• L’imaginaire médiéval ne cesse d’alimenter le nôtre, à travers les personnages fabuleux des contes et de la littératur
138 91 87MB
French Pages 144 [131] Year 2012
Table of contents :
Couverture
Du merveilleux au fantastique
Fantastique ou merveilleux?
Une vie tendue vers le Salut
Les différents merveilleux au Moyen Age
Les sources du merveilleux
L’influence des Grecs
Les Latins
Le merveilleux biblique
Les traditions nordiques
Les grands textes merveilleux du Moyen Âge
D’Isidore de Séville à Vincent de Beauvais
La grande vogue des voyags dans l’Au-delà
La Divine Comédie
Le cycle du Graal
L’Au-delà terrifiant
Géographie de l’Au-delà
Les Limbes
Le Purgatoire
L’Enfer
Le Paradis
Figures de l’Au-delà
Le diable
Anges… et démons
Fantômes et revenants
L’Apocalypse
L’an Mil
L’Ailleurs inconnu
Un ailleurs fantasmé
Le cosmos
L’oekoumène ou les représentations de la terre
Récits merveilleux de voyages et récits de voyages merveilleux
Les royaumes merveilleux
Les îles
Le Pays de Cocagne
Une nature si étrange
L’Autre monstrueux
Le monstre
Monstres des confins
Sirènes
Particularités physiques et difformités
Les géants
Nains, gnomes, lutins et elfes
Fées, sorcières et sorciers
Les fées
Les fées célèbres: Viviane, Morgane et Mélusine
Sorciers et sorcières
Merlin
Bestiaire fantastique
La licorne
Le griffon
Les dragons
Les loups-garous
Conclusion. Réaction contre le merveilleux
Réaction politique: procès pour sorcellerie
Réaction littéraire: les ouvrages parodiques
Bibliographie
Table des matières
ISBN: 978-2-7373-7077-9
911,~,,~,IIIJij~Wll
Samuel SADAUNE
Editions OUEST-FRANCE
Du mervei lleux au fa ntastique -
-,
Fantastique ou merveilleux LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE moderne apparaît au XIXe siècle : ce n'est pas un hasard. Dans son Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov définit ainsi le genre fantastique : « Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s'expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l'événement doit opter pour l'une des deux solutions
possibles : ou bien il s'agit d'une illusion des sens, d'un produit de l'imagination et les lois du monde restent alors ce qu'elles sont; ou bien l'événement a véritablement eu lieu, il est partie intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. [... ]Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu'on choisit l'une ou l'autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux. »
Les gueules de !'Enfer, symbole de toutes les angoisses que connaît le chrétien à la pensée de la mort, du Jugement dernier et de la damnation éternelle. En voyant ces deux monstres jumeaux, on songe à Gog et Magog, les deux cités rebelles à Dieu (voir _également page 66). Apocalypse figurée, Ecole du Nord (XIII' siècle) , ms. 122 fol. 95v, BM Cambrai. Photo Bridgeman Giraudon.
Une autre version de la bouche de !'Enfer : la physionomie de l'entrée fait davantage songer à la figure du Diable lui-même - ou à Léviathan, le gigantesque monstre sorti des eaux. S'il est à l'origine (dans la Bible) synonyme de tout cataclysme telle une effroyable tempête, ou encore l'une des deux Bêtes de !'Apocalypse, le Léviathan devient peu à peu également un des démons de !'Enfer, voire même !'Enfer lui-même (sa gueule devient alors l'entrée du royaume des ténèbres). On songe à la baleine de Jonas, parfois identifiée également à un Léviathan, autrement dit un monstre marin. Bible
en
?
images de Saneho
et
Fucrt,
roi
de Navarre,
Pampelune ( 1197), BM Amiens, ms. 0108. fol. 251v. Photo CNRS-IRHT.
Si cette définition reste encore aujourd'hui une référence, il faut y ajouter une condition : le lecteur doit pouvoir prendre conscience qu'il se passe quelque chose d'insolite. Autrement dit, il faut avoir affaire à un lecteur cultivé, ayant une idée générale des lois de l'univers, notamment des lois physiques, des sciences naturelles, de la géographie. Or, il faut attendre au moins les Lumières pour voir l'explication rationnelle commencer peu à peu à supplanter l'explication divine. Et ce n'est qu'au cours du XIXe siècle qu'apparaît une frontière précise entre le réel et l'irréel, le normal et le paranormal, le naturel et le surnaturel. Le fantastique représente cette frontière. Bien différente est la notion de fantastique au Moyen Âge. Le mot n'existe d'ailleurs pas à cette époque : l'homme médiéval vit dans un univers où apparaissent des « merveilles » : cela va du phénomène inexplicable au miracle . Il sait très bien que l'univers est la création de Dieu, lequel a mis fin au Chaos pour un monde organisé. Mais même si Dieu a mis en place l'ordre, les forces des ténèbres tentent (et y réussissent parfois) d'y installer du désordre ; et Dieu lui-même se
manifeste en bouleversant, de façon plus ou moins spectaculaire, plus ou moins longue, l'ordre qu'il a créé. Surtout, l'homme médiéval a conscience d'ignorer bien des choses de cette Création divine. Par conséquent, s'il peut se montrer émerveillé ou effrayé devant un spectacle inattendu ou inhabituel, il ne saurait réellement s'en étonner. Pour lui, l'événement surnaturel est parfaitement explicable (à défaut d'être toujours compréhensible). Il s'agit d'un fait, certes inhabituel, mais qui provient de la seule autorité supérieure à celle de la nature : l'autorité divine.
7~
(
Une vie
tendue vers le Salut
Toute vie humaine est censée être un préparatif au voyage vers l'Au-. Le nom aurait été attribué par erreur au Diable alors qu 'il désignait à l'origine un roi de Babylone qu i avait voulu s'élever plus haut que Dieu lui-même (référence notamment à la tour de Babel). Ouant à Satan, c'est à la fois le « messager • et l' « adversaire •, celui qui porte une accusation (à la su ite de laquelle il s'emparera des âmes pécheresses). Par la suite, ces deux noms distincts seront attribués indifféremment au Diable, ainsi même que celui de « Belzébuth •. qui était à l'origine le nom d'une divinité maléfique ... représentée sous la forme d'une mouche ! Cette représentation du Diable avec les 7 têtes apocalyptiques et doté de serres de rapace aux pieds et d'un corps écaillé est assez originale. Livre de la vigne de Notre-Seigneur, France (env. 1450-1170), Boldleian Library, Oxford, ms. Douce 134, fol. 98r. Collection Dagli Orti.
[Au-delà terrifiant -
49 ~
Le Diable /
Le fantastique au Moyen Âge
Au Moyen Âge, on passe peu à peu de cette silhouette satanique au personnage plus complexe du diable. À son sujet, en effet, bien des controverses ont lieu. Satan devient Lucifer, au départ un bon ange, finalement rendu mauvais par l'orgueil: d'où sa chute dans !'Enfer où il demeure désormais. Mais d'où aussi le rôle par lequel il se définit durant les premiers siècles du Moyen Âge : un démon tentateur, qui apparaît dans les rêves de saints ou de héros divers, s'efforçant de les pervertir en les poussant à leur tour vers les péchés et les mauvaises actions (dans le Nouveau Testament, Satan s'attaquait déjà ainsi à Jésus). C'est vers l'an Mil que la silhouette et le rôle du diable se réalisent pleinement. Il devient un adversaire à la mesure de Dieu, à la fois puissant, habile, sans repos, omniprésent et omniscient. Il peut prendre toutes les formes, notamment celle du Serpent qui tente et triomphe d'Adam et d'Ève. Il prend également la forme humaine ou, pire, parvient à s'insinuer dans le corps des hommes, à les posséder, à leur imposer sa
volonté comme s'ils étaient hypnotisés. Surtout, il finit par adopter des caractères humains comme l'avarice, être attiré par une jolie demoiselle. Au xv" siècle, il finit même parfois par devenir un personnage qu'on peut ridiculiser, car trop lié par ses actes à la société humaine (comme nous le verrons, le sorcier va devenir le principal ennemi durant cette période, volant la vedette au diable). Mais sa véritable apparence est nettement plus effrayante : un corps anthropomorphe, sombre, très velu, avec des cornes, des griffes, parfois même des ailes de chauve-souris. Pourtant, cet être effrayant est finalement l'un des meilleurs alliés de l'Église : c'est en effet de par son « existence » que le clergé peut se mettre en valeur, poussant les fidèles à l'observation des préceptes chrétiens, prouvant surtout la puissance divine qui, seule, parvient à empêcher le diable de s'emparer des âmes. Du reste, le duel n'est pas réellement égal : car le diable comme les démons sont des créations de Dieu, qui les a voulus et se sert d'eux dans ses desseins.
Les diables s'inquiètent de la situ~tion sur la terre. Vont-ils recueillir suffisamment d'âmes? A l'époque de Jean de Meung (XIII' siècle), les grands désastres de l'Occident n'ont pas encore eu lieu, la France connaît une période plutôt apaisée.
Apparition du diable. Saint Augustin (V' siècle) est le premier intellectuel à avoir décrit avec précision le grand duel entre le Bien et le Mal à travers les deux allégoriques cités, celle de Dieu et celle du diable Oa céleste et la terrestre).
Le Testament de Jean de Meung (manuscrit enluminê du XIV" siècle), BM Besançon, ms. 0579, fol. 026v. Photo CNRS-IRHT.
La Citê de Dieu de: saint Augustin (manuscrit du XIV" siècle:), BM Angers, ms. 0162, fol. 220v. Photo CNRS-IRHT.
[Au-delà terrifiant -
Le diable apparaît au Christ pour le tenter. C'est le début d'un duel éternel. Bible en images de Sancho el Fuert, roi de Navarre, Pampelune (1197). BM Amiens. ms. 0108,
fol. 171v. Photo CNRS-IRHT.
Les démons , représentés sous différentes formes plus ou moins animales, entraînent les damnés en Enfer. Les êtres diaboliques sont toujours cornus, griffus, voire ailés, dotés de corps visqueux, poilus ou pustuleux. Ils tiennent du bouc et du singe, de l'ours, du loup, du griffon ou du dragon. SpecuJum humanae salvationis,
BM Marseille, ms. 0089, fol. 041 v. Photo CNRS-IRHT.
53
~
Le fa ntastique au Moyen Âge
Anges ... et démons LEs ANGES sont des messagers de Dieu, chargés d'annoncer aux hommes sa volonté et de veiller à ce qu'elle soit exécutée. Ils sont donc les intermédiaires entre le céleste et le terrestre, tant du point de vue de leur mission que du point de vue corporel. Ils ressemblent physiquement aux hommes; mais ont également des pouvoirs qui les rapprochent de la divinité. En cela, on peut les comparer à ces demi-dieux de l'Antiquité, enfants d'une divinité et d'un être humain. C'est en tout cas la théorie du théologien Scot lors du grand débat qui a eu lieu au XIIIe siècle pour savoir de quelle nature exacte étaient les anges. Thomas d'Aquin (1224-1274) considère que les anges sont de purs esprits, n'ayant aucune substance corporelle, mais qu'ils ont toutefois la faculté de prendre provisoirement une apparence physique lorsqu'ils doivent prendre contact avec les hommes ; et, comme purs esprits, peuvent se déplacer instantanément dans n'importe quel lieu. Ils n'auraient donc nullement besoin d'ailes . .. En fait, les anges prennent contact avec les hommes aussi bien sous l'aspect humain (comme leur ennemi le diable) que sous celui d'une silhouette lumineuse.
M ultiples sont les peintures représentant l' inévitable combat du Bien contre le Mal, l'ange étant bien entendu le représentant du Bien. L"Apocalypse (détail), fresque du Maitre du Triomphe de la Mort (XIII' siècle), église dominicaine de Bolzano. Collection Dagli Ürti.
Mort du chrétien fidèle. Sur son lit de mort, le chrétien se retrouve entouré par les envoyés de Dieu et du diable. Les démons tiennent dans leurs mains tous les vices et les tentations, mais on voit en haut à dro ite un ange recueillir l'âme du défunt qu i sort de la bouche de ce dernier. Le chrétien ira au Paradis. BM Marseille, ms.0089. fol. 066. Photo CNRS-IRHT.
I.:Au-delà terrifiant -
La Chute des
anges, allusion à la rébellion de certains anges contre l'autorité divine : ils vont « chuter • à la fois de façon allégorique, devenant ainsi des démons, et physique, puisque, après avoir vécu dans le royaume des cieux, ils vont désormais se retrouver dans les sous-sols de !'Enfer. On voit en bas à gauche qu'en tombant, son visage est devenu celui d'un démon (alors que l'autre ange à sa droite, plus haut, garde un visage humain) . Dit de remord et de cheminant (XV' siècle). BM Carpentras. ms. 0410, fol. 009 bis. Photo CNRS-IRHT.
55 ~
- Le fantastique au Moyen Âge
Il existe une hiérarchie des anges . Les plus importants sont les séraphins, qui entourent le trône de Dieu et chantent ses louanges, les chérubins qui symbolisent la sagesse divine et les trônes qui représentent la justice. On trouve également, entre autres, les dominations et les puzssances qui s'occupent du bon fonctionnement des éléments naturels et des corps célestes (ce sont eux que l'on représente en train d'actionner des manivelles pour faire manœuvrer les astres) ; enfin, les plus célèbres, les archanges jouent le rôle de messagers de Dieu tandis que les anges sont chargés de protéger les hommes (chaque homme bénéficiant d'un ange gardien). Mais tous les anges ne sont pas restés fidèles à Dieu : certains se sont rebellés contre lui, qui vont devenir des démons. C'est le plus célèbre d'entre eux, Lucifer (ou Satan, et, finalement, le diable), qui
prend la tête des rebelles et va gouverner sa propre cité, opposée à celle de Dieu dans La Cité de Dieu de saint Augustin, grand philosophe et théologien du v< siècle. La bataille entre les deux armées n'a jamais cessé depuis la création des deux cités et est l'un des motifs les plus prisés par les artistes tout au long du Moyen Âge. À noter que, s'il est peu question de différences de sexes chez les anges, en revanche il y a des démons masculins (incubes) et des démons féminins (succubes), ce qui provient peut-être du fait que le démon s'est davantage rapproché des affaires terrestres que l'ange ; cela bien entendu pour de mauvaises raisons. Les démons jouent un rôle particulièrement important dans l'imaginaire médiéval car ils symbolisent « la chute », autrement dit les êtres qui se sont laissés tenter par l'esprit du Mal. Ils représentent comme un avertissement pour les hommes.
L' archange saint Michel combat le démon, sous toutes ses formes (la _plus célèbre étant celle du dragon) . Très tôt, les postures militaires sont devenues fréquentes dans les représentations des anges. A l'opposé des chérubins totalement pacifiques, l'archange (messager de Dieu quand il s'agit de Gabriel ou chef de la milice du Ciel pour ce qui est de Michel) doit participer à la guerre sans merci contre le Mal, et donc parfois provoquer la mort. P•ùotto de Sa1nt-M1chd (détail). de Coppo de Marwvaldo (v. 1260). Musé< d'art smt de S•n Casciano in Val di Pesa, Italie. Collection Dagli Orti.
[Au-delà terrifiant -
57 ~
Ce panneau, tiré d'un polyptyque, fait le lien entre l'actualité souvent cruelle et les représentations religieuses de l'Au-, dit le texte de !'Apocalypse. Abaddôn, l'ange de l'abîme infernal, conduit un peuple de sauterelles monstrueuses dont les queues semblables à celles des scorpions et munies d'aiguillon ont le pouvoir de fai re du mal aux hommes durant cinq mois. Commentaire sur l'Apocalypsc, Beatus de Saint-Sever (v. 1060-1070). BNF, ms. latin 8878, fol. 1i5v. Photo BnF.
Le second ange nne la trompette pour que les 1ontagnes soient brûlées et un tiers de la mer devint du sang (Apocalypse, 6. )uverture des six 1remiers sceaux). :alyps< ou Révélations : saint Jean de Douce,
:v. VIII, 8, Angleterre Hf siècle) , ms. Douce
30, fol. 2iv. Bodleian Library, Oxford. ::Ollectlon Dagli Ürti.
LE MOT ((APOCALYPSE )) signifie ((dévoilement )) en grec (ou« révélation »). Autrement dit, !'Apocalypse, qui correspond traditionnellement au dernier chapitre biblique, écrit par un messager de Dieu Q'évangéliste saint Jean étant l'auteur de la version la plus célèbre), est censée nous dévoiler, comme le dit son prologue, « les événements qui doivent bientôt arriver » - c'est-à-dire le millénium et le Jugement dernier. Voici ce qui nous attend: la terre subira d'abord les pires cataclysmes : un tremblement de terre, le soleil qui devient noir, la lune rouge de sang, les étoiles qui tombent sur la terre, cependant que les
hommes, terrorisés, chercheront à se cacher. Une grêle de flammes s'abattra sur la terre dont le tiers de la surface sera consumé. Puis, une montagne ardente atterrira dans la mer dont le tiers sera changé en sang. Des sauterelles par millions investiront la planète et s'en prendront aux hommes qu'elles tourmenteront sans cesse. Finalement, un dragon rouge à sept têtes et dix cornes apparaîtra à son tour, bientôt suivi d'une Bête également à sept têtes et dix cornes, une sorte de léopard avec des pieds comme ceux d'un ours et la gueule comme celle d'un lion. Tous les hommes se mettront à l'adorer. Le Mal semble triomphant.
~
62
1XfilllTV!Sl~VMITi\)1UifITV1510QyJHîA ;·. \ nnop ~o b.t~f~t~1r bu.l,1Ltuf
d1ti-i1d fommutn ut'tnct: ;
. ,•
Une illustration surprenante de Dieu sur son trône avec les quatre « vivants ». Selon !'Apocalypse, en effet, Dieu est représenté sur son trône avec à chaque côté un • vivant • : le premier ressemble à un lion, le deuxième à un jeune taureau, le troisième a la face comme celle d'un homme et le quatrième ressemble à un aigle. Chacun de ces quatre « vivants • annonce les forces du cosmos, mais aussi les quatre évangélistes. Ici, les quatre « vivants • sont représentés par d'autres animaux. Apocalypse de Beatus de Liebana ( l l 09), Santo Domingo de Silos, additionnai l l 695, fol. 2~0. British L1brary, Additional... Photo Br1dgeman Giraudon.
I.:Au-d elà terrifiant -
Mais finalement, les armées du Ciel interviendront, tueront la Bête. Ensuite, un ange, porteur de la clef de l'abûne et d'une grosse chaîne, se saisira du dragon, qui n'est nul autre que le diable, et l'enchaînera pour mille ans. Il le jettera dans l'abûne, soigneusement fermé à clé, afin que la paix règne sur terre durant mille ans, d'où le terme de millénium, période bienheureuse durant laquelle Satan sera enchaîné tandis que le Christ et les justes ressusciteront : la terre deviendra alors (ou redeviendra) un véritable paradis. Puis, une fois ces mille ans écoulés, Satan sortira de sa prison pour égarer les nations (le combat de Gog et Magog) et les conduire à la bataille contre la cité de Dieu. Mais un feu tombera du ciel et les dévorera. S'ensuivra le Jugement dernier durant lequel bien des morts seront jetés dans !'Enfer, identifié à un étang de feu. À la suite de quoi, apparaîtront un nouveau ciel et une nouvelle terre, cependant qu'il n'y aura plus de mer. Alors descendra du ciel une cité sainte, la nouvelle Jérusalem.
Châtiment des nations rebelles à Dieu (autrement dit, les légendaires cités de Gog et Magog). Commentaire sur l'Apocalypse, Beatus de Navarre (v. 1170-1200). BnF, Nouvelle acqulstion latine 1366, fol. 1~5 . Photo BnF.
La Bête de la mer. « Je vis alors monter de la mer une Bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes, dix diadèmes, et sur ses têtes, des titres blasphématoires • (Apocalypse de saint Jean). Ce monstre, pendant de la Bête terrestre, symbolise aussi bien l'Empire romain que l'Antéchrist. Commenfalr< sur l'Apocalypsc, Beatus de Navarre (v. 1170-1200). BNF, Nouvelle acquisition latine 1366, fol. 102. Photo BNF.
On sait le succès qu'a connu ce texte. Très vite s'est posée pour l'Église la question cruciale : quand ces événements auront-ils lieu? S'ensuivent durant tout le Moyen Âge d'importants débats pour savoir s'ils appartiennent au passé ou à l'avenir. Saint Augustin déclare que les événements décrits dans !'Apocalypse ont déjà eu lieu, la Genèse et la bonne marche de l'Église représentant l'entrée du Paradis sur cette terre, le présent étant désormais relié au Jugement dernier, définitivement établi dans l'Audelà. Plusieurs siècles plus tard, Joachim de Flore (1135-1202) rédige un Commentaire de l'Apoca!Jpse qui est comme une synthèse de l'histoire de l'Église. Selon lui, le règne millénaire du Christ est donc encore à venir, mais aussi l'attaque finale de Gog et Magog, puis la seconde venue du Christ pour le Jugement dernier. Or, au fur et à mesure des interprétations, l'image d'une humanité totalement pervertie aux suppôts de Satan et condamnée dans son ensemble lors du Jugement dernier l'emporte sur celle des mille ans de paix sur terre. Le millénium prend une image catastrophique: on n'en retient plus que la terrible millième année, sans plus songer aux neuf cent quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne semblent concerner qu'un nombre limité d'élus.
63 ~
• Draijon à sepr tête~, . reut s en prendre à 1~ :mme vêtue du soleil 'Église) qui s'apprête · enfanter (du Messie). · but de la Bête est de s'emparer de l'enfant Dn voit en haut saint ., • Michel et les .anges prêis à s'attaquer ·· à la Bête:
1mme~Jrc de l'Apocalyp;e, eatus:·d:c Licbana (manuscrit
du quotidien) avec le monstre hybride, créature appartenant plus ou moins à la zoologie, mais en tout cas censée vivre au loin dans les antipodes du monde ; et enfin, il y a les représentations monstrueuses du diable, particulièrement le dragon. Entête enluminée d'un livre de prières hébraïques, Allemagne, env. 1320-25. Bodleian Library. Oxfortl, Mich 619 fol. IOOv. Collection Dagli Ûrti.
~ 1Of -
Le fantastique au Moyen Âge
À droite, Mélusine et ses fils. Ceux-