Le banquet à travers les âges: De Pharaon à Marco Ferreri 9782296554719, 2296554717

Le banquet est un thème riche tant sur le plan religieux, anthropologique et sociologique que philosophique, littéraire

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Le banquet à travers les âges: De Pharaon à Marco Ferreri
 9782296554719, 2296554717

Table of contents :
SOMMAIRE
« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… » QUELQUES CLÉS POUR OUVRIR CE BANQUET
LE BANQUET D’ANNIVERSAIRE DE PHARAON (GN 40, 20-22) ET SON INTERTEXTE
« À LA FÊTE, AU BAL ET AU BANQUET »1 : ÊTRE ARTISTE AU TEMPS DU CÉNACLE

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LE BANQUET À TRAVERS LES ÂGES DE PHARAON À MARCO FERRERI

LE BANQUET À TRAVERS LES ÂGES DE PHARAON À MARCO FERRERI

Édité par Sydney H. AUFRÈRE (CNRS, UMR 6125, Université de Provence) et Michel MAZOYER (Université Paris I Panthéon – Sorbonne)

Association KUBABA, Université de Paris I Panthéon – Sorbonne 12, place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05

Reproductions de la couverture : Banquet en province (Chagot) La déesse KUBABA (Vladimir Tchernychev) (Jean-Michel Lartigaud)

Directeur de publication : Michel Mazoyer Directeur scientifique : Jorge Pérez Roy Comité de rédaction Trésorière : Christine Gaulme Colloques : Jesús Martínez Dorronsoro Relations publiques : Annie Tchernychev, Sophie Garreau Directrice du Comité de lecture : Annick Touchard Comité scientifique (Série Antiquité) Sydney H. Aufrère, Sébastien Barbara, Marielle Béchillon, Nathalie Bosson, Pierre Bordreuil, Jacques Bouineau, Dominique Briquel, Gérard Capdeville, Jacques Freu, Michel Mazoyer, Dennis Pardee, Eric Pirart, Jean Michel Renaud, Nicolas Richer, Bernard Sergent, Claude Sterckx, Patrick Voisin, Paul Wathelet

Ingénieur informatique Patrick Habersack ([email protected])

Avec la collaboration artistique de Jean-Michel Lartigaud et de Vladimir Tchernychev. Ce volume a été imprimé par © Association KUBABA, Paris © L’Harmattan, Paris, 2011 5-7, rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-55471-9 EAN : 9782296554719

Bibliothèque Kubaba (sélection) http://kubaba.univ-paris1.fr/ CAHIERS KUBABA Barbares et civilisés dans l’Antiquité. Monstres et Monstruosités. Histoires de monstres à l’époque moderne et contemporaine. COLLECTION KUBABA 1. Série Antiquité Dominique BRIQUEL, Le Forum brûle. Jacques FREU, Histoire politique d’Ugarit. ——, Histoire du Mitanni. ——, Suppiliuliuma et la veuve du pharaon. Éric PIRART, L’Aphrodite iranienne. ——, L’éloge mazdéen de l’ivresse. ——, L’Aphrodite iranienne. ——, Guerriers d’Iran. ——, Georges Dumézil face aux héros iraniens. Michel MAZOYER, Télipinu, le dieu du marécage. Bernard SERGENT, L’Atlantide et la mythologie grecque. Claude STERKX, Les mutilations des ennemis chez les Celtes préchrétiens. Les Hittites et leur histoire en quatre volumes : Vol. 1 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, en collaboration avec Isabelle KLOCKFONTANILLE, Des origines à la fin de l’Ancien Royaume Hittite. Vol. 2 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Les débuts du Nouvel Empire Hittite. Vol. 3 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, L’apogée du Nouvel Empire Hittite. Vol. 4 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Le déclin et la chute du Nouvel Empire Hittite. Sydney H. AUFRÈRE, Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit. Michel MAZOYER (éd.), Homère et l’Anatolie. Michel MAZOYER et Olivier CASABONNE (éd.), Mélanges en l’honneur du Professeur René Lebrun : Vol. 1 : Antiquus Oriens. Vol. 2 : Studia Anatolica et Varia. Richard-Alain JEAN et Anne-Marie LOYRETTE, La mère, l’enfant et le lait en Égypte ancienne. Une étude de sénologie égyptienne (Textes médicaux des Papyrus Ramesseum nos III et IV), édité par Sydney H. AUFRERE. Sydney H. AUFRERE et Michel MAZOYER (éd.), Remparts et fortifications. Du temple d’Edfou au mur de Berlin. Daniel GRICOURT et Dominique HOLLARD, Cernunos, le Dioscure sauvage.

Patrick VOISIN et Marielle de l’orateur au poète.

DE

BECHILLON (éd.), L’Art du discours dans l’Antiquité :

2. Série Monde moderne, Monde contemporain Annie TCHERNYCHEV, L’enseignement de l’Histoire en Russie Eysteinn ÁSGRIMSSON, Le Lys, Poème marial islandais. Présentation et traduction de Patrick Guelpa. Moëz MAJED, L’ambition d’un verger. René VARENNES, Au-delà des mots. 3. Série Grammaire et linguistique Stéphane DOROTHEE, À l’origine du signe : le latin signum. Michèle FRUYT et Sophie VAN LAER (éd.), Adverbes et évolution linguistique en latin. Sophie ROESCH (éd.), Prier dans la Rome Antique. Etudes lexicales. Claude MOUSSY, Synonymie et antonymie en latin. Olga SPEVAK (éd.) Le syntagme nominal en latin. 4. Série Actes Michel MAZOYER, Jorge PEREZ, Florence MALBRANT-LABAT, René LEBRUN (éd.), L’arbre, symbole et réalité. Actes des premières Journées universitaires de Hérisson, Hérisson, juin 2002. L’Homme et la nature. Histoire d’une colonisation. Actes du colloque international de Paris, décembre 2004. L’oiseau entre ciel et terre. Actes des Deuxièmes journées universitaires de Hérisson, 2004. Actes des Journées universitaires de Hérisson, 18 et 19 juin 2004. La fête, de la transgression à l’intégration. Actes du colloque sur la fête, la rencontre du sacré et du profane. Deuxième colloque international de Paris, organisé par les Cahiers Kubaba (Université de Paris I) et l’Institut catholique de Paris, décembre 2000 (2 volumes). D’âge en âge. Actes des Troisièmes journées universitaires de Hérisson, 23-24 juin 2004. Claire KAPPLER et Suzanne THIOLIER-MEJEAN (éd.), Alchimies, Occident-Orient. Actes du Colloque tenu en Sorbonne les 13, 14 et 15 décembre 2001, publiés avec le concours de l’UMR 8092 (CNRS-Paris-Sorbonne). Sydney H. AUFRERE et Michel MAZOYER (éd.), Clémence et châtiment. Actes du colloque organisé par les cahiers Kubaba (Université de Paris I) et l’Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris, 7-8 décembre 2006. Série Éclectique Élie LOBERMANN, Sueurs ocres. Patrick VOISIN, Il faut reconstruire Carthage. Christian BANAKAS, Les difficultés de l'anglais : la voix passive.

SOMMAIRE Sydney H. AUFRÈRE, « J’ai songé à rechercher la clef du Michel MAZOYER festin ancien… » Quelques clés pour ouvrir ce banquet

XI-XXII

1-30

Sydney H. AUFRÈRE

Le Banquet d’anniversaire de Pharaon (Gn 40, 20-22) et son intertexte

Pedro AZARA

La phénoménologie du cocktail de crevettes

31-43

Dan BELNAP

« A feast, o Baal, we shall provide. » The role of the feast in the Ugaritic mythological texts

45-70

Buster BURK

L’individu à table avec la société : le banquet manqué dans les œuvres d’Apollinaire

71-101

Alain-Robert COULON

Le banquet du Bouddha (Hotocke Noutage -"6) (Lettre à l’ermite François dans les montagnes du Vercors)

103-108

Sophie DAVID

Néron ou les droits de l’homme

109-118

Patrick ETTIGHOFFER

Les amas coquilliers du Mésolithique en Scandinavie du sud : une tentative d’explication cultuelle

119-123

Patrick GUELPA

Libation et ivresse dans le Nord ancien

125-135

Marie-Pierre JAOUAN- Banquets cinématographiques SANCHEZ

137-152

Davilla LEBDIRI

153-160

Les scènes de banquet dans les Pastorales de Longus

SOMMAIRE

Pierre LEVRON

Banquets ambigus, ou la table subvertie : enquête sur les textes littéraires des douzième et treizième siècles

161-201

Henri MATADEEN

Les Noces de Cana (Jean 2, 1-11)

203-205

Michel MAZOYER

L’auberge au cœur de la vie cultuelle chez les Hittites

207-212

Paul NGO DINH SI

Le mot « Banquet » dans la Bible

213-238

Hélène NUTKOWICZ

Du festin d’élection au dernier souper : un funeste destin

239-252

Antonio PÉREZ

El Anti-Ágape

253-268

Sabrina SALMON

La fonction du banquet dans l’idéologie impériale assyrienne

269-277

Marie-Agathe SCHOUSBOË

Les auberges du Proche-Orient hellénistique et romain

279-290

Cathie SPIESER

À propos du repas de la famille royale à l’époque amarnienne

291-306

Claude STERCKX

Le maître du banquet de l’autre monde dans les mythologie celtes

307-325

Olivia VOISIN

« À la fête, au bal et au banquet » : être artiste au temps du Cénacle

327-347

X

Le banquet à travers les Âges. De Pharaon à Marco Ferreri. Édité par S.H. Aufrère et M. Mazoyer Cahiers Kubaba, Paris, 2011, p. XI-XXIII. ————————————————————————————————————————

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… » QUELQUES CLÉS POUR OUVRIR CE BANQUET

Le « banquet » est un thème d’une richesse extrême tant sur les plans anthropologique, sociologique que littéraire. Moment essentiel de la vie collective et familiale, la société antique, moderne et contemporaine s’y retrouve pour divers types de célébrations. Cette phrase-ci nous a servi de fil d’Ariane : « Or, tout dernièrement m’étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j’ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit. » Ainsi s’exprimait Arthur Rimbaud dans le prologue d’une Saison en enfer (1873). Il n’en fallait pas plus pour se jeter sur les traces du festin antique1 qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. Le mot « banquet » vient de l’italien banchetto, mot qui véhicule l’idée selon laquelle les tables étaient jouxtées de petits bancs, ce qui permet d’établir un rapport de proximité et de côtoiement entre les convives, qui sont des banqueteurs unis par une convivialité rituelle associée à une consommation de nourriture et de boisson. Dès lors, on remarque un certain écart entre ledit banchetto et le 4)μ+*2$'& les Grecs de l’Antiquité, notamment dans le Banquet de Platon (vers 380), — mille fois traduit ou réécrit 2, — et auxquels font écho les 4)μ+'2$0%5 (Propos de table) de 1

Voir également Banquets et fêtes du Proche-Orient ancien, Dossiers d’Archéologie n° 260, février 2003. On se reportera aux actes du colloque organisé du 29 au 30 mai 2007 au Collège de France « La fête au palais : banquet, musique et parures », où différents aspects du banquet en Orient et en Extrême-Orient sont abordés. Plusieurs colloques ont été organisés sur ce thème : Les Festins et les arts, 11-12 décembre 2008, Université d’Artois ; Le Banquet du monarque dans le monde antique : Orient, Grèce, Rome, 25 mars 2010 au 27 mars 2010, Université François-Rabelais, Tours ; Le Festin Nu de William Burroughs, 1er-3 juillet 2009, Institut britannique de Paris. Voir aussi, pour le titre, Festins d’Afrique : l’animal cannibalisé, 2 octobre 2009, Lyon. L’intérêt du festin et de ses divers aspects n’est pas près de décroître puisque deux journées d’étude sont prévues en 2011 et 2013, dans le cadre du programme : Dispositifs scéniques : corps, textes, images : Scène prandiale/scène de bouffe, Banquets, orgies et représentation ; sans compter un colloque international, en 2014 : Consommations. L’orgiaque et le trash. Scène prandiale/de sexe/de crime. 2 Entre autres par Sören Kierkegaard, Milan Kundera On renverra à Marie-Pierre JAOUANSANCHEz, ici même, p. 137.

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

Plutarque3 où, au contraire, les convives ne sont pas côte à côte, mais étendus sur des lits de table4 sur trois côtés d’un triclinium, le banquet couché étant considéré comme une sorte de privilège masculin5. D’ailleurs le Banquet de Platon réunit six convives autour du poète Agathon, à cette différence qu’il est non un festin accompagné d’une beuverie, mais une réception intime dont les propos des invités, toute ivresse rejetée, gravitent autour d’un éloge de l’amour. C’est donc plus la réunion d’individus discutant d’un thème que ripaillant dont il est question. Ce 4)μ+*2$'& de Platon, diffère de celui des Deipnosophistes d’Athénée de Naucratis 6, qui réunit des savants autour du principal repas de la journée (#$*(&'&), en fin d’après-midi, savants dissertant sur la nourriture, ses origines les diverses façons de l’accommoder7. (En fait 4)μ+*2$'& et #$*(&'& « sont deux phases complémentaires du banquet grec »8, qu’il ne faut pas confondre avec l’,23#02$(, « action de donner un repas ».) On ne peut trouver plus bel hymne traitant des diverses façons de se rassembler autour de mets, de boissons et de musique dans un but rituel, sacrificiel ou festif que dans les Deipnosophistes. À son tour, ce banquet où l’on traite de tous les sujets est bien éloigné de celui de l’affranchi Trimalcion dans le Satyricon, lieu de tous les excès, où l’hôte s’impose comme le symposiarque qui donne le ton de l’excès puisque on intègre là le domaine de la parodie. Bref, il y a bien banquet et banquet : le banquet en tant qu’institution sociale, le banquet gréco-romain9, le banquet philosophique, le banquet sacrificiel, le banquet associatif, puis le banquet juif, le banquet dans les églises de Paul, les

3 Une importante documentation sur le banquet chez Plutarque est fournie dans l’ouvrage édité par José Ribeiro FERREIRA, Delfim LEÃO, Manuel TRÖSTER & Paula BARATA DIAS, Symposion and Philanthropia in Plutarch, Coimbra, Classica digitalia, 2009. 4 Voir Jean-Marie DENTZER, « Aux origines de l’iconographie du banquet couché », Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, 1971 ; Le motif du banquet couché dans le ProcheOrient et le monde grec du VIIe au IVe siècle avant J.-C., BEFAR 246, Rome, 1982. 5 Voir ici même, D. LEBDIRI, p. 155. 6 Cette œuvre occupe le centre du colloque Le Banquet du monarque dans le monde antique : Orient, Grèce, Rome, 25 mars 2010 au 27 mars 2010. 7 De tels ouvrages préfigurent les livres-banquets à l’instar de Gargantua et Pantagruel, tel Le moyen de parvenir de François Béroalde de Verville (1556-1626), cet écrit inouï, qui allie la truculence à la gourmandise des mots et des mets. (Il en existe de nombreuses éditions.) On songera aussi à la vie considérée comme festin, ce qui aboutit, chez Rimbaud, à l’expression du banquet littéraire : Anne-Emmanuelle BERGER, Le banquet de Rimbaud. Recherches sur l’oralité, Seyssel, 1992. 8 Davilla LEBDIRI, ici même, p. 153. 9 On verra avec intérêt Katherine M.D. DUNBABIN, The Roman banquet: images of conviviality, Cambridge, 2003.

XII

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… »

banquets des Évangiles et le banquet eucharistique10. Et on n’oubliera pas toutes les graduations du banquet, qui vont des Colloques d’Érasme (14661536)11, qui rappellent, dans une tonalité plus moderne, les 4)μ+'2$0%5 de Plutarque, à la parodie de Rabelais († 1553)12 du 4)μ+*2$'& de Platon. Une plongée dans la bibliographie permettra rapidement au lecteur de se rendre compte que le banquet, au sens de repas public13, fait figure, de l’Antiquité à nos jours, de moment clé de la vie religieuse, funéraire et sociale14. Pour autant, en dépit de certaines constantes, tous les banquets ne se ressemblent pas et n’ont pas toujours la même signification. Dans la vie religieuse antique, c’est au cours d’un banquet que les décisions essentielles pour le cosmos sont prises ; mais c’est également lors de banquets, considérés comme l’instant d’expression d’un pouvoir monarchique, aristocratique, religieux, politique, que se prennent des décisions collectives15. À toutes les époques de l’histoire, leur tenue peut marquer le début ou la fin d’un monde ou d’une époque, d’une dynastie, d’un règne, d’une famille. On n’en finirait pas d’exposer toutes les circonstances au cours desquelles sont organisés ces banquets — qui ne sont pas toujours synonymes de festins regorgeant de nourriture, — dès lors qu’on se penche sur les différentes désignations qui permettent de représenter ce qu’en français on nomme ainsi. Si à toutes les époques le banquet en Égypte est bien connu, qui rassemble des individus à l’occasion d’une cérémonie civile ou funéraire, il est très 10 Cette évolution a été mise en lumière par Dennis Edwin SMITH, From symposium to Eucharist: the banquet in the early Christian world, Augsburg Fortress, 2003. Voir spécialement p. 3. 11 Voir notamment le Convivium poeticum (août 1523), dont le but est « de montrer quel doit être le genre d’un banquet d’érudits, frugal, mais spirituel et enjoué, assaisonné de propos lettrés, sans dispute, sans dénigrement ni inconvenance » ; cf. Franz BIERLAIRE, Érasme et ses Colloques : le livre d'une vie, coll. Travaux d'Humanisme et Renaissance, CLIX, Droz, Genève, 1977, p. 69. Voir aussi Érasme, Cinq Banquets, édité par Jacques Chomarat et Daniel Ménager. Éditions Vrin, Paris, 1981. Ces Banquets d’Érasme ont été réunis récemment dans L’épicurien et autres banquets le banquet profane, le banquet religieux, le banquet disparate. Introduction de Michel Onfray, Paris, 2006. Le texte du Banquet religieux est disponible dans http://www. scribd.com/doc/ 6545702/Erasme-de-Rotterdam-Le-Banquet-religieux. 12 Romain MENINI, Rabelais et l’intertexte platonicien, Travaux d'humanisme et Renaissance, 461 (= Études rabelaisiennes, 47), Droz, Geneva, 2009. On discerne bien derrière l’Alcofribas de Rabelais, l’Alcibiade de Platon, qui arrive en retard chez Agathon. 13 Pauline SCHMITT-PANTEL, La cité au banquet. Histoire des repas publics dans les cités grecques, Collection de l’École française de Rome, n° 157, Rome, 1972. 14 Yves SCHEMEIL, « Déjeuner en paix. Banquet et citoyenneté en Méditerranée médiévale », Revue française de science politique 48, nos 3-4, 1998, p. 349-375. 15 Voir Agathe LAFORTUNE-MARTEL, Fête noble en Bourgogne au XVe siècle. Le banquet du Faisan (1454) : Aspects politiques, sociaux et culturels, Cahiers d’Études médiévales Montréal 8, Montréal – Paris, 1984.

XIII

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

difficile de surprendre un souverain dans un tel moment dans la mesure où sa fonction de roi le sépare des simples mortels. Il relève de la sphère divine. Cathie SPEISER, tentant de cerner la notion de banquet royal en Égypte, souligne qu’il n’existe pas, en dehors de l’époque amarnienne, de scènes conviviales, où se trouvent associés le roi et les membres de sa famille, comme si on avait affaire à un interdit tacite. Cependant, il faut plutôt parler de scène conviviale que de banquet à proprement parler. Le propriétaire de la tombe où se trouvent reproduites les scènes en question nous fait assister à un moment d’intimité particulièrement rare dans l’art égyptien, qui témoigne du lien du fonctionnaire à la famille royale et de sa position dans la hiérarchie aulique d’Amarna. Outre cela, la représentation de ce banquet royal nous renvoie au domaine de l’irréalité, puisqu’elle associe à ce moment les géniteurs du souverain, qui ne sont plus en vie : Amenhotep III et Tiyi. Toujours est-il que ce moment iconographique, à la fois festif, joyeux et sensuel, est en totale rupture avec une tradition de réclusion de la famille royale. Destiné à rassembler, le banquet est un moment d’union et de réconciliation, comme dans L’Amphitryon de Plaute, hypertextualisé par Molière (1668), car l’imposteur, qui n’est autre que Zeus, et qui a commis l’adultère avec Alcmène épouse d’Amphitryon, se dénonce : l’honneur est sauf. Pour distinguer le vrai du faux Amphitryon, il suffit de savoir qui organise le festin : « le véritable Amphitryon est l’Amphitryon où l’on dîne » est un dicton devenu proverbial, permettant de déceler ce qui relève de la sphère terrestre et ce qui relève de la sphère céleste. C’est sinon la réconciliation du moins le ciment de l’union dont il est également question dans le texte de Pedro AZARA. Évoquant l’Espagne, il constate « l’efficacité magique d’un repas pris en commun, d’un banquet où la vie d’un groupe se joue, se représente et se défait ». Il montre que le banquet de mariage dans la société hispanique contemporaine est une forme dégradée du banquet initial. Si les banquets permettaient aux hommes et aux dieux de se réunir, aujourd’hui ils unissent les hommes dans leurs rêves de bonheur, vite remplacés. C’est à dessein qu’il parle de « mise en (s)cène » : les salles de banquets vides se reconstituent et attendent de nouveaux groupes, où se nouent d’autres destins autour de la communion que constitue le partage du gâteau. Il y a « (s)cénarisation » du banquet de mariage, en d’autres termes travestissement du thème du Nouveau Testament. Au dire de Davilla LEBDIRI, il a aussi une fonction galante, dans la mesure où il favorise des rencontres entre les deux sexes, soumises au regard des autres. Dans les romans grecs, il est un « lieu où le désir peut s’exprimer », et donc s’avère un cadre codifié à dessein. Évoquant le roman hellénistique, l’auteur remarque que les banquets, présents au long des péripéties qui XIV

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… »

jalonnent l’intrigue amoureuse, « sont l’un des topoi du roman grec ancien » abordé sous l’angle des Pastorales de Longus (IIe-IIIe siècle de notre ère) où les scènes de banquets ponctuent de temps forts le récit, accentuant la dimension sacrée doublée d’une fonction éducatrice, « par le biais des contes mythologiques enseignés aux jeunes héros » — Daphnis et Chloé — « conformément à leur identité sexuelle ». Pour le Moyen Âge, Pierre LEVRON parle du banquet comme d’un moment de « cohésion du réseau vassalique par la réalisation d’une convivialité aristocratique fondée sur deux valeurs essentielles : la générosité du seigneur et la joie de vivre ». Mais il exprime toute l’ambiguïté qui se dégage de l’étude des banquets dans la littérature médiévale des XIIe et XIIIe siècles, puisque l’on assiste à une véritable subversion littéraire de ce repas festif solennel où expriment, de façon critique, tant l’idéal de défense de l’organisation sociale que la capacité des individus à soumettre leurs désirs à la morale collective. À travers ces banquets littéraires, il est possible de dessiner une anthropologie de l’individu. Mais le banquet est aussi un lieu où s’expriment à égalité des forces antagonistes, puisque l’on voit autant s’y consolider que s’y dissoudre des liens sociaux. Il « ne favorise pas toujours l’apaisement du conflit », écrit Antonio PÉREZ, car il existe, en parallèle au banquet de la réconciliation, un banquet de la haine qui, généralement, trouve sa source dans la hiérarchisation du festin. À l’échelle réduite au microcosme du clan familial, on voit apparaître une série d’avatars au nombre desquels il faut compter la commensalité des noces tragiques, où un clan adverse anéantit une famille16, — c’est une des formes de l’anti-agape d’Antonio PÉREZ, — jusqu’au simple repas d’affaires où se conclut un contrat. Les banquets permettent de rendre hommage aux forces de la nature. Les banquets de crustacés et de coquillages scandinaves du Mésolithique pourraient être, selon Patrick ETTIGHOFFER, qui étudie les amas coquilliers sur les plages, une façon de rendre un culte à la déesse-lune et à son influence sur les marées, lesquelles permettaient la prospérité de pêcheurschasseurs-cueilleurs. Le banquet peut être le lieu où des hommes se nourrissent de valeurs divines. On sait qu’à l’époque hittite le sacrifice s’achevait par un banquet. (Cette même thématique se prolonge dans le banquet eucharistique.) Le banquet est une affirmation de la hiérarchie en Mésopotamie. Comme l’écrit Sabrina SALMON, dans la société mésopotamienne, le banquet est un thème très populaire, car il traduit un « moment où des enjeux, des décisions importantes ou des destins peuvent se dessiner et se sceller ». Il représente plus particulièrement un moment d’unité sociale 16

Voir Marie-Pierre JAOUAN-SANCHEZ ici même, p. 138. XV

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

autour du souverain à des occasions festives, qu’il s’agisse d’un banquet rituel ou un banquet gargantuesque offert à une population en liesse : mariages, victoires, constructions d’édifices religieux ou royaux. Le banquet rituel ou royal s’inscrit dans le cadre d’une scénographie de légitimation idéologique. Semblablement, Dan BELNAP, mettant en évidence la place que jouent les banquets dans la Mythologie d’Ugarit, conclut que la fête, qui associe nourriture et divertissement, est une façon, pour le monde des hommes, d’accéder au divin, en notant que la fête jouait un rôle essentiel dans l’interaction entre les structures sociales et en livrant une idée sur la vision du monde propre à Ugarit. Le banquet est un lieu de représentation où se fixent les éléments de la hiérarchie. À la fois remise en question des valeurs et réorganisation du système des valeurs. Le banquet divin peut aussi être un moment fait de modération et de retenue. Dans sa lettre à l’ermite François, Robert COULON, qui a participé à la célébration, dans un temple vietnamien, de l’hotoke noutage, voit s’effectuer, dans une ambiance feutrée, « une prière au cosmos, un mariage du microcosme et du macrocosme ». L’eau, « l’essence du banquet de Bouddha », permet d’associer l’illusion du bouddhisme à l’allusion du christianisme. Au contraire, face à ce liquide dont le rite souligne le caractère divin mais qui ne conduit pas à l’ivresse, Patrick GUELPA remarque, quant à lui, une spécificité de l’ivresse dans le grand Nord, ivresse découlant de la libation qui, au sens étymologique du terme, consiste à boire en l’honneur des dieux. Hydromel, bière, vin coulent lors des manifestations festives, qu’elles soient traditionnelles ou chrétiennes. Dans l’ivresse nordique, enracinée dans les croyances et notamment dans l’hydromel des scaldes que consomme Ó/inn, faut-il y voir un héritage du paganisme nordique ou bien doit-on y voir atavisme ? La réponse est, semble-t-il, dans la question. Mais certains repas d’auberges peuvent rimer avec déshonneur, beuverie, rixe et prostitution. Marie-Agathe SCHOUSBOÉ, livre un aperçu des auberges (pandocheia) à caractère profane sur lesquelles elle a enregistré des informations du VIe siècle av. J.-C. au VIIe siècle apr. J.-C. et leur forme christianisée du VIe siècle av. J.-C. au VIIe siècle apr. J.-C. : le xenodocheion. Il existait des auberges associées au domaine sacré de temples, à Délos et à Delphes, au IVe siècle av. J.-C. mais, parmi les auberges à caractère profane, certaines étaient clairement vouées à la prostitution. En revanche, d’après Michel MAZOYER, les auberges hittites (arzana) du second millénaire pouvaient avoir un rôle sacré et religieux. À travers les descriptions de l’arzana, on voit se dessiner clairement un lieu où l’on mangeait, buvait, chantait, faisait de la musique et où l’on pouvait se livrer à des ébats sexuels. C’est là que le roi ou le prince, entourés de prostituées, revitalisaient leur fonction virile, gage d’un royaume qu’on voulait éternel. XVI

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… »

Inversement, à en croire Sophie DAVID, il est aussi, lorsque Néron y paraît, un moment de remise en question théâtralisé des dieux, un décorum où les hommes rivalisent avec eux et remettent en cause la morale naturelle. Sophie David évoque « une sexualité débridée qui permet de contester le pouvoir des dieux et de substituer à l’autorité divine un pouvoir humain inégalé », en mettant en scène une manifestation de l’Hybris propre à la littérature grecque. Mais Néron n’invente pas pour autant le travestissement au cours du banquet où les invités jouent chacun un rôle de dieu, puisqu’Auguste lui-même, avant d’être investi de ses pouvoirs, organisa de telles rencontres parodiques, lesquelles ne prolongent-elles pas l’Hybris de l’Orient hellénistique ? S’élevant à la hauteur du mythe, Ptolémée Évergète II, qui offre son propre fils, Ptolémée Memphitès, démembré à son épousesœur Cléopâtre II, ne parodie-t-il pas le festin tragique où périssent les enfants de Thyeste ? Ce sont là des dévoiements, que n’auraient pas renié les dieux égyptiens vus selon les contes et textes mythologiques17. Mais ce sont également des moments de présentation, de justice et de promotion, où peuvent se nouer ou se dénouer également des destins individuels ou collectifs, voire basculer des existences, selon des dramaturgies diverses : moment de réunion d’une société sélectionnée, le banquet, où la vigilance se relâche et les sens s’apaisent grâce à une absorption de nourriture et de boisson, est également un instant de fragilité propice à l’assassinat où l’empoisonnement est toujours possible18. La tradition du lâche assassinat d’Osiris en est un exemple de la fin tragique fomentée lors d’un 4)μ+*2$'&, où le futur dieu, d’après le récit de Plutarque, succombe par la ruse19. Et dans un autre genre, la Nitocris d’Hérodote n’inonde-t-elle pas la salle du festin où banquettent les assassins de son frère, avant de s’immoler elle-même par le feu20 ? (On ne saurait d’ailleurs imaginer mort antique plus baroque.) Le Banquet de Pharaon (Gn 40, 20), qui a un prolongement dans le banquet eucharistique, est un lieu de jugement où l’on rend justice à l’échanson et où le panetier est condamné à être pendu, mais ce qu’il y a d’intéressant ce sont tous les hypertextes qui se sont développés à partir du texte biblique, le tout considéré comme un intertexte au sens où 17

On pense à divers épisodes des textes mythologiques, qu’il s’agisse des Papyrus de Tebtynis, du Papyrus Jumilhac et du Papyrus mythologique du Delta. 18 Dámaris Romero GONZÁLEZ, « Veneno simposíaco: envenenamiento en los banquetes en la obra plutarquea », dans José Ribeiro Ferreira, Delfim Leão, Manuel Tröster & Paula Barata Dias (éd.), Symposion and Philanthropia in Plutarch, Coimbra, Classica digitalia, 2009, p. 255262. Voir aussi Nuno Simões RODRIGUES, « Festins de sangue: a tradição do banquete aziago em Plutarco », ibid., p. 231-244. 19 Sydney H. AUFRÈRE, Pharaon foudroyé. Du mythe à l’histoire, Gerardmer, 2011, p. 49-50. 20 Ibid., p. 103-106, 246-249. XVII

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

l’emploie Riffaterre. Sydney H. AUFRÈRE remarque que la thématique de ce banquet résulte d’une anastomose littéraire ou plutôt d’une greffe interculturelle qui finit par évoluer librement dans la pensée occidentale, mais tout en perdant paradoxalement la raison qui en a motivé la création : l’idée selon laquelle le banquet sous-entendait une réunion d’individus de rang élevé et connotait un moment de mise en scène politique où tout devenait possible : la promotion officielle d’un individu au zénith du succès comme sa condamnation à la déchéance ou à la mort, ou les deux en symétrie. Encore une fois, ce sont des structures interprétées à des degrés divers en fonction des lieux et du temps. Buster BURK visite le thème du banquet manqué chez Apollinaire, qui permet de mieux comprendre l’auteur21, à travers la convocation au grand banquet de la guerre. Apollinaire ne sera pas le seul à considérer que la participation au banquet de la Grande Guerre est le ciment de la cohésion sociale, comme il est essentiel à « la cohésion de la communauté civique » dans le banquet grec. Rater le banquet de cette fraternité d’armes, si horrible soit-il, peut être ressenti comme un drame dans la mesure où il permet à une génération de se constituer et de se reconnaître22. Toujours est-il que pour Apollinaire, la fin du banquet, quel qu’il soit, annonce le retour à la solitude. Le banquet-bal d’Alexandre Dumas, où la société des artistes apparaît sous un travestissement, constitue un sommet inégalé de la vie artistique. Comme tous les banquets, il est même constituant d’un état d’esprit. Olivia VOISIN considère que « les manifestations de joie de ces réunions d’artistes qui se prolongeaient dans les rires ont guidé les artistes romantiques et ont dicté, au delà de leur conduite, l’orientation de leur art. » Les artistes de ce banquet, qui semble s’être échappé d’un tableau guidé par les principes du romantisme historique, sont institués comme des êtres à part revendiquant, en 1830, la « gaieté ». C’est pourtant, sous le terme de « libertinage », — « cette œuvre destructrice qui domine la vie de Paris, cette œuvre qui dévore le plus pur de la substance de l’homme, que nous portons en nous, dans le travail, qu’elle entrave, au bal », — qu’Eugène Devéria évoque en 1848 dans son Journal, dénonçant les risques d’un tel programme en se rappelant les frasques de sa jeunesse, les soirées dans la maison familiale, chez Nodier ou dans les cabarets, « au temps de ces folies » où, dit-il, « [il] prostituai[t] [son] talent à la satisfaction de toutes [s]es convoitises ». Le bal chez Alexandre Dumas marque incontestablement l’apogée du grand banquet 21

Roger SHATTUCK, The Banquet Years. The Origins of the avant garde in France 1885 to World War: Alfred Jarry, Henri Rousseau, Erik Satie, Guillaume Apollinaire, Harcourt Brace, New York, 1968. 22 Henry de Montherlant aborde deux fois le thème : dans sa pièce L’Exil, qui ne sera publié qu’en 1929, et dans Le Songe, paru en 1922. XVIII

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qu’était, en 1830, le Romantisme. Banquets d’artistes, banquets du lobby des anciens de l’Expédition d’Égypte, banquets politiques se succèdent. Le moindre événement est prétexte à banquet. Le XIXe siècle, jusqu’en 1918, est une société de banquets permanents23, un ars vivendi où franche gaîté rime avec franche lippée, où l’on sert soit à la française, soit à la russe, qui sont deux façons de considérer la convivialité. Selon que l’on choisit la seconde au lieu de la première, on privilégie le service à la place par rapport au mouvement des invités vers un buffet. Sans oublier des moments plus graves quand on songe au caractère subversif des banquets organisés sous le règne de Louis-Philippe lorsque ces réunions de table permettent de déjouer l’interdiction de réunions politiques, promulguée par le souverain et le gouvernement de Guizot. Les banquets, qui se déroulent au cours de 1847 dans toute la France, sont des lieux de radicalisation24, qui préparent la Révolution de 184825. Il n’est pas impossible que de tels banquets s’accordent à « la notion de banquet dans les sociétés secrètes, particulièrement chez les Maçons, évènement qui relie à la fois dans ses intentions les modèles d’un passé imaginé/souhaité et la création d’un présent souhaité/futur imaginé »26. D’ailleurs, c’est bien un franc-maçon, le marquis Charles de Villette (17361796), qui ouvre l’esprit à l’idée des banquets civiques, ceux d’une fraternité faisant table rase des différences sociales et qui durèrent pendant toute la Révolution. D’ailleurs, les banquets républicains ou les banquets de rue d’aujourd’hui n’en seraient-ils pas de lointains héritiers ? À côté de ces banquets aux fins politiques et aux ramifications sociales secrètes, il y a ceux de l’excentricité, à en croire le banquet médiéval organisé par Pierre Loti, dans sa maison de Rochefort en 1888. La petite société conviée à ce repas dans une pièce aux boiseries médiévales, que l’on visite encore, se travestit depuis les vêtements, dessinés par Loti, jusqu’au discours, en vue de reproduire une assemblée du temps de Louis XI27. Marie-Pierre JAOUANSANCHEZ, qui commente le film de Marco Ferreri Le Banquet (1989), montre que le banquet se prête bien, sous toutes ses formes, au cinéma, avec 23

En matière de peinture, de poésie, de prose, de fiction, de musique, les arts dramatiques et la danse, on parle même d’année de banquet correspondant à la période 1885-1918 ; cf. SHATTUCK, The Banquet Years. 24 Serge BERSTEIN et Pierre MILZA, Histoire du XIXe siècle, Paris, Hatier, 2006. 25 On renverra également à Vincent ROBERT, Le temps des banquets - Politique et symbolique d'une génération (1818-1848), coll. Histoire de la France XIXe -XIXe siècle, Publications de la Sorbonne, Paris, 2010. 26 Bruno MARTY, Centre de conservation du Livre, Arles (communication personnelle lundi 24 janvier 2011). 27 Voir Alain QUELLA, « Une fête médiévale chez Pierre Loti en 1888 », dans S. ABIKER, A. BESSON, F. PLET-NICOLAS, A. SULTAN (dir.), Le Moyen Âge en Jeu, actes du colloque d’avril 2008, Eidôlon 86, décembre 2009. (Cf. http://lapril.u-bordeaux3.fr/spip.php?article345). XIX

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

ses règles s’accordant aux époques représentées, sachant que « les banquets de cinéma peuvent être comiques, tragiques, sublimes, drôles ». Annoncé par La grande bouffe (1973), dont l’auteur pense qu’il pourrait s’agir d’une « sorte de préfiguration grinçante de l’adaptation du Banquet » de Marco Ferreri, le film invite, au-delà de l’œuvre-source de Platon, à une réflexion sur la finitude. Changeons de registre avec Paul NGO. Ce dernier, définissant le vocabulaire du banquet dans la Bible hébraïque, et notamment le terme mi&t'h (hTcm) et d’autres (kêrâh, leh'm), s’attaque à une rétrospective et à une véritable catégorisation des banquets de la Bible en en montrant les caractères sacré et profane. Il passe en revue le banquet au temps des Patriarches, celui de la période des Juges aux Rois, les banquets des étrangers dans le Bible, puis les banquets du sacrifice de communion et le festin métaphorique et eschatologique, pour terminer avec le Nouveau Testament et les aspects significatifs du festin néo-testamentaire. Le banquet de la Bible, qui représente « le théâtre de la vie humaine », fournit de nombreuses indications sur le comportement des individus à différents moments de l’histoire et on voit qu’ils accompagnent des moments décisifs. Les liens indissolubles entre le sacré et le profane sont mis en évidence par Hélène NUTKOVITZ. C’est à la suite d’un banquet d’élection, qui s’accomplit selon un cérémonial particulièrement étudié en vertu du rang des invités, — un sacrifice de communion offert à YHWH, — que Saül se voit porté au pouvoir. « Ce repas, associé à l’espace du sacré et à la présence divine, signe d’hommage et de soumission, insère un sens politique novateur dont l’élection de Saül est l’objet. » Mais le mystère du banquet reste impénétrable tant que le prophète Samuel n’en a pas dévoilé la raison. c’est paradoxalement que le règne de Saül s’achève avec le repas apprêté par la nécromancienne tandis qu’il périt avec ses fils lors de l’affrontement avec les troupes David, son destin lui ayant été révélé. « Préféré et élu pour régner sur Israël, Saül est alors rejeté sans ménagement, passant d’un extrême à l’autre, et la royauté confiée à un autre souverain, David. Il a failli, son destin est scellé, la royauté échappe à jamais à sa maison. » Choisissant un thème du Nouveau Testament, Henri MATADEEN, replaçant les noces de Cana dans leur contexte, observe que c’est au cours d’un banquet que la nature divine du Christ apparaît. « Ce premier signe de Jésus réunit deux substances distinctes en une seule pour donner lieu à un miracle : l’eau transformée en vin. » Ce signe préfigure l’ultime miracle du Christ au cours de la dernière Cène, où Jésus transforme le vin en sang. « Texte paradigmatique d’épiphanie, de manifestation divine », les Noces de Cana préfigurent la transsubstantiation du mystère christique.

XX

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… »

On aurait pu ajouter bien des aspects du banquet à ce volume et l’on ne s’étonnera pas que l’Égypte des banquets funéraires ne soit pas traitée, dans la mesure où ceux-ci sont bien connus et toujours exposés, depuis l’Ancien Empire, dans les tombes, à la vue de tous, avec leur ordonnance si particulière. On n’a jamais si bien représenté la société thébaine qu’au moment où elle fête le départ d’un des siens vers les Champs d’Osiris, ou lorsqu’elle assiste à une cérémonie officielle. Légèrement raide, parfumée, pommadée, ruisselant de graisse odoriférante, elle est là, portant à ses narines l’essence des fleurs de lotus, consommant des mets que l’on ne pourrait qualifier de délicats tant ils sont simples mais que la tradition place en abondance sur des guéridons, sans compter les boissons diverses proposées aux invités. À côté de cela, si la société mange en esquissant simplement le geste d’une prise de nourriture par souci de ne pas déclencher un processus biologique, rappelant que l’on se nourrit de l’esprit des choses plutôt que des choses elles-mêmes, on imagine l’appétit des dieux égyptiens devant lesquels sont déposés rituellement des amoncellements de bœufs massacrés, d’offrandes alimentaires, les hommes se contentant d’en offrir l’esprit sous forme d’holocauste et en en partageant la substance entre les prêtres. Mais personne ne veut partir avec un sentiment de faim ou d’endurer une mort, qui serait pire que la première. Aussi, cela induit un comportement en vertu duquel les vivants ont l’obligation d’assurer aux morts un revenu funéraire et un banquet permanent, que l’on pérennise par des rites ayant lieu à certaines périodes de l’année. Ce n’est pas là, naturellement, un trait typiquement égyptien. Les mythologies celtes ne sont pas en reste, qui, selon Claude STERCKX, imaginent la vie dans l’au-delà, convié par le maître du banquet. C’est bien le banquet et l’abondance qui en découle, qui permettent au défunt de reconnaître qu’il est dans l’autre monde, avec le chaudron magique inexhaustible de Oirbsiu Manannán, « parce qu’il peut être inlassablement chargé de la viande d’un ou de plusieurs porc(s) indéfiniment cuisinable(s) et mangeable(s) ». Dans le Prologue de Une saison en enfer (1873), Rimbauld, annonçant le texte mis en exergue de cette introduction, montre la vie comme un éternel festin : « Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient. » Le monde des arts et de la littérature a festiné sa jeunesse et se retrouve intégralement dans cette citation, qui matérialise la quête effrénée des plaisirs. En prolongeant cette perspective rimbaldienne, on aurait pu couler un dernier regard vers les ultimes instants de la vie. Comme un grand festin, voici l’autre face, celui de la guerre d’Apollinaire (Merveille de la Guerre) : C’est un banquet que s’offre la terre Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles XXI

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale Qui aurait dit qu’on pût être à ce point anthropophage Et qu’il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain

À la fin de ce banquet, la mort est là, qui prélève hardiment sa part sur les humains qui se confient à ses soins en les dépouillant de cette chair si durement acquise, à moins d’anticiper par l’auto-banquet comme le rappelle Antonio PÉREZ à propos du suicide par mutilation volontaire de Rudolf Schwartzkogler (1940-1969), qui s’avère plus un mythe qu’une réalité. Autre fin banquetante. Le Don Juan de Molière, lui aussi, tire sa révérence sur un ultime festin où, convié par le Commandeur, il se rend par bravade. Le titre exact de la pièce, Dom Juan ou le Festin de pierre (1665), est explicite car la statue (l’Invité de Pierre), qui émerge d’outre-tombe, interpelle Don Juan : (La Statue) : « vous m’avez hier donné parole de venir manger avec moi. » Ce dernier festin, auquel on n’assiste pas, n’est autre qu’une mort minérale, où Don Juan, dans un bruit de tonnerre et de grands éclairs, « devient un brasier ardent ». (Mais dans le livret de Da Ponte du Don Giovanni de Mozart, au cours d’un banquet théâtral, lorsque la main de pierre se referme sur celle de Don Juan, ce dernier sent un froid glacé l’envahir, à moins que cela ne soit une manière d’évoquer le processus de pétrification. Le froid de la mort fige le vivant impie, qui s’apprête à banqueter seul, n’attendant plus celui que les librettistes italiens nomment Il Convitato di Pietra.) Il ne revient pas à tous de finir comme Don Juan. Dernier banquet où l’on est convié, on est en même temps invité à jeuner et à devenir festin soi même. À la mort rongeante et à ses auxiliaires, chacun paye un tribut honorable qu’ont refusé d’acquitter les Égyptiens pendant plusieurs millénaires grâce aux baumes dont ils revêtaient les corps afin que leurs morts pussent banqueter en paix pour l’éternité. En guise de final, on reproduira à dessein l’épitaphe pleine d’esprit qu’avait composée pour lui-même Pierre le Mangeur (1110-1179), ou Petrus Comestor, au nom si éloquent, qui cultiva la scholastique et y invite ses contemporains au grand banquet de la mort, digne d’une danse macabre : le banquet du mangeur mangé. Petrus eram quem petra tegit, dictusque Comestor nunc comedor. Vivus docui nec cesso docere mortuus, ut dicant qui me vident incineratum Quod sumus iste fuit, erimus quandoque quod hic est Pierre j’étais, celui que la pierre couvre et dit le Mangeur, à présent mangé. XXII

« J’AI SONGÉ À RECHERCHER LA CLEF DU FESTIN ANCIEN… »

Vivant j’ai enseigné, mais mort je ne cesse d’enseigner afin que ceux qui me voient à l’état de cendres disent : « Ce que nous sommes, il l’a été et un jour nous serons ce qu’il est. »

Nonobstant cette épitaphe, les Deipnosophistes que nous sommes auront beaucoup de mal à refermer le livre du banquet, cette victoire sur la mort, qui donne cet avant-goût de l’immortalité autant païenne que chrétienne. Les portes du banquet ne se referment pas pour autant et laissent entrevoir des perspectives nouvelles, dès lors qu’on n’associe pas uniquement le festin à l’idée d’une table bien servie. Bruno Marty28, avec qui nous avons longuement discuté de ce texte, nous fait part de « la notion d’un banquet qui n’est plus, quelles qu’en soient les “outils” et les manifestations, matériellement nourricier et “digérable” ou spirituel et psychopompe, mais basé sur l’œuvre bâtie commune, alliant intention invisible et réalisation visible : la cathédrale, le cromlech, le temple, la tombe, le monument aux morts, les Twins, etc., banquets “de pierres” (ou de bois, ou de papier, de béton, etc.) dont les autres banquets peuvent être à la fois, ou à tour de rôle, les géniteurs et/ou les “génités”. L’œuvre bâtie devenant dès lors un banquet où le partage (matériaux, idées, gestes communs et complémentaires, etc. se substituant — métaphoriquement si l’on veut — aux denrées périssables du banquet traditionnel) aboutit à une réelle “incarnation” du monde des idées qui commençe ainsi là où s'arrête le fragile univers des seules intentions, c’est-à-dire le franchissement du seuil prométhéen que l’on nomme création. » Il y a là, dans cette échappée, bien d’autres aspects potentiels du banquet sur lesquels il conviendra sans doute de revenir.

Sydney H. AUFRÈRE, Michel MAZOYER

Polices de caractères. — Les hiéroglyphes utilisés ici sont ceux du programme Jsesh, de Serge Rosmorduc. Pour le grec : Ifaogrec Unicode dessinée par Jean-Luc Fournet. Pour le copte : IfaoN copte © IFAO & Jonathan Perez.

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Bruno MARTY, cf. supra, n. 26. XXIII

Le banquet à travers les Âges. De Pharaon à Marco Ferreri. Édité par S.H. Aufrère et M. Mazoyer Cahiers Kubaba, Paris, 2011, p. 1-30. ————————————————————————————————————————

LE BANQUET D’ANNIVERSAIRE DE PHARAON (GN 40, 20-22) ET SON INTERTEXTE Sydney H. AUFRÈRE Centre Paul-Albert Février (UMR 6125 du CNRS) À l’intention de Bernadette MENU, en souvenir de Nîmes.

Il me semble que personne n’a tenté de traiter jusqu’à présent le thème sousjacent au contenu du syntagme « Banquet de Pharaon ». Il faut que se présente l’opportunité d’un tel volume pour se poser un certain nombre de questions concernant l’exploitation de ce thème dans la littérature égyptienne et de sa réception dans le domaine des représentations, en entendant sous le nom de « banquet » dans l’Antiquité, un moment festif, regroupant un nombre plus ou moins important de convives, proposant une profusion de mets et de boissons, et se déroulant dans un decorum et environné d’une ambiance sonore, et cela à des degrés divers dépendant des lieux et des circonstances. Du point de vue égyptologique, on en perçoit le caractère oxymorique, c’est-à-dire la contradiction dans l’énoncé même car nul n’a jamais, sur le plan iconographique, découvert la moindre trace de scène où le souverain paraît à un festin officiel, entendre un banquet organisé pour les membres de la cour dans un lieu du palais — fermé ou découvert — affecté à cet usage1. Encore moins en faisait-on mention, à ma connaissance, dans les textes avant de me plonger dans cette étude. Traiter de ce thème équivaut à démontrer comment on aboutit à ce que l’on pourrait qualifier d’oxymore en suivant pas à pas une création littéraire fondée sur une intertextualité égypto-judéo-hellénique et comment ce même oxymore s’est imposé comme un fait digne de foi dans la pensée judéo-chrétienne. En outre, en parlant de

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Bien que l’article de SCHEMEIL (« Déjeuner en paix ») ne traite pas a priori du banquet pharaonique, ce dernier aborde de façon latérale de nombreuses facettes se rapportant à cette idée.

S.H. AUFRÈRE

Banquet de Pharaon, on montrera que l’on induit un moment qui n’est pas sans rapport avec des décisions publiques à portée politique ou juridique. On abordera ici plusieurs thèmes tels que le rapport de Pharaon et des dieux à la nourriture, le passage de Gn 40, 20 où il est question du banquet d’anniversaire de Pharaon et des intertextes démotiques comme le banquet de Pharaon dans les romans de Setne, puis on comparera les résultats obtenus à la légende de Moïse enfant et la survivance du thème littéraire du banquet de Gn 40, 20 dans l’iconographie et les compositions des manuscrits du haut et du bas Moyen Âge, mais aussi chemin faisant dans la peinture des e e XVII et XVIII siècles. Sur le plan méthodologique, mon propos répond délibérément à la volonté de reconstituer ce que Michel Foucault, dans un livre qui fait date dans l’histoire des sciences et de l’épistémologie — L’archéologie du savoir (1969), — nomme une « formation discursive »2, qui est fondée sur quatre hypothèses, dont la première est la suivante : Les énoncés différents dans leur forme, dispersés dans le temps, forment un ensemble s’ils se réfèrent à un seul et même objet3.

Ici se trouve donc réuni un ensemble d’énoncés, sous des formes littéraires ou iconographiques, dont on peut percevoir la forme ou le type d’enchaînement, les concepts permanents et cohérents, l’identité et la persistance des thèmes, qui sont les trois autres hypothèses sur lesquelles repose le principe des formations discursives. Naturellement, il s’agit là d’outils, que l’on peut marier à la notion d’intertexte et, quand on aborde la narration, à la panoplie des outils narratologiques forgés par Gérard Genette4. On peut aussi faire intervenir la notion d’intertexte, à savoir, selon Michel Riffaterre (1924-2006), « la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie »5. Dieux et Pharaon à table : réalité, tradition et satire L’idée de Pharaon à table relève du domaine de l’imagination car un interdit iconographique pèse sur cet acte physiologique, qui a touché tout le monde égyptien sans exception, sauf, il faut le préciser, à de certaines époques de l’histoire où l’art s’oublie, notamment à la Première Période

2

FOUCAULT, L’archéologie du savoir, p. 44-54. Ibid., p. 45. 4 GENETTE, Palimpsestes. 5 RIFFATERRE, « La trace de l’intertexte », p. 4.

3

2

LE BANQUET D’ANNIVERSAIRE DE PHARAON

intermédiaire6. Autant l’idée du banquet royal est bien attestée en Mésopotamie et, en général, dans les civilisations du Proche-Orient où l’on banquette sans retenue, autant ce thème iconographique est parfaitement inexistant dans la scénographie religieuse égyptienne. À en croire que Pharaon, qui est presque un dieu, en est simplement réduit à des nourritures célestes. On imagine que si le roi ne mange pas, c’est qu’il est assimilé à une divinité dont on aurait du mal à penser qu’elle serait soumise à des besoins physiologiques rappelant ceux de l’humanité commune. Car dès lors qu’un roi mangerait ou serait représenté dans l’acte de manger, il affirmerait par là même son statut d’être humain. Il nous faut donc explorer la littérature et l’iconographie pour en savoir davantage en tentant de savoir s’il existe un régime alimentaire divin et pharaonique spécifique. Le régime alimentaire divin Pourtant — paradoxalement ! — les dieux, eux, mangent, du moins si l’on en croit le conte relatant les Aventures d’Horus et de Seth. Pourtant s’ils consomment quelque nourriture, ce n’est pas pour autant la grande mangerie. Leur alimentation se compose de l’aliment de base destiné à tout un chacun : le pain. Il n’y est même pas question de la boisson la plus ordinaire : la bière, qui aurait prouvé que les commensaux divins n’étaient pas réduits à manger leur pain sec. Les dieux, dans ce manuscrit, qui date du règne de Ramsès V (1148-1144), sont présentés comme des êtres ayant des besoins physiologiques, ce qui est tout à fait étonnant si on prend cet écrit pour un texte religieux, mais qui l’est moins si l’on tient compte le statut du texte, qui se veut parodique quoique construit à partir d’extraits tirés de monographies religieuses parfaitement reconnaissables. Les personnages sont campés dans le statut d’êtres humains qu’ils étaient avant de devenir des dieux. Dans cette allusion évhémériste, les dieux ont faim, et ils se sustentent. (Notons aussi qu’ils rient et que le rire, comme le souligne Rabelais, est bien le propre de l’homme7.) Le conte contient plusieurs passages où ce mode de nutrition humain est patent : 6 J’ai défini ce rapport à la nourriture dans « Nil, tables d’offrandes ». Du plus petit jusqu’au plus grand personne, dans la tradition, n’est représenté en train de manger. Les exceptions sont extrêmement rares. L’acte de manger n’est jamais qu’esquissé. La main se tend vers une table d’offrande mais personne ne sera figé pour l’éternité en train de s’empiffrer : il y a là quelque chose de contraire à la bienséance. Voir cependant VANDIER, Mo‘alla, pl. VII, XXVIII, qui montre un cuisinier, faisant cuire des cuissots de bovidé et se fourrant un morceau de viande dans la bouche. 7 AUFRÈRE, « Sénescence de Rê », p. 324-325 ; ID., Pharaon foudroyé, p. 23-25. En fait, c’est l’humour qui est le propre de l’homme car certains animaux peuvent rire. Voir l’article « Rire » dans la Wikipedia.

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Alors (les membres de) l’Ennéade traversèrent en bateau vers l’Île du milieu ; ils s’assirent et mangèrent du pain (a‡w) (5, 5-6). (Isis au passeur Nemty :) « … Ça fait cinq jours jusqu’à aujourd’hui qu’il suit quelques bêtes dans l’île du milieu, et il a faim (jw"f H‡r). » (5, 10-11.) (Nemty à Isis :) « Que me donneras-tu pour que je te fasse traverser vers l’Île du milieu ? » Isis lui répondit : « Je te donnerai cette miche de pain (wxA.t). » (5, 12.) Or tandis qu’elle avançait à l’abri des arbres, elle regarda et vit l’Ennéade assise, et mangeant du pain (a‡w) devant le Maître universel dans son pavillon. (6, 2-3.) Et Seth se leva alors qu’il était assis, et mangeait du pain avec la Grande Ennéade, et il alla à sa rencontre alors que personne ne l’avait vue à part lui. (6, 6-7.) (Trad. de G. Lefebvre retouchée.)

Quelle que soit l’interprétation que l’on fait de ce texte, nul ne viendrait à penser que les dieux, en cet instant, font ripaille. Le terme employé est a‡w « pain » et il n’y a pas lieu de penser qu’il ait signifié « nourriture » (sinon nourriture, aliment de base, donc le pain)8 à en croire le sens de sa survivance en copte %"#$9. Voici donc les neuf dieux de l’Ennéade, assis autour de Rê-Harakhtès, le Maître universel, et qui, au lieu de festiner, consomment une nourriture tout ce qu’il de plus ordinaire, ce qui montre au passage que ces dieux n’ont rien à voir avec ceux de l’Olympe, qui se nourrissent de nectar et boivent de l’ambroisie, lesquels procurent l’immortalité. Osiris prétend être l’inventeur du froment et de l’orge qui servent à le faire, ce qui laisse même les dieux sceptiques (15, 3), et permet, par suite, de noter au passage le scepticisme égyptien sur ces concepts que nous serions enclins à prendre au premier degré dans la mesure où on les retrouve dans la littérature gréco-latine10. Toujours est-il que l’expression wnm a‡w, plutôt que de la prendre au pied de la lettre, « manger du pain », — acte alimentaire par excellence, — pourrait signifier « se restaurer » s’il n’était pas question d’une « miche de pain » (wxA.t) comme prix convenu du pacte de corruption proposé par Isis à Nemty. Le régime royal d’après Diodore. — Ce qu’il en coûte de s’en écarter Mais qu’en est-il de Pharaon ? Est-il ce dieu que le silence des textes astreint au jeûne ? Apparemment non même si, en tant qu’intercesseur auprès des divinités, ce dernier est soumis à des règles d’hygiène alimentaire sacerdotales, donc frugales, qui tranchent beaucoup avec celles de ses 8

7ERN6, Coptic Etymological Dictionary, p. 120. CRUM, Coptic Dictionary, p. 254a-b. 10 Ces concepts figurent chez Diodore (I, XIV, 1). 9

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voisins orientaux. Diodore rapporte qu’il faisait même l’objet d’un régime particulier, soumis à la plus vive attention. Selon un consensus, on rappelait même que l’excès en cette matière était fustigé. Selon Diodore (I, XLV, 1), Tnephactos (Tefnakht) (727-716), père du Bocchoris de la XXIVe dynastie, avait critiqué l’attitude de Ménas, en d’autres termes Ménès — premier souverain de la Ire dynastie, — qui passait pour avoir été le premier roi fainéant égyptien à en croire le passage en question car il aurait enseigné « à dresser des tables et des lits de table, à utiliser des couches somptueuses, et d’une manière générale » à introduire « le luxe et la vie somptueuse ». Si on lit entre les lignes, Ménas aurait apprit aux Égyptiens une vie d’excès de table et de mollesse, bref de sybarite, une idée qui pouvait germer dans l’imaginaire égyptien à la vue des scènes des tombes de l’Ancien Empire où les défunts sont attablés devant des guéridons surchargés d’offrandes funéraires donnant argument à penser qu’ils eussent un appétit gargantuesque11. Une lecture structurale permet de mieux comprendre le développement de telles idées à l’époque tardive, en gardant ce qui doit être gardé sous bénéfice d’inventaire car il faut avouer que la vision du banquet attribuée par Diodore à Ménas est entièrement construite sur un modèle grec, où l’on mange et boit allongé12. Toujours est-il que l’accident causé par l’intempérance menace un souverain qui ne se comporterait pas comme ses ancêtres. Il faut se rappeler de l’information d’Élien (175-235), dans ses Histoires diverses (V, 1), selon laquelle le roi Tachos — le Téos (362-360) de la XXXe dynastie13 — serait mort de dysenterie pour avoir abusé des mets raffinés alors qu’il était prisonnier en Perse, pays célèbre d’après Hérodote (I, 133) pour ses continuelles mangeries et beuveries au cours desquelles l’esprit allait bon train ainsi que les affaires de l’État. Il faut aussi admettre que la mort de Tachos est causée par un banquet montré du doigt par la tradition comme non conforme au code comportemental que doit observer Pharaon. Dès lors qu’il bamboche comme un potentat oriental, il prend des risques auxquels il n’est pas préparé par son mode de vie traditionnel. Enfin un pharaon qui mange ! Si Tachos est mort d’avoir fait trop bonne chère, il n’est pas utile d’attendre jusqu’à la XXXe dynastie pour voir un pharaon se livrer aux plaisirs de la table, mais il est bien seul à avoir osé affronter le carcan des convenances, 11

AUFRÈRE, « Tables d’offrandes… ». DENTZER, Le motif du banquet couché. Voir aussi, sur le plan iconographique, LISSARAGUE, Un flot d’images. Sur les façons de se tenir au cours d’un banquet : NADEAU, « Chapitre VI. — Un exemple de transfert culturel ». 13 AUFRÈRE, Pharaon foudroyé, p. 252-255. 12

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un interdit tacite alors deux fois millénaire. Akhenaton est en effet le seul à avoir rompu avec les effets d’un code iconographique dont on ne peut que constater les effets. Ce dernier dicte de ne pas représenter le souverain dans le cadre de sa vie privée, ce qui ne signifie pas pour autant que la vie de ce dernier ne soit pas assortie d’une étiquette — qui consiste en des règles autour desquelles s’organise la vie de la famille royale, des courtisans et des serviteurs affectés à l’entretien de la personne royale, — laquelle étiquette s’impose à la vie de tout milieu aulique, sans pour autant devenir cérémonial. À Amarna table rase est faite de ce passé, sous lequel on devine les pesanteurs affectant au quotidien la vie royale. Cathie Speiser14 montre qu’Akhenaton est pourtant représenté avec son entourage, son épouse et ses filles, dans des scènes d’un réalisme stupéfiant, se livrant aux plaisirs non pas d’un banquet mais d’un simple repas familial. Ces représentations, on s’en doute, n’ont pu qu’être avalisées par le roi puisque les artistes viennent des ateliers royaux. Au Pays de Pharaon, le souverain est pourtant condamné à s’effacer des scènes dès lors qu’il n’incarne pas une fonction religieuse ou officielle, en sorte que seul le cérémonial est pris en compte. Il est pourtant difficile de deviner le sentiment qui animait ceux qui s’étaient cantonnés à l’idée d’un pharaon séparé du Monde par sa fonction et qui découvrirent sur les parois des tombes de notables amarniens des tableaux où le monarque décidait de montrer ce que la tradition avait tenu caché : l’humanité d’un souverain non seulement se restaurant en public mais prodiguant à ses proches de touchantes marques d’affection15. Pour le dire en d’autres mots, il semble que les contemporains d’Akhenaton ont transgressé par deux fois un code iconographique, non seulement en matière de bienséance — c’est-àdire en représentant des scènes que la tradition jugeait incompatibles avec la dignité royale, — mais aussi en élevant l’étiquette au rang du cérémonial, qui est d’ordre religieux, ce qui ne laissait d’être doublement choquant dans une société fondée sur le respect d’une tradition iconographique. Une des deux scènes16 d’ailleurs n’est pas ordinaire, qui place les personnes royales sous la caresse vivifiante du soleil, accréditant ainsi son caractère cérémonial17, à ceci près que la présence de serviteurs aux silhouettes réduites s’affairant auprès de la famille royale indique bien le statut réel de cette scène palatiale. 14

Cathie SPIESER, ici même, p. 291-306. Voir aussi AUFRÈRE, « L’Art amarnià ». Dans un tout autre domaine, sans vouloir inférer ceci de cela, un autre Roi-Soleil instituera les différents actes quotidiens, depuis le lever jusqu’au coucher, en passant par les repas, comme des moments réglés par l’étiquette de la cour. Voir ÉLIAS, La société de cour. 16 Tombe de Houya : DAVIS, Amarna III, pl. IV, VI. 17 Tombe de Houya : DAVIS, Amarna III, pl. IV. 15

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Fig. 1 : Pharaon-Ichneumon banquetant.

Afin d’éviter toute ambiguïté, qui aurait résulté d’une confusion entre cette représentation exceptionnelle de repas privé et un banquet, il fallait éclaircir cette situation. Cependant on note qu’au plan des apparitions officielles de Pharaon, l’Égypte a, contrairement à ses voisins, renoncé à ériger iconographiquement parlant le festin en un moment-clé de la vie de l’État : la vie officielle semble exclure, par défaut de représentation, la notion de commensalité, du moins au cours de l’époque classique. Dès lors qu’il incarne des fonctions pharaoniques et doit respecter les devoirs de sa charge, le roi a pour obligation de se séparer de ses sujets ; tous ses actes sont alors revêtus d’une portée religieuse. (On reviendra sur la façon dont la figure du roi est de moins en moins conforme, à l’époque tardive, à l’idée du rôle sacré qu’il incarne.) Il semble que l’idée de banquet se rapporte plus à l’idée d’une réception royale, comme on peut l’induire d’une scène d’audience à Amarna18. La caricature de Médamoud : l’ichneumon banquetant Alors qu’aucune scène n’atteste un tel événement iconographique, on doit paradoxalement l’induire d’une caricature. Au-delà de la simple moquerie, la caricature ou la satire présentent l’avantage de montrer en creux l’existence d’habitudes à fustiger et de scènes que l’on ne représente pas au premier 18

Le roi donnant audience (DAVIS, Amarna VI, pl. VI).

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degré. En outre, elle est toujours réduite à une simplification de l’expression à quelques personnages principaux qui valent pour tout un système. Or plusieurs blocs sculptés à la XXVe dynastie découverts à Médamoud montrent d’étranges représentations de cette nature qui poussent à s’interroger sur le sens de la scène (fig. 1-2) : La scène comique semble représenter sur un fond de roseau (?) un banquet royal avec musique. Le roi est un rat de Pharaon (?) vêtu d’une grande robe et assis sur un trône. Il est assisté d’un chat dressé sur ses pattes de derrière qui lui sert de majordome. Un petit chacal cuisinier et un singe fourrier, vêtu comme le roi d’une grande robe, préparent le repas. Un crocodile joueur de luth et une harpiste debout sur lui, exécutent un duo19.

Dans un autre fragment, on voit des chacals occupés à préparer une oie troussée20. La comparaison des divers éléments qui composent cet ensemble iconographique montre que la scène se déroule dans les marais ou à proximité, puisque des papyrus forment le fond21. On peut sans doute confirmer que Pharaon est campé sous l’aspect d’un ichneumon (Herpestes ichneumon), un animal vénéré au Nord. Le crocodile jouant du luth tourne la gueule vers une jeune musicienne, ce qui est un trait très caricatural, qui s’ajoute à l’idée que la scène se déroule dans un milieu marécageux. À la critique s’ajoute un second trait — travestissement22 — qui renforce le premier, et on sait que les Égyptiens ont réalisé des satires savoureuses de la société thébaine huppée de la XXe dynastie23, au Fig. 2 : Pharaon-Ichneumon banquetant moment où l’on assiste à la fin de (détail). 19

BISSON DE LA ROQUE, Médamoud (1930), p. 73-74, fig. 54. Ibid., p. 74, fig. 55. 21 On indiquera (cf. infra, n. 24) que la beuverie d’Amasis du conte se déroule également près d’un lac. 22 Voir CAPART, « Problèmes d’archéologie », p. 32-33. 23 Voir Musée égyptien, JE 31199 ; cf. SALEH, SOUROUZIAN, Musée égyptien, n° 232. Le papyrus représente une dame souris parée comme une élégante de Thèbes que des dames d’atour chattes coiffent et servent à boire tandis que des valets représentés comme des chacals vaquent à des tâches domestiques. 20

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l’Égypte triomphante. Bref, une telle satire sur les parois d’un temple de l’époque éthiopienne pourrait décrire les habitudes d’un roi fainéant ou se livrant à l’abus de boisson et de nourriture, bref le sybaritisme décrié par les Égyptiens de Diodore et dont on rend le roi Ménas responsable, alors que nous savons que les souverains éthiopiens étaient particulièrement pieux et observaient les coutumes à la lettre. Dès lors, la critique ne peut que dénoncer soit l’attitude du mauvais souverain, soit celle d’un roi non éthiopien. On se souvient du conte d’Amasis où ce dernier sombre dans le sommeil en raison de trop abondantes libations24, ce qui lui vaut d’être critiqué par ses proches car cela nuit à la bonne tenue des rênes du gouvernement, critique à laquelle fait écho Hérodote (II, 173-174), qui avait eu vent des penchants d’Amasis pour la boisson. L’attitude d’Amasis n’est pas commune, même parmi les souverains saïtes. Il semble que, grand ami des Grecs, il vit à leur manière et s’adonne comme eux à la pratique du $+μ.,$')(25, que l’on pourrait imaginer, pour les Égyptiens, être une concession à l’hellénisme. La conclusion qui semble pouvoir être tirée ne peut-elle pas être celle-ci : « Malheur au souverain qui fait bonne chère au lieu de se consacrer aux dieux et aux affaires de l’État ! » ? C’est une façon de rappeler a contrario quelle doit être le code de bonne conduite d’un souverain, conformément aux Enseignements, ces compositions littéraires qui insistent sur le bon comportement en société. Le travestissement grotesque des personnages, figurés comme des animaux, accuse la férocité du trait. Le banquet d’anniversaire de Pharaon (Gn 40, 20) Il était important de définir ce thème de Pharaon à table en Égypte même car il n’est pas vraiment neutre, notamment dans l’histoire de Joseph, qui intègre un grand nombre de clichés égyptiens empruntés aux contes et romans pharaoniques26. Derrière ce thème quelque peu moralisateur, il en est un autre, aux accents helléno-judéens. Voilà pourquoi il importe, si l’on parle du repas comme moment important de la vie royale, d’en venir au festin donné à l’occasion du jour anniversaire de Pharaon27, de Gn 40, 20, festin dont le nom — mi.teh28 — est sans ambiguïté. 24

MASPERO, Contes populaires, p. 209-210. ORFANOS et CARRIÈRE (éd.), Symposium. 26 AUFRÈRE, « L’image de l’Égypte dans la Bible », p. 182-189. Paul NGO, ici même, p. 217, 226. 27 La Bible. L’Ancien Testament I. introduction par Édouard Dhorme. Traduction et notes par Édouard Dhorme, « Pléiade », Gallimard, Paris, 1966, p. 137. 28 LESÊTRE, « Festin » ; MCCLINTOCK, STRONG, Cyclopedia 1, p. 635b-639a ; P. NGO DINH SI, ici même, p. 213-238. 25

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Les traductions On tentera d’approcher ce thème de façon hypertextuelle en sorte de créer un effet de perspective. Voici donc la traduction de la version en hébreu d’Édouard Dhorme : Il advint donc qu’au troisième jour, jour de naissance de Pharaon, celui-ci fit un festin pour tous ses serviteurs. Il releva la tête du chef des échansons et la tête du chef des panetiers au milieu de ses serviteurs. (21) Puis il rétablit le chef des échansons dans sa charge d’échanson et celui-ci plaça la coupe sur la paume de Pharaon. (22) Mais le chef des panetiers, il le pendit, selon ce que leur avait interprété Joseph.

La traduction et les termes employés sont loin d’être neutres29. À présent voici la traduction de la Septante de l’ouvrage collectif coordonné par Cécile Dogniez et Marguerite Harl30 : Il arriva que le troisième jour était le jour de naissance de Pharaon et qu’il offrait un repas pour tous ses serviteurs ; et il se souvint de la charge du chef échanson et de la charge du chef des panetiers au milieu de ses serviteurs. Et il rétablit le chef échanson dans sa charge et celui-ci mit la coupe dans la main de Pharaon ; quant au chef panetier, il le fit pendre, conformément à l’interprétation de Joseph31.

La concision de ce passage est telle que ce dernier suscitera bien des interrogations en sorte que cette partie du Roman de Joseph deviendra l’hypotexte d’un développement dans le Mistére du Viel Testament, un mystère médiéval, que nous aborderons par la suite (cf. infra). Cependant, il est nécessaire pour le moment de rapporter cet extrait à d’autres passages de la Bible plus explicites, où un souverain étranger prend une décision offi-

29 Il est curieux de constater que ces deux titres entrent en résonance avec ceux des deux officiers de bouche de la cour de France (LITTRÉ, s. v. panetier) : « Autrefois, grand panetier de France, officier de la couronne qui commandait à la paneterie, et qui dans les jours de cérémonie servait le roi à table avec le grand échanson ; il avait sa juridiction composée de plusieurs officiers ; les nouveaux maîtres boulangers de Paris lui rendaient un hommage, qui s’appelait le pot de romarin. » Il ne faut pourtant pas se laisser égarer par des parallèles qui n’auraient pas de sens mais qui pourtant continuent à influer jusqu’à présent sur les traductions. 30 La Bible d’Alexandrie, p. 271. 31 Édition Ralphs : (20) :#D+%2, $B :+ 2R =μD/K 2R 2/H2P =μD/\ #%+D1%60 >+ N\/\6, )\G :.,H%( .J2,+ .L1( 2,S0 .\(1G+ \@2,T. )\G :μ+F1'& 2Q0 9/5Q0 2,T 9/5(,(+,5J,3 )\G 2Q0 9/5Q0 2,T 9/5(1(2,.,(,T :+ μD1V 2W+ .\H$6+ \@2,T (21) )\G 9.%)\2D12&1%+ 2I+ 9/5(,(+,5J,+ :.G 2E+ 9/5E+ \@2,T, )\G