Le marathon du messager: Histoire des vaccins à ARN messager 9782759826643

Une véritable course contre la montre est en train de se jouer tout autour du globe entre, d’un côté, le Sars-CoV-2 et,

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Le marathon du messager: Histoire des vaccins à ARN messager
 9782759826643

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Le marathon du messager

Le marathon du messager Histoire des vaccins à ARN messager

JÉRÔME ET NICOLAS LEMONNIER   avec la collaboration de Steve PASCOLO et Chantal PICHON   Dessins humoristiques Gilles Charrot

17, avenue du Hoggar – P.A. de Courtabœuf BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A

      Dessins humoristiques – dont couverture : Gilles Charrot   Secrétariat de rédaction : Gilles Charrot Composition et mise en pages : Patrick Leleux PAO     Imprimé en France ISBN (papier) : 978-2-7598-2663-6 – ISBN (ebook) : 978-2-7598-2664-3       Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2022

 « Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve. » Friedrich Hölderlin Écrivain, poète et essayiste allemand (1770, à Lauffen-am-Neckar – 1843, à Tübingen)       À François Jacob, À François Gros.     Il y a tout juste soixante ans, le 13 mai 1961, François Jacob et François Gros, chercheurs à l’Institut Pasteur de Paris, invités dans deux laboratoires américains pour valider leur hypothèse, relataient simultanément la découverte de l’ARN messager dans le même numéro de la prestigieuse revue Nature…

LES AUTEURS

Jérôme Lemonnier Fils d’un vétérinaire et d’une pharmacienne biologiste, Jérôme Lemonnier est responsable, dans la région Hauts-de-France, de la valorisation des projets d'innovation et de développement économique des industries des filières santé et textile. Cadre supérieur de la fonction publique d’État, il exerce actuellement un métier à la croisée des chemins entre science et industrie.   Nicolas Lemonnier Cousin du précédent, issu d’une mère médecin de la santé publique et d’un père professeur de recherche en immunologie à l’institut Pasteur de Paris, Nicolas Lemonnier est bercé à la biologie dès sa plus tendre enfance ; tout en restant dans le domaine scientifique, il a néanmoins choisi une autre voie et est devenu ingénieur. Il a cofondé deux start-up dans les domaines du Web grand public et de la deeptech et musictech.   Gilles Charrot Dessinateur humoriste, Gilles Charrot a longtemps travaillé pour la presse écrite ; il intervient aujourd’hui en direct dans les congrès et autres séminaires, essentiellement médicaux, au cours desquels il réagit dans l’instant aux propos des différents orateurs. Par ailleurs, il est également secrétaire de rédaction (SR), c’està-dire qu’il s’occupe, pour tout ce qui concerne la chose écrite, de corriger l’orthographe et la syntaxe, de traquer les coquilles, de veiller à la typographie, et de reformuler, si le besoin s’en fait sentir. 7

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient chaleureusement Steve Pascolo et Chantal Pichon, à la fois pour le temps qu’ils ont bien voulu leur accorder lors des échanges préalables à l’écriture du manuscrit, et pour les réponses qu’ils ont apportées à leurs nombreuses questions. Leur expertise sur le sujet, leur objectivité scientifique et leur disponibilité ont été précieuses. Les auteurs remercient aussi Jean Bénard, biologiste et chercheur en pathologie moléculaire (centre anticancéreux Gustave-Roussy, à Villejuif), qui a cru en ce projet familial et lui a apporté un soutien indéfectible. Il a ainsi assuré une première relecture scientifique – attentive et méthodique – de l’ouvrage avec un regard toujours bienveillant. Bien entendu, le livre ne serait pas ce qu’il est sans la patte (et, parfois, les griffes qui vont avec  !) du dessinateur humoriste Gilles Charrot qui lui a apporté une dose d’affectueuse impertinence. Outre son coup de crayon inimitable, notre illustrateur de talent assure aussi, et toujours professionnellement, la fonction de secrétaire de rédaction ; tout au long des remaniements d’écriture, il a donc apporté cet autre savoir-faire sans compter ses heures, ni jamais se départir de sa bonne humeur au cours de cette aventure : un grand merci à lui. 9

Remerciements

Jérôme Lemonnier tient également à remercier son épouse Aurélie, qui a fait preuve de patience, d’écoute et de soutien tout au long de cette belle entreprise  ; elle a donc été la pierre angulaire de cet ouvrage. Nicolas Lemonnier, quant à lui, remercie ses parents – François Lemonnier, ancien professeur de recherche en immunologie à l’Institut Pasteur de Paris, et Jacqueline Lemonnier, ancien médecin inspecteur de santé publique –, qui lui ont donné le goût de la curiosité scientifique et de la compréhension du vivant.

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SOMMAIRE

Les auteurs................................................................................... 7 Remerciements.............................................................................. 9 Sommaire..................................................................................... 11 Avant-propos................................................................................ 15 Préface......................................................................................... 19 Note de méthode sur les références aux brevets, articles et ouvrages cités........................................................................... 21   Introduction : le marathon de l’ARN messager….............................

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Partie I L’ARN messager, un rôle et un enjeu essentiels Chapitre 1. Une petite histoire de la vaccination............................

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Chapitre 2. De l’ADN à l’ARN......................................................... 37 Chapitre 3. L ’ARN messager (ARNm) : de la transcription à la traduction des protéines...........

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La transcription........................................................................

43

La traduction des protéines........................................................ 45 Chapitre 4. Le mécanisme de l’infection virale............................... 49 Chapitre 5. La réaction immunitaire..............................................

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L’immunité innée (ou non spécifique) / la réaction inflammatoire (« GIGN » et « RG »)................................................................. 51 L’immunité acquise et l’activation de l’immunité cellulaire (« gendarmerie », « police » et « armée »)................................... 58 11

SOMMAIRE

Partie II Des études préliminaires aux essais cliniques Chapitre 1. Des études prometteuses dès les années 1990.............. 65 Chapitre 2. L ’utilisation de l’ARNm – les verrous techniques initiaux.................................

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Chapitre 3. La naissance de CureVac : l’ère des pionniers................ 75 Chapitre 4. Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm............. 85 Une optimisation du codage de l’ARNm pour produire la protéine recherchée............................................ 86 Le perfectionnement des méthodes de purification de la molécule d’ARNm.......................................... 88 Une meilleure stabilité de la molécule d’ARNm.............................. 88 Des progrès importants dans le dosage de l’ARNm et le mode d’administration ........................................ 89 Des progrès notables dans le transfert cellulaire de l’ARNm.............

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Chapitre 5. ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ?.. 97 L’invention de Drew Weissman et Katalin Kariko : l’ARNm modifié par la pseudo-uridine...........................................

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L’ARNm modifié par la pseudo-uridine : quelles applications thérapeutiques ?...........................................

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ARNm modifié, ARNm non modifié et vaccination (tableau 3).......... 105 Chapitre 6. L es expériences et essais cliniques réalisés : la puissance de l’ARNm thérapeutique.......................... 109 Chapitre 7. L es expériences et essais cliniques réalisés contre les maladies infectieuses.................................. 117 Chapitre 8. L es expériences et essais cliniques réalisés contre le cancer.......................................................... 125 Chapitre 9. L es expériences et essais cliniques réalisés dans d’autres champs thérapeutiques........................... 129 Les protéines de remplacement................................................... 129 Les maladies génétiques............................................................ 133 La médecine régénérative........................................................... 135

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SOMMAIRE

Les allergies............................................................................. 136 Certains dysfonctionnements hormonaux...................................... 138 Chapitre 10. A  RNm modifié versus ARNm non modifié : un enjeu pas seulement scientifique.......................... 141

Partie III Le triomphe de l’ARN messager Chapitre 1. U  ne diffusion très progressive dans les milieux scientifiques...................................... 151 L’incrédulité des esprits devant tout concept nouveau et la pensée unique ambiante dans trop de laboratoires................. 152 La prééminence des journaux scientifiques et médicaux anglo-saxons.......................................................... 153 L’importance du facteur d’impact de la publication......................... 154 Le pouvoir charismatique des Key Opinion Leaders (KOL)................ 157 Chapitre 2. L e développement des biotechs de l’avenir dans les années 2010................................. 165 Chapitre 3. L ’importance de la propriété intellectuelle et des brevets............................................................. 177 Chapitre 4. 2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid........ 187 Un TGV pour Pfizer/BioNTech et Moderna, un grave revers pour CureVac !.................................................... 197 L’incidence des variants.............................................................. 203 Chapitre 5. L’ARNm, une technologie d’avenir................................. 207   Conclusion................................................................................... 213 Postface de Chantal Pichon........................................................... 225 Postface de Steve Pascolo............................................................. 226   Glossaire des noms communs........................................................... 229 Glossaire des noms propres.............................................................. 235 Liste des références aux brevets (RB)............................................... 237 Liste des références aux articles scientifiques et médicaux (RP)............ 241

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AVANT-PROPOS

« La connaissance révélée n’a d’autre objet que l’obéissance, et est ainsi entièrement distincte de la connaissance naturelle, tant par son objet que par ses principes et ses moyens. »​ Baruch Spinoza (1632 – 1677)

  Le marathon du messager constitue une approche analytique, critique et objective de l’histoire des vaccins à ARN messager. Le propos et la démonstration sont fondés sur une grande richesse de sources documentaires disponibles, à savoir des brevets et des articles médicaux que l’on peut facilement retrouver sur Internet. Le caractère objectif de l’analyse nous paraît être la meilleure réponse à tout soupçon de partialité ou d’arbitraire. Si l’ouvrage raconte une histoire, il n’est, de fait, pas fondé sur un storytelling susceptible de déformer la réalité. Il ne s’agit pas d’une histoire fabuleuse et envoûtante destinée à capter l’attention ni même à emporter l’adhésion crédule – du lecteur. Loin de nous tout récit « mythologique » qui, par exemple, donnerait à voir tel héros « sauveur du monde » qui, incompris de tous, lutterait contre l’adversité, et finirait cependant par triompher. Les ressorts émotionnels de tels récits constituent, à nos yeux, une mystification, dont l’effet final est 15

AVANT-PROPOS

d’empêcher le recul nécessaire à la pensée, et de priver le citoyen du temps de la réflexion critique. Nous contestons sur le fond de tels récits, avant tout fondés sur la subjectivité des personnages. S’en faire l’écho, c’est risquer la manipulation, voire la désinf ormation, parfois même sans en être pleinement conscients. Nous estimons que de tels récits ne donnent pas une vision cohérente, méthodique et argumentée de l’aventure des vaccins à ARN messager. Dans l’histoire des sciences, comme dans l’histoire politique ou sociale, une analyse rigoureuse et objective doit prévaloir. Quant à la critique historique, elle doit également s’appliquer à l’histoire des découvertes scientifiques. Pour cette raison, nous avons fait le choix de ne pas recourir à une multiplicité d’entretiens avec des scientifiques et des chercheurs. Cela nous a évité un récit « catalogue » et subjectif, dans lequel chacun aurait pu avoir tendance à affirmer que lui seul était digne d’estime et de reconnaissance. L’ouvrage n’a donc pas de caractère journalistique. Au contraire, nous avons cherché à acquérir une compréhension profonde de notre objet d’étude. Bien le définir était pour nous la condition primordiale pour faire connaître son histoire, entendue ici comme aventure humaine collective. C’est ainsi que nous est apparue la réelle complémentarité entre les recherches et les découvertes des uns et des autres. Enfin, la mise au point des vaccins à ARN messager constitue la formidable démonstration que, dans la vie de tous les jours, la science, l’industrie, l’économie et la culture sont des domaines qui, bien loin d’être séparés, sont au contraire étroitement liés. Les progrès scientifiques et économiques ainsi que la liberté de pensée et de parole sont, pour cette raison, indissociables.  Le marathon du messager a également pour objectif de susciter cette prise de conscience. Les auteurs se reconnaissent volontiers dans la philosophie de Baruch Spinoza, qui estimait aussi que l’homme devait faire usage 16

AVANT-PROPOS

de la raison pour comprendre les choses de ce monde et que, par ailleurs, il devait laisser de côté la superstition, source de préjugés et d’intolérance. Il est certain, à nos yeux, que, dans le monde actuel, l’homme est plus aisément gouverné par la superstition ; néanmoins, nous espérons qu’en lisant ce livre, il saura faire bon usage de sa raison pour s’élever à une juste compréhension des progrès rendus possibles par l’utilisation de l’ARN messager à des fins thérapeutiques.   En ce sens, notre livre s’inscrit aussi dans la lutte contre les préjugés et le mépris de la science.   Jérôme Lemonnier

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PRÉFACE

Ce livre retrace l’ensemble des recherches et des innovations qui, au terme de plusieurs décennies, ont abouti à la mise au point d’une toute nouvelle technologie – les vaccins à ARNm – efficaces contre le Sars-CoV-2. Ces vaccins sont devenus, aujourd’hui, notre arme principale dans la lutte contre la pandémie Covid-19.   Jérôme et Nicolas Lemonnier, respectivement acteur de la valorisation de l’innovation scientifique, et entrepreneur, ont enquêté auprès des pionniers français, Steve Pascolo et Chantal Pichon, pour restituer l’histoire de cette innovation thérapeutique, majeure pour l’humanité. Ils retracent de façon minutieuse et complète, depuis la découverte de l’ARNm par François Gros, François Jacob et Jacques Monod en 1961, chacune des contributions qui ont jalonné cet étonnant   « marathon du messager ». Car il s’agissait bien d’une épreuve, pour tous ces pionniers, que d’imposer cette nouvelle technologie à leur communauté scientifique incrédule. Le rôle des biotechs et de leurs financeurs, qui ont pris de gros risques, et les résultats obtenus, ont été déterminants pour vaincre le scepticisme ambiant.  

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PRÉFACE

Les voies de l’innovation sont notoirement sinueuses et parfois disjointes, mais le chemin suivi pour développer les vaccins à ARNm a été un véritable labyrinthe. L’objectivité des sources documentaires fait ressortir la véritable complémentarité entre les recherches et les découvertes des uns et des autres des deux côtés de l’Atlantique. À travers l’histoire des vaccins à ARNm, les deux auteurs nous offrent une vision analytique et critique du progrès scientifique, loin du storytelling américain qui éclipse les apports majeurs de la recherche européenne à cette réussite.   Les scientifiques et les décideurs politiques apprécieront ce livre qui, espérons-le, apportera des idées nouvelles aux gouvernements (et aux différents ministères de la Recherche et de l’Innovation) du monde entier, en tirant les leçons de la crise de la Covid-19 et en mettant en œuvre des voies accélérées originales conçues pour fournir les nouvelles technologies indispensables à la protection et à la préservation du monde vivant de notre planète, sous toutes ses formes !   Pierre Meulien Directeur exécutif d’IMI (Innovative Medecines Initiative)

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NOTE DE MÉTHODE SUR LES RÉFÉRENCES AUX BREVETS, ARTICLES ET OUVRAGES CITÉS

L’ouvrage contient un certain nombre de références à des brevets ou à des articles scientifiques et médicaux. Pour ne pas nuire à la clarté du propos, nous avons fait le choix de faire état de toutes les références citées à la fin de l’ouvrage. La partie intitulée « RB » – concerne les références brevets. La seconde partie « RP » – concerne les références « articles scientifiques et médicaux », disponibles sur la base de données Pubmed. Pour ce qui concerne chaque brevet, l’ensemble des références utiles sont mentionnées : (i) la référence précise du brevet enregistré à l’OMPI (numéro et désignation) ; (ii) les entreprises, organismes, institutions, et détenteurs du brevet ; (iii) les inventeurs du brevet ; (iv) la date de dépôt international du brevet ; (v) la date de publication du brevet ; (vi) le lien vers le site Internet.  

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NOTE DE MÉTHODE SUR LES RÉFÉRENCES

Le renvoi sera effectué en note de bas de page avec la mention « RB ». Ainsi, une note de bas de page avec « RB : 1 » signifie : « voir “référence brevet : 1” ». Il suffira alors au lecteur de se reporter à la référence n° 1. Pour ce qui concerne les articles parus dans les revues scientifiques et médicales, leur résumé (et parfois l’article en entier) est disponible sur Internet sur le site des éditeurs des revues ou dans des bases de données scientifiques et médicales comme Pubmed. Ces articles sont référencés avec les métadonnées suivantes : (i) titre de l’article ; (ii) auteur(s) ; (iii) revue dans laquelle l’article est publié ; (iv) numéro de la revue ; (v) date de publication ; (vi) DOI (Digital Object Identifier) qui identifie l’article sur Internet ; (vii) page citée.   Le renvoi sera effectué vers une note de bas de page avec la mention « RP ». Il est important de noter que, sur les articles scientifiques, les personnes clés sont le dernier auteur (en général, le chef de laboratoire ou de groupe qui a eu l’idée du projet, obtenu les financements et sécurisé l’infrastructure) et le premier auteur (en général, un étudiant ou un chercheur postdoctoral qui a réalisé le projet qu’on lui a confié, et qui a plus ou moins contribué à la réalisation de celui-ci). Le deuxième et l’avant-dernier auteurs peuvent aussi avoir apporté une contribution importante. Les autres auteurs ont souvent seulement participé de façon éloignée aux résultats présentés dans l’article (aide ponctuelle aux expériences ou apport de certains réactifs utiles à l’avancée du projet, par exemple). Ainsi, une note de bas de page qui indique « RP : 1 » signifie : « voir “référence Pubmed : 1” ». Il suffira alors au lecteur de se reporter à la référence n° 1. 22

LE MARATHON DU MESSAGER

NOTE DE MÉTHODE SUR LES RÉFÉRENCES

Ont été cependant laissées au bas des pages les notes suivantes : (i) lien vers des sites Internet génériques ; (ii) références à des ouvrages généraux non spécialisés ; (iii) commentaires explicatifs détaillés sur telle ou telle question évoquée dans le corps du texte. 

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INTRODUCTION : LE MARATHON DE L’ARN MESSAGER…

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INTRODUCTION : LE MARATHON DE L’ARN MESSAGER…

Dans ses Œuvres morales, Plutarque rapporte le fait historique suivant sur le messager Euclès, qui revient hors d’haleine du champ de bataille de Marathon, en 490 avant Jésus-Christ, pour informer les Athéniens de la victoire grecque sur les Perses : « Héraclide du Pont dit que Thersippe d’Erée apporta la nouvelle de la bataille de Marathon. D’autres prétendent, et c’est le plus grand nombre, que ce fut Euclès. Ils disent qu’il arriva à Athènes encore tout fumant du sang des ennemis ; qu’il tomba de fatigue à la porte des magistrats, à qui il ne dit que ces paroles “Réjouissez-vous, nous avons vaincu”, et qu’il tomba mort à leurs pieds ». Le coureur Euclès, qui transmet la bonne nouvelle, et grâce à qui l’ensemble de la cité connaît la victoire grecque contre les « barbares » perses ressemble, d’une certaine manière, à l’ARN messager (ARNm). S’agissant du Sars-CoV-2, la copie d’une partie de l’ARN messager de cet intrus viral est formulée dans un vaccin. Elle va aider ensuite l’homme à évincer la Covid à la suite d’un processus biologique remarquable, qui engage le système immunitaire. C’est un parcours à l’échelle de l’infiniment petit bien comparable à celui d’Euclès, qui séparait Marathon d’Athènes. Et à considérer la mise au point de la technologie à ARNm pour la vaccination, longue de plusieurs décennies, l’allégorie historique s’applique tout autant. En mars 2020, au début de la pandémie de la Covid-19, qui pouvait croire sérieusement à une issue prophylactique apportée par les vaccins à ARNm synthétiques ? Des vaccins promis en six mois seulement, alors que chacun pensait que cela prendrait des années, même avec des outils technologiques très supérieurs à ceux de Louis Pasteur ? Le plus grand scepticisme régnait. Seuls quelques chercheurs initiés connaissaient les difficultés technologiques résolues depuis un quart de siècle pour mener à bien cette prouesse scientifique : la formulation d’un ARNm synthétique suffisamment efficace pour être injecté à des fins thérapeutiques. Cela illustre bien le travail, l’ingéniosité et la force de volonté de l’être humain. La mise au point des vaccins à ARNm synthétique témoigne, en outre, de la dimension collective du travail scientifique. Elle a 26

INTRODUCTION : LE MARATHON DE L’ARN MESSAGER…

impliqué des chercheurs de différents pays qui, peu à peu, se sont appuyés sur des méthodes reconnues et partagées par tous : la formulation et la vérification d’hypothèses par l’expérimentation et le raisonnement déductif à partir de données observables, pour faire progresser la connaissance objective. Ce travail a été mené sur plusieurs décennies. Il y eut tout d’abord des aventuriers, qui ont eu l’immense mérite de défricher une terra incognita pour la biologie, à un moment où l’aventure pouvait faire peur ou apparaître comme inutile, ou trop risquée. Ces chercheurs ont été suivis par des médecins qui ont eu la formidable envie d’utiliser l’ARNm pour à la fois proposer des nouvelles thérapies et un espoir aux malades. Leur adhésion conduit aujourd’hui à des approches thérapeutiques plus personnalisées, plus fines et plus ciblées. Tous ont contribué aux progrès de la biologie et de la médecine. Tous aident également aujourd’hui l’être humain à mieux comprendre les mécanismes biologiques les plus fondamentaux qui garantissent, chez tous les êtres vivants, les activités essentielles à la vie. Ces biologistes et ces médecins ont fait des vaccins à ARNm antiCovid une réalisation majeure, dont le retentissement sur les politiques sanitaire et économique de tous les pays du monde est d’ores et déjà considérable. À l’heure où la pandémie de Covid-19 bouleverse le monde et affole les gouvernements, ces vaccins novateurs et performants, apparus les premiers, sont les traitements les plus efficaces ; tous les pays se les arrachent aujourd’hui, dans la mesure où ils apparaissent indispensables à l’atteinte de l’immunité collective et à la relance de l’économie. Ce livre se propose de rapporter l’histoire, jusque-là méconnue, des vaccins fondés sur l’ARNm synthétique. Il veut faire connaître ses fondateurs et leurs difficultés à imposer cette nouvelle voie thérapeutique. Il raconte cette saga où le génie heuristique de l’homme démontre son pouvoir à trouver des solutions aux questions, aux énigmes, aux vents contraires et aux incertitudes qui se posent aux 27

INTRODUCTION : LE MARATHON DE L’ARN MESSAGER…

limites du monde connu. Ce livre est l’occasion de manifester à ces pionniers reconnaissance et gratitude, à la fois pour tout le travail déjà réalisé, comme pour celui rendu possible pour l’avenir. Ces scientifiques ont été, comme disait le général de Gaulle à propos de Winston Churchill, « les grands champions d’une grande entreprise, et les grands artistes d’une grande histoire ».

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Partie I L’ARN messager, un rôle et un enjeu essentiels

1 Une petite histoire de la vaccination La vaccination consiste à stimuler les mécanismes de défense immunitaire de l’organisme contre un micro-organisme capable d’entraîner une maladie. La compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans la vaccination a été lente et progressive. Dans un premier temps, les méthodes ont été empiriques. Il semble que, dès le Moyen Âge, on pratiquait en Chine la variolisation : il s’agissait d’inoculer le contenu d’une vésicule d’un malade faiblement atteint de la variole à la personne que l’on souhaitait immuniser. Le résultat restait aléatoire : le taux de mortalité pouvait en effet atteindre 1 à 2 %. Le procédé, très controversé, fut progressivement abandonné au xviiie siècle. La méthode empirique de vaccination mise au point par le médecin anglais Edward Jenner, en 1796, se révéla beaucoup plus efficace. Jenner avait constaté que les paysannes anglaises étaient souvent exposées à une maladie bénigne des ruminants appelée variole de la vache (variola vaccina), qui se caractérisait par la présence de boutons pustuleux sur les pis des vaches. Les paysannes elles-mêmes présentaient des boutons pustuleux sur les mains, car la contamination croisée se faisait au moment de la traite. En revanche, ces femmes 31

Une petite histoire de la vaccination

ne tombaient jamais malades de la variole. Edward Jenner eut alors l’idée d’inoculer le contenu des vésicules à d’autres personnes, ce qui les immunisa également contre la variole. Ce procédé se répandit rapidement, d’abord en Angleterre, puis dans d’autres pays. Le mot « vaccination » vient de cette inoculation de la vaccine. La méthode est inductive : d’abord partir des faits, puis construire un raisonnement logique. À la fin du xixe siècle, Louis Pasteur eut la même approche inductive et expérimentale dans ses recherches sur la rage. Chimiste de formation, il démontra le premier l’existence de micro-organismes responsables de maladies, en étudiant le choléra des poules. Puis, le premier là encore, il comprit le principe de la vaccination, fondée sur l’atténuation de la virulence des germes et l’acquisition de l’immunité, d’abord chez les poules, puis chez les moutons atteints par le charbon, et enfin chez l’homme. Les étapes de ce grand « saut » méritent d’être brièvement rappelées. En travaillant sur la rage, Pasteur découvrit les procédés qui atténuaient le virus présent dans le cerveau de chiens enragés(1). La suite est connue : en 1885, on lui amène Joseph Meister, un enfant alsacien mordu par un chien enragé. Pasteur lui fait plusieurs injections, d’abord de virus très atténués, puis de plus en plus virulents. C’est un véritable succès. Une expérimentation à plus grande échelle est réalisée ; comme le dit le grand cancérologue Maurice Tubiana (1920 – 2013) dans son Histoire de la pensée médicale : « C’est un triomphe, malgré les criailleries de médecins qui se déchaînent contre Pasteur, qui n’est pas médecin et qui ose faire injecter son vaccin »(2). Le vaccin antirabique de Pasteur est donc un vaccin vivant atténué : on injecte au patient une version modifiée, et inoffensive, de l’agent pathogène, ce qui stimule ensuite son immunité, selon

1.  Il eut besoin pour cela de toute une animalerie de chiens… 2.  Cf. Maurice Tubiana, Histoire de la pensée médicale. Les chemins d’Esculape, Éd. Champs Flammarion, 1997, p. 220. 32

LE MARATHON DU MESSAGER

Une petite histoire de la vaccination

les mécanismes de réponse immunitaire décrits dans la première partie(3). Ce type de vaccins a été développé au cours du xxe siècle : le BCG (1921), le vaccin antipoliomyélite (1952), etc. Il existe également des vaccins qui, s’ils sont élaborés à partir de virus tués ou inactivés, conservent cependant un pouvoir immunogène comme, par exemple, le vaccin contre la coqueluche, mis au point en 1926. Ces vaccins contiennent généralement davantage d’adjuvants, et des rappels sont plus souvent nécessaires. Pour le Sars-CoV-2, le vaccin chinois Sinovac est fondé sur cette approche. Au regard de l'actualité, on s'aperçoit qu'ils ne déparent en rien des autres vaccins (pour les rappels fréquents). Parmi tous ces vaccins, le ROR (rougeole/oreillons/rubéole), mis au point dans les années 1960, mérite une mention particulière, puisqu’il s’agit du premier vaccin à ARNm à proprement parler. Comme l’explique Steve Pascolo, immunologiste et chercheur à l’hôpital universitaire de Zürich : « Le vaccin ROR, rougeole, oreillons, rubéole, fonctionne avec des virus à ARN atténué(4). Lorsqu’il est injecté, les virus donnent dans vos cellules leur ARN messager. (…) Produits dans des œufs fertilisés, les vaccins de type ROR contiennent beaucoup d’ARN, de lipides, et diverses protéines. En revanche, les nouveaux vaccins à ARN ne contiennent que la molécule d’ARN purissime, et quatre lipides. Autrement dit, la version à ARN messager [utilisé contre la Covid-19] est beaucoup plus pure et plus sûre que les vaccins à ARN produits de façon naturelle (…) » (5). 

3. Cf. infra point I. 4, « La réaction immunitaire ». 4.  Le virus de la rougeole étant un virus à ARN, le vaccin correspondant (obligatoire en France) est également un vaccin à ARN, comme celui du Sars-CoV-2. Cependant, dans le cas de la rougeole, il s’agit d’un ARN naturel, alors que c’est un ARN de synthèse dans le cas du Sars-CoV-2. 5.  Le passage cité lors d’une interview de Steve Pascolo sur France Inter, le 4 janvier 2021, peut être consulté sur Internet à l’adresse suivante : https://www.franceinter. fr/societe/vaccins-utiliser-l-arn-messager-n-est-pas-nouveau-c-est-savoir-le-fabriquerqui-est-nouveau. Le rôle de Steve Pascolo dans l’histoire des vaccins à ARNm sera abordé en détail infra en partie II, « Des études préliminaires aux essais cliniques ». 33

Une petite histoire de la vaccination

Actuellement, trois autres types de vaccins ont été mis au point, qui sont en concurrence avec les vaccins à ARNm pour le traitement de la Covid-19 : – les vaccins à ADN, caractérisés par une construction d’ADN par génie génétique pour entraîner une réponse immunitaire consécutive à la production d’un antigène spécifique ; – les vaccins à vecteurs viraux, qui consistent à intégrer le gène d’une protéine virale dans le patrimoine génétique d’un autre virus. Ce principe est à la base de la fabrication du vaccin Astrazeneca contre le Sars-Cov-2 : le gène de la protéine S pike(6) est alors introduit dans le génome d’un adénovirus de chimpanzé génétiquement modifié pour limiter sa réplication(7). Ainsi, le vaccin rend possible l’intégration d’une partie d’ARN viral dans le génome humain, via un virus à ADN responsable d’une maladie qui n’a, jusqu’ici, jamais affecté l’être humain. Cette manipulation n’a absolument rien de naturel et relève en réalité du génie génétique. Paradoxalement, elle n’a pourtant, jusqu’alors, soulevé ni interrogations scientifiques ou éthiques ni indignation de la population(8) ! Pourtant, un tel procédé pourrait, à terme, avoir une incidence sur le bon fonctionnement de notre système immunitaire. De très rares, mais graves thromboses liées précisément à un dysfonctionnement du système immunitaire de certains patients ont déjà été identifiées comme un effet secondaire des vaccins Astrazeneca 6.  La protéine virale spike est une grande protéine transmembranaire contenant 1 273 acides aminés. Elle a joué un rôle important dans la mise au point des vaccins à ARNm anti-Covid : cf. infra partie III.4, « 2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid ». 7.  Pour le vaccin Johnson & Johnson, fondé sur le même principe, il s’agit d’un adénovirus humain génétiquement modifié pour freiner sa réplication. 8. À l’exception notable du regretté professeur Axel Kahn, lequel, dès novembre 2020, avait insisté sur le caractère de « vaccins OGM » des vaccins Astrazeneca, Johnson & Johnson et Spoutnik : cf. « «Les vaccins d’AstraZeneca, Johnson & Johnson et Spoutnik sont des vaccins OGM», explique Axel Kahn », in L’Usine Nouvelle, article du 27 novembre 2020 disponible à l’adresse suivante : https://www.usinenouvelle.com/article/les-vaccins-d-astrazeneca-johnson-johnsonet-spoutnik-sont-des-vaccins-ogm-explique-axel-kahn.N1033634. 34

LE MARATHON DU MESSAGER

Une petite histoire de la vaccination

et Johnson & Johnson. Ce risque n’est pas encouru avec les vaccins à ARNm ; – les vaccins à base de protéines, fondés sur la production et purification de protéines virales. Pour ce qui concerne le Sars-Cov-2, le vaccin Novavax est fondé sur ce principe : la protéine Spike modifiée est alors intégrée dans des nanoparticules, lesquelles déclenchent ensuite la réponse immunitaire de l’organisme. Les vaccins à ARNm représentent ainsi l’aboutissement des progrès de la vaccination réalisés depuis quelque deux cents ans. Ils témoignent d’une compréhension de plus en plus pointue du fonctionnement des mécanismes cellulaires, ce qui conduit à préparer le système immunitaire de façon ciblée et propre. Comme nous allons le voir, ce format vaccinal engendre l’expression de protéines isolées. Par ailleurs, ce type de vaccins requiert moins d’adjuvants et moins d’expérimentations animales préalables. Pour bien comprendre en quoi consistent ces vaccins, voyons tout d’abord ce qu’est l’ARNm, en expliquant comment, chez chaque être vivant, il se distingue de l’ADN.

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2 De l’ADN à l’ARN

De manière historique, rappelons tout d’abord les faits éminents qui ont conduit au principe fondamental de la biologie moléculaire. En 1869, un médecin suisse, Friedrich Miescher, presque sourd et, en partie pour cette raison, peu disposé à faire une carrière de soignant, découvre dans la cuisine du château de Tübingen (Allemagne), transformée en laboratoire, une substance riche en phosphate et en azote en provenance des noyaux des cellules de sang obtenus de patients traités à l’hôpital de Tübingen. Il affirme que cette substance, qu’il appelle « nucléine », n’est ni un sucre, ni un lipide, ni une protéine : c’est une nouvelle substance biologique. De retour en Suisse, à Bâle, après deux ans de recherche à Tübingen, il continue ses recherches en utilisant cette fois des cellules du sperme des saumons du Rhin. Il en isole à nouveau la nucléine. Ses étudiants et successeurs continueront à étudier cette dernière, pour en définir la composition et la contenance : il s’agit de quatre éléments de bases appelés l’adénine, la thymine, la guanine et la cytosine qui s’associent par un lien phosphate.   37

De l’ADN à l’ARN

En 1953, James Watson et Francis Crick, de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne), découvrent la structure de l’ADN : une double hélice antiparallèle caractérisée par l’appariement des bases azotées cytosine – guanine et adénine – thymine. La structure particulière de cette double hélice est décrite dans l’encadré « Le squelette de l’ADN et de l’ARN ». Ils reçoivent le prix Nobel de médecine en 1962 « pour leurs découvertes relatives à la structure moléculaire des acides nucléiques et leur importance pour le transfert de l’information génétique dans la matière vivante »(9). Trois ans plus tard, en 1965, Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff, de l’Institut Pasteur de Paris, reçoivent également le prix Nobel de médecine pour avoir, selon François Jacob, « comblé le vide existant entrer le gène (unité de l’hérédité) et le caractère » et compris « par quel mécanisme se trouvaient dirigés à distance la synthèse et le comportement des protéines qui sont les constituants essentiels de la matière vivante ». Les trois pasteuriens – auxquels il faut ajouter François Gros(10) –, ont compris que les mécanismes d’expression et de régulation des gènes, dont l’ARN messager (ARNm), qui relie l’information génétique encodée dans l’ADN aux protéines, sont un élément clé. Plus précisément, insistons ici sur le rôle fondamental assuré par le gène, pour comprendre comment notre ADN peut s’exprimer et être traduit dans chaque protéine produite par notre organisme !

9.  Citation extraite du site Internet suivant : « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1962 » [archive], sur www.nobelprize.org, 1962 (consulté le 29 mars 2015) : « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1962 was awarded jointly to Francis Harry Compton Crick, James Dewey Watson and Maurice Hugh Frederick Wilkins “for their discoveries concerning the molecular structure of nucleic acids and its significance for information transfer in living material” ». 10.  La contribution spécifique de François Gros est signalée dans la dédicace de ce livre. 38

LE MARATHON DU MESSAGER

De l’ADN à l’ARN

Le gène représente l’unité fonctionnelle de l’information génétique. Des milliers de gènes se trouvent ainsi sur chacun de nos quarante-six chromosomes ; ils constituent notre identité génétique. Pour chaque cellule de notre organisme, un même gène peut être exprimé, ou ne pas l’être. Ainsi, pour une cellule du pancréas, le gène qui code la production d’insuline sera exprimé. Ce gène « production de l’insuline » sera, bien sûr, présent dans l’ADN des autres cellules de l’organisme, mais il ne sera alors pas exprimé. L’expression génétique repose alors sur la production de l’ARN messager correspondant, « qui fait le lien entre le gène et le caractère », selon la formule lumineuse de François Jacob. 39

De l’ADN à l’ARN

© Institut Pasteur.

Chaque cellule de l’être humain contient des milliers de molécules d’ARN messager. Cet ARN spécifique, appelé « messager », joue un rôle d’intermédiaire entre l’ADN et la synthèse des protéines : c’est la photocopie de la page d’un livre, qui est détruite après utilisation. L’information génétique passe ainsi de l’ADN à l’ARN messager et de l’ARN messager aux protéines.

Figure 1 | François Gros vers 1960.

Le squelette de l’ADN et de l’ARN Chez les êtres vivants eucaryotes (animaux, plantes, champignons et protozoaires), l’ADN se trouve localisé majoritairement dans les chromosomes au sein du noyau de chaque cellule.   Le noyau, « organe » réservoir des informations nécessaires au fonctionnement de toute cellule, contient en effet les 23 paires de chromosomes (chez l’homme) qui représentent le patrimoine génétique propre à chaque individu. Il détermine les caractéristiques anatomiques, physiologiques et, en partie, comportementales d’un individu.  L’ensemble de ces informations est stocké dans de très longues molécules semblables à un très long collier de plusieurs millions de perles de quatre couleurs différentes : l’acide désoxyribonucléique ou ADN. La structure caractéristique de l’ADN, organisée en une double hélice dite « Watson- Crick »,

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LE MARATHON DU MESSAGER

De l’ADN à l’ARN

© Institut Pasteur.

comprend quatre bases azotées qui s’apparient mutuellement un brin à l’autre : l’adénine, la thymine, la guanine et la cytosine, A, T, G, et C. C’est cette séquence particulière, propre à chaque individu, qui définit en réalité son identité biologique propre.   Chaque brin se structure en un squelette linéaire, mais souple, constitué de la répétition d’un motif élémentaire : phosphate-sucre-base azotée (11). La complémentarité des deux brins constitue la garantie du maintien de l’information génétique : la séquence d’un brin qui vient à disparaître sera recopiée à partir du brin complémentaire conservé et restituera la structure bi-hélicoïdale perdue.   À la différence de l’ADN, l’ARNm est monocaténaire ; il est la copie du seul brin codant de l’ADN, mais il est écrit dans une syntaxe nouvelle : comme sucre, le ribose remplace le désoxyribose, et parmi ses quatre bases azotées, l’uracile replace la thymine. Cette molécule, qui combine A, U, G, et C, est la matrice intermédiaire et transitoire qui va être lue par la machinerie traductionnelle pour synthétiser les protéines.

Figure 2 | François Jacob.

11.  Le sucre est le désoxyribose pour l’ADN et le ribose pour l’ARN. Le désoxyribose contient un atome d’oxygène de moins que le ribose, d’où son nom. On appelle nucléoside l’élément constitué par une base azotée associée à un sucre. 41

3 L’ARN messager (ARNm) : de la transcription à la traduction des protéines

L’ARNm assure l’expression de l’information génétique propre à chaque individu. Cette expression de l’information est réalisée au cours de deux étapes essentielles, la transcription et la traduction.

LA TRANSCRIPTION La transcription correspond à la synthèse de l’ARN à partir d’ADN, réalisée dans le noyau de chaque cellule par des enzymes spécifiques appelées RNA polymérases. Ces enzymes polymérisent les molécules d’ARN à partir de la séquence de l’ADN en utilisant un code spécifique dans lequel l’une des quatre bases constitutives de l’ADN (A, T, G et C), la thymine (T), est remplacée par l’uracile (U). Les ARN polymérases sont les « photocopieuses » du grand « livre » que constitue l’ADN. Ainsi, la séquence d’informations propre à un gène, et 43

L’ARN MESSAGER (ARNm) : DE LA TRANSCRIPTION À LA TRADUCTION DES PROTÉINES

à sa fonction dans l’organe, est copiée en une molécule d’ARNm. Ce message transitoire, une fois utilisé par la machinerie à fabriquer la protéine voulue, sera détruit. C’est un messager fugace, qui remplit sa mission dans un instant bref ! Cet ARNm, qui s’écrit de gauche à droite en parlant de 5’et 3’respectivement, comprend différentes parties : •  aux extrémités, deux parties qui caractérisent l’ARNm : la « coiffe 5’ » (qui comprend une molécule de guanine, G) et la « queue poly (A) » 3’ (qui comprend plusieurs dizaines de molécules d’adénine, A) ; •  des séquences non traduites en protéines, appelées UTR (UnTranslated Region) : la « 5’ UTR » et la « 3’ UTR ». Cette dernière séquence joue en particulier un rôle important pour assurer la stabilité ou l’instabilité de la molécule d’ARN messager, ce qui se révèle important pour la mise en place d’un vaccin fondé sur cette molécule(12). Son optimisation peut conduire à obtenir des ARNm plus stables et donc, des vaccins à ARNm plus efficaces ; •  enfin, la région qui compte les segments codants pour la traduction des protéines. Pour produire de l’ARNm synthétique in vitro, on utilise de l’ADN présent dans des plasmides, qui sont chez les bactéries des molécules d’ADN circulaires et autonomes. Cette matrice est transcrite en ARN par l’ARN polymérase. On ajoute en même temps, ou bien ensuite, les parties caractéristiques des ARNm : une coiffe en 5′ et une séquence terminale en 3′ de l’ARN – la queue poly(A).

12.  Des petites molécules d’ARN non codants, appelés micro-ARN, ciblent plus particulièrement cette séquence 3’UTR de l’ARN messager. Ce faisant, elles jouent un rôle important dans la dégradation de la molécule d’ARN messager, d’où l’importance du choix de cette séquence 3’UTR pour les fabricants de vaccins anti-Covid. 44

LE MARATHON DU MESSAGER

L’ARN MESSAGER (ARNm) : DE LA TRANSCRIPTION À LA TRADUCTION DES PROTÉINES

LA TRADUCTION DES PROTÉINES Voyons maintenant comment s’effectue cette traduction. Une fois transcrit, l’ARNm sort du noyau grâce à des pores dans la membrane nucléaire, pour arriver dans le cytosol où se trouve la machinerie prête à traduire l’ARNm en protéines. La traduction correspond à la synthèse d’un polypeptide, à savoir d’un alignement particulier d’acides aminés à partir de l’ARNm. Ce processus utilise un codage pour lire la « feuille de route » de synthèse des protéines. Sur la séquence de l’ARNm, la machinerie traductionnelle est orchestrée par la reconnaissance de triplets de bases, appelés codons. Il existe 20 acides aminés qui sont incorporés dans les protéines humaines. Toute protéine est construite à partir d’un enchaînement spécifique de ces 20 acides aminés ; elle forme ainsi une molécule plus ou moins longue. Chaque protéine possède également une structure et une forme spécifiques qui déterminent sa fonction dans l’organisme. Chacun de ces 20 acides aminés correspond, comme dit plus haut, à un triplet de bases d’ARN appelé codon(13). Par exemple, l’acide aminé glycine correspond au triplet GGA ainsi qu’au triplet GGG, alors que l’arginine correspond au triplet CGC ainsi qu’au triplet CGG. Donc, si un ARNm présente une séquence de bases GGACGCGGGCGG, il codera une protéine glycine-arginine-glycinearginine. C’est grâce à ce codage universel que l’ARNm sera traduit en protéine. C’est la séquence d’acides aminés constituant une protéine (que l’on peut comparer à un collier de perles, mais avec des perles de 20 couleurs) qui va dicter la fonction de la protéine : insuline, anticorps, hémoglobine, etc. La cellule construit la protéine à partir des instructions qu’elle « lit » dans le message génétique que constitue l’ARNm. La cellule possède des mécanismes de surveillance qui empêchent la traduction des ARNm dont la maturation est incorrecte. 13.  Un codon est donc formé de trois nucléotides. Par exemple, la séquence d’un codon pourra être : guanine – guanine – adénine. 45

L’ARN MESSAGER (ARNm) : DE LA TRANSCRIPTION À LA TRADUCTION DES PROTÉINES

Dans les faits, la traduction s’effectue au niveau de particules intracellulaires appelées ribosomes, dont la fonction est de mettre en correspondance une molécule d’ARNm avec un autre type d’ARN, appelé ARN de transfert (ARNt). Chaque ARNt est attaché à un acide aminé particulier. Au fur et à mesure de la traduction, les ARNt sont alignés, de telle sorte que le message porté par chaque codon de l’ARNm se trouve traduit en un acide aminé précis. Au fur et à mesure de la traduction, les molécules d’acides aminés sont reliées les unes aux autres, et forment une chaîne. C’est ainsi qu’a lieu la synthèse d’un polypeptide. Ce polypeptide connaîtra ensuite diverses modifications, grâce auxquelles il acquerra sa forme définitive pour devenir une protéine pleinement fonctionnelle. Il s’agit, par exemple, du repliement spécifique à chaque protéine, qui lui donne ses caractéristiques et ses fonctions propres (par exemple : hémoglobine, insuline, kératine, myosine, spike du Sars-CoV-2, etc.). La protéine est ensuite acheminée vers sa destination finale, à l’intérieur de la cellule (protéine cytoplasmique) ou vers la membrane cellulaire (protéine membranaire) ou encore vers l’extérieur de la cellule (protéine S écrétée). Une fois la protéine traduite, l’ARNm est ensuite dégradé dans le cytoplasme cellulaire. Dans la plupart des cas, la dégradation commence par le retrait de la queue poly(A) ou de la coiffe. Les maladies génétiques, dans la mesure où elles se caractérisent par une mutation de l’ADN, entraîneront le plus souvent la formation d’un ARNm altéré, ce qui aura pour conséquence des erreurs dans la traduction de protéines(14). D’où l’intérêt d’un ARNm synthétique pour fabriquer des protéines fonctionnelles et normales qui auront une vertu thérapeutique(15). 14.  Des agents reconnus comme mutagènes interagissent également avec l’ADN : il en résulte des mutations qui aboutissent à la synthèse de protéines dysfonctionnelles. Parmi les agents mutagènes, on peut citer les rayons ultraviolets, les rayons X, certains polluants et produits chimiques, etc. 15.  Pour plus de détails sur ce sujet, cf. infra partie II.9, « Les expériences et essais cliniques réalisés dans d’autres champs thérapeutiques ». 46

LE MARATHON DU MESSAGER

Protéine

Broyeuse (RNase)

Cuisinier (ribosome)

Photocopie (ARNm)

Plat (protéine)

copie

Photocopieuse (ARN polymérase)

Livre de recettes (ADN)

Dans une cuisine : livre de recettes photocopié et photocopie lue pour réaliser la recette

Tableau 1 | Expression génétique et élaboration d’une « recette de cuisine » – reproduit avec l’aimable autorisation de Steve Pascolo.

Steve Pascolo

« Il est plus facile de réaliser une photocopie (vaccin à ARNm) de n’importe quelle recette plutôt que de confectionner un gâteau (vaccin protéique), surtout si l’on doit faire une tarte aux fraises, alors qu’on a l’expertise pour les profiteroles. »

Ribosomes

ARN polymerase

ARNm messager synthétique produit in vitro

RNase

ARN messager

cytoplasme

Pores nucléaires

ADN

Gêne

Dans une cellule : ADN copié en ARN et traduit en protéines

L’ARN MESSAGER (ARNm) : DE LA TRANSCRIPTION À LA TRADUCTION DES PROTÉINES

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L’ARN MESSAGER (ARNm) : DE LA TRANSCRIPTION À LA TRADUCTION DES PROTÉINES

Le tableau 1, qui établit une analogie entre l’expression génétique et l’élaboration d’une recette de cuisine, donne une vision tout à la fois complète et immédiatement compréhensible de l’ensemble des mécanismes de biologie moléculaire impliqués.  

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LE MARATHON DU MESSAGER

4 Le mécanisme de l’infection virale

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Le mécanisme de l’infection virale

Les virus sont responsables de nombre de maladies. Certaines d’entre elles semblent être apparues soudainement ces dernières décennies : cf. encadré « Le virus du sida et les nouveaux virus ». Quels sont les processus en jeu lors de l’infection virale ? Bien que constitué de matériel génétique (ADN ou ARN), un virus n’a pas de vie propre, il ne peut pas se reproduire, autrement dit répliquer son génome. On dit de lui qu’il a une vie empruntée. Il ne peut se développer qu’à l’intérieur d’une cellule hôte de l’organisme qu’il infecte. La taille des virus est très variable : de vingt nanomètres pour les plus petits à environ mille cinq cents nanomètres pour les plus grands. Entourés d’une coque protéique, certains virus présentent en outre une enveloppe lipidique (virus « enveloppés »). Dans le cas du Sars-CoV-2, c’est avec une protéine insérée dans cette enveloppe lipidique extérieure du virus, la protéine S pike, qu’il va infecter une cellule donnée de l’organisme. En effet, cette protéine S e fixe à l’une des protéines présentes à la surface des cellules épithéliales rhino-pharyngées : le récepteur ACE2. Une fois cette cellule infectée, toute sa machinerie cellulaire est mise au service de la reproduction du virus. Plus précisément, dans le cas d’un virus à ARNm comme le SarsCoV-2, le virus code également une enzyme ARN réplicase virale, qui va dupliquer cet ARNm(16). Dans le même temps, l’ARNm viral sera traduit en protéines de la capside – la structure qui enveloppe le génome viral – et en protéines de l’enveloppe proprement dite du virus (dont la fameuse protéine S pike pour le virus Sars-CoV-2 actuellement ciblée par le vaccin à ARNm synthétique). L’ensemble – formé par l’ARNm viral dupliqué et par les protéines virales traduites – forme alors un nouveau virus qui va sortir de la 16.  Les virus à ARNm de la famille coronavirus, comme le Sars-CoV-2, peuvent parfois muter, même si leurs réplicases sont très fidèles, car elles possèdent un mécanisme de vérification des erreurs. Cela rend compte de l’apparition des variants de la Covid-19, comme on le verra dans la troisième partie (cf. sur ce sujet infra partie II.4). 50

LE MARATHON DU MESSAGER

Le mécanisme de l’infection virale

cellule par bourgeonnement. Le Sars-CoV-2 va infecter d’autres cellules et, de proche en proche, le processus s’emballe. Le virus du sida et les nouveaux virus Certains virus, comme le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), sont des rétrovirus. Le VIH possède en effet une enzyme appelée rétrotranscriptase, qui transforme l’ARN viral en ADN. Cet ADN pourra ensuite s’insérer dans l’ADN de la cellule hôte. Ce mécanisme est à la base de l’infection par le rétrovirus VIH. L’ADN viral inséré ne quitte alors jamais le génome de la cellule hôte, où il est ensuite transcrit en molécules d’ARNm qui serviront pour la prochaine génération de rétrovirus.   Par ailleurs, depuis quelques dizaines d’années, de nouveaux virus, agents de maladies infectieuses, sont apparus dans le monde. Le rythme des épidémies et des pandémies s’est significativement accru pour trois raisons principales : •  la propension à muter des virus existants. Ces derniers peuvent avoir une disposition à muter plus ou moins importante. La mutation d’un virus peut, en particulier, avoir pour conséquence de rendre inefficace l’immunité acquise précédemment lors de la primo-infection ; •  les voyages intercontinentaux et les migrations : les populations se trouvent de plus en plus en contact en raison de l’accroissement des migrations. Il en résulte qu’un virus qui ne concernait auparavant qu’une partie isolée d’un continent aura une propension à se répandre et à se propager dans le reste du monde ; •  enfin, les animaux réservoirs de virus, la déforestation, l’urbanisation, la consommation de viande et l’industrialisation sont autant de facteurs qui favorisent ces épidémies. Ainsi, la proximité avec l’homme des élevages d’animaux (visons, canards, poulets, etc.) accroît le risque d’une transmission du virus de l’animal à l’homme. C’est ce qui s’est passé pour la grippe H1N1 de 2008 et, probablement, pour la Covid-19.   Parmi les virus apparus ces dernières années, outre le VIH, mentionnons Ebola, le zika, le chikungunya, le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), le MERS (Middle East Respiratory Syndrome) et, bien sûr, le Sars-Cov-2.

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5 La réaction immunitaire

Le processus de l’infection virale ayant été décrit succinctement, il est important de présenter les mécanismes en jeu dans la réponse immunitaire de l’organisme infecté. Pour reprendre l’exemple du Sars-CoV-2, l’ARNm viral, au moment de l’infection, est traduit en protéines virales dans la cellule infectée. Ces protéines produites par la cellule, appelées antigènes, déclenchent la réponse immunitaire via des cellules particulières dites « présentatrices d’antigènes ». Ce sont essentiellement les cellules dendritiques(17) qui réalisent cette première étape de la réponse immune. Présentes dans tous les tissus, elles siègent tout particulièrement dans les tissus lymphatiques. De fait, la réponse immunitaire suscitée par un vaccin à ARNm se fonde sur le même mécanisme de défense de l’organisme. 17.  Les cellules dendritiques sont celles qui jouent le rôle le plus important dans la présentation de l’antigène. Elles possèdent des prolongements cytoplasmiques appelés dendrites, qui offrent une surface importante de présentation des antigènes, d’où leur nom. On les retrouve en abondance dans tous les organes, et surtout au niveau des muqueuses, des poumons, de l’intestin, du foie, de la peau… 53

La réaction immunitaire

Le système immunitaire humain se présente comme un Meccano complexe et élaboré de défense du corps contre les agressions d’agents pathogènes de toute nature (par exemple, les virus et bactéries). La réaction immunitaire de l’organisme est essentielle pour garantir la pleine efficacité de la vaccination fondée sur l’ARNm. De manière imagée, on peut la comparer au dispositif de défense d’un pays : (i) « le GIGN », ce sont les interférons, qui interviennent de façon très rapide pour boucler et neutraliser une zone infectée ; (ii) « la gendarmerie », ce sont les lymphocytes T auxiliaires, qui alertent et coordonnent les cellules qui vont intervenir de façon plus spécifique (lymphocytes B et lymphocytes T cytotoxiques) ; (iii) « la police », ce sont les lymphocytes B, qui interviennent de manière sélective pour neutraliser les virus et autres agents pathogènes ; (iv) « l’armée régulière », ce sont les lymphocytes T cytotoxiques, qui utilisent des armes de destruction ciblées sur les cellules infectées ; (v) « les renseignements généraux », ce sont à la fois les informateurs qui épient tout signal dangereux dans tous les organes, et les membres de la police, de l’armée et de la gendarmerie qui ont enregistré les précédentes attaques. Il s’agit en particulier des macrophages, des cellules dendritiques et des lymphocytes B. Les immunologistes distinguent donc une immunité non spécifique, dite « innée », et une immunité spécifique, dite « adaptative ».

L’IMMUNITÉ INNÉE (OU NON SPÉCIFIQUE) / LA RÉACTION INFLAMMATOIRE (« GIGN » ET « RG ») Le cytoplasme des cellules humaines possède des « sentinelles » très réactives à la présence inappropriée d’acides nucléiques (comme au cours d’une infection). Ces « sentinelles » sont des récepteurs intracellulaires appelés PRR (Pattern Recognition Receptors), ou récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires. Elles constituent une ligne

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LE MARATHON DU MESSAGER

La réaction immunitaire

de défense intracellulaire très rapide pour la détection des agents pathogènes. Il s’agit en particulier de récepteurs appelés Toll-Like Receptors (TLR)(18), qui sont des protéines de reconnaissance situées sur les membranes plasmiques des cellules immunitaires, ou sur la face interne des divers compartiments intracellulaires, comme les endosomes(19). En présence d’un ARNm ou d’un ADN exogène, ces TLR déclenchent alors une réponse immunitaire immédiate (innée) et non spécifique (une inflammation). Les activités cellulaires, à savoir en premier lieu la production de protéines, sont alors stoppées dans pratiquement toutes les cellules (sauf certaines cellules spécialisées du système immunitaire). Cela déclenche l’activation de différentes cellules, toutes impliquées dans l’immunité innée : mastocytes, macrophages, cellules dendritiques, neutrophiles, cellules tueuses naturelles, monocytes, etc. Le principal mécanisme d’action engagé est la phagocytose(20), dont l’objectif est la destruction immédiate de l’agent pathogène. La phagocytose présente aussi une fonction primordiale : la capture de l’antigène, première étape de la réponse adaptative de l’organisme à l’infection. À la suite de cette capture, les cellules dendritiques subissent un processus de maturation caractérisé par la sécrétion de protéines qui jouent un rôle de signal activateur, les cytokines. Leur rôle est spécifiquement décrit dans l’encadré « Le rôle des cytokines ». 18. Les Toll-Like Receptors, protéines transmembranaires, sont au nombre de dix chez l’être humain. Découverts progressivement au cours des années 1990, ils sont impliqués dans le déclenchement de l’immunité innée et dans la réaction inflammatoire. Les deux récepteurs impliqués dans la reconnaissance des ARN monocaténaires exogènes (comme celui du Sars-Cov-2) sont les récepteurs TLR 7 et TLR 8, tous deux situés sur la face interne des endosomes. Le TLR 3, lui, est impliqué dans la reconnaissance des ARN double brin d’origine virale ou parasitaire. 19. Les endosomes sont des vésicules qui transportent des protéines dans la cellule et qui ne contiennent pas, dans des conditions normales, d’ARN ni d’ADN. 20. La phagocytose est le processus cellulaire par lequel des cellules peuvent ingérer des particules solides d’agents pathogènes. Les cellules les plus actives dans la phagocytose sont les macrophages, les monocytes, les polynucléaires neutrophiles et les cellules dendritiques.  55

La réaction immunitaire

Le rôle des cytokines Les cytokines sont des protéines d’une grande diversité, dont l’effet sur le système immunitaire est aujourd’hui discuté. Il existe différents types de cytokines ; on peut citer en particulier :   –  les chimiokines. Ces cytokines fournissent certains signaux chimiques qui induisent l’infiltration des globules blancs après une lésion tissulaire (comme lorsqu’on injecte un liquide dans un muscle) ou infectieuse. Elles indiquent aux globules blancs où aller, à l’endroit où s’est produit la lésion. Chez l’être humain, on compte une quarantaine de chimiokines différentes, et plus d’une douzaine de récepteurs de chimiokines.  Il est, de fait, certain que les chimiokines jouent un rôle essentiel dans la circulation des globules blancs dans l’organisme et, par voie de conséquence, dans le bon fonctionnement de notre système immunitaire : en effet, elles interviennent dans la régulation de la circulation des lymphocytes dans les ganglions lymphatiques ;   –  les interférons. Comme indiqué dans Biologie, l’ouvrage de Campbell, «  ce sont des protéines qui assurent une défense innée contre les infections virales. Les cellules infectées par des pathogènes secrètent ces protéines, qui incitent les cellules voisines qui ne sont pas encore infectées à produire des substances inhibant la reproduction virale »(21). Les interférons bloquent également la traduction des protéines dans les cellules infectées (sauf pour un certain type de cellules immunitaires spécialisées(22). Leur sécrétion semble varier grandement d’un individu à l’autre dans le cas d’une vaccination à ARNm. Selon la formulation, le dosage et le site d’injection (en sous-cutanée ou en intraveineuse), la réponse immunitaire sera très variable. Il est certain que les interférons jouent un rôle dans l’activation des lymphocytes T(23). En l’occurrence, on ignore précisément aujourd’hui l’incidence de la sécrétion d’interférons sur la production d’anticorps, en particulier sur le long terme ;   –  les interleukines, qui sont exprimées par les globules blancs, et qui servent de messagers entre les cellules du système immunitaire. L’action de ces cytokines fait l’objet de débats entre chercheurs depuis plusieurs dizaines d’années, dans la mesure où l’on ne connaît pas précisément le rôle joué par

21.  Cf. Campbell, Biologie, « Le système immunitaire », Pearson, 2020, p. 1049. 22. Cf. infra partie II.7, « Les expériences et essais cliniques réalisés contre les maladies infectieuses ». 23.  C’est le cas, en particulier, de l’interféron de type 1, dont le rôle est précisé infra dans la partie II.7 « Le rôle de l’interféron de type 1 dans le déclenchement de la 56

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La réaction immunitaire

chacune d’entre elles dans la détermination de la réponse immunitaire. On constate néanmoins une réponse immunitaire augmentée avec l’utilisation de l’interleukine 12, ce qui justifie son utilisation actuelle dans le traitement expérimental de cancers et de maladies infectieuses.   En conclusion, il apparaît difficile de classer toutes les cytokines dans des catégories, compte tenu de leur grande diversité. On a constaté toutefois que, dans les faits, il existait des liens entre les sécrétions de certains types de cytokines. Il faut ajouter, en outre, que l’extraordinaire diversité des patrimoines génétiques des individus va de pair avec de grandes différences dans les réponses immunitaires induites par les cellules mémoires, ce qui rend très complexe la déduction de conclusions globales sur le sujet.

Dans le dispositif d’ensemble de la réponse immunitaire, c’est à ce niveau qu’intervient la réaction inflammatoire, qui a pour objectif de faciliter la lutte contre l’agent infectieux, et qui se manifeste généralement par une poussée de fièvre. Cette réaction inflammatoire se produit en cas d’infection localisée, mais également en cas de lésion mécanique due à une injection intramusculaire – comme par exemple à l’occasion de la vaccination contre le Sars-Cov-2 – et ce même si le matériel injecté (par exemple, de l’ARNm modifié) n’est pas immunogénique. La sécrétion des molécules de signalisation que sont les cytokines et l’histamine garantit alors une intervention plus spécifique des gardiens du système immunitaire, les globules blancs. La dilatation des vaisseaux sanguins, qui donne la rougeur caractéristique de l’inflammation, facilite en réalité leur arrivée sur le lieu de l’infection(24). Cela marque alors le début d’une intervention plus spécifique, expressément destinée à cibler l’agent infectieux incriminé. réponse immunitaire adaptative ». 24.  En l’occurrence, une infection plus grave entraîne généralement de la fièvre, qui peut avoir des conséquences néfastes sur l’organisme lorsqu’elle devient trop importante. Quand le système immunitaire ne parvient pas à prendre le dessus sur l’infection, une réaction inflammatoire très grave, potentiellement mortelle, survient. On parle alors de choc septique ; cela se produit occasionnellement, entre autres cas, chez les malades atteints de forme grave de la Covid-19.

57

La réaction immunitaire

L’IMMUNITÉ ACQUISE ET L’ACTIVATION DE L’IMMUNITÉ CELLULAIRE (« GENDARMERIE », « POLICE » ET « ARMÉE ») Grâce à l’immunité acquise, l’organisme se défend de manière spécifique contre tel ou tel agent pathogène (bactérie ou virus). Trois types de globules blancs (ou leucocytes) sont alors impliqués et s’expriment en cascades activatrices : •  les lymphocytes T auxiliaires ; •  les lymphocytes B ; •  les lymphocytes T cytotoxiques.   Réaction immunitaire à médiation cellulaire Légende

Réaction immunitaire humorale

Antigène (1er contact)

Stimule

Phagocyté par

Donne naissance à

Cellule présentatrice d’antigène

Lymphocyte T auxiliaire CD4+

Lymphocyte T cytotoxique CD8+

Lymphocyte B

Lymphocyte T mémoire auxiliaire CD4+

Antigène (2e contact) Lymphocyte T cytotoxique actif CD8+

Lymphocyte T mémoire cytotoxique CD8+

Lymphocyte B mémoire

Plasmocyte

Sécrétion d’anticorps Combat les agents pathogènes et certaines cellules cancéreuses en attaquant directement les cellules infectées, après liaison avec un antigène.

Combat les agents pathogènes extracellulaires en particulier en les neutralisant grâce à la fixation des anticorps aux antigènes exogènes, ou en facilitant la phagocytose.

Tableau 2 | Le fonctionnement général de l’immunité adaptative.

  58

LE MARATHON DU MESSAGER

La réaction immunitaire

Le tableau 2 décrit le fonctionnement général de la réponse immunitaire adaptative. Les lymphocytes T auxiliaires (« les RG » et « la gendarmerie »)

Ces lymphocytes s’activent lorsqu’ils reconnaissent les antigènes présentés par les cellules dendritiques ou des fragments d’antigènes présents dans les cellules infectées(25). Il existe dans chaque cellule un système de reconnaissance perfectionné du soi et du non-soi appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) qui a valu à ses découvreurs, dont le Français Jean Dausset, le prix Nobel de médecine en 1980. En cas d’infection, le CMH se trouve de fait altéré, et les lymphocytes T auxiliaires, dans leur surveillance vigilante, ne vont pas manquer de le détecter. Cette reconnaissance de l’antigène et de l’altération du CMH, ainsi que les cytokines sécrétées par la cellule infectée, ont pour conséquence l’activation des lymphocytes T. Ces derniers, à leur tour, activent soit des lymphocytes B (grâce aux cytokines), soit des lymphocytes T cytotoxiques (grâce à des signaux spécifiques qu’ils émettent). Les lymphocytes B (« les RG » et « la police »)

Ces cellules reconnaissent directement les antigènes des agents infectieux, ce qui amorce la sécrétion de protéines appelées anticorps (ou immunoglobulines). Chaque lymphocyte B contient environ 100 000 récepteurs d’antigène ; cependant, il convient de noter qu’on ne trouve qu’un seul et même type de récepteur d’antigène sur un lymphocyte B. Ce sont donc à chaque fois des lymphocytes B du même type, c’est-à-dire qui ont tous le même récepteur d’antigène, qui interviennent pour lutter contre une infection donnée ; d’autres lymphocytes B seront mobilisés pour lutter contre une autre infection. Une fois activés, les lymphocytes B prolifèrent et donnent naissance à des cellules dites « mémoires » (la « mémoire vive » de notre 25.  En cas de signalisation TLR, les cellules dendritiques vont migrer, depuis le site où elles ont rencontré un pathogène, jusque dans les ganglions lymphatiques de drainage, où elles peuvent activer les lymphocytes T. 59

La réaction immunitaire

système immunitaire, qui garde la trace de l’infection virale) et à des plasmocytes, dits cellules « effectrices », qui se mettent à combattre immédiatement l’antigène en produisant des anticorps. Notons que, lors de certaines infections virales, il peut arriver que des anticorps, dits « facilitants », favorisent l’entrée du virus dans certaines cellules du système immunitaire, en particulier les macrophages. Ce phénomène de facilitation de l’infection est décrit dans l’encadré « Les anticorps facilitants ». Les lymphocytes T cytotoxiques (« l’armée de métier »)

Ces cellules détectent les cellules infectées via la reconnaissance d’antigènes et d’un CMH altéré, d’une façon un peu différente toutefois des lymphocytes T auxiliaires. Alors activées, elles sécrètent des protéines (perforines et granzymes) qui « pulvérisent » la cellule infectée. L’introduction d’un ARNm étranger dans les cellules d’un être vivant peut donc déclencher une réponse immunitaire. Dans le cas de la vaccination à ARNm synthétique, par exemple, les lymphocytes vont s’activer et remplir leurs rôles respectifs : produire des anticorps, coordonner la réponse immunitaire, et tuer les cellules expriment la protéine ciblée ; les cellules mémoires vont garder la trace de cette réaction passée, ce qui aidera l’organisme à beaucoup mieux se défendre en cas d’infection. Les anticorps facilitants Selon le guide Vaccins contre la Covid-19 : questions et réponses, de la Société de pathologie infectieuse de langue française à destination des soignants(26), « lors[…] de certaines infections, la présence d’une immunité préexistante à l’infection (d’origine naturelle ou vaccinale) peut favoriser des

26.  Cf. guide Vaccins contre la Covid-19 : questions et réponses, de la Société de pathologie infectieuse de langue française à destination des soignants, février 2021, pages 7 à 30. Ce guide est disponible à l’adresse suivante : https://www.infectiologie. com/UserFiles/File/groupe-prevention/covid-19/vaccins-covid-19-questions-etreponses-spilf.pdf. 60

LE MARATHON DU MESSAGER

La réaction immunitaire

formes graves de cette infection : soit parce que les anticorps préexistants facilitent l’infection de cellules immunitaires (macrophages, en particulier – phénomène dit « d’anticorps facilitants »), soit parce que l’orientation de la réponse immune induite par le vaccin favorise une réaction inflammatoire délétère […] ». Le processus biologique par lequel opèrent les anticorps facilitants s’appelle l’opsonisation : un anticorps se fixe à un antigène d’un agent pathogène : cela facilite la phagocytose par un macrophage (souvent une cellule dendritique), et entraîne l’infection de la cellule. Lors de ses essais cliniques de vaccin anti-Covid, l’entreprise allemande BioNTech, dont nous reparlerons, avait probablement envisagé la possibilité d’une production d’anticorps facilitants, ce qui a vraisemblablement justifié la conduite de plusieurs essais cliniques. Ont ainsi été testées : (i) deux molécules d’ARNm « courte » codant pour le seul domaine RBD(27) (BNT162a1 et BNT162b1) ; (ii) une molécule d’ARNm « longue » codant pour la protéine S pike entière (BNT162b2) ; (iii) une molécule d’ARN réplicatif(28) (BNT162c2). En phase I de l’essai clinique pratiqué sur des volontaires sains, seuls des anticorps qui neutralisaient l’infection ont été retrouvés, et non des anticorps facilitants. BioNTech a alors poursuivi ses essais avec le vaccin BNT162b2. On peut donc en conclure que les vaccins à ARNm codant la spike n’induisent pas la production d’anticorps facilitants dans le contexte du Sars-CoV-2.

« Le vide existant entre le gène (unité de l’hérédité) et le caractère » ayant été comblé, et le mécanisme par lequel « se trouvaient dirigés à distance la synthèse et le comportement des protéines » (29) ayant été compris, étudions maintenant le cheminement scientifique et expérimental par lequel il devint possible d’utiliser l’ARNm à des fins thérapeutiques. Le parcours en question s’étale des années 1990 aux années 2020. 27.  Le domaine RBD (Receptor Binding Domain) de la protéine S pike est responsable de la reconnaissance et de la liaison du virus Sars-Cov-2 avec le récepteur de surface cellulaire ACE2. 28.  Des précisions sur l’ARNm autoréplicatif sont également données dans infra, partie II.7, « Les expériences et essais cliniques réalisés contre les maladies infectieuses » (cf. l’encadré « Compléments sur les expérimentations et essais cliniques en infectiologie »). 29.  Citation de François Jacob. Cf. supra. 61

Partie II Des études préliminaires aux essais cliniques

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1 Des études prometteuses dès les années 1990

Durant les années qui suivent la découverte de l’ARNm, l’idée même de l’utiliser à une fin thérapeutique apparaît véritablement impensable au sein de la communauté scientifique. Comment envisager cela, alors que cette molécule est si sensible aux RNases, enzymes destructrices d’ARN, très abondantes dans le milieu extracellulaire ? Et alors que son temps de demi-vie in vivo est si court ? Pour cette raison, l’avis des scientifiques est alors unanime : introduire dans les cellules un ADN stable par sa nature oui, mais l’ARN non ! C’est en 1990 que Wolff et al font la première démonstration que l’injection intramusculaire d’acides nucléiques (ADN et ARNm) « nus » (naked pDNA et naked mRNA) chez la souris induit l’expression, pendant quelques jours, d’une protéine encodée dans les cellules musculaires. Le rôle de Robert W. Malone dans l’étude doit ici être souligné : c’est lui qui conçoit alors les expériences, constitue les plasmides, l’ARN et les réactifs, rédige les instructions et envoie les 65

Des études prometteuses dès les années 1990

échantillons au docteur Wolff, de l’université du Wisconsin, lequel injecte ensuite les produits à des souris avec des échantillons en aveugle. Cependant, c’est l’injection d’ADN nu qui retient alors l’attention de la communauté scientifique. C’est d’ailleurs dans cette perspective que les auteurs de l’étude évoquent pour la première fois la possibilité que « l’expression intracellulaire de gènes codants pour des antigènes peut rendre possible des approches alternatives pour le développement de vaccins » (30). Et les années qui suivent la publication de cet article, de nombreux travaux démontrent l’efficacité vaccinale chez la souris d’injections d’ADN nu. À l’opposé, la fonctionnalité de l’ARNm nu dans ces expériences n’est pas remarquée dans un premier temps. Il faut attendre l’étude française conçue par Pierre Meulien et réalisée par un de ses étudiants Frédéric Martinon (Inserm, Institut Cochin de génétique moléculaire, Pasteur Mérieux Sérums et Vaccins), en 1993, pour voir apparaître le premier article qui propose et valide l’utilisation de l’ARNm en vaccin. En injectant par différentes voies (intraveineuse ou sous-cutanée) un ARNm synthétique codant pour la protéine « nucléoproteine » du virus de la grippe et enrobé dans des sphères de lipides, ces chercheurs ont réussi à induire, chez la souris, une réponse immunitaire cellulaire (lymphocytes T) contre le virus responsable de la grippe(31). Ainsi, « la présente étude est la première à démontrer l’induction spécifique du virus des CTL [lymphocytes C cytotoxiques] par l’administration d’ARNm in vivo. Les résultats présentés ici soulignent l’utilité 30. Cf. RP : 1. Robert W. Malone est cité comme deuxième auteur de l’étude de Wolff. Pour en savoir davantage sur son implication réelle, on peut se reporter aux informations rapportées par le journaliste suisse Fabrice Delaye pour Heidi News dans son article « ARN ou ADN ? À une lettre près, Merck décrochait la timbale », paru le 19 mai 2021. Ces informations sont également disponibles sur le site Internet du journal suisse : https://www.heidi.news/explorations/arn-messager-la-revanchedes-outsiders/arn-ou-adn-a-une-lettre-pres-merck-decrochait-la-timbale. Le passage de l’étude traduit ici est le suivant : « The intracellular expression of genes encoding antigens may provide alternative approaches to vaccine development ». 31. Cf. RP : 2. 66

LE MARATHON DU MESSAGER

Des études prometteuses dès les années 1990

Figure 2 | Pierre Meulien.

Avec autorisation personnelle.

Avec autorisation personnelle.

des systèmes d’administration d’ARNm pour l’immunisation avec des antigènes viraux bien définis. L’intérêt de cette nouvelle approche réside dans la facilité de préparation des liposomes contenant l’ARNm » (…). Ce travail séminal identifie les aspects méthodologiques fondamentaux qui détermineront l’activité des chercheurs pendant près de deux décennies : le site d’administration de l’ARNm transcrit in vitro, la conception de nanoparticules de lipides qui contiennent l’ARNm et le protègent, et la réponse lymphocytaire (après injection de l’ARNm par voie intraveineuse ou sous-cutanée). La méthodologie proposée par Pierre Meulien et Frédéric Martinon offre alors une solution complètement novatrice. L’injection d’ARNm aiderait à s’affranchir de la production d’antigènes protéiniques, opération qui implique des étapes longues et coûteuses (mise en culture cellulaire et purification) ; d’autre part, comparé à une vaccination à ADN (nu ou dans un virus atténué), le procédé élimine le risque d’une recombinaison au sein du génome de l’individu.  

Figure 3 | Frédéric Martinon.

L’article paraît dans un journal au facteur d’impact modeste, les grands journaux scientifiques et médicaux ne s’étant pas alors montrés intéressés par l’étude. La publication ne suscite, curieusement, à l’époque, qu’un intérêt limité, alors qu’il s’agit d’un procédé simple comparé à l’utilisation de peptides ou de protéines véhiculés par les 67

Des études prometteuses dès les années 1990

cellules dendritiques. Peu de scientifiques y voient là une piste d’avenir contre les maladies infectieuses. Cette percée n’est pas poursuivie par les auteurs eux-mêmes, qui reconnaissent un manque de reproductivité de cette méthode de vaccination. En effet, le procédé semble alors ne pas fonctionner de façon robuste et avec d’autres antigènes que celui de la nucléoprotéine d’influenza. Il est donc abandonné comme le brevet associé. La réflexion sur l’utilisation de l’ARNm pour induire des réponses immunitaires contre des tumeurs cancéreuses débute également dans les années 1990. Les travaux de Martinon et Meulien sont suivis, en 1995, d’une étude conduite par Robert M. Conry et ses collègues de l’université américaine de Birmingham (Alabama, USA), et publiée dans la revue Cancer Research(32) : les auteurs démontrent une réponse immunitaire après injection par voie intramusculaire chez des souris d’ARNm recombinant qui code l’antigène carcinoembryonnaire(33) (carcinogenic embryonic antigen). Ainsi, première évidence : un ARNm codant un antigène tumoral peut aider à stimuler la production d’anticorps spécifiques de cet antigène ! Le potentiel de vaccin anticancéreux de l’ARN messager est également approché par une méthodologie différente. En 1996, l’équipe d’Eli Gilboa (Duke University, Caroline du Nord, USA) utilise des cellules dendritiques(34) comme vecteur vaccinal. Purifiés du sang périphérique, les globules blancs précurseurs de cellules dendritiques, appelés monocytes, sont différenciés in vitro dans des conditions particulières en cellules dendritiques. L’ARNm synthétique est transfecté 32. Cf. RP : 3. 33.  Cet antigène est une glycoprotéine : il s’agit d’une protéine qui comprend des motifs glucidiques que l’on trouve principalement au niveau des membranes cellulaires. Elle est impliquée dans le processus par lequel se fait l’adhésion des cellules entre elles ou avec le milieu qui les entoure. Cet antigène est le signe d’une tumeur cancéreuse lorsqu’il est présent à un taux élevé dans le sang. 34.  Comme on l’a vu dans la partie I.4, les cellules dendritiques sont un type particulier de cellules immunitaires présentatrices d’antigènes. Elles induisent donc l’activation de la réponse immunitaire adaptative. 68

LE MARATHON DU MESSAGER

Des études prometteuses dès les années 1990

soit par simple incubation des cellules et d’ARNm nu, soit par des liposomes (mRNA formulé avec des liposomes DOTAP), soit encore par « électroporation » dans ces cellules(35). Dans ce dernier cas, les cellules sont soumises à un champ électrique de haut voltage qui déstabilise les membranes et les rend perméables. Le champ électrique induit aussi un mouvement des molécules d’ARNm qui sont chargées négativement, ce qui force leur entrée dans les cellules. Les cellules dendritiques transfectées par l’ARNm sont ensuite réadministrées au patient. Dans ce protocole, l’ARNm n’est qu’un des composés qui interviennent dans le processus vaccinal ; d’autres auteurs ont proposé des peptides ou des protéines pour « charger » les cellules dendritiques. Cette approche thérapeutique, hautement technologique, ouvre la voie aux recherches sur l’utilisation de l’ARN messager en oncologie : mettre au point des vaccins qui ciblent des antigènes tumoraux.

35. On appelle transfection le processus de transfert de gènes, c’est-à-dire de matériel génétique exogène, dans des cellules eucaryotes (en particulier animales), en n’utilisant pas un virus comme vecteur. 69

2 L’utilisation de l’ARNm – les verrous techniques initiaux

L’utilisation de l’ARNm en application vaccinale a, de prime abord, posé des problèmes importants, considérés pendant un certain temps comme difficilement surmontables. En effet, l’ARNm a longtemps été considéré une molécule présumée instable et d’une durée de vie très courte dans le corps humain. À elles seules, ces deux caractéristiques rendaient irréaliste la conception de stratégies thérapeutiques fondées sur son utilisation. Et pourtant, les chercheurs ont montré que : •  in vitro, l’ARNm, molécule de structure monocaténaire, est très stable à température ambiante dans un environnement strictement dénué d’enzymes RNases (destructrices des molécules d’ARNm dans le milieu extracellulaire) : il se conserve des mois à température ambiante, sans dégradation significative. De plus, l’ARNm est la seule molécule biologique qui résiste à une température de 95 degrés sans perdre son activité (l’ADN ou les 71

L’UTILISATION DE L’ARNm – LES VERROUS TECHNIQUES INITIAUX

protéines étant, de leur côté, dénaturés à cette température). Dans ces conditions, sa manipulation ne requiert pas d’équipements onéreux ou complexes ; •  la montée en puissance industrielle s’est réalisée sans difficultés majeures ; ce point sera étudié plus spécifiquement dans la partie III ci-dessous. Cependant, l’utilisation de l’ARNm à des fins thérapeutiques soulevait plusieurs problèmes d’envergure d’ordres biologique et biotechnologique. •  Modalités de transport de la molécule in vivo vers les cellules ciblées. Comme indiqué précédemment (36), ce sont les cellules présentatrices d’antigènes activant les lymphocytes T auxiliaires qui déclenchent la réponse immunitaire. Aussi, pour atteindre la machinerie ribosomale productrice d’une protéine, et y être reconnu comme un ARNm naturel, l’ARNm synthétique ne doit subir aucune dégradation, ni en traversant la membrane de la cellule, ni au sein de son cytosol. C’est pourquoi, depuis les années 1990, l’utilisation de nanoparticules lipidiques appelées liposomes est privilégiée. Dès 1989, la société de biotechnologie Vical, basée à San Diego (États-Unis), avait réussi à inclure un ARN messager dans une nanoparticule lipidique et à l’introduire dans plusieurs types de cellules : par ce procédé, des « dérivés d’analogues de nucléosides antiviraux modifiés » (ADN ou ARN) « peuvent être intégrés dans la structure de liposomes, formant ainsi un complexe liposomique plus stable qui peut délivrer plus de quantités de médicaments à des cellules cibles avec moins de toxicité »(37). En 1993, Pierre Meulien et son équipe utilisèrent des liposomes pour administrer l’ARNm synthétique à des souris(38). Cet « écrin », qui protège l’ARNm lors de l’injection, garantit sa pénétration dans 36. Cf. supra partie I.4, « La réaction immunitaire ». 37. Cf. RB : 1. Ces éléments sont également rappelés dans RP : 4. 38. Cf. supra partie II.1, « Des études prometteuses dès les années 1990 ». 72

LE MARATHON DU MESSAGER

L’UTILISATION DE L’ARNm – LES VERROUS TECHNIQUES INITIAUX

les cellules ciblées, puis sa libération effective dans le cytoplasme cellulaire : l’ARNm injecté atteint alors la machinerie ribosomale pour être traduit en antigène dans la cellule présentatrice. Ainsi démarre la réaction immunitaire. •  Production d’ARNm codant pour la protéine recherchée L’utilisation de l’ARNm à des fins thérapeutiques signifie que la traduction d’une protéine S pécifique sera recherchée(39). Ce qui suppose alors que l’ARNm exprime totalement l’information génétique qu’il contient. •  Mesure de l’efficacité de la réponse immunitaire Un traitement par l’ARNm implique d’optimiser la réponse immunitaire chez le patient. En infectiologie et en cancérologie, c’est une réponse immunitaire qui est recherchée. A contrario, pour les thérapies géniques fondées sur des protéines de remplacement, on veut éviter la réponse immunitaire de l’organisme. Encore faut-il bien évaluer cette réponse, et surtout la réguler ! Cette problématique a constitué le cœur des recherches à partir de la fin des années 1990. Trente ans d’expérimentations et de controverses ont été nécessaires pour évaluer l’impact immunogène de l’ARNm transcrit in vitro. Comme nous allons l’étudier dans les parties qui suivent, CureVac et BioNTech ont joué un rôle clé dans ce domaine. •  Optimisation de la stabilité in vivo de la molécule d’ARNm Lors des premières expérimentations, d’abord sur des souris, puis sur l’homme, le caractère instable des parties « coiffe en 5’ », « 5’UTR » et « 3’UTR » posa des difficultés importantes aux chercheurs. Diverses innovations techniques, présentées plus loin(40),ont été ainsi apportées sur la « coiffe en 5’ » et la région « 3’UTR ». Elles ont contribué à améliorer de manière significative la stabilité intracellulaire des ARNm synthétiques. 39. Cf. supra partie I.2, « L’ARN messager (ARNm) : de la transcription à la traduction des protéines ». 40. Cf. infra partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm ». 73

L’UTILISATION DE L’ARNm – LES VERROUS TECHNIQUES INITIAUX

•  Mode d’administration, et choix du site d’injection et du dosage Lorsqu’on commença à utiliser l’ARNm se posèrent rapidement les questions les plus pertinentes du site d’injection et du mode d’administration (intramusculaire, intraveineux, intrathécal, intradermique, sous-cutané, intranodules lymphatiques, etc.). Cela peut varier selon la destination finale recherchée de l’ARNm : système lymphatique, système nerveux, poumon, foie, etc. À l’issue d’essais cliniques, l’injection en intramusculaire de l’ARNm dans le muscle deltoïde a été retenue ; ce mode d’administration, d’une totale accessibilité, rejoint celui de la majorité des vaccinations ; il rend facile une prophylaxie vaccinale. À la fin des années 1990, la percée, réellement décisive dans la promotion de l’ARNm comme outil thérapeutique pour le traitement des maladies infectieuses et des cancers, va être apportée par une start-up allemande d’avenir : CureVac.

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3 La naissance de CureVac : l’ère des pionniers

L’impulsion décisive qui aboutit à la naissance de CureVac est donnée en février 1996 par un professeur de l’université EberhardKarl, de Tübingen. Situé dans le land de Bade-Wurtemberg, au sud de l’Allemagne, c’est un centre intellectuel prestigieux, fondé en 1477, et fréquenté à la fin du xviiie siècle par les philosophes Hegel et Schelling, ainsi que par le poète et écrivain Hölderlin. Aujourd’hui, l’université bénéficie d’une reconnaissance internationale pour la qualité de son enseignement en philosophie et en sciences naturelles. Lors de l’hiver 1996, l’un de ses professeurs, Hans-Georg Rammensee, titulaire de la chaire d’immunologie, propose d’utiliser des injections directes d’ARNm pour vacciner contre des cancers et des maladies infectieuses, en lieu et place de cellules modifiées ou de protéines traduites. Inspiré par les travaux d’Eli Gilboa (cf. partie II. 1), le professeur Rammensee estime néanmoins la transfection de l’ARNm dans des cellules dendritiques in vitro complexe et difficile à mettre en œuvre : il envisage d’injecter l’ARNm directement dans l’organisme. 75

La naissance de CureVac : l’ère des pionniers

  Comme il a besoin pour cela de liposomes, il parle donc de son projet à son collègue Günther Jung, professeur de biochimie à Tübingen. Tous deux commencent alors à définir la méthodologie expérimentale. Le professeur Günther Jung, alors maître de thèse d’un jeune chercheur en immunologie, Ingmar Hoerr, lui confie l’étude des effets de l’injection d’ARNm inclus dans des liposomes sur les souris. Le thésard débute son travail au second semestre 1996. Les premières 76

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La naissance de CureVac : l’ère des pionniers

expériences sur les souris peuvent commencer, en collaboration avec un autre thésard du professeur Hans-Georg Rammensee : Reinhard Obst. Au printemps 1998, le Français Steve Pascolo, chercheur postdoctoral, rejoint le laboratoire de recherche du professeur Rammensee en contrat à durée déterminée, et commence à travailler à la mise au point de vaccins anticancéreux.

À la fin des années 1990, Jung, Rammensee, Obst et Hoerr déposent un brevet pour protéger leurs découvertes, et principalement l’utilisation concluante d’ARNm pour vacciner. Mais au moment de déposer leur brevet, les inventeurs découvrent l’existence d’un autre 77

La naissance de CureVac : l’ère des pionniers

brevet qui porte également sur l’utilisation vaccinale d’ARNm formulé en liposomes – celui déposé quelques années auparavant par Frédéric Martinon et Pierre Meulien(41). Par conséquent, les quatre scientifiques allemands ne peuvent pas envisager de dépôt de brevet pour l’utilisation de liposomes pour le transfert de l’ARNm. Pour cette raison, celui qu’ils déposent finalement à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), le 14 mars 2001, protège seulement l’utilisation de protéines comme la protamine pour le transfert d’ARNm dans les cellules(42). Le brevet restera cependant seulement européen ; en l’occurrence, ce fut au début un handicap pour CureVac de ne pas avoir de protection intellectuelle aux États-Unis. CureVac est fondée en 2000. C’est Ingmar Hoerr qui a eu l’idée de créer cette start-up, dont le modèle économique est précisément fondé sur l’utilisation de l’ARNm pour guérir (cure) et vacciner (vac). À son lancement, CureVac compte un professeur de l’université de Tübingen – Günther Jung – et trois chercheurs – Ingmar Hoerr, Steve Pascolo et Florian Von der Mülbe ; ce dernier achève sa thèse à Tübingen dans le laboratoire de Gunther Jung. Sous l’impulsion de Steve Pascolo, Hans-Georg Rammensee rejoint l’équipe quelques mois plus tard. CureVac a alors pour ambition la mise au point de traitements thérapeutiques et de vaccins fondés expressément sur l’utilisation de l’ARNm. Cette petite start-up de biotechnologies se fonde au départ sous le statut de société civile de droit allemand (Gesellschaft bürgerlichen Rechts, GbR), et non comme une société de nature commerciale. Précisons que le droit allemand stipule que les associés d’une GbR 41.  Il faut se remettre dans le contexte d’un monde dans lequel Internet n’avait pas encore bouleversé l’accès à la communication, et plus particulièrement la communication au sein de la communauté scientifique, avec des publications accessibles uniquement au travers d’articles papier, et non d’immenses bases de connaissance accessibles facilement aujourd’hui sur Pubmed. 42. Cf. RB : 2. 78

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Avec autorisations personnelles.

sont personnellement responsables, et de façon illimitée, sur leur patrimoine personnel au titre de son activité. Envers les tiers, les associés répondent en commun (Gesamtschuldner) des obligations sociales. Les associés sont tous appelés à diriger et représenter la GbR. En bref, à son l’origine, CureVac n’est pas inscrite au registre du commerce allemand et possède un caractère que l’on pourrait qualifier « d’artisanal ».  

Figure 4 | Les fondateurs de CureVac en 2002. De gauche à droite : Hans-Georg Rammensee ; Ingmar Hoerr ; Steve Pascolo ; Florian Von der Mülbe ; Günther Jung.

La croissance de CureVac est grandement favorisée à ses débuts par le programme Jung Innovatoren. Il s’agissait d’un concours organisé par l’État fédéré de Bade-Wurtemberg, qui avait été mis en place sur le territoire du land pour inciter les jeunes entrepreneurs à créer leur entreprise. Ce type de programme avait fait ses preuves dans un autre land allemand, plus avancé à l’époque en matière de soutien économique aux entreprises de biotechnologie : la Bavière.

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Le projet de CureVac étant sélectionné, l’entreprise reçoit de l’État fédéré de Bade-Wurtemberg une subvention qui offre, entre 2000 et 2002, deux demi-salaires aux chercheurs Ingmar Hoerr et Florian Von der Mülbe ; Steve Pascolo, de son côté, est rémunéré par une bourse, « Human Frontier », qu’il a obtenue en 1999 ; par un grant, à savoir un programme de recherche collaborative financé par l’Union européenne sur l’hémochromatose, coordonné par le professeur François Lemonnier, à Paris.

Grâce à cette subvention Jung Innovatoren, l’entreprise naissante bénéficie aussi, dès 2000, de la gratuité de loyer d’un laboratoire qui se réduit à une pièce de 50 m2 dans l’immeuble qui abrite les laboratoires de chimie de l’université de Tübingen. CureVac achète en 2001 ses premières machines et aménage une « micro-salle blanche » d’environ 6 m2. Et ce, pour amorcer la production dans des conditions GMP – Good Manufacturing Practices, référentiel règlementaire européen des principes à suivre par les industriels dans la fabrication 80

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de médicaments à usages humain ou vétérinaire. L’objectif est d’éliminer tout risque de contamination croisée de produits. Le directeur scientifique de CureVac, Steve Pascolo, rédige alors les manuels de procédure qui fixent les méthodes de travail dans le laboratoire de la start-up. C’est le tout premier guide méthodologique pour cette technologie à ARNm jusque-là encore inexistante. Et dans ces conditions, les expériences se déroulent comme projeté : la production d’ARNm pharmaceutique dans la petite salle blanche ne pose pas de grandes difficultés. Cependant, la mise au point des vaccins ainsi que les premiers essais sur les souris continuent, pendant un certain temps, d’être réalisés à l’extérieur de CureVac, à savoir dans le laboratoire du professeur Rammensee. Jusqu’en 2003, CureVac dépend ainsi de l’université Karl-Eberhard, de Tübingen, pour son fonctionnement. Ensuite, la biotech s’installe dans de nouveaux locaux flambant neufs et construits par l’État de Bade-Wurtemberg et par la ville de Tübingen, ce qui constitue une étape importante de son développement et de l’acquisition de sa pleine autonomie. Par ailleurs, entre 2000 et 2002, CureVac décide de mener des expériences, de concert avec l’Institut Pasteur de Paris, et avec l’université de Leyde, aux Pays-Bas (Universiteit Leyden). Steve Pascolo demande à ses anciens collègues de Pasteur et à l’un de ses collègues de Tübingen rentré aux Pays-Bas de tester ses ARNm vaccinaux. Luimême injectera les souris avec l’ARNm pendant que ses collègues injecteront les ADN. Les expériences réalisées à l’Institut Pasteur visent ainsi à comparer les réponses immunitaires induites par l’ARNm à celles induites par l’ADN. De fait, pour les inventeurs de CureVac, si les résultats obtenus sur les souris en leur injectant de l’ARNm sont prometteurs, encore faut-il les comparer avec ceux obtenus après injection d’ADN. Dans cette période, une collaboration active entre CureVac et l’Institut Pasteur confirme l’induction d’une réponse 81

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immunitaire après l’injection chez des souris humanisées(43) et sauvages d’une formulation d’ARNm codant pour des antigènes viraux (HIV et HBV) (44). En effet, les résultats obtenus, analysés par Hüseyin Firat et Marie-Louise Michel, conjointement avec Steve Pascolo, montrent clairement que les injections d’ARNm induisent une réponse immunitaire, mais que celle-ci apparaît moins forte qu’avec les injections d’ADN. Un brevet conjoint CureVac – Pasteur est alors déposé à l’OMPI le 20 janvier 2003 ; cependant, la collaboration des chercheurs de CureVac et de Pasteur ne se poursuit pas les années suivantes, et l’application de ce brevet n’est, hélas, pas maintenue(45). Les expériences réalisées en 2000 à l’université de Leyden ont été conduites par le chercheur néerlandais René Toes. Il s’agissait alors d’explorer l’intérêt de l’ARNm dans la lutte contre le papillomavirus. La collaboration entre CureVac et René Toes cesse fin 2001. En 2001 toujours, CureVac obtient indirectement(46) son premier soutien de l’Union européenne pour la mise au point d’un vaccin antipandémie. Il s’agit d’un projet de recherche donnant lieu à financement européen (grant) : l’idée est en effet d’explorer la faisabilité d’une technologie, d’un produit, d’un procédé ou d’un service nouveau amélioré. Le grant en question – EU grant QLK2-CT-2001-01346 – porte alors sur la mise au point de vaccins contre la peste porcine causée par le virus CSFV (Classical Swine Fever Virus). Cette maladie avait 43.  Il s’agit de souris qui expriment un gène humain. À l’Institut Pasteur, des lignées de souris « humanisées » ont été générées par Steve Pascolo et le professeur François Lemonnier. Cf. RP : 5. 44.  Un épitope, dans ce contexte, est une partie d’antigène qui peut être reconnue par des cellules T. Rappelons le principe de la vaccination : induire l’activation et la prolifération de lymphocytes spécifiques d’un ou plusieurs antigènes, d’où l’importance de comparer l’ampleur de la réponse immunitaire adaptative induite par l’ADN avec celle induite par l’ARNm. 45. Cf. RB : 3. 46.  Le bénéficiaire était officiellement le laboratoire de Hans-Georg Rammensee dans lequel travaillait alors Steve Pascolo. 82

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été en effet identifiée comme une source potentielle de pandémie ; elle était surtout responsable de pertes économiques très importantes dans les cheptels. Le grant est piloté par le professeur Matthias Buettner et a pour objectif d’apprécier l’efficacité de différents vaccins novateurs par une approche comparative. Sont ainsi développés et expérimentés, d’une part des vaccins à base de protéines virales et, d’autre part, des vaccins à base d’acides nucléiques (ADN et ARN). En particulier, le rôle de Hans-Georg Rammensee est mentionné, car plusieurs formats de vaccins à ARNm ont été développés à l’université de Tübingen. La technologie privilégiée reste alors cependant celle d’Eli Gilboa, fondée sur la transfection de cellules dendritiques avec de l’ARNm. Les résultats sont publiés en 2005 ; ils sont disponibles sur Internet à l’adresse suivante : https://cordis.europa.eu/project/id/ QLK2-CT-2001-01346/results. Il est ainsi fait état de l’intérêt d’utiliser l’ARNm pour susciter une réaction immunitaire. Des porcs sont ainsi vaccinés avec l’ARNm, et les résultats montrent qu’ils sont effectivement protégés contre le virus CSFV. En 2003, Hans-Georg Rammensee, Ingmar Hoerr, Florian von der Mülbe et Steve Pascolo poursuivent leurs travaux sur l’ARN messager, comme en attestent les brevets déposés à l’OMPI. En 2006, après l’obtention d’un investissement majeur de 35 millions par le milliardaire fondateur de SAP, Dietmar Hopp, au travers de sa société Dievini, Steve Pascolo quitte CureVac pour rejoindre l’hôpital universitaire de Zürich, où il optimise des protocoles de chimiothérapie anticancéreuse et poursuit parallèlement ses activités sur les vaccins à ARN messager. Juste avant le départ de Steve Pascolo, l’entreprise réalise une première mondiale : la validation de la production d’ARNm dans des conditions pharmaceutiques et en grandes quantités (Steve Pascolo en était le responsable – « Kontrollleiter » en allemand, et « Qualified 83

La naissance de CureVac : l’ère des pionniers

Person » pour l’Union européenne). Après la consolidation de l’entreprise, celle-ci parvient donc à valider ses protocoles méthodologiques et devient une biotech phare au niveau européen. La réussite de CureVac incite d’autres centres de recherches et biotechs à s’intéresser à la vaccination à ARNm. L’enjeu était alors de lever les verrous techniques évoqués plus haut(47) : durant la période 2000 – 2020, tous les efforts ont visé à la fois à optimiser la molécule d’ARNm transcrite in vitro, à améliorer sa stabilité intracellulaire et à optimiser sa pénétration dans les cellules (« formulation ») pour, in fine, augmenter la production de protéines encodées dans l’organisme. Cette optimisation est totalement conditionnée à l’objectif thérapeutique : vaccination ou « protéine de remplacement » ?

47. Cf. supra partie II.2, « L’utilisation de l’ARNm - les verrous techniques initiaux ». 84

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4 Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm

Figure 5 | Ugur Sahin.

Avec autorisation personnelle.

Avec autorisation personnelle.

Des travaux acharnés ont été nécessaires pour qu’un ARNm de synthèse puisse être administré à l’homme, afin de le prémunir ou de le soigner contre des infections virales ou contre des cancers. La compétition aidant, les trois biotechs majeures que sont CureVac, BioNTech et Moderna ont contribué, de l'an 2000 jusqu'à nos jours à l’optimisation de la molécule d’ARNm, de sa conception au transport préalable à son injection. Cependant, le rôle déterminant des docteurs Ugur Sahin et Özlem Türeci, de BioNTech, doit être souligné.  

Figure 6 | Ozlem Türeci. 85

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Cinq verrous techniques ont progressivement été levés. Ils sont présentés en infra dans un ordre logique et non chronologique

UNE OPTIMISATION DU CODAGE DE L’ARNm POUR PRODUIRE LA PROTÉINE RECHERCHÉE L’amélioration de la séquence codante est le premier point fondamental, dans la perspective d’optimisation de l’ARNm synthétique. Et cela fait maintenant près de vingt ans que le docteur Ugur Sahin et ses collaborateurs de BioNTech travaillent sur ce sujet essentiel. Dès 2006, Ugur Sahin constate ainsi que « l’optimisation des codons est principalement fondée sur la substitution de multiples codons rares par d’autres plus fréquents, qui vont encoder le même acide aminé. Il en résulte que le taux et l’efficacité du processus de traduction des protéines sont augmentés » (48). Pourquoi, alors, cette optimisation entraîne-t-elle une plus grande efficacité du processus de traduction des protéines(49)  ? Très concrètement, l’optimisation de l’ARNm se traduit par des manipulations biologiques pour favoriser la formation de codons contenant de la guanine (G) et de la cytosine (C). Cela part de la constatation que les ARN de transfert (ARNt) les plus abondants chez l’homme (donc, favorables à l’obtention de l’ARNm optimisé recherché) sont complémentaires des codons les plus riches en guanine et cytosine. L’optimisation des codons passe alors par une diminution de l’élément chimique uracile (U), ce qui peut induire effectivement une moindre stimulation des TLR et, par conséquent, une réaction inflammatoire elle aussi moindre. Cette optimisation est nécessaire, mais connaît cependant certaines limites : en effet, elle est étroitement dépendante de la séquence de protéine à faire exprimer, et il est

48.  Cf. RP : 6. 49. Cf. partie I.2, « L’ARN messager : de la transcription à la traduction des protéines ». 86

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complexe d'enlever certains nucléotides très immunogènes dans une perspective de vaccination à ARNm. Ces dernières années, CureVac et BioNTech ont déposé plusieurs brevets validés sur des ARNm enrichis en G et en C(50) ; les brevets concernés n’auraient pas été validés s’il avait été simplement fait mention d’un « ARNm avec codons optimisés », notion trop vague et qui n’apparaît pas nécessairement novatrice en première analyse. De plus, les codons n’ont pas tous la même fréquence : par exemple, chez l’être humain, les quatre codes possibles pour l’acide aminé Valine ont la fréquence suivante : GTG – fréquence : 0,47 ; GTC – fréquence : 0,24 ; GTT – fréquence : 0,18 ; GTA – fréquence : 0,11. Lors du processus de traduction, la transmission de l’information génétique de l’ARNm à la protéine est d’autant plus rapide que le codon est fréquent. Ainsi, si la protéine en question contient l’acide aminé Valine, la traduction intervient plus rapidement si le codon correspondant est GTG. Un ARNm conçu avec des codons trop fréquents riches en G et C peut éventuellement générer des protéines traduites trop rapidement et mal configurées ; ce qui incite à la fois à être prudent lorsqu’on fait de l'optimization et, éventuellement à utiliser certains codons rares pour réguler la vitesse de traduction des protéines. Cet équilibre subtil dans le choix des codons souligne que le « design » de l’ARNm est une étape critique pour la production d’un ARNm fonctionnel. L’optimisation de la séquence codante peut être obtenue grâce à des logiciels qui proposent différentes séquences. À partir d’une protéine donnée, des sociétés (Twist Bio Science, Blue Heron, Gene Art…), vont alors soumettre quelques séquences à partir d’un codage spécifique de l’ARNm, pour obtenir les transcrits de qualité optimale. 50. Cf. RB : 4. (pour CureVac). 87

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Il est vraisemblable qu’en interne, BioNTech, Moderna et CureVac aient également élaboré les meilleurs procédés d’optimisation des séquences codantes de leur ARNm de synthèse. Pour conclure, les biotechs CureVac, BioNTech et Moderna, chacune de leur côté, ont à coup sûr optimisé des ARNm similaires, avec toutefois des séquences légèrement différentes. Ces ARNm particuliers sont à chaque fois protégés par des brevets.

LE PERFECTIONNEMENT DES MÉTHODES DE PURIFICATION DE LA MOLÉCULE D’ARNm L’optimisation de la molécule d’ARNm implique également le perfectionnement des méthodes de purification. Dès 2004, CureVac utilise le procédé de chromatographie en phase liquide à haute performance (high performance liquid chromatography, HPLC), qui sépare les bases d’ARNm, et donc améliore la qualité de l’ARNm dans la perspective d’une production GMP(51). Ce procédé de purification HPLC de l’ARNm est breveté par CureVac en 2007(52). Il est ensuite repris par Katalin Kariko en 2011, avec l’objectif de ne pas déclencher de réponses immunitaires chez le patient(53).

UNE MEILLEURE STABILITÉ DE LA MOLÉCULE D’ARNm Sur le plan biologique, la stabilité d’une molécule d’ARNm assure une bonne efficacité du processus de traduction des protéines et limite la destruction de l’ARNm par les enzymes RNases. Sur les plans industriel et médical, plus l’ARNm est stable, plus petite sera la quantité de vaccin injectée au patient. 51. Cf. RP : 7. 52. Cf. RB : 5. 53. Cf. RP : 8. Cf. également infra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 88

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Toutes les parties de l’ARNm peuvent affecter la stabilité de celui-ci. Pour rappel, ces parties sont les suivantes : la coiffe en 5’ ; la 5’UTR ; la région qui contient les segments codants ; la 3’UTR ; et la queue polyA. Chacune d’entre elles peut être améliorée pour optimiser la demivie d’un ARNm dans une cellule donnée. Pour la « coiffe en 5’ », si BioNTech a apporté des perfectionnements intéressants au début des années 2010(54), l’innovation décisive est venue de l’entreprise de biotech américaine Trilink qui, en 2017, a mis au point le « CleanCap », un composé qui imite de façon optimale la coiffe en 5’ Cette innovation conduit à la production, à l’échelle industrielle, d’un ARNm moins coûteux, plus fonctionnel (sous l’angle de la stabilité et de la traduction des protéines), et efficace pour un certain nombre d’applications thérapeutiques. Ce procédé génère aussi une production cinq à dix fois plus élevée lors de la synthèse par transcription de l’ARNm obtenu in vitro. Pour la partie « 3’UTR », BioNtech a identifié, entre 2006 et 2015, les séquences de cette partie qui confèrent une plus grande stabilité de l’ARNm transcrit et une traduction efficace en protéines(55)(56).

DES PROGRÈS IMPORTANTS DANS LE DOSAGE DE L’ARNm ET LE MODE D’ADMINISTRATION En améliorant le transport de l’ARNm du point d’injection jusqu’au cytoplasme de la cellule, on a pu réduire considérablement les doses injectées. Ainsi, pour un vaccin à ARNm contre certains cancers testé chez les souris en 2000, une réponse immunitaire faible a été objectivée avec 200 microgrammes, alors qu’en 2021 cette réponse est

54.  Cf. en particulier RB : 6. 55. Cf. RP : 6. 56. Cf. RB : 7. 89

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importante chez l’homme avec seulement 30 microgrammes d’ARNm injectés en une seule fois (vaccination BioNTech anti-Covid-19)(57). Cette question est, en réalité, indissociable du mode d’administration de l’ARNm, qui s’est aussi sensiblement amélioré au cours de ces deux dernières décennies. On observe ainsi l’optimisation du site d’injection et de la voie d’administration du vaccin à ARNm : voies intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée, etc. L’objectif est, là encore, d’optimiser la libération d’ARNm dans les cellules selon les voies privilégiées et les sites d’injection. Dans un article paru dans la revue Cancer Research, de 2010, Ugur Sahin et ses collaborateurs de BioNTech soulignent l’intérêt chez la souris d’une injection d’ARNm dans les ganglions lymphatiques, plutôt qu’en intradermique ou en sous-cutané(58). Ils constatent une réponse immunitaire dirigée spécifiquement contre les antigènes tumoraux, tant au niveau des lymphocytes T auxiliaires que des lymphocytes T cytotoxiques. Les travaux postérieurs de BioNTech vont confirmer l’importance du site et du mode d’administration pour une meilleure réponse immunitaire du patient. Pour exemple, signalons le brevet de BioNTech EP2830593, « Formulation d’ARN pour l’immunothérapie », déposé dans la perspective de soigner des tumeurs cancéreuses par immunothérapie. Ce brevet(59) rappelle l’importance du site d’administration : 57.  Données disponibles dans l’article de Steve Pascolo, paru le 17 février 2021 : « Sortir de la pandémie », sur le forum médical suisse et disponible à l’adresse : https:// medicalforum.ch/fr/detail/doi/fms.2021.08742. 58. Cf. RP : 9. 59. Cf. RB : 8. La description du brevet signale ainsi : « In order to provide sufficient uptake of the RNA by DCs, local administration of RNA to lymph nodes has proven to be successful. However, such local administration requires specific skills by the physician. Therefore, there is a need for RNA formulations which can be administered systemically, for example intravenously (i.v.), subcutaneously (s.c.), intradermally (i.d.) or by inhalation. From the literature, various approaches for systemic administration of nucleic acids are known. In non-viral gene transfer, cationic liposomes are used to induce DNA/ RNA condensation and to facilitate cellular uptake ». Et plus loin, sur l’efficacité d’une injection dans la rate : « For RNA based immunotherapy, lung or liver targeting can be detrimental, because of the risk of an immune response against these organs. Therefore, 90

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l’injection de l’ARNm dans la rate entraîne une réponse immunitaire bien supérieure à l’injection dans les poumons ou le foie. L’injection de l’ARNm dans les ganglions lymphatiques cible directement les cellules dendritiques présentatrices de l’antigène au système immunitaire, cellules capables de migrer du site d’injection vers la chaîne ganglionnaire lymphatique proximale. Une revue détaillée des différents modes d’administration de l’ARNm et des effets thérapeutiques induits est enfin faite en 2014 dans l’article très cité de Nature « mRNA-based therapeutics – developing a new class of drugs », d’Ugur Sahin, Katalin Kariko et Özlem Türeci(60). S’agissant de la campagne vaccinale à ARNm anti-Covid menée à un niveau mondial, la voie intramusculaire a été retenue par Moderna et BioNTech, à la suite des essais cliniques préalables à la mise sur le marché de leurs vaccins. Avant 2019, peu d’études évoquaient des injections intramusculaires d’ARNm. La possibilité d’utiliser ce mode d’injection est cependant évoquée en 2015 par Drew Weissman, dans une étude réalisée sur des souris qui comparait les différentes voies d’administration de l’ARNm pour l’expression de protéines(61). Il semble, de son côté, que BioNTech dispose de formulations pour réaliser de telles injections à compter de 2017. En dépit d’un nombre réduit de cellules dendritiques dans les muscles, les réponses immunitaires induites par cette voie d’administration de l’ARNm se sont révélées excellentes. D’autant que la déchirure mécanique des tissus (par infiltration de liquide dans le muscle) crée une inflammation, activatrice du système immunitaire !

for such therapy, a formulation with high selectivity only for the DCs, such as in the spleen is required ». 60. Cf. RP : 10. Cf. en particulier le paragraphe « Progress in improving mRNA delivery ». 61. Cf. RP : 11. 91

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Ainsi, comme le précise le journaliste et médecin Marc Gozlan : « Cette voie d’administration est celle qui est classiquement utilisée pour la quasi-totalité des vaccins. […] Les voies d’administration intramusculaire et sous-cutanée [sont] les deux principales voies d’administration de vaccins chez l’homme. Cela tient surtout au fait que ces deux modalités d’injection sont à la fois simples à réaliser et tout autant efficaces »(62). D’autres modes d’administration des vaccins à ARNm sont étudiés : – l’injection intratumorale et l’injection intraveineuse, pour une immunothérapie anticancéreuse(63) ; – la vaccination en intranasal ; le vaccin est alors introduit dans l’organisme par vaporisation dans le nez, avec un jet dans chaque narine ou par dépôt. Des formulations de vaccins à ARNm injectés par voie intranasale sont actuellement expérimentées sur des souris. Compte tenu de la proximité immédiate de la cavité nasale avec le bulbe olfactif – partie intégrante du système nerveux central –, d’éventuels effets secondaires neurologiques sont à surveiller.

DES PROGRÈS NOTABLES DANS LE TRANSFERT CELLULAIRE DE L’ARNm Dès 2000, pour améliorer le transport de la molécule d’ARNm, CureVac propose une lyophilisation des solutions en utilisant le mannose, sucre souvent utilisé pour le conditionnement (brevet déposé en 2011(64)). Des perfectionnements importants sont progressivement réalisés sur les liposomes et les polymères cationiques. Chargées positivement, ces molécules sont très efficaces pour l’encapsulation de l’ARNm, et pour l’acheminer dans le cytoplasme, chargé négativement, de la 62.  Cf. article disponible sur le blog Internet de Marc Gozlan à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/12/14/laventure-scientifique-des-vaccins-a-arn-messager/. 63. Cf. infra partie II.8. 64. Cf. RB : 9. 92

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cellule. Les liposomes présentent des caractéristiques mécaniques et thermiques variables. À température ambiante, les liposomes de petite taille ont tendance à s’agréger au fil du temps, à la manière de petites bulles de savon qui se rejoignent pour en former de plus grandes. Le changement de taille et de forme d’un liposome affecte ses fonctionnalités biologiques. Il importe donc qu’il conserve la taille conçue initialement. À température ambiante également, certains liposomes sont stables, et d’autres non(65), ce qui s’est révélé une contrainte dont il a fallu tenir compte dans la mise au point des vaccins à ARNm anti-Covid(66). Dans les faits, les progrès réalisés pour optimiser la délivrance d’un ARNm intact aux cellules ne se sont pas faits du jour au lendemain, mais… en vingt ans ! – CureVac, de son côté, travaille tout d’abord sur l’optimisation des vecteurs de transport de l’ARNm. Des solutions aqueuses contenant des sels de sodium, de calcium et de potassium sont, par exemple, mises au point en 2006 : elles accroissent le transfert d’ARN et/ou la traduction en protéines d’ARN, aussi bien in vitro qu’in vivo(67). – À l’université de Zürich (Suisse), Steve Pascolo consacre également beaucoup d’efforts à cette optimisation. Il dépose ainsi, le 26 mai 2009, un brevet qui protège la formulation de nanoparticules de protamine/ARN, conduisant à la production de médicaments immunostimulants(68), selon un protocole distinct de ceux précédemment proposés par CureVac.

65.  Par exemple, la lipofectamine apparaît comme un liposome très stable. 66.  Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, CureVac a mis au point un liposome stable qui conserve son vaccin à ARNm anti-Covid à + 4 °C ; sa formulation est actuellement protégée par un brevet. Les liposomes utilisés par BioNTech et Moderna apparaissent moins stables : c’est pour cette raison que leurs vaccins à ARNm antiCovid sont conservés à très basse température. 67. Cf. RB : 10. 68. Cf. RB : 11. 93

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– Par ailleurs, dès 2007, Chantal Pichon, professeur à l’université d’Orléans, et Patrick Midoux, directeur de recherche Inserm au CNRS d’Orléans, ont développé et breveté des lipides originaux, qu’ils ont exploités pour faire une formulation hybride, appelée lipopolyplexe, composé de polymères et de liposomes, capable de cibler les cellules dendritiques de la rate, organe majeur du système immunitaire, après injection intraveineuse(69). Cette formulation a été utilisée pour délivrer des ARNm codant des antigènes tumoraux de mélanome et de cancer de la tête et du cou afin d’induire une réponse antitumorale(70). En collaboration avec la société belge eTheRNA, ils ont démontré que ce type de formulation était complètement inoffensif, très peu inflammatoire, à l’instar des liposomes, et pourtant capable d’induire une vaccination thérapeutique qui inhibait totalement la progression tumorale après implantation dans ladite tumeur(71). Cette réponse, obtenue aussi bien avec des ARN modifiés que non modifiés(72), démontre l’effet non négligeable du transporteur dans les réponses immunitaires. Ce type de formulation, utilisé en instillation nasale, est également efficace pour induire une vaccination prophylactique contre le virus de la grippe(73). – Enfin, à partir de la fin des années 2000, BioNTech travaille à optimiser des véhicules de transfert de l’ARNm, pour proposer, en mars 2015, des particules lipidiques capables de transporter l’ARNm d’intérêt.

69. Cf. RP : 12. 70.  Cf. également infra partie II.8, « Les expériences et essais cliniques réalisés contre le cancer ». 71. Cf. RP : 13. 72. Cf. infra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 73. Cf. RP : 14. Notons par ailleurs que ce type de formulation est actuellement en cours de développement pour la production de vaccins à ARNm anti-Covid-19 par StemiRNA Therapeutics. 94

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Figure 7 | Chantal Pichon.

Plus récemment, en avril 2019, une étude par imagerie radioactive, conduite par le professeur Philip Santangelo, démontre l’efficacité d’une nanoparticule lipidique spécifique appelée CHOLK, dérivée d’un sucre naturel, et capable de véhiculer les molécules d’ARNm dans le cytosol des cellules ciblées et vers les ganglions lymphatiques(74). Cependant, la percée déterminante revient à la biotech canadienne Acuitas Therapeutics. Cette société a synthétisé plus de 500 vésicules nanoparticulaires lipidiques chargées positivement et capables d’empaqueter de l’ARNm, de le protéger et de le délivrer à la cellule, et ce, in vivo. Les essais cliniques pratiqués sur des singes se sont montrés concluants. Les formulations utilisées pour administrer le premier vaccin à ARNm transcrit in vitro mis sur le marché – le vaccin de BioNtech/ Pfizer contre la Covid-19 –, sont basées sur les technologies d’Acuitas Therapeutics. À l’heure actuelle, CureVac utilise également les formulations de cette biotech pour la mise au point de son vaccin à ARNm contre la Covid-19.

74. Cf. RP : 15. 95

5 ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ?

Historiquement, CureVac a lancé la technologie de l’ARNm injecté à l’organisme humain dans le seul but de la vaccination, soit prophylactique en infectiologie, soit curative en cancérologie. Les expériences ont clairement montré que l’injection de l’ARNm synthétique sans modifications – issu de la transcription de la séquence d’ADN ciblé, et qui répondait au code d’appariement (ATGC / AUGC) –, induisait une réponse immunitaire notable, et parfaitement contrôlable, d’abord chez la souris, puis chez l’homme. L’injection se faisait en intradermique. L’objectif vaccinatoire était atteint !   Comme on l’a vu(75), la réponse immunitaire est alors induite par la présence d’ARNm non modifié d’origine exogène dans les endosomes, interprétée par l’organisme comme un signal de danger par les récepteurs intracellulaires PRR. Leur activation entraîne alors : 75. Cf. supra, partie I.4, « La réaction immunitaire ». 97

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

(i) la production d’interférons de type I, qui ont une forte activité antivirale, et qui influencent de multiples façons (pas toujours encore bien caractérisées) l’activation du système immunitaire adaptatif(76) ; (ii) le blocage de la synthèse des protéines. Pour les chercheurs et les biotechs qui avaient pour objectif d’exploiter des ARNm pour un remplacement de protéines défectueuses ou manquantes (« protein replacement »), la réponse immunitaire et le blocage de la synthèse protéique représentaient un obstacle. Cela a joué un rôle décisif dans la mise au point, en 2005, de l’ARNm modifié par deux chercheurs américains, Katalin Kariko et Drew Weissman. Il s’agit là d’une une évolution beaucoup discutée ces derniers mois et qu’il est nécessaire de bien comprendre. Lorsque Drew Weissman, immunologiste, rencontra, en 1997, Katalin Kariko, biologiste moléculaire, lui travaillait sur le VIH et elle sur des thérapies géniques basées sur l’ARNm. Pour saisir toute la portée de cette rencontre, il faut alors se remettre dans le contexte des années 1990 : à cette époque-là, la grande majorité des immunologistes travaillaient, de fait, sur le virus VIH. À la fin des années 1990, ils commencèrent leurs travaux sur l’ARNm en se fondant sur l’approche « classique » d’Eli Gilboa, fondée sur la transfection d’ARNm non modifié dans des cellules dendritiques. Cela ne présentait alors rien de nouveau ; l’inflammation était même recherchée : dans le résumé de l’article, il est ainsi fait état d’une réponse immunitaire induite par ce procédé(77). 76.  En plus de l’interféron de type 1, c’est également le cas de l’interféron de type 3. Les interférons font partie des cytokines, dont l’impact sur le système immunitaire apparaît complexe, certaines d’entre elles ayant en particulier une action inflammatoire. Les types d’interférons sont distingués selon les récepteurs cellulaires auxquels ils se lient. Cf. également infra, l’encadré de la partie II.7 consacré à l’interféron de type 1, « Le rôle de l’interféron de type 1 dans le déclenchement de la réponse immunitaire adaptative ». 77. Cf. RP : 16. En particulier, le passage suivant est explicite sur la démarche des deux chercheurs à la fin des années 1990 : « mRNA transfection also delivered a maturation signal to DC. Our results demonstrated that mRNA-mediated delivery of encoded Ag to DC induced potent primary T cell responses in vitro. mRNA transfection of DC, 98

LE MARATHON DU MESSAGER

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

Figure 8 | Drew Weissman.

Avec autorisation personnelle.

Avec autorisation personnelle.

C’est très probablement par sérendipité(78) qu’ils observèrent que, lorsque de l’ARN animal était utilisé à la place d’ARN synthétique ou de bactéries, il ne se produisait pas d’activation des cellules immunitaires in vitro. Cela s’explique par le fait que l’ARNm est une molécule qui est apparue très tôt dans l’histoire de la vie, et l’évolution des espèces a favorisé l’apparition chez les organismes supérieurs d’ARNm davantage modifiés.  

Figure 9 | Katalin Kariko.

Dès lors, Katalin Kariko et Drew Weissman ont testé les modifications de l’ARNm. Ils ont ainsi constaté que cela interférait avec la reconnaissance par les TLR 7 et 8, d’où l’idée d’utiliser les modifications pour faire des ARNm non immunostimulants à des fins thérapeutiques non vaccinales. C’est ainsi qu’ils conçurent l’ARNm modifié.

which mediated efficient delivery of antigenic peptides to MHC class I and II molecules, as well as delivering a maturation signal to DC, has the potential to be a potent and effective anti-HIV T cell-activating vaccine ». 78. Le terme de sérendipité est un anglicisme qui désigne le fait de faire une découverte scientifique inattendue, à la suite de diverses expériences, et à en saisir ensuite toute la portée pratique. 99

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

L’INVENTION DE DREW WEISSMAN ET KATALIN KARIKO : L’ARNm MODIFIÉ PAR LA PSEUDO-URIDINE La modification de l’ARNm proposée par Drew Weissman et Katalin Kariko consiste à modifier la composition de l’ARNm synthétique en remplaçant, par exemple, l’une des bases azotées : l’uracile, U, par la pseudo-uridine (ou Pseudo-U)(79).

79.  La pseudo-uridine est un composé naturel que l’on retrouve, après la transcription, dans l’ARN de tous les êtres vivants. Elle résulte d’une transformation (isomérisation) de l’uridine (corps chimique qui résulte lui-même de l’attachement de l’uracile à un sucre ribose). 100

LE MARATHON DU MESSAGER

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

L’invention de Drew Weissman et Katalin Kariko est protégée par le brevet US8278036B2 – « ARN contenant des nucléosides modifiés et procédés d’utilisation associés » (RNA containing modified nucleosides and methods of use thereof) –, détenu par l’université de Pennsylvanie, et déposé le 18 août 2005 aux États-Unis. La validité de ce brevet est devenue ensuite internationale, à compter du 1er mars 2007 (brevet n° WO/2007/024708 déposé à l’OMPI). Pour contourner ce brevet, non dans une perspective vaccinale, mais pour mettre au point des thérapies fondées sur des ARNm non immunostimulants, il existe deux procédés : •  soit administrer l’ARN synthétique non modifié directement dans le cytoplasme de la cellule ; les récepteurs TLR 7 ne reconnaissent alors pas les dimères d’uracile (à savoir, les séquences uracile-uracile), qui sont les principaux responsables de la réaction inflammatoire ; •  soit utiliser d’autres molécules que la pseudo-uridine. Si la 2-thiouridine a été employée, les principales options actuelles sont le Methoxy C ou le Methoxy U, qui sont utilisés pour la synthèse d’ARNm modifié par plusieurs entreprises, dont la société allemande Ethris : il s’agit de molécules de substitution à la cytosine, C, et à l’uracile, U(80). Cette modification évite la reconnaissance de l’ARNm par les récepteurs TLR mentionnés plus haut, et n’entraîne donc pas de réaction inflammatoire. Un certain nombre de sociétés utilisent ce type d’ARNm « Metoxy C » ou « Metoxy U » comme, par exemple, la société Trilink, qui a apporté une contribution notable à l’optimisation de l’ARNm synthétique(81). Ce type d’ARNm est libre de brevet. Cependant, il apparaît moins efficace que l’ARNm modifié par la pseudo-uridine : sa synthèse est un peu plus difficile à réaliser, et la traduction des protéines

80. Ethris exploite par ailleurs deux autres modifications de l’ARNm : la 5-iodo-uridine et la 5-iodo-cytidine. 81. Cf. supra partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm ». 101

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

est moins satisfaisante, ce qui peut se révéler contraire à l’objectif de « protein replacement ». On comprend mieux alors tout l’enjeu de la discussion sur l’ARNm modifié par la pseudo-uridine tel qu’il a été mis au point par Drew Weissman et Katalin Kariko.

L’ARNM MODIFIÉ PAR LA PSEUDO-URIDINE : QUELLES APPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES ? La description du brevet US8278036B2 – « ARN contenant des nucléosides modifiés et procédés d’utilisation associés » fournit des informations essentielles sur l’utilisation prévue de l’ARNm modifié par la pseudo-uridine : « L’invention concerne des molécules d’ARN (…) comprenant de la pseudo-uridine ou un nucléoside modifié, des vecteurs de thérapie génique comprenant les composés précités, des procédés de synthèse de ces composés, ainsi que des procédés de remplacement génique, de thérapie génique (…) et l’administration de protéines thérapeutiques à des tissus in vivo, comprenant les molécules. L’invention concerne également des procédés de réduction de l’immunogénicité des molécules d’ARN (…)(82) ». Cette modification de l’ARNm a donc pour objectif la mise au point d’un ARNm « dé-immunisé ». L’uracile est en effet la base incorporée dans l’ARNm qui déclencherait la plus forte réaction immunitaire. L’ARNm modifié par la pseudo-uridine entraînerait une réaction inflammatoire bien moindre, voire la supprimerait complètement. Il 82. Cf. RB : 12. Le passage traduit est l’abstract du brevet  : « This invention provides RNA, oligoribonucleotide, and polyribonucleotide molecules comprising pseudouridine or a modified nucleoside, gene therapy vectors comprising same, methods of synthesizing same, and methods for gene replacement, gene therapy, gene transcription silencing, and the delivery of therapeutic proteins to tissue in vivo, comprising the molecules. The present invention also provides methods of reducing the immunogenicity of RNA, oligoribonucleotide, and polyribonucleotide molecules ». Le brevet complet peut être consulté librement à l’adresse https://patents.google.com/patent/US8278036B2/ en?oq=US8278036B2. 102

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ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

est donc a priori utilisé pour des applications thérapeutiques non vaccinales : ce qui est alors avant tout recherché, c’est que l’ARNm injecté ne déclenche pas de réponse immunitaire. Ce point a été confirmé en 2014 et en 2017 : •  en octobre 2014, dans l’article « m-RNA-based therapeutics – developing a new class of drugs », paru dans Nature, Ugur Sahin, Katalin Kariko et Özlem Türeci décrivent de manière très claire l’utilisation de l’ARNm modifié par la pseudo-uridine : « Les progrès récents dans l’identification des capteurs d’ARN dans les cellules et des éléments structurels dans l’ARN qui sont impliqués dans la reconnaissance immunitaire fournissent des opportunités pour augmenter la réponse immunitaire induite par l’ARNm transcrit in vitro, ou au contraire pour créer de l’ARNm « dé-immunisé », selon les besoins », et plus loin : « De l’ARNm dé-immunisé peut être créé en incorporant naturellement des nucléosides modifiés d’origine naturelle comme la pseudo-uridine » (83)  ; •  en 2017, BioNTech et Moderna ont acquis des sous-licences pour exploiter le brevet de l’université de Pennsylvanie pour plusieurs dizaines de millions d’euros(84) auprès de Cellscript, la société américaine qui disposait de la licence exclusive du brevet. Le communiqué de presse de BioNTech relatif à l’acquisition du brevet, en date du 6 septembre 2017, indique clairement que ce qui justifie en premier lieu cet achat, ce n’est pas la production d’ARNm à des fins de vaccination, mais bien le développement de protéines thérapeutiques : « Les brevets pour les technologies d’ARN nucléosidiques modifiées de Cellscript sont le résultat de recherches 83. Cf. RP : 10. Cet article dresse alors un état des lieux synthétique des recherches sur l’ARNm. Les passages traduits sont les suivants : « The recent progress in identifying RNA sensors in cells and the structural elements within mRNA that are involved in immune recognition provides opportunities to augment immune activation by IVT mRNA, or alternatively to create “de-immunized” mRNA as needed » (p. 762) et De-immunized IVT mRNA can be created by incorporating naturally occurring modified nucleosides such as pseudouridine » (p. 763–764). 84.  Chaque biotech a en fait payé 75 millions de dollars. 103

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

menées par le professeur [et docteur] Katalin Karikó et par le professeur [et docteur] Drew Weissman, à la faculté de médecine de l’université de Pennsylvanie. Le professeur Karikó [a mené des] recherches révolutionnaires sur la découverte que l’incorporation de nucléosides modifiés supprime le caractère immunogène de l’ARN. Ces recherches démontrent par conséquent la faisabilité de l’utilisation de l’ARNm nucléosidique modifié pour le remplacement des protéines in vivo »(85). L’objectif recherché est donc bien la traduction de protéines dites « de remplacement ». Pourtant, il se produit en cette même année 2017 un changement surprenant dans l’utilisation de cet ARNm modifié ! Cette année-là paraît dans la revue Nature un article de Drew Weissman sur l’utilisation de l’ARNm modifié pour la vaccination contre le Zika, alors même que cet ARNm était réputé ne pas provoquer de réponse immunitaire(86). Une immunité protectrice contre le virus Zika est ainsi obtenue en utilisant cet ARNm modifié. Dans cet article, remarquons le mutisme des auteurs sur la nature des adjuvants utilisés qui contribueraient à stimuler la réponse immunitaire ! Il s’agit là pourtant d’une question essentielle, dans la mesure où Drew Weissman affirmait jusque-là que cet ARNm modifié à lui seul n’était pas immunogène ! 85. Communiqué de presse disponible à l’adresse suivante : https://www. globenewswire.com/news-release/2017/09/06/1108043/0/en/BioNTech-AG-Entersinto-Licensing-Agreement-with-CELLSCRIPT-LLC-as-it-Advances-Developmentof-Messenger-RNA-Encoding-Bispecific-Antibodies-and-other-TherapeuticProteins.html. Le passage traduit est le suivant : « The patents for CELLSCRIPT’s nucleoside-modified RNA technologies are the result of research conducted by Prof. Katalin Karikó, Ph.D. and Drew Weissman, M.D., Ph.D. at the University of Pennsylvania Medical School. Prof. Karikó, one of the world’s leading experts in mRNA biochemistry, with more than 30 years of experience, joined BioNTech in 2013. She has published more than 70 peer-reviewed papers and conducted groundbreaking research into the discovery that incorporation of modified nucleosides suppresses immunogenicity of RNA, consequently demonstrating the feasibility of using nucleoside-modified mRNA for protein replacement in vivo ». 86. Cf. RP : 17. 104

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ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

C’est un virage à cent quatre-vingts degrés qui laisse perplexe. Il est essentiel de pouvoir l’expliquer. Au préalable, et pour bien comprendre la question posée, le tableau suivant aide à cerner les principaux objectifs et domaines de recherche, ainsi que les difficultés posées par les deux types d’ARNm. Sont également mentionnées les biotechs qui travaillent actuellement sur chacune des applications thérapeutiques. La dernière colonne du tableau renvoie aux différents chapitres du livre qui évoquent chacun des pistes de recherche. Enfin, la flèche rouge indique la question posée par le changement d’utilisation de l’ARNm modifié en 2017.

ARNM MODIFIÉ, ARNm NON MODIFIÉ ET VACCINATION (tableau 3) Ce « repositionnement » des inventeurs de l’ARNm modifié pose la question de l’incidence sur le système immunitaire du patient de l’utilisation de l’ARNm à pseudo-uridine. La modification pseudo-uridine rend l’ARNm invisible aux récepteurs intracellulaires, appelés PRR (Pattern Recognition Receptors), évoqués un peu plus haut. En conséquence, l’ARNm modifié n’est plus interprété par le système immunitaire du patient comme un signal de danger. Dans ces conditions, la traduction des protéines n’est pas empêchée. Le résultat souhaité est alors d’obtenir davantage d’antigènes, ce qui, a priori, aurait pour effet de déclencher une réponse immunitaire plus forte. Cependant, comme on le verra un peu plus loin(87), les expérimentations cliniques menées conduisent à questionner de manière approfondie le lien de causalité ici évoqué.

87. Cf. infra partie II.7, « Les expériences et essais cliniques réalisés contre les maladies infectieuses ». 105

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

      Type d’ARNm

ARNm synthétique modifié

Nature de la modification

Remplacement de nucléotides immunostimulants par des nucléotides non immunostimulants (comme Pseudo-U et Metoxy-U)

? ARNm synthétique non modifié

-

Principales applications thérapeutiques

Principaux acteurs concernés

Protéines de remplacement (cancer, maladies génétiques, dégénératives, hormonales, etc.)

BioNTech, Moderna, Ethris

Après 2017 : maladies infectieuses (Zika, Covid-19, etc.)

BioNTech, Moderna

Cancers

CureVac, BioNTech, Etherna

Maladies infectieuses (grippe, Covid19, sida, etc.)

CureVac, BioNTech, Etherna

Tableau 3 | Les deux types d’ARNm : ARNm modifié et ARNm non modifié

106

LE MARATHON DU MESSAGER

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

Objectif recherché

Difficultés présupposées

Stade des expérimentations

Résultats cliniques

Parties du livre où le sujet est évoqué

Élaboration de protéines fonctionnelles sans induction de réponse immunitaire

Réaction inflammatoire

Études précliniques Essais cliniques phase II (Moderna)

Efficacité temporaire due à une éventuelle réaction inflammatoire

Partie II.9

Réponse immunitaire (vaccination)

Manque de réaction inflammatoire

Usage courant : vaccins antiCovid BioNTech et Moderna

Effets secondaires le plus souvent légers

Partie II.6 Partie III.4

Réponse immunitaire (vaccination)

-

Essais cliniques phase II (BioNTech)

Efficacité variable et temporaire – à coupler avec d’autres thérapies anticancéreuses

Partie II.1 Partie II.3 Partie II.7

Réponse immunitaire (vaccination)

-

=> Essai clinique phase III : vaccin anti-Covid CureVac => essai clinique phase II : grippe et cytomégalovirus

Effets secondaires le plus souvent légers

Partie Partie Partie Partie

II.1 II.3 II.6 III.4

107

ARNm MODIFIÉ ET ARNm NON MODIFIÉ : DANS QUEL BUT ?

En outre, comme on l’a vu plus haut, le système de transfert cellulaire utilisé joue un rôle dans la réponse immunitaire obtenue. Par conséquent, quel que soit le type d’ARNm utilisé (modifié ou non modifié), il est certain qu’une attention particulière devra être accordée à la formulation des nanoparticules lipidiques. Dans ces conditions, peut-on continuer à vouloir utiliser l’ARNm non modifié pour la vaccination à ARNm ? Dans ce domaine-ci, comme dans d’autres, les expérimentations et essais cliniques vont apporter des enseignements précieux.

108

LE MARATHON DU MESSAGER

6 Les expériences et essais cliniques réalisés : la puissance de l’ARNm thérapeutique

La médecine étant avant tout, outre un art, une science expérimentale, la recherche thérapeutique suppose nécessairement la réalisation d’essais cliniques. Dans son Histoire de la pensée médicale, Maurice Tubiana indique de manière claire et précise la façon dont ces essais se déroulent généralement(88) : «  Dans l’évaluation d’un nouveau médicament, la première étape est expérimentale, d’abord in vitro, puis chez l’animal, ce qui est indispensable pour déceler les toxicités (notamment les effets cancérogènes et tératogènes). Si les résultats chez deux espèces animales sont satisfaisants, commence l’étape clinique. Celle-ci s’effectue en trois phases. La première vérifie l’absence de toxicité chez l’homme et débute avec des doses inférieures à celles dont on escompte un effet thérapeutique. Elle est primordiale, car l’expérimentation animale ne suffit pas à exclure le risque d’effets toxiques chez l’homme. Dans 88.  Cf. Maurice Tubiana, Histoire de la pensée médicale. Les chemins d’Esculape, op. cit., p. 311. 109

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

la phase II, le produit est essayé sur un petit nombre de malades (quelques dizaines) pour estimer son efficacité à diverses doses et déterminer les doses optimales. On pourrait penser que les malades acceptent mal l’essai de médicaments dont l’action est inconnue. Au contraire, à un stade avancé de la maladie, ces essais sont source de réconfort chez les malades qui y voient une nouvelle chance. Ce n’est qu’après la phase II qu’on lance l’essai thérapeutique sur des centaines de malades pour comparer le nouveau médicament au traitement classique (phase III) ». Lorsque les essais cliniques concluent à l’efficacité d’une nouvelle molécule, il faut prendre en compte divers éléments essentiels pour sa commercialisation : (i) ses effets toxiques éventuels à plus ou moins long terme, ce qui implique d’apprécier les risques au cas par cas. Car il n’existe pas de grille de lecture universelle pour apprécier les risques encourus dans toutes les situations, quel que soit le protocole suivi ; (ii) le coût financier et social de la production de ce nouveau produit, qui s’inscrit également dans l’analyse de l’amélioration du service rendu au patient par comparaison avec un ou plusieurs traitements déjà commercialisés ; (iii) les démarches nécessaires à l’autorisation de mise sur le marché, souvent longues et complexes avec, comme préoccupation première, la sécurité des patients. La recherche préclinique, menée sur l’animal, aboutit à beaucoup d’échecs. Cinq pour cent seulement des molécules testées dans les essais précliniques « passent » ensuite aux essais cliniques, à la suite de quoi, peut-être 1 % seulement des molécules va être retenu. Les essais cliniques ne sont pas prédéfinis par des croyances, des idéologies, des savoirs, des opinions ni même par des intuitions personnelles. Ils se font en pratique sans a priori, dans toutes les directions. De cela, il résulte que, si la démarche expérimentale conduit à un certain nombre d’erreurs, elle mène également à des découvertes initialement insoupçonnées (c’est la fameuse « sérendipité » précédemment évoquée). 110

LE MARATHON DU MESSAGER

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

C’est ainsi que certaines voies de recherche initialement perçues comme secondaires, sans issue et même éventuellement mauvaises, comme les vaccins à ARNm au début des années 2000, se sont finalement révélées être, vingt ans après, de vraies solutions thérapeutiques. Pour être tout à fait fiables sur l’être humain, les essais cliniques doivent inclure des personnes de tout âge, y compris au-delà de 75 ans. S’agissant des vaccins, les volontaires doivent être en bonne santé et ne pas être sous traitement médicamenteux (lequel pourrait, directement ou indirectement, interférer avec le traitement expérimental). On exclut ainsi, par exemple, les femmes enceintes, les femmes qui allaitent, éventuellement les personnes atteintes de maladies auto-immunes, etc. Notons également que, dans les faits, il est plus délicat d’avoir un grand nombre de volontaires âgés dans la phase de test clinique. L’ensemble de ces paliers ont bien évidemment été essentiels dans les étapes de mise au point des vaccins à ARNm anti-Covid. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les expériences et essais cliniques qui utilisent l’ARNm, Ugur Sahin, Özlem Türeci et Katalin Kariko écrivaient, en 2014, dans leur article « MRNA-based therapeutics – developing a new class of drugs », paru dans la revue Nature Reviews : « L’immunothérapie ciblée contre le cancer est le seul champ pour lequel les essais cliniques et l’industrialisation de la fabrication de médicaments fondés sur l’ARNm sont à un stade avancé. En ce qui concerne la vaccination avec de l’ARNm transcrit in vitro contre les maladies infectieuses, on en est seulement au début des essais cliniques, alors que pour les autres applications médicales, comme les protéines de remplacement, on en est au stade préclinique »(89). La pandémie de 89. Cf. RP : 10, op. cit. Le passage traduit est le suivant : « As outlined in this Review, cancer immunotherapy is the only field in which clinical testing and industrialization of the manufacturing of mRNA drugs is at an advanced stage. For vaccination against infectious diseases, IVT mRNA is in early clinical testing, whereas in all other medical applications, such as protein replacement, it is at preclinical stage ». C’est sur ce dernier champ de recherche - les protéines de remplacement - que se sont concentrés les travaux de Katalin Kariko depuis la fin des années 1990. 111

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

112

LE MARATHON DU MESSAGER

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

Covid de 2020 aide à mesurer toute l’étendue du chemin parcouru en seulement six ans. Rappelons qu’à « la naissance de CureVac : l’ère des pionniers » (voir §II.3), la vision d’Hans-Georg Rammensee, dès 1996, était d’utiliser l’ARNm pour élaborer des vaccins anticancéreux. Dans le contexte des années 2000, l’ARNm représentait un sujet de recherche fondamentale ; 20 ans après, il est devenu champ d’expérimentation clinique et de traitement. Il est intéressant de recueillir la vision de Steve Pascolo, qui indique dans un article de 2004, publié dans la revue Expert Opinion on Biological Therapy(90) : « Indépendamment de la méthode d’administration de l’ARNm, il faut s’attendre à ce que la réalisation d’un grand nombre d’essais cliniques sur l’homme entraîne un intérêt accru pour la vaccination ARNm, qui remplacera de manière sûre et efficace la vaccination fondée sur l’ADN. […] Pour que la médecine humaine soit fondée sur cette nouvelle approche prometteuse et sûre, une production en grande quantité d’ARNm conformément aux exigences de qualité GMP est nécessaire ». Et, trois ans plus tard ans, son équipe rapporte dans la revue Gene Therapy, l’évidence expérimentale qui ouvre définitivement la voie aux vaccins à ARNm(91). Ces chercheurs synthétisent in vitro un ARNm de synthèse codant pour la luciférase, une protéine rapportrice(92). Ils injectent alors cet ARNm, placé dans un milieu 90. Cf. RP : 7, p. 1 290. Le passage traduit est le suivant : « Increased interest in mRNA vaccination as a safe and efficient replacement for DNA-based vaccines is expected to result in a larger number of human trials, regardless of which method of mRNA delivery (…) would be used (…)The extension to human therapy using these very promising and safe approaches requires a large amount of mRNA produced according to GMP guidelines. […] ». 91. Cf. RP : 18. 92.  Les expériences menées par Robert W. Malone au Salk Institute of Biological Studies avaient, en 1989, mis en évidence l’expression de la luciférase après la transfection in vitro d’ARNm sur des cellules de souris. Cependant, l’ARNm synthétique est ici transfecté ; il sera utilisé « nu » (naked) un an plus tard, en 1990, dans l’étude de Wolff et al mentionnée plus haut (cf. RP : 1, voir supra note 30). 113

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

Reproduite avec l’aimable autorisation de Steve Pascolo.

salin adéquat qui répond aux conditions GMP, dans le derme d’un homme (figure 10, Steve Pascolo lui-même).

Figure 10 | Point d’injection (genou) de l’ARNm.

Quelques heures plus tard (l’expérience ayant été répétée trois fois), des biopsies cutanées sont prélevées qui, incubées en présence de luciférine, émettent une bioluminescence. Autrement dit, l’ARNm synthétique a été pris en charge par la machinerie traductionnelle des cellules cutanées, et une luciférase fonctionnelle a catalysé la luciférine : l’ARNm synthétique est bel et bien fonctionnel in vivo chez l’homme ! Ainsi, nul besoin de transfecter l’ARNm sur des cellules dendritiques avant de les réinjecter au patient ! Par ailleurs, la peau au site d’injection de l’ARNm synthétique n’est ni inflammée ni nécrosée, et Steve Pascolo n’a ressenti aucun effet secondaire systémique après ces multiples injections. Cela démontre que l’ARNm Les investigations réalisées au Salk Institute à la fin des années 1980 sont en particulier signalées dans l’article Cationic liposome-mediated RNA transfection (cf. RP : 4), de R. W. Malone, PL Felgner et I. M. Verma. Diverses sources concordantes, dont les informations rapportées par Fabrice Delaye pour Heidi News dans l’article « Viol intellectuel au Salk Institute », publié le 17 mai 2021, (cf. https://www.heidi.news/ explorations/arn-messager-la-revanche-des-outsiders/viol-intellectuel-au-salk-institute), indiquent clairement que l’instigateur des recherches fut ici Robert W. Malone ; il s’agit là d’une « exception » au principe indiqué dans la « note de méthode sur les références aux brevets, articles et ouvrages cités » (note présentée au début de ce livre). 114

LE MARATHON DU MESSAGER

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES RÉALISÉS…

synthétique non modifié n’est pas toxique (ni localement ni de façon systémique). Les choses deviennent donc plus simples : les essais cliniques fondés sur l’injection directe d’ARNm peuvent débuter. Dès la fin des années 2000, des essais précliniques et cliniques confirment que l’ARNm synthétique est l’option d’avenir(93).

93. La revue Nanomaterials, parue le 20 février 2020, rassemble les approches expérimentales et les réalisations obtenues avec l’ARNm synthétique. Cf. RP : 19. 115

7 Les expériences et essais cliniques réalisés contre les maladies infectieuses

Rappelons deux étapes essentielles : – 1993 : travail fondateur de l’équipe de Pierre Meulien à l’hôpital Cochin, Paris : c’est la première démonstration d’une réponse immunitaire chez la souris après une injection d’ARNm synthétique. Dans cette première mondiale, l’ARNm codait une protéine du virus de la grippe (cf. partie II-1 « Des études prometteuses dès les années 1990 »). – 2000 : faisant fi du scepticisme général du monde scientifique de l’époque, CureVac reprend ce concept (cf. partie  II.3, « La naissance de CureVac : l’ère des pionniers ») en affichant sa raison d’être : une biotech qui utilise l’ARNm synthétique pour traiter certains cancers et maladies infectieuses. L’optimisation de vaccins à ARNm contre certaines maladies infectieuses a requis une vingtaine d’années, avant de connaître son plein succès aujourd’hui pour étouffer la pandémie de Covid-19.   117

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES

À l’heure actuelle, les vaccins à ARNm transcrits in vitro présentent des avantages, qui se sont révélés d’un intérêt particulier au moment de la réalisation des premiers essais cliniques. – Une production rapide dans des conditions pharmaceutiques Une fois son processus de production établi, n’importe quel ARNm synthétique peut être fabriqué et, par conséquent, peut coder n’importe quelle protéine dans des délais de quelques semaines seulement. Ce qui, pour les virus qui mutent assez facilement, garantit une mise au point beaucoup plus rapide des vaccins adaptés aux divers variants. – Une fenêtre thérapeutique sûre et définie La molécule d’ARNm étant rapidement dégradée dans les cellules de l’organisme, l’ARNm non modifié ou modifié, dégradé par les enzymes RNases, a disparu de la cellule quelques jours après l’injection(94). De ce fait, les effets secondaires induits par le vaccin à ARNm sont transitoires et autorisent de nouvelles injections aux individus pour garantir une efficacité durable du traitement, sans craindre une accumulation du produit thérapeutique (ce qui n’est pas le cas lorsqu’on injecte de l’ADN comme dans le vaccin anti-Covid-19 d’Astrazeneca). – Une réponse ciblée contre un seul antigène Les vaccins à ARNm produisent une et une seule réponse immunitaire, parce qu’ils ne codent qu’un seul antigène viral (par exemple, la protéine d’enveloppe « spike » du Sars-Cov-2). Ne contenant pas de protéines contaminantes potentiellement immunogènes, ils sont très purs. Enfin, ils sont formulés sans autres antigènes, comme les polysaccharides, également susceptibles de déclencher une réponse immunitaire inappropriée. En fonction des virus visés, il apparaît néanmoins possible de cibler plusieurs protéines distinctes, si cela peut améliorer la réponse immunitaire globale ou aider à concevoir ainsi un vaccin à ARNm contre différents virus (grippe, Covid-19…) ou différents variants d’un même virus. 94.  L’ARNm, même s’il n’était pas rapidement dégradé, ne pourrait de toute façon altérer le génome constitué d’ADN de chaque être humain. 118

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En 2008, Steve Pascolo se montre déjà conscient de l’intérêt d’une telle vaccination à ARNm contre les maladies infectieuses, lorsqu’il écrit : « Le fait que la molécule d’ARNm soit active de manière naturellement transitoire dans le cytoplasme lui permet d’être considérée comme une alternative éventuellement plus sûre et puissante que l’ADN pour une vaccination génique. Il a ainsi été démontré que l’ARNm optimisé (…) était un moyen puissant de vaccination génique lorsqu’il était délivré nu, dans des liposomes, enrobé dans des particules ou transfecté in vitro dans des cellules dendritiques. Les essais cliniques réalisés sur l’homme indiquent que cet ARNm induit la réponse immunitaire attendue spécifique de l’antigène ciblé »(95). L’ARNm utilisé pour ces premiers essais cliniques est naturellement non modifié par la pseudo-uridine. Comme signalé plus haut(96), l’ARNm modifié, en particulier par la pseudo-uridine, produit plus de protéines que l’ARNm non modifié dans les cellules immunitaires, car l’interféron de type 1, induit par l’ARNm non modifié, bloque l’expression des protéines dans la plupart des cellules(97). En l’occurrence, l’interféron de type 1 influence l’activation de la réponse immunitaire adaptative et, ce faisant, joue un rôle favorable pour la vaccination à ARNm non modifié. En effet, certaines cellules spécialisées du système immunitaire résistent à l’interféron de type 1 et produisent les protéines qu’elles présentent au système immunitaire(98). 95. Cf. RP : 20. Le passage traduit est le suivant : « The naturally transient and cytosolically active mRNA molecules are seen as a possibly safer and more potent alternative to DNA for gene vaccination. Optimized mRNA (improved for codon usage, stability, antigen-processing characteristics of the encoded protein, etc.) were demonstrated to be potent gene vaccination vehicles when delivered naked, in liposomes, coated on particles or transfected in dendritic cells in vitro. Human clinical trials indicate that the delivery of mRNA naked or transfected in dendritic cells induces the expected antigen-specific immune response ». 96.  Cf. partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 97. Cf. supra partie I.4, « La réaction immunitaire ». 98.  Cette question essentielle est abordée dans l’encadré « Le rôle de l’interféron de type 1 dans le déclenchement de la réponse immunitaire adaptative ». 119

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Le rôle de l’interféron de type 1 dans le déclenchement de la réponse immunitaire adaptative L’interféron de type 1 induit par l’ARNm non modifié bloque l’expression des protéines, mais déclenche également l’activation de la réponse immunitaire adaptative ; il joue donc deux rôles opposés dans le contexte de la vaccination à ARNm non modifié. La question est alors : de ces deux rôles – effet positif sur la réponse immunitaire et effet négatif sur la production d’antigène –, lequel est prépondérant ? Deux études convaincantes apportent des éléments de réponse sur ce sujet :   1 – en premier lieu, l’étude de l’équipe de Karl S. Lang, « Enforced viral replication activates adaptive immunity and is essential for the control of a cytopathic virus », parue dans la revue Nature Immunology en 2011(99), mentionne que « le système immunitaire inné limite la réplication virale via l’interféron de type I et induit également la présentation d’antigènes viraux aux cellules de la réponse immunitaire adaptative ». Pour bien comprendre ce dont il est question, rappelons tout d’abord que lors de l’injection d’un ARNm exogène non modifié, la réponse interféron de type 1 a pour effet de bloquer la traduction des protéines virales que sont les antigènes. Cependant, dans certains macrophages spécialisés, présents dans la zone marginale de la rate, et qui jouent un rôle important dans la résistance aux pathogènes, la production de protéines se poursuit afin, précisément, de stimuler le système immunitaire adaptatif. Les auteurs de l’étude ont ainsi « découvert que l’expression du gène codant pour la protéine inhibitrice Usp18 dans les macrophages métallophiles entraînait une moindre réactivité aux interférons de type I, permettant ainsi une réplication localement restreinte du virus. » Par conséquent, certaines cellules spécialisées du système immunitaire résistent à l’interféron et produisent les protéines qu’elles présentent au système immunitaire : il s’agit d’un point essentiel « pour l’induction de réponses immunitaires antivirales adaptatives et, par conséquent, pour prévenir l’issue fatale de l’infection ». La présentation d’antigènes continuera donc d’avoir lieu, même en utilisant de l’ARNm non modifié. Ce mécanisme immunologique assurera donc une activation efficace de la réponse immunitaire adaptative, activation recherchée pour la vaccination ; 2 – l’étude récente de l’équipe de Gerardo Guillén-Nieto, « Revisiting Pleiotropic Effects of Type I Interferons: Rationale for Its Prophylactic and Therapeutic Use Against Sars-CoV-2 », parue le 26 mars 2021 dans 99. Cf. RP : 21. 120

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la revue Frontiers in Immunology, insiste sur le fait que l’interféron de type 1 est considéré comme présentant un effet positif sur les cellules T (cytotoxiques et auxiliaires) pendant la phase initiale de la reconnaissance de l’antigène viral : « La signalisation IFN (interféron) est spécifique au contexte, ainsi dans les cellules infectées par un virus, la signalisation IFN de type I augmente la susceptibilité à subir l’apoptose(100), et empêche ainsi la réplication et la propagation virales. La réponse des cellules dendritiques (DC) à l’IFN de type 1 consiste en leur activation et leur sécrétion de cytokines pro-inflammatoires qui activent la réponse immunitaire adaptative ». Dans ces circonstances, ces cellules dendritiques « sécrètent des niveaux extrêmement élevés d’IFN de type 1, et favorisent l’activation des cellules B(101) et la production ultérieure d’anticorps antiviraux »(102). Le même article signale, en outre, que l’interféron de type 1 est un traitement pertinent pour lutter contre le Sars-Cov-2. Il insiste sur le fait qu’une réponse interféron adaptée in fine prémunit contre tout risque d’une inflammation incontrôlée, « les effets antiviraux et immunomodulateurs des IFN [étant alors] synchronisés avec les avantages d’autres IFN pour le contrôle direct ou indirect des cytokines inflammatoires »(103).   Remarquons par ailleurs que, dans ses essais cliniques de vaccination anticancéreuse, BioNTech utilise l’ARNm non modifié. Une réponse interféron de type 1 ainsi que le déclenchement de la réponse immunitaire adaptative (lymphocytes T) sont alors justement recherchés.

Ce point est essentiel pour l’induction de réponses immunitaires antivirales adaptatives et, par conséquent, pour prévenir l’issue fatale 100.  C’est-à-dire la mort cellulaire programmée. 101.  À savoir, les lymphocytes B. 102. Cf. RP : 22. Le passage cité est le suivant : « IFN signaling is context-specific (12), thus in virally infected cells type I IFN signaling enhances the susceptibility to undergo apoptosis, thereby, preventing viral replication and spread (12, 21). Dendritic cells (DC) response to type I IFN consists of their activation and secretion of proinflammatory cytokines that lead to activation of the adaptive immune response. » (…) « and pDCs, which secrete extremely high levels of type I IFNs, promote B cells activation and the subsequent production of antiviral antibodies ». 103.  La phrase de l’article à laquelle il est fait référence est la suivante : « It also means that the antiviral and immunomodulatory effects of IFNs synchronized with other IFNs’s benefits for the direct or indirect control of inflammatory cytokines, neutrophilia, regulatory T cells, and the induction of ACE2 expression, may help to mimic a physiological antiviral response, with an intact IFN signaling system ». 121

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de l’infection : la présentation d’antigènes continuera donc d’avoir lieu, même en utilisant de l’ARNm non modifié ! À l’opposé d’un ARNm utilisé pour pallier un défaut ou l’absence d’une protéine d’intérêt (« protein replacement »), la vaccination ne demande pas de grandes quantités de protéines ; il est juste nécessaire qu’elles soient effectivement présentées par les cellules dendritiques aux lymphocytes B et T cytotoxiques. De manière plus générale, la véritable question posée aujourd’hui par l’utilisation d’ARNm modifié ou d’ARNm non modifié est celle de la réponse immunitaire induite. À cet égard, une importante étude, menée en 2018 par l’équipe de Drew Weissman, a démontré que « les vaccins à ARNm modifié induisent de puissantes réponses immunitaires en lymphocytes T auxiliaires et en lymphocytes B ». Il est ainsi signalé que « des études comparatives ont démontré que les vaccins à ARNm modifiés encapsulés par des nucléosides surpassaient les vaccins à base de protéines avec adjuvant et à virus inactivé et contre l'infection par des agents pathogènes. L'incorporation de nucléosides modifiés non inflammatoires dans l'ARNm est nécessaire pour la production de grandes quantités d'antigènes et pour des réponses immunitaires robustes »(104). Cependant, il a été constaté que l’utilisation d’ARNm non modifié dans diverses expérimentations cliniques pouvait également induire une forte réponse en anticorps(105). Sur le plan préclinique, signalons, par exemple, les travaux menés par Benjamin Petsch et ses collègues du Friedrich-Loeffler-Institut (Tübingen) : en 2012, ils rapportent ainsi qu’un vaccin à ARNm synthétique non modifié est capable de conférer une protection contre le virus influenza. Sa capacité à induire une

104. Cf. RP : 23, « Nucleoside-modified mRNA vaccines induce potent T follicular helper and germinal center B cell responses ». Le passage cité est le suivant : « Comparative studies demonstrated that nucleoside-modified mRNA-LNP vaccines outperformed adjuvanted protein and inactivated virus vaccines and pathogen infection. The incorporation of noninflammatory, modified nucleosides in the mRNA is required for the production of large amounts of antigen and for robust immune responses ». 105.  Dès la fin des années 2000, des essais cliniques contre le cancer rapportent également une forte réponse en anticorps. En particulier, cf. RP : 24. Ce sujet est par ailleurs développé infra dans la partie qui suit. 122

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réponse immunitaire, chez la souris, le furet et le porc, est comparable à celle observée avec un vaccin grippal inactivé conventionnel(106). Et dans un essai clinique de phase I publié en 2017, CureVac rapporte qu’un vaccin antirage à base d’ARNm synthétique non modifié induit des anticorps contre le virus de la rage chez les patients volontaires(107). Aussi, dès avant l’apparition de la Covid-19, des expérimentations et essais cliniques sur l’homme ont-ils déjà été conduits avec de l’ARNm non modifié pour traiter diverses maladies infectieuses d’origine virale. Ces expériences démontrent toutes en l’occurrence une très bonne maîtrise de la réaction inflammatoire induite par l’adressage intracellulaire d’ARNm. Cette dernière question a été par ailleurs spécifiquement approchée en 2015 lors d’expérimentations précliniques par Bruno Pitard, directeur de recherche au CNRS, qui a mis au point un système original de transport d’ARNm non modifié, avec une réponse immunitaire très bien contrôlée(108). L’étude, réalisée sur des macaques cynomolgus, démontre que la délivrance d’ARNm non modifié dans les cellules présentatrices d’antigènes, tant au niveau du site d’injection que des ganglions lymphatiques, induit l’activation du système immunitaire adaptatif, sans déclencher de réaction inflammatoire.   Ces arguments confirment donc le caractère tout à fait fonctionnel d’une vaccination à ARNm non modifié, et ce sans produire une réaction inflammatoire non contrôlée qui serait alors responsable de la mort de souris, si ce n’est d’êtres humains(109) ! 106. Cf. RP : 25. 107. Cf. RP : 26. 108. Cf. RB : 13. 109. Notons que Drew Weissman lui-même, qui a insisté ces derniers mois à plusieurs reprises sur le caractère gravissime des réactions inflammatoires liées à l’utilisation d’un ARNm non modifié, faisait pourtant état en 2017 d’essais précliniques ayant démontré la possibilité d’utiliser un ARNm non modifié pour la vaccination, grâce à une optimisation de l’activité adjuvante. Il apparaît en effet possible d’obtenir une réponse immunitaire (induite par l’expression d’un antigène) « à partir d’un ARN messager nu, non modifié et optimisé pour la séquence ». C’est l’une des rares fois où les travaux de CureVac sont mentionnés par un scientifique américain, preuve, s’il en est, qu’ils n’ont pas été ignorés par les chercheurs de l’université de Pennsylvanie... Cf. RP : 27. 123

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Quelques éléments d’information complémentaires sur le sujet sont par ailleurs mentionnés dans l’encadré « Compléments sur les expérimentations et essais cliniques réalisés en infectiologie ». Compléments sur les expérimentations et essais cliniques en infectiologie Chez l’homme, certaines expérimentations de vaccination à ARNm contre les maladies infectieuses n’ont pas été concluantes. Ainsi, en 2012-2013, des essais ont été menés contre le sida, sans qu’une action antivirale ex vivo soit constatée. Chez l’animal, certaines expérimentations ont été menées contre des zoonoses, maladies infectieuses animales parfois transmissibles à l’homme. BioNTech utilise ainsi une stratégie spécifique dans la mise au point de ces vaccins à ARNm destinés aux animaux : l’ARNm autoréplicatif. Les vaccins à ARNm de ce type ont la particularité de renfermer une séquence d’un alphavirus ou d’un flavivirus(110).   Comme l’explique Marc Gozlan, « ce dernier type d’ARN a la capacité de s’autorépliquer, car il code une enzyme appelée réplicase. […] Une fois parvenu dans le cytoplasme de la cellule, l’ARN autoréplicatif traduit le gène de la réplicase. Cette enzyme copie alors la longue molécule d’ARN en un brin complémentaire. Celui-ci est ensuite utilisé par la réplicase pour fabriquer une grande quantité d’ARN autoréplicatif »(111), qui va synthétiser ensuite une grande quantité d’antigènes viraux par traduction alors beaucoup plus rapide. Ces vaccins autoréplicatifs, restreints pour le moment à l’art vétérinaire, coûtent sensiblement moins cher que les vaccins produits de manière traditionnelle.   Dans la lutte contre la Covid-19, le vaccin humain est jusqu’alors un ARNm conventionnel. Toutefois, dans le but de réduire le coût, des essais cliniques de phase I sont en cours avec l’ARNm autoréplicatif(112). 110.  Les flavivirus et les alphavirus sont deux types de virus à ARN simple brin. 111. Cf. article disponible sur le blog Internet de Marc Gozlan à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/12/14/laventurescientifique-des-vaccins-a-arn-messager/, op. cit. 112.  C’est le cas actuellement pour le zika, le cytomégalovirus et le sida. Il s’agit d’essais cliniques de phase I. On peut citer les essais cliniques menés par l’Imperial College de Londres, et la firme singapourienne Arcturus. BioNTech a également développé avec Pfizer un vaccin anti-Covid qui utilisant l’ARNm autoréplicatif (vaccin BNT162c2). 124

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8 Les expériences et essais cliniques réalisés contre le cancer

Pour les vaccins anticancéreux, l’objectif n’est pas prophylactique, mais thérapeutique : proposer une immunisation qui active les défenses immunitaires contre tumeurs et métastases. Par les modifications particulières de leur génome, les cellules cancéreuses expriment des protéines spécifiques reconnues par l’organisme comme des antigènes à part entière. Le vaccin à ARNm a pour objectif que le patient fabrique lui-même ses antigènes tumoraux dans des cellules immunitaires spécialisées (les cellules présentatrices des antigènes) afin de stimuler son système immunitaire, et ce, pour l’aider à éliminer les cellules cancéreuses et à réduire la taille de la tumeur, voire empêcher les récidives. Cette thérapeutique s’inscrit dans une approche multidisciplinaire qui inclut chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. CureVac, en collaboration avec la clinique universitaire de Tübingen commence dès 2003 ses essais cliniques sur le mélanome. En effet, ce type de cancer de la peau, particulièrement agressif, est 125

Les expériences et essais cliniques réalisés contre le cancer

parmi ceux qui répondent le mieux à une activation du système immunitaire. Le vaccin conçu contre le mélanome est mis au point en extrayant l’ARNm des cellules cancéreuses du patient. Amplifié in vitro (au prix d’une conversion en ADN et une transcription in vitro), cet ARNm synthétique est alors réinjecté au patient. Cette méthode est décrite dans un article publié par l’équipe de Steve Pascolo(113), paru dans Genetic Vaccines and Therapy. Au début des années 2000, la loi allemande autorise ce type d’approche autologue(114) ; l’Allemagne jouit alors d’une liberté d’expérimentations médicales plus importante que dans les autres pays, en particulier la France. Le résultat de ce premier essai clinique contre le mélanome est publié en février 2008 dans le Journal of Immunotherapy(115). Ainsi, les premières études menées sur des patients atteints de mélanome, confirmées sur ceux qui présentent un carcinome rénal(116), montrent, en pratique clinique, l’innocuité des formulations d’un vaccin à ARNm non modifié et la reproductibilité de réponses immunitaires sans réaction inflammatoire non contrôlée. Les résultats de ces différents essais confirment en particulier l’efficacité des vaccins à ARNm sur des mélanomes métastatique dont la tumeur primitive est de taille réduite. À Tübingen, de 2003 à 2006, la qualité des essais cliniques réalisés par CureVac s’améliore. À l’hôpital universitaire de Zürich, Thomas Kündig, médecinchef dans le département de dermatologie, et Alexander Knuth, chef du département oncologie, s’intéressent aux travaux de CureVac, à Tübingen. À cette époque, Steve Pascolo souhaite améliorer l’efficacité du vaccin anticancéreux en faisant des injections d’ARNm dans les ganglions lymphatiques pour obtenir une réaction immunitaire 113. Cf. RP : 28. 114. Dans une approche autologue, le donneur et le receveur sont la même personne. Cf. infra la définition de ce mot en glossaire. 115. Cf. RP : 18. 116.  Pour le cancer du rein, les essais cliniques ont eu lieu entre 2007 et 2010. 126

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importante. À Zürich, ce type d’injections est pratiqué de manière courante par l’équipe de Thomas Kündig. Steve Pascolo a mis en place, dès 2005, une collaboration entre CureVac et Zurich avec deux objectifs : (i) un essai clinique d’un vaccin à ARNm anticancer en Suisse (qui effectivement sera mis en place) et donc, indépendant de l’Union européenne et (ii) la possibilité de développer – précliniquement et cliniquement – les injections d’ARNm dans les nœuds lymphatiques. Cependant, après le départ de son directeur scientifique, CureVac décide de soutenir l’essai clinique de Zurich en excluant Steve Pascolo de ce projet. Elle ne le soutient pas non plus dans ses recherches à Zurich avec le vaccin à ARNm en injections intranœuds lymphatiques. Les relations entre Steve Pascolo et CureVac sont donc totalement rompues entre 2006 et 2008 à l’initiative de la biotech de Tübingen. Les essais cliniques, réalisés à Zurich de 2008 à 2010 sur des patients atteints de cancer du poumon, utilisent les techniques de CureVac pratiquées en 2006 à Tübingen : des injections intradermiques sont ainsi effectuées de manière répétée, jusqu’à neuf fois par semaine. Dans ces conditions, l’essai clinique n’apparaît pas comme une source de réconfort pour les patients. Ses résultats eux-mêmes se révèlent décevants, de l’appréciation même de Steve Pascolo qui ne fait d’ailleurs pas partie des auteurs de l’article de 2019 qui relate cette étude(117). À Tübingen, après 2008, CureVac souffre de la crise financière, et les recherches sur l’ARNm piétinent. Pourtant, cette biotech, pionnière dans la conduite des essais cliniques anticancéreux fondés sur l’ARNm non modifié, est à ce moment-là encore la seule et unique compagnie sur ce créneau des vaccins à ARNm synthétique, et n’a donc pas de concurrents. À titre d’exemple, nous citerons l’article de Benjamin Weide, Claus Garbe, Hans-Georg Rammensee et Steve Pascolo, paru dans la revue Immunology Letters, du 15 janvier 2008, qui synthétise les 117. Cf. RP : 29. 127

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études précliniques et les premières études cliniques réalisées cliniques sur certains cancers : les pionniers de CureVac y soulignent expressément l’intérêt de la vaccination fondée sur l’ARNm, proposée comme traitement adjuvant de la chimiothérapie(118). Cela ouvre alors des perspectives prometteuses pour des immunothérapies efficaces et ciblées sur la réponse immunitaire spécifique à chaque patient. À Mayence (Allemagne), c’est dès sa fondation, en 2008 (mais en réalité, bien avant cette date dans le laboratoire académique d’Ugur Sahin), que BioNTech, ses chercheurs et ses médecins se consacrent à la vaccination à ARNm anticancéreuse. Plusieurs brevets en témoignent(119). Là encore, comme pour CureVac, l’objectif est de cibler des antigènes qui résultent des anomalies génétiques de certains cancers pour susciter chez l’homme une réaction immune thérapeutique. Les avancées sont davantage d’ordre technique que clinique, ainsi qu’en témoignent les brevets déposés. De façon générale, il ressort que les mutations cellulaires à l’origine du développement des tumeurs cancéreuses apparaissent effectivement ciblées par les vaccins de BioNTech. Les résultats précliniques sont excellents et les résultats cliniques – tous publiés dans des journaux à très haut facteur d’impact (Nature) –, sont extrêmement prometteurs. Au cours de la seconde décennie du xxie siècle, dans le cadre de ses essais, le docteur Ugur Sahin se préoccupe d’injecter mieux, et non pas d’injecter plus. En particulier, un premier essai clinique a lieu pour traiter des mélanomes métastatiques. Tous les essais cliniques (et précliniques) avec les vaccins anticancéreux de BioNTech utilisent l’ARNm non modifié ; les équipes de BioNTech se félicitent d’induire de l’interféron de type 1 ET une forte réponse T chez les souris et

118. Cf. RP : 30. Ce qu’est un traitement adjuvant en cancérologie est mentionné infra dans le glossaire. 119.  Citons, entre autres brevets, ceux-ci de BioNTech : RB : 14, RB : 15 et RB : 16. 128

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chez les patients(120). Ce qui génère un double effet thérapeutique du vaccin à ARN non modifié ! Le lecteur qui souhaite en savoir davantage sur ce sujet peut se reporter à l’encadré « Compléments sur les expérimentations et essais cliniques réalisés contre les cancers ». À l’heure actuelle, plusieurs essais de vaccins anticancéreux qui utilisent de l’ARNm transcrit in vitro sont en cours. À terme, l’optimisation de la conception de l’ARNm transcrit in vitro (par exemple, par expression des mutations spécifiques de certains oncogènes ou de leur amplification, propres au cancer de chaque patient), de sa formulation (par exemple, dans des liposomes administrés par voie intraveineuse) et de son utilisation (par exemple, en combinaison avec d’autres thérapies anticancéreuses) conduiront certainement à l’efficacité validée de vaccins à ARNm anticancéreux(121). Compléments sur les expérimentations et essais cliniques réalisés contre les cancers Dans tous les essais cliniques anticancéreux qui utilisent la vaccination à ARNm ou d’autres types de vaccins, il faut insister sur le rôle clé joué par le système immunitaire dans le contrôle – que l’on souhaite le plus complet possible – de la prolifération tumorale. Les immunothérapies actuelles se révèlent peu spécifiques. En accroissant une réponse immunitaire globale, elles font courir un risque de développement d’une auto-immunité. Les vaccins anticancer

120. Cf. RP : 31 et RP : 32. 121.  Signalons enfin la réalisation d’essais cliniques pour engendrer la production de cytokines (principalement interleukines 2 et interférons α) ou d’activateurs des cellules dendritiques (en particulier chez Etherna) à partir d’ARNm. L’injection se fait en intraveineuse ou en intratumoral et vise à produire ces protéines qui, on l’a vu, jouent un rôle important dans l’immunité innée et dans l’activation des lymphocytes T auxiliaires. L’objectif est bien de réactiver la réponse immunitaire contre les cancers. Cependant, dans la mesure où l’on souhaite à tout prix éviter une réaction inflammatoire de l’organisme, on est ici dans le cadre d’une démarche de protein replacement, à partir d’un ARNm « dé-immunisé » : cf. infra la partie consacrée aux essais cliniques dans ce domaine. Cependant, Etherna utilise de l’ARNm non modifié pour ses injections intratumorales. 129

Les expériences et essais cliniques réalisés contre le cancer

visent à renforcer le système immunitaire pour tuer les cellules cancéreuses. Il s’agit d’induire une réponse immunitaire via l’ARNm propre à la génétique du tissu tumoral. Dans ce but, le séquençage de la tumeur primaire, voire de ses métastases, conduit à identifier les gènes mutés ou dérégulés, en particulier ceux induits ou surexprimés, ce qui aide à définir les ARNm à employer dans le vaccin. Ces vaccins induisent une réponse immunitaire ciblée contre les protéines oncogéniques spécifiquement (sur)exprimées dans les cancers. Il s’agit donc là d’une quatrième option thérapeutique, personnalisée au cancer du patient.   Les travaux de BioNTech sont venus renforcer ce nouveau traitement anticancéreux proposé par CureVac. À la tête de BioNTech, Ugur Sahin et Özlem Türeci, tous deux cliniciens et oncologues de formation, ont mené des essais cliniques déterminants. L’étude publiée le 13 juillet 2017, dans la revue Nature, « Personalized RNA mutanome vaccines mobilize poly-specific therapeutic immunity against cancer »(122), a apporté des résultats cliniques convaincants sur le mélanome ; ils portent non pas sur la tumeur primitive, mais sur les métastases. Une réponse immunitaire « lymphocytes T » après une vaccination à ARN a ainsi été constatée chez les cinq patients sur lesquels a porté l’essai clinique.   Cette approche requiert l’identification des mutations dans le cancer préalable à la fabrication d’un ARNm vaccinal personnalisé. Le traitement est actuellement en essai clinique de phase II ; on peut espérer son approbation prochaine. Ce traitement « haute couture » – fait sur mesure –, est relativement complexe à produire, à tester et à valider.   Ce travail décisif confirme les conclusions de CureVac : l’objectif des vaccins à ARNm est de renforcer le système immunitaire de façon à contrecarrer le développement des cellules cancéreuses (en les tuant spécifiquement). Les vaccins anticancéreux, fondés sur l’ARNm transcrit in vitro, puis réinjectés aux patients, ont bien induit des réponses immunitaires contre certaines formes de cancers mais, jusqu’à présent, sans les contrôler suffisamment. Ce qui se fait maintenant dans les essais cliniques, est de combiner les vaccins fondés sur l’ARN messager avec d’autres traitements, comme la chirurgie, l’immunothérapie, la radiothérapie et la chimiothérapie.

122. Cf. RP : 32. 130

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9 Les expériences et essais cliniques réalisés dans d’autres champs thérapeutiques

LES PROTÉINES DE REMPLACEMENT La production de protéines de remplacement générées par l’ARNm représente aujourd’hui un défi technique énorme pour le traitement de différentes maladies. En effet, le processus de traduction (exposé dans la partie I.3, « L’ARN messager, de la transcription à la traduction des protéines ») n’aboutit pas à la synthèse d’une protéine totalement et immédiatement fonctionnelle. Le polypeptide, une fois traduit, subit un ensemble de modifications dans des structures cellulaires distinctes qui achèvent la fonctionnalisation complète de la protéine. Les protéines peuvent subir plusieurs modifications. La plus fréquente est la glycosylation, qui ajoute un groupement glucidique à la protéine déjà formée, et qui concerne essentiellement les protéines membranaires ou sécrétées. Il y a également la phosphorylation, qui consiste à ajouter un groupement phosphate à une protéine déjà 131

LES EXPÉRIENCES ET ESSAIS CLINIQUES, AUTRES CHAMPS THÉRAPEUTIQUES

formée, et qui joue un rôle essentiel dans l’activation ou la désactivation des protéines intracellulaires. Voici les étapes les plus marquantes de ces expérimentations sur les protéines de remplacement : 1992 – Jirikowski démontre pour la première fois qu’il est possible de produire des protéines de remplacement en utilisant l’ARNm : des rats expriment la protéine vasopressine (ou hormone antidiurétique) après injection d’ARNm codant cette protéine dans leur hypothalamus(123). L’étude constate une efficacité temporaire de l’injection contre le diabète insipide des rats Brattleboro(124), un type de diabète qui se caractérise par une soif très intense et la production en grande quantité d’urine très diluée ; 2005 – 2010 – Drew Weissman et Katalin Kariko consacrent l’essentiel de leurs travaux à la mise au point de protéines de remplacement à partir d’ARNm modifié, comme signalé précédemment. Rappelons que le brevet US8278036B2, déposé en 2005 : « ARN contenant des nucléosides modifiés et procédés d’utilisation associés », dont ils sont les inventeurs(125), protège « des molécules d’ARN, d’oligoribonucléotide et de polyribonucléotide comprenant de la pseudo-uridine ou un nucléoside modifié, des vecteurs de thérapie génique comprenant les composés précités, des procédés de synthèse de ces composés, ainsi que des procédés de remplacement génique, de thérapie génique, de silençage(126) de transcription génique, et l’administration de protéines thérapeutiques à des tissus in vivo, comprenant les molécules »(127).

123. Cf. RP : 33. 124.  Il s’agit d’une souche spécifique de rats de laboratoire, issus d’une litière de rats née en 1961 à West Brattleboro, Vermont, USA. En raison d’une mutation génétique naturelle, ces rats ne pouvaient synthétiser l’hormone vasopressine et étaient donc atteints de diabète insipide. 125. Cf. supra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 126. Le silençage est une technique de manipulation génétique qui vise à réduire ou à empêcher l’expression d’une protéine à partir de son gène correspondant. 127. Cf. RB : 12, op. cit. 132

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Cette « dé-immunisation » de l’ARNm a pour objectif la traduction de protéines totalement fonctionnelles et sans réaction inflammatoire, ce qui est, on l’a vu, l’opposé de la vaccination. Dans les faits, Drew Weissman et Katalin Kariko poursuivent ce but au moins jusqu’en 2017. Ces deux chercheurs travaillent en particulier à la production d’erythropoïétine (EPO) à partir d’ARNm modifié (via le remplacement de l’uracile par la pseudo-uridine afin d’être invisible pour le système immunitaire). L’objectif est de traiter l’anémie et certaines maladies respiratoires : l’EPO, protéine de type hormonal, entraîne une augmentation du nombre de globules rouges dans le sang, et favorise donc une meilleure oxygénation de l’organisme(128). Des essais précliniques sont réalisés sur des souris et des singes dans les années 2010. À l’heure actuelle, il reste cependant des obstacles importants : coût élevé de la méthode, laquelle implique en particulier une purification coûteuse de l’ARNm transcrit in vitro, fenêtres thérapeutiques parfois étroites, et problèmes d’accès à certains organes du corps humain. Aussi les chercheurs travaillent-ils sur les protéines exprimées dans des organes facilement accessibles, comme le foie. Malgré ces difficultés, il n’en demeure pas moins que les thérapies fondées sur la production de protéines de remplacement issues de l’ARNm représentent aujourd’hui une voie prometteuse, avec un grand nombre d’applications cliniques possibles. On peut signaler en particulier l’essai clinique de phase II actuellement réalisé par Moderna pour traiter l’infarctus du myocarde. Une fois administré au patient, l’ARNm va exprimer la protéine VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) pendant quelques jours. Cela déclenche alors la formation de nouveaux vaisseaux sanguins au niveau du cœur autour du caillot. La phase I de cet essai clinique a été réalisée par injection cutanée – seulement pour vérifier que cet 128. Cf. RP : 34. 133

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ARNm entraîne la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et qu’il est sûr –, alors que la phase II est actuellement conduite par injection de l’ARNm directement dans le cœur touché par l’ischémie, pendant l’arrêt transitoire de la circulation sanguine, durant l’acte chirurgical. Au plan réglementaire européen, l’utilisation d’ARNm transcrit in vitro pour la synthèse de protéines de remplacement est aujourd’hui considérée comme une thérapie génique ! En effet, la directive 2009/210/EC du 14 septembre 2009 de l’Agence européenne du médicament (EMA – European Medicines Agency) définit un médicament de thérapie génique comme : « un médicament biologique qui a les caractéristiques suivantes : (a) il contient une substance active qui contient ou constitue un acide nucléique recombinant administré à des personnes en vue de réguler, de réparer, de remplacer, d’ajouter ou de supprimer une séquence génétique (acide nucléique = ADN ou ARN) ; (b) son effet thérapeutique, prophylactique ou diagnostique dépend directement de la séquence d’acide nucléique recombinant qu’il contient ou du produit de l’expression génétique de cette séquence ». Si les vaccins a ARNm contre les maladies infectieuses ne sont pas considérés comme des médicaments de thérapie génique, les protéines de remplacement produites grâce à l’ARNm devraient logiquement l’être en cas de mise sur le marché après essais cliniques sur l’homme : en effet, la modification de l’ARNm pour produire une protéine fonctionnelle correspond effectivement à l’introduction de matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie, ce qui, précisément, définit ce qu’est une thérapie génique. Les contrôles préalables à la mise sur le marché des médicaments qui utilisent l’ARNm seraient donc plus exigeants et complexes pour les protéines de remplacement que pour les vaccins contre les maladies infectieuses ! Et, fait surprenant, les vaccins anticancéreux à ARNm sont souvent rangés dans la catégorie « thérapie génique », dans la mesure où ils sont produits par un processus biologique –- la transcription – et ce alors même qu’ils ne modifient pas le génome. 134

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LES MALADIES GÉNÉTIQUES Des essais cliniques de phase I de thérapie à ARNm sont en cours pour certaines maladies génétiques qui se traduisent par l’absence d’une protéine donnée. Citons différents exemples : – la mucoviscidose, maladie génétique bien connue qui se traduit en particulier par une atteinte pulmonaire(129)  : la thérapie à ARNm a alors pour objectif de revitaliser les poumons selon un traitement au long cours (biotech Translate Bio). L’essai clinique réalisé consiste à inhaler l’ARNm codant le gène CFTR qui est traduit en protéine fonctionnelle par les cellules pulmonaires ; cet essai s’est cependant révélé être un échec ; – le Surfactant Protein B Deficiency (déficit du surfactant en protéine B)(130) : l’entreprise Ethris a également mis au point un pulvérisateur pour traiter cette autre maladie génétique qui affecte également les poumons. Dans les deux cas, l’ARNm transcrit in vitro contenu dans le pulvérisateur est acheminé par l’arbre bronchique, où il transfecte les cellules pulmonaires. La demi-vie très faible de l’ARNm requiert un traitement chronique et une surveillance immunitaire continue. Une autre application très intéressante de la thérapie à ARNm pour traiter des maladies génétiques réside dans la technologie CRISPR-Cas9, 129.  La mucoviscidose est liée à des mutations du gène CFTR sur le chromosome 7, entraînant une altération de la protéine CFTR (pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Le dysfonctionnement de cette protéine provoque une augmentation de la viscosité du mucus et son accumulation dans les voies respiratoires et digestives. La maladie touche de nombreux organes, mais les atteintes respiratoires sont prédominantes et représentent l’essentiel des séquelles délétères pour la santé. La forme clinique la plus fréquente associe troubles respiratoires, troubles digestifs et troubles de la croissance. 130. Le Surfactant Protein B Deficiency est une maladie génétique très rare (un cas sur un million) qui se caractérise par la déficience de la protéine B du surfactant. Ce dernier est un matériau complexe indispensable à une fonction respiratoire normale. La détresse respiratoire est visible dès la naissance. La maladie occasionne une atteinte très grave des poumons, qui implique une ventilation mécanique et la pose d’un by-pass cardiaque. Une transplantation des poumons est l’unique traitement durable. L’espérance de vie est très réduite. 135

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dite « des ciseaux génétiques ». Découverte par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, prix Nobel de chimie 2020, Cas9 est une protéine bactérienne qui découpe spécifiquement une séquence dans le génome. Le concept consiste à utiliser l’ARNm pour produire cette protéine Cas9, qui modifiera alors la séquence d’ADN ciblée. Comme indiqué dans l’ouvrage de Campbell, Biologie : « Cette technique est très efficace pour inactiver un gène donné dans le but d’en étudier la fonction. Elle a déjà été utilisée avec de nombreux organismes, notamment des bactéries, des poissons, des souris, des insectes, des cellules humaines et diverses plantes cultivées. Des chercheurs ont également modifié la technique afin de pouvoir utiliser le complexe CRISPR-Cas9 pour réparer un gène muté (…). Ils introduisent ainsi un segment provenant du gène normal (fonctionnel) ainsi que le système CRISPR-Cas9. Une fois l’ADN cible découpé par la protéine Cas9, les enzymes de réparation peuvent utiliser un segment d’ADN normal comme matrice pour réparer l’ADN visé au point de cassure(131)   ». La thérapie génique peut donc utiliser CRISPR-Cas9 en utilisant un ARNm codant Cas9. La première démonstration sensationnelle qui montre que cette technique peut guérir des êtres humains atteints d’une maladie héréditaire a été publiée en 2021(132). L’ARNm peut aussi être utilisé pour traiter les maladies génétiques de la peau et, par extension, régénérer et rajeunir celle-ci. Ainsi, la protéine élastine(133) est produite jusqu’à la fin de l’adolescence, puis n’est presque plus sécrétée ensuite. Elle reste pendant des années dans le derme et perd avec le temps ses propriétés mécaniques. En injectant de l’ARNm codant l’élastine dans la peau, il est ainsi possible de lui redonner une élasticité qui va ensuite perdurer, car cette protéine, produite pendant quelques heures à la suite de l’injection, persistera dans le derme pendant des années(134). 131.  Cf. Campbell, Biologie, « Les outils génétiques et la biotechnologie », Pearson, 2020, pages 467-468. 132. Cf. RP : 35. 133.  Cette protéine possède des propriétés d’élasticité, qui expliquent en particulier que la peau reprenne sa forme initiale après un pincement ou un étirement. 134. Cf. RP : 36. 136

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137

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LA MÉDECINE RÉGÉNÉRATIVE Pour réparer ou remplacer tissus ou organes détériorés, l’ARNm a aussi sa place en médecine régénérative en « reprogrammant » des cellules adultes, d’un type à un autre, selon un processus de transdifférenciation. La transdifférenciation se définit par le fait qu’une cellule somatique perd ses caractères normaux et acquiert de nouveaux caractères ou de nouvelles fonctions : en effet, chaque cellule peut se transformer en un autre type cellulaire si elle reçoit le bon signal externe. L’ARNm peut être le porteur de ce signal, compte tenu de son rôle déterminant dans l’identité cellulaire. À cet égard, comme l’indique l’équipe d’Ana del Pozo-Rodriguez dans l’article « Nanomedicines to Deliver mRNA : State of the Art and Future Perspectives », paru dans la revue Nanomaterials, en 2020(135) : « La transdifférenciation de cellules somatiques avec de l’ARNm transcrit in vitro s’est surtout concentrée sur la génération de cellules β sécrétant de l’insuline pour des patients atteints de diabète de type 1 ». Cet article démontre ainsi l’intérêt de l’ARNm pour la régénération des os, et des tissus conjonctif et cardiaque (en cas de crise cardiaque ou d’ischémie). Il signale également une étude préclinique sur des souris, qui démontre la possibilité par transfection d’ARNm de reprogrammer des fibroblastes cardiaques (cellules de soutien du muscle cardiaque) en cardiomyocites (cellules musculaires contractiles du cœur)(136). Même si l’on en est encore aux études précliniques, la génération de cellules β ou de cardiomyocytes ouvrirait à l’ARNm une 135. Cf. RP 17., op. cit. Le passage traduit est le suivant : « Transdifferentiation of somatic cells with IVT mRNA has been mainly focused on the generation of insulin secreting β-cells for type 1 diabetes patients and on obtaining cardiomyocytes to regenerate the cardiac tissue after a heart attack. mRNA is a promising tool for the delivery of factors targeting altered signaling pathways in the early hours of infarction, as well as to address experimental and clinical needs to regenerate cardiac tissue and cardiac function in ischemic heart disease ». 136. Cf. RP : 37. 138

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voie thérapeutique de premier ordre en médecine régénérative, en exploitant les ARNm pour booster la régénération de tissus gravement atteints.

LES ALLERGIES L’intérêt de l’ARNm est également réel pour mieux lutter contre les allergies et les phénomènes d’hypersensibilité, causés par une réponse immunitaire excessive de l’organisme contre certains antigènes appelés allergènes (par exemple, les pollens). Concrètement, certains anticorps de l’organisme se fixent spécifiquement aux allergènes et se lient aux mastocytes, cellules du tissu conjonctif responsables de la réaction inflammatoire. Les mastocytes libèrent alors un excès de substances, telles les histamines, et la réaction allergique se déclenche avec une pléiade de symptômes spécifiques : rougeur, éternuements, larmes, possible gêne respiratoire, etc. En codant l’allergène, l’ARNm déclenchera une réponse immunitaire à caractère prophylactique. L’individu sera ainsi protégé en cas d’exposition à l’allergène naturel. La réaction immunitaire est celle de la vaccination à ARNm contre les maladies infectieuses : activation des lymphocytes T auxiliaires, puis production d’anticorps qui vont conférer une immunité au patient. Richard Weiss, Sandra Scheiblhofer, Elisabeth Roesler, Fatima Ferreira et Josef Thalhamer ont démontré, dès 2010, tout l’intérêt de la vaccination à ARNm contre les allergies(137).

CERTAINS DYSFONCTIONNEMENTS HORMONAUX La possibilité de produire de l’hormone antidiurétique (ou vasopressine), hormone peptidique, a été mise en évidence dès 1992 par 137. Cf. RP : 38. et RP : 39. 139

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Jirikowski et al. Par ailleurs, la production insuffisante d’insuline par le pancréas étant à l’origine de diabètes, il serait possible d’utiliser un ARNm codant l’insuline dans le traitement.

On peut aussi considérer les récepteurs d’hormones : certaines maladies génétiques rares peuvent être liées à un tel dysfonctionnement, comme le syndrome de Laron. Les personnes atteintes de cette maladie sont de très petite taille ; elles souffrent aussi d’un retard du développement moteur et d’une puberté retardée. Cette affection congénitale est liée à une mutation du gène GHR (récepteur de l’hormone de croissance). Les mutations dans le domaine extracellulaire du récepteur entraînent une diminution du taux d’hormone de croissance. Ces trois exemples illustrent le potentiel thérapeutique de l’ARNm face à la sous-expression ou déficience d’hormones, voire de récepteurs. Et nombreuses sont les pathologies, d’origine somatique ou génétique, qui peuvent bénéficier de la thérapie à ARNm ! 140

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10 ARNm modifié versus ARNm non modifié : un enjeu pas seulement scientifique

Quelles conclusions tirer des études et des essais cliniques ? Pour conclure cette partie consacrée aux études séminales et aux premières expérimentations précliniques et cliniques sur l’ARNm, il est maintenant possible d’établir une analyse comparée de l’utilisation de l’ARNm synthétique modifié par la pseudo-uridine et de l’ARNm synthétique non modifié, sous la forme du tableau suivant (tableau 4). À la question «  Y a-t-il des arguments précis qui justifient le choix d‘utiliser des ARNm modifiés plutôt que non modifiés pour la vaccination ? », il apparaît donc qu’il n’y a pas de réponse évidente. En effet, derrière cette question, une autre s’en pose : est-on est capable d’induire une bonne réponse immunitaire (anticorps et lymphocytes T) en utilisant l’ARNm non modifié comme l’ARNm modifié ? Sur ce sujet précis, nous avons fait état plus haut d’études convaincantes réalisées en utilisant soit de l’ARNm modifié, 141

   

142

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Expression recherchée d’un antigène tumoral (cancer) ou exogène (maladies infectieuses)

Souhaitée

Non souhaitée

Action immunitaire potentielle

Tableau 4 | Intérêts comparés de l’ARN modifié et de l’ARN non modifié.

Vaccins

ARNm non modifié

Objectif recherché compte tenu des caractéristiques de l’ARNm

Produire une protéine thérapeutique

Utilisations principales

Protéines de ARNm remplacement modifié par la pseudo-U

Type d’ARNm

Réaction inflammatoire induite : production d’interféron 1, ce qui bloque la synthèse des protéines, sauf au niveau de certaines cellules spécialisées, et active l’immunité adaptative

Réaction inflammatoire évitée : pas de reconnaissance de l’ARNm par les récepteurs PPR

Existence d’une réaction inflammatoire

+++

+++

Efficacité

ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

soit de l’ARNm non modifié. Force est de constater l’absence de réponse définitive dans un sens ou dans l’autre, ainsi que l’importance du débat scientifique actuel sur le sujet…

ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

Cela nous paraît finalement démontrer que, pour la mise au point de vaccins à ARNm, on peut tout aussi bien utiliser de l’ARNm non modifié que de l’ARNm modifié par la pseudo-uridine. Qui plus est, l’ARNm modifié par la pseudo-uridine n’est pas le type d’ARNm le plus utilisé à l’heure actuelle : CureVac et BioNTech utilisent ainsi surtout l’ARNm non modifié pour élaborer et expérimenter des vaccins anticancéreux. Rappelons ainsi qu’en 2017, BioNTech a pris une sous-licence d’exploitation du brevet « ARNm modifié par la pseudo-uridine », de l’université de Pennsylvanie. Pourtant, dans le communiqué de presse conjoint BioNTech/Cellscript relatif à ce contrat de souslicence, il était clairement indiqué que la biotech allemande allait continuer d’utiliser ses autres technologies fondées sur l’ARNm non modifié pour la mise au point d’immunothérapies personnalisées : «  La technologie d’ARNm modifié est complémentaire, mais distincte, des autres technologies d’ARNm de BioNTech utilisées dans ses vaccins anticancéreux actuellement en phase d’essais cliniques pour le traitement du cancer » (138). Cependant, à l’heure actuelle, dans la lutte contre la Covid-19, les seuls vaccins à ARNm déjà approuvés, ceux de BioNTech et de Moderna, sont à ARNm modifié. Moderna a seulement développé un candidat vaccin à ARNm modifié, quand BioNTech a testé des candidats vaccins à ARNm modifiés (BNT162b1 et BNT162b2) et à ARNm non modifié (BNT162a1).   Pour la vaccination anti-Covid, Moderna n’utilise ainsi que l’ARNm modifié et ne le compare pas avec l’ARNm non modifié. 138.  () Cf. supra note 85. Passage disponible à l’adresse https://www.globenewswire. com/news-release/2017/09/06/1108043/0/en/BioNTech-AG-Enters-into-LicensingAgreement-with-CELLSCRIPT-LLC-as-it-Advances-Development-of-MessengerRNA-Encoding-Bispecific-Antibodies-and-other-Therapeutic-Proteins.html. Le passage traduit est le suivant : « The modified mRNA technology is complementary to, but separate from, BioNTech’s other mRNA technologies used in its clinical-stage cancer vaccines for the treatment of cancer ». 143

ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

CureVac n’utilise que l’ARNm non modifié et ne le compare pas avec l’ARNm modifié. BioNTech, pour sa part, utilise l’ARNm non modifié pour les vaccins et l’ARNm modifié pour les remplacements de protéines. Cependant, en 2020, BioNTech a testé dans ses phases I les deux ARN (modifié et non modifié) et décidé ensuite avec Pfizer pour les phases suivantes d’utiliser l’ARN modifié sans justifier son choix par des résultats cliniques (les résultats obtenus avec l’ARNm non modifié ne sont pas publiés). Il semble évident, en tout état de cause, que la technologie très coûteuse mise en place pour une production de protein replacement trouve dans la vaccination anti-Covid une application opportune et très utile.   •  ARNm modifié et vaccination anti-Covid : la mise en valeur de Drew Weissman, Katalin Kariko… et des États-Unis ! Pour BioNTech, l’essai sur le vaccin BNT162a1 ayant été conduit il y a plusieurs mois, le fait que les résultats n’aient toujours pas été publiés conduit à s'interroger. Dans les faits, cette absence de publication pourrait tenir, non pas à des motifs médicaux (moindre efficacité du vaccin), mais à des raisons juridiques et industrielles. La diffusion à l’échelle mondiale du vaccin BNT162b2 aide en effet à rentabiliser l’un des procédés industriels de BioNTech fondé sur l’utilisation d’ARNm modifié, ce qui pourrait laisser croire qu’il est absolument indispensable de l’utiliser. En outre, il n’est pas exclu que cela fasse partie des conditions d’accès de BioNTech au marché américain dans le cadre du partenariat avec la big pharma américaine Pfizer ; à tout le moins, cela lui a incontestablement facilité l’accès à ce marché. Rappelons que le brevet US8278036B2, qui protège la technologie de synthèse d’ARNm modifié qui utilise l’invention de Kariko/Weissman, est actuellement détenu par l’université de Pennsylvanie (ou UPENN), aux États-Unis, et qu’une licence d’exploitation exclusive a été consentie en 2016 à une start-up américaine du Wisconsin, Cellscript.

144

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ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

Les recherches qui ont abouti à cette innovation ont été partiellement financées par les instituts américains de la santé (National Institutes of Health) ; il est très vraisemblable que le gouvernement américain perçoive également des droits sur ce brevet(139). En effet, les licences d’exploitation de ce dernier comportent une clause « droits du gouvernement américain », qui dispose qu’elles sont « expressément soumises à tous les droits applicables du gouvernement des ÉtatsUnis, y compris, mais sans s’y limiter, à toute exigence applicable selon laquelle les produits, qui résultent de cette propriété intellectuelle et sont vendus aux États-Unis, doivent être essentiellement fabriqués aux ÉtatsUnis [… ] ». C’est la reconnaissance que ces licences sont, in fine, soumises au Bayh Dole Act. Selon cette loi de 1980, les universités américaines peuvent breveter leurs découvertes et, donc, bénéficier de retombées financières substantielles en concédant des licences d’exploitation ; en contrepartie, le gouvernement américain reçoit un droit de licence irrévocable et non transférable, tandis que le détenteur du brevet (l’université de Pennsylvanie) doit expressément favoriser les entreprises américaines. Les sous-licences d’exploitation du brevet, consenties à BioNTech et Moderna à prix d’or, profitent donc largement aux États-Unis. D’importants acteurs en tirent visiblement avantage de l’autre côté de l’Atlantique : l’entreprise américaine Cellscript, l’université de Pennsylvanie et le gouvernement américain(140). Assurément, derrière les aspects sanitaires liés à l’ARNm modifié, se jouent de réels enjeux de propriété intellectuelle – et d’influence culturelle et géopolitique américaine ! 139.  Dans la description du brevet, il est ainsi indiqué dans la partie Statement Regarding Federally Sponsored Research Or Development : «  The invention described herein was supported in part by grants from The National Institutes of Health (Grant No. AI060505, AI50484 and DE14825). The U.S. Government may have certain rights in this invention ». 140.  Les questions relatives à la propriété intellectuelle sont d’une importance cruciale. Cf. infra partie III.3, « L’importance de la propriété intellectuelle et des brevets ». 145

ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

Pour les laboratoires de recherche et les biotechs situées en Europe, il apparaît, dans ces conditions, a priori préférable de développer des thérapies fondées sur l’ARNm non modifié. La tentative de mainmise du gouvernement américain sur CureVac en mars 2020, qui sera évoquée plus loin(141), prend, dans ce contexte, un relief très particulier(142)… Quant aux deux inventeurs du brevet de l’université de Pennsylvanie, Katalin Kariko et Drew Weissman, ils ont reçu des millions d’euros, si l’on considère les conditions très avantageuses de rémunération des inventeurs de brevets définies par l’université de Pennsylvanie : leur quote-part s’élève en effet à 30 % des recettes perçues(143). De plus, de nombreux médias, depuis décembre 2020, les présentent comme nobélisables, dans la mesure où l’ARNm modifié par la pseudo-uridine, dont ils sont à l’origine, est aujourd’hui utilisé partout dans le monde pour les vaccins à ARNm BioNTech et Moderna. Peut-être est-ce l’extraordinaire mise en valeur de son invention qui a amené Drew Weissman à donner une vision quelque peu faussée de la réalité ? Comme, par exemple, dans cette interview donnée début 2021 à la revue américaine MIT Technology Review, dans laquelle il affirme : « La première tentative d’utilisation de l’ARN messager synthétique pour faire produire une protéine à un animal remonte à 1990. Cela a fonctionné, mais un gros problème s’est rapidement posé. Les injections ont rendu les souris malades. Leur fourrure est hérissée. Elles perdent du poids, arrêtent de courir », explique Weissman. « Si vous leur donniez 141. Cf. infra note 152. 142. Vu l’expertise acquise par CureVac en matière de vaccins à ARNm, qui pouvait penser alors que leur premier essai clinique de phase III de vaccin anti-Covid allait aussi lamentablement échouer ? 143. Cf. « Patent and Tangible Research Property Policies and Procedures », disponibles à l’adresse suivante : https://catalog.upenn.edu/pennbook/patenttangible-research-property-policies-procedures/. Cela résulte de l’application du Bayh Dole Act : en effet, selon cette loi, les organismes bénéficiaires de subventions fédérales doivent partager avec les inventeurs les redevances en provenance des licences de brevets. 146

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ARNm MODIFIÉ VERSUS ARNm NON MODIFIÉ …

une forte dose, elles mourraient en quelques heures. Nous avons rapidement réalisé que l’ARN messager n’était pas utilisable. Le coupable était l’inflammation(144) ». Comme on l’a vu, depuis les injections d’ARNm réalisées dès 1993 par Pierre Meulien et Frédéric Martinon, la réaction inflammatoire a toujours été contrôlée. Et Drew Weissman n’ignore pas, par ailleurs, les travaux réalisés depuis vingt ans par CureVac et par BioNTech(145) ! Ces considérations ne doivent naturellement pas amener à sousestimer l’importance de la mise au point de l’ARNm modifié par la pseudo-uridine pour traiter une grande diversité de maladies, en premier lieu dans le cadre d’une approche « protein replacement ». Elles ne doivent pas non plus amener à sous-estimer le rôle joué par Katalin Kariko, dont l’intégrité scientifique ne fait pas de doute par ailleurs. Il est certain que son aura médiatique, savamment entretenue par l’université de Pennsylvanie, a contribué de manière indiscutable à la renommée actuelle des technologies de l’ARNm thérapeutique. À défaut, il aurait certainement fallu beaucoup d’années encore pour reconnaître les thérapies fondées sur l’ARNm comme des pistes très prometteuses de la recherche médicale – ce qu’elles sont aujourd’hui aux yeux de tous. Et de fait, il a fallu bien du temps – plus de vingt ans – avant que la vaccination à ARNm ne s’impose aux esprits avec éclat au cours de l’année 2020.

144.  Cf. « The next act for messenger RNA could be bigger than covid vaccines », Antonio Regalado, MIT Technology Review, 5 février 2021. Le passage cité est le suivant : « The first attempt to use synthetic messenger RNA to make an animal produce a protein was in 1990. It worked but a big problem soon arose. The injections made mice sick. “Their fur gets ruffled. They lose weight, stop running around,” says Weissman. Give them a large dose, and they’d die within hours. “We quickly realized that messenger RNA was not usable,” he says. The culprit was inflammation. (…) ». Article disponible à l’adresse suivante : https://www.technologyreview.com/2021/02/05/1017366/ messenger-rna-vaccines-covid-hiv/ 145.  Cf. en particulier supra note 109. 147

Partie III Le triomphe de l’ARN messager

1 Une diffusion très progressive dans les milieux scientifiques

Jusqu’au milieu des années 2010, l’approche d’une vaccination par l’ARNm connaît une diffusion très limitée. En dépit des résultats prometteurs obtenus par CureVac et BioNTech, la communauté scientifique reste longtemps hésitante, voire réticente. La synthèse de Sahin, Kariko et Türeci, parue dans Nature en 2014(146), marque une étape importante vers une reconnaissance plus large des thérapies à ARNm, mais ne signifie pas pour autant la fin du scepticisme. Cependant, l’article signale de façon opportune l’apport décisif de deux décennies de travaux sur les thérapies à ARNm dans tous les domaines de la médecine : vaccination et protein replacement. Pourquoi la réalité de faits scientifiquement établis n’a-t-elle pas connu diffusion plus rapide ? Et ce, dans un monde de communication

146. Cf. RP : 10, op. cit. 151

Une diffusion très progressive dans les milieux scientifiques

au développement exponentiel depuis l’avènement de la micro-informatique des années 1980. La réponse à cette question tient à plusieurs facteurs. 

L’INCRÉDULITÉ DES ESPRITS DEVANT TOUT CONCEPT NOUVEAU ET LA PENSÉE UNIQUE AMBIANTE DANS TROP DE LABORATOIRES Aujourd’hui, il est très généralement admis qu’un consensus scientifique est une bonne chose. Or, ce n’est pas nécessairement le cas. Mettre en évidence (ou pas !) le potentiel d’une technologie est, presque toujours, le travail de toute une vie. Il faut, après des premières études prometteuses, souvent rallier la conviction d’un ou de plusieurs chercheurs influents. Puis, de façon souvent très progressive, obtenir l’adhésion et la reconnaissance de tous. Finalement, tout le monde oublie que la communauté scientifique a été divisée, même pour des travaux universellement reconnus aujourd’hui, comme ceux de Louis Pasteur. Tout comme dans d’autres sciences, certaines théories, à leurs débuts, ont été décriées par la majorité des pairs. Le conformisme ou la difficulté à accepter une conception novatrice qui remet en cause certaines croyances religieuses ou idéologiques expliquent cela(147). Les tout premiers essais de vaccination à ARNm chez l’homme, réalisés à l’hôpital universitaire de Tübingen en collaboration avec CureVac, n’ont pu être publiés dans les grands journaux médicaux comme Nature, Science ou The Lancet. Ils n’ont été finalement acceptés que par des journaux de plus faible impact. Pour exemple,

147.  Qu’on se souvienne du médecin autrichien Semmelweis qui, dans les années 1850–1860, recommandait aux soignants de se laver soigneusement les mains avant de réaliser les accouchements ! Le manque d’hygiène des chirurgiens fut alors responsable de la mort, par fièvre puerpérale, de milliers de jeunes accouchées. Malgré des résultats spectaculaires, Semmelweis fut désavoué par ses pairs et mis au ban de la profession médicale. 152

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l’article séminal de Steve Pascolo(148) est paru en 2004 dans Expert Opinion on Biological Therapy. Par la suite, l’intérêt ambiant de la communauté scientifique et médicale s’est manifesté de manière très progressive. Cela tient en particulier à l’attrait croissant que suscita l’ARNm thérapeutique auprès des start-up américaines et de leurs investisseurs. Ce relatif conservatisme des milieux scientifiques est également favorisé par le fait que les pairs membres du comité de relecture d’une revue (« examinateurs », ou reviewers, en anglais), non seulement s’assurent de l’exactitude des éléments scientifiques fournis et de la cohérence des éléments apportés dans tout nouvel article, mais vérifient également l’adéquation qui existe, selon eux, entre son message et l’impact(149) du journal.

LA PRÉÉMINENCE DES JOURNAUX SCIENTIFIQUES ET MÉDICAUX ANGLO-SAXONS Si les travaux initiaux de CureVac n’ont pas (ou peu) été cités, en revanche les études américaines, pourtant très postérieures, l’ont été plus régulièrement. Il est notoire que les chercheurs qui travaillent aux États-Unis ont davantage tendance à faire état de recherches américaines. L’article de synthèse de Sahin, Kariko et Türeci dans le Nature de 2014 plusieurs fois mentionné précédemment(150) en est un bon exemple : les 256 références citées à la fin de l’article sont très majoritairement celles de chercheurs américains ; quant aux recherches réalisées en particulier par CureVac, elles ne sont même pas évoquées. Il existe dans les faits un biais linguistique en faveur des revues anglophones. Les deux revues scientifiques considérées comme les 148. Cf. RP : 7, op. cit. 149. Cf. infra le paragraphe sur l’importance du facteur d’impact de la publication. 150. Cf. RP : 10. 153

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plus prestigieuses sont Nature (anglaise) et Science (américaine). L’anglais, devenu langue mondiale dans les domaines scientifiques et technologiques, joue de fait en faveur des revues anglo-saxonnes. Les journaux d’autres langues (français, allemand, italien, etc.) connaissent une diffusion restreinte au pays d’origine en dépit de systèmes actuels de traduction très performants. Ces journaux nationaux concernent des articles de spécialités ou des revues générales. Aujourd’hui, tout chercheur scientifique ou médical écrit, communique, et s’exprime en anglais. La problématique est aussi étroitement liée dans les faits à celle du facteur d’impact.  

L’IMPORTANCE DU FACTEUR D’IMPACT DE LA PUBLICATION Le facteur d’impact (FI), ou impact factor, représente aujourd’hui un élément essentiel pour la diffusion du savoir scientifique.

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Le facteur d’impact est un indicateur qui mesure la visibilité d’une revue scientifique. Selon Wikipedia(151), « Pour une année donnée, le FI d’une revue est égal à la moyenne des nombres de citations des articles de cette revue publiés durant les deux années précédentes. […] Une revue avec un FI élevé serait ainsi considérée comme plus importante (parce que plus visible : plus lue et plus citée) qu’une revue avec un FI faible. Ces facteurs d’impact ont une influence certaine dans le domaine de la publication scientifique ». Le même article de Wikipédia illustre bien certaines des imperfections associées à cet indicateur, qui amènent en réalité à relativiser sa pertinence. On peut ainsi mentionner : – « Le nombre de citations n’est pas une mesure correcte de la qualité ni même de la quantité d’informations nouvelles des publications. Il y a d’autres critères que la qualité scientifique brute du travail qui font qu’un article est lu et cité : la clarté de l’article, le fait qu’il soit dans une thématique “à la mode” ou non, voire que l’article soit cité comme exemple de mauvaise recherche scientifique ». – De plus, dans la mesure où il est fondé sur le nombre de citations, le FI d’un journal peut augmenter artificiellement par « autocitation »(152). La politique éditoriale de certains journaux peut alors inciter à ne mentionner que les auteurs des travaux publiés par ces mêmes journaux, pour relever un FI considéré comme trop bas. Ce biais délétère favorise par ailleurs les chercheurs qui publient dans les revues les plus lues, sans que cela soit nécessairement associé à la qualité des publications. C’est même une incitation à tronçonner les résultats pour multiplier les publications ! – Pour être visible, le scientifique doit impérativement publier dans une revue de langue anglaise de fort FI. Comme la promotion 151.  Cf. « Facteur d’impact » Wikipédia, l’encyclopédie libre. 19 janv. 2021, 13:20 UTC. 19 janv. 2021, 13:20 . 152.  Ce terme désigne ici la citation d’articles d’une revue par d’autres articles de cette même revue. 155

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d’un chercheur académique dépend de la qualité de ses travaux qualifiés par le FI de ses publications, pour chacun, il s’agit d’intéresser la rédaction du journal du FI le plus élevé, et au plus vite ! Le chercheur est alors confronté à certains dilemmes détaillés dans l’encadré « Publier haut ou publier sûr ? ». Le facteur d’impact apparaît dans ces conditions comme un indicateur tellement prégnant chez les chercheurs que ceux-ci peuvent « ignorer » des publications d’impact faible dans les références qui portent sur des recherches antérieures, même s’ils en ont parfaitement connaissance. L’ensemble de ces éléments peut expliquer « l’ignorance » de revues à fort impact factor à l’égard des premiers articles parus sur l’ARNm vaccinal. Ainsi, pour ce qui concerne les premières études réalisées à Tübingen par l’université Karl-Eberhard et par CureVac, et qui furent publiées dans un journal à FI modéré, il faut considérer l’objectif visé : pour cette biotech, à vocation non pas académique mais économique, financée par des investisseurs, et en particulier par des business angels(153), l’obtention du visa autorisant l’essai clinique constituait le primum movens. Une fois cette étape difficile passée, venait au second rang la publication, c’est-à-dire son vecteur de diffusion. Il fallait prendre date, et ce, au plus vite. Dans un contexte de méfiance vis-à-vis d’une approche novatrice éloignée de la pensée unique, les revues à fort FI pouvaient rejeter la publication, voire utiliser des procédés dilatoires pour la freiner : aussi apparut-il plus sûr de s’adresser à des comités de lecture de plus faible FI, aux processus d’évaluation et de révision rapides, et heureux de faire un scoop pour rehausser leur FI ! Une publication dans des revues à plus haut FI aurait sans nul doute aidé CureVac à obtenir davantage de financements de la part

153. Un business angel est une personne physique ou morale qui décide d’investir une partie de son patrimoine financier dans des sociétés novatrices à fort potentiel. 156

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des investisseurs. En effet, ceux-ci, même s’ils disent souvent le contraire, sont souvent conseillés par des scientifiques. Dans les faits, le déclic pour CureVac a lieu fin 2005 : le milliardaire allemand Dietmar Hopp, fondateur du grand groupe allemand SAP, investit alors 35 millions d’euros dans la biotech de Tübingen(154).

LE POUVOIR CHARISMATIQUE DES KEY OPINION LEADERS (KOL) Il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte le pouvoir charismatique exercé par certains leaders d’opinion et ce, quel que soit le domaine. Le sociologue Max Weber (1864 – 1920) définit la domination charismatique comme étant « l’autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu », d’un chef. La communauté des disciples lui fait alors confiance, par adhésion émotionnelle, et lui reconnaît la capacité à proclamer des sentences légitimes et, donc, à « édicter le droit ». 154.  Le très influent entrepreneur de biotechnologies Friedrich von Bohlen und Halbach l’avait présenté quelques mois plus tôt aux fondateurs de CureVac… 157

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Publier haut ou publier sûr ? Le chercheur qui a achevé son étude expérimentale souhaite généralement en faire connaître les résultats, éventuellement une fois le brevet correspondant déposé.   Il rédige alors son article pour le journal de facteur d’Impact (FI) le plus approprié, en fonction de la puissance du message délivré, de sa nouveauté, et de l’importance des données produites.   Ce faisant, il accepte le risque de perdre de précieuses semaines, qui correspondent en fait au temps de l’évaluation de l’article par le comité de lecture. Ce dernier peut, en effet, rejeter l’article soumis au terme d’une période indéterminée. Dans ce dernier cas, le chercheur « descendra » l’échelle des FI pour, finalement, obtenir l’aval du rédacteur en chef d’un journal certes moins coté, mais qui acceptera enfin de le publier ! Pour un journal de haut FI, le temps écoulé, de la soumission de l’article jusqu’à son acceptation, est de l’ordre de quatre semaines pour une étude à fort intérêt dans le « scope » du rédacteur en chef ; il peut atteindre six mois, voire une année, pour un travail plus éloigné de l’actualité et de la mode ambiante, ou qui requiert des validations supplémentaires. L’équipe de chercheurs doit donc faire un pari, en même temps que bien situer le curseur du journal en termes de FI : publier à haut niveau ou prendre date au plus vite en se contentant d’un FI plus faible…   Les FI des journaux académiques sont classés selon une échelle qui varie de 90 à 1. Pour exemples, les deux revues les plus prestigieuses sont, en science, Nature et Science, avec un FI en 2020 de 42,779 pour Nature et de 41,846 pour Science ; en médecine, ce sont The Lancet (FI = 60,39) et The New England Journal of Medicine (FI = 91,245). Les travaux de grande portée sont soumis aux journaux de FI élevé ; ceux qui intéressent un lectorat de spécialistes, ou qui sont des synthèses de la littérature, sont généralement publiés dans des journaux à plus faible FI.   L’acceptation d’une publication dans tout journal suit les étapes suivantes : soumission au rédacteur en chef qui, d’emblée, selon la politique éditoriale du journal, rejette ou accepte l’évaluation de l’article. Deux à trois examinateurs (reviewers) spécialisés sur le thème du travail soumis sont alors désignés pour évaluer la nouveauté de l’information proposée, et l’exactitude des éléments scientifiques fournis, de même que leur cohérence ; ces examinateurs vérifient aussi l’adéquation qui existe, selon eux, entre la teneur de l’article et le facteur d’impact du journal.

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En tout, l’évaluation prend entre une semaine et trois mois, selon l’importance du message et son urgence à être publié.   Des évaluations complémentaires peuvent être demandées, ce qui retarde d’autant l’acceptation finale de l’éditeur et la parution de l’article. Chaque chercheur est à la fois auteur d’articles qui seront évalués par leurs pairs et reviewer des articles d’autres auteurs. Cela fait que le système apparaît quelque peu schizophrénique dans son fonctionnement actuel, dans la mesure où chaque chercheur va : (i) en tant qu’auteur, pester contre des reviewers sévères, qui vont critiquer trop sévèrement, si ce n’est rejeter son manuscrit ; (ii) critiquer, voire rejeter les articles des autres dans le même temps, en tant que reviewer ! Ainsi, il arrive souvent qu’en se montrant intransigeant, arrogant ou impossible à satisfaire à l’égard d’un auteur, un reviewer procède, d’un point de vue psychologique, à un « transfert négatif ». Ce faisant, il reporte ainsi sur d’autres les souffrances qu’il a lui-même endurées en tant que chercheur, dont les articles avaient eux-mêmes été précédemment sévèrement critiqués, voire rejetés… ! Chacun l’aura donc compris : le système actuel de peer review – l’évaluation du chercheur par ses pairs –, présente de réelles imperfections.

Dans le domaine de la recherche médicale, cette domination se traduit alors par la capacité de certains scientifiques à faire prévaloir théories ou idées de nature à susciter l’adhésion : (i) de la majorité des spécialistes d’un sujet, à un moment où les expérimentations ne peuvent pas toujours valider définitivement telle ou telle hypothèse ; (ii) et, à plus forte raison, du reste de la population qui, dans le cas d’espèce, ne possède pas d’expertise particulière et fait naturellement confiance à ceux supposés avoir des connaissances objectives sur tel ou tel sujet. Dans cette « zone grise » du progrès scientifique, l’un des facteurs favorisant la domination charismatique de certains savants tient aujourd’hui au caractère de plus en plus spécialisé de la connaissance objective.

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Ainsi, souvent le grand public, guidé par tous les acteurs de la vulgarisation du savoir scientifique – journalistes, politiques, philosophes, spécialistes en communication, etc. –, reconnaît une légitimité particulière à un ou à quelques chercheurs qui disposent d’une expertise dans un domaine scientifique particulier. Cette légitimité particulière les distingue alors des autres chercheurs, en faisant d’eux des leaders d’opinions (Key Opinion Leaders) qui jouissent d’un statut important au sein même de leur propre communauté d’appartenance. On retrouve ces Key Opinion Leaders dans des domaines scientifiques très variés – biologie, physique, mathématiques, sciences humaines et sociales, etc. Leur influence est souvent essentielle dans la diffusion du savoir scientifique ; leurs avis sont toujours écoutés et très souvent suivis. Cette mise en valeur particulière des Key Opinion Leaders conduit cependant parfois à les parer d’une expertise spécifique sur un sujet donné, pourtant distinct dans les faits de leur propre champ de compétence scientifique. Il en résulte alors, dans de telles circonstances, une sorte de « parasitage » de la démarche scientifique elle-même par diverses « prénotions » : il s’agit de connaissances conçues antérieurement à l’étude scientifique, et même souvent directement tirées de l’expérience empirique. Dans les sciences de la nature, ces « prénotions » peuvent amener à privilégier sans fondement logique des démarches qui se révéleront finalement infructueuses, ou alors à considérer comme vaines ou sans avenir des approches expérimentales pourtant prometteuses, et dont l’œcoumène découvrira la pertinence et la véracité quelques années plus tard. Jusqu’à une date très récente, dans la réception réservée à la technologie de l’ARNm par la majorité des scientifiques – et a fortiori par le reste de la population –, on retrouve des traits caractéristiques de cette domination charismatique des leaders d’opinion, et toute l’importance de ces « prénotions ».

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Ainsi, pendant de nombreuses années, la réaction dominante des immunologistes à l’égard de la nouvelle technologie à ARNm et son intérêt dans la santé fut le doute, et le scepticisme, voire l’hostilité, jusqu’à début 2020. Cela aide aussi à mieux comprendre le relatif conservatisme des comités de relecture des revues scientifiques les plus prestigieuses. Il peut en résulter l’ignorance ou la méconnaissance de travaux pourtant novateurs. Pour rappel, lorsque CureVac a commencé à travailler sur l’ARNm, les recherches menées par Eli Gilboa sur des cellules dendritiques transfectées avec de l’ARN jouissaient pourtant d’une grande popularité chez les immunologistes, en dépit d’une technologie très complexe qui supposait des manipulations d’une grande technicité. Les revues et les congrès d’immunologie en parlèrent régulièrement jusqu’au début des années 2010 ; après cette date, la transfection de cellules dendritiques a été beaucoup moins évoquée(155). Par comparaison, l’injection à l’organisme de l’ARNm lui-même, sans transfection cellulaire préalable, est apparue pour la majorité des spécialistes comme une technologie trop simple, pour ne pas dire trop simpliste, pour fonctionner  ! Avec, pour ses détracteurs, trois arguments péjoratifs : – son coût – produire de l’ARNm in vitro était onéreux ; ce n’est plus le cas aujourd’hui ; – la faiblesse des résultats, en particulier au début des années 2000. Lors des expériences réalisées entre 2000 et 2002 à l’Institut Pasteur, les résultats obtenus en utilisant l’ARNm sont apparus moins probants qu’avec l’ADN. Par conséquent, les chercheurs de l’Institut Pasteur n’ont pas persévéré dans la voie de l’ARNm, à l’opposé de ceux de CureVac, qui étaient alors les seuls à saisir tout le potentiel de cette nouvelle technologie vaccinale ; – enfin, beaucoup de scientifiques et de médecins pensent alors que « l’ARNm ne peut pas marcher, parce que c’est une molécule fragile ». 155. Cf. supra partie II.1, « Des études prometteuses dès les années 1990 ». 161

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Cela les amène alors à ne pas croire aux premiers résultats obtenus. Parfois, les préjugés ont la peau dure et dominent l’expérience. Pas pour les investisseurs ! Naturellement, la situation change du tout au tout avec l’apparition de la pandémie de Covid-19. En effet, en janvier 2020, face à la déflagration de l’infection Sars-CoV-2 sur le monde, et à l’urgence à combattre ce fléau, la vaccination apparaît alors comme la seule planche de salut. Les premières annonces de l’imminence de ce type de vaccin sont pourtant perçues avec scepticisme : «  Comment ces vaccins pourraient-ils être déjà disponibles, alors que les spécialistes savent très bien que leur mise sur le marché requiert dix à quinze ans de travail ? ».

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Un certain nombre de scientifiques avaient entendu parler de nouveaux vaccins à ARNm, mais peu connaissaient leur état d’avancement. Même parmi les biologistes, la plupart ignoraient le travail de fond biotechnologique, son financement, et les presque trente années nécessaires à l’avènement des vaccins à ARNm comme la première solution prophylactique à la pandémie de la Covid ! Et tout à coup, plus de vingt ans de « mutisme » général ont été balayés par l’annonce, faite en mars  2020 par Moderna, et en avril  2020 par Pfizer/BioNtech, de premières injections de vaccins à ARNm anti-Covid. Amplifiée par les médias, l’angoisse des gouvernants devant l’imminence d’une seconde vague de pandémie Covid a enfin imposé à notre planète la réalité de ces vaccins ! Pour bien comprendre le succès de ces vaccins à l’époque de la pandémie, il est en l’occurrence nécessaire d’évoquer au préalable le développement des trois biotechs qui en ont fait leur core business – CureVac, BioNTech et Moderna.

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2 Le développement des biotechs de l’avenir dans les années 2010

Soutenues par un financement sans précédent en provenance d’investisseurs privés (capital-risque), Curevac, BioNTech, et Moderna Therapeutics ont écrit, depuis l’an 2000, une véritable saga. Le contexte d’une compétition acharnée entre ces trois sociétés, poussées par des enjeux économiques considérables, explique l’avènement des vaccins à ARNm. À partir des années 2010, chacune d’entre elles a connu une impressionnante montée en puissance. Leur histoire est bien documentée, et les sources sont nombreuses et disponibles. Elles sont présentées dans l’ordre chronologique de leur entrée en lice et de leur contribution dans le domaine des vaccins à ARNm.  

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CureVac Dès sa naissance en 2000, à Tübingen, et pendant la décennie suivante, CureVac axe sa stratégie de développement sur les vaccins à ARNm(156). La croissance de la biotech allemande se poursuit dans les années 2010, grâce à la collaboration avec différentes entreprises pharmaceutiques(157) : – à partir d’octobre 2013, avec Janssen Pharmaceuticals Inc., une filiale de Johnson & Johnson, pour le développement de nouveaux vaccins contre la grippe ; – en 2013 également, avec le Cancer Research Institute et l’Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer de New York, pour lancer l’essai clinique de nouvelles options de traitement d’immunothérapie dans le cancer du poumon. CureVac continue ainsi pendant ces années-là de travailler sur la mise au point de stratégies vaccinales anticancéreuses fondées sur l’ARNm ; – en mars 2014, avec Sanofi Pasteur et la start-up française In-Cell-Art ; cette collaboration est rendue possible grâce à un financement de la DARPA(158), qui souhaitait financer une plate-forme vaccinale capable de réagir rapidement en cas d’attaque terroriste microbiologique. L’objectif est la mise en place de divers vaccins qui utilisent la technologie à ARNm de CureVac, produits sur la plate-forme RNActive® de la société. Cependant, Sanofi Pasteur ne poursuit pas cette collaboration les années qui suivirent et mise sur une autre technologie que celle de l’ARNm ; 156. Cf. supra partie II.3, « La naissance de CureVac : l’ère des pionniers ». 157. Voir https://web.archive.org/web/20150122153711/http://www.curevac. com/partnering/strategic-partnerships/ Voir également https://web.archive.org/web/20150122213016/http://www. curevac.com/research-development/ pour les essais cliniques en cours en janvier 2015. 158. La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) est une agence rattachée au département de la Défense américain, dont l’objectif est la recherche et le développement de nouvelles technologies à usage militaire. 166

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– en mars 2015, avec la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, pour plusieurs projets de développement de vaccins prophylactiques aux répercussions importantes sur la santé des populations dans un certain nombre de pays. Initialement, le projet concernait la mise au point de vaccins à ARNm contre des rotavirus ; – enfin, selon Wikipédia, « en septembre 2015, CureVac conclut une collaboration avec l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida (International AIDS Vaccine Initiative – IAVI) afin d’accélérer le développement de moyens d’immunisation contre cette maladie, en utilisant des immunogènes développés par l’IAVI et ses partenaires, fournis par la technologie à ARNm de CureVac » (159). En mars 2014, CureVac remporte un prix de 2 millions d’euros, décerné par la Commission européenne, pour sa technologie vaccinale novatrice qui inclut le transport et le stockage des vaccins sans chaîne de froid dans les pays tropicaux en voie de développement. Les vaccins n’ayant alors pas besoin d’être réfrigérés, la Commission européenne estime que l’innovation de CureVac peut effectivement contribuer à l’amélioration de la santé publique dans ces pays. CureVac n’a alors plus rien à voir avec la biotech des débuts. Ingmar Hoerr et Florian Van der Mulbe sont les deux derniers fondateurs encore présents. Ingmar Hoerr quitte cependant CureVac en 2018(160). En 2020, CureVac compte environ 500 employés.   BioNTech BioNTech est une société allemande de biotechnologie fondée en 2008 par deux médecins d’origine turque, Ugur Sahin et son épouse Özlem Türeci, ainsi que par Christoph Huber, professeur titulaire de 159. Cf. « CureVac » Wikipédia, l’encyclopédie libre. 29 mars 2021, 13:12 UTC. 29 mars 2021, 13:12 . 160. Ingmar Hoerr fait cependant un très bref retour en mars 2020 comme dirigeant de l’entreprise, avant d’être victime d’un accident vasculaire cérébral qui contraint CureVac à le remplacer quelques jours après sa prise de fonctions. 167

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la chaire d’oncologie à l’université Johannes-Gutenberg de Mayence. BioNTech est une spin-off(161) de l’université de Mayence. Ugur Sahin, oncologue renommé, est constamment attaché à faire le lien entre la recherche et la clinique et il a, chronologiquement, utilisé l’ARNm en cancérologie, puis en infectiologie. Dès les années 2000, il travaille à la mise au point de traitements d’immunothérapies personnalisées anticancéreux. En 2001, avec Özlem Türeci, ils créent la société Ganymed Pharmaceuticals pour développer des anticorps monoclonaux(162). En 2010, il initie le projet TRON - Translationale Onkologie an des UniversitatMedizin Mainz (oncologie appliquée(163) à l’université de médecine de Mayence), plate-forme de mise au point et de développement de médicaments anticancéreux fondés sur l’immunothérapie, dont les vaccins à ARNm anticancéreux. Depuis 2010, BioNTech travaille principalement sur les vaccins à ARNm anticancéreux. En oncologie, la société met aussi au point, des protéines thérapeutiques, des adjuvants, des petites molécules immunomodulatrices, des thérapies cellulaires principalement fondées sur les cellules CAR T(164) et des anticorps (éventuellement codés par l’ARNm modifié non immunogène). 161.  En droit, une spin-off désigne une société commerciale née de la scission d’une société plus grande. Pour les biotechs, il s’agit souvent de sociétés commerciales issues d’une unité de formation et de recherche (UFR) d’une université. 162.  Les anticorps monoclonaux sont des anticorps produits naturellement par une même lignée de lymphocytes B activés ou plasmocytes, qui reconnaissent la même partie d’un antigène, ou épitope. La reconnaissance éventuelle d’un épitope par l’organisme détermine si l’antigène concerné appartient effectivement au domaine du « non-soi », ce qui active la production d’anticorps (§ I.4). 163.  Le terme allemand « translational » fait référence au processus de transfert de la recherche scientifique fondamentale vers la pratique clinique. Il existe parfois un écart important entre ces deux dimensions ; le projet TRON a pour objectif essentiel de réduire cet écart et de le faire disparaître. Dans l’esprit d’Ugur Sahin, les progrès scientifiques en cancérologie n’ont de sens que s’ils peuvent être utiles aux patients, qui attendent de la médecine des réponses efficaces et personnalisées. 164. Les CAR-T cells sont des cellules T à récepteur antigénique chimérique (chimeric antigen receptor). Cette immunothérapie consiste à prélever des lymphocytes T du patient pour ensuite y intégrer un antigène spécifique dit « chimérique », 168

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Dès l’origine, BioNTech a donc été une biotech « horizontale » : en effet, Ugur Sahin et Özlem Türeci ont constamment souhaité que toutes les solutions thérapeutiques qui existaient en cancérologie puissent être testées, optimisées et expérimentées lors d’essais cliniques. Tous les cadres dirigeants de BioNTech sont des scientifiques, y compris le directeur des ventes et le directeur financier. La « BioNTech team » est composée de chercheurs qui proviennent de plus de 60 pays différents. Trois scientifiques de renom doivent être cités : Sebastian Kreiter, Andreas Kuhn et Mustafa Diken, spécialisés respectivement en oncologie, en chimie et en immunologie. Ugur Sahin et ses collaborateurs ont joué un rôle essentiel dans l’optimisation de l’ARNm. Très rapidement après sa fondation, BioNTech est devenue une entreprise de référence pour le vaccin à ARNm. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que leur vaccin antiCovid ait été livré le premier sur le marché, disponible à l’injection aux États-Unis, dès le 11 décembre 2020. La vaccinologie à ARNm représente aujourd’hui le plus grand département de BioNTech qui, à l’évidence, possède la meilleure expertise au monde dans ce domaine. BioNTech s’intéresse aussi bien à l’ARNm non modifié qu’à l’ARNm modifié : l’entreprise dispose actuellement d’une licence d’exploitation du brevet de l’université de Pennsylvanie(165) ; en juillet 2013, elle a recruté l’un des deux inventeurs, Katalin Kariko comme vice-présidente protein replacement. L’ARNm modifié est actuellement utilisé pour la vaccination anti-Covid ; il l’est également dans des immunothérapies anticancéreuses : codage d’anticorps bispécifiques, capables de se rattacher à deux antigènes différents, et qui parce qu’artificiellement créé. L’objectif est que ces lymphocytes T modifiés reconnaissent les cellules cancéreuses du patient, ce qui les fera s’activer pour les détruire. Une fois modifiés, les lymphocytes T sont réinjectés au patient. 165. Cf. supra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 169

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Avec autorisation personnelle.

lient, par exemple, des lymphocytes T ou B à des cellules cancéreuses de lymphomes ou de leucémies. Wikipédia précise pour BioNTech : « En janvier 2019, BioNTech, précédemment société anonyme, devient une société européenne. En septembre  2019, BioNTech signe un accord avec la Fondation Billet-Melinda-Gates pour développer des programmes de lutte contre le VIH et la tuberculose. L’objectif est d’identifier et de développer de manière préclinique des vaccins et des immunothérapies candidats pour la prévention des infections par le VIH et la tuberculose et pour la rémission durable de la maladie du VIH sans thérapie antirétrovirale. En octobre 2019, BioNTech est cotée pour la première fois sur la bourse de technologie américaine Nasdaq »(166). En 2020, BioNTech compte plus de 1 000 salariés.

Figure 11 | Stéphane Blancel.

Moderna Therapeutics Le nom de Moderna, qui s’écrivait à l’origine ModeRNA, indique d’entrée de jeu l’esprit même de la société : l’exploitation des technologies fondées sur l’ARN modifié. Son président-directeur général depuis 2011 est un Français, Stéphane Bancel, ingénieur diplômé de Supelec, et recruté alors qu’il était directeur général de BioMérieux.

166.  Cf. « BioNTech » Wikipédia, l’encyclopédie libre. 22 mars 2021, 13:17 UTC. 22 mars 2021, 13:17 . 170

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La société a été créée à Boston avant de disposer de la technologie de production de l’ARNm et de réaliser les essais cliniques. Pendant ses premières années d’existence, entre 2010 et 2014, Moderna travaille uniquement sur l’ARNm modifié, donc présumé non immunogénique, pour exprimer des protéines sans induire de réponse immunitaire(167). En 2014-2015, Moderna diffère de BioNTech dans ses cibles thérapeutiques. Elle applique la technologie à ARNm à différentes maladies rares en développant des essais précliniques qui se révèlent décevants. À partir de 2015, Moderna oriente ses choix stratégiques sur des programmes de vaccination à ARNm (anticancéreuse ou en infectiologie)(168). En 2016, Moderna diversifie alors son champ d’activités « ARNm » en s’associant avec le géant pharmaceutique Astrazeneca pour développer des programmes d’immuno-oncologie fondés sur l’ARNm. Moderna prend financièrement en charge la recherche et les développements précliniques, alors qu’Astrazeneca assure le financement des essais cliniques précoces sur l’homme.

167.  Cf. les informations disponibles sur le site Web de la société à la date du 25 mars 2013 : «  Moderna is creating first in class in vivo medicines known as messenger RNA Therapeutics™, which enable the body to produce its own healing proteins. This is a quantum change in the way protein therapeutics are produced and used, creating the possibility to treat unmet medical needs that cannot be addressed with current technologies. Our novel chemistry enables messenger RNA to elude the body’s innate immune response. Once delivered, stable messenger RNA is translated into active, native protein by cells’ natural, well-tuned machinery for protein production. messenger RNA Therapeutics™ enable the in vivo production of both intracellular proteins, which remain within the cells, and secreted proteins, which are released into the bloodstream and act to restore function elsewhere in the body ». Cf. https://web.archive.org/ web/20130411123321/http://www.modernatx.com/science 168. Voir https://web.archive.org/web/20150829073316/http://www.modernatx. com/mrna-expression-platform. 171

Le développement des biotechs de l’avenir dans les années 2010

En 2017, comme BioNTech, l’entreprise choisit finalement d’acheter une licence d’exploitation du brevet de l’université de Pennsylvanie pour plusieurs dizaines de millions d’euros(169). Le succès de Moderna à l’orée des années 2020, s’il est fondé sur les thérapies avec ARNm modifié, est obtenu non pas sur le champ des protéines de remplacement, mais bien sûr celui de la vaccination. Par conséquent, les projets initiaux de Moderna ciblés sur des thérapies « à ARNm modifié (SANS réponse immunitaire) » ont fait place à des projets de vaccin (AVEC réponse immunitaire). À l’heure actuelle, ces trois biotechs produisent leur ARNm pour fabriquer leurs propres médicaments, dont les vaccins anti-Covid. Elles ne le vendent pas. Seule la société de biotechnologie belge Etherna vend actuellement son propre ARNm non modifié, en étant ainsi service provider – fournisseur de services. Cette spin-off de l’université libre de Bruxelles vend des ARNm non modifiés fabriqués selon les règles de production GMP, pour des traitements d’immunothérapie de cancers et de maladies infectieuses.

169.  Les précisions apportées par Le Monde dans l’article « Covid-19 : la saga du vaccin à ARN messager désormais dans le sprint final », de Nathaniel Herzberg et Chloé Hecketsweiler, du 30 novembre 2020, sont, à cet égard, très instructives : « Moderna (…) a un talon d’Achille : elle ne dispose alors pas du brevet sur la technologie conçue par UPenn pour fabriquer un ARN messager inoffensif pour l’organisme. Ses scientifiques espèrent initialement faire aussi bien, mais toutes les pistes explorées finissent dans une impasse ». « On voyait bien que la technologie de UPenn était meilleure, mais on ne comprenait pas pourquoi », reconnaît (…) Stéphane Bancel. » Le « repositionnement » de la société Moderna dissimule clairement les échecs de sa stratégie de « protéines de remplacement » jusqu’en 2017 : en effet, jusqu’à cette date, les chercheurs de Moderna ne sont pas parvenus à mettre au point un ARNm synthétique non repéré par le système immunitaire du patient. Comme développé antérieurement, c’est bien là l’intérêt de l’ARNm modifié par la pseudo-uridine : utilisé pour ne pas être détecté par le système immunitaire, il ne bloque pas la production de protéines (cf. partie II.5 supra). De l’échec initial des chercheurs de Moderna, il en résulte donc paradoxalement l’incroyable « success story » que l’on connaît pendant la pandémie de Covid-19. Un succès qui ouvre à Moderna d’autres perspectives thérapeutiques en matière de protéines de remplacement (cf. partie II.9, « Les expériences et essais cliniques réalisés dans d’autres champs thérapeutiques »). 172

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Les itinéraires de CureVac, BioNTech et Moderna, si variés qu’ils aient été, présentent cependant quelques caractéristiques communes. – Un même modèle de développement économique Le modèle de développement des trois biotechs est identique : à savoir, tout d’abord, le recours à des investisseurs privés qui pouvaient injecter des sommes considérables dans chaque société avec un fort niveau de risque (capitaux risque). Surtout dans les premières années, la mise au point de nouvelles molécules ainsi que les essais précliniques exigent des investissements importants que n’ont pas, en règle générale, les chercheurs ou professeurs qui travaillent pour ces biotechs. – Une collaboration avec l’industrie pharmaceutique dans un second temps Lorsque la start-up commence à être connue, après de premiers résultats de recherche encourageants, les collaborations avec les grosses entreprises pharmaceutiques comme AstraZeneca, GSK, Sanofi, Bayer, Pfizer, etc., interviennent. Généralement, il est alors convenu des down payments : la biotech finance les travaux de recherche, les équipements technologiques ainsi que les essais précliniques. Ces entreprises « big pharma » prennent à leur compte la réalisation des essais cliniques, en particulier la phase III, qui peut coûter extrêmement cher, lorsqu’elle est réalisée sur plusieurs dizaines de milliers de patients(170). Ces essais donnent lieu à des compensations auprès des directeurs de services des hôpitaux ou cliniques qui y

170.  Lors de ces essais cliniques, l’investisseur ou la grosse entreprise pharmaceutique prennent alors en charge le coût par patient recruté (de l’ordre de 30 000 euros), le règlement des frais médicaux, celui des frais liés aux audits et aux comités d’éthique chargés de veiller à la bonne réalisation des essais cliniques conformément aux protocoles fixés, et les coûts éventuels de certaines infrastructures. Le coût total d’un essai clinique de phase III atteint facilement plusieurs dizaines de millions d’euros et, en général, plusieurs centaines de millions d’euros. De la fréquence de la maladie dépend cependant la taille de l’échantillon : pour une maladie rare, l’essai clinique de phase III ne portera que sur un petit nombre de patients. 173

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participent : versements de sommes d’argent, et mention dans des articles scientifiques et médicaux ou à l’occasion de congrès. Dans la foulée des coopérations avec ces « big pharma » intervient généralement l’introduction en bourse de la biotech. En cas de succès de l’essai clinique de phase III, la biotech perçoit alors comme royalties un intéressement sur les ventes de médicaments, par exemple 5 %. C’est à ce moment-là que les investisseurs récupèrent, et très largement, leur mise initiale. – La nécessité d’une production d’ARNm à l’échelle industrielle La biotech doit proposer à l’industriel des procédés de production dans le respect des normes GMP. Les programmes initiaux de CureVac, Moderna et BioNTech prévoyaient seulement l’utilisation de quelques grammes d’ARNm par an avec, pour objectif, la fabrication de médicaments en petites quantités destinés au traitement de certaines maladies rares. La Covid-19 a tout changé dans ces projets et objectifs : en effet, il a fallu très rapidement mettre en place une production importante d’ARNm, à l’échelle du kilogramme, et toujours, naturellement, dans le respect des normes GMP. Cependant, dans la mesure où une telle production d’ARNm en quantités industrielles était rapide et ne posait pas de véritables problèmes, CureVac, BioNTech et Moderna ont estimé que la mise au point d’un vaccin à ARNm serait moins risquée et moins onéreuse que celle d’un vaccin à protéines recombinantes. À l’heure actuelle, ces trois biotechs ont, chacune, leurs propres procédés de mise au point et de production à grande échelle de l’ARNm. Ceux-ci sont protégés par un certain nombre de brevets qui leur assurent des revenus de licence(171). Notons que dans le cas d’une telle production d’ARNm à grande échelle, la méthode de purification peut être un peu moins poussée que dans le cas d’une production à petite échelle : pas de recours 171. Cf. infra partie III.3, « L’importance de la propriété intellectuelle et des brevets ». 174

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au procédé classique de purification HPLC pour obtenir un ARNm certes très pur, mais qui est seulement applicable pour la production en petites quantités. En effet, si l’on choisissait une purification à l’identique, il faudrait alors patienter des mois avant d’obtenir la quantité industrielle souhaitée. Dans les conditions de production industrielle de l’ARNm en petites quantités, on peut procéder à l’élimination de tous les ARNm aberrants, trop longs ou trop courts. Mais pour la production industrielle d’ARNm en grandes quantités, on procède seulement à l’élimination de toutes les molécules qui ne sont pas des ARNm. A contrario, les ARNm contaminants plus petits ou plus grands que celui désiré sont gardés. Il est donc très probable que subsisteront alors davantage d’ARNm « tronqués » impropres à traduire la protéine recherchée. Cependant, cela n’a pas de conséquences sur la qualité du vaccin obtenu. Et, de fait, pour la mise au point des vaccins anti-Covid, la teneur en ARNm de qualité correcte et conforme à l’objectif recherché n’est pas apparue comme un problème majeur, en particulier pour les agences chargées d’autoriser la mise sur le marché et la commercialisation de ces nouveaux vaccins à ARNm. Ainsi que le rapporte Steve Pascolo, « dans les premiers essais de BioNTech, ils avaient des réponses immunitaires avec un seul microgramme d’ARN. (…) Là, le vaccin est censé en avoir 30 microgrammes, donc ils ont de la marge(172) ». Point essentiel enfin, chacune des trois biotechs dispose de brevets spécifiques qui, étant au cœur de leur modèle économique de développement, constituent une part importante de leurs recettes, et jouent un rôle essentiel dans leur pérennité économique. Ce qui suit va le démontrer. 172. Ces propos de Steve Pacolo sont cités dans l’article de Lise Barnéoud, « Ce que disent les documents sur les vaccins anti-Covid-19 volés à l’Agence européenne des médicaments », in Le Monde, 16 janvier 2021. Article disponible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/16/vaccins-ce-que-disentles-documents-voles-a-l-agence-europeenne-des-medicaments_6066502_3244.html. 175

3 L’importance de la propriété intellectuelle et des brevets

Les revenus tirés des brevets, qui couvrent inventions et innovations des entreprises biotechnologiques, sont essentiels à leur pérennité. Cette évidence justifie de comprendre toute l’importance de la propriété intellectuelle, pour rendre compte de la mise au point d’ARNm thérapeutiques par CureVac, BioNTech et Moderna. En France, la protection de la propriété intellectuelle est assurée, pour les inventions et innovations industrielles, par l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit ainsi (alinéa 1) : « Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle ». Comme le précise l’article L. 611-2 de ce même code, cette protection est d’une durée de vingt ans pour les brevets d’invention, à compter de la date de dépôt de la demande. Le brevet a pour objectif la protection d’une innovation technique, c’est-à-dire d’un produit ou d’un procédé qui apporte une nouvelle 177

L’importance de la propriété intellectuelle et des brevets

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solution à un problème technique donné. Cela suppose que le produit ou le procédé soit nouveau, ou sensiblement amélioré par rapport à ce qui est déjà disponible sur le marché(173). De nos jours, les brevets appartiennent toujours aux entreprises, universités et autres organismes pour lesquels travaillent ceux et celles qui les inventent. Un dédommagement du ou des inventeurs du brevet est cependant toujours prévu(174) : (i) soit avant l’invention elle-même : le chercheur reçoit alors une prime avant le dépôt du brevet, mais ne perçoit pas par la suite de revenus liés aux royalties, à savoir aux recettes liées aux licences d’exploitation du brevet ; (ii) soit après : le chercheur reçoit alors un complément de rémunération prévu dans son contrat de travail ainsi que des revenus liés à son intéressement personnel aux royalties perçues par l’entreprise. C’est alors un point auquel il convient d’accorder une importance toute particulière. En France, en fonction des 173. Le Manuel d’Oslo de l’OCDE de 1992, qui rassemble « les principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation relatif à la définition du périmètre des activités de recherche et développement (R&D) », distingue quatre catégories d’innovation : les innovations de produit, les innovations de procédé, les innovations de commercialisation et les innovations d’organisation. Les brevets des biotechs visent très généralement des innovations de produit ou de procédé, définies ainsi par le Manuel : « On entend par innovation technologique de produit la mise au point / commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. Par innovation technologique de procédé, on entend la mise au point / adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. Elle peut faire intervenir des changements affectant – séparément ou simultanément – les matériels, les ressources humaines ou les méthodes de travail ». Pour les entreprises industrielles comme les biotechs, ces deux types d’innovation s’intègrent tout à fait dans leurs stratégies d’investissement et contribuent de manière décisive à leur développement industriel et commercial. Le rapprochement avec la théorie de l’économiste Joseph Schumpeter, qui insiste sur l’innovation comme « expérience commerciale » provoquant une restructuration en profondeur des industries et des marchés, apparaît en l’espèce particulièrement pertinent pour les entreprises de biotechnologies. 174.  Dans les faits, les régimes sont variables selon les pays ; l’intéressement des inventeurs varie également beaucoup selon les stratégies de protection de la propriété intellectuelle des organismes propriétaires des brevets. 179

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organismes de recherche de rattachement, les chercheurs peuvent être plus ou moins rémunérés par le dépôt d’un brevet qu’ils ont contribué à écrire. La vision du chercheur nécessairement désintéressé peut être contre-productive dans la mesure où elle n’est pas incitative. Le pourcentage de rémunération du chercheur, contributeur à titre personnel ou comme moyen de financement de son service (laboratoire pour la biologie), est un paramètre important, mais en France, il est hélas trop souvent négligé. A contrario, un chef de laboratoire américain, une fois les financements privés ou publics obtenus, peut décider de la façon dont il alloue son budget. En France, la protection des brevets est assurée par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui délivre les titres de propriété industrielle. Les brevets pharmaceutiques constituent des brevets à caractère particulier, comme il est précisé sur le site de l’INPI : « Les brevets pharmaceutiques sont délivrés, comme tous les autres brevets, pour une période de vingt ans à compter du dépôt et moyennant le paiement des annuités. Cependant, les produits pharmaceutiques nécessitent une autorisation de mise sur le marché (AMM) afin de pouvoir être commercialisés. Cette autorisation n’est généralement pas délivrée avant plusieurs années. Aussi, pour compenser cette période durant laquelle le brevet ne peut pas être exploité, un titre spécial a été créé, le Certificat complémentaire de protection (CCP), qui prolonge les droits du propriétaire d’un brevet portant sur un produit pharmaceutique pendant au maximum cinq années supplémentaires ». (175) D’autres organismes accordent des brevets à un niveau international : pour l’Europe, l’Office européen des brevets (OEB), et pour le monde, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Avec ce dernier organisme, il est possible de demander 175.  Davantage de renseignements sur la propriété intellectuelle sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.inpi.fr/fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/ le-brevet. 180

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la protection par brevet simultanément dans de nombreux pays en déposant une seule demande internationale. Le développement de nouveaux brevets et les recettes liées à la concession à d’autres entreprises des licences d’exploitation correspondantes représentent un axe stratégique essentiel de développement pour l’ensemble des biotechs en général, et pour celles qui ont fondé leur modèle économique sur la vaccination à ARNm, en particulier. Lorsqu’une biotech dépose un brevet, il arrive très fréquemment que celui-ci soit attaqué par d’autres biotechs, qui peuvent s’appuyer sur un terme relativement imprécis formulé cinq ou dix ans auparavant pour contester le caractère de nouveauté du brevet. Cela donne lieu à des longs procès souvent coûteux. L’instruction d’un dossier de brevet prend généralement plusieurs années ; ce qui signifie que le dépôt d’un brevet ne vaut pas validation, tant s’en faut. En l’occurrence, les analystes chargés de l’étude des brevets à l’OMPI ou à l’OEB commencent généralement par attaquer le brevet, en considérant qu’il n’est pas nouveau. Dans la mesure où les brevets portent parfois sur des sujets très spécifiques, les analystes peuvent être tentés de faire des recherches par mots-clés, en faisant travailler des algorithmes informatiques. Cette méthode d’analyse aide ainsi assez souvent, pour un brevet donné, à retrouver le même mot dans un brevet antérieur qui concerne pourtant tout à fait autre chose, voire un champ de recherche très différent. Aussi est-il parfois difficile pour une entreprise novatrice de biotech de faire reconnaître le caractère novateur d’un brevet, alors qu’elle se retrouve à correspondre avec un interlocuteur dont le domaine scientifique est parfois très éloigné : il peut être ainsi très difficile pour un reviewer (évaluateur) qui dispose d’une formation de physicien de bien comprendre un brevet déposé par une entreprise de biotechnologies, et pour la biotech de convaincre qu’il s’agit bien d’un produit ou d’un procédé novateur. Les brevets comportent des « revendications », appelées claims en anglais. C’est la partie essentielle du brevet. Les premières claims ont 181

L’importance de la propriété intellectuelle et des brevets

un caractère très général et ne sont pas souvent reconnues comme étant novatrices. Les dernières claims du brevet sont les plus importantes : elles représentent la partie la plus spécifique de l’innovation. Les délais d’instruction sont très variables : cela dépend de la nature du brevet déposé. Prenons un exemple de la vie courante : un brevet est déposé pour la mise au point d’une voiture à six roues de couleur rouge : il sera validé très rapidement, dans la mesure où la vérification de l’éventuelle antériorité d’un autre fabricant prendra très peu de temps. En l’occurrence, la portée du brevet sera extrêmement limitée : rien n’empêchera en effet une autre entreprise de déposer un brevet pour le même produit, mais de couleur orange. Naturellement, pour les brevets déposés par les biotechs, les délais sont beaucoup plus longs. Grâce à un codage spécifique, on peut suivre sur les sites Internet de l’OMPI ou de l’OEB le statut du brevet : « déposé », « validé », « attaqué », etc. Pendant l’intervalle qui court entre le moment où un brevet est déposé et le moment où il est validé, rien n’empêche une autre entreprise de développer un produit qui relève d’une claim particulière. Cependant, si le brevet est validé, cette entreprise devra alors s’acquitter d’une licence d’exploitation. Les choix d’industrialiser tel ou tel produit ne sont pas toujours fondés sur la science ; assez souvent, en effet, des considérations juridiques, liées à la protection de la propriété industrielle, l’emportent. Cela répond en fait à l’objectif général des entreprises de réaliser des bénéfices(176). Pour ce qui concerne le cas spécifique de l’ARNm, considérons une entreprise de biotech qui a deux types d’ARNm : (i) un ARNm A non breveté et qui marche très bien ; 176.  Le cas échéant, les médecins ignorent généralement les produits plus efficaces mis au point par des biotechs ; ils utilisent en fait ce que l’industrie pharmaceutique a développé. Ils ne sont donc pas au courant des nouveaux produits mis au point par les entreprises de biotechnologie, en cours d’essais cliniques (même en phase III), qu’il s’agisse ou non de produits brevetables. 182

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(ii) un ARNm B breveté et qui marche un peu moins bien. À court terme, elle va développer l’ARNm B. En effet, dans un premier temps, il ne lui rapportera rien de réaliser des investissements industriels, pour finalement mettre à la disposition de tous ses concurrents son ARNm A non breveté. Les produits commercialisés par telle ou telle biotech ne seront donc pas nécessairement les meilleurs du moment, au moins initialement. Cependant, le raisonnement à moyen et long terme sera différent : pour tout perfectionnement apporté à un produit brevetable, la biotech aura, sur une échelle de temps plus longue, une incitation à travailler davantage sur l’ARNm A que sur l’ARNm B. En effet, l’ARNm A est le produit grâce auquel elle disposera d’un avantage véritablement avantageux dans un environnement concurrentiel. L’enjeu pour elle est alors de mettre au point une innovation brevetable, qui fera apparaître son ARNm A comme un produit « de rupture technologique ». Considérons cette problématique à la lumière du développement antérieur sur l’ARNm modifié et sur l’ARNm non modifié(177). À l’heure actuelle, il est possible que l’ARNm modifié, protégé par un brevet, ne soit pas meilleur que l’ARNm non modifié, et non protégé. À terme, cependant, il est certain que, dans un contexte de concurrence entre biotechs, toute innovation conférant à l’une ou l’autre un avantage décisif dans l’optimisation de l’ARNm (modifié ou non) finira par l’emporter de façon décisive sur les innovations concurrentes. Les essais cliniques étant le juge de paix, le critère décisif est par conséquent celui des vertus thérapeutiques de tel ou tel ARNm pour traiter efficacement telle ou telle pathologie. Sur le marché spécifique correspondant, il en résulte très logiquement qu’il ne doit plus y avoir à terme qu’un seul type d’ARNm, celui dont l’efficacité thérapeutique supérieure aura été prouvée. En termes économiques, il s’agit donc 177. Cf. supra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 183

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là d’un « actif médical », dont l’évolution dans le temps de la valeur fondamentale fait alors l’objet d’anticipations prospectives. Aujourd’hui, les ARNm mis au point par BioNTech, Moderna et CureVac font l’objet d’une protection intellectuelle. Ils portent sur les éléments suivants : – les 3’UTR et les 5’UTR (différents pour BioNTech, Moderna et CureVac) ; – les étapes de production de l’ARNm (liés en particulier à la purification) ; – les différences de formulation (en recourant, le cas échéant, aux produits d’Acuitas Therapeutics(178)) ; – l’utilisation de pseudo-uridine pour BioNTech et Moderna ; – les procédés de lyophilisation (possédés, entre autres entreprises, par CureVac) ; – les procédés d’utilisation de l’ARNm (par exemple, pour coder des anticorps)(179). Par ailleurs, l’utilisation du CleanCap de Trilink pour l’optimisation de la coiffe en 5’ oblige les trois biotechs à verser des licences d’exploitation(180). Pour ce qui concerne la formulation de l’ARNm, le brevet déposé en 1995 par Frédéric Martinon et Pierre Meulien utilisant des liposomes a contraint CureVac, en 2000, à proposer l’usage de la protamine. Ce n’est qu’à partir de 2012 que CureVac s’est tournée vers les nanoparticules lipidiques. En l’occurrence, dès 2010, BioNTech a perfectionné les liposomes utilisés, et déposé plusieurs brevets, grâce

178. Cf. supra, partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm ». 179. Cf. RB : 17. Dans ce brevet de CureVac, l’ARN concerné peut être bien entendu de l’ARNm (cf. claim 1). Ce brevet a été approuvé en 2015, puis immédiatement attaqué. Il s’agissait en effet d’une invention aux conséquences financières énormes, dans la mesure où elle protégeait en particulier le remplacement de tous les anticorps monoclonaux par de l’ARNm. Les attaques ont réussi et le brevet est maintenant considéré comme étant « pending », à savoir « en suspens ». 180. Cf. supra, partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm ». 184

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à l’action de son chimiste Heinrich Haas, aujourd’hui vice-président « RNA Formulation & Drug Delivery ». Pour résumer, chaque biotech dispose actuellement de plusieurs « couches » de brevets, avec lesquelles elle peut protéger ses innovations et poursuivre son développement. Ainsi, à considérer cette protection par les brevets, on peut déplorer la longueur et l’importance excessives des procédures juridiques, ainsi que l’industrialisation inappropriée de produits qui, à court terme, ne seront pas les meilleurs existants. Cependant, pour l’ensemble des biotechs, la propriété intellectuelle est aujourd’hui un facteur clé de succès. En différenciant sur les moyen et long termes les concurrents, elle est source de compétition et, partant, d’innovations thérapeutiques permanentes. Le système est régulé par la durée limitée des brevets : aucune biotech ne peut vivre sur ses acquis. Il y a là une formidable incitation à la curiosité, à la créativité et à l’innovation. Ainsi, chaque entreprise grandit, se diversifie et prospère, voire disparaît : les licences d’exploitation tirées de ses brevets garantissent des recettes directement proportionnelles à l’innovation. Dans un environnement concurrentiel, le succès va aux meilleurs produits, pour les mêmes raisons que la sélection naturelle favorise les organismes les plus adaptés à leur environnement. Pour cette raison, la proposition formulée le 5 mai 2021 par le nouveau Président américain, Joe Biden, de lever l’application des brevets sur les vaccins à ARNm mis au point par BioNTech, Moderna et CureVac apparaît seulement comme un coup de communication politique. En réalité, il est très peu probable, et absolument pas souhaitable, qu’un État décide effectivement d’appliquer une telle mesure. Sa conséquence immédiate serait tout d’abord de décourager l’investissement privé dans les sociétés de biotechnologies, en rendant improbables les perspectives d’un retour sur investissement. À plus long terme, cela pénaliserait tout progrès et toute innovation dans le perfectionnement des thérapies à ARNm, et empêcherait finalement les usagers d’accéder au vaccin le plus efficace et au coût le plus raisonnable. 185

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De façon générale, les États ont seulement un rôle de régulation, au travers des agences du médicament (particulièrement EMA et FDA). Les bénéfices d’une libre concurrence entre entreprises sur les différents marchés sont bien exprimés par l’économiste Jean Tirole : « La concurrence ne se traduit pas seulement par des prix plus bas. Elle pousse les entreprises à produire de façon plus efficace et à innover. Elle promeut la diversité des approches et des expériences, faisant émerger des choix technologiques et des modèles économiques plus performants, comme on le voit aujourd’hui dans l’Internet »(181). En ce sens, la mise au point si rapide des vaccins anti-Covid apparaît également comme l’effet positif de cette libre concurrence.

181.  Cf. Jean Tirole, Économie du bien commun, Éd. PUF, 2016, p. 473. 186

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4 2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid

À partir de l’automne 2019, l’histoire des vaccins à ARNm devient étroitement liée à l’apparition de la pandémie de coronavirus. C’est la « partie émergée de l’iceberg », amplifiée aujourd’hui par tous les médias. Voyons donc maintenant les principales étapes de cette mise au point de ces vaccins à ARNm anti-Covid, et leurs principales caractéristiques. Identifié d’abord en novembre 2019 en Chine centrale, dans la province de Hubei, à Wuhan, le virus s’est ensuite propagé rapidement dans le monde entier durant l’hiver. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prononça l’état d’urgence de santé publique internationale le 30 janvier 2020, avant de déclarer, avec beaucoup de retard, le 11 mars 2020, que la Covid-19 constituait une pandémie. Le virus responsable est un coronavirus (le Sars-Cov-2), d’une famille virale à enveloppe couronnée de spicules, dont la séquence génétique est publiée dans Nature, le 11 janvier 2020 (figure 12). 187

2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid

Figure 11 : SARS-CoV-2 : schéma simplifié Glycoprotéine S (de « Spike » = pointe) ARN et protéine N (Nucléocapside) Enveloppe Glycoprotéine HE (Hémagglutinine Estérase)

Permet la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane de la cellule hôte

  Figure 12 | Sars-CoV-2 : schéma simplifié.

  Il apparaît similaire au Sars-CoV apparu en 2002 – 2003(182), avec qui il partage 80 % de son patrimoine génétique. Cette homologie de séquence fixe alors l’intérêt des infectiologues sur une protéine d’enveloppe constituante des spicules, la protéine S (pour « spike »). Les études préalables sur le Sars-CoV avaient mis à jour le mécanisme de l’infection virale : la protéine S reconnait le récepteur membranaire ACE2 des cellules épithéliales, tout particulièrement les nasopharyngées. Elles avaient également démontré que la conformation spécifique de la protéine S (183) la rendait susceptible d’être reconnue par les anticorps qui neutralisaient le virus. 182. Le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère ou Sars-CoV (acronyme anglais de severe acute respiratory syndrome coronavirus – parfois Sars-CoV-1, pour bien le différencier du Sars-CoV-2 apparu en 2019) est le coronavirus responsable de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) qui a sévi de 2002 à 2004. Cet agent infectieux serait apparu en novembre 2002 dans la province du Guangdong, en Chine. Entre le 1er novembre 2002 et le 31 août 2003, le virus a infecté 8 096 personnes dans une trentaine de pays, causant 774 décès, essentiellement en Chine, à Hong Kong, à Taïwan, et en Asie du Sud-Est. 183.  La spike est une grande protéine transmembranaire contenant 1 273 acides aminés. Dans le détail, la conformation en question est appelée « préfusion ». BioNTech, Moderna et CureVac ont utilisé leurs connaissances préexistantes pour concevoir leur séquence de codage. Pour stabiliser cette conformation dans le cadre de la fabrication du vaccin à ARNm contre la spike, deux prolines consécutives dans la 188

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2020 : le LE triomphe TRIOMPHE des DES vaccins VACCINS à À ARNm anti-Covid ANTI-COVID

BioNTech, CureVac et Moderna prennent alors pour outil l’ARNm codant la protéine S , cheval de Troie d’une stratégie vaccinale antiCovid-19 ! Dès le début 2020, les trois biotechs sont prêtes à apporter l’expertise et l’infrastructure nécessaires à la production d’un vaccin à ARNm prophylactique. Ainsi, les premiers travaux de Moderna et BioNTech débutent dès janvier 2020 ; leurs vaccins à ARNm sont conçus au printemps et commercialisés dès la fin de l’année. Si la phase III des essais cliniques se poursuit jusqu’en octobre 2022 pour Moderna, et jusqu’en partie C-terminale de la protéine remplacent les acides aminés naturels (séquence KV en position 986 et 987 de la protéine). Le recours à ces deux acides aminés prolines à l’extrémité carboxyle de la protéine S pike favorise ainsi la structure « préfusion » de la spike de Sars-CoV-2 exprimée par l’ARNm transcrit in vitro à la surface des cellules transfectées. 189

L’EFFET DU VACCIN À ARN MESSAGER SUR VOTRE CORPS ARN messager dans son enveloppe de lipides L’ARN messager dans le vaccin contient les acides nucléiques qui codent la protéine Spike du coronavirus

Cellule

Ribosome

Dans la cellule, les ribosomes décodent les instructions de l’ARN messager pour assembler les acides aminés qui constituent la protéine Spike

Noyau

La cellule génère d’autres copies de la protéine Spike

Protéines Spike Les cellules présentatrices d’antigènes (APC) absorbent les protéines pour en passer des éléments caractéristiques (des peptides) aux lymphocytes T auxiliaires

APC

Lymphocytes T auxiliaires

H

Le système immunitaire exposé à ces peptides apprend à reconnaître ces éléments caractéristiques du coronavirus et relâchent des globules blancs : les lymphocytes B et T Lymphocytes T

Cellules infectées par le virus

T

Virus

Les cellules tueuses (lymphocytes T) détectent et éliminent les cellules infectées par le virus

Lymphocytes B B Anticorps Les anticorps produits par les lymphocytes B s’attachent au virus et l’empêchent d’infecter des cellules saines

Tableau 5 | L’effet du vaccin à ARN messager sur le corps. 190

LE MARATHON DU MESSAGER

2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid

mai 2023 pour Pfizer/BioNTech, la phase d’expérimentations et de recueil des données qui ont conclu à l’efficacité de ces deux vaccins est terminée depuis décembre 2020. Pour n’importe quel type d’étude, il est en l’occurrence nécessaire de recueillir le plus de données possibles afin de cerner au maximum le vaccin. Le tableau  5 décrit le mode d’action du vaccin à ARNm antiCovid sur notre corps. En particulier, il rend compte de la réponse immunitaire induite. Quant au tableau comparatif ci-dessous (tableau 6), il présente les caractéristiques communes et les différences des trois vaccins à ARNm anti-Covid. Enfin, pour en savoir davantage sur ces vaccins, il est utile de se reporter à l’encadré « Données complémentaires sur les vaccins à ARNm anti-Covid ».  

184. La Food and Drug Administration (FDA) est l’administration américaine qui autorise la mise sur le marché et la commercialisation des médicaments et des vaccins aux États-Unis. 185. L’European Medicines Agency (EMA), ou Agence européenne du médicament, est l’administration européenne qui autorise la mise sur le marché et la commercialisation des médicaments et des vaccins sur le territoire de l’Union européenne. Son autorité s’exerce à travers les agences nationales, en particulier, pour la France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). 191

192

LE MARATHON DU MESSAGER

95 %

Intramusculaire

Mode d’injection

Taux de protection après les deux doses

6 janvier 2021

21 décembre 2020

Date d’approbation EMA(185)

2

18 décembre 2020

11 décembre 2020

Date d’approbation FDA(184)

Nombre d’injections

16 mars 2020 (début phase I) – 27 octobre 2022 (fin phase III)

23 avril 2020 (début phase I) – 2 mai 2023 (fin phase III)

Essais cliniques

95 %

2

Intramusculaire

Végan – très peu d’adjuvants (eau, sels, saccharose et nanoparticules lipidiques) – pas d’aluminium

Végan – très peu d’adjuvants (eau, sels, saccharose et nanoparticules lipidiques) – pas d’aluminium

Composition

100 microgrammes d’ARNm dans 0,5 mg de solution saline

30 microgrammes d’ARNm dans 0,3 mg de solution saline

Spike entière

Concentration

Spike entière

Type d’ARNm

Protéine virale codée

Spikevax ARNm modifié par la pseudo-uridine

Comirnaty

ARNm modifié par la pseudo-uridine

Moderna

Nom du vaccin

BioNTech / Pfizer

48 %

?

Intramusculaire

19 juin 2020 (début phase I) – juin 2021 (fin phase III)

Végan – très peu d’adjuvants (eau, sels, saccharose et nanoparticules lipidiques) – pas d’aluminium

12 microgrammes d’ARNm

Spike entière

ARNm non modifié

CVnCoV

CureVac

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– 70 °C

5 jours

Température normale de conservation

Durée de conservation au réfrigérateur (5 °C)

Oui

21,50 € (mi-août 2021)

30 jours

– 20 °C

Au moins six mois

Légers, mais plus importants que pour BioNTech/Pfizer, dans la quasitotalité des cas (fatigue, frissons, maux de tête, myalgies et une douleur au site d’injection)

Aucune

Théoriquement, quatre semaines

Moderna

Tableau 6 | Les caractéristiques des trois vaccins à ARNm.

Oui

Au moins six mois

Durée de l’immunité vaccinale

Remboursement par la Sécurité sociale française

Légers, dans la quasi-totalité des cas (fatigue, frissons, maux de tête, myalgies et une douleur au site d’injection)

Effets secondaires éventuels

19,50 € (mi-août 2021)

Aucune

Contre-indications

Prix des deux doses en Europe

Théoriquement, trois à quatre semaines

Délai entre les deux injections

BioNTech / Pfizer

CureVac

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193

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Données complémentaires sur les vaccins à ARNm anti-Covid Les vaccins ARNm anti-Covid présentent certaines caractéristiques spécifiques, qu’il est intéressant de souligner.   Selon les pays, des délais parfois variables entre les deux injections Au moment de la commercialisation de leurs vaccins, Pfizer/BioNTech et Moderna ont insisté sur le respect des délais entre les deux injections. On constate déjà une protection partielle 14 jours après la première injection(186). La protection quasi totale est atteinte une semaine après la deuxième injection. Compte tenu de ces caractéristiques, les politiques de santé publique menées dans les différents pays ont apporté des réponses différentes à la question : valait-il mieux mieux protéger partiellement plus d’individus ou totalement moins d’individus ? La Grande-Bretagne a ainsi privilégié la première approche, la France la seconde.   Très peu de contre-indications Trois contre-indications médicales aux deux vaccins à ARNm déjà commercialisés ont été formulées en France par le ministère de la Santé : – un antécédent de syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS), une complication extrêmement rare qui a atteint certains enfants et adolescents à la suite d’une infection par le Sars-CoV-2 ; – un antécédent de myocardite, de péricardite ou d’hépatite grave qui a nécessité une hospitalisation et qui fait suite à une première injection de vaccin à ARNm(187) ; – une allergie à l’un des composants du vaccin, le PEG 2000 (ou polyéthylène glycol), utilisé pour accroître la stabilité des liposomes et augmenter leur temps de circulation dans l’organisme ; ce type d’allergie concernerait à peu près 10 cas en France, selon le ministère de la Santé.   En revanche, aucune maladie, par exemple maladie auto-immune, diabète, cancer, et syndrome d’immunodéficience acquise, n’est apparue, au cours des essais cliniques, comme contre-indication à la vaccination. De même, aucun risque plus élevé n’a été constaté chez les femmes enceintes ou celles qui allaitaient. Quant à l’hypersensibilité allergique de certaines personnes,

186.  La diminution très sensible du nombre de nouveaux cas constatée en Israël et en Grande-Bretagne, dès février 2021, montre qu’une immunité vaccinale importante est déjà apportée par la première injection. 187.  Après injection de vaccin à ARNm (Pfizer / BioNTech ou Moderna), des cas exceptionnels de myocardites et de péricardites ont en effet été constatés. Dans tous 194

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elle n’a pas fait l’objet d’une contre-indication systématique à la vaccination en raison des observations rassurantes constatées lors des essais cliniques. En France, cependant, et en pratique, l’administration d’un vaccin à ARNm doit avoir lieu dans une structure capable de prendre en charge une réaction d’hypersensibilité immédiate grave. La durée de l’immunité vaccinale Les données, disponibles avec le recul actuel, montrent que l’immunité vaccinale s’étend au-delà de six ou sept mois. Des rappels vaccinaux pourraient être nécessaires, compte tenu de la persistance des anticorps neutralisants et de l’apparition des anticorps après une nouvelle exposition au virus (impliquant alors une mobilisation des lymphocytes B mémoire(188)). L’émergence de variants, facteur d’échappement à la vaccination, peut également justifier des rappels vaccinaux. Dans ces conditions, le suivi de l’immunité vaccinale et de l’immunité naturelle est nécessaire.   Précisions complémentaires sur les essais cliniques de BioNTech BioNTech, fort d’une large gamme de technologies à ARNm transcrit in vitro, a développé quatre vaccins à ARNm différents en janvier 2020 (189) : – un ARNm codant pour la spike en conformation dite « préfusion » sur toute la longueur avec des pseudo-uridines (BNT162b2) ; – deux ARNm codant uniquement le domaine de « liaison au récepteur » de la protéine S pike (puisque les anticorps qui ciblent uniquement ce domaine peuvent être plus efficaces et aussi réduire l’éventualité théorique d’induction d’anticorps facilitant l’infection) l’un avec des pseudo-uridines (BNT162b1) et l’autre avec des uridines non modifiées (BNT162a1) ; – un ARNm autoamplifiant (puisque ce format requiert des doses beaucoup plus faibles que l’ARNm non amplifiant) codant la spike entière (BNT162c2). Après avoir commencé la première injection, le 23 avril 2020, BioNTech a finalement décidé d’utiliser l’ARNm modifié par la pseudo-uridine codant pour la spike, en conformation « préfusion » (BNT162b2) dans l’essai de phase III.   Matières premières requises pour la fabrication en quantités industrielles Les trois principaux acteurs disposaient déjà d’installations de production pour fabriquer de l’ARNm transcrit in vitro dans les conditions pharmaceutiques GMP.

les cas concernés, l’évolution a été favorable. 188. Cf. supra, partie I. 4, « La réaction immunitaire ». 189.  Sur ce sujet, cf. supra partie II.5, « ARNm modifié et ARNm non modifié : dans quel but ? ». 195

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Cependant, la production en masse d’un vaccin prophylactique dans un délai court est un défi. Si un milliard de doses sont finalement nécessaires d’urgence (pour vacciner deux fois 500 millions de personnes, ce qui couvre environ 10 % de la population : par exemple, les personnes à risque et les professionnels de santé), c’est 100 kg d’ARNm nécessaires pour Moderna, 30 kg d’ARNm pour BioNTech et 12 kg d’ARNm pour CureVac. Les volumes de transcriptions in vitro sont alors d’au moins 20 000, 6 000 et 2 400 litres respectivement (en supposant une concentration d’au moins 5 mg/ml d’ARNm à la fin de la réaction de transcription)(190). La disponibilité des produits bruts doit aussi être assurée : il s’agit principalement du CleanCap de la société Trilink(191), des nucléotides triphosphates et des enzymes. Ces composants ne sont pas produits par les sociétés d’ARNm elles-mêmes : ils sont achetés à de fournisseurs de réactifs biologiques spécialisés (Trilink, et New England Biolabs pour les enzymes). Ces vendeurs ont dû augmenter leurs capacités de production pour fournir aux producteurs d’ARNm les matériaux nécessaires ; cela a garanti la disponibilité de milliards de doses de vaccins à ARNm en 2021.   Stabilité des vaccins à ARNm anti-Covid Comme mentionné précédemment, l’ARNm transcrit in vitro est très stable en tant que molécule pure (exempte de RNases) à température ambiante. Cependant, la formulation liposomale peut être instable à température ambiante et se modifier (forme, taille, pourcentage d’ARNm encapsulé, etc.) en raison de la décongélation/congélation. D’où les exigences particulières de température requise pour la conservation des vaccins BioNTech/Pfizer et Moderna. Tout perfectionnement apporté à la stabilité du vaccin par l’une ou l’autre de ces sociétés est naturellement susceptible de faciliter davantage le transport des vaccins et leur distribution.

190.  Données disponibles dans : Steve Pascolo, « Sortir de la pandémie », article paru le 17 février 2021 sur le Forum médical suisse, et disponible à l’adresse : https:// medicalforum.ch/fr/detail/doi/fms.2021.08742. 191. Cf. supra partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser la molécule d’ARNm ». 196

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UN TGV POUR PFIZER/BIONTECH ET MODERNA, UN GRAVE REVERS POUR CUREVAC ! La commercialisation très rapide des vaccins BioNTech et Moderna a été rendue possible par les sommes considérables engagées pour la montée en capacité industrielle. Le lancement, en avril 2020, par le président Donald Trump, de l’opération Warp Speed, pour faciliter le développement, la production et la distribution des vaccins anti-Covid, a joué un rôle majeur dans leur mise au point aussi rapide. Dans le cadre de ce programme, huit entreprises Big pharma, dont Moderna, ont été sélectionnées. Elles ont reçu des aides massives de la part de l’État américain. Le budget accordé aux fabricants de vaccins s’est ainsi élevé à un total de 11 milliards de dollars.  

Le partenariat Pfizer/BioNTech, constitué le 17 mars 2020, n’a reçu, de son côté, aucun financement gouvernemental pour la recherche et la production de leur vaccin. Cependant, Pfizer a injecté jusqu’à 748 millions de dollars pour rendre possible la production à un 197

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niveau industriel du vaccin BioNTech(192). En outre, en juillet 2020, le gouvernement américain a passé commande de 100 millions de doses du vaccin Pfizer/BioNTech pour 1,95 milliard de dollars(193). Donald Trump n’a donc pas lésiné sur les dépenses. C’est la qualité remarquable des équipes de BioNTech et Moderna qui a généré le développement de vaccins à ARNm efficaces anti-Covid en des temps records. Et c’est la manne financière injectée par le gouvernement américain qui rend possible la réaffirmation de leur « soft power » mondial en pleine période de pandémie !  Dans le même temps, CureVac se montre incapable de développer un vaccin à ARNm efficace contre la Covid, ce qui est véritablement une très mauvaise nouvelle pour l’Europe ! En effet, malgré toute l’expertise accumulée depuis vingt ans, l’essai clinique de phase III du candidat vaccin CVnCoV de CureVac est marqué par un échec retentissant avec, le 17 juin 2021, l’indication par la biotech d’un taux d’efficacité de son candidat vaccin de seulement 47 %, selon les résultats de l’analyse intermédiaire de l’essai clinique de phase III. Finalement, les résultats définitifs du même essai clinique de phase III du CVnCoV, publiés le 29 juin 2021, indiquent une efficacité globale du candidat vaccin de CureVac de seulement 48 %. Soit deux fois moins que les vaccins à ARNm commercialisés par ses concurrents BioNTech et Moderna !   Il s’agit là d’un revers majeur, qui a entraîné un effondrement de l’action CureVac de près de 40 % à la bourse de New York (le Nasdaq) !

192. Ces informations sont disponibles sur le site Internet de la chaîne de télévision LCI à l’adresse suivante : https://www.lci.fr/sante/covid-19-le-vaccin-depfizer-et-biontech-a-t-il-ete-developpe-avec-des-fonds-publics-comme-le-pretendalexis-corbiere-2169516.html. 193.  Ces informations sont en particulier disponibles sur le site du journal Les Échos à l’adresse suivante : https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmaciesante/coronavirus-pourquoi-donald-trump-commande-des-vaccins-par-centainesde-millions-1225615. 198

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La biotech de Tübingen n’a certes pas bénéficié d’un subventionnement gouvernemental comparable à celui de Moderna(194) et de nature à faciliter le développement de son candidat vaccin à ARNm. Mais cela ne saurait expliquer ces résultats aussi décevants dans le développement du vaccin. Se peut-il qu’un dosage insuffisant (12 microgrammes pour le vaccin de CureVac, contre 30 pour celui de BioNTech et 100 pour celui de Moderna) n’aboutisse pas aux résultats escomptés ? Cependant, il faut noter que ces 12 microgrammes d’ARNm non modifié contenus dans le vaccin CureVac induisent les réponses immunitaires attendues (des anticorps neutralisants contre Sars-CoV-2). Donc, techniquement, ce vaccin fonctionne. Il semble que ce soit l’amplitude de cette réponse immunitaire induite qui ne soit pas suffisante pour apporter une protection à la hauteur de celle démontrée par les vaccins BioNTech et Moderna. Peut-être l’apparition des variants a-t-elle également joué un rôle ? Cette explication a aussi été avancée par le président-directeur général de l’entreprise, Franz-Werner Haas(195). Ces deux facteurs ont certainement eu une incidence dans l’affaire. Il est cependant raisonnable de penser que la biotech de Tübingen n’a sans doute pas su s’entourer des meilleures compétences pour élaborer son vaccin à ARNm anti-Covid, à l’inverse de son concurrent

194. L’absence de subventionnement américain du vaccin CureVac n’est pas surprenante. Rappelons ici la rumeur de tentative de Donald Trump, en mars 2020, de racheter la biotech ou de convaincre les dirigeants de l’entreprise de produire le vaccin exclusivement pour le marché américain. Cela n’avait eu d’autre effet que de provoquer la colère de la chancelière allemande Angela Merkel. CureVac travaille depuis quelques années en étroite collaboration avec l’État allemand et bénéficie du soutien financier de l’Institut Paul-Ehrlich, un organisme fédéral de réglementation des médicaments qui dépend directement du ministère de la Santé. 195.  Cf. « La valeur du jour en Europe. CureVac : les variants jouent un mauvais tour au vaccin », in Capital, 17 juin 2021. Article disponible à l’adresse : https://www. capital.fr/entreprises-marches/la-valeur-du-jour-en-europe-curevac-les-variantsjouent-un-mauvais-tour-au-vaccin-1406769. 199

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allemand BioNTech, dont la qualité des experts est aujourd’hui très largement reconnue par la communauté scientifique internationale. En tout état de cause, cet échec de CureVac n’est probablement pas lié, comme on l’a démontré plus haut(196), à une moindre action immunogène de l’ARNm non modifié par rapport à l’ARNm modifié. La biotech en est aux essais cliniques d’une nouvelle version (« seconde génération ») de son vaccin qui ne diffère de la première version que par les séquences de stabilisation en 5’ et en 3’ de l’ARNm(197). Le reste du vaccin (liposome, ARN non modifié, et séquence codante de la spike) est identique à la première version. Par conséquent, CureVac estime que ce sont les séquences non traduites qui étaient insuffisantes et l’élément clé qui explique une induction de réponse immunitaire moins forte que celle constatée avec les vaccins de BioNTech et Moderna « première génération ». Les données précliniques communiquées par CureVac, le 18 novembre 2021, confirment en l'occurrence la très bonne réponse immunitaire et la protection effective apportée par son candidat vaccin à ARNm de deuxième génération contre le Sars-Cov-2 (vaccin Cv2CoV). Les essais précliniques effectués sur des macaques démontrent en particulier une réponse anticorps comparable à celle induite par le vaccin BNT162b2 de BioNTech/Pfizer.  

196. Cf. supra partie II, « Des études préliminaires aux essais cliniques ». 197. Cf. le communiqué de presse de CureVac du 16 août 2001, « SecondGeneration mRNA COVID-19 Vaccine Candidate, CV2CoV, Demonstrates Improved Immune Response and Protection in Preclinical Study ». Article disponible à l’adresse : https://www.curevac.com/en/2021/08/16/second-generation-mrna-covid19-vaccine-candidate-cv2cov-demonstrates-improved-immune-response-andprotection-in-preclinical-study/. 200

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  Parallèlement, certaines big pharma s’efforcent de rattraper leur retard dans la mise au point des vaccins à ARNm. C’est en particulier le cas du géant français Sanofi, qui, à partir de l’été 2021, fait clairement le choix de l’ARNm : après avoir lancé un vaste programme d’investissements comprenant la création d’un centre de recherche spécialisé dans cette technologie, la big pharma française annonce, le 3 août 2021, le rachat de la start-up américaine Translate Bio(198) (199), qui dispose déjà d’une expertise reconnue. Après plusieurs mois de développement d’un vaccin à ARNm anti-Covid, Sanofi a finalement annoncé, le 28 septembre 2021, l’arrêt des essais cliniques

198.  Pour rappel, cette biotech réalise actuellement un essai clinique de traitement de la mucoviscidose par une thérapie à ARNm. Cf. supra partie II.9, « Les expériences et essais cliniques réalisés dans d’autres champs thérapeutiques ». 199.  Pour plus de renseignements sur ce sujet, cf. l’article du Monde du 3 août 2021, « Sanofi rachète le spécialiste de l’ARN messager Translate, pour 3,2 milliards de dollars », disponible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/economie/ article/2021/08/03/sanofi-rachete-le-specialiste-de-l-arn-messager-translate-pour3-2-milliards-de-dollars_6090379_3234.html. 201

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phase III, en indiquant que son vaccin arriverait trop tardivement sur le marché(200).

200. Cf. l’article du Monde du 28 septembre 2021, « Covid-19 : Sanofi arrête le développement de son vaccin à ARN messager, mais poursuit son projet le plus avancé », disponible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/planete/ article/2021/09/28/covid-19-sanofi-arrete-le-developpement-de-son-vaccin-a-arnmessager_6096260_3244.html. 202

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L’INCIDENCE DES VARIANTS Les infectiologues s’accordent sur le fait que la propension à muter d’un virus à ARN (dont le Sars-Cov-2) est supérieure à celle d’un virus à ADN. Au début de la pandémie Sars-Cov-2, ces spécialistes ne prédisaient pas un processus de mutation rapide. Mais la circulation incontrôlée des produits et des populations dans le monde a engendré l’infection d’un grand nombre de personnes, avec un grand nombre de variants au pouvoir infectieux plus élevé dans les pays suivants : GrandeBretagne, Brésil, Californie, Afrique du Sud, Inde, Nigeria, France (principalement, la Bretagne), etc. C’est sur la séquence codant la protéine S que ces mutations ont été détectées, ce qui a entraîné un changement d'acides aminés et, possiblement, une modification conformationnelle(201) de la protéine S dans son domaine de liaison au récepteur ACE2(202). 201. La conformation d’une molécule désigne la disposition de ses différentes parties. 202. Dans le détail, les variants détectés en Afrique du Sud, au Brésil et en Grande-Bretagne comportent la même mutation N501Y (remplacement de l’acide aminé asparagine par l’acide aminé tyrosine). Les variants brésilien et sud-africain possèdent également une mutation E484K, qui modifie la séquence d’acides aminés dans le domaine RBD (Receptor Binding Domain) de la protéine S – ce domaine étant responsable de la reconnaissance et de la liaison avec le récepteur de surface cellulaire ACE2. Le variant indien porte une mutation L452R du domaine RBD qui interagit également avec le récepteur ACE2. Pour ce qui concerne la mutation E484K portée par les variants brésilien et sudafricain, il a été constaté une modification de l’activité neutralisante des anticorps vis-à-vis du Sars-Cov-2 ; cependant, les études conduites par BioNTech/Pfizer et Moderna, au cours de l’hiver 2021, se sont montrées rassurantes vis-à-vis du maintien de cette activité neutralisante induite par la vaccination en présence de ces deux variants. Pour ce qui concerne la mutation L452R du variant indien, le New England Journal of Medicine a publié, en juillet 2021, un article qui indiquait qu’avec le vaccin BNT162b2 de BioNTech / Pfizer, l’efficacité de deux doses était de 93,7 % chez les personnes qui présentaient le variant alpha (communément appelé variant britannique) et de 88,0 % chez celles avec le variant delta (communément appelé variant indien). Cela démontre une protection supérieure à celle garantie par le vaccin ChAdOx1 nCoV-19 d’Astrazeneca, l’efficacité de deux doses étant alors de 74,5 % chez les personnes qui présentaient le variant alpha et de 67,0 % chez celles avec le 203

2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid

Les vaccins à ARNm conçus à partir de la séquence de la protéine S du virus initial vont-ils présenter la même efficacité contre ces virus variants ? La réponse à cette question n’est pas, à l’heure actuelle, clairement apportée. À partir des cohortes étudiées à ce jour, l’effet neutralisant des vaccins à ARNm BioNTech et Moderna sur le variant anglais serait avéré, mais néanmoins un peu moins bon sur les variants sud-africain, brésilien et surtout indien. À l’automne 2021, la plupart des pays d’Europe constatent tout à la fois l’émergence d’une « cinquième vague » de Covid-19, liée à la forte contagiosité du variant delta, et la diminution, au fil des mois, de l’immunité vaccinale, principalement en raison d’une réponse anticorps moins bonne. Ce double constat les a donc conduits à généraliser progressivement l’injection d’une troisième dose de vaccin BioNTech ou Moderna. Début décembre 2021, cette troisième dose était ouverte, en France, à l’ensemble de la population majeure (18 ans et plus). Parallèlement, à l’heure où nous mettons en presse, la protection vaccinale face au variant omicron n’est, elle, pas encore connue. Si certains variants venaient à échapper aux vaccins mis sur le marché, il est certain que les biotechs réagiraient très vite en concevant de nouveaux vaccins qui tiendraient compte de la mutation. Rappelons que Moderna a produit son vaccin à ARNm en seulement 42 jours, du 13 janvier au 24 février 2020. Dans un avenir proche, les délais pourraient être encore plus courts : de manière raisonnable, un mois pour produire, et trois à quatre mois pour le tester (si nécessaire, selon le choix des autorités de santé). L’autorisation de mise sur le marché pourrait bénéficier d’une procédure accélérée. variant delta. (Cf. RP : 40. Le passage cité est le suivant : « With the BNT162b2 vaccine, the effectiveness of two doses was 93.7% (95% CI, 91.6 to 95.3) among persons with the alpha variant and 88.0% (95% CI, 85.3 to 90.1) among those with the delta variant. With the ChAdOx1 nCoV-19 vaccine, the effectiveness of two doses was 74.5% (95% CI, 68.4 to 79.4) among persons with the alpha variant and 67.0% (95% CI, 61.3 to 71.8) among those with the delta variant ». 204

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2020 : le triomphe des vaccins à ARNm anti-Covid

En considérant le scénario vraisemblable d’une Covid-19 devenue infection saisonnière avec présence de variants infectieux(203), au même titre que la grippe, la riposte prophylactique pourrait consister à combiner plusieurs vaccins à ARNm en une seule injection. Cela ne doit pas naturellement conclure à l’inutilité de la vaccination pour le traitement de la Covid-19 car, dans les faits, les vaccins à ARNm auront contribué à sauver des millions de vies en assurant une protection immunitaire à des populations entières, et en contribuant à diminuer la gravité des cas sévères chez les patients. De plus, ils offrent de nouvelles perspectives de soins personnalisés. En ce sens, le vaccin à ARNm conçu pour traiter la Covid-19 ne constitue pas l’aboutissement d’une histoire, mais plutôt le début d’une aventure médicale dont les promesses, esquissées dès les années 1990, vont pleinement se réaliser dans les années à venir.

203. En l’occurrence, dans la mesure où des vaccins antigrippaux pourraient également être réalisés avec l’ARNm, il serait alors envisageable de combiner plusieurs vaccins en une seule injection. 205

5 L’ARNm, une technologie d’avenir

Le triomphe du vaccin anti-Covid autorise à concevoir d’autres applications médicales pour l’ARNm. Les percées à venir sont conditionnées au développement non seulement des biotechnologies, mais aussi des biotechs, en particulier en Europe. On peut citer : (i) Le perfectionnement des nanotechnologies L’utilisation de vecteurs de l’ARNm alternatifs aux liposomes pourrait optimiser le transport vers la cellule ciblée, tout en réduisant la dose d’ARNm injectée au patient. Parmi ces vecteurs, signalons : – les polymères ; la liaison entre des acides aminés et des polymères chargés positivement aboutit à la formation de « polyplexes », candidats vecteurs d’ARNm, actuellement à l’étude. Bien que les résultats des essais cliniques de ces composés de polymères n’égalent pas aujourd’hui les liposomes, il y a là un espoir important : la technologie progresse, et les « polyplexes » sont très stables. D’ici quelques années, ce seront des candidats prometteurs pour la vaccination à ARNm ; 207

L’ARNm, UNE TECHNOLOGIE D’AVENIR

– les protamines, déjà proposées dans les travaux fondateurs de CureVac, sont toujours d’actualité ; – les dendrimères, macromolécules hydrophiles de structure arborescente, capables de se fixer aux membranes et d’être d’encapsulés, peuvent transporter des acides nucléiques. Biocompatibles, ils ne sont pas immunogènes. Leur production industrielle est à l’étude ; – des systèmes hybrides, qui combinent les principaux vecteurs existants pour le transport de l’ARNm, sont également possibles. Il s’agit principalement des lipopolyplexes évoqués plus haut(204), développés par Patrick Midoux et Chantal Pichon, en collaboration avec EtheRNA. (ii) La production d’anticorps monoclonaux via l’ARNm Pour ces médicaments au marché en forte expansion, l’industrie pharmaceutique recherche des solutions de remplacement de production moins onéreuses, simples et rapides. Produits en biotech à petite échelle(205), la technologie de l’ARNm est un choix qui demande des améliorations pour atteindre des quantités industrielles ouvrant à des essais cliniques. En particulier, « il faudra s’assurer que les concentrations des produits sont suffisantes et conduiront effectivement à obtenir un effet thérapeutique avant de passer au stade des essais cliniques »(206). (iii) La synthèse chimique de l’ARNm Une autre possibilité tient à la synthèse directe de petits ARNm (de l’ordre de 100 ribonucléotides). Dans ce domaine biotechnologique, 204. Cf. supra partie II.4, « Les solutions apportées pour optimiser l’ARNm ». 205.  Pour rappel, les anticorps monoclonaux sont définis à la note 162. 206. Cf. RP : 19, op. cit. Le passage auquel il est fait référence est le suivant : «  Passive immunization by mRNA encoding monoclonal antibodies is showing great biomedical interest. Given the rapidly growing market of therapeutic monoclonal antibodies, and the high cost of this type of medicines, the pharmaceutical industry is looking for alternatives approaches. mRNA is considered a good option, due to its simpler, faster and more cost-effective synthesis. Until now, pre-clinical studies in small rodents have demonstrated antibody titters from the first day after mRNA intravenous administration. However, before moving on to the clinic, it is still necessary to highlight whether mRNA can lead to high antibody concentrations, often needed for a therapeutic effect », in RP : 19., op. cit. 208

LE MARATHON DU MESSAGER

L’ARNm, UNE TECHNOLOGIE D’AVENIR

les études actuelles investiguent l’incidence des modifications chimiques apportées à l’ARNm sur la traduction des protéines. En effet, les erreurs de couplage sont plus fréquentes qu’avec l’utilisation de plasmides bactériens (pour rappel, production d’ADN, puis transcription in vitro en ARNm). Les progrès réalisés sont notables, mais beaucoup d’étapes restent à franchir avant de parvenir à synthétiser un ARNm par voie chimique, qui est une option technologique prometteuse(207). (iv) Biotechs ARNm : développements européens et français L’Union européenne veut favoriser les programmes de recherche qui utilisent les nanomatériaux. En l’occurrence, elle souhaite accélérer le développement des technologies à ARNm pour l’immunothérapie des cancers mammaires ainsi que le traitement du tissu cardiaque endommagé (régénération de tissus). La plate-forme dite « EXPERT » (EXpanding Plateform for Efficacious mRNA Therapeutics), lancée en 2019 dans le cadre du programme d’innovation de l’Union européenne Horizon 2020, est financée par l’UE à hauteur de 14,9 millions d’euros. Son objectif premier est de concrétiser les collaborations entre entreprises et partenaires académiques de onze pays différents(208) (dont un hors Europe). Au sein de l’Union européenne, les commissions du Conseil européen de la Recherche(209) soutiennent des programmes de recherche par des subventions attribuées selon le processus classique : appels d’offres (Call for grants), et évaluation des projets par des experts indépendants nommés par les conseils scientifiques des commissions. 207.  En particulier, à l’université de Zurich, Steve Pascolo est récemment parvenu à mettre au point des molécules d’ARNm entièrement synthétisées chimiquement. Cf. RB : 18. 208.  Il s’agit des Pays-Bas, de la Belgique, de la Norvège, de la Suède, de l’Espagne, de la Hongrie, de l’Irlande, de la France, de l’Allemagne et d’Israël. 209.  Le Conseil européen de la Recherche (European Research Council) est un organe de l’Union européenne chargé de coordonner les efforts de recherche des différents États membres. Il propose ainsi le financement de projets européens de recherche via des bourses (ou grants). 209

L’ARNm, UNE TECHNOLOGIE D’AVENIR

Pour les années 2014 – 2020, le financement des grants a fait partie d’Horizon 2020, qui a été, pendant cette période, le programme de soutien à la recherche et au developpement de l’Union européenne ; il fait partie d’Horizon Europe pour la période 2021 – 2027. L’ERC Starting Grant assure le soutien à de jeunes chercheurs au parcours scientifique prometteur pour constituer des équipes de recherche interactives au niveau européen. Un Call for grant a été lancé sur l’ARNm, pour financer des projets d’innovation et d’industrialisation. Dans le même temps, à l’hiver 2021, le développement des vaccins à ARNm a amené l’Institut Santé(210) à proposer le lancement d’un « Airbus de la recherche et de la production d’ARN messager en France », fondé sur des partenariats public – privé, et qui comprendrait : (i) au moins une biotech qui disposerait de compétences de R&D ; (ii) un ou plusieurs fabricants de produits pharmaceutiques qui pourraient produire de l’ARNm en quantités industrielles ; (iii) une grosse entreprise pharmaceutique française comme Sanofi qui disposerait de la maîtrise industrielle globale et des ressources nécessaires. De façon pragmatique, la concrétisation d’un tel partenariat présentait toute une série de difficultés techniques, industrielles et logistiques. En outre, rien ne permettait de penser que les stratégies de développement des acteurs économiques concernés, indépendants et non liés entre eux par des relations contractuelles, devaient nécessairement s’accorder entre elles pour mettre en œuvre un tel objectif commun. Il s’agissait donc, à maints égards, d’une vue de l’esprit. 210. Pour plus de renseignements, se référer aux informations disponibles à l’adresse suivante : https://www.institut-sante.org/pour-un-airbus-de-larn-messageren-france/. Présidé par l’économiste Frédéric Bizard, l’Institut Santé est un organisme de recherche, fondé en 2018, qui réfléchit sur l’évolution du système de santé français. 210

LE MARATHON DU MESSAGER

L’ARNm, UNE TECHNOLOGIE D’AVENIR

De fait, cet « Airbus de l’ARN messager » n’est, au troisième trimestre 2021, plus du tout évoqué par son principal défenseur, l’économiste Frédéric Bizard. De manière plus cohérente, et en tenant compte des forces et des faiblesses industrielles présentes sur le territoire français, l’État a initié une stratégie plus large avec, pour objectif, la constitution d’une filière française de biotechnologies, laquelle pourra s’appuyer sur un écosystème de recherche et d’innovation. L’ARNm aura logiquement toute sa place dans cette filière. Notons en particulier la création, le 14 décembre 2020, de l’Alliance France Bioproduction, dont l’objectif est de faire de notre pays le leader européen de la bioproduction à l’horizon 2030. La déclinaison opérationnelle de cette stratégie ambitieuse est actuellement en cours de définition. Avec la crise sanitaire, l’industrie pharmaceutique européenne, et française en particulier, a bien pris conscience de l’intérêt majeur de l’ARNm pour un certain nombre de thérapies, comme le traitement par vaccination des cancers, et des maladies infectieuses ou émergentes. Dans les prochaines années, l’ARNm cessera d’être d’un usage exceptionnel, comme en période de pandémie, et deviendra d’une utilisation bien plus courante : il pourra alors s’agir d’une nouvelle classe de médicaments commercialisés sur le marché français. À terme, les conséquences sur le parcours santé du patient devront être également prises en compte.  

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L’ARNm, UNE TECHNOLOGIE D’AVENIR

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LE MARATHON DU MESSAGER

CONCLUSION

« Nous ne sommes rien. Ce que nous cherchons est tout. » Friedrich Hölderlin

    Le 13 mai 1961, François Gros et François Jacob, deux chercheurs français de l’Institut Pasteur de Paris, démontraient l’existence de l’ARN messager en publiant dans la même revue Nature deux articles originaux, fruits d’expériences différentes réalisées dans deux laboratoires américains distincts(211). De la découverte de l’ARNm à son approbation pour un usage thérapeutique, 60 ans auront été nécessaires ! Ce fut donc un véritable marathon lancé dans la dernière décennie du xxe siècle, au cours de laquelle de très rares aventuriers, qui se comptaient littéralement sur les doigts d’une main, s’étaient engagés, et affrontaient les vents du scepticisme général, sans aucun supporter. La première décennie du xxie siècle vit quelques autres rejoindre ces téméraires. Le concept d’injecter un ARN synthétique était encore très loin d’être accepté par tous les immunologistes : l’ARNm coûtait 211. Cf. RP : 41 et RP : 42. 213

Conclusion

cher, sa stabilité était en question, et les résultats parurent longtemps incertains. Lors de la deuxième décennie, l’accumulation de résultats significatifs fit subitement grossir le peloton : les uns mus par leur foi en une nouvelle thérapeutique, les autres par opportunisme… Aujourd’hui, alors que les vaccins à ARNm restent notre meilleure protection contre la Covid-19 et que la vaccinothérapie s’ouvre à d’autres maladies, quatre éléments méritent d’être soulignés.   Contrairement aux messages diffusés au cours de l’hiver 2021, la mise au point des vaccins à ARNm est avant tout une histoire européenne

D’abord, il faut rappeler le rôle essentiel joué par des chercheurs allemands et français : Pierre Meulien, Hans-Georg Rammensee, Ingmar Hoerr, Steve Pascolo, Ugur Sahin et toute son équipe de BioNTech à l’orée des années 2010. Dès les années 2000, CureVac, en collaboration avec l’université et le centre hospitalier universitaire de Tübingen, a défriché le terrain et a initié les essais cliniques de vaccination à ARNm anticancéreuse sur l’homme. Après 2010, en améliorant le « conditionnement » de l’ARNm, BioNTech a généré la diffusion d’une thérapeutique vaccinatoire dans la pratique médicale. Certes, Katalin Kariko a travaillé sur l’ARNm pendant plusieurs décennies, dès la fin des années 90, d’abord sur la méthode inventée par Eli Gilboa (ARNm transfecté dans des cellules dendritiques in vitro). À partir du début des années 2000, ses travaux ont porté sur le champ thérapeutique des protéines de remplacement, et non sur celui de la vaccination. À l’heure du succès des vaccins anti-Covid, le rôle de Drew Weissman et de Katalin Kariko dans la mise au point d’un ARNm modifié « dé-immunisé », grâce au remplacement de l’uracile par la pseudo-uridine, a souvent été rappelé. Cette modification de l’ARNm était précisément censée éviter l’induction d’une réaction immunitaire. Pourtant, dans les faits, cet ARNm modifié a, in fine, été utilisé par BioNTech et Moderna pour déclencher une réponse immunitaire contre la Covid-19. 214

Conclusion

En l’occurrence, il est tout à fait possible d’utiliser de l’ARNm non modifié pour la vaccination, sans induire une réponse immunitaire non contrôlée. Les travaux menés par CureVac et BioNTech l’ont amplement démontré. Et n’oublions pas que le vaccin anti-Covid de CureVAc fonctionne techniquement : en effet, il induit des réponses anticorps neutralisantes. C’est leur amplitude qui semble être moins forte que celle observée avec BioNTech ou Moderna.   Le risque joue un rôle très important dans la démarche scientifique

Les premiers essais cliniques de 2003 contre le mélanome, et la première injection d’ARNm synthétique produit en conditions GMP publiée en 2007 pour exprimer une protéine d’intérêt, représentèrent un saut dans l’inconnu. Ces expérimentations, sans précédent, ouvrirent la voie à une nouvelle thérapeutique. Il s’agissait d’un véritable pari pour les scientifiques qui les réalisèrent. Admirons le courage et l’enthousiasme de ces chercheurs qui, ce faisant, engagèrent naturellement leur crédibilité scientifique, de même que le capital de la biotech dans laquelle ils travaillaient ! Cela a représenté pour eux un risque considérable ; mais ce risque a été, et est toujours, la condition essentielle pour rendre possible des progrès extraordinaires en biologie et en médecine. Napoléon Ier affirmait : « Celui qui sait où il va, ne va généralement pas bien loin ». Les essais randomisés sont toujours prédéterminés à atteindre un objectif déjà ciblé, ils infirment ou ils valident le bien-fondé d’un médicament ou les conditions de son utilisation. En matière de santé publique, la véritable démarche heuristique revient aux « premiers de cordée » qui, partant de la science fondamentale, imaginent et conçoivent une voie nouvelle pour proposer une thérapeutique nouvelle. Ils ont le courage de défier l’inconnu, motivés par le besoin altruiste de faire avancer l’humanité en se réalisant eux-mêmes. Lorsque l’ARNm suscita l’intérêt de quelques rares chercheurs, les perspectives thérapeutiques restaient incertaines. Le risque leur apparut alors comme une opportunité enthousiasmante 215

Conclusion

et fantastique ; plus encore, on peut dire que le scepticisme ambiant de la communauté scientifique les stimula. Les essais cliniques des vaccins anti-Covid mis au point par BioNTech et par Moderna montrent que le risque n’est pas seulement couru par le chercheur. Il l’a également été par plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont reçu des injections de produits dont on ne connaissait a priori pas l’incidence potentielle sur l’organisme. Le risque est bel et bien sociétal. On ne peut qu’admirer ces cobayes volontaires, acteurs inconnus, mais essentiels, du progrès scientifique ; grâce à eux ont été mis au point des vaccins qui ont sauvé des millions de vies. On retrouve là le pari de Pasteur, lorsqu’il a conçu le vaccin contre la rage. Grâce à ces personnes courageuses et anonymes, nous bénéficions aujourd’hui du vaccin à ARNm en toute sécurité.   Le soutien financier des biotechs, actrices incontournables de la santé

Les connaissances en biologie arrachées au vivant par les chercheurs académiques constituent des mines à valoriser pour la santé humaine. Les biotechs sont les seules entreprises en mesure d’opérer ce transfert. Véritables ponts qui relient le monde académique à la production industrielle, elles transforment le cognitif en traitement ! Une start-up peut bénéficier d’aides gouvernementales à ses débuts, lorsqu’elle est accompagnée par une structure spécifique d’accompagnement de projets de création d’entreprise appelée incubateur. Cependant, ces aides sont transitoires. L’industrie pharmaceutique peut aussi la soutenir ponctuellement, voire s’associer à elle pour un développement ou des essais cliniques, mais essentiellement dans le cas d’un projet solide, avec un achèvement à court terme, et la certitude d’un important retour sur investissement (Return Of Investment, « ROI », en anglais). En fait, c’est bien à la biotech d’assumer ce risque qui est toujours grand. Par la qualité du projet présenté, elle doit convaincre les investisseurs de prendre le risque de gagner ou de perdre ! Cette réalité concerne non seulement une nouvelle 216

Conclusion

technologie (la vaccination à ARNm), mais aussi le repositionnement d’anciennes molécules. Citons l’exemple du clofoctol, un vieil antibiotique avec action antivirale, administré sous forme de suppositoire, et commercialisé en France entre 1978 et 2005 sous le nom d’Octofène pour traiter des infections respiratoires bénignes. Dans le cadre de la lutte anti-Covid, le clofoctol a été repéré par une spin-off de l’Institut Pasteur de Lille, Apteeus. Son efficacité a été démontrée dans des recherches in vitro, puis lors d’essais précliniques. Depuis avril 2021, l’Institut Pasteur de Lille bénéficie – pour le projet de repositionnement anti-Covid de cette molécule, dénommé Thérapide –, d’un label « Priorité nationale de recherche », qui donne une accélération aux essais cliniques. Les résultats sur l’homme sont attendus dans les mois qui viennent. Il s’agit donc d’une très bonne illustration d’un tel repositionnement. L’audace et la liberté d’entreprendre engendrent la création et l’émergence de nouvelles technologies, au prix d’investissements importants, et même parfois de risques personnels : ainsi, les fondateurs de CureVac ont connu plusieurs années de très bas salaires. Le triomphe de l’ARNm est un parfait exemple des rôles joués et accomplis par les chercheurs et acteurs – académiques (des universités et des établissements d’enseignement supérieur), biotechs, et industrie privée. Pour la poursuite d’un modèle interactif pérenne, il est indispensable que chacune des parties trouve sa place et participe au succès.

Les valeurs morales liées au progrès scientifique, à savoir la curiosité intellectuelle et la volonté d’innover, ont toujours un sens à notre époque La volonté d’innover est au cœur même de la démarche scientifique. Bien entendu, il s’agit d’être conscient des conséquences potentielles des découvertes scientifiques, et de faire preuve d’une vigilance particulière sur ce sujet. Ces craintes sont légitimes à l’heure où le 217

Conclusion

génie biologique peut donner à l’homme une impression fallacieuse de toute-puissance. Cependant, dans le cas de l’ARNm, vite dégradé et qui ne peut s’intégrer au génome humain, il n’y a pas lieu de craindre des manipulations génétiques. Nul ne peut intervenir pour créer un monstre ; laissons le Docteur Frankenstein de Mary Shelley reposer en paix !  

Le principe de précaution, généralement mis en avant, ne doit pas avoir pour effet de décourager la curiosité et le goût de l’innovation, car ces derniers sont les vrais moteurs du progrès en biologie. 218

Conclusion

Cela suppose le développement de l’esprit critique, la rigueur scientifique et l’ouverture d’esprit. Ces qualités sont particulièrement précieuses à l’heure où tant d’informations erronées circulent, reprises sans véritable examen ni analyse par les réseaux sociaux, et même par les médias. Seule la connaissance objective peut aider à se faire une idée claire et réaliste des choses, et à ne pas se fier à une pensée « mythologique » qui, en fin de compte, se révèle destructrice et mensongère. La diffusion d’informations exactes sur la médecine répond à ce souci d’objectivité ; in fine, c’est bien la condition indispensable à la bonne compréhension des progrès thérapeutiques que la technologie de l’ARN messager rend, dès aujourd’hui, possibles.

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60 ans de recherches sur les vaccins à ARN messager.

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2005

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– Validation et tests cliniques –

2010

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POSTFACES

Postface de Chantal Pichon   Cette histoire nous montre que la science requiert à la fois intelligence, passion, patience, vision et chance.   Grâce au succès de ces vaccins à ARNm, les biothérapies et la nanomédecine ont acquis un réel gain d’intérêt. Ces vaccins n’auraient pas abouti sans l’interaction de plusieurs disciplines. De fait, cette interdisciplinarité est souvent clamée, mais très peu soutenue. Espérons que cette réussite favorisera le financement des programmes de recherche interdisciplinaires ; il faut surtout éviter un saupoudrage qui n’aboutirait pas à de réels sauts technologiques. Car cela ne fait aucun doute : nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère révolutionnaire de la médecine, en particulier dans la lutte contre les cancers. L’ARNm nous offre la possibilité de faire à la fois une thérapie personnalisée – en identifiant les néoantigènes prédominants chez un patient –, et des stratégies plus universelles afin de rendre une tumeur dite « froide » en tumeur « chaude » pour en déjouer l’action inhibitrice et aider le système immunitaire à réagir. Combien de stratégies et de technologies novatrices qui mériteraient d’être développées sont-elles gardées tapies dans l’ombre ? Pour les faire émerger, il faudrait décloisonner les chapelles pour obtenir une idée précise de toutes les recherches en cours, et avoir le courage de financer des projets à hauts risques, dont certains seraient assurément des sources de changement et de nouveauté.   225

Postface de Steve Pascolo   L’ARN messager est présent dans toute forme de vie. Il code pour les protéines, et génère ainsi l’intégralité des fonctions du vivant. Depuis les années 80, on sait le produire in vitro. Malgré sa pluripotence, l’ARN messager synthétique fut globalement méprisé jusqu’en 2019 par l’industrie pharmaceutique et la recherche appliquée, car il était perçu comme étant trop fragile pour être utilisé comme base de médicament. Or, la dégradation naturelle et rapide de l’ARN messager dans le corps est en réalité un gage de sécurité dans le contexte d’applications thérapeutiques ou vaccinales de cette molécule sous sa forme synthétique. Seul un nombre très réduit de scientifiques, en particulier en Allemagne, a cru en l’ARN messager médicament et l’a développé dans l’ombre depuis les années 90. C’est ce travail de longue haleine qui a rendu possible la validation en moins d’un an des vaccins anti-Covid-19 au cours de l’année 2020. Le vaccin à ARN messager synthétique est essentiellement une histoire française et une réussite allemande. Trente ans de recherches ont été nécessaires, depuis la première publication du vaccin à ARN messager synthétique par des Français en 1993 et les premières études cliniques en Allemagne dès 2003, pour arriver à l’approbation d’un vaccin à ARN messager synthétique contre la Covid-19 par la compagnie allemande BioNTech. De nombreuses améliorations apportées à la technologie, principalement par des entreprises de biotechnologie, ont transformé les vaccins rudimentaires développés par les pionniers de l’ARN messager synthétique dans les années 90, par des vaccins extrêmement efficaces et toujours aussi sûrs, par la nature même de l’ARN messager, lequel est détruit très vite après injection. Le rayonnement de la technologie des ARN messagers synthétiques ne se limite pas aux vaccins anti-Covid-19, mais rejaillit sur tous les domaines de la médecine préventive et thérapeutique. En théorie, il est possible, contre chaque maladie, de définir une stratégie thérapeutique à ARN messager synthétique. Après les vaccins pour 226

Postface de Steve Pascolo

Crédit : USZ/Christoph Stulz.

prévenir les maladies infectieuses, nous verrons probablement enfin aboutir les vaccins anticancer sur lesquels ont travaillé les pionniers de l’ARN messager ; nous verrons certainement aussi apparaître des propositions thérapeutiques pour soigner les maladies dégénératives (par exemple, Alzheimer ou Parkinson), auto-immunes (sclérose en plaques, diabète de type 1…) ou génétiques (mucoviscidose, myopathies…), voire offrir des méthodes de régénération ou encore gérer le vieillissement. Les possibilités thérapeutiques de l’ARN messager synthétique sont immenses et, avec l’approbation des vaccins antiCovid-19 de BioNTech/Pfizer et Moderna, c’est bien le début d’une nouvelle ère thérapeutique qui commence.   Steve Pascolo

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GLOSSAIRE DES NOMS COMMUNS

Acide aminé : molécule organique au squelette carboné qui présente un groupe amine et un groupe carboxyle ; c’est le constituant élémentaire de toute protéine. ADN : acide désoxyribonucléique. Anticorps facilitants : anticorps qui favorisent l’infection virale des cellules qui portent les récepteurs Fc des anticorps (ou immunoglobulines). Anticorps monoclonaux : anticorps produits par une lignée homogène (un clone) de lymphocytes qui reconnaissent un unique épitope sur un unique antigène. Antigène : substance reconnue par l’immunité adaptative (anticorps ou cellules T). Apoptose : processus physiologique de mort cellulaire programmée. ARN : acide ribonucléique. ARN messager (ARNm) : copie d’une région de l’ADN qui représente un gène ; synthétisé dans le noyau cellulaire, l’ARNm transmet l’information du plan de fabrication de la protéine codée par ce gène. ARNm modifié : ARNm synthétique issu de la transcription de la séquence d’ADN du gène ciblé, où la base uracile est remplacée par la pseudouridine (voir ce mot). ARNm non modifié : ARNm synthétique – natif – issu de la transcription de la séquence d’ADN du gène ciblé. ARN de transfert (ARNt) : ARN court qui apporte spécifiquement un aminoacide à la machinerie de production d’une protéine. Autologue : se dit d’une greffe de tissu ou de cellules lorsque le donneur et le receveur sont le même individu. Autorisation de mise sur le marché (AMM) : autorisation nationale ou européenne délivrée, après évaluation, au titulaire d’une société pharmaceutique responsable de la commercialisation d’un médicament.

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Glossaire des noms communs

Big Pharma : l’industrie pharmaceutique dans son ensemble et, surtout, les plus gros groupes à l’échelle mondiale. Biotech : société qui développe et produit des substances médicamenteuses en appliquant les découvertes de la science et de la technologie à des organismes vivants ou à leurs composants. Brevet : droit de propriété industrielle accordé par une autorité publique (INPI, en France) à celui qui révèle, décrit de façon complète et suffisante et revendique une invention, pour le faire bénéficier d’un monopole d’exploitation sur cette dernière, et pour la protéger contre d’éventuelles copies non autorisées (ou contrefaçons). Voir aussi Propriété intellectuelle. CAR-T Cells : lymphocytes T d’un patient modifiés génétiquement et capables de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses. Cellules présentatrice d’antigènes (APC) : cellules du système immunitaire qui présentent des parties d’éléments intrus à des lymphocytes T : cellules dendritiques, possiblement monocytes, macrophages, et lymphocytes B. Codon : triplet des nucléotides présent sur l’ARNm d’un gène donné qui spécifie l’ARNt chargé de présenter l’un des 20 aminoacides nécessaires à la construction de la protéine codée par ce gène. Complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) : groupe de molécules qui servent à la reconnaissance du « soi », impliquées dans les phénomènes de rejets de greffes et reconnus par les cellules T. Covid-19 : corona virus disease, maladie respiratoire découverte en 2019, et transmise par un coronavirus, le Sars-CoV-2 ; elle est responsable d’une épidémie mondiale toujours active, dont l’origine est encore débattue, qui a émergé en décembre 2019 dans la ville de Wuhan, dans la province du Hubei, en Chine. Elle est potentiellement mortelle chez des sujets fragilisés par l’âge ou une autre maladie chronique. CRISPR-CAS9 : outil biologique qui coupe l’ADN sur une séquence précise de l’ADN d’une cellule, constitué d’un ARN guide (CRISPR) qui cible la séquence d’intérêt et de l’enzyme CRISPR associated protein 9 (CAS9), « ciseau » moléculaire » de l’ADN. Cytokines : ensemble de molécules polypeptidiques (interleukines et interférons), élaborées par le système immunitaire, aux activités variées, et qui régulent la défense immunitaire de l’organisme. Parmi les cytokines, les chimiokines sont de petites protéines qui orientent le déplacement des globules blancs sous l’influence de diverses substances chimiques.

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Glossaire des noms communs

Dendritique (cellule) : cellule « sentinelle » du système immunitaire inné, présentatrice d’antigène du « non-soi » qui déclenche la réponse adaptative. Dendrimère : polymère de grande taille, et de forme arborescente produit par construction itérative et doté de sites actifs ; matériau de délivrance d’un médicament. Endosome : vésicule cytoplasmique formée par le repliement d’une membrane lipidique. Épitope : partie d’un antigène reconnue par un récepteur situé à la surface d’un lymphocyte ou par un anticorps. Épizootie : épidémie qui frappe les animaux. Voir aussi Zoonose. Érythropoïétine (EPO) : hormone qui stimule la production d’érythrocytes (globules rouges). Facteur d’impact : voir Impact Factor. Formulation : opération industrielle qui consiste à fabriquer un matériau homogène et stable à partir d'un cahier des charges en mélangeant des substances diverses. Pour les vaccins à ARNm, le matériau en question est l'ensemble formé par l'acide nucléique et la nanoparticule lipidique, dans le but d'optimiser la pénétration dans les cellules. GMP : bonne pratique de fabrication des médicaments conformes aux exigences d’un système de santé national ou international. Grant : subvention ou bourse attribuée par un État, un organisme, ou une fondation à un projet de recherche, à la suite d’un appel d’offres et d’une évaluation par un conseil scientifique. Immunogénicité : capacité d’un antigène à provoquer une réponse immunitaire spécifique. Impact Factor : indicateur qui estime la visibilité d’une revue scientifique, et outil d’évaluation quantitatif d’une recherche. Interféron : sécrétion cellulaire polypeptidique après une infection virale, qui inhibe la production de virus d’espèces différentes. Key Opinion Leader : personne ou organisation reconnue et respectée de l’opinion publique pour ses connaissances et son expertise dans un domaine donné. Licence d’exploitation : donne à un tiers (le licencié) le droit d’utiliser un brevet et les procédés techniques qui y sont décrits. Liposome : vésicule artificielle microscopique capable d’introduire une substance dans les cellules d’un organisme.

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Glossaire des noms communs

Luciférase : enzyme qui produit de la lumière à partir de molécules de luciférine. Lymphocyte B : globule blanc particulier qui fait partie des lymphocytes ; cellule synthétisée dans la moelle osseuse, qui circulent dans le sang et la lymphe pour participer aux défenses naturelles de l’organisme. Lymphocyte T auxiliaire : type original de lymphocytes T, non cytotoxiques, au centre de la réponse immunitaire, et caractérisés par l’expression de la molécule CD4 (cellules T4). Lymphocyte T cytotoxique : cellule tueuse essentielle à la réponse immunitaire contre les virus et les cancers et caractérisée par l’expression de la molécule CD8 (cellules T8). Médecine régénérative : médecine qui répare les fonctions d’un tissu ou d’un organe lésé. Nanotechnologie : ensemble des études et des procédés de fabrication et de manipulation de structures, de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle du nanomètre, ordre de grandeur de la distance entre deux atomes. Nucléoside : élément de base des acides nucléiques, constitué d’une base azotée associée à un sucre (ribose pour l’ARN, et désoxyribose pour l’ADN). Nucléotide : liaison d’un nucléoside à un à trois groupes phosphate. Opsonisation : processus par lequel un agent pathogène (bactérie, cellule infectée par un pathogène…) est marqué par une molécule appelée opsonine pour ingestion et destruction par les phagocytes dotés de récepteurs pour les opsonines. Pattern Recognition Receptors (PRR) : récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires des agents pathogènes ; récepteurs propres au système immunitaire inné. Polypeptide : chaîne de 10 à 100 acides aminés reliés par des liaisons peptidiques. Prophylaxie : ensemble de mesures pour prévenir l’action délétère d’un agent infectieux (bactérie ou virus). Voir aussi Vaccination. Propriété intellectuelle : protection et valorisation des inventions et des innovations. Voir aussi Brevets. Protein Replacement : thérapie qui apporte une protéine manquante à un organisme.

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Glossaire des noms communs

Pseudo-uridine : isomère de l’uridine ; sont isomères des composés qui ont la même formule chimique d’ensemble, mais des propriétés différentes, en raison d’un agencement disctinctdes atomes dans la molécule. Réaction immunitaire : mécanisme de défense activé par l’organisme en réponse à l’identification d’une intrusion d’un pathogène, d’une agression ou d’un dysfonctionnement de l’organisme en question. Réaction inflammatoire : réponse des tissus vivants et vascularisés à une agression ; se manifeste cliniquement de façon variable, le plus souvent avec fièvre et altération de l’état général. Réplication de l’ADN : processus qui duplique la séquence initiale, pour créer une molécule identique à la molécule de base. Reviewer : expert d’un domaine spécifique mandaté par le comité de lecture d’un journal scientifique pour évaluer un article soumis à ce journal. Ribosome : organisme cellulaire qui assure la traduction des ARN messagers en protéines, sorte « d’usine à traduire » le code génétique. Sars-CoV-1 : virus de type ARN linéaire du genre coronavirus, responsable d’un syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) qui a sévi entre 2002 et 2004. Sars-CoV-2 : virus responsable de la Covid-19. Voir aussi Covid-19. Spike (protéine) : protéine constitutive des spicules d’enveloppe du virus Sars-CoV-2, et qui est l’une des cibles du système immunitaire face à l’infection, et celle des vaccins à ARNm actuels. Spin-off : jeune entreprise issue de l’essaimage d’une plus importante. Toll-like receptor : type de récepteur de reconnaissance de forme (PRR) au rôle clé dans le système immunitaire adaptatif en avertissant celui-ci de la présence d’infections microbiennes. Traduction : processus qui consiste en la synthèse d’une chaîne polypeptidique ou d’une protéine à partir d’un ARN messager. Traitement adjuvant : en cancérologie, traitement qui complète un traitement principal, dans l’objectif de renforcer son efficacité. Par exemple, la chimiothérapie peut être un traitement adjuvant de la chirurgie ou de la radiothérapie. Transcription : mécanisme biologique qui conduit à la synthèse d’une molécule d’ARN à partir d’une molécule d’ADN. Transdifférenciation : capacité de cellules déjà différenciées à perdre leurs caractères normaux pour en acquérir de nouveaux ainsi que de nouvelles fonctions.

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Glossaire des noms communs

Transfection : introduction d’une séquence nucléotidique étrangère dans une cellule hôte. Vaccination : injection dans l’organisme d’un agent infectieux (virus ou bactérie), sous une forme inoffensive, ou de l’un de ses composants, pour stimuler la réponse immunitaire. Voir aussi Prophylaxie. Variant d’un virus : virus qui présente une ou plusieurs mutations génétiques par rapport à sa forme d’origine. Zoonose : maladie ou infection des animaux vertébrés transmissible à l’homme, et réciproquement. Voir aussi Épizootie.

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GLOSSAIRE DES NOMS PROPRES

BioNTech : société allemande de biotechnologie dont le siège se trouve à Mayence, spécialisée dans le développement et la production d’immunothérapies actives dans le traitement de maladies graves. CureVac : société allemande de biotechnologie, dont le siège est situé à Tübingen, et qui développe des thérapies qui utilisent l’ARNm de synthèse natif pour traiter les maladies infectieuses, le cancer et les maladies rares. Gros, François (né en 1925) : biologiste français, et l’un des pionniers de la biochimie cellulaire française, codécouvreur de l’ARNm, directeur de l’Institut Pasteur de Paris (1976-1982), professeur honoraire au Collège de France, et membre de l’Institut de France. Hoerr, Ingmar (né en 1968) : biologiste allemand, il est l’un des fondateurs de CureVac. Il joua un rôle important dans les premières années de la biotech en contribuant à son développement économique et commercial. Jacob, François (1920-2013) : biologiste et médecin français, découvreur de l’ARNm, prix Nobel de médecine (1965), professeur à l’Institut Pasteur de Paris et au Collège de France, membre de nombreuses académies étrangères, et compagnon de la Libération. Kariko, Katalin (née en 1955) : biochimiste d’origine hongroise, travaille en Pennsylvanie, spécialisée dans la biotechnologie des ARNm, et viceprésidente de BioNTech RNA pharmaceuticals. Meulien, Pierre : chercheur irlandais, qui a démontré le premier en 1993 que l’ARNm fonctionnait comme vaccin, actuel directeur exécutif de l’Innovative Medicines Initiative, partenariat public –privé entre l’Union Européenne et les grandes entreprises pharmaceutiques européennes. Moderna, Inc : société américaine de biotechnologies, originairement Mode RNA, fondée en 2010, basée à Cambridge (USA), qui se consacre aux thérapies protéiniques fondées sur la technologie ARN messager.

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Glossaire des noms propres

Pascolo, Steve (né en 1970) : chercheur français, biologiste et immunologiste, et l’un des pionniers de la technologie de vaccin à ARNm, en particulier contre le cancer ; cofondateur et directeur scientifique de CureVac (2000-2006), directeur d’une plate-forme ARNm de recherche contre le cancer (hôpital universitaire de Zurich), et directeur général de la société suisse Miescher Pharma GmbH, à Zurich. Pasteur (Institut) : fondation française privée à but non lucratif dévolue à l’étude de la biologie, des micro-organismes, des maladies et des vaccins. Créée en 1888, grâce à une souscription publique internationale, et ainsi nommé d’après l’illustre savant Louis Pasteur. Voir aussi Pasteur, Louis. Pasteur, Louis (1822-1895) : chimiste, physicien et microbiologiste français, fondateur et premier directeur de l’Institut éponyme qui, entre autres multiples découvertes, mit au point, en 1885, le premier vaccin contre la rage. Voir aussi Pasteur (Institut). Pfizer : société pharmaceutique américaine fondée en 1849, et leader mondial dans le domaine de la pharmacie. Pichon, Chantal : professeur des universités, chercheuse française, spécialiste en biologie moléculaire et cellulaire, elle a mis au point des stratégies thérapeutiques à base d’acides nucléiques. Elle mène des recherches sur les technologies à ARN messager depuis 2005. Rammensee, Hans-Georg (né en 1953) : immunologiste allemand et professeur à l’université de Tübingen, il a travaillé sur le développement d’immunothérapies anticancéreuses. Il rejoignit CureVac quelques mois après sa fondation, en 2000. Sahin, Ugur (né en 1965) : médecin et chef d’entreprise allemand, président-directeur général de BioNTech. Oncologue renommé, il a fondé avec son épouse Özlem Türeci Ganymed Pharmaceuticals en 2001, puis BioNTech en 2008. Ugur Sahin a conçu le premier vaccin anti-Covid commercialisé aux États-Unis. Türeci, Özlem (née en 1967) : chercheuse et médecin allemande, spécialisée dans le développement d’immunothérapies anticancéreuses. Avec son mari Ugur Sahin, elle a fondé Ganymed Pharmaceuticals en 2001, puis BioNTech en 2008. Elle est actuellement directrice médicale de BioNTech. Weissman, Drew (né en 1959) : scientifique américain, professeur de médecine à l’université de Pennsylvanie (USA), et spécialiste des thérapies à ARN messager.

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LISTE DES RÉFÉRENCES AUX BREVETS (RB)

RB : 1 = Karl. Y. Hostetler, Raj Kumar, Louise M. Stuhmiller, Dérivés lipides de nucléosides anti-viraux, incorporation liposomale et procédé d’utilisation, brevet américain (Vical. Inc), n° WO1990000555, date du dépôt international : 30 juin 1989, date de publication : 25 janvier 1990. Disponible à l’adresse suivante : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail.jsf?do cId=WO1990000555&tab=PCTBIBLIO&_cid=P20-KO9POE-50612-1. RB : 2 = Günther Jung, Ingmar Hoerr, Hans-Georg Rammensee, Dr Reinhard Obst, Transfert de mARN à l’aide de composés polycationiques, brevet allemand (CureVac), n°EP1083232, date de la demande : 9 septembre 1999, date de publication : 14 mars 2001. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=EP13495749&_cid=P10-KM89OC-84545-1. RB : 3 = Steve Pascolo, Ingmar Hoerr, Hans-Georg Rammensee, Florian Von der Mülbe, Marie-Louise Michel, Hüseyin Firat, François Lemonnier, Préparations immunogènes et vaccins à base d’ARN, brevet franco-allemand (CureVac, Institut Pasteur, INSERM et GENETHON), n°WO2003059381, date de dépôt international : 20 janvier 2003, date de publication : 24 juillet 2003. Disponible à l’adresse : https://patentscope. wipo.int/search/fr/detail.jsf;jsessionid=E862175F78F9C2D4A0DA4F6C F48C4FA7.wapp1nA?docId=WO2003059381&tab=PCTBIBLIO. RB : 4 = Florian Von der Mülbe, Ingmar Hoerr, Steve Pascolo, Composition pharmaceutique contenant un ARNm stabilisé et optimisé pour la traduction dans ses régions codantes, brevet allemand (CureVac), n°WO2002098443, date du dépôt international : 6 juin 2002, date de publication : 12 décembre 2002. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail.jsf?docId=WO2002098443&tab=PCTBI BLIO&_cid=P10-KML3W4-94449-1. RB : 5 = Thomas Ketterer, Florian Von der Mülbe, Ladislaus Reidel, Thorsten Mutzke, Procédé de purification d’ARN à l’échelle préparative

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Liste des références aux brevets (RB)

par HPLC, brevet allemand (CureVac), n°WO2008077592, date du dépôt international : 20 décembre 2007, date de publication : 3 juillet 2008. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/ detail.jsf?docId=WO2008077592&_cid=P11-KOOKNO-96649-1. RB : 6 =  Ugur Sahin, Andreas Kuhn, Edward Darzynkiewicz, Jacek Jemielity, Joanna Kowalska, Composition vaccinale contenant de l’arn dont la coiffe en 5’ est modifiée, brevet allemand (BioNTech AG, TRON, Université Johannes Gutenberg de Mayence), n°CA2768600, date de la demande : 3 août 2010, date de la publication : 10 février 2011. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=CA94541755&_cid=P10-KML4BB-97824-1. RB : 7 =  Alexandra Orlandini Von Niessen, Stéphanie Fesser, Britta Vallazza, Tim Beissert, Andreas Kuhn, Ugur Sahin, Séquences utr 3’ permettant la stabilisation d’ARN, brevet allemand (TRON, BioNTech), n°WO2017059902A1, date de dépôt international : 7 octobre 2015, date de publication : 13 avril 2017. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=WO2017059902&_cid=P10-KML4EM-98805-3. RB : 8 = Ugur Sahin, Heinrich Haas, Sebastian Kreiter, Mustafa Diken, Daniel Fritz, Martin Meng, Mareen Lena Kranz, Kerstin Reuter, Formulation d’ARN pour l’immunothérapie, brevet allemand (BioNTech AG, TRON, Université Johannes Gutenberg de Mayence), n°EP2830593, date de la demande : 25 mars 2013, date de publication : 4 février 2015. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=EP130719210&_cid=P10-KML49B-97328-9. RB : 9 = Thorsten Mutzke, Solution contenant du mannose pour la lyophilisation, la transfection et : ou l’injection d’acides nucléiques, brevet allemand (CureVac), n°WO2011069529, date de dépôt international : 9 décembre 2009, date de validation : 16 juin 2011. Disponible à l’adresse : https:// patentscope.wipo.int/search/fr/detail.jsf?docId=WO2011069529&tab= PCTBIBLIO&_cid=P21-KMVUZ7-28686-4. RB : 10 = Ingmar Hoerr et Steve Pascolo, Solution d’injection d’ARN, brevet allemand (CureVac), n°WO2006122828, date de dépôt international : 19 mai 2006, date de publication : 23 novembre 2006. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=WO2006122828&_cid=P10-KML3XW-94895-1.

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Liste des références aux brevets (RB)

RB : 11 = Alexander Knuth et Steve Pascolo, Nanoparticules de protamine / ARN destinées à une immunostimulation, brevet suisse (université de Zurich, Alexander Knuth, Steve Pascolo), n°WO2009144230, date de dépôt international : 26 mai 2009, date de publication : 3 décembre 2009. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/ detail.jsf?docId=WO2009144230&_cid=P10-KML403-95418-1. RB : 12 = Katalin Kariko, Drew Weissman, RNA containing modified nucleosides and methods of use thereof, brevet américain (Université de Pennsylvanie), n°US8278036B2, date de publication : 23 août 2005. Disponible à l’adresse : https://patents.google.com/patent/ US8278036B2/en. RB : 13 = Bruno Pitard, Molécules d’ARN coiffées et non coiffées et copolymères séquencés pour l’administration intracellulaire d’ARN, brevet français (université de Nantes), n°WO2015151048, date du dépôt international : 1er avril 2015, date de publication : 8 octobre 2015. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=WO2015151048&_cid=P10-KM898W-81900-1. RB : 14 = Ugur Sahin, Tim Beissert, Marco Poleganov, Stephanie Herz, Procédé pour l’expression cellulaire d’ARN, brevet allemand (BioNTech AG, TRON, Université Johannes Gutenberg de Mayence), n°WO2012072096, date de dépôt international : 3 décembre 2010, date de publication : 5 juin 2012. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/ fr/detail.jsf?docId=WO2012072096&_cid=P10-KML4MS-00900-1. RB : 15 = Ugur Sahin, Sebastian Kreiter, Mustafa Diken, Jan Diekmann, Michael Koslowski, Cedrik Britten, John Castle, Martin Löwer, Bernhard Renard, Tana Omokoko, Johannes Hendrikus De Graaf, Vaccins individualisés pour le cancer, brevet allemand (BioNTech AG, TRON, Université Johannes Gutenberg de Mayence), n°WO2012159643, date de dépôt international : 24 mai 2011, date de publication : 29 novembre 2012. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/ detail.jsf?docId=WO2012159643&_cid=P10-KML4SI-02597-1. RB : 16 =  Ugur Sahin, Heinrich Haas, Sebastian Kreiter, Mustafa Diken, Daniel Fritz, Martin Meng, Lena Mareen Kranz, Kerstin Reuter, Formulations d’ARN pour l’immunothérapie, brevet allemand (BioNTech, TRON, Université Johannes Gutenberg de Mayence), n°WO2013143683, date de dépôt international : 25 mars 2013, date de publication : 3 octobre

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Liste des références aux brevets (RB)

2013. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/ detail.jsf?docId=WO2013143683&_cid=P10-KML4Y9-04128-2. RB : 17 = Ingmarr Hoerr, Jochen Probst, Steve Pascolo, Rna-coded antibody, brevet allemand (CureVac), n° US20100189729A1, date de dépôt : 8 janvier 2008, date de publication : 21 décembre 2009. Disponible à l’adresse : https://patents.google.com/patent/US20100189729A1/ en?oq=(US2010189729A1+RNA-CODED+ANTIBODY RB : 18 = Steve Pascolo, ARN messagers minimaux et leur utilisation, brevet suisse (université de Zürich), n° WO2021038089, date de dépôt international : 28 août 2020, date de publication : 4 mars 2021. Disponible à l’adresse : https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail. jsf?docId=WO2021038089&_cid=P20-KNA37Y-85597-1.

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LISTE DES RÉFÉRENCES AUX ARTICLES SCIENTIFIQUES ET MÉDICAUX (RP)

RP : 1 = « Direct Gene Transfer into Mouse Muscle in Vivo », Jon A. Wolff, Robert W. Malone, Phillip Williams, Wang Chong, Gyula Acsadi, Agnes Jani, Philip. L. Felgner, Science, 23 mars 1990, vol. 247. DOI : 10.1126/ science.1690918. RP : 2 = « Induction of virus-specific cytotoxic T lymphocytes in vivo by liposome-entrapped mRNA», F.Martinon, S. Krishnan, G. Lenzen, R. Magné, E. Gomard,  J. G. Guillet,  J. P. Lévy,  P. Meulien, European Journal of Immunology, 23 juillet 1993, p. 1719-22, DOI : 10.1002/eji.1830230749. RP : 3 = « Characterization of a Messenger RNA Polynucleotide Vaccine Vector », Robert M. Conry, Albert F. LoBuglio, Marci Wright, Lucretia Sumerel, M. Joyce Pike, Feng Johanning, Ren Benjamin, Dan Lu and David T. Curiel, Cancer Research, avril 1995. DOI :  Published April 1995. RP : 4 = « Cationic liposome-mediated RNA transfection », R W Malone, P L Felgner and I M. Verma, , Proceedings of the National Academy of Science of the USA, août 1989 ; n° 86 (16) : p. 6077-6081. DOI : 10.1073/ pnas.86.16.6077. RP : 5 = « HLA-A2.1-restricted education and cytolytic activity of CD8(+) T lymphocytes from beta2 microglobulin (beta2m) HLA-A2.1 monochain transgenic H-2Db beta2m double knockout mice », S. Pascolo, N. Bervas, J. M. Ure, A. G. Smith, F. Lemonnier, B. Pérarnau, The Journal of

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Liste des références aux articles scientifiques et médicaux (RP)

Experimental Medicine, 16 juin 1997 ; n° 185(12) ; p. 2043-51. DOI : 10.1084/jem.185.12.2043. RP : 6 = « Modification of antigen-encoding RNA increases stability, translational efficacy, and T-cell stimulatory capacity of dendritic cells », Silke Holtkamp, Sebastian Kreiter, Abderraouf Selmi, Petra Simon, Michael Koslowski, Christoph Huber, Özlem Türeci, Ugur Sahin, Blood, 29 août 2006. DOI : 10.1182/blood-2006-04-015024. RP : 7 = « Messenger mRNA-based vaccines », Steve Pascolo, Expert Opinion Biological Therapies, 4 août 2004, pages 1285-1294. DOI : 10.1517/14 712 598,4.8.1285. RP : 8 =  « Generating the optimal mRNA for therapy : HPLC purification eliminates immune activation and improves translation of nucleoside-modified, protein encoding mRNA », Katalin Kariko, Hiromi Muramatsu, Janos Ludwig, Drew Weissman, Nucleic Acids Research, novembre 2011. DOI : 10.1093/nar/gkr695. RP : 9 = « Intranodal vaccination with naked antigen-encoding RNA elicits potent prophylactic and therapeutic antitumoral immunity », Sebastian Kreiter, Abderraouf Selmi, Mustafa Diken, Michael Koslowski, Cedrik M Britten, Christoph Huber, Özlem Türeci, Ugur Sahin, Cancer Research, 15 novembre 2010 ; n° 70 (22) ; p. 9031-40. DOI : 10.1158/0008-5472. CAN-10-0699. RP : 10 = « MRNA-based therapeutics – developing a new class of drugs », Ugur Sahin, Katalin Kariko et Özlem Türeci, Nature Reviews, octobre 2014, volume XIII, p. 759-780. DOI : 10.1038/nrd4278. RP  : 11 = « Expression kinetics of nucleoside-modified mRNA delivered in lipid nanoparticles to mice by various routes », Norbert Pardi, Steven Tuyishime, Hiromi Muramatsu, Katalin Kariko, Barbara L. Mui, Ying K. Tam, Thomas D. Madden, Michael J. Hope, Drew Weissman, Journal of Controlled Release, vol. 217, 10 November 2015, Pages 345-351. DOI : https://doi.org/10.1016/j.jconrel.2015.08.007 RP : 12 = « mRNA-based cancer vaccine : prevention of B16 melanoma progression and metastasis by systemic injection of MART1 mRNA histidylated lipopolyplexes », M. Mockey, E. Bourseau, V. Chandrashekhar, A. Chaudhuri, S. Lafosse, E. Le Cam, V F J Quesniaux, B. Ryffel, C. Pichon, P. Midoux, Cancer gene therapy, septembre 2007, vol. 14(9), p. 802-14. DOI : 10.1038/sj.cgt.7701072.

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Liste des références aux articles scientifiques et médicaux (RP)

RP : 13 = « Dendritic Cell Targeting mRNA Lipopolyplexes Combine Strong Antitumor T-Cell Immunity with Improved Inflammatory Safety », Kevin Van der Jeught, Stefaan De Koker, Lukasz Bialkowski, Carlo Heirman, Patrick Tjok Joe, Federico Perche, Sarah Maenhout, Sanne Bevers, Katrijn Broos, Kim Deswarte, Virginie Malard, Hamida Hammad, Patrick Baril, Thierry Benvegnu, Paul-Alain Jaffrès, Sander A. A. Kooijmans, Raymond Schiffelers, Stefan Lienenklaus, Patrick Midoux, Chantal Pichon, Karine Breckpot, Kris Thielemans, ACS Nano, 2018. DOI : 10.1021/acsnano.8b00966. RP : 14 = « Neutral Lipopolyplexes for In Vivo Delivery of Conventional and Replicative RNA Vaccine », Federico Perche, Rudy Clemençon, Kai Schulze, Thomas Ebensen, Carlos A Guzman, Chantal Pichon, Molecular Therapy. Nucleic Acids, 6 septembre 2019, vol. 17, p. 767-775, DOI : 10.1016/j.omtn.2019.07.014. RP : 15 = « Visualization of early events in mRNA vaccine delivery in nonhuman primates via PET–CT and near-infrared imaging », Kevin E. Lindsay, Sushma M. Bhosle, Chiara Zurla, Jared Beyersdorf , Kenneth A. Rogers, Daryll Vanover, Peng Xiao, Mariluz Araínga, Lisa M. Shirreff, Bruno Pitard, Patrick Baumhof, Francois Villinger and Philip J. Santangelo, Nature Biomedical Engineering, mai 2019, p. 371-380. DOI : 10.1038/s41551-019-0378-3 RP : 16 = « HIV gag mRNA transfection of dendritic cells (DC) delivers encoded antigen to MHC class I and II molecules, causes DC maturation, and induces a potent human in vitro primary immune response », D. Weissman, H. Ni, D. Scales, A. Dude, J. Capodici, K. McGibney, A. Abdool, S. N. Isaacs, G. Cannon, K. Karikó, The Journal of Immunology, 15 octobre 2000, DOI : https://doi.org/10.4049/jimmunol.165.8.4710. RP : 17 = « Zika virus protection by a single low-dose nucleoside-modified mRNA vaccination », Norbert Pardi, Michael J. Hogan, Rebecca S. Pelc, Hiromi Muramatsu, Hanne Andersen, Christina R. DeMaso, Kimberly A. Dowd, Laura L. Sutherland, Richard M. Scearce, Robert Parks, Wendeline Wagner, Alex Granados, Jack Greenhouse, Michelle Walker, Elinor Willis, Jae-Sung Yu, Charles E. McGee, Gregory D. Sempowski, Barbara L. Mui, Ying K. Tam, Yan-Jang Huang, Dana Vanlandingham, Veronica M. Holmes, Harikrishnan Balachandran, Sujata Sahu, Michelle Lifton, Stephen Higgs, Scott E. Hensley, Thomas D. Madden, Michael J. Hope, Katalin Karikó, Sampa Santra, Barney S. Graham, Mark G.

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Liste des références aux articles scientifiques et médicaux (RP)

Lewis, Theodore C. Pierson, Barton F. Haynes, Drew Weissman, Nature, 9 mars 2017, vol. 543(7644), p. 248-251. DOI : 10.1038/nature21428. RP : 18 = « Spontaneous cellular uptake of exogenous messenger RNA in vivo is nucleic acid-specific, saturable and ion dependant », J. Probst, B. Weide, B. Scheel, B.J. Pichler, I. Hoerr, H-G Rammensee, S. Pascolo, Gene Therapy (2007) 14, p. 1175-1180. DOI : 10.1038/sj.gt.3302964. RP : 19 = « Nanomedicines to Deliver mRNA : State of the Art and Future Perspectives », Itziar Gómez-Aguado, Julen Rodríguez-Castejón, Mónica Vicente-Pascual, Alicia Rodríguez-Gascón, María Ángeles Solinís, Ana del Pozo-Rodríguez, Nanomaterials, 20 février 2020. DOI : 10.3390/ nano10020364. RP : 20 = « Vaccination with messenger RNA (mRNA) », Steve Pascolo, Handbook of Experimental Pharmacology. 2008, vol. 183, p. 221-35. DOI : 10.1007/978-3-540-72167-3_11. RP : 21 = « Enforced viral replication activates adaptive immunity and is essential for the control of a cytopathic virus », Nadine Honke, Namir Shaabani, Giuseppe Cadeddu, Ursula R. Sorg, Dong-Er Zhang, Mirko Trilling, Karin Klingel, Martina Sauter, Reinhard Kandolf, Nicole Gailus, Nico van Rooijen, Christoph Burkart, Stephan E. Baldus, Melanie Grusdat, Max Löhning, Hartmut Hengel, Klaus Pfeffer, Masato Tanaka, Dieter Häussinger, Mike Recher, Philipp A Lang, Karl S Lang, Nature Immunology, 20 novembre 2011, vol. 13(1), p. 51-7. DOI : 10.1038/ ni.2169. RP : 22 = « Revisiting Pleiotropic Effects of Type I Interferons: Rationale for Its Prophylactic and Therapeutic Use Against Sars-CoV-2 », Diana Garcia-del-Barco, Daniela Risco-Acevedo,  Jorge Berlanga-Acosta, Frank Daniel Martos-Benítez, and Gerardo Guillén-Nieto, Frontiers in Immunology, 26 mars 2021. DOI : 10.3389/fimmu.2021.655528. RP : 23 = « Nucleoside-modified mRNA vaccines induce potent T follicular helper and germinal center B cell responses », Norbert Pardi, Michael J Hogan, Martin S Naradikian, Kaela Parkhouse, Derek W Cain, Letitia Jones, M. Anthony Moody, Hans P Verkerke, Arpita Myles, Elinor Willis, Celia C. LaBranche, David C. Montefiori, Jenna L Lobby, Kevin O Saunders, Hua-Xin Liao, Bette T Korber, Laura L Sutherland, Richard M Scearce, Peter T Hraber, István Tombácz, Hiromi Muramatsu, Houping Ni, Daniel A Balikov, Charles Li, Barbara L Mui, Ying K Tam, Florian Krammer, Katalin Karikó, Patricia Polacino, Laurence C

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Liste des références aux articles scientifiques et médicaux (RP)

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Gnad-Vogt, Karl-Josef Kallen, Ingmar Hoerr, Florian von der Muelbe, Mariola Fotin-Mleczek, Alexander Knuth, Sven D Koch, Cancer immunology, immunotherapy, mai 2019, vol. 68(5), p. 799-812. DOI : 10.1007/s00262-019-02315-x. RP : 30 = « Plasmid DNA- and messenger RNA-based anti-cancer vaccination », Benjamin Weide, Claus Garbe, Hans-Georg Rammensee, Steve Pascolo, Immunlogy Letters, 15 janvier 2008, vol. 115(1), p. 33-42. DOI : 10.1016/j.imlet.2007.09.012. RP : 31 = « Systemic RNA delivery to dendritic cells exploits antiviral defence for cancer immunotherapy », Lena M. Kranz, Mustafa Diken, Heinrich Haas, Sebastian Kreiter, Carmen Loquai, Kerstin C. Reuter, Martin Meng, Daniel Fritz, Fulvia Vascotto, Hossam Hefesha, Christian Grunwitz, Mathias Vormehr, Yves Hüsemann, Abderraouf Selmi, Andreas N. Kuhn, Janina Buck, Evelyna Derhovanessian, Richard Rae, Sebastian Attig, Jan Diekmann, Robert A. Jabulowsky, Sandra Heesch, Jessica Hassel, Peter Langguth, Stephan Grabbe, Christoph Huber, Özlem Türeci, Ugur Sahin, Nature, 16 juin 2016, vol. 534(7607), p. 396-401. DOI : 10.1038/nature18300. RP : 32 = « Personalized RNA mutanome vaccines mobilize poly-specific therapeutic immunity against cancer », Ugur Sahin, Evelyna Derhovanessian, Matthias Miller, Björn-Philipp Kloke, Petra Simon, Martin Löwer, Valesca Bukur, Arbel D. Tadmor, Ulrich Luxemburger, Barbara Schrörs, Tana Omokoko, Mathias Vormehr, Christian Albrecht, Anna Paruzynski, Andreas N Kuhn, Janina Buck, Sandra Heesch, Katharina H. Schreeb, Felicitas Müller, Inga Ortseifer, Isabel Vogler, Eva Godehardt, Sebastian Attig, Richard Rae, Andrea Breitkreuz, Claudia Tolliver, Martin Suchan, Goran Martic, Alexander Hohberger, Patrick Sorn, Jan Diekmann, Janko Ciesla, Olga Waksmann, Alexandra-Kemmer Brück, Meike Witt, Martina Zillgen, Andree Rothermel, Barbara Kasemann, David Langer, Stefanie Bolte, Mustafa Diken, Sebastian Kreiter, Romina Nemecek, Christoffer Gebhardt, Stephan Grabbe, Christoph Höller, Jochen Utikal, Christoph Huber, Carmen Loquai, Özlem Türeci, Nature, 13 juillet 2017, vol. 547(7662), p. 222-226. DOI : 10.1038/nature23003. RP : 33 = « Reversal of diabetes insipidus in Brattleboro rats : intrahypothalamic injections of vasopressing mRNA », Jirikowski GF, PP Sanna,

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