 424-1906. 10. Pour une discussion sur ce sujet et sur les œuvres créées, notamment par l'atelier de Mienza Aqa lmami et vendues comme fausses, voir Soudarar 2016, p. 85-86. 11. Floor 1999, p. 134 et 141. 12. Karimzadeh Tabrizi 1997, vol. 3, p. 1269-1271, n° 1309. 13. La carrière de Mirza Aqa lmami est, en effet, particulièrement longue, le peintre décédant en 1955. Sur l'ensemble de son œuvre, voir Vafamehr 2012. 14. Musée national d'Iran, inédites. Ces deux portes présentent un décor qui permet de les rapprocher de la première moitié du x1x• siècle.

62

Arrivée d'un prince : peinture remontée dans une marge enluminée

1

Iran, fin du X\ ' J" siècle - début du X\ï( siècle (peinture ce ntrale) ; Ira n, vers 1880 (marges) Coul eu rs et or sur papier et carton H. 37,8 cm ; 1. 23,2 cm Pa ri s, musée du Lo uvre, dé parteme nt des Arts de l'Islam, AD 3 760, dépôt, musée des Arts Décorati fs, 2006, acq. 1887, ancienn e collection de la Na rde

63 Jeune homme au faucon dessin remonté dans une marge enluminée 1

Signé Sheikh M uh amm ad I ra n, vers 15 70- 1580 (peimurc centrale) ; Iran , \'Crs 1880 (marges enluminées) Couleurs et or su r papier et ca rton (?) H. 32,9 cm ; 1. 25, 7 cm Pa ri s, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam , l\IAO 829, acq. 1988

64 Jeune homme ivre et son compagnon dessin remonté dans une marge enluminée 1

Iran, X \ï l '. siècle (pei nture centrale) ; Iran, vers 1880 (marges) Co uleurs et or sur papier et carton (?) H . 33 cm ; 1. 25 cm Pa ri s, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, AD 3758, dépôt, musée des Arts Décorati fs, Pari s, 2006, acq . 1887, ancienne collec tion de la

a rd e

Bibl.: Pa ri s 1971 , 11° 3-H.

Dans

le

monde

développe

iranien,

la

peinture

principalement dans les

manuscrits,

pour

illustrer

des

se

livres textes

première se trouve une scène extraite d'un

marge s opulentes, assoc iées le plus souvent

à la fin

à des dessins ou à des peintures d'époque

manuscrit il lustré non identifié remontant du

xv1• siècle

ou au début du

xv11• siècle ; sur les

safavi de.

variés : épopées, romans philosophiques ,

deux autres sont encollés des dessins légèrement

réalis ées

chron iques historiques, recuei ls de fables,

rehaussés de couleur et d'or, qui se rattachent

Smi t h,

etc. À partir du

xv•

siècle, l'a lb um, autre

aussi

forme de livre, devient le lieu de col lecte de dessins et de peintures. Les amateurs y

à l'époque safavide (1501-1736).

Le

jeune

prince

agenoui llé

tenant

Deux d'entre elles aura ient été

à Téhéran pour sir Robert Murdoch directeur

du

télégraphe

un

faucon apprivoisé est un sujet récurrent de la

de

la constitution

persan

du Victoria

de and

la

iranien

à l'origine

entre 1865 et 1885, qui fut aussi

co lle ctio n

d'art

Museum 2 .

Albert

rassemblent des œuvres prélevées dans des

peinture d'album, la chasse au rapace étant

Leur décor, dominé par les arabesques et

manuscrits illustrés ou des dessins de toutes

abondamment pratiquée dans le monde iranien

les

origines

déve loppement

et souvent illustrée dans les manuscrits. Il est

influ ence occidentale, était susceptib le de

des albums conduit ainsi à l'émergence,

et

périodes.

Le

entrelacs

de

satisfai re

moitié du xv11• siècle, Sheikh Muhammad, réputé

pour un authentique art « oriental

nouveau domaine d'activité des artistes . Ces

pour la netteté fluide de son trait Sur l'autre

reflète les créations de l' Union

derniers conçoivent déso r ma is des œuvres

dessin un jeune homme étendu à terre, tu rban

et métiers (Majma ' a/-Sanayi'), institution

à figu r er dans des albums tout en continuant à réaliser des

dénoué, s'est assoupi sous l'effet de la boisson .

fond ée

Un compagnon agenouil lé près de lui tente de

pou r répondre aux besoins de la cou r en

illustrations de manuscrits .

le réveiller. C'est un exemple parmi d'autres

objets de nature diverse, pourvoir

de ces nombreux dessins d'époque safavide

comma ndes de prestige et démontrer ainsi

spécifiquement destinées

Dans un album, les dessins et les peintures

d'amateurs

toute

signé d' un peintre et call igraphe de la seconde

xv1 •

goût

dénué

siècle, d'une « peinture d'album »,

au

le

végétaux,

européens ». Il

des arts

à Téhéran par Am ir Kabir en 1850 à certa ine s

sont encoll és sur des pages de papier soup les ou

renvoyant au thème de l'ivresse, interprétée

l'excel lence des arts locaux et traditionnels.

cartonnées. Ces pages sont ensuite assemblées,

comme mystique par certains, comme le reflet

Au sein de cet ensemble d'atel iers, organisés

former un codex ou un volume

d'une réalité plus prosaïque par d'autres. La

par sp éci alité, la « division » des enlumineurs

Des bandeaux de poésie et des

scène de la troisième page n'a pas été identifiée

était di rigée par Razi Taliqani, aussi appe lé

à l'entrée d' un

Sani'-i Humayun. Cet enlum ineu r talentueux

de manière

à

en concertina

1

.

marges enluminées achèvent, dans les albums

et décrit l'arrivée d'un prince

les plus luxueux, de mettre en valeur l'œuvre.

pala is ou d'une vi lle, au so n des tambours et

Sur ces trois pages, les marges, d'une extrême

d'instruments

à vent

densité ornementale, concurrencent quelque

Ce s trois œuvres se rapprochent d'un

peu l'œuvre dont elles sont les écrins. Sur la

groupe de pages qui toutes possèdent des

fut ass ocié

à plusieurs commandes officielles

ém anant du pala is (cat. 273) et signa au moins deux pages d'album semb lables dans l'esprit de celles conservées au musée du Louvre 3 . Cat. 62

68

1

HISTOIRES

69 I

Cat. 63 Les troi s pages ici présentées ne portent aucune trace de reliure et sembl ent donc n'avoir jamai s fait partie d' un album . À peine achevé es, elles furent plus probablement mi ses sous verre et encadrées, comme on avait l' habitude de le faire dans les intérieurs des col lectionneu rs européens de la fin du XI X' siècle .

CM.

1

1. Terme

technique po ur désigner un montage en accordéon. Voir par exemple, cat. 271 . 2. Londres, Victoria and Albert Museum, L.1613-1964 ; Londres, British Museum, 1964,0613,0 .2 , Washington, Arthur M. Sackler Gallery, S1986.206 ; Christie's, « lslamic Art and Manuscripts », 26 avril 2005, lot 137 . Pour deux pages réputées provenir d'un album de Murdoch Smith, voir Sotheby's, Londres, « Arts of the lslamic World », 22 avril 1999, lot 40 ; Sotheby's, Londres, « Oriental Manuscripts and Miniatures », 19 octobre 1994, lot 131. Sur la page conservée à Washington et sur celle vendue chez Sotheby's en 1999 sont montées deux scènes qui semblent ti rées du même manuscrit que la page du musée du Louvre

AD 3760. D'autres pages mo ins connues, conservées au Victoria and Albert Museum (South and South Asian Department), se rattachent à ce groupe : E4584-1910, E4585-1910, D.451-1888, E536-1971. Nous remercions Tim Stanley pour cette information. Les pages E45841910 et 4585-1910 portent deux peintures qui semblent tirées, là encore, du même manuscrit que la page AD 3760 du Louvre. 3. Ce sont une page conservée au British Museum (1964,0613,0.2), qui assoc ie un dessin du peintre safavide Muhammad Qasim et des marges signées par Razi et datées de 1302 h. (1884-1885), ainsi qu'une page entièreme nt enluminée conservée au Victoria and Albert Museum signée par Razi et datée de la même année.

Cat. 64 ÏÜ

I

HI STOIRE S

65

1

Coffret à décor de scènes littéraires

Iran, Ispahan (?), l " moitié du x1x•· siècle ou fin du Bois, décor peint et verni Qaque) H. 20 cm ; 1. 35,8 cm ; pr. 23, 7 cm Londres, collection particulière

X IX'

siècl e - début du

XX'

siècle

Ce coffret t aluté présente un abondant décor

médaillon polylobé se détachant sur un fond noir

Il est de coutume de placer tous les objets

pe int sur un fond pailleté de cuivre. Un grand

à décor de rinceaux végétaux peuplés d'an imaux

ornés de ce style dans la seconde moiti é du

nombre

et d'oiseaux, un jeune homme alangui buvant du

siècle et de les lier à l'historicisme qui trave rse

de

scènes,

essentiel lement

issues

de la littérature persane, se dép loient sur le

vin est accompagné d'un second personnage lui

l'ensemble des productions arti sti ques dans les

couvercle ta luté : les deux petits côtés du coffret

tendant une coupe. Ce motif du jeune homme

années 1880 (voir p. 61 et 66-67). Cependant, le

sont ainsi occupés par deux scènes issues des

au sau le est fréquent depu is le xv11e siècle . L'un

récit de William Ouseley, qui voyage en Iran en

poèmes de Nizami, re latant l'hist oire d'amour

des modèles de ce lui reproduit ici pourrait être

1811, permet de préciser que ce st yle semb le

de Khusraw et Shirin. Ces deux extraits figurent

un dessin de Muhammad Yusuf, conservé au

avoir perduré au xv111 e siècle et être encore

parmi les plus reproduits sur les œuvres d'art

musée du Louvre 1 .

pratiqué au début du x1x• siècle. Selon lui, des

topai

peintres travaille nt encore à la ma ni ère safavide

l'autre, sa rencontre avec le scu lpte ur Farhad.

privilégiés par l'art qaj ar. La plupa rt de ces

et leurs œuvres, de grande qua lité, s'acq uièrent

Les grands côtés du couvercle sont, quant à eux,

thèmes se développent dès la période zand et

à prix élevé 6 . Ce coffret pourrait en être un

meublés, l'un par un épisode de la légende de

connaissent, au XIXe sièc le, un succès récurrent.

exemple .

à l'onagre

Le style qui se déploie sur le coffret rappel le,

et un banquet, thèmes plus génériques, qui

quant à lui, les canons du XVII e siècle safavide.

du x1xe siècle

Cette

l'un représente Sh irin au bain,

Sheikh San ' an, l'autre par une chasse

iconograph ie

relève

des

ép isodes

L'on pourrait donc voir en ce coffret un exemp le

littéraires. Le décor se poursuit sur le plat du

des productions hi storicisan t es de la fin du

couvercle, occupé, là enco re, par une scène de

XIXe siècle. Néanmoin s, certa ines techniques

pourraient

il lustrer de

nombreux

banquet, de même que par la rencontre d'un

ici

jeune cava li er et d'un vieil erm ite. Sur le revers

coffret, sont présentes dans l'art qajar depuis

employées, tout comme

la forme

du couve rcl e se déploient des rinceaux floraux

le début du XIXe sièc le : par exemple, l'emp loi

dans lesquels appara issent des anima ux peints

de feu ill es de cuiv re, pour le fond, se retrouve

en noir cerné d'or.

sur une re liure dat ée de 1825 2 . La forme

du

Le corps du coffret est également orné de

ta lutée apparaît, quant à elle, sur des tableaux

scènes variées, certaines montrant des chasses,

datables du règne de Fath 'Ali Shah 3 et l'on

probablement ce ll es de Bahram Gur, car l'un

connaît, par ai ll eu rs, des coffrets sim il aires

des côt és le présente en compagnie de Fitnah,

ornés de différen t s types de décor, ornements

dans un ép isode cé lèbre où la courtisane le met

flo raux ou scènes figu rées 4 (cat. 115) . L' un

au défi de pourfendre l'oreille et la patte d'une

des exemp les les plus connus décoré en style

gazelle d'une seule flèche. De même, chose plus

« néo-safavide » est aujourd'hui conservé au

rare, le dessous du coffret est orné : dans un

musée de Berlin s.

721

HI STOIRES

G.F.

1 1. MAO 836. Le musée du Louvre conserve également une autre version de ce jeune homme alangui, dont la datation reste encore problématique (OA 7116). D'autres versions sont, entre autres, conservées dans l'a lbum n° 12 282 du pa lais du Golestan ou au musée Malek (6030). Toutes ces informations m'ont été communiquées par C. Maury, que je remercie. 2. Berli n, Staatsbibliothek, Sign. M inutoli 127, publiée dans Neumann 2009, p. 129, n' 58 . 3. Par exemple, sur un portrait du prince Yahya conservé à Brooklyn : 72.62.5. 4. Un autre exemple est un coffret signé Mirza Baba, conservé dans la collection Khalili et orné d'un décor floral (LAQ282). S. Publié par E. Kühnel et E. Baer, respectivement : Kühnel 1937, p. 47-58 et Baer 1995, p. 343-379. 6. Cité par Baer 1995, p. 352.

73

1

Matériaux mystiques L'art religieux et dévotionnel de l'Iran qajar CttRISTIA."1 \TE GRüBE R

A

u cours du x1x• siècle, l'art re ligieux et dévotionnel s'épanouit en Iran sous l'égide de la dynastie qajare. La perpétuation d'antiques formes visuelles de piété persano-islamique, tout comme l'apparition de pratiques, de matériaux et d'œuvres d'art innovantes impriment de leur marque tant la cour que la sphère publique sous les règnes de Fath

'Ali Shah (1797-1834) et de Nas ir al-D in Shah (1838-1896). À cette époque, le chiisme duodéc imain

66

1

Album de prières en khatt-i nakhuni

• 4 r . . ,... ........., •



s'imposa profon déme nt dans la société et les institutions. Les arts visue ls qui y étaient assoc iés connure nt alors une diffusion sans précédent dep uis que l' islam chiite avait été déclaré religion officielle de l'Iran en 1501 . Ce fut également à cette époque que les juristes chiites ( 'Ulama) gagnèrent en puissance et en assurance, mais aussi que la spiritualité soufie se répandit dans toutes les classes de la population. Le chiisme et le soufisme s'avèrent être des forces complémentaires et concurrentielles. D'une

SignéJa'far Khan Darabi Iran, Té héra n, avant 12 3 1 h. (18 16) (?) Gaufrage à l'o ngle, coul eurs et or sur pap ier H. 30,2 cm ; 1. 22 ,6 cm Téhéran , palais du Golestan, 1581, donné à la libraire impéria le en ra bi' I 1232 h. (1815) par 'Abd a l-Wahhacl al-l\fusavi

part, tous deux entretiennent un lien étroit puisqu'ils partagent une perspective ésotérique de la religion et se concentrent sur l'orientation sp irituel le. D'autre part, ils se heu rtent fréq uemment pour gagne r en presti ge et asseo ir leur suprématie. C'est ain si que l'Iran qaj ar f ut le cadre d'un

faite par son compagnon Salman le Persan•. Supposés approuvés par le sceau du Prophète, les

affron t ement entre le chiis me, pour qui le respect du légalisme doctrinal est le fon dement de

corans bilingues arabo-persans furent jugés religieusement et pédagogiquement utiles au lectorat

l'appare il d'État, et le soufisme, qui met en avant la dévotion individue ll e à l'égard des chefs

iran ien musulman.

charismatiques et des ordres de la confrérie (tariqas). Durant le x1x• siècle, l'antagonisme entre les clergés chiites et les soufis en arriva parfois à une telle extrémité que les oulémas rédigèrent

À partir du Moyen Âge, les corans bilingues incluent le texte arabe orig inal suivi de la traduction

des pamphlets hostiles aux soufis défiant leur autorité, pamphlets auxquels les soufis répondirent

persane en lignes horizontales. Ces corans, dits interlinéaires, s'avèrent particulièrement populaires

que les oulémas n'ava ient pas I' « aptitude sacrée » (qudrat-i qudsiyya) pour appréhender le sens profond de la religion 1 . De leur côté, les souverains qajars s'efforcèrent de renforcer et de

à la période qajare, comme on peut le constater sur un somptueux manuscrit enluminé réalisé en 1817-1818 (cat. 71) 5 . Dans les deux folios d'ouverture, les deux premières sourates (suros), intitulées

promouvoir leur propre statut de protecteurs de la religion et de l'État en favorisant un com promis

al-Fatiha (le prologue) et al-Baqarah (la vache), comprennent les versets originaux en arabe,

entre chiites et soufis, compromis qui demeure encore aujourd ' hui une caractéristi que pro pre à

inscrits à l'encre noire dans une plus large graphie cursive, tandis que la calligraphie de la traduction

l'identité cult urelle irani en ne.

interlinéaire en persan est de tail le réduite, inscrite en nasta'liq, une graphie« suspendue», à l'encre rouge. Ces reg istres ho rizontaux interlinéaires confèrent aux corans iraniens leur aspect archétypa l,

L'époque qajare fu t éga leme nt ce lle d'une floraison de l'art religieux et dévotionnel de l'islam

dans lequel la langue vernaculaire est nettement différenciée et subo rdonnée à l'original en arabe,

iranien. Dans la lignée de la pratique ancestrale de la copie de manuscrits coraniques apparurent une

tout en fournissant aux lecteurs non arabophones un lexique intégré permettant un meilleur accès et

multitude de nouvelles productions calligraphiques et de représentations artistiques, influencées par

une meilleure compréhension du Logos divin.

les courants chiites et soufis du moment. Citons, parmi elles, les icônes de 'Ali, les grandes peintures sur toile représentant la bataille de Karbala , des représentations de derviches soufis et de leur

À la période qajare, le Coran n' incluait pas seulement la traduction interlinéaire en persan, il se

équipement. De plus, un certain nombre d'avancées technologiques et de traditions de performances

voyait également augmenté de textes auxiliaires et d'écrits extra-coraniques. Par exemple, un coran

théâtrales contribuèrent, elles aussi, à diversifier la vie artistique de l'Iran qajar. Dans le domaine de

qajar comporte souvent une table des matières (fihrist), des prières préliminaires et finales (du'as) et

la cu lture visue lle et maté rie lle, beaucoup d'œuvres d'art, d'objets et de pratiques pure nt ainsi être

des textes de divination (falnamas) attribués à Ja'far al-Sadiq, 'Ali et à d'autres personnages majeurs de

porte urs de spi ritua lit é, un pro cé dé d'exa ltati on qui fai t écho aux effo rts des dynastes qaja rs pou r se

l' islam chi ite 6 . Ces dern iers textes offrent une maniè re nuancée d'accéder au sens profond du Coran,

présente r en souve rains de dro it divin d' un« rég ime mystique» irano-islam ique2 .

dans une conception du monde secta ire et ésotérique. Ils permettaient aussi la conservation du texte coranique codifié, sans recourir à des st rat égies intrusives, telle l'inclusion de sourates présumées perdues ou la falsification de signatures d'imams 7 .

De la traduction du Coran à l 'invocation de 'Ali Le texte coranique peut aussi être soumis à un processus visuel sectaire moins intrusif, néanmoins Depuis des siècles, le Coran occupe une place prépondérante dans les pratiques dévotionnelles et la

visible . Ainsi, sur un grand rouleau qui comprend la totalité du texte coranique transcrit dans une

culture du livre islamiques. Beaucoup de copies manuscrites du codex saint (mushaf), qu'elles fussent

calligraphie minuscule, dite « poussière » (ghubar) , le texte est disposé autour et

à l'i ntérieur de

exécutées sur du parchemin ou du papier, consignent et transmettent la parole de Dieu, t elle qu'e lle

cartouches contenant une invocation à 'Ali (nad-i 'Ali), dont les caractères se détachent sur le fond

fu t révé lée en langue ara be. Aux• siècle, de plus en plus de manuscrit s du Coran fu re nt écrits da ns

couleur crème du papie r, cerné de noir par le texte qui l'encercle 8 (fig . 1} . Souvent présent sur des

les rég ions orientales du monde islami que, ce t exte devint sujet à diverses trad uctions (tarjuma)

amulettes, des sceaux ou d'autres objets apotro palques de la période qajare, le nad-i 'Ali incite le

et interp rét ations (tafsir) en pe rsan et en langues turques 3 . Dans les sphères ira niennes, le cé lèbre

lecteur:« Invoque 'Ali, le faiseur de miracles. Face à l'adversité tu trouveras secours auprès de lui. La

Fig 1

érudit médiéva l al-Tabari (mort en 923) procéda à une exégèse et à une interprétation du Coran,

prophétie fera disparaître chaque peine et chaque détresse, oh Muhammad, par toute Ta sainteté,

D étail du cat. 72

notant entre autres que le prophète Muhammad avait approuvé la traduction du message coranique

oh 'Ali , oh 'Ali, oh 'Ali9. » En l'occurrence, le plus intrigant est la façon dont le texte coranique apparaît

76

1

SPIRITUALITÉS

les médias, de la lithographie à la décoration architecturale, en passant par les grandes peintures sur

comme s'il était un tribut textuel à cette invocation typiquement chiite, cette dernière renvoyant à un éventuel usage ta lismanique de l'objet et à l'environnement sectaire de sa fabrication 10 .

toiles utilisées lors des représentations théâtrales religieuses et des récitations rituelles de l'histoire des martyrs 21 .

Comme dans l'environnement culturel et re ligieux sunnite, le Coran était souvent accompagné de livres de prières tout aussi populaires . Au cours des xv111 • et x1x• siècles, le plus répandu de ces

Les icônes de l'imam 'Ali - représenté seul ou avec le prophète Muhammad, Fatima, Hasan,

ouvrages, dans l'Empire ottoman, le Oa/a'il a/-Khayrat d'al-Jazuli, s'avère, en raison du grand nombre

Husayn,. des compagnons ou des personnalités soufies - semblent avoir été les plus populaires, en

de copies produites, un sérieux concurrent du Coran 11 . De tels livres de prières louent le prophète

particulier dans les représentations figuratives qui ornaient les boîtes à miroir laquées qajares . Sur

Muhammad, offrant ainsi des liturgies quotidiennes de dhikr. Dans l' Iran qajar, les livres de prières

certaines d'entre elles, 'Ali est représenté seul, agenouillé et tenant Zulftqar, son épée à deux pointes.

pouvaient, de la même manière, diffuser le Livre saint en intercalant entre certains versets coraniques

Une auréole dorée en forme de flamme montre qu'il partage la lumière sacrée de Dieu (cat. 67) . Dans

des prières surérogatoires, les du'as. Ces prières, en arabe ou en persan, explicitent le sens du Coran,

l'Iran qajar, ces boîtes à miroir peintes étaient surnommées« images pieuses de poche » (shama'il-i

ou incluent un contenu plus ouvertement chiite . Par exemp le, un recueil de prières coraniques et non coran iques écrit en« calligraphie à l'ongle» (khatt-i nakhuni), en 1816, par un certain Ja'far Khan Darabi (cat. 66)1 2, porte les marques des sceaux de Fath 'Ali Shah et de Nasir al-Din Shah, indiquant à la fois les étapes du mécénat impérial qajar, puis de sa conservation au palais du Golestan. Même si elle remonte au début du x1x• siècle, la calligraphie à l'ong le (khatt-i nakhuni) devient populaire sous le règne de Nasir al-Din shah, plus spécifiquement dans les années 1840 à 1860.

Jibi)

Fig. 2 Page d'un album de calligraphies et d'images gaufrées : portrait de l'imam 'Ali au -dessus d'un li on, dans le .Nad-i 54/i, sign é 'Ali Akbar Darvish Téhéran, 1266 h. (1849-1850) Papier gaufré à l'ongle (khatt-i naklzum) Téhéran, bibliothèque du palais du Golestan, ms. 1569, p. 14

22 .

El les peuvent être employées, de manière privée, pour contempler le sujet de sa dévotion

l'image de l'imam reflétant symboliquement le visage du croyant. De plus, ces miroirs pouvaien; être utilisés lors de certaines pratiques initiatiques soufies, permettant de se retrouver face à 'Ali, un moyen d'activer son « imam intérieur » en quête de pureté et de purification de l'esprit23. Dans un autre exemple, daté de 1871, 'Ali est entouré de nombreux personnages, parmi lesquels Hasan et Husayn dans les coins inférieurs et le prophète Muhammad s'élevant dans les airs sur a/-

Buraq, son coursier ailé, dans la partie supérieure (cat. 73) . Ici, les versets poétiques persans glorifient

On en trouve quelques il lustrations dans les collections internationales, tand is que le palais du Golestan conserve plus d'une dizaine d'albums de cette forme artistique, calligraphique et

'Ali comme porteur de la lumière divine et d'un miroir reflétant Dieu - un trope rhétorique repris

picturale monochrome. L'un est signé de la main de Fakhr-i Jahan, fille de Fath 'Ali Shah l3_ Un autre

visuellement par les anges saupoudrant de poussière d'or le halo d'un vert chatoyant de l'imam. Les

album réalisé pour Nasir al-Din Qajar en 1849-1850 contient des exemples signés par 'Ali Akbar

inscriptions louent également Nasir al-Din Shah pour avoir eu la chance de contempler le beau visage

Darvish, un artiste spécialisé dans cette technique de gaufrage, dont le nom suggère l'adhésion au sou fisme 14 . Cet album inclut un mélange de textes et d'images, dont des extraits de poèmes en

de :Ali et s'achèvent par le vœu de protéger le monarque qajar du mauvais œil (chishm-i bad) 24 . Ce 25 petit « autel chiite » laisse entendre que le fait de contemp ler une représentation de 'Ali provoque

arabe et en persan, des invocations dévotionnelles, des portraits de plusieurs souverains qajars, des

une vé ritable vision et une heureuse rencontre avec l'imam . Il en résulte que les icônes de poche et

représentations de lions, de fleurs et d'oiseaux, et plusieurs icônes de 'Ali - parmi lesque lles l'une

autels portatifs permettaient littéralement et métaphoriquement à un individu de « refléter » la foi

figure l'imam, le visage voilé et une auréole éclatante, alors qu'il lévite au-dessus d'un lion, son animal éponyme et son sym bole principal 15 (fig . 2}. En outre, le buste de l'imam est niché dans le

chiite par la contemplation et la vision de son propre reflet au sein de la« Sainte Famille» du chiisme26. Au-delà des pratiques dévotionnelles impliquant le regard intime, des icônes de 'Ali, du ah/ al-

début du nad-i 'Ali, qui évoque 'Ali« le faiseur de miracles» (mazhar al-'aja'ib).

bayt, et de héros chiites firent, du reste, irruption dans le domaine public durant les deux dernières décennies du xrx• siècle. Impressionné par sa visite du Royal Albert Hall à Londres en 1873 Nasir al-

Ceux-ci, comme d'autres exemples de l'a rt du gaufrage (voir cat. 73), ne révèlent pas seu lement une esthétique lapidaire en vogue à la cour de Nasir al-Din - époque à laque lle des panneaux de

Din Shah, de retour en Iran, décida de construire un théâtre royal (Takya-yi Oawlat) dans s; capitale

marbre blanc et des frises en stuc ornaient les palais et les châteaux qajars -, mais aussi une qualité

Téhéran, un édifice détruit quelques décennies plus tard en raison de problèmes structurels. Ce nouve; amphithéâtre se composait d'une scène circulaire entourée de gradins, destinée aux représentations

visuelle « imprimée », peut-être influencée par l'esso r de la presse typographique en Iran, qui publ ie une série de textes (dont le Coran) 16. Par ailleurs, les œuvres d'art en khatt-i nakhuni portent des

commémoratives (tazya) du massacre de l'imam Husayn et de ses disciples lors de la bataille de Karbala, en 680 27 .

ve rsets coraniques, des invocations à 'Ali et des représentations picturales, une convergence de textes et d'images qui caractérise la créativité du chiisme iranien moderne.

Dépeindre la foi : icônes et images chiites Les souverains qajars cultivèrent et diffusèrent une image royale par le biais de reproductions figuratives, qui faisaient l'objet de processions rituelles et que l'on baisait en diverses occasions, comme lors des fêtes re ligieuses et des funéra illes 17. De même, des icônes de grandes figures du chiisme, et avant tout de 'Ali, ont été fabriquées en quantité considérable sous le règne de Nasir al-Din Shah, moment durant lequel elles ornèrent sanctuaires ou autres édifices religieux. Elles étaient aussi collectionnées par Nasir al-Din lui-même. De telles images« saintes» (shama'il) éta ient censées exsuder une énergie sacrée (baraka) et provoquer, chez les spectateurs, un certain nombre d'interactions, notamment lorsque ces derniers les regardaient intensément ou se prosternaient avec dévotion devant elles 18 . D'au tre part, elles étaient censées être porteuses de pouvoirs protecteurs, comme l'inscription d'un shama'il le dit clairement : « Celui qui porte constamment mon portrait évitera les difficultés de toute sorte et celui qui doute n'est pas un croyant 19 . » L'iconographie religieuse chiite qajare s'appuie sur des siècles de représentation du ah/ a/-bayt, de portraits des alides ou de thèmes correspondant, un domaine des arts visuels particulièrement développé sous l'égi de des monarques safavides 20 . Au cours de la période moderne, des représentations éminemment importantes pour le chiisme duodécimain iranien se diffusèrent rapidement dans tous

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1

SPIRITUALITÉS

6 7 Boîte à miroir 1

Iran, 2'"k moitié du x 1x' siècle Papier mâché, déco r peint, do ré et ve rni (laque) L. 15,2 cm ; 1. 8,7 cm ; ép. 2,3 cm Paris, musée du Lou, Tc, dépan emcnt des Ans de l'Islam, dépôt, musée des Arts Décoratif,, Pa ri s. AD 3 76+1 , don Mme L. Dreyfu s-Barn ey, 1956

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I

D'après les récits, en dehors des acteurs se déplaçant et déclamant sur scène tou t en

représentations théâtrales, aux lamentations poétiques et aux invocations déclamées à quelques

brand issant divers accessoi res, un certain nombre de représe ntat ions fi gu rées ornaient aussi les

pas à peine.

murs de ce takya, comme d'autres en Iran. Si certains étaient probablement des huiles sur toi les, et donc mobiles, d'autres avaient été exécutés sur des panneaux de céramique de revêtement,

Des takyas furent également constru its en dehors de la capitale. Par exemple, un complexe

et donc inamovib les. Tel est le cas d'un grand panneau de carre aux, dont l'origine demeure

architectural en trois parties, le takya de Mu'avin al-Mulk, fut édifié au x1xe siècle à Kirmanshah,

inconnue et qui représente le coeur de la bataille avec le campement d'Husayn et les cava li ers,

une ville dans l'ouest de l' Iran, fut ensu ite détruit, puis restauré à plusieurs reprises, tout au

entouré d'inscriptions invoquant l'imam Husayn et pleurant les martyrs de Karbala (cat. 299) .

long du xxe siècle. Le bâtiment arbore de magnifiques décors de carreaux de céramique, qui

Dans une large mesure, de tels panneaux monumentaux de céramique devaient faire écho aux

représentent diverses légendes héroïques et scènes religieuses, dont un prêcheur, probablement un ayatollah, assis sur un minbar, en train de déclamer les ora isons de Karbala, connues so us le terme de rawza-khani (fig . 3)2 8 . Assis en partie supérieure, des groupes d'hommes et de femmes écoutent religieusement, tandis qu'en bas, des rangs de flagellants torse nu défilent en procession tout en se lacérant d'une épée (shamshir-zani) ou se frappant la poitrine (sina-zani) . Ces actes de mortifications impliquent de la douleur et du sang, afin de provoque r une certa in e so uffrance

Fig. 3 Pann eau de revêtement : processions du moi s de muharram et sermon sur Karbala , takya de Mu 'avin al-i\Iulk Kirm anshah, vers 191 7 Céramique (pâ te siliceuse), décor de ligne noire

rédemptrice, caractéristique du chiisme iranien. Le panneau inc lut éga lement des insc ri ptions des salutations rituelles(« al-sa/am 'alayka ... ! ») adressées à l'imam Husayn, et d'un poème de deuil en persan, rehaussant ains i la scène d'un caractère sonore qui imite les lamenta tion s de muharram, le mois du deuil. Le panneau représente, enfin, les accessoires utilisés au cou rs des festivités de muharram, dont des épées, des bannières et des étendards. Le plus grand et le plus important de tous, lors de ces process ions de rue, est le 'a/am, un étendard en acier (cat. 90) . Il se compose d'une gran d e hampe verticale et de plusieurs hampes plus courtes placées le long de la barre transve rsale de l'étendard. Entre les hampes courtes, divers motifs sont représentés : des paons, des co lombes, des dragons, des mains symboliques, des rubans, des cloches et des touffes de poi ls29 . De plus, le 'a/am fait office de doub lure de l'imam Husayn, rappelant son martyre à Karbala, où il fut décapité et sa tête exh ibée au bout d'une pique 30 . Nombre de 'alams de muha r ram servent donc d'incarnation des marty rs d e Karba la et d'autres saints, notamment du prophète Muhammad, de son gendre 'Ali et d'imams chiites, dont les noms sont souvent invoqués dans des inscriptions ajourées dans l'acier 31 . Les noms des parties composant un 'a/am - sa tête (fleuron ou cimier), son corps (bâton ou mât) et ses pieds (couss inet) 32

-

font en sorte que ce « symbole ambulant »

en acier soit défini par des termes anthropomorphes, ces qualités « humaines » prenant vie quand il est mis en mouvement 33 .

Les soufi.s et leurs objets symboliques À l'époque qaja re, de te ll es métaphores imprègnent la vie religieuse du chiisme iranien. Elles forment également la base de la spirit ualité soufie, dans laquelle certains concepts et pratiques essentie ls des derviches -comme s'engager sur la vo ie du savoir gnostique et renoncer aux biens terrestres - peuvent être re layés par des objets visuels et matériels 34 . Vers 1900, les représentations de soufis incl uent non seulement des esquisses et des peintures, mais auss i des photographies. La photograp hie est très pratiquée par Nasir al-Din Shah, qui soutient son développement. Sous son égide, le photographe arménien Antoin Sevruguin (mort en 1933) photographie des paysages, des sites et des individus. Répondant à son intérêt ethnograp hiq ue, autant qu'à celui des souverains qaj ars pour l'évolution de la société et des pratiques re ligie uses iran ien nes, certaines de ses photographies immort al isent des

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1

Album (muraqqa )) aux saints personnages : portrait de Masum 'Ali Shah Isma'iljalayir

derviches avec leurs accessoires si caractéristiques, y compris des cannes, des vêtements en laine et en fourrure et des bols à aumônes (voir p. 110-111) 35 . Sur ces clichés, Sevruguin explore les nuances subtiles de l'ombre et de la lumière, augmentant l'apparence quasi sauvage et la vie spiritue lle intérieure de ses modèles soufis. Appelé kashkul, le bol à aumône est utilisé pa r les mystiques itinérants pour recueillir nourrit ure, boisson et aumônes. En outre, il symbolise le rejet de tout ego, leur voeu de pauvreté et leur

Iran, probablement T éhéran, ve rs 1286 h .

appartenance à une fraternité mystique (tariqa) 36 . Les kashkuls sont faits de divers matériaux, tels

(1869-1870) Lm·is d'e ncre sur p apier L. 1ï cm ; H. 22 cm (page) T éhéra n, palais du Go lesta n, 162 7

que le bois, le métal et les cocos de mer, que l'on trouve dans l'océan Indien. Les kashku/s safavides et qajars en coco de mer ont, le plus souvent, la forme d'un bateau, reflétant symbol iquement le voyage spirituel soufi 37 . Ils sont aussi décorés d'une série de contenu figuratif ou textuel (cat. 98) . Souvent,

80 1 SPIRITUALITÉS

81 1

les inscriptions cé lèbrent le kashkul comme un va isseau qui permet d'atteindre l'un ité avec Dieu, à

même à de s 'alams de muharram, rapprochant ainsi éléments architecturaux et étendards de

l'image d'une coupe dont le vin est un nectar (may) qui favorise le dérèglement des sens de manière

procession chiite s. Le bonnet rappelle aus si la « couronne » qui coiffe l' immense kas hkul du

à atteindre l'ivresse spirituelle (mast) avec le divin 38 . Comme les boîtes à miroir peintes à l'effigie de

sanctuaire de Mahan, elle-même contenant symbolique de l'invocation permanente de 'A li et

l'imam 'Ali (cat. 67 et 73), les kashkuls étaient employés lors des pratiques d'initiation mystique qui

des imams chiites (voir fig . 4).

comportaient libations ritue lles et promesse d'engagement auprès de la fraternité porteuse d'eau de l' imam Husayn 39 .

À la cour qajare, le grand peintre lsma ï l Jal ayi r était, lu i au ss i, un fervent discip le de l'ordre Ni ' matu llahi 4 s. Virtuose du dessin au crayo n, il s' intéressa aux images photographiques et

Quintessence du soufi , le kashkul pouvait être élevé au ran g d' icône et fa ire office d' instrume nt

lithographiques46 . Il réalisa plusieurs peintures de poètes et de sai nts soufi s, do nt certaines sont

héraldique pour la plupart des tariqas. Au cours des xv111 • et x1x• siècles, la plus puissa nte de toutes

réunies dans un album de pe inture en grisaille con servé désormais au palai s du Golestan à Téhéran .

fut la fraternité formée de discip les du saint chiite et soufi Shah Ni'matulla h Vali (mort en 1431) 40 .

Cet album comprend des représentations figuratives de poètes persan s soufi s, tel s Sham s al-Oin

Construit et décoré, pour l'essentiel, à la période qajare, le com plexe architect ural et funéraire du

Tabrizi (mort en 1248), célèbre pour avoir inspiré Jal al al-Din Rumi, et, Ma 's um 'Ali Shah, dirigeant de

Sheikh est sit ué à Mahan, dans le sud -est de l'lran 41 . L'une des entrées est dotée d' un immense bol

l'ordre des Ni'matullahi au xv111 • siècle (Fig. 5 et voir cat. 235 ). Dans cette peinture graphique, le chef

à aumône en cuivre orné d'un couvercle en forme de bonnet et divisé en douze registres, chacu n

mystique est assis pensivement sur une natte en fourrure, son kashku l et son ta} faisant référence à

contenant le nom d'u n imam du chiisme duodécimain (Fig. 4). Une longue chaîne relie les deux

son affi liation soufie. De plus, alo rs que l'aspect de la composition rappe lle les esquisses et peintures

extrémités de l'objet et retombe sur des cartouches contenant des invocations à Dieu (ya Hu !) et à

persanes en siyah qalam (lavis d'encre no ire) des temps plus anciens, son esthétique monochrome

'Ali (ya 'Ali!). Sur de plus petits cartels à fond jaune sont inscrit s un certain nomb re de vers persans,

montre une dette égale envers les autres arts et tech nologies populaires durant la seconde mo iti é du

écrits par Shah Ni' matullah , qui parlent de l'amour inconditionnel soufi pour 'Ali, le ah/ a/-bayt et les

x1x• siècle, et plus particulièrement envers la presse imprimée, la photographie en no ir et blanc, les

imam s. Cet objet matérie l monumentalise ainsi le vœu de pauvreté des derviches, servant d'enseigne

rel iefs de marbre et les œuvres gaufrées à l'ongle (kh att-i nakhuni).

pour la tariqa et son identité caractéristique chiite -soufie, tout en fai sant office de réc eptacle pour les donation s au sanctuaire . Sou s le règne de Na sir al-Din Sha h, on estime qu'au moins un cinquiè me de la population iranienne était so it derviche soit disciple d' une quelconque confrérie soufie 42. Certains membres de la cou r qajare appartenaient à l'ordre Ni'matulla h i, favor isant ainsi un rapprochement politico-religieux entre la royauté et l'ordre soufi. Pour ces raisons, nom breux sont les objets mystiques, à l'u sage attesté autant auprè s du peuple qu'auprès de s puiss ants, de facture à la fois simple et luxueuse. Parmi le s autre s objets associés aux derv ich es, citon s le s bâtons, les

Fig 5 Album (muraqqa') aux saints personnages : port rait de J\!Iasu m 'Al i Shah Isma'i! J alayir Iran, p robablement T éhéran, ve rs 1286 h. (1869-1 870) Lavis d'encre sur papier L. 17 cm; H. 22 cm (page) T éhéran, musée du G olesta n, 1627

Ma 'sum 'Ali Shah est célèbre pour avoir refu sé d'approuver la supéri orité doctrinale des 'U/ama, affirmant que seuls « les soufis étaient les véritables chiites 47 ». En con séquence, il fut accusé d'hérésie par le théologien en chef (mufti ), enfermé dans un sac de pierres, et noyé en 1798. Cet épi sode souligne les fréquentes rivalités, parfois mortelles, entre les religieux et les soufis dans l'Iran qajar. Dans une certaine mesure, cette ten sion entre approches doctrinale et spiritue ll e de l'islam perdure jusqu'à aujourd'hui, dans les communautés musu lmanes du monde entier. Dans l'Iran du x1x• siècle, cependant, de telles questions relatives à la foi étaient débattues et apaisées de diverses man ières, notamment par les arts vi suel s et la cu lture matérielle. De tel s matériaux fournissent

haches de cérémonie, les pierres de prière , les chapelets et le s bonnet s. Dé signé par le terme

donc un précieux aperçu de l'équilibre toujours précaire entre la religio n institutionnalisée et ses

de « couronne» (ta} ou kulah) , le bonnet de soufi signifie que le fid èle place sa tête sous la

manifestations plus mystiques.

souveraineté de Dieu, en signe de piété et d'humilité 43 . Ce s bonnet s so nt souvent fait s de feutre, comme c'est le cas pour un modèle du xx • sièc le, brodé en so ie noire, qui proclame le nad-i 'A/ i 44 (cat. 100) . Les divisions décoratives font penser à des arc hes, à des niches et 1. Bos 2002, p. 64; et Algar 2008, p. 722. 2. Expression empruntée à Bos 2002 . 3. Pour les analyses plus récentes de traducti ons du Coran en turc, voir Eckmann 1976 et Birnbaum 1990 . 4. Pour une exégèse et des traductions du Coran, en particulier l'œuvre de al-Tabari, voir Zadeh 2012 et Baygi 1994. 5. Graves et Junod 2010, p. 156-157, cat. n' 74. 6. Voir par exemple le texte du x1x' siècle sur le livre des divinations, attribué aux douze imams, publié dans Savage-Smith 1997, p. 156, cat. n' 106; et pour d'autres exemples de l'ère safavide, voir Gruber 2011. 7. Pour une analyse des deux sourates supposées perdues concernant les « deux lumières » du Pro ph ète et de 'Ali (nurayn) et la vice-régence de 'Al i (wilaya), voi r AmirMoezzi 1994, p. 79-91 , et concernant les corans en parchemin de la période safavide, voi r Ca nby 20 15. 8. Paris 1972b, 68, cat. n' 185. 9. Porter 2011, p. 156-161 ; Kalus 1986, en particulier p. 58-59; et Vesel 2012, p. 264. 10. Même s'ils ne contiennent pas le nad-i 'Ali, des rouleaux ta lismaniques coraniques comparables sont présentés dans Leoni 2016, p. 84, ca t . n" 88-90 et p. 85, cat. n' 95A-B. 11. Pour l'analyse la plus récente de ces manuscrits, voir Abid 2017. 12. Le nom du calligraphe laisse entendre qu'il était originaire de Da rab, une ville de la province de Kirmansha h. 13. Pour ces albums en khatt-i nakhuni conse rvés dans la bibliothèque du pa lais du Golestan, voir Atabay 1353 h., en particulier p. 159-173. L'a lbum de Fakh r-i Jahan est ms. 1574 (ibid., p. 163-164, cat. n' 80). 14. Atabay 1353 h., p. 173, cat. n' 85 (ms. 1569) . 15. Concernant 'Ali le « lion de Dieu » (asad/haydar Allah; shir-i khuda) et le symbolisme du lion dans la peint ure et 1

Fig. 4 Bol à a umône monum ental (kaslzku~ Situé à l'entrée du sanctuaire de Ni 'matullah Vali , Mah an, Iran, xx' siècle M étal, décor émaillé et cisel é

82

1

SPIRITUALITÉS

la calligraphie islamiques, voir notamment R. Shani, « The Lion Image in Safavid Mi'raj Paintings », dans SPA, vol. 18, 2005, p. 265-426 et Shani 2012. 16 . Pour une analyse des ornements en marbre blanc, des frises en pierre et des reliefs en stuc utilisés comme revêtements architecturaux dans les palais qajars, voir notamment Roxburgh 2017, p. 13-14 ; 1991, p. 900 et 902 ; et Scarce 2002 ; po ur une analyse de la presse typographique en Iran entre 1817 et 1900, voir p. 382387 du présent volume) et U. Marzolph, « Early Printing History in Iran (1817-ca. 1900) », dans Hanebutt-Benz, Glass et Roper 2002, p. 249-268 ; et pour les copies imprimées du Coran, voir Witkam 2012. 17. Diba 1999, p. 42 -44. 18. Ekh ti ar 2015, p. 147. 19. Amir-Moe zzi 2012, p. 30 . 20. Fon tana 1994. 21. Voir en particu lie r Ma rzol ph 2012 ; Scarce 2005 ; Floor 2005; Seif 1997; Chelkowski 1989 et Seif 1990. 22 . Amir-Moezzi 2012, p. 25. 23. Ibid, p. 28 et 31 -34. 24. Pour la t raduction complè te en anglais des versets persans, voir Diba et Ekhtiar 1998, p. 258, cat. n' 84. 25 . Le terme « autel chiite » est emprunté à Ekthia r 2014, p. 108, et gravure 31. Pour un autre « retable portatif », voir Kleiber 2006, p. 69, fig. 8. 26 . Pour le ah/ al-bayt comme « Sainte Famille » ou « Cinq saints » et son lien avec la Sainte Famille chrétienne, voir Sha ron 1986, p. 173; et pour les cinq membres de de la fa mille du Prophète comme« Cinq sa ints », voir Suleman et Jiwa 2015, p. 16. 27. Pour les takyas, tazias, et autres représentations ri t uelles iraniennes, voir en particulier Chelkowski 1979 , Che lkowski 1999, p. 91-93; et Beeman 2011.

28 . Peterson 1979a ; Peterson 1979b, p. 75-84 , Allan 2012, p. 113-114, et pl. 3.25 ; pour les sermons de muharram délivrés par les ayatollahs qajars assis sur un minbar, voir Aghaie 2004, p. 18. 29 . Calmard 1972, p. 34-35. 30. Nakash 1993, p. 166. 31. Newid 2006, p. 274-275 ; Frembgen 1995 ; Allan 2012, p. 121-134; et D'Souza 1998. 32. J. Calmard, « 'Alam va 'Alamat », Elr, édition en ligne. 33 . Gruber2016~ p. 257-261. 34. Frembgen 1999 et Khosronejad et Zarcone 20142015 . 35. Pour certaines des photographies de soufis de Sevruguin, voir Bohrer 1999, p. 42-44 , Akbarnia avec Leon i 2010, p. 23-25; et Stein 1989, p. 122-123 . 36. Frembgen 1999, p. 57-64; et Akbarnia avec Leon i 2010, p. 26-29, n' 7-8 . 37. Frembgen 2014 . 38. Pour ces termes poétiques, voir M elikian-Chirvan i 1993, p. 172-173. 39. Zarvani et Mashhadi 2011, p. 39 et 41. 40. Pour la vie du saint, voir Aubin 1956. 41. Pour une étude de Mahan et d'au t res sanct uaires Ni'matullahi, voir Firouzeh 2015. 42 . Bos 2002, p. 65-66. 43. Pour une analyse plus approfondi e des bonnets soufis, de leurs inscriptions et de leurs significations symboliques, voir Frembgen 1999, p. 29-56 et Khosronejad et Zarcone 2014-2015 p. 207-208. 44. Froom 2007, p. 67, n' 41. 45. Pour en savoir plus sur l'a rtiste et son œuvre, voir Diba et Ekhtiar 1998, p. 259-260, n' 85 ; et Ekhtiar 2015, p. 152 et fig . 10. Voir aussi p. 240-242 du présent volume . 46. Floor 1999, p. 147 . 47 . Bos 2002, p. 58.

69

1

Coran

70

Copié par i\Iuhammad 'Ali ; reliure signée Ahmad Shirazi Iran, probablement Téhéran , copié en rabi ' al-awwa l 12+ 1 h. (octob re/no\'C·mbre 1825) ; reliure datée rabi' al- thani 12+ 1 h. (no\'cmbrc/décembre 1825) M anusc ri t: enc re, couleurs et or sur papier; re liu re : papier mâché peint et \'ern i (laque) H . 35 cm ; 1. 19,5 cm D oha, musée d'Art islamique, i\ fS.ï37.201 I , acq. 2010

1

Coran dédicacé à Hajji Mirza Abdallah Khan

Copié par: \li i-\ skar al-,\ rsanjan i : rel iure signée Lutf ~\ Ji Shirazi Iran, Chiraz, copie datée de Sha'ban 1283 h. (décembre 1866) ; reliure datée de "awruz 1281 h. 21 mars 1865 i\ lanuscrit : encre, couleu rs et or sur papier; reliure: papier mâché, décor peint et verni (laque) li. 29, 1 cm ; 1. 19,cl cm; ép. 4,5 cm Doha, musée d ':\rt islam iq ue, ;\llA.201 °L420, acq. 201 +

Bibl. : Diba et Ekhtiar 1998: Sotheby's, « Arts of the lslamic \\'orld », octobre 1998, p. 29-30.

Bibl. : Sotheby's, « Ans of the Isla mie\ \'orld », 6 octobre 2010, p. 28.

est

pou vait servir au Jal, une pratique répandue de

Des versets du coran ont été copiés par

caractéristique de la production de corans à la

divination 1 . La consultation de l'ouvrage en tant

le même sc ribe sur la reliure, laquelle a été

1283 h. (1866) fut commandée par un petit-fils

période qajare. Ces dern iers sont très souvent

qu'écrit oraculaire est réa lisée par le biais d'une

ensuite peinte et laquée par Ahmad Sh irazi. Cet

de Fath 'Ali Shah , Hajji Mirza Abda ll ah Khan 'Ala '

bilingues et comprennent le texte principal en

série de rituels divin atoires encore en pratique

élément révèle l'étroite relation entre le scribe,

al- Mul k (mort en 1891), gouverneur de Qazvin

arabe en écriture naskh , accompagné de la

de nos jours en Iran.

'enlumi neur et le relieur dans les ateliers royaux

et de Hamadan. Le livre s'ouvre su r un double

de manuscrits.

frontispice comprenant des cartouches portant

Cette

copie

du

Coran

de

292

folios

Cette copie du Coran de 316 folios datée de

traduction persane in sérée entre les lignes à

La copie est signée et datée par le scribe

l'encre rouge en nasta'liq. Le s titres de chapitres

royal Muhammad 'Ali , fils de 'Abd al -Rahim

sont inscrits en lettres d'or utilisant la graphie

al -Khwansari, et comprend au dernier folio

les prières liminaires. Le texte du manuscrit

thuluth. Le volume débute par trois doub les

le nom du souvera in Fath 'Ali Shah Qajar,

est copié en naskh à l'encre noire et comporte

en or sur fond bleu les noms des chapitres et

M.C.A.

frontispices composés de séries de prières, puis

in sc rit en lettres d'or. Le scribe est connu

une traduction interlinéaire en persan, inscrite

de deux médaillons centraux comprenant le

par deux autres copies du Coran pré servées

en

nom du souverain Fath 'Ali Shah Qajar.

à la bibliothèque du palais du Golestan , ainsi

Des annotations inscrites en haut à dro ite de chacun des fo li os indiquent que ce coran

que par d'autres ouvrages et compositions cal Iigraph iq ues 2 .

l 1. Cette

pratique est connue dep uis la période safavide. Plus,eurs ouvrages pouvaient y servir, notamment le Divan de Hafez, le Falnama ou le Co ran. 2. Bayani 1358 h., p. 180; Ata bay 1351 h., n" 113 et 123.

nasta'liq.

De

nombreuses

enluminures

sont présentes à chaque début de chapitre et les marques de divisio n en juz' et en hizb du texte sont ornées. Chaque titre de sourates est marqué par des cartouches dorés de tafsir annoté en persan. Le co lophon indique le nom du scribe 'Ali 'Askar al-Arsanjani, l'u n des call igraphes les plus cé lèb res, actif des années 1830 aux années 1870, dont on connaît d'autres exemples de corans 1 . Il résidait à Chiraz, vil le dans laque lle officiait également l'a rti ste Lutf 'Al i Sh ira zi, qui signe la reliure. Celle-ci est ornée d'un décor de

gui va murgh mêlant oiseau et motifs florau x, pour lequel Lutf 'Ali était réputé 2 • La reli ure porte par ail leurs une date antérieure de plus d'un an à l'achèvement du manuscrit. Cette antériorité de la reliure par rapport au texte pourrait être une indication du travail parallèle de plusieurs ateliers au cours de l'exécution d'une même commission. M .C.A .

1

84

I SPIRITUALITÉS

1. À ti tre d'exemple, un coran signé 'Ali 'Askar, daté de 1857 et portant une reli ure laquée à décor de gui va murgh, est passé en vente le 10 octobre 2006: Christie's, Londres, « Art of t he lslam ic and lndian World », lot 37. 2. Voir p. 210-213.

85

I

71

1

72 1 Rouleau talismanique

Coran

Iran, :>:\'III'' siècle Encre, cou leurs et or sur papier oriemal L. 535 cm ; 1. 10.7 cm Paris, BiblioL11èque nationale de France, Arabe 5102

Iran, 1853 Manuscrit: encre, couleurs et or sur papier crème; reliure : cuir, décor peint et verni (laque) H . 3 1 cm; 1. 20 cm ; ép. 2,6 cm Toronto, musée Aga Kh a n, AKr--[493

Bibl. : Graves et junod 20 10, p. 156- l 5 7, n" cat. 74.

Ce rouleau talismanique était destiné à être

Ce manuscrit du Coran comprend 244 folios.

les débuts des versets. Les titres de sourates,

de rose survolé par un papillon, l'autre, un

li s'ouvre sur trois doubles pages à décor

placés dans des encadrements enluminés, sont

simple iris pourpre, tous deux sur fond d'or. Le

porté comme amulette . Au centre du texte

enluminé : un compartimentage géométrique

écrits à l'encre bleue en thuluth. Le décor des

style de cette reliure rappelle celui du célèbre

sacré,

sourates, on peut lire notamment, en silhouette,

dont le rouleau

renferme

plusieurs

deux

marges est peint à l'or et rehaussé de couleurs ;

artiste de laque, Luft 'Ali Suratgar Sh irazi, actif

grands cartouches contenant des prières et

la division des juz' et des hizb est signalée, en

entre 1802 et 1871 1 .

la sourate a/-Fatiha dans son entier, suivie des

marge, par des marques enluminées. Les marges

Ce manuscrit est une commande de Mirza

premiers versets de la sourate al-Baqarah. Le

comportent aussi des réclames et d'abondants

Aqa Khan Nuri, haut fonctionna ire qajar et

li a été copié en Iran vers la fin du

Premier ministre sous Nasir al-Oin Shah (règne

XVIII' siècle dans une écriture appelée ghubar

accueillant

les

titres

des

sourates,

l'inscription - el le-même coranique - « Dieu donne la victo ire .. . »

texte, disposé sur quatorze lignes à la page,

commentaires, rédigés en caractères nasta'liq

est entièrement écrit en graphie naskh . La

noirs et entourés de bandes de nuages sur

1848-1896), des années 1850 au début des

( « la poussière ») [voir fig . 1, p. 76}, utilisée,

traduction interlinéaire en persan est rendue

fond d'or.

années 1860.

l'origine, pour transcrire les messages glissés

U.K.

Les plats extérieurs de la belle reliure laquée

dans une délicate calligraphie nasta'/iq, à l'encre rouge. Les pages montrent une réglure à l'o r et,

du manuscrit, contemporains de ce dernier,

tout autour du texte, un motif de nuages dorés.

présentent un décor complexe de buissons de

Des fleurettes, colorées et dorées, marquent

rose. Les contreplats figurent, l'un, un buisson

à

sous l'aile des pigeons. Fine et harmonieuse, cette graphie est accompagnée d'un décor enluminé à motif de fleurs et de longues feuilles

1

1.

Voir p.

210-213 et p. 218.

dentelées, sur un fond de volutes, novateur par rapport aux siècles précéde nts, et typique de l'en luminure des corans de cette période 1 . En reva nche, les deux figures de paon sont un élément que l'on connaît, par exemple, sur le décor de la mosquée du Shah à Ispahan au xvI1 • siècle et qui renvoie à la beauté du parad is. Le calligraphe, qui n'a pas signé, a simpleme nt copié un distique persan - d'origine inconnue et maintes fois repris par les copistes -, leque l dit : « j'ai écrit ceci afin que mon oeuvre reste en souvenir, car moi, je ne demeurerai pas, mais l'écriture perdure pour que l'on se souvienne ».

F.R.

1

86

1

SPIRITUALITÉS

1. On la retrouve notamment dans le cat. 70.

87

1

73 1 Portrait de l'imam Jlli entouré de ses fils Hasan et Husayn

74

Iran, 129 1 h. (1873-1 874) Calligraphi e par gaufrage à l'ongle (khatt-i nakhum) et or sur papier H. 23,8 cm; l. 19,9 cm Oxford, Ashmolean Museum of Art and Archaeology, EA 1961.64, do n en mémoire des jumeaux R . G. et T. G. Gaycr-Anderson, 1943

Iran, milieu du x1x·· siècle Ac ier damassé, décor damasquiné d 'or H. 7,2 cm; 1. 9 cm maximum; ép. 2.8 cm Londres, \'ictoria and Albert '.\[useum , 1298-1873

Bibl.: Roux 1977, n" 642, p. 267-268.

La diffusion de l'imagerie alide dans les arts

Ces deux objets illustrent la fréquence, à la

technique de décor, celle de l' incrustation de fil s

qajars est favorisée, tant par le renouveau

période qajare, de l'emplo i tal ismanique des

d'or, appelée damasquinure et parfois désignée,

du soufisme, que par le regain de la dévotion

formu les religieuses. La petite boîte à coran , au

dans le monde indien notamment, sou s le terme

populaire chiite au cours du XIXe siècle. Les

décor damasquiné d'or, est, en effet, ornée de

de koftgari. Le cho ix du matériau est, lui aussi,

pensées soufies et chiites se mêlent, en effet,

diverses formules d' invocation. Y apparaissent,

lié à des fonctions de protection 2 . L'usage de

dans cette représentation imperceptible de

de manière répétée, les noms de Dieu et de

ces deux objets est légèrement différent : la

'Ali, cousin et gendre du prophète Muhammad,

'Ali, destinés à protéger le possesseur de l'objet.

boucle de ceinture appartient aux tal isman s

Sur la boucle de ceinture se déploie une prière

destinés à être vus, tandi s que la boîte à coran

mystique. Le premier imam chiite est assis sur

répandue, le Nad-i 'Ali, qui appelle également

a, à l'origine, pour fonction de protéger un petit

un pust, la peau de mouton qui, dans la tradition

la protection de ce dern ier sur le propriétaire,

codex coranique. Ce dernier, caché à la vue de

soufie, délimite l'espace réservé au Sheikh . Il est

illustrant le pouvoir du mot, dont les vertu s se

tous, est le véritable talisman 3 . Néanmoins,

entouré d'un halo de lumière diffuse, référence

transmettent par contact 1 .

l'ajout d'inscriptions protectrices sur la boîte

dépeint ici

comme

le parangon

du guide

1

Boîte à coran

supplémentaire à son ascendant et à l'éveil

Tous deux sont consti t ués d'un alliage de fer

spirituel qu'il procure 1 . Des attributs similaires

damassé, dont l'effet est obtenu par martel age

caractérisent ses deux fils, Hasan et Husayn, qui

et par fonte. Tous deux présentent la même

75

1

Boucle de ceinture

Iran, fin du X\'11 1' ou x,x·· siècle Acier damassé, décor damasquiné d'or et d 'argent L. 10,2 cm; 1. 6,9 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, i\IA.0 160, legs François Chandon de Briailles, 1955

1

1. Gruber 2016a, p. 33. 2. Les objets en acier sont très souvent liés aux rites chiites, qu'i l s'agisse d'éléments d'armement ou d'étendards utilisés lors des cérémonies ou d'objets plus courants, comme ces boîtes ou des coupes. Néanmoins, la symbol ique de ce ma t ériau mériterait une étude approfondie, à notre connaissance, encore inexistante. Voir les indications données par P. Tanavol i, « Préface», dans Allan et Gilmour 2000, p. 7-8. 3. Gruber 2016a, p. 34.

elle-même ne pouvait que renforcer les vertus de son contenu.

G.F.

se tiennent de part et d'autre, tandis que deux anges saluent cette sainte triade . La composition est exécutée par« gaufrage

à l'ongle » ou khatt-i nakhuni, technique cons istant à graver le motif avec l'ongle sur le verso du papier de façon à produire une image en relief. Celle-ci se répand au xv1 e siècle par le truchement de l'artiste Nizam al-Din Bukhara, au talent cé lébré dans un poème de Bahram Mirza (mort en 1549), frère du souverain safavide Shah Tahmasp le' 2 .

F.L.

1

1. Akbarn ia et Leoni 2010, p. 20-21. 2. Sc hi mmel 1984, p. 31.

Cat. 74

88

I SPIRITUALITÉS

89

I

Cat. 75

76

1

Grande coupe à décor calligraphié et historié

Signée Husayn 'Ali Tra n, Ispaha n, 12+3 h., 12++ h. et 12+5 h. 1827-1 829) Alliage de cu i,Te étamé, décor g ra,·é D. 58 cm ; H. 3 1 cm Bruxel les, collection H assan i\Iohazzab

par le mysticisme6 . Le décor placé sur le fond

Cette coupe témoigne de la continuité des

dont l' une, de diamètre inférieur, est ornée de

productions et de l'excellence des dinandiers,

scènes littéraires et conservée au Ferenc Hopp

de la cou pe, montrant des scènes issues du

qui conservent et perfectionnent les techniques

Museum, à Budapest 4 .

Shahnamah et, en particulier, de la légen de

anciennes 1 . L'indication située sous la base

également

de Rustam, fa it aussi écho aux thèmes joués

précise son lieu de production, Ispahan, ville

particulièrement soigné: de grandes inscriptions

Le

décor

de

l'objet

est

dans les théâtres religieux, les tazya. Il est donc

connue, par les sources anc iennes, comme

occupent les regist res placés sur la pa rtie

plausible que cette grande coupe soi t liée à

la Géographie d'lspahan, de Mirza Husayn

supérieure de la paroi, ainsi que la lèvre elle-

ce ains ritu els ou cérémonies en lien avec les

Tahvildar ou l'histoire de la ville rédigée par

même. Les modèles en sont vraisemblab lement

grandes fêtes du chiisme.

Muhammad Mahdi al-Isfahan i, pour abriter

fournis par un cal ligraphe émérite, dont le nom

plusieurs guildes d'artisans du méta 12 .

figure sur un cartouche, accompagné d'une

L'objet se distingue, dès l'abord, par sa tail le

date. La graphie nasta'liq est ici parfaitement

exceptionnelle et sa gravure précise et profonde.

proportionnée. Ell e se déploie sur un fond de

Les décors qui y figurent sont retravaillés au

rinceaux complexes, qui occupe l'ensemble

poinçon sur l'étamage, ce qui ajoute un effet de

du fond des registres. Les inscriptions mêlent

relief supp lémentaire. Son profil ne correspond

prières à vertus prophylactiques, comme les

pas à ce lui des productions antérieures

le

versets 51-52 de la sourate de la plume du

piédouche est aplati, la paroi renflée s'achève

trône, le Nad-i 'Ali ou encore la prière des

par une section droite et une très petite lèvre

quatorze innocents, à un poème de Hatif

éversée. Obtenue par martelage d'une feuille de

Isfahan i, poète fondateur du bazgasht, connu

méta l, la forme générale de l'objet, in spirée de

pour ses inclinations mystiques 5 . Toutes sont

certaines t ypologies plus anciennes 3, s'avère très

porteuses de vertus talismaniques et renvoient

baroque. Il en existe quelques autres exemples,

à un contexte de dévoti on popula ire marqué

G.F.

L S r es echniques employées, voir al-Khamis et Eremin 20 2 p. 115-128. 2. _e prem ,er est cité par Scarce 1991, p. 941. Floor 2003 , p. 214-215 cite le passage du mêm e, expliquant que a gui1de des dinandiers a connu un déclin avant de •e rouver son activité. 3. ca 'orme générale, à l'exc ept ion du pied, peut être vue co me une évolution de celle de bassins safavides, oa• exemple ceux conservés au musée du Louvre, :.J 28900 ou OA 7880/117. • "ub èe dans Kelényi et Sza nto 2010, p. 188, n• C.4.2.18. 5.. o r cat. 53. 6. ,or sur e sujet, F. Leoni,« Sacred wo rds, sac red power, Qur 'an,c and pious phrases as so urces of healing and oro ect ron », dans Leoni 2016, p. 53-65.

Fig. l Détai l du cat. 76

90

1

SPIRITUALITÉS

91 1

Rondes-bosses d'acier Les sculptures de 'alam A"\':\IABELLE COLLINET

L

es nombreuses sculptures en acier damasquiné d'or et d'argent conservées dans les collections publiques et privées en Europe, aux États-Unis et en Iran, comptent parmi les représentants les plus appréciés de la période qajare. Ces sculptures ornithomorphes et zoomorphes mesurent en moyenne entre 15 et 75 cm de hauteur.

Sont figurés des paons, des colombes, des canards ou des oies, des oiseaux de proie, mais aussi des cerfs, des félins, des chats, des éléphants, des chameaux, des agneaux et buraq, monture céleste du prophète Muhammad. Souvent isolées aujourd'hui, ces sculptures étaient conçues pour être

présentées par paires, comme l'illustrent plusieurs exemplaires conservés, par exemple, dans les collections publiques françaises (cat. 77 et 78). Ce sont des œuvres polychromes de couleur grise et à patine brun-noir, aux fins décors d'argent et d'or. De belle qualité, ces sculptures ne forment pas un groupe homogène: certaines présentent des reliefs simplifiés, d'autres tendent vers un réalisme plus accentué des espèces représentées . Les décors de surface allient généralement ciselures et incrustations de métaux précieux (cat . 79 et 80) . Ils forment des ornements figurés, végétaux et calligraphiques qui se situent parfois aux zones de jonction des différentes parties forgées et dissimulent ces raccords. Plus rarement, des incrustations de pierres précieuses ou semi-précieuses animent les yeux et colorent la surface. Certaines sculptures peuvent en outre comprendre des parties ajourées maintenues par des rivets sur les parties pleines (cat. 77). D'autres objets également en alliage de fer forgé et damasquiné d'or et d'argent représentent des fruits telles des poires, des grenades, des pommes et des goyaves, aux dimensions proches du réel (H. 10 à 13 cm) (cat. 82) . Certaines des sculptures animalières portent des traces de soudure sous les pattes, montrant qu'elles étaient fixées su r des supports. D'autres, comme des agneaux ou certains fruits, sont conçues avec une ouverture sur leur base, ce qui permettait de les ficher sur un montant vertical (fig. 1).

Fig. 1 Agneau (?) Iran, 2 "d' moitié du XIX' siècle Acie1; décor superficiellement damasquiné d'or H. 19,3 cm ; 1. 20 cm ; L. 8,2 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, dépôt, musée des Arts D écoratifs, Paris,

AD 45343

Objet de collection, support dévotionnel Dans les musées de beaux-arts en Europe, le contexte dévotionnel de ces sculptures est rarement évoqué et elles sont souvent décrites comme des objets essentiellement décoratifs 1 . En effet,

2nd,

Paon et cerf

moiti é du

X IX'

siècle

impulsée par Fath 'Ali Shah (1797-1834). Ils supportent, suivant une organisation symétrique, des enseignes call igraphiées verticales, circulaires ou en mandorles, portant les noms du Prophète et des imams chiites et en particulier de Husayn . Autour sont disposés par paires les sculptures

les collectionneurs européens les achetaient comme tels, ce qu'illustrent des photographies

Acic1; décor ciselé et superficiellement

zoomorphes, mais aussi des armes et des éléments d'armures, de même que des vases et des

damasquin é d'or

fruits (fig . 3)7.

peu de temps après leur production, les sculptures qajares des collections européennes sont alors

H . .33 cm ; l. 3 1.5 cm (paon) H. 43 cm ; 1. 20,.3 cm (ccr0

3

.

Par ailleurs, certaines de ces sculptures zoomorphes s'ouvrent et peuvent donc être utilisées comme coffrets 4 . En Iran qajar, des sculptures d'acier pouvaient également servir d'objets de

Renn es, mu sée des Bea ux-Arts, 1932.8.119 et 1932.8.120

Les sculptures, de dimensions parfois modestes, appartiennent à des assemblages pouvant atteindre la largeur d'une rue (fig . 4). Les 'alams monumentaux qui précèdent les cortèges funéraires sont, de fait , les supports les plus visibles et imposants des cérémonies de muharram.

décor. Ainsi les chats semb lent être décoratifs, en tout cas, ils ne sont pas liés à des pratiques

Ils revêtent la fonction symbolique de représentation de Husayn et de son martyre, des martyrs

dévotionnelles. Les félins pouvaient être associés à l'image du souverain trônant, emblème de

de Karbala et d'autres figures saintes tels Muhammad, 'Ali et les imams chiites. Ces supports

l'Iran posant avec le lion, symbole de 'Ali, et le soleil : une sculpture zoomorphe représentant un

dévotionnels sont sortis pour les processions funéraires culminant le dixième jour ('Ashura) du

5

lion est elle visible sur le dossier du trôn e de Muzaffar al-Din Shah (règne 1896-1907) (fig. 2) .

Muzaffar al-Din shah trônant Antoin Sevruguin Iran, T éhéran, vers 1896-1900 Tirage albuminé H. 11,2 cm ; 1. 16,2 cm Kew York, Brooklyn Museum , 1997 .3.1 26, don de Leona Soudavar en mémoire d'Ahmad Soudavar

Iran,

1

d'intérieurs britanniques du x1xe siècle 2 . Acquises en Iran dès cette période et certainement très parfois reproduites par gravures, sans être accompagnées de descriptions préc isant leur usage

Fig. 2

77-78

mois, où est commémoré le martyre, le sang versé par Husayn. Des agneaux, sacrifiés d'ailleurs

Mais la destination principale des sculptures d'acier damasquiné est le 'a/am, littéralement signe,

lors des commémorations, peuvent faire partie des sculptures de 'a/am (voir fig . 1) Les objets

étendard dévotionnel utilisé lors des processions du mois de muharram et commémorant le

des 'a/ams monumentaux sont en effet les figurations, les images visuel les de la passion de

martyre de Husayn à Karbala. Les étendards, issus des équipements milita ires, puis essentiel lement

Husayn à Karbala, et des représentations des imams ou liées aux imams. Ainsi le cerf se réfère-

associés aux processions rel igieuses, sont des formes plus ou moins complexes. Les plus simples,

t-il à l'imam Riza 8 , le paon au Mahdi, 'Ali est le Lion de Dieu. Ces allégories évoquent les noms et

très fréquents dans les mondes iranien et indien depuis le xv1 • siècle, so nt constitués d'un seul

les qualités morales des douze imams 9 . Leur signification actuelle peut aussi être liée à Salomon,

élément vertical dont l'extrémité en mandorle ajourée ou en forme de main porte les noms du

maître des créatures 10 . Les commémorations de muharram comportent des offrandes de

Prophète et des premiers imams chiites . Les 'a/am horizontaux, mesurant plus ieurs mètres de

nourriture aux martyrs de Karbala : ces pratiques votives (nazr) 11 , par exemple des fruits 12 , sont

long et comprenant des sculptures zoomorphes, se sont probablement développés en Iran à

également évoquées dans leurs formes sculptées sur les 'a/am . Ceux-ci, qui sont des supports

partir des années 1850 6, à la suite de l'expansion très importante des cérémonies de muharram

d'ex-voto - miroirs, plumes, textiles et rubans -, sont placés ou noués sur les étendardsB_

92

I SPIRITUALITÉS

93

1

Sur ces 'a/am, les signes, les représentations assemblés sont polysémiques. Ils fonctionnent comme une intercession au spirituel et sont les catalyseurs d'un processus de vi si on , de visualisation qui, à travers des obj ets d'invocation, forment un monde intermédia ire et symbol iq ue 14 . Ces signes servent u ne théâtra lité votive, qui n'est pas sans rappe ler le tazya et les naqqali, cyc les narratifs et symbo liques liés à la batai lle de Karbala dont le d éveloppeme nt se sit ue à la même période que celui des 'a/am monumentaux. On voit au demeurant sur les 'a/am des accesso ires similaires, armes ou casques, à ceux emp loyés dans les représentations de tazya. De plus, durant la seconde moitié du x1xe siècle, les processions suivant le tazya, tel le huq qa baz, avaien t lieu avec des 'a/am 15 .

Le cas de I:Ja.üi 'Abbas et la production des sculptures Quelle que soi t leu r destination, achetées ou conçues comme sculptures ornem e nta le s ou liées

à la dévotion chiite, toutes les sculptures réa lisées en ac ier damasquiné paraissent issues des mêmes atel iers, qui fournissent princ ipalement des 'alams 16 . La poi re présen t ée ici, signée Hajj i 'Abbas (vers 1865-1960) dont le décor incrusté montre une grande minutie et des regravures t rès fines , semble bien être un indice majeur d'une production qui , certes, pouvait être utilisée

à des

fins ornementa les, ma is qui apparaît comme hautement liée à la production d'objets dévotionnels. En effet, Hajji 'Abbas exe rçait

à Ispahan comme 'alamat-sa z dans l'atel ier fam ili al de fa bricants

de 'alams, durant la seconde moitié du x1x e siècle. Il réal isa it des scu lptu res animal ières pour

Fig 3 Procession à T éhéran Iran, T éhéran , 1327 h. (1909)

7 9-80

1

Paire de félins

Iran , 2""' moitié du XlX" siècle Aciei; décor ciselé et damasquin é d'or et d'arge nt H. 22,8 cm ; l. 39 cm ; l. 11 ,3 cm ; H. 22,8 cm ; 1. 39,5 cm ; 1. 11 ,3 cm Pa ris, musée du Louvre, dépa rtement des Arts de l'Islam, MAO 898 et MAO 899, achat 1993

Bibl. : M aka riou 2002, p. 1 14-11 6.

lesquelles, d'après son petit-fils , il était célèbre . Un paon signé Hajj i 'Abbas est ains i conservé

à Téhéran, au musée nationa l 17 . Les décors incrustés ou damasquinés n'étaient, en revanche, pas de sa ma in, mais exécu t és par des artisans spécialisés dans ces décors. Cett e div ision ent re mise en fo r me et décor ét ait habituelle pour les fabricants de ces objets et dans la pratique des art s du métal en général. Les sculptu res qu ' ils réalisaient étaient destinées aux processions de muharram et certa ines, dont un cerf de sa main, étaient dans une maison de thé de son quartier d'lspahan 18 .

à la fin du xx e sièc le toujou rs co nse rvées

81

1

Félin

Ira n, 2""' moitié du XJX' siècle Acie1; déco r damasquiné d'or et d'a rgent L. 24 cm ; 1. 17 cm Bruxelles, collection Hassan l\Io hazzab

Les 'a/am uti lisés en Iran portent encore des sculptures animalières de l'époque qajare ou leurs copies, mais aussi d'autres objets en acier comme des modèles de mosquée et des clochettes.

à Paris, musée du Quai Branly (cat. 90), datable du début du xx e siècle, il lustre une modernisation des techniques de cise lure, ic i à l'acide, parfois emp loyées sur les sculptures Le 'a/am conservé

postérieures au XIXe sièc le. L'étendard monumental est orné d'une paire de coqs, animal qui dans la cosmo log ie chi it e annonce le Jour du Jugement dans ses prières 19 . Les sc ulpt ures sont proches de celles de l'époque qajare car ce sont les descendants des artisans du x1x e sièc le qui, dans les ateliers contemporains, fournissent les éléments et les sculptures de 'a/am. Bien que l'artisanat de l'acier damasquiné lié aux pratiques dévotionne lles ch iites ait très largement décliné

à partir de la

fin de l'époque qajare 20 , des sculptures de mêmes types éta ient toujours produites au xxe siècle en particu li er

à Ispahan. L'atel ier des frères Bahm an y produisait dan s les années 1990 des 'a/am, des

oiseaux, des animaux, des vases, dont les vo lum es étaient mis en forme par forge de grand s t ubes d'acier 21 . À Téhéran comme ailleurs en Iran, la production de sculptures d'acier damasquiné perdure de nos j ours mais tend

à disparaître 22 .

L'acier a peut-être un lien pa rti culier avec le chiisme : il est en effet très utilisé pou r les objet s liés aux pratiques dévotionnelles et da ns les éléments arch itectura ux des sanctuaires chiites 23 . À la période qajare, le fer est extrait et traité en Iran, mais fer et acier sont maj oritairement importés de Russie et d' Inde sous forme de feuilles, de barres, de fontes brutes, ma is surtout de rebuts 24 . Sur les objets fabriqués, on dispose des sources des guildes d'lspahan datant du début des années 1870 25 . Le rôle des guildes est cen t ral dans les célébrations de m uh arram, dans la commande des 'a/am, t ou t comme dans leur fabrication 26 . Le grand centre pour l'acier gravé était Ispahan dura nt la seconde moitié du x1xe siècle, selon Murdoch Smith 27 . Il existait

à cette période deux types d'insertion des

métaux précieux sur le support d'acier : la damasquinure (le recouvrement de fils par martelage sur une surface rugueuse) et la dorure à la feuil le. Murdoch Smith écrit qu'alors l'i ncru station,

94 [ SPIRITUALITÉS

95 [

c'est-à-dire le martelage de métaux précieux dans une surface ciselée, a disparu 28 . Mais, d'après Benjamin en 1887, la guilde des graveurs et incrusteurs d'or (naqqash-i zargar) applique trois techniques qui concernent aussi l'incrustation de l'argent. Sur l'acier, les incrustations de filets sont bien pratiquées, selon une technique nommée zarnashan, ta/akub, naqrahkub, de même que la damasquinure. Enfin, la t echnique de recouvrement de l'acier par une épaisse feuille d'or existe également 29 . D'après les observations effectuées par Wu lff avant 1941, les productio ns principa les des incrusteurs d'or étaient les sculptures animaliè res à signification religieuse, écrit-il, qui sont sorties pour les jours de muharram. li publie ainsi des photographies montrant la décoration d'un cerf par damasquinure 30 .

Fig. 4 Procession de 11slzura à Téhéran , 16 décembre 2010

Commandes et lieux de conservation des 'almns Les 'a/am sont les commandes et les propriétés de différents groupes sociaux, tels une gui lde (senf), une organisa tion religieuse (hayat-i madhabi) ou encore un quartier de ville ou de village (mahalla). D'après Szanto, des fonderies d'ac ier ont été étab lies pour créer des 'alams, comma nd és

par des communautés dont le nom apparaît sur les bannières 31 . Ces objets sont liés aux taqiya ou husayniya, où dans chaque quartier les membres des guildes des bazars ou des sociétés religieuses

se rassemblent durant les jours de célébration de muharram et pour les processions. Les étendards monumentaux sont sortis de leurs taqiya la veille de 'Ashura 32 . À la fin de la période safavide, les 'alams étaient conservés par les guildes dans les char suq, et par les quartiers de la ville dans le bazarcha local ou dans leur mahalla 33 . Ce sont donc des objets dévotionnels liés à des groupes

soc iaux, à ce tit re conse rvés dans les bazars ou dans des bâtiments publics de quartier. L'exemple recueilli par Allan en 1993 à Ispahan montre que ces objets peuvent aussi être conservés chez des membres des quartiers 34 . De même, Al lan a observé un 'a/am dans la pièce principale d'une maison privée d'lspahan, servant de husayniya. Hors du mois de muharram, les très grands 'alams re stent conservés dans des endroits publics comme, parfois, des gymnases car ces enseignes très lourdes sont manipulées par des lutteurs. Ainsi à Qazwin a été observé en 1996 le montage d'un 'a/am appartenant à la maison des lutteurs (zurkhanah), associés à des confréries religieuses populaires 3s. D'autres sont conservés ou exposés dans des structures religieuses, tel le 'a/am monumental de la grande mosquée de Kashan 36 . Objets parfois décoratifs mais surtout éléments de 'a/am monumentaux liés aux cérémonies de muharram, les sculptures zoomorp hes de l'époque qajare sont à la foi s signes, pa rti es de récit religieux, supports dévotionnels et ex-voto. Liées à des cérémonies religieuses cons idérab lement développées à l'é poque qajare, elles ne sont pas des objets de sanctuai res mais participent, en particulier pour 'Ashura, à la représentation dévotionnelle majeure de l' Iran moderne et contemporain 37 •

82 Goyave (?) 1

Ira n, 2"d,· moiti é du XIX' siècle Acier, décor damasquiné d'or et d 'argent H. 12,5 cm; 1. 9,9 cm Pa ris, musée du Lo u\Te, département des Arts de l'Isla m, dépôt , musée des Ans D écora tifs, Pa ri s, AD +192..J.

83

1

Poire

Signée Hajji 'Abbas Ira n, 2"d,· moitié du x1x•· siècl e Acier, dfro r damasquiné d'or et d'arge nt H. 1ï ,5 cm Bruxelles, co ll ection Hassan l\Ioh azzab

1. Mleziva 2013, p. 20. 2. Citées par Allan, dans Allan et Gilmour 2000, p. 430. 3. Murdoch Smith 1876, p. 66 et 88. 4. Mleziva 2013, p. 32. 5. Photographie communiquée par Carol Guillaume. 6. Szanto 2010, p. 131; Allan 2012, p. 127. 7. Photographie communiquée par Carol Guillaume. 8. Flaskerud 2010, p. 236 et fig. 70. 9. Szanto 2010, p. 131. 10. Allan et Gilmour 2000, p. 263. 11. 2016b, p. 250. 12. Ibid. , p. 252. 13. J. Calmard et J. W. Allan, « 'Alam va 'Alamat », Elr, vol. 8, fasc. 1, 2011, p. 785-791. 14. 2016b, p. 255-256. 15. Calmard 2010, p. 60. 16. Szanto 2010, p. 139, cat. X. 17 . Allan 1994. 18. Ibid. 19. M. A. Amir-Moezzi, « Cosmogony and Cosmology, V. ln Twelver Shi'ism », Elr, vol. VI, fasc. 3, 1993, p. 317-322. 20. S2anto 2010, p. 131 et 133. 21. Allan 2000, p. 261-262. 22. https:/ /www.thegua rd ian .com/world/i ran-blog / 2014/ nov/ 04/ iran-alam-dying-art-shia-ceremony. 1

96

1

SPIRITUALITÉS

23 . Allan 2012, p. 101-105. 24. Floo r 2003, p. 195-213. 25 . Ibid., p. 213. 26. W. Floor, « Asnaf », Elr, Il, fasc. 7, 1987, p. 772-778. 27 . M urdoch Smith 1876, p. 5. 28. Ibid., p. 60-61. 29 . Floor 2003, p. 224-225. 30. Wulff 1966, p. 41. 31 . Szanto 2010, p. 131. 32 . J. Ca lmard et J. W. Allan, « 'Alam va 'Alamat », Elr, vol. 8, fasc. 1, 2011, p. 785-791. 33. Alla n et Gilmour 2000, p. 260. 34. Allan 1994, p. 146. 35 . J. Ca lmard et J. W. Allan, « 'Alam va 'Alamat », Elr, vol. 8, fasc. 1, 2011, p. 785-791. 36. Corn . Delphine Miroudot, avril 2016. 37. Se ul e une brève période d'interdiction, sous le règne de Reza Khan Pahlavi (1925-1941), a interrompu l'utilisation des 'a/am comportant ces types de sculptures. Elle s' inscrit dans une série d'interdictions de manifestations pub liques (de 1935 à 1941) au sein des programmes modernistes de lutte contre « les superstitions » et « la culture du deuil et des pleurs » du shah Pahlavi I" (corn. Sepideh Parsapajouh, octobre 2017).

97

1

84

1

Masse d 'arm es à tête de taureau

Iran, XJX' siècle Acier damassé, décor damasquiné d'argent H.. 73 cm ; 1. 11 cm ; D. 12,5 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, dépôt, musée des Arts Décoratifs, Paris, AD 12582, don Tarn , 1906

85

1

Masse d 'armes à tête de taureau

Iran, X IX' siècle Acier damassé, décor damasqu iné d'or H. Hem Bruxelles, collection Hassan Mohazzab

86

1

Iran,

2nd,

Masse d'armes à tête de taureau moitié du

XIX'

siècle

Ac ier damassé, décor damasquiné d'argent H . 66 cm; 1. 12,4 cm Cannes, musée de la Castre, 20 10.4 1.1-2, legs du chevalier de Lycklama

87

1

Masse d 'armes à tête de taureau

Iran, x1x' siècle Acier damassé, décor damasquiné d'argent H. 75 cm; 1. 14,5 cm Paris, musée de !'Armée, 20 18.0.44

88

1

Masse d'armes à tête de taureau

Iran, x1x•· siècle Acier damassé, décor damasquiné d'argent H. 82,7 cm; 1. 12 cm Paris, musée de !'Armée, K.7025

89

1

Masse d'armes à tête de taureau

Gat. 84

Gat. 87

Gat. 85

Gat. 88

Gat. 86

Gat. 89

Iran , x1x' siècle Acier damassé, décor damasquiné d'argent traces H. ï+,5 cm ; 1. 10,5 cm ; D. 11,5 cm Paris, musée du Lou\Te, département des Ans de l'Islam, dépôt, musée des Arts Décoratifs, Paris, AD 12583, don Tarn, 1906

Bibl.: Citera-Bullot 20 l3 , p. 14-15.

Trois sortes de masses d'armes furent utilisées

similaires revêtaient une fonction rituelle dans

Pétersbourg . Ces dernières portent toutes le

au cours de l'histoire dans le monde iranien : la

les cérémonies d' investiture zoroastrienne.

nom de Hajji 'Abbas en koftgari8 .

première à tête ronde, la deuxième comptant

Les masses d'armes zoomorphes sont tenues

Des masses à tête de taureau, le Shahnamah

jusqu'à six ailettes et la troisième à tête de

pour l'instrument grâce auquel le bien va inc le

dit qu'elles« étincellent comme le soleil dans les

taureau (gurz-i gav paikar)1. L'usage de masses

mal. Aussi la masse à tête de taureau devient-

cieux9 », ce qui a pu inspirer leur décor à l'or et

zoomorphes remonte à la préhistoire iran ie nne,

elle l'emblème du bien, alo rs que la vers ion à

leur poli . Elles sont éga lement représentatives

de même que leur fonction symbolique au sein

tête de mauvais génie (div) représente le mal

du renouveau de traditions anciennes à la

de la société et que leur association avec la

dans la lutte incessante entre les deux forces.

période qajare. D'autres, souvent vendues à

royauté et l'a utorité, fréquemment soulignée

Les Occidentaux, quant à eux, associent la

moindre prix comme souvenirs, ont un décor

dans le Shahnamah 2 . En tant qu'équipement

masse à tête de taureau et sa dimension rituelle

damasquiné d'argent et étaient très recherchées

militaire, les masses d'armes servent dans les

aux derviches chiites iraniens, qu'ils identifient

par les Occidentaux.

combats rapprochés, car on y voit une arme de

à tort à cette arme . En réalité, la masse à tête

choix pour pourfendre l'armure 3 .

de div, dans les mains des derviches, est censée

Toutes les masses d'armes figurant dans cette exposition sont faites d'une tôle creuse.

in carner l'âme inférieure, animale (nafs), que l'homme doit surpasser.

Ell es se composent en général de deux moitiés

La plupart des masses d'armes comportent

obt enues par martelage d'une feuille d'acier,

un décor damasquiné d'or ou d'argent (koftgari)

d'être

et, pour certa ines, le nom de l'artiste. C'est le

moulées en bronze ou forgées en acier massif 4 .

cas des exemples conservés au Museum für

El les ne sont donc pas destinées au combat,

ls lamische Kunst de Berlin 5, au Metropolitan

mais ont plutôt une signification symbolique, de

Museum of Art de New York 6, au Museo Stibbert

même qu'à la période préislamique, des objets

de Florence 7 et au musée de !'Ermitage de Saint-

soudées

horizonta lement,

au

lieu

F.C.P.

98

I SPIRITUALITÉS

1 1. Çakir Phillip 2012, p. 63. 2. Ibid. 3. Zeller et Rohrer 1955, p. 227 ; Allan et Gilmour 2000, p. 189. 4. Voir Alexander 2015, p. 246-248. S. 1.6583. 6. 36.25.1882. 7. 5685. 8. Voir aussi Allan 1994, p. 145-147 ; Allan et Gilmour 2000, p. 189. 9. Firdawsi 2006, p. 21. Pour une version en français, voir Firdousi 1876-1878.

99

I

90

1

Étendard de procession ('alam)

Iran, T éhéran, vers 1900-1 920 Fer, aeie1; arge nt, gravure à l'acide H. 217 cm ; l.1 53cm ; ép. 15cm Pa ri s, musée du Quai Branl y - J acqu es Chirac, 70. 201 3.4. 1, acq. 20 13

Cet étendard, d'aspect imposant, se compose

le corps est damasquiné en argent. Huit têtes

processions sont organisées au cours desque ll es

d'un socle en forme de T agrémenté dans

de dragon cornu, à la gueule béante, sont

sont utilisés de gigantesques étendards, longs

sa partie inférieure de volutes. De la barre

rapportées sur le 'a/am . Ce symbole, apporté

de plusieurs mètres et pouvant peser jusqu'à

horizontale s'élancent trois hampes. La plus

en Iran par des populations turco-mongoles dès

200 kg, sur lesque ls sont fixés divers objet s

longue, située au centre, repose sur un socle

le x1 • siècle, était considéré comme un motif

d'acier évoquant les événements de Karbala

de forme hexagonale au décor ajouré. Les

prophylactiq ue 1 .

comm e les poignards et les sabres 2 . Le tout

deux autres, plus petites, sont posées sur un

Cet étendard , dont un exemplaire plus

est rehaussé de plumes co lorées. Au cou rs des processions, ces étendards sont portés par les

axe flanqué de deux éléments semi-circulaires,

ou moins similaire est conservé au Musée

forme qui rappelle les doubles haches ou tabar.

ethnographique

à la

homm es les plus robustes, souvent des lutteurs,

Chacune des hampes est constituée, à la base,

cérémonie de 'Ashura qui a lieu le 10 du mois

qu i se relaient fréquemment, ta nt le poids et

d'une feuille de métal lancéolée et ajourée

de muharram, premier mois du ca lendrier

l'encom brement sont importants.

renfermant au centre le mot 'Ali. Le nom de

musulman. Ce jour-là, les chiites commémorent

l'imam est entouré de deux invocations.

le martyre de Hu sayn, petit-fils du Prophète tué

Le haut des hampes est formé d'une lame

de

Téhéran,

est

lié

H.C.

en 61 h. (680) à Karbala.

d'acier rehaussée de médaillons ca lligraphiés

En

Iran, cette journée

de deuil

revêt

en arabe et couronnée d'éléments fleuronnés.

un caractère particulièrement spectacu laire.

Entre les hampes se dressent deux coqs, dont

Dans les semaines qui précèdent 'Ashura, des

100

1

SPIRITUALITÉS

1

1. On le retrouve, par exem ple, sur des métaux ou des édifices anatoliens des x11 • et x111• siècles. Voir, pa r exemple, M akariou, Buresi, Canby et Coll inet 2007, p. 148. 2. Voi r p. 92-97 du prés ent vol um e.

Sous le règne de Fath 'A li Shah (1797-

« D'un cli n d'œ il

Nur ~i Shah, . une icone du soufisme • • 1ran1en /\

Mon regard cha nge la poussière en or,

1834),

D'un cli n d'œi l, j e co uvre cent douleurs de

l'influ ence croissante menace les intérêts du

derviches

ni'matullahi,

dont

baume,

souverain, subissent de violentes répressions

Nous sommes les chevaliers de l'amour,

- en vain . Le mouvement, incarné par le

Nos têtes so nt troub lées par l' ivresse divin e,

poète Nur 'Ali Shah dès 1798, a su séduire

Les pédants n'ont aucune place dans nos

des milliers de fidèles, au nombre desquels

réunions. »

se comptent des marchands, des art isans,

Shah Ni'matu lla h Vali 1

des memb res de la cour, des princes et des princ esses qajars 3 .

Demeuré silencieux pendant plus d'un

Shah, converti

En

1835, Muhammad

dès son

plus jeune âge ,

siècle , sans doute en raison des trouble s qui

cons acre leur rayonnement en

bouleversent alo rs le royaume, le soufisme

son maître, Hajji Mi rza Aqas i ( 1783-1849},

iranien sem ble se re ssou rce r dans la seco nd e

Premier

moiti é du CAROL GUILLAUME

les

xv 111• sièc le

2

.

Parmi les ordre s les

ministre 4 .

C'est,

nommant

sem ble -t-il ,

au

cours de cette pé riod e que s' impose , du

plu s populaires, mais aussi le s plu s opposés au

moins officiellement, l'image de Nur 'Ali

clergé, figurent le s Ni'matullahi, se réc lam ant

Shah, assassiné en 1801. Systématiq uement

du maître et poète Shah Ni'matullah Vali, qui

représent é sous les traits d'un jeune homme

vécut à la fin du

x1v• siècle.

au visa ge doux et bienveillant, son portrai t

91

1

Bol à décor historié

Ira n, 1850-1870 , \Jliagc de CUÎ\'re, décor gra,·é

H. 4, 1 cm ; D. 13 rm Londres, \'ictoria and .\J ben ?-Iuseum , 806-1 889 0

se déc lin e sur des objets d'usage courant, sur des peintures d'album, des peintures sur toi le (cat . 95 et 234) . Les quatre pièces réunies ici , qui participent toutes de la sphère privée, ont en commun d'accueillir un portrait du jeune derviche. Ainsi, les éléments de qalyan, dont l'un est signé du maître émai ll eur Ahmad Ib n Najaf 'Al i, l'associent à un décor de fleurs , dans une célébration des beautés et des plaisirs de la vie terrestre et spiritue lle. Sur le bol en métal,

92

1

Plumier (qalamdan) aux sages soufis

I ran, 13[0]3 h. (1885) Papier mâché peint et ,Trni ilaque)

L. 4 cm : 1. 23,6 r m Londres, \ 'ictoria and ,\J bert ?-Iuscum, 850: 1. 2- 1889

Fig 1 Détail du cat. 91

102

1 SPIRITUALITÉS

dont la précision de la gravure impressionne en regard des dimensions réduites de l'objet, il apparaît dans l' un des quatre médaillons qui rehaussent la panse (fig. 1), les suivants abritant

respectivement

un

portrait

de

Majnun, « le fou d'amour 5 », un prince en trône et un maître soufi, non identifié. De part et d'autre de ces médaillons passent des

103 I

95

1

Portrait de Nur 'Ali Shah

Iran, milie u du XIX ' siècle H uil e sur toile H . 56 cm ; l. 70 cm (m·ec cadre) Collection particulière

Représenté devant une baie, selon la conventi on qui préside, habituellement, aux grands portrai t s princiers de la première moitié du x1x• sièc le, ce

derviche

aux

traits

juvéniles

incarne

vraisemblablement le poète mystique Nur 'Ali Shah (mort en 1801), l'un des grands acteurs de la renaissance du soufisme iranien 1 . Par-del à la jo liesse du visage, qui caractérise toutes les représentations connues du maître soufi, les livres posés près de lui so nt comme une allusion à so n œuvre, tandi s que la position agenouill ée, prérogative

des

princes

dans

les

portra it s

officiels, pourrait faire écho au titre royal dont usaient les maîtres de l'ordre des Ni' matollahi . Le canon court, le traitement du visage, au menton replet et aux grands yeux ce rnés de

93

I

Haut de pipe a' eau (qalyan)

Signé Ahmad Ibn Najaf 'Ali Iran, ve rs 1880 0 1; décor d'émail pein t et champlevé H . 10 cm ; D. 8 cm Paris, musée du Louvre, MAO 2304

cavaliers, s'affrontent un lion et un dragon, tandis que de petits animaux, oiseaux, chat s, singes,

lapins, se détachent des rinceaux

qui an iment le fond du décor historié. Cette iconographie complexe,

mêlant références

historiques et poétiques, toutes contexte

soufi,

re lève

liées au

vra isemblablement

de l'ant hologie. Le plumier rassemble, quant à lui, treize portraits de derv iches, chacun représenté sur un fond de paysage et identifié

94

1

Haut de pipe à eau (qalyan)

Iran, 2""'. moitié du XIXe siècle 0 1; décor d'émail peint et champlevé H. 8 cm; D. 6,9 cm Paris, musée du Louvre, lVIAO 1235

par une inscription. Sur le couvercle, occupant

1

1. Publié et traduit par Nusrat al-Din 1964, p. 285. 2. Voir Amana t 2017, p. 229. 3. Ibid. 4. Un plumier conservé à Harvard, daté de 1842, associe un portrait de Muhammad Shah assis, pei nt sur la face extérieure du couvercle, à celui du jeune derviche en pied, vêtu en costume de cour, représenté à l'inté rieu r du coffre (Harvard Art Museums/Arthur M. Sackler, 2014318). 5. Majnun, poète légendaire d'Ara bie préislamique, est célébré dans la littérature iran ienne comme le symbole de l'amour absolu et impossible; il appa raît notamment dans un célèbre poème du Khamsah de Ni2a mi, Layla et Majnun. 6. Les inscriptions ont été lues par Cha rlotte Maury. 7. Smithsonian Institution, Arthur M. Sackler Gallery, S2014.17.66. 8. 19792.

khôl,

tendu

regard

vers

l'extérieur du

tableau, évoquent la peinture des prem ières années du règne de Fath 'Ali Shah, encore t out emp reinte de son héritage zand 2 . Pour au tant, le dépouil lement de la composition, le je u de contrastes entre vides et pleins, qu'accentuent les rares détails ornementaux concédés pa r le peintre, les broderies du bonnet, de la ceinture nouée sur le manteau ou de l'étoffe de lain e brune, mais aussi la stricte perspective de la niche rattachent davantage cette œu vre aux années 1840-1850, époque durant laqu elle

le cartouche central , l'on reconnaît Nur 'Ali

s'observe aussi un regain d' intérêt pour le style

Shah , fumant le qalyan près d'une corbeille

des grands peintres de la fin du xv1 11• siècle .

de

fleurs.

Au -dessus

figure

son

Des

maître,

Ma'sum 'Ali Shah (mort en 1798 ) ; au-dessous,

traces

d' in scriptions,

réalisée s

en

sgrafftto dans la couche pictu rale, se disting uent

Mawlavi, autre nom du poète iran ien Jalal al-

sur le bras gauche du derviche, sur les bords

Din Rumi (1207-1273), tend un manuscrit su r

du kashkul et, semble-t-il, sur le fond azuré

lequel se lit la date d'achèvement du plumier,

-

1303 h. (1885) . Sur les côtés, enfin, se côtoient

d'imageries pourraient en révéler la natu re .

les noms et les images de Saadi et de Hafez,

Ces inscriptions, qui ne sont pas sans rapp eler

de Mast 'Ali Shah (1782-1837), disciple de

illisibles à l'œil nu, seules les techniq ues

la cal ligraphie en khatt-i nakhuni (cat. 271),

.

évoquent irrésistib lement le contexte soufi ,

Cette généalogie, qui fait une large place aux

dans lequel les notion s de visible et d'invisi ble

Ni'matullahi, se retrouve, à d'infimes variations

sont primordia les 3 .

Nur 'Ali, ou encore de Baba Kuhi (947-1037)

près, sur au moins deux autres plumiers

6

C.G.

le

premier, conservé à Washington, est daté de l'année hég irienne 1301 (1884) et signé par Mirza Mustafa Sh iraz i 7

;

le second, lu i aussi

daté de 1884, figure dans les collections du musée Riza-i 'Abbasi , à Téhéran 8 .

104 [

SPIRITUALITÉS

1

1. Amanat 2017, p. 230-232. 2. Voi r notamme nt l'œuvre du pei ntre Abu l Qasim, Falk 1973b, cat. 19, 20, 21. 3. Sur la qu estion, voi r, par exemple, Corbin 1991.

105 [

96

1

H ache (tabarzin)

97

Iran, fin du x,111" siècle Lame: acier damassé, décor champ levé et damasquiné d'or; manche : bois, cuir, ac ier damassé, décor damasqui né d'or I-I. 65 cm; 1. l3,5 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, OA ï09 I , legs G. t\larteau, 1916, ancienne collection G. Demotte

1

Bol à aumône (kashku~

Ira n .. \ bade h, ,·ers 1860-1 889 Bois de ci tro nni er, drcor sculp té et peint H. 18,3 cm ; 1. 31, 7 cm Lond res, Vi CLo ria and Albert Muse um, 878- 1889, a ncienne collection Jul es R ichard

La tabarzin, ou « hache de selle », utilisée dans

Les kashkuls sont, le plus souvent, sculpt és

les combats singuliers en même temps que

dans des noix de coco de mer, provenant des

l'épée, le sabre ou la masse d'armes, est, par

Seychel les (cat. 98), matériau privi légié en

ail leurs, portée sur le côté de la sel le ou en

raiso n de sa signification 1 . Néanmo ins, il en

dessous de ce lle-ci. Comme la masse d'armes,

existe fai t s d'autres matéria ux, comme en métal,

la tabarzin acquit des connotations re ligieuses,

en cé ramique ou en bois . Ces bo ls servent de

notamment

vases à boire ou de récipients pour la nourriture,

en

servant

d'accessoire

de

cérémonies aux derviches .

nourriture spirituelle. L'inscription qui figure sur

armes, telles que l'épée, la masse et la hache,

ce lui-ci est une invocation chiite parfaitement

sont vraisemblablement liées aux débuts de

similaire à celle qui orne le cor exposé (cat. 99),

la dynastie safavide. En effet, les soufis et les

qui se rencontre sur nombre d'œuvres en lien

derviches de l'ordre fondé par Sheikh Safi al-

avec les derviches2 .

Bol à aumône (kashku~

Iran, 1251 h. ( 1835-1836) Coco de mer, décor sculpté I-I. 14 cm ; 1. 32 cm Bruxe lles, co llcc üon Hassan t\Iohazzab

La forme de ce kashkul en bo is sculpt é

Din Ishaq Ardabi li (mort en 1334), qu i légua son nom à la dynastie safavide, fu rent probab lemen t

qui, dérivée des vaissea ux à vi n de la période

les premiers à conférer aux haches, forgées en

antique, évoque celle des mêmes objets en

acier, leur signification 1 .

alliage de cuivre de la période safavide 3, est ici

Fabriquées à partir d'un acier de haute

enrichie d'anses démesurément agrandies, au

qua lité, el les présentent un décor incrusté

décor finement ajouré et rehaussé de coule urs .

superficiellement ou profondément d'or, allié

On y retrou ve des boteh, ici inversés, ainsi que

à des motifs fortement champlevés. Cette

des motifs d'entrelacs issus des en luminures de

alliance de techniques est la marque du célèbre

manuscrits. D'autres kashkuls de citronnier très

armurier iran ien Lutf 'Ali Ghulam, qui signe et

semblables sont connus

date ses créations, comme l'attestent les œuvres

conse rvé au Victo ria and Albert Museum à

co nservées au Museo Po ldi Pezzol i de M ilan, à

Londres•, un autre apparti ent aux col lecti ons du

la Wallace Co llection de Londres et au musée

musée Moghaddam à Téhé ran. Cette petite série présente, tant sur le plan technique que su r le

inspirèrent, par la suite, une riche production,

plan décoratif, beaucoup de points comm uns

largement

avec les cui llères de bois scu lpté, généraleme nt

des

iraniennes et, en particulier, en lnde

frontières 2

Cat. 97

l'un est égaleme nt

de !' Ermitage de Saint-Pétersbourg. Celles-ci au-delà

1

symboli sant le renoncement au monde et la

Les symboliques religieuses de certaines

diffusée

98

attribuées à la ville d'Abadeh (cat. 319) .

.

Nous savons peu de la vie de Lutf 'Ali

G.F.

Ghu lam. Son nom est surtout associé au règne de Nadir Shah, entre 1736 et 1747 . Le terme

Ghulam indique qu' il fut éduqué à la cour et emp loyé dans des at eli ers prestigieux

3

.

1

1. Les noix de coco de mer s'échoua ient sur les côtes iran ien nes po rtées par les cou rant s venus des Seychelles. Voir Akbarn ia 2010, p. 26. 2. Voir p. 76-83 du présent volume. 3. M elikian-Chi rvani 1990, p. 3- 111, notamment p. 26-29. 4. 726-1876.

Les

éléments stylisti ques et les décors de cette hache témoignent d'une continuité esthétique, à la fin du xv 111• siècle, avec les chefs-d'œuvre de Lutf 'Al i Ghulam.

F.C. P.

1

1. Çakir Phill ip 2016b, p. 77 et 132. 2. Alexan der 201 5, p. 234-235 ; Mohamed 2008, p. 235237 ; Obraztsov 2015, p. 104 , Melikian-Chirvan i 1979, p. 133. 3. Keyvani 1982, p. 170.

Gat. 98 l 06

1

SPIRITUALITÉS

107

1

99

1

100 Bonnet de derviche

Cor de derviche (nefir)

1

Iran, fin du X \'11 1" siècle (?) Corne sc ulptée L. 54,5 cm Pa ris, musée de la Musique, E.92 7, acq. 133 1

Iran, débu t du xx' siècle Feutre, décor brodé de soie H. 26 cm Toro nto, musée Aga Kha n, AKM673

Bibl. : C houq uet 133+, p. 23 7, n° 922 ; Gétreau 1996, p. 67 l.

Bibl. : Froom 200 7, p. 6 7, n° cat. 4 1.

L'i nst rument, appartenant aux co llections du

De nombre ux portraits pei nts représentant des

musée de la Mus ique, est sculpté dans une corne

derviches, comme l'un d'entre eu x conservé

d'animal. Le décor est essentiellement composé

au musée du Lou vre et datable du troi sième

d' une inscription placée da ns des cartouches,

quart du

ainsi que d'une bordure crénelée. Celle-ci , qui

un cor accroché à l'épaule ou sonnant de cet

xv1• siècle 3,

les dépe ignent portant

reprend une invocation que l'on désigne sou s

instrument . Le son qui en sortai t, toutefoi s,

le nom de Nad-i 'Ali, évoque le contexte chiite

est qualifié par G. Chouquet, con servateur

iranien 1 . On y voi t au ssi l'attache qui permettait

du mu sée de la Musique en 1884, de « plu s

de passer une corde et de faire pendre le cor

bru yant que musica l4 ». L'emp loi de cor est

sur l'épaule.

également connu , au

x1x•

siècle, à tra vers

1

1. Voir p. 76-83 du présent volume. 2. Dide rot et d'Alembert, L' Encyclopédie, 1751, arti cle « fakir » « Les fakirs vont quelquefois seuls et quelqu efois en troupe. Quand ils vont en troupe, ils ont un chef ou supérieur que l'on distingue par son habit. Chaque fakir porte un cor, do nt il sonn e quand il arrive en quelque lieu et quand il en sort. Il s ont aussi une es pèce de racloir ou truelle pour racler la te rre de l'endroit où ils s'asseyent et où ils se couchent. Quand ils sont en ba nde, ils partagent les aumônes qu' ils ont eues par égal es parties, donnen t to us les soirs le re ste aux pauvre s, et ne rés ervent rien pour le lendema in. » 3. Jeune dervich ej ouant du cor, OA 7125, ancienne collection Georges Marteau et ancienne collection Claude Anet. 4. Chouquet 1884, p.237, n° 922 .

Ce chapeau de feutre blanc faisa it nagu ère pa rti e d'une tenue de derviche. Il comporte un décor brodé, formant une in scription, une priè re répandue, le Nad-i 'Ali, destinée à 'Ali, cousin et ge ndre du prophète M uhammad, figure emb lématiq ue de l'islam chiite. Le t exte est contenu à l' intérieur d'arcatures amples, all ongées, gracieusement créne lées, disposées tête -bêche. Ces chapeaux étaient, nous le savons, déjà portés à l'époque safavide, mais

et

les phot og raph ies montrant des derviches.

ce lui-ci présente un style particul ie r, qu i au rait

d'Alembert, les derviches (ou fakirs) portent

On en aperçoit, en effet, sur cert ains cli chés

émergé plu s tardi ve ment, au

des cors dont ils sonnent pour annoncer leur

d'Anto in Sevruguin figurant ce s personnages

cou vre-chef semblable, attribué à l'ordre soufi

arrivée ou leur départ d'un li eu 2 . Cet usage est

(cat. 102) .

Khaksar et datant de la fin du

Selon

I' Encyclopédie

de

Diderot

attesté au moins depui s la période safa vide.

G.F.

du

xx• siècle,

x1x•

siècle. Un

x1x• ou

du dé but

figure parmi les co ll ections des

Fine Arts Museum s de San Franci sco 1 ; un aut re, invoqua nt aussi 'Ali, est datab le d'avant 1880.

Il est aujourd'hu i conservé à l' Ethno logisch es Museum de Berlin 2 .

U.K. 1

l

03

I SPIRITUALITÉS

1. 2004. 100.5. 2. 1B 530.

109

I

Cat. 101-104 Portra its de derviches Antoin Sevruguin Iran, ve rs 1880-1 900 Ti rage photographique sur papi er albuminé H. 11 ,5 cm (min.) / 2 1,8 cm (max.) ; 1. 14,3 cm (min.) / 18 cm (max.) Bruxelles, coll ection H assan M ohazzab, ancienne collection Fabius Boitai Cat. 105 R éunion de derviches Antoin Sevruguin Iran , ve rs 1900 Tirage photographique sur papier albuminé H. 15,8 cm ; 1. 20,5 cm Bruxelles, collection H assan J\1ohazzab, ancienne collection Charles-René Coppin Cat. 107

Cat. 106

Cat. 106

Cat. 108 Portrait d 'un derviche appuyé sur son bâton An toin Sevruguin Iran, vers 1880-1900 Tirage photographiqu e su r papi er albumin é H. 22 cm; 1. 13,9 cm Bruxelles, coll ection H assan Mohazzab, ancienn e collection Fabius Boitai

Cat. 103

Cat. 110

Cat. 109 Cat. 106 Portrait de derviche monté sur un buffie Antoin Sevruguin Iran, ve rs 1880-1900 Tirage photographiqu e sur papi er albumin é H. 22 cm ; 1. 15,8 cm Bru xe lles, collection H assan Mohazzab, a ncienn e collection Fabius Boita!

Cat. 107 Portrait de deux derviches dont l'un tenant un bol à aumône (kashkul) Antoin Sevruguin Iran, vers 1880-1 900 Tirage photographique sur papier albuminé H. 2 1,3 cm ; 1. 14,5 cm Bruxelles, collecti on H assan J\!Iohazzab, an cienn e coll ection Fabius Boitai

Cat. 105 110

1

SPIRITUALITÉS

111 1

Cat. 109 Portrait de derviche fumant le chibouk Antoin Sevruguin Iran, vers 1880-1900 Tirage photographiqu e sur papi er albuminé H. 16,4 cm ; 1. 12,8 cm Bruxelles, collection H assa n J\1oh azzab, ancienn e collection Fabius Boita! Cat. 110 Portrait de derviches Antoin Sevruguin Iran, vers 1900 Tirage photographique sur papi er albumin é H. 22 cm ; 1. 16,8 cm Bruxelles, collecti on H assan J\!Iohazzab, an cienne collection Ch arl es-René Coppin

« Taille de guêpe et barbe fleurant

l'ambroisie 1 >> Les portraits de Fath 'Ali Shah FRANCESCA LEONI

T

out connaisseur de l'art iranien, lisant cette description des traits les plus caractéristiques de Fath 'Ali Shah (règne 1797-1834) par lord Curzon, songe aux nombreux portraits du souverain, dont on y dénombre pas moins de vingt-cinq exemplaires sur toile 2 . Le portrait grandeur nature, relativement peu connu en Iran

jusque-là, devient une composante essentielle de la politique impériale à une période charnière de l'histoire iranienne 3 . Son prédécesseur, le fondateur de la dynastie, lui ayant légué un empire suffisamment stable et homogène, Fath 'Ali Shah comprit tout l'intérêt de développer une image dynastique capable de refléter la force de sa lignée, tout autant que l'unité retrouvée du pays. Il ne s'agissait pas seulement d'afficher la fermeté du gouvernement auprès des tribus locales, dont les rivalités aura ient pu, à tout instant, déstabiliser le pays. Il fallait également affirmer la présence de l'Iran sur la scène internationale, face à l' intérêt politique et commercia l croissant dont faisaient preuve la Russie, la France et la Grande-Bretagne envers l'Asie cen trale

4

.

Dans un

cas comme dans l'autre, le souverain pouvait compter sur une culture visue lle viei lle de plusieurs siècles, élaborée dans le but de célébrer et de diffuser la puissance des mo narq ues iraniens par le biais d'images monumentales. Ces nouveaux destinataires impliquè rent la mise en œuvre de stratégies inédites. Aussi le mécénat artistique de Fath 'Ali Shah montre-t-il à que l po int il sut comprendre et utiliser l'usage que l'on faisait des images hors d'Iran, notamment dans la sphère diplomatique. Les chercheurs virent, jusqu'à présent, dans la profusion des portraits de Fath 'Ali Sha h, une stratégie visant à consolider le pouvoir des Qajars en lran 5 , ce que corrobore le cho ix des sujets et des références culturelles contenus dans les programmes décoratifs produits au fil des ans sur tout le territoire. À Téhéran, dans le palais du Golestan, la salle du Trône de marbre comporte un cycle pictural achevé entre 1804 et 1807, où les portraits du souverain et les scènes de chasse ou de bataille, deux thèmes récurrents du répertoire princier class ique, alternent avec de grandes figu res historiques, comme celle du Grand Moghol Muhammad Shah, d'Alexandre le Grand et d'Aristote

6

.

De même, le Shahinshahnamah, ou Livre du Roi des rois, une épopée en vers const ruite sur le modèle du Shahnamah de Firdawsi, destinée à célébrer les hauts fa its politiques et mil itaires des Qajars (cat. 118 à 120), se sert du mythe pour glorifier l'image de la dynastie 7 . Dans ce contexte, l'association de l'autorité dirigeante avec les héros du passé, ou leurs prouesses, n'est pas seulement une volonté de démonstration des raffinements cu lturels d'une époque marquée par un renouveau intellectuel; elle est aussi une appropriation délibérée des qualités symboliques traditionnellement rattachées à ces figures, dans l'intention de renforcer l'aura de la nouvelle dynastie. Selon une formule de Layla Diba, les décors du Golestan font la synthèse entre « les aspects multiformes de Fath 'Ali Shah : guerrier, philosophe, chasseur, héritier des rois antiques de la Perse », selon un processus comparable aux connotations littéraires des portraits royaux européens

8

.

Quand ces

images, toutefois, sont destinées à l'étranger, comme c'est le cas pour plus de quinze portraits grandeur nature que nous connaissons de Fath 'Ali Shah, ils présentent un cadrage et un langage esthétique inéd its . Fait des plus significatifs, beaucoup d'entre eux semb lent dialoguer avec

Fïg. 1 Portrait de Fath 54/i Shah agenouillé Signé Mirza Baba Shirazi Iran, 1213 h. ( l 798-1 799) Huile sur toile H. 188 cm ; 1. 107 cm Londres, The British Library, F 116, fonds de l'India Office

112

1

Reliure du Divan-i Khaqan de Fath 1\li Shah

les représentations occidentales du pouvoir, auxquelles ils empruntent certai ns procédés de

Iran, début du x1 x'· siècle

composition, en particulier le modèle isolé, grandeur nature, tout en étant dénués d'un certai n

l\lanusc rit : encre, coule urs et or sur papier ; reliure : papier mâc hé, décor peint et verni (laque)

nombre de références mythologiques ou archaïsantes, ai ll eurs mises en exerg ue. Ces portraits, qualifiés de« véritab le ressemblance» (timsal) et d'« icônes vénérables» (shama'il) du monarque qajar dans certaines des inscriptions qui les accompagnent, tirent parti de toute la pu issance de 9

leur réal isme. Ils opèrent comme des incarnations du shah, des manifestes de sa puissance 10 . En

H. 28,8 cm ; 1. 18,5 cm Lo ndres, The British Library, IO Islarnic 3558, fond s de l'India Office

soi, ces images diffèrent peu de leur équivalent européen; toutes fonctionnent comme le substitut symbolique, mais impérieux, d'un sujet distantll_

11 4

1

APPARATS

115

I

Depuis des siècles, l'échange de portraits s'est avéré un outil essentiel de la diplomatie

de compte rendu de son séjour parisien. Toutefoi s, peu après son retour, Mihr 'Ali élabore une

européenne et des re lations interculturel les . Il commence à se déve lopper en Inde dans le dernie r

nouvelle typologie de portrait, qui affiche une res semblance marquée avec un autre portrait

tiers du xv111• siècle, sous l'influence de la Compagnie britannique des Indes orient ales, qui envisage

de Napoléon, cette fois debout, reproduit à diverses repri ses sur différents médiums 24 (fig. 2}.

de remplacer les dons traditionne ls de robes d'honneur et d'argent par des portraits, présents plus

Comme l'a démontré, de manière convaincante, Julian Rab y, l' une de ces reproductions in spire

personnels, mais aussi inaliénables 12 . La capacité du portrait à établir des relations plus comp lexes

vraisemblablement le portrait de Fath 'Ali Shah en pied, ain si qu 'en attestent certains détails,

entre le donateur et le destinataire, tout comme à imposer la présence du premier au second, a

tel le positionnement des bras

peut-être contribué à l'adoption de cet usage en Iran au début du x1x• siècle, tandis que le pays

façon à présenter le dos de la main ; le gauche est replié, la main posée sur la hanche. Si les

désire s'ouvrir au monde. Ce n'est probablement pas un hasard si les deux premiers portraits de Fath

sources de l'époque ne mentionnent aucun portrait offert par les Françai s à Fath 'Ali Shah , 'Askar

'Ali Shah envoyés à l'étranger sont remis l'un, au prince du Sind en 1800, l'autre, par l'entremise de

dut faire le récit de ses nombreuses visites dans les musées parisiens 2s, où abondent les portraits

lord Wellesley, au comité de direction de la Compagnie britannique des Indes orientales en 1806 13

impériaux, partager les images qui lui avaient été offertes 26 et son penchant général pour les

(fig. 1) . Sur le second, signé du peintre de cour Mirza Baba Shirazi, le souverain est agenoui ll é sur un

arts27 . Enfin, si l'on considère le premier bénéficiaire de ce nou veau type de portrait, le t sar de

le droit est plus près du haut du sceptre, le poignet tourné de

somptueux tapis brodé de pierres précieuses, selon une formule qui remont e, au moins, à l'époque

Russ ie, alors ennemi principal de l'Iran, le choix d'une peinture faisant écho au« portrait le plus

timouride 14 . Vêtu de soie brochée, Fath 'Ali Shah est entouré d'accessoires luxueux. Son visage pâle

impérieux du siècle », pour citer J. Raby, appara ît comme un calcul reflétant l' importance attribuée

et ses traits fins se détachent sur un fond uni, rompu par un rideau dont le pan est re levé et par

à l'art en politique 28 . L'approbation du shah pour cette composition, au ssi bien que pour celle

une balustrade peu élevée. Malgré son apparence flamboyante, ce portra it offre une rep résent ation

du portrait assis, est corroborée par les commentaires inscrits sur les tableaux eux-mêmes 29 et

intime, si ce n'est timide, du nouveau dirigeant. Si sa tenue dénote clairement sa distinction, son

par le fait qu ' ils ont été reproduits par la suite sur une série d'objets destinés à une large

regard de biais et sa posture rigide, qui confine à la gaucherie, reflètent la jeunesse et l'inexpérience

diffusion 30 (cat. 116) .

du modèle. Plus que tout, l'absence des symboles clés de l'autorité monarch ique - pa rmi lesquels la couronne, remplacée ici par un turban raffiné - affaibl it la connotation royale de l'image 1s. Le décor

En rai son des menaces qui pesaient sur l' unité du pays et des limites de la défense militaire

où prend place Fath 'Ali Shah - un espace reclus, apparemment privé, dépourvu d'ouverture sur le

iran ienne, Fath 'Ali Shah préféra les subtilités de l'échange diplomatique à la confrontation pour

monde extérieur - renforce le caractère intime de l'image.

faire part de la renaissance de l' Iran et de ses nouvelles perspectives. En adoptant la pratique de l'échange diplomatique de portraits, le shah montrait qu ' il en avait saisi toute la valeur

Le tableau remis en 1806 à l'envoyé français Amédée Jaubert dans le campement de Sultaniya,

anthropologique; il s permettaient d'établir une relation de qualité entre donateur et desti nataire,

afin de sceller une al liance que Fath 'Ali Shah espérait plus fructueuse que ce lle passée avec les

tout en ob ligeant le second à accomplir un geste réciproque. Les portraits ayant vocation à diffuser

Britanniques, illustre la manière dont l'image officielle du shah fut bientôt revue et corrigée

l'image royale hors des frontières furent peints en fonction de leurs destinataires ; aussi furent-ils

Plus éloquent que le précédent, celui-ci parvient à communiquer le statut et la

progressivement modifiés de manière à y faire entrer des éléments et des choi x de composition

puissance du modèle de plusieurs façons. La couronne kiani et le trône en forme de fauteui l,

tirés d'autres traditions, peut-être pour leur assurer une meilleure réception à l'étranger. Si chacun

qui accompagne le shah dans ses voyages, permettent immédiatement de l'ide ntifier comme

de ces portraits fut un défi pour les artistes, qui durent répondre à cette demande constante de

l'autorité souveraine 17 . La posture altière, le regard droit et fier ont aussi remplacé la position

modification, leur création fut également l'occasion de régénérer l'image de l'Iran, à l' intérieur

inconfortable qui caractérisait le précédent portrait. Le traitement des traits caractéristiques du

comme à l'extérieur de ses frontières.

(cat. 113)1

Fii1, 2 Portrait de Fath 54/i Shah debout Signé Mihr 'Ali Iran, l 124 h. (1809-1810) Hui le sur toil e H. 253 cm ; 1. 124 cm Saint-Pétersbo urg, musée de !'Ermitage, VR- 110 7

6

.

roi, aux contrastes de couleurs appuyés - l'une des marques distinctives du sty le de M ihr 'Al i, le nouveau peintre de cour-, aboutit à rendre une image plus idéalisée du shah, accentuant son autorité 18 . Bien que ce portrait fût finalement offert à Napoléon 1•r, les sou rces de l'époque n'indiquent pas clairement que l'artiste l'ait réalisé en ayant son destinataire français à l'esprit. 1

En 1806, deux ans seulement après le sacre de Napoléon 1•', Jean Auguste Dominique Ingres peint ce dern ier en trône et en tenue de cérémonie. Ce portrait à l'aspect archaïsant, empruntant aux codes iconographiques des Carolingiens et représentant !'Empereur de face, le regard fixe et envoûtant, provoqua bien des réactions lorsqu ' il fut exposé au Salon 19 . Si l'on ne peut déceler de ressemblance ou de corrélation directe entre ce portrait d'lngres et celu i de Fath 'A li Shah en trône, le choix d'envoyer une représentation du souverain assis à ce dest inataire précis, alors qu'il s'agit d'un premier échange entre alliés récents, n'est sans doute pas une coïncidence . Le prince héritier, 'Abbas Mirza , possédait, par ailleurs, un po rtrait de Napoléon dans sa résidence près de Tabriz 20 et, si l'on ignore son support et son appa rence, la ci rcu lation de gravures figurant les souverains d' Europe laisse penser qu'un certain nombre d'entre elles ont pu être utilisées pour parachever le profil impérial du shah 21 . Ceci vaut d'autant plus que les premiers Qajars se montrèrent attentifs aux progrès militaires et cu lturels des Européens, qu' ils s'efforcèrent d'importer 22 . La vision de portraits impériaux en Europe figurant des souverai ns régnants fut une autre source probable d'inspiration. En 1808, lors de sa mission diplomat ique à Paris, organisée dans le sillage de la signature du traité de Finkenstein, l'envoyé iranien , ' Askar Khan Afshar, commente ainsi une peinture historique exposée au Salon : « Les actions des grands hommes perpétuent leur gloire, lorsqu'elles sont représentées par de grands artistes . Voyageurs su r ce t te ter re, qu ' importe que nous y ayons vécu riches ou pauvre s, que nous nous soyons nourris de pain de son , pourvu que notre nom pa sse avec honneur à la postérité. Les arts des Européens leur

assurent la conquête de l'avenir23 . » Curieusement, l'ambassadeur ne semble pas avoi r laissé

] 16

1

APPARATS

1. Curzon 1892, p. 338 . 2. L. Diba, « Images of Power and the Power of Images :

Inte ntion and Re sponse in Ea rly Qaja r Painti ng (17851834) », dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 40. 3 . Sur l' usage du portrait à la fin des règnes safavide et zand, voir Diba et Ekhtiar 1998, p. 138-139, n' cat. 19, et p. 154155, n' ca t. 26. 4. Pou r un aperçu du « Gra nd Jeu », voir Ewans 2004; pour une contributio n réce nte centrée sur l'Asie occ identale, vo ir Kamrava 2017. S. Robinson 1964 et Fa lk 1972, p. 22 -23 . 6. Keppel 1827, Il, p. 140-141, cité dan s L. Diba, op. cit. dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 38. 7. Des versions illu strée s de cet ouvrage ont été offertes aux cours étrangères. Un exemplaire fut ain si offert à la Com pagnie britann ique des Indes orientales en 1816 (cat. 118), un autre à l'empereur d'Autriche Fra nçois I" (1 768-1835 ) en 1818. To utefois, au vu des circonstances, aucun de ces ouvrages n'a été expressément conçu com me un cadeau diplomatique. Voir Robin son 1976, p. 244-249 . 8 . L. Diba, op. cit. dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 38 . 9. La même observation sur la fidélité de la reprod ucti on visuelle apparaît su r les gravures du roi George Ill offertes au nawab d'Awadh . Eaton 2004. 10. L. Diba, op. cit. dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 40. 11. La bibliographie con sacrée aux portra its royaux en Occident et aux écha nges diplomatiques est va ste . Pou r des publications récentes, voir Hackett 2016 et Sowerby et He nnings 201 7. 12 . Eaton 2004, p. 819-830. La trad ition consistant à fi gurer le monarq ue assis sur un siège ou un trône européen a toutefoi s un précéde nt en Inde : le portrait de Jah angir, attribué à Abu ' I-Hasan Nadir al -Zaman et daté de 1027 h.

(1617), est le seul portrait grandeur nature, à l'hui le sur toile, à nous être parvenu de l'empereur moghol. Il fut vendu chez Bohnams (Londres, « lslamic and lndian Arts », 5 avril 2011, lot 322). 13. Robinson 1964, p. 100, et Raby 1999, p. 11. 14. Lentz et Lowry 1989, p. 243, n' cat. 136. 15. Diba et Ekhtiar 1998, p. 180, n' cat. 37; voir aussi Amanat 2001. 16 . Lorsqu'en 1804, la Russie s'empare du khanat de Ganja et poursui t en assiégeant Erevan, une ville à l'époque iranie nne, les Britanniques refusent d'intervenir en prétextant que leur aide con t re les Russes n'était pas stip ulée dans le traité anglo-i ranien signé quelques années plus tôt. À la recherche d'alliance, Fath 'Ali Shah n'a d'aut re choix que de se to urner ve rs la France, qui y voit l'occasion de renforcer son accès à l' Inde. 17. Diba et Ekhtiar 1998, p. 181-182. 18. Raby 1999, p. 11. 19 . M usée de l'Armée, Paris, 4; Ea 89/1. 20. Kotzb uë 1819, p. 115 et Raby 1999, p. 13. 21. Sur les sources possibles de gravures européennes en Orient, voir Eaton 2003. 22 . Fasa'i 1972, p. 122. 'Abbas Mirza développe également un intérêt prononcé pour la pei ntu re académique européenne, dont il approfondit sa connaissance. Son pe int re de cou r, Muhammad Ja 'far , déclare qu'il s'est entraîné au dessin « d'après des gravures anglaises » dans sa jeunesse (vers 1810), tandis que des sources ru sses nous informent qu'il a séjourné à Saint-Pétersbourg au début des années 1820 pour y étudier à l'Académ ie des bea ux-arts. Voir A. T. Adamova, « Art and Diplomacy: Qajar Paintings at the State Hermitage Museum », dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 72. 23 . Amini 2007, p. 57-58, init ialement publ ié dans le Journal de l'Empire, 7 nove m bre 1808 : www.gal lica .

11 7

1

bnf.fr, consulté le 18 juille t 2017. C'est l'auteur q ui souligne. 24. Raby 1999, p. 11-13. 25. Ses visi tes au musée Napoléon (l'actue l musée du Louvre), au Salon et à la Bibliot hèque im périale font l'objet de chroniques dans la presse. Voir Amini 2007, p. 54 et 57. 26. « On en a présent é sur-le-champ plusieu rs gravures à S. Exc. qui a été très sensible à ce tte attention », Journal de l'Empire, 24 août 1808 ; wwwgallica .bnf.fr, co nsulté le 18 juillet 2017. 27. Les tractations entre l'Iran et la France à cette époque charnière, ainsi qu e l'interaction entre les sphères militaire et culturelle, méritent une analyse plus approfondie. Une étud e leur se ra procha inement consacrée. 28. Deux autres port raits du shah, l'un assis, l'autre agenouillé, sont offerts en 1817 au général Yermolov, qui cherche à conclure une alliance avec l' Iran contre les Otto mans, tout en pou rsuivant l'occupation progressive de la région du Caucase par les Ru sses. A.T. Adamova, op. cit. da ns Diba et Ekh tiar 1998, p. 67-68, et Diba et Ekhtiar 1998, p. 184185, n' cat. 40. 29. L:inscription qui orne le portrait du shah debou t indique que celui-ci a approuvé le tableau « sans re qué rir de changements » voi r Diba et Ekhtiar 1998, p. 183, n' cat. 39. 30. Plusi eurs objets reprenant les portrai ts assis existent : une peinture aujourd'hui conservée dans la collection du mu sée Aga Khan, Toronto (AKM 504, voir fig. 1 p. 118) et un médaillon émai llé, signé par M uhammad Baqir, vendu chez Christie's, Lon dres, le 4 octobre 20 12 (« Art of the lslamic and lndian World », lot. 157) ; un port rai t miniatu re da té de 1226 h. (1811), aujourd'hui conservé à la David Collection de Copenhague (n' 30/2003) .

113

1

Fath 54/i Shah en trône

Attribué à M ih r 'Ali Iran, Téhéran, vers 1800-1806 Hu ile sur to ile H . 227,5 cm; 1. 134 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, dépôt, musée national des châteaux de Versai lles et de Trianon, MV 638, offert en cadeau diplomatique à Napo léon l", par l'intermédiaire cl'Amédécja uben

Bibl. : D iba et Ekhtiar 1998, cal. 38; KomarolT 2011 , p. 188.

Ce portrait de Fath 'Ali Sha h est communément

L' image du souvera in en trô ne, t elle qu'el le est

iconique et incarn ent le prince en son absences.

attrib ué à Mi hr 'Al i, l'un des plus célèbres

traitée ici, relève éga leme nt d' une adaptation

Cet usage commun de l'effigie impéria le reflète

portraitistes des deux prem ières décennies du

ico nographique inédite en Iran ; néanmo ins,

le statut singulier de l' image politique dans les

x1x• siècle 1 . Deux aquare lles signées du maître,

son modèle serai t peu t-être à chercher du côté

mondes indien et iranien, usage réservé, da ns le

récemment

de l' Inde impéria le des Grands Mogho ls (1526-

monde ottoman, au monogramme non figu ratif du sultan, la tughra.

réapparues,

viennent

renforcer

la première est

1857) : une peintu re sur toi le de grand format,

114) ; la seconde est

datée de 1617 et sur laquel le figure l'empereur

conse rvée au musée Aga Khan à Toronto (fig.1) .

Jahangir, semble, en effet, préfigurer le portrait

Les images que le peintre livra de Fath

du Louvre 3 ; l'on y ret rouve la posture et le trône,

l'attribution de ce modè le présentée

ici (cat.

'Al i Shah révèlent, chacune à leu r manière,

incrusté de pierres précieuses, l' importance

l' innovati on

si ngulière acco rdée aux parures4, mais auss i

de modèles

un trai t emen t pictural très proche, j ouant

étra ngers. Ai nsi, le tableau conservé au musée

d'empâtements de matière, d'effet s de brillance

de !'Ermitage, le représentant en pied, a-t-il été

et de contrastes colorés. Enfi n, il est à noter que

rapproché d'un po rtra it de Napoléon en cost ume

les portraits impériaux indiens, de même que

de sacre, peint pa r François Gérard en 1805 2 .

leurs pendants qaja rs, recouvrent une va leur

une

disposition

évide nte

iconographique et

pou r

l'adapt ation

C.G.

1. t:analyse iconographique et historique de cette œuvre est éga lement développée dans l'essai consacré aux portraits de Fath 'Ali Shah, p. 116. 2. Saint-Pétersbourg, musée de !'Ermitage, VR-1107. Voir p. 116 du présent volume . 3. Londres 2010, p. 76-77. 4. Voi r p. 164-167 du présent volume. S. Sur les fonctions et usages du portrait en Inde, voir Crill et Jariwala.

I,zf!,. I

Portrait de Fath 54/i Shah en trône I ran , début du X IX' siècle Encre, pein tu re et or sur papier H . 33,2 cm ; 1. 21 , 1 cm Toronto, musée Aga Kh an, AKM 504

11 8

I APPARATS

/

119

I

114

1

115

Deux pages d'album : portrait de Fath 'Ali Shah et calligraphie

Coffret à décor de scènes de trône et de chasse

1

Portrait : signé M ihr '.;\l i ; call igraphie : Fath 'Ali Shah

Iran, 2•· ou 3' quar t du X IX' siècle

Iran, Téhéran , I '" quart du :\ IX ' siècle

P apie r mâch é, décor peim et , ·e rni (laqu e)

Encre, couleurs et or sur p ap ier

H. 22 c m ; 1. ·J.3,3 c m ; Pr. 3 0 cm

H . 30 cm ; 1. 19 cm

Cann es, m u sée de la Castre, 2008.1.124, don L yckJama . 18ïï

Doba, musée d'Art islamique, :V[S.2 16.1999

Bibl.: C itera-Bu lot 20 13 , p. 66-67.

Le portrait de Fath 'Ali Shah assis sur son trône

du souvera in. Cette inscription centrale a été

musée Aga Kha n à Toronto3, l'autre se trouve

comprend une signature, en bas à gauche de

interprétée comme une signatu re, mais le vers

dans une coll ecti on pri vée parisienne, d'autres sont

ré cemment

passés

en

vente,

l'œuvre, donnant le nom de l'artiste de cour Mihr

poétique qui est in scrit de part et d'autre n'a pas

encore

'Ali. Ce dernier est plus connu pour ses portraits

été identifié précisément. Le shah affectionnait

dont une page, co mme ce lle de Toronto, est

sur toile du monarque et la pose du souverain,

particul ièrement la poésie et composait lui-

accompagnée d' un portrait de Fa t h 'Al i Shah 4 .

assis sur un trône à l'européenne, rappe ll e la

même des vers, aujourd'hui réunis dans un

composition du tableau conservé au musée du

recueil

Louvre, attribué au même artiste (cat. 113) . Sur

Qalam1. Art majeur, la ca lligrap hie fait partie

la peinture sur toile, néanmo in s, les détails sont

des enseignements traditionnels des princes 2 .

intitulé

Qalam

M.C.A

Les Qajars s'insc ri vent dans cette tradition, tout en la cultivant. De tels exercices permettent, en

2. Certains princes timourides étaient, par exemple, réputés

de préparation aux grands portraits impériaux.

effet, d'exalter les talents des souverains. Fath

pour leu rs talents en ce domaine. Le plus célèbre est Baysunghur, fils de Shahrukh (vers 1400-1433), auteur d'un coran monu mental. 3. AKM531. 4. Christie's, South Kensington, Londres, 8 octobre 2010, lot 67.

page comportant deux lignes de ca lli graphie en

aussi. D'autres exemp les de calligraphie de sa main nous sont connus : l'un est conservé au

le

décor semble

s'i nspi rer

directement des fresques et tableaux desti nés

à glorifier l'empire et la personne du shah. Sur l'extérieur du couverc le, en effet, se légèrement

adap t ée,

la

scène

Negarestan, réa lisée par Ab dall ah Kha n au

pas impossible que ce type de dessin ait servi

nasta'/iq sur fond or, encad rant au centre le nom

dont

corpus

cent rale de la grande audience du pala is du

traités avec plus de minutie. Il n'est cependant

'Ali Shah, grand mécène et poète, s'y essaya

d'objets

reconnaît,

al-muluk muluk a/-

1. A. Amanat, « Fath ' Ali Shah Qajar », Elr, vol. IX, fasc. 4,

En regard de la peinture a été montée une

Ce coffret appartient à un vaste

p. 407-421.

cours des années 1812-1813, abondam ment diffusée, à l'intérieur comme à l'exté rieur du pays (cat. 278) . li en va de même pour la scène déployée au revers,

comme en

témoigne, notamment, la toile monume nt ale offerte par Fath 'Ali Shah au roi George IV d'Angleterre (règne 1820-1830) et qui orne aujourd ' hui l'un des plafonds du Ra shtrapat i Bhavan, à New Delhi 1

le souverain y est

rep résenté à la chasse au li on , entouré de ses f ils. C'est cependant sur un coffret du même type, au décor géné ral très comparable, que l'on trouve l'exacte rép lique de cette chasse au cerf et des dix paysages qui l'entourent 2, composition du reste fort souvent dé clinée su r les

laques 3,

médium

particulière m ent

adapté à la circu lation des images 4 . C.G.

1

1. Sur ce sujet, voir Diba 2006b, p. 28 2-304 . 2. Londres, collection Khali li, LAQ125. 3. Voir l'u n des coffrets conservés à Tbilissi, Musée nationa l de Géo rgie, 00 825 (face interne d u couvercle); voir aussi

les plats de reliure de la collection Nasse r Khalili, LAQ20. 4. Voi r p. 248-253 du présent volume.

120

1

APPARATS

121

1

116

1

11 7 1 Rustam combattant le roi du H amavaran

Boîte à miroir

Signé :\Iuhammad ·AJi Iran, 12 ro h. (1824-1825) Ivoire, décor sculpté H. 19,2 cm ; 1. 11,6 cm Oxford, Ashmolcan :\luseum of Art and Archaeolog), uni,·ersité d'Oxford, EA.'-.::.1205

Bibl. : Raby 1999, n" cat. 135.

Appelé une nouvelle fois à la rescousse de Kay

Le succès des portraits de Fath 'Ali Shah posant

Kavus, le malheureux shah d'Iran, Rustam dirige

assis et debout, deux postures élaborées par

l'armée persane contre le roi du Ha mavaran,

le peintre de cour Mihr 'Ali et popularisées par

qui ava it fait prisonnier le souverain, et ses

une série d'œuvres grandeur nature (cat. 113),

all iés. Tandis que les Persans affrontent le roi

explique qu'ils aient été adaptés à toutes sortes

du Barbaristan, Ru stam capture le roi de Sha m,

de supports . Les deux type s de représentation

dépeint sous les traits d' un viei ll ard à la barbe

sont ici combinés sur cette boîte à miroir,

blanche et au couvre-chef exotique, en forme

peut-être conçue comme un cadeau pour les

de turban.

proches du shah ou pour les visiteurs de passage

Si Rustam lui-même est reconnaissable à sa

à la cour.

peau de tigre, son portrait reprend les canons

Le côté reproduisant le shah debout est

du x1x• siècle, dont la longue barbe noire, mise à

encadré de cartouches épigraphiques alternant

la mode par les nombreux portraits de Fath 'Ali

avec de petites fleurs. Ceux-ci comprennent les

Shah. De même, les motifs ornant les carqu ois,

vers d'un poème qui, comme ceux inscrits sur

les ceintures et les armes de l'ensemble des

le service à café (cat. 152), évoquent l'objet sur

participants au combat sont incrustés de perles

lequel ils apparaissent, ses qualités, mais aussi

et de pierres précieuses refl étant l'opule nce

la nature déceptrice de son reflet. Son éclat,

qui prévaut à la cour des Qajars. Cette image

remarque le poème, est « semb lable au visage

de prospérité est ainsi diffusée sur un gra nd

et aux pensées du Khaqan », renforçant le lien

nombre de supports. Le shah apparaît portant

avec le shah et incitant le propriétaire du miroir

à un rappel constant de l'a ura royale

Page d"un Shalmamah de Firdawsi lran, fin du X\'JJ J' début du x1x·· siècle Encre, coul eurs et or sur papier H. 29,6 cm; l. 17,3 cm Oxford, Ashrnolean l\ f useum of .\n and Archaeology. université d'Oxford, EA2003 .5 l , don C harles \\'. Stell'art , 2003

1

le même équipement dans les éditions illustrées

.

du

F. L.

Shahinshahnamah

renforçant

le

(voir cat.

118-120),

paral lèle entre cette version

mythologisée de l'histoire qajare et son illustre 1

modèle du x1 • siècle.

1. Raby 1999, p. 92.

F.L.

122

1

APPARATS

123

I

118

1

Copie d'un Shahinshahnamah ''

Copi é par Mihdi al-Husaini al-Farahani Iran, l rajab 1225 h. (2 août 1810) Encre, couleurs et or sur papier H. 40,5 cm ; l. 26,5 cm ; ép. 19 cm (ferm é) Londres, The British Library, ms. 10 Islarnic 3442

Q ll, i

,

f

' " ' ....;/i,,e,, ',,' ;

Bibl. : Diba 2006a, vol. 5, p. 239-258.

119

1

Copie d'un Shahinshahnamah

Peint par Mu hammad Hasan Afshar Iran, rab i' al-awwal 1237 h. (novembre 1821 ) (copie) et l 242 h. (1826) (pein tures) Encre, peinture et or sur papier Reliure : papier mâché, décor peint et ve rni (laque) H. 39,2 cm ; 1. 26,5 cm ; ép. 8,8 cm (ferm é) Doba, musée d'Art islamique, MTA.201 4.392

Bibl. : Diba 2006a, , ol. 5, p. 239-258.

120

1

Page d'un Shahinshahnamah

Iran, vers 1810-1 840 Encre, couleurs et or sur papier H. 38,7 cm ; l. 24,7 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, MAO 798, achat 1987

Bibl.: Makariou 2012 , fig. 259.

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J

.,

Le Shahinshahnamah, le « Livre du Roi des rois », est un poème commandé pou r Fath 'Ali Shah et composé pa r son poète favori,

perdure jusqu 'à la fin du siècle, sous la forme d'éditions imprimées Achevée

en

1

Ouseley par Fath 'Al i Shah en 1812 3, l'autre,

La page du Lou vre est une autre va ria nte

à la

:'

Quoi

qu'il

en

soit,

la

large

diffusion

de la scène d'audience du manuscrit de

de ce texte, dont les copies complètes ou

Doha : s'y retrou vent, en effet, la composition

fragmentaires

Shohinsh ahnamah et de ses images.

générale,

le décor du

les

être parvenues, témoigne d'un intérêt qui

postures

et

certains

dépasse le cadre de la propagande impériale.

so nt

nombre uses

à

nous

Fath 'A li Khan Saba, entre 1806 et 1810. Ses 40 000 distiques, qui retracent l'ascens ion de

Compagn ie britannique des Indes orientales, la copie conservée à la Briti sh Library est la plus

L'exemplaire du musée de Do ha, copié et

la tribu qajare et les dix premières années du

ancienne connue à ce jour. Ses enluminures et

· us ré entre 182 1 et 1826, rassemble , quant

personnages. Les liens iconographiques et

Le Shahinshahnamah, au même titre que le

règne du souverain, s'inscrivent, à dessein ,

ses trente-huit peintures en font aussi la plus

à lui, treize peintu res, dont trois portent

styli stiques qui unissent ces tro is œuvres

Shahnamah, fut aussi un objet de délectation.

dans le pro longement de la grande épopée

riche en images : scènes de trône, de chasse

la signatu re de Muhammad Hasan Afshars.

pou r ra ient

circulation

Une copie, inachevée, fut composée en 1833,

Ces trois scènes, illustrant respectivement

de modèles et de poncifs, mais pourraient

à Ispahan , peut-être à la demande d'un prince

2

expressions

s'expliquer

par

de

la

médiévale iran ienne, le Shahnamah (« Livre

et d'allégeance

des rois »), mis en vers par Firdawsi autour

de l'histoire contemporaine, le programme

un e batai lle d'Aqa Muhammad Khan, une

également trahir la présence, dès 1810, du

amateur de poésie et de belles images ;

iconographique déployé ici reflète la destination

cam pagn e de Fath 'Ali Shah et une scène

jeune apprenti

Ha san Afshar

Muhammad Hasan Afs har, qui est alors un

de la geste impériale donne lieu à une

diplomatique de l'ouvrage. Deux autres copies,

d'audi ence, apparaissent dans la copie de 1810

dans

d'il lustrer

peintre reconnu, y signa neuf peintures 7 .

vaste production de cop ies illustrées, qui

l'une offerte

et sem blent même s'en inspirer directement.

premières versions du Shahinshahnamah 6 .

de l'an 1000. Comme son modèle , ce récit

1241 APPARATS

,

scènes de bata ille inspirées

les

à l'envoyé britannique sir Gore

les

Muhammad

ateliers

chargés

les

CG.

125

I

/

,/,

Cat. 120

1818 à l'empe reur François 1°'

trône orfévré,

,,

'

"": 111 ,1)/,)J;., I/

d'Autrich e', con firment les usages politiques du

remise en

.

1810 et présentée

'

Cat 11 9

Cat. 118

,, /,

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t./vi:)r ,/u 1/ ,; ,

~: A - {i,~t1 ~ &.• .'/v{.::li,'ïi."

r

1

1. Voir Diba 2006a, vol. 5, p. 239. 2. Voir fol. 64. 3. Oxford, Bodleian Library, MS. Elliot 327 (Ethé 520). 4. Cité par Diba 2006a, p. 243. S. Voir le texte qui lui est consacré, p. 220-223. 6. Cette hypothèse est soulevée par Diba 2006a, p. 243-2 44. 7. Ce manuscrit, provenant de l'ancienne collection Khayami, figure aujourd'hui dans les collections du musée d'Art islamique de Doha, MIA 2014.83 .

121

1

12 2 1 Portrait d'Ahmad Shah

Portrait de M uzciffar al-Din Shah

t-.Iir Sayy id Husavn Arjangi, dit t-.[ir :\lusa\'\'ir

Signé par Samsam Ibn Zulfaqar t-.Iusav,~r al -t-.Iamalik

Iran, 1328 h. ( 19 10)

Iran, Téhéran , 1322 h. (1904)

Huil e sur toil e

Huile sur toile H. 123 cm ; 1. 90 cm

H. 80 cm ; 1. +5 cm Paris, coll ect ion particulière

T é héran, palais du Golestan, 8249

Le dernier représentant de la dynastie, Ahmad

Muzaffar al-Oin (1853-1907) fut le cinquième

Shah, accède au pouvoir en 1909 - il a à peine

souverain de la dynastie qajare 1 . Son règne est

onze ans. Le portrait présenté ici fut peut-être

marqué par ses voyages en Europe endettant fortement

le

royaume.

La

concession

réalisé à partir d'une photographie, datable du

de

début de son règne et sur laquelle il ap paraît

prospection et d'exploitation pétrolière exclusives

au côté d'un trôn e, presque aussi gran d que

en Iran accordée en 1901 à William Knox d'Arcy

lui 1 . Comme sur ce tableau, il arbore l' un iforme

(1849-1917) co"1ncide avec les premiers troubles qui aboutissent à la Révolution constitutionnelle

militaire iranien et la coiffe d'astrakan rehaussée de l'aigrette impéria le. Pour autant, s'il s'en

et à la fin de la monarchie absolue 2 .

inspire, le peintre reproduit moins son modèle

Le portrait représente le souvera in âgé

qu'il ne le recompose, voire, le corrige :

d'une cinquantaine d'années, de face, portant

l'effacement du trône, le recadrage à mi-corps,

la couronne kiani et vêtu d'un costume mil ita ire

confère au personnage une monumentalité qui

à l'européenne. Cependant, fidè le à l'imagerie

fait défaut à la photographie. Selon un procé dé

roya le, il arbore, sur le bust e et le baudrier,

mis en place en Iran par Ka mal al-Mulk, à la fin du

de grands diamants issus des j oyaux de la

x1x• siècle 2,

couro nne, en guise de décoration milita ire.

le fond neutre sur lequel se détache

le jeune shah contribue à renforcer sa présence.

Le portrait, d'une grande précision, a été très

Originaire de Tabriz, Husayn Arjangi (1881-

certainement peint d'après une photographie 3 .

1963) séjourna en Russie pour y compléter sa

Deux clichés le montrent, l'un dans la même

formation. Portraitiste renommé, il s'illustra

posture, en bust e, de troi s quarts, l'autre avec le

également dans la peinture à l'encre (siyah

mêmeco~umed~pparat.

qalam) et l'enlum inure 3 . Considéré com me l'un

De la biogra phi e du pe intre Samsam Khan

des grands peintres de la modernité, il n'en prit

Ibn Zu lfaqar, peu de choses sont co nnues. Il

pas moins le titre de Mir Musavvir, hommage et

est mentionné dans les chro niq ues de Mu'

affil iatio n au cé lèbre peintre tabrizi du xv1• siècle.

ayyi r al-Mamalik comme passio nné par son

C.G.

métier, maîtrisant le siyah qalam, le dessin au graphite, l'aquarelle et la peinture à l'hui le. Il aurait ense igné la peinture aux enfants de 1

l'aristocratie 4 . Le peintre a vécu sous les règnes de Nasir al-Oin Shah, de Muzaffar al-Oin Shah et de Muhammad 'Ali Shah. Il re çut de Muzaffar al-Oin Shah le titre de Musavvir al-Mamalik, « peintre des royaumes » et fut naqqash -bashi, maître de peinture attaché à la co ur. Le pe intre est aussi l'a uteu r de lithograph ies pour les premiers numéros du journal Sharafat5 . En dehors du portrait présenté ici, on connaît de

Musavvir al-Mamalik

un

autre

portrait de Muzaffar al-O in Shah ass is, entouré de deux hommes d'État, conservé au palais de

1

1. Muzaffar al-Din fut désigné comme héritier présomptif dès l'âge de cinq ans, en raison de la mort prématurée des deux premiers fils du roi son père. Le troisième fil s, Mas'ud Mirza, étant issu d'une mère n'appartenant pas au clan qajar, ne pouvait prétendre au trône . Ce dernier reçut le titre de Zi/1 al-Sultan, et fut gouverneur d'lspahan. 2. Keddie et Amanat 1991, p. 199-204. 3. Dont la localisation actuelle est inconnue. 4. Dust 'Ali Khan Mu' ayyir al-Mamalik, contemporain de Nasir al-Din Shah et de Muzaffar al-Din Shah, son ouvrage Rijal-i 'asr-i Nasiri, « Les hommes célèbres de la période nasiri [de Nasir al-Din Shah] », est une source

importante de données biographiques de la seconde moitié du XIX' siècle. Tabrizi 1985, vol. 1, p. 286 ; vol. 3, p. 1174. S. Base de données du palais-musée de Niavaran . 6. Les deux hommes d'État sont Abu'I Qasim Khan Qaraguzlu Nasir al-Mulk (1856-1927), Premier ministre en 1905 et, plus tard, régent pendant la minorité d'Ahmad Shah, et Mirza 'Ali Asghar Atabak Amin alSultan (1858-1907), Premier ministre sous Nasir alDin Shah et Muhammad 'Ali Shah, assassiné devant le Parlement le 31 août 1907. 7. Base de données du palais-musée de Niavaran.

1. Nous n'avons pu localiser ce tirage, reproduit à l'adresse suivante http://c8.alamy.com/comp/CFEWB1/ahmadsha h-qaja r-sha h-of-persia-i ra n-from-1909-to-19 25-a ndthe-last-CFEWB 1.jpg. 2. Voir le texte consacré au peintre dans le présent volume, p. 246-247. Voir également Diba 2013, p. 85-98. 3. Voir Karimzadeh Tabrizi 1990, vol. 3, p. 1342-1343. Je remercie Charlotte Maury et Gwenaëlle Fellinger pour leur lecture depu is le persan.

Sahibqaraniyya, da ns le comp lexe pa latial de Niavaran à Téhéran 6 . Le souverain y est figuré dans le même costume militaire aux décors de diamants, po rta nt, cette fois, une coi ffe d'astrakan ornée d'une aigrette jiqa 7 . F.K.

l 26

1

APPARATS

127

1

Nasir al-Din aime à croquer sur le vif ce qu'il

le texte qui l'accompagne ne l'affirme pas,

voit, comme l'attestent de nombreux dessins

serait celui de Malijak (1879- 1940), le fils

conservés dans les collections nationales

d'un membre de la cour pour lequel Nasir al-

Il aime à

Din eut un e affection immodérée, source de

« griffonner» durant ses parties de chasse,

nom breuses extravagances et de scandales 3 .

iraniennes ou en mains privées

Dessins et calligraphies de Nasir al-Din Shah

.

lors de ses voyages à l'étranger ou, tout

Nasir al-Din note que ce portrait fut exécuté

simplement, quand il se retrouve dans son

en cinq minutes, dans la pénombre, quatre

palais. Il dessine ses proches (cat. 123),

heures après la tombée de la

nuit, en

des membres de la cour, des personnalités

février 1895 ; Malijak avait alors seize ans.

qu'il croise, des animaux aperçus lors de ses

À première vue, ce visage assombri par les

pérégrinations dans la montagne (cat. 125),

coups de crayon et comme lacéré de rides

des anecdotes (cat. 124), des paysages.

évoque plus un vieillard qu'un adolescent.

Ces croquis, parfois rehaussé s d'un léger

Le derni er dessin est celui de tro is génies

lavis coloré, possèdent très souvent de s

(djinn) que le shah vit une nuit en rêve. Les

annotations, de la main même du souverain.

trois créatures s'attab lèrent près de lui pour

En

CHARLOTTE MAURY

1

quelques lignes,

ses

impressions

Nasir al-Din

immédiates,

couche

explicite

le

finalement repartir tout en communiquant entre eux par signes.

sujet du dessin, donne l'heure et la date de son exécution , voire la position exacte du

Nasir al-Din ne cessa, sa vie durant, de se

zodiaque, le temps qu'il fait, l'atmosphère

perfectionn er dans le dessin et la peinture,

régnant autour de lui, etc.

qu'il

appréciait

énormément

et

dont

12 5

1

il

Deux dessins : gazelle et mouflon

fit un portrait à l'âge de quatorze ans 5 . Une

règne vit fleurir l'œuvre de deux grands

anecdote rapporte que Mirza Taqi Khan Amir

calligraphes, qui furent aussi ses maîtres

Kabir, alors t uteur du jeune prince, lui aurait

Mirza

reproché ses penchants pour la peinture et

1892)7, qui modernisa l'écriture nasta'liq

Muhammad

Riza

Kalhor

(1829-

la poésie, regrettant qu'il ne tire pas plutôt

pour la rendre plus adaptable à la presse

profit de lectures instructives, digne d'un

li thographique et Ghulam Riza Isfa hani qui

ne cessa de favoriser le développement.

Nasir a l-Din Shah

Les troi s dessins réunis ici offrent un

Rappelons ici qu'il fut à l'origine de la

échantil lon de ses talents de dessinateur.

command e du célèbre manuscrit des Mille

Iran, près de Koju1; 17 sha'ban 1297 h. (25 juillet 1880) Encre et mine grap hite sur papier H. 3.J:, 1 cm ; 1. .J:.J:,8 cm Londres, The British Librar); Or. 4938, fo l. 20

intérêt toute sa vie, continuant à bénéficier

Beaucoup moins nombreux que les dessins,

des leçons de peintres officiels de la cour,

quelques

Bibl. : Titley 1977.

Sani' al-Mu lk et son neveu, Kamal al-Mulk

Nasir al-Din Shah nous sont parvenus

Le bouquetin et le mouflon ont sans doute

et Une Nuits et qu'il soutint Abu' I Hasan

été campés lors d'une partie de chasse. Le

Ghaffari Sani' al-Mulk quand celui-ci ouvrit,

chevreuil a été entraperçu par le shah à

à proximi té du Divankhanah du palais, un d'enseignement 4 .

Son

incl ination

futur souverain

6

Mais le shah poursuivit cet

.

lui donna une nouvel le plasticité (cat . 277) 8 . exemples

de

calligraphies 9

de

Kojur, dans le Mazandaran. On pense ici aux

studio

photographies de Nasir al-Din posant à côté

pour la peinture se révéla dès son enfance

notamment, dont l'une des tâches consista

muraqqa' de douze pages, écrit de sa main,

des mouflons ou des panthères qu'il avait

à Tabriz, tout comme son goût pour la

en la diffus ion d'une image lisse, officielle,

dans une écriture shikastah de copiste ou en

tués, au récit de ses exploits cynégétiques

poésie . li s'initia probablement aux règles

idéalisée du souverain, là où les dessins, tout

nasta'liq shikastah, contient des poèmes qu 'il a lui-même composés. Signe d'insatisfaction peut-être, l'un des poèmes est partiellement

.

Ce

relatés dans les journaux officiels ou encore

du dessin auprès de peintres européens

comme les photographies laissées par Nasir

aux récits autobiograp hi ques de ses chasses

ou d'offic iers instruits dans cet art, tel le

al-Din lui-même, nous donnent à voir bien

dans le Mazandaran 2 . Le portrait, bien que

colonel F. Colombar i, dont le je une prince

souven t le souverain dans son int imité réelle

raturé, comme s'i l s'agissait de notes prises

et quot id ienne, plus banale et prosaïque.

sur le vif et d'un repentir d'écrivain. Les vers, cernés d'un liseré blanc en forme de nuages, ses

sont mis en va leur par des fonds dorés, unis

prédécesseurs (cat. 114), pratiqua également

ou enluminés, tandis que les marges sont

la

de

laissées sans décor. Le premier poème fut

tout temp s l'u n des piliers de l'éducation

composé en 1271 h. (1854-1855) à Shamiran,

des princes lettrés du monde iranien. Son

dans le nord de Téhéran.

Nasir

123

1

Portrait de MaliJak (?)

al-Din

calligraphie,

Shah,

activité

comme

qui constitua

Nasir al-Din Shah Iran, Téhéran, 26 sha'ban 13 12 h. (22 {ëvrier 1895) Mine graph ite su r papier H. 19 cm ; 1. 10 cm Téhéran , palais du Golcstan, 8309

12 4

1

126

Le Cauchemar

1

Album de calligraphie

I\"asir al-Din Shah Iran, Téhéran , 1271 h. (1 85.J:-1855) Encre et or sur papier J-1. 21 cm ; 1. 15 cm Téhéran , palais du Golcstan , 1505

l\'asir al-Din Shah Iran, Téhéran, 28 jam·ier [sic) 1270 h. (28 jamicr 1854) Encre et pigments su r papier H.42cm;l.31cm Téhéran , palais du Golcstan, 8.J:08

Bibl. : Atabay 1353 h ., n° 25, p. 52-53.

] 28

1

APPARATS

1

1. Un grand nombre de dessins conservés dans divers centres d'archives d'Iran et au palais du Golestan sont réunis dans Qaziha 1394 h. Voir également Bayani 2003, p. 63-69. 2. Voir p. 230 du présent volume. 3. Sur Malijak, voir A. Amanat, « 'Azïz-a l-sol\an », Elr, vol. Ill, fasc. 3, 1998, p. 263-265. 4. Voir p. 224-227 du présent volume. 5. Amanat 2011, p. 412-413. Dans cet article, l'auteur évoque aussi un peintre ita lien du nom de Cosolani.

129

I

6. Cette référence est rapportée dans Karimzadeh Tabrizi, « Nasir al-din Shah», n' 1380, p. 1358-1362. 7. Voir M. Ekhtia r, « Kalhor, Mirza Mohammad-Reza », Etr, vol. XV, fasc. 4, p. 381-382. 8. Voir M. Ekhtiar, « Golam-Reza ~osnevis », Etr, vol. XI, fasc. 1, 2001, p. 61-62. 9. Pour quelques autres pièces de calligraphies indépendantes et plus globalement l'intérêt du shah pour la calligraphie, voir Sahragard 1386 h., p. 76-78. Également Safwat 1996, cat. 18-19, p. 36, 38-39; Vernoit 1997, cat. 64, p. 113.

Splendeur et modernisme

128 1 Insigne de 2 nde classe de l' Ordre du Lion et du Soleil

Les ordres et décorations de la dynastie qajare

(classe de la lune)

TOM D UTHEIL

L

a dynastie des Qajars est à l'origine d'un complexe système d'ordres et de décorations. Tout comme son voisin ottoman et de nombreus es autres nations au cours du x1x • siècle 1, l'État iranien s'est inspiré des ~rdres de chevalerie mis en place

Iran, I " q uart du X IX' siècle Or et a rgent, décor d'émail peint et champlevé H . 6,6 cm; 1. 4,4 cm Pa ris, musée de la Légion d'honneur et des Ordres de chevalerie, 24 7 (3), collection de M . l'ambassadeur Anton io Spada, déposé en 2008

pa r les pays européens depuis la fin du Moyen Age et attribués aux monarques

étrangers en signe d'alliance. L'une de ces principales so urces d' inspiration n'est autre que la Légion d'honneur, dont Napoléon, avec la création de la grande décoration en 1805 2, fit un

129

1

puissant outil diplomatique.

(division militaire)

Syncrétisme entre les systèmes honorifiques européens et la symbolique iranienne, ces distinctions traduisent à la fois la volonté des Qajars de mettre en place un réseau d'a lliances avec les puissances étrangères et celle d' instituer une puissante admini strati on hiérarchisée à l'intérieur de l'empire.

Les origines: l'ordre du Lion et du Soleil au cœur des rivalités franco-britanniques

Insigne de l'Ordre du Lion et du Soleil

Tran, milieu du X IX' siècle Or; arge nt, décor d'émail pein t sur or, cristal taillé H. 9,2 cm ; 1. 6 cm Pa ri s, musée de la Légion d'hon neur et des O rdres de che\·alerie, 247 (4), collection de 1\L l'ambassadeur Antonio Spada. déposé en 2008

Peu nombreuses et parfois peu fiables, les sources historiques se référant aux ordres iraniens sont, la plupart du temps, postérieures et laissent une large zone d'ombre sur les conditions d'apparition de

l' Ordre fut attribué au major-général sir John Malcolm ou encore au lieutenant-général sir William

l'ordre du Lion et du Soleil. Seules quelques lettres de la correspondance des membres de la mission

Ke ir Grant.

du général de Gardane 3 en Iran, les Almanachs impériaux (b ien que peu sûrs) et« The Army List» des archives du War Office britannique nous permettent de disposer d'informations contemporaines à la

D'a près la lettre du lieutenant d'arti llerie Fabvier à son frère , datée du 15 décembre 180?7 et

mise en place de cet Ordre.

si l'on en croit« The Army List », l'o rdre du Lion et du Soleil fut initialement divisé en trois classes, suivant l'i mportance des personnalités étrangères.

L'ordre du Lion et du Solei l (Nishan-i Shir va Khurshid) a, semble-t-il, été créé en 1808 par Fath

127

1

Plaque de l'Ordre du Lion et du Soleil

'Ali Shah (1771-1834), neveu et successeur du fondateur de la dynastie qaj are, dans le context e du

La même absence d'uniformité semble toucher les cond itions d'attribution et les ins ignes eux-

« Grand jeu» mené par les puissa nces française , russe et britannique . Depuis la fin de l'année 1804,

mêmes. Cette observation est confirmée aussi bien par Perrot en 1820, qui évoque un insigne variant

Napoléon est, en effet, entré en contact avec le shah afin de faire pression sur les Britanniques, dont

« par sa forme et par sa richesse suivant le goût de celui qui est décoré », que par Mulder en 1990,

les colonies indiennes étaient toutes proches. Avec la signature du traité de Tilsit, le 8 juillet 1807,

selon lequel « ils ne se [conforment] généralement à aucun modèle particulier 8 ». Le seul élément

il souhaite éga lement encourager un rapprochement irano-russe. Cela se concrétise par l'envo i

commun étant la présence, au centre, de la figure du So leil, associée presque systématiquement

d'une miss ion diplomatique en juillet 1807, commandée par le général Claude Mathieu de Garda ne (1766-1818), qui arrive à Téhéran le 4 décembre. Ce rapprochement franco-iranien est à l'origine de

depuis la fin du xv1• siècle et est reprise par la dynastie qajare . Elle puise dans la mythologie

la création de décorations, destinées aux membres de la dé légation , en gage de bienveillance . Si le

préislamique mazdéenne puis zoroastrienne, où le soleil est représenté ra yon nant, au fait de sa

terme« ordre» fut par la suite employé, ce n'est encore à cette période qu'une simple distinctio n

puissance, lorsqu'il traverse la constel lation du Lion 9 . Les ensembles dits « de première classe »

honorifique, remise presque au cas par cas, sans qu'elle ne dispose d'une réelle organisation ni

so nt très so uve nt composés d'un insigne, parfois en forme de médai llon - tel cel ui provenant de

de statuts. Comme le précise Aristide Michel Perrot 4, il s'agit alors de « donner une marque de

l'anc ienne collection de Robert Mac Namara 10

satisfaction aux ambassadeurs et aux personnes distinguées de leur suite. Les musulmans ne

généralement ornée de pierreries (cat. 127). Les insignes de Talleyrand , qui sont parmi les plus

peuvent pas y être admis ».

-

et d'une plaque en forme d'étoi le à huit rayons

anciens connus, montrent un modèle européanisé, avec une plaque en cannetille semblable à de nombreux ord res européens. Ces insignes ont, en outre, pu prendre la forme d'un collier, à

(modèle primitifj I ran, début du x 1x•· siècle Or et argent, décor d'émail peint, rubis et d iama nts D. 7,5 cm Paris, musée de la Légion d'honneur et des Ordres de chevalerie, 24 7 (5), collection de 1\1. l'am bassadeu r Antonio Spada, déposée en 2008

à la figure zod iacale du Lion. La symbo lique du Lion et du Soleil constitue l'emb lème de l' Iran

l'image de ce lui reçu par le lieu t enan t -général sir W illiam Keir Grant 11 . Au motif du Lion et du Sole il

Il a longtemps été supposé que cette distinction f ut d'abord inti tulée « ordre du So leil » avant d'être complétée, dans les années 1820, par la figure zodiacale du Lion

5

.

Mais, là encore, ce sont

sans doute des conclusions a posteriori : à ses débuts, l'Ordre était ava nt tout une marque de reconnaissance du shah, où figurait son emblème, sans qu ' il ait de dénomination précise. Parmi les premiers personnages décorés, citons le général de Gardane lui-même, qui demanda une autorisation de port par une lettre du 24 décembre 1807, le comte Maret, duc de Bassano, tout comme Talleyrand, dont les insignes sont aujourd' hu i conservé s au château de Valençay6 . Du côté des Britanniques, qui envoyèrent également une ambassade en 1808, nous savons que

130

1

APPARATS

130

1

Insigne de l' Ordre du Lion et du Soleil

Iran, vers 1840 Or, décor d'émail peint et champlevé, pierres précieuses D. 7,·~ cm Toronto, musée Aga Khan, AK.1\1627

s'ajoutent alors les symbo les militaires de l'arc, du carquois, en référence aux rois achémén ides représentés avec cette arme 12, et du shamshir, sabre figurant parmi les regalia des shahs qajars 13_ Sur certains insignes, tel celui conservé dans les collections de l'a mbassadeu r Antonio B. Spada (cat. 128), assim ilé à la deux ième classe de l'Ordre, seule la figure du Solei l appara ît , autour de laque lle rayonne une étoile à six branches formées d'ogive s blanches. Des médailles du Lion et du Soleil furent, enfin, remises par le shah aux simples soldats accompagnant les ambassades ou s'étant illustrés lors d'actions militaires.

131

I

13 3 Insigne de 1re classe J

131

de l'Ordre du Lion et du Soleil (division civile) décerné au maréchal François Certain de Canrobert (1809-1895)

Insigne de 1re classe de l ' Ordre du Lion et du Soleil décerné à Charles Maurice de Talleyrand-Périgord J

pour les mi li ta ires . Il n'en demeure pas moins une grande liberté dan s la fabricat ion des pièces, plus ou moins richement ornées de pierres préc ieuses ou semi-précieu ses (cat. 130 et 132) . Nasir al -Oin Shah (règne 1848-1896) modifie les statuts instaurés par son père dès les premiers mo is de so n access ion au pouvoi r. Tous les insignes en pierreries sont abo lis, remplacés pa r des modèles en argent facetté, car, comme le précise le firman : « les décorations ont pour but d'honorer la personne et non de donner un profit précieux à celui qui la porte 14 ». Une décision qui avait aussi pour dessein d'uniformiser les décorations, à l' image des insignes portés par les maréchaux Canrobert

Iran, 3' quart du XIX'' siècle Verme il, déco r d'é mai l et champ levé peint sur or H . 10,3 cm; 1. 5,8 cm Paris, musée de la Légion d' honneu r et des Ordre de che,·alcrie, 328, collection de J\ I. l'amba sadeur Antonio Spada, déposée en 2008

Iran, i " q uart du X IX' siècle Or et arge nl, déco r d'é ma il pein t, pierres précieuses ; soie H. 9 cm ; 1. 5,5 cm (médai lle a,·ec accroche) Valençay, château, D 1 1, anc ienne collection de Talleyra nd

(cat. 135) et Bosquet qui, à quelques détail s près, comme la couleur de l'émail ou la forme des motifs su r la bordure de l'insigne, sont identiques 15 . Mais la grande innovation de ce règne est la création de la première décoration qui s'éloigne de la symbolique du Lion et du solei l, la décoration du portrait impérial (Timsa/-i Humayuni) [cat. 139], inspirée par la pratique européenne de l'échange de portraits, envoyés en présents diplomatiques lors

134 Insigne de l' Ordre J

du Lion et du Soleil remis à Napoléon III par Nasir alDin Shah, le 24 janvier 185 7

132 Insigne de l'Ordre du J

lran , arnnt 185 7 Vermeil, or, déco r d'émai l pei nt et champlc\'é D. 9,4 cm ; 1. 5,8 cm J\ lusée na ti onal d u pa lais de Co mpi ègne, dépôt du musée de Versailles, FPN3843

Lion et du Soleil (division civile) Ira n, milieu du X I;-,/ siècle Verme il (?), décor d'émail peint, pierres précieuses et semi-précieuses H. 7,8 cm; 1. 5,4 cm Pa ri s, musée de la Légion d' honn eur et des Ord res de chevaleri e, 720, collection de M . l'ambassade ur Antoni o Spada, déposée en 2008

135 1 Insigne de 1re classe de l' Ordre du Lion et du Soleil (division civile) La structuration de l'ordre du Lion et du Soleil et l'extension du système honorifique L'avènement de Muhammad Shah (1808-1848) en 1834 ouvre une période de structuration de l'ordre

Iran, 2' moit ié du X I X'' siècle 0 1~a rgent, déco r d'émail peint et champlevé H. 10, 1 cm ; 1. 5,5 cm J\ Iusée nat ional du palais de Compiègne, dépôt du musée de Versailles, FP.\!3842

des ambassades. Cette décoration fut instau rée en tant que classe la plus haute de l'ordre du Lion et du Soleil. Elle se divise en troi s grades, qui se différencient par la couleur du ruban . À l' inverse des insignes du Lion et du Soleil, qui tendent à s' uniformiser, celui du portrait impérial est très variable et « ne doit jamais être sans pierreries 16 ». Au centre figure toujours le portrait du shah et la décoration est sommée de la couronne kiani. Symbole de modernité, le shah est parfois représenté par une photographie, telle qu'on le retrouve sur l'insigne donné au président Sadi Carnot en 1889 17 (cat. 136). La réforme de 1848 crée également de nouvelles cla sses dan s la division civile de l'ordre du Lion et du Soleil et les étra ngers disposent toujours d'une hiérarchie particulière. L' institution, en 1860, de trois classes spéciales du Lion et du Soleil - Nishan-i Agdas, Nishan-i Quds et Nishan-i Muqqadas alourdit encore cette structure (cat. 137). Nasir al-Oin Shah crée enfin , en 1873, entre deux voyages en Europe, l'ordre du Solei l (Nishan-i Aftab), rése rvé, selon les statuts, « [aux] têtes couronnées féminines et [aux] illustres dames 18 ».

L'astre solaire y est, une nouvelle fois, sollic ité pour la forme de l'insigne, dont les rayons sont ornés de diamants. Il prend toutefois les traits d'un visage féminin (cat. 138). Bien qu'accessibles aux Iraniens depuis 1834, ces distinctions conservèrent, tout au long du règne des Qajars, une forte connotation diplomatique. Premier souverain de la dynastie à voyager en Europe, Nasir al- Oin Shah put remettre lui-même ses ordres aux principaux chefs d' État européens. Le 24 janvier 1857, il remet ainsi à Napoléon Il l, au pa lais des Tu il eries, les insignes de l'ordre du Lion et du Soleil incrustés de diamants 19 (cat. 134 et 135). Après avoir reçu le trè s prestigieux ordre de la

du Lion et du Soleil, qui s'étend jusqu'à la fin du règne des Qajars en 1925. Par un firman de 1834, l'ordre du Lion et du Soleil est, pour la première fois, doté de statuts. Très complexes, ils dictent les grandes lignes de son fonctionnement jusqu'à son abolition en 1925. À l'image de ce rtains ordres européens, dont l'ordre du Bain, il est divisé en deu x branches, l'une militaire et l'autre civile. La branche mi litaire est composée de huit grades, correspondant aux différents grades de l'armée, de maréchal à sous-officier. Chaque grade était lui-même divisé en trois classes, à l'exception des septième et huitième grades . Plus complexe encore, la branche civile se compose également de huit grades, hiérarchisés suivant le rang ou la catégorie sociale des récipiendaires, depuis les descendants du Prophète jusqu'aux simples marchands. Chaque nomination fait l'objet d' un firman du shah. Les étrangers, qu' ils soient militaires ou civi ls, ne peuvent être nommés que dans la branche civile. Une hiérarchie particu liè re leur est réservée, divisée en quatre grades, puis cinq à partir de 1848. Les insignes de l'Ordre sont alors codifié s ; s'ensuit une large nomenclature , au sein de laquelle les grades furent différenciés par la morphologie des insignes, notamment leurs tai ll es,

le

nombre de branches de

l'étoile, le nombre

de ce rcles de diamants

autour du centre, mais aussi , pour les plus hauts grades, par la couleur du ruban . Les deux

branches ,

militaire

et

ci vile , sont

différenciées

par

la

représentation

du

Lion ,

figuré gisant pour les insigne s des civils et passant, le shamsh i r à la patte (cat. 129),

132

I APPARATS

133

I

Jarreti ère, il décerne à la re ine Victoria, en 1873, l'ordre du Sole il pour les Dames, très probablement créé en partie pour l'occasion, et la décoration du portrait impérial 20 . Elle fut la prem ière femme à recevoir cette distinction.

Le crépuscule des distinctions qajares et la réappropriation de leur symbolique par les Pahlavis La dernière modification de l'Ordre, en 1872, témoigne d'une certaine occidentalisation . Les insignes sont uniformisés et les deux branches de l'Ordre divisées en cinq classes. Au début du xx• siècle, malgré l'i nstab il ité grandissante à l'intérieur du pays, d'aut re s ordres, très mal documentés, furent, semb le-t-i l, créés . On peut citer l'o rdre de la Couronne (cat. 140), dont la première classe était réservée au shah et au prince héritier, ou enco re l'ordre de l'épée de 'Ali, tous deux repris par la dynastie des Pahlavis (1925- 1979).

136 1 Insigne de l'Ordre du Portrait impérial décerné au président Sadi Carnot en 1889

139 1 Insigne de l'Ordre du Portrait impérial (Timsal-i Humayunz) avec le portrait de Nasir al-Din Shah

Iran, avant 1889 01; décor d'émail peint et champb·é, pierres précieuses H. 14 cm ; 1. 5,6 cm Dijon , musée des Beaux-Ans, 1605

140

13 7 1 Broche de l' Ordre

1

Insigne de l'Ordre du Lion et du Soleil avec son collier

Paris, manufacture Arthus-Bertrand, 2"d,· moitié du x1x·· siècle

du Lion et du Soleil

Alliage de cuivre, décor d'émail peint sur or, pierres précieuses H. 46 cm ; 1. 22 cm (à plat) Genève, collection particulière

Émail pol yc hrome et diamants H. 14 cm ; 1. 13 cm Genève, collection particulière

1

des Qajars à imposer un réel pou voi r, tant à l' intérieur qu'à l'extérieur du pays. Abondamment distribué sans que ne soient établies de réelles conditions d'attribution, l'Ordre perdit progressivement son prestige, jusqu'à devenir le sujet d'une nouve lle satirique d'Anton Tchekhov, Le Lion et le So/ei/ 21 . Le système de réco mpen ses établi par les Qajars fut supprimé en 1925, à la chu te de la dynastie. Le principal ordre des Pahlavis, nouve ll e famille régnante, reprit la symboli que solaire, cette fois-ci associée au mont Damava nd. L'ordre du Lion et du So leil fut, quant à lui, recréé en 1939 sous le nom

Iran, 2"'k moitié du :,.;1x' siècle 01; argent, cristal taillé, couleurs sur irnire H. 16, 1 cm; 1. 7,2 cm Paris, musée de la Légion d'honneur et des Ord res de chevalerie, 246, collection de î\L l'ambassadeur Antonio Spada, déposée en 2008

138

Distinction réputée pour sa splendeur, dont nombre d'ins ignes son t des trésors de joaill erie, l'ordre du Li on et du Soleil est d'une extrême complexité. Ses multiples modifications symbo li sent l'incapacité

Plaque de 1 re classe de l' Ordre du Soleil (Nishan-i Aftab)

141

Iran, après 1873 01; argent, cristal taillé, décor d'émail peint sur or D. 8,2 cm Paris, musée de la Légion d'honn eur et des Ordres de chevalerie, 249 ( l ), collection de î\I. l'ambassadeur Antonio Spada, déposée en 2008

Médaille de l' Ordre du Portrait impérial, ornée du portrait de Muzaffar al-Din Shah

Iran ou Paris (?), vers 1896-1907 Alliage de cuivre, décor d'émai l pein t, pierres précieuses H . 16 cm; 1. 6 cm Genève, collection particul ière

134

1

APPARATS

d'ordre d' Humayun, puis disparut définitivement en 1979.

1. Dans une démarche similaire et contemporaine de celle de l'Iran qajar, l'Empire ottoman crée l'ordre du Croissant, sous l'égide du sultan Sélim Ill (1789-1808). Il était initialement réservé aux dignitaires et ambassadeurs étrangers. 2. Créée par Napoléon I" le 30 janvier 1805, la grande décoration, ancêtre de l'actuelle dignité de grand-croix, fut utilisée comme outil diplomatique par l'empereur qui la remit à plusieurs souverains européens. 3. Voir Gardane 1809 et Gardane 1865. 4. Perrot 1820, p. 306. S. Les almanachs français mentionnèrent le terme « Ordre du Soleil " jusqu'en 1841, puis « Ordre du Lion et du Soleil " à partir de 1842. « The Army List " britannique mentionnait déjà « Ordre du Lion et du Soleil " en 1820. Il n'existe cependant aucun texte officiel de cette époque qui donne une dénomination précise. Par ailleurs, à l'image de celles de Talleyrand, des insignes figurant le Lion et le Soleil furent distribués dès 1808. 6. Les Almanachs impériaux citent l'empereur Napoléon I" en tête des attributaires de l'Ordre. Un jeu d'insigne lui était ainsi attribué dans la collection du prince Napoléon; la plaque est conservée au château de Fontainebleau et le bijou encore en collection privée. L'Ordre ne figure pas dans l'inventaire de la garde-robe de 1811 et il est très invraisemblable que l'empereur ait reçu cet Ordre uniquement décerné aux diplomates, ambassadeurs et à leur suit e. Aucun chef d'État ne l'a en effet reçu au début du x1x• siècle. Par ailleurs, la morphologie des insignes incite à penser qu'ils furent fabriqués à la fin du XIX' siècle, lorsque le prince Victor Napoléon souhaita reconstituer les écrins de son ancêtre. 7. Debidour 1904. 8. Mulder 1990. 9. Voir également sur cette symbolique, p. 347. 10. Cet insigne fut vendu une prem ière fois chez Sotheby's, à Genève, les 17 et 19 novembre 1992, lot n° 315, il fut ensuite conservé dans une collection privée suisse, dispersée le 7 octobre 2014 chez Bonhams Londres, lot n° 121 (informations aimablement communiquées par Jean-Christophe Palthey). 1

135

I

11. Ce collier fut vendu, avec l'ensemble des insignes du lieutenant-général sir William Keir Grant, le 23 novembre 2017 chez Morton & Eden, lot n° 84. 12. À titre d'exemple, Darius I" est représenté sur son tombeau de Naqsh-i Rustam un arc à la main. 13. Voir p. 142-147. Les insignes militaires seront différenciés à partir de 1834 par l'ajout de cette arme portée par le Lion. 14. Ordres du Portrait Sublime et du Lion et du Soleil,

1848. 15. Les insignes du maréchal Canrobert sont aujourd'hui conservés dans la collection de l'ambassadeur Antonio B. Spada et exposés au musée de la Légion d'honneur ; ceux de Bosquet sont dans une collection privée française. 16. Id. note 14. 17. Musée des Beaux-Arts de Dijon, 1605. 18. Ordre impérial du Soleil pour les Dames, 1873. 19. Ces insignes, inventoriés aux Tuileries entre décembre 1807 et janvier 1871, ont disparu durant les événements de la Commune. Ils furent remplacés par des insignes correspondant au modèle de première classe remis aux étrangers. Château de Compiègne, FPN 3842 et 3843. 20. La reine Victoria a décrit cette cérémonie dans son journal, en date du 20 juin 1873 : « Lord Granville m'a tendu la Jarretière, un insigne et une plaque en diamants, et, aidé par Arthur et Léopold, je l'ai mis sur l'épaule du Shah. [ ... ] Après ça le Shah m'a remis ses deux ordres [ ... ] l'un étant sa miniature garnie de magnifiques diamants [... ] qui n'avait encore jamais été donné à une femme. [ ... ] L'autre est une nouvelle décoration instituée pour les dames avant que le Shah ne quitte la Perse », dans Victoria 1926. 21. Cette nouvelle fut publiée le 5 décembre 1887 dans la revue russe Les Éclats. La satire n'y est cependant pas dirigée contre l'Ordre iranien, mais contre la manie de quelques fonctionnaires d'alors de collectionner les médailles sans en avoir le mérite.

Astro logie

et

astronomie

sont

14 3 1 Astrolabe

t radition-

ne ll ement li ées dans le monde islamique, depuis

la

période

médiévale.

Sous

Signé 'Ali Ibn Sadiq al-Qummi Tran , fin du x,· 111 '· siècle Alliage de cui,Te, décor gravé D. 9,2 cm Londres, collection particulière

les

premiers Qajars, l'astronomie traditionnelle

Astrologie et • astronomie : des étoiles et du pouvoir 1

est encore en usage à la cour. Faisant perdurer des

traditions

safavides,

Fath

'Al i

Shah

accorde une importance toute particulière à l'astrologie, qui permet de déterminer les heures les plus propices des audiences ou

144 Astrolabe 1

des moments importants du cérémonia l et dont les représentations répondent à celle

Signé Hajji 'Ali Iran, fin du X\'l l l" siècle Alliage de cu i\Te, décor gravé D. 8,8 cm Londres, collec ti on particulière

du calendrier turciq ue duodécennal en usage à la cour qajare 2 . Cet inté rêt s'explique par les théories traditionne ll es du pouvo ir, qu i lient pouvoir cosmique et pouvoir temporel et accordent à Dieu toute-puissance sur les

GWENAËLLE fELLINGER

éléments du cosmos et sur les conjonctures heureuses . lors,

Les

puissants

comme un véritable

pouvoir

3

.

l'utilisent,

dès

instrument de

À l'instar des Safavides, Fath 'Ali

Fig I :\srrolabe destiné à Fath 'Ali Shah igné :\Iuham mad Muqim al -Shah, 1228 h. ( 1813) .-\!liage de cuivre gravé, Doha, musée d'Art islamique, :\I\ \1. 397 .2007

Shah instaure un office d'astrologue royal (munajjim

bashi),

chargé

d'annoncer

les

heures fastes dest in ées aux audiences ou aux cérémonies

4

.

Les titres dont se parent les

du temps, les astrologues eux-mêmes. L'un, signé

de

Muhamma d

Muq im

al-Shah

en

shahs témoignent également de cet aspect :

1813, porte le sceau de Fath 'Ali Shah, à qui

les souverains sont ainsi qualifiés de« pivot

il appartint 6 (fig . 1) . Les Qajars héritent, là

de l'univers 5

encore, des traditions antérieures. En atteste le

)).

manusc rit ici présenté (cat. 142), qui reprend,

142

1

Les prédictions astrologiques ne peuvent

en une copie datée de 1673, le traité d'un

s'effectuer qu'à l'a ide d'instruments scientifiques,

célèbre astrolabiste de la période safavide,

dont la réalisation exige tant des connaissances

Sheikh

mathématiques pointues que des compétences

comporte les mentions de ses propriétaires

techniques. Les facteurs sont donc, la plupart

success ifs,

Baha'i fut

{1547-1621). restauré

et

L'ouvrage, protégé,

qui

14 5 1 Astrolabe Signé Muhammad Ibn i\Iuhammad al-Sadiq Bishari Haqq Iran , 1233 h. (1817) Alliage de cuivre, déco r doré et gra,·é D. 8,4 cm Londres, collection particulière

146

1

Astrolabe

Iran D. 40 cm Téhéran, musée national d'Iran

peut-

Traité d)astrolabiste (Tefah-yi Khatamz)

Texte de Baba' al-Din Muhammad 'Amili (Sheikh Baha'i), copie de Mir Riza Ibn Mir Qani'i al-Husayni Manuscrit: Iran, 1082 h. (1673) ; reliure : Iran, 1 ramadhan 1287 h. (25 novembre 1870) Encre, couleurs et or sur pap ier ; reliure en papier mâché, décor peint et verni (laque) H. 24 cm ; l. 16,5 cm Londres, collection particulière

136

1

APPARATS

137

1

148

1

Indicateur de Qjbla

L'exi ste nce de cet instrume nt, peut-êt re considéré comme un objet d'art exotique

Signé t\ Iu hammacl Husayn al-Shahir lra n, 1289 h. (18ï2) Bois, décor peint et ,·ern i (laque) D. 7 cm Londres, coll ection particu lière

autant que co mme un instrument scientifique utile, pou r rait indirectement témoigner de s évo lution s que connaît, en la matière, l' Iran des Qajars. Si la nou vell e ast ronom ie, ce lle de Tycho Brahe, de Kepler et de Copernic, pénètre en Iran dès la période safa vide, elle s'y heurte à des réaction s hostiles et ne

149

1

Indicateur de Qjbla

Signé Aqa j ani K asha ni Ira n, 1295 h. (1878- 1879) All iage de cui\Te, déco r gravé D. 6,3 cm ; H. 1,6 cm Londres, collection particulière

semble guère en usage fort en avant dan s le x1x • sièc lell_ Dès 1818 pourtant, un traité françai s d'astronomie est trad uit en persan . Mai s ce n'est véritabl ement que durant la seconde moit ié du sièc le, par le biais, en particu lier, des enseignements prod igué s au Dar al-Funun , que les théor ies de la scien ce

modern e parviennent à s' imposer auprè s

150

1

Indicateur de Qjbla

des sa vants qajars, dan s un conte xte mondial baigné par le pos itivisme d'August e Comte 12 .

Signé Aqajani Kashani Ira n, 130 1 h. ( 1883-1 884) Alliage de cuivre, déco r gravé permet de juger de sa rap idité d'exécution 8 .

14 7 Ensemble de 1

Deux d'entre eux sont

trois instruments (un indicateur de Qibla et deux quadrants) Signés Muha mma d Ta hir Ibn 'Ali Ira n, Tabriz, 123ï h. (182 1-1 822) Bois, déco r peint et vern i (laque) D. 16,8 cm ; ép. 2, 7 cm Londres, collec tion particuli ère

ici présentés . Sur

(cat. 147) . Tou s trois sont signés du même et datés de la mê me année, 1237 h. (1821 -1 822).

l'un (cat. 143), sa signature comprend - et il

Deux sont

s'agit du seu l exemple ainsi signé - son nom

vari ante simp li f iée de s ast ro labes permettant

complet, 'Ali Ibn Sadiq al-Qummi, indiquant

de détermin er les heures, en fonction d' un

des quadrants astronomiques,

une fabricatio n antérieure à son pèlerinage.

li eu préc is. Le tro isième est un indicate ur

En effet, par la suite, il adopt e le nom de Hajji

de Qibla, qui aide à déterm iner la direction

'Ali , qui apparaît sur tou s les autres instruments

de la prière . Réali sé en boi s peint et verni ,

issus de ses travaux . Ses objet s montrent tou s

sa forme es t semblable à nombre de ceu x

les mêmes caractéri stiques : outre leur taille

produits so us les Qajars, tout comme dan s

restreinte, leu r précis ion scientifique égale leur

l' Empire ot t oman , depuis la seconde moitié

qualité esthétique (cat. 144) .

du aux

La finesse de la gravure et de la fonte en

xv1•

siècle.

Simi laires,

cadran t s- bou ss oles

généra lement,

européens,

dont

ils reprenn ent parfois cert ains éléments, la

fait de véritables œuvres d'art. Sur un troisième

majorité de ces in struments sont faits d'alliage

instrument, signé

de cuivre gravé9 (cat. 148 à 150) . L'association

d' un

astrolabiste

moins

être en 1870 par un certain Ahmad , sous

connu et daté de 1817 (cat. 145), le trône

en

une inhabituelle reliure laquée, ornée d'une

est très profondément gravé et la qualité des

comme la boussole et le cadran solaire, par

représentation d'astrolabe. Les plats extérieurs

palmettes qui pointent les étoi les sur l'araignée

exemple, évoque éga lement le s compendia

figurent, l' un, le revers de la mère, l'autre,

t émoigne d'une grande prox imi t é avec les

astronomi ques. Un des rares exemples de ce

décors des arts du livre.

typ e d'obj et, fabriqué en émail dans le monde

l'ara ignée

de l'instrument, tandis que les

un

seul

objet, de deu x instruments,

iranien, est ici présenté (cat. 151) . Le modèle

contreplats sont illustrés de deux tympans. Pour les observateurs des astres, l' instrument

Les astrolabes de la fin de la période

vi ent, là enco re, de l'Europe et notamment,

indispensable est l'astrolabe. Sous les Safavides,

safa vide se sont transmis et ont longtemps servi

des pays germaniques : ces « nécessaires

que lques

de modè les pou r les producti ons ultérieures

astronomi que s

(cat. 146) .

in strum ents destinés à effectuer des calculs,

facteurs

éta ient

particulièrement

réputés. Parmi eux, 'Abd al -Aimma, actif au

accomp agn és

début du xv 111 • sièc le, est considéré comme 7

» des

regroupe nt tables

de

plusieurs conversion

Des

D'autres centres de produ ction restent

néc essai re s à leur emp lo i. En usage dès la

débuts de la période qajare nous sont parvenus

encore à identifier. Ainsi, trois objets sont

périod e médiévale, ils se répa ndent surtout

le plus grand astrolabiste de son temps

.

D. 5,5 cm ; H. 1,5 cm Londres, collection particulière

plus ieurs noms qu i s'insc ri vent dans son sillage .

la preuve de l'existence, à Tabriz, d'un au tre

dans les cours autr ich ien nes ou bavaro ise s à

Le plus connu est Hajji 'Ali, qui produit au

centre de production , autour de Muhammad

partir de la fin du xv1• sièc le, incluant cadran

moin s vingt-six astrolabes numérotés, fait sans

Tahir, qui se qual ifie d'astrologue de Tabriz

solaire, astrolabe plan isp hérique, boussole,

précédent dans l' histoire des astrolabistes qui

(munajjim-i Tabrizi) sur l' un de se s quadrants

tables de calcu l, ca lendr ier pe rpétue l 10 . ..

138

1

APPARATS

139

I

1. Je reme rcie tou t pa rticulièrement Davi d Sulzberger pour m'avoir in itiée au fonctionnement des astrolabes, ainsi que pour m'avoir fourni une grande partie des informations figurant dans ce texte, des lectures d'inscriptions, biographies des facteurs et autres caractéristiques techniques . 2. Voir A. Panaino, R. Abdollahi et D. Balland, « Calendars », Elr, vol. IV, fasc. 6-7, p. 658-677. 3. P. Lory, « Divination and Religion in lslamic Medieval Culture », dans Leoni 2016, p. 16. 4. A. Amanat, « Court and courtiers. vii. ln the Qajar period », Elr, vol. VI, fasc. 4, 1993, p. 375-381. S. Ce titre a été repris comme titre de la biographie que consacre Amanat au souverain Nasir al-Din Shah, Amana t 1997 (2' éd . révisée 1998). 6. Doha, musée d'Art islamique, MW.39 7. 2007. 7. Sur 'Abd al-Aimma, voir, en particulier, Mayer 1956, p. 23-26. 8. Mayer 1956, p. 14. 9. Sur l'h istoire des indicateurs de Qibla, voir King 1999, en particulier p. 122-123 sur l'évolu ti on des indicateurs de Qibla en Iran à parti r du xv111' siècle. Sur les diptyques, voir Frémontier-Murphy 2002, p. 116-117. Un cadran tboussole du Louvre de la collection N. Lan dau présente une proximité troublan te avec celui ici présenté. 10. Voir Frémontier-Murphy 2002, p. 148 . 11. Arjomand 1997, p. 8. 12 . Voir Yoichi 2013, p. 29. 1

151

1

152

Compendium astronomique

1

Service à café à décor astrologique

Signé Baqir Iran , début du x1x •· siècl e

Iran , l '' m oitié du XlX' siècle O r, décor d 'ém ail pein t et cham p levé

01~ décor d 'ém a il peint et cha m plevé Tasse : H . (avec couve rcl e) 11 ,5 cm ; D. 8,2 cm

D . 9 cm Toronto, m usée Aga Kh a n, AK M625

Souco upe : D. l 2,7 cm C uillè re: L. 13,2 cm

Bibl. : Froo m 2007, p. 112, n° 7ï; Akba rnia, J unod et M ercha n t 2008, p. 164, n" 60; M a drid 2009, p . 226, 11° 166; D a iber et junod 20 10, p. 237, n° 183 .

Oxford, Ashmo lea n l\Iuseum of An a nd Archaeolog'); uni versité d'Oxfo rd , EA2009.2-4, offerts en dation au go m-crn em ent b rita n niqu e par les héritiers de Basil , \1. R ob inso n, puis a ffectés à l'Ashmolean Museu m en 2009

Bibl. : Rob inso n 1969 , p. 196; Rob inson 19 72, p. 25-30; 1979a, p. 343 ; l 989a, p. 229; Robi nso n 199 1, fi g. 6 ; D iba et E kht iar l 998, Ce compendium reflète le goût des Iraniens

riche décor floral d'émail polychrome. Chaque

escorté par un jeune serviteur. Sa tenue et la

pour les objets de luxe personnels et leur

moitié abrite deux compartiments, un petit

composi tion gé nérale de la peinture rappellent

intérêt pour les connaissances scientifiques

et un grand. Une boussole occupe le petit ; le

les scènes de ch asse des cours indie nnes. Au -

au x1x• siècle, en même temps qu'il témoigne

grand contient un cadran équinoxial un iverse l,

dessus du portrait, un petit compartiment creux

des liens commerciaux avec l'Europe. L'art de

orné du visage d'un homme couronné, derrière

a pu servir de tabatière.

l'émail, influencé en Iran par les styles russe

lequel

et européen, génère une production de haute

représentation

qualité tout au long de cette période 1.

historiques de l'Iran préislamique.

irradient des évoque

rayons celle

sola ires. de

Cette

p. 2 1 1-2 12, n° cat. 62; Cereda 2009, p. 19-20 ; Cereda 20 11 , p. l 36- 137; Leo ni 2014, p. l 75; Leo ni 20 16, p. 8 1, n" ca t. 72 .

B P.

souverains

Pendue à une chaîne ou glissée dans une

Sur l'autre moitié, le grand compartiment

poche, cette petite boîte ronde présente un

affiche le portrait d'un cavalier, faucon au po ing,

1. L. Diba, « Enamel », Elr, vol. VIII, fasc. 4, 1998, p. 424 . Voir éga lement p. 270-273 du présent volume.

« Ce personnage à l'apparence de l'or, qui

1

APPARATS

récits historiques contempora ins du souverain. qualification

est

employée

dans

les

ravit l'âme et le désir du cœur, paraît parmi

qajare. Au sommet de la soucoupe prend place

Cette

l'assemblée du Souverain de la Terre tel le la Lune

une représentation inhabituelle de la pseudo-

titulatures royales postérieures à Timur (mort

dans le Ciel 1 . » Ainsi se déclament les premie rs

planète Jawzah r, figurée comme un dragon

en 1405), appe lant une conjonction astra le

vers du poème qui orne cette tasse à café.

aux prises avec une créature à deux corps et

propice sur le règne de chaque souvera in2 . Les

Cette inscription permet d'identifier le nobl e

trois têtes. Jawzahr, qui régit les écli pses de la

références cosmiques participent de l'expression

destinataire du service, qui n'est autre que Fath

Lune et du Soleil - mais aussi leur réapparition

de la légitimité politique de Fath 'Ali Shah, tout en

'Ali Shah lui-même céléb ré ici comme l'origine de

et, par conséquent, la lumière dé livrée par ces

montrant le poids intellectuel constant de cette

toute création et la source de l'ordre cosmique.

deux astres -, tient peut-être lieu de référence

discipline contestée, encore en usage dans les

à la nature cyclique du temps et au renouveau qu'offre à l' Iran le successeur d'Aqa Muhammad.

sociétés islamiques, même à la période moderne.

à ce thème astrologique. Tasse, couvercle et soucoupe sont ornés de méda illons lobés

La pertinence du lien qui unit Fath 'Ali Shah

où se pressent les personnifications des sept

à l'astrologie est renforcée, pa r ailleurs, par

Conforme au texte, le décor émaillé répond

140

et turco-mongole, encore en usage à l'époque

planètes, des si x con stellations et des signes

l'emploi, parmi ses titres, de la formule « maître

du zodiaque, issues des traditions hellénistique

des conjonctions » (sahib-i qairon), citée par les

14 1 1

F.L

1

1. Robinson 1972, p. 26. Azfa r Moin 2012 , chap. 2.

2.

Armes et armures

sont arborées dans les tazya commémorant le martyre de l'imam Husayn, au même titre que les étendards ('alams), les fléaux d'armes, les fusils et autres accessoires militaires le sont lors des processions du mois de muharram. Ces deux rituels et leurs défilés cérémoniels, événements

Typologies, usages et symboles

majeurs du calendrier religieux iranien, jouent donc un rôle essentiel dans le maintien de la production traditionnelle des équipements en acier. Néanmoins, ils ne suffirent pas à maintenir en activité les artisans du

x1x• siècle,

malgré l'intérêt des Européens pour ces armes de parade,

qu'ils achètent dans les bazars 6 , rapportent comme souvenirs ou intègrent dans ces collections privées récemment constituées en Europe et aux États-Un is 7 . FILIZ ÇAKlR PHILLIP

P

armi tous les alliages de fer dont disposaient les artisans iraniens, l'acier leur fut le plus précieux. S'étant progressivement substitué au bronze à l'orée du

xv• siècle,

il fut de plus

Dès lors, les artisans ém igrent en Inde ou en Turquie, espérant tirer un mei ll eur profit de leur

en plus utilisé pour la fabrication d'armes, qui fournissent aujourd'hui les plus beaux

savoir-faire exceptionnel. Edward Rehatsek décrit ainsi un ensemble d'armes et d'armures forgées par

exemples de l'art de la guerre.

un artisan iranien de Kirmanshah, à la fin du

x1x• siècle et transportées à Bombay pour y être vendues 8,

prouvant ainsi l'existence d'une très forte demande pour ce type de produit.

Les collections des principaux musées du monde conservent des armes et des armures iraniennes, mais quelques-unes seu lement reflètent leur évolution chronologique, compo rtant une lacune des

Le décor

plus énigmatiques quart à la dynastie safavide (1501-1736). À cet égard, la dynastie qajare (17791925) joue un rôle crucial, en ce qu'elle nous aide à comprendre la manière dont les dynasties qui la précédèrent avaient déjà cherché à remettre au goût du jour l'art du métal de la période préislamique,

Les armes et armures qajares sont, pour la plupart, ciselées ou rehaussées d'or appliqué sur un

sassanide pour l'essentiel (entre 224 av. J.-C. et 651), notamment par la fabrication d'armes destinées

fond guilloché. Les inscriptions cal ligraphiques en arabe sont extraites du Coran, tandis que les

à glorifier un passé prestigieux, qui met en scène nombre de cavaliers usant d'arcs et de flèches,

inscriptions en langue persane ont trait à 'Ali, cousin et gendre du prophète Muhammad, à sa

d'épées, de masses, de lances et de piques.

famille, ainsi qu'aux anciens souverains d'Iran ou à la poésie. Parmi les motifs les plus populaires de la période figurent les scènes de chasse sculptées ou ciselées représentant Rustam, héros par excellence du Shahnamah. Les scènes de combat entre le phénix et le simurgh, un motif récurrent

L'homme d'État et écrivain britannique George N. Curzon (1859-1925), grand connaisseur de

x1v•

siècle, s'insp irent aussi du Shahnamah 9 . D'une

l' Iran, rapporte d'ai lleurs dans son ouvrage paru en 1892, qu' « Ispahan éta it naguère renommée pour

du répertoire artistique iranien depuis le

ses armures, lesquelles sont désormais, pour un certain nombre, conçues pour imiter l'ancien style .

manière générale, la dynastie sassanide, dernière à être évoquée dans l'épopée, est à l'honneur

Une grande partie de l'industrie locale semble, de fait, se consacrer à la reproduction d'articles ou de

dans ces décors .

styles autrefois mondia lement connus 1 ». Des inscriptions, contenues dans des cartouches ou déployées sur les bordures, et les décors figuratifs appara issent fréquemment su r les armes et les armures qajareslO_ Avec leurs décors

Le contexte militaire

inspirés du Shahnamah, les casques qajars sont comparés au soleil, au diadème du roi sassanide Bahram Gur, ou encore à la couronne de Kay Khusraw, l'un des rois légendaires d'lran 11 . Les

Pour forger le meilleur équipement, les fabricants d'épées et d'armures ont besoin d'acier indien,

armuriers qajars exploitent ces analogies qui permettent aux propriétaires de s'identifier aux héros

importé en Iran sous forme de lingots ou de petites galettes ovoïdes au sommet aplati. L'Inde est alors

et à leurs hauts faits 12 .

réputée pour ce minerai utilisé dans la prod uction d'armes et d'armures. Une autre source de matière Le symbole du « lion et du soleil » (shir va khurshid) est attesté bien avant qu'il ne devienne

première est Merv, en Asie centra le. Les lingots ovoïdes qui en proviennent sont pareils à ceux que l'on utilisait au Moyen Âge, témoignant d'une tradition bien ancrée 2 .

154 Épée (kinja~ 1

De fait, la qualité des armes et des armures fabriquées en Iran pâtit considérab lem ent

Sous la dynast ie qajare, les différentes déclinaisons du casque, ou ku/ah khud, se caractérisent

de l'étranger, notamment de France ou de Grande-Bretagne et, par la suite, produits en Bohême

Bibl.: Pfa ffli 1977, cal. 397.

par leur riche décor, incluant des cornes, des motifs de tête d'oiseau ou de paon 19 , comme

meilleur part i3 . De plus, la prol ifératio n des armes à feu su r les champs de bataille eut pou r conséquence de

et en Moravie (actuelle République tchèque), entre autres à Brno, à destination de l'lran

Épée (kinja~

Iran du Nord-Ouest, fin du X\1 11' siècle ou début du XIX' siècle Acie1; déco r damasquin é d 'or ; ivoire L. 67 cm ; 1. 5,7 cm ; ép. 4,4 cm Pa ri s, musée du Louvre, département des Arts de l' Islam, R 863, legs de Mme la baronne Salomon de Roth sc hild, 1922

leur puissance milita ire 16 . Après Zu/fiqar 17 , le sabre de 'Ali, le shir va khurshid est le plus puissant des

rendre l'armure et , a fortiori, la cotte de mai ll es, tout à fait obsolètes 4 . Les fusils étaient importés

production de wootz, un acier indien issu des Ghats occidentaux, dont les Iraniens tiraient le

1

x1x• siècleB_ Les dirigeants safavides l'apposaient déjà sur les documents

officie ls, les monnaies 14, les drapeaux 15 et les portraits pour mieux proclamer leur souveraineté et

Iran du Nord-Ouest, fin du xv 11 i< siècle ou début du x 1x •· siècle Acie1; décor damasquiné d'or ; ivoire L. 48,4 cm; 1. 4,6 cm ; ép. 3,2 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Isla m, R 898, legs de Mme la baronne Salomon de Rothschild, 1922

des conséquences de l'arrêt, dans les années 1860 et sur intervention britannique, de la

153

l'emblème national de l'Iran au

5

.

La

symboles iraniens 18 (cat. 153) .

Le casque, couronne du héros

l'illustre le casque présenté dans cette exposition datant de la fin du

xv111• siècle (cat. 166) .

production locale iranienne est supe rvisée par les Européens, et n'eut guère de post érité. L'une

Il existe aussi des casques qajars rehaussés d'ailes d'oiseau, à la manière des couronnes

des œuvres de cette exposition, un pisto let iranien au décor d'ivoire sculpté, en est un exemple

sassanides, preuve que le s souverains qajars s'inspiraient vo lontiers des modèles préislamiques

(cat. 167) .

pour façonner leur image 20 .

Armes et armures dans la pratique religieuse : les représentations théâtrales du tazya et les processions de muharram

L'armure aux quatre miroirs

Les armes et les armures traditionnelles - l'épée, mais surtout le sabre à courbure prononcée

traditionnellement de quatre plaques rectangulaires 21 , jointes par des sangles et portées par-

(shamshir), le casque (ku/ah khud), le bouclier (sipar) et les brassard s (bazuband) (cat. 156) -

dessus une cotte de mailles. Certaines ont subsisté, qui remontent au

142

143

Le torse du guerrier est protégé par une armure dite chahar ayna, laquelle se compose

1

APPARATS

I

xv1•

siècle. L'un des

spécimens les plus anciens de chahar ayna date de 1600 environ ; on l'attribue au règne de Sha h

rappelle sa fonction cérémonielle, celle d' une arme utilisée pour le couronnement du tout dernier

'Abbas 1er (1587-1629) 22 , tandis que d'autres sont datables du xv111 • siècle. Un exemple conservé

souverain de la dynastie qajare en 1909.

au Victoria and Albert Museum, à Londres porte la date de 1140 h. (1727-1728) 23 . De la même période datent les chahar ayna du célèbre armurier Lutf 'Ali Ghulam (troisième décennie du

La popularité du shamshir se diffuse au-delà des frontière s iraniennes et perdure jusqu'au

xv111 • siècle} 24, que l'on considère comme ayant été produites par un atelier de cour, sous le règne

xx• siècle 36 . Ses qualités en font l'arme la plus coûteuse de sa catégorie 37 ; c'est au ssi l'un des objets

de Nadir Shah (entre 1736 et 1747). Il est intéressant de noter que ce type d'armure connaît

exotiques les plus recherchés sur les marchés de Damas 38 .

son apogée dans les arts visuels au cours de la période qajare durant laquelle il figure sur de nombreux objets laqués et sur d'aussi nombreuses huiles sur toiles 25 .

Dagues et poignards La chahar ayna safavide évolue encore sous les Qajars. L'armure , désormais assemblée au moyen de charnières , se compose de cinq éléments , le plastron étant divisé en deux. Elle est

La culture iranienne a produit toutes sortes de dagues et poignards, comme le khanjar, le kard et le

fixée par un système de sangles passant sur les épaules. La présence d'un grand nombre de

pishqabz. Forgés avec brio, décorés d' incrustations et rehaussés de pierres précieuses, ils ont trois

modèles de ce type dans les différentes collections internationales montre à quel point celui-ci

fonctions : ils sont parures, pièces d'équipement militaire ou simples outils .

était prisé au x1x • siècle 26 . La Wa llace Collection de Londres conserve une chahar ayna datée de

1224 h. (1809}, sur laquelle se li t une inscription au nom de Fath 'Ali Shah Qajar (règne 17971834) 27 . De son côté, le musée du Louvre en possède un exemplaire tout aussi impressionnant

lame à double tran chant forme une ligne droite jusqu 'en son milieu, avant de s'incurver fortement

(cat. 163) . Ce type d'armure fut également très populaire en Inde, en particulier dans les

jusqu'à la pointe. Sa poignée est généralement en ivoire, le plu s sou vent de morse, sculpté en haut

Le khanjar ressemble au shamshir en ce qu'il est pourvu d'une garde et d'une forme courbe. Sa

régions abritant des populations de confession musulmane.

relief ; le décor s' inspire fréquemment des dynasties antiques, et nota mment de l' image des rois

155 Sabre et épée : la légitimité royale Le sabre iranien, ou shamshir, à la courbe caractéristique, aurait été conçu durant le règne de Shah 'Abbas 1er

28

,

considéré, par ailleurs, comme un pionnier en matière militaire. Jusqu'au

xv111 • siècle au moins, le type n'est que très peu modifié et devient un emblème de la légitimité royale 29 . Au début du x1x • siècle, sa forme évolue , peut-être sous l'impulsion des souverains qajars 30 , car les sabres portent sou vent leur nom, et pa rticulièrement celui de Fath 'Ali Shah 31 . Le q,i,ç est un type d'épée dont l'origine, comme celle du sabre iranien , se trouve en Asie

1

Sabre (shamshir) et son fourreau

sassanides et de leurs hautes couronne s, comme l'atteste l'exemple conservé au mu sée de l'Armée (cat. 160) . Certains khanjars présentent toutefoi s un décor européanisant, en harmonie avec le goût de la dynastie qajare.

Ira n, fin d u X\ï II' siècle o u X IX'' siècle Sabre : ac ier, déco r cha mplevé et dam asqui né d 'o r : i\·oire ou os Fo urreau : bois, cui1; décor es ta mpé, acie1; déco r damasq uin é d 'o r L. 10 1 cm; 1. max. 13 cm Paris, mu éc du Lou\Te, dépa rtem ent des Arts de l'lslam, dépô t, musée des Arts D écoratin, Pa1is, AD 1+9++ a, do n !\ r. Bclly, 1908

Le kard, poignard à lame droite et à un seul tranchant muni d'une poignée en ivoire de morse, sans doute une innovation du début du x1x• siècle, reflète toute l'élégance de ces lames d'acier (fig . 1). L'exemplaire conservé à l'Ashmolean Museum d'Oxford, est, quant à lui, composé d'une

lame d'acier damassé de très haute qualité, incrustée d'or, que surmonte une poignée en agate (cat. 161). L'agate, pierre semi -précieuse, est rarement employée sur ce type d'arme et il est probable que ce poignard soit issu d'un centre important de production , peut-être celu i d'lspahan 39 . L'inscription incrustée d'or sur la lame mentionne le nom du forgeron , Muhammad Hadi 40 , ainsi que la date de 1230 h. (1814-1815 ).

centrale . Attesté à la fin de l'époque médiévale, très répandu dans le Proche-Orient, il apparaît sans doute en Iran à l'époque des Seldjoukides, cavaliers hors pair du x1 • siècle, qui portaient ces épées à cheval comme à pied. Sa forme caractéristique s'évase en marquant une courbe au niveau de la pointe ou yalman. Le q1/1ç, muni d'un quillon t rè s particulier en forme de tête de dragon, est communément utilisé depuis l'époque timouride (1370-1507). À partir du xv111 • siècle, la tête de dragon se fait plus abstraite et épouse la forme d' une tulipe 32 (cat. 57) . Dans cette exposition , un sabre à poignée d'ivoire présente d'élégants quillons allongés caractéristiques de la fin du xv111 • siècle (cat. 155) . À cette époque, le décor d'or qui y est appliqué peut intégrer des arabesques, des cartouches comportant des inscriptions dédiées à 'Ali ou des versets du Coran. Des inscriptions semblables se répètent sur les deux faces de la lame, ainsi que le nom du fo rgeron. La plupart des sabres du xv111 • siècle portent le nom d'Asadullah Isfahani, fabricant d'armes devenu légendaire, actif sous le règne de Shah 'Abbas 1er. li laisse sa ma rq ue sur les générations suivantes, à tel point que son nom devient une garantie de qual ité recherchée, gravée, incrustée ou appliquée à l'or sur les lames 33 . Dans une publication posthume de 1962, le chercheur L. A. Mayer recense 133 sabre s portant le nom d'Asadullah 34 . Sur la lame de ce shamshir est gravé l'emblème d'un lion contenu dans une rosette, motif récurrent depuis l'époque

safavide. Il s'agit là d'une variante du shir va khurshid, le symbole national de l'Iran.

Fig I Poignard (kardJ Iran, fin du X \'III ' siècle ou début du XIX' siècle Acier, décor champlevé et dam asquin é d'or ; ivoire de morse L. 40 cm ; 1. 3,2 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, R 901 , legs de Mme la baronn e Salomon de Rothschild, 1922

Le fourreau de bois qui accompagne ce shamshir est recouvert de cuir noir avec un décor en rel ief. Le cuir le plus utilisé pour les fourreaux est le chagrin 35 . Celui du shamshir qui figure dans la collection du château de Windsor comporte deux bracelets métal liques, si bien qu'il peut être suspendu à une ceinture au moyen d'une bél iè re de cuir. Enfin , un modèle datable du début du xx• siècle, ayant appartenu à Ahmad Shah Qajar (règne

1909-1925), offre un décor foisonnant rehaussé de pierres colorées (cat. 159) . L'opulence de ce sabre

144

1

APPARATS

145

I

Le pishqabz, u n type de poignard porté sur le devant, est origina ire d'Iran, bien que fort

En Occident, la dimension rituelle de ces armes fut longtemps, et à tort, exclu sivement rattachée

uti lisée en Inde, spéc ialement dans les régions du nord. Le nom persan de cette dague signifie

au contexte soufi 54 . Mais si les derviches en font effectivement usage, les ma sses d'armes à tête de

littéralement « tenu de face ». À l'origine, le pishqabz possède une lame pointue à un seul

démon n'incarnent plu s alors les valeu rs guerrières, mai s la part animale et inférieure de l' homme,

tranchant, une poignée droite, et n'est pas doté de garde. Avec le temps, la forme de sa lame

qu'il convient de maîtrise r.

évolue, s' incurve et acquiert un second tranchant. Souvent, le manche est en ivoire de morse, alourdissant le poignard . Par ailleurs, la lame n'a, en général, par de pommeau distinct 41 .

Les arcs, mémoire d'un passé glorieux À la fin du x1x • siècle, cependant, comme le relève Thomas Philipp,« les importations d'Europe se substituèrent aux créations locales [ ... ], non seulement parce qu'elles coûtaient moins cher,

En Iran, les arcs de guerre, ou kaman, agissent comme un rappel du passé glorieux évoqué dans le

mais auss i parce qu'elles introduisaient de nouve lles techniques qui rendirent les productions

Shahnamah de Firdawsi 55 . Symbo les de la royauté, richement ornés, il s sont employés à la guerre,

locales obsolètes. Le cas des armes est emblématique. Les produits des fabr icants d'arcs, de

mai s aussi à la chasse aux animaux sauvages, l'apanage des princes et des héros. Les représentations

casques et de cuirasses, des forgero ns d'épées et de cottes de mai ll es ne fu rent simplement plus

sa ssanides suggèrent que l'archerie a, probablement, évolué après l' inva sion des guerri ers t urco-

commerc ialisables 42 ».

mongols, qui importèrent l'arc composite, au profil recourbé. Le s arcs qaj ars que nous conna issons sont généra lement en bois peint et verni, ou laqués (cat. 168) . Ils étaien t, en principe, tran sportés dans des étu is de cuir estampé et peint (kerbal) , qui ne recou vraient que le tiers inférieu r de l'arc.

Tabarzin (« hache de selle ») : accessoire de guerrier et de derviche

Le kerbal 56 était po rté à gauche, attaché à la même cein t ure que le carq uois 57 .

La tabarzin, ou« hache de se lle» , fait partie de l'armement du guerrier comme du héros, et est aussi répandue que le sabre, l'épée ou la masse d'armes. Comme cette dernière, la tabarzin a acqui s diverses connota t ions religieuse s, notamment parce qu 'elle est liée aux derviches, qui lui ont assigné une fonct ion cérémonielle. La dimension rel igieuse de certaines armes est présumée remonter à l'établissement de la dynastie safavide, à laquelle Sheikh Safi al-Oin Ishaq Ardabi li (mort en 1334) légua son nom, et à l'influence spiritue lle que l'ordre mystiq ue de ce dernier, la Safaviyya, d'abord sunnite, puis chiite, exerça. Parmi ses su iveurs figurent de nombreux artisans, armuriers, fabricants d'épée et forgero ns, qui lui apportent un soutien financier et politique en retour de ses conseils spirituels. Isma'il Ibn Bazzaz (mort en 1391-1392), auteur de son hag iographie, intitulée Safvat al-sofa(« La pureté des purs»), ou Tazkira -i-Shayk Safi al-Oin Ardabili 43 , mentionne qu'il y avait plus d'armes que de livres dans les édifices de la Safaviyya

à

Ardabil. Faites d'acier, ces armes gagnèrent en importance , acquérant une aura spirituelle grâce aux soufis et derviches de l'ordre 44 . Ces haches sont produites dans un acier de haute qualité, incrusté d'or, au décor souvent champlevé. Lutf 'Ali Ghu lam, qui, au xv11 1• siècle, signe et date la plupart de ses créations, est le maître incont esté des décors ainsi produits 45 .

La masse d'armes et les défenseurs de la justice La masse est réputée être l'arme qu i transperce le plus facilement une armure 46 . Il en existe trois types dans la cu lture iranienne: à tête ronde, à six ailettes et à tête de taureau (gurz-i gav paikar) 47 .

Si quelques exemples de masses d'armes zoomorphes datant de la fin du W millénaire avant not re ère nous sont parvenus 48 , les témoignages directs qui permettent de retracer leur évolution durant la période islam ique semblent inex ista nts jusqu'au x1x• siècle 49 . Ainsi, les masses d'armes

à tête de taurea u, to utes du x1x• siècle, fu rent essentielleme nt fabriquées po ur être exportées en Europe ou vendues en guise de souvenirsso ; c'est le cas des modèles présentés dans cette exposition (cat. 84

156

1

Brassard (bazuband)

Iran , fi n du X IXe siècle Acier, déco r champlevé et damasqu iné d'or L. 30,5 cm ; l. max . 9,8 cm ; ép. 3 cm Pa ri s, musée du Quai Branly-J acques Chirac, ïl.1934.1 4 1.3

à 88) .

Il semble que la masse d'armes à tête de taureau ait été utilisée lors des cérémonies d'intronisation zoroastriennes s1, où elle symbo li sait la puissance et la dignité royales, ainsi que l'autorité iran ienne. Ell e est, du reste, mentionnée dans !'Avesta, le grand livre sac ré des zoroastrie ns, comme l'arme de prédilectio n du dieu Mithra s2 . Ces masses sont investies d'une grande pu issance et l'on y vo it l'instrument grâce auquel le bien va in cra le mal s3

;

à l'inve rse ,

la masse à tête de démon (div) (cat. 89) symbolise la pa rt du mal chez l' homme . Réun ies, elles incarnent la bataille sans fin que se li vrent ces de ux forces.

146

1

APPARATS

1. Curzon 1966, p. 42. 2. Feuerba ch 2007, p. 331 . 3 . Allan et Gilmour 2000, p. 122. 4. Richardson 2015, p. 80. 5 . Çakir Phillip 2016a, p. 438-89. 6 . H. Stbcklein, « Arms and Armou r », dans SPA, vol. 3, 19381939, p. 2566. 7. Schuckelt 2005, p. 180-181. 8. Rehatsek 1882, p. 665. 9. Zeller et Rohrer 1955, p. 134. 10. Ibid., p. 46 ; Topkap1 Saray1 Müzesi, Istanbu l, 1/ 10916. Rédigé en nasta'/iq, le texte des cinq ca rtouches disposés autour du bord inférieur du casque mentionne le comba t entre lsfan diyar et Rustam dans le Shahnamah de Fi rdawsi. Voi r Kangal 2009, p. 312. 11. Zeller et Rohrer 1955, p. 71. 12 . Ibid., p. 49. 13. Tanavoli 1985, p. 36. En 1808, Fat h 'Ali Shah Qajar fo nde l'ordre du Lion et du Soleil et adopte le shir va khurshid pour emblème . Cet ordre est accepté partout à l'étranger et demeure en vigue ur, avec quelq ues modifications au niveau du dessin, jusqu'en 1980. Voir Shamija 1979, p. 60-62 . 14. Scurla 1976, p. 199-200. Pour une an alyse détaillée des monnaies à l'époque safavide, voir llisch 2012. 15. Hin z 193 7, p. 77 . Lorsque le gouverneur iranien de Yerevan séjourne à Paris en 171 5, sa bann ière est ornée du shir va khurshid. Voir Herbette 1907, p. 114, 138, 154, pl. IV-VI ; Kbprülü 1950, p. 608. 16. Hart ner et Ettinghausen 1964, p. 165 . 17 . Chardin 1811, vol. 5, p. 321; Hin2 1937, p. 77; Tanavoli 1985, p. 39. 18. Voir p. 130-135 du présen t volum e. 19. Voir, par exemple, Chodyriski 2000, p. 144, p. 236, ca t. 52 ; p. 145-146, p. 242, cat. 61. 20. Harper 1985, p. 247 . 21. Kobylinski 2000, p. 68. Le M et ropo litan M useu m of Art de New York possèd e une armure exceptio nnelle de ce style, à plaq ues octogonales sur la poitrin e et dan s le dos (36.2 5. 18). 22 . Augustin 1997, vol. 1, n° ca t . 297. 23 . Victo ria and Albert Museum, Lon dres, 638-1876; Allan et Gi lmou r 2000, p. 134. 24. As hmolean M use um, EA1997. 176 (daté de 1737); To pkap1 Saray1 M üzesi, Istanbul, 1/893 (daté de 1738-1739). 1

25. Museo Stibbert, Floren2, 6059 , musée du Louvre, Paris, AD 22405; Musée historique, Berne, M. K. 71/1913. 26. Metropolitan Museum of Art, New York, 49 .92.1 . Voir aussi Grancsay 1986, p. 245 ; M ilitary Museum, Téhéran, 13 ; Khorasan i 2006, p. 703, cat. 397 ; Muse um für lslamische Kunst, Berlin, 4654; Çakir Phillip 2016b. 27. Wallace Collection, Londres, OA1572. 28. Allan et Gilmour 2000, p. 195. 29. H. Stbcklein, « Arms and Armour », dans SPA, vol. 3, 19381939, p. 2565; Robinson 1949, p. 57; North 1986, p. 3133 ; North 2013, p. 145. 30. Allan et Gilmour 2000, p. 190 . 31. Augustin 1983, p. 37. Voir aussi Çakir Phil lip 2016b . 32. Des exemples sem blables se trouven t à Berlin, Florence, Cracovie et Téhéran . Voir Çakir Phillip 2016b, p. 263-265. 33. Çakir Phillip 2016b, p. 128-129, 156-157. 34. Mayer 1956, p. 26-27 . 35. Zeller et Rohrer 1955, p. 94-129. 36. Pinchot 2002, p. 3. 37 . Allan et Gilmour 2000, p. 201. 38. Elgood 1994, p. 11 . 39. Floor 2003, p. 235. 40. Le nom de Muhammad Had i nous est connu grâce à trois autres poignards l'un figure dans la collection Henri Moser, au Musée historique de Berne (voir Zeller et Rohrer 1955, p. 184, cat. 177 ); le deuxième se tro uve au Victoria and Al bert Museum de Londres, 712 .1 889 . Voir North 1986, p. 39. Le troisième est au musée Riza ; 'Abbasi de Téhéran, inv 1141. Daté de 1222 h. (1807), il est antérieu r au poigna rd de l'Ash molean et comporte une poignée en ivoire de morse (voir Khorasani 2006, p. 611, n° cat. 248). 41. Steingass 1970, p. 267 ; Pant 1978-1980, p. 186-188 ; Elgood 2017, p. 964. 42. Phillip 1984, p. 402 . 43 . Des manuscrits du Safvatal-safa sont conservés à la British Library de Londres (collections orientales, ITA.1995.a.110) et au musée Aga Khan de Toronto, qui possède l'unique exemplaire illustré connu à ce jour (AKM 264), daté de 1582 et exécuté à Chi ra2. Voi r Uluç 2006. Pour d'autres informations sur les exemplai res existants, voir Erkmen 2017, p. 45-77. 44. Allan et Gilmour 2000, p. 8; Allan 2002, p. 21; Ça kir Phillip 2016b, p. 109-110.

147

1

45. Çakir Phillip 2016b, p. 132. Six pièces de Lutf 'Ali, to utes datées, sont inventoriées par Allan et Gilmour 2000, p. 109-110. Une autre se trouve au musée de !'E rmitage de Saint-Pétersbourg en Russie (B.O. 2404) ; voir Obra2tsov 2015, p. 104. 46. Kobylinski 2000, p. 66 . 47 . La masse d'armes à tête de taureau est l'att ribut de Faridun, roi -guerrier myth ique de l'Iran, descendant de Jamshid, autre roi légendaire. Farid un ordonne aux forgerons de produire cette masse, peut-êt re en hommage à Birmaya, la vache qui l'a nourri lorsqu'il étai t enfant. Zahak, son ennemi, rêve ainsi qu'un jeune prince met fin à son règne en lui fracassant le crâne de sa masse à tête de taureau. Voir Canby 2014, p. 51. Les prêt res zoroastriens nomment le ur propre masse d'armes gurz-i Faridun, sans doute parce que M ithra et Faridun sont tous deux de grands tueurs de démons. Mithra manie, lui aussi, une masse à tête de taureau contre les démons et autres esprits du mal. Voir Boyce 1969, p. 26; Mohamed 2008, p. 235-236, rel ie la masse d'armes à tê te de taureau à Gayumars, autre roi d'Iran mythique, qui est aussi le premier homme créé par Dieu, et l' incarnation du bien luttant contre le mal. 48. Voir le Metropolitan Museum of Art, New York, 65.190.2; Los Angeles County Museum, M.76.97.95; J. Doostkhah, « Gorz », Elr, vol. XI, fasc. 2, p. 165-166. 49. Le seul témoignage des masses d'armes islam iques, forgées entre les dynasties ilkhanide et safavide, fig ure sur les illustrations des manuscri ts du Shahnamah . 50. Zeller et Rohrer 1955, p. 227 , Allan et Gilmour 2000, p. 189 et suivantes; Çakir Phillip 2012, p. 63 . 51. Boyce 1968, p. 53. Boyce mentionne que la masse d'armes à tête de taureau symbolise leur rôle en tant que défenseurs de la foi. 52. Boyce 1969, p. 26 ; Harper 1985, p. 248 ; voi r aussi J. Doostkhah, « Gorz », Elr, vol. XI , fasc. 2, p. 165-166 . 53 . Canby 2014, p. 51. 54. Çakir Phillip 2012, p. 63. 55 . Arash, archer légendaire de la mythologie iranienn e, est l'un de ces héros. 56. Steingass 1970, p. 1047, indique que kamandan désigne un étu i à arc. 57 . Zeller et Rohrer 1955, p. 244 ; Kobylinski 2000, p. 67.

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1

Sabre (shamshir) et son fourreau

158

1

Sabre et son fourreau

I ran, 2'"k moitié du X\'111'' siècle Sabre : ac ic1; a rgent, fe1; pamp ille, gre nat ; décor champlevé el do ré ; fo urrea u : bois, cuit; décor estampé, ac ier, décor champlevé et doré Sabre : L. 95,5 cm ; 1. 12,5 cm ; ép. 3,5 cm; fou rreau : L. 86,5 cm; 1. 12,5 cm ; ép. 3,5 cm Paris, musée de !'Armée, 329 T ;J 1017

Iran , X\'1 11' siècle ou début du X IX' siècl e , \ cier da massé, déco r da masq ui né d 'o1; i\'Oire de morse, bois, cuir et textile Sabre: L. 9 1,6 cm ; poids 0,814 kg; fourreau: L. 86 cm; poids 0,472 kg \ \'indso1; T he Royal Collection T ru st, RC IK 62879, don fait à George T\,; alors prince rége nt, par 'Abbas Mirza en 18 12

En octobre 1812, dans le campement de 'Abbas

soie po rtant filigrane s d'or est flanquée d' ivoire

extérieure

Ce sabre à simple tranchant, ou shamshir,

Mirza, situé aux frontières de la Géorgie, sir Gore

de morse. Le fourreau en bois est recouvert de

dédicace à Najaf Quli Mirza, dans une calligraph ie

est élégamment incurvé ; sa lame présente

Ouseley dresse l'inventaire des cadeau x destinés

cuir noi r cordelé et estampé de façon à imiter

en nasta'liq incisée et incrustée d'or. Toujours

le ga luchat. Les brace lets de bé lières, en acier,

sur la face extérieu re, en caractères naskh tracés

est

un

cartouche

incluant

une

une surface unie, ornée, sur un côté, de deux

au prince régent, résidant à Londres, pa r son

cartouches marte lés contenant une inscription.

homologue iran ien. Parmi eux se tro uvent

présentent un décor incrust é d'or, de manière à

en po intillé incrustés d'or, figu rent un cartouch e

Le cartouche

le nom

un casque, une armu re et ce « sabre persan

s'assorti r à la poignée de l'épée ; la bouterolle

indiquant une attribution à Isma'il Ibn Asadu ll ah

de Sha h Su layman, membre de la dynastie

ga rni d'une boucle en or ». L'ambassade ur

est éga lement en ac ier, mais dé pourvue de

Isfahan i, de même que des in scripti ons, incluses

safavide, qui régna sur Ispahan de 1666 à 1694.

angla is requiert, en toute déférence, un mot de

décor. Un inventaire du x1x• siècle précise que

dans

supérieur comporte

un

rectang le,

compo rtant

un

ve rset

Le cartouche inférieur mentionne un célèbre

remerc iement du prince régen t, « que je puisse

l'épée va de pa ir avec« un ce inturon en cu ir noir,

coran ique (Coran 61, 13), l' invocatio n à Zu lfiqar,

forgeron

être en mesure de réjou ir le cœur du pri nce en

doublé de cuir fau ve et garni de boucles en or et

au caractère talismanique marqué, deu x autres

troisième inscription, sur la cale intérieure en

lui faisant savoir que vous avez gracieusement

d'attaches en forme de cygne 2 ».

versets coraniques (Coran 48, 1 et 2), et enfin

acier jouxtant la poignée, loue 'Ali en caractères

consenti à accepter ces marques sincères de son

d'épées,

Asadullah

Isfahani.

Une

1

La lame est incrustée de cartouches d'or

un carré magique bduh de deux lignes sur deux colonnes. L'inscription, située au bas de la face

arabes dorés: « Il n'est de héros, si ce n'est 'Ali. Il

attachement et de sa vénérati on ». George IV

et d' inscriptions, selon deux techniques . On

n'est d'épée, si ce n'est Zhu lfiqar. »

accepte, de fait, ces présen t s qu'Ouseley lui

y distingue quatre phases de décor, ce qui

extérieure, dans un nasta'/iq moins raffiné, est ,

remet en pe rsonne dès son ret ou r en Anglet erre,

suggère que la lame a ét é dédiée à plus ieu rs

elle aussi , gravée et incrustée d'or, ell e comprend trois verset s coraniques (3, 110-12).

Forgé sous une dynastie ulté rieure, cet objet chargé de références historiques se devait de

en ma rs de l'année suiva nte.

rep rises, la dern ière phase étant proba blement

citer les noms d'un cé lèbre souverain safavide et

Le sabre (shamshir)

possède une la me

ce ll e desti née au prince régent d'Angleterre. La

d' un fabricant d'épées renomm é1 . La signature

courbe à un se ul trancha nt, en acier da massé,

première inscription mentionne la shahada chiite

d'Asadullah est alors sou vent employée à la

ornée d' inscriptions damasqui née d'or sur sa

(un témo ignage de foi) sur la face extérieure et,

face externe . Sa monture est composée d'un e

sur la face intérieure, une longue phrase gravée

de

contregarde et d'un pommeau rehau ssés de

dans un cartouche, puis en majorité effacée,

plaques d'argent, atteste, elle aussi, du travail

fleurs et de feuillages plaqués d'or, ainsi que d'une

qui s'achève sur ya Hafiz (Ô protecteur !).

exceptionnel

poignée en forme de crosse de pistolet, dont la

L' inscription placée au plus haut de la face

façon d'un ta lisman La

poignée

2

.

très

fine ,

constituée

investi dan s ce sabre, même

si l'acier, de qualité standard, n'a pas été damassé . Ce dét ai l fait entrevo ir une réal isati on composi t e : la poignée du sabre au qui llon en acier orné d'un décor champlevé et doré semble avoir été soudée à une lame médiocre. F.C.P.

1

1. Çakir Phi ll ip 2016b, p. 128, 154, 179, 181. 2. Alexander 2015, p. 182-183.

148

1

APPARATS

149

I

E.Ha . -S .M.

1

1. Lettre de sir Gore Ouseley au prince régent datée du 13 octobre 1812 : voir RA GEO/ MAIN/ 20128. 2. Catalogue d'armes appartenant à Son Altesse royale le prince de Galles à Carlton House, vol. 4, n° 2333 : RCIN 1113371.

159

1

Sabre d'Ahmad Shah et son fourreau

160

1

Dague (khanjar)

Iran . x1x•· siècl e Lame : acier damassé et champlc\·é ; manche : i\·oirc, décor sculpté I-I. 3+,5 cm ; 1. 6 cm Paris, musée de l'Armée,J 1029

Iran, \Trs l 909 Sabre : acier damassé, or, décor incrusté de pierres précieuses et de diamants; fourreau : bois, cu it~ or, décor incru sté de pierres précieuses L. 105 cm Genhe, collection particuli ère

Ce type de poignard, nommé khanjar, a une lame fo rtement recourbée, à double tranchant et à nervure centrale. Le plus souve nt, sa poignée est faite d'ivoire, généra lement un ivoire de morse, profondément sculpté de manière à obtenir scènes et motifs en haut reliefl. Le manche de ce khanjar est façonné d'une pièce en fo rme de « 1 » ci ntré ent ouré de bordures perlées. Sur la section verticale, il est orné de scènes figuratives, tandis que les segments horizonta ux affichent des inscriptions. L'un des côtés porte, en arabe, la mention suivante : « Qu'Allah donne la victoi re, que la conquête soit imminente » ; l'autre indique en persan : « Le manche de ta dague conquiert le monde ». La première est suivie de personnages représent és de trois qua rts dans des rosettes, vraisemblablement un couple d'a ristocrates ; la seconde est accompagnée de deux amants en habits de cour. Le fort de la lame En 1850, le travail des fabricants d'épées

celui-ci font l'objet de présents dip lomatiques

utilisé lors de la cérémonie d'intronisation, en

a pour décor gravé et ciselé, de chaque côté, un

d'lspahan n'est plus guère réputé, même si ces

t rès prisés, en Iran comme à l'étrange r. La

1909, de celui qui fut le dernier souverain de

lion attaquant une antilope .

derniers continuent de fabriquer des lames

richesse du décor, incrusté de gemmes, parmi

la dynasti e.

destinées à ces armes, ainsi qu'à des sabres.

lesquelles des émeraudes, des rubis et des

Un poignard comparable, bien qu'orné d'une scène différente sur les sections verticales, est

F.C.P.

Vers 1920, la ville n'héberge que deux maîtres

diamants, sont en accord avec la date de

encore actifs 1 .

fabrication, au début du xx• siècle. Son fourreau

New York ; il est datab le du deuxième quart du

en bo is est doublé de chagrin te int en ve rt. Ce

x1x• siècle2 . Un khanjar du Musée historiq ue de

Ce shamshir à simple tranchant, orné de pierres

précieuses,

présente

une

courbure

sabre, symbole du pouvoir impéria l, appartint

élégante . Armes d'apparat, les sabres comme

à Ahmad Shah (1898-1930) ; il fut sans doute

conservé au Metropolitan Museum of Art de

Berne po rte, de chaque côté, le même poème

1. Floor 2003, p. 236, cite le Kitab al-lsfahan de 'Ali Sayyed Janab, publié à Ispahan en 1924, p. 78.

en persan 3, ainsi traduit : « Le manche de ta dague conq uie rt le mond e, Même si c'est une poignée d'os; La terre ne tournerait pas rond, Si tes pieds n'en étaient le pivot. » Ces vers sont tirés d'une ode (qas ida), composée par le poète du x11• siècle Anvari

(1126-1189) et dédiée au su ltan seldjoukide Sanjar, qui régna sur le Khurasan entre 1097 et 1118. La présence de ce poème atteste de l'i ntérêt des Qaj ars pou r l' hist oire iranienne, ma is auss i de leur désir de revivi fi er les thème s de l'époque préislamique et des débuts de l'Islam.

F.C.P.

1

150

1

APPARATS

1. Zeller et Rohrer 1955, p. 131-158, 135, n° ca t . 98; Allan et Gilmour 2000, p. 146-153. 2. Alexander 2015, p. 224-225. 3. Zeller et Rohrer 1955, p. 131-158, 135, n° cat. 98.

151

1

161

1

162

Kard

1

Poignard (kard)

Iran, 122 1 h. ( 1806- 180ï) ,\ cier damassé, décor damasquiné d'or, i\·oire de mo1,e L. 38 cm Bruxelles, collectio n Hassan J\ fohazzab

Signé J\Iuhammad H ad i Iran, Ispa han (?), 1230 h. (18 14-1 8 15) Lame : acier damassé, décor da masquin é d'or; ma nche : agate L. 32,8 cm ; l. 3,3 cm Oxford, As hm olean Museum of Art and Archaeology, uni\'crsité cl'Oxford, EA1998 .36

Bibl. : AJ! an 1998, p. l 0-1 l , fig. 2. Ce type de dague, ou kard en persan, présente

cette signature, parfois accompagnée d'une

une lame droite à un seul tranchant, qui

date 2 . L'une,

s'affine ve rs la point e1 . La poignée est simple,

figure dans la col lection Kha lil i, à Londres 3 . Une

dépourvue de garde. Deux plaques en ivoire de

autre, signée, se trouve au Musée historique de

morse sont rivetées de chaque côté de la soie,

Berne 4 . Une troisième, naguère conservée dans

bordée d'une cale en fer. Le décor, damasq uiné

une collection danoise, a rejoint une collection

d'or sur le manche, se déploie depuis l'ava nt et

du Moyen-Orient. Une quatrième, passée sur

l'arrière de la cale, sur toute la partie arrondie de

le marché de l'art en 2011, affiche la date de

la virole et sur les deux côtés de la lame, puis sur

1229 h. (1813-1814), mais pas de signature 5 .

la partie biseautée de la virole. Il est constit ué de

Une cinquième enfin, elle aussi proposée en

scènes animalières se détachant sur un fond de

vente, est signée ma is ne porte pas de datation 6 .

rinceaux floraux : un lion, tantôt attaque un cerf

Ce lle ici exposée se place donc dans un groupe

ou une antilope, t antôt se ti ent à leur côté.

plus vaste qui fournit de précieux éléments

Sur le côté gauche de la lame, une inscription associe un nom et une date : « 'Ali Akbar 1221 »,

de comparaison, produits, ou non, par un même atelier.

F.CP.

soit 1806-1807. Il existe d'autres dagues porta nt

Les dagues à tranchant unique (kard) sont

semi-précieux, tels que lapis-lazuli, jade ou

forgées en Iran dès le x11 • siècle, même si la

agate. Cet exemple est remarquable par la

par deux autres œuvres conservées dans des

plupart des exemplaires qui subsistent sont

qualité de l'acier, rehaussé d'un fin motif de

collections publiques 2 .

datables, au plus tôt, du xv1• siècle 1 . Ces

lignes ondulées, claires et sombres, évoquant

accessoires personnels, apportant une touche

de l'eau vive dans laquelle il est plongé au

finale

présentent

moment de la forge, d'où le terme d'acier

fréquemment une poignée luxueuse, ornée de

aux

tenues

masculines,

trempé. L'acier damassé résulte d'un forgeage

décors sculptés et incrustés, ou de matériaux

complexe . La lame, ornée d'un délicat décor à

152

I APPARATS

inscrite 1215 h. (1800-1801),

l'or, est signée Muhammad Hadi, artiste connu

F. L.

1. Bashir 2007, p. 141. 2. Le Musée historique de Berne et le Vic toria and Albert Museum, à Londres. Voir Allan 1998, p. 11.

153

I

1

1. Zeller et Rohrer 1955, p. 191, n° cat. 190. 2. Allan et Gilmour 2000, p. 146-153. Voir notamment « Ali Akbar», p. 152. 3. Alexander 1992, p. 142-143. 4. Zeller et Rohrer 1955, p. 191, n° cat. 190. S. Alexander 20 15, p. 223 ; Sotheby's, Londres, 6 avril 2011, « Arts of the lslamic World », lot 373. 6. Alexander 2015, p. 223; Christie's, Londres, 27 avril 2012, « lslamic and lndian Manu scripts and Works on Paper », lot 497.

163

1

Chahar ayna

164 Bouclier (sipar) 1

I ra n, fin du X\ïI I'' ou début du x 1x '· siècle Acier damassé, décor damasquiné d'or; cuir Doublure in térieure : taq ueté de soie H. 37,2 cm; l. 37 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, dépôt, musée des Arts D écora tifs, Paris, AD 3837, acq. 1889, a ncien ne collection Stora

Iran, fi n du X\' 111'' ou début du x 1x ·· siècle Ac ier da massé, décor damasqu iné d 'o r H . ï,8 cm; D. 37,5 cm Paris, m usée du LouHe, département des Arts de l'I 1am. dépô t, musée des Ans Décoratifs, AD 83ï+

Bibl. : i\Iakariou et i\Iaury 2008, p. 182-1 83, 11°

58. Le sipar est un bouclier rond et bombé qu i, en Iran, se porte généralement au bras gauche

Ce type d'armure, appelée en persan chahar ayna (ou« quatre miroirs»), tire son nom des

à la façon d'une arme défensive 1 . Il s'ajuste au moyen de lanières de cu ir fixées à l'en vers

effets des reflets du soleil sur les quatre parties

du bouclier, sou vent rembourré ou garni d'un

qui la composent à l'origine. Ces« miroirs», ou

coussinet amortissant les chocs. L'endroit est

plaques de torse, sont faits de fer ou d'acier,

orné d'une à six petites bossettes, en acier

damasquiné pour les plus raffinés d'entre

ou en bronze durant la période préislamiq ue.

eux. L'armure protège le haut du corps et ses

Celles-ci recouvrent les attaches rivetées tout en

plaques s'assemblent grâce à des courroies de

ajoutant une touche ornementale 2 . Ce modèle,

cuir, ou au moyen de charnières, que l'on peut

conservé au musée du Louvre, présente qu atre

aisément démonter en ôtant la longue tige

bossettes hémisphériques disposées autour de

qui s'y fiche. Ces deux manières d'accrocher

l'inscription placée dans un médai llon central sur

les plaques distinguent deux catégories de

la surface convexe et portant le nom de « Sh ah

chahar ayna: l' une comprend quatre plaques,

Sultan Husayn », suivi de motifs en arabesques

l'autre, plus tardive, cinq, en raison de la

symétri ques.

division de la plaque dorsale en deux. Toutes

Deux bordures complètent ici le décor. La

s'accrochent aux épaules. Les deux principales

première, interne, ornée de motifs figura tifs,

recouvrent la poitrine et le dos, tandis que

révèle l'importance des scènes de chas se da ns

les deux petites sont placées sous les bras, de

l'art iranien. Le héros poursuit des animau x, sans

chaque côté 1 .

doute des daims, avec différentes armes : sabre,

La chahar ayna se porte sur une cotte de

arc, lance, etc. La seconde, externe, comporte

mailles et est souvent doublée de soie et garnie

des inscriptions placées dans des cartouch es

de rubans de soie colorée . La surface visible des

séparés par un élément en forme de colonne

plaques est fréquemment incisée ou incrustée

à double chapiteau. Tirées d'un poème persan,

d'or, de manière à former de riches décors,

La chahar ayna conservée au musée du

qui incluent notamment des inscriptions : ces

Lou vre, issue de la collection du musée des Arts

Museum für is lamische Kunst de Berlin 7 . L'ajout de

paroles

divines

confère

probablement,

ce lles-ci ne sont qu 'en partie lisibles, ma is ont été employées sur d'autres boucliers de même

dernières sont, en général, tirées du Coran, tel le

décoratifs, révèle l'évolution esthétique des

en plus des vertus physiques de l'armure,

la sourate de la victoire . Les exemples les plus

armures depu is les premiers modèles à quatre

une protection divine à son possesseur

anciens présentent toujours ces décors gravés

plaques, comme celles signées par le célèbre

invocatio ns à 'Ali et au Prophète mettent en

casques (kulah khud), les brassards (bazuba nd)

ou incisés ; les plus tardifs, datant des xv111 • et

armurier Luft 'Ali Ghulam, souvent ornées de

exergue les vertus prophylactiques qu'elles

et les épées, en particu lier les sabres à la

x1x• siècles, sont parfois de moindre qualité, et

pampres chargés de grappes de raisin, do nt les

suscitent pour les guerriers.

leur décor peut être gravé à l'acide 2 .

rinceaux sont occupés par de petits oiseaux 5 . En

À ce jour, il est impossible de préciser exactement

effet, le décor se fait ici plus stylisé ou formal isé,

importants du calendrier religieux, en Iran

l'endroit et l'époque de l'apparition de la chahar

les feuilles ayant été réduites à de simples

les repré sentations de tazya et les processions

ayna. La toute première, semble-t-il , remonte au

vrilles, tandis que les pampres se dressent à la

du

xv1• si ècle, où elle introduit un nouveau modèle

façon d'un épi de maïs 6 .

probablement allu sion au martyre de Hu sayn

de protection corporelle 3 . La seconde catégorie

L'utilisation de versets du Coran sur ces

à cinq plaques, daterait

œuvres est trè s répandue. La chahar ayna

de chahar ayna,

du xv 111• siècle. Toutefois, l'examen de leurs

du Louvre porte des extraits des sourates al-

caractéristiques stylistiques soulève plusieurs

Baqarah (sourate de la vache, verset 255,

questions. La Wallace Collection de Londres

dit verset du trône) et a/-Nasr (sourate de

possède un exemple de ce type, in scrit au nom

la victoire). Les noms de dieu, du proph ète

de Fath 'Ali Shah Qajar (règne 1798-1834) et la

Muhammad et de 'Ali se retrouvent aussi sur

date 1224 h. (1809 )4.

d'autres chahar ayna, dont celle conservée au

154

1

APPARATS

facture, encore con servés .

les

Ce type

courbure F.C.P.

1. Çakir Phillip 2016b, p. 80-81 et 26 1-263; Allan et Gi lmour 2000, p. 133-138. 2. Çakir Phillip 2016b, p. 80-8 1 et 261-263; Allan et Gilmour 2000, p. 133-138. 3. Çakir Phillip 2016b, p. 80-81 et 261-263. 4. Ibid.; Alla n et Gil mour 2000, p. 133-138; Gorelik 1979, p. 30-63. S. Çakir Phi ll ip 20 16b, p. 80-81 et 261-263; Allan et Gi lmour 2000, p. 133-138; Ayhan 20 11, p. 220-221. 6. À Compa rer avec Khorasani 2006, p. 703-711, n° cat. 397402; Obraztsov 2015, p. 36-37; Mohamed 2008, p. 310. 7. lnv. 1. 4654. Çaki r Phillip 2016b, p. 80-8 1 et 261-263 .

de

bouclier,

prononcée

tout comme

(shamshir),

est

les

uti lisé

lors des deux rites cérémoniels chiites les pl us

mois

de

muharram 3 .

L'inscription

fa it

qui y est alors théâtralisé. Tous rappellent les armes et armures traditionnelles, élément de l'équipement militaire. F.C.P.

1

1. Steingass 1970, p. 48. 2. Çakir Phillip 2016b, p. 431. 3. Alla n 1979, p. 99 .

155

I

165

1

166

Casque (kulah khud')

I ran , x,·111" siècle ou début du

XIX'

1

Casque (kulah khud)

Iran , m·ant 1843

siècle

H. 63 cm ; D . 23 cm

Casque : acier damassé, décor da masquin é d'or et d 'argent: ca mail : alliage d e fer

Pa ris, musée de !'A rmée, 0504·5 l

H . 43 cm : 1. 32 cm ; D. 22 cm

Acie1; décor supe rfic iellement damasquin é d 'or

Paris, mu sée du Quai Branly J acques Chirac, 71.1962. 71.24, rapporté d'Iran en 1843 par Auguste Gabriel Tou douze ( 18 l 1-1854), offert

Ce casque en acier est constitué d'une calotte

au mu sée de l'IIornm e en 1962 par son pe Lit-fil s

hémisphérique pourvue de deux porte-aigrettes,

Gcorges-Gustm·c Toudouzc

d'un nasal et d'un camail consti t ué d'une cotte de ma illes. La bombe est rehaussée d'un cimier riveté quadrangu lai re 1 . Le

casque

comporte

un

décor

Sous la dynastie qajare, les casques, ou ku/ah

super-

ficiellement damasquiné d'or 2 . Sur la bordure,

khud, adopt ent toutes sortes de formes et de

une saynète, dans laquelle un lion attaque

décors, se parant d'éléments animal iers, co rnes

une biche, se répète, en alternance avec des

ou de têtes d'oiseaux, et plus particulière ment

inscriptions, sans doute des extraits poétiques.

de paon 1, comme ce la s'observe sur ce ca sque

La partie haute est ornée d'inscriptions réparties

probablement datab le de la fin du xv111 • siècle,

en quatre cartouches. Le nasal et le cimie r à

dont la calotte est façonnée en forme de paon.

quat re pans sont, quant à eux, rehaussés de

Le s ku!ah khud sont aussi ornés de deux ou

motifs flo raux. La qualité de ce casque et de son

trois porte-aigrettes, disposés à la gauche, à la

décor suggère une attributi on au xv111 • siècle 3 .

dro ite ou au-dessus du nasa l, se lon le ran g du propriétaire. Le cama il, ento urant le cou , est

FCP

formé d'une cotte de mai ll es, dont les ann eaux d'un alliage de fer offrent une protection supplémentai re, à l'instar du nasal. Le motif en 1

forme de soleil qui ap paraît ici est sans doute

1. Voir Zeller et Roh rer 1955, p. 65-75 ; Ko bylinski 2000, p. 69 . 2. La langue française ne distingue pas les techniq ues de damasquinu re profon de et superfi cielle, qui son t désignées, en anglais, pa r les deu x termes : overlay et inlay. Nous avons donc choisi de préciser ici qu'il s'agit d' une damasquinure supe rficielle (NdT). 3. Ça kir Phillip 2016b, p. 232-240.

une allusion au dieu antique Ahura Mazda. Ce

modèle

de

casque

zoomorphe

est

également répandu en Inde, où le paon reco uvre aussi

une

dimension

symboli que,

pu isqu' il

est la mo nt ure du dieu de la guerre. Sym bole d'immortalité et oiseau de paradis, le paon peut être associé aux guerriers et aux héros, desti nés

à l'éternité. L'emploi d'ailes d'oiseaux dans l'orneme nt de ce rta ins casques qajars, à l' image des an cien nes couronnes sassanides 2, illustre la manière dont les souverains qajars reprirent des thématiq ues préislamiques, dans le but conscient de se fo rger une image similaire à celle des monarq ues du passé.

F.CP.

l 1. Zeller

et Rohrer 1955, p. 65-75 ; Chodyriski 2000, p. 69 et 236, Yefimov 20 10, p. 92 . 2. Zeller et Rohrer 1955, p. 65-75 ; Chodyriski 2000, p. 69 et 236.

156

1

APPARATS

157

1

16 7 1 Pistolet (tapancha)

168

Iran ou Caucase, début du x 1x' siècle

Iran , fin du x,1 11" siècle

Ivoire, décor sculpté et gravé ; bois; a rgem, décor niellé; aeiei; déco r damasqu iné d 'o r L. 4 7 cm ; 1. 16 cm ; ép. 5 cm Paris. musée de l' Armée, 0588 1 I

Bois, décor peint e t ,·c rn i (laq ue), corne cl ten don L. 92 cm

1

Arc (kaman)

Toromo, mu sée Aga Kh an, /\Ki\ f64-I

Bibl. : Akba rnia, J unod cl :.Ierchant 2008, p. 222, n° cat. 8-1· ; Dai ber ct.Junod 20 10, p. 239, n" cat. 185.

Le terme kaman désigne, en persan, un arc'. Inspirés de modèles d'Asie centrale, les arcs iran ien s présentent le plus souvent une structure composite, mêlant bois, corne et tendo n1 . La partie centrale est appelée po ignée 3 . À cha que ext rémité de l'arc se t ro uve une encoch e, où se loge la boucle de la corde, qui a di spa ru sur l'exemple exposé. Quand l'arc est dét endu, comme ici, ce s encoches sont tourné es vers l'intérieur4 . Cet arc a été pe int, puis recou vert d'un verni s tran sparent à base de sandaraq ue, qui protège le décor pein t tout en lui conférant de la bri ll ance. Les so urces ira nien nes, du

x1x• siècle,

xv1• au

désignent ce vernis par le terme de

rawghan-i kaman, ou« laque à arcs ». Sur cet arc composite, des saynètes peintes soul ignent l' importance de la cha sse et de l'équitation dan s la tradition iranienne, activités princières qui font de cette arme un symbole de la royauté, et non un simple instru ment de cha sse6. Le décor des parois int erne et externe se déploie depuis la poignée centrale j usqu'aux ext rémités. L'iconographie qui y apparaît puise da ns un répe rto ire styl istique caracté ristiq ue de la phase de trans ition entre les pé riodes zande et qajare 7 . À l'époque des Zands, les motifs figuratifs dynamiques se combinent avec des Depuis l'époque safa vide, selon l'auteur de

production important. Les fusils à mèche ou à

ottom an

1808-1839 )7.

éléments florau x8 . Sur le plan stylistiq ue, les

Nisf-i Jahan 1, pistolets, épées, couteaux et ciseau x sont fabriqués à Ispahan et diffusés à travers tout le pays. Mais en 1870, les importations européennes à moindre coût ont

silex sont réali sés à Kirman 4 .

L'inscri ption en arménien qui orne le pommeau,

visages des figures représentée s sur cet arc

non déchiffrée, laisse penser que l'œuvre

ren voient à l' influence de Mirza Baba (actif entre

Ce pistolet présente un canon singulier, mince

Mahmud

Il

(règne

et droits. Sa crosse s'achève par un pommeau

pou rrait avo ir été fabriquée dans le Caucase

1789 et 1810), l'un des artistes les plus do ués de

d'ivoire scu lpté, muni d'un anneau méta llique.

com me en Iran, à desti nation d'un me mbre

so n temp s9 .

entiè rement ruiné l'art isana t local 2 . Durant

L'échange

de l'i mpo rtan te com munau t é arm én ienne qu i

de

tech nologies

concernant

les

les années 1850, en effet, les armes à feu

armes à feu , entre l'Emp ire ottoman et l'Ira n,

sont de plus en plus fréquemment import ées

est manifeste dans les ressemb lances entre

d'Occident. La majorité des armes à percussion

les fusils 6 . En matière de canons et de piston s,

proviennent

les pistolets iraniens semblent davantage se

d' Europe,

en

particulier

d'Angleterre, et seule l'élite fortunée a les

rapprocher des productions françaises. En règle

moyens de se les procurer. La plupart des

générale, le piston est en bois d'érab le. Les riche s

Iraniens recourent aux productions belges

déco rs florau x, sculptés dans l'ivoire et incru sté s

ou locales, ces dernières étant probablement

d'or sur les pièces méta ll iques de l'œuvre ici

des im itations d'armes à feu

étrangères,

exposée, en révè lent t out le raffinement. Les

confectionnées par de t alentueux fo rgerons 3 .

ornements du canon et des garn itu res en mét al

Le canon de ces ar mes, fa it du me illeur ac ier

attest ent une infl uence ottomane, notamment

trempé, est surtout produit dans les atelie rs

dans le motif du cro issant de lu ne et de l'éto ile

d'lspahan . Tabriz est un autre centre de

octogonale, en usage depuis l'époque du sultan

158

1

APPARATS

F.C. P.

y réside.

F.C.P. 1

1. Al-Isfahani et Riza 1340 h., p. 123-124, ci té par Floor 2003, p. 235 . 2. Floor 2003, p. 248-249 et 255-257. 3. Ibid. 4. Ibid. 5. Zeller et Rohrer 1955, p. 251-272. 6. Une influence si milaire se mani feste sur les sabres et les épées. 7. Çôtelioglu 2000, p. 105, n° cat. 79, avec des motifs sem bla bl es (croissant de lune et étoile octogonal e) datés de 1813 ; Ka ra tepe 2008, p. 76 et 80.

1. Steingass 1970, p. 474. 2. Zeller et Rohrer 1955, p. 227 ; Allan et Gilmour 2000, p. 285 et 289; Khorasani 2006, p. 733, n° cat. 430. 3. Zeller et Rohrer 1955, p. 285 et 289. 4. Chodynski 2000, p. 91. 5. Akbarnia, Junod et Merchant 2008, p. 222, n° cat. 84 ; Daiber et Junod 2010, p. 239, n° cat. 185. 6. Chodynski, p. 91; Alexander 2015, p. 298-299 . 7. Akbarnia, Junod et Merchant 2008, p. 222, n° cat. 84 ; Dai ber et Junod 2010, p. 239, n' cat. 185 . 8. Ekhtia r et Sardar 2004, www.metm useum.org/toah/hd/ i rm d/hd _i rmd. htm. 9. Akbarnia, Junod et Merchant 2008, p. 222, n° cat. 84 ; Dai ber et Junod 2010, p. 239, n° cat. 185. Voir aussi www. metmuseum.org/toah/hd/irmd/hd_irmd.htm.

159

I

Portraits de femme, reflets du monde de la représentation féminine dans l'art sous les Qajars

destinés à un usage féminin (cat. 248 et 249) . Sa dimension symbolique se doublant, que lquefo is, d'u n aspect érotique : la Vierge alla itan t est probablement le modèle d'une série d'huiles sur toiles représentant des mères nourrissant leur enfant au sein 9 .

1

C'est aussi durant ce xv 11• sièc le que les huiles sur toiles sont introduites en Iran. Certaines montrent des femmes, pour une majorité d'entre elles liées à la communauté arménienne (fig . 1} . Cette communauté, installée dans le quartier de la nouvelle Julfa à Ispahan, est, en effet, celle qui favorise les liens avec l'Europe, par son rôle commercial et social. En contact avec ces nouvelles

MOU:'\IA CHEK.AB ABOUDAYA

L

a production artistique qajare, en particulier en ce qui concerne la représentation

formes d'expression artistique, ainsi qu'avec des peintures provenant de l'Inde moghole, elles-

féminine, rend compte de la complexité liée à la compréhension moderne des noti ons

mêmes marquées par les gravures européennes, les artistes adoptent alors des représentatio ns

d'est hétique et de beauté, dont les critères ou les transcriptions vis uell es diffèrent

plus natura listes et une perspective architectura ie!O_ Les artistes afsharides et zands développe nt

selon les époques et les régions. La beauté et ses idéaux ne constituent pas un

cette peinture de grand format, permettant la transition avec la période qajare.

concept universel, mais sont influencés par les pratiques sociales, culturelles et artistiques d'une société, ains i que par les politiques qui la régissent. La représentation de la gent féminine permet

Si, depuis le xv11 • siècle, les représentations féminines ont beaucoup concerné les Eu ropéennes

de cerne r les critères esthétiques employés par les artistes qui mettent en scène cette sphère,

et les Arméniennes, dans la première moitié du x1x• siècle, la fi gure de la femme iran ienne,

et de comprendre le rôle des femmes dans la société iran ienne du x1x• siècle. Témo in de la vie

à l'inverse de l'étrangère, révèle, malgré l'évolution des styles et des techniques, une grande

quotidienne, l'iconographie féminine reflète le rôle des fem mes dans la sphère domestique, le plus

continuité avec les périodes antérieures et reste liée aux archétypes littéraires ou aux images

souvent aristocratique.

stéréotypées de femmes se produisant à la cour 11 (cat. 169 et 170) . Les iconographies semblent déjà majoritairement fixées sous les Zands. La peinture de manuscrits, de laques ou de carreaux de céram ique, par exemple, met en scène une réappropriation de certaines icônes de la littérat ure

Les représentations féminines dans l'art iranien ne sont guè re nombreuses avant le xv1 1• siècle et re lèvent principalement d'i ll ustrations littéraires, en contexte princier. La peinture des manuscrits

des mathnavis, tout en y appliquant les conventions artistiques du xv111 • siècle . L'innovation des

safavides du xv1 • siècle se caractérise par une représentation stylisée et idéalisée de la forme

Fi, !!, :!

artistes qajars se place dans la transformation des limites imposées par la peinture de manuscrit,

humaine, destinée à montrer l'idéa l platonicien de la réalité plus que la réalité elle-même 2 . Les

Boîte à miroir Iran, vers 1820 Papier mâché, 01; décor peint et vern i (laque) H . 33,8 cm ; l. 23,4 cm ; ép. 1,9 cm Doha, musée d 'Art islamique, :\1IA.201 4.186

femmes évoquées da ns la poésie ép ique, comme le Shahnamah de Firdawsi ou le Khamsah de Nizami, sont parfa itement androgynes . Cet élément, caractéristique de la période, s'accompagne de l'absence d'expression des visages ronds et imberbes, masculins ou féminins, les émotions étant exprimées à travers des gestes plutôt que par les expressions faciales 3 .

de même que des histoires traditionnelles et atemporelles qu'elle véhicule. Les héroïnes des textes class iques, épopées ou poés ie mystique, comme Shirin ou Zulaykha, se trouvent prises dans les nouvea ux codes pictu raux propres à l'esthétique qajare. Leur amour impossible rencontre un écho contraire dans les représentations romantiques, voire érotiques, du couple enlacé, s'offrant des présents en preuve d'amour. Ce thème récurrent, parfois dépeint de manière extrêmement crue par de grands artistes, est, lui aussi, retranscrit par le biais de ce langage pictural renouvelé 12 .

Sous le règne de Shah 'Abbas 1er (1588-1629), le peint re Rizayi 'Abbasi développe l'individua lisation des fi gures de chaque composition , qu'il s'agisse de jeunes hommes, de courtisans ou de derviches.

Au travers de ces images émerge un nouve l idéal de beauté, ou du moins, nouveau dans ses

Au cours du xv11 • siècle, les représentations humaines gagnent progressivement en réalisme. De

représentations (fig . 2) . Il ressort des portraits sur toile, marqués par des proportions longilignes,

nouveaux archétypes de beauté se font jour4 . Parmi les topai, la zan-i farangi, ou, littéra lement,

des sourcils accentués, se rejoignant souvent au-dessus d'un nez aqui lin, des yeux en amande

« femme étrangè re», apparaît de plus en plus so uvent représentée su r divers supports, papier, fresque

soulignés de khôl, la présence de tatouages, la coloration au henné des mains et des pieds. To us

ou objet s la qués. Cette figu re renvoie à une période spéc ifique de développement économ ique

ces trait s caract éri sti ques, souvent étonnants aux yeux des Occidentaux, s'inscrivent dans une

et politique de l'Iran safavide. À Ispahan s'installent de nombreux artistes européens, originaires,

théorisation complexe de l'usage cosmétique des haft qalam (sept pinceaux), en référence aux sept

notamment, de Flandre et de France. Peintures et estampes européennes y abondent, apportées

instruments nécessaires à la mise en exergue de la beauté des femmesB Cette théorie, existant

par les échanges diplomatiq ues et le développement du commerce internationa l, stimu lé par les

depuis la période médiévale, n'apparaît guère en peinture avant la seconde moitié du xv111 • siècle.

compagn ies orientales 5 . Parmi elles, il faut soul igner la diffusion des ga leries de beautés européennes

Les femmes représentées parées de ces artifices cosmétiques relèvent néanmoins d'archétypes,

ou des portraits de princesses. Le rôle des séries de portraits gravés entre 1630 et 1635 par Crisp in

danse uses, mus iciennes, jeune dame humant une fleur ou accompagnée d'un animal (fig. 1, p. 171} .

de Passe, où figu rent, entre autres, les représentations des plus belles courtisanes d' Europe, est aussi

Ces représentations, comme les portraits photographiques plus tardifs, confirment l'importance de

notable 6 . On les reconnaît à leur décolleté exagéré, leurs seins jaillissant du corsage, leurs boucles

la femme en tant que sujet, y compris au sein du harem (khanah-yi khassa ou andarun-i khassa) 14 .

encadrant le visage et leur costume européen. Ces images, reproduites, par la suite, à de multip les repr ises sur les laques, dans des albums et en émail tout au long du xv1 11• siècle et du x1x• siècle, témo ignent de la conti nuité de ces iconograp hies jusqu'à l'époque qajare. À cette pé riode, d'autres

L'un de ces critères physiques de beauté est la présence d'un mono-sourcil épa is, l'abruyi payvasta, souvent associé à une moustache, le khatt-i sabz ou « duvet vert » cité dans la

médiums prennent le relais et véhiculent des sujets similaires, aux représentations renouvelées,

poésie persane pour désigner la moustache naissante d'un jeune homme 15 . La présence de cette

7

moustache, dessinée au khôl, sur les visages féminins évoque toute l'ambiguïté des genres 16 . Au

comme les chromolithographies, collectionnées en Iran et souvent remployées comme décor mura 1 . La femme eu ropéenne incarne un stéréotype qui perdure : symbole exotique, empreint d'éroti sme,

regard de la mascu lini t é exacerbée des souverains, ce nouveau langage visuel trahit un transfert des

so n image peut également suivre des règles esthétiques anciennes. Les cheveux bruns, la petite

critères de beauté du jeune homme à la femme.

bouche ou le visage arrondi font encore écho à des règles esthétiques antérieures 8 . C'est également le moment où les portraits s'individualisent et reflètent l'intensification des Fig l Portrait d'une.femme arménienne Iran (Ispahan), fin du xvn' siècle Huile sur toile H. 163,5 cm; l. 90 cm Do ha, musée d'Art islamique, PA.66.1998

Parallèlement, à l'opposé des représentations libertines qui perdent, au xv111• sièc le, leur

échanges avec les puissances internationales. Parmi eux, la photographie, nouvellement adoptée par

caractère licencieux pour devenir un simple archétype de la femme opulent e et all aitante, ce

l'Iran, laisse une empre inte du rable sur les portraits de femmes, européennes comme iranien nes 17 .

répertoire visuel attest e l'émergence, dès le xv111 • siècle, de nom breuses images de la Vierge Marie,

Souve nt accompagnées d'un membre de la famille , à l'exception des portraits de dames de la

issue en droite ligne des gravures, des peintures européennes, parfois transmises via l' Inde moghole,

cour de Nasir al-Din Shah 18, elles s'affichent vêtues de robes suivant la dernière mode parisienne,

ou des émaux. Peut-être d'abord réalisée en contexte arménien pour des raisons dévotionnelles,

assises en train de lire, rappelant les aspirations d'une certaine bourgeoisie féminine. À l'inverse,

la Vierge à l'Enfa nt connaît, par ai lleurs, un grand succès sur les objets laqués, reliures ou miroirs

les portraits de femmes en costume tribal s'inscrivent dans le sillage des études ethnographiques

160

161

1

APPARATS

1

dont le x1x• siècle est friand. En parallèle, un troisième type de portrait se développe: posé, mis en scène, il montre une odalisque fantasmée par les Européens, dont l'existence est très hypot hétique . Cette « auto-orientalisation » de la femme relève de l'invention de l'orientalisme par l'Orient luimême . Destiné à être reproduit en lithographie et vendu comme produit de folk lore, il est une réponse aux clichés véhiculés en Europe et ne reflète rien de réel 19 .

169

1

Les images des femme s dans la production artistique du x1x• siècle donnent enfin un aperçu de l'histoire sociale, des aspects visuels et matériels de leur vie quotidienne et du contraste entre sphères domestique et publique 20 . Ces représentations, souvent destinées au commerce, se retro uvent,

Portrait de la princesse Malekeh Jahan Khanum

Iran, ,·ers 1900-19 l 0 T irage argentique sur papier H. 15 cm ; 1. 10 cm Pa ris, collection particulière

notamment, sur les laques au xv11 1• siècle et les albums d'aquare ll es et photograph ies du x1x• siècle, dont certains sont même spécifiquement dédiés à la représentation de galeries de costumes féminins. Les femmes peintes ou photographiées sont mises en scène dans leurs activités quotidiennes, allant au bazar, participant à des activités religieuses ou à des festivités privées et publiques, recevant des invités (fig. 3} . Les femmes, cel les de la cour y compris, avaient des acti vités très lim itées en dehors de leur domicile et ces représentations illustrent une expérience rarement relatée dans les

170

sources écrites 21 . À l'extérieur, elles sont dépeintes avec le visage couvert d'un voile blanc, le rubanda, parfois attaché sur le côté, cachée sous leur chador foncé et leur chaqchur, grand pantalon bouffant,

1

Portrait de la princesse Malekeh Jahan Khanum

Iran , ,·ers 1900-1910 Tirage argentique sur papier H. 15 cm ; 1. 10 cm Paris, collection particulière généra lement violet ou bleu, accompagné de chaussettes et de mules. En privé, le costume est plus coloré, les cheveux sont couverts d'un vo ile blanc uni ou à motifs floraux (charqad), orné de bijoux de tête, de boucles d'oreilles ou de broches 22 . C'est souvent dans ce dernier appareil qu'elles prennent place devant l'objectif, parfois devant des toiles tendues qui donnent l'illusion de l'extérieur (cat. 232) . L'image des femmes dans l'art qajar est ainsi le reflet de la complexité politique, sociale, culturelle et artistique de l'Iran du x1x• siècle, marqué par l'insertion de ses souvera ins, de ses artistes de cour ou de bazar, dans un même élan d'innovation tourné vers la modernité, tout en préservant un caractère qui lui est propre. En ce x1x• siècle de tran sition, les représentations féminines suivent les évolutions artistiques sans jamais se défaire de ses critères les plus anciens, laissant place à une notion de beauté féminine restée sans équivalent tout en combinant une esthétique originale.

1

l oa e Ekhtiar 1998, p. 185. 7. ,o • 'ig. 2 p. 116. Voir égalem ent la main du Jeu-e omme dans le port rait de Jamshid, daté 1803, qui appartient au cycle commandé par Fath 'Ali Shah pour son palais d' lspahan ; vente Sot heby's, Londres, « Arts of the lsl am ic World », 7 octobre 2015, lot 300.

L

-=-a· ==

·= · ..

Cat. 203

Fig. l Portrait de Fath Jlli Shah en armure Signé l\Iihr Ali, T éhéran 1230 h. (181 4-1 8 15) Huile sur to il e H. 224cm ; l.103cm The Arthu r M. Sackler Gallery, Smithsonian Institution, LTS 1995.2. 122

202

1

IMAGE S

203

I

Cat. 204

205

1

Portrait de 'A bbas M irza

lra n, ve rs 1805 H uile sur toile H . 19 1 cm ; 1. 90 cm Avigno n, m usée Calve l, 56 1, don Jules La ure ns, 18'~9 Bibl.: Avery, H ambly et M elleville 199 1, fig. 15.

Ce portrait du prince 'Abbas Mirza (1789-1833),

comparaison, le portrait d'adolescent présenté

fils de Fath 'Ali Sha h, appartient à un ensemble

ic i pou rrait avo ir été peint aux ale ntours de

de six peintures rapportées par Jules Laurens à

1805. Si l'attribution de cette peintu re est

la suite de son voyage en Iran 1 . L'image du prince

déli cate, tant el le reflète les canons de l'époque,

héritier, apprécié de tous, y compris par les

elle

étrangers, qui voyaient en lui un modèle de bon

l'œuvre de Mih r 'Ali et particulièreme nt avec la

gouvernement 2,

série de portraits de rois légendaires, exécutée

fut abondamment reproduite

manifeste

une

certaine

paren té avec

4

et diffusée. Ainsi apparaît-il dans les scènes de

dans les années 1802-1803, à \spahan

trône, près de son père, mais est aussi le sujet

retrouvent, en effet, le t rai tement du visage

de portraits isolés, dont un nombre important

des jeunes serviteurs, la position de la main

nous est parvenu, parmi lesquels une hu ile sur

gauche d'Afrasiyab, mais également le décor

toile signée du peintre Allahverdi Afshar et datée

des tapis, strictement identique à ce lui de notre

de 18163 . Sur cette dernière, 'Abbas Mirza, vêtu

portrait , à ce détail près que la bordu re ro uge y

d'un mant eau sombre rehaussé de pierres et de

devient bleue.

:

iL

,or dans le présent vo lume, le t exte p. 26-29. Deux au res œuvres du don Jules Laurens sont prése ntées a s 'exposition, cal . 193 et 194 ; le musée de Carpentras possède aussi un portra it de Fath 'Ali Shah e: un portrait de guerrier en pied ; vo ir Tahiri 2004. 2.. .or no amment le portrait élogieux qu'en dresse - medee Jau bert, qu i le rencontre en 1807 ; Jau bert 1860,

o 151-158. oscou, musée d'Art oriental, 1749-11. . o aby 1999, cat. 115-116; voi r aussi la ven te Sotheby's ::J 7 octobre 2015, lot 300.

3.

s'y

C.G.

perles, arbore une longue barbe fournie ; par

204

I IMAGES

205

I

206

1

Scène de la légende de Shaykh San (an: l'étourdissement de Sheikh

Iran, vers 1830-1840 Huile sur toile H. 1ï6 ,5 cm (max.) ; 1. ï5 ,4 cm Paris, Institut des langues et civilisation s orientales, don (date inconnue)

Bibl. : Labrousse 1995, p. 77 .

207

1

Scène de la légende de Shaykh San'an: l'évanouissement de lajeune chrétienne

Iran, ,·ers 1830-1 840 Huile sur toi le H. 1ï7 cm (max.) ; 1. ï5,5 cm Paris, Insti tut des langues et civi lisations ori entales

Bibl. : Labrousse 1995, p. 77.



e, es yl e de l'artiste imprègne de manière

de

Cette histoire, dans laquelle se lit, entre

dans

autres, une allégorie du cheminement mystique

évidente ces deux peintures : il s'exprime

La Conférence des oiseaux (Mantiq al-Tayr),

des soufis, fit l'objet de nombreuses illustrations,

notammen dans la variété de la palette, qui

recueil composé par le poète Farid al-Oin

depuis les peintures de manuscrits médiévaux1,

réu"

à la fin du x11 • siècle . Maître admiré d'une communauté soufie installée à

aux toiles monumentales du xx• siècle 2, en

dep ·s. es plus éclatants aux plus délicats, dans

passant par les fresques du Haft Tanan de Chi raz,

le re

de-:e es ou, encore, dans l'attention portée à

Ces

peintures

l'histoire

du

illustrent sheikh

deux

Sa'nan,

épisodes relatée

'Attar Nishapuri

La Mecque, sheykh San'an, inspiré par un rêve,

pavillon zand qui abrite aujourd'hui le musée

part pour le pays de Rum; il y tombe amoureux

de Sculpture sur pierre. À partir de la seconde

de la fille d'un seigneur chrétien. Ne pouvant

moitié du xv11 • siècle, elle est aussi prétexte

lutter contre sa passion, au grand dam de ses

au déploiement d'une iconographie exotique

fidèles, il se déclare à la jeune chrétienne, renie

et érotique, celle de la femme étrangère,

sa foi et accepte, en échange d'une promesse

la zan-i farangi, reconnaissable à ses robes

de mariage, de devenir le gardien des cochons

européanisantes, aux décolletés souvent plus

du seigneur. C'est le sujet du premier de ces

que plongeants 3 . Les deux toiles conservées à

tableaux, sur lequel le saint personnage, dont

Paris témoignent de la continuité de ces thèmes

le bonnet de derviche est sur le point d'être

mais également de leur actualisation. Ainsi, dans

déchiqueté par un cochon, reçoit la visite de la

la scène de l'évanouissement, le jeune homme

princesse et de sa suite.

n'arbore-t-il plus le chapeau à plumes qui, très

L'amour de Dieu et le secours de ses disciples

influencé par la mode du xv11 • siècle4, semble

parviennent cependant à libérer Sa'nan de ses

caractériser les personnages européens jusque

chaînes : il renaît à la foi et la communauté

dans les premières décennies du xx• siècles,

repart pour La Mecque. Constatant la disparition

mais un uniforme et une petite cravate, proches

du sheikh, la jeune femme, au désespo ir, court

des

à sa recherche. Lorsqu'elle le retrouve enfin, elle s'effondre à ses pieds, réclame la grâce du

De

modèles la

même

victoriens man ière,

et

napoléoniens.

évêques et églises

sont ici remplacés par une Vierge à l'Enfant,

l'épreuve de la séparation lui

réinterprétée à la manière de Muhammad Hasan

a révélé l'amour divin. Il s'agit sans doute du

qui, par ailleurs, signa un épisode de l'histoire de

passage mis en images dans le second tableau.

sheykh San'an 6 . Or, s'il n'en est pas l'auteur lui -

« Bien-Aimé »

L

ances d'ocres, de rouges et de bleus, de la transp arence des gazes et des a isa ·on du traitement des mains et

ce.: ~es-es, dont pas un seul ne se répète ici.

C.G.

,:: • --tz-n en le manuscrit conservé à la Bodleian ·ord, Elliot 246, fol. 45a ; pour un exemple ,de, voir New York, Metropolitan Museum ::= -'---: 53.210.18. D'autres exemples sont rassemblés :::-.; __ a ce de Sturkenboom 2015. p. 75-111. Je --e-e- e G,•.enaelle Fellinger de m'avoir communiqué -e'e•e ce. 2.. =::_· e s ece, voir nota mment le tableau conservé au - ...see ::es cv; isations de l' Europe et de la Méditerranée .' -Œ .' 2008.18.1. 3•• :: • a :ie ure sur papier signée Muhammad Zaman et ::a:ee: 7 . 1676-1677), récem ment passée en vente, Sc:-e s. Londres, « Art of the lslamic World », 20 avril :::5. o· LS · sur le développement de cette iconographie, - • ..a-dau 2013, p. 99-130. Voir également p. 160-163 dans e present volume. 4. Nous re oyons notamment à une gravure de George Glo. e· a Rhétorique, réalisée entre 1625 et 1635, ~-c•es, Briti sh Museum, 1870,0514.1140. S. • oa• exemple, la toil e conservée au musée Pars, à ch·,.;z ustrant , ell e aussi, un épisode de cette histoire. Va · ega ement Diba et Ekhtiar 1998, Ag. 29b. 6. :,a e· Ekh ·ar 1998, cat. 58 et Ag. 29a.

== -_e safa

==

Cat. 206

206

1

IMAGES

207

I

Cat. 207

209 J eunefemme à l'iris 1

208 1 Princesse au chador

Iran , \·ers 1850-1860 Huile sur toile H . 163 cm ; 1. 90 cm Paris, collection pa rticulière

Iran , \·ers 1840- l 850 Huile sur toile H. 1+8 cm ; 1. 88 cm Gcnè\-c, coll cc Lion Soudavar - Farmafarmaian

Cette jeune femme à l'iris, représentée dans Jusqu'au début des années 1840, les femmes

un intérieur ouvert sur une baie, que masque

sont rarement représentées en chador, tenue

en partie un lourd rideau rouge, se rattache,

qu'elles revêtent lorsqu'elles sortent des espaces

de par ces conventions iconographiques, à la

privés qui leur sont réservés. Cette nouvelle

vaste série de portraits féminins des premières

iconographie, qui apparaît notamment dans

décennies de l'époque qajare. Mais s' il observe

l'œuvre de Abu'I Hasan Ghaffari 1, renouvelle le

encore ce cadre, immuable, le peintre s'écarte

genre du portrait féminin. Ici, le vêtement, qui

ici du traitement anonyme, symbolique, qui

occupe l'essentiel de la composition, permet au

dom ine les représentati ons de princesses, de

peintre de jouer sur les contrastes de lignes, de

cou rtisanes et autres acrobates jusque dans les

matières et de couleurs, tout autant que sur le

années 1840 : le regard détourné et l'exp ressio n

thème du dévoilement, dont la charge érotique

grave, te intée de mélancol ie, la jeune femme

paraît évidente. Ainsi, la pièce de tissu bleu

n'a plus rien des attitudes enjô leuses de ses

sombre, brodé d'or, encercle-t-elle le haut du

aïeules. Plus incarnée, plus vraie, sa présence

corps avant de descendre en cascades de plis

repose en grande partie sur le traitement

verticaux sur une ample jupe claire ornée de

réa liste et individualisé du visage. En cela,

fleurs. Le voile qu'écarte la jeune femme révèle

elle

son visage en même temps qu'il referme la

se

rapproche

des

portraits

masculins

produits par la génération d'artistes formés au

composition, les lignes qu'il dessine répondant

Majma'y a/-Sanay (Union des arts et métiers),

à celles de la baie de l'arrière-plan .

dont Abu'I Hasan Ghaffari (1814-1866) fut la

Nous connaissons au moins deux autres

figure de proue 1 . Une toile signée du maître et

versions de ce tableau. La première, conservée

datée de 1843, sur laquelle une jeu ne femme,

au Musée ethnologique de Berlin 2, est une

regard las et perdu au loin, se laisse prendre

variante à peine transformée de la princesse

la main par un jeune prétendant 2, reflète déjà

de Genève. La seconde, jusqu' ici attribuée au

cette approche mo ins conventionne lle et plus

peintre Muhammad, présente une composition

profonde du sujet. La même année, avant l'essor

semblable mais une facture très différente,

de la photographie en Iran, Abu ' I Hasan signait

très stylisée 3 . S' il est impossible de détermi ner

un portrait de sa cousine, Khurshid Khanun,

laquelle fut le modèle des autres, tant les

qu'il désignait du reste comme un exercice 3 .

styles coexistent en ce milieu du x1x• siècle, la

Ce portrait d'après nature pourrait avoir servi

Princesse au chador continue d'inspirer les

de modè le aux nombreuses femmes, ple ines

artistes . En témoigne, parmi d'autres, la version

de vie, qui traversent les peintures des Mille et

d'Alexander Anufriev, qui la place aux côtés des

Une Nuits, achevées en 1857, et dont la jeune

plus grandes icônes de la peinture, tous lieux et

femme à l'iris semble tout droit sortie .

époques confondus 4 .

C.G.

C.G.

[ 1. Nous renvoyons notamment au portrait de Khurshid Khanun dont la chevelure est couverte d'un voile, voir cat. 209 . 2. IB 382. 3. Voir Diba et Ekhtiar 1998, cat. 69. 4 . Publiée sur le site de Tanya Anisimova, http:// tanyaanisimova.com/gallery/89-tanya-through-the-eyesof-artists.

[ 1. Voir le texte p. 232-233 du présent volume. 2. Téhéran, palais du Golestan, 8290. 3. Publié dans Zoka 2003, p. 141.

208

I IMAGES

209

I

Les artistes de l'Iran qajar ont produit de nombreuses accompagnées

La rose et l'oiseau •• du thème littéraire à la description clinique GWENAËLLE fELLINGER

montrant

œuvres

d'oiseaux

ou

des

de

musée du Louvre (cat. 210) montre, dans une

d'ouvrages d'histoire naturelle, composée de

fleurs

composition touffue, diverses espèces de rose

quarante vo lumes parus entre 1833 et 1843.

papillons.

(Rasa centiifo/ia, Rosa simplicifo/ia), mais aussi

J. Hope Stewart y signe 545 planches décrivant

Regroupés sous l'appellation devenue génériq ue

de souci (Calendula officinalis) ou de narcisse

mammifères,

de gui va bu/bu/ (rose et rossignol) ou gui va

des poètes (Narcissus poeticus) . La composition

d'entre elles figurent des oiseaux qui sont

murgh (rose et oiseau), ces thèmes connaissent

inachevée de l'ensemb le évoque une fonction

réunis par Muhammad Hasan en un seul

un succès particulier au x1xe siècle, seuls ou

de dessin préparatoire, qui aurait pu servir de

dessin. La première planche reproduit un

associés à d'autres, couvrant tout type de

modèle destiné à être transféré sur une œuvre

merle et une grive music ienne, tandis que

support. On les retrouve comme sujet principal

en laque.

la seconde montre un coucou. La diffusion

sur nombre d'objets peints et vernis (voir par exemple les cat. 213, 215 et 216 ), mais ils

oiseaux

ou

insectesB_

Deux

rapide de ces lithographies est attestée en On peut également identifier un églantier

Iran . Un exemplaire de celle représentant un

accompagnent souvent d'autres iconographies

(Rosa canina) sur l'œuvre de Lutf' Ali Shirazi

me r le et une grive est aujourd'hu i co nservé

n'offrant avec eux que d'épisodiques liens

(cat.

(cat. 67) .

spécifiquement

211) .

Celui-ci

est

réputés

l'un pour

des

artistes

dan s un album du musée Malek, à Téhéran , où

leur

habileté

il est remonté avec des peintures ira nien nes 14 .

dans cette peinture de fleurs et d'oiseaux,

Ces deux planches proviennent d'u n même

parfois agrémentée de papil lons. Parmi eux,

volume, consacré aux oiseaux de Grande-

de

Muhammad Hadi, qui œuvre à Chiraz, en est

Bretagne et d'Irlande, paru en 1839 1s. Le dessin

peinture, renvoient à des références littéraires

considéré comme le maître!O_ Chiraz est, en

du Louvre a donc vra isemblablement été

précises, que décelait immédiatement tout

effet, considérée comme le principal centre

exécuté dans les années 1840. Il allie en une

lettré persan 1 . Rose et rossignol évoquent ainsi

de production de la peinture de fleurs dans la

page la culture littéraire iranienne à l'analyse

la recherche de perfection divine, au travers

seconde moitié du xv11 1e siècle et au début du

clinique des scientifiques européens 16 .

d'un amour éternel 2, chaque fleur renvoyant à

x1xe siècle, et c'est de cette ville qu'est originaire

Ces

peintures

présentes

dans

de

fleurs

et

d'innombrables

3

d'oiseaux, albums

L'ajout de papillons,

Lutf' Ali (actif entre 1802 et 1871/1872), un élève

comme sur le dessin non signé du musée du

de Muhammad Had i. Devenu l'un des peintres

Louvre, peut également s'expliquer par une

les plus fameux du XIXe siècl e, il s'exprime

influence de la Chine, où ce dernier représente

autant sur le papier que sur les objets laq ués. Le

des références poétiques

.

l'éternelle jeunesse, le bonheur et la beauté 4 .

portrait de rose qu'il signe ici est emblématique

En cela, il rejoint la signification de la rose

de son style : les couleurs sont travaillées en

dans le monde iranien, mais sa vie éphémère

lavis et le travail des ombres particu lièrement

contrastant avec la longévité de son portrait,

soigné . Les plumes grises de l'oiseau contrastent

tout comme la reine des fleurs, fait, par ailleurs,

ainsi singulièrement avec la clarté des péta les de

écho au thème européen de l'impermanence de

la rose. On retrouve ce type de traitement dans

la vie auquel s'oppose l'éternité des artss.

les quelques portraits qu'il exécuta pour des membres de la cour (cat. 218), de même que

Le motif apparaît bien avant la période qaja re. La vogue des peintures de fleurs et d'oiseaux

sur un miroir peint et verni conservé à Brooklyn et daté de 184511_

naît, en effet, en Chine, sous la dynastie des Song

(960-1279), puis se répand dans le monde iran ien

D'autres noms sont, en outre, associés

au xve siècle6. Le renouveau iconographique du XVIIe siècle, toutefois, et l'œuvre du peintre Shafi

à la peinture de fleurs, notamment ceux de membres de la famille des lm ami, actifs à

'Abbasi sont à l'origine de son succès croissant

Ispahan. Muhammad Hasan est l'un d'entre

7

au xv111e et au XIXe siècle . Les peintres safavides

eux. Frère du célèbre Aqa Najaf, con nu pour

furent

l'apport

de nombreux objets à décor peint et vernis et

des gravures européennes, en particulier des

fi ls de Mirza Baba, le maître peintre de la cour

planches scientifiques. Importés en Iran dès le

de Fath 'Ali Shah 12 , il est actif dans les années

grandement

influencés

par

xv11 e siècle, herbiers et florilèges sont copiés par

1830-1840. Ce dernier montre, à l'inverse du

les artistes, qui en reprennent les canons, tels

traitement très lumineux de la peinture de

que la vue sous plusieurs angles ou à différents

Lutf' Al i, un jeu sur les camaïeux de brun qui

stades de développement 8 . Mais ces derniers les

permet de rendre au plus proche de la réa lité les

détournent de leur vocation scientifique pour

plumages des oiseaux qu'il portraiture .

les réinterpréter dans un but devenu purement esthétique. Les dessins de la fin du xv111e siècle et

Ce choix est inspiré de sa source directe,

du XIXe siècle conservent, en Iran, un aspect très

deux gravures lithographiées du naturaliste

natural iste, au point qu'il est tout à fait possible

James Hope Stewart. Cet artiste écossais est

d'en reconnaître les espèces représentées 9 .

connu pour avoir illustré la Bibliothèque du

à l'aquarelle conservé au

naturaliste de sir William Jardines, une série

Ainsi,

le

dessin

210 1 IMAGES

1. Imbert 2015, p. 7-8. 2. Diba 1996, p. 100-101. 3. Voir Fouchécour 1969, p. 68- 72 pour la rose, p. 84 pour l'églantier ou p. 85 pour la petite rose blanche. Toutes ces fieurs ont un lien avec la représentation du visage de l'aimé. 4. Balls 2004, p. 263-264. S. Diba 1996, p. 112. 6. Langer 2013, p. 231. 7. Diba 1996, p. 105. 8. Imbert 2015, p. 6-7. 9. Ibid., p. 9. 10. Voir cat. 217. 11. 136.940. 12. Ce dernier signe un portrait de rose en grisaille conservé au Brooklyn Museum, 1993.53. Sur la famille des lmami, voir Floor 1999, p. 140-141. 13 . Sur James Hope Stewart, voir Jackson 1994, p. 37-42. La bibliothèque du naturaliste sert également de source à d'autres artistes ayant produit des laques · voir Roxburgh et McWilliams 2017, p. 34-35. 14. Publié dans Musée Malek 2012, p. 112. Je remercie C. Maury de m'avoir signalé cette proximité et Meysam Abdoli d'avoir bien voulu me transmettre une image de cette gravure. 15. Jardine 1839, pl. 3 et pl. 24. 16. Il existe une copie presque identique, aux rehauts de couleurs plus prononcés et non signée, conservée à la David Collection de Copenhague, 177/2006.

1

210

1

Fleurs et oiseaux

Iran, \'e rs 1800-1850 Gouache marouflée sur carton H. 30,5 cm; 1. 15 cm Paris, musée du LomTe, département des Arts de l'Islam , MAO 592 , legs Y Godard, 1977

211

1

Oiseaux sur une branche

211

Signé J\ l uh amm ad Hasa n Iran, ve rs 1840- 1845 Encre et co uleurs sur papier H . 30 cm ; 1. 18,6 cm (dessin se ul sa ns ma rge Paris, musée du La uwe, dépa rtcmelll des Arts de l'Islam , }. IAO 792, acq. 198 7

Bibl. : Bernus-Tay lor 1989, p. 96, n" 67.

212

1

Rose et rossignol

Signé Lutf' Ali Shiraz i Iran, C hiraz e), \·ers 1850 C ouleurs sur papier H . 2+.+ cm ; 1. 18,7 cm (dessin se ul sa ns marge) Pa ri s. musée du Lou\Te, départem ent des Arts de l'Isla m , J\fAO 783, acq. 1987

Bibl. : Bern us-Taylor 1989 , p. 177,

-

11°

146.

2 13

I

213

1

Reliure à décor de fleurs et d'oiseaux

2 14

Iran, fin du X\1 11' siècle ou début du x rx' siècle Papier mâché, déco r peint et ve rn i (laq ue) H. 47,5 cm; l. 33 cm (chaque pla t) Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, dépôt, musée des Arts Décoratifs, Paris, AD 1213 1, do n Collinot, 1905

1

Plumier à décor de noisettes

Signé Lutf 'l\li Khan Shirazi Iran , Chiraz, 1270 h. (1853-1854) Papier mâché, décor peint et verni (laque) L. 21 cm ; l. 3,.3 cm Bruxelles, collection Hassa n Hohazzab

Bibl. : Olagnier-Riotto t 19.30, p. 48; Makariou 2012, p. 407-409, fig. 238 .

21 5

1

Plumier à décor flo ral

Iran, Tabriz ou Téhéran(:>), vers 1880-1890 Papier mâché, décor peint et verni (laq ue) L. 18,5 cm ; l. 3,5 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, l\1AO 2239, don U. Baurmeister; 201 1

216 1 Plumier à décor floral dédié à Amin Sultan Signé Ghulam Riza Imam i Iran, Téhéran ou Ispahan, 1300 h. (1882/ 1883) Papier mâché, décor peint et verni (laque) L. 22,7 cm ; H. 3,9 cm ; l. 3,8 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam , l\JAO 847, don Mme C. Unger, 1990

Bibl. : l\lakariou 2002, p. 1 13- 114, n° 68.

Le décor fl oral orne particu lièrement les œuvres

Les œuvres de ce type reprennent souvent des

sa i ainsi qu'ils se servai ent de po ncifs, dessins

témo ignent plusieurs dessins réunis dans un

comprennent

de

les roses, de même qu e des noisettes, présentes

peintes et vernies, cou ramment désignées sous

compositions similaires. En effet, les artistes

au

album aujou rd' hui

fl eurs. Leur traitement naturali ste les rend

sur les pl ats de reliure (cat. 213) et l'un des

le terme de laque. On le retrouve donc sur des

su r laque, à l'origi ne d' une large production,

reprodu ction en grand no mbre des mêmes

parfa itement identifiables et l'on peut citer,

plumiers (cat. 216) .

rait percés à l'aigu ill e qui permettent ta

con servé au

musée de

Harvard 2 .

de

nombreuses essences

plum iers (qalamdan), des reli ures, des supports

répondent t ant aux comma ndes spécifi ques et

modèles. Parmi ces moti fs réutil isab les figurent

Ces motifs récurrents, l!'.i Ue l'on rencont re

parmi cel les reproduite s sur ce s t roi s œu vres du

de mi roir, mais aussi sur des boîtes en tout genre.

précieuses qu 'à ta demande du marché 1 . L'on

des décors de fleurs et d'oisea ux, comme en

tant sur les reliures que su r les plum iers,

musée du Lou vre, l' iri s, la j acinthe, les œillets,

2 14 I IMAGES

2 15

I

Le xv 111 •

motif de

noisette

apparaît

dès

le

siècle, alli é à un e grand e va riété d'essences

florales, comme on l'observe sur une boîte

qui illustre également une autre caractéristique

co r, parmi lesqu ell es fi gure ce plumier, destiné

con servée au Metropolitan Museum of Art,

de ces décennies, une composition très dense,

a un Premier mi nistre, le dernier à avoir été

signée Muhammad Baqir et datée de 1284 h.

rassemblant de nombreux motifs. Ses côtés

nommé par Nasir al- Din Shah, Amin Sultan, qui

(1789 )3. La mise en page du plat extérieur de

montrent un t raitement très particulier, qu i

poursuit sa carrière so us les règnes de Muzaffar al-Din Sha h et d'Ahmad Shah. Les commandes

la reliure conservée au musée du Louvre, très

juxtapose, comme dans un herbier, différentes

semblable, pourrait indiquer une confection vers

représentations

la fin du xv 111• siècle ou au début du x1x• siècle. Le

jacinthe sauvage. Une bordure ceint le décor du

s'expliquent pa r la symbolique accordée à cet

plat inférieur de cette reliure présente, quant à

couvercle, comme celui des côtés, tandis que des

objet depu is la période safavide. Il représente

florales,

églantier,

rose

et

de

qalamdan

par

de

hauts

personnages

lui, un décor de fleurs in scrit dans un médaillon

médaillons dentelés, ornés de fleurettes dorées,

en effet la pu issance administrative, l'objet

à appendices, sur un fond vert orné de rinceau x florau x, peints à l'or. Cette composition, attestée dès le xv 111• siècle, est généralement associée à

contraignent la composition du couvercle. Ces

par lequel la parole du souverain est mise par

éléments, qui rappellent la mise en page des

écri . Les mem bres de l'administration sont

reliures, se retrouvent sur d'autres qalamdan,

donc souvent représentés portant un plumier, ainsi qu'en tém oigne un portrait présent dans

un fond rouge au x1x• siècle . Le choix d' un coloris

dont certain s signés d'artistes trava illant à Tabriz

plus rare, ainsi que le dessin de certaines fleurs

et appartenant à la famil le des Afshar Urum iya 5 .

laissent ici penser qu'il pourrait s'agir d'une

Il est donc possible que ce plumier soit l'une de

production encore marquée par l'esthétique

leurs œuvres, sur lesquel les se mêlent, dan s

Le motif de noisette est, par ailleurs, un

qui sont ici reproduites6 . Néanmoins, d'autres

héritage du xv 111• siècle 4 . Isolé, il recou vre à lui

peintres, actifs dans les dernières décennies

seul certain s plumiers, comme celui daté de

du x1x• siècle, comme Ghulam Riza lmami,

1853, portant le nom de Lutf 'Ali Khan (cat. 214) .

reprennent ces éléments ; aussi est-il difficile

Ce dernier travaille à Chiraz, ville célèbre pou r

d'être trop affirmatif.

ses décors de fleurs, mais aussi pour ses plumiers

Ce dernier, auteur du qalamdan daté du

à décor de noisettes. La composition tout en

Louvre, fait partie des artistes les plus importants

camaïeu de bruns et d'or semble avoir été une

à avoir développé ce style floral sur les laques.

innovation de cette ville dès le xv111 • siècle.

Il est connu, notamment, pour avoir peint plus

une boîte à miroir destinée à être présentée à

nouvelles

!' Exposition universelle de Paris, en 186T, mais

essences, iris, tulipes, jacinthes. On les voit sur

il est, en outre, l'auteur de plusieurs œuvres

le plumier sans inscription du Lou vre (cat. 216),

réalisées pour de puissants personnages de la

parallèle,

traditionnel s

G.F.

un même esprit, les diverses essences florales

antérieure.

En

exposition (cat. 233).

les

motifs

s'enrichissent

florau x de

'a' ad, McWilliams et Rettig 2017, p. 32. 2. ,axb rgh 2017, fol. 2b, 23a, 48a, 56a, etc. 3•• 015-2 52 . 4. u~ p um,er aujourd'hu i conservé dans la collection Khalil i, a me 'de noisettes, est signé Muha mmad Sad iq et daté ce 1715: Robinson et Stan ley 1996, vol. 1, p. 87 et 89. S. a rouve ainsi sur un plumier signé Muh amm ad Hasan -'a= es personnages qu'il a portraiturés figurent as r a -Oin Shah, Mirza Husayn Khan Mushir al-Dawla ::ia salar, Mirza Hidayat Allah Vazir-i Daftar. 6. ·e an com pte des œuvres signalées dans Karimzadeh - a:i z 1985 et Zoka 1998 et de quelques autres passées si..- e marché de l'art, nous arrivons à un total de plus de re e-cinq œuvres . 7. - ro·sœuvres semblables au tableau de Doha sont signalés oar Karimzadeh Tabrizi 1985 et Zoka 1998. Elles sont co servées au pa lais du Golestan, au musée du sanctuaire e Qom et dans une collection privée non précisée. Voir r mzadeh Tabriz i 1985, n' 6 et 17 /1 et Zoka 1998, p. 665. Au sujet des représentations de Qandar en derviche, voir Khosronejad et Zarcone 2014-2015, p. 200201. Pour d'autres représentations équivalentes, voir damova 20 12, cat., p. 210-212. 8. oir p. 102-104 du présent volume. 9. E h ar 2015, p. 152. Pour d'autres portraits de Nur 'Ali, o,r Oiba et Ekhtiar 1998, cat. 85, p. 259-260. Il existe au moin s cinq versions de ce thème, dont l'une est conservée dans le sanctuaire de Mahan. 10. Selon ce système, la lum iè re la plus subtile expérimentée par l'adepte est une lumière noire. Amir-Moezzi 2000· 2001, p. 277-282 ; Amir-Moezzi 2006, p. 1-12 ; Paul Ba llanfat, « Les visions des lum ières colorées dans l'ordre de la Ku brawiyya ». 11. Voir p. 81-83 du présent volume. 12. Diba et Ekhtiar 1998, cat. 86, p. 26 1-262. 13. Voir Broomand, « Jalayer, Esma ' il khan », Elr, vol. XIV, fasc. IV, p 413-415 et Karimzadeh Tabrizi 1985, n' 1. Zoka 1998, quant à lui, ne suit pas cette interprétation.

="

243

I

F. C. P.

1

1. Blair 2006, p. 454 ; Da iber et Junod 2010, p. 242-243. 2. Diba et Ekhtiar 1998, p. 61.

n° cat. 188,

237 1 Portrait d)un érudit Réal isé par Mirza Aga

Iran, 1280 h. (1863-1 864) Couleurs sur papier H. 24 cm ; 1. 15,5 cm Zurich, musée Rietberg, RVA 1024, acq . 1991

Ce portrait représente un calligraphe ou un

cette œuvre tiennent notamment à la technique

érudit, coiffé d'un turban blanc, dont la barbe

picturale utilisée par le peintre

rousse est teinte au henné. Il porte un qaba

de l'application des couleurs en pointillé pour

celui-ci joue

es p o agraphi es contem poraines, souvent ag•e en-ées d'i nscriptions. Les allusions au 2 en- « exceptionnel

» de l'auteur, comme

(veste longue) vert bouteille aux manches

rendre le visage, modèle le manteau par de

a "ormu e « [il) crée sens

par la forme »,

ret roussées, sur leque l est passé un manteau

subtils rehauts de blanc ou appose de petites

a

re levant

de laine brun. Accroup i dans le coi n d'une

touche s pour simu ler les reflets brillants sur le

-"' · ·on ancienne et réutilisent les images et le

araissent

aussi

comme

-

d'u ne

_,

;

chambre toute simple, perdu dans ses pensées,

nez comme sur les surfaces luisantes du qalyan

ocaou,a·re de la littératu re classique, tels qu'on

il tient le tuyau de sa pipe à eau . À sa gauche,

ou des lunettes. Le rendu fidèle, presque rude,

es •e con redans le Qanun al-!?uvar (Canon des

posés su r le dessus d'un coffre, quelques objets

du visage confère au personnage une présence

personnels comptent une paire de lunettes, une

forte, pénétrante . Ce « réalisme » s'accorde en

/:J"'"'es, un traité manuel de peinture datant de 159- : __a référence à la force créatrice de Dieu,

montre à gousset en argent, des plumiers, un

outre avec les qualités« impressionnistes», que

à laque e nul ne peut se mesurer (« La pure

livre et un petit vase en verre avec un narcisse

l'on observe surtout dans les différents motifs

créa ·o de Dieu ») est révélatrice : ici se montre

de Constantinople (Narcissus tazetta). Devant lui

du tissu ou du plat sur le so l.

chauffe une théière sur un brasier de charbon ;

Le jeu de la perspective, le travail des

à côt é, deux livres, deux petites coupes et une

ombres et des lumières, le réalisme dont fait

cu illère. À sa droite se dresse, te ll e une co lonne,

preuve le peintre se retrouvent chez d'autres

une pipe à eau posée sur un plat multicolore en

peintres qajars contemporains. Si la technique

porcelaine. Dans cette scène d'intérieur règne

est novatrice, les six vers ajoutés a posteriori

une ambiance érudite empreinte de douceur et

montrent, quant à eux, une approche plus

de modestie.

traditionnelle de l'image par l'alliance de la calligraphie et de la peinture, fréquente dans les

Nous ne savons

pratiquement

rien

du

albums, ou la présence de dédicaces et de vers

peintre, Mirza Aqa, mentionné dans le poème

poétiques sur les peintures. Cet usage, encore

qui accompagne ce portrait 1 . Les qualités de

fréquent au x1x• siècle, se retrouve même sur

244

I IMAGES

-e ambiguïté de la peinture persane, entre et

modernité,

caractéristique

du

-- se e quart du x1x• siècle. A.L.

1

1. Oa-s so

recuei l de biographies des peintres iraniens, ad Ali Karim zadeh Tabrizi liste plusieurs artistes nommes ,rza Aqa . Faute de détails plus précis, il est impossible d'identifier notre Mirza Aqa avec l'un ou l'autre de ces artistes, voir Karimzadeh Tabrizi 1991, vol. 3, p. 1268, n° 1307 et p. 1271, n• 1310. 2. Voir Porter 2000, p. 109-118. 0-2-,

245

I

-

Kamal alMulk, peintre de la réalité

Muhammad Ghaffari, désigné sous le titre de

· ne suivra pas les trace s6 . Son retour en Iran

Kama! al-Mulk, est le peintre le plus célèbre du

m arque la second e partie de sa carrière . Il fait

début du xx• siècle en Iran. Frère d'Abu Turab

preuve d'u ne grand e maîtri se de la perspective

Ghaffari (cat. 389 et 390) et neveu d'Abu'I Hasan

européenn e cl assiqu e et d'un réalisme accru,

Ghaffari Sani' al-Mu lk1, il est vraisemb lablement

à l'opposé du style néotraditionnel qui émerge

né en 1859 2 . Après une formation au Dar a/-

par ailleurs 7 . Son am itié avec Henri Fantin-

Funun, il devient peintre officiel de la cour

La our, dont il reproduit un autoportrait de

de Nasir al-Din Shah. Durant cette première

18838, eut probab lement un rôle importa nt

période de sa carrière, il pe int des paysages,

dans l'accentuatio n de son réalisme.

des portraits de co ur, ainsi que sept vues de pa lais 3, dont son tab leau le plus cé lèbre, Le

Devenu franc-m açon en 1906, appartenant

Hall des Miroirs, aujourd'hui conservé au palais

à la première loge iranienne, le « Réveil de

du Golestan (fig . 1). À cette série appartient la

l'Iran », affiliée au Grand Orient de France,

MouNIA CttEKHAB

Vue du pavillon du musée, également dans les

Kamal al-Mulk se révèle un artiste engagé dans

GWENAËLLE fELLIN GER

collections du Golestan et ici présentée. Celle-ci

,a Révolu tion con stitutionne lle. Après la chute

montre déjà des traits qui se renforcent par la

oe Muhammad 'Ali Shah, il obtient, en 1911, la

suite et qui deviennent caractéristiques de son

créa ·on de l'Aca démie des beaux-arts de Téhéran

oeuvre

le goût pour la peinture de plein air,

l'attention aux détai ls réalistes et l'emploi de la photographie pour préparer la composi ti on 4 .

adrasa-i Sanay'-i Mustazrafa)

qu' il

Cat. 239b

dirige

jusqu'en 1927, et devient, en 1920, secrétaire ' Éta

ch argé des Beaux-Arts . Ses dissensions

a ec l'élite politiqu e de la fin de la période qajare En 1898, Kamal al-Mulk obtient une bourse

i valent d'être m is à l' honneur par Reza Shah,

destinée à lui permettre d'étudier en Europe.

après 1925. L'autoportrait conservé au musée de a est le reflet de cette période de transition,

Il part pour Vienne et séjourne, par la suite, à Florence, puis à Paris. Dans cette ville, il découvre l'Académie

Fig 1 Le Hall des M iroirs Muhammad Gh affari Kama! al-Mulk Iran, T éhéran, 1313 h. (1896) Huile sur toile T éhéran, palais du Golestan

des

beaux-arts

s·gné dans le coin inférieur dextre, il est l' une

Comme

es dernières oeuvres datées du peintre, et le

ses confrères parisiens, il effectue alors des

ernier aut oportrai t d' une longue série 9 . Il a alors

des

peintres

la

politique qu'artistique . Peint en 1925 et

formation

classique

et

n

européens.

copies de grands maîtres, Titien ou Rembrandt

o us de soixant e ans . Cette toile, au traiteme nt

et en reste particul ièrement marqués. Il y

p· ural marqué par des coups de brosse amples,

découvre peut-être aussi les avant-gardes, dont

émoigne de sa for mation européenne classique.

Cat. 239a

Cat. 239c

239a I Autoportrait

Outre le réalisme des traits, le profil évoque les médail les antiques. L'oeuvre, tout comme les

réa lité et l'importance prise par la photographie

Signé par î\!Iuhammad Gbaffari K am a] al-tdulk Iran, probablem ent T éhéran, 1344 b. (1925) Huile sur toi le H. 63,7 cm ; 1. 55,4 cm Doba, musée d 'Art islam iqu e, M IA.201 4.1

effets personnels de Kama! al-Mu lk, appartint à

sont novateurs, ils rejoignent également la

son médecin personnel, le docteur Qasim Ghani

vision traditionnelle du pe intre iranien, voué,

travail d'après nature, la reproduction fidèle de la

(mort en 1952). Selon leurs échanges épistolaires,

dès Mani, à représenter le réel et à dépasser la

il lui aurait échangé le tableau avec un autre,

copie des maîtres.

jugé de moindre qualité, et certa inement détruit par le peintre!O_ Les lunettes aux deux verres différents seraient à l'origine de l'accident qui lui

239b-c I Accessoires ayant appartenu à Muhammad Ghaffari Kamal al-Mulk

fait perdre l'oeil droit en 1927 et, donc, la raison première de sa rencontre avec le docteur Ghani. Sur la palette, une plaque métal lique est gravée de vers en hommage à l'artiste, signés du poète Ahmad Ashtari (1922 -1961). Ils attestent de la

Iran, vers 1925 Bois, plaqu e de méta l gravé ; bois, poils natu rels ;

238

1

écaille et ve rre ; cuir Palette : H. 29,5 cm, 1. 24,5 cm , ép. 5,5 cm D oba, lV[usée d 'a rt islamiqu e, M IA. 20 14.2 et 1\ IIA.20 14.3

Vue du pavillon du musée au palais du Golestan

I ran, Téhéran, 1302 h. (1884-1 885) Huile sur toile L. 89 cm ; 1. 68 cm T éhéran, palais du Golesta n, 8630

patrimonialisation de !'oeuvre du peintre, dès son vivant, ainsi que du statut semi-mythique que ce dernier, immortalisé au travers de ces quelques vers, atte ignit extrêmement rapidement.

À sa mort, en 1940, Kama! al -Mulk est considéré comme l'inventeur d' une modernité iranienne et d' un style national, comme le plus grand des peintres de son temps. Pourtant, si le

246

1

IMAGES

247

I

1. Voir p. 224-227 du présent volume . 2. Sur les incerti tudes concernant sa date de naissance, voi r A. Ashraf et L. Diba , « Kama l-al -Molk, Moh ammad Gaffari », Elr, vol. XV, fasc. 4, p. 417-433. 3. Aux six ré perto riées par Ash raf (ibid.), il fau t ajou ter une se ptième, inédi te, conservée dans une collecti on privée allemande et représe ntant un pavillon sa/avide aujou rd'h ui détruit, le Johan Numa de Farahaba d. Cette septièm e toile est signée et da tée de rama dhan 1292 h. (octobre 1875). 4. Sur ce sujet, voir Diba 2012, p. 645-659. 5. Tabrizi et Ali 1968-1974, notice n' 48, p. 19-20. 6. Modares 2006, p. 109-110. 7. Voir p. 66-67 du présent vol ume. 8. L'auto portrait original d'Henri Fanti n-Latour est conservé à la galerie des Offices de Florence, 1890, n.3124. La copie de Kama ! al-Mu lk se t rouve au musée Ma lek, à Téhéran, 1393.01.00005. 9. On connaît au moins sept autoportraits, dont cinq sont aujourd'hu i conservés au musée Malek de Téhéran et un à la bibliothèqu e du parlement de Téhéran. 10. La lettre est aujourd' hui conservée dans la biblioth èque de Ya le : Ghani 2005. 1

Les laques iraniens Petits pinceaux, grande peinture TI.VI STAl'\îLEY

L

e erm e de « laque 1 » consti t uent l'une

es objet s que l'on désigne habitue llement



des formes de peinture les plus prisées .

e::e appellati on a du reste été débattue,

da ns la mesure où il n'existe, en réalité, 2-- " e aren é entre le laque iran ien et celui d'Extrême-Orient, qui acquit un prestige

e-

s ·mportant, en tant qu'œuvre d'art, au

cours du xx• siècle. Pour beaucoup, le« véritable » 2;:_e e

celu· de l'extrêm e Asie, sans qu e cette

::-"e a e e mot « laque » provient d'un t erme

prétention ne so it historiquement fondée, étant

sud-asiatique renvoyant à une techn ique enco re ::~e-e--e, u l isant les séc rétions d'un in secte !aquifère, appartenant à la fami lle des cochen illes. One- - -ea a ois un pigm ent rouge et un ve rni s nommé gomme- laque. Quoi qu'il en soit, ce que nous qualifion s



a:_e e

l

un objet recouvert d'u n mat ériau

dérivé d'une résine naturelle végétale ou d'une su bst -::es· ilaire, de manière à le prot éger, en particulier, de l'humidité et , ce fa isant, à l'embel lir e- _ con'érant un écla t brillant. Dans le cas de l'Asie ori entale, la résine utilisée provient de l'ar-:::c -:: codendron vernicif/uum, qu i, comme le suggère son nom sc ienti fi que, est vénéneux po ur

=â=-·e -

ma·n. Elle doit être préparée dans un

environneme nt très humide et s'app lique en fine s co-::-es s..ioeroosées . Dans un prem ier t emps, on incorpore les principales couleurs de fond - ro .._ _ge

o·re, par exemple - à la laque avant

de l'appliquer. Pu is on crée le décor au moyen de :: =-es -ec niques : en le sculptant , l' incisa nt, le dorant ou en ajoutant des éléments en nacre C-

=-

a:: _e oe différe ntes cou leurs. L'éclat et la

palette de ces objets produits en Extrême-Orient éta ier -

2

aremm ent très appréciés en Iran, où

les artistes s'employèrent à imiter les laques chinois ou asia-' 1.;es en général, tout en se servant de matériaux locaux. Le fond des laques iraniens est constitué d'un enduit, le gesso, su r lequel on peint un décor en cou leurs, ou en couleurs et doré, comme on peut le voi r s r ce rtain s objets laq ués inachevés, témo ignan t de cette tou t e première étape de fabrication (fig. 1}. Pui s, la touche f ina le co nsist e à recouvr ir le décor de vernis. Les sources exist antes de

·s a ïn du

xv1• siècle nous indi quent

que ce vernis est fait d'un mélange de résine de sandara .;e .,.etraclinis articulata) et d'hu il e de lin, que l'on fait chauffer dans un chaudron. Là encore, ce orocédé est dél icat, car il fa ut veil ler à ce que le mé lange bouillant ne s'enflamme pas, sans

o· · pour ra it exploser 2 .

Fig. 1 Plumier (qalamdan) Iran, dernier quart du XIX' siècle Papier mâché, déco r inachevé H. 21 ,7 cm ; 1. 3,7 cm ; L. 3,5 cm Londres, coll ection Nasser Khalili, LAQ405

240

1

Coran et sa reliure à décor de fleurs

Signé lVIuhammad Taqi Ib n l\'fuhammad H adi (reli eur) Iran, 1282 h . ( 1865-1866) l\tfanuscrit : encre el co ul eurs sur papier ; reliure : pap ier mâché, déco r peint, doré et \·crni (laqu e) H . 10,7 cm ; l. 6,8 cm Paris, collection Asiyeh Ziai G haragozlu Gat. 240

248

I IMAGES

249

I

œuvres sont créées par les membres de son ate lier (fig. 3) . Ces artistes mettent au point un principe esthétique fondamental qui détermine l'aspect de bien des laques des

xv111• et

du

x1x• siècles,

dès

lors que le style de Muhammad Zaman et de ses pairs devient la référence absolue de la plupart des peintres iran iens au

2 41 1 Coffret à décor historié : le siège de Herat i\1u hammad Ismai'I Isfahan i Naqqashbashi Iran, 1281 h. (1865) Papier mâché, décor peint et vern i (laque) H. 12 cm ; L. 32,5 cm ; 1. 23 cm Berne, Musée histo ri que, 19 13.620.007 l (\ IK ï l

Fig, 2 Jeu de backgammon Iran, début du XIX' siècle Bois peint et verni (laque) L. 69 cm ; 1. 45 cm ; H. 11,2 cm (ouve rt) Londres, collection Nasse r Khali li, LAQ284

Bibl. : Di ba et Ekhtiar 1998.

Cette continuité transparaît dans le choix des sujets . Vers la An de l'époque safavide, un peintre compose ainsi une scène de Lay/a et Majnun à l'école, sans doute pour illustrer un manu scrit du conte éponyme, l'un des « Cinq Poèmes » (Khamsah) de Nizami. Le dessin original est, semble-t-il, perdu, mais une variante ancienne, appa remment simpliAée, Agure dans un manuscrit des Khamsah conservé dans la co ll ection Pierpont Morgan de New York (ms. 469, feuillet 144a), qui aurait été illustré au début du

et l' image persiste, même après que la seconde a été recyclée .

la col lection Khalili, portant un magn iAque décor peir: e;: e aussé d'or sous vernis (fig . 2} . Ici, on peut eurs. Mais, su r la plupart des œuvres, le

vernis s'est assombri, masquant les couleurs initialerer- c oisies par l'arti ste, et cela, peut-être, en raison de l'ajout de couches ultérieures de vernis de rr:

- •e oualité, en fon ction des aléas subis par

les œuvres. Si cert ains objets laqués de la période qajare sont faits de bois, la majorité des exemp laires issus de cette abondante production ont été façonnés en papier mâché 3, ou grâce à des substituts de qualité moindre, évoquant les cartonnages modernes. Le papie r mâch é, composé de couches de papier co ll ées les unes aux autres et mises à sécher, est léger et soupl e. Dès le Moyen Âge, il se substitue au bois dans la confection des re liu res, doma ine da ns lequel se produ it un change ment majeur qui ouvre la voie au développement des laques iranien s. Herat, aujourd'hu i en Afghanist an, en est le berceau. Jusqu'alors, toutes les rel iures de bel le qualité sont recou vertes de cu ir ; à partir des années 1470, le cuir est parfois remplacé par un mélange de gesso, de décor peint et de vernis, appliqué directement sur le papier mâché 4 . Il ne fa it guère de doute que les rel ieurs, en élabora

ce nouveau t ype de reliure, suivaient

des modèles de laques chino is, décorés soit uniqueme n

'or (qianjin), soit de motifs formés de

différentes cou leurs, soutachés d'or (tianqi). Sur certains exemples des plus anciens, ces décors ont une caractéristique particu lière

la nacre y est utilisée sous orme de poud re ou d' incru stations

recouvertes d'un vern is teint en rouge . Les re liu res plus ;:a•dives présentent un effet analogue, créé par l'emp loi de matériaux variés, telles des feui ll es de metal, des vernis co lorés ou des minéraux rédu its en poudre, comme la pyrite de fer. Les motifs de style chinois, les fonds unifor~e spécimens du

xv• siècle

prouvent le lien avec les

xv1• siècle

cependant, la

·on iranienn e s'estompe forteme nt, à mesure

que les canons de la peinture iranienne s'impose n

xv11• siècle, quand la même al li ance de

monochro mes, la surface brill ante des

eles chinois. Dès le

relati on entre la production d'Asie orienta le et la pr

À pa rtir du

e

ans les décors de ces « laques des relieurs ».

a:èriaux sert des intentions nouvelles, le lien avec

les prototypes chinois est quasiment dissout: ne su s· e que l'alli ance de la couleur et de l'éclat. Le transfert de la t echnique des rel ieurs sur n''a -res œuvres s'accomp lit à Is pahan, où une gamme d'objet s de dimensions modestes et de petit poins, essentiell ement des coffrets, des plumiers et des boîtes à miroir, commence à être produite au

oyen de cette combinaison de gesso, de peintu re

et de vernis. L'exemple le plus ancien portan t

e date remonte aux années 1670 ; on le doit à

Muhammad Zaman, peintre de cour de pre m ere importance, représe ntant majeur d'un nouveau style de peinture fort ement influencé par l'évs1 u ·on de l'art sud-as iatique et européen 5 . D'autres

250

1

IMAGES

D'innombrab les variations de cette scène, dans laquelle le maître

x1x• siècles, coffrets,

boîtes à miroir, plumiers7 . Bien que la scène ait été sortie de son contexte na rratif, le lien entre le suj et

Dans l'ensemble du Moyen-Orient, cette techniq _e

r

xv111• siècle6 .

d'école incline la tête et porte un pince-nez, ornent des objets laqués des xv111• et

!'Antiquité. La t rad ition perdure à la période qajare, ----e 'a es e un jeu de trictrac, co nservé dans constater que l'éc lat du vernis re lève celui de l'or etc=>

xv111• siècle.

25 1 1

Une rel iure rectangulaire constitue un support sur lequel il est aisé de dépeindre une telle scène, ce qui est aussi le cas des nouvelles typologies, t elles que les boîtes à miroir ou les coffrets. Le plumier, dont le principal support de peinture est long et étroit, suppose des compositions toutes différentes. S'il s'agit de représenter Lay/a et Majnun à l'école ou d'autres scènes analogues, le dess us du plumier est le plus souvent traité comme un espace ho rizonta l occupé par une composition en longueur. Cec i, toutefois, n'est qu'un format parmi d'autres. Cette face supérieure se laisse également envisager comme un espace ve rtical , pouvant accueill ir un personnage debout qui en remplit la surface. Ou encore, l'artiste insère les éléments figuré s au sein de cartouches disposés selon un axe vertical. Ces compositions variées, nées à la fin de la période safavide, continuent à être employées au cours des xv111 • et x1x• siècles : à force de pratique, les artistes maîtrisent pleinement l'art d'agencer leurs motifs. Notons que si certains plumiers de la fin de la période safavide sont ornés de scènes figuratives, d'autres, issus des mêmes ateliers, présentent un décor floral ou un déco r de fleurs et d'oiseaux, voire, plus rarement, des motifs calligraphiques. La réunion de décors figurés, de motifs floraux et de cal ligraphie apparaît en outre dans des albums des xv11 1• et x1 x• siècles, attestant un li en fort les arts du livre en général

8

.

avec

Par la suite, les peintres de laque sont prompts à adopte r de nouveaux

styles et de nouveaux thèmes, inspirés par d'autres matériaux où ils sont fréquents. Ceci n'a rien de

La réaction des peintres iraniens spécialisés dans les laques aux produits importés qui inondent

Fig 3 Plumier

(qalamdan)

H ajji l\!Iuhammad Iran, I spahan , 11 24 h. ( 17 12-1 713)

l'Iran au cours du x1x• siècle fut un puissant moteur d'évolution. Durant les premières années de l'é poque qajare, les produits manufacturés étrange rs contribuèrent à revivifier la production

Papier m âché, décor p eint et ve rn i (laque)

de laque. Les contacts entre l'Iran et le reste du monde ava ient décliné au cours du xv111 • siècle,

l'autre, pratiquant aussi bien l'éma il et le laque, l'enluminure et l'ill ustration de manuscrits, le dessin,

L. 36,5 cm ; 1. 8,8 cm , H. 8,2 cm

entraînant l'atrophie progressive des styles picturaux, privés du stimulus que constitue l'appo rt de

la grisaille et l'aquarelle sur des pages d'albums, ou, enfin, les gra ndes pe intures à l'hu il e. Dans ces

L o ndres, collection Nasser Khalili, LAQ361

nouveautés forme lles. Le s gravures européennes devinrent l'un des canaux principaux de diffusion

surprenant da ns la mesure où les artistes des xv111• et x1x• siècles évoluent

avec aisance d'un support à

de nouvelles images et leur présence, en Iran, est constatée au tra vers d'innombrab les sources

circonstances, la diffusion de nouve lles formes d'un médium à un autre en est fac ilitée, pour autant

littéraires et d'artefacts conservés . De temps à autre, ces gravures sont incorporées dans le décor

qu'el les respectent les limites techniques de chacun.

des objets laqués, pui s, de manière accrue, recopiées par les peintres iran ien s1s. Plus tard encore, L'un de ces supports, pour lesquels ces transferts paraissaient particulièrement improbables, est

la photographie connaît un sort similaire. Un certain nombre d'objets laqués conservés présentent

ce lui des fresques des pa lais d'lspahan. Mais dès la fin du xv11 1• siècle, leur décor a, semble-t-il, été

pour principal décor une série de photographies 16 ; mais à partir des années 1860, les peintures des

cop ié sur des objets laqués . La scène représentant Shah Isma'il lors de la batail le de Cha ldiran, en

objets laqués sont empreintes d'un style nouveau, qui montre que le peintre a analysé en détail la

1514, placée sur les murs de la sa lle centrale du pavillon du Chihil Sutun, en est un exemple notable.

photographie et qu'il s'en est inspiré 17 .

Reproduite sur des plumiers, elle en devient un décor des plus répandus 9 . Ces peintures monumentales Tandis que la qualité supérieure, comme le faible coût des produits manufacturés importés

comportent de nombreux personnages, forcément resti t ués à très petite échelle sur l'objet laqué.

entraînent une baisse de production de leurs équi valents locaux, les laques semblent avoir échappé à la compétition directe de l'étranger en raison de leur spécificité, jusqu'à la fin du x1x• siècle. À cette

À la période qajare, on illustre de la même manière des faits historiques contempora in s, comme en témoigne le coffret conservé au musée historique de Berne, daté de 1865 (cat. 241} . Il est décoré

période, néanmoins, les peintres iraniens de laque se trouvent confrontés à la concurrence directe

d'une scène extraord in airement complexe, décrivant en détai l l'opération militaire s'étant déroulée

des importation s. Celles-ci proviennent notamment de Russie, où la fabrique de Lukutin commence

sous les murs de Herat en 1838 10 . Malgré son échelle réduite - le dessus de la boîte mesure 32,3

à produire une série de plumiers destinés au marché iranien dans les années 1870. Toutefois, il n'en

su r 26,3 cm - et son caractère sophistiqué, le so in apporté à la composition permet de reconnaître

résulte pas, en Iran, l'effondrement des productions locales, mais l'émergence d'un type qui imite le

aisément les différents aspect s de la bata il le . Il est facile d'identifier, près de la base du couvercle,

style des objets russes, dans l'esprit comme dans la lettre 18 .

Muhammad Shah, tout comme son héritier présomptif Nasir al-Din. En conclusion, tout au long du x1x• siècle, l'art des laques en Iran témoigne d'une vivacité et d'un Cette capaci t é à assimiler des thèmes provenant d'autres formes artistiques est à l'o rigine de l'essor

dynamisme puissants, indiquant que, même dans les années 1880 et 1890, les peintres copient et

de la production de laque en Iran pendant le x1x• sièclell_ Ainsi, l'épanou isseme nt remarquable qui

absorbent techniques ou motifs étrangers avec sérénité. Ce n'est qu'après la chute de la dynastie

marque l'art du portrait officiel à l'époque qajare se retrouve très vite sur les objets laqués: on peut

qajare, en 1925, que ces composantes étrangères, comme l'ensemble du répertoire des peintres,

y suivre, en ce sens, l'évo lution du genre, des poses hiératiques de Fath 'Ali Shah aux représentations

sont abandonnées. Les forces du progrès rendent alors obsolètes l'emploi des plumiers, des reliures

plus naturelles de Nasir al-D in Shah.

ou des objets laqués en général. Ainsi s'éteint brutalement la tradition établie par les peintres, tel que Muhammad Zaman, à la fin du xv11 • siècle.

Une autre source d'idées nouvelles, qui diffère du portrait royal, quant à sa place dans la société islamique et sa continui t é historique sur le long terme, est à chercher dans les enluminures des manuscrits coran iques et dans cel les d'autres ouvrages religieux. En Iran, le Coran n'est imprimé qu'à partir du xx• siècle. Dans les manuscrits du livre sacré produits à la période qajare, les enluminures ont deux fonctions: mettre en va leur le texte saint et signaler ses subd ivisions. Le manuscrit possède presque toujours une reliure laquée. Bien que les compositions de fleurs et d'oiseaux soient l'un des motifs les plus répandus sur ces dernières, il arrive aussi souvent qu'elles soient dotées d'un décor d'arabesques simi laires aux enluminures ornant le manuscrit protégé par la reliure 12 . L'artiste pouvait introduire un peu de divers ité en comb inant les arabesques

avec d'autres éléments B_ En dehors du

doma ine re lig ieux, il peut all ier arabesques et vignettes figurées, mais dans les manuscrits coraniques, il se limite strictement à des décors de fleurs parfois assorties d'oiseaux 14 .

252

1

IMAGES

1

1. En français, le terme laque est employé au féminin pour désigner la matière première et au masculin pour référer à des objets manufacturés ou au vernis artificiel qui les recouvre (NdT). 2. Voir Khali li, Robinson et Stan ley 1997, p. 13-18. 3. Le terme de papier mâché, employé en français, est en réalité inexact. L'Art du cartonnier, traité publié à Paris en 1762 par Jérôme de La Lande, emploie l'expression « carton de collage ». Néanmoins, par souci de clarté et selon l'usage actuel, nous avons conservé le terme de papier mâché pour décrire cette technique. 4. Sur l'histoire des premières reliures laquées, voir T. Stanley, « Rise of the Lacquer Binding », dans Thompson et Canby 2003, p. 184-201.

S. Diba et Ekhtiar 1998, cat. 9; voir aussi cat. 11. 6. Schmitz 1996, n° 15. 7. Voir, par exemple, Adamova 2012, n° 84 ; Khalili, Robinson et Stanley 1996, n°' 103-106. 8. L'exemple le mieux connu en est l'album de Sa intPétersbourg, conservé à l'Institut des études orientales, ms. E-14 ; voir Von Habsburg et al. 1996. 9. Voir, par exemple, Khalili, Robinson et Stanley 1997, n" 244, 245, 346 (en réalité, un étui à lunettes), 355 et 494. 10. Robinson 1970, p. 47-50. Voir aussi Khalili, Robinson et Stanley 1997, n°' 243 (qui ressemble, d'un point de vue typologique, au plumier cité dans la note 4 ci-dessus), 246, 247, 369.

253

I

11. Voir Stanley 2005, p. 29-40 ; et McWilliams 2017, p. 25-52. 12. Khalili, Robinson et Stanley 1997, n° 418. 13. Ibid., n° 411, par exemple. 14. Ibid., n°' 413, 414, par exemple. 15 . Voir note 10 ci-dessus. 16. Roxbu rgh 2017, p. 110-111. 17. F. Emami, « The Lithographie Image and its Audiences», dans Roxburgh et McWilliams 2017, p. 66-67; Schwerda 2017b, p. 93. 18. Khalili, Robinson et Stanley 1997, p. 216-237 ; Stanley 2016, p. 265-277; Kopplin 2016, p. 172-175.

242

1

Plumier (qalamdan) représentant la cour de M anuchir Khan

Signé Mu hammad Isma'il Iran, Ispahan , 1264 h. ( l 84 7) Papier mâché peinl et verni (laque) L. 24,8 cm ; l. 4,8 cm ; ép. 4 cm Londres, Victoria and Albert Muse um, 763- 1876 Bibl. : Diba et Ekhtiyar 1998, p. 229-230, 11° 70.

Ce s trois plumiers sont l'œuvre d' un même

Le s deux autres plumiers présentent des

peintre de laque, Muhammad Isma' il Isfahani.

thématique s très différentes, pour lesquelles

à ceux que l'on remarque sur les émaux et dont l'origine serait à chercher sur les montres

Fils du peintre Mirza Baba et membre de la

le

angl aises importée s au xv111 • siècle en lran 7 ou

effet, il est conn u pour s'être spéci ali sé dans la

nombre de pe intres à Ispahan, il porte le titre de naqqash bash i et est réputé pour ses figures

européennes, un topos arti stique extrêmement

européanisantes 1 . Son

fréquent dans l'art qajar 6 . L'un des deux mê le

activité s'é t end

des

Signé Mu hammad Isma'il Iran, Ispahan, 1281 h . (1864) Papier mâc hé pein t et verni (laq ue) L. 21 ,9 cm Doba, musée d'Art islam ique, MIA.2014.14

Cat. 242

244

1

Plumier (qalamdan)

Signé M uhammad Isma'il Iran, Ispahan, 1280 h. (1863-1 864) Papier mâché peint et verni (laque) L. 24, 7 cm ; l. 5 cm ; ép. 4 cm Doha, musée d'Art islamique, WW. 144.20 11 , acq. 2011

différentes.

Ils évoque nt

su r les lithographies alors en vogue. G. F. - M.C.A.

aux médail lon s représentant des Européen s,

années 1840 aux années 1870.

Plumier (qalamdan)

En

repré sentatio n des zan-i farang i, des femmes

thématiq ues 1

parti culièrement réputé.

grande famille lmami, qui compte un grand

Tous présentent une mise en page et des

243

peintre est

deux

des paysages et des scènes mo ntrant Na si r al-Oin Shah, à la cour ou sur le champ de

périodes disti nctes de la carri ère de ce peintre,

bataille, illu strant ainsi le rô le de pei ntre de

connu par de nombreuses œuvres 2 . Le prem ier,

cour de l'artiste. Sur le dernier pl umier, enfin,

conservé au Victoria and Albert Museum, fa it

apparaissent des scènes issues de l'histoire du

partie des premières œuvres datées si gnées de

she ikh Sa n ' an, un récit populaire issu du Mantiq

sa main 3 . Les deux autres, au contraire, renvoie nt

a/-Tayr, poème mystique composé par 'Attar au

à une période plus ta rdive, vers la fin de sa

x111• siècle. Incarnant la désorientation spiritue lle

carrière. Le plumier conservé au Victoria and

et les errances de la recherche de l'amour

Al bert Muse um représe nte le premier mécène

divin au t ravers de l'amour physique, la jeune

de l'artiste, un eunuq ue d'orig ine géorgienne,

chrétienne dont le sheikh tombe amoureux

deven u le puissant gouverneur de Kirma nshah,

est

généra lement

rep résentée

habil lée

de

puis d'lspahan, sous le règne de Muh ammad

vêtements européen s. S'y tro uvent ici associés,

Shah 4 . Sa cour est ici dépeinte et les personnages

comme sur l'autre plumier du musée de Doha,

qui la composent désignés par leur nom 5 .

des médai llons ornés de po rtraits, semblables

1

1. Floor 1999, p. 140 et Diba et Ekhtiar 1998, p. 229 . W. Floor indique que, contrai rement à ce qui est publié dans Diba et Ekhtiar 1998, p. 229, Muhammad Isma'il n'est pas le frère de Najaf 'Ali, qui appartient à une famille différente d'lspahan. 2. Voir, par exemple, les différentes œuvres présentées Diba et Ekhtia r 1998, lors de l'exposition de 1998 p. 229-236 . 3. Diba et Ekhtiar 1998, p. 229. 4. Ibid. S. Pour le détail des scènes et une analyse détaillée de la vie de Manuchir Khan, voir Diba et Ekhtiar 1998, p. 229-230 . p. 160-163 du présent volu me et 6. Voir à ce sujet N. Sobers-Khan, « Women as Symbols in Qaj ar Art, Images of arch etypal heroines and icons », dans Chekhab-Abudaya et Sobers-Khan 2016, p. 117-137. 7. Voir à ce sujet, p. 270-273 du présent volume .

Cat. 244

254

I

IMAGES

255

I

245

1

246

Plumier (qalamdan) orné de scènes de bataille

1

Plumier (qalamdan) dédié au prince Kamran Mirza Amir Kabir et étui

Signé Fathull ah Shirazi Papier mâché, décor p eint et ve rni Qaq uc) Ira n, C hi raz (?), \·ers l 868-1 882 L. 22 cm ; 1. l 3,3 cm Paris, coll ccLion pa rti culirrc, ancienne collecti on prince Samad K han l\ [ontaz aJ-Saltana, 1869- 1955

Iran, \·ers 1865 Pap ier mâché, décor peint et \·erni (laque) H . 3,6 cm ; 1. 23,3 cm Oxfo rd, As hmo lean Museum of Art and Arc haeology; un ivers ité d 'Ox ford, EA l 9ï 1.1 5, don de l\frs I. C lifton Hemsely, 197 1

Bibl. : Robin son J995, vol. 10, pan TI, p. 50-51. fig. 8- 13.

Ce plumier et l'étui qui l'accompagne portent

furent découvertes sur les œu vres de la main

référence au Prem ier ministre assassiné en 1852,

un décor de roses et d'oiseaux se détachant en

de Fathullah Shirazi, appartenant à la collection

lui est conféré en 1868 et témo igne de son rang.

grisaille sur un fond rehaussé de rin ceaux d'or.

de Harvard 2 . Enfin, les dates inscrites tout à la

Le plumier est donc postérieur à cette date. Il est

fois sur le miroir, créé en 1295 h. (1878), sur

vraisemblable, étant donné les dates des autres

Le peintre, Fathullah Shirazi, suiveur de Lutf 'Ali Khan, signe de nombreuses œu vre s, les unes

le plumier de Harvard, daté de 1300 h. (1882}

plumiers portant le même décor, que ce dernier

présentant un décor coloré, les autres montrant

et sur ce lu i ici exposé révèlent à quel point

a été confectionné durant les années 1870s.

ce type de déco r mêlant or et camaïeux de

ces poncifs ava ient une vie longue. Le motif

gri s. L'une d'entre elles, dans les colle ctions du

origine l des oiseaux, dont les espèces restent

Harvard Art Museum (2014 .344), tém oigne de

reconnaissables, est, quant à lui, directement

certa ines similarités frappantes

inspiré

le décor de

pie, faisant face à deux boutons de roses, est

se

Shah lui-même. Ce thème est célébré sur

l'intérêt porté aux représentations détaillées de

d'autres Jaques (voir cat. 241). Les flancs du

'uhammad Ism a' il, à qui l'on do it un certain

grands événements historiques inspire une série

plumier sont ornés de deux autres scè nes de

d'objets laqués commémoratifs, sans doute

bat ai lle : l'une décrit une citadelle bombardée,

o bre de représentatio ns similaires peintes s r oes laques .

l'autre, l'affrontement entre l'armée iranienne

F.L.

conçus pour être offerts. Parmi les événements représentés

figurent

des

batailles

et

des

campagnes militaires, comme en témoigne

même que le couple d'oiseaux se faisa nt face,

Kamran M irza, désigné ici sous le titre d'Amir

dont l'un entrouvre les ailes. Ces dern iers se

Kabir, troisième fils de Nasir al -Din Shah 4 . Ce

retrouvent, par ailleurs, sur un miroir conservé

dernier était très proche de son père et tint des

à New York 1 . Cette ressemb lan ce s'explique

charges importantes durant toute la seconde

par l'emploi de poncifs, dont ce rtaines traces

moitié du

Bien qu' inconnu, l'artiste se di stingue par sa dextérité et son talent à reproduire, avec la

le cou vercle, devant une ville fo rtifiée surmontée

plus grande préci sion, les scènes évoquées. L' un

d' une coupole dorée, apparaît probablement

des détails les plus intéressants se place sur le

une représentation du siège de Herat, en 1838,

côté : on y aperçoit un cimetière et un soldat

incluant un portrai t miniatu re de Muhammad

assis dan s une postu re de deuil près d'une

256

I IMAGE S

naturelles

Le plumier et l'étui sont destinés au prince

rouge s, strié es et ornées de glands 1 .

Trois événements distincts s'y déploient. Sur

d' histoires

strictement identique sur les deux pl umi ers, de

et ses ennemis, reconnaissables à leurs coiffe s

ce qa!amdan.

planches

européennes 3 .

..il ure récen te . Ce style rappelle le travail de

Sous le règne de Muhammad Shah Qajar,

de

G.F.

1. li s'agit peut-être de représentations de l'assaut donné par les Irani ens contre Gho rian en 1837 et de l'expédition de M irza Muham mad Kha n contre les Turcomans du Gurgan, scène qui figure aussi sur le coffret de Berne.

25 7

1

x1x• siècle.

Le titre d'Amir Kabir, en

1

1. New York, Metropolitan Museum of Art, 1979.460.2a, b. 2. Farhad, McWilliams et Rettig 2017, p. 47. 3. Ibid., p. 87. 4. H. Walcher, « Kamran Mirza Nayeb-al-Saltana », Efr, édition en ligne, 2015. 5. Selon Khalili, Robinson et Stanley 1997, vol. 2, p. 124, le peintre est acti f de 1860 à 1880 environ. Il ne po rte pas encore alors le titre de noqqashybashi, qui lu i est confé ré en 1289 h. (1872-1873 ).

24 7

1

Boîte à instruments

248

Iran, Ispahan (?), fi n du X\ '111' - début du XIX' siècle Bois recou vert de papier mâché, décor peint à l'aquarelle et verni (laqu e) ; instrum ents : acier damassé, décor- dama,,quiné d 'or : os, nac re et bois

1

Boîte contenant des outils de joaillier

Ira n, fin du X \ï ll '. - début du x 1x ' siècle Pap ier mâché pein t et verni (laque) H . 32,7 cm ; l. 2 1,8 cm ; ép. 5,8 cm Do ha, musée d'Art islamiqu e, J E. l .1 99 7. l

H . 39,5 cm ; l. 26 cm ; D. 6,5 cm Oxford, Ash molean Muse um of Art a nd Archaeology, université d'O xforcl , EA 1955.1

Bibl. : Pope 1938- 1939, vol. 9, ill. 139 1-1 392 ; Scarcia 1959- 1983, ,·ol. 11, ill. 409 ; Robinson 1995, m l. 10, part Il. p. +6-4-ï. fig. 1-3 ; Allan et G ilmour 2000, p. 383-399.

Au cours du x1x• siècle, la production d'objets

Cette boîte, contenant des outils que l'on pe nse

gamme

être ceu x d'un joaill ier, présente une Vierge

d'accessoires personnels, parmi lesquels de

à l'enfant entourée de deux hom mes barb us

laqués

en

Iran

inclut

toute

une

petites boîtes. Munie de deux tiroirs gigognes,

s' incl inant respectueusement et de deux jeunes

cel le-ci était aussi pourvue d'un miroir placé à

femmes

l'origine sous le couvercle à charnière.

L'origine de cette iconographie se tro uve dans

tendant

des

offrandes

à l'enfant.

Elle abrite une panop lie d'instruments en

les gravures europée nnes vé hicul ant des im ages

acier aux fines incrustation s. Certains - parmi

sa intes en Iran et introdu ites dès le xv11 • siècle

lesquels un rasoir, un peigne et des ciseaux -

par les confréries religieuses catholique s ou par

constituent vis iblement un nécessaire à barbe.

les marchands des compagnies orientales.

eu x, toutefois, ren voient

La similitude de cette scène avec ce lle

à une série de procédures chirurgicale s :

qui orne la boîte attribuée à l'entourage de

Plusieurs

d'entre

ou

Najaf 'Ali et de Muhammad Sadiq (cat. 247)

forceps. D'autres encore corre spondent à des

est frappante. En effet, l'emp loi de poncifs est

activités différentes, dont le travail du cuir.

avéré pour les œuvres la quées, qui partagent

Ces champs d'app li cation variés ont po ussé

un même dessin prépara t oire 1. Néanmoi ns, les

James Allan à voir dans ce nécessaire un

de ux scènes ne sont pas id enti ques : outre une

produit destiné aux touri stes et aux clients

disposition en miroir, la pos ition de l'enfa nt et

pince s

petites

et

grandes,

couteau x

étrangers, capables d'appré cier, par aille urs,

cel le des personnages secondaires diffèrent

les scènes chrétienne s peintes sur ses parois 1 .

grandement. Ces derniers sont, par aille urs, plus

Au début du x1x • siècle, médeci ns occidentaux

nombreux sur la boîte d'Oxford que sur celle du

et missionnaires évangé liques se font toujours

musée d'Art islamique de Doha . En revanche,

plus présents sur le sol iranien : peut-être sont-

le t raitement des drapés, des ombres et des

ils parmi les utilisateurs ciblés 2 . À la même

paysages, de même que cel ui des bord ures,

époq ue, les ba rbiers iraniens sont réputés

est très proche. On retrouve, ainsi, sur les deu x

pour avoir diversifié leurs services

obj et s, la dispos ition en ca rtouches de guirla ndes

ils rasent

et épilent, circoncisent, réduisent les fractu res

fl ora les entrecoupés par des po lylobes. Il est

et soignent les dents 3 . S' il s opèrent sur la place

donc plausible que ces deux œuvres sorte nt du

publique,

même atelier.

ces

professionnel s touche -à-tout

M .C.A . - G.F.

sont le plus souvent itinérant s; ils ne peu vent que

profiter

d' un

nécessaire

multi-usages

comme celu i-ci 4 . Les décors inspirés de l'art occidental , plus 1

access ible de pa r la vaste circu latio n de gravures

1. McWilliams, p. 25-55.

dans

Roxburgh et

McWill iams

2017,

européennes, se retrouve nt sur les laques produites tout au long de la période qajare et destinées tant aux Iraniens qu'aux étrangers . Les thèmes chrétiens sont récurrent s, notamment dan s l'œu vre de Muhammad Sadiq et de Najaf 'Al i, dont le style figuratif aura, pe ndant les décennies suivantes, un fort impact sur la fabrication des laques à Ispahan. Si cette boîte n'est pas signée, la virt uosité du dessin - deux

couvercle montre une dame indienne sur sa

Sa intes Famil les, dont l'une avec sainte Anne

t errasse, entou rée de serviteurs ; ce motif, et

et saint Jean Baptiste - atteste que l'œuvre

ceux des paroi s externes, révè len t une approche

est de la main d'un maître particulièrement

différente de la figure humaine, signe que le

doué, sur lequel leu r influen ce s'est exercée.

décor ré sulte peut-être d' un travail collectif. F.L.

La composition qui orne la face interne du

258

I IM AGES

1. Allan et Gil mour 2000, p. 389. 2. Une enquête plus large sur les instruments de chirurgie individuels et une com paraison avec les pra ti ques occidentales co ntem poraines pou rraient apporter un éclairage nouveau sur l'origine du destinataire. 3. Floor 2004, p. 145-161 . 4. Les ch irurgie ns-barbie rs seront, de même, des figures familières en Angleterre jusqu'en 1745, date à laquelle les deux professions furent dissociées.

259

I

249

1

250

Copie du Bustan de Saadi

Iran, vers 1760-1 790 Manuscrit: encre, cou leurs cl or sur papier; reliure : papier mâché, décor peint, doré et ,·erni (laque)

H. 28,8 cm ; l. 19, 7 cm; ép. 2,4 cm

Iran , Téhéran , Zu ' l qi'da 13 10 h. (mTil-m ai 1893 i\[anuscrit: en cre, cou leurs et or sur papier; reliure : papier mâché, décor peint cl ve rni (laque)

H. 18,2 cm ; l. 11 ,3 cm Toronto, mu sée Aga Kh an, AIGv[276

D oha, musée cl' Art islamique, i\IIA.2014. 194

Commandé par Nasir al-Din Shah Qaja r, le

La reliure de cette copie du Bustan de Saadi

manuscrit du Gulshan-i Raz (« La rosera ie

présente un type de peinture inspiré des thèmes

du mystère ») est constitué de 119 folios

européens . Le médaillon central est occupé par

calligraphiés

une Vierge à l'Enfant, sans que ce motif n'ait

par

Shukrallah

Namah

Nigar.

Chaque feuille comporte dix lignes en nasta'liq

de lien particulier avec le contenu de l'ouvrage.

poudré d'or. Le nom du souverain qajar apparaît

Les représentations de Marie et de Jésus sont

sur l'avant-dernière page du manuscrit et son

fréquentes sur les œuvres en laque. Le ur origine

portrait orne les médaillons centraux des deux

est à trouver parmi les gravures véhiculées

plats de reliure. La reliure reflète le mélange

depuis le xv11• siècle par les confréries religieuses,

de tradition et de modernité qui caractérise la

mais ce thème est éga leme nt parvenu en Iran

période qajare. Aux habituels rinceaux végétau x

par le biais de la peinture indienne ou par

dorés se détachant sur un fond sombre sont

celui des émaux occidentaux. La mise en page,

alliés les portraits de style réaliste.

dans un médaillon, de cette reliure, évoque

Composé d'un peu plus de 1 000 distiq ues,

ce dernier vecteur (fig. 1 p. 271). Elle renvoie

le Gulshan-i Raz est un mathnavi, poème où

aussi à ce lle visible sur certains plumiers du

xv111•

Manuscrit du Gulshan-i Raz (« La roseraie du mystère»)

S heikh i\Iahmucl b. 'r\bcl a l-Karim Shabistari

R eliure signée par Hasan Khuclaclacl

milieu du

1

les vers riment deux par deux, qui traite de la

siècle, notamment ceux signés

doctrine mystique du soufisme. L'auteur, Shaykh

par 'Ali Ashraf, sur lesquels apparaissent des

Mahmud b. 'Abd al-Karim Shabistari (mort vers

personnages pris dans les mêmes médaillons

740 h. [1339-1340]), indique, dans l'avant-

polylobés1 . L'iconograph ie chrétienne était déjà

propos, qu'il rédigea ce traité en 717 h. (1317),

présente dans les palais d'lspahan au temps

après avoir reçu quinze questions rhétoriq ues

de Shah 'Abbas (règne 1594-1627). Mais son

d'Amir Husayn Husayni, célèbre maître soufi du

interprétation est ici dénuée de sens religieux.

Khurasan. Les réponses de Shabistari, de simples

La Vierge Marie symbol ise, en particulier, l'image

distiques,

de la maternité et de la féminité 2 .

reprennent

le

mètre

utilisé

par

Husayni 1 . Désireux d'étoffer les concepts dont

Plusieurs élèves de 'Ali Ashraf firent carrière

il avait débattu, il ajouta, par la suite, certa ines

sous les Zands, puis sous les premiers Qajars.

sections à son texte initial et baptisa l'œuvre

Hasan Khudadad, qui signe cette reliure, en fit

entière, le Gulshan-i Raz, un nom, dit-il, révélé

peut-être partie . Il est peu connu : un peintre de

à son cœur 2 .

ce nom, spécialisé dans la peinture de qalamdan,

B.P.

était actif à la cour de Karim Khan Zand, à Chi raz, où il côtoya Aqa Muhammad Khan 3 . On ignore cependant la durée exacte de sa carrière et s'il 1

continua à œuvrer sous les Qajars. Ce manuscrit reste néanmoins un exemple des modèles établis à la cour zande, qui voient sous les Qajars leur plein épanouissement.

1. H. Algar, « Golsan-e raz », Elr, vol. XI, fasc. 1, 2003, p. 109-111. 2. Ainsi qu 'il le signale au début du Gulshan-i Raz, dans l'ultime distique de la section intitulée Dar sabab-i nazm-i kitab va tarikh (« Sur la raison pour laquelle cet ouvrage a été composé, et sur sa date »).

M.C.A.

1

1. Par exemple, sur certains plumiers de la collection Khalili: Robinson et Stanley 1996, vol. 1, p. 70-73. 2. N. Sobers-Khan, « Women as Symbols in Qajar Art, Images of archetypal heroines and icons », dans ChekhabAbudaya et Sobers-Khan 2016, p. 117-137. 3. Karimzadeh Tabrizi 1997, vol. 1, p. 410-415.

260

1

IMAGES

26 1 1

2 51

1

Recueil de prières catholiques en persan

Ira n, Té héran (?), l 894- l 895 Manuscrit : encre, or et couleurs sur papier ; reliure : papier mâché, décor peint, doré et ve rni (laque) H . l 7 cm ; 1. l I cm Paris, Bibliothèque nationale de France, Supplément persan 21 ï l

252

1

Alvah-i muqaddasa (« les tables saintes»)

M irza H usayn 'Ali Nuri Reliure signée Lutf' ullah Qaz uin i Iran, 1908 J\fan uscrit : encre, or et couleurs sur papier; reli ure : papier mâché, décor peint, doré verni (laq ue) H . 27 cm; l. 16,5 cm Paris, Bibliothèque na ti onale de France, Suppléme nt persa n 1753

Bibl. : Bayani 1363 h. , vol. II, n° 62 1 p. 438; Bloehet 1934, t. IV, n° 2259.

1326 h. (1908), le li vre est de très be lle factu re.

Dans ce peti t volume superbeme nt ca lligraphié,

Husayn 'Al i Nuri, dit Ba ha'u ll ah (1 817- 1892 ),

ad resse ses prophéties. Le message re lig ieux

enl umi né et

le t exte de

était le fils de Mirza Buzu rg, un let t ré et

concerne t oute l'human ité et se veut porteur

Il comporte des encadrements et plusie urs

que lques prières catholiques en persan. Il a ét é

cal li graphe qui fut min ist re d'un des princes

de prog rès et de paix. L'avocat et orientaliste

frontispices (sarlawh) enlum inés. La reli ure à

confectio nné spécia lement à l'occasio n d'une

qaj ars. Baha 'ullah, disci pl e du Bab (1819-

Hippo lyte

(1873-1928), qu i offrit

motif d'o iseaux et de fleurs, de pa rt et d'autre

cérémon ie et était destiné à être offe rt à un e

1850), réformateur re li gie ux à qui il succéda,

ce ma nuscrit à la Bibl iot hèque nati onale en

d'une gerbe d'iris, port e la signature du pe intre

jeune fille. La date de la ca ll igraphie correspond

est à l'origine du ba ha'isme, un mouvement

1909, était lui-même disc iple d'Abd al- Baha,

Lutf'u llah Qazvini .

à l'année 1894, tandis que la dédicace indique

de réfo r me religieuse sé paré de l' islam depuis

fils de Baha'ul lah. Il pu blia, avec sa femme

celle de 1895. Acquis en 1985, ce peti t ma nuscrit viendrait

1848 . Il se réfugia à Bagdad en 185 3, puis à Constantinop le et, de 1868 à sa mort, à

Lau ra Clifford-Barney, la traduction de nombre d'écrits de Baha'ullah , ainsi que des ouvrages

de la famille Rabino di Bo rgoma le. Hyacinthe

Saint-Jea n d'Acre. Ses écrits sont nomb reux.

sur ses doct rines .

Lou is, consul gé néral d'Anglet erre à Smyrne et

Ses « tables » sont dest inées à différents

Call igraph ié en style nasta'/iq par 'Ali Akba r

souverains, auxque ls il expose ses doctri nes et

M il an i, qu i achève son trava il an ramadhan

rel ié,

se trouve

au t eur de travaux historiques su r le no rd de l' Ira n, était mo rt en 1950 et son pè re, Josep h Rabino, né à Lon dres, ava it été directe ur général de la Banque impériale de Perse sous Muzaffa r al-Oin Shah, de 1889 à 1908. L'e nluminure et le décor de la rel iure sont pro bablement dûs au même artiste, mais ne sont pas signés. Sur les plats figu re une cro ix sur un fond de vo lut es fl orales, su r laquel le est rep résentée la co lombe, symbo le du Sa intEsprit. En cette fin du x1x• siècle, où manuscrits et im primés coexistent, cet exemple de l'art du livre témo igne de la subsist ance d'at el ie rs d'en lu minure

encore acti fs,

produisa nt des

œuvres de grande qualité.

F. R.

262

1

IMAGES

263 I

Dreyf us

F. R.

253

1

Farhad va Shirin

255

desquel les Shirin est représentée à cheval. La peinture qui orne la reliure, due probablement

Vahshi Iran, début du :\l:\' siècl e i\lanuscrit : encre, or et cou leurs sur papier ; reliure : papier mâché, décor peint ct verni (laqu e) H. ï ,4 cm ; 1. +, 2 cm; 6 1 feuillets Paris, Biblioth èqu e nationa le de Fra nce, Supplément persan 2082

1

Plumier à décor gulzar et marbré

h a n, , -e rs 1840-18 70 Papier mâché, déco r peint, doré et ,·crni Qaque L. 2 1,5 cm; 1. 3,6 cm Leipzig, Grassi i\ f use um für Angewandte Kunst, l 90ï .256

au même artiste, illustre aussi deux épisodes de l'histoi re de Khusraw et de Shirin, dont la scène fameuse où Khusraw, passant à cheval, aperçoit la belle Shirin en train de se baigner, nue, dans

Bibl. : :\Teum a nn et Kopplin 2009, cal. 52.

un rui sseau. Selon l' inscription que l'on peut lire au folio 61v, le manuscrit a été réalisé pour Ja'far 'Ali Khan, mais ni la date ni le nom du calligraphe n'apparaissent. Ce manuscrit et ses peintures peuvent être rapprochés, par leur

Kama! al-Din Vahshi, originaire de Bafgh, né

style, des prem ières lithographies illustrées. Il

en 1532 et mort en 1583, exerçait le métier

n'y a pas véritableme nt de ru pture sty li sti que

de maître d'école, notamment à Kashan, et

entre ces deux formes du

livre et si

la

acquit une certaine réputation comme poète

lithographie peut être plus largement diffusée

dans l' Iran safavide. Son œuvre principale est

elle reste très conservatrice dans sa forme.

un poème de 500 vers, écrit à l'imitation du

Le produit manufacturé a toutefois permis au

Khusraw va Shirin de Nizami (1175) et racontant

livre de touche r un public bien plus nombreux

les amours contrariées de l'architecte Farhad

à partir de 1840 1 . Même si les images et les

pour Shirin, également aimée du roi sassanide

décors enluminés ne sont désormais ni dorés

Khusraw (Chosroès) Il. Vahshi mourut avant de

ni colorés, ils sont souvent exécutés dans les

term iner son poème, mais celui-ci connut un

mêmes atel iers et reproduisent les mêmes

certa in succès. Ce petit manuscrit de l'œuvre de

modèles, les rendant access ibles à un plus

Vahshi contient trois peintures (folios 42v, 44v

grand nombre.

et 60v) de facture assez simple et sur chacune

254

1

- • .:.a-sœ ouvrage, p. 382-387.

F.R.

Boîte à miroir

Signée Raj ab ~i Iran, 1252 h. (1836-1 837) Papier mâch é, décor peint et verni Qaque) H. 19 cm ; 1. 6,5 cm T éhéran , musée i\Ielli, 4376

Le fond tap issant des faces de ce plumie r s'inspire

des

motifs

de

papier

marbré

(cat. 253). Sur cette texture se détachent, en

Ce petit miroir octogonal présente une forme

~

motifs de feui ll es légèrement boursouflées,

a.-.-s, vers 1850-1860. Ce dernier, qui aurait

donnant son nom à ce gen re cal ligraph ique, le

gu/zar

prend,

à l'époque qajare, de

nouvelles directions 1 . Les artistes remplacent

relief, les lettres d' un ve rs de poésie dont les

plus volontiers les motifs végétaux par des

hémistiches sont répartis dans deux ca rtouches

figures, qu ' ils insta llen t à l'intérieur de lettres

oblongs. Le corps des lettres et les points q ui

tracées en graphie nasta'!iq, dans de courtes

les complètent sont remplis de visages, de

inscriptions, à teneur poétique ou religieuse.

Il se

traitées dans une grisaille que l'oxydation du

~se ce e orga nisation décorative en raison de

distingue surtout par son décor, composé de

vernis fait apparaître brunât re. Le revers du

" sra· u de clerc désapprouvant la figuration,

figures féminines , entièrement nues parfo is,

L' un des pionniers de cette rénovation du

ma rbrures organisées de man ière à former des

boîtier est orn é d' un déco r flora l noi r soutaché

: r

qua encore ses compositions de l'ajout

et d'animaux passants miniaturisés . Ce je u

genre est le cal ligraphe Husayn Zarin Qalam,

d'or, se détac hant sur fond ve rt, dans une

:e c:a ouches

marbrures 4,

ca lligraph ique qui t ra nsfo r me les lettres en

acti f au tournant du xv 11 1• et du x1x• sièc le 2 . Ce

e en émoign ent un plum ier qui lui est

un espace pictura l est appe lé, en Ira n, gulzar,

nouveau st yle se diffuse ensuite sur les objets

connue au moins depuis le xv111• siècle

1

.

composition organisée autour d'un médaillon

placés

sur

les

central polylobé à deux appendices, tout droit

a-:

e, aujourd'hui conservé au musée Malek

ce qui signifie « prairie de fleurs ». Appar u

laqués, notamment des plumiers ou des étuis

issue du siècle précédent 2 .

a - e èran, ou trois autres, signés de sa main,

à l'é poque timouride, quand les lettres ne

à sceaux 3 .

Le

décor

ma rbré

est,

peut-être,

dérivation de motifs floraux stylisés

3

.

servés dans la collecti on Kha li li 5 .

une

sont alors ornées que de motifs fl orau x

C.M.

G.F.

Mais on

peut aussi y voir une transposition des papiers marbrés, uti lisés pour façonner les marges des albums depuis la période médiévale. Il ne semb le pourta nt appa raître que tard ivement sur les objets laqués, principalement en lien avec deux artistes, le premier, Rajab 'Ali , travaillant dans les années 1830 et 1840 et le second, peut-êt re élève du précédent, Abu Tal ib al-

264

I IMAGES

1.

n miroir de ce type orné d'un décor fierai, daté 1747 e s gné 'Ali Ashraf, est conservé au Victoria and Albert Museum, 758-1876. 2. On re rouve la même sur le miroir susmentionné. 3. a li, Robinson et Stanley 1997, p. 222. 4. Ibid., p. 224-228. 5. Téhéran, musée Malek, 1393.05.00048 et Londres, collection Khalili, LAQ514, LAQ331 et LAQ342.

265

I

1

1. Blair 2006, p. 453-454.

11 ne semble pas exister de monographie sur ce calligraphe, dont quelques exemples de calligraphie gulzor sont conservés en Europe et aux États-Unis. Récemment l'œuvre de deux autres praticiens de cette technique'. originaires de Qazvin, a été publiée : Nur Muhammadi 1395 h. 3. Pour d'autres exemples de plumiers ou d'étui à sceaux avec ce type de décor : Londres, Victoria and Albert Museum, 769:1-1876 ; Boroumand 2013, p. 218-287 ; Robinson et Stanley 1996, cat. 188, p. 230-231. 2.

256

1

Recueil des œ uvres poétiques (Divan)

·U rfi Shirazi [Ispahanl, 1620-1621 et Iran, avant 1834 Manuscrit : encre, or et co uleurs sur papier ; reliure : papier mâché, déco r peint, doré et verni (laque) H. 17,5 cm ; L 9,5 cm ; 332 feuill ets Paris, Bibliothèqu e nationale de France, Supplément persan 14 72

25 7

1

Petit étui

Iran, :-.: 1:-.:·· siècle Papier mâché, décor peint et ve rni (laque) H. 13 cm ; 1. 2,2 cm O xford, Ashmolcan Museum of Art a nd Archaeology, université d'O xford , EA 1992 .2.26

Bibl.: Blochet 1928, t. III, n° 1843.

On trouve dans ce manuscrit, dont la reliure

Plus compacts que les qalamdans, ces boîtiers

officier t enant un ve rre à la main, est conforme

a été refaite sous le règne de Fath 'Ali Shah,

ob longs sont fabriqués afi n de servir d'étui à

aux motifs ornant ces objets personnels : ceux-

mais qui ava it été call igraphié en nasta'/iq en

lunettes, dont l' usage se répand dans l' Iran du

ci comportent souvent le po rt rait en buste

1030 h. {1620-162 1) par Habib-ullah Kuhki lu'i,

x1x• siècle, ou de récept acle pour les pains à

d'un jeune Europée n 1 . La text ure t ravai ll ée et

différentes com posi ti ons de 'Urfi, la Risala-yi

cacheter. Comme sur d'autres boît es apparte nant

pai ll etée des surfaces dorées réfl échit la lumière

nafsiya, le Majma' a/-abkar, et d'aut res pièces

à la même série, la compos ition est orientée

plus fortement qu'un vernis ord ina ire, aJoutant à

comme l'histoire en vers de Khusraw et de

verticalement et, dans bien des cas, encad ré e

la richesse du décor.

Shirin . 'Urfi est un poète de grand renom, né

de rinceaux dorés. Le décor central, un jeune

F.L.

en 1555 à Chiraz et mort en Inde, où il avait émigré pour se mettre au service des Moghols, dont Akbar, à Lahore, en 1591. Novateur par son style, il reprend des thèmes déjà traités par ses devanciers, dont Nizami, pou r les aborder d'une façon nouve ll e. Il co nnut un immense succès et les manuscrits de ses œuvres sont nombreux. Celu i-ci témoigne de l' inté rêt qu' il suscita it encore au début du x1x• siècle, lorsqu 'on le fit couvrir d' une nouvelle reliure. Le passage du poème racontant comment les deux héros de cette

histoire d'amour

à l' issue trag ique, la jeune Layla et le jeune Majn un, s'étaient connus à l'école, est très souven t il lustré. Il constitue l'un des prem iers ép isodes du roman composé en vers par Nizami en 1188, imit é et repris par beaucoup de continuateurs, parmi lesque ls 'Urfi, lequel mourut avant d'avoir terminé son poème ... Pour les peintres et les enlumineurs, cette scène permet de faire allusion aux différentes facettes de leur métier, en représentant diverses activités li ées à l'a rt du livre et de la cal ligrap hie.

F.R.

266 [ IMAGES

267

1

1

1. On peut les comparer aux exemples publiés par Khalili, Robinson et Stanley 1997, vol. Il, p. 68, n' cat. 259 et p. 159, n' cat. 375.

258

18 cartes d 'un j eu deganfifa (ou ganJefa)

1

Iran, 1" moitié du XL'(c siècle Couleurs et or sur ivoire H. 5,5 cm ; 1. 3,4· cm Paris, Bibliothèqu e nati onale de France, département Estampes et photographi e, RESERVE KH-167 (1595)- 4, a ncienne coll . Georges Ma rtea u (1858- 1916)

259

1

15 cartes d 'un j eu d'as (ou as-nas)

Iran, X IX' siècle Papier mâché, décor peint, doré et ,·erni (laque) H . 6, 1 cm ; l. 4,3 cm Pari s, Bibliothèqu e nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE BOITE FOL-KH-206 (21 ), ancienn e coll. H enry-René d 'Allemagne (1863-1 950)

260

1

Cat. 258

2 cartes d' as-nas, un as et un shah

Iran, 3' qua rt du x1x'· siècle Papier mâché, décor peint et Yerni (laque) H. 6 cm; l. 4 cm Paris, musée du Quai Branly - J acques C hirac, ï l 1964.5.364 et 71 .1964-.5.368, don M"'c de Letamandi au musée de l' Homme, 1964

Le ganjifa, j eu d'origine iranienne dont les règles

parmi

se rapprochera ient du trictrac, est attesté dès le

cartes à jouer.

début du

xv• siècle

les plus grands collect ionneurs de

"-'eren e : le sh ah y revê t les traits d e Nas ir

Néanmo ins, les prem iers témoignages matériels

Le jeu d'as, dont les règles rappellent celles 6

du poker américain , se compose d'un minimum

à l'époque safavide 2, durant laque ll e ce jeu de

de trois séries de cinq cartes identiques,

ca rtes fut si popu lai re qu'un poèt e de la cour de

chaque série étant rep résentée par une figure,

Shah Isma'il 1•' (1502-1524) lu i dédia une série

à laquelle sont rattachés une cou leur de fond

de quatrains (Rubaiyat-i Ganjifa), destinés à

et un nombre de points. À ces vingt-cinq cartes

sub limer chacune des quatre-vingt-se ize cartes

pouvaient s'ajouter une ou plus ieu rs séries

qui composa ient alors le jeu 3 .

en fonction du nombre de joueurs ; les cinq

À la f in du

xv111•

siècle, la popu larité du

jeu s'essouffla ; à la cour comme dans les

,

- es

·- rococo, comme un éc ho aux décors prisés à parti r de s anné es

C.G. .,

La carte la plus pu issante est l'as, sa couleur, le noi r ; il est presq ue toujours incarné par un

huit cartes peintes et dorées sur ivoire,

combat d'animaux : ici, un lion surmonté d'un

siècle, témo igne cependant

soleil, emblème des Qajars (shir va khurshig),

du goût qu'avaient co nservé les él ites pour ce

s'attaque au cheval d' un ennemi. Su ivent le roi

jeu . Si les témoignages de cett e production

(shah), associé à la cou leur verte; la reine (bibi),

luxueuse demeurent assez rares, la série de

sur fond jaune, assise su r un trône orfévré, un

cartes pei ntes sur ivoire, conse rvée au British

prince sur ses genoux ; le sol dat (sarbaz), su r

Museum 4 ou celle, encore, rapportée par

fond d'o r et to uj ours en ten ue européanisante,

l'égyptologue Émi le Prisse d'Avesnes (18071879)5, semb lent co nfirmer ce revival du

chasseu r ; la cou rtisa ne (lakkat), en fi n, associée

ganjifa au sein de la sociét é qajare. Le j eu

à la cou leur ro uge et représent ée pa r un co uple

issu de la collection Georges Marteau est ic i

de danseuses.

qui apparaît ici sous les tra its d'un heu reux

présenté aux côtés d'un jeu d'as-nos provenant

Très popula ire j usqu'à la fin de la Seconde

de la co ll ection Henry-René d'A ll emagne. Les

Guerre mo nd iale, le je u d'as-nos don na lieu

deux hommes, qui étaient amis, fure nt de

à une riche production d'images pe intes sur

grands amateurs d'art persan et comptèrent

papier mâc hé. Les deux ca rtes du musée du

268

I IMAGES

'

i

,r-;,,"fl.;• .., ·::..)· . • . ~...{~~~,,,,,,;:. i,t,, . ~.(.,_. ~-.

disti nguaient alors par une nouvelle image.

fut détrôné par l'as-nos. Cette série de dix-

x1x•

andi s qu e l'as est orn é d' u n m édai ll on

c -

cartes composant chaque série ajoutée se

qahvah-khanah (maisons de café), le ganjifa

datab le du

ranly, datables d e la seco nde mo itié

- .., sec e, présentent une iconographie bien

dans le monde islamique 1 .

iraniens à nous être parvenus sont à rattacher

~a

,o • . Roschanzami r, « Card games », Elr, édition en 5 ~e Bien que fort populaire en Inde, sous le nom de _on1 a, ce jeu ne semble y avoir été introduit que sous e regne de l'empereur Babur (1526-1530): Gowda 2016, .93-99. 2. s'ag. de huit cartes à décor laqué réunies dans un album compilé pour le sultan Murad Ill (1574-1595), aujourd'hui conservé à la Bibliot hèque nationale d'Autriche (Cod. . 313). 3. or M. Roschanzamir, « Card games », Elr, édition en gne. 4. :914,0518,0.2. 1. Cette série, datable du XIX' siècle, comprend trente-six cartes de points, réparties en trois couleurs : perruches, tigres et aigles. Leur décor évoque rès nettement l'une des cartes safavides conservées à Vienne (voir supra). S. Une planche de dessins est conservée à la Bib liothèque nation ale de France, au département des Manuscrits { AF 20434-20443). « Art arabe : Dessins : Monuments non égyptiens, 3 » et publiée dans Charton 1846, p. 365-366. 6. M. Roschanzamir, « As », Elr, édition en ligne, 2011 ; du mêm e auteur, voir Khalili 1996, vol. Il, p. 118. Sur les règles, voir ce que rapporte le général Hotum Schindler à Stewart Cunin, Cunin 1898, p. 928-929.

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Cat. 259

Cat. 260

269

I

L'émail

263

/

E

Tête de qalyan

I ran, T éhéra n, x 1x '· siècle Argen t, or, déco r d' émail peint et champ levé H. 15 cm ; 1. 8 cm (max.) Pa ri s, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam , iV[AO 2309, don A Soudava r en mémoi re de sa mère, Ezzat M alek-Soudavar. 20 l 7

en Iran qajar GWENAËLLE f ELLIKGER

1

mail, dans le monde iranien, est désigné sous le terme de mina, qui peut parfois englober diverses techniques et être appliqué, par exemple, à la céramique ou au verre 1 . L'émail cloisonné est pratiqué depuis la période médiévale, mais les œuvres qui en témoignent sont rares à avoir été conservées.

Au xv11 e siècle, les princes safavides prisaient ce matériau et firent venir des orfèvres occidentaux

spécialisés. Jean-Baptiste Tavernier reçut, ainsi , commande d'un poignard émaillé 2 . Mais les premières œuvres à nous être parvenues sont datab les du xv111 e siècle. La plus célèbre est un poignard aujourd'hui au musée de l'Ermitage 3, auquel s'ajoute, peut-être, une boutei lle à long col datable de la période zancle ou quelques coupes 4 . Néanmoins, c'est véritablement sous les Qajars que les œuvres conservées nous permettent de mieux connaître l' histoire de cette technique . Les objets émaillés sont particulièrement appréciés par Fath 'Ali Shah : sous son règne, ils se multiplient et les noms d'émailleurs travaillant pour la cour nous sont alors connus

5

.

264

1

T ête de qalyan

Attribuable à 11 [uh ammad Iran , T éhéra n, début du x 1x·· siècle Or, décor d'émail peint et champlevé H. 10 cm (max.) ; 1. 8 cm (max.) Paris, musée du Lou\Te, département des Art de l'Islam, ?I IAO 2305, don A. Soudavar en mémoi re de sa mère, Ezzat Malek-Souda,·a1; 20 17

Nombreux sont les peintres qui signent

une sous-couche d'émail blanc, composée elle-même de deux couches de nature différente. Enfin, il cite un émailleur qui aurait réussi à inventer un procédé d'éma illage coloré sur argent travaillé au repoussé, car certaines couleurs ne semblent pas adhérer directement sur ce dernier9 . La panse de qalyan en argent ornée d'un décor emplissant les ca vi tés interstitielles des décors en est probablement

un exemple (cat. 265) .

ou datent leurs œuvres. Le goût pour les objets émaillés en Iran perdure tout au long du x1xe siècle. Cet attrait pour l'émail

Dans leur grande majorité, les précisions fournies par Julien de Rochechouart se vérifient sur

n'est pas propre à l' Iran. Depuis le xv11 e siècle, France, Angleterre, Suisse, Russie, Chine, Inde, Japon,

la collection de têtes de qa!yan conservées au musée du Louvre. En effet, on aperçoit, sur certains,

aucun pays ne semb le avoir échappé à ce goût universel, véhicu lé par de petits objets précieusement

la sous-couche blanche (cat. 264), sur d'autres les décors champlevés, et le fond guilloché afin de

ornés. Si les tabatières occidentales sont, comme les montres, sou vent citées parmi les cadeaux

préparer l'accroche de la poudre d'émail (cat. 267) . La plupart des œuvres montrent, en outre, la

diplomatiques de cette seconde moitié du xv 111e siècle, la circul ation des objets s'effectue dans les

présence d'un contre -émail, coloré et translucide, et qui permet de préserver le métal des variations

deux sens, comme l'atteste, dans cette exposition, un petit manche de sceau à décor floral (cat. 261),

de température (cat. 266) .

ayant appartenu au comédien Charles James Mathews (1803-1878}, qui prouve la présence d'émaux iraniens en Angleterre, peut-être apportés par l'un des voyageurs occidentaux ayant séjourné en Iran

La technique des émaux peints semble importée d'Occident et est proche, pour les œu vres à

ou, à l' inverse, par l'un des Iraniens présents en Occident.

décor doré, des émaux vénitiens des xv1 e et XVIIe siècles 10, tandis que les autres se rapprochent de

La technique employée à partir de la seconde moitié du xv111 e siècle est complexe. Elle mêle émaux

est tout aussi empreinte de ces modèles. Le décor floral posé sur les objets émaillés en Iran

la facture lisse et minutieuse des émaux anglais et français du milieu du xv111 e siècle. L'iconographie

261

1

Sceau portant armes et devise du comédien Charles Mathews

peints et émaux champlevés sur feuille d'or. Les objets montrent des va riantes techniques: la feuille

puise directement dans celui que l'on trouve, notamment, sur les montres anglaises du milieu du

peut être d'abord embossée, pu is un émail translucide y être posé, avant qu'un décor de feuil le d'or

xv111 e siècle ou des tabatières des mêmes années 11

ne s'y ajoute. Parfois, un premier émai l est posé uniformément sur le fond, avant d'être peint. Sur

semblables à celles ornant les montres et leurs châtelaines de Joseph Martineau ou de William Alam, qui travaillent à Londres dans les années 1750 12 . La polychromie est, par ailleurs, similaire, de même

différemment (cat. 93) . Parfois encore, l'émail est posé sur de l'argent et non sur de l'or. Enfin, il arrive

que la composition ou le travail de l'or au repoussé. Là encore, le goût pour les fleurs et les ornements

que la feuille d'or double une âme de cui vre, mais aussi que, suffisamment épaisse, elle se suffise

rocaille est très largement répandu.

à elle-même (cat. 262) . Ces dernières productions devaient être de plus grand luxe, en raison de D'autres éléments iconographiques paraissent aussi s'en inspirer. Si le motif de zan-i farangi est présent en Iran depuis le xv11 e siècle 13, il fait écho aux décors de scènes galantes que l'on peut voir sur Dans son récit de voyage, le comte Jul ien de Rochechouart nous a livré les recettes qu' il a pu observer

des boîtes parisiennes, comme celle signée Noël Hardivilliers et datée de 1752-175Y4 . La propagation

à Téhéran en 1867. Se lon ses écrits, certaines cou leurs nécessitent un apprêt particulier, car elles

du motif de Vierge à l'Enfant, éga lement véhiculé pa r des gravures, est peut-être aussi favorisée par

ne pourraient se fixer sur le méta l nu. Il distingue deux sortes d'émaux, les émaux translucides et

sa présence sur des montres ornées de Saintes Fami lles 15 . Le tra itement des plis de certaines œuvres

les émaux opaques. Les premiers sont appliqués sur or et sur argent et les pigments employés, en

laquées décorées de Saintes Famil les (cat. 247 et 248), de même que celui que l'on rencontre sur les

cette seconde moitié du x1xe siècle, importés d'Europe°. Il mentionne, en particulier, une technique

émaux, est extrêmement similaire à celui employé sur les montres occidentales .

qui mêle émai l transparent d'un bleu profond avec un décor posé à la feu ille d'or. Une tête de qa!yan

262

1

Tête de qalyan ornée de nus

Iran, Té héran, XIX" siècle C ui vre ; 01; déco r d'émail peint et cha mplc,·é H. 10 cm (max .) ; 1. 8 cm (max.) Pa ri s, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam , fl!AO 2307, don A Soudavar en mémo ire de sa mère, Ezzat Malek-Soudava1; 20 17

les guirlandes entourant les cartels sont très

d'autres exemples, il est limité aux éléments peints, tandis que les parties champlevées sont traitées

l'importance du métal précieux utilisé.

Iran, T éhéran (?), vers l800-l 870 01; déco r d'éma il pein t et champlevé H. 5 cm ; D. 1,5 cm Lond res, Victoria an d Albert M use um, 936- l882, kgsj.Jones

:

conservée au musée du Louvre pourrait être l' une de ces productions (cat. 263) . Les dessins à l'or sont, toujours selon Rochechouart, placés juste au sortir du four, alors que l'éma il est encore chaud 7 . Cela nécessite une grande dextérité et une parfaite maîtrise de la température des fours. Les émaux opaques, que Jul ien de Rochechouart dit app li qués sur or, sur argent ou sur cuivre, retiennent davantage son attention. Il décrit ainsi la technique du champ levé : « comme pour les émaux que nous appelons émaux des orfèvres, on prépare de petites excavations avec le burin et on 8

les remplit d'émail , seu lement ce procédé n'a rien de commun avec les émaux cloisonné s ». Il précise éga lement que l'émail est posé avec un vernis au sandaraque et que les couleurs sont placées sur

270 1 IMAGE S

265

1

Panse de qalyan à décor floral

Iran, T éhéran, XIX' siècle Arge nt embossé, déco r d'émail peint et d'émail tra nsiucide H . 25 cm ; 1. 15 cm (m ax.) Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, :vIAO 23 11, don A Soudavar en mémo ire de sa mère, Ezzat Malek-Soudava1; 20 17

La palette de couleurs, enfin, ressort du même esprit sur les deux productions : les couleurs tendres sont privilégiées et, là encore, la proximité de ces dernières avec celles que l'on peut trou ver sur les laques est notable (cat. 213) . Une même esthétique apparaît donc sur différents supports, les transpositions étant fréquentes et les artistes, en particulier les émailleurs, ayant parfois signé d'autres t ypes d'objets. Parmi eux, Muhammad Baqir, auteur d'un service à café destiné à Fath 'Ali Shah (cat. 152), est aussi à l'origine du décor d'une reliure laquée ayant servi à protéger le manuscrit du Khamsah de Nizam i destiné à Shah Tahmasp, qui figurait dans la bibliothèque de Fath 'Ali Shah 16 . L'artiste accole à son nom les termes de ghulam khanazad, ce qui laisse entendre qu' il appartenait aux ateliers impériaux et était directement au service du sou verain. La production d'émail paraît, en effet,

27 1 1

268

1

Manche de qalyan

Iran, x1x•· siècle Or, déco r d'émail chample,·é et peint L. 12 cm Paris, musée du Lou,-re, département des An de l'Isla m, i\IAO 2312, don A. Soudavar en mémoire de sa mère Ezzat i\ [alek Soudavar, 201 ï émail lés, présents encore de nos jours dan s le trésor impérial, prouve également que cette techniq ue était assimilée à un travail d'orfèvrerie. En témoignent de multiples œuvres qui al lient montures orfévrées de rubis ou d'émeraudes et décor d'émail au revers, comme le sabre dit« de Nadir Shah », la couronne d'Aqa Muhammad Shah (cat. 270) ou la tiare commandée par l'imam de Mascate, Sayyid Sa'ld (cat. 179). Passé le premier tiers du x1x• siècle, l'émail semble se répandre plus largement et son emploi ne plus se limiter à la cour. En revanche, les formes sur lesquelles il est appliqué sont désormais en

266

1

Tête de qalyan

nombre plus limité. Outre les commandes impériales, la plus grande production est celle des têtes de

qa/yan, dont la quantité intrigue beaucoup de voyageurs 19 . Leur succès est tel qu'elles son t im itées

Fait pour 'l\bdailah Khan Signé Muhammad Ibn Najaî 'l\J i Iran, Téhéran, 12+1 h. (182+-1825) 01; déco r d'émail peint et champlevé H. 10 cm (max.) ; 1. 8 cm (max.) Pa ris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, l\IAO 2303, don A. Soudavar en mémoire de sa mère, Ezzal M alek-Soudavar, 2017

en Occident 20 . Citons aussi les petits portraits impériaux, qui figurent sur les médailles de l'Ordre du portrait. Ces derniers, encore visib les sur les peintures des années 1860-1870, son t progressivement remplacés par des portraits photographiques (cat. 136 et 139), transférés sur émail. Là encore, il s'agit d'une innovation technique européenne, très vite adoptée en Iran, peut-être après !'Exposition universelle de 1867, où ce procédé fut récompensé 21 . En Europe, la seconde moitié du siècle est marquée par l'expansion des grandes maisons de joa illerie françaises, Vever ou, plus tard, Cartier, qui favorisent l'émail. En Russie, les célèbres œufs de Fabergé sou lignent la virtuosité technique alors atteinte, ce pendant que les émaux chino is de Canton se répandent dans le monde ou que les émaux vénitiens des xv1• et xv 11• siècles, redevenus à la mode

267

1

Tête de qalyan

au milieu du siècle, font la joie des collectionneurs occi dentau x. À la fin du siècle, le mouvement des Arts and Crafts en Angleterre, comme celui de l'Art nouveau puis, au xx• siècle, de l'Art déco

Signé Ibrahim Iran, T éhéra n, milieu du XIX' siècle Or, décor d'émail peint et champlc,·é ; bois tourné ; cuivre H. 25 cm ; 1. 8 cm (max.) Paris, musée du Louvre, département des Arts de l'Islam, MAO 2301, don A. Soudavar en mémoire de sa mère, Ezzat Malek-Soudarn1~ 201 7

sur le continent, prisent particulièrement cette matière. Dans un monde ouvert, où les expos itions universelles facilitent comparaisons et transferts, les modes se répandent aisément à travers le monde. L'essor des ce ntres occidentaux, organisés sur un mode industriel, a pour conséquence

Fig. 1 Montre ornée du portrait de Muzaffar al-Din Shah Genève, ve rs 1900 O,; décor d'émail peint Londres, Kh alili Collection, JLY 1223

indirecte un changement de la dema nde ira nienne et, vraisemb lablement, une baisse de qualité des productions loca les 22 , peut-être due à la progressive disparition des commandes impériales : au tournant du xx• siècle, les shahs commandent des montres suisses ornées de leurs portraits émaillés

(fig. l}, qui all ient virtuosité technique et qualité artistique.

destinée, en cette première moitié du x1x• siècle, à l'usage presque exclusif du souverain et de son entourage. Les œuvres que nous connaissons et qui datent du règne de Fath 'Ali Shah sont actuellement conservées, pour beaucoup, dans le trésor iranien. Les quelques œuvres qui appartiennent à d'autres collections relèvent de cadeaux officiels, qu'il s'agisse d'un plateau aujourd'hui au Victoria and Albert Museum, offert à la Compagnie des Indes par le souverain, de médaillons ornés de portraits princiers, comme le brassard conservé à la David Collection de Copenhague 17 ou de l'ensemble à café déjà cité dont l'histoire ne nous est pas connue 18 . Les œuvres produites alors montrent des formes variées : bouteil les, petites boîtes, plateaux, tasses à café ou encore médaillons, vraisemb lablement destinés à être appliqués sur des éléments plus importants. L'émail est aussi mêlé à d'autres tech niqu es d'orfèvrerie, puisqu'il est fréquent de le voir associé aux pierres précieuses, comme sur les bijoux (cat. 174, 175 et 177) . L'importance des objets

272

1

IMAGES

1

1. Sur l'étymologie et la désignation précise du terme mina, voir Aga-Oglu 1946, p. 241-256. 2. L. S. Diba, « Enamel », Elr, vol. VIII, fasc. 4, 1998, p. 424 . 3. lnv. 194, publié, entre autres, par Tushingham 1972, vol. Il, p. 219, pl. IX. 4. Pour la bouteille émaillée, voi r Meen et Tushingham 1968, p. 106. Pour les coupes et une discussion plus générale sur les émaux de la période zande, voir Mou ra Carvalho 2009, p. 194. S. Voir sur ce sujet, Robinson 1969, p. 187-205. 6. Rochechouart 1867, p. 254. 7. Ibid, p. 256. 8. Ibid., p. 254.

9. Ibid., p. 256. 10. Je remercie Françoise Barbe, conservatrice au département des Objets d'art du musée du Louvre, pour ses suggestions sur ce sujet. 11. Par exemple, sur la tabatière signée Barnabet Sageret, conservée au département des Objets d'art du musée du Louvre, OA 6756. Je remercie Jannic Durand, directeur du département des Objets d'art, ainsi que Michelle Bimbenet, pour leur aide et leurs pertinentes idées à ce sujet. 12. Par exemple, au musée du Louvre, les montres OA 8392, signée Joseph Martineau, et OA 8393, entièrement ornée d'un décor fierai, signée William Alam.

273

1

13. Voir p. 160-163 du présent ouvrage. 14. Musée du Louvre, département des Objets d'art, OA 7679. 15. Comme la montre OA 6231, au musée du Louvre. 16. Ibid., p. 192. 17. lnv. 23/2010. 18. Robinson 1972, p. 25. 19. Voir p. 46-48 du présent ouvrage. 20. Par exemple Williams 2009, p. 93, n' 41. 21. Sur ce procédé de transfert, sur porcelaine et sur émail, voir Williams 2009, p. 287, n' 205. 22. L. S. Diba, « Enamel », Elr, vol. VI II, fasc. 4, 1998, p. 424.

269

1

Supports de tasses à thé ou à café (zaifs)

270

Iran, T éhéran (?), ver s 18 70-1880

1

Couronne d'Aqa Muhammad Shah

Iran, ve rs 1788

Argent, décor d'émail peint et champlevé sur feuille d'or

Alli age de cuivre, décor d'émail peint

H. 5,2 cm; l. 5, 1 cm (par za,Jj

H . 2-f,5 cm ; 1. 20, 1 cm

Doba, musée d'Art islamique, JE. 229 .201 2. l à 6

T éhéran , palais du Goles tan , 4855

Bibl. : Sobess-Khar el Chckhab-Aboudaya 201 6, p. 9 7.

Ces six éléments à décor de médaillon sont

sur pied produites en émail à Augsbourg et

e erviche, comp arable à ceux présents sur les

Cette couronne est composée d'un alliage de

zarfs et servent de

réputées dans l'Europe entière au xv111 • siècle 2 .

•eoresen ations de Nur 'Ali Shah, dérivées des

cuivre sur lequel est peint un décor d'ém ail,

communément appelés des

support aux tasses à thé ou à café. Le chevalier

La

Lycklama nous décrit leur emploi à la cour en

simi laire, mais les

technique

décorative

est

également

zarfs mê lent émail peint et

o ra ' s dessin és par Isma 'il Jalayir (cat. 235) . Ce

émail champlevé sur feui lle d'or. Leur décor

a" ees 1870, ce qui serait un élément de

de médail lon montre la même mise en page

::a-a ·on pour l'ensemble de ces

ka/ions tout

que cel le que l'on trouve souvent sur les têtes de

disposition

en

bandes

vertica les,

sur fond ocre, rappe ll e certa ins textiles du

1866 : en atten dant l'audience royale, nous du café, du thé, des sucreries, des

la

o rn ées de rinceaux fl oraux bleus et verts

raconte-t-i l, « on nous y offrit, de la part du roi, allumés et nous passâmes là, une demi-heure, à

dont

pe de portrait se développe à pa rtir des

zarfs. G. F. - M.C.A.

qa/yan (cat. 266, par exemple) . Les mêmes

xv111 • siècle 1 . La pa rti e infé ri eu re comporte une

rangée

d'arcatures

rehaussées

de

fleurs. La représentation de ces dernières

nous reposer sur de riches coussins, buvant ou

ateliers produisaient probablement les deux

évoque des influences ind iennes.

plutôt humant thé et café dans de toutes petites

types d'œuvres. Ici, les médaillons contiennent

sont nombreuses dans l'Iran du xv111 • siècle,

des portraits. On y voit ainsi trois femmes

véhiculées,

rapportés par Nadir Shah après le sac de Delh i,

zarfs sont généralement fabriqués dans

(zan-i farangi) ou un jeune homme portant un chapeau d'astrakan noir. Un autre zarf

des métaux précieux, or, argent ou cuivre doré.

montre un personnage coiffé d'un turban, sans

Leur fo rme, semblable à celle d'un coqueti er,

doute un dign itaire religieux . Enfin, le dernie r

pourrait être un emprunt aux coupes à boi re

présente un jeune homme arborant un chapeau

tasses montées sur des pieds d'argent, tout en aspirant la fumée du Les

ka/ian 1 ».

européennes

ijeholt 1873, t. 2, p. 358. :>a· iê>e~:i e les gobelets à liqueur conservés au musée ·a::o·a ce a Renaissance d'Écouen, ECL 20784, signés :-a-- JaJ ï Arts de l'islam, regards du XI.\' siècle, Paris, 2007. Lambton 1965 - A. K. S. Lambton , « The Tobacco R égie », Studia lslamica, vol. 22, 1965, p. 119-1 57. Lambton 1987 - A. K. S. Lambton, Qgjar Iran. Eleve,1 Stud1es, Londres, 1987. Lamm 1929-1930 C. J. Lamm,

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