Le changement climatique 9782759826896

La prise de conscience mondiale du changement climatique progresse, et des militants comme Greta Thunberg ou des groupes

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French Pages 203 [204] Year 2022

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Le changement climatique
 9782759826896

Table of contents :
Sommaire
Remerciements
Préface de l’édition anglaise
1. Qu’est-ce que le changement climatique ?
2. Histoire du changement climatique
3. L’évidence d’un changement climatique
4. La modélisation des climats
5. Les impacts du changement climatique
6. Quand le climat nous surprend
7. La politique et le changement climatique
8. Des solutions
9. Changer notre futur
Lectures complémentaires
Index

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Le changement climatique

Le changement climatique Mark Maslin

Traduit de l’anglais par Alan Rodney

ChronoSciences Collection destinée à un large public qui invite le lecteur à découvrir de façon très complète mais de manière abordable un sujet ou une thématique précise. « Dans la même collection » L’Intelligence artificielle, Margaret A. Boden, mai 2021 La Théorie quantique, John Polkinghorne, mai 2021 Les Marées, David George Bowers et Emyr Martyn Roberts, juin 2021 L’Anthropocène, Erle C. Ellis, octobre 2021 L’Odorat, Matthew Cobb, novembre 2021 Climate change: a very short introduction, first edition was originally published in English in 2021. This translation is published by arrangement with Oxford ­University Press. [Le changement climatique a été initialement publiée en anglais en 2021. Cette traduction est publiée avec l’autorisation d’Oxford University Press.] © Eco-Climate Limited 2021 © Pour la traduction française, EDP sciences, 2022. Composition et mise en page : Desk (www.desk53.com.fr) Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-2688-9 Ebook : 978-2-7598-2689-6

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

En souvenir de Chris Pace (1968–2006), Nick Shackleton (1937–2006) et d’Anne Maslin (1943–2020) qui n’ont jamais vu de problèmes mais seulement leurs solutions.

  Sommaire Remerciements........................................................................................................

9

Préface de l’édition anglaise..............................................................................

11

1. Qu’est-ce que le changement climatique ?.......................................

15

2. Histoire du changement climatique......................................................

27

3. L’évidence d’un changement climatique.............................................

43

4. La modélisation des climats .....................................................................

63

5. Les impacts du changement climatique.............................................

85

6. Quand le climat nous surprend............................................................... 117 7. La politique et le changement climatique.......................................... 135 8. Des solutions...................................................................................................... 153 9. Changer notre futur....................................................................................... 183 Lectures complémentaires................................................................................. 193 Index............................................................................................................................... 199

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  Remerciements L’auteur tient à remercier les personnes suivantes : Johanna, Alexandra et Abbie pour avoir survécu ensemble au confinement et m’avoir permis d’écrire cette édition ; Miles Irving pour ses excellentes illustrations ; mes éditeurs chez OUP, Jenny Nugee et Latha Menon ; tout le personnel formidable de l’Université College London (UCL), du Sopra Steria Group, de Sheep Included, de The Conversation, et de Rezatec Ltd ; Richard Betts, Mark Brandon, Andrew Shepherd, Eric Wolff et d’autres « évaluateurs critiques », pour leurs critiques perspicaces et extrêmement utiles des différentes éditions de ce livre ; et tous mes brillants et dévoués collègues en climatologie, paléoclimatologie, géologie, géographie, sciences sociales, économie, médecine, ingénierie, sciences humaines et les arts qui continuent à s’efforcer de comprendre, prévoir et atténuer notre influence sur le climat de notre planète.

9

  Préface de l’édition anglaise Le changement climatique constitue l’un des quatre défis majeurs du xxie siècle, et s’ajoute à la dégradation de l’environnement, aux inégalités et à l’insécurité mondiales. Le changement climatique continuera à faire monter la température de la Terre et à élever le niveau de la mer. Il augmentera la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les périodes de grandes sécheresses, les vagues de chaleur, les inondations et les tempêtes, menaçant la santé et les moyens de subsistance de milliards de personnes. La gravité des effets du changement climatique dépendra de ce que nous ferons maintenant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Au cours des trente dernières années, la quantité de dioxyde de carbone émise par les activités humaines a doublé. Cela représente un échec collectif des dirigeants du monde entier à se concentrer sur la crise climatique. Bien que les années 2020 et 2021 soient dominées par la pandémie de Covid-19, le paysage géopolitique autour du changement climatique s’est déplacé de manière « sismique » (cf. figure 1). En juin 2019, le parlement britannique a modifié la loi de 2008 sur le changement climatique pour exiger que le gouvernement britannique réduise les émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni à un niveau appelé « zéro émission nette » d’ici 2050. En 2021, le Royaume-Uni a annoncé un objectif intermédiaire de réduction de 78 % des émissions de carbone d’ici 2030. La Commission européenne a annoncé que l’UE réduirait ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990, d’ici à 2030, au lieu  11 

  Le changement climatique  

de la réduction de 40 % adoptée il y a six ans. Il s’agit d’une étape majeure vers l’engagement global de l’UE en faveur de la neutralité carbone d’ici 2050. En septembre 2020, le président chinois Xi Jinping a annoncé par vidéoconférence à l’Assemblée générale des Nations unies à New York que son pays s’engageait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre visant à atteindre un pic d’émissions avant 2030, suivi d’un objectif à long terme de neutralité carbone d’ici 2060. La Chine est le plus grand émetteur de carbone au monde, responsable d’environ 28 % des émissions mondiales, et jusqu’à présent, elle ne s’est pas engagée sur un objectif d’émissions à long terme. TION ENTA S AUGM LÈME B O R DES P

CHANGEMENT CLIMATIQUE QU’EST-CE QUE JE SERAI CONTENT QUAND TOUT ÇA SERA DERRIÈRE NOUS !

Fig. 1    L’aplatissement de la courbe : une comparaison entre les chiffres du Covid-19 et ceux du changement climatique.

En 2021, les États-Unis, deuxième plus grand émetteur de la planète, avec environ 15 % des émissions mondiales, se sont réengagés dans les négociations climatiques. En 2020, le président Donald Trump avait retiré son pays de l’Accord de Paris de 2015. Le nouveau président Joe Biden a réengagé les États-Unis dans cet accord et est devenu un fervent défenseur d’une action internationale collective pour faire face au changement climatique. En 2021, les États-Unis ont annoncé un objectif de réduction de 50 % de leurs émissions de carbone d’ici  12 

  Préface de l’édition anglaise  

2030 et se sont engagés à atteindre un taux de carbone nul d’ici 2050. Le président Biden a également rétabli les réglementations environnementales supprimées par le président Trump, et a mis en place des politiques majeures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et a augmenté considérablement le financement fédéral pour les énergies renouvelables et l’économie « verte » américaine. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, il y a maintenant un espoir que les nations du monde puissent réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre et commencer le voyage vers un monde plus propre, plus vert, plus sûr, plus sain et plus durable.

 13 

1 Qu’est-ce que le changement climatique ? Le changement climatique dans le futur représente l’un des défis majeurs du xxie siècle, au même titre que les inégalités mondiales, la dégradation de l’environnement et l’insécurité globale. Ce qui est problématique c’est que le « changement climatique » n’est plus seulement une préoccupation scientifique, mais englobe l’économie, la sociologie, la géopolitique, la politique nationale et locale, le droit et la santé, pour n’en citer que quelques-uns des aspects. Ce chapitre examinera le rôle des gaz à effet de serre (GES) dans les modulations du climat mondial passé, les raisons pour lesquelles la teneur de ces GES a augmenté depuis la révolution industrielle et pourquoi ils sont désormais considérés comme des polluants dangereux. Il identifiera quels pays ont produit le plus de GES anthropiques et comment cette situation a évolué avec le développement économique rapide. Il présentera le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et expliquera comment il rassemble et évalue régulièrement les preuves les plus récentes du changement climatique. LA SERRE NATURELLE DE NOTRE TERRE

La température à la surface de la Terre est déterminée par l’équilibre entre l’énergie qu’elle reçoit du Soleil et celle qu’elle réfléchit et qui est perdue dans l’espace. L’énergie du Soleil est constituée de rayonnements à ondes courtes (principalement la « lumière » visible et les rayons ultraviolets (UV)), et la quasi-totalité de cette énergie  15 

  Le changement climatique  

traverse l’atmosphère sans interférence (cf. figure 2). La seule exception est constituée par les rayons UV nocifs à haute énergie, absorbés par l’ozone atmosphérique.

Le rayonnement solaire

Soleil

Le rayonnement solaire est réfléchi par la terre et par l’atmosphère

ATMOSPHÈR E

TERRE

H2 O

CO2

Les 2/3 du rayonnement solaire Un rayonnement infrarouge (de la chaleur) sont absorbés par la Terre, est émise depuis la Terre et réchauffent sa surface

Fig. 2    L’effet de serre. Les gaz à effet de serre piègent une partie de la chaleur de la Terre avant de la libérer et ainsi réchauffer l’atmosphère.

Environ un tiers de l’énergie solaire est réfléchie directement dans l’espace. Le reste de l’énergie est absorbé par la surface de la Terre. Cette énergie réchauffe les terres et les océans, et cette chaleur est renvoyée sous forme de rayonnement infrarouge à ondes longues ou de rayonnement « thermique ». Les gaz atmosphériques tels que la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O) appelé aussi protoxyde d’azote, sont connus sous le nom de gaz à effet de serre (GES), car ils absorbent une partie de ce rayonnement à ondes longues et, par conséquent, réchauffent l’atmosphère. Cet effet a été mesuré dans l’atmosphère et peut être reproduit à l’infini en laboratoire. Sans cet effet de serre naturelle, la Terre serait plus froide d’au moins  16 

 Qu’est-ce que le changement climatique ?  

35° Celsius (°C), ce qui conduirait à une température moyenne sous les tropiques d’environ -10 °C. Depuis la Révolution Industrielle, nous brûlons des combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) déposés il y a des centaines de millions d’années, libérant le carbone dans l’atmosphère sous la forme de CO2 et de CH4, augmentant ainsi l’« effet de serre » et, par conséquent, la température de la Terre. En résumé, nous brûlons de la lumière solaire fossilisée. LE CLIMAT DANS LE PASSÉ

Les changements climatiques dans le passé géologique ont été reconstitués à l’aide d’un certain nombre d’archives déterminantes, notamment les sédiments marins et lacustres, les carottes de glace, les dépôts dans les grottes et les cernes des arbres. Ces différentes archives révèlent qu’au cours des dernières 50 millions d’années, le climat de la Terre s’est refroidi, passant de ce qu’on a désigné comme un « monde de serre » à l’Éocène, caractérisé par des conditions chaudes et douces, au « monde de glace » plus froid et plus dynamique d’aujourd’hui. Il peut sembler étrange qu’en termes géologiques notre planète soit extrêmement froide, alors que l’ensemble de ce livre porte sur le réchauffement rapide de la planète que nous constatons. Cela s’explique par le fait que les immenses calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland, ainsi que la glace de mer quasi-permanente dans l’océan Arctique, rendent le climat mondial très sensible aux changements de GES. Le refroidissement global à long terme de la Terre a débuté avec la glaciation de l’Antarctique il y a environ 35 millions d’années, puis s’est accéléré avec les grandes périodes glaciaires dans l’hémisphère nord, qui ont commencé il y a 2,5 millions d’années. Depuis le début des grandes périodes glaciaires, le climat mondial est passé de conditions similaires, voire légèrement plus chaudes qu’aujourd’hui, à des phases de glaciation complète, au cours desquelles des couches de glace de plus de 3 kilomètres d’épaisseur se sont formées sur une grande partie de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Entre 2,5 et 1 million d’années,  17 

  Le changement climatique  

ces cycles glaciaires-interglaciaires se sont produits tous les 41 000 ans et, depuis 1 million d’années, ils se produisent tous les 100 000 ans. Ces grands cycles glaciaires sont principalement dus aux changements de l’orbite de la Terre par rapport au Soleil. En fait, le monde a passé plus de 80 % des dernières 2,5 millions d’années dans des conditions plus froides que celles d’aujourd’hui. Notre période interglaciaire actuelle, l’Holocène, a commencé il y a environ 10 000 ans et constitue un exemple des brèves périodes de réchauffement qui se produisent entre chaque période glaciaire. L’Holocène a commencé avec la fin rapide et dramatique de la dernière période glaciaire : en moins de 4 000  ans, les températures mondiales ont augmenté de 6  °C, le niveau de la mer s’est élevé de 120 mètres, le CO2 atmosphérique a augmenté d’un tiers et la teneur du CH4 atmosphérique a doublé. Cependant, ces augmentations sont intervenues plus lentement que les changements que nous observons aujourd’hui. James Lovelock, dans son livre The Ages of Gaia, suggère que les époques interglaciaires comme l’Holocène montrent l’état fébrile de notre planète, qui exhibe sa préférence clairement, depuis 2,5 millions d’années, pour une température moyenne globale plus froide. Lovelock considère le réchauffement climatique comme un ajout de l’humanité à l’état déjà fiévreux de la planète. VARIATIONS DE LA TENEUR ATMOSPHÉRIQUE EN DIOXYDE DE CARBONE DANS LE PASSÉ

L’un des éléments de preuves scientifiques qui montrent que le CO2 atmosphérique exerce un contrôle important sur le climat mondial vient de nos études du climat passé. Les preuves des variations passées des GES et de la température proviennent de carottes de glace forées en Antarctique et au Groenland. Lorsque la neige tombe, elle est d’abord légère et duveteuse et contient beaucoup d’air. Au fur et à mesure qu’elle tombe, la vieille neige se compacte lentement pour former de  18 

 Qu’est-ce que le changement climatique ?  

Température en Antarctique (en °C) Concentration de CO2 (en ppm)

la glace, et certaines des bulles d’air y sont piégées. En extrayant l’air de ces bulles piégées dans l’ancienne glace, les scientifiques peuvent mesurer le pourcentage de GES présents dans l’atmosphère du passé. Les scientifiques ont foré à plus de 3 km de profondeur dans les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, ce qui leur a permis de reconstituer les teneurs de GES présente dans l’atmosphère au cours des quelque derniers millions d’années. En examinant les isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène dans l’eau gelée qui constitue la carotte de glace, il est possible d’estimer la température de l’air au-dessus de la calotte glaciaire lorsque l’eau a gelé pour la première fois. Les résultats sont frappants : la proportion de GES tels que le CO2 et le CH4 atmosphériques covarient avec la température au cours des 800 000 dernières années (cf. figure 3). Les changements cycliques du 400 350

Âges glaciaires

Niveau de CO2 aujourd’hui

300 250 200 150 800 000 4

600 000

400 000

200 000

0

400 000 200 000 Années avant aujourd’hui

0

0 –4 –8

– 12 800 000

600 000

Fig. 3    Les gaz à effet de serre ainsi que les relevés de température pendant les huit derniers cycles glaciaires, conservés et enregistrés dans des carottes de glace.

 19 

  Le changement climatique  

climat, des périodes glaciaires aux périodes interglaciaires, sont visibles à la fois dans les températures et la teneur en GES de l’atmosphère. Cela appuie fortement l’idée que les GES dans l’atmosphère et la température globale sont étroitement liés ; lorsque les teneurs en CO2 et en CH4 augmentent, les températures globales augmentent, et vice versa lorsqu’elles diminuent. LES AGRICULTEURS DES TEMPS ANCIENS

Les valeurs à haute résolution tirées de carottes de glace provenant du Groenland et des marges continentales de l’Antarctique montrent que les GES dans l’atmosphère ont légèrement augmenté avant la révolution industrielle des années 1700. Bill Ruddiman, professeur de paléoclimatologie à l’Université de Virginie aux États-Unis a suggéré que les premiers agriculteurs ont provoqué l’inversion du déclin naturel des GES. La déforestation et le défrichage ont provoqué l’augmentation du CO2 atmosphérique en commençant il y a environ 7 000 ans, tandis que l’expansion de la riziculture humide et de l’élevage bovin a provoqué le début de l’augmentation du CH4 atmosphérique il y a environ 5 000 ans. Il semble que les premières interactions de l’homme avec son environnement aient augmenté les GES atmosphériques juste assez pour que, même avant la révolution industrielle, nous ayons déjà retardé le début de la prochaine période glaciaire – qui aurait autrement commencé doucement – et qui pourra s’amorcer à tout moment au cours des 1 000 prochaines années. LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Il est clairement établi que les niveaux de CO2 atmosphérique n’ont cessé d’augmenter depuis le début de la révolution industrielle. Les premières mesures des concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont  20 

 Qu’est-ce que le changement climatique ?  

commencé en 1958, au sommet du mont Mauna Loa sur l’île d’Hawaï, à une altitude d’environ 4 000 m. Les mesures ont été effectuées dans ce lieu éloigné pour éviter toute contamination par des sources de pollution locales. Les enregistrements montrent clairement que les concentrations atmosphériques de CO2 ont augmenté chaque année depuis 1958. La concentration moyenne d’environ 316 parties par million en volume (ppmv) en 1958 est passée à plus de 420 ppmv aujourd’hui (cf. figure 4). Les variations annuelles de l’observatoire de Mauna Loa sont principalement dues à l’absorption de CO2 par des plantes en croissance. L’absorption est la plus élevée au printemps dans l’hémisphère nord en raison de la grande étendue de terre et, par conséquent, chaque printemps, il y a une baisse du CO2 atmo­sphérique, qui ne change malheureusement rien à la tendance générale vers des valeurs toujours plus élevées. Niveau de CO2 atmosphérique à Mauna Loa 400

Parties par million (ppm)

380

360

340

320 1960

1970

1980

1990

2000

2010

2020

Année

Fig. 4    Mesures de niveaux de dioxyde de carbone enregistrées à l’Observatoire de Mauna Loa (Hawaï, États-Unis).

 21 

  Le changement climatique  

Les données sur le CO2 de l’observatoire de Mauna Loa peuvent être combinées avec les preuves détaillées des carottes de glace pour produire un enregistrement complet du CO2 atmosphérique depuis le début de la révolution industrielle. Il en ressort que le CO2 atmosphérique a augmenté, passant d’une valeur préindustrielle d’environ 280 ppmv à plus de 420 ppmv aujourd’hui, soit une augmentation de plus de 45 %. Pour replacer cette augmentation dans son contexte, les carottes de glace montrent qu’au cours des 800 000 dernières années, la variation naturelle du CO2 atmosphérique s’est située entre 200 et 280 ppmv environ. La variation entre les périodes chaudes et froides est d’environ 80 ppmv, soit moins que la pollution par le CO2 que nous avons émise dans l’atmosphère au cours des 100 dernières années. Le niveau de pollution humaine produit en un seul siècle est supérieur aux variations naturelles, qui, elles, ont mis des milliers d’années à se manifester. QUI PRODUIT CETTE POLLUTION ?

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été créée pour produire le premier accord international sur la réduction des émissions mondiales de GES. Ce n’est pas une tâche simple car les émissions de CO2 ne sont pas produites de manière égale par les pays. Selon le GIEC (cf.  encart 1), la principale source de CO2 est la combustion de combustibles fossiles : plus de 85 % des émissions mondiales de CO2 sont dues à la production d’énergie, aux processus industriels et aux transports. Ces émissions ne sont pas réparties uniformément dans le monde et ce en raison de la répartition inégale de l’industrie et des richesses : l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie émettent plus de 90 % du CO2 produit industriellement dans le monde (cf. figure 5). De plus, historiquement, les nations développées ont émis beaucoup plus de CO2 que les pays moins développés.  22 

 Qu’est-ce que le changement climatique ?  

Encart 1    Qu’est-ce que le GIEC ? Le GIEC a été créé en 1988 conjointement par le Groupe d’experts des Nations unies sur l’environnement et l’Organisation météorologique mondiale afin de répondre aux préoccupations concernant le réchauffement de la planète. L’objectif assigné au GIEC est d’évaluer en continu l’état de nos connaissances sur les différents aspects du changement climatique, y compris les impacts scientifiques, environnementaux, socio-économiques et sur les stratégies de réponse. Le GIEC n’entreprend pas de recherches scientifiques indépendantes, il rassemble plutôt toutes les recherches clés publiées dans le monde et produit un consensus. Le GIEC a publié six rapports principaux (en 1990, 1996, 2001, 2007, 2013/14 et plus récent pour 2021/2) et de nombreux rapports spécialisés sur des sujets tels que les scénarios d’émission de carbone, les sources d’énergie alternatives, les océans, l’utilisation des terres et les phénomènes météorologiques extrêmes. Le GIEC est reconnu comme la voix scientifique et technique faisant le plus autorité en matière de changement climatique, et ses évaluations ont eu une profonde influence sur les négociateurs de la CCNUCC. Le GIEC est organisé en trois groupes de travail, plus un groupe de travail chargé de calculer la quantité de GES produite par chaque pays. Chacun de ces quatre organes a deux coprésidents (un d’un pays développé et un d’un pays en développement) et une unité de soutien technique. Le groupe de travail I évalue les aspects scientifiques du système climatique et du changement climatique ; le groupe de travail II s’intéresse à la vulnérabilité des systèmes humains et naturels aux changements climatiques et aux options d’adaptation à ce changement ; enfin, le groupe de travail III évalue les options permettant de limiter les émissions de GES et d’atténuer autrement le changement climatique. Le GIEC fournit aux gouvernements des informations scientifiques, techniques et socio-économiques pertinentes pour évaluer les risques et pour élaborer une réponse au changement climatique mondial. Les derniers rapports de ces trois groupes de travail ont été publiés en 2021. Environ 500 experts, originaires de quelque 120 pays, ont participé directement à la rédaction, à la révision et à la finalisation des rapports du GIEC, ainsi que des milliers d’autres experts qui participent au processus de révision des textes. Les auteurs du GIEC sont toujours désignés par des gouvernements et des organisations internationales, y compris des organisations non gouvernementales (ONG). Ces rapports offrent une lecture essentielle pour toute personne intéressée par le changement climatique. En 2008, le GIEC a reçu, conjointement avec Al Gore, le prix Nobel de la paix, en reconnaissance de tout le travail accompli au cours des vingt années précédentes.

 23 

  Le changement climatique  

1 000 millions de tonnes de CO2/an

40 Chine

30

Inde États-Unis

20

UE 10 Reste du monde 0 1960

1970

1980

1990 Année

2000

2010

Fig. 5    Niveaux historiques d’émission de dioxyde de carbone, par région.

La deuxième grande source de GES, qui représente 10 à 15 % des émissions mondiales de CO2, est le changement d’affectation et d’utilisation des sols. Ces émissions proviennent principalement de l’abattage des forêts à des fins d’agriculture, d’urbanisation ou de construction de routes. Lorsqu’on abat la forêt tropicale, les terres sont souvent transformées en prairies donc la capacité de stockage du CO2 est considérablement réduite. Dans ce cas, le schéma des émissions de CO2 est différent, l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique étant responsables de plus de 90 % des émissions actuelles dues au changement d’affectation des terres. Cela soulève de grandes questions éthiques, car il est difficile de dire à ces pays de mettre fin à la déforestation alors que celle-ci a déjà eu lieu dans une grande partie de l’Amérique du Nord et de l’Europe avant le début du xx e siècle. En termes de quantité de CO2 libérée, les processus industriels l’emportent encore largement sur les changements d’affectation des sols.  24 

 Qu’est-ce que le changement climatique ?  

Nous avons rejeté près d’un demi-milliard de tonnes de carbone dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle, mais cela ne représente encore que la moitié de nos émissions totales. L’autre moitié a été absorbée par la Terre, dont 25 % par les océans et 25 % par la biosphère terrestre. Les scientifiques craignent que cette absorption de notre pollution ne se poursuive pas au même niveau à l’avenir. En effet, avec la hausse des températures mondiales, les océans se réchaufferont et seront capables de retenir moins de CO2 dissous. Et puisque nous continuons à déboiser et à convertir les terres pour l’agriculture et l’urbanisation, il y aura moins de végétation pour absorber le CO2, ce qui réduira encore l’absorption de notre pollution par le carbone (cf. figure 6). 40

1 000 millions de CO2/an

30 15

Carburants fossiles et industrie

0

Changement d’utilisation des terres Puits océanique Puits terrestre

– 15

Concentrations atmosphériques

– 30 – 45 1960

1970

1980

1990 Année

2000

2010

Fig. 6     Les puits et les sources de dioxyde de carbone dans l’histoire.

Il est clairement établi que les concentrations de GES dans l’atmos­ phère sont en augmentation depuis la révolution industrielle du xviiie siècle. Les concentrations atmosphériques de CO2 et de CH4 sont  25 

  Le changement climatique  

plus élevées aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été au cours des trois derniers millions d’années au moins. En un siècle, nous avons rejeté dans l’atmosphère plus d’une fois et demie la quantité de carbone émise au cours des 4 000 ans de transition entre la dernière période glaciaire et la période interglaciaire actuelle. Le consensus scientifique actuel est que ces changements récents dans les concentrations de GES dans l’atmosphère ont déjà provoqué une augmentation des températures mondiales. Depuis 1880, la température moyenne à la surface du globe a augmenté de 1,1 °C. Ce réchauffement s’est accompagné d’un réchauffement significatif des océans, d’une élévation du niveau de la mer de plus de 24 cm, d’une diminution de 50 % de la glace de mer arctique et d’une augmentation du nombre d’événements météorologiques extrêmes. Comme nous émettons de plus en plus de carbone dans l’atmosphère, les effets en termes de changement climatique menaceront et défieront de plus en plus la société humaine. La science, la politique et les solutions potentielles au changement climatique sont examinées dans la suite de cet ouvrage. Le chapitre 2 aborde l’émergence du changement climatique en tant que problème mondial. Les chapitres 3 et 4 examinent les preuves scientifiques actuelles du changement climatique et la manière dont les scientifiques modélisent l’avenir pour évaluer comment les émissions mondiales de carbone modifieront notre climat. Les chapitres 5 et 6 analysent les impacts de ces changements climatiques futurs et la possibilité qu’il existe des surprises cachées dans le système climatique qui pourraient exacerber le changement climatique. Les chapitres 7 et 8 étudient les aspects politiques du changement climatique, ainsi que les solutions politiques, économiques et technologiques potentielles dont nous disposons. Enfin, le chapitre 9 présente plusieurs visions de l’avenir, en fonction de nos futures émissions de carbone, et examine comment nous pourrions trouver des remèdes et des solutions à la crise du changement climatique.  26 

2 Histoire du changement climatique Les scientifiques prévoient que si nous continuons sur la voie actuelle des émissions de carbone, nous pourrions réchauffer la planète de 1,5 à 4,7 °C au cours des 80 prochaines années, ce qui, selon les économistes, pourrait nous coûter jusqu’à 20 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Face à une telle menace, il est très important que nous comprenions l’histoire du changement climatique et les preuves qui l’étayent. Les éléments scientifiques essentiels du changement climatique existaient déjà à la fin des années 1950, mais ils n’ont été pris au sérieux qu’à la fin des années 1980. Depuis lors, le changement climatique est devenu l’un des plus grands problèmes scientifiques et politiques auxquels l’humanité est confrontée. UNE SCIENCE DÉJÀ ANCIENNE

Les débuts de l’histoire de la science du changement climatique sont anciens et on peut dire qu’elle a commencé en 1856, lorsque Eunice Newton Foote (scientifique, inventrice et militante américaine des droits des femmes) a publié un article démontrant l’effet de serre du CO2. Elle a utilisé des cylindres de verre et des thermomètres à mercure, et a montré que lorsqu’ils étaient remplis de différents gaz et placés en plein soleil, celui qui contenait du CO2 captait le plus de chaleur. En se référant à l’histoire de la Terre, Foote a émis la théorie suivante : « Une atmosphère de ce gaz donnerait à notre Terre une température plus élevée. »  27 

  Le changement climatique  

À peine trois ans plus tard, John Tyndall, professeur de philosophie naturelle à la Royal Institution de Londres, a démontré et mesuré les effets de serre de différents gaz. À l’aide d’un appareil utilisant la technologie des thermopiles, il a été le premier à mesurer correctement l’absorption infrarouge (chaleur) relative de gaz tels que l’azote, l’oxygène, la vapeur d’eau, le CO2, le CH4 et l’ozone. Il a conclu que la vapeur d’eau est le plus fort absorbeur de chaleur radiante dans l’atmosphère et qu’elle est le principal gaz contrôlant la température de l’air sur Terre. S’appuyant sur les travaux antérieurs de scientifiques tels que John Tyndall, Joseph Fourier et Claude Pouillet, le physico-chimiste suédois Svante Arrhenius a calculé en 1896 de combien la température de la Terre changerait en fonction des variations des GES. Il a estimé qu’une diminution de moitié du CO2 atmosphérique ferait baisser la température de la Terre de 4 °C, ce qui pourrait être une cause essentielle des périodes glaciaires, tandis qu’un doublement du CO2 augmenterait la température globale de 4 °C. Il en a conclu que les émissions anthropiques de CO2 résultant de la combustion de combustibles fossiles seraient suffisamment importantes pour provoquer un réchauffement de la planète. Mais ce n’est qu’en 1938 que l’ingénieur et inventeur Guy Stewart Callendar a compilé 147 relevés de température dans le monde entier couvrant les 50 années précédentes et a montré que la planète se réchauffait effectivement (cf.  figure  7). En utilisant les quelques mesures de CO2 atmosphérique disponibles, il a pu suggérer qu’un doublement du CO2 atmosphérique entraînerait un réchauffement de 2 °C, soit la moitié du chiffre suggéré par Arrhenius. Les résultats de Callendar ont d’abord été accueillis avec scepticisme, mais ses articles, publiés dans les années 1940 et 1950, ont incité d’autres scientifiques à étudier les variations du CO2 atmosphérique et ce qui les contrôlait. La Seconde Guerre mondiale a vu une amélioration massive de la technologie, y compris le développement de la spectroscopie  28 

 Histoire du changement climatique  

­infrarouge et, peu de temps après la guerre, les scientifiques ont pu montrer que le CO2 dans la couche supérieure de l’atmosphère avait absorbé la chaleur, prouvant ainsi l’effet de serre. L’inquiétude concernant un éventuel réchauffement de la planète a d’abord été ignorée, les scientifiques affirmant que les océans absorberaient simplement tout supplément de CO2 anthropique émis.

Moyenne glissante sur 10 ans

0,4 °C

Effet du CO2

0,2 °C – 0,2 °C Températures relevées à 147 stations météo 1880

1890

1900

1910

1920

1930

1940

Année

Fig. 7    Compilation (1938) de températures globales par Guy Stewart Callendar.

Roger Revelle, directeur de l’Institut océanographique Scripps en Californie, s’est inquiété de cette affirmation. Grâce à ses études sur la chimie des océans de surface, il a découvert que les océans renvoient dans l’atmosphère une grande partie du CO2 qu’ils absorbent. Ce fut une grande révélation, qui montra qu’en raison des particularités de la chimie océanique, les océans ne seraient pas le puits complet du CO2 anthropique comme on l’avait d’abord pensé. Nous savons maintenant que les océans absorbent environ un quart de la production anthropique totale annuelle (cf. figure 6). Charles Keeling, recruté par Revelle, a fait le pas supplémentaire dans la science du changement climatique. À la fin des années 1950  29 

  Le changement climatique  

et au début des années 1960, Keeling a utilisé la technologie la plus moderne disponible pour mesurer la concentration de CO2 atmosphérique dans l’Antarctique et au Mauna Loa. Les courbes de CO2 de Keeling qui en résultent ont continué à grimper de manière inquiétante chaque année depuis sa première mesure en 1958 et sont devenues l’une des principales images emblématiques illustrant le réchauffement de la planète (cf. figure 4). POURQUOI A-T-ON TARDÉ À RECONNAÎTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?

En 1959, le physicien Gilbert Plass a publié un article dans Scientific American qui affirmait que la température mondiale augmenterait de 3 °C d’ici la fin du siècle. Les rédacteurs du magazine ont publié une photographie de la fumée de charbon s’échappant des usines, accompagnée de la légende suivante : « L’homme bouleverse l’équilibre des processus naturels en ajoutant chaque année des milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. » Ce texte ressemble à des milliers d’articles de magazines, de journaux télévisés et de documentaires que nous avons tous vus depuis la fin des années 1980. Alors, pourquoi y a-t-il eu un délai entre l’acceptation de la science du réchauffement climatique à la fin des années 1950 et la prise de conscience par les personnes extérieures à la communauté scientifique de la véritable menace de ce réchauffement au début du xxie siècle ? Les principales raisons de ce retard dans la reconnaissance du changement climatique sont l’absence d’augmentation des températures mondiales et le manque de sensibilisation à l’environnement au niveau mondial. La série de données sur la température moyenne mondiale est calculée en compilant toutes les températures terrestres et maritimes disponibles. De 1940 jusqu’au milieu des années 1970, la courbe des températures mondiales semble avoir eu une légère tendance à la baisse (cf. figure 8). Cela a incité de nombreux scientifiques  30 

 Histoire du changement climatique  

à se demander si la Terre entrait dans la prochaine grande période glaciaire. L’amélioration des connaissances sur les climats passés dans les années 1970 et 1980 a montré que cela était hautement improbable, car les périodes glaciaires mettent des milliers d’années à se mettre en place.

Températures anormales (en °C)

a) Températures globales de surface 1,2 NASA - Institut Goddard pour les études spatiales 1,0 0,8

Met Office – Hadley Centre / Unité de recherche climatique NOAA National Climatic Data Center Agence japonaise de météorologie

0,6 0,4 0,2 0

– 0,2 – 0,4 1880

1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

1920

1940

1960

1980

2000

2020

Températures anormales (en °C)

b) Moyenne décennale 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0

– 0,2 1880

1900

Année

Fig. 8     Variations de la température à la surface de la Terre depuis 150 ans.

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  Le changement climatique  

Malgré cela, ce n’est qu’à la fin des années 1980, lorsque la courbe des températures moyennes annuelles mondiales a commencé à monter, que le scénario du refroidissement global a finalement été écarté. À la fin des années 1980, la courbe des températures moyennes annuelles mondiales augmentait tant que toutes les preuves antérieures datant de la fin des années 1950 et des années 1960 ont été remises en avant et que la théorie du réchauffement climatique a pris le dessus. En 1988, le professeur Jim Hansen, directeur de l’Institut Goddard de la NASA pour les études spatiales, a été invité à témoigner sur le sujet devant la Commission sénatoriale américaine sur l’énergie et les ressources naturelles. Il a déclaré que « le réchauffement climatique a atteint un niveau tel que nous pouvons attribuer, avec un haut degré de confiance, une relation de cause à effet entre l’effet de serre et le réchauffement observé… ». Ce témoignage a été largement relayé par les médias, et le réchauffement climatique est devenu un sujet grand public. Il semble donc que la reconnaissance finale du changement climatique ait été motivée par l’augmentation de la température moyenne annuelle mondiale. Le dernier rapport scientifique du GIEC (publié en 2021), a examiné et synthétisé un large éventail de données. Il montre que la tendance de la température mondiale reconnue pour la première fois à la fin des années 1980 est correcte, et que cette tendance au réchauffement s’est poursuivie sans interruption jusqu’à aujourd’hui (cf. figure 8). La montée de la température moyenne annuelle mondiale enregistrée n’est pas la seule raison de la nouvelle importance accordée à la question du réchauffement climatique. À la fin des années 1970 et dans les années 1980, la modélisation du climat mondial a connu des avancées significatives. Ces nouveaux modèles de circulation générale atmosphère-océan (MCG) ont produit des estimations d’un réchauf­ fement significatif associé à un doublement du CO2 dans l’atmosphère  32 

 Histoire du changement climatique  

– plus proche en fait des calculs originaux d’Arrhenius. Dans les années 1980, les scientifiques se sont inquiétés du CH4 et d’autres GES autres que le CO2, ainsi que du rôle des océans en tant que vecteurs de chaleur. Les MCG ont continué à s’améliorer, et le nombre d’équipes scientifiques travaillant sur ces modèles a augmenté au cours des années 1980 et 1990. En 1992, une première comparaison globale des résultats de quatorze MCG a été entreprise ; les résultats étaient tous globalement en accord, confirmant que l’augmentation des GES entraînerait un réchauffement significatif de la planète. L’AVÈNEMENT ET LA MONTÉE EN PUISSANCE D’UN MOUVEMENT MONDIAL ET SOCIAL SUR L’ENVIRONNEMENT

Les années 1980 ont vu une expansion massive du mouvement « à  la base et originel » sur l’environnement, en particulier aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, en partie en réaction aux politiques des gouvernements de droite des années 1980 et à la croissance de l’économie de consommation, et en partie en raison du plus grand nombre de reportages sur l’environnement à cpartir de cette époque. Cela a marqué le début d’une nouvelle ère de sensibilisation aux questions environnementales au niveau mondial et l’émergence d’ONG transnationales. Les racines de cette prise de conscience environ­nementale peuvent être retracées jusqu’à un certain nombre de marqueurs-clés : la publication du Printemps silencieux de Rachel Carson en 1962, l’image de la Terre vue de la Lune en 1969, le rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance en 1972, le rapport de la Commission européenne sur l’environnement et le développement durable, le rapport de la Commission européenne sur les limites de la croissance, l’accident du réacteur nucléaire de Three Mile Island en 1979 en Pennsylvanie, l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 en Ukraine et la marée noire de l’Exxon Valdez échoué en Alaska en 1989 (bien que ces trois derniers aient créé des problèmes  33 

  Le changement climatique  

e­ nvironnementaux qui étaient tous régionaux, limités géographiquement aux zones spécifiques dans lesquelles ils se sont produits). C’est la découverte en 1985 par le British Antarctic Survey de l’appauvrissement de la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique qui a démontré la « connectivité » mondiale de notre environnement. Le « trou » d’ozone avait également une cause internationale tangible – l’utilisation de chlorofluorocarbones (CFC) – qui a donné naissance à un tout nouveau domaine politique : la gestion internationale de l’environnement. Il s’en est suivi une série d’accords-clés : la Convention de Vienne de 1985 pour la protection de la couche d’ozone ; le Protocole de Montréal de 1987 relatif à des substances qui « appauvrissent » la couche d’ozone ; et les ajustements et amendements au Protocole de Londres en 1990 et de Copenhague en 1992. Ils ont été présentés comme des exemples de diplomatie environnementale réussie. Ces nouvelles préoccupations environnementales mondiales et la capacité de les traiter au niveau international ont été encouragées et formulées par les principaux hommes politiques de l’époque. Margaret Thatcher, Premier ministre du Royaume-Uni en 1989, a prononcé un discours devant les Nations unies dans lequel elle a exposé la science du changement climatique, la menace qu’il représentait pour toutes les nations et les mesures nécessaires pour éviter la crise. Elle a résumé cela en annonçant : « Nous devrions travailler par le biais de cette grande organisation et de ses agences pour obtenir des accords mondiaux sur les moyens de faire face aux effets du changement climatique, à l’amincissement de la couche d’ozone et à la disparition d’espèces précieuses. » George Bush père, président des États-Unis, a prononcé des discours similaires, dont un en 1992, lorsqu’il a présenté ses initiatives en matière de « ciel clair » et de changement climatique mondial à la National Oceanic and Atmospheric Administration. Le GIEC a été créé en 1988 et a produit son tout premier rapport scientifique en 1990. Deux ans plus tard, avec le soutien de dirigeants du monde entier, les Nations unies ont organisé le Sommet de la  34 

 Histoire du changement climatique  

Terre de Rio, officiellement appelé Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), afin d’aider les États membres à coopérer en matière de durabilité et de protection de l’environnement mondial. Le sommet a été un énorme succès et a débouché sur la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, et l’initiative locale de durabilité appelée « Agenda 21 et les principes forestiers ». Il a également donné naissance à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, à la Convention sur la diversité biologique et à la CCNUCC, qui sous-tend les négociations visant à limiter les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le Sommet de la Terre de Rio a également jeté les bases des Objectifs du millenium pour le développement et des Objectifs de développement durable qui ont suivi. QUAND LES ÉCONOMISTES S’EN MÊLENT

Les économistes ont participé à l’étude du changement climatique depuis le tout début du processus du GIEC. Deux publications particulières d’économistes ont eu des effets très différents sur le débat sur le changement climatique. Tout d’abord, il y a eu la publication du livre controversé The Skeptical Environmentalist de Bjørn Lomborg, publié en anglais en 2001. Dans ce livre, et dans les publications suivantes, il affirme que le coût de la réduction des émissions mondiales de GES est extrêmement élevé et que ceux qui en souffrent le plus sont les plus pauvres, de sorte que nous devrions plutôt atténuer la pauvreté en aidant rapidement les pays pauvres. Cette approche pose deux problèmes majeurs. Premièrement, les coûts du passage à une économie à faible émission de carbone sont relativement faibles et peuvent même être bénéfiques à la croissance économique. Deuxièmement, il est tout à fait irréaliste de penser que les pays riches transféreront des fonds aux pays pauvres à l’échelle nécessaire pour réduire la pauvreté, simplement pour éviter d’avoir à réduire les émissions de GES.  35 

  Le changement climatique  

La deuxième grande étape a été la publication du Rapport Stern sur l’économie du changement climatique, commandé par le Gouvernement britannique en 2006 (publié en 2007). Le rapport était dirigé par Sir Nicholas Stern, alors conseiller du Gouvernement britannique sur l’économie du changement climatique et du développement, qui rendait compte au Premier ministre d’alors, Tony Blair. Le rapport indiquait que si nous ne faisions rien, les impacts du changement climatique pourraient coûter entre 5 et 20 % du PIB mondial chaque année. Cela signifie que le monde entier perd un cinquième de ce qu’il gagne pour faire face à ces impacts (cf. chapitre 5). Cela positionne, bien sûr, les impacts du changement climatique sur une échelle économique complètement différente de celle envisagée par Lomborg. Mais le rapport Stern présente quelques bonnes nouvelles, arguant que si nous faisons tout ce que nous pouvons pour réduire les émissions mondiales de GES et nous assurer que nous nous adaptons aux effets à venir du changement climatique, cela ne nous coûtera que 1 % du PIB mondial chaque année. Le rapport Stern a été critiqué par d’autres économistes. Par exemple, utilise-t-il le bon taux d’actualisation inhérent ? Le taux d’actualisation inhérent est le taux utilisé par les économistes pour tenir compte du fait que la consommation a intrinsèquement une valeur plus faible dans le futur qu’au présent. En d’autres termes, la consommation future doit être actualisée simplement parce qu’elle a lieu dans le futur et que les gens préfèrent généralement le présent au futur. Le lauréat du prix Nobel (des économistes), le professeur William Nordhaus, université de Yale, a utilisé des taux d’actualisation intrinsèques allant jusqu’à 3 %, en faisant valoir que les gens apprécient aujourd’hui un avantage environnemental qui se produira dans 25 ans deux fois moins qu’ils n’apprécient le même avantage aujourd’hui. Cependant, Nordhaus a récemment fait l’objet de vives critiques, car il affirme qu’une augmentation de 4 °C de la température mondiale par rapport aux niveaux préindustriels ne réduirait le PIB par habitant  36 

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que de 2 à 4 %. Mais le défaut fondamental du modèle de Nordhaus est qu’il utilise une fonction de dommage linéaire et non quadratique – ainsi, même des niveaux catastrophiques de changement climatique ne causent pas beaucoup de dommages économiques dans ce modèle économique. Le rapport Stern a également été critiqué pour son optimisme excessif quant aux coûts d’adaptation à un monde à faible émission de carbone. En juin 2008, Stern a révisé ses estimations de coûts à 2 % du PIB mondial. Néanmoins, le rapport Stern a provoqué des chocs sismiques dans le monde entier. C’est comme si les gens se disaient : « Si les économistes commencent à s’inquiéter du coût du changement climatique, c’est que cela doit être réel. » L’implication des économistes dans la problématique du changement climatique ne s’est pas arrêtée là, et un certain nombre de livres et d’articles très influents ont remis en question notre compréhension globale de l’économie et de sa relation avec l’environnement. Parmi ceux-ci, citons le livre de l’économiste Tim Jackson, Prosperity without Growth, publié pour la première fois en 2009, qui remet en question l’opinion orthodoxe selon laquelle la croissance économique est nécessaire, voire souhaitable. En 2017, l’économiste Kate Raworth a publié Doughnut Economics, dans lequel elle montre sept façons dont l’« économie classique » s’est trompée, en faisant valoir que les limites environnementales et les droits humains fondamentaux doivent être au centre de l’économie. Pour la première fois depuis deux générations, l’économie classique fait l’objet d’une attaque soutenue de la part d’une nouvelle génération d’économistes dynamiques et novateurs du xxie siècle qui considèrent le bien-être environnemental et humain comme faisant partie intégrante de l’économie mondiale. La question centrale maintenant est de savoir comment faire face au changement climatique tout en améliorant la vie des gens. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LES MÉDIA

L’autre raison de l’émergence du changement climatique en tant que problème mondial majeur est l’intérêt intense véhiculé par  37 

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des médias. En effet, le changement climatique est parfait pour les médias : une histoire dramatique sur la fin du monde tel que nous le connaissons, avec des protagonistes-clés soutenant qu’elle n’est même pas réelle. La majorité des articles de presse parus au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie dans les années 1990 ont mis en doute les affirmations relatives au changement climatique. Il y avait une tentative récurrente de promouvoir la méfiance envers la science, par des stratégies de généralisation, d’exagération des désaccords au sein de la communauté scientifique et, surtout, de discrédit des scientifiques et des institutions scientifiques. Il y a deux explications possibles à ce débat scientifique public facilité de manière extraordinaire par les médias. Premièrement, les négationnistes du changement climatique et les groupes de pression industriels (lobbys) qui ne veulent pas d’action politique pour lutter contre le changement climatique et qui utilisent ce débat sur les méthodes et l’incertitude scientifique comme un crochet commode sur lequel ils peuvent pendre leurs arguments en faveur d’un report d’actions concrètes. En fait, il a été découvert qu’en 2019 cinq des plus grandes compagnies pétrolières cotées en bourse ont dépensé plus de 200 millions de dollars en lobbying pour contrôler, retarder voire bloquer ce qu’ils considèrent comme une politique climatique contraignante. Deuxièmement, l’engagement éthique des médias en faveur d’un reportage équilibré, appliqué de manière inappropriée, attire une attention injustifiée sur les points de vue critiques lorsqu’ils sont marginaux et hors du domaine de ce qui est normalement considéré comme une « bonne » science. Au Royaume-Uni, la BBC a été de plus en plus critiquée pour avoir continuellement présenté ce faux équilibre, opposant généralement un climatologue à un politicien chevronné ou à un lobbyiste rémunéré. Au-delà des médias conventionnels, le soi-disant débat sur le changement climatique s’est déplacé sur les médias sociaux, les  38 

 Histoire du changement climatique  

n­ égationnistes du changement climatique attaquant les preuves et les opinions des scientifiques chaque fois qu’ils le peuvent. Cette montée des fake news a eu un impact sur de nombreux domaines scientifiques, notamment les vaccinations et les efforts de lutte contre la Covid19 ainsi que le changement climatique. Ensemble, les faux équilibres dans les débats médiatiques, les fausses nouvelles et les campagnes sur les médias sociaux contribuent à donner au public l’impression que la science du changement climatique est « contestée », alors que, selon de nombreuses personnes, il existe des preuves scientifiques irréfutables que le changement climatique se produit et que l’activité humaine en est le principal moteur. Mais les choses changent et ces dernières années, dans de nombreux pays, les sondages d’opinion ont montré que la majorité du public a pris conscience de la réalité du changement climatique et de la menace qu’il représente. Cette prise de conscience est principalement due à l’expérience personnelle des gens ou à l’observation des effets des conditions météorologiques extrêmes dans le monde. Il y a maintenant des nouvelles régulières sur le changement climatique, et ils ont continué même pendant la récente pandémie de Covid-19. De grands documentaires tels que An Inconvenient Truth d’Al Gore, A Life on Our Planet de David Attenborough, Climate Change ou The Facts de la BBC1, ont également attiré l’attention sur ce problème. LES NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX SUR LES QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT À L’ÉCHELLE GLOBALE

En 2008 et 2009, on a assisté à une deuxième prise de conscience mondiale du changement climatique. Cette fois, elle s’est concentrée sur l’espoir d’un accord majeur sur le climat lors des conférences de Copenhague. La conférence de Copenhague s’est soldée par un échec cuisant en raison d’un manque de leadership international, du sabotage des  39 

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États-Unis et des inquiétudes de la planète face à la crise financière mondiale de 2008. Il a fallu attendre la conférence sur le climat de Paris en 2015 pour remettre les négociations sur les rails. Pendant près de dix ans, le mouvement environnemental a été freiné par l’attention focalisée sur l’économie mondiale. Tout a changé en 2018, lorsque la troisième vague du mouvement social environnemental mondial a commencé. En mai 2018, le groupe de protestation Extinction Rebellion a été créé au Royaume-Uni et lancé en octobre 2018 avec plus d’une centaine d’universitaires appelant à l’action contre le changement climatique. L’objectif d’Extinction Rebellion consiste à utiliser la désobéissance civile non violente pour contraindre les gouvernements du monde entier à éviter les points de basculement (et donc de non-­ retour) du système climatique et la perte de biodiversité, ce afin d’empêcher un effondrement à la fois social et écologique. En novembre 2018 et en avril 2019, ses membres ont paralysé le centre de Londres, et les membres d’Extinction Rebellion se sont maintenant étendus à au moins soixante autres villes dans le monde. En août 2018, la jeune Greta Thunberg, âgée de 15 ans, a commencé à passer ses journées d’écolière devant les portes du Parlement suédois, brandissant une pancarte indiquant « Grève de l’école pour le climat », appelant à une action plus forte contre le changement climatique. Le message s’est répandu. Bientôt, d’autres élèves du monde entier ont lancé des grèves scolaires similaires, un vendredi par mois, et ont baptisé le mouvement « Fridays for Future ». On estime qu’à la fin de 2019, plus de 4 500 grèves avaient eu lieu dans plus de 150 pays, impliquant 4 millions d’écoliers. En 2018 et 2019, trois rapports extrêmement influents du GIEC ont été publiés. Le premier, en 2018, était le Rapport spécial sur le réchauffement climatique de 1,5 °C, qui a documenté ce que le monde devait faire pour que l’augmentation de la température mondiale ne dépasse pas 1,5 °C. Il a également montré les interactions positives et  40 

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négatives de l’atténuation du changement climatique et des objectifs de développement durable. Le deuxième est le Rapport spécial sur les Terres, qui traite de l’impact du changement climatique sur la désertification, la gestion des terres, la sécurité alimentaire et les écosystèmes terrestres. Le troisième était le Rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère, montrant les impacts du changement climatique reflétés dans la vitesse de fonte des calottes glaciaires, des glaciers de montagne et de la glace de mer, et leurs implications sur l’élévation du niveau de la mer et les écosystèmes marins. Ce nouveau mouvement social et les toutes dernières données scientifiques ont incité de nombreuses entreprises à jouer un rôle de premier plan. La société Microsoft a fixé un ordre du jour pour le secteur technologique avec l’objectif ambitieux d’atteindre un bilan carbone négatif d’ici 2030. D’ici à 2050, l’entreprise souhaite éliminer de l’atmosphère toute la pollution par le carbone qu’elle et sa chaîne d’approvisionnement ont émise depuis la création de l’entreprise en 1975. Sky a fixé l’ordre du jour pour le secteur des médias, en s’engageant à ce que sa chaîne d’approvisionnement et elle-même soient neutres en carbone d’ici 2030. BP a également déclaré qu’elle serait neutre en carbone d’ici 2050 en éliminant ou en compensant plus de 415 millions de tonnes d’émissions de carbone. Ces entreprises font partie d’un groupe de plus de 1 000 entreprises mondiales qui se sont engagées à adopter des objectifs scientifiques. Ces objectifs scientifiques signifient en fait qu’elles s’engagent à atteindre le but de zéro émission nette de carbone d’ici à 2050. Compte tenu de toute cette pression, les gouvernements du monde entier ont commencé en 2019 à déclarer que nous sommes, en fait, dans une situation d’urgence climatique, et qu’il faudra agir. Au moment de la publication, plus de 1 400 gouvernements locaux et plus de 35 pays ont fait des déclarations d’urgence climatique. Bien qu’en 2020 le monde entier se soit concentré sur la lutte contre la pandémie de Covid-19, le changement climatique est resté une question majeure.  41 

  Le changement climatique  

De nombreux débats ont eu lieu dans les médias et sur les réseaux sociaux sur la façon dont le monde pourrait reconstruire l’économie post-Covid-19 de manière plus durable et à faible émission de carbone. Bon nombre des idées proposées sont examinées au chapitre 9 et beaucoup ont déjà été mises en œuvre.

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3 L’évidence d’un changement climatique La science n’est pas un système de croyances. Il s’agit d’une méthodologie rationnelle et logique qui progresse grâce à des observations détaillées et des expériences pour tester et re-tester constamment les idées et les théories. Elle constitue véritablement le fondement même de notre société globale. Vous ne pouvez donc pas choisir les éléments de preuve scientifique auxquels vous voulez croire et ceux que vous voulez rejeter. Par exemple, vous ne pouvez pas décider de croire aux antibiotiques (car ils peuvent vous sauver la vie) ou au fait que des carlingues en métal lourd équipés d’ailes peuvent voler (parce que vous voulez partir en vacances), tout en niant que le tabagisme provoque le cancer, que le VIH provoque le sida ou que les gaz à effet de serre provoquent le changement climatique. Dans ce chapitre, je présente les preuves scientifiques que le changement climatique anthropique est bel et bien déjà en cours. LE POIDS DE L’ÉVIDENCE

Si nous voulons vraiment comprendre le changement climatique, nous devons comprendre comment fonctionne la science. Le principe du « poids de la preuve » nous pousse à compiler constamment de nouvelles données et à entreprendre de nouvelles expériences afin de tester en permanence nos idées et nos théories sur le climat. Au cours des 40 dernières années, la théorie du changement climatique a dû être l’une des idées les plus testées de la science. Il y a six principaux domaines de preuves à prendre en compte :  43 

  Le changement climatique  

1. Nous avons suivi l’augmentation des GES dans l’atmosphère et nous comprenons maintenant leur rôle dans les variations climatiques passées. 2. Nous savons, grâce aux mesures effectuées en laboratoire et dans l’atmosphère, que les GES absorbent effectivement la chaleur lorsqu’ils sont présents dans l’atmosphère. Le tableau 1 résume les connaissances les plus récentes sur les principaux GES. 3. Nous avons suivi les changements significatifs des températures mondiales et de l’élévation du niveau de la mer au cours du siècle dernier. 4. Nous avons analysé les effets des changements naturels sur le climat, notamment les taches solaires et les éruptions volcaniques, et bien qu’ils soient essentiels pour comprendre le schéma des changements de température au cours des 150 dernières années, ils ne peuvent pas expliquer la tendance au réchauffement (cf. figure 6). 5. Nous avons observé des changements significatifs dans le système climatique de la Terre, notamment la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique occidental, le recul de la glace de mer arctique, le recul des glaciers de montagne sur tous les continents, l’amincissement du pergélisol et l’augmentation de la profondeur de sa couche active (la partie supérieure du pergélisol, qui fond chaque été). 6. Nous suivons en permanence les conditions météorologiques mondiales et avons constaté des changements significatifs dans le nombre et l’intensité des événements extrêmes : il est désormais démontré que le changement climatique est un facteur contribuant de manière significative à nombre de ces événements météorologiques extrêmes. Dans ce chapitre, nous examinerons les preuves de l’évolution de la température globale, des précipitations, du niveau de la mer et des phénomènes météorologiques extrêmes.  44 

121

100

N2O

CCl2F2

CHCIF2

Le protoxyde d’azote

Le CFC-12

Le HCFC-22

Production d’aluminium

9,59 ppt Fluide diélectrique (isolant)

79 ppt

17 500

4 880

5 280

10 800

264

96

1

20 ans

23 500

6 630

1 760

10 200

265

32

1

100 ans

Réchauffement global potentiel (comparé au CO2)

ppm = parties par million présentes dans l’atmosphère, ppb = parties par milliard présentes dans l’atmosphère, ppt = parties par mille milliards présentes dans l’atmosphère, * = existe à l’état de traces dans la nature.

O*

3 200

L’hexafluorure de soufre

SF6

50 000 O*

Le tétrafluorure CF 4 de carbone

11,9

331 ppb (>+20 %)

1 859 ppb (+250 %)

407 ppm (>+45 %)

Combustion de carburants fossiles Changements d’utilisation des terres Production de ciment Carburants fossiles Rizières Déchetteries Animaux d’élevage Engrais Processus industriels Combustion de carburants fossiles Liquides de refroidissement Mousses

Source humaine

N’existe pas dans la nature 508 ppt N’existe pas dans la nature 244 ppt Liquides de refroidissement

275 ppbv

700 ppbv

12,4

CH4

Le méthane

278 ppmv

-

CO2

Durée Concentration Niveaux Formule de vie pré­industrielle en 2018 chimique (ans)

Le dioxyde de carbone

Gaz à effet de serre

Tableau 1    Principaux gaz à effet de serre et comparaison de leur capacité à réchauffer l’atmosphère.

  L’évidence d’un changement climatique  

 45 

  Le changement climatique  

LA TEMPÉRATURE

Les températures peuvent être estimées à partir d’un certain nombre de sources, qu’il s’agisse de thermomètres directs ou d’indicateurs indirects. Les indicateurs indirects sont des variables mesurées lorsque les voies directes ne sont pas disponibles ou possibles. Par exemple, les mesures en infrarouge par satellite (chaleur) sont des exemples d’indicateurs qui peuvent être utilisés pour estimer les températures de surface. Des mesures directes de la température de l’air à l’aide de thermomètres ont été enregistrées sur un certain nombre de sites en Amérique du Nord et en Europe dès 1760. Ce n’est que vers le milieu du xixe  siècle que le nombre de sites d’observation a atteint une couverture géographique mondiale suffisante pour permettre le calcul d’une moyenne terrestre globale. Les (SST) et les températures de l’air marin (MAT) ont été systématiquement enregistrées par des navires à partir du milieu du xixe siècle, mais même aujourd’hui, la couverture de l’hémisphère sud est extrêmement faible. Tous ces ensembles de données nécessitent diverses corrections pour tenir compte de l’évolution des conditions et des techniques de mesure. Par exemple, pour les données terrestres, chaque station a été examinée pour s’assurer que les conditions n’ont pas varié au fil du temps en raison de changements dans le site de mesure, les instruments utilisés, les abris d’instruments ou la façon dont les moyennes mensuelles ont été calculées. Nous devons également tenir compte de la croissance des villes autour de certains sites, qui entraîne un réchauffement des températures dû à l’effet d’îlot de chaleur urbaine. Dans le rapport scientifique du GIEC, l’influence de l’effet d’îlot de chaleur urbaine est reconnue, mais que si elle n’était pas corrigée, elle resterait négligeable pour la compilation de la température globale (avec une différence de moins de 0,006 °C). Pour les SST et les MAT, un certain nombre de corrections doivent être appliquées. Tout d’abord, jusqu’en 1941, la plupart des mesures  46 

  L’évidence d’un changement climatique  

de température SST étaient effectuées dans de l’eau de mer hissée sur le pont dans un seau. Depuis 1941, la plupart des mesures ont été effectuées au niveau des prises d’eau de refroidissement des moteurs des navires. Deuxièmement, entre 1856 et 1910, les seaux en bois ont été remplacés par des seaux en toile, ce qui modifie le degré de refroidissement dû à l’évaporation qui se produit lorsque le contenant est hissé sur le pont. En outre, au cours de cette période, on est passé progressivement de l’utilisation de voiliers à celle de navires à vapeur, ce qui a modifié la hauteur des ponts et la vitesse des navires, deux facteurs qui peuvent affecter le refroidissement par évaporation des seaux. L’autre correction clé qui doit être faite concerne la distribution globale des stations météorologiques dans le temps, qui a beaucoup varié depuis 1870. Le collationnement des relevés de températures mondiales a été entrepris par un certain nombre de groupes dans le monde, notamment le Bureau météorologique britannique, la National Aeronautics and Space Administration (NASA), la National Oceanic and Atmo­ spheric Administration (NOAA) et l’Agence météorologique japonaise (cf. figure 8). En 2012, le professeur Richard Muller, physicien et auparavant sceptique en matière de changement climatique, et son groupe de Berkeley ont rassemblé les relevés de température mondiale des 250 dernières années. Comme son groupe n’avait pas pris en compte toutes les corrections, son estimation du réchauffement climatique était plus élevée que celle des autres groupes. Son estimation a ensuite été révisée, et Muller a annoncé publiquement qu’il avait changé d’avis et que le changement climatique se produisait et était clairement dû à l’activité humaine. En apportant toutes les corrections nécessaires, il est possible de produire un enregistrement continu de la température de la surface du globe de 1880 à 2020, qui montre un réchauffement observé compris entre 1,0 et 1,3 °C, 1,1 °C étant l’augmentation la plus probable sur cette  47 

  Le changement climatique  

période (cf. figure 8). Ces observations sont étayées par 60 ans de données recueillies par ballons et satellites. Par exemple, il existe plus de 800 stations qui, deux fois par jour, lâchent des sondes appelées « rawin » (instruments météorologiques), ou ballons, pour mesurer la température, l’humidité relative et la pression dans l’atmosphère jusqu’à une hauteur d’environ 20 km, où ils éclatent. Les relevés de température nous montrent également que les terres se réchauffent plus vite que les océans. Depuis 1850, les terres se sont réchauffées de 1,44 °C et les océans de 0,89 °C (cf. figure 9). Les températures mondiales ont également été reconstituées pour des périodes antérieures aux enregistrements instrumentaux ou thermométriques. Pour ce faire, on a utilisé des indicateurs de substitution paléoclimatiques tels que l’épaisseur des anneaux des arbres et la composition isotopique des carottes de glace ou des dépôts de grottes pour estimer les températures locales. En combinant les données instrumentales GMT avec les données paléoclimatiques de températures plus longues, on obtient une estimation de la température locale.

Températures anormales (°C)

1,5 Terre

1,0 0,5

Océan

0

– 0,5 1880

1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

Année

Fig. 9    Températures des terres et des océans depuis 1850.

 48 

  L’évidence d’un changement climatique  

Les enregistrements montrent une forte hausse vers la fin, un effet désigné comme la « crosse de hockey » du réchauffement climatique. Une étude, publiée dans la revue Nature en 2019, dirigée par Raphael Neukom du Centre Oeschger pour la recherche sur le changement climatique (Université de Berne, Suisse) a utilisé plus de 700 enregistrements paléoclimatiques et a démontré qu’au cours des 2 000 dernières années, la seule fois où le climat dans le monde entier a changé en même temps et dans le même sens a été au cours des 150 dernières années, lorsque plus de 98 % de la surface de la planète s’est réchauffée (cf. figure 10). 0,6 Températures anormales (°C)

0,4 0,2 0,0

– 0,2 – 0,4 – 0,6 – 0,8

0

250

500

750

1000

1250

1500

1750

2000

Année

Fig. 10    Reconstruction de la température dans l’hémisphère nord depuis 2 000 ans.

LES PRÉCIPITATIONS

Il existe deux ensembles de données sur les précipitations au niveau mondial : celui de Hulme et celui du Global Historical Climate Network (GHCN). Malheureusement, contrairement à la température,  49 

  Le changement climatique  

les données sur les précipitations et la neige ne sont pas aussi bien documentées, et les enregistrements n’ont pas été effectués depuis aussi longtemps. On sait également que les précipitations sur terre ont tendance à être sous-estimées de 10 à 15 % en raison des effets du flux d’air autour de l’entonnoir de collecte. Sans correction de cet effet, une fausse tendance à la hausse pourrait être perçue dans les précipitations mondiales. Malgré ces problèmes, il semble y avoir une augmentation significative des précipitations au cours des 25 dernières années (cf. figure 11), en particulier dans les latitudes moyennes de l’hémisphère Nord. Cette constatation est étayée par les preuves que, depuis les années 1980, la teneur en eau de l’atmosphère a augmenté sur les terres et les océans ainsi que dans la haute troposphère. Ce phénomène est cohérent avec la vapeur d’eau supplémentaire que peut retenir une atmosphère plus chaude. Cercle polaire

Tropique du Cancer Équateur Tropique du Capricorne

Cercle polaire antarctique

– 40– 30– 20– 10 0 10 20 30 40 50 60 %

Fig. 11     Changements des niveaux globaux de précipitation (1900-2018).

Il existe des preuves d’une augmentation globale des précipitations, mais les preuves de ce changement sont beaucoup plus fortes si l’on  50 

  L’évidence d’un changement climatique  

considère les régions individuelles. Le dernier rapport du GIEC suggère que des augmentations significatives des précipitations ont eu lieu dans les parties orientales de l’Amérique du Nord et du Sud, dans le nord de l’Europe et dans le nord et le centre de l’Asie. Il semble que la saisonnalité des précipitations change également, par exemple dans les hautes latitudes de l’hémisphère nord, avec une augmentation des précipitations en hiver et une diminution en été. Des tendances à l’assèchement à long terme ont été observées au Sahel, en Méditerranée, en Afrique du Sud et dans certaines parties de l’Asie du Sud. Il a également été observé que la quantité de pluie tombant lors d’événements pluvieux importants qualifiés d’« extrêmes » a augmenté. LE NIVEAU RELATIF ET GLOBAL DE LA MER

Le GIEC a également compilé toutes les données actuelles sur le niveau mondial des mers. Il montre qu’entre 1901 et 2018, le niveau mondial de la mer a augmenté de plus de 24 cm (cf. figure 12). La variation du niveau de la mer est difficile à mesurer, car les variations relatives du niveau de la mer ont été dérivées de deux ensembles de données très différents – les marégraphes et les satellites. Dans le système conventionnel de marégraphes, le niveau de la mer est mesuré par rapport à un repère terrestre de marégraphes. Le problème majeur est que la surface terrestre est beaucoup plus dynamique que l’on pourrait s’y attendre, avec de nombreux mouvements verticaux, et ceux-ci sont incorporés dans les mesures. Les mouvements verticaux peuvent résulter de la compaction géologique normale des sédiments du delta, du prélèvement d’eau souterraine dans les aquifères côtiers, du soulèvement associé à la collision de plaques tectoniques (le plus extrême étant la formation de montagnes comme dans l’Himalaya), ou du « rebond » post-glaciaire en cours, associé à la fin de la dernière période glaciaire. Le « rebond » est causé par la diminution rapide du poids lors de la fonte des calottes glaciaires géantes, de sorte que les terres qui ont été alourdies remontent lentement vers leur position initiale.  51 

  Le changement climatique  

en millions de km2

a) Couverture neigeuse de l’hémisphère nord 35

30

25 1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

1980

2000

2020

1980

2000

2020

b) L’étendue de la glace arctique (en été) en millions de km2

14 12 10 8 6 4 1900

1920

1940

1960

c) Changement de niveau moyen des mers 200 150 en mm

100 50 0

– 50 1900

1920

1940

1960 Année

Fig. 12    Indicateurs du changement climatique.

Un exemple de ce phénomène est l’Écosse, qui s’élève de 3 mm par an, tandis que l’Angleterre continue de s’enfoncer de 2 mm par an, bien que la calotte glaciaire écossaise ait totalement fondu il y a 10 000 ans. En comparaison, le problème des données satellitaires  52 

  L’évidence d’un changement climatique  

Changement de masse des glaces (en Gtonnes)

est que la période couverte est trop courte. Les meilleures données satellitaires ont commencé en janvier 1993 et montrent une tendance à l’augmentation du niveau de la mer de plus de 35 mm par décennie. Il faut donc combiner les données satellitaires avec celles des marégraphes pour étudier les tendances à long terme. En résumé, entre 1901 et 2018, le niveau moyen mondial de la mer a augmenté d’environ 2 mm par an ; l’augmentation la plus rapide du niveau de la mer a été observée entre 2008 et 2018, avec 4,2 mm par an. L’élévation du niveau de la mer de ces 30 dernières années est constituée des contributions suivantes : 39 % provenant de l’expansion thermique de l’océan ; 9 % de la calotte glaciaire de l’Antarctique ; ~12 % de la calotte glaciaire du Groenland ; 27 % des glaciers et autres calottes glaciaires ; et encore ~13 % dus à la réduction globale du stockage terrestre de l’eau (cf. figure 13). Les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique ont contribué à l’élévation récente du niveau de la mer, et cette contribution s’accélère. On estime actuellement que le Groenland perd plus de 230 gigatonnes (Gt) de glace par an, soit une multiplication par sept depuis le début des années 1990. 0 La glace en Antarctique

– 1 000 – 2 000

La glace au Groenland

– 3 000 – 4 000 1995

2000

2005 Année

2010

2015

Fig. 13    La fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland.

 53 

  Le changement climatique  

Dans le même temps, l’Antarctique perd environ 150 Gt de glace par an, soit cinq fois plus qu’au début des années 1990, et la majeure partie de cette perte provient du nord de la péninsule antarctique et du secteur de la mer d’Amundsen, dans l’ouest de l’Antarctique. D’AUTRES SIGNES CLAIRS DU RÉCHAUFFEMENT GLOBAL

D’autres preuves du changement climatique proviennent des hautes latitudes et de la surveillance des événements météo­rologiques extrêmes. L’étendue moyenne annuelle de la banquise arctique a diminué au total entre 1979 et 2018 à un rythme de 3,5 à 4,1 % par décennie, soit une perte de 0,45 à 0,51 million de km² par décennie. Le minimum de glace de mer d’été a diminué encore plus, de 12,8 % par décennie, ce qui équivaut à une perte de 1 million de km² par décennie. En revanche, entre 1979 et 2018, l’étendue moyenne annuelle de la glace de mer de l’Antarctique a varié de façon marquée, avec des sommets et des creux records, mais aucune tendance significative ne se dégage de l’examen des observations satellitaires continues pour cette période. Il existe également des preuves provenant des régions à pergélisol. Le pergélisol existe dans les zones de haute latitude et de haute altitude, où il fait si froid que le sol est gelé sur une grande profondeur. Pendant les mois d’été, seul le demi-mètre supérieur du pergélisol devient suffisamment chaud pour fondre, c’est ce qu’on appelle la « couche active ». Au cours des 50 dernières années, on a constaté un réchauffement de 3 °C en Alaska et de 2 °C dans le pergélisol du nord de l’Europe et de la Russie, ce qui prouve que cette couche active est devenue beaucoup plus profonde. La superficie maximale couverte par le pergélisol saisonnier a diminué de 7 % dans l’hémisphère nord depuis 1900, avec une diminution au printemps pouvant atteindre 15 %. Cette cryosphère de plus en plus dynamique va amplifier les risques naturels pour les personnes, les structures et les voies de ­communication. Nous l’avons  54 

  L’évidence d’un changement climatique  

déjà constaté sous la forme de dommages causés aux bâtiments, aux routes et aux pipelines, comme les oléoducs en Alaska. En outre, il est prouvé que la plupart, sinon la totalité, des glaciers autres que ceux de la calotte glaciaire sont en recul. La quantité de chutes de neige totales et la couverture annuelle de neige et de glace, en particulier dans l’hémisphère nord, ont fortement diminué (cf. figure 12). Entre 1922 et 2018, plus de 0,27 million de km² de couverture neigeuse et glaciaire par décennie ont été perdus. Dans l’Arctique, la durée de la couverture neigeuse a diminué en moyenne de ~3 à 5 jours par décennie et des baisses plus importantes ont eu lieu dans la région arctique eurasienne (~12,6 jours) et la région arctique nord-américaine (6,2 jours). Il existe également des preuves que le printemps survient plus tôt dans l’hémisphère nord. Les relevés de la couverture de glace de la rivière Tornio en Finlande, qui sont compilés depuis 1693, montrent que le dégel printanier de la rivière gelée se produit désormais un mois plus tôt. À Kyoto, au Japon, les célèbres cerisiers en fleurs apparaissent maintenant 21 jours plus tôt qu’il y a 100 ans. En France, les vendanges à Beaune ont lieu 10 jours plus tôt qu’il y a 100 ans. En Grande-­Bretagne, parmi les divers indicateurs d’un printemps précoce, on trouve des preuves que les oiseaux nichent 12 jours plus tôt qu’il y a 45 ans. Les espèces d’insectes – dont les abeilles et les termites – qui ont besoin d’un temps chaud pour survivre se déplacent vers le nord, et certaines ont déjà atteint l’Angleterre en traversant la Manche depuis la France. Pendant ce temps, aux États-Unis, les espèces actives au début du printemps, comme le lilas et le chèvrefeuille, déploient leurs feuilles trois semaines plus tôt qu’il y a 40 ans. LES ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES

Le dernier rapport du GIEC indique qu’il est pratiquement certain que le changement climatique anthropique a provoqué une augmentation de la fréquence et de la gravité des extrêmes de chaleur et une diminution des extrêmes de froid sur la plupart des continents.  55 

  Le changement climatique  

La fréquence et l’intensité des vagues de chaleur ont augmenté en Europe, en Asie, en Amérique et en Australie. Au cours de la dernière décennie, des vagues de chaleur record ont été enregistrées en Australie, au Canada, au Chili, en Chine, en Inde, au Japon, au Moyen-Orient, au Pakistan et aux États-Unis. Le changement climatique est également la principale cause de l’intensification des fortes précipitations observées sur les régions continentales, qui entraînent souvent des inondations. Des inondations extrêmes record ont été enregistrées au cours de la dernière décennie au Brésil, en Grande-Bretagne, au Canada, au Chili, en Chine, en Afrique de l’Est, en Europe, en Inde, en Indonésie, au Japon, en Corée du Sud, au Moyen-Orient, au Nigeria, au Pakistan, en Afrique du Sud, en Thaïlande, aux États-Unis et au Vietnam. Le changement climatique humain a également joué un rôle dans le façonnement de la distribution et de l’intensité des cyclones tropicaux à l’échelle mondiale. Une étude réalisée en 2020 par James P. Kossin de la NOAA (US) et ses collègues a montré une augmentation de 15 % de l’occurrence des cyclones les plus destructeurs dans le monde au cours des 40 dernières années. Le fait le plus marquant est l’augmentation de 49 % par décennie des ouragans majeurs dans l’atlantique nord et l’augmentation de 18 % par décennie des cyclones majeurs dans le sud de l’océan Indien. En résumé, le nombre de cyclones tropicaux provenant de l’atlantique nord, de l’océan Pacifique et du sud de l’océan Indien a augmenté, tout comme la variabilité d’une année sur l’autre. Par exemple, en 2019, il y a eu quatre énormes cyclones dans l’océan Indien et deux d’entre eux – dans le sud de l’océan Indien – étaient sans précédent. La saison cyclonique 2018-2019 du sud-ouest de l’océan Indien a été la plus coûteuse et la plus active jamais enregistrée depuis le début des relevés fiables en 1967. En 2020, la tempête super cyclonique Amphan s’est formée dans le nord de l’océan Indien et a touché terre au Bengale-Occidental, affectant près de 40 millions de personnes et causant plus de 13 milliards de dollars de dégâts.  56 

  L’évidence d’un changement climatique  

La raison pour laquelle les scientifiques sont certains que nombre de ces phénomènes météorologiques extrêmes sont aggravés par le changement climatique est le nouveau domaine de la « science de l’attribution ». Les progrès de la puissance de traitement informatique et l’amélioration des méthodes de modélisation des facteurs qui contribuent au climat permettent aux scientifiques d’effectuer des simulations météorologiques pour une région avec et sans forçage anthropique des GES. Cela nous permet de déterminer dans quelle mesure le changement climatique a contribué à des phénomènes météorologiques extrêmes spécifiques et, le cas échéant – s’il en a augmenté l’intensité – la fréquence ou les deux. Plus de 113 événements météorologiques extrêmes survenus entre 2015 et 2020 ont été étudiés à l’aide de la science de l’attribution : il s’est avéré que 70 % des événements ont vu leur fréquence ou leur intensité augmenter en raison du changement climatique ; 26 % ont vu leur occurrence réduite en raison du changement climatique ; et 4 % n’ont montré aucune variation en raison du changement climatique. CE QUE DISENT LES CLIMATOSCEPTIQUES

L’une des meilleures façons de résumer les preuves du changement climatique est d’examiner ce que disent les négationnistes du changement climatique par rapport à l’état actuel de la science. Les données des carottes de glace suggèrent que le CO2 atmosphérique réagit à la température globale, donc le CO2 atmosphérique ne peut pas causer de changements de la température globale. À la fin de la dernière période glaciaire, la Terre s’est réchauffée. Nous savons, grâce aux carottes de glace du Groenland et de l’Antarctique, que les hémisphères nord et sud se sont réchauffés à des moments différents et à des rythmes différents. À cela s’ajoutent des événements climatiques d’ampleur millénaire, lorsque d’énormes quantités de glace se sont détachées de la calotte glaciaire nord-américaine en train de fondre, inondant  57 

  Le changement climatique  

l’océan Atlantique nord d’eau douce, modifiant la circulation océanique et refroidissant l’hémisphère nord. L’un de ces événements, appelé événement de Heinrich 1, s’est produit il y a environ 15 000 ans, et l’autre, le Younger Dryas, il y a environ 12 000 ans. En raison de la bien nommée « bascule du climat bipolaire », chaque fois que l’hémisphère nord se refroidit, la chaleur est exportée vers le sud par les océans et l’hémisphère sud se réchauffe. Ainsi, si vous comparez les températures enregistrées par une carotte de glace avec les niveaux de CO2 atmosphérique reconstitués, il y a des moments où la relation semble s’inverser. Pour vraiment c­ omprendre la relation entre les températures mondiales et le CO2, le professeur Jeremy Shakun de l’université de Harvard et ses collègues ont créé un empilement magistral de tous les enregistrements de température depuis la fin de la dernière période glaciaire (cf.  figure  14). Il en ressort que le niveau de CO2 atmosphérique est en avance sur les températures mondiales, ce qui renforce notre conviction qu’il a contribué au réchauffement de la Terre à la sortie de la dernière grande période glaciaire. Le CO2 ne représente qu’une petite partie de l’atmosphère, il ne peut donc pas avoir un grand effet de réchauffement. Il s’agit d’une tentative d’avancer et de défendre un argument classique basé sur le « bon sens », mais il complètement faux. Premièrement, les scientifiques ont répété des expériences en laboratoire et effectué des mesures dans l’atmosphère, démontrant encore et encore l’effet de serre du CO2. Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument du « bon sens » selon lequel une très petite quantité de quelque chose ne peut pas avoir beaucoup d’effet, il suffit de 0,1 gramme de cyanure pour tuer un adulte, ce qui représente environ 0,0001 % de votre poids corporel. Comparez cela au CO2, qui constitue actuellement 0,04 % de l’atmosphère mais qui est un puissant GES. L’azote, quant à lui, constitue 78 % de l’atmosphère et est pourtant très peu réactif.  58 

  L’évidence d’un changement climatique  

400 380

Niveau de CO2 aujourd’hui

360

Température en °C

320 1

300

0

280 260

–1

240

–2

220

–3 –4 20 000

Niveau de CO2 (en ppm)

340

200 15 000

10 000 5 000 En année avant aujourd’hui

0

180

Fig. 14    Variations des températures globales et du niveau de dioxyde de carbone durant les 20 000 dernières années.

Chaque ensemble de données a été corrigé ou subtilement ajusté pour mettre en évidence le réchauffement de la planète. Pour les personnes qui ne sont pas régulièrement impliquées dans la science, cela semble être le plus gros problème avec l’argument du « changement climatique ». Comme nous l’avons montré ci-dessus, tous les ensembles de données climatiques couvrant les 150 dernières années nécessitent une forme ou une autre d’ajustement. Cela fait pourtant partie du processus scientifique. Par exemple, en 2012, Muller et son groupe de Berkeley ont publié leurs relevés de température mondiale et ont montré une augmentation de 1,5 °C au cours des 250 dernières années. Ce chiffre était beaucoup plus élevé que les autres estimations, car le groupe de l’université de Berkeley (UCB) n’avait pas corrigé tous les relevés climatiques. La science progresse pas à pas ; elle intègre de mieux en mieux les ensembles de données dont elle se sert.  59 

  Le changement climatique  

Cette remise en question constante de toutes les données et de leurs interprétations représente la force essentielle de la science : chaque nouvelle correction ou ajustement est dû à une meilleure compréhension des données et du système climatique, et donc chaque nouvelle étude renforce la confiance que nous avons dans les résultats. C’est pourquoi le rapport du GIEC fait référence au « poids des preuves », puisque notre confiance dans la science augmente si des résultats similaires sont obtenus de sources très différentes. Les changements récents des températures mondiales sont dus aux modifications du Soleil. Les négationnistes et les climatologues s’accordent à dire que les taches solaires et l’activité volcanique influent effectivement le climat et les températures mondiales. La différence entre les deux camps est que les négationnistes veulent que ces variations naturelles soient l’explication dominante du climat. Il existe des preuves que le cycle solaire de 11 ans, au cours duquel la production d’énergie du Soleil varie d’environ 0,1 %, peut influencer les concentrations d’ozone, les températures et les vents dans la stratosphère. Ces changements n’ont qu’un très faible effet sur les températures de surface. La figure 15 montre que, depuis 1880, le rayonnement solaire a augmenté progressivement pour atteindre un pic vers 1955, et qu’il diminue depuis. Ainsi, au cours des 50 dernières années, alors que les températures mondiales ont augmenté de façon spectaculaire, le rayonnement solaire a en fait diminué. Au cours des 150 dernières années, des changements climatiques significatifs ont été enregistrés, des changements qui sont nettement différents de ceux des 2 000 dernières années, au moins. Ces changements comprennent une augmentation de 1,1 °C des températures moyennes mondiales, une élévation du niveau de la mer de plus de 24 cm, des modifications importantes de la saisonnalité et de l’intensité des précipitations, des changements de régimes climatiques, la fonte accélérée des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique occidental, ainsi que le recul important de la glace de mer arctique et de presque tous les glaciers continentaux.  60 

  L’évidence d’un changement climatique  

1,0

Rayonnement solaire total (en W.m2)

1 363 Température

0,5

1 362

1 361

1 360 1880

(°C)

0

– 0,5 Rayonnement solaire 1900

1920

1940 1960 Année

1980

2000

– 1,0 2020

Fig. 15    Le lien entre éruptions solaires et température globale.

Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis (NOAA), entre 1880 et 2020, les 10 années les plus chaudes jamais enregistrées se sont toutes produites au cours des 15 dernières années, l’année 2020 étant la plus chaude conjointement avec 2016, suivie de 2019, 2015, 2017, 2018, 2014, 2010, 2013 et 2005. Le rapport 2021 du GIEC affirme que les preuves du changement climatique sont sans équivoque et qu’il est très probable que ce réchauffement est dû aux émissions humaines de GES. Cette affirmation est étayée par six sources principales de preuves : (1) l’augmentation des GES dans l’atmosphère a été mesurée et la composition isotopique des gaz montre que la majorité du carbone supplémentaire provient de la combustion de combustibles fossiles ; (2) les mesures en laboratoire et dans l’atmosphère montrent que ces gaz absorbent la chaleur ; (3) des changements significatifs des températures mondiales et de l’élévation du niveau de la mer ont été observés au cours du siècle dernier ;  61 

  Le changement climatique  

(4) d’autres changements significatifs ont été observés dans la cryosphère, les océans, les terres et l’atmosphère, notamment le recul des calottes glaciaires, de la glace de mer et des glaciers, ainsi que des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent tous être directement attribués à l’impact du changement climatique ; (5) il est clairement établi que les processus naturels, y compris les taches solaires et les éruptions volcaniques, ne peuvent pas expliquer la tendance au réchauffement au cours des 100 dernières années ; (6) nous avons désormais une meilleure compréhension des changements climatiques à long terme du passé et du rôle essentiel joué par les GES dans la régulation du climat de notre Planète.

 62 

4 La modélisation des climats La société humaine tout entière fonctionne grâce à la connaissance que nous avons des conditions météorologiques à venir. Par exemple, les agriculteurs indiens savent quand les pluies de mousson arriveront l’année prochaine et ils savent donc quand planter les cultures. Les agriculteurs indonésiens savent qu’il y a deux pluies de mousson par an, ce qui leur permettra d’engranger deux récoltes l’année prochaine. Ils s’appuient pour cela sur leur connaissance du passé, car, de mémoire d’homme, les moussons sont toujours arrivées à peu près au même moment chaque année. Mais le besoin de prévoir va plus loin, il influence chaque période de notre vie. Nos maisons, nos routes, chemins de fer, aéroports, bureaux, voitures, trains, etc. sont tous conçus en fonction du climat local. Par exemple, en Angleterre, toutes les maisons ont un chauffage central, car la température extérieure est généralement inférieure à 20 °C, mais pas d’air conditionné, car les températures dépassent rarement 26 °C, alors qu’en Australie, c’est l’inverse : la plupart des maisons sont équipées de l’air conditionné, mais rarement de chauffage central. Il est désormais essentiel de prévoir le climat futur, car nous ne pouvons plus nous fier aux relevés météorologiques du passé pour savoir ce que l’avenir nous réserve. Nous devons également comprendre les conséquences de nos actions. Par exemple, si nous continuons à émettre des gaz à effet de serre au même rythme qu’aujourd’hui, quelle sera l’ampleur à venir du changement climatique ? Nous devons donc développer de nouvelles façons de comprendre les futurs potentiels. Nous modélisons l’avenir (cf. figure 16).  63 

  Le changement climatique  

Niveaux de modèle atmosphérique Nuages cirrostratus / cirrus

Nuages cumulonimbus

Couches de modèles terrestres

Couches de modèles océaniques

Fig. 16    Structure générique d’un modèle global du climat terrestre.

 64 

  La modélisation des climats   

LES MODÈLES

Il existe toute une hiérarchie de modèles climatiques, depuis les modèles dits « en boîte » relativement simples aux modèles de circulation générales (MCG) tridimensionnels extrêmement complexes. Chacun d’entre eux joue un rôle dans l’examen et l’approfondissement de notre compréhension du système climatique mondial. Ce sont les MCG tridimensionnels complexes qui sont utilisés pour prévoir le climat mondial futur. Ces modèles climatiques complets sont basés sur des lois physiques représentées par des équations mathématiques, résolues à l’aide d’une grille tridimensionnelle sur le globe. Pour obtenir les simulations les plus réalistes, toutes les grandes parties du système climatique doivent être représentées dans des sous-modèles, notamment l’atmosphère, l’océan, la surface terrestre (topographie), la cryosphère et la biosphère, ainsi que les processus qui se déroulent en leur sein et entre eux. Au cours des 40 dernières années, les modèles climatiques se sont considérablement améliorés. Cela est dû à notre connaissance accrue du système climatique, mais aussi à la croissance quasi-exponentielle de la puissance des ordinateurs. La résolution spatiale des modèles s’est considérablement améliorée depuis le tout premier rapport du GIEC en 1990 jusqu’au dernier rapport publié en 2021. La génération actuelle de MCG comporte plusieurs couches dans l’atmosphère, les terres et les océans et peut avoir une résolution spatiale supérieure à un point tous les 30 km par 30 km. Les équations sont généralement résolues pour chaque « demiheure » simulée d’une exécution du modèle. De nombreux processus physiques, tels que la chimie atmosphérique, la formation des nuages, la production et le mouvement des aérosols (particules en suspension dans l’air) et la convection océanique, se déroulent à une échelle beaucoup plus petite que celle que le modèle principal peut résoudre. Les effets des processus à petite échelle doivent être regroupés, ce que l’on appelle la « paramétrisation ». Toutes ces paramétrisations  65 

  Le changement climatique  

sont vérifiées à l’aide de « modèles de processus à petite échelle » distincts afin de valider la mise à l’échelle de ces petites influences. La plus grande inconnue des modèles n’est pas tant la physique, la chimie ou la biologie : c’est plutôt l’estimation des futures émissions mondiales de GES au cours des 80 prochaines années. Cela inclut de nombreuses variables, de l’économie mondiale aux modes de vie personnels. Les modèles individuels sont donc calculés de nombreuses fois avec différents scénarios d’émissions afin de fournir une gamme de changements qui pourraient se produire à l’avenir. En fait, le dernier (sixième) rapport d’évaluation du GIEC a compilé les résultats de plusieurs exécutions de plus de cent modèles climatiques distincts produits par quarante-neuf groupes de modélisation internationaux différents, qui font tous partie du dernier (sixième) projet de l’Intercomparaison de modèles de projets couplés (IMPC6). Bien entendu, à mesure que la puissance de traitement des ordinateurs augmente, la représentation des systèmes climatiques couplés et l’échelle spatiale continueront de s’améliorer. LE CYCLE DU CARBONE

Au cœur des modèles climatiques se trouve le cycle du carbone, essentiel pour estimer le devenir des émissions anthropiques de CO2 et de CH4. Le cycle du carbone de la Terre est complexe, avec des sources et des puits de CO2 importants. Aujourd’hui, la moitié de toutes nos émissions de carbone sont absorbées par le cycle naturel du carbone et ne finissent pas dans l’atmosphère mais plutôt dans les océans et la biosphère terrestre. La figure 17 montre les réservoirs mondiaux en gigatonnes de carbone (GtC ou 1 000 millions de tonnes) et les flux (les entrées et sorties de carbone en GtC par an). Ces chiffres indicatifs montrent les changements intervenus depuis la révolution industrielle. Il est de plus en plus évident que de nombreux flux peuvent varier considérablement d’une année à l’autre.  66 

  La modélisation des climats   

En effet, contrairement à la vision statique véhiculée par des chiffres comme celui-ci, le système du carbone est dynamique et couplé au système climatique sur des échelles de temps saisonnières, interannuelles et décennales. Il est désormais clair que la surface des océans et la biosphère terrestre absorbent chacune environ 25 % de nos émissions de carbone chaque année. À mesure que les océans continuent de se réchauffer, ils peuvent retenir moins de CO2 dissous, ce qui signifie que leur pouvoir d’absorption va diminuer. Si nous continuons à déboiser et à modifier considérablement l’utilisation des sols, la capacité de la biosphère terrestre à absorber le carbone diminuera.

1

augmentation atmosphérique 4 Gt/an

Biomasse terrestre 450-650 GtC

les sols 1 500 – 2 400 GtC Réserves de carburants fossiles gaz – 1 100 GtC pétrole – 260 GtC charbon - 540 GtC

Croûte terrestre 108 GtC

Absorption nette par la terre 2,6 GtC/an

an tC/

Émissions dues à l’Homme ~9 GtC/an

quantité de CO2 dans l’atmosphère 830 GtC /an GtC 90 20 G Absorption nette des océans 2,3 GtC/an

C inorganique dissous 7 100 GtC biomasse marine 3 GtC/an C organique dissous 700 GtC sédiments au fond de l’océan 1 750 GtC

Fig. 17    Le cycle du carbone, en gigatonnes de carbone (GtC).

 67 

  Le changement climatique  

LES EFFETS DE RÉCHAUFFEMENT ET DE REFROIDISSEMENT

En plus des effets de réchauffement des GES, le système climatique de la Terre est compliqué dans la mesure où il existe également des effets de refroidissement (cf. figure 18). Ceux-ci comprennent la quantité d’aérosols dans l’air (dont beaucoup proviennent de la pollution humaine, comme les émissions de soufre des centrales électriques), qui ont un effet direct sur la proportion du rayonnement solaire qui frappe la surface de la Terre. Les aérosols ont un impact local ou régional important sur la température. Les simulations informatiques du changement climatique montrent que les zones industrielles de la planète ne se sont pas réchauffées autant qu’on aurait pu le prévoir du seul fait de l’augmentation des GES. Cette soi-disant « atténuation globale », ou plus précisément « atténuation régionale », a été confirmée

GES à courte vie et aérosols

Anthropogène

Gaz bien mélangés

Composé émis

Naturel

CO2 CH4 N2O Halocarbones Ozone (stratosphérique) Ozone (Troposphérique) Traînées de condensation H2O stratosphérique Aérosols – en contact direct Aérosols – dans les nuages Changement d’utilisation des terres Effet de carbone sur la neige Solaire

Changement total 1 750 (W.m–2)

2018 2011 1980 1950

–1

0 1 2 3 Forçage radiatif relatif à la valeur 1 750 (Wm–2)

Fig. 18    Les forçages radiatifs entre 1750 et 2018.

 68 

4

  La modélisation des climats   

par des mesures réelles de la température et des aérosols. La vapeur d’eau est un GES, mais, dans le même temps, la surface blanche supérieure des nuages renvoie le rayonnement solaire dans l’espace. Le niveau de réflectivité d’une surface est appelé « albédo ». Les nuages et la glace ont un albédo élevé, ce qui signifie qu’ils réfléchissent de grandes quantités de rayonnement solaire loin des surfaces de la Terre. L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère accroît la couverture nuageuse, car ils fournissent des points sur lesquels la vapeur d’eau peut se nucléer. Prédire ce qu’il adviendra de la quantité et des types de nuages, ainsi que de leur potentiel de réchauffement ou de refroidissement, est l’un des principaux défis des climatologues. MODÈLES D’ÉMISSION DU FUTUR

Comme nous l’avons indiqué plus haut, un problème crucial – lorsqu’on essaie de prévoir le climat futur – consiste à prévoir la quantité d’émissions de CO2 qui sera produite à l’avenir. Cette quantité sera influencée par la croissance démographique, la croissance économique, le développement, la consommation des combustibles fossiles, le rythme auquel nous passons aux énergies alternatives, le taux de déforestation et l’efficacité des accords internationaux visant à réduire les émissions. De tous les systèmes que nous essayons de modéliser dans le futur, celui de l’humanité elle-même est de loin le plus compliqué et le plus imprévisible. Si vous voulez comprendre le problème de la prédiction de ce qui se passera dans les 80 prochaines années, imaginez-vous en 1920 et ce que vous auriez prédit du monde au xxie siècle. Au début du xxe siècle, l’Empire britannique était la puissance mondiale dominante en raison de la révolution industrielle et de l’utilisation du charbon. Auriez-vous prédit le passage à une économie mondiale basée sur le pétrole après la Seconde Guerre mondiale ? Ou l’explosion de l’utilisation de la voiture ? Ou la généralisation des voyages en avion ? Il y a 30 ans encore, il aurait été difficile de prévoir l’existence de compagnies aériennes à bas prix, permettant des vols bon marché à travers l’Europe, les États-Unis et l’Asie.  69 

  Le changement climatique  

Les premiers rapports du GIEC reposaient sur des hypothèses simplistes concernant les émissions de GES au cours des 100 prochaines années. À partir de l’an 2000, les modèles climatiques ont utilisé des scénarios plus détaillés définis dans un rapport spécial du GIEC (Special Report on Emission Scenarios by the IPCC, ou SRES, 2000). Le RE5 du GIEC de 2013 a utilisé des « profils représentatifs d’évolution des concentrations » (RCP, Representative Concentration Pathways) plus sophistiqués, qui ont pris en compte une entrée de variables beaucoup plus large dans les modèles socio-économiques, notamment la population, l’utilisation des terres, l’intensité énergétique, la consommation d’énergie et le développement régional différencié. Les RCP ont été définis par le forçage radiatif final atteint en 2100, et ils vont de 2,6 à 8,5 watts par mètre carré (W/m²). Le forçage radiatif est défini comme la différence entre la lumière du soleil (énergie rayonnante) reçue par la Terre et l’énergie renvoyée dans l’espace, et est mesuré en unités de W/m² de la surface de la Terre. Pour le rapport RE6 du GIEC de 2021, le RCP.1.9 a été ajouté, afin de représenter l’ambition de l’Accord de Paris 2015 de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Le sixième rapport d’évaluation du GIEC utilise également des trajectoires socio-économiques partagées (SSP, shared socioeconomic pathways), qui ont été développées pour couvrir toute la gamme des futurs possibles. Les SSP comprennent un ensemble de cinq récits et forces motrices qui pourraient façonner l’économie mondiale et les émissions mondiales à l’avenir (cf. figure 19). Les SSP ont été définies en 2017 par Keywan Riahi et ses collègues dans un article publié dans la revue Global Environmental Change : ils sont décrits ci-après.

SSP1 : Durabilité. Emprunter la route verte Les défis simples de l’atténuation et de l’adaptation. Dans ce scénario, le monde s’oriente progressivement mais continuellement vers une voie plus durable, avec un développement économique inclusif et respectueux  70 

  La modélisation des climats   

140 SSP5-8,5

1 000 millions de tonnes de CO2/an

120 100

SSP3-7,0

80 60 40 20 0

Émissions dans le passé

SSP2-4,5 SSP1-2,6 SSP1-1,9

– 20 – 40 2000

2020

2040

Année

2060

2080

2100

Fig. 19    Des scénarii de futures émissions de carbone.

de l’environnement. La gestion des biens communs mondiaux s’améliore lentement, les investissements dans l’éducation et la santé accélèrent la transition démographique vers une réduction de la population, et l’accent mis sur la croissance économique se transforme en un accent plus large recherchant davantage le bien-être humain. Sous l’impulsion d’un engagement croissant en faveur de la réalisation des objectifs de développement, les inégalités se réduisent tant entre les pays qu’à l’intérieur de ceux-ci. La consommation est orientée vers une faible croissance matérielle et une plus faible intensité en ressources et en énergie.

SSP2 : La route médiane Les défis moyens de l’atténuation et de l’adaptation. Dans ce scénario, le monde suit une voie dans laquelle les tendances sociales, économiques et technologiques ne s’écartent pas sensiblement des modèles historiques. Le développement et la croissance des revenus se déroulent de manière inégale, certains pays réalisant des progrès relativement  71 

  Le changement climatique  

importants tandis que d’autres ne répondent pas aux attentes. Les institutions mondiales et nationales travaillent à la réalisation des objectifs de développement durable, mais ne progressent que lentement. Les systèmes environnementaux se dégradent, bien qu’il y ait quelques améliorations et que, globalement, l’intensité de l’utilisation des ressources et de l’énergie diminue. La croissance démographique mondiale est modérée et se stabilise dans la seconde moitié du siècle. L’inégalité des revenus persiste ou ne s’améliore que lentement, et il reste des défis à relever pour réduire la vulnérabilité aux changements sociétaux et environnementaux.

SSP3 : Rivalités entre régions – un chemin chaotique. Les grands défis de l’atténuation et de l’adaptation. Dans ce scénario, on observe une résurgence du nationalisme, des préoccupations en matière de compétitivité et de sécurité, ainsi que des conflits régionaux qui poussent les pays à se concentrer de plus en plus sur les questions nationales ou, au mieux, régionales. Les politiques évoluent au fil du temps pour s’orienter de plus en plus vers les questions de sécurité nationale et régionale. Les pays se concentrent sur la réalisation d’objectifs de sécurité énergétique et alimentaire dans leur propre région, au détriment d’un développement plus large. Le scénario suppose également que les investissements dans l’éducation et le développement technologique diminuent. Le développement économique est lent, la consommation est à forte intensité matérielle et les inégalités persistent ou s’aggravent avec le temps. La croissance démographique est faible dans les pays industrialisés et élevée dans les pays en dévelop­pement. Une faible priorité internationale pour l’environnement entraîne une forte dégradation de l’environnement dans certaines régions.

SSP4 : L’inégalité — une route divisée Des défis simples vis-à-vis de l’atténuation mais de grands défis face à l’adaptation. Dans ce scénario, des investissements très inégaux dans  72 

  La modélisation des climats   

le capital humain, combinés à des disparités croissantes en termes d’opportunités économiques et de pouvoir politique, conduisent à une exacerbation des inégalités et de la stratification tant entre les pays qu’au sein de ceux-ci. Au fil du temps, un fossé se creuse entre une société connectée au niveau international qui contribue aux secteurs de l’économie mondiale à forte intensité de connaissances et de capital, et un ensemble divisé de sociétés à faible revenu et peu éduquées qui travaillent dans une économie à forte intensité de maind’œuvre et de faible technologie. La cohésion sociale se dégrade, et les conflits et les troubles deviennent de plus en plus courants. Le développement est substantiel dans l’économie de haute technologie. Le secteur de l’énergie, connecté au monde entier, se diversifie, avec des investissements dans les combustibles à forte intensité de carbone comme le charbon et le pétrole non-conventionnel, mais aussi dans les sources d’énergie à faible émission de carbone. Les politiques environnementales se concentrent sur les problèmes locaux dans les zones à revenus moyens et élevés.

SSP5 : Le développement basé sur les énergies fossiles — emprunter l’autoroute De grands défis vis-à-vis de l’atténuation mais des défis simples face à l’adaptation. Dans ce scénario, le monde fait de plus en plus confiance aux marchés compétitifs, à l’innovation et aux sociétés participatives pour produire des progrès technologiques rapides et développer le capital humain comme voie vers le développement durable. Les marchés mondiaux sont de plus en plus intégrés. Il y a également de forts investissements dans la santé, l’éducation et les institutions pour améliorer le capital humain et social. Dans le même temps, la poussée du développement économique et social va de pair avec l’exploitation d’abondantes ressources en combustibles fossiles et l’adoption de modes de vie gourmands en ressources et en énergie dans le monde entier. Tous ces facteurs entraînent une croissance rapide de  73 

  Le changement climatique  

l­’économie mondiale, tandis que la population mondiale atteint un pic et décline au cours du xxie siècle. Les problèmes environnementaux locaux, comme la pollution atmosphérique, sont gérés avec succès. On croit en la capacité de gérer efficacement les systèmes sociaux et écologiques, y compris par la géo-ingénierie si nécessaire. Ces récits décrivent les différentes voies que pourrait emprunter notre société future. La SSP1 – avec zéro émission (nette) et la SSP5 sont optimistes en ce qui concerne le développement humain, les deux prévoyant « des investissements substantiels dans l’éducation et la santé, une croissance économique rapide et des institutions qui fonctionnent bien ». La différence est que la SSP5 utilise beaucoup de combustibles fossiles, alors que la SSP1 suppose un passage aux énergies renouvelables. SSP3 et SSP4 sont pessimistes quant à l’avenir et SSP2, comme il est dit, est un scénario intermédiaire. Les scénarios utilisés dans le RE6 sont une combinaison des SSP et des RCP, fournissant un récit et un résultat clairs. En effet, les SSP n’incluent aucune mesure d’atténuation, de sorte qu’une économie mondiale à fortes émissions pourrait avoir une trajectoire de concentration plus faible en employant d’énormes quantités de mesures d’atténuation. Si l’on examine toutes les combinaisons SSP, certaines sont extrêmement improbables et d’autres presque impossibles, par exemple SSP5 et RCP1.9. Le RE6 se concentre sur cinq scénarios principaux : SSP1-1.9, SSP1-2.6, SSP2-4.5, SSP3-7.0, et SSP5-8.5 (cf. tableau 2). COMMENT MODÉLISER L’INCERTITUDE

Dans le dernier rapport d’évaluation du GIEC, les scénarios d’émissions passées et futures ont été utilisés dans une centaine de MCG distincts et indépendants. Chacun de ces modèles a sa propre conception indépendante et ses propres paramétrisations des processus-clés. L’indépendance de chaque modèle est importante, car la confiance peut être dérivée de plusieurs itérations sur différents  74 

  La modélisation des climats   

modèles fournissant des prévisions climatiques futures similaires. En outre, les différences entre les modèles peuvent nous aider à connaître leurs limites et leurs avantages spécifiques. Au sein du GIEC, pour des raisons d’opportunité politique, chaque modèle et ses résultats sont supposés être également valides. Et ce, malgré le fait que certains sont connus pour être plus performants que d’autres lorsqu’ils sont testés par rapport à la réalité fournie par les enregistrements historiques et paléoclimatiques. Tableau 2    Définitions des voies de concentration représentatives. Profils représentatifs d’évolution des concentrations (RCP)

Description

RCP8.5

Chemin de forçage radiatif en augmentation, devrait atteindre les 8,5 W/m² (~ 1 000 ppm de CO2 entre 2081 et 2100)

RCP7

Chemin de stabilisation, en route pour les 7 W/m² (~ 800 ppm de CO2 entre 2081 et 2100)

RCP4.5

Chemin de stabilisation, en route pour les 4,5 W/m² (~ 600 ppm de CO2 entre 2081 et 2100)

RCP2.6 (également appelé RCP3PD)

Pic de forçage radiatif à 3 W/m² (pic ~ 490 ppm de CO2 puis émission négative en route pour les 450 ppm de CO2 entre 2081 et 2100, pour arriver à 2,6 W/m² en l’an 2100).

RCP1.9 (également appelé le scénario 1,5 °C)

Pic de forçage radiatif à 1,9 W/m² (~ 400 ppm entre 2081 et 2100 ; tous les RCP ont besoin d’émissions négatives globales pour atteindre ce but de +1,5 °C)

En outre, bien que nous comprenions l’incertitude au sein d’un seul modèle, la notion de quantification de cette incertitude à partir de nombreux modèles manque actuellement d’un véritable fond ou base théorique. Le GIEC combine tous les modèles utilisés pour chaque simulation et présente ensuite la moyenne et le degré d’incertitude entre  75 

  Le changement climatique  

les modèles. De cette façon, il est clair qu’il existe des différences dans les résultats des modèles mais, en général, ils concordent et montrent des avenirs très différents selon le scénario retenu. Les incertitudes du rapport 2021 du GIEC sont légèrement plus élevées que celles des rapports précédents. Cela est dû à notre meilleure compréhension des processus et à notre capacité à quantifier l’incertitude de nos connaissances. Ainsi, bien que notre confiance dans les modèles climatiques ait augmenté, il en va de même pour l’éventail des réponses possibles pour tout forçage spécifique des GES. Une façon de tester les modèles et leur incertitude est de comparer leurs prédictions avec les résultats réels. Le CMIP3 (projet d’intercomparaison des modèles couplés, coupled model intercomparison project) a eu lieu juste avant le RE3 (rapport d’évaluation du GIEC) en 2001, nous pouvons utiliser les prédictions de ce modèle pour les comparer aux 20 années suivantes de données réelles. Comme le montre la figure 20, le réchauffement de la planète prédit par les premiers modèles climatiques était très bon, et nous avons maintenant eu plus de 20 ans pour améliorer les modèles et augmenter le nombre de données que nous utilisons dans nos prédictions. 1,0

Température modélisée Record de température Portée du modèle

Température anormale (en °C)

0,8 0,6 0,4 0,2 0

– 0,2 – 0,4 – 0,6

Valeurs rétrospectives 1980

1985

1990

1995

Valeurs prédites

2000 Année

2005

2010

2015

2020

Fig. 20    Prédictions de climat, modélisées et comparées avec les données du climat (2000-2020).

 76 

  La modélisation des climats   

TEMPÉRATURES MONDIALES, PRÉCIPITATIONS, GLACE DE MER ET NIVEAU DE LA MER À VENIR

Entre dix et trente-six modèles climatiques ont été exécutés pour chacun des cinq SSP-RCP pour le rapport 2021 du GIEC afin de produire des scénarios de température globale, de niveaux de précipitations, de l’état de glace de mer et de changements du niveau de la mer qui pourraient se produire d’ici 2100. Ces modèles climatiques suggèrent qu’en fonction de nos émissions de GES, la température mondiale de surface pourrait, d’ici 2081-2100, augmenter de 1,3 à 5,5 °C par rapport à la période préindustrielle (1850-1900), voir le tableau 3. Dans tous les scénarios, à l’exception de SSP1-1.9, une augmentation de la température mondiale de plus de 1,5 °C est atteinte entre 2021 et 2041 avec la meilleure estimation en 2030. Tableau 3    Projections de température, des précipitations et du niveau de la mer. Augmentation Élévation Augmentation des niveaux du niveau prévue de la température global de la de précipitations Voies globale de 2081- mer relative globales relative socioéconomiques aux valeurs 2100 par rapport aux valeurs partagées (SSP) relevées de 1990relevées aux valeurs 2014 (en %) préindustrielles de 1990-2014 (en m) (en °C) SSP5-8.5

4,7 (3,4-5,5)

0,73 (0,50-1,07) 8,2 % (2,5-13,8 %)

SSP3-7.0

3,9 (2,8-4,6)

0,65 (0,41-1,00) 5,5 % (0,5-10,4 %)

SSP2-4.5

2,9 (2,1-3,3)

0,55 (0,28-0,89) 4,7 % (1,7-6,4 %)

SSP1-2.6

1,9 (1,4-2,2)

0,41 (0,29-0,71) 3,2 % (0,7-5,6 %)

SSP1-1.9

1,5 (1,1-1,7)

Pas encore terminé

2,7 % (0,6-4,8 %)

Les modèles montrent également que l’augmentation de la température sera inégalement répartie, les plus fortes hausses de température étant observées sur les terres.  77 

  Le changement climatique  

a) Augmentation moyenne de la température globale de surface 6

(°C)

4

SSP5-8,5

2 SSP1-2,6

0 –2 1950

dans le passé 2000

2100

2050

b) Surface de la calotte glaciaire en Arctique (septembre) 10

(106 km2)

8 6 4

dans le passé SSP1-2,6

2 0 1950

SSP5-8,5 2000

2050

2100

c) Élévation du niveau moyen global de la mer 1,0 0,8

(Mètres)

0,6

SSP5-8,5

0,4 0,2 0

– 0,2 1950

SSP1-2,6 dans le passé 2000

Année

2050

2100

Fig. 21    Températures globales, l’état des glaces des mers ­arctiques et niveaux de la mer au xxie siècle.

 78 

  La modélisation des climats   

L’élévation future du niveau de la mer dépend de notre choix de SSP et pourrait se situer entre 0,32 et 0,82 m au cours des deux dernières décennies du siècle (cf. tableau 3 et figure 21). Avec l’élévation de 20 cm qui s’est déjà produite, cela représenterait une élévation totale de 0,52 m et de 1,02 m. Si nous examinons le niveau final de la mer projeté pour l’an 2100, les modèles montrent une augmentation du niveau moyen mondial de la mer comprise entre 27 et 98 cm. Cette projection est similaire, mais plus extrême, à celle du rapport 2007 du GIEC, qui prévoyait une augmentation du niveau de la mer comprise entre 28 et 79 cm d’ici 2100. Les précipitations terrestres et océaniques moyennes sont très susceptibles d’augmenter dans le cadre des cinq SSP (cf. tableau 3). La moyenne annuelle des précipitations terrestres mondiales entre 2081 et 2100 par rapport à 1995-2014 augmentera de 2,7 % (avec une fourchette d’incertitude de 0,6 à 4,8 %) dans le scénario à faibles émissions SSP1-1.9 et de 8,2 % (avec une fourchette de 2,5-13,8 %) dans le scénario à fortes émissions SSP5-8.5. Selon tous les scénarios, les précipitations terrestres moyennes augmenteront d’environ 1 à 3 % par degré à chaque degré de réchauffement planétaire. Dans les trois scénarios SSP les plus pessimistes (SSP2-4,5, SSP37,0 et SSP5-8,5), l’océan Arctique deviendra effectivement « libre de glace » (couverture inférieure à 1 million de km²) en septembre (mois de glace minimum) d’ici 2081-2100. QUE DISENT LES CLIMATOSCEPTIQUES ?

L’une des meilleures façons de résumer les problèmes perçus dans la modélisation du changement climatique est de passer en revue ce que disent les climatosceptiques vis-à-vis le changement climatique. Différents modèles donnent des résultats différents, alors comment pouvons-nous faire confiance à l’un d’entre eux ? Il s’agit d’une réponse fréquente de la part de nombreuses personnes qui ne sont pas familières  79 

  Le changement climatique  

avec la modélisation, car elles ont le sentiment que la science doit être capable de prédire un avenir exact. Pourtant, dans aucun autre domaine de la vie, nous n’attendons une telle précision. Par exemple, vous ne vous attendriez jamais à obtenir une prédiction parfaite sur le cheval qui gagnera une course ou sur l’équipe de football qui sortira victorieuse d’un match. La vérité est qu’aucun des modèles climatiques n’est juste, car ils fournissent un éventail de futurs potentiels. Notre vision de l’avenir est renforcée par l’utilisation de plus d’un modèle, car chaque modèle a été développé par différents groupes de scientifiques à travers le monde, en utilisant différentes hypothèses, différents ordinateurs et différents langages de programmation ; ils fournissent donc leurs propres prédictions indépendantes. Ce qui permet aux scientifiques d’avoir confiance dans les résultats des modèles, c’est qu’ils prédisent tous la même tendance en matière de température mondiale et de niveau de la mer pour les 80 prochaines années. L’une des grandes forces des rapports 2021 du GIEC est que ces experts ont utilisé plus de cent modèles distincts provenant de quarante-neuf groupes de modélisation différents dans le monde, contre quarante modèles en 2013, vingt-trois modèles en 2007 et sept en 2001. Les modèles climatiques sont trop sensibles au CO2. Pour rejeter l’importance du changement climatique, de nombreux climatosceptiques affirment que les modèles sont trop sensibles aux changements de GES. Il s’agit d’un argument classique du type « ce n’est pas aussi grave que vous ne le pensez ». L’avantage de disposer d’un si grand nombre de modèles climatiques est que les scientifiques peuvent également donner une estimation du degré de confiance qu’ils accordent aux résultats des modèles et vérifier la sensibilité de leurs modèles par rapport aux autres modèles et aux données réelles. L’un des principaux tests des modèles climatiques est la sensibilité du climat à l’équilibre (SCE), par laquelle le modèle prédit quel serait le changement de la température mondiale si les niveaux de CO 2 préindustriels étaient doublés. Ces résultats ont été très cohérents  80 

  La modélisation des climats   

6

Valeur modélisée Estimée au paléoclimat

Obtenue par équation Valeur mesurée

5

18

3

27

1

1895 1945 1970

1980 1990

2000

GIEC4

GIEC3

GIEC2

11

2

0

25

15

2010

CMIP6 GIEC6

17

CMIP5 GIEC5

4

GIEC1

Augmentation de température (en °C) si la concentration en CO2 double

au cours des 50 dernières années (cf. figure 22), et le rapport 2021 du GIEC suggère que la fourchette modélisée la plus récente se situe entre 2,50 et 5,43 °C (moyenne de 3,74 °C), ce qui est cohérent avec d’autres mesures. Les modèles climatiques ne parviennent pas à reconstituer la variabilité naturelle. De nombreux climatosceptiques affirment que la tendance actuelle au réchauffement est due à des variations naturelles. Mais les scientifiques incluent toutes les variables naturelles, y compris celles qui refroidissent le climat, dans les modèles climatiques. La combinaison de toutes nos connaissances scientifiques sur les facteurs naturels (solaire, volcanique, aérosol et ozone) et humains (GES et changement d’affectation des terres) qui réchauffent et refroidissent le climat montre que 100 % du réchauffement observé au cours des 150 dernières années est dû à l’homme.

2020

Année

Fig. 22    Sensibilité des valeurs d’équilibre du climat.

 81 

  Le changement climatique  

Les nuages ont des rétroactions négatives sur le climat mondial qui réduisent les effets du changement climatique. Comme c’est le cas depuis le tout premier rapport du GIEC en 1990, l’une des incertitudes des modèles est le rôle des nuages et leur interaction avec le rayonnement. Les nuages peuvent à la fois absorber et réfléchir le rayonnement, refroidissant ainsi la surface de la Terre, et absorber et émettre le rayonnement à ondes longues, réchauffant cette même surface. La concurrence entre ces effets dépend d’un certain nombre de facteurs : la hauteur, l’épaisseur et les propriétés radiatives des nuages. Les propriétés radiatives ainsi que la formation et le développement des nuages dépendent de la répartition de la vapeur d’eau atmosphérique, des gouttes d’eau, des particules de glace, des aérosols atmo­sphériques et des particules de poussière, d’eau, de glace, d’aérosols atmosphériques et de l’épaisseur des nuages. La base physique de la représentation ou du paramétrage des nuages dans les modèles climatiques a été considérablement améliorée par l’inclusion de représentations des propriétés microphysiques des nuages dans les équations du bilan hydrique des nuages. La figure 18 montre que même si la valeur de refroidissement la plus extrême est appliquée pour les nuages, les facteurs de réchauffement dus aux GES sont encore trois fois plus importants. Le changement climatique doit être causé par les rayons cosmiques galactiques (RCG). Les RCG sont des rayonnements de haute énergie qui proviennent de l’extérieur de notre système solaire, voire de galaxies lointaines. Il a été suggéré qu’ils pourraient contribuer à l’ensemencement ou à la « fabrication » des nuages. Ainsi, si moins de RCG frappaient la Terre, il y aurait moins de nuages, ce qui réfléchirait moins de lumière solaire vers l’espace et provoquerait un réchauffement de la Terre. Mais cette idée pose deux problèmes. Premièrement, les preuves scientifiques montrent que les RCG ne sont pas très efficaces pour ensemencer les nuages. Deuxièmement, au cours des 50 dernières années, le flux de RCG a en fait augmenté, atteignant des niveaux record ces dernières années. Si cette idée était correcte, les RCG devraient refroidir la Terre, ce qui n’est pas le cas.  82 

  La modélisation des climats   

La modélisation du changement climatique futur consiste à comprendre les processus physiques fondamentaux du système climatique. Cinq nouveaux scénarios d’émissions ont été produits pour le rapport scientifique 2021 du GIEC, en utilisant un ensemble beaucoup plus large d’entrées dans les modèles socio-économiques, notamment la population, l’utilisation des terres, l’intensité énergétique, la consommation d’énergie et le développement régional différencié. L’une de ces trajectoires d’émissions (SSP1-1.9) a été élaborée pour indiquer aux décideurs politiques comment ils pourraient atteindre l’objectif visé d’un réchauffement de seulement 1,5 °C fixé lors de la conférence sur le changement climatique de Paris en 2015 (COP21). Plus d’une centaine de modèles climatiques ont été utilisés pour élaborer les scénarios du GIEC, ce qui constitue un énorme « corpus de preuves ». En utilisant les trois principaux scénarios réalistes d’émissions de carbone au cours des 80 prochaines années, les modèles climatiques suggèrent que la température moyenne à la surface du globe pourrait augmenter de 2,1 à 5,5 °C d’ici 2100.

Augmentation de la température comparée aux temps préindustriels (en °C)

11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 1950

RCP8,5

RCP6,0

RCP4,5 RCP2,6 2000

2050

2100

2150

2200

2250

2300

Année

Fig. 23    Températures globales de la surface de la Terre (1950-2300).

 83 

  Le changement climatique  

Cependant, il faut se rappeler que les températures mondiales ne cesseront pas de changer une fois que nous serons en 2100. La figure 23 montre comment les températures pourraient continuer à augmenter bien au-delà des niveaux de ce siècle, en fonction de la voie d’émission choisie. En utilisant les trois principaux scénarios réalistes d’émission de carbone, les modèles prévoient également une augmentation du niveau moyen mondial de la mer comprise entre 0,50 et 1,3 m d’ici 2100 par rapport à l’époque préindustrielle.

 84 

5 Les impacts du changement climatique Ce chapitre évalue les impacts potentiels du changement climatique et la façon dont ils changent d’échelle et d’intensité avec l’augmentation du réchauffement. Les rapports du GIEC sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité examinent les impacts potentiels au niveau régional ainsi que dans différents secteurs, tels que les ressources en eau douce, les écosystèmes, les systèmes côtiers et océaniques, la sécurité alimentaire et la santé humaine. Il est également nécessaire d’estimer l’étendue et l’ampleur des impacts du changement climatique aux niveaux national et local. Il existe un certain nombre d’excellents rapports et outils nationaux, comme l’US National Climate Assessment et le UK Climate Impacts Programme, qui disposent tous deux d’outils interactifs permettant de comprendre les effets potentiels du changement climatique dans leur propre pays. Dans ce chapitre, les impacts potentiels sont ventilés par secteur : chaleur extrême et sécheresses, tempêtes et inondations, agriculture, acidification des océans, biodiversité et santé humaine. QU’EST-CE QU’ON ENTEND PAR UN CHANGEMENT CLIMATIQUE « DANGEREUX » ?

L’une des questions les plus importantes pour les responsables politiques est de savoir ce qui caractérise un changement climatique jugé « dangereux ». En effet, si nous voulons réduire les émissions mondiales de GES, il nous faut un objectif réaliste concernant le degré de changement climatique auquel nous pouvons faire face. En février  85 

  Le changement climatique  

2005, le Gouvernement britannique a convoqué une réunion scientifique internationale à Exeter, au Royaume-Uni, pour discuter de ce sujet précis. Il s’agissait d’une réunion scientifique très politique, car le Gouvernement britannique était à la recherche d’une recommandation à présenter à la réunion du Groupe des huit (G8) à Gleneagles en Écosse. À l’époque, la Grande-Bretagne occupait à la fois la présidence du G8 et la présidence de l’UE, et le Premier ministre de l’époque, Tony Blair, souhaitait faire avancer au niveau international son programme commun de réduction du changement climatique et de lutte contre la pauvreté en Afrique. La réunion et les nombreuses recherches menées à l’époque suggéraient une limite de 2 °C au-dessus de la température moyenne préindustrielle : en dessous de ce seuil, il semblait y avoir à la fois des gagnants et des perdants en raison du changement climatique régional, mais au-dessus de cette température, tout le monde semblait être perdant. Il a maintenant été démontré qu’en raison des impacts des événements météorologiques extrêmes, il n’y a en fait aucune région qui bénéficie d’un réchauffement de 2 °C. Lors de la réunion de négociation sur le changement climatique de Paris en 2015, l’Alliance des petits États insulaires et certains pays en développement clés ont réitéré que même un petit de réchauffement serait dévastateur pour leurs pays. L’Accord de Paris a fixé +2 °C comme objectif-clé mais a ajouté l’aspiration de ne pas dépasser +1,5 °C. Par la suite, le rapport spécial du GIEC sur le réchauffement climatique de 1,5 °C publié en 2018 a soutenu cet objectif inférieur en démontrant qu’il y a une augmentation significative des impacts régionaux et nationaux du changement climatique entre un monde de 1,5 °C et de 2,0 °C. LES ÉVÉNEMENTS DITS « EXTRÊMES » ET LA CAPACITÉ DE LA SOCIÉTÉ À Y FAIRE FACE

Le plus grand problème du changement climatique – si on devait en choisir un – est notre incapacité à prévoir ses effets sur l’avenir.  86 

  Les impacts du changement climatique  

L’humanité peut vivre, survivre et même prospérer dans des climats extrêmes, de l’Arctique au Sahara, mais les problèmes surviennent lorsque les extrêmes prévisibles du climat local sont dépassés. Par exemple, les vagues de chaleur, les tempêtes, les sécheresses et les inondations dans une région peuvent être considérées comme une météo normale dans une autre. Cela s’explique par le fait que chaque société dispose d’une marge d’adaptation, c’est-à-dire d’une gamme de conditions météorologiques auxquelles elle peut faire face. La figure 24 montre l’effet théorique de la combinaison de la capacité d’adaptation de la société et du changement climatique. Dans le climat actuel, la marge d’adaptation englobe presque toutes les variations météorologiques, avec peut-être un ou deux événements extrêmes. Il pourrait s’agir d’événements survenant une fois tous les 200 ans et dépassant la capacité d’adaptation de la société. À mesure que le climat évolue doucement vers sa nouvelle moyenne, si la capacité d’adaptation reste la même, davantage d’événements extrêmes se produiront. Ainsi, un événement survenant tous les 200 ans peut devenir un événement survenant tous les 50 ans. La bonne nouvelle, c’est que la capacité d’adaptation de la société est flexible et peut s’adapter à une ligne de base changeante et à des événements extrêmes plus

Attribué au climat (X)

Climat modifié

Adaptation climatique

Climat aujourd’hui

Acceptabilité sociétale Événements extrêmes

Temps (en années)

Fig. 24    Changement climatique, limites d’acceptabilité sociétales et événements extrêmes.

 87 

  Le changement climatique  

fréquents, à condition que la science du climat fournisse des indications claires sur le type de changements qui vont se produire. La vitesse à laquelle la capacité d’adaptation de la société peut s’étendre dépend de l’aspect de la société qui est touché : l’adaptation du comportement individuel peut être extrêmement rapide, tandis que la construction d’une infrastructure majeure peut prendre des décennies. L’un des plus grands défis du changement climatique est de construire des sociétés flexibles et résilientes, capables de s’adapter à un avenir changeant. VAGUES DE CHALEUR EXTRÊME, SÉCHERESSES ET FEUX DE FORÊT

L’augmentation des températures mondiales entraîne une augmentation des vagues de chaleur. Comme les précipitations deviennent plus variables et se concentrent en événements pluvieux plus intenses, les périodes sèches s’allongent et les sécheresses elles-mêmes s’intensifient. La combinaison de la chaleur extrême et de la sécheresse entraîne une augmentation des feux de forêt. Les vagues de chaleur sont souvent qualifiées de « tueur silencieux ». Elles touchent de manière disproportionnée les personnes âgées, et ce sont les températures nocturnes soutenues qui tuent car, pendant leur sommeil, les personnes âgées sont moins capables de réguler leur température corporelle. Dans le rapport Countdown 2020 publié dans la revue Lancet, la mortalité mondiale liée à la chaleur a été suivie pour les personnes âgées de plus de 65 ans depuis 1980. Il a montré une augmentation spectaculaire depuis 2010 de l’exposition à la chaleur des personnes âgées, sous l’effet conjugué de l’augmentation des occurrences de canicules et du vieillissement des populations. En 2019, un nombre record de 475 millions d’événements d’exposition a été enregistré, entraînant plus de 2,9 milliards de jours d’exposition aux canicules pour les personnes âgées.  88 

  Les impacts du changement climatique  

Les canicules et les sécheresses sont toutefois des termes à connotation relative, car tout dépend de l’endroit où elles se produisent et si une région a déjà mis en place des adaptations. La canicule de 2003 en Europe a tué environ 70 000 personnes. La France a été la plus touchée, avec 14 800 décès au cours des trois premières semaines d’août et une augmentation de 140 % des décès à Paris. Après la canicule de 2003, on s’est rendu compte que bon nombre de ces décès étaient dus à la faiblesse des mesures de santé publique. En conséquence, de nombreux pays ont modifié radicalement leurs politiques, notamment en améliorant la prévision des vagues de chaleur et les préparatifs d’urgence, en améliorant la conception des bâtiments et la climatisation des hôpitaux et des maisons de retraite, en renforçant la formation des professionnels de la santé, en mettant l’accent sur une couverture médiatique responsable assortie de recommandations sanitaires et en planifiant des visites régulières auprès des membres les plus vulnérables de la population. Ces nouvelles politiques dans toute l’Europe ont permis d’éviter un nombre important de décès lors des canicules ultérieures, comme celle de 2018. L’une des raisons pour lesquelles il est si difficile de comprendre les impacts du changement climatique est que les personnes et les sociétés peuvent s’adapter très rapidement à de nouvelles conditions. La figure 25 montre la canicule européenne de 2003 dans le contexte des températures estivales des 100 dernières années et de celles prévues pour les 100 prochaines années. Il est clair que la température de la canicule de 2003 pourrait être la température estivale moyenne en 2050 et que des vagues de chaleur supérieures à cette nouvelle référence pourraient encore se produire. Cependant, l’adaptation aux vagues de chaleur nécessite une planification, des ressources et de l’argent. Ainsi, et bien que cela ait été possible dans une grande partie de l’Europe, il existe de nombreuses régions du monde où une telle préparation n’a pas lieu en raison de la pauvreté et du manque de bonne gouvernance.  89 

  Le changement climatique  

8 Événement externe 2040

Températures anormales (°C)

6 4

Été 2003

2 0

–2 1900

1950

2000 Année

2050

2100

Fig. 25    Comparaison des températures de la canicule de 2003 avec d’autres passées ou à venir.

Les sécheresses sont également un facteur de mortalité important dont il faut tenir compte. Une sécheresse survient lorsqu’une région subit une période prolongée sans apport suffisant en eau, qu’il s’agisse d’eau de surface ou souterraine. Une sécheresse peut durer des mois ou des années et est généralement provoquée lorsqu’une région reçoit constamment des précipitations inférieures à la moyenne. Les sécheresses ont un impact considérable sur l’écosystème local et l’agriculture, notamment une baisse de la croissance et du rendement des cultures et la perte de bétail. Bien que les sécheresses puissent persister pendant plusieurs années, même une sécheresse courte et intense peut causer des dommages importants et nuire à l’économie locale. Les sécheresses prolongées ont provoqué des famines, des migrations massives et des crises humanitaires. Du point de vue des maladies, les sécheresses sont bien pires que les inondations en raison du manque d’eau potable et des mares d’eau stagnante qui amènent  90 

  Les impacts du changement climatique  

des maladies. En 2019, près de trois fois la surface terrestre mondiale a été touchée par une sécheresse prolongée par rapport à la période entre 1986 et 2005. L’une des principales préoccupations liées au changement climatique est que les zones vulnérables aux sécheresses en connaîtront plus fréquemment, et que les zones qui n’en ont jamais connu commenceront à en connaître. Le risque d’incendie de forêt a augmenté dans 114 des 196 pays pour la période 2016-2019 par rapport à la période de référence de 2001-2004. Au cours de cette période, il y a eu une augmentation mondiale jusqu’à près de 72 000 personnes par jour exposées aux incendies de forêt par an. Des augmentations significatives ont eu lieu en Australie, dans l’hémisphère sud de l’Afrique, au Brésil et aux États-Unis. Les États-Unis ont connu des sessions de feux record en 2017, 2018 et 2020. En Australie, la saison des feux de brousse 2019-2020 a été surnommée « l’été noir ». Tout au long de l’été, des centaines d’incendies ont eu lieu, principalement dans le sud-est du pays, en raison d’une chaleur record et d’une sécheresse prolongée. Les feux ont brûlé une superficie estimée à 186 500 km2, détruisant près de 10 000 bâtiments et tuant au moins 450 personnes et un milliard d’animaux. Certaines espèces en voie de disparition ont pu être poussées à l’extinction. Avec l’augmentation de l’incidence des chaleurs extrêmes et des sécheresses, le risque d’incendie de forêt va continuer à croître dans le monde entier. TEMPÊTES ET INONDATIONS

Les tempêtes et les inondations sont des risques naturels majeurs. Au cours des deux dernières décennies, elles ont été à l’origine des trois quarts des pertes mondiales assurées et de plus de la moitié des décès et des pertes économiques liés aux catastrophes naturelles. Il est donc essentiel de savoir ce qui risque de se passer à l’avenir. Il  91 

  Le changement climatique  

est évident que les régions tempérées, en particulier dans l’hémisphère nord, sont devenues plus orageuses au cours des 50 dernières années. Les inondations ont connu une tendance à la hausse depuis 2005, avec près de trois fois la surface terrestre mondiale inondée en 2019 (0,55 à 1,5 % de la surface terrestre mondiale) par rapport à la période 1986-1989. Cette évolution n’est pas due à une augmentation dans des zones spécifiques, mais à une augmentation d’un large éventail d’événements dans le monde entier. Les modèles climatiques suggèrent que la proportion des précipitations sous forme de fortes pluies a augmenté et continuera à le faire, tout comme la variabilité d’une année sur l’autre. La fréquence et l’ampleur des inondations s’en trouveront accrues. Les deux cinquièmes de la population mondiale vivent sous la « ceinture de mousson », qui apporte des pluies nécessaires à la « vie ». Les pluies de mousson sont provoquées par le contraste de température entre les continents et les océans. L’air de surface chargé d’humidité souffle de l’océan Indien vers le continent asiatique et de l’océan Atlantique vers l’Afrique de l’Ouest pendant les étés de l’hémisphère nord, lorsque les masses terrestres deviennent beaucoup plus chaudes que l’océan adjacent. En hiver, les continents deviennent plus frais que les océans adjacents et une haute pression se développe à leur surface, ce qui fait que les vents de surface soufflent vers l’océan. Les modèles climatiques indiquent une augmentation de la force des moussons d’été en raison du réchauffement climatique au cours des 100 prochaines années. Il y a trois raisons pour lesquelles cela devrait se produire : (1) le réchauffement de la planète entraînera une augmentation des températures sur les continents encore plus élevée que celle de l’océan en été, ce qui constitue la principale force motrice du système de mousson ; (2) la diminution de la couverture neigeuse au Tibet, à laquelle il faut s’attendre dans un monde plus chaud, augmentera la différence de température entre la terre et la mer, ce qui accroîtra la force de la mousson d’été asiatique ;  92 

  Les impacts du changement climatique  

(3) un climat plus chaud signifie que l’air peut contenir plus de vapeur d’eau, de sorte que les vents de mousson pourront transporter plus d’humidité. Pour la mousson d’été asiatique, cela pourrait se traduire par une augmentation de 10 à 20 % des précipitations moyennes, avec une variabilité interannuelle de 25 à 100 % et une augmentation spectaculaire du nombre de jours de fortes pluies. Le résultat le plus inquiétant des modèles est l’augmentation prévue de la variabilité des pluies d’une année sur l’autre, qui pourrait doubler, ce qui rendrait très difficile la prévision de la quantité de pluie qui tombera chaque année – une connaissance essentielle pour les agriculteurs. L’un des domaines les plus controversés de la science du changement climatique est l’étude et les prévisions des futurs cyclones tropicaux, mieux connus sous le nom de typhons ou d’ouragans. Il est clairement établi que le nombre et l’intensité des ouragans ont augmenté au cours des quatre dernières décennies dans l’Atlantique Nord, le sud de l’océan Indien et dans l’océan Pacifique. Cela s’explique par le fait que le nombre et l’intensité des ouragans sont directement liés à la température de la surface de la mer (SST, sea-surface temperature). Comme les ouragans ne peuvent commencer à se former que si la température de l’eau est supérieure à 26 °C, il semblerait logique qu’il y ait davantage d’ouragans dans un monde plus chaud. Pourtant, la formation effective d’ouragans est beaucoup plus rare que les occasions de les voir se produire. Seuls 10 % des centres de chute de pression au-dessus des océans tropicaux donnent naissance à des ouragans à part entière. Pour comprendre la genèse des tempêtes tropicales, il faut tenir compte d’autres facteurs, comme le cisaillement du vent qui fait tourner l’air ascendant. Au cours d’une année à forte incidence, peut-être un maximum de cinquante tempêtes tropicales atteindront le stade d’ouragan. Il est difficile de prédire le niveau d’une catastrophe, car le nombre d’ouragans n’est pas la clé, il s’agit de savoir s’ils touchent terre, et quelle est leur intensité et leur durée une fois qu’ils ont touché terre.  93 

  Le changement climatique  

Lorsque les ouragans frappent les pays développés, l’effet principal est généralement la perte économique, tandis que dans les pays en développement, ce sont les pertes de vies humaines. Par exemple, l’ouragan Katrina, qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005. En revanche, l’ouragan Mitch, qui a frappé l’Amérique centrale en 1998, a tué au moins 11 000 personnes, fait 1,5 million de sansabri et causé 6 milliards de dollars de dégâts. Et en 2013, le typhon Haiyan, le cyclone tropical le plus puissant jamais enregistré, a dévasté une grande partie de l’Asie du Sud-Est, en particulier les Philippines, touchant 11 millions de personnes, causant plus de 6 300 décès et 1 000 autres personnes disparues, mais n’a entraîné que 2,2 milliards de dollars de dommages. L’un des éléments les plus importants et les plus mystérieux du climat mondial est le changement périodique de la direction et de l’intensité des courants et des vents océaniques dans le Pacifique. Connu à l’origine sous le nom d’El Niño (« l’enfant Jésus » en espagnol), car il apparaît généralement à Noël, et aujourd’hui plus généralement connu comme faisant partie de l’ENSO (El Niño-Southern Oscillation), ce phénomène se produit généralement tous les trois à sept ans. Il peut durer de quelques mois à plus d’un an. L’ENSO est une oscillation entre trois climats : les conditions « normales », La Niña (opposée plus froid que El Niño) et El Niño. Les conditions El Niño ont été liées à des changements dans la mousson, les modèles de tempête et l’apparition de sécheresses dans le monde entier. Les conditions El Niño de 19971998 ont été les plus fortes jamais enregistrées et ont provoqué des sécheresses dans le sud des États-Unis, en Afrique de l’Est, dans le nord de l’Inde, dans le nord-est du Brésil et en Australie. En Indonésie, les incendies de forêt ont échappé à tout contrôle en raison des conditions très sèches. En Californie, dans certaines régions d’Amérique du Sud, au Sri Lanka et dans le centre-est de l’Afrique, des pluies torrentielles et de terribles inondations se sont produites.  94 

  Les impacts du changement climatique  

L’état de l’ENSO a également été lié à la position et à l’occurrence des ouragans dans l’Atlantique. La question de savoir si l’ENSO a été affectée par le changement climatique fait également l’objet de nombreux débats. Les conditions El Niño se produisent généralement tous les deux à six ans, et au cours des 40 dernières années, cette tendance s’est poursuivie sans que l’on puisse discerner de modèle. La reconstitution du climat passé à l’aide des récifs coralliens du Pacifique occidental montre des variations de la température de surface de la mer remontant à 150  ans, bien au-delà de nos données historiques. Les SST montrent les variations des courants océaniques qui accompagnent les variations de l’ENSO et révèlent qu’il y a eu deux changements majeurs dans la fréquence et l’intensité des événements El Niño. Le premier a été le passage, au début du xxe siècle, d’un cycle de 10 à 15 ans à un cycle de 3 à 7 ans. Le second a été un seuil brutal en 1976, lorsqu’un changement marqué vers des événements El Niño plus intenses et plus fréquents s’est produit avec un cycle de deux à quatre ans. Les modèles climatiques s’accordent tous à dire que le phénomène ENSO se poursuivra à l’avenir et, dans les scénarios d’émissions plus élevées de la seconde moitié de ce siècle, la variabilité ENSO deviendra beaucoup plus extrême, créant davantage de précipitations et de sécheresses, influençant le nombre et l’intensité des tempêtes tropicales de manière imprévisible. LES CÔTES

Comme nous l’avons vu plus haut, le GIEC indique que le niveau de la mer pourrait augmenter de 50 à 130 cm d’ici 2100 par rapport à l’époque préindustrielle. Cette prédiction est très préoccupante pour tous ceux qui vivent dans des zones côtières, car l’élévation du niveau de la mer réduira l’efficacité des défenses côtières contre les tempêtes et les inondations, et augmentera l’instabilité des falaises et des plages. Dans les pays développés, la réponse à ce danger a consisté à augmenter de quelques mètres la hauteur des digues autour des propriétés  95 

  Le changement climatique  

situées sur la côte, à abandonner à la mer certaines terres agricoles de moindre qualité (car il ne vaut plus la peine de les protéger) et à renforcer la protection juridique des zones humides côtières, qui constituent la meilleure défense de la nature contre la mer. À l’échelle mondiale, certaines nations basées sur de petites îles et des deltas fluviaux sont confrontées à une situation beaucoup plus urgente (cf. figure 26). Pour les petites nations insulaires, comme les Maldives dans l’océan Indien et les îles Marshall dans le Pacifique, une élévation d’un mètre du niveau de la mer inonderait jusqu’à 75 % de la terre ferme, rendant les îles non habitables. Il est intéressant de noter que ce sont également ces pays, dépendants principalement du tourisme, qui ont des émissions de combustibles fossiles par habitant parmi les plus élevées. D’autres grandes concentrations de population à risque sont celles qui vivent le long des deltas des fleuves, comme par exemple au Bangladesh, en Égypte, au Nigeria et en Thaïlande. Un rapport de la Banque mondiale a conclu que les activités humaines dans les deltas, telles que les barrages et l’extraction d’eau douce, provoquaient un enfoncement de ces zones beaucoup plus rapide que toute augmentation prévue du niveau de la mer, ce qui accroît leur vulnérabilité aux tempêtes et aux inondations. Dans le cas du Bangladesh, plus des trois quarts du pays se trouvent dans la région deltaïque formée par la confluence des fleuves Ganges, Brahmapoutre et Meghna. Plus de la moitié du pays se trouve à moins de 5 m au-dessus du niveau de la mer, de sorte que les inondations sont fréquentes. Pendant la mousson d’été, un quart du pays est inondé. Pourtant, ces inondations, comme celles du Nil, apportent également la vie en même temps que la destruction.

 96 

Guayaquil

Grijalva

Rio de Janeiro

São Francisco

Orinoco

Londres Vallée du Rhin

Extrême Risque élevé Risque modéré

Sebou

Jakarta

Vallées Shatt des Gange/Brahmapoutre Osaka el Arab Moulouya Shanghaï Valée de l’Indus Vallée du Nil Hong Kong Mahanadi Sénégal Godavari Chao Phraya Vallées des Volta Krishna Vallée du Mékong Amazon Niger

Boston

Fig. 26    Endroits qui risquent d’être atteints par une montée du niveau de la mer.

Cercle antarctique

Tropique du Capricorne

Équateur

Tropique du Cancer

New York Mississippi

Cercle arctique   Les impacts du changement climatique  

 97 

  Le changement climatique  

L’eau irrigue et le limon fertilise la terre. Le delta fertile du Bengale abrite l’une des populations les plus denses du monde, plus de 110 millions de personnes sur 140 000 km2. Chaque année, le delta du Bengale devrait recevoir plus d’un milliard de tonnes de sédiments et 1 000 km3 d’eau douce. Cette charge sédimentaire équilibre l’érosion du delta par les processus naturels et l’activité humaine. Cependant, le Gange, le Brahmapoutre et la Meghna ont été endigués pour l’irrigation et la production d’électricité, ce qui empêche le déplacement du limon en aval. La réduction de l’apport de sédiments entraîne l’affaissement du delta. L’extraction rapide d’eau douce aggrave ce phénomène. Depuis les années 1980, 100 000 puits tubulaires et 20 000 puits profonds ont été creusés, multipliant par six l’extraction d’eau douce. Ces puits sont essentiels pour améliorer la qualité de vie des habitants de cette région, mais ils ont entraîné un taux d’affaissement allant jusqu’à 2,5 cm par an, l’un des plus élevés au monde. À partir des estimations du taux d’affaissement et de l’élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique, la Banque mondiale a estimé que d’ici la fin du xxie siècle, le niveau relatif de la mer au Bangladesh pourrait s’élever de 1,8  m. Dans le pire des cas, elle a estimé que cela entraînerait la perte de 16 % des terres, qui font vivre 13 % de la population et produisent 12 % du PIB actuel. Malheureusement, ce scénario ne tient pas compte de la dévastation de la forêt de palétuviers et des pêcheries associées. En outre, l’augmentation des intrusions d’eau salée dans les terres endommagerait davantage la qualité de l’eau et l’agriculture. De nombreuses grandes villes dans le monde sont vulnérables aux inondations parce qu’elles ont été construites près des rivières ou de la côte afin de faciliter le commerce via les océans. Voici quelques exemples de villes actuelles les plus menacées, en Asie : Dhaka (20,3 millions d’habitants aujourd’hui), Shanghai (17,5 millions), Guangzhou (13 millions), Shenzen (12,5 millions), Jakarta (10,8 millions), Bangkok (10,5 millions), Hong Kong (8,4 millions), Ho Chi Minh Ville  98 

  Les impacts du changement climatique  

(8,3 millions) et Osaka (5,2 millions) ; en Amérique du Nord : New York (18,8 millions), Boston (4,9 millions), Miami (2,7 millions) et La Nouvelle-Orléans (0,4 million) ; en Amérique du Sud : Guayaquil (2,9 millions) et Rio de Janeiro (1,8 million) ; en Afrique : Abidjan (3,7 millions) et Alexandrie (3,0 millions) ; et en Europe : Londres (8,9 millions) et La Haye (2,5 millions). Prenons le cas de Londres. Actuellement, Londres est protégée des inondations par la barrière de la Tamise. La barrière de la Tamise a été construite en réponse aux inondations catastrophiques de 1953, et a été finalement prête à être utilisée en 1982 (elle a été officiellement ouverte le 8 mai 1984). La barrière de la Tamise protège 150 km2 de Londres et des biens d’une valeur d’au moins 1,5 milliard de livres sterling. Grâce à la prévoyance des anciens conseillers scientifiques du Gouvernement britannique, elle a été construite pour résister à une crue exceptionnelle d’une inondation tous les deux mille ans. Avec l’augmentation du niveau de la mer due au changement climatique, cette protection tombera d’ici 2030 à un événement d’une année sur 1 000. En 2020, la barrière a été fermée 193 fois en 38 ans d’existence, et plus de 40 % de ces fermetures ont eu lieu au cours des dix dernières années. L’économie britannique est la sixième du monde, avec environ 1 400 milliards de livres sterling par an générées par Londres. Londres est également l’un des trois principaux centres, avec New York et Tokyo, pour la négociation d’actions en bourse 24 heures sur 24. Si Londres était handicapée par une inondation majeure, non seulement l’économie du Royaume-Uni en serait affectée, mais le commerce mondial pourrait être perturbé. C’est pourquoi l’Agence britannique pour l’environnement a mis en place des plans pour se prémunir contre une élévation significative du niveau de la mer à l’avenir, y compris des plans pour une nouvelle barrière entre l’Essex et le Kent pour se prémunir contre une éventuelle élévation de 4 m du niveau de la mer. Mais la plupart des autres villes du monde ne disposent pas des ressources nécessaires pour planifier ce type de protection.  99 

  Le changement climatique  

Le rapport Countdown 2020 estime qu’en l’absence d’intervention, entre 145 et 565 millions de personnes pourraient être affectées et déplacées en raison de la future élévation du niveau de la mer. AGRICULTURE

Changement de durée de croissance (en jours)

L’une des principales préoccupations concernant le changement climatique est l’effet qu’il aura sur l’agriculture, tant au niveau mondial que régional. La principale question est de savoir si le monde peut se nourrir avec 2 milliards de personnes supplémentaires sur la planète d’ici 2050 et un climat qui change rapidement. La figure 27 montre la chute des rendements céréaliers qui s’est déjà produite. La modélisation suggère que dans les latitudes plus élevées, la productivité agricole pourrait augmenter en raison de l’allongement de la saison de croissance et de la réduction des dommages causés par le gel – mais une partie de cette augmentation sera compensée par des dommages plus fréquents causés aux cultures par des événements climatiques extrêmes. 10

Maïs Soja Blé d’hiver Riz Blé d’été

5 0 –5

– 10 1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

Année

Fig. 27    Variations du rendement des grains de céréales entre 1980 et 2020.

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  Les impacts du changement climatique  

En revanche, la production agricole diminuera sensiblement dans les régions tropicales et subtropicales en raison de températures beaucoup plus chaudes et de précipitations plus variables. La hausse des températures et de l’humidité constituera également un défi pour de nombreuses sociétés qui dépendent fortement de l’agriculture de subsistance, car la hausse des températures de l’air et de l’humidité rend le travail à l’extérieur plus difficile et augmente la probabilité de souffrir d’hyperthermie. Cela aura un impact sur la santé de tous ceux qui doivent travailler régulièrement à l’extérieur, notamment les ouvriers du bâtiment et les ouvriers agricoles. À travers le monde, déjà 278 milliards d’heures de travail potentielles ont été perdues en 2019 en raison de conditions extrêmes, soit 92 milliards d’heures de plus qu’en 2000. Sept pays (le Cambodge, l’Inde, la Chine, l’Indonésie, le Nigeria, le Brésil et les États-Unis) représentent ensemble environ 60 % des heures de travail perdues dans le monde en 2019, l’Inde étant de loin le pays le plus touché. Dans les six premiers pays, l’impact sur les heures de travail perdues a principalement touché les travailleurs agricoles. Il est difficile d’estimer l’impact global du changement climatique sur l’agriculture, car la production agricole a bien peu à voir avec l’alimentation de la population mondiale et beaucoup plus avec le commerce et l’économie. C’est pourquoi l’Union européenne dispose de stocks de nourriture, alors que de nombreux pays sous-développés exportent des cultures de rente, donc réservées au commerce international (comme le sucre, le cacao, le café, le thé et le caoutchouc) sans pouvoir nourrir correctement leur propre population. Un exemple classique est l’État ouest-africain du Bénin, où les producteurs de coton peuvent obtenir des rendements quatre à huit fois supérieurs par hectare à ceux de leurs concurrents américains au Texas. Cependant, comme les États-Unis subventionnent leurs agriculteurs, cela signifie que le coton américain est moins cher que celui provenant du Bénin. Actuellement, les producteurs de coton américains reçoivent plus de  101 

  Le changement climatique  

4 milliards de dollars de subventions, soit près de deux fois le PIB total du Bénin. En 2002, le Brésil a déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les États-Unis pour ses subventions déloyales et distorsion des échanges. Il a obtenu gain de cause en 2005 ; cependant, 15 ans plus tard, les États-Unis discutent toujours des modifications à apporter à leurs subventions agricoles. Ainsi, même si le changement climatique rend les rendements du coton texan encore plus faibles, cela ne change rien aux forces biaisées et partiales du marché qui continuent de fonctionner illégalement. Les marchés peuvent renforcer la différence entre les impacts agricoles dans les pays développés et en développement. Les variations de l’offre et de la demande pourraient signifier que les exportateurs de produits agricoles peuvent gagner en termes monétaires même si l’offre diminue, car lorsqu’un produit devient rare, son prix augmente. L’autre facteur totalement inconnu est la mesure dans laquelle l’agriculture d’un pays peut être adaptée. Par exemple, dans les modèles de changement climatique, on suppose que les niveaux de production des pays en développement diminueront davantage que ceux des pays développés, car leur capacité d’adaptation estimée est inférieure à celle des pays développés. Mais il s’agit là d’une hypothèse qui n’a pas d’équivalent dans le passé, et comme ces effets sur l’agriculture se produiront au cours du siècle prochain, de nombreux pays en développement pourraient rattraper les pays développés en termes de capacité d’adaptation. Un exemple des problèmes régionaux réels que le changement climatique pourrait causer est le cas de la culture du café en Ouganda. Dans ce pays, la superficie totale convertie à la culture du café Robusta serait considérablement réduite, à 10 % de la superficie actuelle, par une augmentation de la température de 2 °C. Seules les terres plus élevées resteraient adaptées. Seules les zones les plus élevées resteraient adaptées à la culture du café, le reste devenant trop chaud. Mais personne ne peut dire si ces zones restantes rapporteraient plus  102 

  Les impacts du changement climatique  

ou moins d’argent au pays, car si d’autres zones de culture du café dans le monde sont touchées de la même manière, le prix des grains de café augmentera en raison de la rareté. Cela démontre la vulnérabilité aux effets du réchauffement climatique de nombreux pays en développement dont les économies dépendent souvent fortement d’un ou deux produits agricoles, car il est très difficile de prévoir les changements que le réchauffement climatique provoquera en termes de rendement des cultures et de leur équivalent monétaire. L’une des principales mesures d’adaptation au réchauffement climatique devrait donc consister à élargir la base économique et agricole des pays les plus menacés. Il est évident que cela paraît simple sur le papier, en pratique c’est bien plus compliqué, et il est clair que les subventions agricoles des États-Unis, de l’Union européenne et de la Chine, ainsi que les accords commerciaux mondiaux actuels et unilatéraux, ont un effet plus important sur la production agricole mondiale et la capacité des pays à se nourrir que le changement climatique. Les solutions semblent encore plus éloignées avec l’échec des négociations de l’OMC. L’ACIDIFICATION DES OCÉANS

Les mesures directes de la chimie des océans ont montré que le pH des océans diminue, c’est-à-dire qu’ils deviennent plus acides (cf. figure 28). Cela est dû au fait que le CO2 présent dans l’atmosphère se dissout dans l’eau de surface de l’océan. Ce processus est contrôlé par deux facteurs principaux : la quantité de CO2 dans l’atmosphère à un moment donné et la température de l’océan. Les océans ont déjà absorbé environ un tiers du CO2 résultant des activités humaines, ce qui a entraîné une diminution constante du pH (donc l’acidification accrue) des océans. Avec l’augmentation du CO2 atmosphérique à l’avenir, la quantité de CO2 dissous dans l’océan continuera à augmenter. Certains organismes marins, tels que les coraux, les foraminifères, les coccolites et les coquillages, ont une coquille ­composée  103 

  Le changement climatique  

de carbonate de calcium, qui se dissout en présence d’acide. Des expériences menées en laboratoire et sur le terrain montrent que lorsque les niveaux de CO2 sont élevés, les eaux plus acides font que certaines espèces marines développent des coquilles difformes et ont des taux de croissance plus faibles, bien que l’effet varie selon les espèces. L’acidification accrue modifie également le cycle des nutriments et de nombreux autres éléments et composés dans l’océan. Elle est susceptible de modifier l’avantage concurrentiel entre les espèces et d’avoir des répercussions sur les écosystèmes marins et le réseau alimentaire. C’est une préoccupation majeure car la pêche reste une source importante de nourriture, avec environ 95 millions de tonnes de poissons capturés par la pêche commerciale et 50 millions de tonnes supplémentaires produites par les pisciculteurs par an. 8,2

en valeur de pH

8,1 8,0

SSP1-2,6

7,9

SSP2-4,5

7,8

SSP3-7,0

7,7 7,6 1950

SSP5-8,5 1975

2000

2025

2050

2075

2100

Année

Fig. 28    Acidification des océans.

BIODIVERSITÉ

La perte actuelle de biodiversité dans le monde est due à l’activité humaine, notamment la déforestation, l’agriculture, l’urbanisation et l’exploitation minière. Les taux d’extinction sont actuellement 100 à  104 

  Les impacts du changement climatique  

1 000 fois plus élevés que le taux naturel, et le changement climatique va exacerber ce déclin. Le rapport d’impact du GIEC énumère les espèces suivantes comme étant les plus menacées par le changement climatique : le gorille de montagne en Afrique ; les amphibiens qui vivent dans les forêts embrumées des régions dites « néotropicales » ; l’ours à lunettes des Andes ; les oiseaux des forêts de Tanzanie ; le quetzal resplendissant d’Amérique centrale ; le tigre du Bengale et d’autres espèces vivant uniquement dans les zones humides de Sundarban ; les plantes sensibles aux précipitations vivant uniquement dans le Floral Kingdom du Cap en Afrique du Sud ; et les ours polaires et les pingouins près des pôles. La principale raison de la menace qui pèse sur ces espèces est qu’elles sont incapables de migrer en réponse au changement climatique en raison de leur situation géographique particulière ou de l’empiètement de l’activité humaine, notamment l’agriculture et l’urbanisation. Les forêts embrumées des régions néo-tropicales en sont un exemple : avec le changement climatique, cette zone climatique particulière va migrer vers le haut des montagnes, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de montagne à escalader. Les récifs coralliens sont un exemple d’écosystème menacé. Les récifs coralliens constituent une ressource économique précieuse pour la pêche, les loisirs, le tourisme et la protection des côtes. Certains estiment que le coût global de la perte des récifs coralliens s’élève à des centaines de milliards de dollars chaque année. En outre, les récifs constituent l’une des plus grandes réserves mondiales de biodiversité marine. Ces dernières années, la santé des récifs coralliens a connu un déclin sans précédent. On estime que 50 % des coraux durs de la Grande Barrière de corail australienne ont disparu au cours des dernières années à la suite d’épisodes de blanchiment des coraux, dû aux températures extrêmes de l’eau. La Grande Barrière de corail est le plus grand système de récifs coralliens du monde, composé de plus de 2 900 récifs individuels et de 900 îles s’étendant sur plus de 1 400 miles le long des côtes orientales d’Australie. Dans d’autres  105 

  Le changement climatique  

régions, jusqu’à 70 % du corail est mort en une seule saison. On a également constaté une recrudescence de la variété, de l’incidence et de la virulence des maladies coralliennes ces dernières années, avec des extinctions majeures en Floride et dans une grande partie de la région des Caraïbes. En outre, l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère pourrait réduire les taux de calcification des coraux qui construisent les récifs, ce qui se traduirait par des squelettes plus faibles, des taux de croissance réduits et une vulnérabilité accrue à l’érosion. Les résultats de la modélisation suggèrent que ces effets seraient les plus graves aux frontières actuelles de la distribution des récifs coralliens. Sur une note plus théorique, le biologiste Chris Thomas et ses collègues ont publié dans Nature une étude sur l’augmentation possible des taux d’extinction au cours des 50 prochaines années dans des régions-clés telles que le Mexique, l’Amazonie et l’Australie. Les modèles théoriques suggèrent qu’un réchauffement de 2 °C d’ici 2050 pourrait condamner à l’extinction un quart de toutes les espèces qu’ils ont étudiées. Cette étude a été critiquée car ses modèles reposent sur de nombreuses hypothèses qui peuvent ou non être validées : par exemple, ils supposent que nous connaissions toute la gamme climatique dans laquelle chaque espèce peut résister et la relation précise entre le rétrécissement de l’habitat et les taux d’extinction. Ces résultats ne doivent donc être considérés que comme la direction probable des taux d’extinction, mais pas nécessairement leur ampleur exacte. Toutefois, cette étude et de nombreuses autres études scientifiques démontrent l’énorme menace qui pèse sur la biodiversité régionale et mondiale et illustrent la sensibilité des systèmes biologiques à l’ampleur et au rythme du réchauffement qui se produira à l’avenir. La protection de la biodiversité présente d’autres avantages majeurs pour la société humaine. En 2020, le monde a été paralysé par la pandémie de Covid-19. L’une des raisons pour lesquelles le Covid-19 est une maladie respiratoire si complexe, grave et même  106 

  Les impacts du changement climatique  

mortelle est qu’il s’agit d’un virus zoonotique, c’est-à-dire un virus qui a sauté d’un animal à un autre et a muté pour infecter l’homme. Le virus possède donc une signature génétique inconnue de notre système immunitaire, ce qui retarde notre capacité à développer des anticorps capables de combattre l’infection. Il semble de plus en plus probable que c’est le commerce illégal d’animaux menacés d’extinction, tels que les chauves-souris et les pangolins, sur des « marchés humides » inhumains en Chine et en Asie du Sud-Est, qui a permis sa transmission entre espèces. Les risques extrêmement élevés de telles épidémies de virus zoo­ notiques ont été mis en évidence par des épidémies antérieures, comme la grippe aviaire liée au virus H5N1 en 1996 et l’épidémie de SRAS en 2002-2003. Dans les deux cas, les marchés chinois ont été temporairement interdits, puis autorisés à se poursuivre. Il existe donc un réel besoin de protéger et de respecter la biodiversité et la vie sauvage pour éviter que ces zoonoses ne se reproduisent. Le gouvernement chinois et les autres gouvernements doivent promouvoir un changement culturel, ainsi que des restrictions réglementaires progressives pour protéger la faune sauvage et, par conséquent, les humains également. LA SANTÉ HUMAINE

Les effets potentiels du changement climatique sur la santé sont immenses, et la gestion de ces effets constituera un énorme défi. Le changement climatique entraînera une augmentation des décès dus aux vagues de chaleur, aux sécheresses, aux incendies de forêt, aux tempêtes et aux inondations. La hausse des températures et la variabilité des précipitations menacent la production alimentaire. En effet, la productivité est réduite en raison des risques accrus auxquels sont exposées les personnes travaillant régulièrement à l’extérieur, comme les ouvriers du bâtiment et les ouvriers agricoles. Il a été suggéré que le taux de mortalité global pourrait baisser dans certains pays, car  107 

  Le changement climatique  

de nombreuses personnes âgées meurent de froid et des hivers plus chauds réduiraient cette cause de décès. Toutefois, ce point de vue s’est avéré inexact, car des recherches récentes ont démontré que l’amélioration des logements et des soins de santé, l’augmentation des revenus et une plus grande sensibilisation aux risques du froid sont à l’origine de la réduction des décès en hiver au Royaume-Uni depuis 1950, tandis qu’aux États-Unis, les décès liés à la chaleur estivale ont été quatre fois plus nombreux que les décès dus au froid au cours des trois dernières décennies. Par conséquent, dans de nombreuses sociétés, l’adaptation aux climats froids et l’amélioration de la protection des membres les plus vulnérables de la société signifient que des hivers plus chauds n’auront que peu ou pas d’effet sur la réduction du taux de mortalité. Le rapport 2009 de l’University College London (UCL) publié dans la revue Lancet, intitulé « Managing the Health Effects of Climate Change », a identifié les deux principaux domaines susceptibles d’affecter la santé de milliards de personnes : l’eau et la nourriture. La menace la plus importante pour la santé humaine est le manque d’accès à l’eau potable. À l’heure actuelle, un milliard de personnes n’ont toujours pas un accès régulier à une eau potable propre et sûre. Non seulement le manque d’eau provoque de graves problèmes de santé dus à la déshydratation, mais un grand nombre de maladies et de parasites sont présents dans l’eau fétide. L’augmentation de la population humaine mondiale, en particulier celle qui est concentrée dans les zones urbaines, exerce une forte pression sur les ressources en eau. On s’attend à ce que les effets du changement climatique – notamment les modifications de la température, des précipitations et du niveau des mers – aient des conséquences variables sur la disponibilité de l’eau douce dans le monde. Par exemple, les changements dans le ruissellement des rivières affecteront le rendement des rivières et des réservoirs, et donc la recharge des réserves d’eau souterraine. Une augmentation du taux d’évaporation affectera également les  108 

  Les impacts du changement climatique  

réserves d’eau et contribuera à la salinisation des terres agricoles irriguées. L’élévation du niveau de la mer peut entraîner une intrusion saline dans les aquifères côtiers. Actuellement, environ 2 milliards de personnes, soit un quart de la population mondiale, vivent dans des pays soumis à un stress hydrique. Il a été suggéré que si rien n’est fait pour atténuer le changement climatique, jusqu’à 50 % de la population mondiale pourrait vivre dans des pays soumis à un stress hydrique d’ici 2050. Parmi ces personnes, 80 % vivront dans des pays en développement. Le changement climatique aura probablement le plus grand impact dans les pays où le rapport entre l’utilisation relative et l’approvisionnement disponible en eau est élevé. Les régions disposant de réserves d’eau abondantes obtiendront plus qu’elles ne veulent avec une augmentation des inondations. Comme nous l’avons suggéré plus haut, les modèles informatiques prévoient des pluies beaucoup plus abondantes et donc des problèmes d’inondation majeurs pour l’Europe, alors que, paradoxalement, les pays qui ont actuellement peu d’eau (par exemple, ceux qui dépendent du dessalement) pourraient être relativement épargnés. Ce sont les pays intermédiaires, sans histoire ni infrastructure pour faire face aux pénuries d’eau, qui seront les plus touchés. En Asie centrale et en Afrique du Nord et du Sud, les précipitations seront encore plus faibles et la qualité de l’eau se dégradera de plus en plus en raison de la hausse des températures et du ruissellement des polluants. Si l’on ajoute à cela l’augmentation prévue de la variabilité des précipitations d’une année sur l’autre, les sécheresses deviendront plus fréquentes. Ce sont donc les pays les plus exposés qui doivent commencer à planifier dès maintenant la conservation de leurs ressources en eau et/ou la gestion des risques accrus d’inondation. En effet, c’est le manque d’infrastructures pour faire face aux sécheresses et aux inondations, plutôt que le manque ou l’abondance d’eau, qui constitue une menace pour la santé humaine.  109 

  Le changement climatique  

La sécurité alimentaire repose sur trois piliers principaux : (1) la disponibilité alimentaire – la production est-elle suffisante ? (2) l’accès – les gens peuvent-ils se le permettre ? Et (3) la stabilité – la nourriture est-elle toujours disponible ? Selon le Programme alimentaire mondial (le PAM) des Nations unies, nous produisons actuellement assez de nourriture pour nourrir 10 milliards de personnes, ce qui est largement suffisant pour couvrir l’augmentation prévue de la population au cours de ce siècle. Mais 821 millions de personnes sont aujourd’hui au bord de la famine, soit 25 millions de plus en cinq ans seulement. Cela est dû au fait qu’elles n’ont tout simplement pas assez d’argent pour s’acheter de la nourriture. Le changement climatique menace la disponibilité et la stabilité des aliments car il affecte la production de denrées alimentaires et d’autres produits agricoles. Les phénomènes météorologiques extrêmes doivent également être pris en compte. Avec une économie de plus en plus mondialisée, très peu de pays sont autosuffisants en matière d’alimentation de base et les importations de nourriture sont donc très importantes. Le coût des denrées alimentaires de base peut être fortement influencé par la demande mondiale, les subventions agricoles nationales et les interdictions d’exportation, ainsi que par les catastrophes naturelles, mais la plus grande influence est la spéculation alimentaire sur les marchés mondiaux. En 20082009, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 60 % et en 2011-2012 de 40 %, tous deux liés à la spéculation alimentaire. Ainsi, l’incapacité de nombreuses personnes à se procurer des aliments de base, entraînant la malnutrition et la famine, peut être directement liée à la spéculation sur les prix des aliments sur les marchés mondiaux de Londres, New York et Tokyo. Une autre menace pour la santé humaine est la transmission des maladies infectieuses, qui est directement affectée par les facteurs climatiques. Le changement climatique influencera particulièrement les maladies à transmission vectorielle, c’est-à-dire les maladies qui sont portées par un autre organisme – par exemple, la malaria, qui est  110 

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portée par les moustiques. Les agents infectieux et leurs organismes vecteurs sont sensibles à des facteurs tels que la température, la température de l’eau de surface, l’humidité, le vent, l’humidité du sol et les changements dans la répartition des forêts. On prévoit donc que le changement climatique et la modification des régimes météorologiques auront une incidence sur l’étendue (en altitude et en latitude), l’intensité et la saisonnalité de nombreuses maladies à transmission vectorielle et autres maladies infectieuses. Par exemple, il existe une forte corrélation entre l’augmentation de la température de surface de la mer et du niveau de la mer et la gravité des épidémies de choléra au Bangladesh. Avec les prévisions de changement climatique et l’élévation conséquente du niveau relatif de la mer au Bangladesh, les épidémies de choléra pourraient devenir plus fréquentes. En général, l’augmentation de la chaleur et de l’humidité causée par le changement climatique favorisera la transmission des maladies. Mais si la transmission potentielle d’un grand nombre de ces maladies augmente en réponse au changement climatique, nous devons nous rappeler que notre capacité à contrôler les maladies changera également. On peut s’attendre à une vaccination nouvelle ou améliorée ; certaines espèces de vecteurs peuvent être limitées par l’utilisation de pesticides. Néanmoins, il existe ici aussi des incertitudes et des risques : par exemple, l’utilisation à long terme de pesticides encourage la reproduction de souches résistantes, tout en tuant de nombreux prédateurs naturels des parasites. La maladie à transmission vectorielle la plus grave est le paludisme, qui touche actuellement 500 millions de personnes dans le monde. Le Plasmodium vivax, transporté par le moustique anophèle, est l’organisme qui cause le paludisme. Les principaux facteurs climatiques qui ont une incidence sur le potentiel de transmission du paludisme par la population de moustiques sont la température et les précipitations. Les évaluations de l’impact potentiel du changement climatique mondial sur l’incidence du paludisme suggèrent une augmentation  111 

  Le changement climatique  

généralisée du risque en raison de l’expansion des zones propices à la transmission du paludisme. Au cours des cinq dernières années déjà, la zone propice à la transmission du paludisme dans les régions montagneuses a augmenté de 39 % en Afrique et de 150 % en Asie de l’Est par rapport aux années 1950. Les modèles mathématiques qui cartographient les zones de température propices aux moustiques suggèrent que d’ici les années 2080, l’exposition potentielle des personnes pourrait augmenter de 2 à 4 % (260 à 320 millions de personnes). L’augmentation prévue est plus prononcée aux frontières des zones de paludisme endémique et à des altitudes plus élevées dans les zones de paludisme. Les changements dans le risque de paludisme doivent être interprétés sur la base des conditions environnementales locales, des effets du développement socio-économique et de l’évolution des conditions environnementales locales, des effets du développement socio-économique et des programmes ou capacités de lutte contre le paludisme. Le changement climatique fournira également d’excellentes conditions pour la reproduction des moustiques anophèles dans le sud de l’Angleterre, en Europe continentale et dans le nord des États-Unis. Il convient toutefois de noter que l’apparition de nombreuses maladies tropicales est liée au développement économique. Dans les années 1940, la malaria était encore endémique en Finlande, en Pologne, en Russie et dans trente-six États américains, dont ­Washington, l’Oregon, l’Idaho, le Montana, le Dakota du Nord, New York, la Pennsylvanie et le New Jersey. Ainsi, bien que le changement climatique puisse potentiellement accroître l’aire de répartition de bon nombre de ces maladies tropicales, l’expérience de l’Europe et des États-Unis suggère que la lutte contre le paludisme est fortement liée au développement et aux ressources : le développement pour assurer une surveillance efficace de la maladie et les ressources pour garantir un effort important d’éradication des moustiques et de leurs zones de reproduction.  112 

  Les impacts du changement climatique  

Les impacts du changement climatique vont augmenter de manière significative avec l’augmentation de la température de la planète. Le changement climatique affectera la fréquence et la gravité des vagues de chaleur, des sécheresses, des incendies de forêt, des tempêtes et des inondations. Les villes côtières seront particulièrement vulnérables à mesure que le niveau de la mer s’élèvera, augmentant ainsi l’impact des inondations et des ondes de tempête. La sécurité de l’eau et des aliments ainsi que la santé publique deviendront les problèmes les plus importants auxquels tous les pays seront confrontés. Le changement climatique menace la biodiversité mondiale et le bien-être de milliards de personnes. Dans le tableau 4, j’ai essayé de résumer les impacts potentiels du changement climatique. Bien que de nombreux collègues réfléchissent à la manière de faire face à un monde +4 °C, mon conseil est simple : n’y allons pas.

Tableau 4    Impacts potentiels d’un changement climatique. Augmentation de la température au-dessus des valeurs préindustrielles

1,5 °C

Impacts potentiels d’un changement climatique

• Les effets majeurs sur l’écosystème des récifs coralliens en eaux chaudes. • Effets importants sur les écosystèmes et les espèces vulnérables (régions polaires, zones humides, et forêts nuageuses). • Augmentation des inondations côtières et fluviales. • Augmentation des événements météorologiques extrêmes. • Augmentation de la propagation des maladies infectieuses tropicales. • Augmentation de la morbidité et de la mortalité liées à la chaleur.

 113 

  Le changement climatique  

2°-3 °C

• Les Maldives, les îles Marshall, Tuvalu et beaucoup d’autres petites nations insulaires abandonnées. • Perte majeure de l’écosystème des récifs coralliens d’eau chaude. • Changements majeurs dans les régions arctiques avec une perte substantielle de la glace de mer arctique. • Augmentation majeure des événements climatiques extrêmes et de la propagation des maladies infectieuses. • Augmentation importante de la morbidité et de la mortalité liée à la chaleur, en particulier dans les basses latitudes. • Incidences importantes sur les écosystèmes vulnérables (régions polaires, zones humides, forêts nuageuses et palétuviers). • Augmentation significative des inondations côtières et fluviales dans le monde entier. • Impacts significatifs sur les pêcheries des basses latitudes. • Diminution du rendement et de la productivité des cultures surtout dans les régions tropicales et subtropicales.

3°-4 °C

• Impacts majeurs sur tous les écosystèmes, y compris augmentation significative des extinctions d’espèces. • Perte de tous les écosystèmes de récifs coralliens en eau chaude et aussi de nombreux écosystèmes de récifs en eau froide • L’Arctique complètement dépourvu de glace de mer en été. • Augmentation de la température de l’Arctique de 8 °C. • Disparition de la majorité des glaciers de montagne, y compris toute la glace du Kilimandjaro (Tanzanie). • Augmentation importante des événements météorologiques extrêmes et propagation des maladies infectieuses. • Baisse importante de la production agricole et halieutique et des ressources en eau disponibles. • La sécurité alimentaire et de l’eau devient un enjeu politique et humanitaires. • Augmentation des migrations massives forcées par l’environnement. • Les puits de carbone océaniques et terrestres se réduisent, accélérant le changement climatique.

 114 

  Les impacts du changement climatique  

4°-5 °C

• Disparition catastrophique des écosystèmes et des espèces dans le monde entier. • Accélération de la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique occidental et du Groenland, entraînant une hausse significative du niveau mondial des mers. • Un cinquième de la population mondiale est touché par des inondations et les grandes villes côtières sont abandonnées. • Les migrations massives forcées par l’environnement s’accélèrent et les conflits pour les ressources augmentent. • Dans de nombreux pays, les températures estivales restent durablement au-dessus de 40 °C. • Les vagues de chaleur avec des températures pouvant atteindre 50 °C deviennent courantes. • Plus de 3,5 milliards de personnes subissent un stress hydrique. • Les incendies de forêt créent des événements majeurs de pollution de l’air et des crises de santé humaine. • La production alimentaire mondiale s’effondre, ce qui entraîne une malnutrition et une famine généralisées.

5°-6 °C ou plus

• C’est simple : n’y allez pas !

 115 

6 Quand le climat nous surprend Nous modifions la composition de l’atmosphère plus que nous ne l’avons fait durant les trois millions d’années précédentes. Nous nous dirigeons vers un territoire inconnu et l’incertitude scientifique peut donc être grande. L’étude des archives du passé nous apprend que le système climatique peut changer d’état très rapidement une fois qu’un seuil donné a été franchi. Par exemple, les carottes de glace suggèrent que la moitié du réchauffement du Groenland à la fin de la dernière période glaciaire a été atteint en quelques décennies seulement. Ce chapitre examine la possibilité de l’existence de seuils ou de points de basculement dans le système climatique qui pourraient se produire à mesure que nous réchauffons la planète. La figure 29 montre les principaux points de basculement qui préoccupent les scientifiques depuis trois décennies. La fonte irréversible de la calotte glaciaire du Groenland et/ou de l’Antarctique occidental, le ralentissement de la circulation océanique profonde de l’Atlantique nord, la libération massive de CH4 par la fonte des hydrates de gaz et le dépérissement de la forêt amazonienne seront tous abordés. LES SEUILS ET POINTS DE BASCULEMENT (NON-RETOUR)

La relation entre un facteur de forçage climatique tel que les GES et la réponse du climat est complexe. Dans un monde idéal, il s’agirait d’une relation simple avec peu ou pas de retard, mais nous savons qu’il existe déjà une inertie dans le système climatique, de sorte qu’il réagit au forçage par les GES avec un retard de 10 à 20 ans, en fonction de l’évolution du climat, selon la quantité émise.  117 

  Le changement climatique  

Changements d’ENSO

Perte du pergélisol

Mort des forêts boréales

Changements d’ENSO

Perte de glace de mer arctique Fonte de la calotte glaciaire du Groenland

Instabilité des moussons en Asie du Sud-Est

Mort des forêts boréales

Formation de courants profonds en Atlantique Verdissement du Sahara Mort des forêts tropicales en Amazonie Déplacement de la mousson d’Afrique de l’Ouest

Instabilité de la calotte glaciaire de l’Antarctique-ouest

Variation de l’eau de fond de l’Antarctique (AABW)

Fig. 29    Points de non-retour du système climatique.

 118 

 Quand le climat nous surprend  

Nous pouvons donc examiner la manière dont les différentes parties du système climatique réagissent au changement climatique à l’aide de quatre scénarios (cf. figure 30) : b

Changement climatique

a

Forçage des GES

Réponse d

Changement climatique

c

seuil (point de non-retour) Le temps

Le temps

Fig. 30    Forçage des gaz à effets de serre et réaction du s­ ystème climatique.

(a) Réponse linéaire mais retardée (figure 30a). Dans ce cas, l’augmentation des GES produit une réponse retardée mais directe dans le système climatique dont l’ampleur est proportionnelle au forçage supplémentaire. On peut comparer ce phénomène au fait de faire avancer, en la poussant, une voiture sur une route plate. Au début, il ne se passe rien, car il faut vaincre les frottements avant que la voiture ne commence à avancer. Une fois que c’est fait, la majeure  119 

  Le changement climatique  

partie de l’énergie utilisée pour pousser est utilisée pour faire avancer la voiture. Un exemple de ceci est le réchauffement des océans qui a un retard dû à l’inertie du chauffage d’une si grande masse d’eau. (b) Réponse atténuée ou limitée (figure 30b). Dans ce cas, le forçage des GES peut être fort, mais la partie concernée du système climatique est en quelque sorte tamponnée et réagit donc très peu. Ce phénomène est analogue au fait de pousser une voiture sur une pente qui monte : vous pouvez dépenser autant d’énergie que vous le souhaitez pour essayer de pousser la voiture, elle ne se déplacera pas très loin. Un exemple de ce phénomène est la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental, qui a été stable à des températures beaucoup plus élevées qu’aujourd’hui. (c) Réponse retardée et non linéaire (figure 30c). Dans ce cas, le système climatique peut avoir une réponse initiale lente au forçage des GES, mais répondre ensuite de manière non linéaire. Il s’agit d’une possibilité réelle en matière de changement climatique si nous avons sous-estimé la rétroaction positive dans le système. Ce scénario peut être assimilé à celui d’une voiture au sommet d’une colline : il faut un certain effort et donc du temps pour pousser la voiture jusqu’au sommet de la colline ; c’est l’effet tampon. Une fois que la voiture a atteint le sommet, il faut très peu d’effort pour la pousser par-dessus, puis elle accélère en descendant la colline avec ou sans aide. Une fois qu’elle a atteint le bas, la voiture continue pendant un certain temps – le « dépassement » – puis elle ralentit d’ellemême et se stabilise dans un nouvel état. (d) Réponse au seuil (figure 30d). Dans ce cas, au départ, il y a très peu de réponse dans cette partie du système climatique au forçage des GES. Cependant, lorsqu’un seuil est atteint, toute la réponse se produit dans un laps de temps très court, en une seule et grande étape. Dans de nombreux cas, la réponse peut être beaucoup plus importante que ce à quoi on pourrait s’attendre compte tenu de  120 

 Quand le climat nous surprend  

l’ampleur du forçage, ce que l’on peut appeler un « dépassement de la réponse ». Ce scénario équivaut au bus suspendu à la falaise à la fin du film original The Italian Job : tant qu’il n’y a que de très petits changements, il ne se passe rien du tout. Cependant, un point critique (dans ce cas, le poids) est atteint et le bus (et l’or qu’il transportait) plonge de la falaise dans le ravin en contrebas. Un exemple de ce phénomène pourrait être la calotte glaciaire du Groenland qui a commencé à fondre ; la fonte pourrait s’accélérer soudainement, provoquant un effondrement catastrophique. Il existe également des situations dans lesquelles un seuil devient un point de basculement ou point de non-retour. On peut considérer qu’un seuil est un point à partir duquel il y a un changement dans un système qui peut être inversé. Mais un point de basculement est un seuil qui, une fois franchi, signifie que le système passe à un nouvel état et que cette transition est irréversible. Les bifurcations au sein du système climatique constituent une complication supplémentaire lorsqu’il s’agit de déterminer si le changement climatique créera un simple seuil ou un point de basculement. Cela signifie que le forçage nécessaire pour faire passer le système climatique d’un côté à l’autre du seuil est différent de l’inversion. Cela implique qu’une fois qu’un seuil climatique est franchi, il est beaucoup plus difficile de l’inverser et, dans certains cas, il peut même être irréversible. L’expression « point de basculement » est souvent utilisée dans les recherches et les discussions sur le changement climatique. Il faut toutefois faire attention car il existe deux usages des mots. Tout d’abord, il y a les références aux points de basculement climatiques, qui sont des changements irréversibles à grande échelle dans le système climatique, comme la fonte irréversible des calottes glaciaires ou la libération d’énormes réserves de CH4 du sous-sol des océans. L’autre connotation concerne les points de basculement sociétaux, qui se produisent lorsque le changement climatique a un effet majeur sur une région ou un pays particulier. Par exemple, un déplacement de  121 

  Le changement climatique  

322 km vers le nord de la ceinture de pluie de la mousson en Asie du Sud-Est est, en termes climatologiques, un petit déplacement et non un point de basculement climatique fondamental. Mais pour les pays où la pluie ne tombe plus ou pour ceux où elle tombe pour la première fois, un tel déplacement constitue un point de basculement climatique majeur, car leur climat peut avoir été modifié de façon permanente. LA FONTE DES CALOTTES GLACIAIRES

Les projections du GIEC concernant l’élévation du niveau de la mer d’ici à 2100, en l’absence de réduction significative des émissions de carbone, se situent entre 0,50 et 1,3 m. La plus grande incertitude de ces estimations est la contribution de la fonte de la calotte qui recouvre le Groenland et l’Antarctique à la fin du siècle. À l’heure actuelle, on estime que le Groenland perd plus de 230 Gt de glace par an, soit sept fois plus qu’au début des années 1990. L’Antarctique perd environ 150 Gt de glace par an, soit cinq fois plus qu’au début des années 1990. La majeure partie de cette perte provient de la péninsule nord de l’Antarctique et du secteur de la mer d’Amundsen en Antarctique occidental. Le Groenland et l’Antarctique constituent ensemble l’une des surprises climatiques potentielles les plus inquiétantes. Si les grandes étendues glaciaires qui s’y trouvent fondaient complètement, leur contribution à l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale serait la suivante : Groenland, environ 7 m ; la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental, environ 8,5 m ; et la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental, environ 65 m. Ces chiffres sont à comparer à seulement 0,3 m si tous les glaciers de montagne fondaient. Les données paléoclimatiques montrent que l’énorme calotte glaciaire de l’Antarctique oriental s’est développée il y a 35 millions d’années en raison de l’isolement tectonique progressif de l’Antarctique et qu’elle est en fait restée stable dans des climats beaucoup plus chauds. Les climatologues sont donc très confiants dans le fait que la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental restera stable au cours de ce siècle.  122 

 Quand le climat nous surprend  

Cependant, les scientifiques sont très inquiets du fait que la fonte du Groenland ou de l’Antarctique occidental pourrait s’accélérer de manière significative au cours des 100 prochaines années. Même si nous avons déjà entamé les processus de fonte de l’ensemble de ces calottes glaciaires, il existe une contrainte physique à la vitesse à laquelle la glace peut fondre. Cela est dû au temps que met la chaleur à pénétrer dans les couches de glace. Imaginez que vous laissiez tomber un glaçon dans une tasse de café chaude. Vous savez qu’il va fondre entièrement, mais il faut du temps pour que la chaleur pénètre jusqu’au milieu du glaçon. La majeure partie de la glace provenant des calottes glaciaires s’écoule par des cours d’eau glaciaires pour atteindre la mer, et il existe une limite à la quantité de glace que ces cours d’eau glaciaires peuvent transporter. Le pire scénario, selon d’éminents glaciologues, est que ces calottes glaciaires pourraient ajouter entre 1 et 1,5 m au niveau de la mer d’ici la fin du siècle, ce qui menacerait de nombreuses populations côtières dans le monde. Il y a également un débat scientifique sur ce qu’il adviendra des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique au-delà des 100 prochaines années. Même si une fonte importante ne se produit pas au cours de ce siècle, nous pourrions avoir entamé un processus qui entraînera une fonte irréversible au cours du prochain siècle. Nos émissions de carbone au cours des prochaines décennies pourraient déterminer l’avenir à long terme des calottes glaciaires et les moyens de subsistance de milliards de personnes qui vivent près des côtes. LA CIRCULATION OCÉANIQUE PROFONDE

La circulation des eaux océaniques profondes est l’un des principaux facteurs de contrôle du climat mondial. En fait, l’océan profond est la seule entité capable de provoquer et de maintenir un changement climatique interne à long terme (sur des centaines ou des milliers d’années) en raison de son volume, de sa capacité thermique et de son inertie. Dans l’Atlantique nord, le Gulf Stream, qui s’oriente  123 

  Le changement climatique  

vers le nord-est, transporte les eaux de surface chaudes et salées du golfe du Mexique jusqu’aux mers nordiques. L’augmentation de la salinité dans le Gulf Stream est due à l’énorme quantité d’évaporation qui se produit dans les Caraïbes, ce qui élimine l’humidité des eaux de surface et concentre les sels dans l’eau de mer. Au fur et à mesure que ce courant se dirige vers le nord, il se refroidit. La combinaison d’une forte teneur en sel et d’une température basse augmente la densité de l’eau de surface. Ainsi, lorsqu’elle atteint les océans relativement peu salés au nord de l’Islande, l’eau de surface s’est assez refroidie pour devenir suffisamment dense et s’enfoncer dans les profondeurs de l’océan. La « force d’attraction » exercée par l’enfoncement de cette masse d’eau dense contribue à maintenir la force du Gulf Stream chaud, garantissant qu’un courant d’eau tropicale chaude continue de s’écouler dans l’Atlantique nord-est, envoyant de l’air doux vers le sud. On a calculé que le Gulf Stream fournit 27 000 fois l’énergie de toutes les centrales électriques britanniques réunies. Si vous avez le moindre doute sur l’utilité du Gulf Stream pour le climat européen, comparez les hivers à la même latitude de part et d’autre de l’océan Atlantique, par exemple entre Londres et le Labrador, ou entre ­Lisbonne et New York. Une meilleure comparaison peut être faite entre l’Europe occidentale et la côte ouest de l’Amérique du Nord, qui ont une relation géographique similaire entre l’océan et le continent – pensez à l’Alaska et à l’Écosse, qui sont à peu près à la même latitude. L’eau profonde nouvellement formée s’enfonce dans l’océan jusqu’à une profondeur comprise entre 2 000 et 3 500 m et s’écoule vers le sud dans l’océan Atlantique, sous la forme de l’eau profonde de l’Atlantique nord (. Dans l’océan Atlantique Sud, elle rencontre un deuxième type d’eau profonde, qui se forme dans l’océan Austral et s’appelle l’eau de fond de l’Antarctique (AABW). Cette eau se forme d’une manière différente de l’eau de fond de l’Antarctique. Ce continent est entouré de glace de mer et l’eau profonde se forme dans les polynies côtières, ou grands trous dans la glace de mer. Les vents antarctiques soufflants  124 

 Quand le climat nous surprend  

poussent la glace de mer loin du bord continental pour produire ces trous. Les vents sont si froids qu’ils sur-refroidissent les eaux de surface exposées. Cela entraîne une plus grande formation de glace de mer et un rejet de sel, produisant l’eau la plus froide et la plus salée du monde. L’AABW contourne l’Antarctique, monte et pénètre dans l’Atlantique nord, s’écoulant sous les NADW plus chauds et donc un peu plus légers (cf. figure 31a). L’AABW s’écoule également dans les océans Indien et Pacifique. Cet équilibre entre le NADW et l’AABW est extrêmement important pour le maintien de notre climat actuel, car non seulement il permet au Gulf Stream de passer au large de l’Europe, mais il maintient également la bonne quantité d’échange de chaleur entre les hémisphères nord et sud. Les scientifiques ont montré que la circulation des eaux profondes peut être affaiblie voire « interrompue » si l’apport d’eau douce est suffisant pour rendre l’eau de surface trop légère pour couler. Ces preuves proviennent à la fois de modèles informatiques et de l’étude des climats passés. Les scientifiques ont inventé l’expression « dédensification » pour désigner la suppression de la densité par l’ajout d’eau douce et/ou le réchauffement de l’eau, deux phénomènes qui empêchent l’eau de mer d’être suffisamment dense pour couler. Comme nous l’avons vu, on craint déjà que le réchauffement de la planète n’entraîne une fonte importante des calottes glaciaires polaires. Cela entraînera une augmentation de l’apport d’eau douce dans les océans polaires. Le changement climatique pourrait donc provoquer un collapse des NADW et l’affaiblissement du Gulf Stream chaud (cf. figure 31b). Cela entraînerait des hivers européens beaucoup plus froids et des phénomènes météorologiques plus violents. Cependant, l’influence du Gulf Stream chaud se manifeste principalement en hiver et n’a qu’un faible effet sur les températures estivales. Ainsi, si le Gulf Stream s’effondre, le réchauffement climatique entraînera quand même un réchauffement des étés européens. L’Europe se retrouverait alors avec un climat ­saisonnier extrême, très similaire à celui de l’Alaska.  125 

  Le changement climatique  

Transport de chaleur

a) Profondeur (en m)

0

5 000

Courant de fond de l’Atlantique nord

Courant de fond de l’Antarctique

S

Équateur

N

Transport de chaleur

b)

Eaux douces (non salines)

Profondeur (en m)

0

5 000

Courant de fond de l’Atlantique nord

Courant de fond de l’Antarctique

S

Équateur

N

Profondeur (en m)

c) Transport de chaleur Eaux douces (non salines) 0 Courant de fond de l’Antarctique

Courant de fond de l’Atlantique nord

5 000 S

Équateur

N

Fig. 31    Changements des courants océaniques en fonction des apports en eaux douces (non salines).

Pour donner un contre-exemple, si la calotte glaciaire de l’Antarctique commence à fondre bien avant les glaces du Groenland et de l’Arctique, les choses pourraient être très différentes. Si une quantité  126 

 Quand le climat nous surprend  

suffisante d’eau de fonte se déverse dans l’océan Austral, l’AABW sera fortement réduite. Étant donné que le système d’eaux profondes est un équilibre entre la NADW et l’AABW, si l’AABW est réduit, alors le NADW augmentera et se développera (cf. figure 31c). Le problème est que le NADW est plus chaud que l’AABW et, comme si vous chauffez un liquide, il se dilate, le NADW prendra plus de place. Toute augmentation de l’eau souterraine pourrait donc entraîner une élévation du niveau de la mer. Les modèles informatiques de Dan Seidov (en poste aujourd’hui à la National Oceanic and Atmospheric Administration) et de moi-même avons suggéré qu’un tel scénario entraînerait une augmentation moyenne du niveau de la mer de plus d’un mètre. Cela fait plus de 30 ans que l’éventualité d’un arrêt brutal et catastrophique de la circulation océanique profonde a été suggérée, et d’énormes travaux ont été réalisés à ce sujet. Le monitoring de la situation a montré que le Gulf Stream s’est affaibli de 15 % depuis le milieu du siècle dernier. Les données recueillies dans le cadre de cette surveillance des océans et les prévisions des modèles climatiques figurant dans le tout dernier rapport du GIEC suggèrent qu’un arrêt brutal du Gulf Stream est hautement improbable au xxie siècle. Les modèles montrent toutefois un affaiblissement significatif du renversement de l’Atlantique nord au cours de ce siècle, en particulier dans les scénarios à fortes émissions, et le problème est que nous ne savons pas où pourrait se situer le point de basculement conduisant à de sérieuses perturbations de la circulation océanique profonde. LES HYDRATES GAZEUX

Sous les océans et le permafrost de la planète se trouve stockée une grande quantité de carbone sous forme de CH4. Ce gaz est piégé dans une cage solide de molécules d’eau à basse température et/ ou à haute pression. Le CH4 provient de la matière organique en décomposition que l’on trouve dans les sédiments océaniques et  127 

  Le changement climatique  

dans les sols sous le pergélisol (cf. figure 32). Ces réservoirs d’hydrates de gaz pourraient être instables, car une augmentation de la température ou une diminution de la pression les déstabiliserait et libérerait le CH4 piégé. Le changement climatique réchauffe à la fois les océans et le pergélisol, menaçant la stabilité des hydrates de gaz. Le CH4 est un puissant GES, vingt-et-une fois plus puissant que le CO2 (cf. tableau 1). Si une quantité suffisante était libérée, cela augmenterait les températures mondiales, ce qui pourrait entraîner la libération d’encore plus d’hydrates de gaz – produisant un effet d’emballement. Les scientifiques n’ont vraiment aucune idée de la quantité réelle de CH4 stockée dans les hydrates de gaz sous nos pieds : les estimations se situent entre 1 000 et 10 000 Gt (contre ~800 GtC actuellement dans l’atmosphère), ce qui représente une fourchette énorme. Sans une estimation plus précise, il est très difficile d’évaluer le risque posé par les hydrates de gaz. Si les scientifiques sont si préoccupés par cette question, c’est parce qu’il existe des preuves qu’un effet de super-serre s’est produit il y a 55 millions d’années, pendant ce qu’on appelle le maximum thermique du Paléocène-Éocène (PETM). Au cours de ce phénomène de serre chaude, les scientifiques pensent que jusqu’à 1 500 Gt d’hydrates de gaz ont pu être libérés. Cette énorme injection de CH4 dans l’atmosphère a accéléré l’effet de serre naturel, produisant un réchauffement supplémentaire de 5 °C. Cependant, le PETM fait encore l’objet de nombreux débats. Par exemple, la principale cause du réchauffement était-elle la libération de CH4 par les hydrates de gaz ou la libération de CO2 par une phase de volcanisme massif survenue à peu près au même moment ? Le consensus actuel est que les réserves océaniques d’hydrates de gaz devraient rester stables au cours de ce siècle. Les hydrates de gaz forment une couche solide au fond de l’océan. La profondeur de cette couche est contrôlée par le gradient de chaleur géothermique – plus on s’enfonce dans les sédiments, plus la température augmente  128 

 Quand le climat nous surprend  

Pression 5 °C

20 °C

Niveau de la mer 200 m

Pression relâchée

1 000 m Température

Glissement de sédiments

Hydrates de gaz

a rm the éo t g km ien 0 °C/ ~3

ad

Gr

Gaz à l’état libre Gaz Méthanogenèse

l

Fig. 32    Hydrates de gaz dans un environnement marin.

 129 

  Le changement climatique  

d’environ 30 °C/km. À une certaine profondeur, il fait trop chaud pour que les hydrates de gaz existent et le CH4 s’y accumule sous forme de gaz libre dans les sédiments. Lorsque la température de l’océan change, le changement de température doit être transmis à travers la couche solide d’hydrates de gaz jusqu’à la limite inférieure pour qu’une partie de celle-ci fonde. Si ce processus est suffisamment lent, le gaz libéré migre vers le haut de la colonne de sédiments océaniques et regèle à un niveau plus élevé. Toutefois, si les émissions de carbone ne sont pas freinées, ce processus pourrait s’accélérer d’ici le siècle prochain, entraînant la libération d’une partie du CH4 stocké dans les profondeurs de l’océan. Il est clair que l’hydrate de gaz situé sous ce qui était autrefois le pergélisol est déjà en train de fondre, des bulles ayant été observées dans de nombreux lacs canadiens et sibériens. Avec la température d’amplification de l’Arctique, les hausses seront presque deux fois supérieures à la moyenne mondiale dans les régions polaires septentrionales, ce qui accélérera la fonte des hydrates de gaz. Mais nous n’avons toujours pas d’indication sur la quantité de CH4 stockée sous les régions de permafrost du monde. Pour le moment, notre meilleure estimation suggère donc qu’un réchauffement global de 3 °C pourrait libérer entre 35 et 940 GtC, ce qui pourrait ajouter entre 0,02 et 0,5 °C aux températures mondiales. LE DÉPÉRISSEMENT DE L’AMAZONE

En 1542, Francisco de Orellana a mené le premier voyage européen sur le fleuve Amazone. Au cours de ce voyage intrépide, l’expédition a rencontré beaucoup de résistance de la part des Indiens locaux ; dans une tribu en particulier, les femmes guerrières poussaient les guerriers masculins devant elles avec des lances. C’est ainsi que la rivière a été baptisée du nom des célèbres femmes guerrières des mythes grecs, les Amazones. Cela fait de Francisco de Orellana l’un des explorateurs  130 

 Quand le climat nous surprend  

les plus malchanceux de cette époque, car normalement le fleuve aurait dû porter son nom. Le fleuve Amazone déverse environ 20 % de toute l’eau douce transportée vers les océans. Le bassin versant de l’Amazone est le plus grand du monde, couvrant une superficie de 7 050 000 km2, soit environ la taille de l’Europe. Le fleuve est un produit de la mousson amazonienne, qui apporte chaque été des pluies énormes. Cette mousson est également à l’origine de la spectaculaire étendue de forêt tropicale, qui abrite la plus grande diversité et le plus grand nombre d’espèces de toutes les régions du monde. La forêt tropicale amazonienne est importante pour le changement climatique, car elle constitue une énorme réserve naturelle de carbone. À l’origine, on pensait que les forêts pluviales établies, telles que l’Amazonie, avaient atteint leur maturité. Des études détaillées de toutes les forêts tropicales du monde ont été réalisées au cours des quatre dernières décennies montrant que cela est faux. Dans les années 1990, les forêts tropicales intactes, c’est-à-dire non affectées par l’exploitation forestière ou les incendies, ont retiré de l’atmo­ sphère environ 46 milliards de tonnes de CO2. Le hic, c’est que cette élimination a diminué pour atteindre environ 25 milliards de tonnes dans les années 2010. La capacité de puits perdue est de 21 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent d’une décennie d’émissions de combustibles fossiles du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France et du Canada réunis. Toutes ces données sont compilées par le réseau d’observation des forêts tropicales africaines et le réseau d’inventaire des forêts tropicales amazoniennes. Plus de 300 000 arbres sont suivis, avec plus d’un million de mesures de diamètre dans dix-sept pays, et les données sont normalisées et gérées par l’université de Leeds (voir ForestPlots.NET) L’inquiétude concernant un éventuel dépérissement de la forêt amazonienne est née d’un article fondateur publié en 2000 par des collègues du Hadley Centre de l’Office météorologique britannique. Leur modèle climatique a été le premier à inclure une rétroaction  131 

  Le changement climatique  

végétation-climat et suggère que le réchauffement de la planète d’ici 2050 pourrait augmenter la saison sèche hivernale en Amazonie. Pour que la forêt amazonienne survive, elle a besoin non seulement d’une grande quantité de pluie pendant la saison humide, mais aussi d’une saison sèche relativement courte pour ne pas se dessécher. Selon le modèle du Hadley Centre, le changement climatique pourrait faire évoluer le climat mondial vers un état plus proche d’El Niño, avec une saison sèche sud-américaine beaucoup plus longue. Kim Stanley Robinson, dans son roman Forty Signs of Rain utilise le terme « Hyperniño » pour désigner ce nouvel état climatique. La forêt tropicale amazonienne ne pourrait pas survivre à cette saison sèche plus longue et serait remplacée par la savane (prairie sèche), que l’on trouve aujourd’hui à l’est et au sud du bassin amazonien. Ce remplacement se produirait parce que les périodes sèches prolongées entraîneraient des incendies de forêt qui détruiraient de grandes parties de la forêt tropicale. C’est exactement ce qui a été observé lors des deux sécheresses extrêmes de l’Amazonie en 2005 et 2010. Les feux de forêt renvoient également dans l’atmosphère le carbone stocké dans la forêt tropicale, ce qui accélère le changement climatique. La savane prendrait alors le dessus sur les zones brûlées puisqu’elle s’est adaptée pour faire face à la longue saison sèche, mais la savane a un potentiel de stockage du carbone au kilomètre carré bien plus faible que la forêt tropicale. La modélisation de la réponse de la forêt amazonienne au changement climatique est compliquée car il existe des rétroactions positives et négatives. Par exemple, des niveaux plus élevés de CO 2 atmosphérique ont un effet de « fertilisation » sur les plantes et les arbres, stimulant la photosynthèse et favorisant la croissance. Ils rendent également les plantes plus économes en eau et donc plus tolérantes à la sécheresse, ce qui compense certains des effets de l’allongement prévu de la saison sèche. D’autres modèles climatiques n’ont pas constaté un dépérissement aussi profond, et l’examen actuel du  132 

 Quand le climat nous surprend  

GIEC suggère qu’un dépérissement durable de la forêt amazonienne est peu probable au cours de ce siècle – si la forêt amazonienne reste intacte. C’est cette dernière partie qui pose le plus problème, car, sous la direction du président brésilien Jair Bolsonaro, les taux de déforestation sont en hausse et s’accompagnent d’une augmentation significative des incendies de forêt, dont beaucoup se produisent dans des zones qui n’en connaissent pas habituellement, ce qui indique que beaucoup sont déclenchés délibérément. La déforestation et la fragmentation de l’Amazonie et d’autres forêts tropicales du monde entier les rendent plus vulnérables au changement climatique et rendent donc plus probable un dépérissement catastrophique. Le changement climatique induit par l’homme a déjà affecté notre planète et pourrait avoir un impact encore plus radical au cours des 80 prochaines années. En outre, les scientifiques s’inquiètent constamment des surprises potentielles du système climatique mondial qui pourraient exacerber le changement climatique futur. Comme nous l’avons vu plus haut, ces surprises comprennent la possibilité que le Groenland et/ou l’Antarctique se réchauffent. Le Groenland et/ou l’Antarctique pourraient commencer à fondre de manière irréversible, ce qui ferait monter le niveau de la mer de plusieurs mètres au cours du siècle prochain. La circulation des eaux profondes de l’Atlantique nord pourrait changer, entraînant des conditions météorologiques saisonnières extrêmes en Europe. La forêt amazonienne pourrait commencer à dépérir en raison des effets combinés de la déforestation et du changement climatique, entraînant la perte d’une grande partie de la biodiversité et une augmentation des émissions de carbone dans l’atmosphère, ce qui accentuerait le réchauffement de la planète. Enfin, il existe une menace de libération de CH4 supplémentaire à partir des hydrates de gaz situés sous les océans et le pergélisol, ce qui pourrait accélérer le changement climatique. L’un des moyens de s’assurer que nous évitons les pires effets du changement climatique et que nous réduisons considérablement la probabilité d’une surprise climatique  133 

  Le changement climatique  

est de faire en sorte que le changement climatique soit aussi faible que possible. L’aspiration de nos dirigeants mondiaux est d’essayer de limiter le changement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Dans le chapitre 7, nous examinerons comment ils sont arrivés à cette décision et comment ils espèrent y parvenir.

 134 

7 La politique et le changement climatique INTRODUCTION

L’approche la plus logique du problème du changement climatique consisterait à réduire considérablement nos émissions de GES. Lors de la conférence de Paris sur le climat en 2015, les dirigeants mondiaux ont convenu que l’augmentation de la température mondiale devait être maintenue en dessous de 2 °C, avec un objectif ambitieux de +1,5 °C. Malgré cet accord, les émissions mondiales de carbone ont continué à augmenter chaque année. La seule exception a été l’année 2020, avec le confinement mondial provoqué par la pandémie de Covid-19 qui a fait chuter les émissions d’environ 7 %. L’arrêt de la quasi-totalité des voyages en avion et en voiture dans le monde n’a eu qu’un faible impact sur notre pollution totale par les GES. En fait, les émissions mondiales de carbone pour 2020 avec une pandémie mondiale étaient les mêmes qu’en 2006. Cela s’explique par le fait que la production d’énergie n’a que très peu changé pendant la pandémie ; mais les entreprises et la société civile du monde entier ont demandé que la reprise post-pandémie soit faible en carbone. LES NÉGOCIATIONS AUTOUR DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

La CCNUCC a été créée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 afin de négocier un accord mondial pour réduire les GES et limiter l’impact du changement climatique. La CCNUCC est officiellement entrée en vigueur le 21 mars 1994. En mars 2014, elle comptait 196 signataires.  135 

  Le changement climatique  

Un certain nombre de principes sont inscrits dans la CCNUCC, notamment l’accord par consensus de toutes les parties et les responsabilités différenciées. Ce dernier principe s’explique par le fait que la CCNUCC reconnaît que les différents pays ont émis des quantités différentes de GES et qu’ils doivent donc faire des efforts plus ou moins importants pour réduire leurs émissions (cf. figure 33). Par exemple, aux États-Unis, chaque personne émet en moyenne dix fois plus de CO2 qu’une personne en Inde. Pour représenter officiellement cette situation lors des négociations, deux groupes différents de signataires ont été reconnus : Les pays de l’Annexe I, qui comprennent tous les pays développés, et les pays hors Annexe I, qui comprennent les pays moins développés et les pays en développement rapide. L’Annexe I a été divisée par la suite lorsque certains pays ont fait valoir que leur économie était en transition. Par conséquent, les pays les plus riches ont été placés dans une catégorie supplémentaire, l’Annexe II. La CCNUCC tient au principe de contraction et de convergence : l’idée est que chaque pays doit réduire ses émissions et que tous les pays doivent converger vers des émissions nettes nulles. L’objectif de zéro émission nette a émergé de l’important rapport du GIEC sur le réchauffement climatique de +1,5 °C publié en 2018, qui a clairement montré que pour ne pas dépasser +1,5 °C, il fallait des émissions de carbone nulles d’ici à 2050 environ, puis des émissions de carbone négatives pour le reste du siècle. KYOTO 1997

Depuis la création de la CCNUCC, les nations du monde, appelées ici « les parties », se réunissent chaque année lors de la conférence des parties (COP) pour faire avancer les négociations. Cinq ans seulement après la création de la CCNUCC, lors de la COP3 du 13 décembre 1997, le premier accord international, le protocole de Kyoto, a été élaboré et adopté. Celui-ci énonce les principes généraux d’un traité mondial sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et, plus  136 

0

1

2

3 4 5 Population concernée (en milliards d’individus)

éens europ OCDE l’ e d s s pay -Uni Autre ne Royaume Espag Italieie ance Ukraine r Turqu F Irak Mexique ient n-Or nde Moye Valeur moyenne 4,37 Thaïla ésie Brésil Indon Inde

ite saoud nde Arabie -Zéla uvelle nistan da o a N n t a C alie e & Turkmé Austr États- azakhstan K Unis d du Su Corée an ïw a T Russie Japon agne Allem gne Polo e australe Afriqu Iran Chine

lfe du Go Pays n-Orient) e y (Mo

6

Reste de l’Asie

Fig. 33    Les émissions de dioxyde de carbone per capita, par pays et par population.

0

5

10

15

Émissions de C02 per capita (en t/an)

20,7 20

7

7,52

Reste de l’Afrique

  La politique et le changement climatique  

 137 

  Le changement climatique  

précisément, stipule que toutes les nations développées s’efforceront de réduire leurs émissions de 5,2 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2008-2012. Le protocole de Kyoto a été ratifié et signé à Bonn, le 23 juillet 2001, ce qui en fait un traité légal. Les États-Unis, sous la direction du président Bush, se sont retirés des négociations sur le climat en mars 2001 et n’ont donc pas signé le protocole de Kyoto à la réunion de Bonn. Les États-Unis produisant environ un quart de la pollution mondiale par le CO2, ce fut un coup dur pour le traité. En outre, les objectifs fixés par le protocole de Kyoto ont été réduits au cours de la réunion de Bonn pour s’assurer que le Japon, le Canada et l’Australie y adhéreraient. L’Australie a finalement rendu le protocole de Kyoto juridiquement contraignant en décembre 2007. Le traité n’incluait pas les pays en développement. Il s’agissait de compenser l’héritage historique des émissions des pays développés. Il était alors supposé que les pays en développement rejoindraient l’accord post-2012. Le protocole de Kyoto est entré en vigueur le 16 février 2005, après que la Russie a ratifié le traité, remplissant ainsi l’exigence selon laquelle au moins cinquante-cinq pays, représentant plus de 55 % des émissions mondiales, devaient avoir signé. COPENHAGUE 2009

Les attentes de la COP15 (à Copenhague) en 2009 étaient considérables, ayant lieu un an après le crash financier mondial. De nouveaux engagements quantitatifs étaient attendus afin de garantir un accord pour l’après-2012 permettant de mettre fin au protocole de Kyoto sans heurts. Barack Obama venait d’être élu président des États-Unis. L’UE avait préparé une réduction inconditionnelle de 20 % des émissions d’ici à 2020 sur la base de 1990 et un objectif conditionnel passant à 30 % si d’autres pays développés adoptaient des objectifs contraignants. La plupart des autres pays développés avaient quelque chose à offrir.  138 

  La politique et le changement climatique  

La Norvège était prête à réduire ses émissions de 40 % et le Japon de 25 % par rapport au niveau de référence de 1990. Même les États-Unis ont proposé une réduction de 17 % sur la base de 2005, ce qui équivaut à une baisse de 4 % sur la base de 1990. Mais la conférence de Copenhague s’est soldée par un échec cuisant. Tout d’abord, le gouvernement danois a complètement sous-estimé l’intérêt de la conférence et a fourni un lieu de réunion bien trop petit. Ainsi, lors de la deuxième semaine, lorsque tous les ministres des pays les plus influents et leur soutien sont arrivés, il n’y avait pas assez de place, ce qui signifie que de nombreuses ONG se sont vu refuser l’accès aux négociations. Deuxièmement, il était clair que les négociateurs n’étaient pas prêts pour l’arrivée des ministres et qu’il n’y avait pas d’accord. Cela a conduit à la fuite du « texte danois », sous-titré « l’Accord de Copenhague », et des mesures proposées pour limiter la hausse de la température mondiale moyenne à +2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Cette fuite a déclenché une polémique entre les pays développés et les pays en développement, car il s’agissait d’un tout nouveau texte qui venait d’apparaître au milieu de la conférence. Les pays en développement ont accusé les pays développés de travailler à huis clos et de conclure un accord qui leur convenait sans demander l’accord des pays en développement. Lumumba Stanislaus Di-Aping, président du G77, a déclaré : « C’est un texte incroyablement déséquilibré destiné à renverser, absolument et complètement, deux années de négociations. Il ne reconnaît pas les propositions et la voix des pays en développement ». Le coup de grâce pour obtenir un accord sur des objectifs contraignants est venu des États-Unis. Barack Obama est arrivé deux jours seulement avant la fin de la conférence ; il a convoqué une réunion entre les États-Unis et les pays du groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), à l’exclusion des autres nations des Nations unies, et il a créé l’Accord de Copenhague. L’Accord de Copenhague a reconnu les arguments scientifiques en faveur d’une augmentation de la t­ empérature inférieure à 2 °C, mais il ne contenait pas de base de référence pour cet objectif, ni les engagements de réduction des  139 

  Le changement climatique  

émissions qui seraient nécessaires pour atteindre cet objectif. Les propositions antérieures qui auraient visé à limiter la hausse des températures à +1,5 °C et à réduire les émissions de CO2 de 80 % d’ici à 2050 ont été abandonnées. L’accord conclu était non contraignant et les pays avaient jusqu’à janvier 2010 pour fournir leurs propres objectifs sur la base d’un volontariat. Il a également été précisé que tout pays qui signait l’Accord de Copenhague se retirait également du protocole de Kyoto. Les États-Unis ont donc pu s’éloigner des objectifs contraignants du protocole de Kyoto, qui auraient dû être appliqués jusqu’en 2012, et ont encouragé une approche d’engagement volontaire faible. La délégation bolivienne a résumé la manière dont l’Accord de Copenhague a été conclu : « Anti-démocratique, anti-transparent et inacceptable. » Le statut juridique de l’Accord de Copenhague n’était pas clair non plus, puisqu’il n’a été que « noté » par les parties, et non approuvé, puisque seuls 122 pays, puis 139, l’ont accepté. La confiance dans les négociations de la CCNUCC a pris un autre coup lorsqu’en janvier 2014, il a été révélé que les négociateurs du gouvernement américain disposaient d’informations pendant la conférence, obtenues en écoutant les réunions des autres délégations de la conférence. Les documents divulgués par Edward Snowden ont montré comment l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) avait surveillé les communications entre les pays avant et pendant la conférence. Les documents divulgués montrent que la NSA a fourni aux délégués américains des informations préalables sur le plan danois visant à « sauver » les négociations en cas d’échec, ainsi que sur les efforts déployés par la Chine avant la conférence pour coordonner sa position avec celle de l’Inde. PARIS 2015

L’échec de la COP15 à Copenhague et ses engagements « volontaires » ont jeté une ombre tenace sur les réunions successives de la COP, notamment suite aux révélation par Wikileaks que le financement de l’aide américaine à la Bolivie et à l’Équateur a été réduit en raison  140 

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de leur opposition à l’Accord de Copenhague. Il a fallu plus de cinq ans pour que les négociations se remettent de la pagaille créée par Barack Obama et les négociateurs américains. Lors de la COP16 à Cancun et de la COP17 à Durban, les négociations de la CCNUCC ont été lentement remises sur les rails dans le but d’obtenir des objectifs juridiquement contraignants. Des progrès significatifs ont été réalisés dans le cadre du programme REDD+ (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, y compris les sauvegardes pour les populations locales), dont il est question plus loin dans ce chapitre. C’est toutefois lors de la COP18 à Doha en décembre 2012 qu’une deuxième période d’engagement débutant le 1er janvier 2013 a été convenue, qui devait durer huit ans. Cela a permis de garantir que tous les mécanismes de Kyoto et les règles comptables restent intacts pour cette période et que les parties puissent revoir leurs engagements en vue de les augmenter. Tout cela a jeté les bases d’un futur accord mondial sur le climat, qui a été conclu lors de la COP21 à Paris en 2015 (cf. figure 34).

1 000 millions de tonnes de CO2/an

Émissions, valeurs du passé 150

Absence de politique climatique 4,1-5,4 °C

Projections 100

Politiques en vigueur 3,1-3,7 °C Engagements politiques 2,6-3,2 °C

50

0

Émissions historiques 2000

Voies vers + 2 °C Voies vers + 1,5 °C

2020

2040 2060 Année

2080

2100

Fig. 34    Réchauffement potentiel de la Terre, basé sur divers niveaux d’émission.

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  Le changement climatique  

Les négociations sur le climat à Paris en 2015 ont été un énorme succès, principalement parce que les hôtes français ont compris le grand jeu de la négociation internationale et ont utilisé toutes les ficelles du métier pour amener les pays à travailler ensemble afin de parvenir à un accord signé par tous. Cet accord stipule que les parties sont tenues de maintenir les températures « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels ». La conférence de Paris a été une partie de poker géopolitique à fort enjeu. Étonnamment, les pays les moins puissants ont fait beaucoup mieux que prévu. Les négociations sur le climat ont fait l’objet d’une série de changements d’alliances allant au-delà des habituels pays du Nord riches en revenus et des pays du Sud pauvres en revenus. La diplomatie américano-chinoise a joué un rôle central, les deux pays ayant accepté de limiter leurs émissions. Ensuite, un nouveau groupement de pays, le Forum des pays vulnérables au changement climatique, a fait de l’objectif de 1,5 °C une priorité politique, à tel point qu’il est mentionné dans les objectifs-clés de l’accord. Le soutien politique de l’Accord de Paris a permis au GIEC de rédiger le rapport fondamental sur le réchauffement climatique à 1,5 °C, qui a été publié en 2018. Ce rapport a documenté l’augmentation significative de l’impact entre un monde à 1,5 °C et un monde à 2,0 °C. Il a également documenté la manière dont un monde à +1,5 °C pourrait être atteint – ce qui, comme indiqué ci-dessus, nécessite des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, puis que le carbone soit retiré de l’atmosphère pour le reste du siècle (cf. figure 35). Plus vite le monde atteindra le zéro carbone net, moins il faudra extraire de carbone de l’atmosphère entre 2050 et 2100. L’Accord de Paris n’était que le début du processus. En tenant compte de toutes les promesses des pays et en supposant qu’elles seront tenues, le monde se réchaufferait encore d’environ 3 °C (cf. figure 34). En 2017, l’Accord de Paris a connu un revers majeur. Le président Donald Trump a déclaré qu’il retirait les États-Unis de l’accord, ­estimant  142 

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1 000 million de tonne de CO2/an

50 40 30

Carburants fossiles, industrie et utilisation des terres

20 10

Carburants fossiles et industrie

0

P1 P2 P3

– 10 – 20 – 30 1900

Émissions négatives 1950

2000 Année

2050

P4 2100

Fig. 35    Comment atteindre un monde « 1.5°C » ?

qu’il était injuste et biaisé envers les pays en développement. Conformément à l’article 28 de l’Accord de Paris, un pays ne peut pas notifier son retrait de l’accord avant trois ans de sa date de début dans le pays concerné. Ainsi, la date de retrait effectif la plus proche possible par les États-Unis était le 4 novembre 2020, un jour après l’élection présidentielle américaine de 2020. L’une des premières actions du président Joe Biden, nouvellement élu, a été de réengager les États-Unis dans l’Accord de Paris. Le nouveau président doit faire face à des défis supplémentaires car, au cours des quatre années de la présidence Trump, près d’une centaine de règles et règlements environnementaux ont été annulés ou sont en passe de l’être. Il s’agit notamment de l’abrogation des normes d’efficacité énergétique et d’émission des véhicules de l’administration Obama, de la réduction des normes d’émission des centrales électriques au charbon et de l’affaiblissement de la réglementation sur l’éclairage, ce qui signifie que des ampoules moins efficaces pourront encore être achetées après 2020. Le président Trump a approuvé deux oléoducs controversés (Keystone XL et Dakota Access), a autorisé le forage dans presque  143 

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toutes les eaux territoriales américaines, a ouvert le Refuge national de faune de l’Arctique au forage, créant une énorme expansion de l’exploration pétrolière et gazière. En 2021, le président Biden a annulé tous ces décrets, a réengagé les États-Unis dans l’Accord de Paris, a investi massivement dans les technologies et les infrastructures à faible émission de carbone et s’est engagé à réduire les émissions de carbone des États-Unis de 50 % d’ici 2030 et à atteindre un taux net de carbone nul d’ici 2050. GLASGOW 2021

En 2021, le Royaume-Uni et l’Italie ont co-organisé la COP26 à Glasgow, après un an de retard dû à la pandémie de COVID-19. Il s’agissait du premier bilan mondial après l’Accord de Paris (2015), où les pays soumettaient leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) ou leurs engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les CND soumises montrent que plus de 90 % du PIB mondial est désormais soumis à des objectifs de réduction nette zéro des émissions. Si toutes les NDC sont respectées, l’augmentation de la température mondiale pourrait être maintenue entre 2,4 et 2,7 °C. Ce chiffre est loin de l’objectif de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris, qui a été réaffirmé dans le Pacte de Glasgow pour le Climat signé par les 197 pays. Les pays ont donc été invités à soumettre de nouveaux CDN, plus ambitieux, pour la COP27 en Égypte, rompant ainsi le cycle de cinq ans de l’Accord de Paris et ouvrant la voie à un renouvellement annuel des engagements. Le pacte appelle également à l’abandon progressif du charbon et à la suppression des subventions inefficaces accordées aux combustibles fossiles – c’est la première fois que les combustibles fossiles sont mentionnés dans un traité international sur le climat. La COP26 a réussi à finaliser l’article 6 – les règles et règlementations régissant la surveillance et l’échange des émissions et des puits de carbone entre les pays et d’autres organisations. Cependant, la COP26 n’a pas réussi à trouver un accord sur les « pertes et dommages », et  144 

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les 100 milliards de dollars promis par les pays développés aux pays en développement pour aider à une décarbonisation rapide ne se sont finalement pas concrétisés. La Chine et les États-Unis ont toutefois annoncé une collaboration bilatérale sur le climat visant à réduire considérablement leurs émissions au cours de cette décennie. LE PROCESSUS DE LA CCNUCC PRÉSENTE-T-IL DES FAILLES ?

Diverses failles ont été mises en évidence dans l’approche de la CCNUCC. Voici quelques-unes des principales : Ne va pas assez loin. Le premier défaut perçu dans la procédure de la CCNUCC est que, malgré 25 ans de négociations, elle n’a pas réussi à aboutir à un accord durable. Comme mentionné plus haut, l’actuel Accord de Paris, si toutes les promesses sont respectées, entraîne toujours un réchauffement climatique d’au moins 3 °C (cf. figure 34) et les impacts associés décrits dans le tableau 4. Pas de mise en œuvre contraignante. Le problème fondamental des accords et des traités internationaux est qu’il n’y a pas de réels moyens d’application. C’est l’un des arguments que les États-Unis ont utilisé lorsqu’ils ont proposé l’Accord de Copenhague, suggérant que même les objectifs contraignants doivent en fait être volontaires, les pays décidant de s’y conformer ou non. C’est pourquoi des politiques et des lois sont nécessaires au niveau régional, comme dans l’UE, et au niveau national, comme au Royaume-Uni avec sa loi votée sur le changement climatique. La seule façon de traduire les traités internationaux dans la réalité est de passer par des lois régionales et nationales. Cette gouvernance à plusieurs niveaux est également nécessaire pour mettre fin à la manipulation de certains systèmes. Du colonialisme vert. De nombreux spécialistes des sciences sociales et politiques ont émis des doutes philosophiques et éthiques sur les négociations climatiques dans leur ensemble. La principale  145 

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p­ réoccupation est qu’elles reflètent une forme de colonialisme, puisque les pays riches développés sont considérés comme dictant aux pays plus pauvres comment et quand ils doivent se développer. Pendant de nombreuses années, des pays comme l’Inde et la Chine ont résisté aux appels à réduire leurs émissions, affirmant que cela nuirait à leur développement et à leurs tentatives de lutte contre la pauvreté. D’autres ont soutenu des mesures telles que le mécanisme de développement propre (MDP), qui permet aux pays développés de payer les réductions d’émissions dans un pays en développement afin qu’elles soient comptabilisées dans leur objectif national de réduction. Ils fournissent également un dividende de développement, en transférant l’argent des pays riches vers les pays plus pauvres. Mais 80 % des crédits de projets MDP ont été attribués à la Chine, au Brésil, à l’Inde et à la Corée, les pays en développement les plus riches, de sorte que les fonds n’ont pas atteint les plus pauvres du monde. De même, 60 % des crédits carbone du MDP ont été achetés par le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ce qui donne lieu à un échange financier très faussé. Approche nationale versus approche sectorielle. L’approche de la CCNUCC présente un autre problème, qui est ancré dans le concept de l’État-nation et constitue un problème majeur dans un monde capitaliste global avec un commerce supposé libre. Par exemple, si les États-Unis, par le biais de l’Accord de Paris, veulent réduire les émissions de carbone de l’industrie lourde, ils peuvent imposer une taxe sur le carbone à la production d’acier et de béton. Si d’autres pays du monde n’appliquent pas cette restriction, leurs produits deviennent moins chers, même en incluant le coût du transport par bateau, par avion ou par route jusqu’aux États-Unis, ce qui entraînerait globalement l’émission de davantage de CO2. L’économie mondiale peut donc saper toute tentative nationale de faire ce qu’il faut et de réduire ses émissions. Une autre approche consisterait à conclure des accords mondiaux au niveau sectoriel. Par exemple, il pourrait  146 

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y avoir un accord mondial sur la quantité de carbone pouvant être émise par tonne d’acier ou de béton produite. Tous les pays pourraient alors se mettre d’accord pour n’acheter que de l’acier ou du béton produit de cette manière à faible émission, ce qui rendrait le système d’échange plus équitable, les pays n’étant pas perdants en raison des changements apportés à leurs industries pour réduire les émissions de GES. Le problème est, bien sûr, de savoir comment gérer un tel système dans un si grand nombre de secteurs industriels différents. LE COMMERCE PAR QUOTA D’ÉCHANGE DU CARBONE

De nombreux politiques ont préconisé l’utilisation de systèmes d’échange de carbone régionaux ou mondiaux. Le système d’échange de droits d’émission de carbone le plus efficace est le système de plafonnement et d’échange, dans lequel les responsables politiques fixent un plafond, c’est-à-dire un total maximum de pollution autorisé, et un système d’échange est ensuite mis en place pour que les différentes industries puissent échanger des crédits. Il est admis que les différentes industries peuvent se dépolluer à des rythmes et des coûts différents, et ce système d’échange permet de trouver l’approche la plus rentable. Ce type de système a permis aux États-Unis de réduire la pollution atmosphérique en échangeant les émissions de dioxyde de soufre SO2 et de N2O. La loi américaine sur la pureté de l’air de 1990 exigeait que les compagnies d’électricité réduisent leurs émissions de ces polluants de 8,5 millions de tonnes par rapport aux niveaux de 1980. Les estimations initiales de 1989 suggéraient que cela coûterait 7,4 milliards de dollars ; un rapport publié en 1998 sur la base des données de conformité réelles indiquait que le coût était inférieur à 1 milliard de dollars. Actuellement, plus de 13 % des émissions mondiales de carbone sont couvertes par des systèmes nationaux ou régionaux d’échange de droits d’émission de carbone. Il s’agit notamment de systèmes  147 

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mis en place aux États-Unis, au Canada, en Chine, en Corée du Sud, au Japon, au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud et dans l’UE. Le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (ETS/SCEQE) est le plus important et le plus ancien des systèmes d’échange de quotas d’émission. Il couvre plus de 11 000 installations ayant une consommation d’énergie nette de 20 mégawatts, et comprend la production d’électricité, la production de métaux ferreux, la production de ciment, les raffineries, la fabrication de pâte à papier, de papier et de verre. Le SCEQE couvre trente et un pays, soit les vingt-huit États membres de l’UE, plus l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. Le SCEQE couvre la moitié des émissions de CO2 de l’UE et 40 % de ses émissions totales de GES. Selon le principe du « plafonnement et de l’échange », un plafond est fixé pour la quantité totale de GES pouvant être émise par les installations de chaque pays. Les quotas d’émission sont ensuite mis aux enchères ou attribués gratuitement, et peuvent ensuite être échangés. Les installations doivent surveiller et déclarer leurs émissions de CO2, et s’assurer qu’elles remettent aux autorités suffisamment de quotas pour couvrir leurs émissions. Si les émissions dépassent ce qui est autorisé par ses quotas, une installation doit acheter des quotas à d’autres. À l’inverse, si une installation a bien réussi à réduire ses émissions, elle peut vendre ses crédits restants. Cela permet au système de trouver les moyens les plus rentables de réduire les émissions sans intervention significative du gouvernement. Le SCEQE a été organisé en quatre phases, 2005-2007, 2008-2012, 2013-2020 et 2021-2030. À chaque phase, le nombre total de crédits disponibles a été réduit et le nombre de secteurs et d’industries inclus a été augmenté ; cette approche à cliquet a été utilisée pour faire baisser les émissions aussi rapidement que possible. En 2020, on estimait que le SCEQE avait réduit les émissions de CO2 de plus d’un milliard de tonnes entre 2008 et 2016, soit 3,8 % des émissions totales de l’UE. Le SCEQE a toutefois été critiqué car les plafonds d’émissions n’ont pas été assez stricts, ce qui a conduit à un prix du carbone très bas.  148 

  La politique et le changement climatique  

Au Royaume-Uni, l’ajout d’un «prix plancher du carbone», ou d’un prix minimum du carbone fixé par le Gouvernement, a été essentiel pour éliminer le charbon du futur mix énergétique. REDD+

L’idée de développer un instrument pour lutter contre déforestation dans le cadre des négociations sur le changement climatique a été suggérée pour la première fois lors de la COP11 (2005) à Montréal et a été désignée sous le nom de RED (réduction des émissions dues à la déforestation). Le programme REDD (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts) des Nations unies a été approuvé en principe lors de la COP13 (2007) à Bali. Ce programme a ensuite été affiné sous le nom de REDD+, le « + » représentant les mesures de protection des populations locales et les mesures de protection de l’écosystème local et de la biodiversité. Le mécanisme REDD+ (ou « REDD-plus ») est perçu comme une solution gagnant-gagnant qui permet de protéger les forêts et les écosystèmes, de promouvoir le reboisement, de protéger les habitants des forêts et de les indemniser pour les pertes de revenus liées à l’exploitation de leurs terres forestières. Chaque projet REDD+ doit être soumis à une vérification pour s’assurer qu’il fournit effectivement des résultats gagnant-gagnant avant de pouvoir être mis en place et être financé. Lors de la COP19 en 2013, le mécanisme REDD a été approfondi et le « cadre de Varsovie pour le mécanisme REDD-plus » a été adopté, notamment en ce qui concerne le suivi, la mesure, la notification et la vérification des changements forestiers et des crédits. Les dernières décisions en suspens concernant le mécanisme REDD+ ont été prises lors de la COP21 à Paris en 2015, notamment la manière de rendre compte des mesures de sauvegarde utilisant des approches non c­ ommerciales et la manière de comptabiliser les avantages non liés au carbone. Ainsi, en 2015, le règlement de la CCNUCC sur le mécanisme REDD+ était  149 

  Le changement climatique  

achevé. Tous les pays ont été encouragés à mettre en œuvre et à soutenir le mécanisme REDD+, qui figure à l’article 5 de l’Accord de Paris. Cet article faisait partie de l’article plus large qui spécifiait que tous les pays devaient prendre des mesures pour protéger et améliorer leurs puits et leurs réserves de GES, comme les forêts. En 2009, en raison de l’intransigeance des États-Unis et de l’impact de la crise financière mondiale, les négociations de Copenhague sur le climat n’ont pas permis de trouver une suite valable au protocole de Kyoto. Il a fallu six ans pour remettre les négociations sur le climat sur les rails, avec le succès de la COP21 et la signature de l’Accord de Paris. En 2020, la COP26 à Glasgow a été retardée par la pandémie de Covid-19, mais contrairement au krach financier mondial, la pandémie mondiale n’a pas fait dérailler la négociation climatique. Au contraire, partout dans le monde, de plus en plus d’entreprises, d’organisations et d’individus ont appelé à un monde meilleur, plus sain et plus sûr après la pandémie. En effet, le monde a compris qu’il pouvait y avoir une relation différente entre les gouvernements, l’industrie et la société civile – une relation où la santé et le bien-être des citoyens passent avant les gains économiques d’un pays ou d’une petite minorité d’individus. En outre, le nouveau discours sur les émissions mondiales « nettes de carbone » d’ici 2050 est très puissant : il modifie le débat, qui passe de la question de savoir dans quelle mesure nous pouvons réduire les émissions à celle de savoir quand nous les éliminerons complètement. Le défi est énorme car, en moins de 30 ans, nous devons passer d’une émission de plus de 40 milliards de tonnes de CO2 par an à zéro (cf.  figure  36). L’Accord de Paris n’y va pas par quatre chemins et il devient évident que si nous voulons stabiliser le changement climatique, même à 2 °C, alors nous devons transformer complètement la production d’énergie, l’industrie, les infrastructures et les comportements individuels dans le monde entier. En fait, nous devons utiliser toutes les solutions dont nous disposons pour lutter contre le changement climatique.  150 

Arabie saoudite Thaïlande 1,8 % 0,9 % Kazakhstan Corée du Sud 0,8 % 1,7 % Taïwan 0,8 % Indonésie Malaisie 1,4 % 0,7 %

Inde 6,8 %

Afrique 3,7 %

Égypte 0,6 %

Afrique australe 1,3 %

Canada 1,6 %

États-Unis 15 %

Russie 4,7 %

UE-28 9,8 %

Ukraine 0,6 %

Turquie 1,2 %

Europe 17 %

Amérique du Sud Océanie 3,2 % 1,3 %

Brésil Australie 1,3 % 1,1 % Transport Argentine 0,6 % aérien et maritime

Mexique 1,4 %

Amérique du Nord 18 %

Fig. 36    Émissions de dioxyde de carbone de différents pays, exprimées en pourcentages.

Iran 1,9 %

Japon 3,3 %

Chine 27 %

Asie 53 %

  La politique et le changement climatique  

 151 

8 Des solutions INTRODUCTION

Il existe trois sortes de solutions aux problèmes dus au changement climatique. La première est l’adaptation, qui consiste à protéger la population contre les effets du changement climatique. La deuxième est l’atténuation, qui consiste, dans ses termes les plus simples, à réduire notre empreinte carbone et à inverser ainsi la tendance à l’augmentation constante des émissions de GES. La troisième est la géo-ingénierie, qui consiste à extraire à grande échelle le CO2 de l’atmosphère ou à modifier le climat mondial. ADAPTATION

Le changement climatique a déjà eu des répercussions, et celles-ci vont s’accentuer à mesure que la température mondiale continue d’augmenter. Le second rapport de la sixième évaluation du GIEC examine les effets du changement climatique et la sensibilité, l’adaptabilité et la vulnérabilité potentielles de chaque environnement et système socio-économique national. Le GIEC donne six raisons claires pour lesquelles nous devons nous adapter au changement climatique : (1) les impacts du changement climatique ne peuvent être évités, même si les émissions sont rapidement réduites à zéro (cf. chapitre 4) ; (2) l’adaptation anticipée et préventive est plus efficace et moins coûteuse que les solutions d’urgence forcées de dernière minute ; (3) le changement climatique peut être plus rapide et plus prononcé que les estimations actuelles ne le suggèrent, et les événements inattendus et extrêmes peuvent se produire à tout moment ; (4) des avantages immédiats  153 

  Le changement climatique  

peuvent être tirés d’une meilleure adaptation à la variabilité du climat et aux événements atmosphériques extrêmes (par exemple, avec les risques de tempête, des lois strictes sur la construction et de meilleures pratiques d’évacuation devraient être mises en œuvre ; (5) des avantages immédiats peuvent également être tirés de la suppression des politiques et des pratiques inadaptées (par exemple, la construction dans les plaines inondables et sur les côtes vulnérables) ; et (6) le changement climatique est source d’opportunités et de menaces. La figure 37 donne un exemple de la manière dont les pays peuvent s’adapter à l’élévation prévue du niveau de la mer. La principale menace du changement climatique est son imprévisibilité (cf. chapitre 6). Comme nous l’avons indiqué précédemment, les êtres humains peuvent vivre dans une grande variété de climats, des déserts brûlants à l’Arctique gelé, mais nous n’avons pu le faire que parce que nous avons été capables de prévoir les conditions météorologiques extrêmes auxquelles nous devons faire face. Au fur et à mesure que les effets du changement climatique s’accentueront, les conditions météorologiques deviendront à la fois plus extrêmes et plus imprévisibles. Des adaptations physiques et sociales sont donc nécessaires pour protéger la vie et les moyens de subsistance des personnes. Les adaptations physiques nous obligent à réfléchir à la manière de modifier nos infrastructures. Par exemple, et c’est une question : devrons-nous construire de meilleures défenses maritimes, davantage de réservoirs, restaurer des zones humides ou équiper les bâtiments d’un système de climatisation ? Dans de nombreux pays, la planification, le développement et la construction de ces grands projets d’infrastructure peuvent prendre jusqu’à 30 ans. Si nous prenons la question de l’élévation du niveau de la mer (cf. figure 38), il peut falloir 10 ans pour rechercher et planifier les mesures appropriées pour y faire face. Il faut ensuite 10 ans pour mener à bien l’ensemble des processus consultatifs et juridiques, et 10 ans de plus pour mettre en œuvre ces  154 

Relocaliser les exploitations agricoles

Permettre la migration des zones humides

Établir des règles d’urbanisme qui éloignent les bâtiments de la côte

Favoriser l’aquaculture en remplacement

Trouver l’équilibre entre préservation et développement

Réguler les développements de construction

S’adapter

Protéger les terres agricoles

Créer des habitats propices aux zones humides et aux palétuviers par apport de remblais et des plantations

Protéger le développement côtier

Protéger

Fig. 37  Diverses stratégies de réponse modélisées en fonction de possibles montées du niveau de la mer.

Les terres agricoles

Les zones humides

Les bâtiments

Se retirer

 Des solutions  

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  Le changement climatique  

Réponses-actions

2025

2050

2075

2100

Nourrir les plages Construire de petites digues Construire de grandes digues Phase de planification Phase de construction Protection des atolls et embouchures Phase de planification Phase de construction Phase de mise en œuvre Infrastructures Planification d’utilisation des terres Phase de planification Phase de recherche de consensus Phase de mise en œuvre Phase de restauration de l’état naturel

Travail en cours

Travail en cours

Fig. 38     Anticipation des stratégies à mettre en place pour contrer le changement climatique.

changements. Il peut falloir encore 10 ans pour que la restauration à l’état naturel ait lieu et que le projet d’adaptation au niveau de la mer soit complet. Un bon exemple est la barrière de la Tamise qui protège actuellement Londres des inondations : elle a été conçue en réponse aux graves inondations de 1953 mais n’a été ouverte officiellement qu’en 1984, soit 31 ans plus tard. Nous devons aussi tenir compte des adaptations sociales et des changements de comportement des personnes. Après la canicule européenne de 2003, la France a complètement réévalué sa réponse sanitaire à la crise. Tout a été repensé, changé, y compris la communication avec le public, les contrôles de santé des personnes vulnérables, les réponses sanitaires locales, ainsi que les admissions et les traitements hospitaliers. On estime que lors des canicules suivantes, le nombre de décès a été réduit de plus de 75 % grâce à ces adaptations sociales. Dans de nombreux pays, la sécurité alimentaire et de l’eau sera le principal problème. Il sera donc essentiel de mettre en place des politiques visant à garantir l’accès des populations à la nourriture et à l’eau potable, même si elles  156 

 Des solutions  

ne sont pas en mesure de les payer. À bien des égards, l’adaptation la plus importante au changement climatique est la bonne gouvernance, afin que des politiques puissent être formulées et mises en œuvre pour protéger les personnes les plus vulnérables. Il existe toutefois des limites à l’adaptation. Dans certaines régions, les impacts du changement climatique peuvent devenir si importants qu’ils dépassent notre capacité ou nos finances pour protéger la population qui y vit. L’élévation continue du niveau de la mer signifiera que de nombreuses petites nations insulaires pourraient devenir inhabitables et que la population devra se déplacer. En 2019, le président indonésien Joko Widodo a annoncé que la capitale nationale serait déplacée de Jakarta, sur l’île de Java, vers la province de Kalimantan-Est, sur Bornéo. Cette décision visait en partie à alléger la pression sur la capitale et à lutter contre les inégalités en Indonésie, mais aussi à lutter contre le déclin de Jakarta. Les zones du nord de Jakarta, même avec la digue conçue pour protéger la population, s’affaissent à un rythme estimé à 25 cm par an en raison de la subsidence des terres. Ce phénomène est dû à l’élévation du niveau de la mer et à l’extraction d’eau douce des aquifères peu profonds, ce qui entraîne un affaissement des terrains exploités de la sorte. L’autre problème est que pour s’adapter, il faut investir de l’argent dès maintenant ; or, de nombreux pays n’ont tout simplement pas cet argent et, lorsqu’ils pourraient en trouver, leurs citoyens ne sont pas disposés à payer plus d’impôts pour se protéger à l’avenir, car la plupart des gens vivent pour le présent. De nombreux pays ont des cycles électoraux courts, de quatre à cinq ans, ce qui signifie que les hommes politiques pensent toujours au court terme et rarement au long terme, et cela limite leur vision et leurs investissements dans les projets d’adaptation. Ceci, bien sûr, malgré le fait que toutes les adaptations discutées permettront à long terme d’économiser de l’argent pour la zone locale, le pays et le monde.  157 

  Le changement climatique  

L’ATTÉNUATION

L’obligation de réduire de moitié les émissions mondiales de carbone d’ici à 2030 et d’atteindre l’objectif « zéro émission nette » d’ici à 2050 est extrêmement ambitieuse et implique d’utiliser toutes les solutions disponibles le plus rapidement possible. Il y a de bonnes nouvelles. Au cours de la dernière décennie, la croissance du PIB et les émissions de carbone se sont complètement découplées, avec une forte augmentation du PIB mondial et une augmentation beaucoup plus faible des émissions de carbone (cf. figure 39). Ce qu’il faut maintenant, c’est inverser la relation pour que les émissions de carbone diminuent à mesure que le PIB augmente. En 2020, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont publié un rapport recommandant d’investir massivement dans les énergies propres, ce qui créerait des millions de nouveaux emplois. On s’est rendu compte, pendant la pandémie de Covid-19, que la production et l’utilisation de l’énergie étaient la clé de la baisse des émissions de carbone.

Augmentation depuis 1971 (en %)

400

Récessions

300 PIB

200

100

0 1971

Émissions de CO2 1980

1990

2000 Année

2010

2020

2030

Fig. 39    Comparaison de PIB et augmentation des émissions de carbone depuis 1971.

 158 

 Des solutions  

Le rapport présente des plans de rénovation massive des habitations, des réformes des subventions aux combustibles fossiles, l’expansion des énergies renouvelables et des réseaux électriques. Plusieurs d’entre eux sont examinés ci-dessous. VERS UNE ÉNERGIE ALTERNATIVE, RENOUVELABLE ET PROPRE

La découverte des combustibles fossiles a été étonnante, et ils ont permis au monde de se développer à un rythme plus rapide qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire. Le niveau de vie élevé du monde développé repose sur des combustibles fossiles bon marché et relativement sûrs. Mais la combustion des combustibles fossiles a eu pour conséquence involontaire de modifier le climat mondial. Au xxie siècle, nous devons donc passer de l’énergie des combustibles fossiles à une énergie à faible émission de carbone voire neutre en carbone. Cela inclut l’énergie solaire, biologique, éolienne, hydraulique, « houlomotrice » (tidale) et marémotrice. L’énergie solaire. La Terre reçoit en moyenne 343 W/m² du Soleil, et pourtant, dans son ensemble, la planète ne reçoit que deux milliardièmes de toute l’énergie émise par le Soleil, la source d’énergie ultime, que les plantes utilisent depuis des milliards d’années. À l’heure actuelle, nous pouvons convertir l’énergie solaire directement en chaleur ou en électricité, et nous pouvons capter l’énergie par photosynthèse en cultivant des biocarburants. L’approche la plus simple est le chauffage solaire. À petite échelle, les maisons et autres bâtiments des pays ensoleillés peuvent être équipés de panneaux solaires sur le toit, qui chauffent l’eau et permettent ainsi aux habitants de prendre des douches et des bains chauds sans émission de carbone. À grande échelle, des miroirs paraboliques sont utilisés pour concentrer l’énergie solaire afin de générer un liquide chaud (eau ou pétrole) qui actionne des turbines pour créer de l’électricité. Les meilleurs endroits pour installer des centrales thermiques solaires sont les suivants :  159 

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Les déserts de basse latitude, qui comptent très peu de jours nuageux par an. Des centrales thermiques solaires ont été construites en Californie depuis les années 1980 et sont maintenant en cours de construction dans de nombreux autres pays. Les panneaux solaires photovoltaïques convertissent directement la lumière du Soleil en électricité. Les différents rayons du Soleil frappent le panneau solaire et déplacent les électrons à l’intérieur de celui-ci, créant ainsi un courant électrique. Le principal avantage des panneaux solaires est que l’on peut les placer là où l’on a besoin d’énergie et éviter l’infrastructure complexe normalement nécessaire pour transporter l’électricité. Au cours de la dernière décennie, leur efficacité s’est considérablement améliorée, les meilleurs panneaux solaires disponibles dans le ­commerce ayant une efficacité d’environ 23 %, ce qui est nettement supérieur à la photosynthèse, qui est d’environ 1 %. L’efficacité des panneaux solaires augmente pendant les hivers, car ils fonctionnent mieux dans les températures froides, même si, bien sûr, ils produisent alors moins d’électricité en raison des jours plus courts et de la lumière solaire moins intense. Les prix ont également baissé de manière significative en raison des investissements considérables réalisés dans cette technologie. Les biocarburants sont le produit de l’énergie solaire convertie en biomasse végétale par photosynthèse, qui peut ensuite être utilisée pour produire des combustibles liquides ou solides. L’économie mondiale repose sur l’utilisation de combustibles fossiles liquides, notamment dans le secteur des transports. Ainsi, à court terme, les carburants dérivés des plantes pourraient constituer un moyen intermédiaire à faible émission de carbone pour alimenter les voitures, les navires et les avions. À terme, les voitures électriques représentent l’avenir, car l’électricité nécessaire peut être produite de manière neutre en carbone. Toutefois, cette source d’énergie n’est pas envisageable pour les avions. Le carburant aérien traditionnel, le kérosène, allie un poids  160 

 Des solutions  

relativement faible à un rendement énergétique élevé. Des recherches sont en cours pour voir s’il est possible de produire un biocarburant suffisamment « léger » et puissant pour remplacer le kérosène. De nombreuses centrales électriques dans le monde ont été converties pour pouvoir brûler des granulés de bois au lieu de charbon ou de gaz naturel afin de créer de la vapeur pour faire tourner les turbines et produire de l’électricité. Les critiques ont fait valoir que les granulés de bois ne sont pas durables et que leur empreinte carbone n’est pas aussi faible qu’on le prétend. L’énergie éolienne. Les éoliennes sont un moyen efficace de produire de l’électricité, à condition qu’elles soient grandes et situées de préférence en pleine mer. Idéalement, il faudrait des turbines de la taille de la Statue de la Liberté pour une efficacité maximale. Le London Array a été construit dans l’estuaire de la Tamise, à 12 miles de la côte du Kent, et se compose de 175 turbines. Il produira plus de 2 500 mégawatts (MW), ce qui en fait le plus grand parc éolien offshore du monde. Il pourra alimenter jusqu’à un demi-million de foyers et réduire les émissions nocives de CO2 de près d’un million de tonnes par an. Les éoliennes posent quelques problèmes. Premièrement, elles ne fournissent pas une source constante d’électricité ; si le vent ne souffle pas ou s’il souffle trop fort, aucune électricité n’est produite. Deuxièmement, elles ne remportent pas l’adhésion de la population qui les trouve laides, bruyantes et préoccupantes du point de vue des effets qu’elles peuvent avoir sur les habitats naturels locaux. Tous ces problèmes sont faciles à résoudre en plaçant les parcs éoliens dans des endroits éloignés, en pleine mer et loin des zones présentant un intérêt scientifique ou naturel particulier. Des recherches récentes ont montré que les effets sur la faune et la flore locales sont faibles, voire nuls, même lorsque les éoliennes sont situées à proximité de la terre. Une étude suggère que l’énergie éolienne pourrait, en principe, générer plus de 125 000 térawattheures, soit cinq fois les besoins mondiaux actuels en électricité.  161 

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L’énergie des vagues et des marées. L’énergie des vagues et des marées pourrait également constituer une importante source d’énergie à l’avenir. Le concept est simple : convertir en électricité le mouvement continu de l’océan sous forme de vagues. Cependant, pour les experts du domaine, la technologie de l’énergie des vagues a 20 ans de retard sur celle des panneaux solaires. L’énergie marémotrice présente un avantage essentiel par rapport aux énergies solaire et éolienne : elle est constante. Dans n’importe quel pays, pour que l’approvisionnement en énergie soit maintenu à un niveau constant, il faut qu’au moins 20 % de la production soit garantie, ce que l’on appelle l’exigence de base. Avec le passage aux énergies alternatives, il faut développer de nouvelles sources d’énergie pour fournir cette ligne de base constante. L’hydro-énergie. L’énergie hydroélectrique est une source d’énergie importante au niveau mondial : en 2010, elle a fourni 5 % de l’énergie mondiale. La majorité de l’électricité provient de projets de grands barrages. Ces projets peuvent présenter des problèmes éthiques majeurs, car de grandes surfaces de terre doivent être inondées au-dessus du barrage, ce qui nécessite le déplacement massif de personnes et la destruction de l’environnement local. Un barrage ralentit également l’écoulement de l’eau dans une rivière et empêche le limon riche en nutriments de se déposer en aval. Si la rivière traverse les frontières nationales, il existe des problèmes potentiels concernant les droits sur l’eau et le limon. Par exemple, l’une des raisons pour lesquelles le Bangladesh s’enfonce est le manque de limon dû aux barrages construits sur les principaux fleuves en Inde. Il y a également un débat sur la quantité d’émissions de GES que les centrales hydroélectriques permettent d’économiser, car même si la production d’électricité ne provoque aucune émission de carbone, la végétation en décomposition dans la zone inondée en amont du barrage dégage des quantités importantes de CH4. L’énergie géothermique. Sous nos pieds, dans les profondeurs de la Terre, se trouve de la roche chaude en fusion. Dans certains endroits, par exemple en Islande et au Kenya, cette roche chaude est très  162 

 Des solutions  

proche de la surface de la Terre et peut être utilisée pour chauffer l’eau et produire de la vapeur. Il s’agit d’une excellente source d’énergie sans carbone, car une partie de l’électricité produite par la vapeur est utilisée pour pomper l’eau jusqu’aux roches chaudes. Malheureusement, sa disponibilité est limitée par la géographie. Il existe cependant un autre moyen d’utiliser la chaleur de la Terre. Tous les nouveaux bâtiments pourraient être équipés d’un puits de forage avec des pompes à chaleur géothermiques. L’eau froide peut alors être pompée dans ces forages, le sol réchauffant l’eau, ce qui réduit le coût de l’approvisionnement en eau chaude des bâtiments. Cette méthode pourrait être utilisée presque partout dans le monde. La fission nucléaire. De l’énergie est produite lorsque des atomes lourds tels que l’uranium sont divisés – un processus connu sous le nom de fission nucléaire. Ce processus a une signature carbone directe très faible, mais une quantité importante de carbone est générée par l’extraction de l’uranium, la construction de la centrale nucléaire, le déclassement/ démantèlement de la centrale et le stockage et l’élimination en toute sécurité des déchets nucléaires. À l’heure actuelle, 5 % de l’énergie mondiale est produite par l’énergie nucléaire. La nouvelle génération de centrales nucléaires est extrêmement efficace, atteignant près de 90 % de la production d’énergie théoriquement possible. Les principaux inconvénients de l’énergie nucléaire sont la production de déchets hautement radioactifs et les préoccupations en matière de sécurité, bien que les améliorations de l’efficacité aient réduit les niveaux de déchets et que les nouvelles générations de réacteurs nucléaires intègrent des dispositifs de sécurité de pointe. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 et la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011 montrent que les centrales nucléaires ne sont toutefois pas encore sûres, car elles sont vulnérables aux erreurs humaines et aux risques naturels. L’énergie nucléaire présente toutefois l’avantage d’être fiable et de pouvoir fournir la charge de base requise dans le bouquet énergétique, et la technologie nécessaire à son utilisation est déjà disponible et testée en profondeur.  163 

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La fusion nucléaire. Ce processus implique la production d’énergie lorsque les noyaux de deux petits atomes fusionnent ensemble. C’est le processus qui éclaire notre Soleil et toutes les autres étoiles. L’idée est que la forme lourde de l’hydrogène que l’on trouve dans l’eau de mer, le deutérium, peut être combinée avec l’autre isotope lourd de l’hydrogène, le tritium, et que le seul déchet est un gaz non radio­ actif, l’hélium. Le problème, bien sûr, est de persuader ces noyaux de fusionner. Dans le Soleil, la fusion se produit dans le noyau, à des températures et des pressions incroyablement élevées. De grandes avancées dans la technologie de la fusion ont été réalisées dans le monde entier (cf. ITER), mais ce qu’il faut maintenant, c’est un investissement énorme pour rendre la fusion commercialement viable. CAPTAGE ET STOCKAGE DU CARBONE

L’élimination du CO2 au cours des processus industriels peut être délicate et coûteuse, car il faut non seulement éliminer ce gaz, mais aussi le stocker quelque part. Le Rapport spécial du GIEC sur la capture et le stockage du dioxyde de carbone, publié en 2005, a conclu que la technologie de séquestration – capture et stockage – du carbone (CCS) existait mais qu’il y avait peu d’expérience commerciale dans la configuration de tous les composants nécessaires pour créer des systèmes de CCS entièrement intégrés aux types d’échelles nécessaires à l’avenir. Les coûts de production d’électricité incluant le CCS augmenteraient d’au moins 15 % et pourraient atteindre 100 %. Tout le CO2 récupéré ne doit pas être stocké ; une partie peut être utilisée dans la récupération assistée du pétrole, l’industrie alimentaire, la fabrication de produits chimiques (production de carbonate de soude, d’urée et de méthanol) et les industries de transformation des métaux. Le CO2 peut également être utilisé pour la production de matériaux de ­construction, de solvants, de produits de nettoyage et d’emballages, ainsi que pour le traitement des eaux usées. En réalité, la majeure partie du CO2 capté à partir des processus industriels devra être ­stockée.  164 

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On a estimé que, théoriquement, les deux tiers du CO2 formé par la combustion de l’ensemble des réserves mondiales de pétrole et de gaz pourraient être stockés dans les réservoirs correspondants. D’autres estimations font état d’un stockage de 90 à 400 Gt dans les seuls gisements de gaz naturel et de 90 Gt supplémentaires dans les aquifères. Les océans pourraient également être utilisés pour éliminer le CO2. Parmi les suggestions, on trouve le stockage par déversement d’hydrates : le mélange de CO2 et d’eau à haute pression et basse température crée un solide, ou hydrate, qui est plus lourd que l’eau environnante et tombe donc au fond (cf. figure 32). Une autre suggestion plus récente consiste à injecter le CO2 à un « demi-mile » (à moins 800 m) de profondeur dans des roches volcaniques fracturées, entre des coulées de lave géantes. Le CO2 réagira avec l’eau qui percole à travers les roches. L’eau acidifiée dissoudra les métaux présents dans les roches, principalement le calcium et l’aluminium. Une fois qu’elle forme du bicarbonate de calcium (HCO3-) avec le calcium, elle ne peut plus bouillonner et s’échapper. S’il s’échappe dans l’océan, le HCO3- est relativement inoffensif. Dans le cas du stockage dans les océans, il y a une complication supplémentaire : les océans circulent, et donc, quel que soit le CO2 déversé, une partie de celui-ci finira par revenir. De plus, les scientifiques sont très incertains quant aux effets de cette solution sur les écosystèmes océaniques. Le problème majeur de toutes ces méthodes de stockage est la sécurité. Le CO2 est un gaz très dangereux car il est plus lourd que l’air et peut provoquer une suffocation. Cela a été puissamment illustré en 1986, lorsqu’un important rejet de CO2 du lac Nyos, dans l’ouest du Cameroun a tué plus de 1 700 personnes et du bétail jusqu’à 25 km à la ronde. Bien que des catastrophes similaires se soient p­ roduites auparavant, jamais autant de personnes et d’animaux n’avaient été asphyxiés à une telle échelle en un seul et bref événement. Les scientifiques pensent aujourd’hui que le CO2 dissous provenant du volcan  165 

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voisin s’est infiltré dans le lac à partir de sources situées en contrebas et a été piégé dans les eaux profondes par le poids de l’eau en amont. En 1986, une avalanche a soulevé les eaux du lac, entraînant le renversement de l’ensemble du lac et la libération explosive de tout le CO2 piégé. Néanmoins, d’énormes quantités d’ancien CO2 extrait sont pompées aux États-Unis pour améliorer la récupération du pétrole, et aucun incident majeur n’a été signalé. Les ingénieurs qui travaillent sur ces pipelines estiment qu’ils sont beaucoup plus sûrs que les gazoducs et les oléoducs, dont beaucoup traversent la plupart des grandes villes américaines. LE TRANSPORT

Le transport est l’un des plus grands défis à relever pour atténuer les émissions de GES. À l’heure actuelle, les transports représentent 14 % des émissions de GES dans le monde. Dans de nombreux pays développés, les émissions de carbone provenant de la production d’énergie, des entreprises et des secteurs résidentiels sont toutes en baisse malgré la croissance annuelle de l’économie, mais les émissions du transport, principalement des voitures et de l’aviation, continuent d’augmenter. Dans les pays en développement, nombreux sont ceux qui aspirent au même niveau de possession de voitures et de voyages internationaux que les pays développés, d’où un potentiel de ­croissance énorme des émissions liées aux transports. Les voitures électriques, tant en termes d’autonomie que de performances, se sont considérablement améliorées au cours de la dernière décennie et il est généralement admis qu’elles représentent l’avenir. Cette acceptation a été accélérée par la pandémie de 2020, au cours de laquelle, dans de nombreuses régions, le trafic routier a presque cessé en raison des fermetures et tout le monde a remarqué l’énorme amélioration de la qualité de l’air. Si l’on passait à des véhicules 100 % électriques, la pollution de l’air serait réduite de 50 %. L’usure constante  166 

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des pneus, des plaquettes de frein et du goudron des routes crée également de la pollution atmosphérique, ce qui représente les 50 % restants. L’impact des voitures électriques sur les émissions de carbone pourrait être significatif, mais il dépendrait de l’existence d’un approvisionnement garanti en électricité à faible teneur en carbone ou neutre en carbone. Au Royaume-Uni, à partir de 2034, seules les voitures électriques seront vendues et les moteurs à combustible fossile seront interdits d’ici 2040, tandis qu’en Californie, tous les nouveaux véhicules de tourisme vendus à partir de 2035 devront être à émission zéro. Le transport maritime international et l’aviation représentent 3,2 % des émissions mondiales de GES par an. Les avions sont devenus une cible facile pour les défenseurs du changement climatique, car les vols internationaux sont un symbole de consommation très visible et n’ont jamais été couverts par un traité international. Il est nécessaire de mettre en place des mesures incitatives pour améliorer l’efficacité carbone des vols et, à terme, les rendre aussi proches que possible de la neutralité carbone. Le problème fondamental est qu’actuellement, un traité international interdit la taxation du carburant d’aviation. La Convention relative à l’aviation civile internationale, également connue sous le nom de Convention de Chicago, a été signée en 1944 et a été révisée huit fois. Elle traite des règles et réglementations requises pour permettre les vols entre pays. Elle stipule également que le carburant, l’huile, les pièces détachées, l’équipement régulier et les provisions de bord sont exemptés de toute forme de taxation, ce qui signifie qu’une taxe carbone sur le carburant d’aviation pour favoriser les gains d’efficacité n’est actuellement pas autorisée. C’est regrettable, car non seulement nous pouvons construire des avions beaucoup plus efficaces aujourd’hui, mais il existe des carburants alternatifs qui pourraient être utilisés. Les biocarburants pourraient être développés en tant qu’additifs ou même en remplacement du kérosène, pour aérien traditionnel. Il est également possible de créer du kérosène artificiel, en extrayant le CO2 de l’atmosphère et en le combinant avec  167 

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de l’eau. Cela nécessite une énorme quantité d’énergie, mais si l’on utilisait de l’électricité provenant de sources renouvelables, il serait possible d’avoir un carburant pour l’aviation à bilan carbone négatif. Cela ne fonctionnerait toutefois que si des réglementations ou une taxe sur le carbone étaient mises en place pour rendre rentable la création de kérosène artificiel. À court terme, étant donné qu’il n’existe pas de véritable solution de carburant pour l’aviation, les compagnies aériennes sont désireuses de participer au commerce du carbone. De cette façon, les compagnies aériennes peuvent « compenser » leurs émissions de carbone en s’assurant qu’une quantité équivalente est économisée ailleurs. L’autre solution consiste à persuader les gens d’utiliser les transports publics plutôt que leur voiture ou l’avion. Pour la plupart des gens, il est clair que la mise en place de bus électriques, de taxis, de métros et de chemins de fer accessibles et bon marché contribuerait à réduire le nombre de trajets en voiture. Les transports publics pourraient également contribuer aux livraisons de marchandises et de biens, puisque le réseau ferroviaire pourrait être utilisé la nuit pour transporter des marchandises dans le pays et entre les pays. Les chemins de fer pourraient également être utilisés pour remplacer les vols intérieurs et internationaux. On a calculé que tous les vols intérieurs entre des villes américaines distantes de moins de 600 miles pourraient être remplacés par des trains électriques à grande vitesse roulant à plus de 200 miles par heure (>320 km/h), ce qui constituerait un moyen plus rapide, plus sûr et plus propre de se déplacer. Cette solution permettrait de supprimer 80 % des vols à l’intérieur des États-Unis, mais nécessiterait des trains à grande vitesse circulant le long des côtes est et ouest, avec des correspondances vers les deux grands hubs que sont Chicago et Atlanta. Ce type de réseau de trains à grande vitesse existe déjà au Japon, en Corée du Sud et dans certaines parties de la Chine et de l’UE ; il suffit de l’étendre au reste du monde.  168 

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La pandémie de Covid-19 en 2020-2021 a stimulé l’utilisation de l’Internet et des vidéoconférences, montrant qu’il est possible d’éviter de nombreux trajets domicile-travail car beaucoup de personnes sont plus heureuses de travailler à domicile. Elle a également démontré que de nombreuses réunions internationales, y compris d’énormes conférences scientifiques, peuvent être organisées avec succès grâce aux technologies d’accès à distance. Si cela entraîne une diminution à long terme des déplacements locaux et internationaux, la « décarbonisation » de nos réseaux de transport deviendra plus facile. LES SUBVENTIONS EN FAVEUR DES COMBUSTIBLES FOSSILES

L’un des principaux problèmes politiques liés à la réduction des émissions de carbone concerne les subventions à l’énergie. Tout d’abord, il y a les énormes subventions aux combustibles fossiles, qui continuent à rendre le pétrole, le gaz et le charbon relativement bon marché. Deuxièmement, il existe une résistance à l’octroi de subventions et d’incitations fiscales aux entreprises du secteur de l’énergie pour qu’elles construisent et fournissent des énergies renouvelables à des tarifs compétitifs. Selon un rapport récent du Fonds monétaire international (FMI), l’industrie des combustibles fossiles reçoit plus de 5 200 milliards de dollars par an en subventions (soit près de deux fois le PIB annuel du Royaume-Uni), ce qui inclut les paiements directs, les allégements fiscaux, la réduction des prix de détail et le coût des dommages liés au changement climatique. Sur ce montant, les gouvernements fournissent au moins 775 milliards à 1 000 milliards de dollars de subventions et au moins 444 milliards de dollars par an de financement direct aux compagnies pétrolières, gazières et charbonnières pour soutenir l’exploration, l’extraction et le développement. Les combustibles fossiles ont également un coût énorme en termes de sécurité. Une grande partie de la politique étrangère et de la stratégie militaire de nombreux pays consiste à protéger les lignes  169 

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de ­transport des combustibles fossiles. L’armée américaine dépense au moins 81 milliards de dollars par an pour protéger les approvisionnements en pétrole. En comparaison, aucun porte-avions ne défend les chaînes d’approvisionnement en éoliennes ou les réserves stratégiques de silicium pour les panneaux solaires. Le rapport du FMI montre que les combustibles fossiles représentent 85 % de l’ensemble des subventions mondiales et qu’elles restent une part importante des politiques nationales. Si les pays avaient réduit leurs subventions de manière à créer une tarification efficace des combustibles fossiles en 2015, le FMI estime que cela « aurait réduit les émissions mondiales de carbone de 28 % et les décès dus à la pollution atmosphérique par les combustibles fossiles de 46 %, et augmenté les recettes publiques de 3,8 % du PIB ». Alors pourquoi les subventions aux combustibles fossiles persistent-elles ? Cela peut être dû à la propriété des principales compagnies pétrolières et gazières. Sur les 26 principales sociétés pétrolières et gazières, seules sept sont des sociétés privées, tandis que les 19 autres sont entièrement ou partiellement détenues par des pays. Par conséquent, les entreprises publiques rapportent d’énormes sommes d’argent au pays et continueront à bénéficier d’aides publiques sous forme de subventions et d’allégements fiscaux afin de s’assurer qu’elles sont compétitives par rapport aux autres pays producteurs de pétrole et de gaz. La situation ne peut que s’aggraver avec la fracturation et la révolution du gaz de schiste, de nombreux pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni ayant découvert de nouvelles réserves de gaz naturel dans le sous-sol. LE MARCHÉ DU CARBONE, LA TAXATION ET LES COMPENSATIONS

Trois approches politiques principales peuvent être utilisées pour aider à réduire les émissions nettes de carbone. La première façon  170 

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de réduire les émissions de carbone est d’imposer une taxe carbone sur les activités et les biens qui émettent une grande quantité de carbone. La plupart des économistes s’accordent à dire que les taxes sur le carbone constituent le moyen le plus efficace de réduire les émissions, avec le moins d’effets négatifs sur l’économie. Pour éviter que ces taxes ne soient régressives, les revenus doivent être utilisés pour soutenir les moins bien lotis de la société, et qui seront les plus touchés par ces taxes. Des taxes sur le carbone ont été mises en œuvre dans 25 pays, tandis que 46 pays fixent une certaine forme de prix sur le carbone, que ce soit par le biais de taxes sur le carbone ou de systèmes d’échange de droits d’émission. La deuxième approche, examinée au chapitre 7, est l’échange ou le marché des droits d’émission, qui consiste à limiter les émissions de carbone en délivrant des permis d’émission. Le marché du carbone peut stimuler l’innovation et faire baisser les coûts. C’est aussi un moyen de rendre les énergies renouvelables et le CCS économiquement viables. Certains systèmes d’échange de droits d’émission permettent aux entreprises d’acheter des compensations de carbone au niveau national ou international pour les imputer à leurs émissions totales. Une compensation carbone est définie comme une réduction des émissions de CO2 ou d’autres GES effectuée dans le but de compenser les émissions produites ailleurs. Il peut s’agir d’un stockage accru de carbone par le biais de programmes de reforestation ou de la suppression d’émissions, par exemple la fermeture d’une centrale électrique au charbon. Il existe deux principaux systèmes de compensation du carbone : le MDP des Nations unies et les marchés volontaires. Le MDP, décrit au chapitre 7, consiste à financer des programmes certifiés par les Nations unies dans les pays en développement afin de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Le système volontaire a connu un pic de volume en 2008 mais a connu une a­ ugmentation substantielle depuis 2018. Cela s’explique par le  171 

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fait qu’un grand nombre d’entreprises dans le monde ont adopté des objectifs fondés sur la science, ce qui signifie qu’elles veulent être neutres en carbone d’ici 2050, si ce n’est plus tôt. Parmi elles, quinze compagnies aériennes, comme EasyJet, British Airways et Emirates, qui ont toutes annoncé d’importants programmes de compensation carbone. Les compensations sont un outil politique important et peuvent contribuer à réduire les émissions totales, en particulier dans les secteurs où il est très difficile pour l’instant de réduire les émissions. De nouvelles réglementations nationales et internationales sont nécessaires pour assurer un contrôle et une vérification appropriés des compensations. En outre, une surveillance est nécessaire pour s’assurer que les entreprises ne jouent pas avec le système en créant des émissions uniquement pour être payées afin d’arrêter les émissions. Par exemple, une entreprise chinoise a généré 500 millions de dollars en compensations de carbone en installant un incinérateur de 5 millions de dollars pour brûler les hydrofluorocarbones (HFC) produits par la fabrication de réfrigérants. De nombreuses entreprises ont suivi cette approche, et les HFC ne sont plus autorisés dans les systèmes de compensation. REFORESTATION ET RETOUR À L’ÉTAT NATUREL

L’un des moyens les plus importants pour éliminer le CO2 de l’atmosphère est le « replantage » de forêts et le retour à l’état naturel/ sauvage. Depuis le début de l’agriculture, on estime que l’homme a abattu 3 000 milliards d’arbres, soit environ la moitié des arbres de la planète. Nous savons donc que la Terre peut supporter une superficie forestière beaucoup plus importante. Le réaménagement des habitats et la reforestation pourraient être plus faciles à l’avenir, car le monde est déjà en train de devenir plus sauvage. Cela peut sembler contre-intuitif, étant donné que la p­ opulation  172 

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mondiale va passer de 7,8 milliards aujourd’hui à 10 milliards en 2050, mais d’ici là, près de 70 % d’entre nous vivront dans des villes et nous aurons abandonné de nombreuses zones rurales éloignées, ce qui les rendra mûres pour la conservation/restauration. Déjà, en Europe, 2,2 millions d’hectares de forêt ont repoussé par an entre 2000 et 2015. En Espagne, la couverture forestière est passée de 8 % du territoire national en 1900 à 25 % aujourd’hui, tandis qu’au Royaume-Uni, la couverture forestière a atteint son niveau le plus bas (5 %) après la Première Guerre mondiale et est maintenant remontée à 13 %. La reforestation massive n’est pas une chimère ; elle peut avoir des avantages réels pour les populations. À la fin des années 1990, la détérioration de l’environnement dans l’ouest de la Chine est devenue critique, de vastes zones ressemblant au Dust Bowl du Midwest américain dans les années 1930. Six programmes audacieux ont été lancés, ciblant plus de 100 millions d’hectares de terres à reboiser. Grain for Green est le plus important et le plus connu d’entre eux. Ces programmes radicaux de plantation d’arbres ont eu un effet étonnant : les arbres ont stabilisé les sols, réduisant considérablement l’érosion et les conséquences des inondations. Grâce à la transpiration, les arbres ont ajouté de l’humidité à l’atmosphère, réduisant ainsi l’évaporation et la perte d’eau. Lorsque les forêts ont atteint et dépassé une taille et une superficie critiques, elles ont également commencé à stabiliser les précipitations. Tous ces effets se sont combinés pour stimuler la production agricole locale. Le programme en cours a également contribué à réduire la pauvreté, car des paiements directs ont été versés aux agriculteurs pour qu’ils mettent leurs terres en jachère afin de les reboiser. C’est un excellent exemple de la solution gagnant-gagnant nécessaire pour le climat, car elle a augmenté le stockage du carbone, amélioré l’environnement local et contribué à atténuer l’extrême pauvreté. En 2019, des chercheurs ont affirmé dans la revue Science que le fait de recouvrir 900 millions d’hectares de terres – soit la taille de  173 

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la partie continentale des États-Unis – d’un trillion d’arbres pourrait permettre de stocker jusqu’à 205 milliards de tonnes de carbone, soit environ deux tiers du carbone que les humains ont déjà émis dans l’atmosphère. Le mantra « 1 trillion 1 d’arbres » a frappé l’imagination populaire et même le président Trump a déclaré à la réunion de Davos que c’était une bonne idée. Le seul problème est que les recherches qui ont abouti à ce chiffre élevé de carbone étaient fondamentalement erronées. En fait, le GIEC et d’autres études suggèrent que les nouvelles forêts pourraient stocker en moyenne 57 milliards de tonnes de carbone supplémentaires d’ici la fin du siècle. Ce chiffre reste élevé, mais si l’on considère que nous rejetons 11 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère par an, cela ne représente que cinq années de pollution humaine. La reforestation n’est donc pas une alternative aux réductions rapides et profondes de nos émissions de combustibles fossiles. Mais plus tard au cours de ce siècle, nous aurons besoin d’émissions négatives de carbone pour maintenir le réchauffement de la planète à 1,5 °C, et l’un des principaux moyens de créer des émissions négatives est la reforestation. Déjà 63 pays ont rejoint le Défi de Bonn et se sont engagés à restaurer 350 millions d’hectares de terres dégradées en forêts dans le monde. Cela représente une superficie quinze fois supérieure à celle du Royaume-Uni. Mais il y a un autre problème. La reforestation massive ne fonctionne que si la couverture forestière actuelle du monde est maintenue et augmentée. Comme indiqué précédemment, la déforestation de la forêt amazonienne – la plus grande du monde – a augmenté depuis que le président d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, est au pouvoir. Selon les estimations actuelles, des zones de forêt tropicale de la taille d’un terrain de football sont défrichées chaque minute. 1.  Le trillion américain représente un millier de milliards ou 1012 (1 000 000 000 000).

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Le reboisement et le boisement ex nihilo sont fondamentalement limités par la superficie des terrains disponibles, car les arbres ne peuvent contenir qu’une quantité limitée de carbone. Nous devons également nous rappeler que la reforestation n’est pas toujours la meilleure option, et c’est pourquoi le terme « réensauvagement » est utilisé conjointement avec la reforestation. Par exemple, drainer des zones humides ou des tourbières pour planter des forêts est contre-productif, car le stockage du carbone sera moindre et les pertes de biodiversité considérables. Il faut donc appliquer dans chaque région du monde le projet de restauration le plus approprié. Il peut s’agir de réhumidifier des zones humides, de préserver des tourbières, de faire repousser des forêts de palétuviers ou de maintenir des prairies ouvertes. Si une zone se prête à la reforestation, il faut décider des espèces les plus appropriées pour cette zone en fonction du climat actuel et futur et de la manière d’accroître la biodiversité locale et les autres services écologiques. L’une des critiques formulées à l’encontre du Défi de Bonn est qu’environ la moitié des engagements concernent des plantations forestières commerciales à grande échelle. Les plantations n’emmagasinent le carbone que pendant la croissance des arbres, et une grande partie de ce carbone est restituée lorsqu’ils sont abattus. Dans tous les cas, la monoculture est mauvaise pour la biodiversité. GEO-INGÉNIERIE

La géo-ingénierie est le terme général employé pour les technologies qui pourraient être utilisées soit pour éliminer les GES de l’atmosphère, soit pour modifier le climat de la Terre (cf. figure 40). Les idées envisagées dans le cadre de la géo-ingénierie vont du très raisonnable au complètement fou… La géo-ingénierie n’est pas une alternative aux réductions massives des émissions mondiales de GES. La plupart des gens considèrent plutôt les solutions de géo-ingénierie comme une solution de repli si nous ne pouvons ou ne voulons pas réduire les émissions de GES assez rapidement.  175 

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Stockage géologique

Séquestration de bioénergie

Sols

Végétation

Afforestation CO2 capté et reforestation depuis l’air Charbon végétal Agriculture

CO2 atmosphérique

Sédiments côtiers

Améliore la montée des eaux

Création de nuages « blancs » Intrants nutritifs

Satellites / parasols

Améliorer la plongée des eaux Glace de mer

Océan

Intrants avec carbonates

Aérosols dans la troposphère

Fig. 40    La gamme des approches dites « géotechniques ».

Habitations

Troposphère

Limite supérieure de l’atmosphère

Rayonnement solaire

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Élimination du dioxyde de carbone. Il existe trois approches principales pour l’élimination et le stockage du CO2 atmosphérique : biologique, physique et chimique. (1) Élimination biologique du CO2. Certains chercheurs essaient d’inclure le reboisement et le réensauvagement dans le portefeuille de la géo-ingénierie, principalement pour que cela semble plus raisonnable. Ce n’est pas approprié, car ces approches ne répondent pas aux exigences essentielles en matière d’ingénierie. Une approche technique suggérée pour stimuler l’absorption biologique du CO2 consiste à « fertiliser » les océans avec du fer. Le regretté John Martin, un océanographe, a suggéré que de nombreux océans du monde sont en sous-production en raison du manque de micronutriments vitaux, dont le plus important est le fer, qui permet aux plantes de pousser dans les eaux de surface. Les plantes marines ont besoin d’infimes quantités de fer, sans lesquelles elles ne peuvent se développer. Dans la plupart des océans, des poussières riches en fer sont soufflées depuis la terre, mais il semble que de vastes zones des océans Pacifique et Austral ne reçoivent pas beaucoup de poussières et sont donc dépourvues de fer. Martin a suggéré que nous pourrions fertiliser l’océan avec du fer pour stimuler la productivité marine. La photosynthèse supplémentaire convertirait davantage de CO2 des eaux de surface en matière organique. Lorsque les organismes meurent, la matière organique tombe au fond de l’océan, emportant et stockant le CO2 supplémentaire dans les sédiments. Le CO2 dissous des eaux de surface est ensuite remplacé par le CO2 de l’atmosphère. En résumé, la fertilisation des océans du monde pourrait contribuer à éliminer le CO2 atmosphérique et à le stocker dans les sédiments des profondeurs. Les résultats des expériences testant l’hypothèse en mer ont été très variables, certaines ne montrant aucun effet, tandis que d’autres ont montré que la quantité de fer nécessaire était énorme. Le plus gros inconvénient, cependant, est que si l’on cesse d’ajouter du fer,  177 

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la majeure partie du CO2 supplémentaire stocké est libéré, car très peu de matière organique peut s’échapper de la zone euphotique par an. La fertilisation des océans aurait également un effet massif sur les écosystèmes marins et la biodiversité, car il s’agit d’une eutrophisation délibérée à grande échelle. (2) Élimination physique du CO2. Il est possible d’éliminer le CO2 directement de l’air. Toutefois, si l’on considère que le CO2 ne représente que 0,04 % de l’atmosphère, cette opération est beaucoup plus difficile et coûteuse qu’il n’y paraît. Une première idée consistait à produire des arbres artificiels ou en plastique. Klaus Lackner et Allen Wright, respectivement physicien théoricien et ingénieur, soutenus par Wally Broecker, un climatologue, ont conçu un plastique qui lie le CO2 et qui peut absorber le CO2 de l’atmosphère. Le CO2 est ensuite libéré du plastique et emporté pour être stocké. Le premier problème est l’eau, car le plastique libère le CO2 en solution lorsqu’il est mouillé. Les arbres en plastique devraient donc être placés dans des zones très arides ou nécessiter des parapluies géants. Le deuxième problème est la quantité d’énergie nécessaire pour construire et faire fonctionner ces arbres en plastique, puis pour stocker le CO2. Le troisième est un problème d’échelle : des dizaines de millions de ces arbres artificiels géants seraient nécessaires rien que pour faire face aux émissions de carbone des États-Unis. L’avantage par rapport aux arbres normaux est qu’ils ne sont pas limités à un cycle de croissance et que le CO2 peut théoriquement être stocké indéfiniment. D’autres technologies permettant d’éliminer le CO2 à la source ou dans l’atmosphère se développent rapidement. Par exemple, la technologie Climeworks utilise des ventilateurs géants pour collecter le CO2 directement dans l’air, produisant ainsi du CO2 pur à utiliser dans des processus industriels ou même pour fabriquer des carburants artificiels. La question est désormais celle du coût et du financement, plutôt que celle de l’ingénierie.  178 

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(3) L’élimination chimique du CO2. Le CO2 est naturellement éliminé de l’atmosphère au cours de centaines de milliers d’années par le processus d’altération climatique, à un rythme de 0,1 GtC par an, mais c’est cent fois moins que la quantité que nous émettons. Seule l’altération des minéraux silicatés a une incidence sur les niveaux de CO2 atmosphérique, car l’altération des roches carbonatées par l’acide carbonique renvoie du CO2 dans l’atmosphère. Les sous-produits des réactions d’hydrolyse affectant les minéraux silicatés sont des HCO-, qui sont métabolisés par le plancton marin et transformés en carbonate de calcium. Les restes squelettiques de calcite du biote marin sont finalement déposés sous forme de sédiments en eaux profondes et sont donc perdus dans le cycle biogéochimique global du carbone pour la durée du cycle de vie de la croûte océanique sur laquelle ils ont été déposés. I l existe un certain nombre d’idées de géo-ingénierie visant à renforcer ces réactions naturelles d’altération. L’une d’elles consiste à ajouter des minéraux silicatés aux sols utilisés pour l’agriculture. Cela permettrait d’éliminer le CO2 atmosphérique et de le fixer sous forme de minéraux carbonatés et de HCO3- en solution. L’échelle à laquelle cela devrait être fait est très grande et les effets sur les sols et leur fertilité sont inconnus. Une autre suggestion consiste à augmenter le taux de réaction du CO2 avec les basaltes et les roches olivines de la croûte terrestre. Le CO2 concentré serait injecté dans le sol et créerait des carbonates en profondeur. Le parc géothermique islandais ON Power en est un exemple : CarbFix utilise du CO2 pur fourni par la technologie Climeworks et l’injecte dans les formations rocheuses basaltiques souterraines. L’énergie renouvelable géothermique fournit l’énergie nécessaire à la capture et à l’injection directe du CO2 dans l’air. Selon les premières estimations, le système pourrait éliminer définitivement 4 000 tonnes de CO2 de l’air par an. Pour replacer ce chiffre dans son contexte, l’Islande aurait besoin de 1 000 centrales de ce type pour éliminer la totalité de ses émissions annuelles de carbone. L’aspect positif est que nous disposons désormais d’un système de CCS éprouvé, testé et sûr.  179 

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Gestion du rayonnement solaire. En réduisant la quantité de lumière solaire qui frappe ou est absorbée par la Terre, on réduit le budget énergétique total et on peut obtenir un climat plus frais et on peut entraîner un refroidissement de la Terre. Il ressort de ces idées que certaines solutions de géo-ingénierie ne sont encore que des idées et doivent faire l’objet de beaucoup plus de travaux pour déterminer si elles sont réalisables. C’est particulièrement vrai pour les idées de gestion du rayonnement solaire, dont beaucoup semblent sortir d’un mauvais film de série B d’Hollywood. Ces suggestions comprennent la modification de l’albédo (cf. chapitre 4) de la Terre, afin d’augmenter la quantité d’énergie solaire renvoyée dans l’espace pour équilibrer le réchauffement de la planète (cf. figure 40). Les idées pour augmenter l’albédo comprennent l’installation de très grands miroirs dans l’espace, l’injection d’aérosols dans l’atmosphère, l’augmentation de la réflectivité des cultures, la peinture blanche de toutes les toitures, augmenter la couverture blanche des nuages et recouvrir de vastes zones des déserts du monde de feuilles de polyéthylène-aluminium réfléchissantes. Le problème fondamental de toutes ces approches est que nous n’avons aucun moyen de prédire leur effet global sur le climat. Examinons l’idée de miroirs dans l’espace avancée par Roger Angel, directeur du Centre d’optique adaptative astronomique de l’université d’Arizona. Tout d’abord, elle serait coûteuse, puisqu’elle nécessiterait 16 trillions de vaisseaux spatiaux munis d’ailes translucides, coûtant au moins 1 trillion de dollars et dont le lancement prendrait 30 ans. Ensuite, comme toutes les idées de géo-ingénierie visant à modifier l’albédo de la Terre, elle pourrait ne pas fonctionner comme nous l’espérons. Ces approches visent à faire baisser la température moyenne de la Terre, mais elles risquent de modifier la distribution de la température en fonction de la latitude, qui est le moteur du climat. Certains modèles climatiques ont montré que ces approches pourraient donner lieu à un climat mondial différent, les tropiques étant plus froids de 1,5 °C, les hautes latitudes plus chaudes de 1,5 °C, et les précipitations variant de manière imprévisible dans le monde entier.  180 

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LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE POUR LA GÉO-INGÉNIERIE

L’un des principaux problèmes de la géo-ingénierie est de savoir comment gouverner les différents groupes, entreprises et pays qui jouent avec le système climatique mondial. Un grand nombre de questions éthiques se posent lorsqu’on considère la façon dont les changements climatiques régionaux et mondiaux peuvent affecter différemment les pays. Il peut y avoir des résultats positifs dans l’ensemble, mais des changements mineurs dans le régime des pluies, ce qui peut signifier que des pays entiers reçoivent trop ou trop peu de pluie, ce qui peut entraîner une catastrophe. Il existe trois points de vue principaux sur la géo-ingénierie : (1) il s’agit d’un moyen de gagner du temps pour permettre aux négociations de la CCNUCC de rattraper leur retard afin que nous puissions atteindre l’objectif « zéro carbone net » d’ici 2050 ; (2) elle représente une manipulation dangereuse du système terrestre et peut être intrinsèquement contraire à l’éthique ; ou (3) il s’agit strictement d’une politique d’assurance pour soutenir les efforts d’atténuation et d’adaptation s’ils ne sont pas suffisants par eux-mêmes. Même si la recherche est autorisée à aller de l’avant et que des solutions de géo-ingénierie sont requises, comme dans de nombreux domaines émergents de la technologie moderne, de nouveaux cadres de gouvernance et de réglementation flexibles seront nécessaires. Actuellement, de nombreux traités internationaux ont une incidence sur la géo-ingénierie, et il semble qu’aucun instrument unique ne s’applique. Par conséquent, la géo-ingénierie, comme le changement climatique, remet en question notre vision du monde fondée sur l’État-nation, et de nouvelles méthodes de gouvernance seront nécessaires à l’avenir. Si nous voulons résoudre les problèmes liés au changement climatique, nous devons nous attaquer à deux questions fondamentales. La première est de savoir comment réduire à zéro la quantité de  181 

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pollution par les GES que nous émettons, tout en permettant aux pays les plus pauvres de se développer. La population mondiale est actuellement d’un peu plus de 7,8 milliards d’habitants et elle devrait augmenter pour atteindre un plateau de 10 milliards d’habitants d’ici 2050. Cela fait donc 8 milliards de personnes qui aspirent à avoir le même style de vie que les habitants des pays développés, avec une augmentation potentiellement énorme des émissions de GES au cours de ce siècle, s’ils suivent la même voie de développement pour alimenter ce rêve de consommation. La deuxième question est de savoir si, en tant que société, nous sommes prêts à investir un montant relativement faible, de l’ordre de 1 à 3 % du PIB mondial, pour compenser une facture beaucoup plus importante à l’avenir. Si tel est le cas, nous disposons actuellement de la technologie nécessaire pour protéger notre population du changement climatique et pour atténuer les énormes émissions de GES prévues au cours des 80 prochaines années. L’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le CCS, le marché du carbone et la compensation ont tous un rôle à jouer. Nous devons également tenir compte des « technologies perturbatrices », c’est-à-dire des nouvelles technologies que nous n’avons peut-être pas encore imaginées qui pourraient changer la façon dont nous produisons ou utilisons l’énergie. Par exemple, la plupart d’entre nous ne peuvent imaginer la vie sans un téléphone portable ou un ordinateur, mais cette technologie n’existe que depuis quelques décennies, ce qui montre à quelle vitesse nous pouvons nous habituer au changement. Il y a également d’énormes sommes d’argent à gagner grâce aux opportunités liées aux changements de notre utilisation de l’énergie et de nos modes de vie personnels et, comme nous le verrons au chapitre 9, il peut y avoir de nombreuses situations gagnant-gagnant dans lesquelles la qualité de vie peut être améliorée tout en stabilisant le climat de notre planète.

 182 

9 Changer notre futur INTRODUCTION

Le défi du changement climatique doit être évalué dans le cadre du paysage politique et économique dominant actuel. Ce n’est qu’en comprenant les causes sociétales et économiques fondamentales des émissions de carbone que nous pouvons espérer construire des systèmes susceptibles de les réduire rapidement. Parallèlement à la lutte contre le changement climatique, nous devons veiller à relever d’autres défis mondiaux, tels que la pauvreté et l’inégalité dans le monde, la dégradation de l’environnement et l’insécurité globale. Les politiques et les accords internationaux futurs doivent fournir des solutions gagnant-gagnant pour relever les plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée au xxie siècle. UNE INTENDANCE POUR LA PLANÈTE TERRE

Les scientifiques se heurtent au fait qu’en dépit de l’énorme poids des preuves indiquant un changement climatique, une minorité agissante, petite, bruyante mais significative, continue de nier l’existence du changement climatique. Les scientifiques ont réagi en rassemblant encore plus de preuves. C’est ce qu’on appelle une réponse de type « modèle du déficit », les scientifiques présupposant que les décisions ne sont pas prises pour atténuer le changement climatique en raison d’un manque d’informations. Cependant, les spécialistes des sciences sociales ont découvert que l’acceptation du changement climatique a peu à voir avec la science  183 

  Le changement climatique  

et tout à voir avec la politique. L’acceptation du changement climatique représente un obstacle à la vision néolibérale anglo-américaine défendue par de nombreux économistes et politiciens traditionnels. Le changement climatique révèle un échec fondamental du marché et exige des gouvernements qu’ils agissent collectivement pour réglementer l’industrie et les entreprises. L’une des plus grandes formes d’ironie est que les politiciens qui nient le changement climatique en raison des menaces qu’ils perçoivent pour les valeurs du marché libre sont néanmoins les plus heureux d’approuver plus de 5 000 milliards de dollars de subventions par an pour l’industrie des combustibles fossiles. L’existence d’un véritable marché libre est un mythe : de nombreux pays soutiennent volontiers les subventions et le blocage des importations. Le néolibéralisme englobe un ensemble de croyances qui ­comprent : la nécessité pour les marchés d’être libres ; pour l’intervention de l’État d’être aussi faible que possible ; des droits de propriété privée forts ; une faible imposition ; et l’individualisme. Le néolibéralisme repose sur l’hypothèse selon laquelle il offre une solution basée sur le marché qui permet à chacun de s’enrichir. Ce soi-disant « effet de ruissellement » est le concept central du néolibéralisme depuis 40 ans, mais rien ne prouve qu’il se produise. La moitié de la population mondiale vit avec moins de 5,50 dollars par jour. En fait, Oxfam a calculé que les vingt-six personnes les plus riches du monde possèdent actuellement le même montant de richesse que les 3,8 milliards de personnes les plus pauvres collectivement. Le FMI a récemment déclaré que la dernière génération de politiques économiques a peut-être été un échec total. La pandémie mondiale de Covid-19 qui a débuté en 2020 a également changé la vision de nombreuses personnes sur le néolibéralisme. On a montré aux citoyens du monde entier qu’il pouvait exister une relation différente entre le Gouvernement, l’industrie et la société civile – une relation où la santé et le bien-être passent avant le gain économique pour un pays ou une petite minorité d’individus. Lorsque  184 

 Changer notre futur  

la société est confrontée à une crise réelle qui nécessite une action coordonnée forte, elle se tourne vers l’État et les experts scientifiques, ainsi que vers le soutien de la société civile. Le secteur privé peut jouer un rôle important, par exemple pour assurer l’approvisionnement en denrées alimentaires face aux achats de panique ou se rééquiper pour produire des fournitures médicales essentielles ou créer des vaccins. Mais, de la même manière, de nombreuses entreprises se tournent vers l’État simplement pour obtenir des prêts. Compte tenu des défis à long terme que représentent le changement climatique, la perte de biodiversité et la possibilité de nouvelles pandémies, la principale leçon à tirer de Covid-19 est l’incapacité des marchés libres à nous protéger. C’est plutôt l’intervention de l’État, guidée par des experts, intégrant et valorisant la société et les communautés, soutenue par des entreprises dynamiques et solidaires, qui est nécessaire pour faire face au changement climatique et aux autres défis du xxie siècle. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une nouvelle ère d’intendance planétaire dirigée par les gouvernements et étayée par de nouvelles théories économiques. PRISE D’ACTION(S)

Les solutions potentielles pour réduire les émissions mondiales de carbone ont été explicitées au chapitre 8, mais si nous voulons atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050, nous devons toutes les mettre en œuvre. Le projet Downdraw a identifié plus de 80 solutions de haut niveau qui peuvent être mises en œuvre à différentes échelles pour atteindre la réduction des émissions de 1 050 GtC requise d’ici 2050. La figure 41, basée sur les travaux d’Avit Bhowmik et de ses collègues, montre combien de ces solutions peuvent être mises en œuvre à chaque niveau, du niveau individuel au niveau mondial. L’action individuelle et familiale peut supprimer 14 % des 1 050 GtC nécessaires, tandis que l’action au niveau de la ville et de la communauté peut en supprimer 31 %, et l’action au niveau de la ville et de l’État peut  185 

  Le changement climatique  

La communauté Le village La ville Les réseaux La grande ville 200 personnels La mégapole La famille 56 La nation L’individu L’État 38 150 47 Le monde 50 28

1 000 millions de tonnes de CO2

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34

100 50 0

19 8 1

10

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10

00

10

10

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12

0 10

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i 1m

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10

1

Bénéfices nets (l’épargne moins les dépenses) en trillions de $US

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34 nombre de solutions + 72 solutions en $ US n

illio

1b

n

illio

b 10

10 8 6 4

Un total de 46 trillions de $US économisés

2 0

–2

1

10

0

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00

10

10

0

00

0 10

0

00

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llio

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n

llio

i 0m

1 10 Nombre de personnes concernées

n

llio

i 0m

n

illio

1b

n

illio

b 10

Fig. 41    Possibles solutions individuelles et planétaires.

en supprimer 33 %. Il s’agit là d’une réponse aux climatosceptiques qui suggèrent que ce sont les individus, et non les entreprises ou les gouvernements, qui devraient assumer la responsabilité de faire face au  186 

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changement climatique. Ce déplacement de la responsabilité permet aux « négateurs » du changement climatique de continuer à soutenir l’industrie des combustibles fossiles, car ils affirment qu’elle répond simplement aux exigences du marché. L’action individuelle et familiale est importante, car elle montre aux gouvernements et aux entreprises que les gens prennent au sérieux la lutte contre le changement climatique. Les solutions au changement climatique sont plus efficaces lorsqu’elles sont mises en œuvre du niveau communautaire au niveau national. Toutes ces solutions sont avantageuses pour tous et, prises dans leur ensemble, le bénéfice net (économies moins coûts) pourrait dépasser 46 000 milliards de dollars LES GOUVERNENTS, LES GRANDS GROUPES ET LA SOCIÉTÉ CIVILE

Pour parvenir à une réduction efficace des émissions de carbone, il faut un partenariat entre les pouvoirs publics, tant locaux que nationaux, les entreprises et la société civile, soutenu et encouragé par un changement de comportement individuel. Les gouvernements contrôlent les aspirations de la société civile par le biais de l’état de droit et de l’élaboration des politiques. Il est clair que les gouvernements peuvent utiliser des incitations, des subventions, des taxes et des réglementations pour rendre nos sociétés plus durables et neutres en carbone. Les gouvernements sont également le principal moteur de l’innovation, en investissant dans la recherche universitaire, en finançant la recherche et le développement industriels et en stimulant la demande par des mesures incitatives. Les gouvernements peuvent faciliter le passage rapide des combustibles fossiles aux énergies renouvelables, veiller à ce que les bâtiments soient neutres en carbone, encourager la reforestation et le réensauvagement de vastes zones, promouvoir une agriculture à faibles émissions avec davantage de plantes, une alimentation plus végétale, et soutenir les  187 

  Le changement climatique  

personnes les plus pauvres de la société, afin de contribuer à renforcer la résilience aux impacts probables du changement climatique. Les cent premières entreprises du monde génèrent plus de 15 000 milliards de dollars de revenus par an. À bien des égards, les entreprises contrôlent nos vies, car elles influencent ce que nous mangeons, ce que nous achetons, ce que nous regardons, et même pour qui nous votons. Nombre d’entre elles sont déjà en train de changer, adoptant des objectifs fondés sur des données scientifiques afin de parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici à 2050. Le défi pour les entreprises et l’industrie, si elles veulent rester pertinentes et dignes de confiance au xxie siècle, est de modifier leur relation avec l’environnement et la société. Le modèle économique classique et linéaire, « acquérir, assembler, jeter », repose sur de grandes quantités de matériaux et d’énergie bon marché et facilement accessibles. Nous atteignons les limites physiques de ce modèle. De nouvelles théories économiques inclusives émergent et montrent les problèmes fondamentaux de la culture du « jetable ». L’économie circulaire est essentielle si les entreprises veulent faire partie de la solution au changement climatique. L’économie circulaire minimise la quantité de ressources extraites et maximise la valeur des produits et des matériaux tout au long de leur cycle de vie, par la réutilisation et le recyclage. L’application d’une économie circulaire pourrait débloquer jusqu’à 1 800 milliards d’euros de valeur pour l’économie européenne. Les entreprises doivent donc concevoir et fabriquer des produits qui intègrent la longévité, l’évolutivité et la « recyclabilité ». Elles doivent concevoir des produits qui éliminent les déchets et la pollution. Bien que les actions individuelles ne contribuent que faiblement à la réduction des émissions de carbone, elles sont extrêmement importantes car elles envoient un message fort aux gouvernements et aux entreprises : les citoyens veulent voir et soutiennent des changements majeurs. Les actions individuelles ont eu un impact. Les grèves du climat dans les écoles et les manifestations d’Extinction Rebellion  188 

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ont rassemblé divers groupes de personnes à travers le monde, qui souhaitent tous que les gouvernements commencent à prendre au sérieux la protection de notre planète. Et le changement commence à se produire, puisque plus de 1 400 gouvernements locaux et plus de 35 pays ont déclaré que nous étions en situation d’urgence climatique. Mais nous devons aussi nous rappeler que tout le monde n’est pas également responsable de la crise climatique actuelle : 50 % des émissions de carbone directement liées au mode de vie sont émises par les 10 % les plus riches du monde (cf. figure 42) ; les 50 % les plus pauvres de notre société mondiale n’émettent que 10 % de la pollution. Une action individuelle entreprise par les plus riches de la société pourrait avoir un impact majeur sur les émissions mondiales de carbone. Les 10 % les plus riches

Les 10 % les plus riches sont responsables de presque la moitié des émissions liées aux styles de vie consuméristes

19 % 11 % 7% 4% Les 50 % les plus pauvres

Population mondiale par revenus (en déciles)

49 %

3% 2,5 % 2% 1,5 %

Les 50 % les plus pauvres ne sont responsables que de 10 % environ des émissions liées aux styles de vie consuméristes

1%

Fig. 42     Émissions de carbone globales, selon les niveaux de revenus et styles de vie.

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  Le changement climatique  

LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

Pour soutenir, encourager et, le cas échéant, imposer des changements positifs, nous avons besoin d’organisations internationales adaptées aux défis du xxie siècle. Nombre de ces institutions, telles que l’ONU, la Banque mondiale, le FMI, ont été créées juste après la Seconde Guerre mondiale. D’autres, comme l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), ont été créées au début des années 1960. Il est nécessaire que ces institutions internationales représentent tous les pays du monde et assurent une gouvernance juste et équitable. La Banque mondiale et le FMI pourraient être repensés de manière à ce qu’ils se concentrent sur le développement de l’économie verte durable, le soutien aux objectifs d’émissions nettes nulles et la réduction de la pauvreté, en plaçant les objectifs de ­développement durable au cœur de toutes leurs décisions. L’objectif actuel de l’OMC est de faire en sorte que les échanges commerciaux se déroulent de manière aussi fluide, prévisible et libre que possible, mais encourager le commerce et la consommation rend plus difficile la réduction des émissions mondiales de carbone. Cela peut empêcher la mise en place de protections et de réglementations environnementales significatives au niveau local, national et international. L’OMC pourrait peut-être se transformer en une Organisation mondiale de la durabilité (OMD), dont le premier objectif serait de soutenir et d’aider à restructurer les économies des pays qui dépendent des exportations de combustibles fossiles. Un changement simple et rapide pourrait consister à revaloriser l’Agence des Nations unies pour l’environnement, car elle a un statut secondaire dans le système des Nations unies, inférieur à celui du commerce, de la santé, du travail, voire des affaires maritimes, de la propriété intellectuelle et du tourisme. Le budget de l’Agence des Nations unies pour l’environnement est faible, moins d’un quart de  190 

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celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et un dixième de celui du Programme alimentaire mondial des Nations unies, bien qu’il soit essentiel à la santé et à la sécurité alimentaire. Si l’Agence des Nations unies pour l’environnement devenait l’Organisation mondiale de l’environnement (OME) et disposait d’un budget au moins égal à celui de l’OMS, elle pourrait superviser les objectifs de développement durable, la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur le changement climatique, afin de s’assurer qu’ils se renforcent mutuellement et ne s’opposent pas – ce qui permettrait de trouver des solutions « gagnant-gagnant-gagnant ». CONCLUSION

Le changement climatique est l’un des domaines scientifiques qui nous invitent à examiner l’ensemble des fondements de la société moderne. C’est un sujet qui fait débattre les politiciens, qui oppose les nations les unes aux autres, qui remet en question le rôle des entreprises dans la société, qui interroge les choix individuels de style de vie et qui, en fin de compte, pose des questions sur la relation de l’humanité avec le reste de la planète. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pourrons faire face à l’une des plus grandes crises que l’humanité ait jamais connue. Il ne fait guère de doute que le changement climatique s’accélérera au cours de ce siècle ; selon nos meilleures estimations, la température moyenne à la surface du globe devrait augmenter de 2,1 °C à 5,5 °C d’ici la fin du xxie siècle. Le niveau de la mer devrait s’élever de 50 à 130 cm d’ici à 2100, ce qui s’accompagnera de changements importants dans les régimes climatiques et d’événements climatiques plus extrêmes. Les dirigeants mondiaux se sont engagés à limiter le changement climatique à moins de +2 °C s’agissant de la hausse des températures, et si possible, à moins de +1,5 °C. Ce livre a démontré que nous disposons de la science nécessaire pour comprendre les causes, les conséquences et les solutions potentielles du changement climatique. Nous avons la technologie, les ressources, et l’argent pour faire face  191 

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au changement climatique. Ce qui nous manque actuellement, c’est la volonté politique et les politiques permettant de mettre en œuvre toutes les solutions positives et bénéfiques pour tous nécessaires pour créer un monde meilleur, plus sûr, plus sain et, espérons-le, plus heureux. Avec une prise de conscience croissante de la crise environnementale à laquelle la planète est confrontée, la pression publique pour le changement s’accroît, et de nouvelles politiques et façons de penser commencent à émerger. La question est de savoir si ces changements seront suffisamment rapides pour permettre au monde de parvenir à une neutralité carbone d’ici 2050 (cf. figure 43).

Fig. 43     Caricature de la Conférence de Copenhague, parue dans USA Today 2. © Joel Pitt.

2.  « Sommet sur le climat. » Dans la bulle : « Et si ce n’était que des fake news et que nous inventions en fait un monde meilleur pour rien ? » Sur l’écran : « Indépendance énergétique, préservation des forêts tropicales, durabilité, emplois “verts”, villes “habitables”, énergies renouvelables, de l’eau et de l’air propres, des enfants en bonne santé, etc ».

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  Lectures complémentaires

Sur l’histoire du changement climatique Corfee-Morlot, J., et al. Climate science in the public sphere, Philosophical Transactions A of the Royal Society, 365/1860 (2007): 2741–76. Leggett, J.K. The Winning of the Carbon War: Power and Politics on the Front Lines of Climate and Clean Energy (Crux Publishing, 2018). Lewis, S.L. et Maslin, M.A. The Human Planet: How Humans Caused the Anthropocene (Penguin and Yale University Press, 2018). Mann, M. The New Climate War: The Fight to Take Back Our Planet (Public­ Affairs, 2021). Oreskes, N. et Conway, M. Merchants of Doubt: How a Handful of Scientists Obscured the Truth on Issues from Tobacco Smoke to Global Warming (Bloomsbury, 2012). Ruddiman, W.F. Plows, Plagues, and Petroleum: How Humans Took Control of Climate (Princeton Science Library, 2016) Weart, S.R. The Discovery of Global Warming, New Histories of Science, Technology, and Medicine (Harvard University Press, 2008). Sur les apports de la science Archer, D. Global Warming: Understanding the Forecast, 2e ed. (John Wiley & Sons, 2011). Dessler, A.E. The Science and Politics of Global Climate Change: A Guide to the Debate, 3e ed. (Cambridge University Press, 2019). Emanuel, K. What We Know about Climate Change, mise à jour (The MIT Press, 2018).  193 

  Le changement climatique  

Houghton, J.T. Global Warming: The Complete Briefing, 5e ed. (Cambridge University Press, 2015). IPCC, Climate Change 2021—The Physical Science Basis Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (2021). Lenton, T. Earth System Science: A Very Short Introduction (OUP, 2016). Maslin, M. The five corrupt pillars of climate change denial (The Conversation, 2019). https://theconversation.com/ the-five-corrupt-pillars-of-climatechange-denial-122893 Maslin, M. Five climate change science misconceptions—debunked (The Conversation, 2019). https://theconversation.com/ five-climate-change-science-misconceptions-debunked-122570 Maslin, M. et Randalls, S. (dir.) Routledge Major Work Collection: Future Climate Change: Critical Concepts in the Environment (4 volumes qui reproduisent quatre-vingt-cinq des articles les plus importants publiés sur le changement climatique/ Rutledge, 2012). National Climate Assessment. Volume I: Climate Science Special Report (2018). https://science2017.globalchange.gov/ Romm, J. Climate Change: What Everyone Needs to Know (OUP, 2018). Sur les impacts Costello, A., et al. Managing the health effects of climate change, The ­Lancet, 373 (2009): 1693–733. Garcia, R.A., et al. Multiple dimensions of climate change and their implications for biodiversity, Science, 344 (2014): 486–96. IPCC, Climate Change 2021—Impacts, and Vulnerability, Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change National Climate Assessment. Volume II: Impacts, Risks, and Adaptation in the United States (2018) https://nca2018. globalchange.gov/ Stern, N. The Economics of Climate Change: The Stern Review (Cambridge University Press, 2007). Watts, N., et al., The 2020 Report of The Lancet Countdown on Health and Climate Change (The Lancet, 2020).  194 

  Lectures complémentaires  

Sur la politique et la gouvernance Figueres, C. et Rivett-Carnac, T. The Future We Choose: Surviving the Climate Crisis (Manilla Press, 2020). Giddens, A. The Politics of Climate Change, 2e ed. (Polity Press, 2011). Grubb, M. Planetary Economics: Energy, Climate Change and the Three Domains of Sustainable Development (Routledge, 2014). Gupta, J. The History of Global Climate Governance (Cambridge University Press, 2014). IPCC, Climate Change 2022—Mitigation of Climate Change, Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Klein, N. On Fire: The Burning Case for a Green New Deal (Allen Lane, 2019). Labatt, S. et White, R.R. Carbon Finance (Wiley, 2007). Metcalf, G.E. Paying for Pollution: Why a Carbon Tax is Good for America (OUP, 2019). Meyer, A. Contraction and Convergence: The Global Solution to Climate Change (Green Books, 2015). Oxfam, Policy Paper—Confronting Carbon Inequality: Putting climate justice at the heart of the COVID-19 recovery (Oxfam, 2020). https:// oxfamilibrary.openrepository.com/bitstream/handle/10546/621052/ mb-confronting-carbon-inequality-210920-en.pdf Thunberg, G. No One Is Too Small to Make a Difference, paperback (Penguin, 2019). Sur la question des solutions possibles Buck, H.J. After Geoengineering: Climate Tragedy, Repair, and Restoration (Verso, 2019). Centre for Alternative Technology (CAT), Zero Carbon Britain: Rising to the Climate Emergency (CAT Publications, 2019). https://www. cat.org.uk/ new-report-zero-carbon-britain-rising-to-the-climate-emergency/ Cole, L. Who Cares Wins: Reason for Optimism in Our Changing World (­ Penguin, 2020).  195 

  Le changement climatique  

Georgeson, L., Poessinouw, M. et Maslin, M. Assessing the Definition and Measurement of the Global Green Economy (Geo: Geography and Environment, 2017). doi: 10.1002/geo2.36 Goodall, C. What We Need to Do Now: For a Zero Carbon Future (Profile Books, 2020). Hawken, P. Drawdown: The Most Comprehensive Plan Ever Proposed to Reverse Global Warming (Penguin, 2018). Helm, D. Net Zero: How We Stop Causing Climate Change (William Collins, 2020). IPCC, Climate Change 2021—Impacts, Adaptation, and Vulnerability, Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Jackson, T. Prosperity without Growth: Economics for a Finite Planet (Routledge, 2016). Maslin, M. Stabilising the global population is not a solution to the climate emergency (The Conversation, 2019). https:// theconversation.com/ stabilising-the-global-population-is-not-a-solution-to-the-climateemergency-but-we-should-do- it-anyway-126446 Morton, O. The Planet Remade: How Geoengineering Could Change the World (Granta, 2016). Roaf, S., et al. Adapting Building and Cities for Climate Change (Routledge, 2009). Royal Society, Geoengineering the climate: Science, governance and uncertainty: The Royal Society Science Policy Centre Report, The Royal Society, 10/09 (2009): 81. Sur les thèmes généraux abordés Berners-Lee, M. There Is No Planet B: A Handbook for the Make or Break Years (Cambridge University Press, 2019). Flannery, T. Atmosphere of Hope: Solutions to the Climate Crisis (Penguin, 2015). Hayhoe, K. The Answer to Climate Change: And Why We Can Have Hope (Atria/ One Signal Publishers, 2021).  196 

  Lectures complémentaires  

Lynas, M. Our Final Warning: Six Degrees of Climate Emergency (Fourth Estate, 2020). Mazzucato, M. The Value of Everything: Making and Taking in the Global Economy (Penguin 2019). Raworth, K. Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist (Random House, 2017). Royal Society, People and the planet, The Royal Society Science Policy Centre Report, The Royal Society, 01/12 (2012): 81. Sachs, J. The Ages of Globalization (Columbia University Press, 2020). Wallace-Wells, D. The Uninhabitable Earth: A Story of the Future (Penguin, 2019).

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  Index A Accords internationaux 69, 183 Acidification 85, 103 Adaptation au changement climatique 23, 37, 70, 71, 72, 73, 85, 87, 89, 102, 103, 108, 153, 154, 156, 157, 181 Âges glaciaires 17, 18, 19, 20, 28, 31 Agriculture 24, 25, 85, 90, 98, 100, 101, 102, 104, 172, 179, 187 Albédo 69, 180 Alliance des petits États insulaires 86 Amazonie 106, 118, 131, 132, 133 Antarctique 17, 18, 19, 20, 30, 34, 44, 53, 54, 57, 60, 97, 115, 117, 118, 120, 122, 123, 124, 126, 133 Arrhenius, Svante 28, 33 Atténuation 41, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 153, 158, 181

B Bangladesh 96, 98, 111, 162 Bénin 101 Biden, Joe 12, 143

Biocarburants 159, 160, 161, 167 Biodiversité 40, 85, 104, 105, 106, 107, 113, 133, 149, 175, 178, 185 Brésil 56, 91, 94, 101, 102, 137, 139, 146, 148, 152, 174

C Café (commerce du) 101, 102, 123 Californie 29, 94, 160, 167 Callendar, Guy Stewart 28, 29 Capture et stockage (CCS) 164 Capture et stockage (CCS) 164, 171, 179, 182 Carburants fossiles 45, 67 Ceinture de mousson 92 Chine 12, 24, 56, 101, 103, 107, 137, 139, 140, 145, 146, 148, 152, 168, 173 Chlorofluorocarbones (CFC) 34 Choléra 111 Circulation des eaux océaniques profondes 123, 125, 133 Climatosceptiques 57, 79, 80, 81, 186 CO2 16, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 32, 45, 57, 58, 59,  199 

  Le changement climatique  

66, 67, 68, 69, 71, 75, 80, 81, 103, 106, 128, 131, 132, 136, 138, 140, 141, 143, 146, 148, 150, 153, 158, 161, 164, 165, 167, 171, 172, 176, 177, 178, 179, 186 Compensations de carbone 171, 172 Conférence de Glasgow 2021 (COP26) 144 Conférence de Kyoto 1997 (COP3) 55, 136, 138, 140, 141, 150 Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) 22, 23, 35, 135, 136, 140, 141, 145, 146, 149, 181 COP21 (Paris 2015) 83, 141, 149, 150 Copenhague (conférence 2009, (COP15)) 34, 39, 138, 139, 140, 145, 150, 192 Côtes ; voir aussi niveaux de la mer 11, 18, 26, 41, 44, 51, 53, 60, 61, 77, 78, 79, 80, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 105, 109, 111, 113, 122, 123, 124, 127, 133, 154, 155, 157, 161, 168, 191 Couverture médiatique 89 Covid-19 11, 12, 39, 41, 106, 135, 150, 158, 169, 184, 185 Cycle du carbone 66, 67

D Déforestation 20, 24, 69, 104, 133, 141, 149, 174 Destruction de la forêt amazonienne 117, 130, 131, 132  200 

Données sur la température moyenne mondiale (GMT) 30

E Eau potable (accès à) 90, 108, 156 Eaux profondes de l’Antarctique (AABW) 118, 124, 125, 127 Eaux profondes de l’Atlantique Nord (NADW) 125, 127 Effet de serre 11, 13, 16, 27, 29, 32, 45, 58, 128, 171 Effets de refroidissement 68 Égypte 96, 144, 152 El Niño ; voir aussi ENSO 94, 95, 132 Émissions de carbone 11, 12, 26, 27, 41, 66, 67, 71, 83, 122, 123, 130, 133, 136, 144, 146, 158, 166, 167, 168, 169, 171, 178, 183, 187, 188 Énergie éolienne 159, 161, 162 Énergie géothermique 128, 162, 179 Énergie houlomotrice 159 Énergie hydroélectrique 162 Énergie marémotrice 159, 162 Énergie solaire 16, 17, 60, 69, 81, 82, 159, 160, 162, 180 Énergies renouvelables 13, 74, 159, 168, 169, 171, 182, 187, 192 ENSO ; voir aussi El Niño 94, 95, 118 États-Unis 12, 20, 21, 24, 33, 34, 38, 40, 55, 56, 61, 69, 91, 94, 101, 103, 108, 112, 136, 137, 138, 139, 142, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 152, 166, 168, 170, 174, 178 Événements extrêmes 44, 87

 Index 

F Fission nucléaire 163 Foote, Eunice Newton 27 Formation des nuages 65 France, décès dus aux canicules 89, 91, 94, 107, 156, 170 Fusion nucléaire 164

G Gaz à effet de serre (GES) 11, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 33, 35, 36, 43, 44, 45, 57, 58, 61, 62, 63, 66, 68, 70, 76, 77, 80, 81, 82, 85, 117, 119, 120, 128, 135, 136, 144, 147, 148, 150, 153, 162, 166, 167, 171, 175, 182 Géo-ingénierie 74, 153, 175, 177, 179, 180, 181 GIEC 15, 22, 23, 32, 34, 35, 40, 46, 51, 55, 60, 61, 65, 66, 70, 74, 75, 77, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 95, 105, 122, 127, 133, 136, 142, 153, 164, 174 Gulf Stream 123, 124, 125, 127

H Hydrates de gaz 117, 128, 130, 133

I Incendies de forêt 91, 94, 107, 113, 115, 132, 133 Infrarouge 16, 28, 29, 46

K Keeling, Charles 29

L La Niña 94 Limite de 1,5 °C 27, 40, 59, 70, 75, 77, 83, 86, 113, 134, 135, 136, 140, 141, 142, 144, 174, 180, 191 Limite de 2 °C 28, 54, 86, 102, 106, 135, 139, 141, 142, 150, 191 Lovelock, James 18

M Maladies infectieuses 110, 113, 114 Marché du carbone 170, 171, 182 Martin, John (Professeur) 177 Maximum thermique du Paléocène-Eocène (PETM) 128 Méthane (CH4) 16, 18, 19, 20, 25, 28, 33, 45, 66, 117, 121, 127, 128, 130, 133, 162 Migration 155 Modèles 32, 64, 65, 66, 70, 71, 74, 75, 77, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 92, 94, 95, 102, 106, 109, 112, 125, 127, 132, 180 Modèles de circulation générale atmosphère-océan (MCG) 32, 65, 74 Mouvements sociaux (environnement) 39  201 

  Le changement climatique  

N Néolibéralisme 184 Niveau des mers 108 Nordhaus, William 36 Nourriture (accès à) 101, 104, 108, 110, 156 Nuages et albédo 68, 69, 82, 176, 180

O Obama, Barack 138, 139, 141, 143 Observatoire de Mauna Loa 21, 22, 30 Océans, absorption du CO2 21, 25, 28, 67, 177 Orellana, Francisco de 130 Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) 190 Ouragans 56, 93, 94, 95 Oxyde nitreux (N2O) 16, 45, 147 Ozone 16, 28, 34, 60, 81

P Paludisme 111, 112 Paramétrage 82 Permafrost 127, 130 Plass, Gilbert 30 Poids des preuves 60, 183 Points de basculement 40, 117, 121 Population, mondiale 74, 92, 101, 109, 115, 173, 182, 184  202 

Précipitations 44, 49, 50, 56, 60, 77, 79, 88, 90, 92, 93, 95, 101, 105, 107, 108, 109, 111, 173, 180 Profils représentatifs d’évolution des concentrations (RCP) 70, 74, 75, 77 Projet Downdraw 185

R Rayonnement solaire 16, 60, 61, 68, 176, 180 Rayons cosmiques galactiques (RCG) 82 Récifs coralliens 95, 105, 113, 114 REDD+ 141, 149 Réensauvagement 175, 177, 187 Reforestation 171, 172, 173, 174, 175, 176, 187 Revelle, Roger 29 Ruddiman, Bill 20, 193 Russie 54, 112, 137, 138, 152

S Sécheresses 11, 85, 87, 88, 89, 90, 91, 94, 95, 107, 109, 113, 132 Snowden, Edward 140 Stern, Sir Nicholas 36, 37, 194 Subventions 102, 103, 110, 144, 159, 169, 170, 184, 187

T Taches solaires 44, 60, 62 Températures de l’air marin (MAT) 46

 Index 

Températures de surface de la mer (SST) 46, 93, 95, 111 Tempêtes 91 Thomas, Chris 106 Trajectoires socio-économiques partagées (SSP) 70, 74, 77, 79 Transport 126, 146, 166, 167, 169, 170 Trump, Donald 12, 142, 143, 174 Tyndall, John 28

U Union européenne (UE) 11, 24, 86, 101, 103, 138, 145, 148, 152, 168

V Vagues de chaleur 11, 56, 87, 88, 89, 107, 113, 115 Voitures électriques 160, 166

 203 