Le corps et le groupe. Les nouvelles thérapies de groupe

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Le corps et le groupe. Les nouvelles thérapies de groupe

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« éducateurs

»

Dans l’accomplissement de sa tâche auprès du « petit de l’homme », l'adulte ne cesse de s'interroger sur la vie psychique de son interlocuteur et plus encore sur les difficultés de sa communication avec lui. La collection « Educateurs » abordera cette interrogation dans toute la diversité de ses aspects. C’est le monde et le vécu des enfants et adolescents qu'il s’agit d'éclairer à travers leurs efforts souvent incertains de maturation. Le but pratique de ces ouvrages sera de faciliter à partir des données fournies par les sciences humaines et cliniques, l'approche éducative. Naguère ignorées, voire méprisées, l'enfance et l'adolescence suscitent aujourd’hui une constante insécurité. Il s’agit de rendre utilement éloquents ces appels silencieux adressés à l'adulte, l’éducateur, les parents, le pédagogue ou le soignant.

Collection dirigée par Henri Sztulman

Le corps et le groupe

DU MÊME

Précis de psychodrame

AUTEUR

: Introduction aux aspects techniques, Paris, Editions

Universitaires, 1966, 2° éd. revue et augmentée, avec glossaire, historique, illustrations et bibliographie, 1970. Traductions espagnole (Aguilar, Madrid), portugaise (Ed. 2 Cidad., Sao Paulo), italienne, suédoise (Prima), japonaise, traduction allemande sous presse (1976),

traduction

en préparation.

tchèque

Vocabulaire des techniques de groupe : Formation, Psychanalyse, Dynamique des groupes, Psychodrame, Paris, Epi, 1971. (Traduction portugaise).

L'observation

dans les groupes

La sociométrie, Introduction

de formation et de thérapie, Paris, Epi, 1972. Universitaires,

1972.

au jeu du rôle, Privat, Toulouse,

1975.

EN COLLABORATION

Paris,

Editions

:

Industrielle Soziometrie, Zwei Aufsätze zur Einführung und Anwendung, Quickborn bei Hamburg, Schnelle Verlag, 1964 (avec A. MOLES). Dynamica

de grupo e desenvolvimento en relacoes humanas, Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Itatiaia, 1967 (avec Pierre WEIL et al).

Le psychologue dans la cité, Paris, Epi, 1968 avec Bernard THis, Max PAGES, Robert PAGÈs, Georges LAPASSADE, Claude FAUCHEUX, Lily HERBERT, Alex LHOTELIER; colloque de Royaumont, 1963).

Therapy

and creativity, glais).

London,

Le groupe triadique, Rio en portugais).

FILMS

Pittman,

de Janeiro,

1975

1976,

(avec

avec

Sue

Pierre

JENNINGS) WEIL

(sous

(en anpresse,

:

Le psychodrame (montrant J.-L. Moreno et Anne A. Schützenberger), cinématèque de l'O.R.T.F. (opérateur en chef : Roberto Rossellini), 1956. Le psychodrame : le cas de M.O. (en 16 mm, piste optique, noir et blanc, parlant, Paris, Centre de Recherches de la Radio-Télévision Française, et Groupe de Sociométrie, 95 minutes. Opérateur : Jean-Luc Leridon).

Le psychodrame, en français et anglais, montrant le Dr J.-L. Moreno. Centre de Recherches de l'O.R.T.F., Paris, 1964-66, et Groupe de Sociométrie (en 16 mm, piste optique, noir et blanc, parlant, 60 minutes). (Psychodrame

d'un

mariage).

L'enseignement de l'anglais par le jeu de rôle, Centre de Recherches et d'Etudes anglo-américaines, Université de Paris-IX-Dauphine, 1973 (magnétoscope 1 pouce), en collaboration avec Marie-Paule MassianiFayolle. Le psychodrame

et la communication

non-verbale,

(magnétoscope

1/2 pouce),

(opérateurs : Yannick Geffroy et Patrick Accolla). Les psychothérapies de groupe et le psychodrame (filmothèque, P. Fontaine, vidéo, Louvain, 1976).

À. Ancelin-Schützenberger avec

la collaboration

de M.-J. Sauret

Le corps et le groupe Les nouvelles thérapies de groupe: de la Gestalt à la bio-énergie, aux groupes de rencontre et à la méditation

éducateurs »

Privat

Toute l’iconographie de cet ouvrage appartient à la collection de Anne Ancelin-Schützenberger. Photos Georges Véran, Nice.

I.S.B.N.



2.7089.7307.X

Tous droits réservés en regard de tout procédé de reproduction intégrale ou partielle (loi du 11 mars 1957 et articles 425 et suivants du Code pénal).

(©) /977, Edouard 14, rue des Arts

Privat,

Editeur Toulouse

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« Au commencement se fit chair ».

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« Au

commencement

était l’action

» J.-L. MORENO

« Il nous a fallu bien du temps pour débusquer le noyau de résistance freudien de son bunker. Et nous voici au seuil d’une épreuve peut-être plus dangereuse encore dans son esprit: le temps est venu des magiciens faiseurs de cures instantanées, procureurs de joies immédiates, mécaniciens rapides de la prise de conscience. « Nous entrons dans l'ère des requins et des charlatans qui prônent que briser les défenses d’une personne équivaut à la guérir. Eux « savent », et jettent ainsi un voile définitif sur votre évolution spécifique, votre potentiel véritable, et sur le génie inné en chacun de vous. « Je dis qu'il y a danger, si c’est là, comme je le crains, la tendance qui se dessine. Un danger plus grand que l’année, la décade, le siècle passés sur le divan du psychanalyste. Le dommage subi alors était moindre que ceux qui maintenant nous guettent.

« … Ce qu'il pourrait arriver nant est très grave ».

à partir

de mainte-

Fritz PERLS Gestalt

Therapy verbatim,

p. 1.

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INTRODUCTION RE

L'entrée en lice du corps, de l’espace et du temps dans la thérapie

I. PRATIQUE ET DE GROUPE

THEORIE

DES

NOUVELLES

FORMES

Le « T-Group » * classique du N.T.L. de Bethel'! a depuis quelque temps été remis en question par l'introduction de diverses techniques corporelles ou non verbales. Certains ont été jusqu'à parler de la fin du « T-Group » classique ?. 1. FOISONNEMENT

D'EXPÉRIENCES

DE GROUPE

Depuis 1964 d’abord et le premier Congrès international de Psychodrame de Paris, mais surtout depuis 1968, les formes de groupe se sont multipliées et diversifiées. Il faudrait un ouvrage complet pour aborder séparément chacune des différentes variables nouvellement introduites : il en apparaît à chaque instant - surtout aux Etats-Unis - à partir du jeu de rôle, du toucher, des exercices et jeux de rencontre, de la relaxation,

du massage

et du « travail

» en piscine, à

partir également de la détection des nœuds de tension corporelle* et de leur articulation avec des nœuds ou traumatismes psychologiques, de l’utilisation de la bio-énergie*, du cri, de la créativité, de la méditation transcendantale, de la confrontation, avec, corrélativement, la mise en évidence des désaccords (dissonances) entre le dire, le faire, l'exprimer, le vivref.

LE

12

CORPS

De nouvelles formes

ET

LE

GROUPE

de groupes

partir de l’Institut Esalen (Big Sur, partir de l'influence de Moreno et du nislawski et de l’ « Actor’s studio »? de Reich et de ses théories sur l’orgone, de l'analyse bio-énergétique ; ajoutons

se développent

ainsi à

Californie), ainsi quà psychodrame, de StaNew York, de Wilhelm d’Alexander Lowen et celles de Fritz Perls

et de sa « Gestalt Therapy », de William Schutz et des groupes de rencontre’. Esalen a peut-être détrôné Bethel et le mode de vie californien a supplanté le style plus urbain et

compassé de Philadelphie, Boston, New York et des grandes capitales traditionnelles. L'Europe participe à ce mouvement en inspirant des groupes à partir de courants issus de l’anti-psychiatrie”, de l'analyse institutionnelle ", et, plus récemment, de la schizoet du développement (en France) de travaux d'insanalyse piration psychanalytique sur les groupes ".

2. APPORTS GROUPE

SPÉCIFIQUES

Ces nouvelles

DES

formes

NOUVELLES

corporelles

FORMES

CORPORELLES

insistent

sur

trois

DE

as-

pects : - l'importance du corps et de ce qui est exprimé rectement par le corps; - l'usage que l’on fait de son énergie;

indi-

- l « ici et maintenant », i.e., une vue particulière du temps et de l'espace à la fois a-historique (mais sans nier le passé) et avec la difficulté de saisir l'instant et de vivre le présent - un présent vivant - un étant là avec « eccéité » À. L'idée-force ainsi soulignée serait que tout être se définit dans son corps et dans le temps. a. Le corps

L'origine de l'intérêt porté au corps, à son développement et à ce qu'il exprime, se trouve non seulement dans le psychodrame de Moreno (cf. la mise en train, le réchauffement et la détente par la marche qui précède l’action psychodramati-

que ; cf. le « double » “*) mais aussi chez Freud. Ce dernier

abandonne

la suggestion et l'hypnose pour l'association libre

dans une position de détente passive (être couché). Le psy-

INTRODUCTION

13

chanalyste Ferenczi conseille même parfois à certains de ses malades

des activités d'expression, comme

faire semblant

de

diriger un orchestre. Il note également que faire se détendre un client - par exemple par de la « relaxation les associations

» - lui facilitera

libres. Reich, élève de Ferenczi, remarque

le

rôle de la respiration : à certains moments, le malade « coupe » sa respiration; la respiration profonde lève bien des résistances, et permet l'expression. b. Eccéité

Le temps

s'écoule dans

la durée

(historique) ou se vit

dans l'intensité de l'instant, hic et nunc.

On peut * comparer l'orientation « ici et maintenant » du « groupe » en général à trois autres perspectives : l’attention aux faits extérieurs (« extra-group data »), l'accent mis sur les principes généraux, la prise en considération de l'histoire personnelle de chaque sujet. L'école, la classe et l’enseignement

se concentrent

sur la

relation entre les faits extérieurs et les principes généraux; la thérapie insiste sur les rapports entre la vie du groupe et l'histoire personnelle de chacun; le travail, comme peut également utiliser les processus généraux du

l’école, groupe

aux fins d'expliquer, en fait, les principes généraux. Mais ce qui reste unique dans le « T-Group », c’est l’utilisation exclusive de ce qui se passe « ici et maintenant ». « Se concentrer

sur des événements

extérieurs, si importants

soient-ils, l'interprétation et la discussion verbale (rationnelle

ou rationalisée), sont vus comme des fuites du travail essentiel du groupe » “, comme une résistance. Les nouvelles formes de groupes (que nous pourrions appeler « Néo-T-Group ») considèrent comme une fuite l'usage des faits du monde extérieur (politique, économique, etc.),

l’aide aux affligés ou victimes de situations socio-économiques ou personnelles difficiles, la verbalisation, les « exposés ». Parfois, ils analysent de même l'interprétation et le fait de « raconter Fritz Perls

sa vie »!” ou de parler d'autrui indirectement. appelle ces dernières façons de s'exprimer des

« commérages

» par opposition

pression authentique. Cette insistance sur

au dialogue

direct et à l'ex-

ë l'instant

le vécu authentique dans amène une grande partie des praticiens des nouvelles formes de groupe à une utilisation de la communication non-verbale,

14

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

voire à une expression concrète des sentiments,

par une ges-

tuelle archaïque ou symbolique, ou/et à une utilisation du corps, du mouvement, de la respiration, de l'énergie. Le « groupe » a développé un mythe de l’ « ici et maintenant » qui, selon Kurt Back", serait lié aux tensions de notre société et aux problèmes des classes moyennes aisées. Ces classes, laissées

sans

foi ni « moyens

contrôlés

d'amu-

sement », regrettent le passé, l'Histoire (et l'histoire personnelle des individus) et la symbolisation, vouent un culte à l'expérience, et passent du symbole à l'expression concrète, de l’intellect aux émotions et de l'esprit au corps. Ce qu'elles font, c'est, par conséquent, « rejeter le langage des symboles en faveur de l'expérience et de l’action » %. On en vient donc à s'exprimer non seulement directement, mais concrètement - activement, psychodramatiquement ou gestuellement. Ainsi, dans cette nouvelle forme de groupe, le sujet ne parlera pas (verbalement) de son manque de confiance dans les partenaires. Il s’exprimera par l'expérience ”, par exemple par une « chute en arrière » dans les bras d'un autre membre (« trust fall »). Ce dernier reçoit et accueille. C’est une manière réaliste d'illustrer corporellement les relations (le « gut learning » de Douglas Mc Grégor, « l'enseignement par les tripes »), de vivre les choses au lieu d’en parler.

3. PRINCIPAUX DE GROUPE

COURANTS

INFLUANT

SUR

LES

NOUVELLES

FORMES

Sans doute serait-il vain ou prématuré de tenter une classification dans ce bouillonnement d'influences et de tentatives diverses. Aussi nous contenterons-nous de reprendre quelques-uns des courants qui ont influencé les manières principales de « faire du groupe » actuel? : 1. la psychanalyse et les écoles anglaises avec Bion, Ezriel, Mélanié Klein ; la groupe-analyse avec Foulkes, et l'évolution vers la « thérapie des normaux » des groupes de formation.

2. le psychodrame (Moreno) et le jeu de rôle, vers une prise de conscience des rôles tenus et un apprentissage des rôles ; cet apprentissage va jusqu'à considérer tous les rapports humains comme une transaction (Eric Berne : « Games people play » et « Analyse transactionnelle ») et un jeu (Moreno, Berne, Goffman) avec des acteurs sur la scène

INTRODUCTION

15

sociale, ou se préparant à y monter dans les coulisses (Goffman). . l'évolution et la maturation personnelles par une prise en charge de soi-même par soi-même avec l’aide du groupe : c'est Carl Rogers et son concept de « growth » (enrichissement : développement de l’homme et de son potentiel). Carl Rogers et Frédéric H. Stroller ont mis l'accent sur la sensibilisation aux nuances des relations interpersonnelles (« interpersonal sensitivity »). (cf. note 26).

. l'influence

des philosophes

existentialistes,

optimistes

ou

chrétiens (Paul Tillich, Martin Buber, Max Scheller), des psychologues existentialistes-humanistes (Rollo May, Abraham Maslow, Sydney Jourard), des médecins et psychothérapeutes de la « Psychologie Humaniste » (« Humanistic Psychology ») a orienté les interventions du moniteur vers la « croissance individuelle » et le « développement du potentiel individuel » de chacun (proche du « Growth » de

Carl Rogers) et le Soi profond « Self » de chacun, vers la maturation personnelle (« personal growth >»); cette orientation est également marquée par l’insistance sur l’ici et maintenant et le « présent vivant » (eccéité). . après le « T-Group » centré sur le groupe et le leadership, puis parfois sur l'individu *, après la mode de la « nondirectivité » (« rogerienne »), apparaît et s'étend un mode d'action et de manipulation rendant au corps (avec les reichiens et néo-reichiens) une place aussi importante qu’à l'esprit. On y « travaille le corps » pour prendre « à brasle-corps

» les problèmes,

les inhibitions,

les résistances

:

il s’agit peut-être d’un contrecoup à la marée psychanalytique américaine, et d’une réaction aux analyses interminables (psychanalyse ou autres thérapies individuelles ou groupales de longue - trop longue? - durée). Ce mouvement s'inscrit sociologiquement dans la réaction de la société actuelle contre le tabou du contact physique propre au x1x° et au début du xx‘ siècle. On trouve la marque de ce tabou dans les relations humaines en général, dans les méthodes pédagogiques familiales (séparation du bébé de la mère dès la naissance, nourritures et soins à heures fixes, habitude de laisser pleurer les bébés et de ne pas les bercer). On met de la distance entre les gens et de la cellophane autour des objets - au nom de l'hygiène. Tout cela

produit beaucoup d'individus inhibés, rigides, tendus, frigides ou constipés. Et pour Reich, l'énergie inhibée, répri-

16

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

mée, stockée et bloquée - en particulier l'énergie sexuelle derrière une « armure caractérologique et corporelle », est

la cause de tant de maladies psychosomatiques, de névroses et de psychoses. 6. si Reich, élève quasi maudit de Freud, sa bio-physique des organes, son orgone, ont été rejetés par les psychana-

lystes orthodoxes, son concept d'énergie a été repris par Alexander

Lowen : il a, à travers

ce dernier,

donné

nais-

sance à l'analyse bio-énergétique et aux diverses techniques d'expression corporelle, de thérapie par le massage ou le cri, et à l'intérêt pour le langage du corps. 7. il ne faut pas manquer de rappeler ici les différents « lieux saints » apparus successivement aux Etats-Unis et où sont nées la plupart des tendances actuelles (1940-1975) de groupe. Issus de la Nouvelle-Angleterre (Bethel, N.T.L., « TGroup » de 1947 à 1965) et des environs de New York (Beacon, psychodrame de 1936 à 1965), ces « lieux » se

sont déplacés, comme le soleil, vers Chicago (« non-directivité »), puis vers la Californie (Esalen *, 1965 à 1975) : « Gestalt Therapy », analyse bio-énergétique, massages, éveil des sensations et expression corporelle (« sensory awareness »), « Rolfing », groupes marathons, groupes de rencontre, méditation, yoga, facteurs de croissance personnelle (« Growth

»), etc.).

Malgré le nombre et la divergence des courants, on peut y voir une séparé de autour de pensées, à

tendance générale. Si Freud, pourrait-on dire, s’est certains disciples par une structuration de la cure la parole, du divan, et de l'association libre de partir du passé revécu, d’un corps étendu et immobile sous le regard de l’autre, apparaît maintenant la réhabilitation, voire la revanche de ce même corps. Cette revanche est aussi celle de Wilhelm Reich - à partir d’un corps reconnu et détendu, c'est-à-dire se détendant sous l'échange de regards et sous les mains de l'autre. Au principe de l’abstention, de la neutralité bienveillante, de l'interprétation (Freud, Bion, Foulkes,.) succèdent à la fois l’action (Moreno), la non-ingérence discrète et le support positif des forces

saines

du client

(Carl Rogers),

puis la confrontation,

les exercices, les jeux, les prises au corps (Fritz Perls, Lowen)

qui permettent

d'exprimer

la souffrance

par

des cris, des

coups, des trépidations, des empoignades, des effleurements.. Au divan a succédé le cercle de chaises, l’estrade, le tapis, la piscine ; au père lettré et interprétant, le grand frère non

INTRODUCTION

17

spécialiste (« experienced lay person ») intervenant au titre d'aîné « passé par là » (Synanon, groupes sans moniteurs) ou l'homme de la rue (co-conseil entre égaux s'écoutant mutuellement après un petit stage). À la recherche causale du pourquoi (historique) a succédé

une sensibilisation au comment (a-historique, ici et maintenant); au quand (le moment choisi, l'instant) a succédé le pourquoi ; le processus, ici et maintenant, qui devient aussi important que le contenu (« the mean is the message » dit McLuhan), et le non-dit (absence, forclusion, non-choix, non-

agir) qui se révèle aussi important que le dit.

4. ESQUISSE FORMES

DE

D'UN

HISTORIQUE

DANS

L'ÉVOLUTION

DES

NOUVELLES

GROUPE

La première visée (1947) du groupe de formation (« TGroup ») était le changement par la voie de l'évolution individuelle de cadres-agents-de-changements, la prise de conscience des phénomènes de la dynamique des groupes et des processus de décision et de communications, par la participation à la vie du groupe et l'expérience vécue. Cette visée a évolué au cours des années : d’expérimental (« laboratory training »), le groupe est devenu expérienciel. D'abord centrés sur le groupe, son évolution, ses tensions et le changement, les membres du groupe ont été de plus en plus intéressés par leur évolution personnelle et la possibilité de vivre une expérience affective importante dans une « communication authentique » directe, et une « paren-

thèse » ou « enclave » de leur vie familiale et professionnelle, puis par leur développement psycho-affectif et corporel. La rencontre entre êtres humains a été favorisée par divers exercices © (« groupes de rencontre »), ce qui a conduit à l'introduction des jeux d'échanges de regards, d'expression corporelle et de divers jeux de rôle. La durée des « groupes » a été raccourcie au profit de l'intensification de l'interaction. Ainsi, vers 1953, en France, pour

des raisons

d'ordre

à la fois pratique et intuitif, Anne

Schützenberger introduit la variable des groupes intensifs de courte durée (« groupes de week-end ») et souvent à la cam-

pagne (en « îlot culturel » détendant). Vers 1960, aux EtatsUnis, naissent spontanément les groupes intensifs à durée

prolongée (groupes Marathon) au cours d’une fin de semaine

LE

18

(« week-end

»), ou

CORPS

en

ET

LE GROUPE

semaine,

de nombreuses

heures de

suite, sans pauses. Outre Georges Bach à qui la paternité de

ces groupes est généralement attribuée, il convient de citer Schütz, Elisabeth Kurt Back, Frédéric Stroller, William Mintz, etc. On sait déjà que plusieurs des pionniers des nouvelles formes de groupe se sont regroupés en Californie, où Michel Murphy crée, en 1965, l’Institut Esalen (à Big Sur, près de Carmel, sur l'Océan Pacifique, entre San Francisco et Los Angeles) dans sa propriété de famille. Là, Murphy profite des

sources thermales chaudes qui jaillissent de la forêt des sequoïa millénaires vers l'Océan Pacifique, pour organiser des

groupes de massages, des groupes dans l'eau, des groupes d’ « intégration structurale » (« Rolfing » : technique de massage énergique et de mise en place corporelle d’Ida Rolf), d'analyse bio-énergétique (technique de « canalisation » et « déblocage » de l'énergie, d’Alexander Lowen à partir d'une re-découverte de Wilhelm Reich), de « Gestalt Therapy » (Fritz Perls), de psychosynthèse (créativité imaginative guidée - « guided fantasy » - issue des techniques de rêve éveillé de R. Desoille, avec utilisation de media favorisant la créativité : art, musique, danse...) ; il intègre des religions d’Extrême-Orient (Yoga, T'ai Chi, Méditation, pratiques occultes,...),

des méthodes théoriques et des techniques dérivées de mystiques orientales et occidentales (Theïllard de Chardin, Bouddhisme Zen.) par l'entremise d’Allan Watts. S'ajoutent des techniques de prise de conscience, de libération du mouve-

ment, de la statique, de la posture et de l'expression corporelle (Charlotte Selver, Moshe Feldenkrais, Ida Rolf). Dernière « greffe » à citer : l'apport d'arts martiaux, tels l’Aïkido,

le Shintaïdo... Après les centaines de centres d'évolution personnelle (« Growth Centers »)* qui se sont ouverts aux Etats-Unis entre 1960 et 1973, d'autres centres surgissent en Angleterre, en France”,

dans les pays scandinaves,

et cela dès 1972.

Avec eux, la manière de « faire du groupe » change. Jusque là on a surtout pratiqué des groupes d'exercices pédagogiques,

puis

des

groupes

verbaux

parfois

vécus

comme

lents, à longs silences : ces groupes « centrés sur le groupe », sur la dynamique du groupe, les rapports au moniteur, la prise de conscience de soi et de la relation, utilisaient souvent comme ressort la nouveauté ou l'angoisse du silence (Bion)

ou la lutte pour le pouvoir. Maintenant, la cible est consti-

INTRODUCTION

tuée par l'individu #, sa dynamique

19

individuelle, la mise en

évidence des oppositions et tensions, l’utilisation de « confron:-

tations »” verbales au sein du groupe

: on commence

vent par une mise en train active et souvent (« warming up process ») des différents membres

sou-

corporelle du groupe

et du groupe tout entier, qu'on implique, pour « briser la glace ». Ce début est destiné à la fois à impliquer les individus, à provoquer, chez les participants, une perception de leurs propres bloquages et difficultés et à leur donner rapidement envie de s'exprimer dans le groupe et d'y travailler. Les divers moniteurs et animateurs (« group leaders ») utilisent une très grande variété de méthodes d'interaction et d’action, de « jeux » (soit des exercices de jeu de rôle, soit « exercices de rencontre » et de « confrontation) *. Cette mise en train active du groupe,

cet échauffement,

les diverses directives du moniteur ont pour effet d'aider le participant à entrer en contact avec les autres et à s’exprimer personnellement d'emblée, à exprimer leur vécu immédiat dans le groupe, à mieux se connaître et à explorer ses difficultés, ses points faibles, et ses manques, à partager ses difficultés dans des échanges rapides, à se remettre en question, ici et maintenant,

et cela, sans

qu'il ait à passer par le

vécu difficile et le lent cheminement à travers l'angoisse, le silence, un groupe sans communication apparente, l'impression de piétiner - ou par l'expérience, parfois vécue comme brutale, traumatisante, voire humiliante, d’une « confrontation verbale » agressive (dans cette hypothèse de travail, le moniteur considère que la symbolique immédiate et la perception vécue, sur l'instant, de l'exercice est plus « parlante », plus active, moins traumatisante que l'explication verbale dire « je n'ose pas faire confiance à ce groupe » est différent d'essayer de se laisser tomber en arrière dans un exercice où l'on espère que votre (vos) partenaire (s) vous recevra (ont) et que vous ne vous ferez pas de mal). Ces méthodes mettent en outre l'accent sur le besoin d’une évolution personnelle vers plus de maturité (« growth ») dans plusieurs dimensions : mentionnons la sensibilisation aux relations humaines (« interpersonnal sensitivity ») et à la dynamique de groupe; la prise de conscience de ce qui se passe chez autrui en situation et en relation (« intrapsychic

awareness »): une remise en question et une réévaluation des valeurs et de ce en quoi chacun croit (« spiritual attitudes ») ;

une plus grande créativité et capacité d'imaginer en s'impli-

20

LE CORPS

ET

LE GROUPE

»); une plus grande quant (« imaginative involvment les sens (« sensitory tous de éveil un et corporelle e conscienc et du répertoire l'éventail de ement l'élargiss »): awareness des rôles joués.

Sans doute convient-il de souligner encore la grande variété de méthodes et de mélanges empiriques de méthodes, sans chef de file désigné ni contrôle du travail effectué. Ces novateurs enthousiastes ne se préoccupent guère de contrôle des résultats, et de leur durée, ni de la formation des moniteurs. Reste une « mode du groupe » qui mêle curiosité, intérêt,

divertissement,

thérapie,

grandes

et petites

vacances,

formation et plaisir *. Enfin, et pour conclure cet historique, commencent à apparaître (1975) des groupes de formation utilisant les diverses formes de méditation, de respiration et de silence qui tendent à détrôner à la fois le « T-Group » classique et les groupes de confrontation violente, d'exercices violents, de catharsis et de fusion, au profit de la méditation.

II. LE LANGAGE

DU CORPS*

Les nouvelles formes de groupe mettent de plus en plus l'accent sur la communication non verbale et le langage du

corps. On y reconnaîtra, comme

nous l'avons vu, l'influence des

différentes écoles de pensées déjà évoquées : Freud et l'école psychanalytique : « au commencement était le verbe » ; Moreno et le psychodrame : « au commencement était l’action

» ;

- Reich et la « cuirasse caractérielle » ; Alexander Lowen et sa « lecture ouverte » du corps et de ses tensions avec l’ « analyse bio-énergétique ». Mentionnons

encore

:

- Wallon *, qui fonde le psychisme dans la posture du corps ; - les mystiques et penseurs orientaux qui apportent leurs tech-

niques de prise de conscience de la posture, du mouvement naturel, de la respiration, de la méditation :

- les études anglo-saxonnes et américaines sur la communication non-verbale * : Gregory Bateson et le double langage

INTRODUCTION

21

analogique et digital, ainsi que son hypothèse de l’étiologie de la schizophrénie, fondée sur le « double message doublement et la toire faire

contraignant » (ou le « double bind »): Birdwhistell kinésie, Scheflen et le contrôle social, Hall, le terri-

et la distance sociale. Il n'est pas de notre propos d’en ici une étude exhaustive ; c'est l'objet d’un autre our-

vrage (/ntroduction

à la communication

non verbale, Paris,

Sorbonne, 1976). Rappelons seulement ici quelques-unes des conclusions de leurs recherches principales : 75 % de toute communication est non-verbale ; lorsqu'il y a deux messages différents, le sujet croit le langage du corps et non celui des mots ; lorsque le thérapeute est en accord avec lui-même et en congruence entre ce qu'il dit et ce qu'il exprime par le langage verbal et le message vocal et le message non-verbal, le « client » s'exprime plus longuement, plus « en profondeur », plus complètement, laisse plus parler son inconscient ; par ailleurs, tout se passe comme si le thérapeute réglait (comme un chef d'orchestre) la communication par ses gestes, sa position, son attitude, ainsi que ce dont on parle, et qui parle, comme un agent de police règle la circulation, en donnant la . parole à tel ou tel membre d’un groupe ou à tel ou tel sujet, comme l’a démontré magistralement Schefflen dans son étude filmique d'entretiens thérapeutiques, dans lesquels on voit le sujet changer dès que le thérapeute allume sa pipe ou la change de main... Ce genre d'études transforme complètement ce qu'on croyait savoir de la communication, de la psychologie, de la psychothérapie, et remet en question ce que l'on croyait être la rigueur de la psychologie expérimentale. Enfin les travaux de 1956 de l'Ecole de Palo Alto et de Bateson sur le double message contraignant (« double bind »), popularisés en Europe par Laing et « l’anti-psychiatrie », permettent de voir l’étiologie de la schizophrénie liée à un trouble de la fonction logique, instaurée par un double message (clairement observable au magnétoscope) contraignant de la mère à l'enfant, probablement lié à une forclusion du nom du père dans le discours de la mère, et/ou à un refus de la ma-

ternité ou de cet enfant-là par la mère, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques, déjà utilisées par Frieda FrommReichman. re Il resterait à savoir comment

non verbale.

s'effectue la communication

22

ÉE

hypothèse

Une

: toute

réponse

CORPS'ET

behavioriste

communication

PE

GROUPE

permettrait est

basée

d'esquisser sur

un

une

message

entre ces individus, message empruntant un ou plutôt plusieurs canaux différents. Le schéma classique de la théorie de l'information mon-

tre la communication comme unique, et un seul message circulant sur un seul canal (Weawer et Shannon ont commencé

leurs travaux dans les télécommunications et étudié d’abord le téléphone, ses bruits, et la perturbation de messages simples entre un seul émetteur et un seul récepteur, utilisant un seul canal). Les sciences humaines et la psychologie ont repris ce schéma sans le remettre en question, à partir de l’hypothèse cartésienne « je pense donc je suis », devenant, « je dis ce que je pense et veux

dire, donc on comprend

j'ai voulu dire ou ce que j'ai dit », à moins

d’une

ce que

« friture

»

sur la ligne (à ce postulat s'oppose la vue existentielle de l'en soi, du pour soi et du pour autrui).

Mais la communication

humaine est totale et utilise plu-

sieurs canaux, messages et signaux à la fois : ces signaux peuvent être émis consciemment ou inconsciemment ; ils peu-

vent être reçus de façon inconsciente, pré-consciente ou consciente par leur destinataire ou tout autre récepteur. (La distinction de modes d'émission distincts et d'autant de types de réception permet de discerner plusieurs situations de communication

SITUATION

non-verbale).

1

Emetteur

et récepteur

ont

en commun

le code

des

sym-

boles qu'ils utilisent ; ils les utilisent consciemment et volontairement. Par exemple on peut citer le message en morse ou en sémaphore échangé entre deux bateaux. Autre exemple, plus près de nos préoccupations : dans un groupe, un homme sort un paquet de cigarettes de sa poche ; il l'élève et le brandit en croisant le regard d'un autre individu qui incline la tête ; alors le premier sujet envoie son paquet au second qui le prend et remercie. La communication passe aisément entre le « je » et le « tu », entre deux individus placés dans la situation

de

chiffreur/déchiffreur

d'un

message

: déchiffrer,

c'est comprendre le message en utilisant son chiffre ou code que l'on possède déjà - quand il s'agit d’un échange de ciga-

INTRODUCTION

23

rettes le code est trouvé dans le dictionnaire des gestes de l'occidental adulte, blanc, industrialisé. | Cette première situation se subdivise en fait en deux, que l'on peut

schématiquement

1) ER

représenter

:

LUS Message en clair

2)

Emetteur

Chiffreur

Déchiffreur

message en

Recepteur message en

clair

clair

message

SITUATION

2

Rien de changé du côté de l'émetteur et du chiffrage du message. Par contre, le sujet récepteur ignore le code. Il va devoir décrypter, c’est-à-dire extraire du message à la fois sa signification et son code. Pour ce faire il met en œuvre deux

recherches : - celle de la fréquence

d'apparition

des signes dans

le

code,

- celle de la redondance : la répétition du message Par un jeu d'interprétations successives, il parviendra tel Champollion avec les hyérogliphes de l’'Obélisque - à la connaissance du chiffre et du message. On songe à l'apprentissage par essais et erreurs. Exemple : un homme et une femme discutent dans une pièce. La femme sort en claquant la porte. Le mari, récepteur de ce message ambigu, doit le décrypter : - la femme a peut-être claqué la porte au nez de l'homme pour exprimer un désaccord,

- Je courant d’air entraîné par l'ouverture de la porte a

provoqué sa fermeture brutale, - Ja femme est peut-être maladroite

et brusque.

24

LE

Emetteur

CORPS

ET

LE

GROUPE

Decrypteur

Chiffreur

Recepteur

message en

SITUATION

clair

3

Cette troisième situation fait intervenir deux notions nou-

velles : celle de « message inconscient » et celle de « fuite corporelle » (« leakage »). L'émetteur envoie un message inconscient

- inconsciemment

devrions-nous

dire - mais

appar-

tenant à un code connu au moins intuitivement ; le récepteur ou « percepteur » déchiffre où décrypte un message qui ne lui était pas destiné grâce à une « fuite corporelle ». Exemple : Madame X demande à Mademoiselle Y si cette dernière a vu récemment Monsieur Dupont. Mademoiselle Y rougit, et, ce faisant, se trahit. Madame X le remarque et traduit : « aveu de relation affective ou d'intensité émotionnelle ». Le message est involontaire. Dans ce cas, le récepteur ou percepteur du message qui ne lui est pas adressé - Madame X - infère un sens à partir d'un message non-verbal involontaire, message qui peut ou non être, devenu conscient pour Mademoiselle Y. La personne - Y - peut remarquer ou non qu'elle rougit ou commet un lapsus : elle ne peut plus empêcher que ce signe ait été posé et probablement perçu. Y Seuil du conscient

x

nr ire acte volontaire

Et 1h opte zone de percestion consciente

reugir

72

Seuil de l'inconscient acte

involontaire

zone de perception sukliminale

INTRODUCTION

SITUATION

25

4

Dernière situation évoquée ici, l'émetteur envoie un mes-

sage inconscient dont le code est emprunté au code général de la communication interpersonnelle non-verbale. Le récepteur perçoit ce message de façon sub-liminale. Mais, s’il ne parvient pas à sa conscience claire, il n’en influence pas moins ses relations. Prenons pour exemple un Président Directeur Général (P.b.G.) au cours d'un Conseil d'Administration qui s'affirmait tolérant et déclarait de façon verbale et avec le sourire accepter la règle du jeu de la discussion libre. Un œil averti aurait pu percevoir ses poings crispés dans ses po-

ches (le message

important

ici). Intervient alors, volontaire-

ment ou pas, un jeune cadre : « Monsieur le Président, qui est comme notre père à tous, et nous a permis depuis dix ans de progresser »; ceci eut pour résultat que les deux mains détendues et ouvertes du président sortirent de ses po-

ches ; l'atmosphère se détendit, le travail put s'engager. Le message non-verbal avait donc été suffisamment perçu par le groupe pour occasionner une réponse (rétroaction ou « feed-

back »), par l'intermédiaire de ce jeune cadre, « feed-back » qui, à son

tour, rétablit

la communication.

Rappelons à ce propos le schéma classique de Shannon :

message—— — —

\/

canal — — — —

III. LE TOUCHER

“feed back? ou *rétroaction”ou message en retour

ET LA PEAU

ICATION 1. IMPORTANCE DU TOUCHER ET DE LA PEAU DANS LA COMMUN

Une partie de la communication entre les êtres humains passe par le toucher et la peau #

26

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

Nous nous permettons habituellement le contact avec nos intimes, au sein de la famille, mais de façon en principe liée

avec l’âge : on embrasse, touche et cajole les bébés, voire les

adolescents ; mais tant les adolescents que les parents commencent à éviter un contact physique généralisé après la puberté, pour se contenter de s’embrasser matin et soir sur les joues, comme le font par exemple les amis qui se rencontrent

ou se quittent ; après quelques

années

de mariage,

certains couples se conduisent également ainsi (ce qui amène le langage américain à distinguer deux sortes d'épouses : la toute jeune mariée (« bride ») et l'épouse plus rassise (« wife »). Cette manière populaire de parler illustre l'importance du toucher et du contact de la peau : ainsi on distingue l'intensité des contacts physiques du couple - ce qui se perçoit au premier regard, même dans la rue ou au restaurant - des contacts plus « classiques », usés et banalisés par l'habitude - avec des rapports physiques plus rares d'un « couple bourgeois » ayant terminé sa « lune de miel » -. On pourrait dire que cette distinction sémantique recouvre et met en évidence l'air radieux qu'a la jeune épousée heureuse, et qui peut être mis sur le compte du contact corporel. Les caresses physiques, affectives, et sociales (« strokes »}) stimulent l'épiderme et ont des conséquences évidentes sur la personnalité et la communication. Les gens âgés recommencent à rechercher les caresses familiales, comme pour se réchauffer auprès de proches, d’enfants, de petits animaux. À ce propos, les petits animaux familiers sont appelés « pets » en américain parce qu'on les flatte de la main, on les caresse

- utilisant

le même

mot

ou

presque (« petting ») pour le « flirt » des adolescents, qui se câlinent et s’effleurent. Il n'est pas de notre propos de rentrer dans le détail du contact physique lié aux relations sexuelles mais seulement d'indiquer qu'une stimulation régulière de l'épiderme, avec

ses contrecoups affectifs, donne aux personnes amoureuses ou ayant une vie sexuelle et affective régulière et satisfaisante, un rayonnement visible, avec un certain éclat de la peau et des yeux et une certaine chaleur du sourire. A contrario, ce n'est peut-être pas par hasard que l'on parle de vieilles

filles desséchées et que bien des spécialistes de la communication non-verbale, des thérapeutes et même des « don Juan », savent distinguer au premier coup d'œil une femme satis-

faite d'une femme qui ne l'est pas.

INTRODUCTION

27

Les contacts physiques diffèrent selon les cultures : les Anglo-Saxons, qui ne se serrent la main généralement qu'au moment de la première présentation ou à certaines occasions, trouvent qu'on s'embrasse beaucoup en France, dans les rues

et sur les quais de gare, alors que les Français sont parfois choqués en voyant les hommes arabes marcher la main dans la main sur la voie publique. 2. SENS ET SIGNIFICATION COMMUNICATION

DU

TOUCHER

ET DE LA

PEAU

DANS

LA

Sans approfondir le problème, nous voudrions rentrer dans plus de détails sur le sens du toucher et ses relations dans la communication. Dans toutes les civilisations indo-européennes - nous n'avons pas personnellement d’information sur les autres, étant passés trop rapidement au Sénégal, au Brésil, en Micronésie, au Japon, pour nous situer en anthropologue et parler utilement

d’autres

cultures,

dont

nous

n'avons

que

des

impressions -, le pouce et l'index de la main droite ont sou-

vent une signification précise : on pointe sur autrui l'index pour dire « vous

», « lui », « ils » ou « eux

» ou pour dési-

gner un objet, - alors que l’on pointe le pouce vers son corps (souvent vers l’œsophage ou le cœur) pour parler de soi, et distinguer le « moi » du « toi »….

Le pouce refermé

sur l'index est considéré par les spé-

cialistes du yoga, du zen ou de l’hindouisme, comme représentant la relation humaine : le « je » communique avec le « tu » dans un « om » souvent murmuré en chantonnant bouche

fermée,

humm,

humm,

oumm,

oumm,

humm.…,

que

les tenants des exercices de communication non-verbale ou du « néo-T-Group » ont repris pour les fins de stage; tous les participants, les mains

aux épaules les uns des autres, en

cercle, murmurent en se balançant un peu. C'est souvent la paume tout entière mise sur le cœur qui désigne le Moi du locuteur. La peau, en tant qu'organe du tact, a des répercussions non seulement au niveau physique, mais également sur le comportement de l'organisme ; ce qui arrive ou n'arrive pas à un enfant dans ce domaine de l'expérience tactile l’affecte dans son comportement d’adulte *. Selon les expériences faites sur les singes par Harlow et Zimmermann ”, on note que la stimulation cutanée est fon-

28

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

damentale pour le développement des jeunes, plus même ou tout au moins autant que la nourriture. En mettant de jeunes singes séparés de leur mère dans une cage avec une « mère de fil de fer » ayant un biberon, et une « autre mère artificielle habillée » (« terry-cloth »), avec une lumière électrique

derrière elle, irradiant de la chaleur, ils ont démontré qu'une fois nourris les bébés-singes se jetaient dans les bras de la « mère de chiffon » et passaient avec elle entre huit heures par jour la première

semaine

et seize heures

par jour entre

4 et 6 mois ; par exemple, ils se jetaient dans les bras de leur mère de chiffon chaque fois qu’un bruit les effrayait ; cette mère de chiffon tiède leur procurait « une mère tendre, douce au toucher, confortable et tiède, une mère avec une patience infinie ; une mère disponible vingt-quatre heures par jour, une mère qui ne grondait jamais, ne battait ni ne mordait jamais son bébé, lorsqu'elle était en colère » *. L'expérience a été faite pour tester la relative importance des variables du confort par le contact et du confort par la nourriture (lait) : le temps que chaque bébé-singe passait avec l'une ou l’autre de ses « mères » était noté. Pour rendre l'expérience plus concluante, la bouteille de lait était mise tantôt sur la « mère de chiffon » et tantôt sur la « mère de fil de fer », les bébés-singes étant libres de rester par terre et d'aller de l'une à l’autre : les bébés-singes ont passé la plupart de leur temps avec la « mère de chiffon » avec relativement peu de différence selon qu'elle portait ou non le biberon, et ne restaient que peu de temps (moins d’une heure par jour) avec la « mère de fil de fer » lorsque c'était elle qui portait le biberon. Cela a été une découverte importante que de voir combien le bébé singe avait besoin du contact tactile avec la mère de chiffon, qui lui donnait « l'amour » nécessaire pour survivre. Ces expériences de Harlow rejoignent d’une certaine façon les expériences de John Bowlby et de Spitz sur l'hospitalisme, démontrant qu'une mère pauvre ou délinquante est meilleure pour le développement de l'enfant que la meilleure des institutions.

3. SCHÉMAS

DES REPRÉSENTATIONS

CÉRÉBRALES

Ashley Montagu a essayé de retrouver sur les hémisphères cérébraux les zones tactiles du cerveau, par rapport au

INTRODUCTION

29

contact de la peau”. La zone de la bouche est très importante ainsi que celle du pouce; elles dominent toutes les autres du point de vue de la représentation corticale. D'après les recherches de Montagu, reprenant celles de Penfield et Rasmussen, il y a une certaine correspondance, mais non totale, entre la représentation sensorielle et la re-

présentation motrice. La représentation des sensations se réfère à des zones spécifiques alors que la représentation motrice se rapporte au mouvement de ses parties (cf. schéma).

L2

evre

.

42

T4 PE

s

é

Vents, pencimu, Mb choire

ape AT TIX nr

à 8 dem.

|

Figure 1. L'homuncule sensoriel, dessiné sur le profil d’un hémisphère. Les lignes pleines sous le dessin indiquent l'étendue de la représentation corticale.

Figure 2. L'homuncule moteur. Bien qu'il y ait une correspondance étroite entre les représentations sensorielle et motrice,

cette

correspondance

n'est

pas

totale. La représentation sensorielle se rapporte à des zones et

parties spécifiques, tandis que la représentation motrice porte aux mouvements

se rapdesdites

parties.

Selon W. PENFIELD et T. RASMUSSEN, The Cerebral Cortex of Man. New York, The MacMillan Co., 1950, p. 214. (Traduction de l’auteur).

30

LE

4. EXPRESSION

Nous

CORPS

DU CORPS

pourrions

ET

DANS

LE

GROUPE

LE LANGAGE

essayer

VERBAL

autre

à un

d'élargir le champ

domaine qui n’est pas seulement celui de la des de Bowbly sur l’hospitalisme avaient tance du contact mère-enfant pour la survie que les connaissances scientifiques sur les

survie *. Les étumontré l'imporde l'enfant. Bien fonctions de la

peau ne datent que d’environ 1945, l'importance du contact se retrouve dans le langage lorsque l’on dit que quelqu'un est « lourd » ou « léger » dans la relation (« a happy touch », « a soft touch

».….), que l’on va prendre

« contact

» avec un

individu (« to get in touch »), qu’il faut manier quelqu'un avec précaution ou « prendre des gants » (« with kid gloves ») avec lui, que certains individus ont « l'épiderme sensible » (dans le sens d’être susceptible), proches d'’expressions

américaines

skinned people ou

« tangibles

similaires,

(« thick-skinned

»); les relations peuvent »; certains

êtres sont

ont les « nerfs à fleur de peau

« touchants

» (« touchy

la moindre

» ou

«

»

», d’autres

», susceptible;

égratignure) ; certains indi-

ne pouvant

supporter

vidus vous

« hérissent le poil » (pour les Américains,

« get under one’s skin »); on

thin-

être « palpables

« sent » ou ressent

they

(« feel »)

les choses ; lorsque nous Latins, Français, parlons de sentiment, les Anglo-Saxons parlent de « feelings », terme exprimant à la fois les sentiments et les sensations, les expériences de la peau et du tact. Nous parlons de gens ayant ou n'ayant pas de « tact », c'est-à-dire ayant ou n'ayant pas le sens de ce qu'il convient de faire avec d’autres personnes. Nous disons en français que les personnes sans tact prennent les gens à rebrousse-poil (« rubbing people the wrong way », opposé à « stroking them the rigth way »), - les Américains étant plus spécifiques dans leur langage que les Français sur l'utilisation des poils et de la peau dans les échanges humains.

5. LE RÔLE

PRIMORDIAL

DE LA PEAU

La peau semble représenter infiniment plus de choses qu'un tégument désigné pour empêcher le squelette de tomber ou pour envelopper ses organes. Selon Taylor“ : « le sens le plus important de notre corps est notre sens du toucher ». C'est probablement le sens

INTRODUCTION

31

le plus important dans les processus de sommeil et de réveil ; il nous donne notre connaissance de la profondeur ou de l'épaisseur et de la forme : nous

sentons,

nous

aimons

nous haïssons, on nous hérisse la peau ou on nous par l'intermédiaire des corpuscules de notre peau. La médecine

psychosomatique

a démontré

et

touche,

que ce qui se

passe dans l'esprit peut s'exprimer par la peau de différentes façons, mais on peut dire aussi que les réactions de la peau

et les stimulations anciennes, passées ou présentes de la peau ont une répercussion sur l'esprit et la manière de vivre et de

réagir d’un individu, qu'il s'agisse d’un humain ou d’un animal. Selon les expériences de Hamnett du Wistar Institute of Anatomy, les rats de laboratoire, pris souvent en mains et câlinés, pouvaient survivre à une ablation des glandes thyroparathyroïdes

(parathyroïdectomie) ; sur

304

rats,

79

%

du groupe standard de rats non câlinés (irritables et ayant des tensions neuro-musculaires) sont morts dans les quarantehuit heures alors que seulement 13 % des rats du groupe expérimental moururent, ce groupe expérimental ayant, depuis trois générations, l'habitude d'être pris et tenus dans les mains des assistants de laboratoire, câlinés, devenus apprivoisés, et détendus. C'est une différence de 66 % de survie en faveur des animaux aimables et détendus, au comportement calme et sans appréhension ! D'autres expériences et observations à l’Institut Wistar ont montré que plus les rats étaient pris dans les mains et câlinés, mieux ils réagissaient : leurs performances étaient meilleures dans les situations de laboratoire, les tests et la survie, ils étaient « aimables », détendus (« gentle »), et calmes. Il n’est pas de notre propos d’entrer dans les détails du comportement animal, que connaissent bien les vétérinaires, gardiens

de zoo, éleveurs

et paysans.

Mais

il ne serait peut-

être pas sans intérêt de voir s’il n'y aurait pas un rapprochement possible entre les jeunes des divers ghettos urbains, jetés à la rue et souvent

sans parents - ou sans parents ayant

le temps et le gré de s'occuper d'eux - dès un âge « tendre », et l'agressivité dont ils font preuve ensuite, et qui se manifeste par la délinquance juvénile, l’irritabilité, les affrontements, la violence urbaine, la criminalité.

32

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

C'est avec la grille de lecture fournie par l'évolution globale et rapidement esquissée des nouvelles formes de groupe ainsi qu'avec le modèle proposé de communication corporelle, que nous allons tenter d'aborder l’histoire, le sous-bassement théorique et le devenir singulier de ceux qui font aujourd'hui le « Néo-T-Group ». Les chapitres se distribuent autour de cinq grandes parties. La première regroupe celles des pratiques groupales qui ont « aménagé les conditions de la rencontre » entre le thérapeute et son client, entre le client et son milieu originaire, entre les clients eux-mêmes. Dans la seconde sont rassemblés différents « groupes thérapeutiques », d'influence occidentale, souvent marquée par ceux qui composent

mière partie, mais ouvrant

la pre-

des perspectives nouvelles. Nous

nous intéresserons ensuite aux pratiques et aux théories qui guident « l’utilisation de l'énergie sexuelle » (troisième par-

tie). Nous ferons également place aux courants et techniques divers venus d'Orient (quatrième partie). Les derniers chapitres (cinquième partie) présenteront des « groupes » qui se situent à la croisée de l'influence occidentale (principalement la bio-énergie) et de l'influence orientale pour une plus grande « libération du corps ». En

conclusion,

nous

tenterons

de manifester

tous ces courants ont permis l'émergence logie humaniste », où ils se résument.

comment

de la « psycho-

NOTES

* Groupe de sensibilisation à la dynamique du groupe et d'évolution personnelle (cf. notes, pp. 32 sq et 86). 1. National Training Laboratory in Group Development (Bethel, Maine, EtatsUnis) ; le « N.T.L. » est La Mecque du « T-Group » depuis 1947, après une première expérience de formation de Kurt Lewin en 1946, avec Leland Bradfort, Lippitt, etc. - Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, Le groupe de formation (« T-Group »), pédagogie ou thérapie ?, Thèse de doctorat de psychologie sociale, Sorbonne, Paris, février 1970; édition en préparation, Epi, Paris, 1977.

2. Max PAGES, « Note sur la vie affective des groupes », Bull. Psych., 1963, 214, XVI, 6-7. - La vie affective des groupes, esquisse d'une théorie de la relation humaine,

Dunod,

Paris,

- Conférence prononcée 1973 (à paraître).

1968, 512 p.

à l'Université

Libre

de

Bruxelles

le 18 janvier

INTRODUCTION

33

È Nous le préparons (A. A. S.), en plus de cet ouvrage-ci. . Sur l'analyse bio-énergétique et la thérapie par le cri : - À. LOWEN, The Betrayal of the body, Mac Millan, New York, 1966, (tr. fr.). - À. JANOV, The Primal scream, Dell, New York, 1970, tr. fr. Le cri primal. - W. GLASSER, La « Reality Therapy », Epi, Paris 1971 (tr fr). . Groupes « Synanon » ou « Daytop » pour drogués et groupes pour « soidisant

normaux

».

- L. YABLONSKY, Synanon : The Tunnel Back, Penguin Books, 1965-1972. . Cette dissonance est notée aussi bien par divers spécialistes du psychodrame triadique que par Perls ; elle fait l'objet de notre prochain ouvrage sur le groupe triadique (en préparation, 1976) (A.A.S.).

. Nous

avons

ris (A.AS).

suivi

avec

Lee

STRASBERG

les cours

de l’Actor's

Studio

à Pa-

. F. PERLS, Gestalt Therapy Verbatim, Delta, New York, 1951, 470 p.; tr. fr. Rêves et existence en Gestalt Thérapie, Epi, Paris. - Ego, Hunger and Agression, Ramdon House, New York, 1969, 272 p. - W. SCHUTZ, Joy, Grove Press, New York, 1957, 222 p.; tr. fr. Joie, Epi,

Paris, 1974. - Here comes everybody, Harper, New York, 1971, 295 bp. . Cf. les travaux de Gregory BATESON sur le « double bind » et la schizophrénie repris en Europe par LaING. (Bateson G.: Steps to an ecology of mind, 1972). D. CooPER, Psychiatrie et antipsychiatrie, Seuil, Paris, 1970. - Mort de la famille, Seuil, Paris, 1972, 157 p. R. LAING, A. ESTERSON, Sanity madness and the family : families of schizophrenics, Tavistock, Londres, 1964, 272 p., (tr. fr.). 10. F. BasaGLraA, L'institution en négation, Seuil, Paris, 1970, 281 p. G. LAPASSADE, Groupes, organisations et institutions, Gauthier Villars, Pa-

ris, 1967, 312 p. - L'autogestion pédagogique, Gauthier Villars, Paris, 1971, 200 p. - L'analyseur et l'analyste, Gauthier Villars, Paris, 1971, 205 p. R. LoUREAU, L'analyse institutionnelle, Minuit, Paris, 1970, 293 p. 11. G. DELEUZE, F. GUATTARI, L’anti-Œdipe, Minuit, Paris, 1972, 293 p.

12. D. ANZIEU et al.,, Le travail psychanalytique dans les groupes, Dunod, Pa-

13;

14. 15. 16. 1FÉ

18.

ris, 1972, 279 p. - Le groupe et l'inconscient, Dunod, Paris, 1975. M. BASQUIN, P. DUBUISSON, B. SAMUEL-LA JEUNESSE, G. TESTEMALE-MONon, Le psychodrame, une approche psychanalytique, Dunod, Paris, 1972. Connexions, Revue, Epi, Paris, 1972, n° 1-2. Eccéité : du latin ecce homo, voici l’homme ; ce terme est passé dans la langue américaine moderne sous la forme « ecceity » (dictionnaire Webster) ; il met l'accent sur l'importance et l'authenticité de l'instant présent intensément vécu, où l’on découvre ce que l'on dit et ressent, au même moment où l’on s'exprime, sans ressasser ni raconter ce que l’on sait déjà, dans un « étant », un « présent vivant ». Déjà présent chez KIERKEGAARD, ce mot est repris par BOUTANG dans son « Ontologie du Secret ». A. ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, Précis de psychodrame, E.U. (ire éd., 1966), Paris, 1970. - Introduction au jeu de rôle, Privat, Toulouse, 1975. P. SLATER, Microcosm, Wiley, New York, 1966. K. Back, Beyond Words : The story of sensitivity training and the encounter movement, Russel sage foundation, New York, 1972; rééd., Pelican, New York, 1973, 266 p., bbg, index, p. 78. « Raconter sa vie » comme un récit est différent de s'impliquer fortement et comme par hasard avec décharge affective; dans ce dernier cas on parlera de catharsis avec prise de conscience et « perlaboration » (« Working through », retravail sur soi). Cf. note 16.

34

LE

19 Un cours

CORPS

ET

LE

GROUPE

certain nombre de chercheurs s'inquiètent d'accidents arrivés au de diverses formes de thérapie et de formation - tant en psycha-

nalyse que

dans

des groupes

de rencontre,

de confrontation

ou

utilisant

diverses techniques d'expérience directe. Plusieurs recherches sont en cours aux Etats-Unis et en Angleterre (Peter SMITH, Roger HARRISSON) notamment.

Ces

auteurs

pensent

que

l'accident,

la

décompensation,

le

« mauvais voyage » (« bad trip ») surviennent lorsque sont brisées les limites et défenses du Moi (comme le disait déjà le Sapeur Camembert : « Passé les bornes, y'a plus de limites »). s 20. Un catalogue en a cependant été tenté par Severin PETERSON (1971) È A catalog of the ways people grow, Ballantine Books. L'auteur y. distribue les diverses techniques de groupe en huit catégories d'implications pour ? : 14 : « développer la personne » : 1. Fonctions physiques et utilisation des sens (Aïkido, bio-énergie, tral1 l ning autogène de Schutz, massage) ; 2. Sentiments et relations aux autres (Carl Rogers et analyse existentielle, William Schutz et groupes de rencontre, Frederick Perls et Gestalt Therapy). . Action et conditionnement (Skinner et conditionnement opérant). . Motivation et volonté (alcooliques anonymes, psychosynthèse). . Suggestion et états de conscience altérés (hypnose, chimiothérapie). . Imagination et symboles (rêve éveillé, sémantique générale). porté au spirituel (Gurdjeff, Martin Buber, Krishnamurti ; U1 BI © . Intérêt Allan

Watts,

Zen,

Yoga).

8. Environnement (thérapie de la famille, expérience de Summerhill, groupes Synanon, communautés thérapeutiques). 21. Le « T-Group » s’est surtout développé au N.T.L. de Bethel sous la direction de Leland BRapFoRD (1947-1960) ; son départ à la retraite et la difficulté de son remplacement a coïncidé avec un reflux de l'influence du Bethel et du groupe verbal. . Parfois de cinq à quinze ans de psychanalyse individuelle dépassant largement les 500 séances d'une heure prévues en Amérique. . W. REICH, Character Analysis, Noonday press, New York, 1967; tr. fr. L'analyse caractérielle, Payot, Paris. - The function of the orgasm, Bantam, tion de l'orgasme, l'Arche, Paris.

New

York,

1967;

tr. fr., La fonc-

24. Premier séminaire de méditation : « The expanding vision », avec Aldous HuxLEY et le philosophe anglais Allan WATTS (décédé le 19-11-1973 en Californie) ; organisé en janvier 1962 par Michael MURPHY après son séjour dans un ashram en Inde, dans la propriété de ses parents, à Big-Sur, Californie, à laquelle il a redonné l'ancien nom indien d'Esalen; ce séminaire tentait de concilier le Christianisme avec le Bouddhisme Zen. . Beaucoup d’entre eux ont été développés en Californie par Charlotte SELVER et l'Institut Esalen, et décrits par William SCHUTZ dans son ouvrage Joy, « best seller » réédité en livre de poche aux Etats-Unis (cf. note 8). Dans cet ouvrage, SCHUTZ se réfère expressément (tr. fr., p. 18) au psychodrame, aux jeux de rôles utilisés par Hannah WEINER et aux exercices de John et Joyce WEIR du N.T.L. de Bethel. 26. Growth est parfois traduit par « développement du potentiel humain » par certains praticiens canadiens et français, ou encore par « évolution personnelle » ou « croissance personnelle ». 27. Rappelons que nous avons fondé de facto le Groupe France d'Etude, de Sociométrie, Dynamique des groupes et Psychodrame à Paris en 1955 (AA. S.) et de jure en 1958, pour le développement personnel par le groupe, le psychodrame et la formation des psychodramatistes, moniteurs et observateurs de groupe, sur la demande du Dr J.-L. MORENO. Rappelons aussi que sur la demande de Max PAGÈs - Dr fondateur du Laboratoire de changement social à l'Université de Paris IX-Dauphine la bio-énergie a été introduite en France, à Paris, en janvier 1971 par Bill

INTRODUCTION

35

GROSSMAN et Eve GODFREY ; en même temps que l'organisation des premiers séminaires internationaux d'été (après présentation et confrontation de techniques comme à Esalen, pour deux à trois cents participants), organisés par Eve GODFREY (membre de l’O.R.D. : « Organisation Research Development », Londres), en Allemagne (été 1972), en France (Condom, Gers, été 1973), en Angleterre (Arundel, été 1974), en Suède Dädran, été 1975), et des séminaires de Nice (été 1972) animés par Bill GROSSMAN et John GARRIE, et une formation à la bio-énergie organisée à Nice par la société de Psychologie, en 1974, avec Eve GoDFREY de Londres et Denis ROYER de Montréal. I est à noter qu’un grand nombre de personnes intéressées par le développement du potentiel humain en France sont venues s'informer à ce séminaire de 1971, comme Jean-Michel FOURCADE, Alain AYMARD, Aline MANTEL, Georges GUELFAND, Jean-François LABORET, etc., et ont participé au développement de diverses associations françaises utilisant la bio-énergie, la Gestalt : C.D.P.H.,

Rappelons

Tribu, Centre,

aussi que Jacques

Centre

d'évolution,

DURAND-DASSIER

Synthèse,

etc.

a été l’un des premiers à se

former en Amérique au groupe de rencontre avant de fonder à Paris le Centre d'évolution. I y a actuellement un tel foisonnement de groupes d’information et de formation qu'il est impossible de les citer tous, ni même

d'être au courant du passage de certains moniteurs d’un groupe à l’autre; citons seulement plusieurs centres à Londres comme Kaleidoscope (éclaté depuis), Quaesitor, Communauté, O.R.D., etc., à Amsterdam (Center), en Allemagne (Fritz Perls Institute), les instituts reichiens de Londres et Paris (Gerda Boyson) et la venue en Europe, entre 1970 et 1976, pour des séminaires courts, de spécialistes comme Bill SCHUTZ, Alexander LOWEN, PIERRAKOS, FELDENKRAIS, Illana ROSENFELD (élève directe de Perls), Albert

Pesso,

etc.).

. Groupes centrés sur le groupe ou groupes centrés sur le Self (I. WECHSLER, Los Angeles, 1963). . Dans les nouvelles formes de groupe ou « Néo-T-Group », ces confrontations sont devenues souvent dures et parfois agressives et humiliantes : le moniteur cherche à « briser les défenses »; au contraire les moniteurs du « T-Group » ou de « Group-Analyse », essayent d'éviter « l’analyse sauvage » et l'effondrement des défenses du Moi. . Cf. W. SCHUTZ, 1967 (voir note 8). . Le sens du devoir des cadres, le fait que la plupart des stages sont organisés dans des lieux agréables de détente (en forêt, à la mer, à la montagne, souvent dans de bons hôtels) et pris en charge par l'institution et l'employeur augmentent la confusion et la complexité de la motivation; confusion et complexité éclatent déjà si l’on songe au besoin qu'ont les cadres de se détendre, de se former, de renouveler leur stock d'idées et au fait qu'il est effectivement important pour chacun - tant dans sa vie que dans son travail - de mieux se connaître en soi et en relation avec autrui. Une série d'émissions télévisées en Suède en 1975 ont mis le public en garde contre de faux espoirs de changement, des décompensations et accidents éventuels dus à cette confusion des genres. 52 « Le langage du corps et la communication non-verbale », Préface d'Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER à l'ouvrage de Pierre WEIL, Votre corps parle, Ed. Marabout, 1975, et thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres, « Introduction à la communication non-verbale », Sorbonne, Paris, 1976. 54 H. WaLLow, L'enfant turbulent, Alcan, Paris, 1925. - L'évolution psychologique chez l'enfant, Colin, Paris, 1941. - Les origines de caractère chez l'enfant, P.U.F., Paris, 1949. 34. R. BIRDWISTELL, Kinesics and context, University of Pensylvania Press, Philadelphie, 1970.

36

LE

CORPS:

ET

LE

GROUPE

E. GoFFMANN, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, 1973. - Frame

analysis,

Harper,

New

York,

Editions

de Minuit,

1974.

A. SCHEFLEN, Non Verbal communication and the Social order, 1972. - Human Territories : How to behaves in space time, New York : Prentice - Hall, Spectrum Books, 1976. . Ashley MoNTAGU, Touching : the Human Significance of the Skin, Columbia University Press, New York, 1971 ; 2° éd., Harper and Row, New York, 406 p., préf., réf., index, 3 tabl. 4 fig. . Ashley MONTAGU, « The Sensory Influences of the Skin », Texas Reports on Biology and Medicine, 1953, vol. 2, pp. 291-301. . H.-H. HARLOW et R.-R. ZIMMERMANN, « The Development of affectional responses in infant Monkeys », Proceedings, American Philosophical Society, 1958, vol. 102, pp. 501-509. . HARLOW et al.,, op. cit. . Ashley MonTAGU, Cours sur la socialisation à l'Université de Harward, 1945, dont une version a été publiée en 1955, in The Direction of the Human Development, Harper, New York. . Rappelons que Frédéric II (1194-1250), empereur d'Allemagne, avait tenté de voir quel langage les enfants parleraient spontanément s'ils n'étaient pas élevés au sein de la famille ; l’hébreu, le grec, le latin, l'arabe ou la

langue

de leurs

parents-géniteurs ; mais

cette

expérience

scientifique

ne

put être poursuivie, tous les bébés étant morts, faute de contacts humains chaleureux. 41. Lionel TAYLOR, The stages of human life, 1921, p. 157, cité par Ashley

MONTAGU,

Touching,

Harper et Row, New York, 1971, p. 1 « Studies in the Thyroid Apparatus », 1, American Journal of Physiology, 1921, vol. 56, pp. 1%, 204, et suite in Endocrinology,

42. Frederic S. HAMNETT, vol. 6, pp.

221-229.

PREMIÈRE

PARTIE

L'aménagement de la rencontre

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L'AMÉNAGEMENT

Les noms tionnellement

patient avec du groupe,

DE LA RENCONTRE

de J.-L. Moreno

et de Carl Rogers sont tradi-

attachés à celui de « rencontre

lui-même,

du patient avec

du patient avec

son

39

», rencontre du

les autres

thérapeute,

membres

- ainsi que nous

le rappelions en introduction. Nul ne niera que Moreno, - avec la psychothérapie de groupe, le groupe de formation, le groupe de rencontre, le psychodrame, le jeu de rôle, la sociométrie et le sociodrame - et Carl Rogers - sa thérapie « centrée sur le client », sa conception « non-directive » du groupe, ses « groupes de rencontre de base », mais également la conceptualisation théorique de l'expérience, de l'authenticité de la rencontre, de la congruence, de l’empathie, du développement du potentiel de chacun (« growth ») - ont influencé de façon déterminante

point même À ces

quasiment

tout

ce

qui existe

comme

groupe,

au

que nous oublions de leur en rendre justice. deux

leaders

et pionniers

de la formation,

nous

en avons adjoint un troisième, Fritz Perls; non pas parce qu'on dit en Amérique que Perls et la « Gestalt Therapy » sont en train de détrôner toutes les autres formes de thérapie et de groupe, ni parce que nous pensons que l'œuvre de Perls est plus importante que celle de Moreno et Rogers, ni que son œuvre soit exempte de critiques - tant s'en faut mais parce que Perls et la « Gestalt Therapy » amènent aux nouvelles formes de groupe une dimension nouvelle et originale (du moins, si elle n'est pas nouvelle, elle est plus clai-

40

rement

LE CORPS

ET LE GROUPE

précisée, et avec plus d'insistance

maintenant conditions

de Moreno),

dimension

de la « rencontre

que dans l'ici et

qui vient

» : l’insistance,

modifier dans

les

« l’ici et

maintenant », sur le «tout» de la situation. Tout ce qu'on a besoin de savoir pour comprendre un individu est là, « sous les yeux », l’histoire du patient ne fera que refléter ce qu’on voit. C’est, mise en pratique d’une certaine façon, la psychothérapie, un peu hermétique ou théorique, d'un Binswanger, d'un Minkowski, voire d’un Heidegger. Cela méritait bien qu'on le souligne au moment de l'avènement de la psychologie existentielle et humaniste.

CHAPITRE

PREMIER

Moreno,

le psychodrame et la rencontre

I. L'HOMME

ET SA LEGENDE

Ce n'est qu'après la mort de J.-L. Moreno ! survenue le 14 mai 1974 que sa veuve, Zerka Toeman Moreno effectue des recherches sur les origines de son mari. Les premiers résultats mettent en cause la légende selon laquelle il serait né le 14 mai 1890 ou en 1892 (sans autre précision de jour et mois) en pleine Mer Noire. Selon cette même légende, Moreno n'appartiendrait à aucune nationalité. En fait, il semble possible d'établir qu'il serait né en 1889? en Roumanie, probablement à Bucarest. Dès l’école en Autriche, il cesse d'utiliser son prénom pour se faire appeler simplement Moreno !, ou « J.-L. ». C'est donc ainsi que nous allons le nommer. Adolescent, il hésite entre la poésie, la religion et le théâtre. Mais ce sont des études médicales qu'il poursuit et achève en pleine guerre mondiale. Il étudie Rousseau, Froebel, ‘ Pestalozzi. Fort de cette influence, il joue souvent à Vienne, avec les enfants du parc public d’Augarten ; il leur raconte des histoires qu’il mime ; il va jusqu’à aider les prostituées - souvent molestées - du quartier de Spittelberg, à s'organiser en club « autogéré » d'assistance mutuelle. La psychothérapie de groupe va naître de cette première expérience.

On reproche parfois à Moreno pact sur le monde.

d’avoir exagéré son im-

42

LE

CORPS

ET

LE GROUPE

Enfant, avec quelques camarades, il s'essayait à jouer à Dieu, tentant de s'envoler et ne manquant pas de chuter. Mais on ne peut mettre en doute la lucidité d'un homme qui écrit : « Ici se trouve un homme qui a tous les signes de la paranoïa et de la mégalomanie, de l’exhibitionisme et de l'inadaptation sociale, et qui peut cependant être fort bien contrôlé et normal, et même plus manifestement capable de création, en extériorisant complètement ses symptômes qu'en s'efforçant de les contraindre et de les résoudre » *. On peut ressentir dans cette citation la position existentielle que Moreno inscrit en contrepoids de sa visée charis-

matique de prophète qui cherche à marquer le monde de son passage. Cette attitude existentielle, voire revendicative, et charismatique lui rend difficile l'entrée de l’Université et des honneurs, durant la majeure partie de sa vie. Ainsi que nous l'avons écrit ailleurs, Moreno est entré dans le petit Larousse illustré bien avant d'être Docteur Honoris Causa de plusieurs Universités, ou d’être porté au pinacle par ses pairs psychiatres, par les psychologues, sociologues ou thérapeutes, à la veille de sa mort. A ce refus de « jouer à la perfection », se rattache encore son amour de la vie, des femmes, de la bonne chaire, des bonnes histoires, à son inspiration prophétique, son amour du mystère, tel le mythe déjà évoqué de sa naissance sur un bateau. Sa grande passion a été Dieu, avant de devenir celle du psychodrame. Autre caractéristique de sa vie : sa langue maternelle est le yiddish; sa langue scolaire, l'allemand ; la langue dans laquelle il publie et s’édite, l'anglais. Il utilise ces trois langues sur son lit de mort et revient souvent à l'allemand et à la poésie allemande. Il est lui-même son propre éditeur (ce qui nuit partiellement

à la diffusion de son œuvre).

II. PRINCIPALES

ETAPES

DE SA VIE

Ce résumé biographique et bibliographique nous permettra de faire plus de place à l'apport théorique et technique ainsi qu'à l'influence actuelle de J.-L. Moreno. 1889 Naissance probable à Bucarest de Jacob Levi Moreno.

L'AMÉNAGEMENT

1908-1913

1912

enfants). Moreno entreprend (Autriche).

1918-1919

1923

1925

études

de

médecine

très

à

brièvement

déplacées).

Docteur en médecine (psychiatrie), Petzl à Vienne. Rédacteur de la revue le « Daimon collaborent

1921

des

Il rencontre

Freud, à l'issue du cours de celui-ci sur les rêves télépathiques (c’est une rencontre manquée). Il s'occupe d'un camp de réfugiés tyroliens à Mittendorf et étudie les relations de groupe (de minorités et de personnes

1917

43

Moreno commence à réunir à Vienne les enfants en groupe, dans les jardins Augarten: il fonde « Das Kônigreich der Kinder » (Le royaume des Vienne

1915-1917

DE LA RENCONTRE

élève

d'Otto

» à laquelle

Kafka, Martin Buber, Francis James.

Création du théâtre impromptu

(1*% avril, première

séance),

décors,

Vienne,

Autriche,

sans

avec

parti-

cipation des spectateurs, dans une sorte de théâtre en rond (Das Stegreiftheater), à peu près à la même époque que les recherches de Gropius. Il ouvre un « journal vivant » (Living Newspaper), et où l’on joue les nouvelles du jour. Au cours d'une de ces séances, rejouant un fait divers, la ieune Barbara se trouve transformée par l’action cathartique du rôle qu'elle tient (une prostituée assassinée) et ses relations conjugales améliorées. Ce sera le départ du théâtre thérapeutique, par le jeu des problèmes personnels, et qui deviendra le psychodrame. Moreno s'installe aux Etats-Unis à New York, puis à Beacon, au nord de l'Etat de New York, sur la rivière Hudson, près de la propriété de Roosevelt,

1929-1931 1931

1932

qu’il rencontrera. Théâtre de groupe improvisé par Moreno à New York, Carnegie Hall. Moreno forge le concept de « psychothérapie de groupe », qu'il utilise au congrès de l'association américaine de psychiatrie, Philadelphie, mai 1932. Etude de la communauté des jeunes filles délinquantes de Hudson; commencement de la sociométrie scientifique et de la représentation graphique, des interrelations ou sociogrammes (étude

44

LE

faite

1934

avec

CORPS

ET

Helen

LE

GROUPE

Jennings,

versitaires

sous

1955, aux

le titre

Presses

: Les

Uni-

fonde-

: « Advances

of Sociometric

techniques

»;

Tone),

construit

à Beacon,

clinique

psychia-

trique de Moreno, et institut de formation. Un certain nombre d'acteurs se font traiter par Moreno ou lui demandent un complément de formation. Moreno commence à enseigner à l'Université de Columbia (New York) puis à l’Université de New York

1941

de France,

son approche est plus clinique et moins formellement scientifiquement expérimentale que celle de Lewin, Lippitt et Whyte. Moreno cite Slavson et Kurt Lewin parmi ceux qui auraient fait schisme, et ensuite Lippitt, Fritz Perls. Premier théâtre thérapeutique (offert par Mrs Franchot

1937-1938

dans

ments de la Sociométrie, et retraduite en allemand). Il aborde l'amélioration du travail par l'amélioration du climat et la possibilité de choisir ses compagnons d'atelier. Slavson en 1931, Korzybski (« Science and Sanity », la « sémantique générale >»), en 1935, rencontrent Moreno. Etude sur les climats de groupe et conditions de travail dans une ambiance autoritaire ou démocratique, publiée dans Sociométrie Review (février 1936)

1936

publié

2° édition de ce livre, en 1953, sera en grande partie traduite en français, en

1936

qui sera

« Who Shall Survive ? ». « Who Shall Survive ? » et théories des rôles (la

(N.Y.U.) et établit la « version

classique

du

psychodrame » : psychodrame, in locus nascendi ou in situ, centré sur le groupe, ou psychodrame centré sur un individu ou un problème. Fondation du Théâtre thérapeutique à l'hôpital gé_néral St. Elisabeth sous la responsabilité de Winfred Overholser et Margaret Hagan et les conseils d'Anthony Brunse, avec James Enneis. St. Elisabeth sera le plus grand centre d’utilisation du psychodrame thérapeutique et de formation d'internes au psychodrame. Il s'est équipé depuis peu (1970) d'appareils audio-visuels et tourne des films de démonstration et d'enseignement de psychodrame qui se trouvent (1975) dans plusieurs bibliothèques médicales américaines.

L'AMÉNAGEMENT

1942

1949 1948-1950

Moreno

DE LA RENCONTRE

Institute à New

45

York, suivi d’un dévelop-

pement mondial de ses méthodes. Il a une fille (Régina) de Florence Moreno. (18 décembre) : Moreno épouse Zerka Toeman, dont il aura un fils, Jonathan. Quelques Français s'intéressent au psychodrame et à la sociométrie, visitent l'institut Moreno ou font des travaux en France : Georges Gurvitch, Mireille Monod, Marcel-Paul Schützenberger, René Zazzo, Paul H. Maucorps,

1953

Anne

Ancelin-Schützenberger.

Début du psychodrame pour adultes en France, conférences et démonstrations de psychodrame par des Français en Suisse, Belgique, Hollande, etc., par Anne Ancelin-Schützenberger, et du jeu de rôle en

formation,

dans

l’industrie

et chez

les ensei-

gnants (juillet 1955, jeu de rôle utilisé au Congrès d'Utrecht de la New Education Fellowship, avec Mead,

Margaret

1964

Favez, M. Wall, Lily Her-

Juliette

bert, Anne Schützenberger...). Premier congrès international Paris

organisé

par

J.-L.

de psychodrame

et Zerka

Moreno,

à

Anne

Ancelin-Schützenberger et Paul Sivadon, qui réunit plus de 1 000 participants de 37 pays, à la Faculté de médecine de Paris. 1969

Moreno

reçoit, à Vienne, une médaille d’or pour sa

contribution à la science médicale en présence de sa femme Zerka, du professeur Ramon Sarro et d'Anne Schützenberger. Une plaque est apposée sur la maison où il habitait et exerçait pour la première fois, près de Vienne, à Bad Vôslau, Maïital 4 (Autriche).

1972

Moreno

fête à Beacon

nathan, entouré matistes

1973

1974

venus

ses

80 ans,

avec

Zerka,

Jo-

de ses élèves et amis psychodrale rejoindre

aux

Etats-Unis.

Peu

après la société américaine de psychiatrie lui confère des honneurs. Moreno fonde à Zurich l'association internationale de psychothérapie de groupe (dont il confie la direction à un groupe composé des diverses tendances existantes). Après une crise cardiaque survenue le 4 mars 1974, Moreno choisit de laisser faire la nature, de refuser les soins médicaux (il est lui-même médecin,

46

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

et lucide) et de quitter cette vie en paix avec luimême et les autres; il finit de dicter son autobiographie, fait venir et s’entretient avec ses principaux élèves : Gretel Leutz (d’Allemagne-Suisse), (de France), Anne Ancelin-Schützenberger Lew Yablonsky, Hannah Weiner, James Enneis, Dean Elefthery, avec sa femme Zerka, son fils Jonathan, étudiant, ses collaborateurs, lit de la poésie, et s'éteint le 14 mai 1974, au milieu des siens, chez lui à Beacon (New York).

Son fils, Jonathan, psychodramatiste, poursuit ses études de psychologie et de phénoménologie. Sa femme, Zerka Toeman Moreno, psychodramatiste, continue à diriger l’Institut Moreno de Beacon (N.Y., U.S.A.), mais ferme celui de New York en

1976. Un certain nombre d'instituts de formation se sont

créés d’ailleurs aux Etats-Unis et en Europe pour la formation au psychodrame, animé par des « dlirecteurs de psychodrame » de l'Institut Moreno, qui se réunissent en général chaque année à New York, en mars,

à l'occasion

la société de psychothérapie chodrame

III. APPORTS

du congrès

de groupe

annuel

de

et de psy-

(fondée par J.-L. Moreno).

THEORIQUES

Nous devons à Moreno quelques-unes des contributions. qui ont le plus marqué et de façon radicale les perspectives \

de l'homme, de sa vie et de son existence au point qu'il ne paraît pas exagéré d'inscrire son nom Gutenberg,

Freud

ou

Marx,

par

aux côtés de ceux de

exemple.

Il a ainsi

donné

droit de cité au corps humain : le premier, il a levé le patient de son fauteuil, de son divan, voire de son lit de malade: il l'a fait agir normalement, utiliser son corps pour se mouvoir

ou interagir avec l’autre : le toucher, le battre, l’embrasser, lui courir après, se cacher de lui, etc., tout cela en jeu dra-

matique. Le « faire comme si » n'y empêche pas de faire, de comprendre, de percevoir et d'assumer son corps : on peut le grandir et lui donner plus d'importance en montant sur

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA

RENCONTRE

47

une table ou le « rapetisser » en bébé, « sur les genoux de maman » ; on peut se voir « dans le miroir social du groupe » ou se voir jouer par un autre, un « ego-auxiliaire », un « double », un « miroir »… Moreno a encore introduit les termes de « spontanéité » et de « rencontre »*. Il a « inventé » et « baptisé » le groupe‘ sous ses diverses formes : psychothérapie de groupe, groupe de formation, groupe de rencontre. Mais son importance et son actualité, il la doit par-dessus tout à sa découverte de l’homme comme acteur agissant ou agi sur la scène de sa vie quotidienne. En découle sa théorie des rôles, en découle le psychodrame lui-même : « Le monde entier est une scène... dont nous sommes les acteurs » écrivait déjà Shakespeare. Moreno

va nous

aider à tenir nos

et ce dans tous les domaines bien sa

que

propre

vivre en

société,

naissance

ou

rôles, à nous

y préparer,

: respirer, manger, dormir, aussi se préparer

renaître

in

à un

locus

métier, nascendi,

revivre sur

la

scène psychodramatique, se voir in statu nascendi, étant. Nous aborderons quelques-unes des voies largement frayées par J.-L. Moreno : sociométrie, jeu de rôle et psychodrame, avant de relever quelques-unes des influences diverses

que nous lui devons encore fécondité de ses intuitions.

et qui ne cessent de prouver la

1. LA SOCIOMÉTRIE

Au sens large de ce terme, elle désigne une des sciences humaines, le socius, le social, les relations humaines, et recouvre la sociométrie au sens étroit (la mesure du socius,

du social, des relations humaines), le psychodrame, la psychothérapie de groupe... L'objet de la sociométrie recouvre l'étude des rapports interindividuels : sympathie, agressivité, hostilité, indifférence (les gens que l’on ne voit même pas dans un groupe), respect, acceptation-tolérance,

modes

et styles de communication

(les

rapports majorité-minorité, la prise de pouvoir, le télé (com-

munication à distance, entre les êtres, et qui peut être positive, négative, mais authentique, mélange de transfert et de rencontre vraie), statut social et statut sociométrique (la côte d'amour d’un individu dans un groupe, les « capitalistes affectifs », les « leaders », les « prolétaires affectifs », qui ne reçoivent pas assez d'amour et de « caresses sociales » dans

48

LE CORPS

ET

LE GROUPE

leur groupe pour y survivre sans traumatisme, maladie, accident), rôles physiques, psychologiques, socio-professionnels, éventail des rôles réels, actuels, passés, potentiels d’un individu, pression du groupe vers l'unité de pensée, styles et formes de « leadership » (dit « démocratique », autocratique..). L'exploration de ces rapports interindividuels s'effectue, de façon active, au moyen du « jeu dramatique » (jeu psychodramatique) et du psychodrame, et de façon plus passive ou indirecte par le questionnaire sociométrique ou par observation. La mise en évidence des « leaders », des « éminences grises », des « isolés », des rejetés et des « oubliés » d'un groupe, les conséquences de « l'isolement sociométrique » et

les effets néfastes du « prolétariat affectif » sur la maladie, l'accident, la créativité, le travail, les troubles psychosomatiques, voire la mort

maintenant ment

d’un individu...

et la rencontre

(parfois indirectement)

fondements

l'accent

mis

sur

existentielle.

découlent

des travaux

de Moreno

l'ici et

directesur

les

des relations humaines et la sociométrie *.

2. LE « JEU DE RÔLE

»

Le « jeu de rôle » fait partie des méthodes actives de la pédagogie (« action methods’ ») permettant de rendre vivant un enseignement, en particulier pour l’enseignement des langues : jouer des « sketches » en brodant et inventant sur un thème donne au sujet la possibilité d'intégrer harmonieusement et de façon active et utile le mot (le terme nouveau), le geste, la mise en situation, l’utilisation « dans la vie », facilite la mémorisation (en associant la mémoire visuelle, motrice et sociale à la mémoire scolaire intellectuelle) efficace, l'utilisation aisée des mots en situation et des dates, et cela, par exemple, en anglais, allemand, français, russe. ou latin, voire en histoire, mathématiques. Si on a joué la bataille d'Azincourt en classe, ou une visite à Londres, on s’en rappelle toute sa vie.

Le rapport de l'élève à la matière qu'il apprend est soutenu par les rapports entre les élèves (le groupe), les rapports au professeur ; la matière y est mise dans son contexte, et prend sens et vie. Le « jeu de rôle » est souvent pédagogique : il n’a pas

pour seul objet d'éviter des leçons qui risquent d’être passives

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

49

voire ennuyeuses ou répétitives, mais aussi et surtout de rendre vivant la matière, le temps, les lieux, la culture d’un pays étranger ou d’une époque passée...

Le « jeu de rôle » s'utilise aussi en formation professionnelle (de médecins, psychologues, éducateurs, prêtres et pasteurs,

douaniers,

vendeurs

et

représentants)

qui

s’exercent

« en faisant comme si » à l'exercice d’un métier, ou pour la préparation de situations nouvelles (préparation au fait d’avoir des enfants, apprentissage de situations d'embauche pour débutants, étudiants, chômeurs, personnes sortant d'hôpital ou de détention...).

Il a aussi une fonction « parathérapeutique » dans la mesure où il permet une sensibilisation aux relations humaines et à la dynamique de l'interaction de groupe ou diadique d’infirmiers, éducateurs spécialisés, assistantes sociales, personnel paramédical en général, et aux problèmes relationnels, psychologiques, psychiques, institutionnels des « clients » (enfants, malades mentaux, malades mourants ou très gravement malades..) divers de cet établissement et les articule à la visée thérapeutique de l'institution ou des thérapeutes. 3. LE PSYCHODRAME

Il est essentiellement thérapeutique, bien qu'il soit aussi également utilisé en pédagogie et en formation. Moreno a défini le psychodrame comme « le fait de jouer sa vie sur la scène psychodramatique » (« to act out one’s life on the stage ») ou comme la « réalisation totale de la psyché ». Nous dirons que le psychodrame est une extension, par le jeu dramatique de scènes réelles ou imaginaires, de ce que l’on exprime plus complètement (par le mot, le geste, l'interaction...) soit pour tenter de débloquer une situation traumatisante

passée

(utilisant la catharsis,

le renversement

conscience,

la prise de

de rôle, la quasi-reconstitution

ou une fin autre d’une situation difficile...) soit d'affronter une

situation difficile. La

rencontre

« Je t'arracherai les yeux et les mettrai à la place des miens, et tu m'arracheras les yeux et tu les mettras

à la place des tiens,

50

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

Et je te verrai par tes yeux Et tu me verras par mes yeux, Et nous nous

rencontrerons

».

Ecrite en 1914 par Moreno, cette « Motto de la rencontre » « colle » à merveille à la réalité du psychodrame : se vivre en action (« to act out his life on the stage ») sur la scène psychodramatique et ce, en s'exprimant de façon totale (par

le mot, le geste, le cri, le silence, le sourire, le recul, l’action) ;

le psychodrame est également interaction et renversement

de

rôles entre le « protagoniste » (acteur, héros principal du jeu : « l'animal alpha ») et « l’antagoniste » (co-acteur, qui re-

présente les divers « autres » que le protagoniste rencontre dans les différentes situations importantes de sa vie et qu'il choisit de présenter dans le jeu dramatique). Ce « renversement de rôles » correspond en fait à une situation familière : on pense souvent « que l'herbe est plus verte de l’autre côté de la haïe » et l'on donne souvent comme argument « ah, si vous étiez à ma place (« in my shoes »...) vous verriez

».

On peut résumer ainsi un très grand nombre

de discus-

sions, par la position suivante : « j'ai raison, et je sais. tu as tort, tu ne sais pas. ». Le génie de Moreno a consisté à proposer un changement de rôle : se mettre à la place de

l'autre, pour voir, de sa place et avec ses yeux, ce que l’autre peut justement voir et ressentir : l'aboutissement de l'échange des rôles réside dans des « illuminations compréhensives » (« insight ») voire dans des transformations

de sentiments ou

des renversements spectaculaires de situations. C'est à la fois une thérapie active, favorisant catharsis, « insight », prise de conscience, compréhension de soi et de l’autre, comme compré-

hension active de la situation, et « thérapie gie » des relations interpersonnelles, par un la spontanéité créatrice (qui n’est pas de faire mais de percevoir la situation et d'agir de et nouvelle dans une

» ou « pédagoentraînement à n'importe quoi, façon adéquate

situation difficile, parfois répétitive) et

à une meilleure perception d'autrui et de la relation l'Autre, que l’on perçoit mieux, aussi, en situation.

avec

La catharsis

Ce terme désigne le « revécu affectif intense

», le dégel

des structures et des situations associé à la libération de sen-

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA RENCONTRE

51

timents refoulés ou inhibés, à la découverte de l’origine de traumatismes enfantins ou de fixations de rôle. Cette « catharsis », cette prise de conscience doit être suivie d'un travail sur soi (« perlaboration » ou « Working trough »). Seule cette perlaboration permet la métabolisation de la découverte cathartique ou son abréaction par l'analyse ou le jeu dramatique de situations présentes, passées, futures, réelles (ne confondons pas le réel avec la réalité), imaginaires ou phantasmatiques, de rêves, de rôles, par l'association libre (un groupe tolérant et permissif facilite l'apparition de « n’importe quoi » sans contrôle ni censure), les « échos » et « résonances affectives » du groupe et de chaque participant (il est important que chacun puisse s'exprimer, pour ne pas cliver le groupe en « acteur-exhibitionniste » et « spectateur-voyeur » ou « spectateur-participant gardant sur le cœur un vécu lourd pour lui »), le partage du « vécu du groupe » (le vécu, et pas le « pensé », différent des conseils que le groupe pense parfois nécessaire de donner au protagoniste, qui va alors rejouer plusieurs versions différentes de la même scène) et des sentiments et contrecoups personnels de chacun (« sharing of feelings »). Moreno fait de la catharsis la pierre angulaire de son psychodrame ; nous insistons surtout sur la prise de conscience, le changement d’attitudes et de comportement.

IV. L'INFLUENCE

ACTUELLE

L'influence du psychodrame est telle qu'il est devenu un nom commun, utilisé d’ailleurs à tort ou à raison par le grand public et la presse; beaucoup de ceux qui utilisent le jeu de rôle et le psychodrame et les techniques moreniennes ne sont

même

pas toujours

conscients

de ces emprunts,

tant en

formation qu’en pédagogie ou thérapie. Rappelons brièvement ici les principales écoles de psy-

chodrame,

les revues,

congrès

et associations

dont

Moreno

fut l'organisateur et l’animateur jusqu’à sa mort, les concepts

et techniques majeurs qui occupent une part importante dans

le développement qui, se réclament

des Sciences Humaines, les grands noms de lui ou non, poursuivant ou trahissant

son œuvre, ne lui en sont néanmoins

pas moins

redevables.

52

1. LES DIVERSES

LE

CORPS

ÉCOLES

ET

LE

GROUPE

DE PSYCHODRAME

Grosso modo, on peut diviser le psychodrame courants : Le psychodrame classique américain « morenien

en trois



Il est essentiellement fondé sur le jeu (sur scène) direct, rapide, actif, dirigé, souvent spectaculaire et efficace. Il uti-

lise une centaine (de vingt à trois cent cinquante techniques) de moyens, la scène, les « ego-auxiliaires » formés, le public, un psychodramatiste formé au psychodrame, à la sociométrie et aux diverses techniques de jeu (mais pas forcément un thérapeute et ayant rarement

une

formation

psychanalytique,

voire jamais). Le psychodramatiste dirige et ne joue jamais : il dirige le jeu, comme un metteur en scène (a « director ») aidé d’assistants thérapeutes (les « égo-auxiliaires ») ; l’auditoire est souvent nombreux

à cinq cents personnes,

(comme

dans un théâtre, de vingt

qu'il s'agisse d’un théâtre ouvert

au

public ou d’un théâtre thérapeutique à l’intérieur d'un hôpital). On ne s'occupe pas du transfert (on ne le nomme pas, on n'en tient pas compte) mais de la création d’un climat de groupe propice et de l’échauffement (« warming up ») de la salle, de l’auditoire, du protagoniste. On joue des situations présentes, futures, passées, parfois des rêves. Les séances sont privées ou publiques (on peut acheter sa place, comme au théâtre, à l'entrée, pour une séance, chez la plupart des

psychodramatistes américains, une fois par semaine - les autres séances de groupe étant réservées), fermées ou ouvertes, intensives (d'un ou trois jours à trois semaines) ou extensives (une fois par semaine pendant plusieurs mois). J.-L. Moreno a construit son théâtre dans sa propriété et sa clinique de Beacon (Etat de New York) en 1936 (la clinique

est fermée. depuis 1970, au profit du centre de formation). Madame Zerka Toeman Moreno a remplacé depuis 1974 son mari à la tête de l’Institut Moreno de Beacon. Plusieurs instituts de formation au psychodrame sont agréés par Moreno aux Etats-Unis : au St Elisabeth’s Hospital de Washington D.C., (James Enneis), dans la région de New

York, en Allemagne (Gretl Leutz), en France (Anne Schützenberger), en Hollande (Dean Elefthery), etc. (une liste de psSy-

a

reno).

diplômés est tenue à jour par l'Institut Mo-

L'AMÉNAGEMENT

DE LA

RENCONTRE

59

Chaque année, depuis 1942, un congrès américain

de pSy-

chothérapie de groupe et de psychodrame réunit à New York en mars la plupart des psychodramatistes du monde et les spécialistes de toutes les techniques psychodramatiques, corporelles, de confrontation, des nouvelles thérapies (de la « Gestalt » à la « bio-énergie ») et, depuis peu (1975) les utilisateurs de l'audio-visuel en groupe (Milton Berger, James Enneis,

Anne

Ancelin-Schützenberger...).

Le psychodrame analytique matique de groupe » Citons ici les noms

français ou

« psychanalyse

dra-

de Serge Lebovici, Didier Anzieu, Da-

niel Widlôcher, Michel Soulé. Il s’agit essentiellement de psychodrame thérapeutique individuel d'enfants. La séance se distribue entre des phases de jeux et des phases assises où l'enfant associe librement sur ce qu'il va ou vient de jouer, à l'invitation d’un psychodramatiste (ou d’un couple) analyste. Les assistants thérapeutes sont généralement tous psychanalystes, du moins des psychanalystes en formation. Les adultes

jouent avec l'enfant ; ils « jouent la pulsion », se référant à la théorie psychanalytique, abordant le transfert et son interprétation par le jeu. La séance dure de dix à quinze minutes à une heure. Les thèmes joués sont proposés par le sujet (enfant, adolescent, parfois adulte). Souvent un « chœur » fait écho aux sentiments joués et participe même spontanément à un sujet collectif proposé par l'enfant. Il y a parfois quelques enfants ensemble, trois ou quatre.

Depuis peu (1975) Anzieu intègre le « psychodrame corporel » et commence à utiliser le corps - comme on le faisait déjà en psychodrame classique et triadique. Tous les thérapeutes sont des psychanalystes. Certaines séances de psychodrame analytique de Toulouse (Dr Sztulman, 1974-76) s'accompagnent de l'utilisation du magnétoscope (en continu et en ponctuel) 7. Paul

et Génie

Lemoine

tentent,

depuis

1970,

d'intégrer

les théories psychanalytiques de Jacques Lacan à leur version du psychodrame (à l’origine inspirée du groupe triadique, en 1964).

Le psychodrame

triadique

Pour Anne Ancelin-Schützenberger, la triade est une métabolisation des approches de Freud, Kurt Lewin, et Moreno,

54

LE CORPS

ET

LE GROUPE

c’est-à-dire d’une extension jouée (psychodramatiquement) du vécu d’un groupe de « groupe-analyse », utilisant à la fois le

transfert et la dynamique de groupe, comme tout l'arsenal classique du psychodrame (morenien). Il ne s’agit pas d’une juxtaposition de positions théoriques différentes, voire opposées, mais bien d’une union, d'une

métabolisation de leur essentiel, d’un entrelacs ; on pourrait prendre comme comparaison de cette approche la dentelle d'Alençon : c’est le seul point où l’on tisse la trame en même temps que l’on fait la chaîne ; c’est un groupe à polyréférents, qui tient à ce qu'il v en ait plus d’un, afin d'éviter de se piéger dans une dichotomie normative « règle/transgression de la règle » et de prendre comme seule loi la nécessité d'analyser tout ce qui se passe dans le groupe et ce que l’on fait, et de tenir compte des dimensions de l'inconscient comme des forces latentes du groupe et des divers ressorts du psychodrame. (Obéissant aux règles de neutralité bienveillante et d'une certaine distance de l'analyse, et du pointage de transfert comme des techniques de jeu dramatique et de la mise en évidence du réseau de communication et des forces de groupe). Les interventions se font à la fois au niveau du groupe et de l'individu, sur le fil du rasoir entre le groupe et l'individu, à partir de l’hypothèse que le discours du groupe et le vécu d’un participant sont - et ne peuvent qu'être - en liaison avec l’ici et maintenant du groupe et les rapports à l'autorité et au moniteur. Le langage du corps, le métalangage est

pris

peuvent

en

compte,

les

interventions

du

moniteur

sont

ou

être des interprétations.

On a souvent dit que le psychodrame direct risque de provoquer un effondrement des structures du Moi, de l’exhibitionnisme (hystérisation) et de ne provoquer qu'une catharsis sans changement durable ; que la psychanalyse individuelle ou de groupe risque de s’enliser dans une longue névrose de transfert, de ressasser le passé sans se préoccuper

du présent et du futur avec de par sa durée; que les de tourner à un nécessaire surface peu durable ; et que des groupes risque de ne pouvoir

(« leadership

un renforcement des résistances méthodes non-directives risquent « passif » et un changement en la sensibilisation à la dynamique s'occuper que des problèmes de

»), de fonctionnement,

de structure

et

mode de communication verbale-vocale, en laissant l'individu et l'essentiel de l'interaction et du changement de côté. Pour répondre à ces critiques nous avons intégré depuis

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

55

une vingtaine d'années dans le psychodrame triadique l’apport de la psychanalyse de groupe et en groupe, l'analyse de l'interaction et la « permissivité » du « T-Group » avec le dégel de la spontanéité créatrice, la prise de conscience et l’apprentissage des rôles, l'accélération du temps, les changements de lieu et le recours à l'imaginaire comme au réel propre au psychodrame, dans une thérapie multidimensionnelle à plusieurs référentiels. L'intégration et le jeu de plusieurs théories en une multiréférentielle permettent de s’adjoindre au besoin d’autres référentiels lorsqu'ils sont ramenés ici et maintenant dans le groupe, par exemple la thérapie institutionnelle, l'occupation du territoire ou le langage analogique et le langage digital, ou la théorie des systèmes ouverts. Créée par Anne Ancelin-Schützenberger en 1955 à Paris à son retour d'Amérique, cette « groupe-analyse » utilise la sociométrie ou dynamique des groupes avec le psychodrame, en groupe restreint (huit à quinze personnes), de longue durée, fermé ou « lentement ouvert »; la règle est de s'exprimer (par la parole, le jeu, le rêve, l'association, la pensée libre, la perception de l'interaction). Les interventions se font en se centrant à la fois sur l’individu (comme en thérapie personnelle et en groupe de développement du potentiel humain) et sur le groupe (comme en séminaire de sensibilisation à la dynamique de groupe et en « groupe-analyse »); on analyse le transfert, utilise l'inconscient, le corps,

l’action, l'interaction,

la symbolique.

Un mo-

niteur ou un couple de moniteurs anime le groupe, avec un ou des observateurs. Les moniteurs-thérapeutes ont une triple formation, analyse (psychanalyse individuelle classique et « groupe-analyse ou seulement de « groupe-analyse » selon les cas), dynamique des groupes théorique et appliquée au groupe, techniques classiques de psychodrame, travail sous contrôle après leur formation personnelle de longue durée, formation à la mythologie, au folklore, aux techniques d’expression corporelle, à la communication

non-verbale,

à l'observation.

le psychodrame

joué, exprime à la fois le vécu du protagoniste et celui du groupe. Tout comme dans le psychodrame analytique, les praticiens du groupe « triadique » se méfient de la recherche systématique et souvent aussi spectaculaire que peu efficace de la catharsis à tout prix, du jeu à tout prix (et qui peut être

56

une

LE CORPS

défense

ou une

ET

résistance),

LE GROUPE

et de la fusion, et utilisent

l'approche psychanalytique et existentielle.

Les liens de l'individu au groupe, à la fois lié et totalement libre, peuvent s’illustrer par les « anneaux boroméens », les anneaux se tiennent deux à deux, mais sans fusion : une seule liaison défaite, chaque anneau est seul, indépendant (et

libre) alors qu'il n’en est pas de même dans les anneaux olympiques, qui forment une chaîne. Depuis peu (1973) Anne Schützenberger utilise le « vidéofeed-back » et la « vidéo-thérapie » en filmant au magnétoscope

les groupes

et en permettant

aux

participants

de se

voir tels qu'ils sont, en différé ou direct, ou de travailler

rectement face à leur image.

noeuds

Boromeens

Chaque

dessus

cercle

et

deux

passe

fois

une

fois

dessous

l’autre, dans les nœuds Boroméens ; si on en coupe un, les autres se détachent. Selon Lacan, ils peuvent aussi représenter le réel, le symbolique, l'ima-

ginaire ; ils sont différents anneaux olympiques.

anneaux

Olympiques

des

di-

L'AMÉNAGEMENT

2. REVUES,

Son vivant,

ASSOCIATIONS

influence, et c'est

assistante

Zerka

DE

LA RENCONTRE

57

ET CONGRÈS

Moreno

surtout

l’a partiellement

après

Toeman

son

Moreno

second

(1949)

acquise

mariage

de son avec

et la naissance

son

de

leur fils Jonathan, que le psychodrame prend son essor mondial. Moreno multiplie les démonstrations-conférences en Europe de l'Ouest, du Centre et de l'Est et en Amérique. C’est ainsi qu'il fut l'invité de Jacques Lacan à Paris, qu’il donna des démonstrations de psychodrame à l'U.N.E.S.C.0. ou à l’Institut Pavlov de Léningrad, où nous l'avons accompagné comme assistante (A.A.S.). Il fonde l’Institut Moreno

de New York, les revues Sociometry, Group Psychotherapy, International Sociometry and Psychodrama ; il édite les recueils the Sociometry Reader et

International Group Psychotherapy (1963) ; il publie les Psychodrama Monographs et ses recueils Psychodrama I, II et III dans sa propre maison d'édition (Beacon House). Enfin, il organise l'International Council for Group Psychotherapy et suscite les congrès internationaux de Psychothérapie de groupe et de psychodrame (premier congrès à Paris en 1964). Ce travail incessant, assorti au caractère charismatique

et

jaillissant de sa personnalité, jalonnent l'accroissement de son influence,

d'amis

et d’ennemis,

et de difficultés

avec

les mi-

lieux académiques et psychanalytiques. N’étant ou ne se sentant pas reconnu, Moreno tend à revendiquer la paternité de ses idées et de tout ce qui touche à la psychothérapie de groupe et aux méthodes de jeu. Sans doute sentant sa fin proche, il cesse la polémique dès 1973. Et s’il fonde l'International Association of Group Therapy (1973), c'est réellement pour tenter de réunir toutes les tendances : il en donne la présidence au représentant d’une autre école. Ses dernières années sont des années de réconciliation et de consécration. Ses Mémoires achevés, après une crise cardiaque survenue le 4 mars 1974, il choisit de ne pas prolonger sa vie artificiellement et refuse soins médicaux et nourriture. Il s'éteint deux mois et demi plus tard (le 14 mai) de façon sereine et quasi mystique, lisant et récitant des poèmes, s'entretenant avec

ses

élèves

favoris

venus

sa famille psychodramatique

du monde

entier, au

et des siens.

milieu

de

KES

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60

LE

CORPS

ET

LE GROUPE

3. L'HÉRITAGE CONCEPTUEL

du jeu de rôle, de la sociomé-

En plus du psychodrame,

créatrice,

trie, de la théorie de la spontanéité

nication vraie et réciproque

de la commu-

(télé), de la rencontre

dans l'ici

et le maintenant, on peut rapidement énumérer, pour rappeler l'influence de Moreno, l'accent mis sur la « relation authentique » acceptante

« non-directive

»!" que

et tolérante”,

l’on sent

« permissive », voire

désormais

entre

médecin

et malade, éducateur et enfant ; les notions de « rôle » et de « passage à l’action » (différent de « passage à l'acte ») ; l'inter-

action entre participants d’un groupe et l'ouverture de l'éventail des rôles qu'ils tiennent ; « l’expansivité affective », les niveaux

« formels

» et « informels

sous-jacents

», «

», de

toute relation; la thérapie par le rôle et l’action. Ce ne sont là que quelques-unes des contributions de Moreno aux Sciences Humaines, à la formation par le groupe (« training group »), aux méthodes dites « démocratiques » ou « nondirectives »", à la thérapie et à la pédagogie centrée sur le « client » et le groupe, à ce que l’on appelle entre 1970 et 1976 les « Nouvelles Thérapies de Groupe » : analyse bioénergétique, « Gestalt Therapy », groupes de rencontre... Tant les idées théoriques que les concepts élaborés par Moreno sont devenus d'un usage si courant qu’on oublie souvent

non

seulement

de

encore de se demander mal

connus,

ils ont

lui en

attribuer

la paternité,

ce qu'ils recouvrent

néanmoins

fertilisé

exactement.

bien

des

mais

Fort

pratiques

actuelles - depuis le théâtre en rond et le cinéma-vérité, en passant par la formation des acteurs (Moreno revendique son influence

sur Stanislavski

diverses méthodes

et l’ « Actor’s

studio

»}) et les

actives d'enseignement.

4. LES HÉRITIERS

Un arbre se juge à ses fruits; qu'on en juge : parmi ceux qui ont fréquenté Moreno apparaissent les noms de Kurt Lewin qui fondera la Dynamique des groupes ; de Rosemary et Ronald Lippitt qui seront à l'origine du « T-Group » à Bethel ; Alvin Zander, qui écrira avec Cartwright le manuel de la dynamique des groupes ; Korzybsky qui inaugurera la sémantique générale ; Slavson qui se lancera dans la thérapie

analytique

d'enfants : le sociologue Gurvitch ; Fritz Perls qui

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

61

inventera ensuite la « Gestalt Therapy », Margaret Mead dit qu'elle lui doit beaucoup... Tous, à un moment crucial de leur vie suivent ses séances. et changent de cap ensuite. même s'ils ne reconnaissent pas par écrit cette paternité et cette empreinte.

V. CONCLUSION Après

1964,

les congrès

nationaux

et internationaux

se

succèdent. Diverses écoles et associations se créent pour diffuser psychodrame et jeu de rôle dans le monde entier, souvent trois à quatre associations par pays. Psychodrame, jeu de rôle, mais aussi « sketches », entrent dans les mœurs, deviennent des outils habituels ou fréquents en psychothérapie individuelle et de groupe, en formation, en pédagogie des variantes de ces techniques fleurissent partout, des écoles les utilisent sans qu'il soit toujours fait mention de Moreno ou de son œuvre... Est-il besoin de rappeler que Moreno (tout comme Freud, Rogers, Lowen), a souvent protesté contre l’utilisation de ses outils et de sa technique par des gens qui ignoraient tout de

leurs bases théoriques et philosophiques, et a aussi souvent insisté sur la nécessité d’une « formation » ! adéquate dans ces domaines ?

NOTES

1. Ses

familiers

l’appellent

« J.-L.

», et seuls

des

inconnus

se permettent

d'utiliser par écrit ou verbalement ses prénoms Jacob-Levi. ‘connu pendant vingt-cinq ans et lui ayant parlé sur son

L'ayant bien lit de mort, pas utiliser ses prénoms

nous continuons à respecter sa volonté et à ne AR AUS p2 “ss de Zerka Moreno auprès de la Société d'Histoire de la médecine de l'Etat Roumain (correspondance privée d’A.A.S., 12-6-1975). 3. Psychothérapie de groupe et psychodrame : une introduction théorique et clinique à la socioanalyse, P.U.F,, Paris, 1965. . Motto de la Rencontre, 1914. . Moreno forge, en 1932, au Congrès de Philadelphie, le terme de psychoun thérapie de groupe. CAGE note 3:

62

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

à deux . Entre 1974-1976, M.J.S. a participé en tant que caméraman s séances hebdomadaires de psychodrame analytique d'adolescents, à Toulouse (Dr Sztulman). . Technique de « video feed-back » et de « vidéo thérapie » développée séparément par Milton Berger aux Etats-Unis et en Europe par Anne Ancelin-Schützenberger, Patrick Accolla et Yannick Geffroy (cf. Congrès International de Psychothérapie, Paris, juillet 1976). . Les termes « acceptant », « tolérant », « permissif », « spontané », « non-directif », n’ont jamais signifié « laisser-faire ». Ils renvoient à « un changement de centration » : le conseiller se centre sur le vécu de son client et non sur la manière dont il devrait être; un climat « permissif » doit permettre au client d'exprimer ce qu'il ressent, d’être écouté et entendu ; la « spontanéité » (normale), c’est exprimer la chose opportune au moment opportun, et non faire n'importe quoi (spontanéité pathologique) selon J.-L. Moreno. 10. C'est quasi paradoxal d’assimiler le directif Moreno à la « non-directivité » mais son insistance sur la « démocratie » dans le groupe et certaines techniques collectives ou à peine soutenues par le psychodramatiste et le groupe nous le permettent. le Une bonne formation psychodramatique s'obtient après une participation à un groupe de psychodrame de longue durée (trois à six ans) dans un institut spécialisé (ou chez un thérapeute psychodramatiste) et reconnu des instances internationales. Des séances intensives, regroupées en weekend ou semaines de formation, se font à l’Institut Moreno, Beacon, New York, au Groupe de Sociométrie (Paris et principales villes universitaires), à la Fondation for Human Relations (Hollande), à la « Verveine » (Belgique), à la S.E.P.T. (Paris), au C.E.F.F.R.A.P., etc.

CHAPITRE

II

Carl Rogers, la rencontre vraie entre êtres humains authentiques

Le psycho-pédagogue « non directif » américain Carl Rogers est d’abord apparu de façon indépendante (Chicago, 1944) et modeste

sur la scène du « T-Group

» et de la thé-

rapie. Mais le mouvement qu'il représente a récemment (1965) développé en Californie une nouvelle approche de groupe. Tenant à son bon sens rural, il s’est essayé à mener lui-même

et à sa manière des « groupes de rencontre de base » (« basic encounter groups »)!. C’est pourquoi nous le dissocions de l'Ecole Américaine du « T-Group ».

I. L'HOMME

Carl Rogers

est né le 8 janvier 1902 dans un faubourg

de Chicago, Oak-Park, quatrième des six enfants d'une famille américaine modestement aisée (« middle class »). Son

père, ingénieur civil, dirige une entreprise. En 1914, Carl a douze ans, ses parents achètent une ferme à quarante-cinq kilomètres de Chicago et s’y installent. Carl va au collège, trait les vaches, entre en agronomie en 1919 à l’Université de

Wisconsin, devient membre d’un groupe de jeunes chrétiens (x.M.c.A.), dans la lignée de sa famille pieuse et austère. Il abandonne l’agronomie pour l’histoire afin de devenir pasteur. En 1922, il passe six mois en Chine, donnant

des confé-

LE CORPS

64

ET LE GROUPE

rences dans des groupes d'étudiants. Il suit des cours de psychologie par correspondance. Il enseigne à l’Université de Chicago pendant et après la guerre, de 1944 à 1957, puis à l’Université de Wisconsin, de 1957 à 1964. Depuis janvier 1964, il se trouve à la Jolla, en Californie, au

« Western

Behavioral

Science

Institute », institut

fondé en 1959 et dont il était déjà l’un des directeurs. Enfin,

il crée son propre institut, « The Center for the Study of the Person »?, également à la Jolla. Il a fêté, avec

sa femme

Helen

et leurs enfants,

le cin-

quantième anniversaire de leur mariage, en août 1972.

II. UNE

EXPERIENCE

DETERMINANTE

Pendant son séjour à Chicago, au moment de la deuxième guerre mondiale, Carl Rogers travaille aussi comme psychologue clinicien. Il est alors frappé par l'urgence des problèmes qui se posent, sur le plan du conseil, de l’aide, de l’évolution pédagogique et psychothérapique. Dans le même temps, il est surpris du peu de temps qu'on leur consacre, par rapport à la durée de l'enquête sociale et administrative, à la recherche

des données, au « testing », chologique, à la psychanalyse ment interrogé par le peu de il finit par se dire : « À quoi ter les sujets, pour ne guère mainement après Influencé par nication et le « entre le message

à la longueur de l'examen psysi longue et si coûteuse. Egaletemps consacré à la recherche, bon passer tant d'heures à tess'en occuper réellement et hu-

». Kurt Lewin et les recherches sur la commufeed-back

», il est

sensible

à la différence

émis par les techniciens (psychiatres, psychologues, psychanalystes, les « psy » - quelque chose) et le message reçu par le client : « La réalité est la réalité perçue par le client ». La pensée du « client » doit être reformulée dans les termes propres au cadre de référence du client (l’autre). Il convient d'abandonner celui du thérapeute ou du professeur soit-disant objectif puisqu'extérieur : pour Carl Rogers, la seule réalité est intérieure.

Carl Rogers centre alors son travail plutôt sur le « client » et ses sentiments que sur le « conseiller » - sur ce que le « conseiller » est censé connaître de la psychologie en géné-

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA

RENCONTRE

65

ral ou de la vie du « client » et de ses problèmes. Les termes quil utilise, « client » et « conseiller » remplacent respectivement « sujet » et « patient » d’une part, et, d'autre part, « médecin », « psychologue », « assistante sociale », « éducateur », « thérapeute », « spécialiste » ou « expert ». C'est la « thérapie centrée sur le client » (« client centered therapy ») ou thérapie dite « non-directive ». Aujourd’hui, devant le galvaudage et la mauvaise compréhension du terme « non directif », Carl Rogers a été contraint de l’abandonner :. Tentons de définir ces concepts fondamentaux.

III. PRINCIPES MENTAUX

Parce

SOUS-JACENTS

qu'ils déterminent

ET

le climat

CONCEPTS

FONDA-

de la relation,

l’atti-

tude du conseiller et l’évolution du client, cinq concepts nous paraissent devoir retenir notre attention. Ce sont : « Experiencing », « relation authentique », « congruence », « empa-

thie » et « growth » (développement du potentiel de chacun, maturation, croissance).

1. « EXPERIENCING

» (« EXPÉRIENCE

») ou « comprendre l’autre

sans l’approuver ni le laisser faire » Sous ce néologisme, Carl Rogers désigne l'expérience immédiate dans laquelle « sentiments et connaissance s’interpénètrent ; le Moi est présent subjectivement dans l'expérience, le vouloir est simplement la suite objective d'un équilibre harmonieux de directions organismiques ». L' « experiencing » est lié à La suppression de la distance à l'expérience

immédiate, de la distance entre le vécu et l'exprimé. Nous retrouvons une notion chère aux thérapeutes « existentiels » (tel Ronald Laing) et « humanistes » et que nous avons évoquée en introduction : le « présent vivant » dans un « ici et

maintenant

», immédiat,

l’eccéité, - sans

transformer

l'autre

en objet d'intérêt ou de soins. Dans cette co-présence, l’un s’exprime en découvrant ce qu'il ressent ; l’autre l'écoute en découvrant aussi pour la première fois, tout en faisant l'expérience, ce qui se passe. L’ « experiencing » est une expérience

66

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

vécue, à la fois subjective et objective, connaissance intuitive complète, acceptation inconditionnelle.

2. RELATION AUTHENTIQUE ou « la compréhension inconditionnelle et respectueuse La relation

»

authentique,

réelle, vivante,

en

thérapie,

est

justement celle où le thérapeute est vrai au moins autant qu’il est centré sur le client. Carl Rogers lie indissolublement ces deux relations. S'il accepte le client et s'exprime, le thérapeute est un être vivant, authentique et vrai. Dès lors il n’aliène pas son client dans une relation faussement objective ; il n’essaye pas de s'imposer à son client; il n’est pas « directif ». Le résultat réside dans le fait que le conseiller accepte l’autre totalement avec non seulement le fait qu'il s'exprime, mais encore ce qu’il exprime. Cette attitude infirme le fait qu’un certain nombre de thérapeutes ont du mal à accepter des actions, comportements, pensées d'autrui, jusqu'à couper le client dans son expression : le client ne peut parler vrai que s'il est entendu et accepté. Cette acceptation inconditionnelle du client est, selon Rogers, beaucoup plus qu'une neutralité bienveillante : elle est un engagement affectif positif dans la relation, une forme d'amour, mais un amour non possessif, un « amour thérapeutique », ainsi que le nomme Carlos Seguin. Cet amour présente deux dangers. Le premier est celui de la confusion entre l’amour thérapeutique et l'amour tout court : aussi Carl Rogers étudie la chaleur de la relation pour le client, et parle de minimum de chaleur utile. Le second danger vise d'abord le thérapeute, mais

également

le client à travers

lui.

Ce pari « rousseauiste » et optimiste de compréhension totale et conditionnelle de tout ce que le client peut dire ou apporter pose les limites de cette approche par un conditionnement involontaire : une répression des sentiments hostiles, de l'ambivalence fondamentale mise à jour par Freud, de

l'agressivité que l’on sait fondamentale depuis Lorenz, quand le client essaie de ne pas déplaire au thérapeute ; le risque

de la sélection des clients sympathiques ; celui, traumatisant pour le client, de l'expression brutale d’un vrai rejet par le thérapeute. Outre l'oubli de l'agressivité, c'est la sous-estimation de la « dissonance cognitive » (Festinger), de la problématique enrichissante de l'opposition, de la contradiction et

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

67

la méconnaissance de relations piégées, du conflit, des forces destructives, de l'instinct de mort (Freud) et de la lutte pour le pouvoir (dominance, « pecking order »), de la « normalisa-

tion » sociale et culturelle, voire d’un certain engourdissement affectif en privilégiant l'épanouissement au contact de l’ac-

ceptation.

3. CONGRUENCE

ou « la perception du client »

Selon Carl Rogers et l’approche « centrée sur le client » le conseiller devrait être transparent, congruent, vrai, authentique, lucide et conscient. Autant de synonymes qui renvoient au fait que ce que le conseiller ressent consciemment en luimême est présent à sa conscience, ce qui va transparaître et colorer ce qu'il dit verbalement de par ce qu’il exprime réellement, de par son attitude : il se présente de fait sans masque ; il ne joue pas un rôle (sinon celui du thérapeute « bon, compréhensif, amical et tolérant », dirait un psychodramatiste) ; il n'exerce pas une fonction ; il ne s’identifie pas à un personnage idéal ou à un thérapeute parfait ; il ne joue pas à l’impassabilité et manifeste au besoin les sentiments qu'il éprouve : intérêt, effroi, irritation, sympathie, à l'égard de son patient, ou amour

humain

en général.

Notons toutefois qu'on reproche souvent en Europe son « angélisme » à Rogers, qui semble masquer le fait que le conseiller puisse éprouver un désir sexuel, une envie de promotion sociale ou financière, du mépris, de la pitié, de la répulsion, de l'agressivité, de l'ennui... dans sa relation active.

Il n’a pas davantage envisagé que ces manifestations puissent nuire au client et à la relation thérapeutique, ni même que le désir d'aider puisse camoufler une forme de manipulation, une expression du désir de puissance du conseiller. Des psychanalystes reprochèrent à Rogers de jouer avec

le feu des sentiments et de ne rien comprendre au transfert

dans lequel il s'engage et surtout dans lequel il engage son client. Ce dernier s’y lance d'autant plus naïvement et intensément que c’est souvent la première fois qu'il expérimente le fait d’être compris et accepté : il risque de confondre ce sentiment vécu avec l'amour; il risque de désirer poursuivre cette relation dans la vie de tous les jours et de la confisquer « pour soi ». Or il est évident qu'un thérapeute ne peut épouser toutes ses clientes et vivre en famille avec tous ses

68

LE

CORPS

ET

LE GROUPE

patients et patientes (à moins de créer une

« communauté

x

comme Synanon). Chaque consultant devra se créer sa vie propre, indépendante du conseiller, et apprendre à s'en passer. C3

LA

4. EMPATHIE ou « l'expérience de l’autre » Ce vocable qualifie encore la relation du conseiller au client. Ce n’est pas de la sympathie mais une sorte d’identification profonde avec l’autre, mais qui n’est ni identification, ni fusion. Le thérapeute arrive à saisir instant par instant

ce que le client éprouve dans son monde intérieur, comment le client le voit et le sent, sans que sa propre identité se dissolve dans ce processus empathique ; Rogers l'évoque et le décrit ainsi : « Serai-je capable de comprendre, de l'intérieur, le monde

intérieur de cet individu

(le client) ? Serai-je

capable de le voir avec ses yeux à lui ? Serai-je capable d'être assez sensible pour évoluer à l’intérieur du monde de ses sentiments,

pour

savoir

comment

l’on se sent

si l’on est lui,

afin de pouvoir ressentir non seulement les significations superficielles, mais quelques-unes des significations plus profondes

(au monde

intérieur

du client) ? ».

5. DÉVELOPPEMENT DE SON POTENTIEL (maturation, ou « la considération positive de l’autre »

« growth

»

Un principe sous-tend la compréhension de ce concept : le thérapeute se défend de juger et s'interdit d'intervenir pour débloquer le client. Rogers se distingue ainsi tant des psychanalystes que des formateurs qui visent le changement du client, son « déblocage » s’il est bloqué ou traumatisé, son retour à la créativité, à la prise en charge de lui-même et de son propre destin ; surtout le conseiller se refuse à la manipulation. Mais les tenants de la thérapie de comportement selon Skinner lui reprochent de renforcer positivement certaines attitudes, de « relever » dans le discours du malade ceci et non cela, et, ce faisant, d'imposer sa norme de compréhension, d'optimisme, de bonne volonté; selon eux, Rogers manipule quand même - inconsciemment - et conditionne (voire hypnotise) le client.

C'est ce postulat positif et non interventionniste de Rogers qui permet la maturation et le développement de la per-

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

69

sonne du client (« Growth ») dans le climat positif de la relation. Selon Rogers, « l'individu (tout individu) possède la capacité et la tendance à réorganiser son concept du Moi de manière à le rendre congruent avec la totalité de son expérience, se déplaçant ainsi d’un état d'inadaptation psychologique vers un état d'adaptation psychologique »*. Rogers est ici encore proche de Rousseau et de son « bon sauvage » : l'homme peut résoudre ses problèmes ; il peut ou pourra

devenir une personne, et acquérir la maîtrise de son développement. Ce concept de « maturation » justifierait à lui seul la présence de Carl Rogers parmi les nouvelles thérapies qui utilisent le corps du client. La maturation (« growth »), en effet, amène

ou amènera

chacun

à se « réaliser

», à devenir

« une personnalité fonctionnant pleinement » (« fully fonctioning person »), c'est-à-dire une personne « plus apte à vivre pleinement chacun de ses sentiments, chacune de ses réactions, et par rapport à eux ». « Cette personne utilise tout son équipement organique pour sentir aussi précisément que possible la situation existentielle de l’intérieur et de l’ex-

térieur; elle utilise toute l'information que peut lui procurer son

système

naissant

nerveux,

et en pleine conscience,

que son organisme

mais

en recon-

peut être - et est souvent

- plus

avisé que sa conscience. Elle est plus apte (.….) en choisissant, parmi la multitude des possibilités, le comportement qui, à ce moment donné, sera plus authentiquement et plus généralement satisfaisant. Elle est capable de faire confiance à son organisme (.…) non qu'il soit infaillible, mais parce qu'il peut être pleinement ouvert aux conséquences de chacune de ses actions, et les corriger (..). Elle est plus préparée à éprouver l'ensemble de ses sentiments et à moins peur d'eux (.….). Elle est complètement engagée dans le processus d'être et de devenir lui-même; elle découvre

alors qu’elle est profondément

et sainement un être social. Elle vit complètement dans l’instant, mais elle apprend que c’est la plus saine façon de vivre en tout temps (..). Elle devient une personne qui fonctionne pleinement

(.….) ».

Ce modèle théorique de développement de la personne étayé sur le pari positif que postule Rogers devrait amener la personne à être « assurée d’être réaliste, de s'élever ellemême, de se socialiser, d’avoir un comportement convenable. particuliers de sa Elle est créative, les développements

conduite ne sont pas faciles à prévoir. Elle est en perpétuel

70

LE CORPS

ET

LE GROUPE

changement, en perpétuel développement, elle ne cesse de se découvrir et de découvrir en elle de la nouveauté à chaque instant de sa vie »°. On a souvent qualifié de « rousseauiste » l'optimisme de Rogers. On pourrait également dire qu'il est « américain “ri chaque enfant de troupe croit avoir un bâton de maréchal dans sa giberne, chaque Américain pense pouvoir être millionnaire ; mais cet optimisme ne semble guère envisager une issue défavorable, un développement antisocial, asocial ou non conformiste, un rejet de la société (comme les jeunes qui

« décrochent » (« drop out »), se mettent en marge de la civilisation industrielle : « rénégats sociaux », jeunes, contestataires, hippies et cadres qui « plaquent » ou « laissent tomber » leur vie de travail/production/consommation américaine actuelles (1965-1976) ou remettent en question les normes sociales, les us et coutumes de « l’Establishment » capitaliste super-industriel occidental. Rogers tend à concevoir que l’homme puisse devenir un « vrai homme » au sens plein du terme, passant de la « vie banale » à la « vie authentique » (Heidegger), sans le « saut » ou l'expérience de sommet (Maslow) auquel se réfèrent habituellement les existentialistes, mais

pouvant

néanmoins

se

maintenir

sur

ces

som-

mets ‘.

IV, TECHNIQUE Carl Rogers a inauguré sa vie de clinicien en donnant des conseils d'orientation professionnelle. Peu à peu, il a donné des conseils qui se sont transformés en conseils plus larges, plus humains, plus permanents, et fait des thérapies non-directives, de courte durée : trois à quinze séances par exemple. Depuis une dizaine d'années, il a élargi le champ

d'application de ses méthodes à des malades de plus en plus graves et même à des malades mentaux. La durée et le nombre des séances ont été prolongés : depuis 1950-1960, leur fréquence est passée de douze et même trente séances à cent séances (toujours à référer au minimum de cinq cents séances de psychanalyse traditionnellement qui sont la norme en Amérique). Depuis 1964, en Californie, Carl Rogers contribue aux travaux de recherches concernant les « groupes sans moni-

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

71

teur » (« leaderless groups ») de la Jolla; il s'intéresse au groupe de sensibilisation (« T-Group »)’; il développe des « groupes de rencontre de base » (« basic encounter groups »), utilisaut une technique plus personnelle et moins directe, manipulative, que les « groupes de rencontre ». Il poursuit l'élaboration de sa théorie, crée des équipes associant recherche et formation. Il insiste sur le fait que la tâche de conseiller est de clarifier, verbaliser, de rendre objectif les sentiments du/des client (s) qui, selon lui, est/sont

capable (s) de s'auto-déterminer.

V. INFLUENCE

Carl Rogers a influencé et influence dans leur manière d'être un grand nombre de travailleurs sociaux et psychosociologues.

La conception

« non-directive

» et « centrée sur

le client » a été très en vogue en France et en Belgique en 1960-1970 dans la conception du groupe de formation - et ce de quelque tendance ou école que soit le moniteur. Ainsi, bien que la partie active du psychodrame soit dirigée, bien des psychodramatistes européens se réclament également du « rogérisme » et de la psychanalyse. Dans la philosophie actuelle du groupe de formation (« T-Group >») se rencontre également l'attitude du moniteur permissif et non-directif - mais non point passif. Très attentif à ce qui se passe dans le groupe, il l’aide à prendre conscience de sa réalité, ici et maintenant ; il est là, et écoute

avec

la

Rogers

on

« troisième oreille ».

NOTES

1. Il vient

d'écrire

un

ouvrage

sur

son

expérience

en

1970

: Carl

Encounter Groups, Harper and Row, New York, tr. fr, Les groupes de rencontre, Dunod, Paris, 1973. 2. Nous avons suivi des cours de « non-directivité » avec un de ses élèves à l'Université du Michigan, Ann Arbor (1950-1951); nous avons également travaillé brièvement avec lui en 1951 à Chicago, été moniteur sous sa direc-

72

LE

CORPS

ET LE GROUPE

tion en France, au Séminaire de Dourdan (1966) dont il assumait la direction scientifique et technique; enfin, nous l’avons revu en Californie en 1972

(A.A.S.) où il habite à La Jolla près de San Diego, aux Etats-Unis. 3. La « non-directivité » n’est ni passivité, ni silence de sphinx, ni répétition mécanique de « Hm » « Hm » ou répétition des derniers mots dits, mais décentration : le conseiller est centré sur son client et l'écoute, plein d’une sympathie

attentive,

de respect

- même

si le client est un enfant,

un

ma-

lade ou un déviant. Il est tendu vers la compréhension de ce que dit le client, dans son sens et son contexte propre. La (bonne) relation est fondée sur le lien empathique. 4. Carl Rocers, Psychologie et relations humaines, Neuwelaerts, Paris, 1962, repris de « Theory of Therapy - Personnality and interpersonnal relationships as developped in the client centered therapy framework », in S. KocH, ed., Psychologie, a study of a Science, Mac Graw Hill, New York, 1959. 5. Carl RoGERs, Freedom to learn, Merrill, Columbus (Ohio), 1969, tr. fr. ch. XIV, Liberté pour apprendre, Dunod, Paris, repris dans le Développement

de la personne,

6. Carl ROGERS

présente

ch. VII, Dunod,

des aspects

Paris,

existentiels.

1971.

Il participe

au mouvement

de psychologie et psychothérapie existentielle, avec Rollo MAY, et à l'Association de Psychologie Humaniste (« Humanistic Psychology ») aux EtatsUnis (cf. son article dans l'ouvrage collectif édité par Rollo May, Existentiel Psychology, tr. fr., Psychologie existentielle, Epi, Paris, 1971. 7. Ses films sur l'entretien non-directif (« Gloria », etc.), et le groupe de rencontre, peuvent lui être demandés directement ou à Paris, via l’A.R.I.P. 8. Cf. dans ce sens : - G.-H. PORTER, An Introduction to therapeutic counselling, Houghton Miffling, Boston, 1950. (ROGERS et PORTER ont travaillé ensemble). - Max PAGES, L'orientation non-directive en psychothérapie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1965, 182 p.

CHAPITRE

III

Frédérick S. Perls

et la Gestalt Therapy (ou l’auto-psychodrame imaginaire)

« Gestalt » est un terme allemand qui signifie le tout, la totalité. Il désigne l’école de pensée philosophique-psychologique de Berlin. Cette dernière envisage l'émergence d’une (bonne)

forme

sur

un

fond

visuel

ou

sonore,

comme

une

structuration de la perception. Ainsi, les célèbres exercices de perception de l'Ecole de la « Gestalt » montrent comment forme et fond peuvent changer et comment,

par exemple, on

peut apercevoir dans le même dessin tantôt un vase grec et tantôt deux profils. La « Gestalt » (occidentale) est proche du Tao (oriental) en ce sens qu’elle reconnaît l'unité de la forme et du fond, qui ne peuvent être compris hors de ce contexte : le jour n'a pas de sens sans la nuit et le poisson n’est vraiment poisson que dans l’eau; si l’on sépare l'hydrogène de l'oxygène de l’eau, il n’y a plus d’eau, mais deux gaz et rien à boire. La « Gestalt » est donc proche du Ying et Yang chinois. La « Gestalt » a donné naissance à une nouvelle forme de thérapie et de formation, de développement du potentiel humain, sous un nom qui fait fortune : la « Gestalt Therapy » qui voit les difficultés et la névrose comme une « noncongruence », comune une « rupture de Gestalt » et d'unité de l'être, comme une émergence d’une forme sur un fond; et met l'accent sur le mode sur lequel les sentiments sont vécus ici et maintenant, sur le « comment » et non sur le « pourquoi». Le catalyseur de cette nouvelle thérapeutique

est Frederick S. Perls.

LE CORPS

74

ET LE GROUPE

I. L'HOMME

Fritz Perls est né dans la partie « moderne » du ghetto juif de la banlieue de Berlin, le 8 juillet 1893, d'un père franccourtier

maçon,

en

Vins

- autoritaire

et souvent

absent

- le

troisième enfant d’une famille de classe moyenne et a été élevé dans la partie « chic » de Berlin, 53, Ansbacher Strasse. Il meurt le 14 mars 1970 à Chicago, de retour de son voyage annuel en Europe, après être devenu célèbre à 70 ans via l'Institut Esalen. Adolescent indiscipliné, il s'intéresse au théâtre, entre comme « extra » au Royal Theater et travaille avec Max Reinhardt qui exigeait de ses acteurs que les mots soient « d'accord » (consonants) avec les gestes et les actions, attentif à la « musique de la voix » et aux « gestes faux ». La réalité de l'interaction était pour lui plus importante que les décors. C’est de Reinhardt et du théâtre que Perls a tiré en grande partie, son intérêt et sa connaissance du langage du

corps. Etudiant en médecine, il s’enrôla pendant la grande guerre comme médecin et fut blessé dans les Flandres. Perls essaye de travailler aux Etats-Unis d'octobre 1923 à avril 1924 au « Department of Neurology » d’un hôpital new yorkais - « The Hospital for joint diseases » - puis retourne à Berlin. Il est Docteur en médecine de l’Université de Berlin le 3 avril 1920, devient neuro-psychiatre et fréquente les membres de la contre-culture au Romarische café et du groupe « Bauhaus » - se créant des amis parmi les artistes, architectes, poètes et autres libéraux - « radicaux » remettant en question la société. Après un séjour infructueux de six mois aux Etats-Unis, il rentre

à Berlin

en

1924;

il y sera,

en

1926,

assistant

de

Kurt Goldstein, médecin et thérapeute ; il se forme à l'analyse classique à l'Institut Psychanalytique de Berlin, puis de Franckfort-sur-le-Main et de Vienne. En Allemagne, il ren-

contre

Martin

Buber,

Paul

Tillich, Max

Scheller ; il vit une

psychanalyse néo-freudienne et culturaliste avec Karen Horney, qui le centre sur les névroses et conflits actuels et l'oriente vers une thérapie avec Wilhelm Reich. Cette analyse reichienne lui permet enfin de s'impliquer.

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA RENCONTRE

75

Après un passage par la Hollande en 1933, il part en 1935 pour l'Afrique du Sud, y émigre avec sa femme Laura

et ses deux enfants Ren et Steve. Là, il est connu et prisé comme psychanalyste orthodoxe durant la deuxième guerre mondiale. Il rencontre Marie Bonaparte et fonde en 1935

l'Institut Sud-Africain de Psychanalyse. Après douze ans d'Afrique du Sud et avoir pris de la distance avec l’orthodoxie freudienne, il démissionne de l'Association Internationale de Psychanalyse, et, toujours patronné par Karen Horney, part pour les Etats-Unis en 1946. Perls s’installe d’abord dans la famille de sa femme et chez des amis. Puis, avec l'aide d'Eric Fromm, de Clara Thomson et des collègues de la « Washington School of Psy-

chiatry » - devenue le « William Allenson White Psychanalytic Institute ») - Perls s’installe à New York comme analyste dès 1946. IL y étudie l’ « éveil sensoriel » avec Charlotte Selver, s'intéresse à diverses formes nouvelles de thérapie : en 1950 à la « diamétique » ! en relation avec Meyron Biegler et Arthur Ceppos ; au psychodrame avec Moreno ; au bouddhisme Zen avec Paul Weisz. Enfin, avec Ralph Hepperline et Paul Goodman, Perls développe une forme nouvelle et personnelle de thérapie : la « Gestalt Therapy ». Il quitte sa femme Laura et New York en 1956. Il devient mondialement célèbre après la soixantaine, pendant son séjour à l’Institut Esalen (1964-1969). Ce succès est dû à la fois aux efforts du masseur d’Esalen, Bernard Gunther et au fait qu'Esalen devient, entre 1963 et 1973, « la

nouvelle Mecque des groupes ». Mais, peut-être gêné à Esalen par d’autres célèbres « Gurus » - tels Bill Schutz, Allan Watts,

Maslow,

Feldenkrais,

Ida Rolf, - Perls quitte la Cali-

fornie à 75 ans pour créer un Institut Gestalt ? à Lake Cowichan, près de Vancouver,

au Canada.

Six mois

après, de re-

tour de son voyage annuel en Europe, il meurt le 14 mars 1970, au cours d’un séminaire de formation à Chicago. Des dizaines de jeunes sur les pelouses du West Memorial Hospital de Chicago,

au-dessous

il repose, l’accompagnent

de la fenêtre

de la chambre



en pensée.

II. L'ŒUVRE

Perls écrit beaucoup. Alors qu'il pratique la psychanalyse freudienne en Afrique du Sud, il rédige son premier li-

LE

76

CORPS

ET

LE

GROUPE

vre : Ego, Hunger and Agression (le moi, la faim et l’agression), contenant une série d'exercices appelés à l'époque « thérapie de concentration » (« concentration therapy »). En 1951, en collaboration avec Ralf Hepperline et Paul Goodman, Frederick S. Perls publie Gestalt Therapy, Excitment and growth in the Human Personnality (Thérapie totale, Gestalt Thérapie, excitation et développement de la personnalité humaine): cet ouvrage présente à la fois l'explication théorique de ce qu'est la psychothérapie par la Gestalt (la bonne forme, la forme totale), avec une série d'exercices qui guident progressivement le lecteur à faire l'expérience personnelle, dynamique, de ces concepts. Gestalt Therapy Verbatim (comptes rendus de séances de Gestalt Therapy), et In and out of the garbage pail (dans et hors de la poubelle) - l’autobiographie de Perls, viennent compléter son œuvre, avec « Gestalt Therapy Now », anthologie réunie par Fagan en 1970, Joan et Irma Shepherd, pour la parachever : cette anthologie comprend les lois et les exercices de la Gestalt Thérapie (The

Rules and games of Gestalt Abraham Levitsky.

III. THEORIE

Therapy)

DE LA « GESTALT

par

THERAPY

Fritz

Perls

et

»

Perls pense que toute relation est projective et doit être intégrée dans une interaction

: si quelqu'un me

torture, c'est

que je joue et accepte de jouer le rôle de victime et que j'en tire un bénéfice direct ou secondaire ; les sentiments

avec les-

quels on ne peut pas vivre, il faut les « jeter à la poubelle »#. Perls a le sens aigu du présent et pour lui, la vie ne peut être qu'un perpétuel présent. Le passé et le futur ne sont que des concepts auxquels nous nous référons dans le présent. Il n'y a donc qu'un passé-dans-le-présent et un futur-dans-leprésent *. Toute souffrance affective n'est que liée à une « non suffisante présence »° dans l’ici et maintenant. Héritier de la Gestalt et des philosophes existentialistes, proche du psychodrame, Perls se distingue déjà de Freud et d’autres thérapies par cette centration sur la relation à soi (« Eigen-Welt »), par son sens aigu du temps et de l’ici et maintenant. De ce sens aigu, on en trouve une illustration exemplaire dans « Gestalt Therapy Verbatim » :

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA RENCONTRE

77

« Laissez-moi vous parler d’un dilemme difficile - comme un Koan, ces questions Zen qui paraissent insolubles. Le Koan est : rien n'existe, sauf l'ici et maintenant.

Le maintenant

est

le présent, ce dont vous avez conscience (...) que vous vous rappeliez le passé ou anticipiez l'avenir, vous le faites maintenant

nant

(...). Il n'est pas possible de vivre dans l’ici et mainte-

et pourtant

maintenant ». « Comment

rien d'autre n'existe en dehors

de l’ici et

résoudre ce dilemme ? (..) Si je mets un dis-

que sur un phono, le son apparaît lorsque l'aiguille et le disque se touchent lorsqu'ils sont en contact. Il n’y a pas de son avant, il n'y à pas de son après. Si j'arrête le phono, l'aiguille est encore en contact avec le disque, mais il n’y a pas de musique, parce que c’est le maintenant absolu » (...) (..) Le maintenant

n'est pas l'échelle, la balance, mais le

point zéro, le rien (.…). Au moment où je ressens que je vis quelque chose et que j'en parle, que j'y fais attention, alors ce moment

est passé » (...)

« Comme Nietzsche disait : la mémoire et l'orgueil se battaient, la mémoire disait « c'était ainsi » et l’orgueil disait « Ça ne pouvait pas être ainsi » - et la mémoire a cédé. Nous savons tous combien nous mentons (.…), combien de nos

souvenirs sont des exagérations et des projections (.….), ce qui est arrangé,

biaisé et distordu

(.….), et cependant

dans notre

manière d'être nous portons beaucoup de notre passé avec nous. Mais ce passé, que dans la mesure où il s’agit de situations non closes’, une Gestalt non terminée (une forme qui n'est pas une bonne forme) ». Directive,

structurée,

agissante,

confrontant

le malade

à

ses contradictions, la « Gestalt Therapy » met l'accent sur la totalité de la personne; elle tente de s'occuper - ou de combler - des « trous » et lacunes de cette totalité. Perls est persuadé que le tout détermine les parties : il écoute aussi bien ce que dit son patient que comment il le dit - avec le son de sa voix et les mouvements de son corps. Perls se centre sur le présent et sur l’ «évident

», sur la

« surface », sans « bêcher dans les régions dont on ne sait rien (et) dans ce qu’on appelle l'inconscient ». Ayant rompu avec la thérapie et la psychanalyse, il va jusqu'à traiter la régression de « foutaise »'. Il rejette à la fois le récit de l'histoire personnelle du patient et toute interprétation. Il ne croit pas au transfert”,

mais

la franchise du thérapeute.

à l'honnêteté,

à la présence, à

LE

78

IV. PRATIQUE

CORPS

ET

LE

DE LA « GESTALT

GROUPE

THERAPY

»

D'individuelle *, la « Gestalt Therapy » est devenue une thérapeutique en groupe. Perls la lie à l'analyse existentielle, de par l'élément de confrontation : on confronte quasi bruta-

lement l'homme avec ses diverses contradictions, entre son parler (ici) et son agir (ailleurs, dans sa vie professionnelle et familiale, dans ses choix), entre son ton, son discours, ses

gestes, ses micro-gestes et micro-tentions.… et ce « que l'individu doit reconnaître de ses manques (pourquoi le manque importe moins que combler les manques et que le processus de réintégration de la personnalité totale). Il se concentre sur les signaux'! des parties manquantes, qui peuvent être des parties du corps apparaissant dans les mouvements involontaires et incontrôlés du corps et surtout des membres et des muscles. Il utilise un langage profane, direct, voire brutal et grossier, pour choquer le sujet et lutter contre l’intellectualisme et la rationalisation. Dans la pratique, le groupe s’asseoit en cercle, avec deux sièges vides : l’un (proche du thérapeute) est celui que prendra l'individu qui sera « sur la sellette » et « passera » à son

tour

« on

the hot seat

»); l’autre

est réservé

à l'alter

ego” du patient. Il s’agit, non d’une thérapie de groupe, mais d’une thérapie en groupe : une thérapie individuelle d'un sujet, devant

d’autres.

Perls confronte, attaque, voire brutalise verbalement son patient pour arriver au plus vite à l'essence de son problème (ce que certains considèrent comme de la thérapie sauvage) et rejette le langage ou les actions du patient. Il ne se considère pas comme responsable de son devenir - après la session. Pour préciser cette « pratique

» nous

pouvons

énumérer

les règles fondamentales du fonctionnement des groupes « Gestalt », élaborées par Perls et telles qu'on les applique encore à Esalen : - 1. La règle du maintenant, elle exige du patient qu’il tente de dire ce qu'il ressent ou vit « maintenant » afin qu’il puisse se rendre compte de la facilité avec laquelle il le fuit. / 2. Changer le « cela » en « je », qui n'est pas sans faire songer à l'expression populaire « « on » est un pronom sale » pour amener les gens à s'impliquer personnellement.

L'AMÉNAGEMENT

DE LA RENCONTRE

79

. La prise de conscience continue : des sentiments physiques, des sensations et des perceptions. Distinguer la réalité extérieure des phantasmes. La règle du « non commérage ». Règle de la confrontation : le sujet fait le tour de tous les à mn participants alors même qu'il ne peut les supporter - par exemple - pour le leur dire, les toucher, les caresser, les observer. 7. La technique du contraire : à l’excité on demande de jouer le calme, à l’inhibé l’exhibitionniste, etc. 8. « Rester en contact (« to be in contact

de », « être proche de ses émotions » with your emotions ») : on demande

au sujet de se maintenir dans un sentiment désagréable (par exemple) dont il a une envie pressante de se débarrasser… À ces règles s'ajoutent parfois celles de la mise en transe, de l'implication de l'animateur, de la provocation émotionnelle.

V. INFLUENCE

Entre 1970 et 1976, la « Gestalt Therapy » est devenue aux Etats-Unis la thérapie la plus à la mode, détrônant, diton, la psychanalyse, le psychodrame, le « T-Group », et commençant

à s'implanter en Europe.

Une explication à ce succès réside dans l'histoire même de Fritz Perls #. Personnalité à facette, ayant vécu de multiples vies dans sa vie, psychanalyste classique, orthodoxe, riche, honoré et reconnu en Europe et en Afrique du Sud, il arrive

costume

très

«

Herr

sombre,

Professor

cravate,

» aux

Etats-Unis

en

cape, béret, et baise-main;

1946,

en

il cite

Mozart, Mahler, Heine, Rilke, Gœthe, Nietzsche, Shopenhauer ;

il est l'ami de Paul Schilder, Kurt Goldstein et Kurt Lewin. Nous le retrouvons en 1966 à Esalen, quasi hippie, fumant cigarettes sur cigarettes, chevelu et barbu, vêtu d'une chemise russe à la cosaque et ceint de colliers de graines. Mélange de Sage, de Père Noël, de Guru, de Raspoutine #, voire de Priape,

il s'essaye

au

théâtre

et à la vidéo, disperse

idées dans ce qu’il appelle son cirque. Il a rencontré - et subit l'influence

ses

des psychanalystes

LE CORPS

80

ET LE GROUPE

comme Paul Federn, Hélène Deutsch, Otto Fenichal, Karen et Horney, Ernest Jones, Erich Fromm, Clara Thompson dt, Reinhar Max comme théâtre de gens des Reich, Wilhelm

Pallucca et Fritz Lang, Julien Beck et Judith Malina (du « Living Théâtre »), de la danseuse Ann Halprin ; des philosophes Sigmund Friedlander, Jan Smuts, Paul Goodman, Allan Watts - et même de Moreno. L'influence des psychanalystes dissidents W. Reich et K. Horney a éloigné insensiblement Perls de la psychanalyse orthodoxe freudienne. Sa conférence sur la résistance orale, dont

le thème sera développé dans « Ego, Uunger and agressivity » et qui montre l'impact des premières relations de l'enfant avec la nourriture - donc la société - est froidement reçu au congrès de Psychanalyse en 1936 en Tchécoslovaquie. De plus, Freud lui parle peu et entre deux portes ; Reich, morose et replié sur lui-même le reconnaît à peine. À partir de là, Perls se sépare plus résolument de Freud et de l’orthodoxie psychanalytique. Son héritage conceptuel qu'il nous laisse inscrit la Faim par-delà des deux motivations principales freudiennes, Eros (vie-libido) et Thanatos

(mort-destruction).

Il insiste sur l'im-

portance du moment présent, de l'instant. Il critique Freud pour sa fascination pour le passé et Adler pour celle de l’avenir. Sa centration sur la bi-polarité le fait s'intéresser à ce que les psychanalystes classiques (les « dissecteurs de l’esprit ») ont laissé de côté : le corps, la synthèse, la totalité et l'importance des nouvelles expériences. Il finit par rejeter le concept de transfert - transfert dans la situation analytique d’affects et d'expériences passées principalement avec père et mère - pierre angulaire de la psychanalyse orthodoxe. Il va jusqu'à insister sur la nécessité pour le patient de voir le thérapeute en tant qu'humain réel - quitte à ce que le thérapeute soit plus « égoïste » que « centré sur le client ».

VI. CONCLUSION

ET CRITIQUE

Perls est resté un bon vivant jusqu’à sa mort, expérimen-

tant avec

le vin, le sexe, la drogue, vivant

au milieu

de ses.

élèves et clients à Esalen et Cowishan. Il se déplace continuel-

lement pour des conférences, séminaires, démonstrations,

aux

L'AMÉNAGEMENT

DE

LA

RENCONTRE

81

Etats-Unis et en Europe : il y analyse in vivo ce qu'il perçoit, traite ses clients et malades en familiers et interprète sans qu'on ne lui demande rien les relations conjugales des gens qui l'invitent à dîner. Tout en admirant son sens de l'observation, nous n’approuvons pas personnellement le mélange des genres ; pas davantage le fait qu'on fasse avec une cliente une analyse - payée par le mari - au lit : c'est ce que raconte avec admiration et de bons souvenirs « Marty » - divorcée depuis - à Martin Shepard in Fritz (pp. 81 et 161) ; pas davantage encore le mélange des rôles de cliente, secrétaire, lingère, assistante, comme le dit « Teddy » sur sa vie à Esalen et Cowishan (ibid. p. 164). | L'ex-femme

de Perls, Laura

Perls, pratique

la « Gestalt

Therapy » de façon presque aussi existentielle, mais plus conforme aux normes universitaires et médicales. Psychodramatiste, formée dans le sérail de la psychanalyse et de la « groupe-analyse », nous (A.A.sS.) voyons les dangers du mélange de la vie privée et de la vie professionnelle. Nous pensons qu’une mise en garde contre la généralisation de cette pratique est nécessaire : on peut être un thérapeute existentialiste sans ce mélange - qui risque d’être un abus de pouvoir thérapeutique, de rendre la situation in-analysable et finalement nocive. Nous reconnaissons cependant que beaucoup de chefs d'écoles enseignent ce qu'ils ne savent pas ou ne peuvent pas toujours réaliser dans leur vie privée cette manière d'être de Perls lui était peut-être aussi nécessaire que la mise à distance à Freud.

NOTES

1. Selon

une

conversation dans

aux

U.S.A.

pes

« Gestalt

privée avec

la même

équipe

Laura que

SHELEEN

PERLS

qui a travaillé un

qui habitait

alors

an

le même

appartement qu’elle et son mari (A.A.S.). Cf. également « Fritz », p. 64. 2. J.-L. Moreno et Carl ROGERS ont souvent protesté contre la méconnaissance de leurs idées, voire les « emprunts » ou vol par des élèves qui n’en étaient pas. Le même phénomène semble se répéter avec PERLS, surtout depuis sa mort, et avec la création spontanée de centres se réclamant de son nom, souvent ouverts par des gens qui ne le connais+} saient pas directement. Nous (A.A.S.) tenons à préciser ici que nous avons participé à des grou-

» à Esalen,

à Londres

et ailleurs;

nous

n'avons

pas

tra-

LE

82 vaillé

avec

directement

CORPS

PERLS

ET

LE

et ne

GROUPE

le connaissons

ses films et ses élèves directs. . Frederick S. PERLS, Ego, Hunger and Agression, 1947 - Randon House, New York, 1969.

- F-S. Mazel,

PERLS,

R.-F.

New

York,

HEFFERLINE,

P.

GO0DMAN,

1973.

- F-S. PERLS, In and out of the Garbage Utah, 1971:

œuvre,

son

par

que

Allen & Unwin,

London,

Therapy,

Bruner,

Gestalt

Pail, Real

People

Press, Moab,

- F-S. PERLS, Gestalt Therapy Verbatim, Real People Press, Lafayette, Calif, 1969; tr. fr, Rêves et existence en Gestalt T hérapie, Epi, Paris,

1972. - F-S. PERLS, « The rules and games of Gestalt Therapy », in J. FAGAN et I. Suerern, Gestalt Therapy Now, Sciences & Behavior Books, PaloAlto, 1970. - Gestalt Therapy Ressources, Bibliographie d'articles, ouvrages, films, enregistrements

(tapes),

Lodestar

Press

(P.0. Box

31003,

San

Francisco,

Calif 94131), 1970. - M. SHEPARD, Fritz : an intimate portrait of Fritz Perls and Gestalt Therapy New York : Dutton, Saturday Revew Press, New York, 1975. . F. PERLS, In and out of the Garbage Pail, op. cit., 1971.

. Comme le disent aussi MORENO et LaAING. distance à l’ici et maintenant, un manque d'eccéité (cf. 1 (introduction) et : - Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, Introduction au jeu de rôle, Privat, Toulouse, 1975. - Max PAGES, La vie affective des groupes, Dunod, Paris, 1970. . PERLS se rapproche ici des travaux de Kurt LEWIN et Bluma ZEIGARNIK (Berlin, 1928) sur les tâches achevées et inachevées. Cf. « l'effet Zeigarnik » de la mémoire, qui « referme » et comble la béance, pour en faire une « Gestalt », une « bonne forme », et garde en mémoire les tâches inachevées. . J. FAGAN, I.-L. SHEPARD, Gestalt Therapy Now, op. cit., 1970. . F-S. PERLS, Rêves et existence en Gestalt Thérapie, op. cit., 1972, p. 48. . Si nous ne prenons pas en compte tous les postulats de PERLS et pensons que l’économie ou la négation du transfert peut être dangereuse, nous considérons la dissonance entre le dire et le faire, l'expression verbalevocale et le langage du corps comme des voies importantes, que nous réintégrons en psychodrame triadique. 11. Nous avons intégré cette écoute du non-dit exprimé dans notre approche triadique (LEWIN + FREUD + MORENO), déjà sensibilisée depuis 1955 à . Une COR

l'aspect corporel langagé du corps du psychodrame par James ENNEIS et de la communication non-verbale par Jurgen RUESCH (1962-1967). . Proche de l'égo auxiliaire ou double en psychodrame. De fait, PERLS avoue avoir été marqué par le psychodrame et sa rencontre avec MORENo.

13. PERLS a américanisé

son prénom viennois. . Selon la description de SHEPARD, in Fritz, p. 2. 15: Selon les interviews recueillies après sa mort

tin SHEPARD

(Fritz).

par

son

admirateur

Mar-

DEUXIÈME

PARTIE

Les groupes occidentaux (de formation et sensibilisation)

tst93biO 22ŒU0TS e2.1 : nortserlidirtse + aoïserot sb) ;

LES

GROUPES

OCCIDENTAUX

85

Les « nouvelles techniques de groupe » et les formes nouvelles de thérapie et de formation à implication corporelle sont trop nombreuses, trop diversifiées, trop éparses, et souvent d’ailleurs trop en gestation pour qu'il soit possible, voire souhaitable, d'en dresser une liste complète ici. D’autres formes de groupe, de formation individuelle et de groupe existent ou sont en train de se développer, peut-être pour n'avoir ensuite qu'une durée éphémère. Il n’était pas de notre propos d'en faire un catalogue ni une

liste exhaustive,

mais

de rassembler

à la fois celles qui

paraissaient être les plus importantes, les plus connues, et celles que nous connaissions le mieux. Nous avons réuni dans ce chapitre les formes qui reflètent la civilisation occidentale citadine, et qui portent parfois,

volontairement

ou non, les traces de l'influence du psycho-

drame de Moreno ou de l'approche de Carl Rogers, même chez Schutz, Berne, Dederich, et réservé au chapitre suivant les écoles qui se réclament de Reich et sont centrées sur l’utilisation de l'énergie corporelle. Il est évident que ce découpage est arbitraire, que chacun

est de son temps, et lorsque les idées d’inconscient, de « jeu »

et de « rôle », de « groupe » de « forces » « d'énergie », de « vibrations » sont dans l'air, elles imprègnent toutes les écoles. Ce découpage, entre influence occidentale et orientale n’est donc qu’'arbitraire et formel, et devient de plus en plus difficile, voire impossible, au fur et à mesure de l'examen de

86

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

la lente et insinieuse interpénétration des théories, des techniques et des pratiques de groupe ; nous espérons toutefois que ce découpage aidera à clarifier le sujet. D'autre part, nous n’abordons pas ici l'œuvre de Kurt Lewin, l'ayant fait ailleurs !, à propos de son influence marquante sur le développement des groupes de formation à partir de l'introduction du « feed-back » en formation par séminaires en îlot culturel et de la naissance du « T-Group » classique au N.T.L. de Bethel en 1947. Bien que les « nouvelles thérapies » se démarquent du « T-Group » justement en ce qu’elles ne sont pas des thérapies de groupe mais en groupe, et fassent souvent - et parfois à tort - l'économie de la compréhension de la dynamique du groupe sur ce qui se passe et considèrent l'individu souvent comme s'il était seul dans le groupe.

1. Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, Le groupe de formation («x T-Group »), pédagogie ou thérapie ?, Sorbonne, Paris, 1970. - Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, L'observation dans les groupes de formation et de thérapie, Epi, Paris, 1972. Rappelons que c'est en 1946 que Kurt LEWIN et ses élèves ont fait un premier séminaire de formation de cadres, découvrant là l'effet du « feed

back » (message en retour, indication aux gens de l'effet qu'ils vous lorsqu'ils s'expriment

font

par des mots, des gestes, des silences, des actions)

et que cette forme classique de groupe (le « T-Group », le groupe de forest devenue célèbre dans les séminaires du N.TL. de Bethel

mation), (Maine).

CHAPITRE

PREMIER

Eric Berne et l’analyse transactionnelle

L'analyse transactionnelle est une technique thérapeutique fondée sur une vue de l’homme et des états du Moi, qui le conduisent

à une

série de jeux, de transactions,

de scénarios

répétitifs, depuis son enfance, et en liaison avec les réactions qu'il a eues, enfant, au comportement de ses parents. Ces

«

jeux

» sont

souvent

névrotiques

(voire

psychoti-

ques), nocifs (alcoolisme) et difficiles à vivre et à supporter. L'analyse transactionnelle permet d'y mettre fin. Cette explication du comportement par jeux et transactions fait que l’on a parfois rapproché les théories de Berne! avec le psychodrame et les groupes de rencontre. Neuro-psychiatre américain, de formation psychanalytique et en réaction contre les analyses interminables et les longues psychothérapies, élève de Federn et d’Erikson à New York et San Francisco, Eric Berne a développé sa théorie à la fois dans sa thèse et en collaboration avec une équipe de médecins et de psychologues (dont le plus célèbre est T. Harris)? qui continuent son œuvre depuis sa mort récente.

I. CONCEPTIONS

THEORIQUES

Pour Eric Berne, la personnalité peut être décrite en trois instances du Moi : Parent (P), Adulte (A), Enfant (E); qui

LE CORPS

88

ET LE GROUPE

se sont fixées dès la petite enfance, de façon parfois névro-

tique et répétitive. Une instance du Moi est un système cohérent de pensées et de sentiments (et comprend tous les gestes, les attitudes, les pensées...). Chaque individu choisit (ou agit) à tout moment de sa vie adulte entre trois comportements, ou plutôt trois modes de comportement (« behavior patterns ») : l’'Adulte, qui a la possibilité d'évaluer les situations objectivement, sans se laisser envahir et dominer par ses

sentiments et des réactions affectives, le « parfait ingénieur » (ou, en langage freudien, celui dont le Moi est fort) qui utilise pour sa conduite l'information que lui donne le monde extérieur ; le Parent (que l’on pourrait traduire en termes freudiens comme le Sur-Moi - produit de la culture et de l'intériorisation de la situation parentale, parent nourrissant ou parent donnant des ordres et critiques); l'Enfant (que l'on

pourrait rapprocher du « Ça » (« Es ») freudien), la partie immédiate,

spontanée,

de chacun,

aimant

à jouer,

se

faire

câliner, protéger, voire gâter, et dont la conduite peut être libre (par exemple, chanter dans son bain) ou adaptée selon différents modes (soumis ou révolté par rapport aux injonctions reçues et à la société). À chaque moment, chaque individu fonctionne sur l’un - et un seul - de ces niveaux ; lorsqu'un dialogue, une discussion tourne court, c'est, pour la plupart des cas, que les gens se parlent à des niveaux différents, et qu'à une question d’adulte, on réagit par une réponse de parent ou d'enfant, par exemple, si À dit : « il fait chaud, il faudrait ouvrir la fenêtre

», et si B réagit en disant

: « je ne

suis pas votre

domestique » ou « bon, bon, si vous y tenez, j'y vais », A et B n'ont plus rien à se dire, et peuvent se sentir mal à l'aise. Etre mal à l'aise est le signe qu'il s'agissait d’un « jeu » ou d'une « transaction » et non d’un dialogue d’adulte. Il peut y avoir des problèmes de fonctionnement entre ces trois instances (ou plutôt entre ces six instances, les trois instances de À et les trois instances de B, avec qui il est en interaction). Il peut y avoir contamination, exclusion (si une

instance envahit

toutes

les autres, par exemple

si le parent

envahit l'adulte, et si un général agit comme général lorsqu'il est chez lui et devrait se comporter, par exemple en mari ou en hôte, où même en malade grippé au lit. ce qui rend sa

vie de famille difficile - ou si un individu agit en éternel enfant). Pour Eric Berne, l'enfant interprète ce que disent ses

LES

parents

comme

GROUPES

OCCIDENTAUX

89

des droits ou des injonctions,

les intériorise

(soit qu'il s’y conforme, soit qu'il se révolte, soit qu’il apprenne à biaiser, tricher, mentir pour survivre), ce qui va conditionner sa vie, le choix de son mode de vie, de son partenaire dans ou hors du mariage, et même l’âge de sa mort.

Eric Berne

réussit à utiliser un

clair, très compréhensible tout

client,

qui

sait

langage simple, précis,

et assimilable

rapidement,

tout

pour tout malade,

autant

que

le théra-

peute, où il en est de sa thérapie et les progrès qu'il fait, dans son « déconditionnement » et sa sortie de l'impasse où il était. Eric Berne estime que les hommes « jouent » sans arrêt à des « jeux ». Toute interaction est une « transaction ». Ces transactions ont comme bénéfices secondaires d’éloigner l’angoisse de la mort et de sortir les hommes de l'impasse où ils se trouvent

: on peut jouer à être en thérapie, ce qui évite

d'entrer réellement en thérapie, et, par voie de conséquence, de changer sa vie. Dans cette perspective, l'enjeu de toute transaction est conscient ou pourrait le devenir pour les acteurs (conception proche du pré-conscient freudien). Pour Berne et l'analyse transactionnelle, chacun a intériorisé et fixé en lui depuis l'enfance un certain nombre de conduites, de comportements (de rôles en situation liés à l'attente -quant -au-rôle, pourrions-nous dire), de réactions stéréotypées, et déclenchables au moindre stimuli, appropriés ou non

à la situation actuelle, car réactionnels

ment des parents (avant trois ans).

de cet

À chaque moment,

individu

dans

au comporte-

sa petite

enfance

l'individu fonctionnerait sur l’un et un

seul de ces niveaux. Certains niveaux sont d’ailleurs plus adéquats - et normalement sollicités - que d’autres dans certaines situations. Il arrive qu’un dialogue s’établisse de façon durable entre niveaux différents, par exemple entre un mari-parent et sa

femme-enfant (sauf révolte dans la « maison de poupée »). C'est pourtant entre niveaux différents que se passent les dialogues difficiles : en effet, les difficultés naissent quand la personne

se situe à un niveau

tout en prétendant

agir à un

autre et entre en opposition ou en collision avec une personne différente qui s’introduit - souvent involontairement dans son jeu. Ces jeux ont un enjeu, un gagnant

dant.

et un per-

LE

90

CORPS

ET

LE

GROUPE

La conception thérapeutique de Berne découle de cette façon de voir. La thérapie consiste à éliminer ou diminuer les « jeux » nocifs et rendre conscient les « passe-temps » et les bénéfices directs ou secondaires que ses patients ti-

rent de ces jeux. Une fois décodé ou

« dénoncé

» par le

groupe, le participant va faire un « travail sur soi » par l'analyse de ses relations : c'est par là qu'il arrivera à modifier jeux et passe-temps. Les

« passe-temps

» se présentent

dans

des

« matrices

»

sociales et temporelles offrant des degrés variés de complexité. Le passe-temps simple désigne une série de transactions complémentaires simples, à demi ritualisées, disposées autour d'un seul noyau matériel : le but principal consiste à structurer un certain laps de temps. Le début et la fin de ce laps de temps est typiquement signalé par des procédés ou des rituels. Les passe-temps fondent le choix des relations : ils peuvent conduire à l'amitié. Un autre avantage important que le sujet tire des passe-temps réside dans la confirmation de son propre rôle et la stabilisation de sa propre position. Les positions se prennent et se fixent entre la deuxième et la septième année. Les procédés et rituels que nous venons d'évoquer seraient les formes les plus simples de l’activité sociale. La programmation d'un procédé se trouve déterminée par les données matérielles sur la base d’estimations faites par l’analyse de leur agent. Un rituel est une série stéréotypée de transactions

simples

et complémentaires,

programmées

par

des forces sociales externes.

IT. ANALYSE

1. ANALYSE

DES JEUX

STRUCTURALE

En langage technique un état de l’'Ego peut se décrire phénoménologiquement comme un système cohérent de sentiments

et opérationnellement

comme

un système cohérent

de

types de comportement. Chaque individu paraît donc disposer d'un répertoire limité de ces états de l'ego qui ne sont pas des rôles mais des réalités psychologiques : .

LES

GROUPES

OCCIDENTAUX

91

1. états de l'Ego ressemblant à ceux des figures parentales : tout ce qui en « MOI » en appelle aux normes reçues de l'extérieur, (P); 2. états de l'Ego orientés de manière autonome vers l’appréciation objective de la réalité : tout ce qui en « MOI » fait le tri des données en ma possession pour faire face à la réalité, (A); 3. états de l'Ego qui représentent des traces archaïques, fixés dans la prime enfance et toujours en action : tout ce qui en « MOI » jaillit de ma spontanéité, (E);

2. ANALYSE

TRANSACTIONNELLE

La « transaction » désigne l'unité de rapport social. Le « stimulus transactionnel » ou signe renvoie aux premières paroles prononcées quand deux personnes sont en présence. Quant à la « transaction croisée », la réaction de transfert en fournit la meilleure illustration : ou bien l'agent devient Parental en tant que complément à l'Enfant, ou bien l'adulte doit 5tre réactivé en tant que complément.

Exemples

de transactions entre deux sujets (A) et (B) :

1) Ensemble des transactions possibles (À)

(B)

LE CORPS

92

ET LE GROUPE

2) Transactions complementaires

Q)

©

®

INT 3) Transactions croisées

Q



(A) On

enrCN) ©

® (A)

(ER

(a)

Mira {contre-transfert }

(transfert)

&) Transactions cachées

S S

R (a)

DTÈ© Type

_ Type double

angulaire —

IIT. DEFINITION

DES

_

JEUX

Un jeu, c'est le déroulement d’une série de transactions cachées, complémentaires et qui progressent vers un objectif bien défini, prévisible. Tout jeu est « malhonnête » à sa base

LES

GROUPES

OCCIDENTAUX

93

et son résultat présente un caractère dramatique. Une « opération » désigne une transaction simple, ou bien un système de transactions

entrepris

avec

un but spécifique,

avoué.

En

surface, un jeu ressemble à un système d'opérations : mais d'après le « salaire », il devient apparent que ces « opérations » sont en réalité des manœuvres. Les jeux sont institués par les enfants de façon tout à fait délibérée. Les jeux sont imitatifs de nature. Ils sont initialement établis par le côté Adulte (néopsychique) de la personnalité de l'enfant. Si l'état de l'Ego surnommé l'Enfant peut être ravivé chez le joueur Adulte, l'attitude psychologique de ce segment (aspect A de l’état E de l’Ego) est tellement surprenante - tellement enviable est son adresse à manier les gens - qu'on le surnomme le « Professeur ». Ce qui explique que dans la description formelle d’un jeu, on essaie toujours de décrire le prototype E. Plusieurs variables entrent en ligne de compte dans la classification de ces jeux. Outre au nombre de joueurs et à la monnaie d'échange utilisée (mot — argent), on s'intéresse aux types cliniques : zonal (oral : jeu de l’ « alcoolique »; anal : jeu du « schemiel » ; phallique : jeu du « battez-vous »), d’instinct (masochiste, etc.). Trois variables quantitatives sont

également observées : la souplesse, la ténacité, l'intensité du jeu. Enfin, on distinguera trois niveaux : les jeux du premier degré, socialement acceptables ; les jeux du second degré : n'y survient aucun dommage permanent, mais le jeu est caché au public ; les jeux du troisième degré, « pour de bon » : à la clinique, en jugement au tribunal, ce qui se passe à la morgue,

entre

IV. EXEMPLES

autres

exemples.

DE JEU

Parmi les jeux de substitution proposés par Eric Berne, on citera à titre d'exemples, avec le « plan » de décodage : 1. « SANS TOI » où « SI JE NE T'AVAIS PAS CONNU (E) ET ÉPOUSÉ (E) », ou « SI JE N’AVAIS PAS EU D'ENFANTS »

Analyse du jeu. Thèse : description générale du jeu, compre-

LE CORPS

94

ET

LE GROUPE

nant la succession immédiate des événements (niveau social) et leur arrière plan, leur évolution et leur signification psychologique. Antithèse : la thèse peut être validée par un refus de jouer (dû par exemple au désespoir du sujet). But : ou bien rassurer ou bien se défendre.

Rôles : quelquefois l’état de l’Ego des joueurs correspond

leurs rôles, mais pas toujours. Dynamique : il semblerait que le niveau de sources phobiques.

à

« instinctif » dérive

Exemple : l’origine enfantine du jeu renvoie à P qui renvoie à un mari Paradigme

sévère. transactionnel

: au niveau

social, on est en P-E;

au niveau psychologique, en E-E. Avantages du jeu : - confirmation de la position de l'épouse, ce qui est un avantage existentiel ; - il faut citer l’avantage psychologique interne direct sur l’économie psychologique : la soumission évite les frayeurs névrotiques ; - l'avantage psychologique externe : le sujet pourra, grâce au jeu, éviter la situation redoutée; - avantage social interne : c’est tout simplement nommer ce jeu tel qu'il se joue au sein du cercle intime de l'individu ; - avantage social externe : il renvoie à l'usage que le sujet fera de la situation dans les contacts sociaux extérieurs.

2. L'ALCOOLIQUE

Analyse du jeu. Thèse : « Que j'ai été méchant! Vois si tu peux me faire cesser ». But : auto-punition. Rôles : l'alcoolique, le persécuteur (conjoint), le sauveteur, la « poire », le ravitailleur.

Dynamique : frustration orale. Exemples de jeu : 1. « Essaye de m'attraper! ». 2. L'alcoolique et son entourage.

Paradigme : A-A (social) ; E-P (psychologique).

LES

GROUPES

OCCIDENTAUX

Coups : 1. Provocation ; accusation

95

ou pardon.

2. Complaisance ; colère ou déception. Avantages : - psychologique interne : se rendre compte que boire est un procédé pour se rebeller ou se rassurer, et qu'on désire ardemment boire à cette fin; - psychologique externe : boire permet d'éviter l'intimité, est suivi d'une auto-punition sexuelle; - social interne : il est résumé dans le « vois si tu neux

me faire cesser » ; - social externe : il s'évalue le « lendemain matin » avec le « martini

3. JEUX DE MAIS »

»…

SOCIÉTÉ

: «

POURQUOI

EST-CE

QUE

VOUS

NE... ? OUI,

Analyse du jeu. Thèse : « voyez si vous ne trouvez pas de solution où je ne trouve pas de faute. ». Antithèse : ne pas jouer : « j'essaie uniquement de vous aider », mais « Et vous, que feriez-vous ? ». But : se rassurer. Rôles : la personne incapable, les conseillers. Dynamique : conflit (oral) de reddition. Exemples : 1. «

Oui,

mais

je ne

peux

pas

faire mes

devoirs

parce

que... ». 2. L'épouse incapable. Paradigmes : A-A (social); P-E (psychologique). Coups : 1. Problème/solution.

2. Objection/solution. 3. Objection/déconfiture. Avantages - psychologique interne : se rassurer; - psychologique externe : évite la soumission, etc.

4. JEUX DU CABINET

VOUS AIDER

»…

DE CONSULTATION,

(ou « Schemiel

« J'ESSAIE UNIQUEMENT

»)

Thèse : « personne ne suit jamais mes conseils ».

DE

LE

96

CORPS

ET

LE

GROUPE

But : allègement de la culpabilité.

Rôles : celui qui aide, le client. Dynamique : masochiste. Exemples : 1. Les enfants étudient, le parent s'en mêle. 2. L'assistante sociale et son client. Paradigme : P-E (social) :

E : « Que dois-je faire ? » P : « Voilà ce que tu dois faire. » P-E (psychologique) : P : « Vois combien je suis efficace » E : « Grâce à moi tu vas te sentir efficace ». Coups : 1. Instructions

requises/instructions données. 2. La méthode échoue/reproches. 3. Démonstration que la méthode est mauvaise/excuses implicites.

Avantages

:

- psychologique interne : jouer au « martyre »; - psychologique externe : évite de prendre conscience de ses inefficacités ; social interne : associations Parents d'élèves type projectif, l’ingratitude ; social externe,

etc.

5. LA JAMBE DE BOIS

Exemple : Q : « Je cherche du travail » R : « Vous pouvez

en trouver

à... »

Q : « Mais je ne peux m'y rendre, à cause de ma jambe de bois » R : « Bon alors on peut vous trouver un travail près de chez vous » Q : « Oui, mais il y a un escalier, et je ne peux pas le monter à cause de ma jambe de bois. » Réretc:

(La « jambe de bois » peut être remplacée par l’âge, le sexe, la taille, la santé, le statut conjugal, familial, personnel, ou toute autre « excuse »),

LES

GROUPES

OCCIDENTAUX

97

V. L'AU-DELA DES JEUX Les cures durables sont rares, sauf en cas de changement

de rôles. Par exemple, s’ « il » (l’alcoolique) devient le « sauveur », il restera sans boire tant qu'il restera dans ce rôle : le « jeu » est ainsi pratiqué à Synanon ou aux « Alcooliques Anonymes » - du moins, nous le décodons ainsi. L'objectif de la cure peut se résumer dans « l'accession à l'autonomie ». Cette accession se manifeste dans le recouvrement de trois facultés : - la conscience de l'existence dans l’ici et le maintenant; - la spontanéité, i.e., liberté de choisir et d'exprimer ses propres

sentiments, l'intimité;

- la sincérité spontanée de l'Enfant perceptif et « non corrompu ». Eric Berne utilise la psychothérapie classique et les techniques de jeux de rencontre aux fins de trouver des jeux de substitution moins nocifs pour l'individu et la société. L'analyse transactionnelle recherche de rapides changements de comportement plutôt que des changements profonds de la personnalité. L'intérêt de l'analyse transactionnelle était en premier lieu psychothérapeutique. Mais elle a trouvé des applications dans beaucoup de domaines où jouent les relations humaines (formation, pédagogie.) : d’où son succès aux Etats-Unis et l'intérêt qu'elle suscite en Europe.

NOTES

; 1. Eric BERNE, Games people play, Grove Press, New York, 1964. 2. Thomas Harris, 1 am O.K., you are O.K., 1970 ; tr. fr. D'accord avec soi et avec les autres. Guide pratique d'analyse transactionnelle, Epi, Paris,

1972.

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») veut dire continuité.

Du point de vue tantrique, la jonction des sutras n'est pas importante ; la jonction est l’illumination de l’ « insight », de la compréhension, lorsque deux choses s’éclairent en étant perçues ensemble en même temps (il nous paraît y avoir un quelque chose de commun avec l’insight psychanalytique, la catharsis analytique et psychodramatique de la thérapie), ce qui permet de découvrir le vrai. Le tantrisme est moins intéressé par ce moment de découverte (parce qu'il est moins intéressé au vrai comme opposé à la confusion) mais à la continuité (de l'être) qui court à travers vérité et confusion. Dans la tradition du bouddhisme

tantrique, la confusion,

l'ignorance, l’Ego, sont personnifiés par « Rudra »; c'est important de mâter « Rudra », de mâter son Ego, le « Rudra du corps

», le « Rudra de la parole » (« speech ») et le « Ru-

dra de l'esprit » (« mind »). Pour Randjung Dorje, cité par Guenther et Trungpa, le matérialisme ultime serait de croire que l’illumination ou la sagesse pourraient être atteintes par une « gymnastique spirituelle » (« Rudra » est d’ailleurs comparé à l'animal qui est en nous, le singe - une conception peut-être proche du « Ça » analytique).

206

LE

CORPS

ET

LE GROUPE

Ces trois principes du « Rudra » : - Ja fixation et la solidification de la sécurité du corps, - Ja fixation du niveau émotionnel d'existence et d'incertitude,

avec

une

certaine

certitude,

- Ja fixation du niveau mental de croyance dans un principe sauveur

extérieur

sont parmi les préoccupations du tantra, qui donnent les moyens de les dominer : Au début, pour être en liaison avec le « Rudra du corps », l'étudiant travaille au niveau « Himayana », avec ses pratiques pour former l'esprit, comme les pratiques « satipatthana », de respiration, de marche. qui simplifient la nature de la solidité. Ensuite l'étudiant travaille le « Rudra du langage » (« speech »), au niveau « sambhogakaya ». Quatre pratiques ont été développées au Thibet : 100 000 prestations, 100 000 répétitions de la formule de refuge, 100 000 répétitions de la « mantra Vajrasattwa » (qui a 100 syllabes), et 100 000 offrandes de son propre corps, parole, esprit (« mind ») en tant qu'unité du monde. Ces pratiques préliminaires tantriques du niveau « sambhogakaya » sont reliées au « prana », « naudis » et « bindu

», et utilisent la vitesse, le mouvement,

le rythme

de l'esprit confus, en une étape de clarification, intermédiaire entre la confusion et la clarté. Après être passé par les « satipatthana » du niveau « Hinayana » ou « nirmanakaya » (avec les pratiques « samatha » et « vipassana »), après avoir consulté les quatre pratiques fondamentales du niveau « Mahayana » ou « sambhogakaya », l'étudiant est prêt à jeter un coup d'œil sur le « guru », puis à une vraie relation avec le « guru » (et ceci par une série d'exercices de yoga). Après cela vient l’imitation ou confirmation,

l’ « abhisheka

» (renoncement,

«

surrender

») qui

est l'entrée au niveau « dharmakaya ». Il y a quatre niveaux d’ « abhisheka » qui ont lieu dans un lien de compréhension entre l'étudiant et son maître, l'étudiant ayant appris à être en contact avec son corps, appris à ralentir

la vitesse

de ses

muscles,

veines,

émotions,

sang. Toute la circulation a été ralentie » (Guenther, op. cit. p. 11). Dans la tradition Zen, ceci est appelé « transmission » : c'est une rencontre de deux esprits. Mais la pratique du tantrisme n'est pas simple et passe par le contrôle de son pro-

pre esprit (« mind »).

L'APPORT

ORIENTAL

207

Le tantra en tant que continuité est lié à la philosophie « Yogacara » (une école indienne ancienne de philosophie bouddhiste, essentielle pour le développement du tantrisme. Le « Yogacara

» est lié au yoga

(bride, harnais)

au

travail

sur soi-même. Le « Yogacara » est le fondement du « Zen » : le Yogacara est connu en Occident et au Japon, sous le nom de « citta matra

» (« de citta », l'esprit seul, « mind only »),

- non pas dans le sens de contenant de pensées, mais plutôt comme un centre de stockage et d'échange (« clearing house ») qui

emmagasine

et

des

transmet

une

comme

impressions,

batterie - dans le sens que seule l'expérience personnelle compte. Le bouddhisme est essentiellement une philosophie existentielle, qui met

l'accent sur l'expérience

axiomes

: tout

est transitoire,

essence,

le « nirvana

tout

» est une

- avec

est frustrant,

bénédiction

ses quatre

tout

- un

est sans

bien

[(a

« bliss ») ; le mot exact est « sukha », qui est proche « d’expérience de sommet » (« peak experience ») - une expérience au cours de laquelle tous les concepts, jugements et même l’idée de soi sont dépassés ; on pourrait donc traduire

« nir-

vana » par « transcendance transitoire » ou permanence]. Les « Yoccaras » ont développé une compréhension des huit aspects impliquant du « citta » (esprit), du processus par lequel le citta (l'esprit, l'énergie) émerge d’un état inconditionnel pour passer dans notre manière de penser quotidienne. Si on parvenait à dominer ce processus, on n'y tomberait pas, on resterait dans l’état primal, essentiel, « d'expérience de sommet

».

En décrivant ce processus, les Yogacaras utilisent le concept d’ « alayavijama » (différent de « alaya », ou fondation de base - que nous utilisons pour communiquer) et qui finit par faire la faille entre sujet et objet - au cours duquel se développe quelque chose d'autre, - appelé « manas » en sanskrit et « yid » en thibétain : ouverture de l'esprit. C'est

cet

aspect

(« manas

») d'unité

originelle

que

les

Hindous prennent pour un soi (« self ») ontologique réel. Les Hindous décrivent l'unité originelle comme l'Ego transcendantal et les « manas » comme l’Ego empirique. Les bouddhistes rejettent cette « réification » et cette dualité. On remarque souvent qu'après la faille de l'esprit se produit un gel, un rétrécissement, un immobilisme : on est lié par nos sens au mode ordinaire de perception (transcendé

LE CORPS

208

ET

LE GROUPE

par les artistes et philosophes); mais l'esprit balance entre l'erreur et la vérité, et peut donc revenir à cet état originel. On ressent que c’est de l’état primordial, originel, (pas dans le sens de début, « beginning ») que provient la charge de pouvoir créateur de chaque individu ; lorsque l'ongte trouve cet état, on ressent et fait l'expérience d’une énergie de haute

valeur

(différente

de celle

de notre

vie

ordinaire

- cf. Guenther et Trungpa, op. cit., p. 16 et entretiens avec

des bouddhistes thibétains et occidentaux). Cette appréhension existentielle de cet état originel (« original state ») est connu dans la tradition tantrique, comme

le « mahasukhaya ». Rappelons que, dans la tradition bouddhiste classique, il y a comme nous l'avons vu : le « nirmanakaya » le « sambhogakaya »

le « dharmakaya

»

(pour mettre l'accent sur l'unité de ces trois états ou niveaux, on peut parler de l’ensemble comme de « srabhavikaya » - qui n'est pas une quatrième kaya). Le bouddhisme tantrique y ajoute donc le « mahasukhakaya », qui rappelle à la fois l’appréhension existentielle de l’état originel et « l’éblouissement » ou « expérience de sommet », « maha » voulant dire « grand » : si grand que rien ne

peut

être

plus grand

(« than

which

there

could

be no

greater »), et « sukha » voulant dire bénédiction, (« bliss »), éblouissement. Cette « expérience de sommet » est ressentie comme un étant (« being »), qui donne le « kaya » (niveau

obtenu après purification du corps, du souffle, et de l'esprit). La « maha sukhakaya » est un facteur existentiel de la plus haute valeur (l'impétrant qui l'étudie, celui qui le pratique, le ressent intérieurement, avec une certitude intime absolue, après avoir trouvé, retrouvé

et converti le processus

d'énergie (« reverting the energy ») qui était gelé dans une mauvaise direction - ou dans une situation ou état où on se sentait emprisonné et moins actif (il nous semble que ceci est proche de ce qui se passe en thérapie analytique ou psychodramatique individuelle ou groupale, après catharsis, « insight », perlaboration, dégel des énergies bloquées par un traumatisme passé, et qui permet à l'être de « repartir » vers la maturation, « refleurir », s'épanouir. La possibilité de revenir à l’origine est facilitée par une symbolisation de la transformation, comme les « mandalas »

L'APPORT

ORIENTAL

209

par la pratique d'exécution de mandalas : l'esprit créateur, artistique, se réveille en chacun des impétrants, étudiants ou pratiquants, qui créent et commencent à voir les choses autrement. L'art de la création et de la contemplation de mandalas a été développé pour aider l’impétrant à voir le monde dans

sa vividité intrinsèque

: cette perception

aiguë et cette

jouissance de la beauté s'accompagnent d'un sentiment de libération interne, le réseau des facteurs mentaux qui nous emprisonnent

tombe

d'un coup

(cette expérience nous

paraît

proche des « expériences de sommet » décrites dans le monde occidental par les psychologues humanistes Abraham Maslow et Rollo May).

Le mandala peut donc servir de support, de voie, de porte d'entrée, à une « expérience de sommet ». Chaque manda:a est unique en soi; son caractère particulier est appelé « dhatutathagatagarbha » (« datu » se rapporte ici au côté particulier de la mandala, « tathagatagarbha » à l'éveil de l'esprit - le fait de devenir

bouddha)

(cf. Guenther,

op. cit.,

p. 219). Rappelons ici au passage que dans le bouddhisme Zen on dit que même une herbe peut devenir Bouddha, même si on

pense que les plantes ne sentent rien - parce que le monde entier est de la nature de Bouddha - et que le brin d'herbe constitue une valeur ultime - à ce moment-là - et devient le symbole de la transformation universelle. Des symboles peuvent nous aider à atteindre cet état et nous permettre de sortir du cercle vicieux de notre vie et de la « samsara » (« samsara notre voie propre.

» : courir

en cercle) et trouver

Mais pour les Bouddhistes, il n'y a pas d'autres mondes que le monde dans lequel nous vivons (c'est pourquoi on dit que le bouddhisme n’est pas une religion mais une philosophie). Le bouddhisme ne fait pas de différence entre phénoménal et nouménal : on ne peut pas avoir l’un sans l’autre; il y a l'apparence et aussi le « shunyata », mais le « shunyata » est dans l'apparence (le poète Paul Valéry disait déjà que rien n’est aussi profond que la peau). Le tantra ne peut pas être compris sans l'expérience provenant de la méditation. On pourrait dire que les principes dont nous venons de parler ne sont que les fondations de la

maison qu’on bâtit. Le travail fondamental

de construction

est d’être en rapport avec soi (« do the basic work

of rela-

ting to ourselves »); ce travail se fait à partir de la compré-

210

LE

CORPS

ET

LE

GROUPE

hension du symbolisme du tantra et des principes des mandalas, à un niveau d’abord rudimentaire. Une « mandala » se compose d’un centre et de la zone périphérique d’un cercle : il s’agit d’être au centre et de voir

d'étudier sa situation de

ses relations au monde

phénoménal,

vie (ceci serait proche psychodrame).

de « l'atome

L'enseignement

du Bouddhisme

social existentiel

» du

se fait - peut se faire -

par douze « sutra », douze formes ou styles d'enseignement et commence par la création d’une situation où l'enseignement

peut

transparaître

(par-delà

les mots,

dans

des

situa-

tions existentielles), le « Prajnaparamitahridaya » ou « Heart Sutra », le « Sutra du cœur ». Dans la perspective tantrique, les premières créations de mandala sont les bases des premières pratiques Bouddhiques, au niveau plus simple et plus personnel : « Hinayana »; le point de départ est la pratique du « Samatha », le développement de la paix (« development of peace or dwelling on peace »), ou le fait de rester en paix; ceci ne s'obtient pas par le fait de fixer son attention sur un point précis; le Bouddhisme tantrique se méfie de la fixation ou concentration sur un point ou objet précis, ce qui pourrait induire des états de transe - que le tantrisme considère comme dangereux et risquant de détourner l’impétrant de son chemin. La méditation a pour but d’aiguiser son attention, afin de voir les choses comme elles sont. À ce niveau (« Samatha »), la méditation consiste à être proche des conflits de sa situation de vie réelle (on pourrait utiliser une métaphore, celle d’aiguiser son couteau sur une pierre, la situation étant la pierre - pour qu'elle ne devienne pas une pierre d'achopement, pourrions-nous dire) ; c'est une manière

de sentir les choses

(« relating to things

»), de sen-

tir les sensations de son corps et les processus de son esprit,

de les sentir, les comprendre,

mais sans

s'y attarder, sans

les ressasser, sans les fixer ; s'y attarder ou s'y fixer, serait « prouver » quelque chose, essayer de maintenir le « territoire du Moi », de l’Ego, et donc de s’enfermer dans le « cercle vicieux samsarique » (« samsaric whirepool ») ou de ten-

ter de s'en sortir par une croyance en soi, en son propre bien

fondé, en sa droiture, en ses certitudes, ou en s’accrochant à des objets matériels (ma « table », « ma » plume), en des possessions, en « s’appropriant » - ce qui est l'inverse de la

paix intérieure du renoncement

(ou de « laisser aller » les

L'APPORT

ORIENTAL

211

choses et les êtres, sans les retenir dans sa main, si l’on peut reprendre ici une phrase d’Eve Godfrey). La pratique du « Samatha » (qui est donc une forme de méditation), est une pratique précise de relations, de « mise sous microscope » de la pratique, de méditation ; on le travaille, avec un savoir transcendantal potentiel (« prajna potentiel »). Le but n'est pas d'atteindre le « nirvana », mais les mécanismes du samsara (le monde matériel, réel, des illusions), savoir comment nous y tenons : à ce point, ayant compris le mécanisme de nos rapports au monde, le nirvana

devient redondant. À ce point de méditation !, l'impétrant est libéré, le « sam-

sara » et le « nirvana » sont libérés. Pour comprendre ce processus, ces sensations et perceptions que l’on ressent pendant la « méditation samatha », l’impétrant étudie qui il est, comment fonctionne son esprit : ceci est lié à la pratique du tantra. Dans la tradition tantrique, la découverte du « Vajra body », de la vraie nature du « Vajna » (le soi, l’étant indestructible) est l'expérience ultime. C'est une manière de voir le monde, d'être au monde, d'être en rapport avec les êtres et les choses, avec sa nature profonde, par-delà l'appartenance (nous pensons par exemple qu'on peut alors jouir de la beauté d’une rose sans penser « c'est ma rose ») - ce qui amène à une compréhension, un « insight » transcendantal, une pratique « vipassana », qui donne un sens de la totalité, et qui est parallèle à la pratique tantrique du mandala. Ayant commencé par le « mantra bija », « l’essence-germe », la « syllabe-germe », la « syllabeclef » (« see-syllabe ») du mantra, au centre du mandala, l'impétrant découvre les quatre coins du carré du mandala, et ses rapports au monde (on construit le mandala sur cette graine, sur cette « syllabe-germe ») en continuant, tout autour, par d’autres symboles, en structurant l'espace (« shaping the space >»), en ressentant l’espace autour de ce centre. De cette façon, en construisant le mandala et en sentant et structurant l’espace, l’impétrant fait l'expérience de « lâcher les choses » (« letting go »), le « vipassana » : un « lais-

ser aller », relâcher, s'ouvrir (« letting go, releasing, expanding »), donc se détendre, se relaxer : on arrive ainsi à une ouverture sur l'expérience « shunyata » (le « void », le «

vide

»).

L'obstacle à « l'expérience shunyata » est la faille entre

l'être ontologique et notre conception de cet en-soi, entre son

LE

212

CORPS

ET

LE

GROUPE

être (son étant) et ses propres projections, mais après l'expérience de la paix du « samatha » et celle de l'espace, par le « Vipassana », on est plus détendu, et on n’a plus besoin de « tenir aux choses », de se défendre, de s'imposer, s'affirmer,

en s’assurant face aux êtres (« asserting myself »); alors on laisse le « shunyata » (le vide?, la base de tout ce qui existe, dont la nature est vide) apparaître en soi. On peut alors par exemple avoir l'expérience d'un arbre en soi, non pas de tel arbre, ni de « son » arbre, mais de l'arbre - par-delà la dualité apparente soi-le monde ; la recherche de quelque chose est terminée, on peut se reposer. C'est la « prajna » (la sagesse, la connaissance).

Jusqu'ici l’impétrant a appris (pour savoir ce qu'il est, qui il est, comment il est), par la pratique des niveaux « Hinayana » et « Mahayana », ce qui lui permet de comprendre le mandala

(le dessin,

la structure)

de son

corps

dans

l'espace et dans son espace de vie. Mais à partir de là, son intellect se tourne vers la « jnana », l'intuition. Selon la tradition tantrique, il faut toujours, pour une maturation, trois niveaux d'expérience : extérieur, intérieur, secret. Par exemple, l'expérience extérieure est la forme, l’ex-

périence intérieure est liée avec les subtilités de la forme, c'est-à-dire l’espace. L'expérience secrète est que la forme et l'espace, c'est la même chose, le pot de terre et l’espace qui l'entoure sont la même chose. À ce niveau de l'expérience secrète, il ne s’agit plus de subtilités, mais on y parvient en se connaissant bien et en apprivoisant

son propre corps

« par une

connaissance

scien-

tifique ». La pratique de la méditation bouddhique commence par la compréhension totale et complète de qui on est. Le « Shunyata » n'est pas un vide de l'objet, mais une perception ouverte, positive (de la « forme » et du « fond » de l'objet dans son espace, de l’objet et de son espace, de son fond, dans une Gestalt totale, nous semble-t-il). La perception de « Shunyata » comme une ouverture

est

liée au « prajna » (la sagesse). Rappelons qu'il y a deux termes en sanskrit qui se réfèrent au processus cognitif : « prajna » et « jnana », tous deux contenant la racine « jna », qui signifie le potentiel cognitif. Ces mêmes rapports avec la même racine ont été

préservés en thibétain : « Shes-rab » (« prajna ») et « yeShes » (« jnana »), « ye » signifiant primordial, original (en

L'APPORT ORIENTAL

rapport avec la prise (en thibétain « rab ») sification : le « prajna processus cognitif, qui Dans

la conception

213

de conscience primordiale), « pra » (de « prajna ») ayant le sens d’inten» se réfère donc à l’intensification du est libéré de ses entraves. bouddhique,

la liberté, la libération

est à la base de tout (non pas la libération de ceci ou cela,

mais la libération en soi), l'opposé de cette liberté étant la compulsion (compulsion à retenir les choses, à agir). À ce stade de son évolution ou de sa formation, l’impétrant

ne voit pas

de choses

nouvelles,

mais

voit les choses

autrement. (« Shunyata » est le corollaire de cet état de prise de conscience élargi, où l’on rencontre les êtres et les choses, en soi (sans préconceptions) et non pour soi, pour en faire quelque chose ; le « shunyata » est la dimension ouverte de l'être, de l'étant (cette manière de voir nous paraît très existentielle et nous avons donc tendance à la traduire et à l’ex-

pliquer en ces termes). Les deux pôles subjectifs et objectifs (« prajna » et « shunyata ») coïncident alors. « Shunyata » se refère toujours à la perception. Mais cette totale perception (« Shunyata ») et prise de conscience amènent en général à un senti, une action (Karunas) ressentie dans une « compassion » vraie, empathique. Rappelons que pour les

bouddhistes, il y a trois complexes émotifs de base : passionaversion, infatuation, étonnement ; - les deux premières étant

des énergies affectives distordues par l'absence de précisions qu'aurait apporté l'étonnement. Nous avons abordé la pratique de la méditation aux niveaux « samatha » (paix, « insight »), « vipassana » (totalité): l'union de ces deux expériences conduit à la méditation « mahavipassana », d'où naît l'expérience « shunyata » ; celle-ci amène à faire l'expérience d’un nouveau palier, où l’on n’a plus besoin de se défendre, d'où impression d'indépendance et de liberté. Ces expériences, ces méditations, se pratiquent dans la vie quotidienne, aidées des six qualités du « bodhisattva

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