Le Dieu d'Israël et les hommes: De tumultueuses, âpres et poignantes relations (French Edition) 9782343230214, 2343230218

Rarement paisibles mais bien plutôt turbulentes, confuses et enflammées, les relations entre le Dieu d'Israël et le

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Le Dieu d'Israël et les hommes: De tumultueuses, âpres et poignantes relations (French Edition)
 9782343230214, 2343230218

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Ainsi, après avoir créé le monde, puis l’homme et la femme, le Dieu semble, en principe, satisfait du résultat qu’il qualifie de « bon », de « bien ». Mais les déceptions s’accumulent, qui ne cessent pas. Désenchanté et lassé par les hommes, pris d’impatience face à ces malfaçons dans leur fabrication, le Dieu les efface à plusieurs reprises comme l’on fait d’un brouillon. Pour autant, constatant avec désespoir ce qu’est la nature humaine et la difficulté à l’améliorer, il finit par l’accepter et renonce à les faire disparaître. L’histoire est inaugurée… diffusée par les textes de l’Ancien Israël, les inscriptions et les vestiges archéologiques nombreux qui témoignent également au long des temps. Les relations ne seront toutefois jamais suspendues entre le Dieu et ses imparfaites créatures. Elles ne cesseront d’évoluer, qui seront radicalement transformées avec l’Exil à Babylone…

Hélène Nutkowicz, est chercheur associée, LESA, UMR 8167 Orient et Méditerranée, spécialiste de la Bible et d’Éléphantine.

Couverture : Le trône du Dieu, de Kyoko Sakazaki ISBN : 978-2-343-23021-4

37,50 e

Série Antiquité

Hélène Nutkowicz

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

De tumultueuses, âpres et poignantes relations De tumultueuses, âpres et poignantes relations

Rarement paisibles mais bien plutôt turbulentes, confuses et enflammées, les relations qui se sont instaurées entre le Dieu d’Israël et les hommes, tout comme la recherche d’explications à cet état de fait, composent le thème de cet ouvrage.

Hélène Nutkowicz

De tumultueuses, âpres et poignantes relations

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

Collection KUBABA

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES De tumultueuses, âpres et poignantes relations

Collection Kubaba Série Antiquité Hélène NUTKOWICZ Égypte : Éléphantine au Ve siècle avant notre ère. Fragments d’histoire et de quotidien Mathilde SIMON et Étienne WOLFF (dir.) Operae pretium facimus, Mélanges en l’honneur de Charles Guittard Sébastien BARBARA (éd.) Meta Trôessin. Hommages à Paul Wathelet, helléniste Françoise CLIER-COLOMBANI, Martine GENEVOIS Patrimoine légendaire et culture populaire : le gai savoir de claude gaignebet Sydney H. AUFRERE Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit Régis BOYER Essai sur le héros germanique Dominique BRIQUEL Le Forum brûle Jacques FREU Histoire politique d’Ugarit Histoire du Mitanni Suppiliuliuma et la veuve du pharaon Anne-Marie LOYRETTE et Richard-Alain JEAN La Mère, l’enfant et le lait Éric PIRART L’Aphrodite iranienne L’éloge mazdéen de l’ivresse Guerriers d’Iran Georges Dumézil face aux héros iraniens

Hélène Nutkowicz

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES De tumultueuses, âpres et poignantes relations

Président de l’association : Michel MAZOYER Comité de rédaction Trésorier : Chirstian BANAKAS Secrétaire : Charles GUITTARD Comité scientifique : Sydney AUFRERE, Sébastien BARBARA, Marielle de BECHILLON, Nathalie BOSSON, Dominique BRIQUEL, Sylvain BROCQUET, Gérard CAPDEVILLE, Jacques FREU, Charles GUITTARD, Jean-Pierre LEVET, Michel MAZOYER, Paul MIRAULT, Dennis PARDEE, Eric PIRART, JeanMichel RENAUD, Nicolas RICHER, Bernard SERGENT, Claude STERCKX, Patrick VOISIN Logo Kubaba : La déesse KUBABA, Vladimir TCHERNYCHEV

Ingénieur informatique Laurent DELBEKE ([email protected])

Association KUBABA KUBABA, Université de Paris 1 Panthéon – Sorbonne 12, place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05 [email protected]

© L’Harmattan, 2021 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-23021-4 EAN : 9782343230214

À Laura et Raphaël

« Et penser Dieu, pour cette pensée, signifie d’emblée que Dieu se situe au sein du processus d’être dont la pensée ne se sépare pas. Que, par son appartenance au processus d’être, il y est situé comme un étant et pensé comme être par excellence, comme « étant suprême » comme ce qui est par excellence. » E. Levinas, « Dieu et l’onto-théo-logie », Dieu, la Mort et le Temps, Paris, 1993. « Le Dieu n’est point anéanti parce que le temple est désert. » F.R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Livre Seizième, chapitre 11, Paris, 2013

INTRODUCTION Troublées, chaotiques et bouillonnantes, les relations entre le Dieu et les hommes, composent le thème de cet ouvrage. Textes, inscriptions et traces matérielles en dissimulent ou en dévoilent des aspects particulièrement diversifiés. Les traces préférées et privilégiées dans cette approche se réfèrent essentiellement aux imparfaites créatures et créations du Dieu, ainsi qu’aux conséquences des choix divins, qui les inscrivent dans des relations turbulentes. La cause de ces imperfections restera le plus souvent énigmatique, car aucune explication ne sera probablement jamais transmise, malgré le foisonnement des interprétations et hypothèses. Aussi cette présentation se propose-t-elle de partir à la recherche des traces « divines » en relation avec l’humain, que diffusent les textes de l’Ancien Israël, les inscriptions et les vestiges archéologiques nombreux en témoignant au long des temps et des narrations. Toujours préoccupée des hommes, l’activité du Dieu, manifeste et/ou manifestée, se révèle au travers de multiples modalités surgissant en des circonstances parfois inattendues. Il peut s’agir de paroles créatrices, de théophanies, d’appels ou de discours adressés à des héros choisis avec soin et chargés d’une mission ardue, par le biais d’une forme et d’un vocabulaire codifiés, d’ordres et de dialogues, de traces et de signes concrets dévoilant certains mystères des liens tissés. Les personnages auxquels ils sont adressés peuvent être des prophètes, des juges, des patriarches ou encore des anonymes, en apparence. Cette présence du Dieu est tout autant illustrée par sa demeure (1 Rois 8, 13 ; 2 Chroniques 6, 2 ; 1 Rois 8, 39. 43. 49 ; 2 Chroniques 6, 30. 33. 39) que par les empreintes « matérielles » laissées en ces lieux. Parfois elle se fait connaître par des envoyés et des représentants divins, de même que des techniques d’accès particulières. Parallèlement, les humains s’adressent à la divinité selon divers procédés, tels les débats et controverses, les prières et les sacrifices, qui reconnaissent ainsi son action, son amour et ses vertus. Au travers de nombreux témoignages, des personnages en apparence discrets et des héros se retrouvent investis de missions dont la cause et le secret sont connus par Dieu seul. Celui-ci poursuit un dessein complexe ne se dévoilant que par bribes, estimant qu’il n’est pas nécessaire que les humains concernés sachent où il les conduit. Au fur et à mesure, il se révèle, et prend la forme souhaitée après être passé par des stades intermédiaires. L’évolution des représentations du Dieu sera exposée, tant en ce qui concerne les manifestations, les pratiques, les lieux de culte que la forme de la pensée et la spiritualité. L’être humain, fragile et complexe, éprouve parfois le sentiment d’absence, d’abandon et même de rejet divin. La sémantique et de nombreux textes l’assurent, y faisant référence, qu’ils soient ressentis lors de périodes

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politiques agitées, de guerres, de difficultés économiques, religieuses et sociales. Les prophètes combattent pour le peuple qui bien souvent refuse ses responsabilités : les Psaumes en reflètent l’incompréhension, les douleurs, les doutes, l’affliction et le désespoir. Les péchés de ces imparfaites créatures mènent vers les colères et les destructions divines en une interminable succession. L’ensemble des textes de l’Ancien Testament, récits mythiques, historiques, écrits prophétiques, textes de lois, Psaumes et livres de Sagesse1, de même que des inscriptions non bibliques et des traces archéologiques de la période du Fer I et II du royaume de Juda, ou parfois plus tardive, sont interrogés dans une démarche anthropologique assistée par la sémantique. Cette dernière, par sa pléiade de sens, met en lumière les représentations de la divine présence et certaines de leurs significations symboliques présumées. Leur « pouvoir-dire » va bien au-delà de leur « vouloir-dire », qui autorise à proposer des commentaires subjectifs pour témoigner des nombreux travers de l’humain, « créature divine », et des actions et réactions du Dieu face à ces maladresses, imperfections et erreurs, mises en abîme et en miroir. Le discours des mythes laisse paraître un ensemble de solutions dont les portées symboliques constituent des tentatives d’explication du monde réel. Les récits mettent en lumière subtilement, au-delà d’une « inquiétante étrangeté », la toute-puissance de la pensée, l’image du bien et du mal, le rejet de la subversion, et également des représentations sociales, morales et religieuses. Ils montrent une certaine expression de la transcendance et de la spiritualité de même que la nécessité de s’adapter, afin de faire face aux épreuves multiples tant individuelles que touchant à l’ensemble du peuple, pour la cohésion de cette antique société. Des tensions s’affirment toujours entre imagerie et réel, qui laissent place aux expressions de la prière telles qu’en témoignent les Psaumes et les formules des inscriptions. Ces témoignages expriment tout autant ce besoin universel d’explications dont l’homme est taraudé. L’interprétation herméneutique des récits historiques, sortes d’annales royales présentant des événements au travers de l’idéologie royale et des souverains au pouvoir, révèle le rôle divin s’exprimant tant au travers de paroles, promesses et/ou menaces mises dans la bouche des prophètes, que dans l’accompagnement en des occurrences particulières. La considération accordée aux lois et à l’organisation judiciaire, dont l’origine est attribuée au Dieu, transmet et organise un cadre social où la morale et l’éthique jouent un 1

Cette approche n’a pas souhaité considérer les problèmes insolubles de datation d’écriture des textes bibliques qui assécheraient cette problématique consacrée à la recherche de significations symboliques tant dans la pensée que dans les pratiques et les rites.

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rôle essentiel. Celles-ci imposent les limites des comportements dans l’espace social, familial et individuel. Souvent complexes, elles prévoient et organisent les conséquences de tout écart, de tout excès dont nombre de textes se font l’écho. La présentation suivante est adoptée : le premier chapitre est dévolu à l’étude des manifestations divines, dont les créations, et leurs évocations qui laissent transparaître de nombreuses déceptions divines. Le second se voue aux représentations divines et à leurs aspects anthromorphiques… Le Dieu juge et législateur, guerrier et vengeur ne manque pas d’être convoqué également. Les textes ne mentionnent pas un Dieu unique, aussi qu’en est-il ? Le troisième chapitre présente les aspects matériels et symboliques du culte, ses pratiques et ses rites dans leurs liens au Dieu. Notre attention sera appelée sur les différents serviteurs et autres intermédiaires divins, prêtres, nazirs et lévites, prophètes et prophétesses, voyants et hommes de Dieu, anges (envoyés/messagers divins), et êtres « supra-naturels ». De surcroît, quel humain de cette haute antiquité ne s’est-il pas préoccupé d’avoir accès à Dieu par ces moyens que sont l’amour, les prières, les lamentations et le jeûne, et certaines techniques « professionnelles » tels les toummîm et les ourîm ou tirages aux sorts ? Cette réflexion s’intéresse tout particulièrement aux tentatives, aux échecs renouvelés et aux tâtonnements divins, qui conduisent à revoir et corriger les créations divines les unes après les autres, en raison de leur comportement irresponsable, dont seuls quelques aspects seront illustrés et développés au travers de quelques récits choisis. Elle aborde également des dimensions, radicalement révolutionnaires en leur temps, comme l’institution du shabbat, et la réponse à certaines exigences du peuple telle la royauté. Dans le même temps, elle laisse percevoir une sorte de conscience populaire des comportements inadéquats. En parallèle, des regrets et des reproches envers le Dieu figurent dans les textes, qui témoignent et soumettent à la réflexion l’imperfection absolue de ce monde de tout temps. Anthropologie et intertextualité2 permettent une tentative de décryptage de certains des énigmatiques messages transmis. Les thèmes sont traités par le choix d’exemples subjectifs, et ne sauraient aucunement prétendre à être exhaustifs. Ils ont encore pour objet le souhait de démontrer à quel point les relations entre YHWH et les humains se révèlent complexes, malaisées, passionnelles, des relations qui ont vu le Dieu quasiment anéantir la créature humaine, puis lui donner d’autres chances en dépit des déceptions et des désillusions accumulées. Le calme en est le plus souvent absent, et les exigences qui auraient dû mener vers la sagesse ont 2

H. Van WOLDE, Words Become Worlds, Semitic Studies of Genesis 1-11, Leyde, New York, Brill, 1994, p. 180, note 22, p. 198.

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parfois provoqué l’inverse durement réprimé. Ces chroniques de brûlante passion tant divine qu’humaine semblent bien parallèles et réciproques. Aussi, leur présentation s’est-elle imposée d’évidence.

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CHAPITRE PREMIER DIVINES MANIFESTATIONS « Quand on voyage dans la Judée un grand ennui saisit le cœur ; mais lorsque, passant de solitude en solitude, l’espace s’étend sans bornes devant vous, peu à peu l’ennui se dissipe, on éprouve une terreur secrète qui, loin d’abaisser l’âme donne du courage et élève le génie. Des aspects extraordinaires décèlent de toutes parts une terre travaillée par des miracles ; le soleil brûlant, l’aigle impétueux, le figuier stérile, toute la poésie, tous les tableaux de l’ncriture sont là. Chaque nom renferme un mystère ; chaque grotte déclare l’avenir ; chaque sommet retentit des accents d’un prophète. Dieu même a parlé sur ces bords : les torrents desséchés, les rochers fendus, les tombeaux entr’ouverts, attestent le prodige ; le désert paraît encore muet de terreur, et l’on dirait qu’il n’a osé rompre le silence depuis qu’il a entendu la voix de l’nternel. » F.R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Livre dix-huitième, chapitre 2, Paris, La Pléiade, 2013. « Dieu, j’ai pitié de toi, oui, je te plains, tu as eu tort d’inventer le monde, de créer l’homme, ils ne t’apportent que des soucis. » Rabbi Nahman de Braslav.

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Intervenant selon divers procédés, qu’il s’agisse de sa parole et de ses diverses formes de discours, de son action et de ses différents aspects, d’expressions anthropomorphiques et/ou de son usage des éléments, le Dieu se charge de créer le monde et l’être humain. Ses déceptions seront nombreuses. À plusieurs reprises, il décidera de renouveler l’espèce humaine, puis, acceptant son insupportable imperfection, il ne manquera pas de l’accompagner tout au long de son histoire. Il choisit parfois des êtres auxquels il peut transmettre une partie de son pouvoir afin d’agir selon ses décisions et ses desseins. Le choix des narrations et des textes de lois évoqués se relie à l’aspect paradigmatique de leur contenu, qui ne saurait cependant en raison de sa richesse être exhaustif.

UN DIEU CREATEUR Multiples, les modes de création en Genèse 1 et 2 tissent et assemblent les fragments organisant le monde. L’ensemble des termes composant ces textes reflètent non une évidence figée mais des réalités relatives et fluctuantes. Seuls, certains d’entre eux font ici l’objet d’une tentative de déchiffrement. Ils mettent en scène tant la parole, la pensée, l’action, que la gestuelle manuelle créatrices, ils constituent des expressions du langage divin, dont les traits analogues, différents et complémentaires se font l’écho. La participation quasiment obligée de l’homme, implique l’utilisation de certains de ces instruments. Chaque forme de langage correspond à une forme de création et à l’un des aspects de la cosmogonie, qui parfois s’entremêle et/ou se cumule.

Paroles créatives et créatrices La première occurrence de la parole divine est dédiée à l’œuvre de création. Alors que le ciel et la terre ont d’ores et déjà été créés3, qui ne sont que : tōhû wbōhû, « solitude et chaos », et que le souffle divin plane sur la face des eaux, Dieu prend la parole en employant le verbe : umar, « dire » à dix reprises dans les deux premiers chapitres de la création. Ce verbe exprime « le faire » à partir du néant, il témoigne d’une libre création. En ces occurrences, où : « Dire c’est faire »4, ce mot banal s’applique à la concrétisation des prémisses du plan divin. La création tant de la substance que de la forme est la conséquence de la volonté et des choix divins. 3

Le passage de l’esprit à la matière est considéré par Na’hmanide comme le résultat de l’intervention d’une force dynamique intermédiaire, que les philosophes grecs nomment Hylé. Et cette force indéterminée et confuse désignée par le terme tohu permet de conférer la forme à l’être en puissance afin de devenir l’être en acte. 4 J.L. AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, nd. du Seuil, 1970.

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L’accomplissement à voix haute remplace le commencement muet5. Ainsi, le premier jour : wayy¿umer uel¿hîm yehî huôr, « Et Dieu dit : que la lumière soit » (Genèse 1, 3). Le second jour, prenant à nouveau la parole : wayy¿umer uel¿hîm yehî rqîta betôk hammyim, « Dieu dit : qu’il y ait une étendue au milieu des eaux » formant barrière entre les eaux (Genèse 1, 6), puis le troisième jour : wayy¿umer uel¿hîm yiqwû hammayim, « Dieu dit que les eaux s’alignent/se rassemblent » évoquant le rassemblement des eaux répandues sous le ciel en un même point afin de faire apparaître le sol (Genèse 1, 9). Par l’emploi de ce même verbe, toujours le troisième jour, et après avoir organisé le cosmos : wayy¿umer uel¿hîm tadeÎēu hureÑ deÎeu tēÐeb mazerîta zerat tēÑ perî t¿Ðeh perî lemînô uaÎer zaretô bô tal hureÑ, « Dieu dit : la terre produira des végétaux, des herbes développant une semence, et des arbres fruitiers donnant selon leur espèce un fruit qui porte sa semence sur la terre » (Genèse 1, 11), et la terre produit selon la demande : végétaux, légumes, arbres fruitiers. Le quatrième jour, Dieu annonce encore par le « dire » : yehî meu¿r¿t haÎ΍mayim, « des corps lumineux seront dans les cieux » (Genèse 1, 14). Ce « dire », au cinquième jour, produit également les êtres rampants vivants dans les eaux, et les oiseaux : wayy¿umer uel¿hîm yiÎereÑû hammayim ÎereÑ nepeÎ ­ayyh wetôp yeôpēp tal hureÑ tal penēy reqîta haÎ΍myim, « Dieu dit les eaux foisonneront d’une foison d’êtres vivants et le volatile volera sur la terre, sur les faces de l’étendue des cieux » (Genèse 1, 20). Un changement radical se produit alors dans et par la parole, puisque Dieu les bénit : « Disant : fructifiez et multipliez-vous » (Genèse 1, 22). Jusqu’à présent, la parole divine était citée à la troisième personne du singulier, annonçant et décrivant ce qui sera, mais au cinquième jour, Dieu peut dorénavant s’adresser à des êtres vivants qui l’entendent, usant alors de l’impératif à la seconde personne du pluriel. Cet impératif est cependant de bénédiction et non de domination6. Lors de la création, Dieu s’adresse à l’humain : zākār ûneqēbāh, « mâle et femelle », et lui annonce : « Je vous donne toute herbe portant de la semence sur les faces de toute la terre et tout arbre… comme nourriture » (Genèse 1, 29), qui en fait des végétariens7. Immédiatement après cette recommandation, il précise ce que sera la nourriture différenciée et destinée aux animaux : « toute verdure végétale » ! (Genèse 1, 30). La parole divine évolue de la première personne du singulier vers le vous, qu’est l’adam, l’homme ou l’espèce humaine. Dans cet espace, la parole manifeste la F. ROSENZWEIG, L’étoile de la rédemption, Paris, nd. du Seuil, 1982, p. 136. M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, Parole de l’homme et le lien avec Dieu, Paris, Grasset, 1993, pp. 72-73. 7 J. Blenkinsopp, Creation, un-Creation, Re-Creation, A Discursive Commentary on Genesis 1-11, Londres, New York, T et T Clark, 2011 , p. 21. 5 6

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fonction créatrice et le lien d’ores et déjà créé par le monologue divin s’adressant à l’humain. De fait, ces textes expriment une sorte de visibilité de l’invisible par le « Geste du parlant, de la parole et du souffle »8. Témoignage et rappel de la création divine, le Psaume 89, 12-13 en évoque des pans complémentaires : « L’univers et tout ce qu’il renferme », qui précise : « Le nord et le midi, c’est toi qui les a créés, le Thabor et le Hermon acclament ton nom. » Et le Psaume 104 reprend ses principaux aspects. Révélant l’explication par la parole divine de ce « dire » créateur, le prophète Isaïe (55, 11) en dépeint le rôle : « Telle est ma parole : une fois sortie de ma bouche, elle ne me revient pas à vide sans avoir accompli mon vouloir et mené à bonne fin la mission que je lui ai confiée ». Dieu dit et les choses se font surgissant du néant. Ainsi, la fréquence de la parole divine, possède-t-elle un rôle pédagogique mettant en scène la création et l’incarnation dans le monde visible9. Dans ces textes, outre son aspect de parole créatrice, le « dire », verbe en mouvement, dépeint la pensée intérieure et le simple discours s’adressant directement à l’humain. Si Dieu par le fait de « dire » agit pour la création du monde, de l’homme et des animaux, le « dire » évoque aussi une pensée silencieuse, conscience divine qui ne provoque pas un accomplissement immédiat, dès avant la création du vivant, bête, reptile, et de l’homme qui n’est pas créé de la sorte. La parole manifeste la fonction créatrice, la volonté créatrice et secrète avant la création. Ce « dire » s’enrichit également de la parole adressée à l’humain afin de lui donner le moyen de vivre et survivre. Pour ce qui concerne l’humain dans l’espace de la création, celui-ci devenu homme au second chapitre de la Genèse verset 23, se parle en luimême, tout comme le fait Dieu, modèle suprême, après que celui-ci ait édifié la femme et remarque : wayyômer hudm zôut hapatam teÑem mētaэmay ûbÐr mibeЍrî, « Et l’homme dit : cette fois-ci, celle-ci est un os de mes os, et une chair de ma chair » (Genèse 2, 23). Ainsi, l’homme se reconnaît en tant qu’homme, semblable et autre, lorsqu’il identifie : « la femme » et qu’elle est présente à ses côtés.

Autres techniques de création Expression du langage gestuel, le premier verbe employé en Genèse 1, et deuxième mot du texte biblique : bru, signifiant « créer »10, est 8

M. JOUSSE, L’anthropologie du geste, Paris, Gallimard, 2008, p. 99. M. JOUSSE, Ibid., pp. 494-495. 10 A. KAPELRUD, dans « The Mythological Features in Genesis Chapter 1 and the Author’s Intentions », VT 24, 1974, pp. 178-186, spéc. p. 182, observe : « le verbe 9

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associé à l’activité créatrice divine11. Il est destiné à la création de l’univers et de la matière, ce que le texte restitue : berēuÎît bru uel¿hîm uēt haÎ΍mayim weuēt hureÑ, « Premièrement/Au commencement Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1, 1). Ce terme du premier verset prend sens sans référer à rien12, puisque : « rien » n’est auparavant. De fait : « Ce qu’il faut au commencement, c’est un néant qui doit devenir quelque chose »13. Ce verbe s’applique ensuite à la création des animaux vivants dans les eaux et les airs. Plus précisément : wayyiberu uel¿hîm uet hatannînim haged¿lîm weēt kol nepeÎ ha­ayyh hr¿meÐet… weuēt kol taôp knp lemînēhû, « Dieu crée les grands cétacés et tous les êtres vivants rampants… puis tout ce qui vole au moyen d’ailes selon son espèce » (Genèse 1, 21). Genèse 2, 4 reprend ce même verbe afin de retracer les origines des cieux et de la terre. Ensuite, vient le tour de l’humain : wayyiberu uel¿hîm uet hudm beÑalemô beÑelem uel¿hîm bru u¿t¿ zkr ûneqēbh bru u¿tm, « Et Dieu crée l’adam/le terreux/le glébeux14 en son image/en son ombre, en l’image de Dieu il le crée mâle et femelle, il les crée » en Genèse 1, 27, où le verbe : bru, est répété par trois fois. Au chapitre premier de la Genèse, il n’est pas écrit que Dieu a créé l’homme et la femme, mais l’humain/le terrien, « mâle et femelle »15. En effet, les termes : uiÎ΍h, « femme », et : uîÎ, « homme », ne figurent pas dans le texte, n’apparaissant qu’au chapitre 2 verset 23. Il s’agit d’une création, faite à la fois de différence puisque l’adam est mâle et femelle, et de similitude, puisque faite du même matériau qu’est la terre ou : uadmh, d’un être autonome en devenir. Après avoir créé l’adam, ou le « golem », comme le formule l’emploi de l’article au singulier, la première différentiation s’exprime à la fin du verset avec l’article au pluriel et deux termes qui s’avèrent évoquer la capacité de reproduction de l’espèce et sa durée. L’image neutre : tsh, est échangé pour br’ : « créer ». « Ce que Dieu fit n’était pas un travail courant et nécessitait un verbe spécial ». 11 P. BEAUCHAMP, dans « Au commencement Dieu parle ou les sept jours de la création », Testament biblique, Paris, Bayard, 2001, pp. 15-32, spéc. p. 19, constate combien les intentions des auteurs sont prégnantes, remarquant : « Nous sommes devant un texte calculé, concerté… et non pas dans un récit populaire dispersé ». 12 P. BOURDIEU, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Points, 2001, p. 65. 13 E. LEVINAS, Dieu, la Mort et le Temps, Paris, Grasset, 1993, p. 85. 14 L’adam est un terme générique nommant l’homme, l’espèce humaine en général, et Adam nomme l’homme en particulier, l’individu spécifique avec un nom propre et une identité. Le plus souvent, l’article précédant ce terme reste l’indice du nom commun, H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort au royaume de Juda, rites pratiques et représentations, Paris, Le Cerf, 2006, pp. 300 sqq. 15 M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, p. 78.

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transmise est aussi celle : « Pour un être d’être deux tout en étant un »16. De fait, le récit du premier chapitre apparaît inachevé. Par ailleurs, alors que Dieu avait prévu de créer l’homme : « En son image et à sa ressemblance » (Genèse 1, 26), concrètement, il ne le réalise qu’en son image. L’accomplissement du projet divin, ne comporte que la première partie du projet, et l’adam/humain n’est pas créé : « à sa ressemblance » (Genèse 1, 27). La formule : « en son image/son ombre », qui emploie la préposition : be, signifiant : dans (Juges 10, 8 ; Isaïe 56, 5), parmi (2 Samuel 15, 31), près, auprès (1 Samuel 29, 1), avec (Exode 12, 11 ; Psaume 29, 4), semble définir une situation, une position particulière, celle d’un : adam/humain créé à l’intérieur de certaines limites de cette image, ne signifiant pas qu’il est : « à l’image de Dieu », mais bien seulement qu’il ne peut en posséder que certaines spécificités, lesquelles ne sont pas transmises par le texte17. En outre, cette formule recèle, sans exclure la première, cette autre signification : « En son ombre » (Psaume 73, 20). L’ombre divine s’exprime sans Dieu, et si l’adam est ainsi créé, il est en quelque sorte : en son reflet, E. LEVINAS, Du sacré au saint, cinq nouvelles lectures talmudiques, Paris, nd. de Minuit, 2003, pp. 127-128. 17 G.J. WENHAM, Genesis 1-15, Word Biblical Commentary, Waco, Word Books, 1987, pp. 29-32, rappelle les différentes interprétations proposées sur ce thème. La première se réfère aux qualités naturelles de l’homme, qui le font ressembler à Dieu. Dans la seconde, l’image se réfère aux facultés mentales et spirituelles que l’homme partage avec Dieu. Mais, on ne sait de quelles qualités il s’agit. Aussi, les commentateurs modernes ont-ils abandonné cette tentative cherchant à définir l’image en question, assurant que sa nature est trop connue afin de nécessiter une définition, ou bien ils cherchent des pistes plus spécifiques en Genèse afin de saisir comment l’image était comprise. La troisième hypothèse considère qu’il s’agit d’une ressemblance physique, en raison de la plus fréquente signification du mot : Ñelem, « image/figure/idole/ombre/ténèbres », qui serait celle de la représentation physique. Néanmoins, cette approche est plus que problématique en raison de l’invisibilité divine. La quatrième approche considère que l’image fait de l’homme le représentant de Dieu sur terre. La cinquième, se relierait à la capacité humaine à entrer en relation avec Dieu. L’image divine de l’homme signifierait ainsi que Dieu peut entrer en relation avec l’humain, lui parler, et contracter une alliance avec lui. Néanmoins, l’aspect trop vague de cette théorie la rend problématique. L’auteur observe que l’homme est : « en l’image de Dieu », ce qui suggère que l’homme est une copie de quelque chose que possède l’image divine, pas nécessairement une copie de Dieu luimême. Il conclut que ces continuités entre Dieu et l’homme n’épuisent pas la notion de l’image divine, suggérant des aires de similarités auxquelles les auteurs bibliques se réfèrent lorsqu’ils emploient ce terme. 16

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dans un jeu de miroir infini. De ces deux interprétations, il ressort que l’adam possède peut-être quelques poussières de divin. Devant cette affirmation, la réponse qui peut être proposée ne peut que prendre la forme de questions sans réponse, car comment exprimer l’invisible18 ? Et quelle part de cette invisibilité possède donc l’homme ? Dieu est toujours l’unique sujet de ce verbe par lequel il produit quelque chose d’exceptionnel, de merveilleux, de nouveau (Exode 34, 10 ; Isaïe 48, 7 ; Jérémie 31, 2 ; Psaume 51, 12). Sa signification évoque le fait de : « faire naître, produire, tirer du néant », et signe le don de la création. Sa présence dans la première phrase du texte reste cependant l’indication d’une sorte de titre ou d’une introduction générale. Et, ce geste omnipotent, qui produit la matière, puis des gestes seconds, évoquent un système d’énergie invisible toute-puissante19. L’apparition du verbe : tÐah, « faire, agir (2 Rois 12, 16), travailler (Ruth 2, 19), accomplir » (Jérémie 44, 25), comme langage et mode de création, s’opère, alors que Dieu s’attache à créer le firmament (Genèse 1, 7), puis les deux grands luminaires que sont le soleil et la lune (Genèse 1, 16). Ensuite, Dieu : wayyataÐ uelôhîm uet ­ayyat hureÑ lemînh weuet habehēmh lemînh weuēt kol remeÐ huadmh lemînēhû, « Fait le vivant de la terre pour son espèce, la bête pour son espèce et tout reptile de la glèbe pour son espèce » (Genèse 1, 25). Ce terme s’applique ainsi à des réalités majeures du monde créé. En effet, la quatrième occurrence de ce verbe dans le texte de la création se rattache à celle de l’homme, où Dieu se dit : « Nous ferons/Faisons l’adam/le terreux/le glébeux en notre image/notre ombre et selon notre ressemblance » (Genèse 1, 26), et où ce dernier « faire » reste confiné dans l’espace de la pensée divine et de la conception mentale, qui n’est pas encore actif. Il s’agit d’un : « faire » qui ne réalise pas concrètement, mais reste dans le projet divin. Le verbe n’évoque pas un accomplissement immédiat, mais une résolution. La formule introduit le : « nous », première personne du pluriel divin, qui fera l’être humain, « mâle et femelle » (Genèse 1, 27). Pour la première fois, l’objectivité disparaît, Dieu dit : Nous », pluriel de majesté absolue20 et aspect multiple de la divinité. Seul le verbe : bru, indiquera la matérialisation de la pensée divine à propos de sa créature humaine (Genèse 1, 27). Le verbe faire s’applique dans cet espace à des réalités primordiales du monde créé. Le texte constate en Genèse 1, 31 : wayyareu uelôhîm uet kol 18

M. JOUSSE, L’anthropologie du geste, pp. 99-100. M. JOUSSE, Ibid., p. 91. 20 F. ROSENZWEIG, L’étoile de la rédemption, p. 185. Selon H. GUNKEL, Genesis, Translated and Interpreted, Macon, Georgie, 1997, p. 112, Dieu se tourne vers d’autres êtres d’un grade inférieur, qui s’inclut dans le pluriel. 19

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uaÎer tÐh wehinn¥h Óôb meu¿d, « Dieu voit tout ce qu’il avait fait : c’est

éminemment bien/bon », et cette constatation divine lui concède une valeur prestigieuse puisqu’il évoque l’ensemble de son œuvre. La répétition en Genèse 2, 2a et b des formules : « l’œuvre faite par lui », puis « l’œuvre qu’il avait faite », en souligne encore la portée. Enfin l’affirmation : « Dieu n’avait pas fait pleuvoir » (Genèse 2, 5), semble marquer la fin d’une composition, puisqu’il évoque l’ensemble de l’œuvre divine. Mais, le retour de la forme cohortative, expression de sa volonté, employée cette fois au singulier, souligne la portée d’une nouvelle réflexion divine et la mise en lumière de cette affirmation intérieure : lôu Óôb heyôt hudm lebadô ueteÐeh lô tēzer kenegedô, « Ce n’est pas bien/bon pour l’humain d’être seul. Je veux lui faire une aide/un soutien/une compagne contre lui/à son côté », qui évoque la décision du projet de création de cette autre, dont l’une des fonctions est d’être à la fois avec et contre (Genèse 2, 18). Elle clôt l’ensemble des manifestations créatives. Le firmament proclame et rappelle aussi : maʽaÐēh, « l’œuvre de ses mains » (Psaume de David 19, 2), usant de cette même racine. Un autre poème évoque également « Tes cieux, œuvre de ta main » (Psaume 8, 4), et « tous ces ouvrages » (que Dieu a créés) sont cités dans une autre prière du roi David (Psaume 103, 22). En Genèse 2, 4b-5, un style clair et concis signale ce qui est : les cieux et la terre, puis ce qui n’est pas : les plantes et les herbes des champs. L’explication en est simple. Dieu n’a pas fait pleuvoir parce qu’il n’y a pas d’homme sur terre pour la cultiver. La solution ne se fait pas attendre, une vapeur monte de la terre arrosant toute sa surface. Dans cette approche, l’image de la paysannerie se livrant à l’agriculture émerge, sorte de paysage au centre de la création, qui constituera sa matière première, son lieu de travail et son habitat21. Dieu, potier primordial, façonne alors l’homme poussière de terre et le reste du monde va s’organiser autour de lui. Le décor est planté. Rien de ce qui se relie à l’avant n’est remémoré ou même évoqué. Le récit est bref et constructif. Une phrase rapide raconte la création de l’homme et l’emploi du verbe : yÑar, « modeler, former, créer », indique qu’il est façonné comme l’argile sur le tour du potier. Ce verbe assurément concret est employé au réel, évoquant potiers et poteries (2 Samuel 17, 28 ; Jérémie 18, 2-6 ; 19, 1-11 ; Isaïe 29, 16), et au figuré afin de rappeler l’œuvre de Dieu façonnant l’homme (Genèse 2, 7-8), et les animaux (Genèse 2, 19). Cet homme fabriqué au moyen d’un moule et modelé de glaise devient un modèle, faisant partie d’un ensemble composé par le Dieu démiurge. C’est avec cette poussière de terre, cette terre terreuse et cultivable, que l’adam, ou l’humain, est créé, à l’état de 21

M. JOUSSE, L’anthropologie du geste, pp. 548 sqq.

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chose, en son image. Cette technique du modelage ou ce langage du geste vient compléter dans le détail l’affirmation faite en Genèse 1, 27 : wayyîÑer yhwh uel¿hîm uet hudm, « Dieu façonne l’homme/le terreux/le glébeux », et en explique le comment. Ce verset de Genèse 2, 7, constitue le complément de description de cette création d’importance : Dieu, comme le potier, façonne l’humain/adam, poussière du sol. Cette même technique gestuelle du modelage s’applique à tous les animaux des champs et ceux du ciel (Genèse 2, 19). Enfin, Dieu : pû­a, « insuffle » dans ses narines un niÎemat ­ayyîm, « souffle de vie/respiration/âme/esprit/être animé ». Puis, wayehî hudm lenepeÎ ­ayyh, « et c’est l’humain, un être vivant » (Genèse 2, 7). Ce dernier geste désignant le fait de : « souffler/insuffler » signifie également : « dire » (Proverbe 19, 5 ; 12, 17). Par la polysémie de ce verbe la parole rejoint l’acte de transmission de la vie qui n’existerait pas sans cette insufflation et ce souffle. Dans le même temps, le souffle de vie est mis en équivalence avec l’esprit et l’âme, confirmant que Dieu transmet par ce seul acte fondateur, tous les éléments de vie avec ce terme et transforme le « golem » originel en un être vivant. Souffle et poussière composent l’humain, venu ainsi du rien à l’existant. De fait, la création de l’homme se déroule en quatre étapes : celle de la réflexion intérieure, de l’introduction générale par l’emploi du verbe : « faire », le détail technique du modelage et enfin le don du souffle de vie sans lequel aucune vie n’existe (Genèse 2, 7). Tandis que l’homme de Genèse 1 est créé en l’image et/ou peut-être en l’ombre de Dieu, il est encore incomplet, alors que celui de Genèse 2 est vivant et différencié, homme et femme, qui bénéficie enfin du souffle de vie, de la parole et de la possibilité du monologue et du dialogue. La différence s’impose, à chacun sa spécificité. L’homme modelé est enfermé à la fois dans sa forme donnée par Dieu et sa condition d’homme. Parmi les termes restituant les gestes créateurs, le texte dévoile celui de : bdal, « séparer/faire une séparation », qui s’applique en Genèse 1, 4 et où Dieu : wayyabedēl uelôhîm bēyn huôr wûbēyn ha­¿Îek, « sépare la lumière des ténèbres » au premier jour, wîhî mabedîl bēyn mayim lmyim, « crée un espace/une séparation au milieu des eaux « (Genèse 1, 6). Ensuite, il « sépare entre les eaux qui sont au-dessus et les eaux qui sont au-dessous du firmament » le second jour (Genèse 1, 7), puis crée des corps lumineux : lehabedîl bēyn hayyôm ûbēyn halyelh wehyû leu¿t¿t ûlemôtadîm ûleymîm we΍nîm, « pour séparer le jour de la nuit, ils serviront de signes et pour les fêtes et pour les jours et pour les années » (Genèse 1, 14). Il répète ce quatrième jour à l’occasion de la création des luminaires : welahabedîl bēyn huôr ûbēyn ha­¿Îek, « pour séparer la lumière des ténèbres » (Genèse 1, 18). Encore une fois, ce verbe met en scène la trace de l’énergie créatrice divine.

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La séparation ou division organisatrice de la matière, multiplie, accroît de ce fait les espaces et le cadre naturel où vont s’épanouir plus tard la vie animale et humaine. Elle permet le passage d’une étendue indéfinie, du chaos vers un cosmos construit où se distinguent et se définissent les espaces. En apparence éclatement, cette séparation fait advenir le monde créé. Les notions d’espacetemps et espace géographique apparaissent22, puisque le jour correspond à la lumière, et la nuit aux ténèbres. La fonction des séparations entreprises consiste à attribuer aux nouvelles créations une place particulière23 et une vocation liée à l’organisation cosmogonique et sociale qui ne peut exister sans elle. Dieu, après avoir pensé et décidé de : « faire » une aide contre/à côté de l’homme : lqa­, prend une : Ñēlt, une « côte » ou plus probablement dans ce contexte : « un côté », (Job 18, 12, Jérémie 20, 10 ; Exode 25, 14 ; 26, 26 ; 27, 7)24 d’Adam (Genèse 2, 21), quelque chose d’existant déjà qu’il transforme et manipule. Dieu change sa manière d’agir, puisqu’il ne procède plus à partir de rien. Opérant à partir de la créature, de l’humain : wayyapēl yhwh uelôhîm taredēmh tal hudm wayî΍n, « Dieu fait tomber une torpeur sur l’humain qui s’endort » (Genèse 2, 21). Puis, l’emploi par le texte du verbe : sgar, « fermer, refermer, mettre à la place », précise encore une fois le langage du geste divin, puisque Dieu : « ferme/referme la chair (d’adam)/ met de la chair/forme un tissu de chair à la place » (Genèse 2, 21), en un rôle de chirurgien. Alors il : wayyiben yhwh uelôhîm uet haṣÑēlt uaÎer lqa­ min hudm leuiÎ΍h wayebiuāh uel hudm, « Construit/bâtit en femme le côté pris à l’adam/humain, et il la mène à l’adam/humain » (Genèse 2, 22). En parallèle avec sa décision d’accompagner l’homme afin de ne pas rester dans sa solitude, Dieu considère que la seule aide au côté de la femme ne peut provenir que de l’homme qui, s’il la rejette comme il refuse les animaux, se rejettera lui-même. Aussi, enferme-t-il l’homme dans son monde créé. De plus, à l’inverse des autres verbes de création, le verbe bnah, « construire », figure une fois et une seule en Genèse 1 et 2. Et son objet est unique puisqu’il s’agit de la femme. Le choix de ce langage particulier exprime la différence de cet être complexe, pensé, conçu et réalisé différemment. Tandis que l’homme et les animaux sont simplement crées, faits ou modelés avec la « poussière de terre » afin de donner forme à une substance molle, la femme est créée selon un plan complexe et déterminé. 22

P. BEAUCHAMP, dans « Au commencement Dieu parle ou les sept jours de la création », p. 117, considère que Dieu crée l’espace-temps en deux processus de séparation. Ciel et terre seraient des orientations et des limites. 23 H. GUNKEL, Genesis, Translated and Interpreted, p. 107. 24 M-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, Paris, Payot, 1991, p. 254.

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Dieu ne répète pas la création première, mais il bâtit en femme ce qu’il a pris du côté d’Adam25, et le mot femme apparaît pour la première fois. Ce terme, bnah, comporte et apporte l’idée d’un être élaboré et structuré comme l’est un bâtiment (1 Rois 18, 32 ; Exode 20, 25 ; Deutéronome 7, 6). La femme n’est pas créée, mais elle est tirée de l’humain, en est séparée, puis devenue sujet26. Une différence absolue de nature et de destination s’impose avec une réelle intensité, fruit de la rareté. Ainsi, se complètent deux natures en partie radicalement autres, et en partie semblables. Nul ne saurait effacer l’origine de celle qui édifiée à partir d’un côté d’Adam n’aurait pas existé sans lui. Simultanément, il ne peut exister sans elle « à son côté » dans une sorte d’interdépendance. En tant qu’autre, elle introduit enfin par son altérité radicale, son opposition, une richesse dans la vie de l’homme en lui apportant l’étrange et l’étranger, son féminin27. Au dire déterminant de la fonction créatrice, s’ajoute la parole qui nomme, qrua, dont le rôle est de distinguer, différencier, identifier, reconnaître, en quelque sorte amener à l’être. « Dire » et « nommer » se partagent, apanages divin et humain. Et, si en Genèse 1 ce rôle n’appartient qu’à Dieu, en Genèse 2, il est offert à l’homme en partage. Parole divine, parole humaine, la seconde parachève la première. Cependant la différence s’impose. Dieu nomme le jour et la nuit en Genèse 1, 5, les cieux en Genèse 1, 8, et la terre et la mer en Genèse 1, 10. Au second chapitre, l’homme se voit conférer la mission de « nommer » s’appliquant aux animaux. Ce signe de domination se limite néanmoins : wayyiqeru hudm Îēmôt lekol habeēmh ûletôp haÎ΍mayim ûlek¿l ­ayyat haЍdeh, « L’adam appela/nomma les noms de tout le bétail, des oiseaux des cieux et de tous les animaux des champs » (Genèse 2, 20). Puis, l’homme nomme la femme : lez¿ut yiqqrēu uiÎ΍h kî mēuîÎ luq­h z¿ut, « celle-ci sera nommée iÎ΍h, la « femme », parce qu’elle a été prise de : uîÎ, l’« homme » (Genèse 2, 23). Il reconnaît celle qui doit être à son côté, alors que les animaux ne pouvent aucunement jouer son rôle. Après l’avoir vainement recherchée, elle est enfin présente, à la fois tirée de son sommeil, de ses os et de sa chair, puis « construite ». L’homme se voit conférer l’initiative et la liberté d’une certaine créativité dans le cadre offert où il va vivre, et ses limites. Nommer expose l’expression d’une volonté et d’un pouvoir créateur, l’homme connaît, reconnaît et différencie ainsi le monde du vivant qui l’entoure.

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M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, pp. 82-83. M. BALMARY, Ibid., p. 84. 27 M-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, pp. 255-256. 26

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À ce moment, par exception, la parole de Dieu et celle de l’homme sont situées à un niveau identique28, elles possèdent un même pouvoir. Elles annoncent et proclament l’existence de l’objet créé, mettant au jour la consubstantialité entre le nom et la chose matérielle. Ce langage créateur incise une qualité de discernement quant à la diversité des composantes du réel. Espace de perception à propos de la différence entre ceux qui parlent et ceux qui ne parlent pas, nommer appartient en propre à l’espèce humaine et souligne son unicité. Nommer témoigne d’une fonction organisatrice, d’une capacité à définir et à différencier. La parole qui nomme, ordonne, met en place et à la place qui convient. Par ce don, Dieu dote l’homme d’une conscience de l’autre, d’une intelligence et d’une mémoire. Ce verbe transmet, en outre, la possibilité à celui qui est nommé d’être complet dans son identité. Parmi les particularités du langage créateur du Dieu, le don de la bénédiction, brak, « bénir », joue son rôle. Ainsi, Dieu, le cinquième jour, bénit le monde animal : wayebrek u¿tm uel¿hîm lēum¿r perû ûrebû ûmileuû uet hammayim bayyammîm wehtôp yireb bureÑ, « Et Dieu les bénit, disant fructifiez et multipliez- vous dans les mers, remplissez les eaux, oiseaux multipliez-vous sur la terre » (Genèse 1, 22). Les poissons ne semblent pas nécessiter une mention spéciale, ils semblent assurés de fructifier et se multiplier29. Et l’homme se voit donner, outre le pouvoir de fructifier et de se multiplier, celui de commander. Dieu, le sixième jour, s’adresse à l’homme, encore mâle et femelle afin de le bénir et lui transmettre un certain pouvoir : wayebrek u¿tm uel¿hîm wayyōumer lhem uel¿hîm perû ûrebû ûmileuû uet hureÑ wekibeÎuh ûredû bidegat hayym ûbetôp haÎ΍mayim ûbekol ­ayyh hr¿meÐet tal hureÑ, « Et Dieu les bénit et leur dit : fructifiez et multipliezvous, emplissez la terre et conquérez-la ! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tout ce qui est vivant qui rampe sur la terre » (Genèse 1, 28). Si la bénédiction des animaux demeure impersonnelle, elle se transforme dès qu’il s’agit de l’adam, proposant un modèle et une organisation de la société. Dieu parle à tout ce qui est vivant et le bénit, et la réception de cette bénédiction, parole puissante, introduit la puissance de l’adam sur l’animal, la conscience de l’autre et des rôles et fonctions attribués à chacun. Le récit de Genèse 1-2 s’achève sur le verbe : klh, signifiant : « être fait/achevé » (Exode 39, 32), « être prêt » (Proverbe 22, 8), « être résolu » (1 Samuel 20, 7), « être passé » (Genèse 41, 53), « terminer/finir » (Isaïe 24, 13), « périr » (Psaume 39, 11), « consumer » (Lamentations 2, 11) et « exterminer » (Jérémie 14, 12 ; 2 Chroniques 31, 1) ». Employé à la forme passive du poual en Genèse 2, 1, il est au piel et se renforce en Genèse 2, 2 : 28

F. ROSENZWEIG, L’étoile de la rédemption, p. 181. N. LEIBOWITZ, Studies in Berechit Genesis, Jérusalem, World Zionist Organization, 1981, pp. 3-4.

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wayekal uel¿hîm bayyôm haÎÎebîtî melauketô uaÎer tÐh, « Dieu achève/termine le septième jour l’œuvre faite par lui ». Cette conjugaison met en lumière l’intensité attribuée à ce terme. L’intention en est claire, Dieu avait terminé son œuvre et mis un terme à son activité créatrice, laissant place au repos du shabbat. Pour autant, ce même terme restitue la notion de destruction et /ou de mort, déjà présente dès la création et dans la création, et qui s’exprime avec force. Il porte en soi un ensemble où perfection, achèvement et destruction coexistent. De la sorte, l’œuvre divine peut être achevée parfaitement, mais n’est à ce qu’il semble, pas destinée à perdurer en l’état. Par l’emploi du verbe : klh, « achever, terminer » le message est manifeste et le dénouement de l’acte fondateur transparent, la mort, la fin, s’inscrit dans le monde créé achevé. Les verbes de création cumulent et comportent des significations évoquant également la mort, la violence et la fin, mises en lumière par leur polysémie et l’intertextualité. Ainsi, le champ sémantique de bra, « créér », mène de la création à la destruction, à la mort (nzéchiel 23, 47)30. Il met au jour une ligne de pensée directrice où l’apparition d’un monde autre surgit de la destruction, alors possibilité de la permanence de l’action créatrice et de la vie. La distance entre créer et abattre est abolie. Seule la forme change, positive dans un sens et négative dans l’autre, qui permet l’émergence d’un monde nouveau, moyen d’un éternel recommencement. Ce verbe laisse paraître le don de la vie et celui de la mort, met en évidence que ce qui est créé prend nécessairement fin et que la mort existe en germe dans le créé. Le verbeumar, « dire », manifestation de l’activité créatrice l’est également de sentiments, d’idées, d’émotions, il permet de développer à la forme intense du hithpaël une parole mensongère, arrogante, aux conséquences destructrices (Psaume 94, 4). Le verbetÐah, « faire », peut devenir métaphore de la violence et de la mort lorsqu’il signifie « agir, faire contre, réprimer et/ou détruire » (Sophonie 3, 19). Le verbe klh signifie encore « exterminer » (Jérémie 14, 12 ; 2 Rois 13, 12), « détruire » (Isaïe 10, 23), « annihiler » (Jérémie 4, 27), « périr » (Jérémie 16, 4 ; Psaume 39, 11) et « supprimer, éliminer, consumer » (Lamentations 2, 11). Ces significations restituent une unité où violence destruction et mort déjà présentes dès la création et dans la création s’expriment avec vigueur. Le verbe yÑar, en Psaume 139, 16, s’applique à la durée de la vie, soulignant que la mort est inhérente à la vie, il introduit les notions de temps et de limites. Ainsi, à l’exception des verbes brak, « bénir », qrua, « nommer » et bnah, « construire », ces autres termes comportent un contenu lié à la mort et à la fin. 30

Dans ce texte, le verbe témoigne d’une extrême violence, manifestation de la colère divine. Il désigne la mort par le glaive des habitants de Samarie et de Jérusalem taillés en pièce.

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La richesse de ce langage divin, expression d’une volonté, d’un choix et d’un pouvoir créateurs menant à la création du monde, exprime le dessein du Dieu. Ses conséquences concrètes, liées à l’action et/ou à la parole, au faire et/ou au dire, transmettent une forme de modèle à l’humain, qui apprend à y participer. Dans le même temps, parfaitement subtil, il constitue un ensemble où sont tissés création, accomplissement et destruction simultanément. Des différents modes de création émerge une organisation soulignant le rôle spécifique des éléments du monde créé. Et, les chapitres de Genèse 1 et 2 s’avèrent complémentaires, puisque le second se relie au premier, entre autres, par le langage. En effet, aucun dialogue n’est encore attesté dans le premier récit. Mais, dans le second, tout est en place afin qu’il puisse advenir. En outre, l’œuvre de la création humaine est inachevée au premier chapitre, qui n’en fait un uîÎ, « homme » et une uiÎ΍h, « femme » qu’au second31. Par ailleurs, quatre verbes partagent le privilège de la création de l’homme : créer, faire, former et souffler le souffle de vie dans les narines. Un seul : construire, est relatif à la femme, plus subtil et complexe. Les trois premiers s’appliquent également aux animaux, créant un lien avec l’homme, qui se différencie par la parole qui nomme. La parole divine s’applique à l’ensemble de la création directement ou par le truchement d’un autre verbe. Enfin, créer et faire intéressent le reste du monde, les cieux et la terre, sans lesquels il ne saurait être. L’aspect anthropomorphique des modes de création en Genèse 2, s’applique à ceux de Genèse 1 puisque Dieu y crée par la parole, faisant et construisant. Cette « divine causerie »32, permet ainsi de causer le monde. Et, chacun des gestes divins de création sert ensuite de modèle aux gestes humains dans leur relation au monde. Enfin, à l’exception des verbes : construire, nommer et bénir, les langages de création choisis au travers de significations complémentaires, sont les détenteurs d’un message bien singulier dont se fait l’écho le Psaume 119, 96 : « À toute chose achevée, j’ai vu une fin ». Dès sa création, le monde est voué aux changements, à la disparition ainsi que le suggère le verbe finir et d’autres verbes de la création. Cette vision est restée inhérente à la tradition juive qui affirme : « La création est l’achèvement d’un délimité »33. Seul, le verbe « construire », dédié à la femme, conserve la trace d’un espoir en celle qui est l’actrice du présent et le garant de l’avenir. Néanmoins, Ève, dont le prénom signifie exister, vivre, construire une famille (Deutéronome 15, 9 ; Jérémie 24, 6), donner une postérité (Deutéronome 25, 9), demeure, en son unicité, la détentrice d’un extrême pouvoir, puisque celle qui incarne et transmet la vie, transmet aussi la mort. 31

M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, p. 113. M. JOUSSE, L’anthropologie du geste, p. 99. 33 Berechit Rabba 10, note 1. 32

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Création du monde et divines réflexions Le verbe « dire » est également employé par Dieu, alors qu’il pense et réfléchit en lui-même (Genèse 1, 24. 26), où ce dire silencieux témoigne de sa pensée/parole intérieure, par exemple : tôÑēu hureÑ nepeÎ ­ayyh lemînhh behēmh wremeÐ we­ayetô uereÑ lemînhh, « La terre fera sortir l’être vivant pour son espèce, bête, reptile, le vivant de la terre pour son espèce » (Genèse 1, 24), formule évolutionniste s’il en est34. Toujours en sa réflexion intérieure, Dieu après avoir créé l’homme et l’avoir installé dans le jardin d’Eden, analyse la situation et conclut : l¿u Óôb heyôt hudm lebadô, « Il n’est pas bon/bien/il est impossible pour l’humain d’être seul » (Genèse 2, 18), aussi se décide-t-il à créer la femme. Par le simple fait de « se dire » Dieu prévoit d’agir afin de créer certains aspects de ce monde, et ce « dire » évoque une pensée silencieuse, une conscience divine qui projette un futur mais ne provoque pas un accomplissement immédiat et systématique. D’autres occurrences de ces pensées intérieures sont aussi attestées, dont ses réflexions alors que les hommes ont décidé d’ériger la tour de Babel, qui l’amènent à constater leur folie, puis à intervenir (Genèse 11, 5-9). La naissance de l’espèce humaine Ѐve, la vivante, lui donnera naissance, qui doit se répandre sur la terre. Cependant, pour ce faire, elle devra passer outre l’interdiction divine de consommer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. L’évocation d’un possible péché et/ou faute en Genèse 2 et 3, récit qui verra dans sa conclusion le renvoi de ses protagonistes Adam et Ѐve du jardin ou gan nden pour avoir consommé du fruit de l’arbre défendu, ne manque pas d’un immense intérêt que sous-tend le texte. Cet évènement se produit après la création de la femme, et pendant le séjour paradisiaque d’Adam et Ѐve dans ce jardin. Après avoir mis en situation ces personnages, se pose la question de savoir si réellement nos deux héros ont commis le pire ou pas et ce qu’il en est résulté. De fait, il apparaît que ce récit illustre un aspect plus complexe qu’un possible péché, dont les motifs cachés mettent en lumière une substance essentielle s’ouvrant sur une réalité nouvelle du monde créé. Le rôle de chacun des personnages s’expose distinctement. La création de l’homme surgit dans un espace-temps déterminé par les récits de Genèse 1 et 2 où la nature est déjà prête à l’accueillir. Animaux de toutes sortes, bétail, reptiles, bêtes sauvages, poissons et oiseaux l’occupent déjà (Genèse 1, 24-26). Dieu s’adressant à l’humain « mâle et femelle » dépose à ses pieds une corbeille emplie de dons 34

M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, p. 73.

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après l’avoir béni (Genèse 1, 28). Pour en bénéficier, il faudra pour nos héros vivre aventures et mésaventures. Dieu se préoccupe de la nourriture de ses créatures : « Or, je vous accorde tout herbage portant graine, sur toute la face de la terre et tout arbre portant des fruits qui deviendront arbre par le développement du germe. Ils serviront à votre nourriture » (Genèse 1, 29). Puis, le récit de Genèse 2 achève la peinture du jardin idéal et riant que Dieu destine à l’humain : « Dieu fit pousser du sol toutes espèces d’arbres, beaux à voir et propres à la nourriture ; et l’arbre de vie au milieu du jardin, avec l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Genèse 2, 9). Autres héros du récit mythique, ces deux arbres apparaissent en apparence mystérieusement, laissant le lecteur dans une certaine perplexité. La suite du récit dévoilera leur rôle. Dieu prend l’homme et l’établit dans le jardin d’nden : leʽābedāh ûleÎāmerāh « pour le travailler/cultiver et le garder/le surveiller/le protéger » (Genèse 2, 15). Celuici ne peut se contenter d’être un simple agriculteur, son rôle se complète par celui de gardien, ses responsabilités sont établies et néanmoins limitées. L’incursion du réel s’exprime d’ores et déjà avec l’obligation de « garder » le jardin. Quelle raison s’immisce-t-elle dans cette prescription ? Rien n’est précisé à ce sujet. De plus, le texte ne fait pas l’apologie d’une paresse, d’un repos absurde, mais celle d’une acuité et d’une énergie destinées à une activité essentielle, celle d’agriculteur, car si Dieu a donné des herbes, elles sont à cultiver. Le Dieu prépare un domaine où tout est prévu et parfait afin d’assurer une existence à l’humain, où tout lui est dédié et rien ne manque. Le jardin est décrit et considéré comme le lieu de la vie idéale, dans l’espace de beauté de la nature offert par la prodigalité divine. L’homme y est l’hôte privilégié et actif. La suite du récit concerne l’ordre divin qui accorde puis affirme à Adam/l’humain/le glébeux : mikōl ʽēṣ hagān ʼākōl tōʼkēl ûmēʽēṣ hadaʽat ṭôb wārāʽ lōʼ tōʼkal mimmennû kî beyôm ʼakālekā mimmennû môt tāmût, « De tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir, mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras point ; car du jour où tu en mangeras de mort tu mourras » (Genèse 2, 16-17). L’emploi du substantif daʽat, évoque certes la connaissance, mais également la sagesse, la prudence, l’intelligence (Isaïe 5, 13), la science (Proverbe 2, 10), et la réflexion (Proverbe 13, 16). La deuxième partie de cette affirmation annonce le danger ou un danger à la suite de la transgression de cet ordre. Le texte insiste sur la conséquence qu’est la mort, qui menace : « de mort tu mourras » et la répétition souligne l’inquiétante dissuasion. Or l’homme ne sait pas ce que signifie cette interdiction, ne connaissant pas la mort. Et comme il n’a pas consommé le fruit de l’arbre auquel s’accroche l’interdit, il ne connaît ni le bien ni le mal, la morale et l’éthique lui échappent et le texte laisse entendre que dès lors qu’il vit dans un monde idéal, cette pensée lui reste indifférente.

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Cependant, tous les acteurs de ce récit ne sont pas en place, l’homme est encore seul, et Dieu : « édifia en femme la côte/le côté qu’il avait prise à l’homme et il la mena à l’homme » (Genèse 2, 21-22)35. Une information complète le tableau et la suite du récit témoignera de son importance : « Or, ils étaient tous deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en éprouvaient point de honte » (Genèse 2, 25). D’ores et déjà par cette assertion le texte transmet un indice sur les évènements à venir. Alors que les deux personnages vivent dans ce jardin, le serpent considéré comme l’animal le plus intelligent au Proche-Orient apparaît. Le verset le présente : wehannāḥāÎ hāyāh ʽārûm mikōl ḥayyat haÐÐādeh ʼaÎer ʽÐāh yhwh ʼelōhîm, « Et le serpent était rusé, plus que tous les animaux des champs qu’avait faits YHWH nlohim » (Genèse 3, 1). Les protagonistes de l’histoire sont enfin au complet : la pièce peut être jouée. Le verset emploie l’article défini « le » et non « un » parmi d’autres, signalant au lecteur que cet animal en particulier participe à la distribution. De surcroît, la polysémie qui s’attache au terme nāḥāÎ, « serpent », désigne un sortilège, un augure (Nombres 23, 23 ; 24, 1) et le verbe construit sur cette racine confirme ce contenu, qui évoque le fait d’user d’augures et de prédire l’avenir par la divination (Genèse 30, 27 ; 44, 15 ; 1 Rois 20, 33). Ainsi le serpent/sortilège a-t-il fait son entrée par son appellation et sa signification. Le sortilège va-t-il aveugler les personnages qui doivent l’être ? Se pose alors la question suivante : pourquoi Dieu interdit-il de consommer du : « fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal », défense qui sera néanmoins outrepassée ! L’épithète accolée au serpent ʽārûm, est dotée d’une certaine ambivalence, qui définit celui qui est rusé/fin (1 Samuel 23, 22), le qualifie d’être sage ou prudent (Proverbe 19, 25), et renvoie également au fait de s’amonceler (Exode 15, 8). Elle exprime aussi la sagacité, le discernement, la sagesse (Proverbe 1, 4). D’ores et déjà, l’apparition du serpent semble s’inscrire dans un espace de ruse et de sortilège et dans une certaine ambivalence tout autant de sagesse et d’évidence, signe de la logique du récit mythique et de la préméditation divine des évènements, car sa conclusion ne saurait être autre que celle du destin de l’humain dont l’ébauche apparaît ici au second plan. L’animal s’adresse à la femme, la questionne avec une simplicité de bon aloi, telle que dans un presbytère anglais à l’heure du thé : « Bien que Dieu ait dit : « Vous ne mangerez rien de tous les arbres du jardin ? » elle répond : « Les fruits des arbres du jardin nous pouvons en manger ; mais quant 35

Selon L. ATLAN, « La découverte d’Ѐve », dans La bible et l’autre, Les dialogues bibliques, Paris, in Press, 2002, pp. 318-328, spéc. p. 320, l’emploi de la formule « cette fois-ci », prouve que la création de la « compagne d’Adam… n’a été réussie qu’après de nombreux brouillons jetés dans les poubelles des immensités ».

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au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : lōʼ tōʼkelû mimmennû welōʼ tigeʽû bô pen temutûn, « Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez point, sous peine de mourir » (Genèse 3, 3). Ѐve n’évoque pas le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. A-t-elle oublié ce détail involontairement ou non, le récit ne le précise pas. D’autre part, l’apparition du verbe nāgaʽ, dont les significations dévoilent le fait de toucher (Psaume 114, 5), approcher, atteindre, parvenir mais également maltraiter, frapper (Genèse 26, 11 ; Ruth 2, 9), être battu (Josué 8, 15), faire toucher, détruire (Isaïe 26, 5), arriver (Daniel 12, 12), posséder (Lévitique 5, 7), se veut menaçant avant même que ne soit brandi le risque de mort, renforçant plus encore la volonté apparente de dissuasion divine. Le serpent, peut-être faussement naïf, et jouant son rôle de manipulateur avec légèreté évoque « les arbres du jardin », mais il sait toutefois que l’interdiction ne concerne qu’un seul arbre, mêlant le vrai et le faux, et déformant légèrement la réalité sans en avoir l’air36. Ѐve répond en évoquant la menace de mort divine (Genèse 3, 3). De fait, l’héroïne force le trait, ajoutant à la parole divine une prohibition jamais prononcée par le Dieu, qui n’a fait qu’interdire la consommation de ces fruits (Genèse 3, 1), comme pour se protéger encore plus de la transgression. Néanmoins, cet excès de précaution mène à la réalité contraire, et l’affirmation de Proverbe 30, 6 en révèle la conséquence : « Ne te permets aucune addition à ses dires, il te réprouverait et tu serais convaincu de mensonge ». Ѐve, démontre par cet abus et ce léger mensonge une forme d’incapacité à rester dans le cadre qui lui est imposé, ouvrant la porte au choix qu’elle ne va pas manquer de faire. Cette inexactitude volontaire lui permet de dépasser la défense divine, qui n’en voit pas les conséquences possibles. Peu soucieuse de respecter à la lettre le discours divin, son choix futur de l’outrepasser transparaît. À ce moment, le serpent rassure Ѐve si cela était nécessaire, et lui assure : « Vous ne mourrez point ; car Dieu sait que du jour où vous en mangerez, vos yeux seront dessillés et vous serez comme Dieu connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 5). L’héroïne ne met pas en cause l’affirmation qui lui est faite, soit qu’il s’agisse de légèreté, car elle ne sait pas ce que signifie réellement la menace divine n’ayant pas d’expérience, soit de naïveté, soit de confiance en la parole du sage animal ou simple envie de goûter à l’objet prohibé, peut-être toutes ces causes à la fois. L’interdit divin ne l’atteint pas, elle ne saisit pas la gravité possible et les conséquences de son acte. Le danger et ses conséquences reste flou et indistinct au point de pouvoir être outrepassé. En outre, les deux discours du serpent et du Dieu se contredisent, l’un est positif et l’autre mène à la destruction. Dans ce récit, le serpent se contente de lui confier une information objective. La suite de la narration révèle alors : 36

L. ATLAN, « La découverte d’Ѐve », pp. 318-328, spéc. p. 321.

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« La femme vit que l’arbre était bon comme nourriture, qu’il était attrayant à la vue et précieux pour l’intelligence ; elle cueillit de son fruit et en mangea, elle en donna aussi à son époux, et il en mangea » (Genèse 3, 6). La conséquence de la consommation du fuit de la connaissance du bien et du mal ne se fait guère attendre, confirmant les dires du serpent : « Leurs yeux à tous deux se dessillèrent et ils connurent qu’ils étaient nus » (Genèse 3, 7). La kabbale rappelle à ce sujet que le texte primitif de la Torah avertissait Adam de ne pas échanger son vêtement de lumière contre un vêtement fait de la peau du serpent. Et, de fait, son être devient matériel à ce moment37. La nudité des deux personnages ne semble cependant pas les émouvoir, qui conservent leur sang-froid, découvrent une solution concrète, se confectionnent, dès leur prise de conscience et l’apparition d’un sentiment de pudeur, des pagnes de feuilles de figuier, et ce pendant que Dieu ne s’occupe pas d’eux. À ce moment, la voix de Dieu se fait entendre, qui est occupé et : « Parcourant le jardin du côté du jour » (Genèse 3, 8). Comme des enfants pris en faute : « L’homme et sa compagne se cachèrent de la face de Dieu parmi les arbres du jardin » (Genèse 3, 8). Dieu appelle Adam et lui demande : « Où es-tu ? » (Genèse 3, 9). Adam révèle : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai eu peur parce que je suis nu, je me suis caché » (Genèse 3, 10). La conscience et l’inquiétude émergent brusquement. Il apparaît alors que le serpent n’a pas menti et n’a pas usé de sortilège, aussi ne saurait-on l’accuser du pire. Seule Ѐve a décidé, volontairement et par curiosité, de goûter au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Elle n’a aucunement besoin de l’animal pour percevoir l’intérêt de la consommation du fruit de l’arbre et chercher à percer son secret. En outre, d’autres questions peuvent se poser quant à la représentante de l’espèce humaine. Comment faire le bien et éviter le mal si leur contenu n’est pas connu ? Et, à quoi sert d’interdire de goûter ce fruit ?38 La réponse ne se fait pas attendre. Dieu répond : « Qui t’as dit que tu étais nu ? Est-ce de l’arbre dont je t’ai ordonné de ne pas manger, que tu as mangé ? L’homme répond : La femme que tu as mise près de moi, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre et j’ai mangé ». Adam dénonce lâchement Ѐve, il ne prend aucune responsabilité, pour autant il a accepté le fruit de sa main, et son comportement reste encore infantile. Puis Dieu interroge la femme : « Pourquoi as-tu fais cela ? » La femme répond avec naturel : hannāḥāÎ hiÎîʼanî wāʼōkēl, « Le serpent m’a entraînée/séduite, et j’ai mangé » (Genèse 3, 11-13). Le texte use du verbe nāÎāʼ, révèlant une Ѐve travestissant la situation à sa convenance, 37

G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu dans la mystique juive, Traduction de M.R. Hayoun et G. Vajda, Paris, Le Cerf, 1983, p. 133. 38 L. ATLAN, « La découverte d’Ѐve », p. 323.

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espérant calmer la colère divine, et qui dénonce également le troisième personnage avec plus de mauvaise foi que son compagnon, également dans un comportement puéril. Ce terme qui signifie également égarer (Jérémie 49, 16), s’égarer (Jérémie 49, 16), tromper (2 Rois 18, 29), oublier (Jérémie 23, 39), séduire (2 Rois 19, 25), tend à confirmer le discours d’Ѐve, qui cherche à se défendre avec maladresse, tout comme Adam, oubliant que Dieu possède l’omniscience. Mais plus un interdit se fait pesant, plus la tentation sera grande d’outrepasser cette prohibition. La nature humaine est ainsi faite ! Aussi, la préoccupation la plus prégnante s’extrait-elle de ce récit, qui ne quitte jamais l’homme de l’Ancien Testament, se rapporte à la morale et l’éthique, et dont les textes ne cessent de se faire l’écho. À l’observation de ces exigences, il ne semble guère concevable de considérer que Adam et Ѐve puissent être jugés comme responsables, puisqu’ils n’ont acquis la connaissance et par conséquent la morale qu’après avoir consommé du fruit de l’arbre défendu. Le temps qui s’est écoulé n’est pas suffisant pour les décréter coupables. Connaître le bien et le mal mènera Adam et Ѐve vers l’essentiel. La mort dont ils sont menacés se décèle symbolique, qui concerne leur état de naïveté et d’inconscience, afin d’évoluer et de naître à la conscience, s’appliquant à une réalité psychique et intellectuelle et non physique et concrète. De surcroît, Dieu dans son omniscience sait que plus il interdit, plus la curiosité sera forte de goûter le fruit de l’arbre de la connaissance. Il attend donc de ses protagonistes, qu’ils ne déçoivent pas son attente, et n’hésitent pas en dépit de la menace totalement abstraite qu’est la mort ! Il ne sera pas déçu, ses créatures répondent à ses attentes. Son projet, dont les prémices ont déjà percé, était d’importance et ses protagonistes ne devaient ni ne pouvaient trahir son attente. Néanmoins, puisque ces personnages ont outrepassé l’interdiction divine, ils seront, par principe, sanctionnés chacun et différemment. Le serpent se voit châtié le premier et Dieu lui affirme : « Parce que tu as fait cela, sois maudit plus que tous les animaux et plus que toutes les bêtes des champs : tu marcheras sur ton ventre et tu te nourriras de poussière tous les jours de ta vie » (Genèse 3, 14). Puis, il ajoute : « Je ferai régner la haine entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne ; il te visera à la tête, et toi tu le viseras au talon » (Genèse 3, 15). L’inimitié est ainsi introduite dans les relations avec l’animal, qui se transforment radicalement. Dieu châtie Ѐve et l’avertit : « J’aggraverai tes peines et ta grossesse ; tu enfanteras avec douleur ; ta passion t’attirera vers ton époux, et lui te domineras » (Genèse 3, 16). Adam, se voit reprocher d’avoir écouté la voix de sa femme, d’avoir consommé du fruit dont Dieu lui avait enjoint de ne pas manger, et, par lâcheté, d’avoir fait porter toutes les responsabilités de son acte à sa femme, aussi le châtiment prend-il cette forme extrême : « Maudite est la

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terre à cause de toi : c’est avec peine que tu en tireras ta nourriture tant que tu vivras. Elle produira pour toi des ronces et des épines et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton front que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre d’où tu as été tiré : car poussière tu fus et à la poussière tu retourneras ! » (Genèse 3, 17-19). Cette invitation transforme du tout au tout ce que Dieu avait offert à ses créatures dans le jardin d’nden : « Tout herbage portant graine sur toute la face de la terre et tout arbre portant des fruits... Ils serviront à votre nourriture » (Genèse 1, 29). L’homme donne alors son nom à sa compagne : Ѐve, la mère de tous les vivants (Genèse 3, 20). Dieu leur fait des tuniques de peau afin de les vêtir (Genèse 3, 21). La condition humaine vient d’adopter ses couleurs, l’amour et la haine, la passion, la douleur, la honte, l’obéissance et son contraire, l’apprentissage du choix et de la responsabilité39, la faiblesse de l’homme devant la femme, les difficultés du travail de la terre, le mensonge et la fausse naïveté devant le Dieu. L’individu a d’ores et déjà exposé sa nature à Dieu, qui n’incarne aucunement la perfection. L’irruption du réel dans le mythe s’inscrit par ces punitions, ce qui était nécessaire afin de sortir du jardin d’nden et/ou du conte. Bien que Dieu ait prévu et espéré la curiosité de ses personnages, la sanction fait partie de la représentation, qui permet de percevoir qu’outrepasser la loi divine est passible de lourdes sanctions pour les temps à venir. Le récit ne se termine pas sur cette note, et après avoir vêtu ses créatures, Dieu préoccupé s’avise : « Voici l’homme devenu comme l’un de nous en ce qu’il connaît le bien et le mal. Et maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l’arbre de vie ; il en mangerait et vivrait à jamais… » (Genèse 3, 22). Aussitôt Dieu qui n’a nullement prévu que l’homme devienne immortel et ne veut pas de cette situation le renvoie du jardin : « Pour cultiver la terre d’où il avait été tiré. Il chassa l’homme et il posta en avant du jardin d’nden les chérubins, avec la lame de l’épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie » (Genèse 3, 22-24). Le serpent avait certes invité Ѐve à consommer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, à aucun moment il n’avait évoqué le fuit de l’arbre de vie. Ce fruit semble ne concerner aucun des protagonistes. Jamais cette préoccupation ne s’est faite jour, ce qui semble logique puisque les héros ne savent pas ce qu’est la mort et ses conséquences ; ils n’en prendront connaissance qu’avec le meurtre d’Abel par son frère Caïn. Pourquoi s’intéresser à ce qui n’est ni connu ni imaginé ? De plus, comme le serpent

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E. BIZOUARD, « Quitter le jardin d’nden », dans La bible et l’autre, Les dialogues bibliques, Paris, in Press, 2002, pp. 337-345, spéc. p. 338.

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paraît indifférent et que Dieu prend d’ultimes précautions, le fruit ne sera pas consommé, la vie éternelle ne leur sera pas offerte. Le verset de Genèse 1, 28 s’accomplira grâce à l’attitude libre, indépendante et décidée d’Ѐve, qui a choisi sans se poser de question de goûter au fruit défendu tandis qu’Adam se contente de l’imiter. La représentation féministe de ce personnage, qui prend l’initiative courageusement, transmet le premier indice sur la présentation future des héroïnes bibliques. Le librearbitre transmis par YHWH aux humains nullement destinés à être immortels, atteste ainsi de leur liberté de choisir le chemin qu’ils emprunteront en dépit des conséquences et du prix à payer ! En outre, la désobéissance ne débouche pas toujours sur un impact négatif. L’innocence des protagonistes apparaît d’évidence qui ne savaient rien, mais le destin humain doit se réaliser et concrétiser le dessein divin. Le futur de l’humanité se dessine et se clarifie. En effet, les personnages sont châtiés pour la forme car accusés d’avoir voulu concurrencer Dieu, et le serpent l’est également pour s’être mêlé de l’histoire des humains et de leur relation avec Dieu, qui a bien joué son rôle. Pour autant, tous trois ont bien servi l’ordre et le projet divin, car si Ѐve n’avait pas goûté de ce fruit le miracle n’aurait pas eu lieu, ils seraient demeurés dans le jardin d’nden, et elle n’aurait pas donné naissance à une espèce humaine dorénavant répandue sur toute la terre. Désormais Adam et Ѐve pourront transmettre aux générations futures la connaissance des notions du « bien et de mal » qu’ils ont acquise, de même que l’intelligence, la sagesse et la réflexion nécessaires afin de tenter de construire une société qui s’appuiera sur ces concepts. Le premier plan divin s’est enfin réalisé. Échecs divins, échecs humains ! Parfois, lorsque Dieu contemple ses créatures, il exprime ses douloureux regrets et se décide à détruire cette humanité inique et violente ! Ainsi les humains de ce temps paraissent-ils pourvus d’une conscience plus prégnante de leur réalité qui dotent le Dieu de cette approche ! Parmi d’autres, l’exemple de Noé démontre ce choix (Genèse 6, 9-7) ! Auparavant, son constat d’échec s’exprime tragiquement : « Dieu vit que les méfaits de l’homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais ; et Dieu se ravisa d’avoir créé l’homme sur la terre, et il s’affligea en son cœur. Et Dieu dit : ʼemeḥeh ʼet hāʼādām ʼaÎer bārāʼtî meʽal penēy hāʼadāmāh mēʼādām ʽad beḥamāh ʽad remeÐ weʽad ʽôp haÎÎāmāyim kî niḥametî kî ʽaÐîtim, « J’effacerai l’homme, que j’ai créé, de dessus la face de la terre depuis l’homme jusqu’à la brute, jusqu’au reptile, jusqu’à l’oiseau du ciel car je regrette de les avoir faits » (Genèse 6, 5-7).

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L’âpre présence, dans ce texte, du verbe māḥāh, « effacer/exterminer », dont le noyau de puissance destructrice s’affirme dans le champ sémantique (Genèse 7, 23 ; 2 Rois 21, 13 ; nzéchiel 6, 6), témoigne des regrets divins. Comme d’un brouillon, YHWH qui reconnaît la malfaçon dans leur fabrication, décide de gommer ces esquisses néanmoins réelles. Le déluge et l’effacement des humains ne sont que la conséquence de l’injustice et la dépravation des hommes, ces créatures du Dieu si imparfaites. Seule la destruction de la gent humaine et animale peut en venir à bout, songe-t-il, plus que désolé : « Noé fut un homme juste, parfait dans ses générations : il marchait avec Dieu. Noé engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. Or la terre s’était corrompue devant Dieu et elle s’était remplie d’iniquité. Dieu considéra que la terre était corrompue, toute chair/créature avait corrompu/perverti sa voie/sa conduite sur la terre. Et Dieu dit à Noé : qēṣ kol bāÐar bāʼ lepanay kî maleʼāh hāʼāreṣ ḥāmās e mip nēyhem wehinenî maÎeḥîtām ʼet hāʼāreṣ, « La fin/destruction de toute chair/créature a été résolue par moi, parce que la terre, à cause d’elle est remplie de violence ; et je vais les détruire avec la terre » (Genèse 6, 9-13), qui poursuit : « Quant à moi, je vais amener sur la terre le déluge des eaux pour détruire toute chair animée d’un souffle de vie sous les cieux ; tout ce qui habite la terre périra » (Genèse 6, 17). Soulignant d’autant le mépris affirmé par le récit, l’usage du terme bāÐar ou « chair », s’attache aux individus emplis de vide et dévoués au matérialisme, par opposition à celui de nepeÎ, définissant les êtres dotés de vie, d’âme, de cœur, de volonté et d’esprit. Dieu délibère, puis avise Noé de sa décision : « J’établirai mon alliance avec toi » (Genèse 6, 18), aussi lui intime-t-il l’ordre suivant : « Va, toi et toute ta maison dans l’arche car c’est toi que j’ai reconnu comme juste parmi cette génération » (Genèse 7, 1). Aussi, les trois fils de Noé et leurs femmes intègrent-ils l’arche. Tout ne sera pas détruit par Dieu : il exige du juste de sauver sept couples de quadrupèdes et deux bêtes non pures, sept couples d’oiseaux « pour perpétuer les espèces sur toute la face de la terre » (Genèse 7, 2-3). Quarante jours et nuits de pluie seront nécessaires afin d’effacer de la surface du sol tous les êtres créés par ses soins (Genèse 7, 4). À ce moment : « nclatèrent toutes les sources du grand Abîme, et les cataractes du ciel s’ouvrirent », « les plus hautes montagnes qui sont sous le ciel furent submergées » (Genèse 7, 11-20). Dieu efface « Tout être qui était sur la face de la terre depuis l’homme jusqu’à la bête, jusqu’au reptile, jusqu’à l’oiseau du ciel » (Genèse 7, 23). Expression matérielle de destruction d’un monde dénaturé et corrompu tout autant que symbole de régénération et de purification, le déluge ou le retour à un chaos qui n’est cependant pas celui des origines, n’est que la conséquence des fautes morales et religieuses de cette humanité. Ce prélude nécessaire à un renouveau voulu

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par Dieu permet la disparition des tenants du mal40, le passage de la vie à la mort puis le retour à la vie. Cet essai infructueux sera néanmoins suivi d’autres tentatives. Lorsque la terre est sèche, Dieu s’adresse à Noé et lui recommande : « Sors de l’arche, toi et ta femme, et tes fils et leurs femmes avec toi. Tout animal qui est avec toi, toute chair parmi les volatiles, le bétail, les reptiles se traînant sur la terre, fais-les sortir avec toi, qu’ils foisonnent dans la terre, qu’ils croissent et multiplient sur la terre » (Genèse 8, 16-17). Dieu décide à ce moment : « Désormais je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car le penchant du cœur de l’homme est mauvais dès son enfance, désormais je ne frapperai plus tous les vivants comme je l’ai fait. Plus jamais tant que durera la terre, semailles et récoltes, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit, ne seront interrompus » (Genèse 8, 21-22). Si Dieu se repent et se promet dorénavant de ne pas maudire la terre, tant qu’elle durera, lui posant une limite temporelle, il se garde bien de se promettre quoi que ce soit au sujet de l’homme dont il reconnaît qu’il est raʽ, « mauvais ». Il bénit Noé et ses fils, transforme radicalement son régime alimentaire, l’autorisant à consommer de « tout ce qui se meut et qui vit » (Genèse 9, 3), assure que nul déluge dorénavant ne désolera la terre, puis précise : « J’ai placé mon arc (arc en ciel) dans la nue et il deviendra un signe d’alliance entre moi et la terre » (Genèse 9, 13). L’arc en ciel dans sa réalité lumineuse et cosmique devient ainsi une expression symbolique théophanique, qui manifeste néanmoins la distance entre l’homme sur la terre et Dieu. En outre, l’alliance entre le Dieu et la terre trouve son parallèle dans l’alliance entre Israël et le Dieu, lui reconnaissant son aspect vivant, et lui offrant le même intérêt, qui implique parfois de subir des châtiments dans le même temps que l’homme. Dieu peut punir l’homme et la terre qui le porte, et réciproquement celle-ci peut aussi être l‘instrument de la peine appliquée à l’homme. Noé, à aucun moment, ne songe à se faire le défenseur de la gent humaine devant YHWH. Il n’use d’aucun argument et se laisse prendre en charge sans objecter, au contraire d’Abraham et de Moïse. Certes, ṣadîq ou « juste », puisque le texte l’affirme, ce personnage ne semble pas du tout s’intéresser au devenir de la population menacée d’extermination, à moins qu’il ne doute d’elle et pense que sa parole ne sera pas écoutée, où bien encore qu’il redoute de se dresser contre la décision divine. Il reste passif à ce propos devant l’ordre divin. La suite du récit ne résout pas ce questionnement. D’autres occurrences de la volonté divine de dévastation sont assurées, ainsi le récit de la destruction de Sodome et Gomorrhe, la révolte de Koré et Dathan, ou l’épisode du veau d’or, dont les colorations diffèrent. Dès 40

M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, Paris, Le Cerf, 1991, p. 242.

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après l’annonce de la naissance d’Isaac à Abraham, YHWH l’avertit que l’excessive perversité des cités de Sodome et Gomorrhe pourrait provoquer leur ravage (Genèse 18, 21). Pour autant, leur sort n’est pas définitivement scellé car Dieu décide de vérifier ce qu’il en est. La négociation, sous forme de dialogue, qui s’engage entre YHWH et Abraham exprime l’espoir et le besoin de justice ressentis par ce dernier, de même que la possibilité de débattre avec Dieu du devenir des deux cités. Aussi argumente-t-il à propos de la présence possible de justes dans la cité de Sodome : « Anéantiras-tu le juste avec le méchant dans la colère ? Peut-être ya-t-il cinquante justes dans cette ville : est-ce qu’aussi tu anéantirais et ne pardonnerais pas à la contrée en faveur des cinquante justes qui s’y trouvent ? Loin de toi d’agir ainsi, de tuer le juste avec le méchant et il en sera du juste comme du méchant ! Loin de toi ! Celui qui juge toute la terre ne ferait-il point justice ? ». YHWH répondit : « Si je trouve à Sodome, au sein de la ville, cinquante justes, je pardonnerai à toute la région à cause d’eux ». Abraham reprit en disant : « Voici donc, j’ai voulu parler à YHWH, moi poussière et cendre ! Peut-être à ces cinquante justes, en manquera-t-il cinq : détruirais-tu pour cinq une ville entière ? ». Il répondit : « Je ne détruirai point si j’en trouve là-bas quarante-cinq ». Il continua encore à lui parler et dit : « Peut-être s’y en trouvera-t-il quarante ? ». Il répondit : « Je ne le ferai point à cause de ces quarante ». Il dit : « De grâce, que YHWH ne s’irrite point et je parlerai ! Peutêtre s’en trouvera-t-il trente ? ». Il répondit : « Je ne le ferai pas, si j’en trouve trente ». Il reprit : Voici donc j’ai entrepris de parler à YHWH, peut-être s’en trouvera-t-il vingt ? ». Il répondit : je renoncerai à détruire en faveur de ces vingt ». Il dit : « De grâce que YHWH ne s’irrite pas, je ne parlerai plus que cette fois. Peut-être s’en trouvera-t-il dix ? ». Il répondit : « Je renoncerai à détruire en faveur de ces dix ». YHWH disparut, lorsqu’il eut achevé de parler à Abraham » (Genèse 18, 23-33). Dieu descend vers les hommes afin de leur apporter son aide, et ne s’est pas encore décidé assurément à détruire les deux cités. Abraham tente d’intercéder et de le convaincre en faveur des justes, au contraire de Noé, qui à aucun moment n’est intervenu ni n’a débattu de la décision divine de destruction. Abraham joue le rôle de défenseur et de médiateur recherchant la conciliation, cependant la réalité imprime sa puissance négative sur sa tentative destinée à échouer. Les évènements doivent se dérouler comme prévus. Selon le récit, deux anges parviennent à Sodome le soir, alors que Loth est assis à la porte de la cité, lequel leur propose de passer la nuit dans sa maison avant de repartir au petit matin. Ils refusent tout d’abord, mais en raison de son insistance acceptent le festin proposé et l’abri pour la nuit. Le peuple de Sodome s’attroupe devant la maison de Loth, exigeant de les « connaître », ce dernier euphémisme évoquant peut-être l’homosexualité des

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habitants de la cité. Il refuse, mal lui en prend, la menace des habitants de Sodome se fait plus pressante : « Ils assaillirent Loth avec violence et s’avancèrent pour briser la porte » (Genèse 19, 9). La brutalité dont le peuple fait preuve va au-delà de cette « connaissance », qui prend sa source dans l’incapacité à admettre l’altérité. L’étranger doit être identique, « trépasser ou passer au plus vite »41, l’uniformité exigée par cette cité signe le refus de la différence en général… Les anges frappent alors les hommes, petits et grands, qui assiègent la maison, de cécité, afin qu’ils ne puissent pas trouver l’entrée de la maison, puis avertissent : « Car nous allons détruire ce lieu, la clameur contre elle a été grande devant YHWH et YHWH nous a donné mission de la détruire » (Genèse 19, 13). Seules, la femme et les deux filles de Loth le suivent. Comme il tarde, ils saisissent sa main, celle de sa femme et de ses deux filles et les laissent hors de la ville. L’un d’eux s’adressant à Loth le prévient : « Sauve ta vie/il y va de ta vie, ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête pas dans toute cette région ; sauve-toi vers la montagne de crainte de périr » (Genèse 19, 17). Loth veut plutôt se réfugier dans la ville de ioar, Dieu lui en laisse le temps, attend jusqu’au dernier moment afin de lui sauver la vie. Lorsqu’il y parvient : « YHWH avait fait pleuvoir sur Sodome et Amorah du soufre et du feu venant de YHWH venant du ciel. Il bouleversa ces villes, toute la plaine, tous les habitants de ces villes et la végétation du sol. Sa femme regarda par derrière et elle devint un bloc de sel... Lorsque YHWH détruisit les villes de la plaine, il s’était souvenu d’Abraham, il avait fait échapper Loth du milieu de la destruction » (Genèse 19, 24-26. 29).

L’anéantissement est consommé par YHWH et non ses anges. L’une des filles de Loth constate alors : weʼîÎ ʼēyn bāʼāreṣ, « Il n’y a plus d’homme dans le monde/sur la terre » (Genèse 19, 31). Les deux filles de Loth trouveront cependant un stratagème pervers afin d’y remédier. Après avoir fait boire du vin à leur père, elles le connaissent lors de son endormissement. L’une enfantera un enfant nommé Moab, père des Moabites, l’autre enfante également un fils nommé Ben-Ammi, le père des Ammonites. Le dramatique récit des chapitres 16 et 17 du livre des Nombres, expose un évènement mettant en scène un personnage nommé Koré dont les abus mènent le Dieu d’Israël à menacer de destruction la communauté. La question du pouvoir politique en constitue le fonds car ce personnage accompagné de Dathan, Abirâm, On, et nombre des enfants notables d’Israël, réclament le sacerdoce en plus du service du tabernacle divin. Aussi la question posée par ces hommes à Moïse confirme-t-elle cette volonté : 41

M.-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, p. 132.

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« Pourquoi donc vous ériger-vous en chefs de l’assemblée de YHWH ? » (Nombres 16, 3). Moïse n’est pas dupe et sa réponse le démontre : « En vérité, toi et toute ta bande, c’est contre YHWH que vous vous êtes ligués ; car Aaron qu’est-il pour que vous murmuriez contre lui ? » (Nombres 16, 11). Le prophète prévient Koré et son parti de prendre chacun leur encensoir empli de parfum, de même qu’Aaron, et chacun se place à l’entrée de la Tente d’assignation avec Moïse. YHWH s’adresse à Moïse et Aaron exigeant : hibādelû mitôk hāʽēdāh hazōʼt waʼakalleh ʼōtām kerāgaʽ, « Séparez-vous de cette communauté, je veux l’anéantir à l’instant ! ». Les deux frères tentent une négociation avec le Dieu, sans succès : « Quoi, un seul homme aura péché et tu t’irriterais contre la communauté toute entière ? » (Nombres 16, 22). « Le sol qui les portait se fendit, la terre ouvrit son sein et les dévora, eux et leurs maisons, et tous les gens de Koré et tous leurs biens. Ils descendirent, eux et tous les leurs, vivants dans la tombe : la terre se referma sur eux et ils disparurent du milieu de l’assemblée. Et tous les Israélites qui étaient autour d’eux s’enfuirent à leurs cris, disant : La terre pourrait nous engloutir ! ». « Puis un feu s’élança de devant YHWH et consuma les deux cent cinquante hommes qui avaient offert l’encens » (Nombres 16, 31-35). La revendication de Koré et de ses alliés, s’inscrit dans une volonté de prise de pouvoir et de prérogatives à un double niveau. L’un s’inscrit dans le politique, l’autre dans le religieux, qui l’ambitionne en cumul. Or YHWH n’est pas dupe, ses choix sont contestés et ses interventions ne sont pas prises en considération. Le miracle qu’il accomplira avec les douze verges dont seule l’une fleurira révèlera son choix du grand-prêtre (Nombres 17)42. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, la communauté d’Israël accuse Moïse et Aaron : « C’est vous qui avez tué le peuple de YHWH ! » (Nombres 17, 6). À nouveau, YHWH, constatant que le peuple d’Israël ne croit pas en son intervention, est pris de colère. Il avertit : « nloignez-vous du milieu de cette communauté, je veux l’anéantir à l’instant ! » (Nombres 17, 9). Moïse s’adresse à Aaron, lui demande de saisir l’encensoir, y mettre du feu de l’autel, poser le parfum, puis le porter au milieu de la communauté afin de la purifier, mais d’ores et déjà le fléau : « avait commencé à sévir ». Aaron fait expiation sur le peuple, s’interpose entre les morts et les vivants et la mortalité cesse ses ravages (Nombres 17, 11-14). Les victimes sont nombreuses ; le chiffre restitué par le verset s’élève à quatorze mille sept cents, outre les morts dus à Koré. L’exemple du récit mettant en scène Phineas petit-fils d’Aaron le grand-prêtre, alors qu’Israël rend un culte à Baal-Peor illustre, cette fois, la volonté du Dieu de ne pas détruire tout son peuple. ntabli à Chittim, le peuple 42

Voir sous-partie : signes, miracles, pp. 91s.

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d’Israël se livre à la débauche avec les filles de Moab, qui les convient à leurs festins idolâtres. Il en vient alors à à se prostituer à Baal-Peor. Le Dieu charge les chefs du peuple de faire disparaître les responsables de cet état de fait. À ce moment Phineas, frappe l’Israélite et la Madianite causes de cette souillure et de la colère divine. La source de la pollution du peuple disparaît, évitant son anéantissement (Nombres 25, 1-11). Des épisodes de ruine puis de reconstruction, ou de transformation, sont tout autant illustrés par les textes prophétiques. Ainsi, Jérémie 31, 28, de citer cette affirmation divine : « Tout comme je m’étais appliqué contre eux à arracher, renverser, démolir, détruire et faire des ruines, aussi je m’appliquerai en leur faveur à bâtir et planter ». nzéchiel 11, 19 rapporte les paroles de YHWH, qui use d’images symboliques : wenātatî lāhem lēb ʼeḥād werûaḥ ḥadāÎāh ʼetēn beqirbām wahasidōtî lēb hāʼeben mibeÐārām wenātatî lāhem lēb bāÐār, « Et je leur donnerai un seul cœur et je mettrai parmi vous un esprit nouveau : j’ôterai le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair ». Il reprend ce thème avec quelques nuances : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je vous inspirerai un esprit nouveau ; j’enlèverai le cœur de pierre de votre sein et je vous donnerai un cœur de chair » (nzéchiel 36, 26), et adjure : « Rejetez loin de vous tous les péchés que vous avez commis, faitesvous un cœur nouveau et une âme nouvelle » (nzéchiel 18, 31). Transmettant, de nouveau, un récit de la colère divine dont les conséquences n’ont pas été dénuées de dangers, l’histoire du veau d’or retrace une tentation de l’idolâtrie, alors même que Moïse vient de se faire remettre les deux tables du Statut, tables de pierre « burinées par le doigt de Dieu » (Exode 31, 18). En son absence, alors que Moïse tarde à descendre de la montagne, le peuple inquiet, après s’être impatienté, s’est attroupé autour d’Aaron et exigé dans l’instant : « Lève-toi, fais-nous des dieux qui marcheront devant nous, car celui-ci l’homme Moïse, qui nous a fait monter du pays d’ngypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé… » (Exode 32, 1). Aaron, souhaitant gagner du temps, en exige leurs anneaux d’or, matériau avec lequel il façonne un veau de métal fondu43. Le peuple s’exclame alors : « Voici tes dieux Israël, qui t’ont fait monter du pays d’ngypte » (Exode 32, 4). Toujours dans l’attente du retour de son frère, Aaron érige un autel, proclame une fête pour le lendemain, puis annonce précisément : « Fête pour YHWH demain », mais non pour le veau d’or (Exode 32, 5). Quand bien même Aaron cède à la violente exigence populaire, il la détourne avec une certaine finesse, dans le but de tenter de démêler l’écheveau des traces d’idolâtrie et celles de 43

G.N. KNOPPERS, « Aaron’s Calf and Jeroboam Calves », dans A.B. Beck, A.H. Bartelt, P.R. Raabe et C.A. Franke éd., Fortunate the Eyes that see, Essays in Honor of David Noel in Celebration of his Seventieth Birthday, Grand Rapids, Cambridge, Eerdmans, 1995, pp. 92-104.

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la croyance en YHWH, sans effacer l’idole ou veau de métal. Le peuple, tout à ses errements et dont le texte ne dévoile pas ce qu’il perçoit réellement, se lève plus tôt qu’à l’habitude, déjouant le calcul d’Aaron, complaisant du moins en apparence, qui espère le retour de Moïse, fait monter des holocaustes, présente des sacrifices de paix, et se prépare à se divertir. L’ambiguïté du récit laisse paraître un questionnement. Si le peuple exige « des dieux », le veau de métal est unique et l’autel est dédié à YHWH, de même que la fête du lendemain (Exode 32, 5). Mais le peuple ne paraît pas s’émouvoir de ces contradictions flagrantes. Par ce moyen, Aaron qui ne reconnaît pas « ces dieux », se met en distance, entremêlant traces idolâtres44 et rites légitimes. Au sommet de la montagne, YHWH s’adresse à son prophète : « Va descends, car ton peuple s’est corrompu… Ils se sont fait un veau de métal et se sont courbés devant lui, ils lui ont sacrifié » (Exode 32, 7), puis lui notifie : « Et maintenant, laisse-moi ! Et que maintenant s’enflamme contre eux ma colère et que je les anéantisse, tandis que je ferai de toi un grand peuple » (Exode 32, 10)45. Dans sa colère, YHWH s’adresse à Moïse à propos de « ton peuple », suggérant que les Israélites ne sont pas le sien…Implorant YHWH en un émouvant et habile plaidoyer, Moïse tente une négociation face à la terrible menace de désolation qui guette ce peuple à la nuque raide : « Pourquoi, YHWH, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple que tu as fait sortir d’ngypte avec une si grande force et d’une main si puissante ? Pourquoi les ngyptiens diraient-ils : c’est par malice qu’il les a fait sortir pour les tuer dans les montagnes et pour les anéantir de dessus la face 44

Le récit d’Exode n’attribue aucun qualificatif à ce veau de métal, ne le désigne pas comme signe d’idolâtrie, au contraire, celui de Deutéronome le qualifie d’idole et de péché (Deutéronome 9, 12. 16. 27). Durant la période qui précède le Deutéronome, les textes mentionnent les images, les piliers et les monuments mais non l’idolâtrie. La conception biblique de l’idolâtrie considère que YHWH doit être vénéré selon les rites qu’il a établis. Elle admet une forme d’iconolâtrie légitime, tels qu’en attestent les chérubins artistement brodés sur le voile du tabernacle (Exode 26, 31). Aucune différence n’est affirmée pour ce qui concerne la conséquence entre l’iconolâtrie illégitime attestée par le veau d’or, l’idolâtrie et le culte « du bois et de la pierre ». De fait, les Israélites se préoccupent non de la pureté du culte, mais du culte rendu à une autre divinité, F.E. GREENSPAHN, « Syncretism and Ideology in the Bible, VT 54/4, 2004, pp. 480-494. 45 Le texte du Deutéronome (9, 9-10, 11), évoque ce passage afin de témoigner combien Israël rebelle (9, 23) a irrité YHWH (9, 7-8)). M.A. ZIPOR, « The Deuteronomic Account of the Golden Calf and its Reverberation in Other Parts of the Book of Deuteronomy », ZAW 108/1, 1996, pp. 20-33, présente une bibliographie théologique exhaustive sur ce thème.

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de la terre ! Reviens de l’ardeur de ta colère et renonce au mal contre ton peuple. Souviens-toi d’Abraham, Isaac et Jacob, tes serviteurs, à qui tu as juré par toi-même, et tu leur as dit : je multiplierai votre descendance comme les étoiles des cieux, et toute cette terre dont j’ai dit : je la donnerai à votre descendance, ils la posséderont par héritage pour toujours ». Alors, YHWH se repentit du mal qu’il avait parlé de faire à son peuple. » (Exode 32, 11-14). Néanmoins, lors de son retour auprès du peuple, Moïse se prend d’une extrême fureur devant la statue du veau de métal, aussi jette-t-il et brise-t-il les Tables de la Loi au pied de la montagne. Puis, après la lourde punition infligée au peuple, Dieu grave à nouveau les dix paroles sur les tables préparées par Moïse (Exode 34, 27-28). Auparavant, le prophète, revenu de son exaspération, plaide en faveur de son peuple : « Pour vous, vous avez commis un grand péché ! Et maintenant je vais monter vers YHWH, peut-être obtiendrai-je expiation pour votre faute. Moïse retourna vers YHWH et dit : « Hélas, ce peuple a commis un grand péché, ils se sont faits des dieux d’or : et maintenant, si tu pardonnais leur faute !... Sinon efface-moi de ton livre que tu as écrit. YHWH dit à Moïse : C’est celui qui a fauté envers moi que j’effacerai de mon livre… Mais le jour où je me souviendrai, je leur demanderai compte de leur péché » (Exode 32,34). Ce récit de l’apparente absence du Dieu, celui qui par essence n’est pas visible, apparaît comme l’éclatante démonstration de la difficulté et pis, l’incapacité pour les humains de supporter cette insoutenable inquiétude liée au sentiment de vide, et assumer une forme de liberté. Ils préfèrent une prise en charge concrète et des représentations matérielles rassurantes plutôt qu’une conceptualisation du sacré dont l’abstraction leur instille la peur. La notion d’un Dieu non-visible et dont le nom n’est pas transmis est malaisée à intégrer sans une expérience dramatique et douloureuse46. La destruction du Temple en 587/6 avant notre ère les mènera vers une évolution spirituelle radicale, l’absence d’un sanctuaire parmi d’autres et la perte d’un territoire où se sont inscrites les expériences d’Israël n’excluent à aucun moment la présence divine. Si le Dieu jette et rejette les « brouillons » de ses créations, il laisse place à la négociation ou même à l’action de purification par la destruction limitée menée par l’un de ses représentants. Aussi au travers des divers récits rapportés, apparaît-il assurément que souvent les essais divins reflètent ses doutes, ses déceptions, ses décisions de destruction à des fins de renouveau,

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H. Nutkowicz, « Le veau d’or : de l’impur au sacré », dans Monstres et monstruosités dans le monde ancien, cahiers Kubaba, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 251-259, spéc. pp. 254-255.

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et ses stratégies face à la folie humaine, l’être humain n’étant nullement son égal. Néanmoins, parfois « Dieu se trompe aussi »47! Pour avoir créé les hommes et constaté leur insoutenable légèreté, Dieu convient de ses échecs et de leurs défaillances. Il revient de ses colères, et ne se lasse aucunement de construire et reconstruire, ayant dorénavant admis et accepté les faiblesses humaines, qui tracent les limites de son pardon. Néanmoins, il n’aura de cesse de donner à cette humanité, incapable de respecter ses exigences, de nouvelles opportunités, tout en détruisant à plusieurs reprises la majeure partie d’entre elle. L’intervention et les plaidoyers de certains humains s’avèrent nécessaires, puisqu’ils permettent de témoigner de sa capacité de pardon. Si Noé ne tente aucun compromis, Abraham et Moïse, acteurs dans des tentatives de négociations paradigmatiques, mettent en lumière la double possibilité, soit de ne pas réussir à retenir YHWH dans ses projets de destruction en raison de l’absence d’humanité chez les humains, soit de présenter un argumentaire convaincant sous-tendu par le projet divin de donner une terre à ceux qu’il a choisis, afin de ne pas se déjuger. Les prophètes témoigneront sans cesse des menaces divines de destruction des hommes, dont bon nombre seront mises en pratique. Souhaitant avant tout, démontrer et manifester ainsi combien il désire et préfère demeurer dans le cœur de son peuple, Dieu respectera, sans se lasser, son absolue promesse répétée à plusieurs reprises, de la concrétisation de la première installation en Canaan, puis le retour en Juda durant la période perse.

LES CHOIX DE DIEU, LE MESSIE… Dévoilant sa préférence pour un peuple choisi et guidé tout au long des temps, Dieu appelle Moïse du haut de la montagne du Sinaï. Son prophète se voit tenu de rapporter ses paroles : « Alors tu diras à la maison de Jacob, et tu proclameras aux enfants d’Israël : « Vous avez vu ce que j’ai fait à l’ngypte ; et je vous ai portés sur des ailes d’aigles, je vous ai amenés à moi. Et désormais si vous écoutez bien ma voix, si vous gardez bien mon alliance, vous serez pour moi un bien précieux/un trésor/une propriété entre tous les peuples ! Car toute la terre est à moi et vous, vous serez pour moi une dynastie de cohanim et une nation sainte » (Exode 19, 3-6). Cependant, ce choix d’un « bien précieux » se conclut sous condition, celui d’être exemplaire, de conserver l’alliance, et de suivre la parole divine et ses lois (Isaïe 1, 4. 5 ; 19, 24). Propriété divine, cet « objet de valeur » reste sous surveillance. Le Deutéronome ne manque pas de confirmer cette préférence : « Car tu es un peuple consacré à YHWH ton Dieu, il t’a choisi pour lui être un peuple (qui est) un bien précieux/ un trésor/une propriété 47

Talmud Houlin 60b.

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parmi tous les peuples qui sont sur la face de la terre » (Deutéronome 7, 6). Un autre verset confirme cette désignation de bien précieux/trésor/propriété (Deutéronome 14, 2). Deutéronome 14, 21b l’affirme comme « un peuple consacré à YHWH », et le chapitre 26, 19, confirme cette approche : « Il veut que tu deviennes la première de toutes les nations qu’il a faites, en gloire, en renommée, en dignité : que tu sois un peuple consacré à YHWH ton Dieu, comme il l’a déclaré ». En contrepartie, d’effroyables châtiments répriment la désinvolture et l’irrévérence. Pour autant, le Dieu ne se détourne aucunement des autres peuples dont il peut se soucier ou qu’il peut envoyer en représailles contre Juda et/ou Israël. Amos, en dévoile quelque aspect, qui rapporte le questionnement divin : « N’êtes-vous pas pour moi comme les fils de l’nthiopie, ô enfants d’Israël ? dit YHWH. N’ai-je pas fait émigrer Israël du pays d’ngypte comme les Philistins de Caphtor et les Araméens de Kir » (Amos 9, 7). YHWH paraît ainsi le Dieu de « toute l’histoire humaine »48. Il contrôle le destin des nations, et les évènements historiques lui sont attribués : « Il grandit les nations, puis il les perd ; il les laisse s’étendre puis il les déporte. Il ôte l’intelligence aux chefs des nations et les laisse s’égarer dans des solitudes sans route ; là, ils tâtonnent dans une obscurité qui ne laisse percer aucune lueur ; et YHWH les fait tituber comme un ivrogne » (Job 12, 23-25). Par son pouvoir, il fait intervenir Babylone, dès lors qu’il a décidé du châtiment de Juda et de Jérusalem (Jérémie 4, 16 ; 9, 10 ; 37, 17 ; Isaïe 13, 3 ; nzéchiel 25-32 ; Michée 3, 12…). Ses intrusions en nombre démesuré sur et dans l’histoire complètent ses ingérences dans la vie de son peuple49. Après avoir décrété : « Je suis YHWH l’auteur de toutes choses… et personne ne me seconde » (Isaïe 44, 24), il dévoile son choix, en apparence inattendu, celui du souverain perse, pour être son messie : « Je dis à Cyrus : « Tu es mon berger ! . Lui, il exécutera ma volonté toute entière quand il dira à Jérusalem : Sois rebâtie ! et au sanctuaire : Sois fondé » (Isaïe 44, 28). Isaïe, dans le chapitre 45, développe cette déclaration : « Ainsi parle YHWH à son oint, à Cyrus, je t’ai pris par la main pour mettre les nations à ses pieds et délier les ceintures des rois, pour ouvrir devant lui les battants et empêcher 48

H.E.W. FOSBROKE, The Book of Amos. Introduction and Exegesis, New York, Nashville, Abingdon, 1956, p. 848. 49 B. ALBREKTSON, History and the Gods, An Essay on the Ideas of Historical Events as Divine Manifestations in the Ancient Near East and Israel, Lund, Gleeruped, 1956, pp. 40-41 sqq.

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que les portes lui soient fermées » (Isaïe 45, 1). S’adressant encore au souverain, il révèle combien la volonté royale lui est soumise : « Je te ceins de force, bien que tu ne me connaisses pas » (Isaïe 45, 5) et persiste : « J’aplanirai toutes ses voies : il rebâtira ma ville, renverra libres mes exilés, sans rançon et sans présents » (Isaïe 45, 13). Si YHWH se considère responsable du destin d’Israël et si la conquête perse est son œuvre afin de châtier Israël, sa libération doit l’être également. Quel choix est-il possible hors du souverain perse ? L’élection de Cyrus et la chute de Babylone préparent la restauration d’Israël. L’oint choisi de YHWH, est habituellement un souverain d’Israël (1 Samuel 24, 26), un prophète ou le grand-prêtre (Lévitique 4 ; 6). Mais, à ce moment précis de l’histoire, seul un monarque aux pouvoirs militaire et politique étendus peut rendre sa liberté à Jérusalem et permettre sa reconstruction50. En effet, Cyrus voit toutes les tribus perses le suivre, il gagne toutes les batailles sur tous les fronts, jusqu’à l’ouverture des portes de Babylone sans combat. Un tel destin témoigne de l’intervention de Dieu, qui décide et choisit, aussi son oint devra-t-il agir selon la volonté divine, jouant le rôle d’un instrument entre ses mains. Aucun motif altruiste ne prend sa source dans l’action du roi perse, seule l’onction divine en est la source et son choix est déterminé par le Dieu en fonction des réalités historiques.

DIVINES MANIFESTATIONS Théophanies Ces événements exposent la manifestation inattendue de la présence divine. L’apparition la plus singulière semble l’épisode vécu par Moïse au Mont Horeb (Exode 3, 3). Elle a laissé des traces d’importance, puisqu’elle ambitionne la libération du peuple de l’oppression égyptienne, et aussi et surtout la transmission du nom divin puis des dix Commandements. Ainsi, Dieu attire-t-il l’attention de son héros Moïse par un phénomène singulier51 : le buisson ardent, et celui-ci, curieux, décide : ’surh n’ we’ere’eh ’et hammare’eh haggd¿l hazeh madû‘a l¿’ yibe‘ar hasseneh, « Je veux faire le tour et voir cette grande vision/phénomène : pourquoi le buisson ne brûle pas » (Exode 3, 3). La Révélation s’impose tant à la vue qu’à l’ouïe afin de

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J.D. W. WATTS, Isaiah 34-66, Waco, Thomas Nelson Inc., 1987, pp. 155 sqq. T.W. MANN, Divine Presence and Guidance in Israelite Traditions : The Typology of Exaltation, Baltimore, John Hopkins University Press, 1977, pp. 144-149, 154, souligne que seul celui-ci peut recevoir les tables de pierre afin de le glorifier en tant que l’intermédiaire choisi par YHWH.

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communiquer en quelque sorte totalement52. Alors se produit une théophanie dédiée à Moïse seul, qui est choisi. Si le feu symbolise communément l’ennemi et ses pouvoirs destructeurs, dans ce contexte il concrétise la Révélation divine ; le buisson touffu, mystérieux et en feu, correspond au décor de la mise en scène53. Dieu appelle Moïse du sein du buisson ardent qui ne dévore pas, lui intime l’ordre de ne point s’approcher et d’ôter ses chaussures, l’instruisant : « Car l’endroit où tu te trouves est un sol sacré » (Exode 3, 5). Dieu suscite puissamment l’intérêt de son héros, puis se révèle : ’n¿kî ’el¿h¥y’ bîk ’el¿h¥y aberhm ’el¿h¥y yiṣe­q w¥’l¿h¥y ya‘aq¿b, « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob… » (Exode 3, 6). Au cours de cette visite, YHWH annonce au patriarche : « Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu souverain… Je vous prendrai pour moi comme peuple et je serai votre Dieu… » (Exode 6, 2), puis l’avertit d’agir selon les instructions transmises. Moïse cache sa face, la révélation perdure. Plus tard, convoqué afin de recevoir les tables de la loi (Exode 24, 1217), Moïse vit une autre expérience théophanique où les symboles de la nuée divine et du feu dévorant (24, 16-17) mettent en scène la présence divine. La révolte populaire des Israélites à l’arrivée en Canaan et ses expressions de désespoir devant la représentation de la puissance des peuples qui y vivent, provoque l’apparition de la : « gloire divine » (Nombres 14, 10) qui fait cesser les revendications. Alors que Moïse s’enquiert de savoir qui va accompagner son peuple dans le désert vers la terre promise, son questionnement mène vers une demande indirecte de théophanie, car Dieu lui avait promis de lui envoyer un ange, ce qui ne semble guère lui convenir. Aussi, Moïse le prie-t-il : « Découvre-moi/Fais-moi voir ta Gloire » (Exode 33, 18). La réponse divine se manifeste complexe et généreuse. Dieu promet de dérouler sa bonté à la vue du prophète (Exode 33, 19), mais précise : « Tu ne sauras voir ma face/être en ma présence, car nul homme ne peut me voir et vivre » (Exode 33, 30). Une autre théophanie se produit alors que Moïse doit à nouveau monter au Mont Sinaï afin que YHWH puisse graver les tables de la loi. Parvenu au sommet, Dieu passe près de lui (Exode 34, 6), déclare son nom et ses attributs (Exode 34, 7-8), témoignant du rôle de médiateur de Moïse entre Dieu et son peuple, auquel il accorde faveur sur faveur. Cette fonction de Moïse assure de l’étroitesse de leurs liens, qui ose solliciter de telles

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N. LEIBOWITZ, Studies in Shemot, Jérusalem, World Zionist Organization, 1985. p. 55. 53 H. NUTKOWICZ, « Petites chroniques d’arbres. Fonctions et symboles », Transeuphratène 45, 2014b, pp. 159-179, spéc. p. 172.

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révélations et des réponses divines qui renforcent le don divin de pitié et de compassion54. Sur le point de transmettre les tables de la loi, YHWH annonce à Moïse une théophanie : « Afin que le peuple entende que c’est moi qui te parle et qu’en toi, ils aient foi constamment » (Exode 19, 9). À ce moment : « YHWH dit à Moïse : Rends-toi près du peuple ; et tu les sanctifieras aujourd’hui et demain, et qu’ils lavent leurs vêtements. Et qu’ils soient prêts pour le troisième jour ; car le troisième jour, YHWH descendra, aux yeux de tout le peuple, sur le mont Sinaï » (Exode 19, 11-12)55. Enfin, la bénédiction prononcée par Moïse avant de « rejoindre ses pères » au shéol et dans la tombe, fait allusion aux lieux où se sont déroulées diverses théophanies : « du haut du Sinaï, sur le Seir et sur le mont Pharan » (Deutéronome 33, 1). D’autres théophanies sont rapportées dans les narrations, leurs modes d’intervention divines varient. Ainsi, lors du voyage de Jacob pour retrouver son fils en Égypte, Dieu s’adresse à lui : bemare’¿t hallayelh, « Dans les visions de la nuit », et l’appelle par deux fois. Jacob répond : me voici » (Genèse 46, 2), Dieu se révèle : « Je suis le Dieu, le Dieu de ton père », et lui annonce : « Je te ferai devenir une grande nation ». Alors que Samuel est encore étendu, Dieu l’interpelle et il répond : « me voici », croyant qu’il s’agit du Grand prêtre (1 Samuel 3, 4-10). Et si, par trois fois YHWH le hèle, Samuel pense qu’il s’agit à chaque fois d’Eli, mais ce dernier comprend qu’il s’agit de Dieu. YHWH réitère cet appel comme les autres fois, cependant Samuel informé par Éli sait et répond alors : « Parle, car ton serviteur écoute ». Dieu lui révèle : « Voici je vais accomplir une parole » (1 Samuel 3, 11). Il s’agit du jugement concernant la maison d’Eli et de ses fils. Le récit expose plus tard (1 Samuel 3, 15), qu’il s’agit d’une vision. Mises en scène théâtrales et grandioses, les théophanies constituent l’introduction à une situation exceptionnelle et miraculeuse lors de laquelle Dieu prend la parole, envoie une vision et désigne un personnage auquel une mission est assignée, lui prodigue un et/ou des ordres, dialogue avec un interlocuteur choisi ou enfin partage une information concernant le futur.

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R.M. BILLINGS, « The Problem of the Divine Presence : Source-Critical Suggestions for the Analysis of Exodus 33, 12-23 », VT 54/4, 2004, pp. 427-444, spéc. pp. 442-444. 55 W. OSWALD, « Lawgiving at the Mountain of God (Exodus 19-24) », dans T.B. Dozeman, C.A. Evans et J.N. Lohr éd., The Book of Exodus, Composition, Reception and Interpretation, Boston, Leyde, Brill, 2014, pp. 169-192, spec. p. 171.

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Appels, ordres et/ou dialogues Dès lors que l’homme est créé, Dieu se préoccupe de protéger sa création et ses créatures, soit afin de concrétiser ses desseins concernant l’avenir de son peuple, soit lors de crises et de tragédies. Il choisit divers modes d’intervention pour ce faire. Le tout premier dialogue des narrations bibliques se déroule dans le jardin d’Éden, qui s’ouvre sur une question posée à Adam par YHWH : « Où es-tu ? », et la réponse révèle qu’Adam n’a pas respecté l’interdit divin (Genèse 3, 9), aussi la pénibilité de la vie humaine en découle-t-elle. Parfois, un simple appel ou ordre suffit pour l’élu qui naturellement ou pas, accompagne l’exigence divine. Le plus souvent, ce dernier ne se sent pas de taille à affronter le destin exigé, aussi le dialogue permet-il de faire avancer le projet. Parfois Dieu use du monologue, lorsqu’aucune réponse n’est attendue ou qu’il donne des ordres ayant force de lois, lesquels à aucun moment ne sauraient être outrepassés (Exode 20, 1-14). D’autres fois, il utilise et accepte le dialogue, ainsi par exemple avec Moïse tout au long de sa longue mission en Égypte et au désert, ou bien lorsque le peuple désire un roi et vient vers Samuel afin de l’obtenir. Dieu acceptera, en dépit de son rejet par son peuple (1 Samuel 8). Deux verbes sont employés qui mettent en scène la parole divine et donnent accès au discours divin : ’mar, « dire » et dbar, « parler/dire/faire ». Aussi, chapitres et versets s’ouvrent-ils souvent sur l’ordre ou l’information divine, sorte de simple préambule introduit par : wayy¿mer, « Et il dit ». Parmi les ordres concernant les élus auxquels Dieu transmet sa volonté, l’un d’eux est d’importance qui s’adresse à Abraham. Celui-ci se voit enjoindre l’ordre suivant : leke lek m¥’areṣek, « Va pour toi hors de ton pays » (Genèse 12, 1), et le projet divin s’esquisse à compter de ce moment précis. Le processus historique que Dieu va organiser en un temps relativement réduit mène à la réalisation de son dessein : constituer son peuple et lui donner une terre. Pour autant, il argumente en faveur de son plan et informe le patriarche de ce qu’il adviendra. Entrés dans le désert du Sinaï, les Israélites y campent. Moïse monte vers YHWH, qui le convoque du haut de la montagne et lui demande de leur adresser un discours en exigeant qu’ils gardent l’alliance : « Vous serez mon trésor entre tous les peuples » (Exode 19, 2-5). Le récit des aventures et du rôle de Gédéon, l’un des Juges de la période pré-monarchique, visité par Dieu qui veut sauver son peuple du pouvoir des Madianites, en transmet aussi un paradigme vivant. Le texte découvre un être plongé dans l’incertitude avant de consentir à obéir aux ordres divins. Illustré par la narration de Juges 6, 11-24, le thème de l’intervention et du dialogue divins apparaît clairement. Dieu voit l’impuissance de son envoyé divin et devant l’attitude et les doutes de Gédéon prend lui-même la parole s’adressant fermement à son héros dont il exige : l¥ke

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bek¿­ak zeh wehôÎa‘et ’et yiśer’¥l, « Va avec ce courage et tu sauveras Israël… » (Juges 6, 14). Parmi d’autres êtres choisis par Dieu afin de réaliser ses plans, Jonas (1, 1-2), se voit adresser la parole divine sous forme de l’ordre suivant : « Lève-toi ! Va à Ninive la grande ville et prophétise contre elle : car leur iniquité est arrivée jusqu’à moi ». L’apparition divine faite à Jérémie comporte une formule à peine différente : « Tu iras » (Jérémie 1, 7), qui lui confie une lourde tâche : « Pour détruire et pour renverser, pour bâtir et pour planter » (Jérémie 1, 10), en dépit de l’assertion du prophète qui argumente ainsi : « Je ne sais point parler car je suis un enfant » (Jérémie 1, 6). Mais Dieu n’est pas dupe, qui a désigné le prophète avant sa naissance (Jérémie 1, 5). Alors que Moïse se tient sur la montagne sacrée et s’entretient avec Dieu, les Israélites érigent un veau d’or, aussi Dieu saisit de colère exige-t-il de son prophète : « Va, descends, car on a perverti ton peuple » (Exode 32, 7). Néanmoins, en dépit de cet acte idolâtre, Dieu assigne à Moïse cette mission qui s’annonce par l’ordre usuel : « Va, pars d’ici avec le peuple que tu as conduit hors du pays d’Égypte » (Exode 33, 1). L’impératif du verbe aller, l¥ke, « va », est utilisé assez systématiquement par Dieu, tandis qu’il bouscule son futur héros peu disposé à accomplir la tâche assignée. Cette mise en mouvement afin d’agir, témoigne que ses héros ne sont guère prêts à accomplir leur mission. Pour autant, cette formule sous-tend en règle générale que Dieu accompagnera le personnage choisi, et sa présence assurera la réussite du projet. Cette expression se relie aux doutes de l’élu, et à la volonté divine de ne plus perdre de temps afin de réaliser son propos. Les héros semblent le plus souvent ne pas saisir immédiatement que Dieu est le sauveur et que sa présence ne leur fera aucunement défaut. Les textes soulignent leur fragilité, qui démontrent à quel point ils se rendent vers leur mission à reculons mais ne résistent pas longtemps à la volonté divine. Moïse le premier, tout comme Jérémie et Jonas, sont des messagers de la parole divine, mais ce rôle ne les transforme pas en êtres passifs soumis, ce que Dieu n’exige nullement. Dieu se révèle ouvert, prenant en considération le contenu des réponses apportées et s’adaptant tant à la situation qu’au discours de ses envoyés. Les recommandations divines peuvent être remises en cause, qui s’accompagnent de dialogues entre Dieu et son/ses héros. Aussi, ne manquent-ils pas, qui mettent en scène des personnages choisis par ses soins, dont l’esprit souvent protestataire ne le rebutent guère et ne le préviennent aucunement de poursuivre son but. Ses ordres parfois remis en cause peuvent révéler des dialogues soulignant la possibilité pour ses élus de contredire et de douter d’eux-mêmes jusqu’à

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provoquer l’ire divine (Exode 4, 14)56. Ainsi, prescriptions et dialogues constituent parfois un ensemble complémentaire dont témoignent de nombreuses narrations d’où le déterminisme semble absent. En contrepartie de cet ordre, l’affirmation de la présence divine aux côtés du héros désigné est attestée par des assurances claires, dont l’objet est de l’apaiser. Cependant la parole divine ne rassérène pas toujours les doutes des protagonistes. Ainsi, l’inquiétude de Gédéon, qui perçoit l’aspect peu rassurant de la prescription divine et questionne avec modestie et un argument récurrent chez tous les appelés du Dieu : « Par quels moyens sauverais-je Israël ? Ma famille est la moindre et moi je suis le plus jeune dans la maison de mon père ! » (Juges 6, 15). La réponse divine renforce ses premières affirmations, qui ordonne et rassure : kî ueheyeh timke : « Car je serai/je suis avec toi » (Juges, 6, 16), supposant une présence et une action divine immédiate. La narration concède, face au refus du personnage, que ce n’est pas lui qui sauvera Israël mais bien plutôt YHWH lequel promet de lui transmettre pour ce moment particulier un peu du pouvoir divin57. Auparavant, Dieu ne manque pas de rappeler : « Je vous ai sauvés de la main des Égyptiens et de la main des oppresseurs » (Juges 6, 10), renforçant l’aspect incontestable de son aide. La question posée par le jeune héros comporte le terme uayyēh, « d’où (vient) », employé afin de démontrer tant la présence que le pouvoir divin (Juges 6, 13). La faiblesse exprimée par Gédéon, son manque d’enthousiasme et le développement d’arguments sans lien avec le rôle qui lui est dévolu questionne ; le choix divin apparaît d’autant plus mystérieux que celui-ci, sollicite un signe afin de savoir quel est ce Dieu qui l’appelle. Après avoir obtenu la preuve réclamée, il en exige encore deux autres et Dieu obtempère patiemment devant les requêtes de son héros. Seulement alors, celui-ci se montre obéissant et courageux. Dieu intervient avant que la bataille ne commence, exigeant à son tour de réduire le nombre des participants à trois cents hommes. Il choisit ceux à qui il livrera Madian (Juges 7, 2-8). Néanmoins, ce personnage un peu trouble cherche de préférence à s’attribuer ce qui appartient à YHWH sans pénétrer la transcendance divine, et Dieu l’exprime par cette affirmation avant la bataille : « Israël pourrait s’attribuer

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T.E. FRETHEIM, Exodus, A Bible Commentary, Louisville, John Knox Press, 1991, p. 51, présente le plan récurrent du déroulement des appels et des dialogues dans les récits concernant Moïse, Gédéon et Jérémie : la théophanie ou apparition divine est suivie par une introduction, l’ordre de mission, les objections du héros, l’assurance de la présence divine et un signe. 57 W. BLUEDORN, Yahweh versus Baalism, Londres, T et T Clarck, 2001, p. 90.

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l’honneur qui m’appartient en disant : « C’est à moi-même que je dois la victoire » (Juges 7, 2)58. Guidant ses héros, Dieu les informe de sa présence et de son soutien par des formules souvent lapidaires les poussant à l’action. Des récits évoquent l’engagement divin consistant à : tim, « être avec » un personnage en particulier comme gage de succès et diverses formules l’expriment. L’expression : wehinnēh un¿kî timmke : « Et voici, je suis avec toi », peut être complétée par l’assurance : « Je veillerai sur chacun de tes pas », qui figure en Genèse 28, 15. Cette même affirmation est répétée à Isaac (Genèse 26, 24). La promesse de présence divine est aussi accordée à Moïse : « C’est que je serai avec toi » (Exode 3, 12). Cette phrase s’affirme également en Josué 1, 5 : « Comme j’ai été avec Moïse, je serai avec toi », et en 1, 9 : « Car YHWH ton Dieu sera avec toi dans toutes tes voies » puis en 1, 17 : « Que YHWH ton Dieu soit avec toi », où elle adopte des temps différents, du passé au présent et au futur assurant ainsi une forme de permanence dans son soutien. Moïse résiste, il s’affirme malhabile pour parler, peut-être afin d’éviter cette mission qu’il perçoit comme pesante, mais Dieu ne se laisse pas attendrir et propose : we‘ath l¥ke we’n¿kî ’eheyeh ‘im pîk wehôr¥ytîk ’aÎer tedab¥r, « Maintenant va : je serai avec ta bouche, et je t’inspirerai ce que tu devras dire/faire » (Exode 4, 12). Moïse renâcle, Dieu se fâche, et de guerre lasse désigne Aaron qu’il rassure par ces mots : ‘im pîk we‘im pîhû « Pour moi, j’assisterai ta bouche et sa bouche » (Exode 4, 15). Puis, YHWH promet encore à propos de la verge de son prophète : « Car c’est par elle que tu opéreras les miracles ». Et le héros usant de son bâton/verge ou maÓÓeh, provoquera nombre de plaies et de prodiges. Dès avant l’entrée en Égypte, Dieu l’informe que tous les prodiges prévus s’accompliront, pour autant Pharaon ne renverra pas le peuple (Exode 4, 21). À nouveau, YHWH emploie l’impératif « va » alors qu’il s’adresse à Aaron et lui demande d’aller à la rencontre de Moïse. Après avoir réuni les enfants d’Israël, Aaron opère des prodiges et le texte précise : « Et le peuple y eut foi » (Exode 4, 31), exprimant subtilement la rareté de cette confiance et le doute plus répandu dans l’esprit des Hébreux, non pas qu’ils ne croient pas en Dieu mais plutôt qu’ils n’espèrent pas être sauvés par sa main, car ils se perçoivent comme abandonnés. La révolte du peuple, après que Pharaon ait adjoint de nouvelles corvées à réaliser, mène le patriarche à questionner YHWH qui veut les libérer de la servitude en Égypte. Afin d’affirmer l’importance de la mission de Moïse, Dieu lui intime l’ordre : « Va, dis à Pharaon… » (Exode 6, 11). Puis, devant une contestation qui ne cesse pas, il précise les instructions à suivre 58

T. BUTLER, Judges, Nashville, Thomas Nelson Inc., 2009, p. 200.

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afin de faire sortir les enfants d’Israël d’Égypte. Il affirme à Moïse : re’¥h netatîk ’el¿hîm lepare‘¿h we’ahar¿n ’­îk yiheyeh nebî’ek « Regarde ! Je fais de toi un dieu pour Pharaon et Aaron ton frère sera ton prophète » (Exode 7, 1), lui transmettant un peu de son pouvoir divin. Par une intervention indirecte, Dieu prévient le prophète Samuel de son choix d’un héros désigné afin de sauver le peuple des Philistins (1 Samuel 9, 15-17). Saül est préféré par YHWH pour être le premier souverain d’Israël et Samuel doit l’oindre selon l’ordre divin : « Comme chef de mon peuple Israël et il délivrera mon peuple » (1 Samuel 9, 16). Plus tard, il reproche à Saül par la bouche de son prophète défunt Samuel de n’avoir pas écouté sa voix (1 Samuel 28, 18), et n’avoir pas obéi à son ordre de détruire Amalec. La pratique du sacrifice est subordonnée au fait d’entendre la voix de YHWH et le compte-rendu du rejet du roi Saül qui n’a pas suivi les ordres divins l’atteste clairement, quand bien même le souverain tente de se défendre : « J’ai obéi à la voix de YHWH » (1 Samuel 15, 20). Alors le prophète Samuel répond au monarque qui lui confie avoir effectué les offrandes nécessaires par une autre question : « Des sacrifices ont-ils autant de prix aux yeux de YHWH que l’obéissance à la voix divine ? » (1 Samuel 15, 22). Les conséquences en sont incalculables et le jugement tombe comme un couperet : « Puisque tu as repoussé la voix de YHWH, il te repousse de la royauté » (1 Samuel 15, 23). Parfois, Dieu prononce des interdictions. Ainsi, ordonne-t-il à Roboam fils de Salomon de ne point faire la guerre aux autres tribus d’Israël (1 Rois 12, 24), car la partition d’Israël en deux royaumes n’est que la conséquence de sa volonté. Moïse va jouer un rôle tout particulier dans le dessein divin, à la fois comme sauveur désigné par Dieu puis comme son représentant menant son peuple vers la terre promise selon le serment divin. Quatre chapitres restituent un dialogue en une sorte de face à face entre Dieu et son serviteur. Cet échange ne provoque pas d’empêchement pour une réponse. Le patriarche qui n’a nullement cherché cette rencontre et n’est pas désireux de se voir transmettre le rôle qui lui est dévolu, proteste inutilement, qui se voit confier une première mission, celle de sortir le peuple d’Égypte (Exode 3, 10)59. Dieu présente à Moïse une vision générale de son programme de libération et son langage souligne sa volonté : « Je t’enverrai à Pharaon et fais sortir mon peuple les enfants d’Israël de l’Égypte » (Exode 3, 10)60. Si Moïse reconnaît le Dieu qui l’appelle du sein du buisson, il n’est pas encore devenu le modèle du prophète et du dirigeant d’Israël. Aussi, Dieu lui précise-t-il comment il doit agir et informer le peuple qu’il a résolu de faire monter en Canaan (Exode 3, 17). 59

J. DURHAM, Exodus, World Biblical Commentary, Waco, Thomas Nelson Inc., 1987, pp. 32-33. 60 T.E. FRETHEIM, Exodus, A Bible Commentary, p. 59.

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Moïse et les anciens d’Israël devront se rendre auprès de Pharaon et lui demander l’autorisation de sacrifier à Dieu à trois jours de chemin dans le désert (Exode 3, 18). Dieu le prévient que le roi d’ngypte ne le laissera point partir, pas même en « présence d’une puissance supérieure » (Exode 3, 19). Le manque d’aspiration à un destin hors du commun distingue les héros choisis par Dieu, cependant la main divine leur transmet la force et le courage, qui les guide vers la réalisation de son projet. Pour autant, Dieu ne leur demande pas d’obéir sans la moindre hésitation et ses personnages ne restent pas inertes face à ses ordres qui peuvent défendre leur point de vue. Pour autant, ni l’un ni l’autre n’agit seul, mais de concert, Dieu a besoin de son héros et ce dernier, réciproquement, est indispensable. Ils interagissent, Dieu interpelle le personnage désigné puis agit au travers de son action61. Il sauve son peuple des violences et des destructions, le mène vers son pays, l’arrache aux peuples souhaitant le détruire, lui permet d’accomplir la mission dont il est à l’origine, qu’elle soit historique, politique et/ou sociale. La révélation, la présence et les interventions divines ne manquent pas qui témoignent de sa souveraineté, de son intérêt jamais démenti pour son peuple, de sa compréhension, de son oppression, de ses malheurs et de ses désespoirs. Obligations et interdits mettent en lumière son attention, et sa compassion prouve son intérêt. Le secours apporté doit trouver son parallèle dans l’aide des humains choisis pour l’accompagner et dont la compétence n’est pas mise en cause. Dieu n’agit pas seul mais avec leur intermédiaire.

Bénédictions Attestées en des occurrences diversifiées, elles dépeignent un Dieu bénissant et réciproquement béni par l’homme, qui portent en germe les bienfaits qu’il répandra sur son peuple ou un individu choisi. Lorsque l’homme en est à l’origine, il exprime le souhait que le Dieu protecteur et sauveur lui accorde ses faveurs, ou le remercie pour les miracles accomplis. Ainsi au cinquième jour de la création, un changement radical se produit dans et par la parole, puisque dans la première bénédiction, Dieu bénit, wayebreke, les « habitants des mers » et « les oiseaux », « Disant : fructifiez et multipliez-vous » (Genèse 1, 22). Dieu use de l’impératif à la seconde personne du pluriel expression de bénédiction et non de domination62. Liée au dessein divin, la bénédiction donnée à Sarah révèle : « Je la bénirai, en te donnant par elle aussi un fils, je la bénirai en ce qu’elle produira des nations et que des chefs des peuples naîtront des peuples » (Genèse 17, 16). Puis, Dieu se remémore qu’il a béni Ismaël, qui sera également multiplié à l’infini (Genèse 17, 20). 61 62

T.E. FRETHEIM, Exodus, A Bible Commentary, p. 58. M. BALMARY, La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme, pp. 72-73.

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Dieu transmet à Moïse la formule des plus essentielles bénédictions des « enfants d’Israël », qui les livre à son tour à Aaron et à ses fils : yebrekek yhwh weyiÎemerek, « Que YHWH te bénisse et te protège ! », y’¥d yhwh pnyw ’¥leyk wî­unnek, « Que YHWH fasse rayonner sa face sur toi et te soit bienveillant ! », yiśś’ yhwh pnyw ’¥leyk weyś¥m lek ΍lôm, « Que YHWH dirige son regard vers toi et t‘accorde la paix » (Nombres 6, 24-26). L’usage concomittant des deux termes « bénir » et « protéger/garder » outre son apparition dans des Psaumes est également mis en lumière dans les amulettes de Ketef Hinnom63, les inscriptions de Kuntillet ʽAjrud64, de même que dans la formule de bénédiction du temple d’Ekron (lignes 3-5)65. Puis, YHWH ajoute : weśmû ’et Îemî ‘al ben¥y yiśer’¥l wa’anî ’abrak¥m, « Et ils imposeront mon nom sur les enfants d’Israël, et moi je les bénirai » (Nombres 6, 27). Dieu bénit non seulement ceux qui obéissent à ses ordres et/ou recommandations, mais aussi les êtres faisant preuve de fidélité à l’égard de son peuple et de lui-même, de même que ceux et celles qu’il a choisi. Parmi divers exemples, Dieu bénit Abraham en toutes choses (Genèse 24, 1). Lorsque Jacob révèle ce qu’il adviendra dans le futur, il annonce à son fils Joseph que Dieu le : « Bénira des bénédictions supérieures du ciel, des bénédictions souterraines de l’abîme, des bénédictions de la mamelle et des entrailles » (Genèse 49, 25), l’informant d’une longue lignée et d’une protection divine tant sur la terre que dans l’au-delà. Dieu bénit aussi les sagesfemmes s’étant refusées à suivre l’ordre de pharaon de faire périr les enfants hébreux de sexe masculin, et qui interrogées par celui-ci justifient leur choix en expliquant que les femmes des Hébreux sont vigoureuses et sont délivrées avant leur arrivée ce qui rend impossible cette tuerie (Exode 1, 20). Les Psaumes affirment : « Ceux que Dieu bénit, possèderont la terre » (37, 22), et les Proverbes ajoutent que la bénédiction divine enrichit, les efforts n’y ajoutant rien (10, 22). Isaïe 65, 16, déclare avec éloquence : « Celui qui voudra être béni sur la terre voudra être béni par le Dieu de vérité », témoignant du pouvoir du seul et unique Dieu, au contraire des idoles. Si la condition exigée, servir YHWH, est respectée, il s’engage à bénir des choses inanimées d’importance, telles : « Ta nourriture et ta boisson » (Exode 23, 25). Dans la loi consacrée à l’édification de l’autel figure la 63

J.D. SMOAK, « From Temple to Text : Text as Ritual Space and the Composition of Numbers 6, 24-26 », JHS 17, 2017, pp. 1-26. 64 A. MANDELL, « ‘I Bless you to YHWH and his Asherah’- Writing and Performativity at Kuntillet ʽAjrud », MAARAV 19, 1-2, 2012, pp. 131-162. 65 J.D. SMOAK, « Inscribing Temple Space : The Ekron Dedication as Monumental Text », JNES 76/2, 2017, pp. 319-336, spéc. p. 335 ; idem, « From Temple to Text », p. 11.

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promesse divine de bénédiction : weʼet beqārekā bekāl hammāqôm ʼaÎer ʼazekîr ʼet Îemî ʼābôʼ ʼēleykā ûbēraketîkā, « En tout lieu où je ferai invoquer/souvenir de/rappeler mon nom, je viendrai à toi et je te bénirai » (Exode 20, 21). Dieu reste libre de ses choix de lieu dès lors que son nom ne cesse d’être remémoré et invoqué. Et le Deutéronome ne manque pas de rappeler que tous les biens, holocaustes et sacrifices, dîmes et offrandes, présents votifs ou spontanés et les prémices de gros et menu bétail sont dus à sa bénédiction (Deutéronome 12, 7). Les textes du Lévitique dévoilent des bénédictions néanmoins conditionnelles exigeant : « Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes et les exécutez » (Lévitique 26, 3). Sous ces conditions, Dieu s’engage, qui dépeint un monde quasiment paradisiaque : « Je vous donnerai les pluies en leur saison ; et la terre livrera son produit et l’arbre du champ donnera son fruit… Vous aurez du pain à manger en abondance et vous demeurerez en sécurité dans votre pays. Je ferai régner la paix dans ce pays et nul ne troublera votre repos, je ferai disparaître du pays les animaux nuisibles et le glaive ne traversera point votre territoire. Vous poursuivrez vos ennemis et ils succomberont sous votre glaive. Cinq d’entre vous en poursuivront une centaine et cent d’entre vous une myriade et vos ennemis tomberont devant votre glaive. Je m’occuperai de vous. Je vous ferai croître et multiplier et je maintiendrai mon alliance avec vous. Vous pourrez vivre longtemps sur une récolte passée et vous devrez enlever l’ancienne pour faire place à la nouvelle. Je fixerai ma résidence au milieu de vous et mon esprit/âme ne se lassera point d’être avec vous. Mais je me complairai au milieu de vous et je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lévitique 26, 4-12). Dans une offre conditionnelle, être docile à sa voix, Dieu s’engage à prodiguer des biens : « En favorisant tout le travail de ta main, le fruit de tes entrailles, le fruit de ton bétail, le fruit de ton sol ; car il se plaira de nouveau, le Seigneur à te faire du bien, comme il s’y est plu pour tes ancêtres » (Deutéronome 30, 9). Dans le paragraphe suivant, au ton plus que railleur, YHWH ajoute avec dérision : « Car cette loi que je t’impose en ce jour, elle n’est ni trop ardue, ni placée trop loin. Elle n’est pas dans le ciel, pour que tu dises : « Qui montera pour nous au ciel et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions ? » Elle n’est pas non plus sise au-delà de l’océan pour que tu dises : « Qui traversera pour nous l’océan et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions ? » Non, la chose est tout près de toi : tu l’as dans la bouche et dans le cœur, pour pouvoir l’observer » (Deutéronome 30, 11-14). À ce moment, YHWH conclut : « Vois, je te propose en ce jour, d’un côté, la vie avec le bien, de l’autre la mort avec le mal. En faisant ce que je te recommande en ce jour : aimer l’nternel, ton Dieu, marcher dans ses voies, garder ses préceptes, ses

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lois et ses décrets, tu vivras, tu grandiras et tu seras béni de l’nternel … J’ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et la calamité : choisis la vie ! et tu vivras alors, toi et ta postérité » (Deutéronome 30, 15-19). Si le manque de pluie s’avère une cruelle malédiction (Amos 4, 7), une pluie dévastatrice ruine les récoltes (Proverbe 28, 3), aussi nzéchiel 34, 26 cite-t-il la promesse divine : « Je ferai tomber la pluie en son temps : ce seront des pluies riches en bénédictions ». Le verbe ʼākal, manger, apparaît sept fois dans la liste des bénédictions et malédictions (Lévitique 26, 5. 10. 16. 26. 29. 38), éclairant sa dimension existentielle. Parmi d’autres, Amos 9, 11-15, rapporte la parole divine de restauration du peuple d’Israël, de ses cités, dont les captifs : « planteront des vignes et en boiront le vin ». Cette bénédiction prend sa source dans la destruction historique du royaume du Nord au cours du VIIIè siècle en 721 avant notre ère. Ces promesses constituent un renversement des promesses de désastres présentes en Amos 5, 11 et plus particulièrement de cette malédiction : « Vous vous êtes plantés de belles vignes, vous n’en boirez pas le vin ! »66. Puis, vient ensuite la promesse de sécurité et de paix, dont les dimensions s’attachent probablement aux questions économiques, militaires et politiques, suivie d’un serment d’absence de conflit intérieur, d’une protection face aux animaux sauvages et aux armées étrangères. S’ajoute à cette énumération l’engagement de la victoire sur l’ennemi. La présence divine parmi son peuple ne peut être garantie, également, que par le respect de l’alliance. À nouveau, nzéchiel traduit la pensée de cette liste : « Ma résidence sera près d’eux ; je serai leur Dieu et eux seront mon peuple » (37, 27), dès lors que la présence divine ne saurait être enfermée dans un lieu particulier, qui est partout présente parmi son peuple67. Le rôle des mots est ainsi mis en évidence lorsqu’ils sont prononcés au nom de Dieu. En dépit de leur aspect général, leur pouvoir magique ne semble pas mis en cause68, seule est appréciée l’attitude du peuple envers YHWH. En outre, aucune exigence n’est exprimée quant à leur invocation lors de circonstances solennelles. Les êtres humains peuvent également en prononcer. Après avoir appelé Jacob afin de lui recommander de prendre une épouse parmi les filles de Laban, le patriarche bénit son fils avant son départ (Genèse 28, 1). La bénédiction d’Isaac volée par Jacob est irréversible (Genèse 27, 37). Puis, 66

J.D. SMOAK, « Building Houses and Planting Vineyards : The Early Inner-Biblical Discourse on an Ancient Israelite Wartime Curse », JBL 127/1, 2008, pp. 19-35, spéc. pp. 26-27. 67 J. MILGROM, Leviticus 23-27, A New Translation with Introduction and Commentary, New York, Londres, Yale University Press, 2001, pp. 2299-2300. 68 J. MILGROM, Leviticus 23-27, A New Translation, p. 2286.

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alors qu’il est sur le point d’expirer, le patriarche rassemble ses fils, leurs révèle le futur, bénit chacun d’entre eux leur transmettant sa bénédiction spécifique (Genèse 49, 28). Après que YHWH lui ait dévoilé le mystère du rêve de Nabuchodonosor, le prophète Daniel prononce ces paroles : brike le’elh Îemay’, « : Bénit le Dieu du ciel » (Daniel 2, 19), puis il ajoute : lehew¥’ Îem¥hh dî ’elh’ mebrake min ‘lem’ we‘ad ‘lem’, « Que le nom de Dieu soit béni pour l’éternité et l’éternité ! » (Daniel 2, 20). Le contenu de la bénédiction se fait ensuite plus précis, développant les louanges à l’attention divine et la reconnaissance au Dieu de lui avoir offert et transmis sagesse et force dans la dangereuse circonstance qui le place face au souverain perse. Celui-ci voyant le miracle s’accomplir sous ses yeux, et les compagnons de Daniel sortir vivants de la fournaise prend la parole et dit : berîke ’elhahôn, « Béni soit leur Dieu » (Daniel 3, 28). Salomon bénit le Dieu qui lui a octroyé le droit de faire construire le Temple : brûke yhwh ’el¿h¥y yiśer’¥l, « Loué/béni soit l’Eternel Dieu d’Israël … » (1 Rois 8, 15). Parallèlement, Dieu est béni par Éliézer, le serviteur d’Abraham, lors de sa rencontre avec Rebecca (Genèse 24, 27). Esdras fait de même (8, 6), alors que le peuple s’écrie : « Amen » puis se prosterne. De retour à Jérusalem dont les murailles sont reconstruites, le peuple vient écouter la lecture de la Torah, Esdras ouvre le livre, qui bénit YHWH. Le peuple s’écrie : « Amen ! Amen ! en élevant les mains », puis s’incline et se prosterne le visage à terre en signe de profond respect (Néhémie 8, 1-6). Dans le Psaume 103, 1, David implore : brekî napeÎî ’et yhwh, « Bénis mon âme YHWH », puis s’exclame : wekol qerb¥y ’et Î¥m qdeÎô, « Que tout mon être bénisse son saint nom ». Et le souverain ajoute : « Vous ses messagers bénissez YHWH… vous toutes ses créatures » (Psaume 103, 20). Ainsi, la bénédiction divine est-elle source de bienfaits, tandis que son retrait l’est de tous les dangers. Elle transmet la fertilité à la terre, donne la vie. Par ce biais, Dieu crée l’ordre permettant aux occupations humaines de prospérer, toujours sous conditions : le respect de l’alliance, l’observation des préceptes et des cérémonies (Deutéronome 18, 1-14)69. Les bénédictions prononcées par des êtres humains en faveur d’autres êtres humains, un père, un pontife, un prophète sont dotées du même objet. L’exemple d’Isaac l’atteste, alors qu’âgé, il désire avant sa disparition bénir son fils Esaü, mais à la condition énigmatique de lui apporter du gibier afin de préparer un ragoût (Genèse 27, 4).

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M. DOUGLAS, De la souillure, Essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris, La Découverte et Syrtos, 2001, p. 69.

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Amulettes et autres bénédictions Outre les diverses prières orales destinées au Dieu dont en contrepartie on attend et espère la bénédiction, des inscriptions sont assurées sur du métal et dans les tombes. Ainsi, deux plaques d’argent de la fin du VIIè siècle-début du VIè siècle avant notre ère, enroulées comme des parchemins, ont été mises au jour dans la tombe de Ketef Hinnom à Jérusalem70. Elles sont destinées à être portées par des individus, leur usage est personnel et protecteur. Incomplètes et différentes, elles sont gravées en paléo-hébreu par des mains distinctes, leur lecture dévoile un texte de bénédiction et de protection contre le mal que YHWH peut prononcer. La première, désignée KH1, mesure 27 millimètres par 97 millimètres, elle comporte dix-huit lignes d’écriture. Renfermant des passages de Deutéronome 7, 9, Néhémie 1, 5, Daniel 9, 4 et Nombres 6, 24-25a, elle s’avère proche de divers versets des Psaumes, dévoilant une demande de bénédiction divine et exigeant en contrepartie de celui qui la porte d’aimer YHWH (Deutéronome 30, 20), et observer ses commandements. Le texte affirme qu’à ces seules conditions, il fera partie de l’alliance divine et de sa grâce. Ces stipulations se relient également au Deutéronome 6, 4-9 et à Nombres 6, 24-26, qui fixe le contenu de la bénédiction sacerdotale71. Texte de l’amulette de Ketef Hinnom 1 : Yhw… … gd[l Îmr] hbryt w [h]ḥsd lʼhb w] wÎmry [mṣ] ou y] wÎmry [mṣ] [wtw]… t hʽlm.[.] ou th ʽl n.[.] 70

L’une de ces deux amulettes a été mise au jour dans une des couches les plus basses du reposoir de la chambre 25, tombe 24, et l’autre dans la poussière sur le sol de cette chambre funéraire, G. BARKAY, « The Priestly Benediction on Silver Plaques from Ketef Hinnom in Jerusalem », Tel Aviv 19, 1992, p. 139-192. G. BARKAY, M.J. LUNDBERG, A.G. VAUGHN, B. ZUCKERMAN et K. ZUCKERMAN, « The Challenges of Ketef Hinnom », NEA 66/4, 2003, pp. 162-171. G. BARKAY, M.J. LUNDBERG, A.G. VAUGHN et B. ZUCKERMAN « The Amulets from Ketef Hinnom : A New Edition and Evaluation », BASOR 334, 2004, pp. 41-71. P.K. MACCARTER, « The Ketef Hinnom Amulets », The Context of Scripture : Monumental Inscriptions from the Biblical World, Volume 2, Leyde, Brill, 2000, p. 221. 71 A. BERLEJUNG, « Divine Presence for Everybody, Presence Theology in Everyday Life », dans N. MacDonald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 67-90, spéc. p. 81.

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[h] brkh mkl [p] ḥ wmhrʽ ky bw gʼl h ky yhwh [m] Îybnw [w] ṣwr ybr k yhwh [w y]Îmrk [ y] ʼr yhwh pn[ yw] …] YHW… le gran[d… qui garde] l’alliance et [la] Miséricorde envers ceux qui [l]’aiment, et ceux qui suivent [ses commandements…]. …l’nternité ? […]. [la] bénédiction plus que chaque [fil]et et plus que le Mal, car le rachat est en lui, car YHWH est notre régénérateur [et] rocher. Que te béni[sse] YHWH et [qu’il] te garde. [Que] YHWH fasse rayonner [sa face] ». La formule de bénédiction outre son contenu apotropaïque, peut évoquer par l’usage du terme « filet » la mort et/ou l’au-delà. Elle rappelle que Dieu est le maître des filets et des liens, de la mort et de la vie (1 Samuel 25, 29 ; Osée 7, 12). Lorsque le fil de la vie est rompu, la mort étend ses filets (Job 4, 21). Le fil relie la vie et la mort à YHWH72. Cette bénédiction requiert la vie et sa protection. De surcroît, le texte prévient des conditions nécessaires afin d’obtenir les divines bénédictions : « Ceux qui l’aiment et ceux qui suivent ses commandements », exigence du respect de l’alliance, de l’amour envers le Dieu et de la sincérité. La métaphore assimilant le Dieu au « rocher » est connue par des Psaumes en paire avec le terme « régénérateur » (Psaume 19, 15 ; 78, 35). De même, ce terme paraît favorisé dans des Psaumes qui dépeignent YHWH comme offrant sa protection et/ou sa délivrance73. La seconde plaque d’argent mesure 11 millimètres sur 39, 2 millimètres. Texte de l’amulette de Ketef Hinnom 2 : h/w brk h [ʼ] lyhwh[h] hʽzr w hgʽr b [r]ʽ ybrk yhwh y Îmrk yʼr yh [w]h pnyw 72 73

H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort, p. 233 J.D. SMOAK, « May YHWH Bless you », p. 222.

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[ʼl]yk wy Îm lk Î [l]m [Pour X, (le fils/fille de)…] h/hu. Qu’[il]/el[le] soit bénie par YHWH le guerrier [ou : l’aide] et qui blâme le [M]al : Que YHWH te bénisse et te garde. Que YHWH fasse rayonner sa face sur toi et qu’il t’accorde la p[ai]x74. Le contenu des amulettes sollicite la bénédiction divine pour son porteur, sans aucune condition. Il définit ses fonctions : une demande de bénédiction protégeant des forces du mal, apportant sa protection et la paix qui exprime sa confiance. Attestant la possibilité pour les élites de commander de tels objets de piété personnelle individualisés, ces amulettes démontrent également la mise en place d’une tradition théologique75. Première trace matérielle de la bénédiction sacerdotale fixée avant l’exil (Nombres 6, 24-26), sollicitant la protection divine contre le mal par l’invocation du nom divin, ces amulettes assurent la puissante relation entre le pouvoir attribué à la prière et la prononciation du nom divin doté d’une fonction propitiatoire. Leur lien avec d’autres inscriptions telles les mezuzot et les tefillin apparaît, elles seraient peut-être à l’origine de leur usage obligatoire (Deutéronome 6, 8-9 ; 11, 20 et 27, 2-3). L’usage en duo des deux verbes « bénir » et « garder » est assuré, il correspond à une formule standard apotropaïque usuelle à la fin de la période du Fer, également connue de versets de Psaumes. Ainsi le Psaume 12, 8 affirme-t-il avec confiance, invoquant le nom divin : « Toi, ô YHWH, tu les 74

L’édition princeps a été publiée par G. BARKAY, « The Priestly Benediction on Silver Plaques from Ketef Hinnom in Jerusalem », TA 19, 1992, pp. 139-192. Voir également G. BARKAY, Ketef Hinnom : A Treasure Facing Jerusalem’s Walls, Jérusalem, The Israel Museum, 1986, pp. 29-31 ; idem, « The Priestly Benediction on the Ketef Hinnom Plaques », Cathedra 52, 1989, pp. 36-37 (hébreu) ; idem, « Excavations on the Slope of the Hinnom Valley, Jerusalem », Qadmoniot 68, 1984, p. 107 ; idem, « The Amulets from Ketef Hinnom : A New Edition and Evaluation », BASOR 334, 2004, pp. 41-71. A. YARDENI, « Remarks on the Priestly Blessing on Two Amulets from Jerusalem », VT 41, 1991, pp. 76-185. P. K. MACCARTER, « The Ketef Hinnom Amulets », p. 221. 75 A. Lemaire, « Amulette phénicienne giblite en argent », dans R. Deutsch éd., Shlomo : Studies in Epigraphy, Iconography, History and Archaeology in Honor of Shlomo Moussaïeff, Tel-Aviv, Archaeological Center Publication, 2003, pp. 155-174 ; « Amulettes personnelles et domestiques en phénicien et en hébreu (Ier millénaire av. n. è. et la tradition juive des Tefillin et des Mezuzot », dans C. Bobas, C. Evangelidis, T. Milioni et A. Muller éd., Croyances populaires. Rites et représentations en Méditérrannée Orientale, Athènes, 2008, pp. 85-98.

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gardes (les justes) ; tu les protège à jamais de cette génération »76. Dans cette supplique de protection, la référence au mot « piège » apparaissant sur les lignes 9-10 des amulettes de Ketef Hinnom, constitue la métaphore des dangers liés aux forces mauvaises. Amulettes et Psaumes de prières de confiance, partagent un même objet apotropaïque de protection contre le mal ou pour la délivrance de ce mal77. En outre, des inscriptions gravées sur des murs de tombes évoquent la bénédiction divine. L’une d’elle découverte à Khirbet el Qôm, de la fin du VIIIè siècle avant notre ère, identifie le nom du propriétaire de la tombe et comporte une formule de demande de bénédiction redoublée accompagnée de la représentation d’une main bénissante, probablement la main divine78. Le site de Kuntillet ʽAjrud de la fin du IXè siècle-début du VIIIè siècle avant n. è., sis à 50 kilomètres au sud de Kadesh-Barnea, qui relie le Sinaï au réseau des plus importantes voies de commerce de cette période en révèle. Dans deux des inscriptions ou graffiti mis au jour sur ce site, un individu s’adresse à ses correspondants et les bénit en invoquant YHWH et son Asheratah (KA 3.1, pithos A, et 3. 6, pithos B)79. Le texte de KA 3. 1 exprime une bénédiction concernant une autre personne : brkt ’tkm lyhwh Îmrn wl’Îrth : « Je t’ai béni par YHWH de Samarie et par son Ashératah », et celui KA 3. 6 du pithos B se réfère à : yhwh tmn w’Îrth, « YHWH de Teiman and son Ashératah ». Il assure : « Je t’ai béni à/par YHWH de Teman et à son Asheratah. Qu’il te bénisse, qu’il te garde, et qu’il soit avec mon seigneur pour toujours »80. Le graffito, également à l’encre rouge, inscrit au-dessus d’une procession de fidèles du pithos B (KA 3.9), appelle YHWH à répondre aux prières des orants : « Qu’il vous bénisse par YHWH de Teman et son Asherah/Asheratah. Quoi qu’il demande d’un homme, cet homme lui donnera

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J.D. SMOAK, « ‘Prayers of Petition’ », 2011, pp. 86-87 ; idem, « Amuletic Inscriptions and the Background of YHWH as Guardian and Protector in Psalm 12 », VT 60, 2010, pp. 421-432. 77 J.D. SMOAK, Ibid., pp. 90-92. 78 A. LEMAIRE, propose cette traduction : « Uryahu, le riche, l’a écrit : Béni soit Uryahu par YHWH et de ses ennemis par son ashérah il l’a sauvé. Par Uryahu », gravée dans la tombe 2, dans « Les inscriptions de Khirbet el-Qôm et l’Ashérah de YHWH », RB 84, 1977, pp. 595-608 ; «Boekbesprelingen-Epigrafick », BiOr 54, 1977, pp. 161-166. Voir W. DEVER, 1970, « Iron Age Material from the Area of Khirbet El-Kom », HUCA 40-41, 1969-1970, pp. 139-204, édition princeps. 79 A. MANDELL, « ‘I Bless you to YHWH and his Asherah’- Writing », pp. 140 sqq. 80 S. AḤITUV, E. ESHEL et Z. MESHEL, « The Inscriptions » dans L. Freud éd., Kuntillet ʽAjrud (porvat Teman) : An Iron Age II Religious Site on the Judah-Sinaï Border, Jérusalem, Israel Exploration Society, 2012, pp. 73-142.

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généreusement. Et s’il insiste, YHWH lui donnera selon ses vœux »81. Ces graffiti dédicatoires auraient été inscrits lors de visites ou pèlerinages à Kuntillet ʽAjrud. Des inscriptions sur des murs et des jambages recouverts de plâtre témoignent également d’un texte de bénédiction, écrit en un langage hébreu mais avec une écriture phénicienne (KA 4.1 ; 4.2 ; 4. 3). Cette inscription fragmentaire AK 4.1, dévoile la demande de bénédiction suivante : « Qu’il (Dieu) bénisse leurs jours afin qu’ils aient [beaucoup] à manger [et…] raconte (prie) YHWH de Teman et Asheratah. YHWH de Te[man] a fait bien […], placé la vigne [et le figuie]r. YH[WH] du Te[man] a […] »82. Une procession d’orants encadre les graffiti KA 3. 6 et 3. 9 : ils sont représentés les bras levés dans un rituel de bénédiction, semblable à celui que décrit le Psaume 118, 25-26. Dans cet hymne, des pèlerins bénissent d’autres visiteurs du Temple de Jérusalem : « Béni soit celui qui vient au nom de YHWH ! Nous vous bénissons de la maison de YHWH ». La pratique consistant à inscrire une bénédiction lors de pèlerinages ou de visites à des lieux saints, permettrait à ceux qui sont présents et ceux qui ne peuvent voyager de bénéficier de ces rituels et laisser leurs traces83. Peutêtre le fait d’écrire ces graffiti est-il doté d’aspects numineux et accentue-t-il ces bénédictions. L’écriture devient un moyen plus permanent préservant tant les bénédictions que les malédictions, bien longtemps après qu’elles aient été prononcées84. Ces inscriptions sont douées du rôle de moyen de communication et le fait de les déposer dans un espace sacré se transforme en acte performatif s’inscrivant dans la durée85. De plus, le pouvoir protecteur outre par les mots se transmet aussi à l’objet86. Leur valeur mémorielle et leur pouvoir magique s’imposent aussi longtemps que le support subsiste.

Malédictions Parmi leurs formules, si certaines sont connues de Deutéronome (27, 15-26), et ne sont pas des imprécations faisant appel à Dieu en apparence, le 81

A. MANDELL, « ‘I Bless you to YHWH and his Asherah’- Writing », pp. 140-148. N. NA’AMAN, « The Inscriptions of Kuntillet ʽAjrud », pp. 308 sqq. 83 A. MANDELL, « ‘I Bless you to YHWH and his Asherah’- Writing », pp. 149-150. 84 S. NIDITCH, Oral World and Written World, Louisville, Westminster John Knox, 1996, pp. 44-48. 85 C. FREVEL, « Gifts to the Gods ? Votives as Communication Markers in Sanctuaries and Other Places in the Bronze and Iron Ages in Palestine/israel », dans I. Cornelius et L. Jonker éd., From Ebla to Stellenbosch : Syro-Palestinian Religions and the Hebrew Bible, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 2008, pp. 25-47, spéc. pp. 30. 43, 86 J.D. SMOAK, « May YHWH Bless you and Keep you from Evil : the Rhetorical Argument of Ketef Hinnom Amulet I and the Form of the Prayers for Deliverance in the Psalms », JANER 12, 2012, pp. 202-236, spéc. p. 317. 82

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fait qu’elles soient assurées après l’affirmation de Moïse remémorant les exigences divines d’avoir à exécuter les diverses lois énoncées et transmises, elles impliquent immanquablement un appel indirect à Dieu. Le Deutéronome 27, 15-28 consacre de nombreux versets aux dramatiques malédictions menaçant les Judéens de châtiments s’ils blasphèment et enfreignent les lois divines se rapportant à la morale sexuelle, tel l’inceste ou l’adultère, l’idolâtrie, le manque de respect envers ses ascendants, le vol, le mensonge, la corruption, le non-respect du droit87. En outre, le chapitre 28 complète ces interdits : « Maudit tu seras dans la ville et maudit tu seras dans la campagne ! Maudits seront ta corbeille et ton pétrin ! Maudit sera le fruit de ton ventre, le fruit de ton sol, la parturition de tes vaches et les portées de tes brebis ! Maudit tu seras quand tu entreras et quand tu sortiras ! YHWH enverra contre toi la malédiction, la déroute, la menace, dans toute entreprise de ta main que tu exécuteras, jusqu’à ce que tu sois exterminé et que tu périsses promptement à cause de la malice de tes actions, par suite desquelles tu m’auras abandonné ! YHWH te colleras la peste jusqu’à ce qu’elle te fasse disparaître de dessus le sol où tu vas entrer pour le posséder. YHWH te frappera de consomption, de fièvre, de brûlure, de sécheresse, de rouille et de nielle, qui te poursuivront jusqu’à ce que tu périsses. Et tes cieux qui seront sur ta tête seront d’airain et la terre qui est au-dessous de toi sera de fer. YHWH donnera pour pluie à la terre de la poudre et de la poussière, qui des cieux descendront sur toi

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H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort, pp. 289-292.

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jusqu’à ce que tu sois détruit !» (Deutéronome 28, 15-24). En Lévitique 26, à la suite des bénédictions générales promises dans l’espace du respect de l’alliance, et en parallèle, une liste de malédictions est également énumérée, aux thèmes identiques à ceux des bénédictions. La menace divine est claire et ferme : « Mais si vous ne m’écoutez point et que vous cessiez d’exécuter tous ces commandements, si vous dédaignez mes lois et que votre esprit repousse mes institutions au point de ne plus observer mes préceptes, de rompre mon alliance, à mon tour voici ce que je vous ferai : « Je susciterai contre vous d’effrayants fléaux, la consomption, la fièvre, qui font languir les yeux et défaillir l’âme ; vous sèmerez en vain votre semence, vos ennemis la consommeront. Je dirigerai ma face contre vous et vous serez abattus devant vos ennemis ; ceux qui vous haïssent vous domineront et vous fuirez sans qu’on vous poursuive » (Lévitique 26, 14-17). Menaçant, YHWH annonce qu’il ne leur assurera plus sa protection, ils seront abandonnés à leurs ennemis qui les gouverneront avec la plus extrême dureté. Aussi, cette période d’oppression provoquera-t-elle des moments d’intense terreur. La dissuasion se fait plus pressante pour le cas où ces avertissements ne seraient pas suffisamment pris en considération, alléguant que ces châtiments seront redoublés jusqu’au septuple : la terre refusera son tribut et les arbres leurs fruits, et les bêtes sauvages s’attaqueront aux enfants et au bétail. La quatrième malédiction promet la guerre, la peste, la famine (Lévitique 26, 23-26). La cinquième implique la destruction des cités réduites à la ruine et l’exil (Lévitique 26, 27-39), qui comporte aussi le cannibalisme, la désolation des lieux de culte, de la terre, l’exil, la terre en jachère et les atteintes psychologiques. La négligence d’Israël quant à la jachère de la terre, la septième année, prend sa source dans le même mal moral l’ayant mené vers la négligence de la justice sociale, qui provoque l’hostilité divine88. Pour autant, YHWH ne désespère pas, il attend l’expiation de son peuple afin de le faire revenir sur sa terre. L’affirmation de Deutéronome 30, 1-6, s’attache au retour d’Israël vers son Dieu, et ne manque pas de lui laisser son libre-arbitre : « La bénédiction ou la malédiction que j’offre à ton choix : si tu les prend à cœur, au milieu de tous 88

J.E. HARTLEY, Leviticus, Dallas, Word Books Publisher, 1992, pp. 464 sqq.

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ces peuples…, que tu retournes à YHWH ton Dieu, et que tu obéisses à sa voix en tout ce que je te recommande aujourd’hui, toi et tes enfants, de tout ton cœur et de toute ton âme… te prenant en pitié, mettra un terme à ton exil, et il te rassemblera au sein des peuples… il te ramènera dans le pays qu’auront possédé tes pères…» (Deutéronome 30, 1-5). Dans un serment divin, YHWH assure qu’il : « Fera peser toutes ces malédictions-là sur tes ennemis, sur ceux dont la haine t’aura persécuté » (Deutéronome 30, 7). Dans cet univers, le respect des prescriptions admises comme efficaces attire la prospérité, leur rejet mène aux plus tragiques sanctions, car le danger rôde pour qui s’en éloigne. Si dans les textes, aucune trace de peur n’apparaît, ces règlements font l’objet de croyances à priori. Ils prennent appui sur le concept de sainteté divine, afin de séparer ce qui doit l’être, objectif à atteindre pour et par les hommes. De la sorte, les règles de morale sexuelle sont des exemples de sainteté. La racine de ce mot évoque l’état de séparation et par conséquent d’ordre, de totalité et de plénitude89. Trace de la puissance de l’espoir ancré dans la malédiction prononcée par un prophète, l’histoire de Balak, roi de Moab, et de Balaam le prophète, découvre son usage et sa rémunération (Nombres 22, 7). Les messagers de Balak fils de Cippor, auprès de Balaam, lui transmettent ses paroles à propos du peuple d’Israël : « Viens donc, je te prie et maudis-moi ce peuple, car il est plus puissant que moi : peut-être parviendrai-je à le vaincre et le repousseraije du pays. Car, je le sais, celui que tu bénis est béni, celui que tu maudis est maudit… Viens donc, maudis-le moi ; peut-être pourrai-je l’attaquer et l’expulserai-je » (Nombres 22, 6-11). Mais YHWH veille, qui s’adresse à Balaam et impose sa décision : « Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni ! » (Nombres 22, 12). Le souverain insiste, sans résultat (Nombres 22, 17). Le récit voit la tension monter jusqu’au moment où Balak après une dernière tentative (Nombres 22, 27), renonce à user de la malédiction et de la bénédiction et renvoie le prophète. Pour autant, l’aspect magique de la malédiction requise ne suffit pas, ce que le souverain sait, qui doute mais envisage néanmoins d’attaquer le peuple d’Israël afin de le repousser au loin. La malédiction, dans ce cadre, constitue un acte symbolique, qui se doit d’être accompli par un « professionnel ». Elle est insuffisante mais nécessaire.

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M. DOUGLAS, De la souillure, Essai sur les notions de pollution et de tabou, pp. 70 sqq.

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D’autres exemples sont connus. Ainsi, le verset de 2 Rois 2, 24, prononcé par le prophète Élisée, rapporte, à propos des jeunes garçons de Béthel qui l’insultent, qu’il : « les maudit au nom de YHWH ». À ce moment, deux ours sortent de la forêt et mettent en pièces quarante-deux de ces enfants. Des malédictions sont formulées dans les discours des prophètes (Sophonie 1, 13 ; Amos 5, 2. 5. 11), liées au danger assyrien, elles profèrent des menaces de destruction du royaume de Juda : « Ce jour sera un jour de colère, un jour de détresse et d’angoisse, un jour de ruine et de dévastation, un jour d’obscurité et de profondes ténèbres, un jour de nuages et de brume épaisse » (Sophonie 1, 15). Parfois, des malédictions se transforment, s’inversent en promesses de retour, dans un cadre de sécurité et de stabilité (Jérémie 29, 5. 28 ; nzéchiel 28, 26 ; 36, 36 : Isaïe 62, 6-9 ; 65, 21)90. Ainsi, toujours investies d’un aspect prohibitif et protecteur, les malédictions sont confortées par l’appel direct ou non à la puissance divine et au châtiment. Lorsque Dieu retire sa bénédiction, qu’il s’emporte, alors ses malédictions provoquent drames et catastrophes, stérilité, pestilence et confusion91, sans que jamais l’alliance ne s’évanouisse. Un témoin divin, ses promesses et serments Dieu prête parfois serment, et parmi ces promesses, est assurée et réitérée à de très nombreuses reprises la parole donnée à son peuple du don de la terre d’Israël. Si ce dernier thème représente la part la plus importante de ses promesses, il en est d’autres dont la perspective s’inscrit dans la durée et l’histoire également. Il peut aussi jouer un rôle de témoin, soit direct soit indirect en certaines occurrences. Dans l’espace de l’alliance conclue à l’occasion de l’union de Jacob et de Rachel fille de Laban, Dieu est appelé comme témoin. Laban s’adresse à son gendre et lui dit : « Maintenant, tiens, concluons une alliance, moi et toi et il sera témoin entre nous deux. Jacob prit une pierre et l’érigea en monument. Et Jacob dit à ses frères : ramassez des pierres. Ils prirent des pierres, et en firent un monceau, et l’on mangea là sur le monceau. Laban l’appela Yegar-Sahadouthâ et Jacob le nomma Galed. Laban avait dit : « Ce monceau est un témoin entre nous deux dès aujourd’hui ». De là on énonça son nom Galed et 90

J.D. SMOAK, « Building Houses », pp. 29-35. M. DOUGLAS, De la souillure, Essai sur les notions de pollution et de tabou, pp. 69 sqq.

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aussi Miṣpa, parce qu’il dit : Que Dieu regarde entre toi et moi, alors que nous serons cachés l’un à l’autre. Si tu humiliais mes filles ; si tu associais d’autres épouses à mes filles… nul n’est avec nous ; mais vois ! Dieu est témoin entre toi et moi ! ». Laban ajoute : « Tu vois ce monceau, tu vois ce monument que j’ai érigé entre nous deux ; sois témoin ce monceau, sois témoin cette pierre que je ne dépasserai point de mon côté ce monceau ni cette pierre pour le mal » (Genèse 31, 44-52). La maṣṣebah ou pierre érigée, tout comme le gal ou monceau de pierres, sont ici dotés d’un rôle légal et religieux, trace du rôle de témoin du Dieu et témoins du contrat entre Laban et Jacob92. Pour Laban, la transgression de leur alliance, dont seul Dieu peut être le témoin, peut le contraindre à punir le coupable. Le monument dressé par Josué est admis comme témoin d’un lien car il : « a entendu toutes les paroles que YHWH nous a adressées », alors que Dieu l’est au second plan (Josué 24, 26-27). Le témoin matériel que constitue cette pierre paraît en quelque sorte un support concret de mémoire du témoignage divin. Ce monument est élevé afin de servir de garant, entre les tribus de Ruben, de Gad et la demi-tribu de Manassé et les autres « enfants d’Israël », du droit à servir YHWH. Ainsi, sa fonction cultuelle découle-t-elle de ces observations telle que découverte par la rencontre de Jacob avec YHWH (Genèse 28, 11-22) et son entretien avec celui-ci (Genèse 35, 14). Les douze monuments érigés par Moïse sont également des témoins concrets de la transmission de la divine parole et de la présence indirecte de Dieu qui a donné rendez-vous à son prophète sur la montagne (Exode 24, 4)93. L’érection de grandes pierres enduites de chaux est exigée par Moïse dans le texte de Deutéronome 27, 2-3, afin d’y inscrire les paroles divines et ce après avoir passé le Jourdain, qui sont témoin et mémoire, tout comme Dieu en est aussi le témoin (Deutéronome 26, 16). Les témoins se font matériels, constitués de pierre, souvenirs d’une relation et de l’alliance passée avec Dieu où ce dernier est réciproquement témoin soit d’un accord soit de l’application de ses exigences. Un texte est inscrit le plus souvent sur le monument. Ces pierres, symboles spatiaux, durs, lourds et solides relient la terre et le ciel ou demeure divine, qui se dressent et s’adressent à YHWH et font mémoire de serments et/ou de l’alliance. Un autre témoignage évoque Abraham déjà âgé et « béni en toutes choses », songeant à l’union de son fils Isaac et confiant la tâche de partir à la +NUTKOWICZ/ KRPPHIDFHàODPRUWSS D.J. MCCARTHY, « Three Covenants in Genesis », CBQ 26, 1964, pp. 179-189, spéc. pp. 187-19.



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recherche d’une épouse à Eliézer « son serviteur le plus ancien de sa maison », le régisseur chargé de l’intendance de tous ses biens94 (Genèse 24, 2), aussi en exige-t-il un serment afin de donner à sa requête une teinte solennelle. Une promesse effectuée sous forme d’un serment divin au patriarche révèlera le dessein à l’origine de ce serment humain. Cette délicate nouvelle dévoile un ensemble de rites exposant sa substance et sa peinture retrace le détail du formalisme convenu. Sa complexité en souligne la puissante valeur symbolique et sous-tend un projet d’envergure. Le patriarche requiert de son serviteur : śîm n’ ydek ta­at yer¥kî, « Mets, je te prie, ta main sous ma cuisse/hanche » (Genèse 24, 2). Puis, seulement après l’accomplissement de ce geste, Abraham exprime le contenu de la requête portée par ce serment qu’il n’a pas révélé auparavant. Ainsi, se découvre un rite concret du serment, une condition qui exige de celui qui le prête d’accomplir ce geste spécifique. Après les explications et la demande du patriarche concernant la future épouse de son fils, le texte constate l’accomplissement du rite qui l’oblige par le protagoniste : wayyśem ha‘ebed ’et yadô ta­at yreke ’aberhm ’ad¿nayw wayiÎ΍ba‘ lô ‘al hadbr hazeh, « Le serviteur posa sa main sous la cuisse/hanche d’Abraham, son maître, et lui prêta serment à ce sujet » (Genèse 24, 9) et qui introduit le second aspect du serment lié à la parole. L’emploi du verbe ΍ba‘, « jurer/promettre/prêter serment/adjurer », souligne l’importance de la promesse solennelle faite au patriarche. Un autre exemple de ce rite est également attesté dans la description des dernières volontés de Jacob : il exige de son fils Joseph de ne pas l’inhumer en terre d’ngypte mais de l’ensevelir dans le sépulcre familial : « Mets ta main sous ma cuisse/hanche/Jure-le moi » (Genèse 47, 29). Néanmoins, ce geste coutumier n’est pas assuré et/ou évoqué systématiquement dans les narrations et les lois Qu\IRQWSDVUéIéUHQFH Tout lieu du corps où se pose la main exprime un sens différent, telle la main sur la tête qui symbolise un rite de deuil. Elle évoque également la « direction », celle que doit prendre nliézer pour se rendre dans le pays natal du vieil homme et le « lieu » (Nombres 2, 17) où se produira la rencontre tant attendue. Elle dénomme aussi le « monument », une « place » (Isaïe 56, 5), ou le « lieu de mémoire » (2 Samuel 18, 18). La polysémie du mot yd, « main », s’étend au sens de puissance et donne ainsi de l’élan à la mission du serviteur qui se voit doté de l’énergie qui lui permettra de trouver l’élue. Posée sous la cuisse/hanche, la main souligne l’interaction entre les deux protagonistes. Le contact entre les deux êtres concernés s’effectue doublement lui donnant d’autant plus de vigueur. La métaphore du geste de la main qui se pose sous la hanche/cuisse du patriarche exprime et renforce le 94

S.R. DRIVER, The Book of Genesis, Londres, Kessinger Publishing, 1964, p. 231, note 2.

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sens des deux organes concernés. En effet, l’expression : « sortir de la cuisse/hanche de… » (Exode 1, 5), s’applique à ceux qui sont issus d’une lignée. Et le terme yreke, « cuisse/hanche », qui signifie également « descendance » dans ce texte, se relie à la lignée attendue par Abraham, qui sera issue de son fils et de sa future épouse Rébecca. En outre, lorsque la hanche se déboîte elle provoque la claudication et une perte d’équilibre (Genèse 32, 25-26), aussi, symboliquement, le fait de poser sa main sous la hanche se relie-t-il au sens de la mission du serviteur qui si elle devait échouer ferait perdre l’équilibre à la maison du patriarche et échouer le projet divin. Par conséquent, avec ces deux termes se dégage le sens du devoir qui incombe au serviteur et l’ensemble de ses lignes directrices. Les termes yd, « main » et yreke, « cuisse/hanche » se rencontrent par le biais de leur richesse sémantique afin d’exprimer le présent et le projet tel qu’il se construira, dont la condition s’inscrit dans la rencontre avec Rébecca. La main indique aussi et ainsi la direction symbolique à emprunter, celle du chemin que suivra nliézer et qui le fera participer au destin d’Israël. En effet, à la suite du serment prêté par ce dernier, Israël pourra advenir. Dieu y veille, qui est à la fois présent au serment et à la rencontre qu’il a d’ores et déjà organisée. Les composantes du serment prévoient de joindre le geste à la parole. Ainsi placer/poser la main sous la cuisse/hanche du patriarche fait entrer dans une relation physique qui rapproche le serviteur et son maître. Le réel concret rejoint la symbolique dans cette interaction. La construction du serment comporte un langage complexe qui enchevêtre le geste, en apparence mouvement de familiarité du serviteur vers le patriarche et la phrase formulée à son intention. La fonction de la main, organe du toucher, les met en contact intimement et renforce leurs liens95. Et la cuisse/hanche lieu de l’articulation et du mouvement sous-tend la détermination transmise à nliézer. Puis, à ce moment, le texte précise que le serviteur après avoir prêté serment ajoute l’expression dbr hazeh, « à ce sujet » (Genèse 24, 9). L’emploi du terme dbr, qui signifie « parole/promesse/fait/action » met d’ores et déjà en lumière les spécificités de ce serment que sont la parole et l’action réunis. L’énoncé du serment prononcé par le serviteur n’est pas transmis (Genèse 24, 9). Seule l’information est exprimée par la présence du

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De nombreux rites de contact sont attestés qui mettent en relation les mains de deux individus ou d’autres parties du corps et qui sont essentiellement des rites d’agrégation, A. VAN GENNEP, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981, pp. 43 sqq.

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verbe ΍ba‘, « jurer »96. L’énoncé le plus usuel de serment97 est introduit par ce verbe, puis figure parfois l’identité de la partie concernée, qui conduit vers la suite de la phrase : ­ay yhwh, « Par le Dieu vivant ! » (1 Rois 1, 29 ; 1 Samuel 19, 6). Cependant si dans ce texte aucune trace de cette formulation n’est conservée, il paraît plus que probable que le serviteur répète les paroles du patriarche au sujet du choix de la jeune fille à la première personne du singulier (Genèse 24, 3-4). Ainsi, ce rite se décompose en deux moments particuliers, l’un comporte le geste de la main sous la hanche/cuisse par celui qui s’oblige. Ce geste s’accompagne nécessairement dans cet exemple d’une formule qui comporte le verbe jurer. Le double aspect de cet engagement solennel conjugue le langage du corps et celui de la parole, qui se complètent et se font écho. Ils transmettent la promesse dans une forme juridique construite. Le corps et sa manifestation qu’est la parole sont dans leur ensemble garants du serment. L’humain en son entier est pris dans cette convention. Dans le même temps, la rencontre charnelle entre les deux personnages par le biais du serment et de son formalisme renforce la puissance de la transmission et de l’action menée. Les deux corps tout comme les deux volontés entrent en relation. Abraham reçoit la promesse tandis qu’nliézer recueille l’énergie afin de réaliser sa mission et concrétiser sa parole en acte, une parole déjà enregistrée comme acte par l’emploi du mot dbr, qui comporte le langage d’une parole qui est geste98, puisqu’en effet le texte n’emploie pas le terme ’¥mr, « parole/ordre » ou celui de ’imerh, « parole ». Avant de prêter serment, Eliézer suit avec attention les exhortations et explications d’Abraham qui prend Dieu à témoin : we’aÎebî‘ak bayhwh ’el¿h¥y haÎ΍mayim w¥’l¿h¥y h’reṣ ’aÎer l¿’ tiqqa­ ’išÎh libenî mibenôt hakena‘anî ’aÎer ’n¿kî yôÎ¥b beqirbô, « Je t’adjurerai par YHWH le Dieu des cieux et le Dieu de la terre afin que tu ne prennes pas une épouse à mon fils parmi les filles des Cananéens au milieu desquelles je demeure » (Genèse 24, 3). Dieu devient acteur et témoin dans ce choix du patriarche, qui lui confère les couleurs d’une promesse aux conséquences encore mystérieuses. Et cette exigence attend en

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Y. ZIEGLER « “So Shall God Do…”, Variations of an Oath Formula and its Literary Meaning », JBL 126, 2007, pp. 59-81, présente l’énoncé d’une formule standard de serment qui invoque YHWH : k¿h ya‘aśeh yhwh, « Qu’il fasse YHWH/Que YHWH fasse », attestée à diverses reprises dans les narrations et qui s’accompagne souvent de malédictions. 97 Y. ZIEGLER, « “As the Lord Lives and as Your Soul Lives” : An oath of Conscious Deference », VT 58, 2008, pp. 117-130. 98 M. JOUSSE, L’Anthropologie du geste, p. 115.

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réponse le serment l’animant de sacré99. La mission du serviteur du patriarche, s’est transformée en un acte profane revêtu de divin. Puis, le père d’Isaac spécifie qu’il trouvera une épouse pour son fils dans son pays natal et en exige : kî ’el ’areṣî we’el môladetî t¥l¥ke welqa­et ’iÎ΍h libenî leyiṣe­q, « Mais bien d’aller dans mon pays et dans mon lieu natal et tu prendras une épouse pour mon fils, pour Isaac » (Genèse 24, 4). Dans le même temps, figure dans la demande une condition négative, l’interdiction de prendre une femme de Canaan et une autre positive, celle de choisir une femme originaire du pays natal du patriarche, dont Dieu est témoin et garant. De fait, l’usage le plus commun lors de la période patriarcale consiste à préférer une union endogame entre cousins (Genèse 24, 15 ; 29, 12), tout comme entre membres d’un même clan (Exode 6, 23) ou entre tribus (Juges 19-20)100. En effet, l’union exogame peut entraîner à court et moyen terme par le biais de la transmission de l’héritage son émiettement et la dépossession des biens (Nombres 36, 2-7), mener vers l’idolâtrie, la perte de l’identité et la disparition du peuple101. Eliézer fait remarquer que la jeune fille se refusera peut-être à le suivre et questionne Abraham : « Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays-ci : devrai-je ramener ton fils dans le pays que tu as quitté ? » (Genèse 6). Mais le vieillard avec autorité l’interdit car Isaac ne doit pas quitter la maison de son père et ne doit pas choisir lui-même son épouse (Genèse 24, 6). Son avis n’est aucunement pris en compte. Ce choix est confié à un intermédiaire dont les obligations en sa qualité de serviteur ne peuvent être remises en cause en raison de ses vertus et de la sagesse attribuée à son âge, alors qu’Isaac sans expérience pourrait s’autoriser à se laisser aller à un mauvais choix et contrarier le dessein divin. Et le patriarche lui répète sa demande : welqa­et ’iÎ΍h libenî miÎ΍m, « Et tu prendras là-bas une femme pour mon fils » (Genèse 24, 7). D’ores et déjà, figure dans la question du serviteur le principe de la liberté de la femme quant au choix de son fiancé, qui apparaît remarquable de modernité.

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H. GUNKEL, Genesis, Translated and Interpreted, p. 245, interprète cet impératif d’un serment comme conséquence de la mort prochaine du patriarche, sans prendre en considération la volonté de ce dernier de mettre en place une lignée familiale endogame afin de « construire » le peuple promis par Dieu. 100 H. NUTKOWICZ, Destins de femmes à Éléphantine au V e siècle avant notre ère, Paris, Kubaba, L’Harmattan, 2015, p. 31 note 51. 101 K. HOGLUNG, Achaemenid Imperial Administration in Syria-Palestine and the Missions of Ezra and Nehemiah, Atlanta, Scholars Press, 1992, pp. 437-442. G. von RAD, Genesis, Londres, John Knox Press, 1997, pp. 252 sqq, évoque la possibilité qu’il ne s’agisse que de la demande d’un vieil homme sur le point de mourir.

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Le rôle divin s’avère particulièrement prégnant à tout moment dans ce récit. Ainsi, Abraham expose à son serviteur, en insistant et en évoquant une promesse et un serment, que Dieu qui l’a retiré de la maison de son père et du pays de sa naissance, s’est engagé par serment tant envers lui qu’envers sa lignée : wa’aÎer diber lî wa’aÎer niÎeba‘ lî l¥’m¿r lezare‘ak ’et¥n ’et h’reṣ haz¿’t hû’ yiÎela­ male’kô lepneyk, « Qui m’a parlé, qui m’a promis, qui m’a juré en disant : « Je donnerai cette terre-ci à ta postérité », lui-même enverra son ange devant toi » (Genèse 24, 7). L’emploi des verbes au piel renforce le discours divin. La double interdiction de ramener Isaac dans le lieu natal de son père et la trace du serment divin de donner la terre où est installé le patriarche, ne semblent en apparence pas reliés à la recherche de la fiancée d’Isaac (Genèse 24, 8). Pour autant, son inclusion dans les informations et recommandations du patriarche n’est pas anodine. Le rôle d’nliézer s’éclaircit. Dieu a prêté serment et promis cette terre à la postérité d’Abraham, qui rend nécessaire la présence d’Isaac près de son père dans le territoire en question et explique l’interdiction faite au serviteur de le ramener dans le lieu d’origine du patriarche, car la lignée se doit d’être établie là ou Dieu l’a mené et non ailleurs, alors qu’Isaac sans expérience pourrait s’autoriser à se laisser aller à un mauvais choix aux conséquences incalculables. Dieu surveille la mise en place d’Israël et la nouvelle venue jouera un rôle essentiel dans sa « construction ». Le serment divin du don de la terre d’Israël102 est à l’origine de la demande du patriarche et du rôle d’nliézer. Il est affirmé en divers tableaux dont celui de Genèse 22, 16-17, puis réitéré en Genèse 26, 3 à Isaac, et mis dans la bouche de Joseph en Genèse 50, 24. Jacob dorénavant nommé Israël se voit accorder la même faveur (Genèse 35, 11-12), et ce dernier texte porte la trace d’un don. De nombreux textes et narrations font référence au serment divin du don de la terre, ils le remémorent soulignant sa prégnance103. Cet ensemble explique la réitération de l’interdit du retour d’Isaac vers le pays de 102

C. WESTERMANN, Genesis 12-36, A Commentary, Minnéapolis, T et T Clarck, 1985, p. 385. 103 G. GISEN, Die Wurzel ‫שבע‬, « schwören », Eine semiasosiologische Studie zum Eid im Alten Testament, Bonn, Hanstein, 1981, pp. 228 sqq, présente la liste et le contenu des serments divins concernant le don de la terre dans l’ensemble de l’Ancien Testament, au nombre de trente-deux, qu’ils soient évoqués de manière indirecte ou bien qu’ils citent le discours divin, pp. 230 sqq. Ces serments sous leurs différentes formes figurent en : Exode 33, 1 ; Nombres 11, 12 ; 14, 16 ; 14, 23 ; 32, 11 ; Deutéronome 6, 18 ; 6, 23 ; 8, 1 ; 31, 20 ; 31, 21 ; 31, 23 ; 34, 4 ; Juges 2, 1 ; Exode 13, 5 ; Deutéronome 1, 8 ; 6, 10 ; 7, 13 ; 10, 11 ; 11, 9 ; 11, 21 ; 26, 3 ; 28, 11 ; 30, 20 ; 31, 7 ; Josué 1, 6 ; 5, 6 ; Jérémie 32, 22 ; Deutéronome 1, 35 ; Josué 21, 43 ; Exode 1, 35 ; Deutéronome 26, 15.

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ses pères. L’obligation et le dessein divin de construire une lignée rattachée à la terre donnée par Dieu implique d’éviter le moindre risque. Dieu poursuit son projet, qui à de multiples reprises l’affirme et le réaffirme comme promesse faite aux patriarches et le mène, au moment choisi, vers sa concrétisation. Tant Abraham qu’nliézer devraient être rassurés par le serment divin et la présence de l’envoyé divin dont la mission est de veiller à la réussite de la mission du serviteur. Mais en dépit de l’assurance de la présence divine par l’intermédiaire de l’ange, le serviteur, tout au long de son voyage, ne manque pas de s’inquiéter de la réussite de sa mission. Aussi se rappelle-t-il au bon souvenir de Dieu et le prie-t-il d’agir avec « amour/bonté/faveur/grâce » envers son maître (Genèse 24, 12). Le serviteur d’Abraham fait appel au Dieu pour la réussite de sa mission et dans sa prière supplie : haqer¥h n’ lepnay hayyôm wa‘aś¥h ­esed ‘im ’ad¿nî ’aberhm, « Daigne me procurer aujourd’hui une rencontre et agis avec grâce envers mon maître Abraham » (Genèse 24, 12). Sa prière paraît complexe car il requiert de pouvoir reconnaître l’heureuse élue (Genèse 24, 14). En effet, trouver une fiancée se révèle malaisé d’autant que ce choix est à effectuer pour un autre qui est le maître du premier. Il contourne cette difficulté et demande l’octroi d’un signe, qu’il choisit lui-même, par la divinité. Il met en scène un dialogue intérieur imaginaire créant les conditions de la rencontre avec la jeune fille élue et qui est le suivant : « La jeune fille à qui je dirai : « Veuille pencher ta cruche, que je boive » et qui répondra « Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux » (Genèse 24, 14). À peine le serviteur a-t-il achevé sa prière que Rébecca se présente. Néanmoins, en dépit de sa rencontre avec la jeune fille éblouissante qui lui offre à boire dans sa main ainsi qu’il en a imploré Dieu, nliézer doute encore (Genèse 24, 14-15). Or, elle établit par ce geste une intimité immédiate, et à nouveau la main qui offre et étanche la soif, mène sur le bon chemin, donne l’eau et la vie, qui est d’ores et déjà la réponse aux questionnements. Les fonctions de sa main sont à mettre en parallèle avec celles de la main d’nliézer lors du serment (Genèse 24, 18), Mais le serviteur reste étonné, silencieux, qui ne sait toujours pas si l’objet de son voyage est sur le pont de se réaliser (Genèse 24, 21). Aucun déterminisme, aucune certitude absolue n’affectent la situation, puisque le serment peut être délié, aussi Abraham l’accepte-t-il. Bien que Dieu ait prêté serment, l’incertitude paraît néanmoins présente dans le dialogue des deux hommes, le patriarche admet que l’union puisse ne pas se concrétiser et le serviteur prévoit que la jeune fille puisse refuser cette alliance de même que sa famille (Genèse 24, 41). Abraham ne doute pas du Dieu mais laisse place à l’expression du souhait de la future promise. Il accepte que l’épouse pressentie puisse refuser de suivre cet intermédiaire, et

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dans ces conditions prévoit de le relever de son serment (Genèse 24, 8) : we’im l¿’ t¿’beh h’iÎ΍h lleket ’a­areyk weniqqît miÎÎebu‘tî z¿’t raq ’et benî l¿’ tÎ¥b ΍mmh, « Et si cette femme ne consent pas à te suivre, tu seras dégagé de ce serment que tu me feras, seulement n’y ramène pas mon fils » (Genèse 24, 8). L’emploi du verbe nqh, « être libéré (d’une promesse) » signifie également « être innocent/absent de faute /de péché/être absous/être dévasté/être détruit », témoigne qu’nliézer sera considéré comme quitte de son obligation, mais dans le même temps évoque la disparition possible du projet qui se délite et la souffrance imposée au serviteur et au patriarche en raison de la gravité et du poids de son objet. Plus loin dans le texte, est insérée la seconde clause permettant de dégager le serviteur de son serment : « Alors tu seras libéré/dégagé de mon serment, lorsque tu seras allé dans ma famille ; s’ils ne te l’accordent pas, tu seras dégagé du serment/promesse que tu m’as fait » (Genèse 24, 41). Dans ce second exemple, le texte emploie un autre terme que ΍ba‘, pour signaler le serment, qui est le suivant : ’lh, lequel définit la promesse, le serment, la chose jurée et/ou promise, l’alliance, et rejoint ainsi le futur hymen. Il comporte un aspect négatif avec cette autre signification : « maudire » (Juges 17, 2), comme si l’usage de ce terme évoquant une mission qui pourrait avoir échoué était subtilement défini comme une malédiction, ce qui apparaît d’évidence puisque dans ces conditions le projet divin ne pourrait pas se concrétiser. Dans le même temps ce choix établit des niveaux différents de décision, celui de la promise paraît moins lourd de conséquence puisque la famille peut aller contre son gré, mais plus accablant si sa famille refuse l’alliance. Et la nuance est d’importance, car si le souhait de la jeune fille peut être pris en compte, sa famille peut décider de son union pour d’autres motifs. Mis en présence de Laban frère de Rébecca, nliézer lui restitue les paroles d’Abraham : « Tu iras dans la maison de mon père, dans ma famille, et tu prendras une épouse à mon fils » (Genèse 24, 38). Puis après avoir rappelé le contenu de l’exigence du patriarche, il dévoile la substance de l’intervention divine dont avant son départ celui-ci l’a informé : « YHWH fera prospérer ton voyage et tu prendras une femme pour mon fils dans ma famille au foyer de mon père » (Genèse 24, 40). La répétition de nombreux passages du texte avec des détails qui diffèrent et complètent les informations témoignent d’une présentation104 coutumière de narrations de l’Ancien Testament.

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De nombreuses répétitions colorent le texte tant pour les instructions données au serviteur, que pour la parenté de Rébecca, l’accueil fait à nliézer, sa prière à Dieu, probablement signe de deux récits du même motif qui s’entremêlent, H. GUNKEL, Genesis, Translated and Interpreted, p. 247. M. PARAN, ‫דרכי הסןןון הכוהעי בחורה‬, Forms

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Le texte déliant le serviteur marque la limite de la réussite de sa mission. Néanmoins, celui-ci refuse cette éventualité d’échec, qui a prié Dieu afin qu’elle réussisse (Genèse 24, 42). Entre le moment où il connaît l’identité de la jeune fille qui doit être la compagne d’Isaac et l’accord de l’une et/ou des autres parties se produit un moment de flottement. Laban et Bathuel reconnaissent que leur avis est indifférent, aucune discussion ne semble possible puisque : ka’aÎer diber yhwh, « La chose émane de Dieu », et ils ajoutent : « Nous ne pouvons te parler ni en mal ni en bien » (Genèse 24, 50), puis concluent : « Voici Rébecca à ta disposition, prends-la et pars et qu’elle soit l’épouse du fils de ton maître » (Genèse 24, 51). Dieu est présent en arrière-plan dans l’intégralité du récit, aussi nliézer se prosterne-t-il devant celui qui lui a envoyé « son ange » afin que le projet se réalise (Genèse 24, 52), lui a permis de mener à bien sa mission et ne pas trahir son serment. Néanmoins, Laban son frère, et la mère de la jeune fille qui ne se sont pas opposés à son départ souhaitent gagner du temps (Genèse 24, 55), en le retardant de dix jours105. Si nliézer a bien rencontré la jeune fille destinée à Isaac, la famille semble réticente quant à la rapidité de l’évènement, mais aucune explication à cette réserve n’est transmise. Aussi, le serviteur lors de ce dernier rebondissement se montre-t-il ferme afin de mener le projet à son terme, car tant que la jeune fille ne l’aura pas suivi, il ne peut être absolument certain qu’elle l’accompagne. La crise se dénoue grâce à la liberté prise par Rébecca dont l’avis semble précieux et qui répond d’un ton péremptoire à la question : « Pars-tu avec cet homme ? Elle dit : « J’irai » (Genèse 24, 58). Après avoir accepté, Laban et la mère de Rébecca la bénissent et le texte de la bénédiction dévoile un aspect complémentaire et essentiel de l’objet du voyage : « Puisses-tu devenir des milliers de myriades » (Genèse 24, 60). Enfin ils partent vers une nouvelle vie (Genèse 24, 61). Dieu reste fidèle à son serment : il permet à nliézer d’accomplir sa mission : wayhwh hiṣelî­a darekî, « puisque Dieu a fait réussir mon voyage » affirme-t-il (Genèse 24, 56). Et le serviteur du patriarche, sous les auspices de Dieu, reconnaît l’heureuse tournure des événements. De fait, Dieu n’abandonne à aucun moment son projet dont nliézer est le pilier, puisque le of the Priestly Style in the Pentateuch : Patterns, Linguistic Usages, Syntactic Structures, Jérusalem, Magnes Press, 1989. 105 Le personnage de Laban, tout au long des textes et quelles que soient les situations, se révèle ambigu. Ainsi, il donne son accord mais cherche à gagner du temps et semble toujours prêt à trahir sa parole. L’exemple le plus flagrant de cette nature est lié à sa promesse de donner sa fille Rachel en mariage à Jacob. Mais la nuit de l’union venue il le trahit et lui donne sa sœur Léa à la place afin que Jacob travaille encore sept ans pour lui. Le texte le dévoile tel qu’en lui-même, néanmoins ici Dieu veille et aucune de ses manigances ne peut réussir.

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futur se met en place avec son succès. Enfin, la première rencontre du couple clôt le récit : wayyiqqa­ ’et ribeqh watehî lô le’iÎ΍h wayye’ehbeh « Il prit Rébecca pour épouse et il l’aima » (Genèse 24, 67). Les serments, divin et humain, s’entrecroisent dans cette chronique paradigmatique afin de lui transmettre la gravité intrinsèque dont il est porteur, que sous-tend le projet divin de donner naissance à un peuple sur une terre spécifique. Si la promesse divine d’accompagner nliézer est affirmée haut et fort, le doute l’étreint en toutes circonstances en dépit de ce serment et de sa toute-puissance. Les répétitions soulignent encore ce doute, que la pensée et les émotions humaines ne font jamais disparaître. Une erreur humaine paraît toujours possible à nliézer, et Dieu ne saurait toujours la réparer. La nature humaine reprend toujours ses droits, qui n’affiche aucune certitude en dépit d’un formalisme et d’une promesse divine, et d’autre part qui s’inquiète du possible échec d’une mission, d’une responsabilité et d’un serment. Prévus par les lois, les serments judiciaires106, dont il est fait usage lors des procès afin d’étayer les dires des témoins et ou des parties, partagent, avec l’ensemble des différentes sortes de serments attestés dans le droit israélite, une dimension sacrée. Mais, dans le récit d’nliézer, celle-ci s’inscrit dans un champ de protection et d’appui afin de le mener vers le succès, tandis que dans les autres catégories de serments la menace divine plane sur le parjure, où profane et sacré se côtoient également107. Ce serment exceptionnel lié à une situation qui l’est elle-même fonctionne sur un mode positif, et n’est en rien la conséquence d’une situation juridique liée à la culpabilité d’individus et/ou du peuple et une absence de preuve. Il répond à une décision divine et sacrée. Dieu est partie et juge à la fois, ce qu’atteste son serment. La caractéristique du serment privé résultant d’une convention prévoyant les obligations des cocontractants n’est ici pas concernée. Et, aucun autre témoin que Dieu ou son envoyé n’est présent. 106

Trois textes de lois s’appliquent au serment judiciaire. Nombres 5, 19-22 et 31 décrit la procédure de l’ordalie dite des eaux amères, lorsque l’épouse est soupçonnée d’adultère. Cette procédure se déroule devant le prêtre. Le verset 31 évoque une sentence judiciaire. Le juge laïc prononce la peine en fonction du résultat de l’ordalie. Deutéronome 21, 1-9 décrit le comportement qui doit être adopté lorsqu’un crime y a été commis : les Anciens de la ville la plus proche tuent une génisse dans un torrent. Puis ils prêtent serment sous le contrôle des lévites et jurent que leur cité n’est pas responsable du meurtre commis. Ils affirment que « leurs mains n’ont point répandu ce sang et leurs yeux ne l’ont point vu répandre », puis ils prient Dieu de pardonner à leur peuple. 107 S. LAFONT, « La procédure par serment au Proche-Orient ancien », dans Jurer et maudire : pratiques politiques et usages juridiques du serment dans le Proche-Orient ancien, Méditerranées 10-11, 1997, pp. 185-198.

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L’enjeu en est politique et historique, et en dépit d’une apparence qui semble prêter au serviteur une importance unilatérale inaccoutumée, celui-ci est l’instrument du dessein divin. Avec la mission d’nliézer et son succès nécessaire, la lignée d’Abraham et avec elle la naissance d’un peuple s’inscrit dans l’histoire. Dans la théophanie du buisson ardent, Dieu, après s’être révélé et avoir expliqué à Moïse la première raison de son intervention, à savoir délivrer le peuple de la puissance égyptienne, lui annonce son projet : « Pour le faire passer de cette contrée-là dans une contrée fertile et spacieuse, dans une contrée ruisselante de lait et de miel » (Deutéronome 6, 3 ; 11, 9 ; 26, 9. 15 ; 27, 3 ; 31, 20), puis précise : « Où habitent le Cananéen, le Héthéen, l’Amorréen, le Phérézéen, le Hévéen et le Jébuséen » (Exode 3, 8). Les acteurs de la pièce connaissent ses motifs, ils doivent la mettre en scène puis la jouer. Aussi, le serment le plus communément transmis reste-t-il la promesse du don de la terre d’Israël, assuré de très nombreuses fois108. Sa forme varie à peine, qui est mise dans la bouche d’un tiers, patriarche ou autre, ou celle de Dieu et emploie le verbe ΍ba‘, « jurer », qui précise parfois à qui ce serment a été prêté. L’une des formules peut ainsi, par exemple, prendre l’aspect d’un ordre transmis à Moïse de conduire le peuple au : h’reṣ ’aÎer niÎeba‘etî le’aberhm leyiṣe­q wûleya‘aq¿b, « Pays/la terre que j’ai promise par serment, à Abraham, à Isaac et Jacob » (Exode 33, 1). Parmi d’autres exemples de ce même thème (Genèse 24, 7), figure la promesse en Exode 6, 8 où Dieu rappelle à son serviteur Moïse sa promesse : « Je vous la donnerai comme possession héréditaire ». Outre ces promesses de la terre à son peuple, d’autres serments sont assurés de manière ponctuelle, liés à des situations singulières. Ainsi la parole donnée à David que son fils bâtirait le Temple s’est réalisée, et la dédicace rappelle le serment divin à son origine : « C’est ton fils, celui qui doit naître de toi qui bâtira ce temple en mon honneur. YHWH a réalisé sa parole » (1 Rois 8, 19-20).

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Cette catégorie de serments au nombre de trente-deux est attestée dans les textes suivants : Genèse 50, 24 ; Exode 33, 1 ; Nombres 14, 16 ; 14, 23 ; 32, 11 ; Deutéronome 6, 18 ; 6, 23 ; 8, 1 ; 31, 20 ; 31, 21 ; 31, 23 ; 34, 4 ; Juges 2, 1 ; Exode 13, 5 ; 13, 11 ; Deutéronome 1, 8 ; 1, 35 ; 6, 10 ; 7, 13 ; 10, 11 ; 11, 9 ; 11, 21 ; 26, 3 ; 26, 15 ; 28, 11 ; 30, 20 ; 31, 7 ; Josué 1, 6 ; 5, 6 ; 21, 43 ; Jérémie 32, 22. En outre, une dizaine d’autres formules évoquant le don de la terre sont assurées. Une dizaine d’autres encore et qui adoptent une formulation différente, se surajoutent à cette liste, G. GISEN, Die Wurzel, pp. 230 sqq. L’auteur présente les diverses formules de serments dans le détail.

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Serments humains sur Dieu Des formules de serments standards sont prononcées par les individus, qui font appel à Dieu. L’expression : « Qu’il fasse », apparaissant une douzaine de fois dans les textes, adopte des formes différentes, telle : k¿h ya‘aśeh ’el¿hîm, « Que Dieu fasse » (1 Samuel 14, 44 ; 1 Samuel 25, 22 ; 2 Samuel 3, 9 ; 1 Rois 19, 2). Par deux fois, le tétragramme est employé (1 Samuel 20, 13 ; Ruth 1, 7), et, à nouveau par deux fois la formule emploie le terme prêter serment (2 Samuel 3, 35 ; 1 Rois 2, 23). Parfois, elles s’accompagnent d’une malédiction (1 Samuel 3, 17)109. Le Deutéronome instruit le peuple : « C’est YHWH ton Dieu que tu dois adorer, c’est lui que tu dois servir, c’est par son nom que tu dois jurer » (Deutéronome 6, 13). Et le verset 10, 13, insiste : « Attache-toi à lui seul, ne jure que par son nom ». Le récit livré par le Lévitique 24, 10-17. 23 met en scène le fils d’une femme Israélite dont le père est ngyptien, qui se prend de querelle avec un homme d’Israël et profère « en blasphémant le nom sacré ». Il se voit alors condamné à mort par YHWH. Osée rappelle la parole divine qui dénonce les parjures et les mensonges (Osé 4, 2), les serments frauduleux (Osée 10, 4), et Jérémie reproche au peuple ses faux serments (7, 10), accusant ceux qui prononcent cette formule : « Par YHWH vivant », car « à coup sûr, c’est pour prêter un faux serment (Jérémie 5, 2). YHWH déclare : « Je serai un témoin empressé… contre les parjures » (Malachie 3, 6), qui exige comme préalable aux serments le retour vers lui pour jurer : « par le Dieu/YHWH vivant » (Jérémie 4, 1-2). L’affirmation : ­ay yhwh, « Par le Dieu vivant », constitue également une formule de serment (1 Samuel 28, 10 ; 2 Samuel 15, 21 ; 2 Rois 4, 30)110. Saül alors qu’il consulte la nécromancienne d’Endor, profession interdite et punie de mort, tente de la rassurer par ce serment : « Par le Dieu vivant ! Il ne t’arrivera aucun malheur pour cette affaire » (1 Samuel 28, 10).

Communication divine et secret Lorsque Dieu en prend l’initiative, des choses secrètes sont dévoilées. S’il est seul à détenir la connaissance absolue, il concède parfois à l’être humain certaines informations et connaissances. Diverses sortes de textes en font état. Deutéronome 29, 28 déclare : hannisetr¿t layhwh ’el¿h¥ynû wehannigel¿t lnû ûlebn¥ynû ‘ad ‘ôlm la‘aśôt ’et kol diber¥y hatôrh haz¿’t, 109

Y. ZIEGLER, « “So Shall God Do…”, Variations of an Oath Formula and its Literary Meaning », pp. 59-81. 110 Y. ZIEGLER, « “As the Lord Lives and as Your Soul Lives” : An oath of Conscious Deference », pp. 117-130.

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« Les choses cachées appartiennent à YHWH notre Dieu, et les choses révélées à nous et à nos enfants pour toujours afin d’accomplir toutes les paroles de cette doctrine », affirmant le pouvoir divin de dissimuler et/ou de manifester toute connaissance et tout ordre selon sa volonté et son choix lors d’occasions déterminées. Dieu laisse aux hommes l’obligation d’agir selon les lois inscrites, remémorant une différence ontologique de taille et une distance infranchissable avec l’humain. YHWH réfléchit : « Dois-je couvrir/cacher à Abraham ce que je veux faire ? » (Genèse 18, 17), puis se décide à lui transmettre le destin qui l’attend. L’affirmation figurant en Isaïe 48, 6-7a découvre également cette notion, et l’annonce par YHWH précise : hiÎema‘etîk ­adśôt ma‘th ûneṣurôt wel¿’ yeda‘etm, ‘ath nibere’û wel¿’ m¥’z welipen¥y yôm wel¿’ Îema‘etm pen t¿’mar hinn¥h yeda‘etîn, « Désormais je t’informerai des faits nouveaux, des faits cachés que tu ne connais pas, des faits qui se produisent maintenant et pas dans le passé ; avant ce jour tu n’en as rien su, tu ne saurais dire : « Je les connaissais ! ». La révélation de sa présence souligne sa rareté, et quelques attestations en témoignent : « Là Dieu lui était apparu » (Genèse 35, 7), « La gloire de YHWH se manifestera » (Isaïe 40, 5). Un jour avant l’arrivée de Saül au pays de Çouf, YHWH : « S’était révélé à Samuel » (1 Samuel 9, 15). Ses héros sont choisis par Dieu qui s’en fait connaître par des voies qui lui sont propres. Ainsi, « YHWH ouvrit les yeux de Balaam, lui fit voir ce que l’œil de l’homme ne voit pas d’ordinaire » (Nombres 22, 31). Alors que le mystère du rêve de Nabuchodonosor est dévoilé à Daniel, celui-ci prononce une bénédiction et constate à propos de YHWH : hû’ gl¥’ ‘ammîqt’ ûmesaterth, « Il révèle des choses profondes/impénétrables et cachées » (Daniel 2, 22). Le verbe glh, « révéler/découvrir/faire connaître ce qui est caché/ouvrir », est employé afin d’exprimer la transmission et le partage avec des êtres choisis de choses et d’évènements tenus secrets. À la suite de la prière de Daniel : wegl¥’ rzyy’, « Le mystère fut dévoilé/révélé » (Daniel 2, 19), grâce la volonté divine, qui reste habituellement inaccessible aux humains111. Il est exigé du prophète auquel nombre de révélations ont été dévoilées : « Quant à toi, Daniel, tiens cachées ces révélations et scelle le livre jusqu’au temps final, où beaucoup se mettront en quête et où augmentera la connaissance » (Daniel 12, 4), mais il ne peut s’empêcher de questionner encore et la réponse se fait plus ferme encore : « Va Daniel ! Car ces choses demeureront cachées et scellées jusqu’au temps final » (Daniel 12, 9). Le Psaume 98, 2-3 témoigne à propos de YHWH qu’il a : « Manifesté sa justice » inattendue, aux yeux des nations, et « Toutes les extrémités de la terre ont été témoins du secours de notre Dieu ». Le livre de Job évoque la 111

A. LENZI, Secrecy and the Gods, p. 231.

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possibilité pour YHWH de se manifester afin de lui répondre car : « Il révèlerait les mystères de la sagesse » (Job 11, 6-9), ou de questionner : « Prétends-tu pénétrer le secret insondable de YHWH ? » (11, 7), ajoutant : « Quelle connaissance en as-tu ? » (11, 8), et témoignant de l’impossibilité à son accès sans la volonté et l’acceptation divines. Suscité par YHWH, le rôle du juge sauveur est mis en évidence (Juges 3, 15), alors que les Israélites sont soumis aux Moabites auxquels ils sont tenus de verser un tribut. Alors que le juge Ehud l’a remis à Eglôn souverain de Moab, il lui annonce : « Roi, j’ai une mission/un message secret pour toi » (Juges 3, 19), alors ses gens se retirent. Ehud s’approche du roi et lui révèle la nature de son secret : « J’ai une mission/un message de Dieu que j’ai pour toi » (Juges 3, 19-20), puis alors que le souverain attend la transmission d’un oracle, le juge l’assassine. La formule : debar ‘el¿hîm, « message/mission divine », exprime la relation entre le juge et le royaume divin, comme un mystère transmis lors de sa révélation. Après avoir envoyé chercher le prophète, le roi Sédécias l’interroge bass¥ter, « secrètement » : « Y a-t-il une communication de la part de YHWH », celui-ci répond : y¥Î, « Il y en a », puis l’instruit de son destin : « Tu seras livré aux mains du roi de Babylone » (Jérémie 37, 17). Le secret est rompu et Jérémie en transmet le contenu au roi qui, conscient, sait que l’information tenue confidentielle a bien été transmise par YHWH. Le secret divin peut de la sorte être révélé par YHWH à ses serviteurs que sont les prophètes (Amos 3, 7).

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Oracles À la suite d’un questionnement par l’entremise d’un prophète ou d’une décision divine, YHWH révèle sa parole, réponse et/ou jugement, aux patriarches, aux héros choisis et aux prophètes chargés de les transmettre. Aucun lieu particulier n’est destiné à cet effet. Ces oracles peuvent livrer une information positive ou négative, de telle sorte que le terme maśś’, « oracle », qui définit le propos divin peut aussi être considéré comme « le fardeau de YHWH » (Jérémie 23, 33-37). Ainsi, YHWH pris de colère contre les faux prophètes transmet cet oracle à son prophète : « Tu leur répondras ce qu’est l’oracle : « Je vais vous rejeter » (Jérémie 23, 33). En outre, Dieu interdit son usage : « Le mot maśś’, « oracle » de YHWH vous n’en ferez plus mention, car la parole communiquée à l’homme est bien un oracle, mais vous dénaturez les paroles du Dieu vivant » (Jérémie 23, 36). Seules les deux formules : « Quelle réponse t’a faite YHWH ? » et « Quelle est la parole prononcée par YHWH » sont autorisées sous peine de rejet (Jérémie 23, 37-39). Un autre terme découvre ce concept qu’est le miÎpt, ou « oracle divin ». L’expression : miÎpt hammeleke dénomme les « paroles/jugements de YHWH » (1 Samuel 8, 10-11), délivrés par un/une prophète/prophétesse. Lorsque les Israélites le souhaitent, ils consultent cet intermédiaire. Ils peuvent également : эtaq, « crier/implorer » (1 Samuel 7, 8), mais n’obtenir aucune réponse. Le Dieu apostrophe son peuple par ces mots : « Car il n’y aura plus… d’oracle fallacieux dans la maison d’Israël. Car c’est moi YHWH, qui dirai la parole que je veux dire, et qui s’accomplira sans être plus différée » (Ézéchiel 12, 24-25). En outre, l’offrande d’un holocauste semble faire partie intégrante de l’oracle (1 Samuel 7, 9). Les oracles transmettent les desseins divins, dont l’homme ne perçoit pas toujours la signification. Ainsi, alors qu’Abram est âgé de quatre-vingtdix-neuf ans, YHWH lui apparaît sans intermédiaire afin de lui annoncer son projet : « Je maintiendrai mon alliance avec toi, et je te multiplierai à l’infini », et lui révèle encore : « Tu seras le père d’une multitude de nations » (Genèse 17, 2-3). Puis, après avoir transformé son nom en Abraham, ajoute : « Et je te donnerai et à ta postérité la terre de tes pérégrinations, toute la terre de Canaan, comme possession indéfinie, et je serai pour eux un Dieu tutélaire » (Genèse 17, 5-8). Parmi ses projets politiques, YHWH choisit le premier souverain d’Israël sans en avertir l’intéressé, mais en informe le prophète Samuel. Tandis que Saül et son serviteur partis à la recherche des ânesses de Kish sont parvenus au pays de Çouf, le rencontrent, celui-ci après le festin partagé, confie au futur souverain : « Je veux te faire connaître la parole de YHWH » (1 Samuel 9, 27). Puis, il oint Saül et l’embrasse disant : « Ceci est l’onction que YHWH te confère, comme chef de son héritage » (1 Samuel 10, 1). Il lui transmet les secrets de son avenir, lui annonce la rencontre près du tombeau

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de Rachel avec deux hommes qui lui révèleront que les ânesses de son père ont été retrouvées, puis lui fait connaître l’inquiétude de son père. Il fera encore une autre rencontre avec trois hommes se rendant à Béthel, puis montera à la colline du Seigneur où il rencontrera un chœur de prophètes, enfin l’esprit divin s’emparera de lui et il prophétisera (1 Samuel 10, 2-7). Le roi David, souhaite faire ériger une demeure pour l’arche d’alliance, mais la nuit même, Nathan son prophète, reçoit l’oracle divin et informe le souverain du ferme refus opposé à sa demande : « Ce n’est pas toi qui me construiras un temple pour ma résidence » (1 Chroniques 17, 2- 4). Des personnages sont évoqués dont l’avis est respecté comme : « La parole de Dieu même » tel Ahitofel (2 Samuel 16, 23). Chemaya, homme de Dieu, se voit adresser la parole divine qui lui recommande d’éviter la guerre entre frères du royaume d’Israël et de Juda, car cette séparation s’est effectuée selon la volonté divine (1 Rois 12, 22-24). Un envoyé de Dieu se rend à Béthel afin d’informer le souverain d’Israël, Jéroboam, de la sentence divine : « Un fils va naître à la famille de David », lequel fera disparaître les prêtres des hauts-lieux qui font fumer l’encens sur ce roi. Il l’avertit de la matérialisation immédiate de cet oracle : « Voici la preuve… l’autel va se fendre et la cendre… se répandra à terre ». Le roi étend la main afin de donner l’ordre de l’arrêter mais elle se paralyse, l’autel se fend et la cendre se répand selon l’annonce divine (1 Rois 13, 1-5). Jéhu, se souvient de la prédiction divine émise contre le roi Joram, qui avait promis de rejeter sur celui-ci le sang de Nabot et de ses enfants comme prix de son infamie (2 Rois 9, 25-26). Afin de consoler le peuple, le prophète nlie lui prédit la fin de ses épreuves sous une forme poétique : « L’herbe se dessèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais » (40, 1-8). Il réaffirme plus tard cette divine révélation : « Je ferai affluer dans ses murs (Jérusalem), la paix comme un fleuve, et comme un torrent impétueux la richesse des nations, et vous vous en nourrirez » (Isaïe 66, 7-14). Se composant d’oracles de jugement (Chapitres 1-24), et de délivrance, le livre d’Ézéchiel est destiné aux exilés de Babylone (Chapitres 33-48). Dès le second chapitre, Dieu s’adresse au prophète et en exige : « Tu leur diras mes paroles, qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent, car c’est une maison de rébellion » (Ézéchiel 2, 7), puis ordonne : « Et toi, fils de l’homme, écoute ce que je vais te dire… ouvre la bouche et mange ce que je vais te donner » (2, 8). Ensuite, YHWH lui enjoint : « Debout ! Va auprès de la maison d’Israël et communique-leur mes paroles » (Ézéchiel 3, 4). Dans un oracle tragique, le prophète prévient du désastre imminent qui va s’abattre sur la cité de Jérusalem. Sa vision décrit l’un des kerûbîm ou « chérubins » qui étend la main vers le feu entre les chérubins, en extrait et le pose dans les paumes d’un homme habillé de lin qui le saisit et sort (Ézéchiel 10, 7). Le jugement matériel de la cité de Jérusalem est symbolisé par les actes

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de l’homme vêtu de lin. Constatant les abominations et les exactions commises, YHWH annonce : « Je vous jugerai » (Ézéchiel 11, 11). Le jugement divin ou oracle s’est d’ores et déjà affirmé avec le départ de la kbôd, « gloire divine » de la ville112 (Ézéchiel 10). L’ensemble du livre du prophète est parsemé d’oracles divins de délivrance. Les uns offrent peu d’espérance aux Judéens (entre 597 et 587/86 avant notre ère), ou aux exilés de la première déportation. Les autres offrent l’espoir de la délivrance à l’ensemble de la diaspora après la chute de Jérusalem (Ézéchiel 11, 14-21 ; 16, 53-63 ; 17, 2224 ; 20, 40-44 ; 28, 25-26 ; 34, 11-22 ; 34, 23-24 ; 34, 25-32 ; 36, 1-5 ; 36, 1623b ; 36, 23c-38 ; 37, 15-23 ; 39, 25-29). Et, l’objet de ces oracles se relie à la restauration de l’alliance, l’exigence de purification du peuple puis la reconnaissance de ses péchés. Une série de prédictions figure également dans le livre du prophète contre les nations étrangères (Ézéchiel, chapitres 25-32). Parmi ces prédictions, figure l’annonce de la fin des royaumes voisins, les Ammonites, en châtiment, seront livrés « Aux fils de l’Orient » qui « mangeront leurs fruits et boiront leur lait », puis seront retranchés des autres peuples (Ézéchiel 25, 47), Moab et Séir subiront ce même sort (25, 8-11), Édom sera exterminé (25, 12-14), les Philistins anéantis (25, 15-17), enfin Tyr et Sidon subiront le pire (Ézéchiel 26-28). Isaïe s’en fait aussi l’écho contre d’autres ennemis de Juda, telle Babylone, où apparaît l’armée divine, qui survient : « Des confins du ciel » (Isaïe 13, 3), afin de ravager la terre, puis annonce le « jour de YHWH » (Isaïe 13, 6-9), qui exterminera les criminels : « Car je vais punir… les méchants de leur crime ; Je vais faire cesser l’orgueil des insolents, humilier l’arrogance des puissants » (Isaïe 13, 11). À propos des faux prophètes, YHWH, navré, constate avec colère par la bouche de son prophète Jérémie : « Aussi chez les prophètes de Samarie, j’avais vu des choses écœurantes ; ils prophétisaient au nom de Baal et égaraient mon peuple Israël. Mais chez les prophètes de Jérusalem, j’ai remarqué des abominations : ils pratiquent l’adultère, vivent dans le mensonge, prêtent main-forte aux malfaiteurs, de façon que personne ne revienne de sa perversité. Tous, ils sont devenus à mes yeux comme gens de Sodome et les habitants (de Jérusalem) comme gens de Gomorrhe. C’est pourquoi… au sujet des prophètes : Voici je vais leur donner des plantes vénéneuses à manger et des eaux empoisonnées à boire, car c’est des prophètes de Jérusalem que la 112

D.I. BLOCK, The Book of Ezekiel 1-24, Grand Rapids, Eerdmans, 1997, p. 315.

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corruption s’est propagée dans tout le pays… N’écoutez point les discours des prophètes… ils vous bercent de chimères, ils vous débitent des visions de leur inventions que YHWH n’a point inspirées… » (Jérémie 23, 13-16). L’annonce de la tempête divine accompagne ces reproches : « Je vais prendre à partie les diseurs de songes trompeurs » (Jérémie 23, 32), et le châtiment promis s’affirme inquiétant : « Je vais vous rejeter » (Jérémie 23, 33).

Songes et visions Parfois, Dieu apparaît en de merveilleuses occurrences, afin de transmettre ses messages, ses volontés et ses desseins. D’autres fois, il apporte de surprenantes réponses contées par les narrations. Les songes et les visions, souvent symboliques, transmettent les résolutions divines, parfois par le truchement des prophètes, des prêtres ou d’autres personnages. L’emploi du terme maḥāzeh, « vision », apparaît quatre fois dans les textes, ainsi la présentation de Balaam dont l’esprit divin s’est emparé et : « Qui voit les visions de YHWH » (Nombres 24, 4). Dieu peut aussi envoyer un signe de désintérêt ou pis encore, d’abandon. Le récit figurant en 1 Samuel 3, 1 en propose l’éclatante démonstration : ûdebar yhwh hyh yqr bayymîm hh¥m ’¥yn ­zôn niperṣ, « À cette époque, la parole de YHWH était rare/précieuse, et aucune vision (prophétique) ne perçait ». De fait, Dieu évite le prêtre qui ne reconnaît pas sa voix lorsqu’il l’entend, et dont les fils l’ont maudit (1 Samuel 3, 4-18). La nuit sans mēḥāzōn, « vision » » est promise par YHWH aux faux prophètes (Michée 3, 6). Les motifs varient selon les circonstances, qui sont transmis durant la nuit. Dès Genèse 15, une ma­azeh, « vision » nocturne est envoyée à Abram afin de le rassurer et lui promettre une progéniture : « Ne crains point, Abram : Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande » (Genèse 15, 1), puis ajoute : « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu peux en supputer le nombre, et il lui dit : ainsi sera ta descendance » (Genèse 15, 5). Outre ces visions de la nuit, des songes ou rêves font parvenir des messages et des révélations. YHWH visite également en un baḥalôm hallāyelāh, « songe nocturne » Abimelek roi de Gherar afin de lui annoncer d’un ton orageux : « Tu vas mourir », s’il ne restitue par Sara à Abraham (Genèse 20, 3). Alors que ses frères pris de haine conspirent contre Joseph, le fils préféré de Jacob, ils le surnomment moqueurs : « l’homme aux rêves » (Genèse 37, 19). En effet, le jeune homme, âgé de dix-sept ans leur a naïvement dévoilé ses deux rêves qu’il conte à ses frères. Leur symbolique ne

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leur échappe pas, pas plus qu’à son père, qui préfigure sa grandeur future (Genèse 37, 5-10). Alors que Joseph est prisonnier en ngypte, l’interprétation des rêves du maître panetier et du maître échanson de pharaon lui permettra plus tard de recouvrer sa liberté (Genèse 40, 1-4. 5-7), et d’accéder aux plus hautes charges auprès du souverain. Le maître échanson, ingrat, oublie Joseph dans sa prison pour deux années encore. Puis, assailli par deux rêves, ou bien plutôt deux cauchemars, dont il souhaite saisir la teneur, le pharaon convoque tous les devins de l’ngypte et ses savants : « mais nul ne sut les interpréter » (Genèse 40, 2-8). Des songes sont envoyés à des souverains étrangers, dont attestent les rêves de Pharaon. En effet, à ce moment, le maître échanson se souvient du jeune homme hébreu convoqué par le pharaon qui le questionne sur son art d’interpréter les songes. Joseph avec son habituel naturel répond : « Loin de moi, c’est Dieu qui répondra pour donner la paix à Pharaon » (Genèse 40, 16). Le souverain dévoile le rêve des sept vaches grasses et des sept vaches maigres dévorant les premières, et celui des sept épis pleins et beaux sur une même tige absorbés par sept épis maigres et desséchés. Joseph traduit et commente ces rêves, par lesquels le Dieu d’Israël annonce la famine, dévoilant : « Quant à la répétition du rêve à Pharaon par deux fois, c’est que la chose est arrêtée devant Dieu et que Dieu se hâtera de l’accomplir » (Genèse 40, 32). Aussi, Joseph recommande-t-il au roi de choisir un homme sage qui préparera le pays aux évènements prédits. Et Pharaon de le choisir : « Puisque Dieu t’a révélé tout cela nul n’est sage et intelligent comme toi. C’est toi qui seras le chef de ma maison et tout mon peuple sera nourri » (Genèse 40, 3940). Lors du voyage de Jacob pour retrouver son fils en Égypte, Dieu s’adresse à lui : bemare’¿t hallayelh, « Dans les visions de la nuit », et lui annonce : « Je t’y ferai devenir une grande nation » (Genèse 46, 2-3). Un ange apparaît dans une vision à Jacob afin qu’il se dispose à sortir du pays de Laban (Genèse 31, 11-13). Une vision divine apparaît dans un songe à Laban et lui intime cet ordre : « Garde-toi de parler à Jacob en bien ou en mal » (Genèse 31, 24), mais ce dernier ne résiste pas à la critique et à l’accusation injustifiée de son gendre (Genèse 31, 29). Alors que le patriarche s’est installé pour la nuit, un songe tant symbolique que promesse politique lui parvient : « Une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel : et des anges divins montaient et descendaient le long de cette échelle. Et voici que YHWH apparaissait au sommet et disait : « Je suis YHWH le Dieu d’Abraham ton père et le Dieu d’Isaac, cette terre sur laquelle tu reposes je la donne à toi et à ta postérité. Elle sera, ta postérité comme la poussière de la terre ; et tu t’étendras au couchant et au levant, au nord et au

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midi et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. Oui, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras et je te ramènerai dans cette contrée car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que j’ai promis à ton sujet. Jacob se réveillant de son sommeil s’écria : assurément YHWH est présent en ce lieu, et moi je ne le savais pas » (Genèse 28, 12-15). Ce songe présage la transformation de ce lieu en un lieu saint, puisque Jacob pénètre ce mystère : « C’est ici la porte du ciel », prend la pierre mise sous sa tête, l’érige en « pierre levée » et nomme ce lieu Béthel, qui devient un haut-lieu consacré à YHWH (Genèse 28, 16-18). Le récit de Job révèle des ­izyôn, « visions nocturnes » de terreur, et qui mettent en cause l’humain (Job 4, 13 ; 20, 8 ; 33, 15). Daniel se doit d’interpréter pour le souverain de Babylone un songe qui le trouble (Daniel 2, 23). Alors que tous les sages de Babylone doivent subir l’ire du souverain et être assassinés, Dieu dans une vision nocturne dévoile le mystère de son rêve à Daniel (2, 19). Et lorsque l’explication parvient au roi, Daniel lui fait savoir : « Il est un Dieu au ciel qui dévoile les secrets, c’est lui qui a révélé au roi ce qui arrivera dans la suite des temps » (Daniel 2, 28). Parfois, Dieu suscite un rêve chez un ennemi, tel l’exemple de cet adversaire qui prend conscience que Dieu l’a livré au pouvoir de Gédéon fils de Joas (Juges 7, 13-14), et anticipe la victoire de ce dernier afin de provoquer son découragement. Dans un contre-exemple où Dieu n’intervient nullement, Isaïe 29, 8, dépeint l’homme affamé qui songe en rêvant qu’il mange et qui lorsqu’il s’éveille : « a l’estomac creux ». nvoquant un : ḥōlēm ḥalôm, ou « rêveur de songes », le Deutéronome (13, 2) le met en équivalence avec un faux prophète, afin de prévenir, pour le cas où l’un d’eux annonce un signe ou un miracle, lequel s’accomplit et qui propose : « Suivons des dieux étrangers et adorons les », et de s’y soustraire, car il s’agit d’une mise à l’épreuve par Dieu. Aussi, exige-t-il sa mise à mort (Genèse 13, 3-6). Pour autant, le prophète Joel (3, 1) rapporte la promesse divine suivante : « Vos vieillards songeront des songes et vos jeunes gens verront des visions ». Souvent, songes et visions sont pourvus d’un fond religieux, éthique113 et/ou politique, qui portent et supportent le plan divin dans le temps. Parfois, le Dieu par ce procédé décide de prévenir qu’il apportera son soutien et sa protection afin de sauver ses créatures, ou au contraire les abandonner, 113

F.H. CRYER, Divination in Ancient Israel and its Near Eastern Environment, A Socio-Historical Investigation, Sheffield, Sheffield University Press, 1992, pp. 263 sqq.

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car leur destin implique un rôle essentiel dans la construction historique d’Israël.

Signes, miracles et prodiges Les héros de l’Ancien Testament ne manquent pas d’implorer et réclamer à Dieu de leur faire parvenir des signes et des prodiges, selon leur nature et leur mission. Les récits, dont Moïse est au cœur, en relatent de nombreux, et l’affirmation divine en est le paradigme : wehireb¥ytî ’et ’¿t¿tay we’et môpetay, « Je multiplierai mes signes et mes prodiges » (Exode 7, 3), qui est destinée à rassurer son serviteur Moïse. La promesse divine d’exercer son pouvoir contre Pharaon complète la précédente déclaration, lourde de menaces. YHWH explique à son prophète qu’il a endurci le cœur de Pharaon et celui de ses serviteurs afin : « Que je place mes signes au milieu d’eux et afin que tu racontes à ton fils et à ton petit fils ce que j’ai fait aux Égyptiens et les merveilles que j’ai opérées au milieu d’eux » (Exode 10, 1-2), puis il ajoute l’explication : « Et vous saurez que je suis YHWH ». La nécessité de cette observation s’impose car Dieu sait que son peuple ne cessera de nourrir des doutes sur son action au cours du temps, et le rappel de ces miracles permettra, à certains moments, de calmer ses inquiétudes. Nombreux, des signes sont envoyés afin de faire sortir le peuple d’Égypte, et également lors d’autres occurrences où se décèlent les préoccupations divines. Le signe du « buisson ardent » paraît le plus explicite, pour autant Moïse n’en saisit pas le sens: wayyare’ wehinn¥h hasseneh b¿‘¥r b’¥Î wehasseneh ’¥ynennû ’ukl, « Et il vit et voici (que) le buisson était embrasé et le buisson ne se consumait pas » (Exode 3, 2). Alors que Dieu impose à Moïse de se rendre auprès de Pharaon, il souhaite le tranquilliser et après lui avoir révélé sa présence auprès de lui, précise : wezeh lek h’ôt kî ’n¿kî Îela­etîk, « Ceci sera pour toi le signe/la preuve que je t’ai envoyé/e » (Exode 3, 12), puis annonce à son serviteur les prodiges qu’il accomplira (Exode 3, 20). Toujours empli de doutes, le héros lui rétorque que le peuple ne voudra ni le croire ni l’écouter, et affirmera : « YHWH ne t’est point apparu » (Exode 4, 1). Ce que voyant, Dieu accomplit un miracle devant son serviteur afin de le convaincre, et lui ordonne de jeter sa verge à terre. Elle se transforme en serpent (Exode 4, 3), et dès lors que Moïse en saisit la queue il redevient verge (Exode 4, 4). Toutefois, toutes les démonstrations de l’usage de ce bâton sont remises à plus tard lorsque Moïse et Aron se rendent devant le Pharaon. Le bâton de bois, selon la volonté divine se transforme en un objet prodigieux, instrument d’un pouvoir surnaturel, et qui de par sa forme et son matériau,

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créé un lien entre le monde d’ici-bas et le monde divin114. Il joue en quelque sorte le rôle de l’extension du bras divin115, plaçant en continuité l’activité divine et humaine. Dieu ne se contente pas de ce miracle et lui intime de placer sa main en son sein, qui devient lépreuse, puis requiert qu’il la replace en son sein, où elle reprend sa carnation normale (Exode 4, 7). Dieu prévoit que les Égyptiens ne croiront pas en un premier prodige mais qu’ils céderont au dernier. Néanmoins, s’ils restent incrédules, il devra répandre les eaux du fleuve sur la terre, qui se transformeront en sang (Exode 4, 10). Dès lors que Dieu en a décidé, ses envoyés Moïse et son frère Aaron se rendent auprès du Pharaon, réalisant signes et prodiges : ils provoquent les dix plaies d’Égypte ((Exode 7, 8-12). Le bâton de bois peut être sollicité à des fins d’enchantement sous la houlette divine. Aussi, la verge/bâton, maÓÓeh, de Moïse se transforme-t-elle en serpent sous l’effet de l’intervention divine, puis redevient bâton (Exode 4, 2-4). Elle opère des prodiges (Exode 4, 17. 20), et si les magiciens égyptiens en font autant, celle d’Aaron plus puissante, car instrument divin, engloutit les reptiles (Exode 7, 8-12). La verge ne cessera pas ses merveilles et sa magie tout au long des refus du souverain égyptien (Exode 7, 15. 17. 19. 20 ; 8, 12. 13 ; 9, 23). Devant ce rejet, Moïse frappe les eaux du fleuve, des canaux, des lacs et des réservoirs avec sa verge, y substituant du sang (Exode 7, 14-18). Néanmoins les devins de Pharaon en font tout autant et le roi ne cède pas. La plaie suivante, l’invasion de ṣepared¥‘a, des « grenouilles » qui infestent le pays rendant la vie quotidienne impossible, est encore suscitée par la verge de Moïse (Exode 7, 27-29, 1-4), et les devins égyptiens y reconnaissent le doigt de Dieu. Pharaon promet la liberté mais devant le répit accordé refuse. La troisième plaie provoquée par la verge du patriarche provoque l’envahissement par la kinnîm, ou kinnm, « vermine/ mouches/ moucherons/ poux » qui couvrent les hommes et les bêtes (Exode 8, 13). Cette catastrophe ne suffit pas, la quatrième plaie ou ‘r¿b, les « bêtes sauvages/mélange d’insectes malfaisants » la suit, mais cette fois le message divin précise que seules les maisons et la contrée où demeurent les Égyptiens seront envahies, tandis que la province où réside le peuple de Dieu ne subira pas cette infection. Dieu sépare à ce moment son peuple tant géographiquement que spirituellement. Pharaon sollicite Moïse afin d’intercéder auprès de YHWH qui accepte, mais il se déjuge et ne parvient pas à laisser partir le peuple d’Israël (Exode 8, 29). Les calamités persistent à s’abattre sur l’Égypte, provoquant la mort du gros et du menu bétail (Exode 9, 2-7), la ’bq, 114

H. NUTKOWICZ, « Petites chroniques d’arbres. Fonctions et symboles », Transeuphratène 45, 2014b, pp. 159-79, spéc. p. 176. 115 T.E. FRETHEIM, Exodus, A Bible Commentary, pp. 75-76.

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« poussière » lancée vers le ciel provoque : « Une inflammation donnant une éruption d’ulcères par tout le pays d’Égypte » (Exode 9, 9-12). YHWH intervient et le message à l’intention du pharaon devient plus sévère encore, qui le menace de brd, « grêle », et implacable lui signale : « Si à présent, j’eusse étendu ma main et fait sévir, sur toi et sur ton peuple, la mortalité, tu aurais disparu de la terre » (Exode 9, 14-15). Accordant aux Égyptiens une faveur, il l’autorise à mettre à l’abri hommes et animaux. Moïse tend sa verge vers les cieux et Dieu provoque le tonnerre, fait pleuvoir la grêle et le feu (Exode 9, 23-26), ils n’atteignent cependant pas les enfants d’Israël. Si Pharaon reconnaît sa faute, il ne cède toujours pas car Moïse a fait cesser la grêle : le froment et l’épeautre ne sont pas détruits (Exode 9, 32-35). Puis, les ʼarebeh, ou « sauterelles », envahissent le pays où elles dévorent tout ce qui peut l’être (Exode 10, 15). Cette épreuve ne suffit pas à convaincre le roi. Aussi Moïse sur le conseil divin tend-il sa main vers le ciel et les ténèbres viennent l’obscurcir durant trois longues journées (Exode 10, 21-22), mais Pharaon ne cède toujours pas (Exode 10, 28-29). Alors, YHWH envoie la dernière plaie : tous les premiers-nés d’Égypte tant humains qu’animaux périssent (Exode 12, 29). Enfin, Pharaon, représentant dans cette épreuve des forces du chaos et menace du retour du cosmos à son état précédant la création, cesse de tergiverser, prend conscience de la menace puis mande Moïse et Aaron afin de libérer le peuple (Exode 12, 31)116. Moïse accomplit les miracles dans le plus grand silence en quatre occurrences, et lorsqu’il cède aux exigences du pharaon, il prie en privé afin de ne pas être pris pour un magicien païen (Exode 8, 8. 25-26 ; 9, 29. 33 ; 10, 18). Le silence souligne assurément la différence avec le monde païen. Au-delà de la libération d’Israël constituant le premier objet d’YHWH, se profile son objectif d’attirer l’attention de tous les peuples sur les mesures contre les créations du pharaon laissant les puissances du désordre s’installer, dont les ténèbres d’avant la création constituent l’acmée117. Chaque plaie contribue à dévaster la nature et l’ordre créé par YHWH qui retourne au chaos. Dans le même temps, Pharaon dévaste l’ordre moral et le bien-être du monde créé dont il se préoccupe. Plus tard, devant le peuple terrifié par l’arrivée des Égyptiens qui le poursuivent dans le désert, Moïse s’adresse à YHWH qui lui commande de se mettre en marche, et exige de son prophète de lever sa verge vers la mer 116

Pharaon est considéré dans le récit d’Exode et les autres textes comme un personnage tant mythique qu’historique. Le conflit entre YHWH et pharaon n’est pas que théogonique ou historique, mais également cosmique, T.E. FRETHEIM, « The Plagues as Ecological Signs of Historical Disaster », JBL 110/3, 1991, pp. 385-396, spéc. pp. 385-386, note 4. 117 T.E. FRETHEIM, Ibid., pp. 392 sqq.

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(Exode 14, 15-16). Puis, alors que la nuée divine sépare Égyptiens et Hébreux, Moïse étend sa main sur la mer Rouge. Dieu intervient, qui fait reculer la mer « toute la nuit », et les eaux se divisent (Exode 14, 21). Les enfants d’Israël entrent au milieu de la mer, alors : « Les eaux se dressent en muraille à leur droite et à leur gauche », mais les Égyptiens se lancent à leur poursuite. YHWH jette la perturbation sur leur armée (Exode 14, 24-25), exige du patriarche qu’il étende sa main sur la mer laquelle reprend son niveau et détruit l’armée égyptienne en sa totalité (Exode 14, 26-30). L’eau, devient, sous les ordres divins, un instrument de sauvetage qui s’érige en muraille de protection de son peuple, et également un moyen de destruction de l’ennemi. L’unique instrument dont Moïse fait usage devant le Pharaon au cours de toutes les démonstrations que sont les dix plaies, n’est qu’un morceau de bois : le maÓÓeh, ou « bâton » utilisé à des fins miraculeuses, afin d’obtenir la libération du peuple (Exode 4, 17. 20). En apparence anodin, il symbolise la puissance divine en action. Lorsque Moïse tend son bâton vers le ciel afin que chaque plaie puisse se matérialiser, il relie ciel et terre, monde divin et monde humain, laissant la volonté de Dieu s’exprimer. Le bâton est le premier instrument et Moïse le second, qui sont les deux moyens nécessaires à l’intervention et au sauvetage divins. Pour autant, Dieu n’intervient pas directement, employant un langage que peut comprendre le pharaon qu’il responsabilise tout autant que son serviteur. Plus tard, lors du séjour au désert, Dieu pourvoit à la nourriture de son peuple, qui larmoie et se plaint de ne plus avoir la même subsistance qu’en Égypte, car mécontent de la manne : « De la graine de coriandre était écrasée, pilée, transformée et cuite afin d’en faire des gâteaux » (Nombres 11, 7-8), accompagnée de la rosée du ciel (Nombres 11, 9). Devant une attitude si capricieuse, Dieu se prend de colère, mais puisque son peuple réclame de la viande, il l’approvisionne d’une énorme quantité de cailles censée durer un mois entier (Nombres 11, 18-19). D’autres signes sont transmis, alors que Dieu a d’ores et déjà planifié le devenir de son peuple et son entrée dans l’histoire. À propos de ces indices, nliézer, chargé de la délicate mission de trouver une fiancée pour Isaac le fils d’Abraham, s’adresse à Dieu et lors d’une prière lui demande de lui transmettre les signes qui lui permettront de reconnaître la jeune fille. Aussi, en requiert-il l’octroi d’un signe qu’il choisit lui-même. Il imagine un dialogue intérieur évoquant cette rencontre et transmis par la narration : Dieu exauce la demande du serviteur (Genèse 24, 18-19). Alors que son peuple est installé en Canaan, les peuples à l’entour partent en guerre contre les Israélites, attisés par la colère divine qui châtie son peuple idolâtre. Pour autant, Dieu ne se lasse pas de son peuple et ne veut point que cette forme de châtiments perdure jusqu’à la destruction de ses « enfants ». Aussi suscite-t-il des Juges, qui les délivrent de la main de leurs

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prédateurs. Pour autant, ils ne cessent de se prosterner devant les dieux étrangers (Juges 2, 16-17). Gédéon, reste le seul juge auquel Dieu s’adresse personnellement au travers d’une théophanie, qui lui dit : « C’est moi qui t’envoie » (Juges 6, 14). Le héros, qui ne cesse de douter, lui demande : « Tu me prouveras par un signe que c’est toi-même qui me parles » (Juges 6, 17). Gédéon présente son offrande, et le feu sort du rocher la consumant, qui atteste la présence divine (Juges 6, 21). Mais Gédéon ne se contente pas de ce signe, il exige d’être à nouveau rassuré par une autre démonstration dont il dépeint le contenu. S’adressant à YHWH il précise : « Je mets cette toison sur le sol de l’aire : s’il vient de la rosée sur la toison seule et que tout le sol reste sec », alors : weyādaʽetî kî tôÎî‘a beydî ’et yiśer’¥l ka’aÎer dibaret, « Je saurai que tu veux secourir par ma main Israël, comme tu l’as promis » (Juges 6, 37). Le personnage, assurément inquiet, requiert encore un signe du Dieu, et en sollicite de ne pas se fâcher. Dans sa prière à laquelle Dieu accède, il exprime le souhait contraire : que la toison reste sèche et le sol couvert de rosée (Juges 6, 39). Dieu le réalise, aussi à ce moment, ne peut-il plus reculer. Dans le même temps, cet objet inscrit son rôle de guerrier sauveur d’Israël grâce à l’appui divin, et également son nouveau statut politique de Juge ou chef d’Israël. Tandis que la famine et la sécheresse atteignent le pays, et que Jézabel fille du roi de Sidon et épouse du roi Achab tente d’imposer le culte de Baal, YHWH se manifeste auprès du prophète Elie, lui confiant une mission dont l’objet est le retour à l’ordre grâce à la réapparition de la pluie. À l’issue d’une longue scène de sacrifices qui met en concurrence les prophètes de Baal et leur sacrifice face à Élie, seul, le peuple doit choisir entre Baal et YHWH qui est « le vrai Dieu ». Le sacrifice des tenants de Baal, qui l’appellent à grands cris et se lacèrent, vaticinent et divaguent, témoigne uniquement de son absence par ce sacrifice inaccompli, tandis que le sacrifice préparé par le prophète Élie dans la plus grande sobriété, consume le taureau offert, l’autel, ses pierres et le bois, signifiant ainsi qu’il est agréé par YHWH qui se révèle être « le vrai Dieu » (1 Rois, 18, 20-41), et permet le retour de la pluie bienfaisante. Accueilli favorablement, ce sacrifice et son fumet de cuisson confirme le lien s’établissant entre Dieu et son peuple, et le pouvoir du feu s’affirme comme moyen de purification, qui repousse l’impur symbolisé par Baal et ses prophètes, et régénère le territoire d’Israël118.

118

H. NUTKOWICZ, « Quelques notes sur l’image du prophétisme phénicien dans les récits bibliques : rites et symboles », dans A. Lemaire, avec la collaboration de B. Dufour et F. Pfitzmann éd., Phéniciens d’Orient et d’Occident Mélanges Josette Elayi, Paris, Jean Maisonneuve, 2014a, pp. 51-61, spéc. pp. 56-57.

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Lors de la mutinerie du peuple parvenu aux limites de Canaan, YHWH pris de colère questionne et rappelle à Moïse : bî bek¿l h’¿tôt ’aÎer ‘śîtî beqirebô, « Malgré tant de prodiges/signes/preuves que j’ai opéré au milieu de lui » (Nombres 14, 11). À la suite de la révolte de Koré et de la punition ayant frappé nombre d’Israélites, YHWH s’adresse à Moïse et lui demande, comme souvent mystérieusement, avec une inimitable formulation : « Annonce aux enfants d’Israël que tu dois recevoir d’eux une verge respectivement par famille paternelle, de la part de tous leurs chefs de familles paternelles, ensemble douze verges ; le nom de chacun tu l’écriras sur sa verge. Et le nom d’Aaron tu l’écriras sur la verge de Lévi, car il faut une seule verge par famille paternelle… Or l’homme que j’aurai élu, sa verge fleurira et ainsi mettrai-je fin à ces murmures contre moi, que les enfants d’Israël profèrent à cause de vous » (Nombres 17, 16-20). Ces verges sont ensuite déposées dans la tente du Statut. Le lendemain, lorsque le prophète entre dans la tente, il découvre la verge d’Aaron fleurie : « Il y avait germé des boutons, éclos des fleurs, mûri des amandes » (Nombres 17, 23). Moïse expose à la vue du peuple l’ensemble des verges, dont chacun reprend la sienne. La verge fleurie d’Aaron fait trembler de peur le peuple. Aussi, YHWH en profite-t-il pour nommer les lévites destinés au service de la Tente d’assignation, et donner à Aaron et à ses fils le sacerdoce en ajoutant que tout profane qui y participerait serait frappé de mort (Nombres 18, 1-7). Ainsi, se conclut la justification de la prêtrise destinée aux Aaronides. La démonstration des pouvoirs de YHWH acquiert ici des couleurs poétiques : une verge de bois sèche peut refleurir par l’élection et la bénédiction119. Une fois pour toutes, YHWH fera cesser ces murmures et dissensions contre Moïse et Aaron, mais de fait contre lui. En outre, la blancheur des fleurs de la branche d’amandier symbolisant la pureté et la sainteté, illustre les qualités d’Aaron et des lévites, quand bien même ils ne sont pas exempts d’erreurs et/ou de fautes. Ce miracle a été observé par les chefs d’Israël, aussi, cette verge fleurie est-elle replacée devant le Statut comme « signe durable à l’encontre des rebelles » dont les murmures cesseront et qui ne mourront point (Nombres 17, 25). La séparation d’Élie et Élisée par un char de feu attelé de chevaux de feu, puis la disparition du premier montant au ciel dans un tourbillon 119

T.R. ASHLEY, The Book of Numbers, The New International Commentary on the Old Testament, Grand Rapids, Eerdmans, 1993, pp. 329 sqq.

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théophanique (2 Rois 2, 11), met en scène le second emportant le manteau tombé des épaules d’Élie, frappant les eaux du Jourdain et s’écriant : uayyēh yhwh uel¿hēy uēlîhû, « Où est YHWH, le Dieu d’Élie » (2 Rois 2, 14). Les eaux se séparent sous les coups du prophète qui passe le fleuve à sec. Ces actes symboliques déjà accomplis à diverses reprises, répètent les gestes de Moïse prenant son bâton afin de diviser la mer (Exode 14, 16. 21). La réponse divine à la question précédée de l’acte ne se fait pas attendre. À l’inquiétude de l’apparente absence divine, le prophète reçoit la réponse par le partage des eaux120. Et l’objet employé à titre d’intermédiaire qu’est le bâton joue encore le rôle d’une sorte d’axe vertical, pont entre ciel et terre en lien avec Dieu121. Parmi les signes promis par Dieu qui dispense la vie, figurent celui de la pluie et du pain (Isaïe 30, 23), des troupeaux qui paîtront dans de vastes prairies et mangeront un fourrage assaisonné de sel (30, 23), des ruisseaux et des eaux courantes qui descendront des montagnes et des collines (Isaïe 30, 25). Et la lune brillera avec le même éclat que le soleil lorsque Dieu guérira son peuple de ses meurtrissures, affirme encore le prophète (30, 29). Lorsque Dieu entend la plainte du roi Ézéchias prévenu de sa disparition prochaine et qui l’implore : « Daigne te souvenir que j’ai marché devant toi fidèlement et d’un cœur sincère et, que j’ai fait ce qui te plaît ! », il exige de son prophète Isaïe de l’informer que sa prière a bien été entendue. YHWH promet la guérison, quinze années de vie supplémentaires au souverain, et la délivrance de Jérusalem du joug assyrien (2 Rois 20, 3-6). La réalité concrète et symbolique de l’eau, du feu et du bois est largement présente lors des théophanies et/ou des miracles accomplis, qui attestent de la présence divine et du lien entre sa transcendance et le monde des humains.

Signes divins négatifs et/ou absence de signes Des réponses tant positives que négatives peuvent être apportées par YHWH aux sollicitations humaines diverses. Si des signes de rejet, de chagrin et de colère du Dieu figurent dans les narrations, souvent, d’autres signes démontrent qu’il revient sur son abandon. Après que YHWH ait envoyé des cailles à son peuple qui ne cesse de s’apitoyer sur son sort depuis son départ d’Égypte, sa colère éclate, aussi envoie-t-il une : makh rabh, « une grande plaie » (Nombres 11, 33), afin 120

J.S. BURNETT, souligne la progression au travers d’actes symboliques et de formules, le tout associé au site du sanctuaire de Gilgal et, à la traversée de l’arche avec Josué. Il suggère une signification rituelle entourant la description de la question de l’absence divine, dans « The Question of Divine Absence in Israelite and West Semitic Religion », CBQ 67/2, 2005, pp. 217-218. 121 M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, p. 567.

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d’en fait périr un grand nombre. Une telle menace divine plane sur son peuple s’il ne suit pas les préceptes divins transmis par le Lévitique 26, 21. En Deutéronome 28 et 29, ce terme est mis en équivalence avec celui de maladie et en 1 Samuel 4, il désigne les plaies d’Égypte122. Certaines narrations des Juges en témoignent. Alors que les enfants d’Israël s’adonnent à des cultes abhorrés, la colère divine s’allume et Dieu les abandonne aux : « Déprédations des peuples pillards, les livre aux ennemis qui les entouraient et ils ne furent plus capables de leur tenir tête » (Juges 2, 14). Un épisode mettant en scène Jonathan, fils de Saül, en présente un exemple, lorsqu’il décide d’attaquer les Philistins. Selon la formule prononcée par leurs ennemis, lorsqu’ils apparaîtront, le prince et son écuyer sauront s’ils bénéficient de l’appui divin et de la victoire (1 Samuel 14, 9-10). Puis, Jonathan interprète leur interpellation en usant de la formule inspirée par YHWH comme signe de sa présence, qui les livre dans « la main d’Israël » (1 Samuel 14, 12). Si, lorsque Saül réunit l’ensemble des troupes d’Israël, aucun signe ne lui est transmis (1 Samuel 14), la suite du récit laisse place à l’affirmation et l’appui du peuple affirmant que Jonathan a agi avec Dieu (1 Samuel 14, 45). Lors de la campagne de Sennachérib, roi d’Assyrie, contre les villes fortes de Juda, Ézéchias, lui fait connaître sa reddition (2 Rois 18, 14). Elle ne suffit cependant pas au roi assyrien qui vient assiéger Jérusalem. Et, le doute ressenti peut être si puissant quant à l’intervention divine, que le souverain en signe de deuil déchire ses vêtements, se couvre d’un cilice, puis se rend dans la demeure divine (2 Rois 19, 1 ; Isaïe 37, 1). Il envoie alors l’intendant du palais, le secrétaire et les plus anciens des prêtres auprès du prophète Isaïe qui prononce ces paroles : « Peut-être l’nternel ton Dieu… voudra-t-il demander compte des paroles (des Assyriens) qu’il a entendues ? » (2 Rois 19, 4). Le prophète rassure le souverain et l’assure de la présence divine, qui lui prédit que Sennachérib retournera dans son pays où il sera assassiné (2 Rois 19, 7). Tandis que Jéroboam fait fumer l’encens près de l’autel, un homme de Dieu : « Cria à l’autel selon l’ordre de YHWH, cette parole : « Autel ! autel ! ainsi parle le Seigneur : un fils va naître à la famille de David. Josias sera son nom, qui égorgeras sur toi les prêtres des hauts-lieux… Et le jour même, il donna une preuve de sa mission en annonçant que l’autel se fendrait et que la cendre se répandrait à terre selon l’annonce de l’homme de Dieu » (2 Rois 13, 2-5). Les plaies d’ngypte, évoquées sous des angles différents selon les narrations (Exode 7-11 ; Psaume 78 ; Psaume 105, 28-36)123, sont, porteuses de signes du divin jugement et dans le même temps, les expressions 122

T.R. ASHLEY, The Book of Numbers, p. 219. B. CHILDS, The Book of Exodus : A Critical, Theological Commentary, Philadelphie, Westminster John Knox Press, 1974, pp. 130-142. 123

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d’un désastre historique. Le terme dont usent les récits est celui de : ʼôt, « signe/preuve/symbole/miracle », qui préfigure le futur en raison de la parenté de sa nature. Ainsi, les plaies préviennent d’un désastre futur, actes de jugement annonçant également un jugement futur.

Expression des doutes de l’homme et/ou du peuple Lorsque Dieu exige des hommes qu’il a choisi, de réaliser son dessein sans le leur expliquer ou tout au moins sans leur transmettre l’une de ses significations possibles, certains se refusent à agir dans son sens. Parfois, en dépit d’explications sans cesse renouvelées, le peuple se retourne contre Dieu, contestant le bien-fondé de ses exigences. La relation envers le Dieu peut ainsi se faire rebelle. Et les événements, lors de l’épreuve de la présence au désert où le peuple se mutine à de multiples reprises, s’en font l’écho au travers des textes des livres de Nombres et d’Exode. Lors de l’arrivée en Canaan, le peuple chicane : « Pourquoi YHWH nous mène-t-il dans ce pays-là, pour y périr… » (Nombres 14, 3). Josué fils de Noun et Caleb fils de Yefounné déchirent leurs vêtements en signe de deuil et s’adressent aux Israélites témoignant : « Ne vous mutinez point contre YHWH… ne craignez point, vous, le peuple de ce pays… leur ombre les a abandonnés… » (Nombres 14, 9). YHWH constate et se lamente devant Moïse : « Quand cessera ce peuple de m’outrager ? Combien de temps manquera-t-il de confiance en moi, malgré tant de prodiges que j’ai opérés au milieu de lui ? » (Nombres 14, 11). Le patriarche questionne le peuple qui a péché : « Pourquoi transgressez-vous la parole de YHWH ? Cela ne vous réussira point » (Nombres 14, 41). Il remarque encore : « Vous vous êtes éloignés de YHWH, YHWH ne sera point avec vous » (Nombres 14, 43). Dieu suscite à diverses reprises un héros afin de délivrer son peuple. Ainsi, visité par l’ange, Gédéon répond par le doute et le questionnement. Il accuse : « Si YHWH est avec nous, pourquoi tout cela nous est-il arrivé ? Que sont devenus tous ses prodiges que nos pères nous ont contés, disant : n’estce pas YHWH qui nous a fait sortir d’Égypte ? Maintenant YHWH nous délaisse et nous livre aux mains de Madian » (Juges 6, 13). Dieu prend alors la parole, après avoir remplacé son envoyé, afin de rassurer son héros découragé. Aussi, Gédéon en exige-t-il de lui prouver à deux reprises que la parole qui lui est adressée est divine, et Dieu, constant et patient, s’exécute par deux fois (Juges 6, 17). D’autres réactions négatives se font jour, ainsi Moïse se refuse à porter la parole divine et questionne YHWH : « Qui suis-je pour aborder Pharaon, et pour faire sortir les enfants d’Israël de l’Égypte ? », mais Dieu répond qui affirme avec force sa présence : « C’est que je serai avec toi, et ceci te servira de signe/preuve… » (Exode 3, 11-12). Le héros exprime encore ses doutes qui

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proteste : « Ils ne me croiront pas et ils n’écouteront pas ma voix, parce qu’ils diront : « YHWH ne t’est point apparu » (Exode 4, 1). Se déclarant malhabile à parler, le patriarche insiste qui requiert : « Donne cette mission à quelque autre » (Exode 4, 13). Dieu furieux après son élu renonce à le convaincre et désigne Aaron qui parlera à sa place, tandis que Moïse opérera les miracles grâce à son bâton divin (Exode 4, 14-16). Jonas récuse l’injonction divine de se rendre à Ninive, qui tente de s’enfuir pour Tarse hors de la présence de Dieu. S’embarquant sur un vaisseau, il imagine pouvoir échapper aux injonctions divines. Mais la situation à laquelle il se trouve confronté est mise en place par YHWH, et aucune alternative ne s’ouvre à lui. La fuite ne lui est d’aucun secours. Mal lui en prend, une grande tempête est suscitée par YHWH et le navire manque de se briser (Jonas 1, 4). Les matelots pris de peur invoquent chacun leur Dieu tandis que Jonas s’endort au fond du navire. Le commandant du navire s’approche de lui, le réveille et lui intime : « Invoque ton Dieu, peut-être ce Dieu-là s’ingéniera-t-il en notre faveur, de sorte que nous ne périrons pas » (Jonas 1, 6)124. Après avoir été sauvé de la mer et des entrailles du poisson qui l’avait englouti, Jonas se voit réitérer l’ordre de se rendre à Ninive où il accepte enfin de se rendre pour prophétiser la chute de la cité (Jonas 3, 1-2). Ces exemples démontrent l’inanité du rejet des exigences divines. Et, quand bien même un refus est opposé à Dieu, jamais il ne se décourage, provoquant le renoncement de son serviteur, qui se rend et accomplit la mission ordonnée. Ils témoignent dans le même temps de l’incapacité de la pensée humaine à comprendre ce qui est du ressort divin, liée à son inconnaissabilité et qui s’affirme par exemple d’une part par le questionnement par Moïse en Exode 3, 11 : mi anokhi « Qui suis-je », renvoyant à Dieu, puis par la réponse divine : « Je serai, m’a envoyé vers vous ». Cette limite s’inscrit comme infranchissable125.

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T.L. WILT, « Jonah : A Battle of Shifting Alliances », dans P.R. Davies et D.J.A. Clines éd., Among the Prophets, Language, Image and Structure in the Prophetic Writing, Sheffield, JSOT Press, 1993, pp. 164-180, trace un parallèle entre la structure de ce texte et celle de Josué 10. Le récit de Jonas comporte en effet de nombreuses similarités lexicales avec le récit de la campagne menée par Josué. 125 R. DRAÏ, La pensée juive et l’interrogation divine, Exégèse et épistémologie, Paris, PUF, 1996, pp. 78-81.

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CHAPITRE DEUX REPRÉSENTATIONS Quel est ce Dieu qui réalise tant d’actes et de miracles en faveur de son peuple afin de mener à bien ses desseins, ou bien, à son encontre lorsqu’il est déçu ? À cette question, les réponses abondent, dont seules quelques-unes sont évoquées.

ASPECTS ANTHROPOMORPHIQUES Développés en nombre d’occurrences, ils attribuent et utilisent la métaphore de toutes les parties du corps divin, des cinq sens et quelques autres..., qui mettent en scène la métonymie de la divine présence. Liés aux interventions divines, leur valeur symbolique exprime la forme empruntée par l’initiative divine.

De sa « face » aux mouvements de son « corps » Parmi les nombreux symboles de la présence divine, sa pnîm, « face » figure en nombre dans les textes. Jacob après la lutte avec l’ange s’exclame : « J’ai vu un être divin face à face » (Genèse 32, 31). Au désert, après le don des tables de la loi et l’épisode du veau d’or, YHWH accepte, en dépit de son exaspération, d’aider son peuple et promet : « Ma face/ma personne vous guidera et je te donnerai toute sécurité », et Moïse inquiet de répondre : « Si ta face ne nous guide, ne nous fais pas sortir d’ici » (Exode 33, 15). Le Psaume 104, 29 témoigne et confirme : « Tu dérobes ta face, ils sont dans l’épouvante ». Pour autant, YHWH prévient du danger mortel : « Ma face ne peut être vue » (Exode 33, 23). Par sa « bouche », Dieu s’engage. Il annonce des prodiges et des évènements miraculeux, parfois conseille ou exprime sa désapprobation et/ou sa colère, annonçant des châtiments. Il peut exiger d’être écouté et entendu afin de transmettre ses injonctions et ses recommandations par sa voix majestueuse (Isaïe 30, 30). Par sa bouche, il « consomme » également les offrandes. Ainsi, lors de la combustion de ces offrandes, YHWH les ’kal, « consume », qui est présenté comme possesseur de particularités humaines et partage symboliquement ces repas. Sa transcendance n’est néanmoins pas remise en cause puisque seul le fumet lui parvient par la combustion. Empreinte de poésie, la première occurrence de la voix divine discernée par l’homme s’exprime dans le jardin d’Éden. Adam et Ève : wayiÎeme‘û ’et qôl yhwh ’el¿hîm, « Entendirent la voix de YHWH l’Éternel » (Genèse 3, 8). Le peuple, au Mont Horeb, entend sa voix lors d’une des nombreuses théophanies (Deutéronome 4, 12). Lorsque Moïse entre dans la

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Tente d’assignation, Dieu, avec gravité, lui adresse la parole : wayiÎema‘ ’et haqqôl midab¥r ’¥lyw … wayedab¥r ’¥lyw, « Il entendait la Voix s’adresser à lui … et c’est à elle qu’il parlait » (Nombres 7, 89). À la suite de l’appel du prophète Élie : qôl demmh daqqh, « Une voix/un murmure faible/doux (et) ténu », métaphore de la divine présence, se fait entendre auprès de lui (1 Rois 19, 12). La promesse faite à David est réalisée par Salomon qui peut ériger le Temple et ce souverain ne manque pas de reconnaître que Dieu a tenu parole et permis cet accomplissement (1 Rois 8, 24). De la sorte : wayyqem yhwh ’et debrô, « YHWH a accompli sa parole/sa promesse » (1 Rois 8, 20). Parfois, il tonne et fait entendre sa voix du haut des cieux (2 Samuel 22, 14), elle peut se faire impérieuse (2 Samuel 22, 16), ainsi que l’expriment les paroles du cantique prononcé par David, après qu’il ait été délivré de ses ennemis et du roi Saül, en l’honneur de YHWH. Il s’exprime au travers d’un nuage : « Afin d’entendre que c’est moi qui te parle (à Moïse) » (Exode 19, 9). Le prophète témoigne : ûdebar ’el¿heynû yqûm le‘ôlm, « La parole de notre Dieu subsiste à jamais » (Isaïe 40, 8). YHWH après avoir posé ses conditions transmet à Jérémie une partie de ses secrets, et lui impose : kepî tiheyeh « Tu seras comme ma bouche » (Jérémie 15, 19). D’après Ézéchiel le bruit des ailes des chérubins est semblable à la voix divine : « Lorsqu’il parle » (10, 5). La royauté divine est évoquée dans le Psaume 29, 3, où la voix du Dieu est assimilée au tonnerre et réciproquement en raison en leur unicité sémantique. Par sept fois, le tonnerre, métaphore de sa voix, témoigne de son pouvoir sur les eaux cosmiques (29, 3. 10), sur les cèdres du Liban qu’il met en pièces (29, 4), faisant jaillir des flammes ardentes (29, 7), trembler le désert de Kadech (29, 8), enfanter les biches et dépouiller les forêts (29, 9)126. Et le psalmiste rappelle que lors de la création les eaux s’enfuirent : « Au bruit de ton tonnerre, elles s’élancèrent éperdues », puis assure que des montagnes s’élevèrent, des vallées s’abaissèrent afin d’occuper la place assignée (Psaume 104, 7-9). Reliant aspect anthropomorphique et élément naturels, certains récits et textes prophétiques dépeignent des scènes apocalyptiques. Ainsi, de la bouche de YHWH sort un feu dévorant, et jaillissent de brûlantes étincelles (2 Samuel 22, 9). Lorsque l’haleine de Dieu souffle, l’herbe se dessèche et la 126

J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, Sheffield, Sheffield Academic Press, 2000, pp. 97-98, propose l’hypothèse suivante : les sept particularités de la voix/tonnerre divine prennent leur source dans la mythologie de Baal à Ougarit. Il s’agirait très probablement d’une composition israélite prenant modèle sur le langage cananéen et non un psaume cananéen où seul le nom de Baal est remplacé par YHWH.

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fleur se fane (Isaïe 40, 7). Les nuées peuvent aussi faire retentir leurs tonnerre/voix. Dieu harangue son peuple : « Ecoutez ma voix, soyez attentifs et entendez mon discours » (Isaïe 28, 23). Mais son prophète Isaïe, navré (28, 13-14), constate qu’ils n’ont perçu dans la parole divine que : « Loi sur loi, règles sur règle, ordre sur ordre, une vétille par-ci une vétille par-là », aussi martèle-t-il : « écoutez la parole de YHWH » (Isaïe 28, 14), il ajoute : « Assurément… son oreille (n’est pas) trop dure pour entendre » (Isaïe 59, 1). Préoccupé par la souffrance des Hébreux en ngypte, Dieu reconnaît : « J’ai entendu leur plainte devant ses gardes-chiourmes » (Exode 3, 7), et leurs gémissements (Exode 6, 5). Salomon dans sa prière après l’érection du Temple de Jérusalem s’adresse à Dieu afin qu’il entende son peuple et lui pardonne ses péchés (1 Rois 8, 34. 36. 39). Jérémie plaide : « Écoutez, reconnaissez la parole de Dieu ». De fait, Dieu se souvient toujours de son alliance (Exode 6, 5). Le regard divin se pose parfois sans être sollicité, alors qu’il répond à l’espoir de celui qui l’implore. L’un des instruments de sa connaissance, il lui permet de savoir la souffrance de son peuple et/ou des individus, et par làmême de choisir d’agir ou pas. Pour avoir jeté un regard sur son peuple, Dieu décide de lui envoyer un homme qui le sauvera des Philistins (1 Samuel 9, 16). Par son attention, YHWH a perçu l’affliction de la matriarche Léa encore stérile (Genèse 29, 31), aussi la rend-il féconde. Dans son tourment, David espère : « Peut-être Dieu verra-t-il les larmes de mes yeux/mon affliction » (2 Samuel 16, 12). YHWH s’adressant à Moïse lui révèle : r’¿h r’îtî ’et ‘nî ‘amî, « Voir, j’ai vu l’affliction de mon peuple » (Exode 3, 7). La répétition du verbe voir souligne la prégnance de la conscience divine. Aussi, par tous ses sens Dieu connaît-il les souffrances de son peuple, qui ajoute : « J’ai vu l’oppression que les ngyptiens font peser sur eux » (Exode 3, 9). L’intelligence de la douleur du peuple résulte avec immédiateté du regard permettant et provoquant la décision de les délivrer du joug subi. Souligné en Genèse 31, 49-51, le regard divin témoigne de son rôle de témoin à l’occasion de l’alliance conclue entre Laban et Jacob, et par-delà la possibilité de son jugement pour le cas où l’un des deux ne respecterait pas leur accord. Toujours en qualité de témoin, Dieu amène devant Adam les animaux des champs et les oiseaux du ciel afin de « voir comment il les appellerait » (Genèse 2, 19). Dans un contexte de jugement, le prophète Zacharie l’affirme : « YHWH à l’œil sur l’homme », (9, 1). Le Deutéronome 11, 12 certifie qu’Israël est un pays sur lequel Dieu veille constamment depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin, par conséquent il questionne : « En effet, où est le peuple assez grand pour avoir des divinités accessibles, comme YHWH notre Dieu, l’est pour nous toutes les fois que nous l’invoquons ? »

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(Deutéronome 4, 7), et le psalmiste confirme : ‘¥ynay bene’emen¥y ’ereṣ, « Mes yeux veillent sur les fidèles de la terre » (Psaume 101, 6). Il témoigne : « L’œil de YHWH est ouvert sur ceux qui le craignent » (Psaume 33, 18). Et le Psaume 115, 5 soutient : « Si les idoles ont des yeux elles ne voient cependant pas. Les yeux divins peuvent se tourner contre ce royaume de pécheurs (Psaume 9, 8). Job maintient : « Tes yeux seront sur moi et je ne serai plus » (Job 7, 8). Les surveillants des enfants d’Israël requièrent de Dieu qu’il jette : « Les yeux sur vous/qu’il examine votre conduite (Moïse et Aaron) » (Exode 5, 21). Le psalmiste rappelle encore que ses jugements s’étendent à toute la terre (Psaume 105, 7). Dieu reconnaît la présence d’Agar, servante de Sarah, grâce à l’intervention de ses anges. Ainsi, lors de l’annonce de la naissance imminente de son fils et dans un discours ambivalent, celle-ci invoque Dieu et proclame : « Toi, Dieu de la vision/qu’on peut voir/contempler/qui voit/qui pénètre tout/Qui m’a vue ! Car, dit-elle n’ai-je pas revu ici même la trace du Dieu après que je l’ai vu ?/ai-je rien vu après ma vision/j’ai vu maintenant (un ange) après que Dieu m’a vue (puisque Dieu me voit et m’exauce) » (Genèse 16, 13). Ce texte de par ses significations et sa complexité sémantique souligne subtilement la réciprocité du regard, d’une part par ce qu’il apporte de la part de Dieu qui voit et saisit tout grâce à son esprit de justice et, d’autre part en ce qu’il met en exergue et en parallèle la reconnaissance de Dieu par Agar. En effet, celle-ci perçoit qu’il s’agit d’un signe ou d’une trace, offerts par le divin. Manoa­, après l’annonce d’une grossesse tant désirée par l’envoyé de Dieu (Juges 13, 9), et l’offrande offerte à YHWH en signe de reconnaissance, exprime son inquiétude à son épouse et lui affirme : môt nmût kî ’el¿hîm r’înû, « Mourir, nous mourrons, car nous avons vu Dieu » (Juges 13, 22). Néanmoins, la femme de Manoa­ comprend qu’il ne s’agit aucunement de les faire mourir, ce qui n’aurait pas de sens, puisque que Dieu a : lāqaḥ, « pris » les sacrifices offerts (Juges 13, 23). Implorant le Dieu, le Palmiste en requiert de ʼāzan, « prêter l’oreille/être attentif à sa prière » (Psaume 55, 2), ou d’incliner son ʼōzen, « oreille » vers lui (Psaume 31, 3), à moins de la lui prêter (Psaume 143, 1). Les prophètes usent également de cette métaphore, ainsi Michée (3, 4) prévoitil : « Ensuite ils crieront vers Dieu, mais il ne les écoutera point », et la présence du verbe Îāmaʽ, « entendre, écouter/apprendre/exaucer/obéir », dans cette affirmation souligne que le Dieu se ferme aux prières de son peuple. Jérémie 18, 19, persécuté, en appelle au Dieu : « ncoute-moi avec attention/prête-moi ton oreille ». YHWH, annonce son abandon de Juda : « Dussiez-vous accumuler les prières, j’y resterai ḥērēÎ, sourd », et d’expliquer : « vos mains sont pleines de sang » (Isaïe 1, 15)127. Habacuc (1, 127

W.A. BRUEGGEMANN, Isaiah 1-39, Louisville, J. Knox Press, 1984, p. 18.

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2) l’interpelle avec désespoir, constatant qu’il n’entend pas son appel. Dans la lamentation 3, 56, figure cet appel émouvant : « Ne dérobe pas ton oreille alors que je supplie pour ma délivrance ». Après la conclusion de l’alliance, Moïse et Aaron, Nadab et Abihou, et soixante-dix parmi les Anciens d’Israël remontent vers Dieu et : « Ils contemplèrent/virent le Dieu d’Israël ; Sous ses pieds comme un ouvrage en briques de saphir et comme l’aspect des cieux en limpidité » (Exode 24, 10). La narration complète cette apparition et témoigne que Dieu ne porte pas sa main sur les nobles d’Israël, puis faisant écho à la formule du verset précédent répète : « Ils contemplèrent Dieu » (Exode 24, 11), révélation divine concluant chaque alliance. De fait, nul ne peut voir Dieu sans mourir aussi ne peut-on interpréter ces versets littéralement, mais plutôt proposer l’hypothèse de la vision possible « de ses pieds » à en suivre le texte. En outre, cet exposé souligne la mise en place de l’institution juridique des Anciens, qui dans le texte de Nombres 11, 4-25 adopte un aspect permanent128. Mystérieux et menaçant, Dieu déclare à Moïse : « Tu ne peux voir mon visage parce que l’homme ne me verra pas sans mourir » (Exode 32, 20). Et cette formulation pose la question en apparence ambigüe de savoir ce qu’il en est. Ces récits, et d’autres encore, partagent la vision d’un ange par les protagonistes, qui est remplacée par la vision divine au cours du récit. Dieu se fait « voir » ou plutôt percevoir indirectement par sa parole, ses signes, ses symboles et ses actes, lorsqu’il considère que l’ange envoyé a rempli sa mission, et ce afin de renforcer de façon définitive le message transmis. Il use de ce mode afin de signifier sa présence plus précieuse que celle de son messager et corroborer son origine lors de l’intervention dépeinte. Dieu voit et se « fait voir » par ses signes auprès des êtres qu’il a choisis, afin de leur permettre de prendre conscience de l’importance de leur avenir sans en connaître la teneur. Le regard divin peut et doit s’inscrire dans une forme de réciprocité, adoptant un aspect actif et passif. Expression de son équité, les yeux et/ou le regard divin vont aussi au-delà du fait de voir, ils symbolisent la prise de conscience, la compréhension, l’intérêt, l’intention et l’action réparatrice permettant au futur de s’inscrire dans le plan divin avec des personnages dont le rôle lui est connu d’avance. Agissant avec sa main et/ou son bras, qui guide ou menace, Dieu exprime son attention et sa puissance. Lorsqu’il l’étend, ce geste exprime tant son pouvoir que la réalisation de prodiges. Elle mène aussi vers le chemin choisi et la délivrance, qui peut également devenir l’instrument d’un châtiment. C’est pourquoi, avant que ne se produisent les évènements de la sortie d’Égypte, Dieu promet : weg’aletî ’etekem bizerôʽʼ neÓûyh, « Je vous affranchirai avec un bras étendu » (Exode 6, 6). Il imposera alors sa main sur 128

W. OSWALD, « Lawgiving at the Mountain of God (Exodus 19-24) », pp. 189-190.

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l’ngypte concrétisant sa prise de pouvoir sur le pays (Exode 7, 4-5). Sa puissance ne s’arrête pas là. Le roi David prononce un cantique témoignant de sa délivrance, qui la décrit ainsi : « Il étend d’en haut sa main, me saisit, me retire des grandes eaux » (2 Samuel 22, 17). Devant l’expression du doute, Dieu questionne Moïse : hayad yhwh tiqeṣr, « La main de YHWH est-elle trop courte/impuissante ? » (Nombres 11, 23), il évoque par cette simple remarque son pouvoir infini de Dieu sauveur. La main divine peut se faire protectrice pour son serviteur Moïse, alors que Dieu passe devant lui et promet : « Quand passera ma gloire… Je t’abriterai de ma main jusqu’à ce que je sois passé. Alors je retirerai ma main et tu me verras par derrière » (Exode 33, 21-22). Elle tend au prophète Ézéchiel : « Un rouleau de livre…écrit au recto et au verso », lequel contient des lamentations, des plaintes et des gémissements » (Ézéchiel 2, 9-10). Par cette métaphore, des textes prophétiques et des Psaumes, reprennent à foison le thème de la puissance divine. Lorsqu’il appelle le Dieu à l’aide, le psalmiste le supplie : neś’ ydek, « brandis ta main », afin de faire éclater sa puissance (Psaume 10, 12). Dieu connaissant la réponse interroge : qṣerh ydî mipedût, « Ma main est-elle trop haqṣôr courte/faible/impuissante pour la délivrance » (Isaïe 50, 2). La répétition de la même racine qṣar, souligne la contestation du Dieu quant à cette idée plus que saugrenue de poser une limite à son pouvoir. Tandis que son prophète réclame : « Revêts-toi de force ô bras de YHWH » (Isaïe 51, 9), et interroge à nouveau : « À qui s’est révélé le bras de YHWH ? » (Isaïe 53, 1), il répond : « Assurément, la main de Dieu n’est point trop courte/raccourcie/impuissante (pour sauver) » (Isaïe 59, 1). Parfois, Dieu tend sa main vers les peuples/les appelle (Isaïe 49, 22), et l’expression figurant dans le texte : nś’ yad qui signifie : « faire signe, appeler avec la main/étendre la main », le montrant usant de son instrument privilégié d’intervention en faveur de son peuple, l’assure. La « main » divine peut encore symboliser la puissance de l’esprit divin (Ézéchiel 1, 3 ; 8, 1), ou simplement le don de l’esprit prophétique qui se pose, par exemple, sur Élie (1 Rois 18, 46), ou Jérémie (15, 17), lequel affirme : « Devant ta puissance/esprit (la prophétie que tu m’as inspirée), je suis resté solitaire ». Isaïe rappelle « Dieu m’a dit dans la force de sa main » (8, 11). Lorsque Dieu décide de s’adresser à son prophète, sa main se pose ou s’abaisse sur lui (Ézéchiel 1, 3 ; 3, 22 ; 8, 1). Afin de diriger son peuple vers le bien, sa main agit sur Juda (2 Chroniques 30, 12), ou bien opère afin d’inspirer un individu lorsqu’elle vient sur lui (Esdras 7, 6). Souhaitant mener Jérusalem vers le bien, Dieu promet que sa main tombera sur elle afin de la purifier (Isaïe 1, 25). Elle peut se faire aide et soutien afin de concrétiser ses desseins. Salomon après avoir fait construire le Temple, observe qu’elle a accompli ses promesses envers son

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père le roi David qui avait souhaité l’ériger mais dont l’aspiration n’a pas été réalisée : « Ta main l’a accompli en ce jour » (1 Rois 8, 24). Outre cette fonction de protection et d’appui, la main divine possède un don créateur. Ainsi, les mains divines travaillent l’argile tout comme le potier créé ses vases, elles forment les bêtes sauvages, les animaux paissant, et ceux qui rampent sur le sol (Genèse 1, 25), puis façonnent l’homme (Genèse 2, 7). Le prophète à propos de la création divine cite YHWH : « Tout cela ma main l’a créé » (Isaïe 66, 2). Le psalmiste reconnaît : « Ton bras est armé de force, puissante est ta main, sublime ta droite » (Psaume 89, 14) et constate : « Jadis tu as fondé la terre et les cieux sont l’œuvre de tes mains » (102, 2627). Le Psaume 104, 28 résume encore ce rôle attribué à YHWH : « Tu ouvres la main, ils sont comblés de biens ». Pris de colère devant l’ingratitude de son peuple, Dieu décide de l’anéantir, Moïse intervient, il proteste, arguant de la sortie d’Égypte : ûbeyd ­azqh, « À main puissante » (Exode 32, 11). Lorsque Dieu décide de punir son peuple coupable d’idolâtrie, il l’abandonne, sa main intervient et le châtie (Juges 2, 15). Le prophète Ézéchiel annonce la punition : « Et ma main pèsera sur les prophètes » qui annoncent de faux oracles (13, 9). Le Proverbe 11, 21 soutient : « La main/punition (de Dieu agira) contre la main/violence (de l’homme), le méchant ne restera point impuni », elle avertit : « Les méchants même s’ils se donnent la main/se liguent ne resterons pas impunis ». Lors de la vingt-cinquième année de l’exil en Babylonie, la main de YHWH se pose sur le prophète afin de le charger d’une mission, le transporte au pays d’Israël et le dépose sur une haute montagne (Ézéchiel 40, 16). Lorsqu’elle est instrument de châtiment des autres peuples, la main divine agit selon son dessein et sa justice. Aussi, lorsque Dieu décide de faire sortir son peuple d’Égypte, révèle-t-il à Moïse qu’il sera témoin de son action contre Pharaon : kî beyd ­azqh, « Car à cause d’une main puissante » (Exode 6, 1), et la répétition de cette formule à peine différente dans celle du verset 32, 11, renforce la lourde menace qui pèse sur ce puissant souverain, car aucun pouvoir humain ne peut s’y opposer. Elle s’étend sur l’Égypte (Exode 7, 4), et le bétail des Égyptiens (Exode 9, 3), signifiant l’envoi d’une sanction et de destructions. À propos des Israélites entrés en Canaan, le récit décrit leur tragédie avec éloquence : « Dans toutes leurs expéditions, la main de YHWH intervenait à leur désavantage comme il le leur avait annoncé, comme il le leur avait juré ; ils furent ainsi réduits à la plus grande détresse » (Juges 2, 14-15). Alors que les Philistins se sont emparés de l’arche divine et l’ont transportée à Ashdod dans le temple du dieu Dagon, la main de YHWH : « S’appesantit sur les gens d’Ashdod » (1 Samuel 5, 6), puis les Philistins la transportent à Ekron, mais la main céleste « sévit sur la ville » (1 Samuel 5, 9-11), poursuivant ses habitants, et leur envoie la mort et les tumeurs (1 Samuel 5, 11), soulignant la supériorité de YHWH sur Dagon incapable de protéger les

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Philistins129. Isaïe annonce qu’afin de frapper Moab, la main divine s’appesantira sur la montagne (Isaïe 25, 10). Dans son déchaînement de colère, le bras divin fait sentir sa pesanteur lorsqu’il s’abat sur l’ennemi (Isaïe 30, 30). Le prophète fait appel au Dieu afin qu’il agisse : « Revêts-toi de force, ô bras du Seigneur » (Isaïe 51, 9). Et Amos, qui expose la diatribe divine, promet la destruction des Philistins : « Je dirigerai ma main contre Ekron » (1, 8). Des narrations dépeignent Dieu se promenant dans la nature et le cosmos, et lorsque son intervention s’avère nécessaire alors qu’il a suivi les événements survenus sur terre, il descend afin d’agir, parfois par lui-même et parfois en nommant un héros qui doit intervenir. Alors qu’Adam et Ève ont consommé le fruit interdit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ils découvrent puis recouvrent leur nudité et entendent la voix divine alors que Dieu chemine et parcourt le jardin (Genèse 3, 8). De tous temps, Dieu : « A voyagé sous une tente » (2 Samuel 7, 6), et « marché au milieu des enfants d’Israël » (2 Samuel 7, 7). Le Psaume 104, 3 l’évoque : hameḥallēke ʽl kanepēy rûaḥ, « Tu t’avances/vas sur les ailes du vent », ou volant et planant sur les ailes du vent (Psaume 18, 11). Une autre image le peint alors qu’il s’avance avec ses coursiers sur des chars de victoire (Habacuc 3, 8). Après avoir constaté que les hommes ont décidé de bâtir une cité et une tour qui doit atteindre le ciel, la tour de Babel, Dieu se décide : hbh n¥redh, « Allons, descendons » (Genèse 11, 7), car il sait que ce projet humain ne peut qu’avoir de dramatiques conséquences. Lorsqu’il est saisi de colère, il : « Incline les cieux et descend » (Psaume 18, 10). Ayant vu la souffrance de son peuple en Égypte, il se dispose à le délivrer et pour ce faire s’adresse à Moïse auquel il promet : wāʼērēd lehaṣṣîlô miyyad miṣerayim, « Je suis descendu pour le sauver (mon peuple), de la main des ngyptiens » (Exode 3, 8). Lors de diverses théophanies, les textes dépeignent YHWH « descendu » sur le mont Sinaï (Exode 19, 18. 20), lors de la proclamation de ses vertus et ses mérites (Exode 34, 5). Et il : wayy¥red, « descend » aussi afin de partager l’esprit divin conféré à Moïse avec soixante-dix hommes parmi les Anciens afin qu’il ne porte pas seul le lourd fardeau que représente le peuple (Nombres 11, 25). Dieu se manifeste marchant dans les branches, expression imagée de sa présence (Psaume 104, 3). De même, alors que David le consulte afin de connaître la meilleure stratégie permettant de combattre et battre les Philistins, YHWH lui révèle : « Lorsque tu entendras un bruit de pas sur les cimes des bekhaïm (mûriers ?), mets-toi vite en mouvement, car alors YHWH sera venu

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P.D. MILLER et J.J. M. ROBERTS, The Hand of the Lord : A Reassessment of the ‘Ark Narrative’ of 1 Samuel, Baltimore, John Hopkins University Press, 1977.

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à ton secours » (2 Samuel 5, 24), manifestation de sa présence protectrice et information quant à l’issue de la bataille130. Dieu se lève lorsqu’il décide de manifester sa colère (Isaïe 28, 21 ; 33, 10), et annonce qu’il se redresse afin d’exprimer sa grandeur lorsqu’il s’agit de rétablir l’ordre en Juda (Isaïe 33, 10)131. Il se lève également lors du séjour au Sinaï et lorsque Moïse l’en prie : « Lève-toi YHWH » afin de repousser les ennemis et provoquer leur fuite (Nombres 10, 35). Puis alors que l’arche fait halte chaque soir dans le désert, il le prie : « Reviens siéger YHWH » (Nombres 9, 36). L’usage de ces métaphores et métonymies, peignant le Dieu en termes anthropomorphiques, tente de refléter sa présence afin de la rendre en partie perceptible et peut-être compréhensible. Pour autant, le mystère de la transcendance divine ne livre aucunement ses clés, puisqu’il se doit de provoquer une sorte d’appréhension, qui ne saurait être aisément dépassée par une trop grande familiarité. Seuls, certains personnages définitivement choisis en dépit de leurs qualités et certaines de leurs imperfections accèdent à plus de connaissance.

Des relations tendues, présence et/ou absence divine Les références à la présence manifeste de YHWH se multiplient dans les textes, de même, les questionnements sur son absence foisonnent. Ce thème reflète les inquiétudes de l’orant et/ou du peuple tout au long des textes et des temps, qui espère… ou désespère… et recherche sa présence et sa protection. Les relations se distendent bien souvent à ce qu’il semble, et parfois mènent vers une brisure au moins apparente et de terribles sanctions. Parmi les sources, Nombres 5, 3 évoque la parole de YHWH, alors résidant au milieu du camp des Hébreux sortis d’ngypte. Certaines de ses rencontres avec des personnages distingués parmi d’autres sont tout particulièrement développées. Ainsi, des modalités de rencontre avec Moïse sont-elles organisées : « Tu placeras ce propitiatoire au-dessus de l’Arche, après avoir déposé dans l’arche le Statut que je te donnerai. C’est là que je te donnerai rendez-vous ; c’est de dessus le propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur l’arche du Statut que je te communiquerai mes ordres pour les enfants d’Israël » (Exode 25, 21- 22). YHWH dans un autre texte (Exode 29, 42-45), ordonne : « À l’entrée de la Tente d’assignation devant YHWH là où je vous donnerai rendez-vous, où je m’entretiendrai avec toi. C’est là que je me mettrai en contact avec les enfants d’Israël et ce lieu sera consacré par ma majesté... Et je résiderai au milieu des enfants d’Israël et je 130

P.R. ACKROYD, The Second Book of Samuel, Commentary, Londres, New York, Cambridge University Press, 1977, p. 61. 131 W. BRUEGGEMANN, Isaiah 1-39, pp. 261-263.

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serai leur Divinité ». YHWH rappelle encore à Moïse : « Tu placeras cet autel devant le voile qui abrite l’arche du Statut, en face du propitiatoire qui couvre ce Statut et où je communiquerai avec toi » (Exode 30, 6). La durée et le moment précis de cette présence dans le tabernacle ne sont pas spécifiées, et le verset de Lévitique 9, 4 en témoigne qui informe : « Car aujourd’hui YHWH doit vous apparaître », et le verset 9, 6 émet une condition, impliquant que la communauté dans son ensemble accomplisse les exigences divines, afin que la « gloire divine » apparaisse au peuple en son entier. YHWH peut ainsi se manifester sur la terre, se « fixer sur le mont Sinaï », ou apparaître du milieu du nuage « comme un feu dévorant » (Exode 24, 15-17). Il remplit le Tabernacle empêchant Moïse d’y entrer (Exode 40, 34-35), à moins que sa nuée ne conduise le peuple sur le chemin. La notion de mobilité s’attache au lieu où il demeure132. Qu’il séjourne dans les cieux (1 Rois 8, 30), ou sur la terre, sa présence ou son absence restent énigmatiques.

Doutes et désespoir divins En dépit de tous les efforts accomplis par YHWH pour le peuple d’Israël, celui-ci n’a de cesse de s’en détourner, qui parfois même l’accable d’outrages et/ou l’oublie. Ainsi, devant l’inconsistance de son peuple qu’il a conduit dans le désert vers Canaan, Dieu, abattu, interroge Moïse : « Quand cessera ce peuple de m’outrager ? Combien de temps manquera-t-il de confiance en moi, malgré tant de prodiges… » (Nombres 14, 11). Le Lévitique prévoit : « Mon âme vous aura en horreur » (26, 30). Et ce questionnement poignant achève d’exprimer ses inquiétudes et son chagrin : « Qui me placera/établira dans désert, dans un refuge de voyageurs ? Je pourrais délaisser mon peuple, m’en aller loin de lui » (Jérémie 9, 1), exprimant un désir d’éloignement afin de ne plus endurer de tourments. Jérémie ardent représentant de YHWH, prononce ces dures sentences à l’accent shakespearien, et témoins du désespoir divin : « Tu leur diras : « Si l’on tombe, ne doit-on pas se relever ? Si l’on se détourne, ne doit-on pas revenir ? Pourquoi ce peuple à Jérusalem se rend-il coupable d’une défection obstinée ? Pourquoi persévèrent-ils dans la fraude, refusent-ils de s’amender ? J’ai prêté attention et j’ai écouté : ils profèrent des mensonges, personne parmi eux ne regrette ses mauvaises actions et ne dit : « Qu’ai-je fait ? ». Tous ils reprennent leur course tels qu’un 132

M.B. HUNDLEY, Keeping Heaven on Earth, Tübingen, Mohr Siebeck, 2011, pp. 48 sqq.

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cheval qui se précipite au combat ». (Jérémie 8, 46). « Comment pouvez-vous dire : « Nous sommes des sages ! Nous sommes en possession de la doctrine de YHWH ! Oui, mais le style mensonger des scribes en a fait un mensonge ! Ils seront couverts de confusion ces sages… Ils ont traité avec dédain la parole de YHWH : en quoi consiste donc leur sagesse ? » (Jérémie 8, 8-9). Le prophète avait déjà prononcé cette divine lamentation : « J’ai regardé la terre et voici tout y était chaos informe ; et vers les cieux leur lumière avait disparu. J’ai regardé les montagnes, elles étaient tremblantes, toutes les collines, elles étaient violemment agitées. J’ai regardé et voici, il n’y a plus d’hommes, et tous les oiseaux du ciel avaient pris leur vol » (Jérémie 4, 23-25), qui dépeint comme une sorte de retour du monde « civilisé » au chaos primordial, dévoilant les conflits qui perdurent133. Le déchirant poème concernant les prophètes, dévoile les déceptions du Dieu : « Mon cœur s’est brisé en moi, tous mes membres sont frémissants, je suis comme un homme ivre, quelqu’un maîtrisé par le vin » (Jérémie 23, 9). Parfois, en raison de ces doutes prégnants, Dieu questionne : « « Est-il possible que je me laisse interroger par eux ? (Les anciens) » (Ézéchiel 14, 3). Quelquefois, YHWH reproche à son peuple de l’avoir oublié (Isaïe 51, 1213 ; Jérémie 2, 32 ; Ézéchiel 22, 12). Il s’enquiert : « Pourquoi mon peuple m’a-t-il oublié pour encenser des idoles » (Jérémie 18, 13. 15), usant du terme Îaʽarûrît qui qualifie une « chose horrible/abominable », afin d’exprimer le sentiment d’horreur ressenti et qui lui semble si inexplicable134. Le prophète Michée (6, 3) cite les paroles divines : « Ô mon peuple ! Que t’ai-je fait ? Comment te suis-je devenu à charge ? ». Et l’exclamation : « Car ils ont abandonné YHWH pour ne pas observer (sa loi) » (Osée 4, 10), transmet la

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J. MUILENBURG, « The Terminology of Adversity in Jeremiah », dans H.T. Frank et W.L. Rees éd., Essays in Honor of H.G. May, Translating and Understanding the Old Testament, New York, Abington Press, 1970, pp. 42-63, spéc. pp. 44-45. 134 W.A. BRUEGGEMANN, « Jeremiah’s Use of Rhetorical Questions », JBL 92, 1973, pp. 358-374, spéc. pp. 358-360.

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juste mesure des doutes divins devant son peuple qui, en toutes circonstances désobéit, l’oublie et/ou le trahit. La colère du Dieu ne fait plus à ce moment aucune différence entre justes et injustes. nzéchiel (21, 8) le déclare et révèle l’arbitraire où les justes occupent la première place : « J’extirperai de toi justes et impies ». Isaïe (57, 1), confirme : « Le juste périt et personne ne le prend à cœur, les hommes de bien sont enlevés et nul ne s’avise que c’est à cause de la perversité (régnante) que le juste disparaît ». Quelles rationalités s’expriment pour l’humain dans cet abîme de douleurs ? Et quelle est la part de la responsabilité humaine et/ ou divine ? Ainsi, si l’œuvre divine comporte un ordre initial, des êtres humains ont tôt fait de le déborder, révélant que l’injustice s’est tapie dans la création.

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Le sentiment de l’absence divine Conséquence d’un sentiment subjectif d’abandon, ses manifestations sont multiples. En effet, le thème du Dieu qui se cache semble démontrer une prégnance particulière attestée par les textes135. Les diverses formes d’absence du Dieu se relient à de poignantes situations vécues tant par les orants que par le peuple. Parfois, la tentative de dissuasion s’exprime dans un oracle de jugement. Prophètes, récits et lois avertissent le peuple de l’abandon divin, lui apportant explications et arguments. Le Dieu en expose la raison essentielle, d’où découlent toutes les autres : « C’est vous seuls que j’ai distingués entre toutes les familles de la terre, c’est pourquoi je vous demande compte de vos fautes » (Amos 3, 2). Désobéissance, mise à l’épreuve et responsabilité humaine est sont les corollaires. Michée fulmine contre les chefs de Jacob et les seigneurs de la maison d’Israël : « N’est-ce pas à vous à reconnaître le droit ? Mais ils haïssent le bien, ils aiment le mal, ils enlèvent (aux gens) la peau et la chair de dessus leurs os. Ils se nourissent de la substance de mon peuple… » (Michée 3, 13)136, puis les avertit : « Il détournera sa face d’eux à ce moment » (Michée 3, 4). Isaïe interpelle le Dieu et lui adresse ce reproche véhément : « Vraiment, tu es un Dieu caché/ qui se cache »137 (Isaïe 45, 15)138. L’expression cacher la face/les faces, figure vingt-six fois dans les textes, dont douze occurrences concernent YHWH dans les Psaumes et dix dans les Prophètes139, soulignant la gravité de ce thème. S’il est plus fréquemment présent dans les textes, le verbe sātar, « cacher », n’est pas unique dans cet emploi en raport avec le Dieu140, et ʽālam est également usité. La formule sātar pānîm, « cacher la/le faces » concerne le Dieu se cachant de l’homme, qui semble disparaître alors que l’orant le recherche141. Le terme pānîm, dénomme tant le visage (Genèse 38, 15), le regard (nzéchiel 6, 2), la personne (Exode 33, 14) que la présence 135

S.E. BALENTINE, The Hidden God, the Hiding of the Face of God in the Old Testament, Oxford, Oxford University Press, 1983, pp. 46 sqq. 136 F.L. ANDERSEN et D.N. FREEDMAN, Micah, A New Translation with Introduction. Commentary, New York, Londres, Doubleday, 2000, pp. 353-354, évoquent la possibilité qu’il s’agisse de rituels sacrificiels. 137 S. TERRIEN, The Elusive Presence, Londres, Harper et Row, 1978, pp. 321 sqq. 138 W.A. BRUEGGEMANN, Isaiah 1-39, p. 170. 139 H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible », », dans H. Nutkowicz et M. Mazoyer, La disparition du Dieu dans la Bible et les mythes hittites, Essai anthropologique, Paris, L’Harmattan, 2014, pp. 82 sqq. 140 S.E. BALENTINE, dans « A Description of the Semantic Field of Hebrew Words for « Hide », VT 30/2, 1980, pp. 137-153, spéc. p. 140, précise que ce verbe apparaît pour environ la moitié de ses occurrences en lien avec Dieu. 141 S.E. BALENTINE, The Hidden God, pp. 46 sqq.

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(Job 16, 8). Les synonymes ḥābāʼ signifiant « cacher », ṣāpan ou « cacher/protéger/défendre », kāḥad ou « renier/cacher/exterminer », Óāman ou « cacher/enfouir/réserver », ne sont pas employés dans cette construction ni en référence au Dieu qui se cache. Douze parmi les occurrences de l’expression citée plus haut figurent dans les Psaumes, et dans neuf d’entre eux, la formule est reliée à une lamentation individuelle142 (Psaume 10, 11). En raison des tourments endurés, l’orant supplie : « C’est ta face que je recherche, YHWH, ne me cache point ta face » (Psaume 27, 9), et prie (Psaume 89, 47 ; 102, 3). Le peuple interroge également : « Pourquoi dérobestu ta face, oublies-tu notre misère et notre oppression ? » (Psaume 44, 25). Parfois un reproche délicatement exposé émaille le questionnement : « Mais tu as caché ta face » (Psaume 30, 8). Lorsque le Dieu se cache à l’humain, cette démonstration n’a pour but que lui faire connaître sa colère et sa désapprobation143. Lorsque Dieu aura détourné sa face de Jérusalem, les conséquences en seront dramatiques, témoigne Jérémie (33, 5). Et nzéchiel remémore les conséquences de l’abandon et de la protection du Dieu, qui voient les Judéens livrés à leurs ennemis (39, 23- 24). L’éloignement et la distance supposée du Dieu s’inscrivent dans la liste des demandes d’explication et/ou de reproches. Le psalmiste exprime son inquiétude par ce simple questionnement : « Pourquoi, ô YHWH te tiens-tu éloigné (Psaume 10, 1), ou affirme : « C’est ta face que je recherche, YHWH, ne me cache point ta face » (Psaume 69, 18). L’usage du verbe rāḥaq signifiant « être loin/ s’éloigner/ s’abstenir », souligne la séparation et la distanciation d’avec le Dieu qui retire sa protection144. Michée s’en fait l’écho et prévient les chefs de la maison de Jacob et Israël : « Il cachera/détournera sa face d’eux à ce moment (Michée 3, 4). Isaïe accepte l’absence : « J’attendrai YHWH qui voile sa face à la maison de Jacob », exprimant l’espoir, puisque limitée dans le temps (Isaïe 8, 17). Pour autant, le Dieu sait reconnaître : « Je t’ai un petit moment dérobé ma face » (Isaïe 54, 8). Prévoyant la trahison du peuple, il prête ce serment à Moïse : « Ce jour-là… je (leur) déroberai ma face » (Deutéronome 31, 17), annonçant à Josué des jours difficiles et l’apostasie du peuple. La richesse polysémique du terme pānîm, ajoute à la compréhension de l’attitude divine. En effet, détournant sa face, le Dieu détourne son irritation et cette formule signifie alors A.C. COTTRILL, Language Power and Identity in the Lament Psalms of the Individual, Londres, T et T Clarck, 2008, pp. 10-12. 143 A.R. JOHNSON, « Aspects of the Use of the Term pānim in the Old Testament » dans Festschrift O. Eissfeldt zur 60 Geburtstage, Halle, Niemayer, 1947, pp. 155-159, spéc. p. 156. 144 F. LINDSTRÖM, Suffering and Sin, Interpretation and Illness in the Individual Complaint Psalms, Stokhholm, Almqvist et Wiksell, 1994, p. 76. 142

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« cacher/détourner sa colère », à moins qu’en raison de son ire, il ne se détourne (Psaume 34, 17). La face de Dieu, symbolise sa présence, sa protection et sa bénédiction, et lorsqu’il la détourne les catastrophes se multiplient145. L’orant des Psaumes interroge avec inquiétude : « Pourquoi ô YHWH… te dérobes-tu au temps de la détresse ? » (Psaume 10, 1), et supplie : « Ne te dérobes pas à ma supplication » (Psaume 55, 1). Il use en ces occurrences du verbe ʽālam, qui peint le Dieu se dérobant. Le verbe sāhab apparaît dans la formule suivante : « Je détournerai ma face » (nzéchiel 7, 22)146, et le verbe, sûr, attesté dans la promesse d’nzéchias : « Et il ne détournera pas sa face de vous, si vous revenez à lui » (2 Chroniques 30, 9), adopte cette semblable signification, transmettant cette même image d’un Dieu qui se tourne vers un ailleurs. D’autres formes du retrait divin ressortent des textes. L’orant questionne YHWH à propos de son éloignement tant dans le temps que l’espace (Psaume 22, 12. 20 ; 35, 22 ; 38, 22 ; 71, 12)147. Il se fait accusateur : « Pourquoi dors-tu ? » (Psaume 44, 24), ou exhorte le Dieu : « Réveille-toi » (Psaume 35, 23)148, afin que la justice et l’aide divine lui soit accordées en un moment de détresse (Psaume 59, 5-6). Parfois interprété comme la métaphore d’une forme d’inattention envers son peuple en souffrance149, ou bien comme une exhortation afin de juger les ennemis qui persécutent le fidèle, ce cri reste un appel au secours auprès du Dieu sauveur qui s’est détourné. L’oubli fait également partie des formes du retrait divin (Psaume 10, 11 ; 13, 2 ; 44, 25 ; Osée 4, 6). Ainsi les malfaisants du Psaume 10, 11 tententils de se persuader : « Dieu est sujet à l’oubli, il cache sa face ; jamais il ne 145

D.L. CHRISTENSEN, Deuteronomy 21, 10-34, 12, Nashville, Thomas Nelson, 2002, p.772. 146 G.A. COOKE, dans Ezekiel, A Critical and Exegetical Commentary, ndimbourg, T et T Clarck, 1936, p. 82, confirme que cette expression n’est assurée dans aucun autre texte à propos de YHWH. 147 J.S. KSELMAN, « "Why Have you Abandonned me", A Rhetorical Study of Psalm 22 », dans D.J.A. Clines, D.M. Gunn et A.J. Hauser éd., Art and Meaning : Rhetoric in Biblical Literature, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1982, pp. 172-198, spéc. pp. 183-184. 148 B.F. BATTO, dans « The Sleeping God : An Ancient Near Eastern Motive of Divine Sovereignty », Biblica 68/1, 1987, pp. 153-177, rappelle que le Psaume 121 présente YHWH comme ne dormant jamais. 149 C.A. BRIGGS, A Critical and Exegetical Commentary on the Book of Psalms I, ndimbourg, T et T Clarck, 1906, p. 382. M. DAHOOD, Psalms 1, Garden City, Double Day, 1965, pp. 267-268. A.A. ANDERSON, Psalms I, Londres, Oliphants, 1972, pp. 345-346.

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voit (rien) »150. Le psalmiste prie le Dieu instamment et argumente : « N’oublie pas à jamais l’existence de tes pauvres. Tiens compte de l’alliance » (Psaume 74, 19-20), à moins qu’il ne garde l’espoir : « Il n’oublie point le cri des humbles » (Psaume 9, 13). Parfois YHWH abandonne l’orant qui supplie : « Ne me cache point ta face… ni ne m’abandonne » (Psaume 27, 9, 71, 9. 18)151, il se repent : « Pour un court moment je t’ai délaissée (la compagne de sa jeunesse ou Israël) (Isaïe 54, 7)152. Il peut promettre : « Je ne les abandonnerai pas » (Isaïe 41, 17). YHWH peut repousser et rejetter son peuple qui va vers sa destruction sans indulgence : « Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, mon âme ne se tournerait pas vers ce peuple ; renvoie-le hors de ma présence, qu’il s’en aille ! » (Jérémie 15, 1). Envahi de chagrin, YHWH témoigne, en dépit de son rejet, de l’immense affection qu’il porte à son peuple, et constate les conséquences de son jugement et du châtiment qui l’a suivi : « J’ai abandonné ma maison, délaissé mon domaine, et ce que mon âme a de plus cher, je l’ai livré au pouvoir de ses ennemis » (Jérémie 12, 7). Parfois, YHWH exprime son dédain, pis, son mépris envers son peuple : « Mon Dieu les rejette/dédaigne/méprise avec mépris, car ils ne l’ont pas écouté » (Osée 9, 17)153. Les sentiments du Dieu peuvent encore s’aggraver, et le questionnement du prophète dévoile sa consternation : « Astu complètement repoussé Juda, Ton âme a-t-elle pris Sion en dégoût ? » (Jérémie 14,19). La sentence divine a d’ores et déjà été prononcée, et la plaidoirie de Jérémie n’est pas écoutée : « Souviens-toi, ne romps/découds pas ton alliance avec nous » (Jérémie 14, 21). Parallèlement, il annonce au peuple l’abandon divin (Jérémie 7, 29)154. La règle énoncée en Lévitique 26, 30, menace : « Mon âme vous aura en horreur », en raison de l’idolâtrie du peuple. Amos (5, 21) et nzéchiel (29, 5 ; 32, 4), confirment cet oracle de jugement. Et, YHWH avertit : « Je rejetterai cette ville que j’avais choisie » (2 Rois 23, 27). Le prophète prévient : « Les deux familles que YHWH avait élues, il les a rejetées (Jérémie 33, 24). Le Psaume 89, 39 exprime ce violent reproche envers le Dieu : « Tu l’as délaissé et rejeté ton élu », qui atteste de l’usage des 150

J. REINDL, Das Angesicht Gottes im Sprachgebrauch des Alten Testament, Leipzig, St Benno-Verlag, 1970, pp. 92 sqq. 151 M.J. MELANCHTHON, Rejection by God, The History and Significance of the Rejection Motive in the Hebrew Bible, New York, Peter Lang Inc., 2001, précise le contexte de l’emploi de ce verbe : quarante-quatre fois en référence à Dieu, cinq à la Torah, trois en Josué et 2 Rois, huit en Esdras/Néhémie, quatorze dans les Psaumes/Lamentations et quatorze dans les Prophètes. 152 J. D.W. WATTS, Isaiah 34-66, p. 237. 153 M.J. MELANCHTHON, Rejection by God, n. 28. 154 H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible », pp. 90-92.

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deux verbes zanaḥ et māʼas, dont le premier signifie « délaisser/devenir infidèle »155, et le second « mépriser, rejeter, dédaigner ». Un autre verbe : nāÓaÎ, « repousser/jeter/rejeter/délaisser », exprime la violence du Dieu qui s’embrase lorsque sa colère l’étreint. Le Psalmiste malheureux le supplie : « Ne repousse pas ton serviteur avec colère (Psaume 27, 9). Sa richesse sémantique révèle un rejet plus prégnant, plus douloureux, qui signifie « jeter/rejeter/délaisser ». Il peut être associé avec le verbe nāÎāh, « négliger/abandonner/oublier », et Jérémie 23, 39, en témoigne lorsqu’il rapporte le projet divin : « C’est pourquoi voici, je vous abandonnerai entièrement et je vous rejetterai vous et la ville que je vous ai donnée… de devant ma face ». Plus encore, le poète peut se voir gāraÎ, « chassé/rejeté » de devant Dieu (Psaume 31, 23 ; Jonas 2, 5), ou encore nāʼar, « rejeté avec horreur ». Ce verbe exprime la rupture de l’alliance dont le Psalmiste accuse Dieu : « Tu as rompu l’alliance de ton serviteur » (Psaume 89, 40). Prévoyant son abandon, YHWH exprime sa douleur : « Quand j’aurai introduit ce peuple dans le pays que j’ai promis par serment à ses pères et où ruissellent le lait et le miel ; vivant dans l’abondance et gorgé de délices, il s’adressera à des dieux étrangers, il les servira, me nāʼaṣ, « témoignera du mépris », et rompra mon alliance… parce que je sais ce qu’aujourd’hui déjà son penchant le porte à faire… » (Deutéronome 31, 20-21). Dieu ne manque pas de possibilités afin de montrer son rejet et le silence en fait partie, aussi le Psalmiste le conjure-til de ne pas se détourner en ḥāÎah, « silence » (Psaume 28, 1 ; 83, 2), ou de ne pas ḥāraÎ, « se taire » (Psaume 35, 22)156. Le prophète questionne avec inquiétude : « Pourquoi… gardes-tu le silence ? » (Habacuc 1, 13), ou restitue le questionnement divin : « Est-il possible que je me laisse interroger par eux ? » (nzéchiel 14, 3), qui use de la formule : dāraÎ lēʼlōhîm, « interroger/consulter/implorer/demander du secours à Dieu », ou bien proteste de son ferme refus devant l’idolâtrie des anciens d’Israël : « Je ne me laisserai pas consulter par vous » (nzéchiel 20, 3). Michée 3, 7 confirme : « Aucune réponse ne leur viendra de Dieu », lors de périodes de défaveur divine157. En Job 34, 29, le détournement et le mutisme apparaissent comme l’acceptation de la tragédie qui frappe le héros de tous côtés : « Et s’il est 155

R. YARON, dans « The Meaning of zanaḥ », VT 13, 1963, pp. 237-239, propose d’apporter un complément de sens à ce dernier verbe. Il signifierait « être en colère », en certaines occurrences, par référence à l’accadien zenû. Il en veut pour exemple les textes suivants : Psaume 44, 10. 24 ; 74, 1 ; 77, 8 ; 89, 39 ; Lamentations 3, 17. 31 ; Psaume 60, 3. 12 ; 88, 15 ; 108, 12, où le verbe abandonner peut ainsi être approprié. 156 M.C.A. KORPEL et J.C. de MOOR, The Silent God, Leyde, Brill, 2011, p. 35, notent vingt-neuf occurrences des verbes et noms ayant trait au silence divin. 157 D.I. BLOCK, The Book of Ezekiel 1-24, p. 426, remarque à quel point leur démarche est déplacée, alors qu’ils ont été parties prenantes aux manifestations idolâtres.

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silencieux qui le lui reprochera ? Si (quand) il cache sa face, qui pourra le voir ? [il domine] et sur les nations et sur les individus ». Le premier Livre de Samuel dépeint l’inquiétude du roi Saül lors d’une guerre contre les Philistins (I Samuel 14, 31-36). Si le peuple donne son accord au souverain afin de les poursuivre durant la nuit, le prêtre présent propose d’interroger le Seigneur afin de prendre la bonne décision. Le texte constate avec sécheresse : « Il ne lui fut pas répondu pour ce jour » (1 Samuel 14, 36-37). L’emploi d’un pronom personnel neutre souligne d’autant l’absence du Dieu. Une crise s’ensuit, à laquelle la réponse divine s’avère être le choix du silence, renvoyant le souverain à lui-même, à ses hésitations, à ses incertitudes, à sa remise en cause, se devant de trouver la meilleure réponse afin de dénouer la tragédie qui se joue158. Saül, le monarque malheureux, va vivre une seconde expérience plus émouvante et d’autant plus dramatique, présage de l’abandon divin, alors que l’armée des Philistins se prépare à engager le combat contre Israël. Ce que voyant, le souverain, saisi d’effroi, décide de consulter YHWH, mais le Dieu : « ne lui répondit pas » (1 Samuel 28, 5-6), ni par les songes, ni par les ourîm, ni par les prophètes et/ou voyants. Le silence divin devient avertissement. Ce monarque qui fut habité par l’esprit divin doit affronter le terrible retrait. Venu chez la nécromancienne d’Endor empli d’espoir, celle-ci fait monter le prophète Samuel de l’au-delà, il se montre fâché et reproche à Saül : « Pourquoi as-tu troublé mon repos en me faisant évoquer ? ». Le souverain répond accablé : « Ma détresse est grande », évoquant les préparations de guerre des Philistins, et renforce son affirmation révélant que Dieu l’abandonne et ne répond plus par les augures, les prophètes et les songes (1 Samuel 28, 15). Saül attend des recommandations qui ne viendront pas, et Samuel importuné répond impitoyable : « Pourquoi me demandes-tu, alors que YHWH s’est détourné de toi/est devenu ton ennemi/adversaire pour ton rival » (1 Samuel 28, 16). Le silence divin confirme la tragédie du royal destin et de sa maison destinée à disparaître. Parfois, le retrait divin mène l’orant qui souffre de ce sentiment d’absence à poser la question : « Où est Dieu ? » (Jérémie 2, 8). Cette interrogation est attestée sous de nombreuses formes. En réponse, YHWH reproche aux Israélites de ne pas s’être posé la question : « Où est YHWH qui nous a fait monter du pays d’ngypte ? » (Jérémie 2, 6). Et les ennemis du Psalmiste le raillent, qui le questionnent : « Où est ton Dieu » (Psaume 42, 11). De même, font ceux de Jérémie qui ironisent : « Où est la parole de YHWH ? » (Jérémie 17, 15). « Le méchant ne s’inquiète (de rien) : Il n’est point de Dieu ! , voilà le fond de sa pensée », accuse le psalmiste (Psaume 10, 4). Pour autant, cette formule ne révèle pas un athéisme religieux, elle 158

K.M. CRAIG Jr, Asking for Rhetoric, the Hebrew Bible’s Protean Interrogation, Leyde, Brill, 2000, p. 50.

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exprime le fait que YHWH n’intervient pas afin de contrecarrer ses mauvaises intentions. Le poète justifie cette formule, car pour cet homme « sans Dieu » : « Ses voies sont prospères en tout temps, tes jugements passent au-dessus de sa tête ; tous ses adversaires, il les renverse d’un souffle » (Psaume 10, 5)159. Désespéré, le poète souffre, il se sent abandonné entre les mains de ces blasphémateurs ; il supplie : « Lève-toi… n’oublies point les humbles » (Psaume 10, 12), puis proteste : « Pourquoi l’impie outragerait-il YHWH, dirait-il en son cœur que tu ne demandes aucun compte » (Psaume 10, 13)160. L’orant presse ainsi YHWH de questions, qui désire une réponse et une ou des explications sur ce silence161, cet abandon, ce retrait. L’emploi de l’adverbe lāmāh, « à quoi/pourquoi », lié à ce désir de compréhension se cumule avec ces autres adverbes : « combien », « combien de temps », « jusqu’à quand ». Ce terme est souvent intégré dans la formule qui exprime l’espérance d’une explication : « Pourquoi dérobes-tu ta face » (Psaume 44, 25 ; 88, 15 ; Job 13, 24)162. Parfois, les questionnements se font plus poétiques : « Pourquoi délaisses-tu mon âme ? » (Psaume 88, 15). L’aspect temporel figure dans ces interrogations si inquiètes, symptômes de désespoir, et l’expresion ʽad ʼānāh, « jusque quand » l’atteste. Les Psaumes s’en font 159

H.J. KRAUS, Psalms 1-59, A Commentary, Minneapolis, Fortress Press, 1988, p. 192. 160 W. OESTERLEY, The Psalms, Translated with Text Critical and Exegetical Notes, Londres, Society for Promoting Christian Knowledge, 1953, pp. 145-146. 161 Dans le Livre d’Esther, livre de l’invisibilité et du silence divins, les acteurs n’implorent pas Dieu ni ne lui reprochent un apparent abandon, ils ne s’accusent pas d’être coupables. Il ne semble pas intercéder, et les protagonistes se prennent en charge en ces dangereuses occurrences. La question posée par Mardochée à Esther : « Et qui sait si ce n’est pas pour une conjoncture pareille que tu es parvenue à la royauté ? » (4, 13), pourrait mener à penser qu’une intervention divine se serait jouée par le truchement de la reine, H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible », pp. 105-106. M.C.A. KORPEL, dans « Theodicy in the Book of Esther », dans A. Laato et J.C. de Moor éd., Theodicy in the World of the Bible, Leyde, Brill, 2003, pp. 351-374, spéc. pp. 373-374, note que Dieu n’abandonne ni son peuple ni le monde en général. Et, puisque les juifs de l’Empire Perse ont été sauvés, ce fait tend à prouver que le Dieu d’Israël lui est fidèle. K. De TROYER et L. REDIGER SCHULTE, dans « Is God Absent or Present in the Book of Esther ? An Old Problem Revisited », dans L. Daalferth éd., The Presence and Absence of God, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, pp. 35-40, après avoir comparé les textes de la Septante et le second texte grec d’Esther (Alpha), y remarquent la présence et l’action divines, et posent la question de la signification de l’absence divine dans le texte hébreu. 162 E.S. GERSTENBERGER, Psalms, Part I, with an Introduction to Cultic Poetry, Grand Rapids, Eerdmans, 1988, p. 144.

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l’écho avec insistance : « Jusque quand m’oublieras-tu avec persistance ? Jusque quand me déroberas-tu ta face ? Jusque quand mon ennemi triomphera-t-il de moi ? » (Psaume 13, 1-2). Le Psaume 74, 1, témoin du désarroi qui frappe le peuple interroge : « Est-ce pour toujours »163 et l’adverbe de temps mātay, « quand » confirme l’anxiété de l’orant : « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : quand reviendrai-je pour paraître en présence de Dieu ? » (Psaume 42, 2-3). Les multiples motifs liés à ces expériences sont largement développés dans et par l’ensemble des textes prophétiques et les Psaumes. Les sentiments de l’abandon et de l’oubli par le Dieu font écho à ceux de l’homme. S’adressant à Dieu, l’humain en requiert des explications sans qu’aucune réponse ne soit apportée, en effet Dieu exige une prise de conscience et une remise en cause tant individuelle que collective. Les tourments vécus ne sont que la conséquence de nombreuses transgressions et d’autant de péchés, aussi cette conscience est-elle le préalable à une évolution dans la relation à Dieu. L’orant recommande : « Qu’ils mettent leur confiance en Dieu, se gardent d’oublier les hauts-faits de Dieu », et constate désabusé : « Ils ont oublié ses grandes œuvres », « Murmurent, se lamentent et ne prêtent pas attention à la voix divine » (Psaume 106, 24-25). Isaïe accuse le peuple : « Qui es-tu, toi… Oubliant YHWH qui t’a créé… (Isaïe 51, 12-13). Et Jérémie l’accable avec les paroles du chagrin divin : « Mais mon peuple m’a oublié depuis des jours sans nombre » (Jérémie 2, 32). Ézéchiel (22, 12) incrimine le Dieu : « Et, tu m’as oublié moi ». L’être humain provoque l’ire divine, qui s’est éloigné et s’est désintéressé par arrogance et inconscience. Devant cette attitude, Dieu, éprouvé, interroge : « Ô mon peuple ! Que t’ai-je fait ? Comment te suis-je devenu à charge » (Michée 6, 3). La négligence cultuelle accompagne l’oubli. Dieu réprobateur, remarque que plus personne ne prend soin du Temple et de ses objets de culte, ne respecte les rites, ce dont il accuse les « bergers » qui ne se soucient plus de lui (Jérémie 10, 21). Il reproche encore : « Plus personne pour dresser ma tente, pour fixer mes draperies ! » (Jérémie 10, 20). Outre le rejet du Dieu, l’idolâtrie affecte et infecte l’ensemble du peuple. Ézéchiel constate à propos des anciens d’Israël : « Ces gens ont fait à leurs idoles une place dans leur cœur et mis cette cause de leur péché droit sous leur regard » (14, 3). Aussi, Dieu menace-t-il de détourner sa face ou punir quiconque ferait place aux idoles en son cœur, et de le retrancher du sein de son peuple (14, 7-9), qui accuse également : « Tu t’es bâti un tertre et t’es fait un haut-lieu sur chaque place. À l’entrée de chaque chemin, tu as édifié 163

Selon S. TERRIEN, The Psalms, Strophic Structure and Theological Commentary, Grand Rapids, Cambridge, 2003, p. 542, le langage de ce Psaume est proche de celui des cercles de Jérémie.

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ton haut-lieu » (16, 24-25). Isaïe dépeint un pays « rempli d’idoles », et le peuple se prosternant devant les œuvres de ses mains (Isaïe 2, 8). La parole divine, moqueuse et sévère, ajoute encore : « De tels dieux sont comme un épouvantail dans un champ de concombres, ils ne parlent pas, on est obligé de les porter, car ils ne peuvent faire un pas. Ne craignez rien d’eux, car ils ne font pas de mal, mais faire du bien n’est pas davantage en leur pouvoir » (Jérémie 10, 5). Et, de même, les nécromanciens qui s’adressent aux morts et les devins : « Ceux qui chuchotent et marmonnent », ne font pas allusion à la parole divine, ne possèdent pas la moindre once de raison, et n’apportent que de fausses réponses aux inquiétudes. Le Psaume 106 développe divers aspects de l’oubli du Dieu, rappelant l’incapacité du peuple à placer ses attentes dans les desseins divins (106, 13), et effaçant de sa mémoire les hauts-faits accomplis lors de la sortie d’ngypte (106, 21)164. L’oubli répété de l’alliance est également perçu comme motif de rupture, aussi le prophète Osée déclare-t-il : « C’est ainsi que se perd un peuple, faute de sens ! » (Osée 4, 14), qui rappelle l’oubli des lois et de la justice divines. Jérémie (8, 9), ridiculise le peuple qui méconnaît les lois divines, et affirme qu’ils sont des sages en possession de la doctrine divine. Il constate que ce peuple s’est perdu sur le chemin, a tout oublié des préceptes de l’alliance, et témoigne que la maison d’Israël et de Juda : « Ont rompu l’alliance » (Jérémie 11, 10). Isaïe à la suite de ce même constat s’adresse à Dieu et l’interroge : « Pourquoi laisses-tu notre cœur se fermer » (63, 17), puis, injuste, le met en cause lui imputant cette responsabilité d’avoir laissé faire165. Outre l’idolâtrie, l’oubli de Dieu, celui des pratiques cultuelles et de l’alliance, d’autres motifs sont longuement évoqués par et dans les témoignages prophétiques : la dépravation (Ézéchiel 16, 23), la débauche (16, 26), les abominations (16, 2). Une diatribe d’Isaïe en décrit bon nombre : « Tes chefs sont dissolus, tous aiment les dons corrupteurs et courent après les gains illicites, à l’orphelin ils ne font pas justice et le procès de la veuve n’arrive point devant eux » (Isaïe 1, 23). La menace et le jugement tombent comme un couperet : « Impies et coupables s’effondreront ensemble, les traîtres à Dieu périront » et le discours divin avertit les puissants qu’ils perdront leur pouvoir et que leurs réalisations brûleront (Isaïe 1, 28. 31). L’orgueil des hommes sera humilié et leur arrogance abattue, annonce encore le prophète (Isaïe 2, 17). Un reproche d’impportance conclut ce discours : « Cessez de vous appuyer sur l’homme dont la vie n’est qu’un souffle. Quelle peut être sa valeur ? » (Isaïe 2, 22). 164 165

H.J. KRAUS, Psalms 60-150, A Commentary, p. 319. C. WESTERMANN, Isaiah 40-66, Londres, John Knox Press, 1969, p. 394.

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Le peuple est désavoué pour d’autres causes encore. Osée (4, 6) met en accusation les « habitants de ce pays », constatant l’absence de vérité et de bonté parmi eux. Le prophète dénonce le parjure et le mensonge, le meurtre, le vol et l’adultère de ceux qui se nourrissent du péché et des fautes (Osée 4, 3. 8). Il fait grief au peuple de son manque d’intelligence, conséquence de sa débauche et du vin (Osée 4, 11), qu’il relie à l’abandon de la loi divine, et évoque sa conséquence qu’est l’oubli divin (Osée 4, 6). Oublieux de leurs responsabilités, les responsables politiques et religieux mènent le peuple vers sa perte. Dieu les menace : « Malheur à vous qui rendez des ordonnances iniques et à vous scribes qui transcrivez des sentences perverses, refusant justice aux indigents, frustrant de leur droit les pauvres de mon peuple, considérant les veuves comme leurs proies et dépouillant les orphelins » (Isaïe 10, 1-2). La violente critique du pouvoir politique, religieux et judiciaire inscrit la réaction divine qui accuse : « Ils ont rompu l’alliance que j’avais contractée avec leurs ancêtres » (Jérémie 11, 10). Dieu assure et répète combien son peuple dénué de raison le méconnaît, il souligne combien ces enfants insensés, sans discernement, sont intelligents afin d’accomplir le mal mais incapables de faire le bien (Jérémie 4, 22). Il se fait juge et conclut que leurs fautes et leurs péchés privent son peuple de bienfaits (Jérémie 5, 25). Malfaisants, certains d’entre eux tendent des pièges à d’autres hommes, dont les demeures sont prospères et opulentes (Jérémie 5, 27), aussi le prophète en transmet-il une image détestable et repoussante : « Ils sont gras, reluisants : ne dépassent-ils pas toute mesure dans le mal ? Ils ne rendent pas justice, justice à l’orphelin, et ils prospèrent ! La cause des pauvres ils ne la font pas triompher » (Jérémie 5, 28-29). En outre, certains prophètes profèrent des mensonges et les prêtres exercent leur domination, dévoile le prophète (Jérémie 5, 30 ; 29, 21). Ironique, il use de métaphore, qualifiant les Judéens de « chevaux repus » courant de-ci de-là, et hennissant après la femme d’autrui (Jérémie 5, 8). Indociles et rebelles, le mensonge est leur arme (Jérémie 7, 1-9), qui vont de méfait en méfait, d’adultères en débauches (Jérémie 13, 27). Ils accomplissent de mauvaises actions et ne les regrettent pas, ne se remettant nullement en cause (Jérémie 8, 6). Alors, la liste de leurs forfaits sans nombre lasse Dieu qui s’érige en qualité de juge suprême, rend un jugement et provoque de dures expiations, dont il sait qu’ils vont permettre un retour vers le bien. L’infidélité qui en est l’une des causes est dévoilée par nzéchiel 39, 23. 24 : « Et les nations sauront que c’est à cause de son iniquité que la maison d’Israël avait été exilée, parce qu’ils m’ont été infidèles, de sorte que je détournai d’eux ma face et les livrai au pouvoir de leurs ennemis, et qu’ils tombèrent tous sous le glaive.

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Selon leurs souillures et leurs péchés, je les ai traités et j’ai détourné d’eux ma face ». Et YHWH d’apostropher les responsables religieux et politiques par la bouche de son prophète Jérémie, qui ajoute : « Les prêtres ne se sont pas demandés où est YHWH, les dépositaires de la loi ne m’ont plus connu, les pasteurs me sont devenus infidèles, et les prophètes ont prophétisé au nom de Baal et suivi des êtres incapables de secourir » (Jérémie 2, 8). Outre l’oubli de l’alliance, l’injustice et le mensonge mènent tout autant au retrait divin. Des symptômes aux changements puis au retour du peuple vers le Dieu, les traces textuelles font écho à cette interminable réalité d’un peuple instable, infidèle à son alliance, mené et miné par le péché et l’iniquité en dépit des tentatives de dissuasions renouvelées. Les réactions divines ne peuvent se faire attendre, les colères du Dieu s’enflamment et l’une de ses conséquences se met en place qu’est son abandon, momentané cependant. De même, ses décisions de détruire son peuple, sont mises en pratique.

Chagrins et fureurs divins Plus d’une fois, chagrin et souffrance envahissent le Dieu qui se lamente : « Malheur à moi ! Car j’ai subi un désastre ! Incurable est ma blessure ! » (Jérémie 10, 19)166. Au désespoir, il constate : « Mes fils m’ont quitté, ils ne sont plus » (10, 20), ou note encore empli de pitié : « N’est-ce pas plutôt eux-mêmes (qu’ils blessent), à leur propre confusion » (Jérémie 7, 19). Il ne manque pas d’exprimer avec éloquence combien il est accablé : « Comme je voudrai dominer ma douleur ! Mon cœur souffre au-dedans de moi » (Jérémie 8, 18), qui témoigne : « Je suis voilé de deuil en proie au désespoir… Qui peut faire que ma tête se change en eau, mes yeux en source de larmes ! Je voudrais pleurer jour et nuit ceux qu’a vus succomber la fille de mon peuple » (Jérémie 8, 21. 23). Dans une touchante lamentation métaphorique sur le peuple d’Israël ayant enduré la terreur destructrice babylonienne et qui subit la manipulation des faux prophètes, YHWH 166

E. TALSTRA, « Exile and Pain : A Chapter from the Story of God’s Emotions », dans B. Becking et D. Human éd., Exile and Suffering. A Selection of Papers Read at the 50th Anniversary Meeting of the Old Testament Society of South Africa OTWSA/SA/ATSSA, Pretoria August 2007, Leyde, Brill, 2009, pp. 161-180, spéc. p. 171.

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s’adresse au prophète : « Et toi, tu leur adresseras cette parole : nuit et jour, mes yeux fondent en larmes, sans discontinuer, car la vierge, fille de mon peuple, est atteinte d’une terrible catastrophe, d’une blessure douloureuse à l’extrême » (Jérémie 14, 17). À cette triste plainte, fait écho celle du peuple de Juda sous la forme d’une accusation : « As-tu donc complètement repoussé Juda ? Ton âme a-t-elle pris Sion en dégoût ? Pourquoi nous infliges-tu des blessures auxquelles il n’est point de remède. On espérait la paix et rien d’heureux ne nous arrive, une ère de réparation, et voici l’épouvante ! » (Jérémie 14, 19). À ces questions s’ajoutent les confessions de péché et des demandes de délivrance, qui considèrent le Dieu responsable des évènements167. Dans le même temps, Dieu se remet en cause et pose cette question faussement naïve à son peuple : « Que t’ai-je fait » (Michée 6, 3). Puis, dans un texte où l’émotion atteint à son comble, il ravive le souvenir de son amour pour son peuple tout jeune enfant et prononce ces mots où l’émotion fait plus qu’affleurer : « Je l’aimais » (Osée 11, 1-3). Réaction à l’immoralité et aux écarts de conduite de son peuple et de ses dirigeants, l’ire du Dieu dévoile ses formes plurielles. La richesse sémantique de ses expressions répond aux émotions et sentiments qui le submergent, de la simple colère à la plus violente fureur168. Degrés et formes diffèrent subtilement. Ainsi, le Dieu est-il apostrophé par le psalmiste inquiet : « Pourquoi … ta ʼap, « colère », est-elle embrasée contre le troupeau de ton pacage » (Psaume 74, 1), et d’autant plus accusateur que le rôle du berger est de préserver et secourir son troupeau. Après que le peuple d’Israël se soit établi à Chîttim, influencé par les habitants de Moab, il se livre à l’idolâtrie. Dieu, est alors envahi par la ʼap, fureur. Moïse : « Dit aux juges : Que chacun de vous immole ceux des siens qui se sont livrés à Baal-Peor » (Nombres 25, 5). Phineas fils d’nléazar, fils d’Aaron le pontife, perce de sa lance les deux responsables de cette situation, un Israélite et une Madianite afin de calmer le Dieu (Nombre 25, 7-17). Parfois, des traces d’une ḥārôn, « ardente » colère divine, apparaissent dans des textes, elle dépeint sa fureur, son ʼap, sa « colère » (Psaume 58, 10). Une autre forme de cette émotion est illustrée par la zaʽam, « colère/rage », dont l’ombre apparaît dans des contextes souvent prophétiques. Malachie 1, 4 témoigne : « Et le peuple contre qui YHWH est en colère », de même Zacharie 1, 12 : « Jérusalem et les villes de Juda 167

T.E. FRETHEIM, Jeremiah, Macon, Smyth et Helwys, 2002, pp. 224-225. P.A. KRUGER, dans « A Cognitive Interpretation of the Emotion of Anger in the Hebrew Bible », JNSL 26/1, 2000, pp. 181-193, spéc. p. 182, rappelle que la dizaine de termes exprimant la colère est attestée dans sept cent quatorze occurrences dont cinq cent quatorze s’appliquent à la colère divine, et cent quatre-vingt-seize à la colère humaine !

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auxquelles tu as fait sentir ta colère ». Le poète requiert la punition de ses ennemis : « Déverse sur eux ton courroux, que ton ardente colère les accable » (Psaume 69, 25). Parfois, associées dans des textes, la « colère/rage » et la qeṣep ou « colère/écume/indignation », sont à l’origine du châtiment, et le psalmiste supplie : « Ne me réprimande pas dans ton irritation, ne me châtie pas dans ton courroux » (Psaume 38, 2). Le malheureux évoque son désespoir dont il rend le Dieu responsable : « Car j’ai mangé des cendres comme du pain, à mon breuvage j’ai mêlé mes larmes, à cause de ta colère et de ton irritation puisque tu m’as soulevé et lancé au loin » (Psaume 102, 10-11). Ce sentiment peut adopter une autre forme, dont atteste le terme kaʽas, « colère ». Le récit de 2 Rois 23, 26 s’en fait l’écho : « À cause de toute la colère que Manassé avait excitée ». Job 10, 17 s’adressant à Dieu dans son affliction, formule un reproche : « Tu redoubles de kaʽaś, « colère » contre moi ». Témoin de la fureur divine ou ʽāberāh, Job l’évoque à diverses reprises (21, 30 ; 40, 11). Le Psaume 90, 14, énonce cette inquiétante question : « Et (qui connaît) ta grande colère (autant qu’il faudrait) pour te craindre, qui te craint autant que tu es redoutable ? ». Complémentaires, des verbes exposent aussi certains de ces aspects de la colère divine. Dieu s’est ʽābar, « emporté/irrité » contre le psalmiste l’accusant d’avoir rompu leur alliance (Psaume 89, 39). Le peuple exprime avec inconscience et exès son doute envers YHWH, qui le met à l’épreuve : « En demandant une nourriture selon leur goût », en questionnant : « Dieu pourra-t-il dresser une table dans le désert ? Sans doute il a frappé un rocher, et les eaux ont jailli, des torrents se sont précipités : pourra-t-il aussi donner du pain ? Sera-t-il capable d’apprêter de la viande à son peuple ? ». Aussitôt : « YHWH les ayant entendus, s’irrita ; un feu s’alluma contre Jacob, et sa colère s’éleva contre Israël » (Psaume 78, 17-21). Ce peuple provoque encore et toujours la colère divine, le verbe kāʽas, « irriter/offenser/affliger » la dépeint encore : « Ils se prostituèrent à Baal-Peor, et mangèrent des sacrifices offerts à des [dieux] inanimés. Ils déchaînèrent la colère par leurs actes » (Psaume 106, 28-29). Le poète peut constater : « Tu t’es ʼānap, « irrité/fâché »169 (Psaume 60, 3), s’en effrayer : « Seras-tu à jamais « courroucé/fâché/irrité » contre nous. Feras-tu d’âge en âge prolonger/durer ta colère ? » (Psaume 85, 6), puis la comparer au feu (Psaume 89, 47). Bourdonnant de ces terribles fureurs, des discours prophétiques usent également de cette richesse sémantique. Outre la tristesse et l’affliction 169

C.C. BROYLES, The Conflict of Faith and Experience in the Psalms. A Form Critical and Theological Study, Sheffield, A et C Black, 1989, p. 64, remarque : lorsque les textes évoquent la colère, le Dieu en est trois fois plus le sujet que l’homme.

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provoquées par l’infidélité de son peuple, Dieu s’indigne, irrité et emporté il proteste : « Les dieux qui n’ont créé ni le ciel ni la terre disparaîtront de la terre et de dessous ces cieux » (Jérémie 10, 11), et menace : sa colère enflammée va : « Fondre sur ces lieux, sur les hommes et les animaux, sur les arbres des champs et les fruits de la terre » (Jérémie 7, 20). Au travers d’une métaphore, il manifeste son ire par les paroles du prophète : « Vous avez allumé un ʼeÎ, « feu » dans mes ʼap, « narines/de colère » (Jérémie 17, 4). La parole divine s’adresse une seconde fois au prophète détenu dans la cour de la prison, elle propose : « Invoque-moi et je te répondrai… », et lui révèle : « (Les maisons) d’où l’on est allé combattre les Chaldéens de façon à les joncher de corps humains que j’ai frappés dans ma ʼap, « colère » et ma ḥēmāh, « fureur/venin », après avoir détourné ma face de cette ville si pleine de perversité » (Jérémie 33, 3. 5). Une autre nuance de l’emploi de ces deux termes est avérée en Isaïe 42, 25 annonçant que Dieu a lancé la : « ḥēmāh, fureur de sa ʼap, colère » avec la « force de la guerre ». En regroupant ces termes, la colère divine exprime d’autant plus sa puissance destructrice et vengeresse170. D’autres associations dévoilent l’exaspération divine, dont nzéchiel se fait le porte-parole : « Maintenant, sans retard, je déverserai mon courroux sur toi et j’épuiserai contre toi ma colère, je te jugerai selon tes voies, et te chargerai de toutes les abominations » (7, 8). Un autre exemple de cet usage apparaît chez le prophète, YHWH peint une scène d’apocalypse, il promet la fin de son peuple : « Oui, je vous assemblerai, j’attiserai contre vous le feu de mon indignation et vous y fondrez. Comme l’argent entre en fusion au fond d’un creuset, ainsi vous y fondrez ; et vous saurez que moi YHWH, j’aurai déversé mon courroux sur vous ». Il assène : wāʼeÎepōk ʽalēyhem zeʽemî beʼēÎ ʽeberātî kilîtîm darekām berōʼÎām nātatî neʼum ʼadōnāy yhwh, « Aussi aije déversé ma colère sur eux ; dans le feu de mon courroux/fureur j’ai voulu en finir avec eux : j’ai fait retomber leur conduite sur leur tête », dit le Seigneur YHWH « (nzéchiel 22, 21-22. 31). Le Deutéronome ne manque pas de joindre ses marques de colère à ce concert. Au-delà de la menace (Deutéronome 31, 16-18), Dieu fulmine contre son peuple, il l’avertit : « Un feu s’est allumé dans ma colère, dévorant jusqu’aux profondeurs de l’abîme ; il a consumé la terre et ses productions, embrasé les fondements des montagnes » (Deutéronome 32, 22), aussi les malheurs annoncés vont-ils fondre sur son peuple impie.

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Ces deux termes sont regroupés environ une quinzaine de fois, dont Isaïe 13, 9 ; Psaume 102, 11 ; Deutéronome 29, 27 ; Psaume 78, 49. Et, les vocables ʼap, ḥēmāh, ʽāberāh et qeṣep, sont réunis plus de cinquante fois avec YHWH comme sujet, H. KLEINKNECHT, G. STÄHLIN et J. FICHTNER et al., Wrath, Londres, A et C Black, 1962, p. 23.

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L’image d’un Dieu dont les colères et les fureurs parfois immodérées mais néanmoins toujours justes et majestueuses s’impose. L’amertume y est absente, elles ne sont que le reflet d’un état d’esprit ou de l’âme171. Si rien de leurs conséquences n’est définitif, il est à en passer par des épreuves immédiates ou plus tardives. L’interaction se dévoile clairement à tout moment172. Le Dieu, en sa qualité de juge173 et après avoir questionné puis dénombré la liste des crimes accomplis énonce une peine, mais auparavant, ne manque pas, persifleur, de poser cette question : « Ô mon peuple !... Expose (tes griefs) contre moi » (Michée 6, 3-5). Le courroux mène Dieu à l’abandon passager de son peuple, il le châtie lui-même ou bien lui envoie ennemis et malfaisants afin de se charger de l’application de la sanction. Pour autant, l’alliance perdure au travers des vicissitudes, car le Dieu ne revient pas sur le choix de son peuple tant aimé.

Châtiments divins L’orant et/ou le peuple subit outre la séparation d’avec le Dieu, la dispersion et la destruction, conséquences du comportement de ceux qui n’ont : « pas voulu accepter l’avertissement » (Jérémie 2, 30)174. Cette punition atteint tous ceux concernés par la décision divine sans exception, aussi Dieu révèle-t-il : « Car c’était un jour de revanche dans ma pensée, l’année de mes représailles était venue » (Isaïe 63, 4). La menace divine se fait encore plus prégnante contre Jérusalem, dont le style épique paraît si menaçant : « Je vais les transformer en feu, et ce peuple sera du bois que le feu consumera. Voici, je fais fondre sur vous un peuple de loin, ô 171

A.J. HESCHEL, The Prophets, New York, Harper et Row, 1962, p. 77. E. TALSTRA, « Exile and Pain : A Chapter from the Story of God’s Emotions », p. 171, remémore la commune histoire du Dieu et d’Israël, dont l’expérience de la douleur par chacun. 173 H. GUNKEL et J. BEGRICH, Einleitung in die Psalmen : Die Gattungen in der religiösen Lyrik Israels, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 1993, pp. 364-635, analysent l’organisation du procès, la description de la scène du jugement, le discours du plaignant, le ciel et la terre sont nommés juges (Isaïe 1, 2-3), la convocation du défendeur, l’accusation sous forme d’interrogatoire, la réfutation éventuelle par le défendeur, puis la mise en accusation définitive. 174 H. J. KRAŠOVEC, Reward, Punishment and Forgiveness. The Thinking and Belief of Ancient Israel in the Light of Greek and Modern Views, Leyde, Boston, Brill, 1999, pp. 441-442. 172

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maison d’Israël, dit YHWH, un peuple impétueux, peuple d’une haute antiquité, peuple dont tu ignores la langue et ne comprends pas le parler. Son carquois est comme un sépulcre béant et il ne compte que des héros. Il dévorera ta moisson et ton pain, il dévorera tes fils et tes filles, il dévorera tes brebis et tes bœufs, il dévorera ta vigne et ton figuier. Il ruinera par le glaive tes villes fortes sur lesquelles tu fondes ton espoir. Mais, même en ces jours-là, je ne vous anéantirai pas complètement. Et quand vous direz : Quel motif a YHWH pour nous traiter de la sorte ?, tu leur répondras : De même que vous m’avez délaissé pour servir des dieux étrangers dans votre pays, ainsi vous aurez à servir des étrangers dans un pays qui n’est pas le vôtre » (Jérémie 5, 14-19). La destruction absolue et la disparition du peuple n’est pas à l’ordre du jour, et si cet impitoyable jugement est définitif, et ne laisse que peu d’espoir, aucune information dans le texte ne permet de déterminer s’il s’agit d’une attaque imminente. Le prophète, avec simplicité, exprime le pourquoi de ces menaces : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres, qui changent l’amer en doux et le doux en amer », puis ajoute : « Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux et intelligents suivant leur opinion » (Isaïe 5, 20-21). Condition possible d’un retour vers une relation apaisée, il avertit : « Sois prévenue, ô Jérusalem, sans cela mon âme se détachera de toi, sans cela je ferai de toi une solitude, une terre inhabitée » (Jérémie 6, 8), et promet cependant : « Je ne te détruirai pas et je te châtierai avec mesure, mais je ne pourrai te laisser impuni » (Jérémie 30, 11), ou encore menace : « J’entasserai sur eux tous les malheurs, contre eux j’épuiserai mes flèches » (Deutéronome 32, 23). En dépit de la spécificité des textes, les descriptions adoptent et partagent les couleurs des plus extrêmes tourments. Dieu et ses « anges malfaisants » se chargent de cette redoutable besogne. Ainsi, vulnérable à l’extrême, le corps du psalmiste s’est amoindri, ses yeux se sont usés en raison de son extrême chagrin (Psaume 6, 8 ; 31, 10), ou éteints (Psaume 69, 4), qui vieillit (Psaume 6, 8), et se consume en raison de son affliction (Psaume 88, 10). L’ensemble des organes de son corps est atteint, sa langue s’est collée au palais (Psaume 22, 15), sa gorge s’est enflammée (Psaume 69, 4), ses genoux flageolent (Psaume 109, 24), son corps s’amaigrit (Psaume 109, 24). Son cœur s’est brisé de douleur (Psaume 109,

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16), et palpite violemment en raison de son inquiétude (Psaume 38, 11). Saisi d’épouvante (Psaume 143, 4), il se dessèche et se flétrit, en état de mort, tout du moins symbolique (Psaume 102, 5). Sa force l’a abandonné (Psaume 38, 11), ses os sont usés (Psaume 31, 10-11), et brûlants comme un brasier (Psaume 102, 4), ils sont attachés à sa chair (Psaume 102, 6), la nuit les douleurs les transperce (Job 30, 17), et ses membres sont broyés (Psaume 22, 15). Enfin, il est exténué, qui ne cesse de hurler (Psaume 69, 4). Le tableau de ses émotions et souffrances transmet une image de désintégration, pour autant, jamais le psalmiste ne renonce. Pour ce qui concerne Job, un feu brûle ses entrailles (Job 30, 27), ses nerfs sont toujours agités (Job 30, 17) et sa peau se détache en raison de la lèpre qu’il a contractée (Job 30, 10). Aussi, le héros vieillit-il et s’amaigrit-il rapidement (Job 16, 8). Omniprésente, la mort menace le psalmiste (Psaume 104, 29 ; 143, 7), parfois dépêché au shéol (Psaume 22, 16), frappé quelquefois par la main divine (Psaume 88, 6). Il périt et retourne à la poussière (Psaume 104, 29), frappé d’épouvante alors que la mort le menace175, il est plongé dans les ténèbres (Psaume 143, 3), et ses jours disparaissent comme la fumée (Psaume 102, 4). Cette situation peut signifier la séparation d’avec le Dieu (Psaume 88), ou au contraire le voir imposer son autorité sur le shéol (Psaume 139, 8 ; Job 26, 6). Protestant de son innocence et de sa fidélité, le psalmiste invoque Dieu (Psaume 88, 14), et tente d’argumenter afin de le convaincre de lui conserver la vie : « Est-ce pour les morts que tu fais des miracles ? Les ombres se lèveront-elles pour te louer ? Célèbre-t-on ta bonté dans la tombe, ta fidélité dans le séjour de la perdition ? A-t-on connaissance, dans les ténèbres, de tes merveilles, de ta justice, dans le pays de l’oubli ? » (Psaume 88, 11-13). Aussi s’enquiert-il : « Que gagnes-tu à ce que mon sang coule ? (Psaume 30, 10), ou supplie-t-il : « Ne m’enlèves pas au milieu de mes jours » (Psaume 102, 2425), implorant : « Viens à mon secours, ô Dieu, car les eaux m’ont atteint menaçant mes jours » (Psaume 69, 2). Insécurité et terreur, conséquences d’une nature déchaînée à laquelle Dieu paraît l’avoir abandonné, sont également dépeintes par le poète désespéré : « Tu m’as plongé… dans les régions de ténèbres, et d’obscurité » ; « Sur moi tu fais peser ta colère, s’écrouler toutes les vagues » (Psaume 88, 78). Il questionne le Dieu : « Que gagnes-tu à ce que mon sang coule ? » (Psaume 30, 10). Implorant, le psalmiste supplie : « Viens à mon secours, ô Dieu, car les eaux m’ont atteint menaçant mes jours (Psaume 69, 2) ; « Ne permets pas que je sois submergé par la violence des flots, englouti par le gouffre ; que la bouche de l’abîme ne se referme pas sur moi ! » (Psaume 69, 175

P.A. KRUGER, dans « A Cognitive Interpretation of the Emotion of Fear in the Hebrew Bible », JNSL 27/2, 2001, pp. 77-89, spéc. p. 82, souligne l’incapacité de se mouvoir comme l’une des conséquences de la terreur.

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16) ; il constate désemparé : « Toutes tes vagues et tes ondes ont passé sur moi » (Psaume 42, 8). Tant son âme que son souffle de vie sont atteints par la douleur et le chagrin. Il interroge encore : « Pourquoi es-tu abattue, mon âme ? (Psaume 42, 7), et observe : « Mon esprit défaille » (Psaume 143, 7). nprouvé par des adversaires, qui : « s’acharnent contre celui que tu as frappé » (Psaume 69, 20. 27), le poète, victime de conspirations, affirme : « Dans mes aliments, ils mettent du poison/venin/fiel, et pour apaiser ma soif, ils m’abreuvent de vinaigre » (Psaume 69, 22). Son langage se transforme, il émet des sons inarticulés176 exprimant son malheur. Il rugit comme le lion (Psaume 22, 2), se lamente d’une voix plaintive (Psaume 6, 7 ; 102, 6). L’orant ne paraît guère saisir les causes d’un tel traitement, et proteste : il affirme n’avoir jamais oublié Dieu ou trahi son alliance et implore : « Lève-toi pour nous venir en aide, délivre-nous par un effet de ta bonté (Psaume 44, 27). Honteux, il subit l’opprobre du peuple (Psaume 22, 7), qui se moque et le méprise (Psaume 22, 7-8)177. Par effet de miroir, le poète se raille alors des moqueurs, il les dépeint comme des êtres grimaçants inspirant le dégoût, ivrognes et pervers, dont la langue pleine de parjure, de perfidie et de violence est au service de l’iniquité, de l’injustice et de l’idolâtrie (Psaume 10, 7 ; 69, 13). Désireux de revanche, le poète fait appel à Dieu, réclame leur punition, leur souhaitant de devenir aveugle (Psaume 69, 24), que la table dressée devant eux soit transformée en traquenard (Psaume 69, 23), que leur demeure devienne une ruine (Psaume 69, 26). Désirant que leurs crimes leur soient enfin imputés (Psaume 69, 28), et qu’ils soient effacés du livre des vivants (Psaume 69, 29), il sollicite encore qu’ils ne soient pas inscrits sur le livre des justes (Psaume 69, 29). L’anéantissement de ses ennemis (Psaume 143, 12), et la mort de ceux qui lui sont hostiles (Psaume 143, 12), de même que le châtiment de l’impie (Psaume 10, 15), font partie de ses exigences, de même la disparition de leur mémoire et de leurs réalisations matérielles. Le destin de l’impie que dépeint le texte tragique de Job en exprime la concrétisation : « L’espoir de l’impie sera déçu. Sa confiance sera brisée et son assurance n’est qu’une toile d’araignée… Il s’appuiera sur sa maison mais elle ne tiendra pas debout… Dès qu’on l’arrache de sa place, celle-ci le reniera en disant : « Je ne t’ai jamais vu… D’autres pousseront sur ce même sol » (Job 8, 11-18). Les larmes du poète sont devenues sa nourriture de jour comme de nuit (Psaume 6, 7 ; 42, 4), aussi rappelle-t-il au Dieu qu’il vit dans le chagrin 176

A.C. COTTRILL, Language Power and Identity in the Lament Psalms, p. 45. P.A. KRUGER, « Non Verbal Communication in the Hebrew Bible : A Few Comments », JNSL 24/1, 1998, pp. 141-164, spéc. pp. 152-153.

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(Psaume 31, 11). Un éclat illumine cependant ce désespoir : « Car j’aurai encore à te louer » (Psaume 43, 5). Le voici rejeté par ses pères et mères (Psaume 27, 10), ses amis se tiennent à l’écart (Psaume 38, 12), qui l’ont délaissé (Job 19, 14). Considéré comme un étranger par ses frères (Psaume 69, 9), qui se sont éloignés (Job 19, 13), la mère de ses enfants le regarde comme un « étranger/ennemi » (Psaume 69, 9). Objet d’horreur ou tôʽēbāh (Psaume 88, 9. 19), ou de terreur, ses intimes s’en écartent (Psaume 31, 12), et son souvenir tel celui d’un défunt, disparaît des cœurs (Psaume 31, 13). Il exprime alors sa détresse (Psaume 69, 18 ; 31, 10), sa misère (Psaume 31, 8. 11), son angoisse (Psaume 31, 22), et sa crainte (Psaume 31, 22)178. Complétant ces associations métaphoriques, des images de batailles, d’armes et de combattants teintent de sombres couleurs la violence sousjacente. Le psalmiste rappelle que son ennemi complote afin de lui ôter la vie (Psaume 31, 14), lui dresse des embûches (Psaume 38, 13), le moleste (Psaume 38, 12). Jeté entre les mains des méchants (Job 16, 1), Dieu l’a mis en pièce (Job 16, 12), ses archers le cernent de toutes parts, qui percent ses reins ouvrant en lui brèche sur brèche (Job 16, 13-14). Des hordes d’ennemis se fraient un chemin afin de mettre le siège autour de sa tente (Job 12, 12), et Dieu lui barre la route, l’enveloppant d’embûches (Job 19, 6). Seule ressource laissée au poète, implorer le Dieu vengeur afin de détruire ses adversaires, préparer un paḥ, « piège » (Psaume 69, 23), un môqēš, « traquenard » (Psaume 69, 23), le prier d’anéantir ses ennemis (Psaume 143, 9), et de faire périr ceux qui lui sont hostiles (Psaume 143, 12). Il sollicite du Dieu vengeur : « Mets donc à leur compte crime sur crime » (Psaume 69, 28), « Tu anéantiras mes ennemis (Psaume 143, 9. 12)179. Langage de la parole et langage gestuel se complètent, dont les images de perfidie et de félonie s’enchevêtrent. Hostilité et perversité en usent tant et plus, au point d’atteindre à l’extrême et de détruire tout espoir. Des impies accablent l’orant : « Où est ton Dieu ? » (Psaume 42, 4. 11), se moquent : « Qu’il mette sa confiance en YHWH ! YHWH le sauvera, qu’il l’arrache du danger, puisqu’il l’aime… » (Psaume 22, 9), instillant l’éventualité de l’abandon divin. Pour autant, le psalmiste ne manque pas d’observer que les peuples périssent et s’évanouissent, car le mal engendre la destruction180. Mais en dépit de la protestation divine : « Je ne trahirai pas mon alliance » (Psaume 89, 35), il reproche, avec mauvaise foi, au Dieu : « Tu as rompu l’alliance de 178

Le rôle de la symbolique animale est largement développé dans ces textes poétiques, voir H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible », pp. 149-151. 179 G. WIDENGREN, The Accadian and Hebrew Psalms of Lamentation as Religious Documents. A Comparative Study, Stockholm, Almquist et Wiksells, 1937, pp. 197 sqq., 242 sqq. 180 A. WEISER, The Psalms, Philadelphie, Westminster Press, 1962, p. 151.

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ton serviteur, dégradé, jeté à terre son diadème… Tu l’as fait crouler à terre » (Psaume 89, 39-40). De rares explications à cet état de fait figurent en ces textes, ils évoquent le péché, sans plus de précisions, et leur aspect essentiellement personnel souligne la solitude du poète. Sa mise à l’épreuve complète la sobre image des interprétations de ces drames. Outre les châtiments subis par les individus, le peuple subit des épreuves dont les excès et les violences apparaissent tout particulièrement dans la littérature prophétique en un style souvent étourdissant, poignant et tragique. En ces occurrences, des constatations et des explications courent tout au long des textes, dont le souffle épique ne laisse pas d’être bouleversant. Le Psaume 104, 29-30 témoigne de l’intervention divine à leur origine : « Ils sont dans l’épouvante », « Tu leur retires ton souffle, ils expirent et retombent dans leur poussière. Tu renvoies ton souffle, ils renaissent et tu renouvelles la face de la terre ». Exposées dans le détail, les causes en sont longuement répétées, elles accompagnent les prophéties mettant en garde le peuple, dont certaines se relient aux conditions historiques de destruction du royaume de Juda. Voici le temps de l’épouvante (Jérémie 8, 15), et l’annonce du : hayyôm yhwh, « le jour de YHWH », avertit d’effroyables dangers : « La violence/l’iniquité s’élève en verge (pour punir) le crime » (nzéchiel 7, 11), précisant en outre : boʼ hāʽēt higgîʽa hayyôm, « le temps est venu, le jour est arrivé » (nzéchiel 7, 12). Cet avertissement n’est cependant aucunement eschatologique181. Quand bien même, Dieu ajoute menaçant : « J’épuiserai/j’ajouterai sur eux les malheurs » (Deutéronome 32, 23). Ne désirant pas envisager les réalités, certains croient et veulent faire croire que rien de tout cela ne se produira, qui se bercent d’illusions. Ces prophètes de la paix, à l’esprit empli de vent et non par l’esprit divin, ne cessent de promettre une paix inaccessible (Jérémie 23, 17). Les gouvernants tiennent ce même discours insensé (Michée 3, 11). Le peuple de Juda veut croire à leurs inepties, affirmant : « Pas lui », certain que Dieu ne ferait pas ce qu’il annonce (Jérémie 5, 12). Témoignant d’une insoutenable inconséquence et d’une indifférence éthique et morale, ce peuple rebelle et irritant se persuade de n’être jamais châtié. Qualifiés de : « Certes, pauvres gens de rien » (Jérémie 5, 4), leurs illusions vont néanmoins s’effriter puis s’évaporer. Calamités et épidémies s’abattent, la peste ou deber, se répand (nzéchiel 7, 15 ; Lévitique 26, 25 ; Deutéronome 32, 24)182, les fièvres et la phtisie également (Lévitique 26, 16 ; Deutéronome 32, 24). Pris de 181

Y. HUFFMANN, « The Day of the Lord as a Concept and a Term in the Prophetic Literature », ZAW 93, 1981, pp. 37-50, spéc. pp. 48-50. 182 D.I. BLOCK, The Book of Ezechiel 1-24, p. 260, observe que si le peuple tente d’échapper à l’une des armes dont Dieu use pour le châtiment, une autre l’atteindra.

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tremblements, les Judéens perdent leur force (nzéchiel 7, 17). À ces atteintes corporelles s’ajoutent les maladies de l’âme (Lévitique 26, 16). Personne ne saurait être épargné, adolescents et jeunes vierges, nourrissons et vieillards (Deutéronome 32, 25). Les paroles comminatoires culminent avec l’avertissement ultime de les disperser (Psaume 106, 26-27). Le Dieu d’Israël décide : « Voici, je vais leur donner, aux gens de ce peuple, des plantes vénéneuses à manger et des eaux empoisonnées à boire » Jérémie 9, 14). Des rites de deuil à venir sont dépeints par les prophètes : « Ils se ceindront de cilices » (nzéchiel 7, 18), et leurs têtes deviendront chauves, signe de vieillissement prématuré à la suite d’épreuves et de misère. Drame absolu, les rites d’inhumation ne seront plus respectés, privant les défunts de sépulture (Psaume 79, 3). La métaphore du bestiaire sauvage et sanguinaire du mal symbolisant l’ennemi, se diffuse dans ces narrations et prophéties. Dieu se fait effrayant : « Je lâcherai sur vous les bêtes sauvages qui vous priveront de vos enfants, qui extermineront votre bétail, qui vous décimeront vous-mêmes » (Lévitique 26, 22). Comparé au « menu bétail » destiné à la boucherie (Psaume 44, 23), ou aux « troupeaux dont on se nourrit » (Psaume 44, 12), le peuple peine à se défendre. Le sanglier de la forêt mutile la vigne symbole du peuple de Juda dorénavant amoindri et blessé, qui sert de pâture aux animaux des champs (Psaume 80, 14). Annonces de mort et de défaites s’accumulent. Usant de violence, les ennemis de Juda sont : « Des gens qui brandissent la cognée/hache en plein fourré » (Psaume 74, 5). Ces envahisseurs, probablement des Babyloniens (nzéchiel 7, 15)183, sont armés de glaives/épées (Jérémie 15, 2-3). Dieu, à l’origine de ces déchaînements, traque son peuple l’épée haute (Lévitique 26, 33), ou tire ses flèches au point de les tarir (Deutéronome 32, 23), qui sont enivrées de sang contre lui (Deutéronome 32, 42). Il constate : « Avec un tamis je les ai secoués sur les places publiques du pays, j’ai frappé mon peuple dans ses enfants ; je l’ai ruiné » (Jérémie 15, 7). Ses survivants sont livrés au glaive (Jérémie 15, 9), le peuple tombe sous l’épée de ses ennemis (nzéchiel 39, 23). Le ciel de fer et la terre d’airain menacent (Lévitique 26, 19). Les prêtres sont frappés par l’épée et le feu dévore les jeunes gens (Psaume 78, 63-64), les jeunes filles ne connaissent pas l’hymen, et les veuves ne pleurent pas (Psaume 78, 63-64). Le cruel ennemi s’insinue dans tout le pays : « Toutes les retraites cachées du pays sont devenues des repaires de violence (Psaume 74, 20), et le psalmiste de noter accablé : « Nous sommes tombés bien bas » (Psaume 78, 8). Les défaites militaires se cumulent et le poète apostrophe amèrement son Dieu : « Tu n’accompagnes plus nos armées. Tu nous fais reculer devant 183

G.A. COOKE, Ezekiel, A Critical and Exegetical Commentary, pp. 81-82.

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l’ennemi : ceux qui nous haïssent pillent à leur aise » (Psaume 44, 10-11), « Tu fais reculer le tranchant de son épée, tu ne le soutiens pas dans les combats » (Psaume 89, 44), « Tu as élevé la droite de tes adversaires » (Psaume 89,43), puis conclut, comparant le peuple à une vigne détruite : « Tu l’as fait crouler à terre » (Psaume 79, 11), « la voilà consumée par le feu, mise en pièce » (Psaume 80, 17). Les richesses sont dévastées, les individus atteints par la folie : « Leur argent, ils le jetteront dans les rues et leur or sera un objet de répulsion ; leur argent et leur or ne pourront les sauver au jour de la colère de YHWH, ils ne rassasieront pas leurs corps et leurs entrailles, ils ne les rempliront pas, car (leur richesse) les a fait tomber dans le crime » (nzéchiel 7, 19). Témoignant de cette tragédie, Isaïe confirme : « Israël est un peuple pillé et dépouillé : tous on les a confinés dans des fosses et relégués dans des cachots ; on les a spoliés et nul ne les a protégés, on a fait main basse et nul n’a dit : rendez gorge » (Isaïe 42, 22). nzéchiel 7, 23-26 complète cette vision d’horreur : « Qu’on prépare les chaînes car le pays est plein de crimes méritant la mort et la ville est pleine d’actes de violence. J’amènerai les plus méchants d’entre les nations et ils prendront possession de leurs maisons ; je mettrai fin à l’orgueil des puissants… Le frisson de la terreur survient, ils cherchent le salut, il n’en est point ! Il arrive désastre sur désastre et une (mauvaise) nouvelle suit une (mauvaise) nouvelle… ». Enfin, par la bouche du prophète, Dieu dans cet oracle rejette le peuple, et lui promet : « À la mort ceux qui sont destinés à la mort ; au glaive ceux qui appartiennent au glaive ; à la famine ceux qu’attend la famine ; à la captivité ceux qui sont réservés à la captivité. Je ferai appel contre eux

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à quatre genres de fléaux… au glaive pour mettre à mort, aux chiens pour déchirer en lambeaux, aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre, pour dévorer et détruire. Et je ferai d’eux un objet d’épouvante pour tous les peuples de la terre. » (Jérémie 15, 24)184. La dispersion du peuple fait partie des instruments et conséquences du châtiment, dont nzéchiel délivre également l’image : « Quand viendront les jours que je te prépare… Je te disperserai parmi les nations, je t’éparpillerai par les pays et j’extirperai la souillure qui s’est attachée à toi… et tu reconnaîtras que je suis YHWH » (nzéchiel 22, 14-16). Jérémie valide cette affirmation, notifiant la parole divine et prédisant la fuite des habitants (Jérémie 18, 17). Le Lévitique (26, 34. 38)), présage : « Vous vivrez dans le pays de vos ennemis… Vous vous perdrez parmi les nations, et le pays de vos ennemis vous dévorera ». Tout autant exposé à la perdition, le pays subit les calamités annoncées : Michée (3, 12) le dépeint : « labouré comme un champ ». De même Jérémie 33, 4, brosse sous de sombres couleurs le destin de la ville de Jérusalem ruinée, détruite et celui de ses habitants. Le pays se transforme alors en désert (Isaïe 64, 9), et le Lévitique 26, 34, soutient que la terre chômera pour : « Ce qu’elle n’aura pas chômé durant les années sabbatiques ». Dévastée par les armées de Babylone, Jérusalem se transforme en un monceau de décombres (Michée 3, 12 ; Jérémie 9, 10). Aucun pardon ne lui sera accordé (Jérémie 5, 9), car aucune trace d’obéissance n’a fait brèche, les habitants n’ont cessé d’ignorer le Dieu. Puissances hostiles, les bêtes féroces sont désignées comme instruments du châtiment, le lion et le loup sanguinaire des steppes arides s’acharnent, et le léopard/tigre guette ses proies (Jérémie 5, 6). S’agit-il de métaphores et/ou de la présence réelle de ces animaux ? Les textes n’en disent rien, dont la seule préoccupation consiste à nous faire partager l’horreur de ces circonstances. Afin de conclure sur une note plus tragique encore, le prophète parachève ce tableau, assurant que la ville détruite se métamorphosera en un repaire de monstres terrifiants : tannîm, « serpents/dragons/chacals » et que les cités de Juda seront réduites en : « solitudes inhabitées » (Jérémie 9, 10). 184

J.R. LUNDBOM, Jeremiah 1-20, A New Translation with Introduction and Commentary, New York, Londres, Yale University Press, 1999, p. 723, témoigne du lien entre cette punition dont l’origine est attribuée au roi Manassé et les réalités historiques liées à la guerre, au siège de la cité, et enfin à l’exil suivi de la déportation à Babylone. L. STULMAN, dans Jeremiah, Nashville, Abington Press, 2005, p. 22-23, souligne que les vingt-cinq premiers chapitres de Jérémie mettent en lumière des redites systématiques du jugement divin.

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Outre la destruction des cités, les prophètes peignent sous les mêmes sombres couleurs, celles des demeures du Dieu. Michée 3, 12, révèle : « La montagne du Temple (deviendra) une hauteur boisée ». Tandis que le glorieux Temple est détruit, qui est la proie des flammes, le psalmiste observe : « Des païens ont envahi ton héritage, souillé ton temple saint » (Psaume 78, 1). Par la parole d’nzéchiel, YHWH avertit le peuple : « On profanera le lieu de ma retraite et des hommes féroces/de rapines le déshonoreront » (7, 22). Pour autant, l’absence du sanctuaire spécifique de Jérusalem ne permet aucunement de conclure à l’absence du Dieu185. L’ennemi abat les sculptures du Temple et le livre aux flammes, qui brûle également l’ensemble des sanctuaires divins (Psaume 74, 5. 7-8 ; 79, 1). Il impose ses emblèmes, faisant disparaître ceux des Judéens (Psaume 74, 4. 9). Ces épreuves et la déportation à Babylone ne font toutefois que conforter le lien spirituel au Dieu et déleste le peuple du poids d’un espace matériel. S’avérant incapables d’incarner leur rôle d’intermédiaires avec le Dieu, certains prophètes font disparaître tout lien avec YHWH. Apostrophant : « Ceux qui égarent mon peuple », Michée 3, 5-8, annonce leur punition : « Ce sera pour vous la nuit sans vision, les ténèbres sans oracles ; le soleil se couchera pour les prophètes, pour eux le jour sera plongé dans l’obscurité. Alors les voyants seront confus, les diseurs d’oracles couverts de honte ; ils s’envelopperont tous la barbe, car aucune réponse ne leur viendra de Dieu ». Dieu empli de colère s’en détournera, n’écoutant aucune de leurs prières . Ainsi YHWH s’avère un participant actif au monde de l’humanité187, dont la destruction et le châtiment constituent les deux formes d’action les plus usuelles, tandis qu’une portion de son ardeur est dédiée aux chagrins et malheurs. Elles prennent leurs sources dans les drames et les tragédies vécus 186

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J.F. KUTSKO, Between Heaven and Earth and Divine Presence and Absence in the Book of Ezekiel, Winona Lake, Eisenbrauns, 2000, pp. 27 sqq. 186 F.L. ANDERSEN et D.N. FREEDMAN, Micah, A New Translation, pp. 356 sqq. 187 Selon W.P. GRIFFIN, The God of the Prophets, An Analysis of Divine Action, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1997, pp. 229 sqq., dans le cadre des actions divines, celles de destructions divines dans les textes prophétiques représentent 23% et celles de punition 14%.

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par Israël, tant sur un plan privé, qu’historique et politique avec la destruction des royaumes du Nord et du Sud188.

Le retour humain et divin Patientant et espérant toujours l’amendement de son peuple, YHWH après jugements et punitions, anticipe le pardon de ses créatures. En effet, le châtiment n’est infligé que pour faire revenir le peuple tant aimé vers le droit chemin, tant humain, moral, éthique, religieux que social et politique. Une lueur d’espoir est exprimée en Jérémie 13, 23 : « Vous seriez tout autant capables de faire le bien, vous qui êtes habitués à faire le mal ». YHWH harangue son peuple l’appelant à la repentance : « Si tu revenais, ô Israël, dit YHWH, revenais à moi, si tu écartais tes abominations loin de ma face, sans plus errer de côté et d’autre, et si tu jurais Par YHWH vivant, en vérité, en droiture et en justice… mais les peuples par lui se diraient heureux et par lui se diraient glorieux » (Jérémie 4, 1-2), et ce, après s’être remémoré avec émotion et déception ses souvenirs d’antan. Avec émoi, il s’adresse aux « oreilles de Jérusalem » : « Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton ḥesed, « amour/grâce » au temps de tes fiançailles, quant tu me suivais dans le désert dans une région inculte. Israël est une chose sainte, appartenant à YHWH… » (Jérémie 2, 2-3). Il s’agit par ces derniers mots d’évoquer la dévotion d’Israël, l’amour lié à l’alliance envers YHWH, mais à ce moment disparu189. Sa colère ne dure que « pour un moment » (Isaïe 54, 8). À cet instant, l’apaisement et la quiétude pourront reprendre leur place. Et son peuple de nouveau s’éveillera, qui prendra conscience, à la suite des catastrophes et des destructions dont il est l’objet, de ses erreurs, se remettra en cause, espérant la clémence divine. « Attentif à leur détresse » (Psaume 106, 44), et devant les prières et supplications de son peuple, Dieu se souvient de l’alliance, prend son peuple en pitié et lui fait grâce (Jérémie 33, 8). La parabole du prophète évoque la générosité divine, qui selon la technique du potier brise les vases manqués (Jérémie 18, 2-4), car l’argile métaphore du peuple peut se révéler de mauvaise qualité190, alors qu’il n’en va pas de la responsabilité de Dieu,

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E.S. GERSTENBERGER, « Life Situations and Theological Concepts of Old Testament Psalms », OTE 18/1, 2005, pp. 82-92. 189 J.R. LUNDBOM, Jeremiah 1-20, A New Translation with Introduction and Commentary, p. 253. 190 T.M. FRETHEIM, Jeremiah, Macon, Smyth et Helwys, 2002, pp. 279-280, expose les deux analyses possibles, soit l’argile tourne mal sur le tour et YHWH la retravaille jusqu’à ce qu’elle corresponde à ses intentions, soit il la remplace.

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puis en produit de nouveaux (Jérémie 18, 4). Alors ce Dieu, remède et pouvoir, qui pardonne, promet-il de bâtir et de planter (Jérémie 18, 9)191. Avec son habituelle éloquence, YHWH délivre sa promesse de rédemption, de paix et de restauration du pays, de la terre et de sa capitale après les désolations provoquées par Babylone, mais auparavant Jérémie dévoile l’autorisation enfin accordée : « Invoque-moi et je te répondrai » (Jérémie 33, 3) : « De nouveau on entendra dans ce lieu-ci qui, dites-vous, est ruiné, privé d’hommes et d’animaux, dans les villes de Juda et de Jérusalem, désolées fautes d’homme, faute d’habitants, faute de bétail, (on entendra) des accents d’allégresse, des cris de joie, le chant du fiancé et le chant de la fiancée, la voix de ceux qui s’écrient : Rendez hommage à YHWH Cebaot, car YHWH est bon et sa grâce est immuable ! tout en apportant des offrandes au Temple de YHWH, car je rétablirai les exilés de ce pays comme ils y étaient jadis. De nouveau, il y aura dans cette contrée qui est en ruines, privée aussi bien d’animaux que d’hommes, et dans toutes ses villes, des stations pour les bergers qui y feront gîter leurs troupeaux. Dans les villes de la montagne, dans les villes de la plaine, dans les villes du midi, sur le territoire de Benjamin, aux alentours de Jérusalem et dans les villes de Juda, les brebis défileront de nouveau sous les regards pour être comptées. Voici, des jours vont venir, dit YHWH, où j’accomplirai la bonne promesse que j’ai faite à la maison d’Israël et à la maison de Juda. En ces jours et à cette époque, je ferai sortir de David un rejeton juste, qui exercera le droit et la justice dans le pays. En ces jours, Juda sera libérée et Jérusalem vivra en sécurité, et voici le nom dont on la désignera : YHWH est notre droit » (Jérémie 33, 10-16). Le poète avait d’ores et déjà plaidé : « Tu te lèveras, tu prendras Sion en pitié, car il est temps de lui faire grâce ; le terme/le temps fixé est venu ! Car tes serviteurs affectionnent ses pierres et ils chérissent jusqu’à sa poussière » (Psaume 102, 14-15). Il déclare son espoir : « Tu me conserveras 191

T.M. FRETHEIM, « The Repentance of God : A Study of Jeremiah 18: 7-10 », HAR 11, 1987, pp. 81-92, spéc. p. 86.

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en vie ; dans ta justice tu libéreras mon âme de la détresse » (Psaume 143, 11), et affirme : « Ceux qui crient/implorent YHWH, il les délivre de tous leurs tourments/peines/afflictions » (Psaume 34, 18). Le rejet n’est que temporaire192, et la clémence divine est assurée à l’aube des temps nouveaux, par cette formule divine colorée d’espérance prononcée par le prophète : « Je prendrai en pitié toute la maison d’Israël » évoquant son pardon (nzéchiel 39, 25). Cet espoir est développé par Osée : « Allons, retournons à YHWH, car at-il déclaré, il nous guérira, aussi a-t-il frappé, il pansera nos blessures ! (Déjà) au bout de deux jours il nous aura rendu la vie ; le troisième jour il nous aura relevés, pour que nous subsistions devant lui. Tâchons de connaître, hâtonsnous de connaître YHWH : son apparition est certaine comme celle de l’aurore, il vient à nous comme la pluie, comme la pluie d’arrière-saison qui abreuve la terre… » (Osée 6, 1-3). Proclamé par le prophète, l’amour divin s’affirme pour sa créature : « Je t’aime d’un amour impérissable » (Jérémie 31, 3). Et, Zacharie rappelle : « Je suis revenu à Jérusalem avec amour, ma maison y sera rebâtie » (1, 16). L’amour de Dieu permet la réconciliation, qui prend en pitié le peuple (Jérémie 33, 26), et l’amour des humains en partage y contribue193. De son propos métaphorique en apparence serein : « Réconcilionsnous » (Isaïe 1, 18), il apparaît que les péchés cramoisis peuvent devenir blancs comme neige, et s’ils sont rouges comme la pourpre devenir comme la laine (Isaïe 1, 18). Aussi, Dieu, par la bouche du prophète en vient-il à adjurer son peuple en termes vigoureux et puissants : « Revenez, arrachez-vous à vos idoles et de toutes vos abominations détournez votre face » (Ézéchiel 14, 6), et avec douceur et bonté lui découvre son futur : « Consolez, consolez mon peuple… Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps d’épreuve est fini, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main de YHWH double peine pour toute ses fautes » (Isaïe 40, 1-2). Mais avant de ramener les captifs de Juda et les captifs d’Israël puis, les rétablir comme autrefois, Dieu s’oblige à purifier son peuple (Jérémie 33, 8). Il s’engage : « De nouveau, je laisserai tomber ma main sur toi, j’éliminerai tes scories comme fait l’alcali et je te purgerai de tout alliage » (Isaïe 1, 25). Néanmoins, ces tentatives ne réussissent pas toujours : « Le soufflet de forge a soufflé ; par l’action du feu le plomb devait disparaître, mais vainement on a fondu et refondu, les scories ne se sont pas détachées. On les a appelés « argent de rebut » car YHWH les a mis au rebut » (Jérémie 6, 27-30). Cette technique de purification est aussi dépeinte par le prophète Malachie : « Il se mettra à fondre, à épurer de l’argent ; il purifiera… et les affinera comme l’or 192

Th. C. VRIEZEN, Die Erwählung Israels nach dem Alten Testament, Zurich, Zwingli Verlag, 1953, pp. 98-101. 193 A. NEHER, Prophètes et prophéties, Paris, Payot, 2004, pp. 179-180.

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et l’argent » (Malachie 3, 2-3). Décrivant le sort réservé par Dieu à Jérusalem, et l’emploi du feu purificateur, nzéchiel rapporte ses paroles : « Moi aussi j’élèverai un grand bûcher. Qu’on accumule le bois, qu’on allume le feu, qu’on consume la viande, qu’on brouille la mixture et que les os soient carbonisés. Puis, qu’on la pose à vide sur ses charbons, afin qu’elle s’échauffe, que s’embrase son cuivre, que son impureté fonde audedans et que sa crasse disparaisse. Elle a coûté de vains efforts, l’abondance de sa crasse n’en sort pas : au feu sa crasse !... Puisque j’ai cherché à l’épurer et que tu n’es pas devenue pure tu ne te débarrasseras plus de ton impureté… » (nzéchiel 24, 9 - 13). Dans un témoignage poétique, Isaïe évoque la gloire divine entourée de séraphins, et le prophète qui se doit de rapporter la parole du Dieu, inquiet de son impureté, s’écrie : « Malheur à moi, je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres impures… Alors un des séraphins vola à moi, tenant en main une pierre ardente qu’il avait prise sur l’autel avec des pincettes. Il en effleura ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant tes péchés ont disparu, tes fautes sont effacées » (Isaïe 6, 5-7). L’effet symbolique de purification par le feu s’affirme et se démontre, libérant de la gangue, des souillures et des impuretés, le feu de ces brasiers est destiné à transformer et régénérer. Outre le feu, l’eau est utilisée comme moyen et symbole de purification. Le récit du veau d’or transmet leur usage simultané. En effet, Moïse pris de courroux devant le veau d’or le fait brûler194, le réduit en poussière qu’il répand sur l’eau, puis fait boire ce mélange au peuple, paradigme d’une forme d’ordalie, double rite de purification, par le feu, puis par l’eau. Aucune trace de souillure ne subsiste, mais cette purification ne suffit pas, elle s’accompagne de la mort d’environ trois mille hommes ayant participé à cet évènement (Exode 32, 28). Le psalmiste supplie : « Lave-moi à grandes eaux de mon iniquité, purifie-moi de mon péché » (Psaume 51, 4). Le peuple a été jeté : « Au creuset comme on fait de l’argent… puis a été passé par le feu et l’eau », emportant les souillures (Psaume 66, 10-12). Le psalmiste de supplier son créateur en termes symboliques : « Puisses-tu me purifier avec l’hysope, pour que je sois pur ! Puisses-tu me laver, pour que je sois plus blanc 194

S.E. LOEWENSTAMM, « The Making and Destruction of the Golden Calf », Bib 48, 1967, pp. 481-490. F.C. FENSHAM, « The Burning of the Golden Calf and Ugarit », IEJ 16, 1962, pp. 191-193.

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que neige ! » (Psaume 51, 9), qui clarifie sa pensée : « Crée en moi un cœur pur, et fais renaître dans mon sein un esprit droit » (Psaume 51, 12). Le vent, également instrument de purification, est assuré en Isaïe 4, 4-5 : « Une fois que YHWH aura lavé la souillure des filles de Sion et nettoyé Jérusalem du sang qui la tache, en y faisant passer un souffle de justice, et par un souffle de destruction ». Au désert, Dieu avait annoncé : « Ma personne marchera (devant toi)/Moi-même je marcherai (devant toi) » (Exode 33, 14), révélant que la délivrance provient de sa présence et son action. Des conditions s’avèrent nécessaires cependant. Exigeant enfin le respect des règles imposées lors des alliances successives, Dieu ajoute la condition essentielle à son pardon : « Si vous consentez à m’obéir » (Isaïe 1, 19), et attend de son peuple : « Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le vaillant ne se glorifie pas de sa vaillance, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse ! Que celui qui se glorifie se glorifie uniquement de ceci : d’être assez intelligent pour me comprendre et savoir que je suis YHWH, exerçant la bonté, le droit et la justice sur terre, que ce sont ces choses-là auxquelles je prends plaisir » (Jérémie 9, 22-23). Le Dieu affectionne les qualités que sont la miséricorde, la justice et la droiture. Et Zacharie d’ajouter : « Voici ce que vous devrez faire : parlez loyalement l’un à l’autre, rendez des sentences de vérité et de paix dans vos portes ! Ne méditez pas dans votre cœur aucune méchanceté l’un contre l’autre, n’aimez pas le faux serment, car toutes ces choses, je les hais » (8, 1617). Rien n’est cependant définitif, et si Dieu se retourne vers son peuple, lui accorde à nouveau son attention, son amour et sa bienveillance, ils peuvent à tout moment être remis en cause, ce dont les conséquences sont connues par le peuple qui en endosse la responsabilité. Aussi, peut-il assurer : « L’âme pécheresse seule mourra » (Ézéchiel 18, 4), et menace : « Mais qu’il fasse ce qui déplaît à mes yeux en refusant d’écouter ma voix, je rétracte le bien que j’avais promis de lui faire » (Jérémie 18, 10-11). La liste des bonnes actions à accomplir est énumérée et transmise : pratiquer la vertu, la justice, ne pas être idolâtre, ne pas frauder, ne pas voler, donner son pain à l’affamé, couvrir celui qui est nu, ne pas prêter à usure, ne pas s’approcher des femmes interdites, écarter l’iniquité et exercer une justice loyale. Dieu enclin à prendre son peuple en pitié et le ramener de captivité assure : « Car ils auront expié leur opprobre » (Ézéchiel 39, 25). Dévoilant sa clémence, il ajoute qu’à ce moment lorsqu’il les ramènera sur leur terre : « Ils sauront que je suis YHWH leur Dieu… et je ne détournerai plus d’eux ma face pour la raison que j’aurai répandu mon esprit sur la maison d’Israël » (Ézéchiel 39, 28-29). Dieu promet de se souvenir du thème familier de son

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alliance195 (Lévitique 26, 40-42)196, et d’offrir à son peuple la possibilité de se racheter (Ézéchiel 18, 23-32)197. Le rejet ne saurait être que temporaire. Et la parole divine assure : « C’est moi, c’est moi qui vous console ! »198, évoquant la restauration eschatologique de Juda (Isaïe 51, 12). Sa promesse est dévoilée par le prophète : « Et je conduirai les aveugles dans une route inconnue, et je les ferai cheminer dans des sentiers qu’ils ignorent ; je convertirai pour eux les ténèbres en lumière et les aspérités en terrain uni… Ces choses-là je les accomplis sans en rien omettre » (Isaïe 42, 16). Il interpelle sa cité afin qu’elle sorte de son désespoir et de sa lamentation : « Réveilletoi, réveille-toi ! Debout, Jérusalem… Vois ? je retire de ta main le calice du vertige : la lie de la coupe de ma colère, tu ne la boiras plus. » (Isaïe 51, 17. 22). Il proclame avec éloquence : « Un court instant je t’ai délaissée… Dans un transport de colère je t’ai, un instant dérobé ma face ; désormais je t’aimerai d’une affection sans bornes » (Isaïe 54, 7-9), ajoutant : « Je jure de ne plus m’irriter ni diriger des menaces contre toi… Ma tendresse pour toi ne chancellera pas, ni mon alliance de paix ne sera ébranlée » (Isaïe 54, 9-10)199, « Où croissaient les broussailles croîtra le cyprès, et à la place de

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B.A. LEVINE, Leviticus Commentary The Traditional Hebrew Text, Philadelphie et Jérusalem, The Jewish Publication Society, 1982, p. 191, met en parallèle l’affirmation d’nzéchiel 16, 60 : « Néanmoins, moi, je me rappellerai l’alliance conclue avec toi aux jours de ton enfance, et j’établirai avec toi une alliance éternelle », en dépit de toutes les déloyautés. 196 T.M. RAITT, Archaeology of Exile, Judgment and Deliverance in Jeremiah and Ezekiel, Philadelphie, Fortress Press, 1977, p. 79. 197 T.M. FRETHEIM, The Suffering of God : An Old Testament Perspective, Philadelphie, Fortress Press, 1984, p. 125. 198 K. KUNTZ, « The Contribution of Rhetorical Criticism to Understanding Isaiah 51 : 1-16 », dans D.J.A. Clines, D.M. Gunn et A.J. Hauser éd., Art and Meaning : Rhetoric in Biblical Literature, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1982, pp. 140-167, spéc. pp. 149, 162-163. 199 C. WESTERMANN, Isaiah 40-66, pp. 274-275, remarque que ce texte de renouvellement de l’alliance est parallèle à la promesse faite à Noé (Isaïe 54, 9).

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l’ortie le myrte s’élèvera » (Isaïe 55, 13), puis conclut : « Car ta lumière est venue » (Isaïe 30, 1). Le renouveau s’est imposé et la colère évanouie, la compassion divine prend toute sa place. Tant le Deutéronome (4, 29-31 ; 31, 6.8) que le Lévitique 26, 45 confirment ce renouveau et cette promesse. Le premier réitère son engagement : « Car c’est un Dieu clément que l’nternel ton Dieu, il ne te délaissera pas, il ne consommera pas ta perte et il n’oubliera point l’alliance de tes pères, l’alliance qu’il leur a jurée », et le second exprime ce renouveau sous une forme à peine différente : « Et je me rappellerai en leur faveur le pacte des aïeux, de ceux que j’ai fait sortir du pays d’ngypte à la vue des peuples pour être leur Dieu, moi l’nternel ». Pour ce faire, l’assistance divine se fait indispensable : « Tu seras affermie par la justice : bannis toute idée d’oppression car tu n’auras rien à craindre ; de terreur, car tu seras garantie contre elle » (Isaïe 54, 14). Ce soutien, par son effet miroir, cause et conséquence, fait partie des instruments permettant au peuple de mettre en place l’art de conserver l’amour du Dieu par la compréhension et l’application de ses volontés, de ses décrets et de ses lois. L’humain dans sa faiblesse, ne semble pas être en mesure de les respecter systématiquement, aussi la présence divine lui permet-elle de se couler dans le moule exigé et se sentir soutenu dans cette attitude conforme à la morale que définissent les lois. Dieu l’assure et le rassure : « Vois je cimenterai tes pierres avec le stuc et je te bâtirai sur le saphir » (Isaïe 54, 11). L’interdépendance entre le Dieu et son peuple suppose qu’en attendre ses bienfaits ne peut se faire qu’avec son assistance. Les présents s’offrent dans les deux sens, mais les incidents sont nombreux et la nature humaine fragile, qui suit parfois une pente dangereuse de fausse liberté et repart vers ses errements en un cycle sans fin que les prophètes ne cessent de fustiger. Tant le peuple que ses souverains se dirigent vers de fausses valeurs éthiques, aussi l’abandon divin en est-il la conséquence. Et, si Sion : « Jadis pleine de justice » asile de la vertu, s’est transformée en un repaire d’assassins, dont les chefs sont complices des voleurs (Isaïe 1, 21-23), de nouveau la brisure se confirme, aussi Dieu retire-t-il : « Tout appui et tout soutien, toute ressource en pain et toute ressource en eau » (Isaïe 3, 1). Outre le désintérêt divin, l’ire divine et ses conséquences que sont le jugement et le châtiment, puis parfois la mort, attendent celui qui est qualifié de « méchant ». Mais il importe de nuancer, car s’il revient sur son attitude, il peut être sauvé. Néanmoins, si le juste renonce à la vertu, il mourra, dévoile Ézéchiel 18, 22. 24, car Dieu avertit : « « Je vous jugerai chacun selon ses œuvres » (18, 30). Toutefois, l’espoir habite le mécréant, qui proclame les paroles divines de pardon : « Si tu revenais, ô Israël, dit YHWH, revenais à moi… » (Jérémie 4, 2).

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Le Psaume de David (15, 5), dépeint les qualités dont doit faire preuve le sage afin « de séjourner sous sa tente (divine) » : il doit être intègre et s’inscrire dans la vérité, ne pas calomnier ni faire de mal à son semblable, ne point proférer d’outrage. Il tient pour méprisable quiconque mérite le mépris, mais honore ceux qui craignent Dieu, enfin il ne place pas son argent à intérêt et n’accepte pas de présent « aux dépens de l’innocent ». Isaïe (33, 15), les résume et cite : « Celui qui marche dans la justice, parle avec droiture, refuse le profit de la violence, secoue la main pour repousser les dons, bouche ses oreilles aux propos sanguinaires, ferme les yeux pour ne pas se complaire dans le mal ». Michée (6, 8), restreint encore cette liste de comportements exigés, qui consiste à pratiquer la justice, aimer la miséricorde et marcher avec son Dieu. Isaïe résume également les obligations du juste : « Observez ce qui est droit et pratiquez ce qui est juste » (56, 1). Enfin, Amos (5, 4), condense ces qualités en un seul commandement d’exigence de fidélité : « Cherchez-moi et vous vivrez/vivez ». La formule divine confirme encore l’impératif : Îûbu, « Revenez », « Détachez-vous de tous vos péchés, pour qu’il n’y ait plus pour vous d’occasion de faute » (Ézéchiel 18, 30). Le verbe Îûb, répond à l’idée d’un retour vers le Dieu, l’observation de ses obligations, de ses règles de morale et d’éthique oubliées, qui signifie : « retourner (Genèse 16, 9 ; Nombres 10, 36 ; Deutéronome 5, 27 ; Psaume 74, 21), revenir (Jérémie 24, 7 ; Job 16, 22), se tourner (Osée 7, 16), se diriger (Psaume 73, 10), se détourner (1 Samuel 15, 11)», comme si l’humain s’était absenté ou détourné par et dans son indifférence. Si l’homme, par oubli et amoralité, se détourne, alors Dieu fait de même, et s’il revient, Dieu revient. L’homme provoque le Dieu, et en subit les conséquences. De fait, Dieu n’a pas besoin de se retirer, l’homme s’en détourne qui imagine et projette que Dieu s’est détourné. L’individu s’est détourné par l’idolâtrie, les péchés, l’égoïsme et la malhonnêteté, qui ne voit plus Dieu agir et s’étonne avant que de plonger son regard sur lui-même et se mettre en cause. Le prophète exprime combien Dieu est en réaction face à l’homme, l’implorant de revenir vers ses voies. C’est pourquoi il l’accuse ou le supplie de revenir. Le retour se fait humain et divin, dans un double mouvement, chacun dans sa sphère, ses choix et ses obligations. Réponse symbolique du Dieu à un détournement, l’idéal se trouve dans le retour et les retrouvailles de l’un vers l’autre et réciproquement. Dieu agit et réagit face aux humains. De fait, son abandon et/ou sa disparition ne sont qu’illusions, qui expriment tant la souffrance humaine que divine face aux tragédies humaines200.

200

H. NUTKOWICZ, « Retenir le Dieu », Homère et l’Anatolie 3, 2017, pp. 67-75.

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Néanmoins, orants et prophètes opposent parfois un vigoureux démenti aux accusations auxquelles ils doivent faire face. Ils récusent l’oubli de YHWH et de son alliance. Le Psaume 119 en constitue un exemple éclatant, répétant par huit fois que l’orant ne doit pas oublier les paroles divines (16), qu’il n’a aucunement oublié la loi divine malgré des circonstances tragiques (61. 109. 153), ou les préceptes divins (83. 110. 141), n’a pas dévié de ses règles (102) ou de ses statuts (157), et qu’il s’engage : « Jamais je n’oublierai tes préceptes » (93). Le poème s’achève sur cette protestation : « Je n’ai pas oublié tes commandements » (176). Confirmant cette énergique dénégation, le texte du Psaume 44, 18-19 se fait l’écho de l’affirmation populaire : « Tout cela nous est advenu, nous ne t’avons pas oublié, nous n’avons pas : Îāqar, « trahi » ton alliance. Notre cœur n’a pas rétrogradé, ni nos pas n’ont dévié de ton chemin ». Et le Psaume 119 révèle que le poète se conforme à la loi divine (44. 55), se souvient du nom divin pendant la nuit (55), est fidèle aux paroles divines (57), obéit aux commandements (60), se recueille sur les préceptes divins (78) ; son cœur est sincèrement attaché aux lois (80), qui dépose son espoir en la parole divine (81), tandis que ses yeux se consument dans l’attente de cette parole (82). Il plaide et proclame : « Combien j’aime ta loi » (97. 113), rappelle qu’il respecte les préceptes divins (100) dans lesquels il a puisé son savoir (104), allègue : « Ta parole est un flambeau » (105), puis assure « qu’il aime les commandements divins plus que l’or (127), « désire les observer » (145), espère en la parole divine (147). Enfin, il se fait garant : « J’observe tes prescriptions et tes statuts » (168), et conclut : « Ma langue chantera ta parole » (172). Inquiétudes et espérances traversent ces textes. Objections et contestations se font nombreuses qui soulignent l’innocence et l’incompréhension du peuple se sentant rejeté par le Dieu201. Ces allégations et ces promesses témoignent de la procession des cycles, de péchés en promesses de punitions puis en épreuves, de purifications en retours et en retombées, en une sorte de perpétuel mouvement. Le livre de Job semble le paradigme de l’ambivalence de cette réalité. Il s’inscrit dans un espace subtil, qui se rend au-delà des apparences. Les épreuves et les tourments assaillant le héros n’ont pour objet que de vérifier l’honnêteté et la profondeur de sa croyance jusqu’au tréfonds de son âme en dépit de sa ruine absolue. Pour autant, il ne manque pas de clamer : « Je suis innocent et Dieu m’a refusé justice (Job 34, 5), et dans sa soif de compréhension interroge : « J’ai expié sans être coupable. Ce qu’il m’est impossible de voir, apprends-le-moi toi-même ; si j’ai commis des injustices, je ne récidiverai pas ? » (Job 34, 31-32). Celui que Dieu considère comme « intègre et droit, craignant Dieu et évitant le mal » (Job 1, 1), doit subir la 201

E.S. GERSTENBERGER, Psalms, Part I, with an Introduction to Cultic Poetry, pp. 182 sqq.

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plus violente des mises à l’épreuve avec la perte de ses proches, puis celle de ses biens matériels. Satan parvient à instiller le doute dans l’esprit divin qui étonnamment se laisserait manipuler par ce discours : « Est-ce donc gratuitement que Job craint Dieu ? N’as-tu pas élevé comme une haie tutélaire autour de lui, de sa maison et de tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l’œuvre de ses mains et ses troupeaux se répandent dans le pays. Or ça, étends une fois ta main et touche ce qui est à lui et (tu verras) s’il ne blasphémera pas contre ta face ». C’est alors que Dieu décide la mise à l’épreuve et lui permet : « Eh bien, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir ; seulement tu ne le toucheras pas lui-même » (Job 1, 6-12). Le représentant du mal n’obtient pas la vie du héros, il est néanmoins autorisé à altérer sa santé. Sur le chemin des épreuves qu’il va subir, l’un de ses amis, inspiré par le Dieu interroge : « L’homme peut-il être juste devant Dieu ? Le mortel peut-il être pur au gré de son créateur ? » (Job 4, 17)202. Sa mise à l’épreuve reste mystérieuse203 en raison de l’abîme entre le Dieu et son imparfaite créature. D’autres mises à l’épreuve apparaissent au fil des textes dont les Psaumes attestent. Et, comme tel, le Psaume 44 révèle une protestation d’innocence, l’absence de lien entre péché et détournement divin. Cet apprentissage mène vers une spiritualité plus subtile, détachée d’une certaine apparence.

La Présence divine et les éléments La nature et tous les éléments sont mis à contribution par le Dieu, lui permettant de mettre en pratique ses desseins, d’exprimer ses sentiments, ses émotions et ses jugements, ou d’en user comme moyens punitifs ou de sauvetage. Ils sont aussi partie prenante de son équipage, qui s’exposent au travers d’un langage poétique ou épique. De la sorte, Dieu déploie les ténèbres sur le camp égyptien devant la mer Rouge (Exode 14, 20), tandis que la nuée éclaire le camp des Israélites. Délivré tant de Saül qui avait pour projet de l’assassiner, que des Philistins, le roi David prononce un cantique percevant que YHWH : « Déploie les ténèbres comme une tente » (2 Samuel 22, 12).

202

D.J.A. CLINES, « The Arguments of Job’s Three Friends », dans D.J.A. Clines, D.M. Gunn et A.J. Hauser éd., Art and Meaning : Rhetoric in Biblical Literature, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1982, pp. 199-214, souligne à quel point les amis de Job partagent le présupposé du lien entre péché et souffrance. Leur esprit s’oppose à celui du héros plus flexible et expérimental. 203 M.J. de JONG, « It Shall be Night to you, without Vision », dans B. Becking éd., Reflections on the Silence of God, Leyde, Boston, Brill, 2013, pp. 105-126, spéc. p. 126.

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Le ciel ou les hauteurs célestes, de même que les nuages, la nuée et la brume sont associés à la présence divine. Dieu réside dans les hauteurs (Psaume 68, 19), et y chevauche (Psaume 68, 5). Salomon rappelle l’engagement divin : « YHWH a promis de résider dans cette brume » (1 Rois 8, 12). Les nuages servent aussi de char à YHWH, affirme le Psaume 104, 3. Isaïe 19,1 le dépeint chevauchant sur un nuage rapide qui parvient en Égypte, ou bien, pris de fureur, alors qu’il descend des cieux : « Avec sous ses pieds une brume épaisse » (Psaume 18, 19). La nuée permet à Dieu de ne pas se montrer tout en dévoilant sa présence à qui sait lire les symboles théophaniques. Lors du séjour au Sinaï elle couvre, le jour, la tente du statut et le tabernacle, ainsi lorsqu’elle s’élève au-dessus de la tente les enfants d’Israël lèvent le camp et la suivent et lorsqu’elle se fixe, ils s’arrêtent (Nombres 9, 15-16). Dès lors que la nuée s’établit, ils font de même, quelle que soit la durée, d’une nuit ou d’un an (Nombres 9, 20-22 ; 10, 11-12). Lors du départ du Sinaï, le Madianite, beaupère de Moïse, après avoir refusé de l’accompagner s’y décide durant trois journées de chemin, tandis que la : ‘nn, « nuée divine » plane au-dessus d’eux le jour à leur départ du camp, symbole de la manifestation occasionnelle de Dieu (Nombres 10, 34). Dans le désert, dans une théophanie d’accompagnement et de protection, il descend dans une « nuée », qui vient converser avec son prophète (Nombres 11, 25). La nuée dirige le peuple, l’informant des lieux où il doit s’installer. Le récit d’Exode confirme celui de Nombres. De jour, YHWH guide le peuple dans sa fuite au désert par cette colonne de nuée (Exode 13, 21-22). Alors qu’il est parvenu aux abords de la mer Rouge, la colonne nébuleuse cesse d’aller en avant pour se fixer en arrière en signe de protection (Exode 14, 19). Elle passe entre les deux camps, éclairant la nuit pour les Israélites (Exode 14, 20). Puis, lors de la dernière veille, YHWH fait peser une colonne de feu et une nuée sur le camp égyptien afin d’y jeter la perturbation (Exode 14, 24). Arrimée précieusement à la présence divine, la nuée est évoquée par Moïse lors de l’arrivée en Canaan, alors que le peuple exprime ses doutes et son inquiétude, qui témoigne : « Les Égyptiens ont su … que tu es au milieu de ce peuple… que ta nuée plane au-dessus d’eux, que dans une colonne nébuleuse tu les guides le jour… » (Nombres 14, 14). Dieu fait une promesse de théophanie à Moïse : « Je t’apparaîtrai au plus épais du nuage » (Exode 19, 9), puis la concrétise. Liée à cette promesse de théophanie, apparaît la forme d’une : « nuée épaisse sur la montagne » (Exode 19, 16). Après la transmission orale des dix Paroles (Exode 20, 2-14), le serviteur divin s’approche de la brume où se tient YHWH, et le nuage définit et limite l’espace sacré où seule la présence de Moïse est admise (Exode 20, 18). Exigeant de son prophète de gravir la montagne, Dieu lui révèle enfin ses intentions : « Je veux te donner les tables de pierre, la loi et le

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commandement, que j’ai écrits pour leur enseigner » (Exode 24, 12). La nuée recouvre la montagne et le patriarche s’exécute (Exode 24, 15). Après que Dieu se soit fixé sur le mont Sinaï recouvert par la nuée durant six jours, le septième jour, le patriarche est convoqué du milieu du nuage où il pénètre et demeure quarante jours et nuits (Exode 24, 18). La durée de six jours de préparation paraît s’imposer afin de s’isoler en une sorte de délai de recueillement intérieur et de purification consacré à son élévation spirituelle avant la rencontre avec le Dieu. La nuée joue alors un rôle protecteur de séparation d’avec le monde profane et ce qui est à l’intérieur ne peut et ne doit être vu ou perçu. Symbole tant de la transcendance divine que de l’accès à cette transcendance204, elle y exprime également le rôle de YHWH comme guide divin205. Les travaux de la construction du Temple achevés, alors que le peuple est assemblé lors du transfert de l’Arche d’alliance, de la Tente d’assignation et des objets sacrés (1 Rois 8, 4), puis de leur installation dans le Saint des Saints, et alors que les prêtres sortent du lieu saint, se produit un événement miraculeux : wehe‘nn ml¥’ ’et beyt yhwh, « Et une nuée remplit la maison de YHWH » (1 Rois 8, 10). Le récit ajoute que les prêtres : « Ne purent par suite s’y tenir pour faire leur service, parce que la majesté divine remplissait la maison du Seigneur » (1 Rois 8, 11). La nuée symbolise ici la présence divine localisée géographiquement et concrètement dans le Temple construit par Salomon, qui peut ainsi témoigner : « YHWH a promis de résider dans cette brume » (1 Rois 8, 12). Symbole théophanique elle signe la présence, l’accord, l’accompagnement et la protection divines, elle en est aussi l’accès par sa verticalité ascendante206. Autre élément dont use YHWH : le vent, qui sert ses desseins. Les témoignages de manifestations divines par ce biais s’expriment diversement. En effet, le champ sémantique de ce terme ouvre une vaste perspective sur l’action divine : rûa­, s’étend du sens de vent, à celui d’air, de respiration, d’haleine, de souffle et de colère, qui évoque par conséquent le principe de vie. De la sorte, dès le texte de Genèse 1, un premier signe révèle l’action du souffle divin qui : « Planait au-dessus de la face des eaux (Genèse 1, 1-2). Dès avant sa création, Dieu actif survole « l’indéterminé »207. Le vent relie alors l’espace entre le ciel et la terre. Puis, moyen de vie, le souffle divin s’il est dérobé provoque la mort et lorsqu’il s’en revient, les hommes renaissent (Psaume 104, 30). 204

M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, pp. 453 sqq. T.W. MANN, Divine Presence and Guidance in Israelite Traditions, pp. 256-257. 206 M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, p. 1016. 207 M. GIRARD, Ibid., p. 324. 205

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Le vent, comme instrument du salut, est l’outil choisi en certaines occurrences par Dieu. Ainsi, Samson reçoit-il le souffle divin qui commence à l’agiter dès sa prime jeunesse (Juges 13, 25), puis fond sur lui lorsqu’il doit accomplir des prodiges. Lors de l’arrivée des Israélites aux abords de la Mer Rouge, les eaux s’entrouvrent, puis YHWH fait : « Reculer la mer toute la nuit par un vent d’est impétueux » (Exode 14, 21), aussi les Hébreux peuvent-ils la passer à sec et être sauvés. Devant l’arrogance des Ammonites, Saül, se sent envahi par l’esprit divin, réunit une immense armée et parvient à les défaire (1 Samuel 11, 6-13). Obadia, serviteur du roi Achab prédit à Élie, qui bénéficie de la protection divine, qu’elle le sauvera de la vengeance royale : « Le souffle de YHWH te portera je ne sais où » (1 Rois 18, 12). Ce même souffle-de-vent soulève le prophète Ézéchiel pour l’emporter en Chaldée vers les exilés (Ézéchiel 11, 24). Tandis que les Hébreux sont au désert et exigent une autre nourriture que la manne, Dieu agit : werûa­ nsa‘, « Et un vent s’éleva » qui « suscita des cailles du côté de la mer et les abattit sur le camp » (Nombres 11, 31). La présence dans le texte du terme rûa­, « vent/souffle/principe de vie » reprend le concept du souffle divin et de son intervention directe, qui souhaite conserver la vie à son peuple. Le verbe nsa‘, dont le contenu exprime également le fait d’« arracher/démonter/déraciner », procure un indice sur cet évènement miraculeux, la force de ce vent, sur ce qu’il comporte de positif et de dangereux également dans ses conséquences possibles. Dieu fournit une telle quantité de cailles, et suscite une extrême convoitise chez son peuple qui se rue sur ces oiseaux dans un excès improbable. Comme si l’emploi de ce terme sous-tendait une information sur le danger à consommer sans réfléchir. Alors Dieu frappe le peuple coupable d’excès et de manque de sagesse d’une extrême mortalité. Apparaissant sur les ailes du vent (2 Samuel 22, 11), YHWH vole lorsqu’il vient au secours du souverain afin de le délivrer de ses ennemis, et s’avance dans les ouragans du sud (Zacharie 9, 14). Alors que Jonas s’est enfui sur un navire, Dieu provoque : « un vent impétueux » (Jonas 1, 4), afin de le faire sombrer et afin que son prophète consente enfin à lui obéir. Ici, cet élément constitue le moyen nécessaire à la réalisation du projet divin. Tout comme Jonas, le psalmiste (Psaume 139, 7), rêve d’« aller loin du souffle » de YHWH. Et le prophète questionne : « Qui a mesuré le souffle-de-vent de YHWH et lui a fait connaître un homme qui le conseille ? » évoquant la sagesse incomparable du Dieu (Isaïe 40, 13). Dieu peut user de cet élément lorsqu’il décide de punir (Siracide 39, 28), mais il emploie peu ce procédé. Il peut soulever un vent de tempête afin d’anéantir les malveillants et les ennemis d’Israël. Le vent d’est comme instrument de châtiment entraîne l’une des plaies d’Égypte : les sauterelles (Exode 10, 13-14), puis alors que Pharaon supplie afin d’obtenir la grâce

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divine YHWH accepte et fait souffler un vent de mer violent les emportant afin de les noyer dans la Mer Rouge (Exode 10, 18). Le Psaume 48, 8 dépeint aussi ce vent d’est ayant brisé les vaisseaux de Tarsis. Et, à nouveau, cette métaphore du vent d’est évoque l’exil (Osée 13, 15 ; Isaïe 27, 8). Parfois le Dieu se fait précéder par des annonces usant des éléments naturels : « YHWH se manifesta. Devant lui, un vent intense et violent, entr’ouvrant les monts et brisant les rochers, mais dans ce vent, n’était point YHWH ; Après le vent, une forte secousse, YHWH n’y était pas encore. Après la secousse, un feu, YHWH n’était point dans le feu. Puis après le feu, un doux et subtil murmure » (1 Rois 19, 11-12). Parfois, ce souffle divin transmet pour un moment la sagesse pour l’habileté manuelle : ainsi, sont convoqués afin d’exécuter le costume d’Aaron, ceux que Dieu a animés d’une inspiration divine : « De sagesse, d’intelligence et de connaissance, et d’aptitude pour tous les arts » (Exode 31, 3). Transmise par le souffle divin, l’intelligence comme art de la compréhension est assurée en Job 32, 8 : « Dans l’homme, c’(est) le souffle et l’haleine du Tout-Puissant (qui) le rend capable de discerner ». L’intelligence politique est tout autant transmise par le souffle divin : les Juges, et les souverains en ont la faveur. Bénéficiant de ce don, Joseph fils de Jacob interprète les songes, de même Daniel déchiffre les énigmes. Inspirés par le Dieu dont ils rapportent les paroles, les prophètes conseillent les souverains et le peuple208. Parfois, un « souffle mauvais » peut être suscité par Dieu, tel celui qu’il provoque entre Abimelech et les bourgeois de Sichem afin qu’ils lui deviennent infidèles et que le coupable soit enfin châtié (Juges 9, 22-23). Le triste déclin du roi Saül témoigne : « Or, l’esprit divin avait abandonné Saül et il était en proie à un mauvais esprit suscité par le Seigneur… Depuis, lorsque l’esprit venu de Dieu s’emparait de Saül, David prenait sa harpe, en jouait avec les doigts ; Saül en éprouvait du soulagement et du bien-être, et le mauvais esprit le quittait » (1 Samuel 16, 14. 23). Dieu peut aussi résider dans la brume ou l’obscurité ainsi qu’en atteste le texte d’Exode 20, 18 : wayya‘am¿d h‘m m¥r­¿q ûm¿Îeh nigaÎ ’el ha‘arpel ’aÎer ΍m h’el¿hîm, « Le peuple se tint au loin, et Moïse s’approcha de la brume/brouillard/obscurité où était le Dieu ». Moyen d’exprimer sa colère et sa puissance, les éclairs et leur violence sont employés afin de témoigner de sa présence. Manifestations tant visuelles 208

Voir le développement dans la sous-partie : les prophètes, pp. 280 sqq.

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qu’auditives, ils provoquent la terreur. Les éclairs, tantôt favorables, tantôt néfastes, jouent un rôle parfois fécondateur parfois destructeur. Le tonnerre est également un attribut divin comme l’exprime la richesse sémantique du terme q¿l¿t, appellation de la voix divine. Alors que Pharaon retient le peuple d’Israël en Égypte, Dieu laisse éclater sa colère et des q¿l¿t, « des tonnerres » en constituent la preuve (Exode 9, 23). L’emploi du pluriel en souligne la puissance. Ce terme évoque le « bruit/fracas/cris/son/voix ». Lors d’une scène de théophanie : « Le matin venu, il y eut des tonnerres et des éclairs » (Exode 19, 16), et le peuple en paraît le témoin privilégié (Exode 20, 18). Alors qu’il est sorti d’Égypte, Dieu veut révéler sa présence et celle-ci s’accompagne de tonnerres et d’éclairs (Exode 19, 16). Soulignant la puissance divine, le psalmiste affirme : « Le Dieu de gloire tonne » (29, 3). Le son du cor ou bruit du cor accompagne l’arrivée divine sur la montagne (Exode 19, 16 ; 20, 15), et redouble d’intensité lors de cette arrivée sur le mont Sinaï (Exode 19, 19). Mais, le bruit sous la houlette divine peut devenir un sujet d’épouvante (Isaïe 28, 19). La grêle fait partie des nombreux instruments de châtiment dont Dieu dispose. Aussi, menace-t-il d’une très forte brd, « grêle » le Pharaon, son peuple, ses serviteurs et le bétail, et passe à son exécution, car le souverain égyptien ne laisse pas partir son peuple (Exode 9, 18. 23-24). Son rôle d’instrument justicier est défini avec précision qui lui impose de balayer « l’abri de la fraude » afin de le faire disparaître (Isaïe 28, 17). Dotées de qualités ambivalentes, la mer, les eaux et la pluie, outils divins, apportent la vie et/ou punissent. Mais avant tout, YHWH as posé sur elles les voûtes de sa demeure (Psaume 104, 3). Puis, il a refoulé les eaux primordiales afin de permettre l’émergence de la terre et de la vie (Genèse 1, 9). Symbole de vie et de fécondité, le fleuve d’Eden arrose le jardin (Genèse 2, 10), qui forme quatre bras. Dieu les domine : le Psaume 104 s’en fait l’écho rappelant qu’il a couvert la terre de flots comme d’un vêtement (104, 6), qu’après s’être arrêtées sur les montagnes, les eaux se sont élancées, puis des barrières infranchissables afin de ne pas submerger la terre leur ont été imposées (104, 6. 9). En outre, YHWH a fait jaillir des sources abreuvant les bêtes des champs, et sur leurs bords les oiseaux font leur demeure (104, 11-12). Il envoie la pluie bienfaisante faisant croître l’herbe, les plantes pour l’homme qui en tire sa nourriture : le vin, l’huile et le pain (Psaume 104, 13-15). L’océan permet aussi la navigation et les échanges (Psaume 104, 26). La domination divine sur la mer apaise sa fureur lorsque ses vagues se soulèvent (Psaume 89, 10). Soulignant son aspect symbolique, le prophète Jérémie 2, 13, cite la parole de YHWH se comparant à une source d’eau vive, métaphore de celui

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qui donne la vie, et raillant les idoles comparables à des « citernes crevassées ». Puis, le prophète reprend et éclaire ce motif, affirmant que ceux qui se sont éloignés : « Seront inscrits sur la poussière », signifiant la mort car ils ont abandonné leur source de vie (17, 13). Le prophète assure aussi que les eaux : « entraîneront le refuge de la fraude » (Isaïe 28, 17). Et, lorsque YHWH promet à son peuple de le conduire « aux sources d’eau », il lui annonce alors la restauration (Isaïe 49, 10). La tempête, joue tout autant un rôle parmi les autres éléments, qui peut être positif ou consacrer une colère et un châtiment. Dieu peut intervenir dans la tempête (Isaïe 29, 6 ; Nahum 1, 3), dans un contexte de jugement, il peut la propager (Psaume 50, 3), et également répondre du milieu de la tempête et contester son interlocuteur (Job 38, 1 ; 40, 6). Signe divin par excellence, le feu se révèle être un élément dont les rôles sont ambivalents, produisant le bien et le mal, à la fois expression de sa présence lors de théophanies, lorsque Dieu accepte le sacrifice et ses diverses formes, qu’il joue le rôle de guide et de lumière lorsque la colonne de feu mène le peuple dans le désert la nuit (Nombres 14, 18). Instrument de son jugement et de son châtiment, le feu divin extermine l’arrogante Assyrie (Isaïe 29, 6 ; 30, 30. 33 ; 31, 9), ou les nations menaçant la dynastie davidique (2 Samuel 22, 9. 13). S’élançant de devant YHWH, il consume les deux cent cinquante hommes qui avaient offert l’encens, de Coré, Dathan et Abirâm (Nombres 16, 35). Les fils d’Aaron vont périr pour avoir outrepassé les règles liturgiques se rapportant au feu sacré (Lévitique 10, 2). En effet, ils allument un feu profane non exigé par Dieu qui les rend impurs et provoque le châtiment divin : « Et un feu s’élança de devant le Seigneur et les dévora et ils moururent devant le Seigneur ». Parfois, le feu apparaît comme le symbole du Dieu lui-même : « YHWH votre Dieu (est) un feu dévorant, lui » (Deutéronome 4, 24). Avant la sortie d’Égypte, le buisson en feu, expression de la théophanie209, mentionné cinq fois dans les versets 2 et 3 (Exode 3, 2-3), exprime la volonté divine d’attirer l’attention du patriarche et de lui révéler son projet de délivrance de son peuple. Le messager divin, un ange de YHWH, lui apparaît : « Dans un jet de flamme au milieu du buisson », puis, laisse place à la présence divine qui se manifeste avec précision. L’association de l’apparence divine et du feu dans un buisson est unique et anticipe l’apparition divine dans le feu à Moïse au Sinaï, tandis que Dieu s’en approche et parce qu’il : « Est descendu au sein d’une flamme, sa fumée monte comme la fumée d’une fournaise » (Exode 19, 18), il parle du milieu du feu (Deutéronome 4, 12)210, de cette montagne fumante (Exode 20, 15). Plus tard, Moïse tente de 209 210

J. DURHAM, Exodus, p. 31. T.E. FRETHEIM, Exodus, A Bible Commentary, p. 55.

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convaincre Pharaon de laisser partir son peuple. Devant son refus, il dirige sa verge vers le ciel et YHWH fait pleuvoir une grêle et un feu tourbillonnant (Exode 9, 24). Délivré du joug égyptien, alors que YHWH le mène vers son futur, le peuple ne cesse ses plaintes et provoque la colère divine (Nombres 11, 1). Aussi YHWH envoie-t-il le feu afin de dévorer le camp, comme leçon de morale et instrument de punition. Ce verset constitue la seule attestation biblique de l’expression : ’¥Î yhwh, « Le feu de YHWH »211. Lors du don des tables de la loi, la présence divine apparaît comme : « Un feu dévorant au sommet de la montagne à la vue des enfants d’Israël » (Exode 24, 17). Il a pour objet de leur rappeler d’une part la présence divine proche en leur instillant une crainte suffisante permettant d’emporter leurs doutes, et d’autre part de départager l’espace sacré et l’espace profane. Interpellant son peuple, Dieu lui dépeint ses exploits, aussi, les coupables sontils saisis d’épouvante devant le feu dévorant d’un éternel brasier (Isaïe 33, 13). Le feu peut également symboliser l’ennemi et ses pouvoirs destructeurs. Ainsi, Dieu afin de sauver son peuple l’arrache du « creuset de fer » égyptien (Deutéronome 4, 20 ; 1 Rois 8, 51). Souvent le feu est employé afin de faire justice contre les ennemis d’Israël, qui extermine les nations ennemies de la dynastie davidique (2 Samuel 22, 9. 13 ; Psaume 18, 9. 13-14 ; 21, 10). Faisant usage conjointement du tonnerre, du tremblement de terre et du fracas, de la tempête, de l’ouragan, et des flammes d’un feu dévorant (Isaïe 29, 6), Dieu fait disparaître ces adversaires, comparant leurs guerriers à un songe. Une peinture de ces combattants luttant contre Israël, les décrit après l’intervention divine : « Tel l’homme affamé qui s’imagine en rêvant qu’il mange, et s’il se réveille a l’estomac creux… », il est épuisé et certain de perdre le combat (Isaïe 29, 8). Le tourbillon de fumée (Isaïe 30, 27), annonce la présence dévastatrice et la colère divine. La peinture de l’ire de YHWH devant l’ennemi adopte des accents épiques : « Sa langue est comme un feu dévorant, son souffle comme un torrent impétueux qui monte jusqu’au cou… » (30, 27-28). Malachie (3, 19) compare le jour préparé par le Dieu à un feu de fournaise consumant les impies comme la paille. Symbole de la présence divine, son aspect destructeur et purificateur ressort de ces narrations. En outre, les éléments comme le vent/le souffle, les tonnerres /la voix/le fracas apparaissent tant comme des attributs divins, que comme ses spécificités anthropomorphiques, où le tonnerre est sa voix et le vent est son souffle. Certains sont souvent associés et réunis, afin de donner plus de puissance à ses interventions, et illustrer, face à son peuple et aux

211

B.A. LEVINE, Numbers 1-20, A New Translation with Introduction and Commentary, New York et Londres, Doubleday, 1993.

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peuples de la région, le fait que son action est la seule qui soit à craindre et/ou à désirer. Parmi les signes divins, l’arc en ciel si chargé de mystère et de poésie, qui apparaît dans le ciel après le déluge, paraît encore un symbole théophanique, puisqu’il s’agit du : qeÎet « l’arc en ciel » placé dans la nuée (Genèse 9, 13). Il : « Deviendra un signe d’alliance entre moi et la terre ». Puis, Dieu l’explicite. S’il amoncelle des nuages sur la terre et que l’arc apparaisse dans la nuée, alors ce témoignage lui permettra de se souvenir de son alliance avec tous les êtres animés afin de ne plus provoquer de déluge, qui est défini comme : « Pacte perpétuel entre Dieu et toutes les créatures vivantes » (Genèse 9, 14-17). L’arc-en-ciel figure « La relation dans la séparation »212. Le prophète Ézéchiel (1, 28) le compare au cercle de lumière « Reflet de l’image de la gloire de YHWH ». Par ailleurs, ce terme dénomme l’arc et la puissance, qui ajoute d’autant plus de vigueur à la déclaration divine, que cette arme se voit transformée par cette proclamation en signe de lumière et de présence divine favorable. Le prophète Osée (1, 5), évoque également : « L’arc d’Israël » ou sa puissance. Métaphore de la présence divine et de la relation avec son peuple autour de l’alliance, il peut aussi exprimer sa colère : « Ton arc se montre à nu » (Habacuc 3, 8).

Les Noms divins Diverses appellations sont dévolues au Dieu, elles sont dévoilées selon les circonstances. Leur richesse et variété sont essentiellement attestées dans les récits du Pentateuque. Ainsi, la désignation transmise lorsque Dieu se révèle à Abraham et Jacob est la suivante : ’anî ’¥l, « Je suis Dieu… » (Genèse 17, 1), puis il s’adresse à Isaac et lui dévoile : « « Je suis le Dieu d’Abraham ton père » (Genèse 24, 24), néanmoins le nom divin n’est pas transmis, car le temps n’est pas encore venu. Auparavant, Malkisédèq avait employé le nom suivant : ’¥l ‘eleyôn q¿n¥h ΍mayim wa’reṣ, « le Dieu suprême, auteur des cieux et de la terre » (Genèse 14, 19. 22), et Abraham l’avait dénommé : ’el¿h¥y haÎ΍mayim w¥’l¿h¥y h’reṣ, « Le dieu des cieux et de la terre » (Genèse 24, 3). Dans l’hymne chanté par Moïse, il est appelé : « Le Dieu de mon père » (Exode 15, 2). En outre, un temple dédié à El-Berith, ’¥l berît, « El/Dieu de l’Alliance » à Sichem, est cité en Juges 9, 46. Parmi ses appellations, Dieu porte également le titre ’ad¿ny, « Seigneur », ainsi qu’en témoigne Abimelekh roi de Gherar (Genèse 20, 4), ou celui d’’el¿hîm, « Dieu » lorsqu’Abraham lui répond (Genèse 20, 11), ou encore d’’¥l ‘ôlm, « Dieu de l’éternité/Dieu éternel/de l’Univers/du monde » (Genèse 21, 33). Plus tard, Dieu s’identifie de la sorte auprès de Moïse : ’n¿kî ’el¿h¥y ’bîk ’el¿h¥y ’aberhm ’el¿h¥y yiṣe­q w¥’l¿h¥y ya‘aq¿b, « Je suis le 212

M-A OUAKNIN, Lire aux éclats, Éloge de la caresse, p. 314.

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Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob », qui ajoute : « Tel est mon nom à jamais, tel sera mon attribut dans tous les âges » (Exode 3, 6. 15. 16). Puis, Moïse confie au peuple sorti d’Égypte : ’el¿h¥y ’abôt¥ykem, « Le Dieu de vos pères », « m’envoie vers vous » (Exode 3, 13). Dans le même temps, le rédacteur souligne ainsi le lien particulier qui uni Dieu et les patriarches. Le texte d’Exode 6, 2-3, relie les deux appellations yhwh et ’¥l213. Cette dernière désignation pourrait consister en un emprunt sémantique. Le psalmiste se réfère à Dieu comme ’¥lî, « Mon Dieu » (Psaume 102, 25), que parfois il désigne comme ‘eleyôn, « Dieu suprême/le Très-Haut », ou Î¥m, « le nom » qui apparaît souvent associé avec le nom propre yhwh (Psaume 74, 18 ; 79, 5-6 ; 80, 19-20). Parfois, les Psaumes associent le nom divin en triades : ¥l, ’el¿hîm et yhwh (Psaume 50, 1), qui introduisent le second psautier davidique (Psaumes 51-72)214. Ce même Psaume 50, où prédomine le concept de jugement divin, parfois préfère ’el¿hîm par neuf fois, par exemple au verset 7, qu’il relie à ‘eleyôn au verset 14, ou choisit ’elôha, « Dieu » au verset 22. Lorsque les appels au Dieu sauveur se font tout particulièrement pressants et intenses, le Psaume 80, 20, paradigmatique, choisit de mettre l’accent sur l’ensemble : yhwh ’el¿hîm ṣeb’ôt, « YHWH Dieu des armées ». Alors que Dieu se présente lui-même dans le Psaume 81, 11, il emploie la formule suivante : ’n¿kî yhwh ’el¿heyk, « Je suis YHWH ton Dieu », « qui t’as tiré du pays d’Égypte », lié à sa révélation dans l’histoire. Au contraire, l’absence de ce nom dans le Psaume 82 est notable, qui est le procès des membres de l’assemblée divine où la supériorité divine sur ses membres est assurée. Lorsque les actes du Dieu sauveur sont remémorés, les Psaumes 213

J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, pp. 14-15, propose l’hypothèse suivante :YHWH et le dieu cananéen El seraient à l’origine deux dieux séparés puis amalgamés. Il ajoute que l’Ancien Testament n’a pas de scrupules à les mettre en équivalence, par contraste avec l’opposition véhémente envers Baal. 214 Le nom YHWH est associé à El ou Elohim dans tous les Psaumes d’Assaph excepté le Psaume 82. Ce nom est attesté quarante-neuf fois dans les Psaumes de Coré (4249), le second psautier de David (51-72) et les Psaumes d’Assaph (50 ; 73-83). El apparaît dix-neuf fois dont neuf parmi ces derniers Psaumes, cinq fois dans le second psautier de David et six dans les Psaumes de Coré. Elohim apparaît cinquante-six fois dans les Psaumes d’Assaph. Il est assuré environ en trois cent soixante occurrences dans le psautier. Et ‘eleyôn est assuré huit fois dans les Psaumes d’Assaph et vingtdeux fois dans la totalité du psautier. Le nom Î¥m en référence à YHWH figure douze fois dans les Psaumes d’Assaph, K.W. WEYDE, « Has God Forgotten Mercy, in Anger Withheld his Compassion ? Names and Concepts of God in the Elohistic Psalter », dans R.G. Kratz et H. Spieckerman éd., Divine Wrath and Divine Mercy in the World of Antiquity, New York, Göttingen, Mohr Siebeck, 2008, p. 122-139, spéc. p.123-124.

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d’Assaph n’hésitent pas à recourir à l’emploi du nom YHWH (Psaume 75, 8 ; 76, 12 ; 77, 11 ; 78, 4 ; 81, 5. 10. 16). Par ailleurs, ¥l et ’el¿hîm sont choisis de préférence lorsqu’il est fait allusion aux ennemis d’Israël215. Dans ces textes, l’utilisation des différentes appellations divines s’inscrit parfois dans un espace spécifiquement dédié à Dieu en fonction de ses rôles et des prières, mais parfois la préférence semble difficilement s’expliquer. Annoncé en Exode 3, 14 à la suite de la demande de Moïse, le nom affirmé par Dieu s’inscrit dans une formule complexe, mystérieuse et incomplète : ’eheyeh ’aÎer ’eheyeh, « Je serai qui je serai », employant à deux reprises le verbe être à l’inaccompli, qui peut également se traduire par : « Je suis qui je suis » et affirme haut et fort une réalité qui doit s’imposer au peuple. Dans le même temps, elle souligne l’aspect infini dans le temps de cette présence, de son action continue et de sa réalité. Elle est expliquée pour la seule et unique fois de l’Ancien Testament dans ce verset d’Exode 3, 14 comme une affirmation de la réalité de son existence216. La suite de ce verset en dévoile une forme abrégée : eheyeh, « Je serai/Je suis » (Exode 32, 14b)217. Peut-être cette formule exprime-t-elle la liberté de Dieu qui : « Est ou sera présent pour Israël quelle que soit la manifestation ou la présence de cet être »218. Puis, en Exode 6, 2, Dieu révèle enfin à Moïse le tétragramme : ’anî yhwh, « Je suis YHWH »219 et cette proclamation est répétée en 6, 6. 7. 8, qui peut être considérée comme l’expression sublime à laquelle la formule : ’el¿h¥ykem, « Votre Dieu » (Lévitique 17, 31. 34. 36), peut être ajoutée afin de révéler un récit de grâce alors que Dieu est le Dieu sauveur220. Le Psaume 83, 19 l’affirme haut et fort : « Qu’ils sachent que toi seul dont le nom est YHWH tu es le Maître suprême de toute la terre », il souligne par l’emploi du

215

K.W. WEYDE, Ibid., pp. 132-138. J.I. DURHAM, Exodus, Waco, Thomas Nelson Inc., 1987, pp. 74-76. 217 W. ZIMMERLI, « Das Wort des göttlichen Selbstweises (weiswort), eine prophetische Gattung », dans Gottes Offenbarung, Münich, Kaiser Verlag, 1970, pp. 120-132, analyse les occurrences de cette phrase : « Afin qu’ils sachent que je suis YHWH » (Ézéchiel 12, 15-16), qu’il considère comme une formule de reconnaissance. 218 G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu, p. 58. 219 J.I. DURHAM, Exodus, p. 75, remarque qu’il n’est pas absolument certain que cette déclaration au verset 2 soit la révélation initiale. Cette formule apparaît de nombreuses fois en Exode : 7, 15. 17 ; 8, 18 ; 10, 2 ; 12, 12 ; 14, 4. 18 ; 15, 26 ; 16, 12; 20, 2 ; 29, 46 ; 31, 3. 220 K. ELLIGER, « Ich bin der Herr-euer Gott » dans Kleine Schriften zu Alten Testament, Münich, Chr. Kaiser Verlag, 1966, p. 211-231, spéc. pp. 213-216. 216

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verbe yda‘, signifiant « savoir/connaître/reconnaître/choisir », l’importance absolue de ce savoir, de ce choix et de sa reconnaissance par son peuple. Ces quatre consonnes sans voyelle constituent en quelque sorte un nom à la fois donné et caché. L’absence de voyelle le rend imprononçable, introduit une distance telle qu’elle conserve la transcendance divine. Il semble écrit pour ne pas être émis, mais pour être « commenté, traduit par d’autres lettres, d’autres noms »221. Ces révélations divines reflètent la perception humaine de la présence divine222, une présence active et attentive.

Noms théophores Nombreux, ils témoignent dans l’onomastique de l’emploi du nom divin dans les noms portés par les Israélites. Seuls quelques rares exemples sont ici dévoilés. Ainsi, le père de Gédéon, Joash chef du clan d’Abiezer (Juges 6), comporte l’élément théophore « Yo », forme abrégée de YHWH, et qui peut signifier : « YHWH donne »223. Le nom de Berekiah se traduit : « Que Dieu bénit » (Néhémie 3, 4), et : « Que Dieu console » (Néhémie 1, 1). L’un d’eux paraît particulièrement admiratif afin d’attribuer à celui qui le porte une attention particulière de YHWH : Qolaïah, qui évoque : « la voix/tonnerre de YHWH » (Jérémie 29, 21 ; Néhémie 11, 7). Reaya sous-tend une prière : « Dieu le regarde » (1 Chroniques 4, 2 ; 5, 5 ; Esdras 2, 47). De nombreux sceaux détenus tant par les hommes que les femmes confirment l’onomastique théophore des textes bibliques, dont seuls quelques-uns sont ici présentés224. Ainsi, le nom de Yeda‘yah225 apparaît en Esdras 2, 36 et Zaccharie 6, 10, signifiant : « Dieu sait », ou bien : Miqeneyahu226 attesté en 1 Chroniques 15, 18. 21 se traduisant par : « possession de Dieu », ou encore

221

M-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, p. 103. J.I. DURHAM, Exodus, p. 77. 223 T. BUTLER, Judges, p. 201, remarque l’écart entre ce nom théophore et le culte de Baal, l’attribuant à une confusion entre le culte de Baal et celui de YHWH. W. BLUEDORN, Yahweh versus Baalism, pp. 72-73, remarque le caractère cultuel du lieu et le fait que le propriétaire en soit Joash, aussi propose-t-il l’hypothèse suivante : ce dernier serait le prêtre de ce lieu de culte idolâtre. 224 H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort, pp. 183 sqq. 225 Ce sceau de serpentine traversé de filons noirs, blancs et verdâtres est daté du VIIè/début du VIè siècle avant notre ère, et porte le numéro 45 de la collection Hecht, dans N. AVIGAD, M. HELTZER et A. LEMAIRE, dans R. Reich éd., West Semitic Seals, Eight-Sixth Centuries BCE, Haïfa, University of Haïfa, 2000, p. 59. 226 Le sceau en os, qui porte ce nom est daté du VIIè siècle avant notre ère et porte le numéro 50 de la collection Hecht, dans N. AVIGAD, M. HELTZER et A. LEMAIRE, Ibid., p. 67. 222

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’Adoniyahu : « dont Dieu est le maître »227. Ils attestent de la demande humaine de protection, de bénédiction, de consolation, de puissance, qui renforce l’importance du regard et de l’intérêt porté par Dieu.

Qualités et spécificités divines Doué de toutes les vertus, YHWH est un : ’el¿hîm ­ayyîm, « Dieu vivant » au contraire des idoles d’or, d’argent ou de bois (1 Samuel 17, 26. 40-54), âgé228, qui voit et saisit tout, et ses envoyés contribuent à en révéler la présence omnisciente. Juste et tout-puissant, il peut répondre aux demandes et accomplit des miracles. Sa puissance est révélée par des textes qui vont de son épithète de « force » (Psaume 22, 19) à celle de : mg¥n, « bouclier/protecteur » pour Abram (Genèse 15, 1). Lorsqu’il apparaît à ce patriarche, Dieu se présente : ’anî ’¥l Îaday, « Je suis Dieu Tout puissant » (Genèse 17, 1), et cette expression adopte une forme à peine différente en Genèse 49, 25 alors que Jacob le dénomme : Îaday, « le Tout Puissant ». Le psalmiste le dépeint ainsi : « Infiniment grand, tu es vêtu de splendeur et de majesté. Tu t’enveloppes de lumière comme d’un manteau » (Psaume 104, 12). Assis sur un trône dans la divine assemblée, et tel un souverain humain, YHWH est entouré de ses serviteurs (1 Rois 22, 19 ; Daniel 7, 9-10. 14). Faisant allusion à ce Dieu âgé : ‘atîq yômîn « un Ancien des jours/Dieu », dont le vêtement possède la blancheur de la neige, Daniel 7, 9. 13, ajoute : « La chevelure de sa tête (est) celle de la laine éclatante ». Installé sur un trône de : « flammes étincelantes » dont les roues sont « un feu incandescent » (Daniel 7, 9), un torrent de feu se répand autour de lui. Cet : yhwh ’¥l ‘ôlm, « Dieu éternel/de l’éternité/de l’univers » est également évoqué en Genèse 21, 33. Son trône est établi dans les cieux (Psaume 103, 19), où il siège (Deutéronome 33, 26). La sagesse et l’omniscience divines sont d’ores et déjà sous-entendues en Genèse 3, 5, où la narration révèle que Dieu « sait » que le jour où Adam et Ève mangeront du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal : « Vous serez comme Dieu connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 5). Ajoutant aux arguments sur la sagesse divine, Éliphaz s’adresse à Job et l’interpelle : « As-tu entendu (ce qui se dit) dans le conseil de Dieu ? As-tu 227

Du VIIè siècle avant notre ère, ce sceau de bronze porte le numéro 4 et fait partie de la collection Hecht, dans N. AVIGAD, M. HELTZER et A. LEMAIRE, Ibid., p. 15. Si trois personnages portant ce nom sont mentionnés dans les textes bibliques, aucun d’eux ne peut être identifié au propriétaire de ce sceau. En outre, ce nom apparaît sur de nombreuses bulles. 228 J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, p. 18, remarque que seules trois occurrences font allusion au thème des années de Dieu : Job 10, 5 ; 36, 26 ; Psaume 102, 25, seul texte où le psalmiste s’adresse non à YHWH mais à El.

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confisqué à ton profit la sagesse ? » (Job 15, 7-8). Et, les « artisans de trames profondes » ne peuvent cacher leurs mauvais desseins à YHWH (Isaïe 29, 15). YHWH interroge : « Suis-je un Dieu de proximité et non pas un Dieu de distance/de loin ? » (Jérémie 23, 23). Son omniscience est telle que nul ne peut se cacher sans qu’il le voie (Jérémie 23, 24). Aussi ajoute-t-il : « Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? » (Jérémie 23, 24). Le Deutéronome clame : « YHWH seul est Dieu dans le ciel en haut comme ici-bas sur la terre » (4, 39). L’information se propage, YHWH cumule toutes les possibilités, qui reste près de son peuple tant sur le plan spatial, temporel, cultuel et en qualité de sauveur229, mais il est aussi un Dieu éloigné n’intervenant que lorsqu’il le juge nécessaire. Une dénomination à la fois épithète et nom, est révélée par des prophètes : qdôÎ, « Le Saint » qui réside au milieu d’Israël (Osée 11, 9 ; Isaïe 12, 6). Pour autant, Dieu affirme : « Je suis ton Dieu, un Dieu qann’, jaloux » (Deutéronome 5, 9). Ce qualificatif ne s’applique qu’à YHWH, qui veut être aimé et lui seul, exprimant le rejet de l’idolâtrie. Dieu fait savoir sa présence lorsqu’il l’estime nécessaire. Il se révèle à Abram (Genèse 12, 7), et, par l’emploi du verbe r’h, « voir/apercevoir/reconnaître par les sens/éprouver », évoque le fait qu’il offre à Abraham la perception de sa présence et non sa vision. Il se manifeste à diverses reprises à Samuel à Shiloh (1 Samuel 3, 21). Affirmant son amour impérissable pour son peuple, Dieu : « s’est montré à moi » assure le prophète, qui a perçu la divine présence par le truchement de ses paroles (Jérémie 31, 3). La kebôd yhwh, « splendeur de YHWH » est évoquée apparaissant dans la Tente d’assignation à tous les enfants d’Israël, alors qu’ils se mutinent lors de leur arrivée en Canaan (Nombres 14, 10), et lui permet d’intervenir. Elle est assurée en Psaume 104, 1, et citée par Ézéchiel (10, 4), alors qu’elle s’élève de « Dessus le chérubin sur le seuil du Temple… » et la cour du Temple se remplit de la splendeur de sa gloire. De par cette perception et cette connaissance absolue, ses qualités apparaissent au fil des récits. Bien que rarement décrites dans les textes, elles peuvent être placées dans la bouche de Moïse qui doit citer les paroles divines : ba‘abûr t¥da‘ kî ’¥yn km¿nî bekl h’reṣ, « Afin que tu saches que nul ne m’égale sur toute la terre » (Exode 9, 14), à l’occasion de l’envoi des plaies contre l’Égypte, témoignant de son unicité, de sa puissance et sa justice. Subtilement, ce discours souligne que les autres dieux et les idoles ne possèdent nullement ses qualités mises en exergue par les nombreux signes envoyés et leurs limites choisies. Elles sont encore mentionnées par Moïse, 229

W.E. LEMKE, « The Near and Distant God : A Study of Jer 23, 23-24 in its Biblical Theological Context », JBL 100, 1981, pp. 541-555.

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qui s’adresse à Dieu, en employant la troisième personne du singulier comme marque de respect devant son immensité : yhwh ’ereke ʼapaîm werab ­esed n¿ś¥’ ‘wôn wpÎ’‘, « YHWH est plein de longanimité et de bienveillance, il supporte le crime et la rébellion », et précise : « Sans toutefois les absoudre faisant justice du crime des pères sur les enfants… » (Nombres 14, 18). L’emploi du verbe nś’, « porter/amener/emporter/supporter/souffrir » met alors en évidence la souffrance que Dieu porte et supporte. Lors de l’annonce d’un fils à Sarah, l’affirmation : haîpālēʼ mēyhwh, « Y a-t-il rien qui soit trop difficile/merveilleux à Dieu ? » (Genèse 18, 14) révèle et souligne la toutepuissance divine, car la matriarche doute en raison de son âge avancé au point d’en rire en cette occurrence, qui contrecarre les lois de la nature, mais elle accouchera d’un fils comme prévu. Si Dieu est pris de regrets à l’idée d’avoir créé l’homme et s’en afflige (Genèse 6, 6), tout au long des narrations et des textes de Sagesse, son pardon divin est mis en exergue. Ainsi, le patriarche Moïse évoque sa : gôdel ­asedek, « Clémence infinie » (Nombres 14, 19), puis ce Dieu généreux accepte et affirme : « Je pardonne » (Nombres 14, 20). L’auteur d’Exode 34, 7, ajoute : n¿ś¥’ ‘ôn, « Il pardonne l’iniquité », tandis que le poète du Psaume 99, 8 se souvient : « Tu étais pour eux un Dieu qui pardonne ». Préoccupés par ces réalités, les prophètes les évoquent. Isaïe témoigne : Dieu est fidèle à ses promesses (49, 7), au jour du salut il vient au secours (49, 8), et à l’heure de la clémence, il l’exauce (49, 8). Dieu console son peuple (Isaïe 49, 13), prend en pitié les humbles (49, 13), et porte secours à ses enfants (Isaïe 50, 25). Le Psaume 68, 6 ajoute qu’il est le père des orphelins et le défenseur des veuves, qui donne un foyer à ceux qui sont solitaires. Il raille les rois de la terre qui se liguent contre lui et son oint et les avertit, car son exaspération pourrait les faire disparaître (Psaume 2, 4). Il est doté de toutes les qualités dans la prière qu’adresse Hanna à Dieu après la naissance de son fils Samuel, qui peut enfin se réjouir grâce à son assistance (1 Samuel 2, 1-10). Elle peint ainsi un Dieu puissant et saint (1 Samuel 2, 2), disposant de toute science (1 Samuel 2, 3). Lors de la seconde transmission des tables de la loi, YHWH proclame : « YHWH est clément, miséricordieux, tardif à la colère, plein de bienveillance/grâce et d’équité. Il conserve sa faveur à la millième génération, il supporte le crime, la rébellion, la faute, mais il ne les absout point (Exode 34, 6-7). Cette révélation instruit Moïse et son peuple sur l’être divin et également sur les limites à ne pas outrepasser. Si l’humain est faillible, sa faute mérite châtiment. Ici se dévoile un Dieu de justice. Le psalmiste évoque à

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nouveau la bienveillance et la grâce qui dure l’éternité de celui qui pardonne toutes les fautes, guérit toutes les souffrances, est clément et miséricordieux (Psaume 103, 3. 6-7). Daniel implore sa « miséricorde » et le mystère du songe royal lui est dévoilé. Dès cet instant, le prophète reconnaît la sagesse et la puissance divine (Daniel 2, 20), qui en trace les contours. Il dévoile en une tirade poétique : « C’est lui qui modifie les temps et les époques, qui tour à tour renverse les rois et élève les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux qui savent comprendre. C’est lui qui révèle les choses profondes et cachées, il connaît ce que recèlent les ténèbres, et la lumière réside avec lui » (Daniel 2, 21-22). Ce Dieu, en aucun cas représenté matériellement, paraît enveloppé de mystère et son caractère immanent s’affirme. Impénétrable, il ne peut pas être rendu présent par des images et/ou des objets. Ainsi, sa présence tant dans les cieux que sur la terre doit être recherchée autrement que par de fausses idoles et par-delà le mystère230. Les images réduisent l’être divin, elles ne correspondent aucunement à sa réalité. En outre, elles limitent sa présence à la terre, lui qui est présent dans les cieux également.

La gloire divine ou kebôd yhwh : Évoquée dans les Psaumes (19, 2), elle peut être mise en parallèle avec la puissance et/ou la présence céleste (Psaume 96, 7), qui ne peut être contemplée sous peine de mort (Exode 19, 21). Le terme peut être employé comme épithète : « Le roi de la gloire » (Psaume 24, 7), « la majesté divine » (Exode 24, 16). Sujet central des trois visions d’Ézéchiel, elle apparaît à Babylone (chapitres 1-3), abandonne et détruit Jérusalem (chapitres 8-11), puis réapparaît dans le Temple restauré (chapitres 40-48). Par sa splendeur, l’arc en ciel des jours de pluies est comparé au reflet de l’image de la gloire divine (Ézéchiel 1, 28a). Un cercle de lumière paraît, qui est : mare’¥h demût kebôd yhwh, « L’aspect/reflet/apparition de l’image/forme de la gloire de YHWH » (Ézéchiel 1, 28b). Plus loin dans le texte, Dieu exige de son prophète qu’il sorte vers la plaine afin de lui transmettre sa parole, et là se tient à nouveau la gloire divine telle celle aperçue sur le fleuve de Kebar (3, 12. 23). Puis, un 230

S.L. COOK, « God’s Real Absence and Real Presence in Deuteronomy and Deuteronomism », dans N. Mac Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 121-150, spéc. pp. 136-137.

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jour, alors que le prophète est assis dans sa maison en compagnie des anciens de Juda, la main divine s’en empare, le mène dans un souffle à Jérusalem, puis le dépose à l’entrée de la porte intérieure du Temple, vers le Nord (Ézéchiel 8, 3). La gloire divine s’y tient semblable à celle de la plaine (8, 4), qui prend le prophète à témoin et lui montre les abominations commises par les habitants de la cité sous forme d’une statue interdite et d’idoles gravées dans des chambres d’images tandis que des femmes pleurent le Tammouz (Ézéchiel 8, 6-14). Après avoir appelé les fléaux avec leurs engins destructeurs, la gloire du Dieu d’Israël s’élève et appelle l’homme de lin vêtu et portant l’écritoire du scribe (Ézéchiel 9, 3). Il donne l’ordre de frapper excepté ceux portant le signe dessiné sur le front des hommes justes, et ce sans indulgence. Alors l’homme vêtu de lin vient faire son rapport (Ézéchiel 9, 11). La splendeur de la gloire divine remplit la cour du Temple (10, 4) et sort de dessus le seuil se tenant sur ses chérubins (10, 8). Elle s’élève au-dessus du centre de la cité et se place sur la montagne à l’est de la ville (11, 23). Son retour se colore en termes soulignant sa splendeur. Alors que la gloire du Dieu d’Israël s’avance du côté de l’est du Temple, son grondement est semblable à celui de : « Grandes eaux et la terre s’illumine de sa gloire » (Ézéchiel 43, 2). Puis, le prophète la dépeint alors qu’elle entre dans le sanctuaire par la porte du côté de l’est (43, 4), et le remplit à nouveau de sa présence (43, 5 ; 44, 4).

La cour ou assemblée divine Des êtres « supra-humains » entourent YHWH, qui parfois interviennent sur sa demande ou agissent en fonction de circonstances particulières. De même que les souverains humains sont entourés d’une cour, de même Dieu. Les expressions : benê h’el¿hîm, « fils de Dieu » (Genèse 6, 2. 4 ; Job 1, 6 ; 2, 2), benê ’el¿hîm (Job 38, 7), benê ’¥lim, « fils de Dieu/dieux » (Psaume 29, 1 ; 89, 7), ou bien encore les benê ‘elyon, « fils du Très Haut » (Psaume 82, 6), illustrent ce concept mystérieux et dénomment probablement certains des membres de la « cour divine » constituée par des anges. En effet, le terme ’el¿hîm peut s’appliquer aux messagers divins231. Le prophète Ézéchiel dépeint une vision où figurent quatre kerûbîm, « chérubins », les anges au service du Dieu. Il décrit le firmament étendu audessus de leur tête sur lequel une pierre de saphir repose, semblable à une forme de trône, et évoque les chérubins qui se tiennent debout à droite du Temple ainsi que celui préposé au seuil du Temple (10, 1-4), ajoutant que le bruit de leurs ailes s’étend jusque la cour extérieure du sanctuaire, car chacun est doté de quatre ailes (10, 5). Précisant sa vision, il dépeint les quatre roues 231

Selon J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, p. 22, il s’agit des fils du Dieu cananéen El, qui auraient été des dieux avant l’instauration du monothéisme, puis à ce moment auraient acquis le statut d’anges.

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près des chérubins, une roue près de chacun d’entre eux, dont l’aspect est semblable à celui de la pierre de Tarchich (10, 9), et dont chacune est engagée dans l’autre (10, 10). Elles vont dans leurs quatre directions et marchent à la suite de la tête (10, 11) : « Et tout leur corps, leur dos, leurs mains, leurs ailes et les roues étaient pleines d’yeux, tout à l’entour pour les quatre roues » (10, 12). Ces roues sont appelées sphères. Chaque être est doté de quatre faces, la première de chérubin, la seconde d’homme, la troisième de lion et enfin une face d’aigle, symboles de force et d’intelligence (10, 14). Les chérubins s’élèvent. Perpétuellement en mouvement, lorsqu’ils marchent les roues marchent près d’eux et lorsqu’ils dressent leurs ailes pour se soulever de terre les roues les suivent (10, 15-16). Alors la gloire de YHWH sort de dessus le seuil du Temple, et se tient sur les chérubins (10, 17). Ils déploient leurs ailes et s’élèvent puis s’arrêtent à l’entrée de la porte du Temple à l’est, et la gloire divine plane sur eux sur les hauteurs (10, 19). Chacun possède quatre ailes, des formes de mains d’hommes sous leurs ailes (10, 21), et va vers la direction de sa face (10, 22). La description qu’en fait le prophète au chapitre 1, 7 y ajoute leurs pieds droits, et la plante de leurs pieds arrondie, qui étincèlent comme de l’airain poli. La peinture de leurs faces diffère qui comportent une face d’homme et de lion, une de taureau et une d’aigle (1, 10). Leur mission consiste essentiellement à porter le trône divin (1 Samuel 4, 4 ; 2 Samuel 22, 11). Ils gardent le paradis terrestre après que l’homme en eut été chassé (Genèse 3, 24). Parfois environné par ces êtres, dont font partie ces « fils de Dieu », Dieu préside, en qualité de souverain, leurs réunions, dont les objets diffèrent (Isaïe 6, 1 ; Psaume 29, 10 ; 1 Rois 22, 19). Le récit de Job 1, 6 met en scène les prémices de son si poignant destin : « Or un jour les fils de Dieu vinrent se présenter devant YHWH et le Satan, lui aussi, vint au milieu d’eux », la narration de Job 2, 2 mentionne les « fils de Dieu » se présentant devant YHWH et formant ainsi une assemblée, dont YHWH représente l’ultime autorité. Le personnage rappelle que : « Tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie » lors de la création (Job 38, 7). Cette réunion est mentionnée en Job 15, 8 qui porte le titre de : habesôd ’elôah, ou « conseil/assemblée/délibération de Dieu ». Le lieu : behar mô‘¥d, « Dans la montagne de la réunion/de l’alliance », la mentionne indirectement, qui fixe l’un des lieux de réunion où elle peut se tenir : « Au ciel, au-dessus des étoiles de YHWH » (Isaïe 14, 13). Le Psaume 29, 1, s’adresse aux fils de YHWH afin de le célébrer. Le Psaume 82, 1 mentionne une autre formule et rappelle : ’el¿him niṣṣb ba‘adat ’¥l, « Dieu a pris place dans l’assemblée divine », et le Psaume 89, 6. 8 cite encore : biqehal qed¿Îîm « l’assemblée des saints ». L’un des assistants d’une vision de Daniel évoque ceux qui la composent : « Les saints du Très-Haut » (Daniel 7, 18), « les saints de l’Être suprême » (Daniel 7, 25), « le peuple des

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saints du Très-Haut (Daniel 7, 27), et ce dernier texte affirme : « Son empire sera un empire éternel ». Une autre parmi ces visions cite : « Un saint » prenant la parole (Daniel 8, 13). La parole divine transmise par Jérémie questionne à propos des « faux prophètes », elle souligne leur méconnaissance : « Qui donc (parmi eux) a assisté au conseil de YHWH, de manière à voir, à entendre sa parole ? Qui a pu tendre l’oreille à ses discours et les recueillir ? » (Jérémie 23, 18). Ce verset semble indiquer la possibilité pour des prophètes de faire partie d’une sôd, ou « assemblée », présidée par YHWH, ce qui n’est pas le cas dans cet exemple et alors que ce terme est absent du texte. Amos (3, 7) confirme : « Ainsi le Seigneur Dieu n’accomplit rien qu’il n’ait révélé son dessein à ses serviteurs les prophètes ».

L’Adoption divine L’adoption est largement attestée dans les textes bibliques qui utilisent cette métaphore et les relations entre Dieu et son peuple mettent en lumière certains aspects de ce choix. Le concept de la paternité divine révèle diverses formules d’adoption232. En Exode 6, 7, Dieu affirme aux Hébreux : « Je vous prendrai pour moi comme peuple et je serai votre Dieu » et proclame : benî bek¿rî yiÐeUu¥l, « Israël est mon fils, mon aîné » (Exode 4, 22). Le Deutéronome 14, 1, place dans la bouche divine l’assertion suivante : « Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre Dieu. » La formule : lô letm … lek l¥ul¿hîm, « son peuple… ton Dieu » (Deutéronome 29, 12), se répète avec des nuances : lkem l¥ul¿hîm… lî letm, « votre divinité… mon peuple » (Lévitique 26, 12). Moïse questionne son peuple : « N’est-il pas ton père, ton créateur ? N’est-ce pas lui qui t’as fait ? » (Deutéronome 32, 6). Dieu promet : « Je veux te faire une place parmi mes enfants… Tu m’appelleras mon Père » (Jérémie 3, 19). Le prophète ajoute (Jérémie. 31, 8) : « Car je suis pour Israël un père, Éphraïm est mon premier-né. » La filiation établie par le texte prophétique se voit en outre dotée d’un héritage promis par Dieu et prend la forme d’un serment d’adoption233. L’adoption divine du souverain d’Israël révèle une phraséologie complémentaire. Ainsi, la prophétie de Nathan à David affirme (2 Samuel 7, 14) : uanî ueheyeh lô leub wehûu îheyeh lî leb¥n, « Je lui serai un père et lui me

232

H. NUTKOWICZ, Destins de femmes à Éléphantine, p. 198. Ces formulations expriment le double lien instauré entre Dieu et son peuple, celui de la paternité divine, et les engagements du peuple en termes de rectitude et de fidélité, L-J. BORD, « L’adoption dans la Bible et dans le droit cunéiforme », ZABR 3, 1997, pp. 174-194, spéc. p. 179. 233

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sera un fils »234, admise comme une formule divine d’adoption235. Puis, par trois fois dans les Psaumes, ce concept reparaît, se référant au souverain régnant236. L’affirmation ambivalente du Psaume 2, 7 : benî uath tanî hayyôm yelidetîk, « Tu es mon fils, c’est moi qui, aujourd’hui, t’ai engendré » réunit la formule de l’adoption et de la filiation conséquence de l’enfantement. La formule d’adoption : « Tu es mon fils »237, marque l’élection divine des trois premiers rois d’Israël. Le psalmiste (89, 20-30), reprend ce thème qui affirme : « Tu es mon père »238 et Dieu répond : « En retour, je ferai de lui mon premierné supérieur aux rois de la terre » (Psaume 89, 28).

L’Alliance D’ores et déjà concrétisée avant les événements du Sinaï, l’élection divine est attestée dans la relation avec Noé (Genèse 6, 18), Abraham (Genèse 17, 2-3. 13. 17), Isaac et Jacob (Deutéronome 4, 31 ; Lévitique 26, 42-45). L’alliance en est le juste corollaire mis en place afin de rappeler au peuple que 234

La traduction littérale de ce verset met en lumière la position privilégiée du souverain de la maison davidique considéré comme « un fils à » Dieu, tout comme Dieu est : comme « un père au » roi. Cette affirmation est reprise en 1 Chroniques 17, 13 et 28, 6, et réitère la même prophétie. Le texte souligne l’humanité du roi, qui deviendra le fils de Dieu en raison de son appartenance à la lignée davidique (2 Samuel 7, 8), M. WEINFELD, « The Covenant of Grant in the Old Testament and in the Ancient Near East », JAOS 90/1, 1970, pp. 184-203, spéc. pp. 190 sqq. En dépit de son interprétation incertaine, le Psaume 110, 3 peut être considéré en termes de royauté divine. Le roi est adopté ou mis au monde par Dieu, devient son fils, recevant ainsi ce statut spécial et le pouvoir de quelqu’un proche de la divinité, avec la capacité de représenter son peuple devant Dieu. Ainsi, il est source de force et de bénédiction pour son peuple. Cette explication est confirmée par Job 38, 28 s., où Dieu est impliqué dans les phénomènes naturels au nom de sa paternité, G.A. COOKE, « The Israelite King as a Son of God », ZAW 73, 1961, pp. 202-225, spéc. p. 211. 235 J. C. GREENFIELD, « Aramaic Studies and the Bible », dans J.A. Emerton éd., Congress volume, Vienne, 1980, Leyde, Brill, 1981, pp. 110-130, p. 123, assure à raison qu’il s’agit de la véritable formule d’adoption et de mariage. 236 $5JOHNSON, « Aspects of the Use of the Term pānim in the Old Testament », pp. 133 sqq. 237 S. MOWINCKEL, He that Cometh, New York, Abingdon Press, 1956, p. 78 et W. OESTERLEY, The Psalms, Translated with Text Critical and Exegetical Notes, p. 122. 238 La dénomination du souverain comme « premier-né » est parallèle à celle que porte le peuple en Exode 4, 22-23 et Jérémie 31, 9. Aussi, l’emploi de cette expression souligne-t-il la même nature de préférence pour le roi de la maison davidique (Psaume 89, 20).

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Dieu a choisi et adopté, ses conséquences à prendre en considération à tout moment. Elle sera renouvelée par trois fois, l’une au Mont Horeb, l’autre dans les plaines de Moab (Deutéronome 28, 69), la troisième au Mont Garizim (Deutéronome 27, 26). La première, suivie par l’épisode du veau d’or quarante jours après sa conclusion, doit être reproduite afin de devenir définitive. Au Mont Horeb, YHWH contracte ou « coupe une alliance » avec son peuple (Deutéronome 5, 1), et l’expression : krat berît, « couper une alliance » évoque aussi les victimes sacrifiées en la contractant. La troisième alliance complète la responsabilité collective des enfants d’Israël pour ce qui concerne leur fidélité à YHWH. Moïse envoie les jeunes gens d’Israël offrir des : Îelmîm « sacrifices zeb­îm rémunératoires/d’achèvement/d’accomplissement » (Exode 24, 5), scellant la relation de l’alliance239. Lorsqu’elle est conclue, Moïse prend la moitié du sang des holocaustes, le verse dans des bassins, en asperge le peuple et répand l’autre moitié sur l’autel afin de la sceller, qui prononce ces paroles : « Ceci est le sang de l’alliance que YHWH a conclue avec vous touchant toutes ces paroles » (Exode 24, 8). En outre, ce lien sacré est affirmé par la parole divine : « Je serai ton Dieu » et la réponse d’Israël : « Nous serons ton peuple » (Exode 6, 7 ; Lévitique 26, 12 ; Jérémie 30, 22 ; 31, 1). L’alliance se noue tant par un serment que par un rite sacrificiel, tel que le dépeignent les textes de Genèse 15, 17-21 et de Jérémie 34, 18-20, alors qu’un veau ou un taureau est coupé en deux morceaux et que le peuple passe entre ces deux parties. Si l’une des parties manque à sa parole, elle subira le destin de l’animal sacrifié, témoignant d’une obligation mutuelle particulièrement prégnante240. Le symbolisme de ces gestes souligne une alliance se situant sous le signe du sang, expression de la force vitale et également métaphore de la purification. Elle exige le dévouement absolu et le don de la vie à Dieu, si nécessaire. Aussi, tout Israélite entre-t-il dans cette alliance par le sang de la circoncision, expression de la force vitale (Lévitique 17, 11), et du don de la vie. Telle, Séphora épouse de Moïse, consciente brutalement du danger pour celui-ci de n’avoir pas respecté les termes de l’alliance, se saisit d’un caillou et retranche l’excroissance de son fils puis : « la pose à ses pieds » (Exode 4, 25). Le texte emploie à nouveau le verbe « couper », krat, et non le terme mûl, « circoncire », car le premier renvoie à la relation d’alliance évoquée plus haut. Elle célèbre ce rite qu’elle aurait cependant dû exercer sur Moïse, ce qui aurait rendu impossible son voyage. Aussi, afin d’en transférer l’effet, prononce-t-elle cette formule : « Est-ce donc par le sang que tu es uni à moi ? », puis ajoute : « Oui, tu m’es uni par le sang » (Exode 4, 25-26). Son 239

J.I. DURHAM, Exodus, p. 339 note 5a, p. 343. J.R. LUNDBOM, « Deuteronomy 5 », Deuteronomy, A Commentary, Grand Rapids, Eerdmans 2013.

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acte est un geste de transfert du père sur le fils et un acte salvateur241. En complément, YHWH rappelle à Moïse l’alliance conclue avec les patriarches et la promesse du don de la terre de Canaan (Exode 6, 4). Dans le même temps, ce geste peut créer et/ou confirmer une relation particulière avec YHWH (Genèse 17, 10-14). Lien du sang et de la vie, ce signe tant concret que symbolique s’inscrit comme mémoire du lien corporel et spirituel entre Dieu et son peuple et réciproquement. Après avoir rapporté les paroles divines puis toutes les lois acceptées par le peuple (Exode 24, 3), Moïse les met par écrit. Ce pacte est inscrit sur le : s¥per haberît, « livre de l’alliance », dont Moïse fait la lecture au peuple, lequel promet : « Tout ce qu’a prononcé YHWH nous l’exécuteront et nous l’écouteront » (Exode 24, 7). Cette alliance du Mont Horeb se colore d’une obligation mutuelle, laquelle n’est cependant pas le signe d’une relation égale242. YHWH transmets son accord et Israël doit faire de même ou bien l’alliance se brise243. Diverses attestations de cette prescription sont inscrites dans les textes. Dieu exige d’Abram d’être irréprochable et lui fait cette promesse de maintenir son alliance (Genèse 17, 2). Puis, il la complète par l’engagement suivant : « Cette alliance établie entre moi et entre toi et ta postérité…, je l’érigerai en alliance perpétuelle » (Genèse 17, 7). Outre cette requête éthique, il exige une fidélité à toute épreuve à travers les âges (Genèse 17, 9). Par un avertissement solennel, YHWH annonce la trahison de son peuple qui, vivant dans l’abondance, rompra l’alliance en s’adressant à des dieux étrangers et en les servant, aussi exige-t-il de Josué d’être fort et courageux (Deutéronome 3, 20). Concluant une liste de malédictions, le Lévitique 26, 42, rapporte l’engagement divin, à la condition du retour et de l’expiation de son peuple : « Et, je me ressouviendrai de mon alliance avec Jacob, mon alliance aussi avec Isaac, mon alliance aussi avec Abraham, je m’en souviendrai, et la terre aussi, je m’en souviendrai ». Le Dieu confirme la promesse de secourir son peuple en exil et lui redonner les moyens d’une existence en rendant à la terre sa fertilité. Le rattachement de cette déclaration aux engagements passés, démontre, s’il était nécessaire, la fidélité de YHWH et la puissance de ses promesses renouvelées, qui relie ses alliances aux patriarches, Abraham 241

T.B. DOZEMAN, Exodus, Grand Rapids, Eerdmans, 2009, p. 141, souligne le rôle salvateur des femmes dans les premiers chapitres d’Exode où les sages-femmes sauvent les premiers-nés, de même que celui de la mère et de la sœur de Moïse et, celui de la fille du pharaon. 242 TH.C. VRIEZEN, An Outline of Old Testament Theology, Oxford, Blackwell, 1970, pp. 168 sqq. 243 J.R. LUNDBOM, Deuteronomy, A Commentary, p. 63.

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(Genèse 15), Isaac (Genèse 26, 24), et Jacob (Genèse 35, 9-15). Le verset de Lévitique 26, 44 n’omet pas de témoigner : « Je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre mon alliance avec eux ». L’alliance n’est jamais désagrégée, elle peut être maltraitée, mais en aucun cas oubliée ou abandonnée. Le verset 46 confirme cette assurance du souvenir divin, rappelant le « pacte des aïeux » : « De ceux que j’ai fait sortir du pays d’ngypte à la vue des peuples pour être leur Dieu ». Parmi d’autres promesses, une alliance nouvelle entre Dieu, la maison d’Israël et la maison de Juda, est révélée par Jérémie (31, 31). YHWH précise qu’elle sera différente de celle conclue avec leurs pères : « Alliance qu’ils ont rompue, eux, alors que je les avais étroitement unis à moi » reproche le Dieu qui n’abandonne jamais son peuple. Ainsi, cette fois prévient-il : « Je ferai pénétrer ma loi en eux, c’est dans leur cœur que je l’inscrirai : je serai leur Dieu et ils seront mon peuple ». Ézéchiel évoque la parole divine qui s’engage à contracter : « Une alliance de paix » (34, 25), et à faire disparaître les animaux sauvages, qui présuppose une alliance ne pouvant être brisée, et un lien entre YHWH et Israël qui ne peut être troublé ou gâché par la colère et/ou le jugement céleste. Cette alliance de paix accordée par Dieu, se veut éternelle (Ézéchiel 37, 26), à la stricte condition d’une obéissance totale à ses exigences morales et éthiques. Signe de dépendance absolue, l’alliance est aussi celui d’une parfaite communion entre Dieu et le peuple, de même que l’acceptation de l’ensemble de ses lois et décrets.

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UN DIEU CLEMENT Paradigme de la clémence divine, le récit de Babel est inscrit entre des listes de généalogies. Les hommes de cette cité permettront peut-être d’esquisser un renouveau après la disparition liée au déluge. La présence d’une nouvelle liste de générations révèle la chance offerte par le Dieu, d’aller vers une renaissance et s’enraciner dans l’histoire avec le discernement nécessaire. Ces généalogies sont introduites par le terme : Îem, au sens de « nom », lié à la mémoire. Le verbe : nÎam, relié à cette racine confirme cette réalité qui signifie : « souffler, respirer » ou serait le niphal de šāmam, « je détruirai », annonciateur des événements à venir et de l’intervention divine. Ainsi, le texte invite à percevoir le rôle des deux listes rétablissant en quelque sorte l’équilibre, puisqu’elles ont pour vocation d’apporter un souffle, une respiration après et avant un événement, de renforcer la mémoire et d’accorder l’éternité. Dans le même temps, l’annonce est faite de ce qui se produira pour la tour de Babel entre deux listes, et le désir de se faire une renommée n’a plus de raison d’être qui va disparaître. La liberté serait alors au bout du chemin. Récit de l’intervention divine afin de détruire une œuvre construite par les hommes, le texte de Genèse 11, 1-7, met en scène une situation inédite où, en apparence d’un commun accord, ils décident la construction d’une ville et d’une tour. Quels événements se sont-ils produits et quelles conséquences pouvaient donc provoquer ces choix humains ? Quel sens leur donner ? Quelles raisons ont-elles poussé Dieu à réagir de la sorte devant leur projet ? Pourquoi ce récit, métaphore subtile des dangers encourus à vouloir s’ancrer dans un tel enfermement ? Le texte s’ouvre sur l’affirmation suivante : kol h’reṣ śph ’­t ûdebrim ’a­dym, « Toute la terre avait une même langue/lèvre et des paroles/actes semblables (qui ne font qu’un) » (Genèse 11, 1). L’explication de ce verset se niche dans le champ sémantique des trois termes : langue, une/unique et paroles. Le premier : śph, porte outre le sens de langue et de lèvre, celui de limite et de bord, signifiant en quelque sorte que cette langue partagée porte en soi une barrière, une frontière, une borne, intensifiant la notion d’enfermement. Le second terme : ’­d, évoque le nombre un, le premier, le seul, l’unique, l’immuable et l’unanime. Et le verbe issu de cette racine décrit le fait de s’unir et/ou de s’associer. La suite de l’éclaircissement de ce verset trouve ensuite sa source dans le terme : debrim, puisque, outre son sens de : « paroles et/ou actes », il annonce par sa polysémie les significations de : « rien et peste ». Ainsi l’unique, le semblable (le un) portet-il en soi une maladie mortelle : l’épidémie de peste et ses conséquences tant concrètes que métaphoriques, la destruction des êtres humains les menant vers le rien. L’ouverture du chapitre 11, 1 comporte d’ores et déjà son dénouement dissimulé dans le champ sémantique des termes usités.

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Dès Genèse 11, 2, la narration relate l’aventure des hommes de Babel. Venus de l’Orient, ils découvrent une vallée dans le pays de Sinear, près de Babylone, et s’y installent (Genèse 11, 2). L’emploi du verbe : nsa‘, « émigrer », porte en soi une première explication du choix en question de cette migration, qui signifie : « arracher/démonter/partir/marcher/s’avancer ». Il signifie encore : « déraciner » et « faire errer ». Les personnages de ce récit ne sont pas simplement venus d’Orient, ils sont partis après une expérience d’arrachement et d’exil. Aussi, ce verset exprime-t-il subtilement l’inquiétude et la peur de revivre une situation parallèle qui provoque une décision dont l’objet est d’apporter une sorte de stabilité. Il évoque un besoin d’équilibre et le désir qu’après l’errance vienne le repos afin de ne plus être l’étranger mais demeurer enfin chez soi. L’expérience de l’exil est en effet considérée comme une épreuve par le peuple avec l’inquiétude devant l’inconnu en arrière-fond, l’angoisse de devoir à nouveau voyager au risque de s’égarer, découvrir le lieu d’une nouvelle installation et devoir la concrétiser. Conséquence d’une perte et d’une expérience de la violence et de la destruction, le peuple projette cette même représentation qu’il porte douloureusement. Aussi, de toutes ses forces possibles désire-t-il ne plus la revivre, ne plus porter dans sa conscience cette mémoire de souffrance et s’installer dans le présent et le futur. La dispersion, conséquence de cet exil, équivaut à la perte sociale et porte le risque de sa propre perte. Expérience de la fin, de la mort et de la douleur, l’exil extérieur et intérieur porte cependant en soi les germes d’un renouveau tant social que personnel que le peuple ne perçoit pas, car il reste soumis à l’empreinte de la douleur immédiate et le sentiment de se rendre vers un inconnu, un in-fini. Car il ne s’agit pas d’une aventure où le retour est toujours possible. Ici, il n’est plus permis de se retourner. Le temps mythique est révolu, l’histoire apparaît. Mais comment deviner le plan divin à cet instant ? Et, qui ne craint le futur ? Le terme figurant à la fin de ce second verset afin d’annoncer l’installation et le choix de ce lieu de résidence est le suivant : bô’, qui signifie : « aller/entrer/venir/arriver/survenir/surprendre/s’accomplir ». La signification dernière « accomplir » ajoute probablement à leur certitude d’avoir enfin trouvé le lieu où s’installer pour une longue durée et réaliser le projet qu’ils vont ensuite évoquer puis décider de concrétiser. Le terme Babel n’est pas encore apparu dans le texte qui nomme le pays : Sinear. La suite du récit ajoute : « Ils se dirent l’un à l’autre : Allons, préparons des briques et cuisons-les au feu, et la brique leur tint lieu de pierre, et le bitume de mortier » (Genèse 11, 3). Cette phrase, en apparence anodine, expose la technique de construction employée en Mésopotamie. Le niveau de communication s’arrête à un niveau premier, jouant le rôle d’une simple information. Après cette phrase rapide, le verset suivant introduit l’un des

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points cruciaux du récit et confirme le discours de décision : « Ils dirent : « Allons, bâtissons-nous une ville, et une tour dont le sommet atteigne le ciel », puis ajoute une double explication qui paraît mystérieuse : « Faisonsnous un nom pour ne pas nous disperser sur toute la face de la terre » (Genèse 11, 4). Ainsi, sans transition, le récit plonge le lecteur dans ce projet qui semble insensé et une double explication qui ne paraît guère plus logique. En effet, si décider de bâtir une cité peut paraître une intention louable, les caractéristiques de cette ville et de cette tour dont le sommet doit atteindre le ciel se transforment en un dessein incongru. Quand bien même ces hommes bénéficieraient du savoir-faire, vers quoi ce projet les mènerait-ils ? Dépasser les limites usuelles peut sembler un mobile positif puisqu’apporter un progrès à l’humanité ne saurait être contesté. Mais, en l’occurrence l’intention de ces hommes de Babel semble s’inscrire dans une forme d’inconséquence et peutêtre même d’inconscience. La justification manifeste apportée à ce bizarre projet mérite réflexion. Elle se scinde en deux parties, la première prévoit : wena‘aśeh lnû Î¥m, « faisons (pour) nous un nom » (Genèse 11, 4). Cette première raison avancée afin d’expliquer cette décision consiste à « se faire un nom » et relier la construction gigantesque à ce concept. Ce mot signifie également : « renom/réputation/gloire », qui déploie plus en profondeur l’espoir suscité par l’idée de les ériger. Décider de construire cette ville et sa tour se relie à un désir sous-jacent de renom, faiblesse humaine s’il en est mais qu’il ne paraît pas nécessaire de qualifier de péché cependant. Il peut sembler arrogant de construire une ville pour ce simple motif, qui en outre ne peut que s’appliquer collectivement, l’individu n’étant pas pris en compte par cette affirmation. Cette recherche de reconnaissance et de notoriété paraît décalée d’avec le réel puisque cette sorte de projet ne devrait pas avoir pour objet premier la célébrité mais un bien-être apporté aux hommes. À cette explication s’ajoute une notion toujours prégnante dans l’ancien Israël. En effet, le terme : Î¥m, signifie encore souvenir, et porte le désir de mémoire, de durée dans le temps. Il s’agit de construire afin, peutêtre, d’atteindre le royaume divin mais aussi de laisser une trace dans les mémoires, rejoignant une préoccupation bien connue du monde israélite, puisque le verbe : bnah, « construire », évoque aussi la construction d’une famille. L’ensemble de ces réalités rejoignent le souci de transmission du nom, la mémoire et les biens et dans le cadre des générations244 en espérer les attentions dues à l’hiver de la vie. En apparence, conséquence d’une forme de démesure et également d’un manque de réflexion certains, cette construction témoigne bien plus qu’un désir de perdurer, peut-être celui de se vouloir proches du Dieu et non 244

H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort, pp. 301 sqq. R. DADOUN, « A Babel qu’en fut-il ? », Corps écrit 8, 1983, pp. 5-8.

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à l’égal du Dieu, ne réalisant aucunement cette inanité, puisque le ciel n’est pas le domaine transmis par la volonté divine. Ainsi, puisque les hommes ne respectent pas la règle de leur territoire, Dieu se voit interpellé par la mise en œuvre de leur réalisation. Dans ce rassemblement et cette concentration d’efforts collectifs, les hommes se lancent un défi. À ce moment, l’attention du Dieu est attirée, qui descend sur terre et le verset 5 explicite : « Pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils de l’homme » (Genèse 11, 5). Il constate, se parlant à luimême : « Voici, ils sont un seul peuple et ont tous la même langue. Voici ce qu’ils ont pu commencer par faire, et maintenant ne se dressera-t-il devant eux un obstacle à ce qu’ils projettent d’entreprendre ? » (Genèse 11, 6). Le texte emploie le verbe : bṣar, signifiant : « être inaccessible/être impossible » et également : « couper/abattre ». Aussi, Dieu reconnaît-il à l’espèce humaine une capacité à réaliser ses projets destructeurs comme le dévoile ce terme, mais seul, il sait que là n’est pas le bon choix. Puis, il décide toujours dans la suite de ce monologue : « Allons, descendons ! Et ici même, confondons leur langue de sorte que l’un n’entente pas la langue de l’autre » (Genèse 11, 7). Le narrateur conclut alors : « Dieu les dispersa de ce lieu sur toute la face de la terre et les hommes renoncèrent à bâtir la ville. C’est pourquoi on la nomma Babel, « confusion », parce que là Dieu confondit la langue de toute la terre, et de là Dieu les « dispersa/dissémina » sur toute la face de la terre » (Genèse 8-9). Le nom de cette cité renvoie au chaos. Et ce dernier verbe : npaṣ, signifie également « briser/écraser », qui porte en sa polysémie le concept de destruction de la cité et le reflet du choix de l’acte divin. Les hommes sont sur le point d’atteindre à l’inaccessible qu’est Dieu, dans un désir de rapprochement. Ils fonctionnent dans un système de pensée qui situe ainsi le « centre du monde » dans un espace géographique sacré et mystique, lien entre terre et ciel. Cette géographie sacrée de la tour de Babel entre en correspondance avec l’espace profane et réel, la terre et le ciel, les hommes et le Dieu. La matérialisation de la tour est censée autoriser, en apparence, la communication entre les niveaux cosmiques, du ciel et de la terre, menant au sacré. Centre symbolique choisi, et point d’intersection de ces espaces que sont le ciel et la terre, le projet de la tour de Babel souligne l’oubli humain. Dieu a octroyé la terre aux hommes afin qu’ils y croissent et s’y multiplient tandis qu’il a conservé le ciel comme son espace. L’homme n’a pas été invité à s’y rendre, et ne prenant pas en compte les limites imposées lors de la création, construit cette tour peut-être en raison d’un sentiment grégaire. Cette situation n’est pas assimilée à un péché et l’intervention divine n’est pas un châtiment. De fait, Dieu visite les hommes afin de les remettre sur le bon chemin et point n’est besoin d’une construction caricaturale.

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L’homme choisit ici l’espace du sacré, mais ce droit appartient à Dieu. Il ne saurait admettre un tel manque de limites, qui peut occuper tout l’espace et se rendre vers l’humain sans passer par un tel chemin, car il ne désire pas que l’humain décide de leurs relations. Aussi, provoque-t-il une rupture et détruit-t-il l’ensemble de ces constructions, faisant exploser la langue sacrée, et sauvant l’humanité qui ne pouvait que disparaître dans le semblable imposé à tous, lui apportant ainsi la vie et tout ce qu’elle comporte. Ce système n’est pas conforme à l’attente divine plus exigeante, qui fonctionne dans une pensée plus complexe et symbolique. Après l’intervention divine et pour ce faire, le peuple d’Israël mettra au jour des solutions pour la conservation de la mémoire et du souvenir, autrement efficaces que sont les généalogies et les générations, la transmission du nom et des biens patrimoniaux, cumulant des qualités tangibles et abstraites. En outre, le terme : śph ou « langue », évoque, comme précisé plus haut, la notion de bord et de limite. Dieu par son intervention fait exploser le bord, la/les limites, de ceux qui s’étaient enfermés dans leur langue, leur vision et leur pensée unique. Son aide paraît vitale, qui autorise l’humain à s’ouvrir à la pensée critique et différente. Les confins s’ouvrent sur la nécessité de l’écoute de la langue de l’autre, de ses conceptions et de ses différences. L’espace-temps et l’espace géographique définis par l’humain restaient étroits, Dieu leur a, à nouveau, ouvert l’espace de « toute la terre », il leur a offert une grandeur méconnue et une ouverture qu’ils ne pouvaient imaginer. Les hommes de Babel, avaient peur d’être dispersés sur toute la terre, mais se voient néanmoins disséminés sur « toute la face de la terre », et le texte reprend en écho cette expression. Tout ce qu’ils ont voulu éviter se réalise par la volonté divine qui sait mieux qu’eux ce qui est bon. Ils auront à affronter un monde inconnu, situation qui induit toujours la peur, et commence par la confusion des langues et l’incompréhension de l’autre dont la langue diffère. L’expérience vécue à Babel doit les mener vers une réflexion qui propose de leur faire saisir quelle est leur place dans la cosmogonie et quelle est celle du Dieu, leur démontrant leur défaut de réflexion et l’erreur qui en est résultée. Ils auront ainsi et aussi à braver l’effort de la création dédiée à l’humain, créer et recréer des langues et des espaces nouveaux de communication. Brisant les frontières, ils ont été autorisés et même poussés vers les langues et les pensées multiples, la liberté, la responsabilité et à la créativité. L’ultime simplification idéalisée qui semblait tant leur paraître la meilleure issue et les séduisait, les enfermait, Dieu les a menés sur le chemin de la progression de la pensée intellectuelle et symbolique, et de ses expressions. Ceux qui avaient délimités leur territoire se sont élancés dans l’aventure de la vie et de la connaissance du monde. Ils s’étaient emmurés sur eux-mêmes, et enferrés dans le piège construit par leurs soins et leur impossibilité à évoluer

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hors du champ choisi dans une pseudo-perfection mortifère, celle de la pensée et la langue unique. La création divine en Genèse 1 et 2 s’opère, entre autres, par la parole instrument de la langue divine. En outre, le passage du Dieu caché au Dieu créateur agissant, met au jour son plan de l’univers que les humains ne peuvent saisir. Cette langue une, transmise par Dieu à l’espèce humaine, est restée pénétrée du divin. Se surajoute à cette conception l’idée selon laquelle : « l’essence de l’univers est langage »245, intensifiant la centralité de ce thème et de cette réalité. L’exemple du verset de Genèse 2, 7, que propose Onkelos dans sa traduction de la Bible en araméen, souligne et éclaire d’autant la primauté de la langue et de la parole. La traduction de ce verset est la suivante : « L’homme devint une âme vivante », Onkelos l’interprète ainsi : « L’homme devint un esprit doté de parole/un esprit parlant », où la parole serait l’essence de l’âme de l’homme246. Dans le même temps, il est à rappeler la dimension symbolique et secrète de ce langage sacré, qui tend à se rendre vers la communication d’un « incommunicable dépourvu d’expression »247. À Babel, cette langue, qui est « une », jusque son éclatement en « étincelles formant les langues des peuples »248, devient multiple. Afin de mieux saisir la divine décision de l’explosion des langues, le rôle de la langue de la révélation, ou langue sacrée liée à un monde d’énergies, qui s’oppose au monde profane249 est à évoquer. Langue d’avant Babel, unique, l’hébreu est la langue de l’embryon de l’humanité en gestation250, au plan symbolique. Le peuple hébreu, dispersé ou non, reste rattaché à la langue divine et le destin de la langue hébraïque reste celui de l’identité juive et de son histoire, puisque le lieu de l’hébreu est celui du passage, tout comme sa structure251. En effet, l’hébreu, ’ivrit, dont la racine : ‘bar, évoque le passage et le fait de traverser, mais aussi celui de dépasser contient en germe sa propre transformation. Il s’inscrit comme une réalité mouvante. Parler l’hébreu originel permet d’accéder à son sens profond et tout particulièrement celui du passage, relié à

245

G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu, p. 57. Rabbi HAYYIM de VOLOZHYN, L’âme de la vie, Nefesh hahayyom, Paris, Verdier, 1986, p. 105. 247 G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu, p. 56, p. 64, rappelle que la combinaison des lettres de la langue hébraïque prise comme langue originelle, puisque langue de la création divine, mène ainsi vers la langue de la révélation. 248 A. de SOUZENELLE, Le symbolisme du corps humain, Paris, Dangles, 2009, p. 29. 249 R. CAILLOIS, L’homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1993, pp. 44-45. 250 S. TRIGANO, Le récit de la disparue, Essai sur l’identité Juive, Paris, Folio Essais, Gallimard, 1977, p. 311. 251 S. TRIGANO, Ibid., p. 318. 246

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l’expérience de Babel mais également des autres traversées252, telle celle du Sinaï. Or, l’ensemble de l’espèce humaine fait partie du plan divin, complexe et différencié, et la construction de cette ville et de sa tour ne prend pas sens dans cet espace, aussi la disparition de l’inutile se confirme-t-elle comme nécessaire. Dans le même temps, Dieu permet de créer la différence et ses richesses, écartant les dangers et les maux pour l’humanité que sont l’uniformisation de la langue, de la parole et de la pensée, introduisant la diversité. Cette destruction qui met en place la confusion doit mener vers d’autres constructions : si Dieu ne détruisait pas Babel, l’unicité détruirait l’homme. Le récit s’ouvre sur une plus vaste perspective. Et, la signification la plus évidente de cette parabole s’inscrit dans l’espace symbolique et éminemment politique de tous temps. Le mythe débouche sur le réel afin de l’expliquer. Certaines des spécificités de la langue unique, de mêmes que leurs conséquences tant métaphoriques que concrètes et politiques doivent être exposées afin d’expliciter cette approche vers le monde d’aujourd’hui. Expression de soi, tant de la conscience que du sur-moi, la langue et le langage sont dédiés au partage : le dialogue en est le produit. Ils expriment la participation, permettent le discours où « dans lequel l’un guide et l’autre est guidé », permettant ainsi la prise de pouvoir sur l’autre et son abus. Chacun des deux interlocuteurs peut, outre le fait de chercher à défendre ses idées, souhaiter anéantir celles de son adversaire253. Le danger émerge, il est soustendu dans la narration de Babel. Objet de la prise de pouvoir sur l’autre et les autres, la langue comme expression de paroles et d’actes identiques transforme les individus en robots, qui agissent de manière identique et s’expriment à l’identique. La disparition de la pensée tant critique que personnelle en est la première conséquence. Et cette réalité mène à une forme de dictature de la pensée et de l’action, où l’humain ne pense même plus, où il est régi par un pouvoir extérieur, qui décide pour son « bien ». Les « esprits les plus délicats succombent devant les plus grossiers »254, et la violence tant mentale que matérielle et physique, sorte de situation monstrueuse qui mène vers le silence est également une perte de la langue et de son usage. Le partage des mêmes actes, des mêmes pensées et des mêmes paroles n’apporte que destruction. Instrument de pouvoir, récupérée par des tyrans lors des périodes violentes et troubles, la langue commune mène vers la corruption et l’altération des consciences, la solitude, l’ignorance et l’impuissance. La parole en lien avec les circonstances et les évènements 252

S. TRIGANO, Ibid., pp. 314-315. L. LAVELLE, La parole et l’écriture, p. 123. 254 L. LAVELLE, Ibid., p. 124. 253

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« risque de s’avilir lorsqu’elle est destinée à transmettre seulement des nouvelles, à produire un mouvement d’opinion »255. Elle appauvrit en s’appauvrissant, réduit la pensée et l’analyse, se corrompt et perd de son sens et de ses significations. Des discours en apparence corrects peuvent alors ne référer à rien ou à des réalités brutales256. Car la domination « d’une langue existante mène à l’impérialisme qui en est la suite ordinaire »257. Le danger que les hommes ne pressentent pas est perçu immédiatement par le Dieu dans le récit de Babel, qui sauve encore une fois sa création qu’est l’humanité. Par l’usage d’un seul et même mot : debārîm, sont affirmées les conséquences dramatiques d’un unique langage et des mêmes actes, l’arrivée vers le rien, le vide, le néant ou le monde de l’illusion car le dvr, est constitué à la fois du vide et de la matière258. L’univers se ferme, il a perdu toute lumière. Aussi, quand bien même les hommes redoutent-ils la dispersion dont ils ont déjà l’expérience, cette obligation vers laquelle Dieu les mène est la solution qui permet leur sauvegarde, leur renaissance et leur renouveau. Cette réflexion s’applique tout autant à l’homme d’aujourd’hui et souligne la modernité du texte et du motif développé. L’effort exigé afin de construire d’autres réalités, d’autres langues, ouvre leur univers, leur permettant d’échapper aux ravages des extrêmes et les menant vers la pensée créatrice, l’acte créateur et le vecteur d’une nouvelle langue, enfin l’apprentissage si malaisé de la liberté.

DE LA DEMOCRATIE A LA ROYAUTE : L’ACCEPTATION DU DIEU ! Tandis qu’Israël « n’avait point de roi » (Juges 18, 1), Samuel vieillissait et ses fils installés à Beersheba, et auxquels il avait confié le gouvernement d’Israël, ne suivaient point ses traces, rapporte la chronique (1 Samuel 8, 1-3). Aussi, les anciens se réunissent-ils, puis se rendent à Rama auprès du prophète. Ils réclament : « Donne-nous un roi pour nous gouverner, comme en ont tous les peuples » (1 Samuel 8, 5). Cette exigence déplaît à Samuel, qui s’adresse à Dieu. L’irruption, dans cet espace politique des Juges où règne une forme de démocratie, du concept de monarchie, ne manque pas de l’irriter. Mais le Dieu dit à Samuel : « Cède à la voix de ce peuple, fais ce qu’ils te disent : ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi-même dont ils ne veulent plus pour roi… Cède donc à leur voix, non toutefois sans les avertir, et leur exposer les procédés du roi qui les gouvernera » (1 Samuel 8, 7-9). 255

L. LAVELLE, Ibid., p. 42. P. BOURDIEU, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Points, 1991, p. 65. L’auteur souligne combien les capacités génératives de la langue sans limites peuvent produire le rien. 257 C. HAGÈGE, Halte à la mort des langues, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 19. 258 S. TRIGANO, Le récit de la disparue, p. 310. 256

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Dieu par la bouche de Samuel informe le peuple des navrantes conséquences de cette exigence, mais sa sagesse reste vaine et le peuple sourd aux épreuves qui l’attendent à la suite de cette revendication et de sa concrétisation. Israël doté d’un système politique qui exige peu et donne beaucoup259 se laisse influencer par les modèles transmis par les peuples voisins, n’acceptant pas d’en percevoir les lourds inconvénients. Samuel les présente en un raccourci saisissant : « Voici comment procédera le roi que vous voulez avoir : vos fils, il les prendra pour les employer à ses chars, à sa cavalerie, les fera courir devant son char ; en fera des officiers de mille, des officiers de cinquante ; les forcera de labourer, de moissonner pour lui, de fabriquer ses armes et l’attirail de ses voitures. Vos filles, il les exploitera pour la préparation des parfums, pour sa cuisine et pour son pain. Les meilleurs de vos champs, de vos vignobles et de vos plants d’olivier, il les prendra pour les donner à ses serviteurs. Il lèvera la dîme de vos grains et de vos vignes, pour la donner à ses courtisans et à ses serviteurs. Vos serviteurs à vous et vos servantes, et l’élite de vos jeunes gens, et vos ânes, il les prendra pour les employer à ses travaux. Il prélèvera la dîme de votre menu bétail, et vous-mêmes deviendrez ses serviteurs. Vous vous lamenterez alors à cause de ce roi que vous avez désiré ; mais Dieu ne vous exaucera point ce jour-là » (1 Samuel 8, 11-18). En dépit de cette évocation déroutante et dramatique du destin qui l’attend, le peuple n’écoute pas ces sages paroles et répète : « Non, il nous faut un roi ! Nous voulons être comme les autres peuples, nous aussi ; et notre roi nous jugera, et il marchera à notre tête et il combattra avec nous ! » (1 Samuel 8, 19-20). Dieu accepte et recommande à Samuel : « Défère à leur demande, et donne-leur un roi » (1Samuel 8, 22). Commence alors la période dite des Rois. Dieu prépare avec soin la venue de ce nouveau personnage qu’est le monarque, qui transformera radicalement le monde israélite. Tout commence avec un récit énigmatique, un personnage nommé Kish de la tribu de Benjamin et ses ancêtres jusque la quatrième génération y sont présentés. À ce moment, apparaît dans le récit son fils Saül « jeune et Ówb, que nul enfant en Israël ne surpassait en beauté, et qui dépassait de l’épaule tout le reste du peuple » (1 Samuel 9, 2). Le terme Ówb signale par sa valeur sémantique : la beauté, la grandeur et la bonté. Dieu a élu Les familles regroupées en clan ou miÎpāḥāh constituent l’unité socio-économique de base dans l’Israël pré-monarchique. Les engagements militaires sont de nature défensive plutôt qu’offensive, et l’absence d’une véritable armée doit être compensée par des guerriers fournis par les unités claniques. Les femmes ont pu avoir la possibilité de mener des guerres et Déborah en semble le paradigme (Juges 4), G.A. Yee, « By the Hand of a Woman : The Metaphor of the Woman Warrior in Judges 4 », Semeia 61, 1993, pp. 99-130, spéc. 110 sqq. 259

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Saül en raison en raison de ses qualités, de sa personnalité et de son imposante présence ; aucun autre fils d’Israël ne possède ses qualités (1 Samuel 9, 1). Le récit qui suit cette présentation semble selon l’apparence n’avoir pas de lien avec l’instauration de la royauté, qui se découvre plus tard. Parti à la recherche des ânesses égarées de son père, Kish, Saül est sur le point de renoncer. Néanmoins, parvenus au pays de iouf, son serviteur propose de se rendre chez l’homme de Dieu de la cité, espérant un avis sur la voie à suivre afin de les retrouver (1 Samuel 9, 6-7) : « Venez, allons trouver le voyant ». Saül répond : « Tu as bien parlé ; viens donc, allons ». Cette suggestion lève à peine le voile sur la rencontre à venir entre le dernier des Juges et ce jeune homme parti à la recherche d’ânesses et trouvant un royaume260. Nos deux « enquêteurs » s’enquièrent de Samuel dont ils apprennent qu’il est d’ores et déjà en ville, aussi doivent-ils se hâter. En effet, le peuple doit procéder à un sacrifice et le Juge bénir le festin. Saül et son serviteur l’aperçoivent à la porte de la cité (1 Samuel 9, 10-13). Samuel sait que le premier deviendra le premier souverain d’Israël (1 Samuel 9, 14), car un jour avant l’arrivée de Saül, Dieu lui a confié en confidence et exigé : « Demain, à pareille heure, je ferai venir à toi un homme du pays de Benjamin, et tu l’oindras comme chef de mon peuple Israël, et il délivrera mon peuple de la puissance des Philistins ; car j’ai jeté un regard sur mon peuple, et sa plainte est venue jusqu’à moi » (1 Samuel 9, 16). Dieu s’est laissé circonvenir, qui ajoute et annonce : « C’est lui qui régnera sur mon peuple » (1 Samuel 9, 17). Afin de découvrir le destin assigné à Saül, son serviteur et lui sont tous deux conviés au festin prévu alors que rien encore ne laisse présager les évènements qui se préparent. Cette invitation paraît bien étrange, mais aucune explication ne leur est dévoilée. Le récit les présente ensuite partageant ce banquet (1 Samuel 9, 24)261. Par ce moment de partage si particulier dans l’espace du sacré auquel s’adjoint la présence divine, un signe d’hommage et de soumission insère un sens politique novateur avec l’élection de Saül : ils ont la place d’honneur parmi les conviés, et le cuisinier leur sert l’épaule avec sa garniture, la part réservée. Mais le mystère ne cesse de planer sur le dessein divin. L’explication de cette mise en scène divine viendra plus tard. Pour autant, Samuel livre un indice par le biais d’une charade au futur monarque, cependant toujours aussi énigmatique : ûlemî kāl ḥemedat yiÐerāʼēl halôʼ lekā ûlekōl bēyt ʼābîkā, « À qui est réservé tout ce qui est désirable en Israël, si ce n’est à toi et à la maison de ton père ? » (1Samuel 9, 20). Cependant une autre interprétation peut être formulée : « Vers qui tout le désir d’Israël tend260

Y. AMIT, « The Delicate Balance in the Image of Saul and its Place in the Deuteronomic History », dans C.S. Ehrlich éd., Saul in Story and Tradition, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006, pp. 71-79. 261 Voir la sous-partie Banquets sacrificiels, pp. 254 sqq.

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il ? »262. Le jeune homme exprime une réelle surprise, il minimise son origine affirmant que la tribu de Benjamin est l’une des moindres d’Israël, et sa famille la plus infime entre toutes (1 Samuel 9, 21). Il questionne le voyant : welāmmāh dibaretā ʼēlay kadābār hazzeh, « Pourquoi donc me parles-tu de la sorte ? », mais aucune réponse ne lui est apportée, l’énigme perdure (1 Samuel 9, 21). Peut-être des instructions divines ont-elles été transmises à Samuel qui doivent encore rester secrètes ? Le banquet d’élection a laissé transparaître des signes symboliques, cependant rien n’est exprimé avec clarté. Aucun précédent ne permet de savoir quelle est la réalité sous-tendue par ces quelques informations. Cette stratégie permet de rester dans le mystère qu’entretiennent Dieu et son représentant. Toujours aussi énigmatique, le texte relate ensuite qu’ils rentrent du haut-lieu et conversent sur la plate-forme où Samuel désigné par son titre de voyant et comme porte-parole divin, partage des connaissances dont le contenu ne nous est pas précisé (1 Samuel 9, 25). Le lendemain, le voyant informe Saül qu’il va le reconduire. Parvenus à l’extrémité de la cité, Samuel requiert de Saül qu’il enjoigne à son serviteur de les dépasser, car lui dit-il : « Je veux te faire connaître la parole de Dieu » (1 Samuel 9, 27). Dans le plus absolu secret : « « Samuel prit une fiole d’huile, en fit couler sur sa tête, et l’embrassa en disant : certes, ceci est l’onction que YHWH te confère, comme chef de son héritage » (1 Samuel 10, 1). Le secret semble devoir être conservé le plus longtemps possible, néanmoins, un indice permet de formuler une hypothèse. Alors que les deux personnages reviennent du haut-lieu, Samuel sursoit jusqu’au lendemain avant de livrer la clé du mystère. Pour autant, il paraît vraisemblable qu’il use de détours afin de faire connaître à Saül les conseils divins et le préparer à la mission et aux responsabilités dont il est dorénavant chargé, alors qu’il n’a rien sollicité. Le lendemain, le contenu de l’entretien est rapporté et Saül est officiellement informé de sa nouvelle charge. Aucun témoin ne devait assister à leur conciliabule, et Samuel avait pour mission de dévoiler le choix divin en premier lieu par l’emploi de symboles, puis par un discours clair le jour, afin de lui annoncer son élection et la confirmer par le geste éminemment symbolique de l’onction263. L’élection de Saül est soumise à trois étapes successives afin de confirmer le choix divin, et sa mission de souverain d’Israël. L’onction d’huile est effectuée dans le plus grand secret le lendemain du banquet où les honneurs lui ont été rendus. Puis suivent les diverses rencontres prévues, évoluant du profane vers le sacré. Par bribes, elles corroborent son statut futur. Samuel 262

D. VIKANDER EDELMAN, King Saul in the Historiography of Judah, Sheffield, JSOT, 1991, p. 40. 263 A. CAQUOT et P. de ROBERT, Les livres de Samuel, Genève, Labor Fides, 1994, p. 126.

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prévient le jeune homme : « Tout à l’heure après m’avoir quitté, tu rencontreras près du Tombeau de Rachel à Celçah, près de la frontière de Benjamin, deux hommes qui te diront : « Les ânesses que tu étais allé chercher sont retrouvées ; et maintenant ton père n’a plus le souci de ses ânesses, c’est de vous qu’il est inquiet et il dit : que ferai-je pour retrouver mon fils ? ». La seconde rencontre comporte encore quelques détails symboliques et énigmatiques. Saül parvenu à la plaine du Thabor doit remarquer trois hommes montant à Béthel vers Dieu et portant l’un trois chevreaux, l’autre trois miches de pain et le troisième, une outre de vin. Ces personnages après l’avoir salué vont offrir au futur monarque deux des pains qu’il lui faudra accepter (1 Samuel 10, 2-4). Saül doit ensuite parvenir à la Colline de YHWH où des Philistins tiennent une garnison, il rencontrera un chœur de prophètes descendant du haut-lieu et précédés : « de luths, de tambourins, de flûtes et de harpes et s’abandonnant à l’inspiration » (1 Samuel 10, 5). Cette quête initiatique aboutira au moment où l’esprit divin s’emparera de lui. Il prophétisera alors devenant un autre homme (1 Samuel 10, 1-7). Dieu lui offre ce don qui les met en relation, afin de conduire le peuple d’Israël, comme il avait été transmis à Samuel, le dernier des Juges. De simple humain, le voici intermédiaire entre le peuple et le Dieu (1 Samuel 10, 3-6)264. Le texte met en évidence la portée des signes donnés au futur souverain, et sa capacité à savoir comment il faut agir. Ils dévoilent subtilement le nouveau statut de Saül. À ce moment, il devra agir selon ce que : timeÑāu yādekā, « Tes mains trouveront à faire/ce qui se présentera (sous ta main) à faire/ce que tu pourras ou voudras » (1 Samuel 10, 7). Le champ sémantique de māÑāu suggère aussi 264

B. HALPERN, The Constitution of the Monarchy in Israel, Ann Arbour, Scholars Press, 1981, pp. 125, 173-174 ; Id., « The Uneasy Compromise : Israel between League and Monarchy », dans B. Halpern et J.D. Levenson éd., Traditions in Transformation : Turning Point in Biblical Faith, Winona Lake, Eisenbrauns, 1981, pp. 59-96 : ce texte présente le schéma tripartite de l’accession à la royauté : la désignation, la démonstration et la confirmation. Le personnage choisi par Dieu doit démontrer son statut et sa capacité à régner par un fait d’armes ou une victoire militaire réelle ou symbolique. D. EDELMAN, dans « Saul’s Rescue of Jabesh-Gilead (1 Samuel 11, 1-11) : Sorting Story from History », ZAW 96, 1984, pp. 195-209, perçoit l’accession au trône de Saül lorsqu’il est oint par Samuel puis lors de la défaite des Ammonites (1 Samuel 11, 1-11), et la confirmation lors du renouvellement du sacre en 1 Samuel 11, 14-15. V. P. LONG, « How Did Saul Become King ? Literary Reading and Historical Reconstruction », dans A.R. Millaud, J.K. Hoffmeier et D.W. Baber éd., Faith, Tradition and History, Winona Lake, Eisenbrauns, 1994, pp. 271284, spéc. p. 277, remarque qu’aucune explication n’est proposée au tirage au sort pour désigner le souverain (1 Samuel 10, 17-27).

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la victoire (2 Samuel 20, 6), le fait d’atteindre tous ses ennemis (Psaume 21, 9) ou de suffire à quelque chose (Nombres 11, 22). Il éclaire le pouvoir et les obligations qui viennent de lui être confiés en sa qualité de souverain et chef militaire. Pour autant, lors de sa rencontre avec son oncle, Saül garde le silence sur la royauté qui vient de lui être attribuée, ce que le texte n’explique pas265. Dans ce contexte, cette recommandation se rapporte clairement à un engagement militaire, probablement contre la présence philistine à Ghibea et non contre les Ammonites266. Samuel ordonne ensuite au jeune homme de l’attendre à Gilgal durant sept jours ; il s’y rendra afin d’offrir les holocaustes, et l’instruira de sa mission (1 Samuel 10, 8). Samuel, après une brève allocution et des reproches à son peuple, lui annonce la nouvelle. Le tirage des sorts, ou volonté divine, désigne Saül, confirmant le choix divin. Mais nul ne sait où il se trouve, et il faut à nouveau consulter le Seigneur ; celui-ci révèle que le roi est caché parmi les bagages, comme réfugié dans un exil intérieur et protecteur (1 Samuel 10, 21-22). Il est alors acclamé, seuls quelques hommes montrent des signes de mépris, ce à quoi le premier souverain se montre indifférent (1 Samuel 10, 27). De nature modeste et guère assoiffé de pouvoir, il ne change rien à sa vie quotidienne, et le texte le dépeint revenant des champs derrière ses bœufs en bon agriculteur (1 Samuel 11, 5). Néanmoins, pris de colère devant le récit des atrocités promises par les Ammonites, il lève son armée et menace de maltraiter quiconque ne le suivra pas (1 Samuel 11, 7). La défaite des Ammonites et le succès militaire du souverain marquent la seconde phase et prouvent sa capacité comme chef d’Israël. Enfin, le peuple se rend à Gilgal, proclame Saül roi pour la troisième fois, puis procède à des sacrifices et des réjouissances. La montée vers le trône aura exigé trois étapes, la première lors du banquet suivi de l’onction secrète, la seconde avec sa confirmation par le tirage des sorts qui symbolisent la volonté divine aux yeux de tous, la troisième avec la victoire contre les Ammonites et la ratification par le peuple de sa nomination267. Saül est enfin le souverain accepté de tous. 265

V. P. LONG, « How Did Saul Become King ? », p. 282, interprète ce silence comme celui d’un homme qui recule devant un devoir formidable et désire ne pas en parler. 266 Cette expression relative aux activités militaires, est une sorte d’oracle guerrier à l’aube de la bataille, G. MOBLEY, « Glimpses of the Heroic Saul », dans C.S. Ehrlich éd., Saul in Story and Tradition, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006, pp. 80-87, spéc. pp. 85-86 ; S.L. MCKENZIE, Annotations to 1 Samuel, New Oxford Annotated Bible, New York, Oxford University Press, 2001, pp. 398-486, spéc. p. 414. 267 Selon certains auteurs, au moins deux récits indépendants liés à deux approches contradictoires de la monarchie peuvent être distingués. Ainsi, J. BRIGHT, dans A History of Israel, Londres, Westminster John Knox Press, 1981, pp. 187-188, voit

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YHWH a accédé au désir d’Israël d’un roi humain, ils doivent néanmoins être prévenus des conséquences de leur choix. Aussi, Samuel obéit-il aux ordres divins en décrivant dans un sombre discours les aspects funestes du choix des Israélites : le passage du système clanique à un système centralisé confiant le pouvoir au seul monarque, et ce qui en résulte, une royauté tyrannique menant au désastre (1 Samuel 7, 10-18). Mais le peuple d’Israël désire être identique aux autres nations (1 Samuel 8, 19). Il demande un roi qui combattra avec lui en raison des menaces ammonite et philistine (1 Samuel 8, 20). Le refus de son altérité, mène le peuple vers le renoncement de ce qui constitue son essence et son identité, au risque de se perdre. Mais Dieu accompagne les aspirations de son peuple, et la royauté de Saül en est la conséquence, qui est proche du monde des Juges dont elle incarne une certaine continuité268 puisque le nouveau souverain, comme ses prédécesseurs, se doit aussi d’être le gardien de l’alliance269. Acceptant le destin sans le remettre en question, il consent à son sort sans jamais le contester, laissant paraître, malgré ses erreurs, une grandeur d’âme dont à aucun moment il ne se départira. Saül reçoit l’appellation de nāgîd, « chef » (1 Samuel 9, 16). Ce titre introduit une couleur particulière et son contenu ne laisse pas de poser question. Il a été considéré comme celui qui est désigné par YHWH270. En effet, sur onze occurrences du terme, neuf se rapportent à la désignation divine271 et en toutes circonstances le nāgîd, monte sur le trône272. Il est oint par un représentant

dans le récit de 1 Samuel 9, 1-10 ; 16 une narration favorable à la monarchie, et dans les chapitres 8 ; 10, 17-27 ; 12, une rédaction opposée à la royauté. V. P. LONG, « How Did Saul Become King ? », pp. 276-278 démontre qu’il n’en est rien, qui considère qu’il s’agit des différents épisodes nécessaires pour parvenir au pouvoir. 268 S. DRAGGA, « In the Shadow of the Judges: the Failure of Saul », JSOT 38, 1987, pp. 39-46, spéc. pp. 40-42, compare le nouveau souverain aux Juges Gédéon, Jephté, Barak et Samson. Mais, Saül au contraire de ces Juges, désobéit aux ordres et déçoit l’attente divine. 269 D. VIKANDER EDELMAN, King Saul in the Historiography of Judah, pp. 48-49. 270 A. ALT, « The Formation of the Israelite State in Palestine », Essays on the Old Testament History and Religion, Oxford, Blackwell, 1966, pp. 239-259, spéc. p. 254. En outre, selon M. NOTH, dans Histoire d’Israël, Paris, Payot, 1985, p. 170, note 1, ce titre qui désigne le futur roi, était peut-être employé pour nommer un homme appelé par Dieu afin d’entreprendre une expédition militaire. 271 1 Samuel 9, 16 ; 11, 1 ; 13, 14 ; 25, 30 ; 2 Samuel 5, 2 ; 6, 21 ; 7, 8 ; 1 Rois 1, 35 ; 14, 7 ; 16, 2 ; 2 Rois 20, 5. 272 B. HALPERN, The Constitution of the Monarchy in Israel, p. 1. Pour autant, cette approche a été contestée, et selon W.F. ALBRIGHT, dans Samuel and the Beginnings of the Prophetic Movement, Cincinnati, Hebrew Union College Press, 1961, pp. 15-

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divin : cette onction manifeste le dessein de lui donner le pouvoir. Pour autant, YHWH reste le souverain de son peuple, et Saül l’oint, son représentant.

UN DIEU LEGISLATEUR Après et pour avoir contracté une alliance avec son peuple, Dieu en exige une conduite, une morale et une éthique irréprochables, puis lui offre alors un présent révolutionnaire : l’institution du shabbat. Après avoir transmis les Commandements, il impose des règles dont les livres de la Torah se font largement l’écho : ils précisent de nombreux interdits et les responsabilités de chacun. Moïse faisant appel à tout Israël leur tient ce discours : « Écoute Israël, les lois et les statuts que je vous fais entendre aujourd’hui, étudiez-les et appliquez-vous à les suivre » (Deutéronome 5, 1). L’usage du verbe lmad, « étudier », sous-tend subtilement l’idée de la crainte de YHWH273. En conclusion, le prophète ajoute : « Ayez donc soin d’observer ce que YHWH votre Dieu vous a ordonné : ne vous en écartez ni à droite ni à gauche » (Deutéronome 5, 29). Le livre d’Exode (20, 2-17), comporte ces paroles parfois moins développées, affirmées par Dieu lui-même, qui provoquent la terreur parmi le peuple (Exode 20, 1-14). La première série de lois situe au premier plan le décalogue, ensemble de lois universelles. De nature transcendantale, elles sont transmises à Moïse au Sinaï, qui figurent dans les livres d’Exode et Deutéronome. Des nuances s’y expriment. Aussi, Moïse précise-t-il : « Ce n’est pas avec nos pères que YHWH a contracté cette alliance mais avec nous ceux qui sont ici aujourd’hui, tous vivants » (Deutéronome 5, 1. 3). Prolongements de l’alliance (Deutéronome 5, 2-3), elles se relient pour les quatre premières à la relation conclue avec Dieu et l’interdiction d’honorer tout autre Dieu et/ou idole, tandis que les suivantes sont dédiées aux interdits éthiques et moraux envers autrui ainsi qu’au repos du septième jour. Le verset sur l’interdit de la représentation divine (Exode 20, 4-6), est à mettre en exergue, qui s’exprime ainsi : Lō taʽaÐeh lekā pesel, « Tu ne te feras point pour toi d’idole », puis le texte poursuit : « ni toute image de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elle, tu ne les adoreras point, car moi YHWH ton Dieu, je suis un Dieu

16, le titre serait donné à un commandant militaire, sorte d’instrument de transition entre la période des Juges et la monarchie. 273 J.R. LUNDBOM, Deuteronomy, A Commentary, pp. 60 sqq.

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qanāʼ, « (qui éprouve) un amour ardent … » (Exode 20, 4-5). L’amour divin s’affirme exclusif et réciproquement le peuple doit se plier à cette règle sous peine de durs châtiments. De plus, cette interdiction de l’image n’est qu’une conséquence logique du fait qu’aucune représentation ne peut l’enfermer : l’Infini ne connaît aucune limite. La seconde idée se relie à la matérialité du lieu lié à la présence du Nom : « Dans tout endroit où Je mentionnerai Mon Nom, Je viendrai vers toi et je te bénirai » (Exode 20, 21)274. Reprenant les règles évoquées plus haut, le Deutéronome rappelle et décrète : ʼānōkî yhwh ʼelōheykā « Je suis YHWH ton Dieu », (Deutéronome 5, 6). Exigeant d’être le seul Dieu (Deutéronome 5, 7), il interdit le culte des idoles et leur représentation (Deutéronome 5, 8-9). La suivante parmi ces lois, exprime cette exigence divine : l¿’ tiśśh ’et Î¥m yhwh ’el¿heyk laÎ΍we’ kî l¿’ yenaqqeh yhwh ’et ’aÎer yiśś’ ’et Îemô laÎ΍we’, « Tu ne lèveras/soulèveras/proféreras pas le nom de YHWH ton Seigneur pour le mensonge/la fausseté/l’iniquité/ce qui est vain/ce qui est inutile car YHWH ne laisse pas impuni celui qui lève/soulève son nom pour le mensonge » (Deutéronome 5, 11). Le verbe nś’, « ravir et prendre », témoigne de l’emploi, par l’esprit perverti, du mal, au nom de Dieu. Et, le verbe nqh, qui outre sa signification de ne pas « être absous/ impuni » souligne le fait d’« être vidé/dévasté/détruit », exprimant les conséquences d’une telle attitude qui laisse planer une menace. L’exigence de l’observance du shabbat le septième jour, lui fait suite (Deutéronome 5, 12-15). Le cinquième commandement : « Honore ton père et ta mère comme te l’a prescrit YHWH ton Dieu afin de prolonger tes jours et de vivre heureux sur la terre que YHWH ton Dieu te destine » (Deutéronome 5, 16), inscrit tant dans le Deutéronome que l’Exode est inséré dans la première partie des tables de la Loi, consacrée aux devoirs envers Dieu et non autrui. Les deux lois écrites présentent une différence de taille dans la mesure où celle du Deutéronome est impérative, puisque Dieu en est nommément le législateur. En cette occurrence, la promesse divine est conditionnelle, et dans la seconde, elle l’est également. Ces dispositions proposent une récompense morale et concrète pour le présent et l’avenir de la lignée. Aucune sanction n’est appliquée en cas de violation du contenu de ces lois, promulguées sous l’égide divine, qui constituent une source de conscience morale et d’éthique. Ces dispositions légales adoptent l’aspect d’obligations religieuses, morale et sociales, bases de la vie en société275.

274 275

M-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes, p. 265. H. NUTKOWICZ, Destins de femmes à Éléphantine, pp. 166 sqq.

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Les interdictions suivantes concernent l’homicide, l’adultère, le larcin, et le faux témoignage, pour se conclure sur l’interdiction faite de convoiter ce qui est à son prochain (Deutéronome 5, 17-18). Le premier groupe de commandements se relie à Dieu, tandis que le second composé de lois sociales concerne les êtres humains276. Elles se doivent, pour autant, d’être considérées au travers des lois divines de la première table277. La Révélation s’exprime également au travers du Chapitre 20, 2-14 d’Exode. Les mêmes règles et interdits y figurent, qui s’ornent de quelques nuances et de la prescription d’un repos hebdomadaire. Exode 20, 8 recommande : « Pense au jour du Shabbat pour le sanctifier », et Deutéronome 5, 12 exige : « Observe le jour du Shabbat pour le sanctifier », puis ajoute : « comme te l’a prescrit YHWH ton Dieu ». Cette règle se fait plus pointilleuse. Les interdits shabbatiques, sorte de révolution sociale avant l’heure sous l’égide divine, édictent : « Durant six jours tu travailleras et t’occuperas de toute tes affaires ; mais le septième jour est la trêve de YHWH ton Dieu : tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton serviteur mâle ou femelle, ton bœuf, ton âne, ni tes autres bêtes, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en Six jours YHWH a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et il s’est reposé le septième jour ; c’est pourquoi YHWH a béni le jour du Shabbat et l’a sanctifié » (Exode 20, 9-11). Exode 23, 12 reprend : « Six jours durant tu t’occuperas de tes travaux, mais au septième jour tu chômeras ; afin que ton bœuf et ton âne se reposent, que puissent respirer le fils de ton serviteur et l’étranger ». Au désert, Moïse recommande au peuple de recueillir une double provision afin de préparer le repas du shabbat à l’avance (Exode 16, 22-23). En outre, les périodes

276

Les deux groupes sont reliés par le cinquième commandement puisque les parents « copient » la nature divine en procréant. 277 Quelques nuances surgissent de la seconde version des dix commandements cités en Exode 20, 2-17, qui concernent entre autres, le culte des images et des divinités païennes. Elles sont aussi peut-être dues au fait que la version d’Exode est transmise par la bouche divine, et celle du Deutéronome par celle de Moïse, C. DOHMEN, « Decalogue », dans T.B. Dozeman, C.A. Evans et J.N. Lohn éd., The Book of Exodus, Leyde, Brill, 2014, pp. 193-219.

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de labourage et de moisson doivent interrompues ce jour saint (Exode 34, 21).

être

Outre la cessation des activités et l’obligation du repos, l’exigence se précise : elle implique un temps dédié au sacré, au culte, aux offrandes (Lévitique 24, 8-9 ; Nombres 28, 9-10 ; Isaïe 1, 13 ; 66, 23 ; nzéchiel 46, 15). Une visite auprès d’un prophète semble également faire partie de cet emploi du temps privilégié. Le respect de ce jour sacré permettra : « de jouir de l’héritage de ton aïeul Jacob » promet YHWH en Isaïe 58, 13-14. D’autres textes l’évoquent également dont Exode 31, 12-17 et 35, 2, et prévoient de punir de mort quiconque ne le respecte pas. Le Lévitique 19, 3 ; 23, 3 ; 26, 2 exige simplement sans justifier : « Observez mes Shabbats »278. Le Deutéronome adjoint cette obligation « Car ton serviteur et ta servante doivent se reposer comme toi. Et tu te souviendras que tu fus serviteur au pays d’ngypte et que YHWH t’en a fait sortir d’une main puissante et d’un bras étendu. C’est pourquoi YHWH ton Dieu t’a prescrit d’observer le Shabbat » (Deutéronome 5, 13-15). Ce texte d’une suprême modernité quant au fond de ses exigences et dont le repos divin du septième jour exposé par le récit mythique de la création transmet le modèle afin de s’imposer dans le monde réel, s’inscrit dans une mise en équivalence du statut de la femme tout comme celui de l’homme. Tant le fils que la fille, le serviteur et la servante sont dotés de ce même droit, ou plutôt bénéficient de cette même prescription sociale, les règles de droit restent indifférentes aux questions de genre ! Le texte d’Exode 20 qui transmet les Dix Commandements est précédé de nombreuses précautions imposées par le Dieu à son peuple parvenu au désert du Sinaï. Dieu exige de Moïse qu’il : « Adresse ce discours à la maison de Jacob, cette déclaration aux enfants d’Israël : vous avez vu ce que j’ai fait aux ngyptiens : vous, je vous ai portés sur l’aile des aigles, je vous ai rapprochés de moi. Désormais si vous êtes dociles à ma voix, si vous gardez mon alliance, vous serez mon trésor entre tous les peuples ! Car toute la terre est à moi, mais vous vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte » (Exode 19, 3). Le verset d’Exode 20, 15 semble mystérieux, qui constate lors de la transmission des Dix Paroles :



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« Et tout le peuple voyait les tonnerres/les voix et les flammes et la voix du cor et la montagne fumante, et le peuple vit et ils tremblèrent et se tinrent au loin ». Le peuple n’a pas entendu, mais il a « vu » (Exode 20, 15). Le texte reprend : « Et ils dirent à Moïse : « Que ce soit toi qui nous parles et nous pourrons entendre ; et que Dieu ne nous parle point de peur que nous ne mourrions. Moïse dit au peuple : « Soyez sans crainte ! c’est afin de vous mettre à l’épreuve que YHWH est venu et afin que sa crainte soit sur vos faces pour que vous ne péchiez point ». Puis, Dieu reprend : « Ainsi, tu diras aux enfants d’Israël : vous avez vu, vousmêmes, que c’est du ciel que j’ai parlé avec vous » (Exode 20, 15-19). De fait, l’emploi et la répétition du verbe « voir » et non « entendre » de ces Dix Paroles, de ce texte de la Révélation dans un contexte d’extrême émotion, témoigne qu’elles « n’ont jamais été entendues par les hommes… signifiant qu’elles n’étaient pas audibles »279, la peur et la crainte de la divine présence s’imposant. Le verset 20, 20 d’Exode reprend : « Ne faites à côté de moi/devant moi aucune divinité ». Présentées comme transmises par Dieu, d’autres lois de nature religieuse et sociale, en Exode, Nombres, Lévitique et Deutéronome sont attestées. Les nombreux décrets religieux sont spécifiés par le Dieu afin de définir le rôle, les obligations de distance et les interdits imposés au grandprêtre et aux lévites qui s’amarrent aux rites de pureté. Le Dieu est, de même, à l’origine des règles s’appliquant à tous ces rites, au tabernacle, aux instruments religieux et également aux espaces religieux. Les lois sociales ont pour rôle la mise en place d’un système de règles se rapportant aux relations dans l’espace de la famille nucléaire. Elles concernent le sort des jeunes filles et jeunes femmes dans le mariage et dans le cadre familial, celui des jeunes gens et des adultes au comportement « asocial », dans le clan et au village, les cités et l’état. Elles légifèrent également sur la servitude, les règles de propriété et le shabbat (Lévitique 1726, Deutéronome 12-26 ; Exode 21-23). En outre, obligeant particulièrement le souverain, le droit prévoit des limites à son pouvoir, à ses richesses matérielles et lui impose le respect des lois instaurées par le Dieu (Deutéronome 17, 14-20). 279

M-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes, p. 265.

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Témoins des errements populaires, des prophètes rappellent régulièrement au peuple déviant les ordonnances divines, tel Malachie (3, 2224) admonestant le peuple : « Souvenez-vous de la loi de mon serviteur Moïse, les statuts et les ordonnances que je lui ai signifiés sur le Horeb pour tout Israël. Or, je vous enverrai Élie le prophète avant que n’arrive le grand et terrible jour de Dieu. Et il ramènera les cœurs des pères à leurs enfants, et le cœur des enfants à leurs pères, de peur que je ne vienne et ne frappe ce pays d’anathème ». Michée, questionne, horrifié, les chefs de Jacob et les seigneurs d’Israël : « N’est-ce pas à vous de reconnaître le droit ? » (Michée 3, 1). L’administration de la justice s’est transformée en administration de l’injustice, ce dont ces coupables portent la lourde responsabilité. Ils dévorent les plaignants comme des cannibales. Si ces chefs ne peuvent être identifiés, les souverains y sont peut-être inclus, responsables ultimes de l’administration de la justice, puisqu’en effet, le roi représente le dernier recours pour les affaires de justice (2 Samuel 14 ; 15, 1-5). YHWH, dans un oracle de jugement les condamne : « Ils crieront vers Dieu, mais il ne les écoutera point ; il détournera la face d’eux à ce moment, à cause des méfaits qu’ils ont commis » (Michée 3, 4)280. Le prophète reprend ce thème dans le même chapitre. Il fustige leur inconduite, et se fait accusateur : « ncoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob et seigneurs de la maison d’Israël, qui détestez la justice et pervertissez tout ce qui est droit » (Michée 3, 9). L’oracle annonce le pire à venir : « À cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines et la montagne du Temple une hauteur boisée » (Michée 3, 12). Tout orant peut interpréter cette menace : le lieu de culte qu’est le sanctuaire sera déserté par YHWH281. Or, certains des aspects de l’administration de la justice ont été restructurés par le souverain Josaphat (2 Chroniques 19, 4-11), lequel institue des juges dans chacune des villes fortes de Juda. S’adressant à ces juges, le roi révèle et prévient : « Soyez attentifs à ce que vous faites ! Ce n’est pas au nom d’un homme que vous rendez la justice, mais au nom de YHWH, il est avec vous quand vous prononcez un jugement. Puisse la crainte de YHWH vous inspirer ! Soyez circonspects dans vos actes car YHWH notre Dieu n’admet ni iniquité, ni acception de personnes, ni corruption par les présents » (2 Chroniques 19, 6-7).

280 281

J.L. MAYS, Micah, Londres, SCM Press, 1976, pp. 76-77. J.L. MAYS, Ibid., pp. 92-93.

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Le monarque nomme à Jérusalem des lévites, des prêtres et des chefs de famille d’Israël comme membres de la cour royale d’appel (2 Chroniques 19, 8). Pour autant, la peinture proposée par Michée démontre qu’en dépit de cette bonne volonté et des avertissements, les tentations du pouvoir sont plus fortes, dont le peuple est victime. Michée reprend plus loin ce thème : « Homme on t’a dit ce qui est bien, ce que Dieu demande de toi : rien que de pratiquer la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu » (Michée 6, 8). Isaïe ne manque pas de faire un constat similaire (Isaïe 10, 1-2). Si ceux qui commettent ces iniquités et ces crimes sont ceux qui sont censés connaître la loi et juger ; il n’en est rien, l’injustice, les abus ne cessent aucunement mais les désastres guettent (Michée 3, 4)282. Les grands principes de la justice sont exposés en détails dans la législation, dont le premier s’expose impérativement en Deutéronome 16, 1920 : « Ne fais pas fléchir le droit, n’aie pas égard à la personne. C’est la justice, la justice seule que tu dois rechercher ». Puis, se met en place un système juridique et judiciaire sous l’égide divine et Moïse en est le premier juge, qui est chargé des affaires difficiles et complexes. Ainsi, Exode 18 témoigne de la mise en place d’une administration civile liée à l’administration religieuse : wehôda‘etî ’et ­uqq¥y h’el¿hîm we’et tôr¿tyw, « Et je (Moïse) fais connaître les décrets de YHWH et ses instructions » (Exode 18, 16). Sacré et profane s’entremêlent, et Dieu tient la première place qui est l’autorité suprême et absolue. Dieu organise l’administration de la justice : « Tu institueras des juges et des magistrats dans toutes les villes que YHWH ton Dieu te donnera, dans chacune de tes tribus et ils devront juger le peuple selon la justice » (Deutéronome 16, 18), puis recommande instamment d’appliquer le droit, et de ne pas se laisser emporter dans la corruption, dont les conséquences aveuglent les sages et les justes (Deutéronome 16, 19). Le viol de l’alliance et/ou l’idolâtrie, mènent vers : « Une enquête sévère », nécessitant deux ou trois témoins (Deutéronome 17, 2-7). Lorsque la justice humaine ne peut résoudre un cas judiciaire, de meurtre ou de droit civil, la consultation des pontifes ou de juges siégeant à cette époque doit permettre de trancher (Deutéronome 17, 8-10), et cette consultation implique de se rendre au lieu choisi par Dieu (Deutéronome 17, 8). De plus, la demande à Moïse de réunir soixante-dix hommes parmi les anciens (Nombres 1, 16-17), a pour objet, outre la capacité de prophétiser une seule et unique fois, la création d’une institution politique permanente avec l’aval divin. L’alliance ne reste jamais confinée, puisque les Israélites se doivent de prendre en considération la voix divine génération après génération (Exode 19, 5 ; 24, 7), et Moïse a joué un rôle essentiel de médiateur dans la 282

F.L. ANDERSEN et D.N. FREEDMAN, Micah, A New Translation, pp. 347-357.

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révélation283. Le chapitre de Deutéronome 5 le confirme, qui voit le prophète rassembler tout Israël et rappeler les dix paroles édictées et écrites sur des tables de pierre par YHWH, exigeant : « Ayez donc soin d’observer ce que YHWH votre Dieu vous a ordonné » (Deutéronome 5, 29)284. L’institution de ces lois constitue une tentative d’amélioration de la situation juridique de la créature du Dieu, et des relations sociales, dont l’aspect universel s’avère assuré. Pour autant, les réalités de leurs applications ne masquent aucunement les humaines faiblesses. La parole divine affirme ce principe intangible : « Je vais ériger une pierre de fondation, une pierre éprouvée, une précieuse pierre d’angle solidement fixée » (Isaïe 28, 16), puis ajoute que le droit sera employé comme cordeau et la justice comme fils à plomb, introduisant le Dieu de justice (Isaïe 28, 17).

UN DIEU REVOLUTIONNAIRE Déjà évoqué plus haut, le shabbat, loi transmise par le Dieu, symbolise l’expression sociale la plus aboutie de ce Proche-Orient ancien, qui est évoquée de façon sous-jacente dans le texte de Genèse 2. Dieu qui a créé le monde cesse temporairement son œuvre, certes imparfaite, le septième jour : « Dieu bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre que Dieu avait créée en la faisant » (Genèse 2, 3). Le modèle est transmis par le mythe, et le septième jour sera donc jour de repos, où les activités humaines sont en arrêt momentané. Ce repos intervient alors que Dieu n’a pas vraiment accompli la totalité de son œuvre de création, que l’homme n’est pas encore formé de poussière de terre et que la nature n’a pas encore occupé l’espace. D’ores et déjà, le shabbat rythme le temps de travail divin, qui s’impose entre deux périodes d’activités intenses, aussi l’homme se doit-il de suivre cet exemple de sagesse absolue, devenue loi divine. Le repos du septième jour confère à l’activité humaine un caractère social, moral et religieux. En effet, si Dieu ne travaille pas le septième jour et choisit le repos, il le bénit et le proclame saint ou séparé (Genèse 2, 3). Le modèle transmis ne décrit pas une cessation absolue, mais la bénédiction et la sanctification intègrent le sacré et ce qui lui est lié, qui éloignent le concept de travail. Le verbe Îābat de Genèse 2, 3, confirme ces réalités. Il évoque le repos et s’applique tout autant à la terre (Lévitique 26, 34), à la nécessité de faire cesser la guerre (Psaume 46, 10) à la destruction des bêtes féroces (Lévitique

283

W. OSWALD, « Lawgiving at the Mountain of God », pp. 171-173. Des passages de Deutéronome 5, 22-23 apparaissent en 4QDeutj, 4QDeutkl et 4QDeutn, sur les phylactères (1Q[18 ?)-19 ; 4Q128, 129, 135, 139, 140), et une mezzuzah de Qumran (4Q151), J.R. LUNDBOM, Deuteronomy, A Commentary, p. 97.  284

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26, 6), à la destitution des prêtres des idoles (2 Rois 23, 5), et à la cessation des disputes (Proverbe 20, 3). Le prophète Jérémie (17, 21-27) développe à loisir un certain contenu des interdits liés au repos hebdomadaire. Il met, entre autres, l’accent sur la défense de porter des fardeaux et/ou les introduire par les portes de la cité de Jérusalem. Il insiste sur la nécessité de sanctifier ce jour, suivre le modèle et les ordres divins, puis clôt cette harangue par cette menace : « Mais si vous ne m’obéissez pas en sanctifiant le jour du Shabbat et en vous abstenant de transporter des fardeaux et de franchir les portes de Jérusalem le jour du Shabbat, je mettrai le feu à ses portes ; il dévorera les palais de Jérusalem et ne s’éteindra pas » (Jérémie 17, 27).

UN DIEU JUGE Comportements déviants, amoraux, insensés, contraires à l’éthique de son peuple et/ou de ses représentants, provoquent la colère divine, parfois sa fureur, enfin son jugement puis un châtiment. Divers écrits en décrivent les causes et les conséquences en un langage épique, parfois dantesque, et dont l’ensemble des habitants de la terre peuvent subir la charge. Des scènes de jugement sont présentes dans des textes prophétiques et des Psaumes. Elles mettent en exergue le discours du plaignant (YHWH), et le ciel et la terre, les montagnes et les collines sont désignés comme juges. Le défendeur est assigné : il est informé de l’accusation, peut présenter son argumentaire, puis il est mis en examen. Une alternative à cette procédure, prévoit la description de la scène de jugement, la présentation de l’acte d’accusation par le juge et la constatation que le défendeur n’a pas d’argument pour sa défense, le prononcé du jugement et de la sentence285. L’organisation de la cour diffère selon les occurrences, ainsi, dans les cas d’accusation par le juge et lorsque le plaignant est YHWH, les défendeurs peuvent être les dieux étrangers (Isaïe 41, 21-29 ; Psaume 82). Parfois, Israël est le défendeur, le ciel et la terre sont les juges (Psaume 50 ; Isaïe 1, 2-3 ; 3, 13-15 ; Jérémie 2,4s. ; Michée 6, 1-8). Selon le premier modèle, l’appel aux éléments naturels, les cieux et la terre, comme juges leur expose le détail de la plainte : « ncoutez cieux ! terre, prête l’oreille ! car c’est YHWH qui parle : J’ai élevé des enfants, je les ai 285

H. B. HUFFMON, « The Covenant Law Suit in the Prophets », JBL 78, 1959, pp. 285-295, spéc. pp. 285-287.

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vus grandir, et eux se sont insurgés contre moi. Un boeuf connaît son possesseur, un âne la crèche de son maître : Israël ne connaît rien, mon peuple n’a pas de discernement. Oh ! nation pécheresse, peuple chargé d’iniquités ; race de malfaiteurs, enfants dégénérés ! Ils ont abandonné YHWH, outragé le Saint d’Israël, reculé loin de lui ». (Isaïe 1, 2-4). Michée se fait l’intermédiaire de YHWH lors d’un procès fait à Israël, qui fait, cette fois, appel aux montagnes et collines : ncoutez donc ce que dit YHWH : Lève-toi, plaide (ma cause) devant les montagnes, que les collines entendent ta voix ! » Montagnes, écoutez le litige de YHWH, et vous géants, fondements de la terre ! Car YHWH est en procès avec son peuple, il en discussion avec Israël : Ô mon peuple ! Que t’aije fait ? Comment te suis-je devenu à charge ? Expose (tes griefs) contre moi. Est-ce parce que je t’ai tiré du pays d’ngypte et délivré de la maison d’esclavage ? parce que je t’ai donné pour guides Moïse, Aaron et Myriam ? Ô mon peuple ! Rappelle-toi seulement ce que méditait Balak roi de Moab, et ce que lui répondit Balaam, fils de Beor ; de Chittim à Ghilgal, tu as pu connaître les bontés de YHWH ! Mais quel hommage offrirai-je à YHWH ? Comment montrerai-je ma soumission au Dieu suprême ? Me présenterai-je devant lui avec des holocaustes, avec des veaux âgés d’un an ? YHWH prendra-t-il plaisir à des hécatombes de béliers, à des torrents d’huile par myriades ? Donnerai-je mon premier-né pour ma faute, le fruit de mes entrailles comme rançon expiatoire de ma vie ? Homme, on t’a dit ce qui est bien, ce que YHWH demande de toi : rien que de pratiquer la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu » (Michée 6, 1-8). Dans cet oracle, le plaignant, YHWH, est représenté par son avocat, le prophète qui plaide le cas devant montagnes et collines, priés d’écouter les détails du litige. YHWH s’adresse, railleur, aux accusés afin de présenter leur défense.

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Par la voix de Jérémie (2, 4-18), YHWH interpelle la maison de Jacob et celle d’Israël : « Quelle injustice vos pères avaient-ils découvertes chez moi pour me fuir, pour s’attacher à des choses vaines et se complaire au néant ? », et les accuse du pire : avoir souillé « mon pays » fait « un objet d’horreur de « mon domaine », puis, constaté avec désespoir : « Ils m’ont abandonné ». Le procès adopte un ordre dissemblable. Il cite à comparaître l’accusé, Israël, puis présente l’acte d’accusation. La défense se trouve dépourvue du moyen de répondre, car YHWH a de bons motifs de litiges envers les descendants d’Israël. Il en appelle aux cieux qu’il fait juges : « Cieux, soyez stupéfaits de ceci, frissonnez, saisis d’une horreur profonde » (Jérémie 2, 12). Seuls, ces trois exemples de procès font appel aux cieux, montagnes, collines et fondations de la terre pour entendre les arguments de l’accusation. Deux autres passages comportent cette même sorte d’appel. En Deutéronome 32,1, YHWH, le plaignant, convoque les cieux et la terre, développe les arguments en faveur de l’accusation, puis suivent la mise en examen et la sentence (Deutéronome 32, 2-42). Enfin, le Psaume 50, 1. 4 atteste de cette proclamation aux cieux et à la terre comme juges : « Il adresse son appel aux cieux d’en-haut ainsi qu’à la terre afin de juger son peuple »286. Métaphores et reflets du rôle des témoins et juges dans de véritables procès, les éléments naturels sont appelés à servir YHWH. Ils sont en quelque sorte ses créatures, ses sujets, ses serviteurs, ils lui sont dévoués et sont convoqués selon son bon plaisir287, tout comme le sont le vent, la brise, la pluie. Quelles que soient les occurrences, cet appel aux éléments par un Dieu anthropomorphe correspond à l’image transmise par nombre de textes quant à l’étendue de son pouvoir. Parfois, certains des éléments constitutifs de l’une des deux formes de procès sont implicites. Ainsi, par le truchement d’Isaïe, lorsque son peuple le déçoit pour avoir exprimé des doutes inadmissibles envers lui, Dieu se fait procureur. Après l’accusation, il l’informe du châtiment réservé : taharû ḥaÎaÎ tēledû qaÎ rûaḥkem ʼēÎ tōʼkalekem, « Vous avez conçu du chaume, vous enfanterez de la paille : votre souffle est un feu qui vous dévorera » (Isaïe 33, 11). S.R. DRIVER, dans Deuteronomy, ndimbourg, T et T Clarck, 1902, p. 349, propose de voir dans le ciel et la terre, non des juges ou des témoins, mais une audience dont l’attention peut être souhaitée en raison de l’importance et de la solenité des vérités énoncées. Selon R.B.Y. SCOTT, dans « The Literary Structure of Isaia’s Oracles », dans H.H. Rowley éd., Studies in OT Prophecy, New York, T et T Clarck, 1950, pp. 175-186, spéc. p. 179, le ciel et la terre sont convoqués afin de témoigner à propos de la procédure judiciaire qui s’ébauche. En cette circonstance, ils ne seraient pas des éléments du monde naturel, mais ils seraient convoqués comme des populations d’aires particulières : ainsi le peuple sur la terre ou les hôtes du ciel. 287 Voir la sous partie : éléments, pp. 150 sqq. 286

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Pour autant, Dieu propose de négocier avec ceux qui gardent l’alliance, il affirme : « Maintenant je me lève… Maintenant je me manifeste dans ma grandeur », prescrit et promet (Isaïe 33, 15-24) : Celui qui marche dans la justice, parle avec droiture, refuse le profit de la violence, secoue la main pour repousser les dons, bouche ses oreilles aux propos sanguinaires, ferme les yeux pour ne pas se complaire au mal. Celui-là habitera dans les hauteurs, des forts bâtis sur les rochers seront sa protection ; son pain lui est garanti, sa ration d’eau est assurée… » (Isaïe 33, 15-16). La lamentation se conclut sur l’affirmation et la reconnaissance : « Oui YHWH est notre juge, YHWH est notre législateur… Le peuple qui réside à Jérusalem a obtenu le pardon de ses péchés » (Isaïe 33, 22. 24). Elle se tourne vers YHWH dans l’espoir qu’il rétablisse l’ordre, et dévoile par cette démonstration son gouvernement souverain : il détruira par sa justice les coupables, ne laissant en vie que les êtres respectueux de son alliance288. Parmi de nombreuses occurrences rapportées par les textes, l’une concerne Moïse. Alors que, sur le Mont Sinaï, le dialogue entre YHWH et son prophète s’achève, Dieu lui donne « les deux tables du Statut, tables de pierre, burinées par le doigt de YHWH » (Exode 31, 18). L’impatience a gagné le peuple, car Moïse tarde à descendre, aussi s’assemble-t-il contre Aaron exigeant : « Lève (-toi), fais pour-nous des dieux qui marcheront devant nous car celui-ci, Moïse l’homme qui nous a fait monter d’ngypte nous ne savons pas ce qu’il est devenu ». Aaron somme alors le peuple : « Détachez les pendants d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles et apportez(les) moi » (Exode 32, 2). Le peuple s’exécute, arrache ses anneaux d’or, et Aaron façonne un : ʽēgel massēkāh, « un veau de métal fondu ». À ce moment, l’inquiétude et le sentiment d’abandon disparaissent ; le peuple se sent rassuré par une représentation concrète sur laquelle il peut projeter ses terreurs : « Voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’ngypte ! ». Aaron inquiet, érige un autel puis décrète : ḥag layhwh māḥār, « Fête pour YHWH demain » (Exode 32, 5). Des contradictions émaillent ce récit. De fait, Aaron avant de construire l’autel a « vu » quelque chose que le récit ne dévoile pas. Selon la tradition, il aurait vu en pensée le fils de sa sœur Myriam, Hour, mis à mort pour avoir réprimandé le peuple. En Exode 24, 14, Hour partage le poids de l’absence de Moïse avec son oncle, puis il n’apparaît plus par la suite, signifiant probablement qu’il a été mis à mort. Aaron veut éviter de partager 288

W.A. BRUEGGEMANN, Isaiah 1-39, pp. 261-264.

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son sort, aussi choisit-il de gagner du temps en construisant l’autel de ses mains. Et, parce qu’il proclame la fête pour YHWH pour le lendemain, il choisit de prendre sur lui le péché devant les menaces du peuple déchaîné. Devant l’attitude peu courageuse du peuple parvenant en Canaan, et après avoir entendu ses murmures, YHWH réagit avec colère et s’adressant à Moïse lui fait savoir son jugement : « Je veux le frapper de la peste et l’anéantir… » (Nombres 14, 12). Une lourde menace pèse sur tous ceux qui ont atteint l’âge de vingt ans dont les cadavres pourriront dans le désert (Nombres 14, 32), tandis que les autres devront y errer quarante longues années (Nombres 14, 33), expiant les infidélités dont ils se sont rendus coupables. Seuls, Caleb et Josué sont épargnés, qui à aucun moment n’ont exprimé de doute. Dieu menace encore son peuple : « Vous connaîtrez les effets de mon hostilité » (Nombres 14, 34), puis dans une annonce tragique précise : « C’est dans ce désert qu’elle prendra fin (la communauté), c’est là qu’elle doit mourir » (Nombres 14, 35). Aussi, excepté les hommes ayant exploré ce pays de Canaan puis provoqué les murmures du peuple contre Dieu, tous sont-ils menacés de connaître un sort peu enviable et de périr frappés par la main divine (Nombres 14, 37)289. Pour autant, après que Moïse leur ait parlé, le peuple se ressaisit, reconnaissant son péché (Nombres 14, 40). Salomon s’adressant à YHWH dans sa prière lors de la dédicace du Temple évoque les conséquences du péché d’un homme envers un autre : « Si un homme pèche envers son prochain et qu’on lui impose un serment pour le faire jurer/maudire, et qu’il vienne prononcer le serment ici, devant ton autel, dans ta maison, tu l’écouteras dans le ciel, tu agiras, tu seras juge entre tes serviteurs, déclarant coupable le coupable et faisant retomber sa conduite sur sa tête, et déclarant juste le juste selon sa justice » (1 Rois 8, 31-32). Si Dieu ne décide pas du recours au serment, il le reçoit et le plaideur doit se rendre au Temple devant lui. De la sorte, il reste seul juge et décide de la punition ou au contraire reconnaît l’absence de culpabilité. À propos du faux serment prêté au sujet d’actes délictueux, il peut être réparé d’une part, par un sacrifice de réparation pour YHWH transformé en témoin de moralité : un bélier sans défaut remis au pontife, et d’autre part par le remboursement du principal et de la pénalité du cinquième pour l’aspect

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M.C.A. KORPEL, A Rift in the Clouds, Ugaritic and Hebrew Descriptions of the Divine, Münster, Ugarit Verlag, 1990, pp. 111-112, remarque que la main et le bras divins sont la plupart du temps évoqués lorsque YHWH choisit son aspect guerrier.

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pénal et religieux (Lévitique 5, 21-26)290. Il est également fait obligation au contrevenant de reconnaître sa faute. Alors : « Il recevra son pardon pour celui de ces faits dont il se sera rendu coupable » (Lévitique 5, 26). Le Psaume 9 se fait prière pour le triomphe de la justice, car la juridiction de YHWH, s’applique à l’ensemble de la terre, une citadelle pour les opprimés, affirmant haut et fort : « Oui, tu as fait triompher mon droit, ma cause, pris place sur ton trône en juge équitable… Il a établi son trône pour la justice… Que les peuples soient appelés en jugement devant toi » (Psaume 9, 5. 8. 20). Dieu exprime sa colère291 contre ce peuple qui : « Ne m’honore que des lèvres », « dont le cœur est éloigné et dont la piété se borne à « des préceptes d’homme » (Isaïe 29, 13). Il peut ainsi répandre le sommeil (Isaïe 29, 10), la stupeur (Isaïe 29, 9), la surprise (Isaïe 29, 9), fermer les yeux des prophètes (Isaïe 29, 10), et voiler les têtes des voyants (Isaïe 29, 10). L’ensemble des nations subit tout autant l’ire divine, son jugement et son châtiment, et les prophètes en dépeignent les circonstances et les conséquences. Isaïe se fait l’écho des paroles divines et de la menace qui pèse, annonçant ce qu’il adviendra de leur multitude transformée en « menue poussière », et évoque la foule des oppresseurs devenue : « Comme le chaume qui passe » (Isaïe 29, 5). Le prophète promet que leurs ennemis se transformeront comme de la chaux en combustion, « des épines coupées que le feu réduit en cendres » (Isaïe 33, 12). La colère divine est ardente contre l’Assyrie (Isaïe 30, 27), que Dieu dans un déchaînement, frappe (Isaïe 30, 31). Sa colère s’accompagne : « De tempêtes, de pluies violentes et de grêlons » (Isaïe 30, 30). Dans une amère constatation, Dieu par la bouche de son prophète convoque les peuples, les nations : « Que la terre écoute, elle et tout ce qui la remplit, le globe avec toute ses créatures » (Isaïe 34, 1). Puis, Isaïe rappelle que Dieu les a frappés « d’anathème et voués au carnage » (34, 2). Accusant son peuple, YHWH rappelle : « Tous vous m’avez été infidèles » (Jérémie 2, 29), ajoute : « Mon peuple m’a oublié depuis des jours sans nombre » (Jérémie 2, 32), et le convoque à son jugement : « Mais voici que je t’appelle en justice » (Jérémie 2, 35). La colère divine contre les idolâtres a châtié : « Les villes de Juda et les rues de Jérusalem » (Jérémie 44, 6). Devant l’idolâtrie de son peuple, l’ire divine est évoquée en bonne place dans les exhortations d’Ézéchiel, et YHWH dans son verdict promet son rejet : « Je détournerai d’eux ma face » (Ézéchiel 7, 22), dont les conséquences mènent vers la destruction de Juda, de ses habitants et l’exil d’une partie d’entre eux. Pris d’une intense irritation devant le culte des idoles, YHWH exige : « Arrachez-vous à vos idoles, et de toutes vos abominations détournez 

S. LAFONT, « La procédure par serment au Proche-Orient ancien », pp. 189 sqq. H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible », pp. 129 sqq.

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votre face » (Ézéchiel 14, 6), et pour le cas où quiconque s’écarte de lui et vient trouver le prophète pour le consulter, Dieu prononce ce jugement : « Je ferai de lui un symbole et un texte à proverbes, je le retrancherai, je le retrancherai du sein de mon peuple » (14, 8). Le prophète est menacé du même châtiment. L’avertissement se fait plus précis : si un peuple agit en trahissant YHWH dans l’application de sa justice, le Dieu, en contrepartie, promet la famine, les bêtes fauves (14, 13. 15), rappelle les évènements historiques et l’envoi des : « Quatre châtiments cruels, le ­ereb ou glaive, la r’b ou famine, les ­ayyâ r’â ou bêtes fauves et la deber ou peste » (14, 21). Le tribunal divin est évoqué en divers textes de Daniel. Une vision du prophète (1, 14) rappelle : « L’arrêt prononcé par la volonté des anges et la résolution décrétée par les Saints », qui participent au jugement porté contre l’arbre personnifiant le roi d’Assyrie. En Daniel 1, 10, le texte cite « un ange, un saint » qui sont un seul et même être et cette formule se répète en 1, 20. Une autre vision met en scène et s’entrouvre sur quelques aspects du rôle du tribunal divin : « Mille milliers le servaient (Dieu) et dix mille myriades se tenaient en sa présence ; Le tribunal entra en séance et les livres furent ouverts » (Daniel 7, 10). Le prophète révèle encore à propos de « l’empire messianique » à venir : « La cour de justice tiendra séance » (Daniel 7, 26). Afin d’être soulagé de ses tourments, le poète sollicite la justice divine contre les oppressions de toutes sortes. Protestant à propos des corrompus et des insensés, le psalmiste espère : « Dieu est avec la race des justes » (Psaume 14, 5). Après avoir supplié : « Lève-toi, YHWH, lève ta main » (Psaume 9, 12), il rappelle : « Dieu a exercé la justice ; le méchant est pris au piège par ses propres œuvres… », et s’abandonnant au choix divin292, implore : « Que les peuples soient appelés en jugement devant toi ! » (Psaume 9, 17. 20). Il questionne YHWH avec désespoir : « Ta colère est-elle embrasée contre le troupeau de ton pacage ? Souviens-toi de ta communauté » (Psaume 74, 1). Désirant un recours à YHWH afin qu’il juge les nations, il l’implore : « Lèvetoi, ô Dieu, fais passer la terre en jugement, car c’est toi qui es le maître de tous les peuples » et le Psaume 82, 8 est suivi par le verset 10-12 du Psaume 83 qui reprend cet appel de jugement. Puis, le psalmiste sollicite du Dieu à propos de ses ennemis : « Qu’ils soient confondus, terrifiés à jamais, saisis de honte et perdus » (Psaume 83, 18). Adjurant le Dieu, le psalmiste espère : « Lève-toi, juge de toute la terre, inflige un juste châtiment aux orgueilleux » (Psaume 94, 2). Exigences de jugements, ces exhortations sont tout autant une demande de présence divine sur la terre après les désastres de la conquête babylonienne293. Puis, Dieu pardonne enfin les fautes de son peuple : « Qui a 292

S. TERRIEN, The Psalms, p. 142. J.S. BURNETT, « Come and See What God Has Done, Divine Presence and the Reversal of Reproach in the Elohistic Psalter and in Iron Age West Semitic 293

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couvert d’un voile toutes leurs défaillances » (Psaume 85, 3). Jamais il n’a abandonné son peuple, il reste présent auprès des exilés en dépit de la destruction de son sanctuaire. Et le prophète Ézéchiel révèle clairement dans ses oracles que l’absence ne signifie aucunement l’abandon ou la défaite294.

UN DIEU GUERRIER, UN DIEU VENGEUR Témoignant d’un Dieu puissant, son nom et ses caractéristiques se relient à nombre de ses interventions en faveur de son peuple. Des narrations transmettent le nom d’’¥l Îady, « Dieu tout-puissant »295, expression de pouvoir et de puissance militaire, dont témoigne Genèse 17, 1, où Dieu se révèle à Abram, qui est aussi le nom sous lequel il est connu d’Isaac et Jacob. D’autres épithètes célèbrent les vertus de ce Dieu guerrier. Il est ainsi qualifié de nissî, « étendard/miracle/merveille » ayant mené les Israélites vers la victoire lors du combat mené contre Amalec (Exode 17, 15). L’aspect du Dieu guerrier porte parfois le titre de YHWH ’el¿hîm ṣebôt, « YHWH Dieu maître des armées » (de la terre et du ciel et de toutes les puissances). Et, les armées divines sont évoquées dans de nombreux textes, qui en précisent les contours. Ainsi, le récit de 1 Rois 22, 19 cite : wekol ṣeb’ haÎ΍maîm, « Et toute l’armée du ciel (les anges) » de même Deutéronome 4, 19, et le Psaume 103, 21 précise : « (vous) ses armées célestes, ses anges, tous ». Le récit de création en Genèse 2, 1 fait mention de : haÎ΍maîm weh’reṣ wekāl ṣeb’m, « Les cieux et la terre et toutes leurs armées ». Néhémie 9, 6 cite : « C’est toi qui a fait les cieux et les cieux des cieux et toutes leurs armées, la terre et tout ce qu’elle contient », qui ajoute : « Et l’armée du ciel s’incline devant toi » (Néhémie 9, 6). Ainsi, les armées des hommes se font-elles l’écho des armées célestes, qui se composent des anges et des astres : le soleil, la lune et les étoiles. Les prophètes le signalent aussi, avec Isaïe 24, 21 : ṣeb’ hammrôm, « les armées d’en haut » (par opposition aux rois de la terre), et Jérémie 33, 22 : ṣeb’ haÎ΍maîm, « armées du ciel/les étoiles ». Isaïe 24, 21, annonce que Dieu : « Châtiera les milices du ciel au ciel et et les rois de la terre sur terre » qui ont accompli le mal. Leur punition est rappelée en Psaume 82, 5-7. Parfois YHWH intervient seul afin de sauver son peuple des griffes ennemies : Moïse devant le peuple effrayé par l’arrivée de l’armée égyptienne l’assure de l’intervention divine en sa faveur : « YHWH combattra pour vous » (Exode 14, 14). Inscriptions », dans N. Mac Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 213-250. 294 J.F. KUTSKO, Between Heaven and Earth and Divine Presence and Absence, p. 75. 295 E.C.B. MACLAURIN, « Shaddai », Abr-Nahrain 3, 1961-1962, pp. 99-118, spéc. pp. 108-115, souligne cet aspect de pouvoir, de puissance et de prouesses militaires.

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Alors que la colère divine gronde, ce Dieu guerrier châtie tant son peuple amoral et idolâtre que ses ennemis. Lorsqu’il n’envoie pas ses armées célestes, Dieu se sert de diverses armes contre son peuple ou des coupables quels qu’ils soient. Instrument divin du châtiment (Psaume 110, 2 ; Michée 6, 9) : le bâton ou maÓÓeh agit « en verge vengeresse de l’iniquité » (Ézéchiel 7, 11). Alors que Dieu l’a délivré, David dans son cantique à la gloire divine témoigne : « Le seul reflet de sa face allume des flammes ardentes », « Il lance ses flèches » (2 Samuel 22, 15). Puis il déclare que le lit de l’océan s’est découvert et que les fondements de la terre ont été mis à nu : « Au souffle du vent de sa colère » (2 Samuel 22, 16). Dieu fait périr soixante-dix hommes parmi les cinquante mille habitants de Beth Shemesh pour avoir regardé dans l’arche (1 Samuel 6, 19), et outrepassé la distance entre le profane et le sacré, afin de témoigner du danger à s’approcher trop près du divin. Contre ses ennemis et ceux d’Israël, Dieu joue un rôle guerrier et protecteur. Le récit des plaies d’Égypte, marque un parallèle avec le précédent récit, où la présence et les interventions divines permettent la délivrance du peuple. Plus tard, le Dieu est appelé par Moïse lors des pérégrinations au Sinaï et lorsque l’arche repart, il en requiert : « Attaque YHWH, afin que tes ennemis soient dissipés/dispersés, et que tes adversaires fuient » (Nombres 10, 35). Lorsque l’arche fait halte, il demande : « Retourne, YHWH, auprès des myriades des familles d’Israël » (Nombres 10, 36). Le Psaume 68, 2 avertit : « Dieu attaque ! Que ses ennemis se dispersent… Que ses adversaires s’enfuient ». Parmi les interventions divines s’exerçant auprès des ennemis d’Israël, alors que les Philistins se sont emparés de l’arche du Seigneur, de mystérieux événements se produisent (1 Samuel 5). Leur divinité se retrouve face contre terre, ils la relèvent et le matin suivant elle gît à nouveau à terre devant l’arche, la tête et les deux mains coupées. Puis, Dieu sévit contre les habitants d’Ashdod et le territoire voisin. Après son transport dans la cité de Gath, les habitants sont frappés de tumeurs, l’arche alors est envoyée à Ekron, mais les habitants la refusent, car la main divine se faisant sentir, nombreux sont ceux qui meurent et sont atteints de maladie. Désireux de la renvoyer, ils se voient recommander d’offrir un sacrifice expiatoire au Dieu d’Israël afin de faire cesser les plaies dont ils souffrent, ce qu’ils réalisent et l’arche retourne à Beth Shemesh (1 Samuel 6). Tant que l’arche n’a pas retrouvé son emplacement, le châtiment divin ne cesse de tourmenter les Philistins. D’autres interventions divines permettent de leur infliger des défaites (1 Samuel 7, 10). Les textes prophétiques les évoquent également. En Isaïe 28, 3, Dieu dépeint ses préparatifs de guerre, qui demande à son peuple : « D’établir son camp comme en cercle » et promet : « Contre toi j’élèverai des retranchements et dresserai des redoutes » (Isaïe 29, 3). Dieu s’approprie des armes, tant psychologiques que matérielles, dont il use envers les ennemis. Il les défie et

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devant lui : « Les nations se dispersent (Isaïe 33, 3). Il provoque la terreur d’Achour (Isaïe 30, 31), frappe ce pays de son bâton (Isaïe 30, 31) lui livre des combats acharnés (Isaïe 30, 32 ; 33, 4), et se fait comminatoire et tragique lorsqu’il dépeint le destin promis : « Qui tombera sous une épée qui ne sera pas celle d’un homme, il sera dévoré par un glaive qui ne sera pas celui d’un mortel » (Isaïe 31, 8). Le prophète brosse l’image d’un Dieu irrité, décidant de venir guerroyer afin de protéger Jérusalem qu’il choisit de défendre et sauver (Isaïe 31, 5). Le dévastateur ne saurait rester impuni, aussi Dieu poset-il cette question à laquelle il a d’ores et déjà répondu : « Artisan de violence, n’essuieras-tu pas la violence ? Lorsque tu auras achevé les ruines tu seras ruiné ; lorsque tu auras mis un terme à tes violences d’autres te violenteront à leur tour » (Isaïe 33, 1). Parmi les armes dont use Dieu, le glaive, qui s’abat sur le peuple d’Edom (Isaïe 34, 5-6). Le prophète précise : « C’est un jour de vengeance pour YHWH, une année de représailles pour la cause de Sion » (Isaïe 34, 8), puis questionne : « N’est-ce pas toi qui taillas en pièces Rahab (l’ngypte), qui frappas à mort le monstre ? » (Isaïe 51, 9). C’est avec lyrisme que le prophète Habacuc dépeint le spectacle de cette tragédie : « Devant lui marche la peste, et la fièvre brûlante suit ses pas. Il se lève et la terre vacille, il regarde et fait sursauter les peuples ; les antiques montagnes éclatent, les collines éternelles s’affaissent, qui sont ses routes séculaires. Je vois les huttes de Couchân ployer sous le malheur et frissonner les tentes du pays de Madian… Dans ta fureur, tu piétines la terre, dans ton courroux tu broies les nations » (3, 57. 12).

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YHWH, LE DIEU UNIQUE ? Le Dieu d’Israël Avant que de devenir le Dieu d’Israël, la croyance et le culte de YHWH sont présents dans l’espace de manifestations régionales telles : YHWH de Jérusalem, de Samarie (Inscription sur le pithos A HI K Ajr 18), de Kuntillet ʽAjrud (pithos B HI K Ajr 20.1), de Hébron (2 Samuel 15, 7), de Sion (Psaume 99, 2)296. Ainsi, l’inscription figurant sur le pithos A de Kuntillet ʽAjrud révèle une bénédiction par YHWH de Samarie et par Asheratah, tandis que la première bénédiction du pithos B révèle une bénédiction par YHWH de Teman et Asheratah297. Jusqu’au VIIIè siècle, les inscriptions présentent YHWH comme associé à des lieux particuliers. Le Dieu YHWH de Samarie est celui de la région de Samarie, YHWH de Teman celui des régions du sud de la Palestine et le Dieu de Jérusalem est celui des hautes terres de Juda 298. Les montagnes de Juda appartiennent au « Dieu de Jérusalem », où la terre concerne le royaume de Juda, et le Dieu de Jérusalem celui du royaume. D’une tombe de Khirbet Beit Lei, une inscription affirme : « YHWH est le Dieu de toute la terre »299. Il est à noter des parallèles entre le Dieu de Jérusalem et celui de Samarie, en effet, ce dernier titre paraît se référer au Dieu de la région de Samarie plutôt qu’à la cité, tout comme Samarie se réfère au royaume d’Israël dans l’inscription de Tiglath-Phalazar III300. Ces expressions régionales ont posé la question de savoir si en raison de ces appellations spécifiques à un lieu, à une cité, elles s’appliquent à un seul et même Dieu. S’agit-il de plusieurs dieux portant une seule appellation ou d’un seul Dieu et de ses diverses manifestations liées à une cité, un lieu spécifique301 ? Deutéronome 6, 4 : « ncoute Israël, YHWH est notre Dieu, 296

J.M. HUTTON, « Local Manifestations of Yahweh and Worship in the Interstices : A Note on Kuntillet ʽAjrud », JANER 10, 2010, pp. 177-210. 297 N. NA’AMAN, « The Inscriptions of Kuntillet ʽAjrud through the Lens of Historical Research », UF 43, 2011, pp. 299-324, spéc. pp. 302-303. 298 A. LEMAIRE, « Date et origine des inscriptions hébraïques et phéniciennes de Kuntillet ʽAjrud », SEL 1, 1984, pp. 131-143, spéc. pp. 132-133. 299 A. LEMAIRE, « Prières en temps de crise : les inscriptions de Khirbet Beit Lei », RB 83, 1976, pp. 558-559. 300 H. TADMOR et S. YAMADA, The Royal Inscriptions of Tiglath-Pileser III (744-727 BC) and Shalmanazar V (726-722 BC), Kings of Assyria. The Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period, vol. I, Winona Lake, Eisenbrauns, 2011. 301 N. MAC DONALD, Deuteronomy and the Meaning of  Monotheism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2003, pp. 71-75, affirme qu’il est possible « que YHWH de Tema et YHWH de Samarie étaient considérés comme des manifestations du même Dieu ». B.D. SOMMER, The Bodies of God : Yahweh and the other Deities in Ancient Israel,

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YHWH est un » est peut-être destiné à ne pas permettre de désintégrer YHWH en plusieurs manifestations locales. De fait, ces manifestations ne paraissent pas contradictoires. Et le Shema attire l’attention sur l’impropriété, tant syntaxique que théologique, qu’il y a à différencier entre les manifestations locales de YHWH302. Ce n’est qu’à compter de 587/586 avant notre ère, que le culte de YHWH semble adopter un aspect exclusif. De fait les croyances de la société israélite résultent d’une longue évolution dans la tradition concernant la foi303. En effet, parmi d’autres et de nombreux exemples déjà évoqués, l’apostasie future du peuple rendant un culte à d’autres dieux est annoncée péremptoirement par Moïse lors de ses derniers moments (Deutéronome 30, 20). Ce Dieu auquel un culte est rendu depuis la période tribale304, puis sous la monarchie305, est porteur d’un immense espoir de restauration de Juda et de la dynastie de David306. Les prophètes se font les porte-paroles de cette Grand Rapids, Eerdmans, 2009, p. 1, évoque l’hypothèse que le Dieu d’Israël était doté non d’un corps mais de plusieurs situés en divers lieux dans le monde qu’il a créé. Il nomme cette spécificité : la fluidité de l’individualité. J.A. EMERTON, dans « New Light on Israelite Religion : the Implications of the Inscriptions from Kuntillet ʽAjrud », ZAW 94, 1982, pp. 2-20, spéc. p. 9 explique la concurrence entre YHWH de Samarie et YHWH de Teman comme une question de choix personnel quant à la représentation d’un aspect du Dieu. 302 J.M. HUTTON, « Local Manifestations of Yahweh », 2010, pp.205-206. 303 R.K. GNUSE, No Other Gods, Emergent Monotheism in Israel, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1997, pp. 129 sqq. Par ailleurs, selon E.S. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, Londres, New York, T et T Clark, 2002, p. 216, l’ensemble des concepts théologiques, à savoir la notion de Dieu, la doctrine de salut et de rédemption, les formes liturgiques et religieuses tels les Psaumes, de nombreux concepts sociaux et politiques, la compréhension de l’histoire, auraient été mis en place au cours de la période exilique. 304 Pour J.C. de MOOR, The Rise of Yahwism, Louvain, Leuven University Press, 1990, pp. 119-128, les Israélites ont trouvé un havre de paix au pays de Bashan et une relative prospérité au cours du XIIIè siècle avant notre ère et, cette situation est décrite par le Psaume 68 qui l’attribue à Elohim. 305 J.M. HUTTON, dans « Local Manifestations of Yahweh », pp. 177-210, développe l’aspect régional de YHWH dont les traces apparaissent dans les inscriptions, ainsi YHWH de Samarie, ou YHWH de Teman, et qui sont dotés de significations religieuses pour les orants des diverses régions (Kuntillet ʽAjrud). 306 E.S. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, p. 218. En outre, pour J.H. TIGAY, You Shall Have no Other Gods, Israelite Religion in the Light of Hebrew Inscriptions, Atlanta, Brill, 1986, même sous la monarchie, il aurait été usuel de rendre un culte à YHWH comme un dieu familial. L’auteur argumente en soulignant

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révélation. Amos (9, 11) transmet les promesses divines de reconstruction : « Je relèverai la tente caduque de David, j’en réparerai les brèches, j’en restaurerai les ruines…, dit YHWH qui accomplira tour cela ». Ézéchiel citant la parole divine, souligne : « Je prêterai secours à mes brebis… » (34, 22), puis conclut : « Et moi YHWH, je serai leur Dieu » (34, 24). Jérémie reprend cette image : « Moi, je rassemblerai les restes de mon troupeau de toutes les terres où je les ai reléguées » (23, 3). Et, le texte met en scène le discours divin qui se conclut ainsi : « En vérité des jours viendront… Vive YHWH qui a fait monter, qui a ramené les descendants de la maison d’Israël du pays du nord et de toutes les contrées où je les avais relégués » (Jérémie 23, 8). Après la destruction de Juda en 587/586, la croyance et le culte de YHWH ont perduré, qui ont rassemblé le peuple des exilés et l’ont sauvegardé. En dépit de la déportation des membres de de la famille royale, des aristocrates, des prêtres, des hauts fonctionnaires et des artisans, le culte s’est renforcé, et a d’autant mis en exergue l’identité des Israélites. Pour les communautés hors du royaume de Juda, ce culte les cimente leur permettant de ne pas perdre leur identité. Si l’aspect ethnique s’est en partie perdu lors de l’exil, la croyance en YHWH le remplace. La formule : « Je crains YHWH » fait écho à cette autre : « Ceux qui craignent YHWH », employée tout particulièrement dans les Psaumes (Psaume 15, 3 ; 22, 2 ; 26, 31 ; 31, 20 ; 60, 6 ; 61, 6 ; 66, 16 ; 85, 10)307. La notion de yr¥’, ou « peur », exprime également le chemin que doivent suivre les croyants (Deutéronome 4, 10 ; 5, 29 ; 6, 2. 13. 24 ; 8, 6 ; 10, 12. 20). Et la particularité de ce lien dans sa parfaite simplicité, se formule au travers de l’affirmation divine : « C’est moi YHWH qui suis votre Dieu ! » (Juges 6, 10). Par ailleurs, l’absence d’une représentation concrète sous forme d’images et/ou de statues n’est pas corrélé à l’absence divine, qui peut s’exprimer par le biais d’autres communications déjà évoquées. Le renoncement à ces représentations et au culte des idoles ramène la présence divine (Ézéchiel 8-11), tandis que leur culte et l’impureté devenue sa résultante provoque le rejet et/ou la punition par YHWH. Restituant le plaidoyer divin afin de lui permettre un retour définitif, le prophète nzéchiel affirme : « À présent, ils éloigneront de moi leurs prostitutions et les cadavres de leurs rois, et je résiderai pour toujours parmi eux » (43, 9). Parmi les visions du prophète Zacharie, figure une séquence symbolique où une femme représentant le péché, se voit rejetée de Jérusalem et retourne à Babylone (6). Elle est associée à l’idolâtrie (8). De nombreux textes de Jérémie critiquent violemment le culte des idoles (1, 16 ; 2, 27-28 ; 10, 1-6 ; 14-15), de même que l’augmentation des noms théophores s’y rattachant durant la fin de la période monarchique semblerait l’attester. 307 E.S. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, p. 220.

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ceux d’Isaïe (40, 19-20 ; 41, 6-7 ; 44, 9-20). La description critique et railleuse de la technique de sculpture des idoles est dépeinte avec humour et cynisme par Jérémie : « On coupe dans la forêt un arbre que le charpentier façonne à coups de hache ; puis on le décore d’argent et d’or, on le consolide avec des clous et des marteaux, pour qu’il ne bouge pas. De tels dieux sont comme un épouvantail dans un champ de concombres, ils ne parlent pas, on est obligé de les porter, car ils ne peuvent faire un pas. Ne craignez rien d’eux car ils ne font pas de mal, mais faire du bien n’est pas davantage en leur pouvoir » (Jérémie 10, 3b-5a). Et le prophète conclut s’adressant à YHWH : « Assurément, parmi tous les sages des nations et dans tous leurs royaumes nul n’est semblable à toi. Ensemble ils font preuve de déraison et de sottise, le bois (qu’ils adorent) montre le néant de leur doctrine » (Jérémie 10, 7b-8). Osée précise : « Ils se sont fait des idoles avec leur argent et avec leur industrie des images » (Osée 13, 2). Ironisant sur les simulacres de dieux devant lesquels l’homme se prosterne, et qu’il fabrique en détruisant les cèdres, les chênes et les pins, le prophète illustre l’infidélité du peuple envers YHWH (Isaïe 44, 9-20), qui persifle : « Les fabricants d’images sculptées sont tous néant, et leurs beaux ouvrages ne servent de rien ; eux-mêmes en sont témoins, mais ils ne voient ni ne comprennent, aussi seront-ils confondus. Qui donc va façonner un dieu, mouler une statue, incapables de se rendre utiles ? » (Isaïe 44, 9-10). Tant ces idoles que les autres divinités sont dénommées par les appellations à connotation éminemment négative de Îiqqûṣ, « abomination/ impureté/ idole » (Jérémie 7, 30), tô‘¥bh, « horreur/abomination/idole (Isaïe 44, 19), et gillûl, « abomination/immondice/idole » (Ézéchiel 6, 4 ; Deutéronome 29, 16), témoignant de leur rejet. Leur culte provoque le retrait de la protection divine. En outre, selon Ézéchiel, la disparition de l’arche d’alliance et du trône divin orné de ses statuettes de chérubins symboles de la

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présence divine, renforce le rejet croissant des images dans l’espace du culte308. Par ailleurs, les métaphores anthropomorphes s’appliquant à YHWH dans la littérature biblique ne coïncident nullement avec les représentations idolâtriques, dont l’objet est de marquer les esprits et ne pas maintenir dans une trop grande abstraction le concept divin qui pourrait provoquer doute et rejet. Compréhension et perception de l’immanence et de la transcendance divine sont présumées s’imposer. En un effet de miroir, la peur de l’absence divine est évoquée par le poète et sa requête : « Ne garde pas le silence » (Psaume 83, 2). La vénération de YHWH se veut exclusive, qui coïnciderait avec le rejet des autres dieux. Néanmoins, les cultes rendus à ces autres dieux, considérés comme une abomination, ne disparaissent pas aisément. Cette menace est assurée tout au long des siècles, pour parvenir à se dissiper avec le retour à Jérusalem de Néhémie et Esdras et leurs puissantes interventions. La problématique de l’unicité de YHWH occupera de nombreux siècles, avant d’être reconnue définitivement et ce après une longue période de durs combats, dont ceux des prophètes furent les témoins et les acteurs, acceptant qu’il ne soit pas attaché à un lieu spécifique ou que son pouvoir soit limité309. Enfin, si pour la période pré-exilique YHWH s’avère le Dieu d’un territoire spécifique, pour l’ère post-exilique, il s’est transformé en Dieu universel.

308

J. MIDDLEMAS, « Divine Presence in Absence », dans N. Mac Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 183208, spéc. p. 191. 309 W.C. TREMMEL, Religion, What is it ?, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1976, p. 129.

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Baal, Tammouz et les autres… D’autres dieux ont été vénérés durant toute la période allant de l’installation en Canaan à la fin de l’exil, jusqu’au retour des Judéens. Assurée dans diverses narrations, leur image les dépeint comme sombres et inutiles (Jérémie 44, 15-19, Ézéchiel 8-11). Leur éradication exigée n’est pas toujours réalisée, en raison des doutes et des influences diverses provenant des peuples voisins et subis par le peuple. Apparaissant dans les narrations, elles accompagnent parfois YHWH. Après avoir scellé une alliance, Laban et Jacob prêtent serment. Le premier propose : « Puissent nous juger le Dieu d’Abraham et le Dieu de Nacor, les divinités de leur père », et le second décide de jurer : « par le Dieu révéré de son père Isaac » (Genèse 31, 53). Dans les premiers temps de l’installation, les textes témoignent d’une société où les divinités cohabitent310. Les villes et les villages bénéficient d’un dieu gardien de leur cité qui leur paraît supérieur aux dieux voisins : par exemple, le dieu de Béthel dénommé El-Bethel est évoqué en Genèse 35, 7311. Divinité souvent mentionnée dans les textes, Baal semble jouer un rôle important dans les croyances des Israélites312 : ce nom apparaît cinquantehuit fois au singulier et dix-neuf au pluriel : habbe‘lîm, « les Baals »313 (Jérémie 2, 23). Dieu de cités et/ou de lieux géographiques, son nom apparaît dans : Baal-Gad (Josué 11, 17 ; 12, 7 ; 13, 5), Baal-Hamon (Cantique 8, 11), Baal-Hazor (2 Samuel 13, 23), Baal-Hermon (Juges 3, 3 ; 1 Chroniques 5, 23), 310

T. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, p. 109. Des divinités attestées à Éléphantine portent ainsi les appellations suivantes : AnatBethel, (C3. 15), Ḥerem-Bethel (B7. 2), et Eshem-Bethel (C3. 15), B. PORTEN et A. YARDENI, Textbook of Aramaic Documents from Ancient Egypt, nlle copie, éd. et trad. de l’hébreu, T. I à IV, Jérusalem, Eisenbrauns, 1989-1999. 312 D. NOQUET, Le Livret Noir de Baal, La polémique contre le dieu Baal dans la Bible Hébraïque et l’ancien Israël, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 21, rappelle que le nom de Baal devient le nom propre d’une divinité spécifique au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, qui ajoute que la littérature ougaritique témoigne de son autonomie et de sa vénération comme dieu de la fertilité. B. HALPERN, dans « The Baal (and the Asherah) in Seventh-Century Judah Yhwh’s Retainers Retired » dans R. Bartelemus, Th. Krüger et H. Utzschneider éd., Konsequente Traditiongeschichte. Festschrift für Klaus Baltzer zum 65 Geburtstag, Freibourg et Göttingen, Vanderhoeck et Ruprecht, 1993, pp. 115-153, propose l’hypothèse suivante : Baal au singulier serait probablement employé comme nom collectif et Baal au pluriel désignerait les dieux inférieurs de l’armée des cieux que YHWH domine. 313 Cette forme plurielle est assurée en Juges 2, 11. 13 ; 3, 7 ; 8, 33 ; 10, 6. 10 ; 1 Samuel 7, 4 ; 12, 10 ; 1 Rois 18, 18 ; Jérémie 2, 23 ; 9, 13 ; Osée 2, 15. 19 ; 11, 2 ; 2 Chroniques 17, 3 ; 24, 7 ; 28, 23 ; 34, 4. 311

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Baalé-Judah (2 Samuel 6, 2), il est connu comme Kiriat-Baal (Josué 15, 60 ; 18, 14), et cette liste n’est pas exhaustive314. Parfois il porte l’épithète : BaalShamem, « Baal des Cieux ». Un dieu cananéen nommé Baal-Berith, « Baal de l’Alliance » est évoqué en Juges 9, 4, assurant de nombreuses variations. Baal, dieu de la fertilité, occupe une place centrale dans le culte des Israélites, qui participent dès leur entrée sur la terre promise au culte de BaalPeor au Mont Peor en Moab (Nombres 25, 1-9 ; Deutéronome 4, 3 ; Psaume 106, 28 ; Osée 9, 10). Le texte des Juges confirme, que dès leur installation en Canaan : « Les enfants d’Israël … adorèrent les Baalim, idoles de Baal et ses diverses personnifications » (Juges 2, 11). Ils abandonnent le Dieu de leurs pères, et s’attachent à d’autres dieux choisis parmi ceux des peuples voisins, servent Baal, Astarté et les Ashtaroth (Juges 2, 13 ; 3, 7). Exemple de cette coutume, Gédéon, désigné par YHWH, détruit un autel dédié à Baal (Juges 6, 25-32). Lors de la monarchie divisée, le roi Achab, souverain d’Israël, prend pour femme Jézabel fille d’Etbaal roi de Sidon, s’adonne au culte de Baal, et lui érige un autel dans le temple qu’il fait bâtir à Samarie (1 Rois 16, 31-33). Durant son règne, la famine règne sur tout le pays, en effet la pluie et la rosée font défaut durant trois longues années (2 Rois 17, 1-7). YHWH envoie le prophète Élie afin de rencontrer le souverain. Le prophète en exige de rassembler quatre cents prophètes de Baal et quatre cents d’Ashérah sur le Mont Carmel. Élie s’adresse au peuple et, subtil, leur propose : « Si YHWH est le vrai Dieu, suivez-le, si c’est Baal suivez Baal » (1 Rois 18, 21). Le sacrifice de deux taureaux permet de les départager. La confrontation entre l’unique prophète de YHWH et ceux de Baal donne lieu à une démonstration témoignant de l’impuissance de ce dernier, et de l’intervention de YHWH. En effet, le vrai dieu doit allumer le feu du sacrifice et Baal malgré les étonnantes démonstrations de ses quatre cents prophètes présents n’agit pas, qui semble absent. Seul YHWH fait jaillir le feu, consume la victime démontrant qu’il le vrai Dieu (1 Rois 18, 25-39). Cette narration témoigne de la rivalité entre Baal et YHWH, le premier se montrant, à tout le moins, incapable de soutenir les humains. Cette dévotion perdure, et après avoir suivi les « dieux de vanité », les habitants de Juda qui ne cessent d’imiter leurs voisins, abandonnent les 314

S’y ajoutent : Baalah ou Kiriath-Jearim (Josué 15, 9 ; 1 Chroniques 13, 6), BaalMeon (Nombres 32, 34 ; 1 Chroniques 5, 8) ou Beth-Baal-Meon (Josué 13, 17), BaalPeor (Deutéronome 4, 3 ; Osée 9, 10 ; Psaume 106, 28), Baal-Perazim (2 Samuel 5, 20 ; 1 Chroniques 14, 11), Baal-Shalisha (2 Rois 4, 42), Baal-Tamar (Juges 20, 22), Baalath (Josué 19, 44), Baalath-Beer (Josué 19, 8), Bamoth-Baal (Josué 13, 17), Bealoth (Josué 15, 24). D’autres occurrences sont assurées en Égypte : Baal-Zaphon (Exode 14, 2. 9 ; Nombres 33, 7). Baal-Zaphon dieu du Mont Zaphon en Syrie est aussi mentionné à Ugarit.

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commandements de YHWH, s’adonnent régulièrement au culte de Baal (2 Rois 17, 16), fabriquent des objets en son honneur (2 Rois, 23, 4-5), et ce durant toute la période royale, en dépit des réactions hostiles, telle celle du roi Josias qui promulgue le Deutéronome en 622 avant notre ère. Le roi Achab ne semble pas réaliser à quel point les deux cultes sont incompatibles, qui rend un culte à Baal et à YHWH, en effet ses fils portent des noms yahwistes : Achazia et Jehoram, dont le premier s’adonne au culte de Baal (1 Rois 22, 53). Et, la chronique témoigne que, devenu roi, Achazia tombé de l’étage supérieur de son palais de Samarie, se blesse grièvement et envoie des émissaires auprès de Baal-Zeboub, distorsion du nom Baal-Zeboul, « Prince Baal » et divinité d’Ekrôn afin de savoir s’il peut guérir de sa blessure. La réaction de YHWH ne se fait pas attendre. Et la question paradigmatique posée en 2 Rois 1, 3 à Elie le Tishbite par un ange trahit cette réalité : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël que vous alliez consulter Baal Zeboub, dieu d’Ekrôn ? ». YHWH en contrepartie de la défense de son peuple en exige une confiance absolue et la cessation du culte des autres divinités évoquées315. Jehoram, le second fils d’Achab détruit la statue de Baal. Ce culte perdure cependant et Jehu fait disparaître par ruse tous les adorateurs de Baal et ses prêtres (2 Rois 10, 19-25). Les cippes de son temple sont brûlés, la statue abattue, le sanctuaire détruit (2 Rois 10, 26-27). Outre les souverains du royaume du Nord, Manassé roi de Juda s’adonne aussi an culte de Baal (2 Rois 21, 3), mais Josias tente de mettre bon ordre à cette idolâtrie lors de sa réforme (2 Rois 23, 4-5). Durant les débuts de l’installation en Canaan, des Israélites adoptent des noms théophores comportant l’élément Baal, ainsi Jérubaal autre nom de Gédéon (Juges 6, 32 ; 7, 1), Eshbaal fils du roi Saul (1 Chroniques 8, 33 ; 9, 39) devenu Ishboshet en 2 Samuel 2, 10, Meribbal ou Meribaal fils de Jonathan fils de Saül (1 Chroniques 8, 34 ; 9, 40) transformé en Mephiboshet (2 Samuel 4, 4 ; 9, 6 ; 19, 25)316. D’autres attestations sont connues, et l’un des fils du roi David porte le nom de Beeliada signifiant Baaliada (1 Chroniques 14, 6)317. Néanmoins, il n’est pas certain que ces noms renvoient au dieu Baal, qui sont peut-être plutôt utilisés comme simple épithète de « Seigneur/maître », sans identification à cette divinité. 315

T. BUTLER, Judges, pp. 198 sqq. J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, pp. 81-83, remarque la transformation de ces noms employant b¿Îet, qui évoque la « honte », et le substituant à Baal, ce terme devient un terme ou une épithète négative pour Baal. 317 L’un des sceaux où figure le nom Yehobaal signifiant : « YHWH est Baal » le confirme, N. AVIGAD, « Hebrew Seals and Sealings and their Signification for Biblical Research », dans J.A. Emerton éd., Congress Volume, Jerusalem 1986, Leyde, Brill, 1988, pp. 7-16, spéc. pp. 8-9. 316

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Les récits des Juges et des Rois sont parsemés d’expressions confirmant ce culte. Attestant de cette croyance, Juges 2, 11-12, fait allusion aux enfants d’Israël, oublieux de YHWH, qui : « adorèrent les Baals ». Et Juges 8, 33 les critique violemment : « Les Israélites se prostituèrent de nouveau au culte des Baals ». Achab, roi d’Israël : « S’adonna au culte de Baal et se prosterna devant lui. Il érigea un autel en son honneur », en conséquence la pluie cessa de tomber (I Rois 16, 31). Achazia fils d’Achab : « servit Baal et lui rendit hommage provoquant le courroux de YHWH, Dieu d’Israël, tout comme avait fait son père » (1 Rois 22, 54). Parfois, une confrontation s’expose entre YHWH et Baal. YHWH exige de Gédéon de détruire l’autel de son père consacré à Baal, puis d’en bâtir un qui lui sera dédié (Juges 6, 25-26). YHWH affronte Baal dans le cycle d’nlie (1 Rois 17, 19-46). La divinité d’Ekrôn, Baal-Zeboub est mise en concurrence avec YHWH lorsqu’il s’agit de guérir Achazia roi d’Israël ce qu’il paiera de sa vie (2 Rois 1, 2-17). Jéhu, sacré souverain d’Israël, fait disparaître les adorateurs de Baal, ses prophètes et ses prêtres, d’abattre sa statue et de renverser son temple convertit en cloaque, afin de laisser l’espace libre pour YHWH (2 Rois 9, 18-28). Enfin, le roi Josias après avoir donné lecture du livre de l’alliance aux habitants de Juda et de Jérusalem, ordonne aux prêtres : « D’enlever tous les objets destinés au culte de Baal… (et) supprima les prêtres qui encensaient Baal » (2 Rois 22, 4-5). Lorsque Jérémie (23, 13. 27) mentionne Baal, il se réfère souvent à l’histoire du royaume du Nord et de Samarie où ce dieu est doté d’un rôle important. Rapportant une divine constatation, le prophète émet d’acerbes critiques contre le peuple et ses prophètes : « Aussi chez les prophètes de Samarie, j’avais vu des choses écœurantes ; ils prophétisaient au nom de Baal et égaraient mon peuple Israël… Entre-t-il dans leurs calculs de faire oublier mon nom à mon peuple, grâce à leurs songes qu’ils se content mutuellement de même que leurs ancêtres ont oublié mon nom pour Baal ? ». Juda et Jérusalem sont également accusés de cette idolâtrie : « Aussi nombreux que les rues de Jérusalem sont les autels élevés par vous à un culte honteux, les autels pour encenser Baal » (Jérémie 11, 13). Sophonie (1, 4-5), rappelle la menace divine d’une hécatombe sur Juda : « Puis, j’étendrai la main sur Juda et sur tous les habitants de Jérusalem, et je ferai disparaître de cette ville ce qui reste de Baal… ». Osée (2, 18-19) évoque les conséquences de ce culte : « Tu ne m’appelleras plus : « mon Baal ». Je proscrirai de sa bouche ces dénominations de Baals ; leur nom sera voué à l’oubli ». Le

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prophète rapporte encore : « Il a prévariqué en adorant Baal et il a péri » (Osée 13, 1). Alors qu’Osée (2, 18-19 ; 13, 1), Sophonie et Jérémie (2, 8 ; 23, 13), exècrent le culte de Baal et l’expriment, les autres prophètes ne le mentionnent même pas, probablement en raison du rejet radical dont il fait l’objet. Par la voix de son prophète, YHWH réprimande les Judéens et notamment la cité de Jérusalem, qui s’en sont détournés. Aussi, remarque-t-il qu’ils ont installé : « Leurs infâmes divinités dans le Temple afin de le souiller ». Et Jérémie ajoute à ces blâmes : « Ils ont édifié les hauts-lieux de Baal, ceux de la vallée de Hinnom ». Jérémie (32, 29) rappelle : « On brûlait de l’encens à Baal et faisait des libations à des dieux étrangers », lors de la période pré-exilique. La passivité et l’impuissance absolues de Baal comme celles de toutes les idoles qu’évoquent les textes sont tout particulièrement accentuées et mises en concurrence avec l’efficacité redoutable de YHWH afin de pénétrer le champ de la conscience du peuple d’Israël. Puis, dès la période post-exilique, Baal semble presque oublié, il n’en est fait mention que par exception, par exemple en Ézéchiel 12, 11. Divinité babylonienne mourante et renaissante, le culte du Tammouz est évoqué en nzéchiel 8, 14, dont il semble, selon le prophète, que des femmes s’y adonnent assises devant le Temple de YHWH : « Pleurant le Tammouz », unique attestation de ce dieu dans les textes bibliques et caricature du syncrétisme judéen318. Le prophète ne propose pas d’information complémentaire sur le rituel concerné. Tant le culte du soleil que de la lune sont attestés dans des textes qui courent le long de la période du VIIè au VIè siècles avant notre ère. Le culte rendu au soleil se concrétise par ses hauts-lieux, ses prêtres et également par les deux chevaux qui lui étaient consacrés à l’entrée du Temple. Aussi, lors de sa réforme, le roi Josias les relègue-t-il près de la cellule du fonctionnaire située dans l’annexe, puis « livre aux flammes les chars du soleil » (2 Rois 23, 11). Leur origine est probablement cananéenne (2 Rois 23, 2-3). L’appellation de la cité de Beth-Shemesh ou « Maison du soleil », située sur la frontière nord de Juda semble en assurer l’origine (Josué 15, 10), qui avait été offerte aux lévites (Juges 21, 16 ; 1 Chroniques 6, 44). L’appel de Josué souligne ce culte associé à celui de la lune : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon ! Lune, fais halte dans la vallée d’Ayyalôn ! Et le soleil s’arrêta et la lune fit halte… » (Josué 10, 12-13). La narration ajoute que le soleil diffère son coucher de près d’un jour entier, ici aux ordres de YHWH. Et Habacuc confirme cette approche des astres obéissant à YHWH empli de colère : « Le soleil, la lune s’arrêtent dans leur orbite » (3, 10). Le prophète Ézéchiel décrit encore lors d’une vision : « La face vers l’Orient, des hommes 318

D.I. BLOCK, The Book of Ezekiel 1-24, p. 272.

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se prosternaient vers l’Orient devant le soleil » (Ézéchiel 8, 16-18), dont le nombre est d’environ vingt-cinq mais l’identité inconnue, et constate l’horreur de ce rituel idolâtre. Ce culte est condamné en Deutéronome 4, 19 et 17, 2-5 ; Jérémie 8, 2 et Job 31, 26. D’autres formulations sont attestées qui évoquent le culte du veau d’or, outre l’expérience au désert dans l’attente du retour de Moïse. Les veaux d’or érigés par le roi Jéroboam Ier à Béthel et Dan reflètent l’idolâtrie du souverain qui prononce cette formule : « Voici tes dieux, Ô Israël, qui t’ont fait monter de la terre d’Égypte » (Exode 32, 4. 8 ; 1 Rois 12, 28)319. En dépit du rejet de Baal, Jéhu ne fait cependant pas enlever les veaux d’or (2 Rois 10, 29), et les prophètes Élie et Élisée ne prononcent aucune condamnation contre ces représentations. Deux cités figurent dans les récits de Josué et portent l’une, le nom de Beth-Dagon située en Juda (Juges 15, 41), et l’autre en Asher (Juges 19, 27). Un temple de Dagon à Ashdod et sa représentation sont également évoqués qui soulignent la supériorité de YHWH sur ce dieu des Philistins. Outre un culte rendu à des divinités mineures, des dieux, des déesses et des idoles sont vénérés, parfois dans des sanctuaires de plein-air et des hauts-lieux. Des formes dégradées de ces déesses sont également connues. Ainsi, le terme « Asherah/asherah »320 est évoqué soit au singulier, soit au pluriel. L’ashérah pourrait se référer à une idole de bois symbolisant la déesse du même nom321, citée à diverses reprises spécifiquement (Juges 3, 7 ; 1 Rois 319

J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, p. 34, relie cette représentation au dieu El ou d’autres divinités, et rappelle que ce symbole est connu en Palestine dès le Bronze Moyen. Ainsi, un vase plastique du Bronze Moyen adoptant la forme du taureau a été mise au jour à Shiloh, une statuette de veau plaquée argent a été retrouvée dans une couche du Bronze Moyen II à Ashkelon et une image de taureau a été découverte par A. Mazar près de Dothan, A. MAZAR, « The Bull Site : An Iron Age I Open Cult Place », BASOR 247, 1982, pp. 27-42 ; « Bronze Bull Found in Israelite « High Place » from the Time of the Judges » BAR 9/5, 1983, pp. 34-40 ; « On Cult Places and Early Israelites : A Response to Michael Coogan », BAR 15/4, 1988, p. 45. M.D. COOGAN, « Of Cults and Cultures : Reflections on the Interpretation of Archaeological Evidence », PEQ 119, 1987, pp. 1-18. 320 Ce terme est assuré quarante fois en : Exode 34, 13 ; Deutéronome 7, 5 ; 12, 3 ; 16, 21 ; Juges 3, 7 ; 6, 25. 26. 28. 30 ; 1 Rois 14, 15. 23 ; 15, 13 ; 16, 33 ; 18, 19 ; 2 Rois 13, 6 ; 17, 10. 16 ; 18, 4 ; 21, 3. 7 ; 23, 4. 6. 7. 14 ; 15, 2 ; 2 Chroniques 14, 2 ; 15, 16 ; 17, 6 ; 19, 3 ; 24, 18 ; 31, 1 ; 33, 3. 19 ; 34, 3. 4. 7 ; Isaïe 17, 8 ; 27, 9 ; Jérémie 17, 2 ; Michée 5, 13. 321 Les inscriptions de Kuntillet ‘Ajrud et Khirbet el-Qôm citent : « YHWH et son Asherah », et renouvellent la question de savoir si l’Asheratah de ces textes se réfère à la déesse ou à son symbole de bois, et si elle était considérée comme la parèdre de

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15, 13 ; 18, 19 ; 2 Rois 21, 7 ; 23, 4), et le texte évoque les femmes lui tissant des pavillons322, peut-être originellement parèdre du dieu El (2 Rois 23, 7). En outre, quatre cents prophètes d’Ashérah sont convoqués par le roi Achab selon la demande du prophète Élie, confirmant son statut de déesse (1 Rois 18, 19). En Juges 3, 7, le terme est employé au pluriel : h’aÎ¥rôt, « les Asheroth » mises en parallèle avec les Baals. Les Chroniques font huit allusions aux asherim (2 Chroniques 14, 2 ; 17, 6 ; 24, 18 ; 31, 1 ; 33, 19 ; 34, 3. 4. 7), et deux aux asheroth (2 Chroniques 19, 3 ; 33, 3), qui se réfèrent à des objets de culte idolâtriques. Quatre inscriptions de Kuntillet ʽAjrud, déjà évoquées, de la fin du è IX -début du VIIIè siècle, citent le couple divin de YHWH et Asherah/Asheratah, elles proviennent des environs de la pièce dont les murs sont entourés de bancs. Des références à YHWH de Teman et Asherah figurent aussi sur les inscriptions de la pièce à bancs. Les graffiti des pithoi A et B se réfèrent également au couple dans un contexte de prière et de bénédiction : YHWH de Samarie et Asheratah (Pithos A), YHWH de Teman et Asheratah sur le pithos B. L’aspect énigmatique du terme Asheratah ou ʽšrth323 attesté dans les graffiti inscrits sur de la vaisselle de stockage (KA 3.1 ; YHWH, J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, p. 47. Voir Z. MESHEL, Kuntillet ‘Ajrud : A Religious Centre from the Time of the Judaean Monarchy on the Border of Sinai, (Catalogue n° 175), Jérusalem, Israel Museum, 1978. W.G. DEVER, « Iron Age Material from the Area of Khirbet El-Kom », HUCA 40-41, 1969-1970, pp. 139-204, spéc. pp. 165-167. A. LEMAIRE, « Les inscriptions de Khirbet el-Qôm et l’Ashérah de YHWH », pp. 595-608, particulièrement pp. 602-603. L’une des inscriptions figurant sur le pithos A cite YHWH de Samarie et son Ashératah. Le pithos B se réfère à YHWH de Teman et son Ashératah. Elle est mentionnée dans l’inscription 3 de la tombe II de Khirbet el-Qôm située à douze kilomètres à l’ouest de Hébron, et citée à plusieurs reprises. A. Lemaire ne l’identifie pas à la déesse Athirat parèdre du dieu El des textes ougaritiques du XIII è siècle, mais plutôt à un arbre sacré d’un haut-lieu. 322 Les trésors consacrés de la maison de Dieu sont cités en 1 Rois 14, 26 ; 1 Rois 15, 18 ; 2 Rois 12, 19. Chaque sanctuaire possède ses propres magasins composés de dépôts et d’ateliers. Le texte de 2 Rois 23, 7 indique que les couvertures de son image étaient tissées par des femmes expertes dans ces ateliers. Josias détruit non seulement son image, mais aussi les ateliers et les magasins dans lesquels ses vêtements étaient fabriqués et conservés, N. NA’AMAN, « The Dedicated Treasures Buildings within the House of YHWH where Women Weave Coverings for Ashrah (2 Rois 23, 7) », BN 83, 1996, pp. 17-18, spéc. p. 18. 323 Cette écriture serait une autre forme du nom de la déesse selon Z. ZEVIT, The Religion of Ancient Israel, A Synthesis of Parallactic Approaches, Londres, New York, Continuum, 2001, pp. 364-366.

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3.6 ; 3.9), sur l’inscription à l’encre 4.1.1, et celui de l’Asherah de la tombe de Khirbet el-Qôm du VIIIè siècle, peut poser la question de savoir s’il désigne un objet, arbre ou poteau, ou bien la parèdre de YHWH324. De fait, liée aux demandes de bénédictions de YHWH, elle confirme ici son identité de déesse. L’Asherah mentionnée dans ces contextes ne confère pas de bénédictions : elle représente une présence propice, car seul YHWH est doué du pouvoir de bénédiction. À Khirbet el-Qôm l’inscription funéraire confirme sa fonction d’intermédiaire : « Uryahu est béni par YHWH et grâce à Asherah. Il l’a sauvé de ses ennemis ». Il est à rappeler que selon ces inscriptions, au royaume d’Israël, son nom s’écrit ʼšrt (Asherat). En Juda, à un moment inconnu le t final disparaît, et la déesse devient connue comme Ashera325. Sa présence peut être symbolisée par une statue, qui lui est consacrée. En outre, des images du pithos A de Kuntillet ʽAjrud représenteraient soit le dieu Bès égyptien, soit YHWH et son Asheratah. Les grands arbres étaient conçus comme représentant et réunissant les pouvoirs de fertilité et de croissance de la déesse. Ses statues de bois érigées dans les sanctuaires d’Israël et de Juda qui la symbolisaient portaient son nom. Peu d’informations sont transmises par les textes se rapportant à son culte326. De fermes réactions se manifestent, et Exode 20, 4 les illustre, qui interdit : « Tu ne feras point d’image taillée (pour te servir d’idole) ». Le souverain Asa fait disparaître les idoles impures sculptées par ses pères (1 Rois 15, 12-13 ; 2 Chroniques 15, 16), puis destitue sa mère Maakha de sa l’aÎ¥rh, « régence pour avoir consacré une mipeleṣet image/horreur/abomination/idole pour Ashérah », dont le terme porte en son champ sémantique toutes ses significations et le sens du rejet tant de l’idole que de la reine-mère. L’idole est abattue et brûlée dans la vallée du Cédron (1 Rois 15, 13). En 2 Rois 21, 7, figure la condamnation de Manassé pour avoir « l’image installé dans le Temple une peṣel h’aÎ¥rh, taillée/sculptée/gravée/idole de (la divinité) Ashérah ». Un texte des Rois rappelle l’ordre donné au grand prêtre, aux suppléants et aux gardiens du seuil, par le souverain Josias : « D’enlever du Temple de YHWH tous les objets destinés au culte de Baal, d’Ashérah et de toute la milice du ciel ; il les fit 324

W. DEVER, dans « Asherah, Consort of Yahweh ? New Evidence from Kuntillet ʽAjrud », BASOR 255, 1984, pp. 21-37 ; idem, « Did God Have a Wife » dans Archaeology and Folk Religion in Ancient Israel, Grand Rapids, Eerdmans, 2005, pp. 163-167. L’auteur considère que les inscriptions sur les pithoi A et B évoquent la déesse parèdre de YHWH, et identifie la joueuse de lyre du Pithos A comme sa représentation. 325 N. NA’AMAN, « The Inscriptions of Kuntillet ‘Ajrud », p. 305. 326 N. NA’AMAN et N. LISSOVSKY, « Kuntillet ʽAjrud, Sacred Trees and the Asherah », Tel Aviv 35, 2008, pp. 186-208, spéc. pp. 192-196.

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brûler hors de Jérusalem dans la campagne du Cédron » (2 Rois 23, 4-5), et leurs cendres sont transportées à Béthel. Josias supprime les prêtres des idoles instaurées par les souverains de Juda, ceux qui encensent Baal, le soleil, la lune, les constellations et toute la milice du ciel. Ainsi, le Deutéronome 16, 21 interdit-il : « Tu ne planteras pas d’asherah, aucune sorte d’arbre à côté de l’autel de YHWH ton Dieu, que tu érigeras ». Cette croyance et son culte vont néanmoins perdurer jusque la période exilique. Astarté est citée par deux fois en 1 Rois 11, 5. 33, comme la « divinité des Sidoniens », et la narration se réfère à son culte comme l’un des nombreux cultes idolâtres servis par Salomon en raison de ses unions avec des femmes étrangères. Les hauts-lieux construits par ce roi face à Jérusalem, au sud du Mont de la Perdition, en l’honneur de cette : « idole des Sidoniens », sont détruits par le roi Josias (2 Rois 23, 13). Le pluriel de ce nom est mentionné en relation avec le dépôt des armes du roi Saül dans le temple d’Ashtarot, déesse de la guerre (1 Samuel 31, 10). Ce pluriel est attesté avec des allusions à Baal (Juges 2, 13), ou les Baals (Juges 10, 6 ; 1 Samuel 7, 4 ; 12, 10), ou bien des dieux étrangers (1 Samuel 7, 3). Il se réfère aux cultes idolâtres des Israélites durant la période des Juges327.

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J. DAY, YAHWEH and the Gods and Goddesses of Canaan, p. 131, conclut que ces paires apparaissent comme logiques puisque Astarté est l’une des parèdres de Baal dans les mythes d’Ougarit.

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Anat Si elle n’est jamais mentionnée dans l’Ancien Testament par son nom, certaines allusions indirectes y figurent. Ainsi la cité de Beth-Anat fait-elle partie des possessions attribuées à la tribu de Naphtali (Josué 19, 38), celle de Beth-Anot l’est à la tribu de Juda (Josué 15, 59), et Anatot est offerte aux descendants du pontife Aaron (Josué 21, 18). La ville est encore signalée en divers textes (1 Rois 2, 26, Isaïe 10, 28, Jérémie 1, 1 ; 11, 21. 23 ; 32, 7-9 ; 1 Chroniques 6, 45 ; Esdras 2, 23 ; Néhémie 7, 27), et de même ses habitants le sont en 2 Samuel 23, 27 ; 1 Chroniques 23, 3 ; Jérémie 29, 27. Cité où naquit le prophète Jérémie, la ville est également le lieu où Abiathar est exilé par Salomon. En outre, Beth-Anat et Beth-Anot témoignent de la présence de temples dédiés à la déesse. Le culte de la Reine des Cieux, déesse328 connue par les écrits du prophète Jérémie, est résumé par ces quelques mots : « Les enfants ramassent du bois, leurs pères allument le feu et les femmes pétrissent de la pâte afin de confectionner des gâteaux en l’honneur de la Reine des Cieux et pour faire des libations aux dieux étrangers » (Jérémie 7, 18), qui semble répandu dans les cités de Juda et la ville de Jérusalem. Son titre : meleket haÎ΍mayim, pourrait être une distorsion du mot malekh, « reine », attestée en Jérémie uniquement. Une diatribe du prophète contre les Judéens enfuis en Égypte leur annonce leur disparition prochaine pour avoir provoqué l’ire divine. Néanmoins, ceuxci lui rétorquent avec cynisme qu’ils continueront à brûler de l’encens et répandre des libations en l’honneur de la Reine des Cieux (44, 16-17), puis, ajoutant à leur insolente provocation, lui rappellent : « Comme nous l’avons fait, nous et nos pères, nos rois et nos princes, dans les villes de Juda et les rues de Jérusalem » (44, 18). Ils renforcent leur provocation verbale assurant qu’alors ils étaient heureux, et depuis qu’ils ont cessé ce culte tout leur a manqué, et pire encore, ils ont été décimés par le glaive et la famine. Les femmes lui offrent des pâtisseries afin : « De la traiter en divinité » (Jérémie 44, 19), et qu’elle accomplisse leurs vœux (44, 25). Elles semblent jouer un rôle essentiel dans ce culte, puisqu’elles s’expriment dans une insertion du texte qui en transmet une image particulièrement autonome329 (44, 19). Cette narration exprime des croyances populaires assurées tout au long des textes et

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Selon T. RÖMER, Dieu obscur, Cruauté, sexe et violence dans l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2009, p. 36-44, Jérémie 44, 17 inviterait à identifier la Reine des Cieux et l’Ashérah de YHWH. 329 P. BIRD, « The Place of Women in the Israelite Cultus », dans P.D. Miller, P.D. Hanson et S.D. MacBride éd., Ancient Israelite Religion, Philadelphie, Fortress Press, 1987, p. 397-420, tente dans cet article de mettre en lumière le rôle des femmes dans le culte.

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des temps330. Dans cet oracle, le prophète prévient de la fureur divine, accusant ces Judéens, réfugiés de la dévastation babylonienne, d’infidélité, il avertit du jugement puis du proche châtiment s’ils ne cessent pas leur culte idolâtre : « C’est parce que vous avez offert de l’encens, manqué gravement à YHWH, refusant d’écouter sa voix et de suivre sa doctrine, ses statuts et ses avertissements, que cette calamité aujourd’hui vous a atteints » (Jérémie 44, 23), et les prévient du pire à venir : « Eh bien ! écoutez la parole de YHWH, vous tous, Judéens, qui demeurez dans le pays d’ngypte : Voici, j’en jure par mon grand nom, dit YHWH mon nom ne sera plus prononcé par la bouche d’aucun des hommes de Juda ; nul ne dira dans tout le pays d’ngypte : aussi vrai qu’existe le Dieu nternel ! Je vais agir rapidement à leur égard pour leur malheur et non pour leur bien : tous les hommes de Juda qui se trouvent dans le pays d’ngypte périront jusqu’au dernier par le glaive et par la famine. Quelques-uns seulement, échappés au glaive retourneront du pays d’ngypte au pays de Juda, ce sera un tout petit nombre ; et tous les survivants de Juda venus pour séjourner en ngypte, sauront quelle est la parole qui triomphe, si c’est la mienne ou la leur… » (Jérémie 44, 26-29). Dans ce dernier texte, YHWH rejette avec horreur le culte de la Reine des Cieux331, de même que celui des dieux étrangers évoqués dans d’autres chroniques (Jérémie 7, 18 ; 19, 5. 13 ; 32, 29). Après s’être détournés de Dieu et avoir rejeté ses lois (Jérémie 2, 25), les Judéens ne semblent plus en mesure de retrouver le droit chemin. S’il apparaît qu’une piété populaire n’exclut pas le culte des divinités secondaires et/ou locales, les controverses ne semblent guère l’affecter. Le Deutéronome en fait état qui critique un peuple sacrifiant « À des démons qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu’ils ne connaissaient point » (Deutéronome 32, 17), et le texte des Rois constate : « Ils avaient suivi les dieux de vanité et 330

E.S. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, p. 202, doute que le culte en question soit si répandu et qu’il ait même la moindre valeur historique. 331 J.R. LUNDBOM, Jérémiah 37-52, New York, Londres, Yale University Press, 2004, p. 169, date cet oracle de la période qui court de 582 à 570 avant notre ère.

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étaient devenus vains » (2 Rois 17, 15). La réforme de Josias pour éclatante qu’elle ait été n’a pas suffi à éradiquer ces dieux qui disparaissent au retour d’exil. Assurément, le chapitre 45 d’Isaïe témoigne de l’absolue divinité de YHWH : « Car ainsi parle YHWH, le créateur des cieux, ce Dieu qui a formé, façonné la terre, qui l’a affermie, qui l’a créée non pour demeurer un chaos mais pour être habitée : je suis YHWH et il n’en est pas d’autre ! Ce n’est pas en secret que j’ai parlé, dans un lieu obscur de la terre ; je n’ai point dit aux enfants de Jacob : Recherchez-moi dans la solitude ! Moi YHWH je dis ce qui est juste, j’annonce ce qui est vrai ! Assemblez-vous et venez, approchez tous, vous qui vous êtes échappés parmi les nations, vous qui faites preuve d’inintelligence en transportant avec vous vos idoles de bois et en invoquant un dieu incapable de secourir ! … Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, vous tous qui habitez les confins de la terre ; car moi, je suis Dieu et personne d’autre » (Isaïe 45, 18-23). Les thèmes du Dieu unique YHWH, et de l’unité de l’humanité sous sa souveraineté s’entrelacent332 en ce texte intense. Les peuples de la terre, sont conviés à cette reconnaissance par le truchement d’Israël et YHWH les invite à partager la sagesse d’un tel choix. Dans une même approche, une harangue s’adresse aux peuples du monde, qui affirme : « Et vous peuples des contrées lointaines soyez attentifs ! Des rois en le voyant se lèveront, des princes se prosterneront, par égard pour YHWH qui est fidèle à ses promesses » (Isaïe 49, 1. 7). L’aspect exclusif du culte de YHWH semble correspondre au besoin de protection des nouvelles communautés après la chute de la monarchie et lors du retour de l’exil, et à la conscience d’une transcendance qui n’admet pas l’éparpillement, l’inutile, ne s’inscrivant pas dans un besoin de présence visible.

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J.L. MCKENZIE, Second Isaiah, A New Translation with Introduction and Commentary, New York, Anchor Bible, 1979, p. 82.

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CHAPITRE TROIS PRATIQUES ET RITES Les textes et les réalités archéologiques donnent corps et témoignent d’une organisation complexe des pratiques et des rites qui accompagnent tant le peuple que les individus en des occurrences de crise et lors de la vie quotidienne, les assurant subtilement du lien avec YHWH afin de les rassurer.

L’ESPACE DU TEMPLE ET SON PERSONNEL La Tente d’Assignation, le Temple et les temples, le mobilier cultuel L’érection du sanctuaire de Jérusalem joue un rôle particulier, sorte d’acmé cumulant aspect religieux et politique, qui se relie à la lignée du roi David. Si ce monarque a souhaité le faire construire, cette joie ne lui a pas été accordée et le Dieu a choisi son fils pour ce faire. Auparavant, la présence divine entre et/ou réside, pour un temps limité, dans un lieu portant diverses appellations dont celle de ’¿hel mô‘¥d, ou « Tente d’assignation/de réunion » évoquée pour la première fois en Nombres 1, 1 lors du séjour au désert des Israélites, qui est située hors du camp (Exode 33, 7). Dieu n’y est pas installé, mais s’y révèle lorsque la nécessité le commande (Exode 33, 9-11a ; Nombres 11, 16-17. 24b-30 ; 12, 5-10). Dans ces textes, elle ne porte pas d’autre appellation. Une tension s’affirme avec une autre source textuelle, où le tabernacle se situe au centre du camp, et où son édification est admise en Exode 39-40 comme l’apogée de la création du monde et son centre cosmique333. La divine présence l’accompagne à tout moment, de nuit comme jour, qui ne cesse d’être en mouvement (Nombres 9, 16). Les lévites ont la charge du miÎekn, « tabernacle » de Dieu, également appelée ’¿hel ha‘adat « tente du pacte », ou bien encore « maison divine », dont la construction s’avère d’une extrême complexité (Exode 25-31). L’arche d’alliance y repose de même que son mobilier. Les lévites le portent, en font le service et campent à l’entour afin de le garder, puis le démontent lorsqu’ils repartent et le dressent à nouveau lorsqu’ils s’arrêtent, excluant le profane sous peine de mort (Nombres 1, 5051 ; 3, 6-8). La nuée et le feu manifestent la présence divine, dont le texte de Nombres 9, 15-23 affirme et précise qu’elle se situe soit dans soit sur le tabernacle. Il serait ainsi le lieu d’une théophanie toujours accessible et qui ne

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B.D. SOMMER, « Conflicting Constructions of Divine Presence in the Priestly Tabernacle », BI 9/1, 2001, pp. 41-63, spéc. p. 43.

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prend pas fin334. Au-delà des rideaux du saint des saints, l’arche et sa couverture sont commises au tabouret et trône divins, au-dessus ou à l’intérieur la gloire divine est cachée à la vue par la nuée. Et lors des périodes de crises, la présence divine ne manque pas de se manifester (Nombres 14, 20 ; 16, 19 ; 17, 7 ; 20, 6). Rites de pureté et de purification sont explicités et détaillés, qui s’imposent clairement aux officiants et aux objets sacrés sous peine de mort. Une cuve de cuivre emplie d’eau et destinée aux ablutions de Aaron et ses fils, doit prendre place entre la Tente d’assignation et l’autel et ce « afin de ne pas mourir » menace le texte (Exode 30, 18-20) ; ainsi, ils se purifieront lorsqu’ils approcheront de l’autel (Exode 30, 21). La mort guette les officiants si ces rituels ne sont pas observés, témoignant du danger lié au sacré et à la présence divine (Exode 28, 35. 43). En outre, la formule de l’huile de l’onction sainte dont la Tente d’assignation et l’arche doivent être ointes, de même que les autels et les accessoires, et Aaron et ses fils, est communiquée avec précision, qui leur transmet le sacré, car elle appartient en propre à YHWH (Exode 30, 22-29). YHWH partage la charge de la protection de la Tente d’assignation entre les clans des lévites (Nombres 3). La liste des objets confiés à Kebath et sa famille comporte l’arche, la table, le candélabre, les autels, les ustensiles sacrés et le voile (Nombres 3, 31). Et, le clan de Merari se voit confier la garde des solives du tabernacle, ses traverses, ses piliers et ses socles, ses pièces et sa dépendance (Nombres 3, 36). Édifié par Salomon, le Temple de Jérusalem s’ouvre sur une cour intérieure formée de trois assises de pierre et une assise de planches de cèdres. Il s’élève sur trois étages et des chambres latérales courent le long des murs. L’intérieur est revêtu de lambris et de panneaux de cèdre, le sol de panneaux de cyprès et l’extérieur de bois de cèdre. Des coloquintes, des palmes, des fleurs et également des figures de chérubins le décorent. L’ensemble est recouvert d’or. Ce Temple s’associe à la présence divine. La nuée ou nuage, ‘nn, qui vient l’occuper lors de la dédicace, l’exprime clairement : elle prend place et occupe tout l’espace, alors que les prêtres sortent du lieu saint. Ces derniers ne peuvent plus s’y tenir afin de faire leur service : kî ml¥’ kebôd yhwh ’et b¥yt yhwh, « Parce que la majesté/gloire de YHWH (remplissait) la maison de YHWH » (1 Rois 8, 10-11). Le roi Salomon rappelle au peuple d’Israël : « YHWH a promis de résider dans ce : ‘arpel, « brouillard/ obscurité/brume », confirmant ainsi que Dieu ne saurait être vu sous peine de mort, et la trace du brouillard marque sa présence. Puis, le souverain ajoute 334

R.E. CLEMENTS, God and Temple : The Idea of Divine Presence in Ancient Israel, Oxford, Basil Blackwell, 1965, p. 118.

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s’adressant à Dieu : « J’ai bâti cette maison qui sera ta demeure », mkôn leÎibetek ‘ôlmîm, « Elle sera à jamais le lieu/place/base/appui de ta résidence » (1 Rois 8, 12-13). Le terme ΍bat, signifie se reposer, cesser quelque chose, aussi est-il employé afin de signifier que la résidence divine a dorénavant trouvé sa place et Dieu et son peuple avec elle, qui cesseront d’errer comme par le passé. Il renforce la notion de stabilité de l’espace divin et de l’installation acceptée par les deux parties. La formule dont use le souverain sous-tend parallèlement la stabilité de la royauté d’Israël, la légitimation de la dynastie davidique335 et du pays. Le souverain pose avec humilité et subtilité cette question métaphysique si essentielle : kî ha’umenm y¥Î¥b ’el¿hîm ‘al h’reṣ hinn¥h haÎ΍mayim ûÎem¥î haÎ΍mayim l¿’ yekalekelûk ’ap kî habayit hazeh ’aÎer bnîtî, « Mais est-ce que, en vérité, Dieu résiderait sur la terre ? Alors que le ciel et tous les cieux ne sauraient te contenir, combien moins cette maison que je viens d’édifier ! » (1 Rois 8, 27). Le souverain avec cette conscience toute particulière d’un Temple construit de la main de l’homme et de ses limites, prie afin que Dieu entende les suppliques humaines : ’el meqôm Îibetek ’el haÎ΍mayim we΍ma‘et, « Du lieu où tu résides dans les cieux tu les écouteras » (1 Rois 8, 30). La remarque royale (1 Rois 8, 30-32), souligne à quel point le Temple est ce lieu privilégié où le peuple rend hommage, prie et implore le Dieu (1 Rois 8, 31-33). Les répétitions figurant dans la prière de Salomon situent systématiquement le lieu de la résidence divine dans les cieux (1 Rois 8, 32. 34. 39. 43. 45. 49). Le Temple est destiné à l’invocation divine, aux prières (1 Rois 8, 43-44)336. Le monarque n’oublie pas ceux qui ne demeurent pas à Jérusalem, de même ceux qui ne peuvent se rendre au Temple, et précise pour ceux qui prient hors de ce lieu : « Qu’ils t’adresseront leur prière, YHWH, tournés vers la ville que tu as élue et vers la maison que j’ai bâtie en ton honneur ». Avec confiance, il conclut à l’écoute divine (1 Rois 8, 44). De sa demeure, YHWH peut entendre toutes les demandes humaines et percevoir les errances. La destruction du Temple et de la cité par les armées babyloniennes ne constitue à aucun moment une rupture absolue. La transcendance divine semble se perçevoir encore plus et mieux à ce moment. Le lieu de la résidence divine est aussi évoqué dans les Psaumes (33, 14), où il est qualifié de har qādeÎô, « sainte montagne », « aux flans dirigés vers le Nord », qui relie la terre et les cieux (Psaume 48, 2). Et Isaïe (66, 1) se fait l’intermédiaire du questionnement céleste : « Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied : quelle est la maison que vous pourriez me bâtir, le lieu qui me servirait de résidence ? », qui relativise les humaines et matérielles

335 336

S.J. de VRIES, 1 Kings, Waco, Word Books, 1985, pp. 120 sqq. S.J. de VRIES, Ibid., pp. 125-127.

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constructions, et témoigne de l’inaccessibilité et du mystère entourant la divine demeure dans le cosmos. D’autres sanctuaires sont avérés. Le Deutéronome (16, 5-6) accepte les sanctuaires anciens, mais en nombre limité, et, Exode 20, 22-24 laisse entendre que tout lieu est approprié pour la construction d’un autel. La formule de centralisation du culte adopte quelques nuances dans les textes du Deutéronome. Ainsi une première formulation affirme la volonté divine à propos du choix : « Le lieu que YHWH aura choisi afin d’y placer son nom » (Deutéronome 14, 23 ; 16, 2. 6. 11 ; 26, 2). Une variation de cette formule précise : « Le lieu que YHWH ton dieu choisit pour mettre son nom » (Deutéronome 12, 21 ; 14, 24). Le Deutéronome 12, 14 ne rattache pas le lieu choisi par YHWH à son nom et peut être éventuellement admis comme distributif, qui évoque : « Dans la catégorie de lieux que YHWH choisit dans l’une de tes tribus ». Le Deutéronome 12, 5 affirme au contraire un sens singulier et non distributif337. Et Deutéronome 12, 15 ; 12, 21 et 14, 24, considère qu’un sanctuaire même : « Trop éloigné du lieu choisi par YHWH comme siège de son nom » n’empêche aucunement le culte, les sacrifices et les offrandes. Les sanctuaires sont multiples et attestés par les textes dès avant la période royale à Gilgal, Shiloh (1 Samuel 1-3), Nob (1 Samuel 21, 2), Mizpah, Ophra, Penuel, Hébron, Arad et Dan, puis lors de la période royale à Bethel (1 Rois 12, 26-33), et Jérusalem. Les autres hauts-lieux multiples et fréquentés sont également assurés par les prophètes (Amos 5, 5 ; 8, 14 ; Osée 4, 15 ; Ézéchiel 6, 1-6 ; 7, 24 ; Jérémie 7, 1-20 ; 13, 27). La réforme deutéronomiste exige la destruction des autels dédiés aux autres divinités (Deutéronome 12, 2-3), mais les prêtrises existantes ne se voient pas ôter leurs privilèges ni fermer leurs sanctuaires, permettant de contrôler le culte sous l’autorité du Temple de Jérusalem et d’assurer le maintien des autres prêtres et lévites338. Lors de l’Exil et de la période post-exilique la situation perdure. En outre, deux textes affirment que Dieu bénit son peuple : « En tout lieu où je ferai invoquer mon nom » (Exode 20, 21 ; Deutéronome 12, 7), avertissant d’un choix sans limite, volontaire et libre quant au lieu du sacrifice et de rencontre339. Et Jérémie (7, 12) ne manque pas de rappeler : « Rendez337

B. HALPERN, « The Centralization Formula in Deuteronomy », VT 31, 1981, pp. 20-38, spéc. p. 37. 338 H. NUTKOWICZ, « D’Éléphantine à Jérusalem : liens religieux et politiques », sous la direction de C. Arnould-Béhar et A. Lemaire, Jérusalem antique et médiévale, Mélanges en l’honneur d’Ernest-Marie Laperrousaz, Louvain, Peeters, 2011, pp. 7589, spéc. p. 84-85. 339 S.L. COOK, « God’s Real Absence and Real Presence in Deuteronomy and Deuteronomism », p. 144.

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vous donc à la demeure que j’avais à Shiloh où tout d’abord j’avais fait résider mon nom ». Le Dieu n’est pas attaché spécifiquement à un seul et unique sanctuaire qu’il s’agisse de Shiloh ou Jérusalem. De fait, la distance avec Jérusalem se résout aisément, qui n’empêche nullement la surveillance du culte sous son autorité centralisée. L’archéologie confirme la présence d’autels et de sanctuaires, ainsi à Beersheba340, Arad341, Gezer. Des complexes cultuels en plein air sembleraient la spécificité du XIIè siècle avant notre ère, des pièces à vocation cultuelle sont concentrées autour des Xè et IXè siècles, et des grottes destinées au culte paraissent une réalité des VIIIè et VIIè siècles avant notre ère342. Le temple d’Éléphantine construit au cours du VIIè siècle confirme cette variable. Plus tard, lors de la période hellénistique d’autres temples sont érigés, celui d’Onias III ou IV, celui du Mont Garizim à Samarie. Les autels, liés ou non à des sanctuaires construits, témoignent d’une double direction, l’orientation verticale vers les cieux domaine de résidence du Dieu, et horizontale liée à un Dieu présent et parvenu sur le site, à la suite de la demande des fidèles. De fait, lors de rites sacrificiels composites, les holocaustes précèdent les offrandes, qui témoignent de la nécessité première d’attirer le Dieu sur le site, afin de se trouver : « devant YHWH »343. L’hypothèse d’une inscription dédicatoire gravée dans la pierre du Temple de Jérusalem et des autres temples et qui porte la bénédiction de Nombres 6, 24-26 paraît envisageable. Attestée sur des amulettes et dans des tombes, cette prière, a probablement été inscrite, peut-être ou pas avec des nuances, ajouts, suppressions, différences, dans l’espace du sanctuaire de Jérusalem et des autres temples tant d’Israël que de Juda, à la vue des fidèles 340

Y. AHARONI, y a mis au jour un autel à cornes et confirme l’existence d’un temple, « The Orned Altar at Beer-Sheba », BA 37, 1974, pp. 2-6. Ce sanctuaire aurait perduré du Xè à la fin du VIIIè siècle avant notre ère. Le chercheur propose l’hypothèse d’une institution de sanctuaires le long des frontières du royaume, Y. AHARONI, « Arad : its Inscriptions and Temple », BA 31, 1968, pp. 2-32. Z. HERZOG, « Israelite Sanctuaries at Arad and Beer-Sheba », dans A. Biran éd., Temples and High Places in Biblical Times, Jérusalem, Nelson Glueck, 1983, pp. 120-122, suggère que ce temple a perduré du Xè au VIIè siècle avant notre ère. Dans un article ultérieur, il revient sur cette hypothèse et propose le VIIIè siècle, « The Fortress Mound at Tel Arad : an Interim Report », Tel Aviv 29, 2002, pp. 3-109, spéc. p. 67. 341 Y. AHARONI, « Arad : its Inscriptions and Temple », pp. 2-32. 342 Z. ZEVIT, Religion of Ancient Israel, p. 247. 343 B.A. LEVINE, « Lpny YHWH-Phenomenology of the Open-Air-Altar in Biblical Israel », dans A. Biran et J. Aviram, éd., Biblical Archaeology Today, 1990, Jerusalem-July 1990, Proceedings of the Second International Congress on Biblical Archaeology, Jérusalem, IES, 1993, pp. 196-205, spéc. pp. 197-204.

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afin d’obtenir la garde et la protection du Dieu, tout comme l’assure l’inscription du temple d’Ekron. Ce temple sis à 35 kilomètres à l’ouest de Jérusalem a livré une large incription de calcaire sur le sol de ce principal sanctuaire de la cité (Temple Complexe 650) qui semble paradigmatique de cette réalité344. Elle avait été placée dans l’intérieur du mur ouest du temple près du point central de la pièce intérieure. Datée de la fin du VIIè siècle, elle est découverte dans le coin nord-ouest du sanctuaire, à vingt centimètres environ du mur ouest. Cette inscription monumentale qui pèse cent kilos et mesure 60 centimètres par 39 et par 26, prend ainsi place dans l’espace du temple. Après la formule standard dédicatoire, figure la demande de bénédiction et de protection En dépit de l’emplacement isolé de Kuntillet ʽAjrud dans les zones frontalières entre le royaume de Juda et l’ngypte, ce site semble avoir été un avant-poste militaire en raison de sa construction semblable à celle d’une forteresse (Construction A), permettant le contrôle du commerce et des voyageurs dans la région. Il présente en outre des aspects cultuels345. Ces deux fonctions ne s’excluent pas. Les murs plâtrés et décorés de même que la nature religieuse des inscriptions confortent cette réalité. En outre, une centaine de fragments de tissus de lin et de laine pourraient s’associer à des tissus cultuels346 (Construction B). Fréquenté par des voyageurs, ce site est dédié à des activités religieuses comme l’attestent les autels de la pièce aux bancs. Ils 344

S. GITIN, T. DOTHAN et J. NAVEH, « A Royal Dedicatory Inscription from Ekron », IEJ 47, 1997, pp. 1-16. K. LAWSON YOUNGER Jr., « The Ekron Inscription of Akhayus (2.42) », dans W.W. Hallo éd., Context of Scripture Online, Leyde, Brill Online, 2014. S. GITIN, « Israelite and Philitine Cult and the Archaeological Record in Iron Age II, The ‘Smoking Gun’ Phenomenon », dans W.G. Dever et S. Gitin éd., Symbiosis, Symbolism and the Power of the Past. Canaan, Ancient Israel, and their Neighbors from the Late Bronze Age through Roman Palestina. Proceedings of the Centennial Symposium, W.F. Albright Institute of Archaelogical Research and American Schools of Oriental Research Jerusalem May 29-31, 2000, Winona Lake, Eisenbrauns, 2013, pp. 279-295. 345 Z. MESHEL, Kuntillet ʽAjrud (Horvat Teman) ; An Iron Age II Religious Site on the Judah-Sinaï Border, Jérusalem, IES, 2012, pp. 65-69, propose l’idée que le site abrite des prêtres, mais n’est pas un site cultuel à part entière. Pour autant, J. HADLEY, dans The Cult of Asherah in Ancient Israel and Juda, Evidence for a Hebrew Goddess, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, pp. 108-120, affirme le manque d’évidence de sacrifices et de libations, d’objets de culte et d’iconographie. N. NAAMAN et N. LISSOVSKY, dans « Kuntillet ʽAjrud, Sacred Trees and the Asherah », Tel Aviv 35, 2008, pp. 186-208, spéc. pp. 200-201, proposent de relier ce site à un arbre sacré ou bosquet, où les pratiques cultuelles étaient observées. 346 Z. ZEVIT, The Religions of Ancient Israel, pp. 375-376.

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jouent le même rôle que les petits autels disséminés le long de routes fréquentées, et destinés aux voyageurs347. Le matériel tant épigraphique qu’iconographique lié à ces activités révèle des images d’orants et de dieux, d’offrandes dédicatoires de bols de pierre inscrits, d’étiquettes d’offrandes sur des vaisselles de stockage, d’inscriptions épiques sur les murs et les montants des portes, et des graffiti dédicatoires faisant référence à des prières et des bénédictions348, suggèrant que ce lieu était un lieu de prière et d’offrandes en dépit de l’absence de sacrifices349. En outre, des poids de métiers à tisser et environ une centaine de fragments de tissus de laine et de lin provenant de la construction A seraient à relier au tissage de vêtements cultuels350. Le couple YHWH et Asheratah est évoqué dans, au moins, quatre inscriptions du site, près de la pièce à bancs : trois graffiti en hébreu ancien (KA 3.1 ; 3. 6 ; 3. 9), et une inscription à l’encre dans une écriture semblable au phénicien (KA 4.1.1). L’iconographie et les inscriptions persuadent de la fréquentation de ce site tant par des Israélites que des Judéens. Profondément ancré dans l’espace de l’exil, le livre d’Ézéchiel met en situation le double aspect de l’absence et de la présence divine. Il rappelle et expose que la destruction du Temple a provoqué le départ divin de ce lieu et de la cité de Jérusalem, tant exil personnel qu’abandon divin (10, 1-8)351. Dieu ayant quitté son sanctuaire, est absent de sa demeure et de sa cité mais présent en exil, signe de sa mobilité. Les visions du prophète répondent à la question : « Où est Dieu en exil », elles soulignent sa présence au milieu de son peuple en exil. Le prophète lors de la première annonce de restauration des exilés, témoigne de la parole divine destinée à résoudre la question de la destruction du temple : « Oui, je les ai éloignés parmi les nations et je les ai dispersés dans les pays et je leur ai été un : miqedÎ me‘aÓ, « sanctuaire temporaire/pour peu de temps/un petit moment », « dans les pays où ils sont venus » (Ézéchiel 11, 16), affirmant son appui aux exilés à Babylone352. Jérémie explicite cette formule symbolique : 347

J.M. HUTTON, « Local Manifestations of Yahweh », pp. 187-189. A. MANDELL, « ‘I Bless You to YHWH and his Asherah’- Writing and Performativity at Kuntillet ʽAjrud », p. 137. C. FREVEL, « Gift to the Gods ? Votives as Communication Markers », pp. 39-40, classifie la chambre aux bancs au mieux comme un autel en bordure de la route comme les autels des portes à Wadi et-Temed (Khirbat al-Mudayna Thamad), Beth-Saida et Dan. L’auteur évoque la valeur mémorielle de l’offrande comme action de grâce obtenue ou demande d’intercession. 349 A. MANDELL, « ‘I Bless You to YHWH and his Asherah’ », p. 138. 350 Z. ZEVIT, The Religions of Ancient Israel, pp. 375-376. 351 D.I. BLOCK, The Book of Ezekiel 1-24, pp. 314 sqq. 352 Selon l’hypothèse proposée par W.A. TOOMAN, les anciens auraient considéré la possibilité d’adopter une nouvelle divinité à Babylone provoquant l’ire divine, « Covenant and Presence in the Composition and Theology of Ezekiel », dans N. Mac 348

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« Je ferai pénétrer ma loi en eux, c’est dans leur cœur que je l’inscrirai : je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (31, 33). Cette réalité résout une crise théologique. En dépit de la perte de son sanctuaire, de la présence d’idoles et des invasions, Dieu est présent qui n’a aucunement besoin de sa demeure et/ou de sa terre, tout comme l’avait d’ores et déjà mis en lumière l’expérience au désert. Ézéchiel 37, 27, rappelle la promesse divine : « Je mettrai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours. Ma résidence sera près d’eux, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple ». La mobilité de la gloire divine assure également cette présence (Ézéchiel 11, 16)353. Zacharie cite la proclamation divine : « Je suis revenu à Jérusalem avec amour, ma maison y sera rebâtie » (1, 16). Le Temple sera, en effet, reconstruit au cours de la période perse (Haggaï 1-2 ; Zacharie 1-8). Dorénavant, il ne fonctionnera plus à l’identique. Les liens se sont transformés, il n’est plus l’espace de la dynastie davidique et de l’état, mais celui des orants. Il a perdu sa spécificité politique pour n’être que religieuse354.

Les lieux sacrés Des narrations témoignent de lieux devenus sacrés après que Dieu y soit apparu, et l’exemple du Mont Sinaï l’assure (Exode 3, 12). Gédéon prenant conscience de la présence divine l’affirme également, qui érige, au lieu où l’Ange, puis Dieu lui sont apparus, un autel, le transformant en un espace sacré (Juges 6, 24). Jacob, après le songe dans lequel Dieu lui affirme : « Je suis avec toi » se lève de bon matin, également conscient de la présence divine qui fait de ce lieu une aire sacrée (Genèse 28, 15-22). De même, Isaac après la révélation et la bénédiction divine à Beersheba (Genèse 26, 24-25). Des pierres levées ou des autels sont dressés en ces lieux en mémoire de l’intervention divine.

La pierre levée ou maṣṣ¥bh Ce monument de pierre est érigé afin de commémorer la rencontre avec Dieu ou un ange, dans un lieu devenu sacré. Jacob à qui Dieu s’est révélé dans un songe et lui a fait la promesse de lui donner la terre sur laquelle il repose, s’exclame à propos du lieu où il se trouve : « Que ce lieu est redoutable ! Ceci n’est autre que la maison de Dieu ! Et c’est ici la porte du ciel » (Genèse 28, 17). Aussitôt, il prend la pierre lui ayant servi d’oreiller, Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 151-180, spéc. pp. 162-163. 353 J.F. KUTSKO, Between Heaven and Earth and Divine Presence and Absence, pp. 96 sqq. 354 E.S. GERSTENBERGER, Theologies in the Old Testament, p. 253.

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l’érige en monument et répand de l’huile à son faîte (Genèse 28, 18). Puis, il se prête à lui-même un serment : « Cette pierre que je viens d’ériger en monument deviendra la maison de YHWH » (Genèse 28, 22). Lors d’un second songe, YHWH apparaît à Jacob à son retour d’Aram, et réitère son serment (Genèse 35, 11-12). Le patriarche à son réveil, érige ce monument de pierre, y fait couler une libation et y répand de l’huile (Genèse 35, 14), puis il nomme ce lieu Béthel (la maison de Dieu). Le prophète Isaïe dans son oracle contre l’Égypte (19, 19), déclare que près de la frontière égyptienne, une pierre levée se dressera en l’honneur de YHWH. Outre l’aspect commémoratif de la rencontre avec Dieu, la perspective de ces exemples exprime de par la verticalité du monument de pierre le lien recherché entre le monde d’en-bas et celui d’en-haut, expression du symbolisme axial, entre le monde des humains et l’espace divin, et la dureté du matériau choisi, témoigne de la volonté de l’inscrire dans la mémoire et la durée. Néanmoins, la maṣṣ¥bh est interdite dans le Deutéronome : « N’ériges pas de pierre levée pour toi car YHWH ton Dieu les hait » (16, 22), et le Lévitique (26, 1) le confirme. Ainsi, le peuple de Juda sous le règne de Roboam provoque la colère divine avec leur érection (1 Rois 14, 23). Par ailleurs, des pierres levées ou maṣṣ¥bôt, de la période du Fer, sont attestées sur trente-six sites archéologiques, dont au moins huit proviennent d’Arad, Dan et Lachish, qui sont probablement des objets yahwistes de vénération et de culte aniconiques, puisqu’elles ne tentent pas de représenter une divinité et paraissent considérées comme incarnant une présence réelle, mais leur mode d’emploi et les rites associés restent à ce jour énigmatiques355. Ces objets, de nature minérale et consistante, adoptent l’aspect de symbolisme cosmique évoqué plus haut, cet axe vertical reliant l’espace humain et l’espace divin.

L’autel ou mizeb¥a­ Il doit être construit de matériaux bruts. L’exigence exprimée en Exode 20, 21 : « Tu feras pour moi un autel de terre, et tu sacrifieras sur lui tes holocaustes et tes sacrifices rémunératoires, ton menu bétail et ton gros bétail ; en tout lieu où je ferai invoquer mon nom, je viendrai à toi et te bénirai », est celle de l’érection d’un autel de terre, qui peut néanmoins être construit en pierres mais non pas en pierre de taille rendues profanes par l’usage du fer : « Que si tu me fais un autel de pierres, tu ne le construiras pas en pierres de taille car tu lèverais ton fer sur lui et tu le profanerais » (Exode 20, 22). L’emploi du fer évoquant la violence et les armes ne saurait être employée lorsqu’il s’agit d’une construction à l’intention du Dieu. Dès lors que la violence ne peut être employée en cette occurrence : elle fausserait le 355

Z. ZEVIT, Religion of Ancient Israel, pp. 256-260.

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lien au divin. La terre y joue un rôle matriciel, symbole de la terre-mère, qui mène vers le ciel, et la pompe n’y est d’aucun intérêt. Un interdit supplémentaire est affirmé de ne pas monter sur l’autel à l’aide de degrés afin que la nudité ne s’y découvre pas. Érigé afin de commémorer une rencontre avec le Dieu ou un envoyé divin, l’autel est toujours relié à une situation spécifique et un lieu particulier. Il est aussi destiné à d’autres usages liés au monde du religieux où sont offerts les sacrifices et les offrandes. Ce lieu, vers lequel YHWH descend afin de prendre le don qui lui est dédié, est destiné à de nombreuses formes d’offrandes, tel l’autel des holocaustes, l’autel des parfums portable, construit en bois de chittim et recouvert d’or pur (Exode 30, 1-27), l’autel d’airain sur le parvis du Temple (Exode 40, 29), l’autel d’or situé dans le Temple même (Exode 40, 26), et les autels des idoles (Isaïe 17, 8). Le terme prend son origine dans le verbe zba­, qui évoque le sacrifice. Son érection peut être la conséquence d’un évènement fondateur. Ainsi, lors de l’alliance et après que Moïse ait écrit le « livre de l’alliance », il érige en mémoire de cet évènement un autel au pied de la montagne (Exode 24, 4), puis douze autres monuments pour les douze tribus d’Israël. La construction peut aussi être exigée par le Dieu. De la sorte, YHWH requiert de son héros Gédéon : « Tu démoliras l’autel consacré à Baal par ton père et tu abattras le bocage qui est auprès » (Juges 6, 25) puis commande : « Tu bâtiras un autel à YHWH, ton Dieu, au sommet de ce rocher » (Juges 6, 26). D’autres exemples sont également connus, qui se relient à des moments exceptionnels. L’ordre dicté à Jacob d’élever : « Un autel à Dieu qui t’apparut lorsque tu fuyais devant Ésaü ton frère » (Genèse 35, 1) l’atteste. Après avoir gagné la bataille contre les Benjaminites, le peuple construit un autel, offre des holocaustes et des rémunératoires (Juges 21, 4). Après que la peste ait frappé Israël, Gad vient trouver David et lui demande : « Va, élève un autel à YHWH sur l’aire d’Aravna le Jébuséen » (2 Samuel 24, 18). Le souverain achète l’aire en question au Jébuséen afin de faire cesser l’épidémie qui ravage Israël. Le prince veut offrir le terrain mais le roi s’y refuse et l’achète ainsi que le bétail au prix de cinquante shekels puis érige l’autel exigé par YHWH. Le roi ne peut accepter un don car le terrain devient en raison de cet autel un espace sacré dédié à YHWH et non à une autre divinité, et s’il était acquis sans effort et sans argent il n’aurait pas la moindre valeur tant financière que symbolique. Il importe pour David de payer afin de racheter et se racheter aux yeux du Dieu. Dans le même temps, par cet achat Israël devient propriétaire officiellement de cet espace selon les règles et peut y installer son Dieu (2 Samuel 24, 24-25). Afin que Dieu se laisse fléchir et que l’épidémie prenne fin, le monarque érige l’autel et offre des holocaustes. Espace sacré, toujours

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symbole axial de par sa verticalité ascensionnelle, l’autel joue joue le rôle de lieu théophanique et d’expérience spirituelle356.

Les montagnes sacrées Elles accueillent les théophanies divines et des rituels cultuels en l’absence de sanctuaire avant l’établissement de la Tente d’assignation. Ainsi, deux lieux sis au désert, le mont Horeb (Exode 3, 1 ; Deutéronome 1, 2. 6. 19) et le Sinaï, voient se dérouler les rencontres entre Dieu et Moïse. Le Horeb est le lieu de la Révélation du décalogue (Deutéronome 4, 10. 15 ; 5, 2), celui de l’épisode du veau d’or (Deutéronome 9, 8), de l’établissement de l’alliance (Deutéronome 29, 1), le lieu de la rencontre entre Aaron et Moïse (Exode 4, 27), celui où Jethro sacrifie avec Moïse et les chefs d’Israël (Exode 18, 5), et où les anciens d’Israël accompagnés de Moïse et Aaron fêtent l’alliance par un banquet de réjouissances (Exode 24, 11), sur cette « divine montagne » (Exode 24, 13). Le Sinaï, tout autant lieu désertique, renferme une montagne sacrée ainsi que l’assurent Exode 19, 2. 11 ; 18, 20. 23, Deutéronome 33, 2 et Juges 5, 5. Il est cité huit fois comme le lieu de culte rituel où se tient pour la première fois : un culte public (Lévitique 7, 38), la célébration de Pâques (Nombres 9, 1. 5), un lieu de théophanie (Exode 19, 11. 18. 20. 23), celui de la présence de la gloire divine (Exode 24, 16 ; 31, 18). Montagne du renouveau de l’alliance (Exode 34, 2. 4. 29. 32), il est également le lieu où des instructions se reliant au culte sont transmises (Lévitique 7, 38 ; 25, 1 ; 26, 46 ; Nombres 28, 6)357. Le texte de l’une des plus anciennes poésies prononcées par Moïse rappelle les lieux de Révélation divine : le haut du Sinaï, le Séir, le mont Pharan (Deutéronome 33, 1), ce dernier situé dans le sud du désert est associé au Têmân (Habacuc 3, 3). Le texte de Michée (4, 1), illustre la relation entre montagnes et temples : « La montagne de la maison de YHWH sera affermie sur la cime des montagnes », et « La montagne du Temple de YHWH » est également citée en 2 Chroniques 33, 15. Le sanctuaire de Jérusalem est en effet érigé sur le Mont Sion (Psaume 48, 3). Isaïe (65, 11) cite la parole divine reprochant à ceux qui le délaissent d’être : « Oublieux de ma sainte montagne ». Le récit d’Exode 24 précise en outre, la différenciation entre espace sacré et profane, interdisant au peuple de monter avec Moïse sur la montagne, qui doit s’avancer seul, tandis qu’Aaron, ses fils, et les soixante-dix anciens d’Israël se prosterneront à distance (Exode 24, 1-2). Le sommet définit l’espace du sacré rapprochant du divin, et l’affirmation divine d’Exode 19, 12. 23, le

356 357

M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, pp. 518-519. T.B. DOZEMAN, Exodus, pp. 124-126.

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confirme, qui prononce l’interdiction pour le peuple de gravir la montagne sous peine de mort, car elle est désignée montagne « sainte ».

Les hauts-lieux En ces lieux, des sacrifices sont offerts au Dieu, et le terme bmh, qui les dénomme évoque les hauteurs, les collines et les montagnes. Ainsi, alors que Saül et son serviteur gravissent la montée de la ville à la recherche d’un homme de Dieu, ils sont informés par des jeunes filles de cette cité : « Il est arrivé aujourd’hui dans la ville, le peuple offre aujourd’hui des sacrifices sur le haut-lieu » (1 Samuel 9, 12). Ce terme concerne également le lieu de culte des idoles. Le roi Joas de Juda ne respecte pas les interdits : il ne fait pas disparaître les hauts-lieux, et le peuple ne cesse d’y offrir des sacrifices et de l’encens (2 rois 12, 4). Amacia, fils de Joas, s’il fait : « Ce qui est droit aux yeux de YHWH », suit l’exemple de son père et ne les fait pas non plus disparaître (2 Rois 14, 3-4), pas plus qu’Azaria son fils (2 Rois 15, 4). Les habitants du royaume d’Israël bâtissent des hauts-lieux dans toutes leurs cités : « Depuis la tour des guetteurs jusqu’à la ville fortifiée » (2 Rois 17, 9), et y dressent « Des statues et des ashérahs sur toute colline élevée et sous tout arbre verdoyant » (2 Rois 17, 10). Ils y offrent de l’encens et rendent un culte aux idoles » (2 Rois 17, 11). Achaz offre également des sacrifices et de l’encens sur les hauts-lieux, les collines et sous tous les arbres verdoyants (2 Rois 16, 4). Le souverain Ézéchias abat les hauts-lieux dédiés aux idoles et aux divinités repoussées, brise les stèles, détruit les ashérahs et broie le serpent d’airain érigé par Moïse (2 Rois 18, 1-8 ). La chronique de cette destruction est encore retracée en 2 Rois 18, 22-23. Josias déclare impurs les hauts-lieux où les prêtres des idoles ont offert de l’encens, fait abattre ceux des portes, installés à l’entrée de la porte de Josué (2 Rois 23, 8). Les pontifes des hautslieux ne sont pas autorisés à monter sur l’autel de YHWH dans Jérusalem (2 Rois 23, 9). Il fait, en outre, enlever les chevaux du soleil (2 Rois 23, 11). Bien que la hauteur de ces hauts-lieux rapproche du divin, elle cesse de prendre sens au moment de la prise de conscience du roi Josias, puisque dédiés aux divinités païennes. De fait, ces deux derniers récits soulignent indirectement l’un des projets divins. En effet, l’érection de ces autels ne se concrétise pas dans des espaces neutres. La motivation de leur destruction prend sa source dans une stratégie de disparition d’autres dieux inefficaces et parallèlement de l’augmentation des espaces dédiés à YHWH, témoins de la volonté d’imposer son culte en excluant les cultes idolâtres vers la fin du VIIè siècle avant notre ère. Conséquences de l’idolâtrie et de ses tentations, ces réactions s’affirment nécessairement radicales. En effet, son attrait reste puissant en raison de l’apparence et de la présence apaisante qu’instaure la représentation de l’idole. Celle-ci rassure et « subvenant à l’absence du divin,

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l’idole met à disposition le divin, l’assure et à la fin le dénature ». « L’idole manque la distance qui identifie et authentifie le divin comme tel, comme ce qui ne nous appartient pas, mais nous advient »358.

Les arbres sacrés et/ou bosquets sacrés Certaines essences se relient au sacré, elles cumulent attributions politiques et symboliques. Ainsi Abraham après avoir passé alliance avec le souverain Abimelekh plante un : ’¥Îel, « tamaris/un chêne/bouquet d’arbres » et : wayyiqer’ ΍m beÎ¥m yhwh, « Il y invoqua le nom de YHWH » (Genèse 21, 33). La voyante, prophétesse et juge Déborah, lorsqu’elle rend ses oracles de jugement, siège « sous le palmier » qui porte son nom, lieu sacré et lien direct avec le Dieu (Juges 4, 5). Isaïe emploie la métaphore du cyprès toujours vert en référence à YHWH (14, 8-9). Pour autant, les bosquets d’arbres plantés de : ’¥lôn, « chênes/térébinthes » se rattachent également à des dieux païens et des pratiques douteuses, probablement sortes de hauts-lieux, qui provoquent la colère et le jugement divins (Isaïe 1, 29 ; 65, 3. 5-7 ; 66, 17 ; Ézéchiel 6, 13). Le prophète Osée (4, 12-13), ne manque pas de faire allusion aux rites idolâtres sur les coteaux des montagnes au pied du chêne, symbole de puissance, du peuplier et du térébinthe, où l’audience brûle de l’encens, associant arbres sacrés et hauts-lieux, transgressant les lois divines, et témoignant de l’usage de la rhabdomancie : « Mon peuple demande des oracles à un morceau de bois, et son bâton doit le renseigner : c’est que l’esprit de débauche l’a égaré et il se prostitue en trahissant son Dieu » (Osée 4, 12)359. Le manque de jugement des orants les mène ainsi à se perdre, répudier l’autorité divine et s’enfoncer dans l’anarchie morale. Aussi, la formule : « Sous tout arbre vert », devenue un stéréotype (Jérémie 2, 20 ; 1 Rois 14, 23 ; Deutéronome 12, 2), illustre-t-elle tout autant le principe de l’idolâtrie que sa condamnation (Deutéronome 12, 2-3 ; 2 Rois 16, 4 ; Jérémie 2, 20 ; 3, 6. 13 ; 17, 2 ; Isaïe 57, 5)360.

358

J.-L. MARION, L’idole et la distance, Paris, Grasset, 1977, p. 24. A.A. MACINTOSH, A Critical and Exegetical Commentary on Hosea, ndimbourg, T et T Clarck, 1997, pp. 151-152. 360 H. NUTKOWICZ, « Petites chroniques d’arbres. Fonctions et symboles », pp. 174175. 359

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LES RITES D’ACCES AU DIEU La musique et le premier orchestre, les chants et les danses Parmi les moyens mis en œuvre par l’humain pour accéder au Dieu figure la musique. Celle-ci et la danse se joignent à des circonstances habituelles ou exceptionnelles liées au religieux : le culte journalier, les fêtes ; parfois, elles acompagnent le quotidien profane. Relaté en 2 Samuel (6, 5), le récit du transfert de l’Arche d’alliance à Jérusalem, témoigne en cette occasion unique, du rôle de la musique et de la danse afin d’exprimer la joie des participants : « David et toute la maison d’Israël jouaient devant YHWH de toutes sortes d’instruments de bois de cyprès : kinn¿rôt, harpes, neblîm, luths/lyres ou violes, tupîm, tambourins, na‘ane‘îm, sistres et ṣeleṣelîm, cymbales », ajoutant : wedwid mekarek¥r bekol ‘ōz lipen¥y yhwh, « Et David dansa de toute sa force devant YHWH (2 Samuel 6, 14). La tradition ajoute : « Et David et toute la maison d’Israël escortaient l’arche de YHWH avec des cris de joie et au son du cor. Comme l’arche de YHWH entrait dans la cité de David… Mikhal fille de Saül … vit le roi sautant et dansant devant YHWH » (2 Samuel 6, 15-16). Dans la narration à peine différente qu’en proposent les Chroniques, tandis que David impose aux chefs des lévites de mettre en place leurs frères les chantres munis : « D’instruments de musique, luths, harpes et cymbales, pour entonner (des cantiques) en donnant de toute leur voix en signe de réjouissance… Des prêtres jouaient de la trompette devant l’arche de Dieu » (1 Chroniques 15, 16-20. 24), et « Tout Israël faisait cortège au transfert de l’arche d’alliance de YHWH avec des cris de joie, au son du chofar, des trompettes et des cymbales, ou jouant de la lyre et de la harpe » (1 Chroniques 15, 28). Pour couronner cette arrivée du cortège, l’image du roi David, accompagnant le cortège en sautant et dansant revient sur le devant de la scène (1 Chroniques 15, 29). L’arche installée dans le pavillon dressé par le souverain, celui-ci établit : « Des lévites chargés du culte pour célébrer, louer et chanter YHWH Dieu d’Israël » (1 Chroniques 16, 4). « Yeyel joue du luth et de la harpe, Assaph de la cymbale, Benayahou et Yahazyel de la trompette, régulièrement devant l’arche d’alliance de Dieu » (1 chroniques 16, 5-6). Le souverain confie la direction des chants de grâce dédiés à YHWH à Assaph et à ses frères (1 Chroniques 16, 7). Parmi les chants transmis par les textes, le cantique d’hommage composé et prononcé par le monarque après cette narration et le dépôt de l’arche à Jérusalem. Il se clôt sur une bénédiction du Dieu (1 Chroniques 16, 8-36). En outre, des prières attribuées au roi sont transmises par la collection des Psaumes. David compose un nouveau cantique accompagné du luth à dix cordes (Psaume 144, 9), des Psaumes d’actions de

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grâce (18 ; 21 ; 30), de louanges (Psaume 19 ; 33 ; 58), et de supplication (3 ; 5 ; 7 ; 13). Rassasié de jours, le roi David, devant son fils Salomon établi comme roi d’Israël, rassemble les chefs d’Israël, les prêtres et les lévites, après avoir résolu que quatre mille parmi ces derniers : « Auront à louer YHWH en s’accompagnant des instruments que j’ai créés pour cet usage » (1 Chroniques 23, 1. 5). Une place à part est assignée, dans le service du culte, aux fils d’Assaph, Heman et Yedouthoun, au nombre de vingt-quatre : « Qui pratiquaient l’art de la harpe, du luth et des cymbales » (1 Chroniques 25, 1). Heman était « chargé dans le service divin de sonner de la corne » et ses fils au nombre de quatorze : « avaient mission de participer sous la direction de leur père aux cantiques du Temple de YHWH, en accompagnant de cymbales, de luths et de harpes le service de la maison de Dieu » (1 Chroniques 25, 5-6). Ils constituent le premier orchestre d’Israël connu. Chacun des vingt-quatre instrumentistes est soutenu par onze chanteurs, leur nombre total s’élève à deux cents quatre-vingt-huit (1 Chroniques 25, 7). Après la purification du Temple, et alors qu’il s’installe au pouvoir, le souverain nzéchias : « Posta les lévites dans le sanctuaire de YHWH avec des cymbales, des luths et des harpes, selon l’ordonnance de David, de Gad, voyant du roi, et du prophète Nathan, car l’ordre en avait été donné par Dieu, par l’entremise de ses prophètes. Les lévites se tinrent avec les instruments de David, et les prêtres avec les trompettes. Puis nzéchias ordonna d’offrir l’holocauste sur l’autel, et en même temps que l’holocauste commencèrent le cantique à YHWH, et les trompettes avec accompagnement des instruments de David, roi d’Israël. Toute l’assemblée se prosternait, les chants s’élevaient, et les trompettes sonnaient, tout cela jusqu’à l’achèvement de l’holocauste » (2 Chroniques 29, 25-28). Lors de la célébration des fêtes, la musique se joint à l’ensemble des rites prévus dans le moindre détail. Pour la fête de Pessaḥ, le monarque Josias applique toutes les ordonnances prévues, dont la musique : « Les chantres de la maison d’Assaph, étaient à leur poste selon l’ordonnance de David, d’Assaph, de Hêman et de Yedoutoun, voyant du roi… » (2 Chroniques 35, 15).

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Le psalmiste requiert et promet : « Rassasie-nous dès le matin de ta grâce, et nous entonnerons des chants » (90, 14) ; dans le cantique du shabbat, il s’affirme heureux : « Il est beau de rendre grâce à YHWH, de chanter en l’honneur de ton nom, ô Dieu suprême, d’annoncer dès le matin, ta bonté et ta bienveillance pendant les nuits avec la lyre à dix cordes et le luth, aux sons harmonieux de la harpe (Psaume 92, 2-4), et requiert : « Chantez en son honneur » (Psaume 105, 2). Chanteurs et chanteuses participent au culte. Au retour à Jérusalem, Néhémie cite un registre généalogique où figure le nombre de cent-quarantehuit chantres, fils d’Assaph (Néhémie 7, 44), puis évoque des chanteurs et des chanteuses au nombre de deux cents quarante-cinq pour l’ensemble de la communauté (Néhémie 7, 67). Esdras cite le nombre de deux cents (Esdras 2, 65). Un règlement royal et un contrat assurent aux chanteurs l’entretien de chaque jour, au chef des lévites à Jérusalem, descendant d’Assaph, et à ceux qui sont chargés du service intérieur du sanctuaire (Néhémie 11, 22-23 ; 12, 47). Néhémie rappelle : des chefs de chanteurs et des chants de louanges et d’actions de grâce à Dieu sont assurés dès la royauté de David (Néhémie 12, 46). Parmi les lévites revenus d’exil, certains sont chargés des cantiques, d’autres récitent les louanges et les actions de grâce, certains chantent accompagnés de cymbales, de lyres et de harpes (Néhémie 12, 8. 24. 27). Au cours de l’inauguration du mur de Jérusalem, les chefs de Juda montent sur la muraille et deux grands chœurs y sont placés avec des cortèges qui prennent place près de la maison du Dieu (Néhémie 12, 31-40). Le prophète Isaïe s’engage : « Nous ferons résonner nos lyres tous les jours de notre vie, auprès de la maison de YHWH » (Isaïe 38, 20). Mais, lorsque YHWH se fâche contre la maison d’Israël, il exige : « Recherchez le bien et non le mal… Haïssez le mal, aimez le bien » (Amos 5, 14-15), et critique avec colère : « Faites-moi grâce du bruit de vos cantiques, que je n’entende plus le son de vos luths ! Mais que le bon droit jaillisse comme l’eau, la justice comme un torrent qui ne tarit point ! » (Amos 5, 23). Parmi les rôles attribués à une forme bien particulière de mélodie, celle de la garniture obligée du costume du pontife est à rappeler. Selon les obligations peintes dans le détail et imposées sans exception, le costume du grand-prêtre doit être orné de clochettes d’or et de grenades d’azur, de pourpre et d’écarlate entremêlées, afin de résonner lorsqu’il entre seul dans l’espace saint devant Dieu pour faire le service, puis en sort : « et qu’il ne meure point » énonce le texte dans une inquiétante formulation (Exode 28, 33-34). Durant sa marche vers et dans le sanctuaire, lorsque ces garnitures tintinnabulent, elles inscrivent la séparation des espaces du sacré et du profane ; et informent les personnes présentes dans la Tente d’assignation d’avoir à en sortir. Deux aspects se raccrochent alors au risque de mort du pontife. S’il entre dans le

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sanctuaire sans porter l’un ou l’ensemble de ses vêtements purifiés et consacrés, les règles liées au sacré et prescrites par le Dieu sont remises en cause. Les vêtements profanes peuvent s’accompagner de possibles pollutions, aussi leur irruption dans le sacré trouve-t-elle sa conclusion dans la mort du prêtre, qui sait sa responsabilité au travers du rituel devant le Dieu. Le deuxième élément du danger provient de la présence d’autres personnes que le pontife en ces lieux et à ce moment privilégié où il se retrouve seul face à YHWH et qui profanent le sacré. Cette réalité particulière fait émerger la transgression de tabous, violations du sacré, punies de mort. Nombreuses, sont les situations du quotidien imprégnées de musique et de chants ; lors des vendanges (Isaïe 16, 10), pour la pose d’une première pierre (Zacharie 4, 7), la pierre du rituel de fondation accompagnée du chant des étoiles du matin (Job 38, 7). Son rôle tout particulièrement apaisant s’affirme à propos du roi Saül : « Lorsque l’esprit venu de YHWH s’emparait de Saül, David prenait sa harpe, en jouait avec les doigts ; Saül en éprouvait du soulagement et du bien-être, et le mauvais esprit le quittait » (1 Samuel 16, 23). Le son du cor annonce la proclamation d’Absalom comme roi (2 Samuel 15, 10), de même pour Salomon (1 Rois 1, 39), et Jéhu (2 Rois 9, 13), les chefs et les trompettes acclament le roi Joas, de même le peuple (2 Rois 11, 14). Lors des victoires sur l’ennemi, les vainqueurs sont accueillis par des femmes « chantant et dansant au son des gais tambourins et des triangles » (1 Samuel 18, 6 ; 1 Samuel 21, 12). Des élégies sont prononcées lors de funérailles (2 Samuel 1, 18-27 ; 2 Samuel 3, 33). Sont âprement critiqués par Isaïe (5, 11-12), les débauchés : « nchauffés par le vin, qui mêlent la harpe et la lyre, le tambourin, la flûte et le vin à leur repas », qui ne prêtent pas attention à l’œuvre divine, dévoyant son rôle. Menaçant, le prophète leur promet l’exil : « Ses nobles seront la proie de la faim, ses masses seront dévorées par la soif » (Isaïe 5, 13). Si musique, danse et chants sont essentiellement organisés et dédiés à YHWH, leur aspect profane s’affirme également à tout moment dans la vie quotidienne.

Les sacrifices Le culte sacrificiel apparaît, au cœur de la révélation du Sinaï, comme l’un des fondements d’Israël. Nombreux, liés à des situations et des motifs variés et variables, les sacrifices adoptent les règles définies par l’autorité divine, telles par exemple les prescriptions de près de la moitié du livre du Lévitique qui prennent place dans les cinq premiers chapitres, tandis que les deux chapitres suivants sont dédiés à la part destinée aux pontifes. Le dernier tiers du livre de l’Exode, les Nombres, les visions d’nzéchiel 40-48, le Chroniste en font également longuement état. Des dizaines de narrations, de Genèse aux Chroniques exposent des offrandes de sacrifices dont l’efficacité n’est pas mise en doute. De même la plupart des livres, dans l’espace des lois

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cultuelles ou dans des Psaumes, dans des oracles de jugement ou de salut, dans des sentences, des réflexions sapientiales, des récits, des textes prophétiques, mettent en scène l’offrande de sacrifices, quelles que soient les époques et les milieux. La première offrande révélée par les textes concerne les enfants d’Adam et Ève : « Caïn présenta du produit de la terre, une offrande à YHWH, et Abel offrit de son côté des premiers-nés de son bétail » (Genèse 4, 3-4). Le Deutéronome impose ce premier exemple devenu loi paradigmatique : « Tous les premiers-nés mâles de ton gros et de ton menu bétail, tu les consacreras à l’nternel ton Dieu : tu ne feras point travailler le premier-né de ton gros bétail et tu ne tondras point le premier-né de tes brebis » (Deutéronome 15, 19), dont la pureté est exigée. Exode 13, 2. 12-15 ; 22, 28 ; 34, 19-20 répètent ces obligations. Après la destruction par le déluge dont Noé reste l’un des rares témoins, celui-ci érige un autel à YHWH, destiné à des offrandes de bêtes et d’oiseaux purs, en holocauste (Genèse 8, 20). Le rôle de ces offrandes apparaît prégnant : elles sont imposées par YHWH à Israël alors qu’il en fait son peuple. L’alliance se scelle par des sacrifices au pied du Sinaï (Exode 25, 18), et lors de l’arrivée en Terre promise (Josué 8, 30, 5 ; Deutéronome 27, 18)361. Les situations sont nombreuses où ces offrandes obligées sont octroyées. Selon les époques, leurs formes et conceptions se sont différenciées, aussi n’est-il guère possible d’en exposer l’évolution dans cet espace362. Diverses catégories en sont connues, tels les holocaustes et les oblations prodigués en offrandes, les rémunératoires présentés à l’occasion d’un vœu en l’honneur de Dieu ou d’une action de grâce pour un bienfait, lors de la célébration d’une fête de pèlerinage ou encore de la fin d’une période de naziréat. Les sacrifices délictifs sont offerts en expiation d’un crime de sacrilège, d’un faux serment, d’un doute sur un péché commis ou non, dans le cas d’une union d’un esclave juif avec une esclave cananéenne non entièrement affranchie, d’un nazir devenu impur et d’un lépreux purifié. Lorsqu’un péché a été commis involontairement et quel que soit le rang du responsable, il est racheté par un sacrifice expiatoire. Le lieu du sacrifice peut être formulé par le texte, ainsi, le sacrifice de Pâques doit se tenir : « Au lieu que YHWH choisira » (Deutéronome 16, 2). Il est, en outre, à préciser que le terme qrebbn, qui dénomme le sacrifice tout autant que l’offrande du sacrifice (Lévitique 1, 2 ; 17, 4), s’ancre dans la racine qrab. Il laisse paraître l’un des principaux objets de ce rite : le désir du rapprochement, de la proximité avec le Dieu, afin de combler la distance, l’espace d’avec le sacré. 361

A. MARX, « La place du sacrifice dans l’Ancien Israël », dans J.A. Emerton éd., Congress Volume, Leyde, New York, Brill, 1997, pp. 203-217, spéc. pp. 203-204. 362 A. MARX, Ibid., p. 205.

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Pour autant, n’est pas sacrifice tout ce qui est offert au Dieu, mais exclusivement les offrandes effectuées sur un autel363. L’offrande, ‘¿lh, se déroule selon des rites énoncés par les textes364. Ainsi, les lois figurant en Lévitique 1-7, apportent un ensemble d’informations précisant les pratiques rituelles se tenant à Jérusalem. Gros, menu bétail et oiseaux365, peuvent être immolés, ils occupent la première place parmi les différentes offrandes (Lévitique 1, 2-17). Offertes afin de nourrir le Dieu, leur combustion intégrale est considérée comme : « D’une odeur agréable à YHWH » et le terme employé qui provient de la racine ‘lh, signifiant « monter », évoque le mouvement ascendant de son parfum vers le Dieu (Lévitique 1, 9). L’animal, choisi sans défaut (Deutéronome 17, 1), et du genre mâle, est immolé et les pontifes offrent son sang dont ils aspergent l’autel dans la cour ouverte afin que tous puissent le voir. Le texte d’Exode (30, 9) interdit ces sacrifices de chair, de céréales (pain), et toutes les libations, sur l’autel intérieur. L’ensemble des rites préliminaires, doivent être accomplis par l’offrant, puis le prêtre, intermédiaire avec Dieu, poursuit les rites. La victime est disposée sur le feu de l’autel, qui est fumée comme holocauste (Lévitique 4-9). Le rituel a lieu dans le plus grand silence, afin de se différencier des incantations magiques des rites païens, par différence et déférence envers YHWH. Le récit spectaculaire mettant en scène Abraham acceptant d’offrir : leʽōlāh, « en holocauste », son fils Isaac à YHWH (Genèse 22, 9), témoigne par l’intervention d’un envoyé divin, qu’à aucun moment il n’a été question de l’offrir l’enfant en holocauste : il sera en effet remplacé par un bélier. YHWH fait subir cette extrême épreuve au patriarche afin de l’éprouver et constater : « Car désormais, je sais que tu crains Dieu, toi qui ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique » (Genèse 22, 12). Aussi, le patriarche se voitil offrir la bénédiction suivante : « Je te bénirai, je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel et comme le sable du rivage de la mer, et ta descendance héritera des portes de ses ennemis. Et toutes les nations de la 363

A. MARX, Les systèmes sacrificiels de l’Ancien Testament, formes et fonctions du culte sacrificiel à Yhwh, Leyde, Boston, Brill, 2005, p. 16. 364 Les sacrifices sont si nombreux qu’un choix limité s’est imposé. En effet, toute circonstance exceptionnelle y donne lieu, en plus du service journalier du Temple. Toutes les fêtes sont systématiquement l’occasion de sacrifices de bétail, d’oblations et de libations. Après la construction du Temple de Jérusalem par Salomon, une série d’holocaustes est offerte : des céréales, et des offrandes de bien-être ou rémunératoires sont consacrés à YHWH (1 Rois 8, 62-64). 365 Selon J. MILGROM, Leviticus, A Continental Commentary, pp. 21-23, l’offrande de l’oiseau est probablement un texte ajouté afin de permettre aux plus pauvres d’offrir un holocauste.

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terre seront bénies par ta postérité parce que tu as obéi à ma voix » (Genèse 22, 17-18). Le sacrifice rémunératoire, Îelem, de « reconnaissance ou pacifique », peut présenter du gros et du menu bétail, mâle ou femelle. Il nécessite les mêmes conditions de choix et l’application des mêmes rites concernant l’animal, dont une partie est fumée (Lévitique 1, 1-17). Ces rémunératoires sont assurés par les textes de diverses périodes, qu’il s’agisse des Juges 20, 26, d’Amos 5, 22 et des Proverbes 7, 14. Liée à l’allégresse, la recommandation concernant certains des sacrifices rémunératoires et offrandes joyeuses, exige : « Et tu te réjouiras en présence de YHWH » (Deutéronome 27, 7 ; 1 Chroniques 29, 9). L’offrande votive est offerte en témoignage de reconnaissance à la suite de la réalisation d’un vœu (Genèse 28, 20-22). Ainsi, Jonas, sauvé des eaux et rendant grâce au Dieu promet : « Pour moi, c’est en te rendant hautement grâce que je t’offrirai des sacrifices, j’accomplirai les vœux que j’ai prononcés : le secours vient du Seigneur » (Jonas 2, 10). Le texte rappelle les quatre occurrences d’offrandes d’actions de grâce : le retour d’un voyage au désert, la libération de prison, la guérison et le retour d’un voyage en mer. Leur objet est de fournir de la viande aux classes populaires. Péché par lequel ont été violés par mégarde les interdits tant sociaux que religieux, le ­aÓӍt, concerne la transgression (2 Rois 13, 11), et son objet (Deutéronome 9, 21 ; Zacharie 14, 19). Le terme s’applique également au sacrifice expiatoire qui en est la conséquence366. Dérivé du verbe ḥāṭāʼ au piel, il signifie : « enlever le péché/purifier/offrir un sacrifice comme expiation d’un péché ». Sa fonction consiste à purifier l’autel ou le sanctuaire. En effet, tant le péché que l’impureté provoqueraient des forces nocives et maléfiques qui, comme une épidémie, se répandraient, puis attirées par l’autel ou le sanctuaire le pollueraient et contrarieraient la présence divine parmi son peuple367. Aussi, est-il de la responsabilité de l’individu, ayant transgressé un interdit divin ou ayant commis un péché, de purifier l’autel. Lorsque le responsable est le grand prêtre ou bien la communauté, il devient nécessaire de purifier le Saint des Saints. En outre, lorsque les péchés sont intentionnels, la contagion atteint le Saint des Saints, aussi faut-il chaque année, par les rituels du Jour du Grand Pardon, purifier la totalité du sanctuaire. La purification de l’autel s’avère aussi essentielle avant tout usage368. Elle doit, par exemple, avoir lieu lors de la néoménie et des fêtes, en raison de la foule 366

A. SCHENKER, « Animadversiones, Interprétations récentes et dimensions spécifiques du sacrifice ­aÓӍt », BIB 75/1, 1994, pp. 59-70. 367 J. MILGROM, « Israel’s Sanctuary : The Priestly  Picture of Dorian Gray  », RB 83, 1976, pp. 390-399. 368 J. MILGROM, « The Hatta’t : A Rite of Passage ? », RB 98, 1991, pp. 120-124.

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qui provoque la pollution de l’autel369. Les conséquences du péché individuel ou collectif se font ainsi sentir sur la collectivité. Le terme ­aÓӍt s’applique également au pardon des péchés et à la suppression de l’impureté. Précédant toute fête, ce sacrifice a pour objet d’obtenir le pardon d’Israël et le purifier370. Pour avoir transgressé les règles de l’alliance, puis en devenant par conséquent impur pour un certain temps, le coupable se trouve exclu du peuple (Nombres 5, 2-3). Sa réintégration nécessite l’application d’un rite, celui du ­aÓӍt. Le système des rites d’élimination du péché et de l’impureté, révèle sa cohérence, il : « reflète une analyse rationnelle de la valeur positive ou négative de l’agir humain et en même temps du pardon divin donné par grâce »371. Apparaît alors la représentation d’un Dieu compréhensif souhaitant permettre à celui qui s’est trompé de revenir à sa place dans la communauté372. La purification du sanctuaire (Lévitique 16, 16-20), débouche sur le rituel du bouc émissaire. Le grand prêtre : « Purifiera ainsi le sanctuaire des souillures des enfants d’Israël, et de leurs transgressions et de toutes leurs fautes ; il agira de même avec la Tente d’assignation qui réside avec eux, parmi leurs souillures » (Lévitique 16, 16). La loi exige : « Que personne ne soit dans la Tente d’assignation lorsqu’il entrera pour faire propitiation dans le sanctuaire, jusqu’à sa sortie. Ayant ainsi fait propitiation pour lui-même, pour sa maison et pour toute l’assemblée d’Israël, il s’en ira vers l’autel qui est devant YHWH pour en faire la propitiation, il prendra du sang de taureau et de celui du bouc, en appliquera sur les cornes de l’autel, tout autour, et fera de ce sang avec son doigt, sept aspersions sur l’autel, qu’il purifiera et sanctifiera ainsi des souillures des enfants d’Israël. » (Lévitique 16, 17-19). Après avoir achevé ces tâches, le grand-prêtre fera amener le bouc vivant, appuiera ses deux mains sur la tête du bouc et confessera toutes les iniquités des enfants d’Israël, et les ayant fait passer sur la tête du bouc l’enverra dans le désert : « Et le bouc 369

J. MILGROM, Ibid., p. 123. A. SCHENKER, « Interprétations récentes », p. 68. 371 A. SCHENKER, Ibid., p. 69. 372 A. MARX, « Le sacrifice dans l’Ancien Testament. Regard impressionniste sur un quart de siècle de recherches », CAB 35/4, 1996, pp. 3-17, spéc. p. 12. 370

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emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une contrée solitaire, et on lâchera le bouc dans ce désert » (Lévitique 16, 19-22). Ce sacrifice est aussi offert, afin de réparer des fautes commises par mégarde (Lévitique 4-5, 13), pour la purification de certaines impuretés (Lévitique 12 ; 15, 2-15. 25-30), pour des consécrations de lévites, de prêtres ou de l’autel (Nombres 6 ; 8 ; Exode 29, Lévitique 8), et au cours de l’année liturgique lors de cérémonies récurrentes. En cette occurrence de péché par mégarde, le pontife offre un jeune taureau ; il en est de même pour la communauté (Lévitique 4, 1-21 ; Nombres 15, 24). S’il s’agit d’un prince, celui-ci devra présenter un bouc (Lévitique 4, 22-26), et l’homme du peuple une chèvre ou un agneau, toujours sans défaut (Lévitique 4, 27-35). Les oiseaux sont offerts en sacrifice expiatoire en raison d’un serment oublié (Lévitique 5, 7), une nouvelle accouchée fait présent d’un oiseau en rite de purification (Lévitique 12, 8), de même les lépreux guéris (Lévitique 14, 22). En cas de péché conscient, une offrande de femelle de menu bétail, est offerte, mais en raison de sa pauvreté le coupable peut offrir deux oiseaux, tourterelles ou colombes, l’une comme expiatoire et l’autre comme holocauste (Lévitique 5, 1-7). Le sang dont l’autel est systématiquement aspergé joue un rôle purificateur373, dans la mesure où le sacrifice correspond aux exigences divines. L’offrande de péché ’Îam, dite « délictive », diffère fondamentalement du sacrifice d’expiation ­aÓӍt, en ce qu’il concerne une fraude, un manquement, qualifié de maʽal, ou « infidélité ». Offerte en réparation de l’appropriation par inadvertance ou biÎegāgah, de choses saintes consacrées à YHWH, elle implique le don à Dieu d’un bélier d’une valeur de deux shekels, auquel il importe d’ajouter le paiement d’un cinquième de sa valeur pour la réparation du tort causé au sanctuaire (Lévitique 5, 14-19 ; Nombres 6). Puis, le pontife : « Fera propitiation pour lui (l’individu ayant détourné ces choses saintes par mégarde) par le bélier délictif, et il lui sera pardonné » (Lévitique 5, 16). De même, un individu incertain de son péché envers Dieu offre le même animal (Lévitique 5, 17-19), tandis que le voleur, qui a eu recours à un faux serment, ou a commis d’autres méfaits, tels : les escroqueries sur les dépôts, le vol qualifié accompagné de gāzel, « violence », dʽāÎaq, « extorsion de biens », ou d’ʼabedāh, « les escroqueries portant sur des objets perdus », dont la propriété a été revendiquée par un faux serment (Lévitique 5, 20-24), doit restituer les objets ravis ou le dépôt confié, l’objet perdu qu’il a trouvé, payer pour le capital, y ajouter le cinquième, puis offrir un bélier (Lévitique 5, 20-26). À cet ensemble, s’ajoute l’obligation d’un 373

J. MILGROM, Leviticus, A Continental Commentary, Minneapolis, Fortress Press, 2002, p. 31.

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sacrifice de réparation en cas de relations sexuelles avec une esclave fiancée à un homme et qui n’a été ni rachetée ni affranchie (Lévitique 19, 20). Un bélier de délit est alors exigé. Enfin, lors du rituel de purification et de réintégration du lépreux guéri (Lévitique 14, 1-32), ou de celui d’un nazir dont la mission s’est trouvée interrompue par le contact avec un mort (Nombres 6, 8-12), des sacrifices animaux sont prévus. Ces cas où se trouve prescrit un sacrifice de réparation, correspondent une atteinte à un bien soit de YHWH soit d’un Israélite, bien matériel, financier, ou moral. Ils ont porté préjudice au Dieu en sa qualité de « propriétaire du peuple374.

Les sacrifices non cultuels Des sacrifices peuvent être offerts dans des contextes non cultuels de crises, d’agressions ou lors de la célébration d’une victoire, dont de nombreuses narrations se font les témoins. Ainsi, sur le champ de bataille, alors que l’ennemi s’apprête à attaquer Israël, le roi Saül attend le prophète Samuel à Ghilgal, en retard au rendez-vous donné. Alors que le peuple commence à se disperser et que son armée se débande, Saül qui n’a pas encore imploré l’assistance de YHWH, prend une décision qui lui coûtera sa royauté et la disparition de sa lignée, car il n’a pas suivi les recommandations du prophète et demande : « Amenez-moi l’holocauste et le rémunératoire » (1 Samuel 13, 5-14). En une autre occurrence, alors que les princes philistins s’apprêtent à attaquer Israël, les Israélites prennent peur et exigent de Samuel : « Ne nous refuse pas d’implorer YHWH notre Dieu pour qu’il nous sauve de la main des Philistins. Samuel prit un agneau de lait qu’il offrit tout entier en holocauste au Seigneur, puis il implora le Seigneur pour Israël et le Seigneur l’exauça » (1 Samuel 7, 7-9). Le roi de Moab offre son fils aîné en holocauste alors que sa situation semble désespérée (2 Rois 3, 26-27). Après le viol et la mort violente de la concubine du lévite par les habitants de Ghibea, les Israélites décident d’agir et de châtier « l’infamie commise en Israël » par les Benjaminites (Juges 20, 1-10). Après des combats plus qu’incertains, ils montent à Béthel où ils offrent des holocaustes et des rémunératoires, puis consultent YHWH, lequel consent : « Marchez ! Car demain je le mettrai en votre puissance » (Juges 20, 26-28). À la suite de cette guerre intestine ayant permis la victoire sur les Benjaminites, Israël construit un autel afin d’offrir des holocaustes et des rémunératoires à YHWH (Juges 21, 4). Un envoyé divin s’en vient à Bokhîm, afin de faire part à ses habitants du mécontentement divin devant leur désobéissance, car ils n’ont pas détruit les autels « des habitants de ce pays ». Pour cette raison et pour les effrayer, l’intermédiaire du Dieu les informe ne pouvoir se résoudre à les défendre face 374

A. MARX, « Sacrifice de Réparation et Rites de Levée de Sanction », ZAW 102, 1988, pp. 183-197, spéc. pp. 184-186.

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à leurs agresseurs. Inquiet, le peuple d’Israël éclate en sanglots et dans son désespoir sacrifie à YHWH (Juges 2, 1-5). Dans le but de faire cesser les ravages de la peste qui décime le peuple d’Israël, le roi David, suivant les recommandations du prophète Gad, acquiert un terrain auprès du prince Aravna, y érige un autel où il offre des holocaustes et des sacrifices rémunératoires (2 Samuel 21, 18-25). Abondantes, sont les circonstances exceptionnelles où des sacrifices sont offerts. Ils sont prodigués afin de sceller une alliance, ainsi celle conclue entre Laban et Jacob (Genèse 31, 54), ou bien fêter la victoire des Philistins sur Samson (Juges 16, 23), ou celle d’Israël sur les Philistins (1 Samuel 14, 32-35), de Saül sur les Amalécites (1 Samuel 15, 15), ou après la levée du siège par les Assyriens (2 Chroniques 32, 21-23). Le prophète Samuel s’adresse au peuple afin de « consacrer de nouveau la royauté » de Saül, aussi le peuple se rend-il à Ghilgal devant YHWH afin d’immoler des victimes rémunératoires (1 Samuel 11, 14-15). Alors que Jethro retrouve Moïse au désert où il campe, il offre un holocauste et d’autres sacrifices à YHWH, reconnaissant qu’il est plus grand que tous les dieux (Exode 18, 11-12). Balak immole bœufs et brebis qu’il partage entre Balaam, son hôte de marque, et les officiers qui l’accompagnent (Nombres 22, 40). Le peuple pour exprimer sa joie devant les murailles de Jérusalem reconstruites offre des holocaustes (Néhémie 12, 27-43). Parfois geste d’action de grâce, tel le jeune chevreau offert en holocauste à YHWH par Manoaḥ et son épouse à l’annonce de la venue d’un enfant tant désiré dans leur foyer (Juges 13, 15-16), le sacrifice peut être promis à l’occasion d’un vœu dont la promesse de Jephté offre l’exemple, s’il revient vainqueur après son combat contre les Ammonites (Juges 11, 31). nlisée sacrifie une paire de bœufs avant de suivre nlie, désigné à l’effet de l’oindre comme prophète (1 Rois 20, 19-21). En outre, ce geste peut être destiné à rétablir la communication avec YHWH (Genèse 8, 20). Son usage semble assuré pour l’obtention d’un oracle. Le prophète Balaam exige de Balak : « Dresse ici sept autels, et prépare-moi sept taureaux et sept béliers ». Balak s’exécute, qui, avec Balaam, offrent un taureau et un bélier sur chacun des autels. Puis, Balaam se propose d’aller à la rencontre de Dieu, dont il espère un oracle, qui lui sera transmis alors qu’il se sera retiré dans la solitude (Nombres 23, 1-10). YHWH envoie son prophète Samuel chez Jessé, père du futur souverain David, lequel est réticent car il redoute la réaction de Saül qui pourrait le faire mourir. Dieu répond : « Emmène avec toi une génisse, et tu diras que tu es venu sacrifier à l’nternel. Tu inviteras Jessé au festin de la victime ; je t’apprendrai alors ce que tu dois faire » (1 Samuel 16, 1-3). Le sacrifice offert à YHWH fait double emploi, comme excuse il trompe le souverain régnant afin d’éviter toute réaction violente selon la recommandation divine, puis il signe la nomination et le sacre du fils de Jessé comme prochain souverain. Un sacrifice avait naguère inauguré le règne de

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Saül, toujours dans le secret, l’intéressé n’en savait rien, pas plus que le fils de Jessé (1 Samuel 9, 12-14). Ces témoignages soulignent la prégnance concrète et symbolique des sacrifices, un des fondements de la société, offerts tant par des individus que la collectivité, spontanés et/ou occasionnels, et dont les circonstances peuvent différer du tout au tout. Expressions du culte privé ou sacrifice d’intérêt national, leur aspect social, familial, politique, guerrier, lié également à la reconstruction de Jérusalem, divinatoire, exprime l’hommage à YHWH à qui appartient le pays, l’associant aux sentiments, aux émotions, et aux suppliques du peuple. La vie des anciens Israélites en est imprégnée à tout instant et en toute occurrences. Les chroniques confirment combien ces rites leur sont connus. Les hommes possèdent les connaissances nécessaires pour offrir le sacrifice : Manoaḥ sait comment agir pour ce faire (Juges 13, 16-23), tout comme Gédéon (Juges 6, 18-20), nlie le Tishbite le prépare sans y mettre le feu permettant au Dieu de montrer qu’il est le seul Dieu (1 Rois 18, 22-23). Des sacrifices sont offerts à YHWH, qui le font participer et parfois intervenir comme recours lorsque la survie de l’intégrité d’Israël est en jeu. Tout comme Moïse est monté au Sinaï (Exode 19, 3. 12-13. 20. 2324), le sacrificateur monte sur l’autel du sacrifice (Exode 20, 26). Tout sacrifice se confirme être la reproduction cultuelle de la théophanie du Sinaï dont YHWH est l’initiateur et peut se produire en tout lieu dans les limites d’Israël. Il se concentre dans le feu de l’autel, moyen375 et signe de la venue de YHWH376, car n’est-il pas la face visible de YHWH ? « Je vis le Seigneur debout sur l’autel » affirme ainsi Amos (9, 1). Sorte de rite mimétique offert par YHWH à Israël, il offre par ce feu qui descend du ciel enflammant le sacrifice, la manifestation de sa gloire. L’objet du sacrifice est d’en obtenir sa bénédiction, son intervention en faveur de son peuple, et l’associer à sa joie (Genèse 46, 1-4 ; Nombres 23, 11-27 ; 1 Chroniques 21, 26 ; 2 Chroniques 29, 20-30). Parfois, peuvent accompagner le sacrifice : la prière (1 Samuel 7, 9 ; 1 Rois 18, 36-37 ; 1 Chroniques 21, 26), un rite de pénitence (Juges 2, 4-5 ; 20, 26 ; 21, 2-5 ; Jérémie 41, 5-6), la lecture de la loi (Exode 24, 3. 7 ; Josué 8, 34-35), la musique et les chants. Les faiblesses humaines se voient par ce moyen concéder des opportunités, lors de crises, de guerres, de pénitence ou de célébration de victoire, afin de sortir d’une angoissante inquiétude ou culpabilité. Quelles que soient les occurrences, le pardon et/ou le secours venant de Dieu est le 375

C.A. EBERHART, « A Neglected Feature of Sacrifice in the Hebrew Bible : Remarks on the Burning Rite on the Altar », HATR 97/4, 2004, pp. 485-493, spéc. p. 491. 376 A. MARX, « La place du sacrifice dans l’Ancien Israël », dans J.A. Emerton éd., Congress Volume, Leyde, New York, Brill, 1997, pp. 211-213.

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plus souvent acquis, la distance abolie, mais à la condition expresse de respecter les exigences symboliques et matérielles prônées par YHWH, lequel sait les déficiences de ses créatures et leurs excès. Néanmoins, ces sortes d’« indulgences », pratiques rituelles et liturgiques sont largement controversées par les prophètes, dont Isaïe 1, 10-16 se révèle le témoin critique. Porte-parole divin, il blâme les comportements sans morale, éthique, authenticité, où ces rites s’inscrivent dans l’apparence, la fausseté, l’hypocrisie, et l’application machinale des rites ou la déviation du culte377 : « Soyez attentifs à l’enseignement de notre Dieu, peuple de Gomorrhe ! Que m’importe la multitude de vos sacrifices ? dit le Seigneur. Je suis saturé de vos holocaustes de béliers, de la graisse de vos victimes : le sang des taureaux, des agneaux, des boucs, je n’en veux point… Cessez d’y apporter l’oblation hypocrite, votre encens m’est en horreur : néoménies, shabbats, saintes solennités, je ne puis les souffrir, c’est l’iniquité associée aux fêtes. Oui, vos néoménies et vos solennités, mon âme les abhorre, elles me sont devenues à charge, je suis las de les tolérer. Quand vous étendez les mains, je détourne de vous mes regards ; dussiez-vous accumuler les prières, j’y resterai sourd : vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de mes yeux l’iniquité, de vos actes, cessez de mal faire. Apprenez à bien agir, recherchez la justice ; rendez le bonheur à l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la cause de la veuve ». Renforçant plus âprement ces critiques et condamnations à propos du vide spirituel des orants et des officiants lors de l’application des rites, Malachie (1, 11), accuse : « Je n’ai aucun plaisir à vous voir, dit l’nternel Cebaot, l’offrande de votre main, je ne la veux pas ». Pour autant, Il ne s’agit aucunement pour le prophète d’exiger l’abolition des sacrifices, quelle que soit leur matière, et de les remplacer, mais bien plutôt d’exiger le retour à la pureté du cœur et du comportement, conformes aux exigences divines. Il s’agit de la sublimation du sacrifice378. Le prophète (3, 3-4), sait admirablement 377

A. MARX, « L’Ancien Testament », G. Grappe et A. Marx éd., dans Le sacrifice, vocation et subversion du sacrifice dans les deux testaments, Paris, 1990, pp. 13-45, spéc. p. 14. 378 I. WILLI-PLEIN, Opfer und Kult im altestamentlichen Israel, Textbefragungen und Zwischenergebnisse, Stuttgart, Verlag Kath. Bibelwerk, 1993.

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résumer cette exigence et sa divine contrepartie : « Alors l’nternel prendra plaisir aux offrandes de Juda et de Jérusalem, comme il le faisait aux temps antiques, dans les années d’autrefois », à la condition expresse qu’il : « Purifiera les fils de Lévi et les affinera comme l’or et l’argent, afin qu’attachés au service de YHWH, ils présentent des offrandes avec piété ». Le prophète Jérémie prescrit au peuple de Juda le respect du shabbat. À cette condition, les fidèles, heureux, venant des quatre coins d’Israël, apporteront des holocaustes et d’autres sacrifices, des oblations et de l’encens, des offrandes de reconnaissance au sanctuaire (Jérémie 17, 26). Le Psaume 50, 12-13, raille certaines conceptions anthropomorphiques rapportant les paroles divines : « Dussé-je avoir faim, je ne te le dirais pas car l’univers avec tout ce qu’il renferme m’appartient. Estce donc que je mange la chair des taureaux ? Est-ce que je bois le sang des béliers ? En guise de sacrifice, offre à Dieu des actions de grâce, ainsi tu acquitteras tes voeux envers le Très-Haut ». En effet, YHWH n’est aucunement dépendant ni n’éprouve de besoin de cette nourriture qu’il peut refuser379. Le Psalmiste, s’adressant à YHWH, sait souligner avec simplicité à quel point le sacrifice peut se transformer en un simulacre : « Tu ne souhaites ni sacrifice ni oblation, tu m’as perforé des oreilles pour entendre, tu n’exiges ni holocaustes ni expiatoires. Aussi, je dis : « Voici je me présente ! Dans le rouleau du livre se trouve ce qui m’est prescrit. Accomplir ta volonté, mon Dieu, tel est mon désir ; ta loi a pénétré jusqu’au fond de mes entrailles » (Psaume 40, 7-9). Et le Psaume 51 reconnaît que seuls un cœur pur, un esprit contrit permettent à YHWH d’apprécier : « Alors dans ta bienveillance… Tu agréeras des sacrifices pieux, holocaustes et victimes parfaites, alors on présentera des taureaux sur ton autel ». Offrir un repas à Dieu s’inscrit dans un acte suprêmement symbolique. En effet, le Dieu d’Israël n’attend pas sa subsistance des sacrifices, mais Israël invite son Dieu à un repas de fête spécialement préparé à son intention, et lui réservant le meilleur (Isaïe 25, 6 ; Lévitique 7, 23-27), ou peut apprêter un repas à son intention (Genèse 18, 1-8) afin de l’honorer, d’obtenir sa présence et ses bénédictions. En outre, le Deutéronome 4, 28 n’omet pas de rappeler que les dieux des autres nations, par différence avec le Dieu d’Israël, n’entendent pas, ne mangent pas et ne sentent pas, ils ne sont que des idoles. La destruction du Temple et les tragiques événements historiques de 597 et 587/586, verront l’évolution de ces rituels menant vers la disparition du sacrifice sanglant, à laquelle ont participé les prophètes. Ils « ont préparé la

379

A.K. de HEMMER GUDME, « ‘If I were Hungry, I would not Tell you’ (Ps 50, 12), Perspectives on the Care and Feeding of the Gods in the Hebrew Bible », SJOT 28/2, 2014, pp. 172-184, spéc. pp. 173-174.

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voie à une spiritualisation et à une « éthicisation » du sacrifice »380 devenu coquille vide. La prière prendra sa place dans la relation et le besoin de rapprochement avec le Dieu.

Le banquet sacrificiel Paradigmatique et mystérieux, le récit du festin de sacrifice auquel participent Saül et son serviteur en dépeint certains aspects concrets (1 Samuel 8, 13). Après le sacrifice sur le haut-lieu, se tient un banquet auquel participent les convives en présence de YHWH. Saül et son serviteur sont introduits dans la salle du festin et installés à la meilleure place parmi la trentaine d’invités. Ce sacrifice de communion381 offert à YHWH se déroule dans une salle du sanctuaire ou liÎekātāh (1 Samuel 9, 22), et la place d’honneur est réservée aux hôtes de marque, ici le futur monarque. Le cuisinier, suivant en cela les ordres de Samuel, sert au futur souverain l’épaule avec sa garniture, et le prophète lui explique sur le mode énigmatique : « Ceci est la part réservée, mets-la devant toi et mange, car elle a été gardée pour cette solennité, lorsque j’ai annoncé que j’invite le peuple » (1 Samuel 9, 22-24). Il présente ainsi les meilleures parts que sont le gigot ou Îôq, et la queue ou ʽelî, à ces convives (1 Samuel 9, 23-24). Le partage du sacrifice avec Saül révèle la nouvelle position sociale du roi choisi par YHWH ; dans ce passage chaque geste, chaque parole possède une puissance symbolique. Or, cette sorte de sacrifice induit la divine présence382, aussi YHWH répand-il sa bénédiction sur Saül. De surcroît, ce banquet est explicitement donné également : lʽam, « pour le peuple » (1 Samuel 12-13)383, lequel se voit ainsi associé384, bien que rien ne lui soit explicité, au banquet d’intronisation du premier monarque d’Israël. Au-delà de ce moment-clé, mise en scène où l’autorité divine apparaît créatrice de nouvelles normes politiques, d’autres banquets sacrés en présence du Dieu 380

A. MARX, « L’Ancien Testament », pp. 44-45. A. MARX, dans Les systèmes sacrificiels de l’Ancien Testament, p. 53, rappelle que ce sacrifice est offert à l’occasion du pèlerinage au sanctuaire central (1 Samuel 1, 34), ou local (1 Samuel 9, 12-13), pp. 154-155. 382 C. GRAPPE et A. MARX, Le sacrifice, Genève, Labor Fides, 1998, p. 44. A. MARX, « Pourquoi sacrifie-t-on ? Sur les traces d’un mythe fondateur », dans D. Böhler, I. Himbaza et P. Hugo éd., L’écrit et l’esprit, études d’histoires du texte et de théologie biblique en hommage à Adrian Schenker, Fribourg, Academic Press Fribourg et Vanderhoeck et Ruprecht, 2005, pp. 215-228. 383 L. M. ESLINGER, Kinship of God in Crisis, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1985, p. 299. 384 S. FREUD, Totem et Tabou, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1965, pp. 202, constate : « Le repas de sacrifice exprimait directement le fait de la commensalité du dieu et de ses adorateurs ». 381

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sont assurés après présentation des holocaustes et des rémunératoires, tel celui d’Exode 24, 11, dont le texte résume plus que brièvement le contenu : « Ils contemplèrent Dieu et ils mangèrent et ils burent ». D’autres récits de banquets destinés à anticiper ou confirmer un couronnement, parfois bien incertain, sont également rapportés par les textes. L’exemple d’Adonias, un des fils de David, l’atteste : il ambitionne de devenir souverain, alors même que son père est toujours en vie. Devançant cet événement, le jeune prince convie à un fastueux repas l’ensemble de ses frères, et tous les hommes de Juda au service du roi (1 Rois 1, 9). Pour cette occasion, il fait sacrifier des pièces de menu et gros bétail, ainsi que des animaux engraissés (1 Rois 1, 9). En bon politique, le prince cherche à séduire et recevoir l’appui du plus grand nombre, ce qu’il obtient aisément (1 Rois 1, 1126). Tout en faisant bonne chère, ils expriment leur soutien en clamant : « Vive le roi Adonias » (1 Rois 1, 25). Pour autant, son aspiration ne se concrétisera pas, le prince ne deviendra jamais roi. Absalom, autre fils de David, invite deux cents personnes à un banquet sacrificiel (2 Samuel 15, 1012), dont l’objet est également sa reconnaissance de futur souverain. Mais il meurt auparavant. Par ailleurs, si le Livre des Rois ne mentionne pas cet événement, le Chroniste évoque le banquet lié à l’accession au trône de Salomon désigné par David de son vivant (1 Chroniques 29, 21-22). Mille taureaux, béliers, brebis sont immolés, et d’autres sacrifices sont offerts au Dieu et à l’intention du peuple d’Israël qui prend part au festin, participant à l’intronisation du nouveau roi. Chacun de ces festins, un sacrifice de communion, apparaît comme le symbole d’un espace de stratégie politique et de reconnaissance divine. Ils symbolisent et matérialisent la prise de pouvoir ou sa tentative, et si leur vocation est politique, ils restent tout autant liés au sacré. Par ailleurs, le festin auquel participent Moïse et son beau-père Jethro (Exode 18, 12), évoque les circonstances de renouvellement radical de l’organisation judiciaire. Après leurs retrouvailles, le second offre un holocauste et d’autres sacrifices au Dieu. Au même moment, Aaron et les Anciens d’Israël viennent partager leur repas en présence du Dieu, précise le texte. Puis, Moïse entreprend, dès le lendemain, de rendre la justice du lever à la tombée du jour. Face à cette charge écrasante, Jethro lui propose d’être, devant Dieu, l’unique représentant du peuple qu’il instruira des lois et des conduites à tenir. Il choisira des hommes de bien dont la mission sera de juger en permanence, tandis qu’ils lui soumettront les affaires graves (Exode 18, 26). À la suite de ce repas de communion, Jethro seconde le patriarche dans la mise en place de l’organisation de la justice. Ce festin, comme celui auquel participe Saül, à la vocation tant sacrée que juridique, précède également une transformation institutionnelle capitale.

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Les prémices Deutéronome et Exode rappellent l’exigence du don des prémices : « De tous les fruits de la terre récoltés », apportés au sanctuaire choisi par YHWH dans une corbeille (Deutéronome 18, 4 ; 26, 1-11 ; Proverbe 3, 9 ; Exode 23, 19 ; 34, 26). Cette obligation doit s’accompagner d’une phrase de reconnaissance du don de la terre d’Israël (Deutéronome 26, 4). La corbeille est déposée devant l’autel dédié à YHWH (Deutéronome 26, 4). La loi conclut sur cette recommandation : « Tu te réjouiras pour tous les biens que YHWH, ton Dieu t’aura donnés » (Deutéronome 26, 11). Pour l’oblation des prémices de la moisson (Lévitique 23, 9), ces offrandes en l’honneur et mémorial de YHWH, doivent être salées, en épis torréfies et réduits en gruau et sans levain, sur lesquels sont versés l’huile et l’encens (Lévitique 2, 13-15 ; 6, 8. 10). Le sel, signe d’alliance, doit être adjoint à toutes les offrandes (Lévitique 2, 13). La loi exige dès la moisson, qu’un ômer des prémices soit offert au pontife qui le balance devant Dieu afin de le rendre propice. En outre, « Tout premierné des animaux » s’il est mâle doit être proposé à YHWH, en mémoire des événements d’Égypte. (Exode 13, 12-16). Enfin, les prémices de toutes les primeurs appartiennent aux pontifes (Ézéchiel 44, 30).

L’oblation, l’offrande Les attestations de cette offrande végétale, destinée à des emplois tant profanes que cultuels, courent tout au long des textes. La première mine­h révélée par la Genèse (4, 3), consiste en une offrande à YHWH du produit de la terre par Caïn, laquelle ne fut pas reçue favorablement. Après que ses fils lui eurent rapporté leur rencontre avec un personnage d’importance en ngypte, et leur obligation d’y retourner afin de venir chercher leur frère laissé en otage, Israël accepte que Benjamin, le plus jeune de ses fils, les accompagne exigeant qu’ils mettent dans leurs bagages les meilleures productions du pays : wehôrîdû lāʼîÎ mineḥāh, « Apportez un présent/un hommage à cet homme » (Genèse 43, 11). La liste des produits offerts consiste en produits de la terre : « un peu de baume, un peu de miel, des aromates et des lotus, des pistaches et des amandes ». La fonction assignée à cette mineḥāh, « offrande/tribut d’hommage » alors qu’offerte à YHWH, ne semble guère différer de l’offrande profane. Des exemples le confirment. Ainsi, lorsque David s’adresse à Saül afin de connaître le responsable de sa défaveur auprès du souverain, il envisage, si YHWH en est à l’origine, de lui apporter une offrande, afin de le dissuader de s’irriter contre lui (1 Samuel 26, 19). Cette offrande est offerte au Dieu victorieux (2 Chroniques 32, 23), qui lui est présentée par les fidèles lorsqu’ils se rendent au sanctuaire (Isaïe 1, 13). Elle est, en outre, le signe de l’hommage des nations venues en ses parvis (Psaume 96, 8). ngalement hommage, ce

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terme signale le sacrifice de communion offert chaque année par les familles au sanctuaire de Shiloh (1 Samuel 2, 17. 29). Parmi la liste des sacrifices qu’évoque Malachie (1, 11), figure cette « pure offrande » présentée comme geste d’hommage à YHWH. La mineḥāh, est souvent associée à un sacrifice sanglant, mais pas systématiquement, et communément citée après l’holocauste385. Paradigme de cette mineḥāh cultuelle, le don de Gédéon se compose d’un holocauste sanglant accompagnée d’une offrande. Lors de la visite divine à Gédéon qui reconnaît un ange de YHWH, il requiert : « Je vais quérir, mineḥātî, « mon offrande/hommage » (Juges 6, 18-20). Gédéon lui offre un repas : de la viande cuite avec son jus et des pains, transmis par le feu. Confirmant cette réalité, les exigences formulées dans le Lévitique (23, 17-18) l’attestent, qui imposent d’offrir deux pains « faits de deux dixièmes de farine fine et cuits à pâte levée », en plus de sept agneaux sans défaut, un jeune taureau et deux béliers », et d’une offrande d’un « quart de hîn de vin ». Pour les offrandes du soir, s’adjoignent à l’agneau offert une oblation d’un dixième de fleur de farine pétrie qu’accompagnent un quart de hîn d’huile vierge et une libation d’un quart de hîn de vin (Exode 29, 41 ; Nombres 28, 5-8). Tout comme ces mêmes offrandes du matin, ils constituent l’holocauste perpétuel. Diverses narrations témoignent de cet accompagnement du sacrifice du soir par l’oblation, qui n’est pas une offrande indépendante (1 Rois 18, 29 ; 2 Rois 16, 13. 15 ; Esdras 9, 5). D’autres narrations évoquent l’oblation, non reliée à l’holocauste, offerte à YHWH (Josué 22, 23 ; Juges 13, 19). Après le funeste récit de l’assassinat du gouverneur Ghedalia de Juda mis en place par le roi babylonien, quatre-vingt hommes s’en viennent de Sichem, Shiloh et Samarie portant les stigmates du deuil, avec dans leurs mains des offrandes et de l’encens destinés au Temple (Jérémie 41, 5). Offrandes et libations sont associées en Joël 1, 9. 13. La matière n’en est pas systématiquement exposée (Juges 13, 19 ; Isaïe 43, 23-4 ; 46, 3 ; Amos 5, 22). Présentées par YHWH à Moïse, les lois précisent, au contraire des récits, la nature et les spécificités de ce rituel. Le Lévitique en décrit la teneur par le menu. Avec de la fleur de farine, douze gâteaux/pains de proposition doivent être disposés en deux rangées sur la table d’or pur devant YHWH (Lévitique 24, 5-6). De l’encens pur doit être versé sur ces pains, « Il servira de mémorial au pain » ce sera la : ʼazekārah, « offrande qui fait souvenir » en l’honneur de YHWH (Lévitique 24, 7). Les pains de proposition doivent être placés en permanence devant YHWH (Exode 25, 30 ; Nombres 4, 7). Chaque shabbat, en signe de l’alliance perpétuelle, ils doivent être disposés devant 385

A. MARX, Les offrandes végétales dans l’Ancien Testament, du tribut d’hommage au repas eschatologique, Leyde, Brill, 1994, pp. 10 sqq.

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YHWH. Ces pains du shabbat sont destinés aux prêtres, qui les consomment intégralement (Lévitique 24, 9). L’« oblation » de pains et gâteaux présentée par le fidèle qui la remet au pontife, doit se composer de fleur de farine arrosée d’huile et d’encens, qui seront fumées, car leur parfum est agréable à YHWH. Bien que non autorisés sur l’autel, les pains levés sont néanmoins considérés comme offrandes (Lévitique 7, 13 ; Amos 4, 5). Tout fidèle peut offrir des pains et des gâteaux cuits au four, composés de fleur de farine en gâteaux azymes pétris avec de l’huile, ou en galettes azymes ointes d’huile (Lévitique 2, 4). Ces oblations peuvent aussi être préparées sur la poêle, qui sont sans levain, sans miel et non levées et plus tard sans encens (Lévitique 2, 5-6). Le lépreux guéri apporte également une offrande d’un dixième de fleur de farine et un log d’huile (Lévitique 14, 21). Parmi les offrandes de fleur de farine arrosées d’huile avec de l’encens apportées aux prêtres, seule une poignée sans l’encens brûlé est agréée par YHWH (Lévitique 2, 1-2). Le surplus est attribué aux prêtres. Parfois, ces offrandes complètent les holocaustes, ou bien le pain et/ou un gâteau sont offerts en prémices (Nombres 15, 18-21). Par suite d’une erreur commise par inadvertance, et si ces obligations ne sont pas remplies, la communauté joint à l’holocauste une oblation (Nombres 15, 24). En outre, afin de racheter un péché commis consciemment, un homme pauvre se doit d’offrir un dixième d’épha de fleur de farine sans huile ni encens comme expiatoire et le prêtre en brûle une poignée (Lévitique 5, 11-13). Une mine­h, est évoquée dans le détail dans la geste de Gédéon. Celui-ci prépare une offrande se composant d’un jeune chevreau, de pains azymes d’un épha de farine, et la porte sous le térébinthe (Juges 6, 18-19). L’ange lui donne ordre de prendre la viande et les azymes, de les poser sur un rocher puis de répandre le bouillon, qui les effleure de l’extrémité de son bâton, le feu sort du rocher et les consume, puis disparaît, signe de l’agrément divin (Juges 6, 20-21).

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Les libations de parfums et de vins L’Encensement aromatique est prévu chaque matin et chaque soir sur l’autel destiné à cet effet (Exode 30, 9). En outre, une libation de vin pur accompagne le sacrifice de petit bétail journalier, matin et soir (Nombres 28, 7-8). Pour le shabbat, elle accompagne l’holocauste et l’oblation, de même lors des néoménies (Nombres 28, 9. 14). Des libations sont exigées également lors des fêtes (Nombres 29, 6. 11. 16. 22. 25. 28. 30. 34. 38). À l’occasion de la réparation d’une erreur, une libation est imposée qui accompagne un holocauste et une oblation (Nombres 15, 24). Le vin n’est jamais brûlé, il est versé sur la base de l’autel (Lévitique 2, 11). L’ensemble de ces sacrifices prennent l’apparence d’un repas offert à YHWH, qui se composent de produits comestibles : bovins, ovins et caprins, oiseaux, sans défaut, et de produits agricoles : céréales, olives, raisins. Il reçoit ainsi comme repas ce qui sert de nourriture aux Israélites, et se doit d’être préparé, par différence avec les autres dieux « qui ne mangent ni ne respirent ». Il le consomme en : rāwāḥ, « respirant » son parfum (Deutéronome 4, 28)386. Ainsi, YHWH consomme les sacrifices par « le nez » en respirant les parfums délicieux qui montent de l’autel. Les parfums se répandent dans le Temple, provenant de l’huile sacrée arrosée d’épices et d’aromates, de l’encens, des sacrifices et des offrandes brûlées sur l’autel. Ces offrandes sont dépeintes comme « d’une odeur agréable à YHWH » (Lévitique 1, 9. 13. 17)387. Le récit de Genèse 8, 20-22 rapporte qu’à la sortie de l’arche, Noé érige un autel à YHWH afin d’offrir en holocauste de tous les quadrupèdes et de tous les oiseaux purs. Le Dieu « sentit la délectable odeur » et se dit en son coeur acceptant, momentanément, l’humain tel qu’il est : « Désormais, je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car le penchant du cœur de l’homme est mauvais dès son enfance ; désormais je ne frapperai plus tous les vivants, comme je l’ai fait. Plus jamais, tant que durera la terre, semailles et récoltes, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit, ne seront interrompus » (Genèse 8, 21-22).

386

A. MARX, « Familiarité et transcendance. La fonction du sacrifice », dans A. Schenker éd., Studien zu Opfer und Kult im Alten Testament, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1992, pp. 1-14. 387 A.K. de HEMMER GUDME, « A Pleasing Odour for Yahweh : the Smell of Sacrifices on Mount Garizim and in the Hebrew Bible », BAR 2/1, 2018, pp. 7-24, spéc. pp. 1416.

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Pour autant, la viande de la victime n’est pas partagée entre le Dieu et les offrants. Dans le cas d’un holocauste rien n’est dédié aux prêtres si ce n’est la peau de l’animal (Lévitique 7, 8). Pour le sacrifice de communion, rien n’est offert à YHWH, et si holocauste et sacrifice de communion sont associés, la viande offerte au Dieu provient d’un autre animal que celui que consomment les offrants, qui lui est transmise avant que ceux-ci ne reçoivent leur part. YHWH reçoit une part qu’il est interdit aux Israélites de consommer : le sang (Lévitique 3, 17 ; 7, 26-27 ; 17, 10-14 ; 19, 26 ; Deutéronome 12, 16 ; 15, 23 ; 1 Samuel 14, 32-34), et la graisse (Lévitique 3, 17 ; 7, 23-5). Seule l’offrande de pain lui est présentée crue. Enfin, le lieu où YHWH consomme ou plutôt respire sa part (Genèse 8, 21 ; Lévitique 26, 31 ; 1 Samuel 26, 19), est sis dans un autre monde, d’où la nécessité d’un autel et la transformation de la matière par le feu. Les textes ne sont guère explicites sur la manière dont YHWH s’approprie cette nourriture. Quoi qu’il en soit, il apparaît ainsi, proche et transcendant, par « l’hospitalité sacrificielle » offerte388. Sacrifices et offrandes permettent d’assurer aux Israélites, quelle que soit leur richesse et leur niveau social, un lien direct avec le Dieu. Les effluves du sacrifice montent vers le ciel en un axe vertical tandis que les rites sont exécutés devant YHWH selon un axe horizontal389, et ces deux directions s’entremêlent afin d’occuper tout l’espace. La présence divine s’affirme ainsi en tous lieux et à tous moments. L’usage du verbe ’kal, « manger/dévorer/consumer/détruire » accorde à YHWH des spécificités anthropomorphiques et par ce moyen le rapproche des humains. Le fumet de cuisson de leur offrande et sa substance se doivent d’être accueillis favorablement et jouent le rôle de rite d’attraction390. L’acceptation de l’offrande lui parvenant par la combustion391, s’affirme comme l’expression tangible de sa présence et le symbole théophanique de sa transcendance392. Cet agrément témoigne de l’approbation divine et de sa volonté d’offrir ses bénédictions. Ces offrandes sont destinées à : offrir des solutions devant des difficultés d’ordre personnel ou communautaire, se distancer des croyances païennes et de leurs coutumes, offrir des réparations devant des erreurs et des péchés et enfin prodiguer au Dieu ces preuves de l’attachement inconditionnel et immémorial de son peuple. Pour autant, le psalmiste affirme clairement 388

A. MARX « Familiarité et transcendance », pp. 10-13. R. GANE, « ‘Bread of the Presence’ and Creator-in-Residence », VT 42/2, 1992, pp. 179-203, spéc. pp. 181-182. 390 B.A. LEVINE, In the Presence of the Lord, A Study of Cult and Some Cultic Terms in Ancient Israel, Leyde, Brill, 1974, pp. 22-27. 391 A. MARX, « L’Ancien Testament », spéc. p. 21. 392 M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, p. 198. 389

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l’importance d’une spiritualité également détachée d’un simple geste matériel qui se confond avec l’apparence : « Car tu ne souhaites pas de sacrifices…Tu ne prends pas plaisir aux holocaustes. Les sacrifices agréables à Dieu, c’est un esprit contrit, un cœur brisé et abattu » (Psaume 51, 18-19), qui renforce son affirmation par la prière afin de restaurer Sion et rebâtir Jérusalem (Psaume 51, 2). Dans le même temps, rappels journaliers du don de l’alliance, leur aspect mémoriel reste obligé.

La dîme L’exigence divine s’étend à la dîme du produit annuel de la semence du champ (Deutéronome 14, 22-29 ; 26, 12-15). Elle doit être consommée en présence de YHWH : « Dans la localité qu’il aura choisie comme résidence de son nom ». Et la loi précise qu’il s’agit de la dîme du blé, du vin et de l’huile, des premiers-nés du gros et du menu bétail (14, 23). Pour le cas où il serait impossible de se rendre en ce lieu, la loi autorise à estimer leur valeur en argent, se rendre au lieu choisi par Dieu, et employer cet argent : « À telle chose qu’il te plaira gros ou menu bétail, vins ou liqueurs fortes », les consommer en présence du Dieu et se réjouir avec sa famille (14, 25-26). La loi n’oublie pas le lévite, lequel ne saurait être être négligé, et la troisième année la dîme entière des produits de l’année doit être déposée dans les murs afin que le lévite puisse venir « manger et se rassasier » (14, 28-29), de même que l’étranger, l’orphelin et la veuve. En effet, le texte réaffirme le principe divin : « Il ne doit pas y avoir d’indigent chez toi » (Deutéronome 15, 4).

Le festin divin YHWH peut également offrir des sacrifices, dont les invités ne sont, par définition, jamais des dieux. En effet, les festins offerts par le Dieu sont présentés comme des sacrifices. La métaphore est employée afin de peindre l’intervention guerrière de YHWH contre ses ennemis et parfois contre son peuple. Les prophètes en témoignent, tels Isaïe, Jérémie, nzéchiel, Sophonie, et également le Deutéronome. Le moment où se produit l’intervention divine, peut être dénommé : yôm yhwh, le « jour de YHWH », ou : yôm nāqām layhwh, « un jour de vengeance de YHWH » (Isaïe 34, 8). Ainsi, Sophonie annonce-t-il : « Car il est proche, le jour de YHWH, car YHWH a préparé une hécatombe, il a désigné ses invités. Yôm zebaḥ yhwh, « Au jour de l’hécatombe de YHWH, je sévirai contre les grands et les princes royaux, contre tous ceux qui endossent des vêtements étrangers » (1, 7-8). Ce jour terrible précède le rétablissement d’Israël (Isaïe 35 ; nzéchiel 40-48). Isaïe 34, 5-8, en dépeint les causes et les conséquences, qui affirme : « Car un festin se prépare pour YHWH à Boçra, de grandes hécatombes dans le pays d’Edom ». « C’est un jour de représailles pour tirer vengeance de ses

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ennemis… C’est une hécatombe en l’honneur du Seigneur » rapporte Jérémie (46, 10). Les objets de cette vengeance, matière du sacrifice, les ennemis de YHWH, sont soit des peuples ennemis, tels les ngyptiens (Jérémie 46, 10), les ndomites (Isaïe 34, 5-6), les héros et les princes de la terre (nzéchiel 39, 1820), symboliquement dénommés et comparés à des ʼēylîm, « jeunes béliers », des kārîm, « agneau gras », des ʽattûdîm, « boucs », des pārîm, « taureaux », et des merîʽim, « veaux gras ». Ce sacrifice peut être un holocauste, ainsi en Deutéronome 32, 42 et nzéchiel 39, 17-19, et la matière du sacrifice comporte le sang et la chair de la victime, ou bien un sacrifice de communion avec offrande du sang et des graisses en Isaïe 34, 6 ou Sophonie 1, 7. Le texte de l’oracle d’Isaïe contre ndom en peint le déchaînement apocalyptique : « Déjà mon glaive est ivre de sang au ciel ; le voici qui s’abat sur ndom, sur le peuple que j’ai frappé d’anathème pour faire justice. Le glaive de YHWH dégoutte de sang, est luisant de graisse ; c’est le sang des agneaux et des boucs, la graisse des reins des béliers ; car un sacrifice/festin se prépare pour YHWH, à Boçra, de grandes boucheries/hécatombes dans le pays d’ndom. Des buffles tombent en même temps, des taureaux et des bœufs ; leur pays est inondé de sang et la poussière de leur sol est saturée de graisse. C’est un jour de vengeance pour YHWH, une année de représailles pour la cause de Sion. Les rivières d’ndom se changeront en poix, sa poussière en souffre, ainsi son pays sera comme de la poix en feu, qui ne s’éteindra ni la nuit ni le jour, et d’où s’échapperont sans cesse des colonnes de fumée. Il demeurera en ruines de génération en génération, et, en aucun temps, nul n’y passera plus » (Isaïe 34, 5-10). Adoptant les couleurs du sacrifice de communion, cette image de guerre eschatologique évoque l’épée divine s’abattant sur l’autel que constitue le pays d’ndom afin d’y abattre les puissants. Si le sacrifice est habituellement offert en réparation, dans un contexte défensif, ou lié à une bénédiction, il est rarement associé à une telle violence, qui n’appartient qu’au Dieu. Une autre sorte de métaphore usant de certains des termes du sacrifice s’applique à la description du pays, ainsi le Deutéronome 32, 14 décrit-il : « Avec les gras agneaux, les béliers de Bashan et les boucs, avec la graisse des rognons de blé et le sang du raisin, tu le bois comme vin fermenté ». Le vocabulaire dont use

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ce texte s’apparente à celui des sacrifices de communion, dont les pièces de bétail objets des sacrifices sont également les gras agneaux, les béliers et les boucs, et le blé et le raisin présentés pour l’offrande végétale et la libation (Lévitique 2, Nombres 15, 4-10). Par la formule évoquant la « graisse des rognons de blé » et le « sang du raisin », le poète dépeint la part spécifique dédiée à YHWH, le sang et la graisse, associant le sacrifice animal et l’offrande végétale, et cette part est destinée par YHWH à son peuple393. Ainsi, le Dieu transmet à ce sacrifice offert à son peuple un aspect quasi-divin, où cette nourriture symbolise la vie transmise à Israël. Offert par YHWH, un festin « pour toutes les nations sur cette montagne » est dépeint par Isaïe (25, 6-8), qui se compose : « De mets succulents, un festin de vins de choix, de mets pleins de moëlle, de vins vieux clarifiés ». Il procure les meilleurs produits du pays : il s’agit en l’occurrence d’un repas qui rappelle la vie lors de la création et les herbes accordées par YHWH tant à Adam et Ève qu’aux animaux (Genèse 1, 29-30). Puis, il détruit la mort et les signes de rites funèbres, qui : « déchirera le voile qui enveloppe toutes les nations, la couverture qui s’étend sur tous les peuples. À jamais, il anéantira la mort, et fera sécher les larmes sur tout visage et disparaître de toute la terre l’opprobre de son peuple… ». Ce repas doit jouer le rôle de sacrifice de communion de YHWH avec l’ensemble des nations. Il est sublimé en raison de l’absence de la mise à mort, et symbolise la vie transmise aux nations par Dieu. Ce festin des temps eschatologiques offert aux nations s’accompagne de la destruction de la mort et de l’avènement du règne de YHWH à Sion. Ce verset est à mettre en parallèle avec Isaïe 2, 3-4 qui insiste sur la fin de la violence entre nations, et Isaïe 11, 6-9, qui témoigne que la paix s’étendra à l’ensemble du monde des vivants réconciliés, les hommes avec les animaux et les animaux entre eux : « Il ne se fera plus de mal et on ne détruira plus sur toute ma sainte montagne ».

Les autres offrandes Qu’ils soient d’une valeur extrême ou non, ces objets précieux ou non, quels qu’ils soient, sont offerts à un sanctuaire. Le texte de Nombres 31 paraît paradigmatique de leur variété, de leur origine et de leur fonction : « Nous apportons donc en hommage à YHWH ce que chacun de nous a trouvé de joyaux d’or, chaînettes, bracelets, bagues, boucles et colliers, pour racheter nos personnes/âmes devant YHWH. 393

A. MARX, « Le Dieu qui invite au festin. À propos de quelques métaphores sacrificielles de l’Ancien Testament », dans G. Grappe éd., Le repas de Dieu, Das Mahl Gottes, Tübingen, Mohr Siebeck, 2004, pp. 35-50, spéc. pp. 41-43.

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Moïse et le pontife Eléazar reçurent de leur main cet or, et toutes ces pièces façonnées. Tout l’or de l’offrande, dont on fit ainsi hommage à YHWH, se montait à seize mille sept cent cinquante shekels, offerts par les chiliarques et les centurions » (Nombres 31, 50-52). Ce butin est porté au sanctuaire où il est déposé comme présent à YHWH. Le verset 50 évoque l’objet de ce don : la réparation de toutes les âmes. Ce don d’expiation n’est pas cultuel, au contraire du don d’un demi shekel : « pour aquitter l’impôt de YHWH, à l’effet de racheter vos personnes/âmes » (Exode 30, 15). Cette rançon ou impôt s’applique au service de la Tente d’assignation : « Et il servira de recommandation aux enfants d’Israël devant YHWH pour qu’il « épargne vos personnes » (Exode 30, 16). Son appellation, zikārôn, dénomme le souvenir, exprimant son objet : la mémoire. L’exemple l’atteste de Moïse et Eléazar qui apportent l’or reçu dans la Tente d’assignation : « Comme mémorial des enfants d’Israël devant YHWH » (Nombres 31, 54), et dons. L’aspect mémoriel se relie au soutien de YHWH lors des combats dont il importe de se souvenir, et dans le même temps la rançon assure une fonction d’intercession pour le futur. Le récit de la prise de Jéricho par Josué rappelle que YHWH a livré la cité à son peuple, et le héros prévient son peuple de ne pas s’emparer des biens consacrés : « Ce serait lui porter malheur » (Josué 6, 18). L’argent et l’or, les ustensiles de cuivre et de fer sont réservés au service du Dieu : qōdeš hûʼ layhwh, « ils sont saints/sacrés pour YHWH », et doivent être déposés dans le trésor du sanctaire de YHWH (Josué 6, 19). Le roi Salomon réunit l’or, l’argent et les vases saisis par David à ses ennemis et dédiés à Dieu, puis les dépose dans les trésors du Temple (1 Rois 7, 51 ; 2 Chroniques 5, 1). Cette offrande ne semble pas votive, elle s’ajoute aux trésors du Temple et n’est pas déposée dans le Saint des Saints, sur des tables, des bancs, des podiums ou d’autres lieux. Des offrandes votives sont par ailleurs assurées. Dans un contexte guerrier, Ahimelec fils d’Ahitoub consulte Dieu pour David auquel il remet le glaive de Goliath le Philistin (1 Samuel 22, 10), qui avait été présenté par le gendre du roi au sanctuaire de Nob comme offrande votive. Si en apparence cette offrande ne paraît pas particulière telle l’armure de Saül dans le temple d’Astarté (1 Samuel 31, 10), ce glaive diffère des dépôts votifs habituels, il n’est pas présenté devant tout un chacun, il a été emballé, mis dans une cachette et posé derrière l’éphod. Une fonction protectrice lui a été transmise, révélée le texte. Tandis que les offrandes votives ne sont pas mentionnées dans le système légal des sacrifices, elles sont néanmoins attestées, associées à des sanctuaires ou des lieux sacrés et leur présence est permanente. Elles possèdent une certaine valeur tant matérielle que symbolique, qui sont

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porteuses d’un message qui perdure. Il s’agit d’un présent ou bien d’une action de grâce. Des objets placés dans un lieu saint peuvent peut-être être considérés comme votifs ou comme actes d’une action de grâce. S’ils sont votifs ils concernent une demande pour le futur et s’ils sont des actions de grâce ils sont rétrospectifs. L’offrande votive s’inscrit dans une sorte de permanence dans l’attente de la réalisation du souhait. L’inscription figurant sur le bol de calcaire provenant de Kuntillet ʽAjrud, pesant plus de 200 kilos, est une demande de bénédiction par/devant YHWH, transmettant peut-être à l’objet en question une qualité d’offrande votive, probablement une demande de protection afin de parvenir au but du voyage. Leurs traces, pour la période du Fer II, s’avèrent peu nombreuses, tant dans les textes bibliques que dans les fouilles. Néanmoins, elles sont assurées comme intermédiaires394

394

C. FREVEL, « Gifts to the gods ? Votives as Communication Markers in Sanctuaries and other Places in the Bronze and Iron Ages in Palestine/Israel », dans I. Cornelius et L. Jonker éd., From Ebla to Stellenbosch : Syro-Palestinian Religions and the Hebrew Bible, Wiesbaden, Otto Harrassowitz Verlag, 2008, pp. 25-49.

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Les fêtes Leur organisation et leur fonctionnement sont également énoncés et explicités dans les textes, de même que l’explication de leur exigence. La période durant laquelle elles ont lieu sont précisément définies, leur durée et le lieu où elles doivent se tenir sont régulièrement précisées. L’ensemble de la communauté religieuse est convoquée afin d’y participer. Moments particuliers de spiritualité, espace-temps et lieux géographiques où règne le sacré, elles tranchent des périodes de vie quotidienne. Seules quelques-unes sont ici évoquées. Rappelant la sortie d’Égypte, la fête de Pâques est largement évoquée en Deutéronome 16, qui précise la période lors de laquelle elle doit se tenir : le mois de la germination (16, 1). Et le décret rappelle l’obligation de l’accomplissement du sacrifice pascal : « Dans le lieu que YHWH aura choisi pour y fixer son nom » (16, 2. 6)395. Il énonce l’interdit de consommation du pain levé, l’obligation de se nourrir de pain azyme ou pain de misère durant sept jours, symbole du souvenir (16, 3). La loi exige qu’il n’y ait pas de levain chez les habitants sur tout le territoire pour une même durée et qu’il ne reste plus trace du sacrifice le lendemain (16, 4). Le septième jour, une fête en l’honneur du Dieu doit être célébrée (16, 8). Le texte d’Exode 12, 14 décide aussi du jour de cette fête, souvenir du départ d’Égypte, et des conditions de cet évènement qu’elle commémore et qui devient : « fête divine » (Exode 12, 14-16). Elle réitère cette même durée de sept jours et impose l’interdiction de travailler le premier et le septième jour (Exode 12, 16). La fête des Semaines la suit, sept semaines après, dès que : l’« On mettra la faucille aux blés » (Deutéronome 16, 9). Parmi les fêtes religieuses, la fête donnée lors de l’inauguration du Temple par Salomon adopte des couleurs particulières : waya‘aś Îel¿m¿h b‘¥t hahî’ ’et he­g wekol yiśer’¥l, lipen¥y yhwh ’el¿h¥ynû Îibe‘at ymîm weÎibe‘at ymîm, « En ce temps-là Salomon célébra la fête et avec lui tout Israël, devant/en présence de Dieu notre Dieu, sept jours et sept jours », (1 Rois 8, 65). Après le retour de déportation, alors que le peuple est à nouveau installé dans ses cités respectives, il se réunit sous la houlette d’Esdras le prêtre et scribe, qui après avoir ouvert le livre de la Torah bénit Dieu (Néhémie 8, 6). Néhémie adjure le peuple de ne pas verser de larmes lors de l’écoute de la lecture de la Torah, il prescrit : « Mangez des mets succulents, buvez des breuvages doux et envoyez-en à ceux qui n’ont rien d’apprêté, car ce jour est consacré à notre Seigneur » (Néhémie 8, 10). Les lévites leurs demandent de faire silence « Car ce jour est sain » affirment-ils (Néhémie 8, 11). La 395

En Lévitique 23, 3, seule la mention de la convocation figure, et le sacrifice doit apparemment se tenir au sanctuaire central contrairement au shabbat.

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narration dépeint alors le peuple s’en allant boire, manger, offrir des présents, et organiser de grandes réjouissances (Néhémie 8, 12). Le deuxième jour, le peuple sort et apporte : « Des feuilles d’olivier, des feuilles de l’arbre qui donne de l’huile, des feuilles de myrrhe, de palmiers, d’arbres touffus afin de construire des cabanes » pour la fête des Cabanes (Néhémie 8, 15-16). Le peuple revenu de captivité demeure dans les cabanes et sa joie est intense. Du premier au dernier jour de la fête, la lecture de la Torah est ininterrompue durant sept jours et le huitième est jour de solennité de clôture (Néhémie 8, 17-18). Ces cérémonies suivies par l’ensemble d’Israël au cours du septième mois, marquent le retour sur la terre ancestrale, un contenu religieux, historique et politique les colore. Avant toute chose, la gaîté est requise et l’ensemble du peuple se doit de participer. La fête, « paroxysme de vie », dont l’intensité tranche avec les difficultés du quotidien, le transforme en un autre monde, contraire à la terne et morne existence396. L’introduction du sacré et du dépassement de la mesure dans l’espace du banal permet d’y intégrer l’exceptionnel et au travers de l’espoir ainsi transmis, le rappel des évènements historiques et politiques et leur trace dans la mémoire au travers de cette religiosité populaire.

LES SERVITEURS ET LES AUTRES INTERMEDIAIRE DIVINS Prêtres, nazirs et lévites Ils sont chargés du culte, et Dieu distribue leurs rôles avec une précision infinie. Intermédiaires et instruments divins dont les missions sont aussi nombreuses que celles qui pèsent sur les prophètes, les prêtres sont chargés d’un enseignement éthique, de l’exécution de certains rituels, de sacrifices, et gèrent les fêtes. Représentants du peuple devant YHWH, et réciproquement, ils font connaître la loi, appliquant parfois la justice, ils préservent les prières, médiateurs entre le monde des humains et celui du ciel. Signe de différence et de lien privilégié avec le divin, les vêtements sacrés que porte le grand prêtre lors du sacerdoce, doivent, selon les prescriptions, être confectionnés avec le plus grand soin par des artisans doués et des artistes qui utilisent l’or, l’azur, la pourpre, l’écarlate et le lin fin (Exode 28, 3), qui le consacrent et sont partie intégrante de sa fonction. Des pierres précieuses sont cousues sur les « épaulières de l’éphod » comme souvenir (Exode 28, 9-12). Ces tenues sont sacrées (Exode 28, 2. 4 ; 29, 29 ; 31, 10 ; 39), et comme telles aspergées d’un mélange d’huile sainte et de sang. Ce rite témoigne de la fusion du sacré et de la vie devenue dans cet espace elle-même sacrée, où le sang du sacrifice témoigne de la purification des péchés de ceux qui les portent. Elles signent la consécration à YHWH, l’appartenance à sa 396

R. CAILLOIS, L’homme et le sacré, pp. 133-134.

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sphère, cumulant l’acquiescement divin, sa satisfaction du sacrifice offert et sa présence en cette occurrence dans l’attente de la suite des rites à accomplir. Le pectoral de jugement garni de quatre rangées de pierreries au nombre de douze, comporte pour « commémoration perpétuelle » le nom des douze tribus (Exode 28, 13-14). Le grand prêtre porte une lame d’or devant le front, gravée, comme un sceau, de l’inscription : qōdeÎ layhwh, « Consacré à YHWH », fixée par un ruban d’azur et placée sur l’avant de la tiare (Exode 28, 36 ; 29, 6). Le symbole est immédiatement expliqué par le verset suivant s’appliquant à Aaron le premier grand-prêtre : « Qui se chargera ainsi des péchés relatifs aux consécrations des enfants d’Israël, à leurs diverses offrandes religieuses et elle sera sur leur front en permanence pour leur obtenir la bienveillance de YHWH » (Exode 28, 38). Aaron et ses fils, paradigmes à imiter par les prêtres, sont consacrés et oints (Exode 28, 41). Après le sacrifice d’un jeune taureau et de deux béliers, d’offrandes de pains azymes, Aaron doit se purifier, baigner son corps dans l’eau en un lieu saint (Lévitique 16, 24), revêtir ses atours, insignes d’honneur et de beauté (Exode 28, 2), qui comportent un pectoral, un éphod, une robe, une tunique à mailles, une tiare et une écharpe, de même qu’une ceinture, et la majesté de ces tenues visible devant tout le peuple témoigne de l’élévation de son statut397. De l’huile d’onction sacrée doit être répandue sur sa tête de même pour ses fils et le sacerdoce leur est conféré à titre perpétuel (Exode 29, 1-9). Ainsi, sont-ils oints en qualité de pontifes. Cette qualité leur attribue un statut relié au sacré. Dieu veille à recommander à ce qu’ils prennent soin de leur ministère, qui prévient que tout profane qui y prendrait part serait frappé de mort (Nombres 3, 10). À ce rituel s’ajoute un usage énigmatique, inexpliqué par les textes, lequel consiste, après avoir immolé un bélier dans un sacrifice expiatoire, à appliquer de son sang sur : « Le lobe de l’oreille droite d’Aaron et de celle de ses fils, sur le pouce de leur main droite et sur l’orteil de leur pied droit », puis à asperger le tour de l’autel (Exode 29, 20). Il est impératif que Aaron, ses fils, et leurs tenues, soient ensuite aspergés du mélange de ce sang et de l’huile d’onction, afin d’être consacrés (Exode 29, 21). Peut-être s’agit-il d’un rite simplifié de purification de leurs péchés évitant une aspersion totale, la partie symbolisant le tout. Lorsque les formalités de consécration sont enfin accomplies qui s’étendent tout au long de sept jours (Exode 29, 30. 35 ; Lévitique 8, 23), YHWH intervient qui promet : « Je sanctifierai la Tente d’assignation et l’autel ; Aaron et ses fils je les sanctifierai aussi pour qu’ils exercent mon ministère » (Exode 29, 44). Ce dernier rite se rattache à un état de séparation, et tout autant de totalité, rappelant l’exigence de perfection physique. Le Lévitique 21, 17-21, prévoit les empêchements possibles, témoignant de cette exigence. La sainteté 397

M.B. HUNDLEY, Keeping Heaven on Earth, p. 74.

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s’exprime au travers des réalités physiologiques et physiques, l’intégrité du corps devient la métaphore du réceptacle parfait398. Devançant les instructions de Lévitique 19, le commandement : « Soyez saint car je suis saint, moi YHWH votre Dieu » s’impose. Les règles de sainteté exigent de distinguer et définir les différentes catégories de la création, impliquant l’ordre. De la sorte, les décrets concernant la morale sexuelle se relient au concept de sainteté. L’inceste et l’adultère (Lévitique 18, 6-20) lui sont contraires, non pas tant parce qu’il s’agit de protéger les droits des maris, mais parce qu’il importe de séparer ce qui doit l’être. De fait, il apparaît que le concept de sainteté est également celui de l’ordre et non la confusion telle qu’elle est présentée en Lévitique 18, 19. 23, où celle-ci provient par exemple de l’ensemencement de deux espèces, de l’accouplement de deux espèces, d’un vêtement de deux espèces. Les qualités morales, parties intégrantes de la sainteté, inscrivent la droiture et la franchise, tandis que la fourberie, le mensonge, la contradiction, le vol, toutes les sortes de tricheries, d’hypocrisie et de dissimulation en sont exclues. L’obligation de purification ou qōdeÎ constitue un préalable aux rencontres et aux rendez-vous divins, dont les exemples abondent. Ainsi, Josué prévient-il le peuple avant le passage du Jourdain : « Purifiez-vous, car demain YHWH accomplira au milieu de vous des merveilles » (Josué 3, 5), et YHWH réitère cette sommation exigeant de Josué : « Va, purifie le peuple en lui disant : purifiez-vous pour demain, car ainsi a parlé YHWH… » (Josué 7, 13). Au désert, Dieu s’engage à offrir au peuple une autre nourriture que la manne, mais sollicite au préalable qu’il se purifie (Nombres 11, 18). Parmi les multiples règles à respecter, le camp des Israélites doit être assaini (Deutéronome 23, 15). Moïse avant qu’YHWH ne se manifeste à la vue du peuple sur le Mont Sinaï doit leur enjoindre de se purifier et rester purs le jour même et le lendemain, puis de laver leurs vêtements, symboles et doubles de leur personne399 (Exode 19, 10). Ce terme peut se nuancer, évoquant la notion de sanctification, et certains textes moins liés au culte se réfèrent indifféremment à l’un des deux. Le plus souvent, ils témoignent de la nécessité de se purifier afin de se sanctifier, tels les textes sacerdotaux. Les autres confirment leur étroite relation qui sont partie d’un même processus. Ils se réfèrent au fait de procéder à des ablutions, réfréner ses activités sexuelles et repousser les objets polluants d’idolâtrie pour purifier le Temple et ses alentours400. Si les textes sacerdotaux emploient le verbe Óāhēr, purifier 398

M. DOUGLAS, De la souillure, Essai sur les notions de pollution et de tabou, pp. 70-71. 399 M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, p. 265. 400 M.B. HUNDLEY, Keeping Heaven on Earth, pp. 76-77.

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(Lévitique 22, 7), se purifier (Lévitique 14, 11), Óōhar, pureté, purification (Lévitique 12, 4. 6), les autres usent de qōdeÎ, dans un sens identique. De la sorte, selon Nombres 8, 15, les lévites doivent-ils être purifiés avant d’être « réservés » ou consacrés à YHWH. Il est à constater qu’en dernier ressort, la sainteté est l’attribut absolu de Dieu. Et, puisque le terme qōdeÎ évoque également la séparation, les sept jours de délai apparaissent clairement nécessaires pour mettre en place la distance et la séparation d’avec le profane afin de s’approcher du sacré et créer un environnement propice à la divine présence, situation qui implique la responsabilité du grand-prêtre, de ses fils et des lévites. Autre terme désignant le concept de purification, kāpar, dont le champ sémantique s’étend du sens de pardonner ou couvrir le péché (Psaume 65, 4 ; Deutéronome 21, 8 ; 2 Chroniques 30, 18), à celui de purifier et racheter. Le verset de Lévitique 8, 15 confirme cette réalité, dépeignant Moïse faisant couler le sang du taureau dans le réceptacle de l’autel, ainsi consacré à la propitiation, et destiné à écarter et/ou apaiser la colère divine (Genèse 32, 21). Exode 29, 36 l’exprime clairement, qui prescrit d’immoler un taureau expiatoire pendant chacun des sept jours de l’installation d’Aaron et de ses fils dans la Tente d’assignation, dont le sang permet au moyen de cette bekaperekā, ou expiation, la purification de l’autel qui doit ensuite en être oint. Le Lévitique exprime également cette obligation d’une durée de sept jours pour l’installation (Lévitique 8, 33) : « Car votre installation doit durer sept jours », et l’aspersion du sang purifie et consacre l’autel. En outre, la consommation de la chair du bélier d’installation et le pain déposé dans la corbeille à l’entrée de la Tente d’assignation reste la spécificité d’Aaron et de ses fils permettant d’accomplir leur installation afin qu’ils soient consacrés. Nul profane ne saurait en consommer car elles sont « une chose sainte » (Exode 29, 32-33). La nourriture contribue à l’intégralité et l’efficacité du rituel de consécration et d’ordination. Il se décompose en trois étapes, dont la première consiste à conduire Aaron et ses fils afin de leur transmettre la prêtrise. La seconde met en scène les particularités de ce processus que sont l’onction, l’ordination et la consécration. La troisième se réfère au même mécanisme les consacrant afin qu’ils deviennent prêtres. Les liens entre l’institution de la prêtrise, son service et l’autel apparaissent avec clarté, qui partagent les diverses règlementations. Celles-ci mettent en place le culte et son personnel, établissent des règles de « pureté » permettant à la présence divine de s’installer. L’arrivée du Dieu paraît la première phase de consécration telle que considérée par le texte d’Exode 29, 43-44. Selon Exode 40, elle est nécessaire préalablement à l’application du rituel de consécration et de purification. En Lévitique 8, l’onction du

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tabernacle suit l’arrivée du Dieu. Grâce à cette divine présence, le rituel de consécration peut être effectué, qui démarque l’espace comme divin, rendant le culte opérant. Le Dieu est satisfait et le peuple béni401. Le Lévitique 16, 30 témoigne de l’emploi concomitant des verbes kāpar et Óāhēr, être pur (Lévitique 22, 7), purifier (nzéchiel 39, 16), épurer (Malachie 3, 3) : « Car, en ce jour, on fera yekapēr, propitiation sur vous, leÓahēr, afin de vous purifier ; tiÓehārû, serez purs de tous vos péchés devant YHWH ». De surcroît, tant ce dernier verbe que : ḥāÓaʼ, manquer (Psaume 8, 36), pêcher (Genèse 20, 6), expier (Genèse 31, 39), offrir un sacrifice comme expiation d’un péché (Lévitique 6, 19), en dépit de leurs dissemblances, peuvent parfois être employés indistinctement. Ils décrivent une opération de suppression de la pollution, ḥāÓaʼ, dépeint l’aspect négatif de l’opération et Óāhēr convoque son aspect positif : la restauration de la pureté402. nzéchiel 43, 20 atteste de l’usage des deux termes ḥāÓaʼ, et kāpar, afin de peindre les effets du sacrifice expiatoire ou ḥaÓÓāʼt. La décontamination de l’autel, lekapēr, « afin de faire propitiation » pour « tout Israël » est effectuée par les prêtres selon 2 Chroniques 29, 26. Les notions de pureté, de purification et de sanctification pourraient étonner dans l’application de leurs réalités concrètes telles qu’imposées au personnel religieux. Si elles semblent surprenantes, elles diffusent un sens aux valeurs qu’elles véhiculent, puisqu’en effet, l’aspersion du sang d’un sacrifice expiatoire contient et propage la vie, elle permet aussi le rachat des péchés faisant ainsi disparaître « l’impureté », et l’onction d’huile fait allusion au choix divin. Exigences normatives s’il en est, elles n’incarnent cependant qu’un « idéal régulateur »403. Prétention humaine ou exigence divine, la question ne sera jamais résolue ! L’usage de ces symboles et des pratiques qui leur sont rattachées ne permet-il pas de dépasser l’inquiétude d’êtres consciemment impurs par le biais de cette régénération, dont la conséquence redoutée serait l’abandon divin ? Peut-être s’agit-il aussi de retrouver la pureté originelle du jardin d’nden et de l’homme paradisiaque, de cette créature si innocente dans ce céleste jardin, sans arrière-pensée, dont la mémoire ne s’est pas effacée, et qui précède le désir de la connaissance du bien et du mal à l’égal du Dieu ? Ce commencement et sa pureté se sont effacés qui ne peuvent s’inscrire absolument dans l’éternité en raison des choix de l’être humain. Mais l’éternelle recherche reste gravée dans les esprits, de ce qui n’est qu’« un mouvement, et non pas un élément ; une intention… aussi se dérobe-t-elle à

401

M.B. HUNDLEY, Keeping Heaven on Earth, pp. 90 sqq. M.B. HUNDLEY, Ibid., p. 81. 403 V. JANKELEVITCH, Le pur et l’impur, Paris, Flammarion, 2017, p. 25. 402

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toute analyse »404. Et peut-être la pureté divine à l’aube du premier jour de la création, de la première organisation sans la moindre arrière-pensée, constitue-t-elle le modèle à suivre pour les humains. Tant le mythe que le rite qui reproduit l’histoire actualisent l’acte sacré405. Parmi leurs diverses missions, les prêtres prononcent la bénédiction de Nombres 6, 24, alors qu’ils se doivent de rester muet lors de leurs offices, de même lorsqu’ils s’acquittent des sacrifices aucune parole n’est prescrite, afin de souligner la différence d’avec les autres cultes406. Ils rendent la justice dans des domaines civils : des disputes concernant les terres, la fidélité maritale, les obligations familiales et des questions d’héritage (Deutéronome 17, 8-13 ; 19, 17 ; 21, 5). Il n’est fait appel à leur jugement que lorsque les autorités locales n’ont pas été en mesure de trouver une solution permettant de résoudre les conflits (Deutéronome 17, 8). De fait, leur rôle de médiateurs leur impose l’obligation de maintenir la loi et l’ordre dans la société407. Parfois, ils se font payer pour leur enseignement (Michée 3, 11), lorsque interrogés sur des points de doctrine (Haggaï 2, 11). L’accusation divine les blâme : « Vous, ô pontifes qui avilissez mon nom » et justifie cette réprimande, en décrivant la perversion de certains prêtres tant par le langage que par les actes (Malachie 1, 6-7. 11). Chargés, tout comme les prophètes, de la communication avec le Dieu, ils emploient les ourîm et les toummîm, attestés dans quelques textes (1 Samuel 23, 2-12 ; 30, 7-8 ; Osée 3, 4). Zacharie souligne leur rôle d’intermédiaires (7, 3). Ils prononcent tant les bénédictions que les malédictions (Deutéronome 21, 5 ; Nombres 22-24 ; 2 Rois 2, 24), et recherchent l’assistance divine avant les batailles (1 Samuel 14, 3. 19, 36-41), ou d’autres occurrences. L’exemple de David en témoigne, qui demande au prêtre Ebiatar de faire avancer l’éphod et questionner YHWH par son truchement. Celui-ci lui annonce les noirs desseins des bourgeois de Keïla décidés à le livrer à Saül devenu son ennemi. Ainsi prévenu, il s’échappe, évitant de tomber en son pouvoir (1 Samuel 23, 9-12)408.

404

V. JANKÉLÉVITCH, Ibid., pp. 273 sqq. M.-A. OUAKNIN, Concerto pour quatre consonnes, pp. 60-61, rappelle qu’il s’agit dans la lecture cabaliste de de souvenir de son futur. 406 G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu, p. 59. 407 M.A. LEUCHTER, « The Priesthood in Ancient Israel », BTB 40/2, 2010, pp. 100110, spéc. p. 101. 408 L.L. GRABBE, « Prophets, Priests, Diviners and Sages in Ancient Israel », dans H.A. MacKay et D.J.A. Clines éd., Of Prophets’ Visions and the Wisdom of Sages, Essays in Honor of R. Norman Whybray on his Seventh Birthday, Sheffield, JSOT Press, 1993, pp. 43-62. 405

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Le nazir se consacre à Dieu. Hommes et femmes peuvent en faire le vœu pour une période limitée ou non (Nombres 5, 1-3 ; 6, 12). Il vit dans l’abstinence et ne peut boire ni vin ni aucun produit de la vigne (Nombres 6, 4). L’interdiction de boire du vin s’applique parce que l’ivresse n’est qu’illusion et que le nazir choisit l’« absolue fidélité dans la lucidité »409. En outre, et pour la durée prévue, le nazir doit laisser croître sa chevelure, ainsi l’illustre l’exigence à respecter envers Samson par ses parents : « Le rasoir ne dois pas toucher sa tête… Et c’est lui qui entreprendra de sauver Israël de la main des Philistins » (Juges 13, 5). L’explication qui peut en être proposée prend sa source dans le désir et le choix de se signaler par ce signe à la consécration au Dieu. Les versets de Juges 13, 4-5 révèlent les exigences de l’ange imposées à la mère de Samson lors de l’annonce d’un fils : « Et maintenant, garde-toi je te prie, et ne bois pas de vin et de boisson fermentée, et ne mange rien d’impur ». Ainsi, la mère doit-elle d’ores et déjà respecter les règles du futur naziréat de son fils désigné par Dieu dès sa conception comme nazir. Dans la suite du texte, l’envoyé divin interdit à la future mère de consommer : « Ce que produit la vigne » (Juges 13, 14). Il s’interdit également tout contact impur, et ne saurait s’approcher d’un corps mort : « Car l’auréole de YHWH est sur sa tête » (Nombres 6, 7). Les rites de fin de naziréat sont complexes et la chevelure consacrée doit être coupée puis jetée au feu, métaphore de la rupture et de l’abandon de la période dédiée à cet état et ses symboles (Nombres 6, 13-21). S’adressant à Moïse, YHWH définit précisément le rôle de chacun dans l’espace religieux. Les lévites ont pour rôle d’assister le pontife (Nombres 3, 6), qui remplissent « sa tâche et celle de toute la communauté, devant la Tente d’assignation en faisant le service du tabernacle » (Nombres 3, 7). Ils sont tenus de garder les objets sacrés de la Tente d’assignation, et font l’office (Nombres 3, 8). Les premiers lévites sont désignés comme les adjoints d’Aaron et choisis parmi les enfants d’Israël. Le terme « enfants » qui les dénomme, exprime leur besoin d’un « père » qui prend en charge le système religieux dans lequel s’inscrivent les directives transmises. YHWH explique : « Les lévites sont à moi » (Nombres 3, 12), et ajoute qu’il a « consacré tout premier-né à lui-même » (Nombres 3, 13), puis répète : « Les lévites doivent m’appartenir » (Nombres 3, 45). Moïse est chargé de les dénombrer par famille et ce dès l’âge d’un mois car ils ne figurent pas dans le dénombrement des tribus d’Israël (Nombres 3, 15). Leur rôle est détaillé précisément par YHWH, qui sont préposés au tabernacle du Statut, composé de matériaux précieux et rares dédiés à la

E. LEVINAS, Du sacré au saint, cinq nouvelles lectures talmudiques, Paris, nd. de Minuit, 2003, pp. 58 sqq.

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demeure divine et signe de sa présence (Exode 25, 1-9), et à ses objets410. Ils sont tenus de le porter et ce qu’il comporte d’objets, font le service et campent alentour (Nombres 1, 50. 52). Lorsque le peuple se déplace, ils le démontent et le dressent lorsqu’ils sont parvenus à destination, tandis que les profanes ne peuvent s’en approcher (Nombres 1, 51). Ils sont aussi responsables de sa garde (Nombres 1, 53). Dieu détaille encore leur mission par famille, le lieu où ils doivent camper selon les points cardinaux et selon l’assignation spécifique de chacun. Ainsi, par exemple le chef général des lévites est Éléazar fils d’Aaron le pontife, il se doit d’inspecter ceux qui gardent le sanctuaire (Nombres 3, 32). Moïse, Aaron et ses fils sont préposés à la garde du sanctuaire, et le profane ne saurait s’en approcher sous peine de mort (Nombres 3, 38). Dieu organise les espaces du sacré et du profane de ceux qu’il dénomme « enfants d’Israël » et les précautions dont ils doivent s’entourer, aussi, pour ce faire précise-t-il les espaces interdits et les identités des personnes autorisées à s’approcher du sacré qui diffèrent du peuple au premier regard par leur apparence. Les textes réitèrent les interdictions systématiquement afin de transmettre la conscience du danger à s’approcher de la sphère du sacré et de ses représentants. Aussi, deux des fils d’Aaron meurent-ils pour avoir apporté un feu profane devant YHWH (Nombres 3, 4). Se reliant aux notions de pur et d’impur, le sacré correspond aux concepts du bien et du mal du monde profane. Les deux mondes s’opposent, dont le premier serait un « monde d’énergies » et le second serait « un monde de substances »411. Le sacré s’avère plus que dangereux pour quiconque n’est pas désigné par Dieu, aussi souillure et sainteté doivent-elles remplir des espaces séparés. En outre, ces concepts nécessitent une certaine prudence du monde profane sous peine de perdre la vie pour avoir pollué l’espace saint. Dieu instille la peur à son peuple qui ne saisit pas immédiatement le danger, et suscite la crainte de s’approcher. Le Temple constitue le lieu sacré par excellence tout comme la Tente d’assignation. Des rites sont prévus afin de mettre en distance l’humain, comme le dépeint, par exemple, le texte lorsque le camp doit partir : Aaron et ses fils entrent dans la Tente d’assignation, détachent le voile protecteur et en couvrent l’arche du Statut (Nombres 4, 5). Ils doivent ajouter un tissu écarlate sur les objets du culte et la liste est longue des rites à respecter dans cet espace (Nombres 4, 6-15). Le texte énonce le 410

J.I. DURHAM, Exodus, p. 355. B. BECKING, « Silent Witness, The Symbolic Presence of God in the Temple in Ezra and Nehemiah », dans N. Mac Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 267278, présente subtilement la vaisselle cultuelle comme représentation aniconique du divin et témoin silencieux de la divine présence impénétrable. 411 R. CAILLOIS, L’homme et le sacré, pp. 44 sqq.

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risque de mort pour les lévites qui doivent les porter, pour le cas où par inadvertance, ils les auraient effleurés (Nombres 4, 15). Les tissus dont sont recouverts les objets saints établissent de par leur épaisseur une distance avec ceux qui pourraient tenter de les toucher, constituant une première protection. Et, la menace se fait plus dure qui interdit le moindre regard vers l’intérieur sous peine de mort (Nombres 4, 20). Tant le toucher, le contact, que le regard sont réputés dangereux à l’approche du sacré. En outre, le principe consistant à renvoyer les lépreux du camp, ceux qui sont atteints de certaines maladies, ou bien ont été souillés par la présence d’un défunt, témoigne de la nécessité de retrancher ce qui peut être considéré comme impur afin d’éviter que la pollution ne se répande et n’atteigne le sacré. Les lévites doivent se purifier et la précision extrême du texte souligne l’intégralité des actes à accomplir. Leur corps doit être aspergé d’eau expiatoire, rasé, leurs vêtements lavés et eux-mêmes purifiés (Nombres 8, 67). Ce principe leur permet de rompre avec la vie profane, les transformant. S’étant dépouillés de leur condition profane, ils peuvent se mettre en contact avec le divin et rester éloignés du monde du quotidien afin de permettre à leur état de pureté de perdurer412. Cependant, lorsqu’il sort du Temple, l’officiant quitte son vêtement sacré, afin que le sacré ne se propage pas. Rites d’entrée et de sortie de l’espace religieux jouent un rôle protecteur permettant de passer d’une sphère à l’autre sans danger et de conserver la distance entre les deux. Dans le même temps, l’exclusion des êtres malades ou des proches de défunts, évite la souillure « mystique », dangereuse car contagieuse413. Dieu légifère sur ces réalités afin de protéger le peuple. Le sacré aide à la cohésion de ce monde, et l’interdit permet de le préserver de tout sacrilège. La société est partagée entre le nombre de ceux pour qui l’interdit s’impose de manière absolue et le nombre de ceux pour qui seuls certains interdits sont mis en place et qui sont autorisés à approcher dans certaines limites l’espace du sacré. La bipartition de cette société apparaît nécessaire afin de limiter les risques. Dieu a choisi la tribu des membres auxquels il a distribué les rôles religieux, leur a offert un statut différent, et leur a ôté la possibilité d’une activité économique qui serait en totale contradiction avec leurs obligations de spiritualité. Ils sont devenus dépendants économiquement des autres clans tenus de les prendre en charge matériellement, tant pour les questions alimentaires qu’économiques. Les textes dépeignent un partage religieux, spatial et économique qui inscrit une distance avec l’ensemble des parties profanes de la société. L’organisation structurelle marque les limites auxquelles sont confrontés les clans d’Israël dorénavant. Le système perdure génération après génération par la 412 413

R. CAILLOIS, Ibid., p. 51. R. CAILLOIS, Ibid., pp. 52 sqq.

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transmission familiale et clanique en raison de l’impossibilité d’apporter la moindre innovation, mais lui assure ordre et protection. Les autres tribus qui s’inscrivent dans le profane bénéficient d’une forme de liberté car elles ne sont pas au contact du danger de la pollution et n’accèdent pas au sacré attribué à jamais aux lévites dont les obligations sont dangereuses si elles sont outrepassées, et aucun récit n’évoque de transgression à ces attributions, excepté par les fils d’Aaron.

LES INTERMEDIAIRES Dieu peut employer les services d’un intermédiaire humain : prophète, devin, voyant, sage, ou divin afin d’informer de ses décisions, de ses choix ou d’un futur évènement. Le prophète transmet et interprète la parole et/ou la pensée divine. Pour autant, l’appel aux magiciens et aux esprits, tout comme aux nécromanciens est interdit (Deutéronome 18, 9-14 ; 1 Samuel 28 ; Ézéchiel 13). Souvent, le prophète exerce une pluralité de fonctions, tel Samuel également voyant et prêtre. Ils reçoivent des dons en remerciement mais non en rémunération, qui peuvent recueillir du pain, des présents divers et de l’argent (1 Samuel 9, 7-8).

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L’esprit divin ou rûa­ yhwh Transmis par YHWH, il permet de prophétiser. Clairement évoqué, l’esprit divin comme manifestation de sa face/présence s’affirme tout particulièrement dans les Psaumes (51, 11 ; 104, 29-30 ; 139-7). Ce thème est aussi évoqué par les prophètes. Haggaï rappelle : werû­î ‘¿medet betôkekem ’al tîr’û, « Mon esprit réside au milieu de vous, ne craignez rien » (2, 5). Et Isaïe (63, 10. 14), le cite également lors du rappel des événements de la libération d’Égypte où il n’a pas manqué d’accompagner son peuple. Évoquant le vent et le manque de substance, comme force invisible, le concept de rûa­, nomme le souffle divin qui donne la vie (Genèse 2, 7), Zacharie (4, 7) témoigne de la vigueur divine en citant les paroles de YHWH : « Ni par la puissance ni par la force, mais bien par mon esprit » (Zacharie 4, 7), et rappelle sa présence (Zacharie 4, 5). Les exemples abondent. Ainsi, le serviteur du roi Achab affirme à Élie qu’il sera protégé de l’ire du souverain car : « Le souffle de YHWH te portera vers un lieu que j’ignore » (1 Rois 18, 12). Les jeunes prophètes s’adressent à Élisée à propos d’Élie et posent la question : « Peut-être le souffle de YHWH l’a-t-il emporté et jeté sur une des montagnes ou une des vallées » (2 Rois 2, 16), soulignant tant le pouvoir du souffle divin que son imprévisibilité414. Lors du séjour au Sinaï et alors que le peuple se lamente Dieu envoie un peu de son esprit sur les soixante-dix anciens désignés pour prophétiser (Nombres 11, 25). De nombreuses occurrences sont attestées dans les récits des Juges, car Dieu les suscite afin de sauver son peuple des attaques meurtrières dont il fait l’objet. Othoniel fils de Kenaz et frère de Caleb, animé de l’esprit divin prend le pouvoir en Israël et met en déroute le roi d’Aram, permettant au pays de vivre en paix durant quarante ans (Juges 3, 10). L’inspiration divine enveloppe Gédéon (Juges 6, 34). Jephté met en déroute les Ammonites (Juges 11, 29). S’emparant de Samson, il lui permet de mettre en pièces le lion venu à sa rencontre (Juges 14, 6), qui à nouveau tue trente hommes à Ashkelon (Juges 14, 19), et tandis qu’il est ligoté par des Philistins l’esprit divin le saisit encore, ses liens tombent, il peut enfin réaliser la mission assignée415 (Juges 15, 14). Cette emprise est également attestée dans les textes de Samuel. Alors que YHWH choisit Saül comme prochain souverain d’Israël, il décide de lui faire vivre une expérience particulière. L’esprit divin s’en empare alors qu’il vient d’être sacré par Samuel selon les ordres du Dieu. Le prophète affirme à 414

N. MACDONALD, « The Spirit of YHWH, An Overlooked Conceptualization of Divine Presence in the Persian Period », dans N. Mac Donald et I.J. de Hulta éd., Exilic and Post-Exilic Judaism, Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, pp. 95-118, spéc. p. 100. 415 T.C. BUTLER, Judges, p. 330.

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Saül : « Tu deviendras un autre homme » (1 Samuel 10, 6), puis clarifie cette formule : « Et quand ces signes se seront accomplis à ton égard, agis alors selon l’occasion qui s’offrira car Dieu est avec toi » (1 Samuel 10, 7). La narration s’éclaire encore : « Dieu fit naître en lui un esprit nouveau, et tous les signes annoncés s’accomplirent ce jour-là » (1 Samuel 10, 9). Déjà souverain, il est envahi par l’esprit divin afin de combattre les Ammonites (1 Samuel 11, 6). L’esprit divin se saisit des envoyés de Saül qui prophétisent (1 Samuel 19, 20). Après que YHWH ait choisi David comme souverain : « Depuis ce jour-là, l’esprit divin ne cessa pas d’animer David » (1 Samuel 16, 13). « Il vint en moi », plaide Ézéchiel (3, 24), empli par cet esprit. Après avoir enlevé le prophète, Dieu lui expose la situation de son peuple, puis exige : « Prophétise sur eux, prophétise » (11, 1-4). Le prophète répète : « L’esprit de YHWH descendit sur moi » (Ézéchiel 11, 5), qui l’emmène vers les exilés en Chaldée (Ézéchiel 11, 24). Lors du retour de YHWH dans son Temple à Jérusalem, l’esprit soulève à nouveau le prophète Ézéchiel pour le mener dans le parvis intérieur (43, 5). Dans l’oracle salvateur transmis par Joël (3, 1-2. 5), YHWH promet à son peuple : « Je répandrai mon esprit sur toute chair, si bien que vos fils et vos filles prophétiseront, que vos vieillards songeront des songes et vos jeunes gens verront des visions », puis il ajoute : « Même sur les esclaves et les servantes je répandrai, en ces jours, mon esprit… Alors quiconque invoquera le nom de l’nternel sera sauvé… ». Pour autant, les Psaumes peuvent au contraire expérimenter son absence (Psaume 51, 13). Parfois, cet esprit de YHWH joue un rôle destructeur, ainsi lorsqu’il s’empare du roi Saül provoquant chez le souverain une sorte de mélancolie. Le monarque en ces moments de tourment fait chercher David afin de lui jouer de la harpe et calmer ainsi ses souffrances. Il en éprouve du bien-être, alors le mauvais esprit le quitte (1 Samuel 16, 14-23). Ces divers textes, plus nombreux néanmoins dans les Juges et les Rois, mettent en lumière un esprit divin ne régnant pas toujours en permanence sur les personnages choisis, mais seulement lors d’occurrences spécifiques choisies selon le plan divin. Sa fonction se relie aux prophéties et à la transmission du message divin.

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L’onction et l’esprit divin Ce geste sous-entend, outre le choix divin et ses conséquences, la transmission du pouvoir politique et également le don de voyance afin de diriger le pays au mieux. Suivant l’ordre de Dieu, Samuel va agir en ce sens (1 Samuel 9, 15 ; 1 Samuel 10, 1), et la narration révèle : wayiqqa­ Îemû’¥l ’et pake haÎÎemen wayiṣṣ¿q ‘al r¿’Îô wayyiÎ΍q¥hû wayy¿’mer halô’ kî me΍­ak yhwh ‘al na­altô lengîd, « Alors Samuel prit une fiole d’huile, en fit couler sur sa tête et l’arrosa et dit : « Certes, ceci est l’onction dont YHWH t’oint/te sacre comme chef/roi de son héritage » (1 Samuel 10, 1). Geste symbolique et concret, l’onction marque le choix divin du souverain. Samuel rappelle à Saül que Dieu l’a envoyé afin de le sacrer souverain de son peuple, aussi exige-til : « Obéis aux paroles de YHWH » (1 Samuel 15, 1), et le message prophétique est d’importance, qui d’ores et déjà prévoit la tragique méprise du monarque qui désobéit aux ordres divins, ce qu’il paiera de sa vie et de la perte de la royauté pour sa dynastie. Plus tard, Dieu définitivement fâché contre Saül s’adresse encore à Samuel : mal¥’ qarenek Îemen, « Remplis ton cornet/corne servant de vase d’huile » et ajoute : « Va, envoyé par moi chez Jessé le Bethléémite, car c’est un de ses fils que je me suis choisi pour roi… » (1 Samuel 16, 1). L’emploi du verbe ml¥’, n’est pas anodin, puisqu’il exprime aussi le fait d’« accomplir/déborder » et implique dans cet ordre divin, outre le fait de remplir le cornet d’huile, que le destin de Saül et celui de David s’accomplissent, l’un est rejeté et l’autre est le prochain souverain choisi par Dieu. La corne à usage de vase symbolise la force/la puissance, aussi tant le contenant que le contenu expriment-ils la transmission du pouvoir et du rang politique qui attendent le nouveau souverain. YHWH vérifie que Samuel fait le bon choix et ne se fie pas à l’apparence de David, il argumente : « Ce que voit l’homme ne compte pas : l’homme ne voit que l’extérieur, YHWH regarde le cœur » (1 Samuel 16, 7). Jessé présente tous ses fils à Samuel qui réitère : « Celui-ci non plus YHWH ne l’a pas choisi » (1 Samuel 16, 8-10), et l’envoie chercher le plus jeune. Dieu dit alors à Samuel : qûm me΍­¥hû kî zeh hû’, « Va, oins-le, car c’est lui » (1 Samuel 16, 12). Et Samuel oint le jeune homme (1 Samuel 16, 13). L’esprit divin, de ce jour ne cesse d’animer David, ajoute encore le texte (1 Samuel 16, 13). L’onction implique le don d’une responsabilité politique et religieuse, conséquence de la mission dont Dieu a chargé son/ses élus. Prophètes et prophétesses, nbî’ et nebh, voyants, r¿ueh et hommes de Dieu, uîÎ uēl¿- hîm Destinés à recevoir et transmettre les paroles divines, leur rôle paraît parfois malaisé : ils ont à convaincre un individu, un souverain ou bien des foules souvent hostiles et/ou inconscientes. Hommes et/ou femmes peuvent se

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voir désignés afin d’endosser cette responsabilité. Le psalmiste reconnaît : « Le commencement de ton verbe est vérité » (Psaume 119, 160), aussi la voix divine est-elle perceptible grâce au lien reliant le concept de vérité de la Révélation à celui du langage humain416. Souvent, le caractère symbolique de leur langage, possède une « dimension secrète ». Leur mission se dessine en quelques textes. Alors que YHWH s’adresse à Jérémie et lui révèle qu’il sera : « Comme sa bouche » (15, 19), il lui transmet un rôle prophétique sous condition : « Si tu reviens/repends, je te restaurerai/reprendrai devant moi encore … Si tu extrais ce qu’il y a de précieux de ce qui est méprisable, tu me serviras encore d’interprète ». Puis, il renforce son discours : « On te combattra, mais on ne pourra te vaincre, car je serai avec toi pour t’assister et te sauver » (Jérémie 15, 20). Ces quelques versets témoignent du rôle du prophète porte-parole divin, afin de faire connaître au peuple où sont l’éthique et la morale (Jérémie 15, 21). De ce fait, sa rébellion apparaît comme la cause première des souffrances du prophète et des tourments infligés à YHWH417. Ézéchiel, sur qui la main de YHWH se pose, entend la voix divine, et l’esprit divin vient en lui (2, 1-2). YHWH lui déclare : « Qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent, car ils sont une maison de rébellion, ils sauront qu’il y avait un prophète parmi eux » (2, 5). Le prophète est prévenu : « N’aie pas peur, si des ronces et des épines sont avec toi et si tu demeures avec des scorpions, de leurs paroles n’aie pas peur » (Ézéchiel 2, 6). Par une métaphore, YHWH l’exhorte : « Ouvre la bouche et mange ce que je vais te donner ». À ce moment, une main se tend vers lui, elle tient le rouleau d’un livre écrit au recto et au verso, qui renferme des lamentations et des plaintes (2, 9-10). L’ordre se fait pressant : « Mange ce rouleau et va parler à la maison d’Israël », et le rouleau devient aussi doux que du miel lorsque l’élu s’en nourrit (Ézéchiel 3, 1). Ajoutant encore ces paroles, YHWH lui recommande : « Toutes les paroles que je te dirai, accueille-les dans ton cœur et écoute-les de tes entrailles » (3, 10). Plus tard, YHWH plus qu’irrité par un peuple récalcitrant, refuse en Ézéchiel 14, 3 d’entendre ses suppliques : « Est-il possible que je me laisse interroger par eux », réservant un sort peu enviable aux idolâtres, qui en 20, 1-3 affirme : « Je ne me laisserai pas consulter par vous », choisissant le silence. Outre la communication par la parole, les rêves constituent un autre instrument grâce auquel YHWH fait connaître sa volonté aux prophètes. Il explique à Aaron et Myriam à propos de leur frère Moïse : « S’il n’était que votre prophète, moi YHWH je me manifesterai à lui par une vision, c’est en 416

G. SCHOLEM, Le nom et les symboles de Dieu, p. 55. E. GERSTENBERGER, « Jeremiah’s Complaints, Observations on Jer 15, 10-21 », JBL 82, 1963, pp. 393-408, spéc. p. 401. 417

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songe que je m’entretiendrai avec lui » puis ajoute : « De toute ma maison, c’est le plus dévoué », et conclut soulignant la différence : peh ’el peh ’adaber bô, « Je lui parle face à face/bouche à bouche » (Nombres 12, 6-8). Moïse le nbî’, « prophète/interprète de la pensée divine », est son premier prophète et paraît le modèle absolu418. Alors que YHWH lui retire une partie de l’esprit divin afin de le poser sur les soixante-dix anciens choisis, ces derniers : wayyitenabe’û, « prophétisent », une seule et unique fois dans un but précis et défini, afin de partager le fardeau que fait peser le peuple sur Moïse (Nombres 11, 25-26). L’emploi du hithpaël ou forme réfléchie souligne une sorte de retour sur eux-mêmes afin de préférer l’allée de la sagesse et abandonner la folie collective à laquelle ils ont participé. Le prophète Amos (3, 7) témoigne tout autant que rien ne s’accomplit sans que le dessein divin ait été transmis : « à ses serviteurs les prophètes ». Mis en cause en raison de leur rôle de porte-paroles divins, les épreuves s’abattent et s’acharnent sur ces personnages, dont Jérémie paraît l’un des paradigmes tragiques. Il apostrophe YHWH et ses reproches pleuvent : « Pourquoi ma souffrance dure-t-elle toujours ? Pourquoi ma plaie est-elle si cuisante ? Elle ne veut pas se cicatriser. En vérité, tu es à mon égard comme un ruisseau perfide, comme des eaux sur lesquelles on ne peut compter » (Jérémie 15,18). Doté du rôle de médiateur entre Dieu et le peuple, Jérémie tient un discours poignant, expression de ses souffrances. Le choix de Saül comme premier souverain apparaît dans cet espace. Dieu se révèle au prophète Samuel un jour avant l’arrivée de Saül, lui transmet toutes les indications concrètes permettant de le reconnaître, précise jusqu’à l’heure de son arrivée et signale qu’il s’agit d’un homme de Benjamin (1 Samuel 9, 15). Dieu exige du prophète : « Tu l’oindras comme chef de mon peuple Israël », puis lui expose le rôle politique et guerrier dévolu à ce personnage d’une haute stature tant physique que morale : « Il délivrera mon peuple de la puissance des Philistins » (1 Samuel 9, 16). YHWH, attentif, vérifie que les choses se passent selon son vœu et lorsque le prophète aperçoit Saül, l’avertit : « Voici l’homme dont je t’ai parlé » (1 Samuel 9, 17). Tout au long du règne du premier souverain d’Israël, Dieu interviendra par le truchement de Samuel. Plus tard, Dieu exige de son prophète qu’il découvre David, modeste berger, afin de l’oindre au moment choisi (1 Samuel 16). Par un « doux et subtil murmure » Dieu s’adresse à nlie, qui exige de son prophète de sacrer Hazaël comme souverain de Syrie, puis de sacrer Jéhu fils de Nimchi roi d’Israël et d’oindre nlisée fils de Chafat comme successeur (1 Rois 19, 1316). Élisée requiert d’un jeune prophète qu’il se rende à Ramot-Galaad, et répande une fiole d’huile sur la tête de Jéhu fils de Josaphat, afin de le sacrer roi et ce, dans le plus grand secret (2 Rois 9, 1-6). 418

W. OSWALD, « Lawgiving at the Mountain of God (Exodus 19-24) », spéc. p. 188.

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Parfois rattachés au souverain419, leur rôle d’intermédiaire semble plus qu’inconfortable, ils doivent consulter YHWH et transmettre une réponse parfois déplaisante ou pis encore. Osée affirme que les rois sont impuissants (Osée 13, 10) et peuvent être considérés comme illégitimes par YHWH : « Ils ont établi des rois sans mon aveu, des chefs à mon insu » (Osée 8, 4), qui peuvent trébucher (Osée 4, 5). Parmi eux, le voyant Gad doit transmettre une proposition divine destinée à David, qui doit décider entre trois calamités (2 Samuel 24, 11-12). David choisit de se livrer à la main de YHWH et non à celle de l’homme. Nathan (2 Samuel 7) est également rattaché à cour du roi. Dans un oracle, le prophète nlie rapportant les paroles divines prévient Achab, roi d’Israël : « Il n’y aura dans ces années-ci, ni pluie ni rosée, si ce n’est à mon commandement » (1 Rois 17, 1), cette période durera trois ans. Achab réunit les prophètes au nombre de quatre cents afin de connaître l’oracle divin (1 Rois 22, 6). Ce même souverain se voit prédire une fin violente (1 Rois 21, 19). Les prophètes peuvent subir l’ire royale pour avoir osé aviser le monarque de ses erreurs et de son manque de confiance en YHWH. De la sorte, le roi Asa au lieu de s’appuyer sur YHWH, et préférant compter sur les forces du roi de Syrie est abandonné par l’armée. Hanani le Voyant vient lui rapporte l’annonce divine : « Désormais, tu ne cesseras d’être en guerre » (2 Chroniques 16, 9). Asa s’emporte et le fait alors jeter en prison, incapable d’admettre qu’il s’est trompé en ne cherchant pas le secours auprès du Dieu, mais auprès d’une autre nation420. Après avoir permis de démontrer qui est le vrai Dieu, à la suite de la confrontation entre Baal et YHWH, dont ce dernier sort vainqueur, nlie met à mort les prophètes de Baal (1 Rois 18, 37-40), lesquels se sont livrés à une concurrence acharnée envers ceux de YHWH. Or, les prophètes de Baal sont coupables de la sécheresse qui perturbe le pays depuis trois ans, aussi, doiventils être mis à mort car seule leur disparition permettra à la situation de redevenir normale, et à la pluie de revenir. Le péché commis souille le pays jusque la Demeure divine, et la seule possibilité de faire s’évaporer cette impureté consiste à les faire disparaître par l’application de ce rite de levée de catastrophe421. Ils peuvent être dotés du don de guérison. Ainsi, lorsqu’Ahiyya fils de Jéroboam tombe malade, ce dernier prie sa femme de se rendre déguisée à 419

H. CAZELLES, « Royauté, prophétisme et identité de l’Israël Biblique », communication au colloque Rois et prophètes dans l’exégèse biblique, ancienne et médiévale, organisé par le Centre d’ntudes juives de l’Université de Paris-Sorbonne, 20 mai 1996, RICP 59, Paris, 1996, pp. 147-156, spéc. pp. 152 sqq. 420 P. TRESMONTANT, Le prophétisme hébreu, Paris, Gabalda, 1982, pp. 37 sqq. 421 A. MARX, « Mais pourquoi donc nlie a-t-il tué les prophètes de Baal (1 Rois 18, 40) ? », RHPR 78, 1998, pp. 15-29, spéc. pp. 26-29.

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Shiloh afin de consulter le prophète du même nom. Bien que celui-ci soit devenu aveugle et n’ait pu la voir, YHWH l’avait prévenu de cette visite. Aussi, lorsqu’il entend le bruit de ses pas, le prophète s’adresse-t-il à la reine et lui transmet le message suivant empli de courroux : « Retourne à ta demeure, à ton premier pas dans la ville, l’enfant mourra » (1 Rois 14, 12). Naaman, général d’armée syrien, est guéri de la lèpre grâce au prophète Élisée sur les conseils duquel il plonge sept fois dans le Jourdain et en sort rétabli (2 Rois 5, 10-14). Le même prophète annonce la guérison du souverain syrien, puis sa mort (2 Rois 8, 10). Parmi les miracles accomplis, ces thaumaturges retrouvent des objets et/ou des animaux perdus. Samuel annonce à Saül parti à la recherche des ânesses de son père qu’elles ont été retrouvées trois jours auparavant (1 Samuel 9, 20). Alors que l’un des jeunes prophètes disciple d’Élisée laisse tomber le fer dans l’eau, le prophète coupe un morceau de bois le jette dans le fleuve, alors le fer surnage et son disciple le reprend (2 Rois 6, 5-7). Le cycle d’Élie met en scène divers miracles, dont l’un concerne la veuve de Sarepta sauvée de la famine par une cruche de farine qui ne désemplit pas et une bouteille d’huile qui ne diminue pas (1 Rois 17, 13-16), un autre concerne son fils tombé malade et sauvé par la prière du prophète (1 Rois 17, 19-23). Parfois, l’homme de Dieu peut porter un autre titre et être qualifié de prophète, ainsi pour Elisée (2 Rois 7, 2), soulignant la frontière imprécise entre ces titres et ces fonctions. Aussi, en Juges 6, 8, le personnage qui dévoile le choix de Gédéon est-il qualifié de prophète. Jouant son rôle d’intermédiaire le prophète peut se faire comprendre au travers d’un oracle animalier. Isaïe transmet le message divin usant d’une métaphore animale : dans un pays de détresse habité par les lions et les lionnes, les aspics et les dragons volants, ces animaux transportent « Sur la croupe d’ânons leurs richesses et sur le dos des chameaux leurs trésors » chez un peuple dont l’appui n’est qu’illusoire. Le prophète doit convaincre le peuple de l’inutilité de sa démarche, qui fait appel à l’ngypte laquelle n’offrira pas son appui, et ne peut qu’être une source d’opprobre (Isaïe 30, 6-8). Le rôle de la musique jouée par les prophètes est également évoqué dans divers récits. Des prophètes peuvent être seuls, ou sont parfois accompagnés d’autres prophètes (1 Samuel 10, 10), qui sont aussi des musiciens, tels les fils du voyant Hêman, lui-même chargé de sonner de la corne (1 Chroniques 25, 5), et vont de compagnie et/ou sont précédés par ces artistes, qui participent à l’inspiration. La narration retraçant l’onction du roi Saül, met en lumière sa rencontre avec : « Un chœur de prophètes descendant du haut-lieu, précédés de luths, de tambourins, de flûtes et de harpes, et s’abandonnant à l’inspiration » (1 Samuel 10, 5). Après tous ces événements, Saül doté de l’esprit divin prophétise au milieu de ces prophètes (1 Samuel 10, 10-13).

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Les femmes peuvent l’être également : la prophétesse ou nebh est pourvue d’un rôle identique à celui du prophète, qui est responsable, dès lors qu’appelée par le Dieu, de la transmission de la parole divine. L’exemple de Myriam, sœur d’Aaron, l’atteste, qui la qualifie par cette appellation (Exode 15, 20-21). Alors que Moïse chante le Cantique de la Mer, et, afin de célébrer la victoire sur Pharaon, elle prend le tambourin dans sa main, suivie par toutes les autres femmes avec des tambourins et des danses. Son chant proclame ce triomphe. Nombres 12, 1-16 met en scène Moïse, Aaron et Myriam convoqués par YHWH à la Tente d’assignation, à la suite d’un conflit à propos de l’union du premier avec son épouse koushite. Le récit affirme la supériorité de Moïse sur sa sœur et son frère, également prophètes422. Et, Michée 6, 4 rappelle que YHWH a donné pour guides au peuple hébreu dans le désert Moïse, Aaron et Myriam, réaffirmant leur statut. Le souverain Josias envoie ses hauts dignitaires consulter la prophétesse Houlda à la suite de malversations financières concernant le Temple. La formule employée par le monarque soucieux souligne la gravité du moment : « Allez consulter YHWH pour moi, pour le peuple, pour tout Juda » (2 Rois 22, 13). Cinq d’entre eux se rendent chez Houlda qui vit à Jérusalem. Elle leur révèle les paroles, la colère et le jugement divins. Auparavant, elle introduit ses paroles par la formule consacrée dont usent les prophètes et qui l’identifie comme prophétesse officielle de la cour : « Ainsi a dit YHWH ». Elle transmet ensuite les divines paroles : « Je vais amener le malheur sur cette contrée et ses habitants » (2 Rois 22, 16), conséquence du paganisme qui l’ont tant irrité. Néanmoins, en raison de la conscience et de l’affiction du souverain endeuillé, Dieu assure que celui-ci ne verra pas les malheurs qui s’abattront sur son pays et son peuple (2 Rois 22, 19-20). Le narrateur ne paraît pas étonné que le prophète soit une femme traitée comme les hommes423. Or si des prophètes comme Jérémie, Nahum, Habacuc, et Sophonie vivent à ce moment, Houldah est choisie et honorée424. En outre, à en croire 2 Rois 22-23, la réforme de Josias serait une conséquence directe de l’oracle transmis par la prophétesse. Pour autant, la version des Chroniques affirme que Josias aurait mis en place la réforme de lui-même, réduisant son rôle (2 Chroniques 34, 23-32)425. Elle reste la dernière prophétesse du

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La prophétesse est inhumée dans le désert comme ses deux frères (Nombres 20, 1). C. MARCHETTI, « Women in the Old Testament », Priscilla Papers 32/2, 2018, pp. 9-13, spéc. p. 10. 424 R.W. PIERCE, « The Feminine Voice of God : Women as Prophets in the Bible », Priscilla Papers 21/1, 2007, pp. 4-8, spéc. p. 5. 425 W. C. GAFNEY, Daughters of Miriam : Women Prophets in Ancient Israel, Minneapolis, Fortress Press, 2008, p. 96. 423

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Deutéronome : elle a prononcé l’ultime prophétie sur le destin tragique de Juda426. Déborah, la prophétesse, porte un nom prédestiné puisqu’il évoque l’abeille et la parole/action, qui siège au pied du palmier portant son nom et gouverne Israël lors du règne du roi cananéen Jabin, jouant ce rôle de voyante et messagère, par l’intermédiaire de laquelle les Israélites font appel aux consultations divines (Juges 4, 4a), et son genre féminin n’est pas surprenant427. Par deux fois, le texte reprend ce même terme ’eÎet, « femme », dans le même verset, qui souligne son statut de femme et son genre (4, 4). Alternative à l’interrogation du prêtre par la voie des ourîm et toummîm, Dieu se montre favorable aux questionnements de la prophétesse428. Elle envoie quérir Barak, fils d’Abinoam, de Kedesh en Nephtali, lui transmet l’ordre divin de déployer une armée se composant de dix mille hommes sur le Mont Thabor, et YHWH lui révèle à propos de Sisara commandant de l’armée de Jabin : « Je le livrerai en ta main » (Juges 4, 6-7). Barak sollicite de la prophétesse qu’elle l’accompagne, elle accepte : « Certes, j’irai avec toi, seulement ce n’est pas à toi que reviendra l’honneur de ton entreprise, puisque c’est à une femme que YHWH aura livré Sisara » (Juges 4, 7-9). Yaël épouse de Héber le Kénéen, une autre femme, apporte la surprenante solution et conclusion de cette bataille, qui assassine Sisara (Juges 4, 21)429. Le côté féminin de Déborah se livre dans le cantique qu’elle chante avec Barak : « Je me suis levée moi Déborah, levée comme une mère au milieu d’Israël » (Juges 5, 7). Lien direct avec YHWH, la prophétesse et juge n’est cependant pas un chef militaire (Juges 4, 4b), mais partage la délivrance de son peuple avec Yaël et Barak et surtout avec le Dieu sauveur430. Noadiah, paraît la représentante d’une corporation prophétique en opposition avec Néhémie (6, 14). Le texte ne précise pas les causes de cette hostilité. La prophétesse d’Isaïe 8, 3 n’est pas nommée. D’autres femmes qui ne portent pas le titre de prophétesse obtiennent parfois une réponse du Dieu lui-même. Rébecca consulte YHWH : il lui répond et annonce le futur (Genèse 25, 21-23). Rahab transmet un oracle divin prédisant la victoire d’Israël (Josué 426

T. ILAN, « Huldah, the Deuteronomic Prophetess of the Book of the Kings », lectio difficilior 1/ 2010, pp. 1-16, spéc. p. 7, http://www.lectio unibe.ch 427 H. NUTKOWICZ, « Petites chroniques d’arbres. Fonctions et symboles », p. 174. 428 D.I. BLOCK, « Deborah among the Judges : The Perspective of the Hebrew Historian », dans A.R. Millard, J.K. Hoffmeier et D.W. Baker éd., Faith, Tradition and History, Old Testament Historiography in its Near Eastern Context, Winona Lake, Eisenbrauns, 1994, pp. 229-253, spéc. p. 247. 429 T. BUTLER, Judges, p. 94. 430 Y. AMIT, « Judges 4 : Its Content and Form », JSOT 39, 1987, pp. 89-111, spéc. p. 89.

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2, 9-11). Abigaïl prédit à David le futur de sa maison (1 Samuel 25, 28-31). Le Dieu communique tant avec les hommes que les femmes qu’il a choisies, parfois en une unique occurrence ou bien sur un temps long. Elles jouent souvent un rôle politique, aucune limite n’est apportée à leur part. Michée ironise sur les faux prophètes : « Se nourrissant de vent, inventant des mensonges… voilà un prédicateur pour ce peuple » (2, 11), et Isaïe en dessine une cinglante image : « Eux aussi sont troublés par le vin, égarés par la boisson ; prêtre et prophète trébuchent à cause de la boisson, sont étourdis par le vin, pris de vertige par suite d’ivresse, leur vision est devenue trouble et ils vacillent dans leurs jugements » (Isaïe 28, 7). Après avoir constaté : « Il (YHWH) a fermé vos yeux - les prophètes - et volé vos têtes les voyants », le prophète dépeint les conséquences de leur aveuglement : ils ne peuvent plus rien comprendre, ils sont devant « un livre scellé » (Isaïe 29, 9-12). Il avait auparavant révélé : « Aussi YHWH arrache-t-il d’Israël tête et queue… La queue ce sont les prophètes qui enseignent le mensonge » (Isaïe 9, 13-14). Dénoncés par Jérémie (23, 11), YHWH annonce leur châtiment. Pires que les prophètes de Baal, ceux de Jérusalem sont accusés d’être corrompus et pervers (23, 15). YHWH avertit son peuple par la bouche du prophète de ne point écouter leurs discours mensongers : ’al tiÎeme‘û ‘al diber¥y hannebi’îm hannibe’îm lkem mahebilîm h¥mmh ’etekem ­azôn libm yedab¥rû l¿’ mipî yhwh, « Ne prêtez pas attention aux paroles des prophètes, ceux qui vous prophétisent, ils vous emplissent d’espoirs vides ; ils parlent de la vision de leur cœur et pas de la bouche de YHWH » (Jérémie 23, 16). Le terme mahebilîm, évoque de fausses paroles, vaines comme le souffle, et accentue la fausseté du discours de ces faux prophètes. La racine du mot hbal, fait ressortir l’aspect vain comme le vent et la séduction du mensonge, insistant sur ces personnages qui transmettent leurs transes et leurs visions subjectives, d’où le divin est absent431. Peut-être même ont-ils pour dessein de faire oublier YHWH au peuple (Jérémie 23, 27). YHWH propose cette métaphore : « Que vient faire la paille avec le grain ? » (Jérémie 23, 28), définissant les uns et les autres, et ajoute pour ces faux prophètes qu’il ne leur a donné ni mission ni ordre et qu’ils ne peuvent rendre aucun service au peuple (Jérémie 23, 32). La rencontre entre Hananyah fils de Azzour et Jérémie, dans le Temple de Jérusalem, met aux prises un faux et un vrai prophète. Le premier de prédire en une fausse prédiction que YHWH brisera le joug de Babylone, deux années après, les vases du Temple seront réintégrés, et les déportés en reviendront (Jérémie 28, 1-3). La parole divine s’adresse alors à Jérémie : « Va et tiens à Hananyah ce langage : tu as brisé un joug de bois, tu le 431

P.C. CRAIGIE, P.H. KELLEY et J.F. DRINKARD Jr, Jéremiah 1-25, Dallas, Word Books, 1991, p. 343, 348.

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remplaceras par un joug de fer… Car c’est un joug de fer que je pose sur le cou de tous ces peuples, pour qu’ils soient soumis à Nabuchodonosor roi de Babylone et le servent ; jusqu’au animaux des champs, je les lui livre… ». Jérémie accuse Hananyah le prévenant du jugement : « L’nternel ne t’a pas envoyé, et toi, tu as leurré ce peuple par des promesses mensongères… Au cours de cette année, tu mourras parce que tu as prêché la révolte contre YHWH ». En effet, le prophète Hananyah meurt cette même année, au cours du septième mois (Jérémie 28, 17). Ce faux prophète, ayant délivré sa propre parole et non la parole divine devant les prêtres et le peuple qui ne demandait qu’à le croire, s’est couvert de honte et pire, a attribué à Dieu des paroles mensongères. En châtiment, YHWH le dépêche, après ces mensonges, dans l’au-delà432. Apostrophant les faux prophètes, Dieu menace : « Malheur aux prophètes indignes qui suivent leur inspiration et des visions qu’ils n’ont pas eues » (nzéchiel 13, 3), et d’ajouter : « Ils ont annoncé des visions fausses et des oracles mensongers, eux qui disaient : Paroles de YHWH !... C’est pourquoi je vais m’en prendre à vous… Et ma main pèsera sur les prophètes qui annoncent des visions fausses et des oracles mensongers » (nzéchiel 13, 6. 8-9). Des femmes ne sont pas étrangères à ces faussetés, ainsi parmi les filles du peuple, certaines sont accusées et menacées, et Dieu exige du prophète : « Tourne ton visage vers les filles de ton peuple qui s’érigent en prophétesses de leur chef, et prophétise contre elles… Tu diras : Ainsi parle Le Seigneur Dieu : Malheur à celles qui cousent des coussinets pour toutes les articulations des mains et confectionnent des coiffes pour les têtes de toute taille afin de capter les âmes ; vous iriez à la chasse aux âmes dans mon peuple et vos âmes à vous vous les feriez vivre ?... Je lacérerai vos coiffes et je sauverai mon peuple de vos mains ; ils ne seront plus entre vos mains comme un gibier et vous saurez que je suis YHWH… Aussi, ne révélerez-vous plus de fausses visions ni ne prononcerez plus d’oracles : je sauverai mon peuple de votre main et vous saurez que je suis YHWH » (nzéchiel 13, 17-18. 21. 23). Dieu peut également susciter un « esprit de mensonge » dans la bouche de tous ses prophètes, afin d’égarer le roi Achab et le faire succomber, 432

J.R. LUNDBOM, Jeremiah 21-36, A New Translation, Introduction and Commentary, New York, Londres, Yale University Press, 2004, pp. 339-341.

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car il a résolu sa perte, lui annonce le seul vrai prophète Mikhayou (1 Rois 22, 19-22). Cette accusation de fausses relations avec le divin met en lumière le lien exclusif et jaloux avec YHWH433. Mettant en garde contre ces faussaires, le Deutéronome (13, 2-6), prévient contre leurs paroles mensongères, il exige avec force le rejet de leur adoration des dieux étrangers. Dieu exige leur mise à mort puisqu’ils ont prêché la révolte contre YHWH et explique : « Et tu extirperas le mal du milieu de toi ». Parfois, l’homme de Dieu peut être qualifié de prophète. Dans la geste de Saül, Samuel, l’un des personnages essentiels du récit sur qui repose la dramaturgie, est qualifié par trois termes selon les occurrences, celui de nbîu ou « prophète » (1 Samuel 3, 20), de r¿ueh ou « voyant » (1 Samuel 9, 9), et d’uîÎ uēl¿hîm ou « homme de Dieu » (1 Samuel 9, 6). La rencontre de Samuel et du futur souverain Saül le met en scène dans l’un de ses rôles. Lorsque Saül parvient au pays de iouf, il aborde avec une certaine naïveté le voyant, et s’enquiert : « Enseigne-moi, je te prie, où est la maison du voyant » (1 Samuel 9, 18). Samuel lui répond : « Le voyant c’est moi » ; exigeant : « Va m’attendre sur le haut-lieu, et vous mangerez avec moi aujourd’hui, demain matin je te laisserai partir après t’avoir appris ce que tu désires savoir » (1 Samuel 9, 19). Puis, il ajoute cette question comme réponse mystérieuse : « Et à qui est réservé tout ce qu’il y a de précieux en Israël, si ce n’est à toi et à toute ta famille ? » (1 Samuel 9, 20). S’appliquant à un être doté de dons et de pouvoirs lui permettant de connaître le futur et d’accomplir des miracles, ce titre : ’îÎ h’el¿hîm, « homme de Dieu », n’est jamais attribué à un prêtre. Il souligne combien cet être est proche de Dieu et participe à sa sainteté. Moins précise que le terme définissant le voyant ou le prophète, cette appellation inclut la plupart de ses fonctions concernant la divination et les miracles (2 Rois 6, 5-6)434. En outre, un même individu peut porter différents titres, lesquels peuvent évoluer et/ou se cumuler au cours d’un récit. Il est rémunéré selon les moyens de celui qui fait appel à ses services, et parfois ne l’est pas. Il sait le présent et le futur et tout ce qu’il annonce se réalise (1 Samuel 9, 6). Ainsi, l’homme de Dieu que rencontre Saül est rétribué en nature, par exemple du pain, par un présent, ou en argent.

433

H.B. HUFFMON, « The Exclusivity of Divine Communication in Ancient Israel : False Prophecy in the Hebrew Bible and the Ancient Near East », dans C.L. Crouch, J. Stock et P.E. Zerneche éd., Mediating between Heaven and Earth, Communication with the Divine in the Ancient Near East, Londres, T et T Clark, 2012, pp. 67-81, spéc. p. 71. 434 A. JEFFERS, Magic and Divination in Ancient Palestine and Syria, Leyde, New York, Cologne, Brill, 1996, p. 26.

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Ce terme figure met en lumière son omniscience. Ainsi, par exemple, lors de l’annonce de la future naissance de Samson, l’épouse de Manoa­ après son entrevue avec celui que le récit nomme ailleurs : « l’envoyé/l’ange de Dieu », le dénomme comme l’« Homme de Dieu » qu’elle décrit de la sorte : « Son aspect était comme celui d’un ange, fort imposant, je ne lui ai pas demandé d’où il venait et il ne m’a point appris son nom » (Juges 13, 6). L’épouse de Manoa­ semble ne pas pouvoir concevoir l’idée qu’un ange soit venu lui parler, trop impressionnée, elle ne peut qu’admettre que la bonne nouvelle annoncée le soit par un homme fut-il « l’homme de Dieu ». L’homme de Dieu connaît aussi les événements qui se produisent à distance. Ainsi, Elisée interroge Ghéhazi afin de savoir d’où il vient, celui-ci répond : « Ton serviteur n’est allé nulle part », Elisée n’est pas dupe des mensonges de son serviteur et lui répond : « Mon esprit non plus n’a pas été absent » puis il questionne et répond dans le même temps : « Etait-ce le moment de prendre argent ou vêtement, oliviers ou vignobles, brebis ou bœufs, esclaves ou servantes ? ». Le jugement ne se fait pas attendre, qui atteint le serviteur de la lèpre (2 Rois 5, 25-26). Lors de la guerre entre la Syrie et Israël, Elisée, adresse au roi d’Israël un message afin de le prévenir : « Gardes-toi de passer par cet endroit car les Syriens s’y rendent » (2 Rois 6, 8-10), et le même évènement se reproduit « une ou deux fois » (2 Rois 6, 10). Puis, avant que le messager du souverain d’Israël ne soit parvenu auprès de lui, Elisée pressent : « Voyez-vous ce fils d’assassin qui envoie quelqu’un pour me couper la tête ! » (2 Rois 6, 32). « L’homme de Dieu » réalise des miracles, et Elisée en est le paradigme. L’épouse de l’un des jeunes prophètes qui l’entourent vient lui raconter son malheur, un créancier est venu prendre ses deux jeunes enfants afin d’en faire des esclaves. Elisée questionne la jeune femme sur ce qu’elle possède et celle-ci lui répond qu’elle ne possède qu’un vase d’huile, il lui recommande d’emprunter des vases vides chez tous ses voisins en grand nombre et de fermer la porte, de remplir tous les vases et les mettre à part, ce qu’elle accomplit. Elle verse l’huile et tous les vases se remplissent, l’huile tarit dès lors qu’il ne reste plus de vase. Elisée lui recommande de vendre l’huile, rembourser ses dettes et vivre avec le surplus (2 Rois 4, 1-7). Les textes témoignent d’autres miracles, et sa promesse d’enfanter faite à la Sunamite mariée à un vieillard se réalise. Lorsque l’enfant meurt, elle se rend chez l’homme de Dieu, qui sait sa tristesse mais n’en connaît pas la cause : « YHWH ne me l’a pas révélée » (2 Rois 4, 27). Elle s’en explique et Elisée vient voir l’enfant, il invoque YHWH, monte sur le lit, et reste étendu jusqu’à ce que la chaleur revienne dans le corps de l’enfant. Puis, après avoir parcouru la chambre de long en large, il s’étend à nouveau sur l’enfant qui éternue par sept fois et rouvre les yeux (2 Rois 4, 32-35). D’autres exemples de miracles réalisés par Elisée sont cités par d’autres récits. Revenu à Gilgal alors que la

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famine règne « l’homme de Dieu » accomplit à nouveau un miracle avec des herbes empoisonnées qui disparaissent du potage (2 Rois 4, 38-41). Il réalise un prodige avec la multiplication des pains (2 Rois 4, 42-44). Outre ces miracles, « l’homme de Dieu » peut intervenir sur la nature. Ainsi, Élisée lorsqu’il parvient à Jéricho, rend les eaux de la source salubres en y jetant du sel (2 Rois 2, 20-22). Il est chargé des bénédictions et malédictions, et lorsqu’il est insulté, maudit ceux qui l’insultent, que deux ours sortis de la forêt mettent en pièces (2 Rois 2, 23-25). Porteurs d’une sagesse435 transmise par le Dieu, ces thaumaturges sont aussi chargés de rôles politiques, sociaux et/ou religieux, parfois en prise avec le pouvoir royal tout-puissant, et qui ont été choisis par YHWH afin de réaliser ses desseins. Au travers de ces descriptions du rôle de ces personnages et de leurs transmissions au peuple des messages divins, ils apparaissent aussi comme des « chefs charismatiques »436. Parfois, ils subissent des violences liées au refus du peuple de les écouter, le destin de Jérémie l’illustre.

L’ange : male’ake YHWH ou l’envoyé divin Omniscient, son rôle peut rester celui d’un informateur, apportant une bonne nouvelle ou bien les recommandations à observer afin d’obtenir l’aide divine. Ce messager informe du futur, conseille, recommande, prévient de la colère divine et de ses conséquences437, de fait, il sait. Il est parfois désigné et mandaté afin de concrétiser le jugement puis le châtiment divin. Lors de sa venue, son apparence ne permet pas aux humains de le reconnaître immédiatement, mais sa spécificité apparaît dès qu’il leur adresse la parole leur dévoilant l’exigence divine. Sa présence peut introduire l’arrivée divine, préparant subtilement celui auquel il s’adresse à sa venue. La racine du terme male’ake, hlake, « aller/marcher/voyager/partir/traverser/conduire », exprime l’idée du mouvement pour se rendre du monde céleste vers un lieu ou un être sur la terre. Ces êtres peuvent porter le titre de male’ake yhwh (Genèse 16, 7. 9 ; Genèse 22, 11. 15), ou bien encore male’ake h’¥l¿hîm (Genèse 21, 17 ; 31, 11). Quelquefois, ils viennent seuls, d’autres fois ils sont au nombre de trois afin de remplir leur mission. L’annonce par l’ange de l’arrivée divine est illustrée par le récit de Juges 6, 11-24, et ce thème se révèle clairement dans la déclaration du male’ake

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J. BARTON, Oracles of God, Londres, Darton, Longman et Todd, 1986, p.140. T. A. MAYES, « Prophecy and Society in Israel », dans H.A. MacKay et D.J.A. Clines éd., Of Prophets’ Visions and the Wisdom of Sages, Essays in Honor of R. Norman Whybray on his Seventh Birthday, Sheffield, JSOT Press, 1993, pp. 25-41, spéc. p. 40. 437 Ce terme est employé 58 fois dans l’Ancien Testament, T. BUTLER, Judges, p. 200. 436

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yhwh, « messager divin »438, venu s’installer sous un chêne/térébinthe439 près d’Ofrah. Il apparaît à Gédéon (Juges 6, 12), et jouant son rôle d’intermédiaire lui transmet l’appel divin : yhwh ‘immek gibôr he­yl « YHWH est avec toi, puissant guerrier » (Juges 6, 12). Cette formule renvoie à des vœux de santé et de fortune (Genèse 26, 28 ; Juges 1, 22), qui peut être considérée comme une salutation personnelle ou bien encore comme une promesse divine d’aide lors d’une bataille440. Cette présence confère au héros la possibilité du succès à la condition d’obéir aux ordres divins441. Parfois, à la suite de cette sorte d’annonce, le doute étreint le personnage pressenti, qui ne réalise pas qu’il est face à un envoyé divin. Mais dans cette situation spécifique, l’ange exige de Gédéon la présentation d’un sacrifice sur le rocher (Juges 6, 20), puis l’atteint de l’extrémité d’un bâton, le feu consume à ce moment la viande et le pain offerts, alors il s’évanouit (Juges 6, 21). Le miracle réalisé permet à Gédéon, terrifié, de comprendre et admettre qu’il doit enfin fléchir devant l’exigence du Dieu : r’îtî male’ake yhwh hû’ pnîm ’el pnîm, « C’est un ange de YHWH que j’ai vu face à face » (Juges 6, 22). Parfois la dramaturgie de la narration s’amplifie jusqu’à la disparition des doutes du héros choisi afin d’accomplir une ou des missions. Elle va d’une affirmation de l’absence vers la certitude de la présence divine. L’annonce est exprimée en un langage simple et élégant, et Dieu ou son envoyé apparaissent au sauveur choisi442. Celui-ci tente d’objecter, à l’aide d’arguments peu convaincants et qui ne sont pas liés aux évènements, qu’il ne peut pas assumer le rôle qui lui est confié, ainsi que l’avait par exemple tenté Moïse. Dieu et/ou son envoyé rassure le futur héros, lui faisant parvenir un signe édifiant. Dans ce récit de Gédéon, l’ange signale la présence de Dieu, et dans le même temps, la distinction entre cet envoyé de Dieu et Dieu s’avère malaisée car le texte reste parfois flou. Comme dans d’autres chroniques, une sorte de passage fluide se produit entre Dieu et son représentant443.

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Il reste parfois malaisé de reconnaître leur nature humaine ou divine (Juges 13, 20 ; Malachie 3, 1), T. BUTLER, Judges, p. 200. 439 Ces arbres massifs sont voués parfois au rôle de hauts-lieux et autels dédiés au culte de Baal (Ézéchiel 6, 13 ; Osée 4, 13), T. BUTLER, Ibid., p. 200. 440 T. BUTLER, Ibid., p. 201. 441 R.G. BOWMAN, « Narrative Criticism : Human Purpose in Conflict with Divine Presence », dans G. A. Yee éd., Judges and Method, Minneapolis, Fortress Press, 1995, pp. 17-44, spec. p. 36. 442 Pour Y. AMIT, dans The Book of Judges, Leyde, Brill, 1999, p. 247, ce motif ne s’impose pas en une forme rigide, mais le degré de liberté de l’auteur apparaît d’évidence dans sa « ligne éditoriale ». 443 J.I. DURHAM, Exodus, p. 31.

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Parfois, l’ange conseille et console, tel celui rencontré par Agar près d’une source dans le désert (Genèse 16, 8-12). Quelquefois, l’ange annonce une naissance très attendue : tandis que le patriarche Abraham est assis sur le seuil de sa tente, trois : ’anÎîm, « hommes/mortels » apparaissent brusquement devant lui (Genèse 18, 1-2), et le texte souligne l’effet de surprise. Ils disparaîtront aussi mystérieusement qu’ils sont apparus, ainsi qu’agissent les êtres divins. Le narrateur les nomme des hommes, puisqu’en effet ils paraissent tels, et Abraham le pense ainsi. Néanmoins, l’auteur sait qu’il s’agit d’êtres divins. Ce motif apparaît de manière répétitive, où l’être divin reste dans l’anonymat et recherche l’hospitalité du ou des héros. Abraham se prosterne avec une infinie révérence devant ces personnages comme s’ils étaient des princes, et le terme employé : hiÎeta­awh, « se prosterner » transmet une indication technique particulière, un genou à terre et « le nez dans la poussière » (Genèse 19, 1). À ce moment, le patriarche pense encore qu’il s’agit d’êtres humains, les invitant au somptueux repas qu’ils acceptent tous trois et qu’il ne partagera pas par déférence. Alors qu’ils se restaurent, l’un d’eux questionne : « Où est Sarah, ta femme ? », or nul ne l’a encore évoquée et n’est censé savoir comment elle se nomme444. L’un des trois personnages ajoute qu’il reviendra et leur promet qu’un fils leur sera né à ce moment (Genèse 18, 10). Comment sait-il qu’Abraham et Sarah n’ont pas d’enfant ? Et, comment est-il possible de prédire un tel événement dont Sarah doute ? À ce moment le narrateur dévoile l’identité de ce visiteur incognito qui promet l’impossible : il s’agit de YHWH, et à nouveau la frontière entre sa présence et celle de l’ange reste nébuleuse. Sarah rit en elle-même ne croyant pas à ce miracle et ce faisant, fâche les visiteurs divins qui lisent dans ses pensées et ne semblent guère admettre ce doute. À nouveau, le texte reprend le thème des « hommes » (Genèse 18, 16), comme si les anges et Dieu s’étaient évanouis, concluant ainsi le récit. Les anges apparaissent toujours à l’improviste (Genèse 21, 9 ; 22, 13 ; Exode 3, 2 ; Josué 5, 13), et disparaissent de même mystérieusement (Juges 6, 21 ; 13, 20-21), se présentant avec une apparence humaine445. Outre la naissance d’Isaac, d’autres naissances sont prédites, celle d’Ismaël dont l’ange prévient sa mère Agar qu’il sera un onagre parmi les hommes (Genèse 16, 713), celle de Samson promise à sa mère par l’ange afin de lui annoncer la fin de sa stérilité et l’arrivée dans son foyer d’un fils consacré à Dieu : « Tu concevras et tu auras un fils » (Juges 13, 2-24). Les conditions d’observations des règles de vie lorsqu’elle sera enceinte sont ensuite clairement spécifiées par le représentant du Dieu : « Ne bois ni vin ni autre liqueur enivrante et ne mange rien d’impur » (Juges 13, 5). 444 445

L’ange inaugure sa conversation avec Agar sur le même mode. H. GUNKEL, Genesis, Translated and Interpreted, pp. 192 sqq.

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Alors que Balaam part avec les princes de Moab après avoir sanglé son ânesse, Dieu irrité dépêche un ange chargé de lui faire obstacle (Nombres 22, 21-38). Or l’ânesse voit l’ange de YHWH l’épée nue à la main, s’écarte de la route, s’en va à travers champs, et son maître la frappe afin de la faire revenir sur la route. L’ange se poste alors dans un chemin creux entre les vignes, aussi l’ânesse le voyant se serre-t-elle contre le muret et froisse le pied de son maître qui la frappe de nouveau. Il intervient encore et se place en un lieu si étroit qu’il n’est pas possible de s’écarter. L’ânesse le voit à nouveau et se couche sous son maître qui de colère lui porte des coups de son bâton. YHWH ouvre la bouche de l’ânesse qui questionne Balaam : « Que t’ai-je fait pour que tu m’aies frappée ainsi à trois reprises ? » et son maître répond qu’il la tuerait sur l’heure s’il avait une épée. L’ânesse le questionne encore : « Avais-je accoutumé d’agir ainsi avec toi ? » ? Balaam reconnaît qu’elle n’a jamais agi de la sorte. YHWH dessille alors ses yeux, il aperçoit l’ange de Dieu debout sur la route l’épée à la main qui le questionne : « Pourquoi as-tu frappé ton ânesse par trois fois ? », ajoutant qu’il s’est posé en obstacle car ce voyage s’accomplissait sans l’accord divin, qui souligne que l’ânesse l’a vu et s’est écartée par trois fois, sans cela il aurait fait mourir Balaam qui reconnaît avoir péché. Puis il prévient alors son interlocuteur : « La parole que je te dicterai, celle-là seule tu la diras ». L’ange joue un rôle double, celui de l’informateur et, celui qui fait respecter la volonté divine. L’ânesse plus sage que l’homme joue le rôle du second médiateur, à qui la parole est offerte afin de transmettre la parole divine, voyant au-delà du visible. Survenus auprès de Lot afin de le prévenir de la destruction programmée des cités de Sodome où il demeure, et Gomorrhe, et de le sauver ainsi que les autres membres de sa famille, les deux anges le protègent aussi de la violence et de la perversion de ses habitants. Ils l’accompagnent avec sa famille jusqu’à la ville de Çoar, afin de les préserver, car expliquent-ils : « YHWH nous a envoyés afin de la détruire » (Genèse 19, 1-23). Alors que Josué se trouve devant Jéricho, il lève les yeux, qui aperçoit un homme face à lui l’épée nue à la main. Il s’approche et interroge le mystérieux personnage : « Est-tu des nôtres ou un de nos ennemis ? ». Et le personnage répond : « Non, car je suis le chef de l’armée de YHWH » (Josué 5, 13-14), qui se contente d’informer Josué de l’obligation d’ôter ses chaussures, car le lieu où il se trouve est sacré. L’ange semble ensuite laisser la place à YHWH, qui explique comment faire tomber la cité et obtenir la victoire (Josué 6). En un oracle, Zacharie (14, 5), annonce la victoire de Jérusalem, YHWH engageant le combat, accompagné de ses saints (anges). D’autres envoyés divins portent ce titre de male’ake yhwh. Alors que Moïse fait paître le troupeau de son beau-père Jéthro, un ange lui apparaît : « wayyērāʼ male’ake yhwh ’¥lyw belabat ’¥Î mitôke hasseneh, « Alors fut vu l’ange de YHWH dans une flamme de feu du milieu du buisson » (Exode 3,

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2). Dans la suite de la narration, Moïse s’adressant à Dieu avec lequel il se trouve face à face (Exode 33, 11), l’interroge : « Considère ce que tu me dis : Fais avancer ce peuple sans me faire savoir qui tu veux m’adjoindre » (Exode 33, 12), et ce questionnement souligne le doute, l’inquiétude, et le souhait du prophète, en dépit de la déclaration d’Exode 32, 34 et 33, 2, par laquelle Dieu a d’ores et déjà précisé à son serviteur qu’il lui enverrait un ange. De fait, Moïse atteint son but qui désire que Dieu et non l’ange l’accompagne vers leur destin. Un messager de Dieu conduit Israël à la Mer Rouge ((Exode 14, 19), et Dieu promet un messager afin de conduire les Israélites (Exode 23, 20), mais ici le texte ne précise pas s’il s’agit d’un ange ou d’un humain. En dépit de l’épisode du veau d’or, Dieu assure qu’il enverra un ange afin d’expulser les populations vivant en Canaan (Exode 33, 2), mais ajoute qu’il ne le fera pas lui-même car il pourrait anéantir son peuple réfractaire (Exode 33, 3). Il ne dévie pas de son projet, mais un intermédiaire sear chargé de jouer son rôle de protecteur et de sauveur. La geste de Gédéon fait apparaître l’envoyé du Seigneur sous un térébinthe près d’Ofrah, dont le rôle consiste à l’informer qu’il doit faire la guerre contre les Madianites. Le héros ayant préparé un sacrifice qui se consume lorsque l’ange le frappe de son bâton, comprend qu’il s’agit d’un ange et YHWH lui atteste : « Rassure-toi … ne crains rien : tu ne mourras pas » (Juges 6, 23). La narration dont la dramaturgie s’amplifie jusqu’à la disparition des doutes du héros, va d’une affirmation de l’absence vers la certitude de la présence divine. Alors que Achazia souverain de Samarie, blessé, envoie des émissaires auprès du Baal-Zeboub, l’ange de Dieu s’adresse à Eli le Tishbite, en exige qu’il se rende à la rencontre des messagers du roi et les questionne : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël pour que vous alliez consulter Baal-Zeboub, dieu d’Ekrôn, », puis transmet le jugement divin concernant la vie du souverain : « Tu ne descendras plus du lit… tu mourras » (2 Rois 1, 3-4). L’ange intercesseur intervient, attesté dans la première des visions de Zacharie (1, 12-14). Son plaidoyer apitoie YHWH : « nternel-Cebaot, jusqu’à quand seras-tu sans pitié pour Jérusalem et les villes de Juda, contre lesquelles tu es irrité, voilà soixante-dix ans ? Et, l’nternel répondit à l’ange qui conversait avec moi par de bonnes, de consolantes paroles. Et l’ange qui conversait avec moi me dit : « Fais la proclamation que voici : - Ainsi parle l’nternel-Cebaot : Je suis rempli d’un zèle ardent en faveur de Jérusalem et de Sion ». Médiateur, l’ange réalise les missions qui lui incombent, dont la diversité est parallèle à la complexité des situations vécues par les humains, qu’elles soient individuelles ou communautaires. Il relie le monde divin et le monde humain, le monde d’en-haut et celui d’en-bas. Messager, informateur et protecteur, il révèle parfois les mystères du futur. Pour autant, YHWH

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choisit de transmettre la Loi à Moïse, aucun intermédiaire ne peut dans cet espace jouer le moindre rôle. Certains d’entre eux jouent un rôle négatif, qui sont envoyés afin de punir et rendre la justice. Expressions et symboles de la transcendance divine, les anges interviennent selon les desseins et les ordres divins. Leur rôle de gardiens et messagers du monde d’en-bas les fait intervenir comme ambassadeurs du Dieu, qui parfois procède à un envoi de : maleuakēy rtîm, « anges malfaisants », missionnés afin d’infliger malheurs et fléaux (Psaume 78, 49). Ainsi, l’un des anges est-il chargé d’abuser le roi Achab afin de le faire succomber : « Je serai un souffle de mensonge dans la bouche de tous les prophètes » (1 Rois 22, 22 ; 2 Chroniques 18, 20-22). Tous concourent par l’emploi et l’envoi de messages, de signes, d’annonces et de châtiments, à remplir cette mission de contact et de médiation de l’humain avec le divin et réciproquement446.

L’être « supra-naturel » ou divin ou ’el¿hîm Ce terme qui peut nommer le Dieu d’Israël, les divinités des autres nations, dénomme, en certaines circonstances, des êtres reliés à la sphère divine, en quelque sorte des anges (1 Samuel 28, 13 ; Isaïe 8, 19 ; Psaume 8, 6 (5)). Certains esprits de l’au-delà partagent ce titre sans qu’ils soient des anges, ainsi Samuel qui fut prophète de son vivant et se voit convoqué à titre posthume et divinatoire par la nécromancienne consultée par le roi Saül, mais ne saurait être admis comme divinité cependant (1 Samuel 28, 13). En l’occurrence, son apparition au souverain et son aspect surnaturel le relient à cette dénomination employée par la nécromancienne lorsqu’elle l’évoque : « J’ai vu un être divin montant de dessous terre » (1 Samuel 28, 13). Elle esquisse son apparence comme suit : « C’est un vieillard qui monte, enveloppé d’un manteau » (1 Samuel 28, 14), mettant en lumière son statut supérieur à celui des vivants, qui est doté de pouvoirs prodigieux447. Il annonce au roi : « Que YHWH l’a abandonné » (1 Samuel 28, 16), jouant ainsi encore une fois son rôle de prophète et/ou d’envoyé divin afin de transmettre son terrible message. Les textes évoquent d’autres rôles et d’autres qualités de ces ’el¿hîm. Ainsi, après que Laban et Jacob aient scellé leur alliance, ce dernier poursuit son voyage. Il souhaite renouer les relations fraternelles avec Esaü, et se prépare à partager ses richesses avec lui tout en craignant sa réaction et souhaitant sa bienveillance. Pendant la nuit, il traverse le Yabbok accompagné de Léa et Rachel, de ses deux servantes et de ses onze enfants (Genèse 32, 23). Resté seul, un « homme » lutte avec lui jusqu’à l’aube (Genèse 32, 25), mais 446 447

M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, pp. 951 sqq. H. NUTKOWICZ, L’homme face à la mort, pp. 269 sqq.

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il ne peut le vaincre, aussi le touche-t-il à la hanche : « Et la hanche de Jacob se luxa tandis qu’il luttait avec lui » (Genèse 32, 26). Le personnage mystérieux désire partir « Car l’aube est venue » et Jacob exige d’en être béni (Genèse 32, 27). En contrepartie, l’être en question lui demande son nom, ce à quoi il répond : Jacob. L’être merveilleux lui révèle alors : « Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais bien Israël, car tu as lutté/tu as été fort, contre un ange » (Genèse 32, 29). Le patriarche comprend qu’il a combattu toute la nuit avec un être divin ou : ’el¿hîm, face à face (Genèse 32, 31). Le nouveau nom offert au héros résulte de l’alliance entre les deux termes suivants : śrh, « lutter » et : ’¥l, qui signifie : « Il a lutté contre un ange/un être divin ». Jacob/Israël boîte dorénavant, car la marque de l’ange sur son corps ne peut disparaître, ni la victoire sur celui-ci qui atteste de l’alliance, du choix et du dessein divin pour la construction d’Israël. Son rôle pour l’inscription dans la mémoire et l’histoire se construit, entre autres, par ce don de l’ange, de cet être divin qui a emprunté une forme humaine afin de le mettre à l’épreuve. Ainsi, ce terme s’applique de manière indistincte aux défunts dotés de pouvoirs merveilleux et qui sont dans l’au-delà, et également aux envoyés divins ou anges.

L’ACCES A DIEU Les hommes, de leur côté, souhaitent accéder à Dieu et l’expression : « Se tenir devant Dieu » traduit le fait de se présenter devant lui, espérant son attention. Moïse rappelle à son peuple ce jour où il parut en présence de Dieu au Mont Horeb, alors que YHWH commande : « Convoque ce peuple de ma part » (Deutéronome 4, 10). Élie passe la nuit dans une caverne, et lorsque Dieu le questionne afin de savoir les causes de cette situation, le prophète répond que sa vie est en danger. Dieu lui intime l’ordre suivant : « Sors et tiens-toi sur la montagne pour attendre YHWH. Et de fait, YHWH se manifesta » (1 Rois 19, 11). Moïse dans le Deutéronome 29, 14, évoque « Ceux qui sont aujourd’hui placés avec nous en présence de YHWH ». Après avoir occupé la terre d’Israël, les Israélites se présentent devant Dieu chaque fois qu’ils se rendent au sanctuaire central. Par ailleurs, la loi exige la comparution devant YHWH des personnes concernées par un crime ou un délit (Deutéronome 19, 17). Par la bouche de son prophète, Dieu accuse son peuple corrompu, qui paraît devant lui et s’écrie hypocritement : « Nous sommes sauvés » (Jérémie 7, 10). Par ailleurs, lorsque le peuple apporte ses sacrifices et ses offrandes à Dieu, il doit les consommer et en jouir devnt YHWH (Deutéronome 12, 6-7). Les lévites se tiennent également « devant Dieu » au sanctuaire central.

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L’amour envers le Dieu Il se doit d’être inconditionnel, telle que l’assure l’exigence affirmée par le Deutéronome (6, 5) : « we’habet ’¥t yhwh ’el¿heyk bekol lebbek wûbekol napeÎek ûbekol me’¿dek, « Et tu aimeras YHWH, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme et de tout ton pouvoir ». Le texte ajoute : « Ces paroles/devoirs que je t’impose aujourd’hui seront gravés dans ton cœur » (Deutéronome 6, 6). Après un discours prometteur de bénédictions, YHWH complète ses exigences, qui requiert de son peuple : « Aime YHWH, ton Dieu, écoute sa voix, reste-lui fidèle » (Deutéronome 30, 20). Quand bien même Dieu serait « coupable », il importe de l’aimer et cet amour reste une exigence absolue. Dieu doté de tous les possibles, ne possède pas l’amour de sa créature, aussi en a-t-il besoin absolument448. Ce sentiment ne peut cependant être considéré comme une notion affective parallèle à l’attachement humain envers un autre humain, il s’inscrit dans une profonde spiritualité et religiosité. S’adressant à la cité de Jérusalem, YHWH nostalgique, lui confie ses poignants regrets de la période vécue dans le désert, faisant allusion à l’amour perdu de son peuple du temps de leurs « fiançailles » : « Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles » (Jérémie 2, 2). L’amour divin exprimé en Jérémie peut se définir comme un amour douloureux, effet d’une sorte de « vulnérabilité », et conséquence des harangues et des menaces inscrites par YHWH dans des flots de discours passionnés. Cet amour souffrant prend, par exemple, sa source dans les inquiétudes du prophète dont le rejet s’apparente au rejet du Dieu qu’il représente449. De même, le renouveau de son amour s’affirme-t-il après jugements et châtiments, témoin du retour de son peuple. Cette phraséologie, de l’union entre YHWH et son peuple, et de la période de leur lune de miel, témoigne de la réciprocité de la fidélité et de la loyauté qui les unissait. Juda, comme une épouse, est consacré à YHWH, leur relation ne peut être qu’exclusive, et ce thème est central à l’alliance (Exode 19 ; 6 ; Deutéronome 7, 6)450. Les Psaumes recommandent : « Aimez YHWH » (31, 24), tandis que Dieu affirme la réciprocité de son amour en Proverbe 8, 17 : « Je chéris ceux qui m’aiment ». Deutéronome 7, 7-9, confirme l’amour divin : « Si YHWH vous a préféré, vous a distingués, ce n’est pas que vous soyez plus nombreux que les autres peuples, car vous êtes le moindre de tous, c’est parce que YHWH vous aime, parce qu’il est fidèle au serment qu’il a fait à vos aïeux… Reconnais donc que YHWH ton Dieu lui seul est Dieu… fidèle … pour ceux qui l’aiment et obéissent à ses lois ». Cet 448

A. NEHER, Prophètes et prophéties, pp. 179-180. L. STULMAN, Jeremiah, pp. 24-25. 450 W.A. BRUEGGEMANN, A Commentary on Jeremiah, Grand Rapids, Eerdmans, 1998, pp. 32-33. 449

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amour ne peut se passer d’une fidélité mutuelle. En contrepartie d’une obéissance à ses lois et de la fidélité afin de les accomplir, YHWH assure de sa fidélité au pacte de bienveillance juré et promet : « Il t’aimera, te bénira, te multipliera » (Deutéronome 30, 12). L’invocation du nom divin a pour objet de laisser place à une relation directe, une rencontre avec Dieu. Déjà, YHWH a promis : « En quelque lieu que je fasse invoquer/choisisse pour le souvenir de mon nom, je viendrai à toi pour te bénir » (Exode 20, 21). L’emploi au hiphil du verbe zkar, souligne ce sens. Le choix d’un lieu particulier élu par YHWH pour sa rencontre avec Israël signale son entière liberté. Et le Deutéronome signale le même concept : « L’endroit que YHWH votre Dieu aura adopté » (Deutéronome 12, 5).

Lamentations, prières et jeûne Elles témoignent de la recherche de la présence divine et de ses interventions en faveur des Israélites. Individuelles ou collectives, parfois témoignages de reconnaissance, parfois requêtes dont l’objet est de sauver la vie de l’orant ou simplement de résoudre un problème d’ordre privé, quelquefois liées à la situation politique extérieure, elles empruntent des formes diverses qui ne s’intègrent pas dans un formalisme fixé une fois pour toutes. Si le Temple reste le lieu de la prière et des suppliques par excellence, qui s’inscrivent dans le culte451, tout lieu semble propice. Ainsi, le Psalmiste regrette-t-il avec simplicité : wa’anî tepillh, « Et moi, (je n’ai que) la prière/je ne fais que prier/je ne suis que prière » (Psaume 109, 4). Des situations extrêmes provoquées souvent par la guerre ou les épidémies mènent à des lamentations de l’ensemble du peuple réuni afin d’en appeler au Dieu. Elles s’accompagnent de pleurs et d’un jeûne de purification. Parmi ces tragédies, en atteste le combat mené par les Israélites contre les Benjaminites à la suite de l’assassinat de la femme du lévite. Après une première bataille perdue, ils s’enquièrent auprès de YHWH pour savoir s’ils doivent engager une seconde bataille, tout en respectant le mode d’approche du Dieu : « Et les Israélites montèrent pleurer devant le Seigneur jusqu’au soir et le consultèrent » (Juges 20, 23), à quoi il répond : « Marchez contre lui » (Juges 20, 23). Cette fois, dix-huit mille hommes d’Israël se couchent dans la poussière. Assurément, l’ensemble des rites à accomplir n’a pas été respecté, aussi importe-t-il de les exécuter intégralement afin d’obtenir le secours divin. Par conséquent, « Tous les Israélites et toute la population », montent à Béthel et devant YHWH se lamentent et jeûnent toute la journée jusqu’au soir, précise le récit, lui offrent des holocaustes et des rémunératoires. À ce moment, ils consultent le Dieu qui leur donne un blanc-seing puis la victoire 451

W. BAYERLIN, « Die tôda der Heilsgegenwärtigung in den Klageliedern des Einzelnen », ZAW 79, 1967, pp. 208-224.

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(Juges 20, 26s.). Cet évènement provoque une nouvelle réunion du peuple vainqueur, lequel se rend à nouveau à Béthel en présence du Dieu, élève la voix, verse d’abondantes larmes, en raison de cette triste victoire, qui voit une tribu retranchée d’Israël et l’interroge. Dès le lendemain, ils offrent holocaustes et rémunératoires, puis la solution s’offre à eux, leur permettant d’offrir la paix aux Benjaminites (Juges 21, 2s.). Autre exemple : près s’être adonné de longues années au paganisme, Israël se décide à faire disparaître les Baalîm et les Ashtaroth afin de servir YHWH. Ils se rassemblent à Miṣpa, puisent de l’eau répandue devant YHWH, et jeûnent tout le jour en reconnaissant : « Nous avons péché devant YHWH ! » (1 Samuel 7, 4-6). D’autres narrations rapportent l’application de ces rites, qui réunissent l’ensemble du peuple, où les larmes, la purification par l’eau, les prières et le jeûne se complètent nécessairement afin d’obtenir la grâce divine (Isaïe 24, 11 ; Jérémie 9, 9 ; 36, 6. 9 ; 2 Chroniques 20, 13). Le peuple peut aussi suivre les rites funèbres (Josué 7, 6 ; Isaïe 32, 11), se vêtir de sacs, lever les bras vers le ciel en signe d’imploration (Lamentations 2, 19 ; 3, 41). Ainsi, le peuple entend-il transmettre au Dieu ses lamentations, sa détresse et ses tourments452, dans l’espoir de son intervention. Outre le corpus des Psaumes, des exemples de textes de prières sont assurés dans les narrations, dont l’aboutissement s’ouvre sur une bénédiction. Le modèle du genre paraît le témoignage de reconnaissance d’Hanna. Demeurée longtemps stérile, celle-ci se rend chaque année à la maison du Seigneur, pleurant et jeûnant afin de s’en faire entendre, espérant un fils (1 Samuel 1, 5). Après avoir longtemps prié avec spontanéité et pleuré, elle prononce un vœu. Puis accompagnée de son époux Elkanna, le couple s’en retourne chez eux. La demande de Hanna sera exaucée et sa longue et touchante prière de reconnaissance à Dieu qui lui a accordé un fils révèle un texte émouvant dépeignant avec force les qualités divines (1 Samuel 2, 1- 10). L’intense supplication empreinte de spiritualité adressée par Salomon à Dieu paraît le comble de l’informel, qui le supplie d’écouter et pardonner à son peuple quels que soient ses errements, et quelles que soient les circonstances (1 Rois 8, 23-54). Le souverain prie devant l’autel, il accompagne sa supplication d’un geste de ferveur : wayehî kekallôt Îel¿m¿h lehitepal¥l ʼel yhwh ʼēt kāl hatepillāh wehateḥinnāh, « Salomon ayant achevé d’adresser à YHWH toute cette prière et cette supplication », « se releva de devant l’autel où il s’était mis à genoux les mains étendues vers le ciel » (1 Rois 8, 54). Le choix du verbe plal, qui exprime le fait de prier et aussi d’: « intervenir/prier pour/supplier /implorer/s’interposer », renforce d’autant le rôle d’intercesseur du monarque, représentant du peuple devant Dieu. En 452

H. GUNKEL, An Introduction to the Psalms, Macon, Mercer University Press, 1998, pp. 82-84.

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outre, situant la présence divine dans les cieux, Salomon ajoute : « Si le ciel se ferme et refuse la pluie… mais qu’ils prient dans ce lieu… tu pardonneras » (1 Rois 8, 35). Le monarque conclut ainsi sa prière : « Veuille YHWH notre Dieu être avec nous comme il a été avec nos pères, ne nous abandonner, ni s’éloigner de nous » (1 Rois 8, 57). Elisée, l’homme de Dieu, selon les circonstances et les stratégies politiques, joue subtilement sur les rôles du regard et de la vue, il invoque : « YHWH daigne ouvrir les yeux de mon serviteur afin qu’il voie (les chevaux et les chars de feu autour du prophète) ! » (2 Rois 6, 16-17), puis dans une seconde phase de sa prière et en nommant les Syriens venus attaquer Israël, requiert : « De grâce frappe ces gens de cécité » (2 Rois 6, 18), mais le récit ne s’arrête pas là. L’homme de Dieu dit aux Syriens : « Suivez-moi et je vous conduirai vers l’homme que vous cherchez ». Parvenus à Samarie, Elisée sollicite à nouveau : « YHWH ouvre leurs yeux pour qu’ils voient » (2 Rois 6, 20), puis, enfin, après qu’un copieux repas leur ait été servi ils rejoignent le souverain syrien et renoncent à leurs incursions en Israël. Néhémie 9, 17-19a et le Psaume 106, 19-23 partagent une même référence, celle du veau d’or, signe de l’oubli du Dieu. En effet, ces deux textes, rappellent la délivrance du peuple d’Israël, sorti d’ngypte, et qui préfère un veau de métal, une idole, par peur de l’inconnu. Les deux prières mettent en opposition la rébellion et le péché d’idolâtrie du peuple devant la bonté et la grandeur du Dieu et de ses actions en faveur de son peuple. En effet, après que la loi ait été transmise au Sinaï à Moïse, ce peuple sait ses obligations, mais immédiatement après, il passe outre ses responsabilités, et le veau d’or constitue sa première défaillance. Les méfaits énumérés en Néhémie 9, 17-31 renforcent l’auto-accusation figurant en Néhémie 9, 33 et par opposition rendent plus poignant encore l’appel à la miséricorde divine. Une même structure est observée dans le Psaume 106, où à la prière s’ajoute la confession du péché, censée persuader le Dieu de pardonner453. Autre paradigme de prière informelle, personnelle, dramatique et métaphorique, celle de Jonas rendant grâce à Dieu : « Il m’a répondu : du sein du Shéol je l’ai imploré, tu as entendu ma voix… Tu as sauvé ma vie de la perdition… et ma prière a monté vers toi, vers ton sanctuaire auguste » (Jonas 2, 3-8). La puissance du texte répond à la folie ayant atteint les personnages du récit, le prophète, les étrangers, les marins, qui témoigne de la sagesse et

453

R.J. BAUTSCH, « The Golden Calf in the Historical Recitals of Nehemiah and Psalm 106 », dans E.F. Mason et E.F. Lupieri éd., Golden Calfs Traditions in Early Judaism, Christianity and Islam, Leyde, Brill, 2019, pp. 49-58.

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de la bienveillance divine454. Puis, le prophète après avoir accepté de se rendre à Ninive, fait publier un décret exigeant : « Que chacun invoque Dieu avec force », afin que l’ire divine ne détruise pas la cité (Jonas 3, 8). Et, c’est avec le texte de Deutéronome 6, 4, que la prière du Shema prend sa forme conservée jusqu’à ce jour. La rigueur de son contenu et son extrême simplicité expriment d’autant plus puissamment le lien exclusif mis en place : šemaʽ yiśerāēl yhwh ʼelōhēynû yhwh ʼeḥād, « Écoute Israël, YHWH est notre Dieu, YHWH est un »455. Les prophètes prononcent également d’émouvantes prières, ainsi en Jérémie, dont nombreux sont les chants proches des complaintes individuelles456. Le Prophète s’adresse à Dieu, il use d’une métaphore afin d’introduire l’expression de son extrême douleur face à ce qu’il ressent comme une extrême injustice : « Dès que tes paroles me parvenaient je les dévorais ; oui ta parole était mon délice et la joie de mon cœur car ton nom est associé au mien » (Jérémie 15, 16). Ses ennemis savent ce qu’il en est, aussi se moquent-ils de lui, mais il affirme : « Il y avait au-dedans de moi comme un feu brûlant contenu dans mes os » (Jérémie 20, 9), et cette réalité lui impose de continuer à s’exprimer au nom du Dieu. Il ne peut alors éviter les prières, exprimant un espoir : « Tu es trop équitable, ô YHWH, pour que je récrimine contre toi » (Jérémie 12, 1), puis des doutes : « Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère ? Pourquoi vivent-ils en sécurité tous ces auteurs de perfidie ? » (Jérémie 12, 1). La prière figurant dans le chapitre 15, 15-21 apporte des éclaicissements en un dialogue étincelant de vérité : « Toi, tu me connais, ô nternel ! Souviens-toi de moi, prend-moi sous ta garde. Venge-moi de mes persécuteurs, ne me laise pas disparaître par l’effet de ta longanimité ; reconnais que c’est pour toi que je supporte l’opprobre. Dès que tes paroles me parvenaient, je les dévorais ; oui ta parole était mon délice et la joie de mon cœur, car ton nom est associé au mien, ô nternel, Dieu Cebaot. Je ne me suis point assis dans le cercle des railleurs pour me divertir ; dominé par ta puissance, j’ai vécu isolé, car tu m’avais gonflé de 454

A. BRENNER, « Jonah’s Poem out of and within its Context », dans P.R. Davies et D.J.A. Clines éd., Among the Prophets, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1993, pp. 183-192, spéc. pp. 191-192. 455 Selon E.S. GERSTENBERGER, dans Theologies in the Old Testament, p. 257, la liturgie et la prière seraient infiniment plus considérées (Néhémie 8), que le sacrifice. Tandis que certains chercheurs accordent la préséance absolue au Temple, tels J. MILGROM, Leviticus 1-16, A New Translation with Introduction and Commentary, New York, 1991 ; Voir Y. KAUFMANN, The Religion of Israel, Chicago, University of Chicago Press, 1960. Voir la sous partie : Un Dieu unique, pp. 207 sqq. 456 Les textes sont les suivants : Jérémie 11, 18-20 ; 15, 15-21 ; 17, 12-18 ; 18, 18-23 ; 20, 10-13.

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colère. Pourquoi donc ma souffrance dure-t-telle toujours ? Pourquoi ma plaie est-elle si cuisante ? elle ne veut pas se cicatriser. En vérité tu es à mon égard comme un ruisseau perfide, comme des eaux sur lesquelles on ne peut compter » (Jérémie 15, 15-18). Comme le peuple de Juda, le prophète sans défense est violemment attaqué, et de même que pour les victimes de l’invasion babylonienne aucune aide ne lui est apportée. Il souhaite tant être sauvé, que son innocence soit reconnue et retrouver ses forces (Jérémie 17, 14-16 ; 18, 20b). Ses souffrances spirituelles et théologiques évoquent celles de son peuple qui est dans le doute. Aussi, accuse-t-il le Dieu, exprimant ses incertitudes et celles de la communauté judéenne. Mais celui-ci ne l’encourage pas, il exige de l’endurance (Jérémie 12, 4-6), le moyen de survivre spirituellement. Le prophète invite la communauté à prier YHWH : « Car il sauve la vie du pauvre de la main des malfaisants » (Jérémie 20, 13). Les prières du prophète s’achèvent sur une note optimiste, quand bien même les tourments perdurent, appels et pensées complexes d’un juste souffrant s’inscrivant dans un monde de turbulences, où la relation au Dieu s’avère changeante mais ne s’efface pas457. Au nombre de cent cinquante, des prières individuelles et collectives sont dévoilées par le livre des Psaumes. Les prières dites « complaintes individuelles » constituent le corpus le plus développé458, les Psaumes de confiance appartiennent à ce même genre (Psaume 4 ; 11 ; 16 ; 23 ; 27 ; 62 ; 131), de même des passages liturgiques et de genre entremêlés (Psaume 19, 13 s. ; 36, 2-5 ; 77, 2-7 ; 94, 16-23 ; 119, 25 ; 119, 5…), de style libre (Psaume 52), d’actions de grâce (Psaume 41, 5-11 ; 66, 18b ; 116, 4bc…). Les complaintes individuelles peuvent constituer la conclusion de chants d’actions de grâce dans des parties de Psaumes (Psaume 40, 12. 14-18 ; 118, 25 ; 138, 8c). Parfois, elles composent la conclusion d’hymnes (Psaume 19, 13s. ; 104, 31-35 ; 139, 19…) ou de complaintes collectives (Psaume 77, 2-7 ; 94, 16-23 ; 123, 1). La poésie individuelle y foisonne dans tout son éclat : elle influence la piété collective et le poète s’y adonne à l’usage du « je » dans l’ensemble des textes. Le poème de lamentation suit un modèle récurrent, l’orant en appelle au Dieu, expose ses tourments, quémande son intervention et son assistance459 : « Lève-toi YHWH, viens à mon secours » (Psaume 3, 8), 457

K.M. O’CONNOR, « Lamenting Back to Life », Interpretation 47, 2008, pp. 34-47. H. GUNKEL, An introduction to the Psalms, 1998, p. 121 : Psaume 3 ; 5-7 ; 13 ; 17 ; 22 ; 25-28 ; 31 ; 35 ; 38-39 ; 42 ; 43 ; 51 ; 54-57 ; 59 ; 61 ; 63 ; 64 ; 69-71 ; 86 ; 88 ; 102 ; 109 ; 120 ; 130 ; 140-143. 459 W. BRUEGGEMANN, « The Formfulness of Grief », dans The Psalms and the Life of Faith, Minneapolis, Fortress Press, 1995, pp. 84-97. 458

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« Réponds-moi » (Psaume 4, 2), « Sois-moi favorable » (Psaume 4, 2), « Écoute mes cris suppliants » (Psaume 5, 3), « Aie pitié de moi car je suis abattu… mon âme est bien troublée » (Psaume 6, 3-4), « Écoute ma supplication » (Psaume 61, 2), et le questionne avec inquiétude : « Pourquoi te tiens-tu à l’écart et te caches-tu aux heures de détresse ? » (Psaume 10, 1). Parfois, en dépit de son sentiment d’abandon, le fidèle fait appel au Dieu concluant avec espérance : « Or moi, j’ai confiance en ta bonté, mon cœur est joyeux de ton secours » (Psaume 13, 6). Il interroge encore empli d’inquiétude : « Pourquoi te tiens-tu éloigné ? » (Psaume 10, 1), et prie : « Protège-moi » (Psaume 16, 1). Le poème émouvant du Psaume 22, 1-3, interpelle YHWH et le questionne en une accusation désespérée : « Mon Dieu, Mon Dieu, à quoi/pourquoi m’as-tu abandonné, loin de me porter secours, d’entendre mes paroles suppliantes ? Mon Dieu, j’appelle de jour et tu ne réponds pas, de nuit, et il n’est pas de trêve pour moi ». Dans certains de ces Psaumes, le poète use des verbes šāmar, « garder » et nāṣar, « protéger », les asociant par paire dans ses prières à YHWH (Psaume 12, 8 ; 25, 20-21 ; 140, 5), ainsi en témoigne le Psaume 140, 5 : « Garde-moi, ô YHWH des mains du méchant ! Protège-moi contre les hommes de violence, qui ont planifié ma chute »460. Il fait appel au pouvoir divin empreint de fidélité face à celui des malfaisants. Dans le Psaume 12, ces verbes figurent dans un contexte de prière de protection contre les « malfaiteurs », les ennemis, les mains des « méchants », les « violents » et la vilenie. Ces Psaumes dépeignent ainsi certains des dangers auxquels un être humain doit faire face461. Les Psaumes dits de « confiance individuelle », expriment une espérance de protection et de délivrance, où l’orant, afin de se rassurer, choisit de se réfugier auprès du Dieu, seul chemin à emprunter pour une vie dont les fondations s’avèrent alors inébranlables, car : « Il aime ce qui est juste : quiconque est droit contemplera sa face » (Psaume 11, 1. 7)462. Parfois il assure avec confiance et espoir : « L’nternel les aide et les délivre, il les délivre des méchants, il les sauve car ils se sont abrités en lui » (Psaume 37, 460

J.D. SMOAK, dans « ‘Prayers of Petition’ in the Psalms and West Semitic Inscribed Amulets : Efficacious Words in Metal and Prayers for Protection in Biblical Literature », JSOT 36/1, 2011, pp. 75-92, spéc. pp. 76-77, estime avec justesse que ce vocabulaire inscrit sur des amulettes fait partie d’une « réserve » de formules de protection employées dans la magie apotropaïque, et leur usage dans les Psaumes comporte ce même motif d’invocation du Dieu. 461 J.D. SMOAK, dans « May YHWH Bless You », p. 221, souligne les nuances entre les textes des Psaumes qui se réfèrent aux dangers comme faisant partie de sa prière, tandis que que la référence au danger dans l’amulette de Ketef Hinnom I s’inscrit comme l’expression se rapportant au pouvoir divin. 462 A. WEISER, The Psalms, pp. 146 sqq.

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40), « De lui vient mon salut » (Psaume 62, 2). Expressions de confiance, de paix et de sérennité traversent sa vie sous la protection divine : « Il restaure mon âme, me dirige dans les sentiers de la justice, en faveur de son nom » (Psaume 23, 1-6). Le poète affirme : « Car j’ai marché moi dans ton intégrité, et en YHWH j’ai mis ma confiance… Car ta bonté est devant mes yeux et je ne fais que marcher dans ta vérité » (Psaume 26, 2-3). Le psalmiste sait gré du soutien divin (Psaume 21, 2-8). Parfois, la première partie des prières expose l’action de grâce d’un souverain ou d’un chef militaire pour sa victoire sur ses ennemis : « Je rends grâce à YHWH de tout mon cœur » (Psaume 9, 2). Elle se poursuit par une plainte individuelle se combinant à une requête de soutien à YHWH. Ce poème, tout comme les Psaumes 8, 49 et 73, peut faire partie de la liturgie concernant les affligés et les êtres préoccupés par leur salut. Peutêtre s’agit-il même d’un Psaume concernant une communauté oppressée et souffrante463. Afin d’expliquer cette confiance, le psalmiste affirme en toute simplicité : « Je parle à YHWH, tu es mon Dieu » (Psaume 140, 7), ou bien : « Mais j’ai confiance en toi, YHWH, je dis : Tu es mon Dieu » (Psaume 35, 15), ou encore : « Tu m’exauceras » (Psaume 38, 16). Aucune déception ne semble possible : « Ceux qui espèrent en toi n’ont pas à rougir » (Psaume 25, 3 ; 71, 6. 17). Le Psaume 12, 7 choisit la paire de verbes « garder » et « protéger » dans une expression de confiance de l’orant, confirmant la capacité du Dieu à offrir sa protection. Ces deux verbes possèdent certainement la même valeur apotropaïque que lorsqu’ils sont employés sur des supports matériels, telles les amulettes de Ketef Hinnom. Le texte en explique les causes : « Le méchant ne trouve point accès auprès de toi… Tu détestes tous les artisans d’iniquité » (Psaume 5, 5-6). Souvent, le poète proteste de son innocence : « Protège mon âme, car je suis fidèle ; prête secours, toi, mon Dieu, à ton serviteur qui met sa confiance en toi » (Psaume 86, 2) ; « tu me mets à l’épreuve » (Psaume 17, 3). Il reconnaît ses erreurs : « Avant que je fusse humilié je m’égarais ; maintenant je suis attentif à tes discours » (Psaume 119, 67), et le privilège des épreuves afin de mieux apprendre les préceptes divins (Psaume 119, 71). Avec humilité il concède : « Je reste muet, je n’ouvre pas la bouche, car c’est toi qui as (tout) fait (Psaume 39, 10). Pris de remords, il se repent, espèrant le pardon divin : « Pardonne mon iniquité, si grande qu’elle puisse être (Psaume 25, 11), « Car mes fautes ont monté par-dessus ma tête ; comme un gros poids, elles pèsent lourdement sur moi » (Psaume 38, 5). Les requêtes suivent les plaintes (Psaume 13, 4-5 ; 56, 4 ; 69, 6). Les vers 23-32 du Psaume 22 composent un cantique ou hymne d’action de grâce, dont le fond peut surprendre. En effet, certain de sa délivrance ou de sa guérison à venir, le poète s’engage dès l’instant présent à 463

E.S. GERSTENBERGER, Psalms and Lamentations, Grand Rapids, Eerdmans, 2001.

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louer YHWH : sa foi a triomphé de l’adversité464. Le sentiment d’abandon qui l’étreignait si vigoureusement disparaît soudainement, aussi s’en explique-til : « Car il n’a point dédaigné, il n’a point méprisé la misère du malheureux ; il n’a pas caché de lui son visage, ni manqué de l’entendre quand il implorait ! C’est toi dont je célébrerai les louanges dans la grande assemblée… Que votre cœur renaisse à la vie pour toujours » » (Psaume 22, 25-27). Dans une autre prière, il exprime son besoin de se rassurer : « Ah ! Si je n’avais la certitude de voir la bonté de Dieu sur la terre des vivants » (Psaume 27, 13). ngalement action de grâces individuelle, exclamation de joie et de reconnaissance, récit de rédemption, le Psaume 34 permet au poète d’admettre avec soulagement : « J’ai cherché Dieu, il m’a exaucé ; il m’a délivré de toutes mes terreurs… Voici un malheureux, qui implore et YHWH l’entend ; il le protège contre toutes les souffrances » (Psaume 34, 5. 7). Le poète requiert : « Entre en lutte avec mes adversaires… Lève-toi pour me secourir. Brandis ta lance… dis à mon âme : « Je suis ton sauveur » (Psaume 35, 1-4). La recherche de la présence divine (Psaume 42, 3 ; 43, 4 ; 6, 5), de sa protection et, de son appui, constitue l’essentiel de ces textes, lesquels proclament que l’orant et/ou le peuple ne peut être sauvé que par la bénédiction divine et la droiture du Dieu sauveur (Psaume 24, 4)465. Aussi, l’exubérant Psaume individuel 148 est-il témoin des transports de joie du peuple après avoir été sauvé du désastre466. Le chanteur du poème individuel s’adresse à YHWH, il s’efforçe d’attirer son attention afin d’être délivré : « Regarde de grâce, exauce-moi » (Psaume 13,4 ; 80, 15), et exprime son espérance : « J’ai confiance en ta bonté, mon cœur est joyeux de ton secours » (Psaume 13, 8). Parfois accablé, le poète se met en scène dans une méditation poétique chantée, usant de l’invocation au Dieu : « Comme la biche aspire aux cours d’eau, ainsi mon âme aspire à toi, ô Dieu ! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand reviendrai-je pour paraître en présence de Dieu ? » (Psaume 42, 1-3). Une autre poésie exprime cette même préoccupation, et dans cet hymne au Dieu créateur l’orant supplie : « Bénis mon âme » (Psaume 104, 1). Tout comme Dieu créé toute chose, il préserve toute vie : la vie et la mort évoquent son pouvoir. Le perpétuel processus de re-création par un Dieu éternel permet au psalmiste de ne pas s’arrêter à la tragédie de la mort, mais non dans un optimisme frivole. En effet, le poète reconnaissant avec une joie infinie la splendeur de la nature offerte par YHWH sait qu’elle peut se doter de limites, 464

S. TERRIEN, The Psalms, p. 233. F. LINDSTRÖM, Suffering and Sin, Interpretation of Illness in the Individual Complaint Psalms, pp. 386 sqq. 466 E.S. GERSTENBERGER, « Modes of Communication with the Divine in the Hebrew Psalter », pp. 103 sqq. 465

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aussi fait-il ce voeu : « Que la gloire de YHWH dure à jamais ! Que YHWH se réjouisse de ses œuvres ! Il regarde la terre, et elle vacille ! Il effleure les montagnes, et elles fument ». Il prie : « Je veux chanter YHWH ma vie durant, célébrer mon Dieu tant que j’existerai. Puisse mon cantique lui être agréable ! Moi je me délecte en YHWH », et navré, constate le mal commis par les malfaisants qu’il maudit : « Que les méchants ne soient plus » (Psaume 104)467. Parmi ces lamentations individuelles, dont l’objet prend sa source dans le repentir et la pénitence, le Psaume 51, chant de confession, est attribué au roi David ou lui est dédié468. Ce poème se réfère à la sombre affaire unissant Bethsabée, Urie le Hittite et le souverain (2 Samuel 11, 1-27). Ce dernier, après avoir séduit Bethsabée déjà unie à Urie le Hittite, l’envoie à la guerre espérant sa disparition. À ce moment, le roi épouse Bethsabée qui lui donne un fils. Indigné, YHWH envoie le prophète Nathan au souverain, qui lui conte une parabole et lui rapporte les termes de l’ire divine. Aussi, après sa supplication afin d’obtenir sa grâce : « Prends-moi en pitié ô YHWH dans la mesure de ta bonté », David reconnaît-il devant Nathan : « J’ai péché envers le Seigneur » (2 Samuel 12, 13). Ce Psaume exprime un repentir aux accents authentiques : « Prends-moi en pitié, ô Dieu, dans la mesure de ta bonté ; selon la grandeur de ta clémence, efface mes fautes… Car je reconnais mes fautes, et mon péché est sans cesse sous mes regards ». Contre toi seul j’ai failli, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux… » (Psaume 51, 5-6). Avec une immense humilité, il implore le Dieu de le purifier, le régénérer : « Puisse-tu me laver, afin que je sois plus blanc que neige… Détourne ton visage de mes péchés, efface toutes mes iniquités ». Purifié, il sollicite : « Ô YHWH, crée en moi un cœur pur, et fais renaître en mon sein un esprit droit. Ne me rejette pas de devant ta face, ne me retire pas ta sainte inspiration… Rends-moi la pleine joie de ton secours » (Psaume 51, 12-14). Complainte individuelle également, le Psaume 69 se compose d’un émouvant appel à l’aide divine en raison de la détresse de l’orant. La mort le menace, des ennemis en veulent à sa vie : « Les buveurs de liqueur forte me chansonnent… Je suis dans la détresse, hâte-toi de m’exaucer. Approche-toi de mon âme, sauve-la ; à cause de mes ennemis tire-moi du danger » (Psaume 61, 13. 18-19). Le poète ne doute aucunement de l’appui divin, bien au contraire il réclame le châtiment de ses ennemis : « Déverse sur eux ton courroux… Qu’ils soient effacés du livre des vivants, et que parmi les justes ils ne soient point inscrits » (Psaume 69, 29). Le texte conclut : « Car YHWH prête l’oreille aux malheureux et ses captifs il ne les dédaigne point… » (Psaume 69, 34). 467 468

A. WEISER, The Psalms, A Commentary, p. 670. S. TERRIEN, The Psalms, p. 403.

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nmu, il constate reconnaissant : « Il restaure mon âme » (Psaume 23, 3) ; « Tu m’as relevé ; tu n’as pas réjoui mes ennemis à mes dépens. Je t’ai invoqué et tu m’as guéri ; Seigneur, tu as fait remonter mon âme du shéol, tu m’as permis de vivre » (Psaume 30, 1-4). Si auparavant, le fidèle pouvait s’enorgueillir de sa vigueur, il réalise qu’elle est dûe à la grâce divine uniquement lorsque YHWH la lui retire. De par cette expérience, il perçoit la cause de ce retrait dû à l’ire divine devant ses péchés, dont l’objet n’est pas de détruire mais d’éduquer, aussi prie-t-il avec ardeur son allié divin (Psaume 30)469. Psaume royal de confiance et de protection, le Psaume 27, tout comme le Psaume 40, s’ouvre sur ce sentiment absolu exprimé par le souverain représentant l’ensemble de la communauté : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? Le Seigneur est le rempart qui protège ma vie : qui redouterais-je » (Psaume 27, 1). Il est suivi par le contenu même de la prière, où le monarque exprime son désir de préserver une relation personnelle avec YHWH470, sans l’invoquer : « Il est une chose que je demande au Seigneur, que je réclame instamment, c’est de séjourner dans la maison de YHWH tous les jours de ma vie » (Psaume 27, 4). ngalement royal s’il en est, le Psaume dit de Salomon (72), dépeint les requêtes du souverain afin de régner en monarque juste et intelligent : « Ô YHWH, inspire au roi tes sentences équitables, ta justice au fils du roi. Qu’il juge ton peuple avec droiture, et tes pauvres avec loyauté ! Que les montagnes soient fécondes en paix pour le peuple… » (Psaume 72, 1-3). Responsable et soucieux de la justice sociale tout autant que de l’équité entre les habitants du pays, il ajoute : « Qu’il fasse droit aux pauvres du peuple, qu’il prête son assistance aux fils de l’indigent et accable celui qui use de violence » (Psaume 72, 4). Puis le poème s’achève sur une bénédiction du Dieu : « Loué soit le Seigneur Dieu, le Dieu d’Israël, qui seul accomplit des merveilles ! Loué soit à jamais son nom glorieux ! Que toute la terre soit remplie de sa majesté ! Amen et Amen » (Psaume 72, 18-19). Il est une particularité de certaines lamentations, nationales ou individuelles : elles laissent une large place à la peinture de l’inquiétude, de la détresse et de la douleur sous toutes ses formes, tant physiques que morales et psychologiques. L’ensemble de ces chants ont été composé dans des situations de tragédie, de menaces, de désastre, de danger et de terreur. L’orant interpelle le Dieu avec lyrisme, il use de métaphores tragiques souhaitant requérir son attention. Il en espère son salut : « Que ma prière monte jusqu’à toi ! Incline l’oreille à ma plainte. Car mon âme est rassassiée de maux, et ma vie touche 469

A. WEISER, The Psalms, A Commentary, pp. 270-274. S. MOWINCKEL, The Psalms in Israel’s Worship, Oxford, Blackwell, 1967, pp. 238-239. 470

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au bord du shéol », supplie le poète dans une complainte, peut-être un poème liturgique (Psaume 88, 4). Ce texte développe le thème symbolique d’un homme atteint par de nombreux maux et se mourant, il : « ressemble aux cadavres couchés dans la tombe… Tu m’as plongé dans un gouffre profond, en pleines ténèbres, dans les abîmes... ». Il reproche : « Tu me présentes à eux comme un objet d’horreur… Mes yeux se consument de misère… Sur moi tes colères ont passé, tes épouvantes m’ont anéanti » (Psaume 88, 6. 9-10. 17). Le fidèle du Psaume 69, victime d’oppresseurs et de blasphémateurs, semble tout autant vivre ces cauchemars éveillés : souffrances physiques, morales, rejet par ses proches, lui sont imposés. En dépit de cet acharnement, il ne manque pas de célébrer le Dieu et de conserver l’espoir (Psaume 16, 10 ; 49, 16). Privé de communication avec YHWH, il s’adresse à son âme en une sorte de dialogue avec lui-même et constate désespéré par cet abandon : « Pourquoi es-tu affaissée mon âme ? » (Psaume 42, 6). Empli d’espérance, il avait auparavant rappelé : « Sa face apporte le salut » (Psaume 42, 6). Plaintif, il dépeint les horreurs et la violence vécue : « Le gouffre appelle le gouffre, au bruit de tes cascades ; toutes tes vagues et tes ondes ont passé sur moi » (Psaume 42, 8). Il ne saisit pas les raisons de l’abandon divin : « Je dis à YHWH qui est mon rocher : « Pourquoi m’as-tu oublié ? » (Psaume 42, 10), puis s’adressant à nouveau à lui-même, conclut sur une note positive, répétition du verset 6c : « Mets ton espoir en YHWH, car j’aurai encore à le louer, lui » (Psaume 42, 12). Après avoir prié celui qu’il nomme : « mon roc et ma forteresse » (Psaume 18, 3) de ne pas l’abandonner, en souvenir des souffrances et des brimades passées, il patiente : « Toi qui m’as fait voir des épreuves nombreuses et cruelles, à nouveau tu me rendras la vie, à nouveau tu me feras remonter du fonds des abîmes. Tu accroîtras ma grandeur, et tu te retourneras vers moi pour me consoler » (Psaume 71, 20-21). Dépeignant d’effroyables peines : « À force de pousser des gémisements, mes os se sont collés à ma chair » (Psaume 102, 6), conséquences de l’ire divine, l’orant supplie afin d’obtenir la divine pitié. Liées à des désastres nationaux, naturels, ou conséquences de guerres, des lamentations collectives spécifiques ou Psaumes de lamentation, sont composées à cette occasion afin d’implorer le regard et l’aide divine. Parmi celles-ci, un Psaume fait œuvre d’historien, qui rappelle l’œuvre divine en faveur de son peuple : « De nos oreilles nous l’avons entendue, nos pères nous l’ont racontée, l’œuvre que tu as accomplie de leurs jours aux temps antiques » (Psaume 44, 2), qui contraste tant avec les temps présents et les afflictions vécues, dont la défaite militaire : « Pourtant tu nous rejetés et humiliés et tu n’accompagnes plus nos armées… Tu nous livres comme des troupeaux dont on se nourrit… Tu fais de nous un objet d’opprobre pour nos voisins » (Psaume 44, 10. 14). Le poète rappelle l’histoire de son peuple afin d’exprimer

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sa certitude que l’aide divine peut toujours être présente471. Pour autant, la communauté dans une confession négative, ne perçoit pas les causes de ce rejet et justifie cette incompréhension par l’omniscience divine : « Tout cela nous est advenu, sans que nous t’ayons oublié, sans que nous ayons trahi ton alliance. Notre cœur n’a pas rétrogradé, ni nos pas n’ont dévié de ton chemin… Si nous avions oublié le nom de notre Dieu, étendu les mains vers un dieu étranger, est-ce que Dieu ne l’aurait pas constaté, puisqu’il connaît les secrets du cœur ? » (Psaume 44, 18-22). Aussi, au désespoir, supplie-t-il, usant de ce stéréotype du sommeil, image de l’abandon : « Réveille -toi donc ! Pourquoi demeures-tu endormi YHWH ? Sors de ton sommeil… Lève-toi pour nous venir en aide ! » (Psaume 44, 23-27)472. Dans ce contexte, l’image du Dieu dormant qui se réveillera à l’appel de son peuple conforte le concept d’un dieu qui ne l’abandonnera pas, afin de maintenir l’ordre du monde473. Invoquant avec force YHWH, le Psaume 79 lui rappelle que seul son peuple évoque son nom : « Viens à notre secours, YHWH de notre salut, par égard pour l’honneur de ton nom, à cause de ton nom, délivre-nous, pardonne nos péchés » (79, 9). Tout autant lamentation nationale, le Psaume 74, mentionne les mêmes reproches : l’abandon du peuple, son oubli, des adversaires violents et cruels, vainqueurs aux dépens des Judéens et, les mêmes questionnements : pourquoi Dieu délaisse-t-il son peuple et jusqu’à quand en sera-t-il ainsi. Le poème, fait appel au bras de Dieu aux fins d’agir comme lors de la création ou de l’exode (Psaume 74, 2. 12-17). Le texte apporte des justifications identiques, reconnaissant les miracles accomplis par Dieu en faveur de son peuple et son œuvre de créateur et conclut : « N’aie garde de l’oublier… Ne livre pas aux bêtes la vie de ta tourterelle… Tiens compte de l’alliance… Lève-toi ô Dieu, défends ta cause » (Psaume 74, 18-20. 22). Après un long texte d’action de grâce, le Psaume 89 accuse : « Et pourtant tu l’as délaissé, rejeté, ton élu… Tu as rompu l’alliance de ton serviteur » (Psaume 89, 39-40), puis questionne : « jusqu’à quand ? Souviens-toi… « (Psaume 89, 50-51). S’adressant au peuple, le poète se propose de lui rapporter le passé : « À la génération la plus reculée, nous voulons raconter les œuvres glorieuses de YHWH, sa puissance et les merveilles qu’il a accomplies » (Psaume 78, 4). Aussi, développe-t-il la narration de la libération d’ngypte. Mais après que YHWH ait délivré son peuple, rebelles, ils doutent et cessent d’observer ses statuts. Le châtiment ne se fait pas attendre, et YHWH le laisse détruire. Mais 471

W. OESTERLEY, The Psalms, p. 247. Selon L. SABOURIN, Le livre des Psaumes, Paris, Montréal, 1988, Le Cerf, pp. 220221, il semblerait que les représentants de la nation s’expriment dans cette prière. 473 B.F. BATTO, « The Sleeping God », pp. 169-171, rappelle que les Psaumes 7 ; 35 ; 44 ; 59 et 74 évoquent ce même thème du Dieu dormant ou sortant de son sommeil. 472

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il se réveille, choisit Juda et David pour être le pasteur de son peuple (Psaume 78, 72). Lamentation interpellant la communauté, le Psaume 14 promet le châtiment : « Car YHWH est avec la race des justes », et le retour vers le meilleur. De même, adoptant la forme d’exhortations prophétiques, le Psaume 50, annonce un jugement et des instructions d’influence prophétique. Le plus souvent, les lamentations collectives sont de nature politique (Psaume 44, 10-17. 20. 23-25 ; 60, 3-5. 12 ; 80, 5-7. 13 ; 83, 3-9 ; 85, 6 ; 89, 39-46 ; 123, 3). Elles brossent un tableau dramatique de la réalité (Psaume 79, 3 ; 94, 5), dont arrogants, malfaisants et criminels sont responsables. Ces infortunes sont conçues comme les conséquences du courroux divin (Psaume 60, 3 ; 74, 1 ; 79, 5 ; 80, 5 ; 85, 6 ; 89, 47). Si la majorité de ces chants ne semble pas connaître le remords ou le repentir de ces malfaisants, ils s’achèvent sur une note optimiste, la certitude d’avoir été entendus, et d’être délivrés par le Dieu vivant. Cette collection de textes témoignant d’une poignante spiritualité, tant dans la forme que le fond, a joué un rôle dans le culte de différentes communautés, dont les genres se rattachent à des cérémonies diverses. Les conditions sociales et historiques ont été déterminantes, tant dans cette litérature que dans certaines formes du culte. Certains parmi ces textes instruisent les membres de la communauté de leur histoire (Psaume 78 ; 105 ; 106 ; 136), de leurs traditions, d’autres prennent pour centre d’intérêt la Torah, se préoccupent d’une vie sainte et de son aspect transitoire (Psaume 1 ; 19 ; 39 ; 49 ; 90 ; 119), se focalisent sur l’expérience de l’injustice sociale (Psaume 13 ; 73 ; 102), ou les questions agricoles (Psaume 65). Les thèmes de la vie quotidienne et de l’exceptionnel se côtoient, qu’il s’agisse de poèmes individuels ou communaux. Le besoin et la recherche du contact avec le Dieu s’y expriment dans toutes les occurrences de la vie, lors de moments de maladie, de danger, de calamités et d’épreuves, mais aussi de joie et ou de fêtes474. Leur contexte se relie aux demandes d’actes de sauvetage du Dieu, conséquence des appels de détresse de son peuple. Le rôle du monarque se fait prégnant. De fait, ces poèmes peignent des situations, des sentiments et des émotions vécues par les membres de la communauté, en écho au monde réel, ils témoignent des conceptualisations théologiques du Dieu vivant475. Ces poèmes s’inscrivent dans une relation dynamique d’échanges et de 474

E.S. GERSTENBERGER, « The Psalms : Genres, Life Situations, and Theologies Towards a Hermeneutics of Social Sratification », dans J.S. Burnett, W.H. Bellinger Jr et W. Dennis Tucker Jr éd., Diachronic and Synchronic Reading the Psalms in Real Time : Proceedings of the Baylor Symposium on the Book of Psalms, New York, Londres, T et T Clarck, 2005, pp. 81-92. 475 E.S. GERSTENBERGER, « Life Situations and Theoloigcal Concepts of Old Testament Psalms », pp. 82-92.

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réciprocité : le plus souvent la rencontre entre le « Je » et le « Vous » qu’emploie le Dieu476, traces de l’engagement et de la responsabilité de chaque côté. De sépulcres judéens de la période du Fer, des inscriptions révèlent également des textes de prières gravés dans la pierre. En particulier, incisées sur les murs de la tombe de Khirbet Beit Lei, et parmi trois d’entre elles, l’une pourrait être un refrain de Psaume477, et les deux autres sont des prières adressées à YHWH, auquel elles se réfèrent comme Elohim, qui en espèrent la délivrance478. Leur appel à la protection et à la délivrance fait écho à des Psaumes évoquant le shéol et la mort (Psaume 16, 9-10 ; 18, 1-5 ; 30, 1-3 ; 49, 13-15 ; 86, 1-13). Le verbe yāšaʽ, « aider/sauver/délivrer » s’applique également dans des contextes de demande de protection contre des persécuteurs (Psaume 7, 1), des méchants (Psaume 37, 40), des adversaires (Psaume 59, 2). Le Psaume 86, évoque cette demande au sujet de l’âme de l’orant, usant du verbe nāṣal, « délivrer/protéger/sauver », au verset 13, pour constater l’action de la protection divine : « Tu as sauvé mon âme du shéol ».

476

W. BRUEGGEMANN, « Psalms as Subversive Practice of Dialogue », dans J.S. Burnett, W.H. Bellinger Jr et W. Dennis Tucker Jr éd., Diachronic and Synchronic Reading the Psalms in Real Time : Proceedings of the Baylor symposium on the Book of Psalms, Londres, T et T Clarck, 2005, pp. 3-25. 477 A. LEMAIRE, « Prières en temps de crise », p. 560, date ces inscriptions des débuts du VIIIè siècle ; idem, « ‘Le Dieu de Jérusalem’ à la lumière de l’épigraphie », sous la direction de C. Arnould-Béhar et A. Lemaire, Jérusalem Antique et Médiévale : Mélanges en l’honneur d’Ernest-Marie Laperrousaz, Louvain, Peeters, 2010, pp. 4958. P.D. MILLER, « Psalms and Inscriptions », dans J.A. Emerson éd., Congress Volume Vienna 1980, Leyde, Brill,1981, pp. 311-332 ; idem, They Cried to the Lord ; the Form and Theology of Biblical Prayer, Minneapolis, Augsbourg, 1994, pp. 55134 ; idem, Israelite Religion and Biblical Theology : Collected Essays, Sheffield, Sheffield Academic Press, 2000, pp. 210-232. Il considère ce langage comme comparable à celui de Jérémie, du Second Isaïe et des Psaumes 44 ; 69 ; 74 et 79. Z. ZEVIT, The Religions of Ancient Israel, p. 405, par comparaison avec les tombes de Tel Eitun, Khirbet el-Qôm, et Saint Etienne, constate leur similarité, il propose de dater cette tombe des IXè-VIIè sècles. Il constate également que les inscriptions ne révèlent ni nom personnel, ni prière concernant les défunts, pp. 435-436. 478 J. NAVEH, « Old Hebrew Inscriptions in a Burial Cave », IEJ 13, 1963, p. 74-92, attribue ces inscriptions à la période de la campagne assrienne en Juda au VIII è siècle, puis au VIè siècle en raison de la paléographie. F.M. CROSS, « The Cave Inscription from Khirbet Beit Lei » dans J.A. Sanders éd., Near Eastern Archaeology in the Twentieth Century : Essays in Honor of Nelson Glueck, Garden City , New York, Doubleday, 1970, p. 229-306, date ces inscriptions de la fin du VIè siècle.

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L’emploi de ces verbes se met ici au service du concept de protection et de délivrance de l’au-delà exprimant le retour à la vie. Face à l’entrée de la tombe à l’ouest, deux inscriptions (5 et 6) ont donné lieu à des hypothèses variées quant à leurs traductions et interprétations479. Sur le mur nord, une courte inscription (7) se révèle, dont les lectures sont dissemblables. La reconstitution : hwšʽ [y]hwh, « sauve (nous) ô YHWH » regroupe divers avis480. L’invocation « sauve », à la fonction protectrice, figure comme incipit dans des Psaumes de lamentation, elle est souvent associée à la mort, au puits, au shéol481. Ce stéréotype s’applique aux requêtes d’aide et/ou de protection. Ces inscriptions reflètent la foi en YHWH, dont les actions en réponse à l’invasion assyrienne sont souhaitées et attendues. Cette tombe dévoile également des personnages incisés sur les murs, peut-être un joueur de lyre à moins qu’il ne s’agisse d’un homme à l’arc (mur nord, groupe 2)482, un autre portant une robe ornée de bandes diagonales et 479

La traduction par J. NAVEH est la suivante (Inscription 5 et 6) : « YHWH (est) le Dieu de toute la terre ; les montagnes de Juda lui appartiennent, au Dieu de Jérusalem. Le Mont Moriah, tu l’as favorisé, la demeure de YAH, YHWH », « Old Hebrew Inscriptions », pp. 84-85, et « Hebrew Graffiti from the First Temple Period », IEJ 51, 2001, pp. 197-198. F.M. CROSS propose : « Je suis YHWH ton Dieu : J’accepterai les villes de Juda et je rachèterai Jérusalem. Pardonne (nous), ô YHWH, « The Cave Inscriptions from Khirbet Beit Lei », 1970, pp. 300-302. A. LEMAIRE traduit : « YHWH est Dieu de toute la terre ; les montagnes de Juda appartiennent au Dieu de Jérusalem. Intervient Dieu miséricordieux, Pardonne Yh-YHWH », « Prières en temps de crise », pp. 558-560. Z. ZEVIT propose : « YHWH mon Dieu, a révélé/mis à nu son pays, il a mené une terreur pour son bien sur Jérusalem. La source a frappé la main. Pardonne la main, YHWH », The Religions of Ancient Israel, pp. 421-427. 480 J. NAVEH, « Old Hebrew Inscriptions », p. 86 ; F.M. CROSS, « The Cave Inscriptions from Khirbet Beit Lei », 1970, p. 302 ; A. LEMAIRE, « Prières en temps de crise », p. 561 ; A. MANDELL et J.D. SMOAK, « Reconsidering the Function of Tomb Inscriptions in Iron Age Judah : Khirbet Beit Lei as a Test Case », JANER 16, 2016, pp. 192-245, spéc. p. 234. Z. ZEVIT, The Religions of Ancient Israel, pp. 429430, ne lit pas le nom divin, mais hwh, « Sauve. Destruction ». 481 Selon A. MANDELL et J.D. SMOAK, dans « Reconsidering the Function of Tomb Inscriptions », pp. 240-241, l’inscription (5 et 6), identifie cette tombe à chambres comme appartenant au royaume du Dieu de Jérusalem et des montagnes de Juda. 482 A. LEMAIRE, « Prières en temps de crise », particulièrement p. 560, propose d’interpréter les différentes représentations de la tombe comme des aspects de l’invasion assyrienne, auxquels correspondent les malédictions gravées sur les murs. Z. ZEVIT, y perçoit une silhouette féminine semblable à la représentation de Kuntillet ʽAjrud, dans The Religions of Ancient Israel, pp. 412-413.

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une coiffure comportant deux bandes en hauteur (mur ouest, groupe 4), un troisième porte également une tenue rayée, il pourrait aussi représenter un orant (mur sud groupe 6). Ainsi, ces trois représentations présentent-elles, peut-être, trois postures d’orants dans l’antichambre de la tombe483. Leur ensemble atteste et confirme la croyance dans les pouvoirs du Dieu sur l’espace de l’au-delà et des tombes.

TECHNIQUES « PROFESSIONNELLES » Les toummîm et les ourîm Ils sont évoqués en Exode 28, 30, qui les définit comme « L’oracle/le destin/le jugement des enfants d’Israël ». Si leur nature n’est pas détaillée par les textes484, dont on ne sait en quoi ils consistent, ils apparaissent comme un instrument/objet permettant d’interroger le Dieu et d’en obtenir, à l’aide du prêtre qui les porte sur sa poitrine lorsqu’il se présente devant YHWH, une réponse concernant des affaires en deçà des connaissances humaines485. Parmi les règles divines à respecter, figure cette exigence transmise à Moïse : « Tu ajouteras au pectoral du jugement les ourîm et les toummîm, pour qu’ils soient sur la poitrine d’Aaron lorsqu’il se présentera devant Dieu… Aaron portera ainsi le destin des enfants d’Israël sur son cœur/sa poitrine, devant le Seigneur constamment » (Exode 28, 30). Le Lévitique 8, 8, confirme et met en scène Moïse : « Il posa sur lui (Aaron) le pectoral et ajouta au pectoral les ourîm et les toummîm ». Moïse, homme de Dieu, peu avant sa fin et lors de sa dernière bénédiction évoque la transmission de : « Tes toummîm et tes ourîm à l’homme qui t’es dévoué » (Deutéronome 33, 8). Avec le retour à Jérusalem, Esdras interdit aux descendants des prêtres n’ayant pas retrouvé leurs « tables de généalogie » et déchus du sacerdoce, de manger « des choses éminemment saintes, jusqu’au jour où officierait (de nouveau) un prêtre portant les ourîm et les toummîm » (Esdras 2, 63 ; Néhémie 7, 65). Une narration en dépeint quelques aspects, dont la nomination de Josué à la tête des Hébreux, à la suite de Moïse (Nombres 27, 21), lequel devra se présenter devant le pontife Eléazar : « Qui ΍ual, « interrogera » pour lui : bemiÎepaÓ huûrîm, « l’oracle/le jugement des ourîm » devant YHWH : c’est : tal pîw, « à sa bouche/voix » qu’ils partiront, à sa voix qu’ils rentreront …

483

A. MANDELL et J.D. SMOAK, « Reconsidering the Function of Tomb Inscriptions », p. 232. 484 D.I. BLOCK, « Deborah among the Judges », p. 240. 485 U. CASSUTO, A Commentary in the Book of Exodus, Jérusalem, Magnes Press, 1967, p. 380.

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»486. Cette procédure paraît être celle employée afin de découvrir la cause de l’anathème divin (Juges 7, 18). Diverses occurrences de consultation divine sont attestées, ainsi, en Juges 1, 1 où la réponse ne se fait pas attendre, sur le thème de la bataille contre les Cananéens. Les textes ne manquent pas de dévoiler divers moyens d’accès à une réponse divine, qu’il s’agisse des songes, des ourîm ou des prophètes. Néanmoins, parfois, seul le silence s’impose lors d’une consultation. Ainsi, lorsque Saül interroge Dieu, il ne lui est pas répondu : « Ni par les songes, ni par les ourîm, ni par les prophètes » car Dieu a déjà résolu son destin (1 Samuel 28, 6).

Le tirage aux sorts Cette technique oraculaire, attestée soixante-dix-huit fois dans les textes, et employée par les prêtres ou d’autres individus, permet de décider par les sorts ou gôrl. Leur usage en qualité de technique d’ordalie permet de démasquer des coupables. Ce terme évoque également la destinée, et ce qui est donné par le sort (Psaume 16, 5 ; Juges 1, 3 ; Daniel 12, 13). L’exemple du tirage aux sorts par deux fois l’assure, alors que le souverain Saül, par l’intermédiaire du prêtre, souhaite savoir s’il doit poursuivre les Philistins. Mais aucune réponse n’est apportée à ce questionnement en raison d’un péché non châtié (1 Samuel 14, 37). Enfin, le coupable, Jonathan fils de Saül, est démasqué par les sorts (1 Samuel 14, 36-42). Les sorts peuvent désigner tribus et familles afin d’en extirper les voleurs (Josué 7, 13-14. 17-18). Cette technique divinatoire est également employée par David interrogeant Dieu afin de savoir s’il vaincra les Philistins (1 Samuel 23, 2. 4). Ainsi, cette méthode apporte une réponse divine à des questionnements de toutes sortes. À la suite du viol répété de la concubine du lévite ayant mené à sa mort, cette technique du « tirage aux sorts » détermine le nombre d’hommes chargés de subvenir aux besoins du peuple, tandis que les autres conduiront la guerre contre les Benjaminites (Juges 20, 9-10). Puis, par trois fois, le récit répète que les fils d’Israël « montent » à Béthel afin de consulter le Seigneur et savoir qui doit marcher le premier contre eux (Juges 20, 18. 23. 27). À cette époque, l’arche d’alliance y est installée et Phinhéas, le fils d’Éléazar fils d’Aaron est présent, qui interroge YHWH, aussi les Israélites s’enquièrent-ils de savoir s’ils doivent à nouveau aller en guerre, ou cesser les hostilités (Juges 20, 27-28). YHWH répond : « Marchez, car demain je le mettrai en votre puissance » (Juges 20, 28). La parole divine si rassurante se fait soutien, aussi les Israélites organisent-ils leur bataille avec d’autant plus d’intelligence stratégique et YHWH : « Fit succomber Benjamin » (Juges 20, 35). Le récit des aventures de Jonas témoigne également de l’emploi de ce 486

Selon F.H. CRYER, Divination in Ancient Israel and its Near Eastern Environment, p. 276, cette technique présuppose une réponse binaire.

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même moyen par les marins du navire sur lequel s’est réfugié le prophète, lequel pense ainsi échapper au Dieu (Jonas 1, 7) : weaepîlh gôrlôt wen¥de‘h beÎelemî hr‘h haz¿’t lnû wayyapilû gôrlôt wayyip¿l hagôrl ‘al yônh : « Voyons tirons au sort afin de connaître celui qui nous attire le malheur. Ils tirèrent au sort et le sort désigna Jonas » (Jonas 1, 7). Après que Jonas ait été jeté à la mer par ces marins, sa fureur se calme, et ces hommes offrent des sacrifices et des vœux en l’honneur du Dieu (Jonas 1, 15-16). Cette technique du tirage des sorts apparaît comme se tenant sous les auspices divins. Parmi les prophètes, nzéchiel (24, 6), évoque l’impossibilité pour Jérusalem, que le « sort ait à intervenir à son sujet », qui est d’ores et déjà fixé et, dont la destruction est imminente. D’autres techniques sont également connues. Inspirés, interprètes de signes et magiciens sont attestés (Deutéronome 33, 8-10 ; Juges 18, 30 ; Nombres 12, 6-8 ; Deutéronome 34, 10 ; Osée 12, 14), tels Aaron (Exode 4, 14 ; Nombres 12, 2), et Samuel (1 Samuel 1, 3). Leur liste figure en Deutéronome 18, 9, qui n’omet pas d’interdire les augures, la divination et/ou la magie, et l’évocation par la nécromancie des défunts. Parmi les divers exemples, se raillant du peuple superstitieux, le prophète Osée le critique narquois, car il : « Demande des oracles à son be‘¥ṣô, « morceau de bois », le considérant tel un objet divinatoire. Le prophète ajoute avec humour que le peuple : « Est informé par son bâton » (4, 12). Peut-être s’agit-il de rhabdomancie487. Et Habacuc (2, 18-19), dépeint également ceux qui attendent d’un morceau de bois qu’il les guide ! La magie conserve son rôle prégnant, quels que soient les interdits. Les lieux sacrés dédiés aux rencontres usuelles et exceptionnelles entre le Dieu et/ou ses représentants et le peuple, offrent une forme concrète à ces liens. Néanmoins, avec la destruction du Temple au VIè siècle et la déportation à Babylone, des dévastations de cités et une rupture politique, apparaît une réalité plus complexe. Le départ du Temple n’implique pas l’absence du Dieu, au contraire488. L’espace du sanctuaire s’avère en effet à peine utile, les prophètes l’expriment avec habileté car le Dieu dans sa constance accompagne son peuple en exil, qui affirme dorénavant sa présence en tous lieux. L’évolution de la spiritualité s’impose et l’adaptation à cette nouvelle situation s’est faite lors de ces évènements. Les intermédiaires, humains ou supra-humains, restent confinés au service du Dieu, acteurs et messagers. Les humains, prêtres, lévites, héros et 487

D. STUART, Hosea-Jonah, Nashville, Zondervan, 1987, p. 81 ; W. RUDOLPH, Hosea, Gütersloh, Gerd Mohn, 1966, p. 110 ; E. JACOB et al., Osée, Joël, Abdias, Jonas, Amos, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1965, pp. 40-43, partagent cette hypothèse. 488 FRETHEIM, The Suffering of God, p. 60.

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prophètes, désignés par le Dieu, se voient imposer une apparence et un rôle tout particulier, sous sa surveillance, aucune erreur n’est admise, punie par la perte de la vie. Le sacré, dangereux pour qui s’en approche lorsqu’il n‘y est pas convié et n’y a pas de rôle, s’y complait par le détour de symboles.

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CONCLUSION Présent et accessible par les multiples procédés évoqués et dépeints dans l’espace de ses représentations, le Dieu s’exprime en faveur des individus et/ou de son peuple, ou bien afin de le châtier et/ou vaincre ses ennemis. Révélations, paroles et actes, menaces, signes et symboles, silence et retrait constituent des moyens d’intervention auxquels s’ajoutent les éléments naturels utilisés comme outils et/ou armes de démonstration et d’interventions. À tout moment et en tout lieu, la présence divine se révèle accompagnatrice « au milieu du cosmos et au cœur de l’histoire »489. Le plus souvent, le Dieu se fait seconder par des personnages distingués puis désignés dans des circonstances exceptionnelles. Dans sa relation privilégiée à ces fragiles héros si peu sûrs d’eux, il les conforte et les réconforte, les assurant et les rassurant, qui leur démontre sa présence auprès d’eux. Ses messagers peuvent être des humains ou bien des êtres surnaturels. Exigeant, mais également attentif, soucieux et actif, ses qualités sont mises en lumière au cours de ses nombreuses interventions et de ses actions attendues ou non. Au cours du temps, ses paroles et ses actes sont planifiés, reliés à des moments particuliers, ils s’ancrent dans ses desseins, dont la création d’un peuple organisé autour de sa présence, de ses symboles, de ses lois, et de son inscription dans l’histoire. Il s’ingère également ponctuellement lorsqu’il estime nécessaire sa présence et son action, alors que les hommes s’engouffrent dans des voies erratiques. Bien que ses interventions soient limitées, elles laissent place à la prise de conscience et à une attitude de remise en cause, suivies par l’abandon d’erreurs et/ou de péchés. Parfois, Dieu se retire en apparence dans une forme d’absence, se cache, s’éloigne, se détourne selon qu’il est fâché et/ou déçu490. Mais sa colère qui en est la juste cause et les châtiments qui en sont la conséquence atteignent des confins s’inscrivant dans un espace-temps toujours fini. Les péchés de son peuple l’éloignent à peine un moment, toutefois la prise de conscience du mal accompli permet le pardon et le retour de Dieu. En effet, il exige une conduite se conformant à des règles de morale et d’éthique tant dans l’univers social que dans sa relation avec les humains dont les niveaux diffèrent. Le Dieu fait grâce avec magnanimité et rend à son peuple son intérêt. Quelquefois, il considère que les circonstances ne requièrent pas sa présence car les humains, en raison du libre-arbitre qui leur est accordé, doivent aussi assumer leurs responsabilités, apprendre à déchiffrer et critiquer leurs agissements puis revenir sur ces attitudes. De fait, le Dieu se lasse aussi 489 490

M. GIRARD, Les symboles dans la Bible, p. 326. H. NUTKOWICZ, « Le Dieu disparu dans la Bible ».

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à certains moments de ces conduites déviantes qu’elles soient sociales, morales, éthiques, religieuses et/ou politiques, qui reconnaît cependant les faiblesses humaines et accorde sa clémence. Ses « absences », ou perçues comme telles, ne sont jamais définitives et leur rôle apparaît clairement : il implique la lucidité et la critique. La présence divine se déduit également de ce détournement ou de ce désintérêt toujours momentané. La mémoire et la conscience humaine de sa réalité en sont les corollaires. Lors de l’exil, la croyance en sa présence s’affirme hors du Temple de Jérusalem et du royaume de Juda. Et quand bien même le formalisme usuel religieux ne peut plus s’exercer à ce moment, la relation de l’alliance n’est pas rompue. Les nombreux comportements pétris d’idolâtrie, au cours des siècles, de son peuple, de ses pontifes et de ses dirigeants, ne le découragent pas. Ses envoyés, prophètes et voyants doivent leur ouvrir les yeux et les difficultés ne manquent pas pour ce faire, qu’elles soient attestées au cours de la période patriarcale, des Juges, la période royale puis de l’exil et du retour en Juda. Néanmoins, si ces croyances sont largement manifestées, aucun déni de YHWH n’est assuré. Aussi, conserve-t-il toujours son intérêt et l’amour envers son peuple et intervient-il en Dieu magnanime afin de le sauver. Pour autant, le thème du Dieu unique et présent met en lumière une évolution des mentalités dans le temps. Il témoigne du rôle essentiel tenu par YHWH, du rôle secondaire des diverses idoles et autres dieux auxquels un culte est cependant rendu. Le combat s’est fait rude afin de les repousser géographiquement, les affaiblir et démontrer leur inanité et leur inefficacité, en refusant leur pollution. YHWH y a pris la part la plus active, plus présent que jamais. La conquête du territoire par les Israélites s’est parachevée par la conquête de son espace par YHWH et l’exclusion systématique des autres dieux. Ses représentants, par la négociation, la démonstration, parfois la destruction s’en font les défenseurs. La notion du territoire et de ses aspects géopolitiques si essentiels, doivent être soulignés. En effet, la présence divine est rattachée au peuple judéen et à son espace géographique. Dieu ne souhaite pas s’implanter dans tous les territoires et toutes les populations. Jaloux de cet espace qu’il a choisi et mis à disposition des Israélites jusque la période de l’exil, il n’en exige nullement un autre. Mais l’espace choisi se doit de lui être dédié en sa totalité, toute autre trace du culte de divinités et/ou d’idoles doit d’être éradiquée. Corollaire de cette exigence, sa présence se fait alors bienveillante. Son aspect transcendant est d’ores et déjà exprimé clairement par le roi Salomon et adopte son allure résolue avec la destruction du Temple et l’exil. Dieu est présent partout où son peuple le recherche et réciproquement. Tant les châtiments que son « silence » témoignent aussi de sa présence, qui n’est définitivement pas attachée à un pays avec l’exil. Dieu de justice, Dieu législateur, Dieu sauveur, Dieu tout-puissant, YHWH

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intervient avec toutes ses richesses d’expressions afin d’accomplir ses desseins concernant la formation de l’identité de son peuple et ce dans ses frontières. Ayant mis en place un premier « ordre du monde »491 dès la création, Dieu n’a eu de cesse de l’améliorer au cours des temps. Et les destructions de ces mondes résonnent comme des purifications. Rien n’est acquis, tout est perpétuel recommencement et renouveau, ce que le Dieu reconnaît qui n’hésite jamais à effacer ses essais et renouveler ses créations et créatures (Genèse 6, 5-7). Parfois, il leur permet d’interrompre ses destructions, ainsi il consent ainsi à laisser briser les tables de la Loi puis à les reproduire (Exode 32, 19 ; 34, 1). Parfois, il accepte leurs requêtes, telle l’instauration de la royauté, dans un espace de compréhension, parfois il recherche d’autres possibilités. Le « définitif » laisse place aux questionnements, aux bouleversements d’un sens donné, à tous les possibles. Des concepts tels que la justice et la paix, la droiture, la vérité, l’amour et la fidélité l’expriment (Psaume 85, 11-14). Les Psaumes 104 et 148 de même que Genèse 1 en témoignent. Le Psaume 104 met en lumière l’harmonie du monde, le Psaume 148 dépeint divers aspects de la création, et Dieu exige : « Célébrez le nom de YHWH », rapprochant son peuple de sa splendeur. De même Genèse 1 place Dieu, l’humanité et le monde dans une relation harmonieuse. En effet, de la création du monde à la mise en perspective historique de son peuple, et quels que soient les situations, les narrations et les lois, son rôle et sa présence ne se démentent jamais. En contrepartie, les dons offerts au Dieu par les individus et/ou le peuple, s’effectuent sous des formes parfois radicales, paroles et/ou actes, parfois adoucies. L’humain offre ce qu’il possède de meilleur, son art et ses biens matériels. Musique et chants font cortège aux sacrifices ; aspect immatériel et matériel d’hommage et d’appel à YHWH se croisent, s’entremêlent à la recherche d’une forme de complétude. Grâce à la beauté aérienne et la légereté quasiment célestes de la musique et des chants, ils complètent les offrandes des sacrifices dédiés au Dieu et les prières, dans une sorte de quête spirituelle d’absolue perfection, d’harmonie, de don. Parallèlement, l’homme a donné un sens à la Révélation et la présence divine, car sans lui, rien de cette sorte n’aurait pu se produire. Elle s’accroche à la création, car sans elle, aucun dialogue, aucun choix et/ou construction du peuple et de l’alliance n’aurait été possible. La réciprocité des demandes, des appels, des exigences, des espoirs et des attentes tant d’un côté que de l’autre souligne l’interdépendance systématique des deux parties et une attention toujours renouvelée en dépit des errements humains. Des marques d’intérêt, 491

J.G. McCONVILLE, God and Earth Power, An Old Testament Political Theology, Genesis-Kings, Londres, T et T Clark, 2006, p. 33.

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d’amour, de colère et de rejet, de patience ou d’impatience témoignent d’une relation complexe, vivante et vivace qui ne cesse de se mouvoir de l’un vers les autres et réciproquement. Actions, sanctions, contradictions, ordres et désordres, désobéissance humaine, doutes et inquiétudes sous-tendent ces liens en perpétuel mouvement. Les rapports entre le Dieu et les humains reflètent les relations entre un père et ses enfants, punis puis retrouvés. Relation d’amour, de contestations et de dépendance, de différends et de rejets réciproques, ce lien, à certains moments, a pu apparaître comme brisé, mais il n’était que relâché. Cette double relation perpétuelle de l’un aux autres et réciproquement témoigne d’une absence de déterminisme et d’une liberté pour les humains de rentrer dans le droit chemin établi par les règles et les lois divines du Dieu législateur et de justice. Alors qu’il est appelé, Dieu ne répond pas toujours, laissant des espaces vides à remplir par les actes de la créativité humaine d’où des limites ne sont cependant pas absentes car les liens parfois distendus ne sont jamais rompus. Cette relation exigeante perdure de part et d’autre et quelles que soient les circonstances. L’interdépendance entre le Dieu et son peuple laisse place à un Dieu acteur tout autant qu’à sa créature. Dieu dans l’espace de ce rattachement agit, réagit et interagit. Perpétuel mouvement d’intérêt et de désintérêt, la relation dans ce double sens de face à face ou d’intervention unilatérale exprime une présence divine et un lien au divin d’une extrême complexité qui se meut vers une plus grande compréhension de sa transcendance, déjà déchiffrée par le roi Salomon. L’humain a bien saisi que Dieu s’est adapté à la compréhension humaine, limitée, pour le mener sur le chemin de l’évolution, de l’époque patriarcale où ses interventions avaient pour objet l’installation et l’instauration d’un projet politique et historique, à la période royale période d’apprentissage et d’erreurs commises par le peuple en dépit de nombreuses interventions des prophètes délivrant la parole divine, ses menaces et ses promesses, et ses exigences, l’exil puis le retour sur les terres ancestrales. Dieu a suscité des envoyés et des messagers qui ont puissamment participé à faire vivre cette évolution, et n’ont eu de cesse de transmettre ses conseils et ses ordres, ses colères, reproches et ses punitions puis ses pardons renouvelés sans cesse, qui jamais ne se décourage. Après les destructions de la gent humaine, il agit et réagit souvent en fonction des humains et des situations, créatif et créateur à tout instant. Cet attachement réciproque entre le Dieu et les hommes s’établit au terme de ses multiples interventions, réponses aux comportements humains parfois si erronés mais qui néanmoins ne s’estompe jamais. Dans un système de dons et de contredons, Dieu donne toujours plus, exigeant une contrepartie. Qu’il offre ou bien soit recherché, sa présence s’affirme par des changements parfois constitutifs de l’évolution de l’alliance et d’un perpétuel

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mouvement. Aussi, l’humain a-t-il développé un système symbolique de langage, afin d’instaurer une relation de partage par le truchement de nombreux rites, dont la complexité épouse celle du lien avec le Dieu. Essentiel, au cœur de cette relation, il est mis en place afin de ne jamais faire cesser les échanges, jour après jour. Fondamental dans la concrétisation du culte, il s’enracine foncièrement dans les règles et les pratiques, quelles que soient les périodes. Il affirme le lien entre le Dieu et son peuple, l’intérêt et l’amour réciproque, quand bien même, parfois, il peut reprocher le manque de sincérité de certains dont le « cœur » paraît si stérile que leurs offrandes se colorent de cette même sécheresse. Les prières, participent de ce système, en dépit d’un langage plus subtil, s’inscrivant tout autant dans la spiritualité mais distancé des rites concrets. Ils se complètent néanmoins, signes d’un appel ou d’un message au Dieu, affirmant la mémoire de son peuple depuis la révélation du Sinaï, qui le mène dans la durée. Ainsi, grâce à ces instruments, l’aspect circulaire du système mis en place par YHWH s’impose, dont il reste le seul juge. L’homme dans la préoccupation concernant sa présence achève de rejeter ses doutes lors de l’attente et des épreuves pour de manière ultime recouvrer sa confiance, et les textes où la conscience de la transcendance divine sont évoqués l’affirment. Le sacré irradie l’homme et la nature quelles que soient les occurrences, de la guerre à la paix et la vie quotidienne rythmées par les rites et les règles religieuses, sociales et morales. La tragédie de la finitude de l’homme s’y adoucit. En épilogue, pourquoi ne pas évoquer ces réflexions et doutes d’un penseur d’aujourd’hui : d’une part une « tentation de l’éternel », et d’autre part, « N’est-ce pas une tâche importante, la réponse juste à un destin intenable ? ». Les hommes de cette haute antiquité avaient résolu ces questions en une autre manière que dans et par cette extrême incertitude492.

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M. BLANCHOT, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 46.

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Index

Genèse 1 : 15, 22, 23, 24, 27, 28, 172 309 Genèse 1, 1 : 18 Genèse 1, 1-2 : 146 Genèse 1, 3 : 16 Genèse 1, 4 : 22 Genèse 1, 5 : 24 Genèse 1, 6 : 16, 22 Genèse 1, 7 : 20, 22 Genèse 1, 8 : 24 Genèse 1, 9 : 16, 149 Genèse 1, 10 : 24 Genèse 1, 11 : 16 Genèse 1, 14 : 16, 22 Genèse 1, 16 : 20 Genèse 1, 18 : 22 Genèse 1, 20 : 16 Genèse 1, 21 : 18 Genèse 1, 22 : 16, 25, 54 Genèse 1, 24 : 28 Genèse 1, 24-26 : 28 Genèse 1, 24. 26 : 28 Genèse 1, 25 : 20, 105 Genèse 1, 26 : 19, 20 Genèse 1, 27 : 18, 19, 20, 22 Genèse 1, 28 : 25, 29, 35 Genèse 1, 29 : 16, 29, 34 Genèse 1, 29-30 : 253 Genèse 1, 30 : 16 Genèse 1, 31 : 20 Genèse 2, 1 : 196 Genèse 2, 2 : 25 Genèse 2, 2a et b : 21 Genèse 2, 3 : 188 Genèse 2, 4 : 18 Genèse 2, 4b-5 : 21 Genèse 2, 7 : 22, 105, 172, 267 Genèse 2, 7-8 : 21

Genèse 2, 10 : 149 Genèse 2, 15 : 29 Genèse 2, 16-17 : 29 Genèse 2, 18 : 21, 28 Genèse 2, 19 : 21, 22, 101 Genèse 2, 20 : 24 Genèse 2, 21 : 23 Genèse 2, 21-22 : 30 Genèse 2, 22 : 23 Genèse 2, 23 : 17, 24 Genèse 2, 25 : 30 Genèse 3, 1 : 30, 31 Genèse 3, 3 : 31 Genèse 3, 8 : 32, 99, 106 Genèse 3, 10 : 32 Genèse 3, 11-13 : 32 Genèse 3, 14 : 33 Genèse 3, 15 : 33 Genèse 3, 16 : 33 Genèse 3, 17-19 : 34 Genèse 3, 20 : 34 Genèse 3, 21 : 34 Genèse 3, 22 : 34 Genèse 3, 22-24 : 34 Genèse 3, 24 : 161 Genèse 6 : 72 Genèse 6, 2. 4 : 160 Genèse 6, 5-7 : 35, 309 Genèse 6, 6 : 158 Genèse 6, 9-7 : 36 Genèse 6, 9-13 : 36 Genèse 6, 17 : 36 Genèse 6, 18 : 36, 163 Genèse 7, 1 : 36 Genèse 7, 2-3 : 36 Genèse 7, 4 : 36 Genèse 7, 11-20 : 36 Genèse 7, 23 : 36 Genèse 8, 16-17 : 37

337

Genèse 8, 20 : 234, 240 Genèse 8, 20. 22 : 37, 249 Genèse 8, 21 : 250 Genèse 8, 21-22 : 37, 249 Genèse 9, 3 : 37 Genèse 9, 13 : 37, 152 Genèse 9, 14-17 : 152 Genèse 11, 1 : 167 Genèse 11, 1-7 : 167 Genèse 11, 2 : 168 Genèse 11, 3 : 168 Genèse 11, 4 : 169 Genèse 11, 5 : 170 Genèse 11, 5-9 : 28 Genèse 11, 6 : 170 Genèse 11, 7 : 106, 170 Genèse 12, 1 : 49 Genèse 12, 7 : 157 Genèse 13, 3-6 : 87 Genèse 14, 19. 22 : 152 Genèse 15 : 85, 166 Genèse 15, 1 : 85, 156 Genèse 15, 5 : 85, 89 Genèse 15, 17-21 : 164 Genèse 16, 7. 9 : 220 Genèse 16, 7-13 : 102, 282 Genèse 16, 8-12 : 282 Genèse 16, 9 : 142 Genèse 16, 13 : 102 Genèse 17, 1 : 152, 156, 2196 Genèse 17, 2 : 165 Genèse 17, 2-3 : 82 Genèse 17, 2-3. 13.17 : 163 Genèse 17, 5-8 : 82

Genèse 17, 7 : 165 Genèse 17, 9 : 165 Genèse 17, 10-4 : 165 Genèse 17, 16 : 54 Genèse 17, 20 : 54 Genèse 18, 1-2 : 282 Genèse 18, 1-8 : 243 Genèse 18, 10 : 282 Genèse 18, 14 : 158 Genèse 18, 16 : 282 Genèse 18, 17 : 80 Genèse 18, 21 : 38 Genèse 18, 23-33 : 38 Genèse 19, 1 : 282 Genèse 19, 1-23 : 283 Genèse 19, 13 : 39 Genèse 19, 17 : 39 Genèse 20, 3 : 85 Genèse 20, 4 : 152 Genèse 20, 6 : 261 Genèse 20, 11 : 152 Genèse 21, 9 : 282 Genèse 21, 17 : 280 Genèse 21, 33 : 152, 156, 229 Genèse 22, 9 : 245 Genèse 22, 11. 15 : 280 Genèse 22, 12 : 235 Genèse 22, 13 : 293 Genèse 22, 16-17 : 73 Genèse 22, 17-18 : 236 Genèse 24, 1 : 55 Genèse 24, 2 : 69 Genèse 24, 3 : 71, 152 Genèse 24, 3-4 : 71, 72 Genèse 24, 4 : 72 Genèse 24, 6 : 72 Genèse 24, 7 : 72, 73, 78 Genèse 24, 8 : 73, 75 Genèse 24, 9 : 69, 70 Genèse 24, 12 : 74 Genèse 24, 14 : 74 Genèse 24, 14-15 : 74 Genèse 24, 15 : 72

Genèse 24, 18 : 74 Genèse 24, 18-19 : 91 Genèse 24, 21 : 74 Genèse 24, 24 : 152 Genèse 24, 27 : 58 Genèse 24, 38 : 75 Genèse 24, 40 : 75 Genèse 24, 41 : 74, 75 Genèse 24, 42 : 76 Genèse 24, 50 : 76 Genèse 24, 51 : 76 Genèse 24, 52 : 76 Genèse 24, 55 : 76 Genèse 24, 56 : 76 Genèse 24, 58 : 76 Genèse 24, 60 : 76 Genèse 24, 61 : 76 Genèse 24, 67 : 77 Genèse 25, 21-23 : 275 Genèse 26, 3 : 73 Genèse 26, 11 : 31 Genèse 26, 24 : 52, 166 Genèse 26, 24-25 : 224 Genèse 26, 28 : 281 Genèse 27, 4 : 58 Genèse 27, 37 : 57 Genèse 28, 1 : 57 Genèse 28, 11-22 : 68 Genèse 28, 12-15 : 87 Genèse 28, 15 : 52 Genèse 28, 15-22 : 224 Genèse 28, 16-18 : 87 Genèse 28, 17 : 224 Genèse 28, 18 : 225 Genèse 28, 20-22 : 236 Genèse 28, 22 : 225 Genèse 29, 12 : 72 Genèse 29, 31 : 101 Genèse 30, 27 : 30 Genèse 31, 11 : 86, 280 Genèse 31, 11-13 : 86 Genèse 31, 24 : 86

338

Genèse 31, 29 : 86 Genèse 31, 39 : 261 Genèse 31, 44-52 : 68 Genèse 31, 49-51 : 101 Genèse 31, 53 : 204 Genèse 31, 54 : 240 Genèse 32, 21 : 260 Genèse 32, 23 : 285 Genèse 32, 25 : 285 Genèse 32, 25-26 : 70 Genèse 32, 26 : 286 Genèse 32, 27 : 286 Genèse 32, 29 : 286 Genèse 32, 31 : 99, 286 Genèse 35, 1 : 226 Genèse 35, 7 : 80, 204 Genèse 35, 9-15 : 166 Genèse 35, 11-12 : 73, 225 Genèse 35, 14 : 68, 225 Genèse 37, 5-10 : 86 Genèse 37, 19 : 85 Genèse 38, 15 : 111 Genèse 40, 1-4. 5-7 : 86 Genèse 40, 2-8 : 86 Genèse 40, 16 : 86 Genèse 40, 32 : 86 Genèse 40, 39-40 : 86 Genèse 41, 53 : 25 Genèse 43, 11 : 246 Genèse 44, 15 : 30 Genèse 46, 1-4 : 241 Genèse 46, 2 : 48 Genèse 46, 2-3 : 86 Genèse 47, 29 : 69 Genèse 49, 25 : 55, 156 Genèse 49, 28 : 58 Genèse 50, 24 : 73, 78 Exode 1, 5 : 70 Exode 1, 20 : 55 Exode 1, 35 : 73 Exode 3, 1 : 227 Exode 3, 2 : 88, 282

Exode 3, 2-3 : 150 Exode 3, 3 : 46 Exode 3, 5 : 47 Exode 3, 6 : 47 Exode 3, 6. 15-16 : 153 Exode 3, 7 : 101 Exode 3, 8 : 78, 106 Exode 3, 9 : 101 Exode 3, 10 : 53 Exode 3, 11 : 97 Exode 3, 11-12 : 96 Exode 3, 12 : 52, 88, 224 Exode 3, 13 : 153 Exode 3, 14 : 154 Exode 3, 17 : 53 Exode 3, 18 : 54 Exode 3, 19 : 54 Exode 3, 20 : 8 Exode 4, 1 : 88, 97 Exode 4, 2-4 : 89 Exode 4, 3 : 88 Exode 4, 4 : 88 Exode 4, 7 : 89 Exode 4, 10 : 89 Exode 4, 12 : 52 Exode 4, 13 : 97 Exode 4, 14 : 51, 305 Exode 4, 14-16 : 97 Exode 4, 15 : 52 Exode 4, 17. 20 : 89, 91 Exode 4, 21 : 52 Exode 4, 22 : 162 Exode 4, 22-23 : 163 Exode 4, 25 : 164 Exode 4, 25-26 : 164 Exode 4, 27 : 227 Exode 4, 31 : 52 Exode 5, 21 : 102 Exode 6, 1 : 15 Exode 6, 2 : 47, 154 Exode 6, 2-3 : 153 Exode 6, 4 : 165 Exode 6, 6 : 103 Exode 6, 6. 7. 8 : 154 Exode 6, 7 : 16, 164

Exode 6, 8 : 78 Exode 6, 11 : 52 Exode 6, 23 : 72 Exode 7, 1 : 53 Exode 7, 3 : 88 Exode 7, 4 : 105 Exode 7, 4-5 : 104 Exode 7, 8-12 : 88 Exode 7, 11 : 95 Exode 7, 14-18 : 89 Exode 7, 15. 17. 19. 20 : 89 Exode 7, 27-29, 1-4 : 89 Exode 8, 8. 25-26 : 90 Exode 8, 12. 13 : 89 Exode 8, 13 : 89 Exode 8, 18 : 154 Exode 8, 29 : 89 Exode 9, 2-7 : 89 Exode 9, 9-12 : 90 Exode 9, 14 : 157 Exode 9, 14-15 : 90 Exode 9, 18. 23-24 : 149 Exode 9, 23 : 89, 149 Exode 9, 23-26 : 90 Exode 9, 24 : 151 Exode 9, 29. 33 : 90 Exode 9, 32-35 : 90 Exode 10, 1-2 : 88 Exode 10, 2 : 154 Exode 10, 13-14 : 147 Exode 10, 15 : 90 Exode 10, 18 : 90, 148 Exode 10, 21-22 : 90 Exode 10, 28-29 : 90 Exode 12, 11 : 19 Exode 12, 12 : 154 Exode 12, 14 : 256 Exode 12, 14-16 : 256 Exode 12, 16 : 256 Exode 12, 29 : 90 Exode 12, 31 : 90 Exode 13, 2. 12-15 : 234 Exode 13, 5 : 73 Exode 13, 11 : 78

339

Exode 13, 12-16 : 246 Exode 13, 21-22 : 145 Exode 14, 2. 9 : 205 Exode 14, 4. 18 : 154 Exode 14, 14 : 196 Exode 14, 15-16 : 91 Exode 14, 16. 21 : 94 Exode 14, 19 : 145, 284 Exode 14, 20 : 144, 145 Exode 14, 21 : 91, 147 Exode 14, 24 : 145 Exode 14, 24-25 : 91 Exode 14, 26-30 : 91 Exode 15, 2 : 152 Exode 15, 20-21 :274 Exode 15, 26 : 154 Exode 16, 12 : 154 Exode 18, 5 : 227 Exode 18, 20. 23 : 227 Exode 19, 2-5 : 49 Exode 19, 2. 11 : 227 Exode 19, 3 : 184, 209 Exode 19, 3-6 : 44 Exode 19, 3. 12-13. 20. 23-24 : 241 Exode 19, 5 : 187 Exode 19, 9 : 48, 100, 145 Exode 19, 10 : 259 Exode 19, 11-12 : 48 Exode 19, 11. 18. 20. 23 : 236 : 227 Exode 19, 12-23 : 227 Exode 19, 16 : 145, 149 Exode 19, 18 : 150 Exode 19, 18. 20 : 106 Exode 19, 19 : 149 Exode 19, 21 : 159 Exode 20, 1-14 : 49, 181 Exode 20, 2 : 154 Exode 20, 2-14 : 145 Exode 20, 2-17 : 183 Exode 20, 4 : 211 Exode 20, 4-5 : 182

Exode 20, 4-6 : 181 Exode 20, 15 : 149, 150, 184, 185 Exode 20, 15-19 : 150, 185 Exode 20, 18 : 145, 148, 149 Exode 20, 20 : 185 Exode 20, 21 : 56, 182, 220, 225, 288 Exode 20, 22 : 225 Exode 20, 22-24 : 220 Exode 20, 25 : 24 Exode 20, 26 : 241 Exode 22, 28 : 234 Exode 21-23 : 185 Exode 23, 20 : 284 Exode 23, 25 : 55 Exode 24 : 227 Exode 24, 1-2 : 227 Exode 24, 3 : 165 Exode 24, 3-7 : 241 Exode 24, 4 : 68, 226 Exode 24, 5 : 164 Exode 24, 7 : 165, 187 Exode 24, 8 : 164 Exode 24, 10 : 103 Exode 24, 11 : 103, 227, 245 Exode 24, 12 : 146 Exode 24, 12-17 : 47 Exode 24, 13 : 227 Exode 24, 14 : 192 Exode 24, 15 : 146, 159 Exode 24, 15-17 : 108 Exode 24, 16 : 159, 227 Exode 24, 16-17 : 151 Exode 24, 17 : 146, 209 Exode 24, 18 : 151 Exode 25-31 : 217 Exode 25, 1-8 : 234 Exode 25, 1-9 : 264 Exode 25, 14 : 23 Exode 25, 21-22 : 107 Exode 25, 30 : 247

Exode 26, 26 : 23 Exode 27, 7 : 23 Exode 28, 2 : 258 Exode 28, 2. 4 : 257 Exode 28, 3 : 257 Exode 28, 9-12 : 257 Exode 28, 13-14 : 258 Exode 28, 30 : 303 Exode 28, 33-34 : 232 Exode 28, 35. 43 : 218 Exode 28, 36 : 258 Exode 28, 38 : 258 Exode 28, 41 ; 258 Exode 29, 1-9 : 258 Exode 29, 6 : 258 Exode 29, 29 : 257 Exode 29, 42-45 : 107 Exode 29, 46 : 154 Exode 30, 1-27 : 226 Exode 30, 6 : 108 Exode 30, 9 : 249 Exode 30, 15 : 254 Exode 30, 16 : 254 Exode 30, 18-20 : 218 Exode 30, 21 : 218 Exode 30, 22-29 : 218 Exode 31, 3 : 148 Exode 31, 10 : 257 Exode 31, 12-17 : 184 Exode 31, 18 : 41, 192 Exode 32, 1 : 41 Exode 32, 2 : 192 Exode 32, 4 : 41 Exode 32, 4-8 : 217 Exode 32, 5 : 41, 42, 192 Exode 32, 7 : 42, 50 Exode 32, 10 : 42 Exode 32, 11 : 105 Exode 32, 11-14 : 43 Exode 32, 14b : 154 Exode 32, 19 : 309 Exode 32, 20 : 103 Exode 32, 28 : 138 Exode 32, 34 : 43, 284 Exode 33, 1 : 50, 73, 75 Exode 33, 2 : 284

340

Exode 33, 3 : 284 Exode 33, 7 : 217 Exode 33, 9-11a : 217 Exode 33, 11 : 284 Exode 33, 12 : 284 Exode 33, 14 : 111, 139 Exode 33, 15 : 99 Exode 33, 18 : 47 Exode 33, 19 : 47 Exode 33, 21-22 : 104 Exode 33, 23 : 99 Exode 33, 30 : 47 Exode 34, 1 : 309 Exode 34, 2. 4. 29. 32 : 227 Exode 34, 5 : 106 Exode 34, 6 : 47 Exode 34, 6-7 : 158 Exode 34, 7 : 158 Exode 34, 7-8 : 47 Exode 34, 10 : 20 Exode 34, 13 : 209 Exode 34,19-20 : 234 Exode 34, 21 : 184 Exode 34, 27-28 : 43 Exode 35, 2 : 184 Exode 39-40 : 217 Exode 39, 32 : 25 Exode 40 : 260 Exode 40, 26 : 226 Exode 40, 29 : 226 Exode 40, 34-35 : 108 Lévitique 1, 1-17 : 236 Lévitique 1, 2 : 234 Lévitique 1, 2-17 : 235 Lévitique 1, 9 : 235 Lévitique 1, 9. 13. 17 : 259 Lévitique 2 : 253 Lévitique 2, 1-2 : 248 Lévitique 2, 4 : 248 Lévitique 2, 5-6 : 248 Lévitique 2, 11 : 249 Lévitique 2, 13 : 246

Lévitique 2, 13-15 : 246 Lévitique 4 : 46 Lévitique 4, 1-21 : 238 Lévitique 4, 22-26 : 238 Lévitique 4, 27-35 : 238 Lévitique 4-5. 13 : 238 Lévitique 4-9 : 235 Lévitique 5, 1-7 : 238 Lévitique 5, 7 : 31, 238 Lévitique 5, 11-13 : 248 Lévitique 5, 14-19 : 238 Lévitique 5, 16 : 238 Lévitique 5, 17-19 : 238 Lévitique 5, 20-24 : 238 Lévitique 5, 20-26 : 238 Lévitique 5, 21-26 : 194 Lévitique 5, 26 : 194 Lévitique 6 : 46 Lévitique 6, 8. 10 : 246 Lévitique 6, 19 : 261 Lévitique 7, 13 : 248 Lévitique 7, 38 : 227 Lévitique 8 : 238 Lévitique 12, 4. 6 : 260 Lévitique 12, 8 : 238 Lévitique 14, 11 : 260 Lévitique 14, 21 : 248 Lévitique 14, 22 : 238 Lévitique 15, 2-15 : 238 Lévitique 16, 16 : 237 Lévitique 16, 17-19 : 237

Lévitique 16, 16-20 : 237 Lévitique 16, 19-22 : 238 Lévitique 17, 4 : 234 Lévitique 17, 11 : 164 Lévitique 17, 31. 34. 36 : 154 Lévitique 22, 7 : 260 Lévitique 23, 3 : 184, 256 Lévitique 23, 9 : 246 Lévitique 24, 5-6 : 247 Lévitique 24, 7 : 247 Lévitique 24, 8-9 : 184 Lévitique 24, 9 : 248 Lévitique 24, 10-17 : 79 Lévitique 25, 1 : 227 Lévitique 26, 2 : 184 Lévitique 26, 12 : 161, 164 Lévitique 26, 14-17 : 65 Lévitique 26, 16 : 130 Lévitique 26, 19 : 131 Lévitique 26, 21 : 95 Lévitique 26, 25 : 130 Lévitique 26, 30 : 114 Lévitique 26, 42 : 165 Lévitique 26, 42-45 : 163 Lévitique 26, 46 : 227 Nombres 1, 1 : 217 Nombres 1,16-17 : 187 Nombres 1, 50-51 : 217 Nombres 1, 50. 52 : 264 Nombres 1, 51 : 264 Nombres 1, 53 : 264 Nombres 3 : 218 Nombres 3, 4 : 264 Nombres 3, 6 : 263

341

Nombres 3, 6-8 : 217, 263 Nombres 3, 7 : 263 Nombres 3, 8 : 263 Nombres 3, 10 : 258 Nombres 3, 12 : 263 Nombres 3, 13 : 263 Nombres 3, 15 : 263 Nombres 3, 31 : 218 Nombres 3, 32 : 264 Nombres 3, 36 : 218 Nombres 3, 38 : 264 Nombres 3, 45 : 263 Nombres 4, 5 : 264 Nombres 4, 6-15 : 264 Nombres 4, 7 : 247 Nombres 4, 15 : 265 Nombres 4, 20 : 265 Nombres 5, 1-3 : 263 Nombres 5, 2-3 : 237 Nombres 5, 3 : 107 Nombres 5, 19-22 : 77 Nombres 5, 31 : 77 Nombres 6 : 238 Nombres 6, 4 : 263 Nombres 6, 7 : 263 Nombres 6, 8 : 238 Nombres 6, 8-12 : 239 Nombres 6, 12 : 263 Nombres 6, 13-21 : 263 Nombres 6, 24 : 262 Nombres 6, 24-25a : 59 Nombres 6, 24-26 : 575, 59, 61, 221 Nombres 6, 27 : 55 Nombres 7, 89 : 100 Nombres 8 : 238 Nombres 8, 6-7 : 265 Nombres 8, 15 : 260 Nombres 9, 1. 5 : 227 Nombres 9, 15-16 : 145 Nombres 9, 15-23 : 217 Nombres 9, 16 : 217

Nombres 9, 20-22 : 145 Nombres 9, 36 : 107 Nombres 10, 11-12 : 145 Nombres 10, 34 : 145 Nombres 10, 35 : 107, 197 Nombres 10, 36 : 142, 197 Nombres 11, 1 : 151 Nombres 11, 4 : 25 Nombres 11, 4-25 : 103 Nombres 11, 7-8 : 91 Nombres 11, 9 : 91 Nombres 11, 12 : 73 Nombres 11, 16-17. 24b-30 : 217 Nombres 11, 18 : 259 Nombres 11, 18-19 : 91 Nombres 11, 22 : 179 Nombres 11, 23 : 104 Nombres 11, 25 : 106, 145, 267 Nombres 11, 25-26 : 271 Nombres 11, 31 : 147 Nombres 11, 33 : 94 Nombres 12, 1 : 274 Nombres 12, 2 : 305 Nombres 12, 5-10 : 217 Nombres 12, 6-8 : 271, 305 Nombres 14, 3 : 96 Nombres 14, 9 : 96 Nombres 14, 10 : 47, 157 Nombres 14, 11 : 93, 96, 108 Nombres 14, 12 : 193 Nombres 14, 14 : 145 Nombres 14, 16 : 78 Nombres 14, 18 : 150, 158 Nombres 14, 19 : 158

Nombres 14, 20 : 158, 218 Nombres 14, 23 : 78 Nombres 14, 32 : 193 Nombres 14, 33 : 193 Nombres 14, 34 : 193 Nombres 14, 35 : 193 Nombres 14, 37 : 193 Nombres 14, 40 : 193 Nombres 14, 41 : 96 Nombres 14, 43 : 96 Nombres 15, 4-10 : 253 Nombres 15, 18-21 : 248 Nombres 15, 24 : 238, 248, 249 Nombres 16, 19 : 218 Nombres 17, 7 : 218 Nombres 20, 6 : 218 Nombres 22-24 : 262 Nombres 22, 6-11 : 66 Nombres 22, 7 : 66 Nombres 22, 12 : 66 Nombres 22, 17 : 66 Nombres 22, 21-38 : 283 Nombres 22, 27 : 66 Nombres 22, 31 : 80 Nombres 22, 40 : 24 Nombres 24, 4 : 85 Nombres 25, 1-9 : 205 Nombres 25, 5 : 122 Nombres 28, 5-8 : 247 Nombres 28, 6 : 227 Nombres 28, 7-8 : 249 Nombres 28, 9-10 : 184 Nombres 28, 9-14 : 249 Nombres 29, 6. 11. 15. 22. 25. 28. 30. 34. 38 : 249 Nombres 31 : 253 Nombres 31, 50-52 : 254 Nombres 31, 54 : 254 Nombres 32, 11 : 78

342

Nombres 32, 34 : 205 Nombres 33, 7 : 205 Deutéronome 1, 2. 6. 19 : 227 Deutéronome 1, 8 : 73, 78 Deutéronome 1, 35 : 73 Deutéronome 4, 3 : 205 Deutéronome 4, 7 : 102 Deutéronome 4, 10 : 201 Deutéronome 4, 10. 15 : 227 Deutéronome 4, 12 : 99, 150 Deutéronome 4, 19 : 196, 209 Deutéronome 4, 20 : 151 Deutéronome 4, 24 : 150 Deutéronome 4, 31 : 163 Deutéronome 4, 39 : 157 Deutéronome 5 : 188 Deutéronome 5, 1 : 164, 181 Deutéronome 5, 1-3 : 181 Deutéronome 5, 2 : 227 Deutéronome 5, 2-3 : 181 Deutéronome 5, 6 : 182 Deutéronome 5, 7 : 182 Deutéronome 5, 8-9 : 182 Deutéronome 5, 9 : 157 Deutéronome 5, 11 : 182

Deutéronome 5, 12 : 183 Deutéronome 5, 1215 : 182 Deutéronome 5, 1315 : 184 Deutéronome 5, 16 : 182 Deutéronome 5, 1718 : 183 Deutéronome 5, 2223 : 188 Deutéronome 5, 27 : 142 Deutéronome 5, 29 : 181, 188, 201 Deutéronome 6, 2. 13. 24 : 201 Deutéronome 6, 3 : 78 Deutéronome 6, 4 : 199, 291 Deutéronome 6, 4-9 : 59 Deutéronome 6, 5 : 287 Deutéronome 6, 6 : 287 Deutéronome 6, 8-9 : 61 Deutéronome 6, 10 : 73, 78 Deutéronome 6, 18 : 73, 78 Deutéronome 6, 23 : 73, 78 Deutéronome 7, 5 : 209 Deutéronome 7, 6 : 24, 45, 287 Deutéronome 7, 7-9 : 287 Deutéronome 7, 9 : 59 Deutéronome 7, 13 : 73, 78 Deutéronome 8, 1 : 73, 78 Deutéronome 8, 6 : 201

Deutéronome 9, 8 : 227 Deutéronome 9, 21 : 236 Deutéronome 10, 11 : 73, 78 Deutéronome 10, 12. 20 : 209 Deutéronome 11, 9 : 73, 78 Deutéronome 11, 12 : 101 Deutéronome 11, 20 : 61 Deutéronome 11, 21 : 73, 78 Deutéronome 12, 2 : 229 Deutéronome 12, 2-3 : 229, 239 Deutéronome 12, 3 : 209 Deutéronome 12, 5 : 220, 288 Deutéronome 12, 6-7 : 286 Deutéronome 12, 7 : 56, 220 Deutéronome 12, 14 : 220 Deutéronome 12, 15 : 220 Deutéronome 12, 16 : 250 Deutéronome 12, 21 : 220 Deutéronome 12-26 : 185 Deutéronome 14, 1 : 162 Deutéronome 14, 2 : 45 Deutéronome 14, 21b : 45 Deutéronome 14, 2229 : 251 Deutéronome 14, 23 : 220, 251

343

Deutéronome 14, 24 : 220 Deutéronome 14, 2526 : 251 Deutéronome 14, 2829 : 251 Deutéronome 15, 4 : 251 Deutéronome 15, 9 : 27 Deutéronome 15, 23 : 250 Deutéronome 16 : 256 Deutéronome 16, 1 : 256 Deutéronome 16, 2 : 234 Deutéronome 16, 2. 6. 11 : 220, 256 Deutéronome 16, 3 : 256 Deutéronome 16, 4 : 256 Deutéronome 16, 5-6 : 220 Deutéronome 16, 8 : 256 Deutéronome 16, 9 : 256 Deutéronome 16, 18 : 187 Deutéronome 16, 19 : 187 Deutéronome 16, 1920 : 187 Deutéronome 16, 21 : 209, 212 Deutéronome 17, 1 : 235 Deutéronome 17, 2-5 : 209 Deutéronome 17, 2-7 : 187 Deutéronome 17, 8 : 187, 262 Deutéronome 17, 810 : 187

Deutéronome 17, 813 : 262 Deutéronome 17, 1420 : 185 Deutéronome 18, 4 : 246 Deutéronome 18, 9 : 305 Deutéronome 18, 914 : 58, 266 Deutéronome 19, 17 : 262, 286 Deutéronome 19, 19 : 234 Deutéronome 21, 5 : 262 Deutéronome 26, 111 : 246 Deutéronome 26, 2 : 220 Deutéronome 26, 3 : 73, 78 Deutéronome 26, 4 : 246 Deutéronome 26, 9. 15 : 78 Deutéronome 26, 11 : 246 Deutéronome 26, 1215 : 251 Deutéronome 26, 15 : 73, 78 Deutéronome 26, 19 : 45 Deutéronome 2-3 : 61 Deutéronome 27, 3 : 78 Deutéronome 27, 7 : 236 Deutéronome 27, 26 : 164 Deutéronome 28 : 95 Deutéronome 28, 11 : 73, 78 Deutéronome 28, 1524 : 65 Deutéronome 28, 69 : 164

Deutéronome 29 : 95 Deutéronome 29, 1 : 227 Deutéronome 29, 12 : 162 Deutéronome 29, 14 : 286 Deutéronome 29, 16 : 202 Deutéronome 29, 27 : 124 Deutéronome 29, 28 : 79 Deutéronome 30, 20 : 73, 78 Deutéronome 31, 7 : 73, 78 Deutéronome 18 : 124 Deutéronome 73, 78 Deutéronome 73, 78 Deutéronome 73, 78 Deutéronome 191 Deutéronome 42 : 191 Deutéronome 162 Deutéronome 252 Deutéronome 214 Deutéronome 124 Deutéronome 126, 130 Deutéronome 130 Deutéronome 131 Deutéronome 131, 252 Deutéronome 48, 227

344

31, 1631, 20 : 31, 21 : 31, 23 : 32, 1 : 32, 232, 6 : 32, 14 : 32, 17 : 32, 22 : 32, 23 : 32, 24 : 32, 25 : 32, 42 : 33, 1 :

Deutéronome 33, 2 : 227 Deutéronome 33, 8 : 303 Deutéronome 33, 810 : 305 Deutéronome 33, 26 : 156 Deutéronome 34, 4 : 73, 78 Deutéronome 34, 10 : 305 Josué 1, 5 : 52 Josué 1, 6 : 73, 78 Josué 1, 9 : 52 Josué 1, 17 : 52 Josué 3, 5 : 259 Josué 5, 6 : 73,781 Josué 5, 13 : 282 Josué 5, 13-14 : 282, 283 Josué 7, 6 : 289 Josué 7, 13 : 259 Josué 7, 13-25. 17. 18 : 304 Josué 10 : 97 Josué 10, 12-13 : 208 Josué 11, 17 : 204 Josué 12, 7 : 204 Josué 13, 5 : 204 Josué 13, 17 : 205 Josué 15, 9 : 205, 213 Josué 15, 10 : 208 Josué 15, 24 : 205 Josué 15, 59 : 213 Josué 15, 60 : 205 Josué 18, 14 : 205 Josué 19, 8 : 205 Josué 19, 38 : 213 Josué 19, 44 : 205 Josué 21, 18 : 213 Josué 21, 43 : 73, 78 Juges 1, 1 : 304 Juges 1, 3 : 304 Juges 1, 22 : 281 Juges 2, 1 : 73, 78 Juges 2, 1-5 : 240 Juges 2, 11 : 205

Juges 2, 11-12 : 207 Juges 2, 11. 13 : 204 Juges 2, 13 : 205, 212 Juges 2, 14 : 95 Juges 2, 14-15 : 105 Juges 2, 15 : 105 Juges 2, 16-17 : 92 Juges 3, 3 : 204 Juges 3, 7 : 204, 205, 209, 210 Juges 3, 10 : 267 Juges 3, 15 : 81 Juges 3, 19 : 81 Juges 3, 19-20 : 81 Juges 4 : 175 Juges 4, 4 : 275 Juges 4, 4a : 275 Juges 4, 4b : 275 Juges 4, 5 : 229 Juges 4, 6-7 : 275 Juges 4, 7-9 : 275 Juges 4, 21 : 275 Juges 5, 5 : 227 Juges 5, 7 : 275 Juges 6 : 155 Juges 6, 8 : 273 Juges 6, 10 : 51, 201 Juges 6, 11-24 : 49, 280 Juges 6, 12 : 281 Juges 6, 13 : 51, 96 Juges 6, 14 : 50, 92 Juges 6, 15 : 51 Juges 6, 16 : 51 Juges 6, 17 : 92, 96 Juges 6, 18-19 : 248 Juges 6, 18-20 : 241, 247 Juges 6, 20 : 281 Juges 6, 20-21 : 248 Juges 6, 21 : 92, 281, 282 Juges 6, 22 : 281 Juges 6, 23 : 284 Juges 6, 24 : 224 Juges 6, 25 : 226 Juges 6, 25-26 : 207 Juges 6, 25-32 : 205

Juges 6, 25. 26. 28. 30 : 207 Juges 6, 26 : 226 Juges 6, 32 : 206 Juges 6, 34 : 267 Juges 6, 37 : 92 Juges 6, 39 : 92 Juges 7, 1 : 206 Juges 7, 2 : 52 Juges 7, 2-8 : 51 Juges 7, 13-14 : 87 Juges 7, 18 : 304 Juges 8, 33 : 207 Juges 9, 4 : 205 Juges 9, 22-23 : 148 Juges 9, 46 : 152 Juges 10, 6 : 212 Juges 10, 6. 10 : 204 Juges 10, 8 : 19 Juges 11, 29 : 267 Juges 13, 2-24 : 282 Juges 13, 4-5 : 263 Juges 13, 5 : 263, 282 Juges 13, 6 : 279 Juges 13, 9 : 102 Juges 13, 14 : 263 Juges13, 15-16 : 240 Juges 13, 16-23 : 241 Juges 13, 19 : 247 Juges 13, 20 : 281 Juges 13, 20-21 : 282 Juges 13, 22 : 102 Juges 13, 23 : 102 Juges 13, 25 : 147 Juges 14, 6 : 267 Juges 14, 19 : 267 Juges 15, 14 : 267 Juges 15, 41 : 209 Juges 16, 23 : 240 Juges 18, 5 : 174 Juges 18, 1 : 174 Juges 18, 30 : 305 Juges 19-20 : 72 Juges 19, 27 : 209 Juges 20, 1-10 : 239 Juges 20, 9-10 : 304 Juges 20, 18. 23. 27 : 304

345

Juges 20, 22 : 205 Juges 20, 23 : 288 Juges 20, 26 : 236, 241, 289 Juges 20, 26-28 : 239 Juges 20, 27-28 : 304 Juges 20, 28 : 304 Juges 20, 35 : 304 Juges 21, 2 : 289 Juges 21, 2-5 : 241 Juges 21, 4 : 226, 239 Juges 21, 16 : 208 1 Samuel 1-3 : 220 1 Samuel 1, 3 : 305 1 Samuel 1, 3-4 : 244 1 Samuel 1, 5 : 3289 1 Samuel 2, 1-10 : 158, 289 1 Samuel 2, 2 : 158 1 Samuel 2, 3 : 158 1 Samuel 2, 17. 29 : 247 1 Samuel 3, 1 : 85 1 Samuel 3, 4-10 : 48 1 Samuel 3, 11 : 48 1 Samuel 3, 15 : 48 1 Samuel 3, 17 : 79 1 Samuel 3, 20 : 278 1 Samuel 3, 21 : 157 1 Samuel 4 : 95 1 Samuel 4, 4 : 161 1 Samuel 5 : 197 1 Samuel 5, 6 : 105 1 Samuel 5, 9-11 : 105 1 Samuel 5, 11 : 105 1 Samuel 6 : 197 1 Samuel 6, 19 : 197 1 Samuel 7, 3 : 212 1 Samuel 7, 4 : 204, 212 1 Samuel 7-9 : 239 1 Samuel 7, 8 : 82 1 Samuel 7, 9 : 241 1 Samuel 7, 10 : 197 1 Samuel 8 : 180 1 Samuel 8, 1-3 : 174 1 Samuel 8, 5 : 174 1 Samuel 8, 7-9 : 174

1 Samuel 8, 10-11 : 82 1 Samuel 8, 11.18 : 175 1 Samuel 8, 13 : 244 1 Samuel 8, 19 : 180 1 Samuel 19-20 : 175 1 Samuel 8, 20 : 180 1 Samuel 8, 22 : 175 1 Samuel 9, 1-10 : 180 1 Samuel 9, 1 : 176 1 Samuel 9, 2 : 175 1 Samuel 9, 6 : 278 1 Samuel 9, 6-7 : 176 1 Samuel 9, 7-8 : 266 1 Samuel 9, 9 : 278 1 Samuel 9, 10-13 : 176, 178 1 Samuel 9, 12 : 288 1 Samuel 9, 12-13 : 244 1 Samuel 9, 12-14 : 241 1 Samuel 9, 14 : 176, 178 1 Samuel 9, 15 : 80, 269, 271 1 Samuel 9, 15-17 : 53 1 Samuel 9, 16 : 53, 101, 176, 180, 271 1 Samuel 9, 17 : 176, 271 1 Samuel 9, 18 : 278 1 Samuel 9, 19 : 278 1 Samuel 9, 20 : 176, 273, 278 1 Samuel 9, 21 : 177 1 Samuel 9, 22 : 244 1 Samuel 9, 22-24 : 244 1 Samuel 9, 23-24 : 244 1 Samuel 9, 24 : 176 1 Samuel 9, 25 : 177 1 Samuel 9, 27 : 82, 177 1 Samuel 10, 1 : 82, 177, 269 1 Samuel 10, 1-7 : 178

1 Samuel 10, 2-4 : 178 1 Samuel 10, 2-7 : 83 1 Samuel 10, 3-6 : 178 1 Samuel 10, 5 : 178, 273 1 Samuel 10, 6 : 268 1 Samuel 10, 7 : 178, 268 1 Samuel 10, 8 : 179 1 Samuel 10, 9 : 268 1 Samuel 10, 10 : 273 1 Samuel 10, 10-13 : 273 1 Samuel 10, 17-27 : 178, 180 1 Samuel 10, 21-22 : 179 1 Samuel 10, 27 : 179 1 Samuel 11, 1 : 180 1 Samuel 11, 1-11 : 178 1 Samuel 11, 5 : 179 1 Samuel 11, 6 : 268 1 Samuel 11, 6-13 : 147 1 Samuel 11, 7 : 179 1 Samuel 11, 14-15 : 178, 240 1 Samuel 12 : 180 1 Samuel 12-13 ; 244 1 Samuel 12, 10 : 204, 212 1 Samuel 13, 14 : 180 1 Samuel 14 : 95 1 Samuel 14, 3. 19, 36-41 : 269 1 Samuel 14, 9-10 : 95 1 Samuel 14, 12 : 95 1 Samuel 14, 31-36 : 116 1 Samuel 14, 32-34 : 250 1 Samuel 14, 32-35 : 240 1 Samuel 36-37 : 116 1 Samuel 14, 36-42 : 304 1 Samuel 14, 37 : 304

346

1 Samuel 14, 44 : 79 1 Samuel 14, 45 : 95 1 Samuel 15, 1 : 269 1 Samuel 15, 11 : 142 1 Samuel 15, 15 : 240 1 Samuel 15, 20 : 53 1 Samuel 15, 22 : 53 1 Samuel 15, 23 : 53 1 Samuel 16 : 180, 271 1 Samuel 16, 1 : 269 1 Samuel 16, 1-3 : 240 1 Samuel 16, 7 : 269 1 Samuel 16, 8-10 : 269 1 Samuel 16, 12 : 269 1 Samuel 16, 13 : 268, 269 1 Samuel 16, 14-23 : 148, 268 1 Samuel 16, 23 : 233 1 Samuel 17, 26. 4054 : 156 1 Samuel 18, 6 : 233 1 Samuel 18-27 : 233 1 Samuel 19, 6 : 71 1 Samuel 19, 20 ; 268 1 Samuel 20, 13 : 79 1 Samuel 21, 2 : 220 1 Samuel 21, 12 : 233 1 Samuel 22, 9. 13 : 150 1 Samuel 22, 10 : 150 1 Samuel 23, 2. 4 : 304 1 Samuel 23, 2-12 : 262 1 Samuel 23, 9-12 : 262 1 Samuel 25, 22 : 79 1 Samuel 25, 28. 31 : 276 1 Samuel 25, 30 : 180 1 Samuel 26, 19 : 250 1 Samuel 28 : 266 1 Samuel 28, 5-6 : 116 1 Samuel 28, 6 : 304 1 Samuel 28, 10 : 79 1 Samuel 28, 13 : 285

1 Samuel 28, 14 : 285 1 Samuel 28, 15 : 116 1 Samuel 28, 16 : 116, 285 1 Samuel 28, 18 : 53 1 Samuel 30, 7-8 : 262 1 Samuel 31, 10 : 212 2 Samuel 1, 18-27 : 233 2 Samuel 2, 10 : 206 2 Samuel 3, 9 : 79 2 Samuel 3, 33 : 233 2 Samuel 3, 35 : 79 2 Samuel 4, 4 : 206 2 Samuel 5, 2 : 180 2 Samuel 5, 20 : 205 2 Samuel 5, 24 : 107 2 Samuel 6, 2 : 205 2 Samuel 6, 5 : 239 2 Samuel 6, 14 : 230 2 Samuel 6, 15-16 : 230 2 Samuel 6, 21 : 180 2 Samuel 7 : 272 2 Samuel 7, 6 : 106 2 Samuel 7, 7 : 106 2 Samuel 7, 8 : 163 2 Samuel 7, 14 : 162 2 Samuel 9, 6 : 206 2 Samuel 9, 25 : 206 2 Samuel 11, 1-27 : 296 2 Samuel 12, 13 : 296 2 Samuel 13, 23 : 204 2 Samuel 14 : 186 2 Samuel 1-5 : 186 2 Samuel 15, 7 : 199 2 Samuel 15, 10 : 233 2 Samuel 15, 10-12 : 245 2 Samuel 15, 31 : 19 2 Samuel 16, 12 : 101 2 Samuel 16, 23 : 83 2 Samuel 17, 28 : 21 2 Samuel 18, 18 : 69 2 Samuel 19, 25 : 206 2 Samuel 20, 6 : 179

2 Samuel 21, 18-25 : 240 2 Samuel 22, 9 : 100 2 Samuel 22, 11 : 167 2 Samuel 22, 9. 13 : 150, 151 2 Samuel 22, 11 : 147, 161 2 Samuel 22, 12 : 144 2 Samuel 22, 14 : 100 2 Samuel 22, 15 : 297 2 Samuel 22, 16 : 100, 197 2 Samuel 22, 17 : 104 2 Samuel 23, 27 : 213 2 Samuel 24, 18 : 226 2 Samuel 24, 11-22 : 272 2 Samuel 24, 24-25 : 226 1 Rois 11, 26 : 245 1 Rois 1, 25 : 245 1 Rois 1, 29 : 71 1 Rois 1, 35 : 180 1 Rois 1, 39 : 233 1 Rois 2, 23 : 79 1 Rois 2, 26 : 213 1 Rois 7, 51 : 254 1 Rois 8, 4 : 146 1 Rois 8, 10 : 151 1 Rois 8, 10-11 : 228 1 Rois 8, 11 : 146 1 Rois 8, 12 : 145 1 Rois 8, 12-13 : 229 1 Rois 8, 13 : 9 1 Rois 8, 15 : 58 1 Rois 8, 19-20 : 78 1 Rois 8, 20 : 100 1 Rois 8, 23-24 : 289 1 Rois 8, 23-54: 301 1 Rois 8, 24 : 100, 105 1 Rois 8, 27 : 219 1 Rois 8, 30 : 108, 219 1 Rois 8, 30-32 : 219 1 Rois 8, 31-32 : 193 1 Rois 8, 31-33 : 219 1 Rois 8, 32. 34. 39. 43. 45. 49 : 219

347

1 Rois 8, 34. 36. 39 : 101 1 Rois 8, 35 : 290 1 Rois 8, 39. 43. 49 : 9 1 Rois 8, 43-44 : 219 1 Rois 8, 44 : 219 1 Rois 8, 51 : 151 1 Rois 8, 54 : 289 1 Rois 8, 57 : 290 1 Rois 8, 62-64 : 235 1 Rois 8, 65 : 256 1 Rois 11, 5. 33 : 212 1 Rois 12, 22-24 : 83 1 Rois 12, 24 : 53 1 Rois 12, 26-33 : 220 1 Rois 12, 28 : 209 1 Rois 13, 1-5 : 83 1 Rois 14 7 : 180 1 Rois 14, 12 : 273 1 Rois 14, 15. 23 : 209 1 Rois 14, 23 : 225, 229 2 Rois 14, 26 : 210 1 Rois 15, 12-13 : 211 1 Rois 15, 13 : 210 1 Rois 15, 18 : 209 1 Rois 16, 2 : 180 1 Rois 16, 31-33 : 205 1 Rois 16, 33 : 209 1 Rois 17, 1 : 272 1 Rois 17, 13-16 : 273 1 Rois 17, 19-23 : 273 1 Rois 17, 19-46 : 207 1 Rois 18, 12 : 147, 267 1 Rois 18, 18 : 204 1 Rois 18, 19 : 209, 210 1 Rois 18, 20-41 : 96 1 Rois 18, 21: 205 1 Rois 18, 22-23 : 241 1 Rois 18, 25-39 : 205 1 Rois 18, 29 : 247 1 Rois 18, 32 : 24 1 Rois 18, 36-37 : 241 1 Rois 18, 37-40 : 272 1 Rois 18, 40 : 272 1 Rois 18, 46 :104

1 Rois 19, 2 : 79 1 Rois 19, 11 : 286 1 Rois 19, 11-12 : 148 1 Rois 19, 12 : 104 1 Rois 19, 13-16 : 271 1 Rois 19, 18 : 100 1 Rois 20, 33 : 30 1 Rois 21, 19 : 156, 161, 196, 272 1 Rois 20, 19-21 : 240 1 Rois 21, 22 : 285 1 Rois 22, 6 : 272 1 Rois 22, 19-22 : 278 1 Rois 22, 19 : 156, 161, 196 1 Rois 22, 19-22 : 288 1 Rois 22, 22 : 285 1 Rois 22, 53 : 206 1 Rois 22, 54 : 207 2 Rois 1, 2-17 : 207 2 Rois 1, 3 : 206 2 Rois 1, 3-4 : 284 2 Rois 2, 11 : 94 2 Rois 2, 14 : 94 2 Rois 2, 16 : 267 2 Rois 2, 20-22 : 280 2 Rois 2, 23-25 : 280 2 Rois 2, 24 : 262 2 Rois 2, 42-44 : 290 2 Rois 26-27 : 239 2 Rois 4, 1-7 : 279 2 Rois 4, 27 : 279 2 Rois 4, 30 : 79 2 Rois 4, 32-35 : 279 2 Rois 4, 38-41 : 280 2 Rois 4, 42 : 205 2 Rois 5, 10-14 : 273 2 Rois 5, 25-26 : 279 2 Rois 6, 5-6 : 278 2 Rois 6, 5-7 : 273 2 Rois 6, 8-10 : 279 2 Rois 6, 10 : 279 2 Rois 6, 16-17 : 290 2 Rois 6, 18 : 290 2 Rois 6, 20 : 290 2 Rois 6, 32 : 279 2 Rois 7, 2 : 273 2 Rois 8, 10 : 273

2 Rois 9, 1-6 : 271 2 Rois 9, 13 : 233 2 Rois 9, 18-28 : 207 2 Rois 9, 25-26 : 83 2 Rois 10, 19-25 : 206 2 Rois 10, 26-27 : 206 2 Rois 10, 29 : 206 2 Rois 12, 4 : 228 2 Rois 12, 19 : 210 2 Rois 13, 2-5 : 99 2 Rois 13, 6 : 209 2 Rois 13, 11 : 236 2 Rois 13, 12 : 26 2 Rois 13, 24-5 : 95 2 Rois 14, 3-4 : 228 2 Rois 15, 2 : 209 2 Rois 15, 4 : 228 2 Rois 16, 4 : 228 2 Rois 17, 1-7 : 205 2 Rois 17, 9 : 228 2 Rois 17, 10 : 228 2 Rois 17, 10. 16 : 209 2 Rois 17, 10. 26 : 209 2 Rois 17, 11 : 228 2 Rois 17, 15 : 215 2 Rois 17, 16 : 206 2 Rois 18, 1-8 : 228 2 Rois 18, 4 : 209 2 Rois 18, 14 : 95 2 Rois 18, 22-23 : 228 2 Rois 18, 29 : 33 2 Rois 19, 1 : 95 2 Rois 19, 4 : 95 2 Rois 19, 7 : 95 2 Rois 19, 25 : 33 2 Rois 20, 3-6 : 94 2 Rois 20, 5 : 180 2 Rois 21, 3 : 206 2 Rois 21, 3. 7 : 217 2 Rois 21, 7 : 210, 211 2 Rois 21, 13 : 36 2 Rois 22-23 : 274 2 Rois 22, 4-5 : 207 2 Rois 22, 13 : 274 2 Rois 22, 16 : 274 2 Rois 22, 19-20 : 274 2 Rois 22-23 : 274 2 Rois 23, 2-3 : 208

348

2 Rois 23, 4 : 210 2 Rois 23, 4-5 : 206, 212 2 Rois 23, 4-6 : 209 2 Rois 23, 4. 6. 7. 14 : 217 2 Rois 23, 5 : 189 2 Rois 23, 7 : 210 2 Rois 23, 8 : 228 2 Rois 23, 9 : 228 2 Rois 23, 11: 208, 228 2 Rois 23, 13 : 212 2 Rois 23, 26 : 123 2 Rois 23, 27 : 114 Isaïe 1, 2-3 : 125, 189 Isaïe 1, 2-4 : 190 Isaïe 1, 4. 5 : 44 Isaïe 1, 10-16 : 242 Isaïe 1, 13 : 184, 246 Isaïe 1, 15 : 102 Isaïe 1, 18 : 137 Isaïe 1, 19 : 139 Isaïe 1, 21-23 : 141 Isaïe 1, 23 : 119 Isaïe 1, 25 : 104, 137 Isaïe 1, 28. 31 : 119 Isaïe 1, 29 : 229 Isaïe 2, 3-4 : 253 Isaïe 2, 8 : 119 Isaïe 2, 17 : 119 Isaïe 2, 22 : 119 Isaïe 3, 1 : 141 Isaïe 3, 13-15 : 189 Isaïe 5, 11-12 : 233 Isaïe 5, 13 : 29, 226 Isaïe 5, 20-21 : 131 Isaïe 6, 1 : 161 Isaïe 6, 5-7 : 13 Isaïe 8, 3 : 275 Isaïe 8, 17 : 112 Isaïe 8, 19 : 285 Isaïe 10, 1-2 : 120, 187 Isaïe 10, 23 : 26 Isaïe 10, 28 : 213 Isaïe 11, 6-9 : 253 Isaïe 12, 6 : 157 Isaïe 13, 3 : 45, 84

Isaïe 13, 6-9 : 84 Isaïe 13, 9 : 124 Isaïe 13, 11 : 84 Isaïe 14, 10 : 233 Isaïe 14, 13 : 161 Isaïe 17, 8 : 209, 226 Isaïe 19, 1 : 145 Isaïe 19, 19 : 225 Isaïe 19, 24 : 44 Isaïe 24, 11 : 289 Isaïe 24, 13 : 25 Isaïe 24, 21 : 196 Isaïe 25, 6 : 243 Isaïe 25, 10 : 106 Isaïe 26, 5 : 31 Isaïe 27, 8 : 148 Isaïe 27, 9 : 209 Isaïe 28, 3 : 197 Isaïe 28, 7 : 276 Isaïe 28, 13-14 : 101 Isaïe 28, 14 : 101 Isaïe 28, 16 : 188 Isaïe 28, 17 : 149, 150, 188 Isaïe 28, 19 : 149 Isaïe 28, 21 : 107 Isaïe 28, 23 : 101 Isaïe 29, 3 : 197 Isaïe 29, 5 : 194 Isaïe 29, 6 : 150, 151 Isaïe 29, 8 : 87, 151 Isaïe 29, 9 : 194 Isaïe 29, 9-12 : 276 Isaïe 29, 10 : 194 Isaïe 29, 13 : 194 Isaïe 29, 15: 157 Isaïe 29, 16 : 21 Isaïe 30, 1 : 141 Isaïe 30, 6-8 : 273 Isaïe 30, 23 : 94 Isaïe 30, 25 : 94 Isaïe 30, 27 : 151, 194 Isaïe 30, 27-28 : 151 Isaïe 30, 29 : 94 Isaïe 30, 30 : 99, 106, 150, 194 Isaïe 30, 30. 33 : 150 Isaïe 30, 31 : 194, 198

Isaïe 30, 32 : 198 Isaïe 31, 5 : 198 Isaïe 31, 8 : 198 Isaïe 31, 9 : 150 Isaïe 32, 11 : 191, 289 Isaïe 33, 1 : 198 Isaïe 33, 3 : 198 Isaïe 33, 4 : 198 Isaïe 33, 10 : 107 Isaïe 33, 11 : 191 Isaïe 33, 12 : 194 Isaïe 33, 13 : 151 Isaïe 33, 15 : 142 Isaïe 33, 15-16 : 192 Isaïe 33, 15-24 : 192 Isaïe 33, 22. 24 : 192 Isaïe 34, 1 : 194 Isaïe 34, 2 : 194 Isaïe 34, 5-6 : 198, 252 Isaïe 34, 5-8 : 251 Isaïe 34, 5-10 : 252 Isaïe 34, 6 : 252 Isaïe 34, 8 : 198, 251 Isaïe 35 : 251 Isaïe 37, 1 : 95 Isaïe 38, 20 : 232 Isaïe 40, 5 : 80 Isaïe 40, 7 : 101 Isaïe 40, 8 : 100 Isaïe 40, 13 : 147 Isaïe 40, 19-20 : 202 Isaïe 41, 6-7 : 202 Isaïe 41, 17 : 114 Isaïe 41, 21-29 : 189 Isaïe 44, 9-10 : 202 Isaïe 44, 9-20 : 202 Isaïe 44, 19 : 202 Isaïe 49, 7 : 158 Isaïe 49, 8 : 158 Isaïe 49, 10 : 150 Isaïe 49, 13 : 158 Isaïe 49, 22 : 104 Isaïe 50, 2 : 104 Isaïe 50, 20-21 : 126 Isaïe 50, 25 : 158 Isaïe 51, 12 : 140 Isaïe 51, 12-13 : 106, 109, 118

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Isaïe 51, 9 : 104, 198 Isaïe 51, 17-22 : 140 Isaïe 53, 1 : 104 Isaïe 54, 7 : 114 Isaïe 54, 7-9 : 140 Isaïe 54, 8 : 112, 135 Isaïe 54, 9 : 140 Isaïe 54, 9-10 : 140 Isaïe 54, 11 : 141 Isaïe 54, 14 : 141 Isaïe 55, 11 : 17 Isaïe 55, 13 : 141 Isaïe 56, 1 : 142 Isaïe 56, 5 : 19, 69 Isaïe 57, 5 : 229 Isaïe 58, 13-14 : 184 Isaïe 59, 1 : 101, 104 Isaïe 62, 6-9 : 67 Isaïe 63, 4 : 125 Isaïe 64, 9 : 133 Isaïe 65, 3. 5-7 : 229 Isaïe 65, 11 : 227 Isaïe 65, 16 : 55 Isaïe 65, 21 : 67 Isaïe 66, 1 : 229 Isaïe 66, 2 : 105 Isaïe 66, 7-14 : 83 Isaïe 66, 17 : 229 Isaïe 66, 23 : 184 Jérémie 1, 1 : 213 Jérémie 1, 5 : 50 Jérémie 1, 6 : 50 Jérémie 1, 7 : 50 Jérémie 1, 10 : 50 Jérémie 1, 16 : 201 Jérémie 2, 6 : 116 Jérémie 2, 8 : 116, 121, 208 Jérémie 2, 13 : 149 Jérémie 2, 20 : 229 Jérémie 2, 23 : 204 Jérémie 2, 25 : 214 Jérémie 2, 27-28 : 201 Jérémie 2, 29 : 194 Jérémie 2, 32 : 109, 194 Jérémie 2, 35 : 194 Jérémie 3, 6. 13 : 229

Jérémie 3, 19 : 162 Jérémie 4, 1-2 : 79 Jérémie 4, 16 : 45 Jérémie 4, 22 : 120 Jérémie 4, 23-25 : 109 Jérémie 4, 27 : 26 Jérémie 5, 2 : 79 Jérémie 5, 4 : 130 Jérémie 5, 6 : 133 Jérémie 5, 8 : 120 Jérémie 5, 9 : 133 Jérémie 5, 14-19 : 126 Jérémie 5, 25 : 120 Jérémie 5, 27 : 120 Jérémie 5, 28-29 : 120, 213 Jérémie 5, 30 : 120 Jérémie 6, 8 : 126 Jérémie 6, 27-30 : 137 Jérémie 7, 1-9 : 120 Jérémie 7, 1-20 : 230 Jérémie 7, 10 : 286 Jérémie 7, 12 : 220 Jérémie 7, 18 : 213, 214 Jérémie 7, 19 : 121 Jérémie 7, 20 : 124 Jérémie 7, 29 : 114 Jérémie 7, 30 : 202 Jérémie 8, 2 : 209 Jérémie 8, 4-6 : 109 Jérémie 8, 6 : 120 Jérémie 8, 8. 9 : 109 Jérémie 8, 15 : 130 Jérémie 8, 18 : 121 Jérémie 8, 21. 23 : 121 Jérémie 9, 1 : 108 Jérémie 9, 9 : 289 Jérémie 9, 10 : 45, 133 Jérémie 9, 13 : 204 Jérémie 9, 14 : 131 Jérémie 10, 1-6 : 201 Jérémie 10, 3b-5a : 202 Jérémie 10, 7b-8 : 202 Jérémie 10, 11 : 124 Jérémie 10, 19 : 121 Jérémie 10, 20 : 121

Jérémie 11, 10 : 120 Jérémie 11, 18-20 : 291 Jérémie 11, 21. 23 : 213 Jérémie 12, 1 : 291 Jérémie 12, 4-6 : 292 Jérémie 12, 7 : 114 Jérémie 13, 27 : 120, 22 Jérémie 14-15 : 201 Jérémie 14, 12 : 25, 26 Jérémie 14, 17 : 12 Jérémie 14, 19 : 114, 122 Jérémie 14, 21 : 118 Jérémie 15, 1 : 144 Jérémie 15, 2-3 : 131 Jérémie 15, 2-4 : 133 Jérémie 15, 7 : 131 Jérémie 15, 9 : 131 Jérémie 15, 15-18 : 292 Jérémie 15, 15-21 : 291 Jérémie 15, 16 : 292 Jérémie 15, 17 : 104 Jérémie 15, 18 : 272 Jérémie 15, 19 : 100, 270 Jérémie 15, 20 : 270 Jérémie 15, 21 : 270 Jérémie 16, 4 : 26 Jérémie 17, 2 : 229 Jérémie 17, 4 : 124 Jérémie 17, 12-18 : 291 Jérémie 17, 13 : 150 Jérémie 17, 14-16 : 292 Jérémie 17, 15 : 116 Jérémie 18, 2-4 : 135 Jérémie 18, 4 : 136 Jérémie 18, 9 : 136 Jérémie 18, 13-15 : 109 Jérémie 18, 20b : 292

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Jérémie 18, 18-23 : 291 Jérémie 18, 20 : 292 Jérémie 19, 15. 13 : 214 Jérémie 20, 9 : 291 Jérémie 20, 10-13 : 291Jérémie 20, 13 : 292 Jérémie 23, 3 : 201 Jérémie 23, 8 : 201 Jérémie 23, 9 : 109 Jérémie 23, 11 : 276 Jérémie 23, 13 : 208 Jérémie 23, 13-16 : 85 Jérémie 23, 15 : 276 Jérémie 23, 16 : 276 Jérémie 23, 17 : 130 Jérémie 23, 18 : 162 Jérémie 23, 23 : 157 Jérémie 23, 24 : 157 Jérémie 23, 27 : 276 Jérémie 23, 28 : 276 Jérémie 23, 29 : 33, 203 Jérémie 23, 32 : 85, 276 Jérémie 23, 33 : 82, 85 Jérémie 23, 33-37 : 82 Jérémie 23, 36 : 82 Jérémie 23, 37-39 : 82 Jérémie 23, 39 : 33, 115 Jérémie 28, 1-3 : 276 Jérémie 28, 17 : 277 Jérémie 29, 21 : 120 Jérémie 29, 27 : 213 Jérémie 30, 11 : 126 Jérémie 30, 22 : 164 Jérémie 31, 1 : 164 Jérémie 31, 2 : 20 Jérémie 31, 3 : 137, 157 Jérémie 31, 8 : 162 Jérémie 31, 28 : 41 Jérémie 31, 31 : 166 Jérémie 32, 7-9 : 218

Jérémie 32, 22 : 16, 73, 78 Jérémie 32, 29 : 208, 214 Jérémie 33, 3 : 136 Jérémie 33, 3. 5 : 124 Jérémie 33, 4 : 183 Jérémie 33, 8 : 135 Jérémie 33, 10-16 : 136 Jérémie 33, 22 : 196 Jérémie 33, 24 : 114 Jérémie 33, 26 : 137 Jérémie 34, 18-20 : 164 Jérémie 36, 6. 9 : 289 Jérémie 37, 17 : 45, 81 Jérémie 44, 6 : 194 Jérémie 44, 15-19 : 204 Jérémie 44, 16-17 : 213 Jérémie 44, 17 : 213 Jérémie 44, 18 : 213 Jérémie 44, 19 : 213 Jérémie 44, 13 : 213 Jérémie 44, 25 : 20, 213 Jérémie 44, 26-29 : 214 Jérémie 49, 16 : 33 Ézéchiel 1-3 : 159 Ézéchiel 1, 3 : 104 Ézéchiel 1, 7 : 161 Ézéchiel 1, 10 : 161 Ézéchiel 1-24 : 83, 208, 223 Ézéchiel 1, 28 : 152 Ézéchiel 1, 28a : 159 Ézéchiel 1, 28b : 159 Ézéchiel 2, 1-2 : 270 Ézéchiel 2, 5 : 270 Ézéchiel 2, 6 : 270 Ézéchiel 2, 7 : 83 Ézéchiel 2, 8 : 83 Ézéchiel 2, 9-10 : 104, 270 Ézéchiel 3, 1 : 270

Ézéchiel 3, 4 : 83 Ézéchiel 3, 10 : 270 Ézéchiel 3, 12-23 : 159 Ézéchiel 3, 22 : 104 Ézéchiel 3, 24 : 268 Ézéchiel 6, 1-6 : 220 Ézéchiel 6, 4 : 202 Ézéchiel 6, 13 : 229, 281 Ézéchiel 7, 8 : 124 Ézéchiel 7, 11 : 130, 197 Ézéchiel 7, 12 : 130 Ézéchiel 7, 15 : 130, 131 Ézéchiel 7, 17 : 131 Ézéchiel 7, 18 : 131 Ézéchiel 7, 19 : 132 Ézéchiel 7, 22 : 113, 194 Ézéchiel 7, 23-26 : 132 Ézéchiel 7, 24 : 220 Ézéchiel 8, 1 : 104 Ézéchiel 8, 3 : 160 Ézéchiel 8, 4 : 160 Ézéchiel 8-11 : 159, 201, 204 Ézéchiel 8, 6-14 : 160 Ézéchiel 8, 14 : 208 Ézéchiel 8, 16-18 : 209 Ézéchiel 9, 3 : 160 Ézéchiel 9, 11 : 160 Ézéchiel 10 : 84 Ézéchiel 10, 1-4 : 160 Ézéchiel 10, 1-8 : 223 Ézéchiel 10, 4 : 160 Ézéchiel 10, 5 : 160 Ézéchiel 10, 7 : 83 Ézéchiel 10, 8 : 160 Ézéchiel 10, 9 : 161 Ézéchiel 10, 10 : 161 Ézéchiel 10, 11 : 161 Ézéchiel 10, 12 : 161 Ézéchiel 10, 14 : 161

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Ézéchiel 10, 15-16 : 161 Ézéchiel 10, 17 : 161 Ézéchiel 10, 19 : 161 Ézéchiel 10, 21 : 161 Ézéchiel 10, 22 : 161 Ézéchiel 11, 1-4 : 268 Ézéchiel 11, 5 : 268 Ézéchiel 11, 11 : 84 Ézéchiel 11, 14-21 : 84 Ézéchiel 11, 16 : 223, 224 Ézéchiel 11, 19 : 41 Ézéchiel 11, 23 : 160 Ézéchiel 11, 24 : 147, 268 Ézéchiel 11, 24-21 : 84 Ézéchiel 12, 11 : 208 Ézéchiel 12, 15-16 : 154 Ézéchiel 12, 24-25 : 82 Ézéchiel 13 : 266 Ézéchiel 13, 3 : 277 Ézéchiel 13, 6. 8-9 : 287 Ézéchiel 13, 9 : 105 Ézéchiel 13, 17-18. 21. 23 : 277 Ézéchiel 14, 3 : 109, 115, 118, 270 Ézéchiel 14, 6 : 137, 195 Ézéchiel 14, 7-9 : 118 Ézéchiel 14, 8 : 195 Ézéchiel 14, 13. 15 : 195 Ézéchiel 14, 21 : 195 Ézéchiel 16, 24-25 : 119 Ézéchiel 16, 53-63 : 84 Ézéchiel 17, 22-24 : 84 Ézéchiel 18, 4 : 139

Ézéchiel 18, 10-11 : 139 Ézéchiel 18, 23-32 : 140 Ézéchiel 18, 31 : 41 Ézéchiel 20, 1-3 : 270 Ézéchiel 20, 3 : 115 Ézéchiel 20, 40-44 : 84 Ézéchiel 21, 8 : 110 Ézéchiel 22, 12 : 109 Ézéchiel 22, 21-22 : 152 Ézéchiel 23, 47 : 26 Ézéchiel 25-32 : 84 Ézéchiel 25, 4-7 : 84 Ézéchiel 25, 8-11 : 84 Ézéchiel 25, 12-14 : 84 Ézéchiel 25, 15-17 : 84 Ézéchiel 26-28 : 84 Ézéchiel 28, 25-26 : 84 Ézéchiel 28, 26 : 67 Ézéchiel 31, 33 : 224 Ézéchiel 33-48 : 83 Ézéchiel 34, 11-22 : 84 Ézéchiel 34, 22 : 201 Ézéchiel 34, 23-24 : 84 Ézéchiel 34, 24 : 201 Ézéchiel 34, 25 : 166 Ézéchiel 34, 25-32 : 84 Ézéchiel 36, 1-5 : 84 Ézéchiel 36, 16-23b : 84 Ézéchiel 36, 23c-38 : 84 Ézéchiel 36, 26 : 41 Ézéchiel 36, 36 : 67 Ézéchiel 37, 15-23 : 84 Ézéchiel 37, 26 : 166 Ézéchiel 37, 27 : 224 Ézéchiel 39, 16 : 261

Ézéchiel 39, 25-29 : 84, 139 Ézéchiel 39, 28-29 : 139 Ézéchiel 40-44 ; 84 Ézéchiel 40, 16 : 105 Ézéchiel 40-48 : 159 Ézéchiel 43, 2 : 160 Ézéchiel 43, 4 : 160 Ézéchiel 43, 5 : 160, 268 Ézéchiel 43, 9 : 201 Ézéchiel 44, 4 : 160 Ézéchiel 44, 30 : 246 Osée 1, 5 : 152 Osée 2, 15. 19 : 204 Osée 2, 18-19 : 207 Osée 3, 4 : 262 Osée 4,3. 8 : 120 Osée 4, 5 : 272 Osée 4, 6 : 113, 120 Osée 4, 10 : 109 Osée 4, 11 : 120 Osée 4, 12 : 229, 305 Osée 4, 12-13 : 229 Osée 4, 13 : 281 Osée 4, 14 : 119 Osée 4, 15 : 220 Osée 6, 1-3 : 137 Osée 8, 4 : 272 Osée 9, 10 : 205 Osée 9, 17 : 114 Osée 11, 1-3 : 122 Osée 11, 2 : 204 Osée 11, 9 : 157 Osée 12, 14 : 305 Osée 13, 1 : 208 Osée 13, 2 : 202 Osée 13, 10 : 272 Osée 13, 15 : 148 Joël 1, 9. 13 : 247 Joël 3, 1-2 : 278 Joël 3, 1 : 87 Amos 1, 8 : 106 Amos 3, 2 : 111 Amos 3, 7 : 162, 271 Amos 4, 5 : 248 Amos 4, 7 : 57

352

Amos 5, 2. 5. 11 : 67 Amos 5, 4 : 142 Amos 5, 5 : 220 Amos 5, 11 : 57 Amos 5, 14-15 : 232 Amos 5, 21 : 114 Amos 5, 22 : 236, 247 Amos 5, 23 : 232 Amos 8, 14 : 220 Amos 9, 1 : 241 Amos 9, 7 : 45 Amos 9, 11 : 201 Amos 9, 11-15 : 57 Jonas 1, 1-2 : 50 Jonas 1, 4 : 97, 147 Jonas 1, 6 : 97 Jonas 1, 7 : 305 Jonas 1, 15-16 : 305 Jonas 2, 3-8 : 290 Jonas 2, 5 : 115 Jonas 2, 10 : 236 Jonas 3, 1-2 : 97 Jonas 3, 8 : 291 Michée 2, 11 : 276 Michée 3, 1 : 186 Michée 3, 1-3 : 111 Michée 3, 4 : 102, 111, 112, 186, 197 Michée 3, 5-8 : 134 Michée 3, 6 : 85 Michée 3, 7 : 115 Michée 3, 9 : 186 Michée 3, 11 : 45, 130, 186, 262 Michée 3, 12 : 133, 134 Michée 4, 1 : 227 Michée 5, 13 : 209 Michée 6, 1-8 : 189, 190 Michée 6, 3 : 109, 118, 122 Michée 6, 3-5 : 125 Michée 6, 4 : 274 Michée 6, 8 : 142, 187 Michée 6, 9 : 197 Nahum 1, 3 : 150 Habacuc 1, 2 : 103

Habacuc 1, 13 : 115 Habacuc 2, 18-19 : 305 Habacuc 3, 3 : 227 Habacuc 3, 5-7. 12 : 206 Habacuc 3, 8 : 106, 152 Habacuc 3, 10 : 208 Haggaï 1-2 : 224 Haggaï 2, 5 : 267 Haggaï 2, 11 : 262 Sophonie 1, 4-5 : 207 Sophonie 1, 7 : 252 Sophonie 1, 7-8 : 251 Sophonie 1, 13 : 67 Sophonie 1, 15 : 67 Sophonie 2, 8 : 208 Sophonie 3, 19 : 26 Zacharie 1-8 : 224 Zacharie 1, 12 : 122 Zacharie 1, 12-14 : 284 Zacharie 1, 16 : 137, 227 Zacharie 4, 5 : 267 Zacharie 4, 7 : 233, 267 Zacharie 6 : 201 Zacharie 6, 10 : 155 Zacharie 7, 3 : 262 Zacharie 8 : 201 Zacharie 8, 16-17 : 139 Zacharie 9, 1 : 101 Zacharie 9, 14 : 147 Zacharie 14, 5 : 283 Zacharie 14, 19 : 236 Malachie 1, 6-7. 11 : 262 Malachie 1, 11 : 242, 247 Malachie 1, 4 : 122 Malachie 3, 1 : 281 Malachie 3, 2-3 : 138 Malachie 3, 3 : 261 Malachie 3, 3-4 : 242 Malachie 3, 6 : 79

Malachie 3, 19 : 151 Malachie 3, 22-24 : 186 Psaume 1 : 300 Psaume 2, 4 : 158 Psaume 2, 7 : 163 Psaume 3 : 231, 292 Psaume 3, 8 : 292 Psaume 4 : 292 Psaume 4, 2 : 293 Psaume 5 : 231 Psaume 5, 3 : 293 Psaume 5, 5-6 : 294 Psaume 5-7 : 292 Psaume 6, 3-4 : 293 Psaume 6, 5 : 295 Psaume 6, 7 : 128 Psaume 6, 8 : 126 Psaume 7 : 231 Psaume 7, 1 : 301 Psaume 8 : 294 Psaume 8, 4 : 21 Psaume 8, 6 (5) : 285 Psaume 8, 5-7 : 311 Psaume 8, 36 : 261 Psaume 8, 49 : 294 Psaume 9 : 114 Psaume 9, 2 : 294 Psaume 9, 5. 8. 20 : 194 Psaume 9, 8 : 102 Psaume 9, 12 : 195 Psaume 9, 13 : 114 Psaume 9, 17. 20 : 195 Psaume 10, 1 : 293 Psaume 10, 4 : 116 Psaume 10, 5 : 117 Psaume 10, 7 : 128 Psaume 10, 11 : 112, 113 Psaume 10, 12 : 104, 117 Psaume 10, 13 : 117 Psaume 10, 15 : 128 Psaume 11 : 292 Psaume 11, 1. 7 : 293 Psaume 12 : 293 Psaume 12, 7 : 294

353

Psaume 12, 8 : 61, 293 Psaume 13-15 : 301 Psaume 13 : 231, 292, 300 Psaume 13, 1-2 : 118 Psaume 13, 2 : 113 Psaume 13, 4 : 295 Psaume 13, 4-5 : 294 Psaume 13, 6 : 293 Psaume 13, 8 : 295 Psaume 14 : 300 Psaume 14, 5 : 195 Psaume 15, 3 : 201 Psaume 16 : 292 Psaume 16, 1 : 293 Psaume 16, 5 : 304 Psaume 16, 9-10 : 301 Psaume 16, 10 : 298 Psaume 17 : 292 Psaume 17, 3 : 294 Psaume 18 : 231 Psaume 18, 1-5 : 301 Psaume 18, 3 : 298 Psaume 18, 9. 13-14 : 151 Psaume 18, 10 : 106 Psaume 18, 11 : 106 Psaume 18, 19 : 145 Psaume 19 : 231, 300 Psaume 19, 2 : 159 Psaume 19, 13 : 292 Psaume 19, 15 : 60 Psaume 21 : 231 Psaume 21, 2-8 : 294 Psaume 21, 9 : 179 Psaume 21, 10 : 151 Psaume 22 : 292 Psaume 22, 1-3 : 293 Psaume 22, 2 : 128, 201 Psaume 22, 7-8 : 128 Psaume 22, 9 : 129 Psaume 22, 12-20 : 113 Psaume 22, 15 : 126 Psaume 22, 19 : 156 Psaume 22, 25-27 : 295

Psaume 22, 22-32 : 151, 294 Psaume 22, 25-27 : 310 Psaume 23 : 292 Psaume 23, 1-6 : 296 Psaume 23, 3 : 297 Psaume 24, 4 : 295 Psaume 24, 7 : 159 Psaume 25-28 : 292 Psaume 25, 3 : 294 Psaume 25, 11 : 294 Psaume 25, 20-21 : 293 Psaume 26, 2-3 : 294 Psaume 26, 31 : 201 Psaume 27 : 114, 297 Psaume 27, 1 : 297 Psaume 27, 4 : 297 Psaume 27, 10 : 129 Psaume 27, 13 : 295 Psaume 29, 1 : 160, 161 Psaume 29, 3 : 100 Psaume 29, 3. 10 : 100 Psaume 29, 4 : 100 Psaume 29, 7 : 100 Psaume 29, 8 : 100 Psaume 29, 9 : 100 Psaume 29, 10 : 161 Psaume 30 : 231, 297 Psaume 30, 1-3 : 301 Psaume 30, 1-4 : 297 Psaume 30, 8 : 112 Psaume 30, 10 : 127 Psaume 31 : 292 Psaume 31, 1 : 129 Psaume 31, 3 : 102 Psaume 31, 8. 11 : 129 Psaume 31, 10 : 129 Psaume 31, 10-11 : 129 Psaume 31, 11 : 129 Psaume 31, 12 : 129 Psaume 31, 13 : 129 Psaume 31, 14 : 129 Psaume 31, 20 : 201 Psaume 31, 22 : 129

Psaume 31, 23 : 115 Psaume 33 : 231 Psaume 33, 5-8 : 231 Psaume 33, 14 : 219 Psaume 33, 18 : 102 Psaume 34 : 295 Psaume 34, 5-7 : 295 Psaume 34, 17 : 113 Psaume 34, 18 : 137 Psaume 35 : 292 Psaume 35, 1-4 : 295 Psaume 35, 15 : 294 Psaume 35, 22 : 115 Psaume 35, 23 : 113 Psaume 36, 2-5 : 292 Psaume 37, 40 : 301 Psaume 38-39 : 292 Psaume 38, 2 : 123 Psaume 38, 5 : 294 Psaume 38, 11 : 127 Psaume 38, 12 : 129 Psaume 38, 13 : 129 Psaume 38, 16 : 294 Psaume 38, 22 : 113 Psaume 39 : 300 Psaume 39-46 : 300 Psaume 39, 10 : 294 Psaume 39, 11 : 25, 26 Psaume 40 : 297 Psaume 40, 7-9 : 243 Psaume 40, 12. 1418 : 292 Psaume 41, 5-11 : 292 Psaume 42 : 292 Psaume 42, 1-3 : 295 Psaume 42, 2. 3 : 118 Psaume 42 3 : 295 Psaume 42, 4-11 : 129 Psaume 42, 4 : 128 Psaume 42, 6 : 298 Psaume 42, 7 : 128 Psaume 42, 8 : 128, 298 Psaume 42, 10 : 298 Psaume 42, 11 : 116 Psaume 42, 12 : 298 Psaume 42-49 : 153 Psaume 43 : 292

354

Psaume 43, 4 : 295 Psaume 43, 5 : 129 Psaume 44 : 144, 299, 301 Psaume 44, 2 : 298 Psaume 44, 10-11 : 132 Psaume 44, 10. 14 : 298 Psaume 44, 10-17. 20. 23-25 : 300 Psaume 44, 12 : 131 Psaume 44, 18-19 : 143 Psaume 44, 18-22 : 299 Psaume 44, 23 : 131 Psaume 44, 23-27 : 299 Psaume 44, 25 : 113 Psaume 48, 2 : 219 Psaume 48, 3 : 227 Psaume 48, 8 : 148 Psaume 49 : 294, 300 Psaume 49, 13-15 : 301 Psaume 49, 16 : 298 Psaume 50 : 153, 189, 300 Psaume 50, 1 : 153 Psaume 50, 1. 4 : 191 Psaume 50, 3 : 150 Psaume 50, 7 : 153 Psaume 50, 12-13 : 243 Psaume 50, 14 : 153 Psaume 50, 22 : 153 Psaume 51-72 : 153 Psaume 51 : 243, 292, 296 Psaume 51, 2 : 251 Psaume 51, 4 : 138 Psaume 51, 5-6 : 296 Psaume 51, 9 : 139 Psaume 51, 11 : 267 Psaume 51, 12 : 20, 139

Psaume 51, 12-14 : 296 Psaume 51, 13 : 268 Psaume 51, 18-19 : 251 Psaume 52 : 292 Psaume 54-57 : 292 Psaume 55, 1 : 113 Psaume 55, 2 : 102 Psaume 56, 4 : 294 Psaume 58 : 231 Psaume 58, 10 : 122 Psaume 59 : 292, 299 Psaume 59, 2 : 301 Psaume 59, 5-6 : 113 Psaume 60, 3 : 123, 300 Psaume 60, 3-5. 12 : 123, 300 Psaume 60, 3-12 : 115 Psaume 60, 6 : 201 Psaume 61 : 292 Psaume 61, 2 : 293 Psaume 61, 6 : 201 Psaume 61, 13. 1819 : 296 Psaume 62 : 292 Psaume 63 : 292 Psaume 64 ; 292 Psaume 65 : 300 Psaume 65, 4 : 260 Psaume 66, 10-12 : 138 Psaume 66, 18b : 292 Psaume 66, 16 : 201 Psaume 68, 5 : 150 Psaume 68, 6 : 164 Psaume 68, 19 : 150 Psaume 69-71 : 303 Psaume 69 : 296, 298, 301 Psaume 69, 2 : 127 Psaume 69, 4 : 126, 127 Psaume 69, 6 : 294 Psaume 69, 9 : 129 Psaume 69, 13 : 128 Psaume 69, 16 : 128

Psaume 69, 18 : 112, 129 Psaume 69, 20 : 128 Psaume 69, 22 : 128 Psaume 69, 23 : 128 Psaume 69, 24 : 128 Psaume 69, 25 : 128 Psaume 69, 26 : 128 Psaume 69, 28 : 128 Psaume 69, 29 : 296 Psaume 69, 34 : 296 Psaume 69-71 : 292 Psaume 71, 6-17 : 294 Psaume 71, 9-18 : 114 Psaume 71, 12 : 113 Psaume 71, 20-21 : 298 Psaume 72 : 297 Psaume 72, 1-3 : 297 Psaume 72, 4 : 297 Psaume 72, 18-19 : 297 Psaume 73-83 : 153 Psaume 73 : 294, 300 Psaume 73, 10 : 142 Psaume 73, 20 : 19 Psaume 74 : 299, 301, 310, 311, 313 Psaume 74, 1 : 115, 118, 122, 195, 300 Psaume 74, 2. 12. 17 : 299 Psaume 74, 4. 9 : 134 Psaume 74, 5 : 131 Psaume 74, 5. 7-8 : 134 Psaume 74, 18 : 153, 159 Psaume 74, 18-20. 22 : 299 Psaume 74, 19-20 : 114 Psaume 74, 20 : 131 Psaume 74, 21 : 142 Psaume 75, 8 : 154 Psaume 76, 12 : 154 Psaume 77, 2-7 : 292 Psaume 77, 11 : 154

355

Psaume 78 : 95, 300, 312 Psaume 78, 1 : 134 Psaume 78, 4 : 154, 299 Psaume 78, 4-9 : 285 Psaume 78, 8 : 131 Psaume 78, 17-21 : 123 Psaume 78, 35 : 60 Psaume 78, 49 : 124, 296 Psaume 78, 63-64 : 131 Psaume 78, 72 : 300 Psaume 78, 80 : 136 Psaume 79 : 299, 301 Psaume 79, 1 : 134 Psaume 79, 3 : 131, 300 Psaume 79, 5 : 300 Psaume 79, 5-6 : 153 Psaume 79, 6 : 11 Psaume 79, 9 : 299 Psaume 79, 11 : 132 Psaume 80, 3-9 : 300 Psaume 80, 5 : 300 Psaume 80, 5-7. 13 : 300 Psaume 80, 14 : 131 Psaume 80, 15 : 132, 295 Psaume 80, 17 : 132 Psaume 80, 19-20 : 153 Psaume 80, 20 : 153 Psaume 81, 5. 10. 16 : 159 Psaume 81, 11 : 153 Psaume 82 : 153, 189 Psaume 82, 1 : 161 Psaume 82, 5-7 : 196 Psaume 82, 6 : 160 Psaume 82, 8 : 195 Psaume 82, 9 : 203 Psaume 82, 10-12 : 189 Psaume 83 : 195

Psaume 83, 2 : 115, 203 Psaume 83, 3-9 : 300 Psaume 83, 10-12 : 203 Psaume 83, 18 : 195 Psaume 83, 19 : 154 Psaume 85, 3 : 196 Psaume 85, 6 : 123, 300 Psaume 85, 10 : 201 Psaume 85, 11-14 : 309 Psaume 86 : 292, 301 Psaume 86, 1-13 : 301 Psaume 86, 2 : 294 Psaume 86, 13 : 301 Psaume 88 : 127, 292, 303 Psaume 88, 4 : 298 Psaume 88, 6 : 127 Psaume 88, 6. 9-10. 17 : 298 Psaume 88, 7-8 : 127 Psaume 88, 9-19 : 129 Psaume 88, 10 : 126 Psaume 88, 11-13 : 127 Psaume 88, 14 : 127 Psaume 88, 15 : 115, 117 Psaume 89 : 299, 300 Psaume 89, 6. 8 : 161 Psaume 89, 7 : 160 Psaume 89, 10 : 149 Psaume 89, 12-13 : 17 Psaume 89, 14 : 105 Psaume 89, 20 : 163 Psaume 89, 20-30 : 163 Psaume 89, 28 : 163 Psaume 89, 35 : 129 Psaume 89, 39 : 114, 123 Psaume 89, 39-40 : 115, 130, 299 Psaume 89, 39-46 : 300

Psaume 89, 40 : 115 Psaume 89, 43 : 132 Psaume 89, 44 : 132 Psaume 89, 47 : 112, 123, 300 Psaume 89, 50-51 : 299 Psaume 90 : 300 Psaume 90, 14 : 123 Psaume 94, 2 : 195 Psaume 94, 4 : 26 Psaume 94, 5 : 300 Psaume 94, 16-23 : 292 Psaume 96, 7 : 159 Psaume 96, 8 : 246 Psaume 98, 2-3 : 80 Psaume 99, 2 : 199 Psaume 99, 8 : 158 Psaume 101, 6 : 102 Psaume 102 : 292, 300 Psaume 102, 3 : 112 Psaume 102, 4 : 127 Psaume 102, 5 : 127 Psaume 102, 6 : 127, 298 Psaume 102, 10-11 : 123 Psaume 102, 11 : 124 Psaume 102, 14-15 : 136 Psaume 102, 24-25 : 127 Psaume 102, 25 : 153, 156 Psaume 102, 26-27 : 109 Psaume 102, 30 : 112 Psaume 103, 1 : 58 Psaume 103, 3. 6-7 : 159 Psaume 103,19 : 156 Psaume 103, 20 : 58 Psaume 103, 21 : 196 Psaume 103, 22 : 21 Psaume 104 : 17, 149, 296, 309

356

Psaume 104, 1 : 157, 295 Psaume 104, 1-2 : 156 Psaume 104, 3 : 106, 145, 149 Psaume 104, 6 : 149 Psaume 104, 6. 9 : 149 Psaume 104, 7-9 : 100 Psaume 104, 11-12 : 149 Psaume 104, 13-15 : 149 Psaume 104, 26 : 149 Psaume 104, 28 : 105 Psaume 104, 29 : 103, 132 Psaume 104, 29-30 : 130 Psaume 104, 30 : 146 Psaume 104, 31-35 : 292 Psaume 105 : 95, 300 Psaume 105, 2 : 232 Psaume 105, 7 : 102 Psaume 105, 28-36 : 95 Psaume 106 : 119, 290 Psaume 106, 13 : 129 Psaume 106, 19-23 : 290 Psaume 106, 21 :119 Psaume 106, 24-25 : 118 Psaume 106, 26-27 : 131 Psaume 106, 28 : 205 Psaume 106, 28-29 : 123 Psaume 106, 44 : 135 Psaume 108, 12 : 115 Psaume 109 : 292 Psaume 109, 4 : 288 Psaume 109, 16 : 127 Psaume 109, 24 : 126 Psaume 110, 2 : 197 Psaume 110, 3 : 163 Psaume 116, 4bc : 292 Psaume 118, 25 : 292

Psaume 119 : 30, 143, 300 Psaume 119, 5 : 303 Psaume 119, 16 : 143 Psaume 119, 25 : 292 Psaume 119, 43. 55 : 143 Psaume 119, 55 : 143 Psaume 119, 57 : 143 Psaume 119, 60 : 143, 280 Psaume 119, 61. 109. 153 : 143 Psaume 119, 67 : 294 Psaume 119, 68 : 143 Psaume 119, 71 : 294 Psaume 119, 72 : 143 Psaume 119, 78 : 143 Psaume 119, 80 : 143 Psaume 119, 81 : 143 Psaume 119, 82 : 143 Psaume 119, 83 : 110 Psaume 119, 93 : 143 Psaume 119, 96 : 27 Psaume 119, 97. 113 : 143 Psaume 119, 100 : 143 Psaume 119, 102 : 143 Psaume 119, 104 : 143 Psaume 119, 105 : 143 Psaume 119, 127 : 143 Psaume 119, 145 : 143 Psaume 119, 147 : 143 Psaume 119, 157 : 143 Psaume 119, 160 : 270 Psaume 119, 168 : 143 Psaume 119, 172 : 143 Psaume 119, 176 : 143 Psaume 120 : 292 Psaume 121 : 113 Psaume 123, 1 : 292 Psaume 123, 3 : 300 Psaume 130 : 292 Psaume 131 : 292 Psaume 136 : 300 Psaume 138, 8 : 292 Psaume 139, 7 : 147 Psaume 139, 19 : 292

Psaume 140-143 : 292 Psaume 140, 5 : 293 Psaume 140, 7 : 294 Psaume 143, 1 : 102 Psaume 143, 3 : 127 Psaume 143, 4 : 127 Psaume 143, 7 : 127, 128 Psaume 143, 9 : 129 Psaume 143, 9. 12 : 129 Psaume 143, 11 : 137 Psaume 143, 12 : 128, 129 Psaume 144, 9 : 230 Psaume 148 : 295, 309 Proverbe 1, 4 : 31 Proverbe 2, 1 : 29 Proverbe 3, 9 : 246 Proverbe 7, 14 : 236 Proverbe 8, 17 : 287 Proverbe 10, 22 : 55 Proverbe 11, 21 : 105 Proverbe 12, 17 : 22 Proverbe 13, 16 : 29 Proverbe 19, 5 : 22 Proverbe 19, 25 : 30 Proverbe 20, 3 : 189 Proverbe 22, 8 : 25 Proverbe 28, 3 : 57 Proverbe 30, 6 : 31 Job 1, 1 : 143 Job 1, 6 : 160 Job 1, 6-12 : 144, 161 Job 2, 2 : 161 Job 3, 28 : 58 Job 4, 13 : 87 Job 4, 17 : 144 Job 4, 21 : 60 Job 6, 14 : 275 Job 6, 22 : 160 Job 7, 8 : 102 Job 7, 9 : 156 Job 7, 9. 10. 14 : 156 Job 7, 9-13 ; 156 Job 7, 10 : 195 Job 7, 18 : 161 Job 7, 25 : 161

357

Job 7, 26 : 195 Job 7, 27 : 162, 213 Job 7, 44 : 232 Job 7, 65 : 303 Job 7, 67 : 232 Job 8 : 291 Job 8, 6 : 256 Job 8, 10 : 256 Job 8, 11 : 256 Job 8, 12 : 257 Job 8, 13 : 162 Job 8, 15-16 : 257 Job 8, 17-18 : 257 Job 9, 4 : 59 Job 9, 6 : 196 Job 9, 17-19a : 290 Job 9, 17-31 : 290 Job 9, 33 : 290 Job 10, 5 : 156 Job 10, 17 : 123 Job 11, 6-9 : 81 Job 11, 7 : 81, 155 Job 11, 8 : 81 Job 8, 11-18 : 128 Job 11-23 : 232 Job 12, 4 : 80 Job 12, 8. 24. 67 : 232 Job 12, 12 : 154 Job 12, 13 : 80 Job 12, 23-25 : 45 Job 12, 27-43 : 240 Job 12, 31-40232 Job 12, 46 : 232 Job 12, 47 : 232 Job 13, 24 : 117 Job 15, 7-8 : 157 Job 15, 8 : 161 Job 16, 1 : 129 Job 16, 8 : 112, 127 Job 16, 12 : 129 Job 16, 13-24 : 129 Job 16, 22 : 142 Job 19, 13 : 129 Job 19, 14 : 129 Job 19, 6 : 129 Job 20, 8 : 87 Job 21, 30 : 123 Job 26, 6 : 127

Job 30, 10 : 127 Job 30, 17 : 127 Job 30, 27 : 127 Job 31, 26 : 209 Job 32, 8 : 148 Job 33, 15 : 87 Job 34, 5 : 143 Job 34, 20 : 115 Job 34, 31-32 : 143 Job 36, 26 : 156 Job 38, 1 : 150 Job 38, 7 : 160, 161, 233 Job 38, 28 : 163 Job 40, 6 : 150 Le Cantique des Cantiques 8, 11 : 204 Ruth 1, 7 : 79 Ruth 2, 9 : 31 Ruth 2, 19 :20 Daniel 1, 10 : 195 Daniel 1, 14 : 202 Daniel 1, 20 : 195 Daniel 2, 19 : 58, 80, 87 Daniel 2, 20 : 58, 159 Daniel 2, 21-22 : 159 Daniel 2, 22 : 80 Daniel 2, 23 : 87 Daniel 2, 28 : 87 Daniel 3, 28 : 58 Daniel 7, 9 : 156 Daniel 7, 9-10. 14 : 156 Daniel 7, 9. 13 : 156 Daniel 7, 10 : 195 Daniel 7, 18 : 161 Daniel 7, 25 : 161 Daniel 7, 26 : 195 Daniel 7, 27 : 162 Daniel 8, 13 : 162 Daniel 9, 4 : 59 Daniel 12, 4 : 80 Daniel 12, 9 : 80 Daniel 12, 12 : 31 Daniel 12, 13 : 304 Esdras 2, 23 : 213 Esdras 2, 36 : 155

Esdras 2, 47 : 155 Esdras 2, 63 : 303 Esdras 2, 65 : 232 Esdras 7, 6 : 104 Esdras 8, 6 : 58 Esdras 9, 5 : 247 Néhémie 1, 1 : 155 Néhémie 1, 5 : 59 Néhémie 3, 4 : 155 Néhémie 6, 14 : 275 Néhémie 7, 27 : 213 Néhémie 7, 44 : 232 Néhémie 7, 65 : 303 Néhémie 8 : 291 Néhémie 8, 1-6 : 58 Néhémie 8, 6 : 256 Néhémie 8, 10 : 256 Néhémie 8, 11 : 256 Néhémie 8, 12 : 257 Néhémie 8, 15-16 : 257 Néhémie 8, 17-18 : 257 Néhémie 9, 6 : 196 Néhémie 9, 17-19a : 290 Néhémie 9, 17-31 : 290 Néhémie 9, 33 : 290 Néhémie 11, 7 : 155 Néhémie 11, 22-23 : 232 Néhémie 12, 8. 24. 27 : 232 Néhémie 12, 27-43 : 240 Néhémie 12, 31-40 : 232 Néhémie 12, 46 : 232 Néhémie 12, 47 : 232 1 Chroniques 4, 2 : 155 1 Chroniques 5, 5 : 155 1 Chroniques 5, 8 : 205 : 205 1 Chroniques 15, 1821 : 155

358

1 Chroniques 5, 23: 204 1 Chroniques 6, 44 : 208 1 Chroniques 6, 45 : 213 1 Chroniques 8, 33 : 206 1 Chroniques 8, 34 : 206 1 Chroniques 9, 39 : 206 1 Chroniques 9, 40 : 206 1 Chroniques 13, 6 : 205 1 Chroniques 14, 6 : 206 1 Chroniques 14, 11 : 205 1 Chroniques 15, 1620. 24 : 230 1 Chroniques 15, 18. 21 : 155 1 Chroniques 15, 28 : 230 1 Chroniques 15, 29 : 230 1 Chroniques 16, 4 : 230 1 Chroniques 16, 5-6 : 230 1 Chroniques 16, 7 : 230 1 Chroniques 16, 8-36 : 230 1 Chroniques 17, 2-4 : 83 1 Chroniques 17, 13 : 163 1 Chroniques 21, 26 : 241 1 Chroniques 23, 1. 5 : 231 1 Chroniques 23, 3 : 213 1 Chroniques 25, 1 : 231

1 Chroniques 25, 5 : 273 1 Chroniques 25, 5-6 : 231 1 Chroniques 25, 7 : 231 1 Chroniques 28, 6 : 163 1 Chroniques 29, 9 : 236 1 Chroniques 29, 2122 : 245 2 Chroniques 5, 1 : 254 2 Chroniques 6, 2 : 9 2 Chroniques 6, 30. 3. 39 : 9 2 Chroniques 14, 2 : 209, 210 2 Chroniques 15, 16 : 209, 211 2 Chroniques 16, 9 : 272 2 Chroniques 17, 3 : 204 2 Chroniques 17, 6 : 209, 210 2 Chroniques 18, 2022 : 285 2 Chroniques 19, 3 : 209, 210 2 Chroniques 19, 4-11 : 186 2 Chroniques 19, 6-7 : 186

2 Chroniques 19, 8 : 187 2 Chroniques 20, 13 : 289 2 Chroniques 24, 7 : 204 2 Chroniques 24, 18 : 209, 210 2 Chroniques 28, 23 : 204 2 Chroniques 29, 2528 : 231 2 Chroniques 29, 26 : 211 2 Chroniques 29, 2030 : 241 2 Chroniques 30, 9 : 113 2 Chroniques 30, 12 : 104 2 Chroniques 30, 18 : 260 2 Chroniques 31, 1 : 25, 209, 210 2 Chroniques 32, 2123 : 240 2 Chroniques 32, 23 : 246 2 Chroniques 33, 3 : 210 2 Chroniques 33, 3. 19 : 209 2 Chroniques 33, 15 : 227

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2 Chroniques 33, 19 : 210 2 Chroniques 34, 3. 4. 7 : 209, 210 2 Chroniques 34, 4 : 204 2 Chroniques 34, 2832 : 274 2 Chroniques 35, 15 : 231 Le Siracide 39, 28 : 147 Index des inscriptions extra-bibliques Ketef Hinnom 1 (KH 1) : 55, 59, 60, 62, 63, 293 Ketef Hinnom 2 (KH 2) : 55, 59, 60, 61, 62 Tombes de Khirbet el Qôm : 209, 211 Tombes de Khirbet Beit Lei : 199, 30 Kuntillet ʽAjrud : 55, 62, 63, 199, 200, 209, 210, 211, 222, 255 Documents d’Éléphantine : B.7. 2 : 204 C3.15 : 204

Sommaire INTRODUCTION ...................................................................................... 9 CHAPITRE PREMIER DIVINES MANIFESTATIONS .................... 13 UN DIEU CREATEUR ................................................................................. 15

Paroles créatives et créatrices ......................................................................................... 15 Autres techniques de création .......................................................................................... 17 Création du monde et divines réflexions .......................................................................... 28 La naissance de l’espèce humaine ............................................................................ 28 Échecs divins, échecs humains ! .............................................................................. 35

LES CHOIX DE DIEU, LE MESSIE… .......................................................... 44 DIVINES MANIFESTATIONS ...................................................................... 46 Théophanies ..................................................................................................................... 46 Appels, ordres et/ou dialogues ......................................................................................... 49 Bénédictions ..................................................................................................................... 54 Amulettes et autres bénédictions ...................................................................................... 59 Malédictions ..................................................................................................................... 63 Un témoin divin, ses promesses et serments ..................................................................... 67 Serments humains sur Dieu .............................................................................................. 79 Communication divine et secret ....................................................................................... 79 Oracles ............................................................................................................................. 82 Songes et visions .............................................................................................................. 85 Signes, miracles et prodiges ............................................................................................. 88 Signes divins négatifs et/ou absence de signes ................................................................. 94 Expression des doutes de l’homme et/ou du peuple ......................................................... 96

CHAPITRE DEUX REPRÉSENTATIONS ........................................... 99 ASPECTS ANTHROPOMORPHIQUES........................................................... 99 De sa « face » aux mouvements de son « corps » ............................................................. 99 Des relations tendues, présence et/ou absence divine .................................................... 107 Doutes et désespoir divins .............................................................................................. 108 Le sentiment de l’absence divine .................................................................................... 111 Chagrins et fureurs divins .............................................................................................. 121 Châtiments divins ........................................................................................................... 125 Le retour humain et divin ............................................................................................... 135 La Présence divine et les éléments ................................................................................. 144 Les Noms divins ............................................................................................................. 152 Noms théophores ............................................................................................................ 155 Qualités et spécificités divines ....................................................................................... 156 La gloire divine ou kebôd yhwh : .................................................................................... 159 La cour ou assemblée divine .......................................................................................... 160 L’Adoption divine ........................................................................................................... 162

361

L’Alliance ....................................................................................................................... 163

UN DIEU CLEMENT ................................................................................ 167 DE LA DEMOCRATIE A LA ROYAUTE : L’ACCEPTATION DU DIEU ! ......... 174 UN DIEU LEGISLATEUR ......................................................................... 181 UN DIEU REVOLUTIONNAIRE ................................................................. 188 UN DIEU JUGE....................................................................................... 189 UN DIEU GUERRIER, UN DIEU VENGEUR ................................................ 196 YHWH, LE DIEU UNIQUE ? ...................................................................... 199 Le Dieu d’Israël ............................................................................................................. 199 Baal, Tammouz et les autres… ....................................................................................... 204 Anat ................................................................................................................................ 213

CHAPITRE TROIS PRATIQUES ET RITES .................................... 217 L’ESPACE DU TEMPLE ET SON PERSONNEL ............................................. 217

La Tente d’Assignation, le Temple et les temples, le mobilier cultuel ............................ 217 Les lieux sacrés .............................................................................................................. 224 La pierre levée ou maṣṣ¥bh .......................................................................................... 224 L’autel ou mizeb¥a­ ........................................................................................................ 225 Les montagnes sacrées ................................................................................................... 227 Les hauts-lieux ............................................................................................................... 228 Les arbres sacrés et/ou bosquets sacrés ......................................................................... 229 LES RITES D’ACCES AU DIEU .................................................................. 230

La musique et le premier orchestre, les chants et les danses ......................................... 230 Les sacrifices .................................................................................................................. 233 Les sacrifices non cultuels.............................................................................................. 239 Le banquet sacrificiel ..................................................................................................... 244 Les prémices ................................................................................................................... 246 L’oblation, l’offrande ..................................................................................................... 246 Les libations de parfums et de vins................................................................................. 249 La dîme........................................................................................................................... 251 Le festin divin ................................................................................................................. 251 Les autres offrandes ....................................................................................................... 253 Les fêtes .......................................................................................................................... 256

LES SERVITEURS ET LES AUTRES INTERMEDIAIRE DIVINS ...................... 257 Prêtres, nazirs et lévites ................................................................................................. 257

LES INTERMEDIAIRES............................................................................ 266 L’esprit divin ou rûa­ yhwh ........................................................................................... 267 L’onction et l’esprit divin ............................................................................................... 269 Prophètes et prophétesses, nbî’ et nebh, voyants, r¿ueh et hommes de Dieu, uîÎ uēl¿hîm ................................................................................................................................. 269 L’ange : male’ake YHWH ou l’envoyé divin ................................................................... 280 L’être « supra-naturel » ou divin ou ’el¿hîm .................................................................. 285 L’ACCES A DIEU .................................................................................... 286

362

L’amour envers le Dieu .................................................................................................. 287 Lamentations, prières et jeûne ....................................................................................... 288

TECHNIQUES « PROFESSIONNELLES » ................................................... 303 Les toummîm et les ourîm............................................................................................... 303 Le tirage aux sorts .......................................................................................................... 304

CONCLUSION ....................................................................................... 307 ABRÉVIATIONS ................................................................................... 313 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................. 315 INDEX ..................................................................................................... 337 SOMMAIRE ........................................................................................... 361

363

Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]

L’Harmattan Sénégal 10 VDN en face Mermoz BP 45034 Dakar-Fann [email protected] L’Harmattan Cameroun TSINGA/FECAFOOT BP 11486 Yaoundé [email protected] L’Harmattan Burkina Faso Achille Somé – [email protected] L’Harmattan Guinée Almamya, rue KA 028 OKB Agency BP 3470 Conakry [email protected] L’Harmattan RDC 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala – Kinshasa [email protected]

L’Harmattan Hongrie Kossuth l. u. 14-16. 1053 Budapest [email protected]

L’Harmattan Congo 67, boulevard Denis-Sassou-N’Guesso BP 2874 Brazzaville [email protected] L’Harmattan Mali ACI 2000 - Immeuble Mgr Jean Marie Cisse Bureau 10 BP 145 Bamako-Mali [email protected] L’Harmattan Togo Djidjole – Lomé Maison Amela face EPP BATOME [email protected] L’Harmattan Côte d’Ivoire Résidence Karl – Cité des Arts Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan [email protected]

Nos librairies en France Librairie internationale 16, rue des Écoles 75005 Paris [email protected] 01 40 46 79 11 www.librairieharmattan.com

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Ainsi, après avoir créé le monde, puis l’homme et la femme, le Dieu semble, en principe, satisfait du résultat qu’il qualifie de « bon », de « bien ». Mais les déceptions s’accumulent, qui ne cessent pas. Désenchanté et lassé par les hommes, pris d’impatience face à ces malfaçons dans leur fabrication, le Dieu les efface à plusieurs reprises comme l’on fait d’un brouillon. Pour autant, constatant avec désespoir ce qu’est la nature humaine et la difficulté à l’améliorer, il finit par l’accepter et renonce à les faire disparaître. L’histoire est inaugurée… diffusée par les textes de l’Ancien Israël, les inscriptions et les vestiges archéologiques nombreux qui témoignent également au long des temps. Les relations ne seront toutefois jamais suspendues entre le Dieu et ses imparfaites créatures. Elles ne cesseront d’évoluer, qui seront radicalement transformées avec l’Exil à Babylone…

Hélène Nutkowicz, est chercheur associée, LESA, UMR 8167 Orient et Méditerranée, spécialiste de la Bible et d’Éléphantine.

Couverture : Le trône du Dieu, de Kyoko Sakazaki ISBN : 978-2-343-23021-4

37,50 e

Série Antiquité

Hélène Nutkowicz

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

De tumultueuses, âpres et poignantes relations De tumultueuses, âpres et poignantes relations

Rarement paisibles mais bien plutôt turbulentes, confuses et enflammées, les relations qui se sont instaurées entre le Dieu d’Israël et les hommes, tout comme la recherche d’explications à cet état de fait, composent le thème de cet ouvrage.

Hélène Nutkowicz

De tumultueuses, âpres et poignantes relations

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

LE DIEU D’ISRAËL ET LES HOMMES

Collection KUBABA