Le mirouer des simples ames / Speculum simplicium animarum

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LXIX

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LXIX

MARGUERITE LE MIROUER

PORETE

DES SIMPLES AMES ÉDITÉ PAR

ROMANA

GUARNIERI

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LXIX

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© Brepols 1986 No part of this work may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher.

INTRODUCTION L'AUTEUR ET SON TRAITÉ.

Pendant des siècles on a considéré le Mirouer comme un traité anonyme. Ni le texte en moyen-français, ni les textes en latin ne mentionnent un nom d'auteur. On constate que les manuscrits préservés proviennent de différents monastères. Le Mirouer a donc été considéré comme un livre de dévotion et comme le témoin d’une foi éclairée et orthodoxe. Si les lecteurs s'inquiétaient de quelques passages douteux, leur scrupule a été apaisé par l'approbation du chapitre final. L'oubli du nom de l'auteur a contribué à la propagation et à l'influence de l’œuvre. Et pourtant ni la vie, ni la mort de Marguerite Porete n'ont jamais été ignorées par les historiens. Mais il faut avouer que leur information provient surtout des actes de son procés d'inquisition. Marguerite Porete y est présentée comme une béguine du Hainaut. Malgré son manque d'instruction elle a écrit un livre, qui a été condamné une premiére fois avant 1306 par Guy de Colmieu, évéque de Cambrai. Sur l'ordre de cet évéque le livre a été brülé solennellement sur la place publique de Valenciennes. L'évéque a ordonné en plus dans une lettre officielle que, si elle osait encore propager par parole ou par écrit sa doctrine

erronée,

il la condamnerait

et la livrerait

au

bras

séculier. Le livre de Marguerite a fait l'objet d'une seconde censure le II avril 1309. Ce jour-là vingt et un maîtres en théologie ont été convoqués par Guillaume de Paris, inquisiteur officiel de France,

en

l’église

des

Mathurins,

siège administratif

Sorbonne. L'Inquisiteur leur demande

de la

de porter un jugement

sur un livre dont il ne mentionne ni titre, ni auteur, mais dont

il a tiré quinze articles suspects. Aprés délibération, les logiens déclarérent unanimement que le livre devait étre déré comme hérétique. Il est donc probable que Marguerite a été arrétée au de 1309. L'Inquisition lui reproche surtout de garder possession et de communiquer à d'autres personnes son condamné.

A partir de son arrestation

théoconsidébut en sa livre

Marguerite a toujours

refusé de comparaître et de répondre aux questions de ses juges. Elle a été finalement condamnée comme relapse le 31 mai 1310. Le lendemain, 1* juin 1310, elle a expiré sur le bûcher, dressé Place de Grève. Ni les actes du procès, ni les chroniques ne mentionnent le titre du livre condamné. Ces documents nous donnent pourtant quelques indices de son contenu. De fait, nous apprenons le

premier et le dernier des quinze articles suspects présentés aux

f

ne de Paris. Les voici textuellement: ) Quod anima adnichilata dat licentiam virtutibus nec est

VI

INTRODUCTION

amplius in earum servitute, quia non habet eas quoad usum, sed virtutes oboediunt ad nutum. (8, 10-15) b) Quod talis anima non curat de consolationibus Dei nec de donis eius, nec debet curare nec potest, quia tota intenta est circa Deum, et sic impediretur eius intentio circa Deum. (26, 9-16) La chronique du continuateur de Guillaume de Nangis mentionne un autre des quinze articles: Quod anima adnichilata in amore conditoris sine reprehensione conscientiae vel remorsu potest et debet naturae quidquid appetit et desiderat (concedere). (17, 1-5) Ces quelques indices ont suffi à l'érudition du docteur Romana GUARNIERI pour retrouver et identifier le traité de Marguerite Porete. Elle a annoncé sa découverte dans l'Osservatore Romano du 16 juin 1946, dans un article intitulé: Lo specchio delle anime semplici e Margherita Porette. Depuis lors cette érudite dame a édité le seul manuscrit accessible contenant la version originale en moyen-français, le manuscrit de Chantilly, Musée Condé, XIV F 26 (Catalogue, n° 157). Le texte original porte comme titre: “Le Mirouer des simples ames aneanties et qui seulement demourent en vouloir et desir d'amour". Existe-t-il d'autres témoins de cette version originale? M. DE CORBERON a annoncé en 1957 quil connaissait un autre manuscrit francais, qui se trouverait chez des moniales d'expression française vivant hors de France (Etudes Traditionnelles 341 p. 211). Cette communication n'a jamais été précisée ni confirmée. Par contre, il est absolument certain que la Bibliothèque municipale de Bourges possédait jusqu’en 1961 un manuscrit du 17° siècle contenant le texte du Mirorr. Dans une lettre datée du 8 novembre 1983 le conservateur m'a confirmé la regrettable disparition de ce document (:). NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION

La présente édition essaie de retrouver autant que possible le texte original de Marguerite Porete. La version en moyenfrançais se rapproche sans doute le plus de l'autographe perdu. D'autre part, il faut constater que le texte de Chantilly a été

(1) En voici le texte: “Il est malheureusement exact que notre manuscrit 120 (109) contenant le *Miroir des simples ames aneanties par amour! a été perdu en novembre 1961, au cours d’un envoi au Service central des prêts de la Bibliothèque nationale, sans espoir de le retrouver. On ne sait comment il a été perdu. Par la Poste? Au moment du déballage au Service des préts? Le Miroir comportait 93 chapitres (fol. 1 à 44)”.

INTRODUCTION

VII

écrit vers la fin du quinziéme siécle. Nous ignorons en quelle mesure il reproduit fidélement l'autographe. Pour cette raison le témoignage de la version latine pourrait nous rendre des services appréciables. Il est probable que cette version a été faite du vivant de Marguerite et en vue du procès de l'inquisition. En effet, le texte latin se termine par l'approbation de trois clercs. Cette approbation manque dans l'original. La version latine contribue à une meilleure compréhension du texte francais dont la syntaxe et le vocabulaire posent quelques fois de sérieux problémes. La présentation du texte moyen-frangais est faite par R. GUARNIERI. Nous remercions sincèrement notre collègue de pouvoir reprendre son édition parue premièrement dans: 4ychivio italiano per la storia della pretà IV (Roma, 1965) p. 513635. Quelques lectures différentes se sont imposées par la comparaison avec le texte latin. Le texte moyen-frangais souffre d'une lacune de plusieurs chapitres (134-137), due à la disparition de quelques pages. La version latine a omis le début du chapitre 15 et les chapitres 121-122. Dans tous ces cas nous avons recours à l'ancienne version anglaise. Nous remercions Miss M. DorroN qui nous permet de reprendre les textes correspondants de son édition: T'he mirrour of simple soules, dans: Archivio italiano per la storia della $ietà V (Roma, 1968) p. 247-355. Nous avons recours à cette même édition pour l’apparat anglais. Cet apparat donne un supplément d’information pour tous les passages où les textes français et latin ne concordent pas entre eux. L'édition du texte latin pose de nombreux problèmes. En effet, les quatre manuscrits complets ne lèguent pas un texte uniforme. D'autre part, il semble bien que les différentes lectures représentent les états successifs d'une seule traduction originale. Nous avons choisi le manuscrit 4 comme document de base. Ce manuscrit a moins de lacunes que les autres et son texte se rapproche le plus de l'original en moyen-frangais. Seulement le texte 4 comporte des fautes évidentes. Nous donnerons en italique les phrases ou les mots empruntés à un autre manuscrit. L'apparat critique précise l'état global de la tradition. Le manuscrit B est le seul à mentionner au début de plusieurs paragraphes les personnages fictifs qui sont censés prendre la parole. Comme le Miroir a la forme d'un dialogue, ces indications ont une grande importance. Le lecteur constatera facilement que l'omission de ces personnages allégoriques est devenu la source de beaucoup d'erreurs dans la version latine. Pour que la version latine aide vraiment à mieux comprendre l'original, nous avons adapté sa présentation à l'édition GUARNIERI. La division en chapitres et en paragraphes reprend celle de l'original. Quant à l'orthographe du latin, toutes les lectures ont été normalisées selon les lemmes du dictionnaire Quicherat.

VIII Pourtant dérivés.

INTRODUCTION nous

avons

gardé la graphie de "nichil" et de ses

MANUSCRIT

FRANCAIS

CHANTILLY, Musée Condé, F XIV 26 (ancien 986). Catalogue 157 Le manuscrit se compose de 119 folios mesurant 20,5 sur 14,7 cm. Le papier a un filigrane de cinq barres transversales; entre la seconde et la troisième barre on aperçoit un lys de France dans un ovale surmonté d’une croix. Selon le n° 7216 du manuel de Briquet, ce filigrane a été employé en 1467 à Angers, en 1470 au Mans, en 1477 à Châteaudun et en 1514 à Notre Dame du Parc-en-Charnie. Nous pouvons en conclure que le papier de notre manuscrit provient de la région d'Orléans et quil a été produit entre 1450 et 1530. La reliure est du veau marbré et porte les armes de Bourbon-Condé. Le dos du manuscrit porte le titre: Mirouer des simples ames. Sur la première page, on lit les inscriptions suivantes: “De conventu Magdalenes prope Aurellianis". "Ce present livre est a Jehanne Bontemps, et le donne et delaisse apres mon trespas a ma fille Claudine Bontemps, religieuse au dessus dit couvent de la Magdeleine”. Le livre a donc appartenu au prieuré de la Madeleine-lezOrléans. Cette maison a joué un rôle important dans la réforme de Fontevrault, entreprise en 1458 par l’abbesse Marie de Bretagne. La Communauté des Dames Religieuses de la Madeleine était un centre de vie religieuse intense entre 1475 et 1510. (DAGENS J, Le “Miroir des simples âmes” et Marguerite de Navarre, dans: La Mystique Rhénane, Paris, 1963, p. 287). Le manuscrit contient uniquement le Mirouer. Le texte a été écrit d'une seule main, à l'exception de la table des chapitres et du poème initial du folio 6. Ce poéme n'est probablement pas de la main de Marguerite. Le texte court sur toute la largeur de la page et chaque page porte 26 lignes. Le texte est exécuté dans une belle écriture gothique, qui date des derniéres années du XV: siècle ou du début du XVI:

Les titres, les initiales et

les personnages du dialogue sont écrits en rouge. La marge contient nombre d'apostilles ajoutées par différentes mains. (Cfr. GUARNIERI R,, I/ testo francese, dans: Archivio IV, Roma, 1965

P- 502-504).

MANUSCRITS

LATINS

A. VATICAN, Biblioteca apostolica vaticana, cod. Vat. lat. 4355, papier, 14° siècle.

INTRODUCTION

IX

Le manuscrit se compose de 57 folios mesurant 21 sur 15,2 cm. Le papier n’a pas de filigrane. La reliure de cuir brun porte les armes de Grégoire XVI (1831-46). L'origine du manuscrit n'est pas connue, mais le texte semble écrit par deux mains italiennes. À la première feuille de garde on lit un index de neuf textes (pe. De adventu Christi, De sancto Francisco, De sacerdotibus sew praelatis) qui n'ont rien à voir avec le contenu réel du manuscrit. Celui-ci ne contient qu'une seule ceuvre, qui porte le titre: "Iste liber vocatur speculum. simplicium animarum". Le texte se termine par une approbation donnée par trois clercs dont Godefroid de Fontaines et le moine Franco de Villers. Cette approbation fait corps avec le reste du traité. Nous lisons une écriture gothique du quatorziéme siécle. Quatre initiales importantes (aux folios x, 2", 47' et 54*) n'ont pas été exécutées. Le texte a été écrit par deux mains différentes: la première a écrit les folios 1 à r1, la seconde les folios I2 à 55. Le texte n'est pas divisé en chapitres, il court sur toute la largeur de la page et chaque page comprend entre 32 et 35 lignes. Du début à la fin l'on trouve des notes marginales qui résument l'idée ou mettent en valeur une expression particuliére. Notre édition ne mentionne pas ces notes de lecteur.

B. VATICAN, Biblioteca apostolica vaticana, cod. Rossianus 4, en parchemin, 14? siécle. Le manuscrit se compose de 161 folios mesurant 16,6 sur 12,8 cm. L'origine du manuscrit n'est pas connue, mais le texte doit être écrit en Italie. En effet, les trois derniers folios (158" à 160") contiennent un texte italien intitulé: "Queste sono parole de sancto Dionisio". Il s'agit d'un fragment d'un commentaire

par R. GUARNIERI dans: Archivio italiano per la storia della pretà IV (Roma, 1965) pp. 643-644. Sans compter ce fragment, le manuscrit contient uniquement le "Speculum" qui porte le titre: "Incipit speculum simplicium animarum in voluntate et desiderio morantium" (folio r*). Le texte se termine par l'approbation qui fait corps avec le reste du traité. Le texte est écrit en caractéres gothiques par un seul copiste. Plusieurs initiales ont été ornées par des couleurs rouges et bleues. Le texte n'est pas divisé en chapitres, mais le manuscrit montre clairement que le traité est composé comme un colloque entre plusieurs personnages réels (Anima, Deus) ou abstraits (Amor,

Ratio, Intellectus,

Ecclesia,

etc.). En effet, souvent

le

nom de ces personnages précéde en majuscules les mots qui leur sont attribués. Le Ros.4 est le seul manuscrit qui a gardé

X

INTRODUCTION

cette particularité qui se retrouve aussi dans l'original moyenfrançais (CHANTILLY, Musée Condé, Ms F XIV 26) Le texte court sur toute la largeur de la page et chaque page comprend 23 lignes. Ce manuscrit soigné et bien lisible a souffert à plusieurs endroits des dommages de l'eau ou de l'humidité. Ainsi plusieurs folios sont rendus presque illisibles (p.e. 1 à 3, 47, 50-51). À d'autres endroits quelques phrases ont été effacées (folios 136-

37, 140-142, 144-145, 148-149 et 154). C. VATICAN, Biblioteca apostolica vaticana, Cod. Chigianus B IV 41, papier, vers 1398. Le manuscrit se compose de 112 folios. Mais la pagination est défectueuse: elle saute de 29 à 40 et l'on trouve deux fois le folio 71. Cela nous raméne à 103 folios, mais pour des raisons pratiques mieux vaut garder la pagination existante. Les feuilles mesurent 21,3 sur I4,4 cm. Le papier n'a pas de filigrane. Le manuscrit est relié dans un parchemin de couleur verte et il porte sur le dos cette inscription en lettres dorées: "R. a S. Vic. De XII Pat. et Simp. Anim." L'origine du manuscrit n'est pas connue, mais le texte semble écrit par une main italienne. Ce recueil contient deux ouvrages littéraires et une table pascale: I — folio r' à 48v: Richard de Saint-Victor. De duodecim Patriarchis (ou Beniamin minor) cfr. PL 196, col. 1-64 2 — folio 49* à 111': Speculum simplicium animarum. 3 — folio 111° à 112": une table qui mentionne la date de Pâques à partir de l'année 1398 jusqu'à l'année 1500. Ces trois textes ont été écrits par la méme main, sans doute vers la fin du 14° siècle. : Le second texte est intitulé: "Incipit liber speculatissimus nuncupatus speculum simplicium animarum". Le traité est précédé d'une table divisant la traduction en cinquante chapitres (folio 49* à 50"). Ces chapitres ne correspondent ni à la division du texte original en moyen-frangais (Archivio IV, p. 513-519) ni à la division de la traduction anglaise (Archivio V, p. 247-355), ni à la division de la traduction italienne de Naples (Bibl. Nat. Cod. XII. F.5). Les chapitres de la table sont repris textuellement à leur place respective dans le cours du traité. Le cinquantiéme et dernier chapitre contient l'approbation du livre par un grand nombre de révérends docteurs. Notre manuscrit a réduit le texte de cette approbation et il ne donne pas le nom des autorités consultées. Il parle seulement de "servi Dei qui audierunt istum librum qui fuerunt magni nominis vitae et sanctitatis" (fol. rro"). Manifestement le copiste italien

INTRODUCTION

XI

n'était guère impressionné par les noms de Godefroid de Fontaines ou du moine Franco de l'abbaye de Villers. Le texte est écrit en caractères gothiques. Il court sur toute la largeur de la page et chaque page comprend 27 lignes.

D. VATICAN, Biblioteca apostolica vaticana, Cod. Chigianus C IV 85, papier, écrit en 1521. Le manuscrit se compose de 180 folios mesurant 14 sur 10 cm. Il est relié dans un parchemin qui porte sur le dos cette inscription: "Notae in Psalter Spec. Anim. Simplic. Rithmi devoti, etc." Le recueil comprend plusieurs ceuvres. Il semble que les folios 93 à 152 aient préexisté comme un livre séparé. Ils sont un peu plus longs (147 cm) que les autres folios et l'écriture est d'une méme main. Ces feuilles nous léguent plusieurs textes: I— Le Sfeculum qui porte le titre: "Speculum animarum simplicium 2m voluntate et desiderio morantium. Alias anima adnichilata" (fol 93* - 140 "). 2 — Nicholaus Cusanus, De ignoto Deo inter Gentilem et Chrishanum dyalogus, (fol. 141' - 1437). abscondito” dans: Nicolaus Cusanus, Opera omnia IV, Opus-

culum 1 ed. P. WILPERT, Hamburgi, 1959, p. 3 - 10. Notre manuscrit est décrit à la page XX XII. 3 — Quelques prières et trois recettes de cuisine (fol. 143" - 152"). Le "Speculum" fut copié dans le "Sacro Specu sancti Benedicti" à Subiaco et la copie fut terminée le 5 novembre 1521 (folio 140"). Nous savons que le copiste a transcrit un manuscrit plus ancien de son monastére, car il note au folio 127" que des souris ont mangé une partie de l'original, de sorte que la suite du texte sera défectueuse. "Hic mures roderunt originale et sic accidit aliis in locis similibus". Une autre note marginale nous dit que la copie a été commencée en vue d'une impression du traité, mais le copiste pense que l'autorité ecclésiastique ne permettra pas cette impression: "Credo quod non probaretur hic libellus pro typo, quia nimis altus pro simplicioribus vel quasi scandalosus" (folio 126"). Le "Speculum" est écrit dans une lettre gothique, cursive et textuelle. Le texte n'est pas divisé en chapitres; il court sur toute la largeur de la page et chaque page comprend entre 32 et 36 lignes. E. OxroRp, Bodleian parchemin, 15? siécle. Le manuscrit

Library, Cod. Laud.

se compose

lat. 46, papier et

de 105 folios mesurant

29,5 sur

XII

INTRODUCTION

21 cm. L'origine du manuscrit n'est pas connue mais le texte

semble écrit en Allemagne. Nous savons par ailleurs que le traité *De simplici anima" était présent dans la bibliothéque des chartreux de Strasbourg. (R. HAuBsT, Studien zu Nikolaus von Kues und Johannes Wenck, Münster 1955, p. 119 note 25). Il n'est pas exclu que l'archévéque Laud ait acheté le manuscrit ayant appartenu aux chartreux de Strasbourg. De toute facon, l'origine allemande du manuscrit Laud. lat. 46 ne pose plus de probléme. Le manuscrit ne contient que la page initiale du Speculum (folio 70"). Voici le titre: "Incipit liber qui appellatur sbeculum animarum simplicium, Alias vocatur Margarita". Le texte se termine par les mots: "ex toto corde, hoc est ut omnes nostrae cogitationes." I] est absolument certain que le manuscrit a contenu tout le traité. En effet, aprés le folio 70" trente folios ont été déchirés. Selon l'ancienne pagination le folio 70 portait le numéro 66 et le folio suivant portait le numéro 96. On ignore qui a mutilé le manuscrit, mais il est évident qu'on a voulu détruire le Speculum. La page initiale a été sauvée parce qu'elle se trouve au verso du texte précédent. Quel est le texte qui précède le Speculum? C’est une œuvre de Raymond Lulle (12351315): "Quaestiones super sententias" (fol. r* à 70"). Il s'agit de disputes scolastiques qui ont eu lieu à Paris entre le 15 et le 22 aoüt 1298. (F. STEGMÜLLER, Repertorium commentariorum in sententias Petri Lombardi, p. 346). La dispute de Lulle nous raméne au temps vers lequel Marguerite a dü écrire le Miroir. F. VATICAN, Biblioteca apostolica vaticana, Cod. Vat. lat. 4953, parchemin, aprés 1437.

Le manuscrit se compose de 66 folios mesurant 36 sur 26 cm. Il se trouvait dans l'héritage du Cardinal Sirleto (1514-1585). Tous les textes de ce manuscrit se rapportent au concile de Ferrare (1438). Ils ont été écrits par une seule main trés nette. On y lit d'abord un traité anonyme intitulé: *Contra Graecos de processione Spiritus Sancti et de animabus defunctorum, de azimo et de fermentato et de oboedientia ecclesiae Romanae" (2: — 28"). Les folios 29 à 32 contiennent trente propositions tirées du "Speculum simplicium animarum". Ces propositions sont pré-

sentées comme des erreurs et elles sont suivies d'une réfutation fondée sur des citations trouvées dans les Pères de l'Eglise ou dans les déclarations conciliaires. Ces folios ont été édités par R. GUARNIERI dans: Archivio italiano ber la storia della pietà, IV (Roma, 1965, pp. 650-660). Les trente propositions suivent de prés la version du Codex Rossianus 4. Pour cette raison nous n'en tenons pas compte dans l'apparat critique de notre édition.

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XIV

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LE MIROUER DES SIMPLES AMES ANIENTIES ET QUI SEULEMENT DEMOURENT EN VOULOIR ET DESIR D'AMOUR Icy commence la table pour trouver les chappitres de ce livre appellé "Le mirouer des simples ames anienties et qui seulement demourent en vouloir et désir d'amour’.

[1] [2] [3]

[4]

[5] [6] [7]

[8] [9]

[10] [11]

Leaptologubsl. dgeuscnentro md oio meme: De l'entrepise d'Amour, et pourquoy elle fist i AUS us uos ara NS i exu cs E Icy parle Amour des commendemens de nostre mere. Saiuete: Eglise aiseniro ane à: De la noble vertu de Charité et comment ellesne obeystisinon as Amour. 2514. ts De la vie qui s'appelle pais de charité en vie acdnientienret lie EE trrf Comment l'Ame vivant en paix de charité prentcongléiaux.Vertuza au «osooieso nes, Comment ceste Ame ne fait compte de nulle pienequi. sogitus n'est qos tcscon oqosmipeb Comment Raison s'esbahyst de ce que l'Ame desse des Vertu s es os s are o MIERNEUS Comment telles Ames n'ont point de propre vsonlentenece. «scs s crac SR NEN Ent Comment Amour nomme ceste Ame par douze noms a la requeste de Raison, et pour lesvaetitsgesmoaHc eo doma RIDore EIE

IF

A

vij.

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Comment, a la requeste de Raison, Amour donne cognoissance de ceste Ame aux vrais

contemplatifs en declarant neuf poins Le vray entendement de ce que ce livre a [12] dit que l'Ame Adnientie n'a point de vouEn dune M ooh seeds o ct Comment Raison est contente de la decla[13] racion des choses dessusdictes pour les actifs et contemplatifs, mais elle demande encore nontdles domunes-pense à Pme nn Comment ceste Ame par Foy a cognoissance [14] de. Dieuüucitlsltrio Le RÉCUP NT CEE LES Icy parle haultement du Saint Sacrement de [15] autel re odoame des one 1 te [16] Icy respont Amour a Raison ad ce qu'elle a dit que l'Ame scait tout et ne sçait nient Icy respont Amour a Raison ad ce qu'elle a [17] dit que ces Ames donnent a Nature ce qu'elle demande» .ssoredeot «buic art C EE

xj. el]:

xiij*. xiiij*. XV*.

xvj*. XVII"

IV

MIROUER

[18] Comment telles creatures ne scevent plus de [19]

[20]

[21] [22] [23] [24] [25]

[26]

[27] [28]

[29] [30] [31] [32] [33] [34]

Dieu parler Comment Foy, Esperance et Charité demandent a Amour cognoissance de telles Ames Amour respont a Raison ad ce qu'elle a dit que nul ne cognoist telles Ames fors Dieu Amour respont a l'arguement de Raison pource que ce livre dit que telles Ames prennent congé aux Vertuz Comment ceste Ame est comparagee a l'aigle qui vole hault, et comment elle prent congé de Nature Comment ceste Ame a deux potences, et comment elle est yvre de ce de quoy oncques elle ne beut En quel temps telles Ames sont en la droicte franclisécd Amgursdo. S Hepgp tM euOcou AR UN Raison demande a Amour se telles Ames sentent nulle joye ou leesse dedans elles USES occursus PURSE. RIEN Comment ceste Ame n'ayme rien sinon pour l'Amour: de-DIeu (o ieocio rra cor trALI Comment Meditacion d'Amour Pure n'a que une seule-éntente « «202 runs o MEE Comment

ceste noble Ame

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Xxvij*.

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merde opens ae MR Raison demande a Amour quant ceste Ame est en la pure franchise dAmour....... Comment Raison dit a Amour qu'elle assovysse ceste Ame de parler de Dieu tout ce que elleséttpoutgoiodieleso 32 res Comment Amour apaise l'Ame pource qu'elle a donné a son espoux ce qu'elle avoit. Comment Amour fait durer telles Ames en leur sens L'Ame s'esbahist, quant elle pense aux dons de la bonté»de Dieu exon ssec qu Comment l'Ame dit que de elle elle ne peut

Xxvij*. ar

nient

xxxilj-.

[35] Comment ceste Ame argüe contre Raison et dit que sans commencement elle est de Dieu amee Dp RH Ades vi Toaownetinaeo [36] Comment l'Ame est franche et hors de la subjectiór'de Taisobe NORUIDE B ooo fuo Icy dit l'Ame que en paradis a sa grant [37] gloire seront cogneuz ses pechez ....... [38] Comment l'Ame recognoist la courtoisie d'Amour en recognoissant parfaictement sa

xxjx*.

XXX NE xx]. Sx.

XXXV*.

XXXV. XXXVIJ°.

MIROUER

3

pouvretébe Jouoxptonnnt. pitodrosiisenia ie Comment Raison veult estre serve de l'Ame Comment Amour appelle ceste Ame surmontamment sage et pourquoy . ....... Comment l'Ame n'a nulle mesaise de peché, ne esperance en bien qu'elle fist oncques . . Comment le Saint Esperit enseigne ce que telle Ame scet et tout ce qu'elle veult et que elle ET EE Comment telles Ames sont appellees Saincte [43] Eglise, et quelle chose Saincte Eglise peut dire«d'ellesdfiscgat.qocafbeeséond fs Xeg eng bed [44] Quel usage a l'Ame qui languist d'amour, et en quel point est l'Ame qui est morte d'amour Comment ceulx qui n'ont point de voulenté [45] vivent«endranchise deicharité. ».tT. [46] Comment «telle Ame a cognoissance du plus, pource que, a son advis, elle ne cognoist rien de Dieu, au regart du plus deluy ... [47] Comment l'Ame est venue en cognoissance

deison dient edwU. zo».sdbori wp voy ME [48] Comment l'Ame n'est mie franche, qui desire que la voulenté de Dieu soit faicte en elle a SD boS TOU. les da Es ndr Comment telle Ame, qui n'a point de vou[49] lente: estenoblegmeoaee

ge

one

Adior ect s

[50] Comment ceste Ame est emprainte en Dieu

[51]

aussi comme est le seel en la cire ...... Comment ceste Ame est semblable a la Deité omine eco Teque T. S wipe oeneoud8

[52]

Comment Amour loue ceste Ame, et comment

[53] [54]

[55] [56] [57] [58] [59] [60]

elle demoure es habondances affluences.de divineramour: Jus ino ocntartonqu Comment Raison demande declaration de ce quiestidéssusrmditues ctisbegrermbosderelna: Raison demande de quantes mors il convient que l'Ame meure ains que on entende ce livre. Comment Amour respont a Raison ..... Comment les Vertuz se plaignent d'Amour qui cy pou leur porte de honnour. . ..... De ceulx qui sont en l'estat des marriz et commendügdlzesonissersdo. 399 9..0p9. NAS NS Comment les Ames Adnienties sont au .v*. estat. aveo. leugganayal. R- coperte ont emere De quoy a vesqu ceste Ame et comment elle est. sansjelleun aad ubtecmabaet feoda Comment

il convient mourir de trois mors,

xxxvilj*. NOUIS.

xljs*

xlij*.

xliij*. xliiij*. XIVe

xlvj*: x INA] xlviij. xlix.

]e.

1j.

2V

MIROUER

[o1] [62] [63]

[64]

[65] [66]

ains que on viengne a vie franchement admientie tenté. L ab Svgae UE ET PE & d me uH Des'sept:estaz.de l'Ame: 5*9 De ceulx qui sont mors a peché mortel et nez en vis duigrüce testo cum ocTone LS Comment Amour appelle vilains ceulx a qui ge A Sonoma il;souffistestre sauveziis Icy parle des Ames qui sont mortiffiees de Le Mae vices Denis ie RE De celles qui sont assises en la montaigne don Te au dessuedesvvenal; 277 25 9 poe Comment l'Ame est joyeuse de ce qu'elle a prins congé de Raison et des aultres VerTUE

NTERER

HERE ROOMS ORDRE

ROSCIUS C

[67] Icy parle du pays ou ceste Ame demoure, [68]

[69] [70]

[71] [72] [73]

[74] [75]

[76]

[77] [78]

[79] [80]

et de las Tomte s com ioco RR LE Comment par oeuvre divine ceste Ame est joincte a la Trinité, et comment elle appelle asnes ceulx qui veulent vivre du conseil de ss Raison Su sod outa ad ula due Te L'Ame dit ycy que l'usage des Vertuz n'est que solgsretotbavelk! i35. 2p. Ier onus 1fe Comment telle Ame est de la grace Dieu ce UE TE EU UR du eee EE Comment ceste Ame ne fait plus oeuvre pour Dieu, ne pour elle, ne pour ses proesmes . . Icy parle de la distance du pays des periz et marriz au pays de franchise, et pourquoy FAme:a votlenté ua odes Samo d Comment il convient mourir l'esperit, ains 2 9 qu'il:perdemsa'vonlenté:. 35231:03 00A Pourquoy Amour appelle ceste Ame. par si petit nom comme est non de "ame" ..... Comment l'Ame Enluminee donne entendement des choses dessusdictes par exemple de la transfiguracion de nostre seigneur JheSUCTIS ME MEN. AT: NID NE. OYTUSIE que Icy monstre l'Ame a l'exemple de la Magdelene et des sains que l'Ame n'a nulle honte av cep ergu n de.ses pechez bzinadpfel Icy demande l'Ame se Dieu a mis fin et . :2.4 terme aux dons de sa bonté ...... Comment ceulx qui n'ont obey aux enseignemens de parfection demourent encombrez d'eulx mesmes jusques a la mort Comment l'Ame Franche conseille que on ne escondisse point les demandes du bon esperit Comment l'Ame chante et deschante

ſx. xS.

Exp. lxij*.

Ixiij*.

Ixiiije. Ixv*.

Ixvj*.

Ixvij*. Ixviij*.

1xiiij*. Ixx*.

Kit Ixxij*. Ixxiij*.

Ixxiiij*. 3V

Ixxv*.

Ixxvj*. Ixxvij*. Ixxviij*. Ixxix*.

MIROUER

[81] [82] [83]

Comment

a ceste Ame

ne chault ne d'elle,

ne de son proesme, ne de Dieu mesmes . . . Comment elle est franche de ses quatre cosRARE Part est. ouraoeest naioce dium Comment l'Ame a le non de la muance ou NOT ATE à Le oc à CEE Comment l'Ame franche de ses iiij. costez [84] monte en souveraineté et vit franchement desdivibebvqexn ae Eas moe mro Beers bee bon E [85] Comment ceste Ame est franche et plus franchexethtres fraticher sie ops Je oerteus [86] Comment Raison s'esmerveille de ce que on dit de eestee Ve entes cqui bens os Lr dt [87] Comment ceste Ame est dame des Vertuz et fille: de fasbité rid b adeundi ro nta Comment Amour demande ce que Raison [88] demanderoit,

[92] [93] [94] [95]

[96]

[97]

[98] [99] [100] [ror] [102]

[103]

Ixxx]*. Ixxxij*:

Ixxxiij*. Ixxxilij*. Ixxxw*

Ixxxv]j*.

s'elle estoit en vie, c'est assa-

voir, qui est la mere de Raison et des aultres NÉE Re. Hat ls sue ui [89] Comment ceste Ame a tout donné par francChiseode obl EU fe, er AT Comment une personne peut venir a | par[90] fection pour faire le contraire de son vouloir [91] Comment la voulenté de ces Ames est la voulenté d'Amour, et pourquoy ........ Comment

Ix

l'Ame

se descombre

Ixxxvij*.

Ixxxvii]*.

bIxxxix* Ixxxx*.

de Dieu, et

d'elle; rétsde son'proesmeb.1zuapex. sem iin Icy: parle de la paix de divine vie ...... Du langaipe/de divine:vieo. m4. venons Comment le pays des marriz est loing du paysidestednientiz 63635 S TE Ecyiparled Ame aXa:cTrinitéshéóe velt Comment paradis n'est aultre chose que veoir Dieure qued da s ie cae iet urs P eon wc abe: Raison demande que font ceulx qui sont en estrersurrleutstpenseéestes 109 d ne mimos rn Comment telz gens, qui sont en tel estre, Sont en souverainetéeld.. 2955) 91. SHINE zs Comment il y a grant differance des anges, des udgs.envers lessaulites &« amo doum Comment ceste Ame ne veult plus rien faire, ne aussi rien ne luy fault, nient plus que a sone yr DE AURA. Lo. RSS iret Icy monstre l'Entendement de l'Ame Adnientie la pitié que c'est quant mauvestié a victoire sur bontéeous mo 11g Teo 2 Icy monstre que c'est a dire que le juste ER Ex e bhetusept Solz Ie joub, «22cm

Dogs xxx Ixxxxii]*.

Ixxxxiilj*. Ixxxxv*.

Ixxxxv]*. Ixxxxvi]*.

Ixxxxviiij*. Ixxxxlx*.

EZ

Cie. Cijc.

MIROUER

[104] Icy parle l'Ame comment Dieu luy a donné

[105] [106] [107]

[108] [109] [110] [111] [112]

[113] [114]

[115] [116]

[117] [118]

[119]

[120] [121] [122]

franchement sa franche voulenté . ...... «Que c'est a dire, que le juste chet sept foiz le jour> Comment l'Ame dit et monstre la somme de nete wr ses demandes tr 2600 FRERE Icy commencent les demandes de la noble EE et ee m Acer C Attie Agr on Une belle consideraci pour eviter peché Comment l'Ame s'esbahist de ce qu'elle ne I peut souffisamment satisfaire pour ses defe s fautes sauf on ik Mim npa Comment art en creature est ung engin soub...... til qui est en substance del'Ame La difference entre onction de paix et guerre que fait reprendement ou remors de conScience te tes AP. Dar amtas d EIN TH De la bonté parmanable qui est Amour parERP ROM Hana Die. J'EN Penser a la passion Jhesucrist fait avoir victoite'sur ous mesmes ^ 7. "er Se creature humaine peut demourer en vie re et-estretsams. elle s ebo ST co oer Icy parle de la substance parmanable, et comment Amour engendre en l’Ame la TriHET lE EA nr rt. ENTE Nux Comment l'Ame s'ejoyst de la grefté de ses pfoesmées 5 D A TT Comment ceste Ame monstre qu'elle est exemple'du: salut de toüte'creature- ; oc T« Des sept estaz de l'Ame devote, qui aultrement's'appellemt estres mal 4L EMTus Comment l'Ame qui a fait escrire ce inan s'excuse de ce qu'elle a fait ce livre si long en paroles, lequel semble bref et petit aux Ames qui demourent en nient et qui sont cheues d'amour'en/telestres: . um. 5M. ba Comment Verité loue telles Ames ...... Comment Saincte Eglise les loue | &5.17. Icy commence l'Ame sa changon .......

Ciije. Cj. (oye

Cv 4V

Cvij*.

Cviijc. (EG CHS

C]

Cx Cxiij*. Cxiiij. (xcv.

Czwj.

Cxvij°. Cxviij*. CKIX:. xs

Icy S'ensuivent aucuns regars pour ceulx qui sont en l'estre des marriz, qui demandent la voye du pays de franchise,

[123] [124]

et est le premier regart des apostres Le second regard est de la benoiste Magdelene

ET: Sr

CU:

MIROUER

[125] Le tiers est de saint Jehan Baptiste... .. [126] Le quart est de la vierge Marie

[127] [128]

[129] [130]

et de sa Sce qo toT AE ed exuere Le quint regart est comment nature divine est joincte en nature humaine en la personne GAS LUAM TP MU TP Le siziesme regart est comment l'umanité du Filz de Dieu fut pour nous tourmentee Le septiesme regart, qui est des Seraphins, et comment ilz sont uniz a la voulenté divine Icy parle l'Ame de trois beaux regars et consideracions, et comment elle ne cognoist de la puissance, sapience et bonté divine, sinon autant comme elle cognoist de sa foi-

7 Cxxiij*.

blece et sotise, et de sa mauvaistié

.....

[131] XIcy dit l'Ame que elle ne veult que la voulenté de Dieu [132] Comment Justice, Misericorde et Amour viennent a l'Ame, quant elle est yssue de son*enfance E ME e s cdam asa i. à Icy dit l'Ame que les regars dessusdis sont [133] pour les marriz, et remonstre qui sont les marriz,et comment ces regars sont en vie CES DEO Comi eqhiid tui apicis th a Comment lAme est en parfection d'estre [134] quant Saincte Eglise ne peut prendre exethple enm cea vie m MS SAY EUST Comment ceulx sont deceuz, a qui il souffist [135] eulx gouverner en affection de vie d'esperit [136] Comment toute oeuvre est deffendue a l'Ame AGIR en re on Comment ceste Ame est professe en sa re[137] ligion et comment elle a bien gardé sa regle [138] Comment ceste Ame restourne a son premier CSC

[139] Comment DONIS

RE

Er

Nature est subtile du OI. cca OL 0

Explicit Deo gratias

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en plusieurs Den MEET

Cxxilij*. EN

Cxxvj*. C xxvi.

C xx vili.

Cxxviiij*.

(XXX*.

Cxxxj*. CxxxI*

CxxxiiJ*. Cxxxillj*.

CXXXV. xxxv].

HV

MIROUER

Vous qui en ce livre lirez, Se bien le voulez entendre Pensez ad ce que vous direz, Car il est fort a comprendre; Humilité vous fault prendre Qui de Science est tresoriere Et des aultres Vertuz la mere.

IO

Theologiens ne aultres clers, Point n'en aurez l'entendement Tant aiez les engins clers Se n'y procedez humblement Et que Amour et Foy ensement Vous facent surmonter Raison, Qui dames sont de la maison.

15

20

25

Raison mesmes nous tesmoigne Ou .xiij*. de ce livre Chappitre, et n'en a vergoigne, Que Amour et Foy la font vivre Et d'elles point ne se delivre, Car sur elle ont seigneurie, Par quoy il fault qu'elle s'umilie. Humiliez dont voz sciences Qui sont de Raison fondees, Et mettez toutes vos fiances En celles qui sont donnees D'Amour, par Foy enluminees, Et ainsy comprendrez ce livre Qui d'Amour fait l'Ame vivre. Explicit

6r

SPECVLVM

SIMPLICIVM ANIMARVM

SIGLES DES MANUSCRITS Vat. lat. 4355 Vat. Ros. 4

Vat. Chig. B IV 4r Vat. Chig. C IV 85 Er] UY SS Bodl. Laud. lat. 46

LATINS

IO

MIROUER

+

[1] Le Prologue

Ame de Dieu touchee, et denuee de peché ou premier estat 8r de grace, est montee par divines graces ou septiesme estat de grace, ouquel estat l'Ame a le plain de sa parfection par divine 5 fruiction ou pais de vie. Icy parle Amour: Entre vous actifs et contemplatifs et peut estre adnientifs par vraie amour, qui orrez aucunes puissances de la pure amour,

de la noble amour,

de la haulte amour

de

l'Ame Enfranchie, et comment le Saint Esperit a mis son voille rw en elle comme en sa naïf. Je vous prie par amour, dit Amour, que vous oyez par grant estudie du subtil entendement de dedans vous et par grant diligence, car autrement le mal entendront tous ceulx qui l'orront, se ilz ne sont ce mesmes. Or entendez par humilité ung petit exemple de l'amour du r5 monde, et l'entendez aussi pareillement de la divine amour. Exemple. - Il fut ung temps une damoyselle, fille de roy, de grant cueur et de noblesse et aussi de noble courage; et demouroit en estrange pais. Si advint que celle damoiselle oit parler de la grant courtoisie et noblece du roy Alixandre, et 20 tantost sa volenté l'ama, pour la grant renommee de sa gentil-

SPECVLVM

SPECVLVM

IO

II

ANIMARVM

[1] * Anima a Deo tacta e£ a peccatis nudata in primo gratiae statu, ascendit per diuinam gratiam ad septimum gratiae gradum, in quo a»ma habet suae perfectionis plenitudinem per fruitionem diuinam in patria uitae. Vos actiui et contemplatiui, et potest hoc esse et uos adnichilati, qui audietis aliquas potentias et uirtutes puri, nobilis atque sublimis amoris animae liberae, et quomodo Spiritus sanctus posuit suum uelum in eius naui. Rogo uos per amorem, dicit Amor, quod audiatis cum magno studio et subtili intelligentia uestri interioris hominis et quieta diligentia. Aliter enim minus bene intelligerent praedicta omnes illi qui audient, nisi sint hoc ipsum. Nunc

x5

SIMPLICIVM

r

igitur,

O

Vos

alii, per

humilitatem

attendite

unum

paruum exemplum de mundi amore, ipsum nichilominus ad diuinum extendentes amorem! Fuit quaedam domicella filia regis, cordis utique magni et animo nobilis, quae morabatur in terra aliena. Accidit autem ut praedicta domicella audiret aliquando loquentes de multa et mira nobilitate et largitate Alexandri imperatoris. Quo audito statim ipsius uoluntas eum

Titulus. Iste liber uocatur speculum simplicium animarum. À, Incipit speculum simplicium animarum in uoluntate et desiderio morantium. B, Incipit liber

speculatissimus nuncupatus speculum simplicium animarum. C, Speculum animarum simplicium in uoluntate et desiderio morantium. Alias anima adnichilata. D, Incipit liber qui appellatur speculum animarum simplicium. Alias uocatur Margarita. E

[1] 1 * Qualiter liber iste fuit a Spiritu sancto traditus cuidam animae prae amoris nimietate aestuanti, imaginariam sui dilecti effigiem repraesentans, et de

et] a Deo tacta] tacta a Deo BCDE statu primae uitae. Capitulum 1 C gradum] 2 statu] sita add. A nudata] exuta BCD E, et add. A om. À patria 4 fruitionem diuinam] - BCDE 3 anima] om. AB statum C 8 suum et uos] oz. BCDE 5 potest] post BCE uitae] prima uita C et subtili 9 quod] ut D eius] sua BCDE uelum] - CD, uelum BE intelligentia uestri interioris hominis] subtilis uestri (nostri D) interioris hominis 11 audient] audirent enim] autem À 10 er in CDE intellectus CDE humilitatem] per per alii, Vos O 13 À idipsum 12 sint hoc ipsum] sit BC 15 filia regis] A praez. et audite attendite] BCDE ali Vos humilitatem, 16 cordis utique magni] magni utique cordis BCDE cuiusdam regis filia D quae morabatur in terra aliena] quae tamen in nobilis] generosa BCDE terra morabatur

aliena BC E, quae tamen

morabatur

in terra aliena D

17

audiret aliquando loquentes] aliquando a narrantibus audiret autem] oz. D 18 de multa et mira nobilitate] multa et mirabilia de nobilitate BCDE 19 Alexandri largitate] magnificentia BCE, munificentia D BCDE Quibus audito] Quo D imperatoris magni imperatoris] - BCE, Alexandri D ipsum eum] — BCDE eius ipsius] auditis BCDE

i2

^.

MIROUER

1

lesse. Mais si loing estoit ceste damoiselle de ce grant seigneur, ouquel elle avoit mis son amour

25

30

35

d'elle mesmes,

car veoir ne

avoir ne le povoit; par quoy en elle mesmes souvent estoit desconfortee, car nulle amour |fors que ceste cy ne luy souffisoit. Et quant elle vit que ceste amour loingtaigne, qui luy estoit si prouchaine ou dedans d'elle, estoit si loing dehors, elle se pensa que elle conforteroit sa masaise par ymaginacion d'aucune figure de son amy dont elle estoit souvent au cueur navree. Adonc fist elle paindre ung ymage qui representoit la semblance du roy, qu'elle amoit, au plus pres qu'elle peut de la presentacion dont elle l'amoit et en l'affection de l'amour dont elle estoit sourprinse, et par le moyen de ceste ymage avec ses autres usages songa le roy mesmes. L'Ame. - Semblablement vrayement, dit l'Ame qui ce livre fist escrire, au tel vous dis je: je oy parler d'ung roy de grant puissance, qui estoit par courtoisie et par tres grant courtoisie de noblece et largesse ung noble Alixandre; mais si loing estoit de moy et moy de luy, que je ne savoie prandre confort de moy mesmes, et pour moy souvenir de lui il me donna ce livre en aucuns usages l'amour de lui mesmes. Mais non obstant que j'aye son ymage, n'est il pas que je ne soie en

40 qui represente

[1] 26 estoit] zs. et. [1] 25/26 And whanne sche sawe pis fer loue - to hir so ny3 - was so fer from hir... (Archiuio V, 251, 6-7).

8v

SPECVLVM

2

I3

dilexit propter excellentiam ingentem suae famae. Sed tamen ita longe erat illa domicella ab illo principe in quem suum fixerat amorem, quod nec habere nec uidere poterat eum. Propter quod frequenter amaricabatur in seipsa, quia nullus alius amor praeter istum sibi sufficiebat aut placebat. Vnde uidens 25 quod iste amor ita longinquus, sibi tamen multum propinquus, ab ea erat tantum remotus, cogitauit ber aliquam imaginem suum ?uxta. qualitatem amoris vepraesentantem dilectum, proprium aliqualiter lenire dolorem, quo frequenter. uulnerabatur in corde. Igitur quandam. imaginariam effigiem ante suae mentis oculos 20 depinxit, similitudinem sui dilecti sibi vepraesentantem, et. hoc proprie quantum. poterat iuxta mensuram amoris quo irremediabiliter erat accensa. Et mediante tali imagine, cum modis quos circa eam tenere sciebat, semetipsam aliqualiter quietabat. Vere, dicit Anima quae Awnc librum scribi fecit, ita de me 25 dico uobis. | Audiui loqui de quodam rege eximiae potestatis, qui propter multam liberalitatem suam uere erat unus nobilis Alexander. Sed tamen ;/a erat longe a me et ego ab eo, quod nullam consolationem recipere poteram a meipsa. Et ad me quietandum ipse mihi donauit librum istum, qui in aliquibus 40 modis et usibus suis amorem ipsius repraesentat. Quamuis autem suam penes me habeam imaginem, propter hoc tamen

20 propter] ob DE, ad C ingentem] o». BCDE 21 longe] remota BCDE illa domicella] ipsa regia puella BCDE in quem] ut dictum est add. À . 22 nec habere nec uidere poterat eum] ipsum nec habere poterat nec uidere CDE 23 frequenter amaricabatur] amaricabatur frequenter et desolabatur B C E, frequenter amaricabatur et desolabatur D ^ quia] eo quod CDE 24 istum] ipsum BCDE . sibi] ei CDE . 24/33 Vnde ... quietabat] Et

ideo uidens ipsa quod iste amor qui quoad rei amotae praesentiam ita longinquus, sibi tamen quoad affectum ita propinquus, ab ea tantum erat remotus, cogitauit per alicuius imaginis figuram suum repraesentantis dilectum, aliqualiter proprium

lenire dolorem. Igitur sibi ipsi quandam imaginariam figuram proposuit regis quem amabat, prout melius fingere sciebat effigiem habentem, et hoc iuxta mensuram amoris illius quo fortissime erat accensa. Et mediante tali imagine cum modis quos circa eius arcanum intuitum tenere sciebat, aliqualiter quietabat

semetipsam. À — 26 per] om. C — 277 zuxta qualitatem] pro qualitate D amoris] aliqualiter «dd. C —— 28 proprium] ut add. B, unde add. C —— aliqualiter] uel praem. BCD 28 /mire|lenitet BC 31 quo] a quo C 32 H7 sicad4 BE — 34 Anima] haec prae» BCDE bun] humane A 35 eximiae] utique 244. BCDE 36 qui] quod À ultam] om. À uere erat] dici potest BCDE nobilis] o» BCDE 37 ita] oz. A longe a me] a me remotus BCDE et ego ab eo] o». C 37/38 quod ... a meipsa] quod in nullo super hoc poteram consolari BCD EE Et ad me] Ad me tamen aliqualiter BCDE 39 librum istum] - B . 40 modis et usibus suis] suis usibus et modis BDE, suis modis et usibus C

IV

I4

45

50

MIROUER

1-2

estrange païs et loing du palais ouquel les tres nobles amis de ce seigneur demourent, qui sont tous purs, affinés et franchix par les dons de ce roy, avec lequel ilz demourent. L'Acteur. - Et pource nous vous dirons comment Nostre Seigneur n'est mie du tout enfranchi d'Amour, mais Amour l'est de Lui pour nous, affin que les petis le puissent oir a l'occasion de vous: | car Amour peut tout faire sans a nully meffaire. Et dit ainsy Amour pour vous: Ils sont sept estres de noble estre, desquieulx creature reqoit estre, se elle se dispouse a tous estres, ains qu'elle viengne a parfait estre; et vous dirons comment, ains que ce livre fine. [2] De l'entreprinse d'Amour et pourquoy elle fist faire ce livre. - 17°. chappitre.

MA

Amour. - Entre vous enfans de Saincte Eglise, dit Amour, pour vous ay je fait ce livre, affin que vous oyez pour mieulx valoir la parfection de vie et l'estre de paix, ouquel creature peut venir par la vertu de parfaicte charité, a qui ce don est donné de toute la Trinité; lequel don vous orrez diviser en ce livre par l'Entendement d'Amour aux demandes de Raison.

42 fer fro be pees, where bat bese noble louyers of bis lord dwelle (251, 18-19). 45/48 Heere I schal seie 3ou hou not we lordis fre of al, but loue of him for us (251, 20-21). So heerib be litel for be cheson of 3ou, for loue may do al wibouten eny mysdoyng (252, 5-6).

9r

SPECVLVM

45

50

1-2

15

non restat quin sim in patria aliena et longe ab illa pace, in qua nobilissimi amici illius principis commorantur, qui omnes sunt electissimi, puri et liberi propter dona illius regis, cui inseparabiliter famulantur. Et dicemus uobis qualiter dicuntur totaliter liberi. Non nos tamen, sed amor de se pro nobis. Et sic paruuli audient occasione uestri, quià amor omnia facere potest absque eo quod alicui displiceat. Propter uos igitur, sic dicit amor quod septem sunt esse seu status de nobili esse, unde creatura recipit esse, si se disponat

ad omnia esse, antequam perueniat ad perfectum statum. Et dicemus uobis quomodo, antequam liber iste finiat seu compleat amoris intentum. [2] Vos sanctae ecclesiae pueri, dicit Amor, pro uobis feci hunc librum scribi, ut ad magnam uestram utilitatem audiatis uitae perfectionem et esse pacis, ad quod creatura peruenire potest per uirtutem perfectae caritatis, cui donum hoc datum est a tota Trinitate. Quod etiam audietis in hoc libro de intellectu amoris ad interrogationes rationis.

42 sim in patria aliena] in alia patria ab ipso perigriner (perigrinare B) BCDE etlonge ab illa pace] ab illa nimirum pace longinqua BCDE 42/43 in qua] oz. B 43 amici illius principis] illius (oz B) principis amici BCDE commorantur] commorari noscuntur BCDE qui] utique add. BCDE 43/44 omnes sunt electissimi] sunt electissimi omnes C 44 illius regis] regis ipsius CE, ipsius regis D 45 famulantur] famulantes assistunt CD E 46 totaliter] penitus CDE 47 sic] ita BCDE occasione] occasionem

.A

48/49 absque eo quod alicui displiceat] sine displicentia alicuius BCDE 50 uos] nos D 51 de] a CDE

quod] quia C 50/51 seu status ... recipit esse] oz. B 51/52 si se disponat...perfectum statum] antequam ad

statum perueniat perfectum, si tamen in omnibus et ad omnia esse sufficienter se disponat BCDE 53 dicemus] utique add. CDE | quomodo] per quem modum BCDE finiat seu] o» CDE compleat] compleatur D 54 intentum] incentiuum B [2] 1 p»werz] filii A dicit] ait BD 1/2 feci hunc librum scribi] hunc librum scribi feci BCDE 2/3 ad magnam uestram utilitatem audiatis uitae perfectionem] audiatis ad utilitatem uestram magnam uitae perfectionem B CDE et] ox. B pacis] passis B peruenire] attingere BCDE 4 perfectae caritatis] - BCDE donum hoc datum est] datum est donum hoc BCDE 6 interrogationes] interrogationem B

16

MIROUER

3-4

[3] Zcy parle Amour des commandemens de Saincte Eglise. - 17°. chappitre. Amour.

- Pource

ycy

commencerons,

dist

Amour,

aux

commendementz de Saincte Eglise, affin que checun puisse en ce livre prandre sa pasture o l'ayde de Dyeu, qui nous commende que nous l'aymons de tout nostre cueur, de toute nostre ame et de toute

IO

15

20

nostre

vertu;

et nous

mesmes

ainsi comme

nous

devons; et nos proesmes ainsi comme nous mesmes. Premierement que l'aymons de tout nostre cueur. C'est a dire que noz pensees soient tousjours vrayement en luy. Et de toute nostre ame. C'est a dire que pour mourir nous ne dions que verité. | Et de toute nostre vertu. C'est que nous facions toutes noz oeuvres purement pour luy. Et nous mesmes ainsi comme nous devons. C'est que nous ne regardons mie en ce faisant nostre prouffit, mais le parfait voloir de Dieu. Et noz proesmes comme nous mesmes. C'est que nous ne facions ne pensons ne disons envers noz proesmes chouse que nous ne vouldrions qu'ilz fissent envers nous. Ces commendemens sont à tous de necessité de salut: de maindre vie ne peut nul avoir grace. Notez ycy l'exemple du jouvencel, qui dist a Jhesucrist qu'il les avoit gardez des son enfance, et Jhesucrist luy dist: une chouse te fault faire, se tu vieulx estre parfait. C'est: va et vens toutes les chouses que tu as et les donne aux pouvres, et puis si m'ensuis, et tu auras tresor es cyelx.

25

C'est le conseil de toute parfection des vertus, et qui bien le tendroit il demoureroit en vraye charité.

[3] 20/26 Mt. XIX 20-21.

[3] 3 Begynne we here...(252, 16).

OV

SPECVLVM

IO

15

20

3-4

17

[3] Incipiemus igitur, ait Amor, a mandatis sanctae ecclesiae, ut quilibet in hoc libro pastum accipere ualeat cum adiutorio Dei, qui mandat nobis ut ipsum diligamus ex toto corde nostro, ex tota anima nostra et ex tota uirtute nostra, et nosipsos sicut debemus. Vt diligamus ipsum ex toto corde: hoc est ut omnes nostrae cogitationes semper in ueritate sint de ipso in ipso. Et ex tota anima: hoc est quod pro uita ponenda numquam dicamus nisi ueritatem. Et ex tota uirtute: hoc est quod omnia opera nostra pure propter ipsum solum faciamus. Et nosipsos etiam diligamus sicut debemus: hoc est quod in hoc faciendo nostram principaliter non intendamus utilitatem, sed Dei perfectam uoluntatem. Et proximum diligamus similiter sicut nosipsos: hoc est quod non cogitemus, dicamus aut faciamus aliquid ad proximum spectans, quod nollemus nobis fieri per ipsum uel ab ipso. | Ista praecepta sunt omnibus necessaria ad salutem et omnes obligant; nec de minori iustitia seu bono quod contineat obseruantia praedictorum aliquis gratiam habere meretur. Fuit autem quidam iuuenis qui dixit Christo quod ista seruauerat ab infantia. Cui Christus dixit: Vnum tibi deest. Si uis perfectus esse, uade et uende omnia quae habes et da pauperibus

et ueni, sequere me et habebis thesaurum

in

caelo. Istud est consilium de perfectione uirtutum. Qui bene teneret documentum

huius consilii, quod dedit Christus iuueni,

in uera caritate maneret.

[3] 1 Inapiemus igitur ait Amor] Igitur, ait Amor,

incipiemus 74, Incipiamus

igitur ait Amor E — 2 accipere] inuenire BCDE —— adiutorio Dei] - BCDE

3 mandat nobis] nobis praecipit BCDE] ipsum] eum C — 4 et ex] ex E 5 debemus] debeamus B — ipsum] o. C, eum DE, inquam add CDE — 6 8 semper] et add. C — 7 numquam] non C cogitationes] fizis codicis E nosipsos] solum] oz. C 9 ipsum] deum ipsum D quod] ut BCD 11 nostram principaliter] - BD, nostram nosmetipsos BCD — 10 in]ow C 11/12 Dei] ipsius uidelicet BCD intendamus] attendamus BCD C similiter sicut nosipsos] similiter diligamus 12/13 proximum] proximos B dicamus] uel dicamus B BCD ut quod] BCD sicut nosipsos diligamus 15 14 ad proximum spectans] citca proximum seu ad proximum pertinens À om. 1Î6iustitiaseu sunt omnibus necessaria] omnibus necessaria sunt BCD quodcontineat] quam sit eorum plena BCD — 17 praedictorum —— o. BCD gratiam habere] habere diuinam gratiam B, diuinam habere gratiam BCD 18 Fuit autem quidam iuuenis] Fuisse autem (oz. B) quemdam in CD euangelio iuuenem legimus BCD — 18/19 ista seruauerat ab infantia] praedicta 19 Cui Christus dixit] Et sibi Christus ab infantia seruauerat mandata B CD 21 sequere] et tu habes B habes] 20 CD dixit sibi dixit B, Et Christus uirtutum] de perfectione de 22 C thesauros thesaurum] sequere C et obseruaret teneret] 23 — BCD perfectione uirtutum habenda et acquirenda quod] documentum huius consilii] huius consilii doctrinam BCD add BCD quam B

2r

18

MIROUER 4-5

[4] De la noble vertu de Charité,

et comment

elle n'obeyst sinon

a Amour. - 1117°. chappitre.

i

IO

15

20

Amour. - Charité n'obbeist a chose creee fors que a Amour. Charité n'a point de propre, et pouse qu'elle ait aucune chose, si ne dit elle point qu'il soit a luy. Charité laisse sa propre besoigne et vait faire celle d'autruy. Charité ne demande point de loyer a nulle creature, pour quelque bien ou plaisir qu'elle face. Charité n'a honte, ne paour, ne mesaise; elle est si droite qu'elle ne peut flechir pour quelque chose qui luy | adviengne. Charité ne fait ne ne tient compte de chose qui soit dessoubz le soleil; tout le monde n'est que son relief et son demourant. Charité donne a tous ce qu'elle a vaillant, ne elle mesmes ne se retient elle mie, et avec ce promet souvent ce qu'elle n'a mie, par la grant largesse d'elle, en esperance que qui plus donne plus luy demoure. Charité est si saige marchande, qu'elle gaigne partout, la ou les autres perdent, et se eschappe des lyens ou les autres se lient, et ainsi elle a grant multipliance de ce qui plaist a Amour. Et notez, que qui auroit parfaicte charité, il seroit mortiffié en effection de vie d'esperit par oeuvre de charité.

[5] De la vie qui s'appelle paix de charité en vie anientie. - .v°. chappitre.

«

Amour. - Or y a il une autre vie, que nous appellons paix

de charité en vie adnientie. De ceste vie, dit Amour,

voulons

nous parler, en demandant que l'en puisse trouver i une ame ii. qui se saulve de foy sans oeuvres, Aii. qui soit seulement en amour, iv. qui ne face rien pour Dieu,

[4] 4/21 I Cor. XIII 4-7. [4] 5 ne dit elle] zs. ne elle dit elle. [5] 5 demandant] #5 demandent.

[4] 18/19 and scapip fro perels bere obire perischen, into plenteuouse multipliaunce of bat bat is in loue (253, 14-15)

TOT

SPECVLVM [4]

4-5

19

Caritas nulli rei creatae oboedit nisi soli amori. Caritas nichil proprium habet, etiam nec tantum quod uelit reclamare pro aliquo quod suum sit. Caritas sua ipsius negotia dimittit, ut aliena faciat. Caritas nullam quaerit remunerationem ab aliqua creatura pro aliquo seruitio, quod ei impendat. Caritas non habet uerecundiam, vec timorem, «ec dolorem.

IO

15

20

Ita est inflexibilis et recta, quod pro aliquo quod sibi eueniat, numquam flecti potest. Caritas de nulla re quae sit sub sole curat; totus mundus est suum residuum siue suae reliquiae. Caritas dat omnibus quicquid habet, nec etiam retinet semetipsam, et promittit frequenter quod non habet, propter excessum suae largitatis. Et quanto plus donat, plus abundat. Caritas est ita sapiens mercatrix, quod semper lucratur, ubi alii perdunt. Et uadit libera de locis in quibus alii periclitantur, cum fecunda multiplicatione eius quod placet amori. Qui haberet perfectam caritatem, mortificatus esset in affectione uitae spiritualis per opera caritatis. [5] * Est ulterius alia uita, quam uocamus pacem caritatis in uita adnichilata. De ista, dicit Amor, uolumus loqui quaerendo:

unam quae quae quae

animam quae inueniri non potest, saluetur per fidem sine operibus, sit sola in amore, nichil faciat propter Deum,

[4] 1 soli amori] BCD 2/4 caritas nichil..aliena faciat] oz BD 2 nichil proprium habet] non habet aliquid proprium C — nec] oz. C ipsius] propriaC | 6pro]de BCD . aliquo] quouis C quod] quem B impendat] impendit BCD 7 nec 1] aut A nec 2] uel A 8 pro aliquo] propter aliquid BCD 9 eueniat] accidat BCD 10 5% sub sole] sub caelo sit A, sub sole B 10/11 totus mundus...suae reliquiae] totum mundum pro suo superfluo habet BCD 12 etiam] oz. C 13 promittit] pro omnibus mittit D 14 excessum suae largitatis] suae liberalitatis excessum B CD donat] dat BCD 15 abundat] habet et abundat B 16 sapiens] discreta et prudens BCD 17 ubi a/] in omnibus et de omnibus etiam in quibus alii À uadit] euadit D libera] sine periculo libera BCD 18 fecunda multiplicatione] plena fecunditate CD, per plenam fecunditatem B

[5] 1 * De statu secundae uitae quae uocatur pax caritatis in uita adnichilata et anima nouem spiritualibus margaritis ornata. Capitulum 2 C — 2dicit] ait BCD ipse add. BD uolumus] nos add. BCD quaerendo] utique add. BCD 3 potest] possit C — 4 saluetur] saluatur B — 6 nichil] boni add. BCD

20 IO

MIROUER

5

.V. qui ne laisse rien a faire pour Dieu, VL à qui l'en ne puisse rien aprandre, .vii. a qui l'en ne puisse rien toullir .viii. ne donner,

15

ix. et qui n'ait point de voulenté. Amour. - Helas, dit Amour, et qui donnera a ceste Ame ce quil luy fault, car il ne fut oncques donné, ne ja donné ne sera? Amour.

20

25

20

- Ceste Ame, dit Amour, a six ales, aussi comme

les

| Seraphins. Elle ne vieult plus chose qui viengne par moyen. C'est le propre estre des Seraphins: il n'y a nul moyen entre leur amour et l'amour divine. Ilz ont tousjours nouvelle sans moyen, et aussi a ceste Ame, car elle ne quiert pas la science divine entre les maistres de ce siecle, mais en vrayement despriser le monde et elle mesmes. Hee Dieu, comment il y a grant difference entre don d'amy par moyen a amie et don qui est sans moyen d'amy a amye! Amour. - Ce livre a bien dit verité de ceste Ame, qui dit que elle a six ales, aussi comme les Seraphins. Des deux alles elle cueuvre la face a Jhesucrist nostre seigneur. C'est a dire que tant plus a ceste Ame de cognoissance de la bonté divine, et plus parfaictement congnoist qu'elle n'en congnoist rien, au

[5] 26/27 Wip tweyne sche keuerib be face of oure Lord (254, 4).

IOV

SPECVLVM

Quis enim , ait Amor, isti dabit quod ei deficit, quia numquam fuit datum nec unquam dabitur. Haec anima sex alas habet sicut habent seraphim. Ipsa amplius aliquid non uult, quod per intermedium ueniat ad seipsam. Istud est proprie esse seraphim: nullum enim est medium inter ipsorum et diuinum amorem. Ipsi continue absque omni intermedio recentem habent amorem;

20

25

21

nec aliquid dimittat propter ipsum, quae de nullo possit edoceri, cui nichil possit auferri, nec aliquid dari, et quae nullam penitus habeat uoluntatem.

IO

I VA

5

et ita habet ista anima, quae

non quaerit scientiam diuinam inter magistros | et sapientes huius saeculi, sed in contemnendo mundum et seipsam in ueritate. O Deus, quantum differt donum amantis per intermedium amato donatum a dono eiusdem absque omni intermedio dato. Iste liber dixit ueritatem de ista anima, dicendo quod habet sex alas sicut seraphim, quarum duabus uelat faciem. Hoc est dictum quod, quanto plus habet de notitia seu plus cognoscit de diuina bonitate, tanto perfectius se sentit nichil agnoscere

7 aliquid] mali add BCD dimittat] facere omittat BCD edoceri] doceri BCD 9 cui] a qua C possit] posset B similiter add. B D, sibi similiter zdd. C

non habeat aliquam uoluntatem D

8 de] a B 10 nec]

11 nullam penitus habeat uoluntatem]

13 nec umquam dabitur] aut dabitur in

futurum BCD 14 habent] o» BC seraphim] sex seraphim B Ipsa] profecto add. BCD 15 per intermedium] inter medium B ueniat] deueniat BCD 16 est proprie] - D, prope B esse] oz. B seraphim] seraphicum A, seraphiam B est medium] - BC 17 ipsorum et diuinum amorem] eorum amorem et Deum BCD Ipsi] ipsa B 18 recentem] nouum et immediatum BCD habent] habet B 18/20 quae non quaerit scientiam diuinam inter magistros et sapientes huius saeculi] scientiam diuinorum a doctos (I) et inter doctos huius saeculi non

mendicans

ab aliquo B, quae scientiam

diuinorum a doctis et inter doctos huius saeculi non mendicat CD

20 sed] potius add. BCD 20/21 in contemnendo mundum et seipsam in ueritate] in (oz. B) semetipsam et mundum in ueritate contemnendo B D, eam acquirit et meretur semetipsam et mundum in ueritate contemnendo C — 21 differt] distat G

22 amato donatum] dilectum datum B, datum C, a dilecto datum D

a

dono eiusdem] ab illo bono B, ab illo dono CD . absque omni intermedio dato] quod immediate dilecta recipere meretur BCD, ab ipso add CD 23 dixit] dicit B de ista anima dicendo] dicendo de ista anima BCD 25 dictum] o» .C — quanto plus] haec anima add. B cognostif] cognoscet A 26 cognoscere agnoscere] — C se sentit B, sentit sentit] se perfectius] uerius BCD BCD

2V

22

35

MIROUER 5

regart d'une seule estincelle de la bonté de luy, car il n'est comprins fors que de luy. Des deux aultres alles elle cueuvre les piez. C'est a dire que tant plus a de congnoissance de ce que Jhesucrist souffrit pour nous, et plus parfaictement congnoist qu'elle n'en congnoist rien, au regart de ce qu'il souffrit pour nous, car il n'est congneu fors que de luy. Des deux aultres l'Ame vole, et se demeure en estant et assise.

C'est a dire que tout ce qu'elle congnoist et ayme et loue de la 40 divine bonté, sont les alles dont elle vole. Et demoure en estant,

45

car elle est tousjours ou regart de Dieu. Et assise, car elle demoure tousjours en la voulenté divine. Hee, et de quoy ne comment auroit telle |Ame paour? Certes elle ne pouroit ne devroit rien craindre ne doubter, car pouse qu'elle soit ou monde, et qu'il feust possible que le monde, la char et le deable et les quatre élemens et les oyseaux de l'air et les bestes mues la tourmentassent, despecassent ou devorassent, si ne peut elle rien perdre, se Dieu luy demoure. Car il est tout par tout, tout puissant, toute sapience, et toute bonté.

50

Il est nostre pere, nostre frere et nostre loyal amy. Il est sans commencement. Il est incomprehensible fors que de luy mesmes. Il est sans fin, trois personnes et ung seul Dieu; et tel est, dit

ceste Ame, l'amy de noz ames.

41 for sche is alwei in si3t of God (254, 13-14).

IIF

SPECVLVM

20

25

5

23

respectu unius paruae scintillulae illius bonitatis Dei, qui comprehendi numquam poterit nisi a seipso. Duabus uero aliis alis uelat pedes. Hoc est dictum quod, quanto plus cognoscit de tolerantia passionum quas Christus pro nobis assumpsit, tanto perfectius sentit se nichil comprehendere posse respectu illius quod fuit fassus, quod a nullo sciri potest nisi ab ipso solo. Alis duabus alis uolat et tenet se stando in aere et sedendo. Hoc est dictum quod, quicquid cognoscit de diuina bonitate, totum amat et laudat. Haec enim sunt alae quibus uolat. His etiam stando se tenet, quia continue eius aspectus in Deo fixus manet. Tenet se et eisdem sedendo, quia iugiter immobilis permanet in diuina uoluntate. Vnde autem, aut de quo talis anima timeret? Si enim est in mundo, et mundus et caro et daemones et etiam quattuor elementa cum auibus caeli et bestiis terrae ipsam tormentent, despiciant aut deuorent, si hoc esse posset, quid perdere potest, ex quo Deus sibi remanet? Nonne ipse est ubique omnipotens,

45 omnis

sapientia, omnis bonitas, noster pater, noster frater nos-

terque fidelis amicus ? Ipse est inprincipiatus, incomprehensibilis ab omnibus nisi ab ipso; ipse sine fine erit, immo est sine fine tres personae,

unus

Deus; et talis utique est, ait haec Anima,

animarum nostrarum dilectus.

27 unius paruae] unius modicae B.D, modicae unius C — scintillulae] ut sic dicas praem. B, ut sic dicam praem. CD, scintillae BCD bonitatis] immensae praem. A qui] quae BCD 28 numquam poterit nisi a seipso] numquam poterit ab aliquo nisi a seipso CD, ab aliquo nonnisi a seipso potest B — 29 uero] oz. B dictum] oz. C 30 cognoscit] comprehendit C ^ qs] quae A 31 sentit se] - BCD — 31/32 comprehendere] percipere seu comprehendere D quod] qui B ſuit passus] fuit C D, in se sustinuit 74 33 ab ipso solo] a seipso solum B, solum a seipso CDD 34 tenet se stando] erectam se tenet B, rectam se tenet C, erecta se tenet D

dictum] oz». C —— 36 totum] et prae». B:

sedendo] quiescit B CD

36 His] alis add. BCD

35

37 tenet]

erectam add. BCD aspectus] mentalis add. BCD in]ow. D 37/38 fixus manet] manet affixus BC, tenetur affixus D 38 Tenet se et eisdem sedendo] Tenet etiam se (omnem add. B) dictis alis quiescens BCD iugiter] semper BCD 39 in] ipsa «dd. BCD 40 de quo] quare BCD est] sit BCD 41 et caro] caro B 42 auibus] quibus B 43 posset] quid sibi ista nocerent aut edd. BCD perdere potest] perdere possent B, disperdere potest D 44 Deus sibi remanet] sibi (semper add. BD) remanet Deus suus BCD — ubique] om. C 45 sapientia] et «dd. BCD nosterque] et noster BD, noster C — 46 inprincipiatus] sine principio BCD 47 ab omnibus] o». BCD — ab ipso] a seipso solo BCD sine fine erit immo] o» BCD est sine fine] sine fine sunt B, sine fineest CD — 49 animarum nostrarum dilectus] nostra dilectus animarum /A, nostrarum

animarum

dilectus BC

24

MIROUER 6-7

[6] Comment l'Ame amoureuse de Dieu, vivant en paix de charité, prent congé aux Vertuz. - .vj°. chappitre.

- Ceste Ame de telle amour, dit Amour mesmes, peut dire aux Vertuz qu'elle a esté par long temps et par mainte

journee en leur servage. L'Ame.

- Je le vous

confesse, dit ceste Ame, dame

Amour;

ung temps fut que je y estoie, mais ores en est il ung aultre; voustre courtoisie m'a mise hors de leur servage. Et pource leur puis je maintenant bien dire et chanter: IO

I5

20

Vertuz, je prens congé de vous a tousjours, Je en auray le cueur plus franc et plus gay; Voustre service est troup coustant, bien le scay. Je mis ung temps mon cueur en vous, sans nulle dessevree; Vous savez que je estoie a vous trestoute | habandonnee; Iv Je estoie adonc serve de vous, or en suis delivree. J'avoie en vous tout mon cueur mis, bien le sçay, Dont je vescu ung tandis en grant esmay. Souffert en ay maint gref tourment, mainte paine enduree; Merveilles est quant nullement en suis vive eschappee; Mais puis que ainsi est, ne me chault: je suis de vous sevree, Dont je mercie le Dieu d'en hault; bonne m'est la journee. De voz dangers partie sui, ou je esté en maint ennuy. Oncques mais franche ne fui, fors de vous dessevree; Partie suis de voz dangers, en paix suis demouree.

[7] Comment ceste Ame est noble, et comment elle ne fait compte de nulle rien. - .vig°. chappitre.

- Ceste Ame, dit Amour, ne fait compte

ne de

honte ne de honneur, de pouvreté ne de richesse, d'aise ne de 5

mesaise, d'amour ne hayne, d'enfer ne de paradis.

[6] 12 coustant] zs. cóstant.

[6] 16/24 Wel I wote, I leide al myn herte in 3ou,

so haue I longe endured in greet seruage, in whiche I haue suffred many greuouse tormentis and many paynes endured. It is meruaile bat I am ascapid wip be liif. But now I make no forse, siben it is bus bat I am departed out fro 3oure daungers, wherynne many a ny3t and day I haue be, bat neuere I was free. But now bat I am departed fro 3ou and berefore in pees I dwelle (255, 2-7).

SPECVLVM

6-7

25

[6] Ista anima de tali amore, dicit ipse Amor, uirtutes alloqui potest per hunc modum. Quibus uirtutibus multis seruiuit diebus. ANIMA. Concedo, dulcis Amor, ait haec Anima, sed tunc fuit 5 tunc, et nunc est nunc; uestra curialitas ab huiusmodi seruitute

me liberauit. Propter quod dicam:

Virtutes, a uobis nunc pro semper recedo. Et ideo cor meum magis erit liberum et ampliore pace fruetur. Seruire uobis nimis «costat^, bene scio. Aliquo tempore posui cor meum in uobis inseparabiliter.

IO

Hoc scitis: tota eram uobis dedita. Ideo tunc eram westra sclaua, sed modo sum expedita. Multas amaritudines seruitio.

15

et dura tormenta

sustinui in uestro

Et miror quomodo sic euasi. Numquam profecto fui libera, donec a uobis fui separata. 20

[7] * AwvoR. Ista anima, dicit Amor, non habet sollicitudinem, non habet uerecundiam, non habet honorem, | 4on habet paupertatem, non habet diuitias, non habet gaudium, non habet tristitiam, non habet amorem, non habet odium, non habet infernum, non habet paradisum.

[6] 1 ipse] ipsemetBCD — 1/2uirtutes alloqui potest] alloqui potest uirtutibus B, alloqui potest uirtutes CD — 2 Quibus uirtutibus] Quibus, inquam, uirtutibus BD, ait haec Anima add. A 2/3 multis seruiuit diebus] ipsa multis diebus seruiuit BCD . 4 dulcis Amor, ait haec Anima] ait haec Anima, dulcis Amor BCD sed|quiaC 6 me]oz D 7 Virtutes] Virtutibus B — 8 Et ideo] quare B, quia CD — ampliore] maiore BCDD pace] quiete uel pace B 10 Seruire uobis] - BCD nimis] multum A costaf] constat ABCD bene scio] sicut ego optime noui BCD 411 inseparabiliter] o» BCD 12 hoc scitis] uos bene scitis BCD tota] ita quod totaliter BCD eram uobis dedita] dedita uobis eram BCD 13 Ideo] Et ideo B esa sclaua] uestra ancilla B, uestrae seruituti mancipata À sum expedita] plene reddita libertati sum B, plene sum reddita libertati C D 15 dura] om. À 15/16 uestro seruitio] ista seruitute BCD 17 miror] satis «dd. BCD 18 profecto] certe perfecte BCD fuilibera] - BCD a]de BCD separata] expedita BCD 3C

[7] 1 * De multis aliis margaritis quibus anima adnichilata ditatur. Capitulum sollicitudinem] curam de aliquo BCD — 2 habet 2] o». B. honorem]

timorem uel honorem B

2/3 non habet baupertatem, non babet diuitias] Non habet

diuitias, non habet paupertatem 4 habet diuitias] diuitias B. — 4 habet amorem] amorem CD . habet odium] odium BC — 5 habet paradisum] paradisum B

26

MIROUER

7

Raison. - Hee, pour Dieu, Amour, dit Raison, qu'est ce a dire,

IO

ce que vous dictes? Amour. - Que c’est a dire? dit Amour. Certes ce sçait celluy et non aultre a qui Dieu a donné l'entendement, - car l'Escripture ne le prent, - ne sens d'omme ne le comprent, - ne travail de creature ne desert l'entendre - ne comprendre. Ainsoys est ce don donné du Treshault, en qui ceste creature est ravie par planté de congnoissance, et demeure rien en son entendement.

15

nyent, elle vieult tout et ne vieult nient, elle scait tout et ne scait nient.

Et telle Ame,

qui est devenue

rien, a adonc

tout | et si n'a rx

Raison. - Et que peut ce estre, dame Amour, dit Raison, que

20

25

ceste Ame peut vouloir ce que ce livre dit, qui desja a dit devant qu'elle n'a point de voulenté? Amour. - Raison, dit Amour, ce n'est mie sa voulenté qui le vieult, mais ainçoys est la voulénté de Dieu, qui le vieult en elle; car ceste Ame ne demoure mie en Amour qui ce luy face vouloir par nul desirer. Ainçoys demoure Amour en elle, qui a prinse sa voulenté, et pource fait Amour sa voulenté d'elle, et adonc oeuvre Amour en elle sans elle, par quoy il n'est mesaise qui en elle puisse demourer. C'este Ame, dit Amour, ne scait plus de Dieu parler, car elle

30

est adnientie de tous ses desirs forains et de sentement de dedans, et de toute effection d'esperit, en tant que cest Ame fait ce qu'elle fait par usage de boine acoustumence, ou par commendement

de Saincte Esglise, sans nul desir, car la vou-

lenté est morte, que desir luy donnoit.

SPECVLVM 7

27

RATIO. Heu, pro Deo, Amor, dicit Ratio, quid est hoc quod

IO

dicitis ? Quid est hoc dictum, dicit Amor. Hoc scit ille et aliorum nullus, cui Deus de huiusmodi tribuit intellectum. Quia haec Scriptura non docet, nec sensus hominis apprehendit, nec labor

aut opus creaturae hoc meretur. Immo est donum ab altissimo collatum, in quo haec creatura perdita est propter notitiae excessum et reducta in nichilum in proprio intellectu. Et talis anima quae uere in nichilum est reducta, habet tunc totum et E» tamen nichil habet; scit totum et nichil scit; uult totum et nichil uult. RATIO. Et quomodo potest hoc esse, Amor, dicit Ratio, quod haec anima possit omnia uelle, cum liber iste dixit antea quod 20

nullam habeat uoluntatem? AMOR. O Ratio, dicit Amor, non est sua propria uoluntas quae haec uult; immo est uoluntas Dei quae haec uult in ipsa; quia haec anima non manet in amore, qui ad hoc uolendum eam

inducat per aliquod desiderium. Immo amor manet in ea, qui eius captiuat uoluntatem; et ideo de ea facit sicut uult et quod uult. Nunc igitur absque ipsa amor in ea operatur, et ideo nichil 25 displicibile potest in ea remanere. Haec anima, dicit Amor, amplius de Deo nescit loqui, quia adnichilata est et insensibilis effecta ad omnia forensia desideria, et ad omnia interiora sentimenta, et etiam ad omnem affectio20

nem spiritus. Itaque talis anima facit illa quae facit, ex usu bonae consuetudinis uel propter ecclesiae mandatum, absque tamen desiderio ullo, quia uoluntas eius in ea est mortua quae desiderium sibi dabat.

7 dicitis] dicis B. — 8 dictumlom. A dicit] ait BCD — Hoc] nimirum a4. BCD 9 de huiusmodi tribuit] eorum dederit B, horum dedit CD . haec] hoc C 10 sensus hominis apprehendit] sensus apprehendit humanus B CD 11 aut] seu BCD ab altissimo] mere ab ipso altissimo B, mere ab ipso solo altissimo C.D 12 collatum] collatum gratis B, gratis collatum D 13 reducta] redacta BCD in] ad B 14 anima] oz. B reducta] reddita B, redacta CD 17 hoc] ox. B Amor] O Amor B, oz. C 18 possit omnia uelle] uelit omnia C cum] quando D dixit antea] superius dixerit B D, superius dixit C — 19 habeat] habet BCD 20 est] o» B 21 haec] hoc D 23 eam]ipsam BCD ealipsa BCD 24ea]ipsa C sicut uult et] oz. BCD 25 absque ipsa] ab ipsa B in ea operatur] operaturinea BCD et ideo] idcirco BCD 27 amplius de Deo nescit] de Deo nichil scit B, de Deo amplius nescit CD 28 insensibilis effecta ad omnia forensia desideria] ad omnia foris desideria insensibilis effecta BCD 29 et] necnon CD et] ac BCD 30/31 facit illa quae facit ex usu bonae consuetudinis] illa quae facit exusu bonae consuetudinisfacitB CD ^ 31uel]lautBCDD — ecclesiae mandatum] - BD, mandata ecclesiae C — 32 ullo quia] illoque B eius] o» BCD est mortua] - BCD 33 desiderium sibi] ei desiderium BCD

28

MIROUER

8

[8] Comment Raison s'esbahist de ce que ceste Amea lessé les Vertuz et comment Amour les loue. - .vitf*. chappitre.

IO

«Raison.» - Hee, Amour, dit Raison qui n'entend que le gros et laisse la subtillité, quelle merveille est ceci? Ceste Ame n'a point de sentement de grace ne de desir d'esperit, puisqu'elle a prins congé aux Vertuz qui donne maniere de bien vivre a toute bonne Ame, | et sans lesquelles Vertuz nul ne se peut saulver ne venir a parfection de vie, et qui les a ne peut deceu; et neantmoins ceste Ame prent congé a elles. Et n'est elle pas hors du sens, ceste Ame qui ainsi parle?

15

mieulx les Vertuz que nulles des aultres creatures, mais elles n'ont mie l'usage d'elles, car elles ne sont mie a elles ainsy comme elles souloient; et aussi elles ont assez esté serves pour devenir franches d'ores en avant.

Amour. - Et sans faille nenny, dit Amour, car telles Ames ont

Raison. - Hee, Amour, dit Raison, et quant furent elles serves?

Amour. - Quant elles demourerent en l'amour et en l'obedience de vous, dame 20

Raison, et aussi des aultres Vertuz; et tant y

ont demouré, qu'elles sons devenues franches. Raison. - Et quant furent telles Ames franches? dit Raison. Amour. - Quant Amour demoure en elles, et que les Vertuz servent a elles sans nul contredit et sans travail de telles Ames.

[8] 2 Amour] x. Raison.

4 ceci] zs. ce si.

SPECVLVM

IO

8

29

[3] RATIO. O Amor, dicit Ratio quae intelligit grossum et dimittit subtile, quid mirum si haec anima absorpta est in sentimento gratiae et desiderio spiritus, ex quo a uirtutibus recedendi licentiam accepit, quae omni bonae animae dant modum, et sine quibus nullus unquam potest saluari nec ad uitae perfectionem deuenire? Et qui ipsas uirtutes habet, numquam potest esse deceptus. Quomodo igitur Aaec anima sic effronte recedit a uirtutibus? Amisitne sensum quae sic temerarie loquitur? AMOR. Non utique, dicit Amor, quia tales animae qualis est haec de qua loquimur, uerius habent omnes uirtutes quam quaecumque aliae ipsis inferiores, licet usum non habeant ipsarum uirtutum, quia tales animae uirtutibus ipsis sicut solebant non obsequuntur. Non certe, dicit Amor, satis enim seruierunt,

I5

dignum est «£ ex nunc | plenam habeant libertatem. RATIO. O Amor, dicit Ratio, quando ergo fraedictae animae sc fuerunt seruituti uirtutum subiugatae ? AMOR. Quando manserunt in amore et oboedientia uestra et aliarum uirtutum. Nunc autem tantum fosuerunt se in amore et in oboedientia uirtutum, quod plenam obtinuerunt libertatem. RATIO.

20

Et quando, obsecro, tales animae

sunt plene liberae,

dicit Ratio. AMOR. Quando amor manet in eis, et uirtutes ipsis seruiunt absque rebellione et contradictione aliqua et absque omni grauamine talium animarum.

[8] 1 dicit] ait CD quae intelligit grossum] grossum capiens BC, quae grossum capiens D, dimittit] dimittens BCD 2 si] ait D in sentimento]

quoad sentimentum BCD 3 desiderio] desiderium BCD recedendi] recedendo BCD 4 quae] utique uirtutes add. BCD bonae] piae BCD 5 uitae perfectionem] - BCD 7 baec anima] talis creatura 74 sic] ita CD, om. B effronte] ex fronte C 8 uirtutibus] eis BCD Amisitne] Perdiditne ipsa BCD loquitur] uidetur locuta BCD 9 dicit] ait BCD 10 haec] ista BCD habent] habet B. 11 aliae] creaturae add. BCD 12 tales] inquam a7. BCD 13o0bsequuntur] sunt subiectae BCD — certe] utique BCD seruieruni] seruierit A 14 4; ex (om. C) nunc (tunc D) plenam babeant libertatem] ex nunc ut perfectam libertatem obtineat 74 15/16 quando ergo...subiugatae] quando sic fuerunt praedictae animae seruitute subiugatae .4, quando haec praedictae sic fuerunt seruituti uirtutum subiugatae B, quando ergo

praedictae animae fuerunt sic seruituti subiugatae C 17 Quando] et quamdiu add. BD, ait Amor, et quamdiu C — 18 tantum] tantam uim C posuerunt se] possunt À, posuerunt CD —— 19 uirtutum] aliarum przez. 4 — plenam] perfectam BCD obtinueruni| obtinent À — 20 obsecro] ait Ratio 242. BCD plene] perfecte BCD 21 dicit Ratio] o» BCD 22 eis] ait ipse Amor add. C uirtutes ipsis] uirtutes ipsae ei B, uirtutes ipsae eis CID —— 23 rebellione et contradictione aliqua] omni contradictione et repugnantia BCID absque 2] sine BCD grauamine] gradu B — 24 talium animarum] animarum ceterarum B

4

av

30

MIROUER

8

Amour. - Hee, sans faille, Raison, dit Amour, telles Ames qui 25

30

sont si franches devenues, ont sceu mainte journee ce que Danger seult faire; et qui leur demenderoit le plus grant tourment que creature puisse souftrir, elles diroient que ce seroit demourer en Amour et estre en l'obedience des Vertuz. Car il convient donner aux Vertuz tout ce qu'elles demandent, que quil couste a Nature. Or est il ainsi que les Vertuz demandent honneur et avoir, cueur et corps et vie; c'est a entendre que telles |Ames laissent toutes chouses, et encoures dient les Vertuz

a ceste Ame qui tout ce leur a donné, ne n'a rien retenu pour conforter Nature, que a grant paine est le juste saulvé. Et pource dit telle lasse Ame qui encores sert aux Vertuz, que elle 99 vouldroit estre demenee par Crainte, et en enfer tourmentee jusques au jugement, et aprés qu'elle deust estre saulvee. Et ce est verité, dit Amour,

en

tel danger

vit l'Ame,

sur

laquelle les Vertuz ont puissance. Mais les Ames, dont nous parlons, ont mis les Vertuz a point; car telles Ames ne font 40 rien pour elles. Mais aingoys les Vertuz font tout ce que telles Ames veullent, sans danger et sans contredit, car telles Ames

sont leurs maistresses.

[8] 33 I Pi. IV 18. [8] 23 Sobeli, loue, seip reson ...(257, zx). mastresses. (258, 1).

41/42 for bese soules be her

131

SPECVLVM 25

30

8

31

Certe, Ratio, ait Amor, tales animae quae sic sunt liberae effectae, multo tempore sunt expertae quid dongerium facere nouit. Et qui peteret ab eis quod est maius tormentum, quod possit creatura portare, dicerent illud esse: manere in amore et in oboedientia uirtutum. Quia qui in oboedientia uirtutum manet, oportet necessario quod eis det quicquid petunt, quantumcumque naturae . Virtutes enim petunt honores, diuitias, cor, corpus et uitam. Hoc est dictum quod anima omnia

praedicta propter ipsas relinquat. Et adhuc dicunt ipsae uirtutes tali animae, quae sic penitus omnia dimisit quod nichil sibi 25 remansit etiam pro confortanda natura ; dicunt, inquam, ei quod

uix iustus saluabitur. Propter quod misera haec anima timore perterrita, eligeret in inferno usque ad diem iudicii cruciari, solum quod finaliter se sciret esse saluandam. AMOR. Haec est ueritas, dicit Amor. In talibus dongeriis et obligatione uiuit super quem uirtutes habent posse. Sed animae de quibus loquimur, ipsas uirtutes ad punctum duxerunt, quia nichil penitus pro ipsis faciunt. Sed ipsae uirtutes pro talibus animabus faciunt quicquid uolunt absque dongerio et rebellione, quia ipsae tales animae sunt magistrae uirtutum et non e

45

conuerso.

25 Certe, Rañio, ait Amor] Certe Amor dicit Ratio 4, RATIO. Certe O Amor

ait Ratio B, Certe Amor ait Ratio C — tales animae] oz. C — 26 sunt expertae] - BCD dongerium] libere add. B 27 nouit] add. amor B peteret] peterent B eis] AMOR add. B 28 possit] posset C dicerent illud esse] illud utique forte dicerent B, illud utique fore dicerent CD — manere] uidelicet add. C 29/30 Quia..petunt] manendo oportet necessario quod illis det quicquid petunt B — eis]illis CDD 31 naturae cosze;] naturae constet 74, natura grauetur B, etiam natura grauetur CD 32 cor] etiam B dictum] oz. C, enim B 32/33 oria praedicta] - À | 33 propter ipsas] intuitu ipsarum scilicet (oz. C), uirtutum BCD . 33/34 Et adhuc...animae] Et cum toto hoc tali animae adhuc dicunt uirtutes B, Et cum toto hoc adhuc tali animae dicunt uirtutes CD

34quae]animapraez.B nichil etiam necessarium

penitusomnia]- BCD

34/35 nichilsibi...natura]

(necessaria D, necessariorum

C) naturae sibi retinuit

BCD 35 inquam] inquit B 36 misera baec amzza|] misera haecce 74, haec misera anima B, haec anima € timore] oz. B 37 eligeret] quantum in se est libenter praez. BCD in inferno...cruciari] usque ad diem extremi indicii in inferno cruciari BCD 38solum] solummodo B se sciret esse saluandam] saluaretur BCD 39 Haec est ueritas] Hoc est uerum BCD — 40 uiuit] uiuunt hi BCD super quem] supra quos BCD uirtutes] profecto add. B C, praem. D . 41 ad punctum duxerunt] reduxerunt ad punctum BCD — 42 penitus pro ipsis] penitus pro eis CD, pro eis penitus B — Sed] magis e conuerso add. BD, magis e contra add. C — pro talibus] praedictis BCID —— 43 faciunt quicquid uolunt] obsequuntur (obsequiunt C) ad nutum et hoc BCD rebellione] rebellatione C 44 ipsae] o». B tales] o». BCD magistrae uirtufum] uirtutum dominantur B 45 conuerso] contrario C

32

|

MIROUER

9

[9] Comment telles Ames n'ont point de voulenté. - .viii7°. chappitre.

Io

- Qui demanderoit a telles franches Ames, seures et paisibles, se elles vouldroient estre en purgatoire, elles diroient que non; se elles vouldroient estre en ceste vie certifiees de leur salut, elles diroient que non; ou s'elles vouldroient estre en paradis, elles diroient que non. Mais aussy de quoy le voudroient elles? Elles n'ont point de voulenté. Et se elles vouloient aucune chose, ellecs se despartiroient d'Amour; car celluy qui a leur voulenté, sçait ce qui leur est bon, et ce leur souffist, sans le sçavoir et sans estre asseurees. Telles Ames vivent de congnoissance et d'Amour et de louenge; c'est l'usage acoustumé de telles Ames, sans elles | mouvoir d'elles mesmes,

car Congnoyssance, Amour et Louenge demourent en elles. Telles I>

Ames

ne

se scevent

trouver

bonnes

ne

maulvaises,

ne

n'ont

point d'elles congnoissance, ne ne sauroient juger se elles sont converties ou perverties. Amour. - Ou, pour plus brefment parler, prenons une Ame pour toutes, dit Amour, laquelle Ame ne desire ne ne desprise

2 Oo

pouvrté

ne tribulation, ne messe

2 VA

oraison, et donne a Nature tout ce qu'il luy fault, sans remors de conscience; mais telle nature est si bien ordonnee par transformacion de unité d'Amour, a laquelle la voulenté de ceste Ame est conjoincte, que la nature ne demande chose qui soit deffendue. Telle Ame n'a soing de chose qui luy faille, si non en

[9] 10 qui leur] zs. quil leur.

ne sermon,

ne jeune ne

13V

[9] Qui peteret a talibus animabus quae omnino liberae, securae,

pacificae sunt, si uellent in purgatorio esse, dicerent quod non; esse in hac uita certificatae de propria salute, dicerent quod non; esse in paradiso, dicerent etiam quod non. Vnde enim uellent haec; non enim aliquam habent uoluntatem. Et si praedicta uellent, utique ab amore declinarent. Quia Ille qui solus est, qui earum possidet uoluntates, scit quicquid expediens est praedictis, et istud eis sufficit absque eo quod hoc sciant aut de

hoc sint securae. Tales enim animae uiuunt de notitia, amore et

IO

15

laude diuina. Iste est continuus usus earum absque eo quod moueant se de seipsis, quia notitia, amor et laus manent in eis. Tales animae quae uere | tales sunt, non possunt inueniri, nec 4f boni nec mali aliquam de eis notitiam habent, nec iudicare de huiusmodi possunt utrum conuersae sint aut peruersae. AMOR.

Talis

anima,

dicit

Amor,

ut unam

accipiamus

pro

omnibus, non appetit «ec despicit paupertatem, tribulationem, missas, sermones, ieiunium uel orationem, et semper dat naturae

quicquid petit absque omni remorsu conscientiae. Tamen talis natura ita bene est ordinata in se propter plenam transforma20

tionem in «nitate amoris, ubi huius animae uoluntas est coniuncta,

quod nichil prohibitum requirit. Talzis anima de nullo quod sibi

[9] 1 peteret] quaereret BCD omninoliberae] - B —— 3 esse in hoc uita... salute] Et qui quaereret ab eisdem si in hac uita de propria salute securae esse

uellent BCD' — 3/4 dicerent quod non] o». B — 4 esse in paradiso] et similiter si uellent prae». BCD dicerent] et praem. B etiam] utique BCD 5 uellent haec] hoc uellent BCD non enim...uoluntatem] cum nullam penitus habeant uoluntatem B CD praedicta] ista B 6 utique ab amore] procul dubio ab amore B, ab amore utique C, ab amore procul dubio D 7 uoluntates] uoluntatem B expediens est] - CD 8 absque] ab B 9 enim] o». BCD uiuunt] uitam habent BCD amore] amoris B — 10 est] nimirum est iugis et BC, nimirum iugis est et D usus] cibus B earum] uidelicet (oz. CD) talium animarum BCD absque eo] tamen add BCD 11 moueant se] moueantur BCD amor] amoris B eis] ipsis BCD — 12 quae uere tales sunt] quae tamen tales uere sunt BC, quae tamen uere tales sunt D non possunt inueniri] inueniri non possunt BCD

13/14 iudicare de huiusmodi] iudicari uere ab aliquo B D, iudicari ab aliquo uere C — 14 possunt] potest CD aut] an CD peruersae] aduersae BCD — 15 dicit Amor] Amor ait B, ait Amor CD ut] et B 16 zec despicit] aut refugit A 17 missas] oz. C sermones ieiunium] - B orationem] orationes À ^ 18 remorsu conscientiae] conscientiae propriae remorsu B.D, propriae conscientiae remorsu C — Tamen] Sed B, Sed tamen CD 19 bene est ordinata in se] est in se bene ordinata B, est bene in se ordinata CD transformationem] sui add. BCD 20 wnitare] imitatione À ubi...coniuncta] or. BCD 21 nichil prohibitum requirit] numquam aliquid requirit uetitum B, numquam requirit aliquid uetitum D, numquam aliquid requirit nisi summe licitum et sibi nullatemus negandum C Talis anima] Tamen À

34

MIROUER

9-10

l'eure qu'il le lui fault; et ce soing ne peut nul perdre, se il n'est innocent. Raison. - Hee, pour Dieu! dit Raison, qu'esse a dire? Amour. 30

- Ad ce vous respons, Raison, dit Amour.

Comme

je

vous ay dit devant, et encores le vous dis je, que tous les maistres de sens de nature, ne tous les maistres d'escripture, ne tous ceulx qui demourent en amour de l'obedience des Vertuz, ne l’entendent et ne l’en>tendront, la ou il fait a entendre: de ce soiez certaine, Raison, dit Amour, car nul ne l'entend, si

35

non seulement celluy qui Fine Amour demande. Mais se d'aventure telles Ames on trouvoit, elles en diroient la verité, s'elles

vouloient; et ne cuide mie | que nul les peust entendre, si non seulement celuy qui Fine Amour et Charité demande. Ce don, dit Amour,

de heure; que Dieu Divinité, Verité, et

est aucunes

foiz donné

en ung moment

et qui l'aura si le garde, car c'est le plus parfait don donne a creature. Ceste Ame est escolliere de la et si siet en la vallee d'Umilité, et en la plane de se respouse en la montaigne d'Amour.

[10] Comment Amour nomme ceste Ame par .xij. noms pour les achfz, a la requeste de Raison. - .x°. chappitre. «Raison

- Hee, Amour, dit Raison, nomez

ceste Ame

par

son droit non, donnez en aux actifz aucune congnoissance. Amour. - Elle peut, dit Amour, estre nommee par .xij. noms;

c'est assavo - Et encore n'est ce rien, dit ceste Ame, au regart de ce qu'il en est, mais l'en n'en peut rien dire. Amour. - Le septieme point est que on ne luy peut rien tollir.

85

Raison. - Hee, pour Dieu, Amour, dit Raison, dictes que c'est

a dire. : Amour. - Que c'est a dire? dit Amour. Et que luy touldroit l'en? Certes on ne luy pouroit rien tollir. Car qui a ceste Ame touldroit honnour, richesse et amis, cueur et corps et vie, encores

90

ne luy touldroit l'en rien, se Dieu luy demoure; par quoy il appert que ne luy peut rien tollir, pour force que on ait.

[1] 85/87 ... 93/95 ...

101/102 Saue 3oure reuerence, bat wote I not.(263, 16).

IÓr

SPECVLVM zi

43

ideo nichil dimittit haecce facere propter Deum,

quia nichil

habet 1n suo interiori cogitatu, quod sit contra Deum ; et idcirco

nichil facere omittit propter Deum.

70

SEXTVS PVNCTVS. Sextus punctus est quod de nullo ab aliquo potest doceri.

RATIO. Pro Deo, Amor, dicit Ratio, quid est Aoc dictum?

AMOR. Hoc est dictum quod, s? ista anima haberet omnem

notitiam omnium 75

80

creaturarum,

quae unquam

fuerunt, sunt et

erunt, sibi nichil uideretur respectu illius quod diligit, quod numquam fuit cognitum nec unquam cognoscetur. Ista plus diligit illud quod est in Deo, quod numquam datum fuit nec unquam dabitur, quam diligat illud quod 2a» habet uel habebit, etiam si deberet habere omnem notitiam de Deo, quam habebunt omnes creaturae quae sunt et erunt. ANIMA. Nichil est hoc, ait haec Anima, respectu illius quod

est in seipso, sed de hoc nichil dic potest.

SEPTIMVS PVNCTVS. Septimus punctus est quod nichil ei auferri potest. 85

Et quid ab ea auferetur? Qui auferret sibi honorem, diuitias, amicos, cor et corpus et uitam, nichil ei tolleretur, si solus sibi Deus remaneret. Ergo huic nullus aliquid auferre potest, quantumcumque fortis sit.

67 nichil dimittit haecce face (oz. 74) propter deum] propter Deum B, propter Deum nichil facere omittit (mali C) CD — quia] o» B 68 habet in suo interiori cogitatu] aliquando faciendum concipit (accipit B) BCID quod] quid B sit] aut esse possit «dd. BCD 68/69 et idcirco … omittif] quia ipsa nichil dimittit À, et idcirco nichil mali omittit facere C 71 ab aliquo potest doceri] doceri potest ab aliquo BCD 72 Amor, dicit Ratio] dicit Ratio, O

Amor B

hoc dictum] istud A, hoc D

73 dictum] ow. C

si] om. A

14

notitiam omnium creaturarum] omnium creaturarum notitiam BID — 75 erunt] esse possunt B — sibi nichil] - B respectu] in comparatione BCD — diligit] de Deo prae». BCD 76 numquam] utique przez. BCD cognoscetur] ab

ipsa persona siue creatura add. B, ab aliqua creatura ad. C, ab ipsa creatura add. D Ista] inquam anima add. BCD 78 jam] anima À 79 deberet habere] ipsa habere deberet BCD 80 omnes] simul przez. BCD erunt] futurae sunt B, quae futurae sunt CD — 81 hoc] o. BCD . haec Anima] anima ista B, ipsa anima CD respectu] istud quod dicitur prae» B CD 82 seipso] se BCD sed] tamen add. BCD di] om. A 84 nichil ei] huic animae nichil BD, ab hac anima nichil C 86 quid] ait Amor add. C — ab ea auferetur] - BCD . 87sibi] ab ea C amicos] ex BCD . cor] o». C — 88 nichil ei tolleretur] nichil sibi procul dubio esset B CDD solus] solum BCD 88/89 Ergo huic ... fortis sit] Ergo nullus quantumcumque fortis huic animae (ab hac anima C) aliquid auferre potest (potest auferre C) BCD

44

MIROUER

11

Amour. - Le .viij*. point est que on ne luy peut rien donner. Raison. - Amour, pour Dieu, dit Raison, qu'est ce a dire, que on ne luy peut rien donner? Amour. - Que c'est a dire? dit Amour. Et que luy donneroit 95 l'en? Se on luy donnoit tout ce qui oncques fut donné et qui donné sera, si ne seroit ce rien au regart de ce | qu'elle ayme et aymera. IOO

Si non Dieu mesmes, - et dit l'Ame -, Dame Amour, ayme en moy et aymera. « Amour» - Saulve vostre reverance, dit Amour, ce ne suis

105

je mie. Nous dirons, dit Amour pour les auditeurs, que Dieu ayme mieulx le plus de ceste Ame en luy, que moins d'elle mesmes. Mais ceste Ame dit: - I1 n'y a point de moins, il n'y a fors tout; et ce puis je bien dire et verité dire. «Amour. - Je dis oultre plus, dit Amour, que se ceste Ame avoit toute la cognoissance et l'amour et la louenge qui oncques

IÓv

fut donnee et donnee sera de la divine Trinité, si ne seroit ce IIO

rien, au regart de ce qu'elle ayme et aimera; ne ja a ceste amour par cognoissance n'ataindra. L'Ame parle a Amour:

IIS

I20

- Hee, sans faille non, doulce Amour,

dit l'Ame. Non encore du maindre point sans plus de mon amour. Car aultre Dieu n'est que celluy dont on ne peut rien cognoistre parfaictement. Car celluy tout seul est mon Dieu, de qui l'en ne scet mot dire, ne tous ceulx de paradis ung tout seul point actaindre, pour qulque cognoissance qu'ilz aient de luy. Et en ce plus est enclose, dit ceste Ame, la souveraine mortifficacion de l'amour de mon esperit, et c'est toute la gloire de l'amour de mon ame, et sera sans fin, | et de tous ceulx qui oncques s'entendirent.

[11] 117 plus est] zs. est plus.

112/114 No, sopeli, no. Wipoute faile, no, seib she.(263, 27).

118/119

And in bis more to all fulfillinge, is closed, seib sche, be souuerayne mortalite

of be loue of my spirite. (263, 29-31).

I7f

SPECVLVM

r1

45

OCTAVVS PVNCTVS. Octauus punctus est quod nichil ei potest dari.

95

Dari, dicit Amor, quid sibi dari potest? Si sibi daretur omne illud quod unquam fuit datum et adhuc dabitur, nichil penitus esset in comparatione illius quod amat et amabit. Immo quod Deusmet, dicit Anima, amat in me et amabit.

Salua uestra reuerentia, hoc non sum ego. Nos dicemus propter auditores quod Deus magis amat illud quod est plus sui ipsius, quam illud quod est minus. IOO

Nichil est in Deo minus, dicit haec Anima, non enim est ibi nisi totum. Et possum hoc dicere et ueritatem dicere. AMOR. Ego dico, ait Amor, quod si ista anima haberet omnem

| notitiam, omnem

amorem

et omnem

laudem

quae unquam

data fuerunt et dabuntur de diuina Trinitate, adhuc esset nichil IOS

IIO

IIS

respectu illius quod amat et amabit, nec unquam talem amorem per fraewiam notitiam attinget uel habebit. Non utique, dulcis Amor, dicit Anima. Etiam hoc est uerum de minori puncto mei amoris, quia alius Deus non est praeter illum de quo nichil potest cognosci No» were, non certe. Ille solus est Deus meus, de quo nullus scit uerbum dicere. Nec omnes illi qui sunt in paradiso, unum solum punctum attingere ualent, quantumcumque magnam notitiam habeant de eo. Et 1n isto pluri omnibus ignoto est inclusa summa »nortalitas amoris mei spiritus. Et istud est tota gloria amoris animae meae, et erit sine fine, et omnium illorum qui unquam se intellexerunt.

93 Dari ... dari potest?] Et quid sibi dari posset (potest C), ait Amor BCD Si] AMOR praem. B — daretur| detur 4. — 94 unquam] numquam B fuit datum] - B, datum fuerit CD —— et adhuc]ac B, aut CD — dabitur] in futurum add. BCD 95 esset] foret BCD 96 Immo ... amabit] Immo, ut uerius dicatur, quod (ut B, o». C) ait ipsa (oz. B) Anima, quod Deus (ox. B) ipse in me amat et amabit BCD 97 Salua ... ego] o». BCD dicemus] ait Ipsa 100 es minus] minus À 99illud id BCD add. A . 98illuddjid BCD dicit] ait BCD — enim] o». BC — estibi] o» B — 101 totum] totus B Et ait] 102 Ego dico] Nos dicemus C possum ... ueritatem dicere] o» B CD dicit BCD 104 esset nichil] - BCD 106 per praeuiam (primam A) … habebit] attinxit (attingit B) uel attinget (attingeret D) per praeuiam notitiam dulcis] digne D | est uerum] 107 Non utique] AMOR przez. B BCD cognosci] - BCD — Nos potest 109 108 puncto] scintilla BCD - BCD meus] Deus meus est B Deus est 110 D add. non certe] non uere] om. À — 111 omnes illi] BCD ad. etiam Nec] BCD præm. nec loqui uerbum] eo] magnam] claram et facialem add. BCD 112ualent] ualerent D - B ignoto] occulto et praem. À, pluri] et add. B 113 z] ox. A Deo AD summa] tanta B inclusa] abscondita et praez. À et abscondito add. C 113/114 »wortalitas ... spiritus] mei spiritus amoris mortalitas A, immortalitas

amoris mei spiritus C — 114 istud est tota] in istud natat B — 115 unquam se]+ D

46

MIROUER

11

Ce point est petit a oir, dit cette Ame, au regart du plus grant, dont nul ne parle. Mais j'en vueil parler et n'en sçay que dire. Non pourtant, dame Amour, dist elle, mon 125

130

tel arbitre, que j'aime mieulx que on ne die aucune chose jen mesdis, car tout ce que la bonté de vous. Mais ce que pardonné.

amour

est de

a oir chose mesdire de vous, que de vous. Et sans faille ce fais je: j'en dis n'est fors que mesdire de j'en mesdis, me doit estre de vous

Car, sire, dit l'Ame, celuy mesdit bien de vous qui tousjours

parle de vous, et si ne dit jamais nulle chose de la bonté de vous; et pareillement vous dis je de moy mesmes. Je n'ay fine de dire de vous, ou par demandes ou par pensees, ou d'oir se l'en me diroit aucune chose de la bonté de vous; mais tant plus 155 oy de vous parler et plus suis esbahye. Car ce me seroit grant villenie, que on me feist entendant, que on m'en dist aucune chose; car ilz sont deceuz qui le croient, car je scay certainement que on n'en peut rien dire, et se Dieu plaist, je n'en seray jamais deceue, et ne vieulx jamais oir mentir de la divine bonté de T4O vous, mais que j'aie acompli l'entreprise de ce livre, dont Amour est maitresse, laquelle m'a dit que je y termine toutes mes entreprinses. Car tant comme | je demanderay aucune chose de 17V moy a Amour pour elle mesmes, je seray avec moy en vie

130/132

Lord, bei mysseien wel of 3ou, bat alwei speken of 3ou, and

neuere seien nobing of 3oure goodnesse. (264, 2-3).

SPECVLVM

I20

11

47

Ista puncta sunt parua, dicit ista Anima, propter maius seu plus magni de quo nullus loquitur. Sed ego uolo loqui, nescio tamen quid dicam. Nichilominus tamen, Amor, dicit Ipsa, amor meus talis est arbitrii quod »a/o audire minus de uobis dici quam quod $emitus nichil de uobis dicatur; quia quicquid dico de uobis, non est nisi minus dicere de uestra bonitate. Tamen

istud minus dictum est a uobis parcendum. ANIMA. Domine, dicit ipsa An»/ma, ille minus bene dicit de uobis, qui continue loquitur de uobis et numquam aliquid de 125 uestra infinita et incomprehensibili bonitate sufficienter et plene dicit. Ita dico omnino de meipsa. Non cessaui dicere et loqui de uobis, nunc

per interrogationes, nunc per meditationes, ad ui-

dendum si ego uel alius mihi aliquid diceret de uestra bonitate. Sed quanto plus audiui et audio de uobis loqui, plus remaneo 130 stupefacta. Vnde istud est malefactum quod dictum fuit mihi aliquando, quod aliquid mihi de uobis diceretur. Sed omnino decipiuntur qui hoc credunt, quia certa sum quod nichil dici potest. Si Deo placet, de cetero numquam amplius ero decepta. Nolo amplius audire mentiri de uestra diuina bonitate, si 135 compleuissem huius libri intentum, cuius magister est amor, qui mihi dixit quod in eo terminem omne meum propositum. Quia quamdiu petam per me uel de me aliquid ab amore propter ipsummet amorem, ego ero mecum in uita spiritus, in umbra

116 Ista puncta sunt parua] Isti puncti sunt parui C — ista] haec BCD 116/117 maius seu plus magni] plusillud BCD — 118tamen]ow.C ^ Amor, 118/119 amor meus .. arbitrii] talis est amor meus dicit Ipsa] o». BCD audire minus de uobis 119 malo] male À BCD, O Deus meus add. C audiri dici (dici minus aliquid B, uobis de audire et dici minus dici] aliquid 120 penitus nichil de uobis] nichil de uobis penitus À, audire D) de uobis CD 120/121 dico de uobis] quia] profecto «dd. BCD penitus de uobis nichil C dictum] 122 istud] illud B 121 minus] quoddam prae» BCD - BCD add. B est a uobis] nobis C — parcendum] quod przez. B, utique add. CD quia et] 124 C bene] 123 ipsa Anima] ipsa 4D, Anima C ^ minus CD ego et B, ego omnino] 126 — CD digne e B 125 et plene] digne BCD sciret diceret] aliquid mihi B signa ego] si 128 B 127 uobis] nobis 129 remaneo] remansi et semper przez. BC, mihi dicere C, mihi diceret D remansi et prey. D — 130 Vnde] Et istud BCD — est malefactum] malum 131 aliquando] o». BCD est BCD — quod] quia CD — fuit] fuerat BCD de uobis mihi] mihi de uobis aliquid...diceretur] aliqui de uobis dicerent B 132/133 dici potest] dicere —— 132 hoc] posse out scire facere add. BCD C deceptus non ero B, cetero de amplius 133 de cetero...decepta] possunt B 134 de] cum A D ero non decepta amplius C, de cetero decepta non ero 135 agiter ext BCD m perficisse quod solum sem] 134/135 si compleuis de me] uel ex uel 137 À omnem omne] 136 A magister est amor| amor spiritus] et 138 B per BCD, praem. etiam propter] B me uelle CD, me add. C

48

MIROUER

11-12

d'esperit, en l'ombre du souleil, ou l'en ne peut veoir les subtilles 14; ymaginacions des atiremens de divine amour et de la divine generacion. Et que dis je? dit ceste Ame. Et certes encores n'est ce rien, pouse que j'eusse tout ce qui est dit, au regart de ce que j'ayme de luy, laquelle chose il ne donnera

a nully, fors que a luy;

15o laquelle chose luy convient retenir pour sa divine droicture. Et donc dis je, et c'est verité, que on ne me peut rien donner chose qui puisse estre. Et ceste complainte, dont vous me oyez plaindre, dame Raison, dit ceste Ame, est mon tout et mon mieulx, a bien entendre. Hee, comme c'est doulce entente! Pour Dieu! 155 entendés le tout; car aultre chose n'est paradis que ce mesmes entendre.

Amour. - Le ix*. point, dame Raison, dit Amour, est que ceste

Ame n'a point de voulenté.

|

«Raison.^ - Hee, pour Dieu d'amour, dit Raison, que dictes i60 vous? Vous dictes que ceste Ame n'a point de voulenté? Amour.

- Hee, sans

faille non;

car tout

ce que ceste Ame

veult en consentement, c'est ce que Dieu vieult qu'elle vueille, et ce veult elle pour la voulenté de Dieu acomplir, non mie pour la sienne voulenté; et elle ne peut ce vouloir d'elle, mais 165 c'est le vouloir de Dieu qui le vieult en elle; par quoy il appert que ceste Àme n'a point de voulenté, sans la voulenté | de Dieu, qui luy fait vouloir tout ce qu'elle doit vouloir. [12] Le vray entendement de ce que ce livre dit en tant de lieulx, que l'Ame Adnientie n'a point de voulenté - .x17°. chappitre.

«Amour. - Or oyez et entendez bien, auditeurs de ce livre, le vray entendement de ce que ce livre dit en tant de lieux, 5 que l'Ame Adnientie n'a point de voulenté, ne point n'en peut avoir, ne point n'en peut vouloir avoir, et en ce est la voulenté divine parfaictement acomplie; ne, jusques ad ce n'a l'Ame souffizance

de divine Amour,

ne Amour

divine

souffizance

de

144/146 where may not be seyn be sotil ymaginacions of be drawinges of diuine loue of be diuine generacion. (264, 22-23). 159/160 ...

SPECVLVM I40

rr-12

49

solis, ubi uideri non possunt subtiles imaginationes attractuum amoris diuinae generationis. Et | quid ego dico, dicit ista Anima. Totum meum est unum nichil, etiam si totum haberem, respectu illius quod de ipso amo, quod nulli dabit nisi sibi, quia omnino illud eum oportet

retinere propter ?4s diuinum. Dco igitur et uerum est quod nichil mihi potest dari pro aliqua re quae esse possit. Et ista 145 querela qua conqueror, sicut auditis, Ratio, dicit ista Anima, est meum totum et meum melius, si bene intelligar. O quam dulcis intellectus! Pro Deo, intelligatis totum, quia aliud non est paradisus quam istud intelligere! 150

155

NONVS PVNCTVS. Nonus punctus est quod ista anima nullam habet uoluntatem. : Non utique, quia quicquid ista anima uult in consensu uoluntatis, est illud solum quod Deus uult ipsam uelle. Et istud a se et de se uelle non potest, sed istud est uelle Dei, quod ipsa uult in se. Ita quod ista anima non habet aliquam uoluntatem extra diuinam uoluntatem, qae eam facit uelle quicquid ipsa uelle debet. [12] Avon. Nunc igitur audite et intelligite, huius libri auditores,

MA

uerum intellectum, et quid est dictum quod liber iste in tot locis asserit, quod anima adnichilata non habet aliquam uoluntatem, nec aliquam potest habere, nec aliquam potest uelle habere, et 13 hoc est diuina uoluntas perfecte impleta! Nec usque tunc anima est contenta de diuino amore, nec diuinus amor contentus est de ipsa anima; quando wero amma est in

139 attractuum] actractiui B 140 diuinae generationis] - BCD 141 quid]ow.B dicit iste Anima] ait haec Anima BCD . meum] enim C 142 nichil] michi B ^ etiam] et D — respectu] in aZ. À 142/143 ipso amo] eo diligo BCD 143 dabit] daturus est BCD —— illud eum] sibi ipsi illud BCD 143/144 oportet retinere] - BCD 144 jus] suum À Dico igitur] - A 145 potest dari]- BCD pro aliqua re quae] pro aliquo quod BCD 146 auditis] audistis BCD Ratio] O praem. B ista] haec BCD 147 meum] 148 intellectus] est iste add. intelligar] tamen intelligatur BCD meus D BCD intelligatis totum] - BCD 148/149 non est] - B 149 istud intelligere] - B — 151 nullam habet uoluntatem] non habet aliquam uoluntatem uoluntatis] ista anima] ipsa BCD 153 utique] ait Amor add C BCD suae praem. B 154 illud] istud B 157 quae] quia À [r2] 1 audite] attendite BC — et intelligite] o». C — 2 et quid] RATIO praem.B ^ liber iste] - D — 4 potest habere] - C — 5/2 bx] nichil 4 — est 7 contentus est de ipsa anima] de diuina uoluntas] diuina uoluntas est B quando uero] quod .4, sed quando uidelicet C, ipsa anima contentus BC 7/8 anima est..in anima] Deus est in anima et anima in quando uidelicet D Deo A

Gr

50 IO

MIROUER

l'Ame, jusques ad ce que l'Ame soit en Dieu et Dieu en l'Ame de luy par luy en tel estre de divin assise; et adonc a l'Ame toute sa souffizance. Entendement

15

12

de Raison.

- Voire, mais il semble, dit Enten-

dement de Raison, que le ix.* point dit tout le contraire, car il dit que l'Ame Adnientie ne veult nient, au regart de ce qu'elle vouldroit vouloir, lequel vouloir elle ne peut avoir, car Dieu veult qu'elle vueille que son vouloir soit rien, au regart de sa souffizance, lequel de ce ja ne lui sera donné. Raison. - J'entens en ce, dit Raison, que l'Ame veult vouloir,

20

et que Dieu veult qu'elle vueille ung vouloir, lequel elle ne peut avoir, et de ce a deffaillance et point de souffizance. Entendement

25

de Raison.

- Il me

semble,

dame

Amour,

dit

Entendement de Raison, que ce ix* point me fait ce entendre, en desdisant |ce livre, qui dit pour verité que l'Ame Enfranchie n'a point de voulenté, ne point n'en peut avoir, ne point n'en peut vouloir, ne la divine Unité ne veult pas qu'elle en ait point, et si a de toutes choses, comme dit ce livre, par divine amour sa plaine souffizance. L'Ame. - Hee, Entendement

que vous avez d'arbitres!

de Raison, dit l'Ame Adnientie,

Vous prenez la paille et laissez le

20

grain, car vostre entendement

35

povez si haultement entendre, comme il esconvient entendre a celluy qui bien veult entendre l'estre dont nous parlons. Mais Entendement de Divine Amour, qui demoure et est en Ame Adnientie et qui est enfranchie, l'entend bien sans arrest, car elle est ce mesmes.

est trop bas, par quoy vous ne

[12] 12/36 Entendement de Raison - Entendement de l'Amour. Cfr. Guillelmus a Sancto Theodorico, Oratio 24-25 (S.C. 6x bis, p. 124)

18v

SPECVLVM r2

=

Deo et Deus in anima, de se et per se in tali esse diuini situs, et tunc habet anima totam sufficientiam suam. IO

r5

* [NTELLECTVS. Verum est; sed uidetur, dicit Intellectus rationis, quod nonus punctus totum contrarium dicat, cum dicit quod anima adnichilata nichil uult in comparatione illius quod

uelle uellet, quod habere non potest, quod tamen Deus uult quod ipsa uelit. Quia suum uelle est nichil in comparatione suae sufficientiae, quae numquam ei ad plenum dabitur de hoc. In hoc intelligo, dicit Ratio, quod anima uult uelle et quod Deus uult quod ipsa uelit unum uelle, quod tamen non potest habere et de hoc habet defectum et insufficientiam. INTELLECTVs.

20

uoluntatem,

25

Mihi uidetur, Amor,

dicit Intellectus

rationis,

quod istemet punctus facit me intelligere in contradicendo huic libro, danti pro uero quod anima libera nullam habet uoluntatem nec aliquam potest habere, nec aliquam potest uelle habere, nec diuina unitas uult quod sfonsa eius electa aliquam habeat et tamen

habet de omnibus, ut asserit liber iste,

suam plenam sufficientiam.

ANIMA. O Intellectus rationis, dicit Anima adnichilata, quales

et quot aestimationes habetis! Vos accipitis paleam et dimittitis granum, | sed intellectus uester est nimis bassus. Ideo non potestis ita a/te intelligere, sicut oporteret intelligere qui bene uellet o intelligere esse de quo loquimur. Intellectus autem diuini 3 amoris, qui manet et est in anima adnichilata quae penitus est libera, intelligit haec absque mora, quia ipsa est idipsum.

8 Deus] est add. B diuini tus] - À, diuinitus B 9 habet anima] BCD sufficientiam suam] - BCD 10 * Quaestio et solutio quaestionis super nono puncto. Capitulum 5. C — dicit] ait BCD 11 cum dicit] horum quae sequuntur uidelicet C — 14 quod ipsa uelit] ipsam uelle BCD . Quia] quod B . suum]scilicet B — est nichil] - D — in comparatione] in respectu BD, respectu C — 15 ei ad plenum dabitur de hoc] ei adhuc ad plenum dabitur B, de hoc ei ad plenum dabitur C, ei de hoc ad plenum dabitur D

18 de

hoc] in hoc B 19 uidetur] uester B 20 istemet punctus] hoc C facit] faciat seu det C, seu dat a47. BD me] mihi C, hoc add. BD 21 danti] asserenti BCD 22 potest habere] - C nec aliquam...uelle habere] uelle B 23 unitas] ueritas B sponsa eius elecía] electa eius dilecta 74 23/24 aliquam habeat uoluntatem] habeat uoluntatem aliquam B 24 habet] oz. B asserit liber iste] liber iste asserit B, iste liber asserit CD 25 suam] etiam B 26dicit] ait BCD 26/27 quales et quoi] quod À, quale et quot B 28 intellectus uester] intelligentia uestra BCID bassus] bassa BCD Ideo] ista D el ala A sicut| utique 247. BCD 29 oporteret intelligere] oportet BCD quiltamen «dd. BCD . 30 uellet] uult BCD esse de quo loquimur]

etiam illud de quo loquimur B D, debet esse idem cum illo esse de quo loquimur C Intellectus] Vult. przez. A. — 313etest] oz. B — 31/32 penitus est libera] omnino libera est B, omnino quidem libera est CD 32 haec] hoc BCD absque mora] absque difficultate et sine mora BCD idipsum] in idipsum Banc

6v

52

MIROUER

12-13

La Haultesse d'Entendement d'Amour. - Ores, Entendement de Raison, dit la Haultesse d'Entendement d'Amour, or entendez

la rudesse de vostre mesentendement. Se ceste Ame Adnientie veult la voulenté de Dieu - et qui plus la veult et plus la vouldroit vouloir - ce ne peut elle avoir par la petitesse de creature, car Dieu retient la grandeur de sa divine droicture. Mais Dieu veult que elle ce vueille et qu'elle ait tel vouloir, et tel vouloir est le divin vouloir, lequel vouloir donne estre a franche creature; lequel divin vouloir, lequel Dieu leur fait 45 vouloir, actrait en elles les veines de divine cognoissance et la mouelle | de divine amour et l'union de divine louenge. Mais la voulenté de l'Ame les estanche. «Amour.

- Adonc, dit Amour,

comment

peut l'Ame avoir

vouloir, puisque Clere Congnoissance cognoist qu'il est ung estre 50

entre les estres, le plus noble de tous les estres, lequel creature

ne peut avoir, se elle ne l'a par nient vouloir? Orez a oy Raison, dit Amour, la responce de ses demendes, excepté de celle la, ou Raison dit que l'Ame Enfranchie a en elle deffaulte de souffizance; et pource je luy diray de quoy elle 55 a

deffaulte

de souffizance.

C'est de vouloir

le divin

vouloir,

lequel qui plus le veult et moins a de tel vouloir sa souffizance. Mais ce mesmes vouloir est le seul vouloir de Dieu et la gloire de l'Ame.

[13] Comment Raison est contente de la declaracion des choses dessus dictes pour les contemplatifz et actifz, mais elle demande encore pour les communes gens. - .xii°. chappitre. «Raison.» - Ores, Amour, dit Raison, vous vous estes condes-

cendue a nostre priere, c'est assavoir d'avoir declaré les choses dessus dictes pour les actifs et contemplatifs; mais je vous prie

[12] 48/49 And panne, seip loue to bis creature, hou may bis soule haue wille... (266,1).

SPECVLVM

12-13

53

SVBLIMITAS INTELLECTVS AMORIS. Nunc ergo, Intellectus rationis, ait Sublimitas intellectus amoris, attendatis uestrae de-

fectuosae intelligentiae ruditatem. Sz enim haec anima adnichilata uult uoluntatem Dei, quanto plus uult, plus uellet hoc uelle. Hoc autem non potest ipsa habere propter paruitatem creaturae, quia Deus retinet magnitudinem diuinae iustitiae. Sed tamen Deus uult quod hoc 1psa uelit et quod habeat tale uelle, et tale 40 uelle est diuinum uelle; quod qwidem uelle dat esse liberae creaturae. Quod etiam diuinum uelle quod Deus eas facit uelle, attrahit in ipsis uenas diuinae notitiae et medullam diuini amoris et unionem diuinae laudis. Quae tamen propria animae uoluntas impedit.

35

Tunc, dicit Amor, ista creatura, quomodo, quomodo, quomodo

potest anima habere uelle, quando clara notitia cognoscit quod est unum esse inter cetera esse nobilius omnium esse, quod creatura habere non potest, nisi habeat per nichilum uelle. AMOR. 50

Nunc

audiuit ratio, dicit Amor, responsiones suarum

interrogationum, excepto ubi dicit quod anima libera habet in se defectum sufficientiae. Sed dicam sibi de quo: de wolendo diuinum uelle. Qwia qui plus uult illud, minus habet talis uoluntas de hoc suam sufficientiam. Sed istudmet est solum ei uelle diuinum et gloria animae. [13] * RATIO. O Amor, dicit Ratio, uos condescendistis nostris petitionibus, sicut fecistis de actiuis et contemplatiuis. Nunc

35 defectuosae] 33ergo]igitur B — 34 attendatis] ardeatis B, uideatis CD haec anima] ista domina ruditatem] tarditatem B —— Sz emm] Sed JA om. BCD A . 36 uoluntatem Dei] diuinam uoluntatem BCD —— quanto] et quae 4. — 37 Hoc..habere] Haec autem non ipsa haberet B, Haec anima Hoc] Haec C 38 retinet] sibi add BCD — diuinae] suae non potest illa ipsa habere D diuinum A —— 40 est] utique add. BCD anima haec ipsa] 39 hoc praem.BCD creaturae] liberae 41 B debet dat] A quicquid quidem] BCD uelle] ipsis] ipsa BCD . 43 42 eas] animam BCD ipsi animae liberae BCD 44 propria animae uoluntas impedit] omnis unionem] in nomine add. B (omnia B, oz. D) ipsius animae uoluntas propria habet penitus impedire BCD 45 Tunc] ANIMA praez. B

Tunc, dicit Amor, ista creatura] Igitur Amor,

46 cognoscit] cognosci potest C — 47 omnium] dicit haec creatura BCID per] 48 habeat] illud add. BCD quod]tamen add BCD omnibus BCD propter CD

49/50 suarum

interrogationum]

ad sua quaesita BD, ad supra

wozde] uoluendo 51 dicam] dicatur B 50 dicit] ait BCD 52/53 illud] ille C 52 Quia] et qui À uelle] - BCD 54 BCD elo 53 istudmet] ait Amor add. C o» BCD À [13] 1 * Expositio margaritarum seu mortificationum capituli tertii. Capitulum

quaesita C — diuinum A talis uoluntas] glora] gloriam

6.C 2 fecistis de actiuis et contemplatiuis] de actiuis et contemplatiuis fecistis BCD

54

MIROUER 1:3

encore que vous les declarés pour les communes gens, dont les aucuns pourront par aventure venir a cest estre, car plusieurs doubles mots y a, qui sont fors a entendre a leur entendement, IO

lesquieulx | se vous declarés, ce livre monstrera a tous vraye IOV lumiere de verité, et la parfection de charité, et lesquieulx sont de Dieu precieusement esleuz et appellez et souverainement de luy amez. Amour.

15

20

- Raison, dit Amour, ou sont ces doubles motz, que

vous me priez que je distincte et declaire pour le prouffit de ceulx pour lesquieulx vous faites a nous si humble requeste, et aussi pour les auditeurs de ce livre, lequel nous nommerons le "Mirouer des Simples Ames, qui en vouloir et en desir demourent» Raison. - Ad ce vous respons, dame Amour, dit Raison, que ce livre dit de ceste Ame grans admiracions, qui dit - c'est assavoir ou septiesme chapitre - que ceste Ame n'a compte, n'a honte ne a honneur, n'a pouvreté ne a richisse, ne a aise ne a

25

mesaise, ne a amour ne a hayne, ne a enfer ne a paradis. Et avec ce dit que ceste Ame a tout et n'a nient, elle scet tout et ne scet nient, elle veult tout et ne veult nient, comme il dit devant ou neufviesme chapitre. Et si ne desire, dit Raison, ne

20

despit ne pouvreté, ne martire ne tribulacions, ne mesmes ne sermons, ne jeunes ne oraisons, et si donne a nature tout ce qu'elle luy demande sans remors de conscience.

[135] 13 ... Reson, seip loue, to bis I wole answere for be profite of hem for whom pou makest to us bis pitouse requeste. (266, 16-17). 17/19 be whiche booke we clepe be Myrrour of Symple Soules. (266, 19).

SPECVLVM 13

IO

55

autem rogo uos de gente communi, quorum forte aliqui uenire poterunt ad istud esse, ut uidelicet exponatis ista obscura nomina quae difficilia sunt ad intelligendum, maxime zntellectui praedictorum, ut sic iste liber ostendat omnibus uerum lumen ueritatis, et perfectionem caritatis, et qui sunt a Deo pretiose electi et uocati et ab eo summe dilecti. AMOR. Ratio, dicit Amor, ad hoc uobis respondeo propter utilitatem eorum, pro quibus nobis tam pretiosas et efficaces porrigitis preces. Ratio, dicit Amor, ubi sunt illa obscura seu duplicia nomina,

15

de quibus rogatis ut distinguantur propter auditores huius libri, quem uocamus speculum simplicium animarum zz uoluntate et desiderio morantium ? Ad haec respondeo, Amor, dicit Ratio, quia iste liber dicit magnas admirationes de ista anima. Vnde dicit quod ista anima

non habet curam, non habet uerecundiam, non habet honorem,

non habet paupertatem, non habet diuitias, non habet conso-

20

lationem, non habet desolationem, non habet amorem, non habet odium, non habet infernum, non | habet paradisum. Et dicit

etiam quod ista anima habet totum et nichil habet; ipsa scit

omnia et nichil scit; omnia uult et nichil uult. Etiam non desiderat, ait Ratio, nec despectum, «ec paupertatem, nec mar25 tyrium, nec tribulationem, nec missas, nec sermones, nec ieiunia,

nec orationes, et dat naturae quicquid petit, absque omni conscientiae remorsu.

3 rogo uos] et C de] pro C gente] plebe BCD forte aliqui] ^ B uenire] peruenire BCDD 4 ut uidelicet exponatis ista] ut uidelicet ista B, exponatis illa uidelicet C, ut scilicet exponatis ista D — 5 difficilia] difficillima B sunt] uidentur BCD zmfellectut] in intellectu À 6 iste liber] - BCD omnibus uerum] - B 7 perfectionem caritatis] - BCD 7/8 pretiose electi et uocati] electi B, electi et pretiose uocati CD — 8eoJ ipso BCD 9 hoc] haec B 10 nobis] oz. B pretiosas et efficaces] - BCD 12 seu duplicia nomina] seu ambigua uocabula B, uocabula seu ambigua CD 13 rogatis] rogastis B — distinguantur] explanentur BCD — 14 animarum] oz. BD 14/15 zz uoluntate et desiderio zoranttum] om. A 16/17 Ad haec...anima] Iste liber, ait Ratio, de hac anima dicit magnas

admirationes BCD

18 curam]

nec sollicitudinem aZ. BCD honorem] honores B 20 desolationem] tristitiam BCD 20/21 non habet amorem, non habet odium] non habet odium, non habet amorem BCD . 22 eram] om. A ista anima] ipsa BCD nichil habet] - D 23 Etiam non] - BD, Non utique etiam C 24 desiderat, ait Ratio] ait Ratio, desiderat BD, ait Amor, desiderat C nec despectum] nec defectum fpraez. À nec paupertatum] om. A 24/25 nec martyrium] aliquod a4. À, nec etiam martyrium BID 25 nec tribulationem] aut tribulationem C D, aut tribulationes B — nec missas] o». C — nec sermones] aut sermones BD nec ieiunia] aut ieiunia C — 26 nec] aut BD

56

MIROUER

13

Et sans faille, | Amour, dit Raison, ce ne peut nul entendre de mon entendement, se il ne l'aprent de vous, par vostre enseignement. Car mon entendement et mon sens et tout mon conseil est pour le mieulx que je scay conseiller, que on desire 25 despiz, pouvreté,

20r

et toutes manieres de tribulacions, et messes

et sermons, et jeunes et oraisons, et que on ait paour de toutes manieres d'amour, quelles qu'elles soient, pour les perilz qui y pevent estre, et que on desire souverainement paradis, et que on ait paour d'enfer, et que on refuse toutes manieres de

40 honneurs, et les choses temporelles, et toutes aises, en ostant a

45

nature ce que elle demande, fors sans plus ce sans quoy elle ne pouroit vivre, a l'exemple de la souffrance et passion de nostre seigneur Jhesuchrist. C'est du mieulx, dit Raison, que je sçay dire et conseiller a tous ceulx qui vivent de mon obedience. Et pource dis je a tous, que nul n'entendra ce livre de mon entendement, se il ne l'entend de la vertuz de Foy, et de la force d'Amour, lesquelles sont mes maistresses, car je obeis du

50

tout a elles. Et encores tant veulx je bien dire, dit Raison, que quicunques a ces deulx cordes en son arc, c’est assavoir la lumiere de la Foy et la force d'Amour, il a congié de faire tout ce quil luy plaist, en tesmoing d'Amour mesmes, qui | dit a l'Ame: Amye, amez et faites ce que vous vouldrez. Amour. - Raison, dit Amour, vous estes moult saige et moult seure de ce a vous appartient, qui voulez avoir response

[13] 52 Augustinus, tract. in I Joh. VII, 8 (PL 35, 2033).

20V

SPECVLVM

r3

57

Absque dubio, Amor, dicit Ratio, hoc non potest intelligere aliquis de meo intellectu, nisi addiscat a uobis mediante uestro 30 documento. Quia intellectus meus et meum consilium est pro meliori quod consulere scio: quod contemptus appetatur et paupertas et omnia genera tribulationum, et »issae et sermones, et ieiunia et orationes, et quod timeatur omnis species amoris seu modi qualescumque sint, propter pericula quae ibi esse 3 i possunt. Et quod super omnia desideretur paradisus, et quod infernus in summo timeatur, et quod repellatur omne genus honoris et omnes res temporales et omnes complacentiae carnales, in tollendo semper naturae quicquid requirit, excepto illo solo sine quo uiuere non potest, ad exemplum tolerantiae et 40 austeritatis

45

domini

nostri

lesu

Christi

Istud

est, ait Ratio,

melius quod dzcere et consulere scio omnibus qui uiuunt in mea oboedientia. Et propter hoc dico ego omnibus quod nullus intelliget hunc librum de meo intellectu, nisi intelligat illum uirtute fidei et per uim amoris. Quae duae uirtutes sunt meae magistrae, quia in omnibus oboedio eisdem. Et adhuc tantum uolo dicere, ait Ratio. Quicumque has duas chordas habet in suo arcu, scilicet lumen fidei et uim amoris, totum habet, et habet

licentiam faciendi quicquid sibi placet, secundum testimonium ipsiusmet amoris qui dicit animae: Anima, ametis et faciatis quicquid uultis. AMOR. Ratio, dicit Amor, uos estis multum sagax et multum

secura de hoc quod ad uos pertinet, quae uultis habere respon-

28 dicitJaitBCD — RatioJest. RATIOzZ4. B hoc]istudB CDD — intelligere] capere B, bene capere CD 29 meo intellectu] - BCD addiscat a uobis] doctus fuerit a uobis B D, fuerit datum aliud nobis C

29/30 mediante uestro

documento] o». BCD 31 consulere scio] - BCD — contemptus] despectus BCD 32 genera tribulationum] alia austeritatum genera BCD 32/33 missae...orationes] ieiunia et missae et orationes 74, sermones,

ieiunia et orationes

33timeatur] contineatur B — 33/34 amoris seu modi qualescumque sint] C 36 et modus amoris creaturae qualiscumque sit BCD —— 35 quod] oy. BCD 36/37 omne genus honoris] omnis amor humanus repellatur] fugiatur BCD quicquid] B,omnis(oz.C) honorhumanusCD — 38intollendo] negando BCD 38/39 excepto illo solo] illo solo sibi concesso BCD illud quod B, quod CD 39/40 ad exemplum] et hoc add BCD 39 uiuere] seu esse add. BCD dicere] 41 BCD austerae uitae et conuersationis tolerantiae et austeritatis] mea in uiuunt 41/42 BCD consulere et scio scio] consulere et À discere 42 propter hoc] propterea oboedientia] sub mea oboedientia uiuunt BCD 44 uirtute] per 43 intelligat illum] - BCD omnibus] ow. C BCD 45 in omnibus oboedio eisdem] in eis oboedio in omnibus uirtutem BCD tantum] tantummodo B — 48 faciendi] ov. B, in omnibus eis oboedio CD animae] ipsi 49 qui dicit] dicentis BCD secundum] iuxta BCD B de] om. A 52 BCD add etiam et] B praem. 51 Ratio] O praem. BCD BCD add. solutionem seu responsum] BCD ad uos pertinet]

58 D5

MIROUER 13

des paroles dessus dictes. Et pource que m'avez prié, que je vous die que c'est a dire, je vous respondray a toutes voz demandes. Je vous certiffie, Raison, dit Amour, que telles Ames, lesquelles Fine Amour demaine, ont aussi cher honte comme honneur, et honneur comme honte, et pouvreté comme richisse,

60

et richesse comme creatures comme

pouvreté, et tourment

de Dieu et de ses

confort de Dieu et de ses creatures, et estre

amee comme hayé, et hayé comme amee, et en enfer comme en paradis, et en paradis comme en enfer, et petit estat comme grant, et grant estat comme petit, pour elles ne pour leurs 65 personnes. Et ce scet bien Verité, et aussi qu'elles ne veullent ne desveulent nullez de ces prosperitez ne de ces adversitez; car telles Ames n'ont point de voulenté, fors ce que Dieu veult en elles, et le divin vouloir n'occuppe point ces surmontans creatures de telz encombremens, comme 70

nous avons devisé.

Amour. - J'ay, dist Amour, dessus dit que telles Ames ont aussi chier toutes adversitez de cueur - pour le corps et pour l'ame - comme|de prosperité, et de prosperité comme d'aversité. Et c'est vray, dit Amour, se elles leur venoient, mais que leur voulenté n'en soit cause; et aussi telles Ames ne scevent mie

75

lequel leur est le meilleur, ne en quelle maniere Dieu veult trouver leur salut ou le salut de leurs proesmes, ne par quelle

56 ... It is wel yasked. (267, 7-8). 70/72 I haue, seip loue, aforeseid bat bese soules haue as leef alle maner of aduersitees of herte for body and for

soule as prosperitees, and prosperitees as aduersitees. (267, 17-19).

21f

SPECVLVM

r3

59

sum uerborum superius dictorum et quod dicam uobis quid est hoc dictum. Hoc est bene interrogatum, dicit Amor. Et ego 55 omnibus interrogationibus uestris respondebo. Certifico uos, dicit Amor, quod tales animae, quae purissimo agitantur amore, pro eodem habent et aequaliter appetunt uerecundiam sicut honorem et honorem sicut uerecundiam, et paupertatem sicut diuitias et diuitias sicut paupertatem, et tormentari a Deo et Go suis creaturis sicut a Deo et creaturis consolari, et ita appetunt odiri sicut amari et amari sicut odii, et infernum sicut paradisum et paradisum sicut infernum, et statum humilem et infimum sicut altum et magnificum, quantum est pro se et pro suis personis. Hoc scit dicere ueritas, quia ipsae nec uolunt nec 65 non uolunt aliquam praedictarum prosperitatum aut aduersitatum, | quia utique tales animae non habent uoluntatem, nisi solum quod Deus uult in eis. Et diuinum uelle non occupat tales creaturas talibus impedimentis, qualia sunt praedicta. * AMOR. Superius dixi, ait Amor, quod tales animae pro 70 indifferenti habent omnes aduersitates et omnes prosperitates. Hoc

est uerum,

dicit Amor,

si occurrant

eis, ex quo

earum

uoluntas non est in causa. Nesciunt enim tales animae quid sit melius seu eligibilius de praedictis, nec per quam occasionem Deus suam aut proximorum uult operari salutem, nec quali

53 dictorum] positorum BCD quod]ow. B — 53/54 quid est hoc dictum] qui dicere uolunt B, quid dicere uolunt CD 54 interrogatum] petitum BCD 54/55 Et ego...respondebo] Et ego satisfaciam … BCD interrogationibus] petitionibus et praæm. BCD 56 purissimo agitantur amore] puro et sincero aguntur amore BCD 57 eodem] indifferenti BCD aequaliter] ita BCD 58 et paupertatem] paupertatem C — 60 suis] eius BCD et] eius add BCD 61odirilodium A odir:] odium A 62 et paradisum sicut infernum] om. BCD 62/63 humilem et infimum] inferiorem et modicum BCD 63 altum et magnificum] sublimem et maximum BCD est] ow. C — 63/64 pro se et pro suis personis] deseetproseBCD 66utiqueler. BCD uoluntatem] aliquam praem. BCD 66/67 nisi solum] et ideo nichil uolunt nisi illud tantum BCD 67eislipsis BCD . Et diuinum uelle non] Nec diuinum uelle B CD occupat] impedit BCD — 68 tales creaturas] tam excellentes creaturas quales utique istae animae sunt BCD qualia] quali D — sunt praedicta] ista sunt B . 69 * Quod anima libera non habet usum uolendi aut nolendi. Capitulum TE dixi, ait Amor] dixit amor B 70 pro indifferenti habent] - BCD aduersitates et omnes prosperitates] prosperitates et omnes aduersitates B CD 71 Hoc] utique aZ. BCD est uerum] - BCD dicit Amor] or. BCD si] etiam add. CD occurant eis] eis defecto occurrerent B, eis de facto occurrerent CD 71/72 earum uoluntas] uoluntas eorum À est in causa] foret mea B, foret in causa CD 72 enim] o. B 72/73 quid sit melius seu eligibilius de praedictis] in quo praedictorum melius consistit (consistat C) earum salus (oz. B) BCD 73 nec per quam occasionem] aut quo ordine seu occasione BCD — 74 aut] uel BCD nec quali] aut qua BCD

TV

60

80

MIROUER 13-14

acheson Dieu veult faire justice ou misericorde, ne par quelle acheson Dieu veult donner a l'Ame les surmontans dons de la bonté de sa divine noblesse. Et pource n'a Ame Enífranchie point de voulenté de vouloir ne de desvouloir, fors seulement vouloir la voulenté de Dieu, et souffrir en paix la divine ordonnance. Raison. - Encore, dame Amour, adjouste je une chose a ma

demande; c'est pour ce que «ce^ livre dit que ceste Ame a 85 tout et si n'a nient. Amour. - C'est verité, dit Amour, car ceste Ame a Dieu par divine grace, et qui a Dieu il a tout; et si dit qu'il n'a nient,

90

car tout ce que ceste Ame a de Dieu grace luy semble nient; et aussi est ayme, qui est en luy, laquelle chose que a luy. Et selon cest entendement

en elle par don de divine ce, au regart de ce qu'elle il ne donnera a nully fors ceste Ame a tout et si n'a

nient, elle scet tout et si ne scet nient.

[14] Comment ceste Ame pav foy a cognoissance de Dieu. - .xiij. chappitre. |

10

- Elle scet, dit Amour, par la vertu de foy, que Dieu est tout puissant et toute sapience et parfaicte bonté, et que Dieu le Pere a fait l'oeuvre de l'incarnacion, et le Filz aussi, et le Saint Esperit aussi; ainsi que Dieu le Pere a joinct nature humaine a la personne de Dieu le Filz, et la personne de Dieu le Filz l'a joincte a la personne de luy mesmes, et Dieu le Saint Esperit l'a joincte a la personne de Dieu le Filz. Si que le Pere a en luy une seule nature, c'est assavoir nature divine, et la

2IV

SPECVLVM 7 MA

80

13-14

61

occasione Deus disponit facere iustitiam aut misericordiam, nec per quem modum Deus uult animam ad excellentia diuinae nobilitatis dona sublimare. Et propter hoc anima libera non habet facultatem uolendi aut nolendi nisi solum diuinam uoluntatem et portare cum pace omnem eius diuinam ordinatio-

nem.

Adhuc aliquid addo ad meam

petitionem, Amor, dicit Ratio,

quia iste liber dicit quod haec anima habet omnia et nichil habet. AMOR. Verum est, ait Amor, quia ista anima habet Deum per

8D

diuinam gratiam; et qui habet Deum, habet omnia. Et nichilominus nichil habet, quia quicquid ista anima in se de Deo habet per diuinam gratiam, sibi uidetur nichil; et ita est in respectu illius quod ipsa diligit, quod solum est in eo, quod utique nulli unquam dabit nisi soli sibi ipsi. Et secundum hunc

9 o intellectum

habet

haecce

anima

totum

et habet

nichil;

scit

totum et scit nichil.

i

[14] Ipsa scit, dicit Amor, per uirtutem fidei quod Deus est omnipotens et omnis sapientia et omnis bonitas. Et quod Deus Pater fecit opus incarnationis, et Filius etiam, et similiter Spiritus sanctus. Ita quod Deus Pater uniuit naturam humanam personae Filii, et persona Filii uniuit eam sibi ipsi, et Spiritus sanctus eandem naturam humanam uniuit personae Filii similiter. Ita quod Deus Pater habet in se unam solam naturam,

75 iustitiam aut misericordiam] misericordiam uel (et B) iustitiam BCD 75/76 nec per quem modum] aut etiam qualiter BCD — uult] o». BCD 76 excellentia] excellentiam ABC — 77 dona] et prae». C — sublimare] uult praem. BCD Et propter hoc] Propterea B 78 facultatem] usum BCD solum] ipsam BCD 79 portare] portandi € — cum pace omnem] cum omni pace BCD — 81 aliquid addo] ^ BCD meam] nostram B Amor] O praem. C — 82 quia] quod BC haec]ista BCD anima] oz. B, ipsa CD 84/85 habet Deum per diuinam gratiam] Deum per diuinam gratiam habet CD 86 nichilominus] ipsa eadem anima B, etiam ipsa eadem anima CD quicquid] et przez. B ista anima] o». BCD . 86/87 de Deo habet] BCD 87 sibi uidetur nichil] sibi nichil uidetur B, nichil sibi uidetur CD 88 in] o» C ipsa] or. BCD eo]ilo BCD 89 utique] o». BCD nulli unquam] unquam ulli B — dabit] dabitur C — soli sibi ipsi] sibi BCD 89/90 secundum hunc intellectum] in isto intellectu BCID 90 haecce] ista BCD . 91 totum] omnia BCD scit nichil] - B [x4] 1 décif] om. A est] scit uel est B 2 omnis bonitas] perfecta bonitas BCD 3etiam]similiter BCD similiter] etiam BC, o». D — 4 Ita quod]

ItaqueB — 5personae Filii] naturae diuinae personaliterinFilio BCID persona 6/7 eandem naturam humanam uniuit personae Filii] et Filius similiter BCDD 7/8 habet Filii similiter] etiam eandem (- CD) operatus est unionem BCD in se...diuinam] unam tantum (in se CDD) habet naturam diuinam BCD

62

MIROUER

14-15

personne du Filz a en luy trois natures, c'est assavoir celle mesme nature divine que le Pere a, et nature de ame et nature de corps, et est une personne en la Trinité; et le Saint Esperit a en luy celle mesmes nature divine laquelle a le Pere et le 15 Filz. Ce croire, ce dire, ce penser est vraie contemplacion;

20

c'est

ung povoir, ung savoir, et une voulenté; ung seul Dieu en trois personnes; trois personnes et ung seul Dieu. Ce Dieu est partout en sa divine nature; mais l'umanité est en paradis glorifiee, joincte a la personne du Filz, et ou Sacrement de l'Autel tant seulement. [15] Zcy parle du Saint Sacrement de l’Autel. - .xv°. chappitre.

IO

15

20

25

- Ceste divinité et ceste humanité reçoivent les vrays chretiens quant ilz prennent le Saint Sacrement de l'Autel. Combien ceste humanité leur demoure, ce aprent Foy et ce scevent les clers. | Lumiere de Foy. - Et pource nous vous dirons, dit Lumiere de Foy, comment nous ferons comparaison de ce Sacrament pour mieulx l'entendre. Prenez ce Sacrement,mectez le en ung mortier avec aultres choses, et breez ce Sacrement tant que vous n'y puissez point veoir ne point sentir de la Personne que vous y avez mis. Foy. - Je vous dy vrayement, dit Foy, que il n'y est mie. Or povez donc demander: "S'en est il doncques retourné ?". Verité. - Nenyl, dit Verité. Il y fut, mais ores n'y est mie (entendez sainement, non humainement). Or povez demander se elle s'en est realee, ainsi comme elle y vint. Je vous di, dist Verité, que l'umanité de Jhesucrist ne va ne ne vient. Temptacion. - Et que peut ce donc estre? dit Temptacion. Verité. - I1 y fut, dit Verité, quant len luy peut veoir et sentir, et maintenant il n'y est mie, puisque on ne luy peut veoir ne sentir: ainsi l'a ordonné la divine puissance. Ne celle humanité mesmes, qui est ou Sacrement de l'Autel, ne se voit en aultre semblance, ne les anges ne les sains ne la vierge Marie ne le voient aultrement que nous le voions nous mesmes, et se ilz le voient en celle semblance que nous le voions, c'est par l'entendement d'esperit. Car veoir l'umanité de Jhesucrist ou Sacrement de l'Autel glorifiée, n'appartient point a la gloire de ceulx qui sont en gloire, et pource ne luy voient ilx mie glorifié,

22r

si non par entendement.

- Et nous luy voions par la | vertu de foy,

[14] 13 bis is oon persoone in be Trinite.(268, 3).

22V

SPECVLVM

IO

14-15

63

scilicet diuinam. Et Filius habet in se tres, scilicet ipsam eandem naturam diuinam quam habet Pater, naturam animae et naturam corporis. Spiritus sanctus autem habet in se illam diuinam

naturam, quam habet Pater et Filius. Hoc credere, hoc dicere,

hoc cogitare, est uera contemplatio. Praedictarum uero trium personarum diuinarum est unum posse, unum sapere et unum uelle. Vnus Deus trinus in personis, et tres personae in una I» diuinitate. Iste Deus ubique est per suam diuinam naturam, sed humanitas Verbo unita est in caelo glorificata, et est etiam in diuinissimo altaris sacramento.

VA

IO

[15] Pis diuinite and bis manhode receyuen pe uerrey cristene whanne bei take be hooli sacrament of be autere. Hou wel pis manhoode dwellip wib hem, feib techip it. bis wote clerkis. And we schal seie 3ou hou, seip be li3t of feip, hou pis humanite dwellib wib hem, as bus bi similitude: Take bis sacrament and putte it in morter wib obir binges and bray bis sacrament so bat 3e may not se ne feele of be persoone bat 3ee haue put yn. I seie 3ou forsobe, seib feib, bat it is not now, siben it may not be seen ne felid. To bis, 3e may answere, where is it banne bicome? Nay, seip troube, it was, and now it is not,| vndirstande hoolli

of be humanite. I5

20

25

Panne may 3e aske if it be goon as it came. I seie 3ou, seib troube, bat be humanite of Crist Ihesu neibir

comeb ne goip. And hou may bis be? seip temptacion. be seyntes bat ben in heuene schulden se him in noon opir semblaunce ban we self don, if bei sawen him in such semblaunce as we seen him, but bei seen bi vndirstandinge of spirite. For to se be humanite of Ihesu Crist in be sacrament of be autere glorified, but bi vndirstandinge, it aperteneb not to be glorie of hem of glorie. berfore bei se him not glorified, but bi vndirstandinge, And we seen him bi uertu of feip, bere a3enstseiynge be reson

8 et Filius] Filius uero BCD . habet in se tres] in se tres habet naturas BCD ipsam] illam BCD . 9 habet Pater] in se habet Pater B, Pater in se

habet CD | animae] rationalis z4Z. BCD .

10 corporis] humani add. BC D.

illam] eandem add. BCD 11 quam habet Pater et Filius] quae est in Patre et Filio BCD 13 personarum diuinarum] - BCD 14 trinus in personis] in tribus personis BCD 15 diuinitate] deitate BCD Deus] trinus et unus

add. BCD

16 humanitas] natura humana BCD

unita est] personaliter add.

BCD glorificata] localiter przez. B CD est etiam] oz. BCD 17 diuinissimo] oz. BCD altaris sacramento] - B C D, praesentialiter a47. BCD

| [5] 1/36 Cfr Archiuio V, p. 268/269

64

MIROUER 153-16

en desdisant la raison de noz sens, qui n'y voient si non pain, ne aultre chose ne sentent ne ne savourent ne ne odourent. Mais nostre foy tous les desdit, car elle croit fermement sans doubte que il n'y a blancheur, ne odeur, ne savour, mais est le precieulx

corps de Jhesucrist, qui est vray Dieu et vray homme. Or l'y volons nous par foy, et ce ne font pas ceulx de gloire, car chose glorifiee ne use mie de foy, et pource ne le voient ilz mie ainsi comme nous faisons. En tel estre a la divine Trinité ordonné le Saint Sacrement de l'Autel, pour Sainte Eglise repaistre et 40 nourir et soustenir. Telle est lordonnance du Sacrement de l'Autel, dit l'Ame de Foy enluminee de la Trinité divine, ou savoir de Dieu et en la creance de moy, par divine puissance. 35

Courtoisie 45

de Bonté

d'Amour.

- Ne

vous

esmerveillez,

dit

Courtoisie de la Bonté d'Amour, se nous vous disons par amour ces choses, car je vous puis bien dire, sans estre reprinse, que nul ne peut venir a parfont fondement ne a hault ediffice, se il n'y vient par subtilité de grant sens de nature et par delieté de Lumiere d'Entendement d'Esperit, et parmy ce l'en ne peut trop savoir en demandant la voulenté divine. Car l'Entendement qui donne lumiere | monstre de sa nature a l'Ame ce qu'elle 23r ayme; et l'Ame, qui reçoit par Lumiere d'Entendement l’aprouchement et la joincture, par concorde d'union en plantureuse amour l'estre ou elle tend pour avoir son assiete et repos, oit voulentiers Cognoyssance et Lumiere, qui luy portent

D5 nouvelles de son amour, car elle vint d'Amour, et pource y veult

elle estre remise, affin que elle n'ait que ung vouloir en amour; c'est le seul vouloir de celluy qu'elle ayme.

[16] Icy respond Amour «a Raison ad ce qu'elle a dit que l'Ame scet tout et ne scet mient. - .xvj*. chappitre. «Amour. - Raison, dit Amour, ad ce qué j'ay dit que l'Ame Enfranchie scet tout et si ne scet neant, je vous respons qu'elle scet par la vertu de foy ce qui luy convient savoir pour son salut; et si ne scet neant de ce que Dieu a en elle de luy pour elle, qui ne donnera a nulluy fors que a elle. Donc par cestuy entendement scet ceste Ame tout et si ne scet neant. Elle veult tout, dit Amour, et si ne veult neant; car ceste Ame, dit Amour,

Ho

veult si parfaictement la voulenté de Dieu, qu'elle ne scet, ne

SPECVLVM

15-16

65

of oure wittes bat we seen but breed ne feele ne savour ne smelle.

20

But oure feip wipseip al bat and bileeueb verrili and sopeli wibouten ony dowte bat it ne hab whitnesse ne taast ne smelle, but be preciouse body of oure Lord Crist Ihesu uerrei God and man. Now we seen him bi feib. So doon not bei of glorie for bei [bat] been | glorified ne vsen not of feib, bei seen not bi feib as we don. In bis secrete be diuine Trinite hab ordeyned be hooli sacrament of be autere hooli chirche to norische and

35

to sustene, seib be soule of feib illumyned of be diuine Trinite. Such is be ordenaunce of be sacrament of be autere in knowinge of him and in bileeue of me bi diuine my3t. CVRIALITAS.

Non miremini, dicit Curialitas bonitatis amoris,

si dicimus talia uobis, quia tantum uobis dico, quod nullus potest uenire ad profundum fundamentum nec ad altum aedi40 ficium, nisi ad haec perueniat mediante subtilitate magni sensus naturalis et per acutiem luminis intellectus spiritualis. Et hoc mediante | non potest quis nimis scire in petendo diuinam uoluntatem, quia intellectus qui dat lumen, ostendit de natura sua animae id quod amat. Et anima quae recipit per lumen intellectus approximationem et iuncturam, per concordiam unionis in fecundo amore esse ad quod tendit ad habendum suum situm, audit libenter notitiam et lumen quae sibi dicunt noua de suo amore, quia ipsa uenit de amore et illuc uult remitti; ita quod non habeat nisi unum uelle in amore, hoc est so/um diligit. 50 uelle illius qui eam [16] Amor. Ratio, dicit Amor, respondeo uobis, quia dixi quod anima libera scit totum et nichil scit. Ipsa scit per uirtutem fidei illud quod sibi scire est necessarium ad salutem. Et etiam nichil scit, quia nichil scit de hoc quod Deus habet in se, de se,

pro se, quod nulli dabit nisi sibi. Igitur iuxta hunc intellectum scit haec anima totum et scit nichil. Ipsa uult omnia, ait Amor,

et nichil uult, quia ista anima ita perfecte uult diuinam uolun-

37 dicit] ait BCD bonitatis amoris] de bonitate amoris 74, bonitas amoris 38 dicimus talia uobis] talia uobis dicimus BCID — 39 uenire] deuenire B 41 et] o». C magni] magna À 40 ad haec perueniat] o». BCD BCD 42 mediante] unquam przez. BCD 44 sua] suae B id] illico B, illud per] ac C — 46 esse] etiam 45 approximationem] appropitiationem À CD quae] qui BD addit B audit] 47 B prae». uidelicet ad habendum] B BCD procedit uenit] 48 — CD deferunt noua B, deferant noua noua] dicunt 49 unum] solum add. À solum] om. A 3sibiscireest necessarium] [16] 1 Ratio] O praez. B — 2nichilscit]- BCD similiter BCD — 4 etiam] — CD est necessarium sibi B, est necessarium sibi iuxta hunc € pro et pro] 5 B oz. scit] nichil quia D scit] nichil Tista animal] 6haec]o BCD intellectum] in (o. C) hoc intellectu BCD

dicit Amor add. A

66

15

MIROUER

16

ne peut, ne ne veult en son vouloir que la voulenté de Dieu, tant l'a Amour mise en forte prison. Et si ne veult neant, car c'est si pou de chose de ce qu'elle veult, et que Dieu veult en elle, au regart | de ce qu'elle vouldroit vouloir, qu'elle ne peut 23V avoir ce que Dieu veult qu'elle vueille. Car son vouloir est neant, au regart de sa souffisance qui ja de ce donnee ne luy sera, et est du vouloir de Dieu ainsi le vouloir, comme

20

25

chose

30

35

dit est

devant. Donc par cestuy entendement veult ceste Ame tout et si ne veult neant. Amour. - Ceste fille de Syon ne desire ne messes ne sermons, ne jeunes ne oraisons. Raison. - Et pourquoy, dame Amour? dit Raison. C'est la pasture des sainctes ames. Amour. - C'est voir, dit Amour, pour celles qui mendient; mais ceste ne mandie neant, car elle n'a nul besoing de desirer qui soit dehors

elle. Or

entendez,

Raison,

dit Amour.

Pourquoy desireroit celle Ame ces choses devant nommees, puisque Dieu est aussi bien partout sans ce comme avec ce? Ceste Ame n'a pensee ne parole ne oeuvre fors l'usage de la grace de la Trinité divine. Ceste Ame n'a mesaise de peché qu'elle fist oncques, ne de souffrance que Dieu ait souffert pour elle, ne des pechez ne des mesaises esquieulx ses proesmes demourent. Raison. - Dieux! et que est ce a dire, Amour? dit Raison. Aprenez m'en l'entendement puisque de mes aultres demandes m'avez apaisee. Amour. - C'est a dire, dit Amour, que ceste Ame n'est pasla 24r

[16] 24 It is soop for hem pat crauen, seip loue...(270, 5).

SPECVLVM

IO

67

tatem, quod nescit nec potest nec uult aliud uelle nisi solum diuinam uoluntatem: in tali fouea inancorauit eam amor. Et etiam nichil uult, quia ita modicum est illud quod ipsa uult et quod Deus uult in ea respectu illius quod uelle uellet, quod tamen habere non potest, quod Deus uult eam uelle; quod suum uelle est nichil in comparatione suae sufficientiae quae numquam sibi de hoc dabitur,

15

16

hoc est de uelle diuini

uelle, sicut fuit

superius dictum. Secundum igitur hunc intellectum uult haec anima totum et tamen nichil uult. Ista filia Sion non desiderat missas audire nec sermones, nec

curat de zeiunüis aut de orationibus. RaATI0. Et quare non curat, Amor, dicit Ratio. Ista enim sunt 20

pastus et refectio animarum sanctarum. AMOR. Verum est, ait Amor, pro illis quae mendicant. Sed ista nichil mendicat, et ideo in suo interiori non habet appetitum aliquid desiderandi, quod sit extra eam.

25

habet cogitationem,

20

Nunc

attende, Ratio,

dicit Amor. Quare desideraret praedicta talis anima, ex quo Deus ita bene est ubique sine ipsis sicut cum ipsis? Haec non nec uerbum,

nec operationem,

nisi solum

gratiae Trinitatis diuinae. Haec non habet tristitiam de peccato aliquo quod unquam commiserit, nec de aliquo quod Deus pro ea sustinuerit, nec de aliquo peccato aut defectu suorum proximorum. RATIO. Heu, fro Deo, quid est hoc dictum, Amor, dicit Ratio.

Doceatis me istorum intelligentiam, qui de aliis meis interrogationibus mihi satisfecistis! AMOR.

Hoc est dictum, dicit Amor, quod ista anima non est

8 quod] quia B nec potest nec uult] nec uult nec potest BCD — aliud] 9 aliquid C — 8/9 nisi solum diuinam uoluntatem] quam Dci uoluntatem B 10 etiam] sz. D, ipsa inancorauit] incarcerauit D fouea] carcere BCD 14 sibi 13 rumquam] om. A illud] id BCD . quod] o. B add. BCD uelle] D Deum B, diuino diuini] de hoc dabitur] dabitur sibi de hoc BCD C add. uelle uult] B . tamen] 16 BCD om. C . 14/15 fuit superius] orationibus] de aut éciuniis de 18 C o». nec missas BD audire] missas 17 2Wer præm. C — enim] oz. B Amor] O 19 non curat] oz». BCD = À 22 interiori] interiore BC, 21 pro illis] illarum BCD refectio] o». B 22/23 non habet...desiderandi] nullum desiderium habet homine add. BCD 24 praedicta talis anima] talis de aliquo BCD —— 23 attende] attendite BCD - BD, est in ea C zar. ubique] est anima (ut B) ista supradicta BCD —— 25 Trinitatis diuinae] usum gratiae 27 BCD cum ipsis] mediantibus ipsis Trinitatis diuinae B C, usum

diuinae Trinitatis D

27/28 peccato aliquo] -

31 pro Deo] om. A aut] seu BCD 29 aliquo peccato] - BCD BCD 32/33 Doceatis me...satisficistis] dicit Ratio] oz. B Amor] oz. B, O praem. C quia de aliis petitionibus et dubiis mihi satisfecistis et de hoc rogo similiter interrogationibus] petitionibus et dubiis BCD —— 34 dictum] oz. faciatis B

C

68

MIROUER

16-17

elle, pour quoy elle ne peut avoir mesaise; car sa pensee est assise en lieu paisible, c'est en la Trinité, et pource elle ne se 4o peut de la mouvoir, ne avoir mesaise, tant comme

son amy soit

aise. Mais de ce que nul chet en peché, ne que peché fut oncques fait, respond Amour a Raison, que ce deplaist a sa voulenté, aussi fait il a Dieu: c'est son desplaisir mesmes qui a ceste Ame donne telle desplaisance. 45

Mais neantmoins,

dit Amour,

la Trinité n’a pour telle des-

plaisance en elle nulle mesaise, et aussi n'a telle Ame qui en elle est assise. Mais se ceste Ame, qui est si hault assise, povoit aider a ses proesmes, elle leur aideroit de tout son povoir a leur besoing. Mais les pensees de telles Ames sont si divines, que so elles ne se arrestent mie tant es choses passees ne crees, qu'elles congoivent mesaise dedans elle, puisque Dieu est bon sans comprennement.

[17] Jcy respond Amour a Raison ad ce qu'elle a dit que cestes Ames donnent a Nature ce qu'elle demande. - .xvij°. chappitre. «Amour. - Ceste Ame donne a Nature quanqu'elle luy demande; et est vray, dit Amour, que ceste Ame n'a mie tant 5 decure ne d'amour aux choses temporelles, qu'elle sceust gaigner en refuser a Nature sa demande; ainçois, feroit conscience de luy tollir ce qui est sien. Mais telles creatures sont si excellentes, que on n'en ose mie appertement parler, | especialement de leur 24v

50 in binges pat ben passinge ne made...(270, 23). [17] 3/4 ... This soule 3iueb to nature al bat he askip hir wibouten grucchinge of conscience, for alle propirtees of nature ben mortefied in bese creatures, and berfore be lawe of our Lord lesu Crist is wibynne suche liif closed, and be diuine 3iftes ben aboue pis lawe. (270, 25-28).

SPECVLVM 16-17

69

sui ipsius et ideo a seipsa non potest habere illud, quia sua cogitatio est sita in loco pacifico, hoc est in Trinitate; nec potest se inde mouere, nec habere malum, quamdiu suus dilectus stat bene. De hoc quod aliquis cadit in peccatum et quod peccatum unquam ab aliquo fuit perpetratum, |hoc displicet suae uoluntati 40 et ita displicet Deo; hoc est suamet displicentia, scilicet displicentia diuina quae dedit tali animae displicentiam talem. AMOR. Verum est, dicit Amor, sed Trinitas propter talem displicentiam non habet in se aliquam tristitiae passionem, nec talis anima similiter, quae in ipso Deo est situata. Sed tamen 45 si talis anima quae est s?c in altum collocata, posset suos iuuare proximos, ipsa eos pro toto posse suo in suis necessitatibus iuuaret. Sed tamen talium animarum cogitationes swnt iia diuinae, quod non detinentur tantum in rebus transactis, cogitatis aut creatis, quod ex huiusmodi mora concipiant aliquam intrin40 secam maestitiam, ex quo Deus incomprehensibiliter est bonus.

35

[17] Ista dat naturae quicquid ipsa petit. Hoc est uerum, dicit Amor, quia ista anima non diligit tantum nec appretiatur res temporales, quod sciat aliquid lucrari in negando naturae quod petit; immo haberet conscientiam in negando sibi quod suum est. Sed tales creaturae sunt ita excellentes quod uix aliquis audet de eis aperte loqui, et specialiter de usu earum. Per quem

35 non potest habere illud] illud habere non potest BCD 36 est sita] BCD 37 suus] usus B zc. sus B pe 37/38 stat bene] bene habet BCD 38 De hoc] autem add. BCD cadit] incidit BCD quod peccatum] fuit] quodcumque C — 39 unquam ab aliquo] - C, numquam ab aliquo B 40/41 B displicentiam displicentia] fuerit C —— 40 ita] etiam add. BCD displicentiam displicentia diuina quae] Dei qui BCD —— 41 tali] isti BCD passionem] tristitiae 43 — C uerum est Hoc est] Verum 42 . BCD talem] sc] om. A 44 situata] si tuta B — 44/45 Sed tamen...collocata] o». B - B in altum collocata] in alto situata CDD — 46/47 pro toto posse suo in suis necessitatibus iuuaret] in suis necessitatibus iuuaret toto posse BD, in suis necessitatibus toto posse iuuaret C — 47 Sed tamen talium] Talium autem B, 48 detinentur] ditinentur B, retinentur sunt ita] - À Talium tamen CD aut creatis] creatis cogitatis BCD cogitatis 48/49 transactis] o». BCD C C — concipiant] accipiant nouitate ipsa BD, mora ipsa 49 huiusmodi mora] est] sit D BCD add ipse Deus] A iustitiam 50 maestitiam] B nec appretiatur] aut 2 diligit tantum] - BCD [7] 1 ipsa] e» BCD aliquid] aliquid sciat 3 CD praem. ipsas B, res] ipsa praez. aestimat BCD suum est] id quod 4/5 C negandi negando] BCD sciret BCD — in]ow BCD autem Tales tales] Sed 5 CD suum est quod B, suum quod est CD ipsis B, his eis] 6 B uis uix] À add. quae C, animae creaturae] . specialiter] spiritualiter B — quem] quidem add. BCD

8v

70 IO

I5

MIROUER 17

usage, par lequel usage ces Ames ont estre a bon entendement ; mais pou en y qui goustent de tel entendement. Amour. - J'ay dit devant,dit Amour, que on n'en ose mie appertement parler. Et sans faille non, pour les simples entendemens des aultres creatures, que ilz ne malentendissent a leur domage. Telle Ames, qui telles sont dont ce livre parle, qui touche aucune chose de leur usage, ont par droicture de leur estre, qui est pur et divin estre, telle condicion

en elles, que, se elles

n'avoient neant, et que elles fussent certaines que elles deussent vivre jusques au Jugement, ne pouroient elles avoir soing de 20

25

30

cueur une seule heure, de chose qui leur faulsist, par tout l'or

du monde; fors, sans plus, en l'espace que Nature a besoing de ce quil luy fault, pour luy donner ce qui est sien. Et s'aucune chose avoient telles Ames, qui telles sont, - pou de gens scevent ou elles sont, mais il convient qu'il en soit de la droicte bonté d'Amour, pour soustenir la foy de Saincte Eglise - donc, s'aucune chose elles avoient, et elles sceussent que aultres en eussent plus grant besoing que elles, telles Ames jamais ne le retendroient, et feussent elles ores certaines que jamais ne deust croistre en terre ne pain ne ble ne aultre soustenance. Et ce est verité, dit | Amour, ne s'en doubte nul. Telle est sa 25r

nature par pure droicture, et telle droicture est divine droicture, qui a a ceste Ame donné sa mesure. Le Divin droit. - C'est droit, dit le Divin Droit. Il convient

que toute justice soit en elle acomplie. Et se elle retenoit ce

10 But mysseiers taasten not of suche undirstandinge. (27r, r-2). 19/21 bei my3ten not haue heuynesse of herte oon oure for bing bat faileb hem, ne spende a tyme to seke werk for bat whiche fautep hem for al be gold of be world. (277, 9-10). 23/25 - few folkis wite where bei ben, but it behoueb bat ber ben of be goodnesse of God in whom is al bounte, for to sustene be feib of hooli chirche (271, 12-14).

SPECVLVM 17

IO

T5

20

25

7

usum istae animae habent esse, qui tamen hoc bene intelligit. Mendicus tamen animus de tali intelligentia non gustat. Dico, inquam, quod de talibus uix est aliquis ausus loqui clare propter simplices intellectus aliquorum, qui forte ad suum damnum hoc possent intelligere minus bene. * AMOR. Tales animae quae tales sunt, de quibus liber iste loquitur, qui aliquid de earum usu tangit, habent de iure sui esse, quod est purum esse diuinum, talem conditionem in seipsis, quod si nichil haberent et essent certae quod usque ad diem iudicii uiuere deberent, non possent habere cordis sollicitudinem per unam horam de aliqua re eis expedienti, nisi tantum in illo puncto in quo natura necessario indiget illo quod petit. Tunc enim curarent, ne iniuste negarent naturae quod est suum. Et si illae quae tales sunt haberent aliquid, .... et scirent quod aliquis magis illo indigeret quam ipsae, non sibi retinerent, sed magis indigenti darent, etiam si certae essent quod in aeternum n terra non deberet esse panis, aut granum, aut aliquid unde earum necessitas posset opportune subleuari. Hoc est uerum,

dicit Amor, talis de iure est earum

natura;

et talis iustitia earum est diuina iustitia, quae dedit talibus animabus suam mensuram. Ius est, a:? diuinum Ius. Oportet enim quod omnis iustitia sit in eis adimpleta. Et talis anima derogaret perfectioni pacis

7 qui tamen...intelligit] quod tamen intelligit hoc C — 8 Mendicus tamen] Sed modicus B C, Sed mendicus D animus| om. A 9 inquam] om..A de] om. D talibus] animabus 444 BCD uix] uie B — aliquis ausus] - C — 9/10 loquiclare] - BCD . 10 zZqueruz] eorum illorum 4 — forte] ea quae dicenda essent add. BCD — 11 hoc]ow. BCD . possent intelligere] - CD, intelligere possunt B

12 * Qualiter anima adnichilata numquam

de ullo solicita est,

etiamsi usque in diem iudicii uiuere certa esset. Capitulum 8. C — 13 qui] liber 4dd. C aliquid] ad prae». B ^ earum usu] - BC, usu ipsarum D — 14 quod est] oz. À . esse diuinum] - B talem] habent 277. D — 15 nichil] peccatum add. B, penitus add. CD 17 unam horam] unum temporis instans BCID — eis] sibi C — expedienti] necessaria BCD — tantum] o». B — ill]ow. BCD . 18 indiget] eget BCD 20 aliquid] illud B 21 illo] o». BCD indigeret quam ipsae] quam ipsae indigerent B, quam ipse indigeret D — 21/22 sed magis] quin statim BCD 22 indigenti] indigentiori BCD darent] tribuerent BCD certae essent] certitudinaliter scirent BCD 23 in terra non deberet esse] non esset À aliquid unde] aliud quo BCID 24 earum necessitas posset opportune subleuari] natura earum sustentari utcumque ualeret BCD 25 de iure est] BCD 26 diuina iustitia] - BCD 26/27 talibus animabus suam mensuram] suam mensuram talibus animabus BCD 28 af] autem À diuinum lus] A 29 sit in eis adimpleta] in ipsis impleatur BCD 29/30 Et talis...uiuit] Et tales animae perfectioni pacis caritatis derogarent (pacis derogarent et caritatis D) de qua totaliter uiuunt BCD

72 35

MIROUER

17-18

qui est de necessité a son proesme, elle retendroit ce qui sien n'est mie, selon la parfection de paix de charité dont elle vit du tout, car c'est sa droicte pasture. Et aussi, pourquoy feroient

telles Ames conscience de prendre ce quil leur fault, quant necessité leur demande? Ce seroit a telles Ames faulte d'inno40 cence et enconbrier de paix, en laquelle ceste Ame se repouse de toutes choses. Qui est celuy qui doie faire conscience de prendre son besoing des iiij. elemens, comme de la clarté du ciel, de la chalour du feu, de la rousee de l'eaue, et de la terre qui nous soustient? Nous prenons le service de ces iiij. elemens 45 en toutes les manieres que Nature en a besoing, sans reprouche de Raison; lesquieulx elemens gracieulx sont faiz de Dieu, comme aultres choses; et aussi telles Ames usent de toutes choses faictes et crees, 50

paix de cueur, comme marchent.

dont Nature

a besoing, en autelle

elles font de la terre sur quoy

- Elles ont bon fondement,

dit Amour,

elles

et hault

edifice, qui les tient a repos de toutes choses. [18] Comment telles creatures ne scevent plus de Dieu parler. .Xvi1;*. chapitre. |

IO

- Hee, tres doulx Jhesucrist,

dit ceste Ame,

ne

vous chaille de telz gens! Ilz sont tellement pour eulx, que ilz vous en oblient, pour la rudesse d'eulx, en quoy ilz ont souffisance. Amour. - Hee, sans faille, dit Amour, c'est grant villanie. L'Ame. - C'est la coustume, dit ceste Ame, de gens marchans, 10

qui sont au monde appellez villains, car villains sont ilz, car ja gentilz hons ne ce scet mesler de marchandise, ne estre pour luy. Mais je vous diray, dit ceste Ame, en quoy je me appaseray

26/28 I bileue it wel, seib reson, and so don bei. bei bileuen me wel, but

bei wolen nobing do. (301, 29-30). be ri3t uncurteis.(30r, 32).

31/32 bei seien soobe, seib bis soule,

SPECVLVM

62-63

183

O Domina Anima, dicit Ratio, uideatis quid dicatis. Nos dicere

non audemus quod aliquis paruus s, qui Deum sine fine widebit. Vtique, dicit Amor, non posset describi eorum paruitas respectu eorum qui moriuntur morte naturae et qui uiuunt uita spiritus.

RATIO. Bene credo, dicit Ratio, et ita faciunt ipsi qui mihi

credunt, sed nichil de hoc uolunt facere. Ipsi bene mihi dicunt, ait Ratio, quod non tenentur nisi uolunt, quia Deus eis non

25

praecepit, sed solum consuluit. Ipsi dicunt, uerum incurialissimi. DEsipERIVM.

20

Vtique certe, dicit Desiderium,

incuriales sunt

ipsi. Ipsi non recordantur quod non swffecit Iesu Christo aliquid quod fecerit pro ipsis, nisi fecisset totum illud quod eius humanitas portare potuit usque ad mortem. [63] O dulcissime Domine Iesu Christe, non curetis! Tales enim

ita pro seipsis sunt, quod ipsi obliti sunt uestri propter ruditatem suam in qua contentantur. Absque dubio, dicit Amor, ista est magna rusticitas. LA

Hoc est proprium hominum mercatorum, dicit haec Anima, qui in mundo rustici uocantur, quia uere rustici sunt. Absit enim ut homo nobilis sciat se de mercatione intromittere nec esse pro seipso. Tamen dicam uobis, dicit haec Anima, in quo

17 O Domina...dicatis] oz. B Domina] pro Deo add. D — dicit] ait D dicatis] dicitis D 18 paruus] pius B sz] esset À uidebif] uideret A 19 Vtique] Certe BD eorum paruitas] - BD respectu] et przez. B, in praem. D 20 eorum] illorum BD qui uiuunt] uiuunt BD 22 credo] concedo A faciunt] credunt C — 23 bene] v» BD 24 ait Ratio] oz. B, dicit Ratio C — uolunt] uelint BCD . quia] eo quod BD . 24/25 eis non praecepit] non mandauit BD, non eis praecepit C — 25 solum consuluit] - D, consuluit B

26 incurialissimi] incurialis /4, in curia sissimi B, dicit Amor

add. C 2T7certe]|oz BD incuriales] et curiales B — 28 Ipsi non recordantur] nonrecordantes BD suffecif] sufficit A, suffecerit BD —— Iesu] zz. BD, Domino] praem. C Christo]saluatori dd BD —— 29 fecerit..illud quod] o». B fecerit pro ipsis] pro ipsis fecerit D fecisset totum illud] faceret totum illud A, totum illud fecerit D —— humanitas] innocens przez. B, add. D [63] 1 domine] amor przez. B — 2 ita] o B pro seipsis sunt] sunt pro se ipsis BD —— 2/3 ipsi obliti..suam] propter suam ruditatem uestri (nostri B) non recordantur BD — 3 in qua contentantur] et tamen de tali sua ruditate omnino contentantur BD . 4 Absque dubio] Pro certo BD dicit] ait BD ista] sibi add. B 5 proprium] recte add. BC hominum mercatorum] quia] et C mercatoribus B, hominum mercenariorum € ^ 6 qui] quia C 7 ut] quod BD nobilis] uere add. BD sciat] aut curet dd. BD se dicit haec Anima] 8 esse] se przez. B de mercatione] de mercatione se B Amor BD

184

MIROUER

de telz gens. En ce, court de voz secrez, d'ung gentil homme 15 avoir, se il n’est de

63-64

dame Amour, que ilz sont hors mis de la ainsi comme seroit ung villain de la court en jugement de pers, ou il n'en peut nul lignage, - au moins en court de roy; et en

ce me rapaise je, dit ceste Ame, car aussi sont ilz mis hors de

la court de voz secrez, la ou les aultres sont appellez, qui jamais n'oblieront

les oeuvres

de vostre

doulce

courtoisie,

c'est, les

despiz et les pouvretez et les tourmens non souffrables que vous 20 avez souffers pour nous; ceulx n'oblieront jamais les dons de vostre souffrance, aingoys est tousjours | a eulx mirouer et exemplaire. «Amour - A telx gens, dit Amour, sont toutes choses neccessaires appareillees, car Jhesucrist l'a promis en 1' Euvan25 gile. Ceulx ycy, dit Amour, se sauvent trop plus courtoisement que ne font les aultres; et non pourtant, dit Amour,

sont ilz

petiz, mais encore si petis que on ne le pourroit dire, au regart de la grandeur de ceulx qui sont mors de vie d'esperit. [64] Icy parle des Ames qui sont mortiffiees de vie d'esperit. Lxiig. chappitre.

- De ceste vie ne gouste nul, se il n'est mort de ceste mort. s Verité. - Ceste cy emporte, dit Verité, la flour de l'amour de la Deité. I1 n'a nul moyen entre elles et la Deité, et aussi n'y en veulent ilz point. Telles Ames, ne pevent souffrir la souvenance de nulle amour humaine, ne le vouloir des sentemens

divins, pour la pure divine amour que ceste Ame a a Amour.

[64] 9 Guillelmus a Sancto Theodorico, Meditationes XII, 13, 4 (S.C. 324, P. 196) et passim.

[63] 26/28 and not for banne, seib loue, 3it ben bei litel, so litel bat noon kan seie it as anentis be greetnesse of hem bat ben deed of liif of spirite and ben in be liif of glorie.(302, 14-15).

n 3/4 Of pis liif taastep noon but if he be deed of be deeb of spirite. (302,

15-16).

SPECVLVM 63-64

185

quietor de talibus. In hoc, Amor, quod sint positi extra curiam IO

uestrorum secretorum, sicut esset unus rusticus de curia hominis

nobilis in iudicio parium, ubi »u//us potest esse nisi generosus

sit, ad minus in curia regia. Et in hoc quietor, dicit haec Anima,

15

quia ita sunt ipsi extra curiam uestrorum secretorum, ubi alii sunt uocati, qui numquam obliuiscentur operum uestrae dulcis curialitatis, hoc est despectus et penurias et tormenta intolerabilia, quae sustinuistis pro nobis. Isti numquam obliuioni tradent dona uestrae sufferentiae; immo eis erunt semper speculum et exemplar. Talibus, dicit Amor, sunt semper omnia necessaria praeparata,

20

quia Christus hoc eis in euangelio repromisit. Isti, dicit Amor, saluantur multo curialius quam 7/i ali supradicti. Et nichilominus, dicit Amor, adhuc sunt ipsi parui, et ita parui quod uix exprimi posset respectu magnitudinis illorum, qui mortui sunt morte spiritus et uwiwunt uita diuina| [64] Hanc uitam non g»sat aliquis, nisi sit mortuus hac morte. 24V Ista, dicit Amor, habet florem amoris diuinitatis. Nullum

me-

dium est inter illas et diuinitatem, nec aliquod medium uolunt. Tales animae non possunt pati memoriam alicuius humani amoris, nec uelle sentimentorum diuinorum propter purum diuinum amorem, quem ista anima habet ad amorem.

9 quietor] consolor BD

In hoc, Amor] or. B, Amor, in hoc C, In hoc

utique D quod] quia B 9/10 sint positi..zeszrorz (nostrorum AC) secretorum] a curia uestrorum secretorum penitus sunt exclusi BD 10/12 sicut esset..regia] o». BD — 11 zz»; nullo À generosussit] - C — 12 ad minus] maxime C . 13 ita] animo B, omnino D . ipsi]ew. BD »westroruz] nostrorum AC 14 sunt uocati] - BD, qui mortui sunt morte naturae et uiuunt uita spiritus add. C.marg. operum] oz. B 15 despectus et penurias] paupertates,

inopias,

despectus

BD,

despectus

et

penuriae

C

tormenta

intolerabilia] tormenta BD, tormentorum intolerabilium C ^ 16 quae] gratis add. BD sustinuistis pro nobis] - BD —— numquam obliuioni] obliuioni non B 17 sufferentiae] tollerantiae B.D, sufficientiae C — eis erunt] oz. B, - CD speculum] in przez. D — 18 exemplar] deuotae scilicet recordationis et fidelis imitationis add. BD 19 sunt semper] - BD praeparata] parata BD — 20 quia]sicut eis BD — Christus] ipsemet prae». BD 21 multo]longe BD — Z£ alii] aliis ^4, ceteri C — 22 dicit Amor] o». BD 23 posset] eorum paruitas add. BD. — magnitudinis] o». BD 24 orte spiritus..uita diuina] uitae spiritus À, uita spiritus B [64] 1 gustat] gustant 74, sentit BD 2 Ista] Istae animae C habet] animas tales illas] 3 D deitatis diuinitatis] B o». amoris] ^ C habent BD, ipsas C diuinitatem] ipsam raez. B, ipsam deitatem D ^ uolunt] ipsae 4/5 humani amoris] - BD — 5 uelle] ox C — 6 diuinum amorem add D ista anima habet] tales habent BD, habent C — ad amorem] ox. B, ad - D

ipsum amorem D

186 ro

MIROUER 64-65

Amour. - Ce seul danger d'Amour, dit Amour, luy donne la flour du boillon de amour, a tesmoing d'Amour mesmes. C'est verité, dit Amour. Ceste amour, dont nous parlons, c'est

l'union d’amans, et feu embrasé qui art sans souffler. [65] Zcy parle de ceulx qui se sieent en la haulte montaigne, au dessus des vens. - .Ixv°. chappitre. «Amour. - Ores, Raison, dit Amour, vous avez oy aucune chose de ces trois mors, dont l'en vient a ces trois vies. Main-

5 tenant je vous diray qui | c'est, qui se siet en la montaigne 58v dessus les vens et les pluies. Ce sont ceulx qui n'ont en terre ne honte ne honnour ne crainte pour chose qui adviengne. Telles gens, dit Amour,

sont segurs, et si sont leurs portes ouvertes,

et si ne les peut nul grever, ne oeuvre de charité ne se ose r» embatre: telles gens se sieent en la montaigne, et nulz aultres que ceulx ycy ne s sieent. Raison.

- Hee, pour Dieu, dame

nous que devendra

Amour,

dit Raison,

dictes

Vergoigne, qui est la plus belle fille que

Humilité ait; et Crainte aussi, qui a fait a ceste Ame tant de rs biens et tant de beaulx services; et moy mesmes, dit Raison,

qui n'ay pas dormy quant elles ont eu besoing de moy. Helas! dit Raison, serons nous donc mises hors de son hostel, pour tant se elle est venue en seignorie? Amour. - Nenny, dit Amour, aingoys vous trois demourrez de 20 Sa meignee, et serez vous trois garde de sa porte, ad ce que ce nul se vouloit en son hostel embatre, qui fust contre Amour,

que checune de vous se ramenteust; ne en aultre usage que seulement en ce point ne vous monstrez leans que vous soiez sinon portieres,

car

aultrement

on

vous. feroit

confusion;

et

[64] 10/11 bis oonli daunger of loue, seip loue, 3iueb hir be depnesse, be reste, and be stillenesse, and also it 3iuep hir be laite and be brennynge of b e werkinge of loue, witnesse of loue himself. (302, 21-23)

SPECVLVM 64-65

187

Haec sola dongeria amoris, dicit Amor, dant sibi profundationem et cumulationem et attingentiam bullitionis amoris, iuxta testimonium ipsiusmet amoris. Hoc est uerum,

IO

dicit Amor.

Iste amor

de quo loquimur, est

unio amoris et ignis accensus, qui ardet absque sufflante.

[65] O Ratio, dicit Amor, nunc aliquid audistis de istis tribus mortibus, a quibus ad illas tres uitas peruenitur. Nunc dicam uobis quis est qui sedet super montem, supra uentos et pluuias. Ille qui non habet 27 terra nec uerecundiam, I

nec honorem, nec

timorem propter aliquid quod eueniat ei. Tales, dicit Amor, sunt securi, quia portae eorum sunt apertae et tamen nullus potest eis nocere, nec opus caritatis est ausum intrare. Tales sedent in

monte et nullus alius praeter illos. * O pro Deo, Amor, dicit Ratio, hoc dicatis nobis: quid erit IO

15

de uerecundia quae est pulchrior filia quam habeat humilitas, et de timore similiter qui fecit huic animae diu tot pulchra seruitia? Et egomet, dicit Ratio, quae numquam dormiui, cum de me indigeret? O Amor, dicit Ratio, erimus ergo extra eius hospitium omnino positae, quia ascendit ad tale dominium? Non, dicit Amor, sed remanebitis omnes

tres de sua familia.

Sed hoc erit in ianuis; unde tres habebit ianitrices. Ita quod si aliquid amori contrarium uliolenter uellet eius hospitium intrare,

quaelibet uestrum reclamet. Nec in aliquo alio usu nisi so/um in hoc puncto ostendatis uos ibi esse ianitrices, ne uobis confusio

7 dongeria amoris, dicit Amor] anima dicit, amoris dongeria amori C ^ daz]

dat AC — 11 sufflante] sufflatione C BD

[65] 1 aliquid audistis] audistis aliud B, audistis aliquid D 3 super] supra montem] mortem D 4 Ille] utique add. BD non habet zz zerra]

non habet intra 74, in terra non habet BD

nec 1] oz. B

4/5 nec honorem,

nec timorem] -» B 5 propter aliquid] de aliquo BD eueniat ei] - BD dicit Amor] oz. B 6 quia]ow. C sunt]stant D 6/7 potest eis nocere] eis nocere potest BD 7 est ausum intrare] etiam audet illuc intrare BD 8 alius] ez. BD illos] ipsos BD, istos € — 9 * Quomodo uerecundia, cum sit proles humilitatis, rationis et amoris animam diligenter custodit et de ornatu animae adnichilatae. Capitulum 21 C — O] Heu BD . Amor, dicit Ratio] - D Doc] haec À, oz. BD 10 habeat humilitas] - BCD 11 de #imore] amor AC qui] quae AC 11/12 fecit huic...seruirz4] fecit huic diu totus seruitia pulchra 74, tot pulchra seruitia fecit aliquando huic animae BD — .13 de me] me B © Amor] Heu BD ergo] omnes BD — 13/14 eius hospitium] - BD 14 omnino] À transp. ost: ergo, oz. C — ad] om. D — tale dominium] talem diuinum B 16 Sed hoc] hoc tamen BD ianuis] ianua BD . unde] ipsa add. BD tres]uos add. B ianitrices] genitrices C — 17 uellet eius hospitium intrare] se uellet intromittere BD 18 reclamet] reclamare teneatur BD usu] om. BD solum] om. A 19 ostendatis uos] - B ibi] o. D ianitrices] genitrices C — ne] forte add. BD 19/20 confusio fiat] fierit confusio B, fieret confusio D

188

MIROUER

605-66

25 aussi en aultre point ne seriez vous oyés, que en cestuy seule-

ment, voire, encore se ainsi estoit, qu'elle fust si basse, que il fust de ce besoing ou neccessité. Telle creature, | dit Amour, est 5or

mieulx vestue de la vie divine, dont nous avons parlé, qu'elle n'est de son propre esperit, qui fut mis en son corps en le creant. Et si est mieulx vestu le corps de son esperit, que Io l'esperit n'est de son corps, car le gros du corps est osté et diminué par oeuvres divines. Si que telle Ame est mieulx en la doulce contree nient congneue, la ou elle ayme, que elle n'est en son propre corps, ouquel elle donne vie; et ytel povoir a la 3s franchise d'Amour.

[66] Comment l'Ame est joyeuse de ce qu'elle a prins congé de Raison et des aultres Vertuz. - .lxvf*. chappitre. «Saincte Eglise la Petite - Hee, tres doulce Amour

Divine,

dit Saincte Eglise la Petite. s

L'Ame.-Et vraiement petite est elle, car gueres ne demourera,

que elle vendra affin, dit ceste Ame, dont elle aura grant leesse. Raison. - Toutefuoiez, dit Raison, dictes moy, de quoy vous estes entre vous plus esioyés? L'Ame. - Dame Amour, dit ceste Ame, le dira pour moy. 1: Amour. - De ce, dit Amour, que elle a prins congé de vous et aux oeuvres des Vertuz. Car quant ceste Ame fut en amour enmantellee, que elle print lecon a vostre escole par desirer des oeuvres des Vertuz. Or est elle maintenant si entree et seurmontee en divine lecon, que elle commence a lire la ou vous s prenez vostre fin; mais ceste lecon n'est mie mise en escript de main d'omme, mais c'est du Saint | Esperit, qui escript ceste 59v lecon merveilleusement, et l'Ame est parchemin precieusement; H

[65] 32/34 Bonauentura, Soliloquium II 12 (Opera omnia, Quaracchi VIII, 1898, p. 49). Cft. Orcibal J., Vne formule de l'amour extatique..., dans: Mélanges offerts à Etienne Gilson (1959) p. 447-463.

;

[66] 7/8 Now, seip reson to be soule, seie me wherof be 3e moost glad.

303, 19).

SPECVLVM 20

25

605-66

189

fiat. Quia in nullo alio puncto audiremini nisi in isto solum, si esset possibile quod ita esset fessa quod de hoc indigeret. Talis creatura melius est uestita diuina uita de qua loquimur, quam proprio suo spiritu uestiatur qui positus fuit in suo corpore in puncto creationis. Et corpus etiam melius indutum est spiritu quam spiritus corpore, quia grossities corporis est attenuata et quasi amota per opera diuina. Ita quod talis anima melius est in dulci contrata non cognita ubi amat, quam sit in proprio corpore cui dat uitam. Talem potestatem habet libertas amoris. [66] EccresiaA. O dulcissime diuine Amor, dicit sancta Ecclesia

minor.

Et uere minor, cito enim ueniet ad finem, dicit ista Anima,

VA

Io

15

de quo magnum gaudium erit. Tamen, dicit Ratio, dicatis mihi de quo estis inter uos magis attenuatae ? Dicit haec | Anima: amor pro me dicet. AMOR. De hoc, dicit Amor, quod accepit licentiam a uobis et ab operibus uirtutum. Quia tamdiu fuit haec anima in amore uestro 2nmantellata, quamdiu lectionem accepit in uestra schola per desiderium operationis uirtutum. Nunc autem ita est sublimata et ita profunde ad diuinam intrauit lectionem, quod modo legere incipit ubi finem uestrum Zabetis. Sed tamen ista lectio non est in scripto posita digito humano, sed a Spiritu sancto qui miro modo hanc scribit lectionem, et anima est pretiosum

20 puncto] casu BD — in isto solum] solummodo in isto B D, solum in isto (€. 21 esset possibile] - BD fessa] debilis BD quod de hoc] ut de huiusmodi (huius B) uestro (nostro B) ministerio BD 22 creatura] anima BD loquimur] locuti sumus BD 23 spiritu] oz. B 23/24 qui positus fuit...creationis] corpus BD

24 indutum est] uestitur B, est indutum

C, est

uestitum D — 25 corpore] corde D, uestiatur add. BD estow. B — 26 amota] commota B melius est] melius B, - C . 27 vomirat4] contra À | 28 cui dat uitam] quod animat BD [66] 1 diuine] o» BC . 2 minor] parua C — 3 zer] paruula .4, parua C dicit] e». C 4 quo] qua C 5 Tamen] o». BD, anima add C dicatis mihi] o». B 6 attenuatae] attenuati B, attenuata C 7 Dicit haec...dicet] om. B Dicit haec Anima amor] Amor, dicit haec Anima D dicet] hoc praem. D 8/9 accepit licentiam...uirtutum] a uobis et ab operibus uirtutum licentiam acceperunt BD —— 10 zuantellata] adnichilata (oz. C) inmacellata AC

uestra] ueste a B. 11 aw/ez] igitur AC — ita est sublimata] ita est eleuata B, ita sublimata est C, est ita eleuata D —— 12 profunde] profundum B quod zodo| quomodo AB 13 finem uestrum] uos inem BD habetis] habebit A 14 scripto] scriptis C a Spiritu sancto] ipso diuino spiritu BD 15/16 et anima est pretiosum pergamenum] in ipsa anima quae utique est pretiosa carta BD

25r

190

MIROUER 66-68

la est tenue la divine escole, a bouche close, que sens humain ne peut mectre en parole. [67] Zcy parle du pays ou ceste Ame demoure, et de la Trinité. - .Jxvig. chappitre.

- Hee, Amour, dit Raison, je vous prie que vous me diez encore aucune chose du pays ouquel ceste Ame demoure. Amour. - Je vous di, dit Amour, que celuy qui est la ou ceste Ame est, est de luy en luy par luy, sans prendre de nully, mais tant seulement de luy. Or est ceste Ame, dit Amour, en luy, de luy, pour luy, sans prendre de nully, fors seulement de luy. Verité. - Donc est elle en Dieu le Pere, dit Verité. Car nous IO

croyons que il n'y a personne en la Trinité, qui n'ait prins a aultre personne que a sa personne, sinon seulement la personne du Pere Amour. - C'est verité, dit Amour, car Dieu le Pere a la divine

15

puissance de luy, sans la prendre de nully; car il a de la deffluence de sa divine puissance, et donne a son Filz ce mesmes qu'il a de luy, et le Filz le prent du Pere. Si que le Filz naist du Pere et si est egal a luy. Et du Pere et du Filz est le Saint Esperit, une personne en la Trinité: non mye naist, mais est; car aultrement naist le Fils du Pere, et aultrement est le Saint

20

Esperit et du Pere et du Filz.

;

[68] Comment par oeuvre divine ceste Ame est joincte a la Trinité, | et comment elle appelle asnes ceulx qui vivent du conseil de Raison. - Ixviig. chappitre. «Amour.

- Ceste Ame, dit Amour, est toute remise, fondue

[67] 13/20 3e seie soobe, seib loue, for God be Fadir hab diuine my3t in him wibouten takinge my3t of eny obir but of himsilf, and he 3iueb to his Sone be same bat he hab in him, and be Sone takip it of be Fadir and is egal to him. Now of be Fadir & of be Sone is be Hooli Goost, oon persoone in Trinite, and not wexip, but is. For obirwise is be Sone of be Fadir, and ob irwise is be Hooli Goost of be Fadir and of be Sone. (303, 34-38).

Gor

SPECVLVM

66-68

191

pergamenum. Ibi tenetur diuina schola ore clauso, quia sensus humanus hoc exprimere non potest uerbis.

IO

15

[67] O Amor, dicit Ratio, dicatis nobis adhuc aliquid de patria, ubi haec domina moratur. AMOR. Ipse est qui est, at Amor, ubi haec anima moratur ; et est de se, in se et per se, absque eo quod aliquid ab aliquo accipiat nisi solum a seipso. Est igitur haec anima, dicit Amor, in illo, de illo, propter illum, non accipiens aliquid ab aliquo nisi solum ab illo. VERITAS. Ergo ipsa est in Deo Patre, dicit Veritas. Quia credimus quod o^ sit aliqua persona in Trinitate, quae non acceperit ab alia persona, excepta sola persona Patris. AMOR. Haec est ueritas, dicit Amor, quia Deus Pater habet diuinam potentiam de seipso, nichil accipiens ab alio. Idipsum etiam quod habet ex affluentia diuinae omnipotentiae suae, communicat Filio, et Filius id quod est accipit a Patre. Ita quod Filius a Patre generatur et nascitur et est aequalis Patri. Et ex Patre et Filio procedit Spiritus sanctus, una in Trinitate persona. Est, inquam, non natus uel genitus, sed procedens. Quia alio modo emanat Filius a Patre, alio modo Spiritus sanctus a Patre et Filio. [68] Haec anima; dicit Amor, est remissa et imbibita, liquefacta

17 exprimere non potest uerbis] exprimere nobis non potest B, uerbis exprimere non potest C, exprimere uerbis non potest D [67] 1 aliquid] aliud B 3 ait Amor] om. ABD — haec anima] haec (hae B) domina BD . 3/4 zeratur et est] est /AC —— in se et per se] per se, in se À eo] hoc À 4/5 ab aliqua autpiat] accipiat ab aliquo 74 6 in illo] et add. B de illo] et add. C 8 dicit] ait D 9 non] À transp. post: Quia sit] est BD 10 acceperit] accepit BD 11 Haec est ueritas] Verum est B, Hoc est ueritas C — 12 potentiam] naturam BID — de seipso] a seipso BD — 12/19] Idipsum etiam quod habet...a Patre et Filio] Idipsum etiarn quod sit a se habet uirtute suae (zz. D) diuinae omnipotentiae; totum filium generando ei (oz. B) communicat. Et Filius id quod est accipit a Patre (ita quod Filius generatur et nascitur ex Patre D) et est aequalis et consubstantialis (et coaequalis B) et coaeternus ipsius Patris (aliis duabus personis B). (Et similiter ex Patre et Filio procedit et est Spiritus sanctus, una et terna in Trinitate persona consubstantialis, coaequalis et coaeterna aliis duabus personis D). Et est, inquam Spiritus sanctus non genitus aut natus quemadmodum ipse Filius, sed procedens ab utroque scilicet Patre et Filio cum sit amor ab eis aequaliter (ab utroque D) spiratus. Vnde, aliter emanat (emaneat B) Filius a Patre,aliter Spiritus sanctus ab utroque. BD 15 et nascitur] er. C |.17 uel] nec C [68] 1 Haec] est add. A — remissa] resoluta BD — et] oz. BD —. imbibita] bibita B, inhibita C ^ liquefacta] et praez. A

192

MIROUER

68-69

et tiree, joincte et unie a haulte Trinité; et ne peut vouloir

IO

sinon la divine voulenté par la divine oeuvre de toute la Trinité. Et une ravissable clarté et lumiere la joinct et la presse de plus pres. Et pource dit ainsi ceste Ame: L'Ame. - O tres petite gent et rude et mal convenable, dit elle. Raison. - A qui parlez vous? dit Raison. L'Ame. - A tous ceulx, dit elle, qui de vostre conseil vivent,

15

qui sont si bestes et si asnes que il m'esconvient pour la rudesse d'eulx celer et non parler mon langage, ad ce qu'ilz ne prengnent mort en l'estre de vie, la ou je suis en paix, sans de la me mouvoir. Je di, dit l'Ame, quil m'esconvient pour leur rudesse taire et celer mon langage, lequel j'ay aprins es secrez de la court secrete du doulx pays, ouquel pays, courtoisie est loy, et amour

20

mesure,

et bonté

pasture;

la doulceur

m'en

trait, la

beaulté m'en plaist, la bonté m'en paist; que en puis je doncques mais, se je vifs en paix? [69] L'Ame dit ycy que l'usage des Vertuz n'est que soing et travail. - Ixix°. chappitre. -Raison.^ - Hee, pour Dieu, dit Raison, tres doulce flour sans tache, que vous semble il de nostre usage? L'Ame. - Ce me semble, dit ceste Ame, ung | travail plain de soulcy. Toutesfoiz neantmoins l'en gaigne son pain et sa soustenance parmy son labour en ce soulcy ; et Jhesucrist l'exaussa de son propre corps, qui voioit la bestialité de ceulx qui en ce travail se sauveroient, et pource leur convenoit il certaineté. Et

6ov

SPECVLVM

68-69

193

et tracta, ?uncta et coniuncta in altissima Trinitate. Ideo uelle

IO

15

non potest nisi solam diuinam uoluntatem, per diuinam operationem totius Trinitatis. Et quoddam rapidum coruscans lumen ipsam apprehendit et approximat et reapproximat magis prope et dicit sic: O paruissima gens rudis et inhabilis, dicit ipsa Anima. RATIO. Quibus loquimini, dicit Ratio. Omnibus, dicit Ipsa, qui de uestro consilio uiuunt, qui sunt ita bestiales et asini, quod oportet me propter eorum ruditatem uariare, immo abscondere proprium meum linguagium, ne mortem accipiant in esse uitae, in qua sum in pace nichil mendicans penitus. Dico quod oportet me propter eorum ruditatem meum abscondere linguagium, seu dissimulare quod didici in secretis curiae secretariae dulcis patriae, ubi curialitas est lex et amor mensura et bonitas pastus. Cuius dulcedo me attrahit, cuius | pulchritudo me delectat, cuius bonitas me reficit. Quid igitur 25V mirum si uiuo in pace? [69] O pro Deo, dulcissime Flos sine macula, dicit Ratio, quid uobis de nostro usu uidetur? ANIMA. Mihi uidetur, ait haec Anima, quidam labor occupatione plenus. In quo tamen et de quo potest panis lucrari et uictus quotidianus, labore multo tamen, mediante hac occupatione quam Christus exaltauit suo proprio corpore, uidens bestialitatem eorum qui in isto labore saluarentur, quibus utique

2 ef tracta] tracta ABD iuncta] om. A coniuncta] counita D in altissima Trinitate] ipsae altissimae Trinitati B D, et in ipsam altissimam Trinitatem add. D 4 coruscans lumen] » A 5 apprehendit] comprehendit B et approximat] et eam appropinquat BD, approximat C reapproximat] reappropinquat BD — 7 dicit] ait BD — /Aszza] om. ABD — 8 dicit] ait B 9 dicit Ipsa] ait BD — consilio uiuunt] - BD — qui] utique zzz. BD — 10 quod] qui B 11 zarnare immo] om. AC proprium meum linguagium] linguagium

proprium C, meum propriumlinguagium D —— mortem] morte B — 12 accipiant] incurrant BD — 12/13 mendicans penitus] omnino mendicans BD 13 oportet me propter eorum ruditatem] propter eorum ruditatem oportet me (oz. D) BD meum] proprium B, meum proprium D 14 abscondere linguagium] linguagium B, linguagium

abscondere

uariare quod utique linguagium D pastus bonitas D

D

seu dissimulare

quod] oz. B, seu

16 bonitas pastus] pastus bonitatis B,

[69] 1 se] absque À dicit Ratio] v» BD 3 occupatione] distractione et taedio BD 4 et de quo] de quo B 4/5 potest panis lucrari et uictus quotidianus] peccata quis potest lucrari et uictus quotidianus C, lucrari potest (oz. B) panis necessarius (necessariis B) quotidianus BD 5 labore multo tamen] multo ut dixi labore BD — hac]in hac BD — 6 Christus] et przez. BD exaltauit suo proprio corpore] in suo magnificauit corpore proprio BD — 7 saluarentur] saluari debeant B, saluari debebantur D

194 IO

MIROUER 69

Jhesucrist, qui ne les vouloit mie perdre, si les a de luy mesmes affiez par sa mort, et par ses Euuangiles, et par ses escritures, la ou gens de labour se radressent. Raison.

- Et ou vous

radressez

vous, tres doulce

dame

de

15

nous, dit Raison, qui ne faictes ne ne prenez point de labour en ce soing sinon par foy, dont vous avez ces dons?

20

est mon meilleur, qui est si loing de ce, que on n'y pourroit mectre comparaison: en Dieu en est le terme, qui n'a point de temps - mais je l'ay, pour le myen de luy atteindre; le mien est, que je soie en mon nient plantee.

L'Ame. - Non voir, dit ceste Ame, je suis de ce quicte; ailleurs

Or, Raison, dit ceste Ame, vous nous demandez ou nous nous

20

radressons? Et je vous di, que a celluy seul, dit ceste Ame, qui est si fort qu'il ne peut jamais mourir, duquel la doctrine n'est mie escripte ne par oeuvres d'exemples ne par doctrine de hommes, car le don de luy ne peut on donner fourme. Il scet, tout sans commencement, que je le croioye bien sans tesmoing. Est il, dit l'Ame, | plus grant villenie que vouloir tesmoing en amour? Certes nenny, ce me semble, puisque Amour en est tesmoing: ce m'est assez; se j'en vueil plus, donc ne le croy je mie.

35

c'est assavoir la vostre et la nostre: la nostre pour croire, et la vostre pour amer; et pource dictes nous en vostre voulenté, et pourquoy vous avez nommé noz nourriz bestes et asnes. L'Ame. - Telz gens, dit ceste Ame, que je appelle asnes,

25

Raison.

- Hee, dame Ame, dit Raison, vous avez deux loys,

[69] 28 ce] s. se.

29 ce] zs. se.

[69] 33/34 berefore seie what 3e wole, seib reson, and nameb oure nourris beestis asses. (306, 2-3).

Gur

SPECVLVM 69 IO

15

20

195

aliqua certitudo necessaria erat. Et CAristus qui nolebat eos perdere, de seipsomet eos certificauit per suam mortem et fer suum euangelium et suas scripturas, in quibus et per quae gentes laboris diriguntur. Et ubi, quomodo et ber quid dirigimini uos, dulcis Domina nostra, dicit Ratio, quae nichil laboratis in hac occupatione nisi per fidem; unde haec dona habetis? Non utique, dicit haec Anima, de hoc sum expedita. Alibi est melius meum, quod ita ab eo quod dictum est distat, quod uix posset comparatio assignari. Terminus illius mei melioris solus est in Deo, qui tempore non mensuratur; sed ego tempus habeo ad attingendum meum de ipso. Meum enim est quod sim in meo nichilo plantata. * Nunc igitur, Ratio, dicit haec Anima, petitis a nobis ubi nos

25

30

dirigimur. In illo et per illum solum qui est ita fortis quod numquam 720*1 potest, cuius doctrina non est scripta, nec per opera exemplorum, nec per doctrinam humanam, quia dono ilius non potest forma dari. Ipse absque initio scit quod crederem bene ei sine testimonio. Ésíne maior rusticitas quam uelle habere testimonium ab amore? Non mihi uidetur. Ex quo amor est, istud satis mihi est testimonium. Si uolo plus, ergo ei non credo. RATIO. O Domina Anima, dicit Ratio, uos habetis duas leges, nostram et uestram: nostram ad credendum, uestram ad aman-

dum. Ideo dicitis quod uultis, e? 4ocatis meos nutritos bestias et asinos. Tales, dicit haec Anima, quos asinos uoco, quaerunt Deum in

8 Christus] ideo AC nolebat eos] - BD 9 seipsomet] semetipso BD eos] om. B et per] et A 10 suas] ceteras praez. BD — quae] quem B 11 genes /aborzs] ingentes labores 74, gentes in labores C —— 12 quozodo e£ per quid] et in quo 74, quomodo et propter quid B, in quo C dirzgizimi uos] uos dirigitis AC 13 rostra] mea AC dicit] et pra B 14 unde] nude BD habetis] habeatis BD 17 mei] oz. B solus] oz. BD 19 de ipso] in ipso D enim] oz. BD 21 * Qualiter anima adnichilata bestiales uocat Deum per exteriora quaerentes. Capitulum 22. C Ratio, dicit baec Anima] Ratio À, uos Ratio B, Ratio uos D

petitis a nobis] quaeritis B, petistis a

nobis C, quaeritis a nobis D ubi] et quo add. BD — 22 In illo et per illum solum] In illo enim dirigimur et per illum C — 23 zer] moueri J4C ^ nec] habetur ad4. BD 24 doctrinam] eruditionem BD, exprimi potest add. C

dono] de prae» C 25 forma dari] fraudari B —— absque] sine BD 25/26 crederem bene ei] ei bene crederem B, bene ei crederem D 26 sine] absque B Es#reEtne À 27ablinBD | Non mihi uidetur] oz. BD — 28 istud satis mihi est testimonium] (est B) satis mihi sufficit et satis est mihi testimonium BD uolo plus] - BD . 30 dicit] ait BD — 31 nostram] scilicet add. BD 32 Ideo] Et præ». BD uultis] uos przez. BD et uocatis] uocantes A, bestias] bestiales BD ——— 34 haec] o. nutritos] discipulos BD uocando C BD asinos uoco] - BD, et bestiales add. B

196

MIROUER

69-70

quierent Dieu es creatures, es monstiers par aourer, en paradis creez, en paroles d'ommes, et es escriptures. Hee, sans faille, dit ceste Ame, en telx gens n'est pas nez Benjamin, car Rachel y vit; et il convient mourir Rachel en la naissance Benjamin, ne 40 jusques ad ce que Rachel soit morte ne peut Benjamin naistre. Il semble aux novices que telx gens, qui ainsi le quierent par montaignes et par vallees, tiennent que Dieu soit subgect a ses sacramens et a ses oeuvres. Helas! que ilz ont de maulx dont c'est pitié, et auront encore, dit ceste Ame, tant comme ilz auront telle coustume en usage! 45 Mais ceulx ont bon temps et prouffitable, qui ne aourent mie seulement Dieu es temples ne es monstiers, mais l'aourent en tous lieux, par union de divine voulenté. Raison. 50

- Hee, tres bien | nee, dit Raison, pour Dieu, dictes

nous: ou le querez et ou le trouvez vous? L'Ame.

- Je le trouve, dit ceste Ame, partout, et la est il. Il

est une Deité, ung seul Dieu en trois Personnes, et cil Dieu est partout tout; la dit elle, le trouve je. [70] Comment

telle Ame

est de la grace Dieu ce qu'elle est. -

Axx*. chappitre.

IO

«Raison.^ - Ores, doulce dame de nous, dit Raison, dictes nous qui vous estes, qui ainsi parlez a nous. L'Ame. - Je suis, dit ceste Ame», de la grace Dieu ce que je suis. Donc suis je tant seulement et nulle aultre chose, ce que Dieu est en moy; et Dieu est aussi ce mesmes qu'il est en moy; car nient est nient. Ains est, ce qui est; donc ne suis je, se je suis, sinon ce que Dieu est; et nul n'est fors Dieu; et pource ne trouve je fors Dieu, quelque part que je m'enbate; car il n'est fors que luy, a verité dire.

[69] 38/40 Gen. XXV 16-19; 73 (PL r96] 52).

[7o] 5/6 I Cor. XV xo.

— Richardus a Sancto Victore, Beniamin minor,

61v

SPECVLVM

69-70

197

35 creaturis, in templis orando, in paradiso creata, in uerbis hominum

et in scripturis. Et certe, dicit haec Anima, adhuc

in

talibus non est Beniamin natus, quia Rachel adhuc uiuit in eis. Et tamen in ortu Beniamin oportet mori Rachelem. Nec usque tunc potest Beniamin nasci, donec :$sa uidelicet Rachel moria4o tur. Satis uidetur quod /a/es qui eum quaerunt per montes et ualles, teneant et credant quod Deus sit subiectus suis sacramentis et suis operibus. PrETAS. Heu, quot mala habent adhuc, dicit Pietas. ANIMA. Et habebunt, dicit haec Anima, quamdiu usum hunc 45 habebunt. Sed illi habent bonum | tempus et utile, qui non 26r adorant Deum tantum in templis manufactis, sed in omni loco per unitatem diuinae uoluntatis. O optime Nata, dicit Ratio, pro Deo dicatis nobis ubi eum

quaeritis et ubi eum inuenitis. ; so Ego ewm inuenio, ait. Anima, ubique; inuenio eum, inquam, ubi est. Ipse est una deitas, unus solus Deus in tribus personis. Iste Deus est ubique totus et ibi, dicit Ipsa, inuenio eum.

i

[7o] RATIO. O dulcis Domina nostra, dicit Ratio, dicatis nobis quae uos estis, quae ita loquimini nobis. ANIMA. Ego sum, dicit haec Anima, gratia Dei id quod sum. Ergo illud so/um sum, et nichil aliud, quod Deus est in me; et Deus etiam es? idipsum quod est in me. Quia nichil est nichil; aliquid est quod est. Ergo non sum, s? aliquid sum, nisi id quod Deus est. Et nullus est nisi Deus et ideo non inuenio nisi Deum,

ubicumque intrem; quia nichil omnino quendo.

est nisi ipse, uere lo-

36/37 in talibus non est Beniamin] non est in talis Beniamin B, in talibus Beniamin non est D 37 quia] eo quod BD — adhuc] adhuc add D | viuit] uiuat BD — eis|ipsis BD — 38/39 usque tunc] tamen B —— zpsa uidelicer] scilicet AC, ipsa B 40 uidetur] apparet BID aies] talis A 41 ualles] per «da. BD et] aut BD 41/42 sacramentis et suis operibus] operibus et suis sacramentis BD 43 adhuc] isti BD dicit] ait BD 44 dicit] ait BD usum hunc] - BCD . 45 habebunt] retinebunt BD Sed] pro certo a4. B, profecto add. CD qui] scilicet qui add. D —— 46 loco] et (oz. B) in omni tempore add.BD ^ 47unitatem] plenam (plena B) conformitatem BD —— diuinae uoluntatis] suae uoluntatis ad ipsam diuinam uoluntatem B D 48 O] o». B

nobis] o». D B

50 Ego eum inuenio...ubique] Ego inuenio eum ubique A D, om.

inuenio] ego praem. B

inuenio eum, inquam] inuenio, inquam, eum D

[70] 1 nostra] o». B nobis] oz. B 4 Ergo] Ego B solum sum] - À, solum B et nichil aliud] nichil aliud C. ransp. post: in me 5 etiam] oz. C eif idipsum] idipsum À —— quod est] aliquid BD 6 5 aliquid sum] etsi sum AC nisi id] non sum przez. A, non sum nisi C — 7 Deus] solus fraez. B 8 ubicumque] quocumque B 8/9 uere loquendo] loquendo in ueritate BD

198

MIROUER

70-71

Cest Ame ayme en Verité, c'est en Deité, mais Verité ayme

en celluy dont ceste Ame a estre, et ainsi est toute oeuvre de charité en elle emplie. 15

Amour.

- C'est verité, dit Amour, car toutes aultres, excepté

ceste, se mucent par faulte d'innocence, par le peché de Adam.

[71] Comment ceste Ame ne fait plus oeuvre pour Dieu, ne pour elle, ne pour proesmes. - .Ixx7°. chappitre. «Amour. - Ceste Ame, dit Amour, ne fait plus oeuvre pour Dieu, ne pour elle, ne pour ses proesmes aussi, ainsi comme dit est; mais Dieu le face, se | il veult, qui le peut faire; et se 1l ne

veult, il ne luy en chault nientplus de l'ung que de l'autre: elle est tousjours en ung estat. Adonc est en ceste Ame le raiz de divine cognoissance, qui la tire d'elle sans elle, en une divine IO

1)

paix esbahyssable, apoyee d'une elevacion d'affluant amour du treshault Jaloux, qui luy donne en tous lieux magistrale franchise. L'Ame. - Jaloux? dit ceste Ame. Jaloux voirement est il! A ses oeuvres l'appert, qui m'ont desrobee de toute moy, et m'ont mise en divine plaisance, sans moy. Et telle union de remplie paix me joinct et conjoingt par la souveraine haultesse de la creacion de l'appareil du divin estre, dont j'ay estre, qui est estre.

|

Amour. - Quant ceste Ame, dit Amour, est ainsi tiree de luy sans elle, de Dieu pour elle, c'est oeuvre divine; ne oncques ne 20

fut oeuvre de charité faicte de corps humain, qui telle oeuvre actaingnist, ne peust actaindre. L'Ame.

- Entendez sainement, dit ceste Ame, les deux mots

d'Amour, car ilz sont fors a entendre qui n'a l'entencion de la glose. 25

Amour. - C'est verité, dit Amour, car oeuvre de creature (c'est

a entendre oeuvre

faicte d'omme)

ne peut estre comparee

a

[7o] 15/16 bis is soob, seib loue, for alle opire ban bese, bei answere for defaute of innocence, but oonli bese naked for3eten bat haue not to answere.

(306, 24-25).

[71] 7 Al is to hir oon. (306, 29).

62r

SPECVLVM Ista anima

IO

70-71

199

diligit in ueritate, hoc est in diuinitate. Immo

ueritas diligit in ipsa, unde ista anima habet esse: et ideo omne

opus caritatis est in ipsa completum.

Haec est ueritas, dicit Amor, quia omnes

15

alii abscondent se

ob defectum et carentiam innocentiae propter peccatum Adae, praeter istos nudos oblitos, quia nichil habent quod abscondant.

[71] Ista anima, dicit Amor, non facit aliquid amplius, nec propter Deum, nec propter se, nec propter proximos, sicut

un

IO

dictum est. Sed Deus faciat, si uult, qui potest; et si non uult, non curat ipsa plus de uno quam de alio; semper enim est ipsa. Tunc in ista anima sunt radii diuinae notitiae, qui trahunt eam de ipsa, sine ipsa, in quandam stupefactiuam pacem innixam wn: supereleuato amori defluenti ab altissimo zelote, qui ubique sibi dat libertatem magistralem. Zelote, ait haec Anima. Satis apparet in suis operibus, quae mihi furata sunt meipsam totam, et posuerunt me in diuinam complacentiam absque me. Et illa unio completae pacis me iungit et coniungit per summam sublimitatem creationis apparatus diuini esse, a quo habeo esse quod est esse. AMOR. Quando ista anima, dicit Amor, est ita tracta ab ipso

T5

20

sine ipsa, a Deo propter ipsam, Aoc est opus diuinum. Numquam aliquod opus caritatis factum fuit per corpus humanum, quod ad tale opus attingat. Intelligatis sane, dicit haec Anima, dulcia uocabula amoris, quia istud uocabulum est difficile ad intelligendum, qui uult habere intentum glossae. AMOR. Haec est ueritas, dicit Amor, quia opus creaturae, hoc est opus ab homine factum, non potest comparar: operi diuino,

10 diuinitate] deitate D — 11 diligit] diligitur B — ipsa]ea BD — 13 Haec] Hoc BCD ueritas] uerum BD abscondent se] ascendent B, abscondent D 14 peccatum] culpam BID — Adae] primi parentis BD —— 15 praeter] propter B oblitos] et praez. C

[71] 1 dicit Amor] o». B aliquid amplius] - BD nec] o» BD 2 nec 1] aut BD nec 2] aut BD 3 faciat] facit B — non uult] nolit facere BD 4 plus de uno] de uno plus À ipsa]ipse BD — 5 Tunc in ista anima] In ista anima autem B, In ista autem anima D

BD

trahunt eam] ipsam trahunt

6 innixam] inipsam B 7 uni] in JA, om. C — ubique] ubicumque À 8 libertatem magistralem] magisteriosam libertatem BID —— 9 Zelote] Zelotes

B apparet in suis operibus] - BD — 10 mihi] ipsi «d. BD — furata sunt me ipsam totam] tota furatam sunt B, me totam furata sunt D me] or. BD 12summam]firmam B ceationis] creatoris ABC apparatus] et per actus 16 A,apparatui C — 13 eses]- À — 14tracta]tacta B. — 15 w]om..AC corbus] opus À 17 adjom. A 21 Haec] Hoc C creaturae] o» BD — 21/22 22 comparari operi diuino] operari operi diuino À, hoc est opus] o». BD diuino operi cooperari B, operi diuino comparari D

200

MIROUER

oeuvre

71-72

divine, faicte de Dieu en creature

de sa bonté pour

creature.

[72] Icy parle de la distance du pays des periz et marriz au pays de franchise, et pourquoy l'Ame a voulenté. - .Ixxif*. chapfntre. | L'Ame. - Entendez sainement, dit ceste Ame, les deux mots

IO

15

20

d'Amour, car ilz sont fors du pays des marriz au pays de franchise et de remplie paix, ouquel pays les estans demourent| Amour. - C'est verité, dit Amour, je leur diray ung mot. L'Ame. - Voire, dit ceste Ame, en despit de Voulenté, en quoy les periz et les marriz demourent qui mainent vie de parfection, telle quelle. Amour. - Quant la divine Trinité crea les anges de la courtoisie de sa divine bonté, ceulx qui mauvais furent, par leur perverse election s'accorderent au mauvais vouloir de Lucifer, qui voult avoir par nature de luy ce qu'il ne pot avoir fors par grace divine. Et tantost qu'ilz vouldrent ce de leur forfaicte voulenté, ilz perdirent l'estre de bonté. Or sont ilz en enfer sans estre, et sans jamais recouvrer misericorde de veoir Dieu. Et ceste haulte vision leur fist perdre leur voulenté, qu'ilz eussent eue pour donner leur voulenté, laquelle ilz retindrent. Or regardez a quel chef ilz en vindrent! Verité. - Helas, helas! dit Verité, pourquoy, Ames, amez vous

tant voulenté, puisque telle perte est faicte par voulenté? Amour. - Je vous diray, dit Amour, pourquoy Ame a voulenté: pource que elle vit encore en esperit, et en vie d'esperit est encore voulenté.

[72] 3/5 O God, seip bis soule, what it is fer, be cuntre of be perischid and be cuntre of be marred, from be cuntre of frenesse & of fulfillid pees, bere b at be satled dwellen. (307, 8-10). 12/14 Lucifer bat wolde haue had bi

nature of him be whiche he my3te not haue but bi diuine grace. (307, 16-17). 20/21 Alas, alas, seib troute, whi louen we wille siben such lossé is made

bi wille? (307, 22).

G2v

SPECVLVM

71-72

201

a Deo in creatura facto sua bonitate propter ipsam creaturam. [72] O Deus, dicit haec Anima, quam longe est patria eorum qui pereunt et tristes sunt, a patria libertatis et comlpletae pacis, in qua stantes morantur. Haec est ueritas, dicit Amor. Dicam eis unum uerbum. Verum est, dicit haec Anima, in despectum uoluntatis, in qua

IO

15

qui pereunt et qui tristes sunt morantur, qui uitam perfectionis habent talem qualem. Quando diuina T»/mitas creauit angelos sola curialitate suae bonitatis, illi qui reprobi fuerunt sua peruersa electione concordauerunt malae uoluntati Luciferi, qui «olebat habere de se, quod ei nullo modo Zabere licebat. Et statim quod illud uoluerunt sua peruersa uoluntate, ipsi amiserunt esse bonitatis et ideo sunt in inferno sine bono esse, absque omni spe diuinae uisionis rehabendae. Et hanc beatam uisionem eis abstulit propria eorum uoluntas, quam utique habuissent, si suam propriam dedissent uoluntatem, quam sibi retinuerunt. Nunc uideatis ad quem finem propter hoc deuenerunt. Heu, heu, dicit Veritas, quare tantum amatis uoluntatem, ex

quo per uoluntatem facta est talis perditio? 20

Dicam uobis, dicit Amor, quare anima habet uoluntatem: quia

adhuc uiuit uita spiritus sui; et quia seipsam habet in tali uita, ideo est ibi uoluntas.

23 a Deo] operi inquam prae». BD — in creatura] si prima creatura B, in ipsacreatura D ^ sua bonitate] oz. B D, propter bonitatem creatoris C — propter ipsam creaturam] propter creatorem

À, om. C

[72] 1 Anima] o» B ^ longe]lunge C ^ 2 qui pereunt et tristes sunt] qui pereunt et eorum qui maesti sunt B D, qui sunt tristes et pereunt C — completae pacis] pacis complere B, pacis completae D — 4 Haec] Hoc BCD ueritas] uerum BD Dicam eis unum uerbum] unum uerbum dicam eis BD 5 Verum est] Ita BD 6 qui] om. A tristes] maesti BD 8 Trinitas] bonitas A 8/9 curialitate suae bonitatis] bonitate suae curialitatis 4 — 9 concordauerunt] consenserunt BD 10 vokbaf] uolebant À — habere de se] de se habere BD 11 quod] illud Pzzez. BD einullo modo] - BD abere] om. AC statim quod] ei in tantum malum consenserunt et zd. BD 11/12 uoluerunt sua peruersa uoluntate] sua praua uoluntate uoluerunt BD — 12 ipsi amiserunt esse bonitatis] esse bonitatis penitus perdiderunt BD — 13 sunt in inferno] in inferno sunt BD — absque] et przez. BD 14 rehabendae] rehabendum B Et hanc] Hanc autem BD eis] ab eis C 14/15 propria eorum] - BD 15/16 propriam dedissent uoluntatem] dedissent uoluntatem propriam C ^ 16 retinuerunt] male przez. BD Nunc] autem add. BD — uideatis] irridere potestis B, uidere potestis D 17 quem] qualem B.D 18 amatis] diligitis BD 18/19 ex quo...uoluntatem] o». D —— 19 per] propter C — 20 dicit Amor] Amor B 241 adhuc]certe przez. D spiritus sui] - D

26v

202 25

30

Raison. - Hee, Dieux!

MIROUER

72

dame Amour, dit Raison, dictes moy

pourquoy vous avez ceste Ame eleue, tant | amye de vous, 63r nommee "ame" du commencement de ce livre, puisque vous dictes que pource ont les personnes marries voulenté, que elles vivent encores en vie d'esperit, et vous l'avez tant de foiz nommee par si petit nom comme est l"ame", qui est maindre nom que nom d'"esperit". Amour. - Sachez, dit Amour, c'est bien demandé; car, a bien entendre, tous ceulx qui vivent en vie de grace par l'acomplissent des commendemens,

et se laissent en ce avoir souffisance,

ont nom de "ame" voirement, non mye nom d'"esperit", mais nom de "ame" par vie de grace. Car toutes les jerarchies de paradis n'ont mye ung mesmes nom, qui leurs plus grans noms veult nommer; et si sont tous anges mais le premier ange n'eut mye nom de Seraphin, mais aingoys seulement de ange, mais 40 les Seraphins ont l'ung et l'aultre. Entendez sans dire, dit Amour, ce que c'est a dire. Car pareillement vous dis je que ceulx qui gardent les commandemens, et a qui ce leur souffist, ont nom de "ame" et non mye d"esperit", et leur droit nom est "ame" et non mye "esperit", car telx gens sont loing de vie d'esperit. 45 Raison. - Et quant est l'ame tout esperit? dit Raison. Amour. - Quant le corps est tout mortiffié et la voulenté s'esjoyst en honte, en pouvreté et en tribulacions: adonc est il tout esperit, et non aultrement. Adonc ont telles espirituelles 50 creatures purté en conscience, paix en affection, et entendement en raison. | 35

SPECVLVM

ED

72

203

* O Deus Amor, dicit Ratio, dicatis mihi quare uos fuistis tantum dilectus ab ista anima a principio huius libri. Ex quo uos dicitis quod propter hoc habent uoluntatem hi qui tristes sunt, quia adhuc uiuunt uita spiritus; et tamen uos ita frequenter nominastis eam ita paruo nomine sicut est nomen animae, quod est minus nomen quam nomen spiritus. AMOR. Sciatis, dicit Amor, quod istud est bene interrogatum.

20

Quia bene zntelligendo perfecta obseruantia contenti, habent uere immo nomen animae omnes

25

45

hierarchiae

omnes qui uiuunt uita gratiae, mediante mandatorum, et in hoc et de hoc sunt nomen animae et non nomen spiritus: propter uitam gratiae qua uiuunt. Quia

caelestes

non

uocantur

eodem

nomine,

si

proprie nominentur. Et tamen omnes sunt angeli. Vnde angeli inferioris ordinis non dicuntur seraphim, sed angeli solum. Sed seraphim utrumque nomen habent. Intelligatis non dicendo quid hoc est dictum! Ita dico uobis. Illi qui seruant mandata et in hoc sunt contenti, uocantur nomine animae et non nomine spiritus. Proprium nomen eorum est nomen animae, quia tales sunt adhuc longe a uita spiritus. Et quando est anima tota spiritus? Quando corpus est totum mortificatum et uoluntas delectatur in uerecundia, paupertate et tribulationibus. Et tunc est homo totus spiritualis, et usque tunc non. Tunc tales spirituales creaturae habent pacem in conscientia, puritatem in affectu et intellectum in ratione.

23 * Cur animam amori inhaerentem idem amor uocet animam et non spiritum. Capitulum 23. C — mihi] nobis D os] om. A 25 tristes] maesti D 26 guial qui À adbuc uiuunf] - 2A —— adbuc uiuunt..famen] om. B. — 26/27 uos ita frequenter] inter B, ita frequenter uos D —— 27 ita] tam B paruo] pro A 28 quod] utique add D 29 quod istud] istud D 30 zntelligendo] intelligendum À 31 mandatorum] nostrorum praez. D in hoc et de hoc] de hoc et in hoc D

32 non] ow. B, proprie add. D

33 immo

nomen

animae] oz. D uiuunt] ipsi przez. D Quia] Sicut D 34 non] D fransp. post: Sicut uocantur eodem nomine] eodem nomine uocantur D — 35 sunt] uocantur D — 36 dicuntur] uocantur D 36/37 Sed seraphim] Seraphim uero D 37 utrumque nomen habent] utroque nomine nominantur D 38 Intelligatis...dictum] Intelligatis hoc C, oz D quid hoc est] quam haec est B Ita] Itaque C — 39 in hoc] et de hoc dd D — 40 non] o». B spiritus] proprie add. D 40/41 Proprium nomen...nomen animae] oz. D 41 quia] eo quod D sunt adhuc longe] adhuc longe sunt C — 43 Quando] uidelicet add. C 44 uerecundia] uerecundiis D tribulationibus] tribulatione CD Et tunc] Tunc BC, Tunc enim D 44/45 est homo...tunc non] et non alias est homo totus spiritualis D 45/46 Tunc tales spirituales creaturae] Et talis utique D 46 habent] habet D et] oz. C 47 intellectum in ratione] intellectu in oratione B

204

MIROUER

73

[73] Comment 1l convient mourir l'esperit aingoys qu'il perde sa 63v voulenté. - xxu. chappitre. « Raison.» - Hee, pour Dieu, dit Raison, dame Amour, je vous

prie que vous me diez pourquoy il convient l'esperit mourir, ains que il perde sa voulenté. Amour. - Pource, dit Amour, que l'esperit est tout rempliz d'espirituelle voulenté, et nul ne peut vivre de vie divine tant comme

IO

15

il ait voulenté, ne avoir souffisance, se il n'a voulenté

perdue. Ne jusques ad ce n'est l'eesperit parfaictement mort, qu'il ait perdu le sentement de son amour, et la voulenté morte, qui vie luy donnoit, et en ceste perte est le vouloir parfaictement rempli par souffisance de divine plaisance. Et en telle mort croist la surmontant vie qui est tousjours ou franche ou glorieuse. Verité. - Hee, pour Dieu, dame Divine Amour, je vous prie que vous me monstrez, dit Verité, une ame parfaicte en cest estre. Amour. - Voulentiers, dit Amour, et se elle n’est ytelle comme

20

25

230

je vous diray, je vous commande que vous la reprenez, et que vous luy diez que elle est mal paree et appareillee pour parler a moy en ma chambre secrete, la ou nul n'entre se il n'est parez, ainsi comme vous me orrez dire. Il n'est nulle amye de moy, dit Amour Divine, sinon celle qui ne craint perdre ne gaigner, fors tant seulement que pour ma plaisance, car aultrement seroit elle pour elle et non mye pour moy, que elle ne fust avecques; et ceste espouse de moy ne pourroit estre | pour elle. 64r Et se elle avoit fait autant de pechez comme tout le monde fist oncques, et autant de biens comme tous ceulx qui sont en paradis, et tous ses biens et tous ses maulx fussent apparens devant le peuple, telle Ame, dit Amour, n'en auroit ne honte ne

honnour pour elle, ne voulenté de celer ou mucer ses maulx; et se aultrement elle faisoit, dit Amour, elle seroit pour elle et avec elle, et non mye pour moy, que elle ne fust avecques.

[73] 32/33 sche were for hir and wip hir, and not for me ne wib me pat

sche ne were with. (308, 23-24).

SPECVLVM 73

205

[73] O pro Deo, dicit Ratio, Amor, | dicatis nobis quare oportet 27: spiritum mori, antequam uoluntatem perdat. Propter hoc, a?t Amor, quod spiritus est totus plenus spiri-

tualibus uoluntatibus. Ideo non potest aliquis uiuere uita diuina, quamdiu habet uoluntatem; nec habere sufficientiam, donec perdiderit uoluntatem. Nec usque tunc est perfecte spiritus mortuus, usque quo perdiderit omnino sentzmentum sui amoris et uoluntas

IO

sit mortua,

quae

sibi

dabat

uitam;

et in ista

perditione est uelle perfecte completum in sufficientia diuinae complacentiae. Et in tali morte nascitur superexcellens uita, quae semper est uel libera uel gloriosa. O pro Deo, Amor diuine, dicit Veritas, ostendatis nobis unam

perfectam animam in isto esse. Libenter, dicit Amor, et si non sit talis qualis uobis dicam, I VA

Veritas, dicit Amor, praecipio ut eam reprehendatis et dicatis sibi quod non est bene parata ad loquendum mecum in mea camera secreta, ubi nullus intrat nisi sit paratus et ornatus sicut uos

20

audietis.

Talis amica

mea

non

curat, dicit Amor,

si me

perdat aut lucretur nisi solum propter meum beneplacitum, quia aliter esset ipsa pro se. Et si commisisset tot peccata quot commisit totus mundus, et tot bona fecisset quot fecerunt omnes ?lli qui sunt in paradiso, et apparerent omnia illa bona et illa

mala coram toto mundo, non haberet ex hoc talis anima, dicit Amor, nec uerecundiam nec honorem pro se, nec uelle abscon25 dendi seu occultandi. Et si haberet, dicit Amor, esset pro se et

secum, et non pro me solum, quin esset ipsa simul mecum.

[73] 1 dicit Ratio, Amor] Amor, dicit Ratio C — quare] quia B 2 spiritum] spiritus B 3 ait Amor] om. ABD quod] quia BD — 4 Ideo non potest aliquis uiuere] Ideo aliquis uiuere non potest D 5 habere] potest add. C 6 usque tunc] o». D — est perfecte spiritus] perfecte est spiritus B, spiritus est uere D 7 usque quo] donec D perdiderit] amiserit D omnino] penitus D sentimentum] sentimento .4 11 uel libera uel gloriosa] et libera et gloriosa C 12 Amor diuine] Amor B dicit Veritas] dicit Ratio siue Veritas B dicit Veritas ostendatis nobis] ostendatis nobis, dicit Veritas D 13 animam] om. ABC 14 non sit talis] talis non sit D — qualis] qualem C, utique add. D

15 Veritas,

dicit Amor]

o».

C, Veritas,

ait Amor

D

praecipio] uobis add D ut ezzz reprehendatis] ut reprehendatis 74, oz. B 15/16 et dicatis sibi] eique dicatis D —— 18 amica] dilecta D | non curat, dicit Amor] dicit Amor, non curat D 19 perdat aut lucretur] perdit aut lucratur D — 20 commisisset] ipsa przez. D — 21 commisit totus mundus] totus mundus commisit D et] uel CD tot bona fecisset] fecisset tot bona D 21/22 omnes Z//] omnes 4, hi B, illi C — sunt in paradiso] in paradiso sunt

D etapparerent] apparerent B, inquam adZ. D —— 22/23 et illa mala] uel illa mala C, et mala similiter D — 23 mundo] diognota et manifesta zz. D — 24 uelle] uoluntatem D 24/25 abscondendi seu occultandi] ostendendi seu abscondendi C, illa mala occultandi D 25 esset] profecto prae». D — 26 pro me] per me B quin] immo add. D —— ipsa simul mecum] simul mecum ipsa C, ipsa mecum D

206

MIROUER

73-74

Quelle honte, dit Amour, ont ceulx de 35 se l'en voit leurs pechez et mes dons de de moy? Certez ilz n'ont nulle voulenté ne aussi de honte, se on les cognoist, ne gloire.

mon paradis, pourtant gloire, qu'ilz recgoivent de celer leurs pechez, aussi de monstrer ma

Verité. - Hee, sans faille non, dit Verité, ilz en laissent convenir 4o le maistre, qui les cele ou monstre a sa voulenté. Et aussi font

les Ames, dont nous parlons; qui sont vaissel de telle eleccion: le Loingprés leur represente ce noble don. [74] Pourquoy Amour appelle ceste Ame par si petit nom comme "ame". - |Ixxaij. chappitre. «Amour. - Ores, Raison, vous demandez a nous pourquoy jay ceste Ame nommee par si petit nom comme est "ame". s Raison, dit Amour, pour la rudesse de vous lay je tant de foiz nomee par son surnom; et pource que on entend la glose par surnom, nous nous en somez aidez, et encore | ferons; mais

son droit nom est parfaictement noble. Elle a nom “pure”, “celestielle”, et “espouse de paix”. Car elle se siet ou fons de la ro vallee, dont elle voit le mont de la montaigne, dont elle voit la

montaigne du mont. Nul entredeux ne se peut la embatre; et la mect le sage, pour seureté, son tresor: est le don de divine amour d'unité; et ceste unité luy donne la paix et la pasture soubtive et merveilleuse du glorieux pays ou son amy 1r; demoure. Ses dangiers ne peüt mais fors vie glorieuse. C'est la pasture, dit Amour, de mon eslite espouse; c'est "Marie de paix",

et pource est “Marie de pax”, que Fine Amour

la paist.

[74] 16/19 Cfr. Lc. X 40-41.

[74] 12 la mect] zs. la la mect.

1-2).

seureté, son] +5 seureté. Son.

[74] 15 bere daungers mowen no more apeere, but gloriouse liif yhad. (309,

64v

SPECVLVM

20

73-74

207

Qualem uerecundiam habent ilii de paradiso, si uideantur eorum delicta et dona meae gloriae, quae recipiunt a meipso? Ipsi nullam uoluntatem habent abscondendi hoc aut ostendendi. Non utique. Ipsi permittunt magistrum facere, qui ostendit et abscondit sicut uult. Et ita faciunt animae de quibus loquimur, quae sunt uasa talis electionis. Longe propinquum repraesentat eis illud nobile donum. [74] * Nunc igitur, Ratio, petitis a nobis quare istam animam tam paruo nomine nominaul sicut est nomen animae. Ratio, dicit Amor, propter uestram ruditatem totiens ipsam nominaui per suum

cognomen;

e£ quia ves potest cognosci per suum

cog-

nomen iuuimus nos cognomine et adhuc faciemus, sed suum proprium nomen est ualde nobile. Ipsa enim uocatur fura, caelestialis, et sponsa pacis, quia sedet in fundo uallis, unde uidet cacumen IO

T5

montis, unde uidet montem

cacuminis. Nullum

intermedium

potest z//uc interuenire et ibi ponit sapiens pro

securo suum

thesaurum, hoc est dona diuini amoris | #nitatis;

et ista unitas dat sibi pacem et pastum subtilem et mirabilem gloriosae patriae, ubi suus moratur dilectus. Suum dongerium non potest aliquid amplius pati nisi solum uitam gloriosam. Hic est pastus, dicit Amor, meae electae sponsae. Haec est Maria de pace, quia semper habet pacem. Ipsa habet pacem a pace, quia purus amor eam pascit; propterea est ipsa Maria. Martha est

28 delicta..a meipso] peccata remissa aut dona gloriae eisdem collata D meae] me B abscondendi hoc] illa occultandi D 29 aut] nec D ostendendi] illa aZ. B, ista praez. D 30 non utique] dicit Amor add. C magistrum facere] operari magistrum D 31 sicut uult] sicut et quando uult D [74] 1 * De nomine proprio animae adnichilatae et de eius pastu. Capitulum 24.C | Nunc igitur] Igitur D ^ Ratio] dicit Amor aZ. C — petitis] uos prae. D 2 sicut] utique zdd. D — est] ut dicitis 447. D — nomen animae] - D 3 propter] hoc feci praez. D ruditatem] propter quam add. D 3/4 nominaui per suum cognomen] suo cognomine nominaui D 4/5 et quia res... 5 iuuimus] utimur C 4 potest cognosci] agnosci potest D cognomen] om. AB cognomine] ipso ad. D adhuc faciemus] ad hoc faciamus B sed] enim] proprio nomine D 6 nobile] admirabile D nichilominus add. D pura] puritas AC, purus D 7 caelestialis] caelestis C — et] oz. D fundo] 8 unde] et praez. B, de quo etiam montis unde] de quo D fondo C interuenire] cacumine D — 9intermedium] medium D — Zillud.4B,iliC 9/10 pro securo] tamquam in loco sapiens] haec prae». C interueniri D securo D — diuini amoris zz//a//;] diuini amoris unitas 74, unitatis diuini amoris 14 es£ pastus] - 74. — 15 habet] 13 pati] oz. B. 1Îlista unitas] - B CD est ipsa 16 purus] perfectus ABC ——— propterea] propter eum B om. B Maria] ipsa Maria B, ipsa est Maria C

208

MIROUER 74-75

Marthe, ce sachez, est trop empeschee,

et ne le scet mie. Ses

empeschemens la troublent, par quoy elle est loing de telle vie.

[75] Comment l'Ame Enluminee donne entendement des choses dessusdictes par exemple de trasfiguracion de Jhesucrist. - .Ixxu®. chappitre. - Hee, par Amour, dit Entendement de Divine Lumiere, or me dictes, entre vous qui

IO

avez de quoy vous repondre, que vous entendez en ce. L'Ame. - Je vous diray, dit l'Ame de Lumiere, que j'entens de ce. - Nous entendons, dient elles, que Jhesucrist se transfigura en la montaigne de Thabor, ou il n'y eut que trois de ses disciples. Il leur dist qu'ilz n'en parlassent et n'en dissent rien, jusques ad ce qu'il fust ressuscité. L'Ame Franche.

15

20

25

20

- C'est bien dit, dit ceste Ame

Franche aux |

sers de Nature qui pour ceste cause se cachent, vous m'avez donné le baston dont je vous vaincray. L'Ame. - Or je vous demande, dit ceste Ame: pourquoy Dieu fist ce? «Ceste qui se repond.> - Il le fist pour nous, dit ceste qui se repond. Et puisqu'il nous aprent ce,pourquoy ne le ferions nous? L'Ame. - Hee, brebiz! dit ceste Ame, que vostre entendement est bestial! Vous laissez le grain et prenez la paille. Et je vous di que, quant Jhesucrist se transfigura devant trois de ses disciples, il le fist afán que vous sceussez que pou de gens verroient la clarté de sa transfiguracion, et que il ne monstre ce sinon a ses espiciaulx amis; et pource en y ot il trois. Et encores ce advient en ce monde, quant Dieu se donne par ardour de lumiere en cueur de creature. Or vous savez maintenant pourquoy il en y ot trois. à Or vous diray pourquoy ce fut en la montaigne. Ce fut en demonstrance et signifiance que nul ne peut veoir les choses divines, tant comme

il se melle ou entremect

des choses tem-

[75] 9/12 Cfr. Mt. XVII, r-9.

[75] 18 se repond] #5 ce repond.

[75] 5/6 3ou bat haue of what to answere... schulen seie 3ou;

(309, 8-9).

7/8 And we

seien be soules of wit of nature, what we undirstande of

bis. (309, ro-x1). 25/27 And for bis hadde he pree, pat 3it it may be had, whanne God jiueb it to creatures bi feruour of brennynge charite. (309, 2425).

Gsr

SPECVLVM 74-75

209

nimis impedita; ideo nichil de hoc scit. Suum impedimentum turbat eam et ideo longe est a tali uita. [75] O per amorem, dicit Intellectus diuini luminis, dicatis mihi, Vos alii qui aliquid habetis ad abscondendum, quid in hoc intenditis. Et ego dicam uobis, Anima, dicit Intellectus diuini luminis, quid de hoc intelligo. Nos intendimus, dicunt Ipsi, quod quando Christus transfigurauit se in monte Thabor, ibi non fuerunt nisi tres de suis discipulis, et illis dixit quod nichil dicerent de uisione, donec

esset resuscitatus. Hoc est bene dictum, dicit haec Anima libera seruis naturae IO

15

20

qui propter hoc se abscondunt. Vos dedistis mihi baculum cum quo uos uincam. Nunc igitur peto a uobis, dicit haec Anima, quare Christus

fecit hoc. Ipse fecit propter nos, dicit Ista quae se abscondit. Et ex quo ipse docuit hoc, nos quare non faceremus? O pecora, pecora, d?cit haec Anima, quomodo intellectus uester est bestialis! Vos accipitis paleam et dimittitis granum. Et ego uobis dico quod, quando Christus transfiguratus est coram suis tribus discipulis, ipse fecit ad hoc, ut sciretis quod pauci w?dent claritatem suae transfigurationis et quod illud non ostendit nisi suis specialibus amicis. Et propter hoc fuerunt tres, quia adhuc poterunt esse, quando Deus dat se per ardorem luminis in corde creaturae. Nunc igitur scitis quare fuerunt tres.

Dicam uobis quare hoc fuit in monte. Quia nullus potest 25 uidere diuina, donec attaedietur omni re temporali, hoc est de

17 nichil de boc scit] de hoc nichil scit À, nichil scit de hoc D — 18 et ideo] om. D

[75] 1 dicit] ad abscondendum] libera] o». C om D peto]

ait D 1/2 mihi Vos alii] uos mihi alii B, mihi abscondendi À — 3 Anima] o» D 4 quid] ego 10 Vos] utique aZ. D —— dedistis mihi] - D — 12 petam C dicit] ait D 13 fecit hoc] - D

uos D 2 add. D 9 Nunc igitur] 14 dicit Ista

quae se abscondit] dicunt ipsi quia se abscondit C, dicunt illi qui se absconderunt

D 14/15 Et ex quo...faceremus] Et quare nos similiter non faceremus ex quo propter nos hoc fecit D quo ipse] o». C — 16 dicit baec Anima] om. ABD intellectus uester] - D 17 accipitis paleam] - D dimittitis granum] ut] quod D 18/19 suis tribus discipulis] tribus suis discipulis BD D BC spiritualibus specialibus] D o». suis] 21 D AB uiderent uident| 21/24 Et propter hoc...Dicam uobis] o» D — 21 adbw] ad hoc AC 22 fuerunt tres] poterunt] possunt C — 23 creaturae] o». C — igitur] ergo B Dicam uobis quare] o». B 24 Dicam uobis] dicit Anima add. C om. B 25 attaedietur] attendietur hoc fuit] fecit hoc D quare] Sed praem. D

B, elongetur et prae». D — 25/26 de minori quam sit Deus] de omni eo quod Dicam ergo uobis quare] ow. D —— ergo] igitur B est minus quam Deus D dixit] dicit AB, autem eis add. D

210

35

MIROUER

75-76

porelles, c'est assavoir de maindre chose que de Dieu. Or vous diray pourquoy Dieu leur dist qu'ilz n'en parlassent jusques ad ce quil fust ressuscité. En demonstrant que vous ne povez mot dire des divins secrez, jusques ad ce que vous ne puissez prendre vaine gloire; ne jusques a la n'en doit nul parler. Car de tant vous certiffie je, dit cest Ame, que qui a a | mucer ou cacher, il a a monstrer, mais qui n'a que monstrer, il n'a que cacher. [76] Icy monstre a l'exemple de la Magdelene et des sains que l'Ame n'a nulle honte de ses pechez. - .Ixxvj*. chappitre.

. O Deus, qualis pietas, quando malitia habet uictoriam de bonitate! Et ita es? de corpore et spiritu. Spiritus est a Deo creatus et corpus est a Deo formatum. Istae igitur duae naturae sunt simul iunctae per naturam et per iustitiam in corruptione, in fonte baptismatis sine | correptione. Et sunt bonae istae duae naturae diuina iustitia, quae fecit ipsas. Et quando defectus uincit zs/a» complexionem et istam creationem, quae factae sunt diuina bonitate, mirabilis est pietas, quantumcumque defectus sit modicus. Tunc turbamus in amaritudine et cogimus ad furendum contra nos illum qui non uult. Nullus est defectus qui paruus sit, et ex quo diuinae uoluntati non placet, oportet quod sibi displiceat. O Deus, dicit Notitia diuini luminis, quis est ille qui ausus est uocare paruum hoc? Ille qui quemcumque defectum paruum nominat, teneo quod numquam fuit bene illuminatus, nec unquam erit, nisi se ab huiusmodi aestimatione corrigat. Sed difficile est, ex quo uelle sui domini posuit in tali negligentia. Multum distat iste seruus ab illo qui suo domino seruit complete in omnibus, quae eius uoluntati placere cognoscit. [103] Sunt autem aliqui, dicit haec Anima, qui iuuant se de hoc quod dicit Scriptura, quod scilicet septies in die cadit iustus.

[102] 2 a corruptione detenta] corruptioni infixa D ^ corruptionis] detenta add. D ^ ubi] utique add D — 2/3 me stare oportet uelim nolim] uelim nolim me stare oportet D —— 3 ligem] legem B, uincam D correctionis] correptionis ABD, corruptionis C D sup.Z, conieci e textu gal. et angl. 4 quando] scilicet add. D 4/5 habet uictoriam de bonitate] omnino superat bonitatem D 5 es] om. AB, fit D — de corpore] in carne D — Spiritus] enim add D —— est a Deo] ab ipso] D 6 formatum| formatus À 7 iunctae] ructae B, o» D per naturam] naturaliter D in corruptione] concurrentes D 8 correptione] correctione À, corruptione BC, corruptione D.sup.1, fiunt add. C —— 9 diuina] ex praem. D fecit ipsas] ipsas condidit D 10 äaw]ista À complexionem] conditionem D 10/11 factae sunt diuina bonitate] diuina bonitate facta est

D 11 mirabilis] tunc prae. D — est pietas] - BCD — 12 in amaritudine 13 furendum] furiendum C —— os] et cogimus] et cogimus in amaritudine B 16/17 ausus est] ausus fuit D — 17 16 dicit] ait D — 4] illo 4 uos À paruum hoc] - D —— qui quemcumque defectum] quicumque defectum C, qui 19 aestimatione] erronea 18 bene] uere D defectum qualemcumque D in tali negligentia negligentia] tali in posuit C praem. D. — 20 sui domini] complete seruire et fideliter complete] seruit D talis iste] 21 posuit D — 22 quae eius uoluntati lacere cognoscit] qui cognoscit suae (eius C) studet D beneplacitum uoluntatis /4C, quae cognoscit suo beneplacito uoluntatis B aliqui] aliquid B [103] 1 autem] o». D Scripturas B — quod scilicet] - D

hoc] haec B

2 Scriptura]

38r

282

IO

15

20

25

MIROUER

103

Mais ceulx sont bien asnes, qui entendent que ce soit en nulle cause correccion. Correccion est, quant l'en chet en deffaulte du consentement de sa voulenté; et corrupcion est la grossesse de la complexion de nostre corps. Ad ce compte sembleroit il que nous n'eussions mie franche voulenté, se il convenoit pecher contre nostre voulenté sept foiz le jour. Il n'est mie ainsi, dit ceste Ame, la Dieu mercy; car il convient que Dieu ne soit pas Dieu, se vertuz m'est tollue malgré moy! Car nientplus que Dieu peut pecher, qui vouloir ne le peut, ne puis je pecher, se ma voulenté ne veult. Telle franchise m'a l'amy de moy de sa bonté par amour donnee. Et se je le vouloie, pourquoy ne le souffreroit il? Se il ne le souffroit, son povoir me touldroit franchise. Mais sa bonté ne le pourroit souffrir, que son povoir me deffranchist de riens; c'est assavoir que nul povoir me tollist mon vouloir, se ma voulenté ne s'i veult assentir. Or m'a sa bonté, par pure bonté, franche voulenté par bonté donnee; plus ne m'a il donné de quanquil a pour moy fait; le surplus,il m'a presté de sa courtoisie: se il le reprent, il ne me fait nul tort. Mais ma voulenté m'a il franchement donnee, et pource ne la peut il ravoir, se il ne plaist a mon vouloir. | Telle noblesse m'a le 86v

SPECVLVM

IO

15

283

Sed illi sunt bene asini, qui intelligunt guod huiusmodi casus sit ?n aliquo correctione digno. Correctio est quando quis cadit in defectum aliquem per consensum propriae uoluntatis. Corruptio uero est grossities complexiomis nostri corporis. * Secundum oc enim uideretur quod non haberemus liberum arbitrium, si oporteret nos peccare contra nostram uoluntatem septies in die. Non est ita, dicit haec Anima, si Deo placet, quia oportet quod Deus non sit Deus, si uirtus mihi auferatur me nolente. Quia ita parum sicut Deus potest peccare, quod est omnino impossibile, ita parum possum peccare, nisi uoluntas mea uelit. Talem libertatem dedit mihi dilectus meuws per amorem sua pura bonitate. Et si ego uellem, quare non sustineret ipse? Alias auferret mihi sua potentia libertatem. Sua tamen bonitas pati non posset, quod scilicet sua potentia 2» aliquo meam. frangeret libertatem, hoc est quod aliqua potentia auterret mihi meum

20

103

uelle, nisi mea uoluntas assentiret. Nunc autem sua

bonitas pura bonitate liberam uoluntatem per bonitatem mihi dedit. Plus non dedit mihi ipse de omnibus quae pro me fecit. Totum enim aliud $raetey meam. uoluntatem mihi accomodauit sua curialitate; et ideo si illud reaccipiat, nullam iniustitiam mihi facit. Sed uoluntatem meam mihi libere dedit, et ideo illam

rehabere non potest, nisi »e0o uelle placeat. Talem nobilitatem

3 sunt £eze asini] sunt asini 4, bene sunt asini D 3/4 quod buiusmodi casus si in aliquo] qui hoc sit :4, quod haec sit B, quod hoc sit C 4 correctione] correptione CD — digno] dignum BC Correctio] Correptio C, seu defectus

correctione dignus add D 5 defectum aliquem] culpam aliquam D per consensum propriae uoluntatis] propriae uoluntatis elatione D —— 5/6 Corruptio uero] Corruptio seu defectus ex corruptione proueniens D — 6 grossities] ipsa complexionis mostri corboris| corporis uel (nisi B) complexionis ABC praem. D 7 * Credo quod non approbaretur hic libellus pro typo, quia nimis altus pro

Hoc enim) - ABC simplicioribus uel quasi scandalosus D.warg. et alia manu. 8 si] sed C — 8/9 peccare contra nostram uoluntatem septies in die] septies 10 9 si Deo placet] oz. D in die contra nostram uoluntatem peccare D 11/12 est omnino mihi]a me C — 11 nolente] uolente B — Quia] Nam D impossibile] omnino impossibile est ei D — 12/13 uoluntas mea uelit] mea uelit 12 in 13 eus] om. A, animae meae D — 14 quare] quam B uoluntas D add. enim Alias] 15 B amaritudine et cogimus] et cogimus in amaritudine potentia sua mihi auferret —— C me a auferret B, mihi auferret mihi] auferet D 15/18 libertatem] libertate B (propria B)] sua potentia mihi auferret D 16/17 z 16 scilicet] oz. C Sua tamen bonitas...uoluntas assentiret] oz. D 17 aliquo meam (mea B) framgeret libertatem, boc est quod aliqua potentia] om. .A auferret mihi] auferet mihi B, a me auferret C — 19 per bonitatem] o». D — 20 mihi ipse] - BC — 21 ex] om. A —— aliud praeter seam uoluntatem| aliud a mea uoluntate 44, oz. B, aliud nisi meam

uoluntatem C

21/22 accomodauit sua

curialitate] sua curialitate accomodauit D —— 22/23 iniustitiam mihi] - D — 23 nobilitatem] uoluntatem B et ideo] ideo D — 24 »e] meum AB

284

MIROUER

103-104

pardessus de l'Amour de sa bonté par amour donnee, que jamais ne me peut hors de luy tollir la franchise de mon vouloir, se je ne vueil. [104] Icy $arle l'Ame comment voulenté. - .Civig°. chappntre.

Dieu luy a donné sa franche

«L'Ame.^ - Voyez comment il m'a franchement donné ma franche voulenté. J'ay dessus dit, dit l'Ame, que il m'a plus aultre chose donné; mais pourroit l'en entendre, en ce disant,

que il ne m'ait mie tout donné, veu qu'il ne m'a donné fors franche voulenté, et presté les autres choses. Certes, ce seroit

IO

mal entendu, car tout m'a il donné; il n'eust peu avoir rien retenu, sans moy; et ce conferme Amour, qui dit que ce ne seroit mie amour de amy, se elle ne estoit ytelle. Car en ce qu'il m'a donné de sa pure bonté franche voulenté, m'a il tout donné,

se ma voulenté veult: il ne tient ailleurs, je suis de ce certaine. Crainte. - Et en quoy, pour Dieu, dame Ame, vous a il tout 15

donné? dit Crainte. L'Ame. - En ce, dit l'Ame, que je luy ay donné franchement ma voulenté, sans nulle retenance, nuement,

pour sa bonté et

pour sa seule voulenté, ainsi comme il la me donna de sa divine voulenté, pour mon prouffit, de sa bonté divine. Or ay dit, dit ceste Ame, que il convient que Dieu ne soit pas Dieu, se vertuz

[104] 13/14 À, hou for God?, seip drede. (329, 32).

SPECVLVM 25

103-104

285

mihi dedit praeuentio amoris suae bonitatis; unde nullus minus fortis illo potest mihi auferre libertatem mei uelle, nisi uelim. [104] Videtis enim quomodo hoc | mihi libere dedit. * Dixi superius, d?cit haec Anima, quod nichil mihi plus dedit, sed posset ex hoc forte intelligi in hoc dicendo quod non dedisset mihi totum, ex quo non dedit mihi nisi liberam uoluntatem, et

alia accomodauit. Immo ^ro certo totum mihi dedit; ipse nichil potuit retinere sine me, quia amor hoc requirit. Alias enim non esset hic amor amici, nisi esset talis. Quia in hoc quod dedit mihi sua pura bonitate liberam uoluntatem, dedit ipse mihi totum, si mea uoluntas uult, et non restat in alio; de hoc sum IO

certa. Et in quo, pro Deo, Domina Anima, dicit Amor.

In hoc, dicit Ipsa, quod ego dem libere meam uoluntatem, absque eo quod aliquid retineam de ea, nude propter suam bonitatem et propter suam solam uoluntatem, sicut ipse illam 15 donauit mihi sua diuina wo/untate propter meam utilitatem sua diuina bonitate. Dixi igitur, ait haec Anima, quod oportet quod Deus non sit Deus, si mihi uirtus 20

auferatur,

me

non

assentiente.

Haec

est

ueritas. Nichil est certius quam istud, scilicet quod Deus est; nec aliquid certius isto, scilicet quod uirtus non auferatur mihi,

25 amoris] oz. B, sui praez. D —— suae bonitatis] o» D illo] eo debilior D — 26 mihi] a me C

25/26 minus fortis

[104] 1 hoc] haec B mihi libere] libere B, libere mihi C 2 * Quod uirtus ab homine auferri nequeat nisi metipse uelit. Capitulum 34. C — 4z baec JAnima| om. ABD mihi plus] - D — 3 posset ex hoc forte intelligi] ex hoc forte intelligi posset D in hoc dicendo] o» D — 4 ex quo] scilicet a4. D 5 alia] aliam B, cetera omnia solum DD pro certo fotum mibi dedit] certe fecit ABC — 6 requirit] exigit D — enim] oz. D — 7 essez] est AB —— hic] ox. D nisi]scilicet add. D — esset talis] - D — 7/8 dedit mihi...uoluntatem] in sua pura bonitate liberam contulit uoluntatem D 8 liberam] suam przez. B 9etnon]nonD inalioJaliud D — 9/10 de hoc sum certa] hoc certissimum scio D 11 in quo] consistit istud uelle uestrae uoluntatis a7. D — Domina] om ABC dicit] ait D — 13 absque eo quod...de ez] nichil simpliciter de ea retinendo D ea] eam 74, ipsa C — nude] unde B, sed unde eam sibi dando D 14 suam solam] - D 15 donauit mihi] - D uoluntate| bonitate À eras. uoluntatem A 15/16 sua diuina bonitate] et suam diuinam bonitatem D . 17 quod oportet] quia oportet B 18 mihi uirtus] - BD, a me uirtus C auferatur] non praez. B me] in hoc add. D | assentiente] consentiente D Haec] Hoc BCD 19 ueritas] uerum D est certius] enim certius B, certius est C — quam istud] isto D —— 20 nec aliquid] nec aliud B, et nichil non auferatur mihi] non auferat mihi B, non isto scilicet] istos B est D auferatur a me C, mihi non auferatur D

38v

286

MIROUER

104-105

20 m'est tollue malgré moy. C'est verité. Il n'est plus certaine chose, que ce que | Dieu est, ne plus incertaine chose, que vertuz me 87r soit tollue, se ma voulenté ne veult, et ce est bien loing de ce

que l'Escripture dit, que le juste chee en cause de correccion sept foiz le jour. [105] Que c'est a dire, que le juste chet sept foiz le jour. - .Cu®. chappitre.

- Je vous diray, dit Verité, que c'est a dire, que le juste chet sept foiz le jour. C'est a entendre, quant la voulenté 5 du juste est toute donnee, sans aultre empeschement, a contem-

pler la divine bonté, que, par la nourriture du peché de Adam, le corps est foible et endui a deffaultes; et pource s'encline souvent a entendre maindre chose que de la bonté de Dieu; et ce appelle l'Escripture cheue, car aussi est ce; mais la voulenté r du juste se garde de consentir a la deffaulte, qui de telle inclinacion pourroit naistre. Si que telle cheue, ou le juste chet par l'inclination devant dicte, est plus vertuz a luy que ce n'est vice, pour sa voulenté qui demoure franche par le refusement de toute deffaulte, comme dit est. Or povez vous entendre i; comment le juste chet de si hault si bas, et comment celle cheue, pouse qu'elle soit basse, est plus vertuz a luy que ce n'est vice. i Or entendez. Puisque le juste chet sept foiz le jour, donc convient il quil soit elevé sept foiz, ou il ne pourroit decheoir

[105] 3/4 Prou. XXIV 16.

[105] IN so it enclyneb ofte to tende to lasse bing ban is be bounte of God. 330, 7-8).

SPECVLVM

104-105

287

nisi mea uoluntas hoc uelit. Et hoc est bene longe ab illo quod dicebatur, scilicet quod iustus septies in die cadit in defectu correctione digno. [105] * Dicam uobis, ait Veritas, quid est hoc dictum quod Scriptura dicit quod septies in die cadit iustus. Hoc est dictum qu4od quando uoluntas iusti est omnino data et dedita absque omni impedimento contemplationi diuinae bonitatis, sequelam primi parentis corpus debile ad defectus est MA propter inclinatum. Et ideo aliquando et frequenter trahit mentem iusti ad contemplationem seu ad intelligendum aliquid minus Deo. Et istud uocat Scriptura cadere, quia ita est. Tamen uoluntas iusti custodit se bene ne consentiat defectui et culpae, quae ex tali IO inclinatione posset oriri. Tia quod talis casus quo iustus cadit ex inclinatione supradicta, est magis uirtus ipsi iusto quam sit witiwm propter suam uoluntatem, quae remanet libera propter fugam omnis defectus, sicut dictum est. Potestis igitur uidere quomodo iustus cadit de ita alto in ita bassum. Nunc intelligatis! Ex quo iustus septies in die cadit, oportet 25 quod releuetur septies similiter; alias cadere non posset septies.

21 nisi mea uoluntas hoc uelit] oz. D Et hoc est bene longe] Et hoc bene longe est C, Hoc igitur longe distat D 21/22 quod dicebatur] o». D 22 scilicet quod] - B iustus septies in die cadit] iustus septies cadit in die C, septies in die cadit iustus D —— in defectu] in culpam seu defectum D 23 correctione] correptione BCD digno] dignum D [105] 1 * Videtur haec expositio esse contra omnes Doctores. D, arg. e£ a/ia Many.

hoc dictum] de hoc add. A, dictum de hoc B, hoc dicere C, dictum

hoc D 2 in die cadit iustus] cadit iustus AB, cadit iustus in die C 3 dictum] o». C qguod]om. ACD quando]oy. B est omnino data et dedita] omnino est data et debita B, est libere et penitus contemplationi dedita D

4

absque omni..bonitas] o». D ^ 5 propter] et prae». C —— primi parentis] culpae primi parentis Adae D — debile] infirmum et fragile D —— 6 ineznatum] inclinatus 44A, promptum D aliquando et frequenter] ut plurimum D 7 ad contezz-

plattonez...minus Deo] et se inclinat ad intendendum alicui quod est minus Deo et eius contemplationi D ad contemplationem seu] a contemplatione seu À, à contemplatione sua C 8 uoluntas iusti] mens iusti et eius uoluntas D 9 custodit se bene] bene se custodit C, se optime custodit D ^ consentiat defectui et culpae] culpae et defectui consentiat D —— quae] qui D — 10 inclinatione]

et promptitudine add. D oriri] euenire D la quod] Itaque AB 11 supradicta] praedicta D magis] magna B — sit] o». C 12 xitum] uitio À, culpaD — 12/13remanet libera...defectus] libera remanens fugitomnem defectum D sicut] ut D 14 quomodo iustus..ita bassum] e» D ita alto] tam alto C — in ita]ita B, intam C 15 Nuncintelligatis] o. D Ex quo...cadit] quomodo septies in die cadit iustus D —— 16 releuetur septies similiter] similiter septies releuetur D alias] aliter C, enim add D —— cadere non posset septies] septies cadere non posset D

288 20

MIROUER

105-106

sept foiz. Celluy est beneurez, qui souvent en chet, car il se ensuit qu'il en viengne, voire, de la ou nul ne vait, se dlem'ara

bon droit le nom de juste; mais pourtant |plus eureux est celluy qui tousjours y demoure. Nul n'y peut tousdis estre, tant comme lame est acompaignee de ce meschant corps en ce monde; mais celle cheue ne fait mie perdre paix par repren25 nement ou remors de coscience, que l'Ame ne vive de paix des dons qui luy sont donnez par dessus les Vertuz, - non mye contre 20

les Vertuz, mais dessus.

Si ce ne pourroit

estre, donc

seroit Dieu subject a ses Vertuz, et les Vertuz seroient contre l'Ame, qui ont estre de leur seigneur, pour le prouffit de luy. [106] Comment chappitre.

l'Ame dit la somme

de ses demandes.

- Cu].

«L'Ame.^ - Ores, dit ceste Ame, je diray la somme de mes demandes, es quelles demandes la requeste de mes demandes seroit a somme acomplie; non mye, dit ceste Ame, pour chose que je sache demander ce que je demande ou que je veulx demander, car tous les ordres des anges, ne tous les sains ne les sainctes qui en ces ordres sont, ne le scevent IO



mie demander;

donc ne le sauroit demander le .x*. estat, qui est en gloire sans estre en nul de ces ix. ordres, puisque ceulx des ordres ne le scevent mie. Raison. - Et que savez vous, dame Ame? dit Raison. L'Ame. - Cy fais, Dieux! Amour. - Elle le peut bien savoir, dit Amour, par la divine nature du traiement de son amour, qui elle forme ses demandes, sans qu'elle sache; et ses demandes sont hors de tous

pays, ou creature peut avoir cognoissance.

[105] 28 ce] zs. se. [106] 3 de] zs. des.

[106] 13 ...

29 ses] zs. ces.

87v

SPECVLVM

20

25

105-106

289

Ille est beatus qui frequenter sic cadit, quia sequitur quod ueniat de statu de quo cadit, ad quem nullus utique eleuatur nisi sit nomine iusti dignus. Sed tamen beatior est qui continue stat ibi. Istud continue seu semper s/are non potest esse, quamdiu anima est corpori coziwncta in hoc mundo. Tamen ille casus non aufert pacem animae per conscientiae remorsum, nec impedit quin anima semper uiuat | uita pacis ex donis sibi datis supra uirtutes; non contra wrtutes, inquam, sed supra uirtutes. Si enim istud fieri et esse non posset, ergo Deus subiectus esset suis uirtutibus et ipsae uirtutes essent contrariae animae, quae hoc esse habent a Deo propter utilitatem ipsius, scilicet animae. [106] Nunc, dicit ista A177, dicam summam mearum interrogationum. Non tamen quod sciam propter hoc interrogare seu petere id quod peto uel interrogo, quia omnes nouem ordines angelorum, nec etiam omnes sancti et sanctae quae in eis sunt,

hoc nescirent. Ergo minus sciunt illi qui sunt in decimo ordine seu in decimo statu gloriae, qui in nullo ordinum sunt, quando illi qui 2» ?5sis ordinibus sunt haec ignorant. RATIO. Quid scitis, Domina Anima, dicit Ratio. IO

Scit utique, dicit Amor. Diuina natura tractu sui amoris est quae in ea format absque scientia suas quaestiones seu interrogationes. Et istae interrogationes sunt extra omnem patriam, in qua creatura potest habere notitiam.

18 ueniat de statu] reueniat ad statum C

19 nomine iusti dignus] dignus

nomine iusti D 20 stat ibi] o». B, - C Istud continue] oz. B, Sed praez. D stare] om. ABC 21 coniuncta] om. AB, corruptibili unita D in hoc

mundo] oz. D; Tamen ille] Ille autem D

22 per conscientiae remorsum] ex

conscientiae remorsu D 23/24 sibi datis supra uirtutes] supra uirtutes sibi collatis D 24 non contra... supra uirtutes] Supra uirtutes dico, non contra uirtutes D uirtutes] uirtutem À inquam] unquam C 25 fieri et esse] 25/26 subiectus esset suis uirtutibus] suis uirtutibus foret esset aut fieri D 26/27 et ipsae uirtutes...scilicet animae] o». D — 27 oc esse] om. subiectus D

AB

habent] habet BC

scilicet] oz. C

[106] 1 Nunc] igitur dd D

Anima] om. ABD

3 id] illud € ^ uel

sciunt] omnes] nec D — 5 nescirent] scirent B, sciunt D interrogo] o. D statu decimo in seu ordine 5/6 D illi] sancti add. hoc scire possunt D

gloriae] ordine seu statu gloriae C, gloriaestatu D — 6quiin]etinD ^ ordinum

sunt] ordinum est C, dictorum ordinum collocantur D

7 in ipsis ordinibus sunt]

8 format absque scientia suas] dicit] ait D — 10 dicit] ait D — 11 quae] qui B format ab scientia suas C, absque scientia suas format D ^ quaestiones seu] 13 in qua]ubi D — potest habere notitiam] om. D | 120mnem]omnes B notitiam habere potest D qui sunt (sint C) infra ordines collocati ABC

haec] et hoc C, hocD

39r

290

20

L'Ame.- Quelle merveille? nul, fors cil qui je suis, qui en secrete, qui est oultre paix; Ce traiement fait sa bonté amour nouvelle. Mais de ce moy,

25

MIROUER

106-107

dit ceste Ame. Pourquoy le sauroit 88r moy est ce mesmes? C'est l'Amour la est m'amour encree, sans moy. pour moy, qui me donne tousdis qu'il est ce de luy en moy pour

ne de ce que je demande,

sans

demander

de moy,

du

traiement de sa pure nature, je n'en puis nient savoir, dit ceste Ame: non font pas tous ceulx de gloire, fors celluy seul qui est ung en Deité et tiers en Personnes. Amour.

- Mais en ce, dit Amour, qu'elle a dit qu'elle dira la

somme de ses demandes, c'est a dire, que qui a ce qu'ell a, dira. En verité, elle a ce que on ne peut dire ne penser, fors 20

Dieu, qui tousdis la oeuvre de son oeuvre, sans son oeuvre, de sa divine bonté, c'est a dire, sans l'oeuvre de ceste Ame.

[107] Icy commencent les demandes de l'Ame. - .Cvij*. chapfntre.

VA

IO

«La premiere demande.> - La premiere chose qu’elle demande, est que elle se voie tousjours (se ainsi est qu'elle voie nulle chose) ou elle estoit quant Dieu fist de nient tout, et si soit certaine que elle n'est aultre chose que ce - quant est d'elle -, ne ne sera sans fin, pouse qu'elle n'eust oncques meffait a la bonté divine. La seconde demande. - La seconde demande est qu'elle voie qu'elle a fait de sa franche voulenté, que Dieu luy avoit donnee; si verra, que elle a a Dieu | mesmes sa voulenté tollue, en ung 88v

[06] 31 bis is to seie, wiboute be werk of bis soule, and for bis seib sche bat sche schal seie be summe of hir demaundes, for bis bat a soule suffre hir not to be disceyued for nobing pat may falle, but pat sche kepe bis, and pis is bat sche se bese tweyne. (33r, 6-9).

SPECVLVM I5

20

25

30

106-107

201

Quid mirum, dicit haec Anima. Quare sciret aliquis extra eum cuius sum uel de quo sum, qui in me est idipsum? Hic est amor secretus, qui est ultra pacem. //lic est amor meus infixus, inancoratus sine me. Illum attractum facit sua bonitas pro me, qui hi dat quotidie amorem nouum. Sed de hoc quod ipse est, hoc est de se in me pro me, nec de hoc quod peto sine petitione »ea seu non petendo de me, sed de tractu suae purae naturae, nec ego possum aliquid scire, dicit ista Anima, nec omnes illi de gloria, excepto illo solo qui est in essentia unus et trinus in personis. Sed in hoc, dicit Amor, quod ipsa dixit quod diceret summam suarum interrogationum: hoc est dictum quod qui habet hoc in ueritate quod dicet, habet illud quod dici aut cogitari non potest nisi a Deo, qui semper operatur :7» ifsa suo opere, absque eius scilicet animae opere, sua diuina bonitate. Et ideo dicit ipsa quod dicet summam suarum interrogationum propter hoc, ne anima permittat se contentari pro aliquo, * scilicet bene custodiat se. [107] Et istud sit quod petat primum, uidelicet quod uideat se continue, si aliquid uideat, ubi erat quando de nichilo Deus fecit

aliquid. Et sit certa quod 7fsa nichil aliud est quam id, quantum de se est; nec erit, scilicet de se, in aeternum, dato etiam quod VA

numquam aliquid fecisset contra diuinam uoluntatem. Secundum est quod uideat quid fecit de libera uoluntate quam sibi Deus dedit, et uidebit quod ipsimet Deo abstulit

14 dicit] ait D — 15 uel (zz. C) de quo sum] oz. D quijet qui C 16 lie] Illuc AB, Ibi D infixus] infuxus B, oz. D 17 inancoratus] et praez. C, quietatus D 18 qui] quae C hi] om. A dat quotidie] continue dat D . amorem nouum] - D quod] quam B 19 hoc est] hoc D 20 zzea] om. À sed] ox. D 21 scire] dicere seu praem. C — illi] angeli C 22 de gloria] qui sunt in gloria D in essentia unus] - D 24 summam] summa B 25 dictum] intelligendum C 26 quod dicet] quod scilicet D | habet illud] ipsa przez. C ^ dici] dicere B cogitari] cogitare AB —— 27 semper] oz. D opetatur zz zpsg] operatur ipsam 4, operatur illum B, illud operatur C 27/28 eius scilicet] ipsius D opere] operatione D sua] oz. B dicit] dixit C 29 summam] summa B ne] scilicet 247. D 30 permittat se conteníar?| permittat se contemptari 74, permittatur eum percunctari D pro aliquo] in aliquo seu przez. D * Hic mures roderunt originale et sic accidit aliis in locis similibus. D, zzz. 30/2 scilicet bene...aliquid uideat] oz. D [107] 2/3 de nichilo Deus fecit aliquid] Deus fecit de nichilo aliquid BC, Deus aliquid de nichilo fecit D — 3 sit certa] sic erta om. ABC id] illud quod tunc erat D 4 de se est] est de se dato etiam] erit.in aeternum] nec unquam erit aliud de se D aliquid] e». C — 6Secundum]Sed B —fecit]oz. D — 7quod]quiaB ipsemet B, ab ipsomet Deo C, ipsi Deo D

(nichil B) B —— zpsa] D nec 5 - D ipsimet]

7/8 abstulit suam] - D

292

MIROUER

seul Dieu Dieu mie,

moment de consentement hait tout peché, et qui se sa voulenté. C'est verité, et qui est contre sa divine

107-108

de peché. C'est a entendre, que consent a peché faire, il toult a car il fait ce que Dieu ne veult bonté.

[108] Une belle consideracion pour eviter peché. - Cui}. chappitre.

IO

I5

20

Or doit l'Ame regarder la debte d'ung seul meffait, pour veoir combien elle doit de deux meffais, se deux foiz y est cheue. La Lumiere de l'Ame. - Deux foiz? dit la Lumiere de ceste Ame. Vroiement, nient plus que on pourroit nombrer quantes foiz j'ay reprins mon alaine, nient plus, mais encore moins, pourroit nul nombrer quantes foiz j'ay tollu a Dieu sa voulenté. Tant de temps, comme j'ay eu voulenté, je n'ay fini; ainsi ay eu voulenté perdue, jusques ad ce que je l'ay eu rendue a celluy nuement qui donnee la m'avoit de sa bonté franchement. Car, qui bien fait, et il voit ung greigneur bien lequel il peut faire, se il luy est demandez et y ne le fait, il peche. Regardez donc que vous devez de l'une de voz deffaultes, et vous trouverrez que vous devez autant a Dieu pour une de voz deffaultes comme sa voulenté vault, que vous luy avez tollue en vostre voulenté faire. Or regardez, pour mieulx entendre, quelle chose est la voulenté de Dieu. C'est toute la Trinité, qui est une voulenté; donc est la voulenté de Dieu en Trinité une divine nature; et tout

ce doit l'Ame a Dieu d'une seule deffaulte. Nous ferons aucune similitude, pour bestiaux entendemens. Prenons 25

que ceste Ame,

qui est nient, | fust ores aussi riche

comme Dieu est; si elle vouloit estre quicte de sa debte qu'elle doit, et Dieu paier ne plus ne moins ce qu'elle luy doit d'une seule deffaulte, encores demourroit

[108] 9 fini] zz. fine.

ceste Ame nient, et si de-

19/20 C'est ... de Dieu] zs. bis repetit.

89r

SPECVLVM

IO

IO

15

20

107-108

293

suam uoluntatem in solo uno momentaneo consensu unius peccati. Hoc est dictum quia Deus odit omne peccatum, et qui consentit facere peccatum, tollit Deo suam uoluntatem. | Haec est ueritas, quia talis facit id quod Deus non uult et quod est contra diuinam bonitatem. [108] Debet igitur anima considerare debitum unius solius culpae ad uidendum quid debet de duabus, si bis cecidit in culpa. Bis, dicit Lumen huius animae. Ita parum sicut posset «merari quotiens resumpsi anhelitum seu quotiens respiraui, ita parum, immo minus posset numerari quotiens Deo suam abstuli uoluntatem. Quamdiu enim uoluntatem habui, non cessaui donec omnino uoluntatem perdidi et nude illi eam reddidi, qui mihi eam dederat libere sua bonitate. Quia qui bene facit et cognoscit aliud quod melius fieri posset, si uocatur ad illud faciendum et non facit, peccat. Videatis zgztur quid de uno uestrorum defectuum debetis, et uidebitis quod tantum Deo debetis pro uno defectu solo, quantum sua uoluntas ualet quam sibi abstulistis in faciendo uestram uoluntatem. * Nunc autem ad melius intelligendum uideatis quid est diuina uoluntas. Haec est tota Trinitas, quae est omnino una uoluntas. Ergo uoluntas Dei est in Trinitate una natura diuina; et totum istud debet anima Deo pro uno solo peccato uel defectu. Nos faciemus partitionem seu diuisionem propter bestiales intellectus. Accipiamus quod ista anima quae nichil est, esset ita diues sicut Deus. Si uellet esse immunis a suo debito quod debet, et Deo satisfacere solum de hoc quod sibi debet pro uno solo defectu,

remaneret

ista omnino

8 solo uno] - D 9 dictum ow. C C uoluntatem] diuinam prae. D intellectus diuini amoris adZ. C

nichil. Remaneret

omne] omnem A Haec] Hoc BC

etiam

10 Deo] a Deo 11 ueritas] dicit

[108] 2 quid debet] om. ABC duabus] duobus À cecidit in culpa] in culpam est lapsa D — 3 dicit] ait D posset ##werari] posset mirari /4, numerari posset D 4 resumpsi anhelitum] - D seu quotiens respiraui] o» D 5/6 Deo suam abstuli uoluntatem] Deus abstulit suam uoluntatem 74B, a Deo abstuli suam uoluntatem C 7 omnino uoluntatem] - B et nude...reddidi] oz. B illi eam reddidi] eam reddidi ei C, eam sibi reddidi D —— 8 eam] prius illam D bonitate] sola prae. D ^ 9 quod melius] - C 10 zgzur| o». ABC quid] qui À 11 et uidebetis...debetis] oz. B 12 sibi] ab eo C 14* Ad quod debitum pro solo uno delicto anima obligetur Capitulum 35. C melius] hoc praex. D 15 Huec est] Hoc est 24, est enim C omnino] intusD . 16in Trinitate una natura diuina] ipsa deitas in Trinitate personarum 17 istud] dicit Veritas aZ. C ^ Deo] o». D — peccato uel] o». BD una D 18/22 Nos faciemus...omnino nichil] o». D — 18 partitionem] petitionem B etiam] 22 omnino] anima B 21 Deo] Deus B 19 intellectus] om. À omnino D

294

30

95

MIROUER

108-109

mourroit en nient, - pouse que d'elle mesmes elle ne fust pas nient, et pouse encore que elle eust de sa riature ce mesmes que Dieu a - se ainsi estoit que elle eust voulu une deffaulte faire; et pource encore ne luy demourroit il nulle chose pour la soustenir, que il ne luy convenist par force de droit que elle alast a nient, ains qu'elle fust quicte de sa deffaulte, si rigour de justice estoit paiee. Et que pourroit donc dire Verité, se elle vouloit parler des aultres pechez, dont il n'est nul nombre, quant l'en peut dire d'ung seul, se elle veult droit dire? Et dire l'esconvient, car elle

mesmes est droit, et nulle aultre chose que droit. L'Ame.

- Hee, Ame, dit ceste Ame

a elle mesmes,

se vous

aviez tout ce que cest escript devise, encore ne luy donneriez 40 vous nient, ainçoys seroit sien par debte, ains que vous fussez quicte. Et combien doy je donc, dit ceste Ame, des aultres, quant il n'est nul qui les sceust compter, fors Justice et Verité? Helas, dit ceste Ame, je doy telle debte, et devray sans fin et sans descompt. Car avant que je deusse nient, n'avoie je nient, 45 ce savez vous et voiez. Et Dieu me donna voulenté pour faire sa voulenté, pour gaigner de luy luy mesmes. Helas, et j'ay mis avec ma pouvreté la grant | pouvreté de peché, mais de pechez que nulz ne scet, fors Verité seule. [109] Comment 1'Ame s'esbahyst de ce qu'elle ne peut suffisanment satisfaire pour ses deffaultes. - .Cix*. chappitre.

«L' Ame. - Aye, aye, aye, Dieux! dit ceste Ame, qui suis je donc maintenant, quant je n'estoie nient, ains que je deusse 5 nient? Qui suis je donc, quant j'estoie nulle chose ains que je

89v

SPECVLVM

108-109

295

ista in nichil, posito etiam quod de se non esset nichil, immo 25

de natura sua haberet id quod Deus habet, solum quod uoluisset unum peccatum perpetrare. Nichil penitus sibi remaneret, quinimmo per uim iuris et iustitiae oporteret quod in nichilum reuerteretur, antequam esset immunis a sua culpa, si satisfaceret rigori 1ustitiae.

30

Quid ergo posset dicere ueritas, si loqui uellet de suis aliis peccatis quorum nullus est numerus, quando istud potest uere dici de uno solo, maxime si secundum rigorem loqui uellet. Et utique sic loqui oportet, quia ipsa ueritas est iustitia et nichil aliud quam iustitia. ANIMA. O Anima, dicit haec Anima s?bi ifsi, si haberetis totum

quicquid dicit istud scriptum, nichil sibi daretis; immo esset totum suum ex debito, antequam quietari possetis. Quid ergo, ait haec Anima. Quid debeo, inquam, de aliis defectibus, quos nullus numerare sciret nisi solum ueritas et iustitia, quibus debeo tale debitum et debebo sine fine absque omni discomputo. 40 Quia | antequam aliquid deberem, nichil penitus habebam; hoc uidetis! Et Deus mihi dedit uoluntatem ad faciendam suam uoluntatem et ad lucrandum cum ea semetipsum. Et ego addidi priori meae paupertati maximam paupertatem peccati, immo peccatorum quae nullus scit nisi so/a ueritas. 35

[109] Heu, heu, heu, dicit haec Anima!

nichil essem,

antequam

Qwd ergo sum ego, cum

aliquid deberem?

Quid sum

ego, cum

23 immo] si 242. D sup. /. 24id]illud D — 24/25 uoluisset unum peccatum perpetrare] unum uoluisset perpetrare peccatum D 25 penitus sibi] - D 25/26 quinimmo] quidni? immo C, immo etiam D 26 per uim] paruum B 27antequam| aut quod À — esset immunis a sua culpa] a commissa culpa foret immunis D si satisfaceret] plene satisfaciendo D 28 rigori iustitiae - BD 29 posset dicere] - D — 30 peccatis quorum] offensis quarum utique D 30/31 potest uere dici] uere dicere potest C, uere dicimus D 31 solo] defectu add. D maxime] oz. C, et praez. D — 31/32 Et utique sic] Qualiter utique D 32 est iustitia] - D et] immo D 34 dicit] ait D haec] or. AB, ipsamet C shiips]sibiipsa AB 35 dicit istud scriptum] istud scriptum dicit D 36 esset totum suum ex debito] totum ex mero debito suum esset D antequam quietari possez;] antequam quietari posset AB, om. D —— 37 ergo] igitur D ait haec Anima] oz. D inquam] oz. D 38 sciret] scit B, aut posset add. D solum ueritas] - D 39 debeo tale debitum] tale debitum debeo D ^ discomputo] discompoto 74, discompito B — 40 aliquid] nichil B hoc] haec B 41 mihi dedit] - D faciendam]- faciendum B 42 lucrandum]lucrando B ^ e4]eo 4B Et ego] Ego uero D ^ 43 priori meae] posteriori meae B, meae

priori D

maximam]

meam

add. A

44 sola] oz.

ABC [109] 1/2 Quid ergo...aliquid deberem] om. A. — 1 Quid ergo] Quid igitur B nichil essez] esset nichil B aliquid] nichil B — sum ego] inquam sum D

2

40r

MIROUER 109

296

deusse a mon Dieu aucune chose, par oeuvre de ma propre voulenté? Et seroie encore nulle chose, se j'avoie ce mesmes que dit ce livre, la ou il parle de la similitude que vous avez oyé, ains que je fusse acquictee d'une de mes deflaultes, sans ro plus, sans plus, sans plus! Or n'ay je en moy ne cela, ne aultre chose, ne ne puis avoir Et si je l'avoie, si voiez vous qui je seroie, quant je seroie d'ung peché acquictee. Or n'eu je oncques nient, ne gaigner ne puis de moy, ne nul ne me peut nient donner, pour paier mes debtes. : X Hee, Verité, dit ceste Ame, qui suis je? Je vous prie que le me diez. Verité.

- Vous

estes nient, dit Verité, des avant

que vous

m'eussez nient forfait de ce que je vous donnay. Or estes vous une aultre, car vous estes moins que nient, par tant de foiz, dit 20 Verité, comme vous avez aultre chose voulu que ma voulenté. L'Ame. - C'est voir, dit l'Ame, verité en verité; et nulle aultre

chose ne suis je, je le sçay bien, et le tien de vous, Verité, dit ceste Ame. Je ne sçay aultre chose mieulx que, se 1l estoit ainsi que Dieu prensist droit d'ung de mes pechez, | sans gor 25 misericorde, je ne devroie pas souffrir moins de tourment sans fin, que il a de puissance. Mais, se vous estes droicte Verité, dit

l'Ame Meffaicte, et Justice roide et rigoreuse, Debonnaireté et Misericorde, qui sont voz seurs germaines, doulces et courtoises, demourront pour moy envers vous pour toutes mes debtes, et 3o en ce, dit ceste Ame, me apaise je. Laquelle qui m'ait de ces seurs, il ne m'en chault, c'est ma plaine voulenté: ou Justice, ou Misericorde, ou Verité, ou Debonnaireté. Il ne me chault en

laquelle partie de ces deux je enchee, tout m'est ung, et sans joie et sans ressoing.

[709] 30 apaise] #5. apaisay.

[109] 21/22 bis is soope, seib troube, for troube is troube and nobing ellis.

(332, 22-23).

SPECVLVM

109

297

essem nulla res, antequam Deo meo aliquam rem deberem per opus meae propriae uoluntatis. Et etiam essem nichil et nulla res, et posito adhuc quod haberem

IO

illud quod dicit iste liber,

ubi loquitur de partitione seu diuisione quam audistis, antequam essem immunis ab uno meorum defectuum, sine pluri, sine pluri, sine pluri! Nunc igitur in me non habeo nec hoc, nec aliud, nec habere possum. Et etiam si haberem, uidetis quid essem, quando de uno solo defectu non sum expedita. Numquam igitur aliquid habui, nec aliquid de me lucrari possum, nec aliquis mihi quicquam dare potest ad soluendum mea debita. O Veritas, dicit haec Anima, quid sum ego? Omnino dicatis

mihi! T5

20

Vos estis nichil, dicit Veritas, etiam antequam contra me fore

fecissetis de hoc quod uobis dederam. Modo awtem estis una alia, quia estis minus quam nichil totiens, dicit Veritas, quotiens uoluistis aliud quam meam uoluntatem. Hoc est uerum, dicit Veritas, et nichil aliud. ANIMA. Teneo hoc de uobis, Veritas, ait haec Anima.

Hoc

certissime scio, quod si Deus faceret iustitiam de uno peccatorum meorum absque misericordia, non deberem minus cruciari sine fine in tormentis, quam ipse habeat de potentia. Sed tamen licet uos, Veritas, sitis recta, dicit Anima quae errauit, et iustitia 25

sit rigida, pietas sorores dulces et meis debitis. Et cumque istarum

et misericordia quae sunt uestrae germanae curiales, stant pro me apud uos de omnibus in hoc, dicit haec Anima, ego quietor. Quaesororum sit pro me, haec est mea uoluntas:

uel iustitia, uel ueritas, aut misericordia, aut pietas. Non curo 20

in quam partem duarum istarum incidam; totum est mihi unum sine gaudio et sine timore.

3 essem nulla res] nulla res essem D aliquam rem] aliquid D 4 Et etiam] Cum etiam C 5 et posito] posito CD illud] id B 6 ubi loquitur..audistis] o». D loquitur] dixit C partitione] petitione B 7 essem

immunus]

esset immunis

B, immunis

et liber essem

D

defectuum]

uidelicet «44. B — 8 sine pluri] om. À in me] o. B, bene D — 9/12 Et etiam si..mea debita] o». D — 9 essem] esset B 4uande] quoniam AB — 10 non] om. B | 10/11 Numquam..nec] Numquid C aliquid habui] - B — 11 nec aliquis] aut aliquis C 11/12 mihi quicquam] - C 13 dicit] ait D 13/14 omnino dicatis mihi] dicatis mihi omnino D 15 l] Nos À fore] forum C . 16 autem] om. A 19 dicit] ait D — Veritas] ait haec Anima add. A 20ait] dicit C Hoc] et hoc C 21/22 peccatorum meorum] - BCD 23 habeat de potentia] de potentia habeat D —— 24 licet uos, Veritas] Veritas, licet uos D — dicit] ait D — Anima] haec pra». À — 27 meis debitis] - D haec] ow. BC 28 haec est] hoc est BC 29 uel 1]siue D — ucl 2] siue D ueritas aut misericordia] misericordia aut ueritas C ^ aut pietas] uel pietas C . 30 partem duarum istarum] istarum duarum partium D — est mihi unum] mihi est unum BD

298

MIROUER

109-110

Pourquoy sans joie et sans ressoing? Pource que il n'en croist ne en justice qu'i preigne de moy, ne en misericorde qu'il face a moy; et aussi ne fais je. Je n'ay joie de l'ung, ne mesaise de l'aultre. Puisque mon amy en ce ne pert ne ne gaigne, tout m'est ung de celluy seul qui est ung. Ce point me fait une, et 40 aultrement seroie je «deux, tantost se il m'en chailloit, car je seroie avec Le Filz de Dieu le Pere est mon mirouer 35

de ce; car Dieu le Pere nous donna son Filz, en nous sauvant.

Il n'eut nul aultre regart, en ce don donnant a nous, que le regart de nostre salut tant seulement. Et le Filz nous racheta 45 en mourant,

en l'obedience de son Pere faisant. I] n'eut aultre

regart, en ce faisant, que la voulenté de Dieu son Pere tant seulement. | Et le Filz de Dieu est exemple de nous, et pource 9ov le devons nous en ce regart ensuir, car nous devons vouloir en toutes choses tant seulement la divine voulenté; et ainsi serions

50

55

nous filz de Dieu le Pere, a l'exemple de Jhesucrist son filz. Hee, Dieux, comment c'est ung doulx regart! I] nous a de ce faire mis en possession: non mye que ce soit impossible que je ne puisse pecher, se je vueil; mais impossible chose est que je peche, se ma voulenté ne veult. Donc sommes nous de son vouloir emplir en plaine possession, se en nous ne demoure, sans querir. Qui quiert ce quil a, c'est faulte de cognoissance; il n'a mie l'art qui donne telle science. [110] Comment art em creature est ung engin soubtil qui est en la substance de l’Ame. - .Cx°. chappitre.

- Qu'est donc art en creature? dit Ceste qui quiert. Amour. - C'est ung engin soubtil dont entendement naist, qui

36 qu'iCL^] s. qui.

42 sauuant] zs. souuent.

55 emplir] #5. empliz.

55/56 Pis is to seie, he dwellib wib us wibouten sekinge. (333, 9-ro).

SPECVLVM

109-110

299

Quare sine gaudio et sine timore? Quia non augmentatur nec ?n iustitia quam de me accifiat, nec in misericordia quam mihi faciat. Nec ego similiter non habeo gaudium de uno, nec tristi35 tiam de altero. Ex quo amicus meus non perdit in hoc aliquid, nec lucratur, totum est mihi unum de ipso solo qui est unus. Iste punctus facit me unam et alias statim essem | ego duae, si curarem de praedictis, quia essem ego mecum. Filius Dei Patris est de hoc speculum meum, quia Deus Pater dedit nobis Vni40 genitum suum nos saluando. Vnde nullum alium respectum in hoc faciendo habuit, nisi solum respectum nostrae salutis. Et Filius nos redemit moriendo et faciendo oboedientiam Patris. Nullum respectum in hoc faciendo habuit, nisi solum uoluntatem sui Patris. Et Filius Dei est nostrum exemplar; ideo in hoc 45 respectu debemus eum imitari, quia debemus uelle in omnibus solum diuinam uoluntatem.

50

55

Et ita essemus

filii Dei Patris, ad

exemplum Christi Filii sui. O Deus, quomodo es: iste unus dulcis respectus. Ipse enim de hoc faciendo posuit nos in possessione: non quod sit impossibile me peccare, si uelim; sed hoc est omnino impossibile, uidelicet quod peccem nisi uoluntas mea uelit. Vnde sumus de suo uelle adimplendo in plena possessione, nisi in nobis remaneat absque eo quod illud quaeramus. Qui enim quaerit quod habet, defectum notitiae patitur, et non habet artem quae dat talem scientiam. [110] Quid ergo est ars in creatura, dicit Ista quae quaerit. Est utique quoddam ingenium subtile, de quo nascitur intel-

32 Quare..sine timore?] oz. D timore] dicit Ratio add. C — augmentatur] augetur D 32/33 nec ir] nec A, in CD 33 accipiaf] accipiant A, facit D nec iz] nec À, nec minuitur in C 34 faciat] impendit D non habeo] habebo C — 35 non petdit (perdidit B) in hoc aliquid] in hoc non perdit aliquid C, non perdit aliquid in hoc D 37 punctus] dicit haec Anima add. C et alias] quia alias D — essem ego] - D — si] scilicet praez. B, add. D — 38 essem ego] - BD Dei] de B Patris] o». D 39 de hoc] scilicet 244. B, et in

40 39/40 Vnigenitum suum] Filium suum Vnigenitum D 41 solum respectum nostrae salutis] scilicet nostram salutem D 42 faciendo] complendo D ^ 44 Filius Dei]in hoc Filius D — 45 respectu] 45/46 uelle...uoluntatem] semper eum] ipsum D et pro hoc praem. D 48 Deus] dicit haec Anima abnegare nostram et ipsius facere uoluntatem D dulcis respectus iste D unus respectus] dulcis unus iste A om ef add C 49 posuit nos in possessione] nos in possessione enim]ow.D ^ de]om..ABC posuit D — 50 me peccare..impossibile] o». B — peccare] posse pra. DEEE 52 in plena possessione] uoluntas mea] mea uoluntas hoc D — sumus] o» D 53 enim] oz. C in nobis] pro nobis C plenam habemus facultatem D D 54/55 dat talem scientiam] talem docet scientiam hoc add. D

Vnde] ow.D

ars] haec add. C [zo] 1 ergo est] ergo B, est ergo C utique] dicit Anima libera a4. C —— nascitur] oritur D

2 Est] Bt B

40v

300

Ho

H

MIROUER

110

donne cognoissance en Ame d'entendre plus parfaictement ce que on dit, que celluy qui le dit mesmes, combien que le disant entende ce qu'il dit. Car pourquoy? L'entendant se repouse, et le parlant laboure; et cognoissance ne peut souffrir labour, qu'elle ne soit moins noble. Cest art est ysnel, et pource tend par nature a taindre le plain de son emprise. Son emprise est sans plus le droit vouloir de Dieu. Cest engin soubtil est la substance de l'Ame; et la cognoissance est la somme de l'Ame, laquelle cognoissance |

s est de substance et d'entendement.

9xr

Ceste haberge en telle toute vie de bonnes meurs; et pource demoure Amour en elle, qui luy donne cest estre, et elle maint en nient, non mye en amour. Car tant est l'Ame a soy, qu'elle demoure en amour. Laquelle amour l'a faicte, tant qu'elle maint 20 en elle, orgueilleuse et jolie. Car Nature est avec telle amour, et pource a souvent en tel estre de quoy donner et prendre, dont est l'Ame dangereuse et fiere. En tel estat a appercevances et meditacions, car c'est l'estre de contemplacion, qui retient avec elle Pensee en son ayde. Or demoure en nient, car Amour 25 demoure en elle, et ainsi est telz estres sans elle; et pource n'a mais rien d'elle qui la face ne triste ne jolie: Pensee n'a mas en elle seignourie. Elle a perdu l'usage de ses sens, - et non mye ses sens, mais l'usage. Car Amour l'a ravie du lieu ou elles estoit, en laissant en paix ses sens, et ainsi a ravi son usage. C'est l'acomplissement de son pelerinage, et le ranientissement de son oo rendage de son vouloir, qui est remis en elle. C'est la prinse de

[ro] 8 L’entendant] #5. l’entendement.

34 la la] rs. la le.

[uo] 30/51 And bis is be fulfillinge of hir pilgrimage, and hastili sche d be stiringes of hir willes and fastneb it in him bat sche loues. (333, 3436).

SPECVLVM

VA

IO

T5

20

25

rro

30I

lectus, qui dat notitiam animae ad intelligendum perfectius illud quod dicitur, quam illemet qui dicit, quantumcumque dicens bene intelligat id quod dicit. Et quare? Quia intelligens quiescit et dicens laborat. Et notitia non patitur laborem, quoniam eo ipso fit nnus nobilis. Ista ars est uelox et acuta et tendit naturaliter ad attingendum perfectionem seu plenitudinem sui propositi. Suum propositum est tantum solum uelle diuinum. Hoc ingenium subtile est substantia animae, et intellectus est operatio animae, et notitia est summa animae; quae notitia est de substantia et intellectu. Haec recipit in seipsa omnem uitam bonorum morum et amor manet in ipsa, qw sibi dat hoc esse, et ipsa manet in nichilo et non in amore. Quia tantum est anima sui ipsius, quantum in amore manet. Quia amor quamdiu in se manet, facit eam elatam et curiosam. Quia natura est cum tali amore et habet frequenter de quo dare et accipere; et ideo est anima audax et praesumptuosa. In tali statu sunt lectiones et meditationes, quia est esse siue status contemplationis qui in suum adiutorium retinet cogitationes. Manet igitur haec amima in nichilo, quia amor manet in ea; et ideo tale esse est sine ea nec amplius aliquid habet de se quod eam faciat aut laetam aut tristem. Cogitatio amplius non dominatur in ea. Ipsa perdidit usum sensuum suorum, non sensus, sed usum sensuum solum. Quia amor rapuit eam de loco ubi erat, dimittendo sensus eius quietos et rapiendo eorum usum. | Istud est complementum suae peregrinationis et raptus sui redditus su? uelle, quod resolutum est in z//um. Istud

3 notitiam animae] notitiae animae B, animae lumen D ad intelligendum] intelligendum B, intelligendi D 3/4 perfectius illud quod dicitur] perfectius

id quod dicitur B, illud quoddam perfectius D — 4 dicit] intelligat az. D quantumcumque...quod. dicit] oz. .A

4 dicens] ipse praem. D

4/5

5 intelligens] qui

intelligit D 6 et dicens] et discens 74, dicens uero D patitur] habet D quoniam] quin D — 7 fit] non sit D — #inus] unus AB, om. € nobilis] mobilis B — 8 attingendum] pertingendum D 10 diuinum] Dei mei B 11 substantia] ingenio C ^13 intellectu] intellectus B, de intellectu D —— 14 Haec] anima add. C bonorum] om. ABC | morum] dicit Veritas add. C amor] amorum B 15 ipsa 1] ipsam B gui] quae AB 16 tantum] tamdiu D quantum] quamdiu D . 16/17 in amore manet] - D — 17 Quia] qui D 19 de quo dare et accipere] quid dare et quid accipere D 19/22 et praesumptuosa...cogitationes] o». D 22 haec anima] om. ABD 23/24 aliquid habet] - C 25 non dominatur in ea] in ea non dominatur D 25/26 sensuum suorum] - D 26 sensus] ipsos a4. D usum sensuum solum] usum solum ipsorum C, solum sensuum usum D rapuit] assumpsit D 27/28 rapiendo eorum usum] eorum usum tollendo D — 28 complementum 29 sui redditus suae, peregrinationis] peregrinationis suae complementum D z/luz] illud AB, illo C sui reditus /4, redditus D @ sui uelle] fuit uelle AC

302

MIROUER

110-111

haulte mer, car elle vit sans voulenté de luy, et si est en estre

35

dessus son conseil; car aultrement seroit elle reprinse du souverain qui la la mect sans elle, et si auroit guerre a Amour, qui est le Saint Esperit, et reprinse du Pere, et jugee du Filz. [ui] La differance entre onccion de paix et guerre que fait reprennement ou remors de conscience. - .Cxf*. chappitre.

«Amour - ll a moult difference de onccion de paix, qui 91v surmonte tous sens, qui demoure en delices de plaine souffisance que l'amy donne par joincture d'amour, envers la guerre que reprennement fait. En telle guerre est souvent cil qui en voulenté demoure, quelques bonnes oeuvres que la voulenté face. Mais celluy a paix, qui demoure en nient vouloir la ou il estoit, ains qu'il eust vouloir. La divine bonté n’a de quoy le reprendre. IO



L'Ame.

- Hee, Dieux, comme

c'est bien dit! dit l'Ame

En-

franchie; mais il convient qu'il face ce sans moy, ainsi comme il me crea sans moy de sa bonté divine. Or suis je, dit ceste Ame, ame cree de luy sans moy, pour oKe>uvrer entre luy et moy fortes oeuvres de vertuz, luy pour moy et moy pour luy, tant que je reffusse en luy; et si ne puis estre en luy, se il ne m'y mect sans moy de luy, ainsi comme il me fist sans moy de lui mesmes. C'est la Bonté increee qui ayme la bonté qu'elle a creee. Or a Bonté increee, de son propre, franche voulenté;

qui nous donne de sa bonté aussi franche voulenté, hors de sa 20

puissance, sans nul pourquoy, sinon que pour nous mesmes, et pour estre de sa bonté. Or avons nous voulenté, hors yssant de sa bonté et hors de sa puissance, pour estre plus francs, ainsi qu'il a voulenté hors de nostre puissance, de sa propre franchise. Or vit la divine

SPECVLVM 30

VA

rro-iri

303

est captio seu acceptio alti maris, quia uiuit sine uoluntate sua et est in esse supra suum consilium; quia alias reprehenderetur à summo qui ibi eam ponit sine ea, et haberet guerram cum amore qui es? Spiritus sanctus, et esset reprehensa a Patre et iudicata a Filio. [1x1] * Multum distat wnctio pacis quae superat omnem sensum, quae manet in deliciis plenae sufficientiae quam amicus dat per iuncturam amoris, a briga seu guerra quam reprehensio facit. In tali guerra est frequenter qui in uoluntate manet, quantumcumque bona uoluntas agat. Sed ille pacem habet qui manet in nichil uolendo ubi erat, antequam uelle haberet. Diuina bonitas non habet unde eum reprehendat. O Deus, quomodo

hoc est bene dictum, dicit Anima

libera,

sed oportet quod Deus hoc faciat sine me, sicut me creauit sine IO

me sua diuina bonitate. Nunc, dicit haec Anima, creata sum ab

eo sine me ad operandum inter me et ipsum fortia opera uirtutum, ipse propter me et ego propter ipsum, donec iterum essem in eo. Et tamen non possum esse in eo nisi ipse me ponat sine me de se, sicut me fecit sine me de se. Haec est bonitas T5

20

increata; amat igitur bonitas increata bonitatem quam creauit. Bonitas autem increata de suo proprio habet liberam uoluntatem; «quae nobis donat etiam sua bonitate liberam uoluntatem extra suam potentiam absque aliquo propter quid, nisi solum propter nos, ut simus sua bonitate. Habemus igitur uoluntatem egredientem a sua bonitate et extra suam potentiam, ut simus magis liberi sicut ipse habet uoluntatem extra nostram potentiam sua propria libertate. Vidit

30 captio seu acceptio] nauigatio D —— uoluntate sua] - D — 31 alias] aliter 31/32 reprehenderetur a summo] a supremo ente reprehenderetur D 32 qui ibi] quibus B, quod ibi D — ponit] posuit D sine ea] sine se ipsa D habere] habet AC — 33 es] om. A — 34 iudicata] iudicaretur D CD

[zi] 1 * De excellentia pacis quae superat omnem sensum, ad quam per untio| iunctio À, unitio C, adnichilationem pertingitur. Capitulum 36. C quem B — amicus] dilectus quae] 2 — D exuperat B, superat] sperat unxio D 4 frequenter] multotiens — 4 reprehensis reprebensio] D 3brigaseu]ow. D 8 hoc est] 7 unde eum] de quo talem D 5 agat] sit et operetur D D bene bene add C — dicit] ait D —— 9 hoc faciat sine me] faciat - C,est D 9/10 creauit sine me] sine me creauit sine me hoc B, faciat hoc sine me D

10/11 creata sum ab eo] 10 sua] sola przez. D —— Anima] o». BCD D 13 essem] sim creata habeo sum B, creata ab eo sum C, ab eo creata sum D sine me de 14 D add. me ponat] — CD ipse me] me ipso B, ipsemet C «uae 17/20 HocB Haec] D o». se] me..de se] dese sine me D — sicut e textu conieci ABC quam ] 17 D o» igitur] nobis donat...habemus 17/18 liberam uoluntatem] et libera uoluntate C — 20 egredientem gal. et angl. 22 21ut]jet B a sua bonitate] ab eius bonitate manantem D — et] o». BC nostram] o». B Vidit] Videns D

304 25

30

35

MIROUER

111-113

Bonté que | nous yrions la voie de pestilence et de perdicion, 92r de la franche voulenté qu’il nous eut donnee, laquelle voulenté est yssant de sa bonté, et ceste bonté est a nous par donnee; et pource joingt nature humaine a divine bonté en la personne du Filz, pour paier le forfait que nous avons forfait. de nostre forfaicte voulenté. Forfaicte Voulenté. - Or ne puis je estre, dit Forfaicte Voulenté, ce que je doy estre, jusques ad ce que je ressoie la ou je fus, en ce point que je fus, ains que je yssisse de luy aussi nue comme Il est, qui est; aussi nue comme j'estoie, quant j'estoie qui n'estoie mie. Et ce me convient avoir, se je vueil le mien ravoir, aultrement ne l'auroie je mie. Glosez, se vous voulez, mais se vous povez; se vous ne povez, vous ne l'estes mie; se vous l'estiez il vous ouvreroit. Ja ne seriez si parfont adnientie, se vous aviez de quoy vous le peussez oir, car aultrement ne le dis je mie. Se sa bonté vous a toullu le oir, je ne le desveil mie. [112] De la bonté parmanable qui est amour parmanable. - .Cxij®. chappitre.

VA

Il est une bonté parmanable qui est amour parmanable, qui tend par nature de charité a donner et espandre toute sa bonté; laquelle bonté parmanable engendre bonté agreable; de laquelle bonté parmanable et de laquelle bonté agreable est l'amour amiable de l'amant en laymee; laquelle aymee regarde de l'amour amiable tousdis son amant. [113] Penser a la passion de Jhesucrist fait avoir victoire sur nous mesmes. - .Cxu. chappitre|

Je fais assavoir a tous ceulx qui orront' ce livre, que il nous 92v convient retraire dedans nous - par pensees de devocion, par

[113] 3/4 bis booke doip to wite, bat it bihoueb us to drawe wibinne us bi

bou3tes of partie, bi werkes of perfeccion... (335, 1-2).

SPECVLVM

111-113

305

autem diuina bonitas quod nos iremus uiam pestilentiae et perditionis ob uoluntatem liberam quam nobis dederat. Quae 25 uoluntas est egrediens a sua bonitate, et ista bonitas est nobis a bonitate donata. Vnde naturam humanam uniuit diuinae bonitati in persona Filii ad soluendum debitum nostrae uoluntatis praeuaricatricis. Non ergo possum esse quod esse debeo, donec sim ubi fui in 20 illo puncto, in quo fui antequam ab eo in esse mew exirem, ita nuda sicut est qui est. Ita nuda sicut eram, quando eram quae non eram. Et istud oportet me habere, si uolo meum rehabere; alias enim non rehabebo. 35

VA

Glossetis si uos uultis, immo si potestis! Si non potestis, uos non estis. Si uos essetis, ipse uobis aperiret. Non essetis ita profunde adnichilatae, si haberetis | unde possetis ipsum audire, quia aliter istud non dico. Si bonitas sua abstulit uobis auditum, hoc non disuolo. [112] Ipse enim sua bonitas perennis permanens est. Quid est bonitas perennis siue permanens, quae tendit ex natura caritatis ad dandum et communicandum suam totam bonitatem? Quae bonitas permanens siue perennis gignit bonitatem acceptabilem seu gratam. À qua bonitate permanente et a qua bonitate acceptabili seu grata est amor amicabilis amantis in amatum. Quia amatus respicit semper amantem amore amicabili.

[113] Notifico omnibus qui hunc librum audierint, quod oportet nos intra nos attrahere per cogitationes electionum seu parti-

C

23 iremus] ibamus C 25/26 et ista bonitas...donata] o». B 25 et] ideo 26 a bonitate] bonitate C — Vnde] Quae D . naturam bumanam uniuif]

natura humana uiuit 4, naturam humanam

uut B, natura humana uniuit se C

26/27 diuinae bonitati] bonitate B —— 27/28 uoluntatis pracuaricatricis] - BD 29 sim] sum B 30 ab eo in esse zewz] ab eo in esse meo 74, habeo in esse meo B, in esse meo ab eo C 32/33 uolo meum rehabere] meum uolo rehabere BC, uolo rehabere meum D . 33 alias] aliter C — enim] illud a4. D 34 Si non] Si autem non D 36 adnichilatæe] adnichilare À, adnichilati C si] non add. C 37 abstulit uobis] abstulit a uobis C, uobis abstulit D 38 non] ow. C . disuolo] dissoluo B, displicet D [12] 1 Ipse enim] Ipsa enim C, Ipse est D sua bonitas...est] bonitas perpetua D — perennis siue permanens] permanens siue perennis B, permanens siue perennis, ait Ratio C — 2 quae tendit] Est prae. C, ait haec anima libera add. C, et inclinatur add. D — 3 suam totam bonitatem] totam suam bonitatem B,se totam D — Quae] Et haec D — 4 permanens siue perennis] perpetua D 5 seu gratam] seu gratum B, o». D — permanente] perpetua D — 6 seu amicabili] grata]seu grato B, o». D — est] manat D — 7 respicit semper] - D amabili D [13] 1 audierint] audiuerit B et electiuas D

2/3 electionum seu partitionum] diuisiuas

41V

MIROUER

306 5 oeuvres

IO

113-114

de parfection, par demandes

de Raison - toute la vie,

a nostre povoir, que Jhesucrist mena, et qu'il nous prescha. Car il dit, si comme il a dit: Quiconques croira en moy, il fera autelles oeuvres comme je fais, et encore fera il plus grans. Et ce nous convient il faire, ains que nous ayons victoire sur nous mesmes. Et se nous faisions ce a nostre povoir, nous vendrions ad ce que nous aurions tout ce, en metant hors de nous toutes les pensees et toutes oeuvres de parfection et toutes les demandes de Raison, car nous n'en aurions que faire. Et adoncques feroit la Deité en nous, pour

T5 nous,

sans nous, ses divines oeuvres. Il est, qui est; pource est

il ce quil est de luy: amans, amez, amour... [114] Se creature humaine peut demourer en vie et estre adés sans

elle. - .Cxiiig°. chappitre. Je demande aux aveugles, ou aux clariffiez qui mieulx voient que ne font ceulx de devant, se creature humaine peut demourer en vie, et estre adés “sans” elle? Se ces deux ne le me

dient,

nul ne le me dira, car nul ne le scet, se il n'est du lignage. Verité. - Verité dit pour elle que oy, et Amour le distincte, qui dit que adonc Ame Adnientie est "sans" elle, quant elle n'a nul sentement de nature, ne oeuvre, ne nulle oeuvre de |dedans, IO

15

ne honte ne honnour, ne de rien qui adviengne nulle crainte, ne affection nulle en la divine bonté; ne ne sçait plus nul habergement de voulenté, aincois est en toutes heures sans voulenté. Adonc est elle adnientie, "sans" elle, quelque chose que ce soit que Dieu souffre d'elle. Adonc fait elle tout sans elle, et si lesse tout sans elle. Ce n'est pas merveille: elle n'est més "pour" elle, car elle vit de substance divine.

[113] 7/9 Jn. XIV z2.

16 And berfore se we ussilf bat we haue nou3t of us. Se we also pis wipouten knowinge of us, bis to be in us is uerrei beynge. (335, 9/1x).

95r

SPECVLVM

IO

113-114

307

tionum, per opera perfectionis, per interrogationes seu petitiones rationis, pro posse nostro, totam uitam quam Dominus noster Iesus Christus fecit et nobis praedicauit. Quia ipse dicit, sicut alias iam dictum est: Qui credit in me, opera quae ego facio et ipse faciet, et maiora horum faciet. Et istud oportet nos facere, antequam de nobis ipsis uictoriam habeamus. Et si nos istud faceremus pro posse nostro, nos ad hoc ueniremus quod totum hoc dimitteremus, extra mittendo omnes cogitationes electionum seu partitionum, omne opus perfectionis et omnes petitiones rationis. Et tunc faceret diuinitas in nobis, pro nobis, sine nobis sua diuina opera. Ipse est qui est; et ideo est id quod est de se: amans, amatus, amor. Et ideo sumus nichil,

T5

IO

quia nichil a nobis habemus. Videatis hoc totum nudum nichil celando aut uelando, et tunc habebit ille qui est in nobis suum uerum esse. [114] * Peto a caecis uel a clarificatis qui «»is uident quam praecedentes faciant, si creatura humana potest in uita manere et semper esse sine se ipsa. Nisi isti duo dicant, nullus mihi dicet, quia nullus hoc scit nisi sit de genere. Veritas dicit pro ipsis, quod sic et amor declarat, hoc dicens quod tunc est anima adnichilata sine seipsa, quando nullum naturae sentimentum habet, nec aliquod opus interius, nec uerecundiam, nec honorem, nec de aliquo quod contingat timorem, nec affectionem aliquam ad diuinam bonitatem; nec amplius scit ubi sit uoluntas, immo omni hora es. sine uoluntate. Tunc itaque talis adnichilata est sine se ipsa, quicquid sit quod Deus sustineat de ipsa. Tunc facit omnia sine se et dimittit omnia sine se. Quid mirum? Amplius non est pro seipsa et tunc uiuit ipsa substantia diuina.

3 seu petitionis] oz. D 5 fecit et nobis praedicauit] nobis ostendit et praedicauit D —— 6 alias iam] iam alibi D — 7 et ipse] ipse 4B —— 8 nos facere] faceremus pro posse nostro] pro 9 Et si] Quia si D quod faciamus D partitionum] diuisiuas et electiuas seu electionum 11 —— D faceremus posse nostro 13 sine nobis] diuinitas] deitas D 12 petitiones] interrogationes D D et praem. C — 16 est in nobis] in uobis est C [114] 1 * Quomodo anima adnichilata multos ac sublimes effectus a Trinitate nimis| minus AC suscipiat. Capitulum 37. C — aclarificatis] clarificatis BD 2 praecedentes faciant] - D — 3 et semper esse sine se ipsa] sine seipsa et 6 seipsa] ipsamet C — 7 etiam semper esse D — 5 Veritas] Vi ueritas À D — 8 contingat] eueniat naturae sentimentum naturae sentimentum habet] habet B — ez] sit-4BC — 11 nisisit ubisit] 10 — D przez. nisi 9ad diuinam] D C — 13 et tunc] quodcumque quicquid] ^ 4B ipsa seipsa] D certe itaque] tunc D — 14 substantia diuina] « B, de praez. D

308

MIROUER

115-116

[115] Jcy parle de la substance pbarmanable, et comment Amour

engendre en l'Ame la Trinité. - .Cxv°. chappitre.

i

Il est une substance permanable, une fruiction aggreable, une conjunction amiable. Le Pere est substance permanable; le Filz est fruiccion aggreable; le Saint Esperit est conjunction amiable. Laquelle conjunction amiable est de substance permanable et de fruiction aggreable par la divine amour. L'Ame.

IO

- Hee, Unité, dit l'Ame sourprinse de Divine Bonté,

vous engendrez unité, et unité reflechist son ardour en unité. Laquelle divine amour d'unité engendre en Ame Adnientie, en Ame Enfranchie, en Ame Clarifiee, substance permanable, fruic-

I iu

20

25

tion aggreable, conjunction amiable. De laquelle substance permanabte la memoire a la puissance du Pere. De laquelle fruiction aggreable l'entendement à la sapience du Filz. De laquelle conjunction amiable la voulenté a la bonté du Saint Esperit. Laquelle bonté du Saint Esperit le conjoingt en l'amour du Pere et du Filz. Laquelle conjunction mect Ame en estres | sans 95v estres, qui est Estres. Lequel Estre est le Saint Esperit mesmes, qui est amour du Pere et du Filz. Laquelle amour du Saint Esperit flue en Ame, et est espandue d'abondance de delices d'ung don tres haultiesme, qui est donné d'une esleue et magistrale jointure du souverain Amy, qui simple se donne, et simple se fait il. Et pource se donne il simple, que il monstre qu'il n'est fors que luy, dont toute chose a estre. Et si n'est fors que luy en amour de lumiere, de union, de louenge: une voulenté, une amour,

et une oeuvre

en deux

natures.

Une

seule bonté,

par conjunction de la force de la muance d'amour de l'Amy de moy,

dit ceste

Ame

qui tel est, demaine

sans

estanche

de

l'espandement de divine amour. De laquelle divine amour Divine Voulenté use en moy, pour moy, et sans ma tenue. [116] Comment l'Ame s'esjoist de la grefveté de ses proesmes. Cxv$*. chappitre.

VA

Ceste voit en son Amy une plaine parfaicte amour, et si ne quiert nulle achaison d'avoir ayde de luy, ains prent elle le sien, comme le sien mesmes. Ceste s'esjoist aucunes foiz en la sou-

[1:5] 26/28 oon as aftir bounte bi coniunccion of be strengbe of uniaunce of loue. bis doib be loued of me, seip bis soule bat such is. (336, 5/6).

SPECVLVM

115-116

309

[115] Vna | est substantia permanens, una fruitio grata seu 42r acceptabilis, una coniunctio amicabilis. Pater est substantia

permanens; Filius est fruitio acceptabilis; Spiritus sanctus est coniunctio amicabilis. Quae coniunctio amicabilis est a substantia permanente et a fruitione acceptabili per diuinum amorem. O Vnitas, dicit Anima diuina bonitate praeuenta, quae gignit unitatem, et unitas "veflectii suum ardorem super unitatem siue in unitatem. Qui diuinus amor unitatis gignit in anima adnichilata, in anima libera, in anima clarificata substantiam perma-

IO

25

20

nentem, fruitionem acceptabilem et coniunctionem amicabilem. À qua substantia permanente memoria habet potentiam Patris. À qua fruitione acceptabili intellectus habet sapientiam Filii. A qua coniunctione amicabili uoluntas habet bonitatem Spiritus sancti Quae bonitas Spiritus sancti unit eam amori Patris et Fili. Quae unio ponit animam in esse sine esse quod est esse. Quod quidem esse est ipsemet Spiritus sanctus, qui est amor Patris et Filii Qui amor Spiritus sancti fluit in animam, et dilatatur abundantia deliciarum dono quodam altissimo, quod datur a supersublimi quadam magistrali seu magisteriosa iunctura summi dilecti, qui simplicem se donat et simplicem unum se facit. Et ideo seipsum simplicem ostendit, quod nichil est praeter ipsum a quo omnia habent esse. Et non est nisi ipse, in amore

luminis,

unionis,

laudis:

una

uoluntas,

unus

amor

et

unum opus in duabus naturis. Vna sola bonitas per coniunctio25 nem

fortitudinis unitationis amoris dilecti mei, ait haec Anima,

qui talis est animae meae uel de anima mea, absque retentione expansionis diuini amoris. Quo diuino amore uoluntas diuina utitur in me pro me absque meo tenore.

[116] Ista uidet in suo dilecto purum, plenum et perfectum amorem, et ideo (ullam quaerit occasionem habendi adiutorium de ipsa; immo accipit eum et quicquid est eius, sicut suummet. Ista aliquando iocundatur in sublimiori parte sw? sine suo scitu,

[15] 3 permanens] siue perpetua z47. D | acceptabilis] grata seu praez. D 7 reflectif] super] semper B 7/8 siue in unitatem] o». D . $8 unitatis] unitas B, unitatem D 13 coniunctione] cognitione B — habet] participat D —— 14 bonitas Spiritus sancti] bonitas B 15 est esse] est uerum esse D 16 esse] omne À 17 animam] anima B 19 supersublimi] sublimi B ^ magistrali seu] o» D 20/21 unum se] unus se B, se unum D — ostendit] quia przez. BD quod] quia C 25 unitationis] inmitationis B, imitationis CD dilecti mei] oz. B, - D ait haec Anima] o». B — 26 uel de anima mea] dilectus D —— 27 expansionis] expansione B uoluntas diuina] - BCD 6 O Vnitas] O quam mirabilis unitas C —— bonitate] bonitas B reflorit A, refloret BC ardorem] amorem C D infra 4. alia manu.

[116] 1 uidet] intuetur D — 2 zz/zz] nullum A — 3 de ipsa] de se ipsa C, suummet] suum D 4 sui] eius AB, ipsius C situ] situ À

ex ipso D

310

IO

MIROUER

116-117

veraine partie de luy, sans son sceu, vueille ou non, des grevetez de ses proesmes; car elle apparçoit en son esperit, et sçait sans son savoir, que c’est la voye dont ilz vendront au de leur salut. Ceste appargoit la lumiere d'elle ou souverain lieu ou elle est unie, et ainsi se plaist ou plaisir de celluy dont elle est unie; car ses plaisirs | est le salut des creatures; et ceste ci

est unie a sa voulenté, et pource a joye de sa bonté, pour la concordance dont sa bonté l'a ainsi unie, sans le sceu de Raison. Ores maintenant, en ce fait s'appargoit Raison que elle est 25

20

esjoye, et pource luy dit que elle a de ce peché, pource que elle s'est esjoyé en le grefté de son proesme. Raison juge tousjours selon ce qu'elle scet, car elle veult tousjours faire l'oeuvre qui appartient a elle. Mais en ce cas elle est borgne, et pource ne peut elle si hault veoir, par quoy elle fait a l'Ame telle complainte. Borgne est Raison, ce ne peut l'en desdire, car nul ne peut veoir les haultes choses se il ne doit estre permanablement. Et par droicture ce ne peut veoir Raison, car il convient que son estre deffaille. [117] Comment ceste Ame montre qu'elle est exemple du salut de toute creature. - .Cxvif*. chappitre. Or maintenant

dit le soubhaucié Esperit qui plus n'est ou

dangier de Raison: Dieu n'a, dit il, ou mectre sa bonté, se il ne

la mect

en moy, ne plus n'a de haberge qui soit pour luy

convenable, ne ne peut avoir lieu ou il se puisse tout mectre,

IO

sinon en moy; et parmy ce suis exemple de salut. Mais encore, qui plus est, le salut mesmes de toute creature, et la gloire de Dieu; et vous diray comment, pourquoy, et en quoy. Pource que je suis la somme de tous maulx. Car je contiens de ma

[116] 6 non] zs. nom.

94r

SPECVLVM

r16-117

31I

uelit nolit, in grauaminibus proximorum. Quia percipit in suo spiritu et scit sine sc/f4 seu nesciens, quod ista est uia, per quam ad portum uerae salutis peruenient. S?c ipsa percipit lumen suum in summo loco, ubi ipsa est coniuncta. Ideo sibi complacet in beneplacito illius a quo est, quia suum placitum IO

15

est salus creaturarum.

Lusca 20

Et ista est unita suae

uoluntati;

ideo

gaudet bonitate illius propter | concordantiam, qua bonitas sua 42v sic eam uniuit absque sci rationis. Nunc percipit ratio quod iucundatur, et dicit sibi quod peccauit, quia gauisa est de malo et grauamine proximorum. Ratio iudicat secundum quod scit, quae continue uult facere opus quod ad eam pertinet. Et ipsa est caeca seu lippa, et ideo non potest ita alte uidere; quare animae talem mouet querelam. est ratio, hoc est certum,

quia nullus

debet

altissima

uidere, nisi debeat perenniter esse. Et ideo de iure ratio talia uidere non potest, quia suum esse aliquando debet finiri. [117] Et quid, dicit sibi supersublimatus Spiritus qw; amplius non est in eius dongeriis. Deus, ait, non habet ubi suam bonitatem ponat, nisi eam ponat in me. Nullum aliud habet hospitium quod sit nobile et competens pro eo, nec potest habere locum ubi se totum ponere possit. Et hoc mediante ego sum salus omnis creaturae et gloria Dez. Et dicam uobis quomodo, et quare, et in quo. Propter hoc quia sum summa et complementum omnium malorum. Quia contineo de mea propria na-

5/6 uelit nolit..sine sez] oz. B 6 sine sz/4 seu] sine situ seu 74, oz. D 7 peruenient] perueniet B.D Sic ipsa] Si ita 24, Si ipsa BC 8 summo loco] summa luce D 9 placitum] beneplacitum D 10 salus] suarum B est unita] est iuncta C, unita est D 12 scu] situ A 13 Nunc percipit] Percipiens autem D iucundatur] ipsa anima fraez. C, iucundetur D et dicit sibi] et dicit sic B, ait ei D peccauit] peccat D 14 quia] eo quod D gauisa est] gaudet D 15 iudicat] dicit Veritas add C — secundum quod scit] sicut nouit D —— 16 caeca seu] caeca sine B, oz. D — lippa] nec clare uidet add. D et ideo] ideo D 17 alte] clare uel alte B uidere] intueri D

quare] propter quod D —— animae talem mouet querelam] huiusmodi mouet animae quaestionem siue querelam D

18 Lusca] Rusca B, Minus uidens D

hoc] et praem. B 19 esse] durare D —— ideo de iure] ideo de B, ide de iure C — 20 quia] eo quod D aliquando debet finiri] debet aliquando finiri B, aliquando finiri debet D [17] 1 sibi] o». C — supersublimatus] sublimatus D gui] quia À — 2 non est in eius dongeriis (dongerius B)] in eius dongeriis non manet D —— ubi] nisi B 2/3 bonitatem ponat] reponat bonitatem D ——.3 eam ponat in me] ponat habet hospitium] secretarium habet D eam in me B, in me eam ponat D 4 quod sit nobile et competens pro eo] nobile et conueniens sibi ipsi D potest] alium fraez. C ^ habere] inuenire D 5 ponere possit] ponat D hoc] isto D |6 De] Deo AC — 7et quare] quare D — Propter hoc] Ideo

utique D

sum] in me est D

312 propre vaistié. luy, de Or suis 15 pouvre

MIROUER

117

nature ce que mauvastié est, | donc suis je toute mau- 94v Et celluy qui est la somme de tous biens, contient en sa propre nature, toute bonté; donc est il toute bonté. je toute mauvaistié, et il est toute bonté; et au plus doit on donner l'aumosne, ou l'en luy toult ce qui est

sien de droit; et Dieu ne peut tort faire, car il se defferoit. Par

quoy est moye sa bonté, pour cause de ma necessité, et pour la droicture de sa pure bonté. Or suis je donc toute mauvaistié, et il est toute bonté, par quoy il m'esconvient avoir toute sa 20

bonté, ains que ma

25

moins ne se peut ma pouvreté passer. Et sa bonté ne pourroit souffrir, puisque elle est puissant et vaillant, que je mendiasse; et mendiant me convient estre par force, se il ne me donne toute sa bonté, puisque je suis toute mauvaistié, car moins que le comble de l'abondance de toute sa bonté ne peut remplir l'abysme du fons de ma propre mauvaistié Et par ce moyen ay je de sa pure bonté, en moy, par bonté, toute sa bonté divine, et ay eu sans commencement, et auray sans fin; car tousdis sceut il ceste besongne, et parmy ce l'ay je eu tousdis ou savoir

mauvaistié

puisse estre estanchee;

ne de

30

de sa divine sapience, du vouloir de sa pure divine bonté, de

l'oeuvre de sa divine puissance. « .. ^ Car Dieu le Pere a donné

[117] 31 for ellis were bis fable, if it be not ri3jt bus banne of me to use bat bat I seie, bat I am be sauacion of alle creatures and be glorie of God. Also as Ihesu Crist is be biere of be peple bi his deeb, and be laude of God be Fadir, ri3t so am I because of my wickidnesse be sauacion of mankynde and be glorie of God be Fadir.(337, 12-16).

SPECVLVM IO

I5

20

25

20

117

313

tura id quod est prauitas et malitia, ergo tota sum malitia. Et ipse es summa omnium bonorum. Ideo in se continet sua propria natura omnem bonitatem; ergo ipse est omnis bonitas. Sum ergo omnis malitia et ipse est omnis bonitas et semper magis pauperi debet eleemosynam dari; uel illud quod de iure suum est ei auferetur. Et Deus iniustitiam aliquam facere non potest, quia seipsum destrueret. Ergo mea est sua bonitas per causam meae necessitatis et per iustitiam suae summae bonitatis. Sum igitur tota prauitas et omnis malitia, et ipse est omnis bonitas; ergo oportet quod habeam totam suam bonitatem, antequam mea prauitas tota cessare possit; nec de minori potest mea paupertas transire. Et sua bonitas sustinere non posset, ex quo habet unde mhi subueniat, quod mendica remanerem. Et de necessitate me "endicam esse oportet, nisi mihi totam suam bonitatem donet, ex quo sum tota prauitas. Quia minus non potest profunditatem fundi meae propriae malitiae et prauitatis replere quam cumulus profunditatis totius suae bonitatis. Et propter hoc habeo ego sua pura bonitate in me per suam bonitatem totam suam diuinam bonitatem, et habui sine principio, et habebo sine fine. Quia semper sciuit ipse istud negotium, et propter hoc habui ego semper in sc?£4 suae diuinae sapientiae, de uelle suae purae bonitatis, de opere suae diuinae potentiae, quia aliter defecissem, nisi continue | sic de de me usus fuisset. 43r Et idcirco dico quod ego sum salus omnis creaturae et gloria Dei. Sicut Christus sua morte est redemptio populi et laus Dei Patris, ita sum ratione meae prauitatis salus humani generis et gloria Dei Patris. Quia Deus Pater dedit Filio totam suam

9 quod est] quod D

10 ipse es] ipse À, ipsa B

summa

omnium

bonorum] omnium bonorum summa D — 11 ergo]igitur D — 13 elemosinam] de iure] deinde B, illud] id D uel] alias B, aliter CD elemosina BD

15 auferetur] aufereretur C, in instante add. D iure D — 14 ei] ab co C causam 15/16 — mea est sua bonitas] sua bonitas est mea D — per] propter BD 16 et per] et propter BD meae necessitatis] meam multam necessitatem D 19 mea ergo BC igitur] 17 D aequitatem et iustitiam] rectitudinem potest] D prauitas et malitia mea tota C, tota prauitas me à prauitas tota] quod] 21 mihi subueniat| om. ABC 20 transire] subleuari D ualet D 21/22 remanerem] remarem B mendica] et inops aZ. D scilicet add. D 22 mendicam] mendica 4, inopem et mendicam de necessitate] necessario D 23 bonitatem donet] - D — sum tota] - D — prauitas] et omnis malitia D malitiae et prauitatis] malitiae et prauitas 24 fundi] abyssalem D add. D 25/26 totius immensitatis D profunditatis] 25 .A, prauitatis et malitiae D et prae. suam] per — D pura]sola — D per propter] 26 suae..in me] o». B — ego BD per propter] 29 negotium post: fransp. B ipse] 28 GtperD 30 de opere] et praem. C suae] oz. B, suo D situ] situ À semper] - B 31 sic de me usus] de me sic usus BC, sic usus de me D — 32 idcirco] ideo D . 38 redemptio populi] salus populi et redemptio D — 34 sum] etiam ego D salus] sum przez. D

314

MIROUER

117

a son Filz toute sa bonté, laquelle bonté de Dieu est donnee a cognoistre a l’umain lignage | parmy la mort de Jhesucrist son 9sr Filz; lequel Filz est la louenge du Pere parmanablement, et le 35 rachat d'umaine creature.