Le cinéma camerounais en crise
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LE CINÉMA CAMEROUNAIS EN CRISE

Du même auteur

Tchad:

Vingt ans de mse, Paris, L'Harmattan,

1986.

Guy Jérémie Ngansop

LE CINÉMA CAMEROUNAIS EN CRISE

Editions L'Harmattan 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique 75005 Paris

@ L'Harmattan, 1987 ISBN: 2-85802-792-7

A MON BEAU-FRÈRE JEAN-MARIE WANDJI

Merci à Louisia GRANDIN Antoine AHANDA

et Joseph MaMa pour leur obligeance

«Pour qu'il devienne efficace, le cinéma camerounais a besoin d'être reconnu; il lui faut un fon~d, une base pour qu'il trouve son plein

épanouissement. » DIKONGUE-PIPA

Cinéaste

Sommaire Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I - Présentationdu Cameroun. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

13

II - Le cinéma camerounais. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 - Un accouchement difficile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 - Un secteur en mal de structures. . . . . . . . . . . . . . . . . III - Financement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV - Marchés 1 - La distribution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 - L'exploitation V - Quel cinéma pour quel public? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI - Pour un renouveau du cinéma camerounais. . . . . . . . . . . .

19 19 20 31 37 37 40 45 53

Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

63

Annexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I - Dictionnaire du cinéma camerounais. . . . . . . . . . . . . . . . . 1 - Réalisateurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 - Comédiens

69 70 70 74

9

- Compositeursde musique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

81

II - Catalogue defilms. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 - Courts métrages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 - Longs métrages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

83 83 86

3

III - Dossiers

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 1 - Pousse-Pousse, Daniel Kamwa. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 2 - Notre fille, Daniel Kamwa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 3 - Muna Moto, Jean-Pierre Dikongué-Pipa 92 4 - Suicides, Jean-Claude Tchuilen . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 5 - L'appât du gain, Jules Takam 101 6 - Les coopérants, Arthur Si Bita . . . . . . . . . . . . . . . . . . .' 105 7 - Schubbah,Jean-MarieTéno 108 8 - Hommage, Jean -Marie T éno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 9 - Fièvrejaune Taximan, Jean-Marie Téno 110 IV - Documents et revue de presse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Bibliographie.

.........................................

145

7

Introduction

Le cinéma est, comme la littérature, l'un des principaux moyens d'expression et de diffusion de la culture d'un peuple. Il est le reflet de sa personnalité et de son génie créateur. C'est un élément de son «identification» culturelle. Tant il est vrai que la culture d'un peuple est sa carte d'identité dans le concert des nations. Aussi parle-t-on de cinéma français, allemand, américain ou indien qui sont pour ces peuples une certaine façon de voir le monde. Septième art, le cinéma constitue également une industrie. Car le film, œuvre d'art, est aussi une marchandise puisqu'il se vend sur un marché et que la décision d'investir dans un film est liée à une espérance de profit. C'est dire que la commercialisation des films commande en aval les possibilités de financement en amont de la production. Or, il n'est de secret pour personne que le cinéma est un secteur à haut risque financier, à cause du caractère aléatoire de la carrière commerciale des films. D'où la réticence des opérateurs financiers à investir dans cette branche. Ce constat est vrai pour les grands pays du cinéma comme les Etats-Unis, la France, l'Italie, etc. Il l'est davantage encore pour l'Afrique, continent en voie de développement, et notamment pour le Cameroun où le cinéma reste encore un secteur marginal dans les plans de développement. Depuis 1966, date de la sortie de Point de vue n° 1, le tout premier film camerounais, seuls quelque 60 films - dont une vingtaine de longs métrages seulement - ont pu être réalisés, dans des conditions qui frisaient parfois la gageure. Il y a là, assurément, une situation peu réjouissante pour le cinéma camerounais, même si cette situation ne lui est pas propre, d'autant que l'ensemble du cinéma africain connaît les mêmes difficultés de production et, corollairement, de rentabilité économique. Car il souffre d'une insuffisance de structures et de capitaux. 9

Voilà les différents problèmes auxquels se trouve aujourd'hui confronté le cinéma camerounais qui, 21 ans après sa naissance et 14 ans après la création du Fonds pour le développement de l'industrie cinématographique (FODIC), n'arrive toujours pas à décoller. Pourquoi une telle léthargie et comment y remédier? C'est à ces questions que nous tenterons d'apporter des éléments de réponse dans la présente étude, à travers une approche socio-économique. Ce travail est le fruit d'une réflexion personnelle sur le devenir du cinéma camerounais. Nous avons certainement blessé des susceptibilités et levé des tabous. Nous avons porté sur la place publique les inquiétudes des cinéastes. C'est une responsabilité que nous entendons assumer en tant que Camerounais, sans prétention et sans opportunisme. Mais dans le but de susciter un débat entre les pouvoirs publics et les différentes parties prenantes du cinéma: distributeurs, exploitants, cinéastes et public. Nous souhaitons que cette modeste contribution à la recherche des voies et moyens devant permettre le décollage du cinéma camerounais ouvre le chemin à d'autres réflexions plus approfondies sur le sujet.

10

Le Cameroun

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la Guinée équatoriale. 11

I

- Présentation

du Cameroun

Le Cameroun est un pays d'Afrique centrale, situé au point de jonction des régions géographiques occidentale, centrale et septentrionale. C'est une terre de contrastes qui recèle des montagnes arrondies, des plaines torrides et arides, des massifs isolés et désolés, des collines et des plateaux verdoyants. Sa superficie est de 475 442 km2 pour une population de 10 000 000 d'habitants répartie entre 200 ethnies et plus de 100 langues nationales, pour un taux d'alphabétisation (15 ans et plus) estimé à 55 %. L'histoire du Cameroun est probablement l'une des plus tourmentées d'Afrique noire. Colonie allemande à la fin du XIX.siècle, le pays est partagé entre la France et la GrandeBretagne après la Première Guerre mondiale. Il retrouve son unité après l'indépendance, sous la forme d'une République fédérale englobant le Cameroun occidental (britannique) et le Cameroun oriental (français). Exemple unique de fédération bilingue en Afrique qui prend fin le 20 mai 1972 par la proclamation de l'Etat unitaire avec comme langues officielles le français et l'anglais. L'agriculture constitue l'essentiel de l'économie camerounaise. Elle occupe près de 80 % de la population active, assure environ 70 % des recettes d'exportation et contribue pour 40 % à la formation du Produit national brut (PNB). Les besoins alimentaires sont satisfaits à 96 % par la production intérieure. Les principales cultures d'exportation sont: le cacao (126 546 tonnes), le café (85 268 tonnes) et le coton (84 344 tonnes) I. La croissance globale du secteur agricole, qui a été de 16,5 % par an en termes nominaux au cours du quinquennat 1976-1981, s'est poursuivie au cours de la période 1981-1986. La politique agricole se développe suivant deux axes: d'abord 13

au profit des eXploitations familiales, ensuite par l'implantation de complexes agro-industriels en milieu urbain. S'agissant du secteur industriel qui emploie environ 6,7 % de la population active et compte quelques 700 entreprises, le Cameroun s'est fixé comme priorité la réalisation d'un tissu industriel mieux intégré et le développement des filières liées à l'exploitation des matières premières et des ressources naturelles produites sur place. «C'est, dit-on dans les milieux autorisés, le seul moyen de parvenir à des termes de l'échange rééquilibrés. » La production industrielle a représenté en 1982, 25 % du PNB. Selon les prévisions du v. plan (1981-1986), dont l'exécution vient de s'achever, elle devait continuer à croître au rythme de 13 % par an en termes réels. Avec environ 43 % du chiffre global d'affaires, l'agroalimentaire prédomine nettement sur les autres activités industrielles. Conséquence de la politique de nationalisation menée dans cette branche. Les participations publiques y ont considérablement réduit les intérêts étrangers: dans nombre de complexes agro-industriels, l'Etat détient jusqu'à 100 % du capital. Mais l'industrie camerounaise ne se limite pas seulement à la transformation des produits agricoles. Le Cameroun produit aussi l'aluminium, le ciment et... le pétrole. En effet, c'est en 1977 qu'a démarré l'exploitation du pétrole. La production était évaluée en 1983 à 150 000 barils/jour. Ce qui a permis en 1984 de produire 7 millions de tonnes pour une consommation locale de 1,5 millions de tonnes. Sur le plan du commerce extérieur, en dépit des performances réalisées par l'économie au cours des dernières années, les échanges accusent un déséquilibre persistant2. La hausse rapide des importations, due à l'effort d'industrialisation qui nécessite l'achat des biens d'équipements et de produits intermédiaires à l'étranger. 63,2 % des importations étaient, en 1982, destinées à la consommation des entreprises. La faiblesse du commerce extérieur tient au fait que les cours des produits agricoles exportés ont chuté depuis 1978. Même si la part du café et du cacao a tendance à baisser, elle représente encore au moins 40 % des exportations totales; si l'on y ajoute le bois (10 % du total), il apparaît que trois produits seulement procurent la moitié des recettes ext~rieure~. . 14

Carte

d'identité financière du Cameroun

5 893 millions $; soit 693 $/habitant

PNB.:

(1981)

Monnaie: Franc CFA divisé en centimes Cours des changes: 1 F CFA = 0,2 FF

Budget 1981-1982 Recettes: 410 milliards F CFA Dépenses: 410 milliards F CFA, dont ment Solde de la balance des paiements: Recettes touristiques: 21 millions $ Réserves monétaires: 91,12 millions Dette extérieure: 2584,3 millions $ Taux d'inflation: + 14,8 % par an ÉVOLUTION

Exportations

Importations

1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982

107 112 161 191 199 297 291 306

126 127 174 216 250 312 364 402

'

minif (1981)

DE LA BALANCE COMMERCIALE (milliards de F CFA)

Année

çnr 'Rrr

153 milliards en budget d'équipe-

de l'Tnduf

Cette dette atteindrait

n° 1168 du 25 mai 1983. aujourd'hui

les 10 millions de francs français.

Il est intéressant de noter que c'est grâce à l'exportation de l'hydrocarbure (17,9 milliards de F CFAen 1982) que le déficit de la balance commerciale n'a pas atteint un niveau difficilement supportable. A cela, il faut aussi ajouter l'afflux des capitaux lié à la réalisation des grands projets de développement. D'une manière générale, les indices économiques du Cameroun attestent de sa bonne santé: la dette extérieure est relativement modeste 3. Le budget de l'Etat de 520 milliards de F CFA (10,4 milliards de FF) est passé à 620 milliards (12,4 milliards de FF) en 1984/1985 pour atteindre les 800 milliards (16 milliards de FF) en 1986/1987. De plus, le taux de croissance annuelle de l'économie a progressé en termes réels de l'ordre de 7 % tandis que le Produit national brut (PNB) per capita enregistrait une progression de 17,6 %. Enfin, le Cameroun jouit d'une auto suffisance alimentaire, situation qui contraste singulièrement avec celle de ses voisins, confrontés pour la plupart, sinon au problème de la faim, du moins à celui du déficit alimentaire.

Répartition

du budget 1986/87

Le budget qui s'élève à 800 milliards a été élaboré pour atteindre notamment deux objectifs majeurs: assainissement des finances publiques et consolidation des acquis positifs. Il doit en outre permettr'e un meilleur suivi des engagements de l'Etat et la promotion de la rigueur dans la gestion du patrimoine national. Voici la répartition de ce budget entre les différents départements ministériels, la Présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Conseil économique et social. Ministère

ou

BUDGET

Sce

bénéficiaire (Ministry or

Accroissement en Accroissement en valeur absolue valeur relative (Increase in (Increase in absolute value) relative value) (F CFA) (%)

1985/1986 (F CFA)

1986/1987 (F CFA)

Présidence de la République (Presidency of the Republic)

12 019 594 000

12 474 025 000

458 431 000

3,8 %

Services rattachés à la présidence (Services attached to the Presidency of the Republic)

24 055 425 000

26 390 584 000

2 335 159 000

9,7 %

beneficiary

16

Service)

Assemblée nationale

3 350 895 000

3 884 550 000

500 552 000

567 690 000

533 655 000

15,9 %

(National Assembly) Conseil économique et social (Economic and Social Council)

-

Affaires étran~ères (Foreign MfaIrS) Justice

5 597 895 000

-

6 734 892 000

721 963 000

12 %

6 165 764 000

567851 000

-

(Ministry of Justice)

Administration territoriale (Territorial Administration) Défense (Ministry of Defense)

49 063 508 000

Education nationale

-

(National Education)

3,1 %

17 186 100 000

2 816 784000

51 614525000

2551 017000

70 799 870 000

5446 516 000

5,3 %

13%

Jeunesse et Sports (Youth and Sports)

6 765 139 000

7647416000

Information

4 506 466 000

4 577 077 000

-

4 954 642 000

7 052 022 000

2 097 380 000

42,3 %

1161 313 000

6,3 %

(Minist~ and

et Culture

882 277 000

-

of Information

Cu ture)

Enseignement

sup,érieur

et

Recherche scientifique (Ministry of Higher Education and Scientific Research) Finances (Ministry of Finance) Commerce et Industrie (Ministry and

Plan

18 585 697 000

19747010000

2 224 102 000

2 642 040 000

417848000

18,7 %

2 726 858 000

3 259 527 000

532 669 000

19,2%

1 543 900000

143 146000

10,2 %

of Trade

Industrie)

et Aménagement

du Territoire (plan and Regional Development) Secrétariat d'Etat au Tourisme

-

~Secretariat of State

or Tourism 17

13 877 505 000

AgricultUre

16444

384 000

2 566 879 000

18,5 %

(Ministry of Agriculture) Elevage, Pêches et

-

3 920 271 000

42600000

-

Industries animales (Animal Husbandry Fisheries and Animal Industries) Mines et Energie (Mines and Power) Equi~ement

1 152 872 000

1 560 421 000

-

21 547321 000

23 247 784 000

1 700 463 000

-

16 802 243 000

7,9 %

(Mirnstry of Equipment) Urbanisme et Habitat

-

-

(Ministry of Town Planning and Housing) 3116603000

3 176 891 000

60 288 000

18,4 %

-

27 755 285 000

1 007751 000

3,8 %

Travail et Prévoyance social (Labour and Social Insurance)

-

2 344 268 000

Affaires sociales (Social Affairs)

-

2 737 542 000

197 300 000

362 489 000

412 738 000

50 249 000

10 398 304 000

10 930 182 000

Transports (Ministry of Transports)

I 967 652 000

1 976 622 000

Fonction publique

2 901 832 000

2 400 386 000

Informatique et Marchés publics (Computer Services and Public Contracts) Santé publi:\ue

(Public He th)

Condition

féminine

-

18,4 %

13,8 %

(Women's Affairs) Postes et Télécommunication

531 878000

-

(Ministry of Post and Tele-Communication)

(Ministry of Public Service)

SOURCE:

18

«Cameroon

informations

», juillet

1986.

8 970000

-

-

-

II - Le cinéma camerounais: mythe ou réalité? 1

-

Un accouchement difficile

C'est en 1966 que Urbain Dia Moukouri tourne Point de vue n° 1 qui marque l'an 1 du cinéma camerounais 4. Il convient cependant de préciser que Jean-Paul N'Gassa avait déjà réalisé A venture en France en 1963 mais en collaboration avec un Français, Philippe Brunet. Deux ans plus tard, il signe La grande case bamiléké avec William Hamon. Ce film en 35 mm (noir et blanc), d'une durée de 12 mn, est primé au Festival mondial des arts nègres à Dakar (1966) et au festival du film africain et malgache de Saint Cast (1966). En 1972, il récidive avec un long métrage de commande sur le dixième anniversaire de l'indépendance du Cameroun. Mais ce n'est qu'une décennie plus tard que le cinéma camerounais sort de ses frontières grâce à Muna Moto 5, un long métrage de Dikongué-Pipa, réalisé en 1974. Ce film récolte plusieurs récompenses dans les festivals internationaux, notamment en 1976 au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (FEsPAco), au Burkina Faso (exHaute-Volta). Malheureusement, il est très mal accueilli par le public camerounais qui ne comprend rien aux séquences oniriques et flash-back, le tout aggravé par une mauvaise qualité du son. Dans la foulée, Daniel Kamwa tourne Pousse-Pousse (1975) qui fait une carrière inverse, mais heureuse par rapport à celle de Muna Moto. Pas de palmes festivalières; par contre une carrière commerciale à faire rêver les réalisateurs africains: plus d'un million d'entrées. C'est l'un des best-sellers du cinéma d'Afrique noire6. 1978 voit la réalisation de Dance my love d'Alphonse Béni, la première comédie musicale camerounaise. Après la réalisation de ces premiers longs métrages, souvent dans des conditions techniques et financières difficiles, la production camerounaise connaît une pause.

19

Entre-temps, le gouvernement a créé, en octobre 1973, le Fonds pour le développement de l'industrie cinématographique (Fomc) 6b. Ce nouvel organisme relance la production. Ainsi sont réalisés Le prix de la liberté (1978) et Canon Kpa-Kum de Dikongué-Pipa, Notre fille (1980) de Daniel Kamwa, Ribo ou le soleil sauvage (1978) de Henry-J oseph Nama 7, Rythmes du Cameroun et L'Etat unitaire du ministère de l'Information et de la Culture et La brûlure d'Urbain Dia Moukouri. Les Camerounais ne se contentent pas seulement de réaliser des comédies de type moraliste ou des films commandités. Ils se lancent aussi dans la création d'œuvres à caractère commercial. Alphonse Béni en fait sa spécialité. Après Dance my love, il réalise Anna Makossa (1979) et Saint Voyou (1980). Jules Takam et Jean-Claude Tchuilen restent dans le sillage en tournant respectivement L'appât du gain (1982) et Suicides (1983). Même Les Coopérants (1982) d'Arthur Si Bita, film « sociologique », contient des éléments de type « policier» pour des raisons qu'on peut facilement imaginer. Au-delà de cette production variée, peut-on affirmer sans risque de se tromper que le cinéma camerounais se porte bien? La réponse à cette question constitue la seconde partie de ce chapitre.

2 - Un secteur en mal de structures De 1973 à 1983, le Cameroun a produit 41 films, tous formats confondus, soit une moyenne de 4,1 films par an. Ce qui le place au deuxième rang de la production cinématographique en Afrique francophone, derrière le Sénégal (53 films) 8. Mais quand on dépouille cette production, on s'aperçoit que le cinéma camerounais ne se porte pas aussi bien que le montre cette donnée statistique. En effet, sur les films produits depuis 1973, plus des 2/3 sont des courts métrages. Or, l'état de santé cinématographique d'un pays s'évalue surtout en termes de production de longs métrages dont le volume reflète la politique menée dans le secteur. Certes, le court métrage reste une irremplaçable école de réalisation. Tant du point de vue des moyens techniques et financiers que de l'apprentissage du métier. Car on dispose là d'un banc d'essai idéal permettant de révéler à moindres risques 20

La production cinématographique de 1973 à 1983 (en nombre de films) f b I)

1+

2

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(41 films dont 21 LM) '1

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SÉNÉGAL

(53 films dont 15 LM)

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de nouveaux talents. La génération de la nouvelle vague, on se souvient, a été révélée en France grâce aux courts métrages de la grande période des années cinquante avec des noms comme Jean-Luc Godard et François Truffaut. a) Le FODIC - Au Cameroun, malheureusement, cette forme d'expression cinématographique n'a pas servi de rampe de lancement à la production des longs métrages. Pourtant, quelques efforts ont été faits pour développer le cinéma. C'est dans ce cadre qu'il convient de situer la création du Fomc auquel le gouvernement avait confié six objectifs: - produire des films cinématographiques camerounais avec un financement direct ou par un aval auprès d'autres organismes financiers; -

réaliser les journaux filmés; améliorer les conditions de distribution des films au Cameroun; - équiper les industries techniques rium, salle de montage); ques;

construire

- promouvoir et international.

et moderniser

et de location

(laboratoire,

audito-

les théâtres cinématographi-

le cinéma camerounais à l'échelon national

De plus, le gouvernement engageait le Fomc dans plusieurs actions destinées à valoriser le cinéma camerounais telles que:

- l'octroi de prêts pour spectacles cinématographiques;

l'équipement

des salles de

- les garanties des prêts accordés par l'établissement de crédit aux producteurs nationaux de films et aux exploitants de salles de spectacles cinématographiques; - l'attribution de diverses formes de soutien financier aux cinéastes camerounais. La trésorerie du Fomc est alimentée entre autres par une dotation de l'Etat (500 000 FF à l'origine) et une surtaxe progressive sur les billets d'entrée (variant de 5 à 16,7 %), instituée le 1erdécembre t977. Par ailleurs, le Fomc perçoit une taxe spéciale sur les visas d'exploitation des films, sans 22

équivalent en Afrique noire et qui, après avoir été fixée à 1 FF par mètre, a été ramenée à 0,30 FF par mètre; valeur qui reste, malgré tout, 3 fois plus élevée qu'en France, alors que le marché local est sans commune mesure avec le marché intérieur français. En retour, le Fomc participe au financement des films dans le cadre de l'aide sélective, un système qui suscite quelques critiques de la part de certains cinéastes qui y voient une mesure discriminatoire tendant à aider des individus et non des valeurs. Pourtant, quand les règles du jeu sont respectées, l'aide sélective permet de maintenir un esprit permanent de recherche et d'innovation artistique. Rappelons aussi que le Fomc finance la construction et l'aménagement des salles dans la mesure des crédits disponibles. Mais l'octroi de ces crédits reste sélectif. Cette intervention discrétionnaire, comme il fallait s'y attendre, fait peser un doute sur les décisions de la commission ad hoc. Ici, comme ailleurs, on parle de clientèlisme ou de raison d'Etat.

Car, « aux critères objectifs, on préfère des relations privilégiées, personnalisées ou monétisées 9 ». L'idéal aurait été de créer à côté de cette forme d'intervention une aide automatique basée sur le montant des droits acquis par chaque salle et qui serait proportionnel au montant de la taxe spéciale additionnelle (TSA)encaissée, selon un tarif dégressif en fonction de tranches de recettes. En France, cette dégressivité se fait de la manière suivante: 80 % du produit de la taxe encaissée entre 0 et 5 000 FF (250 000 F CFA)de recettes, 55 % pour la tranche comprise entre 5 000 et 20 000 FF (1 000 000 F CFA), 40 % entr~ 20 000 et 60 000 FF (3 000 000 F CFA), et 20 % pour la tranche supérieure à 60 000 FF. Cette politique a permis aux exploitants de moderniser le parc des salles grâce à des prêts substantiels qui peuvent atteindre une hauteur de 70 % du montant total des travaux de chaque salle. Ce qui a eu en partie pour conséquence la reconquête de la clientèle. Comme on peut le constater, le Fomc a un rôle très limité dans la promotion du cinéma camerounais. Au cours d'une table ronde organisée en octobre 1984 par le quotidien

gouvernemental Cameroon Tribune sur le thème

«

Le cinéma

Basile Ngoumou, alors directeur du Fomc, reconnaissait implicitement que « les

camerounais structures

aujourd'hui»

10, M. Richard

de base mises en place au moment

de la création

de

23

cet organisme n'ont aucune commune mesure avec la spécificité de ce qu'on a voulu en faire: la banque de financement d'une industrie. Hélas! fera-t-il remarquer, le décret portant création du FODIC, en dehors d'un service des finances, ne fait état ni d'un service de la production, ni d'un service de la programmation, de l'exploitation ou des études ». C'est le cinéaste Dikongué-Pipa qui trouvera au cours de cette même table ronde l'expression juste pour qualifier la situation du FODIC : «une structure sans âme». Certes, cette affirmation du réalisateur de Muna Moto est un peu exagérée. Le FODIC compte à son actif plusieurs réalisations qui honorent le cinéma camerounais. Mais il n'en reste pas moins que cette structure ne joue pas pleinement son rôle de banque de financement du cinéma, faute de 0}9yens financiers, matériels et humains. Il est à noter ici que, de uis juin 1985, le gouvernement a doté le FODIC d'un matérie de prise de vues et de montage comprenant 7 caméras dont 4 de 16 mm, un groupe électrogène de 25 KW, 3 projecteurs de 35 mm, 2 de 16 mm dont une double bande, deux magnétophones autonomes Nagra avec un système pilote, plusieurs micros et perches, deux tables de montage (16 et 35 mm). Nous ne pouvons que louer un tel effort qui a nécessité un important investissement estimé à plus de 6 000 000 FF (300 000 000 F CFA) et souhaiter que les cinéastes camerounais sachent en faire bon usage. Une remarque cependant: l'absence d'un laboratoire qui aurait permis de se libérer complètement de la dépendance des installations étrangères dont l'utilisation alourdit le budget des films camerounais. En l'état actuel des choses, les cinéastes sont obligés de faire développer leurs films en Europe et de les monter au Cameroun; une gymnastique qui comporte des risques matériels et occasionne des dépenses supplémentaires. Mais il reste que, désormais, ils pourront assister au montage de leurs films, privilège qui était jusqu'ici réservé à ceux qui avaient les moyens de se payer un voyage à Paris où avait lieu cette opération. Ajoutons, enfin, qu'il aurait été souhaitable de créer au Cameroun, à la suite de l'unité de montage, un auditorium. Ce qui aurait permis de mixer les films sur place et d'effectuer certains travaux de post-production (doublage voix, certains effets spéciaux, etc.) en présence du réalisateur. En dernière analyse, on ne peut s'empêcher de se poser légitimement la

f

24

question de savoir si l'acquisition de ce nouveau matériel était opportune dans le contexte actuel du cinéma camerounais. A quoi bon avoir des caméras, des tables de montage, des magnétophones, etc., si on n'a pas les moyens financiers de monter un film? L'un des graves problèmes qui se posent au cinéma camerounais est celui de son financement: jusqu'en 1983, la moyenne annuelle de production était de 4 films; encore que ce soit essentiellement des courts métrages. Depuis, ce chiffre a dangereusement chuté à cause de l'assèchement des sources de financement et aujourd'hui, le Cameroun sort à peine un court métrage par an. Alors, à quoi servira ce matériel? Les responsables du Fomc avaient-ils réalisé une étude de marché avant de s'engager dans ce projet qui, rappelons-le, est louable dans son essence mais reste grandiose pour le marché local de la production? A moins qu'il existe des possibilités pour les pays voisins, dans le cadre des accords de coopération, de faire appel au matériel camerounais! Signalons ici l'exemple du Burkina Faso qui, grâce à une initiative privée, s'est doté depuis 1981 d'un complexe cinématographique comprenant un atelier de fabrication de décor, un foyer des artistes avec loges et restaurant, un bâtiment technique abritant diverses installations de production et de finition (salles de montage 16 et 35 mm, une salle de vision, une cinémathèque, une discothèque, un laboratoire photo, une salle de banc-titre, un auditorium, une salle de maintenance, etc.). Mais ce projet, qui a une vocation régionale et qui semble se justifier ne serait-ce que par le fait que le Burkina Faso est la plaque tournante du cinéma africain (de par son festival et du fait que Ouagadougou, la capitale, abrite le siège du CIDC (Centre interafricain de distribution cinématographique), marque aujourd'hui le pas à cause de l'étroitesse du marché et du snobisme des cinéastes africains qui préfèrent se tourner vers l'Europe au lieu d'utiliser les structures qui leur sont proposées sur place. Cette expérience qui, malheureusement, a englouti plus d'un milliard de F CFA devrait donner matière à réflexion aux autorités cinématographiques camerounaises afin que les projets traduisent les besoins réels du secteur et ne prennent pas l'allure d'une opération de prestige sans aucune portée commerciale. Rappelons ici que même le très célèbre laboratoire tunisien de Gammarth édifié en 1967 est aujourd'hui déficitaire parce que sous-employé. 25

Autre insuffisance du Fomc, l'absence d'un soutien automatique à la production calculé par application des taux proportionnels au montant de la taxe perçue sur l'exploitation des films. La raison d'être de l'aide automatique est qu'elle stimule la production guettée par l'insolvabilité. Car elle permet, non seulement de réaliser un nouveau film, mais aussi d'éponger certaines dettes contractées à l'occasion du film générateur. Le seul inconvénient du système est qu'il ne s'applique pas aux cinéastes réalisant leurs premières œuvres. b) La Commission nationale de contrôle - Alors que le Fomc est chargé de financer la production nationale, la Commission nationale de contrôle que préside le ministre de l'Information et de la Culture a pour mission de veiller sur la qualité morale des films en eXploitation au Cameroun. Cette commission a créé une véritable psychose parmi les cinéastes qui sont obligés de s'autocensurer de peur d'être censurés. Or, l'autocensure, on le sait, est la pire des contraintes parce que, partant de soi, elle mutile volontairement la pensée dans le souci de présenter une œuvre sans «histoire ». Suicides de Jean-Claude Tchuilen a été censuré au Cameroun parce que celui-ci n'a pas voulu tenir compte de ce que «la censure interdit de montrer» 11. Pour le tournage de son deuxième film Fin de non recevoir, le ministère de l'Information et de la Culture lui a intimé l'ordre de supprimer les scènes dans lesquelles il insiste « sur la corruption, la vengeance, la violence et le meurtre ». Puis, il lui a rappelé que «la Commission nationale de contrôle des films tiendra compte de ces observations au moment où elle sera saisie de la demande de visa d'exploitation du film 12 ». Face à cette mesure, le réalisateur a purement et simplement abandonné le projet, estimant que de telles amputations dénaturaient son sujet 13. Paradoxe des paradoxes, le scénario de Fin de non recevoir avait pourtant été primé en 1981 par le Fomc dans le cadre d'un concours de scénario de long métrage. Comme le fait remarquer Dikongué-Pipa, «il n'y a pas de raison que dans un même pays on encourage la vision des films étrangers de violence ou de sexe, et qu'on censure des films nationaux sur scénario au départ ». Et de poursuivre: «Il n'existe pas une réelle censure cinématographique au Cameroun. (...) Il y aurait plutôt une censure politique: tous les 26

secteurs se battent pour qu'on ne les éclabousse pas dans un

film.

»

Au demeurant, «qu'on ait besoin d'interdire des films susceptibles de provoquer la violence, comme le souligne le cinéaste ivoirien Désiré Ecaré, cela peut s'expliquer... Le problème, c'est que ceux qui composent la commission de censure font du zèle. Ils font ce qu'on ne leur a pas demandé. Ils se disent que si on laisse passer telle ou telle information,

quelle sera la réaction de tel ou tel homme politique?

»

Comme

on peut le constater, cet argument rejoint celui de DikonguéPipa et prouve par ailleurs que les problèmes de censure ne sont pas une spécialité camerounaise, contrairement à ce que laissent croire certains cinéastes. Dikongué-Pipa constate aussi que «les mêmes réalités admises dans les films étrangers et qu'on montre aux Camerounais, on les refuse à nos films nationaux qui se trouvent par conséquent sans sel ni piment ». Cet argument de Dikongué-Pipa, s'il est fondé dans son essence, reste discutable dans sa forme car la censure, au Cameroun, frappe aussi bien les films nationaux qu'étrangers. En effet, dans un article paru dans le n° 3191 (2 février 1985) de Cameroon Tribune, on peut lire ceci: «Depuis deux ans sinon plus, ce sont les mêmes affiches qui ornent les murs des salles de cinéma de la capitale économique... Les exclusivités et les œuvres inédites qui passaient à Douala en même temps que dans les grandes salles parisiennes sont devenues très rares. Alors, pourquoi n'y a-t-il plus de nouveaux films? Pour les spectateurs, la faute est aux exploitants qui ne veulent plus projeter de nouveaux films. Les exploitants eux, se défendent en déclarant que le malheur vient de la distribution qui ne fait plus venir des exclusivités. De leur côté, les distributeurs ne manquent pas d'arguments.

L'un d'eux nous présente ses stocks et nous confie:

«

Voici mon

magasin... Il est plein de films. Je ne peux pas les distribuer parce qu'ils sont censurés.» Et un autre distributeur de renchérir: «Nous sommes handicapés par la Commission nationale de contrôle car c'est elle qui fait retirer du circuit la plupart de nos films. Il faut que notre censure nous dise quel genre de films elle veut que nous lui présentions, car nous payons assez cher pour faire venir les films au Cameroun. Ainsi, par exemple, pour un film à succès, on débourserait entre 5 à 6000000 de F CFA. (100000 à 120000 FE), copie et droits inclus. Et pour la seule année 1984 près de JOfilms ont été 27

censurés. Entre autres: Cent jours à Palerme, Le justicier de minuit, Racket, Le professionnel, Les ténèbres, American teen-ager, Happy birthday, Du rouge pour un truand, L'Etat sauvage, etc. Lorsqu'on a dépensé autant d'argent pour un film et qu'il ne rapporte rien, eh bien, la perte pour le distributeur est très importante... Cette perte se répercute aussi bien sur les exploitants qui voient leurs recettes baissées que sur le EODIC qui subit un manque à gagner assez substantiel.»

Nous émettons ici quelques réserves sur l'argumentation développée par ces distributeurs au sujet des pertes sèches subies par la corporation pour cause de censure. Car nous croyons savoir que les contrats de distribution pour certains pays, dont le Cameroun, sont assortis d'une clause de sauvegarde qui garantit à l'acquéreur de la licence de distribution la possibilité de modifier le contrat au cas où le film est censuré, sans que cela crée des charges financières notables pour ce dernier. Enfin, il est à mettre à la charge de la Commission nationale de contrôle une certaine incohérence dans son action. On a souvent entendu sur les antennes de la radiodiffusion du Cameroun des communiqués émanant des délégations provinciales de l'Information interdisant tel ou tel film dans leur ressort territorial. Alors que ceux-ci sont supposés avoir obtenu un visa d'exploitation délivré par la Commission nationale de contrôle avant qu'ils ne soient introduits dans le circuit de distribution. Système bancal ou zèle de fonctionnaires 14 ! Quoi qu'il en soit, il y a lieu de centraliser la délivrance des visas d'exploitation, afin que soient évités certains abus constatés çà et là. Car de telles interventions pénalisent les, distributeurs et les exploitants et peuvent, à terme, assécher le circuit de distribution. Au total, la censure pose au Cameroun un problème de fond qui incite à réfléchir sur l'attitude du gouvernement face à une branche qui est considérée, plus à tort qu'à raison, comme un moyen de dépravation des mœurs. Le cinéma, bien conçu artistiquement et structurellement, est un précieux élément d'éducation et de culture des masses. c) La Direction de la cinématographie et CamerounActualités - Autre structure: la Direction de la cinémato28

graphie, rattachée au ministère de l'Information et de la Culture dont la création a présidé de l'intérêt que le gouvernement a toujours attaché à la chose cinématographique. En fait, c'est la plus vieille structure en la matière. Elle a pour mission principale d'appliquer la politique cinématographique du gouvernement. Depuis quelques années, ses services ont été décentralisés. C'est ainsi qu'il existe désormais dans chaque province un centre de la cinématographie, placé sous l'autorité du délégué provincial de l'Information et de la Culture. Mais on peut regretter que ces centres provinciaux s'occupent davantage du contrôle des salles de cinéma que de la vulgarisation d'un cinéma authentiquement national. Il est aussi à noter qu'une société d'économie mixte, Cameroun-Actualités, produit depuis plusieurs années des films d'actualité présentés en première partie des programmes des salles de cinéma. d) Le ciné-bus - Enfin, il y a eu, voici quelques années, une tentative de mise sur pied d'un service ciné-bus au ministère de la Jeunesse et des Sports. L'idée n'était pas nouvelle puisque la manufacture de cigarettes Bastos avait déjà tenté cette expérience dans les années soixante avec beaucoup de réussite: le passage d'un ciné-bus dans un village constituait presque toujours un événement. Car c'était l'ultime occasion pour beaucoup de Camerounais de découvrir le cinéma pour la première fois à travers des films comme Le voleur de Bagdad, Mangala, fille des Indes, Ali Baba et les 40 voleurs, Le train sifflera trois fois, etc. Cette expérience a pris fin au lendemain de l'indépendance. En reprenant l'idée à son compte, le gouvernement était conscient du rôle que le ciné-bus pouvait jouer dans l'animation de la campagne qui se dépeuple de plus en plus à cause du peu d'intérêt culturel qu'elle représente pour les jeunes. Il est évident qu'un tel projet aurait eu des conséquences bénéfiques sur le cinéma national grâce à la création d'un réseau non commercial de distribution, tout en contribuant à vulgariser les œuvres locales et susciter un besoin à consommer camerounais. Mais le projet semble avoir tourné court, certainement à cause des difficultés d'ordre structurel. Aujourd'hui, le ciné-bus est définitivement condamné à mort avec le démarrage de la télévision qui est appelée à remplir le rôle qui aurait dû être le sien, à savoir démocratiser les images. 29

III - Financement

Les problèmes de financement et de marché restent cruciaux pour toute industrie cinématographique. Car ils conditionnent la survie même du cinéma, tant il est vrai que sans sources de financement et sans marché il n'y a pas de production cinématographique. Comme l'a écrit René Thévenet 15, «produire un film n'a jamais consisté à gérer un compte en banque bien garni, ainsi que le croit un bon peuple aisément mystifié». Il est vrai que le producteur ne fait rien pour démystifier son personnage. Par son allure de « gentleman ", il donne l'impression de rouler sur l'or. Ce qui n'est presque jamais le cas: la production d'un film relève toujours d'un véritable coup de poker. Ceci est d'autant plus vrai qu'il s'agit pour le producteur de faire preuve d'une grande ingéniosité en réussissant à réunir des fonds d'origines diverses. Une tâche d'autant plus difficile que, face à l'avenir incertain du produit, les financiers ont adopté une attitude de réserve. Dans le processus classique de financement d'un film, les prêts bancaires apparaissent comme la source la plus logique. Ils peuvent être obtenus directement ou par le truchement d'un fonds de garantie. Ces prêts couvrent environ 35 % du devis du film. Deuxième source de financement: l'à-valoir distributeur. C'est un acompte sur les recettes futures du film qui peut s'opérer de plusieurs façons (prêt direct, caution bancaire, etc.) et que le distributeur consent au producteur, jusqu'à une hauteur de 25 % des investissements. Cette participation financière du distributeur lui donne droit à l'exclusivité de la diffusion du film. Quant au producteur, il est tenu de justifier d'un apport personnel de 15 % du devis estimatif du film. Il peut couvrir ces frais par une coproduction ou en gonflant le devis qui sert à calculer sa participation. 31

Ces trois premières sources de financement ont déjà permis à notre producteur de réunir près de 75 % du budget du film. Il va donc se tourner vers les ventes à l'étranger pour essayer d'obtenir auprès d'un distributeur étranger, auquel il aura accordé l'exclusivité de la distribution du film, une avance ou une garantie mobilisable. Toujours dans le cadre de ce montage financier, le producteur peut obtenir une avance sur recettes du Fonds de

soutien, un crédit

« fournisseurs

», un pré achat de droits

d'antenne à la télévision et de droits vidéos ou bénéficier dans certains cas d'une aide automatique, etc. Il est évident que ce processus de financement que nous avons volontairement schématisé présente dans la pratique une grande complexité. Mais il montre l'éventail de possibilités qui s'offrent au producteur en Europe et révèle du coup la pauvreté du marché de financement de l'industrie cinématographique au Cameroun. Alors que le réalisateur français est dégagé des responsabilités économiques de la production, son confrère camerounais doit s'occuper du montage financier de son film, devenant ainsi son propre producteur. Déjà préoccupé par les problèmes techniques, il le sera aussi par les problèmes de trésorerie. Bien entendu, son activité créatrice s'en trouvera sacrifiée dans ce partage de son temps entre les différentes tâches auxquelles il doit faire face. Armé de patience, il va aller de porte en porte pour tenter d'intéresser les mécènes à son projet. Ainsi, dans le meilleur des cas, il obtiendra une subvention de l'Etat, un prêt bancaire, auxquels pourrait s'ajouter une aide d'organismes étrangers tels que l'ACCT(Pousse-Pousse), le ministère français de la Coopération (Boubou cravate), l'Institut national de l'audio-visuel (Muna Moto), le Centre national de la cinématographie (Suicides), etc. Bon an mal an, il arrivera à réunir l'essentiel des fonds qu'il complètera en s'imposant une censure économique et artistique. En effet, face aux contraintes économico-financières, il sera amené à tourner avec une équipe réduite ne comprenant qu'un cameraman et un preneur de son, et à réduire au strict minimum les essais au tournage (parfois une seule prise par plan), bien que travaillant avec des comédiens non professionnels. De plus, pressé par ces mêmes contraintes, il sera tenté de faire couper telle scène, de réduire le temps de tournage, de se 32

priver de tel matériel technique pourtant indispensable et de n'employer que des comédiens amateurs. Pour éviter les frais de doublage, il tournera en son synchrone, un procédé qui ne garantit malheureusement pas toujours un bon son en finale, surtout quand on sait que les films camerounais sont tournés en décor naturel. Mais ses difficultés ne s'arrêtent pas là. A Paris, lors du montage du film, il ne pourra pas obtenir de «crédits labo », car il ne présente aucune garantie financière compte tenu du fait qu'il n'est pas soutenu par une société de production. Et quand il peut voir les rushes, c'est toujours tard pour retourner les scènes ratées; celles-ci seront purement et simplement coupées, quelle que soit leur importance pour la suite du récit. A moins d'engager des frais supplémentaires pour refaire ces scènes. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Dikongué-Pipa, qui a dû rentrer au Cameroun pour tourner certains plans de son film Badiaga, alors qu'il se trouvait à Paris pour son montage. Il s'était rendu compte, lors du développement, que certaines bobines étaient avariées. C'est à cause de cette économie de misère que les films camerounais ont des faibles budgets, en moyenne 1 000 000 FF (50 000 000 F CFA) contre 10 000 000 FF pour les films français 16 et 70 000 000 FFpour les films américains. Mais il est important de noter que le coût élevé des films européens se justifie par la présence des vedettes cotées au box-office. Or, le « star-system » n'existe pas au Cameroun et les comédiens sont tous amateurs. Ce qui devrait réduire d'au moins 50 % la ligne budgétaire réservée à l'interprétation. Quant au poste de techniciens, on devrait aussi enregistrer une réduction substantielle des crédits affectés à cet effet. On le sait, les techniciens camerounais ne sont pas payés aux mêmes tarifs syndicaux qu'en Europe. Certains réalisateurs-producteurs profitent de l'absence de convention collective dans ce domaine pour exploiter la main-d'œuvre nationale. Prenons maintenant le cas de figure où l'équipe de tournage est étrangère. Souvent, faute de moyens, les réalisateursproducteurs sont obligés de se contenter de techniciens de seconde zone. Ce qui explique que ces derniers soient en permanence au chômage. Une situation qui va les pousser à accepter n'importe quelle offre. Surtout quand celle-ci est assortie d'un voyage en Afrique, tous frais payés. En retour, ces techniciens sont rémunérés à des prix défiant toute 33

convention collective. Les réalisateurs-producteurs peuvent ainsi faire des économies substantielles sur la ligne budgétaire de l'équipe technique. De plus, ils peuvent obtenir gratuitement certains services qui sont budgétisés en Europe: les décors extérieurs, par exemple, qui représentaient en 1976 près de 17 % du devis des films français. Signalons enfin que les réalisateurs camerounais ne sont pas tenus d'assurer les membres de l'équipe de tournage (comédiens et techniciens), encore moins de s'acquitter des charges sociales (environ 11 % du devis des films). Il n'y a que la post-production où les dépenses soient incompressibles. En conclusion, les cinéastes camerounais ont les moyens de trouver des formules souples qui peuvent les aider à alléger les coûts de fabrication de leurs produits. C'est l'occasion ici pour nous de stigmatiser la «voracité» de certains d'entre eux qui gonflent délibérément les budgets de leurs films tout simplement parce que' ceux-ci sont financés par le Fomc ou par l'Etat et qui redeviennent raisonnables dès qu'il s'agit d'un financement personnel. Nous voulons, pour illuster notre propos, citer l'exemple d'un court métrage (documentaire) de 40 mn réalisé en 1985 par Louis Balthazar Amadangoleda qui a coûté la bagatelle de 24 millions de F CFA(480 000 FF). Au regard de l'analyse que nous venons de faire, nous trouvons ce budget excessif pour un documentaire tourné au Cameroun par un Camerounais, surtout quand on le compare à celui du long métrage du même réalisateur Les trois petits cireurs (90 mn), estimé à 50 millions de F CFA (1 000 000 FF) 17. En affinant l'analyse, on se rend compte que le court métrage a coûté plus cher que le long métrage, puisqu'il revient à la minute à 600 000 F CFAcontre 555 555 F CFAau long métrage. Quand on sait que le tournage d'un court métrage documentaire ne nécessite pas un gros investissement par rapport à un long métrage de fiction à cause de l'allègement des charges budgétaires (équipe technique réduite, absence d'interprètes, etc.), on ne peut pas s'empêcher de s'interroger sur la crédibilité des budgets des films camerounaiS. En France, certes, les producteurs ont la possibilité de gonfler leurs budgets. Mais ils ne peuvent dépasser la barre des 10 %, conformément à la réglementation en vigueur. Ce diagnostic du financement des films montre combien l'activité cinématographique est encore marginale au Cameroun 34

et prouve que l'organisation du secteur n'a pas pour but d'injecter dans l'économie de l'argent nécessaire à sa survie. A ce jour, seuls quelques mécènes comme Kadji (Coup dur d'Alphonse Béni) et Tanko Ahmadou (Love in Africa de Pierre Gottraux) se sont risqués dans le financement d'un film. Souvent, c'est le mécénat d'Etat qui est la planche de salut des cinéastes. Malheureusement, le bide commercial des films financés et une gestion laxiste des fonds mis à la disposition de certains d'entre eux ont poussé le gouvernement à frapper du point sur la table en traduisant en justice tous les insolvables 18. Situation d'autant plus regrettable qu'elle met à nu les faiblesses d'un système qui pèche par son anachronisme et ses pesanteurs bureaucratiques, deux plaies de l'étatisation du financement de la production cinématographique. Comment le FODIC et le ministère de l'Information et de la Culture ont-ils pu consentir ou garantir des prêts aux cinéastes sans prévoir une aide à la diffusion? D'ailleurs, l'idéal eût été d'assurer la distribution des films pour lesquels ils étaient financièrement impliqués. Car il ne sert à rien de produire un film s'il n'est pas assuré de sortir en salles; les salles qui constituent actuellement au Cameroun le seul débouché pour les films. De plus, comme l'a souligné à juste titre un cinéaste

camerounais, il était prévisible que « des gens qui se retrouvent du jour au lendemain avec des sommes importantes entre les mains se livrent à quelques folies ». Le gouvernement aurait dû détacher à chaque tournage de film auquel il était partie prenante un producteur exécutif pour assurer la gestion des fonds, afin que soient évités les malversations financières et les dépassements de crédits comme il a souvent été malheureusement le cas. On peut donc aujourd'hui parler de crise de confiance entre le gouvernement camerounais et les cinéastes, une crise dont la conséquence a été la poursuite en justice d'un certain nombre d'entre eux pour «détournement de fonds publics ». Notons aussi qu'une polémique est née dans les milieux cinématographiques camerounais à propos de ce procès: «Fallait-il traduire les insolvables en justice au risque de blesser des susceptibilités?» Question délicate dans le contexte politique camerounais, surtout quand on sait que certains crédits accordés aux cinéastes l'ont été grâce à l'intervention plus ou moins directe de certaines personnalités de l'appareil étatique. 35

Alors, en intentant un procès contre les mauvais payeurs, cherchait-on à atteindre leurs «protecteurs»? Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui admis dans certains milieux du cinéma

camerounais que les cinéastes font les frais d'un

« règlement

de

compte politique» au plus haut niveau. C'est du reste ce sentiment qui se dégage d'un communiqué de presse publié le 22 novembre 1986 à Verone (Italie) par cinq cinéastes, dont Dikongué-Pipa et Daniel Kamwa, tous deux

impliqués dans ledit procès 19, Ce communiqué dénonce notamment «l'absence évidente d'une volonté de relancer la production ». Sans pour autant entretenir la polémique, nous pensons que ce dernier constat relève d'une analyse superficielle de la situation. Car il ne sert à rien de relancer la production tant que les structures de diffusion n'ont pas été revues dans le sens de l'ouverture du marché aux films nationaux. A moins que les nouveaux bénéficiaires de crédits acceptent d'aller allonger la liste des insolvables, d'autant qu'en l'état actuel des structures, aucun film camerounais ne peut se rentabiliser sur son marché.

36

IV

- Marchés

Nous .abordons là un problème majeur pour l'avenir du cinéma camerounais. On le sait, la distribution et l'exploitation sont les éléments d'une chaîne dont la maîtrise peut aider à dégager de l'argent frais qui servira à financer la production, le troisième maillon de la chaîne. Malheureusement, au Cameroun comme dans la plupart des pays africains, ces deux secteurs échappent au contrôle des nationaux, car soumis aux contingences du marché international du film.

1

- La distribution

Le distributeur est le mandataire du producteur dont il loue les films aux exploitants des salles. Sa position est primordiale, car il agit comme intermédiaire entre les producteurs et les exploitants. Comme l'écrit René Bonnell dans Le cinéma exploité, «dépassant son rôle de simple diffuseur, le distributeur est devenu rapidement un agent essentiel de l'organisation financière du cinéma». De plus, il a un pouvoir financier car il intervient parfois directement dans la production d'un film en lui procurant d'importants à-valoir financiers. C'est en considération de tout ce qui précède qu'on peut affirmer sans risque

de se tromper que

«

qui tient la distribution, tient le cinéma».

Si le cinéma camerounais n'est pas encore un cinéma économiquement fort, c'est donc dans le système de distribution qu'il faut en chercher l'une des raisons. La démarche classique qui consiste à financer un film, à le distribuer dans un nombre suffisant de salles et à récupérer les recettes pour faire un second film n'est pas respectée, compte tenu de l'attitude réfractaire des distributeurs camerounais vis-à-vis de la production nationale. 37

Le marché camerounais du film est aujourd'hui constitué par une centaine de salles dont plus de la moitié sont contrôlées par la SOCICA 20 et la COMACICO 21. Les distributeurs

indépen-

dants au nombre desquels Antoine Tobith et Alphonse Béni (eh! oui) se partagent le reste du marché avec certains exploitants de salles qui pratiquent de la sous-distribution. Pourtant, ces distributeurs, bien que camerounais, ne maîtrisent pas le mécanisme de l'offre et de la demande sur le marché national. On le sait, les grands majors de la distribution comme Gaumont et UGC (Union générale cinématographique) en France, imposent aux distributeurs nationaux, directement ou par le biais des sous-traitants, des navets attelés à des films «

locomotives ». Cela revient à dire que, quand la SOCICAveut,

par exemple, acquérir les droits de distribution du dernier Belmondo ou du dernier Stallone (Rambo), bien cotés au box-office, Gaumont lui met dans le même panier un certain nombre de films de qualité artistique secondaire, qu'elle le veuille ou non. Ces films ayant déjà largement été rentabilisés en Europe, Gaumont peut donc céder sur plusieurs années les droits qu'il a lui-même acquis du producteur à des conditions défiant toute logique commerciale. La SOCICAimpose à son tour ces films aux exploitants. Ce qui aboutit à terme à l'encombrement des écrans, tel qu'il n'y a pas de places pendant plusieurs mois pour les programmations parallèles dont pourraient bénéficier les œuvres nationales. Cette chaîne qui provoque une véritable « colonisation» des écrans camerounais montre aussi combien il est difficile pour la production nationale d'entrer en concurrence, sur son propre marché, avec les films étrangers vendus ou loués trois fois moins chers. Alors que le cinéaste camerounais propose son film à raison de 500 à 1 000 FFpar projection, un film indien ou de karaté coûte de 200 à 300 FF. Or, la rentabilité des films camerounais reste hypothétique - faute d'audience - au contraire des films orientaux qui font toujours ou presque salles combles. Face à ce «dumping », il ne reste plus aux cinéastes camerounais qu'à prendre leurs films en charge en louant les salles, parfois au prix fort, pour avoir accès à l'écran. Selon Dikongué-Pipa, ce système est beaucoup plus rentable pour le cinéaste. Car, « il lui permet d'obtenir des recettes qu'il n'aurait jamais eues si son film était dans le circuit normal de 38

distribution

22

». Et Dikongué-Pipa d'ajouter:

«Les distribu-

teurs et exploitants camerounais ne sont pas des professionnels: ils ne savent pas faire la distinction entre un film nationalqui s'amortit d'abord dans son pays d'origine avant d'aller chercher des bénéfices à l'extérieur - et un film étranger» . Il n'est pas inintéressant de donner ici quelques chiffres pour étayer cet argument de Dikongué-Pipa. En France, les films nationaux ont réalisé en 1982 53,67 % de leurs recettes globales sur le marché local. Ce chiffre était de 97 % aux USA contre 46,1 % en Italie. Ce qui montre bien l'esprit protectionniste de la politique de ces pays en matière d'exploitation. Dikongué-Pipa fait enfin remarquer que «sur un film camerounais distribué normalement, la part du producteur ne représente pas 20 000 FF pendant un ou deux ans de carrière ». « C'est parce que le spectateur n'est pas sensibilisé au préalable », rétorquera un distributeur avant de reconnaître que «les films camerounais sont mal distribués ». Il convient de s'arrêter un instant sur l'argument de Dikongué-Pipa selon lequel la meilleure façon pour le cinéaste camerounais de distribuer ses films consiste à faire du «porte-à-porte ». Argument discutable, tant s'en faut. Car c'est là une opération qui comporte un grand risque financier puisque notre exploitant de fortune n'est pas sûr de rentrer dans les frais engagés pour la location des salles. Déjà endetté pour la production de son film, il risque de l'être aussi pour son eXploitation. Au total, la situation du cinéma camerounais est surtout marquée par la difficulté que rencontrent les films nationaux à s'imposer sur le marché intérieur. Nombre de films produits ont été mal distribués ou n'ont pas trouvé de distributeurs. La démonstration de cette situation en a encore été donnée avec Suicides où, en une année d'exploitation au Cameroun, le film n'a été programmé que huit fois. Jean-Claude Tchuilen, son réalisateur, s'est même vu imposer par un exploitant un prix exorbitant pour la location de sa salle: 11 000 FF (550 000 F CFA) pour une séance de projection. Cet exemple est révélateur des rapports difficiles et tendus qui existent entre les cinéastes et les exploitants de salles tributaires d'une programmation qui leur échappe et qui les conduit à se montrer très exigeants (financièrement) pour tout produit, surtout camerounais, dont le fait de ne pas appartenir 39

au circuit de distribution fait peser sur celui-ci la présomption du film «non commercial». C'est pourquoi les exploitants refusent de prendre le risque d'être rémunérés au pourcentage des recettes comme ils peuvent le faire avec leurs fournisseurs. Ils exigent donc un forfait. Mais quel forfait! Tout se passe comme si en plaçant la barre très haut, les exploitants voulaient pousser les cinéastes au suicide (financier) et provoquer la mort du cinéma camerounais. Cette pratique montre combien la distribution et l'exploitation restent au Cameroun une jungle où tous les coups bas sont permis. Le Sénégal a tenté une expérience originale dans le domaine de la distribution et de l'exploitation en créant la Société industrielle de développement cinématographique (SIDEC), société d'économie mixte, placée sous l'autorité du ministère de la Culture. La SIDEC dispose de 40 salles de cinéma et a le monopole de toute la distribution des films au Sénégal et dans certains pays d'Afrique de l'Ouest. Cette politique a au moins permis la distribution de la quasi-totalité des films sénégalais, même si les cinéastes n'apprécient pas le côté mercantile de la démarche du SIDEC.

2 - L'exploitation L'exploitation, comme la distribution et la production, souffre au Cameroun de l'absence d'une politique adaptée aux besoins d'une branche qui se cherche. C'est pourquoi on n'est pas surpris par la précarité des infrastructures hôtelières. Pourtant ailleurs, il est prouvé que la production cinématographique nationale ne peut se maintenir et se développer que sous réserve d'un équipement suffisant du territoire en théâtres cinématographiques et d'une eXploitation qui assure aux œuvres l'essentiel de leurs recettes. En 1973, le circuit commercial comptait 32 salles exclusivement situées en zone urbaine. La capacité d'accueil était estimée à 25 910 fauteuils pour une fréquentation annuelle de 966 000 spectateurs. Les plus fortes entrées (60-65 % du chiffre global) étaient comptabilisées à Douala et Yaoundé, les deux plus grandes villes du pays. Ces chiffres sont dérisoires au regard de ceux enregistrés au Sénégal (5 810 000 habitants) sur la même période: 70 salles, 59 560 fauteuils pour 4 461 000 entrées; soit un indice de 40

fréquentation de 1,24 contre 0,12 seulement au Cameroun. A titre indicatif, l'indice de fréquentation est de 3,7 en France, 3,4 en Italie, 1,1 en Grande-Bretagne, 2 en Allemagne et 16 en URSS23.

Il est intéressant de noter ici que sur les 32 salles que comptait le Cameroun en 1973, une dizaine seulement était dotée d'un certain confort. Ces salles, construites surtout dans les villes les plus importantes 24,étaient et sont encore réservées à une clientèle d'élite qui se recrute parmi les Européens et les cadres camerounais. Les prix d'entrée pratiqués sont prohibitifs (20 à 40 FF). C'est généralement dans ces salles que sont projetés les «meilleurs» films en eXploitation dans le pays. Parmi ces salles, on peut citer le Wouri à Douala, le Capitole et l'Abbia à Yaoundé. Quant aux autres salles, la fourchette des prix se situe entre 2 et 10 FF. Le confort y est absent: chaises métalliques ou en bois quand ce n'est pas tout simplement une dalle, sonorisation et projecteurs défectueux. Dans certaines villes comme Garoua, Maroua et Kousseri, les salles sont à ciel ouvert. Une solution pour éviter leur climatisation jugée trop coûteuse par les exploitants, au mépris du confort des spectateurs. Nous avons étudié dans Cameroon Tribune, pour la période allant du 1erfévrier au 1ermai 1985, les programmes des salles de Douala et de Yaoundé. On peut constater la domination permanente d'un cinéma populaire assez discutable dans un pays non occidental comme le Cameroun: forte proportion de produits orientaux (chinois, japonais, indien), américains et français 25. Déjà impliqué dans la mièvrerie des programmes, l'exploitant est également responsable de «l'inconfort des fesses ». Celui-ci justifie son refus d'améliorer le confort des salles par les taxes élevées consenties sur le billet d'entrée (36,4 %). Alors que le distributeur (distribution et production) touche 30 % de la recette guichet, l'exploitant, lui, perçoit 33,6 %. Ce dernier estime qu'il est mal rémunéré en raison du poids des frais généraux (salaires, publicité, taxes, amortissement du matériel, électricité, etc.) auxquels il doit faire face. Ce qui le pousse à soutenir, à tort ou à raison, qu'il «tourne» à perte. Pour éponger son déficit, il est donc obligé de louer des, valeurs sûres: karaté, mélodrames indiens ou westerns-spaghetti, films d'action à l'américaine, etc. 41

Il faut tout de même reconnaître ici qu'un réel effort a été fait par les autorités camerounaises dans le domaine de la taxation, notamment avec la création d'une fiscalité incitative propre à l'activité cinématographique. Mais on peut regretter que cette fiscalité ait été instituée sans allègement correspon-

dant à la fiscalité « classique ». C'est pourquoi elle a été perçue par les exploitants comme une augmentation du prix des places sans aucun profit pour leurs salles. Il importe donc de revoir le système de taxation en allégeant ou en supprimant certains impôts afin de relever le niveau de la

«part salle» dont la norme internationale est de 50 % 26. Cette

mesure donnerait aux exploitants les moyens de créer des salles et de moderniser celles qui existent déjà afin d'élargir le marché local des films. Jusqu'ici, la quasi-totalité des salles se trouve implantée dans les grands centres urbains qui représentaient en 1982 . 33,80 % seulement de l'ensemble de la population du Cameroun. C'est dire combien il reste encore beaucoup d'espace sur

Répartition

de la recette guichet par pays

(moyennes nationales en %)

Pays

FRANCE USA GRANDEBRETAGNE ALLEMAGNE

BURKINA

Recette distribution (production et distribution)

Part exploitant

Total

7,6 0

40,2 45,0

52,2 55,0

100 100

7,6 6,6

38,2 42,0

54,2 51,4

100 100

25,0 18,2 37,5 36,4 38,3

25,0 30,0 30 30,0 25,0

50,0 51,8 32,5 33,6 36,7

100 100 100 100 100

Prélèvements fiscaux et para-fiscaux

FASO

SÉNÉGAL NIGER CAMEROUN

CÔTE-D'IVOIRE

SOURCE: «Jeune Afrique Plus », n° 6, éditions Jeune Afrique, 1984.

42

Paris, avril

le marché. En favorisant la création des salles en zone rurale qui fait figure de parent pauvre dans le domaine des infrastructures socio-culturelles, le gouvernement contribuerait non seulement à arrêter la saignée de la campagne vers les villes - ce qui représente un danger pour un pays qui tire l'essentiel de ses ressources de l'agriculture - mais également à ouvrir de nouvelles perspectives de marché pour le cinéma camerounais.

43

v - Quel

cinéma pour quel public?

Nous avons souligné dans l'introduction de cette étude que le cinéma est l'un des principaux moyens d'expression et de diffusion de la culture d'un peuple. Dès lors, le film cesse d'être un simple produit artistique pour décrire, refléter la réalité d'une société. Aussi, le cinéma est-il important dans la formation de la personnalité. L'écran est donc le miroir qui permet de se voir, de se reconnaître. C'est ainsi que le cinéma participe à la formation des réflexes, des habitudes, ainsi qu'à l'évolution des mœurs. En véhiculant les modes de vie, les clichés et les schémas, le cinéma influence les comportements individuels et collectifs des spectateurs. Personne, au Cameroun comme ailleurs, ne peut douter de l'influence du cinéma dans l'évolution des manifestations de l'amour, des comportements sexuels et de la multiplication des scènes de violence dans la vie quotidienne. Les héros des films auxquels les jeunes Camerounais veulent s'identifier en portant leurs noms sont pour ainsi dire des modèles, des stars qui suscitent leur admiration: Zorro avant-hier, Bruce Lee hier et aujourd'hui Rambo. Comment ne pas déplorer alors l'envahissement des écrans camerounais par des films où la violence, la haine et le sexe sont magnifiés? Ce sont ces films de basse moralité qui sont livrés quotidiennement à la consommation du public, faute d'une production nationale digne d'intérêt et en raison des préoccupations mercantiles des distributeurs et des exploitants. Il est regrettable de constater qu'il n'existe pas au Cameroun des mesures protectionnistes en faveur du cinéma national telles qu'en France où l'importation des films étrangers est soumise à une réglementation. Tous les ans, de 100 à 150 nouveaux films viennent accentuer irrémédiablement l'embou45

teillage du marché local. Pourtant, il n'est pas question de bousculer fondamentalement le régime actuel par des réformes en série. Même s'il est mis à profit par les tenants de cette politique pour maintenir dans l'immobilisme le rapport de forces existant. Car une révolution systématique du paysage cinématographique camerounais peut provoquer un effet de boomerang néfaste à la survie même du septième art dans le pays. Au demeurant, l'envahissement des écrans camerounais par une production de qualité artistique et morale douteuse fait subir au public la pénétration psychologique du style hollywoodien, en même temps qu'il le rend rebelle au cinéma local dans lequel il ne retrouve pas ses aspirations, un cadre d'évasion, voire un «opium» qui lui permette de lutter contre le train-train quotidien. Les œuvres camerounaises sont des films d'auteur défendant des valeurs ou des idées (PoussePousse, M una Moto, etc.), au contraire des films étrangers qui sont conçus dans un souci de rentabilité, donc d'action, de communication, d'efficacité et de style «lisible ». On ne peut donc pas s'étonner qu'elles ne rencontrent pas l'adhésion du public. Dès lors, le cinéma camerounais se trouve privé de son public naturel et, conséquemment, de recettes qui eurent permis au « cinéma de financer le cinéma ». On comprend donc pourquoi les cinéastes tournent sans matériel, sans techniciens dignes de ce nom, en faisant du «mégotage ». Pourtant, plus d'un million de cinéphiles, essentiellement composé de jeunes de 15 à 30 ans (60 à 70 % de la population cinéphile), vont tous les ans au cinéma. Il est intéressant de noter ici que l'analphabétisme qui frappe un Camerounais sur deux n'est pas un frein à la fréquentation des salles obscures. Dans les films d'action et de mouvement (western, karaté...), qui constituent le genre le plus plébiscité par le grand public, les situations sont parfaitement bien définies et l'image raconte suffisamment pour que le concours du verbe soit spécialement nécessaire à leur compréhension. En fait, le facteur qui limite la fréquentation des salles est plutôt d'ordre économique. En effet, le revenu journalier moyen d'un Camerounais est de l'ordre de 17 FF. Or, le prix d'entrée des salles de cinéma varie entre 2 FF et 40 FF27.Il faut aussi compter avec le football qui occupe une place importante 46

dans le budget des Camerounais et qui se partage le même public avec le cinéma. Alors, que faire pour que le cinéma camerounais se fasse une audience dans cette conjoncture difficile de fréquentation? Comme nous l'avons déjà souligné plus haut, en dehors des considérations structurelles, le cinéaste camerounais doit tenir compte de l'attente du pùblic. Ceci implique l'utilisation des formes particulières de récit qui s'enracinent dans les traditions locales de spectacle et de représentation et qui permettent aux cinéphiles de retrouver non seulement des thèmes familiers mais aussi des styles, des façons de raconter. Cela ne veut pas dire que le cinéaste doive s'enfermer dans une espèce de ghetto artistique au nom d'un sacro-saint «cinéma à la camerounaise ». Loin s'en faut. Le cinéma reste un art universel qui nécessite cependant des éléments de culture locale propres à chaque civilisation. Autrement dit, le film camerounais doit toucher une sensibilité internationale afin de s'ouvrir de nouveaux horizons. Ici, se pose dans toute sa plénitude le problème de la formation des cinéastes. On ne peut que déplorer l'absence totale de structures de formation dans le pays. Nnomo Zanga Blaise, technicien de cinéma, a constaté au cours de la table ronde déjà citée qu'on «a créé des écoles parce qu'on avait besoin d'administrateurs, de médecins, d'assureurs, de diplomates, de journalistes, etc. Mais rien n'a été fait dans ce sens pour nos cinéastes dont la plupart sont des autodidactes ». En effet, sur la vingtaine de cinéastes que compte le Cameroun, un a été formé à l'IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) et une dizaine dans diverses universités et grandes écoles de cinéma européennes. Le reste s'est formé sur le tas. Certes, pour faire du cinéma, il ne faut pas nécessairement avoir suivi une formation spécifique. L'histoire du cinéma mondial foisonne de grands cinéastes qui n'ont jamais fréquenté une école de cinéma. C'est le cas de Godard, Resnais et Truffaut. Mais ce sont là des cas «pathologiques» liés à un contexte socio-culturel que l'on ne retrouve malheureusement pas au Cameroun. C'est dire combien il est essentiel pour les cinéastes camerounais d'avoir un minimum de formation technique qui leur permette de mieux maîtriser le langage cinématographique. C'est aussi l'occasion pour nous d'évoquer ici le problème de la formation des acteurs. Car, même avec de bons 47

techniciens, on ne peut pas faire de bons films si on n'a pas de bons comédiens. Malheureusement, très peu ont suivi des cours d'art dramatique. Or, les jeux de scène ne s'improvisent pas. Même si le Camerounais est de nature bon comédien. Des exemples de films ou les acteurs jouent faux montrent combien il est nécessaire pour eux de posséder les rudiments du métier. Et cela ne peut s'acquérir que dans une école d'art dramatique. La première difficulté à laquelle les comédiens camerounais sont confrontés est la diction. Et pour acquérir une bonne diction, ils doivent d'abord être en parfaite possession de la langue dans laquelle ils s'expriment. Malheureusement, une forte proportion parmi eux n'a pas dans cette langue d'emprunt la culture qui aurait facilité la « pénétration» des personnages à travers les textes qu'ils sont appelés à mettre en valeur. Ils n'ont pas reçu la formation académique et professionnelle qui leur permette d'aborder le métier de comédien avec une certaine ouverture d'esprit. Bekate Meyong, Gérard Essomba, Baaron, Lydia Ewandé, Daniel Kamwa, Joseph Momo et Maka Kotto qui sont, à notre avis, les meilleurs comédiens camerounais, ont reçu une solide formation en art dramatique. Le Cameroun peut-il suivre l'exemple de certains pays africains qui tournent en langues nationales? Sans pour autant relancer le vieux débat qui oppose les tenants et les aboutissants de l'utilisation des langues africaines dans les films, force est cependant de constater qu'au Cameroun une telle expérience se solderait fatalement par un échec en raison de la diversité des langues nationales - une centaine - qui atomisent le marché. Rappelons qu'au Sénégal, où plusieurs films ont été tournés en wolof (Sindiely, Mandabi, Taw, Karim, etc.), plus de 80 % de la population parle cette langue. De plus, le wolof est pratiqué en Gambie, presque dans les mêmes proportions. Malheureusement, ce marché compte à peine 8 000 000 de cinéphiles potentiels. Au Cameroun, seul le pidgin (mélange d'anglais et de langues vernaculaires) rassemble un grand nombre de locuteurs. Mais cette langue est littérairement pauvre et peu adaptée à la communication audio-visuelle. Il ne reste plus que le français et l'anglais (langues officielles) dont l'utilisation n'est pas généralisée en raison du taux relativement élevé d'illettrés. Daniel Kamwa reconnaît qu'il pourrait faire parler ses acteurs en bamiléké, « mais il n'y a que 20 % de gens qui parlent cette 48

langue au Cameroun ». Encore que le bamiléké ne soit pas une langue mais le nom d'une tribu qui occupe l'ouest du Cameroun et qui ne compte pas moins de vingt dialectes. De plus, les films tournés en langues nationales ne peuvent pas espérer faire une carrière internationale à cause des problèmes linguistiques. Et si on sous-titrait ces films? Daniel Kamwa répond: «Le recours au sous-titrage n'est pas une solution viable dans l'Afrique actuelle à cause de l'analphabétisme ». Dikongué-Pipa souligne, quant à lui, que «ce procédé rendrait la compréhension des films encore plus difficile ». Sur le plan financier, le sous-titrage gonflerait le coût des films sans aucune assurance d'amortissement. Notons en passant que le régionalisme qui hante encore l'esprit des Camerounais fait que souvent les spectateurs ne se sentent pas concernés par un film tourné par un réalisateur qui n'est pas originaire de leur province. On a remarqué ce phénomène lors de la sortie simultanée de Pousse-Pousse et Muna Moto. Phénomène qui est aussi très perceptible dans le domaine de la musique de variétés. Peut-on tenter de trouver une explication à cette situation par le fait que souvent les réalisateurs ne font aucun effort intellectuel pour «dérégionaliser» leurs sujets? Enfin, il est regrettable de constater qu'il n'existe pas de division du travail dans le cinéma camerounais. Souvent, le réalisateur est en même temps producteur, scénariste, dialoguiste, chef opérateur, acteur, distributeur et exploitant. Daniel Kamwa et Dikongué- Pipa jouent tous ces rôles respectivement dans Pousse-Pousse et Muna Moto. Si sur le plan économique ce système permet de réduire le coût de la production par une accumulation de postes, il comporte cependant un inconvénient: la dispersion physique et morale du réalisateur. Ce qui ne peut aboutir qu'à des insuffisances techniques. Il est souhaitable que les Camerounais s'intéressent par exemple aux métiers de scénariste et de dialoguiste. Les écrivains, journalistes, avocats, médecins, enseignants, etc. sont intellectuellement bien armés pour remplir ces fonctions. Ce qui permettrait de relever le niveau des textes qui, souvent, sont faibles et manquent de cohérence narrative. Maintenant que nous avons débarrassé le cinéma camerounais de ses complexes techniques, la question que nous sommes 49

en droit de nous poser est celle de savoir quels sujets doit traiter le cinéaste camerounais. Il est hors de propos qu'il aborde des thèmes qui n'ont aucun rapport avec la culture locale. Car il ne saurait ignorer les brûlants problèmes qui se posent à la société camerounaise et qui ont noms chômage, exode rural, dot, conflits de génération, sans pour autant verser dans l'ethnologie, le documentaire ou le reportage. Il devrait également mettre un accent sur les fresques historiques. Les œuvres de Charles Atangana Ntsama, de Martin Samba, du sultan Njoya et du roi Manga Bell, personnages historiques exceptionnels, peuvent inspirer les cinéastes. Les Camerounais seront d'autant plus sensibles à de tels films que les thèmes traités sont plus vivants que jamais dans le cœur des populations tant sont restées vivaces les traditions historiques et orales. Soulignons ici que l'histoire passée et présente de certains pays a fourni de beaux sujets de films comme Fort Saganne (Alain Corneau, 1984) qui raconte l'histoire d'un colon paysan de son état -lancé dans la grande aventUre coloniale du Sahara au début du siècle. On peut aussi citer, entre autres, Le jour le plus long (Danyl Zaluck, 1962), un film sur la Seconde Guerre mondiale; Amok (Souhayl Ben Barka, 1984), véritable réquisitoire contre l'apartheid; Cry Freedom (ala Balogun, 1981), illustration de la lutte de libération en Afrique. Non moins important est le volet des faits divers. On le sait, certains films occidentaux sont tirés d'événements ayant réellement eu lieu: Le juge Michel (Lefèvre, 1984) du nom de ce juge qui fut assassiné en octobre 1981 par le milieu marseillais de la pègre; Mourir d'aimer (André Cayatte, 1971), une histoire d'amour impossible vécue en Belgique par un élève mineur et son professeur, Train d'enfer (Roger Hanin, 1984), tiré d'un fait divers qui eut lieu en novembre 1983 : un train, un Nord-Africain venu passer ses vacances en France et trois Français, nouvelles recrues de la Légion étrangère. Ces derniers se défoulent sur le Maghrébin en le défenestrant après l'avoir molesté, alors que le train roulait à plus de 100 km/ho Pourquoi les cinéastes camerounais ne pourraient-ils pas s'inspirer des événements qui ont ébranlé l'opinion publique, tels que les affaires Kouam, Dikoum et la tuerie de Bonabéri au cours de laquelle la famille M'Pondo fut décimée par des tueurs à gages? 50

Il ne s'agit pas, à travers ce genre, d'exalter un régionalisme rétrograde et du reste dangereux pour l'unité nationale ou de formuler des contre-vérités sur ces événements ce travail n'appartient pas aux cinéastes - mais, par un mélange d'alchimie et de réalité, d'offrir au public des éléments de réflexion sur notre société d'aujourd'hui. C'est en abordant de tels sujets que le cinéma camerounais peut inspirer le sentiment d'une solidarité historique et culturelle, et pousser les cinéphiles à sortir de leur réserve afin de constituer un public qui permette à ce cinéma d'assurer la continuité de la production. Pour ce faire, le cinéaste doit jouer avec l'émotion des spectateurs en montrant des images qui suscitent «l'indignation, la condamnation, la révolte à l'égard de telle ou telle conduite, la sympathie, l'admiration, l'adhésion face à telle ou telle pratique ». Comme le soulignent Bidal Fall et Jacques

-

Polet 28 «rien ne doit manquer: frénésie, passion, douceur,

fatalité, mystère, fantaisie, suspens, tragique, divertissement du

cœur et de l'esprit.

»

Ce n'est que de cette manière qu'on peut

pousser le public à sortir de sa réserve. L'expérience a prouvé que les cinémas les plus dynamiques et les plus vivants sont ceux qui disposent d'un marché national capable de garantir leur développement. Une vérité qui semble irréfutable quand on sait que le coût d'un film s'amortit d'abord sur son territoire.

51

VI - Pour un renouveau du cinéma camerounais

Il ne

fait aucun

doute

que le film s'insère

de plus en plus

dans l'univers des Camerounais, par la place qu'il occupe dans leurs loisirs. C'est dire que le cinéma a un rôle à jouer dans le processus de développement économique et social du pays, parce qu'il est un moyen d'éducation, d'information et de prise de conscience. Pour ces raisons, le gouvernement doit s'occuper de cette branche autrement qu'il ne le fait actuellement. En effet, en l'état actuel de son organisation, les bénéfices que rapporte le cinéma ne profitent qu'à une minorité, satellite des intérêts extranationaux. Car les recettes servent à financer, au travers de la« part film» (distribution et production) qui représente 30 % des recettes-guichets, les cinémas étrangers. C'est pourquoi il importe de protéger la production nationale contre la concurrence étrangère, en instaurant un système de quota qui obligerait les exploitants à passer des films nationaux dans une proportion définie, selon la masse des films distribués. Ceci implique une réorganisation de l'industrie cinématographique, réorganisation qui devrait se manifester par une réelle volonté de créer des structures adaptées à l'expression d'un cinéma authentiquement camerounais. Cette organisation pourrait reposer sur un organisme pour tout ce qui touche à l'industrie cinématographique, à la diffusion et à l'exploitation des films: un Office national du cinéma (ONC), par exemple. L'organisation de cet office devrait s'inspirer de celle du Centre national de la cinématographie française qui a donné satisfaction à l'ensemble de la profession, malgré quelques imperfections liées à la complexité même du mécanisme de la production, et qui a contribué à sauver le cinéma français de la crise qui frappe le cinéma européen depuis une dizaine d'années

29. 53

L'ONC aurait des fonctions d'animation, coordination:

de contrôle et de

a) Animation: Dans ce cadre, l'ONC étudierait préalablement les textes législatifs et réglementaires se rapportant au cinéma et en assurerait l'application. b) Contrôle: Il s'agit ici d'assainir le secteur en réglementant la profession de cinéastes et les métiers périphériques. Ce n'est pas parce qu'on a tourné un film qu'on devient du jour au lendemain réalisateur. Comme le dit si bien Dikongué-Pipa, «il y a des normes qui font que quelqu'un connaît son métier, vit de ce métier et dans la structure professionnelle, il est classé dans telle ou telle catégorie. » Or, cette hiérarchisation de la profession n'existe pas dans le cinéma camerounais. Il y a donc lieu de mettre fin à ce désordre qui fait beaucoup de tort au cinéma camerounais. Rappelons qu'en France pour être réalisateur, cameraman, ingénieur du son ou scripte il faut avoir été premier assistant sur trois longs métrages. Le premier assistant, quant à lui, doit avoir été deuxième assistant sur trois longs métrages. Ce système permet, on s'en doute, d'éliminer les arrivistes tout en compartimentant la profession. L'ONC devrait également veiller sur la remontée des recettes et leurs répartitions aux ayants droit. Dans le cadre d'une commission de la programmation, l'ONC aurait pour tâche de veiller entre autres au maintien de l'équilibre entre les films nationaux et étrangers afin que soient évitées les situations de position dominante et de fonctionnement anormal du marché. c) Coordination: En la matière, il aurait entre autres mISSIons: - de créer, puis d'animer un festival national du cinéma; - de gérer la participation des cinéastes camerounais aux manifestations cinématographiques internationales; - de mettre sur pied une cinémathèque ayant pour mission de rassembler, restaurer et conserver les films. Musée du cinéma, elle serait aussi un lieu de contacts, de rencontres et de formation au travers des activités comme le ciné-club, les conférences, etc. Car, rappelons-le, la cinémathèque reste une indispensable école de cinéma; - d'organiser personnels. 54

la formation

technique et professionnelle

des

Certaines de ces fonctions sont aujourd'hui dévolues au FODIC qui, faute de moyens, ne peut les assumer pleinement. A propos de manifestations internationales, signalons ici que c'est à cause d'un manque de coordination entre les différentes structures du cinéma que Notre fille de Daniel Kamwa, pourtant retenu par la très sérieuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences, organisme américain chargé de sélectionner les films pour l'attribution des Oscars, n'a pas pu prendre part en 1981 à cette compétition à laquelle rêvent tous les cinéastes du monde et dont la seule participation constitue déjà en soi une consécration. En effet, alors que le ministre de l'Information et de la Culture de l'époque avait donné son accord pour que le film nominé représente le

Cameroun à cette suprême compétition, et promis

«

de prendre

les dispositions qui s'imposent» 30,le FODIC, en réponse à une demande d'aide introduite par le réalisateur pour le tirage d'une copie en version anglaise sous-titrée dont le montant des travaux était évalué à 14 152,75 FF (707 637,5 F CFA), fera savoir à celui-ci « qu'une suite favorable n'a pas pu être réservée à votre demande d'aide» 31. Et c'est de cette manière que le Cameroun a perdu l'une des rares occasions de s'attaquer au marché américain du film - le plus important du monde - et de vendre son image. A ce jour, seul le film africain La victoire en chantant de J ean-J acques Annaud - encore que ce soit une coproduction franco-ivoirienne - a participé à cette compétition. Il ne fait aucun doute qu'il lui doit sa grande carrière commerciale. Car le film, d'abord sorti sous le titre Noir et Blanc en couleur était passé presque inaperçu. Il a donc fallu ce petit détour aux Etats-Unis pour qu'il se valorise et connaisse un certain succès. On ne peut que regretter cette attitude, à la limite négative, de certaines autorités cinématographiques qui, en cherchant à pénaliser un cinéaste pour des raisons plus ou moins fondées, causent un grand tort au cinéma camerounais qui a grand besoin de se faire connaître hors de ses frontières. C'est ici l'occasion pour nous de louer l'initiative de la revue italienne Nigrizia qui a organisé du 17 au 22 novembre 1986, à Verone et Milan (Italie), une semaine du cinéma camerounais. Cette semaine aura permis au public italien de découvrir le jeune cinéma camerounais, ainsi que quelques cinéastes physiquement présents en Italie: Daniel Kamwa, Dikongué-Pipa, Jean-Claude Tchuilen, Jules Takam et J ean55

Marie Téno. De plus, la participation du Cameroun en 1987 au Festival international de Cannes, vitrine du cinéma mondial, est un point positif à mettre à l'actif du gouvernement. A notre avis, de telles initiatives dqivent être encouragées par les autorités cinématographiques, car elles peuvent contribuer à désenclaver le cinéma camerounais. D'une manière générale, il faut chercher les causes du demi-échec ou du demi-succès du Fomc non pas dans l'esprit qui a présidé à sa création en 1973 - il était somme toute louable - mais dans ce qu'on a voulu en faire. Aujourd'hui encore, on se demande si le Fomc est une banque de financement de l'industrie cinématographique ou un organisme chargé de promouvoir, au travers d'activités diversifiées, le développement du cinéma camerounais. En posant le problème sous cet angle, on se rend compte des faiblesses de cet organisme dont l'intervention se limite seulement au secteur bancaire. Encore que même à ce niveau, le Fomc n'ait pas les moyens financiers adéquats pour faire face à ses besoins. Le gouvernement aurait dû s'inspirer du système français de financement des films pour mettre sur pied un organisme plus opérationnel, à l'exemple de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Cet organisme a pour bUt non pas de prêter de l'argent aux cinéastes, mais d'apporter sa garantie aux établissements bancaires de plus en plus réticents à financer les projets cinématographiques. Les fonds de l'IFCIC destinés à garantir les prêts sont prélevés sur le Fonds de soutien qui est alimenté en grande partie par une taxe acquittée par le spectateur. Le système de remboursement des dettes est tel qu'il est difficile de mettre en doute la moralité du producteur. En effet, lors de l'inscription du projet du film au registre public de la cinématographie, celui-ci donne des délégations de recettes à ses bailleurs de fonds. Les créanciers inscrivent leurs délégations sur un registre afin de les rendre opposables aux tiers. Il est à remarquer que le producteur ne peut percevoir d'argent avant que ne soient désintéressés tous les créanciers. Si le film est un échec commercial, alors seulement les divers délégataires peuvent se retourner contre le producteur pour tenter de récupérer leur mise. Dans le système camerounais, le réalisateur-producteur doit faire face tout seul aux problèmes inhérents à l'exploitation 56

de son film. Une responsabilité d'autant plus difficile à assumer que le marché local est quasi inaccessible aux nationaux. Alors, d'où devrait venir l'argent pour payer ses' traites bancaires, sinon des recettes de films? Voilà l'aberration du système: le FaDIC et le ministère de l'Information et de la Culture prêtent de l'argent ou avalisent des prêts sans s'assurer des possibilités de remboursement, ne serait-ce qu'en garantissant la sortie en salles des films pour lesquels ils sont financièrement impliqués. Rappelons pour l'anecdote que les responsables du FaDIC sont intervenus en 1982 pour imposer aux exploitants camerounais le film La caravane dont ils avaient acquis les droits de distribution à la sacaFILMS. On ne peut que s'étonner que jusqu'ici ils n'aient pas usé de la même autorité pour favoriser l'exploitation des films camerounais sur le marché national. Au demeurant, en intentant un procès contre les cinéastes créanciers, le gouvernement, qui s'est constitué partie civile dans cette affaire, fait aussi le procès du système de financement qu'il a lui-même mis en place à travers les structures du FaDIC et qui a malheureusement révélé la stérilité d'un interventionnisme inadapté. A côté de ces mesures d'ordre structurel, il est également impérieux de prendre des mesures économiques à caractère incitatif. A leur nombre, l'aide à la création cinématographique (soutien automatique, avances sur recettes, à-valoir distributeurs, aide à la diffusion, instauration de crédits bancaires à faibles taux d'intérêts, etc.) et la détaxation des films camerounais comme cela se fait déjà en Côte d'Ivoire, afin d'encourager les exploitants à programmer camerounais. A ce train de mesures, il faut aussi ajouter l'exonération fiscale du matériel de tournage et de projection. Il ne fait aucun doute que la production cinématographique nationale ne peut exister sans l'exploitation en salles qui assure l'essentiel de ses recettes. Or, la difficulté majeure à laquelle se trouve confronté le cinéma camerounais est sa non-accessibilité aux écrans en raison de la forte pénétration des films étrangers. Face à cette « ségrégation », il est vital pour les cinéastes que le marché du film soit réorganisé dans le sens de la modification des structures de distribution et de conception culturelle de la programmation. D'où la nécessité d'adopter une politique protectionniste, à l'exemple des grands pays européens du cinéma et comme cela a déjà été fait dans d'autres secteurs industriels comme le textile. En France, une variété de 57

contraintes a été mise sur pied pour affaiblir l'importation des films étrangers. Résultat: près de la moitié des films programmés aussi bien en salles qu'à la TV sont d'origine hexagonale. Il va de soi qu'un assainissement de la politique cinématographique favoriserait, à coup sûr, l'intensification de la production nationale afin que les salles soient alimentées. Ce qui permettrait au Cameroun de ne plus être un consommateur passif, ingurgitant quasiment tout ce qui lui est proposé. Pourtant, la seule considération de rentabilité commerciale, qui implique une utilisation des artifices hollywoodiens (héros, sexe, violence, etc.) correspondant à des données socioéconomiques typiquement occidentales, ne saurait être une norme de référence pour le cinéaste camerounais. Il devrait surtout tenir compte des besoins et des aspirations populaires et non uniquement de ceux des groupes d'intérêts particuliers. C'est pourquoi, aussi bien dans la production nationale qu'étrangère, les films doivent aider à la promotion sociale des masses, à leur formation culturelle et artistique, tout en étant de saines distractions. Il est évident qu'on ne peut concevoir au Cameroun l'organisation du cinéma uniquement dans les limites du territoire. Pour une marchandise comme le cinéma qui appelle beaucoup de moyens pour se réaliser et demande un vaste marché pour s'amortir, les possibilités que lui offre le marché local sont dérisoires. Il apparaît nécessaire pour le Cameroun de signer des accords de coproduction et d'échange avec les pays amis. Ces accords internationaux permettraient de supprimer les entraves à l'importation des films du pays cosignataire et faciliteraient, par conséquent, le développement des échanges cinématographiques aussi bien au niveau des comédiens que des techniciens. Sur le plan du montage financier des films, de tels accords allègeraient les charges budgétaires avec l'apport extérieur de capitaux en même temps qu'ils renforceraient le cinéma national. Enfin, cette coproduction favoriserait une ouverture sur le monde et une pénétration des marchés étrangers par la dimension économique et culturelle qu'ils permettent de donner à un projet. Il est important de citer ici l'exemple du Sénégal qui a établi des relations cinématographiques avec plusieurs pays africains dans le cadre des activités de la Société nationale de promotion du cinéma (SNPC), des pays tels que l'Algérie et la Tunisie qui 58

disposent d'un potentiel technique et humain appréciable. La France, quant à elle, a fait de la coproduction l'une des pierres angulaires de sa politique cinématographique. C'est dans cette optique qu'elle a conclu des accords de coopération cinématographique avec des pays comme la Suisse (22 juin 1977), le Canada (11 juillet 1984 et 10 janvier 1985), l'Allemagne (5 décembre 1984), etc. Le Cameroun devrait donc s'inspirer de ces expériences pour élaborer une politique de coopération en matière de cinéma, afin que soient élargies les possibilités de financements et de marchés de la production nationale. Un premier pas vient d'être fait dans ce domaine avec le film Pourquoi les Blancs font la polygamie (Pierre Gottraux, 1986), coproduit par une société camerounaise à capitaux privés dirigée par le chanteur Charles Lembé, reconverti dans les affaires, et des partenaires suisses. On ne peut nier l'effort consenti par les pouvoirs publics pour promouvoir le cinéma. La création du FODIC témoigne, s'il en était besoin, de cette volonté. Malheureusement, cet organisme, compte tenu de la faiblesse de ses structures, ne peut jouer pleinement son rôle de banque de financement de l'industrie cinématographique. Car il existe une inadéquation flagrante entre ses moyens et les objectifs à atteindre. C'est pourquoi il importe de doter cet organisme, qui serait à créer s'il n'existait pas, à défaut de l'intégrer dans un ensemble mieux adapté aux besoins du cinéma camerounais, de moyens matériels, financiers et humains plus importants afin qu'il soit réellement opérationnel dans la perspective du soutien d'une vraie politique cinématographique. Il est aussi indispensable que les pouvoirs publics prennent en compte l'avis des cinéastes au moment de l'élaboration de la politique du cinéma dans le cadre des différents plans de développement. A cet égard, l'exemple du Sénégal où les cinéastes sont régulièrement consultés - on les retrouve dans tous les organismes dirigeants du cinéma devrait inspirer les autorités cinématographiques. Cependant, une telle mesure ne va pas sans poser quelques problèmes. Et au ministère de l'Information et de la Culture où un réel effort a été fait pour associer les cinéastes aux décisions relatives à la cinématographie, on accuse certains d'entre eux de torpiller les projets de leurs confrères. L'un des moyens qui peuvent permettre aux cinéastes camerounais de faire entendre leur voix est de se constituer en

-

59

syndicat 32. Mais il reste qu'ils ne doivent pas confondre la défense et l'illustration du cinéma camerounais avec la recherche effrénée des intérêts personnels. Signalons en passant la tentative de création en novembre 1985 à Paris d'une

coopérative du film camerounais

33

sous la houlette d'Arthur Si

Bita, Jules Takam et Roger Byle. Cette initiative était d'autant plus louable qu'elle traduisait la préoccupation des cinéastes face à la conjoncture particulièrement difficile que traverse en ce moment le cinéma camerounais. Malheureusement, le projet a tourné court, parce que mal conçu. En effet, comment peut-on mettre sur pied une coopérative sans possibilité de marchés, d'autant plus que la quasi-totalité des salles de cinéma sont sous contrat de distribution avec la SOCICA et la COMACICO? Ce n'est pas en créant une telle structure qu'on peut arriver à casser le monopole de distribution et conquérir le marché. Ici, plus qu'ailleurs, seule une volonté politique qui se traduirait par une réorganisation de ce marché peut aider les films camerounais à avoir accès aux écrans. Dans cette optique, il importe que les pouvoirs publics soient sensibilisés aux problèmes cinématographiques. Ils doivent comprendre que le cinéma n'est pas un luxe mais un instrument de culture pouvant être mis au service du développement. Parallèlement, l'opinion publique doit être mobilisée sur la nécessité de sortir le cinéma camerounais du ghetto. Il ne s'agit pas d'aller en croisade contre le système cinématographique camerounais qui, à notre avis, a des éléments positifs, ou de chercher une confrontation avec les sociétés locales de distribution, mais de faire des propositions objectives qui pourraient aboutir à un modus vivendi entre distributeurs et cinéastes sans qu'on ait à procéder à une nationalisation du secteur. Avec la démocratisation des postes téléviseurs dans les prochaines années qui entraînera, à coup sûr, celle des magnétoscopes, on va certainement assister à une prolifération de cassettes pirates dans les filmothèques familiales. Ce qui risque de freiner l'exploitation en salles. Il est donc de l'intérêt du cinéma camerounais que ce marché soit réglementé et que des mesures appropriées soient prises pour contrôler l'importation des cassettes (films et émissions TV). Il y a lieu de souhaiter que la télévision camerounaise qui a démarré le 23 décembre 1985 tienne une place importante dans le plan de financement des films avec les possibilités de préventes du droit d'antenne, d'apport en coproduction ou en 60

coparticipation, voire même de production, et serve à susciter l'intérêt des Camerounais pour les films nationaux. D'après une étude réalisée par J ean- Victor Nkolo, spécialiste en communication audio-visuelle, on sait désormais que 30 mn de programme de télévision coûtent en moyenne 60 000 FF (3 000 000 F CFA)34. C'est là une échelle de valeur à laquelle devront se référer les autorités télévisuelles pour calculer les droits de diffusion des films camerounais dont le coût devrait se situer entre 20 et 30 % de leurs budgets ou se rapprocher du coût moyen de production d'une dramatique TV35.Ne l'oublions pas, la carrière commerciale d'un film est pratiquement stoppée après son passage à la télévision à cause de la grande audience de celle-ci. Un exemple: pour l'année 1980, la télévision française a rassemblé 4 milliards de téléspectateurs de films contre 170 millions de spectateurs seulement en salles. Malheureusement, les téléspectateurs ne

paient que 3 à 4 centimes, dans le cadre de la redevance

TV,

le

droit de regarder un film sur le petit écran. Avec le niveau de vie qui ne cesse de croître, il est évident que dans une dizaine d'années, une famille sur cent sera dotée au Cameroun d'un poste de télévision. Et la solidarité communautaire jouant, c'est plus de la moitié de la population qui y aura accès. Mais aussi salvateur que paraisse l'avènement de la télévision pour le cinéma camerounais, il est impérieux que la diffusion des films fasse l'objet d'une réglementation particulière (cahier des charges), afin d'éviter l'exploitation anarchique du cinéma qui pourrait conduire à terme à la baisse de fréquentation des salles obscures. L'exemple italien où la télévision a tué le cinéma commande aux autorités camerounaises une approche prudente mais réaliste des rapports cinéma/télévision. On le sait, la prolifération des films à la télévision italienne (plus de 300 par jour sur l'ensemble des 200 chaînes publiques et privées) a provoqué sur la seule période comprise entre 1977 et 1980 une baisse notoire de fréquentation de l'ordre de 60 % et une diminution du parc des salles de 30 % (10 587 salles en 1977 contre 8 453 en 1980). Ce qui, fatalement, a entraîné une chute sensible de sa production à cause de la dérégulation qui a accompagné l'explosion de la télévision privée. Forte de l'expérience italienne, la France a astreint sa télévision à un cahier des charges. C'est ainsi que, par exemple, les films ne peuvent être diffusés que 3 ans après leur sortie en 61

salles. Cette durée est ramenée à 2 ans en cas de coproduction. De plus, les films sont diffusés en dehors des jours et des heures

les plus favorables à la fréquentation en salles 36. Enfin, les chaînes versent 121 800 FF (chiffre de 1984) au Fonds de soutien par film diffusé. Cette politique a permis à la France de maintenir sa fréquentation à un niveau stable et respectable depuis 1970 (170 à 180 millions d'entrées par an) tout en insufflant un ballon d'oxygène au secteur de la production. Au nombre des dangers qui guettent le cinéma camerounais avec le démarrage de la télévision, signalons également la production outrancière des téléfilms. Les autorités télévisuelles doivent éviter de tomber dans le piège qui consisterait à préférer les téléfilms aux films de salles à cause des facilités

techniques et économiques qu'ils offrent 37. A notre avis, un téléfilm, quelle que soit sa qualité, ne vaut pas un film du point de vue de l'art cinématographique.

62

Conclusion

Nous voici arrivé à la fin de cette brève étude sur la faiblesse du cinéma camerounais. Nous nous sommes efforcés de poser la problématique de ce cinéma dans son contexte global. Notre démarche nous a conduit à cette conclusion: seul l'Etat détient les solutions pour sortir le cinéma camerounais de son marasme artistique et financier. Car il faut non seulement réunir autour des productions tous les arguments d'action, de technique et de financement, mais aussi édicter des lois qui le protègent contre la colonisation des cinémas étrangers qui développent par ailleurs des habitudes mentales totalement à contre-courant de ce qu'il serait souhaitable de forger pour un pays en voie de développement comme le Cameroun. De toute évidence, le cinéma camerounais ressemble aujourd'hui, comme l'affirme Bassek Ba Khobio, « à un art en mal de naissance, à une femme enceinte depuis deux décennies qui n'arrive pas à mettre au monde ». Il existe, certes, des films camerounais. Mais le cinéma national est à naître au sens où il doit inventer ses traditions artistiques et ses structures économiques. Si l'on dissèque les plans de financement des œuvres produites jusqu'ici, on constate avec amertume que la réalisation d'un film reste toujours une aventure économique originale, en raison de l'absence de partenaires financiers. La réalité de cette branche est celle d'une pratique artisanale. Sans structures industrielles, sans financement stable, sans laboratoire, sans studio, sans école de cinéma, le cinéma camerounais ne suscite ni l'enthousiasme d'intellectuels, ni les vocations professionnelles diverses (producteurs, scénaristes, dialoguistes, réalisateurs, scriptes, cameramen, décorateurs, costumiers, maquilleuses, etc.) qui lui sont nécessaires. Nous évoquons ces pesanteurs au décollage du cinéma camerounais non pas pour justifier le sentiment d'insatisfaction 63

que nous laisse la production nationale et dédouaner les cinéastes, mais pour montrer le climat kafkaïen dans lequel les projets cheminent avant qu'un certain nombre d'entre eux ne voient le jour. Si la faiblesse du cinéma camerounais est à imputer à son insuffisance organique, il reste que les films camerounais sont de qualité technique et esthétique nettement en dessous de la moyenne. Certes, le Cameroun n'a ni passé ni tradition spécifique en matière de cinématographie. Mais ceci n'explique pas la platitude et la médiocrité de la majorité des œuvres nationales. La seule volonté de faire un film ne suffit pas pour traduire « correctement» en images une idée. Le cinéma, moyen de communication par excellence, a ses techniques, ses règles déontologiques qu'il convient de maîtriser. Des apprentis sorciers s'y sont risqués. Ils ont fait des films qui ne seront jamais à l'affiche d'une salle de cinéma. A cause de leur médiocrité. Ce faisant, ils ont rendu un très mauvais service au cinéma camerounais, en donnant à l'extérieur une mauvaise image de ce cinéma. Enfin, certains d'entre eux ont bénéficié d'aides qu'auraient mieux utilisées les cinéastes. Des vrais, ceux-là. Le Cameroun en compte quelques-uns. Heureusement. Voilà brièvement survolés les différents problèmes auxquels se trouve aujourd'hui confronté le cinéma camerounais dont le décollage dépend de la capacité des pouvoirs publics à les résoudre, notamment en élaborant des stratégies de production et de distribution des films camerounais. Nous espérons que le vent du renouveau qui souffle depuis 1983 sur tous les secteurs de la vie économique et sociale du pays passera par celui du cinéma. Aux cinéastes, nous formons le vœu qu'ils prennent en mains leurs responsabilités, afin de recréer autour d'eux un climat de confiance, condition sine qua non pour tout investissement de capitaux dans un secteur économique. Et le cinéma en est un. D'autant qu'il peut contribuer au développement économique et industriel du pays en générant des bénéfices et en stimulant d'autres secteurs économiques. A la lumière de cette analyse, il est évident que si rien n'est fait dans les prochaines années en faveur de la réhabilitation du cinéma camerounais, celui-ci ne survivra pas à l'infantilisme et aux intérêts divergents de ses «acteurs ». 64

A l'analyse, la pauvreté de la production nationale n'est pas liée à une carence de talent où à une absence de structures hôtelières. Mais à une inadéquation entre l'organisation du secteur et les résultats qu'on est en droit d'en attendre. Malheureusement, cette organisation, du reste ernicieuse, n'a pas pour objectif de financer le cinéma nationa comme cela se fait dans les pays occidentaux où une véritable politique d'aide au cinéma a été mise sur pied. En d'autres termes, elle n'est pas faite pour inciter à la création. C'est pourquoi il importe, entre autres, que le gouvernement protège le marché cinématographique local contre le vent économique extérieur, en le réglementant. Ceci implique aussi un droit de regard sur le contenu des films nationaux ou étrangers en eXploitation dans le ays. Disons-le, le cinéma est d'un te enjeu culturel et politique qu'il faut éviter que cette forme de communication soit utilisée à des fins idéologiques ou pour provoquer l'abêtissement et la déculturation de la population. Ici se pose le problème de la liberté d'expression et, corollairement, de la censure. Il serait erroné de croire que le cinéaste, au nom de cette liberté d'expression, peut se permettre de tout dire et de tout montrer sur un écran. Car, «ce qu'il y a de beau au cinéma, comme l'a souligné un jour Godard en parlant des limites des cinéastes, c'est qu'on n'est pas libre». Pourtant, cet argument du réalisateur de Je vous salue, Marie (1983) ne peut pas à lui seul justifier l'intervention intempestive de «Dame Anasthasie ». Car la censure et la précensure provoquent chez le créateur une inhibition profonde, un état d'esprit à priori hostile à toute originalité, à toute audace qui, à terme, conduisent au «conformisme qui est la mort de l'art créateur, et la médiocrité ».

r

f

65

1. Campagne 1980/1981. 2. En 1984, la balance commerciale a connu un déficit de 45,9 milliards de F CFA.

3. Voir p. 16. 4. Le premier film africain (Afrique-sur-Seine) a été réalisé en 1955 par le Sénégalais Vieyra Paulin Soumanou. 5. Voir en annexe une présentation du film. 6. Le scénario de ce film a tout de même été primé en 1974 dans le cadre du concours international de scénario de long métrage organisé par l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). 6b. Voir en annexe décret portant création du Fomc. 7. Au départ, Ribo ou le soleil sauvage avait été coproduit par le Canada. Les droits canadiens ont été rachetés grâce à une subvention du Fomc. 8. Voir courbe de la production p. 21. 9. Voir en annexe l'interview du cinéaste Louis Balthazar Amadangoleda. 10. ln Cameroon Tribune, na 3102 du 17 octobre 1984. 11. Cette censure est aujourd'hui levée. Mais le film est interdit aux moins de 18 ans. 12. Lettre na 3064/MINFOc/DS/SC du Il août 1984. 13. Le film devait aborder le problème de la spéculation foncière au Cameroun. 14. Voir en annexe les fac-similés du visa d'exploitation et d'une autorisation provinciale de projeter pour un même film. Il est aussi à remarquer que, alors que le visa d'exploitation interdit le film aux moins de 18 ans, l'autorisation provinciale ne l'interdit qu'aux moins de 6 ans! 15. ln Problèmes audio-visuels, na 10, novembre-décembre 1982, Paris. 16. En France, on classe les films de long métrage (cinéma) en trois catégories: - petits budgets: moins de 8 millions de FF j -

moyens

budgets:

entre

8 et 20 millions

de FF;

- gros budgets: supérieurs à 20 millions de FF; Ajoutons que le coût moyen d'un film publicitaire est de 600 000 FF contre 1 million de FF pour le film d'entreprise. 17. Voir en annexe la critique du film. 18. Voir en annexe (filmographie des réalisateurs) les films pour lesquels le gouvernement a intenté des procès contre les réalisateurs, ainsi qu'une coupure de presse relative audit procès. 19. Voir en annexe le texte de ce communiqué. Depuis, le gouvernement a fait volte-face et un arrangement à l'amiable aurait été trouvé. 20. Société cinématographique camerounaise, ex-filiale du Consortium interafricain de distribution cinématographique (CIDC) dont le siège est à Ouagadougou. Le CIDC a été créé en janvier 1979. Il regroupait alors le Sénégal, le Mali, la Mauritanie, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Togo, le Bénin, le Cameroun, le Gabon, le Congo, le Tchad et la Centrafrique. Aujourd'hui, le CIDC, empêtré dans des difficultés financières, s'achemine doucement mais sûrement vers la mort. 21. Compagnie africaine cinématographique et commerciale. A l'origine, cette société qui était française s'appelait Compagnie marocaine du cinéma 66

commercial (COMACICO),car c'est au Maroc qu'elle a pris son envol. Après sa percée en 1926 en Afrique, au sud du Sahara, elle a changé de raison sociale pour justifier sa vocation continentale. Mais dans les années 70, elle perdra le monopole de la distribution et de l'exploitation en Afrique. Au Cameroun, Kadji a racheté ses salles ainsi que son portefeuille-films. 22. Cette situation n'est pas spécifique au Cameroun. En 1979, par exemple, le cinéaste ivoirien Henri Duparc a totalisé une recette de 8 000 FF en 4 jours (8 séances) alors que le distributeur lui proposait 280 FF par semame. , . 23. Evaluation de 1982. Indice de fréquentation = frequentatiOn. population 24. Les 10 villes les plus peuplées sont: Douala (763 000 hab.); Yaoundé (522 000 hab.), Nkongsamba (101 000 hab.); Maroua (96 000 hab.); Bafoussam (86 000 hab.); Bamenda (69000 hab.); Kumba (64000 hab.); Ngaoundéré (58 000 hab.) et Foumban (48 000 hab.). Statistiques de 1984. 25. Voir en annexe deux programmes de salles publiés dans Cameroon Tribune qui font ressortir la tendance d'une domination des films étrangers. 26. Voir tableau p. 42. 27. En France, le prix moyen d'une place était de 22,07 FF en 1983 pour un revenu journalier moyen de 230,85 FF, calculé à la base du PNB par habitant (83 108 FF en 1985). Source: INSEE. 28. ln Caméra Nigra.. Le discours du film africain, Editions OCIC/ L'Harmattan, Paris. 29. Voir en annexe un tableau sur le profil statistique de quelques cinémas nationaux. 30. Voir lettre n° 1420/MINFOC/DC du 13 juin 1980. 31. Voir lettre n° 616/FODIC du 1" novembre 1980. 32. Il existe depuis 1985 une association des cinéastes camerounais présidée par Dikongué-Pipa. Cette association ne fait malheureusement pas l'unanimité dans la profession. 33. Voir en annexe l'acte de création de cette coopérative mort-née. 34. Voir Cameroon Tribune, n° 3164 du 2 janvier 1985. 35. En France, la minute de court métrage coûte de 1 000 à 1 500 FF (50 000 à 75 000 F CFA) à la télévision. 36. Aucun film n'est diffusé à la TV les mercredis et vendredis (à l'exception des «ciné-clubs» de 22 h 30), le samedi toute la journée et le dimanche avant 20 h 30. 37. Le coût d'un vidéogramme est de 20 % inférieur à celui d'un support-film (pour un même genre), avantage auquel s'ajoutent la facilité de duplication, la rapidité de diffusion, etc.

67

Parmi les comédiens...

Chantal Ngasse

M aka Kotto

Baaron

Lazare Kenmegne

Bekate M eyong

Berthe Mbia

Gérard Essomba

David Endene

Lydia Ewande

Joseph Mama

Suzanne

Beni

Félicité Wouassi

Georges Anderson

René Zogo

Malou Zogo

T okoto Ashanti

Quelques réalisateurs...

Jean-Marie

Téno

Daniel Kamwa

Dikongue-Pipa

Jules Takam

Arthur Si Rita

Des films...

Abia Moukoko

et Sidiki Bakaba dans «L'appât

du gain»

Une scène de «Pousse-Pousse»

Une scène de «Muna

Moto»

Des compositeurs de mustque...

Manu Dibango

Francis Bébey

André-Marie

Tala

Annexes

I

- DICTIONNAIRE

DU CINÉMA CAMEROUNAIS

1 - RÉALISATEURS

AMADANGOLEDA Louis Balthazar, études supérieure d'études cinématographiques, Paris. Les trois petits cireurs LM 16 mm CL. 1985. Palais bamoun CM 16/35 mm CL 40'. 1985.

à l'Ecole

AMANG Basile ,~ Colis 315 LM 35 mm CL. 1976, (inachevé). BEBEY Francis (voir rubrique «Compositeurs de musique») Sonate en bien majeur CM 16 mm CL 35', 1977. BENI Alphonse, études au Conservatoire libre du cinéma français, Paris. Fureur au point CM 16 mm CL 23'. 1971. Un enfant noir CM 16/35 mm CL 18'. 1973. Dance my love LM 35 mm CL 90'. 1978. ,~Anna Makossa LM 35 mm CL 90'. 1979. Saint Voyou LM 35 mm CL 90'. 1980. Coup dur LM 35 mm CL 90'. 1982. Cameroun Connection LM 35 mm CL 95', 1984. African Fever LM 35 mm CL 125'. 1985. DIA MOUKOURI Urbain, né en 1935 à Douala. Etudes au Conservatoire libre du cinéma français, Paris. Point de vue n° 1 CM 16 mm NB 15'. 1966. Il était une fois deux frères CM. 1966. La fleur dans le sang CM 16/35 mm CL 23'. 1966. Les coucous CM 16 mm CL 10'. 1969. Soleil d'avril CM 16/35 mm CL 10'. 1973. La brûlure LM 35 mm CL 90' (inachevé). 1982. Le veinard LM 16 mm CL 90'. 1983. ,~

Films ayant bénéficié d'un crédit ou d'une garantie de crédit, soit du

ministère de l'Information et de la Culture, soit du Fomc, et pour lesquels les réalisateurs-producteurs ont été insolvables. 70

DIKONGUE-PIPA, né en 1940 à Douala. Venu au cinéma par le théâtre. Etudes au Conservatoire libre du cinéma français, Paris. Stage à l'INA. Un simple CM 16 mm NB 45' (inachevé). 1965. Les cornes CM 16 mm NB 25'. (inachevé). 1966. Rendez-moi mon père CM 16 mm NB 18'. 1966. (inachevé). Muna Moto LM 16/35 mm NB 100'. 1974. ,~ Le prix de la liberté LM 16/35 mm CL 100'. 1978. Histoires drôles, drôles de gens LM à sketches 16 mm CL 90'. 1982. Canon Kpa-Kum CL. Badiaga LM 16 mm CL 90'. 1983. Music and music LM 16 mm CL 90'. 1983.

FOKI Gabriel Cameroun «quatre films sur des ensembles folkloriques du Cameroun» CM 16 mm CL 4 x 40'. 1973. INOUSSA Addoulaye (dit Abdoul) Harr Ina CM 16 mm CL 15'. 1980. Yaor LM. (projet). KAMW A Daniel, né le 14 avril 1943 à Nkongsamba. Etudes de Sciences économiques. Diplômé de la Chambre de commerce britannique. A suivi des cours d'art dramatique au Centre international de la recherche théâtrale de Peter Brook, puis au cours Simon et à l'Actors Studio. A également suivi une formation de danseur à l'Académie internationale de la danse, et de cinéaste à Paris VIII (Vincennes). Boubou cravate CM 16 mm CL 30'. 1973. Pousse-Pousse LM 16/35 mm CL 90'. 1975. Akum CM 16 mm CL 25'. 1979. La ligne du cœur CM 16 mm CL 25'. 1979. Novotel CM 16 mm CL 15'. 1979. Danse automate, danse CM 16/35 mm CL 15'. 1980. Messe et passion à Mélen CM 16/35 mm CL 15'. 1980. ,~ Notre fille CM 16/35 mm CL 100'. 1980. Camair, dix ans d'essor CM 16 mm CL 40'. 1981. Nous les fous du volant CM 16 mm CL 18'. 1982. Les fleurs du terroir CM 16 mm CL 30'. 1983. 71

MAILLI Lucien, formé en France Université du Cameroun CM 16 mm CL. 1974. Les malheurs de Bosco CM 16 mm CL. 1976. MAKOULET-MANGA Thomas (décédé), formation en photographie, Paris. Mon stage en France CM 16 mm CL 22'. 1968. Art et Tourisme camerounais CM 16 mm CL 18'. 1975. M'BALLA Adolphe-Claude * Ces femmes-là LM 35 mm CL (terminé mais jamais sorti). 1976. Ministère de l'Information et de la Culture Rythmes du Cameroun et l'Etat unitaire LM 35 mm CL. NAMA Henry-Joseph, prêtre de paroisse. ,~ Ribo ou le soleil sauvage LM 35 mm cinémascope CL. 1978. NKOUAZE Moïse Lecourt Le Mvet CM 16 mm CL 15'. 1972. N'GASSA Jean-Paul, né en 1939 à Bana Etudes à l'IDHEC, Paris. Aventure en France (en co-réalisation avec Philippe Brunet) 16/35 mm NB 26'. 1963. La grande case Bamiléké (en co-réalisation avec William Hamon) CM 35 mm NB 12'. 1965. Une nation est née LM CL 90'. 1972. N'GOUMOU Pie-Claude Medzang Béti MM 16 mm CL 50'. 1983. N'GOUNOU Michel, divers métiers à Paris dont acteur et mannequin de mode. Trait d'union CM 16 mm CL. 1981. 72

SAP Stéphane, réalisateur TV camerounaise, formé à l'INA, Paris. Assistant de H. Hudson dans Greystoke. Le roi est mort, vive le roi CM 35 mm CL 16. Soins de santé primaire CM 35 mm CL 16'. SI BIT A Arthur Né en 1948 à Sangmélima. Licencié en lettres et maîtrise en littérature moderne. No time to say goodbye CM 16 mm CL 11'. 1981. >:- Les Coopérants LM CL. 1983. Black Jesus CM 16 mm CL. 1983. SITA-BELLA Thérèse, journaliste. Tam-tam à Paris CM 16 mm NB 30'. 1965. TAKAM Jules, né en 1947. Etudes au Conservatoire cinéma français, Paris. L'attente CM 16 mm NB 16'. 1972. L'appât du gain LM 16 mm CL 90'. 1982.

libre du

TCHUILEN Jean-Claude, né en 1955 à Bazou. Etudes au Conservatoire libre du cinéma français et à l'Ecole pratique des hautes études. Formation de comédien à l'Ecole de l'acteur, Paris. Le cri pluriel CM 16 mm CL 16'. 1980. Ma chère Alice CM 35 mm CL 13'. 1981. Suicides LM 35 mm CL 90'. 1983. TENO Jean-Marie, né le 14 mai 1954 à Bandjoun. Maîtrise en communication audio-visuelle. Schubbah CM 16 mm CL 15'. 1984. Hommage CM 16 mm CL 13'. 1985. Fièvre jaune taximan CM 16 mm CL 29'. 1985. La caresse et la gifle CM 16 mm CL. 1987. YEMI Charles Pascal, né en 1947 à Douala. Etudes cinématographie à Paris VIII (Vincennes). Regards sur l'équilibre CM 16 mm CL 40'. 1977. Le danseur frustré CM 16 mm CL 30'. 1982.

de

73

2

-

COMÉDIENS*

ABIA Mukoko Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. 1978. Le prix de la liberté Dikongué-Pipa, L'appât du gain Jules Takam. 1982. ABOUEM Anna Makossa Alphonse Béni. 1979. Saint voyou Alphonse Béni. 1980. Cameroun Connection Alphonse Béni, 1984. ANDERSON Georges Boubou cravate Daniel Kamwa. 1972. Muzik Man Ola Balogun. 1976. Les sous-doués Claude Zidi. 1980. Le veinard Urbain Dia Moukouri. 1983. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. ATANGANA Eddie, formé au Conservatoire d'art dramatique de Versailles. Réveillon chez Bob Pierre Granier-Deferre. 1984. Ronde de nuit J. C. Missinane. 1984. A W ANA Stanislas (décédé), expérience théâtrale. Notre fille Daniel Kamwa. 1980. Les Coopérants Arthur Si Bita. 1983. BAARON, formé à l'Institut international du théâtre et à l'Institut d'études tHéâtrales de la Sorbonne. Expérience théâtrale. Demain l'Afrique Jean-Luc Magneron. 1964. L'odeur des fauves Richard Balducci. 1972. Un enfant noir Alphonse Béni. 1973. * Il ne nous a pas été facile d'établir cet annuaire des comédiens qui n'a aucun caractère exhaustif; d'abord à cause de l'absence de tout document de référence, ensuite parce que nous nous sommes heurtés à un problème de choix: devions-nous faire figurer dans cette rubrique des personnes dont l'expérience de comédien s'est arrêtée au bout d'un film? Finalement, nous les avons retenus. Que les comédiens professionnels nous en excusent. 74

On l'appelle catastrophe Richard Balducci. 1983. L'ordre et la sécurité du monde Claude de Anna. 1978. L'Etat sauvage Francis Girod. 1978. Le Professionnel Lautner. 1981. Plus beau que moi tu meurs Philippe Clair. 1982. Banzai" Claude Zidi. 1982. Suicides Jean-Claude Tchuilen. 1983. Y' a pas le feu Richard Balducci. 1985. Descente aux enfers Francis Girod. 1986. etc.

BADJEL Marie-Thérèse Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. 1978. BEKATE Meyong, formé au Conservatoire national d'art dramatique de Paris. Licence de cinéma. Diplôme de l'Institut d'études théâtrales de la Sorbonne. Doctorat de 3e cycle en Etudes théâtrales. Expérience théâtrale. Sept fois femme V. de Sica. 1967. Soleil 0 Med Hondo. 1970. Les assassins de l'ordre Marcel Carné. 1971. Les aventures de Rabbi Jacob Gérard Oury. 1973. L'autre France Ali Ghalem. 1974. L'appât du gain Jules Takam. 1982. Thé à la menthe Bahloul Bahloul. 1984. Le soldat qui dort J ean- Louis Benoît. 1984. BENI Alphonse (Voir rubrique «Réalisateurs») Dance my love A.B. 1978. Anna Makossa A.B. 1979. Cameroun Connection A.B. 1985. BENI Suzanne African Fever Alphonse

Béni. 1985.

BIBI-KOUO Geneviève Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. Le prix de la liberté Dikongué-Pipa.

1978.

BETTY BETTY, chanteuse musique de variétés. Badiaga Dikongué-Pipa. 1983. 75

BOE A. Basile Anna Makossa Alphonse Béni. 1979. Saint voyou Alphonse Béni. 1980. La brûlure Urbain Dia Moukouri. 1982. BO]ONGO Anderson Histoires drôles, drôles de gens Dikongué-Pipa. 1982. Pourquoi les Blancs font la polygamie Pierre Gattraux. 1986. DIKONGUE-PIPA (Voir rubrique rience théâtrale. Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974.

«Réalisateurs ».) Expé-

DIKOTO MANDENGUE Le veinard Urbain Dia Moukouri. 1983. Black Mie-Mac Thomas Gilou. 1986. DIN Bell Arlette Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. ENDENE David Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. Les Coopérants Arthur Si Bita. 1983. ESSINDI MIND]A, expérience théâtrale. Notre fille Daniel Kamwa. 1980. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno. 1985. ESSOMBA Gérard, formé à l'Ecole Tania Balachova et à l'Institut d'études théâtrales. Expérience théâtrale. La fleur dans le sang Urbain Dia Moukouri. 1966. Dance my love Alphonse Béni. 1978. L'ordre et la sécurité du monde Claude de Anna. 1978. La légion saute sur Kolwézi Raoul Coutard. 1980. La brûlure Urbain Dia Moukourri. 1982. L'âppat du gain Jules Takam. 1982. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. 76

EVELE Ache Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. EW ANDE Célestine L'appât du gain Jules Takam.

1982.

EWANDE Lydia, formation de comédien. Licence de cinéma. DEA Arts plastiques, Paris. Expérience théâtrale. Marche à l'ombre Michel Blanc. 1984. Tranche de vie François Leterrier. 1985. Black Mic-Mac Thomas Gilou. 1986. HAPPY Madeleine Pousse-Pousse Daniel Kamwa.

JABA

1975.

Christian

West Indies ou les nègres marrons de la liberté Med Hondo. 1979. Le veinard Urbain Dia Moukouri. 1983. Suicides Jean-Claude T chuilen. 1983. KAMW A Daniel (Voir rubrique «Réalisateurs»), théâtrale. Un gosse de la butte Maurice Delbe. 1964. Orghast Peter Brook. 1971. Boubou cravate D.K. 1972. Pousse-Pousse D.K. 1975. L'homme pressé Edouard Molinaro. 1977. Notre fille D. K. 1980 etc.

expérience

KEMA YO Elvis Chanteur musique de variété. Dance my love Alphonse Béni. 1978. KENMEGNE LAZARE Expérience théâtrale. L'Etat sauvage Francis Girod. 1978. KOUAM Joséphine La brûlure Urbain Dia Moukouri. 1982. Suicides Jean-Claude Tchuilen. 1983. 77

LEBOUGA Sidonie Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno. 1985. MAKA KOTTO, études de cinéma au Conservatoire libre du cinéma français et d'art dramatique à l'école Florent, Paris. Expérience théâtrale. Marche à l'ombre Michel Blanc. 1984. Souvenirs souvenirs Ariel Zeitoun. 1984. Une amie de passage Edouard Molinaro. 1984. Le complexe du Kangourou Pierre Jolivet. 1986. On a volé Charlie Spencer Francis Huster. 1986. MAMBA Lucien, expérience théâtrale. Notre fille Daniel Kamwa. 1980. MASSA Batré, expérience théâtrale. Coup dur Alphonse Béni. 1982. Cameroun Connection Alphonse Béni. 1984. African fever Alphonse Béni. 1985. MAS SOMA Françoise Anna Makossa Alphonse Béni. 1979. Saint voyou Alphonse Béni. 1980. Coup dur Alphonse Béni. 1982. MBALLA Adolphe-Claude Les Coopérants Arthur Si Bita. 1983. MBIA Ambroise,

expérience théâtrale.

MBIA Berthe Notre fille Daniel Kamwa. 1980. Suicides Jean-Claude Tchuilen. 1983. Le veinard Urbain Dia Moukouri. 1983. Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno. 1985. MINGUELE Jean Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. 78

Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. 1978. Pourquoi les Blancs font la polygamie Pierre Gottraux.

1986.

MOMHA Marthe Ces femmes-là Claude M'Balla. 1976. Colis 315 Amang Basile. 1976. Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. 1978. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. MOMO Joseph, formation de comédien à l'Ecole Jacques Fontan, Paris. Expérience théâtrale. Le crabe tambour Pierre Schoendoerffer. 1977. Dance my love Alphonse Béni. 1978. L'Etat sauvage Francis Girod. 1978. Violette Nozière Claude Chabrol. 1978. La légion saute sur Kolwézi Raoul Coutard. 1980. L'appât du gain Jules Takam. 1982. L'Africain Philippe de Broca. 1982. Suicides Jean-Claude Tchuilen. 1983. Canicules Yves Boisset. 1984. African fever Alphonse Béni. 1985, etc. MOUANGE Albert Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. MP ACKO Paulinette Pousse-Pousse Daniel Kamwa.

1978.

1975.

NDO Daniel, formation de comédien au Cameroun Italie. Expérience théâtrale. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. NDOME EWANE Marthe Pousse-Pousse Daniel Kamwa.

et en

1975.

NGA Marie Philomène Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. Le veinard Urbain Dia Moukouri. 1983. La caresse et la gifle Jean-Marie Téno. 1987. 79

NGASSE Marie-Chantal Formation de comédienne au Centre d'art dramatique de la rue Blanche à Paris et de mannequin aux Etats-Unis. L'Etat sauvage Francis Girod. 1978. La cuisse de Jupiter Philippe de Broca. 1980. L'ami de Vincent Pierre Granier-Deferre. 1983. A doublé de nombreux films (silhouette et voix) dont Black Mie-Mac de Thomas Gilou, 1986 et Descente aux enfers de Francis Girod, 1986.

NGO DOUM Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. 1978. N'VONDO Marcel, expérience théâtrale. Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. SENGUE Justine Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. Le prix de la liberté Dikongué-Pipa. 1978. Histoires drôles, drôles de gens Dikongué-Pipa. Courte maladie Dikongué-Pipa. 1983. TADIE TUENE Les coopérants Arthur

1982.

Si Bita. 1983.

TCHAKOUNTE Pierre Didy, chanteur musique de variétés. Dance my love Alphonse Béni. 1978. L'Etat sauvage Francis Girod. 1978. Violette Nozière Claude Chabrol. 1978. Suicides Jean-Claude T chuilen. 1983. African fever Alphonse Béni. 1985. TCHAPCHET Edouard Pousse-Pousse Daniel Kamwa.

1975.

TCHOMFANG André Anna Makossa Alphonse Béni. 1979. Saint voyou Alphonse Béni. 1980. Coup dur Alphonse Béni. 1982. Cameroun connection Alphonse Béni. 1984. 80

TENGNIA Emmanuel Eugène Cameroun Connection Alphonse Béni. 1984. African fever Alphonse Béni. 1985. TOKOTO Ashanti, chanteur musique de variété. Les coopérants Arthur Si Bita. 1983. WOUASSI Félicité, formation de comédien au Conservatoire d'art dramatique, Paris. L'Arbalette Sergio Gobbi. 1984. Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno. 1985. Black Mie-Mac Thomas Gilou. 1986. ZOGO Pierre Pousse-Pousse Daniel Kamwa.

1975.

ZOGO René, chanteur, musique de variété. Figurant dans plusieurs films dont Police Maurice Pialat, 1985 et L'Etat sauvage Francis Girod, 1978. 3

- COMPOSITEURS

DE MUSIQUE

ANDERSON Georges Muna Moto Dikongué-Pipa. 1974. Muzik Man ala Balogun. 1976. BEBEY Francis, musicien-concertiste. Auteur-compositeur. Ecrivain et conférencier. Ancien responsable du programme de la musique à l'Unesco. Boubou cravate Daniel Kamwa. 1973. En résidence surveillée Paulin S. Vieyra. 1981. Le choix Prix de la meilleure musique (FESP ACO, 1987). 1986. DIBANGO

Manu,

auteur-compositeur,

Auteur de «Soul-Makossa », 1erdisque Etats-Unis (1973). Mandabi Ousmane Sembene. 1968. Le sang des parias Djim Kola Mamadou.

musique de variété. d'or africain aux 1973. 81

Ceddo Ousmane Sembene. 1973. Le prix de la liberté Dikongué- Pipa. 1978. L'herbe sauvage Henri Duparc. 1978. KINGUE François, auteur-compositeur, Love in Africa Pierre Gottraux.

musique de variété.

KOMG LOBO Billy Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno. 1985. TADIE TUENE Schubbah Jean-Marie Téno. 1984. Hommage Jean-Marie Téno. 1985. TALA André-Marie, auteur-compositeur Pousse-Pousse Daniel Kamwa. 1975. Notre fille Daniel Kamwa. 1980.

musique de variété.

TCHAKOUNTE Pierre Diddy, auteur-compositeur, que de variété. Saint Voyou Alphonse Béni. 1980. Suicides Jean-Claude Tchuilen. 1983.

82

musl-

II

- CATALOGUE 1

-

DE FILMS

COURTS MÉTRAGES

Akum Daniel Kamwa CL 16 mm 25' 1978. Les habitants du village d'Akum, dans le nord-ouest du Cameroun, cherchent à concilier le christianisme et leur culte traditionnel. Art et tourisme camerounais Thomas Makoulet-Manga CL 18' 1975. Panorama des différentes expressions artistiques du Cameroun. Aventure en France Jean-Paul 16/35 mm 26' 1963. La vie des étudiants africains ment. Contacts pittoresques Panorama des principaux formation.

N'Gassa et Philippe Brunet NB en France. Surprise du dépayseavec de nouveaux modes de vie. secteurs d'enseignement et de

Boubou Cravate Daniel Kamwa CL 16 mm 30' 1972 Label de qualité du eST 1973. Un jeune diplomate africain, de retour de France, est de l'avis de son cuisinier, devenu blanc... Le film illustre les thèmes du choc des cultures et de la double acculturation. Camair dix ans d'essor Daniel Kamwa CL 16 mm 40' 1981. Bilan de 10 ans d'activités de la compagnie nationale Cameroon-Airlines.

Cameroun Gabriel Foki CL 16 mm 4 X 40' 1973. Ensembles

folkloriques

du Cameroun.

Caresse et la gifle (la) Jean-Marie Téno CL 16 mm 1987. Le film dépeind la vie en HLM d'un couple de Maghrébins à Paris. Une vie où la femme est à la merci des humeurs de l'homme. Roi est mort, vive le roi (le) Stéphane Sap CL 16 mm 16'. Funérailles du chef Bandjoun et intronisation de son successeur. 83

Coucous (les) Urbain Dia Moukouri

CL 16 mm 10' 1969.

Cri pluriel Jean-Claude Tchuilen CL 16 mm 16' 1980. Approche des événements de Soweto à travers un montage poétique, d'après les œuvres du poète camerounais Paul Dakeyo. Danse automate, danse Daniel Kamwa CL 16 mm 15' 1979. Petites marionnettes fabriquées et manipulées par un jeune Camerounais en quête d'argent pour payer ses études. Danseur frustré (le) Charles Pascal Yemi CL 16 mm 30' 1982. Enfant noir (un) Alphonse Beni CL 16/35 mm 18' 1973. Légère approche du racisme sur un style romancé. Enfants de l'écran (les) Arthur Si Bita CL 16 mm 30' 1974. Fièvre jaune taximan Jean-Marie Téno CL 16 mm 29' 1985. Mention spéciale au festival de Clermont-Ferrand, février 1986. Sam est « taximan» (chauffeur de taxi). Il est jeune, dynamique et bien qu'il aime la balade, être assis 10 à 12 h par jour le fatigue et surtout l'ennuie. Sam joint l'utile à l'agréable: il drague... Fleur dans le sang (la) Urbain Dia Moukouri NB 16/35 mm 23' 1966. C'est l'histoire d'un artiste noir à Paris qui, rongé par la maladie et abandonné par son amie, trouve in extremis la volonté de survivre et de s'affirmer dans les œuvres nouvelles. Fleurs du terroir (les) Daniel Kamwa CL 16 mm 30' 1983. Documentaire sur les produits agro-industriels du Cameroun. Fureur au point

Alphonse

Beni CL 16 mm 23' 1971.

Grande case bamiléké (la) Jean-Paul N'Gassa et William Hamon NB 35 mm 12' 1965. Prix du meilleur documentaire au festival du film africain et malgache de Saint Cast, 1966. Mention au festival des arts nègres, Dakar, 1966. Construction de la case bamiléké, acte de foi collectif et merveille d'architecture artisanale. Harr Ina Abdoulaye 84

Inoussa CL 16 mm 15' 1980.

Hommage Jean-Marie Téno CL 16 mm 13' 1985. Prix du public au Festival international du court métrage de Nyon en Suisse, 1985. 2e Prix du Festival «Caméras plurielles» de Lyon, février 1986. 1erPrix du court métrage au festival « Cinéma du réel» de Paris, mars 1986. Prix spécial du jury au FESPACO, 1987. Deux amis, après une longue séparation, évoquent des souvenirs: leur enfance, les traditions, l'émigration vers les grands centres, etc. L'un est resté au village, l'autre a voyagé et beaucoup étudié... Il était une fois deux frères Urbain Dia Moukouri

1966.

Ligne du cœur (la) Daniel Kamwa CL 16 mm 25' 1979. Un jeune Camerounais raconte son pays à son ami français. Ma chère Alice Jean-Claude Tchuilen CL 16 mm 13' 1981. Regard critique d'un Africain sur les rapports «intimes» entre les animaux domestiques et leurs maîtres en Europe. Malheurs

de Bosco (les) Lucien Mailli CL 16 mm 1976.

Medzang Beti Pie-Claude N'Goumou CL 16 mm 50' 1983. Aperçu sur un instrument et une danse traditionnels de la tribu Béti. Messe et passion à Melen Daniel Kamwa CL 16 mm 15' 1980.

Célébration au quartier dit « N'J ong-Melun» (Yaoundé) d'une messe catholique

avec balafons et castagnettes.

Mon stage en France Thomas Makoulet-Manga CL 22' 1968. Séjour en France, à Paris, d'un jeune champion de boxe camerounais qui poursuit à la fois un stage sportif à l'Institut national des sports et un stage de technique photographique. Mvet (le) Moïse Lecourt Nkoua Primé au JCC de Carthage.

ZE CL 16 mm 15' 1972.

No time to say Goodbye Arthur

Sibita CL 16 mm 1981.

Nous les fous du volant Daniel Kamwa CL 16 mm 18' 1982. L'auteur aborde les problèmes de la prévention routière au Cameroun. 85

Novotel Daniel Kamwa CL 16 mm 15' 1979. Documentaire sur la chaîne Novotel au Cameroun. Palais Bamoun Louis Balthazar Amadangoleda CL 16/35 mm 40' 1985. Documentaire ethno-historique réalisé à l'occasion de la triple manifestation marquant le centenaire de la naissance du roi bamoun N'J oya Ibrahim, les cinquante ans de règne de son fils Njimoluh Seidou N'J oya et l'inauguration du palais rénové, grâce à une aide de l'Unesco. Point de vue Urbain Dia Moukouri NB 16 mm 15' 1966. Conflits psychologiques et sentimentaux dans le monde des jeunes Africains noirs de Paris. Regards sur l'équilibre 1977.

Charles-Pascal

Yemi CL 16 mm 40'

Schubbah Jean-Marie Téno CL 16 mm 15' 1984. Sélection Festival d'Amiens, 1984. A travers la vie du journal Bwana, les préoccupations de jeunes immigrés d'origine africaine vivant en France. Soins de santé primaire Stéphane Sap CL 16 mm 16'. Approche de la médecine préventive au Cameroun. Sonate en bien majeur Francis Bébey NB et CL 16 mm 35' 1974. Fable morale teintée d'ironie peignant la condition sociale d'un balayeur africain à Paris. Tam-tam à Paris Thérèse Sita Bella CL 16 mm 30' 1965. Séjour de danseurs camerounais à Paris. Trait d'union Université

Michel N'Gounou

du Cameroun

2

-

CL 16 mm 1981.

Lucien Mailli CL 16 mm 1976.

LONGS MÉTRAGES

African fever Alphonse Béni CL 35 mm 125' 1985. Comédie musicale sur fond de crime. 86

Anna Makossa Alphonse Béni CL 35 mm 90' 1979. Baiko veut venger son meîlleur ami qui a été délesté d'un objet de valeur au cours d'un accident de la circulation. Le meurtrier et voleur n'est autre que l'époux de la femme qu'il aime... Appât du gain (l') Jules Takam CL 16 mm 90' 1982. Fiction politico-policière où se mêlent et s'entremêlent luttes de pouvoir et affaires de gros sous. Cameroun

connection

Alphonse

Béni CL 35 mm 95' 1984.

Coopérants (les) Arthur Si Bita CL 35 mm 1983. Prix de l'union des jeunesses socialistes, 1984, Tchécoslovaquie. Tanit de bronze aux JCC, 1984. Prix de la meîlleure musique au FESPACO, 1985. Le film aborde le sujet presque tabou de la coopération camerouno-camerounaise et tente une approche sociologique des rapports étudiants/paysans. Coup dur Alphonse Béni CL 35 mm 90' 1982. Les funéraîlles du chef Bana dans le Haut-N'kam. Badiaga Dikongué-Pipa

CL 35 mm 90' 1983.

Dance my love Alphonse Béni CL 35 mm 90' 1978. Approche de la convivialité entre Noirs et Blancs îllustrée par un mariage mixte. Histoire drôle, drôles de gens Dikongué-Pipa CL 16 mm 90' 1982. Comédie de mœurs: des histoires drôles vécues par des Camerounais. Proche du théâtre filmé. Muna Moto Dikongué-Pipa NB 16/35 mm 90' 1974. Prix Georges Sadoul, 1975. Grand prix du FIFEF, Genève. Tanit d'argent aux ICC, 1976. Grand prix du FESPACOde Ouagadougou. Prix de l'Office catholique international du cinéma. Ce film évoque le problème de la dot, hypothèque qui pèse sur la société négro-africaine d'aujourd'hui. Music and music Dikongué-Pipa Nation

est née (une) Jean-Paul

CL 16 mm 90' 1983. N'Gassa

CL 90' 1972. 87

Notre fille Daniel Kamwa Cl 16/35 mm 100' 1980. Prix d'interprétation décerné à Stanislas Awana aux ICC, 1982. Satire sur la société camerounaise, d'après une œuvre de Guillaume Oyono Mbia. Pousse-Pousse Daniel Kamwa Cl 35 mm 90' 1975. Prix du meilleur scénario de l'ACCTen 1975 et prix du meilleur scénario au Festival international de la francophonie à Nice en octobre 1979. A travers les aventures et les mésaventures quotidiennes d'un jeune porteur de Douala, surnommé «Pousse-Pousse» aux prises avec ses ambitions de promotion sociale, le film aborde le problème de la dot et dénonce les excès de certaines coutumes. Prix de la liberté (le) Dikongué-Pipa Cl 16/35 mm 100' 1978. le film traite de l'affranchissement des femmes dans une société où elles n'ont pas voix au chapitre. Deux jeunes femmes symbolisent cette situation. l'une conquiert sa liberté par l'argent de la prostitution. l'autre aime un chanteur qui va être assassiné par un rival. Ribo ou le soleil sauvage Henry-Joseph Cinémascope 1978.

Nama Cl

35 mm

Roi est mort, vive le roi (Le) Stéphane Sap Cl 16 mm 16'. Funérailles du chef Bandjoun et intronisation de son successeur. Rythmes du Cameroun et état unitaire MINFOC Cl 35 mm. Danses folkloriques et aperçu des réalisations économiques et sociales du Cameroun. Saint Voyou Alphonse Béni Cl 35 mm 90' 1980. Casse, drame sentimental sur fond de soleil et de plage. Trois petits cireurs louis Balthazar Amadangoleda Cl 35 mm 1985. le film traite de la délinquance juvénile et tente de cerner les racines du mal et les conséquences sociales qui en résultent, d'après le roman de Francis Bébey qui porte le même titre. Veinard (le) Urbain Dia Moukouri

88

Cl

16 mm 90' 1983.

III

- DOSSIERS

1 - POUSSE-POUSSE (Daniel Kamwa)

L'auteur. Daniel Kamwa est né au Cameroun le 14 avril 1943. Parallèlement à des études de Sciences économiques à Paris, puis de littérature anglaise à Londres, il s'initie à l'art dramatique (cours René Simon, Actor's Studio d'Andreas Voutsinas) et à la danse (André Russillo). Il a travaillé avec Peter Brook au Centre international de recherche théâtrale. Ses activités se sont d'abord orientées essentiellement vers le théâtre et la télévision. Dans ces deux domaines ses antécédents comprennent principalement: Au théâtre: Une saison au Congo dans une mise en scène de Jean-Marie Serreau. Le manège de Landford Wilson, qu'il adapte et met lui-même en scène au kaléidoscope. Ciel! Où sont passées les dattes de tes oasis? de Roger Hanin et avec André Falcon. Les garçons de la bande dans une mise en scène de Jean-Laurent Cochet. Madame de Remo Forlani et avec Barbara. Prométhée enchaîné et Les Perses dans des mises en scène de Peter Brook. A la télévison : A la mémoire d'Héléna avec Roger Hanin et Paul Frankeur. Zadig monté par Claude-J ean Bonnardot avec Gérard Depardieu. Un gosse de la butte de Maurice Delbez. L'homme au contrat de Jacques Audouard. Et trois pièces américaines qu'il a adaptées pour l'ORTF: Les folies de lady Bright avec Claude Rich. Le Tourbillon avec Med Hondo. Blues for Mr Charlie de J ames Baldwin. En 1973, Daniel Kamwa tourne à Paris un court métrage de 30 minutes, Boubou cravate. Interprété par Françoise Petit et Marpessa Dawn, il traite de la prise de conscience de l'aliénation culturelle des intellectuels africains. En 1974, il écrit le scénario de Pousse-Pousse, auquel le jury de l'Agence de coopération culturelle et technique décerne son 89

Grand Prix. L'année suivante, il réalise le film en coproduction avec le gouvernement camerounais. Le film. Pousse-Pousse a été tourné en à peine une semaine dans les rues de Douala, avec des figurants improvisés et des interprètes que Daniel Kamwa s'est fait un devoir de tous recruter dans des tribus différentes, dans les six provinces du pays, «afin de donner au film une envergure nationale ». En évoquant le problème réel que pose la tradition ancestrale de la dot, c'est celui, plus large, du statut de la femme africaine et de sa prise de conscience qu'il aborde ouvertement. D'autres questions sociales et politiques apparaissent également à l'arrière-plan, comme celle des antagonistes tribaux (PoussePousse est un Bamiléké, Rose une Douala, et leur mariage n'est pas dénué de valeur symbolique). Mais à l'encontre de ce que l'on escompte généralement du cinéma africain, Daniel Kamwa n'a pas voulu faire œuvre de contestation active. Son film est une comédie de mœurs qui se veut plutôt «un miroir» dans lequel les Camerounais se reconnaissent et, à travers le rire, se découvrent peut-être. C'est sous cette forme que se manifeste un engagement plus subtil, la vocation première du cinéma restant de divertir. Pousse-Pousse est le premier long métrage camerounais et son moindre mérite est de faire découvrir, en filigrane de l'intrigue, les multiples aspects, mélange intime de tradition et de modernisme, d'un des plus beaux pays d'Afrique noire. Synopsis. Pousse-Pousse est un jeune conducteur de triporteur (un pousseur, comme on dit au Cameroun, d'où son surnom). Il désire épouser Rose mais il se rend bientôt compte que le père de celle-ci, Papa Besséké, interprète abusivement à son profit la coutume selon laquelle le prétendant doit verser une dot à son futur beau-père. Les exigences de celui-ci se font de plus en plus excessives au fur et à mesure qu'approche la date prévue pour le mariage. Pousse-Pousse se résoud même à retirer l'argent qu'il a versé en acompte sur le triporteur à moteur de ses rêves pour satisfaire l'avidité de Papa Besséké mais cela n'empêche pas ce dernier de demander plus encore et de remettre maintenant en cause le mariage lui-même... Mais il aura pourtant lieu, in extremis, grâce à la complicité de tous et en particulier de Bernadette, la sœur de Rose et de Hélène, la sœur de Pousse-Pousse. Même la mère de Rose 90

désavoue le comportement de son mari. Papa Besséké une fois berné, les épousailles pourront se dérouler sous les doubles auspices du Cameroun moderne et de l'Afrique traditionnelle. Fiche technique. Douala, 1975. Réalisation et scénario: Daniel Kamwa; Image: Henri Czap et Patrick Blossier; Montage: Bernard Lefebvre et J.P. Guntz; Son: Dominique Mion; Musique: André-Marie Tala; Disque FIESTA33 t. ref B 360060 (dist. Decca-France); Durée: 1 h 45 mn; Couleur. Fiche artistique Daniel Kamwa: Pousse-Pousse Marthe Ndomé Ewané: Rose, la fiancée Marcel Nvondo: Papa Besséké, le beau-père Madeleine Happy: Hélène, la sœur de Pousse-Pousse Paulinette Mpacko: Mamie Frida, la belle-mère Edouard Tchaptchet : Papa Koffi, le père de Pousse-Pousse Marie Monthé : Mamie Susanna, la mère de Pousse-Pousse Bibi Kouo: Awa Pierre Zogo: Le prof Evélé Ache: Aïcha, la fille à l'école Elias Hajj: Le marchand de cycles Arlette Din Bell: Bernadette, la sœur de Rose

2 - NOTRE FILLE (Daniel Kamwa)

Synopsis. Papa Mbarga, un père de famille, chef de village de surcroît, s'apprête à aller rendre visite à l'une de ses nombreuses filles, Charlotte Mbarga, qui est installée dans la ville de Yaoundé où elle travaille dans un grand ministère. Sur recommandation du conseil de famille, le Vieux entend faire comprendre à sa fille, la seule de ses enfants qui ait vraiment réussi, qu'il faut qu'elle renonce au mariage dont elle a précédemment fait part à la famille, car elle doit à son tour sacrifier au devoir de solidarité familiale vis-à-vis de ses nombreux frères et sœurs, elle-même n'ayant pu réussir à achever ses études que grâce à cette solidarité africaine. 91

Mais il s'avère que, à l'instar de Colette, amie intime de Charlotte, les Africains d'aujourd'hui, en recevant l'instruction occidentale, reçoivent en même temps une structure de pensée qui ne fait pas toujours bon ménage avec le mode de raisonnement basé sur la bonne vieille sagesse ancestrale africaine. Fiche technique. 1980. Scénario: Daniel Kamwa (d'après l'œuvre de Guillaume Oyono-Mbia «Notre Fille ne se mariera pas»); Image: Henri Czap- Patrick Blossier; Son: Gérard Barra; Montage: Philippe Gosselet; Musique: André-Marie Tala; Chansons: Archangelos; Production: INA. Paris/DK7Communications, Cameroun; Durée: 90 minutes; Métrage: 2 500 mètres; Langue: français. Fiche artistique Stanislas A wona: Mbarga Elise Atangana : Mme Mbarga Nicole Okala: Colette Berthe Mbia: Charlotte Daniel Kamwa : André Atangana Florence Niasse: Maria Lucien Mamba: Le domestique

3

- MUNA MOTO (Dikongué-Pipa)

L'auteur. Dikongué-Pipa est né en 1940 à Douala. Après de bonnes études secondaires, il se lance dans le théâtre et monte plusieurs pièces avec l'aide du Centre culturel français de Douala. Puis, il se rend à Paris où il suit des cours de cinématographie au Conservatoire du cinéma français. C'est en 1975 qu'il réalise son premier long métrage qui, pour un coup d'essai, sera un coup de maître: de festival en festival, le film ne récolte pas moins d'une demi-douzaine de récompenses. On attendait une confirmation de son talent avec ses prochains films. Si Le prix de la liberté a suscité des 92

interrogations parmi les admirateurs de Dikongué-Pipa quant à ses limites, Histoire drôle, drôles de gens, Badiaga et Music and music ont tout simplement déçu. Synopsis. Tout comme Pousse-Pousse de Daniel Kamwa, ce film évoque le problème de la dot, hypothèque parmi d'autres qui pèse sur nombre de sociétés nègro-africaines d'aujourd'hui. D'entrée, Dikongué-Pipa nous plonge dans son sujet: un jeune homme, Ngando, sort en courant de la salle des fêtes de Douala, tenant dans les bras une fillette de trois ans. La foule, alertée par les cris de la mère, N'Domé, finit par encercler le «voleur» qui, en attendant l'arrivée de la police, évoque avec celle-ci un passé encore proche. Cet enfant est le leur. Amoureux l'un de l'autre, ils avaient décidé de se marier. Restait à régler l'épineux problème de la dot: orphelin, Ngando, qui n'avait pu réunir par le fruit de son seul travailla somme requise, avait fait appel à son oncle, M'Bongo. Mais celui-ci, bien que très riche, avait refusé de l'aider car il avait ses propres vues sur la fiancée de son neveu. Pour tenter d'échapper à ce mariage dont elle ne voulait pas, celle-ci avait tout tenté; elle avait même sacrifié sa virginité à Ngando dans l'espoir que le déloyal concurrent ne voudrait plus d'une femme « déshonorée ». Mais ce satrape au petit pied avait réagi d'une façon parfaitement inattendue: au lieu de se désoler de la nouvelle situation de N'Domé, il s'en était d'autant plus réjoui qu'il était devenu vite évident que la jeune femme était enceinte! Or M'Bongo, bien que déjà marié avec trois épouses, à son grand regret n'avait pas d'héritier. Il était prêt à tout pour assurer sa descendance. Le mariage avait eu lieu et le vieux grigou avait affecté de considérer l'enfant de N'Domé comme le sien puisqu'il était né après les noces. Ne pouvant supporter cette injustice, Ngando avait donc fini par reprendre son enfant par la force, d'où l'éclat relaté au début du film. Fiche technique. 1975. Réalisateur: Dikongué-Pipa. Scénario: Dikongué-Pipa. Image: ] .P. Dezalay-] .P. Léon. Musique: Georges Anderson. Durée: 1 h 40. Couleur. 16 mm. 35 mm. Interprètes.

Arlette Din Bell, David Endene, Philippe Abia.

*** 93

A propos de Muna Moto ,~ Dikongué-Pipa, cinéaste camerounais, nous transporte au début de Muna Moto dans la fête du N'Gondo, à Douala. Nous sommes effectivement dans la fête et non devant la fête. Partant des bords de la lagune où de grandes barques endimanchées paradent, où des enfants jouent avec l'eau, nous entrons dans la foule, nous sommes happés par la danse. Dès ces images, l'auteur démontre son talent: talent de faire rayonner le visage isolé en gros plan, influence du cinéma soviétique muet peut-être (comme dans d'autres pays du Tiers Monde) mais influence bien assimilée. Dikongué-Pipa démontre aussi sa sensibilité à une Afrique authentique. Car ce thème de la fête africaine, vieux cliché qui a traîné dans tous les films tournés là-bas, et depuis l'époque coloniale, est dans ce film-ci entièrement renouvelé: la danse n'est plus un spectacle que regarde le peuple, elle est une force qui emporte le peuple, parcourt la ville, s'insère dans la vie quotidienne. Cette ouverture est bien loin d'être un morceau de bravoure gratuit. La présence de la foule vient en contre-point d'un drame personnel que le film va raconter. La caméra y fixe longuement le visage d'un homme, un beau jeune gars bien baraqué, celui d'une femme, puis l'homme vient prendre dans les bras de la femme un enfant, s'enfuit, est poursuivi et arrêté dans sa course. Ce n'est pas la première fois (la fin du Voleur de bicyclette est assez célèbre) que le cinéma met en parallèle la peine d'un homme et l'indifférence d'une foule, mais le motif est traité ici avec une maîtrise que, dans une première œuvre, il faut bien admirer. En outre, il se place au cœur même du sujet. Car cette fête de N'Gondo veut célébrer la tradition (la fête lie le peuple à ses racines... Elle s'adresse cette année aux jeunes gens: vous perdez le sens de la tradition) et l'homme seul qui vient d'enlever

un enfant

-

mais son propre

enfant

-

est la victime

de la tradition, du moins d'une tradition dévoyée. Il s'appelle N'Gando, il aimait N'Domé, et N'Domé l'aimait. Mais pour se marier au Cameroun, il faut verser une dot à la famille de la fille. Parce que N'Gando n'avait pas d'argent, N'Domé a été vendue comme quatrième épouse à l'oncle de N'Gando (cet oncle, devenu chef de famille par la mort de son père, sur lequel il comptait pour lui avancer l'argent de la dot). En vain les deux jeunes ont essayé de lutter: lui, s'est mis à abattre et débiter d'énormes troncs d'arbres pour gagner, sou par sou, l'argent qui lui manquait; elle, s'est donnée à son amant avec l'intention très consciente d'être refusée par l'oncle si elle n'était pas vierge. Mais tout a été vain: l'oncle a précipité le mariage et il a accepté l'enfant de l'autre. Dès lors, les deux amants, séparés, ont été pris à la toile d'araignée de la tradition, paralysés, eux qui avaient eu tout d'abord des réactions si vives. Une fois, ils ont ,~

94

ln Jeune Cinéma, n° 99, décembre-janvier

1977, Paris.

tenté de s'enfuir ensemble, mais ils ont été aussitôt rejoints par les hommes envoyés par l'oncle. A ce moment, c'est sur l'enfant que semblent s'être fixées la révolte et la nostalgie de N'Gando. Il a tenté d'aller le voir: il s'est fait rejeter. Maintenant dans le tumulte de la fête du N'Gondo il essaie de le reprendre de force; mais (aussi bien est-ce un acte désespéré), il échoue là encore et les dernières images le montrent sortant du Palais de justice, menottes aux poignets. Ce thème de l'enfant volé prend dans le film une importance qu'on comprend mal: il fournit non seulement l'ouverture sur laquelle toute l'histoire est enchaînée en flash-back, mais même le

titre du film

(:.ln Le Républicain, 98

n° 31 (8 au 15 août 1984).

montrer et de se réfugier derrière une objectivité-alibi, Suicides surprendra ses spectateurs. Mais reconnaissons-lui le mérite de témoigner sur la dure réalité d'une existence noire à Paris où s'enchevêtrent la violence, la drogue et le racisme. Et s'il ne devait rester de ce film que l'image de «Paris-Paradis perdu» comme l'a dit un confrère de Radio-Cameroun, ce serait déjà un élément à verser à l'actif d'un cinéma africain et camerounais dont le mérite viendra surtout de sa capacité de faire prendre conscience.

* **

Interview

avec Jean-Claude

On peut ne pas aimer ses coups de gueule, sa trop grande prolixité qui traduisent une agressivité verbale certaine et un manque d'esprit de tolérance intellectuelle. C'est tout ce que l'on pourrait reprocher àJ ean-Claude Tchuilen, jeune cinéaste camerounais de 30 ans, qui a sorti en 1984 son remier long métrage, Suicides. l aime profondément le cinéma à tel point qu'il en a fait sa raison de vivre. Et c'est peutêtre ceci qui explique cela. Nous l'avons rencontré à Paris où il est installé. Voici la quintessence de l'interview qu'il nous a accordée.

f

Guy Jérémie N gansop : Peut-on aujourd'hui parler de la crise du cinéma camerounais? Jean-Claude Tchuilen : Je ne crois pas qu'on puisse véritablement parler d'une crise du cinéma camerounais. Car ce cinéma

~.

Voir Cameroon

TchuiIen *

n'a jamais connu de période faste. Je suis plutôt porté à croire que notre cinéma est malade; malade de ses structures, malade des exploitants de salles accrochés à leurs intérêts égoïstes; malade de la naïveté et de l'incrédulité de certains «docteurs ès cinéma»; malade de... G.J.N.: Qu'est-ce qui, d'après vous, explique cette situation ? Jean-Claude Tchuilen: Le système qui régit actuellement l'industrie cinématographique au Cameroun est, à mon sens, anachronique. Car on y décèle beaucoup d'insuffisances sur le plan des structures. G.J .N. : Crise de structures, donc. Mais on pourait aussi parler de crise de confiance entre le gouvernement et les cinéastes. C'est presque l'impasse, surtout quand on sait que le mécénat d'Etat est au Cameroun la seule

Tribune, n° 3711 du vendredi 31 octobre 1986. 99

source de financement de la production nationale. Jean-Claude Tchuilen : Il est évident que tant que les films camerounais n'auront pas accès à l'écran, il sera difficile pour le cinéaste de se libérer de la tutelle de l'Etat. Les raisons de l'impasse sont bien connues. Elles tiennent pour l'essentiel aux modalités actuelles de financement des films. Je pense personnellement qu'il y a lieu de mettre sur pied un arsenal de mesures contraignantes afin que les cinéastes ne confondent pas aides de l'Etat et fonds personnels. G.J.N. : En l'état actuel des choses, peut-on souhaiter plus d'Etat ou moins d'Etat dans le secteur cinématographique? Et à ce propos, que peut faire le gouvernement dans le domaine de la distribution pour persuader les exploitants de programmer camerounais ? Jean-Claude Tchuilen: L'idéal serait qu'il y ait un divorce progressif entre les pouvoirs publics et les cinéastes en matière de financement. Cela dit, je dois reconnaître qu'en l'absence d'autres sources de financement, les cinéastes continueront encore à dépendre du mécénat d'Etat. S'agissant de la distribution, le gouvernement peut adopter une politique de protectionnisme en instaurant non seulement un système de quota mais aussi une taxe supplémentaire pour les films étrangers déjà amortis sur le territoire. Cette mesure aurait pour but de décourager les distributeurs qui s'obstinent à maintenir dans le circuit de vieux films 100

et aurait pour conséquence de libérer les écrans au profit des films nationaux. G.J .N. : Il n'est de secret pour personne que vous faites partie de la nouvelle vague du cinéma camerounais. Comment définissez-vous cette nouvelle vague et qu'est-ce que le cinéma camerounais peut-il en attendre? Jean-Claude Tchuilen : C'est vrai. Je me réclame de la nouvelle vague du cinéma camerounais. Cette nouvelle vague constitue ce que l'on pourrait appeler la 2' génération des cinéastes camerounais; la 1'" étant composée des ténors comme Urbain Dia Moukouri, Dikongué-Pipa, Daniel Kamwa, etc. Cette nouvelle vague devrait se caractériser par une grande probité morale et intellectuelle, un zeste d'originalité et une parfaite maîtrise de la chose cinématographique. Ses œuvres doivent traduire l'expression de notre «camerounité» sans pour autant verser dans un cinéma «à la camerounaise ». G.J.N. : Y a-t-il lieu d'espérer que la J' décennie du cinéma camerounais soit celle de son décollage? Jean-Claude Tchuilen : J'aurais manqué de logique que de ne pas souhaiter des lendemains heureux à notre cinéma. Nous avons tout ce qu'il faut pour faire de ce cinéma un cinéma fort, à l'exemple de ceux des pays comme l'Egypte ou la Tunisie: de bons techniciens, de bons comédiens et une volonté politique. Il appartient à chacune des parties d'assumer ses responsabilités. Je souhaite, à l'aube de

cette 3' décade du cinéma camerounais, que notre gouvernement fasse un peu plus confiance aux cinéastes et évite l'amalgame. Cette confiance doit se traduire non seulement au travers des rapports «cinéastes - pouvoirs publics », mais aussi dans la reconnaissance des qualités professionnelles des techniciens camerounais. Il est par exemple incon-

5

cevable qu'aujourd'hui encore le gouvernement confie à des cinéastes étrangers la réalisation des films de commande alors que notre pays regorge de techniciens chevronnés. Je dois cependant louer les efforts qu'il a consentis jusqu'ici pour développer notre cinéma, bien que ce secteur ne soit pas prioritaire dans nos plans qumquennaux.

- L'APPAT DU GAIN (jules Takam)

L'auteur. Jules Takam, Camerounais de nationalité, se rend à Paris en 1967 après ses études primaires à Douala. Il entre au Conservatoire libre du cinéma français d'où il sort deux ans plus tard comme assistant-réalisateur. Après divers stages en laboratoire pour le tirage de films 16 mm puis de montage au ministère de la Coopération sous la direction d'A. Davanture, il travaille de 1975 à 1979 à l'ORTF et participe à l'émission d'Alexandre Tarta: «Bouvard en liberté », puis à celle d'A. Frédéric «le Grand Echiquier ». Il collabore également à deux dramatiques: Trente ans ou la vie d'un joueur réalisé par M. Moussy et Docteur noir de G. Vergez. Synopsis. Le chef d'un groupe de firmes internationales avide de gros bénéfices, Macquet, s'est approprié les résultats de recherches géologiques effectuées en «Afrique centrale ». Pour exploiter les richesses prometteuses qu'elles ont démontrées, il s'emploie à destabiliser le pouvoir en place. Le président Kalanda prend vite conscience du danger et réagit en réprimant aveuglément toute opposition. Par cette attitude, il provoque le renforcement du mouvement révolutionnaire qui se réfugie à Paris. Macquet rétorque en tentant d'abord de s'appuyer sur le gouvernement français; mais en vain. Il parvient alors à soutirer des coffres de l'Etat africain des fonds importants grâce à la complicité de notables locaux. Les révolutionnaires avertis du hold-up les détournent dès leur arrivée à l'aéroport. S'engage alors une lutte sans merci entre les partis impliqués 101

pour s'accaparer le trésor et tous les coups sont permis. Finalement' les hommes de Kalanda sortent victorieux de la bataille; l'argent volé et les documents géologiques rejoignent les coffres de l'Etat... Mais il y aura d'autres Macquet pour essayer de s'approprier les richesses de l'Afrique. Fiche technique. 1982, Paris et ses environs. Réalisateur: Jules T akam ; Directeur de la photographie: J.J. Renon; Musique: Jo Maka; Cameraman: Gérard Loubeau; Scripte: Nathalie Perret; Ingénieur du son: Lionel Crampon; Montage: Marie-Christine Rougery; Mixage: Alain Garnier; Diredeur de la production: Rachel Dray; Production: Jules T akam Production. Fiche artistique Gérard Essomba: Colonel Defosooh Howard Vernon: Ministre des Affaires étrangères André Daguenet : Macquet Sidiki Bakaba: Goffa Pierre Belot: Claude Mazeau Cheikh Doukouré : Ministre Chikaya Michel Garnoy: Rambur Hausser Meyong Bekate: Marabout Moussa Touré Pierrette Dupoyet: Duchesse de Deville Abia Mukoko : J oya Célestine Ewandé: Magneux Ludovic Kouvahe: Moulet Pascal Zonzi: Chiwoua Dieudonné N'Diaye: Mougna Simone Caillot: Nathalie Joseph Momo : Bambouto Patrice Melennec (avec la participation de) * **

Interview

de Jules Takam *

On aurait souhaité assister à moins de tirs au pistolet, d'autant que le colonel africain qui mène l'enquête opère sur un territoire étranger: la France. Il est vrai que >, ln Bingo, n° 346 de novembre 102

nous avons visionné ce film au stade du mixage et des coupes peuvent encore être réalisées sur la bobine avant la sortie prévue pour la fin de l'année. Ceci étant, L'appât du gain 1981.

vaudra la peine d'être vu. Pour la première fois, des Noirs « tournent» dans les rues de Paris. Cette innovation dans la méthode et le décor ne constitue pas la seule originalité. Refusant la solution de facilité qui consiste à se limiter aux. problèmes de dot, de mariage... le Camerounais Jules Takam aborde les sujets d'actualité: une fiction politicopolicière (l'auteur préfère que l'on ne retienne que le second thème). Ce qui ne veut pas dire que la tradition est rejetée: d'où la présence d'un marabout auquel d'ailleurs viendront s'adresser les Européens pour résoudre leurs problèmes. De quoi s'agit-il? Un Premier ministre d'Afrique centrale est en visite officielle à Paris où sont installés des opposants. Pendant son absence, la Banque centrale est cambriolée par des Européens membres de la mafia internationale avec la complicité de certains hauts fonctionnaires locaux dont l'intention est de renverser le régime en place. Butin: 3 milliards de F CFA.Un bien mal acquis ne profitant guère, les cambrioleurs se verront à leur tour « souffler» ce pactole à Paris par les opposants africains qui dès lors vont tourner le dos à la révolution. La morale sera sauve puisqu'un colonel, resté fidèle au régime, viendra à Paris décimer ces gangs malgré d'alléchantes propositions qui lui seront faites.. . L'auteur de ce film a d'autant plus de mérite que son itinéraire est loin de ce qu'on pourrait qualifier d'intellectuel. Autodidacte, il aime souvent répéter à ses interlocuteurs: «Je n'ai aucun diplôme, ni de l'enseignement supérieur, ni même de l'enseignement secondaire. » C'est à peine s'il a achevé son C cle primaire. En 1955, alors qu'i n'a que 14 ans, il quitte son village natal à l'ouest du Cameroun pour s'installer à Douala. Il y apprend à coudre les

r

habits. En 1967, il se rend à Paris et s'inscrit aux cours de l'Alliance française pour perfectionner son français. Ensuite, il entre au Conservatoire indépendant du cinéma français. L'intervention d'un haut fonctionnaire du ministère de la Coopération lui permet peu après d'effectuer 9 mOIS de stage à la télévision dans l'ancien ORTF(Office de radiodiffusion télévision française) en tant qu'assistant-réalisateur. Ce qui le fait travailler avec des maîtres comme Jacques Chancel ou Philippe Bouvard. Après la TV, il retourne au ministère de la Coopération pour un stage de six mois en tant qu'assistantmonteur et il termine par quatre mois de stage en laboratoire à Joinville-le-Pont. C'est donc avant tout un homme de terrain qui vient de réaliser son premier film. Question: Vous avez pratiquement pris le contre-pied de vos collègues en tournant le dos aux sujets qui concernent la dot, le mariage, la coutume... Takam : Je ne crois pas que tout ce qui touche à notre tradition soit une mauvaise chose. Ainsi, lorsque j'ai créé la scène où les Européens vont consulter un marabout, c'était pour faire comprendre à nos frères que les Européens nous trompent: ils bafouent notre culture tout en reconnaissant intérieurement son bienfondé, et surtout lorsque cela les arrange. Mais vous conviendrez aussi avec moi que ce domaine de la tradition est bien limité, sans compter le fait que nos cinéastes abordent parfois des sujets intéressants qu'ils ne parviennent pas à développer. Question: Vous risquez d'être pris en tenailles dans votre film entre gouvernants et opposants. Takam: Je serais très fier si cet aspect des choses était retenu. Ce qui 103

ne veut pas dire que je demande aux gens de militer à droite ou à gauche. Je souhaite seulement que les gens prennent conscience en eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils soient objectifs.

sible aux propositions indélicates qu'on lui fait). L'essentiel, à mon sens, est donc que chacun occupe sa place. Tout le monde ne peut pas être chef d'Etat.

Question: Que signifie être objectif dans la réalité actuelle de l'Afrique?

Question: Tourner dans les rues de Paris ne doit pas être facile, surtout lorsqu'on est Noir?

Takam : Cela signifie éviter des idées révolutionnaires et des mentalités importées. Notre peuple doit d'abord prendre conscience dans le sens de la solidarité, base de notre société. Question: Ce qui veut dire que dans votre démarche, vous n'êtes pas opposé dans l'absolu aux régimes de parti unique? Takam: Il faut laisser à chaque peuple le soin de se gouverner comme il l'entend, surtout dans la mesure où il trouve son bonheur dans tel ou tel régime. Question: Dans ces conditions vous donnez forcément un mauvais rôle à l'opposition? Takam: Non, je n'ai pas donné de mauvais rôle à l'opposition. En général, quand on parle de changement, tout le monde croit que l'opposition va apporter le bonheur. Ce que j'ai voulu démontrer, c'est qu'il ne suffit pas de dire « ôte-toi de là que je m'y mette ». Encore faut-il faire ses preuves. Aujourd'hui on critique tel ou tel chef d'Etat parce qu'il n'a pas réalisé telle ou telle œuvre. Alors, j'ai voulu prendre du recul et me demander: si l'on mettait Pierre ou Paul à la place de ce chef d'Etat tant décrié, ferait-il mieux? Quand on voit tous ces coups d'Etat successifs dans nos pays, l'on a parfois honte d'être Africain. Ce que j'ai voulu démontrer c'est qu'il y a tout de même dans nos Etats des fonctionnaires intègres (c'est le cas du colonel Defosooh qui mène son enquête en restant insen-

104

Takam: Cela m'a posé beaucoup de difficultés, d'autant plus que j'ai dû tourner le film en 21 jours compte tenu de la modicité de mes moyens. J'ai réussi à convaincre certains camarades à partir de mon scénario. C'est le cas de Gérard Essomba qui s'est investi dans mon film sans contrepartie. Il a mis à notre disposition sa voiture, ses habits, son temps... Il a été d'un apport considérable. Il prend conscience de la nécessité du développement du cinéma africain. Presque la majorité des comédiens africains ont joué dans le sens de cette solidarité. Je profite de cette occasion pour les remercier. Question: nombreux film.

On voit d'autre part de acteurs européens dans ce

Takam: Le cadre de l'action se situant à Paris, il était normal qu'il y ait autant de Noirs que de Blancs; il fallait aussi qu'on voit les Blancs dans leur réalité quotidienne. J'ai profité du fait que j'avais effectué un stage à la télévision: cela m'a permis d'être facilement en contact avec les acteurs. Question: La présence de ces acteurs européens devrait vous faciliter l'accès au réseau français de distribution. Takam: Vous savez que tout ce qui est coloré est difficilement acceptable ici en Europe. A ces difficultés s'ajoute le fait que je ne suis soutenu par aucune puissance financière; or le cinéma, c'est l'argent. Je suis seul,

c'est moi-même qui crée, réalise et prends des contacts. Question: Vous êtes Camerounais, pourquoi n'avez-vous pas sollicité le concours du FODIC à Yaoundé? Takam: Je n'étais pas connu au Cameroun; si j'avais fait appel au FODIC, on aurait peut-être mis en cause mes capacités. En revanche, je crois que ce film me servira de carte de visite. Les responsables du Fomc

seront convaincus que je suis capable de gérer des fonds s'il leur arrivait de m'en allouer pour réaliser un autre film. Question: Comment vous situezvous par rapport aux autres réalisateurs camerounais? Takam: Je me définis comme le cadet de Dikongué- Pipa, Daniel Kamwa et Dia Moukouri. Je ne citerai que ces trois noms.

6 - LES COOPÉRANTS (Arthur Si Rita)

L'auteur. Arthur Si Bita est né le 17 juin 1948. Licencié en Lettres et titulaire d'une maîtrise en Littérature moderne en 1976, il enseigne pendant deux ans dans son établissement d'origine, le collège évangélique de Libamba, avant de se tourner vers le cinéma. Il fait son apprentissage sur le tas en participant aux réalisations de la direction de la cinématographie camerounaise. Il réalise quatre films en super 8 dont un long métrage de fiction: La guitare brisée, et son tout premier court métrage: Les enfants de l'écran en 1974. En 1981 à Ouagadougou, il tourne No time to say goodbye, un court métrage de 11 mm. Les coopérants est son premier long métrage professionnel réalisé en 1983. Synopsis. Les séquelles de la colonisation sont telles qu'aujourd'hui, vingt ans après l'accession des pays africains à l'indépendance, on déplore encore la mort lente de nos villages qui n'ont jamais cessé de se départir de leur forces vives. Et la communauté villageoise continue de s'anémier et les gouvernements africains de s'organiser pour endiguer le mal. Voilà qu'on invente par-ci, par-là, des stratégies pour le développement du monde rural. Partout de véritables expéditions s'activent pour sauver l'arrière-pays de l'anéantissement. Les coopérants s'inscrivant dans cette mouvance est une sorte de fable moderne qui illustre l'héroïsme d'une jeunesse 105

africaine idéale. Ils sont donc sept jeunes étudiants qui, d'un commun accord, pendant leur temps de vacances, acceptent de quitter leur confort citadin, pour aller s'intégrer dans la communauté villageoise. Mais les choses ne sont pas bien faciles, lorsqu'on est six jeunes gens et une fille. En effet, Michèle, l'unique fille du groupe, est aimée par le chef de l'expédition, Ebeni Silo. Le groupe lui-même comporte dans son sein un élément difficile: Richard, dont le père est gravement malade, doit quitter à regret sa famille pour l'aventure. Arrivés au village d'Ebizok, les jeunes «coopérants» apprennent par Kos, le fils du chef Mbarga, un jeune paysan qui a fait ses études en ville, que les villageois vivent dans un climat de complexe et totale dépendance envers un certain Nti, grand fonctionnaire en retraite anticipée, ayant profité on ne sait trop de quelle importante somme de financement pour investir dans la terre. C'est incontestablement le grand patron de toute la région. Mais ce «néo-colon» oriente les paysans vers une culture spéculative qui ne rapporte qu'à lui. Cependant, grâce à la distribution de multiples dons, il a acquis une popularité considérable. Kos, dans la tradition des héros qui font triompher l'amour, s'éprend de Michèle au grand dam d'Ebeni Silo qui doit maîtriser sa jalousie pour que vive intact l'idéal du groupe. Et les «coopérants» travailleront avec les paysans dans les champs ainsi qu'au village, sans incident et toujours en accord avec leur idéal jusqu'au jour où survient un étrange personnage appelé Eboo qui se dit envoyé du gouvernement. Il vient annoncer l'organisation d'une fête populaire à Ebizok. Cette fête aura pour objet de permettre aux autorités administratives locales et aux villageois eux-mêmes de remercier nos jeunes étudiants pour tout ce qu'ils ont pu réaliser à Ebizok. Au fil des jours, nos jeunes gens dans ce petit village de forêt continuent de vivre des moments particuliers: le puissant Nti se fait houspiller en public par le jeune villageois que l'on nomme l'artiste... Richard reçoit la visite inattendue de sa sœur Evelyne, venue annoncer la triste nouvelle du décès de leur père. Mais elle taira cette nouvelle de peur de briser l'harmonie du groupe. La fête qui marque la fin du séjour de nos coopérants survient avec l'arrivée des officiels et des célèbres artistes, tels 106

Medjo Mensom, Archangelo de Moneko, les Gospels Singers de Yaoundé, l'oncle Otsama et bien d'autres. Pendant ces temps de festivités, on danse, chante et mange. C'est la fête des retrouvailles où les travailleurs manuels et les bureaucrates renouent avec la tradition. Le dernier jour de cette fête apporte cependant une surprise. Eboo, le mystérieux personnage, fait tomber son masque et se révèle être un commissaire de police qui, depuis longtemps, cherche des preuves pour accabler le grand Nti. Mais on accuse donc Nti de quel forfait? Notre ancien fonctionnaire est appréhendé par la police dans un coin de forêt alors que les villageois et les officiels suivent un match de football opposant les coopérants aux jeunes paysans d'Ebizok. Nti se sentant perdu prend en otage l'artiste et s'enferme dans sa villa. La police s'organise pour tenter de délivrer l'otage...

Fiche technique. Production: Fomc ; Scénario et réalisation: Arthur Si Bita; Dialogues: Guillaume Oyono M'Bia; Musique: Pierre Akendengué; 1erassistant-réalisateur: Richard Antoine Lobé; Scripte girl: Louise Kingué ; Producteur exécutif: Richard Basile N goumou; Producteur délégué: Arthur Si Bita ; Régisseurs: Christian Ella Bita, Basile Amang ; Directeur de photographie et cadreur: Rafi Toumayan; Assistants-opérateurs: Bonaventure Takoukam, Philippe Fleury; Ingénieur du son: Jean-Pierre Le Roux; Perchman: Edimo Dikobo; Bruitage: Jacques Tassel; Mixage: Gérard Lamps; Chef monteuse: Aurélie Ricard; Assistantemonteuse: Marie-Annik Marin; Stagiaire monteuse: Christine Vernont; Chef électricien-machiniste: Roland Toumayan; Electriciens-machinistes: Florent Ebilly, Criquet Oyono Ndoum, Frank Essian; Chef décorateur et accessoiriste: Père Abiassi.

Fiche artistique Gérard Essomba: Nti Stanislas Awana: Le chef du village David Endene: Ebeni Silo Tokoto Ashanti: L'artiste Malou Zogo : Michèle 107

Georges Anderson: Kos Daniel Ndo: Eboo Essindi Mindja : Richard Binda Ngazolo : Fifi Tadié Tuene: Pierre Georges Price: Jacques Jean Moundoumboue : Jean-Pierre Anne-Marie Nzié: La mère de Kos Marthe Zambo: Bella Jean-Vincent Tchenehom: Le représentant de Minagri Marthe Momha: Madame Nti Michèle Makaké: La journaliste Pascal Meliti: Le patriarche Jean-Pierre Atangana Messi: Le guérisseur Lévi Zam Akamse: 1" Notable André Akem Bita: 2e Notable Marcel Obam: Le chef du village voisin Alfred Bita: 3e Notable Ossu Bita: Le sous-préfet Révérend pasteur Azombo : Le pasteur d'Ebizok Adolphe Claude Mballa: Le chef du protocole Mendogo Me Nomo: Le conteur Evelyne Assa'ale: La sœur de Richard (Evelyne) Les Gospels Singers de Messa II : La chorale Célestine Essono Mani: L'amie d'Evelyne Criquet Oyono Ndoum: Un homme de main de Nti Annie Mengue: La fille de Nti Lucienne Bissa: L'aide guérisseur Pierre Makon: Le gardien des plantations 7 - SCHUBBAH (jean-Marie Téno)

L'auteur. Jean-Marie Téno est sans conteste l'un des meilleurs réalisateurs de la nouvelle génération des cinéastes camerounais. Né le 14 mai 1954 à Famleng (Ouest-Cameroun), il commence par faire un peu de radio comme technicien de son, avant de s'inscrire à l'Institut universitaire de technologie de Ville-d'Avray (France) où il passe un DUTd'électronique. On le retrouvera plus tard à l'université de Valenciennes où il prépare une maîtrise en Communication audio-visuelle. Depuis 1985, il 108

est chef monteur TV à la 3e chaîne de télévision française (FR3). Jean-Marie Téno a réalisé à ce jour quatre courts métrages qui ont connu un vif succès et remporté plusieurs palmes festivalières. Synopsis. A travers la vie du journal Bwana, on découvre les préoccupations de jeunes immigrés d'origine africaine vivant en France. Au-delà du besoin d'informer, l'équipe de Bwana se propose de jeter un regard neuf sur les problèmes africains et aussi de donner son point de vue sur la vie sociale enVironnante. Le ton général du film est tendre et drôle. C'est en même temps une balade à travers les lieux de Paris où vivent ces jeunes et aussi un £lash-back sur l'histoire des journaux africains en France: 25 ans après les indépendances africaines, 25 ans après la première vague d'immigration africaine en France, 25 ans après les premiers soulèvements des Noirs américains. L'équipe de Bwana lance le pari, mi-défi mi-poésie, de faire renaître les espoirs de libération de leurs aînés et d'exprimer le potentiel créatif né du brassage des cultures européennes, américaines et africaines qu'on appelle la Black Culture.

Fiche technique.

Image: Philippe Cassart et J ean- Marie T éno,

Son et montage: Garnier.

Madeleine Beauséjour, Mîxage:

Alain

8 - HOMMAGE (jean-Marie Téno)

Synopsis. Deux amis se rencontrent après une longue séparation et évoquent des souvenirs: leur enfance, le village, la ville, les traditions et l'émigration vers les grands centres urbains. L'un est resté au village, l'autre a voyagé et beaucoup étudié; leurs souvenirs s'en trouvent légèrement décalés. Sur des images de Bafoussam (ville de l'ouest du Cameroun) tournées la caméra à l'épaule, ce film tire son originalité et son 109

émotion de la structure narrative qui rappelle les contes le soir au coin du feu. Le dialogue entre les deux amis nous berce et nous emmène avec malice au cœur des problèmes de ce petit village qui sont un peu ceux qu'on retrouve dans la société camerounaise et africaine.

9 - FIEVRE JAUNE TAXIMAN (jean-Marie Téno)

Synopsis. Ils sont jaunes les taxis au Cameroun. C'est le moyen de transport populaire par excellence. Sam est «taximan» (chauffeur de taxi). Il est jeune, dynamique et bien qu'il aime la balade, être assis 10 à 12 heures par jour le fatigue et surtout l'ennui. Sam joint l'utile à l'agréable: il drague. Dans un pays où «l'habit fait le moine », Sam joue à « paraître» et passe son temps à se «foutre de la gueule» du monde. Mais Sam aussi n'est pas clair. Pour preuve: cette frénésie qu'il met à faire de nouvelles conquêtes amoureuses sans lendemains. Un moyen commode et efficace pour ne pas regarder la réalité en face, afin de ne pas prendre ses responsabilités face à cette jeune fille mère dont il semble encore amoureux.

Fiche technique. Image.. Bonaventure Takoukam; Son.. Edimo Dikobo ; Montage.. Marie Bellanger ; Musique.. Billy Komg Lobo. Interprètes. Essindi Mindja, Berthe Mbia, Félicité Wouassi, Jean Minguelé, Jean Bedièbe, Billy Komg Lobo, Serange Mebina et Sidonie Lebouga.

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J. DÉCRET N° 73-673 DU 27 OCTOBRE 1973 création et organisation du Fonds de développement de l'industrie cinématographique.

LE PRÉSIDENT

DE LA RÉPUBLIQUE

Vu la Constitution de la République unie du Cameroun; Vu le décret n° 72-281 du8 juin 1972 portant organisation du gouvernement de la République unie du Cameroun; Vu le décret n° 72-425 du 28 août 1972 portant organisation du ministère de l'Information et de la Culture, DÉCRÈTE:

TITRE I Objet. Article premier. - Il est créé pour compter de la date de signature du présent décret un établissement public doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière ayant pour objet de favoriser le développement de l'industrie cinématographique. Cet établissement dénommé: Fonds de développement de l'industrie cinématographique (en abrégé FODIC) est placé sous la tutelle du ministre chargé de la cinématographie. Son siège est à Yaoundé. Art. 2. - 1° Conformément aux modalités fixées par son règlement intérieur, le Fonds de développement de l'industrie cinématographique intervient en vue de : - La production de films cinématographiques camerounais; - La production de journaux filmés; - L'amélioration des conditions de distribution et de location des films au Cameroun; - L'équipement des industries techniques (laboratoire, auditoriums, salle de montage); La construction et la modernisation des théâtres cinématographiques ; - L'expansion du cinéma camerounais à l'intérieur et à l'exténeur. 2° A cet effet, le Fonds de développement de l'industrie cinématographique procède, entre autres, aux interventions ci-après: 1. Octroi de prêts pour l'équipement des salles de spectacles cinématographiques;

-

113

2. Garantie des prêts accordés par l'établissement de crédit aux producteurs nationaux de films et aux exploitants de salles de spectacles cinématographiques; 3. Attribution de diverses formes de soutien financier aux cinéastes camerounais.

TITRE II Organisation et fonctionnement. Art. 3. - Le Fonds de développement de l'industrie cinématographique comprend les organes suivants: - Un conseil d'administration; - Une direction comprenant un service financier et comptable; - Une commission financière. CHAPITRE I Du

conseil d'administration.

Art. 4. - 1. Le conseil d'administration du Fonds de développement de l'industrie cinématographique est composé ainsi qu'il suit: Président:

-

Le ministre chargé de la cinématographie

_ UnMembres: représentant

ou son représentant;

du secrétariat général de la Présidence de la République; - Un représentant du ministère des Finances; - Un représentant du ministère du Développement industriel et commercial; - Un représentant du ministère de l'Education nationale; - Le directeur de la cinématographie ou son adjoint; - Deux représentants des secteurs: production, distribution, exploitation de la profession cinématographique au Cameroun. Le directeur du fonds qui en assure le secrétariat et son adjoint assistent au conseil avec voix consultative. Toute autre personne dont la présence s'avère utile peut assister avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration sur convocation de son président. 2. Les représentants des départements ministériels sont désignés parmi les fonctionnaires en poste dans ces départements, après avis des ministres intéressés. 114

Lorsqu'un administrateur aura, en cours de mandat, perdu la qualité qui avait motivé sa désignation, il sera pourvu a son remplacement. 3. Les fonctions des administrateurs sont gratuites. Toutefois, il peut leur être alloué Une indemnité de session dont le taux est fixé par le conseil d'administration.

Art. 5. - Le président convoque le conseil aussi souvent que l'intérêt du fonds l'exige et au moins deux fois par an. Sauf cas d'urgence, les convocations ainsi que l'ordre du jour doivent parvenir aux membres du conseil au moins huit (8) jours avant la date de la réunion. Art. 6. - 1. Le conseil délibère valablement si la majorité au moins de ses membres sont présents. Ses décisions sont prises à la majorité simple des membres présents. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. 2. Les délibérations du conseil sont constatées par des procèsverbaux inscrits sur un registre tenu au siège du fonds et signés par le président et par le secrétaire de séance.

Art. 7. - 1. Le conseil dispose des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et l'administration du Fonds de développement de l'industrie cinématographique. 2. Il arrête la politique générale du fonds, réglemente et contrôle ses activités. 3. Il lui appartient en particulier:

-

D'arrêter le règlement intérieur; D'approuver le budget prévisionnel, les comptes et bilans; D'approuver le programme annuel d'action du fonds, le rapport annuel d'activités du directeur et le rapport financier de l'exercice écoulé; - D'autoriser le recrutement et le licenciement des cadres; - De contrôler a posteriori les recrutements et les licenciements des agents relevant du code du travail intervenus depuis la précédente réunion du conseil; - D'autoriser la nomination par le directeur du fonds du chef de service financier et comptable et de son adjoint; - De fixer les avantages de toute nature alloués au directeur adjoint, au chef de service financier et comptable, à son adjoint et autres cadres du fonds; - D'autoriser la passation de toutes conventions relatives à la gestion et au fonctionnement du fonds; - De consentir, d'accepter tous dons, legs et libéralités; - D'autoriser dans la limite de ses moyens financiers, les prêts et 115

les emprunts sous réserve, dans ce dernier cas, d'obtenir l'aval de l'Etat; - De fixer le statut du personnel et les modalités de rémunération. CHAPITRE II De la direction

du fonds.

Art. 8. - 1. Placée sous l'autorité d'un directeur nommé par décret, éventuellement assisté d'un adjoint nommé par arrêté présidentiel, la direction du fonds de développement de l'industrie cinématographique exécute les décisions prises par le conseil d'administration dans la limite des pouvoirs qui lui sont délégués par celui-ci. 2. Le directeur du fonds de développement de l'industrie cinématographique élabore le programme annuel d'action du fonds, le projet de budget du nouvel exercice et le rapport annuel d'activités de l'exercice écoulé. Il est ordonnateur du budget. A ce titre, il ouvre au nom du fonds un compte courant bancaire et un compte courant au trésor: les chèques sont signés conjointement par lui et par le chef du service financier et comptable du fonds prévu à l'article 9 ci-dessous. Il recrute, licencie et nomme tous les personnels sous réserve des approbations prévues à l'article 7 ci-dessus. Il gère les fonds; Il procède à la réorganisation interne du fonds, sous réserve de l'approbation du ministre de tutelle; Il représente le fonds dans tous les actes de la vie civile et en justice; Il peut, sous sa responsabilité, donner délégation de signature à ses collaborateurs immédiats pour les actes de gestion courante. 3. Le directeur du fonds est civilement responsable des fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions. Art. 9 - 1. Placé sous l'autorité d'un chef de service financier et comptable ayant la qualité de comptable assisté d'un adjoint, le service financier et comptable est chargé de l'exécution du budget du fonds. 2. Le chef du service financier et comptable assure le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses prévues au budget. A cet effet, il tient la comptabilité générale et la comptabilité analytique des opérations du fonds. 3. Il s'assure de la régularité de l'exécution du budget du fonds. A ce titre, il contrôle et vise tout acte à incidence financière pris par le directeur du fonds, ordonnateur du budget. 116

4. Il tient la comptabilité-matières: lui-même, il en exerce le contrôle.

lorsqu'il

ne peut la tenir

CHAPITRE III De la commission

financière.

Art. 10. - 1. Il est institué une commission financière du Fonds de développement de l'industrie cinématographique dont le rôle est d'assurer en permanence le contrôle de sa gestion financière. Cette commission de trois membres est composée ainsi qu'il suit: Président:

-

Un représentant

de l'Inspection

-

Membres: Un représentant Un représentant

du ministère des Finances; du ministère de l'Information

générale de l'Etat;

et de la Culture. Ces représentants des départements ministériels sont désignés parmi les fonctionnaires en poste dans ces départements après avis des ministres intéressés. Lorsqu'un membre de la commission financière aura, en cours de mandat, perdu la qualité qui avait motivé sa désignation, il sera pourvu à son remplacement. 2. Cette commission dispose de tous pouvoirs d'investigation tant sur pièces que sur place pour le contrôle général et permanent de la gestion financière du fonds. Elle est habilitée à adresser toutes observations justifiées sur la gestion financière au directeur et au chef du service financier et comptable du fonds. Le président du conseil d'administration reçoit un double de ces observations. 3. La commission financière apure les comptes du Fonds de développement de l'industrie cinématographique et est tenu d'adresser un rapport annuel sur la gestion financière du fonds au président du conseil d'administration. 4. Il est alloué aux membres de cette commission une indemnité dont le montant est fixé par le conseil d'administration. Cette indemnité est supportée par le budget du fonds. CHAPITRE IV De la tutelle sur les actes du directeur. Art. 11. - 1. Le ministre chargé de la cinématographie suit toutes les activités du Fonds de développement de l'industrie cinématographique dont il assure la tutelle. 117

2. Doivent recevoir l'approbation préalable du ministre de tutelle, les actes suivants: Toutes poursuites intentées contre des tiers devant les tribunaux; - Tous projets de contrats, notamment en matière de locations d'immeubles, d'acceptation de dons, legs et dotations d'organismes d'aide extérieure; Les décisions infligeant des sanctions disciplinaires au chef de service financier et comptable et à son adjoint; Les projets de budget élaborés par le directeur pour être soumis au conseil d'administration; L'engagement de toute dépense égale ou supérieure à cent mille (100 000) francs; - Tous projets de textes, notes et circulaires relatifs à l'organisation générale interne du Fonds de développement de l'industrie cinématographique.

_

_ _ _

Art. 12. - La gestion financière et comptable du Fonds de développement de l'industrie cinématographique est soumise aux règles de la comptabilité commerciale. A cet effet, un plan comptable, approuvé par arrêté conjoint du ministre de l'Information et de la Culture et du ministère des Finances, déterminera les modalités d'après lesquelles seront effectuées les opérations financières et comptables du fonds, notamment:

- Les règles applicables en matière d'évaluation et de réévaluation des immobilisations; - La nature des immobilisations amortissables qui devront être individualisées au bilan; - Les règles de calcul des amortissements et des provisions; - Les normes d'élaboration de la comptabilité analytique d'exploitation. Art. 13. - Les recettes et les dépenses du Fonds de développement de l'industrie cinématographique sont prévues dans un budget comportant deux parties distinctes: - Le programme d'exploitation (recettes et dépenses ordinaires) ou compte d'exploitation; - Le programme d'investissement et de renouvellement ou compte d'opérations en capital. Art. 14. - Le projet de budget est préparé par le directeur du fonds. Il doit être en équilibre. Il est approuvé par le conseil d'administration. Art. 15.

-

Le fonds est alimenté par les ressources suivantes:

- Une dotation initiale dont le montant est déterminé par le ministre des finances sur proposition du conseil d'administration; 118

- La taxe complémentaire de 1,50 % sur le chiffre d'affaires intérieure perçue sur les recettes des eXploitations cinématographiques; - Les droits d'inscription au registre des exploitants cinématographiques agréés; - Les droits de délivrance de l'autorisation de prises de vues cinématographiques et des enregistrements sonores; - Les droits de délivrance des visas d'exploitation des films cinématographiques et des enregistrements sonores; La taxe additionnelle aux prix des places dans les salles de spectacles cinématographiques; - Le produit de toute ressource fixée par la loi des finances et affectée au fonds; - Les subventions éventuelles de l'Etat et des collectivités publiques; - Le produit des emprunts éventuels contractés par le fonds auprès d'organismes financiers, sous réserve de l'aval de l'Etat; - Les dotations de tout organisme d'aide extérieure; - Le produit des remboursements de prêts consentis par le fonds sous forme d'avances remboursables; - Les dons et legs de toute nature; - Les produits divers. Art. 16. - 1. Les droits d'inscription au registre des exploitants cinématographiques agréés sont perçus au moment de la délivrance de l'autorisation d'ouverture de l'exploitation cinématographique. Les exploitants cinématographiques en activité devront s'acquitter de ces droits à une date qui sera fixée par arrêté du ministre de l'Information et de la Culture. 2. Les droits de délivrance de l'autorisation de prises de vues cinématographiques et des enregistrements sonores ainsi que les droits de délivrance des visas d'exploitation des films cinématographiques et des enregistrements sonores sont payés au moment de la délivrance des autorisations prévues à cet effet. 3. La taxe additionnelle aux prix des places dans les salles de spectacles cinématographiques est payée par le spectateur à la caisse de l'exploitation cinématographique au moment de l'achat du billet d'entrée. L'exploitant de la salle de spectacles cinématographiques est tenu de reverser au fonds l'intégralité du produit de la taxe additionnelle.

-

Art. 17. - 1. Le chef du service financier et comptable du fonds tient un quittancier analogue à celui détenu par les chefs des postes comptables du trésor. 2. Au moment de chaque versement des droits de taxe susvisés, il délivre à la partie versante l'original de la quittance et adresse à la 119

Direction de la cinématographie un duplicata dans les conditions qui seront fixées par arrêté du ministre chargé de la cinématographie. 3. Art. 18. - Dans les trois mois qui suivent la clôture de l'exercice financier, le directeur du fonds établit un rapport annuel et un rapport financier au 30 juin qui sont approuvés par le conseil d'administration. TITRE IV Dispositions diverses. Art. 19. - Des arrêtés du ministre de l'Information et de la Culture préciseront en tant que de besoin, les modalités d'application du présent décret. Art. 20. - Le ministre de chargé de l'exécution du présent journal officiel de la République anglais. Yaoundé, le 27 octobre

120

l'Information et de la Culture est décret qui sera enregistré et publié au unie du Cameroun en français et en 1973.

4. Acte de création de la Coopérative du film camerounais A - Exposé de motifs

- Considérant le marasme dans lequel se trouve actuellement le cinéma national sur le plan de l'exploitation et de la distribution. - Considérant que la profession cinématographique au Cameroun ne peut évoluer sainement sans l'organisation d'une distribution systématique et contrôlée du film national sur toute l'étendue du territoire. - Considérant la difficulté que connaissent les auteurs réalisateurs nationaux pour diffuser leurs films dans les salles de toutes nos prOVInces. - Considérant qu'un film national, comme dans toutes les cinématographies développées, devrait être amorti dans les salles du territoire national. - Considérant que la naissance d'une véritable industrie cinématographique camerounaise ne peut passer que par une saine eXploitation de nos œuvres cinématographiques dont les recettes seraient automatiquement déclarées. - Considérant qu'une jeune industrie comme le cinéma camerounais devrait, pour se développer, jouir des mesures spéciales de protection. - Considérant ce qui suit, les auteurs réalisateurs de films camerounais se regroupent au sein d'une coopérative dénommée: «Coopérative du film camerounais ». B - Les buts de la Coopérative du film camerounais La Coopérative

du film camerounais

a pour but:

- La recherche des voies et moyens pour une meilleure diffusion de la culture nationale et africaine par le film cinématographique et autres supports audio-visuels. - Elle se charge de l'organisation, de la distribution et de l'exploitation du film camerounais dans nos théâtres cinématographiques et l'établissement des chiffres d'entrées et des recettes d'exploitation. - La coopérative visant essentiellement la promotion en salle, à la télévision nationale et en vidéo du film camerounais est à but non lucratif. 121

- La création de cette coopérative suppose sa filiation ou son intégration à l'association des cinéastes camerounais dont le but est de défendre les statuts juridiques de la profession cinématographique tout en promouvant son développement à l'intérieur et à l'extérieur du territoire national. Afin de parvenir à ses buts, la coopérative composée de ses membres qui se sont cotisés pour... déposés dans un compte d'une banque nationale (...) demande au ministère de l'Information et de la Culture et à la présidence de la République un soutien moral effectif. A cet effet les membres de la coopérative représentés par deux de ses membres résidant au Cameroun et le président de l'association des cinéastes camerounais se chargent de monter jusqu'aux instances supérieures chargées du développement de notre cinématographie les doléances de la coopérative qui se résume dans les points ci-dessous énumérés. C - Doléances

de la Coopérative

du film camerounais

- Afin d'encourager l'exploitant et le producteur du film national et par voie de conséquence la diffusion de nos films, les membres de la Coopérative du film camerounais sollicitent une détaxe systématique du film national et africain à l'exploitation en salle. - La coopérative du film camerounais souhaite vivement la collaboration et le soutien du Fomc et de la direction de la cinématographie pour rendre effectif le contrôle des entrées et des recettes ainsi que l'établissement des statistiques de fréquentation en salle cinématographique. - Afin de protéger l' œuvre cinématographique nationale et pour donner à cette œuvre toutes les chances de rentabilité dans les salles nationales, la Coopérative du film camerounais exhorte le ministre de l'Information et de la Culture d'instaurer légalement la pratique de temps d'écran d'une durée de 3 semaines pour le film national programmé dans les salles d'exclusivités des dix provinces du Cameroun et à raison au moins d'une projection par jour et par salle.

- La Coopérative du film camerounais souhaite que les prix d'entrée en cette période d'exclusivité soient fixés comme suit: . première semaine d'exclusivité: 1 500 F CFA . deuxième et troisième semaines: 1 000 F CFA - Pour la sauvegarde des intérêts de l'exploitant, du producteur national et de la coopérative qui ne vise aucun but lucratif, nous souhaitons voir les recettes distribuées selon les pourcentages suivants: 122

Sur un billet de 100 F.

. 45 % à l'exploitant de salle, . 45 % au producteur de film, . 10 % à la coopérative pour son fonctionnement. - La Coopérative du film camerounais pourrait accepter toute subvention de l'Etat susceptible d'encourager son action de diffusion de la culture nationale par le film. - La Coopérative du film camerounais sollicite la collaboration du ministère de l'Information et de la Culture pour la sensibilisation des exploitants de salles cinématographiques aux points 3, 4, 5, relatifs à la fixation du temps d'écran de trois semaines, des tarifs du temps d'exclusivité et de la répartition du pourcentage revenant aux différentes parties concernées. Fait à Paris, le 13 novembre

1985.

123

Communiqué

de presse

Les cinéastes camerounais présents à Vérone (Italie) du 17 au 22 novembre 1986 dans le cadre de la semaine du cinéma camerounais remercient Nigrizia, l'organisateur de cette manifestation qui a permis la découverte, la diffusion et la promotion de notre cinéma et de notre culture en Italie. Cette manifestation aurait dû bénéficier du soutien et du concours effectifs des autorités camerounaises, et il est regrettable que tel n'ait pas été le cas. A cette occasion, les cinéastes camerounais déplorent le caractère négatif du télex n° 2301/MINFOclDC du 10/10/86 du ministre de l'Information et de la Culture du Cameroun dont le contenu, de nature à discréditer certains cinéastes, n'a pas manqué de nuire au rayonnement et à la crédibilité de l'ensemble du cinéma camerounais. Ils dénoncent par ailleurs:

- La tentative d'influencer l'opinion publique à l'égard du procès en cours par une désinformation à travers la presse nationale et internationale. - Les manœuvres abusives de restriction circulation de certains cinéastes. -

La mise à l'écart systématique

autoritaire

des cinéastes nationaux

à la libre au profit

des cinéastes étrangers dans l'élaboration et la diffusion de l'image de marque de notre pays, la fabrication des programmes destinés à la télévision camerounaise, etc.

- L'absence évidente d'une volonté de relancer la production la diffusion cinématographiques nationales.

et

De même, les cinéastes soussignés, solidairement avec ceux impliqués dans le procès les opposant au Fonds de développement de l'industrie cinématographique (Fomc), se refusent à servir de prétexte à tout règlement de comptes personnel et souhaitent que toute la lumière soit faite, non seulement sur les prêts octroyés aux cinéastes pour la production de films, mais aussi sur tous les prêts consentis par le Fomc aux individus ou sociétés pour l'achat de matériels, l'aménagement et la construction des salles de cinéma. Les cinéastes camerounais saisissent, cette occasion pour réitérer leur entière disponibilité à apporter leurs contributions nécessaires 124

dans l'élaboration d'une réelle politique promotion de notre cinéma.

de développement

et de

Fait à Vérone, le 22 novembre DIKONGUE-PIPA

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JULES

1986

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125

Entretien

avec Louis Balthazar Amadangoleda *

Le cinéma camerounais se porte-t-il bien? On pourrait être tenté de répondre par l'affirmative quand on sait qu'un grand nombre de films africains programmés dans les salles sont d'origine camerounaise. Et pourtant, le cinéaste Louis Balthazar Amadangoleda, auteur de 2 films qui sont projetés en ce moment-même sur les écrans, nous invite à une certaine réserve. Dans l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder, il explique les difficultés qu'il a rencontrées pour faire son premier long métrage Les trois petits cireurs dont la sortie était prévue en 1978. Fonctionnaire au ministère de l'Information et de la Culture au Cameroun, il dénonce les carences administratives et se livre à une attaque en règle contre les prétendus cinéastes africains. Pour la première fois dans l'histoire du cinéma de ce pays, un réalisateur a fait deux films avec des capitaux privés nationaux.

l'aide de l'UNESCO. Ce documentaire de 40 minutes est publié en version anglaise et française - les deux langues officielles du Cameroun - et en deux procédés de 16 mm et 35 mm qui sont les caractéristiques des salles de cinéma de mon pays. Ce film, qui a coûté 24 millions de F CFAseulement, a été bien accueilli par les critiques et le public. A titre comparatif, d'aucuns réalisateurs disposant d'un budget équivalent sinon supérieur n'ont pu obtenir des résultats semblables. Estil besoin de préciser que c'est mon premier film en tant qu'auteur? Le long métrage Les trois petits cireurs est tiré d'une œuvre originale d'un grand romancier africain, Francis Bébey.

Question: Vous présentez deux films au public en même temps, ça fait beaucoup?

Louis Amadangoleda: Pour deux raisons simples. D'une part, les promesses que m'avaient faites les organismes publics camerounais n'ont pas été tenues. En Afrique, jusqu'à une époque récente, les films étaient pour la plupart financés par les pouvoirs publics, d'autre part, certains hauts fonctionnaires malintentionnés ont tout fait pour bloquer mon projet. On me reprochait mon franc-parler et on a constaté mes qualités techniques. Pourtant, j'ai fait le Conservatoire national d'art dramatique en 1973, j'ai appris la pratique et la réalisation à l'Ecole libre supérieure d'études cinématographiques. Je suis lauréat de la Fondation de France (développe-

Louis Amadangoleda : Je suis d'accord avec vous. Mais je vous fais remarquer que si les deux films sont sortis à la même période, ce n'est que par pure coïncidence. Ils n'ont pas été faits ni à la même date ni par la même équipe. Le premier est un documentaire ethno-historique réalisé à l'occasion de la triple manifestation marquant le centenaire de la naissance du roi N'joya Ibrahim, les 50 ans de règne de son fils Njimoluh Seydou Njoya et l'inauguration du palais des rois Bamoun rénové par le gouvernement camerounais avec

Question: La sortie des Trois petits cireurs était annoncée pour 1978. Or il sort seulement fin 1985. Pourquoi tout ce retard?

" G.J .N. in Bingo, n° 396 de janvier 1986. 126

ment culturel) depuis 1975. C'est à l'université de Paris I-SorbonnePanthéon que j'ai terminé en 1981 mes études cinématographiques. Sur le plan pratique, j'ai participé à la conception et à l'élaboration de plusieurs courts métrages. En réalisant ce long métrage tourné à Yaoundé, j'ai relevé deux défis: contre moimême et contre mes détracteurs. Question: tique?

Votre film

est-il poli-

Louis Amadangoleda : Oui. Tous les films africains ont un caractère politique. Celui-ci n'échappe pas à la règle puisqu'il traite d'un phénomène de société, un sujet grave que connaissent toutes les grandes métropoles africaines: la délinquance juvénile. Ce phénomène est né, je crois, du chômage, de la démographie galopante et de l'exode rural. l'essaie dans ce film de cerner les racines du mal et les conséquences sociales qui en résultent dans un pays en voie de développement. Question: Quel budgèt disposiezvous pour faire ce long métrage? Louis Amadangoleda: 50 millions de F CFA, j'ai dû me contenter de cette somme. Ce sont essentiellement des capitaux privés. Question: Les comédiens employés sont-ils des professionnels? Louis Amadangoleda: Ce sont les meilleurs pensionnaires du théâtre camerounaIS. Question: En dehors du marché africain, avez-vous l'intention de commercialiser votre film en Europe et aux Etats-Unis? Louis Amadangoleda: C'est mon souhait. Mais en Europe et aux Etats-Unis il faut beaucoup d'argent pour la promotion des films. La

faiblesse de mes moyens financiers m'oblige à limiter mes ambitions. Question: Qu'est-ce qui empêche le développement du cinéma africain selon vous? Louis Amadangoleda: Les gouvernements, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Il faut avoir le courage de le dire haut et fort. Mais les gouvernements ne sont pas seuls en cause. Pour être juste, les cinéastes eux-mêmes sont à incriminer. Du moins certains prétendus cinéastes. Pour un grand nombre de mes confrères africains, le cinéma permet de devenir une vedette ou de recevoir une distinction gouvernementale. Point final. Le cinéma est beaucoup plus sérieux que cela, car c'est un instrument irremplaçable d'éducation, de formation et de divertissement. On ne peut pas devenir du jour au lendemain un professionnel du septième art. Beaucoup d'hommes se sont cassé la figure à cause des parachutages. Certains, se croyant tout permis, ont cru qu'ils pouvaient faire cela au cinéma. Prenons un exemple. On a créé en 1973 au Cameroun le Fonds de développement de l'industrie cinématographique (FODIC), qui est un organisme public d'intervention financière en vue du développement du cinéma dans ce pays. Tous les responsables politiques qui ont eu jusqu'à ce jour à s'occuper de cet organisme, à savoir les administrateurs, en ont fait un instrument de contingences politiques en imposant le respect de l'équilibre régional ou ethnique. Les aides et les crédits sont alloués en respectant ces équilibres comme on le fait pour les agriculteurs. C'est un faux problème. Car au cinéma, seuls comptent le talent, l'intelligence et les qualités professionnelles. A cela, il faut ajouter les qualités de gestionnaire. Quand on 127

donne de l'argent à un Boulou, un Peul, un Pygmée, un Bamiléké sous prétexte du respect de l'équilibre régional ou ethnique, c'est occulter la partie la plus fondamentale de la réalité. C'est porter préjudice à ceux qui aiment et qui vivent de ce métier, à la profession et aussi et surtout aux contribuables camerounais. C'est une lourde responsabilité. Voyez-vous, les structures et les infrastructures ont été mises en place sans consulter les vrais cinéastes. D'où l'échec. Question: Pensez-vous que pour être cinéaste, il faut passer par une école? Louis Amadangoleda : Pas nécessairement. Mais il faut bien apprendre ce métier, même sur le tas. C'est-àdire qu'à défaut d'une formation universitaire appropriée, il faut travailler sérieusement pendant longtemps avec les professionnels: metteurs en scène, ingénieurs du son, opérateurs, etc. Le cinéma est à la fois un art, une science et une industrie. La maîtrise parfaite de tous ces aspects demande beaucoup de temps. Question: Quelle est la part du gouvernement camerounais pour le développement du septième art? Louis Amadangoleda : De 1973, date de la création du Fomc, à 1985, l'Etat camerounais a dépensé pas moins de 5 milliards de F CFA. C'est énorme pour un jeune cinéma. Il convient de souligner l'effort. Seulement voilà on a financé des films qui ne sont jamais sortis et quand bien même ils sortaient la qualité n'avait pas de rapport avec l'investissement. On a affecté des crédits importants pour construire des salles de cinéma à l'est du pays qui n'ont jamais vu le jour. Pour que notre industrie cinématographique - que j'aime pro-

128

fondément - devienne prospère et compétitive, nous avons les moyens intellectuels et techniques, il faut qu'on cesse de faire du ministère de l'Information et de la Culture une voie de garage pour les fonctionnaires encombrants, qui n'ont rien à voir avec le cinéma. Question: Etes-vous optimiste ou pessimiste quant à l'avenir du cinéma africain? Louis Amadangoleda: Quand on connaît les réalités du cinéma africain, il est difficile d'être optimiste. Mais il y a une lueur d'espoir. Au Cameroun on commence (enfin) à prendre des initiatives qui incitent à un certain optimisme. Par exemple l'acquisition d'équipements est une excellente idée, mais il faut insister sur la formation d'un personnel hautement qualifié. En Afrique, la palme des encouragements revient incontestablement au président gabonais Omar Bongo qui ne lésine pas sur les moyens pour promouvoir le cinéma qui, comme chacun le sait, est un outil indispensable de développement. En incitant les créateurs, Bongo contribue largement à la qualité du cinéma africain. J'espère que son exemple fera tache d'huile. Question:

Quels sont vos projets?

Louis Amadangoleda : J'ai en chantier l'adaptation d'un autre livre de Francis Bébey Le fils d'Agatha Moudio. Je voudrai présenter à l'écran un fait divers à caractère politique qui a secoué tout le Cameroun en 1966. Il s'agit de l'affaire Papadepoulos. Deux œuvres m'intéressent également mais que je ne pourrai malheureusement pas exploiter dans l'immédiat faute de moyens financiers. Ce sont La flamme et la fumée du journaliste Henri Bandolo et La langue et le scorpion de l'Ivoirien Eugène Darvin.

* **

Critique du film Trois petits cireurs * Gros plan sur un bide Il n'y aura pas d'autre façon de rapporter l'échec du film de LouisBalthazar Amadangoleda. Conscient de son bide, il lui faudra à son tour, reconnaître objectivement, à travers les critiques qui seront dures, les faiblesses multiples de son art tout jeune. Voici un début de rapport assez particulier et dont l'objet n'est que de s'adapter à la personnalité de l'auteur de la version cinématographique des Trois petits cireurs de Francis Bébey présentée cette semaine au Capitole. Nous avions déjà fait sentir que l'œuvre même de Francis Bébey, malgré son énorme personnalité, ne nous avait pas semblé convaincante. C'est de ce choix malheureux déjà que partira la déconvenue de LouisBalthazar Amadangoleda : une fiction bien étrange. Autre choix malheureux, trois comédiens de notre théâtre local pour un scénario sans consistance: résultat, une ambiance de sketch et une diction désastreuse, monotone et invitant au sommeil. Troisième choix malheureux, un repérage faux, devant un hôtel 2 étoiles incompatible avec l'histoire originale qui décrivait un 4 ou 5 étoiles, sa clientèle et ses extra.

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ln Cameroon

Un placage texte-image Autre option contestable, une équipe technique nationale faible pour des images et une lumière inconstantes et un son approximatif... Côté réalisation, un travail indéfini des nombreuses références de l'auteur. En fait, ce ne sera pas une adaptation de Trois petits cireurs, mais un album illustré sans liberté, un placage texte-image. Inutile d'aller plus loin pour dire que le résultat devait forcément engendrer une œuvre douteuse sur le plan cinématographique. Ajoutons cependant à propos de notre réserve sur Georges Anderson que son interprétation fut aussi théâtrale que le jeu des autres acteurs. On l'aurait cru aveugle pour la première fois, plus débile qu'impotent, caricatural en somme et dans un rôle forcé. Disons que pour un film destiné aux enfants il aura raté son effet sur une jeune public-test et son acteur ne l'aurait même pas programmé pour la jeunesse en matinée. Comme quoi la chance elle-même n'aurait rien pu pour sauver cette œuvre.

Tribune, n° 3730 du 22 novembre

1986. 129

Cinéma de brousse *

Abong-Mbang, petite ville de dix mille habitants située à 250 kilomètres environ à l'est de Yaoundé (Cameroun). Dix-huit heures. Le jour tombe. Et la nuit, couleur indigo, commence à envelopper les choses et les êtres de son voile équivoque. Le crépuscule est une symbiose de couleurs et de mouvements, mystérieux ballet régi par un coucher de soleil féérique, qui laisse traîner son voile, telle une jeune mariée. Le silence est d'or, ponctué simplement, de temps en temps, de gazouillis divers, de crissements de toutes sortes et de pleurs d'enfants. En débarquant ici la première fois, j'ai cru que la vie s'y était arrêtée de «vivre »... Erreur! Il ne m'a fallu qu'un quart d'heure de marche à pied dans le centre pour m'apercevoir que l'endroit possédait deux pôles d'attraction à cette heure de la journée. D'abord, le port - en admettant qu'on puisse appeler ainsi la berge désuète et sablonneuse du fleuve Nyong - où les lavandières babillardes discutent vivement avec les pêcheurs de Kanga (espèce de gros poisson), sans se soucier des chants polyphoniques des grillons. Ensuite, au cœur de la cité, la salle de cinéma. Une bicoque bancale, hétéroclite et totalement surréaliste, que l'on croirait surgie d'un roman du Congolais Sony Labou Tansi. Devant cette salle, un attroupement d'une centaine de personnes venues chercher leur dose hebdomadaire d'émotions fortes, de frissons et de rêve. Sur un petit tableau en contre-plaqué posé à même le sol, le programme de la journée: à 14 heures a été projeté un film hindou, Mangali, la fille des Indes. Dans quelques minutes, à19 heures, est prévu «l'événement cinématographique de l'année» (sic) et en «exclusivité» (re-sic) un western de choc: Le bon, la brute et le truand. Avec en tête de distribution trois grands maîtres de la gâchette: Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Eli Wallach. A en juger par les commentaires et les spéculations qui vont bon train dans la foule, ces trois-là sont aussi populaires ici - sinon plus que dans leur propre

-

pays!

Alors que je lui fais remarquer

que ce

film a plus de dix ans d'âge, un jeune homme me regarde d'un air étonné avant de m'avouer: «Peu importe! Nous ne l'avons jamais vu.

Pour nous, c'est la première ce soir. » Il m'apprend aussi qu'ils ont dû se battre pour acheter à 125 F CFA (2,50 FF) les tickets qui, habituellement, coûtent 75 F CFA (1,50 FF). A dix-neuf heures trente, c'est toujours le statu quo. La foule fait le pied de grue en attendant l'arrivée de l'ouvreur de service et du ,~

130

ln Jeune Afrique Plus, n° 6, éditions] eune Afriq1,1e, Paris, avri11984.

machiniste. Les discussions commencent à manquer de piquant, même si la gaieté et l'humour sont toujours présents. Le ton baisse quelque peu et on entend au loin le lent roucoulement des vagues du Nyong. Vers huit heures et quart enfin, ces messieurs arrivent. Ils ont la mine patibulaire, arborent les cheveux longs et portent tee-shirts, jeans et baskets. On les appelle les «chauds gars ». Personne ne leur fait remarquer leur retard. Quelques-uns les applaudissent d'ailleurs au passage. Ce sont les vedettes de la cité. A peine la porte est-elle ouverte que tout le monde se rue sur les sièges. Les sièges? Une cinquantaine de bancs et de chaises difformes et rouillés dont la saleté se noie dans la pénombre. Le plancher, en terre battue ou cimenté par endroits, est jonché de mégots de cigarettes et de bouts de papiers. Les murs multicolores dégagent un je ne sais quoi de lugubre. L'écran est un minuscule carré jaunâtre que ne recouvre aucun rideau. Sur l'un des murs est accrochée une petite plaque noire sur laquelle est marqué à la craie blanche: «Il est absolument interdit de Jumer ici. Tous les coupables seront sévèrement châtiés.» N'empêche: un quart d'heure après que tout le monde se soit installé (à deux ou trois par siège), toute la salle fume comme un haut-fourneau! Garçons, filles, adolescents, adultes, chacun y va de bon cœur. Les paquets vides de Marlboro, Minty et Bleu filtré tombent à grande vitesse. Au fond de la salle, confortablement adossé au mur, un client sirote une bouteille de J obajo (bière du pays) qu'il a pris le soin d'apporter pour éviter l'ennui... Huit heures trente-cinq. Dans un long toussottement, le vieux projecteur 16 mm s'ébranle enfin, et nous gratifie de ses premières images. Il ne s'agit pas encore du film mais de ce qu'on appelle ici les actualités. Entendez par-là les manifestations officielles (voyages des ministres, discours du chef de l'Etat), ayant fait la une du quotidien national Cameroon Tribune durant le mois assé. C'est en noir et blanc, c'est flou, c'est mal commenté et ma Y filmé. Côté son, c'est pratiquement inaudible. Mais peu importe, car le commentaire n'intéresse personne. Ce qui compte c'est l'image qui donne une impression de vécu, dans un pays où la télévision n'existe toujours pas. Vingt et une heures. Après un bref entracte, le film commence, suscitant un tonnerre d'applaudissements et des sifflements de joie. La musique d'Ennio Morricone et la mise en scène alerte et vivante du générique de Sergio Leone séduisent d'emblée l'auditoire. Le regard rivé sur l'écran, chacun des spectateurs semble communiquer directement avec les comédien.s. Le moindre geste de Lee Van Cleef ou la moindre réplique de Clint Estwood sont immédiatement commentés ou imités par tous les enfants. La spontanéité des réactions du public est une chose frappante; nul ne se gêne pour rire ou pour lâcher une interjection. La communion est totale. Ainsi, lorsqu'à cinq reprises le film est interrompu à cause de problèmes 131

techniques,

c'est en chœur

que tout le monde crie:

machiniste! Temporaire! Remboursez!

»

«Apprenti

Sans aucune méchanceté en

réalité. Juste un petit signe de nervosité due à la difficulté de subir le suspense. Et lorsque la séance s'achève vers vingt-trois heures trente, c'est le cœur joyeux et l'esprit léger que chacun retourne chez soi, En attendant samedi prochain...

132

A propos

du procès des cinéastes camerounais

*

Quel cinéma pour des millions! Les choses se réveilleraientelles au pays du président Paul Biya? Il faut le croire, et que, tout compte fait, la «moralisation» dont se réclame le régime n'est pas un vain mot... même si le nombre d'affaires portées à la connaissance du citoyen camerounais est encore bien insuffisant. Toujours est-il que «ça bouge ». A preuve ce nouveau scandale dont la justice camerounaise est saisie: il y est question de cinéma. Le ministre de l'Information et de la Culture, Georges Ngango, est connu pour sa pondération, sa réserve. Mais le scandale qui touche la production cinématographique camerounaise l'aurait vraiment exaspéré. Il a donc eu recours à la justice de son pays. Ce faisant, il donne l'occasion à tous les protagonistes de s'expliquer, sans crainte et sans avoir à subir de pressions... De quoi s'agit-il? Tout simplement des sommes colossales que le Fomc (Fonds de développement des industries cinématographiques), en donnant son aval à des cinéastes camerounais, leur aurait fait obtenir auprès des banques. Les réalisateurs ne sont pas seuls concernés puisque les constructeurs de salles de cinéma ont aussi bénéficié de cette intervention. Or, à ce jour, ces prêts ':- ln Afrique-Asie,

n'ont pas été remboursés. Le ministre n'hésite pas à parler de «détournements de fonds publics ». Détournements Les délits se situent à plusieurs niveaux. Pour commencer, un groupe de producteurs, réalisateurs et distributeurs camerounais sont accusés de devoir près d'un milliard de francs CFA. Parmi eux, certains apparaissent de plus ou moins bonne foi. D'autres ont clairement détourné une partie de l'argent emprunté, pour l'utiliser à d'autres fins que la réalisation de films. Mais certains points méritent des éclaircissements. Prenons, par exemple, le cas du FODIC, «celui par qui le scandale arrive ». C'est grâce à l'intervention de la Boston Bank, qui a fait saisir les comptes de cet organisme d'Etat, que l'on aurait découvert ce qui s'y passait. L'ancien directeur général a d'ailleurs été limogé par le ministre. Et, aujourd'hui, les «débiteurs» du FODIC parlent... S'est-on livré à leurs dépens à un véritable «racket» ? C'est ce qu'affirment certains, qui déclarent avoir été obligés de signer une reconnaissance de dette supérieure au montant réellement

n° 379 du 10 août 1986. 133

perçu. Un cinéaste nous dit qu'il n'a finalement pas eu le prêt qui devait lui être consenti (35 millions de francs CFA)pour avoir refusé de rétrocéder une partie de cet argent. Le fonctionnement, certes sujet à caution, de cette administration donnait-il cependant le droit aux débiteurs de ne pas s'acquitter de leurs dettes? Nous sommes prêts à honorer nos engagements, répondent ces derniers, mais nous ne pouvons le faire! A eux seuls, les cinéastes Dia Moukouri, Daniel Kamwa, Dikongué-Pipa, Si Bita, Alphonse Béni, Claude Mballa doivent la bagatelle de cinq cents millions de francs CFA. I;es explications qu'ils fournissent de cette situation constituent un véritable réquisitoire, valable aussi bien pour le Fomc que pour les organismes analogues d'autres pays africains. Suivons ensemble leur plaidoyer. Pour alimenter les caisses du Fomc, l'Etat camerounais a ajouté une taxe additionnelle sur le prix du billet. Première anomalie, cet argent, avec lequel le Fomc est censé aider à développer le cinéma camerounais, est prêté aux producteurs et réalisateurs à un taux équivalent à celui pratiqué par les banques. La seconde anomalie concerne les délais de remboursement. Alors qu'il faut un an et plus pour sortir un film, le Fomc exige de ses débiteurs qu'ils remboursent en deux ans. Or, on sait qu'au Cameroun, après la grande première qui a lieu à Yaoundé et Douala durant deux ou trois 134

jours

dans chacune

des villes

-

et devant des salles rarement remplies -, le film est tout simplement rangé dans les tiroirs pour des mois, voire des années. Ajoutons à cet état de choses la marge infime qui reste au réalisateur après les différentes ponctions opérées sur le prix du billet: 40 % reviennent à l'Etat, 30 % aux distributeurs, 15 % étant encore consacrés aux divers frais... restent 15 % pour le réalisateur, qui doit rembourser alors le FODICet, comme souvent les prêts accordés par celui-ci ne suffisent pas, d'autres emprunts obtenus ailleurs. Un problème identique se pose aux autres débiteurs du Fomc que sont les propriétaires des salles de cinéma construites dans certaines villes de l'intérieur, ou même dans les grandes villes. Leur exploitation ne permet pas une rentabilisation immédiate des sommes empruntées et, donc, rend difficile leur remboursement sans délai. Contrairement à ce qui se passe dans les pays développés, au Cameroun et en Afrique de manière plus générale, le cinéma n'est pas permanent. Il ne fonctionne que de 19 à 24 heures. De plus aucune salle n'atteint ici les mille places. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ils ne sont guère mieux lotis que les réalisateurs. Telles sont les difficultés de la production cinématographique africaine, étalées au grand jour à l'occasion de cette affaire dont on ne fait encore qu'entrevoir toutes les implications.

Programmes de cinéma *

Journée du 23 août 1983 DOUALA

YAOUNDÉ

TOULA I 18 h: Deux bonnes pates. 21 h : L'organisation. WOURI 18 h : Journal intime d'une demivierge; 21 h : Surprise party. PALMIERS 15 h: Jeene Ki Raah; 18 h 15 : L'affaire Dominici; 21 h : Commando des morts vivants. CONCORDE 15 h : Chandi Soua; 18 h: Scanners; 21 h : Le grand sommeil.

GAROUA RIBADOU 15 : Ajatioh; debourg.

21 h : Division Bran-

CAPITOLE 15 h 30 : Viol et châtiment; 18 h : L'Ouragan; 21 h : 5 cartes à abattre. MFOUNDI 14 h: Un colt pour une corde; 18 h: L'or était au rendez-vous; 21 h : L'homme au pistolet d'or; Les diamants tachés de sang. PORTIQUES 15 h : Enfants de Salandre; 18 h : Les oies sauvages; 21 h: Les 5 maîtres de Shaolin; Le feu du diable contre Shaolin. REX 14 h : La grande attaque du train d'or; 18 h : Le lion sort ses griffes; 21 h : Viol et châtiment; L'or était au rendez-vous. ABIA 15 h : Pour quelque chose de plus; 18 h : Plus beau que moi, tu meurs; 12 h : Un homme voit rouge.

Journée du 7 septembre 1983

Cinéma YAOUNDÉ CAPITOLE 15 h 30: L'aventure, c'est l'aventure; 18 h: Le dossier Odessa; 21 h : Le putsch des mercenaires. ~. ln Cameroon 1983).

PORTIQUES 14 h: Khara Khota; 18 h: Les monstres du Kung-fu; 21 h : Kungfu contre yoga; Les anges mangent aussi les fayots.

Tribune, nO'2757 (23 août 1983) et 2770 (7 septembre

135

REX 14 h : La femme en ciment; 18 h : T'as le bonjour de Trinita; 21 h : L'exorciste II; L'hérétique point limite zéro. MFOUNDI 14 h : T'as le bonjour de Trinita;

136

18 h : De l'enfer à la victoire; 21 h : L'aigle de Shaolin; L'école des dragueuses. ABBIA 15 h 30 : Deux corniauds dans la brousse; 18 h : Pour la peau d'un flic; 21 h : Dar l'invincible.

Infrastructures Villes

DOUALA

Salles Le Berlitz Etoile Le Bonapriso Cinécam New Star Toula I Toula II Concorde Grand Canyon Les Palmiers Rex Le Douala A.B.C. Ciné Alpha

Omnisport Le Wouri

hôtelières Capacité

* Projections hebdomadaires

850 850 700 850

18 24 21 21

-

-

-

-

400 300 800 1450 550 800 660 420

15 15 17 18 15 24 22 22

950

18

1250 1000 1 100 780 1000

22 18 18 22

Rex Le Fébé

450 950

22 22

BAFOUSSAM

Tamdja Mifi Trois Etoiles

GAROUA

Etoile Ribadou

740 800 600 -

YAOUNDE

NKONGSAMBA BAFANG DSCHANG FOUMBAN MBALMAYO

Le Mfoundi Abbia Capitole Mefou Les Portiques N'Djoungolo

EBOLOWA KUMBA MAROUA TIKO

Le Moungo Relais Le Haut-Nkam La Menoua Ciné Bamoun Cines port Town Hall Rex Biphonse Rex Rex

1000 500 600 510 650 300 350 400 600 600 400

LIMBE NGAOUNDERE

Rio Ornais

600 1500

BUEA

MELONG

BAMENDA

Le Roch Le Roxy

* Liste non exhaustive.

-

400

-

22 22

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20

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