Laurent de Premierfait: Livre de vieillesse
 9782503528120, 2503528120

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LIVRE DE VIEILLESSE

Texte, Codex & Contexte VI

Directeur de collection: Tania VAN HEMELRYCK Comité scientifique: Bernard BOUSMANNE Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET Giuseppe DI STEFANO Claude THIRY

Laurent de Premierfait Livre de vieillesse Édition critique par Stefania Marzano

Illustration de couverture: Paris, BnF lat. 7789 fol. 8r © 2009, BREPOLS PUBLISHERS n.v., TURNHOUT, BELGIUM All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. D/2009/0095/139 ISBN 978-2-503-52812-0 Printed in the E.U. on acid-free paper

Table des matières

Avant-propos

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Abréviations

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INTRODUCTION Date, titre, auteur

9

Les témoins

9

Le classement des témoins

11

Le succès du Livre de vieillesse

13

La traduction (ms. P)

19

Analyse linguistique de P

23

Présentation du texte et critères d’édition

27

Bibliographie

31

DE SENECTUTE : LIVRE DE VIEILLESSE

45

INDEX ONOMASTIQUE

169

TABLE DES TITRES D’OUVRAGES CITÉS

177

GLOSSAIRE

179

Avant-propos A Giovanna Bonfà e Marianna Pacileo, in memoriam

...je ay brulé et enseveli le corps de mon filz Caton combien que aultrement deust advenir selon cours de nature... Livre de vieillesse § 84

L’activité de traducteur de Laurent de Premierfait et ses rapports avec les milieux intellectuels de Paris et d’Avignon ont déjà fait l’objet de nombreuses études, notamment grâce aux travaux pionniers des regrettés Jacques Monfrin, Franco Simone et Gianni Mombello. Or, et malgré l’intérêt suscité par ces textes, il n’en demeure pas moins qu’à ce jour seule la traduction du Decameron (éd. G. Di Stefano, Montréal, Ceres, 1998) était directement accessible aux chercheurs. L’édition présentée ici a d’abord été l’objet d’un mémoire de maîtrise complété à l’Université McGill en 2003, sous la direction du prof. Giuseppe Di Stefano. Ce travail a été revu et mis à jour, notamment à la lumière des nouvelles perspectives suggérées par la recherche récente sur la tradition manuscrite des traductions de Laurent de Premierfait. J’adresse mon infinie reconnaissance au Prof. Giuseppe Di Stefano qui a inspiré ce travail, à Mme Rose M. Bidler qui en a encouragé la publication, au Prof. Tania Van Hemelryck qui l’accueille avec patience et bienveillance dans la présente collection.

8

Abréviations∗ adj. adv. a.v. cf. DLMF FEW ff. fig. fol. GDF H ind. IRHT DLV ms. mss n. n° om. part. pers. pr. préf. prép. r s.f. s.m. subj. T-L var. vb. v



adjectif adverbe ad vocem confer Dictionnaire des locutions en moyen français (éd. G. Di Stefano) Französisches Etymologisches Wörterbuch (éd. W. von Wartburg) folios figuré folio Dictionnaire Godefroy Dictionnaire Huguet indicatif Institut de Recherche et d’Histoire des Textes Dictionarius de Firmin Le Ver (éds B. Merrilees et W. Edwards) manuscrit manuscrits note numéro omission participe personne présent préfixe préposition recto substantif féminin substantif masculin subjonctif Tobler-Lommatzsch variante verbe verso

Nous renvoyons à la Bibliographie pour les titres d’ouvrages figurant dans cette liste.

Introduction Titre, date, auteur À l’origine du Livre de vieillesse se trouve la commande de Louis de Bourbon, dont l’exemplaire qui sert de base à cette édition, Paris, BnF, lat. 7789 (sigle P), constitue le volume de présentation vraisemblablement autographe1. Le titre, la date et le nom de l’auteur de la première traduction française du De senectute de Cicéron nous sont transmis par la souscription qui suit la traduction dans plusieurs témoins, dont Paris, BnF, lat. 7789 : Cy fine le livre de Tulle De vieillesse translaté de latin en françois du commandement de tresexcellant, glorieux et noble prince Loys, duc de Bourbon, par moi Laurent de Premierfait, cinquiesme jour de novembre mil quatre cens et cinq. (fol. 104r).

Les témoins Le Livre de vieillesse nous est transmis par pas moins de vingt-sept manuscrits, signalés ou décrits à ce jour par différentes sources et que nous nous contentons ici d’énumérer : FRANCE Paris, BnF, lat. 7789 Paris, BnF, fr. 126 Paris, BnF, fr. 1009 Paris, BnF, fr. 1020 Paris, BnF, fr. 1187 Paris, BnF, fr. 9186 Paris, BnF, fr. 24 284 Paris, BnF, fr. 24 285 Paris, BnF, nouv. acq. fr 6220 Paris, Arsenal, 2672 Chantilly, Musée Condé, n° 281 (896) 1

Voir É. PELLEGRIN, « Notes sur deux manuscrits enluminés contenant le De senectute de Cicéron avec la traduction française de Laurent de Premierfait », dans Scriptorium, 12 (1958), pp. 276-280 : « (...) il nous manque la seule preuve décisive : armes ou ex-libris, que P. ait réellement appartenu au duc Louis de Bourbon... », p. 279. Gilbert Ouy va plus loin en affirmant qu’il s’agit de l’autographe ; on verra son analyse dans « Les orthographes de divers auteurs français des XIVe et XVe siècles : présentation et étude de quelques autographes », dans S. CIGADA et A. SLERCA (éds), Le Moyen Français : recherche de lexicologie et de lexicographie. Actes du VIe colloque international sur le moyen français, vol. 1, Milan, Vita e pensiero, 1991, pp. 93-139, et en particulier p. 116 : « (...) je préfère dire que cette attribution est particulièrement vraisemblable ».

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Livre de vieillesse

Chantilly, Musée Condé, n° 282 (491) Saint-Omer, BM 368 ITALIE Milan, B. Trivulz., 693 AUTRICHE Vienne, ÖNB 250 Vienne, ÖNB, 2550 BELGIQUE Anvers, Musée Plantin-Moretus, fr. 181 Bruxelles, KBR, 11127 GRANDE-BRETAGNE Londres, BL, Harley 4917 Londres, BL, Harley 4329 Londres, BL, Royal 19 A. VI Londres, BL, Add. 17433 Anc. Cheltenham 2082 PAYS-BAS La Haye, KB, 128 C.3 RUSSIE Saint-Pétersbourg, GPB, fr. F. v. III 1 SUISSE Berne, BurgerB, 246 Genève, BPU, fr. 79

2

Ce manuscrit est signalé par J. Monfrin, mais nous n’avons pas pu le retrouver (cf. « Humanisme et traductions au Moyen Âge », dans G. HASENOHR, M.-C. HUBERT et Fr. VIELLIARD (éds), Études de philologie romane, Genève, Droz, 2001 [1962], pp. 774 n. 104).

Introduction

11

Le classement des manuscrits Deux de ces vingt-sept manuscrits nous conservent la disposition originale, comprenant à la fois le texte latin et le texte français : il s’agit de Paris, BnF, lat. 7789 (sigle P) et de Milan, Trivulziana, 693 (sigle T)3. Dans l’édition d’une traduction, comme l’a montré G. Di Stefano dans son édition du Decameron, le texte original de départ, lorsqu’il est disponible, tient lieu d’archétype ; on se trouve donc ici en « situation optimale » pour le classement des témoins4. Nous connaissons le caractère exceptionnel de cette disposition bilingue pour l’histoire du livre au Moyen Âge : il n’en existerait d’autres que pour le De Consolatione Philosophiae de Boèce et pour les Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime5. Laurent de Premierfait annonce cette disposition plus d’une fois au cours de sa carrière de traducteur, d’abord dans le prologue du Livre de vieillesse (1405) : (...) le dit livre escript cy devant en trescorrect latin et aprés converti en langaige françois6 ;

ensuite dans le prologue du Decameron (1411-1414) : Et ainsi a deux longs et griefz labours je ay par devers moy le Livre des Cent Nouvelles en latin et en françoiz7 ;

enfin dans le prologue de la traduction du De amicitia (1416) : (...) j’ay mis au commencement de vostre volume et aprés cestui prologue le texte de tout le livre trescorrect et distincté selon la forme et la maniere par moy gardee ou Livre de vieillesse8 ;

mais il semble qu’aucun manuscrit ainsi composé ne nous soit parvenu. Laurent de Premierfait s’est donc préoccupé de la qualité de l’exemplaire latin choisi : il s’est assuré de sa correction et a pris soin de distincter le texte, c’està-dire de le diviser. Plusieurs études récentes semblent par ailleurs suggérer que

3

Nous conservons les sigles attribués par Élisabeth Pellegrin.

4

BOCCACE, Decameron, traduction (1411-1414) de Laurent de Premierfait, éd. G. DI STEFANO, Montréal, CERES, 1998 : on verra notamment la démonstration entourant les leçons du type « marato/marito/amy » (p. XIV, n. 42) ; on se référera également à l’article « Tradurre il Decameron nel Quattrocento : quale Decameron ? », dans La Parola del Testo, 1/2 (1997), pp. 272-278. Toute référence ultérieure à l’édition de G. Di Stefano sera désignée par le titre abrégé Decameron suivi du numéro de la page.

5

Cf. J. MONFRIN, « La connaissance de l’Antiquité et le problème de l’Humanisme en langue vulgaire », dans G. HASENOHR, M.-C. HUBERT et Fr. VIELLIARD (éds), Études de philologie romane, Genève, Droz, 2001 [1972], p. 805.

6

Paris, BnF, lat. 7789, fol. 34v (dorénavant, toute référence à ce manuscrit sera signalée par le sigle P suivi du numéro de folio ou de l’appel de paragraphe correspondant).

7

Decameron, p. XV.

8

Paris, BnF, fr. 1020, fol. 54r (il s’agit de BN2).

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Livre de vieillesse

notre traducteur a supervisé la décoration, voire la production, de bon nombre de manuscrits de ses traductions9. Nous devons à Élisabeth Pellegrin d’avoir établi, grâce à la comparaison de l’écriture, du texte, des blasons et de l’iconographie de P et de T, que l’exemplaire T est une copie du manuscrit P. Cette hypothèse est effectivement confirmée par les variantes enregistrées dans la présente édition du Livre de vieillesse, notamment des lacunes, des inversions, des sauts du même au même et des mélectures10. Notre transcription du texte latin de P, collationnée avec l’édition du De senectute de P. Willeumier11, dont nous rendons compte dans l’apparat critique de la présente édition, témoigne de la rigueur philologique du choix de notre traducteur. Pour toutes ces raisons, nous n’avons pas hésité à fonder notre édition sur le ms. Paris, BnF, lat. 7789. Le texte de P se présente ainsi : CICERO, Oratio pro Marcello (ff. 1r-7v) ; CIDe senectute (ff. 8r-33v) ; suivi de Laurent DE PREMIERFAIT, Livre de vieillesse (ff. 34r-104r). Le texte du Livre de vieillesse est découpé en un prologue, un préambule et cinq distinctions ou perioda correspondant aux cinq vituperacions opposees a vieillesse et à leur réfutation respective. Un bref sommaire précède et suit chaque chapitre, à la fois dans le texte latin et dans le texte français. La souscription qui contient la datation et l’attribution à Laurent de Premierfait suit immédiatement la traduction. L’édition ne tient pas compte de l’Oratio pro Marcello, que nous avons, dans un premier temps, cru extravagante par rapport au De senectute : d’abord parce qu’elle semble sans correspondance textuelle directe avec la traduction ; ensuite parce que l’étude menée par É. Pellegrin sur ce manuscrit concluait que l’Oratio est probablement « un peu plus ancienne et ne se trouve jointe aux deux autres ouvrages que par accident »12. Il nous apparaît désormais que l’Oratio pro Marcello, telle qu’elle se présente dans ce codex, mérite qu’on s’y intéresse de plus près13. CERO,

9

Nous renvoyons aux travaux de M.-H. TESNIÈRE, A. HEDEMAN et C. SCHWALL-HOUMMADY cités dans la Bibliographie.

10

Les exemples suivants peuvent témoigner de l’effet de copie : là où Cicéron écrit quidem, P traduit correctement mesmement, que T lit mauvaisement (fol. 43r) ; la même chose se produit pour percipiendis : P recueillend versus T reveillant (fol. 53v) ; indoles : P demonstrances versus T demourances (fol. 54v) ; ante : P avant versus T avanture (fol. 73v) ; etc.

11

CICÉRON, Cato Maior De senectute, éd. P. WILLEUMIER, Paris, Les Belles Lettres, 1969 (3e éd.). Toute référence ultérieure à cette édition sera désignée par le sigle E.

12

É. PELLEGRIN, « Notes sur deux manuscrits... », p. 278.

13

On verra un état présent de la recherche sur la question ainsi qu’un compte rendu de la tradition manuscrite du Pro Marcello en France, suivi de l’édition de la traduction française du XVe siècle de la célèbre oraison cicéronienne, dans S. MARZANO, « Le Pro Marcello de Cicéron en France au XVe siècle : le ms. La Haye, KB, 76 F 26 », dans Le Moyen français, 62 (2008), pp. 79-98.

Introduction

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Le succès du Livre de vieillesse Nous ne sommes pas sans constater le succès somme toute assez restreint de l’édition originale bilingue de Laurent de Premierfait. Cela ne doit en principe pas nous surprendre, car nous savons que toute tradition manuscrite médiévale est soumise aux aléas de la copie, et que chaque témoin est unique ; mais ce qui nous intrigue, c’est le fait que la diffusion de la traduction semble avoir participé d’un projet éditorial qui pourrait ne pas être étranger à la volonté de l’auteur et que semble par ailleurs venir corroborer le témoignage codicologique de la tradition manuscrite des traductions du De senectute et du De amicitia. En effet, dans le prologue de cette dernière traduction, Laurent s’adresse au duc dédicataire en ces termes14 : Car ainsi comme la venue d’une arondelle a la fin de fevrier ne fait pas certain jugement que l’iver soit passé et le printemps venu, aussi le seul ouvraige d’une seule vertu ne fait pas vray argument que l’omme soit vertueux, ains y fault pluseurs euvres et diverses besoingnes riglees selon vertu. J’ay dit ceste raison pour tant que vous tresexcellent, noble et glorieux duc et prince qui nagueres me commandastes de convertir en langaige de France le Livre de vieillesse — lequel Tulle dicta et escrivy a son amy Atticus, noble citoyen de Romme — icellui livre au moins mal que je peu, en obeissant a vous, je translatay ; et icellui a vous par moy presenté receustes moult benignement et de joyeux couraige, ainsi comme il me sembla par les signes dehors qui monstrent les secretz du couraige. Et pour ce que vous par le texte dudit livre avez congneu les louenges et recommendations des bons vieillars et de leurs vertueux faiz et ditz, desquelx et non d’autres l’en doit seulement parler et escrire, vous m’avez commandé que je me essayasse pour vous et pour chascun soy delectant en bonnes et approuvees doctrines de convertir en françois un autre livre de Tulle appellé De la vraye amistié, qui pareillement fut escript a la priere dudit Atticus et envoyé a lui de par ledit Tulle. (Paris, BnF, ms. fr. 1020, fol. 44v)

Deux œuvres valent donc mieux qu’une pour tirer les leçons des vertueux faiz et ditz dont il est question dans le De senectute et le De amicitia ! Nous constatons effectivement que la diffusion du Livre de vieillesse est liée de près à la traduction du De amicitia ; or, il convient de rappeler que Cicéron lui-même renvoie à son Cato Maior dans son Laelius (ou de Amicitia)15, et que la tradition des traductions italiennes du De senectute semble rejoindre en ce point la tradition française du XVe siècle16. Quoi qu’il en soit, pas moins de six manuscrits nous transmettent, mises en recueil avec le Livre de vieillesse, une, voire deux autres traductions de

14

Selon les manuscrits, il peut s’agir du duc de Bourbon, pour qui il commença la traduction à la suite du Livre de vieillesse, ou du duc de Berry, pour qui il la compléta en 1416 ; dans ce cas-ci, il s’agit, comme on le verra plus loin, du duc de Bourbon.

15

CICÉRON, Laelius de Amicitia, éd. R. COMBES, Paris, Les Belles Lettres, 1971.

16

L. RAMELLO, « Preliminari all’edizione degli antichi volgarizzamenti italiani del De senectute », dans A. FASSO, L. FORMISANO et M. MANCINI, Filologia romanza e cultura medievale. Studi in onore di Elio Melli, vol. II, Turin, Edizioni dell’Orso, 1998, pp. 687-713.

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Livre de vieillesse

Laurent, ce qui nous renseigne sur la façon dont on a pu lire Cicéron au XVe siècle17. Il s’agit de : ms. Paris, BnF, fr. 126 Le ms. Paris, BnF, fr. 126 (BN1) est daté « peu après 1450 » par Fr. Avril18, mais l’Équipe Golein fait remonter à 1420 les trois premiers textes de ce recueil19. Il contient : fol. 1r : L’informacion des princes de Jean Golein (ou Régime des princes de Gilles de Rome20) fol. 120r : Livre de vieillesse de Laurent de Premierfait fol. 153r : Livre de vraye amistié de Laurent de Premierfait fol. 191r : Le Quadriloge invectif d’Alain Chartier21 fol. 209r : Dialogus familiaris amici et sodalis super deploracionem galice ab Alanu Aurige editus fol. 218r : Le Curial d’Alain Chartier ms. Paris, BnF, fr. 1020 Daté vers le 2e quart du XVe siècle par N. Pons22, sans mention de possesseur visible, il contient : 17

Si l’on prend dans leur ensemble les deux traditions manuscrites des traductions du De amicitia (14 mss) et du De senectute (27 mss), on dénombre pas moins de 9 mss contenant deux ou trois œuvres de Premierfait, ce qui représente un pourcentage de 28%.

18

Fr. AVRIL et N. REYNAUD, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, Flammarion, 1993, pp. 170-171.

19

« Le texte fut écrit par deux mains : ff. 1-189 (L’informacion et les deux traductions de Cicéron) sont en littera cursiva formata, de 1420 environ. La deuxième main, ff. 191-123 (Alain Chartier), écrit une grande lettre de forme des ducs de Bourgogne, de 1440-1450 environ. Les deux traductions de Cicéron sont dédiées à Louis duc de Bourbon, oncle du roi de France. Selon l’Hist. litt. le ms. serait l’exemplaire copié et peint au XVe siècle pour l’Échevinage de Rouen. Malheureusement aucune indication factuelle n’est donnée à l’appui de cette affirmation. » (ÉQUIPE GOLEIN, « Remarques sur la traduction de Jean Golein du De informacione principum », dans Neuphilologishe Mitteilungen, 95/1 (1994), p. 19).

20

Selon Fr. AVRIL il s’agit du Régime des princes de Gilles de Rome (cf. Fr. AVRIL et N. REYNAUD, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520 …, p. 170).

21

Ce texte est à la base de l’édition d’E. Droz (Alain CHARTIER, Le Quadrilogue invectif, éd. E. DROZ, Paris, Champion, 1923).

22

N. PONS, « L’instauration d’une économie domestique bourgeoise. Laurent de Premierfait et les Économiques du Pseudo-Aristote », dans Images of Authority and the Authority of Images (Images de l’autorité et autorité des images), CNRS/ University of Illinois at Urbana-Champaign, 29 avril-1er mai 2002, pp. 1-19. On verra également, pour une discussion relative à ce manuscrit, l’article de G. DI STEFANO, « Claude de Seyssel, Jean Courtecuisse, Laurent de Premierfait o Jean Trousseau ? (Appunti sull’autore di una traduzione inedita dello pseudo-Seneca », dans Studi Francesi, 28 (1966), pp. 76-80.

Introduction

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fol. 2r : Livre de vieillesse de Laurent de Premierfait fol. 44r : Livre de vraye amistié de Laurent de Premierfait fol. 93r : Livre de Yconomiques (révision de la traduction de N. Oresme que Premierfait aurait effectuée en 1418) fol. 120r : Formulae honestae vitae de Martin de Braga (traduction par Jean Courtecuisse) ms. Londres, BL, Harley 4917 Le catalogue de la British Library date cet exemplaire vers 1470 ; il proviendrait du cercle du Maître de l’Échevinage de Rouen et aurait appartenu à Jean II de Hangest (ses armes apparaissent au fol. 1). Il contient : fol. 1r : Livre de vieillesse de Laurent de Premierfait fol. 52r : Livre de vraye amistié de Laurent de Premierfait ms. Londres, BL, Harley 4329 Le catalogue de la British Library date cet exemplaire vers 1460, mais les trois derniers textes ont pu être insérés ultérieurement ; le manuscrit proviendrait de l’atelier de l’artiste du Maître du Boccace de Munich, voire d’un des fils de Jean Fouquet23. Les armes et l’anagramme (« Je glane nous ») de Jean Le Gous, notaire et secrétaire de Charles VII, sont visibles aux ff. 1r, 30r, 107r et 130r. Il contient : fol. 1r : Livre intitulé de Seneque des quatre vertus principales de Martin de Braga (traduction par Jean Courtecuisse) fol. 30r : Tulle de vieillesse de Laurent de Premierfait fol. 130r : Tulle de vraye amitié (Laurent de Premierfait) fol. 193r : Epistola S. Bernardi (Lettre de Bernard de Clairvaux) fol. 196r : Oroison de Nostre Dame (Hymne à la vierge) fol. 200r : Les trois bussines Foy, Charité et Esperance On peut lire au colophon qui suit la traduction du De amicitia : « Cy fine le livre de Tulle d’Amitié, translaté de latin en françois par moy Laurent de Premierfait, a l’amonicion et requeste et en l’ostel de noble et saige homme Bureau de Dampmartin, escuier, citoyen de Paris et tresorier de France, icelle translation acomplie IXe jour de Juillet l’an mil CCCC et seize. Et ces trois livres ou traictiez, c’est assavoir Seneque des Quatre vertus cardinales, Tulles de vieillesse et d’amittié en ce presens volume, transcriptz par moy Pierre Le Fevre, presbtre et curé de 23

Fr. AVRIL (s. dir.), Jean Fouquet : Peintre et enlumineur du XVe siècle, Paris, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2003, n° 31.

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Livre de vieillesse

Marsac, aux fraiz et costz de honnorable homme et saige Maistre Jehan Le Gous, notaire et secretaire du roy Charles VIIe , de ce nom a present regnat et roy de France, le penultieme jour d’avril mil CCCC et soixante. Graces a Dieu. » (ff. 192r-192v) ms. Saint-Pétersbourg, GPB, fr. F. v. III 1 Selon le comte de Laborde, ce manuscrit, dont les peintures rappelleraient la technique du Maître de Coetivy, serait de l’« époque de Charles VII24 ». Une collatio de la traduction du De amicitia effectuée à partir du microfilm disponible à l’IRHT indique qu’il pourrait s’agir d’une copie faite à partir de Paris, BnF, fr. 126 ou de sa tradition, car il nous transmet la dédicace au duc de Bourbon. Il contient : fol. 1r : Livre intitulé de Seneque des quatre vertus principales appellees cardinales fol. 19r : Tulle de vieillesse fol. 61r : Tulle d’amistié ms. Paris, BnF, nouv. acq. fr 6220 À l’origine, ce manuscrit (papier) du XVe siècle faisait partie d’un recueil réunissant les volumes 6220-6224 formant un manuscrit unique : fonds St. Victor 27525. S.V. Spilsbury affirme que les filigranes semblent suggérer une datation vers 1430-1440 au plus tard26. Notre collatio de la traduction du De amicitia révèle qu’il s’agit ici d’un texte assez abrégé. La traduction du De amicitia nous transmet la dédicace au duc de Berry. Il contient : fol. 1r : Tulle de vieillesse fol. 17v : Tulle d’amistié À cet inventaire s’ajoutent les manuscrits de la tradition de la traduction du De amicitia (sans le Livre de vieillesse) qui nous sont parvenus reliés avec la révision des Économiques27 ; mais on ne pourra en rendre compte ici sans dépasser les li-

24

A. DE LABORDE, Les principaux manuscrits à peintures conservés dans l’ancienne Bibliothèque impériale publique de Saint-Pétersbourg, Paris, Société française de reproductions de manuscrits à peintures, 19361938, pp. 66-68.

25

L. DELISLE, Catalogue des manuscrits des fonds Libri et Barrois, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Paris, H. Champion, 1888, pp. 254-261.

26

S. V. SPILSBURY, « The Imprecatory Ballade : a Fifteenth-Century Poetic Genre », dans French Studies, 33 (1979), p. 394 n. 4.

27

Voir N. PONS, « L’instauration d’une économie domestique bourgeoise. Laurent de Premierfait et les Économiques du Pseudo-Aristote », dans Images of Authority and the Authority of Images (Images de l’autorité et autorité des images), CNRS/ University of Illinois at Urbana-Champaign, 29 avril-1er mai 2002, pp. 1-19.

Introduction

17

mites de notre propos28. Disons seulement que le stemma codicum de la traduction du De amicitia se divise en au moins deux branches, selon qu’elle transmet la dédicace au duc de Bourbon ou au duc de Berry. Pour ce qui nous intéresse ici, tous les témoins transmettant à la fois le texte du Livre de vieillesse et le Livre de vraye amistié contiennent, pour la traduction du De amicitia, la dédicace au duc de Bourbon, à l’exception de Paris, BnF, nouv. acq. fr 6220 qui garde la dédicace au duc de Berry. Les témoins qui nous servent, avec T, de contrôle dans la présente édition sont donc29 : BN1 BN2 H1 H2

Paris, BnF, fr. 126 Paris, BnF, fr. 1020 Londres, BL, Harley 4917 Londres, BL, Harley 4329

Les résultats de la collatio sont présentés dans l’apparat. Dans l’ensemble ces manuscrits conservent un texte très proche de P, tout en témoignant de l’effet de copie. BN1 et H1 partagent seize variantes communes, BN2 et H2 en partagent douze (contre une seule pour BN2 et H1, et deux pour BN1 et H2) ; ce constat semblerait corroborer l’analyse iconographique effectuée par Fr. Avril de la scène figurant au fol. 121 du ms. Paris, BnF, fr. 126 et qui « a visiblement servi de modèle à une copie du même texte, enluminée vers 1470 par un épigone du Maître de l’Échevinage de Rouen pour Jean II de Hangest, bailli d’Évreux puis de Rouen sous Louis XI (Londres, Brit. Lib., Harley 4917, fol. 1)30 ». Soulignons enfin qu’il existe, pour le Livre de vieillesse, au moins un exemplaire, datant du milieu du XVe siècle, qui transmet une dédicace à Charles VI31 ; plusieurs facteurs ont pu motiver cette nouvelle dédicace : la mort du duc de Bourbon en 1410 ? des difficultés commerciales de diffusion liées au climat politique pour le moins délicat de ce début de siècle ? la carrière souvent « en 28

Cette question a toutefois retenu notre attention dans le cadre d’une communication présentée lors du 3e colloque international du Groupe de recherche sur le moyen français de l’Université catholique de Louvain (10, 11 et 12 mai 2007), et intitulée : « Lire le Livre de vieillesse au XVe siècle. Quel Livre de vieillesse ? » et dont les actes paraîtront dans T. VAN HEMELRYCK et S. MARZANO (éds), Le recueil au Moyen Âge. La fin du Moyen Âge, (Texte, Codex & Contexte).

29

Pour ne pas alourdir en vain l’apparat, nous n’avons pas retenu le ms. Saint-Pétersbourg, GPB, fr. F. v. III 1 ni non plus le ms. Paris, BnF, nouv. acq. fr. 6220.

30

Fr. AVRIL, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520..., n° 88, p. 171.

31

Il s’agit de Bruxelles, KBR, 11127, décrit par C. GASPAR et F. LYNA, Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque Royale de Belgique, Tome II, Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, 1987 [1945], pp. 126-128.

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Livre de vieillesse

dent de scie32 » des protecteurs de ces humanistes français ? Le Livre de vieillesse de Laurent de Premierfait a par ailleurs été imprimé dans les premières années du XVIe siècle par Vérard, puis en 1539 par Denys Janot33 ; mais c’est bien dès 1481 que – signe de son succès international ou d’une certaine diffusion proche des milieux anglais ou du Nord ? – le texte français de Premierfait a été traduit en anglais et imprimé par Caxton34. Finalement, peut-on voir dans notre analyse préliminaire de la tradition manuscrite des traductions de Laurent de Premierfait l’indice de l’existence d’une révision originale de la traduction du Livre de vieillesse ? Ce qui est certain, c’est qu’au stade actuel de nos recherches, et à la lumière de notre travail sur la question de la double rédaction de la traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace35, force est de constater que toute la lumière n’a pas été faite sur les conditions de production, de diffusion et de lecture de ces traductions36. Il nous 32

H. LOYAU, C. BOZZOLO et E. ORNATO, « Hommes de culture et hommes de pouvoir parisiens à la Cour amoureuse. Une approche prosopographqiue », dans M. ORNATO et N. PONS (dir.), Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle, (Textes et études du Moyen Âge, 2), 1994, p. 272.

33

Cf. J. MONFRIN, Les traducteurs et leur public…, p. 797 ; on verra également le récent article de M. OKUBO, « Antoine Vérard et la transmission des textes à la fin du Moyen Âge », dans Romania, 125, n° 3-4 (2007), pp. 434-480.

34

Caxton : Tulle of Olde age, éd. H. SUSEBACH, Halle (Saale), M. Niemeyer, 1933. La traduction est à notre connaissance anonyme, mais il n’est pas impossible de la rapprocher de la traduction anglaise par John Tiptoft du De amicitia de Laurent de Premierfait sortie la même année des presses de Caxton ; cf. R. H. LUCAS, « Mediæval French Translations of the Latin Classics to 1500 », dans Speculum, 45/2 (1970), p. 236.

35

Nous avons édité le Des cas des nobles hommes et femmes de Laurent de Premierfait dans le cadre d’une thèse doctorale à l’Université de Toronto (dir. B. Merrilees). Rappelons brièvement que Laurent révise en 1409 son Des cas des nobles hommes et femmes de 1400 et l’offre au duc de Berry. Cette deuxième version connaîtra un succès phénoménal ; or, des quatre-vingt manuscrits qui nous conservent aujourd’hui le texte de la traduction, seulement sept sont à mettre au compte de la rédaction de 1400. Cependant, la rédaction de 1409 n’est pas à proprement parler une nouvelle traduction, mais s’apparente plutôt à un commentaire, à une paraphrase de la traduction originale de 1400. Qui plus est, cette deuxième rédaction est conçue pour un public entièrement différent et s’accompagne, dans plusieurs manuscrits dont certains très célèbres, d’un programme iconographique complexe dont l’étude est de première importance pour l’histoire de la réception du texte. (On verra les prémisses pour l’édition de la première version du Des cas... dans S. MARZANO, « La traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace par Laurent de Premierfait (1400) : entre le latin et le français », dans C. GALDERISI et C. PIGNATELLI (éds), La traduction vers le moyen français. Actes du IIe colloque de l’AIEMF, Poitiers, 27-29 avril 2006, (The Medieval Translator/Traduire au Moyen Âge, 11), Turnhout, Brepols, 2007, pp. 283-295).

36

La question de la diffusion tardive et bourguignonne des classiques latins de Boccace et Cicéron au XVe siècle s’est effectivement posée lors des travaux préliminaires à l’édition critique du Des cas des nobles hommes et femmes. Il est connu, depuis les travaux des fondateurs, que ces traductions d’autorités s’inscrivent dans le sillage de la politique culturelle de Charles V visant à rendre accessible à un public de moins en moins préparé des textes jugés utilitaires, et que leur circulation est liée à l’entourage seigneurial français ; or, nous avons été obligée de constater que d’un point de vue strictement codicologique la question ne se posait nullement en ces termes, car en ce qui concerne la tradition manuscrite des traductions de Premierfait, bon nombre d’entre elles semblent avoir été copiées dans le deuxième quart du XVe siècle et semblent provenir d’ateliers flamands, et non parisiens. Qui plus est, on ne leur connaît pas majoritairement des possesseurs français, mais plutôt bourguignons, ce qui change la donne au plan culturel, politique et intellectuel. Ce qui est désormais certain, c’est que l’hypothèse maintes fois ressassée selon laquelle la médiocrité de ces

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semble par ailleurs que les témoins même les plus recentiores du Livre de vieillesse sont loin d’être deteriores : au contraire, ils semblent transmettre un texte qui, bien qu’assez proche de l’original (hypothétique ?) P que nous nous éditons ici, a paradoxalement bien peu de choses en commun avec lui. On peut d’ailleurs légitimement se demander si P a même été lu, car on s’émerveille de ce qu’une faute flagrante et non sans conséquence sur l’intelligibilité du texte y soit passée inaperçue37. Enfin, on ne s’étonnera pas ici de ce que notre analyse pose plus de questions qu’elle n’en résout, ni de l’absence de stemma codicum traditionnel : on aura compris que l’enquête, pour aller plus loin, doit s’attacher à l’examen codicologique de l’ensemble de la tradition des traductions cicéroniennes de Laurent de Premierfait, et rendre compte de sa diffusion... ce qui revient à étudier un chapitre somme toute assez peu connu de l’histoire du livre et de la lecture au XVe siècle en France et en Europe, et que l’édition du Livre de vieillesse que nous présentons ici espère faciliter. La traduction (ms. P) Notre édition met en regard le texte latin et français du ms. P, ce qui permet de saisir sur le vif le passage du latin au français ainsi que les interventions du traducteur, en plus de privilégier une lecture du texte qui s’accorde avec l’esprit de Laurent de Premierfait, dont le projet est effectivement de rendre immédiatement accessible la lettre et la pensée des classiques38. L’étude des dittologies, des gloses, du métalangage érudit, des citations, des insertions et des suppressions nous a permis de voir que la traduction fondait un discours sur la langue, sur la narration et sur le discours littéraire39. De récentes études ont par ailleurs montré que non seulement le livre et le traducteur sont mis en scène dans

traductions est à la base de leurs révisions tardives ne tient plus la route ; il faut repositionner la problématique dans la perspective nouvelle que permet désormais l’édition d’une partie du corpus de Premierfait. (On nous permettra de renvoyer, pour la démonstration, à S. MARZANO, « La traduction de la dédicace à Mainardo dei Cavalcanti par Laurent de Premierfait (1400) : préliminaires à l’édition du Des cas des nobles hommes et femmes », dans T. VAN HEMELRYCK et M. COLOMBO TIMELLI (éds), Quant l’ung amy pour l’autre veille. Mélanges de moyen français offerts à Claude Thiry, Turnhout, Brepols, 2008, (Texte, Codex & Contexte, 5), pp. 411-423.) 37

Voir la discussion détaillée entourant §20 au chapitre « Présentation et critères d’édition ».

38

« Avec les traductions exécutées pas Laurent de Premierfait, nous rencontrons, semble-t-il, quelque chose d’assez nouveau. Le français, au moins dans la conception première, est un moyen d’accès au latin que le lecteur trouve dans le même volume. Le texte original reste donc au premier plan. Faut-il mettre ces conceptions nouvelles en relation avec le mouvement humaniste auquel fut mêlé Laurent ? Cela est assez vraisemblable. » Cf. J. MONFRIN, « Humanisme et traductions au Moyen Âge », p. 776.

39

Nous nous permettons de renvoyer, sans le synthétiser ici, à l’article : S. MARZANO, « Laurent de Premierfait : entre le latin et le français », dans T. VAN HEMELRYCK et C. VAN HOOREBEECK (éds), L’écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge. Actes du IIe colloque international du GRMF (Louvain-laNeuve, 12-13-14 mai 2005), Turnhout, Brepols, 2006, (Texte, Codex & Contexte, 1), pp. 229-238.

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l’iconographie de l’exemplaire P40, mais aussi qu’à maintes reprises dans sa carrière de traducteur Laurent de Premierfait intervient pour mettre l’image au service de l’écrit41. La technique de traduction habituelle de Laurent de Premierfait, telle que nous l’observons dans les traductions du Decameron et du De senectute, est caractérisée par une grande fidélité à l’original. Cela est particulièrement vrai également de la traduction du De casibus dans sa première version de 1400 : c’est une traduction rédigée ad verbum ; elle est semilatina (c’est-à-dire caractérisée par des calques lexicaux et syntaxiques) ; on y trouve des gloses ou des digressions, le traducteur se limitant pour l’essentiel à ajouter un complément d’information aux noms propres ou aux realia, selon une habitude de la prose médiévale, ou à recourir aux dittologies42. Or, même quand Laurent de Premierfait traduit ad sententiam, comme dans le cas du De senectute, il y a inévitablement des traces de calques : l’influence du modèle latin sur le lexique est donc partout notable et conditionne les choix opérés par le traducteur dans de nombreux cas ; ces mécanismes et procédés stylistiques sont par ailleurs largement étudiés, et ne se limitent pas aux traductions, mais caractérisent l’ensemble des œuvres originales des XVe et XVIe siècles43. On constate qu’aucune glose marginale ou interlinéaire ne vient annoter le texte latin ou sa traduction ; on s’attend donc à ce que le discours métalinguistique du traducteur soit un discours indirect, ce qui est effectivement le 40

On verra A. Hedeman, et notamment l’analyse de la miniature présentée ici en page de couverture (Paris, Bnf, lat. 7789, fol. 8r), dans : « Making the past present in Laurent de Premierfait’s translation of De senectute », dans D. AREFORD et N. A. ROWE, Excavating the medieval image : manuscripts, artists, audiences. Essays in honor of Sandra Hindman, Londres, Ashgate Publishing, 2004, pp. 59-73.

41

Nous renvoyons aux travaux de M.-H. Tesnière, plus particulèrement : « La réception des Cas des nobles hommes et femmes de Boccace en France au XVe siècle », dans M. PICONE (éd.), Autori e lettori di Boccaccio. Actes du colloque de Certaldo (septembre 2001), Florence, Franco Cesati Editore, 2002, pp. 387402 ; ainsi que « I codici illustrati del Boccaccio francese e latino nella Francia e nelle Fiandre del XV secolo », dans V. BRANCA (éd.), Boccaccio visualizzato : narrare per parole e per immagini fra Medioevo e Rinascimento, Turin, G. Einaudi, 1999, vol. III.

42

Les dittologies, caractérisées généralement (mais pas exclusivement) par le calque + l’expansion sémantique, ajoutent également un complément d’information au terme traduit : par exemple meritis : bienfaiz et merites ; adverteret : regardast et advisast; inertia : negligence ou paresse. (On consultera le chapitre intitulé «Traduction et lexicographie» dans G. DI STEFANO, Essais sur le moyen français, Padoue, Liviana Editrice, 1977, pp. 47-96).

43

Voir notamment J. RASMUSSEN, La prose narrative française du XVe siècle: étude esthétique et stylistique, Copenhague, Munksgaard, 1958 ; A. LORIAN, Tendances stylistiques dans la prose narrative française au XVIe siècle, Paris, Klincksieck, 1973 ; G. BIANCIOTTO, « Langue conditionnée de traduction et modèles stylistiques au XVe siècle », in Sémantique lexicale et sémantique grammaticale en moyen français, éd. M. WILMET, Bruxelles, Centrum voor Taal en Literatuurwetenschap, 1979, pp. 5-79 ; TH. VENCKELEER, « Les phénomènes d’information plurielle en français médiéval : aspects lexicologiques et lexicographiques », dans Actes du 20e Congrès international de linguistique et philologie romanes. Université de Zurich (avril 1992), éd. G. HILTY, Tübingen, Francke, 1993, pp. 337-348 ; J. MORTELMANS, « Escrire et mettre par memoire. La fausse objectivité dans les chroniques en moyen français », dans L’écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, pp. 239-250.

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cas : les explications du traducteur sont régulièrement introduites par les expressions c’est assavoir ou c’est adire qui ponctuent le texte, et on verra que bon nombre de citations directes de Cicéron passent au discours indirect en français grâce à l’incise dist il (§§ 1, 8, 10, 13, 14, 25, 59, etc.). On observe également l’usage récurrent du verbe compter44 (= raconter), et de la dittologie compter et dire (§§ 11 et 55). L’usage de la prétérition : § 12 Je ne puiz assez dire … § 75 Il n’est ja aussi besoing que je recorde … § 75 Ne il n’est aussi necessité aulcune que je racompte …

est aussi à mettre au compte du traducteur, dont on confond parfois le « Je » avec celui de Caton45 : § 70 dont je me plaing ... § 23 Socrates et Gorgias, dont nous avons ici dessus parlé … § 37 Appius, dont j’ay cy dessus parlé …

voire, plus curieusement, avec le Livre de vieillesse : § 26 [...] et saichiez que j’ay apprinses les letres et le langaige gregois a fin que je sceusse par les histoires greques les exemples dont vous me voiez presentement user en cest livre

– or, à notre connaissance, Caton n’est pas en train d’écrire son propre livre dans le De senectute ! On peut également discerner la voix de Laurent de Premierfait au plan littéraire ; on connaissait l’avide lecteur de Stace et de Térence46, on reconnaît désormais le traducteur du De amicitia : Livre de vieillesse § 78 [...] cestui Socrates, jadiz maistre du philosophe Platon, fut tenu le tressaige de tous aultres philosophes, ainsi comme il apparut par le respons du dieu Apollo, a qui l’en demanda qui estoit le plus saige des hommes : « Socrates, dist il, doit avoir le principal honneur entre tous les saiges de la cité d’Athenes. » Livre de vraye amistié § 13 Ou aussi ne me consens pas a la sentence de Solon ou de Socrates, philosophes grecs, qui par le respons de Appollo furent jugiez estre les tressaiges de tous hommes [...] (Paris, BnF, fr. 1020, fol. 61v) ; 44

Voir le Glossaire a.v. Compter.

45

Une thèse de l’E.P.H.E. s’est attachée récemment à étudier l’organisation et la vulgarisation du savoir à travers l’analyse minutieuse du discours des auteurs d’un vaste choix de traductions des XIIIe et XIVe siècles, dont celles de Laurent de Premierfait, et à laquelle nous renvoyons entre autres pour l’étude du discours indirect de notre traducteur : C. BOUCHER, La Mise en scène de la vulgarisation : les traductions d’autorités en langue vulgaire aux XIIIe et XIVe siècles, Thèse de doctorat, Paris, École Pratique des Hautes Études, 5e section, 2005 (en cours de publication). Je tiens à remercier C. Boucher qui a mis cette thèse à ma disposition.

46

Cf. C. BOZZOLO et C. JEUDY, « Stace et Laurent de Premierfait », dans Italia Medioevale e Umanistica, 22 (1979), pp. 413-447 ; on verra également l’article de C. BOZZOLO, « Laurent de Premierfait et Térence », dans Vestigia. Studi in onore di Giuseppe Billanovich, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1984, I, pp. 93-129.

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et du De casibus, dans le passage § 75, certainement le plus amplement glosé47, ce que semble venir conforter l’usage réitéré de l’expression par changement de fortune. En ce qui concerne l’état matériel de la source, on peut légitimement se demander quel De senectute Laurent de Premierfait avait sous les yeux, et s’il correspond à celui que nous éditons aujourd’hui. Un doute surgit lorsque, au § 28, nous lisons avoir audience et faveur : ce doublet traduit incorrectement la leçon audaciam que nous avons en face ; une note en bas de page nous renseigne toutefois que E transmet la leçon audientiam à laquelle correspond parfaitement le texte de Laurent. Ou bien simple lapsus de copiste ? Cela n’est pas impossible. Plus loin, la curiosité du lexicographe est piquée par ce passage de la traduction qui évoque cette eaue que l’en appelle gemme (§ 53) : là on comprend aisément que le texte latin, eaque gemma dicitur, est à la source de la confusion, car le traducteur a peut-être eu aqua sous les yeux. Il arrive aussi que Laurent supprime ou traduise par un détour un passage qui lui fait difficulté ; par exemple, au § 56 on lit : Les laboureurs de terre appellent maintenant leur courtil la seconde cusançon, c’est adire que les laboureurs veulent que, après le coultivement des champs, l’en mette la seconde cusançon a labourer les courtils.

Le passage correspondant : Iam ortum ipsi agricole succidiam alteram appellant contient le mot succidiam, difficilement traduisible – le DLV donne « andoulle », alors que Willeumier traduit par « second saloir ». Il est souvent délicat de juger en effet si certaines omissions sont volontaires ou déterminées par l’état textuel de la source ; on a remarqué par exemple que, dans le Livre de vieillesse, lorsqu’il est question d’œuvres de Nevius, nommément du Ludus (§ 20) et du De bello punico (§ 50), Laurent traduit en faisant abstraction du titre : la comedie que fist Nevius le poete de deux qui tantost perdirent ung tresgrant et riche patrimoine ou encore Nevius se delictoit en ung livre qu’il dicta et escrivi d’une bataille faicte par les Rommains contre ceulx de Carthage. Parallèlement, lorsque vers la fin du livre nous avons constaté l’omission de l’exemple de Pelias (§ 83), nous avons d’emblée cru à une simple lacune culturelle de notre traducteur. Or, à y voir de plus près, la leçon transmise par le texte latin n’est pas Peliam, mais Pilam ; il aura suffit d’un rapide sondage dans le DLV, a.v. PILA, pour éclaircir (non sans émerveillement !) le mystère : « PILA. pelote, esteuf a jouer à la paumme », ce qui correspond exactement au texte de notre traduction : §83 [...] ainsi comme l’en rechasse une pelote d’une bourne a l’aultre.

47

Le texte latin tient en 120 mots, contre 1334 pour la traduction : la traduction est ici neuf fois plus longue que l’original !

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Ces quelques remarques, qui ne font qu’effleurer ici la surface du Livre de vieillesse, nous permettent peut-être déjà de saisir l’ampleur et la teneur de l’implication de Laurent de Premierfait à chaque étape de sa création. Analyse linguistique de P L’étude de la langue du manuscrit de base de notre édition critique a déjà retenu l’attention des chercheurs, dont Gilbert Ouy, qui s’est attaché à décrire l’orthographe « flamboyante »48 de Laurent de Premierfait : on retiendra l’usage de l’ancien futur du verbe « estre » iert (36r), qui rappellerait le latin erit, mais surtout l’introduction des gérondifs à finale étymologique (excusand-excusando, obeissend-obediendo). Des exceptions au système latinisant de l’orthographe de ce manuscrit, que Gilbert Ouy attribue généralement à l’usage, sont toutefois repérables. On observe que la langue de P présente les traits caractéristiques des traductions en moyen français, notamment au plan des calques et des latinismes ; l’orthographe n’en est toutefois pas moins variable, et le rétablissement des lettres savantes ou pseudo-étymologique n’est pas systématique. Nous nous limitons ici à recenser un choix de phénomènes graphiques, et renvoyons au glossaire pour l’analyse lexicographique.

Ponctuation49 La ponctuation du texte latin et de la traduction de P semble organisée de façon systématique, voire symétrique. Elle comprend : – treize lettres initiales de chapitre (six pour le texte latin, sept pour le texte français) qui signalent, dans le texte latin : le prologue (fol. 8r), le préambule (fol. 9r) et les quatre reproches faits à la vieillesse (ff. 12v, 16r, 19v et 28r) ; ces lettres initiales trouvent leur correspondance dans la version française, à ceci de près que le « prologue du translateur » n’a pas son équivalent dans le latin ; ainsi : prologue de Laurent de Premierfait (fol. 34r), prologue de Cicéron (fol. 37r), préambule (fol. 39r), suivi des quatre vitupérations (ff. 47v, 56r, 65v, 86r). Ces initiales décorées occupent partout trois lignes, sauf aux ff. 34r, 56r et 86r où elles en occupent quatre ;

48

Nous renvoyons en particulier à G. OUY, « Les orthographes de divers auteurs français des XIVe et XVe siècles : présentation et étude de quelques autographes », dans S. CIGADA et A. SLERCA (éds), Le Moyen Français : recherche de lexicologie et de lexicographie. Actes du VIe colloque international sur le moyen français, vol. 1, Milan, Vita e pensiero, 1991, pp. 93-139 ; ID., « L’orthographe de Laurent de Premierfait », dans C. BOZZOLO (dir.), Un traducteur et un humaniste de l’époque de Charles VI : Laurent de Premierfait, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, pp. 307-314.

49

On verra l’étude de C. BARBANCE-GUILLOT, « La ponctuation médiévale : quelques remarques sur cinq manuscrits du début du XVe siècle », dans Romania, 113, nos 3-4 (1992-1995), pp. 505-527.

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– des crochets alinéaires suivis de majuscules marquent les débuts des paragraphes (ceux-ci correspondent pour la plupart à notre découpage du texte dans le cadre de l’édition), des citations, des dialogues, des exemples, ou des débuts de phrase et de proposition ; – des lettres majuscules précédées ou non d’un point, d’un comma (pointvirgule inversé), d’un point d’interrogation, voire d’un point d’exclamation (par exemple à la suite de augurii au fol. 12r) semblent marquer des pauses ou conférer un certain rythme à la phrase ; – des colons (point) suivis de lettres minuscules semblent correspondre à des pauses plus brèves ou signaler la conjonction de coordination (par exemple et ou ou) lorsqu’ils relient deux propositions ; – des points d’interrogation et des points d’exclamation (notamment dans le texte latin) ; – enfin de petits signes suscrits comparables à un minuscule chiffre 9 pivoté ou encore à un petit z se retrouvent dans le texte latin, par exemple sur le a de Cato (fol. 10v), le i de Scipio (fol. 11r), le e de gerentur (fol. 11v) ou le y de ymbre (fol. 18r), de Ydeis (fol. 21v) ou de Cyrum (fol. 59r).

Particularités graphiques Emploi occasionnel de y : – final après voyelle : ay 86r, 90r, 102r, etc. (alterne avec ai) ; chey 93r ; croy 35v, 51r, 71r, etc. ; desroy 63r ; doy 70r, 86v, 87r, etc. (alterne avec doi) ; iray 102v ; gettay 67v ; obey 40v ; mourray 54r ; partiray 102 v ; sçay 91v (alterne avec sçai 34v) ; suy 64r, 102v, etc. (alterne avec sui) ; sentiray (103r ; vray 81r, 88r, 90v (alterne avec vrai), etc. – final après consonne : constreigny 52v, 96v (alterne avec constreingni) ; cy 55v, 63r, 65r, etc. (alterne avec ci, plus fréquent) ; dy 76r (partout ailleurs di) ; icy 51r, 98v (partout ailleurs ici) ; mercy (84r), recreingny 94v, etc. – moyen : acconsuyvre 68v (alterne avec acconsuivre 68v) ; ayeul 50r, 51v (alterne avec aieul 50r, 94v) ; appoyee 74v, 75r ; defuyt 71r ; ennuye 103r (mais ennuieuse 39v, 42r, 45v) ; frayour 91v ; gaynnes 74v ; haynneuse 71r ; larmoyand 91v ; nuyt 72v, 100v (alterne avec nuit) ; oyans 68r, 83v (alterne avec oiant 44r et verdoiant 74v) ; moyan 95v (mais moian est plus fréquent 42r, 67v, 86v, 98v) ; oyseller 78r (mais ailleurs oiseau, etc.) ; payle 95r ; pluye 61v ; poysante 96v (partout ailleurs poisant, etc.) ; surfouye 80v ; uyle (62v), etc. – initial : ydiotes 95v ; yrai 102v ; ysnelment 92v ; Ythacie 76r ; yver 71v, etc.

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Rétablissement fréquent de lettres « savantes » ou pseudo-étymologiques : Voyelles U abundant 78v et ses formes abundance 89r, abundamment 71v, etc. ; calumnier 36v ; corrumpues 84v ; corrumpemens 66v ; corrumpend 92r ; cultivement 74r, 78r (mais partout ailleurs coultivement) ; denunce 49v ; triumphe 45r, 77r, 94r ; voluntaire 34v, 92v ; umbres 79r ; undes 36r, etc. Consonnes B doubter 87v, 88r, 90r ; debteurs 51v ; soubdeinnement 65v, 82v ; soubsmettend 36v ; soubsmis 63v ; soubstrait 48r ; s(o)ubtiles 36r, 77v ; subgiect 34v, etc. C – formes du verbe sçavoir (alterne avec savoir) ; naiscences 64r et naiscent 74r, 76r, 76v – condicion 41v, 84v, 58r ; discrecion 79v ; frequentacion 53r ; mencion 46v, 83r ; continuacion 85v (mais excusation 84v) – actournee 78v, 82v ; acteindre 35r ; complainct 91v (mais complainte 41v) ; conjoincte 70v ; dict, dicte (alterne avec dit, ditte) ; droictement 80v ; effect 37v ; eschallact 75v ; exteinct 62v (mais exteint 65r, 86v) ; feinct 38v ; fruict 74r, 75v, 82v ; instruict 36v, 58r ; introduictz 95v; joinctures 96r ; laict 35r, 78v ; luicteurs 56v ; necteté 80v ; nuict 72v (alterne avec nuit) ; parfaictement 57v ; plainctes 91r ; poicterine 35v; refectes 62v ; restreincte 63v; saincte 35r, 36v, 102v (mais Saint Loys, tressaint, etc.) ; secrects 66v (mais secretement 40r) ; tracte 64r, 64v, 72v, etc.) ; violecte 80v50, etc. D – verbe desiderer (desiderant 95r, alterne avec desirer) – préposition ad 70r, 87v, 88v – suffixe ad- : administracion 47v, 48r, 52v, etc. ; admonnester 60r ; admesureement 57r ; adneantir 90v ; advenir 44v, 51v, 54v ; adventure 36v, 42v, 48r,

50

Il ne s’agit pas ici de la confusion paléographique ct/tt.

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etc. ; adviz 87r ; adviser 96v, 99v, 100r, 101r, 102v ; adversaire 66v ; advocat 51r, 57r ; advoultires 66v, etc. – rétablissement fréquent du l : aulcun 66v, 68v, 70v ; aulcunefois 37r ; aulcunement 34v, 37v, 36r, etc. ; aultre 35v, 37v, 38r, etc. ; aultrement 48v, 51r, 102v ; beaulté 78v, 80v, 100r ; chault (=chaud) 79r ; cruaulté 42r, 61r, 72v, etc. ; deffault 94v ; desloiaulté 45v, 66v ; hault 46v, 60v, 75r ; malvais 40r (mais partout ailleurs mauvais) ; oultraiges 51r, 58r, 87r, etc. ; oultre 55r, 69v, 75r, etc. ; rainceaulx 75r et arbrinceaulx 76r ; tiltres 81v ; ainsi que dans les formes suivantes des verbes : default 65r ; chault 69r ; fault 62v, 98r ; saulte 101v ; requieult 89r ; veult 54r, 55r, 88r, etc. ; voult 63r, 77r, 91r, etc. M dom 66v (mais dons 79v) P Rétablissement systématique du p pseudo-étymologique : compter (conter) 38v, 44r, 44v, 45r, 45v, 85r, 92v ; racompter (raconter) 36v, 43v, 52v, 56r, 58v, etc. S cloust 67v ; goust 75v T chault 79r ; court 59v ; froit 61v, 70v, 79r ; excusation 84v ; oration 64r, 66r (alterne avec oroison 57v, 49r) ; servitute 94r ; rendt 58r X exue 74v ; loix 40v, 51v, 52v, 61v ; mixtion 99v ; quelx (quelxconques 64r, lesquelx 82r, desquelx 82r, lesquelx 87v) ; texu 80v ; Ulixes 76r. Rétablissement fréquent, mais pas systématique, du gérondif à finale (pseudo-)étymologique : accroissend 57r ; apprenend 55r, 73v ; congnoiscend 74v ; considerand 74v, 81v, 88r (mais aussi considerant 83r,95r) ; corrumpend 92r ; delessand 81v ; delessend 59r ; demenand 57r ; descendend 34v ; disend 42r, 59r ; disputand 67r ; ensuivand 38r ; entand 53v ; esmerveilland 75r ; espend 74r ; estouyand 53v ; excu-

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sand 34v ; exposend 36r, 95r ; faisend 46r (mais faisant 64v) ; frequentand 77v ; gardand 35r ; gisend 65r ; larmoiand 56v, larmoyand 91v ; monstrand 46v ; nagend 49r, 90r ; parlend 97r ; pensand 65r ; plantand 53v ; racomptand 76v, 100v ; raisonnand 57r ; ramenand 62v ; recommendand 59r ; recordand 51r, 62v ; recueillend 53v ; regretand 57r ; rendend 36r ; semand 53v ; soubsmettend 36v ; veilland 69r ; vivend 54r.

Présentation du texte et critères d’édition L’édition présente de façon synoptique le De senectute et le Livre de vieillesse ; le « prologue du translateur » (ff. 34r-36v), sans correspondance dans le latin, précède la mise en regard du livre de Cicéron avec la traduction de Laurent de Premierfait. Nous reproduisons fidèlement le texte de P, à l’exception de l’Oratio pro Marcello (ff. 1r-7v)51. Toute intervention est systématiquement signalée par des crochets pointus dans le texte, qu’une note dans l’apparat, présenté en bas de page, vient immédiatement justifier. Dans le texte de la traduction, ces interventions sont au nombre de cinq et viennent pallier des lacunes mineures, soit une répétition (§ 28 : et et) ou l’omission d’un accord (§ 22 : [tu] puisse ; § 51 : [ils se] ; § 81 : ces chose) ; la seule intervention majeure se trouve au § 20 (fol. 51 r) : Oultraige et folle hardiesse est la proprieté et la nature du < juene eage, prudence et advis est la proprieté du vieil aage. >

La note en bas de page explique que la leçon de P et T est vieil, que T corrige par l’ajout dans la marge de est la proprieté et la nature du jenne aage prudence et adviz ; suivent les variantes des manuscrits de contrôle BN2, H2, H1 et BN1 ; le lecteur comprendra qu’on a retenu la leçon de H2, dont il pourra vérifier la bonté en la comparant au texte latin de Cicéron mis en regard : P T vieil, mais T corrige dans la marge : est la proprieté et la nature du jenne aage prudence et adviz BN2 H2 nature de jenne aage, prudence et advis est la proprieté et la nature du vieil aage H1 Oultraige et folle hardiesse est la proprieté et nature du jenne aage BN1 du viel jenne (suscrit) aage

Le texte latin de P est confronté, dans les lieux variants, avec l’édition de P. Willeumier (E) ; nous en reproduisons les leçons. Par exemple, au § 34 on peut lire dans P la leçon habitus ; la note correspondante dans l’apparat : E

[h]avitus ; var. avitus, habitus

signale la leçon de E, avec les variantes (= var.) de la tradition latine. Ce travail de collatio nous a permis de constater la qualité du texte latin transmis par P ; or, 51

Pour les raisons évoquées ci-haut dans la discussion concernant le classement des manuscrits.

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lorsqu’on essaie d’identifier la tradition manuscrite dans laquelle s’inscrit le texte latin suivi par notre traducteur, l’éclectisme ne nous permet pas de trancher. Pour la transcription, nous avons suivi les conseils généraux de l’École nationale des chartes, notamment en ce qui concerne : l’usage des majuscules52 ; la distinction i/j, u/v ; la conservation du « x » final à valeur de « us » dans le texte français ; la reproduction des chiffres en majuscules, les exposants reproduits tels qu’ils se présentent, mais sans reproduire les points qui servent à séparer et à distinguer les différents chiffres ; la résolution des abréviations ; l’enclise (qu’i) ; le rétablissement de la cédille sous le « c » selon l’usage moderne ou dans le cas de sçavoir ; le rétablissement de l’accent aigu pour signaler le « e » final tonique, pour distinguer « aprés » < ad pressus de « apres » < asperos, ainsi pour les participes passés masculins en -ie ; usage parcimonieux du tréma : à païs au § 69 pour éviter la confusion avec « paix » ; à griëment au § 67 pour marquer le hiatus que la graphie vient ici masquer ; enfin, à « meürent » (=mûrir) au § 70 pour éviter la confusion avec « meurent » (=mourir)53. La distinction u/n, c/t ne faisant difficulté que dans un ou deux cas exceptionnels, nous avons opté pour la forme la plus fréquente attestée dans le manuscrit, sans le signaler54. En ce qui concerne l’agglutination ou la séparation des mots, si nous avons suivi dans leur ensemble les conventions usuelles pour le texte latin55, nous avons par contre fait entière allégeance à la pratique de P, dont nous avons tâché de rendre compte dans le moindre détail : nous ne sommes donc pas intervenue pour séparer, agglutiner ou normaliser la graphie des mots composés avec « dit » (ledit, etc.), « quel » (lequel, etc.), ou dans le cas du composé « tousjours », préférant contrevenir ici à l’analyse grammaticale moderne plutôt que risquer d’altérer le témoignage graphique d’un manuscrit aussi important que P. Nous respectons enfin les formes adverbiales ou adjectivales du type tresnoble ou plusgrant (traitées parfois comme formes à préfixe dans les textes anciens), les graphies interchangeables du type qui/que, ainsi que la coupe des mots, sans normaliser (aultre tant /aultretant). Au plan matériel, si nous ne témoignons pas des occasionnels remplissages en fin de ligne ou de folio56, nous signalons toutefois systématiquement dans 52

Une certaine marge d’interprétation demeure en ce qui a trait à l’usage de la majuscule pour signaler les personnifications occasionnelles de Vieillesse, Jeunesse, Philosophie ou Nature.

53

Conseils pour l’édition des textes médiévaux. 1, Fascicule I : conseils généraux, coord. Fr. VIELLIARD, O. GUYOTJEANNIN, Paris, Éd. du CTHS : École des chartes, 2001, pp. 21-62.

54

Comme le suggère Ph. MENARD, « Problèmes de paléographie et de philologie dans l’édition des textes français du Moyen Âge », dans Ph. BENNETT et G. RUNNALLS (éds), The Editor and the Text. In honor of Professor Anthony J. Holden, Édimbourg, Edinburgh University Press, 1990, pp. 1-10.

55

Conseils pour l’édition des textes médiévaux..., pp. 39-40.

56

En général cela se résume à une lettre barrée d’un double trait « i », qui semblent être plus fréquents dans le texte latin.

Introduction

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l’apparat toute correction, addition ou nota bene interlinéaire ou marginal, ainsi que les réclames, et ce pour tous les manuscrits dont rend compte l’édition57. La foliotation du manuscrit P est indiquée dans le corps du texte, entre crochets droits : [55r]. L’emplacement des illustrations est signalé à même le texte, entre crochets droits : [illustration]. Pour faciliter la mise en regard et la comparaison du texte latin et français, nous avons introduit le découpage traditionnel du De senectute tel qu’il se présente dans l’édition classique des Belles Lettres par P. Willeumier, imprimé en caractères gras : III 7. Finalement, nous avons introduit la ponctuation moderne, incluant les guillemets (« ») ou traits ( — ) marquant les répliques des dialogues et monologues, les discours rapportés, les citations et les incises. Les titres d’œuvre sont reproduits en caractères italiques.

Pour résumer : III 7

5

[]

| leur 53 (39v)

57

dans le texte, la numérotation romaine et/ou arabe en caractères gras correspond au découpage en paragraphes de l’édition E dans l’apparat, la numérotation arabe correspond au numéro de la ligne dans le texte, les chiffres arabes entre crochets carrés correspondent aux numéros de folios du manuscrit P ou signalent la présence d’illustrations dans le texte, les crochets pointus signalent les interventions de l’éditeur dans l’apparat, la barre droite signale que la variante suivante se situe sur la même ligne dans l’apparat, des mots barrés signalent les suppressions, ratures ou exponctuations dans l’Index onomastique, dans la Table des titres d’ouvrages cités, ainsi que dans le Glossaire, signale le renvoi au folio 39v qui correspond à la page 53 du volume.

Les réclames ne concernent toutefois que le manuscrit de base P.

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Sigles BN1 BN2 H1 H2 E P T

Paris, BnF, fr. 126 Paris, BnF, fr. 1020 Londres, BL, Harley 4917 Londres, BL, Harley 4329 Cato Maior De senectute (éd. P. Willeumier) Paris, BnF, lat. 7789 Milan, B. Trivulz., 693

Enfin, nos commentaires, dans l’apparat, sont imprimés en caractères italiques et/ou entre parenthèses.

Introduction

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Bibliographie Éditions CICÉRON, Cato Maior De senectute, éd. P. Willeumier, Paris, Les Belles Lettres, 1969 (3e éd.) CICÉRON, Laelius de Amicitia, éd. R. Combès, Paris, Les Belles Lettres, 1971. BOCCACE, Decameron (1411-1414) de Laurent de Premierfait, éd. G. DI STEFAMontréal, CERES, 1998.

NO,

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[34r] [illustration] A tresexcellant, glorieux et noble prince Loys, oncle de roy de France, duc de Bourbon, conte de Clermont et de Forestz, seigneur de Beaujeu, grant chamberier et per de France : droitement et bien user de vostre dignité et puissence terrienne, victoire desiree de tous voz ennemis manifestes et cachiez, accroissement de bonnes meurs et vertus, et entier accomplissement de vostre bonne esperance. Et a vous comme seigneur et prince prompte et pleine obeissence de moy, Laurent, [34v] vostre humble clerc et subgect voluntaire. Je ne sçai et ne puis trouver paroles souffisens, ne sentences assez dignes pour raisonner aulcunement avec vous en excusand au moins la petitesse de moi, quant je droit considere l’excellence, la gloire et la noblesse de vous qui estes selon la droite ligne de generacion ou quint degré de consanguinité en descendend de ce tressaint et tresglorieux attayeu monseigneur Saint Loys, jadix roy du temporel royaume de France, ou gouvernement du quel il telement se contint et porta envers Dieu et envers le peuple que Dieux lui eut commis que, aprés son temporel empire, selon la juste retribucion de Dieu, il fut et est converti en roiaume pardurable avec le bon Jhesu roy des roys. Pour ce donques que par moy ne peuent assez ne a moitié estre racomptees vos louanges, je pren ung ver de Virgile qui samble proprement avoir esté fait pour vous : « Voiez cy, dist Virgile, ung nouveau filz qui du hault ciel est descendu en terre pour servir a Dieu par vraie religion, et pour seignourir aux hommes par justice. » Puisque donques que vous estes descendu du hault ciel non pas une seule foiz mais deux, c’est assavoir quant au corps de par le sang et lignie de vostre tres-[35r]-saint attayeu devant dit, et quant a l’ame par riegle generale selon la quele le Createur estant en son hault ciel fait les ames par puissence celeste, vous par ainsi devez avoir double desir et inclination de retourner a vostre pays nativel qui est le celestial palais. A fin donques que vostre saint desir ne cesse et ne s’entrerompe par le deceuvement des faulses delectations mondainnes, vous comme prince saige et prudant amez et ensuivez l’estude de dame Philosophie qui pleinement enseigne des choses divines et humaines la verité. Et a fin que par plus legier et par plus seur chemin vous peussiez acteindre et parvenir a la congnoissance de ces choses divines et humaines, vous des vostre enfance avez fait et continué doulces amistiez et benignes accointances avec aulcuns philosophes nourriz et abeuvrez du doulz 1 H2 Cy commence le prologue de Maistre Laurent translateur sur le premier prologue de Tulle en son Livre de vieillesse 13 BN2 quant j’ay droit 14 BN2 consanguinité et descendant 17 T se tint 18 T juste tribulacion 20 H2 Et pour ce que par moy 21 H2 om. ung ver 27 H2 saut de ciel à ciel 29 H1 naturel 30 H1 faulx 34 T pensiez actendre

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laict des mammelles de la dame dessus dicte. Et oultre, pour ce que Verité vous apprend que naturele philosophie ne souffit pas a pleinement instruire et informer le courage d’un bon prince crestian, vous amez et hentez les livres et les hommes raisonnans et fondez en saincte theologie, la quele est le fort escu et le mur defensable de la foy catholique. [35v] Et par ce que vous amez Philosophie et ceulx aussi qui la hentent et suivent, vous avez desservi, comme dist Pitagoras, estre nommé « philosophe » , qui est un nom si tres advenant a prince que tous empereurs et roys qui ne ont ars ne sciences ne sont empereurs ne roys, mais sont semblables a asnes couronnez. Car science et vertu sont la premiere et la droite naiscence de mondaine noblesse. Vous donques, noble duc, qui entre pluseurs volumes avez choisi et esleu le Livre de vieillesse, le quel dicta et escrivi le noble philosophe et prince de eloquence Tulle, consul rommain, dedans la poicterine du quel philosophie naturele et morale esleut son domicile, ja soit ce que vous vueilliez avoir lire et entendre le dit livre escript cy devant en trescorrect latin et aprés converti en langaige françois, pour ce que selon cours de nature vous approuchiez a l’eage de vieillesse a qui est deue reverence et honnour selon les merites et les biensfais de l’eage precedant. Si croy je toutevoies que vous desirez ce livre a fin que vous congnoissiez plus a plain que se ou gouvernement du royaume de France ou d’aultre quelconque seignourie dame Vieillesse, la saige et attrempee, n’est preferee et mise devant Juenesse, la [36r] folle et la desmesuree, tel royaume et si faicte seignourie est samblable a la nef faicte de vieilles tables qui est sanz gouvernail tresloing de port es undes de la mer. En obeissend donques a voz commendemens, je me suis essaié de convertir en françois au moins mal que j’ay peu le livre avant nommé, qui est comme vous savez en langaige latin fait par grant artifice et de sentences moult graves et soubtiles ; ou procés du quel je ne compterai aulcunement histoires, pour tant que je delaisse la principale matiere de ce livre qui n’est en riens historial, ains est de philosophie naturele et morale. Et combien que le fardeau dont vous m’avez chargié surmonte la petitesse de mes forces, toutevoies en rendend l’obeissence que je vous doi je me suy essaié a le porter sur mes floibles espaules en gardand deux choses : l’une, pour ce que en langaige vulgar ne puest estre pleinement gardee art rhetorique, je userai de paroles et de sentences tantost et promptement entendibles et cleres aux liseurs et escouteurs de ce livre, sanz riens laissier qui soit de son

20 BN1 H1 delivrez ce livre 26 H2 obeissant du tout 27 H1 comme saviz en latin qui est fait 37 T qui soit en son | BN1 qui sont de son

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essence ; l’autre chose iert que ce qui samble trop brief ou trop obscur je le allongirai en exposend par [36v] mots et par sentences. Je donques attribue et dedie a vous, tresnoble duc et prince dessus nommé, ceste translacion et la transporte en vous, en depriand qu’il vous plaise entreprendre le tout ou la partie de la defence d’icelle contre les envieux, se aulcuns par adventure sanz juste cause s’efforçoient de la calumnier. Et quant aux choses moins bien dittes ou faittes, je demende pardon et benigne excusance en soubsmettend moi mesme et mon oeuvre a la correction d’un chascun plus saichant et mieulx instruict en tele chose. Si requier humblement et deprie celui Dieu, qui par sa toute puissence puest toutes choses bonnes, qu’il enlumine mon obscur entendement, qu’il mette en ma bouche droictes et bien sonnans paroles, et qu’il conduie ma main a fin que je ne mette paroles ne sentences contraires a bonnes et sainctes meurs. Cy fine le prologue du translateur.

1 BN1 H2 l’autre chose est 5 H2 om. d’icelle 10 T om. sa 14 BN1 H1 om. Cy fine le prologue du translateur

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De senectute [8 r] Marci Tullii Ciceronis super libro suo qui Maior Cato appellatur De senectute ad Aticum amicum suum prologus incipit feliciter. [illustration] 5

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« O Tite, si quid ego adiuto curamve levasso, que nunc te toquit et versatur pectore fixa, et qua deprimeris sed quid erit precii ? »

Licet enim michi versibus eisdem affari te, Atice, quibus affatur Flaminium 10

« Ille vir Ennius, haud magna cum re, sed plenus fidei. » Quamquam certo scio [8 v] non ut Flaminium « Solicitari te, Tite, sic noctesque diesque. »

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Novi enim moderationem animi tui et equitatem, teque cognomen non solum Athenis deportasse sed humanitatem et prudenciam intelligo. Et tamen te suspicor eisdem rebus quibus meipsum interdum gravius commoveri ; quarum consolatio et maior est, et in aliud tempus diferenda. 20

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Nunc autem michi visum est de senectute aliquid ad te conscribere. 2 Hoc enim onere, quod michi tecum commune est, aut iam urgentis aut certe adventantis senectutis et te me ipsum levari volo. Et si te quidem id modice ac sapienter, sicut omnia, et ferre et laturum esse certo scio. Sed michi, cum de senectute vellem aliquid scribere, tu occurrebas dignus eo munere quo uterque nostrum communiter uteretur.

5 E coquit 6 E praemi; var. pr(a)emi, pretii 18 suspicor et

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Livre de vieillesse [37 r] Translacion du prologue de Tulle en son Livre de vieillesse, le quel il envoie et adrece a ung sien ami appellé Aticus, començant ou latin : « O Tite si quid ego, et c. » [illustration] 5

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I 1 Mon ami Aticus, combien que je sçai certeinement que tu n’es point nuit et jour cusançonneux du gouvernement de la chose publique, ainsi comme est Titus Flaminius, consul de Romme, toutevoies je puis parler a toy par ces mesmes [37v] vers par lesquelz ce vaillant homme Ennius, le poete, parle a Titus, son ami : « Certes, dist Ennius, je desservirai bon pris et grant salaire se par mes vers je aide et supporte aulcunement la cusançon que tu as pour le prouffit publique, la quele te brule et art et se tourne et revire, fichee en ton cuer, en tant que par celle cusançon tu as l’entendement abbaissié envers les choses terriennes. » Les vers du poete Ennius ne sont pas de grant effect, mais ilz sont loyaulx et pleins de bonne foy. Certes, mon ami Aticus, je congnois et enten l’atrempance et la naturele justice de ton courage, et si congnois et enten que par la grandesse de ta science l’en ne congnoist pas seulement en l’estude d’Athenes le surnom que tu as du nom de la cité, mais l’en y congnoist et entend la benignité et la prudence de toy. Et combien que tu aies ces excellences et vertus, si pense je que tu soies aulcunefois esmeu et troublé pour les causes dont je mesme le suiz ; sur quoi il te convenra avoir plus grant confort que je ne te pourroie donner presentement, pour ce je attendrai a toy reconforter jusques en aultre temps. Mais il m’est ores adviz qu’il soit bon que je te escrive aulcune chose de l’eage de vieillesse. 2 Car je vueil que [38r] toy et moy soions confortez et allegez de ce faisseau qui est commun entre toy et moy, c’est assavoir de vieillesse qui des ja nous constreint, ou qui a bonnes certes vient et s’approuche de nous. Je vueil par cestui livre conforter moi et toi, combien que je sçai certainement que ja tu endures et endureras atrempeement et saigement toutes les choses qui te adviennent. Maiz non obstant ce, quant je vouloie escrire aulcune chose de l’eage de vieillesse, il me souvenoit de toi comme de cellui qui estoit digne de avoir ce present livre, du quel chascun de nous pourra communement user.

3 H2 Cy aprés commence la translation du prologue de Tulle en son Livre de vieillesse lequel il envoie a un sien amy appellé Acticus commençant ou latin : O Tite si quid ego 6 H1 publicque ne au gouvernement d’icelle 20 H1 aucuneffoys aucuneffoys 31 BN1 H1 om. chascun

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Michi quidem ita iocunda huius libri confectio fuit ut non modo omnis absterserit senectutis molestias, sed effecerit mollem etiam et iocundam senectutem. Nunquam igitur satis laudari digne philosophia poterit, cui qui pareat omne tempus etatis sine molestia possit degere. 5

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3 Sed de ceteris et diximus multa et sepe dicemus ; hunc librum ad te de se[9r]-nectute misimus. Omnem autem sermonem tribuimus non Tithono, ut Aristotiles — parum enim esset autoritatis in faubula — sed Marco Catoni seni, quo maiorem autoritatem haberet oratio ; apud quem Lelium et Scipionem facimus ammirantes quod is tam facile senectutem ferat, eisque eum respondetem. Qui si eruditius videbitur disputare quem consuevit ipse in libris suis, attribuito literis Grecis, quarum constat eum perstudiosum fuisse in senectute. Sed quid opus est plura ? Iam enim ipsius Catonis sermo explicabit nostram omnem de senectute sentenciam.

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Scipio ammirans. Et hic incipit tractatus preambule disputacionis.

Sepenumero ammirari soleo cum hoc Gaio Lelio cum ceterarum rerum tuam excellentem, Marce Cato, perfectamque sapienciam, tum vel maxime quod numquam tibi senectutem gravem esse senserim, que plerisque senibus sic odiosa est ut onus se Ethna gravius dicant sustinere.

1 T omnes 7 i exponctué entre non et Tithono | E Aristo Ceus ; var. Aristo Chius, Aristoteles ; T E fabula

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Aprés certes que je eu consideré escrire ce livre, qui est de philosophie morale, la façon d’icellui me fut si joieux que non pas seulement elle me osta toutes tristesses et grieftez de vieillesse, mais elle est devenue envers moi soueve et joieuse. Pour tant donques, mon ami Aticus, il n’est homme par qui Philosophie puisse estre assez louee, car elle est tele que il n’est homme, se il obeit a elle en ensuivand ses sains commendemens, qui ne puisse vivre par tout le temps de son eage sanz tristesse et sanz griefté aulcune. 3 Et quant est des aultres choses appartenens a Philosophie, nous en a-[38v]vons assez dit, et si en dirons souvant en aultres livres ; et pour ce nous te avons envoié ce present livre ou quel nous parlons de vieillesse. Mais a fin que nostre livre eust plus grant autorité, nous attribuons et adreçons toute nostre parole au vieil Caton — et non pas comme fist Aristote qui en son Livre de vieillesse adressa sa parole au roy Titonus, frere de Laomedon, du quel Titonus les poetes ont feinct que, pour la grant vieillesse de lui, il fut mué en ung grillon — car nostre present livre seroit de petite autorité se nous l’attribuions a homme dont l’en compte la fable : nous faisons nostre livre si faitement que ces deux nobles jouvenceaux, Lelius et Scipion, font entre eulx esmerveillance et question comment Caton porte et endure si legierement son eage de vieillesse, et aprés nous faisons que le vieil Caton respond par raisons et par exemples. Et se il te samble que en ce present livre Caton dispute et parle plus seichement que il n’a accoustumé en ses aultres livres, il convient ce attribuer au langaige grec que le dit Caton estudia et apprist pleinement ou temps de sa vieillesse. Il n’est ja mestier de plus dire a la louange de ce livre, car le langaige [39r] de Caton declarera ja tantost toute nostre sentence touchant l’eage de vieillesse. Ci fine le prologue. II 4 Et commence le preambule de la disputoison de Tulle, commençant ou latin Sepenumero. Et premierement, Scipion, avec Lelius, se esmerveille et demende a Caton : [illustration] O noble philosophe et vaillant duc Caton, je Scipion me donne souvant merveille, et aussi fait cestui Gaius [39v] Lelius, mon compaignon, tant pour la haulte et parfaite sapience que tu as en toi et tes aultres choses comme sont les sciences, vertus et bonnes oeuvres, et aussi mesmement je me soeul merveillier que je ne apperceu onques que l’eage de vieillesse te feust ennuieuse

7 P son e eage 18 H1 esmerveillance question 22 BN2 Caton deppute et parle plus saichemment BN1 H1 H2 saicha(m)ment 25 BN2 om. Caton 26 H2 Cy fine le prologue de Tulle en son Livre de vieillesse 30 H1 esmerveillent et demandent 35 T je soeul

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Cato. Rem haud sane, Scipio et Leli, difficilem ammirari videmini. [9v] Quibus enim in ipsis nichil opis est ad bene beateque vivendum, eis omnis etas gravis est ; qui autem omnia bona a seipsis petunt, hiis nichil potest malum videri quod nature necessitas afferat. Quo in genere est in primis senectus. Quam ut adipiscantur omnes optant, eandem accusant adeptam : tanta est stulticie inconstancia atque perversitas ! Obrepere aiunt eam citius quam putavissent. Primum qui coegit eos falsum putare ? qui enim sitius adolescencie senectus quem puericie adolescentia obrepit ? Deinde qui minus esset gravis hiis senectus si octigentesimum agerent annum quam octogesimum ? preterita enim etas, quamvis longa cum effluxisset, nulla consolatio permulsere posset stultam senectutem.

7 T falsum et

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ne poisante, la quele est si hainneuse a aulcuns vieillars que ilz dient qu’ilz portent plus grief et plus poisant fardeau que n’est celle montaigne de Sicile appellee Ethna. 5

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Caton. Certes, bons jouvenceaux, il samble a aulcuns hommes que vous deux aiez merveille d’une chose legiere et aisee a congnoistre, c’est assavoir pour quoi jamaiz vieillesse ne me samble poisante ne ennuieuse. Car chascune des six eages que l’en nomme enfance, puerice, adolescence, juenesse, virilité et vieillesse samble estre poisant et ennuieuse aux hommes qui en eulx mesmes ne ont aulcune chose qui leur aide et secourre a bonnement et bieneureement vivre comme sont les sciences, vertus et bonnes oeuvres : mais hommes qui quierent et treuvent en eulx mesmes tous les biens qui affierent a vivre bien et bieneureement, riens n’est qui leur adviengne par le default de nature qui leur puisse sambler mauvaise ne ennuieuse. Or est certain que vieillesse est tele, car elle [40r] quiert et trouve en soi mesme tous les biens qui affierent a vivre bien et bieneureement. Et si est tele vieillesse que tous hommes desirent venir jusques a elle, et neant moins la muable et malvaise follie des hommes est si grant que ilz blasment vieillesse quant ilz y sont venuz, pour ce qu’ilz ne peuent lors user de delectacion. Tous les fols hommes dient que vieillesse secretement se embat en eulx plus tost qu’ilz ne cuidoient. Mais je demende a telz hommes quele folie les constreingni a cuider la chose qui est faulse, car ilz ne peuent dire raison comment vieillesse entre plus tost en l’omme aprés adolescence, ne que fait adolescence aprés puerice, qui est la seconde eage, comme il soit ainsi ordonné par nature que l’un des eages entre aprés la fin de l’aultre. Aprés et oultre, je demende a tels fols hommes comment seroit vieillesse moins chargeant et moins grieve aux hommes s’ilz vivoient huit cens ans ne que se ilz ne vivoient fors que quatre vins ans ; car combien que l’eage passee ait esté longue, si ne pourroit elle conforter ne allegier le fol homme vieillart.

11 BN2 om. comme sont les sciences, vertus et bonnes oeuvres | BN2 mais aux hommes 12 BN2 a vivre inscrit en marge vis-à-vis affierent | H1 om. vivre 14 BN2 ennuieux 18 T ilz sont (om. y) 20 T homme que la folie 26 T si vivoient en huit cens ans ne que se ilz vivoient fors quatre vins ans | H2 saut de ans à ans | BN2 correction dans la margee ajoute ne que se ilz ne vivoient que quatre vins ans

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5 Quocirca, si sapienciam meam ammirari soletis, — que utinam digna esset opinione vestra nostroque cognomine ! — in hoc sumus sapientes, quod naturam optimam ducem tanquam deum sequimur eique paremus ; a qua non verissimile est, cum cetere partes etatis bene descripte sint, extremum actum tanquam ab inerte poeta esse neglectum. Sed tamen necesse fuit esse aliquid extremum et, tanquam [10r] in arborum bacis terreque fructibus, maturitate tempestiva quasi vietum et caducum ; quod ferendum est molliter sapienti : quid est enim aliud Gigantum modo bellare cum diis nisi nature repugnare? 6 Lelius. Atqui, Cato, gratissimum nobis feceris, ut etiam pro Scipione pollicera, si quoniam speramus, volumus quidem certe senes fieri, multo a te didicerimus quibus facillime rationibus ingravescentem etatem ferre possimus. Cato. Faciam vero, Leli, presertim si utrique vestrum, ut dicis, gratum futurum est. Lelius. Volumus sane, nisi molestum est, Cato, tanquam aliquam longam viam confeceris, quam nobis quoque ingrediendum sit, istuc quo pervenisti videre quale sit.

3 T eisque 5 T porta 17 T Voluimus

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5 Pour tant, se vous deux estes esmerveilliez de ma saigesse, la quele je vouldroie estre tele comme vous la reputez ⎯ et si vouldroie estre digne d’estre [40v] surnommé Caton ⎯ je vous respon que, se je suy saige, ma saigesse est en ceste seule chose, car je ensui les loix et ordenances de Nature, la tresbonne conduieresse, tout ainsi comme Dieu, et si obey a elle, car ses commendemens sont tres samblables aux commendemens divins, pour ce que tous deux tendent a vraie bieneurté. Il n’est point vraisamblable que, puisque Nature a bien descrit et ordonné les aultres cinq premieres eages, chascun selon son office, que elle ait negligemment delaissié a ordonner l’office de vieillesse, qui est le derrenier temps des hommes, ainsi comme il advient en ung fol et negligeant clerc qui ne scet ou ne puest ou ne vuelt accomplir le livre qu’il commença. Mais toutevoies, quoy que on die de vieillesse que elle n’ait son office ordonné de par Nature, si di je que il est necessité que elle ait aulcune fin doulce et soueve a endurer au saige homme, car ainsi comme Nature a ordonné es fruis des arbres et de terre qui ont l’escorce molle ou dure que ilz se recourbent et cheent aprés ce qu’ilz sont assez meurs, ainsi Nature a ordonné des eages. Aulcuns comme fols veulent debatre contre l’ordonnance de Nature, mais ce debat est proprement comparé a la fiction des poe-[41r]-tes qui par leurs dictiez feignirent que ou temps de Jupiter, roy de Crete, les Gayans comme folz vouldrent guerroier les dieux, par quoy vous devez entendre que les fols hommes se rebellent aux ordonnances de Nature, chamberiere de Dieu. 6 Lelius. Certes, Caton, je te promet pour mon compaignon Scipion que tu nous feras ung tresgracieux service se de toy nous apprenons long temps avant que nous devenions vieillars par queles raisons nous puissions souffrir et endurer treslegierement la chargeuse et grieve eage de vieillesse, car nous esperons et certainement voulons devenir vieils. Caton. Certes, Lelius, je ferai ce que tu me requiers, mesmement se chascun de vous deux ait aggreable ma parole, ainsi comme tu le diz. Lelius et Scipion. Mais que il ne te soit grief, nous voulons certainement veoir quel est le chemin par quoy tu es venu des ton enfance jusques ci, car tu nous pues enseigner comme cellui qui a fait un long voiage, ou quel il nous convient entrer.

2 H2 saut de estre à estre 8 T c. premiers 12 H2 commença pieça 13 BN2 si di que 18 H2 leurs fictions | T roy de gr 19 T Cayans BN2 Jayens H2 Geans 20 H2 folz vindrent BN2 par quoy est a entendre (un a suscrit corrige est entendre) 22 BN2 H2 Lelius demande 24 BN1 devenons H2 om. queles H1 souffrir endurer 27 BN2 Caton respond 29 T BN1 Scipion et Lelius BN2 Lelius et Scipion interroguent Caton H2 Scipion et Lelius demandent 30 BN2 venu de ton

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III 7 Cato. Faciam ut potero, Leli. Sepe enim interfui querelis equalium meorum, pares autem vetere proverbio cum paribus facillime congregantur, que Gaius Salinator, que Spurius Albinus, homines consulares, nostri fere equales, deplorare solebant, tum quod voluptatibus carerent, sine quibus nullam vitam putarent, tum quod spernerentur ab hiis a quibus essent coli soliti ; qui michi non id videbantur accusare [10v] quod esset accusandum : nam si id culpa senectutis accideret, eadem michi usu evenirent reliquis que omnibus maioribus natu ; quorum ego multorum novi senectutem sine querela, qui se et libidinum vinculis laxatos esse non moleste ferrent nec a suis despiterentur. Sed omnium istiusmodi querelarum in moribus est culpa, non in etate : moderati enim et nec difficiles nec inhumani senes tolerabilem senectutem agunt ; importunitas autem et inhumanitas omni etati molesta est. 8 Lelius. Est ut dicis, Cato ; sed fortasse quispiam dixerit tibi propter opes et copias et dignitatem tuam tolerabiliorem senectutem videri, id autem non posse multis contingere. Cato. Est istud quidem, Leli, aliquid, sed nequaquam in isto omnia. Ut Themistocles fertur Seriphio cuidam in iurgio respondisse, cum ille dixisset non eum sua, sed patrie gloria splendorem assecutum : « Nec, hercule, inquit, si ego Seriphius essem ignobilis, nec tu si Atheniensis esses, clarus unquam fuisses. » Quod eodem modo de senectute dici potest : nec enim in summa inopia levis esse senectus potest nec sapienti quidem nec insipienti quidem, nec insipienti etiam in summa copia non gravis.

[Pas de variantes]

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III 7 Caton. Je vous ferai response, ainsi comme vous demendez, selon ce que je pourrai. Certes, j’ai souvant esté es quereles et es parlementeiz de mes compaignons causeans de leurs choses, car selon l’ancian proverbe [41v] toutes choses qui s’entresamblent tresdelegier entre eulx se assamblent ; si vous dirai queles choses Gaius Salinator et Spurius Albinus, jadiz consulz de Romme, et qui estoient presques pareils a moy en eage, souloient plourer pour ce que ou temps de leur vieillesse ilz n’avoient aulcunes delectacions, sanz lesqueles ilz disoient que leur vie estoit nulle, et si disoient qu’ilz estoient desprisiez et tenuz vilz de ceulx de qui ilz deussent estre hentez et honnourez. Ces II hommes, Salinator et Albinus, selon mon jugement ne accusoient pas la chose qu’ilz devoient accuser : car se la chose pour quoy ilz plouroient advenoit par la coulpe de vieillesse, par samblable raison a moy et a tous aultres qui sont plus grant et plus vieilz de moy advenroient les deux causes dessus dictes pour lesqueles ilz plouroient ; mais il n’est pas ainsi, car je congnois pluseurs de ceulx qui sont de tel eage ou de plus grant que je ne sui qui portent et endurent leur vieillesse sanz faire tele complainte, car ilz endurent voulentiers et sont joieux d’estre hors des prisons et des loyens des charneles delectacions, et si ne se plaignent mie qu’ilz feussent desprisiez de leurs gens. Mais la coulpe et le vice de toutes teles complaintes par quoy vieillesse samble [42r] grieve et ennuieuse est es meurs et es condicions des hommes, et non mie en l’eage : certes, les vieillars attrempez en manieres et qui ne sont point dengereux ne cruelz endurent et portent legierement leur vieillesse, mais importunité et cruaulté est chargeuse et grieve a vieillesse et a toute aultre eage.

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8 Lelius. Certes, Caton, il est ainsi comme tu dis ; mais par adventure aulcun te pourroit dire que tu portes et endures mieulx ta vieillesse pour les richesses et pour les abundances des biens temporels que tu as et pour ta dignité, et vrai est que ceste chose que tu as advient a pou d’ommes.

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Caton respond. Certes, Lelius, tu raisonnes assez bien en disend que les richesses et la dignité que j’ay me font plus aiseement endurer ma vieillesse, mais en ceste chose ne sont pas tous les moians de paciemment endurer la vieillesse. Les choses qui font vieillesse doulce et paciant sont ainsi comme les choses qui font homme ou noble ou villain, dont je te dirai ung exemple : 1 BN2 H2 Caton respond 2 H2 parlemens 6 BN2 paraulx 8 P que de 13 BN2 deux choses 16 BN2 nota bene dans la marge vis-à-vis: faire tele complainte car ilz endurent voulentiers 19 P réclame au bas du fol. 41v : grieve et ennuieuse 21 T maniereres et qui et qui |BN1 nota en marge 25 BN1 BN2 H1 Lelius respond et aprés demande H2 demande. Certes (début de folio précédé d’un blanc en fin de ligne) 26 BN2 ma vieillesse

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9 Aptis-[11r]-sima omnino sunt, Scipio et Leli, arma senectutis artes excercitationes que virtutum, que in omni etate culte, cum diu multumque vixeris, mirificos efferunt fructus, non solum quia nunquam deserunt, nec extremo quidem tempore etatis, quamquam id quidem maximum est, verum etiam quia consciencia bene acte vite multorumque benefactorum recordatio iocundissima est. IV 10 Ego Quintum Maximum, eum qui Tarentum recepit, senem adolescens ita dilexi ut equalem: erat enim in illo viro comitate condita gravitas, nec senectus mores mutaverat. Quamquam eum colere cepi non admodum grandem natu, sed tamen iam etate provectum : anno enim potest consul primum fuerat quam ego natus sum, cumque eo quarto consule adolescentulus miles ad Capuam profectus sum quintoque anno post ad Tarentum questor, deinde edilis quadrienno post factus sum pretor ; quem magistratum gessi consulibus Tuditano et Cethego, cum quidem ille admodum senex suasor legis Cinchie de donis et muneribus fuit. Hic et bella gerebat ut adolescens, cum plane grandis esset, et Hannibalem iuveniliter exultantem per pacienciam suam molliebat ; de quo preclare fa-[11v]-miliaris noster Ennius : « Unus homo nobis cunctando restituit rem ; Non ponebat enim rumores ante salutem. Ergo postque magis que viri nunc gloria claret. »

10 T Quanquam 11 E enim post 14 T quam magistratum

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ung noble duc de Athenes appellé Themistocles plaidoioit avec un villain de l’isle Serifus, en la quele estoient communement mauvais hommes ; ce villain serifiois dist a Themistocles qu’il n’estoit [42v] point noble de soy mesme, mais a cause de la gloire de son noble pays de Athenes, au quel Themistocles respondi : « Par Dieu ! dist il, se je estoie Serifiois comme tu es, si ne seroie je pas villain, et se tu eusses esté d’Athenes comme je sui, si n’eusses tu onques esté noble. » On puest samblablement dire ceste comparaison de vieillesse : car elle ne puest estre soueve ne legiere a endurer en souverainne pouvreté et en tresgrant disette, combien que le vieillart trespouvre et disetteux feust saige et plein de letres, et aussi est vieillesse grieve et dangereuse au fol homme vieillart, combien que mesmement il ait tresgrant abundance de biens et richesses mondainnes. 9 Certes, mes amis Scipion et Lelius, les tresconvenables armes de vieillesse sont les ars de droitement ouvrer et les excercitacions des vertus principales, c’est assavoir de attrempance, prudence, force et justice : se ces vertus sont bien mises a oeuvre en tout ton eage, aprés ce que tu auras longuement et assez vescu, elles te apporteront merveilleux fruis de delectacion par le doulx souvenir que tu auras du bienfait trespassé. Les fruis de ces vertus ne sont pas seulement merveilleux pour ce que jamaiz ilz ne laissent leur maistre, [43r] mesmement ou derrenier temps de vieillesse ⎯ qui est une tresgrant et singuliere chose — mais aussi les fruiz des vertus sont merveilleux car la conscience de l’omme qui a bien vescu et le recors de pluseurs biensfais est tresjoieuse chose a l’eage de vieillesse, par quoi il vous appart que vieillesse n’est pas sanz delectacion. IV 10 Or vien je a monstrer que les vieillars ne sont pas desprisiez ne relenquiez des aultres hommes : pour lors que j’estoie adolescent, aultretant amoie je ce vieillart Quintus Fabius qui prist et recouvra la cité de Tarente, qui est en Pueille, comme je amoie cellui qui estoit mon pareil en eage et en meurs : Fabius, ja vieillart, avoit en soy une gravité et meurté meslee de courtoisie et de honnesteté, et sa vieillesse ne avoit point ses coustumes mué par chose que elles ne feussent ainsi bonnes ou meilleurs comme estoient ses premieres. Je commençai a henter et amer le dit Fabius combien qu’il ne feust de grant eage a merveille, mais toutevoies il estoit ja eagé : car le dit Fabius premierement avoit esté consul de Romme en l’an que je nasqui ; et, en l’an de son quart consulat, je qui estoie adolescent et chevalier alai avec le dit Fabius [43v] a Capue, une cité de Champaigne ; et le cinquiesme an aprés je fu questeur et alai a Tarente, et aprés je fu fait edil de Romme, et le quart an aprés 1 BN2 om. duc 3 H2 serifiois disoit 8 BN2 endurer tresgrant povreté combien 9 H2 le vieil home trespovre feust 11 BN1 ait neiz tresgrant | H2 om. et richesses mondainnes 12 T armes sont de vieillesse les 19 T maistre mauvaisement ou | P de leur vieillesse 28 BN1 H1 om. en eage et en meurs 35 H1 om. consulat quart

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11 Tarentum vero qua vigilancia, quo consilio recepit ! cum quidem me audiente Salinatori, qui, amisso oppido, in arcem fugerat, glorianti atque ita dicenti : « Mea opera, Quinte Fabi, Tarentum recepisti ! » — « Certe, inquit ridens ; nam nisi tu amisisses, nunquam recepissem. » Nec vero in armis prestantior quam in toga : qui, consul iterum, Spurio Carvilio collega quiescente, Gaio Flaminio tribuno plebis quoad potuit restitit, agrum Picentem et Gallicum viritim contra senatus autoritatem dividenti ; augurque cum esset, dicere ausus est optimis auspiciis ea geri que pro reipublice salute gererentur, que contra rempublicam ferrentur contra auspicia ferri.

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je fu preteur, qui est la souveraine dignité a Romme ; je eu ceste dignité ou temps que Tuditanus et Cethegus estoient consuls de Romme, et Fabius, qui lors estoit moult vieil, fist tant par admonnestemens et beaulx parlers que la loy de Cinthius fut receue a Romme, par quoy il mettoit ordonnance en dons et en offices, c’est assavoir que les dons ne feussent excessifs ne mal emploiez, et que les offices feussent par election commis a personnes souffisens et idoines. Combien que Fabius feust plainement ancian, si faisoit il batailles si viguereusement et si bien comme s’il feust en eage de adolescence ; ou temps que Hannibal, jouvenceau et duc de Cartaige, guerreoit Romme et le pays d’environ, Fabius, ja vieillart, le souffroit esbatre et soulacier ou pays de Champaigne de Romme ; et par la souffrence que Fabius avoit envers Hannibal, il affloibleoit lui et son ost, en tant que il et les siens furent si amolliz en delices charneles qu’ilz oublierent et perdirent toute discipline de chevalerie. De cestui Fabius racompte tresnoblement nostre bon et pri-[44r]-vé ami le poete Ennius : « Fabius, dist il, est ung homme romain qui nous restitua nostre pays et nostre liberté par la longue souffrence qu’il eut envers nostre ennemi Hannibal. Fabius, lors vieillart, estoit si attrempé et si prudant que de renommee ne d’aultres vaines gloires ne lui chaloit, mais devant toutes choses il mettoit la santé et le bien de la chose publique. Et pour ceste cause la gloire et le renom de Fabius reluist et esplendit aprés sa mort plus que lors que il vesqui. » 11 Mais grant chose seroit de compter et dire par quele diligence, par quel conseil, il prist et recouvra la cité de Tarente, qui lors estoit chasteau, la quele adonc estoit prinse par les Affricains. Il advint que ung consul romain appellé Salinator perdi, comme dit est, le chasteau de Tarente, puis s’en fuy a retrait en la tour d’icellui. Aprés ce Fabius recouvra le dit chasteau ; le dit Salinator, moy oiant, se glorifioit de celle recouvrance : « Certes, disoit Salinator au dit Fabius, tu as recouvré par moy et par mon ouvraige le chasteau de Tarente. » — « Certes, respondi Fabius, se tu ne l’eusses perdu, je ne l’eusse onques recouvré ne reprins. » Cestui Fabius, moult vieil, fut tant bon en armes et en [44v] housse, c’est adire qu’il fut tant bon en temps de Fabius fut consul et eut ung compaignon d’office, paix et de guerre, que il ne fut point meilleur en l’un ne que en l’aultre. Et de rechief Carvilius, qui ne exerça point son office, mais ce non obstant le dit Fabius vieillart resista tant qu’il peut a l’entreprinse de Gaius Flaminius, qui lors estoit tribun du peuple de Romme, qui contre l’autorité des senateurs vouloit diviser par parties singulieres ung heritage appellé le terrouer 5 BN2 excessitifz 9 BN1 palais d’environ 11 BN1 par souffrence 12 P affloibleoit son ost 14 H1 raconte plainement 20 BN2 reluit et resplendist 23 BN2 diligence et 27 H1 om. le dit 29 H2 saut de Tarente à Tarente 30 BN1 eusses avant perdu 34 H2 Camilius 37 H1 saut de terrouer à terrouer

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12 Multa in eo viro preclara cognovi, sed nichil est ammirabilius quam quomodo ille mortem Marii filii tulit, clari viri et consularis ; est in manibus laudatio, quam cum legimus, quem philosophum non contemnimus ? Nec vero ille in luce modo atque in oculis civium magnus, sed intus domique prestantior ; qui sermo, que precepta, [12r] quanta noticia antiquitatis, sciencia iuris augurii ! multe etiam ut in homine Romano, litere : omnia in memoria tenebat non domestica solum, sed etiam externa bella. Cuius sermone ita cupide fruebar tunc quasi iam divinarem, id quod evenit, illo extincto fore unde discerem neminem.

1 T quam et quomodo

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picentoiz et le terrouer galloiz ; et combien que Fabius feust augure, qui estoit une dignité que l’en donna a ceulx qui congnoissoient les choses advenir par le jargonneiz et par le chant et par le maintien des oiseaux, toutevoies il eut en soy le hardement de dire que toutes choses qui feussent faittes pour le salut et pour le bien de la chose publique estoient faictes par tresbons divinemens, mais les choses faittes ou dictes contre le bien publique estoient dictes ou faittes contre les auspices, c’est adire contre les divinailles que l’en fait par les oiseaulx. 12 J’ai congneu que en cest homme Fabius furent maintes choses tresnobles que je ne compte pas, mais je [45r] ne sçai chose plus merveilleuse a dire ne que est de compter comment Fabius soustint et endura sanz plourer la mort de son filz Marius, qui fut homme noble et jadiz consul de Romme. Nous avons clerement et en apert la louange du vieillart Fabius, du quel quant nous lisons la louange nous ne trouvons presques aulcun ancian philosophe que l’en ne doive despriser au resgart de Fabius. Et est certain qu’il ne fut pas seulement grant et bon es choses qu’il faisoit par de hors et en la presence des citoiens de Romme, mais il fut meilleur et plus grant dedans soi et dedans sa maison : je ne puiz assez dire quele estoit la parole, ne quelz estoient les commendemens du vieillart Fabius, ne quele fut la congnoissence qu’il avoit des fais et des dicts de l’ancian temps. Je ne puiz aussi assez dire combien il savoit de l’art de diviner par le vol ou par le jargonneiz ou par le maintien des oiseaux, et si avoit aussi Fabius assez science selon la maniere que lors avoient les Rommains : cestui Fabius retenoit en sa memoire non pas seulement les batailles romainnes, mais aussi il lui souvenoit des batailles estranges. Je parloie desireement avec lui, tout [45v] ainsi comme se je divinasse deslors ce qui advint de lui aprés ce qu’il mourut, c’est assavoir que aprés sa mort je ne auroie homme romain de qui je peusse apprendre oeuvres ne enseignemens telz comme il avoit.

4 H1 pour le salut et pour le salut 6 BN2 correction dans la margee ajoute le bien publique estoient dictes ou faictes contre vis-à-vis faittes et dittes contre 19 H2 saut de assez à assez 22 BN2 Fabius recevoit en

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V 13 Quorsus igitur hec tam multa de Maximo ? Quia profecto videtis nefas esse dictu miseram fuisse talem senectutem. Nec tamen omnes possunt esse Scipiones aut Maximi, ut urbium expugnationes, ut pedestres navales que pugnas, aut bella a se gesta, aut triumphos recordentur. Est etiam quiete et pure atque eleganter acte etatis placida ac lenis senectus, qualem accepimus Platonis, qui uno et octogesimo anno scribens mortuus est, qualem Socratis, qui eum librum qui Panatheticus inscribitur quarto nonagesimo anno scripsisse dicitur vixit que quinquennium postea ; cuius magister Leontinus Gorgias centum et septem complevit annos neque unquam in suo studio atque opere cessavit ; qui, cum ex eo quereretur cur tam diu vellet esse in vita : « Nichil habeo, inquit, quod accusem senectutem. » Preclarum responsum et docto homine dignum !

6 E Isocratis ; var. Socrates

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V 13 Il n’est ja mestier de dire tans de choses au los du dit Fabius, car certes vous voiez par ce que j’ay ci dit que c’est desloyaulté et vice de dire que la vieillesse soit mescheant ne ennuieuse, puisque elle ait esté tele comme fut celle du vieillart Fabius ; et ja soit que Fabius feust tel en tout son eage, toutevoies certain est que tous les hommes ne peurent mie estre telz comme furent les Scipions et les Fabiois, ne tous hommes aussi ne peuent mie estre telz que ilz puissent d’eulx mesmes recorder les citez que ilz ont combatues et conquises, ou les batailles qu’ilz ont faictes a pié sur terre ou par navire en mer ; et tous hommes aussi ne peuent mie estre tels qu’ilz puissent de eulz mesmes recorder ne dire les victoires et triumphes qu’ilz ont eu en leurs vies, comme faisoient les Scipions et aussi les Fabiois, jadiz nobles et vertueux Rommains. Car mesmement aulcuns vieillars peuent estre qui ou temps passé ont esté de paisible, nette et belle vie, et si est leur vieil-[46r]-lesse plaisant et doulce tele comme nous oyons dire par les histoires que fut la vieillesse de Platon, le divin philosophe, le quel a quatre vins et ung an escrivoit livres a enseigner les hommes et en ce faisend mourut. Aulcune vieillesse peuest estre plaisant et doulce combien que la vie precedant ait esté quoie, pure et doulce, sanz avoir guerroié, ainsi comme nous oions par les histoires que fut la vieillesse de Socrates, le philosophe, le quel comme l’en dit escrivi en l’an de son eage quatre vins et quatorze ans ung livre que l’en appelle Panatheticus, ou quel il enseigna aux hommes a despriser la mort, et vesqui Socrates par cinq ans aprés qu’il eut parfait ce livre. Il fut disciple d’un philosophe appellé Gorgias, qui fut né d’un chasteau en Grece appellé Leontin ; cestui Gorgias, maistre de Socrates, eut cent et sept ans accompliz et onques ne cessa en son estude que tousjours ne besoingnast. Or advint il que on lui demenda pour quoy il vouloit estre si longuement en vie ; il respondi : « Je n’ay chose, dist il, en moy par quoy je doive accuser ne blasmer ma vieillesse. » Certes, ceste responce fut tresnoble, et si fut digne et pertinant a saige homme !

5 BN1 H2 peuent 7 H2 conquises en batailles 9 H2 peut estre que 15 P o suscrit sur le i exponctué corrige philisophe (que le copiste avait d’abord écrit) 20 BN2 H2 Penatheticus

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14 Sua enim [12v] vicia insipientes et suam culpam in senectute conferunt. Quod non faciebat is cuius modo mentionem feci, Ennius :

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« Sicut equus fortis, spacio qui sepe supremo Vicit Olimpia, nun senio confectus quiescit... » Fortis equi et victoris senectuti comparat suam. Quem quidem probe meminisse potestis : anno enim unde vigesimo post eius mortem hii consules, Titus Flaminius et Marcus Actilius, facti sunt ; ille autem Cepione et Philippo iterum consule mortuus est, cum ego, quinque et sexaginta annos natus, legem Voconiam magna voce et bonis lateribus suasissem. Annos septuaginta natus, tot enim vixit Ennius, ita ferebat duo que maxima putantur onera, paupertatem et senectutem, ut eis pene delectari videretur.

5 T vixit 7 P probe no

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14 Les [46v] fols hommes diroient au contraire que respondi le philosophe Gorgias, car les fols mettent sur a vieillesse leurs vices et leur coulpe qui naiscent de eulx mesmes, c’est adire que les folz accusent leur vieillesse et lui admettent les vices et la coulpe qui viennent des mauvaises meurs et non mie de l’eage ; la quele chose ne faisoit pas le poete Ennius, du quel nous avons nagueres fait mencion, car en monstrand que il fut en vieillesse il en fist une comparaison : « Je suis, dist Ennius, comme le fort cheval qui pluseurs foiz a desconfit les aultres par legierement courir et est venu le premier a la bourne ; pour ce que maintenant ce cheval est vieillart, il se repose et ne traveille plus. » Cestui Ennius compare sa vieillesse a la vieillesse d’un fort et victorieux cheval. De cestui Ennius pouez vous bien avoir memoire : car l’an dixneufviesme aprés la mort de lui, Titus Flaminius et Marcus Attilius furent fais consuls de Romme ; et Ennius mourut pour lors que Cepion et Philippe fut fait seconde foiz consul, et je qui adonc avoie de eage soixante et cinq ans je plaidoie a grant et haulte voix devant les senateurs pour la loy que fist Vocone, ung des saiges de [47r] Romme, et celle loy je prouvai et soustins a mes bons costez, pour lors que Ennius avoit soixante et dix ans, car il vesqui par tant d’eage. Le poete Ennius estant vieillart, comme j’ay dit, portoit et enduroit si patiemment et si bien deux fardeaux que l’en repute tresgrans, c’est assavoir pouvreté et vieillesse, que presques il sambloit que Ennius y eust delectacion et plaisir. Cy fine le preambule de la disputaison de Tulle.

2 BN2 mettent sus a |H1 qu’ilz naissent 4 H2 vieillesse et lui adviennent et la coulpe qui viennent | P coulpe sus qui 6 BN2 il fist BN2 dist il Ennius 11 BN2 c. la dixneufiesme annee a. 13 H2 Cepio dit Philippe 15 H1 un des senateurs 17 BN2 soixante et deux | BN1 car je vesqui 19 BN2 r. tresgriefz 22 BN2 preambule des disputoisons de | P fine la disputa

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15 Enumeratio causarum cur senectus apud Scipionem et Lelium misera videatur. Et hic est tocius libelli periodus secunda refellens primam vituperationem. 5

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Et enim, cum contemplor animo, quatuor reperio causas cur senectus misera videatur, unam quod avocet a rebus gerendis, alteram quod corpus [13r] faciat infirmum, terciam quod privet omnibus fere voluptatibus, quartam quod haud procul absit a morte. Earum, si placet, causarum quanta quamque sit iusta una queque videamus. VI A rebus gerendis senectus abstrahit. — Quibus ? An hiis que in iuventute geruntur et viribus ? Nulle ne igitur res sunt seniles que, vel infirmis corporibus, animo tamen amministrantur ? Nichil ergo agebat Quintus Maximus, nichil Lucius Paulus, pater tuus, socer optimi viri, filii mei ? et ceteri senes, Fabricii, Curii, Cornicani, cum rempublicam consilio et autoritate defendebant, nichil agebant ?

5 E complector 9 T quanque 14 E Coruncanii

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Et cy aprés commence le nombrement des causes par quoy vieillesse samble estre mescheant. Et en ceste mesme distinction Tulle confute et reprend Scipion et Lelius du premier vitupere qu’ilz opposent a vieillesse et commence ou latin : « Et enim cum contemplor et c. » [47v] 5

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15 [illustration] Scipion parle pour lui et pour Lelius. Quant je considere a certes en mon courage pour quantes et queles causes l’eage de vieillesse samble estre mescheant et ennuieuse, je en trouve seulement quatre : la premiere des causes est pour ce que l’en oste aux vieillars les administracions et les gouvernemens des choses qui requierent ouvraige ou labour de corps ou advis d’entendement ; la seconde cause pour ce que vieillesse fait le corps enferme et mala-[48r]-dif ; la tierce cause pour ce que vieillesse oste aux hommes toutes delectacions et plaisirs ; la quarte cause pour ce que l’omme vieillart selon cours de nature n’est pas loing de la mort. VI Caton. Or voions s’il vous plaist combien grande et combien juste et de quele valeur soit chascune de ces quatre causes que l’en oppose a vieillesse. Et premierement, dites moy commant vous entendez que vieillesse soustrait et oste aux hommes le gouvernement et l’administracion des choses ; et, s’il est ainsi, dites moy : de queles choses ? Et vous par adventure me respondrez que l’en oste et soubstrait aux hommes pour cause de vieillesse l’administracion et le gouvernement des choses que l’en fait en juenesse et tandiz que le corps est en forces et en vertus, mais ne penssez vous donques, Scipion et Lelius, que les hommes vieillars ne aient aulcunes choses et aulcunes besoingnes lesqueles ilz puissent et saichent administrer et faire ? Et aussi ne pensez vous que aulcunes choses soient que l’en puest faire et administrer par le conseil des vieillars, ja soit que mesmement ilz aient les corps malades et enfermes ? Dis tu donques, Scipion, que ce vieillart Fabius ne faisoit riens proufitable au gouver-[48v]nement et administracion de la chose publique ? Dis tu aussi que riens ne y faisoit Lucius Paule, ton pere, de qui mon filz, le juene Caton, eut espousé la fille ? Dis tu aussi que ces aultres vieillars appellez les Fabriciois et les Curiois et les Cornicanois ne faisoient riens, tandiz qu’ilz defendoient par leur conseil et par leur autorité la chose publique de nostre cité ?

1 BN2 Et aprés 2 H2 Tulle reprend Scipion et Lelius du premier 7 H1 causes si est | BN2 premiere des quatre 14 BN1 BN2 Caton respond H1 Caton parle H2 Caton demande 19 H2 saut de dites moy à dites moy | H1 desquelles choses

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16 Ad Appii Claudii senectutem accedebat etiam ut secus esset ; tamen is, cum sentencia senatus inclinaret ad pacem cum Pirrho fedus faciendum, non dubitavit dicere illa que versibus persecutus est Ennius : 5

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« Quo vobis mentes, recte que stare solebant Ante hac, dementi sese flexere ruina ? » ceteraque gravissime ; notum enim nobis carmen est ; et tamen ipsius Appii extat oratio. Atque hec ille egit septem decem annos post alterum consulatum, cum inter duos consulatus anni decem interfuissent censorque ante superiorem consulatum fuisset; ex quo intelligitur Pirrhi in bello [13v] grandem natu sane fuisse ; et tamen sic a patribus accepimus. 17 Nichil ergo afferunt qui in re gerenda versari senectutem negant, similes que sunt ut si in navigando gubernatorem nichil agere dicant, cum alii malos scandant, alii perforos cursent, alii sentinam exhauriant, ille autem clavum tenens quietus sedeat in pupi. Non faciat ea que iuvenes, at vero multo maiora et meliora facit : non viribus aut velocitatibus aut celeritate corporum res magne geruntur, sed consilio, autoritate, sentencia, quibus non modo non orbari, sed etiam augeri senectus solet.

6 E viai; var. ruina 8 T est carmen | E uobis 14 E Nichil igitur 16 E facit ; var. faciat 16 T facit viribus (om. non) 17 E velocitate ; var. velocitatibus ; T autoritate et

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16 A Romme fut Appius, ung vieillart prestre, qui servoit ou temple de Minerva, aultrement appellee Pallas, qui fut moult vieil, et avec ce fut aveugle. Or advint que en ce temps Pirrhus, le roy des Epirhotes, guerroioit contre Romme, et tant que les senateurs estoient enclins et concors de faire paix et alliences avec le dit Pirrhus. Et combien que Appius feust vieillart et aveugle, si ne doubta il pas dire aux senateurs les paroles que le dit Ennius avoit mises en vers, dont la sentence est tele : « Pourquoi, dist Appius, avez vous flechi voz couraiges qui jusques maintenant souloient estre drois et fermes ? Estes vous enraigiez de vouloir faire alliance avec le roy Pirrhus, pour ce qu’il s’efforce de vous trebucher et destruire ? » Et aultres choses dist tresmeurement et tresgravement le dit Appius vieillart aux sena-[49r]-teurs : « Et si savez, dist il, que Ennius fist les vers que j’ay ci alleguez, par lesquelz il vous reprend. » Et aussi vous, Scipion et Lelius, pouez avoir veu l’oroison par quoy Appius, vieil et aveugle, proposa ceste chose devant les senateurs, dixsept ans aprés qu’il eut esté consul la seconde fois, et si avoient esté dix ans entre son premier et son second consulat, et si avoit esté juge avant le temps de son premier consulat : par quoy on puest entendre que, ou temps de la bataille du roy Pirrhus, le dit Appius estoit de grant eage, c’est assavoir de soixante dixsept ans. Le vieillart Appius fist par son raisonnement que les Romains entreprindrent la besoingne contre Pirrhus, qui par eulx fut desconfit, la quele chose est merveilleuse ; et toutevoies nous l’avons ainsi oy dire de noz ancians peres. 17 Ceulx donques ne prouvent riens a l’encontre de vieillesse qui dient que elle ne puest et ne scet soy de riens entremettre ; et ceulx qui ainsi dient ressamblent ceulx qui cuident que en nagend par mer le gouverneur et patron de la nef ne face riens, pour ce que les aulcuns montent sur les maals, les aultres trotent par les sieges des remmes, et les aultres espuisent la sentine, c’est adire l’eaue du fons de [49v] la nef. Mais, ainsi comme vous dites, le patron qui tient le gouvernail, qui se repose et siet en la poupe, ne fait mie ce que font les juenes hommes : je vous respon qu’il fait choses plus grandes et meilleurs, car il conseille, ordonne et delibere des choses qui sont a faire. Car les grans choses ne sont mie faittes par forces de corps, ne par apertise, ne par legiereté, mais elles sont faittes par conseil, par autorité et par ordonnance, des queles trois choses vieillesse est mieux garnie que quelconque aultre eage, et par vieillesse jamais ne se admoindrissent.

1 H1 prestre Minerva autrement 13 BN2 nota bene dans la marge attire l’attention sur que suscrit à par souligné: l’oroison parqueAppius 16 T jugié 20 BN1 om. eulx 21 H2 anciens poetes 25 H1 ne facent | BN2 les autres montent 28 BN1 pompe | T que fait les 32 BN2 nota bene dans la marge vis-à-vis mais elles sont faictes par conseil, par autorité, par ordonnance

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18 Nisi forte ego vobis, qui et miles et tribunus et legatus et consul versatus sum in vario genere bellorum, cessare nunc videor, cum bella non gero. At senatui que sint gerenda prescribo et quomodo : Cartagini male iam diu cogitanti bellum resistatur multo ante denuncio ; de qua vereri non ante desinam quam illam excisam esse cognovero. 19 Quam palmam utinam dii immortales, Scipio, tibi reservent, ut avi reliquias persequare ! Cuius a morte tercius is et tricesimus annus est ; sed memoriam illius viri omnes excipient anni consequentes ; anno ante me censorem mortuus est, novem annis [14r] post meum consulatum, cum simul consul iterum me consule creatus esset. Nun igitur, si ad centesimum annum vixisset, senectutis eum sue peniteret ? Nec enim excursione nec saltu nec eminus hastis aut cominus gladiis uteretur, sed consilio, ratione, sentencia. Que nisi essent in senibus, non summum consilium maiores nostri appellassent senatum.

3 E Cartagini cui 4 T veri 6 T relinquas 7 T tercius hic

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18 Mais par adventure vous me repliquerez pour ce que il vous samble que je ne fais maintenant aulcune chose, et si me souloie emploier en diverse maniere de batailles, et maintenant je ne guerroie point, je qui souloie estre une foiz chevalier, aultrefoiz tribun, aultrefoiz legat et aultrefoiz consul. Si vous respon que je fais tousjours aulcune chose, car avant le temps je ordonne aux senateurs les choses qui sont a faire, et si denunce beaucop avant le temps aux senateurs et aux Romains par quele maniere l’en puisse resister a Cartage, qui ja par long temps pourpense malement faire bataille contre nostre cité. Et saichiez, Scipion, que je ne [50r] cesserai de creindre et doubter la cité de Cartage jusques a temps que je saurai que elle soit en tout destruicte par victoire de bataille, 19 la quele victoire je desire que les dieux immortelz te vueillent estouyer, en tele maniere que tu poursuives la destruction des remenens de ceulx que ton aieul Quintus Fabius laissa en la cité de Cartage, le quel mourut ja sont trente trois ans passez ; mais il fut tel que en tous les ans ensuivens de lui sera memoire ; et saiches, Scipion, que ton ayeul Quintus mourut l’an que je fu juge a Romme, et neuf ans aprés ce que je fu consul, ton dit ayeul Quintus fu fait consul aprés la fin de mon consulat. Se donques ton ayeul Quintus eust vescu jusques au centiesme an, il ne se feust onques repenti ne ennoié de sa vieillesse, tant fut proufitable et honneste. Et combien qu’il eust lessié l’usaige et la maniere des fais en quoy s’esprouvent les nouveaulx chevaliers, c’est assavoir de legierement courir, de loing saillir et de loing poulser aux lances et de combatre de pres d’espees nues, toutevoies s’il eust vescu jusques au centiesme an, si eust il ordonné sa propre chose et la chose publique par conseil, par raison et par meure deliberacion, les-[50v]-queles choses se elles n’estoient es hommes vieillars, noz ancians peres ne eussent pas dit que le souverain conseil des citez bien gouvernees feust appellé « senat », qui signifie compaignie de vieillars.

2 T que je fais | T BN2 H1 diverses manieres 6 T denunce avant beaucop 8 H2 a pourpensé | P réclame au bas du fol. 49 v°: cesserai de creindre 14 H1 om. memoire 15 T saichez 18 T tant tant 20 T cestauuoir

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20 Apud Lacedemonios quidem hii qui amplissimum magistratum gerunt, ut sunt, sic etiam nominantur senes. Quod si legere aut audire voletis externas, maximas respublicas ab adolescentibus labefactatas, a senibus sustentatas et restitutas reperietis. 5

« Cedo, qui vestram rempublicam tantam amisistis tam cito ? » Sic enim percunctantur ut est in Nevii poete Ludo ; respondentur et alia et hec in primis : 10

« Proveniebant oratores novi et stulti adolescentuli. » Temeritas est videlicet florentis etatis, prudentia senectutis. 15

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VII 21 At memoria minuitur. — Credo, nisi eam excerceas, aut etiam sisis natura tradior. Temistocles omnium civium perceperat nomina : nun igitur censetis eum, cum etate processisset, qui Aristides esset, Lisimacum salutare solitum ? Ego quidem non modo novi eos qui sunt, sed patres eorum et etiam avos, nec, sepul-[14v]-cra legens, vereor, quod aiunt, ne memoriam perdam : hiis enim ipsis legendis in memoriam redeo mortuorum. Nec vero quemquem senem audivi oblitum que loco thesarum obruisset ; omnia que curant meminerunt, vadimonia constituta, qui sibi, cui ipsi debebant.

3 T respublicas adolescentibus 13 E senescentis ; var. senectutis 16 T excerceras 17 E tradior

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20 Les Lacedemonois, qui sont unes tresnotables et anciannes gens de Grece qui jadiz eurent grans peuples en leur seignorie, appellerent vieillars ceulx qui avoient entr’eulx la souveraine dignité et le plus grant office, car aussi en tele dignité ou office l’en ne mettoit fors que hommes vieillars en eage et en science. Mais se vous voulez lire ou escouter les histoires anciannes, vous trouverés que les choses publiques aultres que les nostres, qui estoient tresgrandes, ont esté admoindries et desertés par le gouvernement des hommes adolescens et juenes, mais elles ont esté soustenues et restituees en leur premier estat par le gouvernement des vieillars. Or, dites moy, Scipion et Lelius : « Comment avez perdue vostre chose publique, tresgrande et tresriche ? » Je fais ceste demende, car ceulx qui jouent les personnaiges en la comedie que fist Nevius, le poete, de deux qui tantost perdirent ung tresgrant et riche patrimoine, interroguent ainsi comme je fais, et a celle [51r] demende respond aultres choses qui pas ne sont icy, mais la principale response du poete Nevius fu ceste : « Au gouvernement de vostre chose publique venoient nouveaulx maistres, ignorens advocatz et folz jouvenceaulx, et pour ce tantost vous la perdistes. » Oultraige et folle hardiesse est la proprieté et la nature du < juene eage, prudence et advis est la proprieté du vieil aage. > VII 21 Scipion. Mais encores en vieillesse est aultre vitupere, car en vieillesse se admoindrit la memoire des choses que juenesse savoit. Caton. Je croy, Scipion, que la memoire se admoindrit se tu ne la frequentes et appliques en recordand les choses que tu sces, ou aussi se tu es naturelment sot, mal complexionné, ou aultrement blessié en celle partie du chief ou gist la vertu de memoire. Ung noble homme d’Athenes appellé Themistocles avoit en sa memoire tous les noms de citoiens d’Athenes ; jugez vous donques que, quant Themistocles devint vieil, qu’il saluast Lisimacus, ung vieil citoien d’Athenes, en lieu de Aristides, ung aultre vieil citoien ? Certes nenil, car Themistocles excerçoit sa memoire en recordand les choses qu’il avoit sceues en juenesse. Je mesme ay congneu non mie seulement Lisimacus et Aristides, [51v] mais j’ay congneu leurs peres et leurs ayeulx et, tandiz que je lis les epitaphes escriptz sur leurs tombeaulx, je n’ay mie paour, comme dient aulcuns, que je perde la memoire de leurs noms : car par ce que je exerce ma memoire en lisant les epitaphes, je retourne en la memoire des hommes mors pour qui les epitaphes 1 H1 Lacedenoys 4 BN2 dignité ou office | H1 om. fors 9 BN2 comment avez vous 10 H1 tresgrande et de tresgrant richesse 11 H1 fait Nevius 14 BN1du prophete philosophe (suscrit) Nevius 15 H1 ne venoient 17 P T vieil, mais T corrige dans la marge: est la proprieté et la nature du jenne aage prudence et adviz BN2 H2 nature de jenne aage, prudence et advis est la proprieté et la nature du vieil aage H1 Oultraige et folle hardiesse est la proprieté et nature du jenne aage BN1 du viel jenne (suscrit) aage 19 T Scipion et Lelius BN2 H2 Scipion oppose 21 BN2 H2 Caton respond| H2 om. Scipion |H1 om. Caton (espace blanc : grattage? ) 22 T sces aussi 25 T noms des 26 H2 saut de citoien à citoien 28 H1 vieillesse.jeunesse 30 T peres ayeulx

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22 Quid ? iurisconsulti, quid ? pontifices, quid ? augures, quid ? philosophi, senes quam multa meminerunt ! Manent ingenia senibus, modo permaneant studium et industria, neque ea solum in claris et honoratis viris, sed in vita etiam privata et quieta. Sophocles ad summam senectutem tragedias fecit ; qui propter studium cum rem familiarem negligere videretur, a filiis in iudicium vocatus est, ut, quem admodum nostro more male rem gerentibus patribus bonis interdici solet, sic illum quasi desipientem a re familiari removerent iudices ; tum senex eam fabulam quam in manibus habebat et proxime scripserat, Edipum Coloneum, recitasse iudicibus quesisseque unde illud carmen desipientis videretur ; quo recitato, sentenciis iudicium est liberatus.

10 P iudicium liberatus est liberatus

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sont fais. Aultrement je vous monstre que se la memoire est excercee en vieillesse, elle ne admoindrit point, car je ne oy onques dire que vieillart quelconque obliast en quel lieu il eust cachié son tresor ; les vieillars ont memoire de toutes choses dont ilz ont cusançon ; les vieillars ont memoire des gaiges et pensions qui leur sont assignez et aussi de ceulx qu’ilz ont assigné a aultre ; ilz ont memoire des noms des creanciers a qui ilz doivent, et aussi des debteurs qui leur doivent. 22 Les vieillars se remembrent de maintes et de diverses choses, car ilz se remembrent des loix que les saiges ont faictes sur les cas advenuz entre les hommes, les vieillars se remembrent des droiz et des ordonnances que les evesques ont faictes pour le service des dieux, il leur souvient moult bien comment les augures font et doivent faire les divinacions sur les choses advenir, [52r] et si leur souvient queles opinions aient les philosophes en determinant les causes des choses natureles et morales. Car se il est doubte ou debat d’aulcune chose appartenant au gouvernement du monde, l’en recourt seulement a la memoire et souvenance des vieillars : les engins en quoy est la naturele force de l’ame demourent aux vieillars, mais que l’estude et l’industrie leur demeurent entieres, c’est adire que les hommes, non obstant leur vieillesse, demourent ingenieux et subtilz, mais que ilz appliquent leur couraige aux choses et que ilz aient saigesse et perseverence ; et saichiez, Scipion et Lelius, que les engins et les memoires ne demourent mie seulement es vieillars hommes nobles et qui ont honnorables offices, mais aussi les engins et memoires demourent es vieillars qui n’ont point administré ne gouverné la chose publique, mais que fors seulement leur propre et privee chose. Le poete Sophocles, jusques en sa tresgrant vieillesse, fist en vers diverses tragedies, esqueles il escrivoit les mauvaiz et puans faiz des rois et des grans princes du monde. Il sambla a ses enfans, pour ce qu’il estoit ententif a l’e-[52v]-stude, qu’il feust negligent de gouverner sa propre chose, et pour ce ilz le firent appeller en jugement a fin que, ainsi comme il est de coustume selon les loix de Romme de interdire et oster l’administracion des biens a ceulx qui mauvaisement font les besoignes, aussi les juges de Grece ostassent Sophocles comme fol ou negligent du gouvernement de sa propre chose. Adonques le vieillart Sophocles commença a reciter et dire par cuer devant les juges une fable de tragedie appellee Edipus Colonnois, la quele il avoit toute preste es mains et si l’avoit prochainnement escripte ; et aprés que il eut racomptee sa tragedie, il demanda aux juges par quoy il sambloit que cellui feust fol qui avoit fait telz

7 T ceulx qui (peut se lire qu’i) 8 T et diverses 11 T faire le divinacions 13 T car il 17 H1 adire quelles nonobstant leur vieillesse demeurent ingenieux et subtilz 24 T en ves

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23 Nun igitur hunc, nun Esiodum, Simonidem, nun Tersicorum, nun quos ante dixi, Socratem, Gorgiam, nun Homerum, nun [15r] philosophorum principes, Pitagoram, Democritum, nun Platonem, nun Zenocratem , nun postea Zenonem, Cleantem aut eum quem vos etiam vidistis Rome, Diogenem stoicum, coegit in suis studiis obmutescere senectus ? An in omnibus hiis studiorum agitatio vite equalis fuit ? 24 Age, ut ista divina studia omittamus, possum nominare ex agro Sabino rusticos Romanos, vicinos et familiares meos, quibus absentibus nunquam fere nulla in agro maiora opera fiunt, non serendis, non percipiendis fructibus, non condendis. Quamquam in aliis hoc minus mirum sit : nemo enim est tam senex qui se annum non putet posse vivere ; sed iidem in eis elaborant que sciunt nichil omnino ad se pertinere : « Serunt arbores, que alteri seculo prosint. » ut ait Statius noster in Sinephebis.

1 T num 2 E Isocratem ; var. Socratem 5 P omnibus st hiis studiorum 10 E ulla 11 T concedendis | E in illis | E mirum est ; var. mirum sit 12 E sed etiam 15 E prosient ; var. prosint

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vers et tel dittié ; il par les sentences des juges fut absoult de l’accusacion de ses enfans. 23 Dittes moy donques, Scipion et Lelius, se l’eage de vieillesse constreingny estre muetz ne de cesser en leurs estudes ces quatre nobles poetes Sophocles, Esiodus, Simonides et Tersicorus ? Certes nennil. Dites moy aussi se l’eage de vieillesse constreingni d’estre muetz ne de cesser en leurs estudes ces deux philosophes Socrates et Gorgias dont [53r] nous avons ici dessus parlé, et Omer le poete, et Pitagoras, et Democritus, et Platon, et Xenocrates, et aprés ceulx ci, Zenon, Cleantes et ce vaillant homme Diogenes, le quel mesmement vous avez veu a Romme, lesquelz sept ont esté et sont princes des philosophes ? Certes, l’eage de vieillesse ne les fist onques estre muetz ne cesser en leurs estudes : ne voiez vous que en tous ces poetes et philosophes la frequentacion de leurs estudes a esté pareille au temps de leur vie, car ilz ont estudié par tant de temps comme ilz ont vescu, de puiz qu’ilz eurent usaige de raison.

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24 Mais laissons maintenant a parler de ces estudes de philosophie et de poetrie, qui sont divines sciences, et venons a parler des ars et des mestiers que l’en fait par labours de corps. Je vous puis nommer aulcuns vieillars laboureurs rommains, mes voisins et mes familiers, qui sont du terrouer de Sabines, qui oeuvrent si vitement et si bien que les besoignes ne sont jamaiz plus grandes ne meilleurs que lors que ilz y sont presens, soit en semer blefs ou en planter et enter arbres, ou en recueillir les fruiz, ou en les mettre en grenier. C’est [53v] chose plus merveilleuse que ces vieillars, qui ont esperance de pou vivre, labourent si grandement en semand, en plantand, en entand, en recueillend et en estouyand les choses necessaires a vie, combien que en aultres hommes qui ont esperance de longuement vivre ce soit moindre merveille de ainsi grandement labourer. Mais vous me pouez dire que ces vieillars labourent ainsi grandement car ilz pensent user de leurs labours : car, ce dites vous, il n’est homme tant soit vieillart qui ne cuide qu’il puisse vivre ung an. Certes, Scipion et Lelius, ce que vous dites est en partie vrai, mais les vieillars labourent en choses lesqueles ilz scevent que a eulx ne en appartient ne appartenra riens en quelconque maniere, car « les vieillars plantent et entent les arbres a fin que elles facent proufit et fruict aux hommes qui aprés eulx venront et non mie a eulx », ainsi comme dist Stace, ung auteur de nostre cité, en ung sien livre que l’en nomme Sinefebes ou quel il parle des eages de l’omme avant que ilz aient barbes.

11 T tous ses 13 H2 eurent aage de raison 17 BN2 ajout dans la marge : qui sont divines sciences et venons a parler (vis-à-vis poetrie des ars) 20 BN1 H1 vec(t)tement 21 T ou planter (om. en) BN2 fruiz ou en sauf les mettre H2 ou en les mettre 24 T en semant et plantand | T en entend et reveillant BN2 en plantand et au tant en recueillant 27 H1 vous me 29 T il n’est tant soit vieillart qui ne cuide vivre ung an 31 T ne appartient 35 H2 de l’omme avant qu’il ait barbe

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25 Nec vero dubitat agricola, quamvis senex, querenti cui serat, respondere : « Diis immortalibus, qui me non accipere modo hoc a maioribus voluerunt, sed etiam posteris prodesse. » 5

VIII Melius Cecilius de sene alteri seculo prospiciente quam illud idem : « Edepol, senectus, si nichil quicquam aliud vicii Asportes tecum cum advenis, unum id satis est Quod diu vivendo multa que [15v] non vult videt. »

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— et multa fortasse que vult ! Atque in ea non vult sepe etiam adolescencia incurrit. Illud etiam idem Cecilius viciosius dixit :

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« Tum equidem in senecta hoc deputo miserrimum, Sentire ea etate se esse odiosum alteri. » 26 — iocundum potius quam odiosum ! ut enim adolescentibus bona indole preditis senes sapientes delectantur leviorque fit senectus eorum qui a iuventute coluntur et diliguntur, sic adolescentes senum preceptis gaudent, quibus ad virtutum studia perducuntur ; nec minus intelligo me vobis quam michi vos esse iocundos.

1 E quamvis sit ; var. om. sit 2 T voluerit 9 E volt ; var. vult, vol 12 E om. dixit 20 E ducuntur ; var. dicuntur

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25 Certes, dit Stace, le laboureur, combien qu’il soit vieillart, ose bien respondre a cellui qui lui demende pour qui et a [54r] qui il plante et ente les arbres : « Je les plante, dist il, aux dieux immortelz et non pas pour moy qui assez tost mourray, et si les plante et ente au service des dieux qui seulement n’ont pas voulu que je receusse de mes predecesseurs ces arbres, mais ont voulu les dieux que je les donnasse a ceulx qui aprés moy venront. » VIII Scipion et Lelius. Certes, Caton, mieulx parle le philosophe Cecilius que ne fist le laboureur de quoy Stace parle, car certes Cecilius dit d’un vieillart qui pensoit encores vivre par ung grant eage : « Par Dieu, dist il, dame Vieillesse, se tu ne apportoies avec toy aulcun aultre vice ou aultre default de bieneurté quant tu viens, si apportes tu ung vice et ung default qui souffit a maleurté, c’est assavoir que en vivend longuement l’omme voit maintes choses que il ne vouldroit point veoir. » Caton. Vray est, Scipion et Lelius, que l’omme, en vivend longuement, voit maintes choses que il ne vouldroit point veoir ; et aussi voit il pluseurs choses lesqueles il veult veoir pour son singulier plaisir ! Et si est vray que l’omme estant en adolescence enchiet souvant en choses desplaisens et teles que il ne les vouldroit point veoir. [54v] Scipion et Lelius. Certes, Caton, le philosophe Cecilius dist de vieillesse une chose plus vituperable que n’est celle que par avant il dist : « Je repute, dist il, une chose qui est la plus mescheante des aultres : l’en puest sentir et appercevoir que en l’eage de vieillesse ung vieillart est hainneux a aultre homme ou vieillart ou d’aultre eage. »

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26 Caton. Je vous respon que le vieillart n’est point hainneux a aultre, mais est joieux et amiable, car ainsi comme les saiges vieillars se delectent avec les hommes adolescens et juenes qui ont en eulx signes et demonstrances d’estre bons et vaillens ou temps advenir, et ainsi que l’eage de vieillesse est plus soueve et plus joieuse quant les vieillars sont hentez et amez des jouvenceaulx, aussi les hommes adolescens et juenes ont joie de recevoir les commandemens et enseignemens des vieillars par lesquelz les juenes hommes sont ramenez a l’estude des vertus et des bonnes oeuvres qui font leur vieillesse joieuse ; et si enten que je soie aultre tant joieux et amiable envers vous deux jouvenceaulx comme je enten que vous deux soiez joieux et amiables envers moy.

1 BN2 Certes ce dit 2 T pour qui a qu’il 6 T ceux aprés 8 BN2 H2 Scipion et Lelius opposent 20 BN2 H2 Scipion et Lelius opposent 21 T celle de par avant qu’il dist 22 T qui la plus (om. est) | T sentir et approuver 23 T vieillesse vieillart (om. ung) 26 BN2 H2 Caton respond 28 T signes et demourances 30 T amez de jouvenceaulx 33 H2 bonnes meurs

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Sed videtis ut senectus non modo languida atque iners non sit, verum etiam sit operosa et semper agens aliquid et moliens, tale scilicet quale cuiusque studium in superiore vita fuit. Quid ? quod etiam addiscunt aliquid ! ut etiam Solonem versibus gloriantem videmus qui se quotidie aliquid addiscentem dicit senem fieri, ut ego feci, qui literas Grecas senex didici ; quas quidem sic avide rapui quasi diuturnam sitim explere cupiens, ut ea ipsa michi nota essent quibus me nun exemplis uti videtis. Quod cum fecisse Socratem in fidibus audirem, vellem equidem etiam illud addiscere, discebant enim [16r] fidibus antiqui ; sed in literis certe laboravi.

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Finitur secunda periodus. Et incipit tercia eiusdem libelli in qua refellitur vituperatio secunda obiecta senectuti. 15

IX 27 Ne nunc quidem vires desidero adolescentis, is enim erat locus alter de viciis senectutis, non plusquam adolescens tauri vires aut elefanti desiderabam.

6 E adripui ; var. adripuit 8 T dicebant 9 E elaboravi

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Si me passe des [55r]ores en avant de plus dire en ceste matiere, car vous voiez et entendez comment vieillesse neant plus que aultre eage n’est langorieuse ne malade, ne pereceuse ne oysive, ains mesmement vieillesse tousjours oeuvre et laboure et fait et appreste tousdiz aulcune chose, c’est assavoir tele comme elle fist en l’eage precedant. Se vous me demendez quoy vieillesse laboure, je vous respon que les vieillars apprenent aulcune chose oultre ce que ils savoient, ainsi comme nous voions par les histoires que Solon, ung des sept saiges de Athenes, se glorifie avoir apprins en vieillesse la science de faire vers selon la mesure de temps et de sillabes ; et dit Solon qu’il devint vieil en chascun jour apprenend aulcune chose, ainsi comme je fis, qui ay apprins ainsi comme vous dittes les lettres et le langaige de Grece : aprés que fu vieil j’ay apprins la figure des letres et le langaige de Grece ainsi desireement comme cellui boit convoiteusement qui veult appaisier la soif qu’il a longuement portee, et saichiez que j’ay apprinses les letres et le langaige gregeois a fin que je sceusse par les histoires greques les exemples dont vous me voiez [55v] presentement user en cest livre. Et comme je eusse oy dire que Socrates, ung philosophe grec, eust en sa vieillesse apprins a jouer des instrumens de cordes, je fu a ce meu que je voulsisse aussi aprendre le jeu des instrumens comme je apprins les letres et le langaige grecs : car les ancians nobles hommes philosophes, pour le confort et soulaz de vieillesse, apprenoient a jouer en instrumens de cordes ; mais je mis mon estude et mon labour a apprendre et a savoir les letres et le langaige de Grece. Cy fine la seconde distinction du Livre de vieillesse.

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Et aprés commence la tierce en la quelle Tulle reprend et confute la seconde vituperacion opposee a vieillesse. [56r] IX 27 [illustration] Ou nombre des quatre causes ci dessus racomptees par quoy vieillesse samble estre maleureuse, la seconde distinction contenoit la cause par quoi vieillesse samble estre mescheant, c’est assavoir pour ce que elle fait le corps floible, maladif et enferme. Si vous respon, Scipion et Lelius, que certes je ne desire pas maintenant les forces d’un homme adolescent aprés que je sui devenu vieillart, neant plus que je desiroie quant je fu adoles-[56v]-cent avoir les forces d’un toreau ou d’un elefant.

1 BN2 desoremais H2 desormais 3 P vieillesse oeuv tousjours 7 T Selon | H1 hystoires des sept saiges comme Solon d’Athenes 9 T apprenoit 13 H1 longuement enduree 14 T aprinses toutes letres 16 T Socrates le philosophe 18 H1 aussi prendre jeu 21 T les letres et le langaige grec 20 P vieillesse oeuv tousjours 26 BN2 opposee a vieillesse commençant ou latin : « Ne nunc » 31 T floible, maladif, enferme 32 T d’un bon adolescent 43 BN2 olifant

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Quod est eo decet uti et quicquid agas agere pro viribus. Que enim vox potest esse contemptior quam Milonis Crothoniate ? qui, cum iam senex esset athletas que se excercentes in circulo videret, aspexisse lacertos suos dicitur illacrimans que dixisse : « At hii quidem mortui iam sunt. » — Non vero tam isti quam tu ipse, nugator ! neque enim ex te unquam es nobilitatus, sed ex lateribus et lacertis tuis. Nichil Sextus Emilius tale, nichil multis annis ante Titus Coruncanius, nichil modo Publius Crassus, a quibus iura civibus prescribebantur ; quorum usque ad extremum spiritum est provecta prudentia. 28 Orator metuo ne languescat senectute ; est enim munus eius non ingenii solum, sed laterum etiam et virium. [16v] Omnino canorum illud in voce splendescit etiam nescio quo pacto in senectute ; quod equidem adhuc non amisi et videtis annos. Sed tamen est decorus senis sermo quietus et remissus, facitque persepe ipsa sibi audaciam diserti senis compta et mitis oratio. Quam si ipse exequi nequeas, possis tamen Scipioni precipere et Lelio : quid enim est iocundius senectute stipata studiis iuventutis ?

3 E in curriculo 11 T om. solum 14 E per se ipsa ; var. pers(a)epe ipsa | E audientiam

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L’en doit bien user en chascun eage de la chose que Nature lui donne, et si appartient que tu faces toutes choses selon la mesure et selon la quantité de tes propres forces sans usurper a toy choses plus grans que tu ne pues. Car plus villaine ne plus despite parole ne puest estre ditte ne que fut celle que dist ung champion appellé Milo, qui fut de Crothonie, une cité de Grece, le quel ja estant vieillart, comme il veist les champions et luicteurs qui esprouvoient leurs forces par diverses manieres ou lieu commun ordonné a ce faire, cestui Milo, comme l’en dit, resgarda ses bras et ses costez et dist en larmoiand : « Certes, ces bras et ces costez sont mors. » — Mais je te di, Milo, que ces bras et ces costez pour qui tu ploures ne sont mie si mors comme tu mesme, qui n’es fors que ung bourdeur, vain et failli ! Et certes tu ne feuz onques reputé noble pour la sagesse ne pour la vertu de ton couraige, mais tu as esté annobli pour tes fors bras et pour tes fors costez dont tu luictoies contre les aultres hommes. Cestui Milo, homme ignoble, des son adolescence accoustuma de porter sur ses espaules [57r] ung juene et petit veau qui crut et devint grant et gros buef ; et pour l’accoustumance que Milo eut de le porter des juenesse et quant il estoit legier, il ne lui fut point grief de le porter aprés qu’il fut devenu buef poisant et gros et grant. Le vieillart Emilius, qui par six fois fut consul de Romme, ne ploura onques en regretand les forces de sa juenesse, ainsi comme fist Milo le Crothoniois ; aussi ne fist Titus Coruncatus, qui par pluseurs ans nasqui avant le dit Emilius, ne fist aussi ce vieillart Publius Crassus, qui tous trois comme consuls ordonnerent aux citoiens de Romme les drois civils pour gouverner les citez et les peuples : de ces III vieillars la prudence monta en accroissend jusques au derrenier esperit de leur vie.

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28 Scipion demende. Se aulcun vieillart est orateur, c’est adire advocat, je doubte qu’il ne faille en demenand ses raisons par le default de voix et de maintiens convenables et necessaires, car certes l’office de advocat n’est pas seulement en subtilité d’engin, mais il convient avoir en raisonnand bons costez et forces corporeles pour bien et admesureement parler selon les cas des matieres. Caton respond. Celle voix soue-[57v]-ve et gracieuse qui a esté en l’omme durant sa juenesse, elle reluist et esplendit parfaictement en l’omme quant il est en vieillesse, qui est tant singuliere chose que je n’en sçai la cause.

5 H1 ja estoit 6 BN2 espreuvent 8 BN1 H1 om. et dist 9 H2 ses barres | BN2 je di 11 BN2 certes ne 15 T jenne petit veau 15 H2 om. et gros buef 16 H2 estoit jeune et legier BN2 legiers 17 H1 grief il ne luy fut point grief| H2 beuf puissant 19 H1 jeunesses 20 H1 Crotoys 21 T Trassus 23 BN2 H2 quatre 26 H1 adire vieillart advocat 27 T demadant 30 T selon cas H1 selon le cas 35 BN2 je ne sçay

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29 An ne has quidem vires senectute relinquimus, ut adolescentes doceat, instituat, ad omne officii munus instruat ? Quoquidem opere quid potest esse preclarius ? Michi vero et Gneus Publius Scipiones et avi tui duo, Lucius Emilius et Publius Affricanus, comitatu nobilium iuvenum fortunati videbantur, nec ulli bonarum artium magistri non beati putandi, quamvis consenuerit vires atque defecerint. Et si ista defectio virium adolescentie viciis efficitur sepius quam senectutis : libidinosa enim et intemperans adolescentia effectum corpus tradit senectuti.

1 T reliquimus 3 E et Cn. et P. Scipiones ; var. et GN. et P, et Gnieus P. (Pompeius)|EmiliusetPublius 5 E consenuerint 6 E etsi ipsa ista ; var. esti ista

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Et ainsi comme vous savez je n’ai mie encores perdue la voix doulce et gracieuse, et si voiez que j’ai soixante et dix ans ; mais toutevoies se vous voulez savoir pour quoi la voix soueve et advenant reluist et esplendit en la bouche du vieillart, je vous respon que la parole de l’omme vieillart est belle se elle est paisible et lasche et courtoise ; le cointe et doulz langaige du saige homme vieillart lui fait tressouvant avoir audience et faveur. Et se tu qui es vieil as par adventure aulcune oroison ou advocatie si longue ou si forte a prononcer que tu ne la puisse accomplir et parfaire, toutevoies tu pourras commender a aulcuns jouvenceaulx, comme sont Scipion et Lelius, que ilz parlent pour toy : car il n’est chose plus joieuse ne que est la vieillesse qui est environnee de jouvenceaulx qui se estudient a obeir aux commendemens des vieillars. 29 Nous vieillars delessons aulcunes choses que nous pourrions bien faire selon les forces de noz ans, a fin que les juenes hommes soient par nous enseigniez, or-[58r]-donnez et instruictz a excercer et a faire tout office honnorable. Il n’est oeuvre plus noble que celle par quoy les vieillars enseignent les jouvenceaulx a excercer et a faire tout office honnorable. Et certes il me sambla jadix que ces cinq nobles vieillars Gneus Publius et les II Scipions, tes ayeulx, et Lucius Emilius, et Publius Africain estoient bieneureux quant ilz estoient en la compaignie des nobles jouvenceaulx rommains qui desdis vieillars prenoient exemples de vertus, car l’en doit penser que tous vieillars sont bieneureux qui sont maistres et enseigneurs de bonnes oeuvres et de proufitables sciences, combien que les forces corporeles soient envieillies et defaillies en tout ou en partie. Et combien que les forces natureles defaillent es hommes vieillars, toutevoies ceste defaillence advient le plussouvant par les vices et oultraiges de juenesse que elle ne advient par les vices de vieillesse, car l’eage de adolescence oultraigeuse et mal attrempee rendt le corps floible et non puissant en l’eage de vieillesse.

2 T se voulez 3 T reluist et replandit 4 BN2 ajout en marge : je vous respon que la parole de l’omme vieillart 5 BN2 court et doulz 7 BN2 raison ou advocatie 8 P puisse T puisse BN2 puisses 10 T ne est 13 T par vous enseignez 14 P réclame au bas du fol. 57v°: donnez et instruicts 15 BN2 plus belle (belle est suscrit) | H2 plus loeible 18 H2 Luciens Emelius 20 BN2 furent bieneureux 22 BN2 anullees et deffaillies

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30 Cyrus quidem apud Xenophontem eo sermone quem moriens habuit, cum admodum senex esset, negat se unquam sensisse senectutem imbecilliorem factam quam adolescentia fuisset. Ego Lucium Metellum memini puer, qui, [17r] cum quadriennio post alterum consulatum pontifex maximus factus esset, viginti et duos annos ei sacerdotio prefuit, ita bonis esse viribus extremo tempore etatis ut adolescentiam non requireret. Nichil necesse est michi de meipso dicere, quamquam est id quidem senile etatique nostre conceditur. X 31 Videtis ne ut apud Homerum sepissime Nestor de virtutibus suis predicet ? Terciam iam enim etatem hominum vivebat, nec erat ei verendum ne vera predicans de se nimis videretur aut insolens aut loquax : et enim, ut ait Homerus, « ex eius lingua melle dulcio fluebat oratio. » Ad quam suavitatem nullis egebat corporis viribus ; et tamen dux ille Grecie nusquam optat Aiacis similes habeat decem, sed sex Nestoris ; quod si sibi acciderit, non dubitat quin brevi sit Troia peritura. 32 Sed redeo ad me : quartum ago annum et octogesimum ; vellem equidem idem posse gloriari quod Cyrus ; sed tamen hoc queo dicere non me quidem hiis esse viribus quibus aut miles bello Punico aut questor eodem bello aut consul in Ispania fuerim aut quadriennio post, cum tribunus militaris depugnavi apud Thermophilas Marco Attilio Glabrione consule, sed tamen, [17v] ut vos videtis, non plane me enervavit, non afflixit senectus, non curia vires meas desiderat, non rostra, non amici, non clientes, non hospites. Nec enim unquam sum assensus veteri illi laudato que proverbio quod monet mature fieri senem, si diu velis senex esse ; ego vero me minus diu senem esse mallem quam esse senem antequam essem. Itaque nemo adhuc convenire me voluit qui fuerim occupatus.

1 P eo n sermone 3 T nemini 7 T quanquam 9 E videbat ; var. vivebat 11 E quam ad ; var. ad quam 13 E sed ut ; var. sed sex 15 T om. ago ; T om. idem 22 T que laudato 24 P quam senem esse senem

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30 Comme Cyrus, roy de Perse, feust moult vieillart, il confesse par la parole qu’il eut a l’eure de sa mort que il ne senti ne ne apperceut onques que il feust en riens [58v] devenu floible a cause de sa vieillesse, neant plus que il avoit esté en adolescence, ainsi comme racompte ung historian grec appellé Xenophon. Il me souvient que, je estoie enfant, je vi ung vaillant consul rommain appellé Lucius Metellus de puiz qu’il eut esté par quatre ans le tresgrant des evesques de Romme, aprés qu’il eut par deux foiz esté consul, il fut sain et viguereux en corps et en entendement et demoura en celle dignité de souverain evesque par vint deux ans et en si bonnes forces vesqui ou derrenier de son eage que il ne requeroit ne ne regretoit aulcunement l’eage de adolescence. Il ne me est ja besoing de dire aulcune chose de moy mesme, combien que cest livre que nous faisons soit oeuvre de vieillesse et qui appartient a nostre eage qui sommes vieillars ainsi comme sont ceulx de qui nous parlons. X 31 Vous aussi pouez veoir comment Nestor, ung des rois de Grece, presche et met au devant les exemples de ses vertus en ung livre que fist Omer, le poete de la bataille de Troye. Nestor, pour lors qu’il preschoit ses vertus, estoit ja en la tierce eage des hommes, c’est adire qu’il avoit deux cens ans, et si ne faisoit doubte que il, en soy [59r] recommendand, ne samblast estre trop arrogant et gengleour : et toutevoies ne recommende il pas seulement soy mesme, « car certes, dit Omer le poete, de la langue du vieillart roy Nestor degoutoit ung langaige plus doulz que miel. » Et a parler celle doulceur de langaige le dit roy ne avoit mestier de forces de corps ; et toutevoies le roy Agamenon, duc et conduiseur de la bataille de Grece contre les Troians, jamais ne demende ne ne requiert aux dieux qu’il eust dix telz chevaliers comme estoit le juene Ajax, a fin que Agamenon desconfisist les Troians, mais le duc Agamenon demende et requiert aux dieux qu’il eust telz six saiges vieillars comme estoit le roy Nestor ; et dit Agamenon que, se il peust avoir telz six saiges vieillars, il ne doubte point que dedans brief temps Troie ne feust prinse et destruicte. 32 Mais en delessend a parler du roy Nestor vieillart, je retourne a parler de moy meisme qui ay d’eage quatre vins et quatre ans, et certes je vouldroie que je me peusse glorifier et venter de celle mesme chose de quoy Cirus, roy de Perse, se glorifie et vente en disend de soy mesme que onques ne senti ne ne apperceut [59v] qu’il feust en riens devenu floible a cause de vieillesse, neant plus que il avoit esté en son adolescence ; mais toutevoies, je di ceste chose de moy que maintenant je ne sui pas de teles forces comme je estoie lors que je fu chevalier en la bataille d’Afrique, ou pour le temps que je fu questeur en celle mesme bataille, ou pour le temps que je fu consul en Espaigne, ou quatre ans 1 BN2 confessa BN1 H1 confesse parole 3 BN2 de vieillesse 4 BN1 H1 Renophon 5 BN2 rommain vieillart 6 T plusgrant | H1 les tresgrand | T aprés qu’il qu’il 14 H1 comme Nestor 18 H1 soit recommandant 19 H2 om. ne recommende...car certes 25 T desconfist | BN2 dans la marge : come estoit le roy Nestor et dit Agamenon que se il peust avoir telz six vieillars 29 BN1 en descendant a 31 BN2 de ceste 32 T senti ne apperceut 34 BN2 om. de moy 37 T celle me bataille

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33 At minus habeo virium quam vestrum utervis. — Ne vos quidem Titi Poncii centurionis vires habetis ; nun id circo est ille prestantior ? Moderatio modo virium assit et tantum quantum potest quisque nitatur ; ne ille quidem non magno desiderio tenebitur virium. Olimpe per stadium ingressus esse Milo dicitur, cum sustineret humeris bovem unum. Utrum igitur has corporis an Pithagore tibi malis vires ingenii dari ? Denique isto bono utare dum assit ; cum absit, ne requiras, nisi forte adolescentes puericiam, paululum etate progressi adolescenciam debent requirere. Cursus est certus etatis et una via nature eaque simplex suaque cuique parti etatis tempestivitas est data, ut et infirmitas puerorum et ferocitas iuvenum et gravitas iam constantis etatis et se-[18r]nectutis maturitas naturale quiddam habeat, quod suo tempore percipi debeat.

5 T om. unum 7 T paulum 11 T quiddem

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aprés que je, qui estoie tribun des chevaliers rommains, me combati pres des montaignes appellees Termophiles, qui departent les Persois des Grecs, pour lors que Marcus Actilius estoit consul. Mais ainsi comme vous , Scipion et Lelius, voiez, l’eage de vieillesse ne me a pas du tout affloibli ne degasté mon corps, et aussi vous voiez que la court et le parlement des senateurs ne demende ne ne desire point mes forces corporeles, c’est adire que pour conseiller les besoingnes et les causes publiques ou privees il n’est ja necessité que je soie fort en corps, mais seulement souffit que je soie prudant, attrempé, juste et fort en couraige. Les sieges et les auditoires des juges lesquelz je frequente ne demandent point que je soie fort de corps, ne mes amis ne mes serviteurs ne ceulx qui frequentent [60r] mon hostel ne demandent point que je soie fort de corps, car sanz grans forces je puis faire mon devoir envers eulx. Et saches, Scipion, que onques je ne me consenti a ung proverbe ancian et que l’en approuve qui admonneste que tu deviengnes hastivement vieillart se tu veulx longuement estre vieil. Mais je vouldroie plus que je ne feusse point vieillart que se que je le feusse, ains que je le deusse estre, et certes il n’est homme qui puisse encores contre moy raisonner comment je me soie occupé ne entremis d’estre vieil avant que je le feusse selon cours de nature. 33 Et vrai est que j’ay moins forces en corps que chascun de vous deux, et aussi chascun de vous n’a pas les forces de cest capitaine rommain appellé Titus Pontius ; et ja soit que le dit Titus ait plusgrans forces que chascun de vous deux : pour ce n’est il pas meilleur ne plus fort en vertu. A fin que aulcun homme doive estre reputé fort, il souffit seulement que en lui soit attrempance de forces, c’est assavoir que il n’entreprengne la chose que il ne puest mettre a fin. Et si convient que chascun s’efforce de commencer la chose qu’il puest parfaire. Et se chascun attrempe ainsi [60v] ses forces comme j’ay dit, il aura grant desir et plaisir en ses forces, ainsi comme je vous monstre par l’exemple ensuivant : le preu chevalier Hercules, et aussi les gens de Grece, ordonnerent de quatre ans en quatre ans en la montaigne Olimpus, la plus haulte du monde, joustes, tournaiz et luictes en l’onneur de leur Dieu Jupiter ; or advint que ung champion appellé Milo de Crotonie entra en la place et ou cercle ou l’en faisoit ces jeux, et porta comme l’en dit ung buef sur ses espaules par l’espace de cent pas. Si te demande, Scipion, lesqueles forces tu aimeroies plus avoir : ou les forces de l’engin du philosophe Pitagoras, ou celles du dit Milo ? Finablement, je te di que tu dois user des forces corporeles qui sont ung des biens de Nature, tandiz que tu les as ; mais quant le bien de force corporele n’est point en toy, tu ne le dois requerir ne demander, si non que tu pues dire par adventure que les 3 BN2 om. ainsi 12 T H2 Et saichiez 13 H1 ancien et que l’en appelle et approuve qui admonnestes 15 BN2 que ce que 16 H1 doye estre 20 BN2 forces de ce 21 T BN2 ja soit ce que | T forces chascun 27 BN2 om. je vous 31 T cercle la ou | H1 fait ses 33 T forces tu tu aimeroies 36 BN2 tu le as

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34 Audire te arbitror, Scipio, hospes tuus habitus Masinissa que faciat hodie nonaginta natus annos : cum ingressus iter pedibus sit, in equum omnino non ascendere, cum autem equo, ex equo non descendere ; nullo ymbre, nullo frigore adduci ut capite operto sit ; summam esse in eo corporis siccitatem ; itaque omnia exequi officia et munera. Potest igitur excercitatio et temperancia etiam in senectute conservare aliquid pristini roboris. XI Non sunt in senectute vires ? — Ne postulantur quidem vires a senectute. Ergo et legibus et institutis vacat etas nostra muneribus hiis que possunt sine viribus sustineri. Itaque non modo quod non possumus, sed ne quantum quidem possumus cogimur.

1 E [h]auitus ; var. avitus, habitus 3 P ymbre : le y est suscrit d’un point | summam in eo esse in eo 9 E que non possunt

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adolescens, qui sont en la tierce eage, doivent requerir et demander l’eage de puerice, qui est la seconde eage, et par ainsi est plus loing de la mort. Si te di, Scipion, que quant les hommes sont aulcun pou entrez dedans adolescence, qui [61r] est une eage fructueuse et proufitable, ilz la doivent requerir et demender, et non mie puerice, qui est sanz fruict et sanz prouffit. Le cours et le chemin de l’eage est certain et determiné par Nature, la quele a une seule voie, qui est simple et n’est point diferant en l’un ne que en l’aultre ; mais chascun va par celle simple voie selon degrez de une eage en aultre. Et si a donné Nature a chascune partie de l’eage sa propre saison et son usaige pertinent : c’est assavoir que enfermeté et maladie est propre a l’eage de puerice, et cruaulté est propre a l’eage de juenesse, honnorableté et poisanteur de manieres est propre a virilité, qui est la Ve eage, et meurté et attrempance est propre a vieillesse. Chascun eage doit avoir aulcune chose naturele et propre qui puisse estre recueillie en son temps. 34 Je vueil, Scipion, que tu m’escoutes dire queles choses faisoit le vieillart Masinissa, ung des roys d’Afrique qui fut ton oste et si fut compaignon de Lelius quant tu combatiz et desconfisiz en bataille Siphax, le roy de Numidie. Cestui Masinissa, qui avoit d'eage IIIIXX et dix ans, quant il commençoit a cheminer de piez il jamais ne montast sur cheval et, quant [61v] il montoit sur cheval, jamais n’en descendoit durant tout le chemin. Il jamais n’estoit constreint de couvrir son chief pour quelconque pluye ne pour quelconque froit. Le vieillart Masinissa avoit en soy souveraine seccheresse et maigresse et si accomplissoit tous offices publiques et tous atours pertinens a puissence roiale. Par ainsi donques appert que l’excercice et la frequentacion et l’attrempance que l’omme garde en juenesse puest garder en vieillesse aulcune bonne partie de l’ancianne force qui fut par avant ou corps. XI Aulcun me puest opposer que en vieillesse ne sont aulcunes forces, si lui respon que il n’est homme qui demande a vieillesse forces ne besoignes aulcunes qui se facent de forces. Par ainsi donques appert que selon loix civiles et selon ordonnances anciannes nostre eage de vieillesse doit besoigner et soy entremettre des offices publiques et privez, puisque ilz soient telz que on les puisse excercer et soustenir sanz forces corporeles et par ainsi nous vieillars ne sommes pas seulement francs de non faire ce que nous ne pouons, mais nous mesmement ne sommes pas constreints a faire tant comme nous pourrions.

4 T ung eage fructueux 7 H1 om. en aultre 15 P et si si fut 23 T l’excercice et frequentacion 32 T mais vous mesmemement ne sommes constrains | BN2 nota bene dans la marge

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35 At multi ita sunt imbecilli senes ut nullu officium aut omnino vite munus exequi possint. — At id quidem non proprium senectutis est vicium, sed commune valitudinis. Quam fuit imbecillis Publii Africani filius, is qui te adoptavit ! quam tenui aut nulla potius valitudine ! Quod ni ita fuisset, alterum illud extitisset lumen civitatis : ad paternam enim magnitudinem animi doctrina uberior accesserat. Quid mirum igitur [18v] in senibus si infirmi sint aliquando, cum id ne adolescentes quidem effugere possint ? Resistendum, Scipio et Leli, senectuti est, eius que vicia diligentia compensanda sunt, pugnandum itaque tanquam contra morbum, sit contra senectutem, habenda ratio valitudinis, 36 utendum excercitationibus modicis, tantum cibi et potionis adhibendum ut reficiantur vires, non opprimantur. Nec vero corpori solum subveniendum est, sed menti atque animo multo magis : nam hec quoque, nisi, tanquam, lumini, oleum instilles, extinguntur senectute ; et corpora quidem excercitationum defatigatione ingravescunt, animi autem se excercitando levantur. Nam quos ait Cecilius « comicus stultos senes » hos significat credulos, obliviosos, dissolutos, que vicia sunt non senectutis, sed inertis ignavie et somniculose senectutis. Ut petulancia, ut libido magis est adolescentium quam senum, nec tamen omnium adolescentium, sed non proborum, sic ista senilis stulticia que deliratio appellari solet senum levium est, non omnium.

4 E valetudine 6 T om. si 7 E resistundum ; var. resistendum 8 E om. itaque ; var. et 13 T tamquam | E exstinguuntur ; var. ex(s)tinguntur, ex(s)tinguitur 14 T om. se | E ex(c)ercendo ; var. exercitando 16 T om. sunt 19 T omninum

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35 Mais, Scipion, tu ne pourroies opposer [62r] contre vieillesse que aulcuns vieillars sont si floibles qu’i ne pourroient executer ne faire aulcun office publique ou privé appartenant a vie : je te respon que cestui vice n’est pas propre a l’eage de vieillesse, ains est le commun vice de maladie et non puissence de corps. Pense, Scipion, combien fut floible le filz de Publius l’Africain qui te adopta ; pense comment par petite ou nulle maladie il fut affloibloie, la quele se elle ne lui feust advenue il eust esté le second plus renommé aprés le noble Fabius, car le filz de Publius surmonta la grandeur de son pere par doctrine et science dont il eut plus en son couraige. Ce n’est donques point merveille se les vieillars soient aulcunefoiz maladifz et enfermes, puisque ainsi est que mesmement les adolescens et juenes ne peuent eschaper maladies de corps. Si vous di, Scipion et Lelius, que il convient resister a vieillesse a fin que elle ne soit dissolue ne oysive, et si convient compenser et relever dissolucion et oysiveté par diligence et estude : il convient donques par excercitacion et par estude combatre contre vieillesse a fin que elle ne enchee en aulcun vice, ainsi comme par provision de remede l'en se combat contre maladie de corps ; [62v] 36 les vieillars doivent avoir en vitailles tele raison et mesure comme ont les hommes malades ; il convient que les vieillars usent de petites et legieres excercitacions et de labours attrempez ; il convient que les vieillars menguent et boivent tant que les forces et vertuz corporeles soient refectes et soustenues et non pas estoufees par viande ou par beuvraige. Et saichiez, Scipion et Lelius, que il ne fault pas seulement aider au corps, mais il convient trop plus secourir et aider a la pensee et au couraige du vieillart, a fin que par le secours qu’il fait a la pensee la memoire ne faille ou admoindrisse, et que par le couraige il saiche soy excercer es choses appartenens a vieillesse : car, ainsi comme la lumiere d’une lampe se exteinct et amortist se l’en ne y met de l’uyle au fuex que elle descroist, aussi la pensee, en quoy est la memoire, et le courage, en quoy est la saigesse, se exteingnent et faillent se on ne leur secourt par toute excercitacion qui est en recordand les livres et en les ramenand a memoire aprés que on les a leuz. Et certain est que, ainsi comme les corps deviennent graves et poisens par peine et traveil, aussi les couraiges sont [63r] soubslevez et allegiz par excercitacion d’estude et de memoire. Car quant Cecilius, le poete comique, dist en une sienne farce que les vieillars sont sotz, il voult dire que les vieillars sanz excercitacion sont legiers a croire tout ce que ilz oyent dire, pour ce qu’ilz n’ont point de jugement en eulx et si sont oblieux par ce qu’ilz n’ont point excercee la vertu de memoire, et si sont dissolutz sanz avoir attrempance. 1 BN2 pourroies obicier H2 obicer 6 BN2 pense comme 17 BN2 nota bene dans la marge 25 H1 appartenantes 27 BN1 BN2 H1 H2 au feur 31 BN2 graves et poissant 32 BN2 sublevez

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37 Quatuor robustos filios, tantum quinque filias, tantam domum, tantas clientelas Appius regebat et cecus et senex : intentum enim [19r] animum tanquam arcum habebat nec languescens succumbebat senectuti ; tenebat non modo autoritatem, sed eciam imperium in suos : metuebant servi, verebantur liberi, carum omnes habebant ; vigebat in eo animus patrius et disciplina. 38 Ita enim senectus honesta est, si se ipsa defendit, si ius suum retinet, si menti mancipata est, si usque ad ultimum spiritum dominatur in suos. Ut enim adolescentem in quo est senile aliquid, sic senem in quo est aliquid adolescentis probo ; quod qui sequitur, corpore senex esse poterit, animo nunquam erit.

1 E om. tantum ; var. tantum, tanam 2 T intantum 5 E in illa domo mos ; var. in illa domu, in illa domos, in illa domus, in illo domu, in illo animus 7 E si nemini emancipata ; var. si nemini mancipata, si menti mancipata, mente sine mancipata

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Ces trois vices ne adviennent pas a l’omme a cause de vieillesse, mais ilz sont vices de vieillesse neglicence, pereceuse et endormie, ainsi comme mignotie ou delectacion charnele n’est plus le vice des juennes hommes ne que des vieillars. Et aussi mignotie n’est pas seulement le vice des adolescens, mais c’est le vice des adolescens mauvaiz, aussi ceste sotine vieillardine que l’en appelle « desroy » et qui advient en aulcuns vieillars, elle advient aux vieillars legiers de couraige et qui ne sont point fermes en saigesse ne en estude. 37 Appius, dont j’ay cy dessus parlé, fut prestre du temple Minerva, la deesse. Il estant aveugle et vieillart gouvernoit quatre siens filz fors hommes et parcreux, et cinq siennes filles, et ung grant hostel, et pluseurs mesgnies, sanz aide, [63v] sanz conseil, fors que de soy mesmes. Cestui Appius avoit son couraige tendu a saigesse et a memoire comme se ce feust ung arc, et il a qui failloient les forces corporeles jamais n’estoit soubsmis a vieillesse qu’il n’entendist a l’estude et aux besoingnes publiques et privees. Appius, vieillart et aveugle, tenoit autorité et seignorie envers ses subgiez, car ils lui portoient reverence et doubtoient sa puissence. Ses serviteurs le creingnoient, ses enfans le doubtoient, tous ceulx qui le hentoient l’amoient et avoient chier. En cest Appius estoit couraige viguereux et esveillié, ainsi comme il fut en son pere, et aussi avoit il la doctrine. Pour tant vous dy je, Scipion et Lelius, que l’omme vieillart est louable et honneste, mais que il se defende par le bien de memoire, par estude, par exemples, par autorité, par reverence et par les aultres armes de vertus et de sciences. 38 Vieillesse est honneste se elle retient et garde sa divine loy par quoy elle est restreincte de soy abandonner aux vices, se elle est appouyee et subgette a sa pensee, par la quele elle vive selon attrempance et raison ; l’omme vieillart est honneste et bon se il seignourie a ses enfans et mesgnies jusques [64r] au derrenier soufflet de sa vie, selon autorité et puissence. Certes, ainsi comme je approuve loue l’omme adolescent qui en soy a aulcune chose appartenant a vieillesse, comme est attrempance, aussi je approuve et loue le vieillart qui en soy a aulcune chose appartenant a juenesse, comme est force de corps et constance de couraige. L’omme qui ensuit ce que j’ay dessus dit, il pourra estre vieil en corps, mais il ne sera jamais vieil en couraige.

1 T vices de vieieillesse 2 BN2 vieillesse ainçois par negligence H2 negligence.negligente | BN2 dans la marge : ainçois par 4 H1 aussi mignie | H1 om. mais ... mauvaiz 5 BN2 H2 sotie 7 T saigesses | note dans la marge : ensuit le semblable 9 BN2 fors hommes et pareceux H2 et preux | BN2 cinq jennes 10 H2 mesginees 12 T comme ce feut 23 BN2 refreinte 25 H1 vieillart et honneste 28 P approuve et et loue 29 P appartenant a juenesse vieillesse comme | BN2 ajoute en marge : attrempance aussi je appuie et loe le vieillart qui en soy a aucune chose appartenant a jeunesse

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Septimus michi liber Originum est in manibus, omnia antiquitatis monimenta colligo, causarum illustrium quascumque defendi nunc maxime conficio orationes, ius augurum, pontificum, civile tracto, multum etiam Grecis literis utor, pithagoreorumque more, excercende memorie gratia, quitquid die dixerim, audierim, egerim, commemoro vespere. Hee sunt excercitationes ingenii, hec curricula mentis, in hiis desudans atque elaborans corporis vires non magnopere desidero. Assum amicis, venio in senatum frequens, ultroque affero res multum et diu cogitatas eas que tueor animi, non corporis, viribus. Quas si exequi nequirem, [19v] tamen me lectulus meus oblectaret eaipsa cogitantem que iam agere non possem ; sed ut possim facit acta vita: semper enim in hiis studiis laboribus que viventi non intelligitur quando obrepat senectus ; ita sensim sine sensu etas senescit, nec subito frangitur sed diuturnitate extinguitur. Finita perioda tercia.

1 E monumenta 3 E multumque 4 E quid quoque 8 E quae ; var. quas 10 T possum

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Je, Caton, qui suy vieil, ay maintenant entre mes mains le septiesme livre ou quel je tracte les naiscences des ancians peuples d’Italie. En ce livre je recueil et assamble toutes les choses recordables de quelxconques nobles causes que j’ay defendues par advocatie par devant les senateurs et aultres juges de Romme, et de ces causes je compose et faiz maintenant orations par lesqueles je monstre la forme et maniere de causaier et plaidoier en demandant son droit ou en le defendant es causes crimineles et civiles. Je, Caton, qui suy vieil, tracte maintenant une divine loy par la quele je enseingne comment et par quelz hommes on doit faire les auguremens, c’est adire les devinailles, pour savoir les choses doubteuses [64v] presentes, passees ou advenir ; je tracte le droit civil et l’ordenance des evesques et prestres, comment et quelz doivent estre ordonnez ceulx qui servent aux dieux et aux deesses. Je, en faisant les choses dessus dittes, use moult des livres des philosophes grecs. Je use aussi moult de la maniere des disciples du philosophe Pytagoras pour l’amour de excercer ma memoire : car ainsi comme les disciples de Pytagoras apprenoient par cinq ans, et par aultres cinq ans aprés sanz parler ils pensoient aux choses qu’ilz avoient apprinses, et aprés ces dix ans ilz avoient licence et congié de enseigner les aultres, aussi je recorde et remembre au vespre tout ce que j’ay dit, tout ce que j’ay oy et tout ce que j’ay fait ou jour precedant : teles sont les excercitacions et oeuvres de mon engin, et aussi de ma pensee : tandiz que je traveille et laboure en ces choses dessus dictes, je ne desires gueres avoir forces de corps. Je sui prest a mes amis se ilz ont de moy besoing, je vien aux senateurs et aux parlemens publiques environné de la compaignie de mes amis, je apporte avec moy les choses et les besoingnes que j’ay longuement avant [65r] pensees, je defen mes choses et les aultres par devant les senateurs, non mie par les forces de mon corps, mais par les forces de mon couraige, c’est assavoir par conseil, par autorité et par sapience. Et se je ne pouoie executer ne mener a fin deue les choses et les besoingnes de moy et de mes amis, toutevoies en gisend en mon lit je me delicteroie en pensand a ces choses combien que je ne les peusse faire ; mais j’ay si faitement vescu ou temps passé que je puis faire mes choses et celles de mes amis par devant les senateurs et aultres officiers publiques. Certes, cellui qui vit en teles estudes et en telz labours tousjours comme j’ay vescu, il ne puest entendre ne sentir en quel temps vieillesse se musse dedans soy, et par ainsi son eage pou a pou s’envieillist sanz ce que l’omme l’apperçoive ne sente ; et son eage n’est brisee ne derompue soubdainement par vieillesse, mais son eage se exteint et default par la longuesse du temps. Cy fine la tierce distinction.

2 BN2 je touche 2 H2 recueille et rassamble 19 T saut de mon à mon 21 BN2 H2 desire 29 H2 delitoye 34 l’omme apperçoive

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Incipit quarta in qua refellitur vituperatio tercia obiecta senectuti.

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XII 39 Sequitur vituperatio senectutis, quod eam carere dicunt voluptatibus. O preclarum munus etatis, si quidem id aufert a nobis quod est in adolescencia viciosissimum ! Accipite enim, optimi adolescentes, veterem orationem Archite Tarentini, magni in primis et preclari viri, que michi tradita est, cum essem Tarenti cum Quinto Maximo. Nullam capitaliorem pestem quam voluptatem corporis hominibus dicebat a natura datam, cuius voluptatis avide libidines temere et effrenate ad potiundum incitarentur. 40 Hinc patrie proditiones, hinc rerum publicarum eversiones, hinc cum [20r] hostibus clandestina colloquia nasci, nullum denique scelus, nullum malum facinus esse ad quod suspiendum non libido voluptatis impelleret ; stupra vero et adulteria et omne tale flagicium nullis excitari aliis illecebris nisi voluptatis ; cumque homini sive natura sive quis deus nichil mente prestabilius dedisset, huic divino muneri huic dono nichil tam esse inimicum quam voluptatem.

3 E sequitur tertia vituperatio 9 T potiundum 11 T om. malum 11 T facimus | T quod et 12 E suspiciundum

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Et aprés commen-[65v]-ce la quarte en la quele Tulle reprend et confute la tierce vituperacion opposee a vieillesse et commence ou latin : « Sequitur tercia et c. » 5

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XII 39 [illustration] Aprés les deux reprouches opposez contre vieillesse s’ensuit la tierce vituperacion, par la quele les juenes hommes dient que vieillesse soit mescheante par ce que elle n’a presques aulcunes delectacions charneles. Ausquelz je respon droitement que c’est le tresnoble don et la tresgrant honneur de l’eage de vieillesse que elle soit privee et quitte [66r] des delectacions du corps, car se il est ainsi que vieillesse soit privee et quitte de delectacions elle oste a nous vieillars celle chose qui est tresvicieuse et orde en l’eage de adolescence. Escoutez, mes tresbons jouvenceaulx, Scipion et Lelius, une ancianne oracion que fist ung philosophe appellé Archites de Tarente, une cité en Pueille. Cestui Archites, qui fut prins de Hannibal, duc de Cartage, pour lors qu’il guerroioit Italie, il fut recouvré par Quintus Fabius quant il recouvra Tarente prinse par le dit Hannibal. Archites fut principalment grant homme en sciences et en vertus, et fut tresrenommé et noble. Ceste oration que fist Archites me fut donnee lors que je, adolescent, estoie a Tarente avec le dit Fabius, et par ceste oration disoit Archites que Nature, qui aux hommes ordonne complexions et meurs, ne leur donna onques ne pestilence ne fouldre plus dommaigeuse ne que est la delectacion charnele : les convoiteux plaisirs de delectacion esmeuvent et acteinnent les hommes a hardiement et sanz bride de raison excecuter et mettre a fin leurs delectacions. 40 Par les hommes suivens leurs delectacions sont faictes les trahisons d’un pays et les destruis-[66v]-mens des choses publiques, et les parlemens caichiez et secrects avec les ennemis adversaires : il n’est desloiaulté, il n’est mauvaise besoingne a quoy le plaisir de delectacion ne constreingne les hommes a fin qu’ilz en joissent. Les corrumpemens de pucelles et vierges, les advoultires des femmes mariees, et tout samblable desloial ouvraige ne sont point esmeuz ne entreprins fors que par les actraictz et entrelaz de delectacion charnele. Archites aussi disoit que, comme dame Nature ou aulcun Dieu ne ait donné a homme quelconque chose meilleur ne que est l’ame, par quoy il a entendement et memoire, aussi a celle ame, qui est ung office et ung dom divin, aulcune chose n’est si ennemie ne si contraire comme est delectacion charnele.

1 P réclame au bas du fol. 65 v°: des delectacions du corps 3 P Sequitur tercia : mais le texte latin de P transmet Sequitur vituperatio | BN1 om. tercia 8 BN2 nota bene dans la marge 10 BN2 saut de delectacions à delectacions 11 BN1 om. qui est 13 BN2 Archies 14 T Hannibal de Cartage 16 H1 prinse le dit 24 T du pays

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41 Nec enim libidine dominante temperancie locum esse, neque omnino in voluptatis regno virtutem posse consistere. Quo que magis intelligi possit fingere animo iubebat tanta incitatum aliquem voluptate corporis quanta percipi posset maxima : nemini censebat fore dubium quin, tam diu ita gauderet, nichil agitare mente, nichil ratione, nichil cogitatione consequi posset. Quocirca nichil esse tam detestabile tamque pestiferum quam voluptatem, si quidem ea cum maior esset atque longior, omne animi lumen extingueret. Hec cum Gaio Pontio Samnite, patre eius a quo Caudino prelio Spurius Postumius, Titus Veturius consules superati sunt, locutum Architam Nearcus Tarentinus, hospes noster, qui in amicicia populi Romani permanserat, se a maioribus natu accepisse dicebat, cum quidem [20v] ei sermoni interfuisset Plato Atheniensis, quem Tarentum venisse Lucio Emillo, Appio Claudio consulibus reperio. 42 Quorsus hoc ? ut intelligatis, si voluptatem aspernari ratione et sapientia non possemus, magnam habendam esse senectuti gratiam, que efficeret ut id non liberet quod non oporteret. Impedit enim consilium voluptas, rationi inimica est ac mentis, ut ita dicam, perstringit oculos, nec habet ullum cum virtute commercium. Invitus feci ut fortissimi viri Titi Flaminii fratrem, Gaium Flaminium, e senatu eiicerem, septem annis postquam consul fuisset, sed notandam putavi libidinem. Ille enim, cum esset consul in Gallia, exhortatus in convivio a scorto est ut securi feriret aliquem eorum qui in vinculis essent, damnati rei capitalis. Hic Tito fratre suo censore, qui proximus ante me fuerat, consul elapsus est ; michi vero et Flaco neutiquam probari potuit tam flagiciosa et tam perdita libido, que tum probro privato coniungeret imperii dedecus.

4 T tandiu | E diu dum ita 12 E Camillo 13 E intellegeretis | T aspernari voluptatem 15 E luberet 16 E praestringit 17 E L. Flaminimum ; var. C. Flaminimum 19 T notandum 23 T que tamen E que cum

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41 Car puisque delectacion et plaisir charnel ait seignorie ou royaume de l’omme, c’est adire ou couraige, la vertu d’attrempance ne y puest estre logee, et dedans le royaume de delectacion ne puest demourer aulcune vertu. Et a fin que ceste chose puisse estre entendue, Archites vouloit que aulcun feignist en son couraige que aulcun feust esmeu par aulcune delectacion de corps si grant comme on la pourroit apparcevoir et con-[67r]-gnoistre : il n’est, dist il, aulcune doubte que, tandiz que l’omme joiroit de celle delectacion si pleinement comme on en puest joir, que il ne pourroit soy demener en entendement ne en memoire : il ne pourroit riens acconsuyvre ne parfaire par raison ne par droit pensement. Et pour ce, disoit Archites, que il ne est chose si mauldicte ne si perverse comme delectacion de corps, et que se celle delectacion qui est petite et brieve estoit plus grant et plus longue, elle esteindroit et aneantiroit toute la lumiere du couraige et la clarté de l’ame. Et saichiez, Scipion et Lelius, que ung mien hoste appellé Nearcus, citoien de Tarente, qui longuement avoit demouré en l’amistié et alliance du peuple de Romme, disoit qu’il avoit oy racompter a plus ancians de lui que le dit Archites prononça les paroles escriptes ci devant en disputand de delectacion avec Gayus Pontius, pere du dict Archites et citoien de Sannite, une cité de Pueille. Cest Pontius fut si preu et si vaillant que en une bataille faitte devant Caudie il desconfisi deux consuls rommains, c’est assavoir Spurius Postunius et Titus Veturius ; et disputa Archites de delectacion en la presence du philosophe Platon atheni-[67v]-ois, qui lors estoit venu a Tarente, ainsi comme je trouve par les rapports de Lucius Camillus et de Appius Claudius, consuls rommains. 42 Se vous me demandez a quoy tendent les choses que j’ay cy disputees contre delectacion, je vous respon que elles tendent a fin que vous entendez que se nous, hommes, ne pouons despriser et fuir delectacion de corps par le moian de raison et de sagesse, nous devrions grandement mercier a vieillesse, puisque elle pourroit tant faire que charnele delectacion despleust, qui est desconvenable a homme jouvenceau et vieillart. Delectacion de corps empesche la deliberacion de bon conseil, elle est ennemie de raison, elle serre et cloust les yeulx de la pensee qui contient entendement et memoire ; delectacion jamais n’a marchandise avec vertu. Je fis unefoiz presques maulgré moy tant que je gettay hors du college des senateurs Gayus Flaminius, frere de Titus Flaminius, aprés ce que le dit Gayus eut esté par sept ans consul, a fin que je monstrasse qu’il estoit vituperable et difame pour ce qu’il ensuivoit delectacion de corps ;

1 BN2 dans la marge : charnele. car puis que delectacion 7 H1 que entretant que BN2 joissoit 8 T entendement et en memoire 19 BN2 desconfist 20 T et Titus Veturius et Titus Veturius 22 BN2 le rapport 24 T desputees 26 T et faillir delectacion 29 T qui desconvenable 31 P delectacion n’a jamais n’a marchandise

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XIII 43 Sepe audivi ea a maioribus natu, qui se porro pueros a senibus audisse dicebant, mirari solitum Gaium Fabritium qui, cum apud regem Pirrhum legatus esset, audisset a Thesalo Cine esse quendam Athenis qui se sapientem pro-[21r]-fiteretur eumque dicere omnia que faceremus ad voluptate esse referenda. Quod ex eo audientes Marcum Curium et Titium Coruncanium optare solitos ut id Samnitibus ipsique Pyrrho suaderetur, quo facilius vinci possent cum se voluptatibus dedissent. Vixerat Marcus Curius cum Publio Decio, qui quinquennio ante eum consulem se morti pro republica quarto consulatu devoverat ; norat eundem Fabricius, norat Coruncanius ; qui tum ex sua vita tum ex eius quem dico Publii Decii facto iudicabant esse profecto aliquid natura pulcrum atque preclarum, quod sua sponte peteretur quodque, spreta et contempta voluptate, optimus quisque sequeretur.

2 E Fabricium quod 3 T ei ne ; E Cinea ; var. Cive, Vive, Nice 5 E referunda ; var. referenda 6 T ut hic | E persuaderetur 7 T dedissem

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car, comme le dit Gayus feust par les Rommains envoié consul en Gaules, il seant a sa table fut enhorté d’une sienne ribaulde [68r] qu’il feist ferir ou tuer d’une coignee ung de ses prisonniers condempné a mourir. Cestui Gayus eschapa d’estre mort par sentence, mais il perdit son office de consul par la sentence de son frere Titus, estant lors juge de Romme, qui devant moy avoit esté prouchainement consul. Ceste delectacion si mauvaise et si dommageuse fut reprouvee de par moy et de par Flacus, adonc consuls rommains, puisque celle delectacion estoit en homme qui avoit tel singulier reprouche et tel difame et qui, avec ce, estoit en seignorie et en dignité d’office.

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XIII 43 J’ay souvant ouy dire de noz ancians peres les choses que ilz, pour lors qu’ilz estoient enfans, avoient ouy dire aux vieillars : c’est assavoir que, comme ung citoien de Romme appellé Fabricius feust envoié legat devers Pirrhus, roy des Epirhotes, le dit Fabricius ouyt dire a ung citoien de Thessalie que en l’estude d’Athenes estoit Epicurius, qui se disoit philosophe et maintenoit que toutes les choses que nous faisons se doivent raporter a delectacion de corps. De ceste opinion le dit Fabricius se esmerveilloit, et disoient ces vieillars racompteurs que Marcus Curius et Titus Coruncatius, oyans ce que j’ay dit par avant eulx deux, qui ou [68v] temps passé s’estoient abandonnez a delectacions, ilz souloient desirer que l’opinion de Epicurus feust enhortee et ditte aux Sannitois et a Pirrhus, leur seigneur, a fin que les Sannitois et Pyrrhus, ennemis des Rommains, feussent plus legierement desconfiz aprés ce que ilz se feussent abandonnez a delict et a luxure qui affloiblissent ou ostent les forces corporeles. Cestui Marcus Curius, qui en son temps se abandonna a delectacions, il avoit vescu et conversé avec Publius Decius ; et par cinq ans avant que le dit Curius feust consul cestui Decius de plein gré abandonna soy a mort pour le salut de la chose publique, lors qu’il estoit consul la quarte foiz ; Gayus Fabricius et Coruncanius congnoissoient le bon chevalier Decius : ces deux Fabricius et Coruncanius pouoient certainement juger et congnoistre tant par la conversation et par le noble fait de Decius, dont je parle, que aulcune chose est naturelment si belle et si tresnoble que elle doit estre quise et desiree de plein gré, et ceste chose si belle et si tresnoble n’est aultre chose que louange de vertu qui est tele que pour elle chascun tresbon homme doit despiter et fouler delectacion de corps a fin qu’il acconsuive louenge de vertu. [69r]

2 T ribaulde et qu’il 4 BN2 office de senateur 8 T difame qui 24 H2 adonna 28 T Cormicamius | T Cormincamus H1 saut de Coruncanius à Coruncanius

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44 Quorsum igitur hec tam multa de voluptate ? Quia non modo vituperatio nulla, sed eciam summa laus senectutis est quod ea voluptates nullas magnopere desiderat. Caret epulis extructis que mensis et frequentibus poculis ; caret ergo iam vinelencia et cruditate et insomniis. 5

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Sed si aliquid dandum est voluptati, quoniam eius blandiciis non facile obstimus, divine enim Plato « escam malorum » appellat voluptatem, quod ea videlicet homines capiantur ut pisces, quamquam immoderatis epulis ca-[21v]ret senectus, modicis tamen conviviiss delectari potest. Gaium Duellium, Marcum filium, qui Penos classe primus devicerat, redeuntem a cena senem sepe videbam puer : delectabatur crebro funali et tibicine que sibi nullo exemplo privatus sumpserat ; tantum licentie dabat gloria ! 45 Sed quid ego alios ? ad me ipsum iam revertar. Primum habui semper sodales ; solidates autem me questore constitue sunt, sacris Ydeis Magne Matris acceptis ; epulabar igitur cum sodalibus omnino modice, sed erat quidem fervor etatis ; qua progrediente, omnia fiunt in dies mitiora ; neque enim ipsorum conviviorum delectacionem voluptatibus corporis magis quam cetu amicorum et sermonibus metiebar. Bene enim maiores accubitationem epularem amicorum, quia vite coniunctionem haberet, convivium nominaverunt, melius quam Greci qui hoc idem tum compotationem tum concenationem vocant, ut, quod in eo genere minimum est, id maxime probare videantur.

1 E Quorsus ; var. Quorsum | T om. hec 4 E vinolentia ; var. vinulentia 7 E obsistimus | T appellat non 10 T sena 12 T om. ego 13 E sodalis sodalitates 17 E om. corporis 18 E accubitionem

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44 Pour tant donques vous me pouez demander a quoy j’ay dit tans de choses de delict et luxure ; si vous respon que le vitupere n’est pas seulement nul, mais mesmement c’est la grant louange de vieillesse que elle ne desire gueres delectacions charneles. Il ne chault a vieillesse de grans ne de diverses viandes, ne de tables delicieusement apprestees, ne de pluseurs ne de divers beuvrages. Vieillesse n’a cure de soy emplir de vin ; vieillesse ne souffre point celle torture de ventre qui advient par tant ou si souvant prendre viande que elle demoure crue dedans l’estomac ; vieillesse ne degaste mie en veilland le temps que Nature a ordonné a dormir.

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Certes, le philosophe Platon, qui parla divinement, appella delectacion « l’esche des mauvaiz hommes », pour ce que les hommes sont prins et deceuz par delectacion ainsi comme les poissons sont prins et deceuz par l’esche mise en l’ameçon. Combien que vieillesse ne ait cure de mangiers excessifz, toutevoies elle se peuest delicter en viandes et en tables petites et attemprees. Ou temps que je fu juene, je voioie souvant ung vieil consul de Romme appellé Gaius Duellius quant il venoit de souper ou disner. Cestui Dueillius fut [69v] le premier qui par navire desconfisi les Africains. Il souvant se delictoit ou jeu de la corde et en oir le son d’une chalemie. Il avoit prins pour sa seule delectacion ces deux jeux sanz ce que il eust veu aulcun des ancians soy ainsi delicter et esbatre. Et ceste licence de delectacion avoit Duellius pour cause de sa victoire glorieuse par quoy il desconfisi ceulx d’Afrique. 45 Mais il n’est ja mestier de recorder en quoy les aultres vieillars preignent leurs honnestes delectacions. Pour tant je retournerai a parler de moy mesme, car de ma juenesse j’ay eu tousjours compaignons et accointes, et aprés que je fu en l’office de questeur a Rome furent ordonnees les compaignies et accointances des jouvenceaux, et en ce mesme temps receurent les Romains de ceulx de Frige la maniere de sacrifier a la deesse Berecinthia, qui est la Grant Mere des dieux ; je mangeoie et beuvoie avec mes compaignons attrempeement, sanz quelconque excés. Mais en moy estoit encores une chaleur de juenesse, mais tandiz que elle procede oultre en approuchant vieillesse, toutes les delectacions du corps se adoulcissent et appaisent. Et saichiez que je ne comptoie plus la delectacion des viandes et vins aux delectacions du corps, ne que je [70r] faisoie la delectacion que je prenoie en la compaignie de mes amis et aussi en leurs paroles. Et considerez, Scipion et Lelius, que noz ancians peres qui mistrent les noms aux choses nommerent bien et proprement « convit » l’assiete des amis beuvans et mangens a table, ainsi comme se ilz eussent voulu dire que la compaignie d’un convit doit avoir conjoincte vie et coustumes samblables. 2 T delit aluxure 7 T tant et si 12 BN2 les mauvais hommes | T prins et deuz par 14 P toutevoies se elle se 16 BN2 je estoye jenne 18 BN2 desconfit 37 T mangeans ensemble ainsi

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XIV 46 Ego vero propter sermonis delectationem tempestivis quoque conviviis delector, nec cum equalibus solum, qui pauci iam admodum restant, sed cum vestra etiam etate atque vobiscum, habeoque senectuti magnam [22r] gratiam que michi sermonis auditatem auxit, potionis et cibi sustulit. Quid si quem etiam ista delectent, ne omnino bellum indixisse videar voluptati, cuius est fortasse quidem naturalis modus, non intelligo ne in istis quidem ipsis voluptatibus carere sensu senectutem. Me vero et magisteria delectant, a maioribus instituta, et is sermo qui more maiorum a summo magistro adhibetur in poculis, et pocula, sicut in Simposio Xenophontis est, « minuta atque rorantia », et refrigeratio estate et vicissim aut sol aut ignis hibernus ; que quidem etiam in Sabinis persequi soleo, conviviumque vicinorum quotidie compleo, quod ad multam noctem, quam maxime possumus, vario sermone producimus. 47 At non est voluptatum tanta quasi titillation in senibus. — Credo, sed ne desideratio quidem ; nichil autem molestum quod non desideres. Bene Sophocles, cum ex eo quidam iam affecto etate quereret uteretur ne rebus veneriis : « Dii meliora ! inquit ; ego vero instinc sicut a domino agresti ac furioso profugi. » Cupidis enim rerum talium odiosum fortasse et molestum est carere ; satiatis vero et expletis iocundius est carere quam frui ; quamquam non caret is qui non desiderat ; ergo hoc non desiderare dico esse [22v] iocundius.

4 E aviditatem 9 P pocula sint sicut 14 E desideratur ; var. desideratio 16 E libenter vero ; var. ego vero | E sicut ab ; sicut a 18 E om. hoc ; var. hoc | T iocundus

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Les Grecs ne distrent pas si bien, car en lieu de convit ilz distrent « commanger » et « comboire », ainsi comme se les Grecs voulsissent approuver et louer le manger et le boire qui est la moindre chose en compaignie d’amis. XIV 46 Pour tant vous dy, Scipion et Lelius, que je me delicte en convenables et bien ordonnez convictz pour la delectacion que j’ay de parler avec mes compaignons et amis et que ilz ont avec moy. Et si ne me delicte pas seulement avec mes pareilz en eage, car maintenant il en y a trespou qui encores soient vifs, mais je me delicte avec ceulx de vostre eage et aussi avec vous, et si doy rendre grant grace a vieillesse qui m’a accreu et multiplié le desir de parler avec mes compaignons et amis. Mais se vous me demandez quele soie ma sentence se aul-[70v]-cuns vieillars se delictent en boire et en manger, je respon que, a fin qu’il ne samble que je vueille mouvoir guerre contre toute delectacion ad ce que aulcun n’en use ; saichiez, Scipion et Lelius, que je ne enten ne ne vueil que vieillesse soit desnuee de son naturel sentement par chose que elle perde toutes les delectacions qui sont en boire et en mangier : car aux hommes eschiet par adventure aulcune delectacion qui en soy contient naturele maniere fondee en honnesteté de meurs. Car je pren delectacion en avoir les dignitez et offices ordonnez par nos ancesseurs ; je pren delectacion en la parole du maistre bouteillier d’un hostel quant il me prie de boire pour l’amour d’aulcun homme selon la coustume faitte par noz ancesseurs ; et aussi je me delicte es abeuvreours a moitié pleins de vin frec et froit selon la coustume que ung auteur grec appellé Xenophon l’escrivi en ung sien livre nommé Simoposium, ou quel il tracte et monstre comment l’en doit faire les convictz entre les amis et compaignons ; je me delicte ou temps d’esté a sentir le vent froit, et aussi ou temps de yver je me delicte estre une foiz au souleil et aultrefoiz au feu ; et certes je ensui ces delectacions [71r] dessus dictes quant je sui en mon villaige avec les Sabinois, mes voisins, et fais chascun jour convict et assamblee de mes voisins quant je sui a Sabine : et si allongissons le plus que nous pouons nostre convit jusques a grant partie de la nuit en parlant de pluseurs choses et de diverses matieres. 47 Et se tu diz, Scipion, que la delectacion des plaisirs corporelz n’est mie si grant es couraiges des vieillars que elle les puisse chatouillier et esmouvoir a luxure, certes Scipion je t’en croy : car aussi le desir des delectacions n’est mie es vieillars pour les chatouillier ne esmouvoir a luxure. Car se tes delectacions sont trop grans, tu ne desireras chose qui ne soit engoisseuse et triste a ton couraige.

2 T comme s’ilz les Grecs 11 T je respon afin 13 P aulcun use n’en use 15 H2 delectacions est ajouté dans la marge 17 T fondee et honneste de meurs 24 H1 a sentir a sentir 25 H1 aussi en yver 28 T suis en Sabine 30 H1 beuvraiges 33 T mie aux vieillars

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48 Quod si ipsis voluptatibus bona etas fruitur libentius, primum parvulis fruitur rebus, ut dicimus, deinde hiis quibus senectus, etiam si non habunde potitur, non omnino caret. Ut Turpione Ambunio magis delectatur qui in prima cavea spectat, delectatur etiam qui in ultima, sic adolescentia voluptates prope intuens magis fortasse letatur, sed delectatur etiam senectus procul eas spectans tantum sat est. 49 At illa quanti sunt animum delectant, tanquam emeritis stipendiis libidinis, ambitionis, contentionum, inimiciciarum, cupiditatum omnium, secum esse secumque, ut dicitur, vivere ! Si vero habet aliquod tanquam pabulum studii atque doctrine, nichil est ociosa senectute iocundius. Mori videbamus in studio demetiendi pene celi atque terre Gallum, familiarem patris tui, Scipio ; quotiens illum lux noctu aliquid describere ingressum, quotiens nox oppressit cum mane cepisset ! quam delectabat eum defectiones solis et lune multo ante a nobis predicere !

1 E quodsi istis ipsis ; var. quodsi ipsis 2 E diximus | E abunde ; var. habende 3 E Ambivio 4 E propter 9 E om. delectant 8 T tamquam 12 T demetiendo ; E dimetiundi ; var. dimetiendi ; demetiendi | E terrae C. Galum ; var. terrae Galum

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Le philosophe Sophocles, qui ja estoit affloibloie de corps, respondi bien et pertinemment a ung qui lui demandoit se il usoit plus des delictz de luxure : « Je prie Dieu, dit Sophocles, qu’il me doint desirer meilleurs choses, car je me sui esloingnié et defuyt des delictz de luxure ainsi comme l’en se defuyt et esloingne d’aulcun seigneur estrange et forsenné. » Et saichiez, Scipion et Lelius, que c’est par adventure chargeuse chose et haynneuse aux jouvenceaux convoitens les delicts de luxure se ilz n’en peuent joir ; [71v] mais aux vieillars qui sont saoulx et empliz de telz delictz, c’est plus joieuse chose d’en estre privez et quittes que d’en user et joir ; combien que cellui ne soit mie privé des delictz corporelz qui jamais ne les desire ; je di donques que c’est plus joieuse chose de non desirer les delectacions que de les avoir. 48 Mais se l’eage de bonne et honneste juenesse use de ces delectacions, elle use plus voulentiers premierement d’aulcunes petites choses delectables, ainsi comme nous avons ci devant dict ; et aprés les bons jouvenceaux se delictent en ces delectacions honnestes en quoi vieillesse mesmement se delictoit. Et combien que vieillesse ne use mie abundamment et a plein des delictz corporelz, si n’en est elle pas du tout privee ne forcluse, ainsi comme vous pouez veoir par cest exemple : a Romme est ung homme appellé Turpio Albinus, qui joue et contrefait les parsonnages quant les poetes chantent farces ou tragedies ou aultres dictiez en vers ou lieu que l’en appelle la scene ou le theatre. Cellui donques qui est ou premier estage pres du joueur, il a grant delectacion es paroles et ou maintien du joueur, mais aussi se delicte cellui qui est ou derrenier estage et plus loing du theatre : aussi te di je, [72r] Scipion, que l’eage de adolescence qui de pres resgarde les delectacions se esjoist par adventure plus que ne fait une aultre eage, mais aussi vieillesse, qui voit de loing les delectacions, elle y prend delict tant que il lui souffit. 49 Mais se vous me demendez de quel pris sont les menues delectacions que vieillesse prent et qui sont si loingtaignes du corps, je vous respon que ces menuz plaisirs ne delictent pas le corps, mais ilz delictent le courage qui est la plus excellente partie de l’omme. Les petites et honnestes delectacions, comme dient les vieillars, font le couraige estre et vivre avec l’omme, car adonc cessent les gaiges et les souldeez de luxure, de convoitise, de contencions, de ennemistiez et de toutes convoitises, ainsi comme il advient aux chevaliers ou officiers publiques qui aprés soixante ans saillent hors de leurs offices et viennent au repoz.

1 BN2 nota bene dans la marge 2 H1 je dieu dieu dist 5 H1 saiches 7 T convoitteux des delitz 9 H2 quittes d’en user |BN2 mie prins 18 P est ung appellé homme appellé | H2 Albunus 20 BN1 H1 la theatre 29 T vieillesse y prent 31 H2 partie du corps de l’omme | T petites honnestes 32 T vieillas ; T estre en vivre 35 T saillant

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50 Quid in levioribus studiis, sed tamen acutis ? quam gaudebat Bello suo Punico Nevius ? quam Truculento Plautus, quam Seudulo ! Vidi etiam senem Levium, qui, cum sex annis [23r] antequam natus sum fabulam descripsisset Centenio Tuditanoque consulibus, usque ad adolescenciam meam processit etate. Quid de Publii Licinii Crassi et pontificii et civilis iuris studio loquar, aut de huius Scipionis qui hiis paucis diebus pontifex maximus factus est ? Atqui eos omnes quos commemoravi hiis studiis flagrantes senes vidimus. Marcum vero Cethegum quam recte « Suadam medullam » dixit Ennius, quanto studio excerceri videbamus in dicendo etiam senem ! Que sunt igitur epularum aut ludorum aut scortorum voluptates cum hiis voluptatibus comparande ? Atqui hec quidem studia doctrine ; que quidem prudentibus et bene instutis pariter cum etate crescunt, ut honestum illud Solonis sit quod ait versiculo quodam, ut ante dixi, senescere se multa in dies addiscentem. Qua voluptate animi nulla certe potest esse maior.

4 Centumo ; E Centone 8 E Suadae ; var. Suade, Suadem, Suadam, Suadu 9 T in dicendam 11 T quidem studentibus | E institutis

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Il n’est chose plus joieuse ne que vieillesse oiseuse et reposant, mais que elle ait pasture et refection d’estude, de sapience et aulcune doctrine pour enseigner aultrui les choses qu’il aprist en juenesse. Souviengne toy, Scipion, par quantes foiz nous veismes ce vaillant homme Gallus, familier de ton pere, le quel estoit si vieil qu’il [72v] sambloit qu’il mourist et si continuoit par delectacion l’estude de astronomie et de geometrie, qui sont deux sciences enseignens mesurer et le ciel et la terre. Souviengne toy, Scipion, par quantes foiz cestui Gallus par delectacion ait commencié par nuyt a escrire aulcunes conclusions de ces deux sciences si longuement que le jour le surpreist ! Et souvant il escrivi et estudia fin a la nuict et si avoit commencié au matin ! Il prenoit grant delectacion de nous dire l’eclipse du souleil et de la lune par avant long temps que elle advenist ! 50 Tu sces aussi comment Gallus se delictoit en estude de legieres sciences comme sont grammaire, logique, rethorique, mais elles sont agues et soubtiles. Tu sces aussi comment cestui vieillart Nevius se delictoit en ung livre qu’il dicta et escrivi d’une bataille faicte par les Rommains contre ceulx de Carthage. Tu sces aussi comment le poete Plautus se delictoit en deux comedies qu’il fist, dont l’une a nom Truculentus et l’aultre Seudulus : en la premiere il tracte de la cruaulté d’un varlet envers son maistre, et en l’aultre il tracte de la faulseté d’un serf envers son seigneur. J’ay aussi veu ung vieillart po-[73r]-ete comique appellé Levius qui en l’estude de Romme enseigna a ses escoliers une sienne fable de comedie par six ans avant que je feusse né, et si proceda Levius en bel eage jusques au temps de mon adolescence, pour lors que Sentonius et Tudicanus estoient consulz de Romme. Quoy veulx tu, Scipion, que je te die du labour et de l’estude des vieillars ? Publius Licinius escrivi et tracta du droit divin, selon le quel les evesques et prestres doivent sacrifier et servir aux dieux ; Licinius aussi escrivi et tracta de droit civil, selon le quel il fault gouverner les citez, les pays et les gens ; ou quoy veulx tu que je te die du labour et de l’estude de cestui Scipion Nasica, ja vieillart, qui presentement a esté esleu et ordonné le tresgrant evesque de Romme ? Car certes nous avons veu tous ceulx cy que je t’ay recordé, qui estoient vieillars ardens et ententifs es oeuvres que dit ay, esqueles ilz ont eu plaisirs et delectations honnestes ! Pensse aussi, Scipion, en combien grant labour d’estude je voioie besoingner cest vieillart Marcus Cethegus, a qui le poete Ennius mist nom « Suade medulla », pour ce que Cethegus, par bel et doulz langaige, flechissoit les hommes a croire et consentir tout ce que [73v] il causeoit.

1 T oiseuse, reposant | BN2 nota bene dans la marge 4 BN2 H1 ce vieillart homme 5 BN1 H1 morust 10 H1 fin jusques a 15 H1 delicta 17 H1 aussi comme 18 T Curculantus 23 BN2 Satonius et Euditanus 25 T Lucinius l’escrivi 27 H1 escripvit 29 H1 Cipion 30 H1 veux 34 T Suamedula BN2 Suademodulla

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XV 51 Venio nunc ad voluptates agricolarum, quibus ego incredibiliter delector ; que nec ulla impediuntur senectute et michi ad sapientis vitam proxime videntur accedere. Habent enim rationem cum terra, que nunquam recusat imperium nec unquam sine usura reddit quod accepit, sed alias minore, plerumque [23v] maiore cum fenore. Quamquam me quidem non fructus modo, sed etiam ipsisus terre vis et natura delectat : que, cum gremio mollito ac subacto sparsum semen excipit, primum id occatum cohibet, ex quo occatio que hoc efficit nominata est, dein tepefactum vapore et compressu suo difundit et elisit ex eo herbescentem viridatem, que, nixa fibris stirpium, sensim adolescit, culmoque erecta gemiculato, vaginis iam quasi pubescens includitur ; equibus cum emerserit, fundit frugem spice ordine structam, et contra minorum avium morsus munitur vallo aristarum.

7 T primum hic 11 E emersit ; var. emerserit

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Vous pouez donques veoir et congnoistre queles soient les delectacions des viandes, des jeux et des ribauldes au resgart et a comparaison des estudes en quoy se delictoient les saiges vieillars que j’ai dessus nommez. Certes, cestes estudes de doctrine et de science ensuivirent et ensuivent les saiges hommes bien ordonnez en meurs, et si ont esté et sont cestes estudes teles que elles croissent et multiplient pareillement avec l’eage ; en tant que celle bonne et honneste sentence dicte par le philosophe Solon est esprouvee et vraye ainsi comme par avant j’ay dit, cest philosophe Solon dit qu’il devenoit saige en apprenend chascun jour maintes choses qu’il onques ne avoit sceues. Il n’est certes aulcune plus grant delectacion de couraige ne que est celle par quoy les saiges vieillars apprenent aulcune chose, ainsi comme faisoit le tressaige Solon. XV 51 Aprés ce que j’ai parlé jusques ci des estudes et des besoingnes en quoy les hommes saiges et lettrez ont eu et peuent avoir plaisirs honnestes et delectacions, je vien maintenant a parler des delectacions que les saiges vieillars peuent avoir es labouraiges des terres, en quoi je me delicte plus que l’en ne pourroit croire ; vieillesse ne empesche point [74r] les delectacions qui naiscent du cultivement des terres, et si sont teles que ainsi comme il me samble elles sont tresprouchainnes et voisines a la vie d’un homme philosophe. Car les saiges vieillars procedent par raison naturele es labouraiges de terre, et la terre ne refuse ne ne desobeist point au commendement du saige vieillart laboureur, car la semence que la terre a receue, elle ne la rend jamais sanz usure : c’est adire que la terre rend le double et non mie le simple, mais la terre en ung temps rend ce que elle a receu en moindre usure et aulcune foiz en plus grant. Et ja soit ce que la terre rende ce que elle reçoit avec usure, toutevoies les fruictz de terre ne me delicte pas seulement, ains mesmement me delicte congnoistre la force et la nature par quoi la terre engenre les choses necessaires aux hommes et aux bestes : quant la terre reçoit la semence espendue en son giron amollie et batu, elle clost et enserre premierement celle semence couverte par cherue ou par harse, et le temps en quoy l’en espend et couvre l’en les blefs pour ceste cause est appellé la « saison de semailles ». Aprés ce que la semence est eschaufee par chaleur de souleil et par l’espreinture que la terre fait a la semence [74v] qui dedans est couverte, la terre espend et gette hors de celle semence une herbe verdoiant la quele, appoyee dedans terre a petites racines et aux troncs des tuyaux, croist et aggrandit pou a pou, et aprés elle se drece en ung festu plein de

2 BN1 yeux 4 BN2 ensuirent et ensuivent 8 T par avanture 9 T jour ai 15 H1 saut de delectacions à delectacions 17 P réclame au bas du fol. 73 v°: les delectacions 20 T les saiches vieillars 26 P delicte T deli(c)tent 28 BN2 la semence en son giron espandue amollie et batue H1 amollie et abatue 31 T appellee (mais P accorde appelé avec temps) H1 appellé le « temps de semailles » 32 BN1 H1 l’emprainture 34 T tronz de tuiaux BN2 troux des tuyaulx | H2 se adresse

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52 Quid ego vitium ortus, satus, incrementa commemorem ? Satiari delectacione non possum, ut mee senectutis requiem oblectamentumque pernoscatis : omitto enim vim ipsam omnium que generantur e terra, que, ex fici tantulo grano aut ex acino vinaceo aut ex ceterarum frugum aut stirpium minutissimis seminibus, tantos truncos tantos que ramos procreet ; malleoli, plante, sarmenta, vites, radices, propagines nonne ea efficiunt ut quemvis cum ammiratione delectent ? Vicis quidem, que natura caduca est et, nisi fulta est, fertur ad terram, eadem, ut se erigat, claviculis su-[24r]-is quasi manibus quicquid est nacta complectitur ; quam, serpentem multiplici lapsu et erratico, ferro amputans coercet ars agricolarum, ne silvescat sarmentis et in omnes partes nimia fundatur. 53 Itaque ineunte vere in hiis que relicta sunt existit tanquam ad articulos sarmentorum eaque gemma dicitur ; aqua oriens una se ostendit, que, et succo terre et calore solis augescens, primo est peracerba gustatu, dein maturata dulcescit, vestitaque pampinis nec modicatempore caret et nimios solis defendit ardores. Qua quid potest esse tum fructu letius, tum aspectu pulcrius ? Cuius quidem non utilitas me solum, ut ante dixi, sed etiam cultura et natura ipsa delectat, ad miniculorum ordines, capitum iugatio, religatio et propagatio vitium, sarmentorum ea, quam dixi, aliorum amputatio, aliorum in missio. Quid ego irrigationes, quid fossiones agri repastionesque proferam, quibus fit multo terra fecundior ? Quid de utilitate loquar stercorandi ?

3 E noscatis 5 E tantis truncos ramosque | T procedit 6 E uiuiradices ; var. uitis radices 7 T nisa 14 T panpinis | E modico tepore ; var. tempore

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neux, et puis qui vient aux premieres arestes il s’encloust de petites fueilles comme gaynnes ; et aprés que la semence est exue de ces fueilles, elle gette ung espi en quoy le blef est ordonné en rengé, telement que l’un des grains ne bouste point hors l’aultre, et a fin que les petiz oiseaux ne degastent les grains, l’espi est armé de la clousure d’arestes, es queles chose congnoistre et frequenter vieillesse puest prendre grant et honneste delectacion. 52 A quoy recorderoie je les delectacions et plaisirs que vieillesse puest prendre en considerer et congnoistre les natures des vignes, les manieres des complans et des prouvignemens ; car a fin que vous congnoissiez le repoz et le delit de ma vieillesse, je vous di que je ne me puiz saouler de la delectacion que je pren es labouraiges des blefz et vignes : je lesse a compter quele delectacion vieillesse prend en congnoiscend et en considerand la force naturele de toutes les choses qui sont engendrees de terre, car d’un petit grain [75r] de figue ou d’un petit pepin de raisin ou d’un petit grain de blef ou d’aultre semence ou d’aulcunes tres menues vergetes d’arbres la terre engendre grans troncs et grans rainceaulx. Je vous demende encores, Scipion et Lelius, se les nouvelles boutures de la vigne, se les seps que l’en replante, se les sarmens que l’en tranche, se les vignes chargees de grapes, se les racines qui se extendent dedans terre et les prouvains qui espessissent la vigne ne donnent pas assez de delectacion et plaisir aux vieillars, mais que ilz vueillent considerer en eulx esmerveilland des choses dessus cy dictes ? Aultre chose puet donner a vieillesse honneste delectacion : c’est assavoir considerer comment la vigne, qui naturelment verse et chiet a terre se elle n’est soustenue et appoyee, elle se drece en hault et tout ce que elle atteint elle embrace et empoingne par ses vehilles, ainsi comme se elle eust mains ; et les laboureurs des vignes, selon art et raison, defendent que la vigne ne croisce oultre mesure, car ilz la coupent a la sarpe quant le bois trahine sur terre et, quant il se depart en diverses et tortues branches, a fin que la vigne ne espessisse par trop grans sarmens et que elle ne se estende en trop de parties. 53 Et au commencement [75v] du printemps, la vigne croist es sarmens qui sont laissiez es souches, et es neux des sarmens vient une eaue que l’en appelle « gemme », dont aprés se monstre le bourgon dont vien la grape, et ceste grape qui, par la moiteur de la terre et moyannant la chaleur du souleil, commence a engroissir, est au commencement aigre et amere au goust, et depuis que elle est meure elle adoulcist et puis se vest de ses fueilles, par quoi la grape reçoit chaleur bien attrempee, et si est defendue de trop grant ardeur de souleil. 1 P puis qui peut se lire puis qu’i | H1 puis qu’il | T petites fleurs comme 2 T hyssue 3 T en rengle 4 H1 grains de 5 T de clousure H2 closture 6 H1 prendre en considerer grant 9 H1 la maniere 12 T labourages de blez 18 T sermens 22 T choses dessudictes 28 T diverses tortues branches 29 H1 espesisse a trop

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54 Dixi in eo libro quem de rebus rusticis scripsi ; de qua doctus Hesiodus ne verbum quidem fecit, cum de cultura agri scriberet ; at Homerus, qui multis, ut michi videtur, ante seculis fuit, Laertem lenientem desiderium quod capiebat e filio, colentem [24v] agrum et eum stercorantem facit. Nec vero segetibus solum et pratis et vineis et arbustis resrustice letesunt, sed ortus etiam et pomeriis, tum pecudum pastu, tum apium examinibus et florum omnium varietate. Nec consitiones modo delectant, sed insitiones, quibus nichil invenit cultura solertius.

8 E agricultura

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Je ne voy certes comment aulcune delectacion puisse estre plus joieuse ne que est le fruict de la vigne, ne plus belle a veoir ! Et saichiez, Scipion et Lelius, que ainsi comme j’ay ci devant dict, le fruict de la vigne ne me fait pas seulement avoir delit, mais mesmement le coultivement et la nature de la vigne me delictent a veoir, les rangés des eschalatz qui soustiennent la vigne, loyer ung bout egaulment comme l’aultre, accoller chascun marrien a son propre eschallact et les croissemens des vignes et la coupeure des sarmens, dont les aulcuns sont ostez pour ardoir et les aultres sont prins pour replanter ailleurs, me font grans delectacions et plaisirs. Il [76r] n’est ja besoing que je racompte queles delectacions font a vieillesse les arrousemens et les surfouisseures et les essartemens que l’en fait en ung champ, par lesqueles trois choses la terre devient plus planteureuse. A quoy est il besoing que je parle de la delectacion que les vieillars peuent avoir du proufit qui advient de fianter les champs ? 54 J’ay parlé du fiantement des terres en ung mien livre que j’ay escript du labouraige des champs et de la fianterie des terres ; ung saige auteur appellé Hesiodus n’en dist onques ung mot quant il escrivi son livre que l’en dit du labourage des champs ; mais le poete Omer — qui fut ainsi comme il me samble par pluseurs siecles avant Hesiodus, qui fut de Astre la cité, qui bailla la maniere de labourer les terres et les choses qui de elles naiscent, selon le quel Virgile le poete escrivi Georgiques — cellui Homer par ses vers dit que Laertes, roy de Ythacie en Grece, pere du roy Ulixes, avoit tresdoulx plaisir en ung sien filz qui coultivoit et fiantoit ung sien champ dont il estoit plus joieux, plus bel, plus planteureux. Et saichiez, Scipion et Lelius, que les choses et les besoignes des laboureurs des champs ne sont pas joieu-[76v]-ses ne plaisens seulement par les blefs, ne par les prez herbus, ne par les vignes pleines de grapes, ne par divers arbrinceaulx, mais aussi les choses et ouvraiges des laboureurs sont joieux et delectables par les courtilz pleins de diverses herbes, par les vergiers entez de diverses arbres, et par la nourriture des bestes, et par les ruches de moisches qui font cire et miel, et par la diversité de toutes flours et roses. Et non pas seulement les vieillars ont delectacion es arbres que ilz plantent ou font planter, mais aussi ilz se delictent a enter une arbre sur une aultre, qui est la plus soubtile et la plus artificiele chose qui feust onques trouvee par laboureurs de terre.

1 P joieu . se ne que est le n (un point encerclé semble signaler la correction : joieuse au lieu de joieu se ; le n barré se trouve en fin de ligne) | T joyeuse 5 T delicte | H1 equallas 11 T fait a ung 12 T A quoy il est 15 BN1 H1 fianture 16 H1 escripvit 18 BN1 H1 d(e)’Acre la cité bailla H2 Hastre 21 BN1 H1 Ytallie 23 T Eschiez Scipion 25 H1 herbus ne ne 26 T mais aussi les ouvraiges 28 H2 diverses arbres 30 H1 font et 30 T delectacions |T ung arbre sur ung autre | ung arbre sur ung autre

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XVI 55 Possum persequi permulta oblectamenta rerumristicarum ; sed ea ipsa que dixi sentio fuisse longiora ; ignoscetis autem : nam et studio rerumristicarum provectus sum, et senectus est natura loquacior, ne ab omnibus eam viciis videar vindicare. Ergo in hac vita Marcus Curius cum de Samnitibus, de Sabinis, de Pirrho triumphavisset, consumpsit extremum senectutis ; cuius ego villam contemplans, ab est enim non longe at me, ammirari satis non possum vel hominis ipsius continenciam vel temporum disciplinam. Curiam ad focum sedenti magnum auri pondus Samnites cum attulissent, repudiati sunt : non enim aurum habere preclarum sibi videri dixit, sed eis qui haberent aurum imperare. 56 Poterat ne animus tantus efficere non iocundam senectutem ? Sed venio ad agricolas ne a me ipso recedam. In agris erant tum senatores, id est senes, si [25r] quidem arante Lucio Quincio Cincinato nunciatum est eum dictatorem esse factum ; cuius dictatoris iussu magister equitum Gaius Servilius Athla Spurium Melium regnum appetentem occupatum interemut.

1 P rerumrusticarum provectus sed 3 T rerumrusticarum 6 E extremum tempus aetatis 15 E Ahala ; var. Ahalam, Ahalas, Adhalas

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XVI 55 Je puis se je vueil compter et dire maintes delectacions et mains plaisirs qui sont es labouraiges champestres, mais les delectacions que j’ay dessus comptees sont plus longues et plus durables que ne sont les aultres que je lesse a compter ; je pense, Scipion et Lelius, que vous me pardonnerez pour ce que je sui long parleur en racomptand les delectacions qui naiscent du labouraige des terres — et a fin qu’il ne samble que je vueille defendre et affranchir vieillesse de tous vices, je vous dy [77r] que vieillesse, selon nature, parle plus que une aultre eage ! Et pour avoir ces delectacions, cest noble homme rommain Marcus Curius voult user et finir le remanant de sa vieillesse en labourages de terres, aprés ce qu’il eut receu a Romme l’onneur de triumphe pour la victoire qu’il eut des Sannitois, des Sabinois et de Pirrhus, roy des Epirohotes, que le dit Curius desconfisi par bataille ; quant je considere le villaige et le terrouer du dit Curius, qui est assez pres du mien, je ne puis assez esmerveillier la perseverance du dict Curius, ne l’estude qu’il eut en son temps envers les choses pertinens a labouraige : il advint que le vieillart Curius une foiz se seoit a son feu, au quel les Sannitois avoient apporté ung grant mulon d’or pour lui en faire presant ; Curius, vieillart et de noble couraige, leur refusa sa presence et ne tint compte de eulx ne de leur or, et dist aux Sannitois que il ne lui sambloit point que ce feust tresbelle ne noble chose de avoir ung grant tas d’or, maiz c’estoit tresnoble et tresbelle chose d’estre seigneur des gens qui eussent et or et aultres richesses. 56 Dites moy, Scipion et Lelius, se il [77v] ne vous samble pas que, puisque Curius avoit si grant et si noble couraige, il ne pouoit avoir si non joieuse vieillesse, la quele est seulement joieuse quant le vieillart congnoist soy tousjours avoir vescu bien et selon vertu ? Mais je vien a parler des delicts et plaisirs que les vieillars ont en congnoiscend et en frequentand les coultivemens des terres, et de ceste matiere je parle a fin que je ne me esloingne de mon mestier qui sui laboureur de champs. Anciannement, les senateurs, c’est adire les vieillars rommains, demouroient es villages, et pour lors que Lucius Quintius, ja vieillart, aroit en ung sien champ, ung messagier lui denonça que les Rommains l’avoient esleu pour estre dictateur, qui estoit a Romme le plus grant des offices ; par le commendement de cestui Quintius, dictateur, Gayus Servilius, lors maistre des chevaliers de Romme, occit ung chevalier rommain appellé Spurius Melius, qui estoit environné de gens armees, pour ce que le dit Spurius vouloit prendre pour soy le royaume de Romme.

2 H1 sont en 8 T que ung autre 9 T ses delectacions | BN2 manchette dans la marge 10 H1 ramenant 13 H1 om. Curius 18 T sa prense et 19 T Samnitois 20 BN2 tresbelle et noble 24 T quant vieillart 30 T auroit 34 T Spirius

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A villa in senatum arcessebantur et Curius et ceteri senes ; ex quo qui eso arcessebant viatores nominati sunt. Nun igitur horum senectus miserabilis fuit, qui se agri cultione oblectabant ? Mea quidem sentencia haud scio an ulla beatior possit esse, neque solum officio, quod hominum generi universo cultura agrorum est salutaris, sed et delectatione qua dixi et saturitate copiaque rerum omnium que ad victum hominum, ad cultum etiam deorum pertinent, ut, quoniam hec quidem desiderant, in gratiam iam cum voluptate redeamus. Semper enim boni assiduique domini referta cella vinaria, olearia et iam penaria est, villa quoque tota locuples est, abundat porco, edo, agno, gallina, lacte, caseo, melle. Iam ortum ipsi agricole succidiam alteram appellant. Conditiora facit hec supervacanei etiam operis aucupium atque venatio. 57 Quid de pratorum viriditate aut arborum ordinibus aut vinearum olivetorum ve specie plura dicam ? [25v] Breviter predicam : agro bene culto nichil potest esse nec usu uberius nec specie ornatius. Ad quem fruendum non modo non retardat, verum etiam invitat atque allectat senectus : ubi enim potest illa etas eque aut calescere vel apricatione melius vel igni, aut vicissimi umbris aquis ve refrigerari salubrius ?

3 E nulla ; var. ulla 12 T ve spem 13 E Brevi | T spem

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L’en appelloit aussi Curius, dont nous parlasmes, pour assambler avec les senateurs de Romme pour lors [78r] qu’il demouroit en son villaige ; les sergens qui appelloient les vieillars rommains de par le senat sont nommez « voyageurs ». Si vous demande, Scipion et Lelius, se la vieillesse de ceulx qui se delictoient ou cultivement des terres vous samble estre mescheant et maleureuse ? Je di, selon ma sentence et mon advis, que je ne sçai se aulcune vieillesse puisse estre meilleur ne plus bieneuree ne que est celle qui se delicte en coultiver les champs : car le labourage des champs qui par son office n’est pas seulement proufitable salutaire a tout l’umain lignage, mais le coultivement des terres est bon et proufitable par la delectacion de soy excerciter comme j’ay dessus dict, et si est le coultivement des champs bon et proufitable par la refection et abundance de toutes choses qui appartiennent a la vitaille des hommes et mesmement au service des dieux ; puisque donques les vieillars desirent les delectacions et plaisirs qui sont en labouraiges de terres, soions gracieux et accordans a l’eage de vieillesse. Car certainement, en l’ostel du bon et diligent seigneur vieillart laboureur, le cellier est tousjours garni de vin, de huile, et le gre-[78v]-nier est tousjours garny de vitailles neccessaires a vie, et tout le villaige du bon et diligent seigneur est riche et garny. Le villaige du seigneur vieillart et bon laboureur a grant abundance de porcs, de chevreaux, d’aigneaulx, de gellines et voulailles, de laict, de froumages et de miel. Les laboureurs de terre appellent maintenant leur courtil la seconde cusançon, c’est adire que les laboureurs veulent que, aprés le coultivement des champs, l’en mette la seconde cusançon a labourer les courtils. Ces biens ici dessus nommez, qui viennent par estude et diligence de bon laboureur, peuent mesmement devenir plus riches et plus delectables par ung oeuvraige superflu et vain, c’est assavoir par oyseller et par chacer aux bestes saulvaiges. 57 Quoy voulez vous, Scipion et Lelius, que je vous die de la delectacion et plaisir que puest avoir vieillesse a cause de la verdeur des prez ou des belles rangés en quoy sont plantees les arbres ou les vignes ou les oliviers d’aultre espece ? Je vous diray sur ce ma sentence en brief : il n’est chose qui puisse estre plus planteureuse ne plus abundant en l’usaige de vie, ne chose plus actournee en beaulté naturele ne que est ung champ bien [79r] coultivé. Vieillesse ne empesche pas seulement a bien coultiver ung champ, ains mesmement vieillesse cemont et alleche l’omme vieillart a bien coultiver la terre : car puisque en temps d’yver le vieillart laboureur peuest egaulment comme ung aultre soy eschaufer au soleil rayant sur terre ou au feu, qui est chose mieulx convenable a vieillesse que a aultre eage, ou puisque le vieillart laboureur peuest soy retraire aux umbres, ou pour trouver 4 BN2 viaigeurs | P de ceulx que ceulx qui se 9 H1 son proffit|BN2 H2 prouffitant et salutaire 13 T ou service | H1 Puis doncques que 21 appellent leur 23 BN2 nota bene dans la marge 25 H1 surpeflu 26 T pour oiseller 27 P die de de | BN1 H1 plaisance 29 T le vignes 32 T champ coultivé 34 T vieillart coultiver 36 que autre 37 T ou que puisque

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58 Sibi igitur habeant arma, sibi equos, sibi hastas, sibi clavam et pila, sibi nationes atque cursus ; nobis senibus ex lusionibus multis talos relinquant et tessaras ; id ipsum utrum lidebit, quoniam sine hiis beata esse senectus potest. XVII 59 Multas ad res perutiles Xenophontis libri sunt ; quos legite, queso, studiose, ut facitis. Quam copiose ab eo agricultura laudatur in eo libro qui est de tuenda refamiliari, qui Economicus inscribitur ! Atque, etiam ut intelligatis nichil ei tam regale videri quam studium agricolendi, Socrates in eo libro loquitur cum Tritobolo Cyrum minorem, Persarum regem, prestantem ingenio atque imperii gloria, cum Lisander Lacedemonius, vir summe virtutis, venisset ad eum Sardis eique dona a sociis attulisset, et ceteris in rebus communem erga Lisandrum atque humanum fuisse, et ei quendam conseptum agrum diligenter [26r] consitum ostendisse ;

1 E pilam ; var. pila | E venationes ; var. a(e)nationes, nationes, natationes 3 E tesseras | E lubebit ; var. lubebit, libebit, lubebat

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le chault ou pour trouver le froit ou que en esté il peuest soy refrechir en eaue ou aultrement plus seurement que le juene qui a le sang boillant, je di que delectacion cemont et alleche l’omme vieillart a coultiver les terres. 58 Vous donques, Scipion et Lelius, me pouez dire que les jouvenceaulx aient pour eulx les armeures, les chevaulx, les lances, la massue ferree ou plombee et les javelotz pour combatre et les nagemens en rivieres et en mers et les cours d’un pays en un aultre ; et entre pluseurs jeux et soulaz les jouvenceaulx laissent a nous vieillars les tables et les eschecz. Mais nous te demendons, Caton, se bonnement les vieillars peuent user et nous, quant serons [79v] vieilz, de ces deux jeux ? Je vous respon que non, car sanz ces deux jeux vieillesse peuest estre bieneuree et comblee de tous biens pertinens a bieneurté. Or est ainsi que vieillesse et chascune aultre eage usant de discrecion ne doit faire aulcune chose qui ne tende a bieneurté. XVII 59 En lieu des jeux des tables et des eschecz, vous, Scipion et Lelius, pouez lire les livres du philosophe Xenophon, qui sont tresproufitables a maintes choses ; et je vous prie que iceulx vous lisiez ainsi comme ja vous faites. Et lisez diligemment commant Xenophon loe beaucop le labouraige des terres en ung sien livre nommé le Livre economique, en quoi il raisonne commant l’omme doit gouverner et defendre sa propre chose. Et a fin que vous entendez la somme du dict livre que fist le philosophe Xenophon, saichiez qu’il dist que a poissence et a estat roial il n’est chose si digne ne si advenant comme est l’estude et le mestier de coultiver les terres ; car la vie d’un laboureur, comme dit est, ressamble la vie d’un philosophe, en tant comme il enquiert les causes par quoy la terre puisse estre planteureuse ; et si est son labour continuel et proufitable a tous et ainsi doit il estre d’un [80r] chascun roy et prince ; et si n’est art ne ouvraige quelconque si loisible ne si honneste a ung roy comme est le labouraige de champ, car neiz en bataille les mains d’un laboureur sont plus durans et fortes que d’aultre quelconque homme. Le philosophe Socrates, en ung sien livre ou quel il parle avec le poete Tritobolus, dit que le Petit Cyrus, roy des Persois, fut excellant en engin et glorieux en seignorie terrienne. Ou temps de cestui roy Cyrus, ung homme de la cité de Lacedemonie, en Grece, appellé Lisander, qui estoit homme de tresgrant vertu et noblesse, vint veoir le dit Cyrus, lors estant a Sardes la cité, au quel Lisander apporta dons et joiaulx de par les Lacedemonoiz et de par les citez compaignes et voisines.

2 T le juge jenne 4 H1 ne pouez dire 14 BN2 om. des jeux 15 H1 Zenophon | H1 a maintes a maintes 17 T lisiez | BN1 comme Zenophon 18 H1 Equonomicque 19 T gouvener 27 T font plus 29 BN1 dit que le petit roy des Persois | BN2 nota bene dans la marge

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cum autem ammiraretur Lisander et proceritates arborum et directos ordines in quincuncem et humum subasctam atque puram et suavitatem odorum qui afflarentur e floribus, tum eum dixisse mirari se non modo diligentiam, sed eam solertiam eius a quo essent illa dimensa atque descripta ; et Cyrum respondisse : « Atqui ego ista sum omnia dimensus ; mei sunt ordines, mea descriptio, multe etiam istarum arborum manu mea sate. » Tum Lisandrum, intuentem purpuram eius et nitorem corporis ornatumque Persicum multo auro multisque gemmis, dixisse : « Ratione vero te, Cire, beatum ferunt quoniam tue virtuti fortuna coniuncta est. » 60 Hac igitur fortuna frui licet senibus, nec etas impedit quominus et ceterarum rerum et in primis agricolendi studia teneamus usque ad ultimum tempus senctutis. Marcum quidem Valerium Corvinum accepimus ad centesimum annum perduxisse, cum esset, acta iam etate, in agris eos que coleret ; cuius interprimum et sextum consulatum sex et quadraginta anni interfuerant ; ita quantum spacium etatis maiores nostri ad senectutis inicium esse voluerunt, tantus ille cursus honorum fuit ; atqui huius [26v] extrema etas hec beatior quam media quod autoritatis habeat plus, laboris minus Apex autem senectutis est autoritas.

7 T vitorem 8 T Rite 14 T om. anni 15 E interfuerunt ; var. interfuerant, interfuerint

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Or, dit Socrates que cestui roy Cyrus fut moult benigne et commun envers le dit Lisander, et le receut humainnement et liberalment en son hostel roial et lui monstra ung champ environné de murs, diligemment coultivé et complanté d’arbres ; et comme Lisander se esmerveillast pour les longuesses des arbres et pour leurs droictes rangés en quoi les arbres estoient plantees a cinq piez loing l’une de l’aultre, et comme aussi Lisander se esmerveillast [80v] pour la terre du dit champ qui estoit surfouye et nette, et pour la soueté et doulceur des odeurs qui sailloient des flours et violectes, il dist au roy Cyrus que il ne se esmerveilloit mie seulement pour la diligence et estude de cellui qui l’avoit labouré, mais il mesmement se esmerveilloit de la soubtilité et art de cellui qui avoit compassé et ordonné par mesure les arbres de ce vergier. Adonc le roy Cyrus respondi a Lisander : « Certes, dist il, je mesme ay ordonné et mesuré toutes les choses de ce vergier : j’ay compassé les rengés ; pluseurs aussi de ces arbres que tu ici vois sont plantees et entees de ma main. » Et racompte Socrates que Lisander, resgardant la robe de pourpre du roy Cyrus et la necteté et beaulté de son corps et les actours qu’il portoit a la maniere de Perse, qui estoit texu d’or espes et de maintes pierres precieuses, dist ainsi au roy Cyrus : « Certes, dist Lisander, les hommes dient droictement que tu es riche et bieneureux en ta vie, car a ta vertu et noblesse roiale est conjoincte fortune et felicité mondaine, par ce que tu te emploies a coultiver les champs, en quoi est la principale partie de bieneurté mondaine. » 60 Puisque donques que de ceste fortune et bieneurté pouoit licitement [81r] user le roy Cirus, ja vieil, et que il se delictoit, je vous di, Scipion et Lelius, que aux aultres vieillars il loist user et prendre delectacion en labourer les terres, et si est vray que vieillesse ne empesche point que nous vieillars ne puissons maintenir et poursuivre jusques au bout de nostre eage l’estude et le mestier de toutes choses oeuvrables et faisibles, et par especial de coultiver les terres : car certes nous avons oy dire par les vieilz historians que ung noble vieillart rommain appellé Valerius Corvinus mena vie de laboureur jusques au centiesme an de son eage, combien qu’il eust long et parfait eage, toutevoies si demouroit il en villes champestres et si labouroit les terres ; entre le premier et le VIe consulat de cestui Valerius furent quarentesix ans, et tantost aprés cellui temps il fut jugié estre vieillart et par ainsi inhabile d’avoir office publique, par quoi l’en doit entendre que selon le nombre des ans que les ancians ordonnerent qui feust de puis enfance jusques au commencement de vieillesse, les hommes pouoient jusques a ce mesme nombre avoir offices et dignitez a

9 T diligence estude 10 BN2 compensé et ordonné 15 T pompre 16 T d’or si espes 18 T vertu noblesse 22 H1 bienneureté te 23 BN2 qui se y delictoit 30 BN2 dans la marge : et combien qu’il eust long et pesant aage | BN2 long et pesant 31 H1 en vielles 32 H1 V.me |T tanst 36 T saut de jusques à jusques

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61 Quanta fuit in Lucio Cecilio Metello quanta in Atilio Catilino ! in quem illud eulogium :

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« Unicum plurime consentiunt gentes Populi primarium fuisse virum. » Notum totum est carmen incisum in sepulcro. Iure igitur gravis, cuius de laudibus omnium esset fama consentiens. Quem virum nuper Publium Crassum pontificem maximum, quem postea Marcum Lepidum eodem sacerdotio preditum vidimus ! Quid de Paulo aut Africano loquar, aut, ut iam ante, de Maximo ? Quorum non in sentencia solum, sed etiam in nutu residebat autoritas. Habet senectus, honorata presertim, tantam autoritatem ut ea pluris sit quam omnes adolescentie voluptates. XVIII 62 Sed in omni oratione mementote eam me senectutem laudare que fundamentis adolescencie constituta sit ; ex quo efficitur, id quod ego magno quondam cum assensu omnium dixi, miseram esse senectutem que se oratione defenderet ; non cani nec ruge repente autoritatem arripere possunt, sed honeste acta superior etas fructus capit autoritatis extremos.

8 E A. Atilio Calatino 4 E hunc unum ; var. unicum 13 T om. quam

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Romme, car l’eage de vieillesse commençoit selon l’ordonnance des Rom[81v]-mains et non mie selon un nombre de ans ; et certes la derreniere eage de cestui Valerius fut meilleur et plus heureuse, pour ce que elle eut plus d’autorité et moins de labour. 5

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61 Se vous demandez commant je prouve que autorité soit la plus haulte chose que vieillesse puisse avoir, vous le savez assez en considerand quel fut cest vieillart rommain Lucius Metellus, le tresgrant evesque de Romme, qui par l’autorité de lui defendi a Postunius, consul rommain, qu’il ne alast guerroier en Afrique en delessand les sacrifices de Mars, dieu des batailles, dont il advint que le dict Postumius, obeissant a l’autorité de Metellus, delessa l’entreprinse de la guerre, combien que elle feust commise a Postunius comme consul de Romme. Vous aussi pouez congnoistre combien grande ait esté l’autorité des vieillars par celle qui fut en ce noble rommain Actilius Catilinus, qui fut premier prince et seigneur du peuple, ainsi comme pluseurs gens le consentent et ainsi comme il appart par tous les vers du tiltre entaillié et escript sur son tombel. Cestui donques Actilius fut par droit homme autorisable, puisque la renommee de tous les Rommains se consenti d’escrire en son tombel ses tiltres et louanges. Con[82r]-siderez, Scipion et Lelius, de quele autorité fut Publius Crassus, le tresgrant evesque de Romme, et aprés lui Marcus Lepidus, qui eut celle mesme dignité, les quelx II nous veismes. Quoy voulez vous que je vous die de ces trois nobles rommains Paulus, ou de Africanus, ou de Fabius Maximus, tous trois vieillars, desquelx l’autorité n’estoit pas seulement en parler et conseiller, ains mesmement ilz estoient de si grant autorité que on obeissoit a ce qu’ilz vouloient puisque ilz le monstrassent par signes ? L’eage de vieillesse honnorable a en soy principalment si grant autorité que elle est de plus grant que ne sont toutes les delectacions de l’eage de juenesse. XVIII 62 Mais souviengne vous, Scipion et Lelius, que en tout cestui mien present livre je loe et magnifie celle vieillesse qui des son commencement est ordonnee et actournee par les fondemens de adolescence qui sont en diverses disciplines de sciences et de honnestes ars, par quoi je vous monstre que la vieillesse est mescheante qui defend l’autorité d’elle seulement par parole et non mie par vertus et sciences acquises en juenesse, ainsi comme je le diz unefoiz en une mienne sentence, a quoy tous les philoso-[82v]-phes de Romme s’accorderent.

6 T commant que 9 H2 Apostumius 10 BN2 es Affriques 11 H1 de sa guerre 19 P réclame (illisible sur le microfilm) au bas du fol. 81v° 22 T Palus 24 BN2 que en obeissant ad ce qu’ilz vouloient 25 P vieillesse a en honnorable a en soy 31 T et honnestes 33 T unefoiz a une

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63 Hec enim ipsa sunt honorabilia, que [27r] videntur levia atque communia, salutari, appeti, decedi, assurgi, deduci, reduci, consuli ; que et apud nos et in aliis civitatibus, ut queque optime morata est, ita diligentissime observantur. Lisandrum Lacedemonium, cuius modo feci mentionem, dicere aiunt solitum Lacedemonie esse honestissimum domicilium senectutis : nusquam enim tantum tribuitur etati, nusquam est senectus honoratior. Quin etiam memorie proditum est, cum Athenis in ludis quidam in theatrum grandis natu venisset magno consessu, locum ei nusquam datum a suis civibus ; cum autem ad Lacedemonios accessisset, qui, legati cum essent, certo in loco consederant, consurexisse omnes illi dicuntur et senem cessum recepisse ;

7 E om. in | T quidem | T natu fuisset 10 T consurrexisse

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Les cheveulx blancs et les fronses du corps vieillart ne peuent mie soubdeinement gaingner autorité ne honneur ; mais l’eage trespassee avant vieillesse prend ses derreniers fruictz d’autorité, c’est adire que les vertus et sciences de l’omme ne reçoivent pas entiere honneur ne pleinne autorité jusques en l’eage de vieillesse. 63 Certes, les VII choses appartenens a l’onneur de vieillesse qui a aulcuns samblent estre legiers et communes, pour ce que elles affierent a tous les bons vieillars, sont cestes : la premiere est que il appartient que les aultres hommes saluent en tout lieu l’omme vieillart ; l’en doit desirer la compaignie du vieillart pour apprendre de lui et avoir son conseil ; l’en doit par tout donner lieu au vieillart es compaignies ou l’en tracte des choses publiques ou privees ; l’en se doit apertement lever devant l’omme vieillart et soi encliner envers lui ; l’en doit poursuivre et aler honnorablement aprés le vieillart et le contreactendre quant necessité est ; l’en doit honnestement reconvoier et ramener des lieux l’omme vieillart ; l’en doit interroguer et enquerir du vieillart conseil et advis sur [83r] les choses doubteuses pour savoir mon la quele soit a faire et la quele a laisser ; et toutes ces honneurs appartenens aux vieillars sont tresdiligemment gardees envers nous Rommains, et es aultres citez, selon ce que chascune est tresbien fondee en bonnes meurs. Les historians grecs dient que Lisander de Lacedemonie, en Grece, de qui j’ay nagueres fait mencion, souloit dire que la cité de Lacedemonie estoit le treshonneste dongeon de vieillesse, c’est adire que en la cité de Lacedemonie les vieillars recevoient tresgrans honneurs et illeuc avoient tresgrant autorité, car nulle part fors illeuc l’en ne faisoit tant de honneur a vieillesse, et nulle part fors illeuc vieillesse n’est plus honnouree ne que elle est en la dicte cité de Lacedemonie, aultrement nommee Spartha. Et saichiez, Scipion, qu’il nous souvient que, comme unefoiz en la cité de Athenes l’en feist certains jeux ou lieu publique, et ung homme vieillart atheniois feust illeuc venu cuidant veoir les jeux, il ne fut homme de tous ses citoiens seans en celle grant place qui donnast au dit vieillart pour seoir et pour resgarder les jeux ; cestui donques vieillart, considerant que [83v] nul de ses citoiens ne lui avoit fait lieu, il se tira en une partie du theatre ou seoient en ung lieu certain et ordonné aulcuns Lacedemoniois qui a Athenes estoient venus comme legatz, et dient les histoires que tous les Lacedemonois se leverent de leurs sieges et receurent le dict vieillart a seoir emprés eulx ;

1 T ne peut mie 5 T appartenans a vieillesse l’onneur de vieillesse 6 T semblant | T legieres | BN1 nota bene dans la marge (vis-à-vis première) 8 H1 que aux autres jeunnes saluent 20 T de qui nagueres fait mencion 21 H2 c’est adire de Lacedomonie en laquelle les vieillars recevoient 26 H2 Scipion et Lelius

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64 quibus cum a cuncto consessu plausus esset multiplex datus, dixisse ex hiis quemdam Athenienses scire que recta essent, sed facere nolle. Multa in vestro collegio preclara, sed hoc, de quo agimus, in primis quod, ut quisque etate antecedit, ita sentencie principatum tenet, neque solum honore antecedentibus, sed hiis etiam qui cum imperio sunt maiores natu augures anteponuntur. Que sunt igitur voluptates corporum cum autoritatis premiis comparande ? [27v] Quibus qui splendide usi sunt, hii michi videntur fabulam etatis peregisse nec, tanquam inexcercitati histriones, in extremo actu corruisse. 65 At sunt morosi, anxii et iracundi et dificiles senes ; si querimus etiam avari. Sed hec morum vicia sunt, non senectutis. At morositas tamen et ea vicia que dixi habent aliquid excusationis, non ullius quidem iuste, sed que probari posse videas : contempni se putant, despiti, illudi ; preterea in fragili corpore odiosa omnis offensio est. Que tum omnia dulciora fiunt et moribus bonis et artibus ; idque tamen tum in vita, tum in scena legi potest ex hiis fratribus qui in Adelphis sunt : quanta in altero duritas in altero comitas ! Si se res habet : ut enim non omne vinum, sic non omnis etas nature vetustate coacescit. Severitatem in senectute probo, et eam, sicut alia, modicam ; acerbitatem nullo modo.

1 T concessu 7 P sunt m hii michi 9 E morosi et anxii 10 E Ac ; var. At 12 E videatur 13 E Que tamen 15 E diritas ; var. duritas, duritias 17 E probo sed ; var. et

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64 et aprés ce que tous ceulx qui seoient ou theatre eurent beaucop loé et recommendé les Lacedemonois qui avoient donné lieu au vieillart, ung des Lacedemonois dist, oyans ceulx qui la furent : « Certes, dist il, les Atheniois scevent les choses appartenens et faisibles selon droict, mais ilz ne les veulent faire. » O Lacedemonois, je vien a parler de vous, car j’ay congneu que en vostre college et compaignie sont pluseurs choses tresnobles et dignes de racompter, mais l’onneur deu et appartenant a vieillesse dont nous parlons maintenant se trouve principalment en vostre compaignie, car selon ce que chascun a plus d’eage entre vous Lacedemonois, il tient le principal et le premier lieu es assamblees et conseilz publiques, et si donne premier sa sentence sur les cas dont l’en parle. La dignité et la reverence et la religion sont si [84r] estroitement gardees entre vous, Lacedemoniois, que non pas seulement les vieillars sont mis devant ceulx qui sont en honneur et dignité, mais mesmement les evesques et prestres plus eagiez sont mis devant les empereurs et princes moins eagiez. Ores pouez vous congnoistre que aulcunes delectacions corporeles ne doivent estre comparees avec les salaires d’autorité qui est deue et rendue a vieillesse ? Et se aulcuns ont trop grandement usé de ces delectacions corporeles dont je me plaing, il me samble que ilz n’ont point parfait leur eage, ains doit estre comptee pour moquerie et pour fable, pour ce que en leur vie ilz n’ont fait aulcun proufit ; ceulx qui ont trop usé de ces delectacions tombent et cheent ou derrenier eage, c’est assavoir en vieillesse, non pas ainsi comme tombent et cheent les jongleours apprentifz qui tresbuchent et versent ou derrenier tour de leur jeu d’apertise, par quoi ilz desservent de legier estre excusez, mais les hommes qui si longuement ont usé de delectacions que leur vie n’est que fable et moquerie, ilz ne desservent avoir mercy ne estre excusez. 65 Mais aulcun me peuest dire que les vieillars sont tardifz et lents, angoisseux et tristes, courrou-[84v]-ceux, aspres et dangereux, et se nous querons encores les condicions des vieillars, nous trouverons comme vous dictes que ilz sont avers. Mais je vous respon, Scipion et Lelius, que ces vices que vous nommez ci dessus sont les vices des meurs et accoustumances corrumpues et mauvaises et ne sont point les vices de l’eage de vieillesse. Mais toutevoies ceste mauvaise lenteur de corps et les aultres vices que j’ai dit qui samblent estre trouvez en vieillesse ont apparence de aulcune excusation, qui certes n’est pas juste, mais elle est tele qu’il samble que on puisse prouver que elle soit valable : on me puest encores opposer que les vieillars cuident estre desprisez et moquez des jouvenceaulx et, avec ce, toute offence et chascun desplaisir sont heinneux a vieillesse, pour ce que les vieillars ont le corps fraele 21 T de ses delectacions 31 T meurs accoustumances 37 T de jouvenceaulx

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66 Avaricia vero senilis quid sibi velit non intelligo : potest enim quicquam esse absurdius quam quominus me restat eo plus viatici querere ? Finita periodo quarta.

2 E quam quo uiae minus

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et enferme, par quoy ilz peuent endurer offenses ne courroux. Mais je vous di, Scipion et Lelius, que ja soit que les vieillars cuident estre desprisiez et moquez et offenduz des juenes hommes, lesqueles choses sont dures et heinneuses aux vieillars ; toutevoies se ils sont garniz de bonnes meurs et vertus et de bonnes sciences comme ilz doivent estre, les [85r] choses dessus dittes leur sambleront doulces et legieres a endurer et souffrir, car la pensee garnie de bonnes meurs, de vertus et de bons ars ne puest estre si fort offendue ne troublee que elle ne se appaise et adoulcisse si tost que elle pense et recorde les propres biens que elle a dedans soi ; mais se les vieillars n’estoient bien morigerez et saiges, les maulx ci dessus comptez leur seroient durs et heinneux et par adventure importables. Ce n’est aulcune merveille se aulcuns vieillars endurent et portent bien et doulcement les grietez de vieillesse et que les aulcuns soient importuns et chargeux, car nous pouons lire et veoir samblable chose en la vie et es meurs de deux freres gemeaulx dont le poete Terente fist une comedie appellee Adelphis, la quele il leut en scene de Romme : car de ces deux freres engenrez d’un pere en ung mesme ventre a une heure, nourriz pareillement, l’un fut aspre, dur, malgracieux et rude, et l’aultre fut courtois, doulx, honneste et debonnaire. Or saichiez donques, Scipion et Lelius, que tele est l’ordonnance des coustumes de vieillesse, car ainsi comme chascun vin longuement gardé vieil ne se enaigrist pas [85v] de sa propre nature, aussi toute nature humaine n’est pas aigre, malgracieuse, chargeant ne importune en l’eage de vieillesse. Combien que aulcuns entre pluseurs soient telz, je approuve et loue en l’eage de vieillesse l’omme qui ait severité en soi : severité est continuacion et perseverance d’une mesme maniere de vivre, tant es choses dedans comme en celles de hors ; mais je ne approuve mie que en homme vieillart soit aigresse ne durté de manieres. 66 Et si ne puis entendre pour quoi avarice doit estre en ung homme vieillart : car il n’est chose plus desraisonnable ne plus folle que de querir et amasser plus grant quantité de vitailles ou temps que l’omme a moins de chemin a faire. Or est ainsi que vieillesse, selon la nature, est la fin du chemin des vieillars ; par quoi, selon raison, ilz doivent moins soy cusançonner de amasser plus grans tas de richesses. Cy fine la quarte distinction de ce livret.

2 T ja soit ce que 11 T bien doulcement 14 T Tarente 15 BN1 la cene a Romme 19 BN1 om. chascun 30 BN2 nota bene dans la marge

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Incipit quinta huius libelli et ultima qua refellitur quarta vituperatio obiecta senectuti.

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XIX [28r] Quarta restat causa, que maxime augere atque solicitam habere nostram etatem videtur, appropinquatio mortis, que certe a senectute non potest longe abesse. O miserum senem, qui mortem contempnendam esse in tam longa etate non viderit ! Que aut plane negligenda est, si omnino extinguit animum, aut etiam optanda, si aliquo eum deducit ubi sit futurus eternus ; atqui tercium certe nichil inveniri potest. 67 Quid igitur timeam, si aut non miser post mortem aut beatus etiam futurus sum ? Quamquam quis etiam est tam stultus, quamvis sit adolescens, cui sit exploratum se ad vesperum esse victurum ? Quinetiam etas illa multo plures quam nostra habet casus mortis : facilius in morbos incidunt adolescentes, gravius egretant, tristius curantur ; itaque pauci veniunt ad senectutem. Quod nisi ita accideret, melius et prudentius viveretur : mens enim et ratio et consilium in senibus est ; et qui si nullifuissent, nulle omnino civitates fuissent. Sed redeo ad mortem impendentem : quod est istud crimen senectutis, cum id videatis cum adolescentia esse commune ?

4 E angere 5 E non potest esse longe ; var. non potest longe abesse 6 E contemnundam ; var. contemnendam, contempnendam 9 P nichil po inveniri potest 15 E est ; qui ; var. et 17 E id ei videatis ; var. id videatis

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Et aprés commence la Ve et derreniere, par quoi Tulle confute et reprend la quarte vituperation opposee a vieillesse, commençant ou latin : « Quarta restat et c. » 5

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XIX [86r] [illustration] Pour ce que en la quarte distinction prochaine de ce livret je ay souffisamment respondu a la tierce opposicion, que Juenesse mettoit contre dame Vieillesse, maintenant convient dire la quarte cause respondant a la quarte vituperacion qui samble principalment constreindre et cusançonner nostre eage de vieillesse ; et ceste quarte vituperacion est par quoi juenesse dit contre vieillesse que elle approuche de la mort, la quele selon cours de [86v] nature ne peuest estre loing de dame Vieillesse. Mais, o las, Scipion et Lelius, considerez, je vous prie, comment le vieillart est chetif et maleureux qui ne voit et entend que en l’eage de vieillesse on ne doit tenir compte ne avoir paour de la mort se elle s’approuche ou vient, car ou l’en ne doit pleinement tenir compte de la mort, ains la doit on despiter se elle exteint et adneantit l’ame comme faulsement dist le philosophe Epicure, ou l’en doit mesmement desirer la mort se elle conduit et meinne nostre ame en aulcun lieu pour y estre pardurable aprés le desseuvrement du corps, ainsi comme vraiement le dient Aristote, prince des philosophes, et aussi ceulx qui l’ensuivent ; et vray est que entre ces deux moians ne se trouve aulcun tiers, car il convient ou que l’ame soit morte et exteincte avec le corps, ou que aprés la mort du corps elle vive tousjours. 67 Je donques qui sui vieillart n’ay aulcune cause de doubter la mort, se je ne doy point estre pouvre ne malheureux aprés la mort, pour ce que mon ame moeurt avec mon corps comme les aulcuns afferment faulsement, ou aussi je n’ay cause de doubter la mort, [87r] se aprés je doy estre bieneuré et joieux pour ce que mon ame n’est pas exteincte ne morte aprés la mort presente. Et combien que vous opposez contre vieillesse que elle soit prouchaine de la mort, dites moi qui est l’omme si fol, tant soit adolescent ou juene, qui saiche de vrai qu’il doive vivre du matin jusques au vespre ? Et pour oultre excuser le quart reprouche, je vous di, Scipion et Lelius, que l’eage de juenesse encline a excés et oultraiges a plus de cas de mort que nostre eage de vieillesse : car les jouvenceaulx plus de legier encheent en maladies, ilz sont plus griëment malades, ilz sont gueriz plus tart et a plus grant dangier ; et pour ceste raison pou d’ommes peuent venir a vieillesse. Et se l’eage de juenesse delessoit les excés et oultraiges et ensuivist la meurté de vieillesse, les jouvenceaulx vivroient mieulx et plus saigement, car es hommes vieillars est pensement et adviz et raison et conseil ; et certain est que, se onques ne eussent esté vieillars, 3 BN1 om. et c. 6 BN1 livret souffisamment est 13 H1 viesse 25 H1 aucune chose 27 H2 opposiez 33 BN2 om. ilz sont plus griement malades 34 BN2 ceste cause 37 BN2 saut de onques à onques

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68 Sensi ego in optimo filio, tum in expectatis ad amplissimam digni-[28v]tatem fratribus tuis, Scipio, mortem omni etati esse communem. At sperat adolescens diu se victurum, quod sperare idem senex non potest. Insipienter sperat : quid enim stultius quam incerta pro certis habere, falsa pro veris ? — At senex ne quod speret quidem habet. — At est eo meliore conditione quam adolescens, cum id quod ille sperat hic consecutus est : ille vult diu vivere, hic diu vixit. 69 Quamquam, o dii boni ! quid est in hominis vita diu ? Da enim Tarcesiorum supremum tempus, expectemus Tarsorum regis etatem — fuit enim, ut scriptum video, Archatonius quidem, qui octoginta annos regnaverit, centum viginti vixerit — sed michi nec diuturnum quidem quitquam videtur in quo est aliquid extremum. Cum enim id advenit, tum illud quod preteriit effluxit ; tantum remanet quod virtute et benefactis consecutus sis ; hore quidem cedunt et dies et menses et anni, nec preteritum tempus unquam revertitur, nec quid sequatur sciri potest. Quod cuique temporis ad vivendum datur eo debet esse contentus.

1 E optumo ; var. optimo | E tu in ; var. tum, tum in | E om. tuis 7 E h. natura ; var. vita 8 E om. Tarsorum 9 E Arganthonius 13 E quidam Gadibus ; var. quidem, qui om. 12 E recte factis

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onques ne eussent esté citez edifiees, ne communautez d’ommes vivens selon justice. Et pour ce que j’ai dit briefment que l’eage de juenesse enchiet plus de [87v] legier en maladie et en peril de mort que ne fait dame Vieillesse, qui a esté cause de edifier citez et de justement faire assamblees de gens, je maintenant retourne a parler comment juenesse oppose que la mort soit voisine de vieillesse. Et pour vrai dire, ce n’est aulcun difame pour vieillesse pour tant se elle est voisine de la mort : car vous voiez que se la mort estoit juste cause de blasme ou de reprouche, tele cause seroit commune a l’eage de adolescence et aussi de vieillesse ! 68 Et comme vous savez, je avoie ung tresbon filz nommé Caton, aussi comme l’en me appelle ; et tu Scipion aussi avoies deux freres jouvenceaulx, qui selon leurs evidens merites eussent esté en tresgrant dignité, c’est assavoir consuls de Romme, ainsi comme chascun s’attendoit — lesquelx trois ont esté mors en juenesse : par quoi j’ai apperceu vraiement et entendu que la mort est commune a toute eage. Maiz vous me pouez dire que l’omme adolescent et juene a esperance qu’il vivra longuement, et aprés que l’omme est vieil il ne peuest avoir tele esperance. Si vous respon que le juene homme espere follement se ad cause de son juene eage il cuide vivre plus longuement, car il n’en est point [88r] certain, et si n’en scet le vray : or n’est il chose plus folle que de avoir et maintenir les choses doubteuses comme certaines, et les choses faulses comme vraies ? Et se vous opposez a vieillesse que l’omme vieillart n’a chose en soy par quoi il ait esperance de plus vivre, je vous respon, Scipion et Lelius, que par ceste chose est meilleur la condicion et l’estat du vieillart que du juene, car le juene veult vivre longuement, et le vieillart a longuement vescu. 69 Combien que en la vie de l’omme ne soit aulcune chose longue par l’ordonnance des diex, qui a l’umain lignaige ont mis necessité de mourir, je vueil, Scipion, en considerand combien longuement les hommes vivent, que tu me dies comme vrai est quel chascun homme ait aulcun temps derrenier : considerons de Archatonius, roy de Tharse qui est la principale cité du païs de Silice : cestui Archatonius, ainsi comme j’ay veu escript en histoires, regna quatre vins ans et vesqui six vins ans. Mais saichiez, Scipion et Lelius, que certes il n’est chose qui me samble estre longue puisque elle ait aulcune fin derreniere : car quant celle derreniere fin advient, le temps qui est par avant trespassé est adonc eschapé et decouru [88v] du tout, et lors demeure seulement en toy la memoire et le merite que tu as conquesté par ta vertu et par tes bonnes oeuvres : les heures du temps de nostre vie, et les jours et les mois et les 4 BN2 qui est cause | BN1 je ay maintenant 7 P se elle vo est voisine 8 T seroit comme a 17 H1 homme esperance a folement se 20 H1 avoir et soustenir | H1 choses vrayes comme faulces 22 T n’a en soy 26 BN2 bos dieux 28 T BN2 vrai est que chascun 30 BN2 Secille H2 Sicile 35 T la merite | H1 par telles bonnes

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70 Neque enim histrioni ut placeat peragenda est fabula, modo in quocumque actu fuerit probetur, nec sapienti usque ad « Plaudite » veniendum est : breve enim tempus etatis satis longum est ad bene hone-[29r]-steque vivendum ; sin processeris longius, non magis dolendum est quam agricole dolent, preterita verni temporis suavitate, estatem autunnumque venisse : ver enim tanquam adolescentiam significat ostenditque fructus futuros, reliqua autem tempora de metendis fructibus et percipiendis accomoda sunt. 71 Fructus autem senectutis est, ut sepe dixi, ante partorum bonorum memoria et copia. Omnia vero que secundum naturam fiunt sunt habenda in bonis ; quid est autem tam secundum naturam quam senibus emori ? Quod idem contingit adolescentibus adversante et repugnante natura. Itaque adolescentes michi mori sic videntur ut cum aque multitudine flamme vis opprimitur, senes autem sicut cum sua sponte, nulla adhibita vi, consumptus ignis extinguitur ; et, quasi poma ex arboribus, cruda si sunt, vi avelluntur, si matura et cocta, decidunt, sic vitam adolescentibus vis aufert, senibus maturitas. Que quidem michi tam iocunda est ut, quo propius ad mortem accedam, quam si terram videre videar aliquando que in portum ex longa navigatione esse venturus.

6 E demetundis ; var. demetendis 8 E Omnia autem 16 E accedam quasi

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ans trespassent et decourent, et le temps passé ne retourne jamais ; et si ne peuest estre sceu par homme la chose advenir, ne en quel lieu ne en quel estat il soit aprés la mort. Chascun doit estre contant de tele espace de temps comme dieux lui donne a vivre. 70 Et pour monstrer comment et pour quoi l’omme doit vivre, je vueil que vous saichiez que, ainsi comme le poete ne fait pas en vers la fable de sa comedie a fin que elle plaise au jongleour qui la joue en la scene, mais le poete fait seulement sa comedie a fin que en chascun personnaige bien fait et ordonné il soit aprés sa mort loé et recommendé de tous ; et le saige homme aussi ne doit pas desirer a vivre jusques ad ce qu’il die « c’est assez, plus n’en vueil », car ung brief et petit temps de eage est long a bien et honnestement vivre ; et se il advient que tu ne vives que par ung brief et petit temps, tu n’en dois avoir plus de regret ne de douleur ne que ont les laboureurs pour ce que la doul-[89r]-ceur et soueveté du printemps soit passee et que le temps de esté et de autunne soit venu : car combien que le laboureur voie et sente voulentiers le printemps, neant moins il est joieux pour le temps d’esté ou quel meürent les fruictz de terre, et pour le temps de autunne ou quel il les requieult et les met en grenier. Or devez vous savoir que le printemps signifie l’eage de adolescence ou juenesse, la quele monstre par signes de prouesse quelz fruictz doit faire l’omme en son temps advenir ; et les deux aultres, c’est assavoir esté et autunne, sont proufitables et habiles a moissonner et recueillir les fruictz et a user d’iceulx. 71 Et si est vrai aussi, comme j’ai par avant dit, que le fruict de vieillesse signifie la memoire et l’abundance des biens qui par avant ont esté apprestez et acquiz par vertu et bonnes oeuvres. Et pour oultre trouver que mourir en vieillesse n’est pas mal ne reprouche, je vous di, Scipion et Lelius, que toutes les choses qui se font selon nature doivent estre comptees entre les biens de l’omme ; or est ainsi qu’il n’est chose qui tant soit selon nature comme est que les hommes et aultres choses moeurent ou [89v] temps de leur vieillesse. Si est il certain que la mort advient aux hommes adolescens et juenes, qui est contre et hors nature, par quoi la mort leur est plus douleureuse et dure. Et par ainsi les adolescens et juenes, selon ce qu’il me samble, moeurent ainsi comme l’en exteint une forte et grant flambe par y getter beaucop d’eaue, et les vieillars moeurent ainsi comme ung feu se exteint qui se degaste de son plein gré sanz y faire aulcune violence ne force ; je faiz derechief aultre comparaison de la mort qui advient aux juenes et aulx vieilz, car ainsi comme les pommes et les aultres fruiz pendens sont par force arrachiez tandiz qu’ilz sont cruz et nouveaulx, et aprés qu’ilz sont meurs et cuitz par la chaleur du souleil ilz cheent de leur plein gré, aussi la mort oste par sa violence et force 8 BN2 om. bien fait et ordonné | BN2 tous aprés sa mort 12 H1 regret ne de regret 14 T insertion dans la marge des fruis qui n’ont regret ne douleur 15 BN2 printemps estre passé 16 BN2 biens de terre 24 BN2 prouver que 31 H2 une chandelle ou une fort et grant flambe 32 T feu qui exteint 33 T derechief comparaison 35 BN2 pendens aux arbres

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XX 72 Senectutis autem nullus certus terminus, recteque in ea vivitur quo ad munus officii exequi et [29v] tueri possis et tamen mortem contempnere. Ex quo fit ut animisior etiam senectus sit quam adolescentia et fortior. Hoc illud est quod Pisistrato tiranno a Solone responsum est, cum illi querenti qua tandem re fretus sibi tam audacter obsisteret, respondisse fertur : « Senectute » . Sed vivendi est finis optimus cum integra mente certis que sensibus opus ipsa suum eadem que coaugmentavit natura dissolvit ; ut navem, aut edificium idem destruit facillime qui construxit, sic hominem eadem optime que conglutinavit natura dissolvit ; iam omnis conglutinatio recens egre, inveterata facile divellitur. Ita fit ut illud breve vite reliquum nec avide appetendum senibus nec sine causa deserendum sit.

2 E om. tamen ; var. possis mortemque, possis et tamen mortem, possit mortemque 5 T tandam | E respondisse dicitur ; var. om. 6 E vivundi ; var. vivendi | T sua ipsum 8 T conglutinant 9 T iam et

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la vie aux juenes hommes, et la meurté de longue eage oste la vie aux vieillars souefment et sanz force. Et ceste mort qui vient aprés longue eage me est si joieuse et agreable de tant comme je me en approuche, plus la mort ne m’est aultrement joieuse ne agreable ne que seroit la terre s’il me sambloit que je la veisse quant je naige sur mer [90r] et que il me samblast que je deusse venir a port aprés ce que je ay illec si longuement voyagié, c’est adire que la mort qui advient au saige homme aprés longue eage ressamble le port que l’en voit de loing en nagend sur la mer, qui fait grant joie quant on y est arrivé et prins terre, car la paour des perilz et tempestes est lors muee en seurté et repoz. XX 72 Combien que les cinq premieres eages aient leur fin et leur terme selon certain nombre de ans, toutevoies vieillesse, qui est l’eage derreniere, n’a point de certain terme, et si puest l’en droitement vivre en vieillesse tandiz et si longuement comme tu pues faire et defendre les oeuvres de vie et l’office en quoy tu es, par ainsi toutevoies que tu ne doubtes point la mort, ja soit que tu vives longuement. Par quoi il advient que mesmement vieillesse est plus couraigeuse et plus forte contre toutes les paours que n’est adolescence qui redoubte la mort. Ceste chose que j’ai dicte est prouvee par la sentence que respondi le tressaige philosophe Solon a ung tyrant appellé Pisistratus, qui par violence occupoit la seignorie de Athenes : comme cestui tirant demandast a Solon en quele chose il principalment se fioit et [90v] comment il lui resistoit si hardiement, on dit comme vray est que Solon respondi qu’il se fioit en sa vieillesse par la hardiesse de la quele il desprisoit la mort et ne doubtoit quelconque aultre chose. Mais je ne vueil generalment blasmer ceulx qui desirent vivre, car la fin de vivre est tresbonne puisque l’omme ait saine pensee et entiere raison et naturelz sentemens, certains et fermes pour faire office pertinant a vie humainne : dame Nature, qui en corps humain assambla et accrut son oeuvraige, c’est assavoir la pensee, la raison et les sentemens pour faire les offices de vie, elle mesme despiece et adneantit son couraige ; ainsi advient il es ouvraiges de Nature comme es oeuvraiges de art, car l’ouvrier qui a fait une nef ou aulcun aultre edifice, icellui mesme ouvrier treslegierement les destruit et despiece ; or est vray que les merriens et les ais engluez ou colez nouvellement et de frec sont desjoincts et dessamblez a grant peine, et ceulx qui le sont de vieil et de long temps de legier sont desjoincts et dessemblez.

1 BN2 qui vient par meurté de long aage 3 BN2 H2 comme je me approucheray plus d’elle la mort 5 P réclame au bas du fol. 89v°: et que il me samblast 7 P mort advv qui advient | T long 8 BN2 H2 prins port 9 H2 om. et repoz 10 T premiers 14 T ja soit ce que 17 BN2 ditte se preuve 22 T hardiesse del quelle 24 BN2 bonne pensee et bonne raison 25 BN2 dans la marge : et naturelz ... la pensee (corrige un saut de raison à raison) 26 T qui est corps 29 BN2 son ouvraige

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73 Vetatque Pitagoras in iussu imperatoris, id est dei, de presidio et statione vite decedere. Solonis quidem sapientis elogium est quo se negat velle suam mortem dolorem amicorum et lamentis vacare ; vult, credo se esse carum suis. Sed nescio an melius Ennius : 5

« Nemo me lacrimis decoret neque funera fletu Faxit. »

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Non censet lugendam esse mortem quam immortalitas consequatur. 74 Iam sensus aliquis morienti esse potest, isque ad exiguum tempus, presertim seni, post [30r] mortem quidem sensus aut optandus aut nullus est. Sed hoc meditatum ab adolescentia debet esse, mortem ut negligamus ; sine qua meditatione tranquillo animo esse nemo potest : moriendum enim certe est et id incertum an eo ipso die ; mortem igitur omnibus horis impendentem timens quis poterit animo consistere ?

4 E sed haud scio 6 E lacrumis ; var. lacrimis 13 T transquillo 14 E an hoc ; var. an eo | E timens qui ; var. quis

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Ainsi donques vous, Scipion et Lelius, pouez congnoistre que les vieillars ne doivent pas convoitemment desirer celle brieve [91r] espace de vie qui encore leur demeure, et si ne la doivent pas delessier sanz juste et honneste cause, par quoy la voie de soy blecer ou occirre est ostee et forclouse a l’omme puisqu’il ne peuest de ce faire avoir honneste occasion. 73 Et le philosophe Pitagoras, qui defend que sanz le commendement de Dieu aulcun ne se departe de la vie corporele, il usa d’une samblance prinse de la loy que fait le connestable d’une bataille quant il ordonne ses souldoiers a demourer et ester en aulcun lieu, car il leur commende que pour quelconque cause ilz ne se meuvent ne departent sanz aulcun sien mandement : Pitagoras, par cest example, voult dire que, sanz le commendement de Dieu, homme quelconque ne pourchassast sa mort. Et se tu opposes contre ce que j’ay dit, c’est assavoir que le vieillart ne doit pas desirer a vivre le remenant de son temps, car aussi comme tu dis le saige philosophe, ja vieil, par expresse parole ordonna que ses amis feissent doleurs, pleurs et plainctes aprés sa mort, je te di, Scipion, que le saige Solon voult estre plouré et garmenté de ses amis a fin que il monstrast que il les avoit amez et que ilz estoient tousdiz en son amour. Mais je ne [91v] sçay Scipion, se le poete Ennius voult estre tenu plus chier de ses amis, et pour ce que aprés sa mort il ne voult mie estre plouré ne complainct, car par ses vers il dist que aprés sa mort aulcun ne le regretast en larmoyand et que en ses exeques funeraulx aulcun ne plourast pour lui ; si te respon, Scipion, que Ennius entendoit sainement que l’en ne devoit mie plourer pour la mort de lui ne d’aultre qui devient immortel aprés la mort presente, la quele chose advient a ceulx qui en leur vie ont vescu selon toutes vertus. 74 Tu me redis, Scipion, que les vieillars sentent en eulx aulcune paour de mort, la quele paour dure par petit temps, especialment en l’omme vieil qui moeurt assez tost et doulcement ; si te di, Scipion, que le sentement de celle paour est tel que on le doit desirer aprés la mort, pour ce que l’ame est devenue immortele, ou le sentement de celle paour est tel que aprés la mort il est nul et adneanti, par ce que l’ame moeurt avec le corps, ce que pas je ne di. Maiz quelconque chose qu’il soit du sentement de la paour, nous devons avoir ferme pensement des nostre adolescence de telement et si bien vivre que nous desprisions la mort sanz en avoir ne creinte ne frayour ; [92r] sanz cestui pensement, aulcun homme ne peuest vivre en paisible courage, car tousjours la paour de la mort vole devant les yeulx de la pensee : je vous di certes qu’il convient chascun vieillart et juene mourir, et si est chose incertaine s’il convient que l’omme moeure en cestui jour present ; il n’est donques homme qui puisse 5 T avoir occasion 11 T consentement de Dieu 15 P saige le 16 T demourast 17 T Scipion que BN2 sçay Cathon 21 BN1 respons | H2 tendoit 25 BN1 H1 petit de temps

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75 De qua non ita longa disputatione opus esse videtur, cum recorder non solum Lucium Brutum, qui in liberanda patria est interfectus, non duos Decios, qui ad voluntariam mortem cursum equorum incitaverunt, non Marcum Atilium, quid ad supplicium est profectus, ut fidem hosti datam conservaret, non duos Scipiones, qui iter Penis corporibus suis obstruere voluerunt, non avum tuum, Lucium Paulum qui morte luit college in Cannensi ignominia temeritamen, non Marcum Marcellum, cuius interitum nec crudelissimus quidem hostis honore sepulture carere passus est, sed legiones nostras, quod scripsi in Originibus, in eum locum esse profectas alacri animo et erecto, unde se redituras nunquam arbitrarentur. Quod igitur adolescentes, et ei quidem non solum in docti, sed etiam rustici, contempnunt, id docti senes extimescent ?

5 E Penis vel corporibus 6 T non annum 7 E ne ; var. nec 10 E ii ; var. ei

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vivre en seurté de courage se il ne doubte la mort qui lui peuest survenir a toutes heures de jour. 75 Il n’est aulcun besoing que avec vous je dispute longuement de la mort pour vous monstrer que on ne la doit pas doubter, car se je rameine a memoire les saiges et couraigeux hommes de tous estatz et eages qui ne doubterent mie souffrir mort pour justes et honnestes causes, je vous en puiz compter pluseurs exemples, combien qu’il n’en soit ja besoing. Vous savez par histoires comment, aprés ce que Tarquin, l’orgueilleux roy de Rome, fut dechacié et privé du roiaume pour le villain meffait que commeist le filz du dict Tarquin en corrumpend par violence la treschaste Lucrece, femme du noble Collatin, citoien romain, le dict Tarquin eut ung filz appellé Arruns, qui par armes s’efforça recouvrer le dict royaume, de oster la fran-[92v]-chise du peuple et de le ramener en servaige. Mais Lucius Brutus, noble consul de Rome, comme cellui qui ne doubta point la mort et qui pour honneste cause voult de plein gré delesser ceste presente vie, estant avec l’ost des Rommains, monta sur son cheval, mist sa lance en arrest, hurta des esperons son cheval contre le dict Arruns, environné de son ost, et si faictement atteingnirent l’un l’aultre que tous deux navrez de plaie mortele cheirent mors sur terre ; et ainsi, par la mort voluntaire du dict Brutus, demoura au peuple de Romme leur tresprecieux tresor, c’est assavoir franchise. Pour monstrer aussi que l’en ne doit mie creindre la mort, il n’est ja besoing que je racompte l’istoire de cest noble consul romain Publius Decius, ne de son filz pareilment nommé : cestui Decius, entre ceulx de son lignage, fut le premier qui eut la dignité de consulat a Rome, et comme il estant consul feust unefoiz en bataille avec les Romains et il veist que son ost estoit presque tout abbatu ou mort, il de son plein gré ordonna en sa pensee qu’il donneroit son corps pour le salut de la chose publique ; si esperonna son cheval qui ysnelment le porta ou milieu [93r] de l’ost des ennemis ; Decius, qui vouloit la santé pour son pays et la mort pour soy mesme, il avant sa mort, fist grant occision d’ennemis, et aprés ce, par divers javelots, chey mort sur la terre ; par le sang que Decius espendi et par ses plaies, advint a l’ost des Romains la victoire contre leur esperance, car quant ilz virent leur consul et chevetain mort par sa franche voulenté et pour le salut de tous, ilz prindrent couraige contre leurs ennemis, dont ilz eurent la victoire. Le filz aussi du dict Publius Decius, par quatre foiz consul de Romme, eut tele et juste pensee comme son pere, car le dict filz, de son plein gré, abandonna son corps et sa vie presente pour le salut de la chose publique. Pour monstrer aussi que l’en ne doit pas doubter la mort ne creindre a saillir hors de ceste vie presente, il n’est ja besoing que je racompte comment Marcus Attilius, premierement laboureur de terres et aprés consul et connestable des batailles de Romme, et par pluseurs foiz vainqueur des Cartaginoiz ennemis des Rommains, il par 1 T doubtent 16 T l’un contre l’autre 15 H2 om. le dict 19 H2 on puet aussi monstrer 27 BN2 vouloit la sauveté de 33 T Decius fut par

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changement de fortune fut prisonnier a Cartage ; pour la delivrance du dict Actilius, ja vieillart, les Cartaginoiz tracterent [93v] qu’ilz recouvrassent pluseurs de leurs jouvenceaulx prisonniers des Romains ; le dict Attilius, relaschié soubz sa foy, promist qu’il retourneroit en prison ou cas qu’il ne procureroit la delivrance des jouvenceaulx de Cartage ; Actilius, donques, voulant despriser la mort et pour honneste cause deffendre et son corps et sa vie, considerant que la chose publique romaine pourroit estre dommagee se pour sa delivrance estoit rendue la jouventé de Cartage, conseilla contre soy meisme et voult retourner en prison, combien qu’il peust aultrement et bien acquiter son serement et combien qu’il congneust la cruaulté des Cartaginois, ses ennemis, qui en prison le constreingnirent mourir par si long et si cruel tourment que a peines le peuest l’en sanz larmes recorder. Il n’est ja aussi besoing que je recorde comment Scipion, dict Africain, et Scipion Asian, deux tresnobles et glorieux champions de la chose publique, emploierent leurs forces et leurs corps en diverses batailles contre les Africains et contre les Asians : car aprés la mort et desconfiture du grant Pompee et de son ost, Scipion dict Africain succeda en l’office du dict Pompee et fut duc des batailles [94r] romaines ; il par long temps aprés l’Ancian Scipion Africain derechief desconfisi les Africains par armes et les remist soubz la seignourie de Romme. Mais, comme par changement de fortune, Scipion ne esperast refuge ne recours, il partant d’Afrique pour venir en Espaigne par navire avec aulcuns capitaines rommains, aprés pluseurs tempestes de mer, il et son navire par soubdeinneté de vens retourna en Afrique et illec fut environné et assiz de Publius Sitius, chevalier de Julius Cesar, qui ja seul occupoit la seignourie de Romme ; Scipion, donques, voulant mourir en l’estat de franchise et eschaper la servitute de Cesar comme cellui qui ne tint compte de mort, tua soi de sa propre main, combien qu’il esperast assez de legier que Cesar lui eust esté assez debonnaire. Et son tresnoble frere, Scipion Asian, qui par batailles subjuga les pays et les roys et les peuples de Asie, il enrichi moult le publique tresor de Romme ; il qui eut pluseurs triumphes et qui emprisonna pluseurs rois par batailles, aprés qu’il fut retourné a Romme, il feust injustement accusé par l’enhortement du roy Anthiocus, qui par faulx accuseurs lui fist a mectre sus qu’il a-[94v]-voit appliqué et retenu a soy grant nombre et quantité de deniers qui devoient estre mis ou publique tresor ; par quoi le dit Scipion, loyé de fer, fut mis en chartre obscure ou il fina ses jours sans regret et sans impacience. Je ne recorde mie aussi ton aieul Lucius Paulus, consul rommain, qui ne recreingny pas la mort,

3 T relachié sur sa 7 T endommagee 13 BN2 deux freres tresnobles 17 BN2 rommaines ; il desconfit par armes les Affricains, il destruit Cartaige leur cité et les soubzmis a la seigneurie de Romme H2 soubzmist 24 H2 Publius Sirius 35 T Je recorde 36 T ton ayeul

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ains voult delesser ceste vie temporele de son plein gré : car comme Hanibal, duc de Cartaige, ennemi de nostre cité de Romme, eust assemblé son ost en une ville de Pueille appellee Cannes, et pour resister a lui feussent venuz Paulus, ton dit ayeul, et ung aultre consul, son compaignon, avec toutes les forces de Romme, trois cens nobles jouvenceaulx romains, avec une partie de l’ost, sanz le conseil et consentement du dit Paulus, assemblerent en bataille, en laquele celle partie de l’ost et le consul et les trois cens jouvenceaulx moururent honteusement, c’est adire que, par deffault d’ordonnance ilz perdirent victoire ; et, comme ton dit ayeul Paulus veist son compaignon et son ost ainsi desconfiz et tuez, il, avec la partie de son ost, le frapa en bataille sanz espoir de victoire, mais seulement a fin qu’il comparast l’oultraige de son compaignon con-[95r]sul qui follement entreprist la besoingne. Ne il n’est aussi necessité aulcune que je racompte comment Marcellus, consul rommain, desprisa la mort, car il sanz grant adviz desiderant resister aus effors des Africains, choisi pour combatre a Hannibal ung champ au quel noz soldoiers rommains assemblerent joyeux et fermes en leur courage ; et si pensoient assez que sanz retour ilz mourroient, ainsi comme il advint, car eulx tous et Marcellus, consul et chevetain de celle bataille, moururent, comme j’ai dit en mon Livre des naiscences des nobles italians ; au quel consul gisant mort ou champ avec ses chevaliers, le dict Hannibal, trescruel ennemi des Rommains, rendi et fist pleine et entiere honneur de sepulture, car Hannibal, selon sa propre noblesse, considerant la vertu du dit Marcellus, qui pas ne doubta la mort en exposend son corps et sa vie pour le salut publique, il fist couvrir le corps de Marcellus d’un payle d’or a la maniere d’Afrique et lui donna couronne de lorier, puiz le brulé en ung solennel feu a la maniere ancianne gardee entre les nobles. Quoy, Scipion et Lelius, voulez que je vous die, puisque les hommes adolescens [95v] et juenes, et non pas seulement ceulx qui sont saiges et introduictz es sciences, ains mesmement les folz et ydiotes ne prisent ne ne doubtent la mort, ainsi comme vous m’avez ouy compter es exemples precedens ?

10 H1 le frapa 13 T que racompte 14 P desirant H1 desira 18 H1 Livre de naiscence de nobles 24 H1 brula

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76 Omnino, ut michi quidem videtur, studiorum [30v] omnium satietas vite facit sacietatem ; sunt puericie certa studia : non igitur ea desiderant adolescentes ? sunt etiam ineuntis adolescentie: nun ea constans iam requirit etas que media dicitur ? sunt eciam eius etatis : ne ea quidem queruntur in senectute, sed extrema studia que dam senectutis : ergo, ut superiorum etatum studia occidunt, sic occidunt etiam senectuti ; quod cum evenit, satietas vite tempus maturum mortis affert. XXI 77 Non equidem video cur quod ipse sentiam de morte non audeam vobis dicere, quod eo melius michi cernere video, quo ab ea propius non absum. Ego vestros patres, Publi Scipio, tuque Gai Leli, viros clarissimos michique amicissimos, vivere arbitror, et ea quidem vita que est sola vita nominanda. Nam, dum sumus inclusi in hiis compagibus corporis, munere quodam necessitatis et gravi opere fungimur : est enim celestis animus ex altissimo domicilio depressus et quasi demersus in terram, in locum divine nature eternitatique contrarium. Sed credo deos immortales sparsisse animos in corpora humana, ut essent qui terras tuerentur, quique, celestium ordinem contemplantes, imitarentur eum vite modo [31r] atque constantia. Nec me solum ratio ac disputatio impulit ut ita crederem, sed nobilitas etiam summorum philosophorum et autoritas.

1 T ut quidem michi 2 E num igitur 3 E sunt ineuntis ; var. et ineuntis 5 E sunt extrema 8 E N. enim ; var. N. equidem 9 T proprius | E om. non | E patres tu Scipio tuque Laeli 11 E amicissumos ; var. amicissimos 12 E his ; var. iis 13 E perfungimur 14 E om. in (terram locum) ; var. in locum

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76 Pensez vous donques que les saiges vieillars se doivent espouventer pour tant s’ilz sont pres du temps de leur mort ? Cellui qui est saoul et refect de toutes les estudes et oeuvres pertinens a chascun eage, il est si saoul du temps de ceste vie que il ne doubte aulcunement la mort, ainsi comme il me samble droitement et ainsi comme je l’esprouve par moy ; certainnes choses sont en quoi puerice, qui est la seconde eage, met son estude et son entente et les adolescens, qui sont soubz la tierce eage, ne desirent aulcunement les choses en quoi puerice s’estudie et emploie ; certainnes choses sont en quoi les hommes s’estudient au commencement de leur adolescence ; certainnes choses sont en quoi juenesse, qui est la quarte et moyanne eage, ne met point son estude, combien que l’omme se y emploiast es aultres moindres eages ; juenesse est appellee l’eage ferme et moyanne pour ce que elle tient le moyan entre adolescence et vieillesse, et si cesse l’omme adonc faire choses [96r] legieres et folles et adonc ou jamais l’omme est ferme et entier en corps ou en entendement ; les choses et besoingnes en quoi les hommes s’estudient en juenesse sont teles que les vieillars n’en ont cure : ains mesmement vieillesse a aulcunes choses et besoingnes derrenieres en quoi elle s’estudie et emploie, comme donques les estudes et oeuvres des cinq eages premieres moeurent et cessent en aulcuns temps et saisons, aussi moeurent et cessent les estudes et oeuvres de vieillesse ; lesqueles, quant elles faillent en l’omme, adonc il qui est saoul de vivre vient au temps meur et convenable a mourir. XXI 77 Certes, je ne voi chose pour quoi je ne vous ose bien dire ce que je sens et apparçoi de la mort, car il me samble que mieux je puis veoir et sentir la nature et la proprieté de la mort de tant comme je qui suis vieillart en suis moins loing. Certes, Scipion et Lelius, je juge et pense en mon courage que ou hault ciel vivent voz deux peres qui furent tresrenommez et nobles et mes treschiers amis, et si juge en ma pensee que voz deux peres vivent d’une vie la quele seule et non aultre doit estre appellee vie. Car tandiz que nous sommes encloux en ces joinctures de nostre corps materiel, nous usons d’un office con[96v]-tenant neccessité de mourir, et si usons d’une oeuvre grieve et poysante, par ce que le corps tousdiz tend a la mort, mais en nous est une ame celeste et divine qui du treshault palais est abaissee dedans le corps humain, ainsi comme se elle feust plongee et reposte dedans terre : le lieu en quoy est l’ame celeste est contraire a la divine nature de l’ame et a l’eternité d’elle. Car l’ame est celeste et descendue de hault lieu et le corps est terrestre et bas ; l’ame est immortele et le corps est mortel. Mais je croy que les dieux immortelz ont respendu et semé les ames dedans les corps humains a fin que les hommes veissent et habitassent les contrees de la terre et a fin aussi que les hommes considerans l’ordonnance des 6 T saut de quoi à quoi 19 BN2 dans la marge : en aucuns temps et saisons aussi meurent et cessent 19 T saut de cessent à cessent 26 T nobles et et mais 31 H2 une autre celeste et divine 32 T comme elle 33 T prolongee | P dedans le corps terre 34 T alaternité 35 T corps est celestre et

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78 Audiebam Pitagoram pitagoreos que, incolas pene nostros, cum essent Italici philosophi quondam nominati, nunquam dubitasse quin ex universa mente divina delibatos animos haberemus. Demonstrabantur michi preterea que Socrates supremo die de immortalitate animarum disseruisset, is qui esset omnium sapientissimus oraculo Apollonis iudicatus. Quid multa ? sic michi persuasi, sic sentio, cum tanta celeritas animorum sit, tanta memoria preteritorum futurorumque prudentia, tot artes, tante sciencie, tot inventa, non posse eam naturam que res eas contineat esse mortalem ; cumque semper animus agitetur nec principium motus habeat, quia ipse se moveat, nec finem quidem esse habiturum motus, quia nunquam seipsum sit relicturus ; et, cum simplex animi natura esset neque haberet in se quitquam ammixtum dispar sui atque dissimile, non posse eum dividi ; quod si non possit, non posset interire ; magnoque esse argumento homines scire plera-[31v]-que antequam nati sint, quod iam pueri, cum artes dificiles discant, ita celeriter res innumerabiles arripiant ut eas non tantum primum accipere videantur, sed reminisci et recordari. Hec Plato noster.

15 E non tum 16 E Hec Platonis fere ; var. P. noster

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choses celestes ensuivissent celle ordonnance par maniere et par fermeté de vie ; c’est adire que Dieux, qui est immortel, a mis et met les ames immorteles dedans les corps des hommes mortelz a fin que ilz advisent et habitent cest bas monde et a fin qu’ilz considerent l’ordonnance du ciel et que ilz vivent de vie ferme et pardurable avec Dieu. Et saichiez, Scipion et Lelius, que ma raison ne ma disputoison que je fait sur ceste matiere ne me constreingny onques que je creusse que les ames [97r] des hommes feussent immorteles, mais mesmement la noblesse et l’autorité des souverains philosophes me ont constreint a ce croire. 78 Je escoutoie entre les philosophes de l’estude de Romme lire la doctrine du philosophe Pitagoras et les opinions de ceulx qui l’ensuivirent, qui presque tous furent jadiz appellez philosophes latins : ilz determinoient pour vray que nous avons les ames espendues et semees dedans noz corps, lesqueles n’estoient pas engendrees simplement par nature, mais que elles estoient d’une substance divine tele comme Dieux l’ordonnoit en sa pensee, en quoi est la figure et le vray mirouer de toutes choses divines et humainnes. Avec la doctrine de Pytagoras et avec les opinions de ses disciples l’en me monstroit les enseignemens que le philosophe Socrates, ou derrenier jour de sa vie, avoit concluz et affermez en parlend de l’immortalité des ames ; cestui Socrates, jadiz maistre du philosophe Platon, fut tenu le tressaige de tous aultres philosophes, ainsi comme il apparut par le respons du dieu Apollo, a qui l’en demanda qui estoit le plus saige des hommes : « Socrates, dist il, doit avoir le principal honneur entre tous les saiges de la cité d’Athenes. » Il n’est ja besoing que [97v] je parle oultre de l’immortalité des ames, mais je tien fermement que les ames des hommes soient immorteles, car puisque la legiereté des ames est si grant que elles sont tousjours en mouvement, puisque la memoire des choses trespassees est si grant es ames que il souvient aux hommes des choses trespassees ainsi comme se elles feussent presentes, puisque la providence des choses advenir est si grant es ames que l’omme se conseille et pourvoit et advise de aulcunes choses advenir, et puisque es ames sont tans de ars de faire selon droite raison les oeuvraiges et les mestiers dont les hommes usent communement, et comme es ames soient si grans sciences divines et humainnes et tans de nouvelles choses trouvees sanz exemplaire, je di selon mon sentement que l’ame, qui naturelment contient les choses que j’ay ci devant dictes, ne peuest estre mortele. Je vous prouve aultrefoiz que l’ame soit immortele : car puisque tousjours l’ame a en soy divers mouvemens, pour ce que une foiz elle convoite les choses delectables comme sont art, science,

12 T lesquelz 18 H2 om. ames 19 T de toutes autres 23 P « oultre de l’immortalité » : de est suscrit 26 BN2 choses passees 36 T que elle convoite une fois

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XXII 79 Apud Xenophontem autem moriens Cirus maior hec dixit : « Nolite arbitrari, o michi carissimi filii, me, cum a vobis discessero, nusquam aut nullum fore. Nec enim dum eram vobiscum, animum meum videbatis, sed eum esse in hoc corpore ex hiis rebus quas gerebam intelligebatis ; eundem igitur esse credite, etiam si nullum videbitis.

5 E creditote

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prudence, sapience, entendement et aultres choses bonnes ou qui samblent estre bonnes, et aultrefoiz l’ame a mouvement en soi courroucend pour les choses desplaisens qui sont ou qui samblent [98r] mauvaises, il fault conclure que elle soit perpetuele ; je vous prouve aussi que l’ame est immortele, car elle n’a aulcune chose qui la moeuve a faire ce que elle fait, car l’ame moeut et cemont soy mesme et si ne aura jamais l’ame la fin de son mouvement, car l’ame ne pourroit jamais laisser soy meisme, car elle vouldroit tousjours estre pour faire office pertinant a sa nature ; et par aultre raison je prouve que l’ame soit pardurable, car la naturele substance de l’ame est simple et ne est point composee de parties de diverses natures ; et si n’a riens en l’ame qui soit meslé ne despareil ne dessamblable a sa naturele substance, pour quoi il convient dire que l’ame ne peuest estre divisee en parties diverses ; et se ainsi est, il fault conclure que elle ne peuest mourir ; et pour oultre prouver que l’ame soit pardurable, vous avez grant argument et bonne approbacion par ce que les hommes scevent pluseurs et diverses choses avant qu’ilz soient néz, car ainsi comme vous savez, les hommes en l’eage de puerice, quant ilz apprennent les ars speculatives ou pratiques qui sont dangereuses et subtiles, ilz retiennent si hastivement et si tost diverses et pluseurs choses que il ne samble pas seulement que ilz les appreignent nouvel-[98v]-lement et tost, mais samble que ilz en aient derechief memoire et souvenance, ainsi comme se par avant ilz les eussent sceues. Et saichiez que le philosophe Platon est l’auteur qui parla de l’ame ainsi comme vous ay icy dict. XXII 79 Aprés ce que je vous ay monstré par argumens que les ames ne sont pas morteles, je maintenant vueil par exemple et par autorité monstrer que les ames soient perpetueles. Le philosophe Xenophon tesmoigne en ung sien livre appellé Economique que le Grant Cirus, roy de Perse, le jour qu’il mourut, dist a ses enfans les paroles qui s’ensuivent : « Mes trechiers enfans, dist le roy Cirus, ne pensez mie que tousjours je ne soie en aulcun lieu, et aussi que je ne soie tousjours aulcune chose aprés ce que je me serai departi de vostre compaignie. Car, quant je estoie avec vous, vous ne pouiez veoir mon ame, par quoi je sui immortel, mais vous apperceuviez assez que en mon corps estoit conjoincte mon ame par les sept oeuvres que je faisoie en ma vie : car mon corps estoit vif par le moian de mon ame, je avoie franc vouloir et non vouloir de faire ou de non faire toutes choses possibles, je avoie droit jugement des choses vraies et faulses, je avoie sentement des qualitez [99r] des choses, je 3 P réclame au bas du fol. 97v° : mauvaises 4 BN1 prouvre 5 T elle a fait 7 P pourroit jamais ne pourroit laisser 8 T a nature 12 T devisee 20 T comme par 22 P ay ci icy dict 26 H1 Aconomus 30 H1 vous vous ne pouvouz veoir 33 H1 franc et non vouloir de faire ou de non faire H2 franc vouloir de faire ou de non faire

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80 Nec vero clarorum virorum post mortem honores permanerent, si nichil eorum ipsorum animi efficerint quo diutius memoriam sui teneremus. Michi quidem persuaderi nunquam potuit animos, dum in corporibus essent mortalibus, vivere, cum excessissent ex hiis, emori, nec vero animum esse insipientem cum ex insipienti corpore evasisset, sed, cum omni ammixtione corporis liberatus, purus et integer esse cepisset, tum esse sapientem. Atque etiam, cum hominis natura morte dissolvitur, ceterarum rerum perspicuum est quo queque discedant : ab eunt enim illuc omnia unde orta sunt ; animus [32r] autem solus nec cum adest nec cum discessit apparet. 81 Iam vero videtis nichil esse morti tam simile quam somnum ; atqui dormientum animi maxime declarant divinitatem suam : multi enim, cum remissi sunt et liberi, futura prospiciunt ; ex quo intelligitur quales futuri sunt, cum se plane corporum vinculis relaxaverint. Quare, si hec ita sunt, me sic colite ut deum ; sin una est interiturus animus cum corpore, vos tamen deos verentes, qui hanc omnem pulcritudinem tuentur et regunt, memoriam nostri pie inviolateque servatibis. » Cyrus quidem hec moriens, nos, si placet, nostra videamus.

4 E vero tunc animum | P Le microfilm, de mauvaise qualité à cet endroit, peut laisser lire animoes 9 E discedat ; var. discedant 12 E sint ; var. sunt 13 T relaxaverunt | E colitote inquit ut

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respiroie l’air par les conduictz de mon corps, je savoie les choses par leurs propres causes, je avoie memoire des choses ja passees ; selon ces sept ouvraiges l’ame est nommee par sept noms, c’est assavoir ame, couraige, raison, sentement, pensee, memoire et esperit. Vous devez donques croire que aprés mon departement l’ame de moy soit tele comme elle est maintenant, combien que vous voiez que mon corps soit ramené a neant. 80 Car les honneurs, les dignitez et les bonnes oeuvres des nobles et renommez hommes seroient exteinctes et passees aprés leur mort se leurs ames ne faisoient tant que nous eussions de leur bonté et louange aulcune memoire plus longue que le temps de leur vie. Saichiez, dist le roy Cyrus, que onques homme ne me peut faire accorder ne consentir que les ames vesquissent pleinement tandiz que elles sont dedans les corps mortelz, ne que elles mourussent aprés ce que elles estoient separees des corps ; et aussi di je que onques homme ne me peut faire consentir ne accorder que l’ame ne feust saige et noblement doee aprés ce que elle estoit hors du corps fol et villain : mais je me consens et accorde que l’ame commence [99v] estre saige aprés ce que elle est despechee et pure et entiere de toute la mixtion du corps qui est meslé et pestri des quatre elemens qui sont entr’eulx contraires. Et puisque le naturel corps de l’omme, qui est la plus noble des choses, retourne en neant par la mort, il est chose clere et notoire en quel lieu voisent toutes les aultres choses, car les choses de ce monde retournent en ce dont elles vindrent ; l’ame de l’omme ne appart ne ne peuest estre veue ne quant elle est conjoincte avec le corps ne quant elle en est separee. 81 Vous voiez, dist le roy Cyrus, qu’il n’est riens si samblable a la mort comme est le dormir ; et certain est que les ames de ceulx qui dorment monstrent et declairent la divinité de l’ame : car pluseurs hommes dormens advisent et congnoiscent par leur dormir les choses advenir ; mais que les hommes soient despeschiez et affranchiz de cusançons terriennes, par quoi l’en doit entendre queles seront noz ames quant elles seront du tout relaschees des loyens des corps terrestres, car les ames sanz comparaison useront plus a plein de leur divinité aprés que elles seront hors de la prison et des loyens du corps. Pour tant se ces chose sont vraies, c’est assavoir que mon ame est immortele ainsi comme j’ay dict, je vueil, mes treschiers [100r] enfans que vous me honnouriez tout ainsi comme Dieu ; mais se ainsi est que l’ame doive mourir ensamble avec le corps, toutevoies nous qui portons reverence aux dieux defendent et gouvernent toute la beaulté qui est en la compaignie du corps et de l’ame, nous voulons que religieusement et sanz enfraindre vous gardez la memoire de nous principalment par bien faire et bien dire, ainsi comme nous

6 T que voiez BN2 corps est ajouté dans la marge 7 BN2 les dignitez et les bontez et renommés des nobles hommes seroient 17 BN2 meslé et parti 24 T dormans BN2 dorment. dormans H2 dormans 31 P chose T BN2 choses (T ses choses vraies) | BN2 ame soit 36 T religieusement sans enfraindre

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XXIII 82 Nemo unquam michi, Scipio, persuadebit aut patrem tuum, Paulum, aut duos avos, Paulum et Africanum, aut Africani patrem aut patruum, aut multos prestantes viros, quos enumerare non est necesse, tanta esse conatos que ad prosteritatis memoriam pertinerent, nisi animo cernerent posteritatem posse adse pertinere. An censes, ut de me aliquid ipse aliquid ipse more senum glorier, me tantos labores diurnos nocturnos que domi miliceque suscepturum fuisse, si hiisdem finibus gloriam meam quibus vitam essem terminaturus ? Nonne [32v] melius multo fuisset ociosa etatem et quietam sine ullo labore et contentione traducere ? Sed nescio quomodo animus erigens se posteritatem ita semper prospiciebat quasi, cum excessisset e vita, tum denique victurus esset. Quod quidem ni ita se haberet ut animi immortales essent, haud optimi cuiusque animus maxime ad immortalitatis gloriam niteretur.

2 T avos aut 4 T E posteritatis 12 E immortalitatem et gloriam

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avons tandiz que nous vivions. » Le grant Cyrus, roy de Perse, dist ces paroles a ses treschiers enfans a l’eure qu’il mouroit. XXIII 82 Mais s’il vous plaist, Scipion et Lelius, veons quele soit nostre opinion en la matiere de l’immortalité de l’ame. Et saiches, Scipion, que il n’est homme qui me face consentir ne accorder que ton pere Paulus, ou tes deux ayeulx Paulus et Scipion l’Africain, ou le pere ou oncle du dit Africain, ou aultres pluseurs vaillens et nobles hommes rommains, lesquelz il n’est ja necessité de nombrer, se feussent efforciez de faire les grans faictz de vertuz et de prouesses pour avoir memoire et renommee entre les gens qui aprés eulx venroient, se ilz ne advisassent et congneussent en leur couraige que ou temps qui vient aprés ceste vie presente les ames recevront telz guerdons et loyers comme [100v] il appartient selon leurs biensfaicts, et que aprés leur mort la memoire en demourroit. Penses tu, Scipion, que je eusse entreprins et soustenu si grans labours et par nuyt et par jour tout le temps de ma vie, tant ou gouvernement de nostre cité de Romme comme de mon propre hostel, et aussi en fait d’armes, se je pensasse que par samblables termes je deusse finer la vie de mon corps et la gloire, la louange et le renom que je puis avoir conquesté et desservi par mes labours dessus dicts ? Je parle ainsi, Scipion, avec toy, a fin que je me glorifie et loe selon la maniere des vieillars qui en racomptand leurs biensfaicts se glorifient et loent, et par ce ilz donnent couraige aux juenes de faire samblables biens. Se je devoie a ung mesme terme finer ma vie et la memoire de mes glorieux faicts si que mon ame mourust avec mon corps, il m’eust trop mieulx valu que je eusse vescu oysif et en repoz, sanz labour et sanz bataille faire, se je ne veisse et pensasse en mon couraige que ceulx qui par succession de lignie venront aprés moy auront en leur couraige mes labours et mes biensfaicts, et que aprés ma mort la gloire et la memoire en demourra envers les hommes et le guerredon envers les dieux immortelz. [101r] Mais tu, Scipion ou Lelius, me pues dire comment l’umain couraige soi dressant et eslevant a acquerir gloire tousdiz regarde devant soi pour desservir memoire pour soy et envers ceulx qui aprés lui venront ? Si vous respon que c’est a fin que quant l’ame sauldra de ceste vie presente elle puisse finablement vivre par gloire immortele, et se il n’estoit ainsi que les ames vesquissent par gloire pardurable aprés la vie presente, le couraige d’un chascun tresbon homme ne se efforceroit pas si grandement d’acquerir la gloire immortele.

1 T BN2 H1 vivons 4 T saichiez 13 H1 soustenus 17 T la gloire et 28 H2 me pouez 30 BN2 om. pour soy et 34 BN2 si tresgrandement

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83 Quid ? quod sapientissimus quisque equissimo animo moritur, stultissimus inequissimo, nonne videtur vobis is animus, qui plus cernat et longius, videre se ad meliora proficisci, illum autem, cui obtusior sites, non videre ? Equidem efferor sutdio patres vestros, quos colui et dilexi, videndi, neque enim eos solos convenire habeo quos ipse cognovi, sed etiam illos de quibus audivi et legi et ipse conscripsi. Quo quidem me profiscentem haud sane quis facile retraxerit nec tanquam Pilam retorserit. Et si quis deus michi largiatur ut ex hac etate repuerescam et in cunis vagiam, valde recusem, nec vero velim quasi decurso spacio ad carceres a calce reverti. 84 Quid enim habet vita commodi ? quid non potius laboris ? Sed habet sane, habet certe tamen aut satietatem aut modum. Non enim [33r] libet michi deplorare vitam, quod multi et indocti sepe fecerunt, neque vixisse me penitet, quoniam ita vixi ut non frustra me natum existimem, ex vita ita discedo tanquam ex hospicio, non tanquam edomo : commemorandi enim natura diversorium nobis, non habitandi dedit. O preclarum diem, cum ad illud divinum animorum concilium cetumque proficiscar cumque ex hac turba et colluvione discedam ! Proficiscar enim non ad eos solum viros de quibus ante dixi, verum etiam ad Catonem meum, quo nemo vir melior natus est, nemo pietatem prestantior ; cuius a me corpus est crematum, quod contra decuit ab illo meum cremari, animus vero non me deserens sed respectans, in ea profecto loca discessit quo michi ipse cernebat esse veniendum ; quem ego meum casum fortiter ferre visus sum, non quo equo animo ferrem, sed me ipse consolabar existimans non longinquum inter nos digressum et discessum fore.

3 T Equidem non 5 E aueo ; var. abeo, habeo 6 T om. me | T aut sane 7 E Peliam 6 E recoxerit ; var. retraxerit, retorserit 9 E a calce revocari 10 E habeat ; var. habet 11 E lubet ; var. libet 12 E et docti ; var. etiam docti 13 T extimem | E existimans et ex 14 E domo ; var. ex domo 15 E deversorium ; var. devorsorium, diversorium 15 E cum in ; var. cum ad 16 T consilium 20 E om. cremari 21 E veniundum ; var. veniendum

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83 Je vous demende, Scipion et Lelius, quoi il vous samble de ces deux choses diverses : c’est assavoir que chascun homme tressaige et vertueux moeurt en couraige trespaciant et joieux, et chascun homme tresfol et vicieux moeurt en couraige tres impaciant et creintif ? Ne vous samble il pas que le couraige du saige homme et bon et qui advise et considere plus et plus loing ne voie bien et congnoisse que l’ame va en meilleur lieu et ou elle sera mieulx que elle n’estoit en ceste vie presente, et pour ce le saige homme et bon moeurt en couraige trespaciant et joieux ? Mes le fol homme et vicieux qui pour son ignorance et pour la pesanteur de ces vices a la clarté floible et rebrunchee, il ne peuest veoir ne congnoistre que [101v] son ame voise en meilleur lieu ne pour mieulx avoir ne que elle estoit en ceste vie presente. Et certes pour ce que je sui vieillart et pres de la mort et si pense que mon ame soit immortele, je me esjoy pour le desir que j’ai de veoir voz peres ja mors, lesquelz j’ay hentez et amez quant ilz estoient en vie, et je n’ay pas desir seulement de veoir les hommes trespassez de ceste vie, lesquelz je congnoissoie de veue et de conversacion, mais mesmement j’ay desir de veoir aprés ma mort ceulx dont j’ay ouy parler et ceulx dont j’ay leu les histoires et ceulx que j’ai escript, entre ceulx dont je enten qu’ilz soient faiz immortelz par leurs merites precedens. Certes, il n’est homme qui de legier me retirast a l’amour de ceste vie mondainne, puisque je sui ou chemin de aler avec ceulx qui sont faits immortelz, et si n’est homme qui legierement me retournast du chemin par quoy l’en saulte hors de ceste vie presente, combien que aulcuns folz vieillars vouldroient que on les rechassast en juenesse, ainsi comme l’en rechasse une pelote d’une bourne a l’aultre. Et se aulcun dieu me donnoit puissence que je que suy vieillart retournasse en enfance et que je brahisse et criasse ou maillot a maniere d’enfant, je ne le vouldroie point, mais je le refuseroie. 84 Se vous me demendez quel et con grant proufit soit d’estre [102r] en ceste vie, je vous respon que plus y a de labour qu’il ne y a de proufit, mais a dire verité ceste vie contient l’un et l’aultre, c’est assavoir et proufit et labour ; et toutevoies ceste vie presente contient ou saoulement ou mesure : les vieillars ont leur saoul de ceste vie, les hommes des aultres cinq eages ont terme et mesure de certain nombre de ans, car enfance contient VII temps, et aussi des aultres quatre eages ensuivens. Certes, il ne me plaist en riens plourer pour ce que ma vie n’est plus longue, et certain est que pluseurs hommes comme folz ont plouré pour celle cause, et si ne me repens mie de ce que j’ai vescu jusques au temps de vieillesse, car je ay si faictement vescu que je ne cuide pas que je aie esté né au monde pour neant ne en vain ; je me depart 1 H1 qu’il vous ensemble 2 H1 tresvertueux 5 P saige homme moeurt et bon moeurt | T voie et 8 T Mais 9 T rebrumhee H2 esblouye 11 H2 Et pource le saige homme et moy qui suis vieillart et pres de la mort 22 T rachassast 25 T maillot en maniere 26 T quel et grant H2 quel et com 30 BN2 saut de vie à vie H2 om. vie 31 T ou terme 36 P depars de mie de

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85 Hiis michi rebus, Scipio, id enim te cum Lelio ammirari solere dixisti, levis est senectus, nec solum non molesta, sed etiam iocunda. Quod si in hoc erro qui animos hominum immortales [33v] esse credam, libenter erro, nec michi hunc errorem quo delector, dum vivo, extorqueri volo ; sin mortuus, ut quidem minuti philosophi censent, nichil sentiam, non vereor ne hunc errorem meum philosophi mortui irrideant.

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de ceste vie presente ainsi comme ung voyageur pelerin se depart d’aulcune hostelerie pour venir en sa maison, mais je ne me depars mie de ceste vie ainsi comme le seigneur se depart de sa maison, car ceste vie passable n’est fors que une hostelerie, mais la vie advenir est la ferme et la propre maison de mon ame immortele : car Nature, mere de toutes choses, a donné a nous, hommes, logeiz pour nous demourer ensamble, mais elle ne nous a point donné maison pour tousjours [102v] habiter. Pensez, Scipion et Lelius, combien soit noble cellui divin concile et celle saincte assamblee en quoi seulement seront les ames des hommes mors ; au quel concile je Caton yrai si tost que je partiray de ceste tourbe et de ceste ordure ! Certes, je iray au divin concile non pas seulement des hommes dont j’ay par avant parlé, mais mesmement au departir de ceste vie je iray avec mon filz, le juene Caton, qui tant estoit bon homme que meilleur de lui ne nasqui onques de mere ne plus excellant en pitié ne en religion ; je ay brulé et enseveli le corps de mon filz Caton, combien que aultrement deust advenir selon cours de nature, c’est assavoir que mon corps, vieil et ancian, devoit estre brulé et enseveli par mon filz ; l’ame de mon filz Caton ne me delessa pas, mais son ame qui resgardoit que je venisse a lui se est destournee et retraite en certains lieux du ciel, esquelz elle advisoit que je devoie venir aprés ma vieillesse ; et vray est, Scipion et Lelius, qu’il vous a samblé que je portasse et souffrisse de fort et bon couraige la mort du juene Caton mon filz, mais vray est que je ne la portay ne souffri par si fort ne par si paciant couraige que je n’en eusse douleur et troublement, mais je me confortoie pensant en [103r] mon courage que entre nous deux ne auroit pas longue espace de lieux ne long entrechaz aprés ceste vie presente. 85 Vous, Scipion et Lelius, deistes au commencement de ce livre que vous vous souliez merveillier comment ma vieillesse me pouoit estre soueve et doulce en ces deux choses qui samblent aspres et ameres a endurer, c’est assavoir l’eage de ma vieillesse et la hastive mort de mon tresbon filz Caton. Si vous ay dit que ma vieillesse est envers moy doulce et legiere et elle n’est pas seulement non chargeuse, mais elle est joieuse envers moy par ce que je juge et pense de certain que l’ame ne moeurt jamais. Mais se je sui en erreur et hors de verité par ce que je croy que les ames des hommes soient immorteles et pardurables, je vous respon que ceste erreur me plaist et si me y consens voulentiers ; et tandiz que je vif je ne vueil que aulcun philosophe ou aultre quelconque me oste ceste erreur en quoi je me delicte, car se aprés ceste vie presente je sui mort tant en corps comme en ame, ainsi comme afferment aulcuns menuz philosophes que l’en nomme Epicures, certain est que je ne sentiray riens, et si n’ay mie paour que telz philosophes ainsi mors se moquent de moy ne de ceste mienne opinion selon la quele je croy les [103v] ames 22 H2 om. me 28 T treshastive 29 T dit de ma vieillesse que elle 30 T j’ay jugé

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Quid si non sumus immortales futuri, tamen extingui homini suo tempore optabile est : nam habet natura, ut aliarum omnium rerum, sic vivendi modum ; senectus autem etatis est peractio tanquam fabule, cum defatigatione, fugere debemus, presertim adiuncta satietate. 5

Hec habui de senectute que dicerem. Ad quam utinam perveniatis, ut ea que ex me audistis re experti probare possistis ! Marci Tullii Ciceronis De senectute liber explicit feliciter.

1 E Quodsi 2 E vivundi 9 E M. T. Ciceronis Cato Maior De senectute explicit ; var. Ciceron. De senectute lib. fin. ; finit De senectute

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immorteles. Mais vous me pouez demender quoi, nous vieillars, devons faire : ou desirer a vivre plus longuement ou desirer la mort et estre contens de avoir vescu jusques en l’eage de vieillesse ? Je vous respon que, combien que les ames ne feussent pas immorteles, si doit chascun homme desirer qu’il moeure en son temps, c’est assavoir en vieillesse, car la nature de l’omme a en soy certain terme de vivre, ainsi comme ont les aultres choses du monde qui toutes moeurent ou cheent ou defaillent aprés que elles ont accompli leur eage. Or est il vray que, aprés les cinq premieres eages, vieillesse est l’accomplissement de la vie des hommes, nous aussi ne devons pas desirer a vivre oultre l’eage de vieillesse, ainsi comme je le vous monstre par cest exemple : le poete qui recite en la scene aulcune fable se doit garder qu’i ne lasse ne ennuye ses escouteurs par trop longuement reciter sa fable, ainsi l’omme ne doit point desirer vivre oultre vieillesse, attendu principalment que en celle eage ou jamais il est tout saoul de vivre.

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Je ay eu en ma pensee de vous dire de vieillesse ainsi comme vous avez ici ouy, a la quele je desire que vous puissiez parvenir, a fin que par experience de fait vous puissiez approuver les choses que vous avez [104r] ouyes de moy, lesqueles sont par moy escriptes en cestui mien livret appellé De vieillesse. 20

Cy fine le livre de Tulle, De vieillesse, translaté de latin en françois du commandement de tresexcellant, glorieux et noble prince Loys duc de Bourbon par moi, Laurent de Premierfait, cinquiesme jour de novembre mil quatre cens et cinq.

2 H1 mort ou d’avoir vesquu jusques a 5 H2 saut de vieillesse à vieillesse 7 T ou defaillent ou cheent 9 BN1 om. nous aussi ne...saoul de vivre 11 BN1 flabeT qu’il ne lasse le ennuye 16 T vieieillesse 17 T afin je experience 22 T tresexcellend | BN1 om. souscription (Ci fine...et cinq.)| BN1 La fin de ce livre (om. souscription)

INDEX ONOMASTIQUE Nous enregistrons toutes les variantes graphiques d’un même nom et les références sont aussi exhaustives que possible. Le correspondant latin de tous les noms propres est indiqué en italique ; les noms propres qui ne connaissent pas de correspondant latin sont suivis du deux-point ( : ). Si le nom du texte français n’appartient pas à la même catégorie grammaticale que celui du texte latin, ce dernier est précédé d’un tiret ( — ). Nous avons rétabli le nominatif des noms latins. Les termes tels que Vieillesse, Nature, Philosophie ne figurent pas dans cet index, ni non plus les Caton, Lelius et Scipion, interlocuteurs du Livre de vieillesse. Une table des titres d’ouvrages traduits ou cités par le Livre de veillesse suit immédiatement cet index.

A Actilius, Attilius, cf. Marcus Actilius Catilinus 129 (81v), Attilius Catilinus Africanus 129 (82r), Africanus Afrique 129 (81v), 149 (94r) : Africains, Affricains 61 (44r), 107 (69v), 149 (93v, 94r), 151 (95r) : Agamenon 89 (59r) : Ajax 89 (59r), Ajax Albinus, cf. Spurius Albinus Anthiocus 149 (94r) : Apollo 155 (97r), Apollo Appius 71 (48v, 49r), 97 (63r, 63v), Appius Appius Claudius 103 (67v), Appius Claudius Archatonius 139 (88r), Archatonius Archites 101 (66r, 66v), 103 (67r), Architis Tarentinum, Architas Aristides 75 (51r), Aristides Aristote 51 (38v), 137 (86v), Aristotiles Arruns 147 (92r, 92v) : Asie 149 (94r) : Astre 119 (76r) : Athenes 59 (42r, 42v), 83 (55r), 131 (83r, 83v), 143 (90r), Athene Atheniois 131 (83r), 133 (83v), Atheniensis

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Aticus 49 (37r, 37v), 51 (38r), Aticus

B Berecinthia (deesse Berecinthia, qui est la Grant Mere des dieux) 107 (69v), Ydeis Magne Matris Bourbon, (Loys duc de Bourbon) 45 (34r), 167 (104r) : Brutus, cf. Lucius Brutus

C Capue 59 (43v), Capua Cannes 151 (94v), — Cannensis Cartaige, Cartage, Carthage 61 (43v), 73 (49v, 50r), 101 (66r), 149 (93r, 93v), 151 (94v), Cartago Cartaginois, Cartaginoiz 147 (93r), 149 (93r, 93v), Peni Carvilius 61 (44v), Spurius Carvilius Caudie 103 (67r), — Caudinus Cecilius 81 (54r, 54v), 95 (63r), Cecilius Cepion 67 (46v), Cepio Cesar, cf. Julius Cesar Cethegus 61 (43v), 113 (73r), Cethegus Champaigne 59 (43v), 61 (43v) : Cinthius 61 (43v), Cinchius Cirus, Cyrus 89 (58r, 59r), 127 (80v), 127 (81r), 159 (99r, 99v), 161 (100r), Cirus, Cyrus ; Petit Cyrus 125 (80r), Cyrus minor ; Grant Cirus 157 (98v), Cirus maior Cleantes 79 (53r), Cleantes Collatin 147 (92r) : Coruncanius 105 (68v), Cornicanois 69 (48v), Coruncanius, Cornicani Crete 55 (41r) : Crothonie, Crotonie, cf. Milo Curiois 69 (48v), Curius Curius 105 (68r, 68v), 121 (77r, 77v), 123 (77v), Curius

D Decius 105 (68v), 147 (92v, 93r), Publius Decius, Decios

Index onomastique

Democritus 79 (53r), Democritus Dieu 59 (42v), Hercules ; 81 (54r), Pollux Duellius, Dueillius, cf. Gaius Duellius Diogenes 79 (53r), Diogenes

E Emilius 85 (57r), 87 (58r), Sextus Emilius Ennius 49 (37v), 61 (44r), 67 (46v, 47r), 71 (48v, 49r), 113 (73r), 145 (91v), Ennius Epicurius, Epicure, Epicures 105 (68r), 137 (86v), 165 (103r) : Epirhotes, Epirohotes 71 (48v), 105 (68r), 121 (77r) : Esiodus 79 (52v), Esiodus Espaigne 89 (59v), 149 (94r) : Ethna 53 (39v), Ethna

F Fabius, cf. Quintus Fabius Fabius Maximus 129 (82r), Maximus Fabriciois 69 (48v), Fabricii Fabricius, cf. Gaius Fabricius Flacus 105 (68r), Flacus Frige 107 (69v) :

G Gaius Duellius 107 (69r, 69v), Gaius Duellius Gaius Flaminius 61 (44v), 103 (67v), Gaius Flamini Gayans 55 (41r), Gigantes Gayus Fabricius 105 (68r, 68v), Fabricius Gayus Pontius 103 (67r), Gayus Pontius Samnite Gayus Servilius 121 (77v), Gaius Servilius Athla Gneus Publius 87 (58r), Gneus Publius Gorgia 65 (46r), 67 (46v), 79 (52v), Gorgias Grecs 91 (59v), 109 (70r), Grecus Grece 65 (46r), 75 (50v), 77 (52v), 83 (55r, 55v), 85 (56v), 89 (58v, 59r), 91 (60v), 119 (76r), 125 (80r), 131 (83r), Grecia

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H Hanibal, Hannibal 61 (43v, 44r), 101 (66r), 151 (94v, 95r), Hannibal Hercules 91 (60v) : Hesiodus 119 (76r), Hesiodus Homer, Omer 79 (53r), 89 (58v, 59r), 119 (76r), Homerus

J Jhesu 45 (34v) : Julius Cesar 149 (94r) : Jupiter 55 (41r), 91 (60v) :

L Lacedemonie 125 (80r), 131 (83r) : Lacedemonois, Lacedemonoiz 75 (50v), 125 (80r), 131 (83v), 133 (83v), Lacedemonius Laertes 119 (76r), Laertes Laomedon 51 (38v) : Laurent de Premierfait 167 (104r) : Leontin 65 (46r), Leontinus Levius 113 (73r), Levius Lisander 125 (80r), 127 (80r, 80v), 131 (83r), Lisander, Lisander Lacedemonius Lisimacus 75 (51r), Lisimacus Loys (duc de Bourbon), cf. Bourbon Lucius Brutus 147 (92v), Lucius Brutus Lucius Camillus 103 (67v), Lucius Emillus Lucius Emilius 85 (57r), 87 (58r), Lucius Emilius Lucius Metellus 89 (58v), 129 (81v), Lucius Cecilius Metellus Lucius Paule, Lucius Paulus 69 (48v), 149 (94v), 151 (94v), Lucius Paulus Lucius Quintius 121 (77v), Lucius Quincius Cincinatus Lucrece 147 (92r) :

M Marcellus 151 (95r), Marcus Marcellus

Index onomastique

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Marcus Attilius (Actilius) 67 (46v), 91 (59v), 147 (93r), 149 (93r, 93v), Marcus Attilius (Actilius), Marcus Attilius Glabrio 59v Marcus Cethegus 113 (73r), Marcus Cethegus Marcus Curius 105 (68r, 68v), 121 (77r, 77v), 123 (77v), Marcus Curius Marcus Lepidus 129 (82r), Marcus Lepidus Marius 63 (45r), Marius Mars 129 (81v) : Masinissa 93 (61r, 61v), Masinissa Milo, Milo le Crothoniois 85 (56v, 57r), 91 (60v), Milonis Crothoniate Minerva 71 (48v), 97 (63r) :

N Nearcus 103 (67r), Nearcus Tarentinus Nestor 89 (58v, 59r), Nestor Nevius 75 (50v, 51r), 113 (72v), Nevius Numidie 93 (61r) :

O Olimpus 91 (60v), Olimpus

P Pallas 71 (48v) : Paulus 129 (82r), 149 (94v), 151 (94v), 161 (100r), Paulus Perse 89 (58r, 59r), 127 (80v), 157 (98v), 161 (100r), — Persicus Persois 91 (59v), 125 (80r), Persa Philippe 67 (46v), Philippus Pirrhus 71 (48v, 49r), 105 (68r, 68v), 121 (77r), Pirrhus, Pyrrhus Pisistratus 143 (90r), Pisistratus Pitagoras 46 (35v), 79 (53r), 91 (60v), 145 (91r), 155 (97r), Pitagoras, Pithagoras Platon, Platon atheniois 65 (46r), 79 (53r), 103 (67r), 107 (69r), 155 (97r), 157 (98v), Plato, Plato Atheniensis Plautus 113 (72v), Plautus Pompee 149 (93v) : Postunius 129 (81v), Spurius Postumius, cf. Spurius Postunius Publius Crassus 85 (57r), 129 (82r), Publius Crassus

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Livre de vieillesse

Publius Decius 105 (68v), 147 (92v, 93r), Publius Decius Publius l’Africain, Publius Africain 87 (58r), 95 (62r), Publius Affricanus (Africanus) Publius Licinius 113 (73r), Publius Licinius Crassus Publius Sitius 149 (94r) : Pueille 59 (43r), 101 (66r), 103 (67r), 151 (94v) :

Q Quintus 73 (50r) : Quintus Fabius 59 (43r), 61 (43v, 44r, 44v), 63 (44v, 45r), 65 (45v), Quintus Maximus ; 73 (50r), 101 (66r) :

R Romains, Rommains 63 (45r), 71 (49r), 73 (49v), 105 (67v, 68r, 68v), 107 (69v), 113 (72v), 121 (77v), 129 (81v), 131 (83r), 147 (92v, 93r), 149 (93v), 151 (95r), 161 (100r), Romanus Rome, Romme 49 (37r), 57 (41v), 59 (43r, 43v), 61 (43v, 44v), 63 (45r), 67 (46v, 47r), 71 (48v), 73 (50r), 77 (52v), 79 (53r), 85 (57r), 89 (58v), 99 (64r), 103 (67r), 105 (68r), 107 (69r), 107 (69v), 111 (71v), 113 (73r), 121 (77r, 77v), 123 (77v), 129 (81r, 81v, 82r, 82v), 135 (85r), 139 (87v), 147 (92r, 92v, 93r), 149 (94r), 151 (94v), 155 (97r), 161 (100v), — Romanus, Roma

S Sabine(s) 79 (53r), 109 (71r), Sabinus Sabinois 109 (71r), 121 (77r) : Saint Loys 45 (34v) : Salinator, cf. Gaius Salinator Sannite, Sannitois, Saunitois 103 (67r), 105 (68v), 121 (77r), Samnis Sardes 125 (80r), Sardis Scipion dict Africain, Scipion Africain, Scipion l’Africain 161 (100r), Africanus ; 149 (93v, 94r) : Scipion Asian 149 (93v, 94r) : Scipions 65 (45v), 87 (58r), Scipionis

Index onomastique

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Scipion Nasica 113 (73r) : Sentonius 113 (73r), Centenius Serifiois 59 (42v), Seriphius Serifus (l’isle) 59 (42r) : Sicile 53 (39v) : Simonides 79 (52v), Simonides Siphax 93 (61r) : Socrates 65 (46r), 79 (52v), 83 (55v), 125 (80r), 127 (80r, 80v), 155 (97r), Socrates Solon 83 (55r), 115 (73v), 143 (90r, 90v), 145 (91r), Solon Sophocles 77 (52r, 52v), 79 (52v), 111 (71r), Sophocles Siphax 93 (61r) : Spartha 131 (83r) : Spurius Albinus 57 (41v), Spurius Albinus Spurius Melius 121 (77v), Spurius Melius Spurius Postunius 103 (67r), Spurius Postumius, cf. Postunius Stace 79 (53v), 81 (53v, 54r), Statius Suade medulla (Marcus Cethegus, a qui le poete Ennius mist nom Suade medulla) 113 (73r), Suadam medullam

T Tarente 59 (43r, 43v), 61 (44r), 101 (66r), 103 (67r, 67v), Tarentum Tarquin 147 (92r) : Terente 135 (85r) : Termophiles 91 (59v), Termophilas Tersicorus 79 (52v), Tersicorus Tharse 139 (88r), Tarcesiorus, Tarsorus Themistocles 59 (42r, 42v), 75 (51r), Themistocles, Temistocles Thessalie 105 (68r), — Thesalus Titonus 51 (38v), Tithonus Titus Coruncat(i)us 85 (57r), 105 (68r), Tit(i)us Coruncanius Titus Flaminius 49 (37r, 37v), 67 (46v), 103 (67v), Flaminius, Titus Flaminius Titus Pontius 91 (60r), Titus Poncius Titus Veturius 103 (67r), Titus Veturius Tritobolus 125 (80r), Tritobolus Troians 89 (59r) : Troie, Troye 89 (58v, 59r), Troia Tudicanus, Tuditanus 61 (43v), 113 (73r), Tuditanus

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Tulle 46 (35v), 49 (37r), 51 (39r), 67 (47r), 69 (47r), 83 (55v), 101 (65v), 137 (85v), 167 (104r), Marci Tullii Ciceronis Turpio Albinus 111 (71v), Turpione Ambunio

U Ulixes 119 (76r) :

V Valerius Corvinus 127 (81r), 129 (81v), Valerius Corvinus Virgile 45 (34v), 119 (76r) : Vocone 67 (46v), Voconius

X Xenocrates 79 (53r), Zenocrates Xenophon 89 (58v), 109 (70v), 125 (79v), 157 (98v), Xenophon

Y Ythacie 119 (76r) :

Z Zenon 79 (53r), Zeno

TABLE DES TITRES D’OUVRAGES CITÉS Adelphis (comedie appellee Adelphis) 135 (85r), Adelphis Edipus Colonnois (fable de tragedie appellee Edipus Colonnois) 77 (52v), Edipus Coloneum Georgiques (du poete Virgile) 119 (76r) : Livre des naiscences des nobles italians 151 (95r), Originibus Livre economique 125 (79v), 157 (98v), Economicus Livre de vieillesse 46 (35v), 49 (37r), 83 (55v), 167 (104r), De senectute Panatheticus (livre que l’en appelle Panatheticus) 65 (46r), Panatheticus Seudulus (une comedie) 113 (72v), Seudulus Simoposium (livre nommé Simoposium) 109 (70v), Simposion Sinefebes (livre que l’en nomme Sinefebes) 79 (53v), Sinephebis Truculentus (une comedie) 113 (72v), Truculentus

GLOSSAIRE Ce glossaire enregistre les termes qui n’ont pas survécu dans le français d’aujourd’hui, les mots dont le sens ou l’emploi ont varié depuis le XVe siècle ou qui ne sont plus d’usage courant, et les dittologies (plusieurs mots français traduisant un seul mot latin). Chaque lemme est suivi de sa référence dans le texte (dans le cas où celle-ci n’est pas exhaustive, nous l’indiquons par les points de suspension) et du terme latin qu’il traduit. L’absence d’équivalent latin est signalé par les deux-points ( : ) suivant le lemme ou la dittologie. L’équivalent latin est présenté sous la forme de l’infinitif (verbes), du nominatif singulier (substantifs), du nominatif masculin (adjectifs) ; si celui-ci n’appartient pas à la catégorie grammaticale du mot traduit, il est précédé par un tiret ( — ). Nous n’indiquons la catégorie grammaticale du lemme que dans le cas des mots rares ou pour signaler un substantif à double genre (ex.’eage’). Les locutions, pour lesquelles le Dictionnaire des locutions en moyen français (DLMF) a servi de référence de base, sont présentées entre parenthèses, en caractères gras. Enfin, pour les abréviations, nous renvoyons à la liste présente au début de l’ouvrage.

A Abbatu, abbatu ou mort 147 (92v) : Abeuvreour 109 (70v), poculum, coupe Abeuvrez, cf. Nourriz Abundamment, abundamment et a plein 111 (71v), abunde ; cf. Plein Abundance, abundance de biens et richesses mondainnes 59 (42v), copia ; cf. Refection Abundant, cf. Planteureux Accointance 45 (35r) : connaissance, amitié ; cf. Amistiez, Compaignie Accointe, cf. Compaignon Accomplir, accomplir ou parfaire, parfaire ou accomplir 87 (57v), exequor ; cf. Parfaire Acconsuyvre 105 (68v), sequi, suivre ; acconsuyvre ou parfaire 103 (67r), consequi, atteindre Accordans, adj., 123 (78r) : qui est d’accord ; cf. Gracieux

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Accorder, accorder ou consentir 159 (99r), persuadere Accoustumance, cf. Meurs Accroistre, accreu et multiplié 109 (70r), augere ; cf. Assambler Accuser, accuser ou blasmer 65 (46r), accusare ; accusent et admettent 67 (46v), conferre, mettre sur, imputer à Acteindre, acteindre et parvenir a 45 (35r) : Acteiner 101 (66r) : irriter, exciter, piquer ; cf. Esmouvoir Actourné 123 (78v), ornatus, orné ; cf. Ordonné Actraict, actraictz et entrelaz 101 (66v), illecebra, attrait Acquiz, cf. Apprester Ad, prép., 109 (70v), 139 (87v), 141 (88v) : à, avec Admesureement, adv., 85 (57r) : modérément, avec mesure, cf. Bien Admettre, cf. Accuser Administrer, administrer et faire, faire et administrer 69 (48r), amministrare ; administré ou gouverné 77 (52r), gerere ; cf. Faire Administracion, administracions et gouvernemens 69 (47v), 77 (52v), — gerere ; cf. Gouvernement Admoindri, admoindries et desertés 75 (50v), — labefactare, diminuer, affaiblir Admoindrir, cf. Faillir Admonnester 91 (60r), monere, avertir, conseiller Admonnestemens, faire tant par admonnestemens et beaulx parlers 61 (43v), suadere Adneanti, cf. Nul Adneantir, cf. Despiecer, Exteindre Adolescens, adolescens et juenes 75 (50v), 81 (54v), 95 (62r), 141 (89v), adolescens Adolescence, adolescence ou juenesse 141 (89r), — adolescens Adonc, Adonque, adv., 61 (44r), 67 (46v), 77 (52v) ... : alors, ensuite, maintenant Adoulcir, adoulcissent et appaisent 107 (69v), mitiorem facere ; cf. Appaiser Adrecer, cf. Attribuer, Envoier Advoultire 101 (66v), adulterium, adultère Advenir 141 (88v), secutus sum, à venir ; 141 (89r), 155 (97v), 159 (99v), futurus, à venir ; vie advenir 165 (102r), futurus, l’avenir ; 63 (44v), 77 (51v), 81 (54v), 99 (64v) : à venir Advenant, cf. Digne, Souef Adventure 73 (49v), 91 (60v), 111 (72r), forte ; 57 (42r), 109 (70v), 111 (71r), fortasse, peut-être, par hasard ; (par adventure) 47 (36v), 69 (48r), 87 (57v), 135 (85r) : peut-être, par hasard (DLMF) Adversaire, adj., cf. T-L

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Adviz, (il m’est adviz) 49 (37v) : il me semble (DLMF) ; cf. Conseil, Pensement, Prudence, Sentence Adviser 165 (102v), visus sum, apercevoir ; advisent et habitent 155 (96v), tueri, garder ; advisent et congnoiscent 159 (99v), prospicere, prévoir ; advisassent et congneussent 161 (100r), advise et considere 163 (101r), cernere ; cf. Conseiller Advocatie, defendre par advocatie 99 (64r), defendere, plaidoyer ; cf. Oroison Afferir 53 (39v, 40r), 131 (82v) : convenir, appartenir, concerner Affermez, cf. Concluz Affloiblir, affloiblissent ou ostent 105 (68v) : Aggrandir, cf. Croistre Aggreable, cf. Joieux Agu, agues et soubtiles 113 (72v), acutus, ‘pénétrant et subtil’, cf. FEW Aider, aide et secourre 53 (39v), — ops ; cf. Secourir Aigre, aigre et amere 117 (75v), peracerbus ; aigre, malgracieuse, chargeant ou importune 135 (85v), — acerbitas Aigresse, aigresse ou durté 135 (85v), acerbitas, aigreur, rigueur (fig.) Ains, adv., 46 (36r), 83 (55r), 91 (60r) ... : au contraire Aler, cf. Poursuivre Allegier, cf. Conforter, Soubslevez Allegiz, cf. Allegier Alliance, cf. Amistiez, Paix Ame 101 (66v), mens, pensée, intelligence ; 103 (67r), 137 (86v, 87r), 145 (91v), 153 (96v), 155 (97v), 157 (98r, 98v), 159 (99r, 99v, 100r), 161 (100v), 161 (101r), 163 (101v), 165 (102r, 102v, 103r, 103v), 167 (103v), animus Amer, vb., l’amoient et avoient chier 97 (63v), carum habere ; amez et hentez : cf. Chier Amer, adj., cf. Aigre, Aspre Ami, cf. Compaignon Amiable, cf. Joieux Amistiez, amistié et alliance 103 (67r), amicicia ; amistiez et accointances 45 (35r) : Amortir 95 (62v) : éteindre, anéantir ; cf. Exteindre Amour, (pour l’amour de) 109 (70v) : pour, à cause de, par amitié pour (DLMF) Ancesseur 109 (70v) : ancêtre Ancian 61 (43v), grandis, vieux ; 83 (55v), antiqui ; 91 (60r), vetus ; ancien philosophe 63 (45r) : du temps ancien ; ancians peres 71 (49r), patres, ancêtres ; ancians peres 73 (50v), maiores, ancêtres ; cf. Tresnotable, Vieux Aneantir, cf. Esteindre

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Angoisseux, engoisseuse et triste 109 (71r), molestus, importun ; angoisseux et tristes 133 (84r), anxiosus, soucieux Apert, (en apert) : ouvertement (DLMF) ; cf. Clerement Apertement 131 (82v) : promptement Apertise 71 (49v), velocitas, agilité Appaiser, appaise et adoulcisse 135 (85r), dulcem facere ; cf. Adoulcir Apparoir 129 (81v), — notus, paraître, apparaître, se montrer ; appart ou peuest estre veue 159 (99v), apparere Appartenir, cf. Devoir Appercevoir 157 (98v), intellegere, comprendre ; apperçoive ou sente 99 (65r), sentire ; apperceu vraiement et entendu 139 (87v), sentire ; cf. Sentir Appliquer, appliqué et retenu a soy 149 (94v) : annexer, rapprocher ; cf. Frequenter Appouyé, appouyee et subgette 97 (63v), mancipare ; cf. Soustenu Apprendre, apprendre et savoir 83 (55v) : cf. Estudier Apprentif 133 (84r), inexcercitatus, apprenti Apprester, apprestez et acquiz 141 (89r), partus, préparer ; cf. Faire Approbacion, cf. Argument Approucher, s’approuche ou vient 137 (86v) : cf. Venir Approuver, approuve et loue 97 (64r), 109 (70r), 135 (85v), probare Aprés, aprés et oultre 53 (40r), deinde, ensuite Arbre, s.f., 119 (76v) Ardens, ardens et ententifs 113 (73r), flagrans, avec intensité Ardoir 119 (75v) : brûler ; cf. Bruler Arer 121 (77v), arare, labourer Argument, argument et approbacion 157 (98r), argumentum Arriver, arrivé et prins terre 143 (90r), venire, débarquer, atteindre le port ; cf. Terre Art 135 (85r), ars, connaissances ; art et raison 117 (75r), ars ; ars speculatives ou pratiques 157 (98r), artes dificiles ; ars ou sciences 46 (35v), art ou ouvraige 125 (80r) : cf. Soubtilité Artifice 46 (36r) : art, habileté Aspre, aspre, dur, malgracieux et rude 135 (85r), duritas ; aspres et dangereux 133 (84v), difficilis, difficile ; aspres et ameres 165 (103r), molestus, importun Asne, (asne couronné) 46 (35v) : dit d’un prince ignorant (DLMF) ; cf. Empereur Assamblee, assamblees et conseilz publiques 133 (83v) :

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cf. Citez, Concile, Convit Assambler, assambla et accrut 143 (90v), coaugmentare, former ; cf. Recueillir Assez, adv., 45 (34v), 59 (42v), 63 (45r), 117 (75r), 129 (81v), 149 (94r), 151 (95r), 157 (98v) : beaucoup Assiete 107 (70r), accubitatio, disposition des convives autour de la table Assiz, part. passé du vb. Asseoir, 149 (94r) : assiégé, assailli ; cf. Environné Atour 93 (61v), munia, charge, fonction, devoir officiel Attayeu 45 (34v, 35r) : père du trisaïeul, quatrième aïeul, ancêtre Attempré, cf. Attrempé Attrempance 91 (60r), moderatio, mesure ; 93 (61v), temperancia, tempérance ; 59 (42v), 97 (64r) : mesure ; attrempance et raison 97 (63v) : mesure ; cf. Dissolu, Meurté Attrempeement 49 (38r), modice, raisonnablement ; attrempeement sanz quelconque excés 107 (69v), modice, raisonnablement Attremper 91 (60r), moderari, maîtriser ; Attrempé 57 (42r), moderatus, tempéré ; 95 (62v), modicus, raisonnable ; 117 (75v), modicus, convenable ; attrempé et prudant 61 (44r), cunctator, circonspect ; mal attrempé 87 (58r), intemperans, intempérant ; cf. Petit, Prudant, Saige Attribuer, attribuons et adreçons 51 (38v), tribuere ; attribue et dedie 47 (36v) : Audience, (avoir audience) et faveur 87 (57v), audientiam facere, être écouté Auditoire 91 (59v) : lieu où l’on s’assemble pour écouter, tribunal où l’on écoute les causes ; cf. Siege Auguremens 99 (64r), augurium, augures, divination, présage Aulcunement 45 (34v) : de quelque façon ; 49 (37v), quid, de quelque façon ; 46 (36r), 89 (58v), 153 (95v) : nullement Aulcunefois 49 (37v), interdum, quelquefois Aultretant 59 (43r), 81 (54v), adj. et adv. de quantité, servant à désigner l’équivalence Autorisable, adj., 129 (81v), gravis, digne d’honneur, considérable, digne d’être approuvé Autorité, autorité et puissence 97 (64r) : pouvoir ; autorité et seignorie 97 (63v), auctoritas, pouvoir ; autorité ou honneur 131 (82v), auctoritas ; cf. Exemple, Honneur Avant, (par avant) 141 (89r), ante, auparavant (DLMF) Aver 133 (84v), avarus, avare Avoir, avoir et maintenir 139 (88r), habere

B Bas, cf. Terrestre

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Beaulté, cf. Necteté Bel, bel et doulz 113 (73r) : Benin, benigne et commun 127 (80r), humanus ; cf. Doulx Benignité 49 (37v), humanitas, bienveillance Besoing, (estre besoing) 147 (92v) : être nécessaire (DLMF) Besoingner 67 (47r), operare, travailler ; besoigner et soy entremettre 93 (61v) : s’occuper Besoingne, besoingnes et causes 91 (59v) : affaire ; cf. Desloiaulté, Estude Bien, adv. et adj., bien et admesureement 85 (57r) : convenablement ; bien et proprement 107 (70r), bene ; bien et pertinemment 111 (71r), bene ; bien et selon vertu 121 (77v), bien et doulcement 135 (85r) : cf. Droitement, Patiemment, Salut, Santé, Viguereusement Bien, s.m., cf. Santé Bieneuré, Bieneureux 87 (58r), beatus, heureux ; bieneuré et joieux 137 (87r), beatus ; bieneuree et comblee 125 (79v), beatus, heureux ; cf. Meilleur, Riche Bieneureement 53 (39v, 40r), beate, heureusement Bieneurté 55 (40v), 81 (54r), 125 (79v), 127 (80v) : bonheur ; cf. Fortune Biensfaict, cf. Labour, Merite Blasme, blasme ou reprouche 139 (87v), crimen Blasmer, cf. Accuser Boire, beuvans et mangens 107 (70r), epulari ; boire et mangier 109 (70v), adhibere ; cf. Mangier Bon, (il est bon de) 49 (37v) : convenable, opportun (DLMF) ; bonnes et proufitables 87 (58r), bonus ; bonne et honneste 111 (71v), bonus ; bonne et honneste 115 (73v), honestus ; bon et proufitable 123 (78r), salutaris ; bonnes et sainctes 47 (36v), bonnes ou meilleurs 59 (43r) : cf. Fort, Grant Bonnement 53 (39v), bene, bien Bourdeur 85 (56v), nugator, menteur, qui raconte des plaisanteries, des bourdes Bourgon 117 (75v) : bourgeon Bouster, (bouster hors) 117 (74v) : pousser dehors, en parlant des plantes, bourgeonner Braire, brahisse et criasse 163 (101v), vagire, vagir Bras, bras et costez 85 (56v), lacertus Brief, brief et petit 141 (88v), brevis Brisé, brisee ou derompue 99 (65r), — frangere Bruler, bruler et ardoir 49 (37v), coquere, être tourmenté ; brulé et enseveli 165 (102v), cremare

Glossaire

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C Caichié, caichiez et secrects 101 (66v), clandestinus Cas 77 (51v), 133 (83v) : événement ; 137 (87r), casus, occasion, risque ; (ou cas que) 149 (93v) : si, puisque (DLMF) Cause 89 (59v) : affaire ; cf. Besoingne ; (a cause de) 59 (42v), 89 (58v), 89 (59v), 97 (63r), 123 (78v), 139 (87v) : à cause de, par (DLMF) ; (avoir cause) 107 (69v), 137 (86v) : raison, motif (DLMF) ; (sanz juste cause) 47 (36v), 145 (91r) : sans raison (DLMF) Causaier, causaier et plaidoier 99 (64r), defendere, plaider Causer 57 (41r) : discuter Celeste, celeste et divine 153 (96v), celestis Celestial, adj., 45 (35r) : céleste Cemondre 123 (79r), invitare, inviter ; cf. Mouvoir Cercle, cf. Place Certain, (de certain) 165 (103r) : assurément (DLMF) ; certain et determiné 93 (61r), certus ; certain et ordonné 131 (83v), certus ; certains et fermes 143 (90v), certus Certes, (a certes) 69 (47v), etenim, vraiment, certainement (DLMF) ; (a bonnes certes) 49 (38r) : avec empressement (DLMF) Cesser, cesse et s’entrerompe 45 (35r) : interrompre ; cf. Mourir Chalemie 107 (69v), — tibicine, chalumeau, flûte Chaleur 107 (69v), fervor, ardeur, feu, véhémence (fig.) Chamberier 45 (34r), 55 (41r) : valet de chambre, chambellan Champion, champions et luicteurs 85 (56v), athleta Champ, champs et terres 119 (76r), ager Chant, cf. Jargonneiz Chargeant, chargeant et grieve 53 (40r), gravis, pesant ; cf. Aigre Chargeux 111 (71r), molestus, pénible ; 165 (103r), molestus, importun ; chargeuse et grieve 57 (42r), molestus, pénible ; chargeuse et grieve 55 (41r), — ingravescere, pesant ; cf. Importun Chartre 149 (94v) : prison Chatouillier, chatouillier et esmouvoir a luxure 109 (71r), — titillatio Chemin, cf. Cours Cheoir 55 (40v), 147 (93r) : tomber ; 141 (89v), decidere, tomber ; cf. Mourir, Tomber, Verser Chetif, chetif et maleureux 137 (86v), miser Chevalier, chevaliers ou officiers publiques 111 (72r) : Chevetain, s.m., 147 (93r) : chef, capitaine ; consul et chevetain 147 (93r), 151 (95r) : Chief 75 (51r) : tête ; 93 (61v), caput, tête

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Chier, (avoir chier) 97 (63v) : préférer (DLMF) ; (estre tenu plus chier) 145 (91v), esse carum, garder précieusement (DLMF) ; cf. Amer Chose, choses et ouvraiges 119 (76v), res ; choses et matieres 109 (71r), choses et besoingnes 69 (48r) : Choisir, choisi et esleu 46 (35v) : Citez, citez ou communautez d’ommes vivens selon justice 139 (87r), civitas ; citez et assamblees de gens 139 (87v), civitas Clarté 163 (101r), acies, vue, cf. DLV ; cf. Lumiere Cler, clere et notoire 159 (99v), perspicuus ; cf. Entendible Clerement, clerement et en apert 63 (45r) : clairement, ouvertement (DLMF) ; cf. Apert Clore, clost et enserre 115 (74r), cohibere ; cf. Serrer Clousure 117 (74v), vallum, cloison, clôture Cointe 87 (57v), comptus, soigné Colez, cf. Engluez College, college et compaignie 133 (83v), collegium Comblé, cf. Bieneuré Comboire 109 (70r), compotatio, boire ensemble Commandemens, commandemens et enseignemens 81 (54v), preceptum Commanger 109 (70r), concenatio, manger ensemble Commun 127 (80r) : favorable à plusieurs (H) ; cf. Benin Communautez, cf. Citez Communement 49 (38r), communiter, en commun ; 59 (42r), 155 (97v) : ensemble Compaigne, compaignes et voisines 125 (80r), socius Compaignie, compaignies et accointances 107 (69v), sodalidates, confréries ; cf. College Compaignon, compaignons et accointes 107 (69v), sodalis, confrère ; compaignons et amis, amis et compaignons 109 (70r, 70v) : Comparaison, cf. Resgart Compenser, compenser et relever 95 (62r), compensare, solder une dette, racheter Complans, complans et prouvignemens 117 (74v), vitis, plant de vigne, provin Complanté, cf. Coultivé Complexion, complexions et meurs 101 (66r) : Complexionné 75 (51r) : constitué, cf. Sot Composer, compose et faiz 99 (64r), conficere Compte, (tenir compte) 121 (77r), 149 (94r) : se soucier, prendre au sérieux (DLMF) ; ne tenir compte ou avoir paour 137 (86r), contempnere Compter 51 (38v), 63 (44v, 45r), 135 (85r), 147 (92r), 151 (95v) : raconter ; compter et dire, dire et compter 61 (44r), 63 (45r) : raconter ; lesse a

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compter 117 (74v), omittere, 121 (76v) : laisser de côté ; compter et dire 121 (76v), persecutus sum Con, préf., 163 (101v), fonctionne comme intensif : con grant Concile, concile et assamblee 165 (102v), concilium Concluz, concluz et affermez 155 (97r), disserere Concors, adj., 71 (48v), d’accord, en bon accord, en harmonie, cf. Enclin Condicion, condicion et estat 139 (88r), conditio ; cf. Meurs Conduire, conduit et meinne 137 (86v), deducere Conduiseur 55 (40v), dux, guide ; cf. Duc Confort 49 (37v), consolatio, réconfort ; confort et soulaz 83 (55v) : réconfort Conforter, conforter ou allegier 53 (40r), consolatio permulsere ; confortez et allegez 49 (38r), levatus, soulager Confuter, confute et reprend, reprend et confute 69 (47r), 83 (55v), 101 (65v), 137 (85v), refellere, réfuter Conjoinct 127 (80v), 157 (98v), 159 (99v) : uni ; conjoincte et samblable 107 (70r), coniunctus Congnoistre, congnois et enten 49 (37v), noscere ; congnoist et entend 49 (37v), intellegere ; congnoistre et frequenter 117 (74v), congnoiscend et considerand 117 (74v), pernoscere ; congnoiscend et frequentand 121 (77v) : cf. Adviser, Appercevoir, Considerer, Juger, Veoir Conseil 61 (44r), consilium, jugement, bon sens ; conseil et adviz 131 (82v), consulere ; cf. Assamblee Conseiller, conseille, ordonne et delibere 71 (49v), consiliari ; conseille et pourvoit et advise (soi) 155 (97v), — prudentia ; cf. Parler Considerer, prendre en considerer et congnoistre 117 (74v), pernoscere ; cf. Adviser Conquester 139 (88v), consecutus sum, conquérir, gagner ; conquesté et desservi 161 (100v) : gagner, mériter Consentir (soi) 91 (60r), assensus sum, accorder, approuver ; croire et consentir 113 (73r) : faire céder ; consentir ou accorder 159 (100r), persuadere ; cf. Accorder, Croire Constreint, cf. Franc Contencion 111 (72r), contentio, querelle Continuacion, continuacion et perseverance 135 (85v) : Contraire, cf. Ennemi Contre, contre et hors 141 (89v), adversatus Contreactendre 131 (82v) : attendre Contrefaire, cf. Jouer Convenable, convenables et bien ordonnez 109 (70r), tempestivus, opportun ; convenables et necessaires 85 (57r) : cf. Meur

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Convertir 46 (35v, 36r) : transformer, transmuter Convit 109 (70r, 71r), convivium, banquet, festin ; convict et assamblee 109 (71r), convivium, banquet, festin Convoitemment 145 (90v), cf. Convoiteusement Convoiteusement 83 (55r), cupiens, avidement ; 145 (90v), avide, avidement Convoiteux 101 (66r), avidus, cupide Convoitise 111 (72r), ambitio, ambition Corps, corps et vie presente 147 (93r), 151 (95r) ; cf. Force Corrumpemens 101 (66v), stuprum, viol Corrompu, corrompues et mauvaises 133 (84v) : Costez, cf. Bras Coulpe 57 (41v), culpa, faute ; coulpe et vice 57 (41v), culpa, faute Coultivé, coultivé et complanté 127 (80r), consitus, planté Coultivement 119 (75v) cultura, agriculture ; 115 (74r), 121 (77v), 123 (78r, 78v) : culture des terres, labourage, agriculture Courage 49 (37v), 69 (47v), 95 (62r, 62v), 97 (64r), 99 (65r), 103 (66v), 111 (72r), 115 (73v), 121 (77v), 145 (92r), 161 (100r, 100v, 101r), 163 (101r), 165 (102v), animus, esprit, âme ; couraige et ame 103 (67r), animus, esprit ; 71 (48v), mens, esprit ; 46 (35r), 77 (52r), 85 (56v), 91 (59v), 97 (63r), 109 (71r), 143 (90v), 153 (96r), 165 (103r) : esprit, âme ; 147 (93r), 151 (95r) : énergie Couraigeux, cf. Saige Courrouceux, adj., 133 (84r), iracundus, courroucé, indigné, affligé Courroux, cf. Offense Cours, cours et chemin 93 (61r), cursus Courtil 123 (78v), hortus, jardin Courtois, courtois, doulx, honneste et debonnaire 135 (85r), — comitas Courtoisie, courtoisie et honnesteté 59 (43r), comitas Coustume, (estre de coustume) 77 (52v), solere (DLMF) Creindre, creindre et doubter 73 (50r), vereri, redouter ; cf. Doubter Creinte, sanz creinte ou frayour 145 (91v), neglegere Croire, cf. consentir Croissemens 119 (75v) : accroissement Croistre, croissent et multiplient 115 (73v), crescere ; croist et aggrandit 115 (74v), adolere Cru, cruz et nouveaulx 141 (89v), crudus Cruel, cf. Long Cuer, (par cuer) 77 (52v) : de mémoire (DLMF) ; cf. Reciter Cuider 79 (53v), 133 (84v), putare ; 163 (102r), existimare ; 53 (40r), 71 (49r), 139 (87v) : penser, croire, s’imaginer Cultivement, cf. Coultivement

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Cure, (avoir cure de) 107 (69r), 153 (96r) : se préoccuper, s’occuper (DLMF) Cusançon 49 (37v), 77 (51v), — curare ; 123 (78v), 159 (99v) : soin, souci, tourment Cusançonneux 49 (37r), sollicitus, soucieux

D Dangereux 57 (42r), difficilis ; dangereuses et subtiles 157 (98r), difficilis : difficile Dangier, (a dangier) 137 (87r), tristis, non sans risque, avec difficulté (DLMF) Debonnaire, cf. Courtois Debteur 77 (51v), — debere, débiteur Deceuvement 45 (35r) : tromperie Deceuz, cf. Prendre Dechacié, dechacié et privé 147 (92r) : dépossédé Decourre, vb., 141 (88v) : couler, découler, s’écouler ; cf. Trespasser Defailli, cf. Envieilli Default, cf. Vice Defensable, adj., 46 (35r) : qu’on peut défendre, qui peut se défendre, en parlant de choses Defuyr, defuyt et esloingne, esloingnié et defuyt 111 (71r), profugere, fuir, s’enfuir Degaster 91 (59v), affligere, 107 (69r), 117 (74v) : gâter, ravager, abîmer, 141 (89v), consumptus : consumer De hors, (par de hors) et en la presence des citoiens de Romme 63 (45r), in luce civium, en public Delectable, cf. Joieux Delectacion, delectacions et plaisirs 69 (48r), 123 (78r), voluptas ; delectacion et plaisir 67 (47r), 119 (75v), delectare ; delectacion et plaisir 103 (66v), libido ; delectacions et plaisirs 117 (74v), delectacio ; delectacions et plaisirs 121 (76v), oblectamen ; delectacion et plaisir 123 (78v), fructus sum ; delectacion et plaisir 123 (78v) : cf. Plaisir, Mignotie Deliberer, cf. Conseiller Delict 111 (72r), 119 (75v), delectare ; 117 (74v), oblectamen ; 111 (71r, 71v) : plaisir, joie, délice ; delict et luxure 105 (68v), 107 (69r), voluptas ; delicts et plaisirs 121 (77v) : Delicter, delicter et esbatre 107 (69v), delectare, prendre plaisir Demender, demende et requiert 89 (59r), optare ; demende et desire 91 (59v), desiderare ; cf. Esmerveiller, Requerir Demonstrance 81 (54v) : indication, indice, preuve, cf. Signe

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Demourer, demourer et ester 145 (91r) : rester, demeurer Departement 159 (99r), mors, départ, mort Departir 117 (75r), serpere, 91 (59v) : partager, séparer, diviser ; soi departir 157 (98v), 163 (102r), 165 (102r, 102v) discedere, partir, s’en aller ; cf. Mouvoir Deprier 47 (36v) ; requier et deprie 47 (36v) : supplier Derompu, part. passé du vb. Derompter, 99 (65r) : rompu ; cf. Brisé Desconfiture 149 (93v) : destruction ; cf. Mort Desconfiz, desconfiz et tuez 151 (94v) : Descrit, descrit et ordonné 55 (40v), descriptus Deserté 75 (50v) : ravagé, désert ; cf. Admoindri Desir, desir et plaisir 91 (60r), desiderium ; desir et inclination 45 (35r), desir et plaisir 91 (60v) : Desirer, Desiderer cf. Demender, Quis Desireement 63 (45r), cupide, avec désir ; 83 (55r), avide : avec désir Desjoinct, desjoincts et dessemblez 143 (90v), — divellere Desloiaulté, desloiaulté et mauvaise besoingne 101 (66v), facinus ; desloyaulté et vice 65 (45v), nefas Desmesuré 46 (36r), adj. : qui a franchi les bornes de la raison, de la vertu, de la justice, cf. Fol Despareil 157 (98r), dispar, différent Despeché 159 (99v), liberatus, débarassé, délivré, libéré ; 159 (99v) remissus : débarassé, délivré, libéré Despiecer, despiece et adneantit 143 (90v), dissolvere, mettre en pièces ; cf. Destruire Despite, adj., 85 (56v) : méprisant, arrogant, insolent ; cf. Villain Despiter 137 (86v), contempnere, mépriser, dédaigner ; despiter et fouler 105 (68v), spernari : mépriser, dédaigner Desplaisir, cf. Offense Despriser 63 (45r), 133 (84v) contem(p)nere ; 145 (91v), neglegere ; despriser et fuir 103 (67v), aspernari ; 65 (46r), 149 (93v) : mépriser, dédaigner ; desprisiez et tenuz vilz 57 (41v), spernere ; desprisez et moquez 133 (84v), — contempni ; desprisiez ou relenquiez 59 (43r), desprisoit la mort et ne doubtoit quelconque aultre chose 143 (90v) : Desraisonnable, desraisonnable ou folle 135 (85v), absurdus Desroy 97 (63r), deliratio, désarroi, confusion Dessemblez 143 (90v), part. passé du vb. Dessembler : séparer, briser, rompre ; cf. Desjoinct Desservir 46 (35v), 49 (37v), 133 (84r), 161 (101r) : mériter, gagner ; cf. Conquester Desseuvrement 137 (86v) : séparation

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Desobeir, cf. Refuser Destourné, destournee et retraite 165 (102v), discessus Destruire, destruit et despiece 143 (90v), destruere ; cf. Prendre, Tresbucher Destruismens 101 (66r), eversio, destruction, ruine Determiné, cf. Certain Devant, (cy devant) 46 (35v), 103 (67r), 111 (71v), 119 (75v), 155 (97v) : supra (DLMF) Devers, prép., 105 (68r) : vers, du côté de Devoir, deu et appartenant 133 (83v) : qui conviennent Dicter, dicta et escrivi 46 (35v), 113 (72v) : Dictiez, Dittié 55 (41r) : composition, sorte de pièce de vers ; cf. Vers Dieu, (par Dieu) 59 (42v), nec hercule, 81 (54r) edepol (DLMF) Difame, s.m., 139 (87v), crimen, infamie ; cf. Reprouche, Vituperable Digne, digne et pertinant 65 (46r), dignus ; digne ou advenant 125 (79v) : convenir, seoir ; cf. Tresnoble Dignité, dignité et puissence 45 (34r) : rang élevé, fonction éminente ; dignitez et offices 75 (50v), 109 (70v), magisterium, fonction éminente ; dignité et reverence et religion, honor ; cf. Honneur, Office, Seignorie Diligence 61 (44r), vigilantia, soin ; diligence et estude 95 (62r), 127 (80v), diligentia, soin ; cf. Estude Dire, cf. Compter, Recorder Discrecion 125 (79v) : discernement, bon sens, sagesse Disette, cf. Pouvreté Disputer, dispute et parle 51 (38v), disputare ; 147 (92r) : discuter Disputoison 51 (39r), 155 (96v) disputacio/disputatio, discussion, débat Dissolu, dissolue ou oysive 95 (62r), vitium, livré à la dissolution, à la débauche ; dissolutz sanz avoir attrempance 95 (63r), dissolutos Dissolucion, dissolucion et oysiveté 95 (62r), vitium Dit, cf. Enhorté Dittié, cf. Dictiez Divers, cf. Grant, Maint, Pluseurs Divin, divin et saincte 165 (102v), divinus ; cf. Celeste Divinailles 63 (44v) : divination Divinemens 63 (44v) : divination Doctrine 97 (63v), disciplina, savoir-vivre ; 155 (97r) : enseignement ; doctrine et science 95 (62r), 115 (73v), doctrina, science ; cf. Sapience Doé, part. passé du vb. Doer, 159 (99r) : doté, gratifié ; cf. Saige Doint 111 (71r), subj. pr. du vb. Donner (3e pers.) Dommaigeuse, adj., 105 (68r), perditus, 101 (66r) : dommageable, qui cause du tort, du dommage Don, dom, don et honneur 101 (65v), munus ; dons et joiaulx 125 (80r), donum

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Dormir, s.m., 107 (69r), 159 (99v), somnus, sommeil Doubte, (faire doubte) 89 (58v), vereri, craindre, redouter (DLMF) ; doubte 103 (67r), s.f. Doubter 85 (57r), metuere ; 97 (63v), vereri ; 137 (86v), 147 (92r), timere ; 143 (90r), contempnere, doubter ou creindre 147 (93r) : cf. Creindre, Priser Doulcement, cf. Bien Doulceur, doulceur et soueveté 141 (88v), suavitas ; cf. Soueté Douleur, (faire douleur), pleurs et plainctes 145 (91r), dolor, se plaindre (DLMF) ; douleur et troublement 165 (102v) : souffrance ; cf. Regret Douleureux, douleureuse et dure 141 (89v), repugnans Doulx, doulce et soueve 55 (40v), molliter ; doulce et paciant 57 (42r), tolerabilis ; doulce et gracieuse 87 (57v), canorus ; doulces et legieres 135 (85r), dulcis ; doulce et legiere 165 (103r), levis ; doulces et benignes 45 (35r) : cf. Bel, Courtois, Souef Dresser (soi), soi dressant et eslevant 161 (101r), erigere Droit, (par droit) 129 (81v), ius, à juste titre, de droit, légitimement (DLMF) ; drois et fermes 71 (48v), rectus ; droiz et ordonnances 77 (51v) : Droitement, droitement et bien 45 (34r) : Duc, duc et conduiseur 89 (59r), dux, chef Dur, dures et heinneuses 135 (84v), odiosus ; durs et heinneux et importables 135 (85r), odiosus ; cf. Aspre Durans, durans et forte 125 (80r) : durable Durté, cf. Aigresse

E Eage, s.f. et s.m., 49 (38r), aetatis, vie, existence ; (de eage) 141 (88v) : vie, existence (DLMF) ; (de grant eage) 59 (43r), grandis, âgé (DLMF) ; (de longue eage) 143 (89v, 90r) : vie ; (en bel eage) 113 (73r) : jeunesse ; quarte et (moyanne eage) 153 (95v) : maturité ; (par ung grant eage) 81 (54r) : très longtemps Embatre (soi) 53 (40r), obrepere, se précipiter Embracer, embrace et empoigne 117 (75r), complexus sum Empereur, (empereurs et roys qui ne ont ars ne sciences ne sont empereurs ne roys, mais sont semblables a asnes couronnez) 46 (35v) : lat. rex illiteratus est asinus coronatus, cf. DLMF ; empereurs et princes 133 (84r), — imperium ; cf. Asne, Empoigner, cf. Embracer Emprés 131 (83v) : auprès Enaigrir 135 (85r), coacescere, rendre aigre

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Encheoir en 81 (54r), incurrere, 137 (87r), incidere, 95 (62r) : tomber dans Encliner à 137 (87r) : se soumettre à Enclin, enclins et concors 71 (48v), — inclinare, disposé, d’accord Endurer, endurent et portent 57 (42r), tolerabilis ; endurent voulentiers et sont joieux 57 (41v), ferre ; endurer et souffrir, endurent et portent 135 (85r) : cf. Porter, Souffrir, Soustenir Enfans, enfans et mesgnies 97 (63v), sui (subst. au masc. plur.) Enferme, enferme et maladif 69 (47v), infirmus ; cf. Floible, Fraele, Maladif Enfermeté, enfermeté et maladie 93 (61r), infirmitas Engenrer 115 (74r) : engendrer Engin 99 (64v), ingenium, esprit ; engins et memoires 77 (52r), ingenium, habileté, adresse ; subtilité d’engin 85 (57r), ingenium, esprit Engoisseux, cf. Angoisseux Engluez, engluez ou colez 143 (90v), conglutinatio Enhortement 149 (94r) : incitation, exhortation Enhorté 105 (67v), exorare, exhorter ; enhortee et ditte 105 (68v), persuadere, exhorter Enluminer 47 (36v) : éclairer Ennemi, ennemie ou contraire 101 (66v), inimicus ; cf. Adversaire Ennoier, cf. Ennuyer Enquerir, cf. Interroguer Ennuieux, ennuieuse ou poisante, poisante ou ennuieuse 51 (39v), gravis ; cf. Grief, Mauvais, Mescheant Ennuyer, Ennoier, cf. Lasser, Repenti Enseignemens, cf. Commandemens, Oeuvre Enseigneur, cf. Maistre Enserrer, cf. Clore Ensuivens, adj., 73 (50r), 163 (102r) : suivant, qui suit, consécutif Ensuivre 51 (38r), 55 (40v), 115 (73v), 137 (86v), 157 (98v), 163 (102r) : suivre, imiter Entaillié, entaillié et escript 129 (82r), incisus Entendement, 101 (66v), 103 (67r, 67v), mens, pensée ; 47 (36v), 89 (58v), 153 (96r), 157 (97v) : intelligence, esprit ; avoir entendement et memoire 101 (66v), mens ; entendement et memoire 103 (67r) : Entendible, entendibles et cleres 46 (36r) : facile à comprendre Entendre, entendre ou sentir 99 (65r), intellegere ; enten et vueil 109 (70v), intellegere ; cf. Appercevoir, Congnoistre, Voir Entente, cf. Estude Ententif 77 (52r) : attentif, appliqué ; cf. Ardens Enter 79 (53r, 53v), 81 (54r), 127 (80v) : greffer, cf. Planter, Semer

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Entier 159 (99v), integer, intègre ; entiere ou pleinne 131 (82v) : totalité ; cf. Plein, Sain Entrechaz 165 (103r), discessus, séparation Entrelaz, s.m., 101 (66v), ornements liés ensemble et croisés, cf. Actraict Entremettre, cf. Besoingner, Occupé Entreprendre 101 (66v) : épris, embarassé ; entreprins et soustenu 161 (100v), — suscipere ; cf. Esmeu Entrerompre (soi) 45 (35r) : interrompre, cf. Cesser Entresambler (soi), (toutes choses qui s’entresamblent, tresdelegier entre eulx se assamblent) 57 (41v), pares cum paribus Envieilli, envieillies et defaillies 87 (58r), deficere, vieilli Environné, environné et assiz 149 (94r) : assailli Envoier, envoie et adrece 49 (37r) : Erreur, estre en erreur et hors de verité 165 (103r), errare Esbatre, esbatre et soulacier 61 (43v), exultare, réjouir ; cf. Delicter Eschapé, eschapé et decouru 139 (88r), — effluere, écoulé Escheoir 109 (70v) : arriver, convenir Escouteur 167 (103v), liseurs et escouteurs 46 (36r) : auditeur Escrire, escrivi et estudia 113 (72v), describere ; escrivi et tracta 113 (73r) : cf. Dicter Escript, cf. Entaillié Escu, escu et mur 46 (35r) : Esjoir (soi) 111 (72r), letari, se réjouir ; 163 (101v), efferre, être transporté Esleu, esleu et ordonné 113 (73r), factus sum ; cf. Choisir Eslever, cf. Dresser Esloingnier (soi), esloingnié et defuyt 111 (71r), defuyt et esloingne 111 (71r), profugere, fuir, s’enfuir Esmerveillance, faire esmerveillance et question 51 (38v), ammirari, s’étonner Esmerveiller (soi), esmerveille et demende 51 (39r), ammirari, s’étonner Esmouvoir, esmeuvent et acteinnent a 101 (66r), incitare, exciter Esmeu, esmeu et troublé 49 (37v), commotus ; esmeuz ou entreprins 101 (66v), — excitare Espace, (par l’espace de) 91 (60v) : pendant, en avance de (DLMF) Especial, (par especial) 127 (81r), in primis, surtout (DLMF) Espendu, espendues et semees 155 (97r), spargere Esperit 85 (57r), spiritus, souffle Esplendit, cf. Reluist Espreinture 115 (74r), — comprimere, pression Esprouvé, esprouvee et vraye 115 (73v) : Estat, cf. Condicion Ester, cf. Demourer

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Esteindre, Exteindre, esteindroit et aneantiroit 103 (67r), extinguere se exteinct et amortist 95 (62v), extinguere ; se exteignent et faillent 95 (62v), extinguere ; se exteint et default 99 (65r), extinguere ; se exteint et adneantit 137 (86v), extinguere Estouyer 73 (50r), reservare, tenir en réserve, réserver ; 79 (53v), condere, épargner, ménager Estrange, adj., 63 (45r), externus, étranger Estre, estre et vivre 111 (72r) : Estude, (mettre son estude en) 83 (55v) : s’appliquer à (DLMF) ; met son estude et son entente en, studium ; (par estude) 95 (62r), 127 (80v) : avec soin (DLMF) ; estude et labour 83 (55v), — laborare ; estudes et oeuvres 153 (95v, 96r, studium ; estude et mestier 125 (79v), studium ; estude et diligence 123 (78v), — assiduus ; estudes et besoingnes 97 (63v), 115 (73v) : cf. Diligence, Excercitacion, Labour Estudier, estudia et apprist 51 (38v), perstudiosus sum ; s’estudie et emploie 153 (95v, 96r), studium, s’appliquer à ; cf. Escrire Esveillié, cf. Viguereux Excellence, excellences et vertus 49 (37v) : Excercer, excercer et soustenir 93 (61v), sustinere ; excercer et faire 87 (58r) : Excercice, excercice et frequentacion 93 (61v), excercitatio Excercitacion 59 (42v), 95 (62v, 63r), excercitatio ; excercitacions et oeuvres 99 (64v), excercitationis ; excercitacions et labours 95 (62v), excercitationis ; excercitacion et estude 95 (62r) : Excés, excés et oultraiges 137 (87r) : cf. Attrempeement Exemple, monstrer par raisons et exemples 51 (38v), monstrer par exemple et autorité 157 (98v) : Excessif, excessifs ou mal emploiez 61 (43v) : Excusance, cf. Pardon Excusation 133 (84v), excusatio, excuse Excusez, (estre), cf. Mercy Executer, executer ou faire 95 (62r), executus sum ; executer ou mener a fin deue 99 (65r), executus sum ; excecuter et mettre a fin 101 (66r) ; cf. Fin Exeques, exeques funeraulx 145 (91v), funeris, obsèques, funérailles Exteindre, cf. Esteindre Exteinct, exteinctes et passees 159 (99r), — nec permanere ; exteincte ou morte, morte et exteincte 137 (87r), 137 (86v) : cf. Mort Exu, part. passé du vb. Exir, Issir 117 (74v), emersus, sortir, en parlant des plantes, bourgeonner

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F Fable, fable et moquerie, moquerie et fable 133 (84r), fabula Failli, cf. Vain Faillir, faille ou admoindrisse 95 (62v), extinguere ; cf. Exteindre Faire, (bien faire) selon les forces de noz ans 87 (57v), vires, combattre avec vaillance (DLMF) ; fait et appreste 83 (55r), agere ; personnaige bien fait et ordonné 141 (88v), peragere, représenté ; cf. Administrer, Composer, Excercer, Executer, Rendre Faisible, adj., 133 (83v) : faisable ; cf. Appartenens, Oeuvrable Faisseau 49 (38r), onus, fardeau, poids Fait, (de fait) 167 (103v) : par expérience, de fait (DLMF) Faitement, adv., 51 (38v), 147 (92v) ; 163 (102r), ita, 99 (65r), facit, de telle manière Faveur, (avoir faveur), cf. Audience Ferme, adj. : fort, fortifié ; ferme et pardurable 155 (96v), constans ; ferme et propre 165 (102r) : cf. Certain, Droit Festu 115 (74v) : paille, brin Fianter 119 (76r), stercorare, fumer une terre Fiantement 119 (76r) : fumaison Fianterie, labourage et fianterie 119 (76r), cultura Figure, figure et vray mirouer 155 (97r) : modèle Fin, fin a, adv., 113 (72v) : jusqu’à ; (a fin que) 161 (101r), dans le but (DLMF) ; (mener a fin qqch) 99 (65r) : terminer, accomplir, faire aboutir, réussir (DLMF) ; (mettre a fin) 91 (60r), 101 (66r) : réussir, accomplir, terminer (DLMF) ; fin et terme 143 (90r), terminus ; cf. Executer Finablement 91 (60v), 161 (101r), denique, finalement, enfin Finer 83 (55v), finire, 149 (94v), 161 (100v) : finir, se terminer Flambe 141 (89v), flamma, flamme Floible, floible et non puissant 87 (58r), effetus ; floible et rebrunchee 163 (101r), obtusus ; floible, maladif et enferme 83 (56r) : Flour, flours et roses 119 (76v), flos ; flours et violectes 127 (80v), flos Fol 139 (88r), insipiens ; fol et negligeant 55 (40v), iners, inhabile, maladroit ; fol ou negligent 77 (52v), desipiens ; fol et villain 159 (99r), insipiens, déraisonnable, sot, insensé ; folz et ydiotes 151 (95v), indoctus, ignorant ; fol et vicieux 163 (101r), stultus, insensé ; folle et desmesuree 46 (36r) : cf. Desraisonnable Force, forces et vertus 95 (62v), vires ; forces et corps 149 (93v), corpus ; forces et vertus 69 (48r) :

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cf. Violence, Souefment Forclous, part. passé du vb. Forclore, 145 (91r) : empêcher, exempter ; cf. Osté, Privé Forclus, cf. Forclous Forme, forme et maniere 99 (64r) : Fors que, adv. et prép., 75 (50v) : hormis, excepté, si ce n’est que Fort, forte et grant 141 (89v), vis ; fort et bon 165 (102v), fort et paciant 165 (102v), — eque, courageux ; fors et parcreux 97 (63r), robustos ; fort et defensable 46 (35r) : cf. Durans, Prudant Fortune 149 (93r, 94r) : sort ; fortune et felicité 127 (80v), fortuna ; fortune et bieneurté 127 (80v), fortuna, bonheur Fouldre, cf. Pestilence Fouler 105 (68v), contemptere, outrager, au sens moral ; cf. Despiter Foy, (sur/soubz sa foy) 149 (93v) : sincèrement, sur parole (DLMF) ; cf. Loyal Fraele, fraele et enferme 133 (84v), fragilis Franc, estre francs et pas constreints 93 (61v), non cogere Franchise, oster la franchise du peuple et le ramener en servaige 147 (92r) : Frayour, cf. Creinte Frec, (de frec) 143 (90v) : récemment (DLMF) ; frec et froit 109 (70v) : cf. Nouvellement Frequentacion, cf. Excercice Frequenter, frequentes et appliques 75 (51r), excercere ; cf. Congnoistre Fronse 131 (82v), ruga, ride Fructueux, fructueuse et proufitable 93 (61r) : Fruict, (faire fruit) 79 (53v) : profiter (DLMF), cf. Proufit ; fruict et prouffit 93 (61r) : cf. Pomme

G Gaige, gaiges et pensions 77 (51v), vadimonium, engagement ; gaiges et souldeez 111 (72r), stipendium, service Garder, cf. Retenir Garmenter 145 (91r) : se lamenter ; cf. Plouré Garny, cf. Riche Gaynne 117 (74v), vagina, étui Gelline, gellines et voulailles 123 (78v), gallina, poule Gemme 117 (75v), gemma, bourgeon, oeil de la vigne

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Gengleour, cf. Jongleour Getter, (getter hors) 115 (74v), elicere, expulser (DLMF) Giron 115 (74r), gremium, sein Gloire, gloire et renom 61 (44r), gloria ; gloire, louange et renom 161 (100v), gloria ; cf. Renommee Glorifier (soi) 61 (44r), gloriari, se vanter de ; glorifier et venter 89 (59r), gloriari ; glorifie et loe 161 (100v), gloriari Gouverné, cf. Administré Gouverner 77 (52v), 85 (57r), 113 (73r) ; 159 (100r), gerere, diriger ; gouverner et defendre 125 (79v), tueri Gouvernement, gouvernement et administracion 69 (48r), gerendis ; cf. Administracion Gouverneur, gouverneur et patron 71 (49r), gubernator, timonier Grace, (rendre grace) 109 (70r), gratia, savoir gré (DLMF) Gracieux, gracieux et accordans 123 (78r), redire in gratiam ; cf. Doulx, Souef Grandesse 49 (37v) : grandeur Grandement 161 (101r), maxime, tellement Grant, plus grant et plus vieilz 57 (41v), maior ; grant et bon 63 (45r), magnus ; grant et haulte 67 (46v), magnus ; plus grandes ou meilleurs 79 (53r), maior ; si grant et si noble 121 (77v), tantus ; grans ou diverses 107 (69r), frequens ; grant et bonne 157 (98r), magnus ; grant et gros 85 (57r) : cf. Fort, Meilleur, Souverain Grave, Grief, graves et soubtiles 46 (36r) : solennel ; graves et poisens 95 (62v), — ingravescere ; grief 85 (57r) : pénible, douloureux ; grief et poisant 53 (39v), gravis ; grieve et ennuieuse 57 (42r), molestus ; grieve et dangereuse 59 (42v), gravis ; grieve et poysante 153 (96v), gravis, pénible ; cf. Chargeux, Chargeant, Poisant Gravité, gravité et meurté 59 (43r), gravitas, dignité Gré, (de plein gré) 105 (68v), 141 (89v), 147 (92v), 147 (93r), 151 (94v) : volontairement (DLMF) Gregeois, adj. et s.m., 83 (55r), grecus, grec Grief, cf. Grave Grieftez, cf. Tristesse Griement, adv., 137 (87r), gravius, grièvement Gros, cf. Grant Guerre (mouvoir guerre contre) 109 (70v), bellum indicere, s’en prendre à, s’opposer à Guerredon 161 (100v), guerdons et loyers 161 (100r) : récompense, cadeau

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H Habiter, cf. Adviser Hardement, s.m., 63 (44v), ausus, hardiesse, audace, action hardie Hardiement, hardiement et sanz bride de raison 101 (66r), effrenatus Hardiesse, cf. Oultraige Hastivement, hastivement et si tost 157 (98r), celeriter, rapidement Hainneux 53 (39v), 81 (54v), 111 (71r), odiosus, fâcheux ; cf. Dur, Hault, cf. Grant Heinneux, cf. Hainneux Henter 81 (54v), 163 (101v), colere, honorer ; hentez et honnourez 57 (41v), colere ; 59 (43r), 97 (63v), hentent et suivent 46 (35v) : fréquenter ; cf. Amer (vb.) Heureux, cf. Meilleur Historial 46 (36r) : historique, véridique Homme, aultre homme ou vieillart ou d’aultre eage 81 (54v), alter Honneste, 107 (69v), 111 (71v), 113 (73r), 115 (73v), 117 (74v, 75r) : convenable ; 147 (92v), 149 (93v) : honorable ; honneste et bon 97 (63v), honestus ; honnestes ars 129 (82r) : arts libéraux ; cf. Bon, Courtois, Juste, Louable, Loisible, Proufitable Honnesteté, cf. Courtoisie Honneur, honneur et dignité 133 (84r), honor ; honneurs, dignitez et bonnes oeuvres 159 (99r), honores ; honneurs et autorité 131 (83r), honora ; cf. Autorité, Don, Reverence Honorableté, honnorableté et poisanteur de manieres 93 (61r), gravitas Honnour, cf. Honneur Hors, cf. Contre Hostelerie 165 (102r), hospicium, auberge Housse 61 (44v), toga, chausse, ‘heuque, cote, vestimens’, cf. DLV Humainnement, adv., humainnement et liberalment 127 (80r), humanus, avec douceur Hurter, hurter des esperons 147 (92v) : heurter, frapper contre

I Idoine, cf. Souffisens Iert 47 (36r), ind. fut. du vb. Estre (3e pers.) Illec, Illeuc, adv., 131 (83r), 143 (90r), 149 (94r) : là, à cet endroit, alors, à ce moment Immortel, immorteles et pardurables 165 (103r), immortalis

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Importable 135 (85r) : insupportable, pénible, cf. Dur Importun, importuns et chargeux 135 (85r), odiosus ; cf. Aigre Inclination, cf. Desir Industrie 77 (52r), industria, activité Informer, cf. Instruire Ingenieux, ingenieux et subtilz 77 (52r), — ingenium Instruict, cf. Saichant Instruire, instruire et informer 46 (35r) : Interdire, interdire et oster 77 (52v), interdicere Interroguer, interroguer et enquerir 131 (82v), consulere

J Ja, adv., 49 (38r), 51 (38v, 39r) ... : maintenant, déjà ; ja soit que 65 (45v), 69 (48r), 91 (60r), ja soit ce que 115 (74r), 135 (84v), 143 (90r) : quoique, bien que Jargonneiz 63 (45r), jargonneiz et chant 63 (44v) : babil, gazouillement, langage des oiseaux Jeu, jeux et soulaz 125 (79r), lusio Joiel, cf. Don Joieux 51 (38r), 165 (103r), iocundus, agréable ; joieux et amiable 81 (54v), iocundus ; joieux ou plaisens 119 (76r), letus ; joieux et delectables 119 (76v), letus ; joieuse et agreable 143 (89v), iocundus ; cf. Bieneuré, Souef Jongleour 89 (59r), loquax, bavard ; 133 (84r), 141 (88v), histrio, acteur Jouer, joue et contrefait 111 (71v) : interpréter un rôle Joueur 111 (71v) : acteur Jouventé 149 (93v) : jeunesse Jouste, joustes, tournaiz et luictes 91 (60v) : Juene, juene et petit 85 (57r) : cf. Adolescens Juenesse, cf. Adolescence Juger, juger et congnoistre 105 (68v), noscere ; juge et pense 153 (96r), arbitrari ; juge et pense 165 (103r), credere Juste, juste et honneste 145 (91r), 147 (92r) : cf. Prudant

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L Labour 163 (102r), labor, peine ; labour et estude 113 (73r), studium ; labour continuel et proufitable 125 (79v), studium ; labours et biensfaicts 161 (100v), labores ; cf. Excercitacion, Ouvraige Labourer 83 (55r) : travailler ; cf. Oeuvrer, Traveiller Lance, (mettre sa lance en arrest) 147 (92v) : être prêt au combat (DLMF) Langaige, cf. Letres Langorieux, langorieuse ou malade 83 (55r), languidus, languissant Lasser, lasse ou ennuye 167 (103v), defatigare Legier, (de legier) 133 (84r), 137 (87r), 139 (87v), 143 (90v), 149 (94r), 163 (101v) : facilement, à la légère, rapidement (DLMF) ; legiere et aisee 53 (39v), haud difficilem, facile ; cf. Doulx, Petit, Souef Legierement 51 (38v), 163 (101v), facile, 57 (42r), 67 (46v), 73 (50r), 105 (68v) : facilement Legiereté 71 (49v), celeritas, facilité, rapidité Letres, letres et langaige 83 (55r, 55v), litera Lettrez, cf. Saige Liberalment, adv., 127 (80r), librement, volontiers ; cf. Humainnement Licence, avoir licence et congié 99 (64v) : permission Lieu, (en lieu de) 75 (51r), 109 (70r), 125 (79v) : à la place de, au lieu de (DLMF) ; (donner lieu) 133 (83v) : céder la place (DLMF) ; (faire lieu) 131 (83v) : céder la place (DLMF) ; (de hault lieu) 153 (96v) : le ciel (DLMF) ; lieu et estat 141 (88v) : Lignie, cf. Sang Loer, loe et magnifie 129 (82r), laudare ; loé et recommendé 141 (88v), probatus ; loé et recommendé 133 (83v), — plaudere ; cf. Approuver, Glorifier Loi, loix et ordenances 55 (40v) : Loing, (de loing) 73 (50r) : loin, à distance (DLMF) Loisible, loisible ou honneste (a ung roy) 125 (80r), regalis, convenable, digne d’un roi Loisir, vb., 127 (81r), licere, être permis Long, long et parfait 127 (81r), maior ; longues et durables 121 (76v), longus ; si long et si cruel 149 (93v), crudelissimus ; longue ou forte 87 (57v) : Longuement, cf. Tandiz Longuesse 99 (65r), diuturnus, longue durée ; 127 (80r), proceritas, longueur Lors, adv., 53 (40r), 61 (43v, 44r) ... : alors ; (pour lors) 59 (43r), 67 (46v), 67 (47r)... : à l’époque (DLMF) Los, s.m., 65 (45v) : louange, renommée Louable, louable et honneste 97 (63v), honestus Louange, cf. Gloire, Tiltre

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Loyal, loyaulx et pleins de bonne foy 49 (37v), plenus fidei Loyen 159 (99v), vinculum, lien ; cf. Prison Luicte 91 (60v) : lutte, cf. Jouste Luicter 85 (56v) : lutter, combattre Luicteur, cf. Champion Lumiere, lumiere et clarté 103 (67r), lumen Luxure 111 (72r) libido, volupté ; delictz de luxure 111 (71r), rebus veneriis ; cf. Delict

M Maal 71 (49r), malus, mât Magnifier, cf. Loer Maigresse 93 (61v) : maigreur : cf. Seccheresse Maillot 163 (101v) : pièce d’étoffe dans laquelle on enveloppe les tout jeunes enfants Maint, maintes et diverses 77 (51v), multus Maintenir, maintenir et poursuivre 127 (80v), tenere ; cf. Avoir Maistre, maistres et enseigneurs 87 (58r), magister Mal, mal ou reprouche 141 (89r) : Malade, malades et enfermes 69 (48r), infirmus ; cf. Langorieux Maladie, maladie et non puissence de corps 95 (62r), nulla valitudinis ; maladie et peril de mort 139 (87v) : Maladif, maladifz et enfermes 95 (62r), infirmus ; cf. Enferme, Floible Malement 73 (49v), male, mal, méchamment Maleureux, cf. Chetif, Mescheant, Pouvre Maleurté 81 (54r) : malheur Malgracieux, cf. Aspre Malvais, cf. Mauvais Mangier, menguent et boivent 95 (62v), adhibere Maniere, cf. Forme Marchandise, (avoir marchandise avec) 103 (67v) : avoir affaire avec Marrien 119 (75v), caput, soutien, charpente, constitution Mauldict, mauldicte ou perverse 103 (67r), detestabilis Mauvais, mauvaise ou ennuieuse 53 (39v), malum, nuisible ; mauvaiz et puans 77 (52r) : cf. Corrompu Mauvaisement 77 (52v), male, mal Meilleur, meilleur et plus grant 63 (45r), prestantior ; meilleur ou plus fort en vertu 91 (60r), prestantior ; meilleur ou plus bieneuree 123 (78r), beatior ;

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meilleur et plus heureuse 129 (81v), beatior ; meilleur lieu et ou elle sera mieulx 163 (101r), melior ; cf. Bon, Grant Memoire, (avoir memoire) 67 (46v), 77 (51v), 159 (99r), memini, (retenir en memoire) 63 (45r) : se rappeler, se souvenir de (DLMF) ; memoire et renommee 161 (100r), memoria ; memoire et souvenance 77 (52r) : cf. Engin, Recorder Mener, cf. Conduire Mer, cf. Riviere Mercier 103 (67v), gratiam habere, remercier Mercy, (avoir mercy) ou estre excusez 133 (84r) : (DLMF) Merite, merites et biensfais 46 (35v) : bonnes œuvres Merveille, (a merveille) 59 (43r), admodum, très, beaucoup, étonnamment (DLMF) ; (avoir merveille) 53 (39v), ammirari, s’étonner ; (estre merveille) 79 (53v), 95 (62r), mirus, chose étonnante 135 (85r) : (DLMF) ; (se donner merveille) 51 (39r), ammirari, s’étonner Merveillier 51 (39v), 165 (103r), ammirari, s’étonner Mescheant 81 (54v), 101 (65v), 129 (82r), miser, 83 (56r) : malheureux ; mescheant et/ou ennuieuse 65 (45v), 69 (47r), 69 (47v), miser, malheureux ; mescheant et maleureuse 123 (78r), miser Meslé, meslé et pestri 159 (99v) : Mesgnie 97 (63r), clientela, suite, personnel, maisonnée ; cf. Enfans Mesmement 51 (39v), 55 (41r), 59 (42v) ... : surtout, principalement Mestier, (estre mestier) 51 (38v), 65 (45v), 107 (69v) : être nécessaire, utile, falloir (DLMF) ; (avoir mestier) 89 (59r) : avoir envie, avoir besoin de, être utile, être nécessaire (DLMF) Mesure, (a mesure) 85 (57r) : d’une manière régulière, raisonnable (DLMF) ; (oultre mesure) 117 (75r) : très, avec excès, d’une manière exagérée voire irrégulière (DLMF) ; mesure et quantité 85 (56v) : cf. Terme Mettre, (mettre sus/sur) 67 (46v), conferre, 149 (94r) : mettre sur qqch a qqn, l’accuser de, rendre responsable, blâmer (DLMF) ; (mettre au devant) 83 (55v) : poser au préalable, avancer, rappeler (DLMF) ; (mettre contre) 137 (86r) : reprocher ; (mettre devant) 46 (35v), 61 (44r), 133 (84r), anteponere, lui donner la préférence (DLMF) ; cf. Preferé, Prescher Meur, meur et convenable 153 (96r), maturus Meurs, meurs et condicions 57 (42r), mos, caractère ; meurs et accoustumances 133 (84v), mos, caractère ; meurs et vertus 135 (84v), mos ; cf. Complexion, Vie Meurté 143 (89v), maturitas, maturité ; meurté et attrempance 93 (61r), maturitas, maturité ; 137 (87r) :

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cf. Gravité Mignotie, mignotie ou delectacion charnele 97 (63r), petulancia, air engageant et caressant Mirouer, cf. Figure Moian, (par le moian de) 103 (67v), 157 (98v) : grâce à (DLMF) Moische 119 (76v), moisches qui font cire et miel, apis, cf. DLV Moitié, (a moitié) 45 (34v), 109 (70v) : à parts égales (DLMF) Mon, (savoir mon) 131 (83r) : certes, en vérité (DLMF) Monstrer, monstrent et declairent 159 (99v), declarare, manifester ; cf. Tracter Moquerie, cf. Fable Morigerez, bien morigerez 135 (85r), mores bonis, bien éduqué, de bonnes coutumes Mort, (souffrir mort) 147 (92r) : mourir (DLMF) ; morte et exteincte 137 (86r), mort et desconfiture 149 (93v) : cf. Abbatu, Exteinct Mourir, moeurent et cessent 153 (96r), occidere ; moeurent ou cheent ou defaillent 167 (103v), extinguere Mouvoir, moeut et cemont 157 (98r), movere ; moeuvent ou departent 145 (91r), decedere, quitter Muable 53 (40r), — inconstancia, changeant Mulon 121 (77r), pondus, meule, tas, monceau Multiplié, cf. Accreu Multiplier, cf. Croistre Mussier (soi) 99 (65r), obrepere, se cacher

N Nagemens 125 (79r), nationes, navigation Nager 143 (89v, 90r), — navigatio, naviguer Nativel, adj., 45 (35r) : natal Nature, nature et proprieté 153 (96r) : Naturel, naturele et propre 93 (61r), naturalis Navrez 147 (92v) : blessé Neant, (pour neant) ou en vain 163 (102r), frustra, inutilement, sans raison (DLMF) ; (retourner en neant) 159 (99v), dissolvere, anéantir ; neant plus 89 (59v) : pas plus Necessaire, cf. Convenable Necessité, (estre necessité) 55 (40v), 91 (59v), 131 (82v), 151 (95r), 161 (100r) : avoir besoin (DLMF) Necteté, necteté et beaulté 127 (80v), nitor

Glossaire

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Nef, (samblable a la nef faicte de vieilles tables qui est sanz gouvernail tresloing de port es undes de la mer) 46 (36r) : comme navire sans gouvernail par temps de pluye (DLMF) Negligent cf. Fol Neiz, adv., 125 (80r) : même, pas même, pas du tout Nenil 75 (51r) : non Ne que, loc. conj., 53 (40r), 61 (44v), 63 (45r)… : pas plus que Noble, nobles et renommez 159 (99r), clarus, illustre ; noble et vaillant 51 (39r), nobles et vertueux 65 (45v) : cf. Grant Nombre, nombre et quantité 149 (94v) : Nombrement 69 (47r), enumeratio, dénombrement Nombrer 161 (100r), enumerare, dénombrer Notoire, cf. Cler Nourriz, nourriz et abeuvrez 45 (35r) : Nouvel, cf. Cru Nouvellement, nouvellement et de frec 143 (90v), recens, récemment ; cf. Frec Nul, nul et adneanti 145 (91v), nullus

O Occire 121 (77v), interimere, tuer ; 145 (91r) : tuer Occision 147 (93r) : meurtre, massacre Occupé, occupé ou entremis 91 (60r), occupatus Oeuvrable, oeuvrables et faisibles 127 (81r) : réalisable Oeuvraige, cf. Ouvraige Oeuvre, (mettre a oeuvre) 59 (42v) : réaliser, accomplir, mettre en pratique (DLMF) ; oeuvres et sciences 87 (58r), ars ; cf. Estude, Excercitacion, Dignitez, Honneur, Vertu Oeuvrer, oeuvre et laboure 83 (55r), operare, travailler ; ars de droitement ouvrer 59 (42v), artes Offendu 135 (84v), illusus ; offendue et troublee 135 (85r), offensus, offensé Offense, offence et desplaisir 133 (84v), offensio ; offense ou courroux 135 (84v), offensio Office 55 (40v), 61 (43v), 61 (44v), 75 (50v), 77 (52r), 87 (58r), 93 (61v), 95 (62r), 101 (66v), munus, devoir ; 105 (68r), 109 (70v), 111 (72r), 121 (77v), 123 (78r), 127 (81r), 143 (90v), 153 (96r), 157 (98r), officium, fonction ; offices et dignité 127 (81r), honor, fonction, charge publique ; cf. Dignité Officier, cf. Chevalier

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Oiseux, oiseuse et reposant 113 (72r), ociosus Onques, adv., 51 (39v), 59 (42v), 61 (44r)… : jamais, une fois, un jour, en un temps quelconque Or, or et aultres richesses 121 (77r), aurum Ord 101 (66r) : sale ; cf. Tresvicieux Ordonnance, Ordenance, (par ordonnance) 71 (49v), 139 (88r) : en ordre, selon un cérémonial établi (DLMF) ; cf. Droit, Loi Ordonner 115 (73v), institutus, formé, cultivé ; ordonnee et actournee 129 (82r), constitutus, établi ; cf. Certain, Conseiller, Convenable, Descrit, Esleu, Faire Ores, (des ores en avant) 83 (55r) : (DLMF) Oroison, Oration, oroison ou advocatie 87 (57v), oratio Ost 61 (43v), 147 (92v), 149 (93v), 151 (94v), hostis, ennemi Oste 93 (61r), hospes, hôte Oster 69 (47v), avocare, éloigner ; 69 (47v), privare, priver de ; ostee et forclouse 145 (91r) : empêchée ; cf. Affloiblir, Interdire, Soustraire Ou, enclise de en + le : au Oultraige, oultraige et folle hardiesse 75 (51r), temeritas ; cf. Excés, Vice Oultraigeux 87 (58r), libidinosus, voluptueux, débauché Ouvraige, oeuvraiges et mestiers 155 (97v), sciencia ; ouvraige ou labour 69 (47v) : cf. Art, Chose Ouvrer, cf. Oeuvrer Oyseller 123 (78v), aucupari, chasser à l’oiseau Oysif, cf. Dissolu, Pereceux Oysiveté, cf. Dissolucion

P Paciant, cf. Doulx, Fort Paix, (faire paix) et alliences 71 (48v), pax, se réconcilier (DLMF) Paour, (avoir paour de) 137 (86v), cf. Compte ; (avoir paour que) 165 (103r), vereri (DLMF) Parcreuz 97 (63r), adj. : grandi, développé, fort ; cf. Fors Pardon, pardon et excusance 47 (36v) : Pardurable 45 (34v), 157 (98r) : éternelle ; 137 (86v), eternus ; cf. Ferme, Immortel Parfaire, cf. Accomplir, Acconsuyvre Parlemens 99 (64v), 101 (66v), colloquium, entretien ; cf. Court, Senateur Parlementeiz 57 (41r) : débat, discussion, cf. Querele

Glossaire

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Parler, s.m., (beau parler) 61 (43v) (DLMF), cf. Admonnestemens Parler, parler et conseiller 129 (82r), sententia ; cf. Disputer Parvenir a, cf. Acteindre Passable 165 (102r) : de passage Passé, cf. Exteinct Passer, (s’en passer) 83 (54v) : se priver de (DLMF) Pasture, cf. Refection Patron, cf. Gouverneur Payle 151 (95r) : riche drap d’or ou de soie, brocart Peine, (a peines) 149 (93v) : difficilement, avec peine (DLMF) ; (a grant peine) 143 (90v), egre, avec difficulté, péniblement (DLMF) ; peine et traveil 95 (62v), excercitatio Pelerin 165 (102r), adj., étranger, voyageur Pensee, pensee et raison 143 (90v), mens Pensement 103 (67r), cogitatio, 145 (91v), — meditari, 145 (92r), meditatio : réflexion ; pensement et adviz 137 (87r), mens, pensée Penser, pense et recorde 135 (85r) : cf. Juger, Voir Pension, cf. Gaige Per 45 (34r) : pair, compagnon Pereceux, pereceuse ou oysive 83 (55r), iners Peril, perilz et tempestes 143 (90r) : Perseverance, Perseverence, cf. Continuacion, Saigesse Pertinant, Pertinens, cf. Digne Pervers, cf. Mauldict Pestilence, pestilence ou fouldre 101 (66r), pestis, fléau Pestri, cf. Meslé Petit, petites et attemprees 107 (69r), modicus, modéré ; petites et legieres 95 (62v), modicus ; cf. Brief, Juene Piez, (de piez) 93 (61r), pedibus, à pied (DLMF) Pitié, pitié ou religion 165 (102v), pietas, piété Place, place et cercle 91 (60v), stadium Plaidoier, cf. Causaier Plainement 61 (43v), plane, tout à fait Plaincte, cf. Douleur Plaire, ceste erreur me plaist et si me y consens voulentiers 165 (103r), libenter erro Plaisens, cf. Joieux Plaisir, plaisirs honnestes et delectacions 113 (73r), 115 (73v), voluptas ; cf. Delectacion, Desir

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Planter, planter et enter 79 (53r, 53v), 81 (54r), sevi, 127 (80v), — satio ; cf. Semer Planteureux, planteureuse ou plus abundant 123 (78v), uberius Plein, (a plein) 46 (35v), 159 (99v) : pleinement, entièrement, complètement, tout à fait (DLMF) ; pleine et entiere 151 (94v, 95r) : cf. Abundamment, Entier Pleur, cf. Douleur Plongé, plongee et reposte 153 (96v), demersus, enfoncé Plouré, plouré et garmenté 145 (91r), lamentis, être lamenté ; plouré ou complainct 145 (91v), lamentis Pluseurs, pluseurs ou divers 107 (69r), frequens ; pluseurs et diverses 109 (71r), varius ; pluseurs et diverses, diverses et pluseurs 157 (98r), innumerabilis ; Poetrie 79 (53r) : poésie Poisant, poisant et gros et grant 85 (57r) : cf. Ennuieux, Grave Pomme, pommes et aultres fruiz pendens 141 (89v), pomum Porter, porte et endure 51 (38v), 67 (47r), ferre ; portes et endures 57 (42r), tolerare ; portasse et souffrisse 165 (102v), ferre ; portent et endurent 57 (41v) : cf. Endurer Pou 57 (42r), 79 (53v), 93 (60v)… : peu ; (pou a pou) 99 (65r), sensim (DLMF) Pourpenser 73 (49v), cogitare, penser, réfléchir Poursuivre, poursuivre et aler honnorablement aprés 131 (82v), appetere ; cf. Maintenir Pourvoir, cf. Conseiller Pouvre, pouvre ou maleureux 137 (86v), miser Pouvreté, pouvreté et disette 59 (42v), inopia Preferé, preferee et mise devant 46 (35v) : cf. Mettre Premier, cf. Principal Prendre, prist et recouvra, recouvré ou repris 61 (44r), recipere ; prinse et destruicte 89 (59r), — peritare ; prins et deceuz 107 (69r), capere ; prist et recouvra 59 (43r) : Pres, (de pres) 73 (50r), comminus, à peu de distance (DLMF) Prescher, presche et met au devant 89 (58v), predicere, cf. Mettre Prest a 99 (64v), assum, disponible, cf. DLV Preu, preu et vaillant 103 (67r) : Prince, prince et seigneur 129 (81v), vir ; cf. Roi, Seigneur Principal, principal et premier 133 (83v), principatus Principalment 101 (66r), primus, premier Pris, pris et salaire 49 (37v), precium

Glossaire

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Priser, prisent et doubtent 151 (95v), contempnere Prison, prisons et loyens 57 (41v), 159 (99v), vinculum Privé, estre privé et quitte 101 (65v), auferre, libéré ; estre privez et quittes 111 (71v), carere, libéré ; privee ou forcluse 111 (71v), carere ; cf. Dechacié, Propre, Quitte Procés 46 (36r) : suite, développement Prochainnement 77 (52v), 105 (68r), proxime, proche, dans le temps et dans l’espace Promptement, cf. Tantost Propre, cf. Ferme, Naturel Proprement, cf. Bien Proprieté, proprieté et nature 75 (51r) : cf. Nature Prouchainement, cf. Prochainnement Prouesse, cf. VertuProuffit, faire proufit et fruict 79 (53v), prodesse, cf. Fruict Proufitable, proufitables et habiles 141 (89r), accomodatus, approprié ; proufitable et honneste 73 (50r) : cf. Bon, Fructueux Prouver, prouvai et soustins 67 (47r), suadere Prouvignemens, cf. Complans Prudant, prudant, attrempé, juste et fort en couraige 91 (59v) : cf. Attrempé, Saige Prudence, prudence et adviz 75 (51r) : Puans, cf. Mauvais Pucelle, pucelles et vierges 101 (66v) : Puerice 53 (39v, 40r), 93 (60v)…, puericia, enfance Puissant, cf. Floible Puissence, cf. Autorité, Dignité

Q Quant, (quant a) 45 (34v, 35r), 47 (36v) : quant à, pour ce qui est de, au regard de (DLMF) ; (quant est de) 51 (38r) : quant à, pour ce qui est de, au regard (DLMF) ; quant, adj., 69 (47v), 113 (72r, 72v)… : combien de, quelle quantité de Quantité, cf. Mesure, Nombre Quart 69 (48r), 137 (86r, 87r), quartus, quatrième Querele, quereles et parlementeiz 57 (41r), querela, débat, discussion Querir, querir et amasser 135 (85v), querere ; quierent et treuvent 53 (39v), quiert et trouve 53 (40r), petere ; quise et desiree 105 (68v), petere

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Question, (faire), cf. Esmerveillance Quint 45 (34v), cinquième Quis, part. passé. du vb. Querir Quitte, (estre quitte) 101 (65v, 66r), 111 (71v) : libéré (DLMF) ; cf. Privé Quoi 65 (46r), quietus, coi

R Racine, racines et troncs 115 (74v), stirps Raincel 117 (75r), ramus, branches Raison, (dire raison) 53 (40r) : parler raisonnablement (DLMF) ; (par raison) 57 (41v), 73 (50r) : légitimement, à bon droit, en toute justice, avec raison, comme il convient (DLMF) ; (sanz bride de raison) 101 (66r) : sans contrôle, outre mesure ; (selon raison) 135 (85v), 155 (97v) : raisonnablement (DLMF) ; raison et mesure 95 (62v), ratio ; cf. Attrempance, Pensee Ramener, cf. Reconvoier Rayant 123 (79r), part. pr. du vb. Rayer : rayonner Rebrunché 163 (101r), hébété, obscurci, émoussé ; cf. Floible Rechasser 163 (101v), reversus sum, (faire) retourner en arrière (dans l’espace ou le temps) Rechief, (de rechief) 61 (44v), 141 (89v), 149 (94r), 157 (98v) : en retour, encore une fois, de nouveau (DLMF) Reciter, reciter et dire par cuer 77 (52v), recitare Reconvoier, reconvoier et ramener 131 (82v), deducere, reconduire, ramener Recordable 99 (64r) : mémorable Recorder 149 (94v), recordari ; 113 (73r), 117 (74v), commemorare ; 65 (45v), 75 (51r), 107 (69v), 149 (93v) : rappeler, se souvenir 107 (69v) ; rappeler à son esprit, se souvenir ; recorde et remembre 99 (64v), commemorare, remémorer ; recordand et ramenand a memoire 95 (62v) : cf. Penser Recors 59 (43r), recordatio, souvenir Recourber, se recourbent et cheent 55 (40v), — caducus Recouvrance 61 (44r) : action de récupérer, délivrance, salut, secours Recouvrer, cf. Prendre Recreindre 149 (94v) : craindre Recueillir, recueil et assamble 99 (64r), colligere Refect, refectes et soustenues 95 (62v), reficere Refection, pasture et refection 113 (72r), pabulum, aliment, nourriture Refuge, refuge ou recours 149 (94r) :

Glossaire

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Refuser, refuse et desobeist 115 (74r), recusare ; leur refusa sa presence et ne tint compte de eux 121 (77r), repudiare Regret, avoir regret ou douleur 141 (88v), dolere Regreter, cf. Requerir Religion, cf. Dignité, Pitié Reluist, reluist et esplendit 61 (44r), claravi ; reluist et esplendit 85 (57v) : Remembrer 77 (51v), memini, se rappeler, se souvenir de ; cf. Recorder Remanant, Remenens, Remenant 73 (50r), reliqua, les restes, le restant ; 121 (77r), 145 (91r) : le restant Rendre, rendi et fist 151 (95r) : Relenquiez 59 (43r) : renié, abjuré, cf. Desprisiez Renom, cf. Gloire Renommee, s.f., renommee ou vaines gloires 61 (44r), rumor ; cf. Memoire Renommé, cf. Noble Repenti, repenti ou ennoié 73 (50r), penitere Reposant, cf. Oiseux Reposer (soi), se repose et ne traveille plus 67 (46v), quiescere ; se repose et siet 71 (49v), sedere Repost, adj., 153 (96v) : enfoncé ; cf. Plongé Repoz, cf. Seurté Reprendre, reprend et confute 83 (55v), refellere, réfuter ; cf. Confuter Reprouche, reprouche et difame 105 (68r), probrum ; cf. Blasme, Mal Reprouvé 105 (68r), — probare, reproché, remontré Requerir, requeroit ou regretoit 89 (58v), requerir et demender 91 (60v), 93 (61r), requirere ; requier et deprie 47 (36v) : cf. Demender, Deprier Requieult 141 (89r), ind. pr. du vb. Recueillir (3e pers.) Resgart, (au resgart) et a comparaison 115 (73v), comparare, quant à, pour ce qui est de, en comparaison de (DLMF) ; (au resgart de) 63 (45r) : à son avis, d’après lui (DLMF) Respendu, respendu et semé 153 (96v), spargere Respons, s.m., 155 (97r), iudicatus, réponse Retenir, retient et garde 97 (63v), retinere Retrait, part. passé. du vb. Retraire, cf. Destourné ; (a retrait) 61 (44r) : à l’écart (DLMF) Reverence, porter reverence 159 (100r), vereri, vénérer ; reverence et honnour 46 (35v) : cf. Dignité Revirer, cf. Tourner Ribaulde 115 (73v), scortum, courtisane Riche, riche et garny 123 (78v), locuples ; riche et bieneureux 127 (80v), beatus

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Richesse, cf. Abundance, Or Rien(s), (ne... de riens) 71 (49r) : nullement (DLMF) ; (en riens) 89 (58r) : en quelque chose (DLMF) Riviere, rivieres et mers 125 (79r) : Roi, rois et grans princes 77 (52r), roy et prince 125 (80r) : cf. Empereur Rose, cf. Flour Royaume, royaume ou seignourie 46 (35v, 36r) : Rude, cf. Aspre

S Sacrifier, sacrifier et servir aux dieux 113 (73r) : Saichant, adj., plus saichant et mieulx instruict 47 (36v) : savant Saige, saige et plein de letres 59 (42v), sapiens ; saiges et lettrez 115 (73v), sapiens ; saige et noblement doee 159 (99r), sapiens ; saige et bon 163 (101r), sapientissimus ; saiges et introduictz es sciences 151 (95v), doctus, savant ; saige et prudant 45 (35r), saige et attrempee 46 (35v), saiges et couraigeux 147 (92r) : Saigesse, saigesse et perseverence 77 (52r), — permanere ; sagesse ou vertu 85 (56v) : Saillir, saillent hors de leurs offices et viennent au repoz 111 (72r) : Sain, sain et viguereux 89 (58v), — vis Sainct, cf. Divin Saison, saison propre et usaige pertinent 93 (61r), tempestivus Salaire, cf. Pris Salut, le salut et le bien 63 (44v), salus Salutaire, s.m., 123 (78r), salutaris, salut, sauveur Samblance 145 (91r) : apparence, ressemblance Sang, sang et lignie 45 (34v) : Saoul, (son saoul) 163 (102r), assez, à satiété (DLMF) ; saoul et refect 153 (95v), — satietas, rassasié Saoulement 163 (102r), satietas, satiété Sapience, sapience et doctrine 113 (72r), doctrina, science Santé, la santé et le bien 61 (44r), salus Savoir, cf. Apprendre Scene, scene ou theatre 111 (71v), cavea Science, cf. Doctrine Seccheresse, seccheresse et maigresse 93 (61v), siccitas Secourir, secourir et aider 95 (62v), subvenire ; cf. Aider

Glossaire

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Secrect, cf. Caichié Seichement, parler plus seichement 51 (38v), eruditius, savamment Seigneur, seigneur et prince 45 (34r) : cf. Prince Seignorie 103 (66v), — dominare, 75 (50v) : seigneurie, autorité du seigneur ; seignorie et dignité d’office 105 (68r), imperium, rang élevé, fonction éminente, dignité ecclésiastique ; cf. Autorité, Royaume Seignourir 45 (34v), 97 (63v), dominare, gouverner, dominer sur, commander à Semé, cf. Respendu Semer, semand, plantand et entand 79 (53v), sevi Senateur, senateurs et aultres juges de Romme 99 (64r), senateurs et aux parlemens publiques 99 (64v), senateurs et aultres officiers publiques 99 (65r), senatus Sentement 109 (70v), sentire, 143 (90v), 145 (91v), sensus, 157 (98v) : sensation, sensibilité ; sentemens Sentence 51 (39r), sentencia, pensée ; 115 (73v), versiculus, vers ; sentence et advis 123 (78r), sententia Sentir, sentir et appercevoir 81 (54v), sentire ; senti et apperceut 89 (58r, 59r) sentire ; sens et apparçoi 153 (96r), sentire ; cf. Appercevoir, Entendre, Voir Seoir, cf. Reposer Sergens 123 (78r) : serviteur Serrer, serre et cloust 103 (67v), perstringere Servaige, cf. Franchise Servir, cf. Sacrifier Seul, seule et non aultre 153 (96r), solus Seurté 147 (92r), — tranquillus, sûreté ; seurté et repoz 143 (90r) : Severité 135 (85v), severitas, rigueur Siege, sieges et auditoires 91 (59v), rostra Signe, signes et demonstrances 81 (54v), indoles Simple, simple et non point diferant 93 (61r), simplex ; simple et point composee de parties de diverses natures 157 (98r), simplex Soldoier, cf. Souldoier Somme 125 (79v) : résumé Sot, sot, mal complexionné ou aultrement blessié en celle partie du chief ou gist la vertu de memoire 75 (51r), tardior Sotin 97 (63r), — stulticia, diminutif de sot (H) Soubslevez, soubslevez et allegiz 95 (63r), levare Soubtil, cf. Subtil Soueté, Soueveté, soueté et doulceur 127 (80v), suavitatem ; cf. Doulceur

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Livre de vieillesse

Souef 51 (38r), mollis, doux ; soueve ou legiere 59 (42v), levis ; soueve et joieuse 81 (54v), levis ; soueve et gracieuse 85 (57r), canorus ; soueve et advenant 87 (57v), canorus ; soueve et doulce 165 (103r), levis ; soueve et advenant (165) 35v : cf. Doulx Souefment, souefment et sanz force 143 (89v) : Soueveté, cf. Soueté Souffisens, souffisens et idoines 61 (43v) : approprié Soufflet 97 (64r), spiritum, souffle Souffrir, souffrir et endurer 55 (41r), ferre ; cf. Porter Soulacier, cf. Esbatre Soulaz, s.m., 83 (55v), 125 (79r), joie, plaisir, divertissement, cf. Confort, Jeux Souldee 111 (72r) : gage, salaire, solde, cf. Gaige Souldoier 145 (91r), 151 (95r) : soldat mercenaire Soustenir, soustint et endura 63 (45r), tollere ; cf. Excercer, Prouver Soustenu, soustenue et appoyee 117 (75r), fultus ; cf. Refect Soustraire, soustrait et oste 69 (48r), abstrahere Souverain, souverainne et tresgrant 59 (42v), summus ; souveraine et plus grant 75 (50v), amplissimus Subget, cf. Appouyé Subtil, soubtile et artificiele 119 (76v), solers, fin, habile ; cf. Agu, Dangereux, Grave, Ingenieux Subtilité, soubtilité et art 127 (80v), solertia, habileté Superflu, superflu et vain 123 (78v), supervacaneus Surfouisseure 119 (76r), — fodere, action de fouir, de creuser Surfouy 127 (80v), subactus, travaillé, labouré

T Table, (a table) 107 (70r) : (DLMF) Tandiz, tandiz et si longuement 143 (90r), quoad, tant que Tant, (pour tant) 97 (63v), ita : c’est pourquoi, 51 (38r), 55 (40r), 107 (69r) : pour autant, c’est pourquoi, dès lors, toutefois (DLMF) ; (en tant que) 49 (37v), 61 (43v), 115 (73v) : de telle sorte que si bien que, ainsi Tantost 75 (50v), cito, 51 (39r), 75 (50v), 127 (81r) : rapidement ; tantost et promptement 46 (36r) : Tardif, tardifz et lents 133 (84r), morosus, lent à agir Tel, tel et si faicte 46 (36r) : Telement, telement et si bien 145 (91v) : Tempeste, cf. Peril

Glossaire

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Temps, (de long temps) 143 (90v) : depuis longtemps (DLMF) ; temps et saisons 153 (96r), tempus ; cf. Vieil Tendre a 55 (40v), 97 (63v), 103 (67v)… : avoir pour but Terme, terme et mesure 163 (102r) : Terre, (prendre terre) 143 (90r) : débarquer (DLMF) ; cf. Arriver Terrien, adj., 45 (34r), 49 (37v), 125 (80r) : de la terre, d’ici-bas Terrestre, terrestre et bas 153 (96v) : Terrouer, cf. Villaige Texu 127 (80v), part. passé du vb. Tissir : tisser Theatre, cf. Scene Tierce 69 (48r), 93 (60v), 137 (86r), tercius, troisième Tiltre, tiltres et louanges 129 (81v), laus Tomber, tombent et cheent 133 (84r), corruere Tost, cf. Hastivement Tourbe 165 (102v), turba, désordre Tousdiz 83 (55r), 145 (91r), 153 (96v), 161 (101r), semper, toujours Tourner (soi), se tourne et revire 49 (37v), vertere Tournaiz 91 (60v) : tournoi, cf. Jouste Tout, (en tout) 87 (58r) : au total (DLMF) ; (du tout) 159 (99v), plane, 139 (88v) : complètement, entièrement, tout à fait (DLMF) ; (le tout) ou la partie 47 (36v) (DLMF) ; (par tout) 131 (82v) : en toute circonstance, pour de bon (DLMF) Tracter, tracte et monstre 109 (70v) : aborder, examiner ; cf. Escrire Trahiner 117 (75r) : traîner Translacion 47 (36v), 49 (37r) : traduction Translaté 167 (104r) : traduit Traveil, cf. Peine Traveiller, traveille et laboure 99 (64v), laborare ; cf. Reposer Tres (agglutination) tresbelle ou noble, tresnoble et tresbelle 121 (77r), preclarus tresfol et vicieux 163 (101r), stultissimus tresgrant et singuliere 59 (43r), maximus ; cf. Souverain tresgrande et tresriche, tresgrant et riche 75 (50v), tantus tres impaciant et creintif 163 (101r), iniquissimus, difficilement tresmeurement et tresgravement 71 (48v), gravissime tresnoble et tresgrant 101 (65v), preclarus ; tresnobles et glorieux 149 (93v) : tresnobles et dignes 133 (83v), preclarus tresnotables et anciannes 75 (50v) : trespaciant et joieux 163 (101r), equissimus trespouvre et disetteux 59 (42v) :

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tresprouchainnes et voisines 115 (74r), proxime tresrenommé et noble 101 (66r), preclarus, 153 (96r), clarissimus tressaige et vertueux 163 (101r), sapientissimus tressaint et tresglorieux 45 (34v) : tresvicieuse et orde 101 (66r), viciosissimus Tresbucher, tresbuchent et versent 133 (84r), corruere, tomber ; trebucher et destruire 71 (48v), — ruina Trespassé, 139 (88r), 155 (97v), preteritus, 59 (42v), 131 (82v), 163 (101v) : passé outre, traversé, mourir Trespasser, trespassent et decourent 141 (88v), cedere, s’écouler Triste, cf. Angoisseux Tristesse, tristesses et grieftez 51 (38r), molestias Triumphe, cf. Victoire Tronc, cf. Racine Troublement, cf. Douleur Tuez, cf. Desconfiz

U User, user et joir 111 (71v), fructus sum ; user et finir 121 (77r), consumere ; user et prendre delectacion 127 (81r), fructus sum

V Vaillant, vaillens et nobles 161 (100r), prestans, éminent ; cf. Noble, Preu Vain, vain et failli 85 (56v) : cf. Superflu Varlet 113 (72v) : valet Vehille 117 (75r), clavicula, vrille (de la vigne) Venir, vient et s’approuche 49 (38r), advenire Venter, cf. Glorifier Veoir, cf. Voir Verité, cf. Erreur Vers, vers et dittié 79 (52v), carmen, composition, sorte de pièce de vers Verser, verse et chiet 117 (75r), caducus, tomber ; cf. Tresbucher Vertu, (estre en vertu) 91 (60r) : avoir de la force, prospérer (DLMF) ; 45 (34r), 46 (35v), 49 (37v), 51 (39v), 53 (39v), 59 (42v, 43r), 69 (48r), 75 (51r), 85 (56v), 87 (58r), 89 (58v), 95 (63r), 97 (63v), 101 (66r), 103 (66v, 67v), 105 (68v), 127 (80v), 129 (82r), 131 (82v), 135 (84v, 85r),

Glossaire

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139 (88v), 141 (89r), 145 (91v), 151 (95r), 95 (62v) : vertu, puissance, force, vigueur, courage, hardiesse ; vertu et noblesse roiale 125 (80r), 127 (80v), virtus ; vertus et sciences 129 (82r), conatio ; vertus et sciences de l’omme 131 (82v), honeste acta superior ; vertus et bonnes oeuvres 81 (54v), virtus ; vertu et bonnes oeuvres 139 (88v), 141 (89r) : cf. Bien, Excellence, Force, Meurs, Saigesse Vertueux, cf. Noble Vespre 99 (64v), 137 (87r), vesper, soir Vice, vice ou aultre default 81 (54r), vicium ; vices et oultraiges 87 (58r), vicium ; cf. Coulpe, Desloiaulté Vicieux, cf. Fol Victoire, victoires et triumphes 65 (45v), triumphus Vie, vie et meurs 135 (85r) : Vieil, (un proverbe ancian et que l’en approuve qui admonneste que tu deviengnes hastivement vieillart se tu veulx longuement estre vieil) 91 (60r) ; de vieil et de long temps 143 (90v), inveteratus, vieil et ancian 165 (102v) : cf. Temps, Grant Vieillardine, s.f., 97 (63r), — senilis, maladie, dérangement de vieillard Vierge, cf. Pucelle Viguereusement, si viguereusement et si bien 61 (43v) : Viguereux, viguereux et esveillié 97 (63v) : Villaige, villaige et terrouer 121 (77r), villa Villain 57 (42r), 59 (42r, 42v) : paysan ; villaine ou plus despite parole 85 (56v), — contemptus, méprisable ; cf. Fol Violecte, cf. Flour Violence, violence et force 141 (89v), vis Vitaille 123 (78r), victus, 95 (62v), 123 (78v), 135 (85v) : victuailles Vitement, si vitement et si bien 79 (53r) : efficacement Vituperable 81 (54v), viciosus, fâcheux ; vituperable et difame 103 (67v) : Vitupere 69 (47r), 107 (69r), vituperatio, 75 (51r) : blâme, injure Vituperacion 83 (55v), 101 (65v), vituperatio, 137 (86r) : blâme, reproche Vivre, cf. Estre Voir, voir et entendre (83) 55r, 137 (86v), videre ; veoir et sentir 153 (96r), cernere ; voie bien et congnoisse 163 (101r), videre ; veissent et habitassent 153 (96v), tueri ; veoir et congnoistre 115 (73v), voie et sente 141 (89r), veisse et pensasse 161 (100v) : Voise 163 (101v), subj. pr. du vb. Aler (3e pers.) Voisin, cf. Compaigne Voulaille, cf. Gelline

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Livre de vieillesse

Vrai, (de vrai) 137 (87r) : vraiment (DLMF) ; (pour vrai) 139 (87v) : vraiment, en vérité (DLMF) ; cf. Esprouvé Y Ydiot, cf. Fol Ysnelment 147 (92v), cursum, rapidement, agilement, légèrement