La résistance africaine à la romanisation 9782707146922, 2707146927, 9782707170590

Succès ou échec de Rome en Afrique du Nord ? Vieux et vain débat qui oppose encore chantres et détracteurs de la romanis

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La résistance africaine à la romanisation
 9782707146922, 2707146927, 9782707170590

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TEXTES À rnpput série histoire classique dirigée par pierre vidal-naquet

marcel bénabou

la résistance afncaine à la romanisation préface inédite de Michel Christol

ÉprtroNs

m

npcouvERTE

9 bis, rue abel-hovelacque PARIS XIIIC

?ro5

Cet ouvrage a été précédemment publié en 1976 aux Éditions François Maspero.

ISBN : 2-7071492-7 [æ logo qui figure sur la couverture de ce livre mérite une explication. Son objet est d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir du livre, tout particulièrement dans Ie domaine des sciences humaines et sociales, le développement massif du photocopillage. tæ Code de la propriété intellectuelle du lerjuillet 1992 interdit en effet expressément, sous peine des sanctions pénales réprimant la contrefaçon, la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or cette pratique s'est généralisée dans les établissements d'enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des euvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée. Nous rappelons donc qu'en application des articles L122-10àL122-12 du Code de la propriété intellectuelle, toute photocopie à usage collectif, intégrale ou partielle, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC,20, rue des Grands-Augustins,75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l'éditeur.

Si vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il vous sufvos nom et adresse aux Édiûons La Découverte, g bis, rue AbelHovelacque, 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel A ln Découverte, Vous pouvez également nous contacter et consulter notre catalog ue sur notre site wlvlv.editionsladecouverte.fr

fit d'envoyer

O Librairie François Maspero, Paris, 1976. @ Éditions

[a

Découverte, Paris,2005.

Préface à l'édition de 2005 par Michel Christol" [æ livre de Marcel Bénabou, qui retrouve vie à I'occasion du renouvellement des questions soumises aux candidats aux concours de recrutement des professeurs, a près de trente années d'existence, puisqu'il fut publié en 1976. Uæ*asion était bonne de procéder à une réimpression puisque, subitement, I'intérêt que I'on pouvait porter à I'ouvrage s"étendait largement. En effet, un public studieux venait d'être convié à puiser dans sa lecture le savoir nécessaire au succès, c'est-à-dire -faut-il le préciser? savoir éclairé et intelligent: une tête bien faite vaut mieux qu'une tête bien pleine. Mais, dans l'épreuve d'un temps plus long, le cheminement propre du livre, cheminement moins lié aux circonstances et aux événements passagers, même si ceux-ci répondent à une finalité universitaire, concordant avec l'intention de I'ouvrage, montrait nettement qu'il fallait continuer de le rendre accessible, qu'il convenait toujoun de l'offrir aux jeunes générations qui, en France comme dans les pays du Maghreb, éprouvent le besoin de réfléchir sur leurs passés, faits de blocs historiques juxtaposés, très divers, très caractéristiques aussi, mais cependant associés dans les invariants de l'histoire immobile, qui propose aux hommes en société, des cadres de vie peu modifiables, tout juste aménageables. Depuis quelques années déjà, la nécessité d'une réimpression était manifeste. Dans le dernier demi-siècle, I'histoire de I'Afrique du Nord antique s'est appuyée sur quelques re$res, qui ont chacun leur place, des positions émergentes dans le paysage scientifique, non comme des llots de résistance à l'érosion, dominant les plateaux ou les plates-formes d'érosion, mais comme des promontoires qui permettent de prolonger la vue,

-

'hofesseur

à

l'université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne), UMR 8585.

d'observer et de composer des paysages. Si I'on peut poursuivre la métaphore, leurs caractéristiques physiques (hauteur, position en latitude et en longitude, orientations particulières même) conditionnent le point de

vue, fixent un cadre au regard. On est donc placé dans le relatif. Pourquoi pas dans le préconstruit ou le prédéterminé? Mais celui qui vient à proposer aux autres cette lecture oublie souvent quels présupposés informent sa propre lecture et ses propres jugements. [a lecture critique est-elle toujours une critique? Quelques ouvrages ainsi se retrouvent alignés sur les rayons d'une

bibliothèque: les livres de Christian Courtoisr, de Claude læpelley?, rejoints plus récemment par le gros travail d'Yves Modéran3. Depuis sa publication, le livre de Marcel Bénabou était venu aisément prendre sa place dans cet alignement qui s'épaissit peu à peu. Il y tenait d'abord bonne place, puis la conservait. Des æuvres aussi accompagnent les gros livres, car, s'il est facile de se donner un point d'appui sur la visibilité

d'un ouvrage dans le champ scientifique,

il

convient de tenir compte

que, parfois, c'est par I'accumulation de nombreuses petites choses que se présente une réflexion moins discontinue qu'il n'apparaîtrait de prime abord: viennent alors à l'esprit les noms de Jehan Desanges, de René Rebuffat, de Paul-Albert Février, de Pierre Salama, de Marcel Le Glay, de Serge l:ncel. Quelques autres personnes d'âges divers pourraient aussi trouver place dans ce panorama.

Iæ livre de Marcel Bénabou procède directement d'une thèse lentement mtrie dans les années 1960-195 (elle fut soutenue en 1T72, et publiée dans des délais raisonnables, sans trop de modifications). IJauteur, qui vivait toujours entre littérature et histoire, et qui ne voulut jamais rompre avec l'une ou I'autre de ces façons d'exister intellectuellement, avait passé sajeunesse dans la confluence de langues, de religions et de cultures qui dominaient à Meknès, sa ville natale, la société contemporaine, tant à l'époque du protectorat finissant que dans I'immédiat postproæctorat. C'est peut-être une dimension de l'ouvrage qu'il convient d'examiner immédiatement. I . Christian Courrots, lzs Vandales et l'AJriqrc, Paris, I 955. 2. Claude LEPELI,EY, lzs Cités de l'Afrique romaine au Bas-Empire.Paris. 1979,2 volumes.

3. Yves MooÉnnn, Les Maures et l'Afrique romaine 2A03.

VI

(M-vtr

siècle), Rome,

En effet" le livre se lit agréablement. Iæ souci du style I'emporte, celui du mot juste, de la formule ramassée qui devient suggestive, de l'expression recherchée qui vise à résonner dans I'esprit. [,a construction est solide, habilement charpentée, sachant présenter un dossier par d'amples ouvertures, puis sachant le refermer par de solides récapitulations. On relève un souci très net de la recherche littéraire, bien compréhensible lorsqu'on connaît le prcours intellectuel de I'auteur. Mais ce souci de la langue manifeste aussi la volonté d'écrire en historien qui se nourrit de qualité formelle et en tire parti. S'il est une attention constamment rap pelée, c'est celle de la nuance, auxiliaire de la précision. Elle impose de réfléchir aussi à I'emploi des termes, à leur donner plus de résonances et d'effets suggestifs, parfois en recourant au choix de la métaphore. Cnest pour cette raison qu'il importe d'aller assez lentement dans la lecture, afin de recueillir tout ce qui peut se cacher denière une prise de position un Fu longuement détaillée. IJexigence de nuance, qui n'est pas fausse prudence, devient dès lors, dans quelques cas, le soutien le plus précieux de renversements d'interprétation, qui récusent I'aspect du paradoxe, car celui-ci est peut-être trop abrupt. Læ plaisir du mot noest pas artifice, il

s'allie à l'élaboration de raisonnements minutieux, et devient alors le plus souvent I'auxiliaire de la mise en forme d'approches, toujours patientes dans leur constructiono de points de vue généraux. Marcel Bénabou n'a jamais renié le plaisir d'avoir vécu entre littérature et histoire, ni I'agrément de constater tous les effets de ces entrecroi-

sements. l,aissons-lui la place de quelques lignes: était donc évident. Quant au titre retenu,

il venait heurter

de plein fouet les constructions

de l'histoire coloniale. I-æ passé romain, redécouvert dans toute son ampleur avec la conquête, était venu apporter une légitimité à la nouvelle domination, puisqu'elle se coulait dans un moule préétabli, estimait-on.

L'obsession analogique, analysée dans d'autres travaux par Marcel Bénabou, établissait des filiations directes; elle abolissait du même coup les intervalles historiques et les changements de contexte, venant entrecroiser temps passé et temps présent dans le savoir commun, quand ce n'était pas chez I'historien de I'Antiquité lui-même, lorsqu'il ne se gardait point et qu'il se laissait emport€r à l'écriture d'une histoire résolu-

ment contemporaine par les harmoniques de son développement. Or Marcel Bénabou venait demander que l'on dégage la perception de I'Afrique romaine de toutes les pesanteurs, de tous les préjugés qui, consciemment ou inconsciemment, provenaient de la matrice coloniale. Demander que I'on ne négligeât point tous les groupes sociaux, sans exception, envisager que l'attraction romaine pouvait être contrebalancée par des forces inverses, qu'il s'agisse de forces d'inertie ou de for-

ces actives, c'était mettre à vif un certain nombre de postulats qui aboutissaient à produire une histoire pensée naturellement de haut en bas, dans laquelle le phénomène de domination épuisait toute la recherche historique. Dans d'autres champs historiques, de telles recherches paraissaient alors normales. Ici, en ce lieu, et au moment même où le livre était préparé et publié, elles introduisaient des renversements,

XVI

quand le basculement de la décolonisation venait toutjuste de s'achever. Pour reprendre une expression employée parYvon Thébert - mais en la déplaçant de son contexte -, Marcel Bénabou offrait à ses détracteurs ce qu'ils devaient considérer comme une ), au moment

même où ils avaient l'impression que dans le temps contemporain se déroulait aussi un retournement historique. Pourtant, à la même éque, la vénérable Fédéræion internationale des associations d'études classiques (FIEC) inscrivait au programme de son congrès de lW4 (à Madrid) le thème , et depuis longæmps aussi la thématique des formes de contacts était entrée dans le champ de I'histoire ancienne. Malgré cel4 dans quelques ouvrages parus à la même époque ou un peu plus tard, /z Résistatæe atricaine à Ia romanisarion est évacuéæ, de la réflexion, même si elle est poliment citée, ne serait-ce que par souci d'exhaustivité. De telles situations ne se prêtent pas à des comptes rendus, car seraient trop visibles les dévoiements de la critique. [æs attaques sont ra.res, du moins celles qui s'expriment dans l'écrit. Mais on avance alors que l'æuvre de Marcel Bénabou répondrait plutôt à une préoccupation de < mode >: elle devrait donc passer, aussi peut-on n'avoirqu'une mince considération pour quelque chose qui ne préûend pas à la solidié. læ jugement est sévère tant pour le livre que pour son auteur, alors même que oe dernier était convié par Emilio Gabba et Michaël Crawford à prticiper à Rome, en 1986, à une rencontre sur les provinces de l'Empire. On laisse entendre à I'occasion que l'affrait pour I'analyse des < résistances brbères à la romanisation >> ne serait pas et, pourrait-on ajouter, sur les transformations qui en résultent et qui s'inscrivent dans un espace élargi, remodelant I'Afrique et la Numidie. Ainsi mises en prspective, les questions relatives au développ€ment des villes, dans leurs rapports dialectiques avec leurs territoires, retrouvent aussi une approche spécifique: inscrit dans l'espace, le phé' nomène marque une rupture par rapport au passé, puisqu'il s'est largement étalé. On parvient ainsi jusqu'à un des problèmes essentiels, ce qui assæie Rome et le nomadisme. Coest, sans aucun doute, un problème englobant du point de vue de I'analyse historique: il fait entrer le Maghrebdes Romains dans un cadre spatial encore plus large; il doit être aussi envisagé dans une perspctive chronologique et, de ce fait, il implique l'existence d'un avant et d'un après, étant entendu que I'après n'est pas nécessairement identique à l'avant. Une ample visée chronologique est donc nécessaire. Revient donc au premier plan la réponse renvoyée précédemment à Yvon Thébert: >, in Actes du deuxième Congrès international d'étude des cultures de la Méditerranée occidentale, II, Alger, 1978, p. L39-14.

< L imffrialisme et I'Afrique du Nord: le modèle romain >>, in Sciences de I'hommc et conquête coloniale : Constitutions et usages des scien -

(xD(x)( siècle), travaux réunis par D. Nordman et J.-P. Raison, Paris, l98Q p. 15-22. < LAfrique et la culture romaine: le problème des survivances >>, in Actes du deuxième congrès d'histoire et de civilisation du Maghreb (novembre 1980),lzs Cahiers de Tunisie, ns., vol. 29,n" ll7-118, ces humaines en ,\frique

1981, p.9-21. Anomalies municipales enAfrique romaine? >>, Ktèrna, n" 6, 1981, p.253-26o. >, inM. Crawford (dtr.), L'Impero ronuuto e le strutture eco rnmiche e sociali delle province, Comeo 1986, p. 127-141. ,1'lnactuelle, nouvelle série no 12, 2(X)zl, éditions circé, p.135- 144.

Le débat suscité par la parution du livre comporte trois articles, parus dans Annales, ltconornies, Sociétés,

Civilisatioru, vol. 33, no l, janvier-

février 1978: >,p..&82', M. Bénabou, >,p.89-V2. On ajoutera à ce sujet les contributions réunies sous le titre >, \frique et Histoire, n" 3,2(X)5,

p.9-125. On tiendra compte également des travaux suivants : Christian Courtois, læs Vandales et l'Afrique, Paris, I 955. Paul-Albert Février, Approches du Maghreb romain, Aix-en-Provence, 1989,2 volumes. Paul-Al bert Février, Ia Médit errané e, Rome / Ai x-en-Proven ce, 1996, 2 volumes.

Jacques Frémeaux, tion latine : un cheik des environs, en même temps marabout, le regarda quelque temps faire puis s'approchanû de lui : '3 T\r comprends donc je la comprends, et ie lécrh : cette écriture ? Iui dernanda-t-il. - Out car c'est la mie,nne aud. Rogarde, ce ooût Dog lettres, c'est notre tan-

u

présent'n. L'époque à laquelle ces textes ont été écrits, I'idéo. lsgie orieptée gui, consciemment ou non, servait d'arrière-fond ou de fondement à I'interprétation des documents ne pouvaient évidemment empêcher qu'il en ftt ainsi. Encore faut-il ajouter Que, comrqe nous le vÊrrons, tous les historiens de I'Afrique romaine ne tombent pas également dans ce travers. L'obsession des parallélismes et le souci apologétique ne sont cependant pas le monopole de l'historiographie européenne. La frn de la période coloniale a entraîné, dans les pays de I'Afrique du Nord, selon une réaction naturelle, la volonté de constituer une histoire nationale, purgée des préjugés et de I'idéologie qui grevaient si lourdement l'æuwe des historiens européens'1. Cette histoire décolonisée n'a pas epcore véritablement vu le jour. Ce qui pour l'instant en tient lieu, ç'est ce que I'on peut appeler

uûe bistqirc natonaliste, qui trop $ouvest se contente encore d'otr4)oser, sous formes d'explications, ses contre-mythes aux o, en projetant par exemple dans m.ythes de I'histoire coloniale gravemeot "; pqis, s'adres0ant aux indi" I,es Rorrmis, legr dit-il, sont vraiment lco fils des Rouqâps, et lorsqu'ils ont pris co pays, ils n ont fait que reprgndro le bion de leurs 1Ères ". > L'anecdote n'est contée que pour illustrer cette affrra ation de L. Regier : < Les monumsatg vsrn4ins, suftoul les inscriptions, sont auJ( yeux deg indigènes notre titre le plus légitime à la possession de I'Âlgérie. > On appréciera cette utilisation inattendue de l'épigraphie latine... 10. A propos {es ouvrages consacrés à la géographie des pays de trUnioa française, J. Dresch faisait la mêmç remarque : < presque tous, plqs gu Foius, procédant ('un souci politique ou du moins apolog6tique, sont isspirée par lo vieil esprit colonial. > (Cité in J. Drsrors, L'Alrlque du Nord, Paris, 1949, p. VI.) 11. Première tentative etr c€ seûs, çelle de Mohamed Srnt" Décola niser lhistoire, Paris, 1965, qui s'aËacbe principalement à déooncer les < présupposés idéologiques > sur lesquels s'est bâtie I'histoire coloniale, mais n'apporte pæ d'élément objectif nouveau. 12. Abdalqh Lenout, Aflîstoire du Maghreb, Un essai de synthèse, Maspelo, Paris, 1970, le reconnalt à divsrs moments avec lucidité : c F.n repreaagt le projet de Sahll io den distingue en ne prétendaot pas donner une bistoire positivement décolonisée, mais seulement ' une gue.

vrai, répondit-il - quiQ'est leccçmpagnaient : '

gèggs

lecture " de eetùe histoire dont je légitime le projet en aftirmant qu'au pire, elle ne serÊit pas plus idéologiquo quo cello des coloniaux r (p. 10, note 3); < Il n'est done llas possible d'oppossr pour cette p6riodo ïne idéologie natiooaliste à celle de la colonisatiop, çomme on pourra le t2

bttroiluctbn

le passé berbère une < çon$9iençp 4ationale â et urc q conscience sociale > dont elle ne se seucie pas de démontuer préatablement I'existence ". Sans nous inierrogei eucore sur la perti-

neuce des reconstitutions qui sont ainsi proposées c.ar elles ne mangue,nt pas nécessairemeqt de force d de valeur explica-

-

livs

nous leur reprocheroDs surtout d'être posées dès le départ avec un certain arbitraire, sans être réellement mises à l'éprewe d'une confrontation avçc les documents'{. Ainsi, qu'il s'agisse de ltistoire traditionnelle ou de fhistoirç nationaliste, oû se trouve, por ce qui touche à l'Afrique, dans la situation paradoxale suivante : les ouvrages nous en apprenDent souvent bien plus sur leur auteur, leur époque, que $u leur objet r. Il nous semble qu'il faut essayel dans la mesrue du possible

-,

de ne pas céder aux facilités d'une méthode qw fait la part trop belle à l'anachronisme délibéré. Car, outre qu'elle risque de conmuniquer au lectew fillusion d'une histoire frgée ou qui paresseusement se ré1Ète, ellç enferme le chercheur dans u[ cadre préfabriqué, si contraignant parfois qu'il dicte en même temps les questions et les réponses'o. faire pour lee périodæ suivantes > @.27r; c Toutes les perçectives sont coloniales en positif ou en négatif, et I'idéologie nntionaliste da rien inventé sur ce plan > (p. 57). 13. À Lnnour, op. cit., p. 57, reproche à Ch. À Julien d'avoir < toujours refusé de voir en Jugurtha un chgf autonomiste >, ou à

C. Courtois d'avoir, à propos de donatisme, < refusé d'employer

les

mob nationalisme et révolution D, mais ne juslifie guère sa propre utilisation de cetûe terminologie.

14. L'ouwage de A" Laroui suscite ainsi, chez ua de ses recenseure, ce qrrieux éloge : < Fnfin uns étude du Maghreb débarrassée du fatras géco-latin qui traditionnellement en Frarcç, et dann I'rmivergité surtout, recournait toute étude sw le Magbreb. > (Fratæe-Pays arabes, septembr-e 1971.)

15, C'est ainsi qus les conclusioas sur le zuccès ou l'échec de la politique de romaaieatioq semblen{ de's lee quwagæ du :of sièclo, alterner entre loptimisme et lo peesimieme, mrivant le climat de l'époque où ils oot été ésrits : voir R" PsrRorsrm, Le Problème nord-afrtcain, Pads, 1924 I, p. 17E-201. diçtée par des considérations 16. IL arrive même qrre Ia réponso - à la questioa prfe,x.isûe étrangères au travail hietorique et çn dicte Iæ terrres. Et ce aussi bien chez ltistodsn traditionnel que chez ltistoriea nationaliste.

Est-ce à dire que I'on doive pour autant se laisser paralyser par la crainte de l'anachronisme au point de s'interdire d'utiliser des méthodes d'approche ou des hypothèses de travail originales, parce gu'elles seraient liées à une vision moderne des ? Ce vieux débat, qui met en cause la possibilité même progrès d'un de la connaissance historique, est depuis longtempo tranché. < L'enrichissement séculaire de la pensée historique se fait par une lutte contre notre tendance à banaliser le passé. Il se traduit par un acqoissement du nombre de concepts dont dispose fhistorien, et par conséquent par un allongement de la choses

liste de questions qu'il saura poser à ses documents >, dit P. Veyme'", qui formule 1à une constatation désormais partout acceptée, et que Guizot déjà exprimait en un taccourci éloquent :

< Le passé change avec le présent ". > Désirant donc nous consacrer à l'étude de I'Afrique et des Africains sous la domination romaine, disposant d'une documentation qui, bien que fort enrichie par des découvertes ininterrompues, n'a pas fondameutalement changé de nature, il nous a semblé que, pour découvrir de nouveaur sTs existent points de vue sur le sujet que- nous abordons,- le mieux était d'abord de poser une question nouvelle. Question qui naturellement devait être choisie parmi celles qui sont trop longtemps restées dans I'ombre en raison de I'utilisation souvent fragmentaire ou partiale des sources.

17. P. VByns, Comment on écrit lhistoire. Essai d épistémologie, Paris, p.258. Pour une analyse et une critique certaines des - aussi - deséduisant, thèses fondameatales de ce liwe suggestif que voir R. Anox, < Comment l'historien écrit l€pistémologie : à propos du livre de P. Veyne >, AESC, 1971, )O(IV, p. 1319-1354. 18. tr est utile de donner ici le contexte exact de cette formule : < Iæs faits dont l'histoire s'occupe n'acquièrent et ne perdent rien en traversant les âges. Tout ce qu'on a w dans ces faits, tout ce qu'on pourra y voir, y était contenu dès le jour où ils furent accomplis; mais ils ne se laissent jamais saisir pleinement ui pénétrer daDs toute leur étendue ; ils ont 1nur ainsi dire.des secrets innombrables qui ne s'eû échappent qu'avec lenteur et quand lbomme se trouve à portée de les recoûnaître. Et commo tout change dans l'bomme et auùour de lui, on dirait que le passé change 1971,

avec le présent : des faits inaperçus se révèlelt dans des faits anciens [...] et lhomme apprend par là que dans I'espace infini ouvert à sa connaissatrce, tout demeure coûstamûreût inépuisable et nouveau pour son inlol-

t4

bttrotùtctbn

Lo but de ce travail est de tenter d'examiner ltistoire de I'Afrique à Ïépoque romaine dans rme perspective nowelle : en étudiant les modalités de la résista.nce ù Ia ;onwtisaâon,lon essaye de jeter quelque lumière sur la face ob,scure, cachée,'de oette histoire, de lui restituer en soulme et sa spécificité et son unité. Projet qui n'a de sens que si I'on veut bien admettre que la clef de cette partie de I'bistoire africaioe se'trouve tout autaût qu'à Rome en Afrique, et aussi bien dans 1o 6ains dæ coloos d'origine romaine ou italique que dans celles des indigènes, bénéficiaires ou victimes de la politique cofoniale romaine. Car la romanisation de l'Afrique n'est pas simplement un épisode, parmi d'autres, de Ihistoire de I'impérialisme romain; elle est arusi et surtout, un mome,nt particulièrement important dans ltistoire de Ia population indigène d'Aftique du Nord, au sein de laquelle s€ ûouvent introduits des troubles et des modifrcations graves, et dans tous les domaines. Ainsi donc, nous avons choisi d'étudier la résistance africaine à la romanisation parce que seule cette étude semble apte à nous methe sur la voie d'une histoire moins linéaire, plus richeme,nt orchesûée puisque we de I'intérieur, plus équitable aussi puisqu'elle tente d'évaluer le rôle réel des Afticains daos le devenir de leur pays ".

tr importe maintenant de préciser ce que l'on peut affendre d'un travail portant sur les divers astræcts de la résistance afriligence toujours bornée. ) Ce texte, dont ûous n'avons pu retrower la référence dans l'@uvre 6s Qniz.oÇ est sité en tête d'un volume publié par le C.N.R.S, ; La Recherche historique en France de 1940 à 1965, p. DC Iæ choix dtrn pareil texte pour servir d'exergue à un pareil liue est déjà signifisatif par lui-même. 19. On ne peut qu'approuver d Lmour, op, cit,, p. 33, lorsqu'il déclaro que I'histoire traditionnelle fait du Magbrébin < un persornage iotermitteût eû qui s'expriment toue les dangers dbne terre ingrate >. Ailleur!, "t effort voisin du nôtre inférêt porté au peuplement indigèno et aux stnrçlures traditiounellæest, depuis peu d'années, mené par uûe nouvelle école de c.hercheurs -européens z vofrt Atrika und Rom in der Antlke, WisgeDschattlishe Seitrâge der Mafiin-Luther-Universitiit, Halle-IVitten&re" L968/C, qui rassemble certains des travaux entrepris dans cstte perspective.

caine à 14 ss6anisatioû Le choix de ce thème, et plus encore

lp choix du terme de

résistance, risgue en effet d'apparaltre un défr à I'ortbodoxie. Tout d'abor{l'habitude d'écrire une histoire < we de Rome > fait que foo a eu plutôt tendance à employer ce termo pour parler par exemple de la < résistance > du limes à la poussée barbare, ou de la < résistaoce > des cités aux attaques des nomades. Un point est à noter pourtant : lorsqu'il s'agit de fépoque républicaine, Cest-àdire'de l'époque où Rome peu à peu fait la conquête du bassin méditenanéen, on n'hésite pas du tout à parler de la résistance des peuples conquis. Ce n'est que lorsque I'ordre romain s'installe et se stabilise que la résistance change de camp. Il semble donc que la règle d'utlisation du terme se fonde sur I'idée que la résistance est la réaction de défense d'un ordre établi, d'une légitimité, contre les forces qui cherchent à les détruire. Cette règle pourtant n'est pas absolue, et I'on rencontre plus d'une fois dans les ouvrages des historiens des allusions à la résistance africaine. Sans prétendre avoir repéré tous ces emplois, il nous a semblé qu'il y avait, là encore, uas utilisgtion du mot dans un contexte bien comme une gageure

oo,

précis : jamais ce mot, pour I'Afrique du moins, ne figure comme titre d'ouvrage, d'article ou de chapitre. On ne I'utilise qu'au détour d'une phrase, trxrur désigner une réalité, concrète certes, mais discontinue et passagère. Il n'a pas alors le statut de concept, il ne sert pas de schéma d'explication globale'1. Ces remargues rapides ne visent qu'à attirer I'attention sur une tendance générale de I'historiographie. Mais la tendance est 20. C'est ainsi que G. C. Prceno, La Civilisation de lAlique romaine, Paris, 1959, p. ù1, ffit: c Bornons-nous à constatet I'inexisùence d'une résistance des indigènes > ; ce qui eemble rejoiodre, au moins partiellement, le mot trh souvetrt cité de G. Borssrs& L'Afrique romaine, Paris, 1912, 5o éd., p. 16, qui iugeait que la raco indigène dâfrique < était peu résistante et très persistante r. Mais ûou{l atrrons à revenir sur cette distinction eatre résistance et persistance. 21. Il faut noter cependant que, hors de ltistoriographie africaine, le thème de la résistance n'est frappé d'aucun interdit : on connaît l'étudo de H. Fucns, Der geistîge Wlderstand gegen Rom in der antiken Welt, Borlin, 1938 : dans un domaine aùtre que celui do fhistoire romai:ne, citons : Samuel K. Epot, The Klng ts Dead. Studîes în the Neq-Eastern Resistance to Hellenîsm, 1961. 16

Inlroihtclbn

d'ailletrs aujourdtui en train de se renverser : I'histoire, n'étant plus exclusivemeût centrée autour de Rome, s'intéresse en effet de plus en plus à tout ce qui coùteste la do.;ination ronaine D. Si co renversement de perspective est légitime, nous ûe pourrons le dire avec certitude, au moins pour ce qui touche à l'Afrique romaine, qu'au terme de ce travail. Nous nous permettrons néanmoins, dh à présenÇ de citer une remarque de P. Monceaux propre à justifrer totre entreprise < ... Toute I'histoire de l'Afrique romaine, la colonisation comme la conquête ou le régime politique, trahit à toutes les époques une sourde r&istance du pays quT s'agissait de conquérir, d'administrer, de coloni-

:

ser*.

>

Mais ce terme de résistance, ainsi partieltement justifié tant par l' < esprit du temps , que par uûe caution illustre, ee justifie de lui-même par la divenité de sæ emplois possibles, ainsi que par les résonances attachées à chacun de ces emplois. R&istance s'entend au moins de trois façons différentes : d'abord, dans le domaine militaire, oomrrte réaction de lutte dirigée contre une occupation étrangère; puis dans le domaine politique, corrme force de conservation s'opposant à I'innovation et au mouvement ; enfin, dans le domaine psychologique,' soûrme teatative de protéger une part de sa personnalité contre I'influence d'autnri Ce faisceau de Bens, que I'on pourrait sans doute encore nuanoer et enrichir, nous a semblé apte à désigner un aspect fondamental des rapports de I'Afrique avec la civilisation romaine, et susceptible de regrouper sorrc sa bannière les diverses manifestations du particularisme africain, dans tors lss domaines

q.

22. Yoir par exemple, R Mac Mut,r.rn, Enemles ô, the Rornan Oùer. Treason, Uwest, and Alterurton in the Ernpire, Cambridge, 1966. Ce liwe a cependant Ie tort de regrouper soûs rm même titre des phénomènes très différents, qu'auorne explicetion générale ne tprnet d'unifier. Mais des manifestations de Ésistaûce étaient déià mises en valeur par F. SrÂrurnv, Die Schwelz in der rdmlschen Ze|.t, Beroo, 30 éd, ou par J. I. H"rrr, Hbtolre de ta Gaule romaine (120 av. t. C. - 451 ap, l. C.). Colonîsatlon ou colonlalîsme ?, Paris, 1959 ; M. RAcEET, Rome et les Berbères. Un problètne rnilitaire tAuguste à Dloclétien, coll Latomus, Bruxelles, 1970 (cité ensuite : Rome...).

23. P. MoNcrAnx, Les Atrîcains, Etude sûr la litt&ature latine Afique. I*s paîew, Paris, 1894, p. 15. 24. Nous avoas ainsi voulu éviter de tomber danr

la

en

eimplification

Ainsi, la résistance ne nous apparaît pas seulement comme le terme négatif d'une altemative dont la romanisation serait le terme positif, ni non plus ôomme I'inventaire des lacunes de la romanisation. Il ne s'agit pas simplement d'étudier ur mangue ou des résidus, mais de tenter de constituer un nouvel objet d'étude qui nous permette d'avoir une vision double de la réalité unique qu'est l'Afrigue romaine. Il nous semble en effet que l'on doit d'emblée renoncer à I'image d'une Afrique romaine retirée derrière sa frontière face à une Afrique indigène hostile ou indifférente. Iæs deux Afriques ne doivent pas apparaitre comme deux réalités qui s'excluent, et les étudier séparément serait les mutiler I'une et I'autre. tr faut les replacer toutes deux dans la structure qui les englobe, et tenter d'expûquer, pax les variations des rapports de forces internes et externes, les mutations qui s'y produisent''. Ainsi donc, si I'Aftique n'est pas un tout homogène, elle est néanmoins un cadre historique unique où coexistent et s'influencent des éléments en constante évolution.

A

fintérieur de ce cadre, résistance et romanisation

sont

excessive qui présenterait les rapports entre l).

farouche

et la

leute

25. Peut-être cette volonté de parler de l'Afrique coûuns d'un tout apparaitra-t-elle déplacée. Iæs différences entre les régions, dont rend compte la diversité des statuts administratifs des diverses provinces au cours de la période romaine, sauteut aux yenx : inégalité du peuplemenf de factivité économique, de la production agricole, du développemeat urbaio En outre, les évésements que nous aurons à étudier sont souvetrt localisés, et affectent rarement toute I'Afrique. Il va sans dire que, si lon se permet néanmoins de parler d'unité, celle-ci est d'un genre particulier. C'est celle d'uo eusemble complexe où coexistent des réalisations, deg niveaux et des modes de culture alistincts et doués d'utre autonomie variable. Mais cette coexistence n'est pas simplement passive, car ces éléments re peuvent s'ignorer et se déterminett mutuellemetrt. t8

Ittlrodtætlon

étroitement imbriquées : un dosage, subtil et varié, d'acceptation et de refus car même un haut niveau de participation est compatible avec un certain recu! --, une tuérarchie complexe d'institutions ou de croyances, les unes empruntées, les autres modifiées ou héritées, æls sont, nous allons le voir, le véritables éléments de la vie africaine. ConstammenÇ les divers systè.mes économiques, sociaux et politiques que la situation coloniale met face à face sont amenés à se faire de mutuelles concessions. Certes, chacun des systèmes possède, outre ses points de flexibilité qui ouwent la voie aux adaptations, des points de rigidité sur lesquels on ne transige pas. Fort heureusement, ces points sont tares, et ne se situent pas, pour les deux systèmes, dans les mêmes artisulations, ce qui préserve Ia possibilité de combinaisons et d'équilibres inattendus ou suryrenants. Ainsi, face aux innovations introduites par la présence romaine, la société indigène a fait preuve d'une incontestable perméabilité, mais Cest une perméabilité sélective. Il nous appartiendra donc de voir sur quoi se fonde cette perméabilité et comment elle se traduit

-

concrètement.

Ainsi entendu, le problème de la résistance africaine va nous mener à une double étude : la première, celle de la résistance militaire, envisagera naturellement les diverses p,éripéties de la lutte entre I'armée romaine et les indigènes. La sesonde se situera à un auûe niveau, et tentela de retrouver les élémen8 d'une résistance culturelle. Cette deuxième étude sera bien entendu la plus difficile et la plus aléatoire. Car, alors que la < culture > romaine se pr&ente conrme un système organisé et achevé susceptible dons d'être connu dans toute son ampleur la < culture > aficaine, du fait qu'elle est celle d'une société doninée et pénêtr&, n'existe qu'à l'état fragmentaire et n'est faite que d'éléments dispersés ou implicites, que Ion regroupe à ses propres risques. Les nécessités de cette double étude vont nous dicter notre méthode. En effet, pour pouvoir proposer, à partir de la notion de résistance, une vision originale de ltistoire africaine, il nous

-,

faudra mener successivement une série d'enquêtes dispersées, s'appuyant sur ds sources ou des dosuments très variés (ittê, raires, épigraphiquas, archéologiques, numismatiques) et exigeant une compétence multiple, que nous ne nous flattons nullEment

de posséder. Nous avons donc jugé bon de nous plier au double principe suivant : ne pas cherchu à tout dire, mais évaluer les rugences et les répartir au mieux; tirer profrt de I'aubaine que constitue, pour le chercheur, l'énor.me quantité des travaux de tout6 sortes publiés, sur I'Afrique ronaine, depuis plus d'un siècle'. Nous nlnsisterons dgnc pæ çur quantité de points, même importants, qui uous semblent déjà bien établis par les historieus, tandis qu'au contraire nous æsayerons de justifier nos conclusions partout où elles s'écartent des thèses antérieurenent admises. Cest dire gue nous n'oublions à aucun moment tout çe que ce travail doit, directemetrt ou rndirectement, à la masse de ceux qui I'ont précédé.

26. Le sentiment que tout a déjà été dit sur l'Âfrique romaire a'est lg populatio4 indigène de I'Aftique eous la dominatlon romains, vandale et byzantine, E. Mercier se domandait, en 1896 déià, s'rl retait gncore < quelques épis à glaaer pour les c.hercheurs tardifs > (Recueil de Cowtantlne, 1895-1896, p. 128). tr faut loter que la bibliographie actuelle sur I'Afrique romaine illustrç parfaitement lir remargue, plus générale, d'À f. Toynbee : < The literature concerning aay period of Graeco-Romar history ic like a hugc inyerted pyramid poised on a tiny rubble foundation v (Hamlbats Legacy, Londres, 1965, I" p. 564.> pas nouveau. S'apprêtant à traitsr de

20

LIT/RE

1

LE PROBLÈ,ME MTLTTAIRE JUSQT]'A DIOCLETIEN

Préambul,e

à la résistance

Rome et l'Afrique avant Auguste les origines du problème

I.

Terminologie

:

:

conquêtq colonimiion, romanlcation

L'étude de la résistance africaine ne peut se séparer de celle de lia romaqisation. Les deux notions sont liéæ et n'acquièrent sens et contenu que par la tensiorl qui les oppo$e : car I'attitude des Romains et celle des Africains s'engendrgnt et se déterminent sans cesse mutuellement. De cette constatation préalable découle un problème : comurent et pourquoi cette tensior estelle née ? A quelle étape des relations romano-africaines apparaît-elle ? Le problème n'a de sens que si l'on admet que la rencontre

lâftique n'appelait pas nécessairement aouune fin possible la romanisation'. Or, nous savons bien que, pendant plus d'un siècle, la politique africaine de Rome fut entre Rome et seule

1. Sur la découverte par Rome de I'Afrique berbère, qui htervieit à la faveur des guerres puaiques et des ambitions royales de Massinisca : Ch" Seuurore, Ia Numidie et Rome, Paris, 1966, en partiorlior, p. 56

et

s.

Earquée par une succession d'initiatives hardies et ambiguës, de demi-échecs, de renoncements. Et lors même qu'avec C6ar s'affirme la détermination romaine de s'implanter durablement en Afrique, le choix défuitif d'une méthode cohérente n'est pas fait n. Ce n'est que plus tard, toos l'Fmpire, que I'on voit apparaître, en liaison avec les transformations qui ont affecté

Rome d'une part et l'Afrique d'autre part, les germes d'une véritable politique de romanisation. Celle-ci ne devint possible qu'après que le chemin lui ett été ouvert par la conquête militaire, I'annexion de territoires nouveaux, la déduction de colonies. C'est cette lente et hâsitante gestation qu'il faut donc tenter de reconstituer. En recherchant les conditions de possibilité et le mécanisme de la romanisation, nous rencontrerons nécessai" renent le mécanisme de la résistance africaine et ses conditions de possibilité. Mais l'on est auparavant conûaint d'observer que les termes de conquête, colonisation, romanisation, quoique fort proches et solidaires, ne sont pas équivalenæ. Ils désignent des démarches, des politiques distinctes, et ce n'est pas jouer avec les mots que de læ différencier : leur diversité même est signiffcative.

La conquête est simplement la soumission par les armes et l'assujettissement à Rome d'un territoire donn6 : par exemple I'annexion du territoire punique après la défaite de Carthage, ou plus tard, la hansformation par César d'une partie de la Numidie en province d'Africa nova. La conquête n'implique nullement une transformation profonde du pays conquis. Rome en effet, au lieu de soumettre les vaincus à son propre régime de production et à ses propres modes de pensée, peut se contenter de laisser subsister I'ancien état de choses en prélevant des tributs. Il s'agit donc d'un simple translert de propriété, comlns cela se frt en 146 : on laissa aux indigènes qui s'étaient livrés 2. La conclusion de S. Gsell est assez lrette : c Le dictateur ue semble pas avoir eu le temps, ui peutétre le désir, de développer la prospérité économique de la provinco qu'il avait créée, d'y répandre, par rrne large colonisation, la laague et la civilisation latine. > (S. Gss,t" Histoire..., WII, p. 170.) tr est vrai quI s'agit seulement ici de la nouvelle province d'Alrica nova. Ea Alrlca vetw, son action tut plus décisive, comne nous le verroru. 26

Las orlgtres ilu Woblène

8,

les la possibilité de cultiver leurs terres dont -on leur confrrma- Ia possession précaire et soumise a\ stipenpar des assignations fictives, dium faites dans le cadre d'uue - centuriation du territoire conquis'. première A ce stade, le terrid,editicii

toire n'est que la propriété du peuple romain o et l'on ne peut parler ni de colonisation ni de romanisation. Le processus n'en est pas encore engagé. Un texte d'Appien nous éclaire indirectement sur l'état d'esprit d'une partie d6s f,s6ains face au problème posé par la conquête de I'Afrique o. Il s'agit du discours qu'un arni de Scipion est censé prononcer en 20l,lors d'une séance du Sénat sur les conditions de paix avec Carthage, et qui reflète I'embarras que suscite la lnnpective d'une annexion du territoire punique. Qu'en ferons-nous ? se demande I'orateur. Et d'envisager toutes les hypothèses : le donner à Massiniss4 ce serait accroîhe la puissance de celui-ci; le transformer en territoire romain pour en tirer un tribut exigerait le maintien sur place d'uue forte armée; eûvoyer des colons chez les Numides, ce serait, soit les exposer aux attaques des barbares, soit mettre Rome en danger si ces colons devenaient trop puissan8. tr e,st clair, si I'on se souvient quâppien éctit au siècle ap. J. C., que les qaintes exprimées par ce discours rendent compte de lnexpérience accumulée par læ Romains en Afriquez. Mais il est

rf

3. S. Gser,r,, Histoire..., VIU, p. 465Q explique le mécanisme de cette o1Ération

4. Cf. R- Cnevllrrnn, c Essai de chroaologie des centuriatiols romaines de Tuuisie >, MEFR, 1958, p. 65-66. 5. C'est peutétre en 123-122, et pour la provioce d'Asie, que fut formulé se principo, appliqué déjÀ ua quart de siècle plus t& à fAfrique. Ciéron I'expose dans Venlnes, \, 2, 3 : Quoniam quast quaedarn praedîa populi romani suat vectigalia nostra atque provinciae.

Notons toutefois que I'origine de cette théorie est coutestée. T. F\,encr,

< Dorninium

in solo provinclalî

D,

JnJ.,

l9?jl,

p. 14l-161, ne croit

pas qu'elle remonte à l'époque républicaine, et en situeait lorigine pos-

de Claude. tr critique I'interprétation traditionnelle de la phrase de Ciéron en montrant qu'elle ne saurait être priso pour rme règle de droiL Ce problème sera de nouveau 6vogué à propos de la mainmise romaine sur les terres de tribus. 6. Amrsn, Ab., 6t; la même argumentatiou se retrouye chez Dro mRE DE Srcrle, )Ofi/tr, 13 et s. Voir R. Caconn AArmêe..., p. DC-X; térieurement au règue

S.

Gsnu" Hlstoîre..., trI, p. 329, n. 6. 7. Cf.. P. Roumsr.u, Stor{a delle provînce tomttne delfAfr'tca,

Roma, 1959, p. 33-34 (cité ensuiæ

: Storla...). Ce diccours,

qui représente

clair surtout que la conquête mililsirs n'apparaît en rien colnme un élément menatrt nécessairement à la romanisation : d'autres possibilités sont préservées. La colonisation " proprement dite met en jeu d'autres principes ; elle consiste à prélever, sw l'ager publicus nouvellement incorporé au panimoine romain, des parcellæ de terre pour les confier à des colons qui s'y organisent en cités (adsîgnntio coloniaria). Cette politique a quelque peu évolué au cours de

I'histoire de la République romaine. Les premières colonies n furent créées au uro siècle et avaient les caractéristiques suivantes : elles comportaient un aombre réduit de citoyens (trois cents environ) qui disposaient de lots n'excédant pas dix jugères, et étaient envoyés dans des postes maritimes pour surveiller les commerçants étrangers et les pirates. Puis, Cest l'époque de propugnacula imperiî. Au début du rf siècle, les colonies s'étendent à fensemble de la péninsule italique, mais elles ne sont plus des postes militaires de type traditionnel : des préoccupations sociales ainsi qu'un souci de mise en valeur agricole apparaissent peu à peu, peut-être sous finfluence de Caton. Quoi qu'il en soit, ces premières déductions de colonies n'opèrent donc qu'un translert d. hornmes, de citoyens romains, auxquels sont assiglées des tâches précises. Lorsqu'un peu plus tar{ C. Gracchus crée

la

colonie de Carthage la première hors d'Italie d'après - perspective romaine sur la colonisal4 Velleius Paterculus 10 tion n'a pas beaucoup- varié; il s'agit toujours de régler, par le biais d'un déplacement de citoyens, un problème particulier. En l'occurrence, la création de la colonie de Carthage cones-

daus notre perspective un document capital, sera plus longuement étutlié plus loin : < Un bilan de l'expérience romaine en Aftique 'l >, lnfra, p.2.46. 8. Hronq in Gromatici Veteres, L76, 177; G. de Senc:rs, Storla dei Romani, TuriD, 1923, t. IV; E. Pds, Srorla della colonizza4tone, Rloma

t923.

I.

9. E. Seruou, Roman Colonization under the Republio, Londres, 1969. Voir farticle de E. Konnnualw < colonîa r, it RE. 15, 4, Si cette affùmation est exacte, 10. VELLBTUs ParERcuLUs, elle signifie seulement que Carthage fut le premier ceutre romain à avoir, hors d'Italie, le statut officiel de colonie. Ce qui u'empêche t as I'existenee de group€ments ayant ùû autre statut : Carteia en Bétique

l,

a le droit latin. 28

Iz-c ortgtnes du problème

pond à une phrase aiguii du conflit de Caius avec les Optimdesrr.

C'est un problème purement romain, auquel I'Aftique n'est à I'origine nullement mêlée. De même, læ créations marie,nnes et dans une moiadre mesure, les initiatives césariennes sont directement influencées par les fluctuations de la politique intérieure romaine". L'on peut donc dire que la colpnisation, ainsi ente,udue, n'est qu'une pratique empirique, à laquelle n'est assignée d'autre but que de satisfaire le besoin de richesse d'une minorité d'hommes d'affaires *, tout en débarrassant Rome d'éléments indésirables. Comme la colonisation puuique qui I'a précédée en Afrique, la colonisation romaine n'a pas d'ambitions à longue échéance. L'on comprend donc qu'elle ne soit pas tessentie, du côté africain, comme assez dangereuse pour donner naissance à un mouvement de résistance. Iæ masasre de la population romaine par læ indigènes de Vaga, tel que le rapporte Salluste, est un phénomène exceptionnel qui ne s'explique que dans le climat de la guerre de Jugurtha'1 La romaoisation apparaît courme un processus plus complexe, combinant ou alternant des entrcprises diverses, et visant non à transformer à tout prix un territoire, mais à permeftre à Rome et à ceux qui se placent dans son orbite d'en tirer le meilleur parti possible. Elle se déroule simultanément sur différents plans et reste susceptible d'accélérations ou de ralentissemênts. Tandis que la conquête nilitaire, par bodds brusques, ourrre à l'activité romaiûe de nouveaux champs et répond au constaût bésoin de terres, Ia modification et I'intensification de I'activité économique est fonction de la demande romaine. Denière le vocable 11. J. Cercornro, Aulottr des Græques, Paris, 1967, t &., p. 266 et s.; G. Brocn, J. CÂRcopINo, Ia République romaitu de 133 à 44 av. t,4. Des Græques à Sulla, p.252 et s. 12. L Truæc4 Das rômische Stâdtevesen ln Nord-Afrika, Berlin, 1962, p.5-51 (cité ensuiæ z Stâdtewesen).

13. M. Rosrov'Ezrtne, The Soctal and Econamlc Htstory of the Roman Bmpire, Oxford, 1957, t &., p. 319-320. 14. Srr-rusra, BeIl. tug,, IJ(W 2 et s. Eacore faut-il noter que les 'negociatores qui forment une partie des genc massacrés ont dt susciter par leur actvité d'exploitation de la province uDe haine qui -trouvé - Ciewr, P. ÉvÊ-a sou exutoire à lbccasiou de la guerrc. Voir M. euz, Villes et structures urbaînes daw I'Occident rcmaln, Paris, 19?1,

p,26?-

unique de romanisation se dissimule donc une politique diversifrée, dont or peut difficilement ramerer tous les aspects à funité. Elle u'implique pas seulement un transfert de pouvoir et un transfert d'homrnes, mais aussi un translert de cîvilîsatïan, un remodelage qui s'effectue à tous les niveaux. L'organisation indigène qui n'a été que partiellement touchée par la conquête est alors investie doublement : secouée par læ mutations o'pérées d'autorité par le conquérant et minée intérieurement par la lente érosion de ses valeurs traditionnelles au contact de celles du colon. C'est contre cet envahissement qu'une certaine forme de résistance finit par se faire jour. Elle traduit, par les moyens qui lui sont laissés, chez les uns la nostalgie d'un équilibre perdu, chez les autres le besoin de préserver certains éléments nécessairEs à la simple survie. Il est donc nornal que l'on ne puisse véritablement parler de résistance qu'à partir de l'époque augustéenne : les premières réactions aficaines sérieuses débutent au moment où I'émigration agricole est officiellement favorisée, I'urbanisation encouragée, au moment aussi où se développe, grâce aux terres enlevées aux tribus, une entreprenante plou-

tocratie africaine.

On doit cependant noter que le processus de romanisation, une fois mis en bianle, s'entretient et se développe par sa dynamique propre. C'est ce qui explique gue, même sans une transplantation massive de peuplement italique, les provinces d'Afrique aient pu progresser dans la voie de la romanisation. Création de colonies nouvelles, développement de cités anciennes, accroissement constant du nombre des citoyens et extension de leurs besoins, autant de phénomènes qui perpétuent le mér;anisme de la conquête et imposent de nouveaux empiètements, de nouvelles annexions; de par sa propre pesanteur, la colonisation est condamnée à avance& et l'Afrique romaine à s'enfoncer comme un coin dans I'Afrique indigène. L'extraordinaire vitalité du développement urbain jusqu'au rvo siècle en fournit la preuve. Encore faut-il bien voir que cette politique porte aussi bien en elle-même ses limites. Certes, la dynamique de la conquête ett pu se maintenir longtemps; mais elle n'ett janais me,né à une romanisation véritable de l'ensemble de la population africaine. Car Cett été pour la province se condamner à l'asphyxie. Une organisation économique qui, comme celle de 30

la

orlglaer

du problènrc

I'Afrique, repose en grande partie sur I'exploitation de grands domaines producteurs de denrées exportées, suppose nécqssairement une irréductible dualité. Sans fexistence, à l'intérieur contme à I'extérieur de la province, de zones intactes, sans la possibllité d'une avance vers le sud ou fouest sans la pr&ence de réservoi$ d'hommes et ds terres, [a romanisation n'ett pas été possible. On se trouvo donc ainsi en présence de deux phédnune part la prudente resherche d'un équilibre nomènes bénéfrque à la puissauce romaine; d'autre part, le dynamisme inærne qui bouscule cette prudence, rompt cet équilibre tout e,!r se contenant dans certaines limiæs. Ce sont là les deux aspects

:

qui confèrent à fhistoire de la romanisation de I'Afrique son allure originale.

Il

souplesse ett été superflue, si IAfrique n'avait été qu'une tene vierge que Rome ett pu tailler à sa guhe et façonner à son image. Mais les conditions étaient telles en Afrique que les initiatives romainss se détachent nécessairement sur un fond de résistance africaine, et qu'à chaque cellule de romanisation a pu correspondre à un moment un

va de soi que tant de

troyau de résistance.

Ainsi donc, la question préalable du sens à donner aux termes le plus couramment employés pour désigter la présence romaine en Afrique n'est nullement rhétorique. Elle nous permet de substituer à notre problème initial (comment et pourquoi est née la tension romano-africaine ?) un problème moins : dans quelles conditions s'est effectué en Afrique le pasage de la conquête à la romanisation ? tr est cependant inutile de se dissimuler que la réponse à cette question sera difficile à établir avec précision et streé. L'absence de monographies détaillées, qui permettraient de cowrir dans sa totalité le territoire africain, est un handicap, et le bilan des recherches et des trouvailles archéologiques est enoore trop fragmentaire. Pour parer à ce manque, I'on est obligé d'insister plus particulièrement sur les points connus, en essayant d'en monEer tantôt le caractère exemplaire, tantôt le caractère exceptionnel. vague

3t

II. L€r premièræ

étapes de l'avance romaine

L'époque répablicaine Reconstituer les grandes lignes de l'avance romaine, depuis la création de la province d'Africa jusqu'au règne d'Auguste, est parfois malaisé, bien qu'un certain nombre de faits soient maintenant bien établis'!. Diverses étapes ont marqué cette avance, dont l'arrivée de César en 47 constitue le principal tournant. D& 146, le territoire conquis fut soumis à I'arpentage. C'est ce que permet de penser la loi agraire de 11.1, qui mentionne pour la première fois des centuries en Afrique r8. Ceffe mention suppose en effet I'existence d'un cadastre, et l'établissement de ce cadastre est probablement aûtérieur à la colonisation des Gracques ". L'opération d'arpentage ne traduit aucun d&ir de mise eu valeur immédiate : la terre est même rendue, après une assignation fictive, aux indigènes, ses anciens propriétaires, qui continuent à la cultiver comme par le passé. La condition juridique des sols est assez complexe. loger publicw cowre une grande partie du territoire et comprend, outre le sol de Carthage, les terres qui ont été assignées aux stipendiaires ". Aux rois de Numidie fut concédée, dans la plaine du moyen Bagradas, une portion de territoire. Læs villes libres de leur côté recevaient une autre portion de

15. Un résumé rapide de ces fai8 se trouve par exemple chez M. RosTol/TzEFF, Social ond Economic History..., p. 314 et s., ar/ec la biblio. graphie autérieure. Iæs travaux plus réconts n'apportent que des rectifications de détail à cette esquisse. t6. Le* agraria de 111 : CIL,P,585; FIR?, p.83, sec. 60; commentaire de E. G. Hmov, in Romon Laws and Charters, 43,72; K. Jolrar.tN-

snt, Die Lex agraria das lahres 111 v. Chr. Text und, Kommentar, Munich, 1971, avec I'ensemble de la bibliographie. Voh infru la srgniit-

cation de cette loi. 17. S. Gsnrr, Eistolre.,., VlI, p. 47 et s.; contre \il. Bar,rner, Bonner Jahrbach,1911, p. 76 et s., qui attribue aux Gracques cette centuriatiou. 18. Ces stipendiarii continuent à viwe à I'intérieur des anciens cadrçs administratifs puniques, læ pagi : le pagus Gurzewîs est composé d'un ensemble de cités de stipendiaires (CIL, VnL 68, 69) ; voir aussi le pagus Muxsl, Guzuzi et Zeugei (ILAI, 422 - D,9482). 32

Î*s

orlslncs

ilu problème

t',

tandis que la portion restante était vendue par ls questeurs et devenait ager prtvants veaîgalîsqueû (ou, quæstorius, ou ernptus). Les terres qui furent accordées oomûre récompense aux transfuges carthaginois ainsi qu'aux villes dites liberae et immunes portent le nom tager privatus ex iwe percgrino". Il n'est pas indispensable d'entrer dans le détail de cette répartition; il nous suffira d'en retenir un seul point : elle est essentiellement juridique, et ignore toute préoccupation d'établir avec les indigènes d'aures liens que des liens juridiques 4. Ainsi, contrairement à ce qui se passa en Gaule lorsque fut constituée une nouvelle province qui se romanisa rapidemen! en Afrique la province resta enfermée dans sa particularité. La négligence de la classe dirigeante tomaine, l'écran qu'opposait à une véritable pénétration I'importance de I'influence punique dans les zones riches de Ia province expliquent en partie cet territoire

état de choses. On sait que cette situation ne fut guère modifrée par finitiative de Caius Gracchus qui, à défaut d'intégrer les Africains dans la famille romaine, se proposait, en reconstruisant Carthage, d'implanter en Afrique un peuplement romain u. La lex Rubrta 19. FIR, I, p. 117-118. Ces cités sont: Utique, Hadrumète, Ihapus, Leptis Minor, Achola, Uzalis, Theudalis. C. SeuueoxB : < La Fo,rna regîa >, CT, 1962, X, p. 408, aioute des compléments à cette liste en s'appuyant sur les données de la liste plinienne @rnrn, V, 30). tr faut cepetrdant noûer que

la différence de date entre les deux

documents rend

illusoire la précision que I'on peut tirer de leur comparaisoa ou de leur combinaison.

20. Sur la nature exacte de ce sol, Dn MennNo, Ager prîvatw vectlgollsque, Stttdi De Franclscl, Milan, 1956, L p. 555-579. 21. Sur les origines de la centuriation romaitre, voir R. Cnevarl.rEn, < Essai de chronologie des centuriations romaines de Ttrnisie ,, MEFR, 1958, p. 6l-78. 22. Sur I'Afrique durant la période républicaine, voir les aperçus de

f.

Bunrax, < Afrika und Rom in der Zeit der Republik >, Alilka wtd Rom tn der Antike, IVissenschaftliche Beitrâge der Martia-Luther Universitiit, Halle-Wittenberg, 1968, p. ?il-52. 23. Pr-uranQue, Vie (C. Gracchw), 10, 11, 14; Apprnn, Bell. Clv., I,24; Pun,, 136; Eurnorr, Brev., W, 9; Plul Onose, V, 11. Sur les circonstances de I'initiative glacchienne, voir en particulior F. MuNzsn, < Sempronlas >, in ÀE; J. Crncorrxo, Autour des Gracques, Patia, 1967, T éd., ; C. Auoolrrnr, Carthage romalne, 1901, p. 32 et s.

ouvrit donc, eî 123, la province à l'immigration. Des colons, romains ou italiens, au nombre de six mille, reçurent des lots d'environ deux cents iugères. Chiffres bien supérieurs à ceux des précédentes déductions en ltalie, supérieurs aussi aux prévisions de la lex Rubria$. L'octroi de ces terres entrainant nécessairement le déplacement des anciens propriétaires, I'on imagine que I'opération dut provoquer quelques remous chez les indigènes menac& d'expulsion. Peut-être ne faut-il pas chercher propagés par Ies ennemis de plus loin I'origine des bruits - loups qui auraient arraché les relatifs à de prétendus Caîus piquets-de bornage'. Une réaction hostile par des indigènes a pu être ainsi travestie en présage funeste par les politiciens opposés à la colonisation transmarine. Ceux-ci ne ménagèrent pas leur peine pour mettre Caius en difficulté et frnirent par causer et sa mort et la ruine de son æuwe. La toute neuve colonia

funonia Chartago fut abolie et les colons eurent le droit de revendre leurs terres. Ainsi, s'ajoutant à la nouveauté et à la difficulté des conditions de vie, f inexpérience des colons, les

manæuvres des aristocrates et les pressions des spéculateurs se conjuguèrent lnur corunmmer et parachever la faillite de I'expé-

rience, pour le plus grand bénéfrce des riches'u, QUi purent se constituer, aux dépens de lager publicus, de vastes domaines ". La situation ne favorisait guère le progrès de la colonisation. De et princet échec, la loi de I I l, qui défînit le statut des terres - à la fois est, indirectement, cipalement des terres africaines de I'entreprise officielle le constat et le bilan ". Mais I'insuccès

est compensé par I'activité de I'initiative privée

: on voit en

24. Loi de 111, licpe 61 ; FIR?, p. 83, sec. 60; IC foHANNsBt{, op. ctt., p. 312-336; P. Â. BRUNT, Italian Manpower, 25. Arprrn, BelL civ., I, ?A, Ptur. Onosr, Y, 12,2. Ce problème a été examiné par S. Gælr., Hîstoire ancienne..., VII, p. 64, ainsi que par E. Ar.senrrNl, < Iæs Loups de Carthage >, in Mélanges Gautler, 1937, Er. 14. 26. Pour M. Rosrovrzærr, op. cito p. 3l&3l7, la vente de tager

une redevance régulière payée à - moyetnant perrrit à de riches capitalistes de jeter les bases des

prtvatus vectigalîsqae

l'Btat (vectigal)

hftars lafif andia-africains. 27. f. Cencouuo, Autour des Gracques, op, citu p. 235. 28. I-oi de 111 z CIL, 12, 585; S. Gsrr,r" Histoire ancîenne..., p. 75 et s. ; P. RoMÀNELLr, Stoûa.,., p. 66 et s. ; K. Jontwsrn, op, clt., p. 284 et 31

s.

Les ortehss du problàttu

effet des italiens s'établir et se répandre jusque dans le royaume numide de Micipsa, allié de Romes. La guerre de Jugurtha eut saûs doute plus d'influence sur Rome elle-même que sur l'Afrique. Néanmoins, la victoire de Marius s, si elle n'entralna pas l'agrandissement de la province romaine, permit de conserver au nombre des royaumes clients la Numidie, probablement amoindrie et divisée, et d'ouvrir à Rome une vaste zone d'influence en Maurétanie 8'. En outre, Marius sut prendre, à propos de I'Afrique, une initative importante : il octroya à ses vétérans les terres qu'il leur avait promises pour favoriser le recrutement de I'armée. La proposition de loi de L. Appuleius Saturninus prévoyant des assignations de cent jugèles par €te s permit d'établir, en 100, de nouveaux centres 166ains, qui n'étaient pas à proprement parler des colonies. L'imprécision des termes généralement employés, tels qve pagus, oppidurn et conventw, fait qu'il est difficile de cerner la nature juridique exacte des créations de Marius s, au sujet desquelles les thèses de L. Teutsch ne sont guère convaincantes.

Celui-ci pense en effet que les villes libres (au nombre de trente), etles oppidn civîum Romanorum (au nombre de quinze), qui figurent dans la liste plinienne s sont antérieurs à César ; il identifie les oppida C. R. aux conventus créés par Marius s. 29. Ser.lusrz, Bell. Jug,, 21, 47, 30, Une partie de la fortune politique de Marius est due au soutien qu'il a su se ménager auprès des résidenb romains en Afrigue (anciens de la colonla lunonia, gens établis à Utique et dans quelques autres centres): voir A.J.N. Wnsou, Emigratîon lrom ltaly in the Repablican Age of itome, Manchæter, 1966, p. 44F45, 31. S. Gszr-r" Histoîre.,,, p. 262-265. 32. Ltber de Virls tllustibus, T3, | : < Legem talit ut veteranls centena agri iugera in Africa divlderentur. > 33. A. lnnr.nr, L. Poussor, Les .Inscriptions dachi Majus. Notes et docurnents, 1908, II, p. t7 et s. ; P. Quomau, < A propos d'une inscription de Thuburnica. Marius et la colonisation de I'Afrique >, CRAI, 1950, p. 332-336; L. Tsûrsclr, Stâd.lewesen, p. 49-50 ; G. C. Prcmo, , MEFR, 1969, 8L, p. 555-568 : Crece à une étude attentive de la répartition du gentilice Marius en Afrique romaine, J. Gascou montre que les distributioûs mariennes ont affecté principalement la région situ€e entre les oueds Siliana et Tesa, ce qui apprie plutôt la thèse de S. Gsell que celle de C. Saumagne. 36

Læ orlelnes ila problètru

large de Sfax ". Double mouvement où s'esquisse peut-être le projet d'encercler la province pour la protéger. Parallèlement, se poursuit en Aftique I'atflux de capitaux ainsi que dtommes venus d'Italie, dont factivité commerciale ou bancaire ne se limite pas au seul terdtoire de la province, mais s'étend dans de nombreuses directions. De même qu'il y avait des conventw civîum Romanorun. à Thapsus et à Hadrumèts, il y en eut à Utique. Ailleurs, comme on le voit à travers Salluste et le pseudo-César, Cest à Vaga, à Cirta, à Zama, qu'une prê sence romaine s'affrrme et se maintient, sans qu,il soit enoore question de colonie ou de municipe *. L'activité de sénateun, de chevaliers, défendant leurs intérêts en Afrique, est bien attestée surtout dans la correspondance de Cicéron' qui nous ouvre des horizons sur ces negociatores*, Mais dans cette présence romaine, il n'y a encore rien qui modifie vraiment la vie des indigènes. Daqs les cités subsiste inchangée f influence de la culture punique, mêlée dhellénisme, qui régnait avant la destruction de Carthage4. Persistance des rites funéralto {d ainsi que des formes et des monuments du culte *, prééNninence de la langue punique, donnent I'image d'une Afrique à peine touchée par la présence des nouveaux arrivants. Il est incontestable pourtant que les richessqs africaines commencent à susciter des convoitises : la province est déjà devenue 39, IIt.,

XIII, 3, 7. Mais T.D.

Benrws, in The Classtcal Revlew, 1971,

XXI, p. 332 situe cette colonie en

Corse.

40. Slr.r.usrs, Bell. Jug., U, 5-61, Bellum Africum, 68, 4 ; 88, 9 i 97,2. 41. CIcÉRoN, Ad Fam., >Cn, U, 26,29,30; )ûII, 6, 34. 42. Sur cî negotîatores, voir A. J. N. lVnson, op, cit., B. +6i P. A. Bnunr, op. clt., p. 2ll i J. Rouo$ DOrganlsotion du commerce rnaûtime, p. 2752E7. Ce sont en général des banquiers ou des usuriers mais on y trouve aussi des trafiquants s'intéressart à divers$ autrq affaircs.

p.

43. S. GSBLL, Hîstolre,,.,

VII, p.

107

et

s.

I P. RoulNBrr.r,

Storia...,

109.

44. G. Cnnrs, Aur orîgines de la Berbérle. Monuments et ûtes funéraires protohîstorlques, Parig, 1961, p. 467477 (cit6 ensuite z Monuments...).

45. A. M. Brsr, < Le Iofluenze puniche eulla religione libica : la Gorfa di Kef el-Blida >, Stadi e Materîall dî storta delle relieîoni, 1966, n" 37, p. 85-112.

fournisseurs de blé de Rome. On connaît d'ailleurs le projet de loi du tribun Servilius Rullus qui voulait, en 64, mettre en vente l'ager publicus africain pour pouvoir financer I'achat, en Italie même, de terres destinées à être distribuées. Projet qui se heurta à l'opposition de Cicéron et do. des aristocrates. et qui ne fut finalement pas soumis au vote Il est néanmoins sipificatif qu'à cette époque, lâfrique (et ses terres) soit considérée et traitée, non oomme une zone possible

l'un des trois principaux

de peuplemen! mais oomme une simple monnaie d'échange. Mais cela apparait moins surprenant si l'on se souvient qu'à l'intérieur même de I'Italie toutes les terres étaient loin d'être occupées et exploitées. Les troubles et les remoul des guerres civiles eurent en Afrique une large répercussion : la guerre entre Marius et Sylla, la rivalité entre César et Pompée ne pouvaient laisser indifférents les chefs politiques africains'. Sollicités ou séduits par I'un ou l'autre des partis, pensant pouvoir tirer de la guerre satrs psmains des avantages analogues à ceux que Massinissa avait retirés de sa participation à la lutte contre Carthage, les rois indigènes furent amenés à entrer dans les confli1s. Ainsi s'explique l'importance que revêt pour I'Afrique la fin des guerres civiles. La victoire de César, outre qu'elle ramenait enfin la paix, obligeait Rome à définir et à mettre en pratique une véritable politique africaine.

m. ks

lnltialives aftlcaines de César

Au moment où co mence l'ceuvre césarienne en Afrique, les émigrés italiques qui y sont établis peuvent donc être rattachés à trois catégories principales : des hommes d'affaires ou commer-

çants (qui sont des ltalicï oa des citoyens romains) qu'on trouve surtout, parfois avec leurs affranchis, dans quelques cités côtières où le négoce avec I'Italie est possible ; un certain nombre de citoyens, possesseurs de terres acquises à titre privé et en 46. CrcÉnox, De lege agraria. 47. Yoir surtout S. Gsnr.r,, Ilistoire..., p. 86 et s. 38

WI; P. RoUaNELLI,

Stoia...'

Les orlglncs ilu problèmc

dehors de touts colonisation officielle i enfin les colons proprements dits, parmi lesquels figurent à la fois ceux qui restent de la première colonia lunonia et ceux qu'a installés Marius dans

la vallée du Bagradas €. Peu de traces d'indigènæ

naturalisés

sont relevées. Face à cette situation, les initiatives de Câar vont suivre trois directions, conçues peut-être pour se compléter, et révélant une largeur de vue indéniable'.

1. C'est tout d'abotd la création de l'Aîrica novaoo, Cest-àdire l'annexion de la Numidie. tr est certain que cette annexion semblait s'imposer puisque, dès l'année 50, le tribun Curion proposait le rattac.hement ùl'ager publicus du royaume de Juba. Au moment où elle s'opère, l'annexion présente plusieurs avantages : elle offrait d'immenses possibilités d'expansion à la colonisation; elle permettait d'élargir et d'étoffer la vieille province de 146, devenue trop étroite; elle réglait le problème posé par les enclaves mariennes, puisque ces certres se touvent désormais placés dans un cadre juridique normal, celui d'une province régulièrement constituée. Mais surtout, elle offrait à César un bénéfice tout particulier puisqu'elle faisait de lui ltéritier futur des grands domaines que les héritiers de Massinissa avaient conservés, avec I'accord de Scipion Emilien, à I'intérieur de l'Africaot.

2. La seconde mesure est I'octroi à Sittius d'un assez vaste territoirg pris sur le royaume de Juba, et comprenant Cirta et sa région iusqu à la mer, c'est-à-dire la Numidie du Nord'. On sait en effet que P. Sittius, descendant d'une famille campanienne

À

Bnunr, Italiùt Manpower, op. cit., p. 20Ç233, dont les pês celles de A. J. N. WrrsoN, op. cit., D. 54. 49. E. Konrrrnam, < Die Caesarische Kolonie Karthago und die Einfiihrung rômische Gemeindeordnurg io Africa >, Philologus, t90l, 48. Voir P.

analyses rejoipent à peu

LX, p,

402-426.

V,3,25 : < [Africa] dividltar ln. duæ provîncias, yetercrn et novqtn.., >. 51. Voir en dernier lieu C. SluvlorB, in C. Courrors, L. LEscrû, C. Penrer, C. SluMeors, Tablettes Albertinl. Actes pfivés de lépoqae vandale Uln du V' sîècle), Paris, 1952, p. 138. 52. Arrrnr, BeU. civ., IV, 54; L. TEuscn, Stddtewesen, p. 65-77, fait le point complet do lo guection 50. Puye,

de Nucérie, s'était mis à la tête d'une armée, composée à I'origine de soldats venus d'Italie, et avait apporté une aide efficace à César dans sa lutte contre les pompéiens et confre Juba. La création de cette < principauté > originale n'était pas seulement pour César un moyen commode d'acguitter une dette, elle présentait aussi des avantages à la fois stratégiques et politiques : le territoire des Sittianî pouvait en effet assurer la garde et la protection des deux provinces situées derrière lui, et faisait faire à lavance romaine un bond non négligeable. Elle introduisait aussi, pour la première fois depuis un siècle, le souci d'une politique cohérente à l'égard des indigènes, souci que mettent en lumière trois observations : l'octroi de la citoyenneté romaine à de très nombreux indigènes, attesté par la fréquence très grande des gentilices Sittius et Iulius n' ; la rapide évolution du statut municipal des quatre cités de Cirta, Chullu, Rusicade, Milev; I'adoption par les Sittinni du culte punico-berbère de Caelestis et de Saturne. Ce dernier point, sur lequel M. Leglay a justement attiré I'attention en analysant certaines des particularités du groupe cirtéen des stèles à Saturne e, souligne l'originalité et la diversité de l'action césarienne qui, semble-t-il pour la première fois, soest intérsssée aux aspects religieux des rapports romanoafricains et a tenté de les harmoniser.

3. Enfin, la troisième

mesure est la création, après les Gracques et Marius, de colonies ou d'établissements nouveawr : le nombre de prolétaires et de vétérans à établir, la nécessité de redonner vie et prospérité à des régions épuisées par les guerres, rendaient possibles, et mêne indispensables, ces créations oo. 53. H. G. PFLAUM, < Remarques sur lononastique de Cirta >, Limesstudîen, Vortniige des III. Internatîonales Lîmes Kongress in Rheinfelden, Basel, 1957, p. 96-133. 54. M. Iæor,ev, Satarne afrîcain. Histoire, Paris, 1966, p. 77-78 ; existence d'un sacerdos Caelestls Sitttana(e) (ILAI, I, 1807). Ce point sera

examiné et discuté lnfra, p. 367. 55. La colonisation césarienne est plutôt fondée sur des considérations économiques que sur des raisons militaires ; du moins le dic'tateur sut-il jouer sur ce double registre, en Aftique et ailleurs. On sait que

d'après SuÉtorr, Vîe (Caes.), 42, 1, quatre-vingt mille citoyens furent envoyés dans les colonies hors d'Italie. Sur ces faits, voir P. A. Bnum, op. cit., p.2552.59. 40

Les orlgbæs ilu problème

César reprit d'abord le vieux projet de coloniser Carthage o, projet qui ne fut effectivement réalisé qu'après la mort du dic-

tateur. L originalité de l'entreprise ésarienne réside en ceci qunelle dépassait de beaucoup le cadre habituel et relative- qu'elle visait ment étroit de la déduction d'une colonie, mais à créer un -grand ensemble, destiné à intégrer, autout de Carthage, la totalité das groupements de citoyens établis auprès des cités indigènes o'. Ainsi, la pertica de Carthage, c'est-à-dire le territoire dépendant de la colonie, est constituée d'un csrtain nombre de cantons, læ pagi, comme Thugga, Agbia, Numluli, etc. s.

Iæs autres créations coloniales de César æncement Curusur la côte orientale du cap Bon, et Clupea o au nord-est du cap Bon d. Quant à Neapolis *, Carpis o, Hippo Diarrhytus s, qui sont aussi des coloniae luliae, elles ne sont pas aussi strement césariennes : il est possible que leur fondation effective soit due à Auguste * mais que des colons y aient déiù êtÉ installés sous César. Le choix de ces cit&, presque toutes situées autour du cap Bon et dans le proche voisinage de Carthage est significatif : volonté de relier l'Atrica vetus et ses champs de blé à fltalie, volonté aussi de procéder à la romanisation avec méthode, en commençant par la régiou la plus utile et la plus apte à se transformer. La province d'Africa nova fut quelque peu négligée par César qui n'entreprit pasn faute de temps peut-être, de la développer ou de la coloniser sérieusement'o. n faut cependant noter que brs ue,

56.

Aprnç

Stiidtewesen,

Pun,,

p.

!36; Drox Clsrus, XLIII, 50, 3; L.

TBurscs,

101 et s.

57, E. Konr.wueux, in Philologus, 1901, LX, p. 402-426.

p.

58. C. Ponrssor, < Lnrnunitas perticae Carthaglntensium >, CRAI, 1962, 55-75.

CIL,Ig, 788 (- ILLRP, 580 - D, 5320). 60. CIL, X, 6104 (- D, t945). 61. L. Ttsurscr, Stadtewesen, p. 107; P. A. Bnunr, op. cît., p. 593594 ajoute quelques précisions à L. Teutsch. 62. CIL, Vm, 968. 69. CIL, VIJI, 24706. 64. CrL, YW 25417, 65. L. Teurscn, Stiidtewesen, p. ll2-ll4 l60.lf2; P.A. Bnurr, 59,

op. cit- p. 594.

66. S. Gsnr-, Hisloire,..,

Vll, p. 170,

l'hypothèse qui fait de Musti, située près de la Tessa, affluent du Bagradas, un municipe césarien, semble maintenant confirmée u'. Mais cet exemple reste pour I'instant isolé. De ce triple aspect de l'action de César en Afrique, I'on peut tirer une conclusion précieuse : I'Afrique apparalt au dictateur coûlme un champ d'expériences ouvert à ses initiatives, une terre qui, juridiquement, est encore en quelque sorte malléable. La rmanisation est en gestation, mais on n€ sait pas encore de quelle manière on procédera poru la faire éclater. Cependant I'importance du facteur urbain est déià apparue avec netteté : c'est en effet par un jeu subtil sur les statuts des cités, et des

individus

à l'intérieur des cités, que slnstalle, directement

ou

indirectement, Iinfluence romaine'

67. L. Tnmscn, Stiidtewesen, p. 118-119. A. Bsscnloucu, < Mustitqna >, Kanhago, XIV : Iattribution à César repose sur la présence, dans l'épigraphie mustitaine, de Ia tribu Cornélia. 42

2

Auguste ou la recherche d'un nouvel ordre

Le long règne dâuguste est pour I'ensemble de I'Afrique une période charnière : alors que depuis plus d'un siècle on avait vu se succéder des initiatives éphémères, étroitement dépendantes de la conjoncture intérieure romaine, s'élaborer et s'effondrer des politiques diverses, la période augustéenne est celle où, pour la première fois, semble se dessiuer une certaine continuité. Non que I'on doive prêter à Auguste l'élaboration arbitraire d'un plan rigide pour le développement de lâfrique; l'on peut même être tenté de juger, avec E. Kornemann, que la politique d'Auguste est en retrait par rapport au plan césarien qui aurait fait de Carthage ressuscitée une métropole à la tête d'un vaste territoirs sur le modèle des Etats-cités hellénistiques r. Auguste a pu néanmoins, tout au long des années, faire diverses expériences, procéder avec lenteur et prudence à des aménagements, jugeant au

l. E. Konnruemr, in Phîlologus, 1901, IJ(, p, 402426. Cette thèse a connu des fortunes diverses : critiquée par Pallu de Iæssert (n MSAF, 1912, I-JfJ(L p. 29-110), Debbasch (iD .lRElD, 1953, )OOC, p. 335), ello ssmble sur certains points devoir ee confirmer gâce À ls découverto de la pertica de Carthage (C. Poursor, m, CRAI, 1962, p. 55-7t.

fur et à

mesure

le résultat de son Guvre et I'infléchissant

au

du point de vue de I'avance romaine son action apparaît comme capitale dans tous les domaines. Cest dire qu'il va, conformément au principe que nous avons posé, susciter une véritable résistance.

be,soin. Si bien que

En effet, jusqu'au règne d'Auguste, la situation pouvait encore, aux yeux des Africains, paraltre légère à supporter. La civilisation romaine restait en quelque sorte à la lisière de la vie africaine, elle ne concernait directement qu'une mince frange de la population. Quelques créations nouvelles, assez nettement localisées dans les terres de t Alrica vetus i une æuvre de centuriation qui ne présente un danger, les premiers temps plus potentiel que réel, gue pour les utilisateurs des terres concernées I un saupoudrage de soldats et de colons dans les positions iugées importantes pour des raisons stratégiques ou économiques ; ce n'était pas encore assez sans doute pour susciter autre chose que I'opposition inefficace et clairsemée de ceux que ces dispositions particulières lésaient. Chez les autres, ceux du moins qui se trouvaient directement ou indirectement en contact avec les Romains,

une certaine défiance. Défiance aocrue par le souvenir encore tout proche des années de guerres civiles, de ces luttes sanglantes et otscures, dans lesquelles une partie des indigènes s'étaient plus ou moins inconsidérément laissés entrainer. T)e sorte que les différentes initiatives prises par les Romains ne se sont heurtées jusqu'à présent qu'à des ripostes locales, nécessairement limitées. Le sentiment d'une certaine solidarité, fondée sur le bqgoin de se défendre en commun contre un danger unique, identifrable malgré fapparente diversité de ses formes, va seulement commencer à se faire jour. L'action entreprise dès 36 par Octavien' enoore qu'elle ne soit pas exempte d'incertitudes et d'hésitations' surtout dans ses débuts, semble viser à imposer à I'Afrique une transformation plus profonde : il s'agit de mettre en place les éléments susceptibles de créer les conditions d'une véritable romanisation. Les circonstances semblent se prêter aux grands proiets : la paix enfin revenue, I'exaltation de la vocation romaine à régir le monden la nécessité de résoudre les problèmes pos& par les années de guerre, autant de raisons qui vont faire renaître I'intérêt pour les diverses provinces. D'autres motifs, encore plus

44

La rccherchc dwt nouvel ordre

immédiats, contribuent à attirer sur l'Afrique l'attention du prince : l'importance, géographique et économique, du territoire. La population romaine déjà installée était encore disperséæ, dépournre dbomogénéité, politiquement divisée par sas prises de position lors des guerres civiles ; elle ne repré,sentait en somme, par rapport à la métropole, qu'une sorte d'appendice lointain sans fonction bien défrnie. Il fallait, pour redonner toute son importance à cette présence romaine en Afrique, trouver un moyen d'intégrer ceffe populatisa dans un ensemble plus vaste. De ce qui n'était qu'une diaspora, il fallait faire un empire. Les mesures dTntégration qui devaient permettre ce passage furent judicieusement pressenties : organisation progressive de la vie des collectivit6s africaines sur le modèle des cités d'Italie, refonte du système administratif et militaire permettant l'entrée des provinciaux dans les fonctions romaines, accès à la cité romaine de contingents africains. L'action d'Auguste va donc se dérouler parallèlement sur plusieurs plansn visant à la fois à obtenir la consolidation des pæitons acquises et à s'assurer des gains nouveaux. Augusæ a I'habileté de prendre, concunemment ou alternativemenÇ les mesures militaires, économiques et administratives que semble exiger une situation çfuangeante. L'impossibilité d'arriver à une chronologie, même approximative, de ces divenes mesrres ne nous permet pas de suiwe celles-ci dans leur succession et dans leur détail,

si bien

quï est difficile de savoir avec précision quels effets

immédiats elles ont pu avoir. Nous tenterons toutefois non pas tant d'exposer l'æuvre augustéenne elle-même, déjà convenableplutôt fimpact de cette Guwe sur la vie des ment étudiée,

F*

indigènes.

I. La r6organûsation adminishaÉve : un cadre pour la roDB. nisatlon

1. La réunion des d,ern Alriques Parmi les mesures administratives, la plus importante, sinon la première, est la réunion en une seule province de l'Afrtca vetus et de I'Atrica nova. Au moment où elle intervient en 27,

elle apparall comme la sanction légale d'un état de fait que les circonstances avaient inposé. En effet depuis sa création, lAfica nova avut vu son destin constammeût mêlé à celui de I'Atrica vetas. Ainsi, à deux reprises, T. Sextius, vainqueur en 42 de Q. Cornilicius ", en 4l-40 de C. Fufrcius Fango', avait été à la tête des deux provinces, qui devaient ensuite rester jusqu'en 36 entre les mains de Lépide. I-orsque, après la défaite de Sextus Pompée, l'Afrique fut revenue à Octavien, celui-ci, après avoir renoné au voyage o qu'il avait projeté d'y faire en 35, confra les deux provinces à T. Statilius Taurus. De même, les gouvero neurs suivants, L. Cornificius (en 33 ?) et L. Autronius Paetus (en 29 ?) exercèrent leur pouvoir sur les provinces réunies.

Enfin, c'est une seule provinæ ed, en 32, a juré fidélité à Octavien u. Si bien que I'on peut dire qu'une union de fait n'a presque jamais cessé entre la vieille et la nouvelle province. Et cela se comprend : les mêmes raisons (le souci de la sécurité et le besoin d'expansion) qui avaient dicté à César l'annexion du royaume de Juba devaient nécessairement inciter son successeur à unir, pratiquement d'abord, juridiquement ensuite, en un seul ensemble administralif les deux territoires. Province remuante, l'Africa nova, dont la population supporte encore assez mal la domination romaine, où les établissements romains sont de date récente, ne pouvait être à elle seule une province viable.

tr est peut€tre intéressant d'examiner un peu plus précisément le processus qui a mené à cette union. On ne peut alors manquer de mettre en rapport la mesure d'Auguste avec une situation mililails difficile 1 créée par la résistance indigène. En effet, depuis 35,les gouverneurs des deux Afriques ont été sur2. Apreç Bell. civ., IV, 53-56; Dron Cessrus, XLVIII, 2l ; A. Pu,r,u or Lrssnnt, Fastes, l, p. 53 ; S. GssLL, Ilistoire..., VIII, p. 188. 3. ApprsN, ibid., V, 26; Dlou Cesstus, XLYfiI, 22-23. 4. Drors Cessrus, XLIX, 34, I ; SuÉtoxr, Vie (Aag.), 47. 5. Fastl Triomphales z CIL, Ê, 5O i IIt, )([II, I, 569 ; A. Per,r.u os LrsseRT, Fastes,

6.

Res gestae,

l,

p. 63 et s. 25 (texte latin).

7. On peut faire remonter plus haut ces difficult& et croire qu'elles ae sotrt pas étrangères à Ïenvoi 1mr Octavien à Iépide de six légions (Apprsv, V, t2, 53; Drox Cessrus, XLVItr, 20, 4).

6

Ia

rcchctche

tun notnel ordrc

tout chargés de faire la guerre, et ont remporté ûûe série de triomphes sans lendemain. L'union des deux provinces peut donc avot été dictée en grande partie par des impératifs stratégiques : devant un danger trop pfessaût on concentre entre les mêmes mains la direction des opérations. Comme des situations analogues appellent des dispositions semblables, la même chose se produira pour les Maurétanies qui seront confrées ensemble à un seul præumteur chaque fois qu'il y a une guerre à mener 8. L'union des deux provincæ faciliæ en effet les opérations : un commandement unique, une plus grande liberté de man@uvre, des arrières assrués, la libre disposition, en dehors de tout conflit de compétences, de moyeûl plus étendus, autant d'atouts dont doit disposer un général en campagne. En légalisant cette situation, Auguste considère donc qu'elle est destinée à durer : ce qui semblait n'être qu'une mesure de circonstance, prise pour faire face à des troubles temporaires, est devenue la règle. Peutêtre parce que les troubles sont particulièrement graves, plus graves en tout cas que ne I'avait prévu César, qui semble avoir pensé qu'en s'installant sur le territoire numide, il rendait moins wlnérable le territoire romain. D'autre part, si Auguste a maintenu cette mesure, quoiqu'elle ne s'accordât guère avec les principes qui présidaient à la division des provinces entre I'empereur et le Sénat ", c'est sans doute

qu'il y voyait une nécessité. Iæ calcul fait par Auguste à cette occasion pourrait être le suivant : il lui fallait, de touûe façon, confier au Sénat la vieille province trop liée de - être arrachéeaux intérêts la classe sénatoriale pour pouvoir lui et maintenir des troupes dans la nouvelle. En gardant la division césarienne, il se serait trouvé obligé, d'une part, de renoncer à tout 8. C'est ce qui se produit sous Galba avec Lucceius Albinus; sous

Septime Sévère, Cn. Haius Diadumenianus (CIL, VIII, 9366) et C. Sallustius Macrinianus qui (CIt, YIII, 9371) seronÇ d'une manière analogue, mis à la €te des deux Maurétanies réunies. 9. Drox Cessrus, LIII, t2; Srr.aron, XVII, 3, 25; SuÉrorr, Vte (Aag,), 47 1 Pllne, LM. Sur la sigoification de ce partage, opéré le

n([.,

13 janvier 27,

et sur la nature du pouvoir d'Auguste, Ia bibliographie

est copieuse. Voir les mises au poiat récenûes : L. Wrcrer.r, < Prtnceps >, in RE, 1954; Dy Mentrxo, Sbrta della costltuzîone romana, 1962,

lV, 1 ; P. Pwtt, La Paîr

romaînc, Pario, 1967, p.209 et s.

contrôle sur une province économiquement iûdispensable I d'autre part, de mener sous sa seule responsabilité les guerres de pacification en Numidie. En les unissant, sachant bien que pour longtemps encore la situation militaire ne serait pas assainig il se réserve la possibilité d'intervenir dans la désipation du proconsul, puisque celui-ci sera aussi chef militaire; par là' Auguste garde un droit de regard sùr une province qui autrement lui échapperait en partie. Enfin, il ne craint pas non plus que le gouverneur, trop puissant du fait qu'il dispose d'une armée, se retourne contre lui. Il sait assez que celui-ci ne manquera pas de besogne sur place. Ce n'est que lorsque les circons-

tanc€s, en Afrique même, changeront qu'une division des pouvoirs sera de nouveau réalisée. Tant gue le gouverneur de I'Afrique est en position défensive, un pouvoir fort est nécessaire, et sans danger pour le prince; seul un gouverneur en mesure de passer à foffensive peut devenir dangereux en utilisant son armée contre le prince'0.

2. Le rovawne

de Bocchus"

Le sort du royaume de Bocchus, qui depuis 38 englobait la vaste portion de territoire allant du littoral atlantique jusqu'à lâmpsaga, exigeait aussi d'être réglé. Lorsque, en 33, ce royaume avait êtê légué par Bocchus au peuple romain, Octavien n'avait pas osé prendre de mesures définitives. Non qu'il ett été pris de court par l'événement; on peut même peruer qull était plus ou moins directement l'inspirateur d'une mesure aussi profitable aux intélêts romains t'. Mais coûlme à I'accoutumée, Octavien évrtait de rien brusquer. L'annexion pure et simple dnun territoire où la présence romaine s'était à peine fait sentir " eût été 10. C'est pourquoi il faudra, à ce moment-$ Iimiter les pouvoirs du procoosul, et confier les affaires militaires à un homme str, comme le fera Caligula : voir plus bas.

P. RouÆrsru'r, Storla.,., p. 156. 12. Supposition faite par P. Rouenrttr, Saoria..., 11.

p.

161,

et qui

ne

manque pas de vraisemblance.

13. Iæ droit de cité avait été accordé aur habitants de Tanger pour les récompenser de s'être soulevés contre Bogud (ea 38) : Drox Cessrus,

xLv[I, 48

45,

8.

Ia

recherche

twt

ttouvel ordre

prématurée, et même dangereuse dans la mesure où, exigeant I'extension sur de vastes espaces d'un nouveau dispositif de défense, elle aurait constitué un handicap pour la pacification et l'intégration de lnancienne Numidie. Il est donc contraint de ménager quelques an"ées de transition au cours desquelles il se contente de prendre des gages en installant onze colonies. Mais en 25, Auguste se décide pour une solution moyenne : lbchoi du royaume de Bocchus au jeune Juba, fils du roi de Numidie Juba I* vaincu en 46. Ainsi, était mise à lnessai pour la première fois en Afrique une formule de protectorat 'a. On sait, d'aprb le discours rapporté par Appien examiné plus haut, que cetûe solution a'êtait pas sans danger: elle risquait en effet de rendre trop puissant le roi protégé, en mettant fin, chez les Africaiqs, aux divisions internæ qui avaient été si favorables aux enffeprises romaines. Mais, étant donné la personnalité de fuba, dont la frdélité était audelà de tout soupçoD, ceffe solution ne présentait que des avantages. Rome se trouve en effet pour un temps déchargée du souci de maintenir I'ordre dans le territoire ainsi concédé, et de le protéger conûe des troubles éventuels. LTndépendance nominale du royaume et son carastère propremeut africain devaient en principe le prémunir contre toute contagion de rébellion to. En même temps, les Romains disposent d'un allié docile susceptible de leur prêter son concours dans les luttes menées par eux ". Le rôle de commis à la garde des frontières confré à fuba est d'ailleurs confrrmé par le don qui lui fut fait de tenitoires situ& au sud de la province romaine, et peuplés de Gétules

".

14. On sait cependant que c'est là une constaote de ta politique coloniale romaine, commo le reconnalt Tecltl, Vita Agricolae, 14 Yetere ac lampridem rcceptct popull romani cowaetudlne at haberet lnsz

tumenta semttutis et reges. 15. Ces illusiots ne durèrent guère, et les Maures opposèrent par Ia suite une résistance teûace. 16. C'est ce qui se produit à l'occssion de la guerre contre les Gétules, puis contre Tasfarinas. 17. J. Drsaxoeg c Ltx Territoires gétules de fuba fI >, REA, LX14I,, 1964, p. 33-47.

La double remise en ordre opérée par Auguste définissait ce qui altait être pour plusieurs dizaines d'années le cadre de I'histoire africaine, dressant côte à côte en deux vastes ensembles qui ne sont pas tout à fait indépendants I'un de I'autre : la province romaine à l'est, la Maurétanie à I'ouest. Le choix de ce cadre n'est pas arbitraire car, théoriquement du moins, il combine les deux exigences maltresses d'une politique coloniale : le souci de la rentabilité, puisque tout le nord de fAfrique se trouve maintenant ouvert aux initiatives et aux intérêts romains ; le souci de la sécurité, puisque, d'une part, la province unifiée devient plus aisée à défendre, et que, d'autre part, la charge des problèmes militaires en Maurétanie est laissée à Juba. C'est à I'intérieur du cadre ainsi aménagé que prennent place les mesures qui peu à peu transformeront de I'intérieur les données de I'Afrique traditionnelle. Pour évaluer et apprécier ces transformations, il serait évidemment nécessaire de disposer de points de référence et de comparaison. La connaissance précise de fétat réel de la plus grande partie de l'Afrique, en deho$ des territoires proprement romains, n'est guère possible. A partir des données connues, et dont le nombre n'a que faiblement augmenté, S. Gsell a dressé de l'Afrique indigène un tableau qui n'est guère dépassé ". Mais plutôt que de faire ici état des données ainsi réunies, mieux vaut peut-être ne les évoquer qu'à mesure qu'apparaissent les innovations qui les contestent ou les mettent en danger.

3. Les colonies L'aspect le plus spectaculaire et le plus durable de l'æuvre accomplie sous Auguste, la déduction de colonies, apparait comme dicté par les circonstances propres à la période postérieure aux guerres civiles. Si I'on en croit les Res gestae ", il y 18. S. Gsnr, Eistoire,,., V, VI ; voir aussi G, in Lîbyca, 1960, VIII, p. 1-320. 19. Res gestae, 50

I,

3.

Ceraps, Massinissa..,,

Lq rechcrche illun nowel oùbe

aurait eu plus de trois cent miWe vêt&aris démobilisés; parmi eux, rme partie seulement pouvait, en quittant farmée, retrouver une place dans son municipe d'origine. Tous les autres devaient être reclassés ailleurs, et pourvus de terres. La déduction de colonies dans les provinces, et singulièrement dans la province d'Afrique qui venait de s'agrandir, fournit à ce problème un élément de solution tn Cest dons sous la poussée d'événements exceptionnels qu'a pu commencer à se résorber, chez le paysan romain ou italien, la traditionnelle répugnance à quitter sa pahie or. Répupance qui pour autant ne disparaltra pas complètement : c'est sans doute

pourquoi I'adminishation romaine n'a janais eu I'intention ni les moyens de pratiquer une véritable politique de peuplement intensif. Et ce, malgré l'existence en Afrique de facteurs favorables : la terre africaine passait pour fertile, les conditions géographiques générales (climat, régime des eaux, types d'exploitation) n'y étaient pas fondamentalement différentes de celles que pouvait connaitre le paysan de l'Italie du Sud. Mais d'importants obstacles ne manquaient pas d'entraver ou de freiner le mouvement d'émigration : ni Rome ni I'Italie ne disposaient en temps normal d'un excédent de population active susceptible d'être envoyé dans les provinces " ; ceux-là même qui étaient prêB à partir devaient disposer de sommes assez importantes pour se liwer à une exploitation agricole exigeant de longs délais et rentable seulement à longue échéance *. L'on comprend mieux

20. Sur la politique municipale do fépoque augustéenne, voir [a mise au point de F. Vrrruscnorr, Rômlsche Kolonisatlon und, Bûrgenechtspolitik unter Caesar a.nd Augustw, Abhandlungen dsr Akailemie der Wissenschaften und der Literatur, 1951,

to

14.

21. Iæs premiers émigrants furent rarement des paysaus, mais plutôt, outre les fonctionnaires, des hommes d'affaires, des trafiquanfs de touter sortes, parfois des hommes de paille de puissauts sénateurs (cf. ClcÉnoU Ad Fanr., X.I.I, 2l t 24, 3; 26; 27 ; 29: 30, 5). Sur lémigration agricole, cf. HarrLAND, < A Great Agrisultural Emigtation from Italy ? r JRt, Vm, 1918, p. 34. Sur les causes de l'énigration, voir I. N. Wnsoç op. cit., p. 79 et s. ; P. A. BRuNr, Itallan Manpowe\ p. 23+265.

À

22.

E

Ar,nnntnvr, L'Afrlque romalne, Alger, 1950, p. 35.

23. R. CËevALLrER, < E$ai de chronologie dæ centuriations romaines de la Tbnisie >o MEFR, 1958, p. 76.

ainsi combien l'orientation donnée à la politique coloniale parais-

sait nouvelle.

En Africa vetus le problème est surtout d'ordre social et éco: il s'agit de donner à la province une structure plus cohérente qui facilite et encourage le peuplement et l'exploitation des zones les plus favorisées. A cela tendait déjà la résurrestion de Carthage. Celle-ci est confinnée et définitivement assurée grâce à une nouvelle déduction d'Octavien'4. La province se trouve ainsi dotée d'une véritable capitale autour de laquclle la vie administrative de la région peut harmonieusement se développer : un vaste territoire est placé sous la juridiction de la nouvelle colonie (qui comprend les castella administrés par I'affranchi Philéros *). C'est donc un ensemble original qui se constitue, sous le nom de pertica Canhaginiensîum, dont l'étendue a pu varier suivant les circonstances 0". Il est probable en tout cas qu'à lbccasion de la dédirction de 29 la condition des oppîda c. R. de la province fut modifrée, une partie de ceux-ci " étant rattachée àla pertica de Carthage (ou d'une autre colonie), tandis que les autres étaient réservés pour une réforme ultérieure qui leur donnerait rang de colonie ou de municipe. Autour de Carthage, une sorte de est mise en place grâce à l'établissement de colonies à Maxul.a, Uthina et Thuburbo Minus : tandis que, sur le golfe, Maxulaa complète la façade maritime esquissée par César, dans I'intérieur des colons sont installés sur des terres, déjà réputées pour leur fertilité, dans une zone où la pénétration se fait aisément où I'influence punique est grande, celle de Ia basse vallée du Bagrados et de la vallée de la Miliana. Uthina " est peuplée de véténomique

24. Dron Cassrus, Fremiers Temps de

LD,43, 1;

la

ApprErr, Pun., 136; S. Gsarr-, < Iæs Carthage romaine >, RH, 1927, CLVI, p. 225.

25. CIL, X, 6104 (-

D, 1945)i ClL,YTII,26274

nage du territoire des coloni

et

(à,

propos du bor-

des Uchitani).

26. Lensemble des problèmes posés par la pertica est treité par C. Pon{ssor, ia CRAI, 1962, p. 55-75. 27. C'est le cas, par exemple, de I'oppidum {Achi Majus, de Thibar, ou da Thugga; au cnntraire Utique ne change pas de condition. 28. Voir Prnw, V, 24. 29. Uthina (Pllne, Y, 29) cst appelée colonia Tcrtiadecimanorum z voir CIL, I/III, 2427; CIL, Yl, 36917 (= D, 6784); L. Tsurscn, Stâdteutesen, s2

p.

167.

La rccherche

tun

nouvcl otdrc

rans d'une légion Tertîadecima, qui sont peut-être d'anciens soldats de Lépide. Thuburbo Minusû, peuplée de vétérans d'une légion Octava, a, outre son importance agricole, un rôle de sen-

tinelle, puisqu'elle commande la route gd, à t'ouest, relie la pertica de la nouvelle Carthage au reste de la province. A ces colonies, il faudrait ajouter un certain nombre de pagi, dont deux, dans la région d'Uthina, nous sont @nnus z Le pagn Fortutulis de Sutunurca 8r et le pagus Mercwi.alis * sur le teniûoire des Medelitanî. L'exemple de ces deux pagi est signifrcatif : les indigènes Suturnucewes ou Med,elîtani ont dû céder une partie de leurs terræ (agos) à des groupes, sans doute peu nombreux à I'origine et dispersés, de vétérans envoyés par Auguste; il nT

30. Thuburbo mr'azs @r.nra, Y,29 : Thuburbi) est diûe col. VIII Thub. QLAfl 414). Sur la plaque de plomb (IL/tî, 416) trouvée à Tébourba" on lit C.C.VI.F. VnI développé par F. Vrrnucnorr, Riimlsche Kolonisatlon.,., p. L327, n" 7, en : dolonil dolonîae) v(lctûcis) I(uliae) F(elicis) (Octravanorum) et par M. Quomeu, < A propos deo communæ doubles >, Karthago, X, p. 75, u. 62, en t C(olonta) C(orcordla) Y(tctrix) I(uliù F(ellx) (Octavanorum). Tl sembtre raisonnable d'identifier, avec M. Quoniam, le Thuburbi de la liste plinienne avec Thuburbo Minur; toutdois fexplication de la forme Thuburbi soûrme lwûf. (lbid., p. 74, a. 50) n'est guère satisfaisanæ : pourquoi Pline aurait-il ernployé un locatif alore que, dans son texte, le nom qui préêdo immédiatement Thuburbt

à I'accusatif z colonlas ser, praeter lan dictas Uthhram Thubarbi (Ptnw- V,29), De ceûe forme Turburbi, P. RoueNBu,r, Storia..., p. t96 et n 3, a fait pour sa part un pluriel désienant conjointemeni Thuburbo majus et Thuburbo minus ; pour coacilier cette explication aves le nombre de six colonies donné par Pling p. Romanelli exchrt ds ce nombre le nom de Cirta puisque Cirta n'est pas une coloaio dAuguste et que la liste plinienne est supposée meotionner seulement les créationg augurtéennes. On sait que ce dernier argument est discuté. A propoe de Thuburbo lv1ajus, signalons une coquille dans le texte ds P. Romanelli (p. 138) : la ville figure au milieu d'une série de colonies dqnt lauteur dit qu'elles sont toutes, sauf Thysdrus, au bord de la mer; il oublie est

Thuburbo.

31. On trouve dans finscription ILAî, 3Ol (= D, 94@), des clves Rotnani paganî veteflanf) paet Fortunalls quorum p@enles beneîlclo divt Aueusti 1...1 Sutunurca dgros dccepenunt. 32. CIL, VIII,885 (- L23BD lonomme pagusMercurîalkveterûroran Medelltanorurn, T-e.s pagi augustéens, à la différeace de ceux de C6sar, ne se rattachent pas à un€ coloûie.

53

a pall eu de véritable déduction, mais probablement des assignations viritanes *. Sur le territoire de l'ancienne Atrica nova, le choix des lieux d'implantation des colonies, qui semble avoir été fait avec autant de soin, répond à dæ nécessitéc légèrement différentes. Il est wai que, là aussi, les Romains se trouvent en présence d'un territoire très prometteur, auquel le règne de Massinissa avait permis de faire de grands progrès, qui se sont poursuivis presque sans relâche duant toute la période qui sépare la mort de Massinissa de la mort de fuba I*. Le royaume de Numidie est à ce moment s assez organisé, assez civilisé pour que S. Gsell ait pu écrire qu'au u', et jusqu'au milieu du ro siècle, la Numidie fit plus de progrès sous ces rois que la province sous le gouvernement de

la

République.

En devenant colonie, sans doute à la suite d'une déduction plutôt que par simple promotion administrative, Sicca Veneria*, cité ancienne et siège d'un culte vênêtê, fournit à I'activité romaine un centre d'attraction et de diffusion qui complète et contrebalance, par l'étendue de son territoire, et plus tard par tant géographique le nombre de sæ castella *, le rayonnement - Dans la moyenne qu'administratif et même moral de Cirta. vallée du Bagradas, Simîtthu " - gue Pline met au nombre des - d&igne somme colonia lulia oppida c. R., mais que sa titulature commande la région dite des Grandes Augusta Nurnîdica - réputée pour sa production de céréales Plaines (Campi Magni),

33.

A

propos dæ pagi de la nouvelle Carthage, voir

H. G. Prtluu,

c La Romanisation de fancien territoire de la Carthage punique >, Antlquités africaines, 1970, 4, p.75-t17.

34. S. Gserr., Histolre-., VII, p. 57. 35. Puxe, Y,3,22i CIL, Y[II,27568: colonîa lulia Venerla Clrta Nova Sicca, On connaît ta thbe orieinale du liwe de A. Banunrn, f. Jurr,r-rr, abbé R. Cner.usR, Le < Bellum tugurthinum > de Salluste et Ie problème de Cirta, Constantine, 1949, tendant à faire glisser vers I'Est tous les toponymes numides, et situant Cirta sur l'emplacement de Sicca, Sicca sur celui de Teboursouk. Cette thàe pose de sérieux problèmes, et n'est généralement pas retenue. 36. CIL, !y'Ifi" 15721, 15722, L5723 ainsi que 15666 autres.

37. CIL, 54

VIII,

14612, 22197.

et

15669, entre

Yoh les travaux inédits de F.

Rakob.

Ia

rcchercha

tun noryel ordte

bien avant I'occupation romaine e, et contrôle la production des carrières de marbre voisines *. La colonie de Sirnitthu, en déve-

loppant cette production, ne pouvait manquer de ressentir le besoin d'un < poumon > vers I'extérieur, d'uu port qui lui permette d'ésouler aisément et rapidement ses lourds chargements de marbre : Thabracaai seta ce portJà et se spécialisera dans cette fonction, colnme le feront bien des ports dont les activités épousent celles de leur hinterland '. Pour Thabraca conme pour Assuras - l'attribution à Auguste n'est pas absolument certaine : le surnom de lulia peut n'être que le souvenir d'un bienfait du prince, antérieur à la transfonnation de ces cités en colonies. Enfin les pagi, comme celui de Thugga, complètent la série des initiatives augustéennes en Africa nova. La colonie sittienne de Cirta est renforcée, en26, par I'envoi d'un nouveau lot de colons, auxquels des terres sont assignées par les duoviri de la cité €. Dans les Maurétanies, au cours de I'intenègne qui sépare la mort de Bocchus de I'accession au trône de Juba II période - à définir où le statut administratif exact du territoire est difficile un grand nombre de colonies sont établies, il n'est pas -fait mention dans les Res gestae, mais que Plinedont mentionne * : leur origine militaire vétérans d'Octavien, d'Antoine ou de Lépide après Actium - rre fait pas de doute. Certaines sont dites luliae et donc antêrieures à 27, Iæ autres sont, Iuliae Augu.sta.e et datent donc de la période comprise entre 27 et 25 *. L'ancien royaume de Bocchus reçoit six colonie,s maritimas : Igir38. Arrrrw, Llb., 68-69,

pour cette région.

fait déjà état de la convoitise de

Massiuissa

39. Ces carrières, æmble-t-il, ont commencé à être exploitées sous Auguste (J. B. \Mano-PanrNs, ia .IRt 1951, p. 96) ; d'aprèo Rakob, à date

plus

ancienne.

40. Tbabraca, oonme Simitthu, est

citê

par Pline comme oppldum

c. R. 41. L. Ilenueno, LiOccident romain, Paris, 196O p, 4n. 42. P. RoMaNsrLr, Storta,.., p. 200, et 199, n.4. 43, AE, 1955,202. 44. Pr-nn, Y, L9-21 ; texte corrigé par D. Dnnensen, < Die Geographie Afrikas bei Plinius und Melo >, Quellen ln Forschangen zur alten Geschîchte und Geographie, Berlin, 1908,

p, 194214, 45. S. Gsnr,, Hîstoire.,., VIII, p. XCIX, p. 33.

Stâdtewesen,

t. XlV, p. 23 i L. Tamsæ,

201-205

; P. Serlue, in RAt,

L9SS,

55

gili, Saldse, Rusann, Rusguniae, Gunugu, Cartennae *, sur des emplacements occupés par des villes indigènes, ainsi que trois

colonies à lintérieur des terres : Tubusuptu (oa Tupasuau), Aqtae Calidne et Zucchabar-. Les qualités économiques ou

4. stratégiques de chacun des emplacements choisis sont connues Notons simplement I'importance de Saldae comme port à l'em-

la Soummam (Nasavath), celle de Rusguniae qui à commande I'est le golfe d'Alger ainsi que la route de l'ouest vers la vallée du Chînalaph par Aquae Calid.ae, celle de Tubusaptu, ncud de communication entre l'intérieur et la côte, sentinelle du massif du Djurdura et celle de Zuclubar qui domine la vallée du Chinalaph. La Maurétanie de Bogud, Qu'il est devenu traditionnel maintenant d'appeler le (ce qui traduit exactement, par une rencontre prédestinée, le nom arabe du Maroc tout en le dotant d'une aura exotique et de résonances pionnières) dut accueillir trois colonies' non loin des rivages de comptoir punique fAtlantique : Zilîs, Babba et Banasa$. problème : le transpose curieux un imlnrtance, ^lis, certaine d'une fert de ses premiers habitants à Tingentera (rebaptisée Julia Traducta) est-il la cause ou la conséquence de la déduction de la bouchure de

46. Ieileilî (Prnrp, V, 2l) ; Saldae : colonia lulia Augusta Saldîtana leg. VII immunis (CIL, YIJI, 8931, 8933' 20683). Igilgili assure I'exportation du produit des olivettes tandis que Saldae est le débouché naturel de la région à blé de Sétif. Rurrlztts

- t6). t927,

: colonia lulia Aagusta

Rusazus legionîs

VII immanis (AE,

Rusguniae : col. Iulia Pontif. Cl. Nonae leg(ioms) (cf. P. SAr-aMA, - cit., p. 5 et a.; AE, 1956, 160). loc. Gunugu : col. eîusdem deducta colPrte pretorîa (PLINB, V, 20). - Çsvlsnnss : col. Augustt legio II (Prtt.te, V, 20). -47. Tabwuptu : Prrxe; CIL, YIII, E831 ; AE, 1934, 39. Aquae Calidae : PLrNe, V, 21. - Zucchabar : AE, 1940,20. -48. Ronrexer.r.r, Storia..., p, 202-204. 49. L. CnltslelN, Le Maroc des Romains, Patis, 1944, p. 46 et s.

Zitîs

:

ColonÎa Aagusta

est- juridiquement rattachée à

Babba z

in

lulia Constantia Zilis (FrrNe, V, 2) :

la

Bétique.

mediterraneo altera Augttsti colonia est Babbo,

apqellata (PrrNn, V, 5). Campestris Banasa : Colottîa lulia Valetttia Banasa -

56

(AB' 1941, 79).

elle

hiia

La recherche

tun

nouvel ordrc

colonie ? En d'autres termes, la venue des colons romains a-t-elle été I'occasion d'une dépossession totale dont nous n'avons - indigènes'l Babba et pas ailleurs d'exemple aussi brutal des Banasa, de moindre importance, sont- à l'intérieur des terres, mais assurent probablement la liaison avec les villes partiellement romanisées de la côte. Banasa jouit néanmoins d'une situation heureuse, puisqu'elle domine la plaine du Rharb et se trouve au milieu de teres propices à I'agriculture, tandis que Babba, proche des montagnes du Rif, peut éventuellement surveiller les mouvements des tribus de la région.

II. Ls prenlèm

réacûons berbères

:

P6vell de

la rédstmce

Avec le déploiement d'activité qui marque la période augusil semble que se fasse jour, chez les Africains, le sentique quelque chose a changé : la prâsence romaine cesse ment d'être vue comme un phénomène lointain, périphérique, et ne concernant qu'une minsril$ parmi les Africains. Elle s'affrrme au contraire coûrme une réalité quT est de plus en plus malaisé d'ignorer. La multiplicité des colonies augustéennes, le choix savamment varié de leur emplacement, lnastion des colons laissent entrevoir que les plans des pe6ains sont vastes et englobent I'ensemble du domaine berbère. A plus ou moins longue échéance apparaîtra la nécessité, pur les groupes traditionnels qui se sentent menac6, de se définir par rapport au problème romain : soit en se soumettant, soit en essayant de composer, soit en résistant. On sait assez que les principes politiques qui régissaienÇ avant la conquête romaine, les royaumes indigènes différaient de ceux que Rome pratiquait uo : en Afrique, la nécessité d'un powoir central, susceptible de prendre des engagements au nom de la communauté entière, ne s'était encore jamais franchement imposée. Les tentatives faites en ce sens par des souvetains voulant acclimater des formes politiques imitant celles du monde hellétéenne,

50. S. Gser,r., Histofue.,,, V, analyse longuement lorganieation politique

de l'Afrique indigène.

nistique ont tourné court u'. L'irrédentisme, la tendance à I'autonomie, Cest-àdire à la dispersion, découlaient nécessairement de la nature des choses : dans un pays géographiquement compartimenté, où la solidarité des groupes ne peut s'exercer qu'à

l'intérieur d'un cadre restreint, où linsufTisante diversité des conditions naturelles condamne souvent les hommes à la rivalité et à la lutte, I'unité nationale ne pouvait être qu'une vague aspiration de chef ambitieux o'. Il n'est donc pas étonnant que les populations des régions nouvellement conquises, en Numidie particulièrenent, ne se soient pas senties liées par le transfert d'autorité qui faisait d'elles les sujettes de I'administration romaine. Cette sujétion, qui ne les gênait guère tant qu'elle restait théorique, devenait dangereuse dès lors que les Romains s'avisaient de la traduire concrètement sur le terrain, comme le faisait précisément le plan augustéen. Aussi bien assiste-t-on, dans le dernier tiers du l"' siècle av. J. C., à une série de réactions violentes des fiftisains.

Il

nous est malheureusement impossible de connaltre avec pré-

cision ces premières réactions, sur læquelles ni l'épigraphie ni les sources littéraires ne fouraissent de renseignements. Seule nous est restée la sèche mention d'une suite très rapprochée de triomphes ou, remportés dans la province d'Afrique par des généraux romains : L. Statilius Taurus: 30 juin 34;L. Cornificius : 3 décembre 334;L. Autronius Paetus : 16 aott 28; L. Sem-

51. G. Ceurg Masslnlssa..., in Libyca, 1960. 52. C€tûe constatation de fait, s'appuyant d'ailleurs sur les luttes sans merci qui ont opposé les uns aux autres les rois indigènes pour le plus grand profit de Rome (Massinirsa contre Syphax: Iugurtha luttant @ûtre ses cousins et trahi par son beau-père; Bocchus contre Bogud), a donné naissance aux développements de l'historiographie traditionnelle sur < I'esprit de sol > chez les Berbères. Ainsi, S. Gsell écrit : < Les Africains éprouvent un besoin impérieux de se détester et de se battre, et, pour satisfaire ce besoin" toutes les occasions leur sont bonnes : telle est la raison profonde de la plupart des querelles religieuses, mouve' ments sociaux, troubles politiques qui ont éclaté parmi eux. > (S. Gser-L, in MEFR, 19M, p. 343.) 53. Fastl Triwnphales : CIL, Ê, p. 50, 76 (- lil, XItr, 1, 569); S. GssLL Hlstobe..., VlI, p. 197 ;P. RoMAxBLt I, Storfu.,., p. 175 et s. 54. D'après IIt; 32 d'après Clt. 58

La nchqche drm notmel orilre

pronius Atratinus : 12 octobrc 21:' L. Cornelius Balbus : 27 mars 19. Si peu qu'on sache sur les opérations militaires répétées qui ont fourni I'occasion de tant de triomphes, leur simple énumération apparaît éloquente. Peut-être convient-il de remarguer que le triomphe de L. Cornificius a lieu l'année même de la mort de Bocchus, s'est-à-dire au moment où le royaume de Maurétanie

devient la propriété du peuple romain; il est te.ntant de penser que la guerre menée par L. Cornificius est une sorte de ptéfiguration de celle qui sera menée, en 6 ap. J. C., par Cornelius Cossus contre les Gétules mécontents et inquiets de I'attitude du roi Juba -. Mab, à la vérité, il est difficile de savoir s'il s'agit de la part des Romains d'actions offensives, d'initiatives conquâ rantes délibérées, ou bien de ripostes, de représailles consécutives à des soulèvements indigènes. tr est impossible aussi de savoir quelles régions particulières, quelles tribus sont affectées par ces combats. On peut toutefois tenter de jeter quelque lumière sur le problème en envisageant les deux explications que suggère cette situation. En effet, ou bien il s'agit de mouvements dispersés, mettant en scène chaque fois un nouvel adversaire; il faudrait alors penser que ce mécontentement récurrent ttouvait, Inur se manifester avec cette régularité, de solides raisons dans I'affitude romaine 60. Ou bien, au contraire, il s'agit d'un duel prolongé avec une ou plusieurs tribus localisées (comme cela se passera dans la guerre contre Tacfarinas) et I'on peut alors s'étonner de l'acharnement et de l'âpreté mis de part et d'autre à poursuiwe la luffe, et en conclure que, pour l'initiateur de ces combats autant que pour son adversaire, cette lutte devait apparaître comme particulièrement nécessaire. Aussi est-il finalement secondaire de déterminer en cette natière les responsabilités initiales. Il est de fait, d'ailleurs, que cette incertitude sur I'origine immédiate des rtiff$1ga1s affrontements subsiste même pour les épi-

55. Drolr Clssrus, LV,28, 34, 56. On pourrait tpnser à une première tentative de cantonnement de certaines tribus. La résistance soutenue des populations concernées aurait amené les responsables romains à renoncer à ce type d'action, qui ne sera repris qu'après la < pacification > de lo province.

sodes mieux connus de ce duel, comme fintervention de

L.

Sem-

pronius Atratinus en, 2t et I'expédition de L. Cornelius Balbus contre les Garamantes, I'année suivante. I1 est inutile de revenir sur le déroulement de cette expédition, dont Pline a rendu compte avec un luxe de détails gui ne sont pas toujours très éclairants 8'. I1 nous sutfira de noter qu'elle concerne la région située entre les deux Syrtes, région propre à servir de base de départ, et le cas échfunt de refuge, aux tribus en conflit avec les troupes lomaines qui tiennent les confins méridionaux de la province. Il est sipificatif que la camFagBe de Balbus intervienne comme la demière d'une série, et par conséquent la plus décisive : c'est à ce tiûe d'ailleurs qu'elle a frappé plus nettement les imaginations et mérité d'être sauvée de I'oubli où les précédentes sont tombées *. Aussi peut-elle, rétrospectivement, projeter un peu de sa lumière sur la série qu'elle clôt. Si les Romains, aux prises avec une guerre toujours renaissante et désireux d'en finir, décident, après avoir choisi un chef particulièrement énergigûê o', de porter la guene en pays garamante, il est

57. PuNe,

fort

V, 35 et s. L'expédition a fait I'objet

différentes.

H. Lgors,

d'inûerprétatioas

iî RAf, 1954, p. 41-83, ænte de montrer

qu'il s'agit d'une véritable mission d'exploration qui se serait enfoncê, au départ de Cydamus, en plein oæur de I'Afrique jusqu'au Niger, en passant par le Tassili Nâgger, le Hoggar et l'Adrar, Des rapproche-

ments de noms anciens et modernes, des identifications hardies sont donnés pour justifier cette hypothèse, qui reste malgré tout peu vraisemblable. Plus mesurée dâns ses conclusions et plus conforne à Ia traditiou est l'étude de J. DnsaNcrs, in Rlt, 1957, p. 5-43, qui limite l'étendue de lexpédition de Balbus aux régions méridionales de la Numidie et de la Tripolitaine. P. RoMANBLLT, Storia..,, p. L77, est plus prudent encore, puisqu'il o'introduit dans l'expédition que le sud de Ia Byzacène et de la Tripolitaine. Voir aussi G. Celps, Massinissa..., it Libyca, 1960, p. 6; M. REqær, Rome..., p. 7Ù74. 58. Vrnarrs, Aen., YI" 79+795 z ... Super et Gararnantas et Indosl Proferet imperîum. 59. Sur L. Balbus, voir Gnoec, in PfRs, p. 11, no 1331 ; RE, fV, 1269 et s.; B. TnouessoN, Statthalter, I[, p. 11. Sur la stratégie de Balbus, qui constitue plusieurs colonnes capables de briser les efforts des tribus coalisées, voir J. DEsANcEs, iî RAf, 1957, p. 543. Sur les GaraJxrantes, qui ne sont pas de grands nomades, voir J. DBsANcEs, Catalogue, p, 93-96; C. Demers, The Garamantes ol Southem Libya,

Harrow, 60

1970.

Îa

recherche

dun nouvel ordre

craisemblable que c'est parce que, I'expérience aidaût, ils ont compris que là était peut-être la solution à leurs problèmes. tr est permis dès lors de penser que les Garamantes n'avaient pas dt être étrangers au déclenchement des premiers troubles, soit qu'ils y eussent activement participé, soit qu'ils eussent apporté leur soutien bienveillant aux combattants numides ou gétules plus directement engagés. Les victoires de Cornelius Balbus au pays des Garamantæ ne suffrsent pas à réduire ces derniers à t'inaction puisqu'on les retrouve attaquant, avec faide des Marmarides, la Cyrénaique, et repoussés par Sulpicius Quirinius. La date de cette attaque est inconnue, mù il n'est pas exclu qu'elle ait suivi de très près l'action de Cornelius Balbus : se voyant anêtés du côté occidental de leur territoire, les Garamantes se seraient tournés vers le côté oriental. A moins quï ne s'agisse au contraire d'une astion concertée des Romains visant à encercler et à prendre en tenaille la tribu, à lnest comme à louest uo. L'effort romain en ceffe circonstance ne fut pas complètement vain : quels que fussent leurs griefs et leus raisons de se battro, les diverses tribus africaines, après la défaite des Garamantes, décidèrent de s'abstenir de reprendre la lutte. Cetûe pause, qui devait durer une vingtaine d'années durant lesquelles ausune action d'envergure n'est signalée en Afrique fut sans doute mise à profit par les Romains poru mener à bien les travaux de ælonisation décrits plus haut u'.

-

-

L'accalmie s'achève sous le proconsulat de L. Passienus Rufus 0' dont la date doit être voisine de 3 ap. J. C., son consulat 60, Fr.onus, II, 31. Il n'est pas str que la guerre marmarique et lo gouvernement de P. Sulpicius Quirinus se situent en l'année 20 avant J. C. Des documeats nouveaux et des interprétatioas nouvelles modifient sensiblement la connaissanc€ que aous avions de ces événements : L. Ronarr, < La Guerre marmarique sous Auguste >, Hellenica, tg40,, Ib p, 7-17 i Hellenica, 1946, fr., p. 142. Une mise au point détailée €st faite par J. Deslnots, < Un drame africain sous Auguste, le meurtre du proconsul L. Cornelius Lentulus par les Nasamons >, Hornmages

à M,

Renard, coll. Iatomus, lO2, IIo

p.

202-213.

61. Notament l'@uvre de centuriation qui so poursuivra et s'étendra sous Tibère : S. Gsnrr, Histolre ancienne.,., VIII, p. t65, 229. 62. VeLLerus PArtsacur.ûs, 2, tl6,23 CIL, VIn, 16456 (- D, 120), 26580 (= D, 8960. Passieuus Rufus pfia le titre insoliæ de Imperator

Alricam obtînens (CtZ,

VIn,

rc456). Mais sa date est incertaine

:

étant de 4 av. J. C. De nouveau semble s'ouvrir une période de troubles, certes plus courte que la précédente, mais non moins significative : elle commencerait en 3 et s'achèverait en 6 avec

le betlum Gaetulîcum qui vaut les ornements triomphaux *.

Cossus Cornelius Lentulus Ici encore, des indications relatves à la campagne qui mit

à

fin

à cette guerre nous permettent d'en imaginer le probable déroulement. En effet, Dion Cassius - rend compte de ces événemeng

ainsi

:

Kol forto0tror t{r ze 'Iorl(q tQ pood\ei &10ôpevor xaT &po &zofiotvreq pi où xol oÔrol r5nb rôv 'Pcopcfcov &p;1eogor, Ènovéorrloov oùrQ xol rrlv re rpdolcopov ènôpOr1oo.,t xo'i oulvoùq xc,;l r6tr 'Pcopoiov Ènrorporetloavr&ç cArcw ù,néx' relvcy, rô re oûpzov ènr roooÛrov ènqu[ri0rldov ô6rs KopvriÀrov xôooov rôv xoæp1ood;"levôv ogoq l'r1td,c, re ènwvlooc, xol Ènovopl{qv &T' oùrùv

Ào6eîv.

(< Les Gétules, irrités contre le roi Juba et se refusant à tomber à leur tour sous I'obédience romaine, se soulevèrent contre lui, ravagèrent le territoire voisin de leur pays et tuèrent plusieurs des généraux romains qui leur furent opposés; bref, leur puissance s'accrut tant que leur soumission valut à Cornelius Cossus les honneurs triomphaux et un surnom'.. u) Les raisons du soulèvement gétule sont ici données explicitement : irritation contre qui n'est autre que celle des Romains la politique de Juba -, - et de ses conséquences sur le plan terrirefus de cette politique torial, c'est-à-dire refus d'être inclus dans la sphère d'influence romaine et de devenir, comme Juba, un instrument aux mains des Romains. Aux Gétulæ se sont joints les Musulames. Pour

cf. B. THouasor, Statthalter, II, p. 17. Sur son coûsulat, voir RE, XVIII, 2(D8, n" 6; P/Rl, UI, 15, no 111. 63. La date de ce triomphe, auquel est associé Juba II, est coonue grâce aux monnaies émises à cette ocçasion (rOOil année du règne : 6 ap. J.C.) : cf. J. MezeRo, Corpus Nwnmorum Numidîae Mauretaniaeque, Paris, 1955, n" 194198 G. 8E-89), no 282 (p. 1M). 64. Dron Cessrus, LV, 28, 34, 65. C'est !a première fois qu'il est fait mention do la mort de

généraux romains au cours d'une campape en Afrique. En outre, la multiplicité des généraux (oulvorô. Mais le texte d'Orose sur lequel s'appuie cstte assertton (Mtuulamos et Goctulos latius vagættes) se réfère sans doute moins à leur tactique qunà leur qualité de nomades voisins du territoire romain. Il importe donc de les contraindre à ne pas dépasser certaines limites ". Sans aller jusqu'à sroire que la guene ait commencé, comme le dit R- Cagnat, dès I'avènement de Juba6, on peut penser qu'elle continua de couver pendant I'accalmie consécutive au triomphe de Cornelius Balbus, pour reprendre avec ls événements qui motivèrent fintervention de Passienus Rufus.

Quels sont ces généraux romains dont Dion nous dit qu'ils furent tués ? tr n'est pas possible de le savoir. Mafu, dans un cas au moins, une hypothèse peut être faite : on sait que L. Cornelius Lentulus, consul en 3 av. J. C., mourut en Afrique o où il fut probablement proconsul'o à une date antérieure au triomphe de Cossus Cornelius Lentulus. Iæ.s conditions de ceffe mort mystérieuse ont été évoquées et examinées dans une récente étudet qui s'appuie sur une note d'Eustathe pour attribuer aux Nasamons la responsabilité du meurtre du proconsul *. Il semble en effet que Lentulus soit 66. R. Ceoner, LiArmée..,, p. 7. 67, Pwr. Onoss, Vl, 2t, 18 : îunc atam in Afrlca Musolanos et Gaetulos latius vagantes Cossus dux Caesqis artatis lînibus cohercuit otque a Romanls limltibus abstlnere metu conpulit. 68. R. Clomq LiArmée..,, suivi par M. R.lcrær, Rome..., p. 69, qui, dars sa Eaduction du texte de Dion Cassius, confond les Gétules avec les Maures. Il ne nous semble pas que Dion établisse une ooncomittance absolue entre I'avènement de Juba et le début des troubles : c'est évidemment contre la polltique de Juba, non conÉre sa personne, que les Gétules se soulèvent.

69. Jusrnvrnn, Inst., Do 25 : L. Lentulus, f...1 cum decederet in Africa 70. A. Penu ua Lrssrnq Fastes, I, p. 87 ; Gnolo, in pI& s, 1384, p, 3X7; P. RoururerLJ, Storla..., p. 1E3. Cepen, Eommages à Marcel Returd, TI, p. 197-213. 72. EûsrAræ,, Commentalrcs à la Pertégèse de Denys, v. 2(D-210, in Geogruphl Graecl Mlnores, éd. Muller, II, p. 253 : < Ilg firent 1Érh

moft dâns l'exercice de sa fonction de , c'est-àdire de proconsul, et qu'il ait êtê victime d'une rusc. Peut-être ne faut-il pas donner à cette note une importance décisive. Car, cornme le fait remarquer J. Desanges ta, Eustathe écrit à une époque fort tardive, au xlf siècle. Or, nous ne savoffl absolument rien de la source qui a pu lui fournir cette précision "' et de plus le nom de Lentulus n'apparalt qu'à la suite doune correction. Il est néanmoins permis, éfiarrt donné la remarquable coîncidence des sources et la compatibilité possible des dates, de penser que L. Cornelius Lentulus a trowé la mort durant la période de troubles décrite par Dion Cassius et qu'il a été wc' time des Nasamons tu, ce qui concorderait parfaitement avec I'activité ultérieure de Cossus Cornelius Lentulus contre les Gétules, principalement sontre des nomades localisés entre Sabrao. tha et la Grande Syrte, et voisins des Nasamons que, de nouveau, le La gavité de Ia situation tient au fait puisque méridionale, zone frontière soulèvement intéresse toute la région participent les Gétules de la y avec les Musulames des Syrtes u. Il serait illusoire de chercher une précision topographique véritable dans ces deux noms mais ils donnent une suffisante indication. A I'est, le soulèvement s'étend iusqu'à la région de Lepcis, puisqu'une dédicace à Mars Auguste y commémore la victoire de Cossus ?t. A I'ouest, le même soulèvement a dt mettre en branle les populations vivant au sud de la Numi-

die et de la Maurétanie

:

en effet, d'une part, c'est par une

révolte contre Juba que les choses ont commené "' ; d'autre part, des troupes de Juba ont participé directement à la répression.

par la ruse Rentulus [corigé en Lentulus], un stratège des Romains qui s'était rendu chez eux.

>

73. J. DssANoBs, loc. cît., p. 108 et n. 6. 74. Sur Eustathe, voir RE, 1909, VI, 2, col. 1452-1489. 75. Iæntulus ayant été tué par ruse, il faut supposer, avec J. Desangæ, < qu'il trouva la mort ûon sur le champ de bataille, mais à I'occasion de quelque eûtrewe avec les Nasrrnons >. 76. J. DBseNors, Ioc. clt., p, 2Ol-202. 77. Flonus, II, 31; Peur. Onosr, VI' 21, 18. 78. IRT, 3Ol (Epieîaphlca, t939, I, p. 99 = AE, 1940, 68) l provincia bcllo getulico liberata. 79. C'est ce que prouvent les monnaies frappées par Juba les 3lo et 32" qnnées de son règne (6-7 et 7-8 ap. J. C.). 64

Ia

recherche

tun

nouvel otdte

Iæ territoire des Musulames, dont les limites apparai$ent d'autant plus incertaines quoil n'est pas effectivement occupé, mais simplement parcouru, a donc une extensiorr remarquablement grande et il n'est pas surprenant que 1æ f,smains aient entrepris, avec ténacité, de la réduire et de la contrôler e. Cest probablo. ment le sens véritable de ce bellum Gaetulicum, qui, comme un grand nombre d'entreprises analogues menées par les Romains, se solde par un grignotage méthodique des territoires des irdigènes, moins par gott d'accroître le terrain conquis que par lm souci d'assurer la défense avancée des régions en voie de peuplenent et de transformation. Ce souci se traduit plus clairement encore quelques années après cette guerre par deux mesures sipificatives. D'une part, le camp des légionnaires de la III Augusta est installé à Amntacd.ara" et ætte installation de soldag dans le sud-est du teuitoirc des Musulames, bien que la date exacte nnen soit pas connue, peut raisonnablement être située dans les années qui suivent la victoire de Cossus Cornelius Lentulus. D'autre part, sous le proconsulat de L. Nonius Asprenas, c'est-à-dire en 14, une routo à usage stratégique est construite s, qui mène du camp de la légion jusqu'à Tacape (Gabès), en passant par Capsa (Gafsa), route qui coupe aux Musulames la liaison avec leurs voisins du sud-est, comme les Cinithii, et fait passer sous contrôle romain les hauts plateaux qui dominent la région des Chotts, à l'ouest de Ia Petite Syrte.

Le règne d'Auguste s'achève donc sur une transformation radicale de la situation politique, économique et humaine de I'ensemble africain. L'étape < carthaginoise >n c'est-à-dire celle 80. S. Gseu., Histoire.,,,

MEFR, 1958, p. 96-97.

VIII, p.

165,

n. 5; R- Cnrverrrgn, in

8L, IL/tl, I, p. 286. 82. CIL, VI{I, 10018, 10023, et p. 2307 i ILAI, 6541, IRT, 346. Sur les dates du proconsulat de L. Nonius Aspreoas, qui dura trois ans, différentes hypothèses sont possibles z 12-15 ou 13-16. Voir A. pl,u,u or Lessrnr, Fastes, I, p. 931, P. RoMANELU, Storta..., p. t86, 227; B. Tlrouassox, Statthalter, II, p. 19-20.

de I'occupaton restreinte et de la défiance, celle où l'ombre de la métropole punique paralysait encore I'imagination et I'initiative des responsables romains, est maintenant dépassée : elle a fait ptace à des conceptions nouvelles plus dynamiques, qui vont orienter I'action des successeurs d'Auguste. Ainsi, d'un côté, le mécanisme lent de la romanisation s'est mis pour de bon en marche et sa propre pesanteur I'entralnera sans cesse plus avanÇ de I'autre, les multiples populations dont la présence romaine dérange les habitudes et détruit l'équilibre ont commencé à manifester leur inquiétude par une opposition de plus en plus déterminée. Opposition qui se traduit, concrètement, par des alli4açss entre tribus qui décident de mener contre les troupes romaines des actions d'envergure : ainsi a commencé à naître la solidarité entre les semi-nomades des régions méridionales de I'Alrica et de la Numidie dnune part, et certaines tribus sahariennes d'autre part.

La résistance milinire

Africains et Romains : l'éguilibre africain traditionnel

La résistance militaire résulte d'un équilibre rompu. Comme tous les groupements humains qui n'ont pas adopté, volontairement ou non, le mode de vie qu'implique une civilisation urbaine c'est-à-dire celui d'une société entretenue vaille que vaille- par la dépendance où elle maintient les ruraux qui la font viwe I'Afrique, telle que I'ont trouvée les Romains, connalt un -, équilibre qui repose sur la coexistence de modes de vie divers : sédentaires et nomades ; gens de la plaine, gens de la montagne et gens des hauts plateaux; habitants de la steppe ou habitants du désert. La répartition de ces populations obéit très grossièrement au schéma suivant : les sédentaires sont des Maures et des Numides, les nomades sont des Gétules et des Garamantes. Les Maures occupent la partie occidentale de l'Afrique du Nord, entre l'Océan et la Mulucha, les Numides en occupent le centre et I'est, à I'exception des territoires carthaginois : Masaesyles entre la Mulucha et I'Ampsaga, Massyles au-delà. Les Gétules et les Garamantes occupent au sud les steppes et les régions désertiques'. 1.

G. Ceups, Massinissa, loc. clt.; pour un essai de localisation

des

6t

Cette description est bien entendu trop simple pour être il n'y a entre les peuples et les modes de vie aucune frontière tranchée : dans la mesure où la différence des types de vie est commandée pal les conditions géographiques et topographiques, des nuances, des transitions, des variations se maintiennent n. Ainsi, la répartition entre nomades et sédentùes provient à I'origine de l'opposition entre pays arrosés (plaines côtières, montagnes) où I'agriculture, donc la vie sédentaire, est possible, et pays non arrosés où le nomadisme est une nésessité. Mais des phénomènes comme les invasions, ou simplement les aléas d'une politique, peuvent déplacer les frontières entre les deux zones sans que les conditions physiques aient été modifiées'. Quelle a été l'influence de la politique romaine sur cette organisation délicate, modelée à la fois par des nécessités d'ordre géographique déterminantes, et par le souci de rendre plus supportables ces nécessités (souci qui amène à composer avec les groupes humains rivaux, à coopérer même pour tirer d'une situation difficile le meilleur parti) ? Volontairement ou non, I'autorité romaine affecte d'ignorer les iustifrcations profondes de certaines réalités, comme le nomadisme n. Que les nomades soient en majorité éleveurs, qu'ils jouent, du fait que leurs déplacements sont le trait d'union nécessaire entre les sédentaires des oasis et ceux du Tell, un rôle exacte. En fait,

économique considérable, ces données élémentaires sont parfois oubliées ; on leur substitue habituellement f image stéréotypée du pillard saharien à I'afftt de rczzoa. Or, il semble bien que ce

tribus africaines, voir

J. Drsxrces, Catalogue des trîbus africaines

de fAnfiquité classique à I'ouest du Nil, Dakat' 1962. 2. J. Despols, < Géographie et histoire en Afrique du Nord >, Mélanges L. Febvre, l, p. I9l et s. Si lbn peut considérer comme importante I'influence de la tature sur le comportement humain, il ne faut évidemment pas pour autant réduire I'histoire à l'application mécanique d'un déterminisme géographique promu au rôle de fatalité. 3. J. Bruunps, La Géographie humaine, Paris, 1956, 3'éd. (abrégée),

p. l7l,

172.

du problème est exposé dans le vieil ouvrage de A. Brxuanp, N. Lecnorx, EEvoltttiort du nomadisme 4. L'aspect proprement algérien

en Algérie, Alger-Paris, 1906. 70

L'équillbre aldcain tradiîion,el

gott du pillage, si décrié, ne soit en fait que la

conséqueûce

d'une situation intenable. En effet, si I'on sait que la mobilité, c'est-àdire le déplacement saisonnier des troupeaux en fonction des besoins d'abreuvage et de pâturage, est conditionnée par le souci d'utiliser au mieux une végétation discontinue, on comprendra que tout obstacle, toute entrave à la liberté de mouvement soient intensément ressentis. Or, aux obstacles naturels qu'étaient les chaines de montagnes comme I'Aurès ou I'Atlas, et que des vallées peûnettaient de franchir sans difficulté excessive, les Romains ont ajouté des obstacles plus sérieux :

1. D'une part, ils vont tenter de contrôler, de limiter les mou; la construction de routes militaires, comme celle de

vements

L. Nonius Asprenas en plein pays des Musulames, I'installation de soldats ou de postes avancés aux points d'aboutissement des grandes pistes sahariennes ferment partiellement aux nomades les voies de transhumance qui les menaient vers les plaines du Constantinois. L'organisation du limes, dans sa phase la mieux élaborée, parviendra à verrouiller les accès que la nafure avait ménagés : à I'extrémité orientale du Hodna, la large trouée est fermée par le limes Tubunensis ; au sud de la trouée de Biskra estle lirnes Gempllensîs; et, barrant la vallée de l'Oued el Arab, s'élève le limes Badewis. 2. D,a'ulae part, les Romains, une fois entrés en possession de certaines des zones soustraites aux nomades, les transforment en teres de culture. Ils sont alors amenés à en renforcer la protection puisque, par un mouvement naturel, les tribus depossédées continuent à vouloir utiliser leurs chemins traditionnels. Une fraction de plus en plus grande est ainsi lentement conduite à I'asphyxie, et réduite, pour l'éviter, à venir battre incessamment et parfois se briser momentanément sur le môle du lîrnes6. Mais les nomades ne sont pas les seules victimes de I'entreprise

dt voir ses besoins essentiels ignorés ou entravés, ce sont les montagnards 8. Car si,

rcmaine. Une autre catégorie d'indigènes a

5. L'organisation

dt

limes sera examinée ultérieurement.

6. C. Counrors, Les Vandales et fAîrique, Paris, 1955,

p.

100. II

jusqu'à l'époque des Sévères, la politique romaine est de refouler vers le sud et l'ouest les nomades et de donner à la vie sédentaire les terres confisquées, elle a par la suite tenté de modifier aussi la vie des montagnes ; de même qu'elle a essayé de briser la solidarité du Saharien et du Tellien, elle a tenté de couper le montagnard de son exutoire naturel, la plaine. C'est en effet une règle quasi générale en Afrique que les populations des montagues débordent sur les plaines ". Ainsi, l'on voit, tout au long du Tell, que les habitants des zones montagneuses annexent

parfois une frange saharienne; I'exception la plus notable à cette règle est constituée par la moitié la plus orientale de la Dorsale tunisienne qui tombe trop abruptement pour avoir des liens avec les terres qui la bordent. Mais ailleurs, les choses se passent différemment suivant le degré d'humidité de la montagûe. Ou bien les massifs reçoivent assez d'eau pour que la vie et la culture y soient possibles ; dans ce cas' les montagoards descendent chercher dans la plaine des pâturages d'hiver et ensemencent de larges surfaces dans les zones d'épandage des oueds. Ils peuvent parfois se heurter à la concurrence des noma-

des qui utilisent des terres dans la même région. Ou bien les massifs sont moins arrosés : ils sont alors peuplés de seminomades qui vont hiverner dans le Sahara avec moutons et chèvres. Cet état de fait va subir, du fait de la présence tomaine, des modifications'. Au r* siècle, le limes se défie des montagnes : depuis Lepcis en Tripolitaine, il longe la Petite Syrte jusqu'à Gabès; de là, il oblique à l'ouest vers Gafsa, continue jusqu'à Theveste et longe la bordure nord de l'Auês et des monts du Hodna; il longe ensuite la vallée du Chelif en suivant le fleuve, le versant nord du Tessala, et rejoint la côte à Rusaddir. Rome ne voit encore dans la montagne qu'un rempart derrière lequel elle s'abrite tout

f.

Dnspots, < La Bordure saharienne de lâlgérie orientale >, RAî, 201 ; voir aussi m., < Géographie et histoire en Afrique du Nord >, MéIanges L. Febvre, p. 193 : le jeu subtil qui se joue entre montagnards et gens de la plaine, sous I'influence des nomades, y est

7.

L942,

p.

finement mis en lumière. 8. Ces modifications, mal assimilées par ceux qui en sont victimes, les conduisent à I'inadaptation : sar les habitants gardent longtemps des habitudes qui no correspondent plus à la nouvelle vie. 72

L' êqulllbre aldceln tailttionne,

en surveillant de loin les postes du Sahara. Après Trajan, commence à se concrétiser I'occupation des montagres. Des garnisons actives ou des troupes de vétérans occupent des positions d'où I'on peut surveiller et commander un massif susceptible d'être troublé. C'est ce qui se passe autour de I'Aur&, dans la Grande comme dans la Petite Kabylie, aux abords des massifs du Dahra et de I'Ouarsenis. Au ut' siècle, le lirnes s'est transporté sur la bordure méridionale des massifs ; et même, sur une partie de son parcours, il enjambe cet obstacle et annexe, par-delà les Nemenchas et I'Aurès, une bande de terre comprenant la totalité des Zban et du Hodna. Cette bande de terre, qui bénéficie en effet des eaux du Tell, est propice à la culture; elle est donc pour les montagnards particulièrement précieuse. Rome n'hésite pas, pour asseoir son contrôle, à créer des postes en plein Sahara, là

où se trouvent les principaux points d'eau, là où

viennent s'épandre les oueds descendus du Tell. Une fois de plus, I'harmonie naturelle entre types de vie complémentaires se trouve brisée; il n'est pas surprenant que les montagnards deviennent remuants quand se resserte le corset dont on menace de læ étouffer. Il était nfuessaire d'exposer, même rapidement, ces faits très généraux pour comprendre le sens de la résistance de certains Africains à la romanisation.

2

Menaces contre l'ordre augustéen

1. Les semi.nomsdes face aux emplétements romains : Tactarinas Les troubles suscités par I'annexion de la future Numidie, les victoires militaires consécutives à ces troubles avaient transformé à la fois la situation sur le terrain et la stratégie romaine. Ainsi la nécessité d'asseoir I'occupation militaire sur des bases solides avait dicté la construction de la voie d'Haidra à Gabès par Gafsa, ce qui impliquait la mainmise effective de l'autorité romaine sur une grande partie du Sud tunisien. Ceci se traduit, pour les tribus semi-nomadesn habituée.s à se retirer dans les montagnes en été et à passer I'hiver dans la steppe, par I'impossibilité de continuer leurs déplacements saisonniers. Les Musulames, qui avaient déjà vu leurs terres réduites par Cossus Cornelius Lentulus (... Musolanos et Gaetulos [.,.] ûtatk fidbus cohercuit, dit Orose'), se trouvaient maintenaot privés, par la nouvelle route, d'une bonne moitié de leur tenitoire. Cette dépæsession, qui intervient tandis que par ailleurs s'effectue I'inventaire ordonné par Auguste des ressources de la province â,

l. Peur, Onose, VI, 21, 18. 2, De la même façon, en Gaule, les opérations de cens avaient

été

détermine les Musulames à reprendre la lutte. Ils le font donc, mais la gueûe qu'ils vont mener semble différer profondément des mouvements qui favaient précédée sous le règne d'Auguste ". Les Musulames en effet ne sont pas une banale tribu comme il y en a tant dans I'Afrique romaine et indigène. Plutôt qu'une tribu, c'est sans doute une confédération : lnon connait l'une des composantes de cette confédération, la tribu des Musulames o. Son imporGubul o que mentionne un texte de Theveste tance ne date pas de I'Empire, mais remonte bien au-delà dans I'histoire africaine. Bien qu'ils ne soient pas nommés par Salluste, qui s'est peu soucié de donner les noms des tribus africaines, ils durent prendre une paxt à la guerre de Jugurtha; en

effet, la ville de Thala, qui est sur le tenitoire de la confédération musulame, était acquise à Jugurtha, et elle ne fut prise,

une longue résistance 0. L'importance des Musulames est due à la taille et à la place de leur territoire' : ils possèdent en effet la plus grande partie du bassin du Muthul (oued Mellègue), vaste zone aux multiples utilisations possibles, et dans laquelle I'administration saura tailler pour constituer des domaines publics et privés, des cités et des mar-

par Metellus,

qunaprès

chés. Le début du r" siècle marque pour les Musulames un tournant : ils se décident à la résistance armée, mais à une résistance

d'un type nouveau. Pour la première fois en effet, des Africains vont tenter d'emprunter aux Romains, très maladroitement sans

I'occasion de soulèvements : TrrB-LIvq CXXXV, CX)O(VII :, Tumultus qui ob censum evortus in Gallia erat, 3. M. Rncrrsr, Ron'te..., p. 82-122, aoalyse point par point le déroulement de la guerre de Tacfarinas. 4. G. Curæs, Massinlssa..., in Libyca, 1960, VIII' p. 251-252. Et émettant ltypoth&e que les Musulamqs forment une confédératioa, G. Camps rapproche le nom Gubul de a celui du djebel Goubeul et de I'oued du même nom >, < à I'est de Feriana > (p, 252). Par ailleurs, lun des membres du collège des tuvenes de Mactar porte le norn de Gubul, fils de Mazbal (G. C. PIcnnp, Clvttas Mactaritana, in Karthago, VIII, p. 77). Ot ûe IEut que coûstater cetûe analogie onomastique.

5. rLAt, 3t44. 6. Smusrr- Bell. lug., LXXV, L)O(VI. 7. Sur le territoire des Musulames, voir J. Drsarcrs, Catalogue des tibus africaines de lAntiquîté classique à louest da Nil, Dakar' 1962,

p. 76

ll7-l2l

(cité ensuite

:

Catalogue).

Menaces

conte foùhe angwtéert

doute, mais avec une indéniable déterminatiorf une partie de leur technique guerrière. Armement, organisation d'unités diversifiées, utilisation d'une tactique adaptée aux circonstances mouvantes du combat, autant d'éléments qui donnent à sette guere de sept ans une importance particulière dans fhistoire de la résistance africaine à la romanisation'. La guerre qui va commencer en 17 sera tout entière dominée par la personnalité de Tacfarinas. Celui-ci, qui avait servi dans I'armée romAine dans un corps d'auxiliaires sut metûe à profit les leçons qu'il avait apprises auprès des Ro6ains pailr les retourner contre eux'. Sa compétence, dont témoignait I'organisation paramilitaire qunil avait su donner aux premières < bandes > dont il s'était entouré après avoir déserté l'armée 1s6eins, lui valut de devenir, après ses premiers succès, chef de la puissante tribu des Musulames. Peuçêtre y a-t-il là autre chose qu'un hasard, autre chose que la rencontre fortuite d'un condottière en mal de troupes et d'uns fiibu en mal de pillage. Ifest-il pas plus logique de penser quî s'agit d'une union dictée pax une conscience claire des nécessités de la situation ? Pour les Musulames, en effet, la guerre était inévitable, puisqu'elle devait pexmettrs de récupérer les terrains de parcoun indispensables à la survio de la tribu dans son mode de vie traditionnel. Or, cette guerre, sentie co"nme vitale, ne pouvait être menée avec leg moyens et les méthodes traditionnels (pillagas, sÀzzia., etc.), dont l'inefficacité relative avait pu apparaître tout au long du règne d'Auguste. tr était donc normal qu'uûe gueffe qui avait chnngé

-

-,

8. Cest sans doute en raison de cefie importancs et paf, référence - les quo Tacite domo, daos dea - déroulement des opérations :Annales, comptes rendus réEgliers du II, 52; trI, 20,21,32,73,74;IY,23,26. tr le fait dann uû style tr& sallustieo (d. R. S\ndE, Tacltus,I, p. 353). Il est curieux de noter que ni Dion Casiug

au Jugurtlu de Salluste

Suétone ne s'intéressent à cette guerre, à l,aquelle Aurft.rus Yrc'ron, II, 3 ne fait qu'uno brève allugion Il ne nous parait pas indispensable d'ox1nser et de commenter dans Io détail les diverseo indications donnéer par Tacite, se travail ayant plusieurs fois été fait" tr nous s@ble pr6férablo de tenter de placer ces faits, déjà bien connur, dans un éclairage légèrement

ni

différent.

9. Le passage à la rebellion d'un aocien officier d'auxiliaires e$ un : voir les exemples famsux de Vercing6torix ou

phénomène fréquent

d'Armidue.

de sens changeât aussi de méthode : I'appel à Tacfarinas n'est que la conséquence de cette transformation, le symbole d'une volonté déterminée de résistance. Ainsi seulement peut s'expliquer la durée exceptionnelle de la guerre, et son extension, qui sont, I'une et I'autre, saili commune mesure avec les < opérations de brigandage > que lqs autorités romaines (ainsi que Tacite, qui rapporte leurs paroles) affectaient d'y voir. Il semble bien tout d'abord que le déclenchement des opérations n'ait pas été improvisé; il fut sans doute préc6dé d'une préparation, que nous dirions diplomatique, fort sérieuse. En effet, Ies Musulames ne se lançent pas seuls dans la bataille. Pour éviter d'être tournés sur leurs ailes, ils s'allient à I'ouest avec des Maures, command& par Mazippa, à I'est avec les Cinithi, proches des Syrtes'o : une sorte de front s'étendant des confïns méridionaux du royaume de Juba jusqu'à la Petite Syrte est ainsi créé. A I'intérieur même de ce front, rme sage < division de travail > est aménagée : les troupes de Tacfarinas sont organisées à la romaine, avec des unités de fantassins et des ailes de cavaliers, habitués à manæuvrer en otdre, bien formés et bien enhalnés; les troupes de Mazippa, elles, restent frdèles à la tactique traditionnelle des cavaliers maures qui fondent sur I'ennemi et le harcèlent en groupes légers, mobiles, insaisissables. En se réservant ainsi la possibiûté de jouer sur les deux registres, et de mener alternativement, selon les circonstances, deux types de combats, Tacfarinas comptait sans doute embarrasser le commandement romain et bénéficier de I'effet de surprise que ne manquerait pas de provoquer chez l'ennemi cette organisation bifide. Ainsi préparé diplomatiquement et militairement, Tacfarinas, en, 17, ne craint pas, lorsque le proconsul Furius Camillus entre en campagne contre lui, de livrer bataille à découvert, alors qu'il aurait pu éluder le combat. Mais cet acte d'audace, quoique

appuyé sur un dispositif qui ett pu en garantir le succès, se ftvêla présomptueux, ou peut-être szulement prématuré : dans

10. ProrÉuÉp,

N, 3, 6. Peut€tre faut-il les identifier avec les

Gétules voisins des Syrtes combattus par Cossus Lentulus en

(Flonus,

II,

Musularnes. 78

5

ap. J. C.

31). Ce ne serait donc pas leur première alliance avec les

Metuces contre l'or.lre augustéen

une bataille de type classique, la supériorité de I'expérience romaine sur la neuve discipline des Musulames ne se démentit pas. Furius Cami[us remporta là une victoire qui lui valut les ornanænta trtumphalia et l'érection d'une statue à Rome. Juba tr avait dt, de son côté, participer directement ou indirectement à cette opération, puisqu'il frappe en 1.8 des monnaies à I'effigie de la victoire ". Tacfarinas avait perdu sa première bataille ; il se retira pour préparer, avec des forces nouvelles, la bataille suivanûe que de multiples escarmouches durent précéder entre 18 et 20. On en connaît le plus célèbre épisode, la défaite de la garnison romaine qui tenait un fort proche du fleuve Pagyda". Ce petit désastre, qui illustrait d'une manière significative I'insécurité de la région et la vulnérabilité des positions romaines, détermina le commandement romain à prendre des mesures : une nouvelle légion, la IX Hîspana, prise sur l'armée de Pannonie et commandée par P. Cornelius Lentulus Scipion fut envoyée pour renforcer les troupes du nouveau proconsul, L. Apronius'". Lorsqu'en 20 Tacfarinas tente la prise du fort de Thala (le même probablement que I'actuelle Thala, non loin d'Ammaedara), il subit un échec dont il sut rapidement tirer la leçon : il fallait changer de tactique, abandonner I'espoir de batfte les Romains dans leur propre spécialité, revenir donc au harcèlement, multiplier les opérations et répandre la guerre sur lnensemble du territoire. Ce qui fut fait : spargit bellum, dit Tacite de Tacfarinas. Ce petit jeu toutefois ne dura guère ; alors qu'il s'était retiré non loin de la côte ra, Tacfarinas est attaqué par su4lrise, et une colonne légère commandée par L. Apronius Caesianus, le frls du proconsul, lui inflige une défaite assez grave pour le contraindre à se retirer une nouvelle fois. Le proconsul obtient

to

ll.

L.

&lAzeRo, Corpus Numrnorum Numidiae Mauretaniaegue, p. g9, p. 104, n" 284, Date de ces monnaies : la 43" année du

202-203;

règne.

12.

M. Racuer, Rome-' p.

97-98, s'étend longuement sur l,épisode.

13. Tacrrr, Ann,,fl[,9; IV,5. 14. Postquam deflexit ad marltïmos locos (ibid.,

lll,

2l).

les ornamenta triumplmlia et une statue, tandis que son fils reçoit le septemvirat epulonurn'u. Cette victoire pourtant n'a rien résolu

: la situation était

toujours aussi grave et I'empereur Tibère aussi bien que le Sénat souhaitaient I'envoi en Afrique d'un homme capable de mettre Tacfadnas hors de combat. Ce fut finalement sur ordre de Tibère que le Sénat, qui essayait d'engager le moins possible sa responsabilité, choisit Q. Junius Blaesus, I'oncle de Séian'u. Son gouvernement est marqué par quelques faits d'importance. Le plus sigrrificatif est sans doute la tentative faite par Tacfarinas pour négocier avec Tibere. Tacfarinas, quoique vaincu à deux reprises, pensait apparemment se trouver en posi-

il avait fait la preuve' sinon de son invincibilité, du moins de son aptitude à faire durer indéfiniment la guerre et à en sortir indemne avec des forces renouvelées. tion relativement forte :

Conscient de l'inutilité de la poursuite d'opérations dont aucune n'est déterminante, il propose un accord et demande, pour cesser les combats, l'octroi des terres pour lui et son armée. Il s'agit sans doute de ces terres dont l'avance de la domination romaine avait privé les Musulames ; la requête de Tacfarinas éclaire donc rétrospectivement ses véritables buts de guerre. Mais, si fondée qu'elle ft! elle devait nécessairement apparaitre sonme scandaleuse à Tibère, qui affectait de ne voir en Tacfarinas que le déserteur et le brigand qu'il faut, non pas écouter, mais punir. Il semble pourtant qu'à Rome comme en Afrique certains commençaient à se lasser de cette guerre qui portait préjudice à leurs activités : des commerçants notamment " reprirent leur

fructueux négoce avec les Musulames et certains passèrent devant les juges pour cette raison. Il serait à coup str excessif et hasardeux de tirer parti de cette observation pour en conclure qu'il existait à Rome un parti prêt à faire la paix avec Tacfarinas; du moins est-il légitime de dire que la guerre qui durait depuis plusieurs années devait léser sérieusemsnt quelques intérêts romains et qunon devait souhaiter dùN ssltains milieux la reprise de relations normales avec les régions où sévissait

(:

D, 939). 15. CIL, X, 7257 16. Tncrrs, Ann,, lIJ' 58. t7, Ibid.,IV, 13 : il s'agit de Carsidius Sacerdos et de C. Gracchus, qui furent tous deux acquittés. 80

Menaces contrc

lordre

augustéen

1t. Peut-être est-ce là ce qui explique, au moins en partie, la tentative faite par Q. Junius Blaesus, de détacher les < rebelles > de leur chef en leur promettant le pardon s'ils se ralliaient. Tentative qui fut, au dire de Tacite, suivie de quelque succès : I'ocûoi de tere.s récompensa peutétre ces transfuges re. La capture de Tacfarinas restait néanmoins le but principal du proconsul qui, instruit par les échecs et les demi-succès de ses prédécesseurs, décida d'adopter la tactique de son ennemi, Cest-à-dire cellelà même qui avait permis aussi à Metellus et Marius de venir à bout de Jugurtha : le fractionnement des troupes en plusieurs corps très mobile.s. Trois colonnes sont formées : celle de I'est, protégeant les Syrtes, celle de I'oues! destinée à défendre le territoire de Cirta, celle du centre enfin, chargée de la Égion de Theveste et Ammaedara. La tactique réussit en partie à affaiblir Tacfarinas. Blaesus, slu sa lancée, fractionne encore ses troupes, et en plein blet (22.23) n'hésite pas à faire campagne, ce qui lui vaut quelque sucês. Mais Tacfarinas, dont le frère est tué, reste insaisissable. Lassé, et sans doute dfuu, Blaesus quitte son commandement, pourvu bien entendu des ornements triomphaux et de la statue, qui avaient déjà récompensé les éphémères succès de ses deux pré-

la guerre

décesseurs.

Quand arrive, en juillet 23, le nouveau proconsul P. Cornelius Dolabella, la situation de Tacfarinas snest nettement modifiée æ. D'une part, la mort de Juba II a mis sur le trône de Maurétanie le jeune Ptolémée dont le comportement provoque la colère et le mécontentement chez les Maures ; d'autre part, Tacfarinas a réussi à obtenir la participation effective des Garamantes et de leurs troupesn sans compter celle de nombreux mécontents issus de I'Afrique même. Ainsi la presque totalité du sud de f Afrîca se trouve liguée contre les Romains. En outre, le rappel par Tibère de la lX Hispana en Pannonie dégarnit partiellement le ftont africain. Tacfarinas, décidément fort habile dans tous

18.

M. Recær,

Rome,..,

p.

106108, accorde une importaoce bien

trop grande, nous semble-t-il, à set 19.

Voir à ce

zuieÇ

la

épisode.

discussion pax

R. Clcrrer, IlArmée,.., p, 2G

21, au sujet de I'attitude de Tibère à l'égard de Junius Blaesus. 20. Ttcrre, Ann., N,23.

les domaines, ne manque pas de tirer argument de cette béwe. I1 y voit, ou feint d'y voir, la preuve que l'Empire est aux abois et que I'Afrique est bonne à prendre. Il alimente une sorte de campagne de propagande sur ce thème ". Le fait de recourir à une campagne de cet ordre est particulièrement intéressant, en ce qu'il traduit I'aptitude de Tacfarinas à penser en termes de stratégie globale, et à définir la situation africaine dans le cadre plus vaste des difficultés que connaît Rome avec son empire. Ici encore, nous voyons à l'æuv.re non le chef turbulent d'une horde de pillards, mais un dirigeant avisé, bien informé, luffant, avec souplesse et ténacité à la fois, au service d'une cause précise.

a

Il

est vraisemblable que

encouragé Tacfarinas

la corncidence d'événements favorables

à reprendre I'initiative

des hostilités

contre Dolabella et même de tenter de porter un gmnd coup g'esf-l-dire presque contre celui-ci. Le siège de Thubuscr.trl paralt corespondre certainement Thubwsicu Numidarupz' à cette ambition. Mais la résistance de -la place et I'arrivée de Dolabella obligent Tacfarinas à lever le siège et à se réfugier près d'Auzia (Aumale). La phase ultime de cette interminable guerre commence alors. Dolabella reprend la tactique de Blaesus et forme quatre colon-

nes, dont une comprend les auxiliaires fournis par Ptolémée. Quelques chefs musulames, sans doute ceux que les promesses de Blaesus avaient ralliés à I'autorité romaine, ayant fait mine de fléchir, il les fait exécuter pour s'assurer la fidélité des hommes. Puis, à la hâte et par surprise, il se porte contre Auzïa où se déroule la dernière bataille, qui voit la mort de Tacfarinas et la

fin de la guerre *.

L'échec de Tacfarinas est lourd de conséquences : non seulement les tribus soulevées ne récupèrent pas la portion de

2t. Ibid., tv,

24.

22. R. SyME, < Tacfarinas, the Musulamii and Thubursicu >, Studles in Roman Economîc and Social History in Honor of A.C. Iohnson, Princeton, 1951, p. ll3 et s. 23. Des détails sur cotte otrÉration, et sur le massacre qui suivit sont donnés avec abondance par Tncrre, Ann., TY, 25. Par ailleurs, Dolabella fit graver des inscriptions honorifiques, dont une a été retrouvée à Lepcis. Sur cette dernière (AE, 1961, 107), voir R. Benroccrm, Epigraphica,1958, )OÇ p. 3-15. 82

Menqces contre Yorilre qugustéer,

ten'itoire qui leur a été enlevêe, mais enoore le,s autorités romaines, tirant le legon dæ années de lutte, éændent plus loin encote

leur zone d'occupation, ooûlme le prouve l'@uvle de centuriation poursuivie par la légion sous le proconsulat de C. Vibius Marsus'4. La voie Tacape-Ammaedara < ne pouvant jouer à la fois le rôle de ligne frontière et de cordon ombilical de la légion * >, il était nécessaire de s'assurer le contrôle des terres situées au sud de cette voie. C'est pourquoi apparaissent, dans les annéss 29-30, des cippes de bornage'u au notd du chott El Fedjedj ainsi qu'entre le chott et le Tebaga : l'empire a donc fait annexer, recenser et délimiær ces terres. Le bornage a une double utilité : il est la marque concrète de l'aszujettissement à I'autorité romaine, et il donne aussi un cadre et une base de calcul pour la perception de l'impôt. Mais fifférêt de I'annexion dest pas seulement économique, il est aussi militaire : en avant de I'ancienne route frontière commence à se constituer en profondeur une zone de sécurité. On peut penser que cette zone comprenait aussi une partie de l'ancien territoire des Cinithii qui jouxtait celui des Musulames ". La première tentative de résistance organisée à I'avanca romaine se traduisait donc par un échec; mais la défaite de Tacfarinas ne suffisait pas à régler définitivement le problème du semi-nomadisme berbère qu'il va s'agir désormais de cantonner dans des limites étroites et contrôlées : ce sera la tâche qu'accompliront les empereurs jusqu'à la fin du r"" siècle. Certaines des initiatives prises durant le déroulement de la guerre devaient faciliter cette tâche. Nous savons etr effet que Blaesus, qui le premier avait eu I'idée d'opposer à Tacfarinas des troupes légères et mobiles, avait aussi, pour tenir en échec les tribus, renoncé à ramener ses troupes dans les camps d,hiver et les avait dispersées dans divers postes fortifiés couvrant fensemble du théâtre des opérations æ. Le développement ultérieur de ces 24. Loe inscriptions relatives à cetto opération sont utilirées dans les travaux de J. Tomanv, < Le Cadastre de l,Afrique romaine >, MAI, t907, )iin" \ p. 34t et s. ot de W. Benrrær-, < Rômische Llnitation >,

Bt, tgtl,

120, p. 39. 25. J. Benaonz, Fossatunt..., p, 172. 26, CIL, VIII, 22786; R. Cnrvar-r.rnn,

27. J. Drsar,rces, Catalogue, p. 86, 28. Tecrrr, Ann., UL, 74.

in MEFR, l95g, p. 9Z-101.

forts peut être reconstitué dans ses grandes lignes avec quelque sluvraisemblance. De par la fonctioq qui leur est assignée ces forts- furent veillance constante des mouvements des tribus

durant une longue période indispensables. -Par la force des choses, sqtains furent amenés à s'enraciner plus profondément dans les zones qunils étaient chargés de couvrir; devenus installations permanentes, ils se transformaient naturellement en centres d'influence romaine. Un auûe facteur accroît encore leur importance dans ce domaine : il est légitime de penser que ses forts étaient établis à proximité des sources de la région et que cette situation privilégiée permettait l'exploitation des terres environnantes. Ainsi, des terres vierges se trouvent consacrées pour la première fois à une agriculture de subsistance. Nul n'. douæ que les indigènes aient trouvé là un modèle à imiter La guerre contre Tacfarinas eut aussi de l'importance sur un tout autre plan. Elle mit à nu le fonctionnement 6o 6$sanisme latent qui semble régler I'avance romaine vers le Sahara. Conscients de la nécessité de maitriser le Sahara pour tenir waiment leur conquête africaine, attirés en outre par les richesses de la zone tropicale, las Romains font de la zone saharienne un de leurs objectifs à long terme : fexpédition de Cornelius Balbus n'avait fait que poser un premier jalon. Mais on s'aperçoit que la poussée vers le Sahara est suivie, à plus ou moins longue êrhêance, par le soulèvement des tribus des steppes qui oblige les troupes romaines à faire temporairement machine arrière jusqu'aux marches méridionales de leur province.

Il

semble donc

qu'une certaine solidarité unisse des populations diverses : 80 I'alliance de Tacfarinas avec les Garamantes est significative à cet égard. Tout semble donc se passer comme si les Sahariens menacés avaient eu la possibilité de mobiliser les gens de la stepps porn détourner sur ceux-ci la menace romaine ".

29. T. R. S. Bnoucnrox, The Romanizstîon

p.9495. 30. Teote, Ann,,fr|,23.

ol Alrica

Procowularis,

1929,

31. De ce schéma, d6gagé par G. C. Prceno, I'a Clvilisation de tAlrique romalne, Paris, 1959, p. 374 (cité ensuite : Civllisatîon...), d'autres applications apparaltront par la suite.

u

Menaces contre

IL La double

lordrg

r6torme de Caltguta, derdère étape de

h

augustécn

conquêtc

La fin de la guerre contre Tacfarinas ayant ramené pour un temps le calme, tant aux frontières qu'à l'intérieur du territoire romain, il devenait possible, voire nécessaire, de réexaminer I'ensemble de la situation africaine. L'organisation à deux faces (province dnun côté, royaume vassal de I'autre) léguée par l'empirisme augustéen, et qui grâce à sa souplesse avait pu servir, un demi-siècle durant, de cadre

à

I'activité administrative

et aux initiatives

mittaires

des

Romains, commençait à laisser paraltre ses inconvénients. A I'est aussi bien qu'à I'ouest, des modifications de fait étaient intenrenues : développement des colonies, accroissement de la population, romaine ou romanisée, extension et consolidation de la puissauce romaine dans des zones rouvelles s. Autant d'éléments qui rendaient caduc, sur bien des points, l'équilibre augulF téen. De plus, du fait que I'Afrique croissait régulièrement en importance par rapport à Rome, la prudence conune I'habileté commandaient que le sort de la province fût tenu bien en main. Ces considérations perrrettent de mieux situer dans son cadre logique la double réforme de Caligula en Afrique * : celuici en effet crut nécessaire, d'une part, de retirer au proconsul ses responsabilités militaires en confiant la légion à un léga! d'autre part, de faire tuer Ftolémée et de mettre fin à I'existence du royaume de Maurétanie, désormais pris en charge directement par I'autorité romaine.

l.

La

d.ivision des pouvoîrs entre proconsul

et

légat

Elle ne fait que supprimer une anomalie. En attibuant au l'Africa et son corps d'æcupation, Auguste avait fait une ento$e à la règle par lui-même instituée. Certes, I'anoSênat

malie africaine avait ses raisons, que nous avons examinées plus

32, Yoir le bilan dressé par T. R. S. BRoUGÊToN, op. cit., p. 88 et s. 33. Aperçus intéressants de â. Momcr-reno, c Le personnalita di Caliæla >, Annall ilella R, Scuola Normale di Pisa (lett. stor. 1il.), ser. II, 1932, vol. I, p. 206-228.

haut. Quelles considérations pouvaient amener Caligula à opérer s une modification ? Nos deux sources en cette affaire, Tacite et s, mettent en avant la crainte inspirée à Caligula Dion Cassius par I'attribution du proconsulat à M. Silanus d'après Tacite, à L. Pison d'après Dion *. Cette crainte se justifie aisément, car la situation présentait un double risque. Dun côté, le proconsul, disposant de pouvoirs militaires étendus, pouvait devenir très 34. Tecrra, Hist., lV, 4E, 3-6 : Legio in Africa auxiliaque tatandis imperii tinîbus sub diuo Augusto

Tlberioque prîncibus proconsuli parebanl. Mor C. Caesar, turbidw animi ac Marcum Silanum obtinentern Africam rnetaens, ablatam proconsuli legionem rnisso in eatn rern legato tradîdit. Aequatus înter duos beneliciorum nunrcntg et mirtis utriusque mand.atîs discordla quaesita auctaqae pravo ceflarnine. Legatorum ius adoleult diutarnltate offîcîi, uel quia minorîbus maior aemulandi cura, proconsulurn splendlssimus quis-

que securttuti magîs quatn potentiae consulebant. [c Ia légion cantonnée en Afrique et les auxiliaires chargés de protéger les frontières de I'empire étaient, pendant le principat du divin Auguste et de Tibèrg sous les ordres du proconsul. Mais bientôl C. Caesar, I'osprit troublé et craigpant M. Silanus à qui I'Afrique était échue, erùeva au procoosul la légion et la confia à un légat envoyé à cette fin. Iæ nombre des beneficia fut partæé à égalité enfe les deux ; et les charges de chacun n'ayant pas été distinguées, on provoqua un désaccord qui s'augmenta d'une fâcheuse rivalité. Lo pouvoir des légats s'accrut du fait de la durée de leur office ou bien aussi pa.rce que le souci de l'émul,ation est plus grand chez les petits, mais les plus brillants procoûsuls se préoccupaient plus de leur tranquillité que de l'exercice de leur pouvoir. >l lzs : leçon adoptée par Goelzer; dans d'autres manuscrits, on trouve : ais. 35. Dror Clssrus, LD(, 20, 7 : 'Eaerôrl te Âodxro6 fl{oov ô t{6 te flloyr{vqç zol toô fvo{oo flloovoç olôç &pEor tfl6 'Agpwfl6 ÈæXev, ègo6r{0q pl1 veoteptorl tr ù:rô pelotrou1{cç d\)roq re *ol 6t bdvo;'trv no}rllr lol nolnrllv xcl levuc\v È!err' ëpetrle rccl ôl1a tô B0vo6 te{pcç étépq: td ts otpoootwrlv rccl tor36 Nop&ôoq toLrç nepl oôtô ztpooétof,e. [c Comme le gouverneur de lâfrique se trouvait être L. Pison, fils de Plansina et de G. Pison, il [Caligula] craignit que Pison, pouæé par son orgueil, ne tentât quelque mouvement, surtout quand il allait avoir à ea disposition une force considérable composée do citoyons et d'étrangers. tr divisa eû deux la province et confia à un autre chef I'armée et les Numides vivant autour. >l 36. Ce désaccord sur I'identité du proconsul a fait fobiot de diverses explications, dont on trouve I'essentiel dans P. Rouererr-r, Storta..., p, 248-249, et dans B. Tnouessou, Statthalter, I, p. ll. Sur l'ensemble du problème, M. BÉNenou, < Proconsul et légat. Le témoignage de Tacite >, Antiquités africaînes, 1972,W p. 129'136. 86

Menaces conlre

fordre

ailgustécn

s'il tentait de dresser son année contre I'empereur ou contre Rome. D'un autre côté, dans les circonstances diffrciles qui exigeaieut en Afrique la présence d'un général compétent, le choix du proconsul pouvait devenir une source de désaccord entre l'errpereur et le Sénat'?. Pour écarter ce double risque, et renforcer son propre contrôle, Caligula procéda à la répartition des pouvoirs. Le proconsul devint inoffensif, tandis que le légat, militaire spécialisé et dépendant directement du prince, pouvait se consacrer plus efficacement à ses obligations dangereux

guerrières.

La mesure nous paraîtrait sage et opportune si Tacite ne la jugeait au contraire blâmable. Tacite prétend que Caligula a volontairement cherché à provoquer un désaccord permanent entre le proconsul et le légat désaccord accru par la rivalité entre les deux hommes. Mais cette accusation n'est guère vraisemblable : que pouvait gagper I'empereur à une telle maûEuvre ? Il n'est pas str d'autre part que I'on puisse ascorder à ce pa$sage de Tacite une confiance totale : la manière dont il s'insère dans le texte, le rôle qu'il joue méritent une brève analyse.

C'est à propos de I'assassinat du proconsul L. Pison par les du légat Valérius Festus que Tacite fait allusion à la réforme opérée par Caligula. Pour expliquer ce meurtre, dit-il, < je prendrai d'un peu plus haut quelques faits qui ne sont pas étrangers à I'origine et aux causes des attentats de ce genré s >. L'ensemble du développement qui va suivre est dono très netûement orienté vers la mort de Pison. Il ne s'agit par pollr Tacite d'examiner en profondeur la réforme de Caligula et ses causes ; il s'agit seulement de montrer comment, en instituant en Afrique deux pouvoirs côte à côte, elle contenait en germe la rivalité qui devait cotter la vie à Pison. Dans cette perspective, Taciæ construit très habilement son texte pour laisser entendre gue agents

proconsul æ est I'illustration des observations présentées auparavant 40. Les deux textes en effet sont insépal'assassinat

du

37, Cf. Tacmp, Ann., lII, 35. 38, Tecrra, Ann., XLYllI, 2. 39. Tecræ, Ann., XLDÇ L. 40. Trcrte, Ann,, XLYIII.

rables, et

le

passage

XLVII, 6, est significatif :

< Le pouvoir

des légats grandit grâce à la durée de leur officeo ou parce que le souci de l'émulation est plus grand chez les subordonnés, mais læ plus brillants proconsuls songeaient plus à leur sécurité qu'à

leur pouvoir. > Tacite souligpe donc la différence d'attitude qu'aurait engendrée la mesure prise par Caligula. Cette différence d'attitude va être aussitôt illustrée, et en quelque sorte

mise en scène, dans le récit qui fait l'objet du chapitre xrx. Iæ légat Valerius Festus est présenté corlme un homme < dont les ambitions ne sont pas minces > (.,. neque modica cupiens) : ce qui fait pendant au trait précédemment prêté aux légats en gên&al,leur souci de l'émulation (aernulantli cura) qui les dresse contre les proconsuls. Le proconsul, de son côté, a une attitude trop calme, trop prudente, à trois reprises au moins, il refuse

de prendre les initiatives hardies qui pourraient le sauver'

trx)ur se réfugier à la fin dans f inaction : < Sans remplir ses tâches même habituelles, il demeurait chez lui par crainte de donner, même fortuitement, prétexte à un nouveau mouvement. > tr est difficile de ne pas voir, dans cette < chute > du chapi-

tre xlrx, l'ésho fidèle de la < chute > du chapitre xr,vul

:

< Les proconsuls les plus brillants songeaient plus à leur tranquillité qu'à leur pouvoir. >> Ces remarques faites, il est pennis de ne pas se laisser convaincre par la rhétorique de Tacite, qui a voulu rétrospectivement donner une valeur explicative générale à des fails se rapportant à une situation particulière. On peut donc vraisemblablement tenir Caligula pour innocent des noirs desseins qui lui sont prêtés, et accepter I'idée que sa réforme lui a été dictée par une analyse correcte de la situation, *. L'empeet des conditions nouvelles qui prévalaient en Afrique reur prenait acte ainsi du fait qu'il existait, à côté d'une zone pacifiée, une zone encore turbulente et manifestait par là même *. Ce n'est clairement son désir de mettre fin à cetæ turbulence 41. Tacrre, Ann., XLDL 5; XLD(, 7; XLIX, 8. 42. Et aon par Ie ressentiment ou par le désir d'embrouiller inutilement

la

situation.

43. Sur le terrain, cetùe distinction était parfois difficile à faire, aussi la délimitation des territoires soumis au proconsul et au légat est-elle malaisée. Sans doute a-t-elle pu varier en fonction des mouvements et de I'attitude des indigènes. Il arrive que le légat intervienne sur Ie terEE

Meruccs contrc lorilrc a,gustécn

sans doute pas autrement que

læ populations indigènes de la future Numidie durent interpréter I'arrivée de ce p$ssant personnage, le légat, plus spécialement chargé de lss mettre au pas. Il est vrai cependant que l'existence dnun légat n'est pas juridiquement une innovation : I'esprit romain préfère accommoder les institutions existantes plutôt que d'en créer de nouvelles. Ainsi, l'empereur, en nommant lui-même le lêgat, n'a modifré que légèrement le statu quo : en effet, le proconsul d'Afrique avait normalement le droit de nommer trois légats ; I'empereur lui a tout simplement enlevé la nomination d'un de ses légak pour se la réserver. Il noen fallait pas plus pour bouleverser I'organisation administrative de la province et metûe face aux Africains un personnage beaucoup plus redoutable que I'ancien légat du proconsul *. 2. La réaction rnaure à lonnexîon de la Maurétanie

La seconde mesure prise par Caligula, I'annexion en 40 du royaume de Maurétanie après la mise à mort de Ptolémée, mettait fin à I'expérience de protectorat inaugruée par Auguste 6. Ici aussi, le compromis augustéen ne devait pas être dætiné à durer, Le royaume vassal n'était qu'une solution d'attente, ritoire du proconsul (comme Valerius Festus en Tripolitaine contre les Garamantes) ou que le proconsul se manife.ste sur ce qui sera le territoire du légat (comme Q. Marcius Barea à Cirta). Bn fai! il semble bien, d'après H. G. Pflaum (ILAI, IL 550, 551) que la confédération cirtéenne ne soit passée sous fautorité du légat que postérieurement à Vespasien. Il faut donc suslrecter lTndication donnée par Dion, qui ne décrit en fait que l'état de choses contemporain. A ce sujeL voir la discussion dans B. T[oMAssoN, Statthalter, I, p. l2-t3. On saiÇ d'autre parq que aominelsnsal la Numidie ne devint uae province à part que plus

: H. G. Prr.auu, < A propos de la date de la création de la province de Numidie >, Libyca, 1957, p. 6l-75. 44, H. G. PFLÀuM, < Iégats impériaux à I'intérieur des provinces sénatoriales >, Mélanges Grenler, soll. Latomus, t. 3, p. 1232 et s, 45. Les causes et les circonstances de la mort de Ptolémée sont rapportées par Dror Cassus, LD(., 25, et par SuÉrorn, Vie (Callg.), 35, û, sommentées par J. Cencopno, < La mort de Ptolémée, roi de Maurétania >, Le Maroc antique, p. l9t et s. M. Rosrowznr, Soclal and Economic History.,., p, 321, insiste sur les raisons économiques de I'annexlon : tard, sous Septime Sévère

Ie besoin de terres nouvelles.

à laquelle il fut mis fin aussitôt qu'elle eut cessé d'apparaître comme la moins gênante et la plus économique. On peut donc supposer qu'au temps de Caligula le pays avait atteint un stade de développement et de prospérité tel que sa possession devenait rentable : elle pouvait compenser', aux yeux des Romains, la lourde tâche qu'imposerait la nécessité d'en défendre les frontières, tâche qu'Auggste avait sagement préféré ne pas assumer directement. D'autres raisons, politiques et religieuses, expliquent peut-être aussi cette décision 4. La réaction des indigènes à cette annexion, qui parachevait la mainmise romaine sur I'ensemble de l'Afrique, ne se fit pas attendre ; les Maures se soulèvent sous la direction d'un affranchi de Ptolémée, Aedemon. La révolte d'Aedemon, déclenchée sous le prétexte de venger le roi assassinên', a probablement une sigpifrcation plus profonde : elle traduit l'inquiétude de certaines des tribus maures devant la perspective de voir s'installer à la tête du pays, à la place de l'administration royale, lointaine et légère à supporter, une administration plus efficace et mieux organisée, c'est-à-dire mieux à même d'intervenir dans la vie des populations pour leur imposer un nouvel ordre et des contraintes accrues (impôts, restrictions à la liberté de mouvement, cantonnement) *. Commencée sous le règne de Caligula, la guerre se continuera sous le r'ègae de Claude €. Contrairement à ce que pensait R. Cagnat 00, il n'est pas str que I'on ait fait 46. T. Korure, < Encore sur la mort de Ptolémée, roi de Maurétanie >, Archeologîa, 1964,Xy, p.76-92; D. Frsrwr, Historia, 197 t, XX, p. 467-487 , 47. Punr, V, l, ll : Ronrana arma primwn Claudio princîpe in Mauretania bellavere, Ptolemaeunr regenr a C, Caesare interenTptum ulcîs' cènle liberto Aedemone, M. LBoLÂy, Saturne africain. Histoîre, Paris, 1966, p. 482, pafle d?edemon < frustré du royaume de Maurétanie >. Peutétre faut-il trouver une explication qui ne repose pas sur une simple question d'ambition personnelle. Aedemon aurait-il déclenché rure guerre longue et cotteuse, s'il ne s'était pas senti soutenu par ute partie au moins des tribus ? 48. Sur l'administration du royaume maurétanien, S. Gsrrr, .Éldstoire,.,, t. Y. 49. Dtox ClssIUs, LX, 8, 6, déclare que Claude célébra un triomphe

sur les Maures alors qu'il n'y était pour rien et que cela se avant qu'il ne fût sur le trône. 50. R, Cealrer, L'Armée.,., p. 26. 90

passait

Menaces confte fordre augustèen

appel pour css opérations aux légions stationnées en Tarrala IV Macedonica, la VI Victrix et la X Gemiruo'. Peut-êt'e a-t-on seulement utilisé les troupes stationnées dans les provinces voisines, en mobilisant des auxiliaires espagnols uo, et en faisant venir aussi d'Espagne le blé nécessaire 6'. Il n'est pas str non plus qu'une légation spéciale ait été confiée à conaise

M. Licinius

Crassus Frugi pour diriger les opérations

certain que des indigènes *

s.

Il st

en revanche participaient, comme auxiliaires sans doute, à cette guerre, puisqu'une inscription de Volubilis donne le nom de M. Valerius Severus, fils de Bostar, qui fut praef(ectus) auxilior(um) adversus Aedemonem oppresstun bellot6. L'armée romaine remporte quelques succès, ce qui permét à Claude de élébrer un triomphe en 42o'. Loin de s'amêter, la rebellion reprend de plus belle et parvient même à s'étendre. C. Suetonius Paulinus o', gd est chargé de conduire les opérations, est amené, en 42, à poursuiwe les Maures jusqu'au pied de l'Atlas on, puis iusqu'au fleuve Ghir 00. 51. Rrrrenr.rNc, < Legio >, in IRE par R. Cagnat. 52.

:

date incertaine des faits évoqués

H. Nsssureur, ia Epigraphica, XII,

1950,

p.

44.

53. Le gouverneur de Bétique, Umbonius Silo, fut puni par Claude pour s'être mal acqultté de cette tâshe : Dror Clssrus, IJ., U. 54. C€tte hypothèse, qui se fonde sur la restitution incertaine d'une rnscription de Rome (CIL, W, 31721), o'est pas considérée comme satisfaisante par B. Taoulssox, Statthalter, II, p. ?-at, 55. T. Korurn, in Archeologla, 1964, XV, explique la présence de sédentaires indigènes aux côtés 6.r gsmains coutre Aedemon par 1o fait que le clan d'Aedemon représente la culture et la tradition grécoorientale, alors que les cités de Maurétanie Bort plutôt de tradition punique : explication discutable. Voir àussi D. Frsrçrrcr, in Htstofia, 1971, 56.

n(., p. 467487. ILAI, 614 (- ILM, tt6). L'aide

précieuse apportée par ce chef indieène ûe tarda pas à être réconpensée : il obtint la cité romaine et, de plus, à la suite d'une légation bien conduite, il reçut de Claude, pour la ville de Volubilis, une série de privilèges, et en particulier I'attribution au municipe dincolae, Ce dernier point n'est d'ailleurs pas trèc clair : sur la nature juridigue des incolae, et le sens de leur a attribution >, voir U. L*n, Adnibutio e contributîo, Piga, 1964, p. 74 et s, 57. C.e triomphe noo mérité provoque l'ironie de Dlox Cassrus, IX,

8,

6.

B. Ttsouassox, Stdthalter, lI, p. 242; M. RacHBT, p. f34-138. 59. Drou Clsstus, IJ(, 9, 1; Pr-rtrte, V, l, 14-16. 60. L'importaoce de la guerre contre Aedemon est mine en lumière 58.

9t

L'indication est précieuse, car elle pennet de mesurer I'extension du ærritoire touché par la guerre, qui s'étend donc ainsi jusqu'au désert. Au cours de la même année 42, d'après Dion, c'est Cn. Hosidius Geta qui prend la relève en se battant, non plus u'. contre Aedemon, mais contre un chef maure nommé Salab poursuivre dans tr se battit à deux reprises et n'hésita pas à le le désert. Mais cette équipée faillit tourner mal pour les Romains qui se trouvèrent rapidement à court d'eau, bloqués en plein désert. Il fallut, raconte Dion, suivre les conseils de quelques indigènes et demander l'aide des dieux locaux u', 9d envoyèrent aussitôt une abondante pluie. Ce prodige détermina les Maures à faire leur soumission. Les conditions dans lesquelles furent menées successivement les guerres contre Aedemon et Salab marquent peut-être une modification des vues du commandement romain : à la détennination de réprimer sans retard tout soulèvement se joint la volonté d'exercer à tout prix un contre I'adversaire pour tenter de lui cou-

per toute retraite. La paix revenue,

il fallait songer à organiser

I'administration

du pays nouvellement annexé. C'est ce que fit Claude sans doute dès 42. La Maurétanie fut divisée en deux parties, séparées par

la Mulucha : l'ancienne division entre les royaumes de Bogud *. Tingitane et Césarienne reçurent

et de Bocchus était ressuscitée

par M. Tarradell, qui se fonde sur des indices archéologiques nombreux : M. Ter.neoer,r., < Nuevos Datos sobre la Guera de los Romanos cottra Aedemon >, I congresso arqueologico del Manuecos Espatol, Tetuan, 1954, p. 337-143; w., Mamtecos punico, Tetuan, 1960, p. 97-119. D'autre part les témoignages sur çette expédition sont commentés par Ds Le CuAprrrs, in Hesperis, 1934, }{IX, p. 107 et s. 61. DroN Ces$us, LX,9, l, 62. Ce recours des Romains aux dieux locaux est le premier exemple d'une série qui sera étudiée plus loin, à propos des Dii Mauri. On connalt d'autre part un épisode analogue de < pluie miraculeuse > au ur siècle : J. Gurr, < La Date de la pluie miraculeuse (172 après J. C.) et la colonne aurélienne >, MEFR, 1948, p, lO5-127 ; 1949, p. 93-118. 63. Drox CassIUs, LX, 9, 5. A propos de la date de cette mesure, ainsi que de la place occupée par Tingis et Volubilis dans la nouvelle organisation de la Maurétanie, les hypothèses de I. Cencoplvo, Ld Maroc antique, p. 127 et s., sont discutées par P. RouaNnr-Lr, Storia..., p, 266-268 et par B. THoMâssoN, Statthalter, I, p. 10G101. v2

Menaces contre

loùIrc

augustêen

chacune un procurateur équestre. Le choix de ce type d'organisation n'est pas fortuit : il était réservé à des provinces qui êtanenit jugées moins facilement æsimilalles, sur lesquellæ I'empereur entendait garder un contrôle direct q. A ce système, on sut par ailleurs ménager une certaine souplesse : fempereur pouvait selon les nécessités locales, augmenter le pouvoir des procurateurs, tantôt en réunissant les deux provinces entre les 6ains d'ua seul homme to, tantôt en substituant au procurateur un légat€6, tantôt en donnant à un procurateur les pouvoirs d'un lêga\ avec le titre exceptionnel de procwator pro legato6'. Uapparition de ces titres exceptionnels est le signe que la

situation de

la

province est troublée, généralement par des

soulèvements indigènes, et que I'intervention de troupes légionnaires a été nécessaire pour rétablir l'ordre. Le premier exemple de difficultés de ce genre est à peu près

contemporain de la création même de la province de Tingitane.

M. Fadius Celer Flavianus Maximus, premier procurateur

de

Tingitane, est appelé prolégatu8, ce qui signifre que les troubles posérieurs à la transformation de la Maurétanie en province ne sont pas finis. Mais, tandis que la résistance des tribus maurétaniennes se prolongeait d'année en année depuis 4O, avec des fortunes diverses, et avec parfois I'appui des habitants des territoires du sud de I'Atlas, le reste de I'Afrique ne restait pas inactif : un mouvement analogge naissait parmi les populations des confins numido-maurétaniens, ainsi que parmi les Musulames æ. Il deve64. Sur les origines du système procuratorien, voir H. G. prreul4 Les Procurateurs équestres sous le Haut-Bmphe romain, pari$ 1950, p. 26, 36 (cité enruiæ : Les Procurateurs,,.). 65. Ce fut le cas de Lucceius Albinus (68-69), Cn Haius Diadumenianus (202), Sallustus Macrinianus; mais non de T. Flavius Serenus coltrme le montre H. G. Prueur4 Canières, p, 776. 66. On connait en Maurétanie comme legatt Augusti pro pruetorc i

Sextus Sentius Caeciliaaus (75), Uttedius Honoratus (144). 67. Lâ tiste des proc. pro legato est donnée par H. G. prurn4 trec Procurateurs..., p. 120, et dans RE Voir ausi B. Ttroulssox, Statthalter,

I, p. 103. 68, ILM,

56.

69. Aungr.rus Vlcron, Clsstus, IJ(, 9.

De

Caesaribus,

fr',2.,

Epît.,

)(L 5;

Dron

93

nait clair en effet que la menace contre les zones qui n'étaient pas encore tombées sous le contrôle romain allait en se préci' sant I dnoù, ici et là, des gestes d'impatience de la part de ceux qui préféraient s'en prendre à la puissance romaine avant qu'elle ne ftt en mesure de les encercler et de les grignoter, comme elle le faisait précisément pour les Musulames. De plus, à ce moment, l'occasion paraissait favorable : des désaccords internes, provoqués par la nouvelle réforme instituant un commandement militaire indépendant du proconsul, rendaient les Romains plus vulnérables. La situation était assez grave pour que Ie oommandement de I'armée ftt exceptionnellement confié au proconsul Galba'o, avec mission de remettre de I'ordre dans la province troublée par les dissensions internes et par un soulèvement des Barbares ". Que cette intervention ait pu valoir à Galba l'honneur d'un triomphe confirme que le problème à résoudre était assez grave. Avec les succès de Galba, s'éteint le dernier foyer de I'incendie

qu'avait allumé la double réforme de Caligula. Un pas décisif a êté fut et les Africains n'ont pu s'y opposer efficacement. Mais il semble bien qu'après ces luttes on soit devenu, de part et d'autre, avare d'initiatives militaires. En revanche, dans le domaine de l'action politique, après I'intemrption observfu pendant les règnes de Tibère et Caligula, de nouveaux jalons vont êfie posés : Tingis, Lixus et Caesarea sont élevées par Claude au rang de colonies, tandis qu'une déduction de vétérans est faite ù Oppîdum novurnn; Volubilis devient municipe n i Rusrtccuru et Tipasa reçoivent le droit latin. Autant de centres d'influence romaine implantés dans des zones qui ne vont pas tarder à devenir importantes. ?0. B. THouessox, Statlàalter, II, p. 32. Les dates du gouvcrnement de Galba sont 44 à 46 ou 45 I 47 : a-t-il bénéficié de pouvoirs étendus à I'ensemble de l'Afrique ? Sans doute. 71. Sngrorre, Vîe (Galba), 7'8 ; extra sortem electus ad ordirwndam provinciam et intestîna dissensione et barbarorum tumultu înquletarn. Yoir ausei PLUTenQuE, Yies (Galba), 3; Tacrn, Hist., I, 49. 72. Pr-nvr, V, I et s.; L. Ttsurscu, Stiidtewesen, p.2O7, 73. ILAI, 634. Divers problèmes d'interprétatioo sont posés par cette création : J. Touunr, < Notes sur la création dt municiplum Volubi' litanum >, Mélanges Graî, l, p. 39 et s' 94

Menaces contre

tordre augaléen

Il faut, à propos de Volubilis, poser un problème. Le municipe qui y est créé est-il un municipe romain ou un municipe latin ? A plusieus reprises, C. Saumagne a voulu montrer que, conformément à

la règle qu'il a

énoncée

et qui fait de

- droit latin toute cité qualifiée de municipe un municipe de Volubilis est un municipe latin ?n. Il s'appuie sur une interprétation restrictive de trois inscriptions volubilitaines 6 ; mais aucun des arguments qu'il emploie n'est convaincant. Il faut aussi signaler, sous le proconsulat de Galba, une initiative importante du proconsul, qui marque peut-être, de la part de I'autorité romaine, une prise de conscience du particularisme des Maures et un certain désir de ne pas heurter de front ce particularisme. Il s'agit de la dédicace à Vénus d'une statue de la déesse, ainsi que de cleux statues de Juba et de Ptolémée. Voici ce texte ?' : Veneri lsignwnf cum duobuls statuisl lubae et Ptolfemaei impe'Jratoriîs quatluor însisnibusl forlrutis Serg(ius) Sullpicius Galbal fprocos Alricae dd ?7. Galba" éprouve donc le besoin de rappeler que, lors de la guerre de Tacfarinas, les rois de Maurétanie Juba II et son fils Ptolémée avaient participé à la répression et en avaient retiré des honneurs. Ce rappel, à un moment où de nouveau la rébellion fait rage, situe le proconsul comme I'héritier naturel de I'autorité légitime face à l'insurrection. La mention même du nom de Ptolémée peut surprendre :

celui-ci n'a-t-il pas été tué par ordre de I'empereur ? Cette réhabilitation indirecte du roi assassiné ne pouvait manquer d'apparaître corrune un pas vers les Maures, bien que, conune

74. Notarnmeut C. SauuEor,w, < Volubilis, municipe latin >, RHD, t952, p. 38E (= CT, 1962, X, p. 533) ; ro,, Le Droît latin et les cités romaines sous fEmpire, Paris, 1966, La règle posée par C. Saumagne, si elle ouvre des horizons nouveaux sur la réalité de la ronranisation, repose sur une argumentation qui mériterait un très attentif exaslen, malheureusement hors de prolns dans le contexte de ce travail. Voir la mise au point de J. Gescou, < Municipia civlum Romanoflirn Dt Latomus, 1971, )OOç gt. 133-141, qui réfuæ en particulier la thèse de Saumage sur Volubilis municipe latin.

ILM,57; ILM,56; ILM, 116 (= ILA|,643). M. Lncrey, < Une dédicace à Vénus offerte à Caesarea (Cherchell) par Ie ftrtur empereur Galba >, Mëlanges I. Carcopino, 1966, 75.

76.

p.

629-639

(-

AE,1966,595).

le rappelle J. Carcopino, la mémoire du roi n'ett été frappée d'aucune condamnation ".

Le dernier des Julio-Claudiens ne se souciera guère d'agrandir l'empire ". Aussi, aucun événement ne signale, en Afrique, le règne de Néron, sinon la prise de possession par I'empereur d'une partie des terres appartenant à quelques grands propriétaires'. L'octroi du statut de municipe à Lepcis Magna, que Degrassi rapporte à Néron'o, doit probablement dater de Vespasien ", car- Ce"st avec les Flaviens que reprend, nous allons le voir, l'action municipale romaine. Ainsi, la première grande étape de I'histoire de I'Afique semblait si chargée d'événements déterminants impériale devoir se -clore dans un calme relatif' Cependant, -la crise de 68-69 va avoir en Afrique des répercussions importantes.

III.

L'Afrique et la cri.se de 6t.69

A la crise qui, de 68 à 69, secoue Rome et son empire, la population africaine ne s'est pas directement et volontairement mêlée. Les conflits se déroulent le plus souvent en dehors d'elle, et si certains Africains sont amenés à y prendre part, ce n'est qu'à l'appel des autorités romaines : les ambitions, les mancuvres et les trahisons des divers candidats à I'empire et de leurs partisans semblent avoir dérouté même la partie romanisée de la population. Il est vrai que la situation était perpétuellement changeante et confuse. Trois séries de faits se dégagent néanmoins.

77. I. CancoplNo, tre Maroc romain, p, 19278. SuÉroue, Vie (Nero), 18, 79. Pune, XVIII, 35, parle de six propriétaires possédant la moitié de I'Afrique. 80. N. Dncusst, in Epigraphica, VI.I, p, 3'21. El. J. Gusv, in MSAF, L951, t.82, p. 16l'226; J. Gescou, La Politique municipale d.e tEmpire romaîn en Alrique proconsulaire de Trc' lan à Septime Sévère, Rome, 1972, p. 75'18. 96

Mensces contre

l.

lordre

augustéen

Mæer

En Numidie, la tentative faite par L. Clodius Macer, légat de la légion, pour se constituer une province indépendante, commença par rencontrer quelque succèss. Le légat ayant réussi à étendre son pouvoir sur la province d'Afrique et donnant à son action I'apparence d'une restauration de la tradition républicaine, avait levé des troupes légionnaires et auxiliaires, et se trouvait en mesure d'affamer Rome *. Galba, qui venait d'être proclamé empereur le 9 juin 68, prit la précaution de confier au procurateur de la Césarienne, Lucceius .A,lbinus, Ie gouvernement unifié des deux Maurétanies, sans doute c'est une pour éviter toute contaminslisa hypothèse de Cagnat ds ces provinces et surtout- de l'Espagpe. Et il se débarrassa rapidement de Macer en le faisant assassiner par le procurateur Trebonius Garusianus *. A aucun moment, la population indigène de la Numidie n'avait été mêlée à cette affaire.

2. Albiws Les choses se passèrent différemment lors de la tentative *. Celui-ci, après la moft de Galba et d'Othon, profitant de sa de sécession du procurateur des Maurétanies Lucceius Albinus

l, 7, ll, 37, 73 ; lI, 58, 97 ; aiasi que Pr.ureneu& Vies (Galba),6, 13, t5; SuÉronr, Zie (Galba),11. tr sut se faire soutenir de ses troupes (la légion III Augusta), et put même lever une nouvelle légion, qu'il baptisa legto I Macrtaru Liberatrix, double nom bien significatif : R, Ceoxer, LiArmée..., p.227 82. Voir principalement TacITE, Hist,,

\1,49;

RoMeNer,Lr, Storia,.,, p. 279-281. 83. J. Bunrex, < L. Cladius Macer, domlnus minor Atrtcae >, Klio, 1960, X)O(VII, p. 167-173 : il semble que Macer ait voulu constiûrer I'Afrique en pays détaché du reste de I'empire, et utiliser à des fins puremeût locales les richesses de la provioce. 84. Slrr se perconnage et se.r fonctions, < Trebonius >, ia &E;

P.

H. G.

PFLAUM, Carrîères,

p.

1092.

85. Tr,crra, Hist., lI, 58. La fin du récit retiendrs surtout notre attention. < Praemlssl centurtones qul Mauroram anirnos Vitellto conctliarent. Neque a.rduum fuit, magna per provbæias Germanlcl erercitus fama; spargebatur iwuper spreto procwatoris vocabalo Albinum inslgne regîs et lubae nomen usurpare. > Sur Lucceius Albinus, B, TtsotrassoN, Statthalter, lI, p. 244.

situation exceptionnÊlle, disposant de forces non négligeables (d'après Tacite : < dix-neuf cohortes, cinq ailes de cavalerie et un fort contingent de Mauresn troupe que ses brigandages et ses rapines rendent apte à Ia guerre >), voulut se constituer dans sa province une principauté indépendante, à laquelle il rêvait d'annexer l'Espagpe. Mais Cluvius Rufus, légat de Tarraconaise s'en inquiéta : < Il donna l'ordre à la légion de se rapprocher de la côte, comme s'il allait lui faire franchir le détroit. Il dépêcha en avant-garde des centurions pour gagûer les Maures à Vitellius. Ce ne fut pas difficile tant était grande dans les provinces la réputation de I'armée de Germanie. En outre, on répandait le bruit que, dédaignant le titre de procurateur, Albinus prenait le titre de roi et le nom de Juba. On fit ensuite périr les meilleurs lieutenants d'Albinus ; lui-même fut égorgé au moment où, revenant de Tingitane, il débarquait en Césarienne

o. >

malheureusement trop bref, de Tacite contient quelques éléments qui méritent d'être relevés ; car ils ont donné lieu à une interprétation discutable de l'épisode ". Le problème en effet se pose de savoir quel rôle la population de h'îaurétanie a

Le técit,

pu jouer dans cette affaire. Comment faut-il comprendre les deux éléments d'information que, nous donne Tacite : d'une part I'envoi par Cluvius Rufus de centurions , d'autre part la propagation du bruit qu'Albinus prenait

, Mosalque gréco-romaine (colloque C.N.R.S., 1963), p. 147-155; L. Foucrn& < Sur les mosaiques de

Zlitnn >, Lybia antiquo, 1964, l, p. 9-20. 5. CIL,]{l,52ll; IRT, 528; B. Tno*assox, Statthalter, II' p. 153. 6, ILAI, p, 286| F. de PecrrÈna, in CRAI, 1916, p.282; P. RoueNBLL1 Storia...,

7. CIL, tù2

p.

l0ll9

293,

QLAI, 3885) : printemps

76.

Ia

p&tode llavbwre

Carthage, indiquent que l'ordre des urgences a changé : Ammaedara, qui protégeait l'arrière-pays de Carthage, peut être en toute sécurité livrée à la vie civile et peuplée de vétérans; car les

efforts vont se porter maintenant sur la surveillance, jusque-là encore utr peu lointaine, du mæsif de l'Aurès et du cente de la Numidie, ainsi que sur le contrôle des voies de transhumance et d'invasion que sont les routes d'El Kantara et du Hodna. Le rebornage de la fossa rcgia" marque que, dans les régions pacifiées, des soucis doordre administratif et fiscal, comme la remise à jour du cadastre, prennent le pas sur les soucis militaires.

II. Agitation

maure

Cependant, à l'autre extrémité des possessions romaines d'Afrique, I'action romaine rencontre plus d'obstacles. Iæ problème du maintien de I'ordre, non seulement aux frontières, E* à I'intérieur même du tenitoire annexé, se pose avec acuité. Témoin la mission exceptionnelle confiée à Sex. Sentius Caecilianus I en 75 : celui-ci est en effet envoyé en Maurétanie avec le titre de legatus Augusli pro praetore ordînandae utrilÆque Mauretwtiae, titre extraordinaire qui implique la présence de troupes légionnaires chargées de réprimer des troubles graves, et ce dans 8. CIL, 308, 11543 ; ILT, 623, 624, 787, 1293; CIL 25967, 23O84; ILAI, 3950. On sait ce qu'est la fossa regia, ce tout premier < fossé frontière >, creusé par Scipion ltmilisa, dès 146, pour séparer du royaune 6s N[$sinisg4 la toute nouvelle province d'Afrique, taillée dans le territoire de Carthage vaincue. La même ligne servit de frontière, en 45 av. J. C., ettre lAlrica vetus et la province {Afrtca nova, crêÉ par César après l'annexion du royaume uumide de Juba 1*. Cr,L, Vm, 25967 z Ex auctloriqteJ Imp. Vespasiani Cae. Aug. P.P, fi/nes provlnclae no/vae et verterlisl de/rectl qua fossa/regîa fuit per Ru/tilîam Gallum cos. ponl, et Sentlurn Caecilianum prctetoîetn legatos Aug. pro pr, Tl s'agiÇ selon C. Saumagne, d'une < vaste o1Ération d'apurement domanial > (in Tableues Albertini, p. 138). 9. CIL, D(., 4194 (- D, 8979), et surtout une table de patronat de Banasa : AE, 1941,79. Voir P. Roulxrrrr, Storia.,., p.295-297; B. THoMAsso\ Stauhalter, II, p. 151, 24+245 et n. 10 ; M. Racner, Rome*, p. 149-151. 103

les deux provinces de Maurétanie''. Rien ne permet de déterminsl I'sdgine de ces troubles. Il est hasardeux de supposer qu'ils puissent être une séquelle de l' < appel aux Maures > qui fut fait contre Lucceius Albinus " : nous avons vu en effet que l'interprétation de cet épisode doit être révisée. Quant à la localisation de ces troubles, elle nous est tout aussi inconnue : le fait qu'ils concernent les deux Maurétanies, qui se trouvent réunies sous le commandement extraordinaire d'un légat d'Auguste

en

indique simplelieu et place des deux procurateurs habitusls -, ment l'étendue du champ de bataille. Enfin, nous ne savons rien des résultats de cette mission : I'absence de tout bulletin de victoire permet peut-être de supposer que Sex. Sentius Caecilianus n'obtint pas les résultats escomptés. Mais ce n'est là que prrre hypothèse. ffi. Ls

Nasamons sous Domiden

Le succès remportée contre les Garamantes ne pouvait être qu'un premier pas : la région de la Grande Syrte et les zones desséchées qui l'entourent recélaient d'autres populations avec lesquelles il semble que le contact ait êtê établi dès le début de l'empire 1'. C'est ainsi que la tribu des Nasamons ", Qûi occupe les côtes orientales et méridionales de la Grande Syrte, avut êtê contrainte, dans des circonstances ignorées (en rapport peut-être avec I'expédition de Sulpicius Quirinus contre les

10. R. Ceoner, L'Armée,.., p, 39.

tl. M. RecHet, Rome.,., p. 151, présente ainsi cette hypothèse : ne faut pas oublier I'aide demaadée aux chefs maures contre Lucceius Albinus, en 69, et il est perrris de penser que ces Berbères, < Il

après avoir remarqu6 I'incohérence dans le comnrandement causée par les proglamations simultanées de plusieurs empereurs, aient cru le moment venu de recouvrer leur indépendancg retournant contre les Romains les armes dont on les avait imprudemment munis. > 12. Sur la lisæ des tribus de cette région, voir les données, souvent difficiles à concilier, des auteurs anciens, notamment : HÉnooorp, IV, 172-175; STRABoN, II, 5, 33; PLINE, V, 33-34; Pror.ÉuÉr, IV, 5, 12. 13. J. Drsencns, Catalogue, p. 152; voir aussi, supra, la mort de L. Cornelius Lentulus.

tu

Ia

pértode llavlenne

Marnarides sous Auguste'n), à payer à Rome un tribut t6. La tentation de se soustraire à leurs obligations les amena à la révolte : l'épisode est raconté avec pittoresque par Zlnaras'u. Ils eurent le tort de massacrer les envoy6 de Rome venus percevoir le tribut (rorlq re 1ôp rôv p4pérov npéxropcç ëg0erpov). La guerre en résulta. Le.s Nasamons commenêrent par vaincre le légat de Numidie envoyé contre eux et purent même s'emparer du samF romain. Là, trouvant force provisions et notamment du vin, ils s'en emplirent et s'endormirent. Ce que sachant Le lêgat les attaqua et les détruisit tous (no,wo4 zôÀeoe xcl roùç &ropé1ouq ôrÉg0erpev &,nowoc,). C'est ainsi que la guerre se terrrina, sous la conduite du légat Cn. Suellius Flaccus ", pr un massacre quasi généra110, dont les survivants durent aller se réfugier plus au sudt'. Il n'est pas imFossible que la délimitation, en 87, du territoire de deux tribus situées un peu au nord des Nasamons, læ Mudnciuvîi et læ Zamucii'i, ait été une des premières consfuuences pra14. P. RoumELLt, Storia..,, p. 301-3(X. 15. II est possible aussi qu'uae autre cause soit à lorigine de la révolte des Nasamons : par exemple une t€ûtative romaine d'empiètement malérialisée par un norrveau progrès du cadastre. On ne peut en effet attribuer quà la colère des indigènes le fait que la plupart des bornes retrouvées sont arraché€s et brisées (R. Cbrver.r:rn, in MEFR, 1958, p. 98). La date de cette révolte, qui est coatemporaine dlrao défaite des Daces, doit être I'année 86 (S. Gsarr,, Essal sar le règne de l'empereur Domitlen, Paris, 1894, p. 238). 16. ZottARAs, Xt, 19; allusions dans EusÈnr, Chronlque, p, 16l-162., Fuvrus JosÈrne, Bell. Jud., IIo 16. 17. < Suellius > (n' 2), io R,E; B. Tnoussor.r, Statthalter, II, 158. 18. Allusion à ce massacre dans Dnwys r.s PÉRrÉcÈTB, 208-210 (in Geographî Graeci mîtwres, II, p. 253). Un autrê exemple de bataille

II,2l,

s'acheyant par un massacre général se trouve chez Tlcrrr, Ann., 3 : orabatque fsc. Germanîcusl inslsterent caedibus : nihll opus captivîs,

lnternlcionem gentis flnem bello fore [il s'agit de Germains]. tr faut cependant noûsr, pour ce qui est des Nasamons, qu'ils ne disparurent pas entièrement (J. Drsaxcss, Catalogue, p. 154, n. 5). 19. ProrÉÀdr, \1, 5, 12, et la table de Peutiuger leur assignent en effet une localisation méridionale : reslrcctivement dang le voisinago de

Ioasis d'Aoudjila Catalogue,

p.

et au $fi, tArae

154.

Phllaenorum

: cf. I.

DEsANoEs,

20. IR?, 854 (- AE, 1940, 70). Sur cette délimitatioû, voir, infra, le chapitre consacré aux cartonnemeûts.

tiques de cette victoire. La Grande Syrte, ainsi que la route qui longeait la côte jusqu'à Alexandrie devenaient des zones relativement tranquilles ". Mais, surtout, il était maintenant possible pour les Romains de s'enfoncer véritablement dans des expéditions plus lointaines sans craindre d'être inquiétés sur leurs arrières. Et c'est ce qu'ils frrent.

IV.

F,:rplorations

Les deux expéditions relatées par Ptolémêen', malgrê

ce

qu'elles doivent contenir (de I'aveu même du géographe) d'exagéré, peuvent s'interpréter comme des missions d'exploration et d'information. Bien que l'une d'entre elles ait étê menée par un chef militaire, elles visaient moins sans doute à conquérir qu'à jauger les possibilités d'action ultérieure dans tous les domaines. Car les autorités romaines ne se décident à l'annexion que si elle est véritablement rentable. Voici comment le géographe alexandrin présente ces expéditions'" : < Au sujet de I'itinéraire qui mène de Garama chez les Ethiopiens, [Marin de Tyr] affirme que, d'une part, Septimius Flaccus, ayant fait sampagne à partir de la Libye, arriva du pays des Garamantes chez les Ethiopiens en trois mois de route en direction du midi ; que, d'autre part, Julius Maternus' venu' lui, de Leptis Magna et ayant fait route à partir de Garama en

compagpie du roi des Garamantes, qui marchait contre les Ethiopiens, parvint en quatre mois, en se dirigeant sans arrêt vers le midi, à Agisymba, terre d'Ethiopie, où les rhinocéros s'accouplent > (autre sens possible : *),

21. Premier documert relatif à cetûe route, un milliaire de Nerva trouvé au sud-ouest de Tacape (CIL, VIJ'I, 10016). 22, ProtÉtrÉte, I, 8, 4-5, cite comme source Marin de Tyr. 23. lensemble du problème est examiûé par f. Desences, < Note sur la datation de l'expédition de Julius Maternus au pays d?gisymba >, Latomus, 1964, )Q. Peut-être même cette campagne visait-elle indirectement les Garamantss ", puisque ceux-ci, qui apparaissent comme des spectateurs non engagés au cours de la première expédition, prendront une part beaucoup plus active à la seconde. L'expédition militaire est menée par Septimius Flaccus, que l'on peut considérer comme un légat de la III Augustan puisque seul il dispose de troupes pouvant < faiie campagne à partir de la Libye'8 >. A quelle date Septimius Flaccus a-t-il exeré ses fonctions de général ? Cette date est nécessairement postérieure à 77-79 (fra de la rédaction de l'Histoire ruturell.e de Pline) et antérieure ù 9L-92, date probable de I'expédition de Julius Maternus eo. J. Desanges propose de suiwe la suggestion 25. Voir, à titre d'exemple, l'ideatification proposéo par L, Vrvrnn or Sant-Mantnr, I* Nord de ïAfrique dms lAntiquité grecque et romaine, Paris, 1863, p. 215 et s. 26. I. Drseuoes, in Latomus, 1964, IdJ(III, p, 723.

27, Les rapports antérieurs avec les Garamantes sont encore rares : dâfrique lors de la guerre de Tasfarinas (frcrre, Ann., If,,l,74i I\1,23), expédition do Valerius Fe.etug (ru., .&llsL, IV, 50; Pmrr, V, 38). On s'est demandé si les Gararnant€g étaient de race noire ou blanche, car les deux opinions semblent apparal. tre dans les textes anciels. Voir F. M. Snowunn Ix, Blacks in Antîqulty, Eûttoptans ln the Greco-Roman Brperlence, Cambridge (Mass.), 19?0, actions menées par les proconsuls

p. ll2-t13, et noûes 46-52, p. 285. 28. La < Libye >, c'est-à-dire ici la province d'Afrique,

comprend nominalement le territoire milifairs qui est placé on fait sous I'autorité du légat. Sur Septimius Flaccus, voir B. THoMAssN, Stettholter, tr, p. 159 160.

29. Pline, qui s'étend longuemeût sur I'expédition de Cornelius Balbus" n'ett pas manqué de mentionoer les exp,éditions do Ftaccus et de Maternus si ellæ avaient eu lieu avant la fin de la rédaction do son linre : PALLU DE Lrssnnr, Fastes, l, 338.

de P. Romanelli, qui identitie Septimius Flaccus avec Suellius

t0. Nous aurions ainsi, Flaccus, le vainqueur des Nasamons en 86

dans cette hypothèse, une double campag[e menée par le même homme, d'abord contre les Garamantes, puis contre les Nasamons : ainsi la stratégie de Flaccus ressemblerait fort à celle u'. de Sulpicius Quirinus lors de la guerre marmarigue que a proFlaccus C'est au cours de sa première campagle lui suggérer qui ont dt bablement pu recueillir des informations la nécessité, ou I'intérêt, d'une nouvelle expédition. Cette nouvelle expédition se distingue par plusieurs traits : a) elle est menée par Julius Maternus, qui n'est pas, à notre connaissance, un personnage officiel, mais probablement un grand négociant'; b) elle part de Lepcis Magna, qui est à la fois un port et une tête de pont pour les caravanes I c) enfin, elle bénéficie de I'appui du

roi des Garamantes. Son r&ultat le plus marquant semble avor été la découverte du pays des rhinocéros " : ces bêtes ne manquèrent pas d'être aussitôt produites à l'occasion de jeux, pour la plus grande gloire de Domitien et le plaisir des Romains. Au-delà des réalités exactes qu'elles recouvrent, et que I'indigence de notre source ne permet pas de préciser, ces deux expéditions ont surtout valeur de symboles : les régions sahariennes et transsahariennes ne sont plus igrrorées des Romains, et des liens d'amitié sont noués avec des populations naguère encore hostiles, conrme les Garamantes.

p. 304; J. Dtsnucns, loc. cit., p. 724, 30, P. RourreLr.tr, 61. 31. Voir supra, p. 'turta..., 32. J. DEsANces, Ioc. cit., p. 724; avis différent, qui fait de Maternus un légat chez certains : M. Racrrnl Rorne,.., p. 155, o. 5. Iæ rôle des Garamatrûes dans le coûlmerce entre la Tripolitaiue et le Sahara est souligné par R. C. C. I;w, < The Garamantes and Transsaharian En' terprise in Ctassical Times >, tourrul ol African Htstory, |967,VIJ',2, p.

181-200.

33. Il s'agit de rhiaocérog bicornes (contrairement au rhinocéros d'Asie, unicorne) dont I'apparition à Rome date du règne de Domitien : I. Drsenons, loc. cît. 108

Ia p&îo&

ilavlewu

V. Nouvelles acdons contre les ll[aues Tandis que, dans la partie orientale de I'Afrique, semblait ainsi sninstaller un climat de coopération, en Maurétanie au contraire selon un schéma qui commence à nous devenir tamilier - des difficultés surgissaient. C. Velius Rufus *, -, équestre, eut charge de les régler. Le titre qui officier d'ordre est donné à C. Velius Rufus exercîtus AIrtci et Maure- duxfois. tanici apparalt pour la première Il implique que I'offr- sous ses ordres à la fois des troupes cier eut légionnaires venues de Numidie, et des troupes auxiliaires tirées des gamisons de Maurétanie. Mais, d'autre part, c'est en Maurétanie que les combats eurent lieu, c'æt-à-dire loin du camp d'Ammaedara; pour qu'une pareille combinaison de troupes fût possible, il fallait nécessairement que le théâtre des ot'rations ne ftt pas trop éloigné du camp de la légion : car I'acheminement des soldats ne devait pas souffrir de retard. Or, on peut aujourdtui penser avec quelque certitude que cette condition êtut remplie. En effet, la découverte de l'inscription du camp de Titus à Lambèse e montre que, dès 71, une partie de la légion africaine s'était installée à Lambèse. La poussée de l'armée vers I'ouest apparalt donc maintenant conme aya têté opérée beaucoup plus tôt qu'on ne le croyaito. Si I'on songe à I'importance stratégique de la position de Lambbe, on comprend aisément la hâte du commandemant romain à tenir ce point, et à y cantonner des troupes : c'étauit s'assurer le contrôle des principales voies d'invasion possibles 8'. Si bion 34. tr est cotrnu par une inscription de Baalbek (D, 9200) qui le d&igne comne : duz etercitas Alrtci et Mauretanlcl ad nationes que sant ln Mawetania comprimendas; H. G. PrtÂuu, Les Procurateurs..., p. 127 i m., Canlères, ûo 50, p. llÇ116; p. 966 (Aùlenfu) ; dûs rectifiée : avant 86; P. RoMaNaLLr, Storla.,,, p. 305-306 (date E6-87). 35. L. Lnssu, < Inscriptions latines de rqmb&e et de Zana >, Hbyca, 1953, I, p. 189 (- AE, L954, t37r. 36. F. de PacsrÈns, in CRAI, 1916, p. 273-284, est donc à corriger sur ce point. 37. Cette mesure devenait d'autant plus nécessaire que I'accès de la Proconsulaire par le sud-est était maintenant fermé définitivement aux 109

que, lorque des troubles éclatèrent en Maurétanie, on put songer à envoyer là-bas des légionnaires. Peut-être même peut-on en inférer que ces troubles durent se produire aux confins numidocas rtr" siècle o.

au fut le L'emploi de la formule ad, nationes quae sunt in Mauretania comprimendas mérite d'ailleurs un rapide examen, car I'expression est singulière. Il nous semble en effet qu'elle n'est pas due au hasard. Si, à la place du terme vague et habituel de Manri, I'on a tenu à employer I'expression développée rutiones qtue sunt in Mutretania, c'est que sans doute cette précision supplémentaire avait son importance. Elle implique, semble-t-il, qu'il s'agit de tribus qui, quoique se trouvant à I'intérieur d'un territoire tenu par les Romains, ont conservé leur organisation traditionnelle, leur indépendance, et leur liberté de mouvement. Le verbe employé pour désigner l'action menée contre elles (ad comprimendas) justifie cette expression. Comprimere veut dire plus que les termes habituellement employés en pareilles cirot. Il ne constances : ord.inare"", sttbigere, cornpescere*, bellare s'agit donc pas d'un soulèvement maure, puisque le texte ne parle pas de vaincre ou de réprimer; il s'agit surtout de comprimer, c'est-à-dire de réduire la liberté de mouvement de ces tribus, de les contenir dans leurs limites et de les empêcher de déborder des limites qui leur sont consenties. La date exacte de cette mission a suscité quelque discussion. Mais il semble que l'on puisse adopter la reconstitution de la carrière de Velius Rufus telle qu'elle ressoft de I'analyse de H. G. Pflaum *. La participation de Velius Rufus à Ia guerre germanique se situe en 83 ; immédiatement après cette guerre, il passo en Afrique pour diriger la XIII" cohorte urbaine à Carthage, et c'est à la suite de cela que Domitien lui donne le commandement de I'exercitus Africus et Mauretanicas; cela se passe avant 86, date de la fonction suivante de Velius Rufus. maurétaniens, comme ce

Sahariens, qui allaient donc tout naturellement tenter de trouver une voie d'accès plus occidentale.

38. CIL, VItr, 2615. 39. SuÉrone, Vie (Galba), 7

; AE,

40. FLoRus, V,2,31. 41. PrDqs, V, I, ll. 42. H. G. Prr-euu, Carrières, 110

1941, 79.

n" 50, p.

114-116-

p. 966

(Ad'denda).

Ia

pérlode llavlenne

Ces données chronologiques ne semblent pas contredire le rapprochement que nous établissons entre l'installation des légionnaires à Lambèse et le caractère composite de I'armée confiée peu après à cet officier. Celui-ci, qui devait avoir un très brillant avancement comme procurateur de Pannonie et de Dalmatie, puis gouverneur de Rhétie 4, semble avoir mené à bien sa mission contre les tribus de Maurétanie. Peu de temps après qu'il eut mis fin à son action, la situation redevient normale en

Tingitane : la province a un procurateur (et n'est plus liée à la Césarienne), et ce procurateur peut procéder normalement à des

démobilisations s.

Ainsi, après faccalmie consécutive aux troubles de la période de 68 à 69, fépoque flavienne apparaît comme une époque d'intense activité, tant du côté romain que du côté africain : shacune des provinces d'Afrique a connu, tour à tour, son heure de trouble ou d'agitation. Explorations, expéditions punitives, gueffes, mesures de romanisation administrative, les R's6ains ont trouvé lnoccasion d'utiliser toute la gamme des interventions possibles, et le plus souvent avec un certain succès. Le grand atout de I'armée romaine, c'est évidemment I'absence inâ vitable de cærdination entre ceux qui, à des niveaux-divers, - sa domination. Mais cette dispersion, si elle permet contestent aux Romains de gagner des batailles limitées, ponctuelles, les condamne aussi à ne pas remporter encore de victoire définitive, et ce malgré la souplesse de l'appareil administratif et militaire qui permet de porter tout I'effort sur les points menacés en confiant aux magistrats ou aux chefs militaires des pouvoirs et des titres exceptionnels.

43. H. G. Pneuu, Carrières, p. 120. 44. Sur le retour au calne en Tingitane : CIL, XY\ 159 (L. Vallius Tranquillus, procurator); B. Tnoussox, Statthalter, II, p.291-292 (carrière de C. Vibius Salutaris qui fut subprocurator de Tingitane).

4

De la réorganisation trajanienne à llnterventionnisme militaire des derniers Antonins

I. La réorganisation

de l'Afrlque

Le succès de la campagne de C. Velius Rufus en Maurétanie semble bien marquer la fin d'une époque. Jusqu'ici leffort militaire romain se portait plus volontiers sur les zones méridionales de I'Atrîca et de la Numidie, et s'exerçait, avec une certaine prédilection, d'abord contre les semi-nomades ber$res, pù conte les nomades du Sahara. Tenace et bien menéo cet effort avait atteint un de ses buts principaux, I'extension vers le sud de l'aire de domination romaine. Aussi les opérations militaires vont-elles désormais pouvoir marquer, dans la plus grande partie de lAfrique romaine, un temps d'arrêt : I'accent est mis sur des tâches d'un autre genre. Vespasien, déjà, avait entamé une réorganisation des provinces. Ce souci va se manifester d'une façon plus ferme et plus soutenue sur plusieurs plans : création de routes nouvelles, de colonies de vétérans, laainmiss (gâce aux limitations) sur des tenitoires arrachés aux tribus vaincues ou repoussées. Profitant avec à propos dnun rapport de forces

qui leur est incontestablement favorable en raison de la désunion et de la désorganisation des Africains, les Ronrains tentent d'instituer un équilibre nouveau qui consolide les gains acquis. Un rapide bilan de l'æuvre des Flaviens' en Afrique fait apparaître cette volonté nouvelle de remise en ordre. Nous avons déjà pu voir leur action dans le domaine miiitaire : déplacement du camp de la légion dnAmmaedara à Theveste, crfution d'un camp légionnaire à Lambèse. Mais il faut aussi signaler d'autres initiatives tout aussi importantes pour I'avenir. C'est d'abord I'installation de postes militaires à divers points stratégiques, dans la région de Masculao à Aquae Flaviarae', à, Vazùvin i installation qui se complète par I'esquisse d'un limes o au nord de l'Aurès 0 et par fintroduction des premières unités spécialisées venues de Syrie'. C'est ensuite la création d'un certain nombre de colonies : elles sont choisies, comme toujours, en étroite liaison aver l'æuvre de protection militaire qu'elles complètent. Au sud de la dorsale tunisienne, outre Ammaedara, peuplée de vétérans, on trouve Cillium'' Plus loin, aux confins du nord-est, de I'Aurès, est installée la colonie

1. M. Lecr,er, < Iæs Flaviens et l'Afriqne >, MEFR, 1968, LXXX' p.2Ol-246. 2. CIL, Vtrr, 17725. 3. ClL,

Yfl,

17727.

4. CIL, Vfir, L7633, 17637. 5. L'évolution du sens du mot limes a ét6 mise en lumière par J. BABADEZ, Fossatum,.., p. 133 et s. Mais A. Piganiol est récemment reveûu sur la question : < La Notion de lîmes >, in Quintus Çongress.

Intern. Lîmltls Romani Studiosorum (1961), 7-agreb, 1963, p. ll8-222.

S'appuyant snr un passage de I'a4lenteur Balbug (Grornatîcî Teteres, 1,9)

W\ 498 ; AE, 1947, t23), rl sous Domitien et Trajan, une voie mili'

et sur une inscription d'Angleterre (CIL, soutient que

le limas désigne,

taire servant d'organe à une politique offensive, et, depuis une ligne frontière

Hadrien,

à signification plus iuridique que militaire. Ce qui

semble correspondre aussi à l'évolution que nous constatons en Afrique.

6.

P. Seleua, Les Voles p. 25.

1951,

7. La cohors

VI,

3538

t AE,

I

rotnaines

de tAfrique du Nord, Nget,

Cholcidenoranr se trouvait en Afrique avant 6E (C/I,

19O6, 99).

8. L. PorNssor, in BAC, juin 1934, p. XIII et s. Cillium est peutêtre un castellum flavien. Lepcis est peut-être un municipe de Vespasien.

Yoit lnfra, p. tLA

518.

Réorganbatlon tralanlenrc et demizrc Antontns 0n dont les buts sÛatégiques sont évidents : elle est à proximité des Musulames, dont le tenitoire s'étend au sud, et des Numilne, qui sont au nord-ouest; frontière entre la Numidie et la Gétulie, elle sépare donc le pays de collines

de Madauros

arrosées aptes à l'agriculture des zones de vie pastorale nomade,

et à ce titre surveille une région dont le peuplement est surtout constitué de tribus ou de clans indigènes. Notons aussi la présence de colons à Lambaftrndi, entre Timgad et Lambèse to. Enfin, signalons simplement ici I'importante mesure que constitue

la lex Manciana, dont l'initiative

remonte, semble-t-il,

à

un

proconsul des année,s 70-72, T. Curtilius Mancia'l, et qui rcsta en usage assez longtemps pour que I'on trouve ensore, sur les Tahlettes Albertini (Cest-à-direo comme on saitn des actes de vente de l'époque vandale trouvés près de Tebessa), la mention de culturae Maræiarwe : elle permeffait en effet de confrer des terrqs, prélevées sur le domaine impérial ou public, aux soins de ceux qui voulaient cultiver des sols vierges. Avec les premiers Antonins, l'æuvre romaine se poursuit dans

la même direction. Toute Ia région qui s'étend au sud de la Proconsulaire et à l'ouest de Tacape est maintenant sous contrôle

romain, comme I'est aussi la partie de la Numidie qui lui est proche (ligne des chotts et versant nord de I'Aurès). La progression vers le zud est rendue manifeste par la découverte d'un nrilliaire de Nerva (datant de 97 ) se rapportant à la route Tæape-Lepcis. Route dont l'importance est grande, puisqu'elle commande les relations avec la Cyrénaique et même, au-delà" avec Alexandrie, et dont l'aménagement n'a pu êûe sérieusement entrepris qu'après le succès de la campagne confte les Nasamons. Au même moment, se manifeste I'existence da castellus (sic) Thigensiuml" : son rôle est de garder l'unique passage qui, dans la région des Chotts, met en relation le Tell tunisien avec les régions désertiques. Peut-être n'a-t-il été conçu que comme le premier maillon de la chaine qui va ensuite, sous Trajan, faire 9. ILAT, 2L52.

to. cIL, wfi, u39. Ll. CIL, VIn, 25902 ; C. (en particulier, p. 140). 12. cIL, VUI, 10016. 13. cIL, Vm, 23166.

SeuMeGrrB, Tablettes

Albertlni,

p.

97-142

115

passer la ligne du limes au sud de l'Aurès et le long de la ligne des Chotts. L'ouest de la Numidie est muni de défenses contre les tribus des Bibans et de la Petite Kabylie. C'est à Nerva qu'on doit la dédnction de nouvelles colonies, Cuicul, Mopth... et Silill's, qui font la jonction, si l'on peut dire, entre le territoire cirtéen à l'est, et les colonies augustéennes de Maurétanie, car ces dernières étaient restées, depuis leur création, dans la position de postes avancés, un peu isolées des cités de la vieille province. On ne sait pas avec certitude s'il y eut, avant la déduction des vétérans, das agglomérations préromaines sur ces sites ; Cest assez vraisemblable, car les noms ne sont pas particulièrement romains'1 Quoi qu'il en soit, le choix de I'emplacement de ces colonies est intéressant.I-a Colonîa Nerviana Augusta Manialis Veteranorum Sitifensiumlo est au milieu d'une riche plaine céréalière'", tandis que Cuicul se situe plus au nord, sur un éperon rocheux entre deux oueds, et joue le rôle de point de surveillance de la Kabylie des Babors tout en étant un centre d'échange entre la zone côtière et les hautes plaines de l'inté-

lieur rt. L'arrivée de Trajan sur le trône marque le début de la période la plus féconde de I'organisation de I'Afrique ". Au nord de fAurès,la déduction en 100 de colons à Thamugd,i" obéit à des soucis d'ordre militaire; la nouvelle colonie avait peut€tre été précédée sur son site par un poste militaire,

14. P. A. FÉvrrer, < Notes sur le développement urbain en Afrique du Nord. Les exemples comparés de Diemila et de Sétif >, Cahlers archéologiques, 1964,

X[], p. 147,

15. P. MæsÉn4 in BAC, 1946-1949, p. 345 et s.; CIL, VUI, 8473, 10338, 10347, 10362. 16. Sur la région de Sétif, J. Drsrots, L'Atrique du Nord, Patis, 1958, 2" éd., p. 371. 17. Lorigine nervienne de Cuicul n'est pas attestée avec autant de certitude que celle de Sitifis, mais elle est très vraisemblable : R. Cecxlr, < Djemila, colonie mittairo de Nerva >, CRAI, 1918, p. 593 et s. Sur Mopth..., voir L. GAleNo, < Mons, Mopth... et Mopt >, MEFR, 1949, LXI, p. 57 (: AE, 1950, 136). 18. Sur I'aspect municipal de I'action romaine, voir I. Gæcou, La Polltlque manicîpale..., p. 67 -114. 19. CIL, VlIl, 17842 1- 2355); 17841, 17843.

lt6

Réorganisatbn trajanlewte et dentiew t4atonlns

car elle peflnet de surveiller les deux défilês de l'Aurès, Foum Ksantina et Oued Taga, et commande ainsi les voies qui, par les vallées de l'oued El Abiod et de lbued Abdi, font coûrmuniçer les régions de part et d'autre de I'Aurès. Il est difficile de dire si une agglomération préromaine existait avant I'insfallatioll des vétérans : le nom de la colonie pourrait le faire crofue, malgré le caractère essentiellement romain de I'urbanisme de la citê'o. Mais le souci militaire n'est peut-être pas le seul, et Timgad a peut-être aussi pour fonction de faciliter les contacts avec les populations montagnardes. Toujours au nord de I'Aurès, et avec les mêmes buts, sont construites les routes qui relient Tlumugadi à Mascula o', ainsi qae Theveste ù TrBlepten. Cette dernière cité, importante surtout par son rôle de næud routier, dut recevoir de Trajan une déduction de vétêrans qui lui vaut son titre de colonie *, sans doute lnur assurer la continuité de son occupation. Au sud, de l'Aurès, une nouvelle organisation militaire va être mise en place, le limes de L. Minicius Natalis *, gd double la ligne septentrionale que vient de renforcer la création de Tlurnugadî zla man@uvre d'encerclement de I'Aurès se précise et s'étale au grand jour. La partie centrale de ce nouveau limes s'apryt;fle sur le camp nouvellement qêê à Nigrenses Maiores @esseriani), reté à la route Capsa-Theveste; la partie orientale est renforcée par la construction de la voie entre Capsa et Twris Tamalleni, andenne Civitas Nybgenîorumt. Vers I'ouest, Ad Maiorcs est relié à" Ad Medias, et audelà sans doute, toujours en suivant le pied méridional de l'Aurès, à Tlnbud,eos. Tous ces travaux s'accompagÊent d'une prise de trnssession effective des terres utiles, comme le suggère la présence tw ac,tor de Minicius 20. C. Countos, Timgttd, antlque Tantugadl, Alger, 1951 ; L. Lsscnr, EAlgérte antique, p. 105-106 ; C. SÂ,uMlolrs, c Iæ Plan de la colonie trajane de Timgad >, CT, 1962, p. 489-508. 21. cIL, VIIL 10186, 10210.

22. CIL,

VIII,

10037;

ILAI,

3958.

23. f. Tour,mv, Les Cités romaines de la Tunlsie, Paris, 1895, p. 316317 (citÉ ensuite z Cttés..). 24. Sur les travaux enûepris par L. Minicius Natalis, légat en 105, voit CIL, VI.II. 2478 (= 17969), 2479 (- t7971), 22?48 et s., 2E073 a

1= D, 5958 a). 25. rLAr, 65s.

tr?

Natalis dans la région de Besseriani'0. Le transfert définitf de la légion à Lambèse, où déjà une partie de la troupe campait depuis 81, complète le puissant dispositif trajanien. Aurès, Metlili, Hodna sont encerclés et isolés les uns des autres. Theveste, qui avait abdté la légion sous les Flaviens, se voit octroyer le statut de colonie après le transfert des soldats à Lambèse !'. Les soucis militaires, quoique moins évidents, ne sont pas non

plus absents des mesures administratives prises par Trajan, exception faite toutefois des cas particuliers de Iæpcis et d'Hadrumète.

f importance d'Hadrumète, vieille cité phénicienne figurant parmi les villes libres citées par la loi de 111, appelée oppidum

lîtierum par Pline, est grcnde en tant que port principal dtt Sahel et centre de production et doexportation de I'huile. Uancienneté de sa population romaine (un conventus lort prospère y séjournait dès avant César), I'enrichissement de sa population indigène, la romanisation consécutive à cet enrichissement, ont dt jouer en faveur de son élévation au rang de colonie'". L'évolution de Lepcis est analogue et la raison économique de sa promotion est identique ; mais son degré de romanisation est sans doute moindre, puisque, comme nous le verrons, le punique s'y est maintenu très longtemps *. Dans le sud de la dorsale, on lencontre aussi diverses créations trajaniennes. A Thelepte, mentionnée comme colonie'u au début du Ir" siècle, et où figureil quelques mentions de la tribu Papiria (qui est celle de Trajan), il est probable qu'il s'agit, non d'une élévation du statut, qui serait surprenante pour une cité encore peu importante, mais d'une déduction de vétérans, qu'expliquerait f importance stratégique du site. La riche oasis de Capsau', gui devient municipe, doit son importance à sa 26. CIL, VlIl, 10962. La présence d'un actor suppose I'existence d'uas propriété. P. RoMANBLLI, Storia..., p. 318. n, ILAI,T, p.28G287. De la mêine façon Ammaedara était devenue colonie après le départ de la légiou pour Theveste. 28. cIL, VIII, p. 14 et s' i CIL, YI, 1687 ; L, Foucgen, Hadrumetun,

Tunis,

1964.

29. Inscriptions

ol Roman Tripolitania (IRT), p. El. Voir infra l'ono-

mastique de Lepcis, p. 511.

30. ctL, vlll, 2rl-216. 31. Capsa a encore des suffètes en 1M-105 (ClL, VUI, 22796).

118

Réorganisatlon tralanienne

ct

derniels Antonlns

positior méridionale et à son rôle de næud routier : elle est en effet déjà reliée à Theveste depuis l'époque fl.avienne, mais elle se trouve, sous Trajan, reliée par une route à Thusuros et ù

Twris Tamallenî. Il faut noter encore d'autres mesures d'un caractère différent : la délimitation du territoire de certaines tribus *, I'octroi du statut de municipe au vieux centre indigène de la tribu des

Numidne, Thubursicu Numidarum s, peut-être aussi à Calama s. Le vaste plan de réorganisation semble avoir été mené à bien sans rencontrer trop de résistance en Alrica et en Numidie. En Maurétanie, Ia situation fut différente. Ainsi, en Césarienne, le congé donné en 107 aux soldats de trois ailes de cavalerie et de dix cohortes de fantassins * doit peut-être s'interpréter conrme le retour à la paix après une période troublée o ; de même, en 107, I'acte d'allégeance des Mauri Maccues au procurateur T. Caesernius Statius Quinctius Macedo I' est peut-être consécutif au règlement de quelque conflit antérieur. Mais ce ne sont que de minces hypothèses, suggérées par le fait qu'on retrouve, dans la Tingitane voisinen des indices de troubles militafues. Le procurateur P. Besius Betuinianus C. Marius Memmius Sabinus, officier qui a obtenu des décorations pendant la guerre dacique (et qui est donc un bon militaire), reçoit le titre significatif de pto legato * avec le commandement de fioupes légionnaires. La présence tvn subprocurator s en Tingitane est peut-être aussi le signe d'une situation difficile @. Situation qui était peut4tre 32. Sur le sens de cette me.sure, lnfru, p. 42940. 33. ILAI, L24O, 1244, 1300. R. Syrun, c Tacfarinas... >, loc, cût., p. t25 t cette colcession serait liée à la légation de A. Larcius Priscus (106-110), qui aurait conféré la cité romaine au praefecnrs A. Larcius Macrinus.

34, CIL, VIn, 5351 (- ILAI, 285). 35. CE, XVI, 56. 36. P. Rouenettr, Storla..., p. 329. 37. AE, t904, $A.

38. CIL, VIU, 9990 (= D, 1352). B. THoMAsso\ Statth^Iter, ll, p. 293-294 (date : 103-117) : texte trouvé à Tanger. H. G. Prr.run, Car-

rières, p. 168-169 ; P. Rouennrrr, Storia.,,, p, 329-331. 39. Voir Forschangen in Ephesos, 1912, I, n" 28 ; R. Ceounr, .LZrmée-u p. 39 ; B. Tnoraessou, Statthalter, Il, p. 292. 40. Voir, à ce zujet, H. G. Pflaum (mémoire sur les sabprocuratores

en

préparation). 719

redevenue normale à partir de 109, puisque de nouveau des soldats sont mis en congé{' à cette date, puis entre 114 et ll7. Il n'est pas impossiblê, pd ailleurs, gue ces mises en congé aient été à I'origine de quelques soulèvements indigènes, peutêtre même de celui qui marquera les débuts du règne d'Hadrien. A vrai dire, le fond du problème est ailleurs ; il est dans la mise en @uvre d'une politique générale qui ne se soucie pas toujours suffisamment de ses conséquences lointaines. En effet, I'administration romaine ne semble pas avoir pris conscience des répetcussions indirectes que pouvait avoir en Maurétanie la réorganisation partielle de la Proconsulaire. Ainsi, le verrouillage, réussi, da limes, depuis la mer jusqu'à I'Aurès, pousse veË I'ouest (comme nous I'avons déjà signalé à propos de l'installation de la légion à Lambèse en 86) une partie des nomades du Sahara septentrional, qui cherchent un passage vers le Tell. Or, dans cette recherche, ceux-ci viennent se heurter nécessairement aux montagnards de Maurétanie, surtout à ceux de la Césarienne. I-es Maures ainsi se trouvent doublement entravés : au nord, par les nouvelles colonies romaines, au sud, par les Sahariens. Position inconfortable, qui permet peut-être de comprendre la ténacitê de la résistance maure lors des tentatives des Antonins contre I'Ouest nord-africain.

II. Suce.ès et 6checs iles Antonins dans leurs tentatives d'avance vers ltouest

Il

est d'usage de présenter les guerres menées, sous les règnes

d'Hadrien et d'Antonin, en Maurétanie (probablement dans I'ouest de la Césarienne et dans le nord-est de la Tingitane)' comme de brusques flambées de révolte, dont il est inutile de rechercher sérieusement les causes, tant il est admis que la < turbulence endémique > des Gétules ou des Maures suffrt à *. fournir la clef de tout épisode troublé de ltistoire africaine 41,

p.

AE, 1936,70iCRAI,

330.

1951, p.432 et

s.; P. RoaaeNsrrt, Storia..,'

42. Yoir le titre significatif d'un chapitre de p. t77-230: < Iæs Flambées maures. > 120

M.

RecnBT, Rome,.,,

Réorganiutlon tralanienne et demlew Anlot lns

Nous tenterons, eû étudiant les événements de cette première partie du u" siècle, de donner quelques arguments pour une pr&entation différente des faits, qui fasse apparaltre, au moins à tine d'hypothèse, Ia responsabilité de I'autorité romaine dans le déclenchemeil de ces troubles. Il semble bien, en effet, que ce sont des tentatives répétées d'implantation mfitaire € dans I'arrière-pays des colonies de la côte de Césarienne occidentale, qui peuvent permettre de comprendre, en leur restituant un sens et une continuité, les combats, auûement obscurs, que nos diverses sources attestent à cette époque.

l.

Les d.iîficultés tHadrien en Mawétanie

A. Les lpstilités de

118

I-es ûoubles qui marquèrent peut-être la fin du règne de Traian ne sont pas directement attestés ; c'est donc seulement à titre d'hypothèse au demeurant vraisemblable si I'on tient compte du contexte-historique et des maigres indices qui nous sont gûe nous nous sommes permis fournis faire état. Mais, -, de la résistance africaine nousd'en si cet épisode reste pour l'instant bien obscur, il n'en est pas tout à fait de même pour la période suivante, qui concerne le règne d'Hadrien a. Grâce ù l'Histoire Auryte, dont la série s'ouvre sut la Vita Hadriani s de Spartien, 43. L implantation militaire n'aurait constitué, en cas de succès, que étape du præessus classique de la < romaoisation >. 44. A propos d'Hadrien : D. T. Snurz, Iæben des Koîsers Hadrian, Leipag, 1904; lV. WetrR, Untersuchungen utr Geschlchte des Kaisers Hadrlanus, I*ipzlLg, 1907 ; P. L. Srnecr, Untersuchungen str rômischen Reichsprôgung des zweiten tahrhunderts. II. Dte Reiclrspriigutrg zar Zelt des Eadfian, Stuttgart, 1933. Au-delà du cas précis de la Yita Hadriani, on sait guels problèmes sont posés par les diverses biographies impériales de l'Histoire Augaste, et combien la valeur historique de ceûe compilatioa est Buiette à caution. Pour uu historique récent en français, voir A. Cuesrecnor, < L'Ilistolre Auguste >, Actes du YII Congrès Guillawne Budê, Paris, 1964, p. 187'212 (= < Le Problème de I'Histoîre Auguste : état de la question >, Historla Augusta Colloquium (/963) Antiquitas 4, B€itr?ige zur HistoriaAugusta-Forschung, 2, Bonn, 1964, p. 43-71), 45. Limprécision géographique du texte de Spartien est totale. Le terme de Maurétanie ne petrnet pas de savoir s'il s'agit de la Césarienne ou de la Tingitane. Peut4tre faut-il en conclure que c€s troubles

la première

tzl

nous savons avec certitude, sinon avec lxle suffisante précision' que des troubles eluent lieu en Maurétanie 8. Ia localisation ainsi que I'exacte raison de ce soulèvement nous sont à wai dire inconnues. Quel rapport a-t-il avec la disgrâce et la mort de n' Lusius Quietus, le général bien connu de l'époque trajanienne ? qui lie les deux [. est difficile de le dire. Le passage de la Yita, événements, est difficile à utiliser z Lusium Quietum sublatis gewibtts Mauris guos regebat, qaia suspectus imperio luerat exormnvit. Marcio Turbone ludaeis compressis ad deprtmendum tumultLm Mauretanicte destinato. On sait que Lusius Quietus avait pris part à la campagne d'Orient avec des contingents africains : R. Cagnat parle à ce sujet * de , Istros, 1934, l, p. 5 ; G. C. Prceno, Civtlisation..., p. 135 et s. ; L. PeraRsen, < Lusius Quietus, ein Reitergoneral Trajans aus Mauritaniet >, Altertunt, 1968,

Xry, p. 2ll-217. 48. R. Ceorur, LiArmée..., p. 262, 49. J. Cmcorrno, in Istos, 1934, l, p. 7. 50. M. Recner, Rome..., p. 179-180. On peut aussi penser que le soutèvement a précédé la dissolution des troupes de Lusius Quietus : J. Cercornto, Ioc. cit; G. C. PtcARD, Cîvllisation.,. 122

Réorganlsation tralanîenne et demiers r4ntonlns

tentement que la disgrâce de Lusius Quietus, par exemple une tentative inopportune de réduire l'indépendance de ribus non soumises, comme celle des Baquates.

L'envoi de Q. Marcius Turbo contre les Maures atteste la gravité de la révolte. Q. Marcius Turbo, à qui Dion donne la qualité de orporqyrhtonoc, &"{p u', e.st en effet ut pffsonnage dont la carrière, aujourd'hui reconstituée avec une certaine vraisemblance 6', mérite I'affention, notamment par la place qu'y occupent les grands commandements militaires. Retenons simFlement qu'il fut chargé par Trajan en 116 de réprimer la révolte des Juifs en Clrénarque et en Egypte, et quT fut mis à la tête de détachements de fan1g5sins, de savaliers, qinsi que d'une escadre navale !". H. G. Pflaum suppose que cette mission de répression fut confiée à Turbo alors qu'il était préfet de la flotte de Misène. Cest à la suite du succès de cette mission que le nouvel empereur, Hadrien, lui confre le soin de réduire le soulèvement maurétanien. tr est très peu vraisemblable qu'il se soit acquitté de cette tâche avec le simple titre de prosurateur ou même de I'ampleur et

procurateur prolégat. On sait en effet que les deux inscriptions de Rapidum * et de Caesarea * qui semblaient autoriser cette hypothèse ne s'appliquent pas en fait à Q. Marcius Turbo, le

51. DroN CAssrus, IXDç 18. 52. Au sujet de la carière de Q. Marcius T\ubo, les difficultés sout nées de la confusion gui a souvent été faite entre le préfet du prétoire et un de ses proches parents. Il est vrai qu'une remarquable homonym.ie et une certaine similitude entre les carrières des deux homonymes, qui fureat notamment tous deux appelés à la tête de la Maurétanie (probabl€ment césarienne) rendait cette confusion tentatrte. D'où les prises de position diférentes des divers commentateurs, en particulier : lV, Srsron, in MEFR, 1928, XLV, p. 158; E. Ar.nnnrrm, iî BAC, 1930-1931, p. 169; L. Lesqu, iî CRAI, 1945, p. 14+162; E. FhÉ,zour,s, it Syrla, 1953, X>O(, p. 247-/78; B. Tnouessox, Statthalter, II. p. 24G253; H. G. Prreuu, Carrières, p. 199-216 et 375-385. La reconstitution opér6e par H. G. Pflaum s'appuie sur ute argumentation empruntée à R. Syl'ta, < The Tfrong Marcius Tûbo >, IRS, 1962, LII, p. 87-96, Yoir înfra. 53. EusÈor, Histoire ecclêslnstique, fr|, 2. 54. W. Srmory loc. cit., p. 159. 55. E. ArsrRrntr, loc. cit., p. 169 (- AE, 1931, 35) ; à compléter par L. I-nscnr, Ioc. cit,, p. 144 (- Â8, 1946, ll3),

p.réfet du prétoire, mais à un parent homonyme à qui assigner une date plus basse. H. G. Pflaum suggère,

il

à

faut titre

a pu être maintenu dans son poste de préfet de la flotte de Misène par Hadrien, qui aurait simplement étendu son brevet de dux à la Maurétanie s. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, il faut suttout retenil le fait que Turbo a mené sa campagne maurétanienne en quelque sorte < dans la foulée > de la campagne contre les Juifs, qu'il a donc vraisemblablement bénéficié de la même abondance et variété de troupes au cours des deux campagnes. Aussi, n'est-il pas o' et Pallu de Lessert *, hasardeux de penser, avec Marquardt qu'il dut au moins avoit sous son commandement toutes les forces des deux Maurétanies o'. La campagrre en tout cas fut relativement brève puisque, commencée au cours du second semestre de I'année 117, elle s'acheva en février 118, Turbo recevant temporairementn à cette date, un nouveau commandement sur la frontière du Danube, celui des deux provinces de Pannonie et de Dacie'o. La victoire de Turbo se traduisit sur le terrain par I'implantation de nouveaux postes de défense, tel le praesid,ium Sufative (Ain Temouchent) créé, sans doute en 119, par le procurateur L. Seius Avitus "'. N'est-il pas remarquable de voir que c'est une cohors I Flavia Musulamiorum qui est à l'origine de ce poste ? Il semble que, dans sa marche vers I'ouest, l'autorité romaine tienne à faire une place aux Africains originaires des régions réputées paciliées de la province proconsulaireu'.

d'hypothèse, que Turbo

56. H. G. PFLAUM, Carrières, p. 375-379. 57. J. MenqurtoT, Organisation de I'Empire romain, lI, p. 482, 58. Per-ru or Lessenr, Fastes, I, p. 481. 59. Ce qui pourrait encore justifier I'imprécision du texte de Spartien

à propos de la localisation

des troubles.

60. Ilirt Aug. (Vita Hadr.), 6,7 ; A, von Pngvrensrrnr, < Das Attentat der Konsulare auf Hadrian im Jahre 118 n-Chr. >, Klio, 1908, Vm'

p.

19.

AE, 1913, 157. 62. Cet exemple, le premier à notre 61.

connaissance, de la participation (on pourrait dire de I'intéressement) des Africains < assimilés > à lextension de la domination romaine sera fréquemment imité au cours du rrf siècle, et plus tard encore, où nous assisterons à une véritable c colonisation intérieure > (cas d'Altava).

t24

Réorganlxtlon traJanienne ct dernlcrc Antowns

Faut-il supposer que de nouveaux troubles éclatèrent en 119120 et rendirent nécessaire une seconde campagne de Turbo en Maurétanie ? Rien n'est moins str. Cette hypothèse de L. Læchi *, reprise par P. Romanelli 0n, repose sur une très fragile construction, Qui attribue à notre Q. Marcius Turbo I'inscrip tion de Caesarea s et restitue arbitrairement certaines des lacunes de la carrière figurée sur cette inscription. Voici en effet comment se présente ce texte :

T(ito) F(atio) T(iti) filGo) Palstînla Prisco C. Gallolnio Frontoni Qfuinto) M(ar)cio Turboni prl... prlo4uratort) pro leg(ato ) provinc(iae) Mawetan{iae) Caes(ariensis) I.,leg@to) et prasf(ecto) prov(inciae) DacLiael inferioris, pro 1...7 proc(urmort) X X herediltat(iam)l provincine fSyrîae PaLaestlinae proc(uratori) ad ce(nsus...).

En identifiant arbitrairement le dédicataire de ce texte avec le préfet du prétoire, L. Leschi introduisait dans cette carrière,

2,la prélerfitre du prétoire, à la ligne 3, Ia procuratèle de Tingitane et la préfecture d'Egypte, et, à la ligne 4,la procuratèle de C6arienne. Or, ces restitutions, bien hardies, perdent à la ligne

toute valeur une fois que l'identité du dédicataire est mise en s. Comme nous n'avons par ailleurs aucun élément qui permette de faire état d'un second passage de Turbo en Afrique, force nous est de considérer, jusqu'à plus ample information, qu'il n'y eut pas de guerre proprement dite en Maurétanie entre 118 et l'hiver 122-123, date où est attesté un nouveau soulèdoute

vement.

Néanmsins, il est fort vraisemblable gue les quelques années qui séparent la victoire de Turbo de la reprise des hostilités durent être marquées par de nombreux troubles u'. C'est du

CRAI, 1945, p. t44. P. RouararLt, Storlo..., p, 334. 65. AE, 1946, tl3, 66. Voir les restitutions différentes proposées par H. G. PFLAUM, Carrières, p. 375 et s. 67. tr doit s'agir en fail entre ll7 et 122, d'une seule et même longue période de troubles, dont nous ne coanaissons que les moments l€s plus graves, ceux qui nécessiêrent d'abord l'intervention dbn général énergique et expérimenté, puis I'intervention do I'empereur lui-même. 63. 64.

moins l'impression que I'on retire de I'analyse de diplômes militaires trouvés à Banasa et à Volubilis *. On pourrait croire, à la lumière de ces documents, que I'armée de Tingitane a vu

accroître son effectf" : alors que' sous Trajan, les forces d'occupation, relativement restreintes, se seraient limitées à

to, elles auraient été portées, avaît 122, deux ailes et six cohortes

à cinq ailes et neuf cohortes. L'absence de certaines unités sur lei diplômes de Trajan et leur présence sur ceux de 122

n'impliquent pas qu'il y ait eu une modification de I'effectif militaire sur le terrain. En eft'et, les mesures de démobilisation ne touchent pas nécessairement l'ensemble des corps stationnés dans la province. D'autre part, le nombre des soldats libéiés dépend du nombre des soldats recrutés arrivés en fin de service, et n'est donc pas en liaison avec les événements immédiatement contemporains. En fait, il n'est pas nécessaire, selon Nesselhauf ", d'imaginer que cet accroissement soit intervenu en liaison avec la révolte de l22.Il semble plutôt que le corps d'occupation at étê) maintenu, depuis le début du tt" siècle, au chiffre de cinq ailes et neuf cohortes, dont on peut donner les noms :

I Attgusta Gallorum, I Gallorum Tatç Harniorum Syrorum sagiltaria, III Asturum; b) cohortes : I lturaeorum, V Delmatarum, IIII Gallorum, I Asturum et Callaecorurn, II Syrorum sagittaria milliaria, III Astururn, II Hispanorum, I Lemavorum, II Hispana". a) ailes ; Gemelliana,

rîana,

I

68. Banasa : CRAI, 1934, p. lL (= CIL, XVI' 73) i CRAI, 1942' p. 171 (- AE, 1942, 43, 84). Votubilis : CRAI, 1942, p. l4l (: AE, 1942-1943,83, frag-e11 1" 1;. 69. H. NssseLIIAUF, < Zur Militiirgeschichte der Provinz Maurotania Tingitana >, Epigraphica, 1950, XII, p. 34-48. 70. CRAI, 1935, p. 408 (- AE 1936,7t). 71. H. Nasssrglss, loc. cit., P. 42' 72. Or peut ajouter peut€tre à cette liste le nom de la cohotte IV Ylndelicorum, gui apparalt sur le diplôme publié dans CRAI, 1949'

p. 335 (daté aves vraisemblance de L24) eî. qui en 117 était encore en ôermanie (H. Nsssslgeuv, Ioc. cit., p. 39). Mais il est difficile de l'affirmer avec certitude. J. Beneonz, in Libyca, 1954, ll, P. 128, préfère placer l'arrivée en Maurétanie de cette cohorte à l'époque d'Antonin. 126

Réorganlsatlon tralanicnnc

et demiers

Antonlns

B. Les lpstîIités de 122 C'est à la Vita" d'Hadrien que nous devons la principale allusion, à wai dire bien laconique, aux hostilités de lZ2 :

Moutorum cornpressit et a senatu supplicationes emeruit. Peut-on en tfuet argument pour assurer que la gavitê du soulèvement fut telle qu'elle amena I'empereur, qui séjournait alors en Espagne, à se transporter en Afrique pour prendre personnellement en main la répression contre les Maures ? Il semble que loaccord se soit à peu près fait sur ce point ?4. En tout cas, le fait que le Sénat ait cru devoir voter des actions de grâce atteste du moins que la situation fut jugée grave. motu,s

Sur le déroulement même des opérations militaires,

il

est

impossible de donner de véritables précisions. On a néanmoins

une légère indication qui permet peut-être de connaltre I'aire

dnextension de la zone troublée. Il s'agit de l'attaque de la colonie de Cartennae par la tribu des Baquates æ, dont fait men-

7t, Hist. Aug. (Vita Hadr.), 12, 7. 74. M. LABRousÊe, < Le Premier Voyage d'Hadrien >, Mélanges de la Société toulousaine détudes classiques, 1948, II, p. 125-147. Iæs conclusions de l'article de Labrousse sont généralement acceptées. Pour établir la réalité du passage d'Hadrien en Maurétanie en l2Z, M. Labrousse s'appuie en prticulier sur des émissions monétaires de Rome et d'Alexandrie, remarquables à cette daûe par la floraison ds

symboles guerriers (abondance signalée d'abord par P. L $rucr, Ualersuchungen zur Rômischen Reîcluprôgung des Zweiten lahrhunderts, t. ll z Die Reiclupr,iigung zur Zeit der Had.rlan, Stuttgart 1933, p, 72, 79-80) et notamment : à Rome, légende EXPED AVG sur des pièces datanÇ d'après Strack, de 122-t23, et, à Alexandrie, la dédicace Koro&pr Nir1, qui ne peut s'appliquer quâ l'expédition de Maurétanie. 75. f. DnsnNcEs, Catalogue, p. 28-31, réunit I'ensemble des documon8 relatifs à la tribu. Au milieu du rr" siècle, le pays baquate se limite aux abords du Moyen-Atlas. Pour expliquer Io fait que des Baquatee aient pu attaquer Cartennae en Oranie, J. Carcopino supposait que lhabitat de la tribu était encore, en ll7-122, voisin de cette cité; Ia tribu aurait été, à la suite de cec troubles, refoulée vers l'ouest, et I'empereur se serait servi d'elle pour éloigner de la Tingitane les dangereux Autolols. E. Frézouts montre que cette hypothèse n'est pas nécessaire, et $rptose quo I'habitat de cette tribu a pu, au cours du u" siècle, se déplacer à I'intérleur d'une zooe allant du Chetif au Moyen-Atlas. Ce qui semble en effot plus aisé à admettre. (Voir E. FnÉ,zours, < I-es Baquetar et la province romaine de Tingitane >, BAM, 1957, II, p. 98-103.)

tion la base honorifique élevée par les citoyens et les résidents de Cartennae à C. Fulcinius Optatus'u. Quoique cette base ne soit pas formellement datée, J. Carcopino a pu montrer qu'elle devait très vraisemblablement être mise en rapport avec le règne d'Hadrien " ; nous pouvons donc affirmer que la Césarienne occidentale fut partiellement touchée par les troubles. Il est toutefois impossible de suivre J. Carcopino lorsqu'il écrit : < C'ast, en effet, entre Cafiennae et Isilsili (Djtdjelli) que la lutte s'est concentrée, et tout ce secteur pofte, avec l'empreinte de la victoire que remportèrent les généraux d'Hadrien sur la turbulence des Maures, celle des contraintes qu'elle imposa aux indigènes pour les maintenir dans le devoir. > Car le secteur compris en1're Cartennae et ISilSiIi est bien vaste (400 km environ), et l'on voit mal comment la lutte aurait pu s'y . Les autres arguments fournis sont aussi contestables. Ainsi, la const'ruction près d'Igilgili d'un Kastellum, Viaortae ?8, datant d'avant 128, ne doit pas nécessairement être mise en rapport avec le raid des Baquates sur Cortennaeo. *, rien Quant à l'autel dédié à la Victoria Augusti à Caesarea nlndique qu'il soit lié aux événements du règne d'Hadrien, et il en va de même pour l'octroi du statut colonial à Tipasa ". La 76, CIL, VIIII, 9663 : C. Fubinio M.l, Quir Optato IIam. Aus. IIvb q.q. pontil. Ilvir aug. aed. qulaelstori qui lnrupltilone Baquatium colonlam tuitus est ltesltlrnonîo deÛeti ordinls et populi Cartennitanî

et incolae prlmo ipsi nec ante alli aere conldo. 7?. J. CmcouNo, Ze Maroc antique, p. 263 et s. Cette datation, qui contredit celles proposées par R. Caor.nr, L'Armée..., p. 4E (Septime Sévère), ou R. Tnowexor, in REA, 1939, XLI, p. 25 (Marc-Aurèle et Commode), est acceptée par E. FnÉzouls, in BAM, L957, II, p' 66, et semble vraisemblable. M. RacHET, Rorne.,,, p. 180-181, met en rapport se texte avec les tout premiers débuts des troubles de 118. 78. CIL, VilI, 8369. 79. l* Kastellum Yictoriae est situé dans

la ville d'Igilgili, mais il

semble bien

le territoire dépendant de

qu'il ait été, à l'origine, construit

sur des terres enlevées à la tribu voisine des Zimizes. Sa fonction est de veiller à ce que les Zimizæ ne fra:rchissent pas les limites qui leur ont été imposées par I'autorité. t0. La dédicace n'ost pas datée, sinon par le fait que ( son style et sa netteté paléographique excluent une basse époque > (J. CencoprNo' op. cit, p. 269, n. 9). E. Ar-nenttrt, in BAC, 1934, p, )Orxrv. 81. Peut-être est-ce seulement à la suite des opérations de l'époque 128

Réorganlutlon balotbtsv et derûlsrs Attlonhr

reconstitution des faits, telle que la prâsentait J. Carcopino, n'd donc plus acceptable en entier : car le faisceau dæ preuves qu'i[ avait réunies pour justifier cette reconstitution n'est finalement

pas probante.

C. Les roisons de ces hostilités Une fois de plus, c'est quand, enfin, I'ordre revient dans la province de Césarienne, qu'apparaissent plus clairement les buts de I'autorité romaine : couvrir d'un système défensif l'ensemble de la province. Cest 1à le sens de la construction en t22 ût camp de Rapidum s, à trente-cinq kilomètres à I'ouest d'Auzia (qui assure la sécurité de toute la région qui le sépare de la mer et commande la liaison entre la Numidie et Sétif d'une part, la vallée du Chélif de I'autre), puis de I'achèvement en 124 des voies qui relient cette place à Auzia et ù Tlunaramusau. Cette organisation se prolongeait sans doute à I'est en direction de Zarai, à I'ouest en direction de la Tafna 6. C'est par ailleurs la même année que des routes comportant des fortins Êont construites e entre Sitilis et Saldae ainsi qu'entre Sîtifîs et Cuiculs?. En Numidie, cnest vers le sud que 1"s f,.srnains s'avancert enoore un peu plus. Au-delà de la ligne de défense créée par

d'Antoain que Tipasa fut promue (voir lnfra), contrairement à ce gue pense E. Ar.nrnnm, in BSAF, 1933, p. 88. 82. M. Recnrr, Rome.., p. l8/, accepte sans critique I'argumentation de J. Carcopino. 83, CIL, VUI, 20833. Iæs particularités du camp de Rapidum et son évolution ultérieure sont étudiée.s par rlly'. Sesox, < Iæ Secteur de Rapidum sur le limes de Maurétanie césarienne après los fouilleg do l9?il >,

MEFR, 1928, XJV, p. 150 et s. 84. Yoir la borne milliaire trouvée près de la porte est du camp, publiée d'abord par R. Cecxer, in BAC, 1908, p. CCXLVII (: AE, 1909, 10). Lecture améliorée, notamment pour les cbiffres, par W. SnsToN, lac. cit., p. 156. 85. Fesnrcrus, < Limes r, in R,E, frl" t927, elil. 619-623. 1l imforte touûefois de noter que cette organisation devait avoir, à ce momert, un caractère encore rudimentaire. 86. Le problème des rouûes fortifiées et cetui de favance romaino en général dans la région de Sitifis font I'objet d'une étude de p. A. FÉvRIBR, < Aux origines de loccupation romaino dans Hautes Plaioer de Sétif >, Mélanges Saumagne, p. 51-64. 87. CIL, vur, 10355, t0365, 22AO4, 22406.

ls

Trajan au sud de I'Aurès, Hadrien fait construire un camp à Gemellne *, qu'occupent en 126 les soldats de la Cohots prinu des Chalcidénienso cohorte de cavaliers dont on connaissait la présence en Afrique avant 78. @lle va séjourner à Bir Oum Ali, entre Theveste et Capsa, en 163-164.) En Proconsulaire, enfin, la grande route de Carthage à Theveste est remise en état et pavée par la légion en 123, comms le prouvent les dix-huit milliaires qui y ont été retrouvés o : elle rend beaucoup ptus aisées les communications de la capitale aves le camp de Lambèse. Il est assez peu vraisemblable que toutes ces mesures, qui obéissent une fois de plus à un rigoureux plan d'ensemble, aient été improvisés dans feuphorie qui suivit la victoire. On est donc tenté de croire que la conception d'un tel plan préexistait même au soulèvement maure, et que la mise en application de certains points de ce plan, en Maurétanie, n'est pas étrangère au déclenchement des troubles et à leur durée : n'est-ce pas soutt Hadrien que sont exécutées différentes délimitations du territoire dss tribus en Maurétanie césarienne (Zimîzes près d'rgrlgili' Numidac autour de Bordj Medjana en Kabylie) ? I-e Kastellum Vîctorîaeû, affectê au territoire dépendant d'Igîlgili, devait sans doute appartenir auparavant aux Zirnizes. Mais ce renversement ne peut pour linstant apparaître que coûrme une hypothèse. Le rôle de provocation que jouent le.s initiatives romaines dans le déclenchement des troubles n'est évidemment jamais signalé dans nos sources, et ce n'est parfois que

p. 100 et s. Il æmble bien que le le tossatum aient été gotrçus en même tempe, complémentairee d'uû système unique; on voit à

88. Voir J. Bmaon4 Fossatum...,

camp de Gemellae et

comme éléments

l'æuwe Ia politique défensive d'Iladrien (Io., < Compl6ments inédic au Fossatum > Studien zu den Milîtârgrenzen Rom, 6 Intem. Atneskongress, Koln Gtdq- 1967, p. 200-2lO). Iæ sens de cette mesure est int6ressant : Gemellae est en effet à 170 km au sud de lambèse, et s'avance donc audacieusslasag drnn rmç zono néridionale. Rattaché à Tlwbudeos et à Lambèse, et par là à Carthagq ce camp apparaît coûrme le point extrême d'un système militaire et routier gui s'enfonce du ûord-e8t au sud-ouest de la province et coupe sur son shemin les préédentes routes militaires dirigées dans le seûs est-ouesl 89. CIL, YIJI, p. 2092.

90. 130

CL, VIII,

8369.

Réorganlutlon tîalanlen zc et dernlers Arrlot ir,s

tr&

indirectement, comme

ici, qu'on peut le percevoir. De la fin d'uoe période de troubles,

même façon, rien n'indique, à la

que I'autorité romaine

ait atteiût tous les buts qu'elle se pro-

posait. La résistance des tribus a pu aussi, sans que nos sources

nous en informent d'une manière explicite, freiner à diverses reprises, ou décourager, les initiatives romaines, quand elle ne contraignait pas les forces romaines à la défensive. On en verrait I'illustration, par exemple, dans le cas de faffaque contre Cartennae, qui pounait bien être une contre-attaque : à une

tentative romaine sur

le territoire de la tribu, læ Baquates

auraient répondu en vetrant attaquer la cité. Une pareille contreattaque, même si elle ne réussissait pas, ne pouvait manquer d'avoir une certaine valeur de < dissuasion >. Cet aspect de dissuasion serait encore confirmé si I'on accepte I'hypothèse de Frézouls, qui déclare : < Il n'est pas interdit de croire à un raid d'une ampleur exceptionnelle, qui n'aurait pas, bien entendu, visé spécialemett Cartennae, mais l'aurait atteinte de proche en proche, après bien d'autres villes dont finfortrme ne nous est pas

gonnue".

>

Ainsi devons-nous e$ayer de restituer aux mpports entre indigènes 91 f,s6ains une complexité et une fluidité plus grandes, même quand ces rapports semblent a priori se réduire à de simples affrontements militaircs. Cest peut-être dans le cas de troubles qui ébranlèrent la Maurétanie au temps d'dgsnin qu'il faudra surtout tenir compte de ces rapides considérations. tr importe néanmoins de ne pas négliger I'autre aspect de la politique d'Hadrien, qui recherche à la fois I'expansion et la consolidation, et qui va donc slntéresser au statut municipal d'un grand nombre de cités. Les documents relatifs à I'action d'Hadrien dans le domaine municipal forment une série imFortante, dont I'examen peut se révéler éclairant. On sait que la Vita d'*:Iadûen parle des bienfaits attribués aux provinces africaines par I'empereur au cours de son voyage @ (multwn bencliciorum provîncîîs Afrisanis adtri91. E. FnÉzours, i\ BAM, 1957, l, p. 103. 92. Il est probable que, parmi ces bieofaits, figuraient dbutres mesureg que I'octroi de droits municipaux à de nouvelles eitée Gar exemple remises d'impôts ou constructions édilitaires). Pour ce qui est de I'action municipalo d'Hadrien, il n'est pas nécessaire de peneer qu'elle ee eibe 131

buits) et du droit latin donné à de nombreuses cités (Latium multis civîntibtts dedits) et que cette dernière indication est corroborée par l'écho qu'on en trouve chez Aulu-Gelle à propos d'Utique *. I-es épithètes impériales (Aelia ot Aelia Augusta ou Aelia Had.rîanaæ) nous permettent d'attribuer à Hadrien une intervention dans le statut des cités suivantes :

cor.oMEs

Bulla Regia'

cIL, VTII,

Lares

cIL, Yrrr,

Thaenae

ctL,

Ttpasa

pÉno nrerton

nÉrÉnnqce

w

25522 colonia Ael(ia) Hadriana Augusta BuUa ReSGa) 1779

tæ5

Aelia Ausfusta) Aelîa Augusta Mercurialis Thaenltana

(Lyblca,1956, IV, col(onla) AeI(îa) Ausfusta) p.26%272

(:

AE,

1958, 128)

Utlca Zarna Regla

cIL, YIJJ, 1181 cIL, Vl, t6g6

il(onia) Iul(îa) Ael(ia) Hadr(iana) us(usta) Utik(a)

Aelia Hadriana Aagusta Zama Regia

1. Sur l'évolutioa municipale de Bulla Regia, voir

1967, p.207-220.

T. Korur.a, in

MEFR,

entièrement pendant le voyage de I'empereur en Afrique, ni gu elle ait été dictee par les hasards d'un itinéraire. Voir J. G.tscou, La Politique municipale..., p. 213-220.

93. Hist. Aug. (Vita Hadr.), 13, 4. 94. Hist. Aug. (Vîta Hadr.), 21, 7, 95. Awu-Ger.re, Naits att., )(Xl, 13. L'importance du texte d'AuluGelle, dont I'interprétation éclaire le problème de la différeûce entre municipium et colonia, a été très fortement dégagêæ par C. Seuuaoxe, Le Droît latin et les cités romaines sous f&mpire, p, 49-57. Utique est un municipe depuis Octave (36 av. J. C.) : Dtox Cessrus, 49, L6, l. 96. L'attribution à Antonin de certaines cités doat le nom comprend l'épithète Aelia ne se fonde sur aucun argument convaincant. t32

Réorganlutlon trdarûcwæ et deniew Anlonlns

l[uNIclPas

Abthugnl

nÉrÉnrNcs

Itr, VUI, Ir.Af

Akhlburos

Avitta Bibba

DENOMINATTON

Alelllum

L1206,

,7t

CIL, VITL

mulnicîpiarn Aellium

m8r

Hfaldrianum Aug. Althlb.

vul,

tt77 (672) i d. 1313,801

ILT.

Hadrien est

dit condltor munîclplt

ILT

cIL, VtrL I

municiplum Aleliuml municiptam Aellwn

Turtîs

Tt

Thïzica

ThaburboMaius

ctz, vru,

,

fHadriano condîtortl mwtîclptl.

E3

municipium Aelium Thizîca

432

LAt 244 277

278

1. Cf. J. Grscou. La Polltiauc municloale,... o- 129, 2. Peut€trç faut-il ajouter à cette ligte- b nôô &UlMppita (AE, 19{,/l,, @r. Uno mention particulière doit êtro faito pour la colonie {AùW Sul a 6t6 aocruo

par lladrisn (D, 67U).

Malgré son apparent éclectisme, cette liste est significative. a) Elle montre que la politique impériale s'intéresse particulièrement à la promotion des cités situées dans des régions déjà romanisées, ou bien ouvert$ depuis longtemps aux échang€g commerciaux €t culturels avec le reste de la Méditerranée. L'ère des déductions de colonies en particulier semble désormais bien slose, c€ qui n'implique pas du tout un arrêt dans le processus d'occupation des sols tt b) La répartition des sites fait apparaître labsence de toute création dans la Numidie : alors que Trajan n'avait pas h&it6 97. Voir lnfra, p.137, n.

10S.

133

à encourager la romanisation administrative des zones voisines des Nemenchas et de I'Aurès (Theveste, Tharnugadi, Dîano Veteranorum), Hadrien s'intéresse surtout à l'Atrica et accessoire-

ment à la Maurétanie. Une région a été plus particulièrement marquée par les bienfairc d'Hadrien l celle de la basse et moyenne Medjerda, ainsi que la zone du Haut-Tell : au nord du Bagradas, deux colonies (Bulla Regia etUtique)

et -un municipe (Thizica); entre

le

et la Miliana, trois municipes (Bîsica Bibba, Thaburbo Maîus);

Bagradas

-Lucana., Avitta

au sud de la Miliana, le municipe d'Abthugni;

- dans Ie Haut-Tell, deux colonies (I'ares, Zama Regia) et an -municipe (Ahhibwos). Mais on trouve aussi, plus au sud, la colonie de Thaenae et le municipe de Turrts Tamalleni, Quant aux interventions d'Hadrien en Maurétanie, elles se limitent à une colonie (Tipasa) et à un municipe (Choba); les deux cités sont situées sur la côte, non loin d'anciennes colonies coûrme Caesarca, Sddae ou Isîlgili. En confrontant ainsi les deux aspects de l'action romaine sous Hadrien (activité militaire en Maurétanie, octroi de statuts municipaux à quelques cités choisies de l'Alrîca), on est amené

à formuler une hypothèse. Si Hadrien renonce en partie à pratiquer la politique autoritaire et conquérante de Trajan, Cest moins peut-être par choix gue par nécessité : les difficultés rencontrées en Maurétanie, où visiblement Hadrien a cherché à suivre fexemple de son prédécesseur, lnont sans doute incité à la prudence; une prudence qui le conduira à s'intéresser surtout aux villes pacifrques et prospères de la vieille Atrica. Coast sans doute la même prudence, accrue encore par la recrudescence inquiétante des troubles en Maurétanie, qui va obliger Antonin à freiner le processus de romanisation après quelques tentatives malheureuses.

Réorganlutlon tralqlenw et

ilcnlen

Anlonlns

2. Les hênem,ents de Maurëtanie soas le règne tAntoninæ Rien n'indique mieux I'indigence sélective de nos Boutoes le caractère fragmentaire de I'histoire qu'on pourrait dire < officielle >, guê I'exemple dæ guerres menées en Maurétanie césarienne et en Tingitane sons le règne d'Antonin. A

écrites et

nous en tenir aux maigres renseignements de tHistoîre Aagusteû et de Pausanias t@, nous n'en sauriong pas grand-shose, et nous ne nous douterions surtout pas de lextraordinaire branle-bas

militaire que purent provoquer les événements de Maurétanie. Fort heureusement, le témoignage de l'épigraphie et de I'archéologie fournit, por une fois avec une certaine abondance, les renseignements précis que les textes refusaient, peut-ête volontairement, de nous donner. Iæs victoire d'Hadrien avaient-elles véritablement ramené l,a paix ? tr serait difficile de le dire, sinon en tirant argument du silence des sources. Il se peut toutefois qu'il y ait eu, avec les Baguates, une sorte d'arrangement amiable. On connalt en effet, à Volubilis, une base honorifique sur laquelle le prince dæ Baquates'0' a fait graver une dédicace à Antonin en 140 r@. Que cette tribu, dont on déplorait sous Hadrien le raid sur voir G. Lncoun Grrrr, Ânnnln le Plew et son H. Ornæn, c The Ruling Power. A Study of the Roman Bmpire in the Second Century after J. C., throueh the Romao Oratio of Aelius Aristidw >, îransoctlona and Proceedlngs ol the Ans rican Phllological Assodarton, 1953, XLm. 99. Hlr/.. Aug., Y, 4. 98. Sur Antonin,

temps, Patis, 1888; J.

100. Peusemes,

101. Ce

Vfr"

43,

3.

qui signifle au moins quo la tribu se tieqt non loin

centre de Ia province de Tingitane. L02. CRAI, 1931, p. 295 z Imp.

du

Cac* Divl fldrtanl fl, tlivl îrallant Parthlci nep. dlvl Nervae prcnep. T. AellolHadrlano Antonlno Aag. Plo pont. matlTrfb. Wt. IU cot. Iil P. P. Aeltns Tuccudalpdrueps gmâs Baquatium. A ta 1.4 le premier éditeur, L Ctatelain, avait lu un seul P, qu'il avait intorprété oomms le prénom lPubliur) d'Aelius TTrccuda; f. Cm@Fnvo, Le Maroc anttque, p.267, en avait tiré argumeût tpur faire remonter à Hadrien I'octroi de la citoyenneté au princs baquate (Hadrien s'appelle P. Aelius Hadriraaus). Mais une meilleure lecture de R. Tnouvrnor, PSAM, 1945, 7, p. 169, n lÇ qui a vu deux P. et a restitué aormalement Wter patrtoe, rend cette précision chronologigue illusoire (en privant lo princo baquale de prê nom).

Cartennae, se retrouve maintenant dirigée par un prince qui porte le gentilice de I'empereur et l'honore d'une dédicace est le signe certain d'un relatif dégel. Mais rien n'indique que cette paix ait été de longue durée, ou qu'elle n'ait pas été troublée par d'autres éléments que les Baquates. Or, il est certain que la Tingitane, ou du moins la région proche de la ville de Sala, a connu entre 140 et 144 une certaine

agitation, dont témoigne le fameux décret des décurions de Sala en I'honneur de M. Sulpicius Félix'*, sur lequel ll est inutile de revenir en détail. Nous savons que les décurions y le préfet remercient non sans quelque afféterie rhétorique - et des de l'ala II -Syrorunt de les avoir < libérés des violences vols de bétail'@ qui étaient devenus habituels > (ab solitis iniwîis pecorutnque jactura), d'avoir (municipiam inlestïoribus locis maximo marofliln opere, minimo sumptu ambiendo), de leur avoir < procuré le libre accès des forêts et des champs en soimposant, pour la protection des ravailleurs, de multiples veilles > (ita libæam copinrn sîIvarum et agronttn praebuisse ut pro tutela opoantîam frequens excubaret). Il semble donc que la vie, dans le municipe de Sala, était devenue difficile. Mais à quel moment précis ? Certes,l'inscription est datée de 144, mais la chronologie qu'impliquent les différentes démarches qui ont précédé l'érection du monument fait apparaître que c'est au moins en 142 que fut votée la statue de Sulpicius Felix, ce qui nous perrtet de reculer d'une ou deux années les faits qui ont provoqué les actions méritoires du préfet. Ainsi pouvons-nousi peut-être affirmer qu'au moment même où, à Volubilis, I'autorité romaine compolO3. AB, 1931,9.38. Sur la base de Sulpicius Felix et lo décret des décurions qui y figure, on connalt l'étude passionnante de S. GssE, I. Cmcornrq i\ MEFR, 1931, p. l-39 (reprise dans I. Cmcornro, & Marcc @t tique, p. 2O&228) dqns laquelle nous puiserons souvent, Quelques modificatioru aux interprétations de J. Carcopino sont proposées par L. Hm,var.ro, < Sur I'inscription de Sala >, Mélanges Piganiol, Paris, 1966, p. l2'll-lZ2l. Elles t'affectent Pas notre propos. 104. Notons cependant que R. RenuRFâ,T, < Enceintes urbaines et ineécurité en Maurétanie Tingitane >, MEFR, 1974, 86, p. 501-526, considère que la construction de l'enceinte de Sala ne correspond pas nécessairemeut à des besoins militaires immédiats.

rt6

Réorganistlon trulanienne et demlew,4ntottltts

sait avec le chef des Baquates honoré pour la circonstance -à Sala la vie quotidienne de la citoyenneté romaine était -, Ce qui nous permet de mesurer assez sérieusement perturbée. la faible portée, du moins en Tingitane, des victoires d'Hadrien 16. Il semble bien que le caractère préoccupant de ceffe situation n'a pas échappé aux plus hauts responsables. Et I'on se préparait à Rome à tenter d'y mettre un terme. Le même décret de Sala nous apprend qu'à la tête de la province se trouve Uttedius Honoratus'@, amplîssimus praeses, c(larissimus) v(ir). C-e per sonnage, d'ordre sénatorial, a très vraisemblablement gouverné

les deux Maurétanies réunies, comme légat d'Auguste, avec

sous sqs ordres des troupes légionnaires t@. Cest donc une mission extraordinaire qui est confiée à ce praeses, mission pour laquelle on I'a doté de pouvoirs et de moyens exceptionnels, et qui donc dépasse de beaucoup le cadre du municipe de Sala. L'objet de cette mission est incontestablement d'ordre militaire; mais et 144, au moment où est voté le décret des décurions de Sala, il ne semble p:N que des opérations militaires sérieuses aient déjà commencd. Un écho, si atténué ftt-il, s'en serait trouvé dans le texte de Sala, dont on a pu mesurer l'attention qu'il porte aux détails honorifiques de ce genre : à Salq on n'eût pas manqué de mentionner une victoire du prceseg si le praeses en avait remporté une. Si I'on accepte cette hypoûèse, on peut alors remarquel que I'envoi d'Uttedius Honoratus ne résulte pas d'une mesure hâtive, prise à I'improviste sous la pression des événements, comme eæla a pu se produire dans le courant du ru' siècle; il s'agit bien plutôt d'une mesure délibérée, qui entre dans un plan d'action plus vastq et qui ne peut avoir d'autre but que la préparation d'une offensive généralisée contre les Maures r@. Cette offensive a-t-elle simplement pour 105. Il se pourait que la tribu qui est à forigino des troubles dans la région de Sala soit celle des Autololes (J. DpsnNoss, Catalogue, p. 210). Sur la suite de l,a carrière adrninisûative de Sulpicius Felix, voir les hypothèses de J. C.rncopnro, op. cit. 106. B. Ttsoû{assoN, Staulwher, II, p. 297; J. Cer,coruro, op. cit. 107. Voir I'exemple antérieur de Sex. Sentius Caecilianus sous Veepasien, saprc, p. 103. 108. il est difficile, couaissant le caracêre pacifique d'Antonin, de lui attribuer linitiative absolue de cette offensiye. On pout au contraire pæer gu'il a dt hériter d'une situation qui l'obligeait à intervenir : r37

but d'assurer la protection des quelques colonies de la côte de la Césarienne ou de celles de la Tingitane, ou bien ne cherchet-elle pas, plus ambitieusement, à < nettoyer > I'arrière-pays de la Césarienne occidentale (probablemeût surtout le Dahra et l'Ouarsenis) '' ? C'est au moins une hypothèse qui nous permet féconomie dun avec une certaine vraisemblance de faire à l'éternelle recours,- comme unique principe d'explication, < insurrection des Maures indomptés >. Le déploiement de forces exigé par cette vaste opération a laissé quelques traces épigraphiques et archéologiques. On a la liste des unités légionnaires et auxiliaires, dont on admet qu'elles dépfuhèrent des éléments en Maurétanie sous Ailsnin' soit parce qu'elles sont mentionnées slu das diplômes militaires, soit parce que I'on a retrouvé dans certaines cités de Maurétanie des traces épigraphiques attestant la présence de militaires ronai.s appartenant (ou ayant appartenu) à telle de ces unités "0. tr faudrait pouvoir vérifier les datations des textes nommant ces unités, ce qui n'est pas toujours possible. Mais, même si certains de ces sorps ne sont peut-être venus en Maurétanie que plus tard, à l'occasion des troubles du tu' siècle, il n'en reste pas moins que la liste apparalt incontestablement impressionnante (tableau p. 139-1a0). Iæs moyens militaires pour mener à bien cette offensive De second voyage d'Hadrien en Afrique (128) se uaduisit par l'octroi du droit latin ou du droit de cité à de oombreuses villes (Hlst. Aug., Vlta Hadr., XIU, 4) ; nul doute que cette extension des droits se soit par une extension ou du moins ait été accompagnée traduite - une situation trou' parallèle -dans I'occupation des sols. De là serait née blée en mainte région, I'avance romaine se trouvant contestée par les indigènes lésés. C'est là eans doute ce qui a pu pousser Antonin à

le

entreprendre une offensive de grande euvergnre. 109. tr s'agissait sans doute de procéder, oornme cela avait été fait en Proconsulaire et, avec un moindre succès, en Numidie, à la soumission et au cantoûnement de tribus encore libres. 110. Le décompte et I'identification des nombreuses unités flégion-

naires et auxiliaires) qui furent transportées en Maurétanie ont fait l'objet d'études minuteuses, auxquelles on tre peut que renvoyer' lotammeot : J. Cencorntq Le Maroc antîque, p. 225'228; f. Benloaz, in Libyca, 1954, U, p. lL3-139; P. RotuetrrLr-r, Storta.,,, p. 353-359; M. Lnor.ev, it Lîbyco, 1959, VII, p. 216-220. Cependant' R. REEUrrAr, in MEFR, 1974, p. 501-522, aboutit à des conclusions divergentcs. 138

ùWtB

RéotgarrlJglr,an

uÉronnurrror

PBovINcB D'oRrotNB

et ds.rrleft Antonbs

nÉrÉnrNcs

1. Pannonie

ala I Hkpanorum Aravacoruln

clz, xvr,

100

m Augusu Thrætutt crI, xvl, 100 sagittariorut t I Caninalattum p. ll9 : HP"o,1954II, r tpa,Ea I Ulpia Contafiorum CIL, VTII, 9291 : Timiliaria

i CIL, YÏlI" Portut Magaus

pasa

vexillation de la légion

Adjutrie et ds Gemlw

la .X

2126O

z

Ym,9376,2IMg

z

Caesarea

VUt, 9671 z Porfirr

CIL, YIII, 21669 : AIbalae

2. Pannonie inférieure

ala

I

Aug. Ituraeor.

glttarior.

I

I

Flavia Brltannica c. R.

xvl,

100

Thracum Veteran. so

crl, xvr,

100

(millîada)

gittar.

vexillation de la

L, V\1"

II Adiatlx.

3. M&ie inférierne

Mésie supérieure

la

vexillation de la

IV

vîa

5. Germanio

vexillation de nervia

9653, 9660 :

Cartennae

de

vexillation Claudta

4.

xvl 100

t+

CIL, VIII, 9761

et

p.2046 : Portus Magnus Fla-

CIL,

Vlll,

8762 z PorBAC, t9O9, p. CIJOO( : Alser

tus Magnus

a

la I Ml- cIL, yfi,9654,9662 Cartennac ; Recueil de Constantlne, 1903,

z

p.

91

139

D6.{orm{ArtoN

PROVINCE D,ORIGINE

vexillation de Ulpia

la X

8ÉFÉRENCB

cIL, VUI, 2t053 L,

ala Alrorunt

6.Germanie

XXII

vIII,

10230 :

Car-

Primîgenla

Vindelicorum

vexillation de la

Srie

9657

vexillation de la

IV 7.

:

Vû[

:

VI Ferrata

d'auxiliaires

8. Espagne

par T. V

lAurès

cIL, Vlll,

5211, 5212,

5215

Clemens

VII 9. Bretape

10. Dacie

de la légion

crL, vTfi,

,1959, VII, p.216-

vexillation de la XX Yaleia Ytarix

XIII

20365

Gemtna

de la légion CIL,

Genlna

Vm,

21057

:

Cae-

safea

ol -n'hésite constituer ui corps expéditionnaire très considérable en prélevant sur les troupes stationnées dans les autres provinces' mais encore on songe à prendre, sur le terrain même, des mesures préventives de protection, telles que la construction ou le renforcement d'enceintes de cités ou d'ouvmges militaires ; on pense ainsi constituer quelques bases d'opération précieuses et bien abritées, aptes à resservir, le cas échéant, dans I'avenir "'. sont donc pas mesurés. Non seulement

111. 140

I.

pas-- à

Blnenaz, c f.es Nouvelles Fouilles de Tipaea et les opératiols

Réorganisadon trular.tairl,e

c, ilerîlerc Antodns

Doit-on penser que fextension prévue de I'offensive devait englober aussi l'Aurès ? Il ne le semble pas, malgré la pr&ence d'une vexillation de la légion VI Fenata, venue de Syrien et qui travaille à la construction d'une route dans la vallée de I'oued el Abiod'ru. Il est plus simple d'expliquer cette présence insolite par la nécessité de remplacer temporairement les effectifs de La III Augusta engagés déjà en Césarienne r'", ce que confirmerait la découverûe ù Manlîana" en pleine Césarienne, de ffuitaphe d'un légionnaire de la III Aagusta enterré là, peut-être par ses camarades "'. Il semble donc que I'on fasse porter leffort principal sur les Maurétanies, sans pour autant nég[iger les points dangereux de la Numidie. L'extension de I'offensive projetée se limite à la Tingitane et à la Césarienne occidentale, conrme le montre le shoix des points de débarquement des diverses ûoupes venues de I'extérieur : et Tingitane, ont débarquê Læ awilîa venus d'Espagne sous la direction de T. Varius Clemens'É ; à, Portus Magnus, le corps expéditionnaire de Mésie ; à Cwtennae, celui de Ger-

d'Antoniû le Pieux en Maurétanie >, Ltbyca, 1954 TI, p. 89-149 (particulièrèment 107-113 et 132-137). Les quatre stèles trouvées à Tipasa (cavalier ituréen, savalier de fah I BrttawÉca miltarîa, ctvzlier Caninatate, curator de l'ala I Ulpîa Conta.rlorum mlllaru) ne sont pas datées. Lour appartenance à l'époque d'Antonin n'ect donc pas uae certitude, mais elle semble vraisemblable. Voir aussi J. Baneorz, < L'Algérie romaine et la Pannonie >, Carnantlna, Vortrûge belm Intern. Kongress. der Altertum$orsch. (1955), p. $tt; < L'Enceinte de Tipasa, base d'offrations des troupes venu$ de Pannonie sous Antonin le Pieux >, Quint. Congres. Intern. Llmitls Romanl Studlosoram (1961), p. 75-82.

tt2. cIL, vu[,

10230.

113. Hypothèse de R. Caolclr, L'Armée..., p. 48, reprise par J. CercoPINo, Le Maroc antiqae, p, 2n. lL4. Le, texte (reproduit dans BAC, L920, p. CV) porto les mots : Coll. Bubi Fecer, qui ont été développés c sous toutes r&orvee > en Coll(egionarii?) Bubi(e) Fecer(unt) (r. Cancornro, op. cît., p, 2TI, t. 3). tls. CIL, [I, 52ll-5216. La carière de T. Varius Clemens, et notamment son premier séjour eo Tingitane à h tgto des troupes auxi. liaires, ne peut être datée avec précision (H. G. Prueuq Canières, p. 368-373); on admet néanmoins une date voisine de 145, et eD tout cas antérieure de quelquee amées à 15O qui est la dats du diplôms militaire d'un ancien troupier de T. Varius Clemens (ClZ, XVI, 100 -

D, 90t.

manie

;à Tipasa et Caesarea, celui de Pannomie. Les explications

et les précisions données à ce sujet par J. Baradez ne manquent pas de séduction, même si I'on doit, dans le détail, faire preuve de moins d'assutance que lui sur certains problèmes, comme celui de I'enceinte extérieure de Tipasa ou celui du port antique

de Tipasa t'u. Si l'on admet que le choix des Points de débarquement et des bases de départ des troupes appelées en renfort a obéi à des critères stratégiques, on peut tenter de reconstituer partiellement le déroulement probable des opérations entrepdses. En effet, chacun de ces F)rts, par la façon dont il est relié à son arrière-pays, impose une certaine tactique. C'est sans doute en raison des monparce qu'ils sont malaisément utilisables gue ports enmme lompartie qui des isolent en les tagûes -, pas été amenés à prendre niurn, Igilgili, Choba et Saldae n'ont part à I'offensive. Au contraire, Caesarea et Tipasa commandent la principale route qui s'enfonce au c@ur de la Maurétanie césarienne jusqu'à Lambdia et Thannramusa Castra, coupant successivement la première rocade qui relie Lam'bdia à Oppidum Novum pat Manliana, et la seconde reliant Thanaramusa Castra à Aazia par Rapidum, qui se prolonge même jusqu'aux confins de la steppe ù Uzînaza, isolant ainsi les massifs de l'Ouarsenis de ceux du Titteri. Le même massif de I'Ouarsenis est isolé par le nord : en se prolongeant vers I'ouest, la première rocade assure cet isolement et facilite l'occupaton de la vall6e du Chélif ; la base de Cartenrue commande le système tt'. Celle de 116.

f.

Baradez considère que I'enceinte de Tipasa est,

le rempart du camp retranché que constituait la

à

lbrigine,

base de débarquement des troupes de Pannonie. P. À FÉvNsR, < Enceinte et colonie (de Nîmes à Vérone, Toulouse et Tipasa) >, Revue Aétud'es llgures, 1969, XXXV,

p,

a cru pouvoir mettre en rapport la construction do cette l'octroi du droit colonial. A tort selon H. G. Prr,erna, in lûr Pawrologle und Epigraphik, 1975, 17, p. 26G262 tr faut

277-286,

enuceinûe avec

Zettschrift

la consÛuction d'un rempart à Rusuccuru, qui semble dater du règne d'Antonin (M. EuzsrNer, < Le Premier Etablissement romain de Tiezirt >, MEFR, 1957, IXD(, p. 75-80). Pour une interprétation non militaire des enceintes urbaines, voir R. REBUFFAT, loc. cit., p. 513 Qes enceintes sont < des étapes dane le développement urbain >). 117. Peut4tre est-ae pour son importance stratégique qu'elle avait aussi noter

fait fobiet d'une attaque des 142

Baguafes soug Hadrien

Réorganlvdon fialoùenns ct deralen Antotdtts

Portw Magfira, par ses dégagements, sommande la région où vont êEe ctéés les postes militaires de Castra Nova, Aqtme Sirenses, Colprs Breucorum qui isolent par I'ouest I'Ouarsenis. Il parait probable que les opérations avaient pour but de circonssrire fOuarsenis et la vallée du Chélif, peut-être pou s'y implanter. La tactique employée consistait à isoler l'ennemi éventuel dans des secteurs définis pour lui livrer bataille. Quel fut le résultat réel de cettc guerre, il est difficile de le dire vraiment. Il semble çe I'offensive romaine n'ait pas atteint la totalité des buts qu'elle s'était frx6 : si elle réussit à ramener un certain salms dans les régions qu'elle avait touchées, elle n'ouvrit pas la voie à uoe implantation sérieuse de

Il semble donc que la résistance des Maures a contribué à bloquer les initiatives romaines dans ce secteur. Pausanias 1'8, qui sur la question est à peine moins bnef, mais tout aussi imprécis, qae lHistoite Auguste to, parle néanmoins d'une vistoire qui aurait repoussé les rebelles jusqu'à fAtlas, ce qui ne semble pas avoir une bien grande signification. colons.

Le diplôme de Brigetio "0 permet de penser que ces op,érations fin dans le courant de I'année 150, puisqu'on peut, le 1* aott 150, voir I'autorité ronaine démobiliser une partie des troupes qui ont servi lors de cette campape. La Maurétanie césarienne est de nouveau gouvernée par un procurateur, Porcius Vetustinus't, gd ne semble pas chargé d'une mission militaire particulière, à I'inverse de son prédécesseur, Uttedius durent prendre

Honoratus so.

Il est néanmoins important de noter que la paix ne semble pas totalement revenue et que des précautions nouvelles sont prises. Tout prês des sonfins numido-maurétaniens, à Medjedel, est attestée (entre le 10 décembre 148 et le 9 décembrc I49) la

VIII, 43, 3. lL9. tlist. Aug, (Vita Pii), 5. l2O. CIL, XVI, 100. Bncore faut-il souligner qu'une mesure de démobilisation partielle ne signifie pas nécessairement le retour complet à la paix. L2l. CIL, YIJJ" 2728 (= 18122). 122.H.G. Prr.lura, Carrièreg p. 1148; B. TrroMAssoN, Stattlulte4 II, p. 256. 118. Pluser.lHs,

et la cons8uction d'un fort D'. Ce fort, situé à l'extrémité orientale dt Zahrez Chergui, à une cinquantaine de kilomètres à I'ouest de Bou Saada, montre la volonté romaine de contrôler les routes qui, venant du sud, mènent vers Boghari (nord-ouest), vers Sidi Aissa et Aumale (nord), et vers le Hodna (nord-est). Medjedel exerce donc à I'ouest les mêmes fonctions que Bou Saada à l'est : il commande I'important passage entre le Chott el Hodna et le Zahrez Chergui. D'autre part, en 152, des troubles ont encore lieu entre Lambèse et Saldae '' : un peËonnage officiel, ingénieur de la III Augusta, envoyé en mission, est attaqué entre Lambèse et Saldaq dévalisé, et échappe de peu à la mort, malgré la protection de son escorte. Comme I'indique R. Cagnat *, < l'audace de l'attaque indique que le pays était dans une situation très anormale >. Même si, en I'occutrence, il peut ne s'agir que d'un acte commis par des brigands, le fait suffit à mettre en lumière lInsécurité persistante d'une région prétendument pacifiée "t. Ici encore, l'effort romain de pénétration conrmence par apporter le trouble dans les régions, précédemment calmes, auxquelles il décide de s'intéresser. De nouveaux troubles durent se produire autour des années 158-160 : à cette date, en effet, la province de Césarienne est gouvernée par un Marcius Turbo, homonyme et parent du préfet du prétoire d'Hadrien, et ce procurateur porte le trtre de pro présence d'une cohorte

legalo

ro'

.

3. La contre-attaque des Maures de Tingitane L'ère des difficultés en Maurétanie, ouverte par I'incursion des Baquates contre Ténés soris Hadrien, continuant par un 123.

L, I-rscru. c

Une inscription romaine de Medjedel >, Etudes

p. 45-46. CIL, Vrl,2728

africaines,

(-

18122). 124. 1. 125. R. Cnouer, LiArmée..., p. 5Q 126. P. RoueNerrl, Storla..., p. 358; M. Recuær, Rome...,

n,2,

n

p. 201 et

127. Il s'agit de T. Flavius Priscus C. Gallonius Fronto Q. Marcius Turbo, le dédicataire de I'inscription honorifique de Caesarea (AE, t946, 113); la datation est celle proporée par H.G. Prr-eul4 Canières, p.375379.

t44

Réorgantv,rlon truianlerne

ct

derniers Antontnc

embrasement plus général, réduit à grand-peine par les généraux

d'Antoûin, n'était pas près de se clore. Mais le théâtre des opérations se déplace r&olument vers I'ouest : la Césarienne occidentale semble s'apaiser, tandis que la Tingitane commence à connaître une cortaine agitation sous le règne de Marc-Aurèle. Il est difficile, bien entendu, de reconstituer avec quelque exactitude le déroulement des événements : il faut en effet tenter de faire coincider les maigres données de fflistoire Auguste aveg les renseignements tirés de l'interprétation de divers documents épigraphiques. Cette reconstitution, plusieurs fois tentée, n'a pu encore être faite d'une façon pleinement satisfaisante, un hasard malin voulaut que, périodiquement, la découverte de dosuments nouveaux vienne infirng1, sur tel ou tel point la construction la mieux assise. On ne peut donc ici, qu'essayer d'intégrer, en une reconstruction vraisemblable, I'ensemble das renseigpements acfi,rellement disponibles. Deux ordrqs de faits marquent I'histoire de la Tingitane soulr le règne de Marc-Aurèle : d'une part l'évolution des relations entre l'autorité romaine et les tribus des Maénites et des Baguates, d'autre part le harcèlement répêté, des provinces espagnoles, et principalement de la Bétiquo, pù des bandes maures. Quel est le lien ente les deux ? Sont-ils conditionn& I'un par I'autre, ou bien s'agit-il de deux séries indépendantes ? tr est difficile de proposer une réponse. Entre Baquates et Romains s'étaient instaurées, au début du règne d'Antonin, des relations amicales, sotnme I'atteste la dédicace faite à I'empereur par le prfuiceps Aelius Tuccuda *. Combien de temps dura cette amitié, fut-elle troublée par la guerre menée sous Antonin ? Il est impossible de le dire, encore qu'on puisse observer qu'une inactivité totale de la ûibu au moment où les Romains déploient leurs forces conte d'autres Maures n'est guère vraisemblable. Peut-être les Baquates n'ontils pas laissé passer pareille occasion. Quoi quï en soit, rien jusqu'à présent ne permet de se prononcer sur ce point. Mais des difficultés ont certainement surgi à l'époque qui nous ocçupe, et précisément aux alentours de l'année 168. Des frag-

128,

CRAI,

1931,

p.

295

i

voir supra, p. 135, n.

102. 145

ments d'inscription découverts à Volubilis

la ville

"'

font apparaître que

éprouve à ce moment le besoin de se construire une enceinte. Cette initiative correspond probablement à une situation troublée : les habitatts du municipe craignent une attaque des tribus voisiûes, et comme I'avaient fait les habitants de Sala dès avant L44, préfèrent se mettre à I'abri. Peut-être même des attâques se sont-elles déjà produites, comme à Sala précisément, et ont-elles déterminé les Volubilitains à améliorer leur défense. Qu'elle soit une simple mesrue de précaution d'édiles avisés ou une réaction de défense de citadins inquiets, la construction de l'enceinte traduit un malaise certain. I-a raison de ce raidissement est très vraisemblablement celle que E. Frézouls "0 a foit ingénieusement tirée de l'examen de Iinscription frgurant sur un ara pacis de Volubilis'8' datant de L73-175. Cet autel associe deux tribus, les Macénites et les Baquates : du fait que les Macénites sont nommés en premiet, otr peut peruier qu'ils représentaient l'élément le plus important de cette association. Mais que signifre exactement cette association ? Nous savons qu'il n'est pas rare que les tribus berbère.s

concluent des alliances temporaires, quand les circonstancæ leur imposent de sortir de l'indépendance ombrageuse qu'elles affectionnent généralement's. II snagit bien sans doute ici d'une alliance de ce qpe, et non d'une subordination totale des Baquates aux Macénites, encore moins d'une absorption; car, 129. MEFR, 1956, p. 122 et s (- CRAI, L952, p. 395402). 130. E. FnÉzour-s, < Les Baquates et la province romaine de Tingi'

tone >, BAM, 1957,

II, P. 105.

l3l. BAM, 1957,II, p. 67, t" 3 (- CRAI, L952, p. 395; AE,

78; MEFR,

1956, Pro salate împe

ratoris

P. 110, no 47)

Caesaris

M(arcù Awell(i) Antonini

Epîdîus Quadratus proc(urator) eius, conlocut(us) cum acmetio prtn

Augfusrt), Armenîacl,

cipe gentlum Ma

Medicî, Parthici

cennitam et Baqua tium

Germanicl ma*(imi)

L953'

:

Pour la date de la procuratèle dBpidius Quadratus, voir H. G. Pneuu' Carrières, p. 1098-1099; B. Tnoaessot{, Statthalter, II, p. 301. M. Racl,urt, Rome..., p, 2lO, affuble ce procurateur du < prénom > Mar.,. 132. On peùt se souvenir des diverses tribus qui se mirent sous les

ordres de Tacfarinas. t16

Rbrgantutbn fidefcûrre 6, denbw Antor,tt

si les Macénites étaient devenus le.g < suzerains r des Baquates, est vraisemblable que I'on n'eût pas éprouvé le besoin ds mentionner le nom des < yassaux >, ni de donner au chef de la fédération le tiûe de prtnceps gentiurnlts. Catte alliance estelle voulue par les Romains ? tr ne le semble pas. Rome n'a rien à gagner à voir se constituer des groupenents de tibus, bien au contraire. Il semble plutôt que l'alliance était dirigée contre elle. Ainsi pounait s'expliquer dons I'attitude des Volubilitains et du procurateur Epidius Quadratus. La menase que fait peser I'alliance entre Macéniæs et Baquates aurait donc suscité une double initiative : I'une, militaire, amène la fortifrcation de la ville en 168 ; I'autre, diplomatique, se traduit par une sorte de < charte de bon voisinage > en 173-175. Mais ces deux initiatives ne sont pas, comme on le voil contemporaioes, L'accord avec les Macénites et le.s Baquates n'intervient au plus tôg qu'au milieu de l'année 173*. Or, entre-temps, et avant faboutissement de cet accord, d'autres difficultés avaient surgi pour les Romains dans la province ts. Une partie des Maures décide de passer le détroit de Gibraltar et va dévaster I'Espape z Curn Mawi Hisponios prope otnnes vaEterent, res per legatos bene gestae suntu!8. Iæs raisons de ce coup de main nous sont inconnuqs; mais i[ importe de noter que les Maures constitueut pour l'Espagne, et principalement pour la province de Bétique qui est la plus rapprochée d'eux, un danger qui n'est pas exceptionnel tt. Mommsen * rappelle à ce sujet que, sous Néron, le poète Calpurnius disait de la côte de Bétique z trucîbusque obnoxia Mawîs ptrscua

il

133. Sur le princeps gentis, voir lnfra. I-a fait quo gentlum soit u! pluriel indique que les doux gentes sotrt senties eoqlme différenæs.

W. Zwrrrnn, Stadien ur Mukusriiale, Ansterdnm, lg4l, I" 141, 147,233. 135. tr est à noter que la charte de bon voisinage ta êté conclue qu'après la tentative manquéo d'invasion rnaure etr Bétiquo. 136. Hist. Aug. (Yita Marci),21, l, 137. Sur les relations entre I'Bspagne et I'Afrique du Nord : R. TEosvENor, < Les Relations entre le Maroc et lEspagne pendant I'Antiquité o, I Congresso arqueologtco del Mqocco espanol, 1953, p. 381-386; À B.rr,rr-, < Tres astrpctos de las relacio[es hispano-africanas en etxrca ro-

p.

134.

mana r, ibîd, p. 387-44. 138. Momrsmr, Hist. rom., trad. Cagnat, Toutain, 1889,

t. fr,9.27t.

Geryonis; que sous Septime Sévèrc un gouverneur d'Espagne citérieure eut à faire face sur terre et sur mer à des rebelles * qu'on croyait être des Maures ; et que, sous Aurélien encore, t&. T-a, proxiéc.latent des hostilités entre Espagnols et Maures mité des côtes d'Espagne, la possibilité de les atteindre à I'improviste après une navigation relativement courte'n', rendait plus attirant oe genre d'expéditions, surtout lorsque les conditions extérieures et intérieures paraissaient favorables. Or, elles l'étaient. Cette expédition a lieu en 171 : c'est en effet à cette date qu'il faut maintenant situer la questure de Septine r*. Et nous savoilt par Sévère, comme l'a montré J. Guey la Vita de Septime Sévère'* que celui.ci, devant rejoindre son poste en Bétique, ne put le faire, car la province venait d être confiée à un légat de I'empereur, chargé de repousser f invasion des Maures. Si l'on songe qu'en l7l la situation sur le Daûube monopolisait l'attention du gouvernemsal imFérial, que d'autre part le Procurateur de Tingitane avait de son côté des problèmes avec la fédération des Macénites et des Baquates, on comprend que les Rifains (car Cest bien entendu d'eux qu'il doit s'agir, en raison de leur proximité de la côte espagnole) aient choisi ce moment pour entreprendre leur expédition'*. Sans doute aussi durent-ils y être poussés par de pres139.

CIL,

II, 4tl4 (= D;

1140) nomme

adveilus rebelles h(ostes) p(ablÎcos), qui est

un dzr terra

Ti.

marlque

Claudius Candidus.

Contrairement à I'interprétation de Mommsen, les rebelles et ennemis publics dont il s'agit ne sont pas les Maures, mais les fidèles de Clodius Albinus et de L. Novius Rufus, le légat qui s'était ratlié à I'anti-César. Voir J. Frtz, < Réflexions sur la carrière de Ti. Claudius Candidus >,

Latomus, 1966, )O(V, p. 831-846. 140. I/ist Aue. (Vtta Satatninl), 9. l4l. La traversée pouvait ne durer qu'une nuit.

142. J. GuBv, < La Date de la naissatrce de l'empereur Septime Sévère d'après son horoscope >, BSAF, 1956, p. 33-35, 143. Hist. Aug. (Vîta Sev,), 2, 4 Post quaesluratn sorte Betlcam

:

accepit ï.,i! pro Baetica Sardinia ei attributa est quod Baetîcam Maurl

populabantur. 144. Sur les incursions des Maures en Bétique, voir : A. von PneMensTtsrN, < Untersuchungen zur Geschichte des Kaisers Marcus >, Kllo, 1912, p. 16? et s. ; R. THouvst{or, < Iæs Incursions des Maures en

le règne de Marc-Aurèle >, REA, 1939, p. 20 et s. ; !V. ZwrrrsR, Studien zur Marku$ule, L941, l" p. 168 et e.; H. G. Bétique sous

148

Réorganl.xtlon tralanlenne

ct

dctnierc Antonfua

: des récolte"s insuffisantes ou ure sécheresso préjudiciable aux troupeaux pouvaient facilement les inciter à aller chercher des ressources dans la plaine du Guadalquivir et sur la côte de Malaga'*. L'étude des opératiots proprement militaires, tentée par A. von Premerstein, dont les résultats ont été repris par R. Thouvenot, contestés par \ry. Zwikker et partiellement par H. G. Pflaum et B. Thomasson, laisse encore place à bien des incertisantes nécssités

tudes.

On peut en tout cas, nour semble-t-il, :tssruer que les Maures du Rif envahirent à deux reprises les provinces espagnoles. La première invasion se situe, comme nous venors de le dire, en l7l. L'idée de W. Zwilfter '', qui, s'appuyant sur une inscription ra? relative à la carrière de C. Aufidius Victorinus, voulait la faire remonter à I'année 168, n'est en effet pas rec€vable. Nous savons que L. Julius Vehilius Gratus Julianus'€, officier brillant, qui a servi sur divers fronts et devait devenir préfet du prétoire, a été nommé Woc{waor) Aue\Ætî) e[t pra[ep(ositus)j vexillationis per Aclwîam et Macedpniam a in Hîspanias adversra Cætabocas et Manros rebelles. Ces deur missions sont liées dans son cursus parce qu'elles ont été remplies toutes deux à la tête d'un même détachement, mais fordre PrLauM, Carrtères,

n"

18Q 221, 22L bis; B. Ttsomssory Statthalteh

p. 301 et s.; IVrnvsrocg

ia

RE, 2376.

II,

145. L'Bspagne est alors gouvornée par C. Aufidius Victoriaug futur proconsul d'Afrique (AE, 1957, 121) qui es! etr Ul sans douæ, légat propréteur des provinces dc Tarraconaise eû de Bétique : H. G. pruuU c La Carrière de C. Aufidius Victorinus, condisciple de Marc-Aurèle >, CRAI, 1956, p. 189-200 (195). Str les raisons de cette invasion de lEspagne, M. Recnsr, Rome..., g. 2A7-208, propose une hypothèso peu vraisembleble : < les mootagnards du sud de la Tingitaue et de la Câsarienne > auraient été poussés < par uno invasion lente maie sllrc des grands nomades saharieos, devenus des nomades chameliers >. Il nous semble au contraire que les aventuræ espagnoles des Maures ont un caracêre épisodique et conjoncturel, qu'elles ne consernent gue les montagnards du Nord, certaiqemeot fort peu touch& par les mouvements qui peuvent se produire aux franges sahariennes de tra Maurétanie.

Zwtren, op. cît, p. 170. AE, 1934, 155. 148, CIL, VI, 31856 (- D, B2n; H. G. PFlaûu, Carrlères, p.45G 146.'W.

147, 464.

dans lequel elles sont citées indique clairement que la mission contre les Costoboques's précède celle d'Espagne ; la guerre contre les Costoboques devant nécessairement se situer aux alenûours de l?1, I'expédition contre les Maures ne saurait

remonter

à 168. pû aillsurs, la carrière de C. Audifrus Victo-

rinus confirme ces données ; Cest en effet C. Aufidius Victorinus qui a exeré un commandement extraordinaire' en tant que leg.

Àug. fpr. pr. provînciarum Hîspaniale citerliorlîs et Baeticae, lors de finvasion des Maures et du transfert de la Bétique sénatoriale à un légat impérial'60, et ce transferû date de 171. Quelles troupes exactement furent envoyées contre les Rifains, rien pour f instant ne nout permet de le savoir. Mais il est possible que les renforts aient comporté aussi un détachement naval, auquel font allusion deux inscr{rtions de Césarée '', qui mentionnent nommément la flotte Syriaca et Auryta. Il n'est pas str pourtant, comme semble le croire Premerstein, que ces deux inscriptions appartiennent bien à l'époque de Marc-Aurèle; seule la seconde to serait en rapport avec les événements d'Espagne, puisqu'elle date de 170 r8". Les opérations contre les Maures eurent une durée que nous ne connaissoln pas; nous pouvons simplement dire qu'elles devaient être achevées en * du 13 mai 173 fait 173, puisqu'un diplôme de Sardaigne état de la libération d'vn gtegalis, et signifie peut-être un retour au calme après le combat contre les Maures. C'est dans ce contexte relativement pacifié qu'intervient à Volubilis I'accord du procurateur avec Ucmet, chef des tribus baquate et macénitg t*.

pour bien Mais si les difficultés étaient en partie réglées - Maures du en Tingitane, aussi bien avec les peu de temps qu'avec ceux du Rif (vaincus), il n'en va Moyen-Atlas (amis) 149. Sur

la date de la guerre des Costoboques, vôir \il. Zwtren,

op.

p. 166; J. S, in RE, col. 1637) ; le type architectural des murs de Carrrona, analogue à celui de certaines cités maurétaniennes @, TBorwrxm, Essai sur Ia provlnce romaine de Bétlque' la 1940, p. 155). On trowe peut-gtre un écho des traces laissées

pr

guerre dans I'inscription fameuse relative à la limitation des dépenses pour les spectacles de gladiateurs (CIL, IL 6?il8 = D, 5t63) z ... labew tem civitatam statum et praecipitantes

lan in ruinas principalium virorum

fortunas. Voir, à ce sujet, F. GRosso, La Lotta polîtica al tempo dl Cotnmodo, 1964, p. 425 (citê eaeuite . IÂ Iâttu polttlca,..), t14. MEFR, 1956, p. lld n' 48, (= BAM' II" p. 6E, no 4 = AE, 154

Réorgûrkslbt talûttctnc ct ilentlew Antoùts

rateur romain extle princeps Camrta qui dirige la seule tribu des Baquates ; il n'est plus quætion des Macénites. L'alliance entre les deux Eibus s'est donc dissoute, et il y a lieu de penser que la pression romaine n'est pas totalement étrangère à cette séparation. En effet, Canarta est dit prùrueps cowtitutus genfi Baquatîu,m, et ce mot de constîtutus, bien difficile à ûaduire, signifie incontestablement quhne influence romaine s'est exercée pour la désignation de ce nouveau chef''. est probable en effet que I'ancien chef, celui qui avait dt accepter I'hégémonie des Macénites, avait perdu aussi bien la confrance des Romains que le respect de sa ûibu; ce qui rendait nécessaire fétablissement, aved l'accord des Romains, d'un nouveau prfuæeps, plus apte à préserver I'indépendance nor"inale de la tribu et ses bonnes relations avec les Romains. La preuve que ces bonnes relations furent maintenues, nous la trouvons dans l'épitaphe, découverte à Rome, du fils de Canarta'* : le fait que celui-ci porte le nom

Il

romain de Memor, qu'il réside

à Rome, que son père

désormais appelé Aurelius Canarta, indique assez

soit

le degré de

loyalisme de la famille'n. Ce loyalisme est-il volontaire ou imposé ? C'est une question qu'il est difficile de trancher. Mais on ne peut qu'admirer, à I'occasion de ce colloque, ltabileté de la manæuwe romaine tæ.

1957,203, : Genlo Inp. L. Aurel. Commodl / Aug. Sarmatîcl Germontci/ pfincipis luventutîs, D. Yeturlus Macrinus/ proc. Aag. conlocutasl cum Caraûa principe con/stituro gentl Baqaatium/ III ldis Octobres Praesente / II et Condlano cos. Bien que I'inscription ait été lue et publiée ainsi par son premier éditeur, M. R.tcrar, Rome..., p, 2ll, n. 4, donne do ce texte une < lecture lrersonnelle r incomplète et eronée, aotamment pour la date consulaire, où elle ignore le nom de Praesens et substitue Gordlanus à Condlanus. 175. Sur les rappor6 6e ltsdministration romaine avec les tribus itrdigènes, voir lnfra, p. 446 et. s. 176. CIL, VI, 1800 (- D, 955). 177. D(ts) M(anlbas)

/

Memoris

/

tili(t)

/

Aurelî(î)

/

Courthae

/

prlncipis gentium / Baqttatlum / qui vitit / ann{is) XZL Nous adoetons, avec E. Frezouls, la lectue de À Mnnrnv, AE, 194t, p. llE, et de À Stnnr, < Memor r, i! RE, qui corrigent EilA et FilfQ1' au contrairo J. Cmcorno, Le Maroc antlque, g. n2, reprend la correction de Dessan

(D, 85t z memod(ae) pur memorls et (A)ell(l) pour Eili(l). tr impossible de dire st le gendlice Aurelius lui vieat de Àdarc-Aurèle

ect

ou

de Commde. 178. Ces colloques se sont poursuivis régulière,ment pendant plusieuro 155

4. Un tournwri dans Ia politique atricaine : le règne de Cornmode

S'il fallait, à partir d'un seul détail, porter un jugement sur fimportance, pour I'Afrique, de l'époque commodienne to, nous choisirions à coup str celui-ci, qui nous parait significatif : sur des inscriptions trouvées à I'intérieur de la Tripolitaine, Ie nom de Commoden qui avait été martelé, a été restitué par 1E0. Cet hommage de Septime Sévère, dont on Septirme Sévère sait les liens avec fAfrique, à son devancier, suffirait presque à nous engager à considérer avec grande attention les événements

d'Afrique au temps de Commode, malgré la réputation peu reluisante que nos sources écrites font généralement au fils de MarcAurèle.

L'euvre de Commode, en effet, ne se laisse pas enfermer, comme celle de ces prédécesseurs immédiats, dans une politique de gestion des affaires courantes : c'est au contraire une politique qui renoue avec un certain esprit d'initiative, dont on retrouve les traces dans tous les domaines. Est-ce à dire que la résistance maure, dont on a vu qu'elle avait su mettre à profit tes difficultés de lEmpire sur le Danube pour passer de la dizaines d'années, jusquà l'époque de Probus : renouvellement de finvestiture accordée au chef de tribu à I'occasion de son accession, ou bien renouyellement de I'alliance romano-baquate à ls veille dhne action à moner er commun : F. Gnosso, La Lotta polltica..,, p. 613-6t4, 179. I-importance du règne de Commode en général a été bien mise en valeur par F. Gnosso, La Lotta politica,,, Nous aurons constamment à nous reporter à cette étude. 180. Nous reviendrons plus loin sur le contexte précis dans lequel

se situe ce fait, dott tous davons voulu pour I'instant que souligner le caracêre symbolique. Un autre détail nous pafalt tout aussi significalif : lorsque, en 191, Commode forme le proiet de partir en voyage, c'est l'Afrique qu'il choisit de visiter, comme si c'était là seulement quT avait une chance d'être le bienvenu (Hist. Aug., Vita Com.,9, 1). Même si ce projet n'était qu'une feinte, destinée à soutirer un peu plus d'argent aux citoyens, te shoix n'en reste pas moins significatif i le sumptutr. itlnerarîwn lui eût été donné de la même façon quelle qu'ett été la province choisie. On sait etr outre quï eut une garde d'archers maures, et qus certaines monnaies le représentent en Hercule, le pied eur la proue d'un navire, tendant les mains à I'Afrigue chargée d'épis (II. Colnnx, Descriptîon histortque des monnaîes frappées sous tEmplre romaln, Iæipzig, rêêd. 1964, III, p. 83-84). 156

Réorganiutlon tratanietms et demien Antonlrc

défensive à I'offensive, va se trouver désormais plus vigoureusement compdmée ? En fait, les choses sont assez nuaûcées. Un point au moins semble æeû, c'est le loyalisme des Baquates. Ce loyalisme s'est maintenu longtemps sans défaillance, malgré la présence, dans d'autres régions, de foyers de troubles. La guerre contre les Maures mentionnée par la Vita Commod.it"' est susceptible d'être un peu mieux connue, malgré

l'habituelle sécheresse de la notation de l'Histoire Aaguste : victi wnt sub eo tamen curn ille sic viveret per legatos Mauritn. L'un des premiers dosuments sur le règne de Commode est I'inscription, déjà vue, de Volubilis du 13 octobre l8O (colloqaùiln du prtræeps des Baquates Canarta et du procuateur Veturius Macrinus), dont on peut tirer au moins une certitude et une bypothàse. Une certitude, c'est que les Baquates ue sont pas parmi les Maures soulevés ; une hypothèse, c'est que le renouvellement de l'alliance romano-baquate a pu être déterminé par I'imminence d'une action contre des rebelles malues, à laquelle les Baquates ont pu participer aux côtés de.s Romnins

ræ.

I-es lieux où se déroulent les opérations, les tribus qui y sont mêlées ne peuvent être identifiés que d'une manière très hypothétique. La seule indication à ce sujet provient d'une inscription de date incertaine, mais que l'on peut situer au début du règne de Commode. Il s'agit de l'épitaphe d'un centurion de la III Augusta, P. Aelius Romanus, trouvée dans le camp de Lamb&e'*, qui est appelé d.ebellator hostium prov(inciae) Hflpaniae) et Maeicarn reg(ionis) Montew(is)'*. Quelques éléments pennettetrt 181. f/isr. Aug. (Vita Com.), 13, 5. 182. Per legatos: lexpression ne signifie pas que Commode ait envoyé

des légats, au sens juridique du terme, dans les provinces inpériales

de Maurétanie. Iæ rédacteur de t&istoire Augns'le, faisant état des guerres meuées sous Commode, cite plusieurs noms de provinces, dont certaircs sont gouvernéas par des légats. Le ûot legatus est pris ici dans rm sern général.

183.

R. Thouvexm, < Sur une inscription trouvê à Volubilis

Hesperis, 1953, p. U5-246.

>,

CIL, VW 2786; voir aussi p. 954, 1739. 185. Notons eD passent le choix d'une expression rare et po6tigue : clebellatorî hostium (dompteur, pourfendeur d'ennemis) ; le mot debellator L84.

tout d'abord de penser que f inscription remonte à la seconde moitié du rr" siècle : la mention de dona militarb, qui ne saurait être postérieure à Caracalla'* ; findication du prénom ainsi que de la filiation ; le gentilice Aelius. Mais Cest la participation de Romanus à des opérations en Espagne, puis contre la tribu des Mazices, en Maurétanie, qui suggère une hypothèse, formulée par F. Grosso. Si I'on accepte d'identifier la guerre espagnole de Romatus avec l'expédition de Vallius Maximianus en 177 / 178, la guene confte les Mazices pourrait bien être celle que lÛistoire Auguste mentionne sous le règre de Commode. Il semble donc, si I'on admet cette double identification, que I'on trouve un indice sur les zones troublées. Il s'agirait en effet du territoire de la tribu dæ Mazices dans la regio Montensh, Mais cette indication reste aussi vague qu'abstraite tant qu'on ae réussit pas à localiser vraiment les Mazices et Ia regio Monlensis!8t. Le terme de Mazices est pris ici dans son acception la plus générale, puisqu'on éprouve le besoin de le préciser par une autre indication d'ordre géographique. Ia regio Montensis dest malheureusement pas identifiable. On a voulu établir un rapport avec une indication de la Table de Peutinger qui donne, entre Sétif et Cuicul, le toponyme de Monte; mais ce rapprochement n'est plus possible depuis que lnon sait que le site figuré sur la Table de Peutinger s'appelle en réalité Mopth...'B. Ainsi, ot ne peut accepter à ce sujet l'ingénieuse construction de F. Grosso : celui-ci, s'appuyant sur la localisation des Mazices dans le nord de la Sitifienne, et remarquant d'autre part que des travaux de fortification ont été menés en 184-18t par le plocurateur Claudius Perpetuus dans cette région ttt, ïoyait dans ces constructions défensives une consése trouve chez Virgile (Aen,7,651), Stace (Theb.,9, 545), Tertullien (z4pol., 5), Arnobe (Not, 5, II) et ailleun dans la Uttérature chrétienne' iAO. SiEnwR, < Die dow milltaria >, Bl, 1906, CXIV'CXV, p. 72'73,

t"

177, et p. 93. 18?. Voir < Mazices >, in RE; f. Desenors, Catalogue, p. 63' 188. I-€ rapprochement avec Monte avait êtê refusé par le Corpw, mais néanmoins proposé dans < Monte >, in RE F. Gnosso, La I'otta reprend À son compte, et ne semble pas avoir -eu politica..., p. 615, èonnaissaoce, sur ce toponyme, du travail de L. Ger'ano, < Mons, Mopth'-

d

et Mopt. >, MEF& 1949,

$g: cL, vrtr,

158

20816

IJ(L P. 35-91', 396r; AE' l9o2'

(- D'

220.

Réorgottutlon trutanterlac

et

derztelæ Antorùts

quence de la guerre faite aux Maures, et proposait donc de sihrer

te théâtre de cette guerre dans la meme région reo. On est bien obligé de renoncer à cette localisation. Læ indications chronologiques relatives au succès de ces opérations sont peut-être moins vagges. Il qt en effet possible de penser que la fin de la guerre contre les Maures correslnnd à la cinquiène salutation impériale de Commodg Cest-àdire à fannée L82"'. La datation nouvelle d'un sestercsrs très controversé permet à F. Grosso de confirmer cette donnée : il s'agit d'un sesterce portant, au droit, I'inscription Comrnoùu Antonînus Aug., avæ le buste de I'empereur lauré, drapé, cuirassé; ef au revers, avec la légende Mutretania S(enAw) C(owulto),la représentation d'un Maure, une haste à la main, tenant un cheval par la bride 8. La mention de Commode corrme seul empereur, le fait que celui-ci ne porte pas encore le surnom de Pius qu'il coûlmence à porter en 183 confrrment la datation de 182 ; lémission de cette pièce, si fon acce,pte cette datation, serait le sigpe du retour de la paix en Maurétanie. L'intérêt porté par le gouvernement de Commode à la Mautêtanie, ainsi d'ailleurs qu'à I'Afrique en général ne se limite pas à la répression de ces troubles, dont les raisons et les protagonistes nous demeurent encore mystérieux. Le retour de la paix marque en effet le début d'une activité intense, qui fait penser, par la diversité des champs qu'elle attaque, à celle d'Hadrien.

-

-

Fortifications améliorées, création ou aménagement de voies, octroi du droit de cité, tout l'arsenal que nous connaissons est à noweau utilisé. 190. II est néanmoins parfaitement léeitimo do supposer quï y a ua lien entre cette guerre et le renforcemed du dicpositif de protectioa de la région. Mais ce liea, en l'absence de documents plur explicites, est moins précis quo ae lo pense F. Grosso. Ce renforcemeat a d'ailleurs atteht d'autres régions (Numidie, Tripolitaine), où aucun signs ds guerre n'a ensore été relevé. 191. F. Gnosso, Ia Lotta polltica.., p. 519, 615. 192. A propos de ce sesterce, voir R Clour, IlArmée..., p. 51 ; A. von Pnraænvrr:r, in Klio, t912, p. 175; H. G. Prr.luu, Corîères, p.589; P. RouanBr.r-r, Stofia..., p.383. R. Cagnatle date des o1Érations menées par Vallius Maxiniaauo, tandis que P. Romanelli y voit la

preuve d'un recrutemeat d'auxiliaires maurétaniens sous Marc-Auêl,e. 193. H. Merrnrcr.y, E. A. SyæraArrr, The Roman Impeial Colnage, Londres, 1926, nI, p. 438, no 636.

159

Quelle est d'abord la politique romaine dans le domainc des fortffications "{ ? Certes, déià sous Marc-Aurèle, des précautions avaient été prises à Rapidum où les vétérans, ainsi que les pagani consistentes aput Rapid.urn, avaient êLevé, a tunda' mentis, un mur lapide quadrato '* ; mais sous Commode, c'est

toute une série d'initiatives romaines qui vont modifier les défenses des territoires romains et préparer I'extension vers le sud.

Deux inscriptions permettent de comprendre dans quel sens I'effort sous Commode. La première "0, sur la route entre Auzia et Medea, c'est-à-dire sur ce qui constitue encore à ce moment la ligne du limes, se réfère explicitement à la nécessité de préserver la sécurité des provinciaux, qui est donc menacêe, et fait état de construction de tours nouvelles et de la réfection des anciennes par une main-d'æuvre militaire. La seconde't inscription provient d'Albulae, où I'empereur a ordonné des travaux analogues (burgîs novis provincin munita miliaria conlapsa vetufiate restituit), probablement à la même date. Il y a donc 1à le signe d'un net réveil de I'activité de harcèlement de quelques tribus, auquel il est répondu par une consolidation minutieuse du vieux système défensif, qui semble intéresser I'ensemble de la Césarienne. soexerce

194. L impulsion du préfet

du prétoire Perennis n'est s{Irement

pas

étrangère à ce reuouvollement. Nous savotn en effet quo Perennis est particulièrement soucieux de la sécurité de tEmpire (Drox Cessrus, IJXII' 10, I). 195. CE, VIII, 20834, 20835. D, 396) t Imp. Caesar M. Aurelius Com' 196. CIL, V[I, 20816 Sarmaticus Brittanîcus mafimas P. Germanic(u)s Aug. Antoninus modus securitati provitr.cîalium suotunt consalens turrcE novas instttuil 1...1 curante Cl, Perpeiuo proc. sw. Malgré les indications de B. Tbouessox, Statthalter, lI, p. 26!, qui place la procuratèle de Ti. Claudius Perpetuus entre 184on peut, la suite de F. Gnosso, La Lotta politîca--., p. 192'l9t' que Com' proioser une date plus précise : l'absence du nomen Felir suttlt à ramener tinscription à une date antérieure moàe prend en lB5

(:

tit, à

185.

t

-

-

lg1.CIL,VnII,22629:Imp.CaesarM.AurelîasCommodus/Anto' niiu, aue. pi/us Sarmaîic. Ger/ma. Brlttannicw/burgîs novis prolvincia

restituit/per... G. munita rii/Iiaria conlapsa ->, ve/tustate

M.

BERSANBT''

Atherueum, 1951, )O(DÇ p' 164, n' 3, restitue o i"ru*" e Commodo à la fin de I'insctiption le nom du procurateur Ti. claudius Perpetuus. 160

Réorganlsation tnlaniennc Gt dernlerc Antonlns

Mais dans d'autres secterus du lirnes se fait aussi sentir une activité offensive. La pénétration dans I'intérieur ftipolitain s'amorce, alors qu'elle était restée stationnaire depuis Domitien.

La ligne de forts &t lirnes Trtpofitarws, telle que la

révèle

I'Itinéraîre Antonin, enta:e Taaorye et Lepcis Magna, semble bien devoir à I'action de Commode ses premières réalisations, puisqu'on trouve ù Tisavar et ù Bezereos des traces indubitables du temps de Cmmode : constnrction d'un édifrce de caractère vraisemblablement militaire à Tisanr 'o, mention de Commode dans les inscriptions du fort de Bezereosr"". De même, le sud de la Numidie fait I'objet d'aménagements nouveaux, qui sont les signes avant-coureurs d'une tentative de rendre plus effective la domination romainen en des zones où elle n'était encore que théorique ; un milliaire de Commode o. apparaît ainsi sur la voie qui mène de Calceus Herculîs à Thubunae. A I'intérieur même du défilé d'El Kantara, Commode fait construire un burgw speculatorius, qui contrôle totalement le passage entre lâurès et la Numidie septentrionale (à six kilomètres au sud de Calceus Heraiîs), pendant le gouvernement de Ti. Claudius Gordianus ; ce burgus speculatorùts de Commode, placé comme un verrou en avant du passage par rapport à I'ennemi, sera complété, sous Caracalla, par une secoode constructiôn à I'arrière du passage"or. L'érection dt burgus speculotorius achève l'æuwe d'intégraL98. CIL, Vm, 11048. Le terminus post qaent de cette inscription est 185, date à l,aguetle Commode est dit Ferrr, et non 184, commé le CIL I'indique par ereur. 199. ILAI,26; ILT,58. Sur les inscriptions de Bezereoq le nom de commode martelé après la damnatlo memoiae de I'empereur, a été re$itué par Septime Sévère. Le gesæ est significatif : I'emporeur africain reconnait ainsi en Commode son dipe présurseur dans I'action en favour de I'Afrique.

200. cIL, Yrlr,22540. 20t. CIL, YIII, 2495 : Imp. Caes. tM,| Aulrelto

C)ommoldlo Antonhto

Pîo Felice Aug. fGlerm, Sarm, Bfitanntclol p.p. trtb. p[otle. XIII cos. V burgwn commodianum {ùeculatorium inter dtms vlas ad salatern commeantiam nova tatellla constltal JassJt [1i. Claudt]us lGlordta[nwl v.fc.l leg. Aug. pr. pr. lcurja agenlte). Une intéressante dissussion sur I'emplacement dv burgus, ainsi que sur la valeur stratégique de sa situa-

tion

ee

trouve dans

f. Beneonz,

Fossalum..., p. 239 et e.

tion de fAurès, comnencée, sous Trajan' par le report de la trontière au sud d.u massif, et confirmée sous Hadrien par la construction en avant-garde du fort de Gernellae. Les communications s'en trouvent singulièrement facilitées : le but de Commode paraît en effet avoir été de doter ce sesteur d'un réseau de communications normales. Et l'on peut, de même, mettre à l'actif de Commode les milliaires de Pertinax découverts sur la route de Lambèse à Vescera : ils datent en effet du moment où le légat L. Naevius Quadratianus, nommé dans les derniers temps du règne de Commode, exécute encore les ordres

du défunt empeteur ot.

Ces mesures dnordre militaire sont complétées initiatives dans d'autres domaines.

par

d'autres

Cest ainsi que l'importance de I'Afrique dans le domaine frumentaire se trouve peut-être consolidée par la création dune flotte spécialisée dans le transport des grains : classern Africanarn instituit quae subsidio esset si forte Alexandrina frummta cesstent '@ ; cette flotte, destinée à remplacer en cas de besoin celle d'Alexandrie, se substitue apparemment en partie à celle que les navîculnrii privés pouvaient auparavant organiser'8s. qui va jusqu'à L'intérêt porté à l'approvisionnement en grain - avec la légende l'émission en 186 de monnaies figurant un navire Provîdentî.a

Augusti$

s'ssssmpape d'un intérêt tout aussi

- de ce grain. grand porté à la production renseigne dircctement sur une évenne nous Aucun document

202. P. RouÂrrerrl, Storîa..., p. 385. 2O3. Hist. Aue. (Vlta Com.), t7,7. Le gens de co passage est discut6' L'interprétation donnée par M. Rosrovtærr, Social and Econornlcal His' tor!-., D,708, n. 4, est que cette c'réation < suivit la révolte d'une partie de l'Afriquo et gu'olle a été causée par de mauvaises récoltes et des trou' bles en Egypte >. Cette interprétation est discutée par F. Gnosso La Intta ' polltica-., p. 625. Dautre part, H. PAvrs D'EsItRAc, < Réflexions sur la classts alricana Commodlana >. Mélanges W. Seston, Paris, 1974, p. 397' 408, peose que la flotte de Commode n'est pas uae flotte frumentaire; il s'agirait d\rne ereur de lÛlstoîre Auguste, affectant un rôle frumen' taire à une flofre en rêalitÉ militaire. 204. D'après J. Rougé, la mesure sigaifie simploment que les naviculariî sont désomtais oblig& de voyager en convoi (J. Rouc4 L'Organîsatlon du cornrnerce maûtlme en Méillterranée sous lEmplre rcmain, Parlg 1966, p.270).

zli,

162

H. Mlrmror.v, E.A. Srorunnr, op. citu III, p. 359 et

s.

Réorg&tslbn traloderae et denlew Ar.tonhrt

tuelle augmentation des propriétés impériales en Afrigue sous Commode, ni sur la proportion des sarlas. Mais on peut pré.sumer que fadministration impériale ne s'est pas détournée de ce problème. Nous savons en revanche le souci, manifesté par Commode, d'assurer la bonne marche de ces grands domaines, dont la réglementation wart êtê en partie fixée au temps dTIadrien" Liarrêt ou du moins le ralentissement du ptocesssus

-

-

d'annexion et de déftichement de terres nouvelles (ralentissement dt sans doute aux difficultés nées sous Marc-Aurèle) est probablement I'une des raisons qui expliquent pourquoi Commode ne peut pas laisser se dégrader la situation des paysans. Cest

en tout cas oe que fon peut inférer de son attitude lors de I'affaire des colons du saltus Burunïtanusoû. On sait comment fut réglée par Commode I'affaire du sahtus Bwunitamts 's. Commode donna pleine satisfactioa aux requêtes qui lui avaient été présentées par les paysans de ce ,raftirs, qui avaient à se plaindre de la cruauté des conductores. Le texte de l'inscription relative à cette affaire est à tous points de vue précieux, puisqu'il nous perme! à travers le récit détaillé des malheurs qui frappent les paysans du saltzs, de voir la dégradation des rapports entre les deux catégories sociales représentées, tout en nous révélant le rôle de redresssur de torts et de protecteur de.s humbles que Commode assume sans hésitation. I-a coalition d'intérêts entre les conductores et les fonotionnaires impériaux, le recours des paysans à I'empereur et leur référence ù la lex Hadriaru, autaût de signes du malaise social qui règue de plus en plus sur les gands domaines, et donf sous

206. Sur cette affaire, voir un qonmentaire récent de G. C. picard" in J. RouoÉ, G. C. Prceno, Documenls rclatlfs à la vie économique et sociale sous I'Emplre romaîn, 197t, p. 218-223. 2Q7. CIL, YIII, 10570, U4e (û. 14451) D, 6E7O FIRA,, 103). Volci deux extraits : S\rr les exsès de porvoir du procurateur : M&ris militiblud lin euln-

(=

-den saltum Burunitanum, alllos nogtrunt

adprelændi

-

et venri,

alllos

vlnclirl nonnulos cîyes etiam robwttasl vlrgls et tuçtlhus ellligi !usse[rtt...7. Sur la complicité des riches z Subvenias, et cum homînes rusrtci brutes -,nsnurn nostrarum opeds victum tolerantes conductorl profusts laryttrotûb(us) gratiosi4sr)mo impares apw prodaratorcs) tttos slnu(s), qulb(us) (pe)r vlces vccession(ts) per condiclonem conduc,lonls notus eû, mlær(enl)s ac scto resotpto tuo. Volr M. Rosroyrærr, op. cit., I, p. 397.

Commode, on semble avoir pris conscience. Que ce malaise annonce les gnves troubles qui naitront et se propageront au tu" siècle est un point sur lequel nous aurons bien entendu

à revenir. Enfin, I'action de Commode garde sa cohérence, puisqu'elle ajoute aux mesures militaires, économiques et sociales que nous venons d'analyser des mesures administratives. Après la politique conservatrice d'Antonin et de Marc-Aurèle en matière d'octroi du droit de cité, Commode renoue avec une tradition

plus généreuse : Thuburbo Maius devient Colonia Aurelia lulia Commodao*, Lambèse est attestée somme municipe où se fon*, Pupput dent les vétérans et lia communauté indigène locale est Colonia Awelîa Cornmoda Pia Felix Augusta"o, sans doute après 185 (à cause du nom de Felix). De cet ensemble complet de mesures, quelles conclusions pouvors-nous tirer relativement à notre propos sur la résistance à la romanisation ? Il nous semble apercevoir, dans la politique menée sous Commode, le résultat d'une prise de conscience : la situation des provinces africaines, au terme du siècle des Antonins, s'est modifiée, car I'esprit et conquérant des premiers temps s'est un peu essoufflé devant la résistance renouvelée des Maures. Commode en prend son parti et songe plutôt à aménager qu'à conquérir. Ce faisant, il est amené à durcir les différences enÛe zones romanisées, quï protège, et zones non romaines, qu'il vsul ignorer. Et, tandis que, jusqu'à présent, on tolérait toutes sortes de nuances entre l'indigène et le Romain, on semble désormais avoir compris qu'il fallait au contraire accélérer le processus quand c'êtait utile et possible, le freiner ailleurs ; en somme, agir pour arriver à une situation nette. D'où le souci, à I'intérieur des provincas, de protéger les humbles, de laisser accéder à la cité romaine des centres d'importance moyenne ; d'où aussi le renforcement des liens de toutes sortes de I'Afrique avec Rome (15 %o d'Africains parmi les sénateurs et les chevaliers). Ainsi snamorce, à I'intérieur de l'ensemble africainn la coupure qui devait marquer

le rrr

siècle.

208. ILAî,281. 209, CIL, Vfir, 18247. 24092,24093. 2to. cn,

v[],

ta

b

L'acharnement des Sévères contre la tênacitê maure

I.

LTqmr&nce itu rEne de S€ptlme Svèlc L'origine lepcitaine de Septime Sévère

à dæ auteurs parfois plus avides de

!

a longtenps fourni, de vêlitê,,

symboles que

l'occasion d'a:nples développements $r une prétendue revanche de fesprit < sémite > et de la vieille Afrique punique contre Rome'. Il faut, d'emblée, écarter semblables considérations : I'idée d'un < patriotisme > africain, allant jusqu'à préférer les 1. Sur Septime Sévère, voir M. PLA:lraûEn, the lile and Reign ol the Emperor L. Septimius Severus, Londres, 1918 (réédité en 1965); J. HesBBRoEq Untersuchungen zar Geschichte des Kaisers Septimius Severus, Heidelberg 1921 ; plus récemmenl A. Breræy, Septimias Severus, Thà Alricot Emperor, Londræ, 1971. Sur les origines et la famille de Septime S6vère, voît lnlra,

p.

522.

Sur ce poinq vofu en particulier les textes oités par G. \ilusrn, -T.2.Prrenv, Dîe Krlse des rômischen Relches, Betlir' t962, p. 7-9, ainei que A. Bnr.ev, op. cit,, p. 34. Ia palme revient nons doute à E.F. Getrusn, Le Passé de IAlrtque du Nord. Les siècles obscurs, Paris, 1952, p. l3l-134, qui va jusqu'à imaginer c ce Sahsdetr Sfigotant des dattes sur le trône impérial r...

165

intérêts de lâfrique à ceux de I'Empire, n'est évidemment à aucur degré présente dans l'æuvre sévérienne'. Qu'il nous suffise au contraire de noter qu'après le tournant dé!à amorcé sous Commode le règne de la dynastie lepcitaine se traduit pour I'Afrique par une remarquable accélération du processus de romanisation. Par I'ambition de ses plans, par Pampleur de ses réalisations dans les divers secteurs de la vie des provinces a&icaines, Septime Sévère a mené une politique dont les principes se rattachent directement à ceux qui avaient pu inspirér des princes aussi actils qu'Auguste ou Hadrien, le souci principal de cette politique étant d'assurer toujours dlvan; tage là dépèndance et l'assujettissement des provinces à fégard de Rome. Que cette politique s'accompap.e de l'octroi de q-ui el cités ou individus faveurs particulières à ceux - une reconnaissance éperdue de servent les buts, qu'elle suscite en indirectement ou directement la part de ceux qui

tirent profit,

il n'y a -rien là qui doive nous surprendre-outre

mesure : dans d'autres provinces de I'Empire, les mêmes principes d'action ont suscité les mêmes réactions de gratitude. Il semble donc que la cause soit maintenant entendue : l'aficanité de Septime Sévère ne le conduisit pas à se montrer moins agtessif ou plus compréhensif à fégard de ceux des Africains

qui étaienq volontairement ou non, exclus des privilèges de la romanité. Bien au contraire, il semble plutôt avoir voulu porter un coup définitif aux îlots de résistance à la romanisation, en essayant d'étendre, partout où cela était encore possible, I'aire de la domination romaine, ou en protégeant et fortifiant les points qui pouvaient paraltre menacés'.

3. R, M. Hrvwooq c The African Policy of Septimius Severus t, lransactlons ol the Amerîcan Philolog. Assoclatlon, 1940, 71, p. 175 ;

Further Note on the African Poliry of Septimius Severus >, p.786; T.D. Benrrg c The Family and Career of Septimius Severus >, Historla, 1967, p. E7-107. Ces travaux tetrtent d'évaluer avec mesure la part réelle de l' < africanité > dans la politique de Septime Sévèro et jugent cette part fort mince. La position de P. Rorraexer.l-r, Storîa..., p. 435, n. 3, est cepoodant plus nuauée. 4. Les Africains dont Septime Sévète s'entoure, de même que ceux dont il favorise lascenÊion, n'ont rien d'africain' et te 8e distinguent guère des Romains d'Italie. $u le personnel politique dorigine afriro.,
Le foisonnement, sur tous les fronts africains, d'initiatives caine sous Septime, voir l'analyse prosopographique de p. 327-358.

5. ILAI,30, 6. ILT, 58;

ILA|,26; CIL, VW

À

Bnr.ev, op. clt.,

22759.22761.

7. Sur l'ensemble de la politique militaire de Septime Sévère : E. Brn-

LE& < Septimius Severus and Studien, 1969, VUI, p. 63 et s. 8. IlÉnourmr, II,9,2.

thç Roman Arny >,

Eplgraphtschen

t67

(offensives ou défensives) suscite bien entendu des réactions, sur lesquelles nousi sommes, comme d'habitude, bien peu rensein trop tardives, sources

gnés. L'imprécision et

la rareté

des

-

en outre, et trop sujettes à caution pour qu'on puisse s'y fier

-

rendent impossible une reconstitution, même schématique, du déroulement des faits. Il nous faudra donc nous contenter de suivre les diverses phrases de I'action sévérienne, sans pouvoir véritablement savoir, dans la plupart des cas, quelle a été la nature et I'intensité de la réaction des populations lésées.

A. La création d,e la provirce

d.e Numidie

Quel sens peut-on donner, dans la perspective qui est la nôtre, à une mesure administrative comme celle qui crée pour de

bon la province de Nunidie, en séparant nettement de la le territoire plaé sous la iuridiction du légat

provîncia Alrica

de la légion, lequel reçoit le nouveau titre de pra'eses provincîae

n

s'agit, tout d'abord, d'assurer la sécudté du par une séparation qui vise à mettre enfin en hône impérial le droit, en donnant au légat le titre et les préfait et le accord

Nurnîdiaz

'0

?

rogatives de gouverneur, qu'il n'avait pas jusqu'ici officiellement.

Mais cette mesure, particulièrement justifiée par la situation ambiguë du légat face au proconsul, relève aussi dnune visée

: une certaine tendance au fractionnement, qui annonce les grandes réformes de Dioclétien, apparait et permet de donner quelque autonomie à des provinces jouant un rôle militaire ou économique important (Bretagne, Syrie). En politique plus vaste

9. Seuls Aurelius Vicûor (XX, 19) et I'Ilistoîre Auguste (Vtta Sev,, XVm, 3) parlent du refoulement des tribus en Tripolitaine. Tertullien mentionne une contre-attaque romaine contre les tribus maures et gétules pour les empêcher de sortir des limites de leur territoire (ldv. tud,,, 7). Pour l'épigraphie : /R?, 298, 869 t AE, 1902, 4. f 0. H. G. PFLeura, < La Date de la création de la province de Numidie >, Libyca, 1957, V, p. 61-75. Par l'analyse de deux inscriptions de

Iambèse (CIL, Vïll, 3289; AF,, t957, 122), il pensait powoir < dater Iérection de la Numidie en province du momeût précis où Anicius Faustus devint consul > G. 74), cbst-à-dire à la fin de 198 ou au début de 199. Mais cette datation trop précise doit être abandonnée en raison de découvertqs nouvelles qui la rendent caduque (M. SpsrDBL, < The singulares of Africa and the Establishment of Numidia as a Province >,

Hbbrta, l6E

1973, >ç, Rendiconti della Pont, Acad. Roman, di Arch,, 1933, D(, p. 25 et s. 12. B. Tsouassox, S/alt&clter, ll, p, 197-201. 13. S. Gser.r, < La Tripolitaine et le Sahara au ru" siècle de notre

ère >, MAI, 1926, X.LII\ p. 149-166. 14. R. G. Gooocruro, J. B. It*o-PERKrNs, < Tbe lirnes Tûpolitanus in the Lieht of Recent Discoveries r, JR,S, 1949, X)O(D(, p. 81-95 ;

R. G. Gooucnnp, < The limes Tripolitanus II >, JÀS, 1950, XL, p. 30-38. Les résultats obtenus par les sqvants auglais sont repris et modifiés par A. di Vrm, < Il lîmes romano di Tripolitania nelta sua concretezza archeologica e nella sua realta storica >, Libya antiqua, 1964, I, p. 65-98. Pour une étude partielle du tronçon da llnes se trouvant en Tunisie, voir M. Euznmrer, < Quatre années do reeherc,hss sur frontière romaine en Tunisie méridionale >, CRAI, 1972, p. 7-27 ; P. Thoussm, Reclterches sur le iimes Tripolinatus da Chott Dierid à la |rontière tunisoJlbyenne, Paris, 1974.

la

l'administration tomalne se contente donc d'interventions ponctuelles s1 limif{es, mais s'accommode bien dans I'ensemble d'une certaine imbrication des populations partiellement romanisées et de celles qui ne le sont pas. Un exemple de cette politique nous est donné avec f intervention romaine dans la délimitation du territoire des Zamucii et des Muduciuvii, intervention qui a gardé une certaine discrétion, puisque I'inscription qui la commémore précise qu'elle a été faite avec l'accord des deux tribus '0. Comme nous l'avons vu, il faut attendre le règne de Commode pour trouver des soldats installés dans les Postes comme Bezereas et Tisavar. Mais c'est avec Septime Sévère que le changement conûôle exercé sur les s'opère : la politique traditionnelle

zones désertiques ou semi-désertiques- par des expéditions parest abandonnée au profit d'une véritable ties des cités côtières politique de présence- militaire. Les inscriptions trouvées dans trois castella de I'intérieur tripolitain permettent de se faire une idée du système dans son ensemble; ce sont les forts de Bezereos, Bou Njem et Si Aoun. Bezereos, existant déjà sous Com-

et probablement renforcé mode, est repris en charge - : la présence d'une vexillation sous Septime Sévère en 201'ô par deux dédicaces ". delt III Augusta y est attestée en 209-2ll Mais Tutilité de Bezereos ne se conçoit qu à I'intérieur d'un ensemble plus vaste : en effet, Ie castellum se trouve sur la ligne défensive qui, de Tacape, contourne le Djebel tripolitain en arc de cercle pour rejoindre Lepcis..Or, la route qui suit cette ligne, du fait qu'elle figure sur l'Itinéraire Antonin, dont la source date de Caracalla, devait être constituée antérieurement à la rédaction de cette source ; Cest dire que les forts mentionnés le long de cette route ont quelque chance d'avoir été établis aussi sous Septime Sévère et que la restauration de Bezereos n'est pas un fait isolé. Ce que pourrait confirmer en outre la présence, à Tillibçi @emada), sur la même ûgne, de traces de h coldors) II Fl(avia) Atftorum)". Mais à la conception ancienne, pour ainsi dire statique, d'une t5. IRT,854. 16. ILA| ,26 (- AE, 1922, 53; - ILT, 5E). 17. ILAf,27,28. 18. CRAI, 1914, p, 475 t A. Muttx, iî BAC, 1919, p. CLVIII : il s'agit , Annales, 1960, XV, p. 209-247; R- Gooænr.o, < Oasis Forts of Iæglo III Augusta on the Routes to the Fezzan D, PBStrL 1954 )OûL p. 56 et s. Sur Bou Njem : R. BanroccNr, c La Fortsu.z ro[lana di Bou -Niem >, Alrica Inllana, II, D. 50 et s. ; IRT,9L4 (= CIL, VIU, 10992),

915,916.

: R. Gooocrmo, loc. clt., p. 66-67. - Cydamus Si Aoun z ILAf, 9 (date : 19E) : ... Praesidium ponl lusslt sub cwa -Aemill Ernertl dec(artonls) al(arls) praepositl coh(ortls) II Fl(avlae) Alrorum et n(umert) col(onorum). Il faudrait évidemment noter isi tra

mention aux côtés de faile, d'at numerus de colottl, qui paralt suqnenante dans ce contexte. En réalité, à la lumière d'une inscription nou-

velle de Bou Njem (R. ReBuFFlr, Lîbya anrtqua, 196fl,,3-4, p. 9G98) qui mentionne côte à côte une vexillation légionnaire et û\ nutnenrs conlatus, il faut corriger les deruiers mots de ILAI, 9, en N(wneri)

Col(lati). 20. Parallèlement à leur rôle défensif, ces postes ne tardaie,lrt pae à devenir parfois de véritables ceûtres urbains. C'est au moinr le cas de Bou Njem, où une ville s'est épanouio au ff siècle autour de la forteresse, corrrme le prouvent les fouilles encore en cours. Voir notammeût : R. RsruFFar, J. Dexreuvn, G. Her.urn, < Bou Njem 1967 o,

Ltbya antiqua, 1966-1967, û-fV, p. 4%137; R. Rrnurrer, c Deur ans de recherches derrg le sud de la Tripolitaine t, CRAI, 1969, p. 189-21?^ 21. G.C. Prceno, Castellum DhwtLtl, Alær-Parfu, L947; et Dardco-

t7r

près de I'oued Djedi, au sud-ouest du djebel Bou Kail, non loin de deux importantes routes caravanières (l'une allant vers le nord de Moudjara et Djelfa, I'autre issue de Laghouat et se dirigeant vers le Hodna par Aîn Rich et El Gahra), reçoit en 198 une garnison composite (vexillations de la lll Augusta, de la III Gallîca et detala I Pannoniorum), où figure un corps de troupe amené de Syrie (la III Gallica'1, sans doute en raison de son expérience du climat et des problèmes du déserl D'autres lnstes, qui ne sont malheueusement pas aussi précisément datables, ont dt soit être créésn soit être renforcés par Septime Sévère : Cest le cas probablement de Doucen, Sadouri, El Gahrao Arn Rich, Djelfa, Tadmit'. Le but, économique autant que militaire,* de ces créations du djebel Zireg, apparaît clairement. Grâce à une inscription on peut voir à Ïæuvre, au sud du Hodna, le mécanisme d'une assignation de terres, de pâturages et de sources : Cest par un evocatûv de la légion qu'est effectuée I'opération, et il est dommage que nous ne puissions savoir avec certitude si ce sont des

yg(1ans qui en bénéficient'n. Mais les modifications dans le système défensif entraînent des cons6quences dans d'autres domaines. La fixation du tarif de Zarai (en 202) est consécutive au départ de la cohorte qui y s. Deux points surtout permettent était installée depuis Hadrien lier, voir le chap. rr (Septime Sévère et la conquête du désert)' p.

4582. La situation particulière de Dimmtdi par rapport at limes de Numidie, et I'analogie de cette situation avec celle qu'on trouve en Tripolitaine et en Maurétanie au même momett sont parfaitemeut analysées' p. 49-66. Voir aussi J. Celcorno, < I.e, Ilmes de Numidie et sa garde syrienne >, Syria, 1925, p. 56. Notons que le chef de la garnison de Castellum Dimmidi s'appelle Flavius Super (et not Superus), 22. G.C. Plcâno, Ioc. cit,, p. 49-58 ; J. Bnneorz'Fossatatn.*, p, ll5r22.

23. AE,1946,38.

24. L. Lnscru, < IJne assigaation de terres sous Septime Sévère >, Recueil de Constantine, 1948, p. 103 et s. (= Etudes africaines, p, 7579) z asri et pascue et fontes adsignata, dit le texte de I'inscription. L. Iæ.schi pense que les terres ont pu être soit concédées collectivement à des tribus, soit données à des colons partiaires, et penche plutôt pour cete seconde hypothèse, à iuste titre aous semble't-il. Il note par ailleurs que ces terres sont eacore aujourd'hui I'objet d'une compétition entre cultivateurs et pasteurs, sédentaires et nomades. 25. CL, vm, 4508 (= 18643). Ce texte a fait lobjet de divers Gom-

n2

Sévèrcs

contc Maureg

de comprendre I'importance de ce document : la place qui est accordée à l'élevage, due au fait que Tardi æt le débouché du bassin du Hodna, où se trouvent des éleveus nomads; la pr6 sence de produits venus des régions côtières ou des teres riches de la Proconsulaire. Ils montrent que la petite cité de Zarai, outre son rôle mittaire, joue aussi un rôle commercial. Elle sert de trait d'union entre une zone marginale, d'économie encore pa$torale au sud, et nne zone intérieure, plus riche et d'activité plus différeociée. Il est probable que, tant que la cohorte était pr&ente, le tarif de I'octroi était différent; le départ des soldats entraîne naturellement une modification sans doute une aggravation de ce tarif. - enfrn noter que Ia nécessité de la conquête de nouOn peut velles terres est la conséquence de l'évolution qui s'est produite au IIo siècle dans I'agriculture africaine s8. Fn effet, I'apparition de la vigne et de I'olivier, et le développement de ces cultures ont commencé à faire sérieusement conqurence au blé. Or, il était tout à fait impossible de laisser diminuer la production de blé africain, cette diminution pouvant avoir à Rome des conséquences très fâcheuses. Force était donc d'affecter aux cultures nouvelles des terres nouvelles : terres nouvelles qu'on n'hésitait pas à aller chercher même au sud du Hodna. Cet accroissement des terres cultivées explique aussi le fait que l'Afrique ait pu supporter la transformation de I'annone en impôt régulier.

D. Lo

Maurétanîe

L'action de Septime Sévère a affeint son point culminant en Maurétanie, et principalement en Césarienne, où se conjuguent

très ostensiblement loavance militaire et I'occupation des terres e. Dans le sesteur des confins numido-maurétaniens, la découverte d'un milliaire de Septime Sévère au bordj El Okhris, à

meotairee : f{ÉnoN os Vû.lrFosse, Le Taril d.e Zaraî, cité par R. Clcn^lr, Etude hlstorique sur les împôts indirects chez les Romains, Paris, 1882,

p. 74; plus récemment : I. P. Dlnuor, < Note sur le tarif de Z,ardf >, Cahiers de Tunlsie, 1964, Æ, 4748, p. 7-23, 26, G.C. PtcARD, Clvlllsatîon..., p. 70 et s. ?jl. On ne peut que reprendre ici les conclusio[s de.r travaux de P. Seuue, < Nouveaux témoignages de I'cuwo des Sévères en Maurétanie sésorienre >, I;lbyca, I, p, 231-261; trI, p. C29-tq. t73

trente kilomètres d'Auzia, indique soit la création d'une route ce qui directe entre Sétif et Auzia par le massif des Bibans - d'un soit la mise en place suppose que le massif est occupé de nouvelles avances. réseau routier, nécessaire à la préparation Le posæ de Tatilti (Taraess), contemporain et proche, peut avoir pour fonction de surveiller les déplacements des populations du Hodna. En même temps, se constitue le système de protection de la région comprise entre Auzin et Ca'esarea par Tlunarurrusa Castra et Lambdia, grâce à la création d'une ligne de postes : Grimidi, Ain Touta, Bogbar. Ces premières fondations, datant de 198, s'échelonnent donc au sud des Bibans et du Titteri, ce qui a pour résultat d'isoler cette zone de celle des hautes plaines. La construction, en 201, du camp d'hiver de l'ala Pia Gemiru Sebasteru correspond à un autre but ; les hîberru* se situent en effet en un point sfiatégique sur les contreforts de f0uarsenis, face au Titteri et à la limite du territoire colonisé. Les cavaliers de l'ala peavent donc, au printemps, descendre dans la zone steppique et se fractionner pour garder les poin8 d'eau qu'utiliseront les caravanes. Mais cette fonction se double d'une autre, non moins importante : éviter toute collusion entre les populations montagnardes qui dominent, au nord, la bordure du Tell et des stqlpes, et les nomades du sud. * et du Frenda est réalisé L'encerclement de I'Ouarsenis grâce à des postes coûrme Cohors Breucorwn ou AIa Miliûia (portant des noms militaires très significatifsl, ainsi que Lucu, Kaputtqsaccura. La voie de rocade qui unit ces divers points est appelée,

sur un

de.s

miliaires, nova pruetentwas. Plus que

28. Inscription des hlberna t AE, L954,143. tr faut uoter à ce propos

faction déterminante du procurateur de Césarienne, P. Aelius

Peregrinue

Rogatus (PIR', p. 39, n" 23t; H.G.Pruutvr, Carrlères, p.62L4257 B. Tlrouessou, Shatthaber,ll, p. 262-264). 29. I* limes était rest6 au nord de lOuanenis sous les Altonins; il est désormais reporté au sud du massif, sur une ligne Boghar-Numerus

Syrorum

: Cf. E. ALBERmI, < La Route frontière

de

la

Maurétanie

ésarienne entre Boghar et Lalla Maghnia >, Bullertn du cinquantenalre de la Société géographique et archéologique tOran, 1928, p. 3348; D., in RAl, 1933, p. 456457, 30. Cn, lffIl, 22602-22604. Sur la pruetentura, voir G.C. PrcaRD, Castellum Dimmidl, p. 92; IL G. Prr,lutu, G. C. Prcero, b Karthago, tr, p. 105-6 : c I-e verbe praetendere, ètre plaé on couverturo' défrnit

t74

ûévèrcs contre Mawas

d'auE€s travaux de fortification, cette dénomination est signifrca.

tive de favance tomaine, puisque prætendsre sigrifis occuper une position avancée. On doit snfin msttrs en rapport avec favance romaine un certain nombre d'autres travaux menés à bien en Maurétanie sous le règne de Septime Sévère, dans des régions prochæ des frontières : créaction d'tn oppidurn îoll- identifré au sud-ouest

de Tiaret, oppidurn qui contrôle les monts du Frenda t ; présence dæ equites d'vte ala Prima Augusta Pqthorum Antoniniana à l'exrémité ouest de La nova praetentura* ; présence d'une cohors II Sardorwn à Altava s ; construction du bttgus d'Usinaza 1x)ur renforcer le secteur est de la ftontière 3'. Mais on ne sait rien d'une éventuelle modifrcation de la ftontière de TirF

gitane

*.

L'effort sévérien semble donc s'être porté sur le contrôle militaire des zones désertiques parcounres par les nomades, but qui a été partiellement atteint grâce à femploi des méthodes mises au point et expérimentées dans le désert syrien : stratégie d'ensemble (occupation en profondeur), troupes (archere palmyréniens), procédés de guerre ont été transposés en Aftiquq non sans succès.

2. La réphque On peut ratsonnablement soattendre à voir que le vaste plan nous voulu donner que les éléments les - dont et lesn'avons plus significatifs étapes les plus irnFortantes suscite, comme les diversss entreprises précédentes de l'état-major sévérien

romain, une réplique immédiate des populations indigènes conssrEn chaque point du grand ensemble africain, la r&istanse se traduit par les combats habituels, sur lesquels nos maigres sourcer ne donnent que peu de renseignements. nées.

la

tâche des détachements envoyés aux avatrt-postes pour une

faction > 31. P. Seurur ia Libyca, III, p.

assez

brève

329.

Ytn, 9827, 9E28. ?3. ClL, VUI, 9381, 9383, 21721 (= 32, CIL,

10949) ; AE, 1920, 27. 34. CIL, Ym,9228. 35. M. RecHer, Rome,.., p. 218, pense que Tocolosida et Ain Chkour servaient à couvrir le linus ds Volubili.e. 175

C'est seulement en interrogeant avec soin ces raxes donnéæ que nons parvenons à reconstituer quelques épisodes de cette résistance, dont une courte indication de Tertullien atteste l'existence et l'étendue. Dans son Adversus ludaeos, Tertullien fait l'observation suivante : ... Maurorum gentes et Getulorum ba.rbaries a Romanis obsidenlur, ne regionum sucûum lines excednntæ. Deux remarques peuvent être faites à ce sujet. Tout d'abord, la mise en cause des Maures et des Gétules, à I'exclusion de toute ûibu précise, indique qu'il s'agit d'un mouvement englobant une assez vaste zone, et peftnet de situer cette zone principalement au sud da limes (où sont généralement localisés les

En second lieu, la raison des opérations romaines contre les tribus est intéressante à examiner : il s'agit, dit Tertullien, de faire que ces tribus . Or, il va de soi que ces limites en deçà desquelles on veut les maintenir sont celles-là mêmes que leur ont assignées arbitrairement les plans romains d'expansion. Si bien que nous devons reconstituer I'arrière-fond de la phrase de Tertullien ainsi : au moment où les Romains eûtament une poussée dans tous les secteurs frontaliers, ils sont amen& à réduire les terres de certaines tribuso à fixer aux déplacements de celles-ci des limites, et à intervenir militairement contre elles, lonque Ïhabitude ou la nécessité ramènent ces tribus sur les fractions perdues de leurs anciens territoires. Cnest à l'Histoire Auguste, reprenant les indications d'Aurelius Victor, que l'on doit de connaltre les troubles de Tripolitaine "'. Le texte de I'Histoire Auguste présente ainsi les choses : Trtpolim, unde oriundus erat, contusîs bellicosis gentibus, secwissimatn reddîàit ac populo Romano diurrutrn oleurn gratuitutn et fecond.issîmun't in aeternum donattît Quoiqu'il ne comporte aucune précision chronologique ou géographique, ce court texte se prête à quelques remarques susceptibles de suggérer une interprétation. P. Romanelli * pense que la formule de I'Histoîre Auguste ne se réfère pas à un fait historique précis, rébellion ou incursion, mais plutôt à un fait générique et habituel dans la Gétules).

36. Tlntuureu, Adv. lud., 7. 37. Hist. Aug. (Vita Sev.), 18, 3; Aunnr.rus VrcroR, 38, P, RouexYLLr, Storia,,., p. 398. 176

XX,

19.

$évères conîe Maures

région, les dommages cartsés par les nomades en. Cette interprétation est discutable, étant donné que nulle trace de désordres causés par les nomades tripolitains n'est signalée depuis fanéantissement des Nasamons sous Domitien; il est donc arbitraire d'imaginer un état d'insécurité peûnanent en Tripolitaine et de considérer l'épisode sévérien comme une simple péripétie. On ne comprend d'ailleurs pas pourquoi ltistoden ou le biographe en auraient fait étât, s'il ne s'agissait que d'une opération routinière de simple police. Cette importance une fois reconnue, peut-on admethe que la responsabilité de l'ouverture des hostilités est portée par les bellicosae gentes ? tr ne le semble pas. Car on ne voit pas pourquoi ces tribus, dont le caractère < belliqueux > ne s'est jamais manifesté depuis Domitieno seraient subitement entrées en guene si on ne les y avait de quelque façon acculées. Or, si I'on examine de près le texte de l'Histoire Auguste, on est amené à une conclusion analogue. On y voit en effet qu'.un lien explicite est établi entre trois faits : l'action confte les tribus belliqueusas, la sécudté de la région, et ltuile gra-

tuite. La mention de I'oleum gataiû,tn ne saurait être ici

fortuite, car il ne s'ag't pas, comme le texte semble le suggérer, d'une simple conséquence heureuse de I'action sévérienne, mais bel et bien du motif véritable de cette action. Et fon peut, avec quelque vraisemblance, invener lordre de présentation des faits, et reconstituer ainsi la succession des événements décision

d'accroître les -d'augmenter sévérienne la production africaine ; nécessité, pour ce

:

importations dbuile, donc

faire, de mettre

en culture de nouvelles -teres, donc de déposséder leurs occupants; action militaire contre

ces occupants, c'est-à-dire les tribus -que l'éventualité de l'expropriation a rendues très naturellement belliqueuses.

Ainsi apparait un schéma en tout point conforme à ce que nous connaissons des buts et des méthodes de Septime Sévère dans les provinces d'Afrique a. 39. On retrouve,

à

I'arrière-plan de ce raisonnernen! I,idée que la

< turbulence berbàe > est un phénomène endémique qui se

plication.

40.

A. Bnrrv,

Septimius Severw,

p,

218-219,

n.

l,

passe d,ex-

suggère que la

tn

En Numidie, pas de trace littéraire d'une résistance ; est-il toutefois possible d'établir un rapprochement entre Ïavance romaine et des troubles qui semblent avoir lieu au cæur de l'Aurès, en L97 ou 198 ? On trouve en effet à Mena la trace d'un séjour d'une vexillation de la III Augusta d, qui se définit elle-même comme morans in procirætu, Cest-à-dire < sur le quivive >, ou encore < en état d'alerte >. Pourquoi des soldats éprouvent-ils le besoin de préciser, sur une dédieace pour le salut de l'empereur, qu'ils sont sur le qui-vive ? On pourrait voir, dans l'hypothèse où des troubles auraient été provoqués par les gens de I'Aurès, la confirmation de cette solidarité entre montagnards et nomades que les Romains voulaient précisément briser autant que possible. Mais ce n'est là qu'une hypothèse. Il s'agit peutêtre, plus simplement, d'une mission de surveillance confiée à *. cette unité sur une importante voie de transhumance Faut-il considérer comme une manifestation de la résistance africaine le fait que, au nord de I'Aurès, dans la région de Casae (ænrme à Sala sous les Antonins), il fallait une escorte €, ainsi que semble militaire pour aller travailler aux champs o I'attester une inscription ? On ne saurait I'afÏirmer, compte tenu du fait que, dans les premières années du tuu siècle, la légion, disposant de loisirs, a pu s'occuper d'élever de nombreuses constructions dans son camp à Lambèse, et même d'envoyer

générosité de Septime Sévère a été rendue possible par le fait que la farnille impériale possède d'immenses domaines en Afrique, et que toute l'affaire peut n'avoir concerné que la res prîvala. Cette hypothèee, qu'aucun document ne soutient, ne paralt guère vraisemblable. Par ailleurs, on est surpris du peu d'intérêt qu'accorde A. Birley aux problèmes militaires africains. 41. Cn, VfiI, 2464 (: 17952), 2465 (= 17953)' 2466 (17954). 42. Communication orale de M. Leglay. 43. CIL, l/I,Il, 4322 (= 18527) : les soldats sont dlts morantes ad

fenum sec(andum). 44. Il est possible que ces soldats doivent plutôt être rapprochés des conduclores foenarli ou da conductor prati, cit& par J. LBsQurB& lUrmée romaine dEgypte, p. 230. Il s'agirait alors de trrconnages < chargés de réquisitions ou de recouvrements de denrées dætinées À I'armée >, comme le suggère R. MmÉcner, L'Occupation romalne de la BasseEgypte, Paris, 1945, P. 89. t78

$évères

un

détachement combattre

en

Orient

6. D'après M. Janon,

Casae pourrait faire partie du territoire de

C'est en

confe Maures

la légion 6.

fait dans les Maruétanias que les troubles les

plus

graves ont dt avoir lieu. Pourtant en Tingitane, les premières ann{eg du règne semblent avoir été calmes, puisq.ue, le 8 mars 200, un conloquiam a eu lieu entre le princeps des Baquates, rlilsssa, fils d'Uret {, et le procurateur C. Sertorius Cattianus 6.

Mais, à cet indice de paiq on peut opposer plusieurs autres indices qui laissent entrevoir une situation troublée. Cest d'abord le fait que deux procurateurs, probablement à la suite l'un de I'autre, ont eu la charge de gouverner en même temps les deux Maurétanies; il s'agit de Cn. Haius Diadumenianus, qui est, en 2O2 : proc. Aueetgl uftlr[arlurnque Mauretanîarum Tingitatulel a Caes.o, et de Q. Sallustius Macrinianus, qui est dit : proc. Augg(d utriu,sq. prov. Maufreltaniaess. Nous savons çre cette remise de deux provinces à un même procurateur n'intervient qu'en cas de troubles à réprimer ou de situation grave o'. Autre indice de gravité, c'est en 210-2It I'octroi du titre de pro legato au procurateur de Ttngitane, C. Julius Pacatianus,

45. AE, 1995, ?,o4,

46. Communication iaédite. La légion y cultiverait des champs pour sos bsoins. 47. Voir MEFR, 1956, p. 118 ot e., n' 49; comnentaire pr B. h'Ézour.s, itr BAM, 1957, p. 69 et s. I€ non du princeps dee Baquates apparalt dans llnsciptio& à l'ablatif, sous la totme lllluene. peut€tre fant-il séparer les deux éléments qui semblent réunis ici : Ilila et sene. Iæ nom propr€ment dit serait lllla, seru s€rait I'ablatif de serex. 48. 4E.,1953,80. 49. CIL, VIU, 9366 i BAC, 1955-1956 84. B. TtroulswN, Statthdte\ p, 265. Ia date du gouvernement de Cn. Haius Diadumeoianus, que E FnÉzour.s, it BAM, L957, p. 108, situait et ?-09-211, est en fait fannée 202. Une inscription récente publi6e pu le BAC, l9j5-1956, 84 mentionne lq decennalfa, que Dion place en 202 @ror Cæsrug

76, I, l). 50. CIL, VIII, 9371. B. Thoulssox, Stotthalter, II, p. 265 : Q. Sallustius Macrinianue est vraisemblablement le prédécesseur ou ls sucs€sseur immédiat de Diadumenianus (rcut€tre eafr:e 2O2 et 210), 51. Notons toutefois sur ce poiat les r&erves de E. FhÉzouls, itr BAM, t957, p. 108, çri déclare que ce groupenent < peut avoir été uoe eimple me$rre préventive ou m&ne inspirée par des préoccupations étrangÈres à la situation militaire r.

octroi qui implique qu'on a dû faire appel à des troupes légiono'. naires pour assurer la sécurité de la province Il est enfin malaisé de tirer des données stres du dernier indice, la carrière de Ti. Claudius Candidus, qui fut leg. Augg, pto praetore proviræiae H(ispaniae) C(iterioris) et eut le titre de dux terra marique ad.versus rebelles h(ostes) p(ublicos). On a voulu voir dans ces rebelles les Maures, qui auraient eu ainsi à leur actif une nouvelle expédition en Espagne; mais il faut bien dire que cette hypothèse est finalement très fragile ".

3. Les résultats d'une politique Comme on pouvait s'y attendre, la politique militaire de Septime Sévère n'est qu'une face d'un plan beaucoup plus vaste,

dont le but semble être le développement des capacités agricoles des diverses régions fertiles dans les provinces d'Afrique, ce développement devant favoriser et les colons et les militaires sur lesquels s'appuie principalement I'empereur. Septime Sévère éprouva-t-il le besoin d'aller se rendre compte sur place, en Afrique, de l'état des réalisations qu'il avait prescrites, ainsi que des besoins nouveaux qui avaient pu stugir ? La question, qui a soulevé maintes discussions, semble maintenant en grande partie réglée : mais s'il est possible d'affirmer,

sur la foi d'un faisceau de documene réunis et discutés en dernier lieu par P. Romanelli *, que Septime Sévère s'est bien rendu en Afrique au cours de son règne et notamment à Lepcis *, il est risqué de vouloir reconstituer avec vraisemblance son 52. CIL, XII, 1856 (= D, 1353). B. Tnouesmx, Statthalter, p. 305. Faut-il attribuer à C. Julius Pacatianùs la carrière figurant sur I'inscription CIL, W 1642 ? B. Thomasson (p. 310-311) refuse cette identification. On ne peut donc plus, dans ces conditioos, s'appuyer sur cette dernière inscription pour postuler une intervention du procurateur à Italica à la suite d'une invasion maure. Sur cette carrière, dont le détail pose divers problèmes, voir H. G. Pnteurl, Carrières, no 229, 53. Voir les conclusions de J. Frrz, < Réflexions sur la carrière de

Ti

Claudius Candidus >, Latamus, 1966, p. 831-846 : ces rebelles sont les fidèles de Clodius Albinus, supru p, l4E, note 139. 54. P. Rotr,aNr,LLr, 9brta', p. 413-418. 55. J. Guer, < LepcitanaSeptlmîana VI >, RAf, 1950, p.55, s'appuyant sur IRî, 292, dato la visite impériale à Lepcis du ll avril 203. Voir aussi 180

A. Bnr.r&

Septimlus Severus, p, 216 et n. 2.

Sévèrcs

contc Maurca

itinéraire. Ni les droits municipaux qu'il a donnés à certaines cit6, ni les édifices qu il a fait élever, ni même ceux qui sont dressés en son honneru ne témoignent d'une façon stre et suffisante de son passage dnns telle ou telle localité&. Si bien qu'il est préférable de disjoindre les questions, et d'étudier I'cuvre sévérienne dans le domaine économique et municipal sqns la mettre en rappos avec ses déplacements.

A. Mesures économiques La principale des mesures

économiques de Septime Sévère on I'a vu, I'extension de la zone sous contrôle romain vers le sud, puisque cette extension vise surtout à dégager de nouvelles tenes pour les affecter à la culture. L'importance accordée à I'agriculture est indéniable, et depuis toujours reconnue. Les biographes de Septime Sévère y ont beaucoup insisté. La masse de blé que les greniers de Rome tenaient en réserve à la mort de I'empereur a frappé les imaginationsn et il en est de même pour I'huile : mortens septern trnorurn canonent, ita at cottid.iana septuagînta quinque milîa modium expendi posseû, reliquit; olei vero tanturn, ut per quinqæmîutn non solum |Urbisl usîbus, sed et totius ltaliae, qtue oleo eget, safticeretn. I-a même assertion admirative revient plusieurs fois s. Pour obtenir les meilleurs résultats, Septime Sévère facilite dans la meslue du possible les conditions d'exercice de fagriculture : il encourage la multiplication des petits propriétairas libres u'. Mais surtout il protège les paysans qui risquent d'êne en butte aux exactions des procurateurss, et redonne vigueur aux dispositions de la lex Marcîana au profit de ceux qui mettent en culture des terres incultes. Il serait intéressant de savoir avec plus de précision qui sont ces paysans, quel est leur statut juridique et quel lien ils entretiennent avec le reste de la province, notamment avec les cités voisines. Mais les documents esÇ

56. Le passage à Cirta est cependant aussi certain gue le séjour à Lepcis : on a retrouvé dans ces deux cités des dédicaces analoguee à Paccia Marciana, la première 6pouse de I'empereur (ILAI, t, 565 3 IXU,

4t0,4tr).

57, Htst. Aug. (Vtta Sev.), 23, 2. 58. Arrt. Aug. (I/ita ,Sev.), 8, 3; (Vlta Elag.), 27,

7.

59. M. Rosrovrærr, Socbl and Economtc Hlstory..., p. 40J. 60. Voir I'inscription d'Ain Ouassel z CIL, YTII, 26416.

Itl

permettant de donner une réponse globale à cette question font ôruelement défaut. On doit donc se contenter de porter I'attention sur les régions où subsistent quelques documents, comme la région de Sétif, mais on se gardera de toute extrapolation trop hâtive, car il semble bien que, dans ce domaine aussi, une diversité régionale très grande soit apparue.

Dans la grande plaine qui s'étend au sud de Sétif' et que limitent les monts du Hodna, les recherches archéologiques, terrestres et aériennes, ont révélé un grand nombre de bourgades,

sur I'origine et le peuplement desquelles quelques inscriptions donnent des indications. Il s'agit notamment de deux textes publiés par P. A. Féwier "'. Loun est une dédicace à Septime Sévère, Caracalla et Geta, faite par les coloni Perdicenses ; le second mentionne la construction de marc (moenia) pat les castellani Perdicenses en 227. Le problème qui se pose est celui du sens exact des termes de coloni et de castellanrr, et de leurs rapports. Le mot colonus est à diverses reprises employé dans la région de Sétif@ et paralt avoir une valeur précise, désignant des gens qui travaillent pour I'empereur (comme à Melloul ou à Bir bou Saada), sur un saltus (Atn Zada) ou dans un castellam. Mais le terme de castellurn, fréquent aussi et qui n'apparalt qu'à l'époque de Caracalla s, a lui aussi une valeur juridique précise' sans doute militaire à I'origine. Faut-il penser, comme le fait f. Carcopino *, eûe Læ colonl, d'abord dispersés et inorganis&, ont éprouvé le besoin de s'unir dans un castellum ? Ce'st ce que *, où I'on voit que des semble suggérer le texte d'ATn Zada Pardalafierues Kalelacelenses coloni caput saltus horreorum et qu'ils ont constitué castellum aa donné ont consacré un autel et invitent pourtant, indices d'autres Et le nom tAntonîniafnensQ. prouver peut contraire au texte ce prudence. Car même plus de à que le castellum n'est pas à proprement parler une agglomération" puisqu'il regroupe, en fait, sous un nom iuridique communn les travailleurs de différents domaines la théorie des villages

:

61. P. A. FÉvrran, < Inscriptions inédites relatives aux domaines de ta région de Sétif >, Mélanges Pîganiol, p.2L7228. 62, P. A. FÉvugn, ibid,, p. T2O, a fwt b liste de ces emplois. 63. Ibid., p. 224. 64. I. Cercopûto, in RAt, 19t8, p. 15-16. 65.

tgz

CIL, VrIr,

8426.

ûévères

coûte Marûes

agricoles fortiiiâ, derrière les murs dcsquels on aurait regroupé des paysans naguère dispersés, n'est pas certaines. Uint&êt pour I'agriculture africaine se fait aussi sentir par des mesures à première vue sans rapport immédiat : I'accroissement et la réorganisation du patrimoniwm impérial ainsi que de la res prtvar4 pennettent à I'empereur de faire pa$er sous sa dépendance directe une bonne partie de la production agdcole. Les terres qui viennent s'ajouter aux domaines imp'ériaux sonÇ en Afrique cotnme ailleurs, des terres confisquées. On sait que la création de la charge de proatrator bonarum damnatorum est consécutive aux proscriptions des partisans d'Albinus 0?, et que les confiscations devaient être aussi le domaine du procwator ad bona cogend.a in Africa, qui est ducénaire, alors que les autres sont sexagénaires. C'est aussi une importante mesure économique du règne de Septime Sévère que la lex portus de Zani8,

B. Polîtique rrumicipale Ces quelques aperçus sur l'@uvre économique de Septine Sévère s'accordent bien avec ce que nous savons de son action

da"s le domaine administratif, dont il nous faut maintenant étudier les phases. Septime Sévère en effet, après Commode, fait un usage assez libéral de I'octroi des droits politques aux cités, Il ne semble pas qu'il faille y voir un favoritisme particulier; on peut très bien concevoir que, au milisg de la prospérité que semblent connaitre les moindres bourgades de I'Afrique en ce début du ur" siècle, il se soit trouvé un nombre important de cités, dont le développement ait mérité d'être officiellement reconnu par certains privilèges. Ces privilèges d'ailleurs ne sont nullement uniformes et respectent une stricte hiérarchie. Ainsi, c'est le ius italicum, distinction suprême qui assimile le sol provincial au sol de I'Italie, qui est accordé aux trois grandes cités africaines : Carthage, la capitale, Utique, à la gloire ancienne, et Lepcis, la ville natale de I'empereur ut. En second lieu vient le jus coloniae : il est accordé à quelques cités qui 66. Sur læ castella de la plaine de Sétif, voir lnfra, p. 186. 67. I{. G. PFLeuM, Catrtères, p. 604. 68. eIL, Vm, 18643 (cf. 4508). J. P. DânMoN, < Notes sur le Tarif de Tataï >. CT, 1964, Æ, 47-48, p, 7-23, 69. Jrîgestc, L, 15, 8, II.

portent des titres significatifs. Auzio est appelée, sur une inscription de 23O'0, colonia Septimîa Aurelia, et ce double cognomen atleste une concession faite pendant la corégence de Septime Sévère et de Caracalla. Lambèse, municipe dans le courant du u" siècle est appelée colonie dans læ dernières années du rèpe de Septime Sévère ". Mais c'est le cas de Vaga qui nous semble le plus intéressant z et 209,la ville se dit en effet colonia Septimia Vaga 1...1 deducta". Elle éprouve donc le besoin d'insister sur le fait que sa qualité de colonia ne lui vient pas d'un simple titre honorifieùe, mais qu'au contraire elle est une authentique colonia, au sens premier du terme, puisqu'elle a leçu une déduction de colons en bonne et due forme. Même s'il ne soagit en fait que de I'envoi dnun renfort de population, comme le croit J. Gascoq le geste de Septime Sévère prend une signification bien symbolique, si I'on songe que les dernières déductions en Afrique remontent à Hadrien. Le problème de I'origine de ces colons se pose : on peut supposer que ce sont sans doute des vétérans à qui on accorde un lopin de terre, dans une région très bien choisie, non loin du bassin du Bagradas, déjà rempli des créations augustéennes. Seule une étude de l'onomastique de la colonia Vaga nous pennettrait de nous ptononcer sur des colons de Vaga ". africaine ou italique I'origine exacte - du Bagradas recèle une - bonne partie des cités Enfin, le bassin qui devaient être élevées au rang de municipes, corIlme cela est attesté par leurs surnoms, tantôt dérivés directement des noms impériaux (Septîrniarn" Aurelium, Severtanum, Antoninianum), tantôt issus du nom des divinités favorites des Sévères (Liberum, Frugiferarn, Concordium, Herculeum, Apollinare). On peut ainsi citer les villes suivantes : Thugga, Thibursicum Bure, Thignica, Sululos, Aulodes, Avedd.a, Henchir Debbek,a. Thysd.rus seule ne se situe pas dans la même région du Bagradas, où, 70.

cn, VIII, 9062.

71. Le cas de Lambèse est complexe : comparer AE, 1920, 12, qui ea 21O la qualifie de colonia, et IRT,8E0, qui, en 247-248, ne lui donne pas ce titre.

72. CIL, VIU, 14395. 73. lâ" discussion sur Vaga se trouve dans municipale...,

p.

168-171. 74. Yolr D. Const, < Manicipîa Septimia dell Impero Romana, 1937, 8, p. 13-24. 184

f.

Glscou, Politique

Libera >, Bulletino del Museo

Sévères contre Mautes

somme

le montre H. G. Pflaum'', le

gouvernement romain

semble avoir pendant longtemps hésité à accorder aux indigènes I'accès à la romanité.

II. Caracatla Le règne de Caracalla continue très exactement celui de Septime Sévère pour tout ce qui touche à l'Afrique, avec cette différence que CatacalTa, qui opère à I'intérieur du champ déjà circonscrit par son père, est amené plus à compléter qu'à conquésoulève moins de résistance ; coest dire que

rir, et à ce titre

l'activité de Caracalla va surfout se porter, en matière défensive, sur la remise en état des routes. Les quatre principales routes de Tripolitaine portent des témoignages précis de l'intervention de I'empereur : plusieurs milliaires y ont été retrouvés'o. Il s'agit des routes suivantes, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler :

la route de Tacape à læpcis, qui suit le littoral tripolitain et -fait partie de I'axe Carthage-Alexandrie; la route qui longe I'escarpement du Djebel à I'est et qui, de-Lepcis Magna au plateau de Tarhuna, constitue un tronçon de la route du limes citée par lltinéraire Antonin : les aménagements sévériens ont fait d'elle la ligne d'appui de la zone militaire avancée; la route centrale vers I'intérieur, qui relie Oea au Fenan, par- Gharian et Mizda; la route intérieure qui longe la rivière Sofediin et relie les

-

deux routes précédentes.

A I'ouest de Tacape, c'est-à-dire du côté da limes de Numidie, d'autres routes sont restaurées, qui ont aussi une irrtr'ortance 75. H. G. Prr.auc < La Romanisation de I'ancien territoire de la Carthage punique >, Antlquités afrlcaines, t970, \1, p. 75 et s. 76. Milliaires de Tripolitaine : S. Aunrcnma4 < Pietre milliare triplitane >, Rîv. Trip., lgU, I\ p. 3 et s., 135 et s.; R. G. Goooumo, < The Roman Roads and Milestones of Trip. >, Rep. & Mon. Dep. Attt. Tnp., Tripoli, 1948, I; R. Benroccnn, in Epigraphica, 1948, X, p. 150 et s.; lRT, 923 et s. rE

militaire : la route de Tacape à Capsa, ainsi que celle qui relie Capsa aux forts de Tusuros et de Nepte, sur le flanc nord-ouest

du Chott-el-Djerid ??. Dans une autre région importante, cnest la route de Lambàe à Vescera, par la trouée d'El Kantara, qui est remise en état dans les années 214-275't ; en même temps,

le burgus speculatoriw Antoniniantu æ vient compléter celui de Comanode. En Maurétanie, même souci : sur la route établie en 201, qui longeait la frontière enûe Lucu et Kaputtasaccura et isolait les monts du Daya par le nord, de nouveaux milliaires portent le nom du procurateur Q. Munatius Celsus *. Mais c'est surtout dans le domaine des routes à intérêt économique gue Caracalla a eu l'occasion de mener à bien l'æuvre de remise en état que son père, trop occupé sans doute par ailleurs, n'avait pu qu'esquisser vaguement E .

Itr. IÆ castella

l.

de la plaine de Sétif et les troubles de 227

Les castella et la polîtîque de dêlense

Pour tenter de voir un peu clair dans le problème des castelln de la plaine de Sétif, le mieux est peut-être de faire d'abord la

liste des textes relatifs au sujet, en notsnt que les castella apparaissent sous Caracalla dans de.s lieux auparavant connus pour être occulÉs par des col,oni. D'où la nécessité de classer les documents en deux séries ".

77. CIL, VlI, 10019 (: 21917), 10024, lOO29; ILAI, 654. 78. CIL, VIII, 10231, 10236, L0239,22339; AE,1925, L24i AE, 1934, t3z. 79. CIL, YrE" 2494. 80. CIL, YIJI, 226L6 et s,

81. P. Seuue, I*s Voies.,., p. 28, et passlm, E2. P. A. FÉvnren, < Inscriptions inédites relatives aux domaines de ta région de Sétif >, Mé\. Plganiol, p.217-228i b. < Noûe sur le

en Afrique du Nord. Iæs exemples comparés de Djemila et de Sétif >, Cahiers gchéologlques, 1964, ÆV, p. 147.

développement urbain

186

ûétèrcs

4, Textes mentionnant

seulement les coloni

contc Ma*ec

z

pûromuuor Melloul

191

t92

Tada

t98-209

Bir bou

Sévère

Saadia

Alexandre

b) Dès Caracalla vants:

vul,

8425

domtni n(ostrt)

VIII,

8702

saltut Pardalari...

Plganlol,p.2

colonl

, 1895, p. 73 aE, 1996,

colonl vlci Aug(asti)

apparaissent

Podlcen(ses)

oEtd)

læ castelln dans l'ordre

sui-

D&rololurrox

= D, 6E90)

caput saltrrs Hor-

et KalefacelenPailaluienses l.-l castello,,.

Caracalla ?

Douar

Boutara

BAC, t93 p. L4l-144 (-

Vqtan;,.

aE, 1930,47) Meris

Sévère Sévère

Alexandre

Kas. Twrensi-

D, 5965)

Alexandre

ter(mînus)

Bled Bechir Yaya

t..1 îilet

KasteKla) Gurolensent

Medianum Matidîa-

,turn é

l. Pis (-

22r

66, 593) é

l. Ple (-

Alexandrianam

castelbni rebâtis-

leurs murs gous la

de Lici: IL G.

Hierocles

225

66, 594' E3. P.

À

FÉvnran,



Mé|. Pigatrlol, D. t23.



RÉFÉRENCE

DBI{OMTNATION

PFLAUM, Carrières, no

16; B.

',

Tlroulssoç

ll, p. 271-

E, l9t7-t9l U, VIII,

vm, YrIr,

- D 6887)

8701

VIIL (= D' rz,

Kastellî Dîaneconstitutas

f-.

colonls eras costell

vul,

E, 1903,94 VII,

Kast. Thib

I...1

Vanarzanensem

De cette liste, qui nous permet d'observer l'évolution de femploi des mots coloni et castellurn, norxr pouvoils tirer un certain nombre de remarques. En premier lieu, que signifie I'emploi sur le même site, à des dates différentes, des termes de coloni et de castellutn ou castellani? Le cas se rencontre à deux reprises au moins. A Perdices, une dédicace en I'honneur des empereurs Septime Sévère, Caracalla et Geta est posée, entre 198 et209, par les coloni Perdicenges; une seconde dédicace, à Sévère Alexandre, datée par la procuratèle de Licinius Hierocles Q27), est posée par les castellani Perdicenses. A Melloul, il est question en 191 de coloni dominî n(ostri); sur le même lieu, on a retrouvé un fragment de dédiçace de 227 ù s et une dédicace Sévère Alexandre, où figure le mot Kast(ellum) 84. CIL, 188

VilI,

20486.

ûévùes conlre Mutres

qui mentionne an cast(ellum) Thib\...l. Deux possibilités se présentent : ou bien le castellwn existait déjà" mais n'était pas lommf, sur le texte le plus ancien, ou bien il y a eu un changement de statut juridique, qui a donné alux coloni le nom de castellmî., Mais I'hésitation n'est pas possible si I'on compare ces données avec celles qui sont fournies par I'inscription d'Ain

Zada$, qui nous apprend qu'en 213 le,s colonî caput saltus

Honeorum et Kalefacelenses Pudalarienses ont constitué un cdstellwn, auquel ils ont donné le nom tAurelïane(nse) Antoninia(newe). Nous avons en effet la chance de voir 1à snaccomplir la transformation, le passage dæ coloni au stade de castellani, Elle s'accomplit de la façon suivante : les colonî issus de divers saltus, dont trois sont ici nommés expressément : le saltus Horîeon/ûn, celui de Kalafacelenses et celui des Pardalarîewas (qd était déjà connu par la dédicace d'un autel en 192 ) se réunissent pour constituer une unité adminisûative nouvelle, à laquelle ils donnent le nom de castellarn Aweliaw(nse) Antoninia(newe) en ltonneur de Caracalla. L'identité et le statut exact de ces colani ne sont pas précisés, mais on peut penser quT s'4git de gens qui travaillenfsur des domaines impériaux. Cela e.st sûr pour les gens de Melloul, qui sont dits, en 791, coloni domini n(ostrî), et qui vivenf en 227, dans un castellurn Or, quatre autres dogumenæ au moins sont connus, qui sont exactement semblables à celui de Mellogl : une inscription de Perdîces et une d'Aih el Hadjar 8,, une d'Ain Soltane s et une de Bir Haddada s. Dans ces quatre localités toutes proches les unes des autres, on a effectué les mêmes opérations qu'à Melloul : construction de murs sous la surveillance de T. Licinius Hierocles en 227. Cette similitsde dans

l'évolution des localités précédentes perrret de postuler, au départ comme à l'arrivée, une identité de situation juridiquè :

il

est normal de penser que le procurateur s'est occupé, en même

85. CIL, WII, 8426 (- D, 6890). 86, CIL, VIU, 8425. 87. P. A. FÉv'nrcn, in MéL. Piganiol, p. 2lE-225. 88. J. Cencorn{o, in RAf , t918, p. 5-7 (= AE, 1917-1918, 68) RSAC, 192l-1922, p. 311-313. 89. CIL, Vlfi" 9729.

;

temps et de la même façon, de plusieurs agglomérations identiques. On peut donc considérer gue ces diverses agglomérations étaient à l'origine, coûrme Melloul, des domaines impériaux. Domaines imFériaux doivent être aussi les trois JattrrJ d'Ain 7ada, et ce pour deux raisons : ils manifestent une dévotion particulière à I'empereur, auquel déjà le saltus PardalartGnsîs)'

avant la constitutio da castellurn, avut élevé un autel; mais surtout, le choix qu'ils font pour se donner un nom après cette constitutio est significatif. S'ils choisissent de s'appeler castellwn Aureliane(we) Antoninia(nense), Cest bien str par déférence pour I'empereur; mais c'est aussi parce que le nomen impérial est en quelque sorte chez eux un facteur commun : comme ils ne veulent pas, par souci d'égalité, donner au castellum le nom d'un des saJras qui le constituent, ils s'accordent pour lui donner le nom impérial, signe de leur allégeance autant que de

leur dévotion.

Il

nous semble donc que le mouvement de regroupement des

coloni dans les castella a pu prendre naissance d'abord sur les domaines inrpériaux. Peut-être est-il temps maintenant de se demander ce que sont ces castella. Il faut d'abord lemarquer qu'en devenaît castellani les gens des domaines n'en restent pas moins des coloni: on trouve en effet les deux termes liés dans des textes, comme ceux de Guellal en 234 (rruros Kastelli Dianesis extrurit per colonos eiusdern cafielli') et de Kherbet Znrga en 243 (murus constitutus '[...,1 a colonis eius castelli Cellensiset). Cette coexistence des deux termes est peut-être un indice précieux : elle montre en effet que le castellum ne se substitue pas totalement à I'organisation ancienne, ruâis qu'il s'y ajoute simplement, ou plutôt qu'il la coiffe; c'est dire que les colonl travaillant dans les champs te cess€nt pas brusquement d'être des paysans pour devenir des citoyens da castellum et qa'il ne s'agit nullement d'un processus d'urbanisation ou de concentra-

tion. P. A. Février a même tendance à voir dans le castellum non pas une < agglomération > mais une < réalité juridique"! >,

90. CIL, VIU, 8701 (= D, 68t7). 91. ctL, wn, 8777 (- D, 6888). 92, P. 190

A. FÉvnrnn, in Mé|. Piganiol, p. 224.

$êvères

coate Maara

et fait observer que c le texte d'AIn 7.ada êvoqae une réunion un meme nom, mais non à I'intérieur d'une seule localité æ >. Peut-être convient-il d'être plus prudent : il ne saurait être question, à notre avis, de faire des castella de simples êtres abÉtraits, entités juridiques dépourvues de support concret. Il nous semble au contraire que le castellum doit. bel et bien s'incarner sur [e terrain par une construction ou un gtoupe de constructions à rôle défensif, sans être pour autant une agglomération au sens strict du mot. Nous penserions plutôt, d'après une suggestion de H. G. Pflaum, à une forme d'habitat mixte, à la fois groupé et dispersé, où le castellum jowrut le rôle de forteresse et de refuge en cas de danger, de lieu de dépôt et de résene pour les produits du ou des domaines dont il dépend. Un castellurn ainsi conçlr a pu, au début du rn" siècle, paraitre nécessaire pour deux raisons, qui ne s'excluent pas : en premier lieu, le développement des grands domaines, de leurs productions, de leur population, qui rendait souhaitable I'existense d'un centre; en second lieu, la crainte d'un retour possible de I'insécurité. Dans cette perspective, I'inscription de Zada, qui amenait P. A. Féwier à ne voir dans le castellurn qu'une < têalité juddique qui regroupe les habitants de différents domaines >, devient très explicable : trois domaines impériaux voisins peuvent décider, apparemment sans avoir d'autorisation à demander à I'empereur, de < constituer > ensemble ,un castellurnu, I! ne s'agit pas pour eux de fusionner juridiquement il serait bien surprenant que de simplec colonî eussent le droit -de disposer ainsi des domaines qu'ils cultivent sans en référer à une autorité sdminigÛstiye mais simplement de < construire > ensemble -, leur u, cætellum qui sera oommun. Que le verbe constitaere puisse avoir le sens de construire que nous lui donnons ici est prouvé par le texte de Kherbet 7*tga, où I'on lit : murus corætitutus 1...7 a colonls, d'habitants Bous

2. Les castella

a

les toables de 227

Si telle est bien I'origine et la nature des castella,le problème la série de constructions de murailles en 227 doit être

posé par

93. ID., in Cahlers archéologlques, )GV, p. 40. 94. L:autorisation du gouverneur €st peut-etre nécsssaire. 191

considéré dans la même perspective défensive. P. A. Février, avec une très rigoureuse prudence, a contesté cette interprétas, et refuse tion, qui avait d'abord été présentée par J. Carcopito de considérer que l'érection des murailles soit due à un accroissement de l'insécurité : < Peut-être ces constructions de rem-

parls marquent-elles le terme, provisoire, de l'évolution des agglomérations de la plaine ; en tout cas, elles témoipent de

fexpansion des années précédentes avant de témoigner de l'insécurité *. > Qu'il y ait eu expansion est incontestable ; la formule

qui revient dans les divers textes, auctis viribus et moenibus, est significative, surtout si l'on adopte la traduction suggérée par P. A. Février 0' : < Les forces vives (c'est-à-dire le chiffre de la population) et la ville (c'est-à-dire la surface occupée) s'étant accrues. > Encore faut-il précisément se demander pourquoi un castellum en pleine expansion éprouve le besoin de se construire un mur, dont la fonction est certes de matérialiser cette expansion passée, mais dont la conséquence est d'y mettre un terme. Pourquoi le castellum arrêterait-il son expansion par un mur, s'il ne la sentait pas menacée ? On peut aussi supposer que la construction des murs est le signe d'un changement de statut juridique et marque en quelque sorte la consécration officielle da castellurn comme agglomération. Cela nous permettrait alors de reconstituer l'évolution du castellum ainsi : à I'origine, des colonî travaillant sur un ou plusieurs domaines impériaux éprouvent le besoin de se construire une sorte de centre fortifié commun; pæ le jeu normal du développement économique, ce petit centre voit ses forces s'accroître (viribus auctis) et les édifices se multiplier (rnoenîa), et devient une véritable agglomération qui, en tant que telle, a le droit de se construire un mur. Mais il ne nous semble pas que ce soit par hasard que cette construction ut êtê décidée en 227. A cette date, en effet, des opérations militaires ont eu lieu en

Maurétanie, comme lnatteste formellement I'inscription trouvée récemment près d'Auzia 4. C'est une dédicace at Genîas de 95. J. Cancopnro, in Rll, 1918, p. 5 et s. 96. P. A. FÉvnrsn, in Ca.hiers archéologiques, XlY, p. 42. 97. lD., ir Mét. Piganiol, p.224, 98, H. Pevrs o'Escunec-Dorsv, < Un soulèvement en Maurétanie Sévère Alexanére >, Mé|. Plganiol, p. ll91 et s.

tz

sous

$évères contrc Mawes

province de Maurétanie césaxienne et à la Forturw d'Auda, qui commémore le succàs (rebus prospere gestis) remporté par le procurateur T. Licinius Hierocles contre un soulèvement. Le terme employé (tactio) indique bien qu'il ne s'agit pas d'une action menée contre des envahisseurs, mais de troubles n& à I'intérieur da lîmeso. Le mauvais état de la pierre ne pennet absolument pas de savoir quelles troupes furent envoyées pour répdmer cette lactio, mais on sait touæfois qu'il y eut des vexillations venues de deux origines différentes (utrrtusque proviræliae '), et que I'on y trouvait de.s unit& de cavaliers et de fantassins (eqaitibus A peditibus) : ce qui signifie que les opérations eurent une certaine ampleur. I1 n'est donc pas impossible qu'elles aient débordé le cadre de la zone d'Auzia et se soient étendues plus à I'ouest'ot, jusqu'à menacer les nouveaux centres de la plaine de Sétif, récemment constitués et soucieux de se préserver. L'intervention du procurateur dans la construction des murs montre qu'il s'agit d'une décision d'ordre général, prise à un niveau êlevê, et non pas seulement d'un problème local lié au déveIra

loppement inteme de chaque caste.lh,mt. Si les conditions avaient été normales et s'il ne s'agissail que d'un simple changement administratif, il n'ett pas été nécessaire d'inclure les cinq castella dans la même fournée. Il nous semble donq en demière ana-

99. On peut donc être assuré quï des montagnards et des Sahariens.

nl

eut pas de mouvement conjoint

100. Le texte de I'inscription, repris dans

AE, 1966, 597, est le

sui-

vant : Genio prlov(înciae)J ïMauretaniae Caeslariensisf Flortunae Sinfualot Colontae Audenslam sacrurn rebus prospefre gestls tnl desperatlssimlam turbTam et factionem E 1...1 rnts T, IJcinius

HierolcleJs proc. Aug, praeses profvînciae Maulretanlae i vexlllalonun utfipnque'l ftroviræliae et lullo t,J tum ete t,.7 s equitlbus et pedt ltibusl

Caesalrienfsis y. L s. c 1...1

rt [...] n, [...] t...1 aq victori. Les trois dernières lignes ne sont pas de la même main, mais elleg doivent cependant se rapporter aux mêmes domées. 101. C'est donc toute la z,one eo;tre Âada et Jlltlis qui aurait été le lieu de ces troubles. Faut-il nécessairement mettre ces troubles au conpte des Bavares, qu'on localiserait pour la circonstance .fans le massif des Bibans ? H. Pevrs u'Escuuc-Dorsy , loc. cit., p. 1199, l'affirme. 1...1

lyse, qu'on ne peut séparer, dans ce problème des castella, le's aspects administratifs des aspects militaires.

IV. Le double

problème dâlexanilre S6vère

Si la période qui s'étend de la fin de Caracalla à celle d'Elagabal ne marque pas, malgré le bref passage du Maure Macrin sur le trône impérial, un moment déterminant de I'histoire africaine'@, et moins encore de l'histoire de la résistance africaine, il n'en va nullement de même pour la période suivante,

celle du règne de Sévère Alexandre, qui se caractérise au contraire par deux séries de faits : une certaine recrudescence de troubles aussi bien en Césarienne qu'en Tingitane, une nouvelle conception de la défense aux frontières.

7. Les troubles

A propos de troubles en Césarienne, datant de I'année 227, nous avons déjà eu I'occasion d'exposer les documents et les faits dans les pages consacrées à la discussion du problème des castelln de la plaine de Sétif, de leur construction et de leur' fortifrcation. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir ici, sinon pour souligner f importance qu'a, à nos yeux, I'inscription publiée par Mme d'Escurac-Doisy dans les Mélanges Piganiol et dont P. A. Féwier n'a pas tenu compte dans ses études sur Sétif '*. L'existence d'un problème militaire É$é pat le procurateur Licinius Hierocles ne nous paraît plus douteuse. En Tingitane, c'est une brève notation de la Vita de Sévère Alexandre t*, qui mentionne une victoire de I'armée romaine : actae sunt res leliciter et in Llauretania Tingitana per Furium Celswn a in lllyrico per VarÎum Macrtnum adlinem eius et in Armenia per lunium Palmatum '@. De cette indication, dont il 102.

Voir en dernier lieu P. Rouarer.rr, Storîa.,., p,

tO3. Yoir supra.

43Ç438.

lO4. Eist- Aug. (Vita Alcx.), 58, t. 105. G. C. Prcano, Castellum Dimmidi, p. 113, semble interpréter les opératious de Furius Celsus comme une offensive réussie, puisqu'il écrit : < .,. la romanité gagne vers le Sud comme aux beaux temps 194

$êvères contrc Maurcs

faut noter qu'on ne retrouve aucune trace chez Hérodien, on peut néanmoins tirer quelques remarques, chronologiques d'æ bord. Les opérations de Tingitane ne peuvent pas être contemporaines des troubles attest& à Auzia en 227. En effet, si tel avait été le cas, si I'armée romaine avait eu à se battre à la fois dans les deux Maurétanies en même temps,

il

est probable que

I'on ett tenté de créer un commandement unique, confié à un prosurateu doté de pouvoirs étendus sur les deux provincæ. pil' aillsutrs, on ne comprendrait pas que I'Histoire Auguste aût pu séparer les deux opérations si elles avaient été liées'*. Ces deux considérations nous permettent donc de ne pas affecter la même date aux troubles des deux provinces. Un autre élément va peut-être dans le même sens : une inscription de Volubilis's atteste qu'une paix a été confirrrée entre les Baquates et le procurateur e. Herennius Hostilius eo,226 oa en 229 : l...palcîs firman[fue...1'@. Mais on peut tenter de préciser la date de la victoire do Furius

Celsus.

Le contexte de I'Histoîre Auguste la situe dans

la

deuxième partie du règne, puisqu'elle voisine avec les campagnæ

d'Arménie et d'Illyrie. Mais c'est surtout le rapprochement du texte de Lampride avec les données fournies par une inscription de Volubilis'@ qui nous aptr'orte des précisions. L'inscription en question s'intègre en effet dans la série des æae pacis commémorant le renouvellement de la paix romano-baquate, qui se faisait à I'occasion de chaque changement d'interlocuteur d'Aniciw Faustus : en Tingitane, Furius Celsus bat les Maures. D Il faut avouer que rien tre permet de confirmcr ou d,infirmer cette vue.

Sur Furius Celsus : H. G. Pnr.euu, Carrtères, p. 1099.

106. H. Pevrs p'Escunec-Dorsy, Mé\. pîgotiol, p. L2Ol. lO7. BAC, 1963-1964, p. 175-L79 (= AE, 19G6, 602r. 108. Restitution proveûant du rajustement de divers fragmerts. LOg, BAM, 1957,II, 9. 69, t 7 : 1.- prTo salute llmperatorisl ICq.esais M(arct) Aureli Sevleri Alexandri 1...1 Aug(ustt) 1... pracurator pr'lo legato colloquiwn

ïcum .,. prlnctpel gentls Bavarwn et Baquqtum an\ tea habuit atamque ïposuit et dedtcavit ..,) Maxîlmo .,. co(n)4ulibus)l Ce qui subsisûe de la daûe consulaire permet de situer llnsciption en ?23 ou dens l4 période 232-234. 1,..

(chef de tribu d'un côté, procurateur ou empereur de I'autre). On n'aurait donc pas de raison déterminante de mettre en rapport la victoire de Furius Celsus et I'inscription de Volubilis, si èeile-ci ne contenait deux indications particulièrement intéresnon nommé santes : d'une part, le procurateur de Tingitane porte le malheureusement dans ce qui reste de l'inscription titre de pro legato "o ; d'autre part, le colloquiurn a été tenu non plus seulement avec la tribu des Baquates corlme précédemment' mais avec une gens double, puisqu'elle groupe des Baquates et les Bavares. L'emploi du singulier (gentis) pour désigner I'entité ainsi constituée peut être f indice d'une certaine fusion ; en outre, les Bavares sont cités en premier lieu, ce qui laisse entendre qu'ils sont l'élément dominant du groupe. Ce n'est pas la première fois que nous rencontrons une union de cette sorte : la proximité géographique de certaines tribus les encourage parfois à se grouper, coulme ce fut le cas en 173'175 entre les Macénites et les Baquates "'. Si les Macénites étaient les voisins méridionaux des Baquates, les Bavares semblent bien

être leurs voisins orientaux. Certes, la localisation exacte des Bavares pose nn problème que G. Camps'u r&out en distinguant parmi eux deux groupss' l'un occidental, dont l'habitat ierait dans le Tell oranais, loautre oriental, vivant dans la Kabylie des Babors. Seuls bien entendu les Bavares occidentaux ont pu soallier avec les Baquates. Iæ voisinage des deux tribus est attesté par divers géographes : le Liber Gencrationis"u, Ia liste de Vérône "a et Julius Honorius "0, 9ùi précise que les deux 110. Ce qui implique, rappelons-le une fois encore' qu'il a sous son

commandemènt des troupes légionnaires. Peut'être est-ce Furius Celsus llL. MEFR, L956, P. 110 et s., no 47. tl2. G. Cevrs, i^ RAl, 1955, P. 280.

113.

A.

Rrnss,

in

Geogtaphi Latinl minores,

p.

165'167.

I*

?

Libet

Generctiorrïs semble énumérer les peuples du nord au sud par groupes allant de I'est à l'ouest I gentes autem quoe linguas su4s habent gwt , Mauri Bacuates et Ma.ssenos, Gaetuli, Alri qui et Barbares, Mazlces, Gara' tnantes. Nous avons donc les Baquates, les Macénites et les Gétules à

fouest, les Bavares, les Mazices et les Garamantes à I'est. ll4. Ibid., p. 129 . Item gentes quae in Mauretania sunt... Mauri

Gentiani, Mauri Mazlces, Mauri Barbares (ot Baveres) Mauri Bacuates. Lls. Ibid., p. 53 : fluvius Malva nascitur sub iwulas Foûunatas circuiens exlremam partem Mauretanlae, întercludens inter Barbares et

Bacaates,-

t96

Sévères

conte Maures

tribus

se trouvent de part et dnautre dela Malva, Cest-à-dire sans doute de la Moulouia. Quel sens peut avoir, dans notre perspective, I'alliance ou la fusion fusion temporaire, il importe de le préciser satrs tarder entre tribus maures ? On peut envisager deux réponses, selon I'origine de la fusion. Ou bien elle est le fait de l'autorité romaine "1 qui, par commodité, impose une certaine unité à des

-

-

groupes différents, pour pouvoir négocier un accord général avec eux; ou bien elle est issue d'une entente euEe les tribus elles-mêmes, qui ont préfétê s'unir pour faire nombre face à l'administration prosuratorienne. Il faut bien reconnaitre porutant que la preinière hypothèse semble la moins vraisemblable. Plutôt que d'unir, les Romair',,r avaient intérêt à diviser les tribus. Dans le cas qur nous occuli. la fédération des Bavares et des Baquates sembte bien avoir introduit un certain trouble dans les rapports entre Maues et Romains : la présence d'un procurateur pro legarc iiniiqrie l-rien que la situatit,n apparalt, du côté romain, coûrme préoccupante. Nous sommes donc amenés à

considérer cornme probable

le

rapprochement voire I'identité

entre les troubles mentionnés par l'Hisloire Auguste et ceux que laisse supposer I'analyse de finscription de Volubilis. Ainsi la situation des tribus nous apparalt-elle, à travers ce bref aperçu, comme plus complexe et plus mouvante qu'on ne le croit généralement : des alliances se nouent et se dénouent, des menaces se font jour, des inquiétudes se manifestent. C,€ monde qu'on définit volontiers comme immuable sait parfois

modifier les données traditionnelles qui le régissent. Ainsi, pour les Baquates, la période de relatif effacenent marquée par leur alliance avec les Bavares est suivie d'une nouvelle période d'autonomie attestée avec certitude en 239-241."'. A fexûension de la puissance bavare fait suite, par un mouvement de bascule, une renaissarce de l'indépendance baquate.

116. Comme le croit G. Cnars, i^ RAl, 1955. Y a-t-il eu à cette date a,bsorption des Bavares par les Baquates somme le suggère. f. C.Bcopnco, Le Maroc antique, p. 303? Cela sera examiné pluc loin. Ct. E FnÉzours, in BAM, 1957,II, p. 112. 117.

2. Nouvelle conception défensive Dans le domaine, si i,mportant, de la politique défensive, le dernier des Sévères est amené à infléchir sérieusement le dispositif légué par le fondateur de la dynastie. Cnest qu'il lui fallait tenir compte des modifications intervenues sur le terrain. En effet, la politique active de Septime Sévère, continuée par ses premiers successeurs, avait perpis de livrer à la colonisation romaine de nouvelles terres dans les régions les plus méridionales de l'Afrique romaine ; la mise en culture de ces terrqs est attestée par la présence d'aménagements hydrauliques nombreux et parfois complexes "'. Mais cette avance romaine posait évidemment un problème, l'éternel problème de la sécurité des zones nouvelèment annexées. Problème qui jusque-là était toujours r6olu de la même façon : chaque marche en avant de la colonisation se faisait sous la protection attentive de I'armée, et une vaste zone militaire, où s'échelonnaient en profondeur des défenses multiples, évitait le face-à-face entre les nouveaux colons et les tribus spoliées et refoulées. Mais ce processus à deux temps n'est réalisable et rentable que si I'armée dispose d'espace où elle puisse se déployer sans difficulté; il se bloque au contraire lorsque farmée se trouve elle-même limitée, et comme coincée par le désert. Orn c'est précisément ce qui arrive sous Sévère Alexandre. Rome est donc amenée à tirer rapidement les conséquences de ce blocage. D'une part, elle confre la garde de certains points avancés da limes, non plus à I'infanterie légionnaire traditionnelle, mais à de nouvelles unités plus rnobiles, développées sans doute pour la circonstance "' ; d'autre part, elle confre aux colons des régions menacées le soin d'assurer une partie au moins de leur propre défense'oo.

118. J. Bereorz, Fossatum..., p. L65-202. 119. G.C. PrcARD, Castellum Dimmidi, p. 115. l2O. la nouvelle forme de défense ainsi esquisséo connaltra ultérieuremett un grand développement avec I'organisation des limitanei, dott l'Histolre Auguste (Vtta AIex., 18) attribue par erreur la création à Alexandre Sévère. Voir à ce sujet A. di VITA, it Libya antiqua, 1964' I, p. 90; A. R. Nrurraltw, in RE, suppl. XI, 1968, col. 87G888. 198

Sévères contre Maures

La fin de l'époque sévérienne est traditionnellement considérée comme le moment où l'Afrique romaine, qui a atteint sous le règne de la dynastie lepcitaine l'apogée de son expansion territoriale et de son développement économique, entre dans une phase de déclin. Peut-être convient-il d'apporter quelques nuances à cette présentation des choses, qui repose essentiellement sur le postulat que les Sévères ont, en raison de leurs odgines, particulièrement avantagê les provinces d'Afrique. En fait, nous venons de faire deux constatations à la lumière de l'étude de loæuvre sévérienne. La première, c'est qu'une partie non négligeable de l'æuvre accomplie, et notamment celle coûcernant le développement économique et I'extension des droits politiques, est due, tout autant qu'à la volonté des princes, au dynamisme interne des sités africaines, à leur naturel besoin d'expansion : cette expansion, due au développement antérieur des villes, trouve au début du lrr" siècle son couronnement naturel. La seconde, c'est que ce développement brillant ne suffit pas à masquer les problèmes qui continuent à se poser avec les éléments non romanis& des provinces, et notamment les Maures : la nécessité persistante de renforcer I'organisation du lirnes en marque la gravité. Il faut encore ajouter gue ce développement lui-même, de par ses conséquences dans le domaine de la fiscalité par exemple, a engendré de nouveaux problèmes, comme nous allons le voir. Si bien qu'il nous semble indispensable de rappeler que la période sévérienne ne peut plus être isolée de l'ensemble de l'histoire africaine comme une sorte d?ge d'or ou de miracle ; elle doit être au contraire considérée contme le moment où, entralnée par sa pesanteur, l'Afrique romaine voit s'accentuer les contradictions, les oppositions, entre les divers éléments qui ls ssmposent. C'est dans cette perspective seulement qu'il nous

semble possible de comprendre le mouvement qui, quelques années seulement après la mort du dernier Sévère, a soulevé une partie de I'Afrique, et notamment la riche Proconsulaire, en ?38.

6

La crise de l'Afrique romaine I. La crise de 238 Les événements de 238, c'est-à-dire la révolte entamée par la iuventus de Thysdrus, qui devait aboutir à porter le vieux proconsul d'Afrique, Gordien, sur le trône impâial et s'achever par la répression sanglante opérée par le légat de Numidie, Capellien, occupent une place particulière dans I'histoire de l'Afrique, et trous intéressent ici par le fait que la population africaine, dans toutes sas couches, semble y avoir pris part'. La position de I'Afrique, à la veille de l'éclatement de cette révolte, apparait comme originale o. La bourgeoisie riche a vu son importance politique s'accroître par l'entrée d'un grand nombre de ses représentants dans les ordres sénatorial et équeshe, ainsi que dans les postes élevés de la hiérarchie gouvernementale. MilitairemenÇ les provinces africaines fournissent

un nombre important de

recrues (car I'Afrique est réputée

1. Nous suivons dans ce chapitre les analyses et læ conclueions T. Korur,4 c Llnsurrection des Gordiens et I'Afrique romaine l,

de

Eos, L959-6O, 50,

2. Ibid,,

p.

197-2tL.

p. 198-199.

< riche en hommes E >), mais elles fournissent aussi des auxiliaires, la très utile et très efficace cavalerie maure. Economiquement, la production africaine est comme une terre

la base même de I'annone : le blé et l'huile sont indispensables. Cette importance politique, militaire et économique semble avoir donné aux Africains une certaine conscience du rôle spécifique de leur tene, et cette conscience se traduit par exemple par le développement du culte'de la déesse Africa, c'est-à-dire de l'Afrique divinisée n. Mais les charges pesant sur I'Afrique ontn elles aussi, augmenté : I'accroissement des dépensæ de I'Etat a entraîné une élévation des impôts, ainsi que du prélèvement des redevances en nature. C'est ainsi qu'on a vu, sous Septime o, Sévère, la création d'un nouvel impôt extraorciinaire en nature tandis que devait s'imposern aux populations des zones concernées, la nécessité de participer à la construction du limes. Divev 0 ses inscriptions font apparaître qu'une partie au moins de la population avait de la difficulté à faire face aux exigenccs nout, velles : en Tingitane, à Banasa est mentionnée sous Caracalla n, la levée d'un arriéré d'impôts' ; en Numidie, à Vazaïvi aPPâraît l'écho d'une protestation contre le fisc et les soldats'o. Certes, les sources littéraires n'ignorent pas ce mécontentement, sur lequel Hérodien insiste ; mais, au lieu d'y voir le revers

3. [IÉnoorsN, Vm, 4, 3. 4. Voir infta le caractère ambigu de cæ type de cultes. 5. D. Vax BERcEEM, < L'Annone militaire dans lEmpire romain

au

siècle >, MSAF, 1937, Ilo(X, p. ll7-202. 6. Citées par T. KotuLt, loc. cit., p. L97-2t1, 7, AE, 1948, LW, 1948, 109 (Baoasa, 10 déc. 215-9 dêÆ, 216) : remise des 8. ^E,d'impôts en blé ou eû argett dus au fisc. Voir aussi : CRll, arriérés L946, p. 548-558; A. Proeuror,, rn CRAI, 1947, p, 342-344; J. Gus&

rtf

CRAI, p. 128-130 ; a., REA, 1947, ){I,D, ,R'S, 1950, XLL p. 60{8 (cité par T. Korule, loc. cit., p. 199, n. 9). 2m

La

crlss de l'AhlSuc rcmabte

nécessafue de la politique menée, on l'attribue à I'action du seul Madmin, dont la cupidité est complaisanment soulig!ée n. Sqns doute,le règne de Maximin, de par le caractère même de l'empereur thrace, fut fertile en spoliations et en vexations dirigées contre le milieu sénatorial, auquel I'Afrique proconsulaire est étroitement liée. L'action de I'empereur paraît inspirée par le désir de pousser au maximum fexploitation et la rentabilité de I'Afrique. C'est ce que semble indiquer le soin particulier porté par I'administration de Maximin à I'entretien du réseau routier, et qui se traduit, sur le terrain, par le grand nombre de milliaires portant son nom'u. Quoiqu'il ne soit pas certain

que tous ces milliaires correspondent à une restauration effective des routes, et bien qu'on doive considérer une partie d'entre eux sotnme relevant plutôt de la propagande 18, on peut néanmoins relever que beaucoup de milliaires se trouvent sur les routes

menant aux ports principaux, par où se fait fexportation du blé et de I'huile : Cartbage, Hadrumète, Lepcis 1 Par ailleurs, il ast significatif que l'explosion de colère contre Maximin, qui couvait sans doute en Afrique depuis longtemps, ait éslaté à Thysdrus, ville qui doit son importance à la production et à la vente de lnhuile'u. Sur le déroulement même du soulèvementn il est peut€tre inutile de revenir ici en détail. Une abondante littérature, qui confronte les multiples soluces et étudie leur filiation, qui tenæ l'établissement doune chronologie exacte, existe déjà'u. Ce quI 11. IIÉnooEn,

VA.,4,2; Hist. Aug. (Yita Malm,),

13,

5; Aurrr,rus

Vrcro& Epitome,25, L-2; 7nsngrn,I, 13, 3; Zononas, Xtr, 16. 12. G. M. BaRsAtern, Studi sull' imperatore Ma.ssimino il Trace, Rome, 1940, p, 92 et s. La liste des milliaires est à compléter ayec IRT,924,933,934,936; RAf, 1934, p,245:, AE, 1957, nB. 13. P. Sar.aun, Les Voles..., p. 75. 14. Korwe, loc. cit.:, p. 200. 15. G.C. PrcARD, in, Karthago, t954,Y, p.2lL-212, 16. P. lV. TowNsEr.rD, < The Revolution of AD 238 : tle Leadoro and their Aims >, Yale Classical Studies, 1955, XIV, p. 49-105; T. Ko-

TILA, < Llnsurrection des Gordiens et I'Afrigue romaine >, Eos, l9S91960, 50, p. t97, n. 2 (biblioemphie) ; J. Buuns, < Zur historischen Glaubwurdigkeit der Gordianî tres im der llistoria Augusta >, Attt del colloquio patavina sulla Illstoria Augusta, 1963, p. 4l i A,Bw.trzt, Masslmino il Trace, Gênes, 1964, p. 143; S. Mezzernso, II Pewiero storîco classico,

ll,

2, p, 284,

nous importe surtout de faire apparalfie ici, c'est la diversité de catégories sociales ayant pris part au mouvement. On sait que M. Rostovtzeff considère que la crise de 238

du prolétatiat la haute bourgeoisie 1?. Cest un point de we analogue (révolte de gros propriétaires d'esclaves) qui est développé par E. Schtaerman-pour êxptquer les débuts de la crise de I'empire au IItro siècle ". On sait aussi que, comme fa montré l'étude de Townsend, I'inspiration profonde du mouvement ainsi que son organisation sont dues aux milieux sénatoriaux : Cest un groupe de sénateurs qui, de Rome même, parvient à organiser un soulèvement qui a lè soutien des forces conservatrices de I'empire, et qui n'est qu'une tentative désespérée d'arrêter le déclin du système imFérial, en redonnant au Sénat une importance que la monarchie militaire lui avait ôtée. s'explique par I'opposition enEe I'armée, issue des campagpes, et les propriétaires, appartenant à

Ces observations toutefois ne semblent pas rendre pleinement compte du caractère original du mouvement, tel qu'il apparaît à

travers Hérodien et I'Histoîre Auguste'". On a en effet I'impression quï s'agit d'un mouvement beaucoup plus vaste et profond : les mots de ô1\oq, ztrfl0oq, rnultitudo apprtaissent lorsqu'il s'agit des événements de Thysdru!

et de Cârthage, ainsi que des expressions comme nûx ro ËOvoq ' ou æovôqnol r.;awq '1. A cette allure de mouvement < de masse > s'aloute le caractère appareurment spontané du déclen-

chement de.s ûoubles. Les initiateurs de ces troubles sont des jeunes gens richæ et de bonne famille : vecvloxouc,rlvoc, tô.v rap'èxeivorq erl 1e1o-

vôrov xol ntrooo{cov -. 17. 18. 1964,

Ces iuvenes 'u appartiennentàl'aristocta-

M. RosrovtzgFF, Social and Economic Hlstory,..' chap. X. E. ScHraeBrdAN, Die Krise der Slclannhalter Ordnung, Betlit'

p.

355.

19. HÉnooreu VII, 4

p. 202 et s.'

;

Hlst. Aug. (Vita Gord.),7 ; T. Kotura, Iac' clt',

20. tlÉnoolEtr{, VIf, 4, I i 4, 5 ; 5, I [tout le peuple]. 21. IlÉnoornn, VII, 9, 4 ltout le monde]. 22. IitÉnoorsN, YlI, 4, 3 ; voir aussi 5, I i 6, 2; Hist. Aug. (Vtta Gord.), ll, 5. 23.'Sur l'organisation dæ luvenes, voir en dernier lieu I. GeoÉ, < Les 204

La cdse de lAlthue

ron

dne

tie municipale, à la classe des décurions, dont ils sont le fer de lance. G. C. Picard a bien mis en valeur le rôle de ces iuvenes, l'évolution de leur organisation, à propos de la lwentus Mactafitatu%. I'es juvenes doivent disposer doarmes de guerre, et ont une organisation de type militaire : Cest avec la pourpre arrachée de leurs vexîlla qu'ils confectionnent tes paludntnenta

des Gordiens *. Mais les luvenes ne sont pas seuls : ils sont suivis par l,ensemble de la populatior, pr la pl.ebs urbaru : n&,wcoy rùv xorù, r\v nôÀtv , dit Hérodien æ. En outre, et Cest peut-être ce qui est important on peut noter aussi la participation de la poputæion des campagnes. Hérodien parle de zoltrol leorploôvreq, et YHîstoire Augwte situe ainsi les circonstances du discours de Mauricius : iuxta Tlrysdrum 1...1 apud plebern vel wbanotn vel rusîico.rutn in agro saoot. Il n'y a donc pas seulement, comme on le croit souvent, les esclave,s et les colons partiaires. D'ailleurs, nous avons déjà pu constater que les rapports entre colons et procuateurs impériaux

étaient assez mauvais et l'on se souvient des plaintes amères formulée.s par les colons da saltw Burunitanus. La participation de petits propriétaires ruratu( est aussi attestée par le fait que Capellien, lors de la répression, s'attaque aussi aux sfuamFs et

aux villages, &1porlç re xo;l xrhlnç. On peut donc soutenir, malgré M. Rostovtzeff *, que les paysans ne sont pas totalement exclus du soulèvement 20. On en arrive ainsi à constater que ce soulèvement n'est pas seulement un mouvement de restauration sénatorialg ni une révolte de petits propriétaires contre les excès frscaux; Cest unê entreprise plus complexe, à laquelle participent des représen-

Organisations da iuvenes en Italie et en Afrique, du début du uf au bellam Aqulleium >, Htstorla, [970, XD(, p. 23?-25g. 24, G. C. PrcARD, Clvitas Macnrtaru, chap. IV, p. ?7 et s. 25. Htst. Aug. (Vlta Gord.), 8, 3. 26. IlÉnoorrn, VIf, 5, 7 ltoute la population de ta ville].

siècte

27. HÉnotrnn, YII" 7,4 [un gfaûd nombrs d'agriculteurs]. 28. M. RosrovræEF, op. c.lt., p.733, n.29. 29. &ttg participation est bien mise en valeur par T. Korule,

cit., p. 205.

Joc.

tants de toutes les classes sociales,

y compris les plus

humbles,

et qui traduit un mécontentement aux origines diverses' Entre les différentes couches de la population africaine s'est nouée spontanément une alliance éphémère, qui a permis à un nouveau type Oe résistance africaine de se manifester, de la part des .oto* et des paysans indigènes. Ceux-ci en effet, comme le dit T. Kotula'., oni trouvé dans les événements de 238 I'occasion de manifester librement leur haine de Ïexploitation symbolisée par Maximin. La population rurale, en gmnde partie étrangère èt peutétre réfractaire à la culture romaine, s'est alliée sans hésiter à I'insurrection, de laquelle pourtant elle ne pouvait espérer tirer aucun bénéfice, puisque même un changement d'empereur ou un adoucissement de I'oppression fiscale ne pouvaient suffire à transformer véritablement sa situation. Elle s'est lancée dans cette aventure, coûtme elle se ftt lancée sans doute dans toute autre, parce qu'elle n'avait aucun autre moyen de s'exprimer. Trop faible et trop désorganisée pour susciter des révoltes à son propre profit, cette petite population africaine s'engage dans un niouvement dont les buts ne correspondent pas vraiment aux siens ; mais il est significatif qu'elle n'arrive à trouver un terrain d'entente avec la population romanisée que 3r.lors d'une révolte contre le pouvoir impérial et ses représentants Il apparaît donc, à I'occasion de la révolte des Gordiens' que s'est éxprimée, à l'intérieur même des limites de l'Afrique romaine, un mouvement de résistance longtemps contenu, et qui prend un biais inattendu. Parallèlement à la résistance des tribos, momentanément neutralisée grâce aux mesures militaires des Sévères, se fait iour un nouveau mécontentemenÇ plus dangereux pour loavenir de l'Afrique romaine, puisqu'il atteint des

30.

IbA., p.

208.

Foucwn, Hadrumetunl, p. 3t4-315, < il n'y a pas lieu d'o14roser ici les paysans des campagxres à la bourgeoisie des villes : des liens d'intérêt rattachaient les premiers à la partie la plus active de la seconde >. Ce qui n'est pas contestable. Mais < les paysans des 31. Pour

i.

> ne constituent pas un groupe homogène. Et, de plus' les liens d'intérêt qui les attachent à la bourgeoisie urbaine ne les empêchent pas d'avoir leun propres exigences, qui ne coincident pas nécessairement avec celles des citadins. campagnes

206

Ia

crlse de l'ÂltîSua rcmabp

couches sur lesquelles reposent en grande partie la prospérité et l'équilibre de tout l'édifice s.

II.

F,a dissoheÉion ele

la

légion

Le soulèvement fut un échec. Pourquoi ? Sans doute faut-il incriminer d'abord l'hétérogénéité das insurgés. Cette alliance contre nature, groupant d'un côté les représentants de la classe sénatoriale, de l'autre une population qui n'avait d'autre choix qu'entre la passivité ou la révolte, ne pouvait parvenir à un succès politique durable que si elle disposait d'une force militaire puissante et organisée. Or, tel ne fut pas le cas. La légion, peutêtre après un moment d'hésitation attesté par le fait que, sur certaines inscriptions de Dimmidi- antédeures à 238, le nom de Maximin est maxtelé 38 se déclara cotrtrg les Gordiens. -, expliquée : soit par le mécontenCette attitude a êté diversement tement des légionnaires devant les innovations d'origine orientale introduites par Sévère Alexandre, et qui menaçaient de ravir à I'infanærie sa suprématie arcienne - ; soit par la rivalité entre Gordien et le légat de Numidie, Capellien'0, qui est poussé autant par la fidélité à Maximin que par I'espoir de parvenir lui-même au trône ; soit par la haine que les soldats, issus des masses rurales exploitées, nourrisseDt à l'égard des notables des cités qui, en tant que curiales et que propriétaires, sont les bénéficiaires de sette exploitation *. Cette dernière explication doit, 32. T. Koru"l loc. clt., p. 2lO, voit dans ce soulèvement, < au moias en germe, certaiaes tendances séparatistec menasaût Rome >. 33. G. C. Prceno, Castellum Dimidl, p. 119; P. Rouemu.r, Stoûa...,

p.

45L455. 34. G. C. PrcanD, ibid.,g. lL8. 35. Que Capellien ait été le légat de Numidie, et nor pas un prosurateur de Césarienne, û'qst plus mis en doute aujourdtui (P. RoumBr.rl, Sroùa..,, p. 451454; B. Tnonassox, Statthalter, II, p.214-2L5), Le problème s'était posé en raison des indications contradictoires données par Hérodien et par l'Ilistoire Auguste. Lhistorien grec désigne Capellien cornmo sénateur commandant < les Maures zujets de Rome, appelés Numides >. AHlstoire Auguste en fait un vétéran qui gouverne les Maures iussu Maxtmîaai. Mais c'est plutôt Hérodieu qu'il faut suivre. 36. C'est la thèse, déià évoquée, de M. Rosrovrzere, op. cit., chap. X.

on I'a vu, être très fortement nuancée : les obsenations présentées plus haut font apparaître une participation des paysans pauvres au soulèvement des Gordiens. Mais peut-être faut-il surtout voir dans la fidélité de la légion à Maximin, soldatempereur, la marque du séparatisme naissant de I'armée, dont le particularisme a été renforcé par le recrutement local, la longue durée du service armé et les récentes réformes des Sévères. Ayant contre lui la légion, le soulèvement ne pouvait tenir, car les Gordiens ne disposaient que de fort maigres et médiosres troupes, qui furent aisément taillées en pièces devant Carthage. Dans la répression qui s'exerça après la marche sur Carthage, Capellien et son armée furent sans pitié pour les insurgés, et s'attaquèrent avec une égale vigueur aux citadins et aux p,aysans u'.

Toutefois,

le triomphe de Capellien fut de courte durée

puisque, peu après, arrivait sur le trône imFérial le jeune Gor-

dien

III,

petit-fils du proconsul vaincu. La légion africaine fut

alors immédiatement dissoute : son nom est martelé sur nombre d'inscriptons antérieures à 238 ; il n'apparait plus dans les textes épigraphiques jusqu'au règne de Valérien ; et c'est sous Valérien que les inscriptions signalent la reconstitution du corps

et son retour en Afrique.

La dissolution de la III Augusta est un événement qui mérite I'attention. Depuis deux siècles et demi, la légion était au service des provinces africaines, dont elle ne se contentait pas de garantir la sécurité : elle avait, par ses coups de boutoir successifs, accru grandement l'aire de la domination romaine; par les routes et les grands travaux qu'elle avait menés à bien, elle avait contribué au développement économique général; enfin, par les possibilités de recrutement et de promotion qu'elle offrait, par I'exemple qu'elle pouvait donner aux populations auprès desquelles elle vivait, elle était un facteur non négligeable de romanisation. C'est de cet instrument à usages multiples, véritable pilier de l'édifice conçu par les Antonins et les Sévères, que 37. Il faut aussi noter la constatation archéologique faite par L. Foucher : < au moment des représailles' on a soigDeusement choisi les maisons à détruire >, du moins à Thysdrus (L. FoucffiR, Hadrurnetum,

p. 314, n. 208

1302).

La crlse de tAlrique romdnc

Gordien

III

décida brutalement de se priver.

Il

importe de

comprendre pourquoi. La raison habituellement donnée, le désir de se venger d'un corps de troupe considéré comme collectivement responsable de la mort des deux premiers Gordiens, ne nous semble guère suffisante. Il faut vraisemblablement y ajouter d'autres motifs, d'ordre moins personnel, notamment la volonté d'apporter un important changement à la politique défensive traditionnelle, politique qui, jusqu'à présent, était incarnée et symbolisée par la pr&ence et I'action de la légion. En effet, s'il s'était agi d'un simple goste de ressentiment contre la III Augusta, il avrait suffi à Gordien III de remplacer cette légion par une autre, comme cela avait été

le cas en Gaule lors de la révolte de Civilis ; cela lui alrait

permis dnexercer sa vengeance sans bouleverser la situation militaire africaine. Le non-remplacement de la légion punie indique donc bien qu'il s'agit d'essayer une auûe politique, pour la réalisation de laquelle la présence de I'infanterie légionaaire n'æt

plus jugée nécessaire. Or cette modification nointervient pas dnune façon brutale, gratuite ou inattendue; elle trouve sa justification dans un réel changement des conditions militaires sur le terrain. Nous savons quq depuis Alexandre Sévère, de nouvelles tendances sont apparues dans les méthodes de défense s. L'extension de la colonisation postérieure à Septime Sévère, dont témoignent les aménagements hydrauliquæ repérés et décris par J. Baradez *, a ôté de son efficacité au système mis en place par I'empereur lepcitain, qui reposait slu un échelonnement des défenses en profondeur. Désormais, en effet, ce sont aussi les colons, et non plus seulement les militaires, qui peuvent se trouver directement exposés aux attaques des indigènes dont ils occupent Les terres. Pour parer à ce danger, deux solutions étaient possibles : ou bien il falait accroltre à nouveau la zone de sécurité couwant les terres nouvellement occupées en reprenant < la marche en avant dans les sables' u ; ou bien il fallait se résigner à laisser aux colons le soin d'assurer leur propre défense. Cest cette seconde

38. Voir supra, p. 198 : le double problème d'Alexandre Sévère. 39. J. Benaozz, Fossatu7n.,., p. 165-202. 40. G. C. Ptcano, Castellum Dimmidi, p. 115. m9

solution, moins aventureuse, qui fut retenue ; elle donnera naissance, au lv" siècle, à l'organisation originale des lîmitaræi, troupes de soldats-paysans à qui on confie des terres contre I'obli-

dispositif n'. En même temps, des unités particulièrement mobiles, comme les cavaliers du numerus Palmyrenorurn,, sont envoyées dans les points particulièrement avancés, où leur mobilité et leur entrainement permettent de les utiliser comme force de surveillance et de dissuasion. On sait, depuis que G. C. Picard I'a montré, qu'une réforme du numerus Palmyrenorun est intervenue sous Sévère Alexandre : celui-ci a accru considérablement les effectifs de ce corps, en y introduisant un gland nombre de soldats d'origine africaine. Ainsi, à travers les mesures prises sous le règne du dernier des Sévères, apparaît donc déjà l'esquisse d'une organisation militaire où l'importance de la légion est diminuée. Si bien que l'on coûlmence à mieux comprendre la réaction de Gordien III. Lorsqu'il arrive sur le trône impérial, la légion lui apparaît bien

gation d'assurer

la garde du

moins comme la garante en Afrique de I'ordre romain que comme une armée de guerre civile, responsable des sanglants massacres de 238. Mais d'autres considérations ont encore pesé sur la décision du jeune empereur et de ses principaux conseillers, notamment la volonté de ne pas étendre encore la zone de colonisation. Le plan sévérien d'occupation du désert, s'il fut jamais conçu, était maintenant définitivement abandonné. Sans doute parce que la rentabilité d'une nouvelle marche en avant était loin d'être assurée. En effet, I'aire de colonisation avait déjà largement ateint la zrir,re steppique et ne s'y maintenait qu'au prix de très *, ( âu lieu de importants travaux. Comme le dit J. Despois s'en tenir au magnifique rempart naturel que la nature offrait aux terres de cultures et aux beaux pâturages d'été du Tell oriental, les Romains ont prêfêtê annexer les terres sahariennes

41. tfllstoire Auguste (Vita Alex., 18) attribue la création des limitanei au règne dâlexandre Sévère : il s'agit d'un anachronisme. Sur ce problème voir A. di Vrre, < Il limes romaûo di Tripolitania... r, Ubya antlqaa, 1964, l, p. 90 et s. 42. J. Dr-spots, < La Bordure saharienne de I'Algérie orientale >,

RAî, 1942, p.2t2. zto

Ia crlse fu lArdque

rcrndru

riches en eau du Hodna et des Zibans et reporter plus loin leurs frontières au prix de travaux et d'efforts cotteux >. Notons d'ailleurs que cet effort ne s'est pas limité au Hodna et aux Zibans, mais qu'il a atteint aussi certaines vallées situées au sud du Metlili, la région sud de l'Aurès et des Nemenchas, le Zab Chergui, la région sud du djebel Onk, ainsi d'ailleurs que des tenitoires s'étendant des Nemenchas jusqu'à Gafsa et au sud de Gafsa *. Mais, contrairement à l'image traditionnelle, toute cette zone n'était pas nécessairement une région vide que Rome, grâce à sa politique de I'eau, aurait péniblement < arrachée au désert > : car une politique dnutilisation rationnelle de l'eau n'est possible que soil y a de I'eau. Il est donc vraisemblable que cette eau avait déjà aupa"ravant affiré une population indigène, qui en faisait à coup str un usage moins techniquement avaacé que celui mis au point par les ingénieurs et les colons romains, les besoins des nomades noétant pas les mêmes que ceux d'agriculteurs sédentaires. Une nouvelle zone d'exploitation agricole ne pouvait donc se développer qu'au détriment de ces indigènes. Mais ce mouvement de dépossession ne pouvait être indéfini et trouvait là son terme. Car la nécessité de protéger sans cesse les établissements des colons contre la résistance de ceu( que I.Bamdez appelle les < refoulés du déserta 2 sff1frni par rendre l'entreprise hors de prix. Cas considérations sont probablement ce qui justifie le coup d'arrêt de Gordien IfI, sans parler aussi des nécessités et des rigueurs de la nature. On peut enfin noter que le passage d'une politique offensive à une politique de stabilisation et d'équilibre pennettait de réduire fimportance des postes avancés : ce qui erplique, par exemple, l'évacuation de Castellum Dimmid.i6. Pour toutes ces raisons, la dissolution de la légion nous semble donc un acte moins absurde qubn pourrait le croire si on le réduisait à ses seuls motifs psychologiques.

43. I. Bantor.z, Fossatutt.,,, 44. Ibid., p. 207.

p.

207,

45. Cette évacuatiou est-elle une conséquence de la dissolutioa de la ? Il ne le semble pas. Bn effet, deux inscriptions du fort montrent que le nom de Maximin a été martelé, maie non celui de la Iégion

III

Aagwta.

2tl

IU. Iointains

conturcoups de

la crise de 23t : l'attitude des

Baquates

est difficile d'affirmer avec certitude que la crise de 238 êté La cause des troubles qui sont attestés en Ttngitane durant les années 239-245. Le rapport qui peut lier ces deux séries d'événements, s,il existe, n'est pas simple. Nous avons vu en effet que le soulèvement de 238,1ocalisé en Pro' consulaire, présente des particularités originales, qui ne trPuvaient évidemment se reproduire telles quelles dans les autes provinces de fAfrique romaine. Il est toutefois permis de supposer que I'insurrection de Thysdrus, la répression menée par CElellien, enfin la proclamation de Gordien III, si elles ne touchèrent pas directement les Maurétanies, durent cependant y créer un climat de trouble et d'inquiétude propre à réveiller I'ardeur des Baquates contre les Romains. Trois inscriptions de Volubilis, toutes contemporaines du règne de Gordien III, permettent d'avoir quelques lumières sur I'attitude baquate *. Iæs données de ces trois dédicaces, dont

tr

ait directement

les formulaires sont très semblables, se combinent aisément pour nous renseigner. Le premier en date de ces textes, datable de 239, atteste la a' et tenue d'une conférence ente le procurateur Ulpius Victor le princeps des Baquates. Or, nous savons qu'Ulpius Victor porte,

4 sur une autre inscription, le titre de prolégat ; d'autre part, les Baquates, qui étaient alliés, et sans doute inféodés, aux Bavares sous le règne de Sévère Alexandre, se retrouvent maintenant

46. Pour les commentaires relatifs à ces inscriptions, voir E. FnÉzours, 1956, p. 107 et s. 47. Fra4ment de dédicace de Volubilis, rn MEFR, 1956, p. lO7, rf 46i BAM, L957,II, p. 73, n" 14 : Il(ovi) O(ptimo) M(aimo) cetelrisqlue diis deabusque pro salute et ilncolumiftate împ. Caes. M. Ant. Gordiani Aus. M.l Ulpius Vicftor proc, eius pro legtato) conlocutus cum...j principe glentis Baquatium |îrmandae pacls ararn ..) consecravlt ldiem ..,1 Imp. Dorninlo nosrro et ... cossl. 48. Voir ILAî, 614.

in MEFR,

2t2

b

crlæ de

tAhlqw

rcrrùalrrs

à nouveau seuls, c'est-à-dire indépendants 'o. Le second o0 et le troisièmeu' texûes, datables de 241, ne semblent pas contenir d'éléments qui remettent en cauie cette indépendance. La nés6sité d'élever, en I'espace de deux ans, trois autels pour commê morer trois entrevues, la présence d'un procurateur prolégat en Tingitane (ainsi que d'un yir perfectissïrnan) sont évidemment le sipe d'une période troublée : éprouverait-on à ce point le besoin d'affirmer la paix ou de la confirmer sT régnait dans la province un calme total ? On ne peut donc qu'approuver I'heureuse formule de Frézoulsn qui parle à ce propos d'une < intense activité diplomatique, où devait entrer une nuance d'intimidation >. Cette maneuvre romaine, face à une situation qui a dt apparaître aux autorités locales corlme menaçante, ne confirma la paix que pour une brève période. En 245r les circonstances sont à nouveau telles qu'une nouvelle entrevue romano-baquate 6t nécessaire et que la paix est à nouveau confirmée entre M. Matruius Victorinus, procurateur (qui porte le titre de prolégat), et le chef baquate, Sepemazin o'. Sans vouloir entrer dans des reconstitutions de détail qui risquent d'être aussi fantaisistes que hasardeuses, il nous semble possible de penser que fagitation baquate dont témoignent nos 491 la regtitution glentis Baquatlumf æt certaine ; le nom des Baguatas figure en toutes lettres dann la seconde des inscriptions (votr intra,

n

50).

50. Fragnent ({sa pacts ?) do Volubilis, to 26; BAM, 1957,II, p. 69, no t :

i\

MEFR, 1953, p.

155,

I(ovi) lO(ptimo) M(axtrno) ceterisqu'le diis deabusque tmlmoftallbus pro

lncolwnltate eft Ylctorla Imp. Caes. M. Antonll Gordlanl Aae I-.j y. p. proc, eiuls pro leg(ato) conloc(utw) cum prlncipe gentfs Baquatlufm

pacis ttnnandae aratn cowecravft

XYII

Kallendas

... Inderutore)

Dominlo nostro Gordliano ... corsl. 51. Fragment (taru pads ?) de Volubilis, in MEFR, 1953, p. 155, to tl i BAM, 1957,II, 9. 74, no 15 : l(ovi) lO(ptîmo) M(arîtno)l ceterlsque dits deabusque lpnmortaltbus,,.! et Ylcbrtac Imp. Cacs. lM. Antodt Gordlanl Aug et Sabfulacl Tranqdlllnac conîgi Aug, n. proc. eius proleg(ato) conlolcutus cum prlnctpe gentls Ba.qualtlum pacls firtnandae calusa dlem .,, aiorn postdt d.edlcavltqael Imp, Domino n(ostro) Gordltano plo teltce Aue I4 Clod{to) pon-

petano lcossl. 52. Dédicace de Volubilis, in llesperls, 1953, IJ(, p.244 I BAM, lg17, II, p. 70, n" 9. L'inscription est datée par la mention du premier consulat de I'empereur Philippe l'Arabe.

2t3

à une réaction contre une tentative romaine d'expropriation ou de cantonnement, mais au désir baquate de tirer profit d'une conjoncture défavorable aux Romains ot. Les Baquates, débarrassés de I'alliance bavare et assurés de leur force, semblent surtout soucieux de faire reconnaître leur indépendance, peut-être aussi d'obtenir quelque concession en échange de leur alliance, ou simplement de leur attitude pacifique'.

sources semble être due, non pas

fV.

l.

Uofrensive des urontagnards de Césarienne et de Numidle

Le retour de la

légi.on

Iæs suites de la dissolution par Gordien III de la légion africaine ne furent pas celles qui avaient été escomptées : le déséquilibre que cette mesure introduisait dans le système défensif africain ne fut apparemment pas contrebalancé par les modifications stratégiques et la rectification de frontière qui avaient accompegné cette dissolution. Concrètement, la dissolution de la tégion dut se traduire, non par la démobilisation pure et simple des légionnaires qui la constituaient, mais par leur affectation

dans d'autres corps d'armée. n failait surtout, aux yeux de I'empereur, détruire un certain esprit de corps. D'où l'envoi probable de légionnaires d'Afrique en Rhétie et au Norique, frontières devenues < chaudes >. tr n'est pas impossible aussi que certains aient êtê gardés en Afrique même, et aient été utilisés, dans certains secteurs sur le limes. C'est du moins l'hypothèse formulée par D. Van Berchem. Celui-ci écrit en effet, à propos de la refonte entralnée par la dissolution : < Il se pourrait que légionnaires et auxiliaires, désormais confondus sous une dénomination géographique, aient

été à ce moment répartis entre les divers secteurs da lirnes,

53. En 240, des difficultés avaient surgi en Afrique proconsulaire avec général Sabinianus : Hlsl. Aug. (Vita Gord.), 23, 4 i Zostun, I, 17, 1. 54. Il y a. nous semble-t-il, peu de chose d'assuré dans les hypoth&es de M. R,tcner, Rome..., p. 214-236' relative aux rapports ro-

la tentative d'usurpation du

mano-baquates.

2t4

Ia pour

cilse de I'Alrlqae rcmalne

y

monter une garde qui ne devait plus connaître de aux explications que nous avons cru pouvoir donner par ailleurs, rend moins sruprenant le prétendu geste vengeur de Gordien III. Il est vraisemblable aussi que le vide cr& par le départ des légionnaires dut, à la longue, apparaître comme une invitation à la révolte, bien qu'à la vérité on ne sache rien de précis sur ce sujet. Seule la relative rapidité avec laquelle la légion fut reconstituée et rétablie dans ses quartiers æ permet de penser que ce relève

s. > Cette hypothèse, jointe

rétablissement êtait devenu urgent o'. Quelles sont les circonstances de ce rétablissement ? C'æt en 253, après le bref et obscur règne d'Emilien, qu'arrive sur le trône I'empereur Valérien, ac*lamê par ses troupes de Rhétie et du Norique. Or, ces troupes étaient précisément selles où avaient été affectés en grand nombre les soldats et les officiers issus de la ci-devant légion de Numidie. En récompense, I'empereur accorda à cæ derniers le retour en Afrique et la reconstitution de leur ancienne unité. Ainsi, Valérien, faisant coup double, aurait réussi tout à la fois à pourvoir à nouveau à la sécurité das provincas d'Afrique, et à donner satisfaction à une fraction de ses partisans, en rétablissant la III Augustd dissoute

depuis quinze ans. Ce point de vue sur les circonstances de la reconstitution de 55. D. V^lr.r BencI&M, L'Arrnée de Dioclétien et Ia réforme conitanllnienne, p, 2l-22. 56, I,a, responsabilité de ce retour à la situation antérieure à Gordien III appartient à lempereur Valérien. 57, Pour les troubles de 253-263, voir notamment : C. Crcnonrus, < Gargilius Martialis und die Maurenkriege unter Gallieaus >, LeiV ziger Sladien zur classkchen Philologie, 1887, X; R. Cnour, LiArmée,.., p. 60-65; J. Carcorrxq < L'Insurrectioa de 253 >, RA|, 19t9, p, 368383 ; R. TlrowsNor, < Rome et les Barbares africâins >, PSAM, 1945, VII, p. 166-183 ; H. Pavrs D'EscuRAc-Dors, < M. Cornelius Octavianus et les révoltes de 253 >, Libyca, 1953, I, p. 181-187 ; M. Tmnanrr,r,, < La Crisis del siglo III de I. C. en Mamrecpis >, Tamuda, 1955,

p. 75-105; G. Ceurs, < Iæs Bavares > RAt, 1955,99, p,241-288; P. Seraua, < Nouveaux témoignages >, Libyca, 1955, UI, p,365-366; ID., < La Trouvaille de sesterces de Rusguniae >, RAl, 1957, p. 2O5247 ; L. Lnscu, < I.es luvenes de Saldae >, Etudes afrlcaines, 1957, p. 349-360; H. G. Pruuu, Canières, p, 905-923 ; R. Tbncan, Le Trésor de Guelma, Paris, 1963, p, 28-39.

la légion, soutenu par Mommsen ut, qui s'appuyait sur un passage d'Aurelius Victor o', a êtê généralement adopté, et notamment

par R. Cagnat'o et Ritterling

". Il

se heurte pourtant, nous suppose en effet que la légion a été reconstituée à partir de ses éléments anciens, fondus depuis quinze années dans d'autres troupes. Certes, I'attachement au pays natal devait être grand chez ces Africains transplantés sous dnautres climats. Mais il serait tout de même bien surprenant que les anciens de la légion de Numidie aient pu conserver leur identité collective et leur esprit de corps, en dépit de I'amalgame

semble-t-il, à une difficulté'u.

Il

et de la dispersion, en dépit surtout du vieillissement et

des

démobilisations qui, au bout de quinze ans, avaient dû considéra-

blement éclaircir leurs rangs @. C'est donc 58. CIL,

à juste titre,

nous

VIII, p. XXL

59. AURELIUs VICTOR, 32. 60. R. CecNar, LiArmée,... p. 160. 61. Rrrnnurc, < Legio r, in RE, XII, col. 1501. 62. Aurelius Victor ne mentionne pas nommément la III Augusta et parle simplemenf saûs autre précision, de troupes rassemblées de partout Inur Ia guerre srr le Danube (milites, qui conùacli undîque apud Raertos ob instans bellum morabantur). },f:ais la première inscription relative au retour de la légion à Gemellae (CIL, VTII' 2482 = 17976) æt un autel dressé par trne (veri)llat(îo) rnill(iaria) Ieg(ionis) III Aug(ustae) (re)stîtuae e Raetia Gernellas regressl; une autre pierre (CtI, VIn, 2852; voir p. 954, 1740) semble aussi faire allusion à ur retour de Rhétie. Ce rapprochement suffit-il à accréditer la thèse que lr reconstitution de la légion est la récompense du soutien apporté à Valérien par les militaires nostalgiques issus de ce corps ? On oe peut raisonnablement l'admettre. La citation du texte de Mommsen nous fait voir la naissance de cetûe trop subtile recomtruction ':, Erauctorata legîone tertia q.238 mîlites qui graviorem poenan nullam meruissent, translatos esse in exerciturn Germanicum sive ut nurneros proprios ibi lonnarent, sive ut scriberentur inter milites leglonum Germanicarum, vel inde pro babile est quod. translata legîone XXII în Mauretaniam, exercitus Ger' mantae superioris augntento indigebat. Iîdern cum post quindecim annos inter reliquos exercitus Germanici mîlltes îwsu Galli ad bellum cum Aerniliano gerendurn excitarcntur, dw a Gallo mîssus ut studia eorum prcmptioru haberet, mllitlbus olim Africanis reditus in patrlorn spem îectt (nam ea certe aetate legio Alricana tota vemacula erat) vlctoriaque rcporratq promlsso lta stetlt, ul autumno eîusdem anni mîlites suum e Raetla in arxlqua castra regrcssum arîs dedicarts concelebtarent (CIL,

VIII, p. XXI).

63. Iæs inscriptions relatives

2t6

au < retour > de la légion

emploient

It

crtrse

de

l'Alrlqp

romabte

semble-t-il, que D. Van Berchem conteste ce point de vue 6 et propose ure auhe explication : les détachements légionnaires que I'on trouve à Gemellae et à Lambèse proviendraient d'une vexillation envoyée en Germanie avant 238, au moment des campagles d'Alexandre Sévère et de Maximin s. C'sst à partir de cette vexillation, qui ne fut pas frappée par la sanction infligée au reste de la troupe, que I'on put sans doute reconstituer la légion africaine, qui était à bon escient qualifiée de renovataæ. Nous connaissons aussi deux textes où la légion æt dite : restituta, C'est I'inscription où l'on voit une vexillatisa milliairs réinstallée à Gernellae ", et celle où le municipe de Gernellae remercie les empereurs du retour de la légion 6.

2. Les Bavares et leurs allîés Cette reconnaissance s'explique assez bien. Il semble en effet que ce retour corncide avec une période de troubles@. A ce sujet, contrairement à I'habitude, on possède une certaine quantité de renseignements, sur la valeur desquels on doit s'interroger. On trouve, dans la correspondance de saint Cytrnien, une

un vocabulaire caractéristique : resdtuta et renovata. Iæs deux termes de restitata et de renavata désivent bien la double o1Ération qui fut accomplie. Restituto siggifie quo I'on rend à la province faroée doat on I'avait privée; renovata fait allusion au nécessaire renouvellement des effectifs aprèc une dispersion de quinze ans. Aucun d€s deux termes ne suppose un pur et simple retour des anciennes unités. Iæ transfert de la XXII Prlmlgenia en Afrique n'est qu'une hypothèse de R. Cagnat; P. Roulxer.rr, Storia..,, p. 460.

p.

64. D. Var BBRcTEM, LlArmée de Dloclétten..., p. 42, n. 2. 65. Même point de vue développé chez H. G. Pruun, Cqrrières, 91G918.

66.

ClL, VIII, 2634, cf. p.

67. CIL,

VIfi,

?r'.82

(:

1739.

17976).

AE, 1946, 39 : Fortunae/ Reducl Auggg/ Ob votum resltltatae Aug. Valeri/anae Gallie/nae Yalerl/atue Respu/bl. Manic. Gelmellensluml dedicante/ Yeturio Yelturiano v.c. leg.l Auggg pr.pr. (Valérien le ieune est abusivemeut qualifié d'Aag., alon qu'il n'est 68,

leg/

III

gue César.) 69. Ces troubles nécessiêrent I'interventiot d'une partie de la ppulation comme à Saldae : zur les lavenes & Sald.ac, voir L. LEscE, loc. cit,, p. 349.

2t7

lettre fort curieuse ?0 ; elle semble se référer à des désordres survenus probablement au cours de l'automne 253. Il s'agit de Ia

lettre

LXII,

adressée

à huit

évêques de Numidie,

qui

avaient

Carthage qu'un certain nombre de leurs signalé ouailles étaent tombées entre les mains des Barbares. Saint Cyprien envoie à ses collègues, outre sa compassion et ses sentiments de fraternité, la somme de cent mille sesterces, produit de la quête qu'il a faite au bénêfice des malheureux prisonniers, pour faciliter leur rachat. Le fait qu'il y ait des enlèvements et des demandes de rançon traduit bien le climat de trouble, de relâchement de l'ordre public, qui règne dans les régions concer-

à l'évêque de

nées. Mais cela n'implique pas nécessairement que les responsables de ces désordres soient autre chose que des bandits. I1 ne nous semble pas en effet qu'il s'agisse ici d'un soulèvement : aucune tribu noest nomméeo on ne trouve pas trace de répression,

ni d'aucune

réaction militaire de la part des autorités. On ne

peut donc croire que ce soit là un mouvement ayant eu quelque ampleur. Bien plus, la possibilité de racheter les prisonniers, la crainte, exprimée par saint Cyprien, de voir les jeunes vierges tomber entre les mains des lenones ou dans les lupanars montrent bien qu'il s'agit seulement d'acfes de banditisme, sans lapport immédiat avec ce que nous avons appelé la résistance à la romanisation. Rien n'indique en effet qu'on doive chercher parmi la population indigène d'Afrique les responsables de ces actes de brigandage : le nom de barbari, par lequel saint Cyprien les flétrit, semble se référer autant à leur immoralité qu'à leur origine ethnique.

Beaucoup plus nettes, en apparence, sont les indications fournies par l'épigraphie. Elles se distinguent par le fait qu'elles conservent une certaine cohérence, qui les rend intelligibles malgré leur dispersion dans le temps (de 253 à 263 environ), et 70. Sarxr Crrnmu, Letlres, éd. Bayar4 coll. Budé' II, p. 197. Les tire R. Tùncan, I'e Ttêsor de Guelma, p. 30-31 de sa tentative de situer géographiquement les év&hés des destinahfues de la lettre IXII nous semblent bien fragiles : elles partenû du posûrlat que les enlèvements de chrétiens sont le fait des Babarî transtagrtenses, ce qui est plus que contestâble, ces derniers étant mentionnés pour la première fois à Cesarée en 290-292 (CIL, VIIJ, 9324). Peut-être doit-on affecter à deux des correspondants les év&hés de Lambèse et de Thubunae conclusions que

(J. Desel{cFs, Catalogue,

2t8

p.

19, n, 2),

Ia

crlse .Ie

f&dstrc pmdne

dans l'espace (vaste région de I'ouest de la Numidie à I'est de la Maurétanie). C'est d'abord la région d'Auzia qui est touchée : en aott 254 est commémorée la victoire du gouverneur de Maurétanie césarienne, M. Aurelius Vitalis ", et du décurion de l'ala Thracurn,

Ulpius Castus, à Aïn Bou Dib (Bertville) dans la vallée de I'oued Lekkal n. Non seulement on invoque la victoire des empereurs, mais on en donne la justification militaire : ob bar-

dt mons Ferratus permet de penser que les assaillants d'Auzia en étaient originaires æ. L'année suivante, le 16 février 2551t0 Cest encore à Auia qu'on célèbre une victoire, celle quoa remportée le commandant baros cesos (sîc) et tusos; la proximité

d'une unité de cavaliers malues, P. Aelius Primianus, et qui lui vaut fhonneur d'être appelé, non saûs emphase, d,efensor provinciae suae.Deux points sont à noter : d'une part, himianus est dit praepositus vexîllntioni equitum Maurorwn, Cest-àdire qu'il est le chef des cavaliers indigènes que Rome a I'habileté de mettre en face des indigènes révoltés ; d'autre part, il est décurion de trois crtés Auzia, Rusguniae, Equizeto. Comme le retnarque P. Salama, cet honneur, décerné par plusieurs cité.s à un chef militaire, est le signe < d'un de ces regroupements tactiques s1 sdminisffatifs qu'impose inévitablement dans un pays la reprise en main d'une situation troublée' >. Au sujet de cet épisode, un problème subsiste : à quelle année remontent les combats qui ont permis à P. Aelius Primianus de snillustrer dans la défense de sa province ? L'inscription" certes, est de février 255 ; mais cela ne suffit pas à dater précisément les faits auxquels elle se réfère. Or, loanalyse de la carrière de Primianus t', reprise par H. G. Pflaum ?', fait apparaître que l'ordre des 71. Sur Aurelius Vitalis, qui porte le titre de praeses (abrégé en p.),

voir B.

THoMAssoN, Statthalter,

II, p. 279.

72, CIL, vrlt, 20827. 73. Cruromus, < Gargilius Martialis und die Maurenkriege unter Gallienus >, Leipzîg. Studien, 1E87, X, 9, 327 et s.; P. RoMAIwLLI, Storia...,

p.

474.

74. CIL, V[I, 9045. 75. P. Ser,aua, < La Trouvaille de sesterces de Rusguniao >, RAt,

1957,

Cl, p.205-245. Nous retrouverons une situation

d'un autre militaire, Q. Gargilius Martialis. 76. PIR, 12, p, 39, n.233,

77. H. G. PFLAUM, Canières, p. 910-911.

analogue à propos

postes figurant sur l'inscription n'est pas chronologique : l'année où Primianus, à la tête des cavaliers maures, défendit sa province doit être bien antérieure à I'année 255 (année de la mort de Primianus), contrairement à l'avis de R. Cagnat?" et de J. Carcopino o. Elle pourrait être située sous le règne de Macrin ou d'Alexandre Sévère, époque où I'on voit déjà à loæuwe des corps de cavaliers indigènes analogues à celui que commande Primianus'0. Aussi ne faut-il pas surestimer l'importance de cette inscription d'Auzia, qui pourrait bien ne pas s'insérer dans le contexte des troubles de 253"'. On connaît aussi un texte d'Altata * qui date bien de l'époque troublée, mais qui, en réalité, ne fait aucune allusion à ces troubles, puisqu'il concerne un magistrat municipal et non un officier *. Il doit ètre êr,arlrê du dossier des insurrections de 253.

On peut au contraire faire état d'une inscription de Lamt qui montre que des troubles se sont produits aussi en

bèse

Numidie aux environs de 256 * : le légat de la province M. Veturius Veturianus, qui fut sans doute le premier légat mis à la tête de la III Augusta après le retour de celle-ci en Afrique, rend

gtâce aux divinités capitolines, ainsi qu'aux autres dieux, des succès qu'il a remportés dans sa province z reb(us) in pro(vincia) prospere gestis. Llensemble de ces documents, même en tenant compte des

qui entachent tel ou tel d'entre eux, permet au moins d'affirmer que les premiers mouvements, peut-être circonscrits, ont eu lieu à partir de 254, ont touché la Césarienne

incertitudes

78. R. Ceorer, L'Armée..,, p, 60. 79. I. CencoprNo, in RAî, 1919. 80. Dror Casrus, L)O(Vffi, 32; Ilfo,oprrN, 20996,

Vll, 2, I i CIL, WIL

81. Si nous la citons, Cest qu'elle constitue une preuve indirecte. Iæ fait qu'on remette le titre de detensor patriae suae asr I'inscription de 255 prouve qu'à cette date la fécision correspondait ensore à la situation.

82. CIL,

YfiI"

21724.

83. H. G. PFLeuM, Carrtères, p, 912; J. Mnncrr.r.rr-huarnr, Inscrlptions dAltava, û" 15, p. 29.3O, voir aussi p. 12.

84. AE, 19t4,245. 85. La date de l'inscriptioa est difficile à préciser : elle est etr tout cas postérieure à la désignation de Valérien Ie feune comme César

(fin 255 ?). xm

It

crise de l'Alrique rctndne

et la Numidie, et ont été réprimés apparemment sans trop de

difficultés. Il n'en est pas de même des événements survenus au cours des années suivantes, où fon peut distinguer, grâce aux données épigraphiques, deux périodes : Iune, de 255 à 258, correspond aux années du commandement de M. Cornelius Octavianus ; l'autreo à partir de 259 et jusqu'à 262, vort La fra de cette série d'insurrections apràs la défaite des chefs indigènes.

Les inscriptions relatives à M. Cornelius Octavianus, gouverneur de Césarienne, sont celles dont fanalyse nous met en pr6ence de renseignements précis. La carrière de ce personnage a été plusieurs fois étudiée e, mais cnest seulement après la publication d'un nouveau fragment de Césarée " que la date approximative de son passage en Afrique a pu être connue. Ce serait, d'après la titulature de l'ala Seb(asteru) Valeriana Ga$lierul, la période comprise entre 253 et 259. Mais, au terme d'une étude minutieuse o, H. G. Pflaum a pu préciser encore cette date, et assigner au gouvernement d'Octavianus les années 255 ù 258, Par ailleurs, il a étê montré que, contrairement à ce qui était généralement admis *, la succession chronologique des postes occupés par Octavianus est la suivante . praeses provirrciae Mauretaniae Cacsariensis, d.ux per Atricam Numidiam Matnetaniamque, praelectus classis praetoriae Misenensîs. Si cet ordre est le bon, cela implique qu'Octavianus, au cours de ses années passées comme praeses, a été investi, en raison de circonstances particulièrement graves, de la charge de ùtx pour l'ensemble de"s provinces romaines d'Aftique. Cette charge d'une ampleur exceptionnelle a évidemment poru but de permettre au dux d'exercer ses fonctons militairæ srn tous les territoires toushés par la révolte, sa',s risquer de conflit 86. J. CmcoprNo, Le Maroc antlque, p. 239; R. TtsoûvsNoT, in PSAM, 1945, VII, 136. 87. I{. Pevrs D'EscuRAc-Dolsy, < M. Cornelius Ostavianus et lss révolte.s indigènes du uf siècle d'apr& une inscription de Caerarea >, Llbyca, 1953, I, p. 181-187 (- AE,1954, 136) : il s'agit d'une dédicace d'un dégurion de lala Sebastana casernée à C&arée. Sur cette inscrip. tion, I'aile est appelée ala Seb(astena) Valefiana Galllena...l. 88. I{. G. Pr.LAUM, Canières, p. 908-923; suivi par M. RAcxm, Rome...,

p. 24ùù43,

H. Pevrs D'BscuRAc, Statthalter, II, p. 280.

89. C'est ûotâmment la position de 1953,

I, p. 183; B. Ttsoulsson,

it

Lybîca,

de compétence avec les gouverneurs de Numidie et d'Africa. En

tart que dux, il n'empiète pas sur les fonctions administratives et juridiques de ces gouverneurs. Cette situation préfigure ce que sera I'organisation de Dioclétien, telle qu'elle est décrite par D. Van Berchem. Une certaine séparation des pouvoirs civil et militaire, la distinction nette entre les compétences du d.ux et celles du praeses, la mise même à la dispositiot dtt dw de troupes mobiles, tout ce système est déjà esquissé sous Gallien, à titre provisoire et en raison de l'urgence''. Quel était donc l'ennemi qui provoquait un tel branle-bas dans o' l'édifice de lâfrique romaine ? Un texte trouvé à Macdonald nous apporte une réponse. C'est contre les rebelles bavares (Bavaribus rebellibus) qu'Octavianus eut à combattre, d'abord en tant que praeses, puis en tant gue dux (et in |Itlriori praesi' data ïe[t post in ducatu).Il est vraisemblable que c'est précisément le danger bavare qui a rendu nécessaire le passage des fonctions de praeses à celles de dw. Cette référence atu( Bavales, bien qu'indirecte, éclaire d'un jour nouveau loensemble du problème militaire. En effet, si I'on se réfère à la minutieuse étude de G. Camps ", les Bavares ici nommés (qui sont les Bavares orientaux, distincts des Bavares occidentaux, Qû'on a vu s'allier avec les Baquates de Tingitane) sont une confédération de montagnards résidant entre le Djurdjura et la frontière nord-ouest de la. Numidie, c'est-à-dire précisément dans les monts du Guergour et dans la chaîne des Babors. Les raisons de I'hostilité à Rome de ces tribus s'expliquent clairement. La présence romaine et la défiance des colons maintiennent ces montagnards dans leurs pauwes régions, et coupent leurs liens traditionnels et indispensables avec la plaine. G. Camps cite à ce sujet des textes de P. Braudel : < Les montagnes peuvent différer entre elles [...], mais elles sont toutes en définitive aussi impérialistes, aussi débordantes, pour des raisons simples mais décisives, de lnordre du pain quotidien. [...] Pour ces mondes perchés qui ignorent les villes, Rome, malgré 90. D. Vex Bercnnu, EArmée de Dioclétien...; H. G. Prr-euu, Car-

rières, p. 916. 91. AE, 1907, 4.

92. G. Ceurs, in RAf p. 47. zy2

,

1955,99, p,241-288;

I.

DEsaNcEs, Catalogue,

I"a crlse de l'Ahtque romabte

son étonnante durée, aura peu compté, sinon peut-être par les camps des soldats, que l'Empire pour sa sécurité dut établir ici et là, aux lisières flss massifs llgsrrmis ". > C'est, une fois encore, comme avec les nomades, la rupture d'un équilibre biologique qui provoque les brutales réactions des indigènes. Et ces réactions se font sentir très loin, puisque le souvenir des victoires d'Octavianus, et la gratitude des populations à son égard se manifeste aussi bien en Numidie qu'en Césarienne ou en Afrîcos. Il semble suprenant qu'aucune mention directe des victoires du dux Octavianus n'ait encore été trouvée sur une inscription. On peut toutefois penser qunun texte trouvé à Teniet Mesken, dans un col qui relie les Babors à la plaine de Sétif, à une trentaine de kilomètres de cette ville'0, se rapporte précisément à une de ces victoires * : on y célèbre en effet la dêlwte des trois < rois > bavares Taganin (ou Tagauin), Masmul(e) et Fahem, ainsi que de quelques autres personnages de la famille < royale >. Que ces chefs bavares aient pu conclure entre eux une alliancæ, qubn leur accorde, même après leur défaite, le titre de < rois >, que lnon mentionne I'importance numérique de leurs troupes en les qualifiant de multitud.o"', autant d'éléments qui permettent de mesurer la gravité de la situation. Peut-être y a-t-il là une des raisons qui ont rendu nécessaire la création d'un vaste commandement unique. Il n'en reste pas moins que la (ou les) victoire(s) d'Octavianus furent insuffisantes ; l'agitation des Bavares ne s'arrête que pour reconmencer.

P. Bneupeq La Méditerranée et le monde médlterranéen au II, p. 45, t2. 94. CIL, VW 12296 : Bisica i CIL, VIIL, 8435 (= 20341) : Sidfis.

93.

temps de Philippe

M. R.acurr, Rome..., p.245-246, peute que

les Bavares ont voulu profiter

d'un moment où I'empire Bubit des revers de toute$ parts. lolémiquant avec R. Tlrrcan, qui doute que les tribus berbères aient pu avoir connaissance de I'offensive perse (.Le Trésor de Guelma, p. 29 et * 4), M. Rachet propose l'hypothèæ de < fuites > et allègue fexemple du < téléphone arabe > (,1f4.

AAA, 16, g. AE, lgo7, tsg. 97. Il est vrai que le mot de multitudo implique, à côté de I'idée rle nombre, une idée de désordre inséparable de la première. C,est cet aspect de horde que I'ernploi du mot vise sans doute à souligner. 95. 96.

3. Renw en force des Bavares

A partir de 259, la situation s'aggrave à nouveau, comme le prouvent deux textes où sont à nouveau mentionnés les Bavares. Le premier provient de Lambèse ", le second a été trouvé à Auzia * : leur principal intérêt 'est que les renseignements précieux qu'ils fournissent l'un

et I'autre

semblent pouvoir

se

compléter.

L'inscription de Lambèse, dédiée par le légat C. Macrinius un certain souci de précision géogra-

Decianus, relate, avec

phique, une série de batailles, au cours desquelles les troupes du l6gat eurent à affronter divers adversaires. Le texte énumère ces batailles dans I'ordre chronologique, en utilisant pour bien distinguer les épisodes, les adverbes de temps primum, iteroto, tertio. Ces adverbes se rapportent en effet non à inruperant, 98. CIL, VrII, 2615 : I.O.M. ceteûsq. dlis deabusq. îmmortalib. C. Macrinius Decianus V,C. legat.

Augg. pr. pr. prov. Numidiae et No

rîcl Bavartbus qul adunatîs IIII regibus in prov. Numidiarn in ruperunt prlmarn in regione Millevitana iterato in conli

nio Mauretanlae et Numidl Ae tertio Qaînquegentaneîs gentilîbus Mauretaniae Cae sartewls item gentilibus Fraxi nensibus qul provinciam Numidiam vastabant cap, to famodsslmo duce eorum caesîs lugatlsque.

99. CrL,

llIll"

9047

(- D,

2767)

:

lQ. Gjareilto 8.f. Q@irina tribu) Maniali Eq. R(omano) / [Prl aef. coh. I Asryrum. pr, Britta / Tnlîae trib. co(hortis) Hîs(panorum) pr. Maur(etaniae) Cae(sartensîs) / lal mil(itibus) praep. coh(ortl) slng(ularium) et vex(illationl) Ïelqq, Mauror(um) ln bnirorlo / lAluziensl praetendmtlum / dec duarum coll, Au-

et Rusguniensls et patbono) / prov(înciae) ob iwîgnem in cî/ves arnorcm et slngula/rern erga patriarn adfæ/tîonern

zien/sis

eJus vîr/tute ac vigilantia Fa/raren rebellis cum sal tellîtibus suls fuerlt/captus et lnterfectus ordo col. Auzîensls / lnsidlk Bavarîs de/ cepto P.P,l. dd VIII Kal lalpr. pr. CCXXL

et quod

224

La crlse de tAlrfque rcmdne

mais aux deux participes à l'ablatif, caesis fugatisque, qui terminsal le texte, dont ils sont sans doute les mots les plus impor-

tants, Par ailleurs, l'auteur de I'inscription a pris soin aussi d'indiquer approximativement le lieu où se sont déroulés les deux premiers combats : primo in regione Miltevîtaru iterato in confinîo Mauretanîae et Nu.midiae. Compte tenu de ces remarques, nous pouvons reconstituer ainsi les événements : les Bavares, réunis en une confédération à laquelle participent quatre gtoupes, chacun sous la direction d'un chef baptisé pour la circonstance rer, envahissent la Numidie. Là, ils sont taillés en pièces et mis en fuite (caesis fugatisque) une première fois dans la région de Milev, une deuxième fois à la frontière entre la Maurétanie et la Numidie. La localisation de ces deux combats est intéressante : Milev est une cité qui est voisine de Cirta, et on peut se se demander si ce n'est pas à une attaque en règle de Cirta que visait la confédération bavare. Si tel était le cas, il s'agirait donc d'une entreprise particulièrement audacieuse. Quoi qu'il en soit, la défaite des Bavares à la bataille de Milev ne dut pas être déterminaafe, puisqu'ils sont er mesrue de livrer un nouveau combat peu après. Le second combat se déroule à la frontière numidomaurétanienne, ce qui peut se comFrendre de deux façons. Ou bien il s'agit d'une offensive romaine : les troupes du légat, poursuivant I'avantage pris à Milev, auraient fait reculer les envahisseurs bavares jusqu'à la frontière ; ou bieu il s'agit d'une initiative des Bavares qui, désireux de venger leur première défaite, auraient tenté une nouvelle pénétration en Numidie, mais se seraient cette fois heurtés à une riposte immédiate des troupes du légat, qui ne leur aurait pas permis d'aller au-delà de la frontière.

Après ce double écheg les Bavares sont obligés ds nsdifisl leur stratégie. La façon dont le texte de I'inscription rend compte de la suite des opérations appelle quelques remarques. La troisième bataille livrée et gagnée par le légat est introduite par tertio, ce qui signifie quoelle fait partie de la même série et que les Bavares sont toujours I'ennemi principal. Mais de nouveaux adversaires entrent en jeu : les Quinquegentanei" qui sont nommément désignés comme originaires de Maurétanie césarienne'@, 100. Une localisation précise des Quinquegentanei est

difficile

:

les

z)5 tl

et les Fraxinewes, dont I'origine nnest pas précisée. Coest donc une véritable coalition qui semble s'être constituée : à la confédération bavare (groupant quatre fractions), il faut ajouter la confédération des Quinquegentanei (cinq tribus), ainsi que le groupe des Fratcinense.i 1o', dont on ne sait pas bien s'il s'agit d'une tribu ou d'un rassemblement circonstanciel tirant son nom

de celui de son chef Faraxen. Il semble donc que les Bavares, avant de reprendre I'offensive, aient pris la précaution de s'entourer d'alli&, avec lesquels ils coordonnent leurs opérations : il semble en effet que le lamosissimus dar mentionné dans le texte soit le chef de I'ensemble de la coalition, comme Tacfari nas I'avait été sous Tibère. L'ensemble de ces batailles, qui se sont livrées sous la conduite du légat C. Macrinius Decianus, peuvent donc être datées de 259-260'-. L'inscription d'Auzia, qui est très exactement datée du 25 mars 260, fournit sur ces événements un complément d'information. Il s'agit d'une dédicace êrigé'e par I'ordo de la colonie d'Auzia en I'honneur de Q. Gargilius Martialis, chevalier romain'*, décurion des colonies de Rusguniae et d'Auzia et patron de la province. Celui-ci a exercé le commandement d'une cohorte de singulares, ainsi que d'une vexillation de cavaliers maures en

et

épi8raphiques mentionnent cette confédération en la comparaison de ces sources : C. Counron, Les Vandales et I'Af rique, Paris, 1955, p. t20, n. 2; I. DEsaNGEs, C4t4logue, p. 67. Sur le nom des tribus qui constituent la confédération' oû ne peut faire que des hypothèses, fondées eur des localisations qui sont elles-mêmes vagues ou douteuses. Voir L. Glr-alo, it BAA, 1970' ry, p.297-299.

soluces littéraires

Grande Kabylie. Pour

101. J. DesucEs, op. cit,, p, 53, ne pense pas que les Fraxinenses doivent être les voisins des Luinquegentanei. 102. H.G. Pnteuu, Carrières, p. 922; B. Tnouessox, StatÛwlter,

lI, p. 221-223.

103. Ce personnage est

à rapprocher de Gargilius Martialis,

écrivain

dont les travaux sur I'agriculture et l'élevage sont connus (RE, Vfi, 760 et s.). Iæ gentilice Gargilius esi d'origine étrusque (ScHUtzB, 14-

p, 112) et se rencontre surtout en Afrique. Peutêtre s'agit-il d'une des familles installées sous les Sévères à Auzia au moment où le municipe fut converti en colonie (hypothèse de E. BnLey, Roman Britain and the Roman Army, p, 170-171). Sur la carrière de Martialis, voir C. Clc.Eontus, < Gargilius Martialis und die Maurenkriege unter Gallienus >, Leipziger Studien zur classischen Philologie' teinische Eîgennamen,

1887, x26

X p. 319.

La crlse de l'Alrl4ue rcmalne

At'zia's. C'est pendant I'exercice de ce commandement qu'il est amené à livrer bataille à un groupe de rebelles conduit par Faraxen. Quel rapport y a-t-il entre Faraxen et les Fraxineases ? Il est difficile de le dire. Il semble douteux que Faraxen soit le lamosissimw d,ux vaincu et fait prisonnier par Macrinius Decianus'* : en effet, les combats du légat se sont garnison à

déroulés en Numidie,

et le texte de Lambàe semble insister

beaucoup sur ce point (in provinciam Numid.iam inruperanl, provincîam Numidiam vastabant). Or, c'est en Maurétanie, plus prâ cisément sur le territoire d'Auzia qa'a été pris et tué Faraxenlæ. I-a capture et la mise à mort de Faraxen et de sæ < satellites 10' > ne met pas fin aux troubles en Céearienne. En effet,

Gargilius Martialis ne tarde pas à succomber, victime d'une embuscade des Bavares. Ainsi, on peut dire qu'autour de 260 la menace bavare s'exerçait à la fois sur la Numidie et la Maurétanie, et que les troupes romaines, malgré leurs diverses victoires, ne pouvaient en venir complètement à bout t@.

4, Renouveau des troables en Mautétanie

?

Aucun document ne permet de connaltre la situation militaire des Maurétanies entre le règne de Gallien et celui de Probus.

104. Détachement mixte (cf. CrcnoRrus, < Cohors >, col. 332; R. Ceoner, L'Armêe.,,, p. 246).

La

in RE, 1899,

105. La similitude phonétique Faraxeu-Fraxinenses n'est pas un argument déterminanl Il se pourraif conrme le euggère J. Drslxors, Catalogue, p. 52, gue lanthroponyme soit dérivé de I'ethnique, plutôt

que l'inverse.

106. P. Rouexrlr.r, Storia..., p. 480, pense qu'il y a eu de la part des rebelles confédérés un recul de Numidie en Maurétanie et qu,ib ont été poursuivis par les troupes du légaL 107. Faut-il comprendre sotellites au sens étroit de < gardee du corps D. ou bien au sens large de < compagnons > ? Si I'on adoptait le sens étroit, la capture de Faraxen serait le réBultat noa d'une véritable bataille, mais d'un simple coup de main, ce qui expliquerait quï ait pu être mené à bien par un effectif rnilitaire relativement peu nolnbreu:t 108. Le 1" janvier 263, le gouyerneur de Césarienne, M. Aurelius

Victor, érige une dédieace qui est consacrée Deis patriis

deabusque

paix fut-elle ou non troublée durant cette période ? On ne iaurait le dire. Le premier élément d'information à notre disposition est en rapport avec l'éphémère empereur Saturninus. t-'Histoîre Auguste rapporte en effet les paroles suivantes de ce dernier : Ego certe instauravi GaIIias, ego a Mauris possessotn

Alricam reddiài, ego Hispanias pacavi '*. Quel crédit peut-on accorder à cette source ? C'est un problème qu'il est malaisé de résoudre "0. Il nous semble cependant que, même si les paroles rapportées par l'Histoire Augu.ste ne corresponden! 91s' én ce qui Conceme les événements africains, à une réalité historique précise, leur mention dans ce texte n'en est pas moins un fait sigrrificatif : le recours à un thème comme celui de la libération de < l'Afrique > tombée aux mains des ne s'explique que si une pareille entreprise n'est pas entièrement invraisemblable. Aussi, à défaut de pouvoir donner la moindre précision sur les événements ici rapportés "', nous en tirerons une double observation : d'abord que le souci de la défense de l'Afrique est un souci qui n'est voire de la reconquête -nullement dépassé; ensuite- que le thème du combat contre les Maures n'est pas un thème démodé "'' Cependant, en Tingitane, une paix de compromis est en train de s'installer.

RAf, 1919, p. 368 = AE, 1920, lO8). [-a mention de la Fortuna Redw, ainsi que le titre de prorector qtJe se doûne le gouverneur pourraient être les indices d'une situation mili' taire encore troublée. La même année, on aote aussi la construction du fort de Ras el Ain, près de Talalati en Tripolitaine (CIL' VItrI, 22765), où s'installe la coh(ors) VIII Fida, Voir P. RoMANELLI, Storia..., p. 4E2.

Fortunae Reducî (J. Cnncoptxo,

109. Hist. Aug. (Vita Saturnini), 9, 5.

110. P. RoMANELLT, Storîa,.,, p. 49Ù491, accepte ces données, mais avec beaucoup de prudence. 111. P. Rorvrarnr.rr, ibid., a essayé d'en préciser la date et propose, à titre dhypothèse, les années autour de 275. Quant au sens exact à opte pour le sens restreint (habitants de la donner aux mots Maurî, faudrait donc Maurétanie) plutôt que pour le sens large d'Africain. supposer uûe entrée en force des Maures dans la province d'Alrica, 112. A ta même période se rapporÛs peutêtre I'inscription du praeses de Césarienne Aelius Aelianus (C/L, VtrI, 21486) mentionnant Ia défaite

il

Il

d'une tribu (ob prosÛatam gentem Bavarum Mesgneîtisiurn praedasque omres ac lamtltas eorum abductas."). R' ClatvlT, IlArmée..., p. 68, n. 3, x28

Ia

crllse

ile lAlrlque

rcmalr,e

5. La paix baquate en Tingitane : la < dynastîe > des lulii On sait en effet que la série des rencontres et des accords eutre le chef des Baquates et le procurateur de Tingitane reprend

le 24 octobre 277, puisqu'une inscription de cette date a été retrouvée à Volubilis lre. Ce texte présente, par rapport aux précédents, plusieurs caractéristiques nouvelles. Tout d'abord le shef de la tribu s'appelle Iulius Matif et porte le titre de rex : le nom de Iulius pourrait remonter à Philippe l'Arabe, qui I'aurait conféré soit directement à Matif soit à un de sæ ascendants ; le titre royal, qui apparalt pour la première et dernière fois chez les Baquates, semble avoir été pris avec l'accord romain. Ces deux observations suggèrent donc que les rapports romano'baquates sont excellents. Nous trouvons la confirmation de ces bons tapports dans ls fait que la gens Ba4tatiam est dite foederata. Rome n'hésite donc pas à signer un loedw avec la tribu qui devient ainsi son alliée "'. Quelles sont les circonstances qui ont mené, de part et d'autre, à cet accord ? On ne peut évidemment le savoir, et diverses conjectrues ont êtê faites à ce sujet "u. Le fait est que les deux parties devaient avoir

rapportre cette inscription à l'époque de Maximien; J. CaRcoprNo, BAC, 1920, p. CIV€V, la date de 28Ç288, mais sans raison déterminante.

Sur Aelius Aelianus, voir H. G. Prleuu, Canières, p. 952, 1001.

Ll3. ILM, 46 (- ILAf,609). Voir J. Cancornvq Le Maroc antique, p. 273-275 (dont les observations sont discutables); et surtout E. FRÉzouls, in BAM, 1957, II, p. 71 (texte no 10) et p. ll3-ll4 LO.M. Genio et botue loûunae Imp, Caes, M. Aur. P. invicti Aug. n. Clementius Yal. Marcellinus v.p. praeses p. M(auretaniae) T(ingitanae) conloqulo habîto cum lul, Nulfuzi tilio lul. Matif rcgis g(entls) Baq(uatium) îoederata paci (sic) aram statuit et dedicavit dte VIII kal Novembr, D. rV. ... et Paulino cos. z

114. Les précédents cornmentateurs de linscription ont cru devoir rapporter ladjectif foederata au nom paci, et ont parlé de pax foed.erata. Il noue semble plus simple d'admettre que toederota se rapporte en réalité à gentis, et now proposons donc de corriger loederata et loede, rata(e). On connalt quelques exemples de geûes loederatae du début à la fin de lEmpire (voir < Foederutus >, in Thesaarus Linguae Latinae). Voir aussi M. Leuossr, Le Réglme des relatîons lntertutioruks,.,, p. 125, n, 272, qui soutigne cependant le régime exceptionnel des Baquates. 115. E. FnÉzours, loc. cit., p. 113, parle d'un ( accroissemeût de rayonnement territorial de puissance politique >, ce qui est waisemblable ;

avantage à un arrangement : d'un côté, le procurateur se trouve soulagé, puisqu'il n'a plus à craindre de soulèvement baquate; le roi baquate, de son côté, à l'abri de tout empiètement romain sur le territoire de son < royaume >, se voit reconnu et confirmé

comme < interlocuteur valable >. L'étatde paix qui règne en 277 sera confumé en 280, lorsque le fils de Mat4 Nuffusi, devient à son tour chef de la tribu : une nouvelle dédicace a en effet êtê gtavêe à cette occasionn le 13 avril 280'". Les termes de ce nouveau texte font explicitement référence ùla diutina pa.x servata.: il faut donc croire que cette paix avut étê conclue avant l'accord de 277' et que cet accord lur-même (avec sa clause d'alliance) n'avait été possible que parce qu'il avait étê précédê d'une longue période de paix "'. Ainsi la contontation romano-baquate, contrairement à ce qui se passe avec les autres tribus connues, semble se terminer sur un compromis, sans vainqueur ni vaincu. tr est possible même que les Baquates, au lieu d'être lentement gdgnotés par I'avance romaine corrme cela avait été le cas des tribus dAfrica et de Numidie, aient réussi à sauvegarder et à consolider leur autocrêa' nomie : le passage en un siècle du princeps constitutus qui un rex Rome sipe rvec au hrre dss 3.s6ains loedus e'st pas qui réussit ne évolution, évolution cette de le synbole

M. Rrcrrrr, p. 237, petrse que le revirement de la politique baquate s'explique par I'existence < d'un parti favorable à la collaboration avec les autorités romaines >, ce qui n'est pas impossible. tl6. ILM,47 (= ILA| ,610); E. FnÉaouls, loc. cit., no tl, p.7l'72. I.OM. Dtts Deabusque lmmortalÎbw et Genio Imp. Cacs. M. Aureli Pr, obi Aug. ob diutina pace servala cum / Iulio Nuhhusi et nunc conloquio htbtto cum. Iul, Murd fratre eiusdem Nuffusis p. g. Baquatium Clement (tus) Val(erius) Marcellin(us) v. p. p(raeses) p(rovintioc) M(auretantae) T(ingttanae) conflrmata pacle araim posuit et dedicavlt ldtbus Apr. Mes' sala et Gtato coss.

ll7. Ê. FnÉzouls, Ioc. cit., p. 9l-92, lt4-115, discute à juste titre las obaervations de J. Cancopnqo, Le Maroc antique, p. 274 : celui+i voyait, dans le fait que le chef des Baquates ne négocie avec.de$ Romains çe par I'intermédiaire d'un membre de sa famille, un signe de dédain à tégard de la puissance romaine, de même il considérait coûrme la marque d'une dérisoire complaisance romaine lemploi des motg dlartw par. Notons par ailleurs que Ie fils de Matif ne porte plus le titre do roi. 230

Ia

cdse d.e I'Ahtqæ

rcmùu

fin à la suzeraineté romaine. tr appartiendra d'autres tribus, quelques années plus tard, de mettre en branle le mouvement qui portera des coups autrement rudes à la domination romaine ga fingitane 1r8, cependant à mettre

à

118. E. FnÉzouls, loc. cit., p. 116, déclare avec raison que c les vrais adversaires de Rome étaient ceux qui ne traitaient pas avec elle, ceux dont les noms apparaissent le moins dans leg inscriptions r, et met en g;ardo cotrtre < la tentation de tout expliquer par le connu, en locsurence par les tmce.s écrites dnns sa moode où lTnconnu demeure de

loin

-

eans douûe l'€ssentel... >.

23r

7

Les guerres africaines sous

la Tétrarchie

Llmportance du règne de Dioclétien, qui marque à la fois le rétablissement et la transformation de l'Empire 1e6ain, n'est plus reuligner : la série de réformes qu'il introduit, d'ordre politiçe (le système de la Tétrarchie rend au pouvoir impérial efficacité et continuité), et administratif 0a division des provinces permet une meilleure gestion des affaires en rapprochant le gouverneur de ses administr&), mâis aussi militaire et fiscal, @ncernent

l

I'ensemble de I'Empire, mais auront un retentissement particu-

lier dans les provinces

africaines r.

On assiste en effet en Afrique, nous semble-t-il, au développement d'un processus que nous avons vu à l'æuwe dès l'époque de Commode : I'accentuation progressive de la différence enûe romanisés et non romanisés. La romanisation cesse d'être auto-

l. Sur la période tétrarchique et les réformes de Diocl&ien, voir notamnent : 'tV. Srsrory Dloclétien et Ia Tétarchie, I : guenes et ftformes, 284-3(N, Paris, t946; D. Vlx Brncnau, LiArmée de Dioclétien et la réforme constantin enne, Paris, 1952. Pour l,Afrique, voir B. H. WlnMINcToN, TIte North Afilcan Provinces from Dlocletîan to the Vandal Conquest, Qambridge, 1954.

ritaire, extensive, conquérante, pour devenir au contraire spontanée, intensive, au sein de secteurs de plus en plus limités : en un mot, si elle progresse qualitativement et gagne en profondeur, elle ne progresse guère quantitativement et elle est même parfois en net recul. Ainsi, de plus en plus, fEmpire romanise les romanisés et exclut les autres. Par ailleurs, la période tétrarchique est marquée par la recrudescence des soulèvements de tribus : ce sont d'abord les montagnards de Césarienne, bientôt relayés ou épaulés par les nomades sahariens, qui mettent à rude épreuve le système défensif de I'Afrique tomaine, contraignant Maximien à conduire personaellement les opérations.

I.

Iæs troubles ile 290-293

Les premiers troubles durent avoir lieu pendant I'année 290 (ou peu auparavant) : ils sont attestés par une inscription qui mentionne le retour de la paix et la restauration, à Auziq d'un pont qui avait été détruit pendant la guerre'. Les combats qui ont été menés à cette occasion en Césarienne furent dirigés par le proeses de la province, T. Aurelius Litua, qui eut peutêûe affaire à une fraction de Bavares orientaux descendus du Djurdjura pour attaquer la région d'Auzia. La suite de ces troubles est connue par une assez nombreuse série de sources, tant littéraires qu'épigraphiques. Deux inscrip 4, tions, I'une à Caesarea', l'autre à Saldae attestent des victoires

2. CIL, VûI, 9041

(: D,

627).

Voir P. RoMerElLr, Storia..., p. 499'

500.

3, CIL, y\I, 93?y'. z lovi Optimo Maximo/ceteisque diis/immorta' libw/graturn referens/ qaod erasis îunditus/Babaris Transngncn/sibus secunda praeda/ lacta salv us et incolumis / cum omnib. militibus / D.D N N Diocletinri et/Maximîanl Augg/regressus Aurel(ius) Litua v.p.p.p.M.C. votum lîbens posuit. ' 4. CIL, ly'I,II, 8924 : V.O.M.I lunonî cekrtsque diis immortalibus gra' tiam relerens quod, coadunatis secum militlbus DDNN Invictissimorum Augg. tam ex Mauret. Caes. quam etiam de Sitilensi adgressus Quinquegentaneos rebelles caesos multos etiam et vÎvos adprehensos sed et praedas actcts repressa desperatione eorum vlctoriam reportaverit Aure(lîur) 234

Sous

ls

Téfiarchls

du même praeses, Aurelius Litua. La première évoque une campagne particulièrement heureuse contre des ennemis nomm& ici Babalî Tra.nstarynses. Le mot transtagnenses oblige à les situer audelà de la lipe des chotts (chott ech-Chergui et chott elHodna) I : il s'agirait donc de tribus à peine touchées par la romanisation et qui proviendraient de la zone méridionale des Hautes Plaines. La seconde évoque une campagne tout aussi heureuse, menée cette fois contre un ennemi dont nous avoûs déjà eu à connaitre,læ Quinqaegmtanei. Cette campagne semble avoir été plus imFortante que la précédente, puisqu'on dut faire appel à des troupes issues de deux provinces (celles de Maurétanie césarienne et de Sitifienne, qui venaient d'être administrativement séparée$. Cela s'explique, compte tenu de la localisation, et de I'importance militaire, des tribus groupées dans la fédération des u. Les succès remportés lors de ces campagnqs par les sources littéraires n. En raison des incersont confrrmés titudes de la chronologie, il est difficile de dire si le.s camQinquegentanei

Lltua v.p. p.p. M. Caes. (Date L'Arrnée,.., p,236.)

:

292 ott dêbrt 293; voir R. Ceclver,

5. C. Cousrors, op. cit., p. 96, n 4. Contrairement à C. Courtois, ne nous semble pas qu'il faille faire de cæ Bùarl une fraction de la tribu des Bovares i Babari doit être ici conigé a Baf)barl : G. Clurs, ie RAl, 1955, p. 263 i L. Gu-llo, Revae intenwtiorwle donoma.filque, 1958, p. 22A. NL REær, Rome..., p. 253, coasidère cæ Barbares comme de < gratds nomades ,, ce que rien ne permet d'affirmer. 6. C. Counrors, Vand,ales..., p. 120, t 2; I. DrsAnons, Catalogue,

il

p.

67.

sArNT Jfu,ôaæ, Chron,,23M iAuRELrus Vrcror, De Caes., 7. EssÈBs XrO(D(, 22, -parle des troubl€s occasionnés en Aftigue par les Qutnqucgentanei et par lbsurpateur Julianus. MllæBrtrr, Panéglrtque de Madtnln, 6. Mynors, XI (trD, LGl1, g. 268, met on rçlation I'agitation dæ Maures avec d'autres troublos dans la partie orieutale de I'empire (ce ponégyrique æt daté de 291) t Etettlm ab lpso lohs oûa non modo circa Maeodm ac sub extremo septentrîonls d.aga, qua fervidun capu Danublus evolult qtuque hortldus secat Alba Grmanbm, sed etlam sub ipso lucîs occast, qua Tlngltana litofi Calpluttt ntontis obvlan lotus ln medlterraneos sinus admlttît Oceanant ruunt omnes ln sangulnem saurn populi, quibus numqwm contigit esse Rontanis, obstlnataeque terttatts poenos nunc sponte persolvuttt. Furlt ln vlscera sua gens eltretu Mqt-

rorum. 2?5

pagne contre læ Barbari Transtagnenses et le,s Quinquegentanei furent successives ou bien contemporaines. On ne peut donc affirmer qu'il s'agit d'une < collusion [...] entre montagnards

transhumants du Tell et grands nomades du Sahara septentrional' >. Si une pareille coalition avait eu lieu entre deux groupes et à de cette importance, il est probable que nos sources coup str les panégyristes n'auraient pas manqué d'en- parler. Nous préférerons donc considérer ces deux campagnes comme des épisodes sans lien direçt : ainsi s'expliquerait la relative facilité de la victoire dl praeses, et le caractère passager de cette victoire. Car les troubles ne vont pas tarder à reprendre. Ils atteindront même un degré de gravité tel que I'empereur Maximien se voit contraint de prendre personnellement en main les nouvelles opérations. Le partage des tâches à l'intérieur de la Tétrarchie fait en effet de Maximien le responsable de

I'Afrique ainsi d'ailleurs que de I'Espagne.

II. Madmien

en Aftique

Les indications précises sur les opérations de Maximien en Afrique manquent cruellement. Les allusions qui y sont faites par diven textes, et notamment les panégyriques impériaux, relèvent plus de I'amplification rhétorique que de I'histoire. Néanmoins, fun de ces textes donne quelques renseignements utiles, puisquï précise que Maximien eut à se battre contre des montagnards, et que ces montagnards, une fois vaincus, furent déplacés'. C'est là l'un des rares exemples fittérairement attestés de déportation de tribus dans l'Afrique impériale. Le recours à la pure et simple déportation marque un tournant dans I'attitude 8. Hypothèse proposée saas iuotifrcation par

M. Recrrsr' Rome.,.,

p. 254.

9. Panégyiqae de Maximlen et de Constance, éd. Mynon, VII (VD, 8, p. 209 : Tu leroclsslmos Mauretanlae popalos inaccessls montium lugls et natarall munitinne lidenles expugtustî, recepistl, trawtulîsti (date du panégyrique : 307). Ces montaguards sont à nouveau des Quiqaegentanei.

Voir aussi BuMÈne, Pro instaurandis scholls oratio, IX OV), 21, in Panegyrlcl Latînt,6d. Mynors, p. 243; Eurnore, IX, 23 ; Peor, Onosr, ldu. pag.,

x6

Yfl,

25.

$ow Ia Tétnrchle

romaine ; jusque-Iâ, en etfet, les tribus vaincues étaient seulement privées d'une partie de leurs terres et mises sous le contrôle d'un officier romain. La nouvelle attitude exprime-t-elle une exaspération particulière devant une résistance trop tenace ? Signifie-t-elle qu'en cette fin du Iu" siècle les besoins en terres sont moins ugents ? ou bien prend-elle simplement acte de I'impossibilité pour I'administration romaine d'exercer un contrôle sérieux sur les montapards ? Il est fort probable que ces trois facteurs se sont conjugués pour dicter la décision de Maximien.

Mais avant d'en arriver là, il avait fallu liwer bataille. On sait que les troupæ 196einss avaient été considérablement renforcées pour la circonstance 10, comme I'attestent quelques inscriptions que l'on date habituellement de cette période " ; il semble même que l'on ait éprouvé le besoin de faire appel à des vétérans, somme l'atteste la Passion de saint Tipasius. La ville de Tubusupta et sa région servent de lieu de concentration aux troupes romaines t"n gd ont dt ensuite mener une dure bataille de guérilla dans les montagnes de la Kabylie. La durée de ces combats est difficile à déterminer, car on ne sait pas avec certitude quand ils commencent (296 ou 297); on est str au moins qu'ils s'achèvent avant le 10 mars 298, puisque c'est ce jour-là que Maximien entre triomphalement à Carthage

III.

".

La réorganieation de I'Aftique sous llioclétien : un constat

Il n'est évidemment pas question d'étudier dans leur ensemble les nombreuses mesures prises par Dioclétien pour tenter de 10.

ll.

W. Srsron, Dloclétien, p. 120. CIL, V, 893 (Aquileta); CIL, VIII, 8440 (Caesarea); CIL, Y$L

il s'agit de soldats des légions XI Claudta et II Herculla. présence d'autres corps de troupes est moiDs bien attestée,

21021 (Sft$fù :

Ia

12. CIL, VI[I, 8836 (= D, 64T). 13, Durant la même année 298 se serait déroulée une ex1Édition dirigée par le même Maximien, contre une tribu de Tripolitaine, celle des Ilaguas .' Contrtus, lohannis, l, 47E482:' I\1, 822-824; VII, 530. Sur les Ilaguas ou Lagaantes, voir f. Dssâ,l.rcts, Catalogue, p. 101.

mettre un frein au processus de désagrégation de I'empire ". Seuls nous intéressent ici les aspects proprement africains. Avec Dioclétien, I'Afrique va en effet passer de quatre à huit provinces. Cette multiplication est destinée à faciliter l'administration des territoires; elle ne se fait d'ailleurs pas d'un seul coup, mais par paliers successifs et, semble-t-il, au fur et à mexnue qu'apparaisent les problèmes. Ainsi, la première division est celle qui, avant 288, détache de la Maurétanie césarienne la Marnétanie sitifienne. C'est après 295 et avant 303 sans doute que se placent les autres modifications. L'Afrique proconsulaire est divisée en trois : à des dates différentes, on détache de I'ancienne province qui conserve son nom de nouvelles entités, la Tripolitaine et la Byzacène (comprenant la Tunisie centrale et méridionale). La Numidie est de son côté remaniée : elle laisse la place à deux provinces, la Numidie cirtéenne au nord, la Numidie militaLe au sud. La Tingitane enfin est rattachée au diocèse d'Espagne. Ce remaniement de la carte administrative de I'Afrique est-il à mettre en rapport avec les difficultés militaires signalées ? Ce n'est pas impossible. Car nous savons qu'une réforme militaire profonde acoompagne cette réforme administrative : réforme du commandement, réforme du recrutement, réforme de la stratéjadis offensive, voire agressive gie''. La politique romaine se fait plutôt défensive. On -a même pu penser que les réformes de Doclétien s'étaient accompagnées d'un net repli stratégique, qui aurait traduit un certain désarroi romain. Mais il est maintenant admis que les retraits opérés en Afrique à la fin du ut' siècle sont beaucoup moins importants que ne I'avaient supposé les travaux de J. Carcopino'u et de C. Courtois t'. Le premier considérait en effet que Dioclétien avait abandonné à eux-mêmes une p?rtie des territoires de la Césarienne occidentale (à I'ouest du Chelif et de looued Riou), et que cet abaodon s'était accompagné de l'évacuation de toute la Tin-

14. W. Snsrox, Dioclétien, donne cette idée d'ensemble. 15. D. Vmr BrncurM, L'Armée de Dioclétien et Ia rélorme constantinlenne, Paris, 1952. 16. J. Cencoprxo, Le Maroc antique, p. 231 et s. 17. C. Courrorc, Vandales..., p. 7O-79. 238

Sous

la

Têtrarchle

gitane méridionale ; le second, tout en confinnant lnabandon de fextrémité occidentale de la Maurétanie, affirmait gunune évasuation analogue s'était produite à I'autre extrémité de I'Afrique romaine, en Tripolitaine. Mais ce que C. Courtois appelait l' < Afrique abandonnée > s'est maintenant singulièrement rétréc,ie. a) La réduction de la Tingitane à une mince bande située au nord de I'oued Loukkos est au moins douteuse : puisqu'on trouve une dédicace à Constantin dans la ville de Sala, et des monnaies du même empereur dans des secteurs suppos& évacués tt.

b) l-e repli romain hors de la Maurétanie ocsidentale est fortement contesté : toute la zone comprise entre l'oued du Cbelif, jusqu'à Albulae et Altava, comporte encore au rrf siècle des milliaires et des inscriptions qui attestent une présence de l'administration romaine, fort légère sans doute mais incontestable'0.

c) Enfin l'abandon de la Tripolitaine intérieue est démenti d'une façon nette par l'archéologie'0.

Est-ce

à dire que I'Afrique postérieure à

Dioclétien soit

encore une Afrique toute romaine ? Certainement pas. On aurait tort en effet de poser le problème de ln < Ahique abandonnée >

en termes simplement administratifs ou militaires. Car ce n'æt pas la présence ou l'absence d'un milliaire, d'une monnaie, voire

d'un fonctionnaire ou d'un soldat, qui fait qu'un territoire peut etre dit abandonné ou non. Ce qui semble au contraire apparaltre clairement, c'est que le progressif repli d'une partie de I'Afrique indigène sur elle-même, consécutif aux coups de bou18. J. Bourn, < Découvertes réceotes à Sala Colonia (Chellah) >, BAC, L959-L960, p. L4l-145; A. Jopru, Mogador, comptoir phênieien du Maroc atlantique, Rabat, 1966. 19. P. Sarava, < Hypothèse sur la situation officielle de la Maurétanie occidentale au nr siècle >, Libyca, 1954, II, p.224-229; m., < L'Occupation de la Maurétanie césarienne occideutale sous le Bas-Empire >, Mé\. Plganiol, p. 129?-l3ll. 20. A di Vne. < n fimes di Tripolitania, ûella sua coacretezza archeologica e aella sua realta storica >, Iibya antiqaa, t964, I" p. 65-98. Mêmee conclusions négatives sur les abandons territoriaux de Diocléten chez G. CÏ.nænn-, La Notitia Dignitatan, Cagliari, 1968, p. 3lg-942.

toir romains, s'arrête définitivement et laisse la place à un mouvement inverse. Désormais, c'est I'Afrique romaine qui va se replier sur elle-même, se protéger, s'isoler. Et ce mouvement, pas plus que le précédent, n'est I'affaire d'un jour, ni même d'un règne. II est I'aboutissement d'une longue série de contradictions, qui apparaissent désormais en pleine clarté, le résultat d'un rapport de forces qui s'est lentement inversé. Tout en étant conscient du caractère artificiel de la coupure mais historique que l'on place sous le règne de Dioclétien et quelle périodisation n'est pas par quelque côté arbitraire ? que marque ce règne peut au moins affirmer on artificielle important dans l'histoire militaire de I'Afrique : la un moment -, résistance africaine à la romanisation y prend son second souffle, et quels que soient les espoirs que Romains et romanisés aient pu périodiquement noutrh, dans ls moments de rémission, sur les possibilités d'un retour à la paix et la prospérité, le sort de I'Afrique romaine ne pouvait aller qu'en s'aggravant : le reflux, déjà amorcé, devenait irréversible

".

Ainsi, d'Auguste à Dioclétien, la résistance militaire africaine nous est apparue dotée d'un double caractère : constance et diversité. Ce double caractère, nous I'avons vu, tient aux conditions mêmes de la romanisation. D'une part, I'installation plus ou moins envahissante de sédentaires étrangers constitue un élément de déséquilibre et de trouble pour toute une partie de I'Afrique indigène, conduite à Ia guerre par une naturelle réaction de défense. Mais, doautre part, la réacton africaine agit en rctour sur l'avance romaine, et lui donne ce profit singulier que nous avons tenté de cerner. Profil qui n'est ni linéaire ni continu, mais qui connaît au contraire, dans sa discontinuité, des phases d'intensité, de stagnation ou de recul. L'Afrique de la résistatrce, comme celle de la romanisation, est une Afrique multiple, contrastée.

21. Ce qui n'empêche pas, dans certaines cités de L'Alrica une grande vitalité au rrÊ et parfois jusqu'au v" siècle. 240

B

Eléments pour un bilan

I.

Ahicains et Romains: un rapport de forces

heat?

Comme on le sait, ce ne sont pas les révoltes berbères qui ont mis directement fin à la domination romaine : celle-ci ne s'est effondrée que sous les coupe doenvahisseurs étrangers au monde berbère'. L'inaptitude des révoltes à ébranler sérieusement I'ordre romain est frappante, et loon est tenté de parler d'une malédiction s'acharnant sur ces tentatives. Car, année après année, quand elles ne se soldent pas par un recul, elles n'aboutissent qu'à des concessions fort maigres, jamais à des solutions d'ensemble'.

Telles sont du moins les apparences, que I'exemple des : quelque forme que prît I'action de cette tribu, elle se soldait à chaque reprise par une nouvelle

Baquates pourrait illustrer

1. Thème bien connu, qui s'énonce généralement sous la forne lapi: < un conquérant chagse I'autre u. Depuis R. CagnaÇ on le trouve régulièrement chez les historieûs de l'Afrique du Nord. Voir particulière. ment C. Counrors, in RAl, 1942, p. 32; E. F. Germr& Genséric, Pafis

daire

1932,

p.

137.

2. L'interminable guerre contre Tacfarinas conduit

à

des gains de

terrain apparemment sans commuûe mesure avec l'importance des moyens déployés.

ul

reconnaissance du stotu quo, scellée par la conclusion d'un accord et l'érection d'un ara pacis". Faut-il croire que finfériorité des Africains sur le plan mili-

taire est

la

raison de leur échec ? Par une sorte d'illusion

rétrospective, on se figure volontiers que la formidable puissance de I'Empire romain ne pouvait rien craindre de I'action désordonnée de quelques bandes de pillards barbares, plus occupés de butin que de stratégie. En fait il ne faudrait pas prendre trop au sérieux ces images traditionnelles. Ccrtes, we de Rome, I'activité militaire des tribus pouvait être considérée coûlme une agitation parfois gênante, voire dangereuse, mais purement locale, et à ce titre sans trop glaves conséquences; il n'en reste pas moins que, du point de we des Africains, cette activité de harcèlement qui réussissait à se maintenir et à se développer, représentait, sinon un tour de force, du moins un résultat non négligeable. En fait, si ce duel a pu durer de siècle en siècle, c'est que ni I'un ni fautre des adversaires ne pouvait frapper le coup décisif. Il serait donc hasardeux de considérer comme un point acquis I'infériorité a prîori des indigènes. Au wai, dæ handicaps de nature différente maintiennent, vaille que vaille, une sorte d'équilibre des forces entre les deux adversaires. Du côté romain, la puissance impériale s'incarne, sur le terrain, dans une force militaire numériquement peu importante, ayant la charge d'un territoire relativement étendu et donc contrainte de s'éparpiller o. Les opérations sérieuses nécessitent chaque fois I'acheminement de troupes d'appoint venues générao, lement des provinces voisines, mais parfois aussi de fort loin et oet acheminement est toujours lent. D'autre Pd, on oom-

à mieux connaître, à la lumière des trouvailles faites depuis plus d'un demi-siècle complétant les travaux de R. Cagnat, I'orgBnisation du système défensif, intérieur et frontalier, de mence

l'Afrique romaine u. Et I'on est confirmé dans I'idée que ce qui 3. E. FhÉzout-s, < Les Baquates et la province romaine de Tingitane

BAM, 1957,II, p.

4. R. Clctrar, XArmée... analyse tous ses points. 5. Voir par exemple les diverses troûpes amenées en Maurétanie Aftonin" 6. Voir rotamment J. Beuoaz, op, clt. 242

>,

65-116. sous

Bâments pour

w hlb,

a prévalu dans cette organisation, c'est surtout le souci d'économiser les moyetrs : ainsi Cest aux endroits les plus menacés que l'on place les garnisons, le long des itinéraires traditionnels dæ tribus que I'on sème les postes militaires. Postes et garnisons sont reliés commodément pour accroître la mobilité des troupes et faciliter I'acheminement des viwes et du matériel. En somme, c'est une organisation simple, visant à la plus grande etfrcacité, mais économe, parfois jusqu'à l'indigence : le déroulement de certaines opérations, comme celles qui furent menées contre Tacfarinas, pennet d'illustrer ce point. Mais ces handicaps initiaux puent peu à peu s'atténuer à mesure que l'état-major romain prenait conscience des véritables conditions des guerres a.fricaines et s'y adaptait. Cette adaptation se frt de plusieurs façons : utilisation fréquente de troupas auxiliaires recrutées parmi les indigènes; adoption, le cas échéant, de méthodes nouvelles (telles que l'utilisation contre Tacfarinas de colonnes mobiles ou le recours à une campagne d'hiver) ; introduction sur le champ de bataille afticain d'unités spéciatisées constituées et aguerries dans d'autres provinces (comme la garde de méharistes syriens sar le limcs de Numidie) ; constitution de milicee locales susceptibles de suppléer à fabsence d'une garnison frxe (c'est le rôle que jouera par exemple la iuventus de Saldae lors d'une attaque des Maures). Toutes ces mesures ne relèvent cependant pas d'un plan d'ensemble : elles ont été au contraire dictées par les circonstances, et prises au jour le jour en fonction des besoins. Les forces qui s'opposent aux Romains ont, bien entendu, de ûout autres caractéristiques, qu'il n'est d'ailleurs pas toujours facile de cerner. Il s'agit en général de tribus, gentes ov nationcs, qualifiées parfois de Matnae, parfois de Gaêturicae, parfois plus du moins simplement de Baùæae: il æt rare que les sources se soucient de les nommer avoc plus de læ sources littéraires précision, et encore moins de les localiser, eomme nous avons souvent dt le déplorer. Sur le plan militaire, leur caractéristique principale semble être I'absence d'unité et do continuité dans Paction. Une seule exception est à sipaler, celle de Tacfarinas, qui essaie de anener une guerre à la romaine.

-

-

Toujours, on constate chez eux une très grande souplesse, voire

de I'improvisation pure et simple : en fonction de la saison, du

terrain, de la fraîcheur des troupesn de la capacité de résistance et de la tactique de l'ennemi ". Un avantage, mais qui est de taille : ces hommes ont souvent l'initiative, ils choisissent le moment et le lieu de leurs attaques, connaissent le pays dnns lequel ils opèrent (et qui n'est pas toujours nécessairement la montagne ou le désert). L'armement constitue-t-il pour eux une source d'infériorité ? Il est assez diffrcile d'en décider à coup str. En effet, les cavaliers numides nous sont malheureusement assez peu connus ; les monuments figurés sont rares. Mais quelques stèles numides du Constantinois nous donnent une idée de ce qu'ils pouvaient être. tr semble, d'après G. C. Picard, que' cornme le fantassin, le cavalier n'avait pour arme défensive qu'un petit bouclier et pour traits que des javelines lanées avec force et adresse'. Mais c'est surtout fhabileté à diriger les chevaux, petits et montés sans selle, avec une simple bride, qui faisait la force de la cavalerie numide : la représentation du cavalier d'Abizar est sur ce point éclairante 0. Par ailleurs, les renseignements donnés par R. Capat sont concordants : certes, les seuls cavaliers maures que nous connaissions ne sont pas des rebelles mais des auxiliaires de I'armée romaine; cependant il est permis de penser que leur armement et leur allure ne devaient guère différer de ceux de leurs congénères. Ainsi, pouvons-nous les imaginer semblables aux cavaliers de Lusius Quietus qui, ayant participé à la

guerre des Daces, figurent sur la colonne Trajane'o. Il n'est pas inutile, en revanche, de rappeler à ce propos les remarques de Delbriick sur l'aptitude belliqueuse comparée des barbares et des civilisés : la supériorité sur ce point revient à l'endurance barbare t'. La force des Romains est dans la disci7. S. Gsnr.r-, Histoire..., VI, p. 39-55 ; G. Cruraps, Masslnissa ou les débuts de fhlstobe, in Libyca, 1960, VIII, p. 111 et s.; ro., Monuntents..., p. 104-105 (notamment, eur lcs armes d'époque punique, p. 104, n. 1 : épée, javeline, bouclier rond ou ovale, casque pointu). E. G. C. PrcARo, Le Monde de Carthage, Paris, 1956. 9. Reproduction in L. LEsctil, Algérîe antique, Paris, 1952, p. 196. Les stèles libyques représentant des cavaliers armée eont groupées et étudiées par P. A. FÉvurr, Actes du Premier Congrès tâtudes des Cultures médtterranéennes d influence arabo-berbère, p. 152-169. 10. R. ClouB EArmée... 11. H. DsLrnticr" Geschlchte der Kriegskunst, 1900.

2U

Eléments

pour un bllan

pline

; une sfficte organisation des camps et de I'enfialnement, la formation de petites unités mobiles pemettent en ouEe de ttansformer en atout ce qui serait autrement un handicap, la lourdeur de l'équipement. Convenablement organisés et disciplinés, les cavaliers africains combattant aux côtés des Romains devenaient terribles et étaient fort recherchés corlme troupes d'appoint. C'est ainsi que cinq

mille cavaliers numides participent avec les seize légions de Iépide à I'attaque contre Sextus Pompée en Sicile' ; farmée d'Antoine à la bataille de Modène comptait aussi ses cavaliers marues 18 ; parmi les troupes d'Octavien, en 32, figureront des soldats libyens, originaires des anciens royaumes de Bocchus et de Bogud, mais qui ne sont sans doute pas tous des cavaliers ". Enfrn, I'on ne peut manquer d'évoquer, lorsque l'on constate combien le conflit entre Romains et Africains a été, militairement, celui des fantassins disciplinés contre les cavaliers, l'observation de Moutesquieu s : < Plus une nation se rcnd savante en I'art militaire, plus elle agit par son infanterie ; moins elle le connalt, plus elle multiplie sa cavalerie. >

12. Vrr,r,srus ParERcuLUs, I[, 80, 13. CrcÉnox, Ad, Fam,., X, 30, 3. 14. DroN Clssrus,

L, 6, 34.

15. MoNTesautzv, Grandeur

et

I

; S, Gser-r, Histoire,,.,

V[I,

décadence des Romains,

< L'Intégrale >, Paris, 1964, p. (13,

p. 195.

Le

Seuil,

If. Un bilan

de I'expérience romaine en Aftique

?

Au terme de ces remarqu€s, il n'est pas inutile de revenir sur le discours mentionné plus haut, qu'Appien " mettait dans la bouche d'un ami de Scipion, lors d'une séance au Sénat en 20t. Les patres avaient à prendre une décision importante : comment régler le problème punique à llssue de la guerre qui venait de s'achever ? Les avis divergeaient : une fraction < dure > exigeait la sévérité la plus extrême contre les Carthaginois, tandis qu'une partie des sénateurs penchait vers plus d'humanité et de modération. C'est à cette tendance que se rattache incontesta-

blement cet ami de Scipion dont Appien nous < rapporte > la longue intervention'". Les thèmes n'en sont pas nouveaur; ils sont à l'æurne dans nombre de discours prononcés dans des circonstances analogues tt. Les conseils de prudence et de clémence mettent en accord deux des principes essentiels de la politique romaine : Ie souci de ne pas contrarier les dieux, le gott des solutions éconoqui miques. Or, à l'ami de Scipion, la solution < dure > consiste à continuer la guerre jusqu'à la prise de Carthage sans répondre aux propositions de paix formulées par les Carthaginois ne semble ni morale ni utile : son propos s'étend donc

-

-

16. Suûa, p. 2n. 17. ApplsI.I, Lîb., 57-61. 18. Iil. Horrrraeu, < Die rômische Politik des 2. Jahrhunderts und das Ende Karthagos >, Hîstoia, 1960, D( p. 309-344 7 M. Gw-æn', Kleîne Schriften, 1963, ll, p. 39 et s.

u6

Eléments

pow un

bllar,

exemples, adjurations, références au passé sur ce double thème, traité, il faut bien le dire, nôn saru une certaine emphase aveÆ

-

rhétorique. Mais c'est I'argument final qui nous retienl car

il

représente pour l'orateur I'argument de poids, destiné à emtrnrter

la décision d'un auditoire déjà fortement ébranlé par la rigrreur morale de tout ce qui précédait. Il consiste en une sorte de raisonnement par I'absurde : si nous prenions Carthage, voici tous les problèmes qui nous attendraient ; les problèmes suscités par la conquête seraient insolubles; il est donc absurde de le souhailer. Or, à examiner les points de l'argumentation, on décourne qu'ils constituent en effet un tableau complet et cohérent ds

problèmes que pose la colonisation; et I'on âamirerait la sagesse, la profondeur de we et le sens politique de I'orateur si fon ne se souvenait que ce discours est rédigé par Appien quafre siècles après la date où il est censé avoir été prononcé. Ce qui est donc, chez l'ami de Scipion, un discours prophétique ressemble fort à un bilan : critique d'une expérience vieille de quatre sièclæ. C'est à ce titre qu,il prend rm relief tout particulier. }.lPy trouvet-on pas comme l'écho d'une désillusion, peut-être même une certaine lassitude en face des problèmes xflisains Iæs quatre hypothèses envisagées et aussitôt rejetéæ par forateur correspondent aux quatre tentations de la politique romaine en Afrique, et plus précisément encore, à quatre moments de

I

cetûe politique.

1. < Donner Carthage à Massinissa, ce serait accroître exzgêt& ment la puissance de celui-ci ; mieux vaut pouf, Rome maintenir au contraire une rivalité entre les deux. > Rome sait à quoi s'en tenir sur les difficultés que peut créer en Aftique du Nord un chef trop puissant. Le souvenir de Jugurtha ou de fuba Icondamne les Romains à la prudence sur ce trnint : tant Er'ils n'auront pas réalisé I'unité de I'Afrique à leur profrt, leur intérêt est d'y maintenir divisions et rivalités. La formule du < protectorat > à quoi se réfère indirectement ici Appien offre - toute pourtant- des séductions : elle dispense les Romains de intervention directe dans I'administration de la population locale et laisse libre cours à l'activité, commerciale ou autre, des émigrés italiques. Mais elle exige, à la tête du pays protégé, des hommes de confiance ; or les circonstances qui avaient produit

un Juba II, véritable fonctionnaire couronné, étaient exceptionnelles.

2.

< Transformer le territoire punique en territoire romain pour

en tirer un tribut exigerait le maintien en place d'une forte armée > : I'opération ne serait pas rentable, les frais dnentretien de l'armée étant nécessairement très élevés, puisque celle-ci serait

entourée d'ennemis barbares en très gtand nombre. Cette solu-

tion, dans sa brutale simplicité, ne semble pas avoir été longtemps mise en application telle quelle. Mais elle se réfère à une réalité indiscutable : l'entretien d'un corps expéditionnaire important, dans un pays éloipé de Rome, cotte fort cher; le tribut arraché aux dediticii ne justifie pas nne aussi grosse dépense. L'exploitation purement financière du pays conquis est donc une fausse solution. 3. Une fois écartées I'idée du protectorat et celle de I'exploitation financière, il ne reste plus qu'une possibilité, celle de la colonisation proprement dite. C'est la solution qu'Appien connalt le mieux, puisque c'est celle que Rome a finalement choisie et réalisée. Les problèmes qu'elle pose sont ceux auxquels Rome a eu constamment à faire face. Ce n'est pas les simplifier à I'excès que de les présenter sous forme d'alternative : ou bien, dit Appien, l* colons que nous enverrons chez les Numides seront constamment en butte à I'hostilité des populations locales qui les empêcheront de vivre en paix; ou bien ils arriveront à vaincre les barbares et deviendront pour les Romains eux-mêmes très dangereux. On trouve 1à l'écho de la double hantise de la

politique romaine. La première, Cest I'exaspération -devant- la ienaatê de la résistance militaire des Berbères, devant I'explosion chronique de troubles plus ou noins graves, d'inpurrections diversement localisées. Retenons simplement que, quoique ces mouvements soient parfois présentés dans nos sources comme relevant du simple banditisme, Appien semble les considérer ici comme une conséquence nécessaire et presque inéluctable de l'installation des colonies. L'autre crainte, coest de voir la colonie supplanter la métropole. Il est peu probable que cette crainte ait pu se faire jour à l'époque de Scipion, car Rome ignorait encore à quel point I'Afrique allait lui devenir indispensable ; mais cette crainte est peut-être celle des contemporains d'Appien qui savent de quel poids pèse dans l'économie romaine la contribu2At

Eléments pour

un bllot

principalement annonaire tion des provinceÊ africaines. Priyel- Rome de son prolongement africain ett été catasEophigue, mais le danger d'une sécession n'était pas une chimère. On decouvre donc, dans cette péroraison, un v&itable résumé critique de l'expérience romaine en Afrique. Qu'il suffise de constater combien, à un esprit réfléchi et informé, I'Afrique pouvait apparaître comme un naud de problèmes épineux aux solutions douteuses. Il faut en effet qu'Appien ait

étêt bien peu satisfait du spectacle qu'offrait l'Afrique pour avoir, plutôt que de tenter de justifrer a posteriori la conquête par s6 résultats bénéfiques, préféré ou dt projeter rétrospectivement, sur l'époque précédant immédiatement la conquête, des problèmes consécutifs à la conquête, laquelle se trouve ainsi frappée, par I'historien, d'une sorte de tare originelle. Ces problèmes ne se séparent pas de ceux dont on a ici tenté l'analyse en les regroupant autour du thème de la résistance afticaine. Certes, entre la date supposée et la date réelle du discours, ces problèmes onf évolué : ils se posent en des termes tout autres, même si dans leur fond ils restent semblables. Mais grâce à la fiction historique du < discours >, qui permet le retour aux sources mêmes du problème, à cette origine qui contient dans leur pureté la série complète des hypothèses et des développements futurs, Appien est en mesure de donner à voir plus clairement des vérités simples que ses contemporains n'étaient peut-être plus en mesure de distinguer : I'idée, par exemple, que la conquête n'est pas nécessairement une bonne affaire et que ses conséquences sont imFrévisibles. Il est vrai que cette idée est loin d'être nouvelle : elle a de solides garants dans la pensée et dans I'action politique de la Rome républicaine. L impérialisme romain s'est longtemps contenté d'être un impérialisme d'hégémonie avant de prendre goût aux conquêtes et aux annexions 1'. Et pourtant si l'on admet que le discours composé par Appien n'est ni un simple morceau de rh6toriqug ni la reproduction servile d'un modèle puisé à une source annalistique, mais qu'il s'appuie au contraire sur la connaissance de I'histoire des rapports romano-africains, I'on De

l'

19. E. Blorettt, Roman lrnperialism in the late Republic, Oxford, 196g, éd. (surtout les trois premiers chapitres).

s'étonnem peut-être pas de voir resurgir cette vieille idée. N'estce pas le signe que liAftique pouvait encore apparaltre, à certains observateurs, comme un næud de problèmes complexes aux solutions douteuses et transitoires ?

IU. PAD' ROMÀTNE BT

GUBRRE{I AFruCAINBS

Tableau des soulèvements

Sahara(Sudtunisien)

20 av.

t.-c.

6

région

Garamantes,

de

Thalq

ap.

J.C.

N.-E. de I'Aurès ;

Musulames Maures Taclarinns

bords de

Maures (Aedemon);

région des

la Petite

rte; Sud coûstao-

Atlas marocain;

MusuIames et Sud numi-

Numides, Musulames

ten

de

Résonances chez Vespasieo

Chemtou

police

les

Mau-

des compétitions impériales

;

Garamantes

de la Grande aurétanie

Maures (fingitane)

Maroc

Maurétanie

250

Sous

Maroc

r4+152 Antonin

Érlgérie

Maures

Marc-Aurèle

188

0ommode

Maures

209-2tl

Septime

Gezles anonymes

Maures; Baquates

Sévère

Maures

238-240 Gordien

(Maurétanie C&s-

Baquates

!évère

Alexandre

: Sala

: Medjedel, Soulèvement quasi général Hodna, Ouars€Bis Dahra, Aurù

r74

226-227

la Télrarchie

Compétition impériale

Maurétanie

Maroc (Atlas)

(Setif)

Maroc

et

(El Diem)

soulèvements

253-262

Bavares-Qtrinque gentanei, Fraxinense,s

289-298 Dioclétien

Insurrection généralisée

(Césa-

rienne ?)

Babor-

lout le

Magbreb

LIT/RE

LA

II

RESISTANCE CULTURELLE : L'HERITAGE AFruCAIN DANS LA CIT.USATION ROMATNE D'AFRIQUE

Introduction Dans chacune des provinces romaines d'Afrique, une partie de la population a plus ou moins ignoré la domination des Romains, et parfois même échappé à leur influence, sou quelque

forme qu'elle se ftt présentée. C'est du moins ce que nous allons tenter de montrer, mais en tâchant de mettre en valeur le double :urpect des choses, Eri nous a paru caractéristique : à l,inverse de ceux qui accordent une importance excessive à la permanence

berbère, nous voudrions faire apparaltre lexistence d'une évolution ohronologique et d'une différenciation régionale. Non que l'on doive pour autant récuser totalement des notions, devenues courantes et fanilières, coûrme celles de la permanence ou du particularisme berbères ; il faut surtout les nuancer. Ces notions, en effet" ont fini par prendre, chez quelques auteurs, un aspect volontiers opague : elles suggèrent une attitude purement négative, qui aboutirait à une histoire immobile, fondée sur une sorte de refus constant obtus, inentamable. Vision qui ne correspond nullement à la réalité, beaucoup plus fluidg de l'Aùique romaine. Si cette fluidité nous est apparue à I'cuvre dans le mouvement de flux et de reflux de I'avance romaine, dans l'imbrication des territoires romains et non romains, nous pouvons tenter de la retrouver aussi sur trn terain encore plus propice au flou, à la nuance, au compromis subtil entre l'attachement au passé et le gott de la nouveauté, bref sur le terrain des mentalit6 r, telles du moins qunelles se taduisent dans la vie culturelle des Africains. Car, tandis que, de rèpe en règng renait et se prolonge dans les provinces romaines d'Afriqme une lancinante résistance mili1. On sait l'intéret qui

a été porté au problème

une école hiotorique cottme celle des Awules.

des mentalités par

taire, une autre forme d'opposition, plus feutrée, s'est développée au sein même de la société romano-africaine. Il s'agit d'une résistance culturelle, dont la manifestation la plus éclatante réside dans le fait qu'elle a donné naissance à une < civilisation > d'un type particulier, la < civilisation romano-africaine >. Ce terme de civilisation romano-africaine s'appuie sur une constatation : celle de I'originalité de la civilisation romaine d'Afrique'. Rome en effet a dt doublement tenir compte du passé africain : soit parce que ce dernier lui fournissait un point de départ et des moyens d'action ; soit au contraire parce qu'il constituait une entrave à cette action'. Les traits principaux de cette civilisation ont été tracés par n, G. C. Picard gui, en un tableau résolument optimiste, conclut à la fusion harmonieuse de l'apport romain et de I'héritage afin, cain. Fusion qui exclut, par principe, toute idée de résistance puisqu'elle repose au contraire sur l'acceptation des modèles 0. culturels importés par la romanisation Bien des ouvrages ont souligné à I'envi fémulation manifestée, tant par les individus que par les communaut6, pour obtenir, par exemple, leur promotion dans la citoyenneté romaine. Si trous croyons néanmoins pouvoir transposer, ûr domaine m'ilitaire au domaine culturel, ce terme de résistance, c'est qu'il nous semble apercevoir, dans 2. Déjà, J. MerQumor, Organisation de l'Empire romaît4 Paris, 1892' 463-464, écrivait : < Quelque obstnée que ftt la résistance opposée

II, p.

aui conquérants par la double population indigène, les Romains arrivèrent à y développer une vie intellectuelle dans laquelle apparalt [..J Iinfluence imposiibte à méconnaître du caractère natioual indieène [..J. Carthage fut le centre d'une civilisation africo-romaine particulièrement maniérée. > 3. Ce double rôle de I'héritage africain, à la fois obstacle et point de départ, a été bien perçu par P. Monrcs^ux, I'es Africaîns. Etude sur la littérature latine tAfique. Les pdens, Paris, 1894. 4. G. C. PlcÂnP, Civilisation.,, 5. Ibtd., p. 24 : < Bornons-aous à constater l'inexistence d'une résis' tance dos indigènos, >

6. Sur les conditions dans lesquelles cette acceptation a été rendue possible, voir J. CencoPrNo, < L'Aptitude des Berbères à Ia civilisatoo >, Convegno di Science Morali e Storiche, Fondazione Volta VIil (généralement cité sous le titre Actes du VIIP Congrès Yolta), Rome, 1939, p. 62L-633. Cette communication, comme la plupart de celles réunies dans ces Actes, porte la marque du lieu et du moment où elle a été prononcée. 256

Intdactbn

la civilisation de I'Afrique romaine, bien des

éléments hétérogènes. Nous voudrions précisément exarniner ici quelques-uns des domaines où l'héritage africain n'a pu être complètement oblitéré ou aboli par fapport romain, et terter de chercher si, sous leur évidente diversité, ils ne relèvent pas d'une conrmune démarche.

Encore faut-il d'abord être sûr qu'il

y ait eu, de la part des

Romains, trne volonté consciente de romanisation culturelle. tr s'agit 1à, on s'en doute, d'un problème qui dépasse singulièrement le cadre des provinces africaines, et qui met en cause l'ensemble de la politique impériale. On sait que la doctring ælle qu'elle est proclamée par la pensée politique romaine de fépoque, vise à montrer Rome donnant au monde la civilisæion, en étendant libéralem.ent son droit et sa citoyenneté aux peuples conquis '. Cet idéal civilisateur appuyé sur un universalisme juridique, comment se traduit-il au niveau de l'action politique ? Et dans quelle mesure s'accommode-t-il de I'autre face de vertus nationales que Rome se reconnalt, à savoir la prudence, la sagesse, le refus de la démesure ? tr est intéressant de voir la réponse que Tacite peut, indirectement, apporter à ces questions. Iæ passage de son

la tête de la province de Bretagne sorul Domitien, offre à I'historien Ïoccasion de méditer sur la politique romaine. On le voit alors dévoiler avec perspicacité læ arcanes de cette politique : Rome tente d'inoculer sa civilisation oorrme une maladie, elle I'utilise comme nn moyen d'asservissement. On ne peut que renvoyer au très célèbre passage qui s'achève sur cette formule : < ce que ces hommes, dans leur simplicié, appÈ laient civilisation, Cétait une partie de leur servitude 8 >. Que de tels principes aient été utilisés consciemment ou tron, il n'en reste pas moins qu'ils étaient perçus par un observateur contemporain. Par là, nous sommes donc, sembl.e-t-il, fondé à considérer courme une forme de résistance tout ce qui permet à un provincial d'échapper peu ou prou au moule de la romanibeau-père, Agricolq à

7. Voir par exemple les textes présent6 et analys& par A. Mtcrrer,, La Philosophie polltique à Rome dAuguste à Marc-Aurèle, Paris, 1969, p. 43, 80-85, 333-335 ; Asr-rus Ams"uor, Eloge de Rome, æt la parfaite illustntion de

cetûe doctrine (notaanment les paragraphes

8. Tecttr, Agricola,

ffi

quurn pars semltutls esset.

58, 75, 97).

: ldqae apad imperitos humadtas

vocabatar,

sation, de sauvegarder tout ou partie de son héritage culturel. condition toutefois de bien distinguer, quand Cest possible, ce qui relève d'une frdélité consciente à un héritage et ce qui nnest que le résultat des lacunes de la romanisation. Distinction souvent impossible en raison du lien complexe qui unit ces deux

A

aspects dnune même Éalité.

Peut-être porurons-nous ainsi parvenir à découvrir un lien entre la résistance à la domination romaine et la résistance à la civilisation romaine. C. Courtois, qui avait déjà fait la distinction entre ces deux aspects de la réalité africaine, écrivait à ce sujet : < C'est confie la civilisation romaine que pèse le poids de la menace. C'est contre elle gue le Berbère s'insurge, avec sa violence désordonnée ou sa passivité désarmante. Car la domination lomaine, ellg n'a pas trop à craindre. Jamais le monde berbère ne s'unira, et puis le Berbère n'a jamais chassé un conquérant o. > Double affrrmation qui nous semble devoir être sérieusement nuancée, dans la mesure où elle semble méconnaltre la gamme étendue de solutions diverses qu'a suscitées la longue coexistence romano-africaine. I-e souci africain de préservation de soi affecte principalement trois domaines de la vie culturelle : le domaine religieux, le

domaine juridique, le domaine linguistique et onomastique''. C'est donc à travers lnexamen des croyances, des institutions,

des langues et des noms, que nous tenterons de saisir les traces d'une résistance alricaine.

9. C. Courtors, < Bibliographie de I'Afrique antique >, RAl, 1942, p.32. 10. Nous n'envisagerons pas dans ce travail le domaine artistique, qui exigerait à lui seul une étude particulière.

La

résistance religieuse

< La paix romaine, écrit J. Toutain, ne fut pas moins complète autour des autels que slrr les places publiques 1. > Cette affrrmation, appliquée à la situation religieuse africaine, est à coup sfu exacte, car le problème religieux ne s'est pas posé en terrres de guerre ou de paix. Cultes africains et cultes romains ne se eombattent cert6 pas. Mais leur coexistence n'est pas celle de deux réalités qui s'ignorent : au contraire, elles se pénètrent mutuel-

lement. Les religions antiques s'entendaient en effet à maintenir auprès du domaine clos transmettant de génération en génération ltéritage culturel ancestral, un domaine ouvert, accueillant aux innovations et aux emprunts. L'absence d'une théologie rendant imFensable fexistence d'une orthodoxie, on aboutit à un processus de lente accumulation, de stratifrcation, où une croyance nouvelle, au lieu de chasser les précédentes, vient au conffaire leur tenir compaguie. C'est cette particularité qui rend difficile une étude précise de la résistance afticaine en matière de religion. A première vue, une telle étude exigerait une méthode identique à celle qui a été précédemment employée, et qui reposait

sur la très simple comtatation qu'il n'y a de résistance, comme on I'a déjà diÇ que s'il y a tentative de romanisation. tr suffirait en somne d'étudier l'implantation progressive des cultes romains, de mesurer le coefficient de leur succès ou de leur insuccès auprb des indigènes, et d'en faire la contre-épreuve en analysant le des dieux rythne du recul ou éventuellement la stapation - fort séduisant, qui da que le défaut - d'exiger locaux. Progra"rnme une documentation que nous n'avons pas. Si nous avoilt parfois

I,

1. J. Toutenv, Les Cultes paîens dans lEmplre romain, Pari$, 1917, 3, p. 119 (cité ensuite : Ixs Cultes.,.),

pu, en dépit des lacunes, découvù, a posteriori et par recoupemeûts, les grandes lignes de I'avance territoriale des Romains, une semblable démarche nous est interdite par la nature même du phénomène religieux. En effet, tandis que I'on peut aller jusqu'à reconstituer, avec une certaine vraisemblance, un plan d'état-major, ou à comprendre la nécessité de telle opération militaire localisée, il ne saurait évidemment être question de pénétrer dans t'âme d'une population disparue pour juger de la profondeur de son sentiment à l'égard de tel ou tel dieu. Encore moins de sonder son inconscient pour y faire le décompte et I'analyse des multiples strates qu'y ont accumulées les années et I'interférence entre les pratiques héritées et les pratiques acquises. On ne dispose en cette matière, vu fabsence de toute littérature reûgieuse autre que chrétienne, que de documents et de monuments matériels, qui ne transcrivent que d'une façon bien sohématique la complexité des croyances : un autel, une stèle, une base de statue, ou même une simple dédidace ne deviennent éloquents sru ce sujet qu'au terme d'un long et patignt interrogatoire, dont l'étude de M. Leglay sur les monuments du culte de Saurnc africain fournit le meilleur exemple'. Il nous faut donc r&ister à I'envie de suiwe le développement ou le recul des cultes, et chersher d'abord à voir' à partir des et à documents à notre portée, à quel besoin de quel public chaque groupe de documents correspond. quelles croyances - iilre nous pouûons tenter une interprétaC'est apràs seulement tion plus ambitieuse, et retrouver peut-être, dans la décadence et le renouveau des cultes nationaux, les contrepoints du flux et du reflux de la romanisation. Le mieux est donc de commencer par une définition. Nous considérons oomme relevant d'une forme de résistance à la romanisation tout ce qui, darrs la ou les religions effectivement pratiquées sur l'ensemble du territoire des provinces de fAfrique romaine, s'écarte par quelque trait de la religion romaine offrcielle, et se rattachg d'une façon directe ou indirecte, à des traits connus de la religion africaine traditionnelle. Cette défrnition, volontairement très ouverte, couvre en fait un 2. M.

Luoul Saturne

(cité ensuite 262

t

Sat.

africaîn. Monuments, Paris, 1961, l,

al, Mon')-

i

1966,

Il

Ia

réslstance rcllgleuse

vaste champ, où l'on peut distinguer au moins deux niveaux. Dans I'un, on trouvera tout ce qui relève directemen! sans modification notable, de la religion sommodément appelée libyque : il s'agit d'éléments issus du passé prâromainn gd se sont maintenus durant la période romaine comme durant la période islamique, et qui justifient partiellement la notion, si souvent mise en avant, de permanence berbère. On sait en effet, et ce trait n'est pas spécialement lié au domaine berbère, que les croyances, mythes et rites se maintiennent parfois avec une fixité remarquable, et que I'on peut, s'écartant exceptionnellement de la sûicte méthode chronologique qu'impose ordinairement fhistofue,

comparet coordonner et mettre en série dee renseigpements qui appartiennent à des époques assez éloignées I'une de l'autre.. Ces survivances ne prouvent pas seulement la vitalité des croyan-

et des pratiques berbères, elles révèlent aussi que, malgré un contact prolongé, les deux cultures ont pu rester, sur certains points importants, d'une parfaite êtanchéitê. Au second niveau, on trouvera au contraire tout ce qui relève du phénomène d'osmose : Cest-à-dire les nombreux éléments que I'on a tenté, avec plus ou moins de succès, d'importer d'une religion dans fautre. I/échange peut s'effectuer dans le sens colonsces

indigène aussi bien que dans le sens opposé. Tantôt on identifie, à la faveur de ressemblances réelles ou supposées, des éléments puis& de part et d'autre, tantôt on transfère sur d'autres éléments une valeur et une sipifrcation qu'ils ne possédaient pæ à fori. grne, pour aboutir à une forme de slmcrétisme. L'Afrique romaine se trouve donc, pour tout ce qui touche à la religion, dans une situation originale, dont la complexité est le reflet, ou plutôt la résultante, des influe,lrces subies : I'ancien culte se rattache encore, par certains de ses aspects, aux religions dites primitivæ, mais, en même temps, des cultes plus évo1u&, plus élabor&, eû ont transfomé d'autes aspects. Nous n'avons donc pas affaire à une orsanisation rationnelle ou cohô rente de la vie religieuse. Mais, et c'est ce qui nous intéresseo à l'intérieur de cet ensemble, les élémenb relevant de la résistance afticaine gardent malgré tout quelques traits oommrun : c'est 3. R. Dusseuo, in J. V.llorrn, La Relîgion égyptlenne, 1949,

p. VI, iustifie ce léger écart à La saine méthode historique.

f

6Â.,

ce qui permettra de donner à leur inventaire un caractère moins dispersé, plus organique, qu'on ne le fait habituellementl Le premier problème est de savoir sur quelles bases a pu s'organiser la coexistence de religions d'origines diverses. Le maintien ou la disparition de tel ou tel culte, la romanisation de tel ancien dieu indigène ou l'africanisation de tel dieu puniquen hellénique ou romain, tout ce mouvement complexe d'intégration ou de refus, nous savons bien qu'il n'est pas le fait du seul hasard, mais qu'il correspond à une nécessité. Cette nécessité sous-jacente, elle tient essentiellement à la nature particulière des conceptions et des besoins religieux de la population indigène : nous admettons en effet que les caractères fondamentaux d'un dieu ou d'un culte sont déterminés par le public qu'ils touchent et lia fonction qui leur est assignée par ce public. Nous n'avons donc quelque chance de trouver le fil qui relie entre eux les divers cultes africains qunen partant du substrat le plus ancien, du noyau constitué par les croyanoes antérieures à la conquête. Mais il ne suffit pas pour cela de remonter à I'Afrique préromainc, il faut au moins partir de l'époque pré-punique : car [a colonisation phénicienne, à laquelle nous n'avons pas eu besoin de faire appel pour expliquer les phénomènes de résistance car il ne nous a pas paru que le plus ou moins militaire - de punicisation d'une région ut êtê waiment détergrand degré minant pour I'intensité ou la fréquence des combats contre les intervient d'une tout autre façon dans le domaine Romains Cette influence, d'ailleurs, ne s'est pas exercée d'une religieux. -, façon uniforme, et I'on sait aujoyrd'hui qu'elle a eu un caractère très diversifié, du fait qu'elle se déroula en plusieurs étapes et véhicula elle-même des éléments d'origine chypriote ou italiqueo. Lorsque les premiers navigateurs phéniciens, à la recherche des mines espagnoles, abordent sur les rivages de lâfrique du Nord et entrent en contact avec les habitants du pays, les Libyens

ne sont déjà plus, coûlme on I'a longtemps cru, des barbares

VI; I

G. C. Prcero, Les 4. Voir par exemple S. Gser-r-, Histoire..., Rellgions de t'Alrtque anlique, Paris, 1954, chap. (cité ensuite : /teligions-.). 5. P. CIr.rus, Céramiqu.e pwique, Tunis, 1950, insiste sur cette diversité; G. Vurr.rsùaor, Reconnaisunce attx échelles puniques tOranle, Autun,

t965. 2Â4

Ia

ddstarce rellglewe

encore attardés dans la préhistoireo. Il s'en faut de beaucoup, comme nous I'apprennent de notbreux et récents travaux t. Dçs deux groupes d'hommes qui peuplaient I'Afrique du Nord aux

temps préhistoriques, les uns, les lbéro-Maurusiens, répandus sur le littoral, étaient eûoore proches de I'homme de Cro-Magnon par I'archa'rsme de leur culture, tandis que les aûtres, les Cap. siens, se rattachant au groupe des Méditerranéens, retirés dans I'arrière-pays et caractérisés par les escargotières, étaient déjà à un degré supérieur d'évolution. Mais les deux groupes participent à la < révolution ) des temFs néolithiques, qui, en modifrant les relations entre fhomme et son milieu naturel, ftansforme les bases de l'économie, les modes d'habitat, les pratiques funéraires, les croyances religieuses I : en particulier, la chasse, la pêche et la cueillette sont remplacées par I'agriculture et l'élevage. En même tenps, pendant le chalcolithique et jusqu'à l'âge du bronze, des rapports se sont créés avec.t'Egypte prédynastique et le Sahara, ainsi qu'avec fEurope méditerranéenne o. Si bien que fAfrique indigène antérieurement à la colqnisation a toutes chances d'avoir possédé, en même temps que la technique de l'agriculture, un certain fond de culture, et donc un certain nombre de coutumes religieuses particulières. Puis, malgré son unité fondamentale, cette civilisation a êtê partiellement parcounre par des mouvements et des influences qui ont déterminé des zones diversifiées, ou, comme le dit G. Camps, < des régionalismes si puissants que le Maghreb historique ne réussit jamais à faire son unité'o > : une zone méridionale rattachée au Sahara et à la plus ancienne Afrique; une zone

6. C'est pourtant encore I'opinion de C. et G. Cnenr.es+tcaRD, La Yie quotidienne à Carthage, Paris, 1958, p. 25 z < pays stérile, peuplé de barbares misérables >.

7. Sur la préhistoire de I'Afrique, voir C. Ber.our, Préhistoire de (Afrique du Nord, Paris, 1955 ; R. Vlurnrt, Préhlstotre de lAfrîque. I. Le Maghreb, Paris, 1955. Sur la protohistoire, iI faut compléter le tome I

S. Gser.r,, Histolre..,, par les travaux de P. Cnrras, Eléments détude pour urre protohîstoîre de la Tunisie, Paris, 1961 ; G. Caurs, Aux orîgines de la Berbérte. Monuments et rttes funéraires protohlstoriques, Paris, 1961 (cité ensuite : Monuments.-); m. Massînissa..., in Llbyca, 1960, VIU. 8. La PréhMoîre, coll. Nouvelle Clio, Paris, 1968, 2. éd., p. 157. 9. R. Vaunry, L'Art rapestre nord-afrîcain, Paris, 1939, p. 105-120. 10. G. Cmlrs, Monurnents.,., p. sfil.

occidentale liée à I'Espagne ; une zone orientale tournée vers la Méditerranée; une zone centrale sans caractère propre, soumise aux influences venues des trois autrss ". C'est ce fond religieux ancien gue nous examinerons d'abord : il constitue le noyau autour duquel se développera et se nuancera la religion africaine de l'époque romaine. Il nous faudra ensuite suivre, dans ses diverses directions, l'évolution qui s'est

produite à partir de cette structure initiale.

11.

Il

ne nous sera pas possible, en général, de déterminer I'influence

de ces régionalismes sur les croyances

religieuses.

I Éléments de l'ancienne religion libyque

Faut-il, à propos des rapports des Libyens avec le sacré, évoguer le problème classique de la distinction entre magie et religon', et se denander si tels rites ou telles pratiques sont d'origine magique ou religieuse ? Ce n'est là peut-être, en I'occurrence, qu'un problème académique, car les deux types de croyances sont difficiles à distinguer vraiment. Il s'agit, ici comme là pour des hommes en proie à l'inquiétude ou à I'impuissance devant des forces naturelles qui les dépassent, d'une tentative pour se concilier ces forces. Mais, alors que la magie s'apparente plutôt à une technique, aux effets contaignaûts, cherchant I utilissr une force surnaturelle diffuse en vue d'une fin précise et intéressant le phs souvent un individu, la religion est plutôt sentie oomme une suppfication à caractère collectif, s'adressant à des personnalités divines plus ou moins élaborées, et capable de dépasser le stade utilitaire de la demande ponctuelle pour être à elle-même sa propre fin o. Certes, ces caractérisations som1. E. DourrÉ, Magie et religlon dans lAfrtque du Nord, Alger, 1909. 2. P. Mrncrnn, c Anthropologie sociale et culturelle >, in Ethnologle sênérale, éd. Pléiade,

p.

881-1032 (986).

maires peuvent se heurter à des difÏicultés, mais elles font appa-

raitre la parenté entre les deux types de croyances qui sont d'autant plus voisines et mêlées qu'on a affaire à une société moins dégagée des structures dites primitives. Si la magie s'adresse à d'obscurs génies et la religion à des dieux, il faut avouer qu'on les voit en Afrique coexister, et que l'on ignore encore le plus souvent comment s'est opérée, chez les Libyens comme aillsurs, la relève des génies par les dieux. Nous nous résiguerons donc à parler de forces magico-religieuses et à donner le nom génê rique de religion libyque à I'ensemble des faits sacrés que nous

rencontrerons chez les Libyens, malgré l'hétérogénéité de ces faits, qui mettent en jeu aussi bien des phénomènes naturels que des formes divines, des animaux que des plantes, mais qui ont tous un droit égal à être pris en considération puisqu'ils révèlent chacun, en dehors de toute hiérarchie, à la fois un aspect du sacré et une attitude de I'homme à l'égard du sacré'.

L

Iæs incarnadons du sacré: mont4[es'

grotts' plerres

Quels sont donc les éléments de I'ancienne religion libyque que nous pouvolilt connaltre ? L'énumération des divers ritæ et pratiques risque d'apparaître comme une fastidieuse collection de faits plus ou moins bien établis, issus d'observations plus ou moins recevables et pertinentes, faites à des époques et en des lieux variés. Aussi tenterons-nous, pour éviter cet éparpillement, de les grouper autour de quelques thèmes centraux. Nous distinguerons donc les pratiques liées au caractère exceptionnel de certains phénomènes ou obiets de la nature, et les pratiques liées

3. On est surpris de voir appliquer à ces manifestations du sacré des qualificatifs réprobateurs : M. Lacuv, Satune atricain. Iflgoire, Paris' Ilee, p. 2z{0 (cité ensuite : Sat. af, flist.), parle de < rites étrangee tels que fincubation ou le combat des vierges et de bizarres pratiques de caractère maÊlque >. Mircea EueDE, Traité dhistolre des rcliglow, Paris, 1948, p. 4, rappelle très justement le caractère subiectif de iugements

de ce genre. Le caractère durable de ces pratiques apparalt c,hez T. Lswrgr, < Survivances chez les Ber$ree médiévaux d'ère musutmane do cultes anciens et de croyances paï'enncs >, Folla orientalla, 1966,

p.

5-40.

26E

Vln'

Eouleue rcllglon ltbyqte aux préoccupations agraires. Ces deux catégories couvrent lia double préocctrpation constante de ltomme : s'assurer une communication directe avec le sacré là où il est présent; associer le sasré au bon fonctionnement de la vie matérielle. On sait que tout ce qul, dans la nature, se présente sous une forme assez éfange pour frapper I'esprit est considéré courme une manifestation directe ou indirecte du sacré, et peut devenir à ce ûûe fobjet ou foccasion d'un culte. Et ce, quel que soit le caractère extérieur qui confère à I'objet sotr 6ura d'étrangeté : forme suggestive, grandeur, beauté, laideur, situation, origine mystérieuse.

Comme beaucoup d'autres peuples, le.s Africains ont été sensibles à I'aspect impressionnant de certaines montagnes, grottes, cavernes ou rochersn : on aura une idée de la profondeur de ce sentiment si I'on songe gue saint Augustin était obligé d'invec-

tiver des chrétiens d'Afrique qui croyaient devoir gravir des cimes ou descendre dans des souterrains pour mieux se faire entendre de Dieu u, et qu'aujourd'hui encore zubsiste cette forme

de vénération ". Car le sacré attaché à un ûeu donné se maintient intact à travers le temps et s'inêgre plus ou moins aisément à la religion dominante. Le plus souvent, dans la religion des Libyens, le caractère sacré d'un lieu est nttashé, dans l'esprit des fidèles, à la présence tutélaire ou malfaisante d'un esprit ou d'un génie. La montape, que sa hauteur rapproche du ciel, source de sacré et même parfois identifiée à

lui, devient aisément

objet et lieu de culte en même temps. L'Atlas est attesté comme 4. R. Bassar,
,

.R;lR, 1910,

IJC, p. 291-342; H. Besser, < Les Influences puniques chez les Berbères > RAf, L92t, IJ(II, p. 34ù374; G.C. Prcmt, Rellgions,.., p. 4-5. Peut-Ctre n'est-il pas indispensable d'expliquer ce phénomène par utre particulière inclination des Berbèræ au fétichisme, cotnme le fait M. Lrru& Sat. al. Hist., p. t57.

5. SIrrrT Auousrn, Sermones, XLV, Z : Carnallter saplentes, quia vident plerwnqte nubes inhaerere in lateribas montîum, ascendunt ln montes, at proximl sînt Deo. Oratione tua vis cofilngere Deam ? 1...f Humilîa te, ne carnaliter accipios, descendens hypogaeas, nec ,nontern quaeru*

ln

6. E. DourrÉ, Magie et religlon,

hypogaeas,

ut ibi

roges Deum. Nec

p. ll2 I R. Blsrr, loc. cît., p.

29Ç

295 ; E, WBsTaRMARCK, Survivances paîennes data Ia civîlisrton mahontétane, Paris, 1935, p. 123-124; T. Lrwrcrr, loc. cit.

montagne sacrée par Pline l'Ancien t, qui parle de la < crainte sacrée > qui s'empare du cæur de ceux qui s'en approchent, et décrit l'animation mystérieuse qui envahit la montagge le soir. Maxime de Tyr " le présente comme < et un temple et un dieu' >. D'autres sonrmets apparaissent comme des hauts lieux, notamment le djebel Boukournein où sera installé le fameux sanctuaire de Saturne Êalcaranensis'o ; à l'é1nque romaine, de nombreuses inscriptions sont consacrées à plus d'un genius montis : près d'Auzia tt, à Simitthu', près de Tafrent'8. Cependant, ponr ce dernier exemple, la lecture genius mon(tis) n'est pas sûre. I-e caractère sacré des grottes en Afrique est particulièrement ancien, et remonterait même à Ja fin de la préhistoire'n. Sans doute le doivent-elles au fait qu'elles apparaissent comme des voies de pénétration vers le monde souteuain des génies : de même que les montagnes participent à la vie supra-terrestre, les grottes introduisent à la vie infra-terrestre, en relation notamment avec les morts. L'importance religieuse de certaines grottes s'est maintenue à travers l'époque romaine : des divinités indigènes y ont élu domicile, ainsi Bæac dans le Taya et le mystélJreux G.D.A. du Chettaba'. On connalt aussi ffrz'u, dont f image avec une tête radiée apparait au fond d'un abri sous

roche au sud de Constantine, et dont le nom s'apparente à la 7. Prrxe, V, 1-7. 8. Mexriw oE TYR, Dissert., VIII, 7 ; sur le mont Atlas, vsir < Atlas >' in RE. 9. PotvæoNtus Mele,

III, 95, situe ailleurs que dans I'Atlas I'animation décrite par Pline : voir S, Gsalr" Histoire.,., VI, p. 134. 10. D'autres sanctuaires à Baal seront implantê par læ Carthaginois sur des hauts lieux anciennement vénérés : djebel R'Cass, djebel Djelloud (M. Lncr-rv, Sat. af. Mon., l, p. 263I, 32-73, 79-81).

tl.

12.

ctL, vIIr, 9180. cIL, VIII, 14588.

t3. CIL, ylll, 17763. 14. G. Cevrs, Monuntents..., P,63 et n.2. Sur le culte des

grottes,

voir H. Beser', Le Culte des grottes au Maroc, Alger' 1920 ; J. H. Pnossr Brnasex, A. Merrnot, < Le Culte des gtrottes en Algérie >, Rev. anthrop., 1939, p. 128-142. Notons cepondaot la très médiosre qualité de ce dernier article qui rapporte tout au culte de Mithra. 15. I. et P. Areursn, Le Chettaba et les grottes à lnscrlptions latines

du Chettaba et du Taya, Constantine, 16.

no

cIL, Vrn,

5673.

1929.

L'otclstme rcnston Wque

ruciûe berbère FR (se cacher), qui se retrouve aussi dens le nom berbère de la grotte Gfû. Peutône faut-il le considérer comme le roi des génies habitant dans la caverne r?. Dautre part, dæ inscriptions, sans doute votives, en caracêres libyques, ont été trouvées dans une grotte de Grande Kabylie'.. La litholâtrie n'est pas à proprement parler fadoration des pierres, mais la reconnaissance du caractère sacré de certaines pierres : la pierre n'est donc que la représentation concrète du sacré qui l'habite, et le contact avec cette pierre permet au fidèle de capter une partie de ses pouvoirs bienfaisants o. Les sanctuaires puniques nous ont habitués à fidée que des pierres dressées, brutes ou taillées, puissent être révérées comms des < maisons de dieu > (bétyle : beth El). Mais il ne semble pas qu,il faille attribuer aux Phéniciens l'introduction en Afrique de cette idée, qui remonte sans doute aussi aux temps préhistoriques 00. Aujourd'hui encore, en Afrique, on dépose des pierres avec d'autres offrandes dans de petits sanctuaires, appel& m,zara, constitués en tout €t pour tout par une gfossière enceinæ de pierres sèches ou de maçonnerie; et ces enclos sont bien antê rieurs à I'islam o'. T.e toplæt de Carthage, eoûtme d'autres sanctuaires puniques, a fourni beaucoup de boulets sacrés, ainsi d'ailleurs que des galets de granit portant la trace de traits hnmainss, et lon trouve au Sahara des pierras dressées en forme d'idoles *. Nous avons là cornme pour les montagnes et les grottes, un élément singulièrement persistant de la mentalité religieuse des indigènes d'Afrique o. 17. FI. Bassrr, op. cit, p. 48, n. 3. 18. R. B.lssBt, < Note sur les ioscriptions libyques d'Ifri d'trfira (Graode Ksbylie) >, CRAI, 1909, p. 590-592.

lfDellal

pràs

19. D. Gorenr, < Esai sur la litholâtrie >, RAf, 1948, IJOO(D(, p,24110. Conception présento explicitement chez Aruorr, I, 39 : < Si j'apercevais une pierre polie et froûtée d'huile d'olive, je croyais y trouver uae

puissance divine, ie me prosternais devant elle, je llnvoquais et je demandais des bienfaits à un bloc iaselsible. , 20. G. C. PrcARo, Religlons.,,, p. 5{. Sur les pierres sacré$ chez les Sémites, voir bibliographie chez M. Lror.nv, Sat. af. frfist., p. 44Q, n. 5. 21. S. Gsar,r, Iltstolre..., p. L6r. 22. G.C. Ptceno, Rellglorc..., p. 6. 23. S. GSELL, Histoire..., p. 161. 24. Parmi les textes d'époque romaine qui font allusion à ta litholâtrie

nl

tr. Iæ sscr6, garmt de la vie matêrlelle Autour de I'eau, de la végétation et de tous les problèmes que la nécessité de féconder et de fertiliser la terre, se sont créés et multipliés au counl das âges des rites et des pratiques qui formeraient, si fon pouvait établh entre eux des connexions stres, une véritable religion agture, reliée de toutes parts aux autres aspects de la vie religieuse (tels que le culte des astres, le culte des morts, la vénération de certains animaux), ainsi qu'à certaines pratiques de magie sympathique. Cest donc une véritable nébuleuse, un complexe enchevêtré de faits et de croyances que nous avons à exposer. pose

Les raisons qui ont mis I'eau au oentre des préoccupations religieuses des Africains se laissent aisément découvrir : elles sont étroitement liées aux conditions géographiques. L'eau, en effet, est indispensable à la vie du pays : I'agriculture n'est possible que là où la pluie tombe en quantité suffisante, ou bien, là où, comme dans le Constantinois, on peut pallier f insuffisance de pluie par I'irrigation. Pluies, sources et puits ont donc été investis d'une valeur sacrée. Valeur d'autant plus grande que l'Aftique du Nord ancienne est avant tout une région rurale, peuplée de paysans et de pasteurs poul qui la fertilité des moissons et la fécondité des troupeaux sont les plus précieux des dons divins, la sécheresse et la stérilité les pires des malédictions, et à qui la simple observation avait de longue date révélé le caractère imprévisible et capricieux des précipitations. Les pratiques magiques berbères destinées à obtenir la pluie, dont certaines ont subsisté iusqu'à l'époque moderne, ont été souvent étudiées, mais dans une perspective plus ethnologique qu'historique 6. Il noest pas indispensable d'y revenir ici, car I, 39) : ArurÉr, Flortdes, l; Apologîe,56 ; S.uxr Aucusrrx, Epist., ]{Yfr, 2; a., Civ. Dei XVI' 38. 25. E. DourrÉ, Magie et teligîon, p. 584-585 ; E. Llousr, Mots et choses berbères, Paris, 1920, p. 207' 2ll. 223,

(outre ARNoBB,

n2

Lianciewæ religlon llbyqae

nous ne connaissons pas exactement leuf degré d'antiquité. Nous

nous contenterons donc de sipaler les mieux connus de ces faits. Ce sont d'abord les baignades et les aspersions d'eau, rites de magie imitative élémentaire. La promenade de la ghonja, cuiller de bois symbolisant la terre assoiffée, que l'on affuble de chiffons colnme une poupée en lui attribuant le nom de < fiancée d'Anzar > (c'est-à-dire : < fiancée de la pluie >), fait appel à une religion plus élaborée, puisque le rite se réfère à une sorte de mariage mystique entre la terre et la pluie, mariage qui donne naissance à la végétation. Des pratiques sexuelles, notamment la trop fameuse < nuit de I'erreuræ >, ont pour but de favoriser la fécondité de la terre, en raison du lien qui existe presque partout entre la senralité et le travail de la terre, et de I'influence reconnue de la magie érotique sur I'agdculture, ce qui explique aussi la fréquence des représentations sexuelles sur les gravures rupestres du Haut-Atlas ". Ces pratiques, qui ne semblent pas s'adresser à une personnalité divine pa,rticulière, coexistent avec des cultes adressés à des objets plus définis, coûrme les puits sacrés, les divinités prometteuses de pluie et les génies de.s fleuvss et des soruces. Iæ caractère sacré des puib a été très tôt reconnu en Afrique, et l'époque romaine n'a fait qu'interpréær légèrement ce seotiment de vénération en forientant vers des divinités nouvelles æ. Ce processus a été clairement mis en lumière à propos du puits trouvé par G.C. Picard à Castellum Dimmîdi *. Ce puits, isolé au fond d'un souterrain et d'accès rendu volontairement malaisé, était probablement le lieu de rites à caractère secret. Apollon, Esculape et Hygie figurent sur I'une des dédicaces qui y ont été retrouvées; Esculape étant le dieu qui < pr6ide aux cures par

or DeuAs, in Fragmenta histortcorurn Graecorum, W, 462, fr. 135; F. Jecos& i^ lbid., II A p. 3U-430. Rapprochement avec le cnlte des Cereres dans J. CeRcorno, Aspects nrystiques de la Rome pdienne, Patis, t94L, p. 3l-32 (cité' ensuite z Aspects..,). 2?. J. Mer.goriaar. < Corpus des gravures rupesFes du Haut Atlas > (lre partie), PSAM, 1959, Xm. 28. &tte vénération eubsiste encore par endroits, semble-t-il : E DsR' MENorrBM, Iz Calte des saints dans llslqm rwghrébin, Paxis, 1954, 26. Nrcor-es

p,

p.

144-145.

29. G.C,

Prc*o, Castellum Dimmîdi, Paris-Alger, L947,p. I27 ets,:

to., Relîgions..., p.

6.

I'hydrothérapie >, G. C. Picard en a conclu u qu'il recouvrait la personnalité d'un génie libyen des eaux salutifères, confondu par læ Romains avec leur dieu-médecin >. On connaît aussi le temple découvert dans la colonie trajanienne de Thamugadi', audevant duquel s'étendait une vaste piscine pour recueillir les eaux d'une source bienfaisante appelée AEta Septimîana Felix z s'agit évidemment doune source miraculeuse ancienne, dont les Romains ont capté les pouvoirs, en installant autour d'elle un temple comportant des statues des divinités romaines guérisseuses. Certes, ces deux 6pgignages n'éclairent qu'indirectement la religion libyque, mais ils sont néanmoins recevables. Bien qu'ils n'aient pas toujours un caractère sacré aussi marqué que celui de ces puits, les fleuves et les sources sont I'objet d'un culte adressé suftout àleur genius, qui n'est en I'occurrence qu'un héritier des vieux génies berbères des eaux ". C'est ainsi que loon trouve, souvent en liaison avec la construction d'un nouvel aqueduc ou d'un captage : à Lambèse, \n numen Aquae

il

Alexand.rtanaeo; près de Batna, vn genius fontisu; à Sila, le (G)eni(us) numinis Caput Amsagae aux sources du Rhum* ; dans la région mel * ; à Saint-Denisdu-Sig, le genùæ flumînh de Béja" w genius aquar(um) Traian(a.rum)æ. Ces génies, oomme on le voit, n'ont pas une personnalité très atrirmfu et te sont désigués que par leur origine géographique. I1 arrive pourtant qu'ils portent un nom, tel ce génie des eaux

(-

30. L. Lrscil, < Aqua Septimîana Felix >, CRAI, 7947, p. 87-99 Etudes alricaines, p. UO-245); M. Lecrav, < fe Temple sévérien

del'Aqua Septimiana Felix >, BAC, 1967,lll, p.262; BAC' 1968, IV.

Cest probablement à la suite d'une guérison des empereurs Septime Sévère et Caracalla, intervenue au cours de leur voyago africain et de leur séjour à Lambèse et Timpd, au printemps de 203, que I'eau de cette piscine fut considérée comme salutifère (Salvîs Aagustis Aqua Septimiana Felix) et que le temple devint un lieu de pélerinage très fréquenté. 31. P. PsrrrMgNcrt, < Inscriptions do la région de Milev >, MEFR, 1967, 89, p. 202-203. 32. CIL, VlrI, 2662. 33. CIL, VTII, 4291. 34. ClL, VIIII, 5884. Sur le ganias Caput Amsagae, voir rn BAC, 1914, p. 565, 35. CIL, Vfir, 9749. 36. BAC, 1919, p. 137.

nl

f. Cencornro,

Eozdcttne rcUglon ltbyque

t

récemment retrouvé dont le nom, Maqur, a ung incontestable ressembliance avec ceux de deux divinit& du baçrelief de Béja,

Mqtffian, et Macurgurns.

Il

est impossible pour I'instant de

savoir quel est le lien exact qui unit Maqur à ces deux divinités et justifie leur quasi-homonymie. Mais on peut au moins proposer l'hypothèse que ce lien est à chercher dans une commune appartenancg aux cultes aquatiques. Ce cas, d'ailleurs, n'est

peutétre pas isolé : d'autres divinités libyques doivent sans doute leur origine à leurs liens avec le culte des eaux. Cest le cas de Lilleo, dieu affesté à Madaure æ : d'aprh L. Joleaud a, Lillzo serut en effet dérivé du mot lilu, signrfrant eau, et représenterait littéralement un < dieu-eau >. Iæ même urot IiIu await servi à former le nom de Thililua, fun des cinq dieux de Magifa d. Si tous ces rapprochements sont légitimes, on y verra uûe preuve de plus ds t'importance de ces cultes de I'eau, de leur persistance durant l'époque romaine, de leur aptitude à fournir, le cas éctrréant, à la religion des Africains, des personnalités divines moins vagues que les primitifs génies. Cette valorisation progressive des divinités de I'eau ira encore plus loin, comme nous le verrons, puisque Cest finalement sous Tinvocation d'un dieu romain acclimaté en Afrique que seront placées les sources. Le Neptune africain, celui du moins qu'on trouve mentionné dans I'intérieur africain, sur les hautes plaines de la Tunisie et du Constantinois, s'est peu à peu substitué aux génies anonlmes des sources *, ainsi qu'à des dieux indigènes, certes dou& d'une personnalité, mais étroitement 1i6 à une région ou à un point 37. L. Garalo, < Note à propos dbn génie berbère >, Iour. asiat., 1964, p, lO5-107. 38. Sur la pierre aux sept dieux de Béja : A. MrRr:N, < Divinités indigènes sur un bas-relief romain de Tunisie >, CRAI, 1947, p.355-37t. Sur la fréguence de l'élément Macur z J. G. FEvrrsn, < Sur quelques noms puniques et libyques >, BAC, 1949, p, 649-652; J. DBsAI,tGFs, Catologue, p. 60. 39. Ir.Al, 2053 40. L. Jorreuo, < Gravures rupestres et rites de I'eau en Afrique du Nord ; rôle des bovins, des ovins et des caprins dans la magie berbère préhisorique et actuelle ,, lSA, 1933, W p, 197-282. 4L. ILAI, 2977 (= CIL, Vfr, 16749). 42. P. PsrrruENorN, loc. clt,, p. t96-203. Nous reviendrons sur le culte de Nepfiroe et des Nympher dans Ia section consacrés plus loin urx

dieux romains africsûisés.

précis. Cette substitution ultimq qui suppose la reconnaissance de I'unité profonde de l'ensemble des cultes locaux voués aux sources, ne pouvait intervenir qu'après une longue période de cohabitation entre cultes africains et romains.

trI. Zoolllhie, astrolâhie, culte funérairc Dérivant des cultes agraires proprement dits ou se rattachant à eux par quelque trait, les aspects de la religion libyque qu'il nous reste à examiner peuvett se grouper sous trois rubriques principales, entre lesquelles d'ailleurs il faudra ménager des passerelles : culte de certains znim6grç, culte des astres, culte des morts.

Les faits de zoolâtrie s'expliquent sans doute en partie, en Afrique du Nord, par le souci, chez un peuple de pasteurs et d'agriculteurs, d'associer certains animaux, choisis en fonction des vertus qu'ils représentent, aux divers rites de fécondité, et, par 1l à l'ensemble de la vie retgieuse. Le culte du bélier * est < un de ces problèmes redoutables qunon n'aborde qu'en tremblants l. Vénéré en Egypte, sous la forme du culte d'Amon de Thèbes (culte d'abord local, qui connaitra un développement prodigieux au vlo siècle avec le succès de l'oracle d'Amon dans I'oasis saharienne de Siouah), pr6ent en Afrique du Nord dès les temps néolithiques, et attesté par les peintures et les gravures rupestres du Satrara oriental @ezzan, Tassili NAgger), du Sud oranais et de la région de Tiaret ainsi que par celles de I'Est constantinois (au voisinage de Sedrata,

du Kroub et de la Cheffia), le bélier apparalt comme un dieu proprement africain. Quelle que soit la place de I'influence egyptienne (et elle est discutée), et le rôle de I'oasis de Siouah, ce 43. La bibliographie du culte du béter ct foisonnante. Qu'il suffise de renvoyer à lbrticle de G. Genv$c, < Le Culte du bélier en Afrique du Nord >, Hesperts, 1948, )OO(V, p. 93't24 (complété pour les régions autres que I'Afrique du Nord par un chapitre de to., Genèse de lOdyssée, Paris, 1954, p. 86-130), et aux pages cidessous citées de M. Iæglay. 44. M. LscLev, Sat. al. Hint., p. 421. Grâce au( pages que M. Iæglay a consacrées au bélier (p. 136-139, 421'431), on peut désormais voir plus clair dans ce problème ardu.

TI6

L'atuiewe rcllgbn llbyque

qu,il est important de noter, Cest que ca culte

snest maintenu

sans discontinuité en Afrique. La fonction principale du bélier, ûelle que la suggèrent aussi bien les monuments préhistorigues

que les monnaies des royaumes indigènes, les décors funéraires de l'époque imp6riale ou les légendes et les coutumes berbères pr&entes, est d'être un animal céleste qui dispense la pluie et féconde la végétation. Non moins claire est la sipifrcation du culte du dieu-taureau ô. Celui-ci, qui n'est atûesté que par un passage de la lolwwis de Corippus 6, mais figure comme le bélier sur les gravures rupestræ et existe sous forme d'idoles de basalte dans le Hoggar (rreuve de I'ancienneté de son culûe), est, chez les Africains comme chez tous les peuples méditerranéens, doué d'une même fonction; il est le symbole de la puissance génératrice, Iié à forage et à la pluie a'. La vénération du lion est attestée de diverses manières : son image frgure sur des granues rupestres, notamment dans le djebel Amour*, ainsi que sur un grand nombre de tombeaux

en raison de son rô1e de gardien des tombeaux s la Chrétienne, mausolée de Dougga, tonbeau de Mactar). Il sert d'atûibut privilégié ùla deo Afrîcao'à Rapinumides,

(tombeau de

dum comme à Timgad" et nous savons que c'est une déesse à tête de lion qui est appelée, sur les monnaies de Metellus Scipion, G(enhæ) T(enae) A$rtcae). Enfrn, de même que le bélier et le taureau, il sera ultérieurement adjoint à Saturne pour con45. A. Arvnnsz os ldIBâlDâ, c Magia y religion del toro norte,africano r, Archivo espanoX de arqueologta, 1954, )O(Vtr, p, 344. 46. Conprus,

II,

110-111.

47. Mircea Elteoa, Trattê thigoire des rcliglotts, p. 84; 149-150. 48. S. GssLL Les Monuments antiques de fAlgérie, Paris, 1901, L p. 4748 (crtÉ z Monaments antlgues...). 49. Sur ls lion fuaéraire, voir G. CAlaps, Monuments..., p. 555-556, qui aote le caractère tardif de ces repr&entations du lion sur les monuments funéraires. 50. G. C. Ptcmo, Civitas Macturttana, 38-39.

in Karthago, 1952, WII, p.

I.

30,

Brwr, < Un bas-relief de Sour-Djouab et I'iconographie dæ 51. provinces romaines d'Afrique D. MEFR, 1931, XLVII, p. 40; M. Lncuv, c Ia Déesse Afrique à Timgad 4 Honzmage à l, Batet, Bruxclles, 1964, p, 374-382, fig 4; ro., c Encore la Dea Affica >, MéL Plgotiol, Paris, 1966, p. 1233-1239 ; m, Sat. Ar. flist., p. et n. 12-13.

I

tribuer à I'africaniser encore plus, et Cest surtout en pays numide et maure qu'on trouve cette association, notamment dans le nord de la Numidie * (région de Sétif, Demila Siltègue). Ce que représente le lion, alrx yeux des anciens Africains, c'est sans doute, comme en Orient, la royatrté sur les forces de la nature, en même temps que I'ardeur du soleil. Le sulte des astres chez les Libyens pose des problèmes plus délicats : le caractère divin du soleil et de la lune fait-il partie des anciennes conceptions religieuses africaines, ou bien est-ce un élément emprunté aux Egyptiens ou aru( Puniques ? L'adoration du soleil et de la lune est attestée par divers textes et documents -. En tête de ces preuves, on trouve faffirmation catégorique d'Hérodote qui déclare que < tous les Libyens sacrifient au soleil et à la lune et à nul autre dieu, à I'exception toutefois des riverains du lac Triton (Cest-à-dire de la Petite Syrte), qui, eux, révèrent aussi Athéna* >. D'autres auteurs, latins et grecs, rapportent aussi plus ou moins fidèlement cette traditione, dont on retrouve trace encore chez Ibn Khaldoun'u. ut, le soleil aurait Si l'on en sroit une observation de R. Basset aussi été vên&é par les Guanches des Canaries sollsi le nom d'Aman.

A ces sources écriæs snajoutent des documents figurés et des observations archéologiques d'interprétation parfois malaisée. C'est le cas des stèles néo-puniques de Mactar et de Medeina, dédiées à Baal Hammon, et qui portett des disques à f intérieur o'. Ces stèles desquels sninscrit la face du soleil, ronde et radiée signifient-elles que Baal llammon est avant tout un dieu solaire ? Nous aurons à examiner ce problème plus tard pour montrer que la liaison entre Baal Hammon et le soleil est plus tardive. Qu'il 52.

M.

LEoLAY, Sat.

53. P. BovaxcÉ,

in

af. Hlst., p. 140-141. &..&JR., L952, p, 147'L55;

M. Lnor.ev,

Sat. afr.

Hist., p. 424.

54. HÉnooors, fV, 188. 55. Pr.wq II, 103 ; Dropone oE Stctlg,

III,

57

; XVII, 50; Annreu'

Arubase,III, 4; Qunrrr-Cûlcn, Hist. AIex. Mag,, frl,7,23. 56. Isu KnetDouu, Hîstoire des Berbères, trad. de Slane, I, p.

177.

5?. R. BmsBr, q Recherches zur la religion des Berbères >, RI|R, 1910, 61, p. 302. 58. G. C. PrcAn,o, Clvttas Mactoltana, loc. cit,' p. 42 et s. ; C. PtcenD, Catalogue du mwée Alaoul, n.s. I, p. n3-292, 295-297, NE

Liorcleûre rellebr. Abwue

nous sufffse pour I'instant de constater que le cas des stèles de Mactar est particulier 50, et qu'elles expriment une croyance tocale propre à une région particulière du pays massyle, la région de Mactar et de Medeina (Althibwos) : c'ast ce qui explique qu,elles aient un caractère solaire plus accentué qu'ailleurs. L'origine de ce caractère solaire est-elle due seule,ment aux spéculatons sur le syncrétisme solaire qui avaient cours au u" siècle, comme le pense G. C. Picar4 qui ecarte t'hlpothèse de la < résurgence d'une lointaine héliolâtrie libyque D ? M. Leglay penche au contraire pour cette hlpthèse : < Rien ne prouve, dit-il, que les Berbères aient abandonné depuis longtemps le culte du soleil o'. > On peut d'autant plus souscrile à

*

cette affirmation quT existe d'autres preuves pour établir la réalité, chez les Libyens, d?un culte astral. tr s'agit d'abord des sigges astraux traditionnels, disques solaires ou emblèmes lunaires, qui figurent en grand nombre aussi bien sur les stèles libyques que sur les divers types de monuments funéraires protohistoriques m. On trouve en effet, sur trois stèles libyques de Sila, la représentation d'un disque qui ne peut être qu'un symbole solaire æ ; dans des haouanets (sépultures en forme dtypogée), des disques analogues figurent en relief à Kalaat-es-Senam, au djebel Zit" à Gastel, à Taza, ainsi d'ailleurs que dans la grotte aménagee de Kifan-bel€omari * ; il en est de même sur les dolmens d'Hammam ez T'rllvakta. Ce sont des rosaces gravées, avec vraisemblablement le même sens symbolique que fon trouve sur la dalle de chevet des dolmens à Souk-Ahras et à Hammzm ez Zanakra*. A Tiddis, des vases trouv& dans les sépultures berbères 6 portent aussi des disques solaires. Mais ce symbolisme funéraire, qui met en relation, À date très 59. G. C. PIcaRl, Civltas Mactaritana, loc, clt., p, 36, 6A. Ibtd. 61. M. LeoLeY, Sat. al. Hist., p. 444.

62. G. Ceups, < Symboles astraux sur les vases funéraires de Tiddis >,

Libyca Anthrop. Arch. Préhlst., 1956, IV, p. 150-203.

63. F. Looeanr, < Nouvelles inscriptions libyennes de la commune mixte d'Ain Mlil D, RAt, 1936, IJOC/trI, p. 44L452; J. B. Cmrorr, Recueil des ittscriptions libyques, ne 808-81O pl. )C, 1-3. 64. G. Cavrs, Monaments..., p. 101-102. 65.

Ibid, p.

551.

66, G. Ceups, < Symboles astraux... >, Ioc. cît,

anciente, le culte des morts avec le culte du soleil, est confirmé par un autre élément : dans les sépultures des anciens dfuiçains, on a pris soin d'orienter vers I'est, c'est-à-dire vers le soleil

levant, tous les éléments susceptibles d'avoir une importance cultuelle : couloirs destinés aux cérémonies, niches servant aux sacrifices, chapelles flanquant les tumulus, autels extérieurs. Cette particularité d'orientation, déjà signalée par Gsell "" pour le Medracen, le tombeau de la Chrétienne et les Djedars, a été 6'. On peut enfin apporter récemment mise en lumière par Camps avec M. Leglay un dernier argument en faveur de I'astrolâtrie libyenne primitive, argument d'ordre philologique portant sur le sens des noms donnés à leur divinité par les Libyens et les Berbères so. Ces noms tournent en effet autour de I'idée de puissance et de hauteur : < le très grand, le très hauÇ le roi, le ciel, I'esprit du ciel, le soleil, le tout-puissant >. Cela suffit-il pour donner pleinement raison à Hérodote sur I'exclusivité du culte astral chez les Libyens et y voir la trace d'une influence venue de I'Egypte, où fleurissait le culte solaire ? Double question qui est étroiiement liée à un problème plus fondamental, celui de I'existence et de I'origine éventuelle d'une divinité suprême dans IAfrique des Libyens, M. Leglay étudie assez longuement ce problème'o. Ecartant diverses hypothèses, dont celles qui donneraient la suprématie à Baliddir ", ou au dieu de la pluie de la tribu marocaine de Berghawata, fush (ou lgoush), identifié avec le dieu Ash qu'attestent des documents égyptiens des premières dynasties *, il se demande si ce n'est pas au fond le même dieu qu'adorent d'une part les Egyptiens sous le nom 67. S. Gssr-r, Histoire..,, VI, l8l, 193, 198, 242' 264'265' 267. 68. G. Cevps, Monuments..., p. 101-102. 69. M. LnoLlY, Sat. at. Hîst., p.424, s'appuyant sur un article de D. J. Wôrrel, < Die Gottesnamen der Libyer und der Berber >, Die Sprache, 1950, U,

p.

171-181.

flff., P. 425431. 71. CtL VIII, 19121-19123 | G. MenctBn, < Les Divinités libyques >, RSAC, 1900, 34, p. 184; J. G. FÉvelsR' < A propos de Baal Addir >, 70. M. LBoLAY, Sat. af.

lI', p. 2l-28. 72. W. Wrcrcnr. < Iush der berberische Himmelsgott >, Ortentulistîsche Lîteratur zeitung, 7939, 42, col.72l-724; M. Munner, < The God Ash >,

Semitica,

Ancient Egïpt, 1934,

p. 290-291. 280

II, p. 114-117; R. Dusseup, in

Sytia, 1941,

)fxfi,

L'anclenw rcllglon llbwuc

d'Amon, d'autre part les Berbères sans lui donner un trom précis. L'analyse du fond religieux éryptien, du substrat de population et de culture oourmun à I'Egypte et à lâfrique du Nord et des rapports qui s'ensuivent, lui permet finalement de considérer comme infiniment probable l'influence du culte thébain d'Amon sur le grand dieu céleste berbère, < garant de la fécondité des troupeaux et protecteur des morts, mais innommé >. Cest précisément ce dieu qui constituera plus tard le soubassement (ou le noyau) sur lequel va se construire la pesonnalité et s'ordonner le culte du Saturne aficain.

L'astrolâtrie, et particulièrement le culte du soleil, était Iiée de très près, ûous venons de le voh, au culte funéraire. Coest en effet une des caractéristiques permanentes des anciens Africâins quo le respect des morts. Raspect dont les manifestations sont ambiguils : elles reposent à la fois sur la crainte d'un retour ou d'une vengeance du défunt qui s'estimerait négligé par les vivants, et sur l'espoir ou plutôt la certitude que le mort - puissance convenablement traité, et honoré, devient une véritable bénéfique dont la société peut et doit tirer profit Cette conception des rapports avec le mort explique peut-être la diversité des rites qui constituent, chez les Libyens, autant d'éléments d'une religion funéraire. Il ne peut être question, ici, d'étudier dans le détail et pour eux-mêmes tous ces rites; il importe surtout de mettre en lumière les principales pratiques funéraires dont la subsistance à l'époque romaine témoigne d'un particulier attachemeqt des populations à leurs cultes anciens n. Ces pratiques concernent le sort du cadawe, la façon de subvenir aux besoins du mort, enfin les relations avec le mort et

les moyens de bénéficier de sa puissance'4. Dans tous ces domaines, les survivances sont nombreuses. G. Camps traduit cette particularité des pratiques funéraires d'une formule : < Tout ce qui est funéraire est archalque et conservateur : on nninnove pas pour un cadawe. > 73. On ne peut que rcnvoyer, pour tout ce qui concerne le culte funéraire daas I'Afrique du Nord ancienne, au livre de G. C^lrvps, Monurnents,.,

74. G. Ceups, Monumenîs..,,

p.

461-566. 281

La première manifestation du respect que le vivant témoigne au mort, Cæt le sousi de lui donner une sépulture. Mais, avant I'inhumation définitive, on peut donner au cadawe diverses positions ou lui faire subir certaines transformations. Nous savons que I'on trouve, surtout dans les sépultures berbères anciennes, soit des corps en position repliée (décubitus latéral fléchi) ou en position accroupie (décubitus latéral ou dorsal contracté), soit des os préalablement décharnés. Or ces pratiques, qui ne sont pas particulières à fAfrique préhistorique, s'y sont maintenues fermement, bien au-delà de la préhistoire. Alors qu'elles disparaissaient ailleurs au profit de coutumes nouvelles, telles que l'inhumation en position allongéo (décubitus latéral ou dorsal étendu) ou I'incinération, elles ont coexisté en Afrique, par-delà la période punique et romaine et presque jusqu'au triomphe du christianisme, avec ces nouvelles coutumes 6.

Une fois inhumé, le mort continue à viwe ou plutôt comdun type un peu différent, puisqu'il éprouve dæ besoins que seule I'attention des vivants peut lui permettre de satisfaire. On trouve dans les tombes, outre une abondante vaisselle'o et divers éléments de mobilier, une grande quantité d'offrandes, dont on ne sait si elles représentent, selon la formule de G. Camps, u [une] provision de bouche ou [un] viatique

mence une vie

sacrificiel

"

>.

La satisfaction des besoins matériels du mort ne suffit pas si loon n'assure pas en même temps au cadawe la protection

magique dont il a, comme au cours de sa vie terrestre, le plus grand besoin. L'ocre rouge, couleur évoquant le sang dons la vie, apporte aussi magiquement au mort la force vitale qui lui

fait défaut. Doù I'utilisation intensive de cette couleur pour teindre les ossements décharnés, ainsi que le mobilier et les parois mêmes du monument funéraire. La permanence de ces rites e"st bien attestée en Afrique du Nord, et le cas le plus connu est celui du Medracen : 1à, en effet, le sol du couloir et de la

p. 477478, 481499. 76, Cetts vaiæelle comporte au moins trois Epes remplissant des fonctions différentes : une micro-éramique votive, des vâses rituels et des vas€s de type utilitaire (G. Cnurs, Monuments..., p. 518). 77. Ibid., p. 517. ?5. G. Cerrlrs, Monuments...,

282

Eanclqau reltglon Ubqt 6 chambre funéraire, ainsi que les banquettes disposéæ des deux côtés de cette ohambre sont couverts d'un enduit rouge. Outre la peinture, tout un attirail d'objets apotropaîques est là pour éloigner les influences malignes (bijoux, amulettes, cauris) æ. tr faudrait passer moins rapidement sur certains éléments de la décoration funéraire, car les scènes représentées sur certains vases et sur les parois des haouanets traduisent parfois, par leur synholisne, des conceptions religieuses qui ne sont pas attestées ailleurs d'une manière aussi directe. Nous voyons en partiurlier l'importance des motifs figurant sur les haouanets du djebel Behelil et de Kef el Blida' : ils pennettent de penser que des idées comme celle d'une vie outre-tombe, celle d'une héroîsation du mort peuvent être considérées cornme un apport libyque non négligeable à un fond religieux imprégné de conceptions puniques.

-

-

Si Pon passe aux pratiques mêmes du culte funéraire, et à la traduction concrète des rites constituant ce culte, on y trouve la meilleure preuve gue, au-delà de I'ensevelissement et des précautions matérielles et magiques qui y sont liées, les Africains entretenaient avec leurs morts des relations régulières, fondées non pas exclusivement sur la clqinte, mais aussi sur la confrance. La plus simple de ces pratiques, c'est le dépôt d'offrandas auprès du tombeau. Le doute sru la nature de ces offrandes (offrandes alimentaire.s ou sacrifices) n'est plus permis : ce sont des sacrifices déposés à I'extérieur de la sépulture, en des endroig prévus et aménagés pour cet office, endroits que I'archéologie a pu parfois retrouver : autels de pierres, stèles plaquées contre les monuments, bras et antennes, niches, tables de sacrifise et plates-

formes extérieures'. Nous avons d'aute part déjà sipalé, plus haug le souci chez les anciens Africains de donner une orien78. S. Gser-r., Eistoire..., YI, p.264; G. Ceues, Monaments..., p. 522, n. 8; p. 525, n 1. 79. A. M. Brsl, a Influe."e puniche nella religione libica : la gorfa di Kef el Blida >, Studi e materlall dl gorta delle rcllglont, 1966, 37, p. 85-112.

80. G. Carws, Monunents..., p. 544-546. Ce culte s'qt maintenu chez les premières communautés chrétiennee d'Aùique; voir V. Sunn, 7æ liturglque et quotidlenne à Carthage vers Ie milleu da ruu slècle, Cité du Vatican, 1969, p. 28+308.

tation vers le soleil levant à tous les éléments servant au culte, et le choix de motifs solaireso soit qu'ils représentent directement le soleil, soit qu'ils l'évoquent par le symbole du lion, pour la décoration des monuments. Ce désir de lier I'un à I'autre le culte funéraire et le culte solaire s'explique sans doute par le rôle que les Africains, comme tant d'autres peuples, ont assigné au soleil. Celui-ci, en effet, par ses < renaissances quotidiennes >

et ss < régénérescences saisonnièrss " r, se prêtait bien à symboliser f immortalité. Et c'est cette fonction qui en fait fa[ié naturel du culte funéraire, l'imagerie funéraire se caractérisant par une évocation obstinée et confiante de la vie ". Ce symbolisme, issu semble-t-il du vieux fond libyque, se maintiendra, et, comme bien d'autres éléments que nous avons dégagés, nous les tetrouverons, à peine modifiés, accolés au nom et aux fonctions de Saturne. Dernie$ traits en liaison avec le respect africain des morts, les manifestations bénéfiques de leur puissance. Ces manifestations bénéfiques sont de divers ordres ; il arrive que le mort se manifeste par les conseils qu'il donne en rêve à ceux qui viennent le consulter : c'est le rite de l'incubation, rapporté par Hérodote aux Nasamons " et qui consiste à se coucher sur le tombeau des ancêtres pour demander des indications sur l'avenir *. Ce rite a traversé les âges et snest maintenu, notamment chez les Touaregs au Saharas, ainsi qu'en d'autres régions où il s'est fondu avec le culte des grottes'u. Un détail archéologique

permet peut-être de confirmer les indications d'Hérodote : la < chapelle >, orientée à I'est, qu'on trouve sur un nombre impor81. G. CaraPs, Monaments..., P. 556. 82. I. A. fuctlrloxo, Archaeology and the Atter-lîIe in Pagan and Christian Imagery, London, 1950' p. 25 et s. 83. llÉnooore, IY, 112. 84. Iæs Augilae, tribu saharienne comme les Nasamons, avaient aussi coutume, d'après Potupomus MeLe, I, 46, de consulter les morts. Cette pratique n'est d'ailleurs pas propre à cos tribus. Voir Bouctd-Lacrrnca, Histolre de la divînation dans I'Antiquitê, Paris, 1879, I' p. 289 ;

G. Ceups, Monuments..., p, 557-559.

85. M. Revoesse, Monuments funéraires préislamiqaes de lAfique du Nord, Paris, 1950, p. 33. 86. E. DoumÉ, Magie et religîoh, p. 412; M. Besser, Culte des grottes, p. 61. 284

L'qtclcnne rclielon Ubgte

tant de monuments funéraires divers, principalement daûs les régions pr&ahariemes et sahariennes 8?, peut être considérée comme le sanctuaire où le consultant s'enfermait pur interroger le mort. Le mort peut aussi manifester sa bienfaisance en communiquant nne part de sou caracêre sacré aux lieux qui entourent sa tombe, surtout lorsqu'il a joui, durant sa vie, de quelque considération en raison de ses qualités. Enfin, le culte funéraire, en s'appliquant avec un particulier éclat aux rois défunts, se chargea d'une importance politique. Certes, la question du culte royal, en particulier chez les Numides, n'est pas simple. Ainsi, G. Camps a cherché à montrer * que,

malgré les multiples témoipages d'auteurs chrétiens e et les quelques inscriptions puniques ou latines qui semblent y faire allusion, il n'est pas du tout str que les rois numides, et principalement Nlassinissâ, aient été I'objet d'un culæ de leur vivant, ou qunils aient été divinisés après leur mort. Peut-être convient-il d'être plus circonspect et de ne pas négliger futilité politique de cette pratique : les tombeaux des rois et le culte qu'on leur rendait pouvaient, par leur imlrcrtance (exemple : le Medracen), jouer un rôle unificatelu non négligeable. C'est ce même rôle que jouaient aussi les vastes nécropoles, où le rapprochement des morts servait peut-être à maintenir funité des vivants 6. De ce rapide survol de la plus ancienne religion libyque, nous pouvons surtout retenir deux enseignements : le premier, c'est

87. G. Ceups, < Iæs Monuments à niche et à chapelle dans la protohistoire nord-africaine >, Congrès préhist. de France, XVI" session,

Monaco, L959, p. 31-38. Ces moûuments se trouvent à Germa dans le Rezzan, mais aussi au sud des Nemeacbas, dsns le Tafilalet et jusqu'en

Maurétanie (mausolée d'el Mreiti). On vient d'en découvrir dans les Djedars (uavaux inédits de Mlle Rhadia). 88. G. Celps, Masslnissa..., g. 279-295, fait le point de la question.

89. TEnmlrran, Apologeticus, 2/4, I ) Mn{ucn s Fw.u,, Octavius, 2L, ; Serrr CypnruN, Qaod idola dii non sint, 2 i Lec"raNca, Institutiow divines, I, 15, 6. Notons chez Tertullien un certain flottement : dans Ad nationes, II, 8, 4.5, ce r'est pas le culte des rois qui est cité comme 9

caractéristique des Maures, mais celui de Varsutina90. C'est le rôle qu'ont aussi joué les marchés à l'époque romaine et les souks à l'époque musulmane : curieusement, ces lieux de rensontre traditioonels occupeût de siècle en siècle, les mêmes emplacementt :

G. Cuurs, Monuments.', p. 564.

que la quasi-totalité des rites que nous avons examinés sont le conctet, et s'intègrent tout natuquotidienne des populations africaines ; rellement dans la vie rites, quand il ne s'est pas que ces chacun de le second, c'est gerne porter les principales direcquel, en semble maintenu tel que nous ne Cette continuité, ultérieure. évolution de son tions faisons ici que soupçonner, nous allons en trouver la preuve dans I'examen d'un nouveau stade de la religion africaine, celui où apparaissent les divinités à caractère individuel.

étroitement enracinés dans

2

Divinités indigènes

Un certain nombre de divinités étrangères au panthéon grécoromain classique ont été vénérées en Afrique. C'est principalement l'épigraphie, et l'épigraphie latine, qui nous fait sonnaltre leur existence et leurs noms. Mais, dæ auteurs comme Tertullien, Arnobe ou Corippe en nomment aussi quelques-unes. Ces divinités se caractérisent par le fait que, d'une pafi, elles portent des noms inconnus hors d'Aftique; d'autre part, chacune d'elles n'est attestée qu'en un seul lieu. Pour cæ raisons, et dans la mesure où aucune autre précision ne pennet de leur assigner une origine différente, on les considère gén&alement comrne des divinités locale,s indigènes r. Il faut noter cependant, avec Gsell r, qu'il n'est pas exclu que, dans la série de ces dieux, certains aielrt été introduits par des barbares venus d'autres parties de I'Empire, par exemple des soldats des unités auxiliaires 8.

1. J. TourerN, Les Cultes,.., I, 3, p. 37-45; S. Gsu.l, Histoire..., YI" G. C. Prcmo, Religîons...,9. 22-25. 2. S. Gsrr,r, Hlstoire,.., VI, p. 138. 3. Citons le cas de Medaurus (CIL, VIn, 264A 2581, Iambèse), qui est le deus patùtrs de Risinum en Dalmatie. M. Iæglay le range par eneur

p. 135-140;

au aombre des divinités africaines (Sat. at. Hlst., p.93, n. 6).

Eknt donné la dispenion de

ces dieux dans

o

le

temps et

et l'absence apparente d'homogénéité dans leur groupe, il est difficile de les classer rationnellement, sinon par des caractères purement externes. Nous tenterons toutefois, pour clarifier les choses, d'introduire quelques distinctions entre divers groupes. I'espace

I.

Divinités locales

tr y a tout d'abord

certaines divinités qui semblent très pré-

cisément attachées à un lieu donnê, soit isolément, soit en groupe.

Ce sont

:

a) læs dieux attachés à des grottes ou cavités et qui continuent exactement, sous une forme à peine modifiée, I'ancien culte africain des grottes sacrées :

-

Bacon, dans

le djebel Taya près de

Guelma

o

;

G.D.A., dans le Chettaba près de Cirtau; Uru, sur un rocher à l'est de Cirta'.

b/ Des dieux qui forment groupe et semblent constituer le panthéon d'une localité : 8, les dii Magifae, près de Theveste qui sont au nombre de cinq, et portent les noms de Masiden, Thililva, Saggan,lesdan et Masid.dica'; le nom de Magila désigne vraisemblablement la localité à laquelle ils sont attachés; 4. Notons toutefois qu'on t'en connalt pas encore en Tingitane. 5, CIL, VI[I, 1882E-18857. Bacax pourrait être, d'après une suggestion de M. Janon (communication inédite), un dieu présidant aux déplacements des troupeaux estivant dans les alpages du Chettaba ou marchés entre citadins et montagDards.

6. CIL,

vlrl,

à la tenue

de

6267-6302.

7. CIL, VUI, 5673 (cf. 19107). 8. ClL, Yill, 16749:' lLAl, 2977.

9. Iæ.s formes que nous donnons sont celles du nominatif, telles du moins que nous pouvons raisonnablement les déduire des formes figurant sur la pierre, qui sont celles du génitif, ou, ailleurs, du datif. Sur ces dieux, voir lnlra, p.297. 288

Dîvlnités lniltgènes

un groupe de trois dieux, à Henchir Ramdane, qualifiés de-Dii Mauri et appelés Fud,fua, Vaatnwn et Varcisr0; Vaga, un petit panthéon de sept dieux : Maqtrtun, - tr àgran, Mac V ihinnn, B onchor, V arsissima, Matilatn, Iu,narn, rt. Parmi ces norns, deux au moins ont semblé libyques (Maqurtæn et Macurgum) et deux puniques (Matilam et Bonchor). Un autre nom, celui de Vusissima, est voisin de celui de Væsis que nous avons cidessus. 11 fait aussi penser à Varsutîna, qui est cité par Tertullien * comme une divinité caractéristique des Maures, au même ttte qu'Atagotis pour les Syriens, Caelestls pour les

Alri;

enfin, læ dii IngirozoglezimrE, si du moins ils existent et ne sont pas une faute de l'ordinator ou du lapicide.

-

IL llteu

isol6s

Le deuxième groupe est constitué par une série de dieux isol&, connus par de brèves dédicaces : Mathamodis, dats la région du Kef, à Masculula "; - Mowta, ù Thignica 15 (Ai! Tounga) ; - Iôcolon, ù Naraggaru le dieu est qualifré de deus '"; - par le dédicant, M. Mevius Romanus, cornes AugftÆtil patrius

n(ostrî) vir egr(egius), dont on ne connalt malheureusement pas

t0. CE, Iy'lfi, 1U44. Nous verrons plus loin co que sont læ Dit Mauri. A. MeRLrN, in CRAI, 1947, p, 355-371; J.G. FEvrunx" rn BAC, 1949, p. 649; G. Caurs, < IJlnscription de Béia et le problème des Dii 11.

Mauri >, RA!, 1954, 98, p. 234-260. 12. Tlnrurr,rrN, Ad notlones, II, 8. t3. CIL,WII,20627, Bordj bouArr&idi :Nundbu / Arnu quod / praecepit / lovis et Iu / ba et gmlus / Yanlsnesi / Qaod proecepe I natt dii Ingl / rozoglezlm. Il s'agit donc d'une foire annuelle placée eous la protection des dieux qui l'ont ordonnée : Jupiter, tuba, le génie du lieu, les dil Ingtrozoglezhn. 14. CIL, V[], 15779 : inscription funéraire d'une prêtrecse de cette divinité, Sisoi, fille de Missunia. 15, 16,

cIL, Vtrr, 14911. cIL, VIU, 16809 (- ILAI, tt8/,). zqe

la patrie. Ce renseignement nous aurait évidemment permis de savoir si Iocolon est ou non un dieu africain"; llsss, au nord de Naruggara" : le dédicant, L. Lepidius Primulus, est un prêtre qui s'acquitte d'un vcu en posant un autel à I'endroit où a eu lieu son initiation; Chalimace (datif), à Madaure'" : le dédicant, Virtius associe sa famille à I'accomplissement de son væu; Florentius, Datnio, à Madaure également', le dédicant C. Iulius Victor, porte le titre de canîstaduq Cest-à-dire qu'il porte les corbeilles contenant les offrandes Et les objets nécessaires au sacrifice; il est en outre probablement originaire de Thugga.

Iæ nom de Damio a été rapproché de celui du mouton (darnan) de même que nous connaissons le dieu bélier, nous aurions 1à z

un dieu mouton o' ; Lîlteo (datrf), à Madaure aussi'n : la dédicace est faite pour le salut de Sévère Alexandre, par C. Licinius Cronha (?)' prêtre de Caelestis. Nous avons déjà sigpalé la tentative d'interpréter ce dieu comme un dieu eau, en raison de la similitude entre son nom et celui de l'eatt (Iilu)u; Cillenus, à Timgad'n, est qualifié de patrius daas. N'a-t-on - ici, plutôt qu'un dieu indigène (dont le nom aurait une pas coosonuoôe très romaine), une évocation de Mercure ? On sait que celui-ci est parfois appelé Cyllenius et que cette épithète là qualifre fréquemment en poésie, en particulier chez Virgile et ôvide. En Afrique même, Cyllenius est épigraphiqu€ment *. Certes, attesté dans I'inscription métrique des iuvenes de Saldae 17. Au sujet de Mevius Romanus, voir H. G. Pnr'euu, in AE' 1966, 495. ILAI, ll79). 18. cIL, VtU, 16759 peut€tre Chalimage. Iæ nom a une cotsonance 19. ILAI, 2034 grecque qui rend hypothétigue son origine africaine'

(-

;

20. ILAI,2036. 21. L. Ior-eeuD, 22.

Hilleo.

CIL,

VïI,

it

tSA, 1933, tI, p. 197-282 Q55'256). (= ILAI, 2053). Lecture peu stre; peutétre

4673

23. Voir L. JouauD, loc. cit, Yoir suqa' n 2i15. 24. RSAC, 1901, )OOfly', p. 264 (- AE, 1902, 225). 25. L. Lrscrn, Etuiles atrlcalnes, p. 349-360.

290

Dtvbzltés httilgèrær

femploi de cette épithète poétique e"st utr peu su{I,renant, bien que nous sachions que Mercure est un dieu fort populaire en Aftique, où i[ s'est chargé de diversæ fonctions, notamment celle d'intermédiaire entre le dédicant et les divinités æ. Si Cillenus représente Mercrue, oû ne saurait le nettre sur le même plan que les auûes dieux locaux africainss?; Montiw, à Timgad aussi * : la dédicace est faite par Crementius Mespfyl. Rien n'indique qu,il s'agisse vraiment d'un dieu indigène, ni le nom du dieu ni celui du dédicant; es

Motmanitu, à Lambèse : le dédicant, Q. Manlius Victorn est-un centurion de la III Augusta, ce qui n'est guère surprenant

à Lambèse. Iæ dieu Motmanius n'est pas nommé seul : il est associé à Mercure. La profession du dédicant et la présence de Mercure suffisent-ellæ à assurer le caractère africain du dieu ?

Aulîsun,

à,

Pomuia (Ilemcen)

- : les dédicace.s sont faites

- des officiers, peut4tre des exploratores par

pomarienses,

ld.

encore, on ne peut affirmer avec certitude qu,il s'agisse d'un dieu

africain.

III.

Noms th6ophorcs

On peut enfin citer quelquæ divinités dont nous ne savons pas grand-chose de précis, et dont le nom même n'est parfois connu que d'une façon indirecte, à la faveur d'une particularité de I'onomastique libyque. C;elle-ci, en effet, utilise parfois directement cotnme nom propre le nom d'une divinité n, Cest-à-dire 26. S. GSELL, Histoire.,., fV, p. 330. 27. Notons aussi que le nom de Clllenius est porté par un évêque contemporain de saint Augustin (Eptst,, CCXD(). 28, BAC, t907, 9. ?117, 29. CIL, VIII, 2650.

30. CU,

VIII,

9906-9907

; I'inscription 2t704,

dédiée à Aulisua, a été

trouvée elrtre Albulae et Pomarîa. 31. J. G. FlÉrruEn, < Que savons-nous du libyçe ? >, RAî, 19j6 g p. 268 ; G. Cmæs, Massdnissa..., p.29O-291; G. Herrr, < LlOnomastiquo punique de Carthage >, Karthago, 1963-1964, XII, p. 8l-83, en relève aussi des exemples dans I'onomastique punique.

qu'un nom propre libyque theophore peut être absolument iden' tique à un nom de divinité. G. Camps fait justement remarquer que, même sur les bilingues libyco-puniques, le nom punique Abdeshrnun (serviteur d'Eshnun) est transcrit en punique par s. Cette habitude se trouve SMN, c'est-àdire Eshmun tout court o, confrrmée par le cas suivant : le nom d'un des dieux de Magifa Suggan, se retrouve comme nom prople dans un passage d'Ammien Marcellin - relatif à la révolte de Firmus, où il désigne le chef des Mazices *. De la même façon, il est possible, d'après G. Camps *, ilue les noms d'Iemsal et de Masgava aient désigué un€ à la foiq des divinités et des rois : Iemsal est nommé sur *. Bien inscription de Tubusuptu"' ; Masgava, près de Dougga qu'orr connaisse un fils de Massinissa portant ce ûom ", il est peu vraisemblable qu'il soit le dédicataire de ce texte, cat, ômme le dit G. Camps, rien ne pourrait justifier la déification de ce personnage dépourvu de toute importance. L'existence éventuelle d'un dieu luba est plus difficile à établir. On sait, a et Lactance 4 citent nommément certes, que Minucius Felix Juba parmi les rois divinisés adorés par les Maures, et que le nom de Juba figure sur une inscription de la région de Bordj-bouArréridj * aux côtés de Jupiter et d'un genius local. Mais cela ne

32, G. Cenps, Massinisw..,, 33. ILAI,r,2977.

p. 290i RIL, 2 et

3.

34. AeaaBr Mâ.ncElt-IN, XXIV, 5, 21. 35. Voir cepeodant les réeerves de L. Glrllrp, in Revue interrutionale tonomastique, 1964' P. 131. 36. G. CeraPs, Mosinîssa..., P. 285. 37. CIL,

il

VIII,

E834.

Il

ne peut s'agir d'une dédicace au roi Hiempsal,

est d'usage, lorsque I'on s'adresse mentionner son titre roYal.

car

à un roi

même divinisé, de

38. CIL, YllI, 274t1. 39. Tire-Lrw 45, 13, 12. On connalt d'autre part un Masgabes (CIl' Vm, 2?490) et un courtisan d'Auguste à Capréc qui s'appelle Masgaba (SuÊrom, Yîe, Aag., 98, 6-7). Masgava est considéré coûune une divinité aussi bien daas le lemme de CIL, VïI, 27431, qtrc dans S. GsELt, Histolre..., Y[, p. 131, n. 4. 40. Mrnucrss Fztlcr', Octavlus, 21,9 z Post moilern deos tlngitts, ut 1.,.7 luba, Maurts volentibus deus es|. 41. Lecrexcg, Institut. dîvin., l, 15, 6 : Mauri reges suos lconsecra' verunt.,.l i Maurt lubam lcolueruntl.

42. CIL, Ir'III, 20627.

292

Dtvbûtés btdlgènes

suffit pas à prouver que Juba ait pu être un nom de dieu avant d'être un nom de roi. Ce qui peut paraitre plus déterminanÇ Cest I'extension géographique et I'emploi fréquent 6s çs rro6 ainsi que de quelques autres noms qui en dérivent peut etre a. Faut-il croire que ces noms gardent et transmettent le souvenir du studieux roi Juba, plusieurs siècles après sa mort ? l{est-il pas plus simple de considérer que ces nomsn ainsi que celui du roi lui-même, doivent leur origine à une divinité dont les Africains ont conservé partiellement le sulte durant l'époque romaine *. Mais il n'y a là bien entendu" aucuûe certitude *. tr y en a moins encore à propos de Massinissa. Ni la mention chez Ammien Marcellin * d'une tribu de Massûrcnses près de Petra, sur la Soum6am, ri la restitution très douteuse de ce nom sur un texte d'Abizatq te suffrsent à attester l'existence d'une divinité à laquelle Massinissa aurait

dt son nom.

Nous pouvons noter aussi, à propos des noms théophoresn que d'autres personnages, n'apparænant pas aux famillæ royales, semblent aussi avoir porté des noms qui sont des noms de dieux. Ainsi, les noms de deux au moins des divinités de Béja, Maqwtam et Macargurn, se retrouvent dans l'onomastique libyque avec MGRSN et MGRKN, le G libyque étant normalement transcrit *. De même, une sêle à Saturne provenant courme un C en latin d'Henchir-es-Srira (entre Kairouan et Kasserine) porte les noms Magu . cum Fortunatus ; il faut probablement compléter le pre43. ILAI, 1831, Thubursicu z Postwnia Urbica tubae tilla; CIL, YTII, 11247 (Byz.aeÀre) : tund.us lubaltianends; Frorhdn, fV, 5 : Baniabse (Tingitane); Amanu MARcBtÆ{, )O(D(, 5, 4 t tubalens natio (dans les

Bibans).

A

propos de la tubalena natîo,

il

faut aoter que

f.

DesANcEs,

Catalogae, p. 56, ne rapproche pas ce nom de celui de luba mais de celui dæ Gebalusli, tribu dee Babors.

44. G. Ceræs, Mass'lnissa..., p.292. 45, J. Bowg, < Un oouveau portrait de Juba II à Sala >, BAM, t966, Vl, p. 106, croit que le cultc des rois maurétaniens a pu durer jusqu'au rv" siècle et justifie ainsi la présence à cette date d'une statue de J'.rba à proximité d'un < æmple maurétanien, d'ordre ionique et couroûré d'une corniche à gorge égyptienne, construit très probablement au ru' siècle avant

J.4.

u 1p. 104).

46. AmaBn Mencru.n{, )O(IV, 5, 11. 47. CIL, YW 2fil3l z Tabla deo Masi.,. Rien n'indique que I'on doive

lire

Maslnissa.

48. J. G. FÉvnnR,

RAfi

L956,

C, p. 268. D?

mier en Magu{r)cum€. Dautre part, le nom de Monna, pnrtê par une divinité de Thigrrica ô0, figure à diverses reprises parmi las cognomina africains o'. En se fondant sur l'exemple du nom de Suggen, qui est porté à la fois par un des dieux de Magifao', Pil E chef maure de la région de Castellam Tinginrutm*, et désigne aussi une montagne, le djebel Souggan*, G. Camps a déduit que les noms de divinités lnuvaient parfois servir de toponymes ; aussi suggère-t-il gue les noms de Ballene Proesidium fl'Hillil, à I'ouest de Relizane) et du chef mazique Bellenen' proviennent peut-être o'. Autre exemple, celui de Gilva, tous deux d'un nom de divinité qui désipe un petit centre de Césarienne, de localisation incertaine o', mais qui apparaît aussi à Guelma, coûrme une divinité, !6. Le texte de f inscription portait associée ou assimilée à Tellus en effet Telluri Gilvae et I'on ne peut savoir s'il s'agit de deux 60. On ne peut faire divinités distinctes ou d'une divinité mixte qui s'imprudence la avec plus que mentionner ces hypothèses, 00. document autre de tout pose, étant donné I'absence

49. C. Heurec@un, in MEFR, 1909, )O(IX, p. 372 et s., no 25. Le M. Lwttu, Sat. af Mon., p. 3L4. rapprochement avec le dieu Macurgum a été fait par 50. 51.

crl, v[I,

14911.

CIL, VIII, 9016, 11256, 21262, 21709 (rapprochement avec Ie nom de Monnica). Voir aussi le nom théophore Bacax : CIL'VI'fi"'14AO (Bacques) | CIL, Ylfl, 20702 (Bacquaxs). 52. tLAl, 2977. 53. Alaurcx MNceruN, )OfiV, 5, 21. 54. Bulletin de lAcadémie dEippone, 18E5, pl. I. Cette montagne est appelée djebel Doukane sur la carle de I'Algérie au 200 000u, f. )QOCD(, Cheria.

55. Arnnex MAnceLltN, )O(fV, 5, 17. 56. G, Ceups, Massinîssa..,, p. 291. 57. Gilva est localisé à Misserghin ou à Mersa Madakh (tbid', n' 904). 58. CIL, Vm, 5305 i ILAI, 23?^ 59. S. Gser.r, Histoire.,., VI, p. 139, n. 3. 60. Peut-oo rapprocher Gilva du dieu Gilo qui apparalt Eur un ex-voto néo-punique de Tuoisie (S. Gsau, Histoîre..., YI, p. 137 et n. 4) ? 294

Divtnttés lndlgènes

IV. La placo de s

dtvlnités

L'existence de ces divers groupes de divinités pose un pro: quelle place faut-il leur faire au sein des manifestations de Ïesprit religieux berbère ? En d'autres termes, à quels élê ments de I'ancienne religion libyque faut-il les rattacher ?

blème

A première vue, c6 divinités ne se distinguent guère de I'autre variété que nous avons déjà envisagée, celle des génies topiques attachés à une montagne ou à une gloffe, à une source ou à un fleuve, à un arbre ou à un lieu quelconque où s'est manifesté le sacré. On peut même penser que les divinités à noms indigènes et les génies topiques ne constituent en fait gu'un seul et même E1oupe, et que la seule différence réside dans la façon dont on les noqme : les uns en effet portent un nom indigène, plus ou moins bien intégré dans la déclinaison latine, les autres n'ont pas de nom particulier et sont désignés par une épithète géo-

gxaphique (genius de tel ou tel lieu) u' ; G. Picard va même plus loin dans I'assimilation lorsqu'il déclare, à props des divinités

qui portent un nom indigène : < On a I'impression que, dans bien des cas, il ne s'agit pas de noms à proprement parler, mais d'épithètes topiques désignant le dieu de telle montagne, source ou grotte, c'est-à-dire le genius locl', personnification à peine

ébauchée du sacré du lieu o. > Il faut cependant reconnaltre qu'auctrne preuve tirée de I'analyse des noms de divinités ne vient appuyer, dans le texte cité, cette déclaration, que fexistence d'un panthéon organisé cotnme celui de Béja rend peu vraisemblable. Il nous semble préférable d'accorder une certaine autonomie aux dierx indigènes par rapport aux génies locaux et de ne pas établir enue eux des liens de filiation trop rigoureux. Diverses raisons justifient cette prudence. Tout d'abord, les génies locaux qui sont honorés en Aftique ne sont pas tous nécessairement et exclusivement africains d'origine. Certes, nous avoilr vu plus haut que le caractère sacré d'un

61. J. Touranv, Les Cultes..,, I, 3, p. 3745, dresse une Iste des dieux africains qui ne fait aucuûe distinction entre gerdrs et dieu proprement

diL 62. G.C. PrcAnu, Relicrow.,,,

p. 24.

lieu peut se maintenir de siècle en siècle et s'intégrer aux diverses religions qui dominent successivement une région. Mais nous devons aussi noter que la religion romaine, qui a une nette propension à doter tout lieu d'un génie, a pu, en cette matière, prendre des initiatives et créer, en des lieux auparavant non marqués par le sacré, le culte de génies nouvealur, ne devant rien à ceux des indigènes. Mieux vaut donc, malgré le caractère purement topique des uns et des autres, ne pas mêler les deux gfoupes, puisque seules nous intéressent ici les formes religieuses africaines.

Dautre part, il existe entre les deux groupe.s des différences sensibles. Alors que les géniæ topiques restent le plus souvent

anon)mes et relèvent plutôt d'une religion encore balbutiante, les divinités indigènes s'apparentent par quelques-uns de leurs traits aux dieux gtéco-romains classiques. On sait en effet que la religion primitive se caractérise par I'absence de toute forme de culte organisé. De par la nature même da genius, qui n'est en réalité qu'une force mystérieuse attachée à un lieu précis, il n'est pas nécessaire, ni même possible, de donner à ce génie une représentation par une image ou une statue. La fonction de ces représentations serait en effet d'assurer à ce génie une ubiquité que, par définition, il ne possède pas. De même, on n'a nul besoin de I'enfermer dans un temple, ni d'avoir recours à des prêtres pour s'adresser à lui : le fidèle, qu'il agisse en son nom ou au nom du groupe dont il fait partie (famille, clan, tribu), entre en rapport directement avec la divinité à qui il vient apporter son offrande. Or les divinités africaines que nous étudions possèdent au contraire certaines des caractéristiques propres aux formes évoluées du culte : représentations, temples ou autels, prêtres.

l.

Les représentatiow et le panthéon d.e Bêia

Une image anthropomorphique du dieu lfru figarc sur un @. Autour de la tête dnllru, on a rocher à I'est de Constantine cru voir des rayons, qui ont été interprétés comme des rayons solaires, ce qui permettait de croire qu'il s'agissait d'un dieu 63. CIL, 296

Vm,

5673 (cf. 19107).

Divittttét tndleèncs

solaire'4. Mais cette interpiétation est aujourd'hui abandonnée 6.

L'image d'Ifra s'accompagne d'une inscription latine dédiée par un Africain romanisé, portant le nom caractéristique de C. Iulius Crescens.

Sur f inscription des dii Masilae *, le dédicant Q. T. Politicus mentionne qu'il a offert aux cinq dieux dont il cite les noms dæ simulacru, c'est-à-dire des effigies, dont nous ne savons rien de précis. Plus éclairant est le cas du panthéon de Béja. Le bas-relief de Béja repr6ente sep divinités dont chacune est frgurée avec un attribut qui lui donne sa personnalité. La disposition générale de leur groupe, et la place que chacune occupe au sein de ce groupe, n'sst peut4tre pas non plus sans importancen car il y a une évidente recherche de syméfrie. Aux deux extrémités, debout derrière leur monture, deux cavaliers . Macurt@n et Iuram. Au centre, qui est chez les indigèner africains la place d'honneur *, trône Bonclnr, teûant à la main une sorte de bâton. De part et d'autre de Bonchor, deux déesses, revêtues toutes deux d'une sorte de lourde chape brodée : I'une æt Vihînam, qui a dans la main un objet ressemblant à un croissant qui se referme; I'autre esL Vçsissima. Enfin, entourart cæ deux déesses, figurent d'rm côté Macurgurn, appuyé sur un bâton entouré dnun serpent, de l'autre Matihrn, aux pieds duquel

t,

est représenté le sacrifrce d'un béliea

Le bas-relief de Béja, grâce à fimage qu'il donne de ces divinités, et au rapport qu'il semble établir entre elles, permet de se faire une idée moins vague de leur nature et de leur rôle, sur lesquels nous pouvons en effet hasarder quelques hypothèses et quelques rapprochements. Les deux cavaliers Macurtam et

64. S. Gsrr.q Hisloire.,,, I, p, 249, n, l. 65. Ibîd., VI, p. 136, n, 9 ; p. l4l, n.2, 66. ILAI, 2977.

67. A. MeRLrN, in CRAI, 1947, p.355-371; J.G. FÉvnren, in BAC, 1949, p. 649 ; G, Ceuns, RAf, 1954, p. 234; l. N. Lnvrenr, < Cultes septénaires en Afrique du Nord >, Actes du 79 Congrès national des soctétés sovontes, Alger, 1954 p. ?-07-236; A. Maruounr" La Région de Béia dans fAntiquité, thèse dactylogrêphiée, Paris, 1961, p. 90 et s. 68. On se souvient de llncident rapporté par Ser.rusre, BeIl. lug., Xl.



Iunam peuvent faire penser aux Dioscures t' : comms eux' en effet, ils sont deux, cornme eux ils sont figurés avec leurs chevaux, comme eux ils forment un groupe symétrique encadrant d'autres divinités. Mais si I'on admet cette ressemblance, on est amené à se demaûder comment le couple des Dioscures a pu s'intégrer dans un $oupe de divinités indigènes. C. Saumagne 4 {mis à ce sujet une hypothèse ingénieuse, fondée sur les rap ?0, qui unissent ports étroits, allant parfois jusqu'à la fusion totale lune d'autre en Afrique les Dioscures d'une part, le soleil et la ?1. familier et Lune, part D'après lui, le couple des dieux Soleil aux fidèles africains, a été contaminé par le couple des Dioscures, dont la représentation est répandue dans tout le bassin méditerranéen. Si bien que les Dioscures ont finalement servi à exprimer le soleil et la lune. Cette identification semble confirmée par un détail du bas-relief de Béja : Macurtam, tetant un objet ressemblant à une lanterne, serait le dieu-soleil; funam, dont le nom est une déformation possible de Luna(m), ne serait autre que le dieuluneo < cavalier de la nuit >. Ainsi donc les deux cavaliers de Béja seraient bien autre chose que de simples divinités topiques; ils représenteraient au contraire, par la double identification à laquelle ils se prêtent, Iaboutissement d'un processus de fusion entie dieux africains et romains, qui mettrait en lumière

la vieille religion africaine à des modèles s'en faut de beaucoup malheureusement qu'on puisse considérer ces conclusions conrme assurées ; elles reposent' en effet sur une hypothèse qui ne I'est guère. Macurtam et Iunam

la

perméabilité de

importés *. Il

69. A. MenI-IN, in CRAI, 1947, p. 355-37t; G. C. Ptceno, Religions.'., p.23-24; M. Lrcr.av, Sat. af. Hlst,, p. 229. ' 70. Cette contamination est visible sur une stèle à Saturne située à Timgad (M. Lpcr.ev, Sat. al. Mon', Il, p. 146), où les deux peÉonnages

qui entourent Saturne ont en même temps les attitudes et les attributs des Dioscures et de Sol ct Luna. 71. C. SeulreonB, in B^91F, 1948-L949, p. 215'220, 72. Cette interprétation pourrait être renforcée par un nouveau document : il s'agit d'une dédicace pour le salut de la famille de Septime Sévèro, adressée aux (Ddis) Mauris Castorîbus Aues. Dêià signalé par A. Mahjoubi dans sa thèse inédite (La Région de Béla dans l'Antiquité, Paris, 1i61), ce texte est publié par A. BsscnAoucu' Mustitana. Recuell Karthago, 1965-1966, XIV' des rtouvelles înscriptions de Mustis,

| (=

no 15 29r

=

AE,1968'

590).

Dlvffités

lrllt lgèrus

ûe sont connus nuue part ailleurs, ni comme substituts des Dioscures ni coûlme incarnations du soleil et de la lune. On ne peut donc, p,our les interpréter, les isoler du groupe dont ils lont partie. A moins de croire que ce groupe est dépounnr de cohérence et que la réunion de ces dieux nna pas de sens, il faudrait

pouvoir propûnr pour chacun une interprétation concordante. Or ce n'est pas le cas. Iæ dieu qui a été mis au centre, Bonchor, occupe, < dans cet Olympe, la place de Zeus dans celui des Grecs æ > ; s'il tient dans la main gauche une espèce de gros bâton, il n'a aucun attribut déterminant de Zeus, et son nom n'incite guère à I'identifier au roi des dieux. Bonchor est, en effet, un nom punique ?{ : il représente la conftaction de I'anthroponyme courant Bodmelqarl qui sienifre < dans la main de Melqart ). Pourquoi une divinité qui est supposée être l'équivalent de Zeus porte-t-elle un nom qui est uniquement connu jusqu'ici comme un nom d'homme, et qui indique en outre une étroite dépendance par rapport au vieux dieu tyrien Melqart æ ? S'agit-il d'un homme divinisé ? Cest possible, même si, comme nous I'avons w plus haut, la divinisation en Afrique est moins frâ quente qu'on ne le croyait jadis. Mais alors, on ne comprend pas comment un homme divinisé, portant un nom punique, a pu devenir le maitre d'un groupe de dieux où figurent aussi des dieux libyquæ, et où I'on a cru même reconnaltre les Dioscures. Il y a là une hétérogénéité qu'il convient de noter. Dautant plus que, en dehors des noms déjà analysés de Macurgum et de Macurtam, le nom de Bonchor n'est pas seul à faire difficulté : Matilam est aussi un nom qui renvoie à I'onomastique punique. On connaît en effet les noms lv[TL '6 et MTLT o, eui sipifient peut-être respectivement : fhomme de Fr- (: le dieu) et Itomme de ELAT (: la déesse) æ. C'est donc, une nouvelle 73. G.C. Plcmo, Reiiglons..,, p.23. 74. l.G. Ffivnrn, iî BAC, L949, p. &9-651; cf.

Boqcp sur

une

inscription trilingiue de Lepcts Magna (CIL, VfiI, 15 = IRT, 654). 75. G. H.errr, < L'Onomastique punique de Carthage >, Kafihago, 1963-1964, XlI, p. 95 Glus de 800 références pour l'aothroponyme Bodmelquart). Sur la nature du dieu Melqart voir lbtd., p. 66.

76. C15,30141, 4878.

77. CrS, Æ75.

78. J. G. FÉvarE& loc. clt., p. 661

; G.

HAr,Bp, loc. clt.,

p, 214.

fois, un nom d'homme appliqué à une divinité. Cependant, Matilam a une caractéristique peut-être éclairante : seul de tous les dieux figurés sur l,a stèle, il préside au sacrifice d'un bélier qu'on égorge à ses pieds. I-a frfuuence du sacrifice du bélier en Afrique, les liens de cet animal avec la plus ancienne religion libyque sonme avec le culte saturnieû nou{i sont connus. Mais la présence de ce bélier suffit-elle à justifier le rapprochement entre le dieu Matilam et l'Ammon libyque, le Baal Hammon punique ou le Saturne romano-africain ? Sans doute pas, et l'on ne peut que partager les hésitations de A. Merlin, qui ne reconnalt aucun des attributs, aucune des attitudes de ces divinités'. Les autres figures de Béja ne se laissent pas plus aisément reconnaître, même lorsqu'elles sont accomPagnées d'éléments servant en principe à les identifrer. C'est ainsi que Macurgum serre dans sa main droite un voluntcn, et que sa main gauche tient le bout d'un bâton autour duquel s'enroule un serpent. Cet emblème fait évidemment penser à un dieu guérisseur; faut-il pour autatt postuler un lien entre Macurgum et les dieux e de la santé Eshmoun ou Esculape ? De même Vihinam porte un instrument qui semble se rapport€r aux opérations de fenfantement (un forceps ?), et elle a à ses pieds un enfant étendu se soulevant vers elle "!. Peutétre faut-il la considérer coulme une déesse de la naissance et des accouchements. Quant à Varsissimq o, soit avec les rapprochements de son nom' soit avec Varsis a, Varsutina Maurorunt même s'ils sont fondés, ne ûous avancent guère.

79. A. MeRuN, ia CRAI, 1947, p. 367-368. 80. Sur Eshmoun, voir en particuler S. Gserr" Histoire..., fV' p' 314322. Sur le rôle du serllent comme symbole, voir M. LeoteY, < Iæ Serpent et les cultes africahs >, Homrnages à W- Déonna, Bruxelles, 1957, p. rra-rsl. Si Macurgum est bien un dieu guérisseur, le votumen qtÎil porte contient peut-être des prescriptions médicales (hypothèse dc G. C. Prceno, Religions..., P. l4l). 81. L'objet est peut€tre aussi uûe couronne ou un gâteau-couronne (voir M. Lrcllv, Saî. of. Hist., p.395, n. 3). Vihinnm serait alorg une déesse de la fécondité féminine et de I'audelà' tenant la couronne d'immortalit6 pronrise à I'enfant. 82. CIL, VTI[, t4U4, 83, Ttsnnrrr.rgv, Ad nstlones, fr', 300

t.

Dtvtaltês tndtgètus

Ies divinités représertées à Béja forment donc un groupement odgtnal, qui ne relève direstement ni dæ traditions puniques, ni des traditions libyques, ni des traditions romaines, auxquelles pourtant il a emprunté des éléments. Nous n'avoûs pas réussi à comprendre ce que signifiaient ces éléments, et en verhr de quel principe ils ont été réunis. Mais nous trnuvons en tout cas constater que la religion dite libyque ne se laisse pas aisément réduire aux quelques rematques généralæ qui servent ordinairement à la décrire. Parmi les autres images de divinités indigènes, il faut eiter ensore les trois dieux d'Henchir Ramdane4, qualifrés de Dit Manr| qui sont représentés dans un décor semblable à celui du bas-relief de Béja. Par ailleurs, une statue anonyme de la région de Roknia, à proximité du djebel Taya, est peut4tre une repr6entation du dieu Bacaxs; tandis qu'un dieu porteur de cornes, ftouvé à Banas4 s'identifie peutétre à Gurzîlo.

2.

Temples

et autels

Outre les représentations, temples et autels traduisent parfois la piété des frdèles des dieux indigènes. Un seul temple semble attesté, celui qui frgure sur I'inscription dit Magifæ &. Il est wai qu'il ne doit pas être très somptueux si l'on en juge par son faible prix : il n'a cotté que 1000 sesterces. Et encore, cette somme a-t-elle servi à payer aussi les sîmalacra des cinq dieux æ. Mais on connait au moins deux textes mentionnant des (ara) des

it

V$I, 14444; G. Curaps, RAl, t954, p. 235. E5. G. SouvrLLE, c Divinité libyquc de la région de Roknia >, RSAC, 1953, I.XVIII, p. 209-213. 86. P. MonesuN, c Le Dieu au chef cornu de Banasa >, HesperisTamuda" 196t, fi, g, 337-344. Des staûrettes en bois représentant Gurzil 84. CIL,

sont mentionnées par Corurrus, Iohannîs, E" 404-4063 W 207. 87. CIL, f/Ifi, 16749| ILAI, 2977. 88. Les prix de revient des temples importants se situent enFe 5O fi)O et 600 Ofi) sesterces. Voir à ce sujet A. BoURcAREL-Mussq e Recherches économiques sur lAfriguo romaino >, RAt, IJO(V, p. 436.437 ; plus récemmenÇ R. Duncen-foxrs, c Cost, Outays altd sttnunac honorurlae from Roman Afrlca >, PBS&, 1964 )Ofrç p. {l-115.

autels: I'un est dédié à Haosu,l'autre a.Lilleo*, pil un prêtre de Caelestis, pour le salut de Sévère Alexandre. Notons çre dans lss deux cas, il s'agit de prêtres.

3. Les prêtres On trouve en effet dans nos textes mention de quelques prêtres,

mais la nature exacte de leurs fonctions n'est pas connue. Le texte relatif à Haos "1 comporte cependant des détails intéressan8. Il se présente ainsi : Haos Aug. Sæ./L. Lepidîus/ Primulus sa/cerdos ltoc/ Ioco initîa/ tus orarn/ posuit vo/ tum solvit/ dd. L. Lepidius Primulus, qui porte læ trîa nomina *, mentionne sa qualité de prêtre et élève un autel sur le lieu de son initiation. On est surpris de rencontrer, à propos d'une divinité qui n'est attestée qu'une seule fois et qui est parfaitement inconnue par ailleurs *, la mention d'un prêtre et d'une initiation. L'existence d'un personnel consacré au service d'un dieu, la nécessité d'une

initiation

qui

suppose

la

révélation

à I'initié de

certains

- supposent uue organisation cultuelle qui ne cadre guère avec- I'idée que nous nous faisions jusqu'à précent des dieux mystères

indigènes et de leur public. Si bien qu'on peut se demander si la prêtrise et I'initiation se rattachent bien au ctrlte de Haos. G. C. Picard prog)se de corriger le nom du dieu Haos en (DE)O S(ATURNO), et de considérer llnscription comme dédiée à Saturne s. Cette correction n'a pas paru convaincante à M. Le-

glay, qui ne croit pas qu'un lapicide africain ait pu se tromPer sur le nom d'un dieu aussi connu et aussi vênérê que Saturne en Afrique 6. On sait cependant, grâce aux travaux de J. Mallon, que les fautes les plus invraisemblables peuvent être commises 89.

ILAI, ll79 (= CIL, lCI59).

90. cn, vlIl" 4673 (- ILAI, 2053). 91. CIL, VrIII, 16759 (- ILAI, ll79). 92. Son gentilice Lepidius est dérivé dn cognomen Lepidus. Y a-t-il un rapport quelconque avec le nom du triumvir ? 93. Peut4tre faut-il rapprocher ce nom de cplui de la divinité chtonienne IIWT, qui figure sur uue tabletûe magique de Carthage (S. Gselr., Hîstoîre.,,,IV, p. 334), ainsi que dans Dotwaç Rôluo, Kanaanische and Aramiiich Inschriften, 1962-1964

n'

89.

94. G. C. PtcARD, in R'S/C, 1948, p. 123, n" 25. 95. M. LsaLA& Sa. ot. Mon., l' p.43Ol Sat. ol. fllst., p.362,

?m

n 7.

Dtyûzltés btdtgèn*

sur les mots et les formules les plus simples et les plus couraûts, au moment où finscription passe pax læ mains de l,ordfuutor, qui transcrit en majuscules le texte en cursive quï a sous les yeux s8, Mais bien qu'il soit tentant par exemple de substifirer à Haos le dieu Iolaos du serment d'Ilannibal ", ûous éviterons pour notre part de recourir à la solution d&espérée qui consisûe à altérer le texte. On peut en effet penser que L. Lepidius Primulus est le prêtre d'un autre dieu que Haos * ; nous connaissons le cas analogue d'un prêtre qui, tout en dressant des autels au dieu Lilleo, se déclare sacerdos Caelestîs. Dans notrs inscription, il est probable que le dédicant est un sacerdos Saturni, L'inscription provient

en effet d'une région, celle de Ksiba (civitas Pophtensis), où, le culte de Saturne, succédant à celui de Ba'al, est très anciennement et solidement implanté*, ce qui explique que L. Lepidius Primulus n'éprouve pas le besoin de préciser de quel dieu il est le prêtre. Si cette hlpothèse est la bonne, on trEut mieux comprendre l'allusion à finitiation, dont le rite trouve plus facilement place dans le culte de Saturne. M. Leglay a en effet montré que, si la religion de Saturne ne possède pas à proprement parler des mystères coInme ceux d'Eleusis, de Dionysos ou de Mithrq elle n'en compte pas moins des cérénonies et des rites nécessitant une forme d'initiation'@. Un second point attire I'attention, Cest la précision hoc loco initiatus. A quoi correspond la mention du lieu dlnitiation, mention qu'on ne retrouve nulle part aillerus en AfriEre ? On peut formuler I'hypothèse suivante : Primulus, avant de devenir prêne de Saturne, a subi son initiation en un lieu qui devait ête consacré au dieu Haos, lequel s'est ainsi touvé de la sorte indirecte96.

J. Mu,rcx,
, Libyca, t954, II, 9,

c

187-203,

Tlordbutlo des inscriptioas

>,

97, Por-'tsz, VII" 9-23. 98. L'hypothèce figure chez S. Gsr.L, Histolre..., VI, p, 165, n. 1. 99. M. Lncrav, Sat. af. Mon., l, gt. 42O et s. Un tenple Et 48 stèles ont été relevés sur le site de Ksiba" Voir ausi J. GsEy, < Ksiba et à propos de Ksiba >, MEFR, 1937, LI\|, p. 69 et s. 100. Sur la distinstion entre prêtreo et initiés dans la religion saturnienne, ainsi que sur le problème des mysêres, voir M. LEorey, Sat. al.

IIîst., p. 359-366.

ment associé à cette initiation. Ainsi pounait s'expliquer le rapport qui semble unir, dans notre texte, le dieu Haos, le lieu de la dédicace et l'initiation du prêtre. Une autre mention de sacerdos est faite dans une inscription funéraire de Masculula, dans la région du Kef 'o' : Sisoi, frlle de Missunia, est en effet donnée comme prêtresse de Mathamodis. Ni le nom de la divinité, ni celui de la prêtresse et de son père ne sont connus par ailleurs, et Cest Par pure convention qu'on les considère comme africains. On ne s'étonnera pas, snil s'agit bien d'une divinité africaine, de rencontrer une prêtresse'*, car on sait que la femme africaine participe activement aux cérémo' nies sacrées, surtout pour l'accomplissement des ritæ en rappofi avec fagriculture et

la fécondité'*.

Les divers traits propres à certaines de ces divinités indigènes nous incitent donc à voir, en ces dernières, la marque d'une profonde modifrcation par rapport à la religion traditionnelleilette modifrcation est-elle due au contact avec les Romains ? On peut le pensero en constatant I'introduction de forrres cultuelles romaines (temple, clergé organisé, statues). Mais ce caractère romain apparaît plus nettement encore lorsque I'on examine les noms et les fonctions des auteua de dédicaces. Un grand nombre d'entre eux portent des noms romains ou romanisés, comme le montre la liste ci-jointe'q. Des noms de consonance véritablement indigène ne se trouveût que parnd les dévots de Bacax au Taya, et de G.D.A. dans le Chettaba; encore ne sont-ils pas, même là, les plus nombreux. Nous savons en effet que les dédicaces à Bacax et à' G.D.A. sont posées par les magistri de Thibilis, et par le rnagister de Phua, qui faisaient des væux à leur entrée en charge et offraient un sacrifice lorsqu'ils en sortaient : ce sont donc des citoyens en vue dans leur to7.

cIL, wfi,

15779

le rôle retigieux des femmes africaines, cf. M. Lror,er, ,Sat' af. Hîst., p. ?75. 103. E DourrÉ, Magle et relîgîon, p. 33; P. Gerero-Perunt, in 102. Sur

Hesperîs, t958,

p.

52,

104. Voir le tableau, P. 306. 304

Divlnltés ittdtgànes

petite cité, le culte quTs rendent a un caractère otfrciel, et ne cherche nullement à se cacher. _ Certains, parmi les fidèles des dieux indigènes, occupent aussi des fonctions officielles : les explordores pommienses, qui nonorent Aulisua; M. Mevius Romanus, qui est appelé contes Aug(Ltsti) et. v(ir) e(gregtus), et honore locolon; un centurion lela |n Aagusta, qui honore Motmmius. Les autres témoignages $9 niete proviennent d'individus priv6 ou de prêtres, qui semblent pour la plupart en voie de ronanisation-.

Notons enfin un dernier trait qui marque la transformation des divinités lybiques traditionnelles : dans le cas dæ dii Magifae, Cest sur la demande expresse des dieux (capite viso ipsis

adpaentibw) que le frdèle agit, ce qui suppose un esprit religieux disposé à accepter des rapports personnels étroits avec

le

dieu.

Ainsi, tous les éléments examinés semblent concorder. personnalisation de la divinité, caractère ofEciel de certains cultes, aspect romanisé de la plupart des fidèles ainsi que des accessoire,s du culte, tout indique que nous n'avons plus affaire à la simple magie primitive. Est-ce à dire que celle-ci a disparu ? Certainement pas. Mais les traces qu'elle a pu laisser sont difficiles à déceler. Au contraire,les documents relatifs aux divinit6 que nous yenons d'étudier plaident d'emblée en faveur du caractère romanisé du culte qu'elles suscitent. Lorsqu'un individu, une famille ou une cité prennent la peine d'élever un temple, de dédier une statug un autel, ou simplement une courte inscription à une divinité, et qu'ils choisissent de s'exprimer en latin, une pareille initiative, quelle que soit la divinité à laquelle elle s'adresse, révèle déjà une attitude religieuse influencée par I'imitation des religions élaborées. Elle ne peut être le fait que de gens ayant acquis, au voisinage des cultes romains ou puniques, le goût ou I'habitude de pratiques religieuses étrangères à fhéritage culturel propremeût africain. Si bien que les dédicaces latines aux dieux indigènes témoignent de feffort de certains Africains pour associer aun croyances traditionnelles des pratiques nouvelles : elles marquent dong en même teNnps, une volonté de romanisation et les limites de celle-ci. C'est donc peutétre à une première forme de syncrétisme romano-africain que uous assistons là. Mais on peut se deman-



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. Constatant la proportion relativement élevée de militaires ou de hauts fonctionnaires parmi les dédicants, I'auteur y voit la preuve du < caractère officiel et militaire > de ce culte, < intimement mêlé aux luttes contre læ gentes asa sogmises u >. Etudiant ensuite la localisation de ces dédicaces, il découwe qu'elle est, en Maurétanie et en Numidie, c nettement dictée par les préoccupations administratives et militaires au contact des zones insoumises >, et que ce caractère est moins nettement perçu en Proconsulaire. L'étude chronologique lui permet ensuite d'affirmer que beau' coup de ces dédicaces sont contemporaines des soulèvements du ulo siècle; il explique ainsi cette convergence : < les malheurs des temps firent rechercher d'autres protecteurs que les divinités traditionnelles. Les divinités maures deviennent à la mode et les militaires, 6u simFle soldat au dux, croient nécessaire de s'adresser aux dieux maures pour vaincre les rebelles des montagnes et des steppes, Cest-à-dire les Maures eux-mêmes >, et fait allu-

sion au lituel tevocario. L'historique de I'ethnique Mauri lai permet ensuite d'expliquer I'origine de l'appellation Dii Maurt < Ces divinités restent donc farouchement berbères et atricaines. Pourquoi ne les appellerait-on pas du même nom que les indigènes non romanisés ? > Et il conclut en affirmant l'identité entro les Dii Manri et tous les dieux locaux qùe nous font connaltre les inscriptions I < les divinités restent les mêmes, ce sont les dédicants qui changent; ceux qui snadressent aux Dii Mauri sont des personnâges officiels désireux d'obtenir I'alliance de ces divinités pour les aider dans la lutte contre les Maures, ou dans l'administration délicate de,s gentes, tandis que les fidèles des dieux locaux sont de rang social moins élevéo >. Culte offrciel et militaire, dieux des rebelles < empruntés > par les Romains pour des raisgns utilitaires : la question des z

Cea,rps, c Llnscription de Béja et RAî, 1954, XCVÛ, P.233'260. 2. Ibid.,9. 239. 3. Ibtd., p. 243. 4. Ibld,, p. 257. 1.

G.

le problème des DtI Mauri

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Dii Mauri ne serait plus en somme, dans la perspective de G. Camps, qu'un chapitre annexe à la lutte de Rome contre les tribus, et les honneurs rendus à ces divinités des ennemis relèveraient autant (sinon plus) de la tactique que de la religion proprement dite. Semblable explication, si elle était sérieusement fondée, n'aurait rien de suqrrenant. I-a religion des Romains rend en effet possible I'intégration au culte national de dieux étrangers et même ennemis, et cette intégration peut se faire, selon les cas, de diverses façons : participation, évocation, domiciliation o. L'évocation consiste notamment à appeler rituellement, par des promesses solennelles, la divinité majeure, ou les divinités protectrices, de I'ennemi. Mais sst-ce bien de cela qu'il s'agit dans le cas des Dii Mauri?

Pour parvenir aux conclusions que nous venoûs de citer plus haut, G. Camps s'était livré à fanalyse de vingt et une inscriptions (augmentées d'une dernière en note additionnelle). C'st en procédant à un nouvel examen de ces inscriptions Ere nous pouvoûr trouver une inter.prétation différente. La liste des dédicaces, telle qu'elle a êtê, êtablie par G. Camps, contient, en dehors des texts mentionnant les Dli Maurt, avec la variante Dii Maurici, des textes adressés à la Dea Maura', à la Gens Maurat, aux Diî îmmortales Genlorums, ainsi qu'à un genius gentîs,le genîw gentis Ntûnidiaee, et deux numina, le nwnen Mauretanîae'o et le nutnen Maworum Aug(usnm)". Ces six textes supplémentaires ont-ils quelque raison de figurer auprès des Dii Maurî ? Rien u'est moins str. S'il s'agissaiÇ comme le dit G. Camps, de recenser la totalité des < divinités portant des noms de peuples ou de pays osld-alhisains >, pourquoi n'y avoir pas inclus, par exemple,la Dea Aîrtca,læ Matronrc Liby5. Voir des exemples chez Tlre-Lry4 Y,22; MlcRoBa, Saturwles, III, 9. Sur ce sujef voir V. Basnor, Êvocatio, étude dan rituel milltdre romaîn, Paris, 1947; G. DutrlÉ2u., Rituel indo-europêen à Rome, Paûs, 1954, p. 4548; J. Bevs1 Histoire polltique et psychologiqae de la religion romoine, Paris, 1957.

6. CrL, VIn, 21665. 7. RAî, l9/7, p.393410. 8. AE, L907,159. 9. |LAI, t226. 10.

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8926.

vut,20252. 3t,

cae, les Motronqe Afrae, qui correspondent aussi à une définition aussi large ? I{ett-il pas mieux valu, pour la clarté des choses, limiter I'enquête aux seuls dieux maures proprement dits, dégager leurs caractéristiques et ensuite, ensuite seulement, tenter de voir si ces caractéristiques pouvaient éventuellement s'appliquer à d'autres dieux ? Il n'y a en tout cas aucune raison qui permette de considérer a priori les différentes divinités énumérées comme interchangeables ou 6quivalentes. Une première différence au contraire s'impose a priori : les Dii Mauri sont .remarquables par leur caractère collectif et indé' déterminé, tandis qu'un ntttnen, un genius, avec une aire d'exten' sion géographique déterminée, conserve une singularité, une personnalité qui ne permet pas de le confondre avec le groupe anonyme des Dii Maurt. L'analyse de chacun des textes mis en cause apporte d'ailleurs d'intéressantes précisions. Le texte tAlbulae'o, qui mentionne, solls le règne de Dioclétien et Maximien Augustes, de Constance et Galère C&ars (299),la restauration d'un temple de la Dea Maura (Tempulu(m) (d)eae Maurae ad' pristînam statum reformanit), suptr'ose que le culte de cette déesse est ancien (pristinum) et régulièrement organisé, puisque Cest le dispunctor et curator de la cité qui s'occupe de la réfection : il ne s'agit donc pas doune déesse vague et indéterminée que I'on a baptisée

"

déesse maure à défaut d'autre nomo mais au contraire d'une déesse arisez connue et assez précise pour n'avoir pas besoin d'être nommée. Nous savons que diverses déesses ont été qualifiées de maures : Diara Augwta Maurorumto, Ceres Maurusia'o, La déesse d'Albulae pourrait . Cela supposerait chez ces juvencs,lointains dæcendants de vétérans augustéens, et qui ont su livrer bataille à des tibus maurs, une conssience nationale africaine ou, comme dit L. Leschi, un < patriotisne > maure, bien surtrnenants e. Force est donc de considérer avec une certaine suspicion cette GeHt Maura, et, puisque la lecture proposée par S. Gsell nous le permet il nous semble préférable de faire l'économie de cette encombrante < divinité >, et de considérer qve Mawa n'est autre que la Dea Mutra, Cest-àdire Caelestis, remerciée ici conjointement avec Jupiter. Le problème posé par les d,ii irnmortal.es Getulorwn est du même ordre : ils ne sont eux aussi mentionn& qu'une seule fois, et proviennent de la lesture d'un texte fort incertain, trouvé prèc d'Horrea ^, commémorant une défaite des tribus bavares et la mort de leurs rois. On avait d'abord lu ainsi la dernière ligne du texte : Iibens vota diis immortalibw GetulQrum). Mais G. Camps, qui, à I'occasion de sa belle étude sur les Bavares *, a pu trouver et relire cette inscription, exprime maintenant des doutes quant à I'existence des dli Getulorurn : c ... La lecftre de GETVLO (5" ligne) est loin d'être certaine; nous avour pu déchiffter péniblement GEN/O. Il y a ûop tleu de place entre le E et le V pour que se développe normalement la base transILAI, 1226 : genius gentls Numldiac. VIII, 8926 | numen Mauretanlac. 23. ClL, VIII, 8931, 8933, 20683. 24, C'est ce que rrcmarque aussi G. CAMrs, Ioc, ctt., p, 24lr 21.

22. CIL,

sqns quo cela I'amèue à mettre en doute I'existenss de la Gezs Maura et son appar-

tenance avx Dii Mauri. 25. BAC, 1907, p. CC)O(VIU (: AE, 1907, Én. 26. G. Ceups, < I€s Bavares, peuplo de Maurétanie césarieuû€

RAî,

1955, XCDG

p.

r,

241-288. 315

versale du T, et peut-être ce qui fut pris pour la base d'un T est un jambage du N. On pourrait tout aussi bien lire : Dils immortalibus, .Genio... (peut-être Genîo loci). > Or nous avons précisément d'autres exemples où I'on invoque, après d'autres divinités, le genius loci ; ù Satofisu' et à Sétif ", où cette invocation intervient aussi probablement après une victoire sur les Bavares æ. Il nous semble donc parfaitement légitime de douter de ces < divinités gétules >. On ne voit d'ailleurs pas pourquoi

invoquerait, lon d'une victoire contre les Bavares, les dieux des Gétules : les Bavares en efÏet ne se rattashent pas aux Gétules, puisque les Gétules sont nomades, et non les Bavares 30. Quant à l'éventuelle participation de Gétules à cette guerre aux côtés des Bavares, elle n'est attestée d'aucune autre façon, et n'a êtê postulée que pour rendre compte de la lecture Getuldrum). Il n'y a donc pas d'obstacle sérieux au retrait de ce texte de la série que nous étudions. Il ne semble pas nécessaire de s'étendre aussi longuement sur les autres cas, qui posent moins de problèmes. Le genius gentis Numiiliae"' à Thubursica Nurnidarurn peat difficilement être qualifié de dieu ; tout au plus est-il un dieu numide s. Il s'agit en fait da genius que I'on trouve partout dans fempire, et qui est attaché à une localité ou à un groupement donnés. Il æt tout à fait normal de voir ù Thurbwsîcu, qui est le centre de la gens des Numidac, une dédicace au génie de cette gens. lJrie question reste toutefois posée : pourquoi ce génie est-il appelé genius gentîs Numid.iae, et non pas gentis Nwnidnum, comme on aurait pu croire. Il est probable que ce mot de Numidia n'a ici qu'un sens local, restreint, et qu'il ne s'applique qu'au territoire appafienant à la gens Numidnum et non à celui de la province du même nom; n'oublions pas en effet qtre Thubursîcu se trouve en Proconsulaire et non en Numi-

lon

27. Perigotville, CIL, VIII, 20251. 28. CtL, VIU, 8435. 29. Cette dédicace nomme en effet M. Cornelius Octavianus, dont nous avons déjà étudié lactivité guerrière. Yoh supra, p, 22t30. Voir G. Cevps, loc. cit,

31. IL/rl, 1226. 32. Nous reviendrons plus bas sur I'extension géographique de I'emploi

du mot Maure. 316

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die. Le genius gentis Nurnidiae fait donc partie de ces abstractions divinisées dont le culte n'est pas propre à I'Afrique s et qui n'a aucune raison de figurer parmi les monuments du culte

Dii Maari. Quant au, nutræn Mauretaniac ', gd est associé au génie des thermes de Saldae, et aa nutnen Mawo(um) Aug(r,sntn ot orwn) de Satalise, il vaut mieux, malgré leur ressemblance, distinguer leurs cas, qui s'éclaireront quand nous aurons vu la nature exacte des Dd Ma$rt : il s'agit en effet respectivement d'une abstraction divinisée (numen Manretaniae) et d'une dédi" cace aux dieux maures. Après avoir retranché de la liste dressée par G. Camps les textes qui ne paraissent pas se rapporter vraiment at;r- Dii Mauri, il nous faut maintenant compléter cette liste en y ajoutant une inscription trouvée hors d'Afrique, qui a été signalée * par G. Camps, mais non exploitée. tr s'agit d'un texte de Micia (aujourd'hui Vetel) où on lit : des

Maurî Mîcî(enses) et lul(ias) Evangeliarws Prae(lectus) templum deorwn pAriorum vetu,state Conlapsarn sua pecunia et opera rcstituer(ufi)8t.

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p. 365, n. 6, citée au nombre ds 33. M. LBcuv, Sat. af. Mon, absEactions divinisé€s vénérées à Thuburslcu : Fellcltas (ILAI, l22l), Fortuna (ILAI, 1222, 1224), Honos et Vîrtus (ILAI, 1229), Genius Gentts Numidlqe (ILAI, 1226). cite auæi, parmi les dieux aficains z Tellus (ILAI, 1373-1374), Hlempsal (1242) et les Dii Maurl (G. Caurg h RAt, 1954, p. 2M et s.). tr e'agit dtne regrettable confusion, cqr la référeac€ à G. Canpr renvoie au genlus gentls Numldiae seulement : il n'y a aucuoe mention de Dil Mauri ù Thuburslca Numidaram. L'erreur provient évidemment du fait que G. Camps a rangé læ genius gentis Numiilîae parmi les Ddi Mauri. 34. CIL, VUI, 8926, Saltue. 35. Perigotvi[e, CIL, V[II, 20252.

Il

36. G. Cerers, loc. clt,, p. 238, n. 9. 37. AE, 1944, 74, datant de 2U, t-e texte figure aussi dqns A. ApeMBlrrEANn, < Archaeological News, Rumania, 1939-1945 >, Amerlcan lournal ol Archaeology, 1950, p, 420. Nous n'avons malheureusement pu trouver farticle de M. Darcovrcu, < îemplum deorum Maurorum

Miciensium >, Sargetia, t941, 2,

reproduit la substance.

p. ll7-125, dont A.

Adamesûeanu a

3t7

Bien que I'expression Dii Mauri ne figure pas expressément sur I'inscripion, il est certain que les diî patrii dont il s'agit ici ne sont autres que nos Dii Mauri*. Le contingent maure, qui se trouve sur ce poste du lîmes de Dacie et qui a construit, à une date ancienne, et restauré (en 204) un temple à ses dii patrti, te peut désigner de ce nom que la collectivité des Dii Maurt : il serait bien difficile de trouver une explication plus simple. Nous savons en effet qu'il y a en Dacie des troupes s originafues d'Afrique : un diplôme militaire daté du 8 juillet 158 mentionne z Vexil(laris) Alri4ae) et Mau{r)et(aniae) Caes(oriensis) qui surr.t cum Mat'rîs gentilibu.s in Dacia Superiore sub Statîo Prisco legato. Ces soldats des troupes auxiliaires, qui sont ici baptisés Mauri gentiles, ont précédé sur le sol de Dacie ceux qui, en 2O4, ont conservé le nom de Mawi et le culte de lsurs

diî pattii. Un second texte est à citer : celui, récemment découvert à Lambèse, qui est dédié aux Maurîs Augustis$. La liste ainsi modifrée, nous pouvons dresser un tableau des inscriptions relatives alux Diî Maurt. Le nom de Maures ayant d'abord été donné aux habitants de fancien royaume de Maurétanie et ayant ensuite progressé vers fest, noul avons cru utile de ranger les inscriptions dans un ordre géographiçe, en allant de fouest vers I'est. Pour faire ressortir d'éventuelles différences régionales, nous avons aussi donné, outre les dédicants des divers textes, les épithètes qui ont été, ici et 1à, affecées aux Dîî Maarî, ainsi que les divinités auxquelles ils sont dans certains cas associés' (tableau p. 320). 38. Voir, à ce suiet, infra, p. 322. De mêmo que les nombreux auxiliaires originaires de Syrie gardent dans les autres provinces le culte de leurs dieux nationaux, les auxiliaires maures n'oublient pas les divitités de leurs pays. Sur les Syriens, F. CuMoNT, Les Religiow orïentales dans le paganisme romaîn, Paris, 1929, 4" éd., p. 103-104, (citê : Les Religions orlentales,.,).

39. CIL, XVI, 108. 40. M. Lrolex, in BAC, 1968, p. 221 ; publié dans Anttquités afrlcaînes, 1971,5, p. 135. 41. Contrairemett à G, Camps, nous ûe pstsons pas que, dans les textes de Zucclubar et de Sirilrs, lépithète patrli se rapporte aux Dii Maurl z vob lnfra, p.322, Par ailleure, la dédicoce aw Maurls Ca$ortbas de Musti (Kanhago, XlV, n. tS - AE, 1968, 590)' du fait qu'ele s'adr€gge 318

I*s DI

Maurl

L'analyse de ce tableau fait apparaître nombre de particularités intéressantes. Les dédicaces du groupe maurétanien se distinguent assez nettement des autres : par leur nombre relativement élevé (8 sur 17), par le caracêre militaire et officiel de leurs dédicants, par femploi d'épithètes oomme Salutues (deux fois), Conservatores (deux fois), par le fait que c'est en Maurétanie seulement que les Dii Mauri sont associés à d'autres divinités. Le groupo numidien, concentré à Lambèse, montre des dédicants beaucoup moins élevés dans la hiérarchie militaire (un senturion, un simple soldat) ou même sans rapport avec I'armée, ce gui est aussi le

cas des trois textes de Proconsulaire. tr y a donc, semble-t-il, une démilitarisation progressive du culte et une accentuation du caractère purement religieux à mesure que I'on s'éloigne verc I'est apparition d'un sacerd,os à Iambèse dnuû sacerdos Caelestis à Theveste ; caractère plus africain et plus modeste des dédicants, qui associent parfois leur famille à leur dévotion *. Même dans le choix des épithètes acsolées a:ux Dîi Mawt, cette difffleags est sensible. Hors de Maurétanie, on ûe trouve plus d'adjectifs comme conservatores oa salutues, qui peuvent avoir les notions de < salut > et une certaine résonance nnilitaire justifrées si le dédicant a connu un de < conservation > sont danger eo mais on trouve plutôt Sancti, ort Augusti, épithètes

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à tonalité-, religieuse. I-e caractère militaire que nous venons de reconnaitre aux dédicaces du groupe maurétanien, jusqu'où va-t-il? Permet-il d'affirmer, avec G. Camps, que le culte des Dii Mauri est < intimement mêlé aux luttes contre les gentes non soumises > ? Une seule inscription fait clairement allusion à une lutte de ce geûe : c'est le texte de Zucchabar commémorant une victoire da praeses Aelius Aelianus sur une fraction des Bavares. La dédicace de M. Cornelius Octavianus ù Sitilîs est incomplète, et le fragment subsistant ne fait pas mention de combat ni de des divinités bien déterminées, ue nous paraît pas devoir 8Ee intéeréB dans la série des Dit Maurl proprement dits. 42. tr n'est pas str qu'il s'agisse d'un prêtre des Dif Mauri; le texte (CIL, Vl[I, 2637) z .,. C. Atiut sacerdos Maurls... Mauris, au datif' peut etre évidemment le complément ile sacerdos. ne 'ælrtæ

à

43. CIL, Irfll, 264o; ILAI, 300O. M, Oi connalt dæ dit mllltares consettatoîes.

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victoire : mais le rôle important joué par le d.ux M. Cornelius Octavianus 6ans les insurrections de 255 est suffisamment connu pour qu'on accepte de mettre cette dédicace en rapport avec I'un ou fautre des épisodes guerriers de cette période. Sur un troisième texte, celui de Rapidum, dédié par un ancien préfet de la gens Masat.,la présence parmi les dieux honorés de Vic-

torîa permet peut-être de formuler l'hypothèse d'un combat. Aucun autre texte de Césarienne ne fait mention d'opérations militaires, ce qui fait apparaltre le caractère exagéré de I'affirmation de G. Camps citée plus haut, qui se fondait bien plus sur la localisation des inscriptions gue sur leur contenu. Quel crédit peut-on, dans ces conditions, accorder à la thèse qui veut faire des Dii Mauri les dieux des Maures rebelles et non soumis ? Il nous semble qu'elle est pour le moins excessive. Si les Dii Maari sont les dieux des ennemis des Romains, si on ne les honore que pour les empêcher de protéger I'adversaire, leur culte par définition ne devrait avoir aucun équivalent du côté des indigènes non romanisés, qui n'ont aucune raison d'affubler d'un nom romain leurs dieux ancestraux. Ce culte à but utilitaire et pratique ne peut être qu'une exclusivité romaine, militaire et officielle. Or, nous savons déjà que ce n'est pas le cas, puisque certaines des dédicaces trouvées hors de Maurétanie ont un caractère purement religieux, voire familialn et que d'autre part ce culte est attesté hors d'Afrique. Une des raisons qui permettait à G. Camps d'affirmer le caractère indigène des Dii Mauri,

coest le fait qu'ils soient parfois qualifiés de patrtis ; cette qualifrcation n'apparalt dans la liste de G. Camps que dans les dédicaces de Sitdis' et de Zucchabaro1, don.t les dédicants sont respectivement M. Cornelius Octavianus et Aelius Aelianus. Or, si l'oû se rapporte au texte exact de ces inscriptions, il apparalt que l'interprétation proposée par G. Camps est dans les deux cas contestable. Dans I'inscription de Sitifis, l'adjectif *, puisque nous avolrÉi patrius ne se rapporte pas aax Dii Maurî la séquence i ... o a diis patriis et hospitîbus diis Mawicis et

45. G. Ceurs,loc. cit., P. 25Ù253.

Vur, VlIr, 48. CIL, VIII,

46. CIL,

8435.

47. CIL,

21486. 8435, révisée en 20341

322

(- D' 4498)'

Les Dll Maurl

genio loci, ce qui implique lnexistence de deux groupes distinsts, patrii etles dii Mutricis,Il en va de même pour le texte

les dii

gd est dédié ainsi : Diis patrtis et Maulis où nous retrouvons les deux mêmes groupes précédemment. I1 n'y a donc pas de texte en Afrique où les

de Zucclubar', Conservatoribus, que

Dii Mauri soient qualifi

ês de patrii. Cela ne nous surprend guère, étant donné le sens de l'expression. Contrairement à ce que pensait R. Lugando', le dew patrtw ne désipe pas le dieu du lieu de la dédicace. Il ne peut au contrahe désiper que le dieu de la patrie du dédicant, le dieu des ancêtres du dédicant, comme

cela

a été démontré par W. Seston'. Dans les deux cas que

nous avorxi cités, les dédicants sont de grands personnages (gouverneur de Maurétanie césarienne ou dux), qui ne peuvent évidemment avoir pour dii patrti les Dii Mauri; mais ils invoquent les Dri Mauri après avoir invoqué leurs dii patrii, qu ne sont autres que ceux de Rome u. Cette interprétation est confirmée par le texte de Dacie * où les Ma.uri Micîewes et leur préfet restaurent le temple de leurs dii patriî. Nous avons 1à en effet le cas symétrique du précédent : des Maures en pays étranger continuent d'honorer les dieux de leur patrie qui sont les Dii Mauri. A partir de ce texte de Dacie, on peut entrevoir la nature probable des Dli Mauri.Il ne peut s'agir des dieux des Maures non romanisés et ennemis de Rome, puisquTs sont invoqués ooulme dieux nationallr par des Maures au service de Rome. On doit donner au mot Mauri un sens beaucoup plus nuancé que celui de < rebelles > proposé par G. Camps. Sans mettre en doute I'analyse du processus d'expansion du mot et la fréquence

49, W. SrsroN, < Le Secteur de Rapidum >, MEFR, 1928, p, 169-170. 50, CIL, VIII, 21486. 51. R. Lucuro, in MEFR, 1927, X'LIV, p. ll9-129 (è propos d'une

inscription de Lambèse). 52, W. SestroN, in MEFR, L928, )KLY, 169-170 (à propos d'un texte de Rapîdurn), Voir aussi M. Lnor.eY, Sat. aI. Hist., p. ll21, Sat. af. Mon., l, p. 105, qui contient une critique implicite des leçons adoptées par G. Carnps.

53. Notons que, dans CIL, VllI, 8435 (cf. 20341), les Dri Mauri sont appelés hospltes (hôtes), ce qui montre encore qu'ils ne sont pas les dii panîi du dédicanl M. Cornelius Octavianus. 54, AE, 1944,74.

de son emploi dans le sens d'indigènes rebelles s, il faut bien noter qu'il dâsigne aussi des gens qui sont originaires d'Afrique, sans distinction de leur degré de romanisation ou de soumission à Rome. C'est ainsi que l'on connaît plusieurs unités auxiliaires de l'armée romaine recrutées parmi les populations d'Afrique et qui portent le nom de Maures. On peut citer : la cohors II Maurorunl.u', dont un centurion est envoyé près de Lambèse en 208 ; la vexillatio equitum Maurorwn u', à Aumale, qui fut mêlée aux opérations contre Faraxen ; la vexillatio mîlitum Maurorum Caesa,riensiumt, à Lambèse; ainsi qu'un praepositus equitum itemque peditum iuniorum, Maurorumu". Dans les textes littéraires, le mot a aussi un sens fort large puisque le Bellum Alricum qualifie de Maures les cavaliers numides (les mots Mauri et Numidae désignent à quelques lipes d'intervalles les mêmes hommes'), et qu'Horace appelle Maura unda I'ean des Syrtes (Barbans Syrtes, ubi Maura sernper aestuat undau), On trouve d'autre part, chez les historiens, le même emploi du mot : Tacite mentionne parmi les troupes de Lucceius Albinus un-fort contingent de Maures * I ce sont des auxiliaires que Festus choisit pour le meurtre de Pison 6. Dion Cassius qualifie Lusius Quietus et ses soldats de Maures (Morlpoç xo\ oôrbç rôv Mcn3pov ôp1cov*). Macrin est appelé maure à diverses reprises s et les auxiliaires maures se battent pour lui contre Artaban *. A propos de Capellien, le légat de Numidie qui noya dans

-

55. G. Ct'lps, Ioc. cit., p.253-254. 56. CIL,

Vtrr,

4323.

57. CIL, VUI, 9045-9047 (cf.. 20736). 58. CIL, ytfi, 2716. 59. CIL, VUr, 20996. 60. Bellum Africum, Yl 3.

61. Horecr, Odes, 11, 6, 3-4.

62. Tecrrr, ,i!Iist., fV, 58. 63. TacrrB, I/isr., IV, .50. 64. Drox Clssrus, IJO(V[I, 32. 65. Drox CAssrus, LXXVII, 11, 1 ; 18

66. HÉnoorsN, IV,

324

15.

; 27, 1; 32, l.

Iæs Dll Maurl

le sang l'insurrection des Gordiens, Hérodien s dit quT coûrmandait les < Maures sounis à Rome, qui s'appelaient Numides >, tandis que l'Histoire Auguste @ le donne aussi comme gouvernant des < Maures@ >.

Enfin, certains usurpateurs sont appelés Maures par Zosime exemple Saturninus et Victorinus æ. La Liste de Vérone montre qu'on applique ce nom indifféremment à des tribus soumises ou non à I'Empire a.

et-Zonaras, comme par

Ces divers exemples montrent que le mot Mouri n'implique pas toujours le refus de la romanisation, ni même une atr4rartenance ethnique précise, et sert seulement à désigner une origine géographique englobant toute I'Afrique du Nord romaine, à I'exception peut-être de la Tripolitaine *. Si donc Mawi a le sens large que nous lui reconnaissons,

nous pouvons entrevoir pourquoi et comment est né et soest propagé le culte des Dii Mauri. L'expression a dt naltre en effet dans les rangs de I'armée, où elle a servi à désigger les divinités auxquelles les auxiliaires maures restaient attachés. Il peut même s'agir, de la part des Romains, d'une tentative concertée de romanisation partielle de dieux indigènes. Le choix d'une appellation collestive comme celle de Diî Maurî ne serait

dt seulement à I'iporance des noms des innombrables dieux du territoire africain, ni à la crainte de ne pouvoir en faire un dénombrement entier; ce serait surtout un moyen pratique de prendre possession de ces divinités, de les récupérer, de les faire entrer dans les cadres religieux romains sans pour autant leur faire perdre leur particularité. Car ces dieux, qui, individuellement, échapperaient à la romanisation parce qu'il est pas

67. HÉRoorex, VII,9. 68. Hist. Aug. (Vita Gord. tres), 15, l; (Vita Maxint. duo), t9. 69. Sur Capellien et sa fonction exacte, voir plus haut, p.2W. 70. Zaswr,, I, 66; Zoxeus, 12, 29. SrErN, < Vîctorinus r, in RE, admet cette origine plutôt que celle donnée par YHlstoire Augtæte, qlui fait naîhe Victorinus en Espagne. 71. Liste de l/érone, S 14, p. 252. Sur févolution du mot Maure, voir S. GssrU Hlstoire..., V, p. 88. 72, u"exemple d'Horaçe cité plus baut (Odes, II, 5, 3-4) peut etre considéré comme un poétisme. Il n'en est pas moins significatif.

impossible de leur trouver des correspondants précis, se trouvent ainsi en quelque sorte romanisés en bloc, sans que les Maures cessent de voir, derrière cette dénomination collective, leurs divinités familières. C'est dans ce contexte que lnon peut, croyonsnous, interpréter I'inscription d'IIr Ramdane *, gui a la particularité de conteniç après I'invocation collective, les noms de trois divinités'n. La coexistence des deux appellations, I'une collective et I'autre singulière, est le signe d'une période de transition où le nom romain n'a pas fait oublier les anciens noms gue le dédicant tient encore à mentionner. Mais I'hypothèse d'une romanisation imposée n'est pas la seule possible. Nous n'avons pas d'exemple comparable d'intervention directe dans les cultes indigènes en Afrique. Non que f intervention n'existe, mais elle vise moins à substituer une divinité à une autre qu'à les accumuler. Comme le souligne F. Cumont, < généraliser I'adoption des divinit& de Rome fit d'ailleurs partie du programme politique des Césars, et le gouvernement imposa à ses nouveaux sujets les règles de son droit sacerdotal aussi bien que les principes de son droit public et de son droit civil : les

lois municipales ordonnent d'élire des pontifes et des augures * en même temps que des duovirs justiciers >. Il pourrait donc s'agir aussi bien ici d'une romanisation spontanéq de la part 73. CIL, Vllr, 14444. 74. L'identification de ces divinités à certaines de celles représentées sur le fameux bas-relief de Béja (CRAI, 1947, p.353-371) n'a rien de str. Les ressemblances onomastiques relevées par G. CaMrs, in RAf, 1954, p. 236-237, ne sont pas déterminantes : identifier Vacurtum à Maqurtam ? La ressemblance ne - Pourquoi prouve rien; si nous n'avions pas à Béja, côte à côte, les nonrs de Maqurtam et Macurgum, n'aurions-ûous pas été tentés de les assimiler en raison de leur ressemblance ? D'autre part" G. Camps considère que Varsis est la forme < abrégée ou-tronquée > de Varsissima" laquelle est elle-nême assimilée à la Varsu' tina de Tertullien (Ad nat., II, 8). Il est bien diffisile de concilier cette double équation. Que dire enfin du rapprochement entre Fudina et Vihinam, à cause du- < rythme identique des noms et d'une certaine parenté de prononciation >, sinon qu'il paraît bien fragile ?

75. F. Cunaonr, Les Rellgions ortentales..,, p. 17. 326

Iæs

Dil

Mar.rl

d'éléments indigènes désireux de se rapprocher de la religion romaine sans abandonner leurs dieux ancestraux. Quelle que soit l'hypothèse retenue, la relative fréquence des dédicaces faites par des officiers (deux préfets de cohortes à Ahava, un aucien préfet de gens à Rapidum, un procurateur chargé de I'administration de tribus ù Caesare@ ou par de tês haus fonctionnaires Qraeses ou dux) s'explique et se justifie. Ces dédicaces sont presque toutes datées du ut' siècle, et I'on sait qu'à cette époque I'armée romaine recrute presque exclusivement sur place tu, c'est-à-dire qu'elle contient dans ses rangF un très grand nombre d'Afticains plus ou 6sins lsmanisés qui, comme L. Flavius Geminus, soldat originaire de Calamar, ont sonservé le culte de leurs divinités. C'est ce qui a amené les chefs militaires ou administra6ifs 1s6ains, soucieux de ne pas s'aliéner les bonnes grâces des divinités de leurs subordonnés, à donner un statut officiel aux Dii Matri et à leur consacrer des dédicaces. Nous avons déjà remarqué gue, dans certaines occasions, les Dîi Mauri sont invoqués comme < compléments > à dnautres divinités : à deux reprises * avec les dii patrii, et vae fois avec une série de dieux comprenant Jnpiter Silvain, Mercure, Saturne, la Fortune, la Victoire, et peutétre Caelestis. Or il s'agit précisément des trois cas où I'on peut admettre que la dédicace est consécutive à une bataille gagnée, ce qui simifie que, dans ce cas-là, on accorde autant d'importance à llntervention des Dri Maari qu'à celle des divinit& habituelles du panthéon

romain. Preuve sans doute du rôle imFortant joué dans ces batailles par des éléments afticains æ. Le problème le plus délicat est de savoir avec suffrsamment

76. R. Cect.ter, XArmée..., p. 305 et s. 77. CIL, VIrr, 2639. 78. Dans un des deux cas, oû trouve, avec les dii patit etles Dii Mauri, le genius loci : CIL, Vm, 8435 (c1, 2O341), 79. A propos du rôle des auxiliaires dans I'extension du culte der

remarquorul que la plus ancienne dédisace contue (Cr^L, mentionne expressément les auxllla de la légion parmi les bénéficiaires de la dédicase, avec I'empereur, le Sénat, le légat et la

Dii Mauri, Vm, 2637)

légion. D'autre part, deux dédicaces sont faites par des rcponsables de tribu; or une des fonctions de ces responsables était d'assurer le regrutetneût des auxiliaires.

de précision quelles divinités, ou quel type de divinités, on a voulu inclure dans I'appellation de Dii Mauri. L'inscription de tlr Ramdane'o, en donnant le nom de trois de ces divinités, a permis, comme I'a justement montré G. Camps, d'établir des relations entre les Dii Ma,ri et les divinités locales, dont de nombreux textes épigraphiques nous ont conservé le nom et le souvenir. Mais elle a aussi prouvé, par la même occasion, que la collectivité des Dii Maurî pouvait ne pas être anonyme, puisqu'il était possible à l'occasion de nommer, voire de représenter, certains d'entre eux. Aussi nous semble-t-il nécessaire d'établir une distinction entre les divinités regroupées sous ce nom et l'ensemble des < génies attach* à telle tribu, à telle forme de relief, ou à telle source 8' >. Autant qu'on en puisse juger, les Dii Mauri se situent à un échelon supérieur de la hiérarchie religieuse. Ils sont en tout cas autre chose et plus que de simples génies locaux, puisqu'on les invoque même à l'étranger et qu'ils ont un temple en Dacie. En outre, le fait qu'on nomme côte à côte w genius loci et les Dii Mauri * prouve bien que ce n'est pas tout à fait la même chose s. Il s'agit donc de divinités ayant encore une certaine personnalité, comme celles qui avaient suscité la remarque de Pomponius Mela sur les Africains, qui ne diffèrent des Italiens que par leur langue et par leur façon d'honorer les

*. Si leur aspect proprement africain semble maintenant indis-

dieux

cutable, on peut se demander quelles étaient leurs relations avec s. un autre dieu éminemment africain, Saturne Elles sont difficiles

à préciser. Tout ce que I'on peut en dire, c'est que

Saturne,

80. crL, YUr, 14444. 81. G. Caups, Ioc, cit., p, 255, 82. CtL, Vm, 8435. 83. J. N. LetæBlr, Aspects de la civilîsation à lâge du fratriarcat, Alger, 1958, p, 155-162, insiste au contraire sur < le caractère foncièrement anonyme et collectif du culte >, et considère les Dii Mwri comme les émanations, < la menue monnaie >, d'ut dieu supérieur, gui serait le Tempo.

84. Porrlrouus Msu, I, 41. E5. Sur le caracêre alricain de Saturne, voir M. LEGLAY, Saturne alricain. Hîstoire, Paris, 1966; Satume africain. Monuments, Paris, 1961, I: Paris, 1966, ll. 328

Lcs Dli Maurl

divinité de première grandeur, ne figurait évidemment pas au nombre des Dii Mottî.I-e texte de Rapidum * qui cite Saturne parmi les dieux frgurant aux côtés des Dii Mauri le confirmerait s'il en était besoin. M. I-eglay, commentant une stèle de Caiu.l qui montre Saturne accompagné d'un cortège de sep divinités impossibles à identifier, avait cru reconnaltre nos Dii Mawi et y voyait une preuve possible de la dépendance des dieux indigènes par rapport au dieu punico-romain ". Mais une identification plus précise lui a permis ensuite de reconnaître, dans les bustEs accompagnant Saturne, la repr6entation des divinités qui symbolisent les sept jours de la semaine ", et qui ne sont pas à rapprocher des Dli Mauri, mais plutôt d'autres divinités figurant sur des stèles où Saturne domine tantôt les jours, tantôt les saisons ". Ainsi, malgré leur commune appartenance au vieux fond de la religion africaine,le culte de Saturne et celui des Dii Mawi ne semblent pas avoir enfte eux les liens étroits que I'on pourrait attendre. C'est qu'ils n'appartiennent pas au même registre, et ont subi une évolution différente. En effet, la royauté incontestée de Sarurne a relégué en Afrique toutes les autres divinités au second plan, et les Diî Mauri n'y ont pas échappé. Dautre part, Saturne, malgré les influences diverses qu'il a subies au cours de sa longue histoire africaine, a conservé son identité profonde; au contraire, il semble que les multiples dieux qu'on avait cru pouvoir regrouper plus ou moins arbitrairement sous le nom de Dii Mawi n'ont pas pu, eux, conserver leurs caractéristiques individuelles. Ils ont ainsi

fini par devenir une sorte d'abstraction, à usage officiel ou privé, permettant d'une part aux Romains de montrer leurs bonnes dispositions à l'égard des cultes africains et de leurs adeptes, d'autre pafr aux indigènes de faire preuve de leur aptitude à la romanisation. Ce culte ambigu, artificiellement créé et maintenu pour des raisons moins religieuses que poli-

86. CIL, VUI, 9195. E7. M. LBor-rv, < Sêles à Saturne de Djemila Cuicul >, IJbyca, 1953, l, p. 62-63, 73-74 i w., < Saturne et les dieux indigènes >, Actes du 69 Congrès national des sociétés Mvafltes, Alger, 1954, p. 87 et s. 88. M. LBouv, Sat. al. Mon., ll, p. 2ll-212. 89. ID., Sat, at. Mon., l, p. 292,

tiques, pouvait difficilement se substituer aux autres et gagter

une vraie popularité. Son iirsuccès relatif face à I'expansion incessante de Saturne et au maintien des dieux locaux apparalt

donc symboliquement comme la preuve de l'échec d'une forme officielle de la romanisation religieuse''.

90. Il serait intéressant de chercher, dans les autres provinces, l'équi' valent des Dii Maurt et de les étudier. On connaîÇ par exemple, une dédicace aux Dfi Syrii faite par uû affranchi à Spolète (CIL, m, 961). On connalt d'autres dédicaces consacrées à leurs dieux nationaux par des auxiliaires originaires de Syrie (F. CuuoNt, Les Relîgiotts orientales.,.,

p.

103-104).

4 L' afrtcanisation des divinités romaines

Les pages qui précèdent ont pennis de faire ressortir la persistance des divinités et des pratiques religieuses de I'Aftique pré-romaine. En raison de la nature particulière de la documentation sources épigraphiques nota^mment les survivances, lorsqu'elles apparaissent, sont le plus souvent tempérées par ure dose, plus ou moins grande, .de romanisation : l'évolution du

-

-

culte de certaines des divinités indigènes, la tentative de syncrétisme que constitue peut-être le cas des Dii Mawî sont à cet

égard des exemples significatifs. tr faut maintenant voir un nouvel aspect de la résistance religieuse à la lsmanisation, le phrs important sans doute, I'africanisation des divinit6 du panthéon romain. En d'autres termes, quelle part de la religion traditionnelle snest trouvée transférée dans la religion romaine, et comment s'ast opéré ce transfert ?

I. Ilu particulartsne

au syncrétisme : le problème des influenaes

L'étude des divinités indigènes a permis de constater gu€, l'on aurait pu croire à une subsistance intacte du vieux fond libyque, loapport punique est loin même dans un domaine où

d'être négligeable : les noms de certaines divinités (Bonchor, Matilam par exemple), leur organisation en groupe, certaines de leurs fonctions relèvent très nettement de I'influence punique. et à un degré On ne s'étonnera donc pas s'il en va de même - d'Afrique : pour l'ensemble des dieux encore plus grand - à première vue appartenir au panthéon ceux-ci, qui semblent traditionnel de la Rome impériale, représentent en fait I'aboutissement d'un long processus d'influences diverses, qui ont concouru à l'élaboration de I'originalité des cultes africains. Mais, sauf dans certains cas privilégiés, comme celui de Saturne et de Caelestis, il est malaisé de reconstituer l'évolution d'une divinité à travers tous ses avatars. La pafi. africaine se compose de deux éléments : punique et libyque. Mais la constatation désabusée de J. Toutain est encore, malgré un demi-siècle de travail historique, en grande partie valable : < Il ne nous paraît pas possible, disait-il, de déterminer avec précision ce qui, dans les cultes indigènes des Africains de l'époque romaine, représente plus spécialement l'importation punique et ce qui doit être considéré corlme survivances berbères'. > Aussi vaut-il mieux ne pas étudier les divinités romanoafricaines comme des entités abstraites, produites exclusivement par des rencontres d'idées non moins abstraites. Nous tenterons au contraire de les prendre telles qu'elles apparaissent' dans leur vêtement historique réel, c'est-àdire dans leur culte, tel qu'il a été pratiqué par les fidèle's chaque jour, et non dans les (parfois) trop zubtiles spéculations et reconstitutions des mythographes anciens ou modernes. Ainsi, à travers les documents' nous pourrons peut-être saisir, sinon la nature d'une divinité ou sa réalité originelle, du moins les principaux traits qui la distinguent en Afrique de son homonyme romain. Par la plus ou moins grande fréquence des dédicaces qui lui sont vouées, par l'étude des circonstances qui amènent les fidèles à s'adresser à elle, par la répartition géographique et historique des témoigoages de confiance qui lui sont adressés, noull pouvons nous faire une idée plus précise du rôle assigné par les Africains à 1. J. Tourenrl, Les Cultes..', f, 3, P. 45. Sur les difficultés que présente Sat. af. Hist., p, 4lO'

la discrimination des influences, voir M. LEcteY, 412. 332

Addcar.lsttton des dtvbtttês rondttcs

telle ou ælle divinité. Ainsi, I'originalité de la religion africaine pourra-t-elle nous apparaltre, caf elle touche aussi bien la conception même des divinités que les formes du culte 0e rihrel" le sacerdoce) et jusqu'à I'architecture religieuse. On est surpris de le constater, l'africanisation des divinités romaines n'a jamais fait l'objet d'une étude systématique r. Trop longtemps le problème a été posé en termes de guerre ou de paix autour des autels', alors quoil ne s'agit pas, entre sultes africains et romains, d'une simple coexistence pacifique, mais bel et bien d'une imbrication. On ne peut donc pas poser comme deux réalités hétérogènas les cultes africains et les cultes romains : I'examen des cultes 1s1114ins en Afrique montre que, dans le plus grand nombre de cas, on a affaire à des cultes africains plus ou moins profondément imprépés de romanité. Cela sera surtout sensible au IIo siècle, à un moment où les A&icains, même romanisés, retrouvent un engouement en faveur de leur religion traditionnelle; il est vrai que, dans I'ensemble de l'empire, on observe cette vitalité nouvelle des cultes nationaux, qui donne

une part de son originalité à la refigion romaine de l'époque'. Si ce phénomène snest fait sentir avec une particulière vivacité en Afrique, Cest que, comme nous I'avons vu déjà à propos des problèmes militaires et comme nous le reverrons, l'Afrique romaine n'est pas le lieu des oppositions tranchées, mais plutôt, grâce à la réceptivité et à la plasticité de ses populations, le lieu des imbrications, des mélanges et des nuances. C'est ce que nous nous proposom de montrer en examinant le destin afticain des divinités qui nous semblent avoir été le plus profondément modifiéqs

o.

2. Nombre d'élémeats nécessaires à cptte étude figurent, mais fort disfrsés, dans les divers travaux de G. C. PIcAno, déjà citâ, lotamment Relîglons,..

et Civllîsatlan..,

I. Tourur, Les Cultes.,., I, 3, p. 119. J. BBeurBu, La Rellgion romalne à lapogée de fEmpire, Pat'ts, 1955, L p. 31, 36. Ce phénomène est-il la marque d'une politiquo 3, 4.

concertée, ou traduit-il simplement un éveil des nationalismes, ooulr aurorul à nous le demander plus loin. 5. On ne trouvera donc pas ici une analyse exhaustive et systfuatique des divinités romaines attestées en Afriquo.

IL

Jupiter en Afrique

Cest une situation bien particulière que celle de Jupiter en Afrique. Le roi des dieux, malgré sa position privilégiée de maltre du panthéon romain, n'a pu éviter les atteintes de fafricanisation. Le Jupiter auquel va la piété des habitants de l'Afrique n'est pas toujours celui que Rome nous a appris à connaltre, avec sa physionomie et ses attributs caractéristiques, cornme le foudre ou le sceptre. Certes, ce JupiterJà est bien loin d'être absent de I'Afrique; au contraire, un bon nombre des documents épigraphiques ou figurés qui ressortissent au culte de Jupiter, et qui proviennent souvent d'officiels romains, se réfèrent incontestablement au Jupiter classique de la Rome impériale. Sa frgure est trop puissante, son rôle officiel trop important pour qu'on ait pu, comme ce fut le cas pour d'autres diviu. Mais, à côté de cette nités, remodeler l'une et ignorer l'autre figure imposante et traditionnelle, le Jupiter africain en présenÛe d'autres, moins abondamment représentées, mais assez caractérisées néanmoins pour susciter et notre attention et notre intérêt. Les figures joviennes de caractère spécifiquement africain nous paraissent être au nombre de deux : la première, celle de lupïter Harnmon, a pris naissance au contact du Zeus gtec avec I'Amon de Siouah; la seconde, plus complexe, est plus diversifiée : elle est née de la rencontre, de I'association et de la fusion entre le Jupiter latin et le grand dieu africain par excellence, Saturne. Toutes deux ont ceci de coûlmun qu'elles ôtent à Jupiter son caractère hiératique de dieu dominateur venu de l'éiranger, et qu'elles I'associent ou l'identifient à des divinités attachéqs à la terre d'Afrique. Est-ce pour Jupiter un enrichissement ou un appauvrissement ? Nous ne pourons le dire qu'au terme de l'analyse de ce processus de contamination.

6. Iæ culte du fupiter romain présente lui-même deux aspects : Iun officiel" I'autre plus populaire : J. Toutant, Les Cultes..., I, 1, P. 283'284, 288.

3U

L'afrlcanlsatlon des dlvlnltés romalaes

1. Iupiter Hammon Iæ problème posé par Jupiter Hammon est assez complexe, du fait de la diffrculté qu'on éprouve à saisir la nature exacte de ce dieu et son histoire'. Il est d'abord connu sous le nom de Zeus Ammon 8 et exerce sa domination sur la Qnénaîque : il a son temple à Cyrèng qui est le plus grand temple grec de 0, Qnénaique et d'Afrique il figure sur un grand nombre de monnaies de Cyrénaique et d'Afrique 10. Il se présente avec le type grec du Zeus barbu, pourvu en outre de cornes : il-apparaît ainsi bien antérieurement à l'époque alexandrine, dès la fin du vr" siècle, et au début du vu ". Mais d'où vient-il ? Le double nom qu'il porte indique sa double origine : Aûlmon est la divinité, particulièrement célèbre dans I'Antiquité (à cause de son oracle), qui est vénérée dans le sanctuaire de I'oasis de Siouah, et qui s'ast trans-

formée natuellement en Zeus Ammon au cortact des Grecs de Cyrénaique. Le dieu Amon de Siouah n'est autre, semble-t-il, que le dieu égyptien Amon-Râ venu en Afrique depuis Thèbas, à un moment où la puissance thébaine ,pouvait exporter son culæ dans une Afrique encore dépourvue de civilisation (xvr"-

J. C.). Y eut-il à Siouah une assimilation entre le dieu thébain et I'ancien dieu bélier des Libyens, ou bien I'Amon de Siouah est-il purement égyptien'o ? On peut raisonnablement penser que, avant de s'installer dans l'llot grêcr;.êgyptten de Siouah, I'Amon ttrébain s'était chargé des principaux traits que

xrt" siècle av.

7. Sur Jupiter Hammon : voir F. CûMoNT, in RE, VIL 2, coL 2310. 8. Sur Zeus Ammon : F. Crreuou:

28. M. Lrctax, Sat af. fifttt., p. 233'234. 29. 30.

338

CIL,Vm, n763.

cIL, VIn,

9195.

L'aldcanlsallon des dtvlnltés romalnæ

le décompte des victimes auxquelles ont droit leurs divinités', attribuent à Saturne d.eux vtctimæ (un apeau et un taureau), ne réservant à Jupiter qu'zn bélier. A Sétif, une stèle votive " porte, non moins significativement, en tête, le nom abrégé de Satnrne et, en seconde position, celui non abtêgê (< comme pour éviær toute méprise >, dit fort justement M. Leglay ) du Jupiter romain avec ses épithètes Optimus Maximus Copltolirnn.

fassimilatisn totale de Jupiter à Saarrne apparait sous diverses formes. Elles est particulièrement fréquente à Tebessa et dans la région, où plusieurs inscriptions sont dédiées ainsi : Iovi Optitno Maximo Saturno Augusto*. Il ne s'agit pas, coulme on a pu parfois le croire, de deux divinités associées, mais bien d'un unique dieu portant à la fois les noms de Jupiter et de Saturne. Comme la personnalité de Saturne est plus riche en Afrique que celle de Jupiter (car Saturne a, outre les caractères élestes et agraires qu'il partage avec Jupiter, un rôle de protecteur des morts s), c'sst donc bien Saturne qui assimile Jupiær et non I'inverse. Cette mainmise de Saturne sur Jupiter apparaît d'ailleurs, d'une façon parfaitement claire, sur les monuments

figutés. Une statue de Saturne

ù

Tebesw (sur

le socle de

laquelle est gravée une inscription i ainsi qunune stèle de Tunisie cenÛale 37 mettent dans les mains de Saturne des attribu8 joviens ('aigle sur la stèle, et probablement le sceptre sur la statue). Cette assimilation se traduit encore par d'autres signes, contme la présence des Dioscures qui entourent taûtôt Saturne, tantôt

VfiL 8246-8U7; M. LecI.lv, Sat. af. Mon, n, p. 63-64, VIIr, E434. 33. M. Lrauv, Sat. al, Hist., p,234, 34. CIL, Vff, 16523 (ILAI, 3006); CIL, VII\ 10624 (ILAI, 3005); RSAC, 1923-1924, LY, p. 2t5-216 i CIL, VIU, 16694 (ILAI, 3518); CIL, VIII' 16696 (: ILAI, 3473), 35. Ce rôle chthonien g'atténuera par la suite, lorsque le séiour des morts sera transféré des enfers aux Champs-Elysées. Voir, M. I-soLA& Sat. af , IIlst., p. 234, n. 4. 36, CIL, \/IJI, 16523 (ILAI, 3W6). 31. CIL,

32, CIL,

37. Signalég par F. Cnerournrrn, Les Dloscures au service tune

d.éesse,

Pari8, 1935, p. 304, n" 4; M. Lnor-Ex, Sat. af. Mon., I, p. 225, no 3 et pl. Y[I, fig. 2. Cette stèle porte aussi l'inscription lovi Optimo Maximo Saturno et montre le dieu trôna[t au milieu des Dioscures.

Iupiter s. On sait ce que signifie la présence des Castores " : elle confère au dieu qui est encadré par Castor et Pollux le caractère cosmique des dieux suprêmes, puisque les Dioscures personnifient les deux hémisphères célestes (le jour et la nuit) ; on sait aussi qu'à ce titre leur rôle est très voisin de So/ et Luru, quii expriment de leur côté la maîtrise du temps, l'éternité *. L'iconographie africaine, où le thème des Dioscures avait figuré, dès la période hellénistique, notamment sur des effigies monétaires ^, s'en est de nouveau emparé au couts du u' siècle et I'a utilisé dans I'imagerie sacrée pour exprimer la suprématie d'une divinité par rapport aux autres. C'est ainsi que I'on trouve sur une des stèles de la Ghorfa' une repr&entation de Zeus brandissant le foudre entre les Dioscures et que ce groupe (Zeus-Dioscures) a son équivalent sur des stèles de Tunisie centrale, où l'on voit Saturne occupart la place de Jupiter*. La contamination entre les deux divinités est encore exprimée d'une façon analogue par I'utilisation des figures de SoI et Luna. Ces figures étant généralement les acolytes de Saturne, leur présence autour de Jupiter peut s'interpréter co[lme une africanisation de celui-ci. Dans la région de Tocqueville, c'est une dédicace à divers dieux où le nom de Jupiter est entouré des mots Soûs et Lurae 4, tandis que sur une stèle, près de Gaffour en Tunisie *, les assimilations sont encore plus nettes : en effet, le premier registre porte la tête de Jupiter entourée par le soleil et la lune, et le troisième montre la tête d'un dieu chevelu, à la 38. M. Lncuv, Sat. af. Hid,, p. 231-232. 39. F. Cnaporrnnan, op, cil. Peut-êûe faut-il penser aussi que les Castores lrcuvetrt être un élément d'afticanisation, puisqu'on connaît à Mustl des Maurl Costores .' A. Brscruovctt, < Mwtitana >, Kuthago, 1967-1968,

XfV, n.

15.

40. Voir en dernier lieu M. Leor.ev, Sat. al. Hîst., p. 229. 41. L. MiirLaR, Numismatiqae..., lI, p. 159 (7*aeltane); III, p. 70 (Numidie); L. Crilnnrs& Descriptîon des monruies de la Numidie et de la Maurétanie, Paris, 1912, p. 29-30; M. Ttrousssr, < Trésor monétaire de Tiddie >, RSAC, 1948, p. 158; M. LrcuY, Sat. af. Htst., p, 231 et

r.

2-3.

42. C. Prcanp, Catalogae du musée Alaoui, cb,964. 43. M. Lrclay, Sat. af . Mon., l, p. 224, no 2 et p. 225' no 3, pl. VII[,

I et 2. Voir supra,n.37. 44. BAC, 1903, p. @X. 45. BAC, 1905, p. CCVII et s.

fig.

340

Liaftlcanlsation des dtvtnttés ton alr.es

fois Jupiter et Saturne, entourée dæ têtes des Dioscures coiffées du bonnet pbrygen 6. Nous trouvons aussi dnautres indices de l'attraction exercée sur Jupiter par Saturne dans la présence aux côt4s de Jupiter de divinit& particulièrement vénérées en Afrique, comme Caelestîs ou Ceres. C'est à Bulta Regin quie l'on a trouvé un fragment d'autel dédié à Jupiter et à Caelestisa', tandis qu'à Cilliurn, Iupiter Omnipotens est associé à Ceres *. Nous avons en outre déjà vu que Jupiter a été associé aux Dii Mawî ainsi qu'à Juba. Ces différents types de contamination ou d'assimilation nous paraissent d'autant plus intéressants qu'ils semblent être issus, non de spéculations savantes sur le rôle et les attributions de chacune des deux divinités, mais d'un rapprochement spontané, opéré directement par les fidèles dans la pratique de leur culæ. Iæ caractère frappant des similitudes entre Saturne et Jupiter, qui a permis dans les cas cités le passage immédiat de l,un à I'autre, n'a pu jouer avec efficacité que parce que les particularités du Saturne africain, continuellement présentes à l,esprit do ses adorateurs, étaient suffisamment prégnantes trnur imposer cette réduction du même au même. C'est dire gue nons avons là, par le biais de I'influence saturnienne, un Jupiter authentiquement africanisé.

lII.

Mercureo Silvain

et la vQ6tation en Afrlqpe

L'étude des documents relatifs au culte de Mercure en Afrique, telle qu'elle fut menée par J. Toutains, permet d'emblée d'affrrmer que le Mercure africain diffère sensiblement du Mercure

de la religion romaine. A wai dire, on rencontre en Afrique deux visages de Mercure, et I'on peut même dire que ce sont en fait deux divinités, d'origine et de fonction différeutes, qui 46. M. IJcrey, Sat, aî. Ili,rt., p. 231, 47. AE, 1955, 124. 48,

dans

n

7.

BAC, 1943-1945, p. 365, no II. Peutétre faut-il considérer que, le ûexte d'Uzelis (CIL, Vfr,, 6339) où tupiter Optimw Mazlmus

est appelé genius areae frumentariac, ce Jupitor est fort voisin de Saturne

(M. Lr,or.ey, Sat. af. Hîst., p. 294, n. 5). 49. J. Tourerx, Les Cultes..., l, l, p. 299-307.

yl

portent conjointement le nom de Mercure et sont vénérées en

Afrique sous ce nom.

La première image est la moins populaire : moins ftéquemment invoquée, plutôt par des mittaires et des fonctionnaires que par des gens du peuple, plutôt dans les villes que dans les campapes. tr s'4git du Mercure gréco-romain traditiontel, dont les attributions et le type iconographique sont bien connus : les pieds ailés, la tête coiffée du pétase, il préside aux opérations commerciales, patronne donc aussi bien les associations professionnelles que les voies de communication, Cest lui qui sert aux dieux de messager et d'interprète, aux âmes de guide, Cest enfin lui qui étend sa protection sur la jeunesse sportive oo. Il n'est évidemment pas nécessaire d'insister sur cet aspect du culte de Mercure, puisqu'il s'agit d'un culte importé. Mais le culte de Mercure jouissait en fait d'une bien plus gande faveur, que ne suffisent pas à expliquer les caracêres du dieu gréco-romain, et dont il faut donc chercher les raisons ailleurs. Cette faveur est due au fait que le Mercure africain a un visage et une fonction spécifiques : c'est une divinité protectrice de la fécondité, comme l'avait déjà pressenti J. Toutaino', et 6'. 11 s'agit comme cela apparalt clairement chez W. Deonna en effet du Mercure au scorpion. Le scorpion marque I'africanisation du dieu, puisqu'il est le symbole de la terre d'Afrique; il figure généralement aves d'autres animaux attribués au dieu africain : bélier ou chèvre, tortle, et parfois coq. D'où vient donc ce Mercure au scorpion ? Il a peut-être pris la place, à l'origine, d'une divinité punique au scorpion. Ceue divinité, qui ne frgure pas dans le texte fameux du serment d'Hannibal, où sont énumérés divers dieux représentant le panthéon de Carthage (mais qui ne sont peut-être, d'après une récente hypothèse de G. C. Picard, que le panthéon personnel d'Hannin'), n'ocbàL constitué à I'imitation des souverains hellénistiques cupe donc qu'un rôle secondairen ce qui est confirmé par deux 50. P. RerNaetnlD, Hermes Psychagogue, Paris' 1935' p. 495 et s. 51. J. Toureu, Les Cultes..., I, 1, p. 306. 52. W. DsoNN,t, Mercure et le scorpion, coll. Latomus, Bruxelles, 1959,

p.

36-48.

53, Texte du serment dans PotYlr,

342

yIl,9,23,

L'afrlcanlsatlon des dlvtnttés romelnes

représentations !4. L'assimilation de cette divinité à Mercure repose sans doute sur une communauté de fonction (protection

de la végétation) ou de symbole (caducée). Mais on peut aussi proposer pour le Mercure au scorpion une autre hypothèse : c'est peut-être un Mercure romain, qui aurait d'abord reçu de I'Hermès hellénique la tortue, le bélier, le caducée (slmboles gui sont eux-mêmes de lointaine origine orientale) ; Ie scorpion lui aurait été attribué plus tardivement, en Afrique du Nord, au contact de Rome avec la civilisation punique. Quoi quï en soit, on peut dire que le Mercure africain correspond à un besoin purement africain, celui d'un dieu protecteur de la végétation, et, plus précisément encore, d'une branche définie de la végétation africaine : I'olivier. Où trouvet-on en effet les grandes concentrations de fidèles de Mercure. ? D'abord, dans quelques villes qui se sont placées sous son patronage i Sabratha, Leptîs Mirnr, Thysdrus, Valisana, Vazdvi, mais surtout dans un certain nombre de régions quin aussi bien en Proconsulaire qu'en Numidie ou en Maurétanie, se trouvent être productrices d'huile. La comparaison entre une carûe du culte de Mercure et une carte de l'olivier pout autant qu'on puisse dresser une telle carte avec une précision suffisante apporte quelques lumières !0. Ces régions sont : en Atrtca : la vallée du Bagradas,la région de Thysd,rus, la -zone comprise entre Thelepte, Sufetula et Theveste ; en Numidie : la région somprise entre Lamhe, Cirta (où- existait un temple à deux Mercures u) d'une part, et d'autre part Sitifis et Cuicul; ainsi qu'à Oum Krékèche ; en Maurétanie : les régions de Rapilwn et tAuzîa, de Caeswea et d'Albulae.

Enfin, I'association du culte de Mercure avec l'oléisulture se trouve confirmée par le fait que les huileries de Madaure con54. Sur une stèlo de la Ghorfa (Cb 970) et sur une statuette du tophet de Salammbo (G. C. Prceno, in Kaûhago, lII, p. 220). 55. f. Touranr, Les Cultes.., I, 1, p. 299-302; M. LeoLey, Sat at, Hist., p. ?/14, n.5, s'appuyant sur un mémoire inédit de Mlle J. Aatoine. 56. H. Caups-Ftt*nx, L'Olivler et thuile en Afdque du Nord., Nget, 1953.

57.

A. Bsnrrûrn, in

R.5z4C, 1942, 65,

p.

131-140.

tenaient en grand nombre des stèles dédiées à Mercure ainsi que des reliefs représentant le dieu u'.

Le caractère africain de Mercure se tetrouve encore

dans

d'autres circonstances : lorsqu'il est associé à des divinités dont le caractère indigène ne peut être mis en doute, tels les Dii Mauri6", Motntanius uo, Caelestisot. Uassociation avec Saturne prend la forme nette d'une soumission : sur les listes sacrificielles d'Aùzben Tellis', Mercure, figurant dans le cortège de Saturne,

* n'a droit qu'à un chevreau ; à Sétif, il apparait sur uns stèle qui reprâente Saturne, et qui est creusée d'une niche où se trouve placêe une statuette de Mercure. Beaucoup plus intéressant est le phénomène d'association ou d'assimilation de Mercure avec Silvain *. Les cas d'association, où Mercure et Silvain sont traités comme

des divinités différentes, sont relativement peu fréquents : à * Rapidwn, les deux dieux figurent côte à côte avec d'autres divinités, notamment le numen lovis*. Au WW Veneriensis, c'est Silvain seul, sans Mercure, qui est invoqué conjointement u?, ce qui lui donne avec Saturne et Caelestis qui le flanquent la place d'honneur au sein de cette trinité de caractère punique. Les cas d'assimilation sont les plus fréquents. Ainsi, Mercureu', à Thiges u", à Aradi'0, Silvain est invoqué dans le Sud tunisien à Lambèse ". De ces textes, on peut rapprocher la dédicace de 58, S. GseLL Mdaourouch, 1922, p. 42 et s. 59. CIL, VUI, 9195. 60. cIL, Vm, 2650. 61, cn, vIIr, 8433, 17619. 62. CtL, YrLt, 8246-8247. 63. BAC, 1915, p. CXCIX ; RSAC, 1928-1929, LD(, p. 38, no 40; M. Iæor,av, Sat. at. Mon., lI, p. 274-275, n" 5. 64. Sur les rapports entre Silvain et Mercure, J. Tourrul, .Les Cultes..., l, p. 266-267 ; M. Lrolev, Sat. af. Hist., p. 242-245; to., < Inscriptions inédites de Lambèse se rapportatrt au culte de Mercure >,

BAC, t967,3, p. 276 et 65. CIL,

s.

VIrI,

9195. LBGLAY, Sat. af

. Mon., l, p. 294, 67. CIL, VIII, 27763; M. LBcr,lv, Sat. aI. Mon., 68. CIL,Vm,1n27. 66. M.

69. CrL,

V[r,

294.

87.

70. AE, 1928,34. 71, CIL, Vlll,2646 3U

l, p.

l BAC,

1967,3, p.27Ç275, n" l-2.

L'alrlcanbatlon iles illvtnltés romabæs

DouÊga qui s'adresse à Mercario Silvion, ainsi qu'un bas-relief ùt Castellum Mastoense, près de Constantine æ, représentant Silvain aves le bélier, la tortue, le scorpion, qui sont les attibuts du Mercure africain. C-omment cette assimilatiou est-elle devenue possible ? On ne peut répondre à cette question qu'en distinguaût, une nouvelle

fois, chez Silvain comme chez Mercure, deux frgures, fune héritée du vieux dieu latin de la forêt 1 I'autre issue peut€tre du Silvain illyrien æ. Le Silvain illyrien, objet d'une vénération assidue en Pannonie, nnest sans doute lui-même que le continuateur d'un dieu local des forêts danubiennes; il a pénétré en Afrique peut-être en même temps que Mithra et Jupiter Depulsorn avec I'arrivée du légat Valérius Maximianus et des troupes originaires d'Europe centrale æ. Près de Lambèse, un de ses temples fut restauré par la légion entre 198 et 209 n ; ù Lambèse, il a sa chapelle dans le temple d'Esculape æ et il bénéficie d'une dévoton particulière de la part de la légion æ. Mais il est peu waisemblable que ce Silvain militaire ait eu une grande influence sur le Silvain africain, dont les caractédstiques sont différentes.

Le Silvain africain est en effet plus particulièrement répandu la province de Numidie : à Tirngad, il est qualifié de deus patrius et figure au nombre des dieux protecteus de la dans

72. L. Poncssm, < Inscriptions de Thugga >, NAMS, 73, CIL, Vrtr, 6355.

XlI,

n"

27.

74. A. GneMF-n, Les Religions étrusque et romaine, Paris, 1948, p. 83,

115; le mémoire inédit de P. Poumrer, Silvaln, des origines à lépoque augustéenne, est critiqué par M. Beyar, in CRAI, 1956, p. 327-328; Kt-orz' < Silvanus >, in RE; S. Gsrr.r., Histoire..., l, p. 143. 75. M. Lsorey, c [æ Mithreum de Lambèse >, CRAI, 1954, p, 268278 ; H, G. Pruu$ < Jupiter Depulsor >, Mélanges L Levy, 1955, p, 445460.

76, H.G. PTLAUM, loc. cit. 77. CIL, VTn, 267L. 78. S, GseLL, Monuments antiques...,I, p. 140 et s. : le culte I'adressait à Silvanus Pegasianus, < une divinité africaine et un symbole cher aux légionnaires de Lambèse >; R. Cecrrlr, c L'Asclepieium do Lambès€ D, Aut della Pont. Acc. Arch, série ff[, Mem., 1923, I, l, p. 82-83 (CIL,

vm,25792). 79.

CIL, YIII, 2579c, 2672-2674, 1823&18239, 18245; BAC,

p. 268; BAC, 194l-1942, p. ?il4

et, e.

1939,

colonia Marciann Traianato ; on le trouve aussi à El-Kantara " et dans la région de Constantine o'. Mais c'est surtout grâce à une inscription métrique, trouvée dans la plaine du Sers (au nord des Hautes Plaines, au sud-ouest du Kef, au nord-est de Mactar), que nous avons la confirmation du caractère champêtre et forestier du Silvain africain'. Le poème qui I'invoque fait allusion à tous les traits traditionnellement unis au nom de Silvain : champs, forêts, feuillages, bois sacrés. Ce Silvain pouvait donc, à bon droit, s'associer ou se confondre avec des divinités proches de lui par leur caractère agraire ou champêtre. C'est le cas de *, mais Mars, à qui on reconnalt parfois des attributions agraires c'est surtout le cas de Mercure. La rencontre de Mercure et de Silvain, leur fusion en une entité unique dénommée Mercurîus Silvanus semble s'être faite dans des régions où se pratique l'oléiculture : à Thiges, en Byzacène, au sud de Capsa, l'inscription est gravée, d'une manière peu soignée, sur un rocher; à Aradi, Cest un fla:nine de Neptune qui s'acquitte d'un væu ; à Lambèse, sur la pente méridiônale du djebel Afia, < où ne pouvait prospérer que I'olivier s ), uû petit fronton porte les mots Sigillurn Mercuri Sîtvani. Ces textes proviennent vraisemblablement, non de militaires, mais de paysans, et se situent dans la ligne des offrandes faitas par les indigènes aux génies topiques ou aux divinités qui gouvernent les phénomènes de la nature. Ainsi, si Mercure se-ble être plus patticulièrement lié à l'huile et aux huileries, comme à Màdaure, Mercure-Silvain est plutôt attaché à I'arbre dont il est devenu le protecteur après avoir remplacé le vieux génie indigène. On ne s'étonnera donc pas, dans ces conditions, que Silvain 80. BAC, 7901, P.3L2. 81. cIL, VllI, 2499. 82. CIL, VIrI, 5933, 6354,6963. g3. L. CnareLArN, < Le Culte de silvain en Afrique et I'inscription de la plaine dn Sers >, MEFR, 1910, )OO(, o,77'91. 84. A, GneNrE&, op. cit., p. lo2, 125. C'est ce caractère qui explique qure Silvanus apparaisse parfois comme une simple épithète de- Mars (boton, S3). Ce point est cependant coûtesté par G. Dumézil, qui inter' prète éette' séquence comrne une énumération par iuxtaposition (f,a Religion romaine archdiQue, Paris, 1966, p. 236)' 85. M. Lrcrer, Sat. af. Hist.' P. 245. 346

Uarilcenlsatlon des dlvlnités romaù,es

soit aussi parfois étroitement associé à Saturne ou à Jupiter Flammon. Le poème de la plaine du Sers met en rapport Silvain avec le dieu Saturne, qui n'est pas nommé directement, mais désigné symboliquement comme dieu tenant la serpe (Patrîs falciteræntîs) : c'est par sa voix qu'est réclamée pour Silvain Ioffrande traditionnelle du chevreau. Les rapports de Silvain

avec Jupiær Hammon sont plus complexes : une inscription de Carthage nomme en effet lupïter Hswrnn Bqbarus SiIvanus* et elle est dédiée par le collège des sacerdotes dei Barbui SîIvani. La fusion entre les deux divinit& semble totale. Mais pourquoi les prêtres dédicataires ont-ils cru nécessaire de donner à Silvain le qualificatif de Barbarus, qui fut d'ailleurs aussi appliquê, aux Diî Mutrî " ? Peutétre n'est-ce qu'une fagon d'insister particulièrement sur son aspect proprement africain" qui pounait d'ailleurs être aussi bien berbère que puniEre s. fci encore, Cest la référence commune à la protection de I'agriculture qui assure le passage d'une divinité à l'autre, dans un sontexte très afticain.

IV. wIaN ûtcaln Bien qu'il ne soit pas aussi nettement I'héritier de culûes locaux qu'il I'est dans d'autres régions, comme l'Espagne ou la Narbonnaise, le culte de Mars en Afrique " mérite exanen. Mars occupe en effet une place particulière dans le panthéon africain, et sa particularité réside dans les relations étroites qu'il entretient avec Saturne oo. Mars figure parfois au milieu du groupe des divinités siégeant autour de Saturne : dans le vieux centre indigène de Middidi, entre Mactar

-

86, CIL, Vïr,245L9, 87. CrL, VT[I, zUL 88, M. Lrcr-aY, Sat. af. Mon,,

p.242 et n.7,

I, p. 15 et s., no 5 ; Jar. a|, Hist.,

89. J. Tonrenv, Les Cultes.,., I, p. 252-?Â0. 90. M. Lrouy, Sat, at. Hist., p.237-239,

et Thala, où l'on vénérait Mars patrius ", un dieu cuirassé, qui a été identifié à Mars'n apparaît sur une stèle * ; à Djemila, sur une stèle votive, se trouvent sept petits - figurant sept divinités. L'interprétation de ce groupe a bustes donné lieu à diverses hypothèses. En publiant cette stèle, M. Leglay'o y a d'abord reconnu les Dii Mauri en s'appuyant sur le rapprochement avec le bas-relief de Béja * et a repris cette hypothèse dans sa communication sur Saturne et les dieux indigènes'u ; G. C. Picard préférait le rapprochement avec la stèle de Middidi citée ci-dessus. Mais, M. Leglay, revenant sur sa première hypothèse, a reconnu dans ces sept figures les sept divinités qui président aux jours de la semaine : Saturne, Sol, Luna, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus; à Haîdra, le temple de Saturne a livré, au milieu des - du dieu africain, une statue de Mars et une dédicace " ; effigies à Carthage, un prêtre de Mars sacrifie une tête de taureau à Saturne"8; réciproquement, à Thuburbo Maius, c'est un prêtre de - qui associe Mars à son dieu, consacrant à I'un un autel, Saturne à I'autre une palme d'argent "' ; à Aïn Souda, près de Souk Ahras, C. Pompeius Victor, qui- est appelé mngister sans autre précision, élève un autel à Mars sur I'injonction de Saturne'*. Quels sont les traits qui, dans l'histoire du Mars africain, peuvent expliquer ce rapprochement ? I1 semble qu'il faille 91, cIL, VIII, 23356. 92. M. Lscrev, Sat. af . Mon, I, p. 297-298. 93. Sur l'importance de cette stèle, M. LeoLev, Sat. af . Hist,, p. 239 et n. 1 : Mars cuirassé est coiffé d'un modius, attribut des dieux de la fertilité, et il est placé à I'extrémité du cortège entourant Saturne' Ainsi apparaît à la fois son caractère agraire et sa subordination. 94. Libyca, I, 1953, p, 61-63, n' 41. 95. CRAI, 1947, p.355-371. 96. Actes du 79 Congrès natîonal des sociêtés savantes, Alger, p. 87 et s. 97. M. LEoleY, Sat. a|, Mon., I, p.324. 98. CIL, VfiL24524; M. LEcuY, Sat. af . Mon,, I, 14, no 3, 99. ILT,709; M. Lrclet, Sat. af. Mon., l, p. 117-118, n' 4-5. l0O. Cn, VIII, 17313 i ILAI,928. 348

1954'

L'afrlcanlsation des dlvlnltés romalnes

chercher dans deux directions. C'est, doune part, l'existence dalxr

le panthéon punique d'un dieu qui a pu snassimiler à Mars, d'autre part le double aspect, à la fois guerrier et agraire, du dieu latin, qui ont pu lui valoir son succès en Afrique. Qui est le Mars punique ? S. Gsell postulait I'existence d'un dieu Arish 1o1, mais on peut êcafter cette hypothèse ; le nom d'Arish ne s'applique pas à une divinité particulière, mais signifre simplement < l'époux >, et la similitude de sonorité avec le nom d'Ares ne signifie nullement qu'on puisse les identifier'@. On connaît cependant à Carthage un dieu cavalier casqué, portant un cimier sur son casque. G. C. Picard r8 a suggéré deux rapprochements. D'un côté, la présence du cheval fait penser aux stèles du tophet de Salammbo qui sont ornées de chevaux, ainsi qu'aux monnaies puniques au type du cheval; on sait que J. Bayet voit dans ces monnaies une allusion àl'owen du cheval, préliminaire, d'après la légende, à la fondation de la ville's. Dnun autre côté, I'aspect guerrier du dieu fait penser à l{adad, que les poèmes de Ras Shamra appellent Baal et qui ast présenté comme le champion de El; c'est précisément tladad que R. Dussaud'* a découvert sous le nom grec d'Ares dans le serment d'Hannibal ; son rôle dans la fondation de Carthage semble avoir êté important, bien que le développement ultérieur de Tanit et de Baal Hammon ait réduit Hadad à une position très subalterne. Nous avons donc 1à, dès l'époque préromaine, des éléments susceptibles de jouer en faveur du rapprochement entre le dieu punique et le dieu latin. Mais un élément encore plus important reste à examiner : I'existence chez les deux dieux de fonctions agraires. Hadad phénicien, en effet, n'est pas réduit à son rôle guerrier 101. S. Gsar:-, Histoire..., IV, p. 331 et n. 9. S. GseU déduisait fexistens€ d'Arish à partir du nom d'Abdarish (= serviteur d'Arish) quï considérait comme théophore. 102. G. Har,rr, < L'Onomastique prrniqus de Carthage >, Karthago, XU, p. 76, ne connalt pas de dieu Arish. M. Ltorlv, Sat. al. Hlst., p. 238, après avoir fait le rapprochement Arish-Arès, dit ensuite que c€ rapprochement ne s'impose pas, mais saûs donner d'argument. 103. G. C. Ptceno, Religions,.., p. 52 et s. ; fig. p. 55. 104. J. Be,ym, < L'otnen du cheval À Carthage, Timée, Virgile et le monnaysge punique >, REL, 1941, XD(, p. 166-190. 105. R. Dussrup, < Astarté, Ponûos et Ba'al >, CRAI, 1947, p. 218.

il est aussi seigneur de la Terre Nourricière'ou, garder ce caractère dans la religion punique, ce qui justifierait fassociation, sur certaines monnaies puniques, du cheval avec un palmier, symbole de vie. Quant au Mars romain, sa personnalité n'est pas moins complexe : le double aspect, belliqueux et agraire, du dieu, a été plusieurs fois souligné'o?. L'origine exacte des caractères du Mars italique est difficile à découvrir. Peut-être y a-t-il un lien entre son culte et celui du taureau, comme on l'a diverses fois proposé 108. Le rôle agraire de Mars apparaît dans quelques-uns des traits de son culte : ses fêtes co'incident, en mars et en octobre, avec les labours du printemps et les semailles d'automne; les Saliens de Mars, qui parcourent les champs, dans un appareil militaire, pour éloigner les influences néfastes, combinent le double aspect du dieu. de dieu au foudre,

et a

dt

Ainsi s'expliquerait la collusion entre Mars et Saturne. A Aîn Souda, l'autel dédié à Mars sur l'ordre de Saturne n'a été consacré qu'après que la terre eut été retournée (arato loco)'*.

Ainsi s'expliquerait aussi l'association, déjà sipalée, entre Mars et Silvain, les deux divinités ayant en commun les fonctons paysans deveagraires et militaires. L'identité de leur clientèle pas manqué n'3 vétérans devenus agriculteurs nus soldats ou de favoriser cette association. On ne peut toutefois conclure ces brèves remarques sans attirer l'attention sur leur caractère hypothétique. Leur portée Serait en effet quelque peu restreinte si I'on mettait en doute qui est I'aspect le fait que, à côté de son aspect militaire le Mars latin -a aussi un aspect largement prédominant -, ce qu'a fait récemmsnf et avec agraire. Or, c'est précisément

-

106. C. Vnor.ueeuo, in RI/R, 1956' CXLIX, p' 137-138. 107. P. BoYencÉ, in REL.,1935, p. 110; G. HssMANseN, Studien ûber d. Ital. und d. Rôm. Mars, dissert. Copenhague, 1940; A Gnrrunn, op. cit., p. 102-104, 12+125, G. DvtiÉ-ztt-, Ritaels ittdo'européctts à Rome, 1954, p.78, faisait cependant des réserves. 108. F. Arrnrrv, Rômische Geschichte, 1956, pense que Mars était à

lorigine un dieu taureau; G. Devoro, in Stud. e Mat. Storta Rellg,, 1934, X, p. 243, fait ressortir les liens entre les deux cultes. J. HEuncox' Trois êtades sur le Ver Sacrum, coll. Latomus,1957, p. 6 et s.,46 et s., a mis en lumière le rôle du taureau dans le Ver Sacrum, qui, dans sa

forme ançienne, se rattachait au culte de Mars. 109. 350

rLAl,928.

L'slrlcanisoilon des divlnités ronabæs

vigueur

G. Dumézil, qui critique u.n à un les arguments des tenants du Mars agraire 1r0. Peut-être faut-il alors penser que I'aspect agraire difficilement contestable que nous trouvons chez le dieu Mars en Afrique provient, non de la résurgence d'une fonction du Mars latin, mais seulement de l'acclimatation du dieu à l'Afrique. Ce qui seulignslail encore plus vivement l'influence de l' < africanisation > sur une divinité romaine.

-

-

V.

-

Bacchus afttcain

I-e remarquable succès en Afrique du culte de Bacchus, généralement appelé Liber Pder, ne pouvait guère échapper aux observateurs "', et l'on peut se faire une idée de l'importance de ce culte, ainsi gue de la nature complexe et des multiples attributions dévolues ù Liber Pater, gràce au nombre impressionnant de documents de toutes sortes qui s'y rapportent "'. On trouve, en effet, quantité de dedicaces, dnautels, de statues qui lui sont voués. Mais son influence va beaucoup plus loin. Car les thèmes dionysiaques ne se cantonnent pas dans le décor religieux ou dans le décor funéraire ; ils ont élu domicile sur les Eonuments les plus divers, notâFment sur les reliefs, les fresques et les mosarques; au point même que des motifs dionysiaques ont fini par se < laiciser >, et par se dépouiller parfois, au profit de la simple ornementation, de tout caractère vraiment religieux "'. 110. G, DuuÉztr" La Religîon romaîne archdique, Paris, 1966, p. 215245, déclare sans amlrages : < L'unité fondamentale de la foaction du Mars romain est établie : il n'y a aucune raison de placer aux origines une valeur agraire, que n'indique aucune des prétendues traces relevéeg à l'époque classique > (p, 241); et plus loin : < En résumé, de quelque côté qu'on envisage le problème, à Rome comme à Iguvium, coûrme etr Etrurie, un contrôte strict des arguments laisse Mars dans sa défrnition tiaditioanelle, dieu combattant et dieu des combattants > b. 245). lll. J. TourerN, les Cultes..., I, p. 362-363; S. GseLL Histoîre.,., p. 316; A. BnuHl, Liber Pater. Ortgine et erparulon du calte dionysiaque à Rome et dans le monde romain, Paris, 1953, p, 223 ; G. C. Prcano, Religions.,., p.93 et s., 115, 195 et s.; M. Lscr,e& Sat. af, Hi,st,, p.239

et

s.

112. Une partie de ces documents est analysée par A. Bnunr, op. cit., p, 223-228. Mais cct inventaire est loin d'être exhaustif. 113. M. Lrotry, Sat. al. Hist., p.245.

Il serait intéressant de recenser et de décrire systématiquement I'ensemble des ftaces laissées en Afrique par le culte dionysien ; toutefois, dans la mesure où nous nous attachons plutôt à chercher les traces d'africanisation dans le culte de Bacchus, nous ne citerons que les documents où apparait, chez Bacchus, un caractère indéniablement lié aux cultes indigène ou punique. Il est incontestable que l'expansion du culte de Lîber Pater en Afrique n'est pas due uniquement aux traits gréco-romains du dieu, et que ce dernier a pris la succession et le rôle d'une divinité pré-romaine, comme le postulent ses divers historiens "o. Plusieurs traces nous permettent de suivre quelques-unes des phases du développement qui a pu mener d'une divinité indigène de la vigre et du vin à Dionysos et à Liber Pater. La principale de ces traces est constituée ù Lepcîs par I'inscription bilingue "u, latine et néo-punique "', qui permet d'établir que l'équivalent en néo-punique de Liber Pater e'st Cludrapha, dieu d'origine cananéenne, qui fut d'abord un dieu guérisseur et protecteur "', avant de devenir le dieu de la fécondité. L'assimilation entre les deux divinités a dt se produire dès le nr*'siècle av. J. C., au moment de I'hellénisation de la religion punique r18. C'est en s'identifiant ù Chadrapha que le culte de Dionysos a pu s'introduire et se développer : d'abord au temPs de la Carthage punique, dans les zones profondément punicisées' comme la Tripolitaine ou les villes du littoral tunisien, puis, après la chute de Carthageo dans les villes de l'intérieur, en Numidie

et en Maurétanie, où f influence cultuelle et religieuse punique survécut longtemps à la destruction de la cité, où d'autre part I'action des rois indigènes encourageait l'implantation et la diffusion de I'hellénisme, et où, enfrn, certains des rites de la reli-

114. Voir supra, n. lll. 115. Publiée par M. Lsvt osI.Ll Vroe, in Bulletitt of the Anterican School ol Oriental Studies, 1942,87, p. 29 et s. 116. IRT, 294. 117. Sur Chadrapa : f. Suncrv, in Syria, 1949, )O(VI' p. 43-85; A. Caquorr, in Syria, !952, ]Ëf']Dç p. 74-88. Le nom du dieu signifie

Chad guérisseur. 118. 3s2

G.C. Ptcero,

Religions.'.,

p. E1'99 (surtout p.

94).

L'afrtcanlsation des dlvtnltés romqines

gion libyque pouvaient aisément s'intégrer dans les pratiqueg dionysiaques ou s'y assimiler complètement. La place qu'occupe Dionysos dans les cultes puniques, nous pouvons la mesurer grâce au nombre et à la qualité des stèles qui portent des emblèmes dionysiaques, et notamment le cratèrg la feuille de lierre ou la vigne. On connaît les stèles du sanctuaire de Tanit à Carthage "'. Mais les stèles de la Ghorf4 qui bien que de date plus tardive, se rattachent à une tradition berbéropunique, nous présentent la figure même du dieu, qui voisine avec celle de Vénus, fAstarté phénicienne'', tous deux réunis par leur rôle de divinités de la fécondité. Ainsi, le dieu grec du vin en est-il arrivé à occuper une place non négfigeable dans le culte de Tanit et de Baal Hammon "t, ce qui explique et annonce son association ultérieure à Saturne sur les stèles romaires. pff aillsuls, en dehors de la zone immédiate d'influence carthaginoise, le culte de Bacchus était présent à I'intérieur des terres. Ainsi, Ie roi Bocchus de Maurétanie avait fait frapper des pièces à I'effigie du dieu, ce que S. Gsell explique par un jeu de mots entre Bocchus et Bacchus *. Mais, même si cette hypothèse était exacte, elle prouverait de toute fagon que, dès le t'" siècle av. J. C., le culte de Bacchus était déjà connu et relativement populaire dans le royaume. Bocchus n'aurait pas songé à tirer parti de cette quasi-homonymie si Bacchus était pour les Maurétaniens un dieu inconnu ou d'importation récente

a.

A quoi est dû Ie succès du culte de Bacchus auprès des populations africaines ? Il semble qu'il faille en chercher la cause dans l'affinité entre certains usages religieux indigènes, certaines tendances de l'âme aficaine, et les pratiques orgiaques liées au dionysisme. Cette ressemblance, soulignée et étudiée par H. Jean119. G. LeeEyne, A. Prrr.rcnn, Carthage punique, Paris, 1942, pl. Iû; Houns-MTEDAN, in Cahiers de Byrn, 1950, I, p. 54. 120, C. PrceRo, Catalogue du Musée Alaoui, Cb 963, 974, pL CïI.

M.

cVIII.

l2l.

p. 240.

G. C. Prcano, Religions..., p. 93, 115; M. Lror,ev, Sat.

Gsrlr, Ilistoire..,, VI, p. 158. A. Bnuul, op. cit., p. 233, développe

af.

Hist.,

122. S, 123,

ment analogue.

implicitement un raisonne-

353

maire "a, qui met en parallèle la possession dionysiaque avec certaines formes modernes de possession que fon trouve en Afrique, a été plusieurs fois invoquée @, et I'on a pu penser que les raisons mêmes qui avaient longtemps empêché le développement à savoir les débordements des Bacchadu bacchisme à Rome - favorisé son extension en Afrique *. ont au contraire nales Il faut- reconnaître que I'aspect orgiaque du culte semble avoir joui en Afrique, et dans toutes les classes de la société, d'une

faveur particulière, puisque saint Augustin pouvait encore, à son époque, blâmer les décurions et les premiers personnages de la cité célébrant les Bacchanales sur les places publiques de la ville o'. Faut-il alors croire que le bacchisme a joué en Afrique le même rôle qu'en Orient au début de la conquête romaine, lorsqu'il repr&entait, face à la romanisation, un élément de résistance de l'hellénisme, sur lequel s'appuyaient Mithridate ou Cléopâtre ? Par ses affinités avec les religions préromaines (cultes indigènas d'une part, cultes puniques hellénisés d'autre part), Bacchus semble bien se prêter, autant que Saturne, au ide au dieu-refuge pour les valeurs religieuses africaines. Cela est surtout sensible en Tripolitaine, où le dionysisme semble même avoir attiré une grande partie des fidèles qui, dans le reste de I'Afrique, allaient vers Saturne ; ceux-ci, sur le golfe des Syrtes, en lnabsence du culte satumien, se partagent entre Iupiter Hammon's et Bacchus. Le passage de l'Apologie où Aiulée fait appel au témoignage des mystes de Liber assistant à son procès @ implique' comme le remarque G. C. Picard' u qu'un nombre considérable de Tripolitains avait reçu I'initiation dionpiaque, et qu'il n'existait pas alors, à Oea, d'autre secte comportant un nombre important d'adeptes's >.

:

124. H. JEINMAInE, Dionysos hîstoire da culte de Bacchus, Paris' 1951, p. 243 et s. pS. e,. Bnuil-, op. citu p. 234'215; G. C. Prcmo, Religions'.', p' 199200.

126.

G.C. Ptcnno,

Religions...,

p.

199'2OO'

127. Sanrr Auousrlr.r, Epist., 17,4 (ettre à Maxime de Madaure)' 128. Voir supra, p. 337. 129. Awvfrx, Apologie, LY, 8, 130. G.C. Ptceno, Religions.,,' p. 181. 354

tafrlcanisation des illvinltés rcmdnes

Mais Bacchus, grâce à son caractère de dieu double'u', parvient à drainer une tout autre clientèle que celle des Africaing séduits par les rites orgiaques; grâce à son aspect de dieu civilisateur, celui que repr&entent la majorité des mosaiques, il attire une partie de la bourgeoisie des villes. C'est sette bourgeoisie qui, au moment, où, dans tout I'empire, se répandaient les religions du salut (orientales) et renaissait le mysticisme, a tout natuellement retrouvé son gott pour Bacchus, divinité qui, tout eu ayant des attaches avec les différentes étapes de I'histoire africaine, était encouragée officiellement par la faveur que lui témoignait la dynastie des Sévères. Car, avec loavènement de I'empereur lepcirain, dont les dieux protecteurs son[ Hercule, Vénus et Liber, le culte dionysiaque prit le caractère d'un vaste slmcrétisme. Ainsi, loin d'être nécessairement et automatiquement les signes d'une résistance à la romanisation, les nombreuses traces du culte de Liber Pater témoignent parfois, au contraire, d'une volonté de romanisation; elles demandent douc à être interprétées avec une grande prudence, en fonction de la personnalité fort complexe du dieu. Cette personnalité a-t-elle valu à Liber Pater le titre de deus magn 6 qui l'égale en Afrique à Saturne's ? IJépithète de magnus attribuée à Liber ne figure en toutes lettres sur aucun texte africain ; elle a seulement été restituée par Carcopino sur une inscription du Vicus Maræitanus 's à la frn de laquelle figurent les trois lettres S.D.M.; le premier éditeur, C. Saumqgûe, avait proposé de compléter en S(ignurn) d(edît) M(a.rrnoreum); J. Carcopino, s'appuyant sur deux exemples extérieurs à I'Afrique, complétait en S(acerdos) D(eî) M(agni). Il est inutile de souligner le caractère aléatoire d'une restitution qu'aucun texte africain ne vient confirrner. Mieux vaut, en tout cas, nous semble-t-il, ne tirer aucune conclusion sur la nature du dieu à partir de cette hypothétique épithète'-. 131. R. TbRclN, < Dionysos Dimorphos >, MEFR, 1958, p. 243-293. 132. J. Cencorno, in CRAI, 1942, p. 125 et s.; A. MeRLrN, lf,?, 572; A- Bnuru" Liber Pater, p, 225 ; M. Lnor-ev, Sat. af, Hist,, p, 127

et

*

3,241.

133. Ksar Toual el Taneul, |LT,572, 134. Utilisation peut€tre excessive de cette épithète dans Sat. al, Hlst,, p. 240-241,

M. Lrcr,ev,

S'il est incontestable que le culte de Liber a dt hériter de rites ou croyances issus des religions indigènes, il est bien difficile d'en faire le décompte ou la description. A. Bruhl'* croyait trouver des indices de formes religieuses propres à I'Atrique sur une dédicace à Liber Pater de Timgad

"',

dont les dédicantsn

membres d'une seule famille, sont dits cistiler (appliqué aux hommes) et pedîsequæîw (appliqué aux hommes et aux femmes ; le terme de pedisequarius est inconnu ailleurs dans le culte dionysiaque). A. Bruhl serait tenté d'y voir une trace des pratiques de la religion africaine ancestrale ; il considère en effet que les dédicants, la famille des Calpumii, sont des autochtones en se fondant sur < certains sigûes propres aux inscriptions de la région de l'Aurès >. Or ces signes, qui ne sont d'ailleurs pas propres à l'Aurès, ne sont rien d'autre que des variantes du croissant sur hampe.

Ce signe a en fait une signification très précise, sans rapport avec l'origine ethnique "'. Il s'agit d'un emblème appartenant à un collège religieux et professionnel, celui des Telegenii, qui ont pour divinité tutélaire Liber Pater. Le croissant sur hampe apparaît à diverses reprises en Afrique avec une siguification dionysiaque'*. Mais il n'apporte naturellement pas d'indication sur les aspects proprement africains de la religion de Liber Pater' et I'argument qu'en tire A. Bruhl est donc sans valeur.

VI.

Neptune africain et le problème de I'eau

Dans I'exposé des caractères africains des divinités romaines, on a jusqu'ici constamment trouvé une référence aux problèmes de la fécondité en général, et de la fécondité de la terre en particulier : Mercure et Silvain, Bacchus et jusqu'à Mars ne se comprennent en Afrique que dans cette perspective. Il en va de même de Neptune "". 135. A. Bnunr-, Liber Pater, p.237'238' L36. D,3367; S. GsEr.t, H. Gnetr.r:or, in MEFR, 1893' p. 477. 137. Voir A. BsscnÀoucg, in CRAI, 1966' p. 134-157. 138. Voir M. Lrcr-ev, in BAC, 1954, p. 199, n" I ; L. Foucner, in Latornus, t96L, p. 291-297 ; J. Geæou, in MEFR' 1969, p. 580-584. 139. J, Touraw, Les Cultes..., l, p. 372 et s. ; J. Fennox, in Cahiers de Byrsa, 1950, I, p. 190 et s.; P. PettrïtENGIN, , MEFR, 1967, p. 196 et s., donne la liste complète des inscriptions dâfrique relatives au culte de Neptune, avec une carùc. 140, CIL, w'II, 2652-2656, à Lambèse. l4l. ILT, 246, Pheradi Maius i CIL, YITI,23653, Ksar Mdoujda (civitas

4...).

142. CIL, VllI, 27828, Tttuli. 143, CIL, VIII, 10936, environs de Sétif. 14d. CIL, Ir'In, 264L7 (ILT, 1374), Pagus Suttuensis i ILAI, 2986, Hr. bou Chekifa ; CIL, YfrL 28072 (ILAI, 2825), près de Madaure ; lE, 1937, 37-38, 7-areiî; MEFR, 1967, p. l9l, Thigillava, 145. CIL, VllI, 26417 (ILT, 1374), source d'Ai'n-Zroug; CII, V[I, 27828, Ain Madjouba ; CIL, YIJJ, 23343, Ait Maja; CIL, Vfil, 28072

(ILAI, 2825), Ain bou Sersou ; CIL, VIII, AE, t937, 37-38, Ain Znîa. 146. RE, 1936, XVII, col. 1535.

2652-2656, près d'Aîn Drinn ;

147. Série de références dans P. Prrrraaeucuv, loc. clt.,

p.

202.

Comment s'est effectuée cette spécialisation ? I1 est à la fois facile de I'imaginer et difficile de le démontrer dans le détail. La vénération des sources est, nous l'avons vu, une des constantes de la religion ancienne de l'Afrique du Nord, ce qu'explique naturellement la grande importance que prend l'eau courante dans un pays où l'irrigation conditionne l'agdculture. Cette vénération s'est manifestée de diverses façons, mais en s'intégrant, au fur et à mesure de la marche de I'histoire, dans la religion dominante.

Elle s'est ainsi fondue d'abord dans le culte d'un Neptune

puniquen qui correspond peut-être à la divinité appelée Poséidon dans le seûnent d'Hannibal'*. Ce Neptune punique est attesté en Afique'4, et plus particulièrement à Lepcis Magna 'uo. Dans

un premier temps, on a voulu f identifier ù Yam (nom qui signifie mer), dieu phénicien'u', mais cette identilication ne rend pas compte de manière satisfaisante de la diversité des aspects du dieu en Afrique. Aussi a-t-on proposé une autre identification fondée sur l'épigraphie néo-punique de Lepcis Magna. En

effet, selon A. Levi della Vida, le Neptune africain devrait être reconnu dans la divinité phénicienne El qone aras (ce qui signifïe : < EI possesseur de la terre ,), qui aurait ellemême recouvert une vieille divinité indigène des eaux'". Mais, comme le fait remaxquer P. Fetitmengin'o', ce rôle d'intermédiaire entre la divinité libyque et le Neptune tomain, si l'on peut l'admettre pour le cas précis de Lepcis Magna, doiton pôur autant l'étendre à I'ensemble des provinces africaines ? La question reste ouvelte. 148. Por-vne, VIl, 9, 2-3. 149. S. GseLL Histoire..., IV, p. 336-337. 150. J. GuB'v, < Epigraphica Tripolîtana >, R0A,1953, LV, p. 356 et s' (dans la partie néo-punique de I'inscription bilingue, le nom corr$pondant à Neptune est détruit). 151. Hypothèse de R. Dusseuo, in CRAI,'/..947, p.218. Voir aussi H. Farren, < Le Cavalier marin de Kerkouane >, Afrîca, 1966, I, p. L932. I-es traces du nom du dieu Yam dans I'onomastique punique sont douteuses.

152. A, Levt osI,r.e Vme, < Tracce di credenze e culti fenici nelle iscrizioni neopuniche della Tripolitanià >, Festschtilt l. Friedrich' Hei'

delberg, 1959, p. 303. 153. P. PnrrrrasNcu,l, loc. cit., p. 204, n. 358

l.

L'aidcailisatton des dlvinltês romdnes

Quoi qu'il en soit,

il

nous suffit,

lnur notre propos, d'avoir

de nouveau découvert, sous le nom de Neptune africain, I'habituelle stratification de données religieuses issues du fond antê rieur à la romanisation et conservées sous des formes modifréæ. Iæs rapports de Neptune avec Saturne ne nous apprennent rien sur les aspects africains du dieu. Neptune en effef gsf mis au rang des divinités sur lesquelles règne Saturne, ainsi qu'il apgaraît sur la stèle romnine de Middidi e. Notons cependant qu'il faut définitivement écarter I'hypothèse d'une identifrcation entre Neptune et Saturne I : cette identification ne reposait que slu une mauvaise lecture d'une inscription de Tleta Djouana (Sud tunisien). Là où le BAC "' donne par eneur Neptuno Saturno socrum, il faut l;r:e : Neptuno Augusto sa.cru.rntor.

VII.

Esculape, Eshrnoun et tes génies libyques de.la

snté

La place d'Esculape dans la religion de l'Afrique romaine doit une grande part de son originalité aux affinités du culte d'Esculap avec des pratiques d'origine orientale, et plus particulièrement sémitiques. En sa qualité de dieu ronain de la santé, Esculape a étê introduit dans le panthéon de la Carthage romaine, où il a pris naturellement la succession d'Eshmoun, l'une des grandes divinités de la Carthage punique'u.. L'emplacement de son temple à Carthage a été découvert par G. C. Picard'o' dans la partie sud de la colline du Théâtre ; là a été retrouvée une inscription : Iussu Domini Aescu(lapii). Apulée, dans les Florides, invoque Esculape < qui étend sur la citadelle de notre Carthage sa puissanco manifeste et sa protec-

154, M. Leoley, Sot. al. Mott., I, p.297 et pl. D(, fig. 5. 155, Ibîd,, p. 331 Sat. af. Hist. p. 237; P. Parrrnrnuonr,

;

p. 201, n. 1. La lecture

erronée

déjà dans J. Touran, Les Cultes..,, 156. BAC,1900, p. c)ooflv.

Ioc, clt., du BAC, 1900, p. cxxxw, figurait I, 3, p. 25.

t57. CIL, VIII,2335t. 158. A. AuooLLENr, Carthage romaine, Paris, 1901, p,40U4OZ; J. TouTAIN, trer Cultes..., I, l, P. 33+336. 159. G. C. Prcern, Religiotrs..., p. L25; G. C. Prceno, Cafthage, l9il, p. 42; G. C. Prcano, in BAC, 1946-1949, p. 588.

tion secourable'uo >. {Jn bâtiment rond, qui est peutétre un temple consacré à Esculape, est connu à Tebessa Khaliatu'Esculape est associé, à plusieurs reprises, à Caelestis et à Saturne : une statue de lui est trouvée dans le sanctuaire saturnien d'Haidra'* ; sa prêtrise est associée à celle de Caelestis à Henchir el Oust, dans la plaine de la Ghorfa "' et à Thtzica. A Dougga, un torse d'Esculape a été trouvé dans le temple de Caelestis'*; le même lien se retrouve à Apulum, en Dacie, sur une inscription émanant sans doute d'un Africain'*, qui s'adresse à la fois à Caelestis, à Esculape, au genius Cutlwginis et au genius Daciarunt. Habituellement, a pour compagne Hygie (ou Salus), mais en Proconsulaire, cette association est moins fréquente.

il

Les traces de l'ascendance sémitique d'Esculape en Afrique se retrouvent principalement sur une inscription découverte à Thuburbo Maius, dans la palestre des thermes d'été'uu. Il s'agit d'un règlement très strict énonçant les purifications auxquelles il faut se soumettre pour monter sur le podium du sanctuaire : continence sexuelle, abstinence de porcn ni coiffeur, ni bain public. Ces prescriptions, fréquentes dans les cultes orientaux, notamment dans tous les cultes comportant des mystères et des où il s'agit de préserver la pureté physique du initiations

pythagorisme) fidèle (éleusinisme,

sont assez rares dans les -, dans les cultes africains provinces occidentales, sauf précisément ôu phéniciens. Il est toutefois nécessaire de remarquer que la purèté rituelle, sous des formes sensiblement différentes, joue 160. Arur-Ée, Florides, XVUI, 37 ; un autre discours en I'honneur d'Esculape fut prononcé par Apulée à Oea'. cf. Apologie, LV' 10-11' Apulée mentionne avec complaisance ce discours, qui semble avoir obtenu un grand succès, puisque les spectateurs du procès en connaissent par c*ui l" début. LeJ babitants d'Oea semblent avoir une vénération toute particulière pour EsculaPe. 161. J. P. Boucnnn, Libyca, 1956, IV, p. 7'31. M. Janon doute de l'identification proposée par J. P. Boucher (communication inédite). 162. M. LEchY, Sat, af. Mon., I, P, 324. 163. CIL, Ylfi, L6417. L64. L. PolNssor, < Inscriptions de Thugga >, NAMS, XIII' p' 338' TBnruLrEN, ApoL,23 : association avec Caelestis. 165. CIL, IU, 993 ; CRAI, 1951, p. 306-308. 166. A. MrnLIx, in CRAI, 1916, p. 292; G. C. Ptceno, Religions""

p. 125; ILAf,225. 360

L' alficanlsation cles divlnités romdnes

aussi un grand rôle dans la religion romaine. M. Beaujeu remarque que le mot pius, si l'on se fonde sur le sens de ses dérivés piarc ot pîaculam, doit signifier < pû, sans souillure 16? >. Le temple de Melqart à Gadès fournit un exemple typique de ces règlements où voisinent les interdits et les purifications ræ : entrée interdite aux femmes et aux porcs ; nécessité pour les prêtres de porter un vêtement blanc à l'intérieur du sanctuaire ; continence sexuelle; interdiction de porter des chaussures ou d'avoir des cheveux. La ressemblance entre le règlement concernant Melqart et celui concernant Esculape permet de penser qu'ù Thuburbo Majus, et probablement aussi ailleurs en Afrique,

le culte du dieu guérisseur avait gardé pieusement le respect des pratiques phéniciennes concernant Eshmoun, qui ont été adaptées par la suite à Esculape. Faut-il considérer que la pratique de llncubation fait partie du même héritage ? Il ne le semble pas vraiment, car I'incubation est liée au culte d'Esculape même en dehors de lâfrique 1@, Mais on sait que cette coutume, ainsi d'ailleurs que l'oniromancie en général, était particulièrement populaire en Afrique. Hérodote signalait déjà ces pratiques chez les Nasamons'?o, et la vision du dieu en songe se retrouve dans le culte de Saturne r?t. On peut cependant faire remonter plus haut les origines réelles de I'Esculape africain, car I'Eshmoun punique semble bien n'avoir été lui-même que I'héritier de coutumes antérieures à son arrivée. Les fouilles de Castellum Dimmidi ont permis de retrouver, sous I'abside d'un petit temple, un puits soigÊeusement isolé. La présence d'une stèle dédiée à Esculape, Apollon et Hygie a, coûlme on I'a vu plus haut, conduit à penser qu'il s'agit là d'un génie libyen des eaux salutifères, que les Romains 167. J. BBeureu, La Rellgion romalne..., I" p. 281. Sur les purifications avant I'initation dionysiaque, A. BnuHL, Liber Paer, p. 89. Sur les purifications dans le culte de Saturne, M. Lror-nx, Sat, aî..ttrt., p,3E4-385. 168. Les règles sont données 1nr Srr,rus Italrcus, Punica, III, 2l et s. Sur le temple lui-même, A. Gmcrl y BBLuDo, Hercules Gadltanas,

Madtid, 1964, 169.

A. Terrrr, < Comment on rêvait

dqns les temples d'Esculape >,

Bull, Assoc. G, Budé, 1960, p. 325-366. 170. HÉnomre, IV, t72; S, Gser.r-, Hêrodote. Textes relatils toire de lAfrique du Nord, 1916, p. 184.

l7l, M. LsoLAy, Sat. af. Htst., p. 342.

à lhîs-

ont confondu avec le dieu guérisseur Esculape. Ainsi, la faveur réservée au culte du dieu en Afrique se trouve d'une certaine façon reliée au rôle de l'eau, si important dans ces provinces. Cette évolution semble bien particulière à I'Afrique. En effet, si loon se tourne vers d'autres provinces latines, et notamment vers I'Espagne, on constate que le culte d'Esculape y a connu un tout autxe sort, et qu'il est resté le plus souvent, selon le mot de J. Toutain, , Notes et documents, Paris, Iæroux éd., 1910, IV. Sur I'architecûrre de ce sanctuaire, voir les discussions récentes A. Lezrxe, in CT, 1959, p. 256259 ; G. C. Prcmo, in Rev. arch., 1964, p. 180-181 ; M. Lrcr,rv, Sat. al.

Hist,,9.

276.

caine); la déesse dressée sur un lion (type d'origine orientale) ; déesse allaitant un enfant (s'apparentant à Nutix et aux déesses courotrophes gréco-romaines). Or, sur une terre cuite représentant la déesse debout sur un lion, une inscription tracée au dos, précise sans équivoque son identité : C(aelesti) A(ugus-

la

tae) S(acrum).

Quelle place occupait Tanit dans le panthéon carthaginois ? Bien qu'il subsiste des doutes sur l'étymologie du nom et sur l'évolution du rôle de la déesse "t, o[ peut dire qu'elle a une personnalité complexe, héritée de l'Elat phénicienne (oa Ashéra du panthéon de Ras Shamra "', ce qui prouve I'attachement des phéniciens d'Occident à leurs anciennes traditions nationales), enrichie ensuite et remodelée, à I'exemple des deesses mères du

bassin méditerranéen, lorsque s'introduisent à Carthage des influences hellénistiques. Elle est donc à la fois ouranienne et chthonienne, essentiellement déesse de la fertilité, de la fécondité, dont les symboles abondent sur les stèles qui lui sont consacrées (colombes, gtenades, poissons, palmiers). Se fondant sur les variations du type statuaire de la déesse, tantôt léontocéphale, tantôt debout sur un lion, tantôt conduisant

un char attelé de lions, G. C. Picard en a conclu que Tanit s'était rapprochée des différentes d,6esses dont elle avait emprunté les attributs, respectivement l'Egyptienne Sokhet, la Syrienne Atagartis, l'Anatolienne Cybète. Mais ces emprunts doiventds néceisairement être interprétés comme des signes d'une assimilation véritable affectant en profc,ndeur la nature de la déesse ? Sans poser nettement le problème, G.C. Picard semble néanmoinJ penser que ces emprunts n'altéraient pas la nature de la déesse

; il les met sur le compte de l'indigence

artistique

des

Puniques, qui se satisfaisaient, pour représenter Tanit, de . M. Leglay croit au contraire que ces divers

178. G. C. Prcmp, Religiow,,., p. 59 ; A. BERfiÛen, R. Cnenr-ren, Le Sanctuaire punique dEl Hofra; M. Lror-ex, Sat. al. Hist" p' 215,

n.2.

179. R. DûssauD, < Le Sanctuair's et les dieux phéniciens de Ras Shamra t, RI{R, 1932, CV, P.245'302. 180. G. C. Prcenu, Religîons,.., p. 72.

3g

L'oftlcattlstbn des dtvittttês romdtus

fini par donner à la déesse un < polymorphisme D qui dérouta quelque peu les Africains, et écrit : < Chacune ldes déesses ci-dessus citées] lui légrrant un type iconographique, un attribut ou un symbole, elle finit par adopter des attitudes étranges et parfois un style fort peu africain, qui lui aliénèrent certainement des esprits 18r .> n est certain qu'il y a là un problème fort difficile à résoudre, car il faudrait pouvoir connaitre non seulement la date d'apparition et I'extension géographique emprunts sa1

de chacun des traits empruntés, mais encore et surtout I'importance religieuse qui était accordée aux variantes diverses du type de Tanit-Caelestis par ses fidèles. En fait, il semble bien que le culte de Caelestis n'a jamais cessé d'être ressenti eornme profondément africain, comme le suggère le passage bien connu de Tertullien'* où Caelestis est donnée ooulme la divinité particulière de I'Afrique, exactement oourme Astarté est celle de

la Syrie. Seule I'identification totale de Tanit-Caelestis à Junon-Héra, opérée dès le rr" siècle av. J. C., sous I'influence des cultes de la fécondité méditerranéenne, a véritablement modifié la nature de la divinité punique primitive. Comment s'est donc faite cette identification capitale ? La question se pose, car certains traits de I'une et de I'autre semblent a priori difficiles à concilier. Ainsi, par exemple, Caelestis est parfois qualifiée de vierge'6, alors que Junon est une déæse mère, et que Tanit elle-même était qualifrée de mère sur des dédicaces puniques de Carthage rs. La virginité de Caelestis a été expliquée par des spéculations astrologiques : < Dans les signes du zodiaque, la vierge et le lion se suiveut immédiatement !s. > Mais une autre explication semble plus profonde : elle suppose que le caracêre virgnal est, chez Tanit, prinitif et essentiel. Citant une commrmication,

l8l. M. Lrar-el Sat, af. Hist., p. 219. 182. TeRTUr,Ltw, Apologeticus, V4. 183, Ibid., 23 : Vîrgo Caelestis ; CIL, YIJI, 9796 (Albalae) z dea Magna Vlrgo Caebsrts; ArurÉ.e, Métamorphoses, VI, 4; Sernr Auousrng, Civ.

II, 4, 26. 184. CIS,195 et 380. 185. G. C, Prceno, Religions...,

Dei,

précède

p. 109. Notons qu'en réalité le lion la vierge. Strr ce sujet voir M. Lro"rY, Sat. af, Hlst.,9.2l5, n. 2.

apparemment inédite, de G. Dossin à l'Institut d'études orientales d'alger en 1958, M. Leglay écrit : < Tanit signifierait [...] " la neûve ", " la fiancée ". Elle n'est pas l'épouse mais la'o parèdre " de Baal, avec qui elle constitue une dyade (au lieu de la triade sémitique habituelle, formée d'un dieu père, d'une déesse mère et doun dieu fils). Pour cette raison aussi elle n'est pas assimiléo à Démeter, qui est déesse mère, alors qu'elle I'st à HêraJuno, celle-ci considérée non comme l'épouse de Jupiter, mais somme

le féminin de genius; cette funo, ayant été confondue

av€c

l'épouse de Jupiter, et I'Héra sud-italique étant une déesse de la fécondité, a acquis le rôle de mère féconde tout en restant vierge. L'évolution de Tanit se serait donc faite en sens inverse de celui qui est généralement ad,mis. > Ainsi apparait non seulement la raison probable du caractère virginal de Tanit, mais aussi I'explication des rapports entre Tanit et Baal Hammon I Tanit est d'abord secondaire par rapport à Baal ; mais devenue

déesse mère par son assimilation à Héra, elle a pu s'égaler à Baal et même le supplanter, comme ce fut le cas à Carthage. A l'époque romaine, ce sont les rapports étroits existant entre

Saturne et Caelestis qui font la principale originalité de la divinité carthaginoise. L'étroitesse de ces rapports est attestée par

divers documents; ce sont tantôt des textes qui nomment les deux divinités ensemble, tantôt des monuments figurés qui les repr&enûent côte à côte, tantôt des temples voisins consacrés à l'une et à I'autre ls. Contrairement à ce qui se passait à l'époprééminence alternée de Baal puis de Tanit que punique -, - à l'époque romaine, semblent maintenir entre les deux divinités, elles une rigoureuse équivalencettt. Caelestis en effet porte des noms et a des attributs qui sont aussi ceux de Saturne. Elle domine les animaux et notamment le lion; elle est parfois accompag!ée du soleil et de la lune. Elle est appelée dea sancTa, aeterna, d,ornitw, cromlne Saturne

æt domiws

aeternus

û.

sanctustæ,

et ces épithètes ont

186. Série des documents dans M. LEGLAY, Sat. af. Hist,, p. 216,

5,

6.

187. Ibîd., p. 217.

l$E, Ibld., p. 124, 125,

36

ln.

une

t.

4,

L'alrlcardsction des dtvlnltés romslnes

signification sacrée d'une grande importance. Quoiqu'elle soit honorée dans I'ensemble de fAfrique du Nord, elle est parfois parée d'épithètes géographiques ou ruttachêe à un groupe particulier : elle est ainsi la divinité poliade de cités comme Cartbagen Thuburbo Maius, Oea. Par ailleurs, elle porûe les qualifrcatifs de Granîatu 1æ ou de Sittiandæ. Cette dernière épithèæ, qui apparaît sur un autel de Cirta'"', est particulièrement intéressante. Elle semble signifier en effet

que certains des Sittiani, héritiers des compaguons de Sittius, noont pas hésité à adopter un culte africain r@, et cette < cronversion > de colons romains à un culæ berbéro-punique serait un des rares exemples du genre en Afrique. Peut-on cependant y voir, comme M. Leglay, le sigDe d'une amorce d'intégration ? Tous les Sittianî ne sont pas nécessairement des colons romains : on sait qu'il y a dans la région de Cirta un nombre très élevé de Sittii qui sont des indigènes promus à la citoyenneté romaine t*. En devenant citoyens, ces Sirri n'ont pas abandonné leur vénération pour Caelestis, dont le culte était pratiqué à ILAI,345 (= BAC, 1908, p. ccxr.ur). 90. G. C. Prc.lro, < Pertinax et les prophèæs de Caelestis >, RIIR, 1959, p. 53-54, croit retrouver dons ces deux sas un exemple de la tendance à < identifier à Caelestis la luno personnelle de certaines femrnes >. L'hlpothèse est peu vraisemblable : Caelestis Graniata est mige en parallèle par A. Muxr.nt, it BAC, 1908, p. cct(Lul, avec des exemplæ analogues à Rome (Drcna Cornificia z CIL, YIa 4305 i Dtana Planciana : CIL, W 22lO). A. Merlin ajoute : < Iæ sanctuaire était peut€tre sur la propriété d'un personnage nommé Granius, ou avait êtê êlevé la première fois par un Granius, ou avait reçu d'un Granius un bienfait importanl > Il s'agit donc d'un souci de précision, qui dans le cas présent s'expligue aisément : la dédicace est celle d'un temple qui, victirne d'une crue, a éé recomtruit de I'autre côté du tleuve (templum vi llurninis ereptutn transtufil). Quant à La dédicace à Caelestîs Sittiana (note euivanûe), elle mentionne vo. sacerdos locl priml: il s'agit donc d'un culûe organisé qui ne se conçoit pae dans le cas d'une Caelestis < personnelle >. l9l. ILAI, 11807 : D.M./P. Iulias P.f. Qul/Martialîs Publi/a(n)us sacerd.os/Caelestts Sittian(a)e/loci prlmi/ v,a. LXXXYlls.e. Par allleurs, la Dea Slttiana, dont un prêtre est mentionné par ILAI, II, 804, est sânr doute aussi Caelestis. 192. M, IJÆLA& Sai. af. Hist,, p.78-79. 189. f

193, L. TlurscR, Stâdtewesen, p. 64-65, en a dressé ra liste acsonpÀgnée de cartes. Nous reviendrons làdessus dans I'analyse de l'onomastique africaine.

Cirta depuis le III" siècle au moins "o. Si bien que la déesse a été par eux rebaptisée Sittiana, prenant le nouveau nom de ses adorateurs de toujours, sans que cela indique nécessairement une conversion en bloc de tous les partisans de Sittius à son culte. Plutôt que d'y voir l'amorce d'une intégration jouant dans le sens romain-africain, nous y verrions plutôt alors la trace de

la prudence diplomatique d'une bourgeoisie en voie de romanisation, soucieuse à la fois de ne pas se couper de ses traditions religieuses et de les adapter à une situation juridique et politique

nouvelle. Mais quelques traits puniques subsistent : I'un de ces traits puniques de Caelestis est la fonction oraculaire, qui lui est longtemps reconnue officiellement, puisque le proconsul va la consulter à son entrée en charge; ce qui permet à ses prêtres de jouer à I'occasion, par I'interprétation qu'ils donnent des volontés de la déesse, un rôle politique, comme ce fut le cas sous Pertinax "o. Nous avons déjà noté le rôle de la divination dans les habitudes religieuses de I'Afrique du Nord, et son importance. Un autre trait qui éloigne Caelestis de Junon et la rapproche des traditions africaines, c'est son mpport avec I'eau. En tant que déesse ouranienne, elle a, entre autres rôles, celui de promettre et d'accorder la pluie. Tertullien la qualifie de pollicitatrix pluvîarum 'æ, et elle est également invoquée comme pourvoyeuse de pluie ù Naraggara (Sakhiet Sidi Youssef) r"'. Certains de ses temples, à Thugga, à Thignica, évoquent I'architecture des nymphées'"". Nous connaissons aussi par saint Augustin'" la tradi-

194.

A. Bpnnunn, R. Cnenurn, Le Sanctuaire punique

p. 231 et

tEl

Hofra,

s.

195. Hist. Aug. (Vita

Maqin.),3; (Yita Pertin.),4,21G. C.

Prceno,

< Pertinax et les prophètes de Caelestis >, RI/R, 1959, p. 4l-62, donne une interprétation < machiavéligue > de cette ténébreuse affaire. 196. Ttsnruutrrl, Apol., 23. 197. CIL, VIII, 4635, 16810. 198. C. PotNsot, Atti del VII Congr. intern. arch. class., 1961, p. 263 et s. D'autres traits, signalés sur un chapiteau des thermes dântonin à Carthage, où Caelestis est entourée de lions et de poissons, sont peut-être empruntés à l'imagerie d'Atagartis, d'après G. C. Prceno, in Karthago, 1953, fV, p. 99-118 ; voir M. LBclAY, Sat. af. Hist., p. 218,

llI'

n.

5.

199. Sewr Aucusrrx, Civ. Dei, 36t

II,

4.

L'alrlcanisatlon des dlvlnttês romalnes

tion des bains rituelsn grâce auxquels la divinité régénère ses pouvoirs fécondants um. Ici encore, le souvenir préromain est incontestable.

C'est à des antécédents plus complexes que se rapportent les noms d'Ops et de Nutrix qui sont aussi donnés en Afrique à Caelestis'o', Ops est une divinité italique qui est en relation notamment avec les dieux qui entourent Quirînus : elle patronne l'abondance des récoltes o@. Nutrix, d'après les conclusions d'une étude récente æ, est l'héritière de Tanit, agissant eomme déesse nourricière de Satume; elle descend à ce titre de la déesse phénicienne Arw4 chargêe de régén&er la puissance de son père, et se présente à la fois, comme Tanit elle-même, sous les traits d'une viorge et d'une mère à la fois nourricière et fécondante.

A

quoi correspond I'association de ces deux divinités avec M. Leglay, après avoir curieusement suggéré que le polymorphisme de la déesse avait < dérouté > les Africains ou qu'il lui avait aliéné des esprits ce dont nous ne trouvons Caelestis ?

- au contraire très justeexplique -, et de Nutrix cornme équivalents de

pas de preuve péremptoire

ment I'appadtion d'Ops Caelestis. Il remarque en effet que les deux divinités se sont introduites en Afrique vraisemblablement en même temps, à partir de l'époque des Sévères s@. Cette introduction, qui correspondrait donc à une tentative de renouvellement théologique conforme à I'esprit de l'époque, se traduisait par un retour aux sourc€s romaines d'une part (avec Ops), et un retour aur sources phéniciennes (avec Nutrix) d'autre part. Et M. Leglay d'en tirer

cette conclusion : < Romanisation et sémitisation de I'Aftique sévérienne marchent décidément de pair. > Ce qui permet de soulignero une fois de plus, que la romanisaton est un phénomène décidément bien complexe.

200. A. ArrDor.r.BNT, Carthage romaine, p. 387. 201. M. Lnouy, Sat. af . Hist., pr,219-222, 202. G. DuvÉzsr,, < Iæ Culte de la Regia, les trois fonctions de la >, Lalomus, 1954, XIII, p. 129-139. Mars triade Jupiter - Quirinus - < Natrix 203. M. RENARD, Saturni >, BSAF, 1959, p. 27-52. 204. rbîd.

IX. La place de Saturne

dans

la rQion de I'Aftique

romaine

Le culte de Saturne africain ayant fait récemment I'objet d'une très importante étude, il est bien difficile de prétendre, sur ce sujet, apporter du nouveau'*. Il suffira donc ici d'en résumer les conclusiorxi, en insistant exclusivement sur les aspects liés à notre propos, c'est-à-dire en tentant d'évaluer le rôle du culte saturnien dans la résistance à la romanisation. Par ses origines, Saturne se trouve au confluent des divers courants qui caractérisent la vie religieuse africaine : à ce titre il apparaît comme l'harmonieux aboutissement d'une synthèse

complexe. [ans la constitution de sa personnalité figurent d'abord, des éléments issus de I'ancien culte libyque du dieu bélier, de la divinité égyptenne .dmon-Râ et du Baal Hammon punique. Lorsque s'effectue la conquête romaine, ce triple contenu a déjà donné naissance à un dieu d'une nature originale : sous le nom punique de Baal Hammon, il conserve la plupart de ses aspects proprement africains et est en passe de devenir le dieu suprême de lâfrique o*. Orn à la même époque, le vieux dieu romain Saturne est assimilé à Kronos, dont le caractère principal était d'être maîfie du temps'o'. Si bien que, lorsque commenoe la romanisation de l'Afrique, une sorte d',harmonie préétablie, favorisée d'ailleurs par la médiation de l'influence hellénique, qui s'est exercée à la fois sur le Baal Hammon africain et sur le Saturne romain, conduit à l'identification des deux divinités. Ainsi naît la royauté du Saturne africain, qui, grâce à ses multiples composaûtes, se trouve apte à satisfaire les besoins des diverses couches de la population de I'Afrique romaine. C'est cependant son rapport avec les cultes africains traditionnels qui est pour nous le plus intéressantn rapport qui apparaît à I'analyse des noms et des attributs du dieu ainsi qu'à celle des 205, On ne peut que renvoyer' une fois pour toutes, aux analyses de M. LEcLAY, Sat. aî. trfisr. Des pages et des chapitres entiers de cet ouvrage seraient à citer. Voir en particulier la troisième partie sur les origines du Saturne africain, P. 409-478. 206. Ibrd., p. 417447. 207. Ibid., p. 449-478. 370

Ilahlcanlstion des dtvtnttés rorndræs

symboles qui lui sont attachés. Nous retrouvons là en effet, certains des traits que nous avons eu plusieurs fois I'occasion de signaler ; l'importance des symboles astrarx, la liaison étroiæ avec des animxlps comme le lion, le taureau ou le bélier, dont on connaît la signification agraire et sexuelle. Saturne apparalt ainsi avec le double caractère africain de divinité agraire et de divinité céleste. Mais il se oharge aussi d'une autre partie de I'héritage religieux de I'Aftique : à son aspect de dieu-providence,

très proche des frdèles et relevant moins de la religion que de la magie, il ajoute un aspect de dieu suprême, maitre de I'audelà, tout-puissant, éternel'8. Ainsi constitué, Saturne résiste sans peine aux quelques tentatives ds rc6anisdisa qui furent menées sur lui, et ne dépassèrent pas < l'appareil extérieur du dieu et de son culte M >. Toute cette évolution, M. Leglay la résume en une formule : < Berbéro-punique dans son élaboration, capté sur place par un dieu romain déchu, mais sans trandormation de sa tature, Saturne est donc resté, malgré les efforts de

Rome, un dieu spécifrquement africaiû o'0. > Cette réussite parfaite de Saturne somme dieu privilégié de I'Afriqtre semble donc devoir faire de lui fun des plus importants facteurs du maintien et du renforcement du particularisme africain : n'est-il pas directement responsable de ce que M. Iæglay

appelé < l'impossible romanisation des âmes or > ? Sans remettre en cause ce jugement, nous voudrions cependant examins1, dans une perspective légèrement différente, les rapports du culte saturnien avec la résistance à la romanisation. Et tout d'abord, y a-t-il, comme on pounait se croire en droit de I'attendre, une convergence entre les zones où triomphe Saturne et celles où se localise la résistance militaire ? Nous avons vu que les régions qui connurent la guerre, si elles ont

a

?.08.

Ibtd., p. 485-486

: < Protecteur

éminent contre [ee] puissances

étraoges et dangereuses, Seigneur de la Terre et de I'Audelà, sprant de la fécondié et de I'aboudance ici-bas, du bonheur éternel aprèo la mort, souverain maitre du moude et du temps, Saturne était I'expression parfaito

du eÉnie religieux africain. 209. Ibld., 2to. Ibtd.

p.

D

481.

2ll. lbid,, p. 485-4E6. < A la tête du panthéon afticain, Saturne porte donc une part de responsabilité, et non négligeable, dans l'éshec de Rome

en Afrique et le retour de celle-ci à fOrient > (p. 4E6).

au cours des générations, ont cependant, en général, quelques caractéristiques communes : proximité des montagnes (Kabylie, Djurdjura, Dahra en Algérie, et, au Maroc, Atlas et Rif) ou du désert ; en revanche, les régions fortement romanisées se situent plus particulièrement sur le littoral, ainsi eue dans les plaines et quelques vallées. Or, on est bien obligé de constater que les zones de plus forte concentration du culte saturnien se trouvent situées, non dans les régions de résistance, mais au contraire dans les régions de romanisation "'. Cette contradiction noest qu'apparente. Car, dans les zones de résisbeaucoup varié

tance militaire, celles qui restèrent réfractaires à la pénétration économique et culturelle romainen la vie a persévéré dans ses formes préromaines. Les traces religieuses que nous devrions y trouver seraient donc les traces des cultes indigènes antérieurs à la constitution du culte saturnien. Mais, précisément, nous ne les y trouvons pas, ou plutôt nous ne les trouvons qu'à dose infinitésimale. C'est que les cultes libyques, tant qu'ils n'ont pas été imFrégnés par des habitudes religieuses étrangères, n'éprouvent guère le besoin de laisser des traces ou de's monuments. Le culte saturnien n'a donc pas eu à jouer, dans ces régions, le rôle de facteur de résistance, et il est naturel qu'on ne l'y trouve guère "'. C'est avec le second aspect de la r&istance africaine, l'aspect proprement culturel, que le culte saturnien entretient des rapports étroits. Quels sont exactement ces rapports ? Sur ce point, la réponse

de M. Leglay est nette

:

c'est parce que Saturne a su capter

212, bA., p. 484 ; < Saturne apparait nettement comme le dieu de I'Afrique romanisée, agricole et riche. > Cest ce qui apparaît immédiatement au vu des cartes de répartition du culte saturnien dressées par M. LEcr,eY, Sat. a|. Mon., I et Il. 213. ll est frappant de constater aussi que Saturne a laissé fort peu de traces en Tingitane : R. TnowsNûT, < Le Culte de Saturne en Mau' rétanie tingitane >, KEA, 1954, LVI, p. 15G153; M. Lecrev, Sat. af. Mon., 1, p. 335. Cette situation s'explique peut-être par le fait que la priucipale classe d'adorateurs de Saturne, celle des sédentaires agriculteurs, est peu représentée en Tingitane ; ou bien encore par le fait que I'influence romaine, plus intense parce que s'exerçant sur un espace moins étendu, a réussi à tuer les cultes anciens : M. Erznureq < Héritage punique et influence gréco-romaine au Maroc avant ta conquête romaine >, VilI Cong. intern. arch. class., Paris, 1963,1965, p. 261-278. 372

L'afdcanl*tion

des dtvbûés rorndræs

à son profrt tous læ courants religieux africains, parce qu'il a réussi à s'intégrer parfaitement . dans la vie quotidienne de toutes les couches de la société africaine, qu'il a contribué au maintien du particularisme a^fricain, en rendant inpossible la < romanisation des âmes >. Présenter ainsi le problème conduit à charger Saturne d'une lourde responsabilité histodque, guT ne mérite pas. Car il ne faut pas oublier que Saturne n'es! aprb tout, qu'un être de raison : une religion rnest jamais que ce qu'en font ses fidèles, elle ne change, ne dure ou ne meurt que par eux, et ils en sont en dernier ressort les seuls et wais responsables. Plutôt donc que de faire un procès à Saturne pour entrave à la romanisation, plutôt que de s'en prendre à lui comme s'il était une force autonome, mieux vaut analyser les raisons dg ssmFortement de ses frdèles, se demander pourquoi le génie religieux africain a Ûouvé en Saturne son expression achevée. Pour M. Læglay, le succès de Saturne < est dû à la fois aux solides attaches populaires et indigènes qu'il a su garder et à une remarquable fidélité à ses origines o'o r. Mais ne faut-il pas, là eneore, retourner I'observation ? Car ce n'est bien entendu pas Saturne qui a su garder des attaches populaires et indigènas et rester fidèle à ses origines. Ce phénomène n'a été possible que parce que, dans les conditions historiques particulières qui sont celles de I'Afrique romaine, Saturne a bériêficié de l'attachement des couches < populaires et indigènes >, de tous ceux qui sont restés fidèles à leurs origines. Si donc Saturne est resté un dieu punico-berbère, Cest parce que ses frdèles sont eux-mêmes des punico-berbèras qui ont transféré sur lui leurs exigences religieuses. Ainsi le culte saturnien nous apparaît-il dans une perspective nouvelle : non comme un système achevê, replié sur lui-même, mais comme un ensemble ouvert, qui s'est peu à peu coûstiûré en réponse à une situation donnée, cette situation étant liée aux modifisations qu'impose la pr6ence romaine à la vie africaine. 11 n'est donc pas surprenant que son succès soit le plus remarquable dans I'Afrique romanisée : là seulement il pouvait iouer le rôle de vaûeur-retuge qui lui fut attribué par ses adorateurs, soucieux de conserver une part de leur tradition religieuse. 214. M, LBcr.n& Sat, at. IJrsr., p. 95. 373

Mais le type de résistance qu'il traduit est évidemment d'une nature originale. La valorisation de Saturne, en ettet, a ceci de particulier que, tout en étant conçue pour la satisfaction des besoins religieux africains, elle permet en même temps de sauve-

garder une façade romaine

:

n'est-ce pas frnalement le contact

avec Rome qui a donné au dieu africain son nouveau nom ainsi

que sa forme définitive ? La bourgeoisie urbaine, celle surtout qui est attachée autant à son passé qu'aux signes extérieurs de la romanité, ne pouvait être insensible à cette commode ambiguité. Et Cest ainsi que Saturne a êté charyé en même temps de la double réponse des Africains, en matière religieuse, à I'influence romaine : réponse négative pour tout ce qui touche au fond du culte, positive ponr ce qui a trait aux caractères extérieurs.

Encore faut-il bien préciser que cette double réponse n'est apparue avec clarté qu'au terme doune lente évolution. En effet, dans les premiers temps de la romanisation, si l'on en juge par faspect misérable des sanctuaires saturniens, surtout ruraux, ainsi que par le recrutement exclusivement non romain des prêtres et des fidèles, il semble bien que les notables des cités, dans la mesure où ils aspiraient à devenir citoyens romains, aient sommenc6 par bouder leurs dieux ancestraux. Un retour aux sources s'est en revanche produit à partir de la fin du tt" siècle, au moment précisément où la bourgeoisie municipale, plus stre d'elle-même, peut affirmer son originalité religieuse

en favorisant le culte des dieux africains. La petite orea firs' tique, sans disparaitre entièrement, cède alors la place à des temples luxueux, adaptés aux particularités de la religion saturnienne "t!.

Airsi, dès l'époque d'Antonin le Pieux, c'est à un véritable renouveau du culte saturnien que fon assiste, et ce rcnouveau annoûce fépanouissement qui marguera l'époque sévérienne. Se produisant et se développant à un moment où s'accentue la romanisation de I'Afrique (poussée de l'urbanisation, octroi noins chiohe du statut municipal, prospérité agricole et commerciale), ce mouvement de retour

à Satune, qui est le fait

215. G, C. Prceno, Religions..' p. 16l-162. Sur les divers tyFs de sanctuaires et leur évolution, M. Lrcr.lv, Sat. af. Hist., p. 265'295, 374

Ilalrlcanlsatlon des illvlnltés romdnes

$urtout des citadins aisés, uaduit concrètement la double fonction de Saturne, à la fois facteur d'intégration et facteur de résistance.

On ne s'étonnera donc pas de ne trouver, parmi les frdèlæ du dieu, presque aucun personnage romain important : ni parmi les donateurs de temples, d'autels ou de statues, ni parmi tes dédicants de stèles, ne frgure, comme le fait remarquer M. Leglan , Kaflhago, XVI, p. 101-105.

nous avons montré qu'ell€ accordait une ûès $ande place, dans l'éveil du sentiment religieux autant que dans les manifestations

du culte, aux forces de la nature. Religion primitive peut-être, ou plutôt archaique, mais que nous ne saisissons qu'exceptionnellement dans son état originel, car les traces que nous en trouvons ont le plus souvent subi I'influence de religions plus élaborées.

La première grande étape serait celle de la punicisation, gd est elle-même le véhicule d'influences orientales complexes : un panthéon hiérarchisé se constitue qui définit la place de chaque divinité et son rôle, ce qui suppose forganisation d'un culte avec des prêtres pour le servir. Ainsi commencent à apparaître les élaborations savantes et les spéculations sacerdotales. Cette part punique, même si elle a éÉ fré41uremment surestimée, est considérable'.

d'El llofra en apportent une preuve en effet, ce sanctuaire, implanté par les Cartha-

I"es stèles du sanctuaire

nouvelle'

:

ginois en plein pays numide, met clairement en évidence l'adhé-

sion aux dieux puniques d'une partie de la population, à un moment où le royaume de Numidie connait, grâce au règne actif de Massinissa et de ses fils, sa phase la plus glorieuse. C'est ainsi que, pour ne prendre que l'exemple le plus frappant, même rite punique très caractérisé le rite du sacrifice d'enfant a été adopté par des Numides- : on voit, grâce à deux stèles d'El moitié du qui, dans la deuxième Hofra, un couple berbère infirme, Tanit son enfant Baal à et u" siècle av. J. C., a sacrifié à après la naissance d'un deuxième enfant, obtenu du premier a. Dautres rites moins sanglants manifestent également une influence des traditions religieuses puniques : il s'agit surtout de rites funéraires, cotnme le révèle l'exploration de diverses sépultures ainsi que l'étude du mode d'ensevelissement d'une partie de la population de la Byzacène à l'époque hellé-

2. S.

Gser-r-,

Ilistoire..,,YI,p.

lM;

M. Lncr.ev,

Sat.

af. Hist.,

passim.

3. .d BsnrflBn, R. Cnenrrcn, Le Sanctuaite panlque dEl Holra. 4. J. G. FÉrnrrr, < Un sacrifice d'enfant chez les Numides >, Mélanges I. Lévy, p. 161-171. On connaît les allusions de Tertullien à cette pratique (Apol.,9). Voir aussi M. Lrcrev, Sat, af.Itict., p. 321'322, 378

Cottduslon

nistique et dans les premiers temps de I'occupation romaine !.

La seconde $ande étape, qui correspondrait à la période de romanisation, est elle-même susceptible d'être grandement diversifrée ; elle est porteuse d'éléments variés issus non seulement de la tradition nationale romaine, mais aussi des divers courants auxquels la religion romaine a elle-même puisé. Ainsi" en même temps qu'elle introduit une nouvelle conception qu'on pour- f infl,uence rait dire < politique > ou < civile > de la divinité, romaine sert de relais aux préoccupations plus personnelles das religions à mystères, axées sur la recherche d'une sagesse, d'une forme individuelle de salut. Mieux encore, il est frappant de

constater qu'elle aboutit parfois à réveiller, en I'habillant de neuf, telle ou telle tendance profonde de la religion traditionnelle momentanément délaissée. Nous avons vu, à travers les exemples cités, que fafricanisation d'une divinité importée pouvait se faire de diverses façons : tantôt le dieu nouveau venu est assimil$ à une divinité locale dont il prend en charge toutes les fonctions et avec laquelle il se confond; tantôt il est doté de fonctions nouvelles corresg)ndant à des besoins aficains; tantôt enfin il est mis en étroit rapport avec des dieux locaux qui modifient sa figure romaine. Mais, dans presqus tous les casn il s'agit moins peut-être d'une interpretatio atrtcana ce qui supposerait un sysême d'équivalences ou de correspondances tenne à terme entre divinités que d'une véritabls ssatamin4fi6n, africaines et romaines offrée spontanément et-anarchiquement par les fidèles. Contarnin4fep qui touche à la conception même de la divinité aussi bien qu'aux formes du culte, et qui donne une tonalité particulière à I'ensemble des religions paiennes de I'Afrique romaine, comme elle donnera plus tard une forme spécifrque à son christianisme.

A

travers ces transformations, c'est finalement le rôle des survivances > qui est le problème central. Mais peut-être faut-il, pour comprendre ce rôlg renoncer au terme de survivances, qui donne une idée fausse de la réalité qu'il sert à désiper. Ce terme implique en effet qu'il s'agit d'éléments résiduels, de blocs erratiques êgarês dans un cadre qui n'est pas


,

CT,

1963,

fait pour eux. Or, nous I'avons vu, ce n'est nullement le cas, puisque, au contraire, ces prétendues suryivances servent souvent de fondement aux développements ultérieurs. C'est dire qu'elles correspondent à un besoin et sont chargées d'une fonction précise : ainsi, Cest seulement lorsquoil peut, par quelque trait, se rattacher à la tradition libyque ou punique, qu'un dieu romain transplanté en Afrique rencontre le véritable public populaire. Loin d'être des traces figées d'un indéracinable conservatisme, elles témoigrrent d'une aptitude à intégrer les innovations, aptitude qui est le sigre même de la vie.

nl Les carences d,e

ln rotnanisation

L'analyse de

la

résistance africaine armée d'une part, de la

résistance religieuse d'autre part, nous a jusqu'à présent pernis d'arriver à des conclusions partielles relativement faciles à énon-

cer. Pour ce qui concerne la résistance militaire, rous avoûs tenté d'en montrer à la fois la diversité et la constance, en soulignant, chaque fois qu'il était possible, les conséquences de ce double caractère. Four ce qui est de la résistance religieuse, nous en avon$ aussi souligné le double aspect : la persistance des traits fondamentaux des croyances indigènes traditionnelles intactes ou légèrement modifiées et fadoption de traits -ou -, de caractères non africairs, lorsque, par une heureuse rencontre, ils correspondent à des besoins, ou à des conceptions indigènes, nouveaux ou non formulés.

Dans les deux cas, il était possible d'opérer d'emblée une distinction assez nette entre les éléments en présence, puisqu'ils se définissaient en grande partie par leur antagonisme, même si cet antagonisme se trouvait parfois attêurê, corlme en matière lsligieuse, par un apparent et superfrciel syncrétisme. Mais le problème devient plus complexe lorsque lnon se propose d'étudier une dernière forme de résistance, celle qui se trouve concrétisée par I'héritage africain présent dans la société romanoafricaine. Les distinctions se font alors moins tranchées. Leg nécessités de la coexistence entre A,fricaias s1 Rs6ains dars des cadres divers ont fini naturellement par donner naissance à un ensemble original où se combinent dæ traits d'origines diverses. Au sein de cet ensemble, lss traits africains apparaissent nésessairement comme moins aigus, plus enveloppés dans uD contexte d'apparence romaine. Le contraste, ici, s'évanouit pour laisser place aux nuances, et la résistance à la romanisation seNnble changer non seulement de forme, mais même de nature.

Ce passage de la résistance africaine à des formes de plus en plus atténuées ne doit cependant pas faire illusion. Il ne faudrait pas en effet croire qu'il y ait eu, au cours des générations, entre romanité et africanité, une sorte de jeu de poursuite (ou, si I'on ose dire, de cache-cache), où l'on verrait la première traquer la seconde, en réduire peu à peu l'emprise et la pourchasser dans ses retranchements successifs, I'obligeant à changer de terrain, à se faire tantôt militaire, tantôt religieuse, tantôt culturelle ou administrative. Cela aurait pu être vrai si le heurt s'était fait de front entre les deux antagonistes, s'il s'était agi d'une lutte inexpiable, comme I'avait été la lutte contre Carthage ou contre les Juifs. Mais nous avons vu qu'au contraire I'opposition entre Africains et Romains n'a pas eu de caractère systématique, qu'elle est tributaire des circonstances locales, et que les diverses formes qu'elle a revêfues furent largement indépendantes les unes des autres. Car, tandis que les Romains n'avaient pas, dès I'origine, pris nettement conscience de I'unité des populations indigènes d'Afrique et avaient mené leur conquête sans plan d'ensemble, les Africains, de leur côté, victimes de leurs divisions, ne firent pas preuve dans leur attitude de plus de cohérence. Aussi ne devons-nous pas nous étonner si leur résistance présente un aspect composite et parfois contradictoire. qu'on pourrait peut-être appeler persisRésistance spontanée qui vient naturellement imprégner, à tous les niveaux tance de la vie africaine, chaque parcelle de terrain laissée libre par les lenteurs, les ruses ou les carences de la romanisation' On la saiSit donc dans Ie cadre des institutions (la ville, la tribu), mais elle est tout aussi présente dans le langage ou dans I'onomastique.

I Les cadres de la vie africaine : la ville

I.

Aspecb de la population des provinces afrlcalnes

Chaque province de I'Empire romain est, pour ce qui touche aux institutions, un ensemble peu homogène, où coexisten! dans un cadre géographique parfois arbitrairement délimité, des communautés de types diverr et de statuts différents. Les cadres dans lesquels se déroule la vie sociale en Afrique romaine présentent donc, nous avons pu le voir, une certaine diversité. Sur ce point, ils sont à I'image de la population même du pays. Population

sur laquelle

il

importe maintenant de porter l'attention.

Nous ne tenterons pas, ici, quelque impossible étude de démographie historique. Les difficultés inhérentes à ce type de recherche sont bien connues r. Le problème principal, celui de l'évaluation, même approximative, d'une population antique, noa pas encore reçu de solution satisfaisante, bien que lavaiêtê et l'ingéniosité des méthodes employées pour y parvenir aient pu, dans 1. A. Borç Manpower Shortage and the Fall ol Roman Empire tn the West, 1955, p.4-21 ; J.C. RusssL < Late Ancient and Medieval Population >, TAPS, 1958; R.P. Dunq*IoNEs, < Human Numbers in Towns and Town Organisation of tho Roman Empire : the Evidence of the

Gifts >, Historla, 1964, p. t99-m8.

certains cas privilégiés, permettre d'obtenir des résultats vraisemblables.

Les estimations jusqu'ici avancées utilisent des données issues des caractéristiques des villes romaines d'Afrique. Mais elles contiennent toutes une part d'inconnu. Ainsi, la mesure des canalisations qui servent à I'alimentation en eaun utilisée à Siga par P. Grimal s, ne peut être utile que si I'on connaît d'une part la quantité d'eau consommée par habitant, d'autre part la quantité d'eau fournie par d'autres moyens (sources et citernes). D'un autre côté, les rapprochements effectués par C. Courtois " entre la superficie des cités antiques et celle des cités modernes n'ont de valeur que si l'on arrive à établir avec exactitude la densité moyenne des cités antiques, ce qui est pour I'instant hasardeux. Par ailleurs encore, les conclusions que I'on peut, avec G. C. Picard o, tirer de la densité des restes romains dans une région ne sont valables que si I'on peut faire correspondre à une quantité de ruines donnée un chiffre défini de population, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Enfin, même les chiffres que I'on peut tirer de la taille et de la contetance des monuu, sont ments publics, comme les théâtres ou les amphithéâtres douteux, dans la mesure où la taille de ces monuments n'est pas dictée seulement par des considérations d'ordre démogaphique, u. mais aussi par des motifs d'économie ou de prestige La critique de ces méthodes d'évaluation a déjà été faite par R. P. Duncan-Jones'. Ce dernier propose une estimation fondée sur d'autres données qu'archéologiques. S'appuyant sur une inscription de Siagu', qui mentionne un legs de 1 000 deniers à distribuer aux citoyens à raison d'un sesterce par personne, il en conclut que le nombre de citoyens était voisin de 4 000. En 2. P. Gnnau,, < Fouille.s de Siga >, MEFR, 1937, p.

ll7.

3. C. Counrorq Vandales..,, P. 104. 4. G. C. Plcano, Civilîsation..., p. 4a-59. 5. R. M. Harwooo, < Roman Africa >, in Tenney Fn'AlG, An Econo' mîc Survey of Ancient Rozae, Baltimore, 1940, IV, p. 112. 6. Pour une autre approche du problème, R. Enemw, < Démographie et Epieraphie >, Atti del 3 Cong. Intern. Epig, Grec. e Rom. (1957), Rome, 1959, p. 415 et s. 7. R. P. DuNceN-JoNEs, < City Population in Roman Africa >, JRS' 53, p. 85. 8. CrL, Vm, 967 (12448). 386

Ia

villc

l9nant compte du rapport moyen du nombre des citoyens à la population (enfants, esclaves inclus), il arrive à un chiffre de populæion conrpds entre 14 000 et 17 000. Ce qui, pour une cité moyenne, est supérieur aux estimations proposées par C. Courtois " et par G. C. Picard.. Ces considérations font apparaître le ncud de la diffrculté. Il s'agit en effet, dans chaque cas, de partir d'une donnée matérielle ancienne susceptible d'êfte mesurée (canalisations, surface enclose de murs, densité des ruines, taille des monttments), d,établir ensuite le rapport qui doit unir le chiffre ainsi obtenu au chiffre global, en se fondant sur des comparaisons ou de approximations plus ou 6sins justifiées, et d'en tirer enfin le chiffre global. Il est clair que la deuxième opération n'est qu'une extrapolation, qui ne peut totalement échapper à l'arbitraire. tr faudrait évidemment pouyoir disposer en même temps de ces diversæ méthodes d'approche pour être en mesure de les confronter, et corriger éventuellement les unes par les autres toutes les évaluations ". En outre, les chiffres que l'on obtient, à supposer qu'on puisse leur faire confiance, ne résoudraient qu'une partie du problème, car l'évaluation ne porte que sur la population des cités, et non sur celle des campagnes. Or, les rapports qui unissent en Afrique ces deux populations, le fait que le terme de cité englobe à la fois l'agglomération construite et le territoire cultivé dont elle tire sa subsistance rendent aléatoires les estimations que I'on peut faire de la population dite rurale à partir de la population dite citadine. Et l'harmonieuse répartition par moitié que postulait C. Courtois I pourrait bien n'être qu'un leurre. Mieux vaut donc ne pas se laisser paralyser par le préalable numérique, et passer rapidement à I'exnmen de traits moins I'ensemble de

conûestés.

Ce qui semble au premier abord le plus frappant c'est labsence d'homogénéité de la population, quel que soit le critère choisi

9. C. Counrors, Yandales.,,. p. 109

:

5 000 habitants.

C. Prc*o, Clvilisation,,., p. 17E : 10 000 habitants. 11. Voir aussi la tentative de A. LÉznw, < Sur la population des villes africaines >, Antiqattés africalnes, L969, 3, p, 69-82 et sa critique par 10. C.

P. RoMANELLI, it Rendicontl della Classe dî scienze morule dellAccdemia dei Lincei, 1971, p. lL-17. 12. C. Counrors, Vandales..., p. ll2.

(géographique, ethnique, économique ou culturel). Dans le domaine physique comme dans le domaine humain, se retrouvent les caractéristiques d'une région où se juxtaposent au moins deux territoires : l'un méditerranéen, aux aspects variés, propre à la vie agricole et sédentaire ; I'autre dominé par les steppes et voué de ce fait à une vie pastorale plus ou moins nomade. Cette

situation initiale, déjà complexe, a êtê influencée à deux niveaux par les suiæs de la romanisation. Globalement, la redistribution des terres, la transformation des conditions matérielles de vie a tantôt qu'elle ftt spontanée ou imposée, lente ou rapide - a con-atténué la différence entre les zones, tantôt au contraire tribué à l'accentuer. Localement, au niveau des villes et des villages de l'Afrique romaine, la romanisation a créé de nouveaux types de différenciation, de nouvealu( critères d'appartenance sociale, que l'on voit à I'cuvre à fintérieur même des deux grandes zones dont on vient de parler. Si bien que nous sommes en présence de deux grands clivages.

Le premier est physique et s'inscrit dans le paysage africain : Cest celui qui sépare les régions où la romanisation a pris pied de celles où elle n'est que superficiellement ou théoriquement présente. D'un côté, ce sont les vallées de l'Alrtca ou de la Numidie, le Tell, où la masse dé la population se trouve depuis longtemps fixée au sol et vit de la culture ; de l'autre, ce sont les montagnes du littoral ou de f intérieuç les steppes méridionales, où les populations sont en général moins touchées par fordre romain. Encore faut-il corriger immédiatement cette image statique par une vision plus dynamique. Toute population en effet est par définition un ensemble qui se renouvelle constamment. Dans I'Afrique de l'époque romaine, ce renouvellement s'effectue en partie glâce au mouvement d'échange qui s'effectue entre les deux domaines : les gens des steppes viennent s'intégrer dans la vie du Tell, ceux du Tell se réfugient parfois dans les montagnes.

Le second clivage s'opère à un niveau plus profond, puisqunil affecte I'intérieur même des régions romanisées : à défaut d'une résistance acharnée de cette population à la romanisation, on y perçoit la persistance d'une fidélité aux origines, qui affecte des formes multiples. C'est donc, autant qu'à un double clivage, à une double imbri3t8

La vtlla

: une parcelle de préronaine est attestée dans les régions à foræ concentration indigène, un substrat indigène est toujours représenté dans les régions les plus intensément romanisées. Pour tenter de représenter d'une façon schématique ces deux aslEcts, on peut faire appel à deux symboles graphiques. L'un représenterait I'aspect géographique de la 1s6anis4[ien, et traduirait I'extension de la romanisation comme conquêûe : il montrerait comment cette romanisation s'enfonce dans le corps de I'Afrique colnme un coin, donnant à I'Afrique romaine I'allure d'un triangle allongé d'est en ouest, dont la base s'appuie largement sur la Proconsulaire, se rétrécit en Nunidie et en Césarienne pour n'être plus qu'une pointe en Tintigane. Le second symbole ne représente plus I'aspect geographique ou administratif des choses, il tente de rendre compte de la réalité ethnique et culturelle de la population africaine : il serait figuré par une pyramide dont la large base serait le fond indigène et le sommet la minsdf{ romaine, d'origine ou d'adoption. L'intérêt de ces représentations symboliques réside dans le fait qu'elles .ne sont pas I'inverse I'une de I'autre, mais qu'elles sont complémentaires et inséparables. Elles lrermettent en effet de déceler au premier coup d'cil un double décalage : eûtre I'Afrique réelle et l'Afrique romaine, et, à llntérieur de I'Aftique romaine, entre les diverses couches de la population. On peut ainsi voir une fois encore le hiatus qui sépare la romanisation comme conquête territoriale, de la romanisation comme truwe de civilisation, et ne pas substituer mécaniquement l'une à I'autre cæ deux notions, qui s'opposent parfois autant qu'elles se supercation que nous avons finalement affaire

sence

posent

r8.

13. Cette dissociation entre conquête et sivilisation va d'ailleun s'opérer en seru inverse sous Dioclétien. En effet, alors que, sous I'Empire, des territoires sous domination romaine ne participent pas à la civilisation romaile, nous verrons, aprèe la < rectificatlon de frontère > opérée par Dioclétien, des territoires de civilisation romaine soustraits à la domination ronaine : C. Counrors, Vandales..., p. 9l ; P. Slrenae, < Occupation de la Maurétanie césarienne occidentale sous le Bas-Empire romain >, Mé|. Piganlol, W 1292-t3ll; A. di Vrre, < II lhnes rorDano di Tripolitania, nella sua concretezza archeologica, nella sua realta storica >, Libya antiqaa,1964, I, p. 65-98. Dans cette perspective, lïmportaace du lizres et de son tracé exact appraît moindre qu'elle ne semblait par exemple à C.

A quoi tient cette imbrication constante ? Si elle n'est sans doute pas le but délibéré ds I'aflminisflation, elle peut en tout cas apparaltre comme le résultat normal de I'action romaine. A aucun moment n'a étê conçu le projet de faire de la population africaine une population homogène. Bien au conÛaire : Rome n'a pas craint de laisser subsister dans le tissu africain de nombreuses taches blanches'". Mais elle a fait aussi de la citoyenneté romains un usage qui ne fut pas toujours généreux. Uoctroi du droit de cité romain, principal levier de la romanisation juridique' a en effet été utilisé comme instrument de sélection. Loin d'être la norme, il est resté, au moins jusqu'à Septime Sévère, une faveur réservée à une élite. C'est que, conformément aux origines mêmes

du droit civil romain, la citoyenneté romaine a conservé son caractère personnel : elle ne peut donc êEe, dans les débuts de la romanisation, qu'un facteur de division sociale et l'objet de rivalités. < Les Romains ont choisi ceux gu'ils voulaient intégrer à leur cité en désagrégeant les élites dirigeantes de leurs alliés,

soit qu'ils aient présenté leur citoyenneté comme une técompeme pour des services rendus, soit qu'ils I'aient imposée pour iupprimer les velléités d'indépendance chez ceux qu'ils avaient vaincus'u. > Cette remarque de W. Seston s'applique suÛout aux premiers temps de la République romaine ; mais le principe

politique qu'elle définit reste valable sous I'Empire'0. Il importe donc de tenter de voir concrètement comment se situent, à fintérieur même des cadres de la vie sociale, les pleins CorrRTots, Vandales,,,, p. 68. Le limes, certes, matériqlise la disparité des deux civilisations. Mais il y a aussi, à llntérieur de I'Afrique romaine, des disparités qu'aucun limes conctet ne matérialise. Les lignes qui partagent ainsi I'Afrique à l'intérieur d'elle-même sont aussi mouvantes que celles du limes. 14. On en ê un exemple en Proconsulaire, où l'élément berhre subsiste dans le Tractus Karthaginiensis, en pleine vallée du Bagradas, zone roma' nisée par excellence. Voir les cartes de J. Mesxecr, La Romanisation de

l'Afrique (Algérîe, lunisie, Maroc), Paris, 1913 : les régions

romanisées

sont colorées de tose, les autres restent en blanc. 15. TV. Srsrou < La Citoyenneté romaine >, XIIIU Cong. sc. hisl., Moscou, 1970, p. 4. 16. Comme I'atteste l'usage qui est fait du lus ltalicwa,' voir à ce sujet : J. T[larcrepurLr.oPoutos, in lara, 1963, 14, p. lO9 et s. ; J. Gea4 < Itallca adlectlo >, REA, 1969, IJOÛ, p. 65'84. Pour le ius Latinnn : H. Bneurent, < Ius Latii >, Corolla Svoboda, 1966, p.75. 390

In

vllle

et les déliés de la romanisatior, comment se répartissent les la population selon leru origine et leur culture. Il va

masses de

de soi que, vu la rareté des informations directes que nous F)u-

vons avoir sur la population, c'est à dss critères indirecs que nous devons le plus souvent faire appel. Mais ils ne sont pas tous également utilæ. Première méthode,le recours aux divers atlas archéologiques ". Une pratique conrmune veut en effet que I'on se serve, pour dresser un bilan de la romanisation, des cartes contenues dans ces atlas'"; pratique qui semble s'appuyer sur le simple bon sens : les traces matérielles sont le plus str garant d'une présence romaine, et I'on ne dispose pas de critères plus incontestables pour juger de la pénétration romaine. Mais on tire parfois des ruines plus de renseipements qu'elles n'en fournissent en réalité ", et leur présence évidente relègue souvent au second plan des éléments tout aussi importants, quoique moins visibles. Il nous semble en particulier qu'en Afrique le bilan de la romanisation qu'on peut tirer de I'observation des atlas archéologques, du fait qu'il rend compte exclusivement de I'aspect matériel des choses, ne donne qu'une idée très imparfaite, voire fausse, de la réalité de la population africaine. Considérer coûrme romain tout lieu qui offre des restes romains est déjà discutable si I'on n'envisage pas conjointement les origines, les raisons et la durée réelle de I'occupation dnun site; mais s'appuyer sur cette consi-

17. Les atlas dont on dispose sont les suivants

:

Tunisle.'4"

BasELoN, R. Cecxat, S. Renucrq Atlas arcMologique de la Tanisie (1/50 000"), Paris, 1892-1913 ; continué par R. Clamr, A. tvtsRtn, lbtd. 000 000"), P^rlED t9l+1926. Atg&ie .' S. Gsarr, Atlas archéologlqae de fAlgérte, Alger-Paris,

-

(l/l

1902-1911; tablas établies par I.B. CHetor, BAC, t938-L940, p.709728. contributions à I'atlas archéologique du Maroc, dans BAM : - rt1[sye6.' région de Tanger (M. Ponsich), de Volubilis (4. Luguet) z BAM, 1964, Y ; région du Rlarb (A. Ilguet), de Lixus (M. Ponsich), de Tetouan (M. Tanade[) : BAM, 1966 VI. 18. L'insuffisance de cette méthode est dénonée par C. Counrors, Vandales...,

19. C'est

p. 111. le cas par exemple de lbuvrage de M. Brnrnnr, lgzae

Romætae, Nger, 1964, qui considère conrme romaines ou byzantines toutes Ies ruines quT rencontre.

dération pour croire à une présence physique romaine dans tout lieu où apparalt un monument de la civilisation matérielle des Romains est pour le moins excessif. L'emploi de procédés ou de techniques romains a'implique pas nécessairement que celui qui les emploie est d'origine tomaine, ni même qu'il soit romanisé. C'est ainsi par exemple que l'étude du cadastre ou de I'occupation des sols ne peut servir d'unique critère to. Une construction romaine (fortin, ferme, travaux divers servant au captage et à la distribution des eaux), loin d'être le signe d'une présence romaine, peut n'être qu'une tête de pont, attestant I'existence d'un propriétaire romain ou le passage d'un technicien romain en un lieu où I'ancienne population n'a pas subi de transformations notables. Cest ainsi qu'il nous faudra, derrière chaque propriété rurale de quelque importance, supposer la présence silencieuse d'une population d'ouvriers agricoles indigènes fort peu romanisés. Il y a même des propriétaires de futtdus dont la

romanisation peut sembler superficielle, si l'on en juge du moins par leur onomastique : c'est ce qui apparalt assez clairement chez Ammien Marcellin, où I'on voit un propriétaire de lundus portant le nom libyque de Mazuca, tandis que le frère de Firmus, Salmaces, possède un tundus qui a les dimensions d'une vraie ville ". Si elles étaient retrouvées, les ruines de ces lundi devtaientelles être considérées comme des témoins strs de la romanisa-

tion

Il

?

faut en outre tenir compte du fait que seuls les édifices construits en pierre ont quelque chance d'être localisés g1âce à leurs ruines ; tout ce qui est construit en terre ne laisse pas de traces. Or les mapalia des indigènes ne sont que des gourbis, dont on ne peut évaluer la densité que si fon dispose d'indices matériels complémentaires

-.

20, Ces problèmes ont fait I'objet d'études diverses : voir notamment R. CHsvlrurn, A. Cerl-t-gtrtsn, < Les Centuriations romaines de Tunisie >,

AESC, 1957, p. 275-286, 21. AaavrreN Marcerlrl, )O(D(, 5. 22. C. Lz C.cun, < T-æ Mapalia numides et leur survivance au Sahara >, Hesperts, 1937, )O(ry, p.29-45; E.G. Gorent, < l-æ Mapalia >, RT, 1938, p. 343-345; G. Mmcr, < Remarques sur I'habitation berbère dans l'Antiquité. A propos des Mapalia >, Hesperîs, 1942, XXD(, p. 2340; J. ManuNur, < A propos des Mapalla >, Hesperis, 1949' X)O(VI, p. 44ç 447, avæ des remarques de E. Thouvenot, p. 448'450. ?92

Ia

vlle

Enfin" la seule considératioû des ruines romaines pour déterminsl l4 population d'une région peut entraîner des erreurs,

comme celle signalée à propos de la plaine de Kairouan *. Celleci est en effet décrite cotnme habitée seulement par des nomades ou quelques rares sédentair6*, alors que l'absence de ruines s'explique tout simplement par I'absence de pierres dans la région, où les habitations sont en brique crue ou en pisé. L'utilisation d'uo atlas archéologique exige donc la connaissance préalable de la région étudiée, de ses ressoluces, de son

importance stratégique, et surtout de la disposition de I'habitat que ces conditions ont rendue nécessaire*. Devant I'incertitude du critère archéologique on peut penser

à l'étude onomastique. L'intérêt du critère onomastique, .pour celui qui tente de dresser un bilan de la romanisation, de la profondeur de son emprise sur les populations non romaines, a été depuis longtemps reconnu. Car, dans une société où coexistent des groupes différents, le nom porté durant toute sa vie par une personne est le signe évident de son apparûenance à uoe communauté ou à une autre; il témoigne par là même de fattitude de son porteur à l'égard des usages généralemenj sdmis par son gtoupe. Le problème se pose donc en termes assez simples : dans quelle meslue le contact avec les Romains a-t-il conduit les

Africains à changer de nom ? L'adoption même de la nomenclature et de I'onomastique romaines traduit-elle une assimilation complète ? Mais la réponse à cette double question suptrnse la connaissance préalable d'un certain nombre de données conoernant la population de I'Afrique romaine. L'étude onomastique n'a de sens et d'intérêt que si l'on peut faire un recensement exact et complet des appellations individuelles d'une population donnée à une époque donnée. Or les renseignements onomastiques ne nous sont donnés que par les inscriptions qui subsistent dans les nécropoles de certains centres anciens. Les données ainsi fournies ne sont pas nécessairement représentatives de la popu23. J. DBspors, Lo Tutrîsie ofientale, Sahel et basse steppe, p. 139, n. 69. 24. R. Cecnnt, H. Su.aory tL NAMS, l8E2-1883, p.218. 25. Nous n'aborderons pas les problèmes de démographie proprement dite. Sur la mortalité, voir létude de J. Sæ.loY, < Die Sterblichkeit in der Nordafrikanischen Provinzen >, Acta Arclueologlca Acad. Scîent. Hungar., 1965, XVtr, p. 309-335 ; 1966, XVIII, p. 235-277 ; 1967, XIX,

p. 25-59.

". Que représentent les quelques dizaines de milliers d'inscriptions que nous pouvons connaltre, étalées sur plus d'un demi-millénaire, au regard de I'ensemble de la population de l'Afrique ? Commsal se risquer à extrapoler lorsque l'on a affaire à deux réalités aussi manifestement disproportionnées ? A côté des quelques milliers d'Africains qui ont pris soin de faire graver leur nom sur le lieu de leur sépulture, subsiste la masse écrasante de ceux qui ne pouvaient ni ne voulaient confier leur nom à la pierre, et c'est cette majorité anonyme des Africains inconnus qui représente la véritable Afrique. Encore n'entendons-nous pour l'instant envisager que les zones comprises à l'intérieur da lîmes, à l'exclusion des vastes régions qui, comme le Maroc méridional ou la grande majorité des hautes plaines sud-oranaises, sont restées en dehors de I'orbite romaine. Il est donc prudent de ne pas trop attendre de la seule étude onomastique, et ce d'autant plus que, même pour la partie de la population connue grâce aux inscriptions, nous ne disposons d'aucun recueil commode et complet, la documentation étant extraordinairement dispersée, quand elle n'est pas tout simplement inédite ou inaccessible; le chercheur ne peut procéder que par une série de sondages, pratiqués en des lieux choisis pour leur caractère représentatif. L'onomastique ne peut, ici, servir que d'auxiliaire. C'est donc par d'autres biais qu'il faut aborder le problème

lation réelle

la répartition de la population. Le but étant de rechercher les zones où la population indigène apparaît particulièrement de

dense et celles où la romanisation culfirrelle est la moins intense,

nous tenterons d'y arriver en étudiant d'abord les rapports de la romanisation et de l'urbanisation.

II.

Urbanisation et romanisation

l. La création

de communes romaînes

: deux méthodes

Beaucoup plus remarquable que I'utilisation qui fut d'abord faite de foctroi de la citoyenneté à des individus, I'utilisation 26. L, A. Tlroursor, < Seffler and Native in the Urban Centers of Roman African >, Africa in Classical Antlquity, Ibadan, 1969, p' 132' 1g1, se limite à l'étude de la proportion des Africains romanisés dans les cités, d'après l'épigraphie. 394

La

vllle

du fait urbain comme instrument de romanisation a été depuis soulignée : la ville est en effet conjointement le buÇ le moyen êt le résultat le plus évident- de I'ouvre iomaine. Elle est d'abord le symbole de l'autorité. En tant que centre administratif, juridique et religieur, en tant gue foyer de vie sociale et de divertissements, elle est le seul orgaûe qui permette le rassemblement d'individus d'origines diverses. A ce titre, elle sert parfaitement une partie des desseins de I'Empire, puisqu'elle façonne une portion des populations provinciales selon les normæ romaines, et qu'elle oriente ces populations conformément aux nécessités. Mais elle est, en outre, un cadre pratique dans lequel on peut puiser, selon les besoins, à la fois du personnel pour I'armée et pour I'ndministration ". Aussi noest-il pas exagéré de dire que la ville est, dans I'arsenal romain de la domination, loarme la plus élaborée et la plus efficace'8. Tout se passe < comms si on ne participait valablement à la civilisation que dans la meslue où la vie quotidienne était le reflet plus ou moins éclatant de celle qu'on menait à Rome " >. Il est donc capital de savoir comment cette arme a été utilisée en Afrique et comment elle a été reçue par la population africaine. C'est ce que nous voudrions faire en exaninant successivement les méthodes gg les limifes de l'action romaine dans le domaine de I'urbanisation.

On sait combien est imFressionnant en Afrique le nombre de cités'n. La plupart d'entre elles ont accédé, au cours de leur histoire, à un statut municipal qui en a fait des villes plus ou moins romaines. Sous cet aspect, lnæuvre romaine apparalt somme particulièrement réussie, surtout si, comme cela se fait d'ordinaire, on néglige fhistoire singulière de chaque cité, de chaque région,

porr ne prendre qu'une vue cavalière de I'Afrique romaine

à

27. M. Cr.ewr, P. LrvÊque, Villes et structures arbaines dans locclde,tt romain, Paris, 1971, p. 7-94, donnent un utile aperçu de l'évolution historique de la structure urbaine. Voir aussi le chapiûe V de M. RosTovrzEFF, Social and Econornic History..., t é'd., I, p. 130-150. 28. On connalt I'opinion de certains Barbares sur la ville, grâce au discours fameux de Galgacus dans tAgricola de Taciæ. 29. C. Counrors, Vandales..., p. 111. 30. J. TourAû{, Cités...; G. C. Prceno, Clvilisation..,' p. 45 et

s.

I'apogée de fF.mpire. Mais, au-delà de cet aspect brillant,

il

faut

chercher le sens et le contenu réel de cette floraison. Et d'abord, que faut-il entendre par ce terme d'urbanisation

?

Il

va de soi que les Romains n'ont pas créé de toutes pièces I'ensemble des cit& africainqs. Si la ville apparaît aux Romains oomme le seul cadre possible de la vie et leur est à ce titre indispensable, elle n'est pas pour autant inconnue des Africains. L'action romaine ne s'est donc pas limitée aux créations, elle s'est aussi occupée d'aider à la transformation de cités anciennes. C'est ce double pr(rcessus que I'on confond parfois sous le terme

d'urbanisation ou de romanisation administrative. Pour éviter toute ambigulté, il nous parait préférable de distinguer, dans la création de communes tomaines, le's déductiozs de colonies et les promotions de cités indigènes ". C'est que, si nous envisageons chacun de ces procédés en fonction des réactions des indigènes, les choses prennent un sens et une portée bien différents.

a) Dans un cas, Cest par un acte d'autorité, généralement déterminé par des nécessités d'ordre militaire ou économique,

que se AeôiOe I'implantation d'une colonie. Implantation qti entraîne une modification importante des conditions de vie de la population indigène. Que deviennent en effet les habitants indigènes dans une cité où est déduite une colonie de vétérans ? Généralement ils restent sur place, avec parfois le statut d'inco' Iae. A ce titre, ils sont dépourvus de droits politiques et astreints aux charges des munera. Certes, la sujétion qui leur est ainsi *. Progressivement, et par le imposée ne dure pas indéfrniment

leu des naturalisations, les incolae sont intégrés à la colonie. Mais its le sont individuellement. A ceux qui n'appartiennent pas aux familles aisées, fentrée dans la carrière militaire offre âussi la certitude de la naturalisation, soit dès leur engagement, pour ceux qui étaient admis dans la légion, soit au terme de teur 31. On trouve déjà cetæ distinction dans J. MenQuenpt, Organlsation 1892, t. II, p. 468, qui parle de colooisation direde à'une part, et de romanisation graduelle d'autre part mais uéglige cependatt d'analyser la signification de ces- deux procédés. gZ. n ta.tt cepàndant noter que, dans certain' cas, des notablqs indigènes furent directemènt admis dans le corps des citoyens de la colonie nou' vellement fondée.

ile lÛmpire romaln, Paris,

t96

La vtlb service, pour ceux qui entraient dans les corps auxiliaires. Mais, pour toute une autre partie de la population indigène, celle qui appartient aux cornmunautés paysannes aux dépens desquelles la nouvelle colonie se forme et se développe, il est certain que la ville apparait, au moins dans les débuts de la colonisatiôn, bien plus comme un centre de répression que conune un cenfte de romanisation.

à) Dans le second cas, au contraire, il s'agit, 1x)ru une oommune indigène, de recevoir, avec le droit romain, la reconûaissance officielle de son évolution vers les formes de vie romaine, la consécration administrative d'une nouvelle situation; bref, ce n'est pas un point de départ, c'est un aboutissement. La consécration d'ailleurs n'est accordée à une commune que sur sa propre demande, et au bout d'un certain temps. L'intervention de quelque patron haut placé, intéressé au sort de la cité qui fait partie de sa clientèle, n'est souvent pas négligeable. Mais surtout I'octroi du droit romain est progressif : le statut de municipe latin (majeur ou mineur) précède le plus souvent I'accès à la pleine citoyenneté.

II

apparalt donc avec une suffisanæ clartê que ces deux formes la vie des populations indigènes sont radicalement différentes. Aussi voudrions-nous pour [a première proposer le nom de romanisation autoritaire, et, pour la seconde, celui de lepanisation spontanée. Iæ choix de l'une ou l'autre méthode ne se fait pas au hasard. Pour comprendre les raisons qui dictent ce choix et connaître ainsi la portée et les limites de I'urbanisation romaine, il importe donc d'examiner d'abord les origines de I'histoire urbaine en Afrique du Nord.

d'intervention dans

2. Les ortgines de fhîstoire urbaine

Le postulat ancien qui faisait de l'Afrique préromaine

une

contrée dépourvue de villes et parcourue de tribus errantes n'a heureusement plus cours. Non plus d'ailleurs que le poshrlat voisin qui rapporte aux influences reçues d'Europe fessentiel des créations de la culture africaine. En effet, aussitôt que la orientée par des préoccupations nourecherche historique velles s'est tournée vers f&ude des aspects africains de la rela-

-

-

tion romano-africaine, elle y a rouvé matière à un benéfique

*. renouvellement de ses perspectives Ainsi, Ton trouve peu à peu, par-delà les couches romaines et puniques, les traces d'une vie indigène organisée. Organisation certes sommaire en bien des cas, mais qui n'ignore ni l'agriculture ni les avantages mêmes de la vie urbaine'. Deux traits semblent marquer cette histoile : I'existence d'un habitat urbain indigène bien antérieur à la colonisation romaine, I'importance d'influences médiærranéennes autres que celles de Carthage. Des travaux archéologiques menés récemment, en Algérie et au Maroc surtout, suggèrent des conclusions importantes sur l'ancienneté de l'occupation de certains sites, qui peuvent être pris comme exemPles. C'est le cas tout d'abord des échelles puniques d'Oranie, étu*. Les fouilles qui ont été faites sur trois diées par G. Vuillemot 33. Une assez copieuse bibliographie analytique a été récemment consacrée au sujet par J. DEsANGes, < Rechercbes récentes sur le peuplement indigène et sur les structures traditionnelles de I'Afrique antique >, Afrika und Rom in der Antike, Wissenchaftliche Beitriige der Martin-

Luther universitat Halte-Wittenberg, 1968/6 (C8), l2l-134. Voir

aussi

I'article de synthèse de P. À FÉvrurn, < La Recherche archéologique en AlgÉrie et I'histoire ancienne du Magbrib >, RHCM, t965, 5, p. 16'36. 34. Il ne faut évidemment pas prendre à la lettre la formule de C. Countors, Yandales..,, p. ll2, lorsqu'il écrit qu'avec Rome < les villages deviennent des villes, les colonies iaillirent tout armées du sol encore vierge... >. Ce qu'il y a d'excessif dans la déclaration est corrigé par le contexte, et notamment par la phrase qui ouwe ce même paragraphe : < Que lâfrique soit dans I'ensemble, une masse berbère que n'ont point sensiblement modifiée les apports extérieurs, Cest ce dont personne ne dispute. >

Iæs recherches de préhistoire et protohistoire africaine ont complètement renouvelé les wes ûaditionnelles. Voir en particulier : G. Cevrg lal origines de la Berbéie. Monuments et tites funéraires protohistoriques, Paris, 1961 (citê '. Monwnents..) i rD., Aur origines de la Berbérie. Massinissa ou les débuts de lhistoire, in Libyca, 1960, VIII, surtout p. 15-56 (cité : Massinlssa..) ; E. G. Gonent, < Recherches de préhistoire lunisienne >, Karthago, D(, 1958, p. t44; J. TIxBnonr, < Réflexions sur l'implantation ancienne de fagriculture en Tunisie >, Karthago, 1959-

p. 1-50' G. VuEr.eMor,

1960, X,

35.

Reconnaîssances

aur

échelles puniques d'Oranîe,

Autun, 1965 ; compte reldu par P. A. Flhruen, < Les Origines de I'habitat urbain en Maurétanie c6arienne >, JS, awil-iuin 1967, 9. 107-123. Voir aussi S. Lexcrr., in REL, 1966, p. 552-555; P. A. FÉvruen, c La Recherche 398

Iz

vllle

$1e1{ans ta région à I'ouest d,Oran ('llot de Rachgoun, Mersa Madakh, les Andalouses) prouvent d'une fagon tort ctairâ I'existence en ces trois poine d,implantations bumaines à la tois durable.s et denses : ainsi lïot de Rachgoun, où l,habitat et une nécropole ont été fouillés, montre dqs traces d'occupation entre le vIIu et le vu siècle av. J. C. ; le site de Mersa Madakh a têvélê des constructions et 66 silamiques remontant peut-être au vru. siècle; quant au site des Andalouses, plus éændu que les précédents, il est d'occupation plus tardive (premières traces au r"" siècle av. J. C.). Des trouvailles du même geûe, attestant lnexistence d'une vie urbaine sur la côte atlantique, ont été relevées au Maroc. C,est ainsi que l'îlot de Mogador, comme celui de Rachgoun, a fourni de grandes amphores ioniennes et attiques des vuu-vr" siècles s.

psr aillsurs, les 37

recherches

de F. Villard sur la

céramique

jettent une lumière nouvelle sur l,ancienneté de cèr$ecque taines communautés, courme Baûasa, où transparait I'influence grecque sur la céramique locale, Cotté, où I'on a bouvé un vase laconien du vru et un fragment de coupe attique des débuts du rr" siècle, enfin Lixus, où les fragments de vases attiques soéche-

*. En Algérie, d'autres sites que ceux des échelles puniques d'Oranie ont révélé des traces d'occupation ancienne. Entre Ténès et Cherchel, à Gouraya, la nécropole étudiée par F. Villard a livré des vases attiques du vu siècie,'. Iæs perspectives ouvertes sur le passé de Tipasa par la série de fouilles successivement menées par P. Cintas&, I. Bamdez, S. Lanceld vont lonnent entre 530 et 330 environ

archéologique en Algérie et I'histoire ancienne du Maghrib >, fuHCM 1968, 5,

36.

ger,

p.

V

16-36.

A. Joorr,

Iulogador, contptoîr phénicien du Maroc atlantique, Tan-

1966.

37. F. Vtrr.ano, < Céramiques grecques du Maroc >, BAM, 1960, IV,

p. l-26. 38. P.A.

FÉvnrar., in JS, 1967, p. lt5. 39. F. Vnrano, < Vases attiques du vu av.

J.€. à Gouraya >, Libyca, VIL p. 7-13. 40. P. Crxres, < Fouilles puniques à Tipasa >, RAf, 1949, XCU,

1959,

p. 263-330.

p.

41. Voir la mention qu'en fait P.À FÉvnrE'R, in RIICM, 196g, n. 5, 18. L'étude la plus éloquente est celle de la nécropole occidentale de

dans le môme sens : les tombes de la nécropole récemment décou-

.tr siècle verte, creusée dans les pans rocheux, ont servi entre le *, nous avons affaire, selon av. J. C. et le r"" ap. J. C. A Tiddis toute vraisemblance, à une localité indigène (comme le montre la présence de coutumes funéraires libyques et de vaisselle modelée locale) qui s'est ouverte au cours de son histoire à I'influence économique grecque et italienne, avant de s'intégrer à la confédération cirtéenne. Que peut-on dire sur l'origine de ces sites urbains ? Sont-ils tous des comptoirs puniques, comme cela est communément ldmis ? Certes, nous connaissons, par divers textes (Hécatée*, le périple d'Hannon *, celui du pseudo-Scylax *), I'existence et le nom d'un certain nombre de villes répartes le long des côtes de l'Afrique du Nord. Mais on ne peut que suivre les réserves o : que signifie concrèteémises sur ce point par P. A. Février ment le terme de comptoir ? Est-ce une création de toutes pièces' ou bien n'est-il pas possible qu'un comptoir ait été établi en un lieu où existait déjà une agglomération indigène ? Il semble logique de penser que les navigateurs et les marchands puniques aient été guidés, dans le choix des lieux d'implantation, non seulement par les exigences de la navigation et la qualité das mouillages, mais aussi par les perspectives d'échanges conmerciaux offertes par l'existence d'une bourgade indigène. Le fait que des historiens comme Hécatêe aient pris la peine de préciser après chaque nom de ville s'il s'agit d'une ville de Libyens' de UUypUéniôiens ou de Phéniciens est significatif. Mais peut-être avons-nûus un exemple de coexistence d'une ville punique avec Tipasa, qui révèle un établissement préromain important dès le nr siècle, où l'influence punique se mêle à fibérique : < Tipasîtana, III >, BAA, 1968, Itr, p. 85-166. 42. A. Bsnrglrn, < Iæs bazinas de Tiddis >, Libyca. Anth. Arch. Préh., 1956, fV, p. 147-153; G. Ceups, < La Céramique des sépultures berbères de Tiddis >, ibid., p. 155-203. Voir aussi l'étude de la religion libyque, supta, p. 278-279. 43. Fragmenta Historic. Graecor., Ï, 299-321, p. 23-25. 44. Geographici Graeci minores, l, l'2' p. l-5. 45. Ibid,, 110-111, p. 8690. Voir les listes de noms de villes à la fin de ce chapitre.

p.

46. P. A. FÉrrusn, ?2-23.

400

in JS,

1967'

p.

116-117

I

Io., in RHCM,

1968,

Ia

vllb

une yille indigène à Ténès. En effet, cette ville figure peut-être dans le périple de Scylax sous le nom de Clulca (Xd,Àxo ), car ce nom fait penser au mot y&Ioto (cuivre), et I'on sait que des mines de cuiwe ont été exploitées à Ténès 0,. Or, selon une indi, cation copiée par Etienne de Byzance sur un auteur qui n'est pas nommé *, il y aurait eu deux villes voisines portart le nom de CMce,l'une indigèng I'autre phénicienne. Si fragile que soit ce rapprochement, il donne cependant une suggestion précieuse. p41 aillsu$, si l'on se reporte à d'autres exemples comme celui

du Maroc, on y trouve aussi des eneouragements puisque, selon F. Villard, la civilisation urbaine qui s'y est développée dès le vr" siècle av. f. C. < est sans doute le résultat de contasts commersiaux suivis avec les Phéniciens de Gadès, les Carthaginois et les Grecs. Mais elle ne semble pas à propremeût parler le fruit d'une colonisation* >. On sait aussi que même des villes de l'intérieur, eornme Thamusida ou Volubilis, ont révélé un passé particulièrement ancien uo. Ne pourrait-on pas étendre aux cités de la côte algérienne l'hypothèse d'une origine indigène et mettre en partie au bénéfice du dynamisme africain le développement d'une première forme de civilisation urbaine. Cest ce que I'on est tenté de faire, suivant en cela P. A. Février, lorsquT furit : < A un certain moment de l'évolution de la société afticaine ouverte depuis les siècles de la préhistoire aux influencæ méditerranéennes, au moment même où dans le monde méditerranéen des échanges commerciaux se multipliaienÇ il était normal que fussent créées des agglomérations. Ce qui s'est passé

dans la péninsule ibérique ou dans la Gaule du Sud n'est rien d'autre o'. > 11 est remarquable qu'en Afrique des régions forte-

ment urbanisées

à

fépoque romaine, corlme

la région de

Tebessa, senblent n'avoir eu qu'à prendre la succession d'habitats groupés préhistoriques attestés par d'abondantes sépultures mégalithiques. La comparaison de deux cartes, celle des site.s où

47. S. Gsnr" Elstoire.,., II, p. 163 i m, Atlas Algérle, f. t2, to 41. 48. Errsr.rNE oa Brzaxca, l, p. 682. 49. F. Vnr,ano, < La Céramique grecguc >, BAM, 1960, fV, p. 126. 50. M. Euæmnt, VIII. Congr. arch. class., Paf,is, 1965, p, 265-267 ; J. P. Cerr,u, I. P. Moneq R. Ruomrer, G. Herrrn, Thamusida, 1965. 51. P. A. FÉvmra, in RHCM, 19ffi, p ?2.

céramique modelée o" et celle des villes romaines est instructive : < même extension vers le sud de ce qui deviendra la Numidie, même disparition progressive vers I'ouest >. L'existence d'une civilisation des royalrmes indépendants y apparaît nettement coûrme elle apparaît sur la carte des u'. Aussi n'est-il pas excessépultures dolnéniques et des bazinas préparé le développement que , d'autant plus que d'autres indices encore militent en faveur d'une urbanisation ancienne. Ainsi, par exemple, le degré de perfection des techniques d'architecture, même dans les monuments qui, comme le Medracen ou le tombeau de la Chrétienne, semblent liés par 6"t 6{lails architectoniques à finspiration hellénistique. Il faut voir 1à, avec G. Camps, que les apports étrangers apparaissent seulement cornmg un revêtement nouveau donné à de vieilles traditions'". La même réflexion vaut pour le mausolée de Siga, si I'on en croit Vuillemot 5u : pour trouver des antecedents à cet édifice, bâti au-dessus de chambres funéraires, et qui domine la vallée de la Tafna et la capitale de Syphax, avec sa structurs polygonale et ses parois courbes, c'est du côté des monuments funéraires africains qu'il faut c,hercher. Iæs travaux sur larchitecture ancienne au Maroc révèlent la même tradition ". I1 suffit de citer l'exemple le plus caractéristique, celui du mausolée de Souk-el-Gour, tombeau princier vraisemblablement, qui a des affinités à la fois avec le Medracen et le tombeau de la Chrétienne, et avec les

cit& de la Maurétanie préromaine

6t.

52. Carte dressée par G. CauPs, Monuments'.., p. 2L6'2L7.

53. P.A. FÉwrnn, in J,S, 1967, p. 122-123, 54. tbid. 55. G. Carrrps, Monuments..., p. 199-205, 56. Ce serait le mausolée dynastique des rois masaesfes ; G. Vurr-r-e-

uor,

< Fouilles du Mausolée des Beni Rhenane en Oranie >,'CRAI, 1964,

p. 7t-95.

57. J. Bounr, < Documents d'architecture maurétanienne au Matoc >,

BAM, Vfr, p,

263-367.

58. A. Joonl, < La Datation du mausolée de Souk-el4otr >, BAM, 1967, VII, p.22I-262; G. Ceurs, < Uu mausolée marocain; la grande bazina de Souk-el-Gour >, BAM, 1960' IV' p. 47-92. tr est intéressant de noter que les rois numides et maurétaniens semblent avoir su créer les conditions d'une mobilisation massive de la maind'euvre pour la réalisation de grands ouvrages. La domination romaiue a, semble't-il, provoqué 4m

Ia Il faut

vllle

fait que, au milieu du uru siècle av. J. C., Theveste a pu livrer ûois mille otages, courme le rapporte Dio. dore o' : Theveste en effet s'identifre avec Hecatompylos o. On peut enfin tenter de dresser une liste des cités africaines antérieues à la romanisation 0r. Mais il ne faut évidemment pas se laisser prendre à la magie des mots et imegrner ces villes semblables à celles du monde gréco-romain. Car, si elles remplissent partiellement les fonctions natweUes de la ville (échange aussi noter le

économique), elles sont surtout, à l'origine, des lieux privilégiés, propices aux rencontrès et à la défense. Voici tout d'abord la liste des cités antérieures à la deuxième guerre punique 6. Époeue

vf-rr cles

siè

AUTETJBS

NOMS DBS VILI,ES

IDEIVTMCÂTION

ET.

REMÂXQUES

HÉs,^rÉÆ'

Frag, Hist.

Graec,, I, 299-327, 25

p.2!Sahel tunisien Près de Carthage :

Zugantistt6)'tc, Hubele

16116 rep{ Kopxrl-

ôdvc

Canthélta

Cattthélér6\tç L$ogorr{lov

Près de Carthagc

Caào.r 46trt6 'Icôvor dv Â16û1 {>otvlrov

Calamenthé

n6Àrç

gorv{xov

lHîpl pou

Acru

Doulonpolis

Cremmyon

ndlrc

Bizste ou Bône Peut-être en Egypte

(S. Gsar"r" Hérodote, p. 243, a. 5l

Âr66q6-

la disparition de

ces formes de mobilisation collective qui ne cadraient pas avec le mode de production introduit par les Romains; voir Y. Llcosrs, Ibn Khaldoun, Paris, 1967, p. 38. 59. Drooone lr SlcrlE, )OCV. 60. Movans, Dle Phoenizer, II, p. 519. 61. J. TouruN, < Iæs Progrès de la vie urbaine dans I'Afrique du

Nord >, MéIanges Cagnat, p. 319. 62. G, Cerans, Massinlssa.,., p. 52-54, à qui est emprunté I'essentiel de cette liste. Notons toutefois que lbn trouve chez Hécatée d'autres citéo données coûrme africaines z Cynossetna, Ausigda, Maæoto*

IDB}{ÎIAICÂTION

ET

REMÀBQUES

Iantouatk a6lq Âr6riov

ÂtGoooo

16)116

Sloiae a6trrç Àr6Ûq6

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Métagànlon Thrinké

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Mélilla ? Près de.s colonnes

Thingé rûrcD tt$tt

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Pértple dHan-

non,

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Geo-

graphi

n' II)

cf. Melitta

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non)

Thymiathérion

Côte atlantique

Gutté

ld. (près de Mogador ?) fd. (Aeadir ?) cf. Melissa (Héca-

Carichon Teichos

minares,l, l-2,

p. t-5

d'Hercule Tingis

(carte Acra

Melitta

Id,

1ée)

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Périple de Scy-

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110-111 (cart

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Arambys

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ou Gergls Giehtt (hypothèse

Zuchis

fragile, S. Gsrr-r., Histobe..., tr, p. 125) Macomada

Cercinitis

Macomades Cercina

Thapsos

Thapsw

Adruntetos Néapolis

Hadrumète Néapolis

Ituké

Utique

Hippou Aua

(Bizerte)

Pségas

Pithécusal

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Thapsa Caucacis

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Sida

Saldae

Ioulîou Hebdomos

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S. Gseu)

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Mégalêpolts

Région de Menzel bou Zelfa

Tynès Néapolis Hadrumète

(Nabeul)

Hîppou Acra Tôcai Phelliné

Cnmis)

(Sousse)

(Bizerte) (DougcÊ)

Bn Kroumirie ou en Algérie orientale

Meschela

Acra Hippou Acrts

Mtltlné

En Kroumirie @ône)

Plthécusal 2s6-237

Première guerre puniquc

et

Iæptis Aspts

guerre des Adyn Mercenaires : Tynès

Potys& I,

29-

88

Drooong,

)o(m, ,o(rv

Zounrs, VIII, t2-17

Graec.,

Mustt Sicca

Garaitlon Hêcatompylos

HÉonsranex, in

Frag. Elst,

Ut'tcé

Hlppou Acra

(Lemta) Clupea

Uthina

?

CIunis)

(Utique) (Bizerte)

(Le Krib) (Le Kef) Theveste

IU,

p. 7O no l1

Cette liste est assez instructive, dans la me$ue où l'on y voit paraitre quelgues-uns des noms de villqs que I'on retrouvera sonstarnment dans ïhistoire de I'Afique romaine : car les

Romains, coûrme nous le verrons dans l'étude de détail qui va suivre, ne pratiquent nullement la politique de Ia table rase et ne dédaignent pas de s'installer dans les cités indigènes. La même impression se dégage si l'on fait une nouvelle coupe, à une époque un peu plus tardive. G. Camps 6 a ainsi dressé une liste des villes du royaume numide, entre la Fossa Regia et La Mulucha. Elle permet de compléter la liste précédente des cités mentionnées antérieurement à la deuxième guene punique et qui était relative à I'ensemble de I'Afrique du Nord.

a,l Quatre cités eurent les prérogatives de capitales : Cirta, capitale de Syphax, Massinissa, Micipsa, restera jusqu'à la mort de Gauda la capitale principale, et demeurera une

II

et de Juba I"' ; Siga, capitale de Syphax et peut-être de Bocchus, où son fils- Bocchus II établit un atelier monétaire s ; Iol, capitale probable de Micipsa, et suftout de Bocchus II et de Juba II ; propriété de Hiempsal

-

/,q1v74,

capitale de fuba

f'.

b,l Quatre autres cités sont dites Regia, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elles aient le statut de capitale : Thimida Regia, Bulln Regia, Hippo Regîw, Zama Regia.

c) Plusieurs villes furent le siège de trésors royaux, ou

des

chefs-lieux de circonscription fiscale ou administrative : Mac' tar6, Thirmidp*, Thalat, Capsaæ, Suthulu"' Calwna'i, Cirta, Castellunt anon)rme, non loin de la Muluccha

".

63. G. Cnars, Massinîssa..., p. 2752.77. @, I. Mazlnn, Corpus Nummorum Numldae Mauretaniaeque, Paris, 1955,

n'

lW-1t2.

65. G. C. Prcenp, Civitas Mactaitana, Karthago, Y$1" p. 2l-24. 66. Ser,r-usrr, Bell. Iug,, )CI, 3. 67. lbld., rJocv, 1. 68. Srneron, )Nft, 3, 12; Plur- On'osr', V, 15, 8. 69. Su.r-usnr- Bell. Iag., )OO(VII, 3. 70. Peur. Onoss, V, 15, 6. 71. Ser.rusre, Bell. Iug,, XCII, 6.

46

La vilIc

d) Un certain nombre de villes sont attestées corlme ayant eu à leur têæ des suffètes; ce sont, à I'intérieur de la seule Numidie (et à I'exclusion de celle.s tAlricavetus et de Maurétanie) : Althiburos, Calarna, Capsa, Cîrta, Gadiaulala, Gales, Lepcis, Limisa, Moctar, Masculula, Tlwgga n. e/ Enfin, les villes suivantes sont attestées soit par des textes à I'avènenent de Massinissa, soit par des restes

postérieurs

archéologiques : Carnwata, Gurutgu et lcosim (qui battirent monnaie æ), Lwes 1o, Macofttûd.es *, Modeuros ", Nataggaran , Regiae (peut-être dépendant à I'origine d'un domaine royal), Rusicad.en, Saldaen, Siccaû, Simitthu (où une carrière avait gardé à lépoque

romaine le nom tollicirw regïa$), Thabraca&, Thaerueu, Tfugwes, TimiciEo, Tisi.d.iumu, Yagau, Zucchabo,r (qui a peutétre connu une influence phénicienne').

72. L. Porusor, < IJne inscription de Souani el Adani >, RT, 19412, I.XXXVI p. l2Çl4Ù; repris par G. Crrrrs, Masshûssa,.,, p.276. 73. J. Mezlno, op. citu n' 572-575,568-571, 541-54. 74. Ser,rusrB, Bell. Jug,, ){:C, 2. 75. f. Mezanu, op. cit., 520-522. 76. Avw;Én, Apologia, X)CY, 7, 8. 77. TrrzJsw, >A(X, 29, 9. 78. f. Mazeno, op. clt., t" 53G537. 79. Ibîd., n" 538-540. 80. Ser,ruste, Bell. tug.,

LVI, 3. cIL, VIII, 14578-14579, 14583. 82. J. Msaro, op. cit., p. 151. 83, Bellum Atricwn, IJ(XVU, I. 84. S. Gser.r,, Eîstoire..., Y, p. 270. 81,

E5. J. MAZARD, op. cit, n" 577. E6. Slrr.ssrB, Bell. lag., )O(D(,

4; XLYII, 1 ; IXVItr, l,

3.

87. Ibid., IJ(U, E. 88. S. GssLL, Atlas Algérle, f. 13 (Miliana), a. 70. Voir aussi dans S. Gser& Histoîre..., Y, 9. 261-285, une étude plus détaillée de la répartition des centres urbains et des bourgs dans les rc,yanmes de Numidie et de Maurétanie. Par ailleurs, aux côtés des centres urbains propremeat dits, il faut mentiooner ure autre catégorie d'agglomérations : voir par exemple toppîdum lsmzc, nommé par Vrrnuw, De archltectwa, lfffi, 3, 24. Sur cet oppldurn, qui est en fait un domaiûo faisant sâns douto partie de ltéritage des ancieas roie de Numidie, voir I. Kor.,BNDo, c Sur le colonat en Afrigue préromaine >, Neue Eeinitge zur Geschîchte der alten l{elt. Berlin, 1965, U, p. 45-56.

Ces listes suggèrent quelques remarques d'ordre divers.

Tout d'abord, on comprend pourquoi la p6nétration romaine n'a pas été une simple promenade militaire : aussi bien Scipiou que César eurent à livrer un bon nombre de sièges contre dæ cités indigènes bien protégées. On comprend aussi que Carthage ait pu se prétendre maîtresse de trois cents < cités >, bien qu'il soit hors de question pour f instant de tenter le recensement de ces < cités æ >. On note enfin que, dans leur grande majorité, les cités mentionnées ne semblent pas franchir les < frontières naturelles > que constituent les limites du Tell tunisien et constantinois

*.

C'est donc dans ce contexte urbain déjà diversifié que Rome va trânsplanter, à mesure que les circonstances l'exigeront, son organisation municipale.

3. L'organisation municipale romaine en Alrique : terminologie et réalités sociales

A.

Terminologie et statut iurîdique

il

est difficile de se faire une idée exacte sur : les renseipements, fournis principalement par Pline I'Ancien "', sont difficiles à interpréter. La iiste plinienne reproduit-elle une liste dressée par Agrippa entre ZS ei tZ av. J. C. " ? Mais elle ne tient pas compte de modifi-

On sait combien

le statut des villes africaines

89. Ce"s cités étaient réparties entre plusieurs vastes districts, qui ont porté en latin le nom de pagw. Otr connalt les pagi Mttri, Gususi et Zeugei QLAî, 422), le pagus Gurzensis (CIL, VIII, 68). Mactar est ahsi le sentre d'un pagas qui ne compte pas moins de 63 cités : voir CIZ, VIII, 23599, ainsi qae AE, 1963,96; voir G-C' Prcano, < Pagus Thwcae et Gunzuzi >, CRAI, 1963, p. 124'139. Ce type de pagus, survivance de I'administration carthaginoise, ne doit pas être confondu avec le pagus romain, gui est la subdivision d'une colonie : voir G.C. PIcmp, q Le pagar dans I'Afrique romaine >, Karthago, 1969'L970, XV, p. 3-12. 90. f. Tourerx, in MéIanges Cagnat, p, 322. 91. Puxs, V,22-30. 92. O. CuNr4 De Augasto Plinîî geographicorum auctore, p. 45 ; rp.' in lahrbuch 1ur Class. Philolog., XVII, p. 523'526; cité par E. Konxs'

lrrxx, in Philologus, 'OB

1901,

LX, p,

407,

Lo ville

cations intervenues avant ces dates. Bst-elle une copie d'un

document d'Agrippa énumérant seÉlement les créationsmunicipales augustéennes * ? Remonte-t-elle encore plus haut, et n'estelle qu'un < état > de I'Afrique romaine énumérant les mesures administratives consécutives à la mort de César et exécut6es conformément à ses volontés * ? tr est malaisé d'en décider. Il est même impossible d,affirmer que dnautres possibilités n'existent pas : rien n'inlnse de croire à une cohérence parfaite des données pliniennes, qui pourraient avoir été puisées à différentes sources se rapportant à des dates différentes o!. L€s choses sont encore compliquéas, pour l,observateur, par le fait que la terminologie de Pline n'est pas entièrement claire, et que I'on ne sait pas toujours à quel statut juridique correspond en réalité tel ou tel terme. Tentons néanmsins de frxer, pour l'Afrique, les grandes ligies de forganisation municipale aux premiers temps de la romanisation. On peut commencer par relever que quelques-unes des hypothèses émises par L. Teutsch n'ont pas été confirmées par les plus récentes découvertes s. I-:équivalence, posée par celui-ci, enfre conventus c.R. et pagtÆ,les deux termes étant censés désigner une association de citoyens romains solidaires face à une organisation indigène, s'est révélée insoutenable : d'une parq il existe des pagi enmpos6 non de citoyens romains mais de srÈ pendioii, coûrme à Mactar "' I d'autre part, un pagus de citoyens ls6ains est (comme ù Tlagga, Nurnluli, ASbîa) une circonscrip tion territoriale dépendant d'une colonie, circonscription soustraite au domaine primitif tvne civitas indigène s. En faiÇ seuls

p.

93.

W.

BARTHEL,

Zur

Geschlchre der tôm. Stlidte

in Afrlca, l9M,

29.

94. P. QuoruAM, < A propos des crommunes double.s et dæ cotonh.e luliae de la province d'Afrique >, Karthago, 1955, X, p, 77 et î. 75. 95. L. TEuscu, Stâdtewesen, p.27 et s., y voit deux origines : une liste des créations coloniales d'Auguste d'une part; un éÎat de I'Afrique avant les créations coloniales césariennes d'autre parL Pour une brève mise au point sur le problème, voir P. A. BRUNT, Italian Manporrer, p. 581-583. 96. L. TEurscu, op. clt. p. 47,57,99,152, l7O, etp. 97. & sont des pagf d'origlne punique : G. C. Prclrn, < Pagus Thuscae et Ganzuzl >, CRAI, 1963, p. 12l-126. L'auteur passe ea revue les divers pagC puniques coûnùs. Voir aussi m., c L'Administratioo territoriale de Carthage >, MéL. Piganiol, p. 1257-1265. 98. C. Ponrsscrr, < Immunltas Pertîcae Carthaglniensium

>, CRAI,

les convenûts sont bien des associations de citoyens fixés de leur plein gré dans une civitas pérégrine.

Par ailleun, l'hypothèse que les villes désignées par Pline conme oppida civiwn Romatwrwn sont celles où se trouvent fixés des conventu,s, établis par Marius, ne se justifie pas plus. On admet parfois @ léquivalence entre oppidum c.R. et municipe, qui semble confirmée par une dédicace à Lépide trouvée à Tlmbraca''. Il faut dire cependant que cette équivalence te saurait être vatable partout, puisque Uchi Maius, que Ptine'o' met au nombre des oppida c.R., porte aussi dans les inscriptions les titres de pagus'* ou même de castellurn'n". I1 y a donc là une difficulté. Mais que sont donc les municipes ? On sait que C. Saumagne a remis récemment en question la définition même du terme de municipiwn, où it ne voit pas, contrairement à la thèse traditionnelle, une comnunauté de citoyens romains mais une communauté à qui a été concédé le droit latin'on : il est donc exclu, si I'on admet cette définition restrictive, que les oppid.a c.R. puissent être des municipes. Si, en revanche, on s'en tient à la définition large, il est peu waisemblable que tous les oppid.a pliniens résultent de I'octroi collectif, à des cités pérégrines, de la citoyenneté romaine.

p. 55-76; G.C. Prceno, in Karthago, XV, p. 3-12: H. G. Pruluu, atricaines, fV, p. 75-118. 99. S. GssLU Histoire.,., VIII, p. 169, n.2 z < l* terme de oppiilum indique uû cettre urbain qui, habité par uû corps de citoyens roma!1s' t962,

in Antiquités

devait être un municipe. t A. N. SHBRwTN-WItrrl" The Roman Cîtizettship, Oxford, L973, t éd., p. 348, est moins affirmatif. lm. J. Gus& R. Pr.nnerrE, in Karthago, 1958, D(', p. 87'88 (AE, terme qui ne saurait à cette date L959, 77). La mention de décurions - d'une civltas attæte fexistence désigner les administrateurs lÉrégrins

-

d'un municipe.

V, 29. lo2. cIL, VIII, 26252, 2627 6, to3. cIL, YlrI, 26274. lO4. C. SnuuecxE, Le Drolt latin et les cités romoines sous I'etnplre, Paris, 1965. Voir en partioilier les chapitres consacrés aux oppida c. R. d'Afrique, p. 81-119. C. Saumape ne croit ps à lexistence de marl101. Pr.nss,

cipia civium Romanorurn. J. Gascou, < Municîpia clvlum Romararwt >, Latomus, 1971, )OOç p. 133-t4l; J. Drsaxcss, < Le Statut des municipes d'aprèe les données africainee thèse,

4to

>, RHD,

1972,

p.

353-373, refusent ceÛe

lz

Il

vllle

est probable cependant que

le terme d'oppida cR. n'est pas simplement un doublet de municipium, et qu'il a un sens plus vague et moins technique : il s'applique à des communautés de citoyens romains (émigrés ou naturalisés individuels) qui se sont établis dans des centres urbains (parfois fortifiés) en y jouissant d'une certaine autonomie de fait et qui, dans l'attente d,une structure juridique définitive que les circonstances ne leur permettent pas encore d'avoir, se donnent une orgaoisation administrative voisine de celle des municipes. tr n'est pas impossible qu'à I'origine des castella aient servi de refuge aux colons implantés dans un périmètre donné contre les réactions éventuellement hostiles des indigènes 16. On peut en résumé

dire des oppida civium

Romanorum que ce sont, du moins en général, des oppida (c'estàdire des places fortifiées), qui ne bénéficient pas d'un statut municipal reconnu, où se sont groupés des citoyens lsnains i se ne sont pas des conventus, parce que le conventus n'est qu'une minorité romaine dans une civitos indigène, ce re sont pas des municipin, puisqu'ils n'ont pas été créés cornme tels. Il va de soi, dans ces conditions, que la situation ambigrë des oppida c.R.

ne peut pas durer. Aussi sont-ils, ultérieuement, soit rattachés ù la pertica d'une colonie (dont ils deviennent un pagus conme Uchi Maius)1@, soit grossis par des déductions et reconnus comme véritables colonies. Il semble donc possible, compte tenu des éléments ainsi rassemblés, d'affecter à chacun des termes de ce vocabulaire un seûr assez précis. Iæ terme le plus vague est celw toppidwn z

lorsqu'un certain nombre de cives Romani se fixent dans une région donnéen mais en ordre dispersê, toppid.ura est le centre auquel ils se rattachent;l'oppidum n'a pas de statut légal, il n'a vraisemblablement pas de droits ni de devoirs bien définis, pas d'institutions particulières. Au contraire, le pagus aussi bien que le castellum (notamment autour de Cirta, de Sicca et même de 105. C. SaUMAGNE, op. cit., B. 94 en fait ltypothèse à propos d'Uc}i Maius. I* regxoupement de colons eo, oppida se ferait donc d'uae manière spontanée, ce qui explique que le centre ainsi constitué ne soit pas juridiquement reconnu ooûlme muaicipe. Voir aussi E Koruuaaamr, iD R.E, )n, 597. Autres avis chez F. VrrnNcnorr, Rômlsche Kolanisatlon" p. 76, n. 6; chez A. N. SEsrwN WrûrE, op. cit, p. 349-350; et chs P. A. Bruxr, op. cit., p. 582.583. to6. cIL, vm, 26252, 26276.

Carthage'o') sont des subdivisions d'une colonie z le castellum est généralement fortifié, ou du moins a commencé par l'être; Lo pagw ne saurait l'être, puisqu'il n'est qu'un canton. Uinstihùtion du pagus est un exemple de la souplesse de l'administraton romaine : Cest en effet un héritage du passé punique (conservé comme tel parfois), qui a été repensé en fonction des institutions municipales romaines. Le cas dt conventus c.R. est, on va le voir, le plus simple en théorie 1G, mais il paraît difficile d'admettre l'évolution de ce type de goupement ve$ I'institution hybride que G. C. Picard dénomme quasi ou semi-municipe, qui supposerait une sorte de rétrogradation des citoyens romains de souche '*. I*s oppidn libera jouissent d'un statut particulier : leur libertas consiste à pouvoir élire des magistrats et à continuer à être régis par leurs propres lois. En Afrique, ces oppida sont diversement répartis dans toutes les régions ; ils comprennent des citfu d'origine différente, dont certaines fort anciennes (Hadrumète, Bullt Regin, Tltysd.rus, Lepti Minus, Zama, Tlwpsus) et jouissant parfois de Ia libertas depuis 146. Un problème 8e pose pour certaines autres, oonnues comme colonies juliennes (Clupea, Neapolis, Curubrs) et qu'on retrouve chez Pline parmi les oppida libera. S'agit-il d'une rétrogradation, cotnme le croit E. Kornemann "0, ou bien la libertas a-t-elle été accordée à la cité indigène qui aurait subsisté aux côtés de la colonie, contme le croit Barthel '' ? Nous ne saurions trancher' à moins d'admettre I'hypothétique existence de < communes doubles >.

B. Réalités sociales Le problème principal, celui colons dans les centres urbains

des rapports entre indigènes et "', se pose, à cette époque, de

façon sans doute très variée. 107. Carthage : CIL, X, 6lO4; Sicca : CIL, YUI, 173?il, 108. G. C. Prcenp, < Lp conventus civium Romanorum de Mactar >, Africa, I, p. 75-76, 109. Voir inlru, p, 4L4. 110. E. Konrelaeml, loc. cit., p. 402'426,

p.

111. W. BaRTIBL, op. cit.,' ID., 81.

(

Rômische Limitation >,

BI, l9ll,

112. Sur ce problème, inséparable de celui des communes doubls' voir F. de Menrnro, Stofia deWa Costituzione romanq, Napoli, 1965, IV' p. 671 et s. ; P. A. BRUNT, Italian Manpowet, p. 2&255, 4t2

La

vllle

Dans les oppida, où le peuplement est homogène, peû ou palr de problèmes intérieus. Les difficultés qui peuvent surgir proviennent suftout des contestatiors sur lqs limites exactes des territoires appartenant à. l'oppidatn et aux indigènæ voisins. Dans les pagi,les choses sont moins simples : en effet, dans ces centres, comme àThugga par exemple, où auprès da pagus subsiste, tolérée mais sans droit reconnu, I'ancienne civitas berbère, les indigènes n'ont que peu de recours en cas de difficulté avec les colons. Ainsi se créent nécessairement des rapports de dépendance, que les indigènes ne peuvent briser qu'en obtenant pour leur propre oompte læ privilèges de la citoyenneté romaine. C'est donc à cette promotion que visent tous ceux qui le peuvent. Cette promotion obtenue, il semble que læ nouveaux citoyens s'insèrent dans les cadres dt pagas, et que les descendants des pérégrins lenanis$s fusionnent finalement aveo les descendang des colons "". Mais cette fusion semble se limiter, pendant longtemps, à quelques riches familles; si bien que, plutôt qu'un moteur, elle constitue un frein pour l'évolution de la civitas tndtgène, progressivement privée, sans contrepartie, de ses meilleun éléments. C'est sans doute à cause de ce déséquitbre entre les populations hétérogènes dr pagus et de la civitæ, déséqpi-

libre maintenu et même accru par l'écrémage progressif de l'une au profit de I'auûg que l'ensemble civitas-pagus semble condamné à rm lent piétinement et n'accède que

tardivement à une véritable fusion, sanctionnée par I'octroi du statut de municipe. Il faudra en effet plus de deux siècles de patience ù ThugSa et aux autres civitæes-pagi pour être promues t'o. C. Poinssot tt explique ce < retard exceptionnel > par la mauvaise volonté des colons de Carthage qui ne devaient pas voir d'un æil favorable I'amoindrissement progressif de leur pertico"u. Quelle que soit la vraisemblance psychologique de la 113.

L.

Porussor,



CRAI,

1911,

p. 500, n.l. Voir le as à

Thugga

Marcit (L. Ponrsso1 in NAMS, 1911 )O(I, fasc. 8, p. 3) et dq Gablnll (f.R.S. Bnouonroç Romanlzation, p. 153, n" 199). tl4. Thagga ne devint municipe qu'en 205, grâce à Septime Sévère, Caracall,a et lulira Domna z CIL, Yfr., 26539 = ILAI, 525. 115. C. Poussor, in CRAI, 1962, p. 72. 116. J. GAscov, La Politiqae munlclpale de lEmpirc romdn en Afrlqae proconsulalre de Trajan à Septime Sévère, Rome, 1972, insiste égalemeot des

remarque, elle ne saurait tenix lieu d'unique explication. De quel moyen de pression pouvaient en effet disposer les Cartlwginienses pour sauvegarder fintégrité de leur territoire, pour retarder selon leurs convenances la promotion des cités ? Il est plus simple d'arlmettre que ce retard est dt à I'absence des conditions nécessaires à la promotion, c'est-à-dire à une insuffisante fusion des deux gtoupes : les citoyens romains n'avaient aucun intérêt à favoriser cette fusion. Ainsi, plutôt que de s'opposer à la sanction juridique de la romanisation que constitue la fusion pagus-civitas, les Cartlwginienses ont dû freiner de leur mieux le processus de romanisation qui aurait rendu cette fusion possible.

Dans les cas au contraire ol la civitas abrite un conventus, c'est-à-dire un groupement de citoyens librement réunis et ne disposant pas d'institutions propres (contrahement à ceux du pagus qui sont installés par décision officielle et possèdent un conseil et des magistrats), les citoyens romainsn tout en jouant de par leur importance économiqud un très grand rôle, se trouvent sans prise sur la direction des affaires municipales. Cette situation, iésultant à forigine de féparpillement, sous la République, de citoyens romains dans divers centres indigènes où ils exerçaient leurs activités, plaçait les Romains dans une position d'infériorité, dont on imagine bien qu'elle ne pouvait durer. Il faut cependant ici distinguer entre les Romains de souche et les indigènes devenus citoyens romains. Ces derniers, en effet, en acqué-

iant la cité romaine, pouvaient continuer à revêtir des fonctions municipales dans leur ville d'origine, même si cette ville n'a que le statut de civitas : nous savons que les fonctions de iuffète "", ou mê.rne de princeps gentis (c'est'à-dire chef d'une tribu berbère

"')

ne sont nullement incompatibles avec la citoyen-

6. 2n) sur le tort que causerait à Carthage le démantèlemeût pertica.

de sa

117. Dans la cîvitas tAvitta Bibba (cIL, v71I,797; cf. 12265), les suffètes portetrt les noms romains de Manlius Honoratus et Iulius Metellus. On est tbutefois surtlris par ta géaéralisation hâtive faite par P. Vevnn, in Kutlugo, 1958, D(, p. 104 qui déctare que < la plupart des suffètes connus par les inscriptions out les tria nomlna >, ce qui est faux. 118. C'est le cas d'Aurelius lulianus, prlrceps de la gens des Zegreoses en Maurétanie tingitane : voir W. Srsron, M. BuzeNNlr, in' CRAI' L961,

p.317-323. 414

b neté romaine

11s.

vlllc

Quant aux Romains de souc,he, ils se touvaient

sa$t reoours. Pour leur permetbe de jouor dans la vie munici, pale un rôle conforme à leur imFortance effective, il fallait donc modifier le statut de la civitas et da conventus, G. C. Picard a fait à ce sujet, et à propos de Mactar, une hlpothèse originale : la ville alur:allt êtê dotée d'un statut de semi-municipe (ou quasi" municipe), Cest-à-dire qu'elle conserve ses institutions traditionnelles, qui reçoivent des noms romains, et que les fonctions municipales sont exercées indifféremment par les Romains de souche ou d'adoption 40. Ceffe hypothèse, qui n'est malheureusement appuyée sur aucun document et crée une catégorie juddique jusqu'ici inconnue, est peutétre inutile. Pour faire disparaltre l'infédorité passagère des Romains de souche, et en attendant que la fusion soit possible entre la civitas et le conventus au sein d'un municipe, il suffisait de leur donner la possibilité de gérer les fonctions municipales daqs le cadre de la civitos i ce qui dut se produire d.e lacto, sans qu'il ett été nécessaire d'inventer nn nouveau statut. Quoi qu'il en soit, la dualité civitas-conventus t'L pas subsisté très longtemps solur I'Fmpire, sauf peut-être dans les cités où les traditions indigènes gardaient leur force et où la présence romaine était faible. I importe de remarquer que ni le groupe civîta*pagw m le groupe civitas-conventus îe constituent à proprement parler des communes doublæ, dans la mesure or} seule la civitas est une commune, alors que le pagus ou le corwetûus n'en sont pas. Quant aux autres catégories de communes doubles, où se trouveraient par exemple associés une civîtæ et un municipe, ou bien une civitas et une colonie, ou bien encore un municipe et une colonie, on sait qu'elles n'ont probablement jamais existé : les arguments développés à ce sujet tant par P. Quoniam o' que

119. G. C. Prceno, in Afrîco, 1966, l, p. 75, semble cependant ponser qu'il leur faut un < privilège spécial > tpur < colrs,erver leurs droits daûs

leur sommunauté d'origine > ; ce qui ne ûous paralt pas aécesraire. LzO. G. C. Prcaao, loc. cit., p. 75-76; m., Civttas Mætaûtatu. loc, clt.,

p.

155.

P. Quomel4 < A propor des t' communos doubles " et dos colonlae IUIîae de la province d'Afrique; Ie sas de Thuburbo Malus >, I(arthago, 1959-1960, X, p. 67-79.

l2l.

415

Teutsch @ permettent désormais d'écarter, du tableau déjà complexe des institutions muaicipales africaines, cette inno-

pal L.

vation juridique

*.

Ainsi, Rome, qui n'hésite pas à pratiquer en matière militaire ou économique une politique offensive.et audacieuse génératrice de bouleversements, se montre beaucoup plus circonspecte en matière d'administration municipale'". Mais cette circonspection doit-elle être interprétée comme la marque d'un esprit de tolérance et de respect à fégard des traditions locales, ou bien comme le signe d'un refus de favoriser l'égalité de statut entre indigènes et immigrés ? L'analyse du processus de la romanisation administrative nous permettra peut-être de répondre à cette question.

4. Les lenteurs calculées de

la

rommtisation adrninistrative

iusqu'à Septime Sêvère

Ainsi que nous I'avons vu, tout indique I'existence d'une tradition urbaine dans l'Afrique préromaine, tradition suffrsamment développée même pour que Rome ait pu, en de nombreux cas, se contenter de prendre la succession d'une cité antérieure à la conquête ponr en faire une ville romaine. Il nous reste donc à examiner comment, dans ces conditions, I'autorité romaine a procédé à la romanisation administrative de l'Afrique : à quel rythme s'est opérée la transformation des cités en colonies ou en municipes, quel principe a guidé le choix de l'administration, en un mot, quelle fut (ou quelles furent) la (ou les) politique(s) municipale(s) de Rome en Afrique

122.

L. Tsurscn, < Gab es "

*

Doppelgemeinden

?

' im rômischen

Afrika ? >, Rev. int. dr. an., 196!,3u série, VIII, p. 281'356. 123. C'est donc une certaine impropriété que H. (1. Prteurrn, in Anti qaîtés africaines, 1970, IV, p. 111, parle de < double cotrunune > pour désigner tensemble civitas-pagus, dont il démontre avec vraisemblance I'existence ù Thuburbo Malus. 124. G.C, PIcetD, in CRAI, 1963, p. 12+130.

problème a fait récemment I'obiet de deux études importantes : St'iidtewesen in Nordalrika tn der Zett von C. Gracchw bîs zum Tod.e des Kaisers Augustw, Berlin, 1962 ; J. Gescou, La Politique municipale d.e lâmpire romain en Afrique proconsulaire de Tralan à Septime Sévère, Rome 1972, qui renouvellent en partie les travaux plus anciens (Mesnage, Toutain, Broughton). L25.

C.Æ

L. Teurscu, Das

416

La vllle Nous avons déjà eu I'occasion 6" souligner la longue stagnation pour ce qui touche à la romanisation administrative - toute la période marque républicaine, et qui ne fut interrompue que par les tentatives sans lendemain (comme la création de la colonia lunonia en 122) ou sans réelle importance (comme la disfibution par Marius de terres à ses vétérans et à quelquas éléments gétules de son armée) "u : les premières installations de Romains ou d'Italiens ne sont évidemment dictées ni par le désir de déficher des terres vierges ni par le souci de < civiliser > les Barbares, mais par I'attrait d'un profit relativement facile. C'est seulement avec C6ar et Auguste que commencèrent véritablement les créations municipales : César s'est particulièrement consacré à la création de colonies dans 16 ports de l'Africa vetw, et principalement autour du cap Bon (Curubis, Clulæa,

qui

; Auguste a porté son effort sur le nord de l'Africa vetus et sur la partie orientale detAfrica nova, ainsi que sur la Maurétanie "t. Après ce coqp d'envoi, il fallait laisser aux nouveau( venus Ie temps de s'acclimater et de prospérer dans leurs colonies ; en outre, les nécessités de politique intérieure, qui avaient amené César et Auguste à créer des colonies en Afrique, ne jouent plus pour les empereurs suivants. D,où un net ralentissement, qui se prolongera jusqu'à la période flavienne. Seul Claude, lors de la réorganisation de I'ancienne Maurétanie, partagée désormais en deux provinces, crée des colonies (Lîxtu, Cæsarca, Oppidum Novum et peut-être TînSi) alrlrsi que des municipes (Volubilis, Rusuccuru, Tîpasa) : il s'agit de créations autoritaires, visant Neapolis, Carpis)

surtout à combler des vides, à implanær des llots de romanisation dans des provincæ annexées de fralche date. C'est sous les Flaviens que le mouvement de colonisation en 126. Lhypothèse de L. Teutsch d'une importante colonisation marienne

en dehors de I'Africa verzs (c'ect-à-dire audelà de la Fossa Regia) æt difficilement souteaable : yoir notnrnment les critiques de F. Vnrruonorr, irt Corolla Memoriae Ertch Swoboda dedlcata, Graz-Kôln, 1966, p. 225233, ainsi que celles de J. Gascoq op. cît, p. 17-20. 127. Cæ créations ont été examinées dans la première partie de ce travail, où l'on a vu è quels soucis elles correspondent : nfuessité de fournir des terres aux vétérans; désir, pour Césat de faciliter les échanges avec le Cap Bon; pour Augusûe, de développer les terres à blé des vatlées du Bagradac et de foued Miliane. 4r7

t4

Atrique va reprendre avec une certaine vigueur, marqué surtout par le désir d'occuper des points stratégiquement impofrafis et par la volonté de transformer les zones nouvellement annexées. Ainsi, le départ de la légion pour Theveste puis Lambèse amène la fondation de la colonie d'Ammaedara*. Ce départ, ainsi que I'implantation d'une colonie ù Madauros. qui permet la surveillance des territoires encore occupés par des tribus comme les Musulames ou les Numides, marque une progression de Rome vers lnouest. Il s'agit, là encore, de romanisation autoritaire, dont les effets sur la population indigène n'étaient pas nécessairement bénéfiques. S'il y a eu, de la part de certaines cités indigènes, une aspiration à vivre dans des cadres municipaux romains, cette aspiration n'a guère été jusqu'à présent encouragée. Seule.s exceptions à cette remargue : le cas de Lepcis Magna, si I'on accepte du moins I'hypothèse de la transformation de la ville en municipe par Vespasien "' ; le cas de Bulla Regia, qui figure comme oppidurn liberurn chez Pline'-, mais qui fut peutétre transformée en municipe par le même Vespasien "'. Quant à Hippo Regîus, qui a peut-être été promue au rang de tt, elle avut êtê transformée en colonie par un empereur flavien municipe dès l'époque d'Auguste et sa promotion ne favorise donc que des citadins déjà romanisés. L'æuvre municipale ébauchée à l'époque de Nerva et amplifiée sous Trajan marque le triomphe en Afrique de la romanisation autoritaire, qui pratique I'implantation de colons, généralement

128. Peut-être faut-il penser, avec f. Gescou, Polltlque municîpale.,' p. 30-31, que cette mesure est accompagnée et complétée par la fondation du municipe de Sufetula et la création d'ur- castellam à Ctllium; il il s'agirait alors d'une réorganisation stratégique de la région de la Dorsale tunisienne. Mais Cllliam est peut4tre un municipe flavien. 129. Lepcîs Magna txrse' on le mit, un problème de droit municipal épineux du fait qu'it y a eu coexistence du municipe, institution romaine, et du suffétat, institution punique : voir la rqrrise de Ia discussion par J. Gescou, op. cit., p. 75-78, qui accepte la solution du c munisip€ à suffète >, imaghée par J. GusY, < Eplgraphîca Trlpolitana >, REA, 1953,

LV, p.

351-358.

130. Prnw, V, 22. 131. P. Quomtu, < Deux notables de Bulla Regia >, Karthago, l96L' 1962, Xl, p. 3-8. 132. J. Gscou, Polltigue municipale,.., p. 3'f-35.

418

La vllle vétérans, dans les zones de contact avec les indigènes non romanisés.

Ainsi Nerva n'a pu se consacrer qu'à la région des confins de Ia Numidie et de la Maurétanie, où furent déduites probablement trois colonies : Sitilis, Mopth.... et Cuicul, qui permettent l'établissement de liaisons s{Ires enfte les deux provinces'*. Trajan en revanche a eu le loisir de menel à bien une politique municipale étroitement liée à sa stratégie. Négligeant presque complètement du moins si l'on se fre au silence des

les secteurs romanisés et en particuhet l'Afrtca vetus's, -il s'intéresse surtout aux régions non encore romanisées. Ainsi Thamugad.i est déduite dans le sud de la Nurnidien et s'inscrit bien dans un ensemble de colonies militaires établies par Trajan dans d'autres provinces, en Germanie, eû Pannonie, en Mésie et en Dacie. Dautres créations apparaissant dans le sud de la Dorsale tunisienne et jusqu'au nord de lâurès. Thelepte, qui fut peut-être à I'origine un castelhtrn flavien, est transformée en colonie de vétérans'o : dans ce secteur des ftrautes Steppes, où des tribus comme les Musulames et les Mwunii Regiani ont leurs terres de parcours, Thelepte est probablement chargée d'une besogne de contrôle, ainsi que de la tâche économique de mettre en valeur, par I'oléiculture, les espaces pris aux nomades. Non loin de Thelepte, Cillium (si ce n'est pas un municipe flavien contme on le croit généralement, mais un municipe trajanien comme le croit J. Gascou) aurait été transformé en municipe latin pour des raisons analogues'æ. D'autre part, Capsa devient municipe latin : la situation méridionale du nouveau municipe marque assez la volonté d'expansion dont elle témoigne. Enfrn, à cette série, il faut ajouter linstallation sources

d

FÉvnrrn, < Aux originee de I'occupation romaine dans l6s CT, lgel, XV, p. 5l-64. Mais J. Gascou, PolJrique municipale, p. 108-110, préfère attribuer la fondation de Cuicul i 133, P.

hautes plaines de Sétif >,

Trajan. 134. Ses seules iaterventions dqns ce secteur sont I'octroi du statut colonial au IDrt tHadrunetwn (Sui e6t une dee sept villes libres de la Let agraria de 111, et que Pline met au rang des oppida llbera) ainsi peut-être qu'ù Lepti Minus. Yoir en dernier lieu J. Glscoq op. clt., p. 6775.

135. Ibid., p. 83-85 (n. 1, p. 85). 136. Ibld., p. 8G89.

d'une colonie de vétérans à theveste, consécutive au transfert, opéré par Trajan, de la légion de Theveste à l-ambèse "', et peut-être aussi I'octroi du statuf de municipe à Diana Veteranorum et à Mascula'u. Un effort analogue est mené dans les hautes plaines et les massifs à I'est de la confédération cirtéenne. Deux municipes, Calama et Thubursicu Namidarum, atûestent encore la vigueur de la politique de cantonnement qui est menée contre les tribus de la région : il est probable que c'est sur le domaine des Numid,ae qu'a êtê.prélevé le territoire de Thubarsicu.

Après Trajan, la romanisation autoritaire semble connaître une accalmie. Les premiers r*ultats de la romanisation spontanée commencent à apparaître, ce qui donne à I'ensemble de la politique municipale d'Hadrien une tonalité bien différente de celle de Trajan : alors qunavec Trajan on assistait aux dernières grandes déductions de colonies aux fonctions stratégiques, avec Hadrien se multiplient les promotions de cités anciennement romanisées. C'est dans la zone de la Basse et Moyenne Medjerda,

ainsi que celle du Haut-Tell, que se situent naturellement

ces

cités : I'influence romaine s'y faisait sentir depuis l'époque augustéenne, nais l'autorité romaine n'avut pas encore jugé nécessaire de prendre acte des transformations subies. Hadrien va com,bler cette lacune : dix nouveaux municipes ou colonies apparaissent en effet dans la région sous le règne d'Hadrien ''. Encore ne faut-il pas voir là la marque d'une excessive générosité dans I'octroi des statuts : les villes promues au rang de colonies sont celles qui peu- faire état d'une ancienneté vénérable ainsi que d'une richesse vent économique incontestable : Bulla Regia, Utique sont dans ce cas, et on peut penser que Zarna Regia et Lares le furent aussi ; 137. Ibid., p. 9l-97. 138. Ibid., p. 10&103.

139. Pour le détail de ces créations, voir supra, p. 132. J. Glscou, 715-137. Ce dernier, tout en soulignant les différences de politque entre Trajan et Hadrien, attire cependaût fattention sur certains aspects commura : la promotion d'une colonie à Thaenae, sur la Petite Syrte, et surtout la création du municipe de larns Tamalleni - chef-Iieu de la tribu des Nybgenli eui relève sans doute de préoccupations -, contiauité avec la romanisation autori' militaires, attestent une certaine taire des zones périphériques opérée par Trajan.

op, citu p.

420

la

vllle

quant aux villes alrxquelles est accordé le statut de municipe, est probable qu'elles devinre,lrt des mrmicipes latins : ainsi seule la minorité riche de leur population pouvait accéder à la citoyenneté romaine, tandis que I'ensemble des habitants en restaient exclus.

- il

Le règne d'Antonin, sans doute en raison des difEcultés que Rome connalt en Maurétanie, marque un arrêt presque total de la romanisation ldminisfmtiys. Pas de créations autoritaires de colonies, pas de promotions au statut colonial. Une seule mesure dântonin est attsstée en matière municipale : I'ochoi du Latîwn Maius à la ville de Gigthhla. Encore cette taveur ne fut-elle accordée qu'après des sollicitations réitérées : il fallut en effet deux missisns à Rome d'un magistrat de Gigthis pour lever les hésitations de I'empereur. tr est wai que le conservatisme bien connu d'Antonin ainsi que les liens existant entre Gigthis et la tribu de.s Cinithii ne pouvaient que le retenir de toute libéralité dans I'octroi de droits municipaux nouveaux. Mais si Gigthis a eu la persévérance de ne pas lâcher prise avant la satisfaction de sa requête, d'autres cités, qui peut-être avaient fait de semblables requêtes, durent sans doute se décourager.

Is règnes des deux derniers empereurs de la dynastie antonine, Marc-Auêle et Commode, marquent une reprise de la romanisation administrative'". Mais là encore, il s'agiÇ comme à l'époque d'Hadrien, moins de créations nouvelles que de la reconnaissance otfrcielle de l'évolution de certaines cités dans des zones où l'occupation romaine est ancienne t*. C'est donc à nouveau tout le secteur nord-est de tAhica, et notamment la vallée du Bagradas et de I'oued Mliane, le Haut-Tell et le cap Bon, qui est concerné principalement : la ville de Vina, qui avait encore sous Hadrien un magistrat- au nom indigène, est érigée en municipe latin ls ; (+

Cn, YIIJ" 222071' 22737 ILT, 4l). 141. J. Gascov, Pofirtque munlcipale..., p. L42-167, 222-226. 142. Nous avons insisté, dans la première partie de ce lravail srlr l4O.

I'inprtance de I'ceuvre de Commode en Afrique. 143. P. VerNe, a Deux inscriptionr de Vina >, Karthago, 1958, IX, p. 9l-109 (: A8,1961, 199).

dans le Haut-l'ell" fancienne civitas de Mætaris, qui a - longtemps son organisation et ses institutions préromaigardé nes'o, bien qu'elle ett été le siège d'vt conventus civium Roma' ,torunr, à l'époque républicaine

'', st élevée au rang de colonie ;

sous Commode, Thubrttbo Maius, qui devait à Hadrien son statut de municipe, devient colonie. H. G. Pflaum a récemment tenté de prouver qae Thuburbo Maius était à I'origine une < double cornmune > où, comme à Thugga, coexistaient une civitas pérégrine et rtn pagus de citoyens 1e64ins rattaché à la colonie de Carthage 1* I tout près de Thuburbo, on connalt le municipium Aurelium sur le lieudit Henchir bou Cha, qui doit C(ommodianum'l), 1o' ; aussi, selon toute vraisemblance, son statut à Commode

-

sur le cap Bon, I'ancien vicus de Pupput devient colonie'*.

Il faut cependant remalquer qu'en même temps que I'on procédait à ces promotions dans le secteur où l'influence romaine s'exerce depuis des générations, on ne négligeait pas totalement les zones périphériques. En effet, de part et d'autre de l'Aurès, les cités de Lambèse et de Gemellae deviennent municipes latins t-. Lambèse, où dès Titus avait été établi un détachement de la III Augusta. et où Trajan avait transféré le camp permanent de la légion, n'accède donc au statut municipal qu'avec les derniers Antonins : la présence à Lambèse d'une population composite, où se mêlent des vétérans *o et des indigènes dont les dt pagus Thuscae p. l2+l30), et de soixante-deux

144. Mactar est lo chef-lieu des soixante-quatre cités

et Gunzuzi sous Trajan (CRAI,

1963, 23599, i

gouvernement de la civiras est qui ne sont sans doute que 630), = les héritiers des suffètes : ces derniers étaient exceptionnellement au trombre de trois à Mactar (G. C. Prceno, Civttas Mactaritana, loc. cit., p. 6l). 145. G, C. Ptcero, in Afrlca, 1966, l, p. 65'8/. 146, ll.G. Prrerna, < La Romanisation de lancien territoire de Ia Carthage punique >, Antiquités afrlcaines, t97A, \1, p. 111-117. Nous avo$l vu plus haut que cette coexistence est gualifiée à tort de < double commune >. 14?. J. Gscou, Politique municipale..., p. 16'f-165.

cités sous Autonin (CIf,, assuré

VIIL

par des triumvirs (CIL, t1827

le

V[],

24092-24093. 148. CIL, 149. CIL, VIU, 1821E.

150. H. Pavls D'Escuuc-Dorsv, < Lambèse ot lcg vétérans de lXL

lz

leelo

Ia

vllle

activités soût orientées vers la satisfaction des besoins du carttp tu,, explique sans doute que I'on ne se soit pas hâté de donner à I'agglomération ur statut plus élevé que celui de municipe latin. Il en va de même poat Gemellae, constituée (plus tardivement que Lambèse !e) autour d'un détachement de la III Augtata, qui obtient son statut en même temps que Lambèse ra. On ne peut s'emp&her de penser que ces deux créations municipales, qui intéressent au premier chef des vétérars, répondaient aussi à des besoins sEatégiques et participaient à la défense da limcs. Les préoccupations traditionnelles de l'Empire en Afrique vontelles se modifier avec I'arrivée de Septime Sévère ? Nous avons déjà vu combien le règpe de Septims Sévère avait été fécond en initiatives milifailss s1 administratives. Il faut seulement rappeler ici que si I'empereur lepcitain a fait preuve d'une certaine libéralité dans I'octroi du droit romain, cette libéralité s'est concentrée sur un secteur qui avait déjà bénéficié des faveurs d'Hadrien, de Marc-Aurèle et de Commode, le secteur des vallées du Bagradas et de I'oued Miliane. Iâ, d'anciennæ cités puniques dont certaines étaient adjacentes à des pad - de municipes'*. Mais il s'agit, on le sait, reçoivent le statut d'une région voisine de Carthage, et qui avait fait partie de fancien territoire de la Carthage punique : région active et prospère où les traditions urbaines sont anciennes et où lon est surpris de constater que la romanisation administrative a longtemps marqué le pas. Septime Sévère, en faisant accéder certaines de ces cités au statut de municipe, ne se conduit donc pas en < révolutionnaire > : semble au contraire qu'il ne fasse que

il

tertia Augasta >, Mé|. Grenter, p. 571-583 : de.s vétérans ont reçu, près de Lambèse, des terres qu'ils metteût en valeur et doot ils se diseDt posleûEorcs.

151. La constitutior d'agglomérations actives autour des camp romaine est un phénomène bien connu: voir DmrnasBrtc.SAcI.ro, < Catwbae >, Dictionnaire des antlquités grecques et romalnes. 152. L'occupatior de Gemellae n'est par antérieure à Hadrieu : J.

Bmaurz, Fossatum.,., p.

103.

153. L'évolution de Verecunda pourrait avoir été la même que cello de Iambèe (J. Gnscou, op. cit., p. 156-157) : transformation du ylc&o Yerecundensis en un municipe sous Marc-Aurèle, ou plus tard. 154. H.G. PFLAUT4 in Antlquités atricdnes, 1970,\1, p. 75-117, ainsi que J. Gescou, Politique munlcipale, g. t67-19t, examiûent une à une c.æ

cit6.

rattraper un retard, combler une lacune laissée par ses prédécesseurs.

Encore faut-il bien voir, à travers les précautions qui semblent

avoir été observées, les limites et les effets pratiques de ces mesures réputées libérales. Dabord, nombre de cités de la région nnont pas bénéficié de la libéralité de I'empereur, et n'accéderont au statut municipal que postérieurement'*. Doautre paxt, certaines des cités promues étaient des cités couplées Lve'c vn paw de citoyens romains. Or on ne saurait dire si la fusion en un organisme municipal unique du pagus et de la civitas est poul les habitanæ de la civitas une mesule vraiment bénéfique. Car si le nouveau municipe permet aux anciens ressortissants du pagus de se dégager de leurs liens avec Carthage, il se traduit au contraire, pour les anciens membres de la civitas, par Ia perte d'une partie de leur autonomie, et ne favorise que ceux des indigènes assez riches pour pouvoir assumer les frais inhérents aux honneurs municipaux (summa horwraria, pollicitatio, pecunia adjecta'uu).

Après Septime Sévère, c'est de nouveau le ralentissement : Uchî Maiuslo' devtent colonie sous Alexandre Sévère, et le même statut est enfin accordé à Thugga sous le règne de Valérien'ut. D'autres cités furent promues encore, tant au IIlo qu'au rv" siècle, mais la date de leur promotion n'est pas actuellement connue. Il s'agit en particulier de : Equizeto "' (colonie avant 255), Thubursicu Numid.arum '"0 (municipe de Trajan, colonie

155.

Voir par exemple

:

Muzuc (CIL,

Vlll,

(CIL, Vm,25808, 6) ; H. G. Prr.euu, loc. cit.

12060), Furnos Minus

156. J. Gescov, Politique munîcipale p. 180 et s., insiste sur le démantèlement de la pertica qui aurait été opéré par Septime Sévère. tr semble cependant q1lrfà Thusea même le pagus ait encore reçu de Septime Sévère un bienfait : voir la nouvelle ioterprétation 6e CIL, VIfi, n374 proposée par A. Bescrnouctt, in BAC, 1970, VI, p. 184. Dâns c€tte inscription où P. TowNssND, ia Classical Philology, 1950, XLV, p. 248-250, avait cru retrouver la trace d'vn curator pagi, A. Beschaouch propose de lire conservator pasi. Septime Sévère serait dooc ici nommé conservateur du pagus de Thugga.

VIIr, 15455. VttI, 1487. VIII, 9045. t60.ILAI,1240, 1268,.

157, CIL,

158. CIL, 159, CIL,

424

La

vitle

avant 27O), Calama 'u' (municipe en 2ll, colonie avant 283), VoJlis'' (colonie au cours du rrro siècle), Bisica Luco,ru'* (municipe sous Probus, colonie en 316-317), (Jppenru 's (colonie sous Constantin), Zarna MirnrÆ (colonie à une date indéterminée du Ire ou rvo siècle), Uzalîs'æ (colonie au rv" siècle), pheradi Maiw '@ (colonie au rvo siècle). Encore faut-il noter que toutes ces promotions, quelle que soit leur date précise, se situent à une époque où le titre de colonie romaine n'apporte avec lui que des avantages médiocres.

Nous pouvons donc maintenant tirer quelques conclusions : Rome a su pratiquer tès tôt une romanisation auto- particulièrement ritaire effrcace, par I'implantation rationnelle de colonies déduites en tenant sompte de nécessités défensives d'abord, écononiques ensuite ; la romanisation libérale a, au contraire, commencé tardivement, n'a touché que des centres où les citadins étaient déjà convenablement assimilés. Partout ailleurs, il semble que I'on ait volontairement retardé le processus de transformation des statuts administratifs. La romanisation administrative apparaît ainsin tout au long des deux premiers siècles de I'Empire et jusque sous le règne de l'empereur ahicain corDrns -une arme subtile aux -, et de ses représentants. Commains de I'administration romaine binant le plus souvent d'illusoires honneurs avec de trop réelles servitudes, favorisant la promotion d'une minorité urbaine au détriment de la masse de la populationo procédant enfin avec une lenteur trop ostensible pour n'être pas calculée, Rome senble avoir en vue non de transformer la société africaine, mais bien d'accentuer ses divisions internes. Comment son attitude à l'égard des tribus va-t-elle se situer dans ce contexte ?

t6l. ILAI,

1241,

162. H. G. Prleuu, in Antiquités afrlcaines, 1970, 163. CIL, Vm, 1353-1357. 164. CIL,

Vm,

11157.

165. CIL, VIJ.[, t6442. 166. CIL, VIII, 1204 (cf. 14331). 167.

ILT,25t.

fV, p.

78.

2

Les cadres de la vie africaine : la tribu

Tout au long des siècles de la domination romaine, une très grande partie de la population africaine a vécu dans un cadre quT est depuis longtemps convenu d'appeler tribal, sans quï

soit str que cete dénomination soit la plus pertinente. Elle est en effet porteuse d'ambiguité. La tribu nord-africaine ne se laisse pas aisément définir, et rien n'indique qu'elle soit une Éalitê figée, qui se serait conservée intacte depuis l'époque préromaine jusqu'à la conquête arabe. Si donc on se donne la commodité de parler d'organisation tribale à l'époque romaine, on doit au moins se garder de projeter, sur ce passé mal connu, des descriptions et des interprétations qui ne concernent que les tribus de l'époque postérieure t'islamisxtion. Ainsi éviærat-on, uDe fois encore, de tomber dans le piège que tend la notion

I

de < permanence berbère >. Ce que nous savons des tribus africaines nous vient des comme le mot même de gentes qui les désigne. Romains - nous ne connaissons donc que les aspects qui ont De leur vie, pu intéresser nos informateu$t romarns, c'est-à-dire les représentations de I'administration. Car, en raison de fimportance de l'organisation tribale en Afrique, l'intervention de Rome

en ce domaine était inévitable'. Bien que nous ne disposions pas de documents explicites où se trouverait consignée en détail la doctrine officielle romaine en la matière, il n'est pas impossible d'en dégager au moins quelques gtandes lignes. Il suffit en effet d'examiner comment, sur le terrain, les choses se sont concrètement passées. On ne peut alors manquer d'apercevoir I'unité d'inspiration qui préside à I'ensemble des mesures prises : elles visent à assurer le double contrôle, tant êconomique qae politique, des régions où vivent les tribus. Ce contrôle, pour être efficace, doit peser à la fois sur les hommes et les tertes ; on ne peut qu'arbitrairement en distinguer les aspects. Néanmoins, il est probable que le contrôle des terres, du fait qu'il conditionne les progrès de la colonisation, a dû rapidement apparaitre comme prioritaire. trl a donc suscité diverses pratiques, telles que celle des cantonnements ou des déplacements de tribus, ou celle des découpages arbitraires, opérés par nécessité politique, soit pour briser des unités tribales jugées dangereuses, soit pour constituer au contraire des unités artificielles plus aisément maniables. C'est dans les cadres ainsi déterminés que sont mis en place les instruments d'un contrôle politique. Ici encore, plusieurs formules ont ét6 essayées en

fonction de la spécilicité de chaque cas : tantôt maintien d'un chef indigène docile, tantôt nomination d'un fonctionnaire romain, coexistence parfois des deux à l'intérieur d'une hiérarchie.

1. f, BEReuE, c Qu'est-ce qu'une tribu nord'africaine | >, Hommages à L. Febvre, Paris, 1951, p. 261-271. A. Llxour, L'Histoire du Maghreb, p. 63-65, considère la tribu comme la çonséquence et fexpression d'uno histoire bloquée. Pour la période romaine, voir E. Mrncrrn, < La Population indigène de I'Afrique sous la domination romaine, vandalg byzan' tine >, R,ilC, 1895, )OO(, p. l2l-212; J. Meunrcs' < Etude sur I'organi'

sation de I'Afrique indigène sous la domination romaine >, MSAF, 1895, série 6, V, p. 1-54; E. Scnur.rzx, < Die peregrinen Gaugemeinden des riirnisches Reichæ >, Rheinlsche Musaeum, 1895, p. 489 ; plus récemment, P. RoMeNBLlt, r Iæ Iscrizioni volubilitane dei Baquati e i rapporti

di Roma con le tribu indigeno dell'Africa >, Mélanges A, Grenîer,9. 1347' !.366; G. DesnÉ-Vurrr.uræ.t, Le Monde llbyco'berbère dans lAntiqulté,

I.P.N., 1964 (ouvrage de wlgarisation saru préæntion scientifique). 428

Tt

lrtbu

I. Lc conhôle des terrcs Le progrès de la colonisation, c'est en fait l'extension pro. re pouvait se poursuivre au rythme voulu que si l'on se décidait à gressive de zones consacrées à l'4griculture. Ce progrès

transforrrer en terres de culture une partie de plus en plus grande des terres utilisées comme terræ de parcours ou de transhumance. Lnavance romaine se heurte donc à un obstacle : la présence de tribus non sédentaire$ sur des terres convoitées, principalement dans le Sud tunisien et la région de Gafsa" ainsi que dans les

Ilautes Plainæ constantinoises. Ces terres, dans la mesure où elles sont à la fois fertiles et vastes, apparaissent aux Romains corrlme détournées de leur ulrage nonnal, ou au moins comme iasnffisamment employées. Cette sous-exploitation, et le manque à gagner qu'elle implique, pouvait être tolérée tant que ces terres se trouvaient en contact direct avec d'éve,ntuels ennemis, car la menace que ces ennemis faisaient peser rendait aléaûoire toute enûeprise d'exploitation agricole à long teme. Mais elle cessait de se justifier dès lors que, grâce à l'établissement de fragrnents du limes,les mesures nécessaires avaient été prises pour garantir la sécurité de ces régions. Aussi voyons-nous I'administration romaine mettre la main sur certaines tefieg au fur et à mesure que les problèmas militaires disparaissent s.

L La politique de centonnement

ls 6ainmise sur les terres nouvelles se fait par la méthode la plus simple et la plus radicale, l'expropriation. Il faut ici remarquer à quel point au regard des tribus africainæ, le comportement de I'autorité romaine dans ce domaine pouvait paraltre insolite. En effetn on peut penser que le territoire de chaque tribu avait été, plus ou moins précisémen! fixé par la tradition, en fonction de divers facteurs, principalement

2. Le même procressu! se retrouve dans d'autrc! provincee, par cxemplo en Dalmatie : E. Coupm.rcm, c Ls Délimitation des terros dans la pro, vince romainc de Dalmatie >, Hommages à M. Renard, coll. Latomus, II,

p.

145 ot s.

d'ordre physique ; la coutume, qui répartissait tant bien que mal les terres de parcours, les sources, les herbages, entre les différents groupes humains, ne faisait vraisemblablement qu'entériner un état de fait dicté, d'une façon presque inévitable (quoique n'excluant pas des modifications de détail consécutives à une évolution du rapport des forces entre tribus), par la nature. Ainsi, quelle que soit l'autorité politique centrale à laquelle la tribu était (ou non) soumise, le problème de la possession juridique des terres ne se posait pas. Rien en effet ne permet de penser que les rois indigènes, pas même Massinissa ", aient pu songer à contester aux tribus leur propriété sur leurs terres de parcoun et donc de concevoir une politique de délimitation et de bornage. D'une part, parce que les tribus suffisent à se contenir les unes les autres I d'autre part, parce que l'importance F)ur un roi était d'obtenir I'allégeance personnelle des tribuso, allégeance qui se traduit par la fourniture de redevances en argent et en hommes, mais ne remet nullement en question les droits de parcours. A I'intérieur de cette structure qui avait sans doute fini par prendre un caractère intangible, les Romains ont introduit un principe nouveau selon lequel la domination s'exerce conjointement sur les hommes et sur les sols u. Cette doctrine, qui fait de Rome le propriétaire exclusif du sol provincial, n'est clairement formulée qu'à partir de Gaius (in provînciali solo dominiurn populi Romani est vel Caesafisu), mais elle sert de fondement à la pratique romaine depuis bien plus longtemps'. Il n'est pas impossible que le problème posé 3. Voir G. Ceuns, Massinlssa..,, p.254. 4. Cette conceptioo n'est pas propre aux Africains. On la retrouve au rvu siècle, au moment oir Rome coûclut de.s traités avec certâins Barbares :

pour eu:(, I'alliance est uns nlliancp personnelle qui lie deux hommes et uon doux Etâts. C'est déjà le même prinsipe qui explique les rapports des Romains avec la tribu des Baquates eo Tingitane. 5. C'est la théorie du dominîam in solo provincialî, Voir à ce sujet les remargues de Tenney Fnetû, in JRS, 1927, p. 14l'165; et la mise au point plus récente de F. GnaLr.B, Stipendlum vel tributum. L'imposizione fondiaria nelle d.ottrlne giuridiche dell II e III secolo, Naples, 1963, p. 3' 21. Le problème est brièvement évoqué par M. LnMossr, Le Régime des rclatîons internatiotules sous le Hutt'Empire, Paris, 1967' p. 144-L48, (cttÉ :, Relations lnternattorwles...). 6. Gerus, Institutes, U' 7, 7. T. F\..lrs, loc. clt., coûteste toutefob les hwoth&es qui font remon430

Ia

ttlbt

aux juristes lsp4ins par les teritoires appartenaût aux tribus africaines ait contribué à la naisSance de cette doctrine : Rome en effet se trouvait ici en face de terres dont on ne pouvait désigner clairement le propriétaire. La théorie de la possersion par I'Etat fournissait une solution pratique autant que togique'. On n'hésite donc pas à déposséder certaines tribus d'une partie plus ou moins gande de leurs terres. Les terres ainsi aliénées sont, soit intégrées dans le territoire dépendant d'une colonie, soit confiées à de grands propriétaires, soit constituées en domaines impériaux. Pour le territoire des Musulames, on sait qu'on trouve ces trois types de terres : le territoire de la colonie d'Ammnedara; un domaine impérial, le saltus Massipianus; rm domaine privé, le saltus Begucnsis, qui est encore désiggé en 138 comme étant in turrtturio Musulamiorwn". Mais, à I'intérieur de certaines de ces terres, il était nécessaire de mainænir une partie de la population indigène. Celle-ci, au contac{ des petits exploitants agricoles, romains ou romanisés, nouvellement installés, est amenée à changer son mode de vie, et à s'adonner à I'agriculture, en général pour le compte des nouveaux propriétaires des terres. Ce grignotage, qui conduisait à I'absorption progressive de fractions de population indigène détachées avec leurs terres de leur cadre biologique traditionnel, ne se révélait rentable et efficace que dans la mesure où il s'opérait avec une certaine lenteur : il s'agit en effet de ne pas bouleverser, d'emblée et arbitrairement, I'existence d'une région entière,

mais de s'attacher au contraire à en réduire certaines portions, jugées plus malléables. Pour éviær les abus, les litiges et les contestations, rnâis aussi pour consolider la mainmise sur les tenes occutrÉes, il était nécessaire de fixer aux nomades des limites reconnues. C'est donc ainsi que nait, par la force des choses, une politique de limitatio : elle vise à la constitution de véritables < réserves >, à l'intérieur desquelles les tribus peuvent ter cette doctrine à l'époque républicaine, et la croit postérieure au êgne de Claude. 8. Ibid., p. 16G161. 9. CIL, Vm, 11451, 23246. Cette désienatiot n'est probablement qulrn hédtage de la dénomination ancienne, maintenue telle quelle sur le document iuridiquo (autorisation par te Sénat de la création d'un marché)

qui fait l'objct de I'inscription.

43r

conserver pour un temps une certaine autonomie et un peu de

liberté de mouvement'o. Politique dont le libéralisme n'était qu'apparent, car la tri.bu, ainsi confinée et privée le plus souvent de ses meilleures terrqs, se trouvait à la fois dépourvue des moyens de mener sa vie traditionnelle et des possibilités de se < reconvefiir > véritablement. Ainsi ne devons-nous pas nous étonner de constater que l'évolution administrative et municipale des tribus < délimitées > n'est pas particulièrement rapide : elle était dès le départ handicapée par les conditions économiques qui avaient présidé à sa naissance ". Ce double processus, expropriation et cantonnement, peut être vu à l'æuvre dans différents cas à peu près bien connus. C'est dans la Tunisie méridionale que se letrouvent les premières traces indiscutables de ce genre d'opération. En 30, le proconsul C. Vibius Marsus', entre autres aménagements consécutifs à la fin de la guerre contre Tacfarinas, avait fait délimiter par la légion le territoire des Nybgenii, et leur avait imposé une limite septentrionale, dans le cadre de la centuriation de la zone du Chott el Fedjedj et de Tacape o. Mais le gros du travail de

limitation sera fait, conrme pour beaucoup d'autres exemples connus, sous Trajan ". Les cippes retrouvés à l'ouest et au sud-

ouest de Tacape laissent entrevoir les frontières imposées aux Nybgenii; notamment leur territoire est distingué de celui de Tacape : term(inus) inte(r) Tæ(apitanos) et N(ybgenios), et cela fut fait ex arctorilate irnpera.toris 1...1 secund.um formam missarn sibi ab eo. Il semble bien qu'ils aient été limités à une portion de terre qui n'était guère susceptible d'un d6veloppement économique, agricole ou urbain, puisqu'il s'agit de la peu accueillante région du Chott el Fedjedj. Il est difficile de dire quelle est forigine exacte de Turrîs Tamalleni (peut-être fort de légionnaires), qui devait devenir le centre urbain auquel la tribu était

10. M. RosrovrzEFF, Social and Economlcal Hîstory.., p. 321 et s., 684 et s., analyse clairement ce processus. 11. Voir T.R.S. Bnououror, Romanîzation, P. 98, L2l-122. 12. ClL, VIII, 22786 4 f, k. 13. Voir sapra, g. 83. Le travail de base rste celui de \V'. Blnrnsr., < Rômische Limitation >, BI, l9ll, p. 87. 14. cIL, Ynl, 22787, 22788, 22763 a. 432

Ia

tdbu

LF.S CANTONNEITENT]9

DATES

80/81

TRIBUS

ST'B

OBDRE

DÉuMrTÉBs

DB

Suburbures et

leg. Tullius

Nicives

Pomponianus

Capito 80/81

Suppenses et

Terres prises sut tager publtcus de Clrta z AE, 1957, 175 i

BAA,

1968,

III, p. 293

leg,

tenninus positt 1...1 ex conventione atraruntque natiotunt : IRT, 854 (- Epigaphlca, 1939,1, p.111)

(refait

Zamusii

Trajan

DE L'opfu,artoN

RÉF.ÉRENCE

termini posltî lnter Yolrtcewes et Suppettses : AE, L942-r943,35

Hadrien)

Muduciuvii et

ET

leg.

Vofricenses eour 87

DÉsrGNATroN

,l

Nybgenii

termlnus inter et Nybgenios :

Tacapilanos

hû er Madaur e nse s,

TNb ense s,

ILT,69-70 100/103

to4/tos

Musulameo

1

leg.

116

Augustum, Valerian Atttctllam

116/tr7

Suburbures

leg,

128

Zimizæ

proc. Aug.

lînes adsignatî :

;

9381 R. Clcxlr, Boissier, p.99-Lû2

D, 9380il Mé|.

tennini positî inter Igtlgiltta-

Maweta-

nos et Zimîzes

niae

8369

:

CIL, VIIL

Caesartercîs

t37

Numidae

proc. Aug. Maûeta-

fines adslgnati 8813-8814

: CIL, YlIl,

niae Caesariensls 138

Musulames I

S.C. de nundinîs Soltus Beguensis

rt45l

l.

:

CIL,

YII\

23246;

Voir le tableau particulier concernant les Musulame.s, inlru, p. 4lB.

rattachée'5, avant d'être élevé au rang de municipe par lladrien. Cette évolution de la tribu après sa limitation (rattachement à un centre urbain, passage de la gens à I'organisation municipale) est analogue à celle de la tribu des Cinithii qui, elle, présente un cas de rattachement pur et simple szns lirnîtation préalable'u. Le problème de la délimitation des territoires des Suburbures soulève quelques difficultés. Deux inscriptions trouvées, la pre*, et mière à Tigisis ", la seconde dans la région d'Aîn Abid 10, font allusion qui portent presque exactement le même texte à I'assignation de terrains domaniaux cirtéens à deux tribus, celles des Suburbures et celles des Nicibes. Cette assignation est faite

par I'entremise du légat d'Auguste, C. Tullius

Pomponianus

Capito, connu comme consul sulfect sous Domitien en 84. Il a été envoyé par Vespasien en Afrique avec une mission bien particulière, celle de régler les problèmes de délimitations de ienitohes. Mssion qu'il accomplit à Tigisis et à Ain Abid en Proconsulaire, mais aussi à Tha.gaste'n dans la future province de Numidie. La localisation de son activité dans deux provinces différentes explique le caractère e:icepiionnel de sa mission. Seul un légat extraordinaire de I'empereur pouvait être chargé de cette double mission o'. L'hésitation subsiste entre la datation de 15. T.R.S, Bnoucntox, Romunization, p. 123, n. 17. Les ( tours )> sont surtout, dans ceite région, des propriétés, dont le type est la turris d'Hannibal (cf. P. Gurr.nr, < tlaisons à tours >, MEFR, 1940). Turris

Tamalleni pourrait être alors, selon une suggestion de P. Gnruer-, le

domaine d'un Tamalla (punique ou latin). L6, CIL, VIII, 10500. Læ CinithiÎ sont rattachés à Gigthis qui devient municipe sous Antonin. t7. S. Laxcpl. < Suburbures et Nicibes ; une inscription de Tigisis >, Libyca, 1955, m, p.289-298; AE, 1957, 175:, I' DEsANoEs, Cataloguc,

p. -

135-136.

18. A. Bpnnuen, < Nicibes et Suburbures : nomades ou sédentaires >, BAA, 1968,III, p. 293-300. Le lieu de la trouvaille est Bir-Pradi (S. GsBrr., Atlas Algérie, f. 17, n. 186). 19. Celui de Tigisis est mutilé au détrut, celui de I'Ain Abid est complet : Ex aufc)toitate / Imp(erotoris) Tesposic(tri) / Cae(saris) Auefustî) aer(i) / pub\iàil Cir(tensium) ad(signatî) Sub / urb(uribus) Ree6anis) et / Nicï bibus p"r / Tul(t)ium Pom / ponianum / Capitonem / Iee@tum) Aug(usti). 20. L. Lnscttr, in BAC, 194l'1942, p. 270473; AE, t942, 35 : déli' mitation entre Suppenses et Vofricenses : vofu lnfra, p. 436. 21. H.G. Pnrau;n, < Légats impériaux à I'intérieur de provinccs séna' 4\4

Iz

trlbu

S. Lancel*, gui propose les années 74 à79, et celle de B. Tho*, gd propose 8G81. Le probtème de la tocalisation de la tribu dans son ensemble nnest pas aisé non plus : il a semblé à S. Lancel, au terme d'une minutieuse étude, que les différences entre les données fournies par Ftolémée s1 I'inscription de Tlgisis et les documents épigraphiques ultérieurs (de la région d,Adzben-Tellis, de Saint-Arnaud et de Saint-Donat) pouvaient s'expliquer par le fait que les empereurs auraient constamment refoulé la tribu vers I'ouest et le sud. Mais cette explication, pour séduisante qu'elle soit, et bien qu'elle s'accorde a priori avec lïdée qu'on peut se faire de la politique imffriale face aux tribus, no peut être considérée comme pleinement satisfaisante. Tout d'abord l'interprétation du texte de Ptolémée fait problème; notamment, l'identification du mont Thammes où nalt le fleuve Roubricatos, avec le djebel Tagma où nait I'Oued-e1-Kebir, est loin d'être stre et n'avait déjà pas été retenue par S. Gsel16. En fait, si, comme le propose G. Camps'u, on accepte de voir dans Zrrr4giov neôrov de Ptolémée la plaine de Sétif (Cest-àdire < la grande masson

le

plaine ou plateau limif$ su nord par læ Babors et au sud paf

les monts de Batna et de Bou Taleb >), on retrouve une parfaite concordance avec toutes les données épigraphiques postérieures

à I'inscription de Tigisis et l'on fait l'économie de lhypothke d'un déplacement. Il n'en reste pas moins, bien str, qu'il y a des Sububure,s près de Tigisis ; mais rien n'indique que tous

les Suburbures aient occupé, à un moment quelconque du t"'sià cle, la région de Tigisis. Le fractionnement, si c'est bien un fractionnement et non pas simplement une duplication d'ethnique, peut avoir été beaucoup plus ancien. Le fait que læ Suburbures de Tigisis portent, dans les deux textes qui les nomment r, le qualificatif de Regiani fournit une indication précieuse. Il s'agitoriales >, Mélanges Grenier,IIl, g. 1232-1242 ; B. Tuouessox, Statthalte4 1968, L)QO(, p. 228. 22. S. LaNcar" it Liblca,1955, IU. 23. B. THoulson, Stattlulter,A, p. 156-157.

II, p. 15G157; M. Leorev, in MEFR,

24, Protffi.z, fV, 3, 6 ; J. Dnsanons, Catalogue, p. 136. 25. S. Gssr-r, Atlas Algérie, f. 9 (Bône), n 181. 26. G. Caupg Massinissa.,., p. 181. 27, AE,1957,175; AE, 1917-1919,41 (= BAC, 1917, p.334) : épitaphe de Félix, fils de Nibil.

rait d'une fraction des Suburbures distincte du gtos de la tribu, et qui devrait son notn et sa situation particulière aux liens qu'elle aurait eus, à un momcnt de son histoire, avec le pouvoir royal : soit dépendance directe et administration par des fonctionnaires royaux, soit, plus simplement, occupation de terres *. appartenant au domaine royal, après accord avec le souverain *, -, risquait I'hytrnthèse d'une à la suite de S. Gsell J. Desanges dépendance par rapport à Juba II, mais ne peut-on penser que I'organisation de certaines tribus sous forrte de tribus < royales > est plus ancienne

"

?

Une autre délimitation de territoire fut faite, sans doute à la même époqu€, ptr le même légat exceptionnel Tullius Pomponianus Capito : il s'agit des terres appartenant aux Suppenses et aux Vofricensess entre Thagaste et Thagora, en Numidie. On ne peut rien affirmer de très précis sur les gens touchés par cette opération où des bornes (termini) ont été posées. S'agit-il vraiment de tribus, ou bien de petites localités, comme le suggère J. Desangesa? Cette seconde hypothèse, déjà proposée par L. Leschi, semble diffrcilement soutenable. En effet, on sait que les bornes plantées par le légat ont dt être replantées sous Iladrien, et ce, sur ordre formel de l'empereur, comme I'indique clairement le texte de l'inscription (Iussu Imp. Caes), Peut-être vaut-il mieux penser que I'intervention de l'empereut et le recommencement de la délimitation n'eussent Pas été nécessaires s'il se ftt simplement agi de petites bourgades, tandis qu'ils se comprennent mieux s'il s'agit de tribus. En Tripolitaine, la délimitation du territoire des Muduciuvii 28. G. Cerrlrs, Massinissa..., p. 253. 29. J. DssAlicns, Catalogue, p. l2l, n. 6 : même hypothèse pour les Mustutii de Cillium. 30. S. GsBr,r., Histolte..., VlI, p. 213. 31. P. RoMerssur;, in Mélanges Grenicr, p. 1347-1366, semble igtorer I'inscription de Tigisis, dont il faisait pourtant mention dans ^9oria..., p. 671 (addenda). Cela I'amène à classer les différentes limitations dans un < ordre chronologique > inexact. A Bnnrrrrn, loc. cit., propose rne nouvelle hypothèse, nullement inwaisemblable, qui fait de nos deux tribus des tribus nomades. 32. AE, 1942-1943, 35 ; bref commentaire dans L. Lasctn, Etudes afûcaines,

33. 436

I.

p. tll'112.

DssANoEs, Catalogue,

p. 137,142.

La trtbu des Zantucii* a été faite par Cn. Suellius Flaccus en 87, sans doute à la suite de la sanglante répression de la révolte des Nasa-

et

mots'. Les Nasamons, en effet, étaient la plus puissante et la plus remuante des tribus du litûoral de la Grande Syrte, et leur position marginale à l'extrême est de la province avait dt leur pennettre de conserver, outre leur organisation tribale, une grande liberté de mouvement, aux dépens sans doute de tribus moins importantes qui leur étaient soumises; I'anéantissement des Nasamons devait donc rendre nécessaire la délimitation du temitoire de ces petites tribus, dont faisaient vraisemblablement partie les Muduciuvii et les Zarnucii La série la plus complète des bornes de délimitation ooncerne la tibu des Musulames, dont il a déjà été plusieurs fois question. Nous savons qu'ils occupaient la plus grande partie du bassin de I'oued Mellègue, le Muthul des arciens ; il est assez aisé, à l'aide de nombreuses bornes retrouvées, et dont on lira la liste ci-après, de connaitre l'étendue du territoire qui leur a été laissé après la fondation d'Amtnaedata, de Madaure et des municipes de Theveste et de Thala. Quoique considérablement réduit, ce terdtoire conserve quelque importance : au nord, il s'approchait très près de Madaure s ; à I'ouest, il allait jusqu'à AIn Kamellel, à midistance entre Tebessa et Khenchelaû ; vers le sud, il était profondément pênrêttê par le territoire d'Amm.aed.aru et celui de Theveste, et jouxtait un domaine impérial s. Au sud-ouest de

Tebessa, à lGar-el-Boum, il était limitrophe du territoire des Tisîbenses (probablenent le municipe d'Henchir Medkis 1. A I'est et au-delà d'Ammaedara, nouvelles traces des Musulames qui sont voisins du domaine de Valeria Afficilla*.

34. IRT,854 (AE, t94O,70

-

Epigraphlca, 1939,I" p, 111-118).

très vraisembLable 104. Lhypothèse Sui ftit de cette limitation une des conséquencs de lbnéantissement des Nasamons est due à P. RoMÆrtsr-r,r, in Mêlmges Grenler, p. 135E. 35. Voir supra,

p.

-

-

36. ILA\,282E-2829. 37. Ibid., 2988-2989. 38. Ibid., 2939-2939 bis. 39. Ibid., 2978. 40. CRAI, 1923, p. 7l-71 ; G. CAMrs, Massinlssa..., p. 252. Signelona que les terres ainsi laisséas aux Musulames sont relativement pauwes : T. R. S. BRouoHtox, Romanizfiion, p. t2l-122.

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Toutes les délimitations de tribus exarninées iusqu'à pr&ent

se situent en. Africa ou dans la future Numidie ; les cas que nous

trouvons en Maurétanie césarienne (Zimizes et Numidae) apparaissent donc comme des exceptions, et attestent une différence de traitement enÛe les tribus de Numidie et celles de Maurétanie. Pour ce qui est des Zimizes d, il ûe s'agit peut-être pas à proprement parler d'un cantonnemenl La tribu, que la Table de Peutinger situe entre rgitgili et I'embouchure de I'Amsaga, est simplement invitée à se tenir à une certaine distance (cinq cents pas) du Kastellum Victorîae, qui a été construit sur le territoire dépendant de la colonie d'Igilgilî. Mais il est probable que le territoire en guestion, avant d'être annexé par des colons d'Idlgili, avait dt faire partie des terres de la tribu. Le cas dæ Numidae est plus complexe. On sait en effet que le nom de Numidne est utilisé tantôt dans un sens large, tantôt dans un sens restreint. Nous avons ici bien entendu un exemple de I'emploi du sens restreint. Les Ntntidae en question sont situ& dans l'ouest de la future Sitifienne 4. Il est difEcile de savoir quel rapport ils peuvent avoir avec les Numidae de Thubursicu. Tels sont donc les cantonnements de tribus qui ont laissé des traces épigraphiques. Mais il est probable quo le procédé dut être utilisé dans nombre d'autres cas. Une bonne partie des gands domaines, appartenant à lnempereur ou à des particuliers, ont été probablement prélevés sur des tenes tribales *, sans que nous ayons dss documents sur le cartonnement qui a dt accompagner ces expropriations. Signalons capendant une probable modification de l'intervention romaine sous Trajan, modifrcation sensible dans le cas des Musulames 4 : alors qu'auparavant on cherchait à absorber des fractions de tribu en les rattachant à des colonies de vétérans ou à des grands domaines, on commence avec Trajan à assigner aux tribus un territoire défini.

41.

cIL, VIU,

L6

8369.

bornes relatives à ce cantonnement (CIL, YIIL 8813, 8814) ont êtê trouvées à Gherzia, à I'ouest de Medjana, au nord-ouest de Bordj-bou-Arreridi (S. Gsrtl, Atlas Algérte, f. 15, n' 78). 43. Pat exemple, dans la région de Thuburslcu Numidaram : S, Gsrr.r"

42.

A. foty, Klwnissa,

Mdaouroach, Announa,

TovrzBFF, op. clt.,

684,

p,

t,17.

44. T. R.S. BnouctrroN, Rornonizatiott,

l, p. 29 et s.; M. Ros-

p, l2l, 119

2. Les suites du

contonnernent

Le.s cantonnements de tribus ne pouvaient être efficaces et durables que si des mesures connexes étaient prises pour inscrire sur le sol même le nouvel ordre des choses, et pour lui donner une sanction juridique. On peut donc penser que l'assignation de terres à une tribu était précédée (ou à la rigueur suivie) par une entreprise de cadastration du tenitoire considéré *, pâr laquelle était complétée, dans ce domaine, l',æuvre entreprise par Auguste et poursuivie par Tibère. Ainsi était établie d'une façon durable la volonté des autorités romaines. Une fois tê,5é le sort du territoire, la tribu elle-même reçoit un statut, que nous examinerons plus loin. Elle devient une

entité au point de vue juridique et religieux : des hommages sont faits au geniw de la gew^, et la gefs de son côté honore I'empereur et les magistrats n'. Elle peut aussi avoir un defensor o, qui joue sans doute le rôle d'un patron. Elle conserve ses subdivisions en clans (tribus, lamilia) ". I-e cas des Misiciri doit cepe,ndant être disjoint car, d'après G. Camps, malgré le nom de tribus qu'il porte, ce groupement serait plutôt une confédération oo : læ Misiciri, d'après les soixantedeux inscriptions libyques qui les concement u'o occupent le pâté montagneux et forestier limité au sud par la Medjerda, au nord par le djebel el Kebir et la plaine du Tarf, à l'ouest par la vallée de l'oued Namoussa, c'està-dire la région de Cheffia, qui fut fort peu romanisée ". Sur les terres qui lui sont laissées par le cantonnement, la tribu semble n'avoit qu'un droit tusas, comme I'atteste l'inscriptiotl

45. P. RouauELLr, Storia,.., p. 321, 323-324. 46.

ILAI,

1226.

47. ILAI, 102. 48. CIL, VIII, 8270. 49. Voir divers exemples dans ILAI, l3E, 156, L74, 2836 (CIL, VIil, 28084), 2853 (CIL,VIII, 16721),3144: tibus; ILAI, 3869; ILAI, lO7 z familia; ainsi que dans la Table de Banasa (CRAI, 1971, p. 468490I

50. G. Caurs, Massînissa..., p. 248-250. 51. Il y a aussi trois inscriptions latines : ILAI, 138, 156, 174. 52. J. DssnNcos, Catalogue, p. 271 (addendum), ne semble pas con. vaincu par I'argumentation de G. Camps. 440

La trlbu des Zimizes (.., ut sciant Zimizes non phs in usurn se hùere quamu"...1. C-ependant, il semble que, par ailleurs, la tribu se voit doter du statut de civitas stipendîarias, ce qui lui permet d'entrer dans les cadres juridiques romains, et d'entamer éventuellement une

évolution vers l'urbanisation. On peut trouver trace du passage dela gens à la civitas dans le cæ de la localité de Tuccabor (Toukabeur). En effet, cette localité, située non loin de la route de Carthage à Simitthu, offre deux textes qui représentent deux étapes de son histoire. Dans le premier *, gd date du rèpe de Commode, le dédicataire d'un autel mentionne ses congentiles, c'est-àdire que Tuccabor affite unre gens. Dans le second texte, qui est le plus tardif 58, il n'est plus question de congentiles, mais on trouve la mention d'un poptùus avec des décurions et un flamine perpétuel, Cest-à-dire que Tuccabor a les institutions d'une cité 5t. Notons aussi le cas de la gens Severi(ana?) qui semble avoir obtenu, au début du rrt'siècle, le statut de municipe, puisque I'existence d1un duo-

vir quinquennalis y est attestée!". Ces exemples, relativement tardifs, concernent des tribus d'importauce secondaire : ils témoignent bien de la lenteur avec laquelle se répandait le système mis au point à l'époque trajanienne. Plus classiques sont les cas de quelques aufres tribus dont l'évolution fut moins lente. Ainsi les Numidae, dont on sait déjà qu'ils virent sans doute leur territoire réduit o', avaient pour centre Thubursîcu, qui était 53, CrL,

VIn,

8369.

54, W. BARTIEL, Rômische Limitatioq p.

87; P.

RoMAr\TELu, Storla,..,

p. 321. Sur ce point, voir plus bas les rectifications apportéeo par

la Tabula Banasitana. 55, CIL, VUI, 14853. 56, CIL, Vm, 14855. 57. H. G. Pnreuu, < La Romanisation... >, Antlquités afrbdnes, lTI0, 4, p. 107-108. 58, CIL, VIII, 883 ; cf. 12386 (= 6816). H. G. Prr.eula,loc. clt., p. 95. 59. Les grands domaines privés que I'on connalt sur le teritoire de Ihubursicu Numidarum proviennent probablement de I'expropriatioû partielle de Ia tribu. Cetûe expropriation a peut€tre été consécutive au rôle joué par la tribu lors de I'attaque menée par Tacfarinas contre la cité en 24 (Iecrrr, Ann., IV, 24). Mais il ae e'agit là que d\rne hypothèse.

encore civitas en 100'0 et devint municipe peu après cette date'1. Dans le cas de cette tribu, un problème se pose : même après

Poctroi du statut de municipe à la ciÉ du Thubwsicu,la gens semble subsister avec son organisation indigène, et notamment vn princeps @. Pour ce qui est des Nattabutes, le passage de la gens ù la cîvîtas semble pouvoir se déduire des indications fournies par deux inscriptions, qui nomment respectivement la *. n est posSkns) N(attabutum) et la C(ivitas) N(attabutum) sible, comme le suggère Broughton, que la gens ait eu deux centres s. On peut snfin si1s1 les Suburbures (oa Sabarbares) qti, après avoir vu leur territoire délimité et 116-117, sont constitués en respublica à la fin du siècle *. Diverses tribus ont donc été ainsi non seulement expropriées

et cantonnées, mais aussi sédentarisées et urbanisées. Il est cependant possible que certaines de ces ûansformations aient pu se faire spontanément, bien que la majorité des documents épigraphiques à notre disposition attestent très clairement I'intervention

romaine dans le processus. Les mesures cotcernant les tribus sont prises par fautorité militaire la plus haut placée, c'est-àdire soit par le légat de la

légion, soit par le procurateur de Maurétanie césarienne ; mais une fois que la délimitation a été faite, le contrôle et, le cas échéant, I'implantation de nouvelles bornes sont le fait de fonctionnaires subalternes : cnest un esclave irnFérial qui s'occupe,

ILAI, l2M. lLAl,1239. 62. ILAI, L297, 1341. Yotu lnlra. 63. CIL, VIII, 4826 ; CIL, YIII, 169ll (= ILAI' 56t)- Yoir inlra. 64. T. R. S. Bnououtor, Romanization, p. 106, lU, 208 : les deux centres sont Guelaa-bou-Adane et Oum Krekèche. S'agirait-il' dans ce 60. 61.

cas, d'un déplacement ou d'un dédoublement ? Est-il imposé par lautorité romaine, ou bien est-il spontané et dt au développement naturel ? T. R. S. BnoucrrtoN, op. cit., p. 106, penche pour la seconde hypothèse. 65. S. Gsrr:r., ia BAC, 1917, p, 342'343 : respubl(îca) gen(tis) Subu(rbu' rum) col. (date : 199). Voir aussi : P. MassIÉn4 n BulI. Soc. hist. géo. sétit,lg4l, p. 110-112 (date : 215) i clL,Yfr'10335 (date : 216). Quel est le rapport qui existe entre la gens et la colonia Tutcensîurn (CIL, VIII, 8270) ? On sait qu'un Suburbure, qui est décurion de la colonla

Tutcenslum, est honoré comme deîensot gentis. & qui prouve que la et la colonîa sont deux entités bien différentes.

gens

u2

La filbu

par exemple, du rebornage dæ limites entre 16 Suppenses etlæ Votrîcewes6. L'initiative de la limi6alisn appartient donc à I'autorité romaine, du moins dans la généralité des cas ; il peut arriver pourtant qu'un accord préalable ait étê conclu entre deux tribus, comme entre læ Muduciuvii et les Zanuciis : termhus (sic) positi inter natbræm Muduciuviorwn et Zamaciorum ex conventîone ufiarutnque nationum, Nous n'avons pas d'information très précise sur les rapports qu'entretiennent ente elles le.s Aibus; ceffe borne de délimitation est donc, à ce titre, précieuse, puisqu'elle montre que ces rapports pouvaient être réglementés par une convention juridique passée entre deux tribus *. Preuve que ces tribus avaient conscience de leur solidarité. Cette solidarité leur est imporée sans doute par des conditions géographiques difficiles, telles que la nécessité, pow avoir de feau, de participer à des ftavaux communs, comms la construction, l'entretien de petits barrages de déviation ou de canalur, ou bien aussi le partage, par deux tribus voisines, des eaux d'un même oued. Cependant, la limitation peut être utilisée comme moyen de pression ou de représailles contre une tribu. C'est qu'elle n'a pas seulement un but économique, elle peut obéir à des nécessit& militaires et viser à assurer la paix par la consolidation d'une frontière. Ainsi, elle peut se combiner avec un procæsus de fractonnement pour aboutir, à la longue, à l'éviction des tribus considérées comme irrécupérables ou indésirables. Certaines pouvaient donc être lentement poussées vers le désert, après avoir été délibérément fractionnées pour réduire leur résistance @.

66,

AE, 1942-t943,

?5.

67, IRT, 854. 68. Une borne de délimitation (étudiée par P. Ducnev, < Troig nouvelles inscriptions crétoises >, Bullet. corresp. hellen..., 1969, 93, p. 841. 852) explique d'une façon plus détaillée le déroulement des faits dans cc genre d'affaire. 69. J. DEsANcEs, Catalogue, p. 18 et s. Exemple de refoulemont : S\rburbures et Nicibas, voir l'étude de S. Ianrcar" in Llbyca, 1955, IIL p. 289-298. Exemple de frastionnement z Musuniî Regtant au sud de Theveste, Musoni au nord du Hodna, Musones plus à l'ouost encore (ammien Marcelliu). Nous avons toutefois quelques r&erves à faire sur la thèse du refoulernent des Suburbures telle qu'elle apparait cbez S. LÂNC.BL, Ioc, clt. Yoir supra.

Ces refoulements pouvaient avoir de graves conséquences, la mesure où ils modifiaient arbitrairement les conditions de vie des tribus qui étaient touchées. Parfois, la tribu refoulée s'adapait mal à une modification trop rapide de ses habitudes, et se contentait de transposer, sans y avoir rien changé, des traditions qui ne conespondaient plus à son nouvel environnement : ainsi se constituait une économie déphasée, vouée à l'échec, puisqu'elle ne disposait plus des ressources qui étaient les siennes dans son précédent habitat. Il est probable que cette désadaptation a flni par venir à bout des groupes tribaux les moins résistants. Nous n'avons malheureusement pas de preuves pour étayer cette affirmation, bien quoelle nous paraisse des plus vraisemblables. Certes, la comparaison entre les listes de tribus que l'on peut dresser en s'appuyant soit sur les auteurs cotnme Hérodote, Pline l'Ancien, Ptolémée, Ammien Marcellin ou Corippe, soit sur les indications épigraphiques, ferait apparaltre bien des < disparitions > ; mais les renseignements puisés à ces sources sont trop incertains pour qu'on puisse tirer quelque certitude de leur comparaison. Certaines tribus au contraire ont pu s'adapter, notamment dans le désert saharien. On sait que cette observation a inspiré à S. Gsell sa théorie fameuse sur févolution du Sahara au tltu siècle, théorie qui se ramène à deux affirmations : d'une part, les tribus refoulées par la politique romaine d'annexion des terres auraient eltes-mêmes repoussé vers le sud du Sahara les populations noires dont elles ont occupé le territoire ; d'autre part, le Sahara aurait connu utê , I'expansion et la multiplication du chameau auparavant rare'.. t', ou sur Sans nous lancer dans la controverse sur Ie chameau fampleur du bouleversement ethnique dont le Sahara aurait été

dans

70. S. GsBr.r, < La Tripolitaine et le Sahara au ru" siècle de notre XLIIL p. 149-166; suivi et amplifié par E. F. Geunan, Le Passé de fAlrique du Nord, p. 190; et par J. GUEY, < Note sur le lîmes de Numidie et le Sahara au rvu siècle >, MEFR, 1939, p. 178-248. ?1. On touve les éléments de cette coûlroverse chez C. Counrots, Vandales.,., p. 98-101, ainsi que chez B. DEMoucEor, < Le Charneau et l'Afrique du Nord romaine >, AESC, 196O p 209'U7.Il gemble mainæ' nant admis que la révolution zoologique n'a pas eu lieu, le chameau étant présent en Afrique du Nord depuis bien des siècles. ère >, MA(,1926,

444

La trlbu

le théâtre au tus siècle 7', nous prEndrons simplement acte d,un fait : la présence romaine a contraint certaines tribus du sud de la Numidie et de la Maurétanie au recul dans le désert, et ainsi a fait du Sahara un refuge, d'où prirent leur essor les adversaires de la domination romaine. Il auivait encore que des tribus qui échappaient au refoulement ou à la sédentarisation fussent attribuées ou rattachées à vne civîtas, s'il y en avait une dans le voisinage. Parfois aussi, une tribu pouvait être amenée spontanément à s'attacher à une cité, au développement économique de laquelle elle apportait sa contribution. On connait le cas des Cinïthii, sur le littoral de la Petite Syrte, qui ont avec Gigthis des liens administratifs particuliers'8. Ainsi, quelle que soit leur origine, les rapporæ qui s'établissent de plus en plus entre tribus et cités finissent par éroder les structures traditionnelles des tribus. Cette érosion favorise à long terme la romanisation, m* celle-ci n'est acquise que très lentement : on sait que siles Cinithii sont sou'nis depuis 24, Cest seulement sous Antonin que l'on fait de leur < chef-lieu >, Gigthis, un municipe'n; la tribu, quoique en apparence pacifiée, fut cependant soumise fort longtemps à un praetectus militaire'. Iæs mesures contre les tribus peuvent enfîn avoir de plus lointaines conséquences, comme dans le cas des Musulames : nous avons déjà eu I'ocçasion d'évoquer la politique tenace et continue qui fut suivie à l'encontre de cette tribu et qui allait de pair avec I'encerclement militaire de fAurès. C'est cette politique qui donna

indirectement naissance à un certain nombre de petits cenftes, purement militaires à l'origine, mais qui, du fait de la sédentarisation des nomades, jouèrent le rôle de pôles d'attrac(ion : Sules ", Sufetulan, Cilliumn, Thelepten, Gemellae, Thigesu connurent ainsi un développement inattendu.

p. 101-104. CIL, Vl7I" 2n29, 74, CIL, VIJI, 22707, 75. CIL, V[I, 10500. 76. ClL, Vrlr, 11427. 77. CIL, Vï[, 23216. 78. CIL, YlTt" 2ll-216 (mausoleum Flavtorum). 79. CIL, VUI'2Lt-2t6. 84, qL, ytll, u82,2316f. 72, C. Counros, Vandales..., 73,

IL L€ conhôle

des hommes

: pracfecti et principes

En dépit de nombreuses incertitudes dans I'interprétation d'une documentation fragmentaire, nous avons pu examiner les buts et les modalités de la politique de cantonnement des tribus. Il nous faut maintenant étudier un aspect complémentaire de ce problème, celui de I'administration : par qui sont dirigées les tribus indigènes, et quelle part prennent les Romains dans la désignation de ces dirigeants " ? f€s réponses suggérées par les textes semblent a priori contradictoires, car la solution adoptée par les Romains a variê en fonction du degré d'évolution des tribus : si certaines ont été regroupées, et en quelque sorte reconverties, en collectivités quasi urbaines (Numidae de Thubursicu, Cinîthii de Gigthis), d'autres ont été rattachées à un centre déjà existant, d'autres enfin ont pu conserver leur statut de tribu, mais avec une autonomie toute relative.

Ce qui fait problème, Cest la diversité des termes qui, dans les textes historiques ou épigraphiques, désignent les penonnages chargés de diriger la tribu. Sans nous interroger à nouveau sur la s, nous conviendrons de n'étudier nature de ce type de collectivité que l'entité sociologique désigpée en latin par le nom de gers. Ceffe précaution ne doit cependant pas nous interdire d'examiner des institutions autres que celles de Ia gens (par exemple celle dr castellu.rn ou de la civitas), s'il nous apparaît que ces institu-

tions entretiennent un rapport quelconque avec celles que nous étudions : il va de soi en effet que, dans la mesure où une gens peut se regrouper en w castellurn ou être érigée en civilas, nous serons contraint de ne pas négliger les conséquences de cette transformation.

On sait peu de choses de I'organisation interne des tribus indigènes d'Afrique avant la conquête romaine, et le tableau qu'en trace S. Gsell æ est largement emprunté à I'observation des réalités modernes, qui sont supposées être, en raison de la 81. Voir la bibliographie citée en tête de ce chapitre. 82. J. BsRquE" < Qu'est-ce qu'une tribu nord-africaine 7 >, Mé|. Febvre, p. 261-?ilr. 83. S. OseLL, IIistoire,..,Y, p.82-120. 446

b permanence des institutions berbères, identiqueg

frbu

à cellæ de

I'Antiquité &. Cette organisation ne dut pas être grandement aifectée par le premier siècle de domination romaine, et ce n'est que lorsque les Romains commencèrent à avoir besoin de terres nouvelles que les heurts se produisirent. La guerre de Tacfarinas semble bien avoir été un tournant. En montrant la capacité de résistance des tribus berbères, elle a révélé aux Romains I'urgence d'une solution au problème tribal. La fin de cett€ guelre, la mort de Tacfarinas, détruisant funité temporaire qui s'était réalisée, pennet à Rome d'imposer sa loi et de disposer à sa guise du sort de certaines tribus. Ne trnuvant comme sarul - à des centres doute elle l'ett souhaitê < attribuer > les tribus urbarns (qui n'existaient -pas encore), l'autorité romaine se borna à les contenir à I'intérieur d'un territoire limité, et à faire occuper par ses détachements quelques positions sûatégiques. Cette action ne pouvait être menée que sous le contrôle du commandement de la légion, qui est donc amené à intervenir dans la vie de la

tribu. Quel était donc, dans cette mosaique de collectivités qui constituent I'Afrique romaine, le statut spécifique de la gensu ? T-a. gew est un organisme reconnu corrlme tel, puisqu'elle a à la fois la personnalité juridique et lautonomie religieuse. Mieux encore, elle semble jouir d'un droit ptopte, reconnu et même, d'une certaine façon, protégé par I'empereur même. C'est ce qui ressort du texte de la Tabula Banasitana, où la famille du prtnceps de la tribu des Zegenses reçoit de Marc-Aurèle la citoyenneté romaine salvo iure gentis.Il y a donc un iru gentis compatible avec la citoyenneté romaine, alors que I'on pensait naguère que seule I'organisation urbaine bénéficiait d'un droit admis, et que le bienfait de la citoyenneté fêtait accessible qu'aux membres de ces communautés que lie un ias civile*. On ne généralement admis sats dissussion 84. On sait que ce postulat - ll est malheureusement impoosiblo pour ne nous paralt guère convaincanl Iinstant de substituer uû autre tableau à celui de S. Gsell. Voir G. Cluts, Massinissa...

85. P. Rorraexstr.r, ia Mébnges Grenier, p. 1359-1366. 86. W. Sesrolr, M. Buznsner, < La Citoyenneté romaine sous MarcAurèle et Commode >, CRAI, 1961, p.321 ; M. Lsuossp, Relatiow lntertutionales..., p.205.5ur fimportance de la distinction en|;re getrs etctvitan, voir en dernier lieu E. Scsôuaturn, in lura, t963,14,p.72-73,91,93-94. 44iI

la gens ait un genius auquel on rend qu'elle soit elle-mêms en mesure d'honorer tantôt I'empereur, tantôt un magistrat o, qu'elle ait, en certaines circonstances, ute sorte de patron, qui est dtt delensor gentisæ, capable de la défendre en haut lieu. Mais cette relative intégration dans les cadres juridiques romains ne semble pas influer outre mesure sur I'organisation s0. interne de la gens : elle conserve ses subdivisions en clans La Tabula Banasitana nous rappelle même la hiérarchie ascendante des groupes qui vont de la domus (foyer) ù Ia familîa (clan d'agnats), puis àla gens ou à la confédératiot de gentesot. snétonnera donc pas que

hommage

l.

",

Les praefecti gentis

Les agents du pouvoir romain dans les tribus sont læ praefecti gentis. Qui sont ces praefecti @ ? Il importe d'abord d'écarter une source de malentendus en refusant fassimilation entre les fonstions de praefectus gentis et celle de praefætus castelli. Cette assimilation 08 ne tient pas compte de deux observations. D'une part, le praefectus genlîs est un délégué d'Etat, dépendant d'une autorité supérieure, tandis que le praelectus castelli n'est qu'un

87, ILAI,1226, 88. ILAI, 102 et s. 89. CIL, VUI, 8270. 90. ILAI, 138, 156, 174, 2836 (- CIL, !;III, 16721),3144, 3869; ILAf , lO7.

VIII,

28084), 2853

(=

CIL,

9f. W. Sesror.r, M. Euzrxner, loc. cit., p. 319; un autre exemple de cette subdivision se trouve chez Ies Bavares (CIL, VUI, 21486 z ob pros' tratam gentem Mesgneitsîum praedasque omnes ac lamilias eorum abductas).

92. Sur les pralecti gentîum, voir Ds Ruccleno, Dîzionarîo epîgraphico,

gentis quânt au titre de praefectus, il peut être remplacé par celui de praepositus, ott celui de procurator (H. G. Pruluu, Carrières, p. 593-594), Peut-on rapprocher les fonctions dr praefectus gentîs de celle du praelectus civîtatis 1 Nous ne le pensons pas. Ce dernier est plutôt proche du curator civitatis (M. LBtrrossB, Relatlons intenwtionales..., p. 195-190. Quant à I'hypothèse qui fait des praelectî gentium les précurseun dæ praetecti lirririr du Bag-

lII, p, 484; R.E, )O([I, col. 1290-L294. La dénominatîon praefectus dest pas figée : le terme genri.t peut être remplacé par nationis;

Empire, elle a déjà été réfutée par R. Cacuer, LlArntée..., p.265. 93. E. Scnur,rnx, Ioc. clt,, in Rheînlsche Musaeum, 1895, 5O p. 512. 448

La trlbu

magistrat municipal s. D'autre patt, gens et castellum ne coincident nullement, vne gens pouvant avoir sur son territoire un nombre variable de castella*. Certes, il n'est pas impossible qu'on ait parfois désigné aîe gens par le nom d'w, castellum qai pouvait lui servir de centre, mais il semble diffrcile d'admette une quelconque analogie entre le prcelectus de la gew et celui

du castellum. Une deuxième source de malentendus provient de I'oubli de la ohronologie. Il importe en effet de ne pas confondre Ies praeleai ùt Haut-Empire et ceux du Bas-Empire s, étant donné l'évolution qui s'est produite au corus des siècles. L'analyse des carrières des uns et des autres nous permet de les distinguer. Ces réserves faites, nous pouvons dresser la liste suivante e?. Les carrières de ceftains de ces hommes présenûent quelques particularités intéressantes.

L, T. Claùius Pollio .. sur cette inscription de Rome, on n'éprouve ni l'envie ni le besoin de faire figurer le nom des tribus que T. Claudius Pollio a contrôlées. Sans doute s'agit-il, cornme pour le penonnage suivant, d'un contrôle exercé sur plusieurs tribus, soit en même temps, soit successivement.

2, L. Calpumîus Fabatas est le grand-père de la femme de Pline le Jeune * I il a, en tant qu'eques rornttLts, rempli les fonctions de praet. colprtis VII Lusitanorum. La date de sa préfecture n'est pas oonûue, mais elle est en tout cas antérieure à

94. U. Lerrr, Adtributio e Contributio, Pise, 1966, p. E4. 95. J. Bunrex, s pis sinheimische Bevôlkerung Nordafrikas...

,, ir

F. Ar,runru, R. Srreru, Dle Araber in der alten Welt, Berlin, l9&,

p. 4&t485.

96. Ce sont ceux du Bas-Empire que mentionnent quelques Bourc€s littéraires : AraaaN Mancrr.r.nc, XXD(, 5, 35 ; Slnrr Auousrn, Epis!., 199, 12; Cod. Théod., Xf, 30, 62; Procops, Bell. Yandar., )O(V, 5, 8. 97. Cette liste diffère sensiblement de celle donnée par & Clour, L'Armée..,, p. 263-264, ainsi que de celle de J. Bumaw, loc. cit., p. 53& 541. Cette dernière a le tort de grouper tous les chefs de tribu, quel que soit le titre qu'ils portenÇ ce qui ne permet pae de saisir les différeacæ. Voir P. Leveeu, ia Antiquttés africaines, 1973, 7, p. 153-192 (particuliè-

rement p. 175-182).

98. PLrNE re

Jruu,

Epist,,

lY, 1; VII, ll;X, l2l.

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2> ôtr liÉ . Le nom de la tribu est incomplet : Mosat,.. M. Iæglay suggère, < sous toutes réserves >, la gens Masatorum qui, selon Pline 1@, se trouvait au sud de la Tingitane, entre le fleuve Quosenurn (Souss) et le tlumen Masathnt (oued Massa). Mais ce rapprochement, qui identifierait nos Masatf...l avec les Masati de Tingitane, ne figure pas chez J. Desanges 'o' qui situe læ Masd[.,.] en Césarienne, I'inscription qui les mentionne étant à Rapidam, On pourra voir, sur le texte même de l'inscription, les remarques contenues au chapitre sur les Dii Mauri.

8. T, StabîIius Mafianus (ou Tatinîus) : le nom de ce praclectus a fait l'objet de deux lectures différentes'o'. Il n'est pas str qu'il soit un praefectlts S@tûis); on pourrait penser aussi à un praelectus C(astelli) ou C(ivitatis) "0. La dédicace sub ascia' preuve de paganisme, permet peut-être de le situer au IIro siècle.

9. et 10. Ces deux praetecti gentis, qui datent vraisemblable-

tos.

aL, vïr,

109.

Voir CIL, VIX,

22707.

106. M. Lnolev, Sat, af, Mon,, Il, P. 311. 107. PrÀra, V, 9. 108. J. DssANcYs, Catalogue, P. 61. 8414 et 20321,

110. J. DssANoEs, Catalogue, P. 57, 452

Ia fibu ment d'une époque postérieure à la fin du ur' siècle, marquent une rupture par rapport à la série homogène qui précède : les Salasses, gens distincte de celle de la haute vallée de la -Doria, sont nommés par Ptolémée "' ; leur habitat est sur le territoire cirtéen t", près de I'Ampsaga ;

les Mazices, mentionnés ici à Zucchabdr, sont peut-être læ-Mazices reg(ionîs) monten(sis) dont fait état une inscription de Lambèse "' datant de la fin du rru siècle ou du début du ur'"n. La datation de notre texte est difficile : la mention des armigerî, qui appartiennent en principe à I'armée africaine du Bas-Empire, nous placent au plus tôt à fépoque de la Tétrarchie'* ; de même, la mention d'un mausolée est le sipe d'une époque tardive (w" ou peutiêtre vu siècle) "t. Cette liste et les précisions qui I'accompagnent permettent de proposer quelques remarques.

Le poste de praelectus gentis est généralement confié à des- officiers romains de rang équestre. Cette fonction n'occupe pas une place définie et invariable dans la carrière de ses titulaires. Elle peut être confiée à un ansien préfet de cohorte "',

1ll. 112.

fr|, 25. DesANor.s, Catalogue,

Pror.ÉMÉ,E,

J.

tl3. cIL, wII n86.

p.

68,

114. J. DssANcBs, Catalogue, p. 63. Sur I'aire de répartition de fethnique Mazices, qui désigne tartôt I'ensemble des Berbères, tantôt des tribus

partieulières, voir G. Caurg Massinisv..., p. 2629, Ici il s'agit des Mazicee ds Maurétanie cêarienne gu'on peut situer soit dans I'Ouarsenis, soit dans le Taccar, selon que I'on accepte de suivre les indications divergenter de Ptolémée (il/, 2, 5), d'Ammien Marcellin OO(D(, 5, 17), ou celles de l'épigraphie (CIL, Vfrl, 9613). J. Dnsarsas, Catalogae, læ siûre cependant au sud da Taccar. Sur læ problèmes que pose la lecture de finscription CIL, Vm, 9613, voir S. GsELL, < Observations géogaphiques sur la guerre de Firmus >, BSAC, 1903, )QO(VII, p, 23. 115. R. Crcrur, IlArmée..., p.729 ; D. Honmaexr, < Das Spâtrtimische Bewegungsheet >, Eplgraphische Studlen,1969, VII, p. 183. 116. tr taut remarquer que les Mazices, qui sont en contact avec Rome depuis le ru'siègle au moins, ont eocore un praelectus au rtf ou au v" siècle, sigte d'une romanisatioo peu poussée de cette tribu du Chelif.

ll7. CIL, Y,

5267; IGR, 1015 ; CIL,

YIII,

9195,

à un tribun légionnaire "8 ou à un prétet d'aile tr' ; en conséquence, Ies appointements auxquels elle donne droit sont va-

riables û0.

-

f'eaamsl de la situation chronologique et de la situation fait apparaître une sorte de parallélisme.I*,s prac-

géographique

lectî dn t"' et du

rru siècle se trouvent principalement sur le territoire de la Proconsulaire ou de la Numidie; c'est à partir du rrru siècle seulement qu'on trouve des praelecti en Maurétanie,

et uniquement en Césarienne. On peut en conclure, bien entendu avec la plus grande prudence, que la nomination de préfets a progressé au même rythme et dans la même direction que la romanisation. Iæ texte d'Oppidum Novarn récemment retrouvé s'intègre bien dans cette progression vers l'ouest.

La présence de M. Fomponius Vitellianus sur cette liste - une explication. Ce chevalier romain porte en effet le mérite titre de procurator Augusti ad. curatn gentium,, et non celui habituel de pracfectus. Il semble bien toutefois qu'on puisse au moins rapprooher les deux fonctions. Le changement de dénomination indiquerait qu'à la date où est rédige ce texte (après qui serait donc devenu un poste Septime Sévère) le poste civil et non plus militaire- est ntêgrré normalement dans la - Mais on peut aussi bien penser hiérarchie procuratorienne "'. et cette hypothèse uous paraît plus proche de la vérité -qu'il s'agit 1à d'une sorte de contrôleur gén&al des affaires indiparti' gènes, supérieur en grade avx praefecti affectés à une tribu culière.

Quels sont les lnuvoirs des préfets, quel est leur rôle ? Le problème a été plusieurs fois évoqué's', et I'on convient qu'il s'agit de fonctionnaires, généralement d'ordre équestre, nommés

ll8. CIL, VIU, 10500 ; CIL, DÇ 7554, ttg. cIL, vrrl, 9327. 120. H. G. Prr-euu, Carrîères, p, l2O, 121. H.G. Prreur4 Carrières, p. 736-737, 122. R. Cectrer, L'Arnfte..., p. 2631, T. R. S. BnoucltroN, Romaniza' tion, p. 194; M. Rosrovtzrrr, op. cit., p. 684, n, 77 ; P. Roulxenr' in MéI. Grenier, Bruxelles, 1962, p. 1347-1366; J. Burran, loc. eit., p. 538-540. 454

Le tdbu

pour

exercer des pouvoirs à la fois civils et militaires la -têæ des tribus s. Le fait qu'on trouve dæ praelecti à la -têteà de

groupes de tribus signifie-t-il qu'il existe une hiérarchie pyramidale où un < préfet de région > coifterait des préfets de moindre importance ? C'qst possible. Il peut aussi s'agir d'une répartition faite en fonction de l'éændue du territoire à contrôler. Cela nous renseignerait sur la nature des fonctions du préfet : son rôle est d'assurer la sécurité d'une région donnée et cette région est définie par la ou les tribus qui y résident. Il a aussi la charge de contrôler que la ou les tribus s'acquittent de leurs obligations (impôts et contingent). Le fait que I'un de ces praetecti soit dit dilectator tirorwm, c'est-à-rJire officier chargé du recrutement (Publilius Memorialis *), eue deux des gentes Famvues de préfets soient connues pour donner régulièrement des troupes (alae Gaetulorum et cohors Musularniorutn) permet de supposer que le recrutement faisait partie des principales fonctions du préfet. Pourtanl ni ces fonctions ni leur durée ne sont définies nulle part; et I'on peut en particulier se demander si le

préfet romain remplace I'autorité indigène ou s'il se contente de la coiffer, de manière définitive ou temporaire. Le choix du praelectw était apparemment fait en fonction de sa connaissance

du terrain (d'où la préférence donnée à des hommes issus des villes voisines des tribus qu'ils ont à contrôler), et peut-être aussi en fonction de leurs aptitudes militaires. On remarque en effet, sans qu'il soit possible d'établir une loi rigoureuse en la matière, que la plupart des praslecti exercent aussi un commandement militaire'*. A qui obéissent les praelecti ?

123. L'institution

rfest pas propre

Il

est probable qu'ils sont,

à I'Afrique; on la retrouyo etr

Dalmatie, où, au début de la domination romaine, les tribus étaient dirigées par des officiers romains, chefs militaires de la tribu qui &ait considérée somme une unité militaire, d'après M. Rosroyrznrr, op, cll, p. 640, n. 71, qui cite cIL, Y, 3346, et CIL, X, 2564,

t24. cIL, x.I,7554.

125. Parfois I'exersice des deux fonctionr (préfecture de tribu et coe mandement de troupes) est simultané : c'est le cas de L. Catpurnius Fabatus, ainsi que de I'anon5me préfet découvert à Opptdunr Novun. Cetûe simultaréité est peut€tre le signe que I'institution n'est pas encore considérée coûuue autorome. 455

conune le suggère Broughton "', sous I'autorité du légat de légion, de qui dépend, depuis Caligula, la sécurité des zones récemment pacifiées. Le proconsul en effet n'a plus de fonctions militaires ; et même dans des régions fort éloiggées du quartier général de la légion, comme Gigthis ou l'intérieur de la future Tripolitaine, Cest I'autorité du légat qui s'exerce. Pourtant, il existe dans cette liste de praefecti deux cas qui méritent attention. Ce sont ceux du praelectus Mad.icum "', ainsi que du praelectus gentis Salass... s. Celui-ci en effet n'entre pas dans le cas général, c'est-à-dire qu'il n'est pas un officier romain. Le lieu de la sépulture, à savoir le territoire de Cirta, qui n'est pas sous I'autorité du légat, I'aspect de cette sépulture'ut témoignent quT s'agit d'un chef indigène qui porte le titre de praetec' tns là où I'on attendrait celui de princeps. Nous sommes donc amené à penser qu'il faut rapprocher ce praetectus d'une autre série de praeîectî or! eN praefectis, qui datent au plus tôt du rnu sièsle's. (Jn changement se serait produit avec le BasEmpire : Ie praelectas a cessé d'être un officier romain pour devenir un indigène. Cette évolution est-elle vraiment inattenpar divers ou confirmée due ? Nous la voyons annoncée indices dans d'autres domaines -: on sait, par exemple, que le rrf siècle a vu I'entrée en force d'indigènes dans les cadres de l'armée impériale. Par ailleurs, on peut constater une évolution

analogue dans l'institution des caratores rei publicae. P. Veyne' à ce propos, écrit : < Vers la fin du ttl" sièclen devant I'opposition des curies, les empereun ont finalement dt consentir à prendre leurs curateurs parmi les curiales, au lieu d'imposer à ces derniers l'autorité d'un étranger haut placé; Cest un épisode de la lutte entre pouvoir central et oligarchies municipales "'' > 126. T.R. S. BnouonroN, Romanization, p. 93, 127. CIL, VIIr, 9613. 128. CIL, VItr, 19923 (= ILAI, U, 3411). 129. S. Gs*L, in ILAI, lI, 34L1. 130. On peut notammetrt citer les inscriptions suivantes

: BAC, 1929, n. 2 z Auret(ius) tlrbanus Mastlius, ex praefecîo skntis) ; CIL, Vm, SotO : M. Aarelius Ml...ln, er pda)elGcro) (daté de 328\; CRAI, 192i, p, 263 : Ego praelectus lugmena (daté de 474), chez les Zabanses' D'aulrËs textes (ClE, Vm, 9008 ; RAl, 1948, p. 137 ; CIL' \TII, 20321) p.

IJIV,

sont plus difficiles à interpréter. 13i. P. VryNa, < Deux inscriptions de Vina. 456

II'

Dédicace à un cheva-

Ia

trlbu

La relève des étrangers par les indigènes est donc un phénomène général. Cependant, dans ce contexte, le problème de I'administration dæ tribus a dt se poser en des termes assez différents. L'époque conquérante, celle où il était nécessaire et urgent, pour briser la résistance, de contrôler ou de refouler les tribus, est passée; elle a cêdéLa place à une époque d'équilibre, où I'on se prfuccupe plus de stabiliser et d'aménager que d'annexer ou de contrôler directement. Peut-êfte même cherche-t-on, ainsi que nous avons cru pouvoir le déceler dans I'analyse des mesures prises par Commode, à accentuer les différences entre

zones romanisées et zones restées indigènes'*. Il est dons compréhensible que I'administration romaine ait préféré revenir à l'une de ses plus anciennes pratiques en tolérant ou même en - qui ne sont nommant à la tête des tribus des perÊonnages plus des officiers romainso mais des indigènes plus ou moins romanisés. Cette pratique restera courante devant le Bas-Empire, et I'on en trouve encore des échos durant la guerre contre les Vandales rs.

Ainsi, tout au long de son histoire, I'institution des préfets de tribu a, malgré son apparente stabilité, évolué au même rythme que les relations de Rome avec les tribus. Militaires en période ou en zone de résistance, civils ou même indigènes quand les circonstances n'exigent pas l'intervention de la force, les préfets de tribu ne constituent pas un corps de fonctionnaires interchangeables, mais un ensemble composite de penonnalités choisies pour prendre en main

situation jugée difficile.

2. Les principes

-

sans doute temporairement

-

une

gentis

Toutes læ gentes ne sont pas sous I'autorité d'un praelectus romain. D'autres autorités apparaissent, qu'il nous faut maintelier duovir et curateur >, Kailhago, D(, p. 117. Voir aussi Luces, in JltS, 1940, WÇ p, 56-74. 132. Yoir supra. 133. AMTdEN Mencer.ur, )O(D(,

5, 21 ; XXD(, 5, 35 i Cod. Theod., 30, 62; Senn Auousnx, Epist., 199, 12; Pnocorp, Bell, Vandal, souveût cit& du commanXXV, 5-8 (descriptioa - fort - des insignas romaine). dement, remis aux chefs maures par tadministration

XI,

nant examiner : il s'agit essentiellement des principes. On les trouve à la tête de certaines tribus, dont quelques-unes ne semblent pas avoir été directement prises en main par les Romains. Comme les autres, ces gentes ont gardé une certaine autonomie juridique et religieuse. Que sont les prirrcipes ? Le mot même de prtnceps a des usages divers et apparaît dans des contextes très différents. T. Kotula fait un recensement très minutieux de ces emplois pour fAfrique'*. On peut distinguer deux sortes de cas : une série de textes où le mot, employé au pluriel, désigpe à f intérieur d'une cité donnée un groupe social défini (les premiers citoyens de la cité), sans qu'il s'agisse d'une magistrature'* ; une autre série où le moÇ employé au singulier, a un sens plus précis'*. On trouvera ci-joint la liste de ces principes gentis, telle qu'on peut la dresser d'après l'épigraphie Q. a59-460). Il a paru préférable, dans l'établissement de cette liste de principes, de faire une place particulière à la Maurétanie tingitane, qui fournit une série remarquable de noms dont il ett été dommage de briser la continuité et la cohérence en les insérant dans un cadre plus vaste; c'est d'ailleurs, en grande partie, l'étude de cette série qui permettra de se représenter concrètement ce que pouvait être le rôle et la fonction du princeps gentis. Mais avant de nous interroger sur ce point, il importe de dissi per une objection préalable. Les noms que nous avons gtoupés dans nos deux listes constituent-ils vraiment une série homogène ? N'y a-t-il pas une différence entre ceux des principes gentis dont les tribus habitent à l'intérieur d'une province romaine, et ceux dont les tribus sont restées à I'extérieur "'? Il qst certain que I'on ne saurait mettre exactemeût sur le même

134.

T. Korule, < Les prîncipes

gentis

et les prlncipes civitatis

en

Afrique romaine >, Eos, 1965,LV, p. 347-365.

135. Tite-Live désigne souvent ainsi les notables de Carthage durant les guerres puniques : )O(I, 2, 4; 60, 7 ; XXVII, 18' 20 ; )O(XII' 26' 5 ;

xxxllr,

46,7-8.

136. Celui de chef : Ttrr-Lwe, OnosE, Hist., N,9.

)OryIII, 35, 4; )O(D(' 29' l0;

Peûr-

137. T. Kotula, se fondant sur cette distinction, exclut l'étude des prittcipes des Baquates (in Eos, 1965, 55, p,349). 458

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plan, d'une part les Numidae de Thubursica ou les Cinithii de Gigthis (qui connaltront une rapide romanisation à I'intérieur des cadres municipaux), et d'autre part les Baquntes de Tingitane, dont les chefs semblent discuter sru un pied d'égalité avec

PRrNcrPEs

pr

MlunÉmure rINcrrANB

I{OM

NOM DE LÂ TRIBU

REFERENCE

DATB

DU

PRINCEPS

1. tr. m.

Aelius Tuc-

Ba4uatesr

Macenites

et

Ucmetius

173-t7 5

Baquates Baquates

(: (:

AE,

t40

cuda

(Aurelius)

13 osto-

Canartha p, corrstltutus

bre 180

a

BAM, 1931, 65 1957, p. 67, no 2) BAM, AE, L957,2A2 1957, p. 67, n" 3)

AB, L957,203 (- BAM, 1957, p.68, n" 4);

D, 855 (: = BAM, 1957, p, 68, n' 5)

voir

aussi

CIL, YI., l8O0

ry.

u.

Il il

nex'l)

8 mars 200

AE, L957,204 (= BAM, 1957, p.69, no6)

V. VI.

Bavares et Ba-

inconnu

232214

BAM,

wr. vïl.

Id.

D(.

Id.

quates

Baquates

Id.

(se-

1957,

p. 69, n'

7

Gordien BAM, 1957, p, 69-70, m (239- no8 ?4r) AE, 1954, tl0 (- BAM, 245 Sepemazi1957, p.70, n' 9) ne8 ILA|, 609 (= BAM' Iulius Ma- n7 1957, p.70-71, n" l0) tif, RE,(â ILAf, 610 (= BAM, Iulius Nuf- 280 L957,

fusic

p.71, no 1l)

princeps

X.

Zegrenses

Aurelius

CRAI, 1961, p.

177

317

fu[anus

1. A l'éûde de E. FrÉzottts,

celle -i. de P. RoMANELLI,

in BAI\I, 1957,ll, p'

in MéL. Grenbr, p.

1347'L366.

65-116,

il

faut ajouter

d'autr€s eiemples de I'emploi épigraphique 4!t -qo! RE-X po.ur : CIL, VIII' 2675 : Babarlbus oul-ailurutis IV reeîbus (date : avant 26O); AE' 1907' 159 | rcgibus intergentis (Ucutuman [.'.] (inscription 8379) : rcx îectis: CIL. Vln. m2l6 ôhr6tienne. ôeut4tre de l'éposue byzantine) ; CIL, VI'll, 9835 : Masuna' rer gent(ium)'Ivlau4orum) et Romano4um) (début du vr" siècle). Aucun de ces èmplois n'est antérieur au rrl' siècle.

voir

désinner

460

un chef de tribu en Afrique romaine

Ia ttbu le procurateur romain, et dont la romanisation semble être restée superficielle jusqu'à la frn du rrr' siècle. Il nous semble cependant

gu'on ne saurait les séparer radicalement. Qu'elles soient à l'intérieur ou à l'extérieur des limites de lEmpire du moins - side la Tinces mots ont un sens précis dans le cas du territoire gitane, dont on ne connalt guère les limites précises -, les tribus nord-africaines sont des réalités suî gmeris, auxquelles læ Romains devaient sans doute appliquer des méthodes analogrres. C'est pourquoi il ne nous semble pas impossible d'étendre à I'ensemble des prîrrcipes ici recensés des conclusions qui ne seraient, rigoureusement, applicables qu'à I'un ou l'auffe d'enûe eux.

Encore faut-il bien voir oe que la documentation dont nous disposons a de squelettique : moins de vingt princîpes pour toute

I'Afrique romaine, alors que Pline parlait de 516 popali, dont la majorité étaient des ndiones ls. On est évidemment tenté de considérer que cette disparité interdit toute extrapolation, et I'on aura à se demander si la minorité eonnue est vraiment représentative de I'ensemble, ou s'il ne s'agit pas plutôt de cas particuliers. Il nous faut maintenant apporter quelques précisions complémentaires, relatives à certains des personnages nommés :

l, Florw Clnnaris t. est princeps avant fannée 100, date où le statut de civïtas est attesté pow Thubursîcuræ. 2, A. Larcius Mactinus, pdrceps des Numides de Thubwsicu et flamine de sa cité, a peut-être obtenu la citoyenneté grâce à A. Iarcius Priscus, légat de Trajan en 107-110 '', gùi lui aurait conféré cet honneur en même temps qu'il transformait le vieux

138. PrJr.rq V, 4, 4 :, Ad hunc tlnern Atrlca a fluvlo Ampsaga popnlos DXVI lwbet, qul romano pareant tmperlo. En ôtant de ce nombre les colonies (six), tes oppida civlum Rotnanorurn (quinze), læ opplda ltberu (trente), w oppidum sttpendiarîum et un oppldum ladnum, il reste 463 groupements, dont Pline drt z ex reliquo numero non civitates tantum' sed pleraeque etiam nattones lure dici possunt. 139. ILAI, 1244. 140. B. Tlrouessotr, Statthalter, II, p. 164.

centre des Numidae en municipe'm. L€ maintien du titre de prîrceps à I'intérieur du municipe s'expliquerait alors par le fait que le changement de statut e$ assez récent pour que le chef tienne encore à se désigner corrrme prtnceps. Mais d'autres hypothèses ont êtê avancêes pour expliquer ce maintien : le titre pouvait n'être qu'honorifique et ne représenter aucune fonction réelle'* ; ou bien aussi la gens des Numidae (au moins en partie) a pu subsister'€ < en qualité d'unité administrative distincte, subordonnée cependant au municipe'* ), et ainsi coexister avec le municipe. Thubursicu, < gros bourg rural dans un pays prospère >, comporte nonbre de signes d'une certaine résistance à la romanisation culturelle : on y vénère des dieux africains r*, et des noms à allure non romaine y abondent'*.

3. L. Memrnius Pacatus ne porte pas exactement, sur I'inscription qui le mentionne, le titre de princeps des Cinithiens. Mais, après la mort d'Hadrien, les Cinithiens lui ont élevé une statue ob merita eius et singularem pietatern qra nûioni swe pracstatL'expression nntioni suae praestare pourrait signifier qu'il a rempli les fonctions de prtnceps: Cest I'avis de Dessau dans le lemme de I'inscription. Pacatus, sans doute chevalier, est aussi flamine perpétuel du divin Trajan.

5. Fl.orus Labaeonis I. est dit princeps et und'ecîmprimus gen' tis Saboidum, sur une inscription dédiée à un sénateur romain originaire de Cirta. Ce texte pose deux problèmes. Le premier est celui du rapport entre la tribu et la cité. E. Kornemann'n' a émis I'hypothèse que la gens étaot sous la dépendance de Cirta, da"s un rapport d'adtrtbutio. Mais ce n'est là qu'une hypothèse 141. R. S\ôdE, in Studîes in A.C. Iohnson, p. 125 et e.

Rom. Econ, and. Soc. Hlstory in

Horcr ol

142. S. GseLL, rn, ILAI, p. 115. 143. S. Gsell se réfère à I'exemple dæ Cintthii (CIL,Y{IL 2?i129); vot aussi P, RoMAltEu,J, in MéL Grenïer, p. 1361 J. Gescou, Pofirtque

municipale...,

p.

;

104-105.

144. S. GsBLr. loc. cit. 145. M. Lrclet, Sat. aî. Mon.,

I, p' 365 et s. 146. S. GsEtl, Rech, archéot, AIg. p.295, avec liste. 147. CitÉ par U. L*m, Adtrlbutlo e Contrlbutio, p. 96.

462

I.a filbu

: si ie territoire de la gew est bien situé hon du territoire cirtéen, rien pour autant n'indique que la tribu soit dépendante de Cirta; si cette dépendance existe, rien ne permet d'affirmer qu'elle ait pris la forme juridique de l'adtributîo. Peut-être faut-il tout simplement supposer que la g'eRJ, avec son princeps, est sous la juridiction directe du gouverneur'*, ce qui donnerait aa princeps un rôle important d'intermédiùe enÛe la tribu et le pouvoir. Le second problème est celui du rapport du princeps avec les notables de sa tribu. Il faut noter en effet que le princeps ici nommé fait partie des undecemprimi,l s'a$t là du conseil de onze membres qui est à la tête de certaines ftibus, et que I'on retrouve jusqu'au début du ur" siècle, plus fr& quemment dans les cités de Proconsulaire que dans les tribus'*. peu probable

6. Sextius Victor apparaît à Sertei, qui est sans doute un des castella formant cercle autour de SiaTls, et dont nous avons déjà fait l'étude. Il n'est pas str qu'il soit prînceps de"s Numides. C.€ titre rep,ose en effet sur la restitution de la ligrre 2 de CIL, YIJ\ 8826 : Sex. Viaor dec. Pr. G. N.'uo.

7. I-e cas dæ Nattabutes nLétrte aussi un exarnen : nous n'avons pas de certitude sur l'existence d'un princeps gentis chez eux'u'. Mais nous savons qu,il y a wrc gens Nauabutum à. Oum Krékèche, à treize kilomètres de Guelaa-bou-Aftane, sur l'oued Cherf, où devait être le centre de la tribu. Or on connait aussi à Guelaa-bou-Aftane un princeps C.N. S'il est légitime de développer C.N. en C(ivitas) N(attobutum), nous aurions là un

t48. Ibid., p.

8O.81.

J. Touranr, Cltés.,., p. 349; T.R,S. Bnoucsron, Romotlzûion, p. 181 ; P. Pormlrn, < r.,-Evolution municipale d'Altava >, MEFR, L956, p.2IL; T. Korur.a, in Eos, p. 351 et n" 18; P. RoMâNsrLr, itMéL. Grenier, p. 1362-1363. 150. Les lettres Pr. G. N. sont développées habituellement et Pr(inceps) 149.

G(entîs) N(umidarum),

151. L'inscription (CIf,, VIU, 16911) de Guelaa-bou-Adane parle de Flaminoli(s) Saturi |fl qui flamoniurn CN. c(onsecutus) item prtncipatu(m) civitatis szae. Cest donc ici d'un, princeps civitatis qu'il s'agit; CÀr. peut se développer ea C(ivitas) N(ûtabutum).

princeps civitatis qui serait visiblement I'héritier d'an praetectw gentis i et nous pourrions alors saisir comment s'est fait le passage de l'organisation tribale à I'organisation citadine. I*s principes de Maurétanie tingitane présentent, comme nous l'avons vu, une homogénéité remarquable. A I'exception de la Table de Banasa qui nous a fait connaltre un chef dæ Zegrenses, toutes les autres mentions concernent la tribu de Baquates, génêralement seule, mais à deux reprises associée à d'autres, respectivement les Macénites et les Bavares. Nous avons pu suivre, dans la première partie de ce travail, l'histoire des relations entre les Baquates et l'administration romaine de Tingitane pendant près d'un siècle et demi, d'Antonin à Probus. Ces relations conloqaia se sont traduites par une série d'entrevues eûtrerues entre le chef de la tribu et le procurateur de Tingitane, paix qui aboutissent à la confirmation de l'état de existant entre les deux parties en présence. l* princeps des Baquates senble même traiter d'égal à égal avec le procurateur, puisque finscription de 277'oo mentionne le mot foederata, c'est-àdire qu'elle fait des Baquates les alliés du peuple romain *. D'un point de vue plus général, que révèle I'examen de la lisæ des principes ? La plupart portent des noms typiquement indigènes, et même lorsqu'ils ont un gentilice, qui est généralement d'origine impériale chez les Baquates, leur caractère indigène est prouvé par leur cognornen ou par findication de leu

filiation.

L'immixtion, dans la nomenclature de ces chefs, d'éléments empruntés à Rome montre certainement que les ûens de dépendance à l'égard de I'autorité romaine se sont progressivement affs1mis. Sans pouvoir assurer que ces principes sont nommés directement, comme le sont les praefecti, on peut dire qu'ils sont choisis avec I'accord des Romains. Cet accord peut être explicitement mentionné, et fintervention romaine est en quelque sorte officialisée : Cest ce qui se passe en 180, lorsque le prince des Baquates, Aurelius Canartha, est désigné clairement comme priw t52. lLAl,609 (- BAM, 1957, p. 70-71, n. 10). 153. Dans l'inscription en question, le mot foederatc ne se rapporte pao à pcr, comme on l'a répété jusqu'ici, mais à gers. On ne voit pao en effet ce que serait une pax foederata, dont il n'y aurait pas d'autre exemple.

4g

la

fttbu

''.

ceps constitutus genti Quoique cette précision ne soit donnée que dans ce seul cas, on ne peut affirmer que ce soit une excelF

Il est seulement probable qu'en l'occurrence fautorité romaine, qui devait habituellement se contenter d'entériner un choix fait pour lui complaire, avait cru nécessaire d'intervenir pour écarter un candidat qui lui déplaisaiq au profrt de Canartha. En outre, si I'on admet que les Baquates sont en principe indépendants, on comprend que les Romains aient tenu à ce que ftt mentionnée leur intervention dans le ohoix da prtrceps. Pour les tribus soumises, au contraire, cette intervention devait être considérée comme allant de soi. De même que la circonsctiption administrative dt praefectus, celle du prînceps est variable. Il peut se trouver porté à la têæ d'un groupe de tribus (groupe MacénitesBaquates, groupe Bavares-Baquates); mais il peut aussi n'avoir sous son autorité qu'une fraction de tribu (comme celle des tion's.

Saburbures

Regionf*.

Quelles sont ses fonctions ? Ia série des accords romarobaquates en donne une idée : il négocie avec I'autorité romaine et prend soin de renouveler le traité qui le lie à elle dès son entrée en fonction. Son rôle est donc celui d'un intermédiaire, agent de liaison qui se transforme parfois en agent d'exécution. Notons que le titre de rex doit être interprété comme une variante < emphatique > (sans doute doit-il donner droit à quelque distinction vestimentaire') de celui de prtnceps, et to comporte vraisemblablement pas de pouvoirs accrus. Chez les

154.

AE, t957,203.

155. On connaît aussi en Dacie (ClI, [\ L322) rto, princeps adsignato (sîc) : E, PopEscu, < Asp€ste de la colonisation et de l,a romanisation de la Dacie et do la Scythie >, Studle clasice, l9€1, D(., p. l8l-202. 156. Notons que Aurelius fuûanus, dans la Tabula Banasltana, est dit : princeps gentiurn Zegrensium (hgne 16), princeps gentis Zegrewiwn (ligne 32) et princeps Zegrensium (ligue 35). Cette variatio& même sur un dosument qui reproduit des pièces officielles, montre qu'il ne faut poutêtre pas attacher une importaoce déterminante au libellé exact du titre. II s'agit sang doute, dans les trois cas, d'une seule tribu, colle dæ Zegrenses,

157. On coonalt la description des divers insignes du gouvernement que les Romains remettent aux chefs malues : h.ocorq BeIl. Yandat., l, )O(V, 5-8. Peut-être cette habitude n'était-elle pas inconnue dès le HautEmpire.

Baquates, cette variation ne semble pas avoir eu grand sens, puisque lnon est revenu en arrière par la suite : à Iulius Matif, qui se drt rex en 27'1, succède Iulis Nuffusis, prirrceps en 280. On peut donc se demander si T. Kotula a raison de voir dans l'emploi du mot rex l' < expression de l'autonomie berbère > qui réapparaît dans la seconde moitié du rrlu siècle au moment où éclatent les grandes révoltes de montapards'*.

Grâce aux renseigpements fournis par

la Table de Banasa,

nous pouvons en quelque sorte_assister à la < naissance > d'un priræeps, Aurelius lulianus, prihceps dæ Zegenses, n'a pas été choisi au hasard. Il appartient en effet à une famille de notables, qui a reçu en 168-169 la citoyenneté romaine. Son père, qui ne porte que le surnom de lulianus, semble avoir bénéficié de la bienveillance active du procurateur de Tïngitane'u", et c'est cette même bienveillance qui a très probablement facilité I'accession dAurelius aux fonctions de princeps.

Parfois, f installation du princeps peut être mise en rapport avec les séquelles des opérations de limitation, dont elle est une suite logique '@. Il faut en effet que les Romains puissent trouver dans les tribus une autorité qui porte la responsabilité de faire respecter les conditions territoriales imposées par eu( et qui garantisse le nouveau stda quo. Si l'on admet cette façon de voir, un nouveau problème ne peut manquer de se poser, celui du rapport entre le praefectus gentis et le princeps gentis. Qu'est-ce donc qui distingue finalement les praefecti des prircipes et comment expliquer le fait que I'on trouve, chez certaines tribus, des mentions à la fois de praelectus et de prin' ceps (c'est le cas des Cinithii et des Namid.ae) ? Nous avons déjà noté que le proetectus, sous le Haut-Empire du moins, est en général un officier romain qui exerce des pouvoirs surtout militaires ; le prirrceps au contraire, d'origine indigène, semble n'avoir pas de rôle militaire, mais un rôle administratif. Si le princeps porte un nom partiellement ou complètement romain, cela tient sans doute à la fidélité qu'il a su montrer à la cause romaine. C'est ce qu'indique clairement la Table de 158. T. Kotur-1, loc. clt., p. 352,363. 159. W. SEstroN, M. Euznwer. in CRAI, 1971, p. 475 et s. 160. J. BunHx, Ioc, cit., p. 477.

46

I-s trlbu

Banasa : Iulianus, le père da princeps des Zegrcnses, a obtenu la citoyenneté romaine sur la recommandation du procurateur de

Tingitane qui affirme à son sujet qu'il est : ttostris rebus prom(p)to obsequio tidissimurn, ce qui sous-enûend sans doute qu'il a militairement servi les Romains. Ainsi des considérations d'ordre militaire ne sont pas absentes, même pour le choix d'rm chef < civil >. Cependant il y a, chez les Numidae etlæ Cinithii,la trace à la fois de praetectus et de prirceps. Pour les Nu,rniihe, cela put s'expliquer par le fait que dans les deux cas le tenne ne recouvre pas la même sigRification. Dans I'inscription du prffet Fublilius Memoriralis'u', il lnurrait s'agir des Numidae pris comme entité gét&ale (telle que Gaetulî oa Maurî) 1@ ; leur praefedus superviserait une région assez vaste, peuplée de diverses tribus numides ; le fait qu'il ait levé des recnres en Numidie confirme qu'il faut entendre le mot Numidoe au seftr large'6. Au contraire, les auEes inscriptions (qui mentionnent les priruipes), dont celles de Thubarsica, se réfèrent à la tribu très précise des Nwnidae, qui vit autour de Thubursicu. Nous avons w plus haut les raisons qui pourraient expliquer le maintien du titre de prtnceps à fintérieur d'une cité promue au rang de municipe. Dans le cas des Cinithii, I'explication est différente. Tout d'abord, le titre de prinseps noest pas attesté d'une manière nette : oû ne fait que l'extrapoler, d'une façon somme toute waisemblable, à partir de I'expression : [...] totioni flmc praestat, D'autre part, si la substitution du titre de prînceps à celui de praêlectus a eu lieu, cette modification semble être postérieure à foctroi du statut municipal à Gigthis, qui est le centre de la tribu. Nous serions donc là sur la voie qui va mener à I'urbanisation de la tribu, considérée oourme suffrsamment fidèle pour n'être plus soumise ù un praeteaus militaire et dotée d'un prizcaps issu de ses rangs. 16l. cIL,

fr,

7554.

Sur les Numidae, cf. S. Gsar,r,, Hisnire.,., V, p. 105-1(D ; G. Cnurs, loc. cit., it RAî, 1954, p.253-254; J. DnsaNass Catalogue, p. l2E. 163. L'usage d'un terûre générique et vague à la place d'un nom de 162.

tribu précis se rençontre surtout daos les inscriptions qui ont été trowées hore d'Afrique, paree que la précision paraissait saoo doute de pu d'htérêL

Mais les deux institutions sont-elles nécessairement consécutives dans le temps, ou bien peuvent-elles être contemporaines ? Il serait hasardeux de se prononcer dans rm sens ou dans l'autre d'après nos maigres sources. La contemporanéité, voire la simultarrêitê exacte des deux pouvoirs pour une même tribu ne devrait pas être imFossible théoriquement, puisqu'ils'agit de deux autorités différentes'*. Cette possible coexistence de deux types de pouvoir nous paraît intéressante à souligner, puisqu'elle éclairerait une fois de plus l'astrrcct pregrnatique de la politique romaine. Celle-ci se r6erverait en effet la possibilité d'exercer son contrôle par deux voies différentes : soit en imposant une institution nouvelle (e praelectw), dont le profil ne se précise qu'à I'usage, soit en intégrant plus ou moins une institution indigène 0e princeps) dans le système administratif romain. Cette oscillation entre des coutumes traditionnelles, que I'on laisse subsister alors même qu'elles ont parfois perdu une part de leur importance, du fait de l'altération ou de la destruction des conditions de vie qui leur avaient donné naissance, et les institutions nouvelles, rendues nécessaires par la présence et la domination romaines, est caractéristique.

L'évolution de ces deux institutions est, elle aussin caractéristique. Dune part, les praeleaî, d'abord officiers romains, sont devenus à la longue des civils indigènes, analogues aux principes. Dautre part, les priræïpes ont évolué dans plusieurs directions très différentes selon la tribu à laquelle ils appartenaient. Ainsi, les tibus de Césarienne et de Tingitane gardent leur structure traditionnelle, comme le prouve I'exemple des Baquates : mais le princeps est devenu citoyen romain. En Proconsulaire et en Numidie, févolution dela gens, après une période de soumission et parfois de morcellement, qui favorise un début de romanisation, peut mener à la municipalisation : lorsque la tdbu est dotée d'institutions municipales, le princeps est amené à y iouer un l6/,. P. RoMEr*sLlt, i'î Mét. Grenîer, insiste sur ce point ; cela va contre Social and Economic lllstory..., p.684, n.77, qui, à

M. Rosrovrznrr,

propos de I'Afrique, renvoie à I'exemple des tribus iUyriennes de Dalmatie (e. 640, n. 71), d'abord dirigées gar des officiers romains pour une Àche militaire, puis par des civils, généralement indiÊÈnes, choieis parmi 14323-14328; d, 15062 et s.). des notables locaux (CIZ,

IL

468

La ttlbu

rôle croissant, en se chargeant de fonctions uouvelles, comme A. Larcius Macrinus qui devient flamine perpétuel à Tfuùarsicu Numid.uurn''. On assiste aussi à la transformation du

princeps gentîs et princeps civitatîs '*, parfois en prirceps castelli'u' : dans ces cas, la tribu n'a pas été ntégr& à un véritable municipe, mais simplement ù we civitas ou à un castellurn. Ainsi, les rapports de I'autorité romaine avec les tribus laissent subsister bien des incertitudes. Même les quelques principas généraux que nous avons esayé de tirer de I'examen des inscdptions ne peuvent être considérés comme définitivement acquis, en raison de l'insuffisance de la documentation. En outre, et c'est une remarque qui revient régulièrement les tribus que nous connaissons ne sont qu'une minorité, qui a été touchée, même si ce n'est que de loin et très légèrement, par la romanisation'@. Mais pour toutes les autres, c'est le silence. Bn ce domaine, donc, la r6istance à la romanisation apparalt coûrme un phénomène qu'on ne saisit qu'indirectement et incomplètement. Et l'on est sang cesse contraint de naviguer entre deux écueils : sous-estiner I'ampleur de cette résistance si fon s'en tient aux docunents, la surestimer si I'on se risque aussi à interpréter les silences.

165. 166. 167.

ILA|,

1297.

T. KoruLA, in Eos, 1965, p. 353. Le prlnceps ex castello Tulei (CIL, VIII, 9005-9006) pounatt être ainsi le chef de la tribu dæ Toulensil (hypothèce de J. Dn$norC

Catalogue, p.7O). 168. P. A. FÉvmrn, < L'Afi firnéraire et lee images des cheb bdigènes dnns la Kabylie antique >, Actes du Premîer Congrès détud.es des cultures

méditerranéennes tlnfluence arabo-berbère, Alger, t973, p. t5Z-169, a calendant montré guel parti on pouvait tirer de I'analyse d'éléments encore inexploités, comme les détails dæ reliefs et gtravures figurant sur les sêles fuoéraires libygues.

3

La langue L'empire romain, qui ne fut ni ne voulut être un bloc monolithique et uniforme, a connu, à des degrés divers mais partout perceptibles, ce que I'on appellerait volontiers aujourdtui un problème linguistique, à savoir la coexistence, dans les provinces, de langues officielle"s Qe latin ou le grec) avec diverses languæ indigènes. Ce problème pourtant n'est évoqué dans nos sources qu'avec parcimonie, et à propos de cas paticuliers. C'est que, contrairement à ce que I'observation des questions linguistiques du monde contemg)min pourrait nous laisser croire, il ne devait pas soulever, dans la vie pratique, des difficultés insurmontables. Et cela pour une double raison : d'une part, en effet, les indigènes, dans la mesure où le besoin pour enx se faisait sentir, ont acquis les connaissaaces de latin ou de grec qui leur paraissaient nécessaires I d'autre part, Rome a su de son côté s'accommoder de la diversité culturelle de ses sujets. Ainsi, la pénétration et I'expansion du latin n'ont-elles jamais pris la forme de la contrainte, et n'ont-elles jamais donné matière à une < guerre Iinguistique >. Il semble même que se soit produit le phénomène inverse, et que la culture gréco-latine ait contribué à faire éclore ou se développer une culture indigène romaine 1. On peut donc 1. Sur le plurilinguisme dans l'Empire, voir R. Mlc Mwrælr, < Provin cial Languages ia the Roman FmFire >, Àmerlcan lownal of philology,

considérer que le multilinguisme, solrs quelque forme qu'il se présente, ne constitue pas dans I'Empire une anomalie : il est

au contraire le résultat normal d'une romaine qunon peut qualifier de libérale o. Sur ce fond général de multilinguisme, I'Afrique, où voisinent, avec une extension variable, des langues aussi diverses que le latin, le grec, le punique, le libyque et même I'hébreu, ne doit pas apparaître comme un cas exceptionnel. Il n'en reste pas moins qu'il est indispensable, dans le cadre d'une recherche sur I'héritage aficain dans la culture romano-africaine, de réserver une place de choix au problème des langues. Car, au même titre que la religion ou l'art, les langues parlées ou écrites en Afique romaine témoignent profondément du degré de résistance des cultures anciennes et du degré de pénétration des cultures importées; elles représentent même un aspect singulier du particularisme local, car les conclusions que I'on peut en tirer ne convergent pas nécessairement avec celles suggérées par l'examen des autres aspects de ce particularisme.

Une fois reconnue I'importance du multilinguisme, le problème est de comprendre comment se traduit concrètement la coexistence des langues et ce que sipifie, dans le contexte général africain, cette coexistence. Quel est le degré réel de vitalité du libyque et du punique face au latin ? Quels rapports les deux premières langues entretiennent-elles sur le sol africain ? Comment se répartissent ceux qui les parlent ? Dans quelle mesure cette répartition recoupe-t-elle des divisions d'ordre géographique ou social ? En d'autres termes, s'agit-il d'une simple juxtaposition d'enclaves linguistiques voisines mais séparées, ou bien d'une superposition de l'une à I'autre au cours de l'époque romaine'? 1966,87, p. l-17, qui étudie les cas du syriaque, du copte, du punique et du celtiquc : les couches sociales indigènes, d'abord romanisées, ont finalement pris conscience de I'existence d'une culture qui leur était propre; elles ont voulu I'exprimer, par l'écriture, grâce aux habitudes et aux techniques apprises auprèe des conquérants. Un évolution analogue s'est produite en matière religieuse, avec le reûouveau au m" siècle des cultes d'origine punique. 2. Sur le maintien des langues indigènes dans la population rurale des provinces, voir

M. RosrovtïzrFF,

194,626, n, l, 3. M. Sruon,

472

Social and' Economic llistory,.,,

c Punique ou berbère. Note sur la situation

p.

193-

linguistique

La lqnsuc

Autant de questions auxquelles on ne peut répondre qu'en reprenant I'examen d'une documentation linguistique, certes dispersée et fragmentaire, mais rendue récemment plus aisément interprétable grâce aux travaux qui lui oat étê èonsacrés.

Pendant longtemps, le problème linguistique africain s'est trouvé réduit à un débat axé sur l'alternative : punique ou libyque ? opposait, d'un côté, ceux qui croient que la langue punique s'est maintenue tout au long de I'Empire, qu'elle était parlée par les indigènes à l'époque de saint Augustin, et que cette survivance d'une langue sémitique en Afrique du Nord a gtandement facilité I'arabisation du pays ; de I'autre, ceux qui prenaient argument de la frliation supposée entre le libyque et le berbère, ainsi que de lexistence d'une assez abondante épigraphie libyque, pour postuler la survivance du libyque et la disparition du prrnique, et chercher même à démontrer que le terme punique, fréquemment employé par saint Augustin" ne désigne pas la langue héritée des Carthaginois, mais est utilisé comme synonyme d'africain pour désigner la langue parlée par les indigènes, et qui n'est autre que le libyque o.

Il

dans l'Afrique romaine >, Mé\. Isidore trévy, Bruxelleq 1955, p. 6t3-629 i repris dans Recherches dhistoire iudéo-chrétîenne, Paris, 1962, p.88-100. P. Bnown, < Christianity and Local Culture in Laûe Ronan Africa >, JRJ, 1968, p. 85-95, examine surtout las rapports du punique et du libyque avec le christianisme. 4. La bibliographie sur la question est abondante : Pour le punique : E, Ranax, Histoire générale des langues sémitiques, Paris, 187E, p. 198 ; S. GssLL Hlstolre..., Paris, 192Q IV, p. 496; J. Toulutr, Les Cultes..., Paris, 1920, III; E F. Glurlen, Le Passé de fAfrtque du Nord, Paris, 1937 ; \ry. M. GnaEN, e Augustiae's Use of Putic >, Semitîc and Oriental Studies presented to W. Popper, University

of

California, Berkeley, 1951, Publications in Semitic Philology, X[, Snaon, < Le Judalsne berbère daas I'Afrique ancienae r, Revue dhistoire et de philosophie religlewe, 1946, p. 1-31, 105-145, (repris daos m, Recherches thistoire jud,éo-chrétiennc, op. cit., p. 30-87) ;

p. 179-190; M.

C. Sluaalc,re, < La Survivance du punique en Afrique au vo et \rf siècl6 >, Karthago, 1954, IV, p. 171-178 ; I. Lrcrnr, < Nohrle sur saint Augustin et les eurvivances puniques >, Augustinus Magister, 1954, p. 3l-33. Pour le libyque: W. H, C. Fnno, < A Note on the Berber Background in the Life of Augustine >, Journal ol Theological Stadîes,1942, p, I7947t

Dans ce débat, l'une et I'autre thèses semblaient présenter des arguments et des preuves de poids

: pour le libyque,

lnexistence

incontestable de traces épigraphiques importantes, s'étendant de

I'Atlantique à la Tripolitaine; pour le punique, le témoignage difficilement contestable de saint Augustin ainsi que diverses allusions dans la littérature latine o. Et c'est précisément le caractère irrécusable des preuves produites de part et d'autre qui permet de trancher le problème. Il faut en effet refuser I'alternative initiale, et accepter les deux groupes de témoignages, en montrant qu'ils ne sont pas exclusifs I'un de I'autre, mais complémentaires.

I. Le llbyque Comment se répartit le libyque ? Le Recueil des înscriptions libyques, de J. B. Chabot, datant de t94U1941, fournit une vue rapide sur la question, que les trouvailles postérieures ont enrichie sur quelques points'. Mais

181 ; ro., The Donatist Church, Oxford, 1952, p. 57 et s. ; C. Countots' a Saint Àugustin et le problème de la survivance du prnigue >, RAt, 1950, p. 259-282. Coezistence: IVlarcel Sruot, < Punique ou berbère... >, loc- cit., in

Mé\. Isidore Levy;F. MIuan, < Local Cultures in the Roman Bmpire : Libyan, Punic and Latin in Roman Africa >, ,RS, 1968' 58, p, 126'1345. La critique de ces témoignages par C. CounroIs, loc. cit., n'emporte pas la conviction. L'analyse par W. GnsEN, loc' cit., de chacun des textes de saint Augustin nous paraît plus démonstrative. 6. J. B. Cnaror, Recueil des insctiptions libyques, I-LII, 1940'1941. Les découvertes d'épigraphie libyque sont signalées dans les bibliographies de S. Lencsl, I. DssANcss, in BAA,1962-1965, I, ainsi que dans celle de L. Ger-exp, < Iæs Etudes de linguistique berbère de 1954 à 1965 >, L'Annuaire de l'Afrtque du Nord, 1965, IV (et numéros suivants de ces deux periodigues). Il faut cependut signaler, en raison de leur importance, des publications récenûes : L. Ger-Elo, J. FÉvRB, G. Vnru4 Inscrlptlons antiques du Maroc (citê IAM) : viûgt-sept inscriptions libyques sont publiées par L. Galand avec ute longue introduction et des commentaires; J. M. Rey!{or-Dg O. Bnooeu, D. Sttnrtl, < Inscriptions in the Libyan Al' phabet from Ghirza in Tripottania >, Antiquity, 1958, )OOûI, p, ll2' 115; A. di Vrre, < Archaeological News >, Libya antiqua, 1964, I' p. l4l-142 (Bir Buel Gharob). 471

Le

langue

il faut souligner qu'il ne s'agit là que de textes, qui attætent donc dans une certaine me$lue la survivance d,un usage êcrit, mais ne disent rien quant à la répartition de l,usage pulé z la distinction entre écriture et parole n'a jamais été prise en considération dans les études consacrées à ce problème ?. En reprenant le découpage géographique de J. B. Chabot, on trouve la répartition des textes libyques suivante :

.

Région de Dougga . .. Zone cenfrale de la Tu-

18

nisie 39 Sud tunisien 14 Ghardimaou et frontière algérienne 19 Région forestière du Nord-Est algérien 52 Région de la Cheffia .. 131 Région des Ohiebn4 Munier, Boularæ 162 Région de Lamy 94 Bône, Mondovi, Duvivier . . 36 Région des Ouled Bechiah. 60 Région de Souk Ahras . 126 A

Région de Sedrata, Tebessa

Région de Guelma ... Région de Philippeville, Bougie Région de Constantine

27

to7 9

,

Région de Mila

27 37

Région de Sigus et d'Ain

Mlila Sud constantinien (Aurès) .. Région de Sétif Département d'Alger . . . Dépaxtement d'Oran .. Maroc

mais 27 chez

L.

23 9 11

3l 7 8

Galand I

il faut ajouter la Tripolitaine (textes postérieurs siècle)'. Cette répartition ne peut manquer d'appeler quelquæ remar-

au

ces régions,

rf

7. Sur le libyque : S. Gsrrr, Hlstolre..., I, p. 109 et s.; A, Bnsssr, La Langae berbère, Oxford, 1952; l. G. FÉrrnnn, < Que eavong-nous du libygue ? >, RAl, 1956, C, p. 263; O. Rôssr.R, c Die Sprache Numldiens >, Sybaris, Festschrtlt H. Rrahe, 1958, p. 94. Pour l'écriture, L Galand, dans læ Inscrlptions antlques du Maroc, donne une mise au polnt. Nous n'avons pu consulter fouvrage de J. ALvAREa DBr.oaDo, Iwcrlpclones llblcas de Carurlos Ensayo de lnterpretaclon libica, IÂ lâguna d9 (196'l), qui étudie I'enseurble des inscriptios tibyques. Tenerife,

: flibyques), t"

l9g

8. IAM

l-?il.

9. Voir Anttquity, 1958, )OOOI,

p. l4l-t42.

p, ll2;

Libya antiqw,

l9U, l,

ques. S'il est vrai que des traces de libyque apparaissent sporadiquement dans l'ensemble de I'Afrique, il y a néanmoins des zones évidentes de grande concentration. La principale de ces zones est celle qui couvre tout le nord-est du Constantinois, et

qui est comprise entre la Méditerranée au nord, la frontière algéro-tunisienne à I'est, la vallée de la Medjerda au sud et l'oued Seybouse à I'ouest'o : à elle seule, cette région contient près de la moitié (500 environ) des insoiptions. Elle couvre essentiellement la région frontière orientale, la région de la Ctreffia (où I'on connalt en outre des peintures rupestres représentant des mouflons coiffés), la région de Lamy et celle de Souk Ahras. Plus à I'ouest, la région de Guelma est, elle aussi, très abondamment fournie (une centaine d'inscriptions). En dehors de ces zones particulièrement bien pourvues, les stèles et inscriptions libyques n'apparaissent qu'en nombte restreint (quelques unités, ou quelques dizaines d'unités). Mais si I'intensification de la recherche devaito ce qui est fort probable, augmenter sensiblement le nombre des trouvailles' sommes-nous strs que les proportions n'en seraient pas fondamentalement modifiées ? Il est malaisé de I'affirmer. On peut cependant figurer sur une carte la répartition des textes connus. Mais peut-on, à partir de la carte ainsi dressée, tirer des conclusions historiques touchant l'extension et la densité de l'usage du libyque ? Il importe sur ce point de faire preuve d'une grande prudence, et cela pour diverses raisons. Tout d'abord, loextension des textes n'est pas nécessairement proportionnelle à I'extension de la parole ". On peut concevoir deux possibilités à ce sujet. tr est fort possible que des qopulations faisant quotidiennement usage du libyque n'aient jamais, ou rarement, éprouvé le besoin de dresser des stèles ou de rédiger des épitaphes ; mais il est possible aussi que des gens qui étaient capables aussi bien de s'exprimer en punique ou en latin (comme 10. Région qui < est occupée par un enchevêtrement de petites montagnes, hautes de 500 à 1000 m environ, et généralement couverÛes de RAl, 1950, XCIV, p. 282). forêts > (C. Courrors, 11. L'exfapolation de l'écrit au parlé a été trop rapidement faite par C. Courtois, qui déclarait, à propos de la zone aux cinq cents inscriptons libyques, < qu'un tel ensemble démontrait que l'on parlait le libyque dans



la région > (io, RAî, 1950, XCIV, p. 280). 476

Is

bneue

I'atteste lnexistence des bilingues libyco-puniques et latino-libyques) aient choisi, pour des raisons que nous igporons, d'utiliser le libyque. On peut donc poser un double principe : I'abaence d'inscriptions libyques dans une région ne signifre pas que le libyque n'y soit pas parlé; la présence de ces inscriptions, même en grand nombre, ne sigûifie pas que le libyque y soit parlé à l'exclusion de toute auûe langue. Comment somprendre autrement le fait que lnon trouve tràs peu de textes libyques dans des régions où la romanisation n'a pourtant que peu pfuêtrê (cornme I'Ouarsenis, le Dahrq la chaîne du Zaccar, I'Atlas mitidjien, le Djurdjura ou les Bibans u), tandis que c'est dans une dæ zonæ les plus riches en textes libyques,le sud d'Hippone, que le témoignage de saint Augustin fait entrevoir une survivance du punique. Mais il y a aussi une seconde raison pour se défier de"s conclusions trop hâtivement tirées de I'examen de la carte, c'est que la carte ignore la chronologie. Les insoiptions libyques, en effeÇ ou bien ne sont pas datées, ou bien ne le sont que fort approximativement. C'est dire qu'en les juxtaposant on ne peut obtenir qu'une vue défounée de la réalité; on n'a alors aucun moyen de reconstituer l'évolution des langues : le libyque a-t-il reculé ? Ce recul éventuel est-il en rapport avec les transformations économiques su 6dministratives ? Ce sont là des questions importantes, et une carte statique ne peut y apporter de réponse. Aussi nous semble+-il nécessaire de prendre en considération d'auûes facteurs que celui de la répartition globale des inscrip. tions libyques sur une carte, ou de leur tapport numérique génê ral avec les inscriptions latines. Mieux vaut tentet d'examiner les choses d'un point de we plus particulier, en considérant la localisation précise des textes libyques. S'agit-il d'une nécropole, contient-elle aussi des épitaphes latines ou puniques, des bilin-

gues ? Ou est-ce une pierre isolée ? Quel est son environnement ? Est-elle dans le voisinage d'une localité romaine, iden12. C. Couatotq Vandales..., p. ll4, a affirmé que, dans ces régions la romanisation ne s'est faite que sur la périphérie des massifs. Toutefois, les recherches archéologiques en courr obligent à nuancer cette affirmation : les traces d'une pénétration romaiqe indircumontagneuses,

bble sont découvertes dans des zones auparavant considérées cornme DoB pénétrées (par exemple : lntérieur de I'Aurèo, Kabylie, arrière-paye de Cherchel).

tifiée ou non ? Est-elle au milieu d'exploitations agricoles, ou militaires ? Est-elle au contraire voisine de restes

de ruines

archéologiques préromains (dolmens, chambres funéraires creusées dans le roc) ? A quelle distance est-elle de la route la plus proche ? En posant systématiquement ces questions, peut-être arriverons-nous à une vision moins schématique, et plus concrète, de la distribution du libyque. Ce retour aux réalités localesn nous ne pouvons le faire qu'en nous appuyant sur les notices détaillées et sur les cartes fournies par les atlas archéologiques qui, malgré les imperfections que noln avons eu I'occasion de signaler, nous setont ici d'un grand secours en norxi faisant connaître avec exastitude l'environnement des inscriptions ou des nécropoles libyques. Cet environnement, nous avons tenté de le figurer sur le tableau ci-joint, que nous avons complété par un second tableau, en faisant apparaitre les divers types de paysages où l'on trouve le plus fréquemment les inscriptions libyques (exploitations agricoles, cités romaines, zones forestières)'". Nous en arrivons ainsi aux constatations suivantes : il y a, d'un côté, des zones où le libyque apparait seul (des enclaves)

et de l'autre, des zones où le libyque voisine avec d'autres langues (des régions de superposition).

Les enclaves libyques. Elles sont relativement rares, et se situent généralement dans les régions forestières. Les forêts concernées sont les suivantes

:

Ghardimaou et frontière algérienne : immense forêt de et des Ouchtata, qui contient néanmoins deux biMrassen Iingues

-

".

Nord-Est algérien : la région est couverte de forêts très

denses et, outre les quelques nécropoles fouillées et citées par J. B. Chabot, il y a beaucoup d'inscriptions qui sont < sans aucun doute dissimulées sous la broussaille des forêts très denses qui couvrent le pays >.

*

13. Voir les tableaur; p. 48G481. 14. RIL, 72 (avec texte punique) ; 85 (avec texte latin)'

15. RIL, p.25. 478

Ia lnatal Région des Ouled Bechiah

:

c'est une région couverte de

- néanmoins, certaines nécropoles sont à peu de distance forêts; de ruinæ romaincs (nécropole de Fedj Nouisserr, de Mechta Bouchaib). Régions de superposition. Elles forment la majorité. En effet, les nécropolas libyques se trouvent le plus souvent, tantôt non loin de ruines romaines, tantôt dans le voisinage de cités romaines oonnues; dans I'un et loautre cas d'ailleurs, on trouve fréquemment des restes préromains (tombeaux, dolmens), ce qui confrrme I'idée qu'il y a une certaine continuité dans I'occupation des sites. On peut distinguer deux séries de superpositions : celles où sont attestées des activités agricoles : les textqs libyques voisinent alors soit avec des textes latins, soit avec des bilingues (latin-libyque). I.[ous avons alors affaire à des régions de colonisation romaine 0a Cheffia, la région de Thagaste), où néanmoins une présencc punique ntst pas à exclure Gégion de Sigus, ou de Mila) ;

celles où les activités agricoles ns sont pas directement attestées; ce sont alors des zones qui se trouvent dans le voisinage de centres romains, parfois d'origine préromaine et d'influence punique (Dougga, Mactar, Calama), ce qui nous vaut beaucoup d'exemples d'interpénétræion du libyque et du punique. Nous pouvons maintenant faire état d'une constatation à première vue inattendue : c'est gue l'épigraphie libyque s'est surtout développée au voisinage des centres de culture punique ou romaine. Cette remarque, qui avait d'abord êÉ f.aite par le général Faidherbe'o et reprise par G. Marcy, qui parle d'une 16. < Ces inscriptions, qu'elles soient sur pierres tout à fait brutes ce - ou qui est lo cas de la majorité ou sur stèles plus ou moins dégroseieo taillées, avec ou sans figures-ou inscriptions latines, se fouvent, pour le

plus grand nombre, pêle-mêle avec des stèles à inscriptions et à sculptures latines [...] à proximité de pierres taiUées pour constructions, de ruinss romaines en un mot. On reacontre des stèles à inscriptions latines, plus ou moins Égulièrement taillées, sur lesquelles une main plus inexpérimentée est venue tracer quelques caractères libyques; d'autres cas, où les caractères libyques sont gravés avec autant de soin et d'adresse que l'inscription latine su1Érieure; d'autres enfin, quoique purement libyques, eur tableau

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oE..E â,e'ËàE eâ, MZlanges E.F. Gautier, Paris, 1937, p. 234-U4; M. $y91*, < Iæ-Judaisme berbère... >, loc. cit., in Rev. hîst. phil. reltg" 1946i C. Counrols, in RAf, 1950' P. 259'282.

25. Hist. Aug, (Vita Severi), XV, 7 ; XIX, 10 ; Auner-rus VrcroR, EPit'' )O(, 8 ; Apwfrz, ApoIogie, XCVffi, 8-9 ; Ur-prnn, Lîb. II fideicommlsso' rum, io Dîgeste, XXXII, I, II.

4U

b

langue

l'on trouve une grande partie des inscriptions libyques, alors que le punique n'est guère attesté dans.la région. On voit que C. Courtois n'appuie finalement sa démonstration que sur deux arguments : I'ab'sence d'épigraphie punique tardive, Iexistence d'une épigraphie libyque. Or ces deux arguments sont discutables.

a) L'existence d'une épigraphie libyque abondante dans la région d'Hippone, là où saint Augustin atteste la vitalité d'un parler indigène que pour sa part il appelle punique, ne signifre pas que le punique ait disparu. Au contraire. Puisque nous savons

maintenant que l'épigraphie libyque ne se développe qu'au voisinage et à I'imitation des autres langues de culture, ûous tr,ouvons postuler l'existence d'un environnement culturel latin ou punique. En tout cas, rien ne s'oppose à I'hypothèse d'une supertrnsition des diverses langrres : le libyque se serait maintenu dans l'épigraphie (ce dont il ne faudrait pas exagérer l'importance), sans trxlur autant constituer un obstacle à la pénétration puniEre

ou latine.

b) I-e second argument, I'absence d'une épigraphie punique tardive, est plus aisé à réfuter. En effet, on sait que Ïépigraphie punique et néo-punique s'est récemment beaucoup enrichie ou. A Mactar ", si les trois textes provenant du temple d'Hafhor Miskar sont probablement du r"' siècle æ, il est d'autres inscrip tions qui sont plus tardives " ; en Tripolitaine, dans le désert de la Djefara, une tombe sculptée comporte une inscription latine 26. Pour l'épigraphie punique africaine, on peut consulter : textes préromains (Carthage et voisinage seulement), in CIS, (1881-1962) , Répertoire tépigrapltie sêmitique, 1895-1950, I-VII; J. G. FÉvmen, < Iæs Découvertes puniques et uéo-puniques depuis la guerre r Studi orlentall in onore di G. Levî della Vida, 1956, I" p, 274; J. Drsarors, S. Lnrcrr-, < Bibliographie analytique de I'Afrique antique >, BAA, l, p, /71 ., fi, p. 315 ; J. Trrxmon, < Bulletin d'épigraphie sémitique >, Syria, 1967, XLIV, p. 163. Un bilan complet pour les années 1965 ù 1974 figure dans Studi Magrebiai, 1974, VI, p. 1-36. 27, G,C. hcARD, a Civitas Mactaritana >, Karthago, 1957, YIII : 130 inscriptions retrouvées. 28. J. G. FÉvnnn, < I-a Graqde Inscription dédicatoire de Mactar >, Semitîca, 1956, VI, p. 15 et s. 29, l.G. FÉvnrrr, M. Farren, < Iæs Nouvelles Inscriptions néo-puniques de Mactar >, Karthago, 1963-1964, X.Il.

et uûe néo-punique datables de la fin du u" ou du début du rrru siècle *. Mais ces ûrouvailles, qui déjà témoignent de la vitalité du punique, ont été dépassées en importance, pour le problème qui nous intéresse ici, par la nouvelle interprétation apportée à des textes dont une partie était déjà connue : il s'agit la série des inscriptions fameuses que I'on a longtemps appe-

de

lées latino-libyques, parce qu'elles sont écrites en caractères latins, dans une langue qu'on a d'abord identifiée au libyque. Or, on sait maintenant qu'il snagit en réalité d'une forme un peu altérée du punique "'. L'historique complet de la découverte a étê fait récemment ". Rappelons donc simplement que ce sont des textes qui proviennent pour la plupart de l'intérieur tripolitain, et plus préci*. R. G. Goodchild, qui fut sément de la zone pré-désertique le premier à proposer une interprétation s, mit en rapg)rt ces textes avec la langue libyque. Pour expliquer cette apparition tardive du libyque en Tripolitaine, les textes furent assosi& aux établissements des limitanei, signatés dans le voisinage, notan-

ment à Bird-ed-Dreder

*.

Des découvertes postérieures o, Bû

réexamen attentif de l'ensemble ries inscriptions permirent ensuite

0.

Brocen, < Henscir el-Ausaf by Tigi (Tripolitaoia) and some in the Tunisian Gefara >, Libya antiqua, 1967,II, p. 47. 31. J.G. FÉrrnrrn, < Découvertes épigraphiques puniques et néo-puaiques depuis la guerre >, Studi orientalisticî in onore di Levi della Vida, 30.

Related Tombs

Rome 1956, I, p, 274. 32. M. Sa,rvcgl, < Les Inscriptions dites latino-libyques >, Comptes rendus du Groupe linguistique d'études chatnito'sémitiques (G.L.E.C-5.), 1963-1966,

X, p.

97-704,

33. Leur découverte avait êtê signalée par F. BÉouuror, < Di alcune iscrizioni in carattere latini e in lingua sconosciuta, trovate in Tripolitania >, Revista degli studi orientali, t949, X]KIV, p. l4'L9. 34. R. G. Gooocrur.o, c The Latino-Libyan Inscriptions of Tripolita' nia >, Antiquaries Journal, 1950, X)O(, p. 135. 35. R. G. Gooocnrr.o, < La Necropoli romano-libica di Bir-ed'Dredet >, Qwderni di archeologia della Hbla, 1954, III, p. 91 et s. 36. J.

M. Rrrnorug < Inscriptions of Roman Tripolitania; a Supple-

ment >, PBSR, 1955, DûII, p. 124, û s., n" 2'824: O. Brooel, J. M. R.syNoLDs, c Seven New Inscriptions from Tripolitania r' PB.SR, 1960, )O(Vm, p. 5l et 8., no 5, 7. 486

La

lancr.e

d'arriver à lTnterprétation punique, maintenanl sdmiss s', et que rend fort vraisemblable la présence dans la région de textes néopuniques.

De quand datent ces inscriptions ? Dans ta première hypoil était adrnis qu'il s'agissaiide textes se référant à des groupes de limîtanei d'origine libyque, et I'on a coutume de dater I'installation dæ limîtarci du règne d'Alexandre Sévère. L'hypothèse punique modifie la situation, thèse, celle de R. G. Goodchild,

puisqu'elle réintègre ces textes dans une continuité. Il n'est donc plus nécessaire de les rattacher chronologiquement à I'installation des lîrnitarci. En outre, le repère chronologique que constituait cette installation s'qst lui-même révélé douteux, On sait

maintenant que, bien avant les fortifications sévériennes de la frontière tripolitaine, il y avait, à l'intérieur de la Tripolitaine, une population de tradition punique se livrant à I'agricultrue, et qu'on ne peut attribuer à Alexandre Sévère l'insta[ation des limitaneiæ. Il faut désormais accorder

à ces textes une date beaucoup plus tardive, qui permet d'infirmer I'assertion de C. Courtois sur la disparition du punique. Du coup, le témoipage de saint Augustin retrouve sa force, d'autant plus que, loin d'êEe isolé, il trouve un soutien singulièrement puissant dans le texte d'Ulpien, qui déclare que les îid.eicommîs peuvent être rédigés dans n'importe quelle langue (non solum laina vel graeca, sed etiant pmica vel gallicana, vel alterius ejuscumque gentisæ). Certes, ce passage d'Ulpien, cornme le remarque C. Courtois, ne vaut 3?. J. G. IÉ"*8", loc. ctt,,. J. FRrBDRrcr, < Punirche Studien 5. Aur des latino-libyschen Inschriften >, Zeitschilt des Deutsch. Morgenland Gesellschaft, 1957, CYII, p. 295-298; G. Lsvr uBr.r.e Vrono < Sulle iscrizioni latino-libiche della Tripolitania >, Orlens Antlqus, 1963,

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lI, p. 7U7l; M.G. Benrruerr,r-ANoau, < Termini romanL pubblici e sasri iD epierafi " latino-libishe n >, Studl dl storla antlca tn memorla dl

Luca de Rcglbus, Gênes, 1969, p. 2L7-224; O. Brooan, f. M. Renror.os, < Inscriptions from the Tripolitanian Hinterland >, Lîbya antiqua, L964, I, p, 43-46, no 3&3,5, e$sayett d'interprétor ainsi quslques fragpents épigraphiques récemment découverts; M. Szrxcrn, loc. cit,, p. 101-102, applique aus$i la clé du punique pour expliquer quelques-uns de cæ textes.

38. A. di Vrra, < lI lltnes romaao di Tripolitanira nella sua cnnrcreteTza archeologica e nella sua realta storisa >, Libya antiqua, 1964, I, p. 65. 39. ULprrN, Lib. II fideicommlssoratn, in Dlgeste, )OOAL ; voir auesi n., Lib, ad Sabinum, in Digeste, XLV, I, l, 6.

I ll

que pour l'époque où il a été écrit, c'est-à-dire celle de Caracalla. Mais imagine-t-on que le punique aurait bénéficié de cette reconnaissance juridique s'il n'avait été gu'un patois à la veille de disparaître, et ne faut-il pas au contraire que sa vitalité ait êté grande pour qu'on l'ait ainsi admis au même titre que le latin

ou le grec ? Ainsi, punique et libyque ont donc conjointement survécu, et, s'il y a eu rivalité entre eux, il ne semble pas que l'un ait réussi à éliminer I'autre. Par ailleurs, la concurrence même du latin nna pu éliminer aucune des deux langues qui favaient précédé sur le sol africain. Le multilinguisme semble être la règle dans I'Afrique romaine. On peut maintenant cheroher à découvrir les rapports que les trois langues principales devaient entretenir. Car la coexissl l'sa veut bien laisser de côté des tence de ces idiomes 40 comûre le grec et l'hébreu langues relativement marginales n'est pas en elle-mêne un phénomène simple : coexistence ne similie pas nécessairement rapports de bon voisinage. Pour rendro compte des modalités de cette coexistence, on est volontiers tenté de faire appel à I'analogie : ainsi I'on n'a pas hésité a', notamment pour souà invoquer divers exemples historiques tenir fidée que le punique, chassé des villes par le latin, s'est 40. Ce caractère marginal ne doit cependant pas nous inciter à sousestimer leur importance, Ainsi, M. Simon peûe que l'hébreu a pu jouer un rôle dans l'extension du punique : celui-ci en effet aurait bénéficié du développement de la religion judéo-chrétienne (Recherches dhistoire plus bas, ludéo-chrétienne, p. 30-87,88-100). Quant au grec, ûous verrons dans I'analyse de la population de Lepcis, quelle est sa principale fonction. On peut dire cependant gue, bien qu'il ait prêcêdê le latin comme langue de culture dans- le royaume de Massinissa, il a par la suite plutôt joué le rôle de < compagton de route > que celui de concurreat ou de rival. En ce sens,l'usage du grec ne saurait être tenu pour une forme de résistance au latin. Voir T. Korur.e, < aftaque lingua eruditi >, Homrnages à M, Rerurdo 1969, lI, P. 386-392. 41. M. SnaoN, op. cif., évoque tour à tour la division actuelle des langue.s dans I'Afrique du Nord (berbère, arabe, français) (p. 94), la situa' tion originale de fAlsace où coexistent deux langues de culture (p' 96), la situation de I'Angleterre au xI" siècle (p. 91). On retrouve ce recours à lanalogie dans I'article de P. Bnowx, < Christianity and Local Culture in lare Roman Africa >, ,RS, 1968, p. 85-95' gui cherche à moutrer que le christianisme, loin de favoriser te réveil des langues et de la culture indigènes, a au contraire contribué à imposer le latin' 4E8

La lansue

répandu dans les câmpagnes au détriment du libyque et qu'il a pu ainsi y jouer le rôle de langue de culture. Ce rôle du punique qui servirait en quelque d'étape interrrédiaire entre le -libyque et le latin est biensorte conforme au schéma traditionnel, - comme le relais obligé avant la romanioù le punique apparaît sation. Il y a donc dans cette idée une part de véritê, Il semble cependant que I'on puisse nuancer les choses, et que l'évolution n'ait pas été partout la même. On peut en effet distinguer divers types de zones linguistiques : celles auxquelles s'applique schéma classique : le - est remplacé par le punique, lelui-même libyque ensuite remplacé par le latin; celles où le latin n'a pu pénétrer profondément, faute de structures institutionnelles civitos, castellum, vicas qui en auraient rendu I'usage nécessaire; celles où la pénétration du latin ne fut pas assEz intense - modifier profondément l'état de choses pré-romain, ainsi pour que celles où la concurence du latin a pu parfois susciter, pour le libyque ou le punique, un regain de popularité. Il serait diffrcile de déterminer exactement $u une carte lex frontières exactes de chacune de ces zones. En effet, elles ne correspondent pas nécessairement à un découpage géographique, puisque, nous l'avons vu, lavance de la romanisation ne s'est pas faite d'une façon chronologiquement et géographiquement continueo mais qunelle a au contraire suivi une double pulsion, allant alternativement du centre à la périphérie et de la Sriphérie au centre. A défaut d'un découpage géographique, un découpage par catégories sociales permettrait-il de cerner les limites de ces zones ? Nous tenterons de le montrer dans la partie de ce travail qui traitera de I'onomastique. Mais ce qu'il nous faut d'ores et déjà souliguer, c'est que la coexistence des langues semble surtout se faire au niveau individuel et qu'elle s'infl{s[i1, vers l'une ou lautre des situations linguistiques énumérées, en fonction de nécessités divetses.

L'Afrique romaine n'ayant pas connu de mutation linguistique totale, nous ne devons pas être surpris de retrouver sans cesse des décalages, qui font de I'ensemble des provinces afticaines ce qu'un sociologue appellerait un espace culturel contrasté. Et il en va de même, nous allons le voirn pour ce qui est des noms.

4

Le nom

I.

Tmces du padicrlladsme sfricain dans ltonomadique L'abondance des inscriptions d'époque romaine en Afrique ast

bien connue : à lui seul, le tome VIII du Corpus înscrîptionwn Latinarurn contient plus de 28 000 textes. Cette abondance d,un diversifié (où tes inscriptions funéraires forment cependant la majoritQ est évidemment fort propice aux étrades onomastiques r. On sait assez combien de renseigpements

matériel

1. On peut notanment citer les travaux généraux suivaats : R. Momr, < De l'élément africain dane lbnomastiquo laline r, Rev. ochéoL., 1869, l, p. 233-256; Th. Moaacsw, < Cognomina Alrlcana >, Ephenteris Eptgraphlca, \1, 9. 5?.U5?A; J. Tourenv, Cttés..., p. t67-196 (chapitre Sui est

la

première éirde d'eneemble do l'onomastique romano-africaino, 'naln gui envirage les choses d'une manière statique : ni critère chronologique ni criêre social ne cont pris en compte); I. Kunrro, < Peculiarities of Latin Nomenclature in North Africa >, Philologus, t964 Cxlltr'- p. 310312. Iæs autres travaux de I. Kajanto foot aussi de ftéquenteo référene à I'Afrique : The Latin Cognomlna, Helsinki, t965 I Onomastic Studtes ln the Early Chrîstîan Inscriptions of Rome and Carthage, 1963: Super-

nomlno,1966. Is études plus particulières, consacrées à I'onomastique d'une cité ou d'une catégorie sociale, seront cité€s au cours du chapib.

précieux l'étude des noms peut fournir' : un gentilice ou un surnom peuvent suffire à éclairer un personnage, en révélant son origine ethnique ou géographique, sa situation administrative et son statut jruidique, enfin sa position sociale'. tr importe cependant, pour arriver à ce résultat, de respecter quelques règles de méthode, qûi se ramènent d'ailleurs à un énoncé unique fort simple : < Le principe essentiel, dit Louis Robert, était aussi de ne jamais couper un nom de son entouragen >, et il insiste sur les divers < milieux > où baigne un nom : famille, pays, époque. Ce principe a malheureusement été ignoré dans le chapitre de J. Toutain sur l'onomastique. Celui-ci en effet s'est limité à faire un relevé des différents noms et surnoms d'Afrique auxquels on pouvait assigner une origine non romaine, sans chercher à dégager le rapport qui peut exister entre ces noms et leur environnement, en un mot sans les situer. Il nous due simplement au faut tenter de suppléer à cette lacune grère de mode à l'époque n'était recherche que ce type de fait où écrivait Toutain. Aussi avons-nous pensé qu'une vue d'ensemble de l'évolution de I'onoÉastique en Afrique pouvait utilement s'intégrer dans un travail qui vise à éclairer les divers aspects de la résistance à la romanisation. Encore doit-on prendre quelques précautions et fixer, autant que possible, les limites de I'entreprise. Celles-ci seront de deux sortes : limites en extension, limites en profondeur.

a) Entreprendre une étude systématique de tous les noms trouvés dans les provinces africaines n'est ni dans notre intention ni 2. L. Rorsrr, Noms indigènes de I'Asle gréco-romaine, Paris, 1963' I' 542, évoque avec force I'enracinement ds noms plopres dans- la-vie ôoncrète : u Il n" me suffisait pas de dire que tel nom était grec ni même de le prouver; ie fai, dans la mesure de mes forces, mis dans son milieu, c'esÈàdire à ta fois daas sa catégorie linguigtique et dans ce qu'il évoque de vie quotidienne. Les noms mbnt a'urené à circuler par timagination antiques, les étals de poissons, les paniers de légumes, devant là boutiques -bijoutien,

p.

les petits bocaux des parfumeurs [...] ; i'ai dt psychologie des sobriquets et des noms parlants que grec..' > fentendais finer de toute part, et au{elà sur le vocabulaire p.253 Foreîgn Clîentelae' que noms E. Btotlt't, des fait llrsage 3. Voir et s. les coffreb deg

réfléchh sur

la

4. L. Rosenr, op. cit., p. 542.

492

Ia tum d'ailleurs à nofre portée. Car, outre qu'une pareille étude serait paf, son volume déplacée.6ans le cotrtexte de ce travail, elle est pour llnstant impossible à mener : elle exigerait en effet une dogumentation groupée et maniable. Or, du fait des innombrables trouvailles relevées en Afrique depuis un demi-siècle, aucun des recueils épigraphiquæ actuellement existants ne put être considéré comme suffisant, et les séries qu'on peut aliper si abondantes soient-elles apparaitront vite conrme incomplètes. QUT nous suffise ici de rappeler la mise en garde pro'noncée sur ce point par H. G. Pflaum. Après avoir passé en rewe l'état pr&ent des publications épigraphiques africaines, qui fait apparaitre l'ab,sence de tout supplément au CIL, YIJJ, pour des régions comme la Sitifrenne, la Césarienne et une partie de la Numidie militaire, il déclare : < Il faut décidément commencet par le commencement, ce qui veut dire que toutes les bonnes volontés doivent s'employer à remédier avant tout à cet état déplorable de notre documentation t...t. Ce n'est qu'après avoir achevé cette tâche immense que noust tr)ourroûs examiner avec profit le peuplement de fAfrique du Nord romaine !. > Il va de soi donc que notts ne nous astreindrons pas à faire pour l'instant des dénombrements entiers, que nous ne procéderons

-

-

-

-

pas à des statistiques d'une savante précision ", Nous chercherons seulement, par des sondages rapides pratiqués dans des lieux ohoisis, à vérifrer quelques principes généraux, à donner corps et fondement à certaines impressions. Nous ne pr&enterons ainsi que des éléments nécessairement frqgmentaires et partiels d'un travail çri, pour êûe mené complètement, dewait ooeuper l'activité exclusive de plusieurs chercheurs. Nous ne faisons, quant à nous, appel aux arguments tir& de I'onomastique que couuoe un élément complémentaire lié à un ensenble plus vaste.

-

-

b) C.ela nou conduit naturellement à notre seconde séde de limites, les limites en profondeur. Bl* sont dictées, non plus par le caractère paniorlier de la dosumentation épigraphique afti5. H. G. Pruutrl, < l-æ Crepereii et les Egrelll tAfriqure >, Méhnges Saamagne, Tunis, 1968,

p. 65-72 Q2).

6. On sait d'ailleurs que la précision statistique, dans læ domains où la documentation est tout entière épigraphique, est coneidérée par certains comme illusoire : voir en particulier F. G. Murn, < Ritmische Beyitlkerungsgeschichte und Inschriftenstatistik >, Hlstorla, 1954, p. 318-351.

la fois insuffisante et foisonnanls

mais par I'uti-

à Nous ne oherchelisation- qu'il nous semble possible d'en faire. -, caine

à en prospecter en profondeur toutes les ne richesses. Nous ûous engageons pas dans une véritable étude exhaustive, mettant en jeu toutes les ressoluces et toutes les

rons pas en effet

méthodes de I'onomastique, et prétendant tirer des noms tous les enseignements qu'ils sont susceptibles de fournir dans tous les s'agit, plus simplement, de montrer quelle place domaines. tient la nomenclature parmi les signes de la résistance à la romanisation. Coest assez dire que le nom n'est pas ici considéré en

Il

lui-même, mais comme le reflet, la concrétisation d'un moment de I'histoire administrative, culturelle ou sociale. Ainsi, nous ne rechercherons pas systématiquement l'étymologie et l'extension de tous les gentilices ou de tous les cognomiru, nous n'y ferons appel que dans la mesure où elles éclairent sur un point le com-

portement ou le choix culturel d'un individu. Mais on peut, avant d'entamer cette étude, compléter l'information onomastique en faisant appel à d'autres éléments de documentation, qui s'y rattachent indirectement. Deux types d'investigations se présentent en particulier : I'analyse des monuments funéraires et celle des toponymes africains. Monwnents lunéraires Dans la mesure où la grande majorité des noms que nous examinons proviennent des inscriptions funéraires, le monument qui sert de support à ces inscriptions ne peut-il contribuer à nous renseigner sur I'origine et les traditions du défunt auquel il se rapporûe ? Une typologie des monuments funéraires africains, si elle permettait de dégager des formes proprement indigènes et des formes importées, serait pour I'onomastique un complément

utile.

La diversité de ces monuments a été mise en évidence et décrite par S. Gsell'. Iæs principaux sont : la stèle (pierre dressée), le cippe (bloc prismatique ou hexagonal) et le caisson (cupula : monument semi-cylindrique oblong). Mais, parallèlement à ces divers monuments, tous plus ou moins influencés par ne ftt-ce qu'en raison du fait qu'ils portent les usagæ romains

-

7. S. GseLL, Monuments antiqttes,,,, 494

II, p. 40 et s.

Lc nom

une épitaphe en latin subsistent les usages préromains. Comme le signale Gsell, -, < la coutume d'ensevelir des morts sous des constructions en pierres sèches persistait encore au ûemps des empereurs 8 >. C€ type de tumulus pierreux, qui muni d'un revè ûement s'appelle ane bazina, se rencontre dans des régions déterminées : des zones à relief accidenté 0. Il est, depuis la préhistoire, fréquent dans l'est de I'Algérie, autour de I'Aur&, du Hodna, et dans la région de Sétif '0. Or, et c'est ce qui nous intéresse icio on a pu établir un lien peutétre de filiation entre cæ bazinos et I'un des monu-ments fréquents - dès le rr" siècle, le caisson. en Afrique G. Camps signale en effet la corncidence entre les régions ù bminas et læ régions à caissons ". Ainsi se trouve confirmée forigine indigène de ce type de sépulture, qui avait déjà attiré I'attention de divers savants F. On pourra donc généralement considérer comme plus ou moins attachés aux coutumes africaines les morts enterrés sous des caissons, et cela non seulement au III. siècle, moment où les caissons deviennent particulièrement abondants pour - dès le des raisons que nons aurons à examiner mais même -, à dire que tous les I" siècle, coûlme nous le verrons ts. Est-ce morts dont la sépulture ne compofte pas de caisson soient de souche non africaine, et que la stèle puis l'autel désiguent à coup str des immigrés d'origine italique ? Rien noest moins str. Car, outre que la stèle surtout quand elle est à bout pointu - I'autel bien qu'il soit la forme clasest de tradition punique, peut n'être que le signe, ohez sique et romaine par excellence des Africains romanisés, d'une- adoption totale des modes et usages romains. Nous retrouvons ainsi, dans le domaine des monuments funé8. Ibid., p. 39. 9. G. Cmars, Monument*,, p. 65-15, 10.

tl.

Ibîd.,9. Ibid.,

p.

49. 54.

12. A. Prcerqror, P. Iaunnxr-Vrarnr, < Recherches archéologiques à Ammaedara >, MEFR, 1912, p. 69-229 (84). 13. Iæs remarques très prudentes de P. A. FÉvrran, < Remarques sur les inscriptions firnéraires de Maurétanie césarienne orientale >, MEFR, 1964,76, p. 105-172 (lll-tlz), qui préférait < oe point se tnser le problème des origines >, étaient iustifiéÆs avant la publication du liwe de

G. Camps.

raires comme dans les autres (religion, langage, statut juridique),

une imbrication complexe qui ne se laisse pas réduire à une simple stratification : les signes extérieurs de I'adhésion ou de la résistance à la romanisation ne sont pas univoques, et, de plus, ils n'évoluent pas d'une façon rigoureusement parallèle dans toutes les régions. L'expansion générale du caisson au III. siècle pose un Ploblème; comment se fait-il qu'une forme de sépulture d'origine indigène se soit diffusée précisément au moment où l'on considère que la romanisation de I'Afrique a atteint son apogée. On s'attendrait au contraire à voir le caisson reculer progressivement devant les sépultures de tradition romaine. Nous retrouvons ici un paradoxe que nous avons déjà rencontré dans le développement de la culture romano-africaine, celui de la renaissance et du développement des traditions africaines au contact des Romains. Pour comprendre ce phénomène, il faut d'abord rappeler que ce dest pas simplement I'usage du caisson qui se répand, mais lousage du caisson accompagné d'une épitaphe en latin. Ce recouts à une épitaphe latine attesûe une certaine acceptation des habitudæ et de la langue latine. Il ne s'agit donc pas, pour les adepes du caisson, d'un refus ou d'une ignorance de la romanisation. Il ne s'agit pas non plus d'une régression : la stèle et I'autel conseryent une partie de leurs adeptes. Ce que traduit la diffusion du caisson, c'est donc, selon toute vraisemblance, I'apparition de coucbes nouvelles de la population africaine. Ces couches d'Africains, qui sont à la périphérie de la romanisation, nous n'avons pu les connaître qu'indirectement, parce qu'elles ne laissaient pas de traces archéologiques directes de leur passage : ce sont pourtant ces silencieux qui forment la tràs grande partie de la population africaine. Mais lorsque ces silencieux se décident, par esprit d'imitation, à adopter des habitudes qui ont cours autour d'eux (monuments funéraires et épitaphes)' ils le font d'une façon originale, en choisissant pour sépulture le monument qui se rattache directement à leurs traditions. Toporymie On peut aussi songer à ajouter au critère onomastique le cri. tère toponymklue'a : I'aspect ou la forme d'un nom de cité ne 14. 496

G. MencrER, < La Langue libyenne et Ia toponymie antique

de

Ic

ttom

peuvent-ils en effet nous remeigner sur la place qu'occupe cette

et sa population dans la hiérarchie de la société ? On trouverait, là encore, une juxtaposition de noms d'origines diverses, libyque, punique, latine, qui ne feraient que traduire la juxtaposition ethnique et sociale. En cité

romano-africaine vénté,

il

faut se garder de ces évidences faciles, dont nous avons

pu voir déjà à propos de l'épigraphie libyque, qu'elles ne servaient pas toujours à rendre plus claire la situation réelle. L'examen d'un certain nonbre de toponymes permet en effet

de faire des remargues inattendues, gd dérivent de cette constatation de base : les toponymes ssslains ne se trouvent pas nécessairement dans les régions les plus romanisées'5. Iæs toponymes d'origine libyque ou punique, préexistant à la romanisation, ont subsisté tout naturellement dans nombre de cités vouées à une rapide et intense romanisation. C'est que les Romains, s'installant d'abord dans des lieux où existait une tradition urbaine ou tout au moins un habitat permanent susceptible de leur fournir un cadre de vie, ne pouvaient faire autrement que d'adop ter, le plus souvent, le nom indigène de la localité quTs occupaient. Le recours à une toponymie purement latine n'intervient, dans ces conditions, que dans des cas particuliers, et p,our ainsi dire pour des raisons techniques. Tantôt il s'agit de lieux dont les noms indigènes ne pouvaient être adaptés à un gosier rom4in, et apparaissaient proprement imprononçables. Tantôt, et c'est sans doute le cas le plus fréquent, la toponymie indigène devait apparaître insuffisamment précise; les zones de nomadisme, pr exemple, pouvaient aisément se passer d'une toponymie rigoureuse, dans la mesure où la fonction d'un toponyme est de permettre des repérages et des délimitations. Lorsque ces zones de nomadisme sont affectées à la culture et que commence à se développer l'urbanisation, la nécessité de préciser, voire de créer des toponymes apparait, et ces toponymes ûouveaux sont naturellement latins.

Aussi, bien loin d'être f indice d'une romanisation ancienne, I'Afrique du Nord >, lountal arîatlque, ost-déc. 1924; A. Pelr;onnr, Essai sur les noms de lieut dAlgérte et de Tunlsle, Tunis, 1949. Ces deux travaux, de valeur d'ailleurs inégale, ne peuveût guère nous aider. 15.

L. Ger,alo, < Mons, Mopht.,., Mopt.

>, MEFR, 1949,

p. 3591.

un toponyme latin est le signe d'une créatisp sdministsfivs

il

n'est pas tout simplement un point de repère cartographique $ée pour des besoins mililailss ou administratifs. Quelques exemples peuvent illustrer ces considérations'o, et démontrent, s'il en était encore besoin, qu'il ne faut utiliser la toponymie gu'avec prudence ".

récenten quand

Une fois posées toutes ces limites, il imporæ de marquer clairement ce que nous entendons tirer du criêre onomastique. Un nom peut être un signe déterminant à trois niveaux au moins. Il peut en effet traduire I'origine ethnique, le statut iuridique, I'intégration culturelle. Ainsi, par exemple, 1x)ur ce qui est du statut juridique, I'usage est que le citoyen, ingénu, porte les Ûia nomina, tandis que le pérégrin n'a qu'un seul nom (suivi éventuellement de celui de son père au génitifl, que le nouveau citoyen porte le gentilice de la personne de qui il tient sa citoyenneté, de même que I'affranchi porte le nom de son pa.tron. fu sait cependant que ces usages n'ont rien de véritablement systématique, et qu'il arrive qu'un pérégrin rnulpe Les tria nornina'" ou qu'un nouveau citoyen se choisisse librement un gentilice ". Bien d'autres combinaisons sont d'ailleurs possibles'o. 16. A. PsLLscRN, op. clT. 17. Citons pour mémoire diverses teûtatives : S. Srcnnt' < Sonre Phoenician Etymologies of North African Toponyms >, Oriens Antiquus, 1966, 5, p. 19-25 (des rapprochemeûts intéressaûts aveç divers mots puniques permettent de proposer une étymologie pour les noms de Mactar, Igrlgtli, Cartili, les villes dont le Dom commence par Rus, Iladrumète, Arae Philaenorum); A. NaKLt, < Essai de toponymie magbLrébine >' ilHCM, iartv, 1970, ûo 8, p. 42-62 (æ dernier assigne une origine aux tolxF rymes satu présenter la moindre justification' et eon travail ne nor$ appor' tera rien); J. DesANcEs, < Deux études de toponymies de I'Aftique romaine >, CT, 1967, p. 103-111, Propose au cottraire des corrections précieuses pour les deux toponymes qu'il étudie : pottr Quiza Cenitana, oppidum de !Érégrins chez PLrNs, 19, il suggère le rapprochement de Cenitama avec des formes attestées 1nr d'autes sourges ; pour le nom Boritanorum que donne une inscription du rf siècle, il propose la cor'

rection

eo. Buritanorunz.

18. SuÉroxg, Vle (Claud.), 25, 3.

19. Voir la mise au point de G. Arrôr-ov, < Notes sur la relation entre le droit de cité et la nomenclature sous lEmpire romain >, Latomus, 1966, 20. E. Baor.lrr, Foreign Clîentelae, 9. 260 et s., analyse les débuts de 498

la

nom

Des trois < niveaux > susceptibles d'être éclairés par lrexamen d'un nom, c'est surtout le dernier qui nous intéressera ici. Nous ne cherchons pas en effet à < démasquer > à tout prix I'indigène qui < se cache > derrière un nom romain. Quelle que soit son origine ethnique, un citoyen romain qui a accompli pleinement son intégration culturelle ne peut évidemment être considéré que comme un exemple parfait de romanisation et ne peut à ce tiûe nous intéresser. Seuls nous consernent au contraire ceux dont I'intégration a été incomplète. C'est donc une attitude sulturelle que nous recherchons à travers I'onomastique : c'est-à-dire le degré d'acceptation ou de refus de la romanisation de tel ou tel

groupe d'individus. C.omment s'établit donc la relation entre I'intégration culturelle

et la nomenclature ? Avant de répondre à cette quætion, on doit constater, à fintérieur des noms portés en Afrique, divers partages. Le principal sépare la population africaine en deux catégories : celle qui a imperturbablement conservé, sans les altérer en rien, les noms libyques ou puniquæ, et celle qui a introduit des modifications, plus ou moins gtandes, dans I'onomastique et la nomenclature traditionnelle.s. Ce partage évident demande p.ourtant à être nuancé. Car, si fon considère l'ensemble de l'onomastique africaine de tradition libyco-punique comme un tout face à une onomastiquo plus ou moins romaine, des questions se posenL Notamment celle-ci : à quel mobile pouvait obéir celui qui ohoisissait I'onomastique libyque ou punique ? La réponse æt multiple. Pour tous ceux ils étaient nombreux qui n'étaient pas - et culturelles touchés par les formes de la romanisation, le recours à I'onomastique traditionnelle est tout à fait naturel : il traduit, non un choix, non un refus de l'onomastique româine, mais une fidélité naturelle à un héritage ancestral. Or, cette masse est précisément cello dont nous ne savo$r rien, parce qu'elle est composée de tous ceux qui n'ont eu ni I'occasion, ni peut-être le besoin, de faire graver pour la postérité leur nom sur une pierre. Ceux qui I'ont fait, au contraire, représentent une minorité, çri l'exûension des noms 166sins dans les provinces sous la Républtque et eouligne I'importance des liens personnels de loyauté et de fidélit6 qui s'établissent e.ntre ls p€régrin devenu citoyen et le < patror > auquel il

doit cette naturalisation.

se distingue par le souci qu'elle a de faire écrire son nom en latin, même si ce latin n'est parfois qu'approximatif. La proportion des noms traditionnels, telle que la révèle l'épigraphie, ne correslnnd pas à la proportion réelle. On peut donc dire que I'ensemble des noms connus, y compris les noms libyco-puniques, ne se rapporte qu'à une fraction de la population africaine, celle accessible à une forme, même qui est si peu que ce soit - de romanisation, et- à laquelle se pose le problème détournée, traditionnel de toutes les sociétés où se ftouvent en contact deux cultures, celui de la < double appartenance >. Ce problème n'est pas nouveau en Afrique du Nord, puisque le premier élément novateur y a êté introduit par I'onomastique punique, qui s'est étroitement mêlée à I'onomastique libyque ". Si bien que le problème de la distinction entre les deux se pose parfois d;une manière aiguê. Un nom punique décèle-t-il oq"*iairement une origrne punique ? Il serait abusif de le croire, *. On surtout si l'on entend par origine I'appartenance ethnique sait bien en effet que, d'une part, sur une partie des anciens territoires gouvernés par Carthage s'était effectuée une fusion entre < Libyens > et Puniques (ce sont les Âr(ugo{vrxeç de Diodore ), et que, d'autre part, I'expansion de la culture punique postédeuement à la destruction de dans l'intérieur africain a touché nombre d'indigènes, qui ont ainsi adopté Carthage les habitudes puniques en matère de religion, d'administration ou d'onomastique. Une distinction entre les deux origines n'est donc possible que dans des cas particuliers, lorsque le critère onomastique peut être corroboré par d'autres considérations. C'est ainsi, par exemple, que la plaine du Fahs peut apparaltre comme une région *, tandis que les régions de Thugga ot de colonisation puniçe 21. Now nous permettrons de considérer ici comme un bloc unique I'ensemble de l'ooomastique libyquo, et nous ne tenterons pas de distinguer, à t'intérieur de cet ensemble, les diveB éléments constitutifa. Ainsi I'on ne cherchera pas, sauf cas particulier, à déterminer le répertoire de noms de

telle ou telle région, de tel clan ou de telle tribu. 22. Sur la difficulté de résoudre ce problème, voir les remarques pru' dentes de L. Ger.eru. in Revue inlernationale tonomastique, 1958, p.226' 23. Drooons oE Stcrt-e, ){X' 55, 4. 24. C. Porussor, < Jao eî Sttcubi >, Karthago, X, p, 93'129, 500

Ia

nom

de Mactar sont plutôt libyques. Mais nous aurons à revenir sur ces points.

Si donc nos documents ne permettent d'entrevoir qu,une fraction de la population, caractérisée par I'acceptation d'une double culture si atténuée que soit sette acceptation et si pauvre que soit cette culture le problème que nous évoquions (quel sens donner au choix du nom ?) ne se pose plus dans les mêmes

-

-,

termes. 1[ importe tout d'abord de savoir à l'intérieur de quellas limiûes s'opèrent les choix onomastiques. La liberté en ce domaine n'est pas bien grande : elle ne conoerne en principe que le ohoix du surnom, du moins pur les individus qui sont citoyens romains. On connaît f importance dt cogrnmen, il représente le véritable nom individuel, et c'est à travers lui que peuvent s,exprimer les traditions et les préférences de chaque catégotie de la popu-

lation. Or, les principæ qui régissent fonomastique romaine et l'onomastique africaine celle-ci étant très influenée par I'onomastique punique - sont différenæ. Alors que la première tente, à I'origine, d'individualiser un persomage par un de ses traits caractéristiques (particularité physique ou morale, événement remarquable survenu dans son histoire personnelle ou dans celle de ses ancêhes), la seconde au contraire essaie de marquer, dans le nom individuel, une relation particulière entre l'homme et une divinité choisie corlme protectrice privilégiée' : elle donne au nom une charge religieuse ou morale et lui prête même valeur de présage æ. Aussi n'est-on pas surpris de l'abondance, dans l'onomastique d'Afrique, de cognomina où se trouvent exprimés soit la vénération pour une divinité, soit une idée morale

u".

Les cognomina d'Afrique du Nord se distinguent par les traits suivants : I'abondance des noms de bon augure (tel Felix ou 25. Sur I'onomastique punique à Carthage, voir G. HalrF, it l(arthago, L963-t964, )ûI (surtout I'introduction). Toutefois, le caracêre fieÉ et héréditaire de toute nomeoclature est ignoré, ce qui amène à tirer des conclusions excessives du sens des noms et de leur étymologie. 26. J. TomÆq, Cltés..., p. 183. 27. Sur I'onomastique romaine d'Afrique, I. Kumro, < Peculiarities of Latin Nomenclature in North Africa >, Philologus, 1964, CVIIf,

p.

310-312.

Fortunatus, qui apparaissent respectivement I 240 fois et 815 fois en Afrique contre 2 300 et I 130 dans le reste de I'Empire) ; I'abondance des cognomira thés d'un participe passé, les plus fréquents étant Datus, Donatus, Rogatus, Optatus, dont le lien étroit avec le culte saturnien a déjà été souligné ; enfin fabondance de noms théophores, et surtout du nom théophore par ut. Mais doautres particularités, excellence, celui de Saturninus comme 1e rôle réduit du prénom, I'absence extrêmement fréquente de la tribu, sont évidemment aussi à prendre en considération le cas échéant'n.

Ainsi, les restes de I'ancienne onomastique africaine

sont

visibles au moins à trois niveaux, qui traduisent des choix culturels différents. On trouve en effet les catégories suivantes : des noms uniques, directement tramcrits dans les inscriptions (libyques, puniques, latines ou grecques), portés par dee pérégrins; des noms libyco-puniques modifiés (gentilices fabriqués, $rnoûN traduits), portés par ceux qui veulent se donner une allure romaine; des noms africains divers, servant de surooms et voisinant avec des noms latins, portés par des citoyens romains. Ces trois manières d'accommoder les règles de I'onomastique latine traduisent bien entendu des attitudes et des niveaux d'intépour ne prendre que gration différents. On peut par exemple le cas de quelques gentilices africains évidemment formés d'après sg ds64ader quel pouvait être le degré des surnoms indigènes *, du exact de romanisation des divers Minthonii de Mactar Bartgbatius de Pherali Maius", de Cobdollonîa Fortunda de Thugga', ou encore, I Sicca Yeneria, de Zabbius Marullus*, 28. On peut, à ce suiet, aligner des chiffres et faire des statistque qui laisseni apparaître la < spécialisation > de cs cognomlna au domainc africain d'influence punique. Mais il faut encore une fois souligner le handicap permatrent de ces types de calculs. Iæs chiffres ne cotrcernent que la-population assez romanisée pour habiter une ville, pour êtrc enterrée

-Oans

les nécropoles urbaines et pour repossr sous uae dalle

encore, nous retrouvons, à l'arrière-plan, la maiorité arrotryme qui rend suEects, sinon touiours vains, les calculs trop précis. Phtlologw, 1964, 29. l. Tonreru, Cités..., p. 180 et s.; I. Keremo, CVIII, p. 310-312. 30. Cn, VIII, 23401 ;23420 i 23437. gravée.

Ici

it

31. |LT,246. 32. ILA|, 588.

33. ILT, 16ll. 502

tæ nom

qui portent tous des gentilices fabriqués de toutes pièces en accolant la d6inence ins à un cognorhen qui est sans doute celui de leur père. Pour notre recherche des restes de I'onomastique africeine, quelle méthode pouvons-nous adopter ? Dans la mesure où nous ne pouvons qug nons limiter à des sondages, le plus important est de choisir, pour ces sondages, les lieux et les documents les plus représentatifs. Ainsi, deux types de documents nous retien-

dront

:

a) ceux qui contiennent des listes de noms appartenant à un gtoupe homogène (civil, religieux, militaire) et qui permettent d'analyser l'origine ethnique de ce groupe (tables de patronat, listes militaires, album de collègæ religieux dévoués à telle ou

telle divinité) ;

â) le second type de documents est tout simplement celui que consttue

la

série des inscriptions funéraires d'une ville

donnée. Dans la mesure où lbbjet de notre recherche est d'évaluer la plus ou moins grande survivance de I'onomastique indigène d'Afrique, les funéraires constituent un élément précieux :

I'image qu'elles donnent d'une population est moins déformée que celle qui sortirait de la seule analyse de dédicaces honorifiques.

Quant au choix des lieux de nos investigations, trois critères nous ont semblé devoir être retenus : celui de I'abondance de la documentation ; celui de la diversité des localisations, qui permet de déceler les diflérences entre les provinces ; celui de la diversité des statuts juridiques.

II. L'onomasûEre afrlcaine et ls

débub de la romanisation

Nous examinerons pour commenser une série de documents particuliers, les tables de patronat. On sait que ces tables sont des actes par lesquels une cité < faisait un pacte d'hospîtiunt avec un personnage influent et le choisissait comme patron s >. 34. R Clcllr, Cours dépieraphie lafine,4 éd., p.330; L. Henulxo, Le Patronat sur les collectivités publiques, Paris, 1957, p. 332 et s.

Le formulaire, d'ailleurs variable, de ces actes, comporte nécessairement à la fin la mention des legati; c'est-à-dire de c ceux qui ont été chargfu par les décurions de porter au patron la nouvelle officielle et de déposer chez lui la table gravée, emblème de I'honneur dont on vient de le gratifier' >. Ces legati sont généralement choisis parmi les notables de la cité (per viros prtncipalese), d'abord parce que c'est un honneur, mais aussi palce que la legaio pouvait être cotteuse et qu'un legatus fortuné était en mesure d'en prendre les frais entièrement à sa charge ". Si bien que nous avons là un moyen indirect de connaître les noms de quelques notabilités municipales africaines. Or, il se trouve gue nous possédons quelques-uns de ces documents, datant de différentes époques, mais surtout de l'époque augustéenne et du I"" siècle en gén&al, puisque le renforcement de la mainmise romaine sw YAfrtca entralne naturellement les cit& à se chercher des protecteurs $. La plus ancienne de ces tables est celle qui se rapporte à la ville de Curubis " : on ne peut la dater avec précision, cat elle est brisee au milieu, mais on sait qu'elle est contemporaine de t. Les noms des legati ne sont pas connus en entier, mais César les éléments qui subsistent sont nettement puniques :1...1 Hirnil-

conis f. Zentuc 1...1;. Muthunîlim Hil...l Ammicaris t. Zecenor L...7; Arnmicqis l. Lilua Mi[...]. Le nom du patron n'est pas sans intérêt : il s'agit d'un certain C. Pomponius. Or, on trouve, à la date de 45 av. J. C., à un moment où' Curubis

35.

L.

HenrrnarD,

op. cil., p. 337 (le choix du mot < emblème >

dans

ce coniexte n'est guère heureux). 36. CIL,IX,259 (daté de 344).

37. CtL,

Vr,

4A. CIL,

Vm'

1684.

38. P. RoMaxsLLr, Saoria..., p. 223, pense que les tables de patrotat peuvent être aussi < lexpression d'une entente plus cordiale établie entre Africains et Romains, en dehors des simples intérêts matériels >. Quoi qu'il en soit, ces tables sont la preuve de I'importance glandissante des lieos de clientèle : E. Baoux, Foreign Clientelae, p. tl, 260 et s., qui souligpe cependant la différence existant ettre l'hospitlwn' qui suppose des rapports d'égalité, et la clientela, qui suppose utr rapport de domi' oation, différence qui s'est résorbée en même temps que e'accroissait le pouvoir romaiu. 39. Àtles achéologlque de Tunisie, f. de Nabeul, no 61.

504

10525

{: D, 6094).

I*

tom

est déjà colonie, gue I'un de ses duumvirs, responsable de I'achèvement des travarx de fortification entrepris par les Pompéiens lors de la guerre contre C6ar, porte le oom de L. pomponius Malc(hio). Le cogramen Malchio étant d'origine punique r, nous nous trouvons donc en face d'un duumvir qui a obtenu la citoyen-

neté romaine de fraîche date, peutétre pa^r fintermédiaire de I'ancien patron de la ville, et qui a conservé son nom puoique. Ainsi, entre le moment où la cité a conclu un accord thospttium avec un citoyen romain et celui où elle est elle-même romaine, il ne semble pas quïl y ait eu de modifrcaton dans le recrutement ethnique des notables curubitains. Une évolution analogue peut se discerner à propos d'une autre cité d'Africa, Gurza$, où subsistent les trases de deux tables de patronat€, toutes deux très connues et parfaitement datées, La première remonte ù 12 av. J. C. : le patron choisi n'est autre que le proconsul L. Domitius Ahenobarbus. Le contrat est passé entre celui-ci et le Serwtw populasquc civitatùtfit stipendia.riorwn pago Gurzenses (le Sénat et le peuple des cités de stipendiaifes appartenant au pagus de Gurza). Gurza n'ext donc pas à proprement parler une cité, mais un pagw, c'est-àdire ici une circonscription administrative héritée de la période punique groupant un certain nombre de cit& peuplées de - Ici encore, I'onomastique est punique : Ammicar stipendîuii*. Milchatonis f., Boncar Azzrubatis f., Muthumbal Saphonis f. Chacun de ces noms est suivi d'une indication se rapportant à la civitas stipendiæia, qui est le bourg d'origine de chaque délé41. Il se rattache au radical MLK et se rapporte à I'idée de royauté. Autres exemples : CIL, YtlI, 978 ; 22637, 72 ; 23272 i MalcWus : 11115. 42. Sur la localisation de Gurza et du pagus Gurzensis, voir L. Ponssot, in R", 1942, p. 138-140; G.C. Prceno, in, Mé|. Plganiol, p. l2@; L. Foucunn, Hadrumetum, p. L?,6 et n. 381. D'après G.C. Prcaru, loc. cit., le pagas Gurzenis a peutêtre été formé par le démembremeDt du territoire d'Hadrumète. D'après L. Foucnnn, loc. clt (reprenant Poinssot), il y aurait derux Gurzp : celle dont il s'agit ici serait dans la région d'Utique. 43, CIL, VIU, 68 (= D, 609fl i voit AE, 1940, 157 ; CIL, YllI, 69 ;

voir AE, 1946,234. 44. Sur le pagus en Afrigue romaine, et les différentes acceptionr du mot, voir en dernier lieu : G. C. Prceno, in Karthago, 1969-1970, XV,

p.

3-12.

gué : c'est ce que suggère I'adjectif Uzitensis Cest-à-dire orique I'on trouve après le -nom de Muthumginaire tUzin de ce geme (Cynasyn, Aethogurzensis' bal. Les autres mentions Cuî. Nas.) se laissent moins aisément interpréter. G. Picard qui décompose Aethogurzeruis en Aetho Gurzensis, se demande s'il *. Le mot Cui. Nas. ne faut pas y voir un surnom ou un gentilice est cependant susceptible d'une autre explication : Ptolémée cite en effet une colonie du nom de Cuinna *. La seconde table est de 60 ap. J. C. : une modification s'est produite, tant dans I'onomastique des gens de Gurza que dans

le statut administratif de la cité. I* traitê de patronat est

en

effet passé avec la civîtas Gurzensis ex Africa, et non plus avec le pagus, qui semble donc avoir été supprimé comme circonscription. A f intérieur de la civitas, les noms des habitants prennent une allure romaine : Flerennius Maximus Rustici f., Sempronius Quartus Iafis f. Mais on distingue aisément trois traits qui permettent de conclure que les personnages en question ne sont nullement romains : ils ne portent pas de prénom, la filiation est indiquée non par le prénom mais par le cognomen paternel, enfin I'un des cognominn patetloiels est certainement d'origine punique ou libyque (Iafis). La transformation de I'onomastique des habitana de Gurza ne s'arrête pas là, comme le prouvent deux inscriptions de Rome où apparaissent des Gurzewes: dans

l'une n' est nommé C. Iunius C. f. Quirin. Cusenis Forhrnatus, mort pendant son service militaire dans les vigiles ; dans I'autre, P. Rutilius Saturninus P. et Fortunatae filius. Bien qu'ils soient

tous deux citoyens romains, lears cognominn, Fottttnatus et Saturninus, et le cognomen de la mère du second, Fortunata, pennettent de postuler une origine africaine. A côté de ces cas particuliers où l'on peut au moins esquisser une évolution de I'onomastique, nous possédons quelques autres exemples significatifs de l'onodastique des cit6 africainæ du r"" siècle : nous pouvons y voir en pafticulier la différence très nette qui sépare les citoyens habitant une colonie des pérégrins habitant we civitas. 45. G.C. PtcAno, in Mé\. Piganiol, p. 1263, n. 3. 46. ProrÉuÉe, IV, 3, 9 (ed. Mûller,l, 2, p. 653).

47. CIL, 506

yl,

32757.

Læ nom

Iæs textes a sont relatifs aux villes de Themetra$ (civitas Thernetra ex Atrica), Thimilgaoo, Apisa Maiuso' (civitas Apisa Matw) et, Sîagu'z (senatus populwque Sîagitaws) qui choisisse,nt comme patron C. Silius Aviolao'. Les noms des legati, au nombre desquels figure régulièrement le surfète, sont presque exclusivement puniques *. Seules exceptions, le nom d'Aristo, évidemment emprunté au grec 8', et celui de Celer, qui est latin uu. Mais Celer, suffète de Siagu, a poru père Imilcho Gulalsa, ce qui ne laisse pas de doute sur ses origines indigènes. Ainsi, au cours des

48. On connait I'histoire mouvementée de ces quatre tables de bronze découvertes ensemble dans la locahtÉ, de Zenano (Val Trompia, Lombardie). Deux d'enÛe elles, dont oa avait perdu la trace depuis le XVItr" siècLe, ont été retrouvées à Milau (celles de Therneta et de Thimilea) et republiées par P. RouenBLLr, < Tavole di patronalo di citta dellâfrica >, Bulletlno del Museo d.ell' Impero rcmano, !939, X, p. 4144. Cette republication a donné lieu à deux notes de A. Merlia et de J. B. Chabot in BAC, 7941-7942, p, 261-264.

qui avaient été

49. CIL, 50, cE, 51. cIL, 52. CIL,

ks

V,

4919. 4920. V, 4921. V, 4922.

v,

quatre cités sont pérégrines et administrées par des suffète. Thimilga n'est pas encorre lorcetisêe. Thetnetra a été identiflée par L. Poinssot avec rur petit port punique de la région du Chott Merit à une vingtaine de kilomètres d'Hadrumète (L. Ponssor, < Une inscriptioa de Souani el Adari >, RT, t942, p. 125-140). Themetru a eûcore un suffè,te sous Antonin lc Pieux (ibid); Aplsa Maius est proche de Bou Arada (Atlos arch. Tun,, f. Bou Arada" no 111), ,graga d'Hammamet (tbid,, f., Hammanet, n" 4). Iæ patron que ces cités se sont choisi est tribun rniti53.

*ule

III Augusta et praelectus fabrum. En tant que praelectus lab1yrn, ses rapports avec le proconsul sont étroits et constants, ce qui explique sans doute qu'il ait été choisi comme patroû. Peut€tre a-t-il été un compatriote du proconsul Vibius Marsus. 54. P. RoMaNeLLtr, loc. cî1., p. 4, avait proposé une correstion au &xûe de Thitnilga : à la ligne 16 il lisait Anno Azrubalis Exuceiarzo. Mais A. Merlin et J. B. Chabot, après réexamen d'une photographie, préfèrent conserver la lecture initiale : Anno Azrubalis f. Aucfiarzo (BAC, lg4l1942, p. 261, 263). Par ailleurs, les noms figurant sur les tables de Themetra et de Thlmilga font I'objet de quelques remarquos de Cbabot (loa cît., p. 263-264), qui en donne quand cela est possible l'étytaire de la

mologie.

55. CIL, V, 4921. 56. CIL, V, 4922.

-

-

27-28"',la

romanisation des noms en est encore, dans les cités en question, à ses débuts. Le cas de Celer, suffète de Sîagu, est cependant intéressant : il porte un nom latin sans être citoyen (car s'il était citoyen, il porterait les tria rnrnina), et le choix de ce nom ne traduit nulle volonté de conserver une trace de l'ancienne onomastique, contrairement aux innq6fo14lles Donnti et Saturnîni qui fleuriront par la suite. Dans I'onomastique punique des délégués de Thimiliga, une particularité est à noter : le nom de chacun est suivi du nom de son père au génitif, puis d'un troisième élément qu'il est difficile de définir. Il s'agit peut4tre d'un adjectif désignant I'origine de chacun u', ce qui laisserait supposer que la ville de Thimilsa était divisée en < cantons > : l'un de ces adjectifs d'origine est cité deux fois (Aedebil). Si fon examine au contraire les tables de patronat relatives années

aux villes de Tupusuctu et de Portus Magnus,l'impression est toute différente. A Tupusuctu, qui est ane colonia lulia lormée avec des vétérans d'vne legio VII,Iæ noms des légats sont parfaitement latins u' : Q. Caecilius Q. f. Palatina Firmanus et M. Pomponius M. f. Quir. Vindex. Dans cette table, qui date de 55, tous les éléments de la nomenclature romaine figurent à leur place, et rien ne permet de discerner la moindre trace d'originè aficaine; il faut même noûer que la mention de la incline qui est très peu ftéquente en Afrique tribu palatina augustéens, vétérans des de descendants qu'il s'agit ici à croire installés dans la vallée du Nasavath pour surveiller et contenir les populations du Djurdjura, et non pour les assimiler. A Portus Magnus, la situation est moins nette : nous savons quï s'agit 1à d'une ville classée par Pline au nombre des oppida inU* Romanorum. La table de patronat qui y a été trouvée*' n'est pas datêe, et le nom des tegati est incomplètement connu 5?. Les dates consulaires qui figurent sur læ tablettes indiquent fanrlêe T1 avec certitude, et fannée 28 avec une forte probabilité, voir P. RoMlxeLLt, Ioc. cît., p. 42. La discussion sur cette datation est résumée in RE, X, 1092, n. 166. 58. La situation serait ici analogue à celle que nous trouvons à Gurza; voit supra.

59. CIL, VUI, 8837 60. dL, vtII, 9767.

508

(= D'

6103).

Iz

nom

Il

semble cependant que I'on ait une onomastique latine plutôt traditionnelle. Notons que I'un des légats a le cognomen de Iolita,r{us). IoI étant I'ancien nom de Coesarea et la capitale de la Maurétanie sous Juba II, notre homme est sans doute le descendant d'un ancien habitant de lol établi par la suiæ à Portus Magnus. Nous trouvons 1à peutétre une trace de ces migrations intérieures que nous avons signalées ailleurs .,. L'ensemble de documents que nous venons d'évoquer pennet donc de voir comment la classe dirigeante des cités africaines mise en pr6ence de cette réalité politique qu'était la progressive mainmise romaine s'ga est peu à peu accommodée.

- la protection de Tout en s'efforçant d'obtenir

fonctionnaires romains, les chefs des cités sont restés attachés à leurs Nages onomastiques propres, et ûe les abandonnent que tr* lenûemen! sans que cet abandon se résigne à être complet. C'est ce schéma que nous retrouvons dans l'analyse de I'onomastique des cit6.

III.

Aperçus sur |tonomastique des cités africaines

Les sondages onomastiques que nous proposons de faire concernent d'abord, comme il est naturel, la province dAfrica. Nous la prenons telle qu'elle se présente avant la réforme de Septime Sévère, c'est-à-dire qu'elle comprend, non seulement I'Afrique propre, mais aussi la Numidie et la confédération cirtéenne, ainsi que la Tripolitaine. Dans ce vaste ensemble, qui a été le plus touché par la romanisation, les résultats de I'enquête onomastique ont toutes chances d'être particulièrement éloquents. Nous étudierons la population de Lepcis, capitale de la future Tripolitaine, où I'influence punique et f influence romaine apparaissent longtemps comme concurrentes. La population de la plus grande cité de I'Afrique, Carthage, nous occupera ensuite, et il sera utile de savoir comment s'est effectué I'accroissement de la cité à partir du noyau colonial initial. Cest un tout autre 61. La population d'Altava semble issue d'uue semblable mi$ation. A. Brscueoucn, < Mustitana I >, Karthago, XW, p. 142, relève à Musti

un nouvel exemple de ces déplacements de population.

type de cité que nous trouverons à Thugga, où la coexistence d'un pagas avec la civitas indigène donne à la population un aspect original. Une cité comme Mactar, dans le Haut-Tell, marquée par la double influence punique et numide, fournira un intéressant contrepoint. Les trois garnisons de la légion africaine, Amrnaedara, Theveste, Lambèse, nous permettront de suivre l'influence des militaires dans la romanisation. F;nfrn Cirta, et loune des multiples bourgades qui font partie comCastellurn Celtîanum de la confédération cirtéenne

-n pléteront cet ensemble. Pour les sondages que nous voudrions effectuer dans les Maurétanies, nous sommes bien moins pourvtr en matériel épigraphique. En Césarienne, I'album des iuvenes de Saldae ne nous fournit qu'une coupe statique, intéressante certes et emplie d'enssignements, mais limitée à une seule génération, ou plutôt à deu6 puisque I'on peut faire la comparaison entre les noms des pères et les noms des enfants. Grâce au recueil des inscriptions d'Altava, nous pouvons connaître les particularités d'une petite cité à vocation militaire et soulever le problème des migrations internes. De la Tingitane, nous retendrons surtout le cas de Volubilis. Nous pourrions enfin, grâce à quelques documents explicites (album de Timgad, tablettes Albertini), avoir une idée de I'onomastique africaine tardive. Chacune de ces études exigerait une monographie détaillée. Nous avons cependant cru pouvoir limiter l'étude de détail à un seul exemple, celui de la capitale de la Tripolitaine. En effet, mais avec plus d'un millier d'inscriptions en majorité latines comportant un nombre non négligeable de textes glecs, 1éo.la Tripolitaine fournit à puniques et < latino-libyques , -, commodément rassemblé i'etuAe onomastique un matériel utile, dans un recueil o : la ville de Lepcis Magna rassemble à elle seule environ six cents textes. L'épigraphie lepcitaine mérite donc un examen particulier, car elle ost fournie en documents de toute sorte, propres à nous renseigper sur les traits distinctifs 62. I.M. RBvNoLDs, J.B. \Yano-PERKTNs' The lnscrîptions ol Roman Trlpolitania, Rome, London, 1952 (cité : IRl)' Le recueil est à compléter pai : J. M. Rrvnor-os, < A Supplement to the Inscriptions of Roman Tripotitania >, PBSR, 1955, XXIII, p. 124'L47. 510

b tpm de la population de la cité, ainsi que sur l'évolution économique, juridique et culturelle de cette population. De plus, pour avoir êtê la patie du fondateur de la dynastie sévérienne, Lepcis a été amenée à jouer le rôle de pépinière où s'est recrutée une partie du p,ersonnel politique romain. En raison de ce caractère oxemplaire, il a semblé utile d'accorder à la population lepcitaine une place beaucoup plus importante qu'à celle des autres cit6, pour lesquelles nous nous contenterons de sondages bien plus rapides. Ce sera successivement Carthage, Thugga, Mactar et les trois villes où séjourna la légion z Ammaedara, Theveste, Lambèse. Chacun de ces centres urbains, de par sa localisation et son passé, présente un aspect original.

L, La population d,e Lepcrs Magna et son orrcmastique Ses avantages naturels ont fait de Lepcis, dès I'origine 6, le plus important des trois emporia, Seule, elle a un poft

naturel, modeste mais infiniment valorisé par I'absence de tout abri pour les navires sur I'ensemble de la côte syrtique. Seule, elle possède un arrière-pays agricole, alors que ses rivales possiblæ, Oea et Sabratlw, sont isolées de I'intérieur par I'aridité de la Djefara. Enfin, il est probable que la piste caravanière la moins longue etla mieux pourvue en eau soit en fait celle qui passe à l'est de la Djefara, quoique les Romains aient dt préférer, plus tard, celle qui part d'Oea et passe par Mizda. De la Lepcis phéniciennen dont la fortune se fonde sur le cornmerce des denrées exotiques venues du Fezzan, il ne reste pas grand-chose. Elle s'étendait sans doute, à I'embouchure de l'oued Lebdah, sur la rive gauche, au nord-ouest de I'emplacement du Forum vetus i son cimetière devait occuper la place

du théâtre augustéen. Mais, à mesure que sa richesse lui donne les moyens d'affermir sa force, elle soattache à étendre progressivement son contrôle sur son arrière-pays. Et quand cette coqquête

63. Sur I'origine de Lepcis, voir A. di Vrr6 c La Date di fondazione Sabratha sulla base dell' indagine archeologica e I'eparchia cartagitese d'Africa >, Hommages à Marcel Renard, III, p. 19G202 : la fondation des villcs des Syrtes semble obéir aux nécessités d'une seulo métropole, Cartbage. Sur I'histoire de Lepcis avatrt son incorporation à fEmpire romain, voir les documents cités dans IRT, p. 73-78.

di Leptis e di

511

de l'intérieur est devenue effective, une profonde reconversion économique s'opère. Lepcis, sans négliger pour autant le commerce avec les caravanes, tire une part de plus en plus grande de sa fortune de l'exploitation agricole. Malgré les hasards parfois malheureux de sa vie politique, Lepcis s'accroît et, sous Auguste, prend une tout autre allure. De nouveaux quartiers, de nouveaux édifices publics jaillissent autour du noyau initial et gagnent I'intérieur, tout en se maintenant sur la rive gauche : ainsi la ville englobe le Forum vetus et s'étend, au-delà, jusqu'au marché, dans I'alignement rectangulaire caractéristique de furbanisme romain *. En même temps, pour faciliter les déplacements entre la ville et le plateau de Tarhouna, est construite, * sous Tibère, Ia < route de I'intérieur >, gûi va jusqu'à Mesphe ; même de la ville est facilitée par le la circulation à l'intérieur principales communications le long les repavage des artères ; la route qui, à l'ouest, à déjà établies,grâce étaient la côte de joignait Lepcis à Oea, Sabratha et Tacape. Au moment où interviennent ces améliorations, quelle image pouvoilr-nous nous faire de la population de Lepcis ? Cette image, bien entendu, nnest pas fixe, et nous allons la voir évoluer. Mais notre analyse tentera de combiner une vision chronologique et une vision socialen dans la mesure du moins où cela est possible, car il est souvent difficile de dater les textes.

Lepcis att Iu' sîècle : les traditions puniques L'élément romain ou italien y est à peine représenté' Durant le r" siècle la constitution ancienne est encore en vigueur. La cité qui se définit comme le senatus populusque Lepcitanorumsu a, à ia tête, deux suffètes. Nous connaissons les noms de quel-

A.

ques-uns d'entre eux

:

Muttun, fils d'Hanno; Annobal Tapa-

64. IRT, p.77. 65. C'est la route construite sur I'ordre du proconsul Lucius Aelius Lamia. Voir R. Gooocmr.o, The Roman Roads and Mîlestones of Tripo' litania, Reports and Monographs of the Department of Antiquities, Tri-

politania, n" 1, Tripoli, 1948, p' 12, n" 6 (IRT, 930). Il est probable que èette route eut, à I'origine, un second but : celui de faciliter les mouvements de troupes en cas de troubles dans I'intérieut (ab oppido in medi'

,erraneuùt: IR?, 930). 66. IRT, 615. 512

Iz

rom

pius Rufus, fils d'Himilcho 6'; Ithymbal Sabinus Tapapius, fils d'Aris 6 ; Iuttaph Domitius 60 ; Boncartl, fils de Mu-thumbal ., tous d'origine évidemment indigène. Lss bienfaiteurs de la cité sont aussi des indigènes : Annobal Tapapius Rufus, qui finance Ia construction du marché, de ses dépendances, et du théâtre, entre 9 et 8 av. J. C. et L-2 ap. 'r. Plus tard, Iddibal Caphada Aemilius, fils d'Himilis n, Iart élever un clwlcidicum en !,an 12 ; et enTl-72,Iddibal, fils de Balsillec, petit-fils d,Annobal, anièrepetit-fils dnAsmun æ, consacre deux cent mille sesterces à fornementation d'un temple de la Magw Mater, Dnaufte pafi, Lepcis continue, jusque sous Auguste et Tibère, à frapper des monnaies à légende punique'n I les inscriptions en néo-punique sont encore nombreuses 6, et il est probable que la majorité des Lepcitains

ne pade pas autre chose que le punique'u. Les seuls personnages portant les tria nomina que nous rencontrions, durant la première moitié du r"" siècle, sont des < fonctionnaires >. Mais la présence d'un nom sur une inscription lepcitaine n'implique pas nécessairement que le pennnnage soit installé à Lepcis. On leÛouve ainsi le nom des divers pro. corsurs, dont la mention sert le plus souvent de point de repère chronologique, et celui des légats qui eurent sous leur juridiction une partie de la Tripolitaine : Etrilius Lupercus ?, Cassius Gratus 't, Silius Celer *, etc. On a longtemps admis, à tort semble67. IRT,319,32L,323. 68. IRT,341. 69. rRT, 599.

70. IRT,294. 71, IRT,319,321,322,323 et inscription néo-punique 72. IRT,324.

2?.

73. IRT, 3tO; CIL, YfiI, 2267L c. L. MiJwEn, Numismatique de lancîenne Àlriqae, Copenhague, 1861, U, p. 3; supplémen\ 1874, 33 et s. 75. P, RoÀaluer'r.t, Leptis Magw, Monografie a cura del Minisærio delle Colonie, l, Rome, 1925, p. 22, l2l; G. Levr orr.r.e Vne, < Due iscrizioni imperiale neopuniche di Leptis Magna >, Africa ltaliana, 1935, VI, p. 15 et s. Il est possible que les inscriptions des thermes de Lepcis datent du règne d'Hadrien; voir R. Benroccnr, Le Terme di Leptis (Leptis Magna), coll. Africa italiem" Bergame, 1929, p,28, l8l et s. 74,

76. P. RorrLlmLrf,., Storia..,, p. 221. 77. IRT, 330, 337, 540. 78. rRr, 338.

79. IRT, 941.

t7

t-il, que ces Iégats séjournaient à Lepcis, qui dut être la capitale du < districtm >. Il se constitue peu à peu une véritable petite colonie d'Italiques, rattachés plus ou moins directement au service de l'empereur. Avec les détachements de la III Augusta, dont nous n'avons aucun témoignage épigraphique datant du I"' siècle, mais dont nous pouvons raisonnablement penser qu'ils ne séjournent pas loin de Lepcis, ce sont les premiers noyaux autour desquels s'exercera Ia romanisation. Dautres Italiques, soit propriétaires terriens, soit commerçants, sont certainement à cette époque installés à Lepcis, mais les inscriptions ne nous donnent sur eux que peu d'indications. Nous avons cependant, fort heureusement, I'exemple des Fulvii 8i qui peut nous éclairer sur cette partie de la population lepcitaine.

Les Fulvii apparaissent pour la première fois dans deux inscriptions lepcitaines, dont l'une'2 est une dédicace à Auguste *, datant de 3 av. J. C., I'autre une dédicace à Gaius Caesar postérieure d'une année : ces décicaces sont < signées > Fulvii Lepcitanî, et on se demande pourquoi ces Fulvii éprouvent le besoin de se d&iper nommément comme læpcitains. La réponse est simple iles Fulvii étant une famille aux représentants innombrables dans le monde romain en général et à I'intérieur *, ceux de Lepcis, avec une touchante de I'Afrique en patriculier < fierté nationale >, tiennent à se distinguer de la masse de leur homonymes. D'où leur vient donc leur qualité de Lepcitains ? Il n'y a que deux possibilités : ou bien ce sont des indigènes, qui ont reçu individuellement le droit de cité, ou bien ce sont des commerçants romains immigrés. Sans être impossible, Ia 80. C'est ce que croit P. RoMeNsru, Leptis Magna' p. 24 et s' Mais

A. Cnasrecxoç in Libyca, 1958, VI, p. 7'19,

conteste ce partage et

montre qu'il u'y a, en tout, que trois légats (dont I'un est le légat de Numidie). Cependant L. Foucnen, Hadrutnetum, resle fidèle à la thèse traditionnelle.

x,

S1. Cf. P. RoMexeLLr, < Fulvîi Lepcitani >, Archeologia classîca, 1958,

p.25. 82. IRT, 320. 83. IRT, 328. 8"1, < Fulvius >, RE, col. 229,

514

I*

nom

première hypothèse n'est guère probable. Nous avons vu que, pndant tout le début du r"" sièclg les grandes familles, ds la bourgeoisie lepcitaine sont encore pérégrines et portent des noms puniques; et I'on se demande quel mérite singulier aurait pu faire donner aux Falvii la citoyenneté romaine à si haute époque. En revanche, la deuxième hypothèse apparalt comme bien plus probable. En effet, grâce à un texte dæ Venines *, nous savons que, dès la fin de la questure de Verres, il y a des commerçants romains à Lepcis.Il est donc tentant de penser que ces Fulvii, famille d'origine plébéienne qui n'a guère eu de représentants notables avant le I"' siècle, font partie d'un premier contingent de Romains attirés par les profits issus du coûtmerce saharien. On peut donc postuler qu'ils viennent doltalie, sans pouvoir bien préciser d'où. Quant à Marcus Fulvius Saturninus'6, flamine de Tibère, soli. cognotnen de Saturninus, si fréquent en Afrique, pourrait faire croire que c'est un affranchi d'origine indigène, mais il n'y a rien là de str, car les Saturninus ne sont pas rares du tout hors d'Afrique. Si I'origine de la famille est relativement obrscure, ses développements postérieurs au contraire sont connus : Cest d'elle en effet que sortira, par sa mère, I'empereur Septime Sévère. Ainsi donc, sans cherchel

I

mininissr l'influence

de l'élément italique dans la vie de Lepcis, nous ne devons pas nous leurrer sur l'importance de cet élément : il est numériquement faible, et nous venons qu'il le restera. En fait, le véritable élément moteur de la prospérité lepcitaine est dans la bourgeoisie indigène d'ascendance punique. Les riches familles lepcitaines n'avaient d'ailleurs pas attendu les Romains poqr comprendre quels bénéfices elles pouvaient tirer des richesses de leur arrière-pays. Et, lorsque la Tripolitaine s'intègre dans l'Afrique romaine, Lepcis possède déjà, installée aux plus hauts postes toute une < aristocratie bourgeoise >. C'est, par exemple, la famille dæ Tabahpi'1 nom indigène qui fut latinisé en Tapapii ou Tapafîi; ses représentants se rencontrent pendant une bonne partie du I" siècle. Citons, entre autres : Annobal Tapapius Rufus, fils d'Himilchon s, que nous 85. CrcÉ,nox, Yerres, II, 86. rRT, 596.

87, lRT,319, n. E8.

/Rr,

V,

155

: T. Herennius.

8.

319, 321, 322, 323. 515

avons déjà vu ; Bodmelqart bsn Bodmelqart Tabahpi Grigil " ; Iddidal Tapapius, fils de Magon'o ; Ithymbal Sabinus Tapapius, fils d'Aris " ; Abdmelqart Tabahpi " ; Tapafius Diodorus Nizaz, fils dâris *. Malgré leur situation élevée, les TapapiÎ ont la coquetterie de conserver leur nom anciet, intact ou à peine modifié.

Mais d'autres familles ajoutent à leur nom originel un nom latin. C'est ce que font Iddibal Caphada Aemilius, ou la famille d'Anno *, eui comporte : l'ancêtre d'Anno, son fils Caius Anno, son petit-fils Anno Macer 05, et ses arrière-petits-enfants Caius Phelyssam et Balitho Commodus. Ainsi encore Boncar Mecrasi ", fils de Byrycht Balsilech, médecin qui se fait appeler Clodius et rédige son enseigpe " en néo-punique, en latin et même en grec, sans doute pour suggérer qu'il participe à la science médicale gréco-romaine ". Nous voyons ainsi cette bourgeoisie s'acheminer peu à peu vers la romanisation. Elle ne se contente pas de prendre des noms romains, elle imite la vie romaine et fait construire un temple de Rome et d'Auguste, dont les scupltures " proviennent

la

39. IR?', néo-punique 28 : it faut peut-être voir dans le mot de Grig'l transcription punique de Graeculas, coûrme le suggèrent les éditeurs

des

IRÎ.

90. IRT,273.

9t, IRT,341 et néo-punique

29.

92. IRT, néo-punique 12. 93, IRr, 745. 94. Arbre généalogique établi par S. AunrceMMl, in Africa italiana, 1940, VIU, p. 42; reproduit dans IRI, 615, n. l. 95. Le cognomen Macer retiett I'attention; on sait en effet que la Vita de Septime Sévère attribue à I'empereur un grand-père du nom de Macer (1, 2). Mais il est hasardeux de tirer la moindre conclusion de ce rapprochement : J. Gurv, < L'Inscription du grand-père de Septime Sévère à Lepcis Magna >, MSAF, 1951, L)O(XII, p. 163.

96. IRT,654-655. 97. Les textes latins sont au

CIL,VIII,

15-16. Les textes grecs se trou-

vent dans les Inscriptiones Graecae ad Res Romanas Pertinentes, I' 937938 ; le texte punique : Rivista della Tripolitania, IlI" 95, 98. Sur I'emploi du grec par les médecins, voir les remarques de

L.

RosBnr, Revue des étades grecques, 7953, p.202.

99. S. AumaËMMA, < Sculture del Foro Vecchio de Leptis Magna, raffiguranti la Dea Roma e i principi della casa dei Giulio-Claudi >, Alrica italiana, 1940, VIII, p. 1 et s. 5lô

Ia rcm dhectement d'ateliers glecs ou alexandrins't. Et lentement le conservatisme de ces bourgeois s'amenuise : un grand nombre de familles riches acquièrent les droits de citoyens 1e6nins. Çs changement est visible dans I'onomastique dæ magisnats lepcitains de la fin du r"o siècle. Une inscription de 9l-92!û mentionne coûrme suffète Tiberius Claudius Sestius, qui est gratifié du droit de porter le Latus clavus pat L'ordo et populus de la ville. Au nom typiquement indigène des suffètes du début du siècle s'est substitué désormais un nom parfaitement romain; en même temps, le sen@us populusque Lepcitarnrum a cêÂê Le pas ùl'ordo et populus. C'est donc à des familles indigènes devenues < romaines >

depuis peu qu'appartiennent Claudius Sestius'*, L. Septimius Severus, le grand-$re de I'empereur'@, Marcius Dento 1u. Cette adoption de la citoyenneté romaine ouvre parfois la voie à une s$imilali6a totale, coulme en témoigne le cas de Septimius Severus, à qui Stace ,a dédié une de ses SlTyes's : ca personnage, vivant à Rome, avocat brillant et poète médiocre, ami de Martial 100. D'après

P. RoaaenBru, Storia.,., p. 219, n"

l,

les caractèræ de

< classicisme accentué > des sculptures font penser à une origine plutôt

grecque que romaioe.

t0t. IRT, 347,

102. Ce.st probablement lui qui est le titulaire de I'inscription acépMe IR?, 318, datant de 92-93. t03. IRT, 412. 104. rRT, 600. 105, Sylvae, fV, 5. Les divers passages de ce texte, où est affirmée

l'origine africaine du dédicataire, sont commentés par A. Brnræv, Jeprimius Severas. The Afrtcan Emperor, Londres, 1971, p. 36-39. A. Birley accepte I'identification entre lami de Stace et L. Septimius Severus, le grand-père de Septime Sévère. Mais cette identification est controversée : voir les arguments divergents récemment fournis à ce sujet par T. D. BeBNEs, < The Faoily and Career of Septimius Severus >, Hlstorîa, 1967, 16, p. 87-89 (qui est contre lldentification) ; et par A. BrnLEy, < Some Notes on H.A. Severus, L4 >, Hlstoria Augwta Colloquium, 1968-1969, p. 63-65, 75-77. On ne peut cependant considérer le débat comme clos. L'un des principaux arguments de A. Birley que Sévère - le fait I'aoi Septime possédait des terres près de Veis, là où précisément de Stace avait les siennes que sur une correction apportée au texte de - ne retrx'se (Vita Sev.), 4, 5 : unum fundum lnvenit et lam 6. l'Hlstoîre Auguste corrigé e\ unurn twdum Veientent ov Veientanum. La correction est due à M. Hemloxo, < Septimius Severus, Roman Bureaucrat >, Hamard Stuclies Class. Philolog., 1940, p, 142-143.

et de Stace, reçoit de celui-ci des éloges, parce qu'il n'a plus rien de punique :, Non sermo poenus, non habitus tibi, externa non rnens : Italus, Italus, s'écrie Stace. Le compliment est un peu appuyé, Dab sans doute devait-il plaire. Il indique cependant qu'une si parfaite < assimilation > était assez rare pour être objet de louange. Mais, déjà sous Claude, on trouvait à Rome de ces Lepcitains < assimilés >, tel Lucius Annaeus Cornutus, un des maitres du stoïcisme, qui eut pour élèves Lucain et Perse 16. C'est donc au niveau le plus élevé, celui de la haute bourgeoisie, que s'exerce ù Lepcis, au r"' siècle, fattrait de la < romanité >, que s'amplifie la conquête morale et spirituelle. Et à Lepcis, comme dans d'autres cités d'Afrique, c'est cet accord entre la minorité italique e1 la minorité indigène riche qui est peut-être attesté par la vénération commune de la déesse Concordia'or.

Une situation aussi favorable, s'appuyant sur la prospérité agricole et commerciale, ne pouvait manquer de recevoir une consécration juridique : la civîtas de Lepcis pouvait à présent s'élever dans la hiérarchie des statuts municipaux. Un problème se pose icr : Lepcis fut-elle directement élevée au statut colonial par Trajan ou bien fut-elle d'abord transformée en municipe ? Il nous faut examiner la question. Nous savons avec certitude que Lepcis est devenue colonie grâce à Trajan : les surnoms qu'elle a pris à cette occasion ne laissent pas de doute : colonia Illpia Traiana'*. Mais quel était son statut avant cette transformation ? La controvenie sur I'octroi à Lepcis du statut de municipe est ancienne ''. Elle est née de la discordance qui semble exister entre les indications fournies par les inscriptions. Dnune part, en

to6. PrN, A,

609.

LO7, IRT,271, 284,353. 108.

lnî,

109. N. Dronesst, < L'Ordinamento di Leptis lVÏagna ael primo secolo dellTmpero e la sua costituzione a municipio romarro >, Epigraphica, 1945, VII, p. 3-21 ; l. GueY, < L'Inscription du grand-père do Septime Sévère à Leptis Magna >, MSAF, 1951,82,p. 16l'226 i ID., < Epîgraphica Trl' polîtana >, REA, 1953, LV, p. 351-358. 518

Ip

nont

effet, Lepcis est appelée nwnicipiu,îx,'0, dnautre part le titre et la fonction de suffète sont attestés bien après ces dates "'. pour concilier ces deux données, on a élaboré diverses hypothèses : l'existence ù Lepcis d'une commune double ru : à côté du municipe se serait maintenue la civitas avec son système suffétal ;

l'emploi sans signification juridique précise du terme de municipe : le mot serait ici synonyme de civitas"" i

-

I'existence d'un statut municipal particulier et qui serait le < municipe suffétal tto >.

sans autre exemple :

Les deux premières hypothèses ne ûous semblent pas pouvoir être retenues : la première parce que l'on sait maintenant qu'il n'y a pas à proprement parler de communes doubles en Afigue "u ; la seconde parce qu'il est peu waisemblable qu'au r" siècle le terme de municipium ait pu être appliqué à une civitas. La troisième hypothèse nous semble plus conforme à la vérité : il est en effet incontestable qu'il y a à Lepcis un municipe "8 et que ce municipe est dirigé par des suffètes. Le fait que le municipe a conservé à ses magistrats leur nom traditionnel doit-il vraiment nous surprendre au point de nous emener à imaginer une nouvelle catégorie juridique ? Il ne nous semble pas. Nous savons en eflet, gtâce au texte fameux d'Aulu-Gelle, qu'un municipe a la possibilité de rester frdèle à ses coutumes et à ses lois "'. Cetûe liberté qui était laissée même aux muni110. En 77-78 z IRT, 342; en 82-83 z IRT, 346, 111. En 82 z IRT, 347 i en 93-94 : IRT, 348; sous Domitien : lRf, 349 ai et eniin sous Trajan : IRT, 412. ll2. Dn Rucotpno, Dîzîonario epigraflco, t953, lV, col^ 662 (p. Romanelli). 113. S. Aomonuue, < L'Avo paterno, una zia ed altri congiunti dell'imperatore Seyero >, Quademi di archeologia della Libia, 1950, f, p. 59 ; suivi par J. M. Ranroros, I B. Wano-PsneNs, in IRf, p. 80. 114. I. GuEy, loc. cît.; J. Gnscou, La Pohrtque municipale,.., p. 77. 115. L. Tnurscn, in .Rev. int. dr. ant., 1961, VIII, p. 28l-356. 116. Ce municipe ne psut être qu'un municipe latin, puisque c'est seulement au moment de I'octroi par Trajan du statut colonial que la totalité des læpcitains accédera à la citoyenneté romaine. 117. Awu-Garr.r, 16, 13, 4 z ... cum suls morlbus legtbusqae uti

possewl,..

cipes romains dont Aulu4elle parle dans ce passage ne devaitelle pas être a fortiori laissée aux municipes latins "'? Ainsi Lepcis fut d'abord un municipe, avant de recevoir de Trajan l'honneur du statut colonial. Dans un grand mouvement de reconnaissance, les Lepcitains élèvent à fempereur un magnifique arc de triomphe "'. Devenus citoyens de plein droit, ils vont maintenant se consacrer, durant tout le tt" siècle, à se construire une ville digne d'eux : le marbre fait son apparition dans I'architecture lepcitaine pour la construction des thermes d'Hadrien. On I'imagine sans peine, pendant ce rr" siècle de paix et de travail, la population de la ville va s'accroître pour connaitrc son acmé sous Sévère "o. Coest cette Lepcis florissante que nous devons examiner. Sa population, que nous ne nous hasarderons pas à évaluer' est une des plus importantes de I'Afrique romaine, après Carthage et Caesæea bien entendu. Or, dans I'onomastique de ces Lepcitains, la tradition punique reste présente. Notons d'abord une particularité de la documentation lepcitaine : le nombre relativement faible des inscriptions funéraires, et fabondance des monuments honorifiques. Cette disproportion fait que nous connaissons mieux la bourgeoisie que les couches vraiment populaires. C'est donc surtout à l'intérieur de petites ou grandes dynasties locales que nous verrons apparaître ou disparaître les traces, dans fonomastique, d'une très subtile forme de résistance à la romanisation. A ces familles seront donc consacrées la plupart de nos remarques. Nous les examinerons dans fordre de leur hiérarchie sociale.

B. Les sénateurs et leur lamille Les inscriptions de Lepcis nous fournissent un assez grand nombre de personnages d'ordre sénatorial. Mais seule une petite 118. Pour une semblable référence au texte d'Aulu'Gelle, voir T. D. Bmxes, < The Family and Career of Septimius Severus >, Hisloria, 1967, XVI, p. 88, n. 8; A. Brrr.ev,loc. cît., iî Hisroria' Augusta Collop. 61, t. 7 et ll. quium, - 119. ôf. P. RoMeNsr,Lr, in Alrica ltaXiaru, 1940, VII, p.96 et s' C'est le premier arc quadrilons en Afrique. i20. Pour un aperçu de I'histoire lepcitaine, R. BARToccrM, < Il Porto di læptis Magna, nella sua vita economica e sociale >, Mé\. A Grenîer,

p.

228-243.

520

Iz

nom

minorité est vraiment originaire de Lepcis. La majorité d'entre eux n'ont avec la cité que des liens épisodiques, dus aux hasards de leur canière : ce sont en effet de hauts fonctionraires, pre consuls d'Afrique ou légats propréteurs. Les seuls dont I'origine lepcitaine soit sûre nous semblent être :

a) certains membres de la gens Septimia, pereur, notamment

apparentés à I'em-

:

"' ; P. Septimius Aper et C. Septimius Severus gd furent - deux consuls dans la jeunesse de l'empereru'',: le premier tous Flavius Septimius Aper

Aper fut consul suffect entre 155 et 158, et le second, qui est donné par L'Histoire Auguste coûlme adtinis de I'empereur, est dit consul pour la seconde fois sous Marc-Aurèle @ ; P. Septimius Geta'-, gd fut consul pour la deuxième fois en-203;

à) des membres de la gens Fulvia, apparentée à la famille maternelle de Septime Sévère, principalement Caius Fulvius Plautianus'4, le tout-puissant préfet du prétoire Plautien, beau-père du jeune Caracalla; c) Junius Afer

"' dont on sait peu de ohoses ;

d) Volusius Bassus Cerealis 127, curatot reipublicae suae, Cæt lui qui restaure la basilique ulpienne;

1,21.

PIN, F, col.

365

122. Hist. Aag. (Vita'septimi Severf, 1, 1. Sur C. Septimius Severus, voir les nouvelles précisioas apportées par G. pr Vrra-Evneno, < fJn " nouveau '" proconsul d'Aftique, parent de Septime Sévère : Caius Septimius Severus >, MEFR, 1963, 389414 (résumé de cet article in Cl,

t964,

rgl, p.

69-92).

123. Pour ces deux p€rsonnages, oncles paternels de l'empereur, voir P/lt, S, col. 319 pour Aper; col. 343 pour Severus. Iæ deuxième consulat

dâper est douûeux. r24. IRT, 541. 125, PIiP, F, 554 ; HÉnoornN,

l?9. 14\,601.

Â{6oç

127. IRT,543-544.

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I

III,

10, 5-6 : {v ,dlç pév tneç ë)re1ov.

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52r

e) Silius Amicus }traterianus

"', gd lut patronus

d'Oeaee.

Après cette énumération, revenons aux familles dont sont issus ces personnages. Et tout d'abord à la mieux connue, la famille paterneile de Septime Sévère. Septimii

Historiens et biographes sont d'accotd pour dire que Septime Sévère sortait d'une famille plutôt modeste (ortus medio humili),

de caractère spécifiquement africain, même si certains de ses r" ou au u' siècle, y avaient fait carrière. Cette origine africaine est postulée par plusieurs faits. Deux références littéraires nous suffiront, C'est d'abord la dédicace de Stace à Septimius Severus : l'éloge de Stace ne se comprend et n'a de sens que si L. Septimus Severus est africain. D'autre part, Spartien, dans sa vie de Sévère, dit à propos des ancêtres de Septime qu'ils furent : equites Romani ante représentants, installés à Rome au

cîvitatern omnîbus datam ''. Cet ornnibus ne peut désigger que les Lepcitai.ns, et la remarque n'a de sens que si les ancêtres de I'empereur étaient eux-mênes des Lepcitains '"'. Quant à I'histoire de la famille, c'est celle d'une lente ascension. Dès le t"" siècle, la famille compte parmi les plus notables de la bourgeoisie indigène de Lepcis. C'est vers le milieu du I'" siècle ap. J. C. que le chef de la famille dut être élevé au rang de citoyen romain'3'. Dè$ lors la famille commence à faire parler d'elle. A peine devenu romain, un des Septimii va s'établir

èn ltalie, dans une propriété près de

Véies

;

ainsi naît une

L28. IRT, 542.

a trait aux sénateurs tripolitains, voir P. LeuLa Contposition tlu Sénat romain, de Septime Sévère à Dioclérien, Budapest, 1937, p. 79 ; G. BeruIenr, L'Albo Senatorlo da Settimio Severo a Carino, Rome, 1952. l3O. Hist. Aue. (Vita Sev.), | : < Ils furent faits chevaliers romains avant que la citoyenneté eut €tê accordéo à I'ensemble [des Lepcitainsl. > 129. Pour tout ce qui

Br{Ecrrrs,

131. P. RoMANSLLT, < Fulvîi Lepcitani >, Archeobgia classica, 1958, 252 et s. ; A. Birley, in Historîa Augusta Colloquium, p. 60 et

X, p, n. 6.

132. Il est possible que le premier des Septimii de Lepcîs ait dt soû nom et sa qualité de citoyen romain à Septimius Flaccus, Iégat de la III Augttsta (hypothèse de A. Btnrev, in Bl, L969, p. 255), 1Xr

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Le nom

branche italianisée des Septimii, qui donnera naissance à Lucius Septimius Severus, l'ami de Stace. En même temps, à Lepcis, un Lucius Septimius Severus, peutétre le même que le premier, gravit las échelons du pouvoir. Coest sans doute lui qui joue le rôle principal dans la transformation de lrpcis en colonie. Suffète, il est chargé de présider à la réforme de la constitution municipale, et 1nrte le titre de praefeAus 1*. Il est aussi le premier à recevoir la charge de duumvir dans 1a nouvelle colonie. A la génération suivante, la famills est toujours scindée en deux

branches : italique et lepcitaine. Parmi les ltaliques, Severus et Aper sont sénateurs et consuls. A Lepcis, Septimius Geta ne

la vie publique : il épouse Fulvia Pia, a trois enfants, le futur emperelu, un garçon nommé Geta, et une fille, Septimia Octavilla. Grâce au crédit de ses parents Severus et Aper, le jeune Septime Sévère peut enûer au Sénat et s'y faire remarguer. Commence alors pour lui une semble pas participer à

dont

il

carrière peu brillante, jusqu'au jour où des circonstances excelF tionnelles I'amènent sur le trône. Sous I'Empire,les Septimii sont

ute famille d'ordre

équestre,

comme le sont en général les familles de riches bourgeois provinciaux ts. Fulvii.

Chevaliers aussi sont à I'origine les Fulvii; nous avons vu leurs origines et leurs liens avec la famille des Septimii : par eux l'empereur Septime Sévère plonge ses racines à la fois dans la bourgeoisie commerçante italique i-rrigrée et dans la bourgeoisie riche indigène. Cette gens Fulvîa de Lepcis a divers représentants notables : un Fulvius Dida Bibulianus'* est mentionné sur une dédicace à Julia Domna ; une autre inscription'* nous 133. IRT, 412 : ... sateti praeî(ecto) publ(lce) crcato cutl prlmum clvitas Romann adacta est, duumvtfio)... Eû tatrt que praefectw élu par ses concitoyens, il a dt remplacer l'empereur, qui avait sqqs doutç été fait duumvir honoraire par les læpcitains. 134. Un exemple de cette richesse : le legs par Septimia Polla d'un lingot d'argent valant 80 00O sesterces (IRT, 607). Sur ce legs, voir S. Aunromoa, ia Quadernl di archeologîa della Llbla, 1950, I, p. 68-70: R.P. Dnvcnr-IoNr in PBSR, 1962, p. 47. 135. IRT,291. 136. IRT, 572.

fait rencontrer une seconde fois Fulvius Dida Bibulianus, père d'un second Fulvius Dida Bibulianus et d'un Quintus Fulvius Severus Junior ttt. De ce jeune frère, nous savons qu'il fut sacerdos Caeninensis, Ce sacerdoce, auquel était confié le culte de la ville de Caenina

(cité du Latium) depuis sa destruction, n'était attribué qu'à des personnages de rang équestre, et qui ont, dans leur cité, occupé toutes les charges t*. Cela nous confirme donc dans I'idée que les Fulviî sont de ceux qui à Lepcis tiennent le haut du pavé. Claudii

Mais ils ne sont pas les seuls à qui les Septimii se soient alliés ; on trouve en effet, sous Antonin le Pieux, sur la dédicace d'une statue de Cupidon à Venus Calohidique (sic),le nom d'un C. Claudius Septimius Afer'*. 11 y a donc un lien de parenté entre les deux familles. Ces Claadïi semblent être, eux aussi, de souche lepcitaine : on connaît un Claudius Amicus'* édile, et un Claudius Probatus Perpetuus ld. A en juger par la fonction d'édile exercée par Ti. Claudius Amicus et par son surnom' on peut penser que ce n'est pas un immigré. Car les charges municipales sont le plus souvent exercées par des membres de la bourgeoisie indigène, et le surnom d'Amicus est plutôt un surnom africain't qui, hors d'Afrique, est le plus souvent porté par des esclaves !6. Il faut évidemment supposer que ce Ti. Clau-

dius Amicus, peut-être I'ancêtre de la branche lepcitaine des Claud.iî, a reçu le droit de cité d'un empereur claudien, Claude ou peut-être Néron, en même temps sans doute que Ti. Claudius t*, gûi fut décoré, entre autres titres, de ceux d'arnator Sestius 137. Le texte de cette inscription, qui ftrt publié pour la première fois par S. Aunrcenut,in Alrica ltaliana, III, p. 84, ne comportait pas le nom Severus, mais celui de Fulvius deux fois répété (ce qui était présenté par Aurigemma comme une erreur du lapicide). Nous considérerons ici que la lecture des éditeurs des IRl, plus récente, est la plus stre. 138. De Ruccrcno, < Sæerdotes Caenîneraes >, Dizîonatlo eplgrafico'

II, p. 11.

r39. IRT,316.

140. IRT, 590.

r4l. IRT,

680.

t42. CIL, VTII, 162, 4853, 6464, 8795,9450, 11335, t43. CrL, II, 110C7.

t44. IRT,347, 526

14380.

Le wnt

patriae et d'arnator civium, et qui est sous Domitien le premier

cité's. En dehors des parents et alliés dæ Septirnii, la bourgeoisie lepcitaine compte encore un bon nombre de grandes familles qui ont aussi fourni au Sénat quelques-uns de ses nembres. personnage de la

tunii Læs Junii sont relatvement nombreux ù Lepcis, treize en tout I leur origine indigène est probable. Nous avons en effet, par deux fois, un Junius Afer'*, par deux fois aussi Junius Crescens 'n' (dont l'un à Sùratha '*), un Junius Prrnicus'*, une Junia Perpetua Rerriuth r50 et une Imaia Junia Victoria "t. Ces surnoms sont significatifs. Hormis Junius Punicus et Junius Afer'o', qui fut sénateur, ils ne semblent pas avoir rempli de fonctions irnportantes : D. Junius Crescens et D. Junius Galba'o', à la fin du

tru siècle, Junius Cossus et Junius Silanus son frère "4, M. Junius Caecilianus'-, Decimus Junius Proculus'ou n'ont pas laissé d'autre souvenir que celui de leur nom. Mais M. Junius Punicus'o' fut moins effacé'n'. Contemporain et concitoyen de Septime Sévère, il sait en tirer profit : il devient procurateur de Thrace, puis d'Alexandrie, grâce à la faveur de I'empereur; en 20G201, il fait ériger, en I'honneur de la famille impériale, quahe statues. C'est donc un de ces chevaliers lepcitains auxquels Septime Sévère aimait à confier des postes importants. 145. N. DBGRAssr, in, Epîgrapltica, 1945, VII, p. 13 et s. 146. Il n'est toutefois pas str qu'il s'agisse du même personaage. Dans lRf, 601, Juuius Afer est dit : cla.rissimae mernoriae vir, et lon ne connalt pas son prénom. Dans IRT, 716, le prénom est Lucius.

t47. IRT,st',t. 148. IRT, 5. L49. IRT, 392, 403, 422, 434 : Junius Punicus appartient équestre; date des textes le mentionnant : 200-2001. 150. IRî,64s. l1l. IRT, 7ll. lmua est-il un surnom africain ? 152. IÀ1, 601. 153.

rÀr, 5n,

à

I'ordre

534,

154. IRT,7L7,

t55. IRT, 644.

t56, IRT,

645.

157, IRT, 392, 403, 422, 434. 15E. G. Cepuro, < 171

; H. G.

M, Iunius Punicus >, Eplgraphîca,

PFr,auM, Carrières,

II, p. 654.

1939,

I, p.

163-

VolusîL Siliï.

La famille dæ Volwii compte, parmi ses représentants, le clarissime L. Volusius Bassus Cerealis'o', gui fut patronus perpetuus de Lepcis. Le cas est assez rare pour être signalé : le < patron > d'une cité est en général un haut pérsonnage qui n'est pas originaire de la cité qu'il protège'60. En fait, dans notre cas, il est très probable que Cerealis, sénateur et consulaire, était assez haut placé pour être un < patron > efficace. Car il réside le plus souvent à Rome, comme le prouve la dédicace qui lui est faite, à Rome, par ses < clients > lepcitains reconnaissants "'. La même famille est représentée par'* L. Volusius Gallus, chevalier, flamine perpétuel ; sa femme Aemilia Lychnis Clementilla, qui est la fille de Aemilius Arrianus Caecilianus, pontife et ancien dummvir ; et ses enfants, Volusia Appianilla, Volusius Bassus et

Volusius Cerealis'*. Peut-être faut-il établir un lien entre les Volusii, qui ne se trouvent qrîà Lepcis, et les Aemilii, une des familles les plus importantes d'Oea, dont fait partie Pudentilla, la trop riche veuve qu'épousa Apulée'*. Dernier sénateur d'origine locale dont l'épigraphie lepcitaine nous ait laissé le nom, L. Silius Amicus Haterianus'*, qui fut curator de Lepcis est aussi une notabilité, puisque les habitants d'Oea n'h&itent pas à en faire lear patronus. La famille des Sitii est nombreuse et bien représentée sur les inscriptions. On relève d'abord : L. Silius Plautius Amicus Haterianus Gavilianus Proximus'o et L. Silius Plautius Haterianus Blaesilianus (qui ont un lien difficile à définir avec un Caecilius Proculus), et Sentia Caeciliana'u'. Grâce à la persistance du gentilice de Plautius et des cogrnmina d'Haterianus et Blaesilianus, on peut attribuer à la même famille les personnages suivants : 159. lRT, 543, 544,579. 160. Sur le patronat en Tripolitaine, voir'WerrrarNctoll, in PESR, 195d

)OûI, p. 39-55. 16l. cIL, vI, 1554. 162. IRT. 579.

163. Les cognomîna de Bassus et de Cerealis sont précisén3nt ceux gu'on trouve chez le Volusius devenu sénateur (IRT' 543'544). 164. Lpst-És, ApoIogie,I)O(I, 6; LXXVI t. 165. lRT,542. 166. Peut-être est-ce le même que le sénateur de IRT, 542.

t67. IRT,635. 528

Ia

nom

Aquilia Blaesilla'*, mère de trois enfants, C. Aelius Rufinus, fl4mine, Ti. Plautius Lupus'6', Qienfaiteur de la cité (pndant son dut'mvhat, il se fait dédier un bige par les Lepcitains enthou-

siastes'j, et Q. Plautius Haterianus','. On peut supposer,

d'après le gentilice de ces deux enfants, qu'Aquilia Blaesilla est la femme d'un Plautius. Caius Aelius Rufinus épouse la fille de M. Cornelius Capitolinus, qui fut flamine conrme son gendre; d'autre part, Ti. Plautius Lupus, duumvir aux inépuisables libéralités, épouse l'héritière dæ Aurelliî, Aurellia Sextilla r-. Que tous ces pe$onnages soient de souche africaine est probable. Le fait qu'on y rencontre un duumvir qui dépense sans compter pour embellir sa ville natale, et deux flamines, dont l'un est précisément inscrit à la tribu Papirta '*, encourage à le penser.

C. Quel4ucs lamilles en

vue

Toutes les grandes familles lepcitaines n'eurent pas I'honneur de produire un sénateur, ou à défaut, de s'unir par alliance à une famille qui en avait produit. Certaines n'en jouent pas moins un rôle important dans la vie économique ou administrative de la cité. C'est le cas par exemple des MarciL On connait

le nom de 13 Marcii à Lepcis "o; sur 8 prénoms

mentionnés

parmi las membres de cette gens, celui de Quintus revient 7 fois. Or, c'est celui du proconsul d'Afrique de 4l à 43, Quintus Marcius Barea'*, qui fut patron de Lepcis. Il est tentant de penser que la famille des Marcii, à Lepcîs,lui doit son gentilice et son élévation à la citoyenneté romaine. Nous pourrions alors assigner aax Marcii une orisine purement indigène. D'ailleurs, nous connaissons un C. Marcius Dento "', suffète et flamine perpétuel avant Trajan. A la fin du tt" siècle, nous trouvons un 168. IRT, 587,632. 169. IRT,593, 601, 632, 634. 170. IRT,601.

t7l.

rRT, 593,632, 634.

172. Stemma de 173. IRT, 593,

la famille établi dans IRT,

632,

n. l.

174, IRT, 273, 401, 534, 600, 647,705,725,726,727-728. 175.

Voir RE, XIV, 1549, n" II, p. 31. rRr, 600.

Statthalter, 176.

37

;

PIR,

\4

160; B. Thoulssou,

Q. Marcius Candidus Rusonianus, mari de Fulvia Crescentilla 1", qui pourrait bien être, comme le suggère Aurigemma "', idettique à Rusonianus, le flamine, augure et duumvir quinquennal'm à qui l'on doit la restauration des thermes de la cité. Il est probable que le plus illustre personnage de la famille est Quintus Marcius Dioga "o, préfet de I'annone sous Caracalla. Mais était-il vraiment de la famille ? Nous avons quelques raisons de le penser. Tout d'abord, nous savons combien les empereurs de la dynastie sévérienne aimaient à s'entourer d'Africains, et surtout

de Lepcitains : I'exemple de Plautien en fait foi. La présence d'un préfet de l'annone lepcitain à la cour de Caracalla n'aurait donc, a prio4 rien d'étonnant. On pourrait objecter que le cognornen Dioga, qui vient sans doute de Arolôn forme contractee du grec Aroyévqç "', t'a rien de proprement lepcitain. Sans doute, mais nous verroffr que I'influence grecque en Tripolitaine, et à Lepcis en particulier, était loin d'être négligeable'e. D'autre part, il n'était pas absurde de confier à un Lepcitain la préfecture de I'annone : Lepcis eu effet occupait une place très importante dans le ravitâillement de Rome en huile "'. Enfin, il faut noter que le nom de Dioga apparaît sur une dédicace à Sévère divinis6! rae ? Ne faut-il pas peuter, dès lors, qu'il snagit d'un Lepcitain qui doit sa carrière à la dynaste des Sévères, et qui veut, tout en montrant sa reconnaissance à la famille impériale, se faire bien voir de ses concitoyens ? Des carrières comparables à celle de Marcius Dioga sont, malgré tout, rares à Lepcis. Mais bien des bourgeois lepcitains ont pu, grâce à Septime Sévère, avoir des carrières honorables. C'êtait

r7'1. tRT, 705. 178. S. Auntcruue, in Alrica italiana,1930,

t79. IRT,396.

III, p. 87.

180. RE, XIV, 1557, n' 56. 181. De Yrt, Onomasticon. 182. Ie cognomen Dioga est aussi porté, au milieu du rrr" siècle, par l'évêque de Lepcis, qui se fit représenter en 255, à Carthage, par Natalis' évfuue d'Oea (Africa italiana, 1930, Itr, p. 78). 183. Le tribut, qui avait étê imposé par César, est devenu volontaire sous Septime Sévère, à la suite d'une campagne militaire menée contre læ bellicosae gentes de I'intérieur t Hist. Aug. (Yita Sev.), 18 ; Aunrr.rus

Vrcror, 184. 53{,

41,

Yoir supra. 401.

'R1,

Lc nom

le cas de M. Junius Punicus, que nous avons vu plus haut, Cest aussi celui de quelques autres. Tous ces < clients > de I'empereur

se reconnaissent à leur dévotion particulière pour la famille imffriale : pas un qui ne se sente tenu d'élever une statue à I'empereur et aux membres de sa famille. Reste à savoir si, dans cet étalage de gratitude, la vanité, le désir de s'imposer auprès de ses concitoyens ne sont pas aussi déterminants que la simple

reconnaissance 8. En dehors des shevaliers que nous avons déjà cités en raison

de leurs attaches aves des familles sénatoriales, nous trouvons aussi à Lepcis quelques fonctionnaires de rang équestre, qui ont tous la particularité d'exercer leurs fonctions au début du ut" siècle : il est vraisemblable que leur accès aux charges procuratoriennes a été grandement favorisé par les Sévères, ce qui s'explique sans doute par leur origine lepcitaine. On peut classer dans ce groupe, outro Junius Punicus, les personnages suivants : M. Ulpius Cerealis ræ, procutateur de deux Augusûes, vers 198 ; D. Clodius Galba est procura.tor regionis Thevestinae et Hipponensis, pnrs procuratoî ra.tionis privatae per Fla.rniniun

"', gd

Aemiliam Ligurïam, entre 203 et 204; Flavius Celer's, procurateur de trois Augustes entre 209 et 212; ainsi que le personnage dont le nom a êtê matelê"', gd pourrait bien être Plautien. A la même époque sévérienne appartiennent les rares c€nturions nommês ù Lepcis : T. Flavius [...]arinus 10, et Messius Atticus, qui servit dans la X cohorte urbaine et dans la VIIU cohorte prétorienne'"'. Il n'est pas impossible de considérer ce dernier comme originaire de Gigthis, car les Messii étaient nombreux r@. dans cette cité de la Tripolitaine

185. H. G. Pnr,euu, Canières,

rnr,

II' p. 656.

388, 440. 187. IRT, 395, 407, 424, 186.

188. lRT,432. 189. IRT, 572. 190. lRT,292,

lgt. IRT, 439, 197, LA. Coysrens, in MEFB, 1914, p. 267-286, 531

D. Les titulaires de lonctiow municipales Il nous faut mainûenant parler de ceux des læpcitains qui occupèrent des lonctions municipales et dont nous n'avons pas encore fait mention en tant que tels.

La liste des duumvirs lepcitains que nous connaissons

n'est

pas longue à dresser : le premier en date est le grand-père de Septime Sévère'* ; au uu siècle, nous trouvons Sentius Proximus't ; après 202, nous avons Rusonianus, qui fut duumvir quinquennal 1* ; contemporains du sénateur Junius Afer, nous trouvons trois duumvirs : Lucius Cassius Longinus, duumvir désigné, Plautius Lupusn ancien duumvit et Acilius Pompeianus'o, duumvir en fonction. Enfin, nous avons au rv" siècle : Marcus Vibius Anianus Geminus't qui a le signum d'Amelius et qui est vir perfectissimts, flamine perpétuel, prêtre provincial

pour la seconde fois ; Titus Flavius Vibianus Heraclius, qui fut la même année duumvir de Lepcis et sacerdos provinciae Tripo-

"' ; Titus Flavius Frontinus Heraclius'o et T. Flavius Vibianus Junior Heraclius, fils et collègue du précédent''. Ces trois derniers personnages appartiennent évidemment à la même famille, et le gentilice de Flavius''', lhn des plus fréquemment portés en Tripolitaine, est le signe de leur origine indigène. Les dépenses qu'ils font pow Lepcis confirment cette origine. Que trois duumvirs de la même famille se succèdent à quelques années de distance montre qtr3au tlp siècle les dynasties litanae

locales demeurent vivaces. Avant que ne lui ftt accordé le droit colonial, Lepcis avait des

r93. lRT, 412, 607. lg4. La datation est vague et

(II

century lapidary capitals 195. rRT,396. 196. rRT, 601.

t97. IRT,578,

te

: lRl,

se fonde que sur

la

paléographie

605).

608.

198. IRT, 567-s68. 199. IRT, 564. 200. rR?, 595. 2OL. Iæ gentilice de Flavius est, en Tripolitaine, le plus répandu : il apparalt plus de 40 fois dans llndex des lR?' accompagné des cognomina IJJ plus typiquement libyques ou puniques ; mais on voit que certains de es Flwiî, très tardifs, sont de l'époque constantinienne. 532

I*

rnm

édiles (les tnuhnzinx des inscriptions néo-puniques u*) : les preTrer! que nous connaissions portent un co[rwrnen romanisé, Candidus et Donatus,*. Au r"' siècle, ce sont Ti. Claudius Amicus'* et M. Heliodorirs Apollonides çri semblent être le premier d'origine indigène, le second d'origine glecque 6. Nous retrouvons des édiles anonymes sous Nerva u6 et sous les Antonins'o'. Le seul dont le nom nous soit parvenu est e. pompeius Saturninus2o8. Par lui, nous faisons connaissance avec nne nouvelle famille de Lepoitains. L.æ Pompeii, en effet, par le choix de leurs cognomiru, trahissent leur origine indigène : on trouve

chez eux trois fois Ie cognomm Cerealis *', une fois celui de Saturninus, une fois celui de Gaetulicus 8'0. Il est probable que I'introduction de ce gentilice en Tripolitaine, et tout spécialement à Lepcis, doit remonter au Iu' siècle, au proconsulat de M. Pompeius Silvanus, qui

fut précisément patron de Lepcîs. Aux bienfaiteurs de la crtê, des titres honorifiques

étaient

accordés. Ces titres, coûtme cevx d'urnator patriae, onnloî patriae, anmtor civium, hérités de la tradition punique précole. niale, sont probablement octroyés à des Lepcitains de vieille souohe punique. Nous ne pouvons donc guère avoir de doute sur I'origine de Q. Servilius Candidus o", flamine du divin Vespasien, qui prit en charge le ravitaillement en eau de Lepcîs en ll9-120; de Titus Flavius Vibianus ", gûe nous connaissons déjà comme curateur et comme praeleaus omnium sacrorurn. 202. R. Berroccnr, Le Terme di Leptis Magna, op, cttu p. 786. 203. Néo-punique 12; la traduction de G. Levr osul VrDe æt donnéo dans IRI, 599, n. 1.

204. rRT, 590. 205. S. Aunrcsm&," in Alrica italiaru, 1930, trI, p. 91. Dron.lssr, Epigraphica, 1945, YV" p. 11. Iæ gentilice Heliodorius est fabriqué à partir du cognomen Heliodorus et marque une romanisation de fraic,he dato.

206. IRT,498. 2W. IRT, 37G979.

208. IRT, 376, 2t9. IRT, 404,602, 648. 210. IRT, 649. M. Pompeius Gaetulicus a pour paren$ A.

pompeius

Getâ Chirit et Marcia Rerycth : læ cognomina Chirit et Rerycth semblent africains. Pour Q. Pompeius Cerealis Feli6 procurateur à l'époque sév6 rienne, voir sapra.

2ll.

IRT, n5,357, 359.

2t2. IRr,

567.

Mais de Porfyrius Porfyrius "'u, dont nous ne connaissons que le sîgrutm redoublé (autre exemple du signum redoublé : Nilii Nilii e14 ; il n'est pas facile d'expliquer ce redoublement), peut-on dire s'il est ou non africain ? Pour en finir avec les notabilités lepcitaines, il reste à examiner la liste des divers prêtres, parmi lesquels nous ne nous étonnerons pas de rctrouver bien des personnages déjà rencontrés sous d'autres rubriques. C'est le cas de T. Flavius Vibianus Heraclius, prêtre de la province, qui est aussi praefectus omnium sacrorurnu'o : ce sacerdoce est hérité de la religion punique "'u. o", flamine et augure ; Nous retrouvons aussi : Rusonianus perpézuel L. Septimius Severus "', flanine ; M. Cornelius Capito, 8", perpétuel ; M. Viflamine fl.amine ; Volusius Galus tolinus *', perpétuel et flamine Amelius signo bius Anianus Geminus, prêtre de la province. Mais d'autres penonnages apparaissent dans la vie religieuse *, flamine sous Antonin ; M. Cornede Lepcis: [...] Haterianus lius Amicus, flamine, pontife ; Marcius Rufus "u, flamine peru* ; pétuel ; C. Aelius Rufinus'o, flamine et gendre d.'un flamine *6, flamine perp'étuel (date : 383-388), dont L. Aemitius Quintus on ne peut que postuler loriglne indigène. De ce bref survol de la bourgeoisie lepcitaine, que peut-on 213. lRT, 603, 214. rRT, 562. 215. lRT,567-568.

216. Nous trouvons mention, au I"' siècle, de praelecti sacrorum (IR.T, Stg, i2t,323,347) qui représententlæ addîr azarirn des inscriptions néo-

ci. /R?, p' 80. r- Leschi pense que ce titre pooiqu"t 'eq"iùt"ot27, 30, 32-: de celui de ret sqcrorunr. Le premier titulaire conûu

est est

Annobal Tapapius Rufue. 277. IRT,396.

2r8. [RT,412,607. 2r9. IRT, 593. 220. IRT, 579. 221. lRT,578, 608. 222. IRT, 374. 223. lRT, 60r. 224. IRT, 587. 225. lRT,593. 226. IRi, 588. L. Aemilius Quintus est mentionné aussi (tRT, 111) et à Gfgtils (CIL'Vït, n), sc4

à

Sabratha

b

ttont

retenir ? De toutes lss fsmillss, de tous les individus que nour avons vu défiler, on peut dire qu'ils ont en sommun une particularité : celle d'êtro à la fois des l*pcûtains attachés à leur cité natale, prenant très au sérieux les fonctions, grandes ou petites, que leur confient leurs concitoyens, et des Romains, non pas seulement parce qu'ils portent læ trîa nomina, mais parce quTs s'intègrent, pour la plupart d'entre eux, à la vie de I'Empire. Et ce qui caractérise la Lepcis sévérienne, c'est cette vie sur deux plans. D'une part, la bourgeoisie indigène, loin d'être dépossédée

de ses postes de direction par les autorités romaines, a

au

contraire conservé intactes ses positions; d'autre part, les éléments les plus avancés de cette bourgeoisie, qui continuent à détenir la puisance et la gloire dans leur cité, voient leur ambition s'élever : le cadre provincial ne leur suffit plus, ils étendent letu activité à l'échelle de I'Empire. Eq pax le jeu des alliances, des faveurs sollicitées auprès des puissants, ils arrivent à occuper les plus hauts trnstes dans les carrières sénatoriale ou équestre,

E. Les humbles La répartition des riche.sses est, en Tripolitaine comme dans I'ensemble de l'Afrique, remarquable par une forte inégalité. G. C. Picard estime que seul un sixième de la population appartient aux classes aisées't. Le reste, l'écrasante majorité, est constitué par les classes populaires, qui comprennent les hommes paysans ou artisans et les esclaves. A Lepcis, nous libres - guère de moyem pour - vérifier cette proportion. Car n'avons I'examen des textes gravés sur les pierres ne fait apparaitre qu'un

nombre restreint de humiliores. C'est que leur rôle dans la vie offrcielle de la cité est pratiquement nul. La carrière des honûeurs, les fonctions municipales sont inaccessibles aux citoyens de fortune modeste : elles entrainent des charges que seule une minsril$ est en état de supporter. Humbles et pauvres sont, par la force des choses, éloigpés de la vie municipale. Aussi ont-ils tendance à se replier sur eux-mêmes; peu à peu ils se désintê ressent de tout ce qui n'est pas leur vie quotidienne. On comprend aisément que leur romanisation reste superficielle * : on

227. G.C. Prcenu, Civilisation..,, 228, I. Tourerr, Cîtés..., p. 259.

p.

146.

535

ne s'étonne pas de les voir, en pleine période de prospérité sévérienne, attachés à leurs coutumes. Ce sont eux, et non pas les magistrats municipaux, qui restent fidèles à Baal-Saturne ; coest de leurs mngs que sortent les prêtres d'Esculape et de Pluton, les prêtresses de Cérès et de Proserpine. Mais Cest aussi sur leurs tombes, reconnaissables parce qu'elles sont modestes et ne font guère mention de titres honorifiques, qu'on retrouve Ïancienne onomastique : ils portent rarement un prénom, leur gentilice est souvent celui d'un empereur, d'un fonctionnaire de haut rang ou d'une grande famille locale, parfois il est simplement forgé de toutes pièces. L'élément principal est le cognornen, qui suffit le plus souvent à les désipe\ !î cogîamen presque toujours d'origine punique ou libyque. On peut, en tenant compte de ces remarques, dresser un tableau approximatif de cette plèbe lepcitaine. Pour commencer, nous donnons la liste des gentilices les plus fréquents (p. 537), en indiquant à quel personnage important chaque gentilice est susceptible d'avoir été emprunté "". On voit aisément que, sur cette liste, se retrouvent la plupart des gentilices des familles de la haute société que nous avons déjà examinées *0. Ce qui nous amène à penser qu'une partie notable du petit peuple lepcitain devait figurer parmi les clients

ou les affranchis de ces quelques familles, quand ce n'était pas parmi ceux du proconsul ou de fempereur. Et cela est en partie confirmé par I'analyse de certains des cognamîna ac'colés à ces gentilices. Il suffit de dresser une nouvelle liste pour s'en rendre compte (liste d'où sont exclus les personnages dont nous avons déjà eu à parler). A cette liste (p. 538) qui groupe les cogwmina d'origine vraisemblablement africaine accolés à certains des gentilices les plus fréquemment représentés à Lepcis, 229. Cette liste est dressée d'après l'index des lit? (en tenant compte du supplément qui en fut publié dans PBSR, 1955, )OûU) et I'index du CIL,VIll. Il ne faut évidemment accorder aucute valeur absolue à chacun de ces chiffres, que beaucoup de trouvailles faites depuis la confection de ces index ont d'ores et déjà modifiés. Seule leur valeur relative et la proportion qu'ils expriment nous intéressent ici. 230, Ot remarque aussi que tous ces gentilices sont parmi les plus communément répandus daos I'Empire romain, ce qui n'incite guère à faire de ceux qui les portent des colons italiques. 536

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seconde liste, celle des cognornina d'origine libyque ou punique employés seuls ou avec des gentilices peu fréquents (p. 539).

u.

Flavii Cornelii

cooNoMINA p'onrcrxs VRATSEMBLABLEMENT AFRIcAINE lccorÉs Arx oENTILTcEs LEs pLUs reÉQueNrs

Flavius Crescens Saloninus Flavius Pra et Flavia Procla Flavia Procula (dédidace au dieu Attis) [...] Cornelius Amicus, fl4mine et pontife, et son frère Cornelius Geta M. eornelius Amicus, peutêtre le même que celui de IRT 592 : il est le fils de Cornelius Yal,.'l, curator mun f...1 M. Cornclius Saturninus, soldat de la III Augusta

IRT,638 IRT, ilI IRT,267

IRT,

592

IRT, 594 IRT, 584

Calpurnius Cerealis, époux de Calpurnia BcrCalpurnli gyddem', Ère de Calpurnius Candîdus et de Calpurnia Licinia Sadith

IRT, 676

Claudiî L

tRr,

Cl(audius) Perpetuus Probatus

Caecilîl

Cl(audius) Victor Proba(tus) L. Caecilius Barichîo, et son frère Ianuarius Caecilia Namgyddi, son fils Africanus Ginus, son père Caecilius Ginus (Ginus semble indé-

Iunîî

D. Iunius

clinable) Crescens, client du proconsul lius Metilius Bradua

D.

Iunius (Proculus), mari de Iunia Perpetua Pompeius Geta

et Pompeî Chirît, mète de M. Pompehts Getulicus Domitii Q. Domitius Camillus Critonis 1. Nysim

Aelit

Domitia Rogata Etia Victoria Masqulîtanar Blius Datas

680 683 672

IRT, 674

M. Ati-

Rerrîuth

Plautii Ti. Plaultiusl lB'lalsille 1...1 Marcii Marcia Rerycth, femme de M.

IRT, IRT,

IRT, 5I7 IRT,734 IRT,649 tRT, 692 IRT,693

IRT,695 IRT,753

M. Ulpius Balsilus Cerialis Macari Ulpii Ulpiut Rogarrs Pao (- Pavo ?) Lucretîi P. (Lu)cretius Cres(c)ens

IRT,72O

P. Lucretius Rogatianus

IRT.721

P. (Lu)cretius

Rogatinus

IRT,28l

1. Iæ$ IRT donnent Maqulitana; mais le premier éditeur, Bartoccini, lisait Mæqulltana, dérivant du nom de Mascula (Afrlca ltallaw, 1931' lV, p. 40). 538

IU.

COGNOMINA PUMQUFII

Ot

LIByQUEU

A

LEPCIS

(n'ayant pas encore été cités)

Iddibal Himilis f. Caphada Aemilius (IRT, 324: Juillet 11 - iuin 12) Alexandrus Bagai filius, chrétien (IRÎ, 833) Ammicâr (IRT, 66I) Série d'urnes cinéraires en forme de cercueils : les noms qui sont inscrits dessus sont au nombre de 26 : 1. Anrmon" 2. Anno t...L 3. Anno [...1 4. Anno, 6. Arisu, 7. Arrisut, 14. Dicar, 15. Imilcho, 1S. Mythunibat 23. Zabdz, 25. I...1obal [...] (IRT, 754) Dans les textes néopuniques et les textes bîlingues : Bagrad r (Afrîca italiana, 1927,l, p. 23t) BaIiIac (ibid., 193O ltr, p. 52) Balsilech (IRT, 655) (B)alsille T...1 QRT, 734)

Felyssam (fRf, 698), Phelyssam (IRÎ, 615) : cf. S. Aunrornoal, italiana, 1940, Vm, p, 401' A.8., 1948, 18 Passienus Maris (fÀf, 300) ; cf. Atilia Marith (tRf, 668) Licinia Sadith, fille et sæur de Calpurnii (IRT, 676) 1. Le rapprochement ayec

le nom du



Altic4

fleuvo Bagradas s'impos€.

Gentilices tabrtqués

Il nous faut maintenant citer quelques-uns des gentilices lepcitains qui ne doivent leur présence èi Lepcis à aucun < emprunt >. Ce sont généralement das gentilices qui sont créés par des citoyens de fralche date, parfois sur un adjectif servant de surnom, partois sur un prénom. C'est ainsi que nous avons

-

:

Artsfius Antiochus

s', M.

Heliodorius Apollonides

*

(édile), gentilises formés sur un cognomen græ i deux Boccii@ : Boccius est d'abord vn cogw)rnen, qu'on trouve en tant que tel dans le nom de Q. Ulpius Boccius e ; mais, dans le nom de C. Marius Pudens Bocsius Zurgem s, il

-

231.

IRT,

667.

232. IRT, 590. 233, IRT, 30/,, 729.

234. IRT, 631. 235. IRT,729. 539

y a une certaine ambiguité : Boccius peut être considéré comme gentilice ou cortlme cognanlen; dans le cas du cabaretier & Boccius, I'ambiguité n'est pas moins grande;

enfin, un M. Clutorius Baliahon "' (flamine), un Nerianus (ou- Nerianius) *', un Corellius "', deux Vitulasii*o : Cn. Vitulasius Africanus et Vitulasia Procula, dont les gentilices ne sont pas connus ailleurs en Afrique : ils semblent être propres à l'onomastique lepcitaine et portés par des indigènes.

Nous pouvons donc affirmer ce que nous ne faisions que postuler plus haut : si dans les classes aisées I'insuffisance de la romanisation et l'attachement à I'héritage libyco-punique ne se faisaient sentir qu'au niveau de la culture et du langage, dans les classes pauvres, au contraire, le traditionalisme indigène est visible au simple niveau de I'onomastique.

Au terme de ces remarques, il apparaît qu'à Lepcis, de la grande bourgeoisie au petit peuple, l'ensemble de la population est issu du vieux substrat préromain, et que cette origine n'a jamais cessé de se manifester par quelque détail, même à l'époque la plus brillante de la Lepcis sévérienne. Cela, d'ailleurs, n'a rien qui nous su{prenne. Lepcis, faut-il le dire ? ne fut jamais, à aucun degré, une colonie romaine de peuplement. Aucune < déduction >, autant que nous sachions, n'y fut jamais faite,

non plus que dans le reste du territoire de la Tripolitaine. Il est donc normal que le nombre des Romains ou des ltaliques immigrés y soit minime. En outre, il nous est le plus souvent presque impossible de les déceler à coup str. Car ceux d'entre eux qui vinrcnt s'établir ù Lepcis le firent à titre individuel. Ne

236. [RT,304. Iæs éditeurs des IR? donnent le nom de Boccius Copo, faisant de Boccius le gentilice et de Copo le cognonten. Il nous semble plutôt que Copo indique la profession, tandis que Boccius tient lieu de nom unique, cognomen plutôt que gentilice. Car dès le rru siècle et surtout au rrt" siècle, le véritable nom individuel est le cogtxome,t. 237. rRT, 589. 238. IRT, '732 : C. Nerianus Severus. 239. IRT, 684. u0. IRT, 650,7s2. 540

b

tom

constituant pas, comme à Carthage ou dans d,autres colonies, un groupe homogène venu officiellement prendre possession d'une ville ou d'un tenitoire nouveaux, ils n'ont entre eux aucun point commun qui permette de les repérer. Quelle différence avec Cirta^, par exemple, où I'on trouve à I'origine de la cité, parmi les oompagnons de Sittius, 227 luliî et 97 Sïttii I A Lepcis, les immigrés, quand ils n'étaient pas fonctionnaires, nnavaient aucun esprit de groupe, et se sont très naturellement fondus dans la population. Ceux d'entre eux qui ne s'intégraient pas totalement à leur nouvelle patrie, et qui éprouvent le besoin de se dire < italiques de souche >, sont rares. C'est le cas par

exemple Agnppa

de Publius Albucius Apollonius, l'ami du

*, {d

mime précise sa qualité de Milanais d'Italie (Med.io-

lanensîs ex ltalia)28.

F. Les étangers â

Lepcis

S'il est difficile, voire imFossible, de dresser la lisæ des immigrés romains, il est bien plus aisé de reconnaître les Lepcitains d'origine étrangère : les ethniques qunils peuvent porter,la nomenclature qui leur estparticulière, les influences aussi qu'ils exercent dans le domaine des arts ou des idées sont les sigpes les plus

certains de leur présence *. A Lepcis,la liste des ethniques ne nous aide guère. Nous ne relevons en effet que quelques exemples : deux Anicus*, uD,

Corinthus%,

w

Ponticus*', Lv milieu d'un certain nombre de

241. H. G. knul4 < Remarques sur I'onomastique de Cbta >, Lîntes Studien, 1959, p. 68. Il est vrai que beaucoup de ces Iulii ou Sittii no sont pas des immigrés, mais des naturalisés. 242. |RT,606. 243. G. Cnrurq in Rivlsta îtalîana del dramrna, 1940, XV, p. 10 et s. Iæ mime M. Septimius Aurelius Agippa était I'affrarchi de Caracalla, qui I'avait chargé d'honneurs municipaux divers, dont la participation

aux Juvenes de Milan; voir J. Guey, < Un pantomime de Caracalla citoyen de Lepcîs Magna. Lepcitana Septirniana VI >, in RAl, L952,

XCVI, p. 44'60.

244. Nous entendons par < étrangent r ceux des Iæpcitains qui ne tirent leur origine ni du foud indigène de la cité, ni des < colons > romains établis à Lepcis entre la fin de la République et le r"" siècle de I'Empire. 245, IRT,40g, 439, 439, 5I7. 246. IRT, 669. 247. IRT, 342.

Gaetulicus, d'Afer, d'Africanus et de Punicus, dont la présence à Lepcîs ne surprend pas. Mais T. Cl. M. Appius Atilius Bra-

dua Regillus Atticus

s,

consul en 185 et proconsul d'Afrique

à une date inconnue, n'a avec Lepcis que des rapports lointains ;

de même, de Domitius Ponticus, légat propréteur en 77-78, Flavius Archontius Nilus, comte de Tripolitaine entre 355 et 360. En revanche, le centurion Messius Atticus et Atilius Corinthus Aurellianus *', époux d'Atilia Marith, r&ident ù Lepcis, bien qu'ils portent de* cognornina en rapport avec la Grèce.

un nombre appréciable *0, une certaine quantité de cogno' gres rédigées en d'inscriptions mina grecs, dont la liste est donnée page suivante. Il faut bien entendu se souvenir que les cognamina grecs ne L'épigraphie lepcitaine offre, outre

sont pas portés par les seuls Grecs, mais par l'ensemble des habitants de I'Orient hellénisé. Aussi ne peut-on accepter cette liste sans commentaires. Elle ne nous donne qu'un ensemble, et dans cet ensemble il convient de distinguer. Nous laisserons d'abord de côté les personnages à cognornen grec qui sont des fonctionnaires comme Decimius Espérius, le fils d'Ausone, pfoconsul d'Afrique en 376 t', ou bien Valerius Alexander, vicaire *. Nous nous occuperons du préfet du prétoire entre 306 et 3t2 plutôt de ceux qui semblent s'être intégrés dans la population lepcitaine et dont I'origine peut être déterminée. Un premier groupe est celui des allranchrs impériaux dont le o" et nom se trouve sur des inscriptions, une rédigée en latln n*, quatre en grec dédiées à Sérapis. Ce sont dans l'ordre : Maro, flôrd\ros Aùpri)rroç Arddxopo6, "Atro)\oç, AÔp{Àroç'Qpr1èr'qç ô rol '40r1[vôô]copoç, fIPcorôPP. Cette sériè de-dédicaces qui vient du même temple de Sérapis doit provenir d'un groupe originaire d'Egypte. En effet, selon

u8. IRT, 517. 249. IRT, 668.

250. Les inscriptions, éparpillées dans les IR?, sont commentées pat L. RosBnE in Revae des études grecques, 1953, p. 200 et s. C'est de ce commentaire qu'est tirée la plus grande partie de ûos remarques.

251. 252. 253. 254. 542

IRT,

526.

IRT,

464.

IRT,309. rRT, 310-313.

Lc nont

LES

D'oRrott.IE cRecetrB

CIGNOMINA

1

IRT Agav(e)

699

Alexander

464 690

Antiochus Apollonides Apoltonius Aristo

667

'A\élorôpq (l)

Artemas Asclepiades

Heraclius

564 595

Hesperius Esperius

794 (d)

Hyla [...]

7t4

Lychnis

579

747

Irene AlTtrétop Isidoros

s

Aor5no6

313

3t2

Melanthus

Calistus

796

Narcissus

692

'Qpr1Évq6

Clymenis

Copria atîI4p7n6 ()) Demetria Dioga Diodorus

Aroorqpu6 Dosides

Myris

7t4 (1 1)

690

754 (r2); 835 401 481

Soteric [...1 E$ntpcto6

745

310 a

Eros Eufemia Eutychia Eùtychus

314 ;746 754

Heraclitus

l.

511

656 313

n4 657

6t3 638

605;635 682 719 834 ;835 ; 839 ;840; 843

675 656

Hedono

IIporépy1

Stefanus

677 669 837 727

Glyce

Philippus Phischon Pbilocalus

;

718 749

658

Pausanias

754

7ro

719

Athictus 'A0qvlôopo6 "Attotro6

Crito

526

590 606 677 675 264

Symm(achos)

303

Terporpùtq6 Telamon ? Theodorus ?

749

@euôota

(14)

7*na

738 837 749 677

Zrivove

437

I-as slsna d'origine gxecque ne sont pas mentlonné* dans cotte liste.

inlrq p.

548-549.

2. In supplément aux /RT, PBSR, 1956. 3. Supplementum Epigraphlcum Graecum,



Votf

809.

Robert, le nom de Arlprl\roç 'Qpr1Évq6 est typiquement égyptien ; de même, la formule ng,,r.orxr' èn' fr,yo$rp so < est particulièrement répandue en Egypte * > : il existait donc à Lepcis un ensemble d'adorateurs de Sérapis originaires de I'Orient

L.

hellénisé. 255. rRT,3t2. 256.

L. Rorenr, loc. ctt.,

1953

p,203. 543

On trouve aussi trace d'autres affranchis, comme

Narcisse,

architecte du Ir" siècle, et sa femme Aquilia Hedone o', Irene'o', L. Tetius Melanthus et sa femme Prima s0, Autelius Eros'*. On voit que ces affranchis sont en nombre plutôt restreint, ce qui confirme l'observation faite par G. C. Picard : I'eclavage n'a pas en Afrique la même importance que dans la métropole ou'. Les quatre cents esclaves de Pudentilla, la femme d'Apulée,

sont peutétre une exception. Parmi les hommzs libres oigtnaires de l'Orient grec, on trouve deux catégories : des < intellectuels > et des . Parmi les intellectuels, cnest un médecin qui est désigné par le cognomen de Telamon oun ; la médecine en effet, dans l'ensemble de I'Occident romain, est marquée par I'empreinte grecque. L'emploi du si étroitement liés que le $ec et la profession de médecin sont médecin indigène Boncar Mecrasi n" se fait naturellement faire une épitaphe où le grec tient sa place à côté du latin et du néopunique. Le ArlIépXqç de I'inscription gtecque si difficile à interpréter"' est aussi un intellectuel : sur son épitaphe, il célèbre lui-même son universelle sagesse (tôor1 oogiq). Son origine est difficile à établir, car il mentionne sur son épitaphe à la fois Alexandrie et la Crète. Il se pourrait bien pourtant qu'il fût originaire de Crète, étant donné les rapports administratifs qrti unissent, sous I'Empire, l'île de Minos et la côte africaine, grâce à la Cyrénaïque. C'est de Cyrénaîque précisément que vient Al1Àôvcop'uo : le nom en effet est typique"u; on en relève plus de dix exemples dans le Supplementum Epigraphicum Graecum, TX; le nom de la frlle d'AlyÀdvcnp, @€ubdroq (ou bien @er:Àûro , lecture de L. Robert) est aussi à forme dorienne. 257. 258. 259. 260.

rRT, 656. IRT, 718. tRT, 747.

IRT,

669.

261. G, C. Prceno, Civilisation.,,,

p.

148.

262. rRT,738. 263. IRT, 654.

264. [RT,690. Pour M. Guenpuccr, is Epigraphica, 1948, X, p. ?4-80, et pour L. Ronrnt, loc. cit., 1953, p. 210, le nom doit se lire Âaprr6. Mais Guarducci le croit crétois, et Robert, alexandrin. 265. IRT, 749. 266. L. RonEar, loc. cit. 544

Lc ttom

Mais c'est le clan des < artistes > qui est le mieux représenté. Car le grandiose plan d'embellissement de la Lepcis sévérienne a amené I'installation dans la ville d'un gtand nombre d'ouvriers grecs "'. Iæs preuves épigraphiques abondent. C'est d'abord la dédicace bilingue à Asklépios, faite par Asklepialæ, marmorarius Nicomedia *. Nous avons en outre toute une série d'inscriptions gravées sur des bloss de marbre trouvés sur le Forarn Severianum et sur la basilique sévérienne oto. Ces inscriptions, de format, de profondeur, de style variables, ont ceci de commun : elles sont en caractères gtecs et ne portent qu'un nom, parfois abtégê, qui est évidemment le nom des ouwiers ayant sculpté les chapiteaux ou les bases de colonnes. Il est peu probable que ce travail art étê fait hors de Leryis, c'est-à-dire sur le lieu même d'orisine du marbre. I1 nny a guère de traces, en effet, d'un commerce de marbre sculpté ou d'éléments architecturaux déjà travaillés, autres que des solonnes'æ. Le marbre devait être exporté sous forme de blocs et taillé sur place ; vraisemblablement, ces chargements de marbre étaient acsompagnés d'équipes d'ouvriers chargés de les travailler, comme I'Asklépiades de I'inscription 264. D'orl venaient au juste ces ouvriers ? Il faut croire quoau moins quelques-uns d'entre eux provenaient de Grèce, et même d'Attique : on a en effet sur un bloc de pentélique trouvé I'inscription E^EY>EINIOY. Mais la plus grande partie de ces ouvriers du marbre, comme des architectes qui les dirigent, sont salrs doute venus d'Orient. C'est

fart lepcitain !4, dont I'originalité est le résultat d'une migration d'hommes et d'idées. du moins ce que suggère I'analyse de

267. I. 1951,

B. IVen&Pnnrns, < Lepcis and the Marble trade >,

p. 94,

JX,S,

268. IRT, 264. 269. Reproduites partiellement dans les IRT,799-8A7. n0. l.B.'Wano-Prnmrs, bc. cit., qui fait cetto remarque, ajoute que l'exemple du vaisseau de Mahdia, dont le chargement comportait des chapiûeaux de marbre, n'et pas probant : ce bateau en effel provenait, seloû toute vraisemblance, du sac d'une cité gtresque, et constitre de ce

fait une exception. 271. l. B. Wanp.Psnxnrs, < Severan Art and Archiæcture at Iæpcie Magna >, JRS, 1948, p. 5:9, 72i R. BARToccrû, < L'Arco quadrifronte dei Severi >, Alrlca ltalîaru, 1931, fV, p.32; I. Gurç c Lepcttana Septt

J. B. Ward pslkins, comparant des modèles romain et lepcitain contemporains, constate que l'art lepcitain < représente Ie choc sur une tradition classique bien établieo d'un ensemble d'idées nouvelles, étrangères et à peine assimilées >. Quelle est l'origine de ces idées neuves, par quels moyens se sont-elles frayé un chemin jusqu'à Lepcis ? A la première question, la réponse est aisée : I'art lepcitain s'inspire des tendances de I'art romain tardif, qui dérivent elles-mêmes de la lente, mais inexorable, imprégnation de I'art hellénistique par les idées orientales. Mais par quelles médiations ces tendances propres à l'Orient ont-elles abouti à Lepcis ? Est-ce, comme on pourrait d'abord le croire, Rome qui fut I'intermédiaire ? C'est peu probable, car I'arc des Sévères à Rome, contemporain, à une année près, de celui de Lepcis, présente une tradition artistique bien différente. A moins d'admettre l'hypothèse hasardeuse de l'existence de deux styles officiels contemporains et rivaux'o, oî est amené à penser que

l'art lepcitain est directement dérivé des provinces orientalesn et que Rome n'y est pour rien. Nous saisissons ainsi un des courants qui ont pris naissance au sein de I'art impérial ; et ce courant d'idées s'accompagne bien sûr d'un courant d'hommes. L'architecte qui a conçu la Lepcis sévérienne est un Oriental, et la plus grande partie des sculptures lepcitaines sont l'æuvre d'artistes d'Asie Mineure : cela est maiûtenant indiscutable. En somme, un mouvement commercial, l'importation de marbre (surtout cipollino d'Eubée et granit rouge et gris d'Egypte) a donné naissance à un mouvemelt d'hommes et d'idées autrement importânt. Car les artistes et artisans orientaux qui s'installent à Lepcis marquent durablement l'art et I'architecture de la province, en prenant dans leurs ateliers de jeunes artisans indigènes qu'ils initient à leurs techniques. Ainsi peut se maintenir et se renforcer la vivacité de l'hellénisme, dont nous avons 1950, XCIV, p. 51-E4. Voir aussi D'E.L. HeYNrs, lz Archeological and Historical Guide to the Pre-Islamic Antiquities ol Trtpolitania, 1957; E. Vencene CaFFÂRBEr, G. Cenrro, A. BraxcmBerolunlLt, The Buried City, Excavations at Leptis Magna, 1966.

rnanaYl >, RAl,

272. Cette hypothèse est hasardeuse, car le style de la sculpture romaine est très peu représenté à Lepcis, tandis que les reliefs lepcitains n'ont pas de correspondant à Rome. Ces observations ne sont valables que pour la

IÉriode sévérienne. 546

Is

tpm

d'autres exemples pour la Tripolitaine : jusqu'au u" siècle, les jeunes gens de bonne famille allaient terminer leurs études à Athèues, comme I'ami d'Apulée, Sicinius Fontianus ; et certains, corrlme le frère de ce dernier, parlent le grec tout en igg.orant, ou presque, le latin. On peut donc penser que les rapports avec la Grèce et I'Orient sont constants. Deux nouvelles inscriptions, dédicaces à Septime Sévère, ne font que confirmer cette impression : la première,?', provenant du Dolbhenwn de Lepcis "n, est dédiée par T. Flavius Marinus, centurion de la III Augusta. Or, on sait que le cuite de

Jupiter Dolichenus est populaire dans l'armée dâfi.ique,6 (temple à Lambèse, inscriptions dédiéeÆ par des centurions) et que, dans l'épigraphie dolichénienne, le cognontez de Marinus est particulièrement fréquent, ce qui s'explique par le fait que c'est un cognornen syrien'o'. C'est donc très probablement un centurion originaire de Syrie que nous fait connaître cette inscription. La seconde nous donne le nom de Septimius lleraclitus s??, chargé par la viile de Tyr de dresser aa Forum vetus une statue à Géta. Ce Septimius, qui n'a pas de lien de sang avec la famille de l'empereur, est lui-même sans doute un Tyrien. Tyr, en effet, depuis qu'elle a reçu, en raison de son loyalisme durant les troubles civils de L93-t94 etle jus coloniap etle jw italicurn, est pleine de Septimiî. Heraclitus est un de ceux-là. Et, comme il se trouve ù Lepcis, vraisemblablement pour affaires, c'est bien entendu à lui que s'adressent ses compatriotes.

Indigènes, Romains, Italiques, Orientaux donnent donc à la Lepcis sévérienne le caractère cosmopolite propre aux grandes cités médiûerranéennes. Mais s'il est parfois difficile de distinguer les Romains des romanisés, cette difficulté s'évanouit à mesure que I'on se rapproche des classes pauvres, et le substrat indigène devient de plus en plus apparent. Car ni la présence d'une caste 273,

l,

Guzv., Ioc. cit.,

n4. lRT,292.

p. 55,67, €t surtout p. 66.

275. 8,. Cacrer, L'Année..., p. 351. 276. A. Menr-er, Répertoire des lnscriptions et monuments figurés du cultc de Jupiter Dolichenus, 1951, p. 277.

277. IRT, 437.

de fonctionnaires issus des diverses provinces de l'Empire, ni celle d'une forte minorité gréco-orientale, pourtant très proche du peuple, n'ont réussi à modifier durablement la population lepcitaine.

G. Onomastique tardîve : Signa et noms < latino-libyques I. LES PORTEI'RSI DB

>.

SIGNA

Un dernier stade de l'évolution de fonomastique ù Lepcis est représenté par les porteurs de signa, dont nous donnons la liete :

Amelius Anthius

IRT

578, 608

M. Vibius Anianus v.p.

IIvir

Îla pp. pont.

Geminus

sacerdotal. prov.

Trip.

bîs

663

Benedictitts 571

Flavius Vivius Benedictus v.p. praeses, pûtronut

Callleplus 687 P. Cornelius... Iustus Aemilianus Consentius 561 L. Domitius eq. rcm. y,p, curator r,p. 543 L. Volusius Baseus. Cerealis Curnius c.v. et cos. caL ret p. suae Deusonius 691 559 Aurelius Scmpronius Serenus Durpiw eq. R. prtncipali Alexandrtae, dec. Severus Elpîdîus 519 Caecilius y.c.

vicaire des préfets du prétoire (en 321) cf. D, 8730

Esperius 526 Decimius Esperius v.c. ex procoi. Af. Gn 376) fils du poète Àusone Evanthius 696 Flavtanius 475 Virius Nichomachus Flavianus v.c. vicaire d'Afrique en 376 575 Magnius AsPer Elavianus v.p. prueses Heracliw 564, T. Fl. Frontinus Heraclius 568 v.p. II vir 595 Inachius 576 Publicius Valerianus, v.p. (?) ex praesidibus, patronus Nepotianius 565 Fl. Nepotianus comes et praeses 562, Flavius Archontius Nilus Nilîus 563 v.p. comes et prueses entre 355-360 Obsequiw 577 C. Valerius Vibianus v.p. pfaeses

548

Iæ nom

480 Fl. Ortygius v,c. comes et dw : 408423 Patricius 525 Fl. Macedonius Patricius y.c. coûtes et dux, Petasîus 566 Fl. Petasius v.p. ex praeidibus 588 L. Aemilius Quintus Quinttw fl. pp. sacerd.otalls, legatus en 388 Romulïus 574, Laenatius Romulus 736? v.p. praeses () allometius 570 Flavius Vlctorinus Ortygius

cornes

A

cette série,

il

faut ajouter un certain nombre d'autres rtortrs

que

l'index des IRT n'a pas retenus coûrme signa (ssns doute parce qu'ils

n'étaient pas placés en tête de I'inscription conrme Cest I'habitude pour les signa) :

IRT, 694 (An)thius par comparaisoû avec IRT, 663; fR?, 603 Porlyrius (slgnum redoublé); IRT, 694 Presbytius, Gerontius, Euphrasius. Deux remarques s'imposert à propos des sigza

:

l.

Tous ceux qui sont datables sont du nr" siècle, sauf Calliepius qui est sans doute du uf (voir la règle établie par I. Kajanto dans ses

Supernomina

ii).

: au ur

siècle les signa se termiûeût en

2. La plus grande partie

i;

au

rf

siècle, en

des portours de signa sont des hauts personna-

ort peu de chances d'être des Lepcitains. Chez les habitaûts de Lepcis, la coutume dt signum !e semble pas s'être puissamment implan-

ges qui tée.

Il

faut noter aussi fabondance de stgtu d'origine grecque.

tr. r-Es NoMs

Il

DâNs LEs rNscRrprroNs Dtrns


que fon a Ûaditionnellement, 28t. CIL, YIJJ" 247tO. 551

ur.. Ici encore, on connalt une majorité d'olliciales, dont l'onomastique présente les tendances suivantes : un grand nombre de gentilices impériaux couvrant toute la période des Flaviens aux Antonins, beaucoup de cognomirw latino-africains (Saturninus ou -an Opatus ou -a, Felix, Victor...), mais aussi beaucoup de noms d'allure orientale, comme toujours chez les esclaves. En dehors du cimetière des otlicîales, les épitaphes de Carthage font apparaltre une majorité de citoyens pourvus des tria nomina, mais un nombre non négligeable de noms uniques, où le grec et le latin se mêlent. Beaucoup de gentilices sont encore italiques, et I'on ne constate pas encore de ruée des Africains vers la capitale de la province. Seuls quelques Saturnini ainsi que des lulii et quelques Flavîi attestent un élargissement relatif du recrutement de la population carthasinoise. Une observation complémentaire vient confirmer ce fait, celle de I'onomastique des tombes trouvées au djebel Djelloud. Ici ce n'est plus une cité, mais une petite communauté rurale : or, les noms sont en grande majorité italiques et les gentilices impériaux sont rares, ce qui définit une communauté constifuée assez tôt et restée fermée.

3.

Dougga

Le cas de Dougga nous transporte dans un contexte fort différent't. Ici, nous savons parfaitement que la communauté romaine, qui ne constituait qu'un pagrs de la colonie de Cartlage, a coexisté très longtemps avec la cîvitas indigène. Il serait fort surprenant que cette dualité ne se traduise pas de

quelque façon dans l'épigraphie funéraire de la cité. Ce n'est pourtant pas I'examen des monuments funéraires qui permettra de mettre à jour cette dualité. Ceux-ci au contraire sont d'une grande uniformité. On ne ûouve que des stèles (80 Vo des monuments connus) et pas un seul caisson. Ce qui nous confirme dans l'idée que le caisson appartient plutôt à la tradition numide

et publications sar Thugga sont d'une abondance Voir les bibliographies de L. Poryssor, in BAC, 1922, p. 231-241; et de C. Ponvssor, Lês Ruînes de Dougga, Tunis, 1958' 282. I,es travaux

exceptionnelle.

p. 75-77, 5s2

Ia

nom

qu'à I'héritage punique, lequel est au contraire 4leadamment repr&erté à Dougga. Au tu" siècle, la présence 6t!frisains ne se ûaduit que par la mention, sur quelques épitaphes, de frliations doubles (c,est-àdire que le nom du 1Ère est suivi du nom du grand-@re). C'est le cas de Faustus Saturi Thinobae f. o* et de Honoratus Faustini Sesii filius e, ainsi que de Rosa Asianacis Ridai f. 8t6. Les cognarniru d'origjne punique sont aussi représentés : fula Naphamina (sic)uu, Saturninus s?, Fortunatus ss.

Les épitaphes de la période suivante (première moitié du rr" siècle), beaucoup plus nombreuses, fournissent une quantité plus grande de particularités africaines. Celles-ci apparaissent clairement sur le double tableau suivant qui montre la fréquence des éléments de [a nomenclature romaine traditioanelle et celle des faits qui s'écartent de la norme. LBs Ér,ÉMElrrs rB.AplTroNNEr.s (sur 346 défuDts)

Préoom Gentilise Filiation Tlibu

24327952341

Cognomen

Aitrsi, 103 personnes n'indiquent pas de prénom et 67 pas de gentilice. Quant À la filiation et à la tribu, elles apparaissent à peine. LEs Ér.ÉMENnt

ANoRMATx

Filiation indigène (nom du père à la fin de la

double Gentilice abrégé Slgnum Filiation

Gentilice suivi d'un doubb cognomen Double cognomen sans gentilice Nom unique lJep unique suivi de la filintion

nomenclature)

7

2l 10

I 17

9 58

40

283. CIL, YûI, 26841. 284, Le, sternnTa. de la famille de Thinoba a été reconstitué avec vraisemblance par J. M. LassÈnr, op. citu p. 123, no l, qui corrige à iuste titre le nom fuurant sur la stèle ILA|, 588, où il liÇ au lieu de Faust(l)n(u)s Tltorts, Faus(us) Institoris. 285. CIL,Ym,nn3. 286. CIL, VTI[, 26984. 287. CIL, VIII, 27427; ILT, 1482. 288, CIL, YïI 27269.

Ces particularités apparaissent également, mais dans des proportions différentes, sur les épitaphes des femmes. Si l'on passe des éléments externes de la nomenclature à l'onomastique proprement dite, on retrouve les diverses catégories de noms indigènes, et nota^mment Les cognomînn puniques

ou traduits du punique, qui apparaissent tantôt seuls, tantôt à la suite de gentilices tels que Julius "' et qui indiquent bien qu'il s'agit de naturalisations.

Les épitaphes postérieures, qui couvrent la fin du uo et le siècle, présentent des particularités diverses. Tout d'abord elles sont gravées sur des autels, et non plus sur des stèles, ce qui est sans doute la marque d'un progrès de la romanisation. Des listes de noms attribués par Lassère à cette époque, il nous semble qu'il faut écarter ceux qui comportent une filiation double'*, car il est peu vraisemblable que cette particularité se soit maintenue si longtemps dans un contexte qui devenait

rrr

de plus en plus romain.

Les noms africains sont néanmoins abondants : leur origine transparaît clairement, soit parce qu'il s'agit d'individus dont le nom est romain mais dont la filiation indique que le pre portait un nom punique (Magnius Felix Extricatianus Musteoli t. ""), soit parce qu'il s'agit d'individus qui rejettent leur filiation après

leur nom (Iulius Fortunatus Solutoris f.'*

; L1 hommes et 7 femmes sont dans ce cas). Cette abondance témoigne de la vitalité des coutumes indigènes préservées au sein de la cîvitas et que le voisinage du wgus ne fait nullement disparaltre. Cette vitalité pouvait s'appuyer sur des racines fort anciennes : l'inscription dite du * u, qd nous donne les noms des principaux < mausolée d'Atban artisans ayant participé à l'érection du monument, fait apparaître une série de noms exclusivement libyques, ce qui, comme le remarque J. G. Février' < en dit long sur le degré de culture atteint au tt" siècle av. J. C. par les Numide.s >, au moins à 289. 2gO,

ILAî, 588; CIL, lrlll, 2693L' 26982. CIL, VtU, 26801 : Colonicus Saturnii Siritis f. ; 27079 : Nam'

gedde Adjutoris Menae f.

29t. aL, vilI, 27015. 292. CIL, Vlrr, 2694r. 293. RIL, 1 ; J. G. FÉ'vnnn, Karthago,

554

1959-1960'

X, P.

53'J7.

Le nom

"{. Le même phénornène est à observer dans I'administration de la civitas, où des restes de constitution punique se sont très longtemps meintenus e. Dougga

4. Mactar Mactar constitue un cas particulièrement intéressant. A la limite méridionale du Tell tunisien et en contact avec la steppe, placée en outre dans une zone d'altitude (1 000 m environ) et en retrait des grandes voies de transit, elle a une incontestable originalité, qui se reflète dans son histoire *. Née peut-être au ru" siècle av. J. C., Mactar fut le chef-lieu d'un des districts que fadministration punique avait créés dans ses possessions, le district de Tusca : ce district subsiste comme circonscription administrative après I'annexion de la région au royaume de 144ssinissa, et on le trouve encore comme tel sous I'administration romaine. Bien que la conquête de Mactar remonte à César, la ville, qui abrita d'abord ut conventus civium Romanorum, ne devint colonie romaine qu'entre 176 et 180. La richesse de l'épigraphie mactaritaine nous permet d'avoir une connaissance moins vague de la population de la ville, et même d'entrevoir l'évolution de cette population ''. En dehors parfois votives, mais généralement funéraires des sêles qui nous livrent, cornme ailleurs, une certaine quantité de nomso nous disposons à Mactar d'une série d'inscriptions où se trouvent groupés, en des listes précieuses, les noms des personnages importants de la cité à diverses époques. Il s'agit, en effet, des 294. Sur les magistratures mentionnées avant l'époque punique, voir

J.G. FÉvxrcn, < La Constitution municipale de Dougga à l'époque numide >, Cahiers de Byrsa, 196+1965, X, p. E5-91.

295. Voir en dernier lieu : C. Ponrssor, in Mé\. Piganiol, p. 1267-1270; W. Sesron, in RIf, 1967, p.277-294; C, Ponssorr, ta BAC, 1969, p. 233, no 86.

296. Sur Mactar, voir les travâux de G. C. PrclRu, < L'adminishation territoriale de Carthage >, MéL. Piganiol, Paris, 1966, p. 1257-1265 1 < Pagus Thuscae et Gunzuzi >, CRAI, 1963, p. l2çl30; Civitas Mactari-

lana,

it

Karthago, 1957, Vm.

297. lD., < Ia Démographie de Mactar >, Acta of the Filth Bpîgraphic Congress, 1967, Oriford, 1971, p. 269. I*s remargues qui suivent doivent beausoup à cette suggsstive étude,

listes des Mactaritains qui ont contribué de leurs deniers à divers travaux dans I'intérêt de leur cité (construction, restauration de bâtiments publics) : deux de ces listes sont en punique et commémorent les travaux faits dans le temple d'Hoter Meskar e I trois autres listes, rédigées en latin, donnent respectivement les noms des nembres du collège des iuvenes"n', des participants à la construction du temple dâpollon * et du corps des foulons respons1. Bien que ces sables de l'érection du temple à Liber Pater listes ne soient pas toutes datées avec exactitude, nous pouvolls considérer qu'elles s'échelonnent entre le milieu du t" siècle ap. J. C. et le milieu du second "'. C'est dire que I'on peut, en comparant les traits de I'onomastique qui figure dans chacune d'elle, suivre concrètement févolution de la population.

Comme on peut s'y attendre, les deux inscriptions rédigées en punique portent une nomenclature et une onomastique indigènes : d'une part, tous les personnages cités ne portent qu'un nom unique suivi du nom unique de leur père; d'autre part, ces noms sont en général d'origine libyque ou punique. Mais on trouve aussi nombre de noms d'origine latine. Ce qui est le plus frappant, c'est le mélange qui semble s'être opéré dans les familles entre ces trois catégories de noms. On trouve en effet entre eux toutes les combinaisons : père à nom libyque, frls à nom punique ou latin, mais aussi f inverse, moins souvent il est vrai. On rencontre même des noms homogènes, où père et fils ont chacun, pour nom unique, un prénom ou un cognornen emprunté au latin. Ces noms sont bien entendu plus nom29E. Sur le temple du dieu Hoter Meskar (qu'on orthographie aussi Hathor Miskar) voir Répertoire d'épigraphie sémitique,222L; I.G. FÉvnrcn, in Semitica, 1956, VI, p. 15-31 ; J. G. FÉvnrsn, M. Fertln, , Karthago,

XII, p. 45-59.

299. G.C. Prceno, Civitas Mactaritana, loc. cit., p.77 et s. : ce collège

compte 69 membres y compris 2 ,nagrstri et 2 curalores.

300. Ibid' p. 150.

3tl. CD, Vlll, 23399 : les membres de ce corps sont au nombre de 24. 302. L€s deux listes puniques sont datées respectivement de 50-55 (mention de Rubellius Plautus, cf. G. C. Ptcanu, in' CT' 1963, p, 69-74) et du début du rf siècle. La liste de* luvenes est de I'annéo 88; celle du temple d'Apollon remonte peut-être au début du règne d'Hadrien, celle des foulons est peut€fie de l'époque 160'170. 556

It

nom

breux dans la seconde inscrription, la plus récente. En effet, dans le premier texte, quinze noms sur cinquante-neuf sont d'allure latine (environ le quart), alors que, dans la seconde, nous en comptons dix-huit sur trente-six 0a moitié) *. La prenière liste latine, celle des iuverus, est chronologiquement à mi-chemin entre les deux liste.s puniques. La proportion relative des noms latins et afticains * y est intéressante à oberver. I-e nombre total des nour que cette liste a fournis est de 133 environ& (chacun des membres du collège est d&igpé par son nom et par celui de son pèrQ qui se divisent à peu près par moitiés en nons latins et noms africains. Mais les noms latins se retrouvent plus nombreux dans la génération des enfants que dans celle des paf,ents (35 contre 25). Si les noms strement puniques se retrouvent à peu près à êgahtÉ, (20 contre 23) Lu répartition des noms strement libyques est bien plus caractéristique (2 contre 11) de l'écart des générations. L'exame,n des jwews à nom latin fait apparaîne la répartition suivante : 9 descendent de parents à nom latin, 6 de parents à nom punique, 7 de parents à nom libyque. Il faut cependant noter aussi que 6 pères à nom latin ont donné à leurs enfants un nom punique ou libyque.

5. Les vîlles ile gunison Iæs trois garnisons de la III Augusta, Amtnaedana, Theveste, Lambèse, ont une population dont l'onomastique prâente des caractères originaux fort différents de la colonie de Carthage ou de la double communauté de Dougga. On peut en effet retrouver plus aisément ici les tracqs de l'évolution de la population en suivant d'une ville à lnautrq le déplacement des militaires, et, à l'intérieur de chaque ville, le développement d'une

population d'origine non militaire. 303. I. G. FÉvnrnn, M. Fanran, loc. cit., p. 59. 304. G. C. Prceno, Clvitas Mactaitoru, Ioc. clt., p. 90-91. La trans. cription des noms, telle qu'elle figure p. 77-79, fest pas toujours conforme à ce que permet de lire le fas-similé de I'inscripioo 305. On dewait avoir 138 noms, puisque le collège a 69 membres; mais quelques notru sont illisiblæ. Dans quelque caq lr filiation donaée est la filiation utérine.

A. Ammaedarct. A Amrnaeda,ra,

les monuments funéraires'o' peuvent se grouper en trois séries chronologiques, dont la première concerne naturellement l'époque proprement militaire de la ville, Cest-àdire les règnes de Tibère à Vespasien @, tandis que les deux suivantes, moins faciles à délimiter avec précision, couwent I'ensemble de l'épigraphie funéraire jusqu'au rnu siècle. Les noms qui apparaissent d'abord sont donc ceux de soldats, c'est-à-dfue de citoyens romains, de leurs compagnes, ainsi que d'esclaves servant dans I'administration du légat de la légion. Parmi les soldats, quelques-uns, qui indiquent leur origine, prot*. Mais on trouve aussi, dans cette viennent de cités atricaines première couche, des défunts qui ne sont pas soldats et dont les restes reposent, non sous des stèles (vingt) mais sous des caissons (neuf). Cest le cas notamment d'un Tiberius Iulius filius lulio-

rum. A ce propos, on a formulé l'hypothèse de la présence, à Ammaednra, de deux centres de peuplement : à côté de la garnison, il y aurait eu une tribu musulame en voie de romanisation *. Feut-être faut-il aller plus loin et supposer, avec J. M. Lassère, que les caissons désignent la partie de la population qui est encore très proche de ses traditions aficaines : les noms que portent ces défunts sont d'ailleurs des noms particulièrement fréquents chez les Africains romanisés Clodius, Pompeius, Valerll:l

:

Caecilius,

306 Les principaux textes d'Ammaedara ont été publiés par A. ftceNroL, R. Llunerr-VrgBnr, < Recherches arcbéologiques à Ammaedar,a (ËIa'rdra) >, MEFR, 19t2, p, 69-229; voir aussi L. Pon'rssor, in BAC, 1927,

p,

199-208.

307. F. os PlclrrÈrB, < Iæs Camps de la III" légion en Afrique au t"" siècle >, CRAI, 1916,p,273-284: la légion a quitté Ammaedara vers 74-76. u'impo:rtance stratégique du site d'Ammaedara, qlui commande les communications entre Carthage et Theveste et joue le rôle de poste avancé de tAfrtca, n'est plus à souligner. 308. Carthage z ILT, 468; Utique : CIL, YIIL,23256; Thunusida :

ILT,466,

SôS. a. Ptcexror., R. LeunsNT-VIsBnt, loc. cît., p. 147, n' 47. L'éhrde de la politique des cantonnements nous a permis de voir que le territoire laissé aux Musulames jouxtait ce1'oii d'Ammaedara. Srur la centuriation attour d'Ammaedara el I'attribution de terres à des vétérans, R. Cun' vaLLIE& < Note sur trois centuriations romaines, Bononia, Ammaedara. Vienna >, Mé\. A. Grenler, p' 403-418 (413). 558

Ia

nom

- La deuxième série, caractérisée par la modification du rype des monuments (cippes et autels remplaçant la sêle), représenie une période intermédiaire où I'on trouve une onomastiqué et une nomenclature beaucoup moins nettement caractérisées que pen-

dant la période légionnaire : la proportion relativement élevée de noms de femmes (dont plusieurs luliae) confirme le ohangement de population. Ce changement va apparaltre nettement avec la troisième série qui couvre le uu et le rrru siècle : les monuments funéraires sont

en majorité des caissons (un peu plus de la moitié) ; le cippe ne représente plus que le quart, I'autel moins du dixième et la stèle moins du vingtième, sur un total de 322 monuments. L'onomastique et la nomenclature portent les signes nets d'une entrée de l'élément africain. Ainsi l'indication de la filiation et de la tribu, majoritaire (6O Vo) chez les solda8, devient excetrF tionnelle (6 Vo), tandis que la proportion de noms uniques, chez les hommes coutme chez les femmes, s'accrolt fortement. Les gentilices impériaux (Flavius, Aelius, Aurelius) sont fréquents, mais c'est celui de lulius qui apparalt le plus souvent. Certains gentilices plus particulièrement représent& à Ammaedara (Camuinus, Cerficius, Safidius) désignent peut-être les héritiers de nsturalisés du r" siècle. Mais, comme d'habitude, ce sont les diverses variétés de cogwmina africains Qibycopuniques ou traduits) qui traduisent le mieux fimportance du substrat indigène. Encore faut-il remarquer qu'ici las cognontina libyco-puniques, comme Namphamo ou Nampamina, sont très rares, alors que les cognomina traduits sont abondants. On dénombre aussi beaucoup de surnoms d'origine gtecque. La population tAmtnaed.aru apparait donc finalement comme passablement mêlée au ru" siècle, alom qu'elle semblait à l'origine plus homogène. Ce qui nnest guère su4rrenant. Le départ de la légion pour Theveste a êtê suivi de la transformation tAmmaeda.ra en Colonia Fl,avia Augusta Emerttu Ammaedara: rendue à la vie civile, la ville a pu reprendre et développer son rôle de centre de rencontre et d'échanges dans une région importante.

B.

Theveste

D'Antmaedara tI Theveste, les conditions de peuplement chan-

gent assez peu. Centre urbain ancien, dans une région dont le la préhistoire, Theveste doit une partie à finstallation, sous les Flaviens, de la légion. Les noms que fournit fépigraphie funéraire de la ville peuplement remonte à de son développement

et de ses environs d0 présentent quelques caractéristiques intéfessantes.

En suivant le

classement proposé

par Lassère, on distingue

quatre goupes.

a) Le premier groupe est celui du t"" siècle : il se compose de soldats et de civils. Ce groupe s'est acc:ru de quelques unités grâce à la publication par J. Gascou de nouvelles inscriptions "'. Iæs légionnaires du t"" siècle enterrés à Theveste portent un grand nombre de noms italiques : Caecilius "-, Messius "', Durmius'o, Seius ut. Plusieurs t'u sont désignés colnme originaires de Gaule 31' et sont, comme le remarque J. Gascou, < des éléments romanisés de longue date "" >. Il faut noter ici que la présence de soldats gaulois ne s'explique peut-être-pas par les ievées hâtives de Vitellius en Gaule (hypothèse de R. Syme), ni par un recrutement opéré en Gaule par Tibère pour combattre îacfarinas (hypothèse de M. Legla$ "'". Quelle qu'en soit la raison, cette relative abondance de Gaulois à Theveste nous 3'10. Sur Theveste : ILAI, p. 28G287; E. SsRÉe de Rocn, Tebessa antique Theveste, Nger, t952, Pour les inscripions de Theveste : voir cIL: lll.fi, 29%3624. Une édition de I'ensemble des textes de Tebessa est préparée par P. A. Février. lit.-f. Giscou, < Inscriptions de Tebessa >, MEFR, 1969, 81, p' 537'

599.

312. CIL, VIIr, 16545. 313. CIL, VUr, 16550.

3t4. CIL, VIII, 3t5. CIL, VtrI,

16548. 2103.

316. J. Gescou, Ioc, cit,, p. 541, en compte huit. 317. Sur les Gaulois servant en Afrique, voir R. SYME, < Notes sur ta légion III Augwta >, REA, 1938, 38, p. 184-190 ; M. LBcrav, 'Les

Gaulois en Afrique, coll. Latomus, Bruxelles, 1962' p, 6'14, 39-41 ; J. Gescou, loc. cit., p, 54G544; A. BsscsAoucs" BAC, 1969, p' 261'268' 318. I. Gescou, loc, cit., P. 5M. 319. Voir I'argumentation de J. Gascou, loc. cit., fondée sur fexistence de Julii gaulois inscrits à la Quirina, ce qui semble attester une romanisation ancienne. Mais cet argumeût n'est peut4tre pas définitif' 560

I*

nom

pennet de confirmer I'origine non africaine d'une partie des soldats du l"'siècle. Les épitaphes de civils, moins nombreuses (vingt-trois, dont dix stèles et trois caissons) nous font connaître des personnages à I'onomastique moins caractéristique : le prénom et la filiation sont parfois smis, la tribu l'est toujours ; le gentilice de Julius est le seul gentilice impériat qui soit attesté (quatre fois) ; les cognomina sont en partie puisés dans le répertoire africain habi-

tuel (Fortunatus ou -ta, Victor, Vitalis,

Il

semble donc quoau

rr

siècle

la

Faustus).

population thevestine ait

été relativement hétérogène avec une fraction militaire d'origine italique ou gauloise, une fraction civile composée d'indigènes en cours de romanisation. Mais alors qu'à Ammaedaru on pouvait mettre un nom celui des Musulames sur ces indigènes, - encore des mêmes on n'a pas ici de certitude : peut-être s'agit-il Musulames, dont une fraction la tribu Gubul est attestée - jouxtait celui de - Theveste s'. à Theveste so et dont le territoire D,) Le second groupe, postérieur au départ de la légion, couvre la première moitié du rru siècle et comprend surtout des stèles dont certaines triangulairss st quelques caissons. Peu de- défunts possèdent une nomenclature complète (un seul indique filiation et tribu, sur un ensemble de trente), quelques-

uns portent des gentilices impériaux : Iulius, 2 ; Flavius, 2; Aelius, 1. Parmi les cognomina, deux méritent attention : celui de Caecilia Cinitia @ et Pomponia Firmana Mascaradiana *. Le premier rappelle l'etlnique de la tribu des Cinithii, voisine de Gigthis sur la Petite Syrte *. Il se retrouve tout près de Thevesten à Ksar Gourai *. Le second semble être aussi un nom africain. Bien que f index du CIL ne I'indique p:N au nombre des cognomina, il nous semble qu'on peut rapprocher ce nom de celui d'une inscription de Djidelli (Mascarada obtio o). 320.

AE,

1917-1919,

4t; ILAI,

3144.

32t. ILAI, 2939, 2939 bis.

Vï[,

27869 i ILAI, 3199, 323. CIL, VTII, 16627 ; ILAI, 3346,

322, CIL,

324. Sur les Cinithii, voir J. DssANcts, Catalogue, p. 86. 325. CIL, VIrr, 28002. 326. I-a lecture du CIL, YIJ'I, 8372, e,st Mascara Daobtio, Mascara étant clas# ooûrme gentilice et Daobtio conrme cognornen. Il nous semble

c/ Le troisième groupe, plus fourni (une

soixantaine de

textes), se compose surtout d'autels et couvre la deuxième moitié du rt" siècle. L'onomastique apparaît d'allure plus romaine, avec un grand nombre de Julii, quelques Claudii, Flavii, Ulpii et Aelii, et une majorité de gentilices italiques. I*s cognomina te sont pas tous spécifiquement africains, mais indiquent néanmoins une bonne proportion d'indigènes, parmi lesquels il faut compter quelques affranchis impériaux.

d) I-e dernier groupe

d'épitaphes paiennes de Theveste (plus

de cent soixante) se caractérise par le fait qu'on n'y trouve que des caissons. On ne s'étonnera donc pas de constater que la plus grande partie des noms de défunts puissent se rattacher à une origine africaine. On trouve encore des cognomina comme :

Gaetulicus'", Migg(in) o', Gudullus "e. Mais ce sont les Saturninus (ou -a) les Fo$unatus (ou -a),les Donatus (ou -a), les Speratus (ou -a), les Felix, les Victor, les Crescens qui prédominent nettement' et marquent d'une façon claire la transformation de la ville au trr siècle. Celle-ci, en effet, après le passage de la légion, ne tarde pas à devenir colonie, et joue dès lors un rôle imFortant, celui d'un lieu de rencontre et d'échanges entre les nomades et les sédentaires ; ce qui permet le maintien et même le développement d'une lnpulation conservant ses traditions africaines. Ce conservatisme est sensible également dans I'intensité du culte saturnien qu'on relève dans la région s0. Dans le sanctuaire d'Henchir Rohban, par exemple, une liste de prêtres de Saturne donne environ 37 noms,

dont la très grande majorité appartiennent à la catégorie noms latino-a&icains les plus répandus.

des

plus simple de lire Mascaxada O(p)tio. Si Mascarada est un nom indiun gène ce qui est plus que vraisemblable - Mascaradiana en est àérivé- normal, et non pas un ethnique, comme le suggère le commentaire dn CIL, La dérivation en -ianus est fréquente pour forrner des cognomina, mais ne se rencontre guère dans la formation d'ethnique. 327. CIL, Vm, 26857 (- ILAI,3195). 328. CIL, VIIII, 1908 (- ILAI, 3179). 329. CIL,

Vm,

1907

(-

330. M. LBGLÂY, Sat. s62

af

ILAI,3178).

. Mon., l, p. 33?-360 (344'345).

Iæ norn

C.

Lambèse

Les seize cents épitaphes trouvées dans les diverses nécropoles de Lambèse font de sette cité un cas particulièrement intéressart pour l'étude onomastique, cas d'autant plus intéressant qu'il s'agit

en fait d'une ville importante où une partie de la légion était installée dès le règne de Titus et qui devint, avec Ia création du grand camp d'Hadrien, la résidence du légat et la capitale militaire de I'ensemble de l'Afrique romaine, avant d'être officiellement, sous Septime Sévère, la capitale de la province de Numidie *'. Læs épitaphes des militaires et des membres de leur famille représentent naturellement une proportion considérable (deux tiers environ) de I'ensemble, ce qui nous laisse d'ores et déjà attendre une onomastique d'allure romaine pour cette partie de la population. Ce côté plus spécifiquement romain de Lambèse, on le trouve aussi dans la répartition des divers types de monuments funéraires : pas de stèles, abondance d'autels, moindre fréquence de caissons @. Cnest qu'à Lambbe il n'y a ni tradition ni population indigènes antérieurement à l'installation du premier camp romain. La ville va donc vivre et évoluer sous I'influence presque exclusive des militaires, lesquels, même quand ils sont originaires d'Afrique, tiennent surtout à leur qualité de citoyens romains *. Ainsi, après quelques noms d'origine italique ou espagûole *, on ûouve une très grande quantité de gentilices impériaux, où les Julii dominent de très loin (plus de 300) ; les Flavii, les Aelii, les Aurelii (autour de 60), les Claudii (autour de 30), les Ulpii (autour de 20) sont moins bien représentés.

Mais on peut parfois déceler, malgr:ê

le

nom purement

romain de tel ou tel soldat, des traces de son origine africaine.

331. S. Gsar.r., Atlas Algérie,t.27,n" 222,223,LZ.4;R, Cnoner, f,anr-

in

Dèce, Paris, 1893 L. LBscrû, Libyca, 1953, PFLAUM, in Libyca, 1957, Y, p. 61-75.

;

I, p. 189-197 ;

H.G.

332. l,M. LlssÈne, op. citu p. U5. 339. Une nouvelle ioscription du rr" siècle décrit I'organisation et les groupe de vétérans constitué en activités surtout agricoles - Prvrs - d'un yicas : H. o'Escunlc-Dorsy, < Lambàe çt les vétérans de la IIIU Auguste >, Mélanges Grenier, p. 571-583. 334, CIL, VIII, 2812, 28W, 3t82.

Ainsi, le cavalier Cerficius Crescens * est Ie frère de Cerficius s'. Honoratus, que nous connaissons comme prêtre de Saturne De même Iulius Vitalisn vétéran, est le fils d'un prêtre de Saturne qui porte aussi le gentilice Iulius "". Enfin, il n'est pas besoin d'insister sur les très nombreux cognomina latino-africains qu'on trouve dans fépigraphie funéraire lambésitaine *.

Les données de l'épigraphie funéraire sont d'ailleurs grandement confirmées, sur ce point, par les renseignements tirés des 3's que le listes légionnaires. Il a été depuis longtemps établi recrutement de la légion d'Afrique a suivi une évolution très nette. Au début du lIu siècle, le recrutement, qui se faisait aupamvant dans l'Occident romain, subit une double modification : les recrues proviennent désormais soit d'Orient, soit d'Afrique même. Au cours du siècle, I'apport de lâfrique devient de plus en plus important jusqu'à couvrir presque exclusivement les besoins de la légion; mieux encors' ce sont bientôt les enfants de légionnaires, nés au camp même de Lambèse, qui composeront une bonne partie de I'armée : au début du ttr" siècle, ces enfants de troupe forment la moitié des conscrits. S'il ne fait donc pas de doute qu'à LamBe soldats et civils sont dans leur majorité des Africains d'origine, force est cependant de constater que les traditions indigènes sont chez eux moins vivaces qu'ailleurs, ce qu'explique leur qualité de soldats au service de I'Empire.

6. Cirta et Castellum Celtianurn En abordant l'étude comparative de I'onomastiqae de Cirta et de Castellum Celtianurn, c'e.st-à4ire, respectivemento d'une ville qui a joué le rôle de capitale de la Numidie depuis le roi Syphax, et dnune des nombreuses bourgades faisa.nt partie de-14 cônfédération cirtéenne, on peut voir sur le vif l'évolution diffé-

335. CL, VrrI, 3080. 336. CIL,Yill, 18237. 337. CIL, VrII, 18308. 338. Voir en particulier les listes de L. R. DaeN, I Study ol the Cogno' mlna of Soldiers in Roman Legîons, Princeton, 1916, p. 111-116. 339. R. Clcrer, IlArmée..., p. 287'303, analyse diverses listes : C/tr, VIII, 18084, 18085, 1806?, 18068, 18086, 2565'2568; G. Fonm, Il Rectu' matento delle legione da Augwto a Dioclezîano, Milano'Roma [19531.

5&

Lc nom

rente de deux centres de romanisation w : le rôle dévolu à cbacune de ces villes, en fonction de leur situation et de leurs ressource,s respectives, les appelait à abriter une population très différente. A Cirta, les épitaphes peuvent être classées en trois gards groupes

*t

:

dans le premier, qui va des débuts de la Cîrta romaine jusqu'au rèpe d'Antonin, les monumenb funéraires sont surtout des stèles, la consécration aux Mânes est absente ; dans le second, qui couvre le rr" siècle l'époque sévé- les monumgnts sont toujours des stèlas,etmais des cippes denne, et des caissons apparaissent, et la mention DMS est constante;

le troisième groupe, qui couwe le reste du luu siècle, se la prédominance des caissons et l'évocation de

par caractérise la Memoria.

Ces caractéristiques externes ne trouvent malheureusement pas d'équivalents nets dans l'évolution des ûoms propres, dont les traits généraux ne changent guère d'une époque à l'autre, et il en va de même à Castellum Celtianum, dont fépigraphie funéraire se situe tout entière enffe la deuxième moitié du l"' siècle et le début du ru"

*.

I-e plus ancien noyau de la population de la Cirta romaine est constitué par les anciens compagnons de Sittius, originaires corlme lui de Campanie. On retrouve peut-être leur trace. Un certain nombre de gentilices, qui semblent appartenir en propre à Cirta@, sont aussi attestés en Campanie (Melissaeus)w. D'autres gentilices, qui sont plus souvent représentés ù Cina qu'ailleurs en Afrique, doivent aussi appartenir à ce fond de

Ce travail est considérablement facilité par les articles de PFLAUM, < Remarques sur I'onomastique de Castellum Celtianum >, Carnuntîna, 1955, p. tz6.lsl; < Remarques sur l'onomastique de Cirta >, 340.

IL G.

Lîmes Studien, Basel, 1957, p. 9G133 Q'autour eoulipe I'inégalité dee sources : le bourg rural de Celtianls fournit 1 2(X) noms, la grande ville de Ciru n'en donne que 1 150). 341. l.M. LassÈne, op. cit., p. ?Âl-34t. 342. H. G. Pruuu, loc. cit., in Carnuntina, p. Ln. 343. H.G. PFLAUM, loc. clt., in Limes Stadlen, p. 112-113. 344.

ILA|,Ir,

1487.

population initial, sans qu'il soit possible de leur assigner une provenance italique u". H. G. Pflaum a établi à leur propos des

tableaux auxquels il suffit de se reporter. Nous avons ainsi, ù Cirta, le < monopole > de Roccius, Dupidius et Salvidenius, et une forte représentation de Cominius, Fonteius, Granius, Horatius, Propertius, Saenius, Seius. A Castellum Celtianum, nous trouvons de même des gentilices comme Bottius, Bombius, Annaenius (avec diverses variations orthographiques), Bennius, Basilius, Brinnius, Calicius, dont la répartition particulière permet de formuler I'hypothèse qu'il s'agit de noms introduits dans

le bourg par les premiers colons sittiens. Connaissant I'histoire de Cirta et le rôle qu'y jouèrent dcs qui reçut de César, après hommes comme P. Sittius de Nucérie Thapsus, le territoire de la future -confédération cirtéennen et qui paracheva le futur Auguste comme Octavius Çss41 -, guère de trouver en tête læuvre de colonisation, on ne s'étonne Celtianunl' celJr Castellum des gentilices attestés à Cirta et à Iulius 226 fois nom trouve le on d'Iulius et de Sittius ; à Cirta, respectivement trouve on les ù Celtianis, fois et Sittius 97 ; 271 et 81 fois. Qui sont les porteurs de ces gentilices ? A coup str des gens qui n'étaient pas citoyens avant que ces noms leur eussent été donnés. Ce sont les soldats de Sittius, mercenaires, recrutés partiellement en Espagne, mais en majorité en Afrique même. Avec les compagnons italiques de Sittius, ces soldats, démobilisés, constituent I'autre moitié de la population romaine de la colonie de Cirta. Ainsi entamée, la romanisation de Cirta va se poursuivre et 345. Une mention spéciale est à faire pour certains gentilices, comme ceux des Crepereî ou des Egrilii, qtai ont fait I'objet d'une étude de H.G. Prr-euru, in Mélanges Saurnagne, Tunis, 1968, p. 65'72. Discutant des affirmations de B. LEwlcK, S. Jauesox, in JR,S, 1964, p. 104, I'auteur

montre que les Crcperei ne sont pas originaires de Lambèse, puisqu'on les trouve dans la région de cirta et das castella celtianum et Tidditanorum, L'arrivée de ces noms en Afrique pourrait dater de Sittius, ou plutôt peut' être de I'ennée 26, date où Auguste renforca par lrn ûouveau contingent la colonie sittienne (P. Prcemol, H.G. Prleuu, < T-a Borne de Ksar Mahidjiba >, RSAC, 1953, LXVilI, p. 217). Il en irait de même pour les Egrilii, qui ne doivent pas leur nom au procoosul Q. Eedlius Plarianus (date 159-160), puisque le gentilice est attesté en Cirtéenne bien avant. 566

I*

nom

même, si I'on en croit Pflaum, s'achever avant les Flaviens. Deux observations corroborent cette vtre : on trouve très peu de gentilices impériaux postérieurs aux Flaviens ; les gentilicls des gouverneurs romafuN entre 46 av. J. C. et 54 ap. J. C. sont parmi ceru( que I'on rencontre le plgs fréquemment ; preuve gue chaque gouvemeur a su favoriser l'accès à la citoyenneté romaine de quelques-uns de ses protégés. Cette double constatation est aussi valable pout Castellum CeI-

tîanumw. Mais ces < romanisés de la première heure > ne sont pas toute la population. L'onomastique nous permet de retrouver la trace de ceux dont I'adhésion aux coutumes romaines fut moins complète. Comme on peut s'y attendre, les restes de noms indigènes sont plus nombreux ù Castellurn Celtianum qu'à Cirta. La comparaison entre les listes de cognorninn cirtéens et celtianesiens est sur certains points très éloquente *'. Les surnoms d'oriEine glecque sont au nombre de 130 à Cirta et d'une douzaine ù Celtianrs; la métropole qu'est Cirta attire bien entendu beaucoup plus les Orientaux, et l'influence gfecque y trouve un accueil plus empressé qu'à la campagne. Pour les sthniques, la disproportion est analogue : une quinzaine ù Castellum Celtionum (exactement 15) contre une cinquantaine à Cirta (exactement 47). Mais alors qu'à la campagne nous trouvons surtout des ethniques originaires d'Italie et quelques esslaves d'origine syrienne ou grecque, à Cîrta d'autres origines sont représentées, et notamment un $oupe d'Africains issus, à une exception près, des régions de I'ouest de Cirta, ainsi qu'un groupe de Juifs.

I*s

cognomizc puniques et libyques sont au nombre de 85

ù Cirta, contre 107 à Castellum Celtianum. Ainsi, c'est à la campagne que se sont mieux conservés les noms africains, tandis qu'à la ville ils ont moins résisté à finfluence de la romanisation. L.es cognornina latino-africains sont eux aussi plus abondants 346. H.G. Prr.euu, loc, cit., in Limes Studien, p. 99. 347. Tous les éléments de cette comparaison proviennent des deux travaux déjà cités de H, G. Pflaum. Selon M. A. Mar.r,ox, in Liblca, 1959, V[, p. 115-120, il faut chasser le signum Cissius de I'ononrastique de Cirta, car il représente une faute dc l'ordinator.

à la campagne (172) qu'à Cirta (128). Cette disproportion toutefois ne doit pas, à notre avis, être prise au pied de la lettre : Castellum Celtianum a fourni proportionnellement un plus grand nombre de documents que Cirta. Et le nombre d'indigènes romanisés dans la population des deux cités doit en réalité représenter, ici comme là, la majorité. Simplement le substrat est resté plus apparent, donc plus aisément décelable, à la campagne qu'à la ville.

7, Les villes de Tingitane : I'exemple privilégiê d'e Volubîlis Bien que la Tingitane n'ait, dans son ensemble, fourni qu'une petite partie de la très abondante moisson de l'épigraphie romaine de I'Afrique *, la population de ses principales cités a déjà fait I'objet de quelques études dont nous voudrions surtout examiner les conclusions *. Ces études ont porté sur divers centres d'importance fort inégale (Tanger, Banasa, Sal.a, Volubi&s). C'est dire qu'on ne peut, en toute rigueur, prendre pour définitfs leurs résultats, qui s'appuient sur I'examen d'un nombre parfois très restreint de documents. Seule la documentation recueillie da"s la capitale provinciale, Volubilis, n'est pas complètement inutilisable. C'est donc surtout sur elle que I'on se fondera pour un peu tenter de trouver si la Tîngitane, de par sa situation gravité de de centres véritables par aux rapport excentrique Numidie et la que la Proconsulaire sont fAfrique romaine -, ne présente pas quelque originalité dans la composition de sa

348. Sur les villes romaines du Maroc, L' Cnerpr,erx, Le Maroc des Romains, Paris, 1944 (vieilli). Une petite partie des inscriptions se trouve dans le recueil de L. CnareLeIN, Inscriptions latines da Maroc, Patis, 1942, qri est resté incomplet. Un recueil des inscriptions latines de Ïngitane est en préparation sous la direction de M. Euzennat : il comblera une grave lacune. 349. Les études sur le peuplement sont de J. Marion, à qui lon doit successivement : < Note sur le peuplement de Tanger à l'époque romaine >, Hesperts, 1948, )O(XV, p, 125-149; < Note sur le peuplement de Banasa >, Hesperis, 1950, )OOfl/II, p. 157-180 ; < Note sur le peuple' ment de Sala >, ibid., p. 399427; < La Population cle Volubilis à l'époque romaine >, BAM, 1960, ry, p. 133-187. Une étude portant sur une caté' gorie particulière de la population est due à M. Euzrmnr, < Grecs et Orientaux en Maurétanie tiugitane >, Anrtquités africaines, 1971, V,

p.

568

161-178.

Iæ nom

population, et coûlment cette population réagit devant le problème de I'acceptation ou du refus de la romanisation. On doit cependant, auparavant, faire état de quelquas remarques qui peuvent être tirées de I'onomastique des personnages frgurant sur la table de Bætasa. On sait que ce document nous fait connaître trois générations successives d'une famille de notables de la tribu des Zegrensesso. Iæ père, avant d'obtenir la citoyenneté romaine, est appelé Iulianus et son épouse âddina. Ils n'ont donc pæ de gentlice, ce qui est normal pour des pérégrins, mais, alors que l'époux L vn cognotnen la{rn, fépouse porte un nom indigène : Zddina semble se rattacher aux noms lybiques en -in (comme Miggin), et il s'agit sans doute d'une graphie particulière du nom, déjà connu, de Stiddin *'. Leurs quatre enfants ont tous des cogrnmina Lztins : Iulianus (fahé a le nom de son père), Maximus, Maximinus, Diogenianus. Dans la famille du fils atné, nous rettouvons la même distribution : Iulianus, devenu Aurelius Iulianus par sa oulumlisation et occupant la fonction de prînceps, épouse Faggura, dont le nom semble libyque. Il donne à ses enfants des noms latins, très voisins de ceux qui étaient portés dans la famille par la gên&ation précédente : nous retrouvons en effet un lulianus et un Diogenianus, avec une luliana et une Maximia. On peut constater là le maintien d'une tradition familiale dans le choix des noms, due peut-être au désir d'honorer quelque puissant protecteur romain : la famille semble en effet avoir bénéficié de l'appui de divers procurateurs de la province *. 350. IÆ stemma se dresse très aisément : Iulianus épouse Zddina

Faggura Unou."

t

35L, CIL, VrU, 10686, 352. Sur la table de Banasq 1971, p. 468490.

**

voir CRll, 1961, p. 317-323 CRAI,

Volubilis *', QUi fournit les noms de plus de 300 personnages, domre peut-être un échantillon représentatif de sa population à l'époque romaine. Une remarque préalable s'impose cependant, tirée de l'observation des quatre inscriptions puniques gravées sur les stèles monumentales qui ont été retrouvées dans le tumulus dominant la cité et remontant au uro siècle av. J. C. 8un. Ces stèles, que J. Février attribuerait à la seconde moitié du rt" siècle ou à la première partie du I"", attestent l'ancienneté du peuplement et

ù Volubilis. Les noms qu'on relève sur sont tantôt d'apparence libyque, tantôt d'apparence punique : notons toutefois que dans la longue généalogie de I'inscription dite du suffète (n' 4), un seul nom punique apparaît (Aris) au sein d'une série de noms considérés comme libyques (swyrMKN, MKLL, rryMLL, MLIVYTNK, YMSTN). On ne snétonnera donc pas de trouver à l'époque romaine, et jusqu'à la fin du ure siècle, une population qui révèle ses origines par sa prédilection marquée pour certains noms. Et pourtant, ù VoluàilLs plus qu'ailleurs, il ne nous est donné de connaître avec quelque précision qu'une petite partie de la population, et cette petite partie est faite presque exclusivement de notables *. Il en l'occurtaut en outre noter que le hasard dnune trouvaille - les noms nous fait connaître rence une inscription sur bronze qui sont sans doute des d'un certain nombre de Volubilitains, vétérans et qui viennent renforcer notre documentation sur la classe aisée de Volubilis6". de I'influence punique

ce,s stèles

353. Quelques considérations sur la population de Volubilis dans R. Tnouvrnot, Yolubilis, Paris, 1949, p. 23-30. 354. Ces inscriptions, publiées d'abord par J. FÉvnres, in BAC, 1955' p. 29-33, font lobjet d'une nouvelle publication avec de nombreuses et importattes modifications, dans le recueil des Inscriptions antiques du Maroc, Paris, 1966, 82-97. Co recueil contient les inscriptions libyques, publiées par L. Galand, Ies inscriptions puniques et néopuniques' par I. Février, et les inscriptions hébra'r'ques, par G. Vajda' 355. I-e nombre des funéraires retrouvées à Volubilîs ne dépasse pas de beaucoup la centaine; Cest dire que les classes populaires ne sont pas convenablement représentées. 356. R. Ertrmte, < Une inscription découverte à Volubilis >, Latomus, difficile parce que incomplet 1955, XfV, p.241-261, étudie ce texte - compte de la mention qui est et propose diverses hypothèses pour rendre s70

.

Le nom

Dàs les premiers temps de la conquête romaine, un document *' nous montre que M. Valerius Severus, qui a commandé un détachement de Maures lors de la répression du soulèvenent d'Aedemon, est fils d'un Bostar et époux d'une Fabia Bira, elle-même fille d'un lzelta. Ni Bostar ni Izelta ne sont, contrairement à leurs enfants, des citoyens romains, et portent des noms africains s6. Ainsi, une seule génération a sutfr pour que disparaisse toute précieux

trace de I'origine africaine dans le nom du fils de la famille. L'acceptation de ia romanité semble s'être accompag!ée ici du net désir de prendre ses distances avec le passé africain sous toutes ses formes : M. Valerius Severus se veut intégralement lspain, puisqu'il n'hésite pas, d'une pd, à prendre les armes contre ceux des Maure.s qui tefusent la domination romaine, d'autre part, à effacer toute trace africaine de son nom. Cnest sans doute la considération de ce cas qui incitait un historien à écrire : < On dirait que ces Romains de fraîche date ont voulu du premier coup effacer toute trace de leur qualité antérieure de pérégrins et commencer leur assimilation eu prenan! autant qu'ils le pouvaient, toutes les apparences extérieures des maîtres du monde'un. > Mais peut-être est-il abusif de prendre comme symbole de l'évolution des Volubilitains le cas de cet ancien suffète, devenu duurnvîr et tl,amen dès l'érection de sa cité en municipe, et principal artisan de cette promotion *. IÆ contexte faite, en tête de cette inscripiion, de Vetera(ni) et de Principes (æxte déjà publié dans CRAI, 1954, p. 126 et s.; AE, 1953, 40). 357. ILM,116

(-

ILAf,634).

358. Bostar est un nom punique qui provient de BDSTI{T (c'est-àdire : dans la main dâstarté). Dans le répertoire de I'onomastique punique de Cartûage (Karthago, XII, p. 96-98), ce rom totalise piusieurs centaines de références; il est fréquemment attesté aussi dans le sanctuaire punique d'El-Hofra. La forme latinisée Bostar existe à Caesrea (CIL, Y\1, 9450, et se lit aussi dans Trre-Lrw, ,Q dans laquelle on puisse le cæ échéant puiser des alliés ou des épigones. Comme il est naturel, le secteur dominant n'accepte de faire place à des éléments issus des autres sectews que pour autant qunils ne mettent pas en cause sa prééminence, mais contribuent au contraire à assurer sa pérennité. Ainsi s'est-il constitué, peu à peu, dans la société africaine, trois grands goupes :

a) celui des Romains (d'origine ou d'adoption) sur lequel sont toujours concentrés tous les regards;

se

b) celui des Africains réfractaires, soit hors da lirnes (comme ceux du Maroc central et oriental, des Hautes Plaines algéroises

et oranaises, du sud de I'Aurès et du désert tripolitain), soit dans des îlots de résistance qui se sont maintenus au sein du

territoire des provincas romaines (comme dans les montagnes de la Kroumirie, de la Kabylie, de I'Ouarsenis ou du Rif) ;

c) enfin, et c'est historiquement le goupe le plus important, celui des romanisés partiels. Selon que I'on portera loattention sur l'un ou fautre de ces groupes, on concluta à féchec ou au sucês de la romanisation. Les documents et les événements dont nous disposons, et que nous avons évoqués au cours de ce travail, nous ont mis en présence, alternativement ou conjointement, d'éléments issus de ces groupes aux caractéristiques contradictoires.

Le dernier est le plus déterminant. Ce groupe intermédiaire, qui comporte à la fois des citadins et des paysans (ce qui permet de repousser comme insufÏisante la traditionnelle opposition entre I'Afrique romanisée des villes et lâfrique indigène des campagnes), des gens de tradition libyque et des gens de tradition punique, est lui-même hiérarchisé à f infini et, par ses franges supérieure et inférieure, il touche aux deux autres groupes. Bien qunil soit, de par son absence d'homogénéité, inapte malgré son nombre à jouer dans I'histoire confisquê par la fraction romaine africaine le rôle moteur - le pivot sur lequel s'est ioué, à long ce groupe sg1 a{anmoins terme, lè sort de la romanisation. Or ses membres sont soumis à des influences contradictoires : tantôt, naturellement désireux de s'élever dans la hiérarchie sociale, ils adoptent avec empressement certains des traits de l'oligarchie dominante; tantôt, -se sentant proches encore de la société indigène, ils restent fidèles à leurs traditions et Ésistent aux innovations. Ainsi les voit-on à la fois rechercher passionnément lhonneur de la citoyenneté romaine et édifier 6es lsmples à Saturne africain leur langue ou leurs usages onomastiques tradiou "ooretu"r nouJ avons pu le voir, il est probable qu'à Comme tionnels. chacun subsiste une pluralité de conceptions de même I'intérieur du monde et de réactions possibles Qibyque, punique, romaine) qui souvent coexistent sans se mêler, sans qu'il en résulte de confusion.

I1 s'agit donc 1à dnun groupe social particulièrement difficile 584

Cotuluslon

à transformer durablement, dans la mesure où, peu soucieux de cohérence, il n'est pas gêné d'avoir, en des domïines dilférents, des systèmes de référence diven, et même pourrait-on dire, uné conscience à facetûes. On comprend, dans ces conditions, qunil constitue le maillon le plus faible de la société africaine :

"apible d'aller très loin dans la voie de t6 ls6anissfion spontande (et I'exemple fameux du moissonneur de Mactar peut ici être invoqué), capable aussi de faire machine arrière si les chconstanses

I'y forcent, prêt mêne à utiliser contre la

romanisation

des

méthodes empruntées à Rome.

Pourquoi ce groupe n'a-t-il pas été gagpé à la civilisation romaine, pourquoi même ceux de ses membres qui avaient été gagnâs ont-ils été perdus par la suite ? Les raisons en sont multiples, et l,on n,en redonnera ici qu'une brève synthèse. Nous avons vu tout d'abord que, pour une grande partie des Africains, la séduction de la civilisation romaine ne pouvait guère jouer. Beaucoup de ceux qui avaient été amenés, de gré ou de force, à changer leurs conditions de vie traditionnelles (tribus cantonnées, nomades sédentarisés, citadins devenus citoyens de seconde zone dans leurs propres cités lorsque celles-ci

reçoivent des colons italiques) pouvaient à bon droit juger que, loin d'être nécessairement un facteur d'amélioration, la présence romaine jouait plutôt parfois comme un facteur de régression.

Doù une

certaine défiance. Défiance qui ne pouvait que au contact des pratiques coloniales romaines. Caf, ce qui, dans l'action romaine, était bon, n'était pas toujours nouveau : le développement de I'exploitation agricole, I'urbanisation avaient commencé bien avant Rome; et se qui était nouveau n'était pas toujours bon : I'expropriation, au profit de I'empereur ou de particuliers, des terres des tribus, l'exploitation de ces terres par leurs anciens propriétaires, réduits à fétat dnouvriers agricoles, n'étaient pas faites pour entrainer l'adhésion de ceux qui en faisaient les frais. Si bien que la colonisation romaine, si elle fut indubitablement favolable à certains Africains pris individuellement, n'était pas nécessairement sentie comme bénéfrque lnur tous ceux qui, en fin de compte, n'en étaient que les victimes plus ou moins consentantes. D'autre part, pour ceux-là même que le mirage romain séduis'accentuer

sait, le shsmin vers la romanisation n'était guère aisé à parcourir. Nous avons essayé de montrer comment Rome avait été moins prodigue du droit de cité qu'on ne le croit comment elle avait observé une savante et prudente lenteur dans I'amélioration du statut municipal des cités indigènqs, comment enfin elle avait utilisé le fait urbain autant corlme un instrument de domination que comme un instrument de développemett. Dans ces conditions, des facteurs favorables qui ont permis I'assimilation d'une partie de la population afticaine (mélange ethnique, mimétisme culturel, réceptivité des indigènes) n'ont pu jouer pour la majorité : le mélange ethnîque, qui se fit au niveau des familles de riche, ne semble plus s'opérer dans les autres bourgeoisie la couches de la population, peut-être parce que I'immigration italique ne fut jamais assez importante pour imposer un réel brassage; de même, le mimétisme culturel ne concerna qu'une frange de-la bourgeoisie, puisque Rome ne s'est pas souciée de mettre en place les institutions qui auraient pu favoriser une romanisation < de masse > ; snfin, levr réceptivîté n-ayaît pas toujours trouvé à s'employer pleinement, une partie des Africains sont restés, pourraiton dire, en disponibilité.

Ainsi s'est développée la

masse nombreuse des romanisés

partiels, c'est-à-dire de tous ceux qui, faute de porrvoir arrivgr âu terme ultime de la romanisation, à savoir loassimilation, s'arrêtaient en chemin. Ce groupe, qui aurait pu n'être qu'un relais, une étape de transition, finit par se constituer en un ensemble permanent, qui peu à peu réussit à se donner une certaine ôohérence en puisant conjointement aux deux sources dont il disposait (romaine et africaine). C'est ce qui aboutira à une certaiie renaissance de la culture indigène traditionnelle à I'intérieur même du système romain : l'apport romain, au lieu de se substituer totalement à I'héritage africain, sert au contraire de modèle. On a maintes fois souligné combien, par exemple, la romanisation a favorisé la punicisation, et nous avons ici même attiré I'attention sur des phénomènes comme l'expansion de I'usage du caisson au ru'siècle, ou le renouveau de l'épigraphie libyque et 586

Concluslon

punique au contact de la romaine. Paradoxe.s apparents qui s'expliquent par le fait qu'au contact de la romanisation s'est opéré un ressaisissement de la tradition afticaine. Ce ressaisissement put s'accomplir d'autant plus aisément que I'héritage indigène, loin de se figer en uo cadre archaîque et monolitbique, n'a pas cessé d'être vivant, et même productif, comme nous avons pu le voir pour ce qui touche à la religion ou au langage. Un autre phénomène encore a favorisé le processus : le lent épuisement, dans les cités, des élites locales les plus ancienneaaal 1s64nisées et la montée de couches nouvelles t, pour lesquelles la romanisation est toujours à recommencer, ont frni par altérer le contenu même de I'héritage romain. Ainsi s'est opérée une modification de taille dans l'équilibre, à base hiérarchique, qui régissait l'Afrique romaine : les romanisâ partiels et leur culture hybride, cessant d'être un élément adventice en voie de résorption, deviennent au contraire un groupe de plus en plus important, autour duquel va se construire un nouvel équilibre. Et dans sette situation nouvelle les éléments proprement africains vont reprendre peu à peu une place prépondérante : le système se mettait en place qui devait bien plus tard et à la faveur de troubles extérieurs, aboutir à la déromanisation to. Car, bien que cette recherche s'arrête à un moment où fAftique apparaît comme un des éléments les plus stables de l'ensemble romain, nous ne pouvons manquer de rencontrer le problème de la déromanisation. Pour la simple raison que læ crises

politique, militaire, religieuse qui hâtèrent la fin de I'Afrique romaine ne sont évidemment pas nées sur un sol vierge. Certes, 1s 6fls6anisation ne soest pas faite en un iour : elle a suivi de lentes étapes, et duré plusieurs siècles. Comme la romanisation elle-même, elle est un phénomène complexe qui affecte diversement les multiples domaines sur lasquels il s'exerce. On sait que des pans entiers de I'héritage culturel romain (religion chrétienne, usage de la langue latine, référence au système juridique romain) ont survécu longtemps à la domination poli9. M. Rosrorruærr, op. cit, p. 187. 10. Déromanisation : nous ttous prmettons d'utiliser ce mot pour

désigner le processus historique qui a conduit à la disparition do la domiuation et de la sivilisados rotnaines en Afrigræ du Nord.

tique romaine'! et même que certains traits se sont maintenus jusqu'à nos jours, du moins dans des régions privilégiées u. Bien d'autres observations sont significatives à cet égard : le fait, par exemple, qu'après finvasion vandale se soit produite la reconquête byzantine; ou bien l'attitude d'un Firmus, qui continue à se proclamer romain au moment où il se rend indépendant, courme si la référence à la romanité était indispensable pour affirmer la continuité et la légitimité du pouvoir. Mais ces réserves une fois formulées, il n'en reste pas moins que la déromanisation a fini par se faire, et qu'elle ne peut pils ne pas étendre son ombre sur toute la période qui I'a précédêa et qui I'a, peu ou prou, rendue possible : ni catastrophe impréwe s'abattant sur une Afrique résolument romaine, ni revanche éclatante de I'indépendance africaine après un duel séculaire avec Rome, la déromanisation apparait au contraire comme un phénomène étroitement dépendant du processus même de la romanisAtion.

à

présent de revenir sur à la question qui se posait dès l'inEoduction, celle de la légitimité d'un travail comme le nôtre. Cu la notion de résistance n'est pas une notion qui aille de soi. Rien ne nous autorisait a

Cette considération nous permet

I'ensemble de notre entreprise, pour tenter de répondre

priori à grouper sor$ un vocable unique des éléments aussi divers que ceux que nous avons tenté d'analyser ici. Il va de soi en effet que ni les compagnons révoltés de Tacfarinas, d'Aedemon ou de Faraxen, ni les dévôts de Saturne, de Caelestis ou des Dii Mauri, ni tous ceux qui conservaient, dans leur langage, dans leur onomastique, dans leurs coutumes, des traces vivantes de leurs ascendance punique ou libyque ne pouvaient se douter qu'ils étaient liés par une quelconque solidarité : bien au contraire, ils ont réagi en ordre dispersé et chacun s'est déterminé, tace à 11. C. Counrots, Vandales..., a souligné ce fait 12. G.C. PIcaRo, Civilisatîon..., p. 357, cite, à propos de Dougga" ces lignes de H. H. Abdul Wahab : < Iæ visiteur comprendra mieux combien la vie tunisienne d'aujourdtui est encore pênétée des pensées' des mæurg et des habitudes qui se fixèrent, dès les temps puniques et au cours de la p6riode romaine, parmi le peuple des petites villes tunisiennes, et qui durent encore malgré les profoods changements qu'a apportés dans les esprits, la croyance et la langue, I'adoption de fislam... > 588

Cottcfufun

Rome, en fonstion des conditions de vie qui étaient les siennqs. Seul le résultat final de I'histoire de I'Afrique romaine à savoir la déromanisation nous permet de faire maintenant ce

regroupement apparemment arbitraire. Car, à la longue, toutes ces réactions dispersées, toutes ces résistances parcellaires qui pouvaient d'abord apparaltre oomme 6s simples grains -de sable dans l'engrenage ds l4 ls6anisation ont ffni par consti- centrifuges, centrituer une inquiétante conjonction de forces fuges du moins par rapport à Rome et à sa culture, qui a modifré les équilibres divers sur lequel reposait l'édifice composite de I'Afrique romaine. Et c'est à la lumière de la déromanisation que l'on doit juger ce qull y avait de définitif ou de passager dans les formes multiples de la résistance.

Liste des abréviations

AE AESC BAA BAC BAM Bl BSAC BSAF CE CIS CRAI

XAnnée éplgraphique Annales Bconomies

-

Sociétés

-

Ctvilkations

Bulletln tarchéologie algérienne Bulletin archéologique du Comité des travaut hlsortques

et

sclentfflques

Bulletln tarchéologie ntarocalne Bonner lahrbiicher

Bulletin de la société archéologique de Constantùu Bulletln de la Soctété nationale des antîquabes de France Corpus Inscrlptionwn Latlnarum, Berolini, 1863 et années suivanfps

CT D

Corpus Inscrlptionum Serniticaram Comptes rendus de llAcad.êtnle des înærîptians e, berlesletttes Cahiers de Tunisie Inscrtptiones Latinae selectae, ed. H. Dessau, Berolini, 1892-

FIR

Fonres luris Romanl antlqui, ed. C.

IAM

t909-r9t2 lwcriptions antiques du Maroc, ed. L. Galand, J. Février,

IGR

G. Vajda, Paris, 1966 Inscfiptiones Graecae ad res Romanas peilinentes, ed. Cagnat,

IIt ILAf ILAI

t9t6

G. Bruns, TTlbingen,

Paris, 1901 et années suivanteg Inscrlptiones ltallae, ed. A. Dregrassi Inscrlptioræ latines tAfrlqae (Tripolltaine, Tunlsle, Maroc), ed. R. Capat, A. Merlin" L. Chatelai4 Paris, 1923 Inscriptlow latines de fAlgérîe, t. | : Iwcrtprtons de Ia

ILM

Procottsulaire, recueillies et publiées par S. Gsell, Paris, 1922: t. [ : Inscrtpfions de la confédératîon cirtéenn'e, de Cuîcul et d.e la tribu des Sabutbures, recueillies par S. Gsell, préparées par E. Albertini et I- Zniller, publiées par H.G. Pflaum, Paris, 1957. Inscriptiow latînes du Maroc, ed. L' Chatelain, Paris, 1942,

fasc.

I

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Inscrîptions latines de Ia Tunisie, Paris, 1944

,RS ,.S tSA MAt MEFR

Joumal of Rornan Studies

MSAF NAMS PBSR PIR PSAM RAI RB

of Roman Ttipolitania, ed. J.M. Reynolds, f. B. lVard-Perkins, Rome-London, 1952

Inscriptions

lournal

des savants

Journal de la Société des africanistes

Mémoires de lAcadémie des inscriptions et belles-lettres Mélanges darchéologie et dhîstoire, publiés par I'Ecole française de Rome Mémoîres de la Société nationale des antiquaires de France Nouvelles orchives des missions scientiliques et littéraires Papers of the Btîtish School at Rome Prosopographîa hnperîl Romani, 1"" éd' par E, Krebs'

H. Dessau, Berlin, 1897-1898 ; ? éd. par E. Groag, A. Stein, en count L. Petersen, 1933

-

Publications du Service iles antîquités du Maroc Revue africaine Paulys Realencyclopddie der Classischen Altertumwissen' schaft, ed, A, F. Pauly, G. 'Wissowa, Stuttgart, 1894 et années suivantes

REA KEL RH RECM RIID RIiR RIL

Revue des études anciennes Revue des études latines

RSAC

Recueil des nolîces et mémoîres de la Socîété orchéologiqae

Revue historique

Revue dhistoîre et de cîvilisatîon du Maghreb Revue historîque de droit français ct étranger Revue de thistoîre des religions Recueîl des insulptions lîbyques, ed. J. B. Chabot, Paris, 1940-1941

de Constantine

RT TAPS 5v2

Revue tunisîentæ Transactions

of the Amerîcan

Philological Society

REMERCIEMENTS.

Cet ouvrage reproduit, avec quelques modifications de détail, une thèse de doctorat préparée sous la direction de M. P. Grimal et soutenue en 1972 devant l'Université de Paris-sorbonne. Durant la rédaction de ce travail, j'ai bénéficié de faide et des encouragements de M. H. G. Pflaum, dont lamitié attentive m'a aidé à franchir bien des obstacles. J'ai bénéficié aussi des critiques et des suggestions de MM. les professeurs A. Chastagnol, R. Etienne, P. A. Féwieq M. Leglay, ainsi que des conseils de mes amis N. Charbonnel, M. Janon,

P. Iæveau. Le Centre National de la Recherche Scientilique m'a permis de menel à bien cette recherche dans les meilleures conditions. L'Université de Paris-Sorbonne a honoré d'une subvention la présente publication. P. Vidal-Naquet a bien voulu accepter cet ouvrage dans la collection qu'il dirige. A tous, j'exprime ici ma vive gratitude.

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Classi-

Ind,er

Les listes suivantes, qul ne visent pas à loumir un inventalre exhausttf du contenu de fouvrage, ne sont qu'un outil destiné à en facîlîter la consaltatîon. Dans le même but ont été insérés dans Ie corps de touvrage divers tableaux, dont on trouvera la ltste p. 630. Ces tableaux doivent donc être consultés au même titre que findex,

I. Noms de personnes L. Acilius

Strabo Clodius Nummus

saint Augustin 354, 473, (14, 48+485,487, 582

438

Aedemon 90-92, 57t, 588 Aelius Aelianus 228

L

Aurelius Julianus 46,6, 569

n. lt?-

3L9

Aelius Lamia 512 a. 65 P. Aeliuc Peregrinus Rogatus 174

n.

28

P. Aelius Primiranus 219-220 P. Aelius Romanus 153 n.

L72,

157, 158

Aelius Tuccuda t35 n lt2, t45 M. Aenilius Macer Saturninus 151

P. Albucius Apollonius Agippa 408-409 Albinus 183 Q. Anicius Faustuo

54L

169

Artoine 55, 245 Antonin le Pieux

Aurelius Litua 23+235 M. Aurelius [-.] 456 o.

n

130

M. Aurelius Victor ?lTî t lO8 M. Aurelius Vitalis 219 L. Autronius Pa€tus 6, 58 Bellenen 294

P.

Besius Betuinianus...

245, 353, 406

Bocchus

L. Apronius 79 L. Âpronius Caesianus 79-80 L. Apronius Pius 202 n. LO Apulée 354, 359, 582

T.

Auguste 41, 512

43-65, lO4, 166, 4t7,

U

Bogud 4E

Bctar

145, 150

ll9

Bocshus 48-49, 55, 58 n. 52,92,

120, 126 n 72135-144, 145, 164,374, 42L L. Appuleius Saturninus 35

C. Aufidius Victorinus 149 et n

130

Aurelius Urbanus Mastlius 456

92,245

4M

n. 13,

56, 58 o,. 52,

571

Caesernius Statius Quinctius

Macedo ll9 Caligule 48 n. 10, 85-90, 94

Calpurnius Goète) 147 Calpurnius Fabatus M9 Canart(h)a (Aurelius) 154-155 n. 174 et 177, 46M65

L.

601

Capellien 2Ol, 207-208, 324 Caracalla 158, 16l, 169, 185-186, 202, 308

n.

184,

105

C&ar (Jules) 26, 32, 35, 36,

38

L. Egnatuleius Sabinus Emilien 215

451

Epidius Quadratus 146

n.

131,

147

ù 42, 46, 4A8, 4L1 27 t. 5,37' 38

Ciéron

Claude 27 t 5,90-94'

417

Ti.

Claudius Candidus 148

Ti.

Claudius Gordianus 161 et

n.

139, 153, 180

n.

201

Claudius Perpetuus 158' 160 n.

196 et 197 T. Claudius Pollio 449

Florus Iabaeonis

531

166, 186, 421, 423

Constantin 239 Cornelius Balbus 59, 60, 84,

lO7 n.29 P. Cornelius Dolabella 81-82 L. Cornelius Lentulus 63-64 P. Cornelius Lentulus Scipio 79 Cossus Cornelius Lentulus Getuli-

10

M.

C.ornelius Octavianus 215 n. 57, 22G223, 319, 322, 323 n. 53

L. Cornificius 6, 58 Q. Cornificius 46 T. Curtilius Mancia 115 saint Cyprien 277-218 Dioclétien

168, 222, 233-240, 389

n. 13 Domitien lA+106, 108, 110, 114 n.5, 16l, 177 L. Domitius Ahenobarbus 505 L. Domitius Curvius Ttrllus t02 602

459 201

451

Flavius Septimius Aper 521 Florus Chanaris f.. 459, 461

Macer 97 Cluvius Rufus 98-99 Commode 155 n. 177,156 à.164,

crur 59,62,63, 65,75,78 n.

f.

Celer 531 T. Flavius Macer

Clodius

L.

Flaminalis Saturi Flavius

Cléopâtre 354

D. Clodius Galba

Faraxen 226-227, 324, 582, 588 Felix Nibilis 1. 459 Firmus 292, 392,582, 588 Flavii (à Le.pcts) 532 et n.

Claudii (à Lepcis) 526-527 Clementius Valerius Marcellinus 229-230 n. 113, 116

L.

M. Fadius Celer Flavianus Maximus 93

f.

459, 462

C. Fuficius Fanugo 46 C. Fulcinius Optatus 128 Fulvû (à Lepcis) 525-526

Fulvia Pia 525 Fulvius Plautianus (Plautien) 521 M. Furius Camillus 78,79 Furius Celsus t94 n. 105, 196 M. Furnius Donatus 452

Galba (proconsul) 94; (empereur) 97

Gallien 222,227 Q. Gargilius Martialis 22+227 Géta 188, 547 Gordiens 2Ol-207, 325 Gordien

III

207-211, 212-214

C. Gracchus 28-29, 32-35, 40

Hadrien

ll4 t. 5, L20-134, 137,

144, 162, 166, t72, 784, 420-

421, 434, 436

Cn. Haius Diadumenianus 47 8, 179 Hannibal 303,342,349

n.

hdox

Q. Ilerennius Hostilius Hiempsal q6 Ch. Hoeidius

@B

Marc AurèIe 145, 148, 151,

195

155

n

177, t&4,421-422 Marcii (à Lepcts) 522-530 Q. Marcius Barea 88-89 n. 43 Q. Marcius Dioga 530

yZ

Q. Marcius Turbo 172, 123-L26;

Ililasen (ou Ilila ?) 179 Iugmena 456 n. 130

@omoayme, 144)

Marius 35, 36, 38-40, 81,

410,

4t7

Masgava 292

Josué

484 Juba (roi de

Numidie) 39, 40,46, 49, 54, lO3 n,8,247,289 n. 13,

4M

Juba II (roi de Maurétanie) 49, 50, 55, 59, 62, 64, 79, 81, 95,

98, 248, 292-293

(dieu ?), 341,

406, 436, 509, 582 Jugurtha 29,35, 58 n. 52,

247, 592

76,8t,

Julia Domna 363 n. t76 Julius Maternus 106-108 Iulius Matif, Julius Nuffusis 22Y 230

C. Julius Pacatianus

t. 52

179-180 et

L. Julius Vehilius Gratus Julianus t49

L. Memmius Pacatus 459, 462 Memor t55 et n 177 Metellus 76, 81 Metellus Scipion n7 M. Mevius Romanus 289-290, 305

Micipsa 35, 4M

193-184

L.

Naevius Quadratianus 162

Néron 96, 147 Nerva 115, 418-419

L.

Nonius Asprenas 65, 7l

97-99,

Paccia Marcirana 181 n. 56

Lusius Quietus 122, 244, 324

L.

Passienus

Rufus 61,63

Perrennis 160 n.

Macrin 194, 220,

Pertinax

324

C. Macriniug Desianus 224 227

117-11& 438

354

461,

A. I-arcius Priscue 461 Lépide 55, U.5, 302 n. 92 M. Licinius Crassus Fnigi 9l T. Licinius Hierocles 18&190, Albinus 47 n. 8,

Mazippa 78 Mazuca 392

Q. Munatius Celsus 186 L. Munatius Gallus 438

Larcius Macrinus 459,

104,324

54,

40',

Mathun Massiranis f. 459 M. Maturius Victorinus 2L3 Maximien 234 236, 237 Maximin 203,206, 207

Mitbridate

69

Lucceius

27, 38, 39,

58, 247,295, 292, 293, 379, 430

L. Minicius Natalis

Junii (à Lepcîs) 527 Q. Iunius Blaesus SGBI

A.

Massinissa 25,

22G.

L.

194

L62

Pison (proconsul sous Caligula)

86 et n.

35

L. Pison Groconsul en

69)

87-88,

100, 324

M.

M.

Lepcis)

533

-time Sévère 523-524

Pompeius Silvanus 533

Pomponius Vitellianus 452'

454

Q. Porcius Vetustinus

143

Probus t56 n. L78,227 ftolémée (roi de Maurétanie) 81, 85, 89-90,

Septimius Severus (erand-père de Septime Sévère) 517-518

Septimii (ù Lepcis) 522-525 tableau généalogique de Sep-

Pompée 38, 40 Pompeii (à.

L.

95

Publilius Memorialie 450,

451,

455

C. Sertorius Cattianus 179 Servilius Rullus 38 Sévère Alexandre 188, 194, 217,220, 290, 302,308 n. 424, 48G487 Sévères (dynastie) 72, 374 T. Sextius 46 Sextius

Victor

Silii (à Lepcis)

92

Salluste 37, 76 a. Sallustius Marcrinianus 47, t79

Salmaces (frère de Firmus) 392 Saturninus (empereur) 228, 325 Scipion I'Africain ?:1, 246'250, 408

Scipion Seius

Séjan

Emilien 39 Avitus 124

80

L.

Sempronius Atratinus 59, 60 C. Sempronius Gracchus cf. Gracchus

Sex. Sentius Caecilianus 93

103 n. 8, 137 Sepemazines 213

86

Silius Amicus Haterianus 522

Sabinianus 2t4 n. 53

L

459, 463

Sextus Pompée 46,245

M. Silanus Salab

198, 105,

n

66,

528-529

Sittiani 40,367-368 P. Sittius, de Nucérie 39,

565-

566

T.

Stabilius Marianus (Tatinius)

452

Statius Priscus 318

T. Stæilius Taurus 46, 58 Cn. Suellius Flaccus 105 C. Suetonius Paulinus 9t M. Sulpicius Felix 136 P. Sulpicius Quirinus Marmaricus 61, 104,

Sylta

108

38

Syphax 58 n. 52, 4O2,406

Seqtige S-{!re- ,17r^_l^:^ L5-6.: 'ruct*ior 49 r. t6, 75-84, 95, 161 q. 19%_16_5-185, ?o?,,19: --tn * n,-Zqi, ï4t, q47,'Seo', jA8 n. 176, 423-424; (généalogie) 3ôi, 5t7-s24

*Ëiih(ti;*auin)' Masmul(e)' p. seprimius Aper sz: Septimius Flaccus 10G108 Tibère 8G83, 94, 512, 560 Septimius Geta (père de Septime Titus 109, 422 Sévère) 525 Trajan 73, !!4, ll5-121, L62, P. Septimius Geta (sénateur, de 418420, 432, 244, 439' 518 Lepcïs) 521 Trebonius Garucianus 97 C. Septimius Severus (eénateur, Lepcis) 521 604

de

Thllius Capito Pomponianus 43+ 435,436

Iturex

M. Valerius Severus 9L, 57t C. Vallius Maximianw tSI-152, 153, 158, 159 n. L92 L. Vallius Tranquillus llt s. 44 T. Varius Clemens 140, L4l C. Velius Rufus 109

Ucmetius 150 Ulpius Castus 219

M. Ulpius Cerealis 531 Victor 212-213 Umbonius Silo 9l Ulpius

Uret

179

Uttedius Honoratug 93 n.66, 137, 138, L43

Vespasien 96, 100, 16l-102, lL4,

t37, 4t8, 434 D. Veturius Macrinus

M.

Valeria

Atticilla

438

Valérien 208,215, 3I3

Valérien jeune 313 n. 16 Valerius Fætus 87-88, 89, 701,

3u

Valerius Maximianus 345

100,

155 n. t74 Veturius Veturiaaus 217 n.

68,220 C. Vibius Marsus 83,432 L. Vallius Tranquillus lll n 44 Victorinus (usurpateu) 325 Vitellius 98, 99, 100, 560

L.

Volusius Bassus Cerealis 521 Yolusii (à Lepcis) 528

II. Index géographique Abizar 2M,293

Althiburos (Medeina) 133,

Abthugni (Henchir es Souar) 133 Acholla (Bouia) 33

Arnmaedara

Ad Ammonem 336 Ad Maiores ll7 Ad. Medlas lt7 Aflou (Géryville) 151

Africa (province unifiée)

461 n. 138

les Andalouses 399 45-48,

Africa Nova 26, 39, 41, 4546, 417

Alrica Vetus 39 n. 50, 41, 45, 46, 52, tl9, 4t7,419

44,

Agbia (pagus) 41, 409 Aglsymba 106, 107

Ain Abid 434 Ain Bou Dib 219 Ain Kamellel 438 Ain Ouassel l8l n. Ain Rich 172 Ain Souda 350 Aîn Touta 174

56

Æin 7-ada 190

Ala Miliaria (Beniran) 174 Albalae (Ain Temouchent) 160, 239, 312, 343

Alexandrie Lls, 162, 54 Altava (ex-Lamoricière) 124, 175, 220,239 606

(Haidra) 65, 75, 8t' 83, lo3, L09, lL4, 348, 360,

418, 431, 557-559. Ampsaga (Oued el-Kebir) 435,

85, 168, 201,230

5+55,

178,

279 (stèles), 407

Anjra (Maroc) 482 n. l8

Majus Apulum 360 Apisa

507

Aquae Calldae (Hammam Righa) 56

Aquae Flavianae ll4 Aqua Septimiana Felix 274 Aquae Sirewes 143

Aradi (Bor,nrada\ 344, 346 Assuras (Zanfour) 55, 338 Atlas (mont) 91, 93, 269,

273,

372

Augilae 284 n. 84 Aalodes 184 Aurès 72,13, 1O3, ll4, 115-118, 134, l4l, 16l, 767, t7g, 2ll,

356, 422,445, 475, 477, 479 à 481, 495 Aazia (ex-Avmale) 82, 129, 144,

160, 167, 174, 184, L92, 193, 195,219, 224, 226,227, 234,

27O, 324, 343.

lndet

Avedda 184 AvittL Blbba t33, 4t4 n. Azziz-ben-Tellis 338,

Babba

3U,

Babor L16,222,221 421, 423

Banasa 56, 126, 202,399 Baquates 127, t28, 131, 135-136, 142 n. ll7, 14 ù 148,155, 157, 195-196

n.

ll3-114,

212-2L4,

229-232, 241, 460, 4W66, 468 Batna (monts de) 274 Bavares 193 n. l2O, L95-196 n. 109, 113 et 114,212,217 et s, 222, 224-228, 234, 236, 316, 3L9, 46+465

Berghawata 280

Bétique 145, 148 t52-154 170

Bibans (massif)

143,

:

t6l,

lt6,

204, 237, 349, 359, 362, 363, 365, 367,

167,

4ll,

423,550-552

179

174,

Castellum Dimmidî (Messad) 172, 2O7, 2ll, 273, 361

150

564

568

l7l-

Castellum Mastarense 345

Thigenslun

115

Castellurn Ttngltanum (ex-Orléans-

ville)

130

294

Castellurn

133

Vescera

Bou-Njem l7Û-t7l et

*

19-20

168

L43

Bulla Regia (Hammam Danadji)

132,341, 412, 4lg, 420 Burgus Speculatorius 16l Antoninlanus

(romaine) Colonta lunonia 28, 32 ù 34, 39, 208, 417; capitale de lAlrlca 41, 43, 52,53, 103, 130, L83, 203,

Castellum Celtîanurn

Bou-Saada 144

-

423.,

Castellas (tic)

Bou-Lares 475

Brtgetio

4t4,

167,

Boeha(r) LU, t74 Bordj bou Arreridj 289, 292 Bordj el Okhris 173

Bretagno

l3l, 142, l44,4OL Carthage (punique) 26, 27, 37, 38, 246250, 271, 278, 342, 352, 359, 363, 364, 398, 401, 408,

Castaboques (Costoboques) 149,

101

Lucaru

Carpis 4t, 4\7

150,

Bir-ed-Dreder 486 Bir-el-Soltane 167

Bir-Oum-AIi

4O7

Cap Bon 4L,417 n 127, 421 Capsa (Gafu) 65, 72, 75, Ll7, 186,ztl, 407, 4lg

Casae 178,

n.

Bezereos (Vezereos)

Bi.tica Biskra

417, 477 t. 12 Calama (Guefma) lLg, 288,294, &7, 420, 425, 475, 479481 Calceas Eerculls cf. el Kantara

Cartennae Cfénès) 56, 127, 128,

Ballene Pruesîdlum 294

n.

142, l5O, 174, 221, 234, 343,

Canarata

56

Bagradas (Medjerda) 32, 36, 39, 41, 52, 54, 134, 184, 390 n. t4,

193

(Cherchel) 94, 123, 134,

Caesarea 117 435

186

Tulel

469

n

t67

Kastellum Victorlae 128 et n. 79, 130, 439 Castra nova (ex-Perr6eaux) L43

d. ql

Celtîanis

Chalce

Castellurn Celtlanum

Cheffia 276, 440, 475, 479-48t Chettaba 27O,288,3U Chiebna 475 Chélif = Chinalaph Chtnalaph (ChéliCI 116

(vallée

56, 453 n. du) 72, 129,

142-L43, 167,238

R'Çass

Choba 133,142

27O

(-

Souggan

Chots (régions des) 65 Chott ech-Chergui 235

n, l0 Doukane)

294

el Djerid 186 el Fediedj 83,432 el Hodna 144,235 Chullu (Collo) 40 Cillium(Kasserine) lt4, 341, 4L84L9, 445

Tagma (mont Thammes) 435

Taya 27O, 288, 301, 304 tripolitain l7O Zireg 172

zit

279

Djedars 2E0,285

Crnithii

Djefara (désert) 485,

Cirta (Constantiae) 37, 40, 54, 55, 81, 116, 181 n. 56, 225, 270,

Dorsale tunisienne 72, 174

65, 78, 83, 421,434, M5, 460, 462, 46G467, 561

343,31}6,407, 4Lt, 462-46t, 475, 541, 56+568 clvtta,s Naîtabutum 461 Civitas Nybgenîorum ll7

511

Djelfa 172 Djurdjura 56,222,234, 372, Doucen

Duvivier

508

172 475

Clupea 41,412,417 Egypte 265,276, 278, 280,281,

Cohors Breucorum 143, 174

Colonia Tutcensium 442 n. 65 Constantiûe

-

Clrta

Equizeto 219, 424 Espagne 97, 127, t4l, 147, 148, lg0, 228,238,266, 362, 401

Constantinois ns Corsg 37 n. 39

Cotté

335,370, 542-543 Epidaure 362

399

crète 54

Cuicul (Diemila) tl6, 129, 329, 343,348, 419

27E,

Curubis 4I, 412, 417, 50+505

l7l 61, 115, 123,

Cydamus (Ghadames)

Cyrénaiique

337,5M

335,

Fahs (plaine

du)

500

Fedj Nouisserr 479 Fezt-zn 171, 185, 276, 285 n. Foum Ksantina

87

ll7

Fraxïnenses (gentiles) 226

et

s.

Frenda (monts) 167, 174, 175 Furnos Minus 4?A n. t55

Dacie

318

Dahra (monts) 73, 138, 312

Dalmatie Lll Danube 574,575

Gades 361, 40f Gadiaufala 407

Daya (monæ) 167, 186

Diana Veteranorum (7-ana) 420 Djebel

Afia

346

Amour Behelil Bou

277

Garama (Djerma ou Germa) lO2, 106, 171,285 n. 87 Ga.ramantes 60-61, 69, 81, 84,

283

Kahil

172

Boukournein 270

Djelloud 270 n. lO,

Onk 608

2ll

Gaffour 340 El Gahra t72 Gales 4O7

552

tot-t02,106,

Gastel

279

108

Gaule 33, 560 Gemellae (El Kasba$ L3O, 162, 167, 2L6 n. 62,217, 422, 423,

Italica 152, 154 ItÛlict 37, 38

445

Ghardimaou 478

Gbarian 185 G/zlr (fleuve) 9t Ghorfa (plaine) 34O,353, 360 Glgthis (Bou Ghara) 421, 445, 467, 56t Gouraya -

Grlmldi

Gunugu

174

Guelaa-bou-Atfane, 442, 463

Guergour (monts) 222 Gunugu (Gouraya) 56, 399, 407 Gurza (civitas) 505, 506, d. pagus Gurzensis

Hadrumète (Sousse) Ll&, 203, 206, 412 Haidra

-

33 n.

19,

Hammam ez Zoaakra 279 Hecatompylos Cfheveste) 403

Henchir Debbek 184 360

Rohban

562

Ilippo Dlarchytus (Bizerte)

144, 167, 172, 173, 182,

495

Honea

2ll,

378

Kef el Blida 283 Kerkenna (îles) 36 et n. 39 Khenchela - Mascala

Kifan-bel-Gonari 279

Kroub

276

Ksar Gourai

=

Maeila

561

Ksiba (cluiras Pophtensls)

303

Laghouat 172 Lambalundi 115 Larnbd.ia (Medea) 142, 160,

L74

Lambèse 109, 115, 118, 130,144, 157, 162, 164, l7g, 194, lg6, 343,346, 422, 563, 564

Isileili (Diidielli) 55, t28,

130,

134, 142, 439, 561

n.

Caesarea 406, 509 Ismuc oppidum 407 n. 88

m

(plaino de) 393 Kairouan Kalaat-es-Senam 279 El Kantara (Calceus Eerculls)

I-amy 475-476, 480-481 Larcs 132, 4W,420 Lepcls Magna 64, 72, 82 n

Icosium (Alger) 407, 475

Iol

477

224,227, 274,292, 3tg, 324,

277 315

Ilaguas (Inguantes) 237

Kabylie 73, lL6, 237, 372, n. t2 tl6 - Petite lt6, 196 - Babor Grande 271

41

Hlppo Regius (Annabq ex-Bone) toz, 103, 4tg, 475, 4g+495 Hodna (monts) 7l à 73, 103, 118,

Hoggar

- Cirta 567 123 - Volubilis 575 -

Ksar el Boum

es-Srira 293 Ramdane 289, 326, 328

El Hofra

384

Q6énaique

103, 16l, tg6, 346 Kaputtasaccura L74, 186

Ammaedara

el Oust

Juifs

13

23,

96, t0t-102,106, 108, 114, 118, L7O, 171, 180, 181 n. 56, 183,

185, 203, 358, 4O7, 419, 4gg n. 40, 511 à 550, 518.520, 54G 547

Leptî Minus (Leptis Minor) n. 19,343, 412

33

Libye,

Metlili

106

Llrnisa 407 Llxus (Larache) 94, 399' 482 n. 18

Lucu

Mtddidi 347,359 4L7,

M.ila

Milev =(Mîla) 40, 225, 475' 47Y

Mitev

481

174, t86

Lusitanie

118, 211

Micia (Yetel) 3t7

Libyphéniciens 400, 500

Mitiana 52, 134, 42t, Misicirî 440 Mizda 185, 511 Mondovi 475

152

Macenites 145-148, 464,

465

Macomades 407 Mactaris (Maktar) 277, 278, 407,

409, 422, 479, 481, 485, 501, 555, 557

ll5,

Madauros (Madaure) 290,346, 407, 4t8

275,

Monte, regio Montensis 157' 158 Mopth.., 116, L58, 419 Moulouya - Malva el Mreiti (mausolée d') 285 n. 87

Muduciuvit 105, l7O, 43G437' 443

275, 288,297 à 3Ol, 305 . Muluchat (MoulouYa) 69, 406 Malva (Moulouya) cf. Muluchat

Magila

Manliana (ex-Affreville) L4l, t42

Marmarides

6L Masaeeyles 69

(gens)

Masat. 322,

452

Mascula (Khenchela) lt4, 420 Masculula 289, 304', Atl Massin(enses) 293

Massyles 69

Maures 69, t27, 137, 138, 147' 157

Maurétanie (royaume) 35, 49, 50, 92

Sitifienne, 235, 238

Maxula (Rades) 52 Mazices 157-158, 292, 458 Mechta Bouchaib 479 Médea

=

Médeina

Larnbdta

=

Althlburos

Medelitanl 53

n. 32i cfl. Pagw

Mercurlalis

Mediedel Medjerda

Bagradas

Medracen 280, 282, 285, 402

Menaa

178

Mesphe 512 Mersa Madakh 294 610

n. 57,

Malva

Municipium Aurelium C(ommodia'

numi (H;enchir Bou Cha) 422 Munier 475 Musones 443 i (Musonù 443 n.

Mustt

42

Musulames 62-65, 71, 74-84, 9394, ll5, 4t8, 4L9. 43I, 439, 445, 558, 561 territoire : tableau p. 437'

-438 76 n 4, 102,56l - Gubul Reglani 4t9, 443 n, 69 Musunii Muthul (oued Mellègue) 76 Muxsi Qtagus) 408 n. 89 Muzuc 424 n. 155

Naraggara 289,290, 368, 407 Nasamons 63-64, 104-105, 115,

177,284,361, 437 (- Sava flumen) (Soummam) 56, 293, 508 Nattabutes 442, 463 Neapolîs (Nabeul) 41, 412, 4L7 Nemenchas (monts) 73, 134, 2ll' 285 n. 87

Nasavath

143

=

=

69

Masathat (Oued Massa) 452

148,

423

399

Nepte

186

lndex

Nicives 434435

Philippeville

Nlgewes Maiores tI7-lL8 Numldae (tibu) 4L8, 439,

Phua 304 Pomaria (flemcen) 291 Portus Magnus l4l, 143, 508 Praesldium Sulatlve (Ain Temouchent) lU Pupput 164, 422

442, 460, 462, 463, 466,

At-

67

Numidie (royaume) 35, 36, 39, 49, 54, 379

Numluli (pa4us) 41, 409

Nybgenii 420

n

Oea

L7l, 185,354,367,

L39,432

-

Rwicade

Qulnquegentanei 225

101 n. 2,

511

Oppidun Novum (ex-Duperré) 94, 142, 4L7, 454, 455 n.

Oranie 398, 399, 453 n, ll4 Oued Abdi ll7

l4t,

174,

Rachgoun = Portus Slgeds 399 Rapidurn (Sour Djouab) L23, L29,

Rharb

Lekkal 219 Loukkos 239 -

57

Métie

Ampsaga

238

17

L42, 160, t67, 277,322,329,

el Kebir

ùIellègue

n.

235-

338, 343 Ras Shamra 3U

Abiod ll7, l4L el Arab 7l Djedi r72 el

Riou

et s.,

125

475

Ouarsenis 73, L38, I42,

236 Quiza Cenltana 498

111

Rhummel 274

Rif

Mathul

Roknia

Seybousp 476 Siliana 36 n" 38 Sorfmmam

Taga tlT -

(Rifains) 57, l4B-149,

150

Ouled Bechiah 475 et s., 479

Oum Krékècbe 343, 442 463

n

301

.Roubrlcatos (Oued el Kebir Rusaddir (Melill,a) 72 Rusazus (Azeffoun) 56

Nasavath

50,

Rusguniae (Cap

2r9,

372,

226

?)

Matifou)

435

56,

Rusbade (Philippeville) 40, N7, 475

Rttsuccuru (Dellys) 94, Pagus

t4Z,

417

Fortwulis 53 et n. 31 Gurzensis

= Gususl (Gunswi) 408 n.

89, 422

n.

Gurza

744

Mercurialls 53 et

*

32

- Muxsl 408 n. 89 - Thuscae 408 n. 89, 422 n.

144

Venerlensis 338,344 Zeugel 408 n. 89 - (fleuve non identifié) 79 Pagyda

Pannonie

111

Pheradi MaJus 425

@ens) Saboldum 462

Sabratha 143, sLl, 5t2

Sadouri

172

Sahara, sahariens 66, 70, 72,73, 84, 101-108, tz0, 149 n. 145,

167, l7t, 193 n. 99, 210,236, 265, 27L, 2?6 (oriental), 37?-

444

Saida

(mon8)

L67

Saint-Arnaud 435

6tl

Saint-Denis du

Saint-Donat

Sig

Svrie '- ll4, l4l,

274

435

Sala (Chella) 136, 146, 178' 239 Gens) Salass. 453 Saldae (Bo\eie) 56, 129, 134, 142,

144,'217

n, 69,234,

168

Syriens 318 n. 38, 547,575 Syrtes (gofe des) 64, t69,324 Syrte (Grande) 64, lO4

243, 290

313-315, 407,475 Sarafls (Perigotville) 316

Tacape (Gabès) 65, 72, 75' 83, 115, 161, 170-171, 185-186,432,

Sedrata 276, 475, 479'48I

(plaine) 346 Sétif = Sitifis, (plaine de)

5t2

Sers

435

(gens) Severi(ana?) 44I

Sfax

37

Siagu 363,386,

507

Si Aoun l7O Sicca Veneria (le

4tL Sidi Aissa L44

Kd;

54, 407'

Sîga 386, (mausolée) 4o2, Sigas 475, 479'481

Sib

406

274,279

Sillègue

n8

Simitthu (Chemtou) 54, 270, 4UI Singilia Barba 152, 154 Siouah (oasis) 276 SitrÏrb (Sétif) 129, 158, 174, 182, 193. 194,223, 278, 316, 322,

339,344, 4r9, 463, 475, 495 Sofedjin (Sofegein) 185 Souggan (djebel) 294 Thagaste Souk Ahras

Tarhuna (plateau) 185, 336, 512 Tassili n'Agger 276 Tatilti Cfaraess) 174 Taya cf. Djebel TaYa

Taza

279

Tebaga (djebel) 83 Tebessa Tebessa

-

Theveste

Khalia 360 Tell, Tellien 70, 72, 73, ll9-120, 134, t74,236,38E Haut 134, 42O, 422

- constantinois 408 - oranais 196 - oriental 2lO - tunisien 115, 408 - - Cartennae Ténès Teniet Mesken 223

=

Souk el Gour 402 (mausolée) Sour Djouab - Rapidum Suburbures 43+436

-ativRegiani e (Praesidium)

Tadmit 172 Tafilalet 285 n. 87 Tafna (oued) 129,402 Tafrent 270

435, 442

(oued) 36 n.38, 42 Tessala (monts) 72 Thabraca Cfabarca) 55, 407, 410 Thabudeos (Thouda) 117, 130 n. Tessa

88

Praesidiarn

Thaenae (Henchir Thyna) 132,

Salas (Sbiba) 445 Suîetula = Sbeitla 34t,418,445

Thagaste (Souk Abras) 279' 348, 434, 436, 475 et s., 479

S uf

Sufatlve

Sululos 184 Suppewes 436,

Sathul

=

443

Foilunalis

612

Thagora 401,436 Thala 76,79 Thammes (monts) (djebel Tagma)

406

Sutunurca 53 et n. 3l

407,420

435

i

cf. Pagus

Thamusadi (Timgad)

lL6, ll7,

274,277,290-291, 345, 356, 419

lnaex

Thamuslda 4L Thanaramusa (Berrouaghia) 129, 142, t74 Thapsus 33 n. 19, 412

T t d dls (ou C as t ellurn T idditanor um)

Thèbes 276

Tillibart (Remada

Thelepte (Feriana)

4t9,

45

Themetra 507 Theudalis 33 n.

tl7,

118, 343,

279,40 Tlgava t74 Tieisis 43H35,

Timîct

4ll

484

?)

l7O, l7L

Tlngentera 56

n.

?insds Cfanger) 48

19

63, 94, 4t7

13, 92 n

72, 76, 81, lv2, L74, 115, 130, 2gg, 3lg,

Tipasa 94, l2E, L32, 142, 39Y

s59, 562

Tisavar t6t, 167, l7O Tisidiurn 4O7

Théveste Clebessa)

339, 343, 401, 403, 420, 475,

Thibarts

36

Thîbilîs (Announa) 3U Thîbursîcurn Bare (feboursouk) 54, t84 Tltiges 344, 346,45 Thignica (Alln Tounæ) 184, ?flg, 368

400' 4t7

Titteri 142, 167, L74 Tlemcen (monts) 167 Tocolosld.a 175 n 35 Tocqueville 3Æ Touarege 284 @en"t

Thimilga

Triton

-

Thirnlda Bure

n. lel

235

5O7

Thinlssut 363 Thlrmida

?) Toalen"til 469

Transtagnetues (Ba[rjbari) 234,

Thtmida Regla N6

?

406

Thiztca (Henchir Techga) t33, 360

Thubunae Cfobna) 161 Thuburbo Maius (Hencbir Kasbat)

133, 2og, 349, 360, 361, 367,

(las)

278

Tubusuptu, Tupwuctu

237, 292,

CfikbQ

5Og

56,

Tuccabor 44t

Turris Tamallent (lelmne) ll9, l3t,42O n, 139,432 Tusuros

(fozeur) 119, 186

422

Thuburbo Minus 53 et n. 3O

Thaburnica Thuburslcu Bure

(lebovba)

52,

36

Bure cf. Thlburslcum

T hub ursîcu N umidar um (Khamissa)

82,

tlg,3t6,

420, 424,442,462,

467,

Tltugga @ougga)

pagus

41, 55, L84, 4t9 - 277, 292, 360, 36gn -4W, 413, 424,345, 475, 479, 4gl, 483, 5fl), 552 à 555

Thunisida 558 n. 308 Thysdrus (El Djem) L84, 2Ol

2O3-2M,2L2,343, 4t2 Tiaret L75,276

achi Malus 36, 52 î, 25, 3lO,

4ll,

424

Ulisippira t33 Uppena 425 Uthlna (Oudna) 52-53, 133 afica (lJtiqrc) 33 n. 19, 37, 132, 183, 420

Uzalis 33 n L9, 425 Uzinaza 142, 175 Vaea (B6a) 29, 37, L84, Tl4, 293, 295, 301,302, 497

Vallls

425

Vazalvt (7,olul)

Vazlsana

ll4,

202, 343

343 613

Veies

5?2

Verccunda 423 n. 153 Vescera (Biskra) 71, 162, 186 Vlcus Maracltanw 355

Vina

421

Volricewes 436, 443 Volubilis 91 n. 56, 92 n. 63, 94 et n. 73, 95, 126, 135, t36, 146, 150, 154, 157, L75

n. 35'

195, 196, 229, 4Ol, 417,

n.2G2|

568-576

Zab, Zibans 73,21t Zabenses 456

n.

130

483

Zaccar (monts) 453 n. ll4 Tahrez Chergui 144 Zama Regia 37, 132, 412, 420 Zama Minor 425 Zamuciî 105, 170, 437, 43

Zaroî 129, 172-173, 183 Zegretues 414 n. tl8, 447, 465

Zilis

464,

n. 156, 569

56

Zimizes L28 t. 79, 130, 439 Zliten lo2 n. 4 Zucchabar (Miliana) 56, 322, 323,

47

Zulil cf. âlis

319,

III.

DiYinités et religion

Alrica (dea) 202, 277,

Aman Amon

3ll

Élier (culre du) 370

278

Bonchor 289,297,299

369

Apollon 273,

tuès

349 Arish (dieu Ash 280 Asherat 364

?)

Caelestis 40, 289,29O, 3V2, 312313, 327, 341, 344, 360, 36G

556

369. 588

349

Graniana 367 et a. 190 - Sittlana 367 (- Dioscures) 298,339Castores

Asklépios 545 Astarté 353, 365 Astroarche 363 astrolâtrie 278-281; cf. Sol, Luna

Atargatis 289, 3U Athéna 278 Aulisua 29t, 305

Bacax 270,288,294 n. 51, Bacchus 351-356

Addir)

Chadrapha (Shadrapha) 352 Chalimace 290 Concordia

366, 379, 536 Baal-Hammon 278, 300, 33G337, 349,353,370 et s.; d. Saturne Bacchanales 354 (- Baal

340

Ceres 341,536 Maurusla 312

Charo 290 Cillenug 290

Bafal 27O a. 10, 303, 349, 363,

Baliddir

300,

Bellenen 294

300

Siouah 33+335 - de de Thèbes 281,335 Amon-Râ 335, 370

Anat

27G277,

280

304

518

Cybèle 364 Cyllenius 290

Damio 290 Dea Maura

311-313

Diana Augusta Maurorum 312 Dil lmn-tortales Getulorum (?) 311,315-316

615

Iwlet

Dii Ingirozoglezlm

Dii Maurl

Hoter Mescar cf. Hathor Miskar

289

301, 309-330' 32Ù321

(tableau), 341,344, 347' 588

Dionysos 303, 351-356

358, 368-369

l')

272-275' 356-

El 299,349 Qone Aras 358 - El Elat 299, 364

Iemsal (dieu ?) 292 Iesdan (dieu de Maeifa) 288 Ifru 270, 288, 296-297 Ingirozoglezim (dii) 289 Iocolon 289, 305, 308 n. 105

Iolaos 289 Iunam 289,297,298

Esculape 273-274,300, 345, 359362, 536

Eshmoun 292, evocatio 311

302 n. 93

Hygie 273,360

Dii Maurîci 3lL,323 Dii Syrit 330 n. 90

eau (culte de

H.!r.T.

Iush (Igoush) 280

3OO, 359-362

Juba (dieu) 292-293

Iunon 362-369 Iupiter 327, 334-341,

Fortuna 193, 327 Fudina 289, 3Ol, 326 n,74 funéraire (culte) 28L-285

-

Depulsor

345 ;

Corniger

336

348

Dolichenus 547 ; lla14v76n 335-338, 347,354; Barbarus Sîlvanus 336, 347:'

G.D.A. 270, 288, 3M genius 192, 270, 274,

295-296,

314-315, 376, 326, 328, 366

- 317 Nurntdïae 311, 316aquarutn 274, fluminls - 274, lontis 274 numlnis Caput Amsagae 274 - cf. Gilva Gilo,

Kronos

370

gentis

Gilva

294

des) 27A-27L Gurzil 301 et n. 86

Liber Pater 351-356,

Lilleo

556

275, 290,302, 308

litholâtrie

n.

105

271

Luna 298, 340,348

grottes (culte

Macurgum 275, 289, 293, 297298,326 n.74 Maglfa (dieux de) 275,288,297,

G.T.A. (Genius Terrae Afrlcae) 277

301

Hadad 349 Haos 290,302-3A4 Hathor Miskar 485, 556 héliolâtrie 278-280, cf. Sol Héra 365 Hercule 156 n. 180, 355,377 n. 616

l

Maqur 275 Maqurtam 275, 289, 293, 291298, 326 n.74 Mars 64, 346, 347-35t patrius 348 (dicu de Magifa) 288 Masiddica Masiden (dieu de

Magiîa)

288

Index

Mathamodis 289,3M Matilam 289, 299, 300

Afrae

Matronae

312, 3t5

311,

Melquart 299, 36t Mercure 290, 327, 34t-347, 348; Mercufius Silvitu 345 ; Sllva-

Montius

Mars

350 30fJ,

302, 327-329, 334, 337, 339-341,

(gens ?) Maura 313-315 Mauri (dii), cf. Dii Mauri Medaurus 287 n. 3

niltt 346 Mitbra 270 n. 14, 303, Monna 289

283

Saliens de

Saturne 262, 277, 284,293,

312

3tl, 3L2 - Libycae Dea Maura (- Caelestis)

sacrifices

345

344, 3q-349,350, 353, 354, 359361,363, 37ù376,536, 562, 5gg Saturne Balcaranensis 270 Sérapis (temple ù Lepcis) 542-543

Silvain 327, 341, Sokhet 364

3&3q,

35O

Sol

278, 284, 298, 3Æ, 348 Suggan, Suggen 288 (dieu de Maglta), 292-294 (anthroponyme), 294 (toponyme)

291

34

Motmaniue 291,305, mzana, cf-

litholâtrie

Tanit 349, 253, 363, 378;

271

û..

Caelestis

Telegenii (collège) 356

Tellus Neptune 275, 356-359 Numen aqaae Alerandrlanae 274 Numen Maurorum 3ll, 3L7 Mauretaniae

Nutrix 3U,

Ops

tot-302

Thililua (dieu de Mastta) 275, 288

369

Vacurtum 289, 326 n,74 Varsis 289, 300, 326 n 74 Varsissima 289, 297, 300,

369

Ourania

294

temples (des divinités indigèneo)

363

n.74

Va,rsutina 285 326

n

74

n. 89, 289, 3fl),

Venus 95,348,353, Patrias deus, 290, 322-323,

327,

345

Pluton 377 n. 1,536 Poseidon 358 Proserpine 538

purification (rites

de) 360, 361

repr6entation (de divinités indigù nes) 296301 fois (culte d6) 285

355

Victoria 327 Vihinam 289,297,3?-6 n

Yam

358

Zeus

299

Zeus-Ammon 335-338

zoolâtrie

326

27G279

74

IV. Index rernm adsignatio(assignation) 27, 28, 32,

54 (virîtana\, 172

affranchis impériaux 551'552

aaer emDtus 33 privatus vectigalisque 33,34

-r.26 prtvatus ex iure Peregrino - 33 publicus 28,32' 38,39 ala-

ailes attætées en Afrique romarne à l'époque d'Hadrien 126 à l'épodue d'Antonin 139-140 (tableau)

Gaetulorum 455 I Pannonlorum 172

- Pla Gemina Sebastena 174 - Seb(astena) V aleriana Ga(llie na) - 22L II Syrorum 136 - Thrâcum 219 -Album (de Timgad) 510 atnator clvîunt, patriae 526-52'1, 533 ara pacis,

cf. Baquates,

Bavares

arpentage 32

art Qepcitain) 545'547 attribution (adtributio) 91 n. 56' 462, 463

bazina 4O2,495496

Mlier ûie

276-277, 370;

bilingues (inscriptions)

punique 352, 481

libyque

48t, 483

burgus

et

477,

Sévérienne 545 618

zoolâ-

: latin et {19, 4EO, 477,

punique

479,

L75

cadastre

32

caisson (expansion du) 495-496' 552, 558, 563 cantonnement (des tribus) 429,

445, (tableau) 433 castella (de la plaine de Sétif) t82, 186-193, (tableau) 187-188

castellum 52, 54, 170,

459

cens 75 certuriation

M,

n,

32, 33,

83

chameau, chamelier 149 n. 145, U2, 444 (et n. 70-71) cités antérieures à la pénétration romaine 403-407 (tableau) civitas 409416

libera 32, 33 n,

stipendlaria 441, Basilique (à Lepcis), U,lPienne 521

cf.

classLr,

19

505

cf. flotte

cognornen (son sens dans I'onomastique africaine) 501, 502

Inde, (cognomina d'origine africaine à

Lepcis) 538,

539

flottc, classis Atrtcana Commodiana

162 - et n 203-2M Lepcls) 543 162 - Alexandrina Mlsenensis 22t cohors (c,ohortes atteetées en Afrique à l'époque d'Iladrien : /I/ - Syriaca Augusta 150 Asturum, I Asturum et Callnefoedus, loederatus 23ù23t, (gera

(cognombta d'origine grecque à

V Delmatarum, IV Gah

corunT,

II Hlspanq II Hispanorum, I lturaeorurn, I Lemav* tum, II Syrorum sagittarla lorum,

milliaria) t26; II Fla{via) Afborum) l7O I Chalcîdenoram ll4 n. 7 II Maurorum 324

I

Flavia Musulamiorum 724,

II

Sardorum 175 IV Vlndellcoram 126 t. 7l 187-188

(tableau) Kal el acelens es, P erdlc ens es, Saltus Pardalarl(ensls) 182,

-

186-193

< coûrmune double > "l 412-416

comptoirs (phéniciens) 40G401 conductor, 163 et o.2O7 conventus civium Romanorum 35,

37,

ll8,

regia 33 n. 19, 36, 103 et

n. 8,406

Fossatum

130

lundas 392

455

colonl gûune de Sétif)

foederata) 464 et n. t53

Fossa

4.08-416

getxs 44ù445, 47-448 (statuQ grec (langue) 488 n. 40 (inscriptions à Lepcts) 542-

- 547 (cognomina ù Lepcis) 543 - (sisw) 548-549 - (civile) 38, 44, (punique) Guerre 25; (eociale) 36

haouanet 283-284 hébreu (angue) 488 n. 40

Hellénisme 37, 4ol; (dans I'art lepcitain) 546-547; (influence)

cultura Manciana 115

58

hiberna dedlttcit

174

hospitium 503; cf. (tables de) pa-

27

tronat

huile

démographie 385-387 dominium (ln solo

prwlnclali)

176 et s.,202

27,

430

duovir 55 (à Cirta), 505, (à Lepcls) 532

dur exercltus Alrici et Mauretanlcl 109-110

dux tena marique adversus rebelles h(ostes) p(ubltcos),

dius Candidus

€drTlæ

56

396

; (ù Volabllls),

incubation 284-285, 368

initiation 302, 304

cf. Ti. Clau-

dux per Alricam Nurnldlarn Maure-

tanlamque

Incolae 91 n.

221

lnuhaztm) ù Lepcitr

533

luvenes 2M, 205, 243,290, 313315, 54t n. 243,556557

latllundta

34

n

26 Gtg

lepio I Adlutrir 139 --"1 Macriana Liberatrîr 97

n'

méharistes 151 n. 82

I Minemia I39 lI Adiutrix 139 ll Herculia 237 n, Ll III Aupusta (dissolution) 208-2ll - (retour) 2L4-217 III- Gallica L72 IV Flavta 139 IV Macedonîca 9L VI Ferran l4O, t4l VI Vlctrit 9l VII Gemtnn 140, L54 n. 173 vlll 53 IX HisPana 8l X Gemîna 91, 140 XI Claudia 139,237 t. lL

xm

---27i,

ng,

283-285, 49Ç496; c!.

caisson, Medracen, tombeau de la Chrétienne rnunera 396 municipes 408-416

semi-

4L5

negotiatores 37 nomenclature 498-503 ; (éléments traditionnels et élémeils anor-

maux)

553

nurnerw (PalrnYrenorum)

2LO

53

XIII Gemina 140 XX Valerla Yictlr 140 XXII Prlmlgenla 140 XXX UlPia l4O lex agraria (111 av. J.-C.) 32,34 etn.27

Appuleîa 35 Hàdrtana 163 Manclana 181

183

33, libvque 0angue) 472-483; 0ocaliÉaltion'Oes inscriptions) 48G481

lirnes 7l-73,

lI4, ll7'tz0'

129, 16G163. t71,172, 176, 185-186'

198, 202, 214, 243,

389-390

n. L3,394,429

limes Badensis, Gemellewls, Tubu'

newis 7l

Tripolitanus l6L, 169't7l

limitæei

limitation,

198, zLO, 48G487

cf.

caotonnement (ta-

bleau 433) lion, cf. zoolâlrie loutrrs 34 et

t

s5r-552 35, 118, 175,409-413,416 oppid.a "- sluiuRomanorum 52, 54,

-

llbera 4124t3

32, 35, 53 n. 32,408, 'Dalus 4to, t$-qt6, 424,552

patrlmonium

409-

183

patronat (tables

de)

503, 509

Carthaginiensium 41, 43,, 'pertica 52, 4Og tt.98, 413'4L4 et n. 116, 424 t. 156

castelli 448; 'oraefectus -- gentis 448-457. (tableau 450),46G469;

omiium socrorurn {à

-533-534

LePcis)

pruetentuta. 17+175 et n. 30

25

magie 267'274 mapalin 392 er n

olliciales (cimetière, à Carthage)

40,8416

portw (Zaraî) 172-173, -Rubrla 34

casîelli 469 'orlnceDs àtvintis 458' 469 - gentis 414, 457'469, (tableau) - 4Sg, +eo i constitutus genti 22

Mausolée (d'Atban) à Thugga 554 Medracen 28O' 282' 4Vz 620

158

monuments funéraires, tombeaux

230, 465

-

gentlum -et

147

undecimPrimus gentts 462' 463

Inilex

procurator

Afrtua

-

ad bona

cogenda ln

183

Augustl ad curatn gentlurn 452, 454 bonoram damnatorutn 183 pro legato (en Maurétanie)

93 et n. 67, 196,2t2,2L3 punique (colonisation) 29

(éche[es) 398-399 (influence) 165, 333, 378, 4Ol,

suffète 4W,414, 422 n t44, 483, 517, 5t9, 525 syncrétisme 263, 305, 331, 333, 355,362

Tabletûes

n.

483

(langue) 37,483490

(religion) 305, 332, 358, 378

Albertini

103 n. 8, 115

Tabula Banasitana (table de Banasa) 153, 447-449, 464, 465 156, 569

taureau 277; cfl. zoolâtrie Tombeau de

la

Chrétienno

280,

402

toponymie 496, res prlvata 178, 183 rex gentis (chez les Baquates) 229-

230,460

-

n

chez les

2,465 Bavares 223,225

aillsur's 460 n.

saltus

L9O:,

2

(Burunitanus) t63 et

n. 207, 2O5', pianus) 43L

(Beguensls, Massi

scorpion 342, 345 signum (à Lepcis) 548-549,(redoublé) 534 simulaoa 297 stipendiariî 32,505 stipendîum 26,27

498

tractus Carthaglniensis 390

n. t4

urbanisation 39+408

vectigal 34 n.26 vétéran(s) 35, 36, 40, 5t-57,73,

94, lt3-t14, 117-118, l@, 350, 419,442423 et n. 150, 439, 508 vexillatio, cf, leglo vexillatio equitutn Maurorum 219, 324

vexillarto rnilitum Maurorum Cae-

sarienslum 324

vicus 422423,489

V. Listes et tableaux récapitulatifs t26 t32 139-140

187-r88 250-251 306-307

320-321 Muzulames

403-405 433 438

450 459

460 475

538,539 543 548 549

Cartes

Caæarea Gtrt€[IaA-

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SYSTIME DEFÉNSIF ÉT LIAI9ONS ROUTIERES EN MAVRETANIE.CESÂRIÉNNE

d'aprôc M.Pibrro Salama, Libyca lll, 1996'

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