Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République

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Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République

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PUBLICATIONS

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HELLEGOUARG'H

Agrégé de Γ Université Chargé d'enseignement à la Faculté des Lettres et Science* Humaines de Lille

LE VOCABULAIRE LATIN DES

RELATIONS

ET DES PARTIS

POLITIQUES

SOUS LA RÉPUBLIQUE

SOCIÉTÉ D ' É D I T I O N · LES BELLES LETTRES · »5, B O U L E V A R D RASPAIL, PARIS

1963

PUBLICATIONS LA

FACULTÉ

DES DE

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L'UNIVERSITÉ ·

J.

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SCIENCES

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HUMAINES

LILLE

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HELLEGOUARC'H

Agrégé de l'Université Chargé d'enseignement à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Lille

LE VOCABULAIRE LATIN DES

RELATIONS

ET DES PARTIS

POLITIQUES

SOUS LA RÉPUBLIQUE

S O C I É T É D ' É D I T I O N « LES B E L L E S L E T T R E S » 95, BOULEVARD RASPAIL, PARIS 1963

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PRÉFACE L'idée première de ce travail m'a été fournie par M. J. Marouzeau, qui souhaitait la réalisation, sur le vocabulaire politique, d'une étude analogue à celles qui avaient été conseillées par M. E. de Saint-Denis \ et qui furent faites ou prévues sur d'autres vocabulaires techniques des Latins. Par rapport à ces derniers, je me suis trouvé en face de deux problèmes particuliers. D'abord i l n'existe pas, à proprement parler, de vocabulaire technique d'ensemble de la politique ; le matériel qui se présente à nous comporte des termes à usage limité et précis, comme ceux qui se rapportent au fonctionnement des assemblées et aux opérations électorales et que l'on peut, par là, qualifier effectivement de « techniques », mais aussi beaucoup de mots appartenant au vocabulaire le plus général, dont l'emploi dans le domaine politique, si important soit-il, n'est qu'une des utilisations possibles ; or i l s'agit la plupart du temps des termes fondamentaux de ce vocabulaire. En deuxième lieu, un certain nombre de ces mots, et non des moindres, ont fait l'objet d'étudçs importantes, comme c'est le cas pour princeps et auctoritas, si bien qu'il semble qu'il n'y ait plus rien à découvrir dans ce domaine. Mais i l m'a paru qu'une synthèse, rassemblant dans un même volume les indications dis­ persées dans de nombreux ouvrages, serait utile, non seulement en elle-même, mais aussi parce que ces rapprochements seraient susceptibles d'éclairer les résultats déjà obtenus et de donner lieu éventuellement à des précisions nouvelles. H était impossible d'envisager tous les aspects du vocabulaire politique sans donner à cet ouvrage des dimensions excessives. I l a donc fallu se limiter. L'idée de la synthèse à réaliser et le cadre dans lequel la situer m'ont été f ournis par les travaux de Gclzer, Hcinze, Miïnzer, von Premerstein, R. Syme, L. R. Taylor notamment, qui attirèrent mon attention sur l'aspect, non seulement social et familial, mais plus précisément féodal, des relations poli­ tiques chez les Romains. J'ai donc formé le projet d'étudier, dans ce vaste domaine du vocabulaire politique, ^ôut ce qui se rapporte à ce que, par une convention commode, je continuerai d'appeler le «parti», même si, comme je le montrerai, ce mot n'est pas celui qui convient le mieux. J'examinerai d'abord les mots par lesquels l'on désigne les diverses formes que prend le « parti » suivant ses buts, la nature de ses membres et de leurs relations. Je passerai ensuite en revue tout ce qui concerne la constitution de ces partis, le lien qui en unit les membres et les rapports qui s'établissent entre eux. Puis nous nous tournerons vers le « chef de parti », le « leader » en examinant les termes qui le désignent et les qualités personnelles qui l u i sont indispensables. Je terminerai par une étude sur les noms des groupes politiques particuliers qui se sont manifestés aux diverses périodes de la république. Dans cette recherche, je me suis tout particulièrement attaché à déter1. E . D E SAINT-DENIS, Des vocabulaires techniques en Min, Mémorial des études latine^ 1943,, pp. 35-79.

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PRÉFACE

miner ce que l'on peut considérer comme la valeur essentielle de chaque terme, indépendamment des nuances particulières qu'il a pu acquérir au cours de son évolution historique. La plupart des études qui ont été faites sur cette partie du vocabulaire tendent surtout à mettre en valeur les apports intellectuels et moraux de l'influence hellénique, tout particulièrement ceux qui résultent des contacts avec les philosophies stoïcienne et péripatéticienne. C'est en effet un aspect très important, n'en doutons pas, mais i l m'a semblé qu'il ne serait pas moins utile de dégager ce qui appartient en propre à Eome, indépendamment des rapports avec la Grèce. Ce n'est point chose facile, car i l n'existe pas de véritable littérature archaïque ; les textes les plus anciens datent d'une époque où les contacts avec la Grèce existent déjà. J'ai cru pouvoir cependant obtenir quelques résultats en recourant à d'autres textes que ceux qui sont les plus couramment utilisés dans ce cas. Ce n'est point à mon sens dans le Pro Sestio ou dans le De RepuUica que l'on découvrira la véritable valeur de nombreux mots du vocabulaire politique, celle qu'on leur attribuait dans l'usage ordinaire, tant dans la curie que sur le forum, mais dans la Correspondance de Cicéron, chez César, voire chez Plaute et Térence. C'est bien entendu dans les œuvres de l'époque républicaine qu'a été effectué l'essentiel des dépouillements ; toutefois, l'on ne s'est pas interdit de vérifier les résultats obtenus par le recours à des auteurs plus tardifs, Tite-Live bien sûr, mais aussi Velleius Paterculus, les deux Pline, Sénèquc, Valère-Maxime, Suétone, etc.. Je me suis plus efforcé de donner une explication et une justification du sens de chaque terme défini que d'en proposer une traduction nouvelle. Donner une traduction précise d'un mot déterminé, c'est un problème de langue plus que de vocabulaire, autrement dit, i l faut tenir compte du con­ texte et des conditions d'emploi qui, seules, peuvent permettre de trouver l'équivalent qui convient. Pour ne donner qu'un exemple, je montrerai que dignitas ne correspond point, dans sa définition, au mot « dignité » du français, .„;Χ,:30 ; X X V I I I , 7-8. H O R . , Sat., I , 7, 23-25. J D . , Ep., I , 3, 7. ΤΓΒ., I , 3,1. MOMMSEN, Ges. Schrift., V I , pp. 1 sq. ; MARQUARD.T, Organisation militaire des Romains,,

pp. 106-108 ; O E H L E R , R. Ε., I V , col., 356 sq. ; S C H U L T E N , Numantia, I V , p. 103, n. 2 ; . R . CAGNAT, Dict. Ant., I V , ρ 632 ; R U G G I E R O , Diz. ep., I , pp. 447-448 ; H . D E L A V I L L E D E MIRMONT, é d .

Discours de Cicéron, t. I I I , p. 18 sq.

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LA

NOTION D E GROUPE POLITIQUE

clients qui remplissent auprès du gouverneur des fonctions purement adminis­ tratives. Pour certains tenants de cette dernière thèse, la cohors àmicorum dériverait de la cohors praetoria tandis que d'autres soutiennent que la cohors àmicorum a précédé la cohors praetoria . I l y a peut-être là excès de subtilité et interprétation abusive des textes. A l'époque classique, en effet, n'apparaissent que les formes cohors praetoria* ou cohors* seule, mais l'expression cohors àmicorum n'est pas attestée avant l'époque impériale . Or la cohors praetoria comprend bel et bien des amici : la preuve nous est fournie par César. Dans le Beïlum Gallicum, i l raconte qu'au moment où allaient s'engager les opérations contre Arioviste, une panique, provoquée par les racontars qui couraient sur les troupes du chef germain, s'empara de l'armée et particulièrement de ceux qui ex urbe amicitiae causa Caesarem secuti, non magnum in re militari usum haletant ; ils demandent à César de bien vouloir leur permettre de quitter l'armée. Or quelques lignes plus loin, César, dans une harangue à ses soldats, promet à la 10 légion de la promouvoir à la dignité de cohors praetoria pour remplacer ses compagnons défaillants . I l apparaît aussi, d'après les lettres de Cicéron à Trébatius que celui-ci était appelé à remplir auprèi de César un rôle militaire, mais que celui-ci ne comportait n i danger n i fatigues excessives . Aussi nous faut-il admettre avec Mommsen que la cohors praetoria est une formation mixte qui comprend aussi bien de hauts personnages qui servent à cheval et constituent la turma (la φίλων ϊλη d'Appien) que tout un groupe de gens d'humble condition qui servent à pied et reçoivent le stipendium dont parle Festus. E t i l faut vraisemblablement dire avec M. D u r r y que «la composition de la cohorte varie selon l'humeur et les buts du chef qui l'emmène — rude guerrier ou ami de luxe ; scion les circons­ tances aussi : province pacifiée ou province qui exige encore un effort militaire. » 1

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Ainsi les comités réunis dans la cohors praetoria forment-ils deux groupes: d'une part, ceux qui constituent en quelque sorte le personnel de maison du gouverneur : secrétaires, appariteurs, médecins tels que nous les observons en particulier dans l'entourage de Verres ; d'autre part, ceux qui forment son 11

1. R. T U L L I O , Cohors praetoria e cohors àmicorum, R. F. I. C, X X , 1942, pp. 54-61. 2. A . PASSERINI, Le coorti pretorie, Rome, 1939, pp. 2 6 sq. 3. C i c , Verr., I I , 1, 36 ; 3, 70 ; 4, 9 4 ; Q. F., 1 , 1 , 1 1 . 4. C i c , Verr., I I , 2, 3 0 ; 34;66 ; 3, 2 8 ; 68 ; 137 ; 155 ; 5, 6 4 ; 141 ; C A T U L . , X , 1 0 ; 1 3 ; X X V I I I , 1 ;

ΤΓΒ., I , 3, 2 ; H O R . , Sat., I , 7, 2 3 ; Ep., I , 8 , 1 4 . Le rapprochement de Verr., I I , 3, 68 et 7 0 montre que cohors et cohors praetoria sont synonymes. On trouve aussi des expressions de forme imagée : la cohorte de V E R R E S est qualifiée cohors impura (II, 4 , 1 1 5 ) ou cohors latronum (ll, 3,*55) ;les complices de CATILINA sont appelés scortorum cohors praetoria ( C i c , Cat., Il, 24). Cf. aussi la studiosa cohors dont parle HORACE, Ep., I , 3, 6. 5. Par exemple S U E T . , Cal., X I X , 2 . Cf. aussi cohors comitum chez JUVÉNAL, V I I I , 127. Pour parler de la cohors praetoria de SCIPION E M I L I E N , A P P I E N (Hisp., 84) emploie l'expression φ ί λ ω ν ί'λη. T U L L I O [op. cit., p. 56) comme PASSERINI (p. 5) affirment queϊ λ η équivaut λ turma et ne saurait par conséquent désigner une cohors praetoria. Mais il n'est pas certain qu'il y ait dans ce domaine une différence entre cohors et turma : cf. ce que dit SALL.,IJug., X C V I I I , 1 :.« Marins... cum turma sua, quam ex fortissumis magis quam fami liarissumis parauerat. » t

6. C A E S . , Gall., I , 39, 2 . 7. lbid., I, 4 0 , 1 5 . 8. C i c , Fam., VII, 6, 2 ; 16, 2 ; 17, 3.

9. Ges. Schrift., VI, pp. 4 sq. 10. Les cohortes prétoriennes, p. 72. 11. C i c , Ven., I I , 3, 28.

LES

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RELATIONS POLITIQUES F O N D E E S SUR L A F I D E S

état-major, us sont recrutés d'après les liens de parenté ou d'amitié qui l'unissent à l u i ; cela peut-être aussi le résultat d'une recommandation comme c'est le cas' pour le jurisconsulte Trébatius que Cicéron a fait engager par César . Leur principal rôle consistait à former le consilium du proconsul. Ce conseil, dont le rôle était purement consultatif, fournissait l'avis de spécia­ listes autorisés sur diverses questions qui étaient de son ressort, par exemple dans le domaine de la justice et de l'administration ; le proconsul prenait alors sa décision de consilii sententia . C'est ainsi que Trébatius était auprès de César en qualité de jurisconsulte ; dans la guerre contre Jugurtha, le consilium qui assiste Metellus est formé de membres de l'ordre sénatorial et aliorum quos idoneos ducebat ; nous lisons enfin dans le Pro Bcdbo (19) que la collation du droit de cité à des Espagnols par Pompée a c.té faite de consilii sententia. Les comités se trouvaient unis au gouverneur par un lien de fides : le protecteur attendait de ses protégés l'honneur et la considération qui dé­ pendaient de la qualité de ceux qui constituaient son consilium. Quant à ces derniers, souvent des débutants dans la carrière politique, ils espéraient à la fois un appui de celui auquel ils s'étaient donnés et un accroissement de leur fortune personnelle, nécessaire à la poursuite de leur carrière. Le lien qui les associait à leur protecteur était purement privé et ils ne pouvaient prétendre à aucune rémunération , mais dans la pratique, ils pouvaient recevoir des présents et ils cherchaient à participer à la répartition du surplus de l'alloca­ tion accordée par le S é n a t et à la distribution du b u t i n ; nous savons par exemple que, lors du proconsulat de Cicéron en Cilicie, ses comités se plaignirent qu'il ne leur ait pas distribué ce à quoi ils estimaient avoir droit Dans la vie politique cependant, le terme comités n'est pas appliqué exclusi­ vement à l'entourage'd'un gouverneur de province ; d'une façon beaucoup plus large, i l désigne aussi la « cour » d'un personnage de haut rang, particu­ lièrement lorsqu'ils lui font une escorte d'honneur au cours de ses déplacements dans la ville, tel cet avocat qu'il nous montre hue atque Mue intuentem uagari cum magna caterua toto foro, praesidium clientibus atque opem amicis et 1

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1. Ibid., I I , 2, 27 : « VI quisque te maxime cognatione, adfinitate, necessitudine aliqua atlingeb îta maxime manus tua putabatur. » 2. C i c , Fam., VII, 6-18. 3. Sur le consilium voir MOMMSEN, Dr. publ., I , pp. 351-365 ; L I E B E N A M , R. Ε., I V , 1, col. 915922 ; G. H U M B E R T , Dict. Ant.,

I , 2, p. 1451 ; R U G G I E R O , Diz. Ep., I I , pp. 609-616. Sur sou identité

avec la cohors, cf. C i c , Verr., I I , 2, 30 : « Cum hos sibi quaestus conslituisset magnos atque uberes ex his causis quas ipse instituerai cum consilio, hoc est cum sua cohorte. » 4. C i c , Verr., I I , 3 , 1 8 ; 4, 18 ; 5 , 1 2 ; 53 ; 5 4 ; Flac, 77 ; Plane, 40 ; Ait., 11,16, 1 ; IV, 2, 5 ; X V I , 16, 11 ; 1 8 ; Liv., X X X V I I I , 6 0 , 1 ; X L V , 2 6 , 1 2 ; 2 9 , 3 . 5. C i c , Fam., V I I , 1 0 , 1 ; 11, 2 ; 1 3 , 1 ; 16, 3. 6. S A L L . , Iug, L X I I , 5. 7. Dans le Pro Flacco, 77, CICÉRON s'indigne que DECIANUS qui fit partie du consilium du père de FLACCUS puisse aujourd'hui intenter un procès contre le fils de son ancien patron. 8. Cf. ce que nous dit CICÉRON de ses démêlés en Cilicie avec un certain Gavius : AU., V I , 3, 6. 9 . C i c , Ait., V , 10, 2. 10. S E E C K . , R. Ε., I V , col. 623.

11. C i c , Verr., I I , 2, 29. CICÉRON reproche à V E R R E S : « Tu...tuos amicos in prouinciam quasi in praedam inuitabas. » Cf. Phil., V I I I , 2 5 : « Si cohorti praetoriae praedia agrumque dederitis » ; Fam V I I , 9, 2 ; 11, 3 ; 16, 3 ; 1 7 , 1 - 2 .

12. AU., V I I , 1, 6 ; C A T U L L E de son côté (X, 9 sq) se plaint de ce que son séjour en Bithynie ne lui a rien rapporté.

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LA

NOTION

D E GROUPE

POLITIQUE

prope cundis lucem ingeni et consili sui porrigentem atque tendentem \ Ainsi le terme comités englobe l'ensemble des amici et clientes, c'est-à-dire qu'ils peuvent être des personnages de haut rang, comme les nolïles iuuenes qui forment le comitatas des Scipions , ou, s'ils ne sont pas nobles, occuper du moins un certain rang dans la hiérarchie sociale ; i l peuvent être aussi des intellectuels, écrivains ou philosophes, tel Panaetius, intime de Scipion Emilien . Mais i l peut s'agir aussi de personnages de situation ou d'origine beaucoup moins honorables : Lucilius associe cornes à seraus ; Clodiuss'entourait de la lie du peuple, particulièrement de Grecs, gens éminemment méprisés des Romains et Cicéron nous montre Antoine escorté de gens qu'il appelle des lenones . Horace nomme comités ceux qui font escorte à des personnages riches et chez Juvénal le terme apparaît synonyme de clientes . Comme dans le cas des comités du gouverneur de province, leur groupe peutêtre désigné par comitatas . Consiliumest aussi e m p l o y é car les plus éminents d'entre eux peuvent être appelés à donner leur avis sur des décisions à prendre et le dérivé consiliarius se trouve parfois appliqué à (les comités pris indivi­ duellement . En revanche cohors ne se dit normalement que des comités d'un proconsul mais d'autres termes sont appliqués à ceux qui résident à Rome. 2

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A. — Laplupartd'entreeuxsontdesmotsquijCommeco/iors, appartiennent au vocabulaire militaire ; ils se rapportent avant tout à ceux des comités qui sont des clientes et par là-même, ils marquent le caractère passif de ces formations: 1) AGMEN. — Le groupe des clients et amis est parfois désigné par le mot agmen . Le mot n'a sans doute pas à l'origine une valeur militaire et désigne simplement le cortège des amici et clientes ou leur file d'attente devant la porte de leur patron . Mais i l arrive aussi que ce cortège soit en même temps une troupe qui va au combat : ainsi celui du consul K . Fabius (479 av. J.-C.) qui a demandé au Sénat de charger sa famille de la lutte contre V é i e s . I l est certain en tous cas que les Latins interprétaient parfois agmen dans un sens 13

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1. C i c , De or., 1,184. 2. C i c , Cat. m., 29. 3. CICÉRON se glorifie du com itatus publicanoncm qui le défend contre les attaques de CLODIUS : Har. resp., 2. 4. C I C . J A C , I I , 5. CICÉRON emploie le terme à propos des rapports du philosophe C A L L I S T H E N E avec A L E X A N D R E L E GRAND : Rab. PosL, 23 ; De Or., I I , 58. 5. L U C I L . , 243 ( M A R X ) .

6. Mil, 28 ; 55. 7. Phil I I , 58. 8. SaL, I I , 5,17. 9. J U V . , SaL, I , 119 ; cf. v. 132 où clientes désigne les mêmes individus que les cornues du v. 119. Dans la SaL, V I I , v. 142 comités s'applique aux gens qui forment l'escorte d'un grand avocat. 10. CIC Har.resp., 2 ;Rab.posL, 6 ;Mil, 10; 55 ; Cat.m.29. 11. C I C , Mur., 83 : « (Catilina) cum suo consilio nefariorum hominum...» ; AU., V I I , 7,4; Liv., X X X V y

42,13;; V A L . ^ M A X . , I I , 9,2 ; P L I N . , Ep., I I I , 19,1.

12. C I C , Har. resp., 53 ; Atl, I I I , 19, 3 ; X I V , 19,1 ; Fam., I , 9, 2 ; Yen., I I , 2, 42 ; 4, 143 ; 5, 103 ; Dom., 48 ; V E L L . , I I , 56, 3.

13. Lrv., X X X V I I I , 51 ; S E N . , Benef., V I , 33, 4. 14. ' C I C , Pis., 51 : « Meus réduits... is fuit, ut a Brundisio usque Romam, agmen perpetuumtotius Jtaliae uiderit » ; T I B . , I , 5, 63 ;Ον., TrisL, I , 5, 30. 15; :SBN., Benef., V I , 33, 4 : « Non sunt isti amici, qui agmine magno ianuam puisant. » 16. L I V . , I I , 48, 10 ; cf. I I , 23, 8.

LES

RELATIONS

POLITIQUES

FONDEES

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SUR LA FIDES e

militaire ainsi que l'atteste cette phrase de la XIII Philippique où Cicéron dit en parlant d'Antoine : « Ingressus Urbem est, quo comitatuuelpotiusagmine . » 1

2) M A N U S . — On trouve beaucoup plus fréquemment manus qui désigne dans le vocabulaire militaire une « troupe de soldats » . I l pénètre dans le vocabu­ laire politique sous la forme manus clientium (ou comitum) lorsqu'il s'applique aux groupes de clients utilisés pour des opérations de combat dans le cadre des luttes civiles : par exemple, chez Cicéron, ce sont les bandes dont dispose Clodius les acolytes de Milon ou les soldats d'Octave ou enfin le groupe des clients de Pompée dont i l espère le concours pour assurer son élection au consulat . Le mot prend même sous la plume de Cicéron la valeur de « groupe ou parti politique » considéré dans son rôle de défenseur de son leader . 2

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3) E X E R C I T U S ne s'applique pas au groupe des clients, tout au moins pas en tant que tel. Mais on trouve ce mot, comme manus dans l'exemple que je viens de citer, comme dénomination d'une formation politique qui recourt éventuel­ lement à la force pour apporter son appui. Comme i l a employé l'expression manus bonorum, Cicéron utilise exercitus pour désigner, soit ses partisans , soit ceux de C é s a r ; L . A. Constans nous indique qu'il faut entendre par là « un parti organisé et capable de manifestations de force » 9

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4) C A T E R V A qui, dans la langue militaire s'oppose à cohors ou legio * désigne en dehors d'elle des troupes de gladiateurs ou de comédiens . I l comporte de ce fait une nuance péjorative et s'applique à des groupes d'hommes payés pour des besognes malhonnêtes ou déshonorantes : ainsi les bandes de Catilina et celles de Clodius (Cic, Dom. 110) ; Cicéron nous dépeint Chrysogonus déambulant à travers le forum cum magna caterua togatorum (S. Rose, 135) Ce sens péjoratif n'est cependant pas exclusif, puisque dans le Pro Coelio, 14

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1. Phil., X I I I , 19. 2. E R N O U T - M E I L L E T , Dict. étym., s. v. 3. Liv., I I , 16,4 ; X L I I , 51 ; S U E T . , Tib., 1 ; S T A T . , Silv., V , 3, 262.

4. C i c , AU., 1,16,1 ; Q. F., I I , 3, 4. 5. AU., I V , 3, 4. 6. Ibid., X V I , 11, 6. 7. Ibid., 1,1, 2. 8. Q. F., I , 2,16 : « Nostra antiqua manus bonorum ardet et studio nostri atque amore. » 9. AU., 1,19, 4 ; I I , 19, 4. 10. Ibid., I I , 16, 2 ; 22,1. 11. C i c , Corr., t, I , p. 292. Cf. C. H . OLDFATHER, Caesar army in May 59 B. C, C. J., X X V , 1929-1930, pp. 299-302. Notons toutefois que pour G E L Z E R , H., L X I I I , 1928, p. 116 et Caesar..., p. 94, il s'agit de colons établis en Campanie par la lex Iulia en 59, tandis que pour R. SYME, J. R. S., X X X I V , 1944, p. 98 et E . GABBA, Ricerche..., p. 192, n. 3, c'est l'armée césarienne de la Cisalpine. Cependant une telle explication n'est pas valable lorsqu'il s'agit des partisans de Cicéron. Constans propose une solution de compromis en écrivant : « On est d'ailleurs en droit de supposer que le parti était appuyé par des vétérans de Pompée qui attendaient aux portes de Rome l'application de la loi agraire, ce qui rapprocherait exercitus de son sens propre. » 12. T A C , Ann., I , 51. 13. ISID., Etym., I X , 3, 46 : « Proprie autem lingua Macedonum phalanx, Gallorum caterua, nostra legio » ; V E G E T . , Mil., I I , 2 : « Gaïli atque Celtiberi pluresque barbarae naliones catemis utebantur in proelio... Romani legiones Jiabent.» 14.

C A E C I L . , Corn., 38 ; P L I N . , Ν. H., V I I I , 20 ; S U E T . , Cal., X V I I I , 1.

15. C i c , De Or., I I I , 196 ; Sest., 118. 16. C I C , Cael., 14 ; S A L L . , Cat., X I V , 1.

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LA

NOTION

D E GROUPE

POLITIQUE 1

caterua désigne aussi les amis du client de Cicéron ; en fait, c'est le groupe co'mpositc des comités et clientes , la valeur péjorative se dégageant seule­ ment du contexte. 5 ) G R E X qui, étymologiquement est « une réunion d'animaux ou d'in­ dividus de même espèce » implique généralement l'idée d'un groupe de gens à gages, manifestant une soumission aveugle ; aussi qualifie-t-il l u i aussi les tueurs de Chrysogonus (Cic, S. Rose. 94), ainsi que les Clodiens ou les Catiliniens . Mais chez Horace (Ep., I , 9, 13), i l est l'équivalent de cohors ; Cicéron l'applique à un groupe d'amis, et par exemple à ceux de Scipion Emilien , assorti i l est vrai d'un ut ita dicam restrictif, ce qui peut faire supposer qu'il ne s'agit pas d'un sens très fréquent. 6 ) O P E R A E . — Au singulier, opéra désigne notamment le « trava Heur.» et plus spécialement le « travailleur à gages » ; par là i l s'est appliqué à des gens payés pour des besognes peu recommandables . Chez Cicéron, i l est, avec une nuance de mépris, l'appellation des hommes de main de Clodius ou d'Antoine . 2

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1. C i c , Cael., 77. 2. L U C R . , I I . 611-612 ; 628 ; C i c , Mur., 69 ; De Or . 1 .184 ; Liv., V I , 14, 3 ; V E L L . , S E N . , Bcnef., V I , 34, 4 ; V A L . F L A C , V I I I , 27.

I I , 3, 2 ;

3. E R N O U T - M E I L L E T , Dict. élym., s. v. 4. Grex ancillarum : T E R . , Heaut., 245 ; C i c , Mil., 55 ; — uenalium : PLAUT., Aul., 452 ; Cist., 733 ; C i c , Sen., 14. 5. C i c , Dom., 24 ; Pis., 1 ; 22 ; Sest., 18 ; 112 ; Phil., V , 18 ; X I I , 26 ; X I I I , 10. 6. C i c , Cat., I I , 10 ; 23 ; de même Dom., 75 : gregales Catilinae. 1. Lad., 69 ; cf. AU., V I , 1 , 1 0 . 8. COLUM., I I I , 21 : « Plures opéras quantocumque pretio conducere. » 9. Cf. les expressions operae conduciae : C i c , Sest., 3 8 ; Dom., 79 et operae mercennariae : Phi ., I , 22. Chez Tacite, il désigne notamment une troupe de claqueurs : Ann., 1,16, 3. 10. C i c , Sest., 65 ; AU., 1,14, 5 ; Q. F., I I . l , 3 ; 3, 2. 11. C i c . Phil., I , 22. 1

CHAPITRE I I I

Les différentes formes de l'amicîtia Si le mot amicitia lui-même est celui qui désigne de la façon la plus générale les rapports favorables établis entre deux hommes ou deux groupes politiques, il est naturel qu'en raison du caractère essentiellement personnel de ces rapports, des termes moins étendus interviennent pour les définir de façon plus limitée. Au reste, comme dans le cas de fides, il arrive fréquemment qi\ 'amicitia soit employé dans une expression à deux termes, dans laquelle l'un des deux, généralement le deuxième, précise quelle forme particulière revêt Vamicitia dans le cas envisagé ; quelquefois cependant, les deux mots (ou clans certains cas plusieurs) , se trouvent simplement rapprochés dans un contexte dans une volonté d'emphase. Voici quelques-unes de ces expressions parmi les plus courantes, citées clans l'ordre alphabétique du deuxième terme et accompagnées de quelques références d'exemples : 1

Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia Amicitia

et adfinitas : Cic, Quinct, 53 ; Fin., V, 65 ; Val-Max., IV, 2, 3. et amor : Cic, Lael., 100 ; Sen.. ÉpisL, 81,112. et beneuolentia : Cic, Fam., IV, 7,1. et caritas : Cic, Nat.,D., 1,122 ; Fin., I I I , 73. et cognatio : Rh. Her., IV, 69 ; Cic, Verr., I I , 2, 64 ; Quint., I. Or., IV, 1, 7. et concordia : Cic, Lael., 23. et conianctio : Cic., Lael., 71 ; Fam., V, 8,3. et consuetudo : Cic, Quir., 3 ; Prov., 22 ; Dei., 27 ; Fam., V, 17,1. et contuhernium : Tac, Dial, 8. et familiaritas : Cic, Plane, 72 ; Suet, Tib., L I , 2. et gratia : Plaut., Mil, 1200 ; Stich., 414 ; Trin., 382 ; Cic, Verr., I I , 2, 64 ;

Caes., Gall, 1,44,12 ; Plin., Ep., I X , 13,11. Amicitia et necessitudo : Cael., ap. Fam., VIII, 6, 1 ; Cic, Fam., XV, 4, 3 ; Sen., Dial, 1,1,5; Val.-Max., IV, 2 (titre du chap.). Amicitia et propinquiias : Cic, Fin., V, 69 ; Plane, ap., Fam., X, 24,1 ; Liv., X X V ,

8,2. Amicitia et societas : Rh. Her., I I I , 4 ; Cic, Inv., 1,1 ; I I , 168 ; Plane, 5 ; Quinct., 53 ; Sest.,bd. Amicitia et sodalicium : Val.-Max., IV, 7 pr. Amicitia et studium : Cic, Fam., X I I I , 77, 3 ; XV, 4,13. Amicitia et usus : Cic, Plane, 5 ; Curt, VI, 9,18. Amicitia et uicinitas : Ter., Heaut., 57 ; Cic, Plane, 72 ; Fin., V, 65 . 2

Tous ces termes, nous le voyons, expriment la notion d'emicitia suivant la situation respective de ceux qu'elle unit. Nous sommes donc amenés à distin­ guer différentes situations et à envisager Vamicitia suivant qu'elle se fonde sur la parenté, Vintimité, ou sur des relations de caractère plus large et ayant l'intérêt pour motif déterminant. 1. E x . : Quir., 3 :« amicitiae, consuetudines,uicinitates,clientelae« amicos, affines, necessarios. » 2. Pour les groupes amicitia et fides, cf. p. 24 ; amicitia et hospitium, p. 50 n/7

derniers, ils ne pouvaient se poursuivre en justice . Le sodalichtm est une forme particulière de sodaîitas ; le terme comporte toujours une nuance péjorative, car il désigne spécialement les associations qui servaient à la pratique de VamUtus, c'est-à-dire qui fournissaient contre paiement d'une somme déterminée, le nombre de voix nécessaires à une élection . U s'agit d'une forme de factio, soumise elle aussi à l'autorité d'un chef (cf. Q. Cic, PeL, 19) mais dont l'action est essentiellement lice à la corrup­ tion électorale . Il arrive que collegium ou sodaîitas s'appliquent eux aussi à ce genre d'association ; mais Cicéron nous montre que ce dernier terme ne comportait pas de caractère péjoratif . Leur nocivité et les troubles qu'engen­ drèrent ces groupes provoquèrent contre eux des mesures d'interdiction : contre les collegia, le sénat us-consulte de 64 , contre les sodalicia, le sénatusoonsulte de 58 et le Lex Licinia de sodaliciis de 55 . Le membre d'une de ces associations est appelé sodalis, terme qui s'applique aussi bien à celui qui fait partie d'un collegium qu'au membre d'une sodaîitas ou d'un sodalicium . Le lien étroit qui existait, je l'ai indiqué, entre les sodales, se manifeste dans le 2

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groupe sodalis et arnicas L S. Partes.

L'évolution sémantique de partes paraît à première vue plus facile à déter­ miner. Au sens premier en effet, pars signifie « la part », « la portion » et il a donné naissance au dénominatif partiri ; le français a lui aussi tiré, suivant un processus sémantique analogue, le mot « parti » du vieux verbe « partir » : « partager ». Autant qu'il nous est possible d'en juger en dépit de l'extrême 1. K O R N E M A N N , op. cit., col. 384 : «Sodales standen, wenn auch nicht durch Bande des Blutes, s ο doch durch eine Art geistiger Vcrwandtschaft in einer gesetzlich anerkannten necessitudo wk cognati und adfines». Cf. F E S T U S (pp. 382-3S3) ; Rh. Her., I, 13 ; Q . Cic, Pet,, 16 ; Cic, Verr., I, 37 ; Sull, 7 ; Brut., 166 ; Nat.D., III, 80 ; L E N T . , ap. Fam., XII, 14, 4. Voir aussi M O M M S E N , De co».,p. 3. 2. C. I. L . , I , 198 (Lex Repet.), 9 ; 10 ; 20 ; 22 ; Cic, Mur., 56 ; Cael, 26. 3. M O M M S E N , De coll., p. 46 sq. ; Cic, Cael, 16 ; Plane, 36 ; 47 ; 49 ; Frg., pro Val, XVI, P> : A S C O N . , In Mil, pp. 34 ; 40 ; 54. Cf. aussi P F A F F , R. Ε., III A, col., 784-785. Dans le Digeste. XXVII, 22,1 pr., on trouve le terme collegium sodalicium et T R A J A N emploie dans le même sens le mot grec έτα&ρεΐα ( P L I N . Ep. ad Traj., 43). Cf. aussi M O M M S E N , De coll., p. 32, η. 1. 4. Pour M O M M S E N , De coll., p. 59, il ne faut pas le.? confondre avec les collegia que constituent le* bandes levées par C L O D I U S pour semer le désordre dans la ville : Cic, Sen., 33 ; Quir., 13 ; Dont., 13 ; 54 ; Sest., 34 ; 55 ; Pis., 9 ; 11 ; 23 ; il estime que ce sont des collegia compitalicia (c'est à-dire les groupes de gens qui habitent aux environs d'un même carrefour = compitum). Mais l'existence de ces collegia compitalicia est niée par K O R N E M A N N , op. cit., col., 385 et J . P. W A L T Z I N G , op. cit., pp 98-111, cn raison de l'absence de tout témoignage authentique à leur sujet. De même Casimir ZARREWSKI, Quelques remarques sur les révolutions romaines, Eos, X X X I I (1929), pp. 71-82. distingue les collegia qui sont des associations populaires, des sodalicia qui sont des coteries séna­ toriales. 5. Cic, Pro Corn., II, fig. 6 (Schoell, p. 422). 6. Cic, Q. F., II, 3,5 ; Q . Cic, Pet., 19. Cf. M. I. H E N D E R S O N , De Commentariolo Petihonis, p. 12. 7. Plane, 37 : « Consensionem, quae magis honeste quamuere sodaîitas nominareiur. » 8. A S C O N . , p. 67 (Schoell). 9. Cic, Q. F., II, 3, 5. 10. Cic, Plane, 36. 11. G A I U S , Dig., XLVII, 22, 4 : « Sodalis sunt qui eiusdem colle g ii> sunt.» Cf. J . P . W A L T Z I N G , op. cil. I, p. 37 et n. 2. Socius s'applique aussi dans les inscriptions aux membres d'un même collegiuY>>. C. I. L . , IX, 1642 ; 1643 ; 1647 ; VII, 4414 ; IX, 5461. 12. P L A U T . , Bacch. 475 ; Merc. 475 ; P L I N . , Ep. II, 13, 6. 2

LES GROUPEMENTS EXCLUSIVEMENT POLITIQUES

111

limitation de l'aire historique sur laquelle s'étend notre documentation, pars a d'abord un sens assez vague, désignant les deux parties de la population qui composent la cité. C'est celui qui nous offre la célèbre phrase de Salluste dans sa première lettre à César (Ad Caes.. II, 5,1) : « In duas partes ego ciuitaiem diuisam

arbiiror... in patres et plehem. » Cette opposition se prolonge au cours des dernières années de la République dans celle qui dressera les uns contre les autres les membres de la nobilitas et des classes populaires : «Namcjue coopère nobilitas dignitatem, populus libertatem in lubidinem uortere .... Ita omnia in duas partis

abstracta sunt» (lug., XLI,5). Elle est exprimée dans les mômes termes par Tite-Live lorsqu'il relate les événements qui suivirent la censure d'Appius Claudius : «Exeofempore in duas partes discessif ciuitas, aliud integer popidus, jautor et culior bonorum, aliud forensis factio tenebai» (Liv., IX, 46,13) et par Cicéron: n Mors Tih. Graecki et iam a nie iota illius ratio tribunatus diiiisit populum unum in duas partes» (Rep., 1,31).Pars s'applique aussi aux grands

partis qui s'affrontèrent au cours du dernier siècle de la République, par exemple autour du rappel de Cicéron ou pendant la guerre civile entre César et Pompée . Le terme se rapporte de la même façon à des peuples étrangers : César l'emploie en parlant des divisions qui déchirent le peuple des Héduens tandis que Salluste écrit à propos des conflits nés en Xumidic à la suite de la 1

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mort de Micipsa : « In duas partes diseedunt Numidae » (lug. X I I I , 1).

Nous trouvons aussi le mot pars appliqué à des groupes politiques plus limités. Il s'agit de ceux qui se forment au Sénat et qui peuvent correspondre, mais non pas nécessairement, à des formations plus étendues. Dans ce domaine également, le départ entre le sens matériel le plus ordinaire et la nuance politique proprement dite est assez faible ; ainsi, lorsque Salluste, parlant des sénateurs qui se sont laissé acheter par Jugurtha écrit : « Senatus magna pars, gratia deprauata, Adherbedis dicta contemnere, lugurïhete uirtutem extollere

laudibus » (XV, 2), l'emploi de yxtrs y a sans doute été favorisé par la pratique du vote par diseessio qui donne une forme concrète à la divergence des vues poli­ tiques ; c'est ce qui apparaît également dans cette phrase, où après nous avoir raconté la délibération au cours de laquelle l'assemblée prit connaissance de la plainte d'Adhcrbal contre Jugurtha, il conclut :> C'est le cas aussi au § 5 de YInv. in Cic, où l'auteur reproche à C I C É R O N d'être « modo harum, modo\illarum partium». 8. Afr., L X X X V I I , 3 ; L X X X V I I I , 5 ; Hisp., X X , 2 ; XXVI, 5 ; X X X I I , 3 ; XXXV, 2. 9. Afr., L X X X V I I , 4. 10. S. Rose, 137 ; Verr., II. 1, 35 ; 38 ; Phil., V, 44.

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E X C L U S I V E M E N T

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Lto

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Maiïus , celui do Pompée que celui de César . Tite-Live, chez lequel pars est fréquent, emploie peu partes ; mais dans les Periochae, paries s'applique au part i de Marins (LXXXIV ; LXXXVII), à celui des optimales (LXXX, LXXXIV), à celui de Sylla (LXXXVIII), à celui de Sertorius (XCVI), à celui de Pompée (CIX), à celui de César (CXI). Chez Velleius Paterculus, partes est le parti de Sylla (II, 28,1), celui de Pompée (II, 52, 2 ; 62, 6 ; 73, 2), celui des meurtriers de César (II, 72, 1 ; 74, 1). Asconius enfin l'applique au parti de Sylla , à celui de Cùma , à cehu du Sénat . Ces indications nous conduisent à nous demander en quoi se distinguent factio et partes. Certains savants nient qu'il y ait quelque différence entre les deuxmots. « Aber auch mit partes », écrit W. Kroll , « steht es nicht viel anders (que factio) wie schon die haufige Verbindung mit den Genitiv eines Eigennamens zeigt ». Cette remarque n'est pas sans fondement ; elle demande cependant à être nuancée. Car le chef des partes n'est à peu près jamais qualifié de princeps contrairement à ce qui se passe pour factio ; les partes sont d'une façon générale des groupes beaucoup plus vastes que les factiones. Dans ces derniers, ce qui domine, c'est la notion de l'union étroite autour d'un chef ou d'un petit nombre de chefs, de personnes qu'ils utilisent à la défense de leurs intérêts personnels ; le groupe désigné par parles exerce son activité dans le domaine de la politique générale du pays. La différence nous apparaît fort bien dans un passage du Béllum GallicumfVl, 11,3-5) où César oppose partes, qui représente un grand parti national, à factio qui désigne un groupe plus limité, local ou même familial, ayant à sa tête un princeps . A Rome, il qualifie toujours des formations assez vastes et influentes : ainsi dans les exemples précédemment relevés, les partis de Sylla, Marius, Pompée, César, et des meurtriers de ce dernier; en fait partes aussi bien que pars désigne toujours à l'époque républi­ caine les deux grands groupes entre lesquels se partage le pays et à l'intérieur desquels agissent des formations plus restreintes ; avec des épithètes, il s'ap­ plique aux optimates ou aux populares . Ainsi partes ne désigne pas, comme factio, un groupe de combat, mais simplement une association de gens liés par 4

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1. Quinct., 69. 2. Lig., 26 ; Phil., I I , 75. 3. Phil, I I , 74 ; V , 32 ; X

I I I , 38 ; ad Brut., I I , -1, 5 ; Fam., X , 33,1. 4. A noter toutefois I I I , 67, 9 où il désigne lo parti démocratique.

5. In toga cand., p. 75 ; In Corn., p. 65 (Schoell). 6. In toga cand., p. 80. 7. In Corn., p. 61. Dans son article de la β . Ε. Α., Le mytlie de Pompée et les Pompéiens sous hs Césars, P. G E E N A D B soutient (p. 56, η. 1) que sous l'empire, partes a fini par désigner le parti

Pompéien. Les références que je viens d'énumérer montrent qu'il n'en est rien maie de plus, dans les textes cités par Pauteur ( S E N . , Dial, X I I , 9-8 ; T A C , Ann„ X V I , 7, 2 ; S U E T . , Tib., L V I I , 4 ; S E N . , Suas., V I , 22) partes est toujours accompagné d'un mot ou d'un tour détorminatii qui pré­

cise de quel « parti » il s'agit effectivement. 8. W . K R O L L , Die Kultur der ciceronischen Zeit,

I,

p. 70.

9. C'est la même différence qu'il faut voir, à mon avis, dans Phèdre, 1,2 (Rame récent

petieruni),

v. 4-5 : « Hic conspiratis factionum partibus Arcem tyrannus occupai Pisistratus. »

Comprendre : « ... grâce à l'action de3 factions réunies en un partes ». 10. On a ainsi 1θ3 expressions bonae (Cic, AU., I , 13, 2 ; ad Brut., I I , 6, 3 ; Cael., 77), mêlions (Cael., 13) et optimae partes (Cic, Sest., 120 ; N E P . , AU., V I , 1) et à l'opposé perditae partes (Cic, AU., 1,14, 6). Vocabulaire L a t i u

114

L A

N O T I O N

DE

G R O U P E

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1

des Intérêts politiques ; il n'a pas non plus normalement un sens péjoratif, mais il exprime ce que l'on pourrait appeler avec quelque exagération le parti d'opinion ; c'est ce qui résulte d'un passage de la 13 Philippique dans lequel Cicéron refuse avec véhémence à Antoine le droit de donner à son groupe le nom de paries . Le mot est donc très proche de notre notion moderne de « parti » ; souvent aussi il tend à se confondre avec causa ; comme lui, il re­ vêt parfois une valeur purement abstraite . La définition que je viens de donner de cette notion, doit maintenant permettre d'expliquer l'emploi du pluriel. Ce dernier a vraisemblablement une valeur augmentative ou, plus exactement, il correspond à l'idée d'une forma­ tion étendue résultant d'une série de groupes particuliers. Mais il se peut aussi — et cette explication n'exclut point la précédente — qu'il faille y voir l'influence de partes au sens de « le rôle », influence qui a pu s'exercer tout particulièrement par l'intermédiaire d'une expression comme suscipere partes, analogue à suscipere causant au sens de « soutenir une cause ou un parti ». On constate d'ailleurs que cet emploi du pluriel n'est sans doute apparu que tardivement dans l'histoire de la République et qu'il s'applique presque exclusivement à des groupes postérieurs à l'époque des Gracqucs ; en parti­ culier, nous avons vu que, chez Tite-Live, partes est très rare dans les livres qui nous restent et que c'est pars qui est utilisé à propos de l'opposition entre patriciens et plébéiens . Il nous faut donc admettre comme valable l'affirma­ tion de Salluste citée tout à l'heure en traduisant cette phrase : « L'habitude des partis et des factions ... naquit à Rome à la faveur de la paix ... La formation des partes est sans doute, comme celle des factiones, consécutive au développement des luttes entre la noblesse et la plèbe ; celles-ci se déroulent sur deux plans : entre les factions, par exemple lors de la conjuration de e

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1 . Cf. H A N E L L , Bemerkungen zu der politischen Terminologie des Sallustius, p. 2 6 5 , n. 2 . La même distinction a également été implicitement exprimée parC. Z A K R Z E W S K I . Quelques remarques sitr les révolutions romaines, Eos, X X X I I , 1 9 2 9 , pp. 7 1 - 8 2 lorsqu'il écrit que les factiones « ne réfléchissent que des rivalités personnelles ou de famille et qui, pour cela, pouvaient exister dans le sein du même parti, de la même classe du même état ». 2 . Phil., X I I I , 3 9 : α Partes, furiose, dîcuntur in foro, in curia. Bellum contra palriam nefarium suscepisti. oppugnas Mutinam,circumsedesconsidem désignation, bellum contra te duo consules gerun cumque his pro praelore Caesar ; çuncta contra te Italia armata est ; istas tu partes potius, quam a populo Romano defcctione7n uoeas» ; cf. ibid., X I I I , 4 7 . A l'époque impériale paries tend à être pris au sons péjoratif de factio, désignant une entreprise criminelle ou un complot ; par exemple T A C , Ann., IV, 6 0 , 2 ; X I I I , 2 , 2 ; XV, 5 1 , 3. De même chez Tite-Live, pars est parfois pris avec le sens de factio : X X I , 9 , 4 ; X X I I I , 8 , 3 . 3 . Cf. H . S T R A S B U R G E R , R. Ε., XVIII, col., 7 8 5 (s. v. optimales). Opinion contrairo : L . R . T A Y ­ L O R , op. cit., p. 1 9 0 , n. 3 9 . 4 . Par exemple S A L L . , Cat., IV,2:«Partibus rei publicaeanimus liber» et peut-être aussi Iug., XL, 3 . La distinction entre factio et partes s'est prolongée à l'époque impériale dans le vocabulairo des jeux du cirque d'une façon qui la met tout à fait bien en lumière : factio y désigne une écurie de course dirigée par le dominu3 faclionis ; il correspond en somme dans le langage sportif moderne au français « équipe », à l'italien « squadra » ; les partes sont les groupes de « supporters » qui accordent leurs faveurs à telle ou telle écurie ; cf. A . M A R I C Q , Factions du cirque et partis populaires, Acad. royale de Belgique, Bull, de la cl. des Let. et des se. morales etpolitiques, X X X V I , 1 9 5 0 , pp. 3 9 6 421.

5 . Cic, Verr., I I , 1 , 1 0 ; 4 , 7 9 ; 8 1 ; Sest., 3 ; Mil., 4 0 . 6 . Liv., IV, 5 , 3 ; 5 1 , 8 ; VI, 1 8 , 3 ; 1 9 , 1 ; 3 4 , 5 ; VII, 2 1 , 7 , etc.... 7 . P. 1 0 0 . 8 . Cette traduction justifie par le fait même la suppression de popularium qui avait été introduit dans le texte comme une trlose destinée à éclairer le sens que l'on attribuait à partium.

LES GROUPEMENTS

EXCLUSIVEMENT POLITIQUES

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Catilina entre la factio impiorum et la factio nobilitatis; entre les partis, c'est-àdire entre le partes populi et le partes optimatium. Quant à la distinction entre parles, « parti du peuple » et factio, « parti des nobles », elle résulte sans doute du fait que, comme factio s'appliquait plus naturellement aux nobles, parles par son caractère plus étendu et moins cohérent convenait davantage au parti populaire Mais nous ne devons jamais oublier que les plus grands chefs des populares ont été des nobles et ont eu des factiones à leur disposition. Si un homme comme Marius, en revanche, en était sans doute dépourvu, sa réforme des institutions militaires tendit certainement à pallier son Infériorité sur ce point. 4. Castra.

Cette dernière remarque me conduit à attirer l'attention sur quelques emplois du mot castra avec une nuance tout à fait politique, analogue d'ailleurs à celle du mot « camp » en français. Évoquant la situation des Romains au moment de la guerre civile, Cicéron déclare : « Non enim consiliis solum et 2

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studiis, sed armis eiiam et castris dissidebamus » ; dans la 11 Philippique, il dit d'Antoine et de ses satellites : « Sunt alii in isdem castris honeste condemnaii, turpiter restituti*. »Sans doute tous les textes cités où se trouve castrasQ rap­

portent-ils aux luttes civiles des Romains, mais on le rencontre aussi avec la môme valeur dans des emplois où aucune référence militaire n'est possible . 4

1 . Cf. H A N E L L . , Bcmerkungen..., pp. 2 7 1 - 2 7 2 . 2 . Marcel, 3 0 . 3 . Phil., X I , 1 2 . Cf. encore Phil, X I , 1 3 ; X I I I , 3 0 ; P L A N C , ap. Fam., X, 1 8 , 3 ; S A L L . , aâ Caes., I , 2 , 5 . 4 . Cf. Cic, Fam., I X , 2 0 , 1 où il parle du « camp d'Épicure » : Epicuri castra ; de même ibid^ V I I , 1 2 , 1 ; H O P . . , Od.,

I I I , 1 6 , 2 3 ; S E N . , Ep.,

Il,

5.

CHAPITRE V

L'expression de l'accord politique Les termes étudiés dans ce chapitre ne sont pas liés directement à la notion de fides. Dans ceux qui ont été analysés jusqu'ici, l'accord politique était envisagé d'un point de vue extérieur et en tout cas essentiellement personnel puisque fondé sur la confiance réciproque que s'accordent les deux parties ; dans ceux que nous allons voir maintenant, i l s'appuie d'une façon plus large et sans doute plus conforme à nos conceptions modernes, sur la communauté dans le domaine des opinions. I l nous faut donc examiner tout d'abord les tenues par lesquels s'exprimait l'opinion politique des Romains. Sentire-smtentia C'est le verbe sentire qui est le plus couramment employé à cet effet. L'évolu tion par laquelle le mot a abouti à cet emploi est parf ai tement claire ; elle a son correspondant, tout au moins dans une certaine mesure, sinon dans le verbe « sentir », du moins dans le substantif « sentiment ». Donc sentire signifie d'abord « sentir », « remarquer », au sens purement physique, puis au sens moral, enfin au sens intellectuel \ Des observations à peu près analogues peuvent être faites à propos du substantif sententia, à cette différence toutefois que le sens physique n'est pas représenté. C'est un substantif abstrait à suffixe *—yïi/ —y7> formé sur un thème de participe présent . Pourtant du point de vue sémantique une remarque s'impose : à l'époque classique, les substantifs abstraits en *—ya de ce type dérivent d'adjectifs ou de participes présents employés comme adjectifs et ils expriment la qualité que possède celui que désigne l'adjectif ou le participe : audacia est la qualité de Vaudax, prudentia la qualité du prudens, sapentia celle du sapiens. Au contraire sententia présente à première vue le sens d'un nom d'action : la sententia est l'acte de celui qui sentit. Cependant i l est possible de ramener les deux sens l'un à l'autre si l'on veut bien considérer que, plutôt que la qualité, ce genre de noms exprime l'état, la position ou l'attitude d'une personne ; prudentia et sapientia marquent l'attitude, la conduite du prudens et du sapiens. Ce sens apparaît plus directement dans un mot comme obseruantia : «attitude (plutôt que qualité) de celui qui ohseruat)> ou comme 2

1. C'est la classification adoptée par exemple par F R E U N D auquel je renvoie pour plus de détails. 2. M E I L L E T - V E N D R Y E S , Traité de grammaire comparée, pp. 390, § 584. Les opinions diffèrent quant au processus de cette formation. Pour certains (par ex. E R N O U T - M E I L L E T , Dict. Etym.) il faut supposer un participe présent *sentens qui serait à seniio ce que parens est à ραήο. Mais cette forme est purement hypothétique et il paraît plus raisonnable d'adhérer à l'opinion de ceux qui pensent que sententia dérive de *sentientia par dissimilation de l'un des deux i post-consonantiques (cf. meridie de *med(i)eidie ; cette opinion est soutenue en particuUer par W A C K E R N A G E L {Ind. germ. Forsch., X X X I (1912-1913) p. 254) et par M. N I E D E R M A N N {Mnem., 111,1935-1936,

p. 2 6 7 )

qui signale l'existence de conuenentia chez GRÉGOIRE D E TOURS, la Chronique de Frédégaire et les Formulae Andecauenses et celle de *dutius pour diatius dans une épitaphe trouvée à Brescello, sur le Pô (Cf. Ant. Class., I I (1923), p. 366 sq.).

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l/iiXPlŒSSION DE L'ACCORD P O L I T I Q U E

Kcentia : « attitude de celui à qui tout est permis », adolescentia : « état de celui qui est adolescens ». De même sententia marque d'abord l'attitude, ou plus exactement la position de celui qui sentit ; on a en particulier fait remar* que* qu'à la basé du sens technique de sententia, i l y a celui de « thèse » : thèse introduite par un sénateur qui jouit du ius sententiae dicendae. Ainsi le sens fondamental de sententia serait celui de « position d'un individu sur une question », d'où celui d'« opinion ». H est souvent pris avec une valeur très générale et i l apparaît déjà dans ce sens chez les comiques ; son. caractère de substantif dérivé d'une forme verbale fait qu'il se construit très fréquemment avec un complément à l'ablatif introduit par de . A partir de ce sens premier, sententia s'est spécialisé dans un certain nombre de sens particuliers où i l exprime, non seulement la position en elle-même, mais la forme sous laquelle elle se manifeste. Dans le domaine philosophique, c'est la pensée du philosophe, mais aussi la maxime, la sentence ; dans celui de la rhétorique, c'est également la pensée en elle-même, mais aussi la forme par laquelle s'exprime cette pens'ée, c'est-à-dire la phrase, la période . Dans le domaine politique, sententia désigne, dans un sens technique étroit, la position, la thèse d'un sénateur sur une question qui l u i est posée par la magistrat président de séance et, par extension, la réponse faite par le sénateur individuellement à la question qui l u i est posée ; sententia a dans ce cas une 1

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1. D . DELAUNAV, Le terme «sententia» dans la langue technique du droit public à Rome* Mélanges Boissier, Paris, 1903, pp. 161-164. 2. Par ex.: C i c , De Or., 1,172 :«Quoniam sententiae atque opinionis meae uoluistis esse participes nihil occultabo et,quoad potero,uobis exponam quiddequaque resentiam » ; II,146:«2fa7w7 aliud affirmare possum nisi sententiam et opinionem meam. » 3. PLAUT., Pers., 373-374 ; Trin., 444-445 ; T E R . , Phorm., 443-444. 4. T E R . , Ad., 515 ; Andr., 207 ; C i c , Nat.D., I I , 2. 5. C i c , Nat.,

D., I , 85 ; De Or., I , 31 ; QUINT., J . Or., V I I I , 5, 2 ; I X , 3, 76.

6. C i c , Phil., X I I I , 22 ; H O R . , Sat., 1,10, 9 ; QUINT., I. Or., I X , 3, 45 ; X , 1,130 ; X I , 3,135. 7. Rogarc sententiam C i c , Verr., I , 44 ; Cat., I , 9 ; AU., I , 13, 2 ; 16, 9 ; S A L L . , Cat., L , 4 ï 5 ; L U , 1 ; Liv., I I I , 39,2 etc.... On dit aussi rogare aliquem: C i c , Q. F., 1,1,2. Chez CÉSAR, Gàlï., I I I , 3,1 et S A L L . , lug., X X I X , 5 ; X C I I , 1 se lit exquirere sententiam ; mai3 il s'agit d'un conseil de guerre et non d'une séanco au Sénat. 8. Dicere sententiam : S A L L . , Cat., L I , 9 ; C A E S . , Ciu., I , 3, 7 ; C i c , Sest., 69 ; AU., 1,19,

9 ; Q. F.,

I I , 1, 2 ; C A E L . , ap. Fam., V I I I , 8, 5 etc.... MOMMSEN, Dr. publ., V I I , p. 166, n, 2, remarque que CICÉRON emploie avoc la même valeur, sans doute par mégardo. ferre sententiam, Verr., I I , 2, 76. Gette expression s'emploie à propos du vote socret ; cUo se trouve utilisée avec sa valeur propre dans la première des Lettres de SALLUSTE à CÉSAR OÙ l'historien propose d'instituer le vote secret : Ad Caes., I I , 11,7 : «per tabéllam sententiam ferre». Mais CICÉRON l'emploie de façon impropre à propos d'un vote du peuple : Balb., 34. Elle s'applique normalement aux votes des juges qui se font par bul­ letins secrets : CAES., Ciu., I I I , 1, 4 ; 83, 3 etc....— Π fautse garder de confondre l'expression de la sententia avec l'acte même du vote qui se dit discessionem facere : C i c , Sest., 7 4 ; PMI., V I , 3 ; Fam., f, 2, 2'; AU., X I I , 21,1 ; P L I N . , Ep., I X , 13, 30. E n effet le sénateur qui a exprimé une sententia pout l'abandonner au cours de la discussion pour adhérer à une nouveUe ; c'est ce que fait, au cours do la mémorable séance qui aboutit à la condamnation des compUces de CATILINA, le consul désigné D.. I U N I U S SILANUS ( S A L L . , Cal.,

L , 4 ; S U E T . , Caes., X I V . Autres cas : C A E S . , Ciu.,

I , 2, 5 ; C i c ,

Pjiil., X I , 15). De plus il y eut une époque où, si tous les sénateurs participaient à la discessio, seuls ceux qui avaient le ius sententiae dicendae pouvaient émettre une sententia ; les autres étaient les pedarii qui n'avaient que le pouvoir de voter, mais non point celui d'émettre une sententia (MOM­ MSEN, Dr. publ., V I I , p. 148 sq.). Ce vote s'exprimait par pedibus in sententiam alicuius ire (SALL., Cat., L , £ ; Liv., I X , 8,13 ; X X I I , 56,1 ; G E L L . , I I I , 18). ou plus simplement in sententiam alicuius ire ( C i c , Fam., I , 2, 2 ; PÏiil, X I , 15 ; Liv., X X I I I , 10, 4) ou discedere ( S A L L . , Cal., L V , 1 ; Liv., I I I , 41,1 ; X X X , 23, 8) ; voter contro se dit in alia omnia ire (Οία, Fam., V I I I , 13,2 ; H I R T . , V I I I , 53,1 ; F E S T . . p. 314) ou discedere (Cic, Fam., X , 12, 3). Sur les pedarii, cf. infra, p. 305, n. 5.

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LA NOTION D E GROUPE POLITIQUE

valeur très proche de celle du français « motion ». Les autres sénateurs peuvent, soit approuver la motion , soit parler contre ou même en présenter une nouvelle. Le rôle du président est alors de mettre aux voix les motions qui sont proposées suivant un ordre qu'il a pouvoir de fixer ; il a enfin la possibi­ lité d'exclure du vote n'importe quelle sententia sans avoir à motiver sa déci­ sion ; de celle qui remporte la majorité des suffrages on dit sententia ualet . Cependant sententia est aussi représenté dans le domaine politique par un sens plus étendu lorsqu'il exprime l'opinion politique d'un individu quel­ conque, sans que cette dernière soit forcément donnée sous la forme d'une motion au cours d'une séance du Sénat. U est employé avec cette valeur dans de nombreuses locutions dont je relève ici les plus courantes et les plus signifi­ catives : 1

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avoir une opinion : in aliqua sententia esse : Cic, IÂg., 34 ; rester fidèle à ses opinions : in sententia manere : Sall., Or. Phil, 16 ; Cic, Marcel. 32 ; — permanere : Caes., Gall, IV, 21, 6 ; Hirt., V I I I , 22,1 ; Cic, Fam., I , 9, 6 ; AU., I , 20, 3 ; — constare : Cic, Fam., I , 9,14 ; — perstare : Caes., Gall., V I I , 26, 4 ; Cic, Q. Rose., 56 ; — perseuerare : Cic, Phil., V I , 11 ; Caes., Ciu., I , 72, 4. renoncer à une opinion : de sententia (ou sententia) décédere : Cic, Balb., 11 ; — desistere : Cic, Tusc, I I , 28 ; Off., I I I , 15 ; Caes., Gall, V I , 4,2 ; Rh. Eer., IV, 68. se ranger à l'avis de quelqu'un : sententiam sequi : Cic, Idg., 34 ; ad sententiarn alicuius descendere : Caes., Gall, V I I , 78,1. amener quelqu'un à se ranger à un avis : ad sententiam aliquem adducere : Cic, Fam., I I , 3,1 ; — deducere : Caes., Gall, Π, 10,5 ; — perducere : Caes., Gall, V I I , 4,3. faire abandonner à quelqu'un son opinion : de sententia aliquem deducere : Cic, Brut, 97 ; AU., I I , 5,1 ; — deicere : Cic, Phil, .IX,. 8. ; — depellere : Cic, Fam., I , 7, 7 ; Lig., 26 ; Tusc., I I , 16 ; — demouere : Plaut., Pers., 373-374 ; Cic, Verr., I . 52 ; — deterrere : Cic, Dm., I I , 81. 6

Notons également que, dans ce sens, sententia est à plusieurs reprises associé à uoluntas qui, nous le verrons, présente en effet une valeur très proche . H n'est pas très facile de déterminer lequel, du sens étroit ou du sens large, a précédé l'autre. Ds se rencontrent en effet très fréquemment l'un à côté de l'autre sans qu'il soit possible de les distinguer très nettement. Lorsque Cicéron, par exemple, écrit à Lentulus Spinther en lui rappelant le maigre soutien qu'il avait reçu des plus puissants des optimates lors des poursuites que lui intenta Clodius : « Quorum maleuolentissimis obtrectationibus nos scito de uetere ilh nostra diuturnaque sententia prope iam esse depulsos*»ïï. pense aussi bien à sa 7

1. Sententiam probare : CAES., GaU., V I I , 15,1 ; — adprobare : C i c , Q. F., I I , 1 , 2 ; — laudare : S A L L . , Cat, L U I , 1 ; — segwiiCAES., Ciu., I , 2, 3 ; 6 ; C i c , Phil, V I , 3 ; De Or., I I I , 5 ; Fam., X , 13,1 ; P L I N . , Ep., I I , 11, 22 ; V I I I , 14, 25. 2. Sententiam dicere contra, C i c , Phil, V, 5 ; AU., I I I , 24,2 ; Q. F., I I , 1,2. 3. Sententiampronuntiare : CAES., Ciu., 1,2,5 ; C i c , Fam., 1,2,1 ; V I I I , 13, 2 ; X , 12,3. 4. Sententiam non persequi : C i c , Q. F., I I , 7, 3 ; P L I N . , Ep., I V , 9, 21 ; — tollere: C i c , Phil., X I V , 22. Cf. aussi CAES., Ciu., 1,2,5 : «Lentulussententiam Càlidiipronuntiaturumse omnino negauU.*> Π est possible aussi au président de faire voter la sententia par articles : sententiam diuidere : C i c , Fam., 1,2,1. 5. C i c , Fam., I , 2, 2 ; Phil., V I , 3. On dit aussi : sententia praeualet : P L I N . , Ep., I V , 9,18 ; I l , 11,6 ; — superat : CAES., Gall., V, 31,3 ; euincit : CAES., Ciu., I , 67, 6 ; Liv., X X I X , 20,1. 6. Cf. aussi C i c , Fam., 1,9,21 : In una sententia permansio . 7. C i c , Fam., I , 9,18 : sententiam et uoluntatem mutare ; Marc, 30. Voir infra, pp. 181 sq. 8 . C i c , Fam., I , 7, 7.

L'EXPRESSION D E L'ACCORD

POLITIQUE

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position comme citoyen qu'à l'opinion qu'il pourrait exprimer en tant que sénateur. H est probable que les deux sens ont toujours coïncidé. Nous avons vu en effet que sententia exprime la « thèse » ou la « position » de toutes sortes de gens dans des domaines très divers ; mais i l est également vrai­ semblable que l'emploi technique précis de sententia a favorisé le développe­ ment de son sens politique général. Dans ce sens large, sententia a parfois une valeur très proche de celle de causa et par conséquent du français « p a r t i » Mais i l s'agit alors d'une conception abstraite de cette notion, très différente de celle qu'expriment amicitia et les termes analogues. Vamicitia repose sur la fides, c'est-à-dire la confiance réciproque établie entre deux personnages ; la sententia suppose la communauté des idées politiques qui n'est pas nécessaire à Vamicitia, ainsi que l'indique Cicéron en parlant de ses relations avec César : « Posteaquam sum penitus in rem publicam ingressus, ita dissensi ab illo (=Caesari) id in disiunctione sententiae coniuncti tamen amicitia maneremus » (Prou. 40). Sentire a suivi une évolution sémantique quelque peu différente de ceue de sententia. Dans le domaine des discussions sénatoriales, le verbe par lequel le sénateur exprime sa sententia est censere , terme de caractère religieux et juridique qui s'emploie pojir énoncer un avis de façon solennelle et dans des formes prescrites . Au point de vue sémantique, i l a suivi une route inverse de celle de sentire puisque, parti d'emplois strictement techniques, i l a fini par aboutir dans le langage usuel au sens de « j'estime », « je suis d'avis » que l'on trouve dans toutes sortes de domaines, y compris celui des relations politiques . Mais on ne le rencontre pas, à ma connaissance, affecté à l'expres­ sion de la position politique d'un personnage qui ne soit pas un sénateur expri­ mant sa sententia . En revanche, sentire n'a que très rarement la valeur de censere. Lorsque Cicéron écrit, dans le récit qu'il fait d'une séance qui eut lieu au Sénat en 61 : « Messala consul in senatu de Pompeio quaesiuit quid de religione et de promulgatarogatione sentiret» (Att, 1,14,2), l'on pourrait penser qu'il s'agit de l'expression d'une sententia. Mais rien n'est moins sûr. Cette séance suit une contio au cours de laquelle le tribun Fufius a demandé à Pompée son avis sur la composition du jury qui doit juger Clodius à la suite de l'affaire de la bonne Déesse. Dans la séance du Sénat, Messala pose à Pom­ pée la même question et par conséquent i l l'invite à exprimer son opinion sur ce sujet, mais à aucun moment i l n'est question de la rédaction d'un sénatus-con1

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1. Sur cette valeur de causa, cf. infra, pp. 415 sq. 2. U apparaît particulièrement dans la formule solennelle : de ea re ita censeo (Cic, PMI., V I I , 15 ; I X , 1 3 ; X , 2 5 ; X I V , 29), qui devient dans le texte des sénatus-consultes de ea re ita censuere et aussi dans celle par laquelle le président de séance interroge chaque sénateur : Die... quid censés : Liv., I , 3 2 , 1 1 sq. Théoriquement l'expression du vote (censere) doit être distinguée de celle de la sententia [sententiam dicere). Mais lorsque le ius dicendae sententiae eut été étendu à tous les séna­ teurs, ces expressions se sont confondues (cf. MOMMSEN, Dr: puhl., V I I , p. 179). Le latin manquant de substantifs pour désigner le vote du sénateur, sententia a pris ce sens sous l'Empire (PLIN., Ep., I I , 12, 5 ; G E L L . , I I I , 18, 2 ) .

3. E E N O U T - M E I L L E T , Dict. élym., s. v. 4. A . Y O N , Ratio et les mots de la famille de reor, p. 46, note qu'il est ainsi employé ohez P L A U T E plus de 180 fois, mais il ajoute : «Le sens officiel du mot, tel qu'il était employé au Sénat, était trop présent à l'esprit des auditeurs pour ne pas admettre que les deux valeurs se mêlaient et se croi­ saient constamment». ïl donne comme exemple une scène du Rudens, v. 1265-1280. 5. La même remarque peut être faite à propos des expressions mihi placet et mihi uidetur.

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LA

NOTION

D E GROUPE

POLITIQUE

suite. De même i l éerit eu57, parlant du tribun P. Rutilius Lupus quiprésidaitune discussion sénatoriale sur la loi agraire de César votée deux ans auparavant : « expraesenti silentio quid senatus sentiret se inteïlegeredixit» (Q. F., I I , 1,1) ; il ne s'agit évidemment pas d'une sententia puisqu'il a précisé quelques lignes auparavant : « Causa perorata sententias se rogaturum negauit \ » Chez César, sentire marque bien l'expression d'une sententia, mais i l s'agit d'un conseil de guerre (Gaïl.,V, 31,2). H reste cependant des cas où sentire se rapporte indiscu­ tablement à une sententia De telles rencontres sont en effet inévitables étant donné la. très grande proximité des domaines d'utilisation des deux verbes. Mais, même dans ces cas qui ne sont d'ailleurs pas les plus nombreux, sentire n'a pas la valeur technique rigoureuse qui est celle de censere et i l exprime plus largement la notion d'opinion politique. La différence apparaît très bien dans ce texte d'une sententia qui date, i l est vrai, des Antonins, mais qui est parfaite­ ment conforme aux habitudes classiques : « Quae igitur tantis tam salutarium rerum consiliis uestris alia prima esse sententia potesl, quam ut, quod siyiguli sentiunt, quod uniuersi de pectore intimo clamant, ego censeam » ; elle se trouve marquée également par l'emploi des deux verbes dans un groupe coordonné : ; X X V I I I , 10, 5 ; X X X V , 43, 2. 11. Par exemple, T E R , And., 324 : «Ne iste haud mecum sentit» ; C i c , Prou., 41 : «minus adseniire.» 12. C i c , Verr., I I , 2,113. De son côté SALLUSTE dit de CICÉRON, Cat.,XXVI, 4 :«Collegam suum Antonium... perpxiXerat ne contra rem publicam sentiret» ; contra rempublicam sentire,[c est dans ce cas participer à la conjuration de CATILINA. J

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LA NOTION D E GROUPE POLITIQUE

exprime le désaccord dans le domaine des opinions politiques. Une remarque préalable s'impose : dissentire, ce n'est pas non adsentire (ri) ou non eonsentire mais diuersa sentire, autrement dit, ce n'est pas simplement dire non à une sententia, mais en proposer une nouvelle, opposée à la précédente: Comme sentire et les autres mots de cette famille, dissentire est en effet d'abord un terme du vocabulaire des assemblées sénatoriales ; par exemple Cicéron rappelle à diverses reprises le vote du Sénat sur la proposition de P. Lentulus Spinther qui mettait fin à son exil et à laquelle seul Clodius s'opposa : « Guius sententiam ita frequentissimus senatus secutus est ut unus dissentiret hostis . » Son sens de « exprimer une sententia divergente » apparaît bien dans la phrase suivante du De prouinciis consularibus (§ 40) : « Ita dissensi ab Mo (=César), ut in disiunctione sententiae, coniuncti tamen amicitia maneremus. » Cependant, comme les autres mots du groupe sentire, dissentire a vu son sens s'élargir et i l a fini par marquer la divergence des opinions sur des questions qui n'ont rien à voir avec la politique ; mais c'est surtout dans ce domaine que le verbe trouve son utilisation pour indiquer le désaccord soit entre deux personnalités , soit entre deux groupes politiques ; le verbe est alors le plus souvent suivi d'un complément à l'ablatif introduit par ab qui est un nom de personne ou un terme abstrait ; au lieu de ab, on a plus rarement la préposition cum . On remarquera que tous ces emplois sont absolument semblables à ceux que nous avons relevés pour dissidere. Cependant, i l faut ajouter que, comme sentire et eonsentire, dissentire est assez souvent accompagné d'un complément prépo­ sitionnel introduit par de indiquant l'objet du désaccord et qui est générale­ ment le groupe de re publica ; comme dans le cas de sentire également on a par­ fois in re publica . Au verbe dissentire correspond le substantif dissensio. I l est notable qu'en revanche, nous ne trouvions pas dissensus comme nous avons adsensus et consensus. A vrai dire le terme se rencontre quelquefois, mais uniquement chez les poètes dactyliques , et nous voyons fort bien les raisons qui les ont obligés à rejeter des formes comme dissensio, dissensionem et à les remplacer par un terme créé par analogie sur sensus et adsensus. Mais ce mot est absolument 1

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1. Sest., 129. Cf. sur le même fait : Sen., 2 6 ; Quir., 1 5 ; Dom., 14. Voir encore pour l'emploi du verbe : Imp. Pomp., 59 ; Sest., 103 ; Phil., X , 2 ; AU., I I , 1, 8 ; 9 , 1 . 2. Par exemple dans le domaine de la philosophie : C i c , De Or., I I I , 61 ; Fam., X I I I , 1, 2 ; et de la rhétorique : Inu., I , 6. I l est fréquemmant aussi employé par CÉSAR et ses continuateurs pour exprimer la divergence de vues des chefs d'uue armée (pour lesquels on utilise aussi sententia) : Gall., V, 29, 7 ; Afr., X I X , 3 ou l'opposition entre peuples Gaulois (contr. eonsentire) : Gall., V I I , 29, 6 ; Ciu., I, 20, 3 ; Hisp., X X X V I I , 1. 3. C i c , Imp. Pomp., 6 3 ; 68. 4. Liv., X X I V , 2 , 8 : « Vnus uelut morbus inuaserat omnes Italiae ciuitates ut plèbes ab optimalibus dissentirent. » 5. C i c , Cat., I I I , 2 4 : «Dissensit M. Lepidus aclarissimo et fortissimo uiro, Q. Catulo» ; Val., 21 ; Plane., 91 ; Phil., I , 31 ; Fam., 1,8, 2 ; Ad Brut., I, 2, 5. 6. C i c , Imp. Pomp., 51 ; Font., 3 9 ; Sist., 1 4 ; Val., 12 ; Phil., I V , 9 ; SALL., Cat.. I I I , 5 ; Lrv., X X I I I , 3, 14. 7. C i c , Sull, 61 ; Har., resp., 5 4 ; V A L . M A X . , I V , 1, 12. 8. C i c , Phil, I I , 38. 9. C i c , Prou., 25 ; 40 ; Q. F., I I I , 4, 2. 10. V I R G . , Aen.,

X X I I , 86.

X I , 455 ; STAT., Theb., I , 423 ; V, 148 ; X , 558 ; C L A U D . , I I I , 7 0 ; X V ,

300 ;

L ' E X P R E S S I O N D U DÉSACCORD

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POLITIQUE

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étranger à la prose qui utilise seulement dissensio. Les raisons de cette exclusion me paraissent se trouver dans les indications précédemment données. En effet si un sénateur, approuvant la sententia présentée par un de ses collègues, peut formuler un adsensus susceptible de se transformer en un consensus quand tous les sénateurs approuvent la proposition, le dissensus ne peut exister, puisque l'on ne peut se contenter de dire non à une sententia sans en proposer une nouvelle Dissensio est dépourvu de tout rapport avec la langue des assemblées sénatoriales et i l exprime seulement le désaccord des idées, particulièrement sur une question politique. Son rapport avec dissentio en même temps que son sens précis apparaît bien dans la phrase suivante, tirée de la 10 PMlippique : «A quo ( = Q. Fufius Calenus)ik saepe dissentio, ut' iam uerear ne, id quod fieri minime débet, minuere amicitiam nostram uideatur perpétua dissensio ))(Plxil., X , 2). L'expression perpétua dissensio marque bien que, comme consensio, dissensio exprime, non un fait momentané résultant d'un acte précis, mais une situation qui se prolonge et qui est la conséquence d'un état d'esprit et de sentiments permanents . Ainsi traduit-il la divergence de vues entre deux individus et particulièrement deux hommes politiques. Par exemple Cicéron l'applique à ses désaccords avec Pompée , César , Q. Metellus Nepos ou encore à des divergences de vues éventuelles entre les trium­ virs ; Salluste l'emploie à propos d'un conflit qui oppose deux tribuns de la plèbe à leurs collègues (lug., X X X V I I , 2) ou du désaccord qui sépare Jugurtha d'Adherbal et Hiempsal . Mais plus fréquemment encore i l désigne l'opposi­ tion entre deux groupes politiques et tout particulièrement entre la noblesse et la plèbe . I l exprime ainsi le désaccord qui peut régner dans l ' É t a t et se trouve alors fréquemment dans les groupes dissensio ciuium et dissensio ciuilis Cet emploi est particulièrement caractéristique de dissensio ; i l y prend une valeur concrète qui fait qu'il se trouve au pluriel dans un sens qui 2

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1. On no le retrouve que dans des textes du Digeste : PAVL., Dig., XVll, 2, 65, 3 ; MOD., Dig., X L , 5, 14 ; POMP., Dig., X L V I , 3, 80. 2. MOMMSEN, Dr. publ, V I I , p. 168. 3. C'est ce que marque également la phrase suivante, Agr., I I , 14 : «Non potestaium dissimililudo, sed animorum disiunctio dissensionem facit.» 4. Par exemple entre deux philosophes : C i c , Nat. D., 1 , 1 4 ; Ac, I , 42 ; I I , 69 ; Leg., I , 52 ; 57 ; entre deux généraux : CAES., Gall., V , 3 1 , 1 . 5. Phil., I I , 38 ; AU., 1,19, 7 ; I I , 1, 6. 6. Balb., 61. 7. Dom., 7. 8. Att.,

11,7,3.

6. Dissensio regum : lug., X X X V , 1 ; cf. ibid., X I I , 1. 10. Par exemple entre la nobilitas et les chevaliers : C i c , Cat., IV, 15 ; cf. encore dissensio partium : C i c . Phil., V , 32 ; — nobilium : C i c , De Or., I I , 199 ;—optimatium : C i c , Har. resp., 40 ; — ordinum : V A L . - M A X . , V I , 4, 4 ; T A C , Ann., I I I , 27. 11. S A L L . , Ad Caes., I I , 3, 7 ; Liv., V, 2 4 , 1 0 ; X X I V , 2, 8 et 9. 12. C i c , Fam., I , 7 , 1 0 : « Quod scribis te uelle scire, qui sit rei publicae status, summa dissensio est » ; cf. Sest., 72 ; Lael, 77. 13. C i c , Verr., I I , 1 , 3 4 : «Eratium dissensio ciuium» ; Agr., 11,102 ; Cael, 70 ; Har. resp., 5 3 ; Phil, V I I I , 58 ; AU., V I I , 1 3 , 1 ; Rep., V I , 1. 14. S A L L . , lug., X L I , 10 ; C i c , Verr., I I , 5, 152 ; Fam., I , 9, 13. L'expression s'applique en particulier à la guerre entre CÉSAR et POMPÉE : CAES., Ciu., I , 67, 3 ; H I R T . , Gall, V I I I , Prei. 2 ; C i c , Lig., 26, pour laquelle on trouve aussi dissensio seul : C i c , Marcel, 32 ; CAES., Ciu., I I I , , 88, 2.

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LA

NOTION

D E GROUPE

POLITIQUE

est alors à peu près celui de seditio et celui du français « révolte » ou « révo­ lution » \ Discordia est le contraire de concordia et présente par conséquent des emplois analogues. H s'applique donc à des désaccords d'ordre familial et privé et aussi au désaccord entre des hommes politiques , Mais comme concordia, i l désigne surtout des oppositions d'ordre général qui se produisent à l'intérieur de l ' É t a t et se rencontre ainsi dans dos groupes comme discordia cinium , discordia ciuitatis ou discordia ciuilis . C'est dire que discordia est tout à fait proche de dissensio puisque nous notons des emplois semblables et les deux mots sont en effet parfois rapprochés et associés . Comme dissensio également, discordia se trouve au pluriel , particulièrement avec une valeur concrète qui rejoint celle de seditio 2

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VI.

DlSCESSIO-SECESSIO-SEDITIO.

A. I l faut distinguer deux emplois du verbe discedere : a) D'une part on le trouve dans l'expression discedere ab aliquo au sens cle « abandonner un ami » et i l apparaît parfois ainsi avec une nuance nettement politique chez Cicéron , César , Salluste . Ce dernier auteur remploie avec une valeur métaphorique : « Neqae ex castris Catilinae quisquam omnium discesserat » (Cat, X X Κ V I , 5). 12

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b) En deuxième lieu, discedere entre dans l'expression technique de la langue du Sénat in sententiam alicuius discedere ou in alia omnia discedere (cf. supra p. 117, n. 8). I l en est de même pour discessio, qui se rapporte à la procédure de vote du 1. Par exemple les émeutes qui sont la conséquence des conflits entre la plèbe et le Sénat : SALL., Hist., frg., 1,11 ; CAES., Ciu., I I I , 1, 3 ; Liv., V , 24,10 ; celles qui marquèrent la rivalité des optimales et des populares : C i c , Cat., I I I , 25 ; celles qui furent provoquées par CLODIUS et ses amis : CAES., Gall., V I I , 1, 2. Au singulier dissensio désigne aussi une révolte à l'armée : CAES., Ciu., I , 20, 3 ; Ps. C A E S . , Afr., X C V , 3.

2. Les deux mots sont parfois directement opposés : S A L L . , lug., X , 6 ; Or. Phil, 14 ; C i c , Dom., 17. 3. CAT., Or. Frg., V I , 2. (Jordan p. 39) : «Exfenore discordia excrescebal» ; PLAUT., Truc, 420: ueniam quomodo diuortium et discordiam inter nos parem» ; T E R . , Hec, 693 ; C i c , Q. F., I I , 5, 1. 4. Entre CÉSAR et POMPÉE : C A E L . , ap. Fam., V I I I , 14, 3 ; entre des consuls : Liv., I V , 26, 6 ; des tribuns : Liv., I V , 46, 4 ; entre les patriciens : Liv., I V , 56,11; les optimales : C i c , Har. resp., 40 ; 50. Π apparaît comme synonyme de discidium si l'on compare Har. resp., 40 et 45. 5. C i c , Alt., I I , 1, 6 ; Liv., I I , 24,1 ; 34,1 ; 54, 2 ; IV, 43, 3, etc. I l est à noter cependant que, si la discordia n'a jamais été évidemment, comme la concordia, l'objet d'une déification, elle a été ce­ pendant personnifiée parfois par les poètes : cf. R. Ε., V , 1183. 6. C i c , Sest., 99 ; Phil., V I I I , 8 ; Leg., I I I , 9 ; Liv., I I I , 66,2 ; V E L L . , I I , 3, 3. 7. C i c , Font., 42 ; Cluent., 39. 8. S A L L . , Cat., V, 2 ; lug.,

L X X V I I I , 1 ; Lrv., I I , 42, 3 ; I I I , 65, 6.

9. C i c , Har. resp., 50 ; 53 ; Phil, V I I I , 8 ; T A C , Dial, X L , 4 ; G E L L . , I I , 12, 1. A noter que dissensio est lui-même opposé à concordia : C i c , Cal., I V , 15. 10. S A L L . , Cat., I X , 2 ; C i c , Har. resp., 50 ; Balb., 60 ; Q. F., 1,1, 34 ; C A E L . , ap. Fam.,Ylll, 11, 3. 11. Cf. par exemple S A L L . , lug., L X X V I I I , 1 ; C i c , Phil, 1,1 ; V I I , 25 ; X I I I , 1 ; AU., I I , 1, 6. Les deux mots sont associés : C i c , Sest., 99 ; Q. F., 1,1, 23. SALLUSTE emploie dans lug., L X V I , 2, l'adjectif discordiosus dans le sens de seditiosus auquel il l'associe ; cet adjectif ne se retrouve ensuite qu'à l'époque post-classique. 12. C i c , Sull, 52 ; Lael, 42. 13. Ciu., I I I , 60, 3; 14* S A L L . , Ad Caes., I , 2, 7 : « Quam multi mortales postea ad Pompeium discesserint. »

L'EXPRESSION

D U DÉSACCORD

135

POLITIQUE

Sénat, mais qui d'autre part se substitue dans deux cas à seeessio pour désigner l'opposition entre plébéiens et patriciens . 1

B. Seeessio garde dans le vocabulaire politique une valeur très concrète : i l dé­ signe les trois retraites enmasse, historiques, ou non, faites par la plèbe en dehors de Rome pour obtenir des patriciens des concessions politiques ; i l en est de même de secedere . 0. Hirschfeld pense que seule la troisième fut une seeessio au sens propre et que les deux premières furent en réalité des sediiiones, c'est-à-dire des émeutes qui ne furent appelées secessiones que par analogie avec la troisième et en raison de la ressemblance sémantique des deux termes ; la seeessio n'est en effet que la conséquence de la seditio et la forme parti­ culière qu'elle a revêtue dans certaines circonstances. C'est le sens qui résulte aussi du récit que fait Tite-Live de la première sécession ; c'est la valeur que le mot conserve à l'époque classique et que nous pouvons relever chez César et Salluste . Notons pour finir que par analogie Cicéron applique le terme à la guerre entre César et Pompée (Lig., 19), César à la conduite des soldats qui à Corfinium se sont séparés de Domitius Aenobarbus et ont tenu une réunion à part (Ciu., I , 20, 1) et Tite-Live à ceux, qui, en garnison à Capoue, se sont séparés de Rome après avoir conspiré pour s'emparer de la ville ( V I I , 40,2). 2

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C. Si l'on s'en tient à la formation du mot, le sens de seditio paraît très proche de celui de seeessio . I l exprime l u i aussi l'idée d'une séparation en deux parties ainsi que cela nous apparaît d'après une lettre à Atticus où Cicéron, parlant du législateur Solon, écrit : «Capite sanxit si qui in seditione non alterius utrius partis fuisset . » Mais l'on constate que, dans la pratique, la notion de séparation est dans ce terme purement métaphorique et n'a pas la valeur concrète que nous avons reconnue dans seeessio. Dans le domaine des relations familiales, i l désigne une querelle entre é p o u x ; chez Tite-Live, une querelle entre frères qui, i l est vrai, déborde largement sur le plan politique . Dans le vocabulaire politique, i l est l'expression et la manifestation de la 8

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1. S A L L . , Hist. frg., I , 11 : «Discessioplebis a patribusaliaequedissensionesdomi fuere» ; G E L L . , I I , 1 2 , 1 : α Si ob discordiam dissensionemque seditio atque discessio populi in duas partesfiet.» 2. Pour la première, cf. Liv., I I , 32, 3 ; I I I , 39, 9 ; C i c , Rep., I , 6 2 ; DIOD., X I I , 2 4 ; pour la deuxième : Lrv., I I I , 51, 7 ; X X I , 14, 1 ; C i c , Rep., I I , 57 ; S A L L . , Iug., X X X I , 17 ; Hist. frg., I , 11 ; ASCON., p. 68 (Schoell) ; pour la troisième : C i c , Brut., 5 4 ; VARR., L . L . , V, 81 ; D E N . HAL., X I , 40. Sur les secessiones dans leur ensemble, voir en particulier : E d . M E Y E R . , Der Ursprung des Tribunats, Kl. Schrift, pp. 351-379 ; F L U S S , R. Ε., I I A , col., 974-976 ; Ch. LÉCRTVAIN, Dict. Ant.,

IV, 1164. P L I N E emploie dans le même sens le terme secessus : Ν. H., X I X , 56. 3. S A L L . , Cat., X X X I I I , 3 ; Lrv., I I , 32, 2. 4. Zur Geschichte der romischen Tribus, Kleine Schriften, p. 253. 5. I I , 3 2 sq. 6. Ciu., 1 , 7 , 5 .

7. Iug., X X X I , 17. 8. Seditio paraît devoir s'analyser sed-itio. Mais le verbe correspondant *sed-ire n'est pas attesté ; aussi E R N O U T - M E I L L E T forment-ils l'hypothèse très vraisemblable que seditio aurait été formé directement d'après seeessio. 9. AU., X , 1, 2. Cf. I D . Diu., I , 50 ; Lrv., I I , 16, 3 : «Seditio inter bellipacisque auctores orta in Sabiiiis. » 10. PLAUT., Amph., ^11 ; T E R . , And., 830. Cf. la plaisanterie de Cicéron sur Clodia, AU., I I , 1, 5 ; Ea est enim seditiosa, «ea cumuiro bellumgrmf «.Dans le Mercator, v. 124, P L A U T E fait un emploi plaisant du mot : « Perii ; seditionem facit lien, occupât praecordia \: « Je suis perdu ! Ma rate fait la séditieuse et envahit mon estomac. » 11. Lrv., X L V , 1 9 , 1 3 .

LA NOTION D E GROUPE POLITIQUE

136

1

dissensio entre les citoyens ; cependant i l ne s'applique guère à l'opposition entre deux personnages ; la seditio est généralement le résultat d'un certamen factionum, c'est-à-dire de la. rivalité de deux groupes cohérents et opposés comme par exemple l'opposition traditionnelle entre patriciens et plébéiens . La valeur du mot s'étant rapidement élargie, i l a fini par désigner la révolte contre une autorité établie, par exemple des soldats contre leurs chefs ou plus fréquemment encore d'un groupe d'hommes contre les ordres d'un magistrat : i l peut s'agir de troubles aux comices , de rassemblements nocturnes etc. Seditiosissime dicere, c'est parler de manière à provoquer une émeute (Cic. AU., I I , 21, 5). La seditio est punie par l'une des leges Sacratae, la lex Icilia puis par la lex Plaidia de ui (77-76) et la lex Iulia de ni puttica . Dans la pratique, seditio est devenu essentiellement un terme du vocabulaire des optimates pour désigner les discordes et les émeutes provoquées par leurs adversaires ; c'est la valeur qu'il a chez Cicéron qui, dans le Pro Sestio (77), expose quelles sont les causes ordinaires d'une seditio: « Nam ex pertinacia ant constantia intercessoris oritur saepe seditio, culpa atqye improbitate latoris, commodo aliquo proposito imperitis aut largitione, oritur ex concertatione magistratuum, oritur sensim ex clamore primum, deinde aligna discessione contionis, uix sero et raro ad manus peruenitur. » C'est cette même conception partisane de la seditio qu'expriment les vers célèbres du livre I de Y Enéide : 2

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« Ac uelidi magno in popido cum saepe coorta est Seditio, saeuitque animis ignolile uulgus, Iamque faces et saxa uolant, furor arma ministrat : Tum pietate grauem ac meritis si forte uirum quem Conspexere, silent arrectisque aurilus adstant . » 10

La furor caractérise en effet l'attitude de VignoUle uidgus, c'est-à-dire de la plèbe excitée par les démagogues ; et les optimates peuvent reconnaître l'un d'entre eux dans le uir pietate grauis qui vient apaiser cette foule. Chez Cicéron seditio désigne tour à tour les troubles nés, au cours de la deuxième guerre Punique, de la proposition de loi agraire du tribun de la plèbe C. Flaminius (Inu., I I , 52), ceux qui sont provoqués par les Gracques (Inu., I , 9 1 ; Mil, 7 2 ; VAL.-ΜΑΧ., V I , 2, 3 ; V I I , 2, 6 ; Juv., I I , 24), par le tribun du peuple Norbanus contre Q. Servilius Caepio (De Or., 1,124 ; 199). Associé à discordia, i l exprime l'état de désunion créé dans la cité par l'agitation des tribuns . Cette valeur partisane de la notion de seditio apparaît bien dans le discours u

1. C i c , Rep., VI, 1 : «Ea... dissensio ciuium, quod seorsum eunt alii ad alios, seditio dicitur.» Cf. G E L L . , I I , 12,1 : « Si ob discordiam dissensionemque seditio atque discessio populi in duas partes fiet. » , 2. L I V . , X L I , 27, 3 ; X L I I I , 17, 7. 3. Ainsi Lrv., I I , 31,10 à la suite de dettes. 4. CAES., Gall., V I I , 28, 6 ; Ciu., I , 87, 3 ; T A C , Hist., I , 26,1. 5. C i c , Part, or., 105. 6. C i c , Sest, 79 ; Liv., X X V , 3, 4 ; X L I I I , 16. 7. C i c , Agr., I I , 12 ; Liv., I I , 28,1 ; I I I , 48,1 ; X X X I X , 15,12. 8. Voir P F A F F . , R. Ε., I I , A col., 1024et G . HUMBERT, Dict Ant, I I I , p. 1558 (s,, v. maiestas). 9. Par exemple Rep., I I , 34 : «Duobus tribunis plebis per seditionem creatis» ; De Or., 1,124. 10. Aen., 1,148-152. 11. Mur., 83 ; Off., I , 85. Cf. aussi Lrv., I I I , 19, 5 où les tribuns sont appelés semina discordiarum et S A L L . , Iug., L X V I , 2 où le peuple Numide reçoit le qualificatif de seditiosus atque discordiosus.

L'EXPRESSION D U DÉSACCORD POLITIQUE

137

que Salluste prête à César dans son Catilina. L'orateur rapporte l'excuse donnée par les partisans de Sylla aux proscriptions dirigées contre ceux de Marius : « Homines scélestos et factiosos, qui seditionibus rem publicam exagitauerant, merito necatos aiebant . »Le mot finit par avoir une valeur proche de celle de factio, par exemple dans Sest, 94, où seditio clodiana désigne le groupe des partisans de Clodius. Cette même valeur s'exprime dans l'adjectif seditiosus qui, comme factiosus, s'applique essentiellement à des populares et particulièrement à des tribuns de la plèbe et à ceux qu'ils entraînent à leur suite . Ainsi seditio se distingue très nettement des autres termes marquant le désaccord et la séparation. I l exprime l'idée d'une rupture dirigée contre un groupe ou une personnalité ; i l comporte donc une notion d'hostilité analogue à celle que nous rencontrons dans coitio, coniuratio ou factio ; par là seditio, terme négatif à l'origine comme tous ceux qui ont été étudiés dans ce chapitre, aboutit à une valeur positive qui le rend parfois très proche de ceux qui dési­ gnent un groupement politique. 1

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1. Ca*..LI,32. 2. De Or., I I , 48 ; Leg., I I I , 44. 3. Phil., I , 22 ; Vat., 4. Cf. infra, p. 531.

DEUXIÈME

Les relations

PARTIE

entre personnalités

politiques

La première partie de cet ouvrage a été consacrée à une étude en quelque sorte statique des associations politiques : nous y avons examiné les diffé­ rentes formes qu'elles étaient susceptibles de revêtir, depuis les rapports pu­ rement mdividuels de Vamicitia fondée sur la notion de fides jusqu'aux rap­ port plus complexes qu'expriment sur des plans différents les notions de consensio et concordia d'une part, coitio, factio, partes d'autre part. I l nous faut maintenant aller plus avant, examiner ces groupes, non plus de l'extérieur, mais de l'intérieur, passer du plan objectif au plan subjectif, en étudiant les relations des amici entre eux ainsi que des amici avec les clientes. Ces re­ lations seront considérées de deux façons : d'abord nous les verrons sur le plan purement abstrait des rapports affectifs ; puis nous étudierons comment elles s'expriment dans le domaine des obligations de caractère social et politi­ que.

CHAPITRE I

L'expression affective de l'amicitia 1.

AMARE-DILIGERE.

Parmi les mots qui traduisent de façon affective les rapports a*amicitia examinons tout d'abord les verbes :

t

A. Amare. Amare est évidemment celui qui exprime Vamicitia sous sa forme la plus générale. C'est ce que nous lisons dans le Dictionnaire étymologique do Ernout-Meillet : « Terme général qui s'emploie dans toutes les acceptions du verbe ». L'on comprend comment, à partir d'un sens aussi général, le mot a pu se spécialiser dans des emplois particuliers. Aussi constatons-nous qu'à côté du sens affectif pour lequel i l me paraît inutile de donner des références \ l'on trouve amare avec une nuance politique précise. Du promoteur de la loi agraire de 63 ,P. Servilius Rufus, Cicéron dit à propos d'une des dispositions de cette loi : «Hic tamenuir optimus eumquem amat excipit, Cn. Pompeium . »Cet emploi paraît plus fréquent dans les Lettres ; ainsi dans une lettre à Atticus, i l dit de Pompée :« Pompeius amat nos » et le contexte ne nous laisse aucun cloute sur l'interprétation politique qu'il convient de donner au mot. Ceci est également net dans le Commentariolum Petitionis : par exemple Quintus, parlant des amicitiae que son frère, candidat au consulat, a intérêt à nouer pour assurer son élection écrit : «Deinde, ut quisque est intimus ac maxime domesticus, ut is amet et quam amplissimum esse te cupiat, ualde élaborandum est . » Amare peut enfin s'appliquer, non à un individu, mais à un groupe : nous trouvons dans le Pro Plancio (18) l'expression amare nobilitatem, et amare rem publicam se rencontre également à diverses reprises . Le sens politique de amare se retrouve dans amans qui, au témoignage de Priscien , a pris fréquemment une valeur d'adjectif ; i l se trouve dans ce 2

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1. Je renvoie tout particulièrement aux définitions qu'en donne CICÉRON lui-même : Fin., I I 78 ; Lael., 100. 2. Agr., I I , 60. Cf. Verr., I I , 3, 7 ; Off., I I I , 73, etc. 3. AU., 1,13, 4 ; 18, 5 ; I I , 1, 8 ; IV, 4 ; 5, 2 ; V I I I , 13, 2 ; Fam., I , 9,19 ; Q. F., I I , 15, 1 ; I I I , 1, 9, etc. 4. AU., I I , 20,1. 5. Pet., 17. Cf. Ibid., 26. On trouve non amare au sens de « n'être pas amicus » : C i c , Har. resp., 46 ; AU., I I , 7,1 ; Q. C i c , Pet., 40. 6. C i c , Fam., V I I , 32, 3 ; ad Brut., 1,16,11. Amare s'applique aussi aux spectateurs du cirque avec le sens de fauere : P L I N . , Ep., I X , 6,2. Notons pour finir que la nuance politique n'appa­ raît pas dans les composés adamare et redamare. 7. G. L . Κ., I I , 550, 22. 8. D'où le comparatif amantior : C i c , Cluent., 12 ; AU., VI, 1,12 ; Q. F., 1,1,15 ; I I I , 1,19 et le superlatif amantissimus : C i c , Sen., 1 ; Dom., 96 ; Marcel., 34 ; Fam., 1,8,1 ; AU., 1,18,1 ; Q. F., I , 3, 4, etc.

143

L'EXPRESSION A F F E C T I V E D E L'AMICITIA

cas ordinairement accompagné d'un complément déterminatif au génitif ; i l est parfois associé à amicus . L u i aussi a une valeur surtout affective : dans les Lettres de Cicéron, i l s'applique essentiellement aux rapports de ce dernier avec Atticus ou Quintus. Cependant i l a parfois une nuance nettement poli­ tique qui se trouve tout particulièrement dans les expressions amans patriae et amans rei publicae . A côté de amans, nous avons amator : Cicéron fait bien une distinction entre les deux mots ; mais, dans la pratique, ils apparaissent à peu près synonymes ; comme amans, amator se trouve associé à amicus . Cepen­ dant sa nuance politique est plus nette que celle du mot précédent et son sens est parfois assez proche de celui de fautor. I l apparaît ainsi chez Lucilius et on en trouve des exemples, assez rares i l est vrai, chez Cicéron ; cette valeur semble s'être développée plus largement à l'époque impériale . 1

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B. Diligere. Diligere se présente comme un synonyme à peu près total de amare et les deux termes sont souvent équivalents dans les textes. Cicéron applique diligere aux affections naturelles qui, nous l'avons vu (supra, p. 44), sont le propre de Vamicitia et, dans le Laelius, diligere est à diverses reprises le verbe qui exprime la manifestation de Vamicitia à l'égard de quelqu'un Au § 1 de VOrator, l'auteur marque ses sentiments à l'égard de Brutus par l'emploi de diligere, mais au § 33, i l utilise amare. Cette similitude ressort encore nette­ ment du texte suivant : « Quem (le fils de Lentulus) nos et quia tuus et quia te dignusest filius et quia nos diliqit semperque dilexit, inprimis amamus carumque liabemus » Au groupe amare carumqueJiabere que nous avons dans cette phrase correspond d'ailleurs le groupe diligere carumque habere . Odisse s'oppose à 12

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1. Par ex. : C i c , Rab. Posl, 43 : «Equilem Romanum, ueterem amicum suum, siudiosum, amantem, obseruaniem sui... eXcepit.» 2. Celle du français « amant » : PLAUT., Cist., 473 ; Asin., 665 ; 814 ; L U C R . , I V , 1077 ; V , 962 ; V I R G . , Aen., I V , 296 ; PROP., I I I , 16, 27 ; Ον., Am.,

I I I , 10,15.

3. C i c , Ait., I , 18, 7 : « (Gato) miseros publicanos quos habuit amantissimos sui tertium iam mensem.uexat. » Dans une telle phrase amans est, de toute évidence, Γ équivalent exact iVamicus. 4. C i c , Sull, 34 ; Cael, 34 ; Virt., frg., 15 ; Ail, 1,19,11 ; I X , 19, 3. 5. Rh. Her.. I V , 12 ; 31 ; C i c , Flac., 8 ; Cat., I I I , 5 ; I V , 13 ; Imp. Pomp., 51 ; ad Brut., I , 12, 3. La nuance politique est également nette dans, amantissimus populi Romani : C i c , Flac., 71 ; VAL-MAX., I I ,

2,17.

6. Tusc, I V , 27 :« Aliud... est amatorem esse, aliud amantem*; J . HUMBERT traduit : «Cen'est pas la même chose d'être un coureur de femmes et d'être amoureux. » 7. PRISCIEN [G. L . K.), loc. cit., Cf. P L A U T E , Mil, 625, où Palaestrion déclare à Pleusiclès : « Nil amas, umbra es amantum magis quam amator. » 8. Tout particulièrement dans des inscriptions : C. I. L . , I I I , 1898,13 ; X I , 6362. 9. L U C I L . , 779 :«Fauitorem tibi me, amicum, amatoremputas. » 10. Ait., 1,14, 6 : « Messala consul est egregius... nostri laudator,amator,imitalor.» Cf. I , 20, 7 ; Fam., I X , 15, 4. 11. Je renvoie pour ceci aux listes du Thésaurus, 1,1828-1829. 12. Lael, 32 : « Ipsi autem inteïlegamus naiura gigni sensum diligendi et beniuolentiae caritatem. » 13. Par ex. Lael, 56 : « Gonstituendi autem sunt, qui sint in amicitia-fineset quasi termini diligendi.» Cf. aussi lbid., 79 et l'expression amicum diligere : C i c , Fin., I , 67; 70; Lael, 62; Tusc, I I I , 73; V I R G . , Aen.,

I X , 428.

14. Fam., I , 7, 11. On peut encore citer SERV., ad Aen., I I I , 420 : «-ScyTlam amabat Glaucus, quem Circe diligebai» ; C i c , Fam., I X , 16, 2 ; X V I , 7. 15. C i c , Balb., 59. Cf. aussi diligi et carum esse : C i c , Fin., I , 53 ; Off., I I , 29; Fam., X I I I , 16, 2,

144

LES

RELATIONS E N T R E PERSONNALITES POLITIQUES

diligere comme i l s'oppose à amare \ Diligere se dit l u i aussi d'un patronus vis-à-vis de ses clients et i l apparaît également à diverses reprises dans un emploi nettement politique. Dans une lettre à Quintus, Cicéron écrit par exemple : « Damus operam ne cuius animum offendamus atque ut etiam ab Us ipsis qui nos cum Caesare tam coniunctos dolent diligamur » ; c'est par ce terme qu'il exprime à diverses reprises ses rapports avec Pompée comme dans cette phrase où i l est d'ailleurs associé à amare : « (Pompeius) nos, ut ostendit, admodum diligit, amplectitur, amat, aperte laudat » ; dans d'autres textes encore diligere se rapporte aux sentiments existant entre deux ou plusieurs personnalités politiques . Ne peut-on établir cependant entre amare et diligere quelque différence ? Remarquons tout d'abord que les deux mots sont loin d'être également employés. Diligere est plus rare que amare : aucun exemple chez Ennius et Naevius ; 4 chez Plaute contre 550 de amare ; 5 contre 128 chez Térence ; i l est également ignoré de Lucrèce, Varron, Salluste alors que César a 2 diligere contre aucun amare . L'usage du mot est particulièrement intéressant à observer chez Cicéron. Le Thésaurus relève exactement le même nombre d'emplois des deux mots dans les œuvres en prose de cet auteur : 369 mais alors que diligere est plus abondant dans les discours et surtout dans ^es œuvres philosophiques et rhétoriques où la proportion va presque du simple au double, amare domine dans les lettres, ce qui est à rapprocher de sa plus grande fréquence chez les Comiques . Ces observations se trouvent confirmées par les données de l'étymologie. Amare est vraisemblablement ime sorte de dénominatif dérivé du mot à caractère expressif et populaire *amma : « maman » ; diligere est un composé 2

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1. C i c , Phil., X , 4 ; Phil, V I , 11 ; De Oral, I I , 185 ; Orat., 131 ; Fin., V, 28 ; Liv., Χ Χ Χ Ι Χ , 5, 3 ; Ον., 76., 295. 2. C i c , Fam., X I I I , 6, 2. 3. Q. F., I I , 15,1. 4. Ait., I , 13, 4 ; voir encore Pis., 76 : «Me Cn. Pompeius... eius erga me studioalque amori semperdilexiU ; Phil., I I , 38 ; Att., I I , 21, 4 ; Fam., I , 9, 6. 5. C i c , Quinct., 70 ; Prou., 29 ; Balb., 59 ; Phil, V I , 11 ; Fam., I , 7, 1 ; I I I , 4, 2 ; Q. F., I I I , 1, 9 etc. 6. Ces indications sont données d'après le tableau établi dans le Thésaurus, s. v. J'ajoute à titre d'information les chiffres pour C A T U L L E et les ÉLÉGIAQUES :

amare

diligere

37 15 55 36

5 0 PROPERCE 3 OVIDE 37 Ces deux derniers chiffres, comparés à l'usage des autres poètes sont remarquables. 7. Voici les chiffres détaillés amare diligere CATULLE TEBULLE

Orat. Rhet. Phil. Lett.

30 15 71 253

59 21 127 162

369

369

8. E R N O U T - M E I L L E T , Dict. êtym. s. v. anima et amare. *Amma n'est pas attesté directement mais son existence est supposée par la glose d'IsiDORE, Etym., X I I , 7, 42 : «Haec auis [strix) uulgo amma dicitur ah amando paruulos, unde et lac praebere fertur nascentibus. »

L'EXPRESSION

AFFECTIVE

DE

145

L'AMICITIA

du préfixe *dis— et du verbe légère : « cueillir », « choisir » ; amare s'applique donc à une amitié née d'une façon naturelle et en quelque sorte instinctive ; dUigere implique au contraire l'idée d'un choix, la notion d'une affection fondée, non sur la nature, mais sur la vertu et l'estime ; et i l est de fait que bien souvent dUigere pourrait se traduire plus par «estimer» que par « aimer ». Cette différence est exprimée par Isidore de Séville : « Amare nobis est naturaliter insitum, dUigere uero eleetione » Si l'on en croit Nonius , amare. serait plus fort que dUigere ; Cicéron dit la même chose dans une lettre à Brutus · «L. Clodius, tribunusplebisdesignatus,ualdemediligituel,utè{L.

•L'EXPKESSIOK

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A F F E C T I V E D E L*AMICITIA

donc un terme particulièrement fort. Dans les Lettres de Cicéron, i l se rapporte très couramment aux sentiments mutuels de Cicéron, Quintus etAtticus '; i l ne se dit par ailleurs que d'amis politiques qu'unissent des liens très étroits. L'importance de la reconnaissance qu'il l u i doit explique par exemple pourquoi Cicéron applique le mot à ses relations avec L e n t i t e Spinther ; c'est parce qu'il désire lui voir écrire une histoire de son consulat qu'il assure l'historien Lucceius de son amor à son égard ; de même l'emploi fréquent du mot à l'égard de Pompée atteste le prix qu'attache Cicéron à maintenir aussi étroites que possible ses relations avec le grand homme . De cette volonté nous avons une preuve en quelque sorte indirecte dans un passage d'une lettre à Atticus, où l'auteur, irrité de ce que Pompée ne réponde pas à ses avances, déclare ironiquement : « Pompeius, nostri amores » ; i l parle également de Y amor de César à son égard au moment où i l recherche le plus son appui . Plus rarement, amor s'applique non à une personne, mais à une association ou à un groupe ; dans ce cas aussi apparaît la volonté de donner à l'expression un relief particulier. Ainsi en est-il lorsque Cicéron exprime par amor in bonos l'attachement de certains de ses clients au parti des optimates ou lorsque Velleius Paterculus fait allusion aux rapports de Cicéron avec le parti pom­ péien ou enfin quand ce dernier exalte le soutien que l u i apporte le S é n a t ; amor se dit également de l'attachement des citoyens à l'égard d'un homme politique . Nous conclurons donc en constatant qu'amor est un terme à valeur essentiel­ lement affective et qu'il n'intervient dans le domaine politique que pour exprimer avec force et emphase des liens A'amicitia particulièrement étroits. 1

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B. Gantas. Par son sens comme par ses emplois, caritas est très proche d'awor. Cette similitude se manifeste, comme nous l'avons vu pour d'autres mots, par leur présence dans des groupes c o o r d o n n é s . Caritas est le substantif abstrait correspondant à l'adjectif carus dont les emplois politiques seront examinés ultérieurement . Pourtant les sens des deux mots ne se recouvrent pas exactement. Carus a un sens essentiellement passif : « qui est aimé de t> ; au u

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1. Cic. à A T T . , : AU., 1,13, 5 ; 17,1 ; 5 ; 18, 8 ; 19,1 ; I I , 24,1, etc., ; Cic. à QUINT., AIL, J , 17, 2 ; Q. F., I , 3, 2 ; Quir., 8 ; Sen., 27 ; Fin., V , 1 ; QUINT, à A T T . , AU., 1,17, 2. 2. C i c , Fam., I , 7, 9 ; 9, 4 ; L E N T L U S à C i c : Fam., I , 3,1 ; V , 5, 3. 3. Fam., V , 12, 3 ; 15, 2. 4. AU., I I , 21,4 ; Fam., 1,8,2 ; Pis., 7G. Cf. Ps. C A E S . , Alex., L V I I I , 2.

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5. AU., 1,19, 2. 6. Q. F., I I , 10,5 ; 13,1 ; I I I , 1,9 ; 5, 3, etc. 7. Fiac, 105 ; Sest., 5. 8. V E L L . , I I , 62, 6 : «

(HcerointftoammvPompeiamrumparUumCaesareinlatà

censebal. » Amor parlium se retrouve chez S E N . , De Ira., I I , 31, 7. 9. Pis., 31. 10. C i c , Fam., X I , 8,1 ; Q. F., I , 3,5 ; H I R T . , Gall., V I I I , 51,1. Notons à propos de co dernier que CÉSAR lui-même n'a qu'un emploi do amor : Gall., I , 20, 3 où il s'applique à l'amour fraternel. SALLUSTE ne l'emploie également qu'une fois à propos d'amants : Cat., X V , 2. 11. Par ex. : C i c , De Or.. I L 206 ; Fam., X I , 8,1 ; T R E B . , ap. Fam., X I I , 16, 2.

12. Infra, p. 187.

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L E S RELATIONS

ENTRE

PERSONNALITES

POLITIQUES

contraire la valeur de caritas est active \ Le mot se caractérise d'autre part par une dualité de sens qui paraît avoir joué dans son développement un rôle important : i l se présente en effet avec la valeur de « cherté » et avec celle d'« affection ». Son étymologie est quelque peu obscure : on y voit généralement un thème dérivé d'une racine : « désirer », « souhaiter » assez largement représentée dans le domaine indo-européen . Pourtant M . T. Bollelli a proposé une explication ingénieuse et fort séduisante . Remarquant la parenté avec careoqui apparaît dans 0. Ribbeck, Trag.Rom, Fragm., inc. fab., 194, i l propose de faire remonter careo et caritas à une même racine, malgré la différence quantitative du vocalisme radical qui avait fait jusque là écarter ce rapprochement ; i l le justifie, en s'appuyant sur lathéorie de la racine développée par E. Benveniste , par une différence de vocalisme radical . Dans ces conditions, carus serait « ce dont on sent l'absence » et pourrait être interprété avec la valeur de « coûteux » suivant le substantif auquel i l s'applique. Quoiqu'il en soit, i l reste à résoudre le problème que pose le sens actif de caritas. Au début, nous ne trouvons le mot qu'avec unç valeur passive et i l se présente alors comme un terme du vocabulaire de la paysannerie avec tantôt la valeur de « cherté », t a n t ô t celle de « disette ». C'est certainement, comme je l'ai dit plus haut, par l'intermédiaire de carus qu'il est entré dans le voca­ bulaire affectif. Mais par suite de quelle nécessité ? Cicéron nous permet, je erois, de l'imaginer d'après un texte des Partitio?ies oratoriae (§ 88) : « Ami­ citiae autem caritate et amore cernuntur. Nam cum deorum, tum parentum patriaeque cultus eorumque hominum qui aut sapientia aut opibus excellunt ad caritatem referri soient. Coniuges autem et liberi et fratres et alii quos usus familiaritasque coniunxit, quamquam etiam caritate ipsa, tamen amore maxime coniinentur . » H semble donc que la juxtaposition de amor et caritas ait pour but de distinguer deux sortes d'affections : l'affection naturelle que l'on éprouve pour des parents ou des amis intimes pour laquelle amor constitue le terme adéquat et celle qui s'applique à des êtres qui sont plus éloignés de nous au point de vue des relations naturelles . Faisant remarquer que dilectio n'est apparu que tardivement dans l'usage de la langue alors que diligere est au contraire relativement courant à l'époque classique, surtout dans le voca­ bulaire philosophique, M? H . Pétré pense que caritas a été le substantif cor2

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1. Cf. H . Ρέτκέ, op. cit., p. 32. Le même rapport s'observe entre pius et pietas, infra p. 276. Notons toutefois que carus apparaît tardivement dans le sens d'« affectueux » : E x . : PRUDENCE. Perist., X , 845. 2. E R N O U T - M E I L L E T , Dict. êtym., s. v. carus. 3. T . B O L L E L L I , Caritas-Storia.diumparola, Rivista di filologia ed'istruzione classica, X X V I I I . Î950, pp. 117-141. 4. E . BENVENISTE, Les origines de la formation des notns en i.-e., Paris 1935. 5. Op. cit., p. 121 : *car— remonterait à *Ke~ù —τ ; *car— remonterait à *K : in grattant redire cum aliquo : «< redevenir ami avec quelqu'un»: Caes.. C / c . 1, 4, 4 Cic, Verr.. î. 2 ; Scsi, 130 ; Prou.. 18 ; 20 ; Att.. I. 14. 7 : Fam.. 1, 9, 19 etc., Liv.. 111.08.4 : d'où l'expression courante ralilus in gralinm : Cic.. Prou.. M ; $délia plèbe, p. 1 5 9 ; E . K O R N E ­ MANN, Volkstribunat und Kaisertum Festschrijth. Wenger, Munchen, 1,1944, pp. 284-316. 11. P . GRENADE, Essai..., p. 29. Cf. W. K O L R E , Der Zweite Triumvirat, B. XLIX, 1914, pp. 276 sq. m

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L'HOMME POLITIQUE

des réponses qui ont été faites à la question prouve combien elles sont illusoires. Cette autorité vient du consensus de toute la population de l'Empire ; les magistratures qu'il reçoit, variables en nombre, en importance et en durée suivant les époques, ne sont que les moyens dont i l dispose pour rendre efficace cette a u t o r i t é ; en cela, i l ne diffère point des hommes politiques républicains dont Vauctoritas eût été nulle s'ils n'eussent exercé des magistratures ; mais eux ne les recevaient qu'une à une et pour un an. Auguste a enfin innové dans la définition des rapports entre son auctoritas personnelle et celle du Sénat. Sous la République, Vauctoritas du Sénat est toute puissante ; elle est le symbole même de la RespuUica ; elle est supérieure à la potestas des magistrats qui n'en est que l'émanation. Vaucto­ ritas de chacun de ses membres pris individuellement, y compris les principes, et même de celui d'entre eux que l'on considère comme le princeps, n'est qu'un élément de Vauctoritas senatus : elle ne saurait donc lui être supérieure. Or, ce qui est profondément nouveau, c'est que Vauctoritas principis va progres­ sivement s'élever au-dessus de Vauctoritas senatus . Là se trouve, avec l'extension de la notion de clientèle, et d'ailleurs en rapport direct avec elle, la modification fondamentale qui fait du principat une monarchie de fait . En le proclamant augustus, le Sénat se place en quelque sorte lui-même dans sa fides ; tel est bien le sens de ce titre qu'il ne faut pas, affirme R. Reitzenstein , considérer comme l'affirmation d'une monarchie de droit divin de type hellénistique, ainsi que le fait par exemple J. Gagé ; mais Reitzenstein a tort d'en tirer la conclusion que le peuple n'a aucune part à Vauctoritas du princeps et que ce dernier n'est que « der deligierte des Sénats » . En effet le princeps s'élève au-dessus de tous et i l tire son auctoritas du consensus de tous, peuple comme Sénat. On a découvert à Cyrène cinq édits qui montrent que, sous le couvert de Yimperium pi'oconsulare maius qui le mettait au-dessus de tous les gouverneurs de provinces, y compris ceux des provinces sénatoriales , i l s'adresse à eux dans des formules qui sont celles-mêmes dans lesquelles le Sénat rédigeait ses sénatus-consultes et donnait ses instructions aux magis­ trats, donc exerçait sur eux son auctoritas. Après 13, les édits impériaux ont 1

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1. Sur ce point, cl. Ernst M E Y E B , Rom. Staat, pp. 340 sq. 2. A . MAGDELATN, op. cit., pp. 59 sq. ; A . v. P R E M E R S T E I N , op. cit., p. 141.

3. C I . HETNZE, Auctoritas, p. 356 et A . v. PREMERSTEIN qui déclare, op. cit., p. 190 : « Unter republikanische Maske ein monarchisches Elément verbirgt. » 4. C'est l'opinion de A . MAGDELATN, op. cit., p. 60, pour qui le titre à*Augustus, attribué par le Sénat le 16 janvier 27, l'est en tant que reconnaissance officielle de la prééminence du princeps ; « i l est le titre récognitif de Vauctoritas impériale ». Sur le rapport auctoritas-augustus, cf. supra, p. 295, n. 4. 5. Die Idée des Principats, p. 484. 6. Op. aï., p. 294 sq. 7. Ibid., p. 495. 8. Sur les édits et leur contenu, voir A . v. PREMERSTEIN, op. cit., p. 194 sq., et F . D E VISSCHER, Les édits d'Auguste découverts à Cyrène, Paris-Louvain, 1940. Sur cetto supériorité du princeps, cf. A . PIGANIOL, Journal des Savants, 1937, p. 155. I l est à noter que cet imperium proconsulare est analogue à celui qui avait été donné à POMPÉE par la lez Manilia en 67. S'il n'y a pas à tirer do cette constatation, comme le fait Ed. M E Y E R (op. cit., pp. 176 sq.) la conclusion d'une imitation de POMPÉE par AUGUSTE, le fait n'est cependant peut-être pas aussi fortuit que veut bien le dire J . CARCOPINO, César, p. 841, n. 282. E n fait cetto promagistrature, qui, dans le principe, est ana­ logue aux autres promagistratures républicaines, donne à son possesseur le pouvoir exceptionnel qui convient à la situation du princeps tout en évitant l'appel à la dictature, devenue odieuse.

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L E L E A D E R POLITIQUE

valeur de sénatus-consulte s'ils ont été pris après consultation du conseil impérial et s'ils sont promulgués en vertu de Vauctoritas \ Ainsi, à une notion de caractère essentiellement social, Auguste et ses successeurs ont progressivement ajouté des éléments plus spécialement juridiques. Mais ce n'est pas le lieu d'examiner ici ce que devint le principat à la suite de toutes ces transformations . Ce qu'il nous importait à nous de constater, c'est comment s'est créée la notion, c'est de voir qu'elle est née des éléments les plus anciens et les plus originaux de la vie politique romaine. 11 serait certes osé de vouloir porter un jugement définitif sur les causes de ces modifications ; i l pourrait paraître facile de donner après coup un « satisfecit » au déroulement de l'histoire. L'on peut pourtant penser qu'en un tel domaine, la volonté des hommes ne fut que secondaire, qu'une telle évolution était inscrite dans la logique de l'histoire . Dès les premières années de la Répu­ blique, un princeps tend à s'imposer aux autres et à remplir la place que le roi avait laissée inoccupée. A mesure de l'extension de l'Empire romain et des obligations qu'elle entraînait, la position du piinceps devient plus marquée, en même temps que s'accentue son caractère militaire. H vint un jour où i l fut indispensable à la cohésion de l'Empire romain que l ' É t a t ne fût plus repré­ senté par des magistrats éphémères ou par un Sénat que déchiraient les rivalités de familles et de factions, mais par un homme qui rassemblât autour de sa personne tout ce qui était citoyen romain à travers le monde . Alors « à la rivalité de quelques familles traditionnellement investies des plus hautes fonctions de l ' É t a t et appuyées sur de vastes clientèles, Auguste a fait succéder l'absolue prépondérance des Julio-Claudiens, mettant ainsi, sui­ vant l'expression célèbre de Tacite, le peuple Romain tout entier au pouvoir d'ime famille » . Cependant i l ne voulait pas une rupture totale avec le passé, et, s'efïorçant de satisfaire les aspirations de chacun, tout en répondant aux nécessités de l'Empire, i l a créé une sorte de régime de synthèse, républi­ cain en intention, monarchique et autoritaire à l'extérieur . Un tel compro­ mis reposait sur un équilibre fragile qui n'allait point résister aux faiblesses des hommes et à la pression des circonstances : l'empire romain triomphera définitivement de la République. 2

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1. Cf. A. MAGDELAIN, op. cit., pp. 79-87. L a position do supériorité du princeps par rapport au Sénat apparaît aussi dans les clauses discrétionnaires de la Lex de Imperio Vespasiani, cf. PREMER­ STETN, op. cit., pp. 179 sq ; H . VOLKMANN, Der primipat des Augustus, p. 29. 2. Sur cette évolution, je renvoie tout particuHèrement à A. v. PREMERSTETN, op. cit., pp. 117 sq., et A. M A G D E L A I N , op. cit., pp. 77 sq.

3. M. G E L Z E R , Rômisches Fûhrungsordnung, p. 236, note qu'il y a chez les Romains dans la conception du gouvernement à toutes les époques une certaine unité : « Es ist wundorbar, wio durch allen Wandel der Zeiten und der Grôssenvorhâltnisse der Charakter des Rômischen bewahrt bliob. Beiunserem Versuch, die rômische Fûhrungsordnung als ein Ganzes zu uberblickon, fanden wir dio Einheit im Begriff dos imperium der uns von der Befehlsgewalt der Magistrate zum imperium populi Romani fuhrte, zunâchst in der Form des Senatsregiments gehandhabt und dann auf don Kaiser, den imperator, ubertragen. » 4. M. G E L Z E R , Rômische Fûhrungsordnung, p. 231. 5. F . D E VISSCHER dans M. H . PRÉVOST, Les adoptions politiques à Rome sous la République et le principat, préface, p. 5. 6. A. BERNARDI, Rivista slorica Italiana, L X I I , 1950, p. 290.

CHAPITRE V

L e s récompenses dues à l'homme politique et l a notion de célébrité Gloria-honos-dignitas

A. L A NOTION D E CÉLÉBRITÉ.

L'homme politique a droit, pour ses actions et les services qu'il rend à ses concitoyens, à la reconnaissance de ces derniers. Ceci est vrai dans tout pays et tout système politique, mais plus particulièrement à Rome, parce qu'elle est commandée par le système de la fides. Ainsi la manifestation de cette recon naissance n'est pas seulement l'expression naturelle et spontanée d'un mouvement du cœur humain ; elle est une obligation sociale qui se résout en témoignage d'allégeance. A l'inverse, celui qui en est l'objet n'en perçoit pas un simple sentiment de satisfaction, mais i l bénéficie aussi d'uu surcroît de puissance et d'influence. A l'autorité que l u i confèrent son appartenance familiale et ses ressources en argent ainsi qu'en rapports de clientèle et d'amitié,, à celle qui l u i vient de ses capacités personnelles, s'ajoute celle que l u i assurent l a position éclatante, la « célébrité » acquise en raison de la reconnaissance qui l u i est manifestée et des récompenses qui lui sont accordées. Notons tout d'abord que, parmi les termes étudiés jusqu'ici, nobilitas exprime cette notion de « célébrité », mais nous avons vu qu'il s'agit d'une célébrité en quelque sorte institutionnelle et codifiée ; elle n'est acquise qu'après l'accession à une situation politique déterminée ; de plus elle n'est conférée que par un cercle étroit d'individus. Elle n'a donc rien du caractère général que comportent ordinairement les mots qui expriment cette notion. Parmi ces derniers, quatre retiendront spécialement notre attention: existimatio, fama, laus, gloria. Tous quatre ont en commun de posséder à la fois une valeur objective et subjective : au sens subjectif, ils expriment l'opinion que l'on a de quelqu'un ou l'estime que l'on éprouve pour l u i ; au sens objectif, la réputation qui en résulte pour ce dernier. Existimatio Comme le mot l'indique par lui-même, existimatio désigne l'impression produite par l'homme politique sur ses concitoyens et l'opinion qu ont ces derniers de sa personne et de ses actions. La nuance du terme est en elle-même indifférente, ce qui fait que Ton rencontre des expressions du type bona ou 1

1. C i c , Q. Rose, 15 ; Q. Cio., PeL, 28. Cf. sancla existimatio : C i c , Q. Rose., 15.

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GLORIA-IIONOS-DIGNITAS 1

mata existimaho ; mais, comme pour le français « estime », les emplois laudatif s l'emportent tellement sur les autres que le mot se trouve couramment seul avec cette nuance. H est juste cependant de remarquer qu'il est alors très souvent associé à. d'autres mots du même ordre de vocabulaire ou situé dans une phrase dont le contexte éclaire ce sens laudatif . Existimatio est un terme très vague et peu spécialisé dans le vocabulaire politique ; le plus souvent, i l signifie « l'estime », « la considération » et, de façon plus générale, « l'opinion » ; i l est souvent accompagné d'un complément au génitif ou d'un adjectif possessif indiquant le personnage qui a cette opinion ou. qui éprouve.ce sentiment ; silo génitif est du type hominum ou omnium, le groupe ainsi constitué a le sens du français « opinion publique » . Au sens objectif de « réputation » et « célébrité », existimatio apparaît dans les; mêmes constructions et seul, en fait, le contexte permet de distinguer entre les deux nuances. Ceci se produit surtout dans les cas relativement nombreux où existimatio s'associe à des mots exprimant l'autorité, ou l'in­ fluence ou bien entre dans des constructions qui appellent ce genre de termes . Sa. valeur est alors très proche de celle de gratia et de dignitas : i l donne: en particulier lieu à des locutions tout à fait analogues à celles que je relèverai p:our ce dernier m o t . Ainsi le sens très général à'existimatio s'est parfois rétréci en en faisant un terme du vocabulaire politique. I l n'a cependant jamais la valeur rela­ tivement précise des mots techniques ou quasi-techniques de ce vocabulaire et ne cesse pas d'appartenir au domaine le plus général. 2

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1. Turpis exislimaiio : Cic., Caecin., 8. 2. Par exemple, C i c , Q. F., I , 3, 6 : « VI qui modo...fuerim... dignitale, aucloritate, existimatione, gratia, non.inferior qua7n qui unquam fuerunl amplissimi » ; Quinct., 72 : « Pro me... dicit Hortensius excellensingenio, nobUitate, existimatione. » Cf. oncoro Verr., IL, 2,102 ; 4, 60 ; 5,143 ; Phil., I I , 9. 3. C i c , Caecil., 72 : « Habet existimalionem multo sudore, labore, uigiliis collecta7n » ; ibid., 71. 4. CAES., Gall., I , 20, 3. Cf. tout particulièrement l'expression existimatio populi Romani : l'opinion du peuple Romain : C i c , Verr., I , 20 ; I I , 4, 54 ; 5, 35 ; 143 ; Phil., I I , 9. 5. C i c , Verr., I I , 5, 35 ; Cael, 4. 6. C i c , Quinct., 51 ; Verr., I I , 1, 87 ; 148 ; 2, 102 ; 3, 133 ; 137 ; 210 ; 4, 101 ; Cael, 6 ; Rep., I I I , 27 ; CAES., Gall, V, 44,5. Existimatio soul a aussi ce sens : C i c , Flac, 35. 7. Avec complément au génitif : C i c , Q. Rose, 39 ; Tull, 3 ; Verr., I , 2 ; I I , 2,117 ; 173 ; Plane, 6 ; AU., 1,1,4 ; avec adjectif possessif : C i c , Verr., I I , 2, 29 ; 173 ; 3,154. 8. Cf. les textes cités, n. 2. 9: Par.exemplo existimatione excellere : C i c , Quinct., 72 ; — florere : C i c , Font., 41 ; —princeps : C i c , Verr., I I , 1, 64 ; Cluent., 11 ; Flac., 72. 10. Exislimaiio est un des termss qui expriment la situation sociale d'un personnage : Cic., Flac;, 52 : « Homo egens, sordidus, sine honore, sine existinuitione, sine censu » ; Fam., V, 20, 1 : « Nihil eum fecisse scientem quod esset contra aut rem aut exislimationem tuam » ; elle est. donnée comme un élément de succès aux élections : Q. C i c , Pet., 28. 11. L a proximité entre les deux termes apparaît bien dans cette phrase : C i c , Verr., I , 27 : « An me taciturum tantis de rébus existiînauislis et me in tanto rei publicae exislimaiionisque meae periculo cuiquam consullurum poliusquam officio et dignitaii meae*; Planc. 6; Q. Rose, 16. Cf. groupe existimatio-dignilas : C i c , Verr., I I , 2,111 ; 5, 94 ; Fam., I I I , 4,1 ; CAES., Ciu., I , 7, 7 ; S E N . , Ep., X C V , 58. 12. Exislimationem offendere : C i c , Verr., I I , 2, 117 ; Fam., I I I , 8, 7 ; exislimationem laedere : C i c , Verr., I I , 2,173 ; — uiolare : C i c , Fam., X I I I , 73,2 ; — lacerare : S U E T . , Caes., 75 ; — oppugnare;Gnc., Fam., I I I , 10, 8 ; — perdere;Rh.Her., I V , 14 ; —retinere; C i c , Cluent., 44; — defendere : C A E S . , Ciu., I , 7, 7 ; — tueri : C A E S . , Ciu., I I I , 1, 3 ; — committere : C i c , Quinct., 98 ; exislimationi consulere : C i c , Caecil, 48 ; Verr., I I , 3,131 ; — seruire : C i c , Verr., I , 29 ; I I , 1, 5 ; 2,.58.

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L'iIOMME

POLITIQUE

Fama 1

Le sens de fama est très proche de celui d existimatio, puisque le mot se trouve dans les deux sens signalés pour ce dernier terme: sens subjectif d'« o p i n i o n » ; sens objectif ae « réputation » ; dans certains cas, les deux mots rapprochés paraissent nettement interchangeables . Sa valeur est également indifférente à l'origine, ce qui conduit à des emplois du type bom ou mala fama ; la nuance est aussi donnée par un complément au génitif . H est à noter cepen* dant que, contrairement à ce qui se passe pour existimatio, une certaine valeur péjorative tend à se développer. Ernout-Meillet notent que « famosus... d'abord employé avec la valeur de « qui a mauvaise renommée » et « infamant » ... à l'époque impériale prend le sens laudatif d e « célèbre, fameux» . La même remarque est valable pour fama qui se rencontre à plusieurs reprises dans les textes les plus anciens avec cette nuance défavorable . H s'en trouveencore quelques exemples chez Cicéron , et l'on note tout particulièrement la propension à instituer un groupe antithétique fama-gloria . Cependant fama et gloria sont aussi membres de groupes coordonnés dans lesquels l'un des termes ne fait que renforcer l'autre et donne ainsi plus d'ampleur et d'intensité à l'expression . Fama est donc aussi un terme exprimant la position sociale d'un homme politique Parfois rapproché de nobilitas , i l est, comme existimatio, proche surtout de dignitas ; il s'associe à l u i et est employé dans des expres1

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1. CAES., Ciu., I , 82, 2 : « Contra opinionem... mïlitum famamque omnium » ; I I I , 56, 2. 2. L i v . , X X V I , 20,5 : « Nihilo minor fama apud hostes Scipionis erat quam apud dues » ; X X V I I , 20, 9 : « Romae fama Scipionis in dies crescere ». 3. Par exemple, C i c , Caecil., 71 : « Nutla salus rd publicae maior est quam eos qui alterum accu­ sant non minus de laude, de honore, de fama sua quam illos qui accusanlur de capite ac fortunis suis pertimescere. Itaque semper ii diligentissime laboriodssimeque accusarunt qui se ipsos in discrimen exislimationis uenire arbitrati sunt ». 4. Bonafama : C i c , Sest., 139 ; S A L L . , Cat., V I I , 6. 5. Mala fama : T E R . , Phorm., 169 ; turpis fama : A c e , Trag., 458 ; calamiiosa fama : C i c , Cluent., 4. 6. Par exemple fama nequiliae : C i c , Verr., I I , 2, 115 ; — crudelitatis : C i c , Cat., I V , 12 ; — auantiae : S A L L . , lug., C I I I , 5 ; mais aussi fama sapientiae : C i c , Lael., 15 ; —modestiae : C i c , Fam., X I I , 16,1 ; — prudentiae : Liv., X X V I I I , 43,1. 7. E R N O U T - M E I L L E T , Dict,êtym., s.v.fama. 8. E N N I U S , Scaen., 27-29 ; PLAUT., Pers., 351 ; 384 ; T E R . , Ad., 263 ; PACUV., Trag., 52 ; T U R P T L . , Com.,

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9. C I C , TUSC, I I I , 4 : « Hla autem quae dus imitatricem esse uolt, temeraria atque inconsiderata et plermnque peccaiorum uitiorumque laudatnx, fama popularis » ; Cluent., 126 ; De Or., I I , 339 ; Fin., I , 50 ; T A C , Ann., I I I , 10. 10. Ε Ν Ν . , Scaen., 27-29 : «... Summam tu tibi Pro mala uita famam exiolles, pro bona partam gloriam. Maie uolentes famam tollunt, bene uolentes gloriam. » ISID., Diff., I , 218 (avec référence au texte précédent) : « Gloria quippe uirtutum est, fama uero uitiorum. » 11. P L A U T . , Trin., 629 ; S A L L . , lug., IV, 6 ; C i c , Arch., 23 ; Flac, 64 ; V E L L . , I I , 26, 3. 12. Cf. par exemple S A L L , Cat., X X X I I I , 1 : « Miseri, egentes, uiolentia atque crudeliiale feneratorum plerique palria sede, omnes fama atque fortunis expertes sumus. » 13. S A L L . , Cat., V I I , 6 ; C i c , Tusc, V, 46. Cf. nobilis fama : CAES., Gall., V I I , 77, 15 ; Lrv., X L V , 5,5. 14. C i c , Fam., X I I , 22, 2 ; Lrv., X X V I I I , 44,12 ; T A C , Ann., V I , 17 ; P L I N . , Ep., V, 13, 2. Le rapport entre fama et dignitas apparaît aussi, bien que moins directement, dans S A L L . , Cat., L I , 7 ;

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sions qui impliquent la notion d'un bien à acquérir ou d'une position à défendre . L'origine diffSrente à! existimatio et fama conduit cependant à une nuance de sens qui ne me paraît pas entièrement négligeable. Existimatio désigne la « réputation » qui résulte d'un jugement personnel, fondé sur l'opinion que l'on a de la personnalité d'un individu ; fama implique une opinion collective provoquée par des actions importantes, éclatantes. Cette nuance se manifeste tout spécialement par le rapprochement de fama et fides , qui s'explique certes par une évidente recherche d'allitération, mais aussi par le fait que la fama a pour conséquence la fides, puisqu'elle est suscep­ tible de provoquer la confiance non seulement en un fait mais encore en un personnage . Fama se présente donc comme un terme très proche existimatio, mais dont le sens est cependant plus déterminé et révèle une plus nette tendance à se colorer d'une nuance politique. 2

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Avec laus, le progrès vers la nuance politique est encore plus évident . Car, alors que famact surtout existimatio sont des termes très généraux, laus semble avoir été dès l'origine un terme technique. « Le sens ancien de laus », nous dit Ernout-Meillet, « devait être « fait de nommer, de citer » .... Laus, laudare, laudatio servaient à désigner l'appel suprême que l'on adressait au mort, puis l'éloge funèbre qui s'est ajouté à cet appel ». Ainsi laus est dans son sens premier l'éloge funèbre qui est fait d'un personnage . Ή s'ensuit plusieurs conséquences importantes. La première est qu'il n'y a pas dans laus trace du sens indifférent ou péjoratif que nous avons reconnu dans existimaiio et dans fama : par nature laus est, si j'ose dire, toujours laudatif. La deuxième est que, dans son sens subjectif d'« éloge », laus présente une valeur active qui n'est 6

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L U , 33. Comme dignitas, fama est associé à salus : C i c , Q. F., 1 , 1 , 1 3 ; à officium : B A L B . , ap. C i c , Ait., I X , 7 6 , 1 . 1. Famam quaerere : S A L L . , Cat., I I , 9 ; Liv., V, 6, 6 ; T A C , Agr., 9 ; —pelere : S A L L . , Hist., 1, 90 ; — expetere : C i c , Sest., 139. 2. Famam defendere : C i c , Quinct., 8 ; S. Rose, 15 ; Verr., I I , 1, 76 ; A c , I I , 119 ; —conseruare : S. Rose, 2 5 ; Caecil, 71 ; — tueri : C i c , AU., X I , 2, 1 ; Fam., X I I , 22, 2 ; X I I I , 51 ; de fama dimicare : C i c Sest., 1 ; P L I N . , Ep., V, 13, 2 ; — commendare : C i c , Quinct., 62 ; S. Rose, 113 ; Ait., V I , 1 , 8 ; — committere : C i c , Rab. Post., 2 5 ; H O R . , Sat., I I , 7, 67. 3. PLAUT., Most., 144 : « Nunc simul res, fides, fama, uirtus, decusfDeseruerunt » ; SALL.,lug., X V I , 3 ; C i c , AU., V, 8, 3 . 4. Cf. Lrv., I I , 1 0 , 1 1 : « Rem... plus famae habituram apud posteros quam fidei » ; X L V , 27, 3 . 5. L'appartenance à la même catégorie du vocabulaire nous est montrée par les groupos lausexistimatio : CAES., Ciu., I , 26, 4 ; laus-fama : C i c , Caecil, 71 ; Diu., I I , 64 ; AU., I I , 3, 4. Laus paraît même s'identifier avec fanux dans cette phrase de T I T E - L I V E , I I , 33, 9 : « (Coriolanus) tantum sua laude obslitit famae consulis ut... ». 6. P . F E S T . , 105, 9 (L.) : « Laudare apud antiquos ponebatur pro nominare » ; 66, 2 4 (L.) : « Elaudare plus quam nominare » ; G E L L . , I I , 6 , 1 6 : « Laudare significat prisca lingua nominare appellareque » ; X I I I , 2 0 , 1 7 (Textes cités d'après E R N O U T - M E I L L E T , Dict. êtym., s. v. laus). . 7. Cf. la déclaration liminaire do CICÉRON dans le 2 discours sur la loi agraire, Agr., I I , 1 : « Est hoc in more positum, Quintes, instiluloque maiorum, ut ei qui beneficio uestro imagines familiae suae consecuti sunt eam primam habeant coniionem qua gratiam beneficii uestri cum suorum laude coniungant » Laus s'appUque aussi aux épitaphes funéraires : C i c , Rep., I I I , 2 4 ; Leg., I I , 68. EUe so pra­ tiquait aussi,, au dire de CATON dans ses Origines, au cours dos banquots : C i c , Tuse, I V , 3 ; Brut., 75. Cf. supra, p. 2 4 3 et n. 8. e

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point dans les deux ternies précédents : je veux dire par là que fama et exisiimalio expriment l'idée de la réaction en quelque sorte inconsciente et spontanée d'une personne ou d'un groupe à l'égard des actions d'autrui ; laus implique au contraire la volonté consciente d'élever et d'exalter. La troisième conséquence — et la plus importante — est que laus appartient par son origine même au vocabulaire de la classe sénatoriale et plus précisément des nobiles. Au sens subjectif \ c'est « l'éloge funèbre », puis par extension les témoignages d'estime et d'admiration adressés à un personnage ; c'est, dans son sens objectif, la « célébrité » qui donnera matière à l'éloge funèbre de celui qui la possède. C'est le but de l'activité des nobles qui sont nati ad hudem ; Salluste nous dit que, dès leur jeunesse, « laudis auidi erant » et Cicéron pense l u i aussi que la recherche de la laus a toujours entraîné les Romains . C'est un idéal à rechercher par les jeunes gens, bien qu'à son avis cet idéal soit difficile à atteindre et que seuls les grands personnages comme Camille, Fabricius, Curius y soient parvenus . I l fut recherché par Tib. Gracchus le père . Cicéron vante également le studium laudis par lequel se signalent nombre de Romains . Quand à Tite-Live, dans le récit qu'il fait de la discussion qui, cn 205, opposa Q. Fabius Maximus à Scipion qui voulait se faire attribuer la province d'Afrique, i l prête à ce dernier le propos suivant : « Equidem haud dissimulo me tuas, Q. Fabi, laudes non adsequi solum uelle, sed... si possim, eiiam exsuperare . » Les homines noui, dans leur compétition avec les nobiles, recherchent aussi, la laus : Marius promet à ses soldats «uictoria, praemia, laus » et Cicéron nous dit qu'il était, au début de sa carrière, flagrans « studio laudis » . 2

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Notion aristocratique, la laus est faite de tous les éléments qui constituent l'activité d'un nobilis. I l la possède de naissance, car elle lui est transmise par sa famille . U la possède en tant que s é n a t e u r ; les diverses fonctions admi­ nistratives qu'il exerce contribuent à l'accroître ainsi que les initiatives politiques qu'il a l'occasion de prendre ; Cicéron en particulier la revendique 12

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1. Lo passage du sons subjectif au sens objectif est sensible dans une phrase comme ceUe-ci : Cic., Q. F., I I , 3, 3 : « De me multa... cum mea summa laude dixit. * 2. Lrv., I I , 31,11 : « ( Valet ium Publicolam) decedentem domum cum fauore ac laudibus proseculi sunt » ; I I , 29, 9 ; IV, 13,13 ; V I I , 36, 9 ; 37,1. Cf. les expressions dicere laudem : « faire l'éloge do quoiqu'un au Sénat » : C i c , Fam., V, 2,1 ; laudibus efferre aliquem : « combler quelqu'un d'éloges » : C i c , Marcel., 10 ; 29. 3. L'expression est employée par CICÉRON à propos do Q. F U R I U S CALENUS dans Phil., X , 4. 4. S A L L . , Cat., V I I , δ.

5. C i c , Imp. Pomp., 7 : « Semper appelentes gloriae praeier cèleras gentis atque auidi laudis fuislis. » 6. C i c , Cael., 39. 7. C i c , Fin., IY, 65. 8. C i c , Font., 42 ; Mur., 55 ; Arch., 26. 9. Liv., X X V I I I , 43,7. 10. S A L L . , Iug., L X X X V , 48. 11. C i c , Scaur., (4a). 12. C i c , Off., 1,116 ; Mur., 16. CICÉRON l'appelle laus domesiica : Verr., I, 52 ; I I , 4, 80 ; 81 ; Cael., 34 ; laus familiae : C i c , Mur., 12. 13. C i c , Verr., I I , 1,5 ; SuU., 82 ; Rab. Post., 2 ; Phil., V I I , 14. 14. Par exemple en tant que gouverneur de province : C i c , Off., I I , 27 ; Pis., 41 ; Q. F., 1,1, 41 ; Fam., I , 7, 5 ; en tant que magistrat : C i c , Sest., 5 ; Plane., 64 ; 79. Cf. Mur., 41 où il vante la laus aequitatis,mtegritatis, facilitatis de MURENA. 15. Par exemple l'action de CICÉRON contre la loi agrairo : AU., I I , 3,3.

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comme adversaire et vainqueur de Catilina et i l évoque aussi la laus des meurtriers de César Comme consulaire, enfin, i l possède la summa laus qui tient au rôle qu'il exerce alors . La laus est aussi le résultat de cette autre activité de l'homme politique, complémentaire de la précédente, qu'est la fréquentation du forum et l'exercice de ses qualités d'orateur au service de ses clients et amis . C'est ce que déclare Quintus Cicéron : « Magnam afjert laudem et summam dignitatem, siii tecum erunt qui a te defensi et qui per te seruali ac iudiciis liberati » . Aussi trouvons-nous à diverses repriser les expressions laus oratoria , laus dicendi , laus eloqumtiae . Celui qui n'est pas doué pour l'éloquence peut également acquérir la laus connue jurisconsulte , ce dont Cicéron loue particulièrement le plus célèbre d'entre eux Ser. Sulpicius Eufus . Aux fonctions civiles susceptibles de conduire à la laus, que sont celles de magistrat, d'avocat et de jurisconsulte, s'ajoute évidemment l'activité militaire ; c'en est même vraisemblablement la source la plus ancienne . Amphitryon revient d'expédition laudis compos ; Tite-Live nous décrit le consul Cincinnatus retournant à Rome après une campagne punitive chez lesÈques«cw?i ingentihudepraedaque» ;àc mêmeValerius Corvuss'adressant à ses soldats leur déclare : « Kac dextra mihi 1res considatus summamque laudem pepm ». Cicéron évoque Yeximia laus de Scipion Emilien « qui duas urbis huic imperio infestissimas, Carthaginem Numaniiamque deleuit» (Cat., I V , 21), de M. Marcellus, petit-fils du vainqueur de Syracuse (Pis., 44), de Marius (Rab., perd., 30), de Pompée (Dei, 12 ; Brut., 239), de César (Prou., 27 ; Marcel, 6 ; 9). On relève des expressions comme laus bellica *, imperatoria *. La laus étant ainsi liée aux qualités et aux capacités de l'individu dépend de la uirtus : c'est la uirtus qui donne la laus et le désir de hus qui conduit à la 2

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1. C i c , Cat., I , 23 ; I I , 10 ; I V , 20 ; Arch., 2S ; Sull, 2 ; Phil, I I , 28. 2. de BRUTUS : C i c , Phil., X , 7 ; do CASSIUS, C I C , Phil, X I , 35. 3. C i c , Phil, V I I I , 30 : « Ea... erat... summa laus consularium, uigilare, adesse animo, semper aliquid pro re publica aut cogilare aut facere aut dicere » ; Phil., I I , 20. 4. C i c , Off., I I , 49 : « Cum sint plura causarum gênera, quae eloqueniiam desiderent multique in nostra re publica adolescentes et apud iudices et apud senatum dicendo laudem assecuti sint. » C'est la forensis laus : C i c , Mur., 21. Sur laus avec cette valeur, cf. encore : C i c , S. Rose, 2 ; Rep., V , 11 : Flac, 22. 5. Q. C i c , Pc*., 38. 6.

Cic,

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I,

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7. C i c , Cael, 46 ; Q. C i c , Pet., 50. 8. C i c , Or., 115 ; Brut., 331 ; 333. 9. C i c , Brut., 155. 10. C i c , Mur., 19 : « Magna laus et graia liominibus unum hominem élaborare in ea scienlia quae sit mullis profulura » ; Brut., 155. On peut cn rapprocher l'éloge qu'il fait des capacités diploma­ tiques et juridiques de POMPÉE : Balb., 15 : « Equidem contra ezistimo... singularem quandamlau­ dem eius praestabilem esse scientiam in foederibus, pactionibus, condicionibus populorum, regum, exterarum nationum, in uniuerso denique belli iure atque pacis. » 11. P L A U T . , Amph., 643-645. 12. Liv., I I I , 3,10. 13. Lrv., V I I , 32,12. 14. C i c , Cat., I V , 21. 15. C A E S . , Gall, V I , 24, 3 ; Liv., I X , 26,12 ; X X X , 1, 6 ; C i c , Pis., 92 ; Flac, 64 ; Bnd., 239; Marcel, 6 ; 9 ; Off., 1,78. 16. C i c , Val., 24 ; Verr., I I , 5,2 ; 11 ; 32 ; Ac, II, 2. Cf. aussi laus militaris : C i c , Mur., 24. 17. C i c , Pis,, 44 : « Qui... ob uirtulem in... lande uiuit. » Cf. l'expression laus uirtutis : CAES., Gall., V , 44, 3 ; Verr. I I , 1, 56 ; Ρ Λ Λ . . . Χ Ι Ι Ι , 7 ; Off.,1,19 ; Fin., 1,54 ; Lrv., I V , 41, 7. %

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2

uirtus . Ainsi laus et uirtus s'associent é t r o i t e m e n t et laus finit par être employé comme équivalent de uirtus . Les uirtutes peuvent avoir un caractère moins spectaculaire mais tout aussi traditionnel que celles du soldat, du magistrat ou de l'orateur ; ainsi lorsque Tib. Gracchus a atteint l a laus en défendant dans l'intérêt de la communis utilitas Scipio Asiaticus, le vainqueur de Magnésie (Cic, Prou. 28) ; ainsi lorsque Régulus retourne se livrer aux Carthaginois, car en cela i l témoigne de son respect scrupuleux pour l a fides (Cic, Off. I I I , 111). Mais les vertus invoquées n'ont parfois rien de spécifiquement aristocratique et le sont évidemment pour des raisons d'opportunité politique. C'est le cas lorsque Cicéron promet la laus à César s'il exerce sa clementia , même si, comme je l'ai montré plus haut , la clementia n'est pas une création césarienne ; il en est de même quand, dans le Pro Domo, i l affirme que l'exil de P. Popilius Laenas, le consul de 132, et celui de Q. Metellus Numidicus, ont été propres à rehausser leur laus (Dom., 87) ; c'est que, quelques lignes plus loin, i l la réclame pour lui-même . Soyons juste pour Cicéron : dans cet emphatique panégyrique, i l ne pense point qu'à son propre cas ; mais, les homines noui recherchant la laus comme les nobiles , i l leur faut dans cette compétition pallier leur infériorité relative sur certains points, d'où leur quête d'une laus qui s'appuie avant tout sur les qualités personnelles de l'individu . C'est une nouvelle conception de la laus, que, pour la distinguer de la forme traditionnelle et aristocratique, i l appelle la uera ou solida laus ; elle est propre à Voptimus uir cher à son c œ u r , c'est-à-dire au citoyen formé par les enseignements de laphilosophie grecque ; à une notion purement sociale, i l substitue une notion partiellement morale ; qui n'est pas un oplimus n'a pas droit à la laus . 3

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1. C A E S Gall., V I I , 8 0 , 5 : « Ulrosqueellaudiscupiditas eilhmr ignominiae ad uirlutem excitabai.» 2. Laus el uirtus : C i c , Font., 42 ; Rab. perd., 29 ; Tusc, I V , 3 . 3. Gic.,Dci., 26 : « Fortem, iuslum, seuerum, grauem, magni animi, largum, beneficum, libéraient, hae suntregiae laudes » ; Brut., 75. 4. C i c , Marcel., 4 ; 20 ; Lig., 6 ; 10. 5. Supra, pp. 262 sq. 6. C i c , Dom., 9 8 : « Suscipere tantos animi dolores algue ea quae, capta urbe, accident uiclis, slante urbe, unum perpeti, etiam se uidere distrahi a complexu suorum, dislurbari lecla, diripi fortunas, patnae denique causa patriam ipsam amittere, spoliari populi Romani beneficiis amplissimis, praecipilari ex altissimo dignitatis gradu, uidere praetexlalos inimicos, iwndum morte complorata, arbitria petentis funeris, haec omnia subire conseruandorum ciuium causa atque ita ut dolcnter feras et sis non tam sapiens quam ii qui nihil curant sed tam amans tuorum ac lui quam communis hunumiias postulat, ea laus praeclara atque diuina est. » 7. Cf. supra, p. 366. M

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C'est le cas de CAECTLIA M E T E L L A , fille de M E T E L L U S B A L E A R I C U S (CARCOPINO, Sylla, p. 1 7 8 ) ,

dont la laus personnelle est égale à cello qui lui vient de ses ancêtres : C i c , S. Rose, 147. 9. Vera laus : C i c , Marcel., 19 ; Imp. Pomp., 10 ; Phil, I I , 115 ; Tusc, 1,110 ; I I , 5 3 ; Fin., I I , 44 ; solida laus ; C i c , Vat., 8 ; uera et solida laus : C i c , Sest., 93. 10. C i c , Rab. perd., 3 : α Est... bonorum et fortium ciuium... intercludere omnis sedilionum uias, munire praesidia reipublicae, summum in consulibus imperium, summum in senatu consilium putare ; ea qui seculus sit, laude potius el honore quam poena et supplicio dignum iudicare » ; Sest. 93 : « Quotus quisque inuenietur tanta uirtute uir, qui optimam quamque causant rei publicae amplcciaiur, qui bonis uiris deseruiat, qui solidam laudem ueramque quaerat » ; Leg., I I I , 1 8 ; Sest., 137 ; Rep., V , 6 ; cf. l'expression laus bonorum : C i c , AU., I I , 3, 4 ; Tusc, 1,110 ; Sest., 137 ; Rep., V , 6. 11. C i c , Sest., 139 : « Neque eos in laude positos uidemus, qui incitarunt aXiquando populi animos ad seditionem, aut qui largUione caecarunt mentes imperitorum, aut qui forlis et claros uiros et bene de re publica meritos in inuidiam aliquam uoeauerunt » ; Phil., I I , 115. Dans Vat., 8, VATTNIUS qui n'ost pas un optimus est appelé homo imperitissime solidae taudis ac uerae dignitatis.

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Ce faisant, Cicéron joue évidemment sur le sens des mots, car qui n'étai* pas un optimus au sens aristocratique du terme ne pouvait pas non plus parvenir à la laus ; mais qui la possède adroit à la reconnaissance du peuple ; celle-ci se manifeste particulièrement par la collation des magistratures . C'est dire que la notion de laus n'est pas éloignée de celle de gratia*. Mais ce fait que la laus donne des droits rend la notion proche surtout de dignitas : non seulement les deux mots forment un groupe coordonné ou juxtaposé , mais laus s'identifie même à dignitas, désignant, comme ce dernier terme, les mérites d'un candidat ou la situation d'un homme politique . I l y a donc entre laus et les deux termes précédemment étudiés une diffé­ rence relativement importante. Bien que le sens général de « réputation » leur soit commun, existimatio et fama sont des termes généraux dont le sens poli­ tique est occasionnel, accessoire ; au contraire laus appartient fondamentale­ ment au vocabulaire politique et y occupe une place déterminée alors que ce sont les emplois non politiques de ce terme qui sont vraisemblablement de création secondaire. 1

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Gloria Parmi les termes exprimant la « célébrité », gloria est assurément celui dont les emplois sont les plus étendus . Avec l u i , nous sommes également en présence d'une notion qui touche au plus profond des conceptions politiques des Romains . En effet la recherche de la gloria est la justification fonda­ mentale de leur activité politique et ce qui, à leurs yeux, les distingue des 8

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1. Cf. infra, pp. 496 sq. 2. C i c , Arch., 28 : « Nullam enim uirlus aliam mercedem laborum periculorumque desiderat praeter hanc taudis et gîoriae » ; Mil., 81 : « Dubitaret id fateri ex quo etiam praemia taudis essent petenda » ; Verr., I I , 3, 212 : « Alia sunt tua facta atque consilia summa laude digna. » Pour l'expres­ sion laude dignus, cf. encore : C i c , Rab. perd., 3 ; Pis., 14 ; 22 ; Plane, 27 ; Lig., 2. 3. C i c , Agr., I I , 1 : aux ancêtres de CICÉRON qui ne sont pas parvenus aux magistratures, U a manqué la laus popularis. 4. Lrv., I V , 57, 6 : « Quo facto cum (Seruilius Ahala) haud immeritam laudem graliamque apud omnes tulisset » ; Brut., 155. In laude et in gratia (populi Romani) esse = « être populaire » : C i c , Verr., 1,51 ; I I , 1,21 ; Cael., 46. La similitude apparaît d'ailleurs dans le fait quo les doux mots sont aussi coordonnés au sens subjectif de « éloges », « romorciemonts »: PLAUT., AS., 545; CAT., Orig., 83, p. 79 (Peter) ; C i c , Off., I I I , 63 ; Agr., I I , 9. Dans le même sens : laudes gratesque : P L A U T . , Mil, 411 ; Trin., 281. 5. C I C , S. Rose, 147 ; Quir., 21 ; Cael, 39 ; Val, 8 ; Fin., IV, 65 ; Q. C i c , Pet., 38. 6. C i c , Mur., 21 ; Q. C i c , Pet., 38. 7. C i c , Fam., I , 7,8. L'identification des deux termes est particulièrement sensible dans les doux textes suivants : CAES., Ciu., I , 7, 1 : « A quibus deductum ac deprauatum Pompeium queritur inuidia atque oblrectatione laudis suae, cums ipse honori et dignitati semper fauerit adiutorque fuerit » ; S. Rose, 147 : « VI (Caecilia Metella) quanto honore ipsa ex illorum dignitate adficerelur, non minora illis ornamenta ex sua laude redderet. » 8. I l ne m'est pas possiblo d'aborder, dans lo cadre do ootte étude, le problème do la gloria dans toute son extension, et, on particulier, celui do son dévoloppomont dans lo vocabulaire militaire, philosophique et roligioux : un volume y suffirait à poino l Jo me contenterai de noter quolqucs aspects de la gloria dans lo vocabulaire politique et de déterminer sa place par rapport aux termes analogues. Pour une vue d'ensemble, jo renvoie aux deux ouvrages les plus importants consacrés à et? sujet : U . KNOCHE, Der romischc Ruhmesgedanke, PhUol, L X X X I X , 1934, pp. 102-124 et surtout A. D . LEEMANN, Gloria-Cicero's waardering van de roem en haar achtergrond in de hellenistiche u?ijsbegeerte in de romeinse samenleving, Diss. Lcidon, 1949,199 p. 9. Cf. K R O L L , Die Kultur..., I , pp. 45 sq. ; H . R E C H , Mos maiorum, pp. 29 sq. ;

H. ROLOFF,

Maiores bei Cicero, particulièrement pp. 22 sq. Vocabulaire Latin

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autres peuples ; ils s'y exercent dès l'enfance et les jeunes gens s'y livrent avec une telle impétuosité qu'aux yeux de Cicéron il convient de modérer leur ardeur . Le but à atteindre est d'égaler et, si possible, surpasser la gloire des ancêtres . Dans le Pro Sestio, Cicéron donne cette recherche comme un des éléments du programme des optimates . Sous l'empire encore, Pline le Jeune écrit, avec peut-être un sens plus juste de la flatterie que des réalités : «Palet... omnibus honoris et gloriae campus . » Beaucoup de grands hommes se sont fait remarquer par ce désir de gloire . C'est un des thèmes de l'éloge funèbre du fils de Scipion, le premier Africain ; Fabius Cunctator la poursuivit avec ardeur et, pour la préserver, s'opposa à Scipion l'Africain ; elle fut l'apanage de Scipion E m i l i e n auquel cependant on reprocha de la dédaigner pendant.sa jeunesse* . Ce fut le ressort fondamental de l'action politique de Marius qui était«taniummodo gloriae auidus»(Sall., Iug., L X I I I , 2) ; son adversaire Sylla était « cupidusuoluptatum, sed gloriae cupidior» (Sall., Iug., XCV, 3) ; Catilina la propose à ses complices comme un des buts de la conquête du pouvoir (Sall., Cat., X X , 14) ; Cicéron lui-même, dont nous verrons que le jugement sur la gloria n'a pas été constamment favorable avoue la désirer et i l sollicite de l'historien Lucceius un ouvrage sur son consulat afin de pouvoir jouir de son vivant de ce qu'il appelle modestement sa glonola . 3

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1. C i c , Imp. Pomp., 7 : « Quoniam semper appetentes gloriae praeter cèleras génies atque auidi laudis fuislis » ; Font., 35. Il y a uno gloria populi Romani : C i c , Imp. Pomp., 6 ; Sest.. 141 ; Plane, 60 ; Tusc., I , 89. 2. C i c , Fam., I , 7, 9 : α Te uero emoneo... ut omnem gloriam, ad quam a pueritia inflammatus fuisii, omni cura atque industria consequare. » 3. C i c , Cael., 76 : « Etenim semper magno ingenio adulescenles refrenandi poiius a gloria quam incitandi fueruni. » Notons toutefois qu'en d'autres textes il se plaint au contraire que la gloria ne soit pas recherchée avec assez d'ardeur : par exemple Pis., 82. 4. C i c , Off., 1,116 : « Quorum uero patres aut maiores aliqua gloria praestiterunt, ii sludent plerumque eodem in génère laudis excéllere » ; Verr., I I , 4, 79. Cf. H . R E Ç U . , op. cit., p. 29 ; I I . R O L O F F , op. cit., pp. 38 sq. 5. C i c , Sest., 143 : « Amemus patriam, pareamus senalui, consulamus bonis ; praesentis frucius neglegamus, posterilalis gloriae seruiamus. » 6. PLTN., Paneg., L X X , 8. 7. Do nombreuses expressions nominales et verbales attestent la place que tient le « désir de gloire » dans la pensée des Latins : cupiditas gloriae : C i c , Verr., I I , 3,48 ; Agr., I I , 91 ; Sest., 134 ; Pis., 59 ; 82 ; Rep., I , 60 ; V , 9 ; Off., I , 74 ; Tusc, I I , 65 ; Bml., 239 ; Q. F., 1,1, 38 ; C A E S . , Qaïï.. V I I , 50, 4 ; Liv., X X V I I I , 43, 5 ; S E N . . Ep., L X X V I I I , 16,etc.. ; cupido—: S A L L . , Cat., V I I , 5 ; S E N . , Ep., L X X I V , 21 ; T A C , Agr., 5 ; studium— : C i c , Sest., 128 ; Vat., 15 ; Off., I , 61 ; gloriam concupiscere : C i c , Phil., I, 29 ; V E L L . , I I , 33, 3 ; 46, 2 ; — petere : S A L L . , Cal., L I V , 6 ; C i c , Tusc, V, 9 ; Liv., V I , 22, 6 ; — expetere : PLAUT., Trin., 272 ; — adpetere : C i c , Imp. Pomp., 7 ; — quaerere : C i c , Rab. Post., 21 ; Off., I , 38 ; I I , 42 ; Att., X V , 19, 2 ; Q. F., 1,1, 44 ; Liv., IV, 24, 3 ; I X , 31,10 ; X X V I I I , 41, 2 ; gloriae cupidilate flagrare : C i c , Sest., 134 ; Rep., V. 9 (ap. A u c , De Ciu., V, 13) : « (Cicero commémorât) maiores uos multa mira atque praeclara gloriae cupiditate fecisse. » 8. C.I.L., I , 10 ( = ERNOUT, T.L.A., p. 18.) « Quei apice insigne Dialis fiaminis gesistei, Mors perfecit tua ut essent omnia breuia, Honos, fama uirlusque, gloria atque ingenium. Quibus sei in longa licuisei tibe utier uita. Facile facteis superases gloriam maiorum. » 9. Liv., X X V I I I , 41,1-6. 10. C i c , Caecil., 69 : « P . Africanus, homo uirtute, fortuna, gloria, rebus geslis amplissimus » ; Verr., I I , 4, 82 ; Phil., X I , 18 ; Rep., 1,18. 2

11. H . R O L O F F , op. cit., pp. 28 sq.

12. C i c , Fam., V, 12, 9. Cf. aussi V I I , 5, 3. Dans les Verrines ( I I , 5,173), il évoque sa gloria atque amplitude

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Sur la fin do sa vie, i l marquera son intérêt pour la gloria en en faisant le t h è m d'une de ses œuvres philosophiques. Elle est indispensable au princeps : par elle en particulier, Pompée a mérité ce titre . Plante lui-même fait allusion à ce désir des Romains d'égaler la gloria maiorum . Cette rivalité des grands hommes à Rome dans la poursuite de la gloria est la cause princi­ pale de la grandeur de la cité . Aussi doit-elle être préférée aux biens les plus précieux et même à la vie . Comment s'acquiert la gloria ? Elle est essentiellement le fruit de la uirtus. I l y a en effet entre les deux notions un lien étroit que traduit, suivant l'usage, leur fréquent emploi en un groupe coordonné ou juxtaposé . Le rapport de gloria à uirtus est aussi exprimé de façon plus explicite :«Nostram gloriam uirlute augeri expeto » déclare dans la première de ses lettres à son frère, gouverneur de l'Asie , Cicéron, qui soutient dans divers textes que la gloria est le fruit de la uirtus et que son importance est proportionnelle à cette d e r n i è r e ; et, avec un humour féroce, i l ironise sur le cas de Milon qui, en perdant Clodius qui l u i donnait l'occasion d'exercer sa uirtus, a perdu la source de sa gloire . Caton l'Ancien affirmait déjà cette origine de la gloria . Le roi de Numidie,Micipsa, espérait que la uirtus de Jugurtha serait une source de gloire pour son r è g n e . L'on rencontre parfois l'expression gloria uirtutis où uirtutis peut être interprété, soit comme un génitif suljectif : « la gloire dont la 1

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1. C i c , Rep., V, 9 : « Principem ciuiialis gloria esse alendum ». Cf. Sest., 143 : « Ezistimemus eos, qui hanc iantam rem publicam suis consiliis aut laboribus aut auxerini aul defenderint aut seruarint esse immortalem gloriam consecutos ». Dans Rep., I , 3 8 les hommes politiques de valeur sont appelés α prudentes... homineseiin maxima republica summa cum gloria belli domique uersati.* Même les hommes moyens agissent par désir de gloria : C i c , Fin., V, 69 : « Non perfecli autem hennines, et tamen ingénus exceUentibus praediti, excitantur saepe gloria. » 2. C i c , Sen., 5 : « Virtute, gloria, rébus gestis Cn. Pompeius omnium gentium, omnium saeculorum, omnis memoriae facile princeps » ; Quir., 1 6 : « Cn. Pompeius, uir omnium, qui sunt, fuerunt, erunt, uiriute, sapientia, gloria princeps ». Cf. encore Fam., I , 9 , 1 1 . 3 . P L A U T . , Trin., 642 sq. ; 6 5 5 sq. 4. S A L L . , Cat., V I I , 3 : « Sed ciuitas incredibile memoratu est, adepta libertate, quantum breui creucrit : ianla cupido gloriae incesserai » ; Ibid., 6 : « Sed gloriae maxumum certamen inter ipsos erat... Laudis auidi, pecuniae libérales erant : gloriam ingentem, diuilias honestas uolebani*; Q U I N T . , Jnst. Or., 1 , 1 0 , 1 4 : « Romana in béllis gloria céleris praestat. » 5. Elle doit par exemple être préférée aux richesses : C i c , Top., 8 4 ; Off., I I , 8 8 ; S A L L . , lug., L X X X V , 40 ; Cat., V I I , 6. 6. Rh.Iler., IV, 57 ; C i c , Arch., 2 3 ; De Or., I I I , 116; Tusc, 1 , 1 1 6 ; Lrv., I I , 1 2 , 1 3 ; S E N . , Contr., I , 8, 2 ; V E L L . , I , 2, 2 ; T A C , Ann.,

I V , 50, 2 .

7. C A T . , Agr., I I I , 2 ; C i c , Caecil, 6 9 ; Sen., 5 ; Quir., 1 6 ; 21 ; Sest., 8 9 ; Cael, 34 ; Plane, 6 0 ; Aiîï., 7 3 ; Phil., X I , 1 8 ; De Or., I I , 2 2 5 ; S A L L . , Cat., I I I , 2 ; lug., L X I V , 1 ; V I R G . , Aen., X I , 444 ; Liv., X X I I , 12, 4 ; T A C , Ann., IV, 33, 4 ; X I , 2 3 , 2 ; Q U I N T . , Inst. Or., IV, 5 , 1 5 . 8. C I C , Q. F., 1 , 1 , 2 . 9. C i c , Inu., I I , 7 0 : « Eam... ex bello gloriam uirlute peperimus » ; Pis., 5 7 : « Iuslam gloriam, qui est fruclusuerae uirtutis honeslissimus » ; Pis., 44 ; Mil, 97 ; Phil, V, 35. Cf. aussi Rh. Her., I V , 31 : « Alexandri uirtutes per orbem terrae cum laude et gloria uagatae sunt » ; I V , 3 4 : « Africano uirlulem induslna, uirtus gloriam, gloria aemulos comparauit. » 10. C i c , Plane, 6 0 : « In uirlute multi sunt ascensus, ut is maxime gloria excellât, qui uirtule plu­ rimum poiesl. » 11. C i c , Mil, 34 : « Exercitaiionem uirtutis, suffragationem consulaius, fontem perennem gloriae suae perdidit. » 1 2 . C A T O , Oral, p. 5 3 , 7 « . . . ut summae gloriae sint a uirtule proficiscentia ». 1 3 . S A L L . , lug., V I , 2 . Cf. ibid., 1,3 : « Ubi ad gloriam uirtutis uia grassatur. » 14. C i c , Cat., I I I , 2 8 ; Phil., X I V , 31 ; Off., 1,121.

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uirtus est la source », soit comme un génitif objectif : « la considération que l'on éprouve pour la uirtus ». Il est bien évident que cette uirtus est avant tout celle qui se manifeste dans les combats : gloria apparaît avec cette valeur dès les plus anciens textes, où elle est propre cn particulier aux héros d'épopée et correspond au grec κλέος . A la fin de Y Amphitryon de Plaute, Jupiter promet à Alcmènc, grâce aux exploits de son fils Hercule, une immortalis gloria Elle est la récompense des succès d'un chef militaire ; le soldat lui aussi affronte les dangers cupiditate gloriae adductus . Le courage et la valeur de Mucius Scaevola lui ont apporté une aeterna gloria . Pour les généraux elle se concré­ tise dans la cérémonie du triomphe . Aussi les exploits militaires sont-ils la principale source de la gloria de la plupart des grands hommes de Rome : Scipion l'Africain (Liv., X X V I I I , 41, 2), Fabius Cunctator (Liv., X X V I I I , 40, 9 ; Enn., Ann., 315), Scipion Emilien (Cic, Phil, X I , 18), M. Marcellus, petit-fils du vainqueur de Syracuse (Cic, Pis., 44), Marius a qui bis Italiam obsidione et metu seruitutis liberauih (Cic, Cal., IV, 21), Pompée , César qui l'emporte encore sur P o m p é e et, par ses exploits et ses conquêtes, a atteint Y amplissima gloria . Cet aspect militaire de la gloria se traduit par l'emploi d'expressions comme gloria rerum gestarum , gloria belli *, gloria militaris . L'emploi de ces éléments déterminatifs montre cependant que la gloria n'est pas seulement le résultat des actions militaires ; elle peut également être acquise dans l'exercice des magistratures et des diverses fonctions adminis­ tratives et civiles : un préteur , un consul , ungouverneur de province ont 1

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1. Ε Ν Ν . , Ann., 383. 2. P . F E S T . , pp. 87, 26 (L). Sur la notion grecque de κ λ έ ο ς , cf. M . G R E T N D L , Κ λ έ ο ς , κΰδος, ε ΰ χ ο ς , τ ι μ ή , φάτις, δ ό ξ α , Diss. Mûnchen 1938,161 p. 3. P L A U T , Amph., 1140. 4. C i c , Off., I , 74 : « Mulli... beTla saepe quaesiuerunl propter gloriae cupiditalem » ; Ibid., I , 38 : « Cum uero de imperio decertatur belloque quaeritur gloria. » Cf. encore Rh.Her., IV, 31; 34; S A L L . , lug., L V , 3 ; L X X , 2 ; Liv., IV, 24, 3. 5. C A E S . , Gall, V I I , 50, 4 ; T E R . , TleauL, 112. 6.

V A L . - M A X . , III,

3,1.

7. Liv., X X V I I I , 9, 1. Cf. l'expression gloria triumphorum : V A L . - M A X . , I I , 8, 1 et le groupo coordonné gloria et iriumphus : S A L L . , lug., X L I , 7 ; C i c , Prou., 29 ; C A E L . , ap. Fam., V I I I , 5,1 (mais lorea au lieu do gloria d'après une correction de Mondolssohn qui no mo paraît avoir aucune justification sérieuse). 8. C i c , Flac., 30 : * Illa enim est gloria diuina Pompei, primum praedones eos qui lum cum illi beïïum maritimum gerendum datum est tolo mari dispersi uagabaniur redactos esse omnis in potesiatem, deinde Syriam esse nostram, Ciliciam teneri... » ; il a ainsi conquis une praestantissima gloria : C i c , Balb., 5 ; cf. aussi 40 ; Phil, X I V , 31 ; Dei., 12. 9. C i c , Prou., 27 ; V E L L . , II, 55,2 ; V A L . - M A X . , 1,6,12. , 10. C i c , Dei., 12. 11. Cic,Prou.,39. 12.

N E P . , Reg.,

13.

CAES.,

15.

Cic,

I I , 1 ; D O L A B . , ap.

Cic,

Fam.,

I X , 9,2

; V A L . - M A X . , I X , 3,

7.

Gall., I I I , 24, 2 ; V I I , 1, 8 ; H I R T . , Gall, V I I I , 6, 2 ; C i c , Phil, X I , 18 ; Rep., 1,18 ; S A L L . , Cat., L U I , 3 ; Liv., pass. ; T A C , Ann., I , 27, 1, etc.... Cf. gloria belli atque fortitudinis ; C A E S . , Gaïl., 1,2,5. 14. C i c , Verr., I I , 5, 25 ; Mur., 29 ; Pis., 44 ; S A L L . , lug., V I I , 1 ; Liv., X X V I , 39, 3 ; X X X I X , 40, 5 ; V A L . - M A X . , I I , 7, 7 ; cf. aussi l'expression gloria naualis : C i c , Verr., I I , 5, 97 ; Imp. Pomp.,, •54. . .'. Rep.,

I , 38

; S A L L . , Cat.,

III,

1.

16. C i c , Mur., 41 ; Flac, 25. 17. Liv., I I I , 24,11 ; IV, 11,2 ; X X V I I I , 40,8 ; V E L L . , I I , 12, 6 ; C i c , Brut., 281. 18. C i c , Pis., 41 ; Q. F., 1,1, 3 ; 43 ; 44. Pour d'autres magistratures, cf. Liv., IV, 12, 8

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le droit d'y prétendre ; ils l'obtiendront en faisant la preuve de leur cura, de leur diligentia, de leur industria qui sont toutes, nous l'avons vu , des formes particulières de la uirtus. Salluste promet à César la gloire à la suite des réformes qu'il l'invite à accomplir . Ce qui, dans cette forme de glmia, comme dans la précédente, l u i donne toute sa valeur, c'est la difficulté de la performance accomplie et l'importance qu'elle revêt aux yeux de la foule ; ainsi, dit Cicéron, c'est une gloire de n'avoir pas subi d'échec dans les candi­ datures aux magistratures, mais c'en est une plus grande encore de réussir alors qu'on est un homo nouus . Dans le De officiis (1,74), i l soutient que la gloria ainsi obtenue est aussi grande, sinon plus grande, que celle qui résulte de actes de la guerre ; dans les paragraphes suivants (75 & 76), i l illustre sa thèse en opposant Solon à Thémistocle, Lycurgue à Pausanias et Lysandre, M. Aemilius Scaurus à Marius, Q. Lutatius Catulus à Pompée, etc. C'est le thème bien connu des armes et de la toge . Qu'il y ait dans de telles affirmations un acte d'opportunisme et une volonté d'apologie personnelle, ce n'est pas douteux, puisque, en d'autres textes, i l affirme exactement le contraire . D'ailleurs les deux domaines ne sont pas totalement séparés ; les mômes personnages s'y manifestent ; l'expiession gloria rerum gestarim vaut pour le civil comme pour le militaire . Le magistrat à l'intérieur même de Rome et dans le cadre de ses attributions administratives, ou l'homme privé dans celui de son action politique, ont l'occasion de faire preuve de leur uirtus, c'est-à-dire de leur courage civique. Cicéron qui exalte la gloria des meur­ triers de Tib. Gracchus , de César , de celui de Clodius , la revendique avec arrogance contre Pompée . Certes les armes ont eu quelque part dans la réalisation de ces « exploits » ; mais ce ne fut point le cas de la résistance purement passive opposée à César par Bibulus, le consul « gréviste », lors de leur consulat commun ; i l est vrai que, malgré sa sympathie pour Bibulus et son action, Cicéron, ne peut s'empêcher de parler avec un peu d'ironie de cette manière étrange et nouvelle de parvenir à la gloire . Pourtant lui-même juge 1

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1. Par exemplo C i c , Fam., I , 7, 9 : « Te uero emoneo... uiomnem gloriam... omnicura et industria consequare. » 2. Supra, pp. 251-254. 3. Ad Caes., 11,13,5-8. 4. C i c , Pis., 2. 5. Cf. Off., I , 77 et I , 79 : « Non minorem idilitatem afferunt qui togaii rei publicae praesunt, quam qui hélium gerunl. » 6. C i c Off., I I , 45 : « Prima... est adulescenti commendatio ad gloriam. si qua ex bellicis rébus comparari potest, in qua multi apud maiores nostros exstilerunl D ; Mur., 22 : « Rei mililaris uirtus praeslat ceteris omnibus » ; Mur., 29. L a différence s'expliquerait par le fait que dans le premier cas, il suivrait la tradition romaine tandis que danslcdeuxieme.il se conformerait à l'enseignement de Panaitios, d'après H . R O L O F F , Maiores bei Cicero, p. 97, n. 4. Cf. aussi POIILENZ, Antikes Fuhrertum, p. 105. 7. L i v . , I V , 11, 2 : « Fabius et Aebulius consules quo maiori gloriae remm domi forisque gestarum succedere.se cernebani » ; C i c , Sull., 83 ; Flac, 25 ; De Or., 1,1 ; Brut., 9 ; Diu., I I , 91. 8. C i c , JliiL, 72. 9. C i c . , P ; t î 7 . , I I , 1 1 4 ; 1 1 7 . 10. C i c , Mil, 63 ; Ait., I V , 3, 4. 11. Oie, Cat., I V , 21 : « Erii profeclo inter horum (Pompée et d'autres généraux illustres) laudes aliquid ïoei ywsirae gloriae, nisi forte maius est patefacere nabis prouincias quo exire possimus quam curare ut etiam illi qui abstint habeant quo uiclores reuertantur. » 12. C i c , Alt., I I , 21, 5 : α Bibulus qui sit exilus fulurus nescio. Vt nunc res se habet, admirabili gloria est. * 13. C i c , Ait., I I , 20, 4 : « Nouo quodam génère in summam gloriam uenit. »

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que les malheurs de l'homme politique peuvent servir à sa gloire et i l cite le cas des Grecs q u i furent envoyés en e x i l : M i l t i a d o , A r i s t i d e e t c . , ainsi que celui de Q. Metellus N u m i c l i c u s , en pensant bien entendu à sa propre aventure ; ne v a - t - i l pas jusqu'à faire semblant de.craindre que l'on ne croie q u ' i l est p a r t i p a r désir de l a gloire q u i l ' a t t e n d r a i t à son retour ? Les qualités de l'homme p o l i t i q u e peuvent également servir à sa gloire : ainsi en est-il de l a clementia dont ont f a i t preuve Camille , Pompée et bien entendu César . 3

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U n autre moyen efficace pour l'homme p u b l i c ou p r i v é de conquérir l a gloria, c'est l a pratique de l'éloquence. A côté des expressions gloria belli ou 8

uirtutis, l'on rencontre gloi'ia dicendi* ou gloria eloqueniiae . « Nominis 10

nouitatem dicendi gloria maxime subleuabis» écrit Quintus Cicéron à son frère Cette gloire, c'est surtout dans le domaine de l a défense ou de l'accusation c n justice qu'elle peut être obtenue . Cicéron évoque l a gloriosa uicloria de Caelius, vainqueur d'Antonius H y b r i d a ; cependant i l se p l a i n t q u ' i l se soit f a i t accusateur cupiditate gloriae et, rappelant que l a défense est également glorieuse , i l affirme préférer nettement cette dernière . Certains h a u t s personnages se sont rendus glorieux aussi bien p a r leur éloquence que p a r leurs talents militaires : i l cite le cas de Scipion E m i l i e n et regrette en revanche que Pompée n ' a i t pas c r u bon de s'illustrer également dans les deux d o m a i n e s . Salluste étend cette forme de l a gloria à toutes les activités intellectuelles et plus spécialement à celle de l'historien ; Cicéron ne 1 1

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1. C i c , Sest., 142. 2. C i c , Plane., 89. 3. C i c , Pis., 32 ; 63. 4. C i c , Sest., 128 : « Hune ego reditum repudiarem, qui ita florens fuit ut uerear ne quis Me studio gloriae putet ideirco exisse ut ita redirent. ? » 5. Liv., VI, 25, 6. 6. C i c , Sest., 58 (à propos du rétablissement sur son trône du roi d'Arménie qui avait aXlaqué les Romains) : « Nec minus et sibi et huic imperio gloriosum putauit constitutum a se regem quam constrictum uideri. » 7. C i c , Lig., 37 ; Dei., 40 ; Marcel., pass. Ci. S A L L . , Cat., L I V . , 3 : « Caesar dando, subleuando, ignoscendo, Calo nihil largiundo gloriam adeptus est. » 8. Sur l'éloquence au service do la gloria, ci. A. M I C H E L , Rhétorique et philosophie chez Cicéron' pp. 459 sq. 9. C i c , D e Or., I , 58 ; Or., 141 ; Brut., 23 ; 32; 92 ; 239 ; 301 ; 314 ; Q U I N T . , Inst. or., X I I , 10,17. 10. C I C , De Or., I I I , 11 ; T A C , Ann., I I , 58. 11. Q . C i c , Pet., 2. 12. C i c , Off., I I , 49 ; Or., 141. 13. C i c , Cael, 18. 14. C i c , Cael, 74. 15. C i c , Off., I I , 51 : « Maxime... et gloria parilur et gratia defensionibus. » 16. C i c , Off., I I , 49 : « Lzulzbilior est dafensio . » 17. C i c , Off., 1,116 : « Hic idem Africanus eloquentia cumulauil bellicam gloriam. » 18. C i c , Brut., 239 : « Meus autem aequalis Cn Pompeius, uir ad omnia summa nalus, maiorem dicendi gloriam habuisset, nisi eum maioris gloriae cupiditas ad bellicas laudes abslraxissel. * 19. S A L L . , Cal, I , 3 : « Quo mihi rectius uidetur ingenii quam uirium opibus gloriam quaerere » ; ci.

P L I N . , Ep.,

VI,

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20. S A L L . , Cat., I I I , 1-2 : « Pulchrum est bene facere rei publicae, etiam bene dicere haud absurdum est ; uel pace, uel bello clarumfierilicet ; et qui fecere, et qui facta aliorum scripsere, multi laudanlur. Ac mihi quidem, tamttsi hauiquaquam par gloria sequitur scriptorem et auclorem rerum, tamen in primisarduum uidetur res gestas scribere. » Peut-être y a-t-il dans une telle conception une certaine influence grecque ? cf. C i c , Off., I I , 45-46 et V. P Ô S C H L , Qrundwcrte... pp. 29 sq ; ce dornior note qu'en revanche, ni C I C É R O N , ni S A L L U S T E n'accordent la moindre place à la culture de la torro dans la conquête de la gloria, ce qui est contraire aux idées des anoions Romains, mais conformo à colles de? stoïciens et spécialement de P O S I D O N I U S ; cf. S E N . , Ep., L X X X V I I I , 21.

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l'aurait pas démenti, lui qui avait demandé à Lucceius de composer une histoire de son consulat pour que la gloire en fut plus grande et plus durable . 1

Exprimant la notion générale de « célébrité », gloria est évidemment très proche des mots traduisant la même idée. Notons tout d'abord le rapport avec gratia, peut-être favorisé par la recherche d'allitération ; mais cette rencontre se produit sur un terrain limité, puisque gratia est un mot du vocabulaire électoral et n'a pas d'emplois dans le domaine militaire qui est au contraire celui où se trouve surtout gloria . Le rapport avec fama est plus direct : le rapprochement est f r é q u e n t , mais i l y a aussi entre les deux mots, nous l'avons vu , l'opposition du laudatif au péjoratif : la gloria, c'est la bona fama . Toutefois i l y a aussi une autre différence, peut-être plus profonde et plus réelle : la fama ne s'étend que sur un domaine précis : cercle, ville, pays ; la gloria se répand plus largement, n'est limitée, ni par le lieu, ni, comme nous le verrons, parle temps . Mais c'est avec laus que le rapprochement s'impose le plus ; i l ne se limite pas en effet à un simple rapport extérieur marqué par la coordination ou la juxtaposition des deux termes . Car, on l'a remarqué, les différents emplois que j ' a i relevés de gloria et de laus coïncident totalement : ils prennent tous deux leur origine dans la uirtus et s'acquièrent de la même façon ; aussi arrive-t-il que les deux mots soient pris l'un pour l'autre . Faut-il, dans ces conditions, admettre entre eux, comme on le fait générale ment, une synonymie complète et renoncer à établir une différence ? Non certes, mais cette distinction n'est point de même ordre que celles qui séparent laus des autres termes. Ces dernières portent sur la précision des vocables et leur spécialisation dans le domaine politique. Au contraire, répétons-le, la valeur générale et les emplois de gloria et laus sont totalement identiques ; mais d'une part, ils représentent les deux aspects subjectif et objectif de la même notion ; d'autre part gloria implique une célébrité plus étendue que laus et provoquée par des éloges plus fréquents. Les différentes définitions que Cicéron nous donne de gloria nous montrent en effet que celle-ci est la « répu2

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1. Supra, p. 370 et n. 12. 2. C A T . , Orig., 83, p. 80 (Peter) ; C i c , Mur., 41 ; Sest., 70 ; Phil, V , 2 ; Brut., 2S1 ; Or., 141 ; Off.,

I I , 51

; 85

; I I I , 85

; Ac,

1,21

; Fam.,

I V , 13.2

; X , 5, 3 ; 19,2

; Liv.,

I V , 12,

8 ; P L I N . , N.

H.,

66 ; M A C R . , Sat., I I I , 14,13. 3. Notons dans le mémo ordre d'idéos l'opposition de gloria et inuidia : C i c , Cal., 1,29 ; I I I , 29 ; Balb., 16 ; Mil, 40 ; 82 ; S A L L . , Iug., X , 2 ; N E P . , Thras., I V , 1 ; V I R G . , Aen., X I , 336-337 ; Liv., XXI,

II,

7, 8 ; I I I , 14,

4 ; X X V I , 40,

5 ; V E L L . , I I , 44,

2 ; P L I N . , Ν.

H.,

V I I . 138

; V A L . - M A X . , I V , 8,

5 ;

T A C , Hist., I I I , 60, 7. 4. C i c , Rab. perd., 30 ; Arch., 23 ; S A L L . , Iug., I V , 6 ; Ad Caes., I I , 15, 5 ; V E L L . , I I , 26, 3 ; SEN., C i l , 13. 5. Supra, p. 364 et n. 10. 6. C i c , Sest., 139. Ci. aussi Fin., I I I , 57. 7. S E N . , Ep., C i l , 12 : « Gloriam quoque... latins fusam iniellego, consensum enim multorum exi­ gu ». 8. Rh. Her., I V , 31; C i c , Verr., I I , 4,82; Font., 35; Cal, 1,23 ; Arch., 28; Sest., 5; 138 ; Prou., 27 ; Pis., 41 ; 44 ; 82 ; Plane, 89 ; Phil, V , 2 ; 35 ; X I V , 32 ; Diu., I I , 78 ; Tusc., 1,109 ; Fam., V I , 23 ; Att., X I V , 17α, 1 ; Lrv., V , 30, 2 ; P L I N . , Paneg., I V , 6. 9. Q. C i c , Pet., 2 : « Nominis nouitatem dicendi gloria maxime subleuabis... Quamobrem quoniam ab hac laude proficisceris » ; C i c , Off., 1,116 : « Quorum uero paires aut maiores aliqua gloria praes­ titerunt, ii studenl plerumque eodem in génère laudis excellere » ; Marcel, 3 : « Ex quo pro/etto intellegis quanta in dato beneficio sit laus cum in accepto sit tanta gloria » ; cf. encore Lig., 37.

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L'HOMME POLITIQUE

tation » de celui qui, pour ses bonnes actions, reçoit fréquemment la laus et atteint ainsi une large célébrité . Ceci est conforme à ce que nous savons de l'origine des deux mots. Nous avons vu que le sens subjectif est le sens primitif et naturel de laus, la valeur objective étant le résultat d'un développement secondaire. L'inverse se produit pour gloria. Suivant l'hypothèse qui me paraît la plus vraisemblable, gloria représenterait en effet l'aboutissement par dissimilation d'un ancien *gnoria et se rattacherait par conséquent au thème * grwô-qui est aussi celui de nobilis - S'il en est bien ainsi, gloria exprime par conséquent la situation de celui qui est « connu » par la laus et i l aurait par nature un sens objectif . Sans doute le trouve-t-on parfois au sens de « éloge » ; mais ces emplois sont très rares et l'on peut penser qu'ils résultent de l'influence des termes analogues. D faut également remarquer que, contrairement à laus, gloria peut avoir parfois une nuance péjorative . Mais par ailleurs gloria se rapporte normalement à la situation des membres de l'aristocratie. Dans une analyse de la notion qu'il fait dans le livre I I du De officiis, Cicéron écrit : « Summa igitur et perfecta gloria constat ex tribus Ms : si diligit multitudo, si fidem habet, si cum admiratione quadam honore dignos putat » ; elle lésulte donc de la confiance et de la faveur du peuple, c'est-à-dire de sa gratia, de la fides de celui qui y prétend, elle est enfin pour l u i un droit, la récompense duc à sa uirtus . Gloria serait en somme une 1

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1. C i c , Inu., I I , 166 : « Gloria est freqiiens de aliquo fama cum laude » ; Tuse, I I I , 3 : « Gloria... est consenliens laus bonorum » ; Phil., I, 29 : « Est autem gloria laus recte factorum magnorumque in rem publicam meritomm » ; Marcel., 2 6 : « Gloria est illustris ac peruagata magnorum uel in suos ciues, uel in patriam, uel in omne genus hominum fama meritorum » ; S E N . , Ep., C I I , 1 2 (p. 375, n. 7 ) . Des textes montrent également que la gloria est le résultat de la laus : C i c , Balb., 1 3 : « 0 Cn. Pompei, sic laie longeque diffusa laus ut eius gloriae domicilium communis imperii finibus terminetur » ; Plane, 64 : « Eum me poslea fuisse in maxi7iiis imperiis arbiiror, ut non ita mulium mihi gloriae sit ex quaesiurae laude repetendum » ; Tuse, V, 79. 2 . E R N O U T - M E I L L E T et W A L D E - H O F M A N N , op. cit., s. v. ; F . R I B E Z Z O , R. F. I. C, X L I I I , 1915, pp. 548-553 ; R. I. G. I., X , p. 296.

3. Parmi les autres explications proposées pour l'étymologio de gloria, il faut signaler celles de K U H N , Κ. Ζ., I I I , pp. 398 sq., qui le met en parallèle avec κ λ έ ο ς , celle de N A Z A R I , R. F. 1. C, X L I I , 1914, pp. 99 sq., qui rapproche gloria de glisco (— cresco) parl'intermédiairo de *gloi-s-ia et surtout celles de P E R S S O N , Sludien zur Lehre von der Wurzekveiterung und Wurzelvariation. p. 146, n. et p. 242 pour qui gloria serait issu d'une racine *gel—Jgïd— : « briller » (cf. grec γ ε λ ά ν , γ ε λ ε ΐ ν , γ λ ή ν υ ς ) reprise par A . D. L E E M A N , p. 1 2 5 et do A . J . V A N W I N D E K E N S , Glotla, X X X V , 1936, pp. 301-304 qui lo rattache à l'isl. — glôr et à la racine *ghlôr(o)— « éclat ». On trouvera un exposé complet de ces différentes solutions dans R I B E Z Z O , R. F. I. C, X X I I I , pp. 548553

et

A.

J . V A N W I N D E K E N S , op.

cit.

Hist. frg.,ll, 7 0 : « Metellus in ullcHorcm Hispaniam... regressus magna gloria concurrentium omnium uisebalur » ; T I B . , I I I , 19, 7 : « Procul absit gloria uulgi » (qu'il faut à mon sens comprendre « loin de moi les éloges du vulgaire » et non, comme lo fait M . P O N C H O N T , • loin de moi une gloire bonne pour le vulgaire »). 5. Gloria ost parfois pris au sens de gloriola : « vantardise », «vanité» : P L A U T . , Mil., 2 2 ; C A E S . , Ciu., I I I , 79, 6 ; P L I N . , Ν. H., I I I , 42 ot X , 43 (dans co dernier toxto, gloria s'applique.aux paons). Cf. aussi los groupes gloria-ostentatio:Rh.Her., I V , 64 ; Cluent., 11 ; Rab. Post., BQ',gloria-iactatio: S E N . , Ep., X C V , 2 8 ; gloHa-exullatio : Ps. C A E S . , Afr., X X X I , 10. L a gloria peut être au6si lo résul­ tat d'actions néfastes ; C i c , Phil., X I I , 26:., Caecil, 72 ; Q. Cio., Pet., 58 ; N E P . , AU., V I , 2 ; L i v . , I I I , 35, 2 ; X X X I I I , 22, 6 ; petitio wris : « la candidature à une magistrature » : C i c , ad Brut., I , 6,1 ; AU., 1,1,1 ; Brut., 166 ; c , Ann., I I , 43, 2 ; X V I , 17, 2 ; S U E T . , Caes., X X V I I I , 3 ; honore afficere aliquem : « charger 3lqu'un d'une magistrature » : C i c Agr., I I , 4 ; Mur., 4 ; Nat. D., I , 38 ; Q. C i c , Pet., 28 ; wremadipisci : « obtenir une magistrature : C i c , Ven., I I , 2,112 ; 5,181. « Exercer une magisturo » peut se dire : honorem gerere : C i c , Verr., I I , 2,112 ; Lrv., I V , 6,10 ; honoribus fungi : p., Them., V I I , 3 ; V E L L . , I I , 89, 4 ;—defungi : C i c , Verr., I I , 5,175 ; Plane., 52 ; — perfungi : \. De Or., 1,199 ; — uti : S A L L . , Cal, X L I X , 2 ; Iug., X X V , 4 ; C i c , Sest., 6 ; AU., V I I I , 3,2. .. L a quosture : C i c , Verr., 1,11 ; I I , 5, 35 ; l'édilité: C i c , Caecil, 72 ; Verr., 1,25 ; I I , 5, 37 ; le )unat : C A E S . , Ciu., I, 77, 2 ; la proture : C i c , Verr., I I , 5, 38 ; propréture : C i c , Phil, V, 45 ; la .sure : C A T . , Or. frg., V , 21 ; S U E T . , Aug., X X V I I , 5 ; lo déoemvirat : Lrv., I I I , 35,2. !.

S A L L . , Iug.,

XXV,

4 ; H O R . , Sal,

I,

6,11.

I. S A L L . , Cal, X L I X , 2. . C i c , Plane., 60 : « honorum populi finis est consulatus* ; AU., I , 2, 2 ; Q. C i c , Pet», 13; H I R T . , II, V I I I , 50, 4 ; S A L L . , Iug., L X I V , 4 ; L X X X V , 19. Cf. aussi le tribunat consulaire : Lrv., I V . LO. C i c , Agr., I I , 2 ; S A L L . , Iug., L X X X V , 28. i. C i c , Verr., I I , 5,181 ; Sull, 1 ; 49 ; 83 ; Mil., 42. I l se dit aussi du rang de consulaire : C i c , :

. Par exemple, C i c , Rab. perd., 17 : « Quae quoniam honore caret, careal etiam molestia » ; il en do môme dans les expressions du type primus ou summus gradus honoris. Cf. K L O S E , op. cit., 13. Vocabulaire Latin.

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exprimant la célébrité, comme existimatio, laus ou gloria, ce qui n'est point évidemment le cas de magistratus . On comprend ainsi que, malgré cette valeur active qui lui est propre, honos se rencontre l u i aussi parfois dans un sens passif, désignant la qualité de « celui qui a ou qui mérite de la considération », « auquel i l convient de rendre hommage » ; au point de vue politique, c'est plus spécialement la situation de celui qui a exercé les honores, donc d'un personnage de rang élevé ; i l s'associe à des mots qui traduisent la position d'un membre de l'aristocratie, par exemple grauitas ou auctoritas . Mais Vhonos étant le plus souvent lié à l'obtention des magistratures, c'est particulièrement avec gralia qu'il se rencontr? , ce qui est naturel puisque ce dernier se rapporte en général à celui qui dispose d'un nombre de voix suffisant pour obtenir les honores . Honos possède au demeurant d'autres points de contact avec gralia, qui. vraisemblablement a l u i aussi une origine religieuse et correspond au sens de « éloge », ce qui le rattache dans une certaine mesure au vocabulaire étudié dans ce chapitre. Cependant, c'est avec gloria qu'famosa les rapports les plus é t r o i t s . Comme gloria et laus, Vhonos est la conséquence et, plus précisément, larécompense de la uirtus . Mais Vhonos est par nature un « acte », gloria un « bien », que l'on peut se transmettre de père en fils ; on parle de la gloria maiorum, mais Vhonos maiorum est inconcevable. C'est dire que la valeur fondamentale de gloria est passive, celle tfhonos active. H en résulte que la gloria est la conséquence de 1

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1. Cf. C . J U L L I A N D Î C / . Ant., I I I , p. 247): « Π y a cette différence entre l'une ot l'autre expres­ sion (magistratus et honos), qu'en parlant do magistratus on songe surtout à l'exercice du pouvoir et que le mot de honos rappello surtout le rang, la dignité, les privilèges attribués à ce pouvoir. » 2. Lrv., 1,40,1 : « Apud patres plebemque longe nuiximo honore Seruius Tullius erat » ; C i c , Sull., 24 : « Nos... quorum tam et nomen et hoiws inueterauit. » Cf. honos eloquenliae : « la considération que mérite l'éloquence » : C i c , Brut., 40 ; Or., 125 ; esse honori alicui : « être pour quelqu'un une cause de considération »:Cic. Mil, 97 ; De Or., I , 117 ; Off., I I , 58 ; I I I , 80 ; AH., I I I , 22, 1 ; S A L L . , Cat., X I I , 1 ; Lrv., X L V , 15, 7 ; in honore esse : « être considéré» : P L A U T . , Trin., 1029 ; Verr., I I , 5,157 ; Cat., I I I , 2 ; De Or., I, 235 ; Brut., 30 ; 127 ; C A E S . , Ciu., I I I , 59, 3 ; 61,1 ; Lrv., X X I X , 30,11. 3. P L A U T . , Capt., 279 : « Quid ipsus hic ? quo honore est iUeic ? Summo atque ab summisuiris » ; C I C , S. Rose, 147 ; Verr., I I , 1,64 ; Flac, 52 ; 72 ; Att., I I I , 10, 2. 4. C i c , Quinct., 72 : « L . Philippus eloquentia, grauitate, honore, florentissimus ciuitatis. » 5. C i c , Dom., 132 : « Aetate, honore, auctoritate antecellunt. » Honos est aussi associé à amplitudo : C i c , Verr., I I , 5,157. 6. P L A U T . , Trin., 273 ; C i c , S. Rose, 77 ; AU., IV, 19, 2 ; S A L L . , Cat., X X , 8 ; Liv., VI, 34, 9 ; H O R . , A. P., 69. Dans Prou., 29, C I C É R O N donne honos comms équivalent de gratia, mais impli­ quant un rang social plus élevé : « Deuocant... ad summum honorem senatus, iquestris ordinis graliam ». 7. Supra, p. 206. 8. Supra, p. 202. 9. «Supra, p. 203. 10. Groupe gloria-honos : C A T . , Or. inc. frg., 19 ; C i c , Verr., I I , 2,143 ; Cat., I I I , 28 ; Mur., 12 ; Balb., 18 ; Part, or., 87 ; 90 ; 91 ; Lael, 34 ; AU., I I I , 10, 2 ; Q. F., I I I , 5, 3. 11. T R A G . , Inc., 30 : « Nam sapiens uirluti honorem praemium, haud praedam petit » ; C i c , Brut., 281 : « Cum honos sit praemium uirtutis, iudicio studioque ciuium delatum ad aliquem qui eum sententiis, qui suffragiis adeplus est » ; Phil, V, 35 ; Fin., V, 60 ; Rep., I I I , 40 ; Off., I , 65 ; Nat. D., I I I , 50 ; Fam., X , 10 ; S A L L . , lug., I I I , 1 : a Virluti honos datur » ; Lrv., I I , 12,15 ; P L I N . , Ep., I I , 7, 3. Cf. aussi C. I. L . , I ,834 ; I I , 1306 ; D E S S A U , L . S., 419. Π faut également rappeler que plusieurs des temples d*Honos furent en même temps consacrés à ViHus, notamment ceux de M A R C E L L U S , M A R I U S et P O M P É E : cf. S A M T E R , op. cit., col. 2293 et C i c , Sest., 116 : « Cumin templo Viriulis honos habitus esset uiriuii ». 2

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Vhonos comme elle l'est de la laus , ces deux dernières notions se confondant parfois et ne se distinguant que par le fait que la laus est en somme la forme orale de Vhonos . Dans l'ensemble des termes que nous venons d'examiner, honos occupe donc, malgré les rapports qui peuvent l'unir aux autres, une place bien à part. D appartient d'abord au domaine religieux ; i l est un terme cultuel de la fides ; les autres, laus et gloria en particulier, expriment seulement la prééminence sociale et ils trouvent leur origine dans le vocabulaire de la gens. 3

Honestas Vhonos conduit à Vhonestas ; en effet ce dernier mot exprime l'état de celui qui possède Vhonos. Nous avons vu qvVhonos lui-même pouvait avoir cette valeur , mais ce sens est secondaire et honeslas marque mieux qu'il s'agit d'un état en quelque sorte permanent . I l est donc, comme d'autres mots ayant le même suffixe, tels que aucioritas, maiestas ou grauitas, un terme de qualification sociale propre aux membres de la classe sénatoriale ou même au Sénat l u i même ; i l est pour cette raison employé avec d'autres mots du même ordre :. amplitudo , auctoritas*, grauitas ainsi qu'avec laus ou gloria ; i l pourrait dans une certaine mesure passer pour un synonyme de ce dernier mot, mais; la gloria n'est pas seulement la conséquence de Vhonos ; elle est donc une notion beaucoup plus large qvVhonestas. U s'associe surtout à dignitas auquel l'unit une communauté de sens qui paraît assez étroite . Pourtant honestas demeure dans le vocabulaire politique un mot assez peu 4

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1. C i c , Rep., V, 9 : « Principem ciuitatis gloria esse alendum et tum diu stare rem publicam quam diu ab omnibus honor principi exhiberetur » ; Agr., I I , 91 : « Ubi honos publiée non est, ibi gloriae cupiditas esse non potest » ; 4 Phil., X I V . 31. 2. Supra., pp. 375-376. 3. Je no crois pas fondée en revanche la distinction faite par U . K N O C H E , op. cit., p. 105, suivi par J . C. P L U M P E , Roman éléments in Cicero's Panegyric of the Legio Martia, p. 281 qui affirment qu'/wnos ot donné à tout uir bonus, gloria à un uir magnus seulement. C'est s'attacher soulemont aux apparences et mettre les deux notions sur le même plan sans voir leur réelle différence de nature. 4. Supra, pp. 386. 5. I S I D . , Etym., X , 117 : « Quid est honestas nisi honor perpetuus.id est quasi honoris status» ; L A C T . . Inst., I I I , 8, 39 : « Quid est honeslas nisi honor perpétuas ad aliquem secundo populi rumore. delatus. » 6. C i c , S. Rose., 16 : « Rectum putabai pro eorum(= nobilium) honestale se pugnare* ; Cluent:. 120 : (à propos de quelqu'un qui a été condamné) :« Is omnibus ornamentisamissis, nunquam ullamhonestatis suae partem recuperabit ». Cf. encore Q . C i c , Pet., 38 ; M E T E L L . N U M . , ap. G E L L . , X V I I . , 2,7 : « Uli... xure atque honestate interdicti, ego... summa gloria fruniscor. » 7. C i c , Phil, V I I , 4. 8. C i c , Inu., I I , 107 ; S. Rose., 15. 9. C i c , Inu., I I , 33 ; Flac., 49. 1 0 . Mur., 60. 11. C i c , Arch., 14. 12. C i c , Lael, 84 : « Omnia insunl quae putant homines expelenda : honeslas, gloria, tranquillitas animi » ; Fam.. V, 8, 4. 13. Us sont associés dans un toxte des Histoires de S I S E N N A ( P E T E R . H. R. F., I , p. 292) : « Neque aetaiis granditatem neque ea mérita neque ordinis honestatem aut dignitatem sibi esse excusationi » ; cf. encore C i c , Mur., 21 : « Summa in utroque est honestas summa dignitas »;64 ; Sull. 73. Tusc, I I , 31 ; S U L P . R U F . , ap. Fam., IV. 5. 2. C'est également le sens qu'il a dans Q . C i c , Pet., 38. (Cf. le commentaire de H . S J O G R E N . Eranos, X I I I , 1913, p. 115.) Il est à noter qu'on le trouve, comme lumos et dignitas, au pluriel au sens de « magistrature » : C i c , Mur., 87 ; Sest., 109.

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répandu. Comme l'adjectif honestus dont i l dérive \ c'est dans le domaine moral qu'il trouve sa plus grande fortune : U y représente la qualité de celui qui pratique avec exactitude tous les devoirs , la moralité, l'honnêteté dans sa valeur la plus générale et i l s'y oppose fréquemment à turpitudo . La langue philosophique s'en est également emparé et elle en fait l'équivalent a'honestum pour traduire la notion aristotélicienne du « souverain bien » qui comporte les quatre vertus fondamentales dont j ' a i précédemment parlé . D'où vient cette orientation presque exclusive à'honestas vers le domaine philosophique et moral et son absence à peu près totale du vocabulaire poli­ tique où lwnos joue pourtant un rôle si important ? C'est que, à mon sens, dans ce vocabulaire, la place était prise dès l'origine par un autre terme qu'il n'a pu supplanter : Dignitas . 2

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B.

DIGNITAS.

Dans notre revue des vocables exprimant la « célébrité », nous sommes passés progressivement d'un mot indiquant purement et simplement la « réputation » qui résulte de l'estime suscitée par un personnage (existimatio) à des termes impliquant que cette « célébrité » est due à l'homme qui a fait preuve de sa uirius et qu'elle doit donner lieu à des actes qui soient la mani­ festation de la reconnaissance de ses concitoyens. Cet aspect de la « célébrité » chez les Romains est trè? important, puisqu'il est évidemment lié au système de la fides et qu'il correspond par conséquent à un aspect original de la pensée romaine. C'est dans ce domaine des devoirs à l'égard de l'homme « célèbre » que se situe aussi dignitas,

Au début du Bellum ciuile, César, exposant à ses soldats ses griefs contre Pompée, se plaint que celui-ci « cuius ipse honori et dignitali semper fauerit adiutorque fuerit » ( I , 7,1), ne veut pas « neminem dignitate secum exaequari » ( I , 4, 4) et i l exhorte en conséquence ses auditeurs « ut eius existimationem dignitatemque ah inimicis défendant » ( I , 7, 7 ) . I l apparaît ainsi que la 1 0

1. Sans doute par l'intermédiaire de *honesti-tâl-s par haplologie ; cf. E R N O U T - M E I L L E T , Dict étym., s. v. 2. E n effet honestas participe à la fois de honos : sens poUtique et de honestus : sons moral ; cf. K L O S E , op.

cit.,

p. 118

t

n.

26.

3. Off., 1,86 : « (Fortis ciuis) ita iustitiae honestatique adhaerescet ut... » ; V A L . - M A X . , I I , 6,4. 4. C i c , Off., I , 4 : « In (offlcio) colendo sita uitae est honestas » ; I , 98 ; I I , 1 ; I I I , 12 ; Gluent., 159 ; Rab. perd., 23 ; 24 ; Tusc., I I , 58 ; Fin., I I , 47 ; V, 64. Pour le détail, cf. Thes., VI, col., 2897. 5. Rh.Her., I, 6 ·, C i c , Inu., I, 20 ; 21 ; I I , 158 ; Cat. I I , 25;Tusc,II, 66 ; N E P . , Praef.,5; A P U L . , Plat., I I , 11 ; A u c , Ciu., D., I I , 26,1 ; VI, 73. 6. Cf. Liscu, Élude sur la langue de la philosophie morale chez Cicéron, pp. 148-152. 7. L A C T . , Inst., I I I , 8, 38 : « Aristotcles... uirtulem cum honesiaie summum bonum putauit» ; C i c , Fin., I I , 48 : « Qui honeslate summum bonum metianlur » ; I I I , 28 ; V, 22 ; Off., I , 6 ; Tusc, V, 6 2 ; S E N . , D i a L , V I I , 4 , 3 . 8. C i c , Inu., I I , 159 : « Habet honestas... parles quattuor : prudei-diam, iuslitiam, fortiiudinem, temperantiam. » Cf. encore Fin., I I , 48 ; Off., 1,152 ; I I I , 96. 9. Ceci me paraît plus vraisemblable quo de penser qu'au contraire c'est honestas qui a supplanté dignitas dans certains de ses emplois comme l'affirme H . D R E X L E R , Dignitas, p. 6. 10. Dans Ps. C A E S . , Afr., X L V , 3, un centurion déclare combattre ·ρτο dignitate uictoriaque Caesaris*.

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guerre civile a pour cause une lutte pour la dignitas entre Pompée et César et que ce terme est donc l'expression la plus parfaite de la prééminence politique ; mais en même temps, nous venons de voir dignitas associé d'une part à eanstimatio, d'autre part à honos ce qui indique qu'il exprime des notions proches. Cicéron nous montre de son côté que, dès leur plus jeune âge, les Romains faisaient tous leurs efforts pour obtenir la gloria et la dignitas \ et, dans une lettre à Lentulus Spinther, i l exhorte son ami à poursuivre cette même conquête, ce qui atteste également une certaine parenté entre gloria et dignitas. H existe donc entre dignitas et la notion de « célébrité » un incon-. testable rapport que soulignent de nombreux autres rapprochements entre ces différents termes. Pourtant, si nous parcourons rapidement un dictionnaire, la parenté des sens entre ces vocables ne nous apparaît guère. Dignitas est une notion beaucoup plus large que les précédentes et le mot trouve son emploi dans des domaines très divers : dans celui de l'esthétique, i l a le sens de « beauté » ; dans le vocabulaire de la rhétorique, i l signifie « l'ornement » ; dans le domaine moral, i l correspond au français « devoir » ; dans le vocabu­ laire politique enfin, nous verrons que deux de ses principaux sens sont : « mérites d'un homme politique et plus particulièrement d'un candidat aux élections », et « position d'un homme politique dans le cursus honorum ». Est-il possiWe de découvrir à travers cette diversité un élément qui donne quelque cohérence à la notion et permette d'en donner une explication rationnelle ? C'est ce que nous devons nous efforcer de déterminer. - Un recours aux données de l'étymologie ne nous fournit pas à première vue de lumière satisfaisante. Sans doute n'est-il pas douteux que dignitas dérive de l'adjectif dignus, mais l'explication de ce dernier ne va pas sans quelque difficulté. La plupart des modernes rattachent la famille dignus-dignitas à decet et expliquent dignus : « qui convient à » d'où « digne de » et « qui mérite » ; la dignitas serait la qualité de celui qui « est digne de » ou de « ce qui convient à » et correspondrait dans son essence à l'expression de la notion de « conve­ nance ». Mais cette explication n'est pas universellement admise. Certains philologues séparent dignus de decet, et, le rattachant à dico « montrer du doigt », lui donnent le sens premier de digito monstratus d'où « honoré », «'loué » et enfin « digne de ». Cette thèse a été énoncée au siècle dernier dans les Morphologische Untersuchungen d'Osthoff-Brugmann et elle a été reprise depuis par différents savants . Une synthèse de ces deux théories a été tentée par F. Skutsch qui, suivi par H . Wegehaupt , admet l'inter­ prétation traditionnelle qui rattache dignus à decet, mais attribue à ce dernier 2

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1. C i c , Cael., 72 :aCuius (= Caelius) prima aetas dedita disciplinae fuit iisqueartibus,quibus instituimur ad hune usum forensem, ad capessendam rem publicam,ad 1wnorem,gloriam,dignitatem.» 2. E R N O U T - M E I L L E T * Dict., étym., s. v. 3. O S T H O F F - B R U G M A N N , Morphologische untersuchungen auf dem Gebiete der indogermanischeu Spraehen, I V , p. 206. 4. E . F A Y . , A. J. Ph., X X X I , 1910, p. 415 ; Francis A . W O O D , Cl. Ph., I X , 1914, p. 155 ; N . - . W : D E W I T T , Language, X V I , 1940, p. 90. & Glotta, I I , 1910, pp. 158-159. 6. H . W E G E H A U P T , Die Bedeutung und Amcendung von « Dignitas » in den Schriften der'republikanisclien Zeit, Diss.Breslau, 1932, p. 5. :

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le sens primitif de « orner » ; i l se fonde spécialement sur plusieurs textes de Plaute où decet serait employé au sens de « orner », « parer », dans des expres­ sions du type Jiaec uestis me decet . Leur réserve à l'égard de la théorie traditionnelle tient au fait qu'ils voient mal comment a pu s'établir le rapport entre la notion de « convenance » qui s'attaehe à decet et les différents sens de dignitas . C'est ce rapport que je vais m'efforcer de déterminer. Constatons tout d'abord que la base de l'argumentation de Skutsch est extrêmement faible : haec uestis me decet peut tout aussi bien se traduire « ce vêtement me convient, me va bien » que « ce vêtement me pare, m'orne » comme i l le voudrait. Cela tient à ce qu'il y a entre les notions de « convenance » et d'« ornement » une étroite connexion : ce qui pare doit nécessairement être adapté à la personne qui en est parée et, à l'inverse, ce qui est bien adapté procure à l'oeil un effet agréable, à l'esprit un sentiment de satisfaction et de perfection. Mais i l est impossible de décider, à partir de ces seuls indices, laquelle des deux notions a précédé l'autre. Or nous nous apercevons que le sens de convenance apparaît peu ou prou dans la plupart des emplois de dignitas. Certes i l n'est que peu sensible dans le vocabulaire de l'esthétique où dignitas exprime la « beauté » et plus spécialement la « beauté du corps humain » : Cicéron et l'auteur de la Rhétorique à Herennius la citent parmi d'autres avantages physiques comme la santé, la force musculaire etc. . I l l'est bien davantage dans le vocabulaire de la rhétorique où la dignitas est l'harmo­ nie du geste de l'orateur et, plus spécialement sa convenance aux paroles qu'il prononce ou à l'éclat de sa voix ; le mot s'applique aussi au style même du discours, désignant tous les éléments qui contribuent à son orne­ ment , aie rendre beau ; mais d'où provient cette beauté ? de la conformité entre les ornements choisis et le genre de discours auquel ils doivent s'appliquer . 1

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1. Voici quolques-uns de ces textes : Most., 166 :« Contempla, amabo, mea Scapha, satin haec meuestis deceat» ;Most., 172 : * Quin me aspice et contemplant haec me deceaU ; Most., 173 : « Virtule formae id euenit, te ut deceat quicquid habeas» ; Most., 282 : « Agedum contempla aurum ei pallam, satin haec me deceat, ScapJia » ; Pers., 464 : « Tum hanc hospitam autem crepidula ut graphice decet » ; Amph., 1007 : « Ibo intro, ornatum capiam qui potis decet. » 2 . S K U T S C H , op. cit., p. 1 5 8 : « Abor der Zusammenhang von decet und dignus is bisher nur rein lautlich erfasst worden ; wie es um den Bodeutungszusammenhang stcht, hat noch niomand gesagt» ; ceci explique aussi la position de H . D R E X L E R , p. 21 qui déclaro qu'au point de vue du sens, dignitas n'a pas de rapport avec dignus mais se rattache à decus. 3. C i c , Inu., I I , 177 : « Corporis ualetudo, dignitas, uires, uelocitas» ;Rh. Her., I I I , 10:« Velocitas, uires, dignitas, ualetudo et quae contraria sunt » ; Ibid., I I I , 14. 4. C i c , Brut., 2 3 9 : « Actio uero eius habebat et in uoee nuignum splendorem et in motu summum dignitatem » ; Or., 5 6 : « Nam et infantes actionis dignilate eloquentiae saepe fructum tulerunt et diserti deformitate agendi multiinfantesputatisunt » ; Inu., I , 9 ; Brut., 250. 5. Rh.Her., I V , 1 8 : « Dignitas est quae reddit ornatam orationemuarietate dislinguens.Haecin uerborum et in sententiarum exornationem diuiditur. Verborum exornatio est quae ipsius sermonis insignita continetur perpolitione. Sententiarum exornatio est, quae non in uerbis, sed in ipsis rébus quandam habet dignitatem » ; De Or., 1 , 1 4 4 : « In quo praecipitur pnmum ut pure et latine loquamur, deinde ut plane et dilucide, tum ut ornate, post ad rerum dignitatem apte et quasi décore » ; I I , 3 2 0 ; I I I , 1 5 3 . Cf. C A U S E R E T , op. cit., p. 72, pour qui dignitas = ornatus orationis. 6. Groupe dignitas et pidchntudo : Rh.Her., IV, 32. 7. Rh.Her., I V , 1 6 : « Omne genus orationis et graue et médiocre et adlenualum, dignilate adficiunt exornationes de quibus post loquemur » ; I V , 6 5 : « Sermocinatio est, cum alicui personae sermo adlribuitur et is exponitur cum ratione dignitalis... Puto in hoc exemplo dalos esse unicuique sermones ad dignitatem accommodatos. » A rapprocher de Or., 70 : « Vienim in uita, sic in oralione nihil est difficilius

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La même notion de convenance se retrouve dans un certain nombre d'emplois qui touchent au domaine de la morale, ou, plus exactement, du comportement social. Dignitas y désigne l'attitude et les sentiments qui conviennent à un homme en fonction de sa situation. Cette valeur est tout à fait nette dans le seul emploi du mot que nous ayons chez Térence ; dans VHeautontimoroumenos, le vieux Chérmès déclare : «... nemost meorum amicorum hodie Apud quem expromere omnia mea occulta, Clitipho, audeam : Apud alium prdhibet dignitas, apud aiium ipsius facti pudet . » l

Ce sens de dignitas est également à plusieurs reprises celui de dignus chez le même auteur. Dans YAndriennc, le jeune Charinus souhaite à Dave : « Al tihi di dignum factis eodtium duint. » 2

« Puissent les dieux te donner une fin conforme à tes actions passées . » Dans le Phormion, le parasite dit à Démiphon : «... Tuis dignum factis feems Vt amici inter nos simus . » 3

« Tu agiras d'une manière conforme à tes actes en faisant régner l'amitié entre nous ». La dignitas d'un personnage, c'est donc l'attitude que l'on peut attendre de lui ; cette valeur est parfois morale , ainsi qu'il apparaît tout particuUèrement dans l'expression dignitas uitae ; i l y a aussi une dignitas sapientis qui doit guidei la conduite de ce dernier , Mais le plus souvent, sa valeur est simplement sociale et indique quel doit être le comportement d'un person­ nage placé dans une situation donnée, la convenance d'un acte àlapersonnalité de celui qui l'exécute ou aux circonstances dans lesquelles i l se trouve. Parlant des vols commis par Verres, Cicéron prête à ce dernier ce propos à l'égard de sa victime : « Non es dignus tu qui habeas quae tam bene factae sunt ; meae dignitatis ista sunt» , autrement dit, en traduisant avec une certaine liberté. : « Des œuvres d'une si belle facture ne conviennent pas à un homme de ta condition ; elles me conviennent en revanche tout à fait » ; César écrit au début de son récit de la traversée du Rhin : « Nauibus transir e neque satis tutum esse arbitrabalur neque suae neque populi Romani dignitatis esse statuebat» , ce que Constans traduit : « Les bateaux lui semblaient un moyen trop peu sûr, et qui 4

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quam quid deceat uidere. Π ρ έ π ο ν appelîant hoc Graeci, nos dicainus sane décorum ; de quo et multa praeclare praecipiuntur et res est cognitione dignissima » ; De Or., I , 71. 1. Heaut., v. 574-576. 2. And., 66. Même expression dans Phorm., 519. 3. Phorm., 430-431. Cf. Eun., 865 : « Non le dignum, Clxaerea, fecisti » et aussi Heaut., 107 ; Ad., 237. 4. C i c , Cael., 41 : « Alii cum uoluptate dignilatem coniungeiulampuiauerunt » ; α (Les Académi­ ciens et Poripatéticicne) ont pensé que l'on pouvait concilier devoir et plaisir » ; Sest., 138. Cf. oncoro Tusc., I I , 31 ; V, 45 ; Fin., I I I , 31 ; AU., V I I , 1 1 , 1 ; S E N . , Benef., IV, 16, 3 . 5. C i c , Sull, 73 ; Brut., 265. 6. C i c , Off., I , 67 ; De Or., I I , 346 ; Tusc, I I , 3 3 ; 4 8 . 7. C i c , Vm% I I , 4, 4 5 . 8 . C A E S . , Gall, IV, 1 7 , 1 . Même explication pour H I R T . , Gall, V I I I , 244. :

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convenait mal à sa dignité et à ceLlc du peuple romain». Mais on voit mal dans cette affaire le rôle de la « dignité du peuple romain » ; en revanche, ce que nous dit César lui-même dans le chapitre précédent (IV, 16,1) sur la croyance des Germains dans l'incapacité des Romains à franchir le Rhin, ainsi que ce que nous savons par E. De Saint-Dénis de leurs talents en matière de navigation \ nous conduit à penser qu'il faut comprendre : « Traverser par bateaux n'était pas une solution assez sûre ni qui l u i convînt, non plus qu'au peuple romain (s. e. en raison de son incapacité technique en ce domaine)». Le censeur C. Cassius (154 avant J.-C.) désirait placer une statue de la Concordia à la curie : « Res Ma, dit Cicêion,plenaiustitiae,sapientiae, dignitaiish,c'est-à-dire « cet acte était parfaitement adapté aux circonstances » ; Cicéron ajoute d'ailleurs lui-même un peu plus loin dans le même paragraphe : « Grande et louable intention ! I l pensait en effet inciter les Sénateurs à émettre leur avis sans passion partisane en plaçant le temple même où siégeait le conseil de l ' É t a t sous l'autorité sacrée de la Concorde ». Dans le Pro Murma, i l donne des conseils sur la manière de mener une campagne électorale : « Omnes enim artes quae nolis populi Romani siudia concilient et admirabilem dignitatem et pergratam utilitatem debent habere » ; i l faut comprendre : « ... doivent être admirablement adaptés au but poursuivi et avoir une très grande efficacité». Dans le Pro Cluentio, i l évoque le mariage de Aulus Aurius Melinius et de Cluentia : « Cum essent eae nuptiae plenae digniiatis, plenae concordiae » : « Cette union convenant parfaitement aux deux parties et étant parfaitement accordée » c'est-à-dire qu'il y avait dans cette union une parfaite convenance ; plus loin, c'est d'un autre mariage dont i l est question : celui de Magia et d'Oppianicus : « Quae nuptiae non diulumae fuerunt ; erant enim non mairimonii dignitate sed sceleris societate coniunctae » : « Cette union ne dura pas long­ temps ; elle n'avait en effet rien de ce qui convient à un mariage, mais tout de l'association de malfaiteurs ». On pourrait multiplier les exemples : notons pour finir ce passage où Plme le Jeune se plaint de la dégradation des mœurs électorales : « Non tempus loquendi, non tacendi modestia, non denique sedendi dignitas custodiebatur » : « On ne sait plus, n i parler à son tour, n i se taire quand i l faut, ni enfin se tenir à la place qui convient ». 3

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De l'examen de l'ensemble de ces textes, il me semble possible de tirer deux conclusions : 1) Le fait que le sens de « convenance » apparaisse dans des emplois aussi nombreux et variés nous autorise à penser qu'il n'est pas un développement sémantique de caractère secondaire mais qu'il est essentiel à la notion de dignitas. 2) Ce sens de « convenance » ne traduit pas seulement un rapport extérieur, une conformité plus ou moins accidentelle entre deux éléments donnés, mais 1. E . D E S A I N T - D E N I S , Le rôle de la mer dans la poésie latine, Thèse Paris 2 . C i c , Dom., 131. Même sens dans Q. F., 1,1, 26. 3 . C i c , Mur., 2 3 . 4. C i c , Cluent., 12. 5. Cf. Pexprc ssion française « faire un mariage de convenance ». 6. Ibid., 35. 7.

P L I N . , Ep.,

III,

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1936.

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ils'y lie la notion d'une sorte de «nécessité» qui rend ce rapport indispensable: à celui qui possède la dignitas, certains devoirs à l'égard des autres s'imposent,, mais les autres ont aussi des obligations envers lui. Ces devoirs, ces obligations, ce sont les officia. I l y a entre les notions à'officium et dignitas un rapport qui est bien marqué par Cicéron dans une lettre qu'il écrit à D . Torquatus : « Nec enim nos arbitror uictoriae praemiisductos patriam olim et liberoset fortunas reliquisse, sed quoddam nobis officium iustum et pium et debiium rei publicae nostraeque dignitatiuidebamur sequi »: ainsi la dignitas impose un officium et cet officium se manifeste à la fois par la pietas et la iustitia. Dans d'autres textes encore Vofficium apparaît imposé par la dignitas ; i l y a donc entre les deux notions un lien étroit que traduit leur association en un groupe coordonné dans lequel l'ensemble des deux mots prend parfois la valeur globale de « devoir ». On peut en inférer que dignitas appartient comme officium au vocabulaire de la fides et qu'elle suppose, entre celui qui la possède et son entourage, un système de relations, celui même qui. est fondé sur la fides. Ainsi les membres d'un municipe se jugent tenus, au nom. de la dignitas, de défendre en justice un de leurs compatriotes , ce qui est un des formes les plus connues de Vofficium ; la base de cette obligation est doncla fides. H y a une dignitas des témoins, qui ont justement pour but de provo­ quer la fides et Vindignitas est la qualité de ceux en qui on ne peut avoir confiance . I l semble bien aussi que ce soit le souci de la fides qui pousse César à ravager au nom de la dignitas le territoire d'Ambiorix . A plusieurs reprises, une relation au moins extérieure est établie entre les deux n o t i o n s . La dignitas est aussi rapprochée de la iustitia dont nous avons vu qu'elle régit les rapports institués parla fides. 1

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Qu'il y ait entre dignitas et fides un lien intime, qui remonte aux origines 1. Fam.,Vl,l,3. 2. Cio., Fam., V, 5, 2 : « Ego si als te summa officia desiderem, mirum nemini uideri débeat Omnia enim a me in te profecta sunt quae ad tuum commodum, quae ad honorem, quae ad dignitatem pertinerent » ; Sest., 2 3 ; Fam., I I I , 9 , 1 ; IV, 6 , 1 . 3. CH. C i c , Ait., X I V , 7, 2 : « Id cum ad officium nosirum tum ad exislimationem et dignitatem periinet. » 4. C i c , Verr., I , 2 7 : « An me taciturum tantis de rébus existimauistis el me in tanto rei publicae existimationisque meae periculo cuiquam consulturum potius quam officio et dignitati meae » ; Verr., I , 2 3 : « De officio ac digniiate decedis » ; Att., V I I , 17, 4 : « Non deero officio nec dignitati meae. » 5. C i c , Cluent., 4 9 . 6. Cf. supra, pp. 157 sq. 7. C i c , Font., 3 2 ; Cad., 63. 8. Vai.,1. 9. H U I T . . Gall., V I I I , 2 4 , 4 : « Proximum suae dignitatis esse ducebat, adeofineseius uastareciuibus, aedificiis, pecore ut odio suorum Ambiorix, si quos fortuna reliquos fecisset, nuïlum reditum prqpier iantas calamiiates haberet in ciuitatem. » 10. Ainsi dignitas et fides dont associés dans C i c , Fam., X I I I , 5 9 : « In eius controuersiis quid décernas a te non pelo : seruabis ut tua fides et dignitas postulat, ediclum et institutum tuum*. Cf. encore Fam., X I I I , 32, 2 ; 5 3 , 1 = formule « quod (ou quantum)fidestua dignitasque pedietur » ; B A L B . et O P P . , ap. C i c , Att., I X , la, 2 ; Fin., I I , 7 6 ; Ps. C A E S . , Alex., X X V I , 1 ; Ιαν., X X X V I , 2 6 , 3 ; T A C , Ann.,

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11. C i c , Inu., I I , 160 : « Iustitia est habitus animi communi utilitaie conseruata suam cuiqueiribuens dignitatem », c'est-à-dire quo quisque dignus est. Cf. aussi Off., 1 , 4 2 : « Videndum est enim... ne maior benignitas sit quam facultates, tum ut pro digniiate cuique tribuatur. Id enim est iustitiaefundamenlum. » Cf. W E G E H A U P T , op. cit., p. 37.

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mêmes de la notion, ne paraît donc pas douteux. Aussi bien, nous allons voir que seul ce lien est susceptible d'expb'quer certains emplois particuliers, et à première vue obscurs, de dignitas dans le vocabulaire de la rhétorique et de l'esthétique. Dans ce dernier vocabulaire notamment, dignitas, qui a le sens général de « beauté », ne désigne pas une beauté quelconque, mais la « beauté masculine » par opposition à uenustas qui est la « beauté féminine ». La même antithèse dignitas-uenustas est attestée dans le domaine de la rhéto­ rique . Or, dans sa thèse sur La religion romaine de Vénus depuis les origines jusqu'au temps d'Auguste , p. 54 sq., M . R. Schilling remarque que « tout se passe comme si deux courants idéologiques avaient modelé l'expression des invocations religieuses à Rome : un courant fondé sur la fides et un courant fondé sur uenus. A chacun appartient respectivement un vocabulaire qui reflète une mentalité spécifique ». N'est-il pas vraisemblable que ce double courant n'est pas limité au vocabulaire religieux et qu'il se manifeste aussi dans d'autres domaines ? On peut, dans ces conditions, penser qu'avec uenustas-dignitas, l'on a affaire à l'une de ces oppositions et, uenustas corres­ pondant à uenus, que dignitas appartient effectivement au vocabulaire de la fides. Dans le domaine religieux, fides conditionne un système de rapports entre hommes et dieux fondé sur le vieux principe do ut des ; i l y a dans les actes du culte, ce que Dumézil, rappelant la célèbre scène de marchandage religieux entre Numa et Jupiter rapporté par Plutarque (Numa 15) et Ovide (Fastes V, 339 et sq. ) , a nommé un « commerce divin » . Or l'apparte­ nance de dignitas et surtout de dignus au vocabulaire cultuel de la fides me paraît évidente d'après quelques textes. En effet dignus comporte lo suffixe —no— qui, comme le suffixe — to—, sert à former une catégorie d'adjectifs verbaux ; le sens premier de cet adjectif paraît être « qui est dû » et p us précisément « qui est dû au titre de Y officium». Nous le lisons avec cette valeur chez Plaute et chez Virgile, dans le premier discours d'Enée à Didon, en une phrase où i l se trouve en rapport avec pietas et iustitia . Mais le texte le plus intéressant est sans conteste celui d'un monument trouvé dans la région de Rieti et vraisemblablement dédié à Hercule par le consul L . Mum1

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2. C i c Off., 1,130 : « Cum autem piilchritudinis duo gênera sint, quorum in àltero uenustas est, in àltero dignitas, uenustatem muliebrem ducere debemus, dignitaiemuirilem » ; Off., 1,107. 3. C i c , De Or., 1,142 ; I I I , 178 ; Or., 60. 4. R . S C H I L L I N G , La religion romaine de Vénus depuis les origines jusqu'au temps d'Auguste, Paris, do Boccard, 1954, 442 p. 5. Numa s'est rendu maître de deux divinités, Picus et Faunus, qui, par leurs charmes, ont, sur l'ordre de Numa, contraint Jupiter à descendre sur terre. Jupiter, irrité de la violonco qui lui est faite, veut imposer à Numa un sacrifice humain, et, pour ce faire, i l lui indique, qu'en expiation de son acte i l doit lui offrir des têtes — D'oignons, interrompt vite l'astucieux Numa — Non, d'hommes, insiste le Dieu — Alors je t'offrirai des cheveux, continue Numa — I l faut qu'elles soient vivantes, précise Jupiter — Je te sacrifiorai donc des mendoles vivantes, concèdo Numa. 6. G. D U M É Z I L , Mitra-Varuna, p. 73. 7. M E I L L E T - V E N D R Y E S , Traité..., p. 382, § 573. 8. P L A U T . , Trin., 830 : « Hoc dis dignum est. » 9. V I R G . , Aen., I , 603-605 : « Di tibi, si qua pios respectant numina, si quid usquam iustitia est et mens sibi conscia recli, praemia digna ferant. » « Que les dieux... te récompensent comme tu le mérites (Bellessort). M

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m i u s ; la métaphore de « la dette » s'y trouve si largement développée que certains l'attribuèrent à un hypothétique L . Munius, mercator Reatinus . Nous avons à travers toute la latinité de nombreux témoignages de ce sens de dignus, dans des textes qui n'ont point un caractère religieux, mais où la traduction par « digne » n'offre pas un sens satisfaisant, alors que « dû » convient parfaitement ; dans une lettre de Pline le Jeune, le rapport avec fides est même formellement é t a b l i . Dans quelques cas la nuance est quasijuridique : ainsi en est-il de la phrase suivante de Salluste (Cat, L I , 8) : « Nam si digna poena pro factis eorum reperitur » que l'on peut traduire littéralement : « Si l'on peut trouver la peine qui leur est due en raison de leurs forfaits . » D e tels emplois se dégage le sens de « qui est mérité »; c'est sans doute à partir de lui que s'explique la substitution au complément au datif qu'appelait le sens de « dû » , du complément à l'ablatif ainsi quele montre par exemple le vers suivant de Térence (Hec, 209) : « An quicquam pro istis factis dignum te dici potest » : « Rien peut-il être dit qui ne soit mérité par toi en raison de ta conduite déshonorante. » On remarquera que dans tous ces textes dignus se rapporte à un terme abstrait ; mais son emp'oi s'est étendu aux noms de personne, désignant a^rs « celui à qui est dû » d'où « qui mérite » ; l'usage en est très courant et, avec ce sens aussi, est attesté le rapport avec fides . Le sens usuel de « digne» s'est 2

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74)

Sancte De decuma, Victor, iibei Lucius Mumius donum moribus antiqueis pro usura *hoc dare sese ; uisum animo suo perfecit tua pace, rogans te cogendei dissoluendei tu ut facilia faxseis, Perficias, decumam ut faciat uerae rationis, proque hoc atque alieis doneis des digna merenli *pro usura inscr. : pro misera t, Mommsen, Bùcheler, Ernout. Sur cette inscription, cf. B Ù C H E L E R , Rh. Mus., X V I I I , 1863, p. 776 ; L I N D S A Y , Phiïoî., L I , p.

364 2.

; B I R T , Rh. D E S S A U , ad

Mus.,

LIV,

1899,

p.

1892,

213.

Joc.

3. Citons notamment les groupes digna merces : L i v . , X X I , 4 3 , 1 0 ; S E N . , Dial., I V , 1 2 , 5 ; dignum praemium : V I R G . , Aen., X I , 8 5 6 ; Ον., Fast.,1,678\dignumpretium : Lrv., X X X I I , 4 , 6 ; Q U I N T . , Inst. or., X I I 6, 7 ; dignum munus : S E N . , Benef., I , 9 , 1 . Cf. aussi V I R G . , Aen., I , 6 0 0 : t Grates persoluere dignas. » 4. P L I N . , Ep., I I I , 9, 2 3 : « Eodem senatus consulto industria, fides, constantia nostra plmissimo iestimonio comprobata est, dignum solumque par pretium tanti îaboris. » 6. Cf. aussi lug., L X I I I , 8 : « Rusus coepit ftectere animum suum et ex mala conscientia digna timere » ; Rh. Her., IV, 1 2 ; Juv., X V , 1 3 0 ; A P U L . , Met., V I I I , 1 2 , etc.... 6. C A T U L . , L X V I , 41 : « Digna ferat quod si quis inaniter adiurarit » ; V I R G . , Aen., I I , 144 : « Miserere animi non digna ferentis. » 7. La réaUté d'une telle construction, discutable lorsqu'il s'agit de pluriels en —is ou en —bus, mo paraît démontrée par des phrases comme S E N . , Benef., I , 9 , 1 : « Expediam dignum nihilo minus huic uiro munus » où, en dehors de toute autre considération, la place de huic uiro montre qu'il no peut dépendre que de dignum ; V I R G . , Aen., X I , 856-857 : α Capias ut digna CamiUae praemia », dans laquelle i l est vraiment impossible de voir en CamiUae autre chose qu'un datif complément do dignum. Cette construction n'a donc pas, à mon sens, à être expliquée par l'influence analogique de aptus, idoneus,Qïa.... comme l'affirment E R N O U T - T H O M A S (Syntaxe § 90) qui n'en citent d'ailleurs que des exemples tardifs. Ainsi dans El. fun.d'une matr. rom, l,4G,*condicionem dignamfamiliae uestrae >, familiaeeBt un datif et non un génitif comme le pense A. E R N O U T , R. Ph., X X V , 1951, p. 74. 8. P L A U T . , AS., 1 4 8 : « Te ego ut digna es perdam » : « Je te perdrai comme tu le mérites » ; T E R . , Ad., 5 8 7 ; 919 ; Eun., 1 0 5 2 ; Τ Γ Π Ν . , Com., 7 9 ; C i c , Imp. Pomp., 5 2 ; Arch., 6 ; Plane., 1 0 ; P O L L . , ap. Fam., X , 3 1 , 2 . 9. T E R . , And., 230 : « Nec salis digna cui commutas primo partu mulierem » ; P L A U T . , As., 8 0

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développé aussi bien à partir de celui de « mérité » que de celui de « qui mérite ». Voyons maintenant si decet peut aussi se rattacher à cette valeur primitive et si la parenté dignus-decet peut par conséquent être établie. Nous en obser­ vons déjà un net indice dans les cas nombreux où dignum est est employé avec le sens de decet ; Plaute les emploie même conjointement . Quand à Cicéron, i l en donne une définition qui correspond totalement à la valeur de dignitas spécialement dans le vocabulaire de la rhétorique, . Or i l est possible de constater par ailleurs que decet participe également de la notion de « dette ». Ainsi, lorsque Plaute fait dire, dans le Trinummus (v. 490), à Philton : « Deos decet opulentiae et factiones », i l convient à mon sens de comprendre que les opulentiae et les factiones représentent pour les dieux une sorte de dû auquel leur donne droit la fides dont ils sont pourvus en tant que dieux. Dans le vers suivant de Naevius, Com., 22 : « Suopte utrosque (hospites) decuit acceptes .cibo », decet paraît bien se rapporter aux devoirs de l'hospitalité, qui sont régis par la fides. Plaute met aussi Je mot en relation avec l'exercice de la iustitia dans le prologue d'Amphitryon (v. 35) : « Iniusla ab iustisimpetrarinon decet » ; i l n'est peut-être pas indifférent au surplus de rappeler que c'est un dieu qui prononce cette parole. Decet lui-même a parfois la valeur de « i l est juste avec même une nuance très proche de « cela est un dû » . Je pense donc que la parenté entre decet et dignus-dignitas ne peut être mise en doute et que ces mots appartiennent tous au vocabulaire de la Mes exprimant le rapport contractuel d'obligations qui se crée entre deux hommes ou deux groupes d'hommes, ou entre les hommes et les dieux. Le sens premier de decet, dans sa valeur transitive, doit être « est dû » ou « revient à » ; dignus signifie « qui est dû », puis « celui à qui est dû » ; quant à dignitas, i l implique la notion d'une sorte de « contrat » d'où résulte la nécessité de certain» rapports concrets ou abstraits . Dans le domaine de l'esthétique, i l y a deux sortes de 1

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*Praesertim quom is me dignum quoi concrederet » ; Lrv., V I I I , 26. 6 : « Quibus dignius crediest. » Sur le rapport credo-fides, cf. A. M E I L L E T , M. S. L . , X X I I , 1920, pp. 215-218. 1. P L A U T . , Pseud., 1 0 1 3 ; T E R . , Phorm., 4 0 2 ; 4 3 8 ; V I R G . , Georg., I I I , 391 ; Liv., X X X , 45, 5 ; Ον., Met., I I I , 311 ; Q U I N T . , Inst. or., X I , 3 , 1 4 8 . 2 . P L A U T . , Most., 52-53 :*DignissumumsLfDecet me amare et te bubulcitarier* ; As., 80-81 : « Praesertimquom is me dignum quoi concredereif liabuit, me habere honorem eius ingénia decet. » 3. C i c , Or., 74 : « Decere quasi aptum esse consentaneumque tempori et personae ; quod cum in factis saepissime tum in dictis ualet, in uultu denique et gestu et incessu, coniraque item dedecere. » 4. P L A U T . , Rud., 702 : « Venus aequom est haspeiere inteïïego, decet abs te id impeirari » ; Mil., 7 2 3 ; Trin., 1045. 5 . P L A U T . , Bacch., 640 : « Hune hominem decet auro expendi, huic decet statuam statui ex auro » ; Poen., 258-259 : & Iam nunc me decet donari cado/Vini uetei'is. » 6 . Ce.sens est d'ailleurs attesté dans un texte, il est vrai tardif : R U F I N . , Basil.reg., 1 7 0 : « ο σ ι ο ν id estsanctum uel dignum esse arbitror hoc quod decet etdebetur ab inferioribus deferri superioribus. » 7.. Cette conception du sens de decet et de dignitas offre l'avantage accessoiro de permettre la solu­ tion du problème de l'étymologie de dexter. Ce mot est on effet rattaché à la racine *dec— par W A L B E T H O F M A N N , mais E R N O U T - M E I L L E T , qui ne disent mot de cette étymologie dans les premières éditions de leur Dictionnaire, ne la signalent qu'accompagnée d'un point d'interrogation dans la dernière; Au reste personne à ma connaissance n'a donné de justification sémantique d'une fiUation *déc-r—fdéxter. Or les textes nous montrent que la main droite avait une grande importance dans la Uturgie.de la fides (cf. supra, p. 2 7 ) ; d'après O T T O , R. Ε., V I , 2 2 8 3 , l'histoire de Mucrus S C A E V O L A estarattacherà la notion de fides ; le temple do Drus J F I D I U S est sur le Collis Miicialis (cf. D U M É Z I L , Mitra-Varuna, p. 174). L a main droite est donc la main qui lie, celle qui crée le contrat dé fides entre .les parties intéressées. Par le fait:même, l'étymologie. do sinisier peut aussi être résolue. On

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beautés : l'une d'essence mystérieuse et quasi-magique, qui produit une atti­ rance indéfinissable, inanalysable ; l'autre qui résulte de l'accord exact, de l'harmonie parfaite entre l'objet et la fonction qu'il doit remplir ; cette valeur me paraît exprimée par le texte suivant du De Oratore où Cicéron nous indique que la dignitas est la conséquence de Vutilitas et de la nécessitas : « Capitoli fastigium illud et ceterarum aedium non uenustas sed nécessitas ipsa fabricata est Nam cum esset habita ratio quem ad modum ex utraque tecti parte aqua delàberetur, utilitatem templi fastigi dignitas consecutaest ». Dans le vocabulaire de la rhétorique, la dignitas caractérise tout ce qui est propre à provoquer la fides : éloquence d'un discours, force d'un témoignage etc. Qu'il n'y ait d'ailleurs pas de différence fondamentale entre les divers aspects de la dignitas et qu'il s'agisse d'une conception qui baigne tous les rapports est attesté par le fait qu'ils sont parfois rapprochés et confondus . 1

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Les emplois de dignitas dans le domaine politique et social sont, eux aussi, directement en rapport avec cette valeur générale ; i l exprime par conséquent que l'homme politique, en tant qu'il la possède, a droit à la reconnaissance de sa supériorité et de ses mérites et aux témoignages d'estime qu'elle doit susciter ; mais i l indique aussi qu'il est lui-même soumis à certaines obli­ gations . 1) Dignitas désigne tout d'abord la convenance de l'homme politique aux fonctions qu'il occupe ou qu'il désire remplir, et par voie de conséquence, le -droit qu'il a à cette situation. Cette valeur est parfaitement mise en lumière par Salluste qui évoque en ces termes la carrière de Marius : « Semper in potestatibus eo modo agitabat ut ampliore quam gerebat dignus uideretur . » La dignitas est la qualité de celui qui est digne de remplir une fonction . Le mot 4

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•peut pour ce mot admettre l'hypothèse quilo rattache à sine et considérer qu'il désigne, par l'expres­ sion d'une différenciation que marque le Bufflxe —1er, la main qui est « sans valeur » pour le contrat. 1. Cio., De Or., I I I , 180. Sur le rapport entre utilitas et dignitas, cf. aussi le texte de C i c , Mûr., 2 3 cité p. 392 et Lrv., X X X I V , 57, 5 : « T. Quinctio mandatwn, ut adhibitis Us legatorum régis uerba audiret responderetqueiis, quae ex dignitate atque utiîitate populi Romani responderipossent » ; P L I N . , Paneg., L X X V , 3 : « Has uero et in uulgus exire et posteris prodi cum ex utiîitate tum ex digni­ tate atque utiîitate populi Romani responderi possent. » Cf. encore Rep., I I , 51 ; B A L B . , ap. C i c , Att., I X , 76, 2 ; N E P . , Them., V I , 1. 2 . Cf. supra, p. 393. A noter que dans C i c , Brut., 325 uenuslae senlentiae est opposé à graues senteniiae. Sur le rapport de grauitas, ëloquentia et fides, of. supra, p. 280, pp. 2 8 7 sq. 3. Par exemple confusion de l'aspect esthétique et de l'aspect politique : C i c , Dom., 49 : « 0 speciem dignitatemque populi Romani, » Sur cet emploi, cf. infra, p. 405 et P. B O Y A N C É Cum dignitate.otium, p. 189, n. 5 ; confusion de l'aspect rhétorique et de l'aspect moral et social : C i c , Or., 71 : « Est autem quid deceat oratori uidendum non in sententiis solum sed eliam in uerbis. Non enim omnis fortuna, non omnis honos, non omnis auctoritas, non omnis aetas, nec uero locus- aut iempus aut auditor omnis eodem aut uerborum génère tractandus est aut sententiarum semperquein Omni parte orationis ut uitae quid deceat est considerandum ; quod et in re, de qua agitur, positum est, -et in personis et eorum qui dicunt et eorum qui audiunt. » 4. Contrairement à ce qu'affirme, par exemple, R . R E I T Z E N S T E I N qui ne reconnaît quo lo premier •des doux sens ; cf. Die Idée des Prinzipats, p. 4 3 1 : « D o r Begriff dignitas setzt in der Tat immor der Anspruch auf Lohn woraus. » . 5. S A L L . , Iug., L X I I I , 5. 6. C i c , Agr., I I , 2 : « Qua re dignus ueslro sumtno honore singularique iudicio sim, ipse modico dicàm, si necesse erit » ; Plane., 5 0 : « Equidem primum ut honore dignus essem semper laboraui... Terlium mihi fuit illud quod plerisque primum est, ipse honos, qui Us denique débet esse iucundus, quorum dignitati populus Romanus testimonium, non beneficium ambitioni dédit. »

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s'emploie tout particulièrement à propos des candidats aux élections ; l a campagne éelctorale prend le forme d'une contentio dignitatis, c'est-à-dire d'une discussion et d'une rivalité sur les titres respectifs des candidats ;«Pecunia omnium dignitatem exaequat » : « L'argent nivelle les mérites de tous >>, dit Cicéron des candidats au consulat de 53 , et, dans le 2 Discours sur la loi agraire, i l déclare ne devoir son consulat qu'à sa seule dignitas . Le candidat le plus valeureux a la summa dignitas ; dire comment i l peut y parvenir, tel est le but du Oommentariolum Petitionis de Quintus Cicéron . L'accession au Sénat est, elle aussi, la récompense de la dignitas . C'est en fonction de leur dignitas que sont choisis les nouveaux sénateurs institués par Sylla . L'appréciation de leur dignitas était attribuée aux censeurs qui procédaient ainsi au delectus dignitatis . On voit que, dans ces conditions, la dignitas est elle aussi en rapport avec la uirtus et i l arrive que les deux mots soient employés avec la même valeur · Cependant la dignitas apparaît le plus souvent comme le résultat de la uirtus en g é n é r a l ou de certaines uirtutes particulières . Parmi ces dernières, i l faut faire une place toute particulière au labor, à Yindusiria, c'est-à-dire à l'apport personnel du candidat, à ses efforts pour se faire la place à laquelle i l estime avoir d r o H Le rapport entre uirtus et dignitas apparaît avec une particulière netteté dans cette phrase où Cornélius Nepos parle de Thémis1

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1. C i c , Mur., 11 ; 14 ; Plane., 6 ; 8. Cf. aussi Off., I , 38 : « Certamen honoris et dignitatis. » 2. Cic., AU., I V , 15, 7. 3. C i c , Agr., I I , 3 : «... ut uester honos ad mei iemporis diem petitus, non ad alienae petitionis occasionem intercepiu-s, nec diuturnis precibus efflagitatus sed dignitate impclratus esse uideatur. » 4. C i c , Mur., 76 ; Lrv., I V , 16,8. 5. Pet., 2 ; 6 ; 13 ; 18 ; 36 ; 38 ; 52 ; 55. Notons que sur les proclamations électorales relevées à Pompéi, les candidats se déclarent fréquemment dignus re publica : E . D I E H L , Pompejanische Wandinschriften, n° 137 ; 147 ; 148 ; 151 ; 154 ; 156 ; 170 ; 177 ; 182 ; dignus Ivonore : ibid., n° 143. 6. C i c , Verr., I I , 3,184 : « Tametsi cum in eo ordine uideamus esse multos non idoneos, qui ordo indusiriae propositus est et dignitati. » 7. C i c , S. Rose, 128. 8. C i c , Dom., 131 : « Censor enim pênes quem maiores nostri... iudicium senatoriae dignitatis esse uoluerunt. » 9. C i c , Cluent., 128 ; Off., I , 45. 10. Groupe uirtus-dignitas : C i c , Verr., I I , 4, 90 ; Imp. Pomp., 59 ; Sest., 89 ; Plane, 6 ; Phil., X, 20 ; Q. C i c , Pet., 55. 11. C i c , Part, or., 28 : « Meritis nostris efferendis aut digniiate aut aliquo génère uirtutis » ; Phil, X I I I , 7 : « Nullius apud me, Patres conscripti, auctoritas maior est quam M. Lepidi uel propler-ipsius uirtutem uel propter familiae dignitatem ». Cf. aussi T E R . , Heaut., 576 ; Fam., V I , 11, 2. Sur la syno­ nymie de uirtus et dignitas, cf. L E P O R E , op. cit., p. 368, n. 270 ; W E G E H A U P T , op. cit., p. 9. 12. C i c , Fam., I , 5, 4 : « Tuae sapientiae magnitudinisque animi omnem ampliiudinem et dignita­ tem tuam in uirtule atque in rébus gestistuis atque in tua grauiiaie positam existimare* ; Fam., X I I , 25, 2 : « Te tuam dignitatem summa tua uirtute tenuisse » ; Cluent., 111 : «Si quisignobili loco naius ita uiuit ut nobilitatis dignitatem uirlute tueri posse uideatur. » 13. C i c , Q. F., I , 1, 18 : « Qua re sint haec fundamenta dignitatis tuae, tua primum iniegritas ei continentia, deinde omnium qui tecum sunt pudor, dilectus in familiaritatibus et prouincialium hominum et Graecorum percautus et diligens, familiae grauis et constans disciplina » ;Mur., 15 : « Summam uideo esse in te, Ser. Sulpici, dignitatem generis, integntatis, indusiriae ceterorumque ornamentorum omnium quibus freium ad consulatus petittionem adgredipar est» ; Fam., I I , 18,1 : « Quae quidem ( = dignitas ) aie ipso integritate ei clementia tua sic amplificaiaest ut nihil addi posse uideatur. » 14. S A L L . , Cat., X X X V , 3 : « Quod fruciu labons industriaeque meae priuatus statum dignitatis non obtinebam » ; Phil. V I I , 7 : Omne enim curriculum industriae nostrae in foro, in cuna, in amicorum periculis propulsandis elaboraium est ; hinc honores amplissimos, hinc médiocres opes, hinc dignitatem, si quam habemus, consecuti sumus » ; Q. F., I I , 15, 1 ; Verr., I I , 3, 184. Sur ces notions, cf. supra, pp. 248-249 ; 253 et n. 10.

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tocle : « Hic cum propter eius uinutes magna cum dignitate uiueret \ » Ainsi uirtus exprime les qualités proprement d tes de l'individu, sa valeur profonde, dignitas en est l'aspect extérieur, l'impression qu'elle produit sur son entourage : elle est la métamorphose sociale de la uirtus . ;

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En revanche dignitas s'oppose aux éléments purement matériels de la capacité politique . Ces derniers sont notamment constitués par les voix que le candidat a su gagner, en dehors de toute considération de valeur personnelle, par l'habileté avec laquelle i l a su mener sa campagne ; ils sont désignés en gros par le mot gratia . Dignitas et gratia sont plusieurs fois associés comme désignant les deux éléments qui peuvent provoquer le succès du candidat ; mais Cicéron les distingue clairement dans cette phrase du Pro Murena (§ 17) : «... ut cum duobus patriciis, altero improbissimo atque audacissimo, altero modestissimo atque optimo uiro petexem, superaui tarnen dignitate Catilinam, gratia Galbam. » La dignitas est la conséquence de la uirtus, la gratia celle de l&fortuna, terme que l'on peut entendre de diverses façons, mais en tout cas comme un élément extérieur à la personnalité . Quintus conseille au can­ didat de se contenter du secours de la dignitas, s'il ne peut obtenir celui de la gratia . Cicéron, pour sa part, reconnaît un rôle utile à la gratia, ne seraitce que pour venir au secours de la dignitas et la soutenir , et, tout en attri­ buant à la dignitas plus de valeur , i l lui arrive pour les besoins de la cau­ se de feindre autant de considération pour la gratia . On se rend compte que, dans ces conditions, dignitas est lié par une étroite parenté à tous les termes qui expriment la notion de « célébrité ». J'ai relevé 3

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1. N E P . , Them., V I I I , 2 . C I C É R O N insère le mot dans une série do termes se rapportant à l'attitude de l'homme politique vis-à-vis de son entourage : Sull., 73 : « Quid reliquam conslaniiam uitae commemorem, dignitatem, liberalitatem, moderationem in priuatis rébus, splendorem in publicis. » 3 . S A L L . , Ad Caes., I I , 7, 1 0 : « . . . neque praetor neque consul ex opulentia, uerum ex dignitate creeiur ». A rapprocher du texte de C I C É R O N , Att., I V , 15, 7 cité p. 3 9 8 . Cf. aussi Phil., V I I , 7 ; p. 398, n. 14. 4. Supra, pp. 202 et sq. 5. C i c , Plane., 3 2 : « Cum sit Cn. Plancius is eques Romanus, ea primum uetustate equeslris nominis, ut pater, ut auus, ut maiores eius omnes équités Romani fuerint, summum in praefectura florentissima gradum tenuerinl et dignitalis et gratiae » ; Q. F.. I I , 15, 1 : « Ex hoc labore magnam graiiam magnamque dignitatem sim conlecturus ». Cf. encore Mur., 17 ; 47 ; N E P . , AU., V I , 2 et, en dehors do toute considération électorale,Z>e Or., 1 , 1 9 8 ; AU., IV, 19, 2 ; C A E S . , Gall., I, 4 3 , 8 ; V I , 1 2 , 6 ; V I I , 5 4 , 4 ; Ciu., I I I , 8 3 , 1 ; Ps. C A E S . , Alex., L V , 2 ; Lrv., X X I I I , 8 , 9 ; S E N . , Ep., L X X V I , 6. 6. N E P . , AU., X X I , 1 : « Cum... ad extremam senectutem non minus dignitate quam gratia fortunaque creuisset » que l'on rapprochera de C i c , Marcel., 1 9 : « Tantus est enim splendor in laude uera, iantain magnitudine animi et consili dignitas, ut haec a Virtutedonata, cetera a Forlunacommodata esse uideaniur ». Cf. aussi l'opposition dignitas-ambitio : C i c , Plane., 5 0 ; AU., 1 , 1 7 , 6. 7. Q. C i c , Pet., 18 : « Deinde sunt instituendi cuiusque generis amici, ad speciem homines illustres honore ac nomine, qui etiamsi suffragandi studia non nouant ( = gratia), iamen adferunt petitori aliquid dignitatis ad ius optinendum magistratus.... » 8. C i c , AU., 1 , 1 7 , 6 : « Maxime deest... ut dignitatem tueri gratia- possim. » 9. Dans Plane, 7, il attribue une influence plus grande à la dignitas qu'à la gratiaazns les élec­ tions importantes. Sur le caractère « occasionnel» de cette opposition, cf. W E G E H A U P T , op. cit., p. 19. 10. C i c , Plane, 46 : « Ego Plancium. Laterensis, et ipsum gratiosum esse dico et habuisse in petir tione multos cupidos sui gratiosos ; quos tu si sodalis uoeas. offîciosam amicitiam nomine inquinas criminoso ; sin, quia gratiosi sint, accusandos putas, noli mirari te id, quod tua dignitas postulant, repudiandis gratiosorum amiciiiis non esse adsecutum. » 2.

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à leur place les contacts avec existimatio \ fama , laus ; mais i l est néces­ saire d'insister plus particulièrement sur le rapport entre dignitas et gloria. Considérées toutes les deux comme la récompense de la uirtus, i l est naturel qu'elles soient parfois mises sur le même plan ou même purement et simple­ ment confondues. Par exemple, dans la l Philippique (§ 31), Cicéron, qui vient de rappeler à Dolabella la gloire qu'il s'est acquise pour avoir ramené l'ordre après les émeutes qui ont suivi le meurtre de César, conclut : « Hanc tu inquam potuisti aequo animo tantam dignitatem deponere». H dit de lui-même en évoquant son consulat : « Ego autem, ut semel Nonarum ïllarum Decembrium iunctam inuidia ac multorum inimicitiis eximiam quandam atque immortalem gloriam consecutus sum, non destiti eadem animi magnitudine in re publica uersari et illam institutam ac susceptam dignitatem tueri . » Cependant ces textes mêmes nous suggèrent que la dignitas représente un degré de plus que la gloria et que cette dernière engendre la dignitas, ainsi que nous le montre d'ailleurs une phrase du début du Commentariolum Petitionis (§ 2) : « Nominis nouitatem dicendi gloria maxime subleuabis. Semper ea res plurimum dignitatis habuit . » Cela veut dire que, conformément à la valeur étymo­ logique que j ' a i cru déterminer pour ce terme, dignitas marque mieux que ne lo fait gloria la permanence de la « célébrité » acquise par l'homme pob'tique et les 4ioits que de ce fait i l possède. 2

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2) Ceci me conduit à examiner le deuxième des sens de dignitas dans lo vocabulaire politique. H y désigne en effet — et c'est même la valeur essentielle du mot dans ce domaine—la position qu'occupe le nobilis dans ce qu'il est convenu d'appeler « l'échelle sociale ». I l y a en effet des gradus dignitatis . Le degré de dignitas est commandé par l'accès aux magistratures : celui qui exerce ou a exercé le consulat ou en tous cas de très hautes charges a Vamplissimus , Valtissimus gradus dignitatis ou encore la prima , Vexi7

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1. Supra, p. 363, n. 11. 2. Supra, p. 364, n. 14 et p. 365, η. 1 et 2. 3. Supra, p. 369, n. 5, 6, 7. 4. C i c , Mil., 68 : « Nullum se (— Milonem) unquam periculum pro tua dignilate fugisse ; cum iïla ipsa taeterrima peste se saepissime pro tua gloria contendisse. » Fréquence du groupe dignitasgloria : C i c , Fam., I X , 14, 6 : « Quare quid est, quod ego te horter, ut dignitati et gloriae seruias-» ; Imp. Pomp., 11 ; Har., resp., 46 ; Sest., 51 ; 144 ; Cael., 72 ; Fam., I , 56, 2 ; X , 3, 3 ; X I I , 7, 1 ; Ait., X I V 17a, 6 ; Q. F., I I , 13,1 ; ad Brut. 1,12, 2 ; Q. C i c , Pet., 28 ; Lrv., X X X V I I , 54,16. 5. C i c , Ait., 1,19, 6. 6. Π est donc absolument faux de diro, comme le fait E . R E M Y , Nova et Vêlera, V , 1922, p. 147, qui ne s'appuie que sur un seul texte : Sest., 89 où se trouve lo groupe uirtus, dignitas, gloria qu'il suppose être une gradation, que gloria est inférieur à dignitas. 7. Cic,Cluent.,\b0\«...Empire l'épithète des dignitaires du plus haut grade ; il caractérise plus particulièrement les plus éminents des équités. De même, à l'époque républicaine, illustris s'applique à des person­ nages de très haut rang, mais généralement équités , et il paraît représenter un degré d'illustration supérieur à splendidus . Il se pourrait donc que, corn7

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1. Supra,p. 4 5 9 , n. 7 . 2 . Cic, Mur., 3 0 : « Itaque lex haec (= la lex Roscia de 6 7 ) quae ad ludos pertinet est omnium gralissima quod honestissimo ordini cum splendore fructus quoque iucunditatis est restiiutus. » 3 . Infra, pp. 4 7 6 s q .

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Dans Cic, Verr., 1 1 , 2 , 1 0 6 et Lig., 2 7 , il exprime un degré en dessous de nobilitas ; dans Fam., I, 7 , 7, o'estla position acquise par CICÉRON qui n'est pas noble. Cf. aussi Lig., 3 3 , supra, p. 4 5 8 n. 9 , 5. C i c , Mac, 2 4 : « Siqueminfimo loco natum, nullo splendore uitae ...defenderem. » De mémo, dans •Q. C i c , Pet., 5 1 , les splendidi homines sont opposés au populus dont il est question au paragraphe précédent. 6. Voir à co sujet, en dehors des notices propres à ehaquo terme dans la Real-Encyclopédie, le 4.

Dict. des Ant. de DAREMBERGet SAGLIO et le Diz. epigr. deE. RuGGiERO,l'ouvrage de 0. HIRSCHFELD,

Die Rangiiel, der romischen Kaiserzeit, Sitzungsberichte der Kon. Preuss. Akad. d. Wissenschaften zu Berlin, XXV, 1 9 0 1 , pp. 5 7 9 - 6 1 0 ; BOUCHÉ-LECLERQ, Manuel..., pp. 1 6 5 - 1 6 7 . 7 . C. JULLIAN, Dict. An/., III, p. 3 8 5 ; R. Ε.,ΙΧ, 1 0 7 0 ( B E R G E R ) ; cf. I S I D . , Etym., IX, . 4 ; 1 2 : « Primi ordines senatorum dicuntur illustres, sècundi spectabiles, tertii clarissimi. » 8. C i c , Verr., I I , 3 , 6 0 : «Quod si equitibus Romanis nonobscuris neque ignotis, sed honestiset illustribus » ; de même équités illustres : Liv., X X X , 1 8 , 1 5 ; T A C , Ann., II, 5 9 , 3 ; IV, 5 8 , 1 ; 6 8 , 1 ; VI, 1 8 , 2 , etc. ' 9 . Ps. CAES., Alex., X L , 5 : « Ceciderunt eo proelio splendidi atque illustres uiri nonnulli équités Romani», Dans Liv., X X X I I I , 2 5 , 9 ; 3 6 , 5 , uiri illustres désigne des officiers supérieurs. Dans Liv.,

462

LES PARTIS POLITIQUES DANS LA ROME REPUBLICAINE 1

me J'affirme E . Belot , équités illustres désignât avec précision les membres des 6 centuries sénatoriales, alors que les équités splendidi seraient ceux des 12 autres centuries, puis, par extension, l'ensemble des membres de l'or ire équestre, splendidus se rapportant plutôt, ainsi que je l'ai précédemment souligné, à l'éclat d'une position que donnent la fortune ou des mérites exclusi­ vement personnels, tandis qu 'illustris qualifie davantage ceux qui doivent leur illustration à leur origine familiale . Cependant aucun texte ne permet d'étayer avec certitude une telle affirmation. Illustris comme splendidus s'ap­ plique aussi à des nobles. Au sens premier il n'a d'autre valeur que celle de nobilis, dont Servius le donne comme un équivalent ; il s'applique en parti­ culier, comme lui, à ceux qui se sont signalés dans un domaine déterminé *. Dans le Brutus (§ 74) les illustres sont des personnages qui sont désignés com­ me clari au § 75 et qui sont les plus grands hommes de l'histoire . Parmi les homines illustres honore ac nomine dont parle Q. Cicéron (PeL, 18), il y a des consuls, qui ne peuvent être tous des homines noui ; mais en revanche le contexte indique clairement que les homines illustres dont il est question dans YOratio Lepidi sont des équités, et plus spécialement des publicains . L'affirmation de Belot me semble donc excessive . Illustris tend sous la République à désigner les équités et l'on peut csrtaincment déceler l'amorce d'une différenciation qui donne aux équités illustres un rang plus élevé qu'aux splendidi. Mais cette distinction est encore très vague, très imprécise et il faut ajouter qu'à l'époque classique illustris est dans ce sens d'un emploi as­ sez rare. 2) H O N E S T U S . — Honestus est dans l'usage assez voisin des mots précédents. Son sens est à l'origine assez précis ; « de tout temps honestus a désigné celui qui a exercé une charge de la République »;mais dans les textes dont nous disposons, ce sens est presque complètement disparu . Le plus souvent sa valeur sst très générale et il se rapporte à tous ceux qui appartiennent aux classes dirigeantes, et, de ce fait, exercent les lwnores ou sont susceptibles de les exercer . Il est l'équivalent du français « honorable» et, comme lui, 1

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e

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V I , 3 4 , 5 , uir illustris s'applique à LICINIUS STOLON, plébéien mais apparenté aux Fabii. Cf. ausn le texte de Q. Cic, Pet., 5 2 cité p. 4 5 9 , n. 9 . 1. Op. cit., I , p. 2 1 4 . Dans le même sens C. JULLIAN, Dici. Ant., I I I , 1 , p. 3 8 5 et n. 9 ; H I R S CHFELD, Untersuchungen..., p. 2 4 3 . 2. L I V . , X X I X , 3 4 , 1 7 : « Ducenti Carthaginienses équités... et àiuitiis quosdam et génère illustres » ; Q. Cic, Pet., 1 8 : « Illustres honore ac nomine. » 3. BERV., Ad Aen., V I , 7 5 8 : « Illustrent docet aliquando in malam partent usurpari, ui nobilis et ideo merttricibus etiam tribui ». 4. Cic, Brut., 1 2 2 : « (Curio) sane illustris orator, cuius de ingenio ex oralionibus eius existimari potest ». 6. Même remarque pour Cic, Rep., I I , 5 5 . β. SALL., Or. Lep., p. 1 7 .

7. Cf. MOMMSEN, p. 1 7 3 , n. 2 : « On ne peut tirer aucune limite fixe de ces désignations termino­ logiques elles-mêmes vacillantes ni soutenir que le nom du chevalier illustre appartienne seulement aux chevaliers de rang sénatorial, » 8. Dict. Ant., I I I , p. 2 3 5 . Cf. Cic, Brut.,281 : « Cum honos sit praemium uirtutîs iudicio studioque ciuium delaium ad aliquem qui eutn sententiis, qui suffragiis adeptus est, is mihi honestus et honvratus uideiur » ; Fam., X I I I , 1 0 , 2 : « Honorem honesiissimum txisiimauit jrucium labons sui ». Sur le rapport honos honestus, cf. aussi P L A U T . , Capt., 3 9 2 . 9. K L O S E , Honos, p. 9 8 .

10. Cf. Dict Ant., loc. cit., qui définit honestus par son opposition à humilis.

L E S

G R O U P E S

P O L I T I Q U E S

ISSUS

463

D E S E Q U I T E S 1

il se charge même d'une certaine valeur morale ce qui explique son large emploi dans le vocabulaire philosophique comme traduction du grec το καλόν exprimant le « souverain bien » . Mais, dans le domaine qui nous occupe, sa valeur est uniquement sociale et il qualifie tout ce qui se rapporte aux clas­ ses dirigeantes et à leur situation : ce sont ceux qui reçoivent l'hommage et la considération de leurs concitoyens . Théoriquement il s'appliqua donc indifféremment aux sénateurs et aux chevaliers ; mais l'on constate que pratiquement, ce sont essentiellement des membres de l'ordre équestre , ou ce qui revient au même, des nobles des provinces ou des municipes ; il est associé à illustris ,h,splendidus et il l'est aussi à gratiosus comme cela se produit pour splendidus. L'ordre équestre est lui-même appelé lionestissimus ordo . Ce qui fait Vhonestas, c'est tout particulièrement, ainsi que nous l'avons observé pour splendidus, la richesse et la puissance qu'elle donne ; aussi est-il également coordonné à locuples . Finalement le titre d'ho7iestus paraît être pour les chevaliers l'équivalent de clarissimus pour les nobles . 2

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5

6

7

B

9

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3)

O R N A T U S .



Ornatus a une valeur sémantique analogue à celle de

1. Cf. «IOK groupes comme honestus atque innocens-uir: Cic, Mil., 18 ; inlegerrimus atque hones tissimiis : Cic, Vor., I, 52 ; Caecil., 70. Cette valeur morale est la seule chez SALLUSTE qui rompt le rapport honos-honestus : lug., I I I , 1 : « Quoniam neque uirtuti honos datur, neque ilîi quibus per fraudem is fuit, tuti aut eo magis honesti sunt » et oppose honestus à la puissance que donnent la richesse etl'illustration de la race : lug., VIII, 1 : « Ea iempestute in exercitu nostro fuere complure* noui atque nobiles quibus diuitiae bono honestoque potiores erant, factiosi domi, poientes apud so clari magis quam honesti ». Sur la formation de ce sens moral, cf. K L O S E , op. cit., pp. 100 eq. 2. CL K L O S E , op. cit., p. 104 sq. ; Marin 0. Liscu, La langue de la Philosophie, pp. 148 sq. 3. CICÉRON dit par exemple cn évoquant la séance du 13 janvier 56 ou il estime avoir remporté un succès politique : Fam., I, 2. 3: «is dies honesiissimus nobis fuerat in senatu. » Cf. Mur., 87 et tout particulibrement chez TÉRENCE des emplois comme forma honesta : T E R . , And., 123 ; Eun., 182 ; faciès honesta \Eun., 230 ; 682. Sur ces emplois ,voir K L O S E , op. cit., pp. 103 sq. 4. K L O S E , op. cit., p. 110 qui donne notamment laudabilis comme équivalent de honestus. 5. C I C , Mur., 83 : « ex amplissimis ordinibus honesiissimi atque sapientissimi wîW.sDans Fam. J, 9, 20, les hûnestissimi homines paraissent être surtout des sénateurs. Dans Phil., II, 37, après la mention de» consulares et des praetorii, honestissimi senatores désigne les autree sénateurs. 6. CAES., Ciu, I, 51, 3 : « Etant complûtes honesti adolescentes, senatorumfiliiel ordinis eqnestris»; GaU., VII, 3, 1 ; Cic, Verr., II, 3, 36 ; 148; 166; 185; lmp. Pomp.. 4 ; Rab. Perd., 27; Cluent., 97; 165 ; Coi., I, 21 ; Ses/.,27; Aflï. 18 ;5rtiL,205. Dans Verr.,II, 1,137 ;2»ip.Powp., 17 ; Fem., X I I , 26, 1; X I I I , 62, le mot se rapporte de façon précise aux publicains dont il appelle les compagnies socittates honestissimae : Q. F., 1,1, 36. 7. Cic, S. Rose, 16; 49; Verr., I I , 1,10 ; 28 ; 2, 23; 156; 3, 65; 109; 5, 125 ; Cluent., 11 ; 197 ; Mur. 47 ; Phil., II, 58 ; Fam., X I I I , 13; X I I I , 7, 5 ; CAES., Gall., I, 53, 6. Cf. honesto loconatus : CAES., Gall., V, 45,2. Unmunicipoestditlui-même honestissimus: Cic, Font.,XIII, 7,1. Il s'applique aussi à des non-chevaliers : Quinct., 94 ; Verr., II, 2,149 ; 155 et notamment à des familles plébéien née : Mur., 15 :« amplae et honestae familiae plebeiae » ; à des soldats : CAES., Ciu,, I, 20,1. 8. C i c , Verr., II, 3,60. 9. Cic, Verr., II, 2, 69 ; 107 ; 3, 32 ; 4, 45. Cf. Cluent., 198: «honesti homines et summo splendore praediti ». 10. Cic, Mur., 47 : « Homines honesti atque in suis uicinilatibus et municipiis gratiosi. » 11. Rh. Her., IV, 47 ; Cic Mur.,40. 12. C i c , Cat., II, 18 : « Horumhominumspecies esthonestissi7na{suntenimlocupletes).»hE¥., 5. 2.

P M . , I I , 6 9 .

3 . C i c , Verr., I I , 1, 1 3 7 : «Homo summo pudore, summo officio, spectaiissimus ordinis sui a; Caecin., 1 0 2 : « Spectaiissimus prudentissimusque komo, summo studio, sumjna uirtute, summa auctoritate domestica praediius. » 4 . C'est le cas pourles deux textes cités dans la note précédente. Cf. aussi Caecil., 2 4 ; Balb., 1 2 . 5 . Cic, Verr., I I , 3 , 6 1 ; 6 5 ; Sest., 6 . 6 . Fam., V , 1 2 , 7 . Sur ce personnage, cf. MUNZER, R. Ε., X I I I , col. 1 5 5 4 s q . Sous l'Empire fut institué le titre de spectabilis qui désigne des fonctionnaires de 2 catégorie, après les illustres ; E

cf. R. E.,Vl,

7.

col. 1 5 5 2 (ENSSLIN) et Dict. Ant., I V , 1 4 2 1 ( V . CHAPOT).

BxLL.,Iug.,XLIl,l.

LES GROUPES POLITIQUES ISSUS DES EQUITES

467

1

de la fameuse journée du 5 décembre 63 . Chez Cicéron aussi, ils apparais­ sent connue le deuxième des grands partis dans PEtat . Ce parti n'est pas constitué seulement par les équités equo publico ; mais, par équités ou équités Romani , il faut entendre à la fin de la République tous les possesseurs du cens équestre . Nous constatons en effet que chez Cicéron, comme chez les écrivains du début de l'époque impériale, l'appellation équités Romani en­ globe tant le? publicains que les membres des jurys des quaesliones perpetuae . 2

3

4

5

6

2) E Q U I T A T U S . — Ce mot apparaît occasionnellement, avec une valeur politique, comme un équivalent total Requîtes. Il désigne en effet le deuxième ordre de la nation chez César et Cicéron . Ce dernier l'applique dans un sens plus strictement politique au groupe équités qui participa à la journée du 5 décembre 63 . 7

8

3) O R D O E Q U E S T E R . — Le terme le plus général au point de vue politique est cependant ordo equester qui offre l'avantage sur les deux précédents de ne pas créer d'équivoque avec ic sens militaire. Comme équités, il désigne chez Tite-Live, Salluste ou Cicéron, le deuxième des grands groupes politiques do la cité . Il est d'ailleurs à noter que les textes de Tite-Live qui mentionnent un ordo equester avant 129 contiennent un anachronisme implicite, puisqu'il ne saurait y avoir d'ordo equester au sens propre du terme tant que les séna­ teurs possèdent encore le cheval public . Il est vraisemblable qu'il a parfois transposé, comme il le fait souvent, les réalités contemporaines dans une épo­ que antérieure ; ainsi, lorsqu'il mentionne la grande richesse de Sp. Maelius ex equestri online , il pense certainement aux opulents publicains de son épo­ que. Mais à plusieurs reprises ordo equester semble avoir aussi chez lui une ac­ ception restrictive, désignant les équités equo publico par rapport à équités , l'ensemble des cavaliers ; il est parfois indiqué que Vordo equester comprend des 9

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12

1.

S A L L . , Cat.,

X L I X ,

4.

2 . Cic, Verr., 1,1 ; Cat., I l , 2 5 ; Cluent., 1 5 2 ; Quir., 1 3 ; Har. resp., 2 2 ; Pis., 1 1 ; Rab.Post., 1 3 ; 1 4 ; 1 5 et passim ; Alt., I, 1 6 , 3 ; Q . Cic, Pet., 2 9 ; 5 3 ; Cf. encore Ps. CAES., Afr., L X X X V , S ; I I O R . , Sat., I, 6 , 7 7 .

3 . Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de tenir compte de la thèse de MOMMSEN, pp. 7 5 sq., suivant laquelle eques seul désignait le « cavalier », eques Romanus étant réservé aux « chevaliers » et l'indication ethnique ne faisant défaut que lorsque l'ensemble du contexte ne laisse pas de doute ; cf.. la réfutation de B E L O T , op. cit., II, pp. 8 4 sq. 4 . MOMMSEN, p. 7 7 et n.l.

AU., 1 , 1 7 , 8 ; 9 . Sur l'identité publicani et équités, cf. infra p. 4 7 0 . 6 . Cic, Inu., I , 9 2 : « Si quis apud équitésRomanos cupidos iudicandi Caepionis legem iudiciariam laudet»', Verr., II, 2 , 1 7 5 ; Font., 2 6 ; Cluent., 1 2 1 ; De Or., II, 1 9 9 ; ASCON., In Pis., p. 1 5 ; In Tog.. cand., p. 8 0 ; Liv.. Per., X C V I I : « ludicia... per L . Aurelium Cottam praetorem ad équités Romanos translata sunt » ; V E L L . , II, 6 , 3 ; 1 3 , 2 . 7 . CAES., Gall., I , 3 1 , 6 : « Ornnem nobilitatem, omnem senatum, omnem equilaium amisisse » Cic, Rep., I I , 3 6 . 8 . Cic, AU., 1 1 , 1 , 7 . 9 . Cic, Dom., 7 4 .· « Proximus est huic dignitali ordo equester n ; Verr., Il, 3 , 1 8 4 : «Secwulum ordinem ciuitatis » ; Sest., 3 8 ; Pis., 1 ; Plane, 8 7 ; Phil, II, 1 9 ; Brul, 2 2 4 ; Sall, Cat., X V I I , 4 ; Liv., X X V I , 3 6 , 8 : « Senatus, ordo equester, plebs » ; 1 2 ; X X I V , 1 8 , 7 ; Per., L X X I ; Auc, R. G., V I , 2 4 : « Senatus el equester ordo populmque Romanus uniuersus appdlauif me patrem palriae ». 5.

10.

K U B L E R . col. 9 3 2 .

11.

Liv.,

I V , 13,1.

12.

Liv..

X X I . 5 9 . 8 et

9 ; X L I I I ,

1 6 , 2 ; cf.

H I L L . pp.

45-46.

468

LES PARTIS POLITIQUES DANS LA ROME REPUBLICAINE 1

2

personnages importants et particulièrement des fils de sénateurs ; il en est de même chez César et occasionnellement chez Cicéron . Mais chez ce dernier, l'expression apparaît ordinairement dans un sens strictement politique pour désigner, comme équités et souvent conjointement avec lui , l'ensemble de ceux qui possèdent le cens équestre et notamment les publicains et les juges luttant pour la défense de leurs droits et de leurs privilèges . On peut donc penser que le sens plus limité qu'il a parfois chez Tite-Live vient surtout du désir, de distinguer les « chevaliers » au sens social et politique des « cavaliers » au sens militaire ; Q. Cicéron oppose même, à l'inverse, l'ensemble des équités : ordo eqaester aux équités, c'est-à-dire à la iuuentus . Ordo seul peut avoir également ce sens, lorsque le contexte permet d'en identifier aisément le nature . Après l'examen de ces termes qui désignent tous plus ou moins l'ordre équestre dans son ensemble, je vais étudier ceux qui correspondent à la notion d'un groupe particulier et limité. 3

4

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n

4) I W E N T U S . — Iuuentus désigne au sens propre l'ensemble clos hommes de moins de 46 ans qui votent dans les centuries de iuniores par opposition à ceux qui appartiennent aux centuries de seniores. Il semble que de tout temps ils aient eu, par rapport aux seniores, une position politique plus tranchée, une tendance à l'extrémisme et à l'intransigeance. Ainsi nous apparaît-elle chez Tite-Live dans des textes qui se rapportent aux événements de 447 et 446, tant du côté des patriciens que de celui des plébéiens ; Scipion l'Africain semble avoir cherché à s'en servir pour appuyer sa politique . Mais iuuentus désigne aussi plus particulièrement les équités equo puhlico . L'origine de ce groupe est contemporains de celle cie l'ensemble de l'ordre équestre. En effet, lorsque le plébiscite de 129 eut enlevé aux sénateurs la possession du cheval public et l'appartenance aux centuries équestres, il n'y eut plus parmi les équités equo publico que ceux des familles sénatoriales qui .n'avaient pas encore eu accès au Sénat et c'est eux que désigne désormais le 12

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1. Liv., IX, 2.

Liv.,

XXI,

38,8. 59,10.

3 . CAES., Ciu., I , 5 1 , 3 : «Erant compïures honesti adulescentes.. senatorumfiliieiordinis equesiris. » 4 . C I C , Phil., VI, 1 3 . 5 . Cic, Cluent., 1 5 0 - 1 5 3 ; Ait., 1 , 1 7 , 8 ; Rab. perd., 2 0 . 6 . B E L O T , II, p. 3 9 3 .

7 . Infra, pp. 4 7 0 . 8 . VARR., frg., a p. NON ., p. 7 2 8 (L.); 3 5 4 ( M . ) : «Equestri ordini iudicia tradidit ac bicipitem '.ciuilatem fecit » ; Cic, Verr., I, 3 8 ; II, 3 , 9 4 ; 2 2 4 ; Scaur.. frg. 4 ; Cluent., 1 3 0 ; 1 5 0 ; Liv., Per., L X X I ; -

. ASCON., Scaur., p. 2 5 .

9 . Par ex. Cic, Mur., 4 0 ; Sull., 7 2 . Pet., 3 3 . 1 1 . Cic, Verr., II, 1 , 1 2 4 ; 2 , 8 1 ; 3 , 1 8 3 ; Mur.,

10.

42;

Rab. Post.,

13; 15

etpass.; Q. F.,

1,1,

32 ;

AU.,

.11,16,2.

1 2 . Liv., I I I , 6 5 , 5 : Iuuentus nobiliuyn ; 6 5 , 7 : Iuniores patrum. 1 3 . Liv., III, 6 9 , 2 . 1 4 . C'est l'opinion de MARMORALE, Naeuius poêla, pp. 4 7 - 4 8 , qui s'appuie sur les vers suivants d'un poète (Ludus I). « Cedo qui ueslram rem publicam lantam amisîstis tam cito ? — Proueniebant oratores noui, shdti adulescentes. » 15.

Liy., II, 2 0 , 1 1 ; I I L 6 1 , 7 ; I X . 1 4 , 1 6 ; X 2 8 7 ; X X I I , 5 5 , 6 ; X X V , 3 7 , 2 ; V A L . - M A X . , I I ,

2 , 9 : 9, 7

;

; III,

2, 8 ; 9.

;

L E S

G R O U P E S

P O L I T I Q U E S

I S S U S

D E S

4ΰ9

E Q U I T E S

mot iuumtus. Ce sont essentiellement les fils de sénateurs qui no sont pas encore entrés clans le cursus honorum et, pour cette raison, ils sont parfois, désignés par les mots adolescentes ou adidcscentidi . Ils sont flos ordinis equestris ; ils sont considérés comme le seminanum senatus car ils sont ap­ pelés à participer un jour au gouvernement de la cité . Par leur âge comme par leur origine sociale, ils constituent dans l'erjs?mble de Tordre équestre une catégorie particulière, dont les vues politiques ne concordent point toujours avec celles de l'ensemble de l'ordre. N'ayant guère encore le sens des responsabilités, ils rechercheut le plaisir et se livrent sans contrainte aux excès et à la débauche ; ils sont dans la vie politique de Rome un élément de trouble, de désordre et d'anarchie . Es n'en sont pas moins une force sur laquelle beaucoup d'hommes politiques ont cherché à s'appuyer. Ils représentent, entre la nohililas et les autres équités, une sorte de charnière qui parut àCicSronpropre à Γ aider dans son dessein de concordia ordinum ; il exalte àcet égard le rôle qu'ils jouèrent dans la lutte contre Saturninus . Quintus lui conseille de les gagner tout particulièrement à sa cause au cours de sa campagne électorale . Cinq ans plus tard, lors du consulat de César, il eut l'espoir sans doute naïf qu'il réussirait à les dresser contre le triumvirat nais­ sant et, en 53, il chercha à les mettre du côté de Milon clans sa candidature pour le consulat de 52 . De son côté, Catilina s'efforça de faire entrer dans sa 1

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1 . Pour la définition de la iuuenlus, cf. tout particulièrement Q . Cic, Pd., 3 3 : « Iam equitum cenluriae (—-• equites equo publico) multo facilius mihi diligentia posse ienni uidentur. Primum cognosce équités (pauci enim sunt) \ deinde eippete (multo enim facilius Ma adulesccntulorum ad amicitiam aeias adiungiiur) ; deinde habcs tecum ex iuuentulc optimum que m que et studiosissimi humaniiaiis ». Cf. aussi SALL., Cat., XVII, 6 : « Ccierum iuumtus pleraque, sed maxume nobilium, Catilinae inceptis fauebat » ; Liv., VII, 1 0 , 1 ; X X L 5 9 , 1 0 . 2. Cic, Cat. m., 2 0 ; Q . Cic, Pet., 6 ; S A L L . , Cat., XIV, 5 . 3. Q . C i c . , P d . , 2 3 . 4 . V A L . M A X . , III. 2 , 9 .

5 . Liv., X L I I , 6 1 , 5 . 6 . Cic, Sest., 1 4 . CÉSAR semble lui donner le môme sens en l'appliquant à des peuples étrangers :: GaU., III. 1 G , 3 : «.Cum omnis iuuentus, omnes etiam grauioris aelatis, in quibus aliquid consilii au dignilaiis fuit, eo conucmro.ni » ; VI. 2 3 , 6 ·, Ciu., II, 5 . 3 . 7.

H O R . , A.

P.,

341-342.

S . SALL.. Cat., X I L 2 : «Igitur exdiuitiisiuumtutemluxuriaatque aurarilia cum superbia inuascre». Cf. aussi Cic. Att., 1 , 1 9 , 8; Cael., 2 5 ; 3 0 . Ce sont sans doute ces jeunes débauchés qui constituent la iuuentus des comédies de PLAUTE et les adulescentuli de celles do TÉRENCE: PLAUT., Amph., 1 5 4 ; Capt., 6 9 : 4 7 0 ; Men., 7 7 ; Most., 1 5 0 ; Pom., 1 1 8 3 ; Pseud., 2 0 2 ; T E R . , And., 4 5 5 ; 8 2 8 ; Eun., 428

; 539 ; 940.

9 . Cic, Cat. m., 2 0 : « Maximas res-publicas ab adulescentibus labcfaclas, a senibus susteniatas e restihttas. » Cf. Att., II, 7 , 3 où CICÉRON la qualifie de sanguinaria iuuentus; mais sur l'établissement de ce texte et son interprétation, cf. TYRRELL-PURSER, 1 . 1 , p. 2 9 0 . 1 0 . À plusieurs reprises iuuentus est situé dans une énumération après nobiïitas ou senaius : Cic, Q. F., II, 3 , 4 : « VehemenUr esseprouidendiun ne opprimalur contîonario illo populo a se prope aJienato, nobilitaie inimica, non aequo senaiu. iuueniuie improba » ;Phil., II, 3 7 : « toi consularis, tôt praetorios, toi honestissiynos senaiores, omnem praeterea florem nobilitatis ac iuueniutu*', 1 1 , 5 4 ; perd., 2 1 . 1 1 . Cf. W. A L L E N . On the importance of the young men in Ciceronian politics, Cl. J., X X I I I , . 1 9 3 7 - 1 9 3 8 , pp.

357-359.

1 2 . Rab. perd., 21. 1 3 . Q.Cic, J W . , 6 ; 3 3 . 1 4 . Cf. le récit qu'il fait de l'entrevue qu'il eut à Antium, le 1 5 ou le 1 6 avril avec le jeune CURION,.. Ait., II, S, 1 : « Peraeque yiarrabai incensam esse iuumtutem neque ferre haec posse » ; II, 7 , 3. 1 5 . Fam., I L 6 , 3 .

470

L E S

P A R T I S

P O L I T I Q U E S

D A N S

L A

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conjuration un bon nombre d'entre eux que leurs débaucher avaient perdus de dettes \ Clodius fit de même et chercha à les exciter contre Cicéron et, dans le rapport qu'il fit au Sénat, le dénonciateur Vettius raconta que le jeu­ ne Curion avait réuni une manus iuuentutis dans le but d'assassiner Pompée. Lors de la guerre civile, la plupart d'entre eux suivirent la nobilitas et se décla­ rèrent pour Pompée , si bien qu'à Pharsale, César, furieux de leur attitude, donnait à ses soldats l'ordre de frapper au visage ces jeunes gens jaloux de leur beauté . 2

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5) P U B L I C A N I . — Une autre partie importante de Tordre équestre est, à la fin de la République, constituée par les publicani. A C3 moment-là en effet, les équités equo publico formant la iuuentus et colle-ci tendant, en raison de ses origines, à faire cause commune avec la nobilitas, Y ordo equester en tant que formation politique indépendante tend de plus en plus à s'identifier avec ceux qui ne font pas partie de la iuuentus. Il est vraisemblable que, dans les années qui ont suivi les Gracques, c'est surtout comme indices que se sont mani fest és les membres de Y ordo equester et c'est ainsi qu'ils apparaissent dans plusieurs discours de Cicéron, surtout les premiers . Mais par la suite, ce sont les problèmes des publicains qui sont à l'ordre du jour ; aussi publicani et équités ou ordo equester sont-ils constamment donnés comme identiques . Cependant les publicani ne constituent pas tout l'ordre équestre , pas plus d'ailleurs qu'ils ne font tous partie de cet ordre ; mais ils en sont l'élément de base, celui sur la puissance et la richesse duquel s'appuie la politique du groupe tout entier . 6

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6) L O C U P L E T E S . — Locuples désigne d'abord, d'après une étymologie évidente , confirmée par divers auteurs latins , « celui qui est riche en biens fonds (loci) » et par conséquent il s'applique d'abord aux patriciens qui sont n

1. XIV,

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Cat., X I I I , 4 : « Haec iuuenlutem, ubi familiares opes defeceranl, ad facinora incendebant» ; Sed maxume adulescentium familiaritates adpetebat » ; cf. encore X I V , 7 ; X V I , 1 ; X V I I ,

SALL., 5 : «

6. 2.

Cic, Dom.,

3.

AU.,

129 ;

Alt.,

1,18,

2.

11,24,2.

4 . Cic, Phil., I I , 5 4 . A P P . , b. c, I I , 7 6 ; P L U T . , Caes., X L V , 1 - 2 ; F L O R . , I V , 2 , 5 0 . 6. Cf. supra, p. 4 6 8 , n. 8 . 7 . Cic, Dom., 7 4 : « Proximus esthuic dignitatiordo equester: omnes omnium publicoru»i societaies de meo consulalu ac de meis rébus gestis amplissima atque ornatissima décréta fecerunt» ; Verr., I I , 3 , 1 6 8 : « Huic homini spes nulla salutis esset si publicani, hoc est si équités Romani iudicarent »\Dei„ 2 6 : « ab equitibus Romanis qui in Asia negotiati sunt ». Cf. Verr., I I , 1 , 1 3 7 ; 3 , 9 4 ; Imp. Pomj)., 4 ; 1 7 ; Prou., 1 1 ; Rab. Post., 3 ; Alt., 1 , 1 7 , 8 et 9 ; I I , 1, 8 ; 1 6 , 2 ; Q. F., 1 , 1 , 3 2 ; Ascox., In Mil, p. 5.

42.

8 . Q . Cic, Pet., 3 : « Habes... omnispublicanos, totumfere equestrem ordinem » ; 50. 9 . C'est ce quel'on peut déduire de V A R R . , R . R . , I , 2 , 1 : «Offendi... C. Agrium equitem Romanum et P. Agrasiumpublicanum » ; cf. aussi STRASBURGER, Concordia ordinum, p. 5 1 . Cela est d'ailleurs normal puisque la qualité de publicain ne donnait pas automatiquement le cens équestre. 1 0 . Cic, Plane., 2 3 : « Adiungamus, si uis id, quod tu huic ooesse etiam putas, patrem publicanum : qui ordo quanto adiumento sit in honore, quis nescil ? Flos enim equitum Romanorum, ornamentu ciuitatis, *firmamentumrei publicae publicanorum ordine continetur. » 1 1 . De loco-ple-t-s ; cf. G . BONFANTE., R.E.L., 1 9 3 7 , p. 6 8 . 1 2 . Cic, Rep., I I , 1 6 : « Quod tum erat res in pecore etlocorum possessionibus, ex quo pecuniosi et locupletes uocabanlur » ; P L I N . , Ν. H., X V I I I , 1 1 : « Hinc et locupletes dicebant loci, hoc est agri, plenos» ; N I G . F I G . ap. G E L L , . X , 5 , 2 : « Locupletem dictumait ex conpositis uoeibus, qui pleraque loca,

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les plus importants, sinon les seuls possesseurs du sol \ Cependant le mot a rapidement pris un sens plus étendu ; il devient, au témoignage môme de Cicéron , l'équivalent de adsidui, désignant « ceux qui dans les classes du cens étaient soumis à l'impôt direct proportionnel » ; il traduit alors de la façon la plus générale le français «riche» et peut englober aussi bien les nobiles quo les équités ; il est le contraire de inops , egens , tenuis . Les locupletes sont donc tous ceux qui forment la ploutocratie romaine à quelque classe qu'ils appartiennent. Cicéron désigne par locupletes et graues les citoyens éminents des cités grecques ; il associe le mot à boni et l'op­ pose à multitudo . Sans douts les locupletes dont il parle dans la 2° Catilinuire (§ 18) sont-ils essentiellement les nobles ruinés qui comptent sur la conjuration pour rétablir leurs affaires , mais ailleurs il distingue locupletes de principes ciuitatis Dans un certain nombre de textes, les locupletes sont, sans aucun doute possible, des équités et notamment des publicains ; Cicéron appelle locuples et splendidus homo T. Gavius Caepio qui, deuxième mari de la mère d'un tribun militaire, Sex. Lucilius, est vraisemblablement lui aussi un chevalier . Cependant le témoignage de Nonius nous montre que locuples a dans une certaine mesure conservé la marque de sa valeur primitive en s'appliquant plus spécialement à ceux dont les richesses consistent en biens tangibles, so­ lides, d'où dériverait le sens de «qui offre des garanties» , sens qui apparaît 2

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hoc est, qui muttas possessions tenerei » ;Ον., Fast.,V, 280-281 : « Aut pecus aut latam diues habebat humumJHinc etiam locuples, hinc ipsa pecunia dicta est. » Cf. encore QUINT., Inst. or. V, 10,55 ; F E S T . , p. 106, 3 (L.); G.L.K., VII, 525, 4-5. Sur les discussions concernant cette étymologie, cf. R. Ε., XIII, col 949-950. 1. Cf. Liv., I, 47,12 où locupletes est donné comme l'équivalent de primores ciuitatis. 2. C i c , Rep., II, 40; Top., I I , 10. Cf. aussi V A R R . ap. NON., 94, 3 (L.) ; F E S T . , p. 8, 26 (L.). Sur

cette synonymie voir R. Ε., XIII, col 950-951. 3. G . HUMBERT, Dict Ant., I, p. 1224.

4. Cf. PLAUT., Ep., 153 : « Est Euboicus miles locuples, mulio auro potens»; Cist., 492 ; CAES., Ciu., III, 110, 5 ; Alex., X L I X , 2 ; Cic, AU., VII, 18, 4 ; X15,1 ; XII, 14, 2 ; 17 ; Fam., VIII, 3, 1 ; Q. F., III, 9, 6 ; ad Brut., I, 8, 2, etc. 5. Cf. SALL., Cat, X X I , 2 où CATILINA promet la proscription des locupletes : nous savons quo les équités se sont sentis visés au même titre que les nobiles. 6. C I C , Dom., 13. 7. CAES., Ciu., III, 59, 2 ; Cic, Flac., 18 ; Plane, 86 ; Liv., I, 47,12. 8. Cic, Verr., II, 2,138 ; Flac, 15 ; Off., II, 85 ; SUET., Caes., LXVIII, 1. 9. Cic, Flac, 18 ; Q. F., 1,1, 25. 10. Cic, Cat., II, 18 ; Pkil, XIII, 23. 11. Cic, .Rep., II, 39. 12. Dans Cic, Verr., II, 4, 29, locuples est associé à nobilis. 13. Cic, Vat., 6 : «... cum per meum nomen fortunas locupletium diripere, sanguinem principum ciuitatis exsorbere... cupereiis » ; Att., VII, 7, 7. 14. Q . Cic, Pet., 53 : « Equités et uiri boni ac locupletes ». Cf. aussi Dom., 47 où les locupletissimi sont donnés comme des gens se tenant éloignés de toute charge publique. 15. Cic, Verr., II, 2, 6 ; 175 ; Q. F., 1,1, 6. 16. Cic, AU., V, 20, 4. Cf. aussiQuiïicl., 62 ; Verr., II, 1,124 ; 4, 46. 17. NON., 740 (L.) : « Locupletis non magnarum opum tantummodo, sed et ad quamlibel rem firmos et certos M. Tullius dici uoluit ad Caesarem iuniorem lib. II. {frg., 24) : nihil omnino certi nec locupleiem ad hoc auctorem habebamus ». Cf. B E R V E , R.E., XIII, col 951-952 : « Die Koloniegiundungen, in denen immer wieder die alte agrarische Form der Mutterstadt auflcbte... hielten den Begriff lebendig und verhinderten, dass sich das Wort ganz zu der allgemeinen Bedeutung « wohlhabend » oder « reich » verflachte. Immer blieb ihm etwas von dem heredium, von Erbgut, Familienbesitz oder wenigstens einem traditionnellen, nicht einem frei erworbnen Wohlstand, und auch die Tendenz zum Agrarischen hat es niemals ganz verlorcn. »

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en particulier dans l'expression locuplcs iestis \ Il s'agit très précisément, affirme E.I/pore, « des possesseurs de biens immobiliers appartenant aux cinq classes centuriates » ; plusieurs textes montrent en effet que l'appartenance aux locupleies est liée à la propriété paysanne . Au point de vue politique, ce sont, pour Cicéron, les propriétaires terriens, surtout des municipes, ceux qui constituent l'élément de base des boni . Ils sont par nature, par attachement atavique à la terre, les tenants d'un certain conservatisme sur lequel il compte pour les dresser contre l?s entreprises de César ; mais ils sont aussi l'objet des convoitises des révolutionnaires . Cette valeur politique disparaît avec l'époque impériale, où locuples prend simplement la valeur de dûtes "'. 2

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7) H O M I N E S N O V I . — Los trois termes précédents ont une valeur qui est finalement plus sociale que politique. Les membres de la iuuenius n'agissent guère en tant que tels et adoptent une position qui est en général celle de la nobilitas ; les publicani se préoccupent cle la défense de leurs intérêts propres mais ils ne recherchent pas le pouvoir peur eux-mêmes ou pour l'un des leurs ; il en est exactement de même pour les locupletes. Il en va bien autrement avec les ncui. Si les publicains forment la force de base de Vordo equester, les noai en constituent la tête ; ils sont l'expression concrète des ambitions de Tordre tout entier. Les Ecmains appelaient général ment, tout au moins à l'époque de Cicéron, Jiomo nouus, celui qui briguait le consulat sans que personne dans sa famille soit jamais parvenu à ce poste. Tel est le cas du consul de 165, Cn. Octavius qui prunus et Ma jamilia consul facius est . Marius évoque à diverses reprises sa nouitas ; Quintus Cicéron parle de celle de son frère et ce dernier le fait lui-même ; Quintus traite aussi d'une façon plus générale des hommes nou­ veaux qui ont été préteurs . Tite Live donne du mot une définition analo8

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1. Cic, Verr., I I , 3 , 1 3 G ; Flac., 4 0 ; Brut., 3 2 2 ; Off., I I I , 1 0 . 2 . E . LEPORE, op. cit., p. 1 S 1 . Le mot s'applique aussi aux propriétaires immobiliers des pro­ vinces : CAES., Ciu., I I I , 5 9 , 2 : « A gros in Gallia ex hostibus captos praemiaque rei pecuniariae magna tribiterat Jocupletcsque ex egentibus fecerat»; Verr., I I , 2 , 1 5 5 : « Modoaratorum,honestissimoru)n hominum ac hcwpldissimoiiim et Sicidorum et ciuium Romanorum, maximum numerum abs te abalienasti. « Cf. encore avec groupe honesiissimi ac loniipletissimi: Verr., I I , 3 , 5 2 ; 1 0 8 ; avec îoeupletes seul : Verr., I I , 3 , 5 3 ; G 7 ; 1 0 3 ; 1 2 0 ; 1 2 9 . 3. Cf, en dehors des textes cités dans la note ci-dessus, VAPJR., R. R., I I I , 1 6 , 1 0 ; V A L . - M A X . , I I , 4 5 ; I V , 4 , 8 ·, P L Ï N . , Ep.,

VIII,

2,1.

4 . Cic, Ait., 1 , 1 9 , 4 : « Ego autem magna cum agrariorum gratia confirmabam omnium priuatorum possessiones ; is enim est noster exercitus hominum, ut tute scis, locuplelium. » 5. Cic, Ait., V I I , 7, 7 (lettre de 5 0 ) : « Ncmini est enim exploraium, cum ad arma uenium sii. quid fuiurum sit, ad illud omnibus, si boni uicti sint, nec in caede principum elementiorem hune fore quam Cinna fuerii, nec moderatiorem. quam Sulla in pecuniis locupleiutn» ; AU., I X , 7, 4 (lettre de 4 9 ) : « Primum consilium est suffocare urbem el Jialiam famé, deinde agros uasiare, urcre, pecuniis locupleium non abstinere » ; Ait., V I I I , 1 , 3 ( 4 9 ) : « Etsi prope diem uideo bonorum, id est lauiorum et locupletum urbem refertam fore, municipiis uero hisrelictis refertissimam. » 6 . SALL., Cat., X X I , 2 ; Cic, VaL, 6 ; Phil., V, 2 2 . 7.

B E B V E , R. Ε.,

X I I I , col.

955.

8 . Cic, Off., 1 , 1 3 8 ; cf, aussi Phil, I X , 4 . 9 . S A L L . , lug., L X X X V , 1 3 ; 1 4 ; cf. aussi L X X X V , 2 5 : « Mihi noua nobilitas est ». 1 0 . Pet., 2 ; 7. 1 1 . Agr., II, 3 ; Mur., 1 7 . 1 2 . Q . Cic, Pet., 1 3 : « nonos hommes praeiorios ». Notons toutefois que l'expression constitueun άπαξειρημένον ce qui a conduit M. I . HENDERSON, De Commentariolo Petitionis, p. 1 5 , .

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LES GROUPES POLITIQUES ISSUS DES EQUITES 1

guo. et cite comme homo nouus L . Sextius, premier plébéien devenu consul en 365 . Ontrouve cette môme valeur de nouus chez Velleius Paterculns . D'autres textes cependant nous donnent du nouus une définition moins étroite. Tite-Live cite comme homines noui des tribuns de la plèbe ; le mot s'applique dans le Bellum Africum à M. Aquinius panais senator ; Cicéron lui-même indique comme homines noui L. Quinctius, tr. pl. cn 74 (Cluent,, 111), T. Fadius, tr. pl. en bl(Fam.,V, 18, 1), Cn. Plancius, édile en 54 (Plane., 67). Nous voyons par ailleurs que le mot nouus pouvait dans un sens large désigner quiconque gérait pour la première fois une magistrature . Tite-Live parle de lu nouitas de Tarquin l'Ancien, car il n'était pas un patricien romain et cite par ailleurs comme noui Numa, Tarquin et Servius Tullius . On aura quelque lumière sur la valeur exacte de cette notion si l'on constate que le nouus est en fait avant tout celui qui n'est pas nobilis . Sans doute le contraire le plus uaturel de nohililas est-il ignohilitas ; mais ce terme com­ porte une nuance péjorative sur le plan social et s'applique à ceux qui ap­ partiennent à la plèbe . Au contraire homo nouus ne se dit que de personnages ayant atteint un certain rang ; autrement dit, ignohilitas a un caractère pure­ ment négatif, nouitas définit cle façon positive une certaine situation. Dans la réalité politique, c'est le nouus qui s'oppose zxi nobilis , car il se caractérise par le fait que n'étant pas nobilis, il cherche à entrer dans le cercle de la nobili­ tas par l'exercice des magistratures. On comprend par conséquent que la définition du nouus soit liée à celle du nobilis. Tant que ce dernier est consi­ déré comme celui dont la famille a atteint les magistratures curules, le nouus est le premier de sa famille à exercer une de ces magistratures ; mais lorsque la nobilitas se définit par le consulat, c'est en fonction cle l'accession au consu­ lat que se marque aussi la nouitas. Telle est la situation clans les 150 dernières années de la République, puis2

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à émettre des doutes sur l'authenticité de l'ouvrage; mais devant le nombre d'anciens préteurs con­ sidérés effective m eut comme homines noui, cette objection ne paraît pas d'un bien grand poids. 1. Liv., IV, 54, G : « Sed patefactus ad consulaium ac triumphos locus nouis hominibus uidebatur. » 2. Liv., VII, 1, 1. Il y a cependant uno certaine incertitude dans la terminologie livienne ; cf. GELZER, Nob., et infra. p. 474, n. 2.

3. V E L L . , 1,13,2; II, 128, 2. 4. L I V . , IV, 48, 7. 5. Ps. CAES., Α / Λ , L X I I , 4. 6. Sur ces diverses définitions, cf. GELZER, op. cit., p. 27; ATZELIUS, Nob. in z. Cic, pp. 92-93 ; J . VOGT, Homo nouus., p. 4 et p. 24, n. 4; STRASBURGER^.Z?., XVII, col. 1223-1224; ROLOFF, Maiores bei Cicero , p. 3. On trouve dans le même sens nouus magistralus pour désigner la magistra ture qu est exercée pour la première fois par quelqu'un : Liv., X X I I , 35, 7. M. GELZER, op. cit., p. 27, déclare également que dans Verr., II, 2, 175, CICÉRON appelle noui les chevaliers devenus juges par la lex Aurélia de 70 ; mais il y a là une évidente faute de lecture de GELZER, le noui en question étant le perfectum de nosco. 7. Liv., 1,34, 11. S. Liv., I V , 3, 17. 9. J . VOGT, Homo nouus, p. 4. 10. SALL., Cat., XX. 7 ; ad Caes., I, 5, 3 ; Cic, Inu., II, 30 ; Mur., 17 ; Phil, III, 15. 11. Dans SALL., Iug., X I , 3, ignobilitas s'applique au fait que JUGURTHA est né d'un concubine. CATON, In Veturium (Malcovati, I , p. 178, frg. 100) l'associe à plebilas. Sur le caractère péjoratif du terme, voiraufsi Cic, Plane, 12 ; Juv., Sut., VIII, 237. 12. Opposition homo nouus-nobilis : Cic, Verr., II, 4, 81 ; 5,181 ; Agr., II, 3 ; Mur., 16; Fam., I, 7, 8 ; V , 18, 1 ; SALL., Iug., VIII, 1 ; L X X I I I , 7 ; Cai., X X I I I , 6 ; Q. Cic, Pet., 7 ; Liv., I X , 26,11 \ XXVII, 57,12 ; X X X I X , 41,1 ; V E L L . , II„ 128, 1 ; PLUT., Cat.m., 1, ; APP., b. c, I I , 2.

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que j'ai cru pouvoirfixerau milieu du I I siècle la naissance de la conception étroite de la nobilitas ; mais, même alors, celle de la nouitas reste incertaine et encore plus soumise aux contingences de la politique ; le mot nouv.s s'ap­ plique ainsi, encore à cette époque, à des personnages gérant d'autres magis­ tratures que le consulat . Mais chez Cicéron en particulier apparaît un autre aspect de la nouitas. L'on a en effet remarqué que, dans le 2 discours sur la loi agraire, il dit : « Me perlongo interuaïlo prope memoriae temporumque nosirorum, primum hominem nouum, consulem fecistis » ; il pense en cela à C. Coelius Caldus, consul en 94 ; or nous savons que, dans l'intervalle indiqué, 9 homines noui sont arrivés au consulat, mais dont les ancêtres avaient, con­ trairement à ceux de Caldus ou Cicéron, exercé les autres magistratures curules . Par conséquent, à la conception de Vhomo nouus premier de sa fa­ mille à parvenir aux magistratures curules, puis premier de sa famille à atteindre le consulat, s'en ajoute une troisième qui est une contamination des deux autres : Vhomo nouus membre d'une famille équestre parvenant au consulat. Il n'y a pas, je le répète, de limites très précises entre ces différentes concep­ tions ; le choix de l'une ou de l'autre paraît lié à des nécessités du moment. L'on peut cependant penser que la dernière d'entre elles, qui montre que Vhomo nouus n'est plus considéré sur un plan personnel, mais sur un plan plus largement social et politique, est liée à la naissance de Vordo equesier à la vie politique active. Il y a forcément en effet un rapport étroit entre ce dernier et les homines noui. Sans doute Vhomo nouus, dans la première et la troisième con­ ception que j'ai précédemment définies, n'est pas inévitablement un membre de l'ordre équestre; mais comme un certaiu niveau de fortune était nécessaire pour espérer quelque succès dans le cursus honorum, il était presque impossible de parvenir directement à Vordo senatorius sans avoir préalablement acquis le cens équestre . Aussi un bon nombre des homines noui les plus connus sont-ils des équités. Ce n'étaient pas des publicains, mais l'on conçoit qu'à la fin de la République ils recevaient l'appui de ces derniers qui pouvaient espé­ rer que la gestion de ceux dont iis appuyaient la candidature serait favorable à leurs intérêts. 1

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De tout temps l'ascension des homines noui fut difficile mais, jusqu'à la 1. Supra, p. 433. 2. Rappelons les principaux cas que j'ai précédemment signalés en dehors du consulat : questure : Liv., IV, 54, 6 ; édilité : Cic, Planc., 67 ; tribunat : Cic, Cluent., 111 ; Fam., V , 18,1 ; Liv., IV, 48, 7. 3. Agr., II, 3. 4. Cic, Verr., II, 5,181 ; Mur., 17 ;De Or., 1,117 ; Q. Cic, Pet., 11. 5. Ce sont M . HERENNIUS, 93 ; P . RUTILIUS LUPUS, 90 ; Cn. POMPEIUS STRABO, 89 ; C. NORBANUS, 83 ; M . TULLIUS DECULA, 81 ; C. SCRIBONIUS CURIO, 76 ; L . G E L L I U S PUBLICOLA, 72 ; Cn. AUFIDÏUS ORESTES, 71 ; L . VOLCACIUS TULLUS, 66 ; cf. AFZELIUS, op. cit., p. 92-93. 6. Cf. G E L Z E R , op. cit., p. 2 ; p. 10 ; STRASBURGER, R. Ε., X V I I , col. 1225 ; Liv., X L I I , 61, 5. Los quelques exceptions sont discutées par STRASBURGER, col. 1225 ; sur le cas do M A R I U S , cf.

infra, pp. 479 sq. Il y a évidemment une emphase à caractère polémique lorsque le futur vaincu de Cannes, C. TERENTIUS VARRO, déclare (Liv., X X I I , 34, 7) : « Nec finem ante belli habituros quam consulem uere plebeium, id est hominem nouum fecissent. » 7. Notons tout particulièrement à cet égard la lex de ambitu dirigée en 357 contre les hommes n*ui par le tr. pl. C.'.POETILIUS, !cf. supra, p. 433. L'on ne connaît de 366 à 63 que 15 hommes nouveaux qui exercèrent 24 consulats (GELZER, Nob., pp. 40-41), mais il ne s'agit que d? o?ux qui n'étaient pas encore entrés dans Vordo senatorius ; leur nombre était plus grand cn réalité.

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naissance de Vordo equester comme force politique, leur action resta purement individuelle et, une fois entrés dans la nobilitas, ils s'intégrèrent à elle. Telle est par exemple l'attitude de Caton l'Ancien qui reçoit l'appui d'une famille patricienne, les Valerii, se tient dans le cadre du mos maiorum et se conduit comme le fondateur d'une nouvelle famille aristocratique . Devant la montée de Vordo equester qui devenait dangereuse pour sa suprématie et dont la réfor­ me des tribunaux de C. Gracchus avait été une manifestation spectaculaire, la résistance de la nobilitas s'organisa. L'histoire des 150 dernières années de la République est en partie celle de la lutte des homines noui contre les obs­ tacles que leur opposait la nobilitas. Les deux principaux écrivains de cette pé­ riode, Salluste et Cicéron, nous ont donné des témoignages sur cette lutte et les rapports qu'ils nous en font concordent parfaitement . La difficulté de la position des homines noui résidait non seulement dans la résistance de la nobilitas et dans les moyens d'action qu'offraient à cette dernière ses richesses et ses clientèles, mais aussi dans l'attitude même du peuple romain à leur égard. Celui-ci répugnait à la nouveauté. Dans les luttes électorales, ceux des adversaires qui pouvaient se targuer d'illustres ancêtres avaient les meilleures chances de capter la confiance des électeurs qui avaient tendance à croire plus capables ceux qui jouissaient de la commendatio maiorum, c'est-à-dire les descendants de personnages qui avaient fait la preuve de leurs capacités . Même parvenu au consulat, Vhomo nouus éprouvait de plus gran­ des difficultés que le nobilis, nous dit Cicéron, car on guettait ses fautes pour en tirer argument en faveur de la nobilitas . A ce préjugé nobiliaire s'en ajoutait un autre que l'on pourrait presque appeler « racial » : la haine du « métèque », c'est-à-dire l'hostilité du Romain de vieille souche, qu'il soit noble ou non, à l'égard des hommes politiques originaires des municipes. Elle servit d'argument politique contre Cicéron ; Catilina s'efforça d'impressionner les sénateurs en le traitant avec mépris de 1

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1. C L SCHUR, Homo nouus, p. 56. Il eut d'ailleurs bien des démêlés avec les équités : Liv., X X X I X , 44, 8 ; PLUT., Cat. m., XIX. Sur l'intégration de CATON à la nobilitas, cf. LEPORE, op,

cit., p. 193, n. 126. 2. SALL., Cal., X X I I I , 6 : « Namque antea pleraque nobilitas inuidia aestaabat et quasi pollui consulatum credebant, si eum quamuis egregius homo nouos adeptus foret » \ lug., L X I I I , 7 \ «Nouo nemo tam clarus neque tam egregiis factis erat, quin is indignus illo honore et quasi polhttus haberetur Cic, Mur., 17 : « Cum uero ego ianio interuallo claustra ista nobilitatis refregissem ui aditus ad consulatum posthac, sicut apud maiores nostros fuit, non magis nobililati quam uirtuti pateret »; Agr., II, 3 : « Eum locum quem nobilitas praesidiisfirmalumatque omni ratione obuallatum tenebat, m duce rescîdistis uirtutique inposterumpatere uoluistis » ; cf. encore Verr., II, 5,181 et ptanc., 33-35 où il se plaint de l'attitude souvent injuste ou tyrannique de la nobilitas à l'égard des. équités et parti­ culièrement des publicains. 3. Cic, Sest.,21 : « Omnes boni semper nobililati fauemus et quia utile est rei publicae nobïles homines esse dignos maioribus suis, et quia ualet apud nos clarorum hominum et bene de re publi meritorum memoria, etiam mortuorum » ; Q . Cic, Pet., 14 : α Iam iïi populo quam multi inuidi sint, quam consuetudine horum annorum ab hominibus nouis àlienali, uenire tibi in menlem certo scio V E L L . , II, 128. Sur ce préjugé, cf. R . HEINZE, Von der Urs. der Grosse Ro7ns, p. 30 ; W E G E H A U P T , Dignitas, p. 11 ; R . SYME, Rom. Rev., p. 315 : « Lacking any perception of the dogma of progress — for it had not yet beeninvented—-the Romans regarded novelty with distrust and aversion. The word « nouus » had an evil ring ». Sur Vhomo nouus et la commendatio maiorum, cf. R O L O F F , Maiores bei Cicero, pp. .8-10 ; 134-142. Ce préjugé existe encore sous l'Empire si l'on en croit SÉNÈQUE, Benef., IV, 30,1 : « In petendis honoribus quosdam turpissimos nobilitas industriis sed noui praelulit non sine raiione ; sacra est nvignarum uirlutum memoria. » 4. Agr., II, 5 ; Verr., II, 5,181 \ Planc., 64sq ; Q. ί \ , 1,1, 41.

476

L E S

P A R T I S

P O L I T I Q U E S

D A N S

L A

R O M E

R E P U B L I C A I N E

1

se (cum), (contra) : 128. Euocatio : 95. Excellens:233. Excelsus : 233. Exemplum : 303. Exercitatio : 257. Exercitus: 61,160,172. Exinùus:232,233. Existimatio : 362-363, 364, 365, 366, 369, 383, 386, 388, 389, 400, 404, 567. Exr.urgere :305. Exultatio : 376. Facere : 100,101,130, 245. Facilis, facilitas : 216-217,263,270,288,293. Facinus :245. Factio : 46, 99-109, 112, 113-114, 125, 137, 141, 329, 342, 396, 418, 427, 435, 439, 444, 445, 455, 502, 515, 523, 563, 567, 569. Factiosus : 107-109,137. Fama : 362,364-365,366,369,375,381, 383, 386, 400, 404,518, 520, 567. Familia : 226, 298, 518. Famtliaris, familiaritas : 68-71, 72, 73, 74, 77, 78, 79, 80, 81, 84, 200, 518. Famosus : 364. Fauere : 177-178, 180,197, 377, 409, 421. Fauor : 146,178-179,197, 204, 566. Fauorabilis : 179. Faustus : 177. Faufcor : 89,143,176, 178,181, 197. Fautrix:178. Félicitas : 277. Fidelis : 35-37 ; 527. Fidelitas : 30,37-38. Fidenter : 36. Fides : 17, 23-35, 37-41, 48, 50, 63, 73, 85, 96, 98, 104, 108, 119, 141, 146, 154, 155, 156,157,163,172,175, 232, 244,252,266, 268, 270, 275-276, 278, 279, 285-290, 296, 297, 299, 301, 302, 303, 307, 313, 317-321, 332,334, 342, 348,357,358,360,362, 365, 368,376,383,387,388,393,397, 404, 406, 408, 414, 418, 460, 480, 486,494, 495, 496,

588

INDEX VERBORUM LATINORUM.

527, 528, 529, 543, 544, 549, 556,566, 567, 569. Fidespublica : 26,28. Fiduciarius : 23. Fidus : 35-37. Finis: 153. Firmus : 284. Foedus (adj.) : 38. Foedus (nom): 38-40, 51, 85, 86, 287,318, 319, 543. Fortis : 72, 232,247-248,250, 284, 290, 477, 485,494,496, 513,526, 569. Fortitudo : 72, 232, 247-248, 249, 250, 258, 261,274,291,292. Fortuna : 277, 298, 399, 478. Fouere : 177. Frequens, frequentia : 162-163. Fulgere, fulgidus : 196. Furiosus : 569. Furor : 136, 530, 558. Generosus : 235. Genus : 230,234-235,236,242,298,300, 476, 478,567. Globus : 438. Gloria : 48,156,178,196, 203, 230, 338, 362, 364,369-383,386, 387, 389, 400, 402, 413, 459, 518, 549, 567. Gioriola : 370, 376. Gloriosus : 156. Gradus honorum : 385 ; — dignitatis : 400, 401,457,565. Grates : 202, 203. Gratia : 48, 63, 179, 202-208, 209, 215, 217, 219,236, 237, 240, 242, 307-308 363, 360. 375,376, 377, 386,399, 414,459, 518, 566. Gratiosus : 208 463. Gratulatio : 179. Gratus : 202, 203, 206, 207, 203, 519. Granis : 297-290, 292, 293, 294, 300, 471, 499 538. Grauitas : 45, 216, 245, 275, 279-290, 292, 294,309, 309, 316, 317,332, 338,387, 397, 404, 408,567, 568, 569. Grex : 62, 326. Hilaris : 215. Hilarius : 215. Honestas : 387-388, 407, 410, 414. Honestum : 388. Honestus : 388,462-463, 464, 491. Honos : 14, 27, 45, 48, 169, 178, 206, 218. 230, 231, 236, 244, 277, 299, 305, 310, 383-387, 388, 389, 401, 403, 404, 408, 462. 518, 549, 567. Hospes : 50, 52, 53, 69. Hospitium : 23, 25,34, 50-53,154. Hostis : 188-189,191, 194, 490. Humanitas, humanus : 245, 262, 264, 267271, 293, 487. Humilis, humilitas : 443,515. Iactatio : 376. Ignauia : 479. Ignauus : 486. Ignobilis, ignobilitas : 225, 377, 408, 473.

Ignotus : 456. Illustris : 461-462,463, 466. Imagines : 225-227, 434, 479, 480. Imperator : 357, 361, 384. Imperitus : 514. Imperium : 297,302,309,310,313,315,317 318,320,330,347,357,359,360,361, 385, 548, 560, 562. Impius : 112,115,530-531. Improbitas, improbus : 199, 489, 528-530, 532,533,535,542,569, Indignatio : 413. Indignitas : 393, 408, 413. Indoctus : 514. Industria (v. uirtus) : 178,253-254,286,373, 398,481-483,486. Industrius : 250,253, 254. Inermis : 225. Iners,inertia : 250. Infamia : 196. Infensus : 189,190,194. Infestus : 189,190,194. Infidelis : 36, 37. Infidus : 36, 37, 527. Infimus : 217, 500, 515. Ingeninm : 298, 519. Ingratus : 202. Inhumanifcas, inlmmanus : 268, 269. Inimicitia, inimicus : 128,166,186,187,188, 189,191,193,194,198. Iniquitas, iniquus : 199, 200, 529. Iniuria : 166-167. Iniustus : 529. Inligare : 81. Innectere : 81. Innocens : 487. Innocentia : 245, 283. Inops : 471. Inquilinus : 476. Insuber : 476. Integer : 487. Integritas : 245,275,282-283,284,298,300, 316. Intelligentia : 258. Interpres : 221. Inuentor (legis) : 321. Inuidentia : 197. Inuidere : 195-198,199. Inuidia : 151,195-199, 375. Inuidiosus : 195,198. Inuidus : 196,198,199, 20C Inuigiiare : 251. Inuisus : 195,198. Iracundia, iracundus : 196. Iubere : 182, 312. Iucundus : 207, 519. Iudicium : 254. Iungere : 81. Iurisprudens : 257. lus : 408, 546-547, 548, 556. Iusiurandum : 27,97. Iustitia : 27, 30, 216, 258,261,265-267,273, 275,393,394,396,486. r

INDEX VERBORUM LATINORUM Iustus : 151, 273. Iuuare : 171, 255. Iuuentus : 279, 334, 440, 454, 455, 457, 465, 468-470,499,533. Labor : 84,156, 209, 248-250, 251, 255, 398. Labor et periculum : 249, 478. Laborare : 249, 251. Laboriosus : 250. Laetitia : 203. Largitio : 168, 219-221, 519, 537, 566. Largitor : 219. Largus : 219. Latitudo : 229. Laudabilis : 463. Laudare : 365. Laudatio funebris : 227, 365. Laus : 48, 178,179, 202, 203, 232, 362, 365369, 375, 376, 382, 383, 384, 386,387,400, 404, 518, 520, 567. Lectus : 464-465, 514. Legio : 61. Lenitas : 261, 263. Leno : 60. Lentulitas : 441. Leuis : 538. Lenitas : 518, 558. Lex : 519, 533, 547, 548. Liberalis, liberalitas : 168,215-221, 263,266, 270, 282, 459, 566. Liberator : 551, 552, 554. Libertas : 27, 90, 318, 331, 408, 4.14, 537, 542-565. Libido : 259, 260, 558, 559. Licentia : 117, 558-559. Litterae : 268. Locuples, locupletes : 459, 463, 470-472, 491, 510, Longitudo : 229,401. Loqui : 59, 527. Lucumo : 341. Lustrum : 449. Luxuria : 259. Magister : 89, 221, 302. Magistratus : 385, 386. Magnanimitas ; magnanimus : 290, 291. Magnificus : 459. Magnitudo : 229, 314, 319, 401. Magnitudo animi : 258, 290-294. Magnus : 291, 294, 387 ; — animus : 290294. Maiestas : 279, 287, 314-320, 387, 402, 543, 569. Maioros : 537. Maleficîum : 166. Maleuolentia, maleuolus : 199, 200. Malus : 489, 526-528, 530, 569. Mansuetudo : 151, 261, 262, 267, 268. Manumissio : 17. Manus : 61, 326, 470. Momuria : 257, 378. Mens : 27, 121, 244, 277. Muror« (ri) : 169. M'Titum : 169-270.

589

Minister : 89, 90. Misericordia : 151, 168, '245, 292, 263, 267, 268, 269. Mitis :261. Mobilis : 284. Moderari : 264. Moderatio : 263-265, 289, 292, 293. Moderator : 264, 265, 283, 353. Moderatus : 264. - Modestia, modestus : 263-265, 283. Mos maiorum : 72, 290, 303, 311, 350, 358, 442, 475, 537. Multi : 492, 513. Multitudo : 324, 442, 471, 497, 501, 513515, 562. Munificentia, munificus : 219, 220. Munus : 153. Natio : 503. Necessarius : 65, 67, 71-76,162. Necesse : 71. Nécessitas : 72, 74-76, 397. Necessitudo : 24, 63, 68, 69, 71-76, 77, 80, 82, 86,110,154,164, 419. Negotiator : 529. Nobilis : 48, 107, 224-227, 228, 230, 232235, 240-243, 246, 247, 249, 254, 255, 292, 294, 333, 341, 366, 368, 376, 400, 408, 430-439, 446, 448, 456, 462, 463, 465, 466, 471, 477, 479, 483, 484, 499, 502, 507, 511, 514, 535, 536, 538, 559. Nobilitas : 11, 14, 100-103, 109-112, 115, 206, 224-227, 228-236, 243, 271, 285, 286, 292, 298, 300, 301, 302, 306, 307, 309, 310, 333, 338, 350, 362, 364, 377, 382, 408, 430-439, 441-445, 451-455, 461, 469-479, 481, 482, 490 493, 501, 502, 503, 507, 511518, 521, 523, 525, 535, 538, 560, 563, 564, 567, 568. Nolle:41. Nomen : 64, 225, 519. Nomenclator : 160, 212, 213. Notus : 224, 456. Nouicius : 476. Nouus (homo) : 196, 226, 230, 235, 237, 243, 249, 254,366, 368, 373, 433, 436, 437, 438, 442, 444, 451, 453, 472-483, 525, 536, 546. Nundinae : 10. Obligare:164. Obsequi : 217. Obsequium : 217, 566. Obseruantia : 116,158, 204, 214, 270. Obseruare : 159, 214. Ob.-itringere : 164. Obtinere : 418. Obtrectare, obtrectatio, obtrectator : 199. Occursare, occursatio : 211-212. Odi : 191-194. Odiosus : 194,198, 207. Odium : 188, 191-194, 195-198. Odor : 191. Offendere : 194. Offensio : 195,197, 198. Offensus : 194.

590

INDEX VERBORUM LATINORUM

Officere : 152.

OfficîoBUs : 53,156. Officium : 24, 73, 82, 86, 88, 152-163, 164, 170,175,179,180,184, 204, 205, 206, 214, 252, 267, 269, 276,277, 286,315, 365, 383, 384, 393, 427, 487, 542, 556, 557, 566, 567. Olere : 191.

Opéra : 62,163,174,175,219, 253, 255, 326. Opifex : 152. Opprimer*.* : 550, 552. Oppugnatio : 157. Ops, opes : 45, 48, 104, 106, 107, 173, 237238,241, 242, 298, 300, 302, 307, 352, 353, 443, 477-479, 499, 520, 546. Optimales : 84, 90, 92, 102, 103, 104, 113, 118, 120,136,147,181, 246,348, 370, 382, 419, 420, 423,438, 439,445,494,495,500505, 512, 513, 515, 517, 520, 521,524,526, 531, 533, 536, 538, 557, 559. Optimus : 113, 351, 368, 369, 419, 423, 483, 494,495-500, 502, 505,530. Opulentia : 396. Opulentus : 500. Opus : 153. Ordo : 427-429, 506, 507, 515, 539. Ordo equester : 334, 436, 449 sq., 467-468, 470, 506, 509, 521. Ordo pedester : 506. Ordo plebeius : 506, 507. Ordo senatorius : 227, 230, 232, 243, 245, 254, 257, 258, 264, 267, 272, 275, 278, 290, 293,298,307, 332, 336,429,430,431,449, 451, 456 460, 461, 466, 474,482, 491, 505, 506, 509, 513, 521, 535, 544, 550, 568. Ornamentum : 169, 234, 259, 266, 276, 283, 464. Ornare : 464. Omatus : 230, 463-464. Ostenratio : 376. Otium : 271, 538, 557 ; — cum dignitate : 410. Parère : 301. Pars, partes : 99, 100, 110-115, 141, 323, 415, 418422, 424, 427, 488, 534, 567. Particeps : 87, 89. Partiri : 110.

Panais : 294, 333, 473. Paterfamilias : 315, 319. Patientia : 247, 274, 284. Patres : 16, 311, 332, 429-430, 435,436, 438, 439, 443, 489, 501, 507, 508, 512, 513, 516, 517, 543,563. Patria : 278. Patricii : 13,15, 429-438, 507. Patrocinium : 24. Patronus : 17, 18, 23, 28, 29, 31,33,35, 37, 51,54,69,172,287,296-300,302,306,307, 313,315,321, 332, 350, 352, 357, 404, 405, 408, 508, 527, 567. Pauci : 106, 108, 420, 439 ; 443-446, 447, 448,455, 493, 502, 512, 517, 538, 563. Pauperes : 510, 517.

Pax : 24, 39, 244, 276, 538, 557. Pccunia : 219. Pedarii : 117, 305. Pedibus in sententiam ire : 117, 122, 305. Percarus : 207. Perditus : 113, 423, 532-534. Pergratus : 207. Periculum (v. labor) : 84, 249, 250. Perinuisus : 198. Peritia, peritus : 196, 257. Pemiciosus: 532. Persequi : 301. Pessimus : 528. Petere (honorem) : 211, 212, 213, 385. Petitio : 211, 212, 213, 218, 519. Petitor : 211, 213. Petiturire : 211. Pietap, pius : 27,148, 261,269,278-279,286» 287,290,355, 383, 393,394, 530, 531. Piscinarii : 333, 446-447, 448. Plausns : 179. Plebeius : 507, 509. Plebicola : 522. Plebs : 186,324, 430, 435-438, 441, 443, 492, 497, 501, 504, 506-512, 514, 515, 516, 517, 522. Pollere : 239, 240. Pondus : 279. Populari s-populares : 88,90, 92, 100, 102, 103,104,107,109,112, 113,115,120,131, 207, 233,246,249, 278, 289, 293, 324, 382, 419,423,424, 430, 437, 438, 441, 442, 445, 446, 478, 489, 490, 497, 502, 503, 515, 518-541, 556, 557, 559, 560. Populus : 491, 500, 501, 513, 515-518, 520, 522, 539, 544, 545, 548. Posse : 238-242. Posteritas : 378. Potens, potentes : 208, 228, 240, 241, 442443,444, 448, 517. Potentatus :339. Potentia : 106, 178, 196, 206, 236, 238-242, 308,309,329, 330, 350,353,356,381, 443, 444, 529, 564. Potestas : 24, 28, 240, 242, 264, 275, 297, 309, 310,312, 314,317, 319,320, 330, 333, 349, 356, 360,404,405, 411, 444, 500 ; — tribunicia : 359, 546, 547. Praesidere : 172. Praesidium : 172, 173, 331. Praestans, praestare : 337,338, 499. Preces : 213. Prensare, prens-:atio : 212. Primarius : 465. Primi (ciuitatis) : 339. Primores (ciuitatis) : 333, 338-339, 471 ; — — (equestris ordinis) : 457. Princeps, principes : 16, 68, 88, 104, 105, 113, 231, 237, 301, 306, 327-361, 371, 411, 429,441-442, 443, 444, 447, 483, 490, 501, 503, 512, 513, 517, 567 ; — equestris ordi­ nis : 456-457 ; — iuuentutis : 457 ; — publicanorum : 456.

INDEX VERBORUM LATINORUM Principatus : 104, 330, 340, 342, 348, 357, 539, 563, 564. Priuatus (homo) : 14, 310, 352. Probare : 417. Probatus: : 487. Probitas : 31, 275 ; 285-286, 300, 494, 529. Probus : 285, 439 ; 494-495, 528. Proceres : 457. Prodigus : 220. Proletarii:508. Propinquus, propinquitas : 44, 63, 64,67-68, Propugnatio : 157. Propugnator : 157. Prouidentia: 256, 257. Prouidere (îationibus) : 422. Prouocatio : 546, 560. Prudens : 116, 203. Prudentia. : 30, 38, 116, 203, 245, 256-267, 270, 273, 274, 275, 280, 300, 303, 568. PubUcani : 85, 467, 470, 472. Pudet (me) : 283. Pudicitia : 30, 283. Pudor : 27, 283. Pulchritudo : 390. Quadruplator : 529. Quaestiones perpetuae : 453,467, 507, 511. Quietus : 250. Ratio : 254,416,421-424,488,497,519,532, 533. Recusatio : 358. Reetor : 353. Redamare : 142. Reddere : 155,166. Reducere. reductio : 161. Regnum : 90, 310, 548, 550, 660*561, 662, 565. Rehgio : 31, 251, 276. Reperticius : 476. Res : 31, 377, 416, 420-421, 422, 534. Res gestae : 302, 403, 404. Res publica : 353, 354, 423, 527, 545, 546, 548, 649, 557, 565. Restitutor (salutis) : 412. Retinere : 317, 550. Rex : 330, 341, 353, 476, 481, 513, 560-561. Rogare, rogatio : 213. Rogator : 329. Saeramentum : 95. Salus : 27, 157, 365, 411-412, 414, 415, 537, 549, 553, 565. Salutare : 212. Salutatio : 53,160,161, 213, 404, 566. Salutator : 160. Sanus : 495. 513. Sapiens : 116, 230, 271-274, 289, 486, 487, 490, 495, 514, 537, 542. Sapientia : 116, 245, 258, 271-274, 303, 568. Satclles : 90. Scclus : 166. Scriptor : 323. Secedere, secessio : 235,323. Sscta ; 105.

591

Sectari,sectatio,sectator : 161. Securitas : 548. Seditio : 93, 134, 135-137, 323, 324, 531. Seditiosus : 134,531-532. Seiunctio, seiungere : 129. Seminanum (senatusï : 469. Senator : 307, 352. Senatus : 332, 469, 490, 491, 501, 506, 513, 516, 517. Senectus : 279. Sensus : 121,132,183. Sententia : 116-120,124, 132,133,183, 280, 305,306,307,312,313,321,325,334,397, 403, 405, 406, 424, 544, 567. Sentire : 116, 119-122, 123, 131, 132, 245, 497, 527. Sequester : 221. Sequi : 34, 86,301, 306, 332. Sermo : 268. Seruator : 157. Seruitium, seruitus : 543, 546, 559. SeruuR : 60. Seueritas, seuerus : 216, 281-282, 283-285, 288, 293, 299, 404, 537, 538. Signifer : 325. Simultas : 188. Sinister : 396-397. Societas : 23, 24, 39, 49, 63, 80, 82-90, 92, 109, 567, 569. Socius : 36, 67, 82-90, 110,171, 323, 518. Sodalicium : 63,109-110, 221. Sodalis : 67, 110. Sodalitas : 72, 93,109-110, 221. Somnus : 250. Spccies : 405. Spectabilis : 466. Spectatus : 465-466. Spes : 238, 534. Splendere : 196. Splendidus: 196, 208, 458-4