La méthode simple pour les femmes qui veulent arrêter de fumer
 9782266142434

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Allen Carr

I La méthode simpl pour les femmes qui veulent arrê de fumer

Arrêter de fumer sans prendre du poids, c’est possible!

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Allen Carr

Allen Carr est devenu expert-comptable en 1958. S’il s’épanouissait dans sa vie professionnelle, la consom¬ mation quotidienne d'une centaine de cigarettes le dépri¬ mait. En 1983, après l'échec d'innombrables tentatives pour arrêter de fumer par le seul pouvoir de la volonté, il découvrit ce que l'humanité attendait en écrivant La méthode simple pour en finir avec la cigarette ( The Easy Way to Stop Smoking). Depuis il ne fume plus et se consacre aux autres fumeurs. Sa solide notoriété repose sur les résultats spectaculaires de sa méthode. Il est désormais considéré comme l'expert numéro un dans l'assistance aux fumeurs qui souhaitent arrêter. Au début les fumeurs des quatre coins du monde se retrouvaient dans son centre de Londres ; aujourd'hui, son réseau de centres couvre les cinq continents. La méthode simple pour en finir avec la cigarette est un best-seller traduit en quinze langues.

La méthode simple pour les femmes qui veulent arrêter de fumer

DU MÊME AUTEUR CHEZ POCKET

LA MÉTHODE SIMPLE POUR EN FINIR AVEC LA CIGARETTE LA MÉTHODE SIMPLE POUR PERDRE DU POIDS

Allen Carr

La méthode simple pour les femmes qui veulent arrêter de fumer Arrêter de fumer sans prendre du poids, c’est possible !

Traduit de l'anglais par Claire Désinde

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Sommaire

Introduction .

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1. Une affaire de femmes . 2. Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? . 3. Miracle ou magie ? . 4. Comment savoir si vous êtes guérie ? . 5. Mes propositions . 6. Dévastation . 7. Pourquoi La méthode simple n’est-elle pas efficace pour tous les fumeurs ? . 8. Le lavage de cerveau . 9. La dépendance à la nicotine . 10. Notre système immunitaire . IL Le grand monstre . 12. Quel est votre parfum préféré ? . 13. La faim . 14. Les fumeuses occasionnelles . 15. Il faut de la volonté pour arrêter . 16. Quel est le sexe fort ? . 17. La cigarette pendant la grossesse . 18. La cigarette empêche-t-elle de grossir ? . 19. Combien de mythes avons-nous balayés ? . 20. Rompre les associations .

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21. Le « vide » . 22. Les substituts rendent le sevrage plus diffi¬ cile . 23. Ultimes recommandations . 24. Comment rester toute votre vie une nonfumeuse épanouie ? .

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Appendice A : Instructions à suivre pendant que vous lisez ce livre .

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Appendice B : Instructions à suivre pour en finir facilement et définitive¬ ment avec la cigarette .

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Les centres Allen Carr .

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Introduction

J'ai écrit mon premier livre, La méthode simple pour en finir avec la cigarette, en 1985. Depuis lors, il ne s'est pas passé un seul jour sans que j’en apprenne un peu plus long sur la dépendance à la nicotine. Pour mettre à jour ma méthode et préserver son efficacité, j'ai introduit ces nouveaux éléments dans les différen¬ tes éditions revues et corrigées. Mais jusqu’à présent, j’ai toujours présenté les faits à partir de mon point de vue personnel. Dans cet ouvrage, au contraire, j’essaie de me tenir au second plan et de donner la parole à des femmes qui se sont libérées définitivement du taba¬ gisme. Aujourd'hui, la majorité des patients accueillis dans nos centres sont des femmes : il m’a donc paru légitime de leur proposer une version spécifique de ma méthode. Tout le monde n’était pas d’accord avec cette nou¬ velle approche. Certaines personnes m’ont demandé s’il était vraiment nécessaire - et politiquement correct, dans le contexte actuel - de traiter à part les rapports des femmes avec le tabac. Après tout, j'ai souvent déclaré que ma méthode est adaptée à tous les fumeurs, quel que soit leur sexe. Je n’ai pas changé d’avis, mais mon expérience personnelle et mes conversations avec 11

nos thérapeutes m’ont convaincu que certaines diffi¬ cultés tout à fait classiques n’affectent que les femmes. Nos centres ont acquis les compétences voulues pour régler ces problèmes. Le but de cet ouvrage est de mon¬ trer à un public plus vaste que ma méthode vient à bout aussi aisément de ces angoisses particulières que des autres obstacles qui se dressent sur le chemin de la délivrance. Les femmes sont-elles différentes des hommes dans leurs rapports avec le tabac ? Bien qu’il soit difficile de donner une réponse catégorique à cette question, un enseignement ressort de nos séances de thérapie de groupe : les fumeuses ont beaucoup plus peur de renon¬ cer à la cigarette que les fumeurs. Et cela n’est pas dû, j’en suis certain, au fait que les hommes n’auraient pas le courage d’avouer leurs craintes : ils n’éprouvent pas les angoisses souvent décrites par nos patientes. Ces appréhensions féminines seront étudiées en détail dans le cours de l’ouvrage. Mais on peut déjà dire que, pour une fumeuse, la cigarette est un soutien en apparence indispensable, une part essentielle de son existence, un élément étroitement lié à l'image qu’elle a d’elle-même. C’est encore plus vrai si elle est sou¬ cieuse de son poids ou de sa silhouette. L'idée de per¬ dre ce qu’elle considère comme une alliée la terrifie - même si par ailleurs elle est très épanouie dans sa vie personnelle et professionnelle. La « relation particulière » que les femmes entre¬ tiennent avec la cigarette est directement associée à leur mode de fonctionnement et à leur manière d’appré¬ hender le monde. L’industrie du tabac en est parfaite¬ ment consciente : ce n’est pas par hasard qu’elle a investi - et qu’elle continue à dépenser - des milliards de dollars dans des études de psychologie féminine. Elle s’efforce de pénétrer dans l’esprit des femmes, de voir les choses avec leurs yeux, de comprendre en quoi leur façon de penser diffère de celle des hommes. 12

Les ressorts fondamentaux du piège du tabac sont immuables, et ma méthode permet de les déjouer savoir que des phéno¬ mènes nouveaux risquent de les précipiter dans ce piège. L industrie du tabac a joué un rôle dans cette évolution, mais la société et les femmes elles-mêmes n ont pas été en reste. L’émancipation féminine enga¬ gée a partir des années 1960 a offert un nouveau débou¬ ché;. très lucratif aux cigarettiers : pour combler un déficit croissant de fumeurs masculins, ils se sont tour¬ nés \ers la clientèle féminine, et en particulier vers les jeunes adultes. Par une cruelle ironie du sort, la libé¬ ration des femmes a coïncidé avec un nouvel asservis¬ sement. ^ Je reviendrai plus loin sur cette question, qui mérite d être analysée à fond. En attendant, une chose est cer¬ taine . lorsque le piège du tabac vous sera apparu sous son vrai jour, vous comprendrez pourquoi je veux débarrasser la planète de ce fléau. J'espère que vous aurez envie de vous joindre à ce combat : en arrêtant de fumer, et peut-être en offrant ce livre à une femme dont la santé vous tient à cœur. J’espère vous persuader que les obstacles qui se dressent sur votre chemin sont aisément franchissables — et que vous avez entre les mains une méthode simple pour en finir avec la ciga¬ rette.

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1 Une affaire de femmes

Après des siècles d'asservissement, les femmes occi¬ dentales ont fini par imposer l'égalité des sexes, non seulement dans le monde du travail - elles occupent aujourd'hui des postes de haute responsabilité, y compris au sein de professions jusqu’alors dominées par les hommes -, mais dans tous les domaines de la vie. Cette évolution est à peu près indiscutable, et beau¬ coup de gens l’estiment légitime. À mon avis, il faut étudier l'action des grandes pionnières de l’émancipa¬ tion féminine pour comprendre la place du tabac dans ce mouvement de fond. Les combattantes de la première heure ont osé défier les préjugés et les règles sociales. Elles ont refusé d’accepter un scénario écrit d’avance et proposé des arguments très convaincants pour rejeter les stéréoty¬ pes auxquels on voulait les réduire. Evidemment, bien des femmes les soutenaient en secret, sans avoir pour autant le courage de suivre leur exemple. D’autres, encore plus nombreuses, acceptaient leur sort avec pas¬ sivité. Aussi bizarre que cela puisse sembler, les injustices flagrantes n’apparaissent au grand jour que lorsqu’on commence à se poser des questions. Et ce lavage de 15

cerveau s’applique à presque tous les aspects de l'exis¬ tence. Mon dictionnaire donne la définition suivante de l’expression « lavage de cerveau » : « Action psychologique conduisant une personne à changer radicalement d’idées ou de convictions. » Vous vous demandez sans doute quel rapport cela peut avoir avec le désir d’arrêter de fumer ? Nous savons tous que la cigarette est une habitude répugnante qui nuit à notre santé. Aujourd’hui, même les fumeuses sont conscientes de son caractère égoïste et asocial. Vous ne voyez donc pas en quoi il serait nécessaire de lutter contre un hypothétique bourrage de crâne dont vous seriez victime. Plutôt que de lire ce livre, vous préféreriez recourir à une pilule magique ou à un pro¬ cédé imparable pour en finir avec le tabac. Alors laissez-moi vous donner quelques explications. Quel est votre but ultime ? À l’évidence, vous rêvez d’éteindre votre dernière cigarette et de ne plus jamais éprouver l’envie d’en allumer une autre. Vous connaissez sans doute beaucoup d’anciennes fumeuses qui ont réussi à arrêter. Mais combien d'échecs ont-elles subis avant de remporter la victoire ? Com¬ bien de médicaments, de patches et de gommes à mâcher sont venus soutenir leur force de volonté ? Combien de jours, de semaines, de mois, d’années de souffrance ? De plus, je suppose que certaines d'entre elles sont parfois à deux doigts de vous supplier de leur offrir une cigarette. D’autres ont dû vous avouer que les dîners entre amis et les soirées ont perdu de leur attrait depuis qu’elles ont renoncé au tabac - et qu’elles continuent à tendre la main vers un paquet de cigarettes invisible chaque fois que la sonnerie du télé¬ phone retentit. Votre objectif est-il vraiment de partager leur sort ? Pour le moment, laissez tomber votre désir de vous 16

affranchir à jamais de la dépendance et répondez plutôt à cette question capitale : qu’est-ce qui distingue une fumeuse d’une non-fumeuse ? A première vue, la réponse est évidente : la première fume, la seconde ne fume pas. Mais ce n’est pas aussi simple : personne, en effet, ne vous a jamais obligée à allumer une cigarette. Pourtant, vous savez très bien que ce geste n'est pas toujours volontaire, et qu’il résulte souvent de la force de l’habitude. La plupart des gens qui consomment une vingtaine de cigarettes par jour reconnaissent volontiers qu’ils n’en apprécient que deux : les autres sont fumées de manière automa¬ tique. Dans ce cas, il devrait être facile de limiter votre consommation : en rangeant votre paquet dans un tiroir fermé à clef, vous disposeriez d’un temps de réflexion lorsque l’envie de fumer vous gagne. Durant les quel¬ ques secondes nécessaires pour ouvrir la serrure, vous pourriez vous demander : est-ce que je ressens un désir authentique, ou s’agit-il d'un geste mécanique ? Si la seconde réponse est la bonne, à quoi bon allumer une cigarette ? Cette ruse élémentaire devrait permettre aux fumeu¬ ses concernées de réduire leur consommation de vingt à deux cigarettes par jour. Mais toutes les femmes qui ont expérimenté ce genre de méthode savent que cela ne marche que quelque temps - très précisément jus¬ qu'à l'épuisement de leurs réserves de volonté. Si vous avez confié votre précieux paquet à vos enfants, à vos petits-enfants ou à l’une de vos meilleures amies, vous avez pu constater que vous étiez prête à tout pour le récupérer, et ce malgré les consignes très strictes que vous leur aviez données. Ils ne devaient en aucun cas céder à vos supplications, mais rien ne peut résister à la panique, à la naïveté désarmante et à la détermina¬ tion d’une fumeuse en manque qui veut une cigarette TOUT DE SUITE !

Les femmes sont réputées pour leur instinct mater17

nel. Pourtant, nous avons tous lu des histoires épou¬ vantables de mères qui abandonnent leurs enfants pour aller faire la fête, voire pour partir en voyage à l’étran¬ ger. Autant d’attitudes irresponsables qui suscitent notre mépris. Mais soyez honnête avec vous-même : n’êtes-vous jamais sortie de chez vous pendant que vos enfants dormaient pour aller acheter en vitesse un paquet de cigarettes ? Ne les avez-vous jamais laissés dans votre voiture, le moteur allumé, le temps de faire un saut au tabac du coin ? On m’a même cité le cas d’une jeune maman, dans une maternité, suppliant une infirmière de jeter un coup d’œil sur son bébé pendant qu’elle va s’approvision¬ ner... Cette dernière, débordée, refuse. Inutile de pré¬ ciser qu’il s’agit d’une non-fumeuse (c’est-à-dire de quelqu’un qui n’a jamais fumé, par opposition aux anciennes fumeuses). Ses commentaires ne font qu’ag¬ graver le sentiment de culpabilité de la malheureuse : — Vous n’en avez pas besoin... C’est mauvais pour votre santé comme pour celle de votre bébé... Vous avez bien supporté quatorze heures de travail sans une seule cigarette. Ces remontrances n’empêchent pas la jeune maman de passer à l’acte, bien que la presse ait monté en épin¬ gle une affaire récente d’enlèvement d’enfant. Lors¬ qu’elle revient, son bébé a disparu, et ses hurlements de panique retentissent dans tout l’hôpital. Heureuse¬ ment, le nouveau-né est en de bonnes mains : une autre infirmière l’a changé de chambre. Mais on peut ima¬ giner ce qu’elle a ressenti avant de découvrir la vérité. Cet exemple illustre à merveille ce que j’entends par « lavage de cerveau ». Comment une mère responsable peut-elle être impliquée dans un incident de ce genre ? Pourquoi des jeunes femmes, choquées de voir leurs amies enceintes continuer à fumer, se comportent-elles de la même façon quand à leur tour elles attendent un enfant ? Avant de les condamner, fouillez un peu dans 18

votre mémoire. Et ne me dites pas que vous n’avez jamais éprouvé une bouffée de panique en constatant qu'il ne vous restait plus qu’une seule cigarette, ou même que votre paquet était entièrement vide, un soir où tous les tabacs du coin étaient fermés. Si vous étiez capable de vous passer de cigarettes, comme le prétendent de nombreuses fumeuses, pour¬ quoi diable liriez-vous cet ouvrage ? S’il se trouve en ce moment entre vos mains, la raison en est simple : VOUS AVEZ PEUR.

C'est d'ailleurs la seule motivation qui puisse pous¬ ser une femme à continuer de fumer. Cette jeune maman n’a pas fait courir un risque à son bébé pour le plaisir d'introduire des fumées cancéreuses dans ses poumons, mais parce que l’absence de cigarettes a déclenché sa panique. Imaginez une héroïnomane en état de manque : elle tremble, elle souffre, elle est en proie à une terrible angoisse. Maintenant, songez à son soulagement lors¬ qu'elle peut enfin s'administrer une intraveineuse d’héroïne, ajoutant ainsi un nouveau trou sur son bras déjà percé comme une passoire. Croyez-vous vraiment qu'elle y prenne du plaisir ? Cela paraît invraisembla¬ ble à toute personne qui n'est pas toxicomane. De la même façon, les non-fumeuses ont du mal à compren¬ dre qu’on puisse prendre du plaisir à aspirer des fumées mortelles. C'était sans doute votre cas avant que vous ne deveniez dépendante à la nicotine. Quand on vous affirme que les héroïnomanes se droguent afin d’accé¬ der à des hallucinations et à des rêves fabuleux, ce n’est que du bourrage de crâne. En réalité, elles ne cherchent qu’à mettre un terme à la panique, aux fris¬ sons et au sentiment d’insécurité qui les envahissent dès que les effets de l’héroïne se dissipent. L’une des erreurs les plus répandues en matière de toxicomanie consiste à croire que les drogués ne 19

commencent à souffrir du manque que lorsqu’ils cher¬ chent à se libérer de leur dépendance. En fait, le man¬ que se fait sentir dès que la première dose se dissipe, et la seule raison qui les conduit à en prendre une seconde est le malaise créé par la première. Le tabac produit exactement les mêmes effets. Une non-fumeuse ne peut pas comprendre pourquoi certai¬ nes personnes sont prêtes à dépenser des fortunes et à s’exposer à d’effroyables maladies afin d’avaler des fumées nauséabondes. 11 lui apparaît scandaleux, et totalement absurde, de mettre en péril son propre bébé plutôt que de patienter une heure de plus. En revanche, un ancien esclave du tabac comme moi comprend très bien comment elle a pu en arriver à un tel stade, sans pour autant excuser son comportement. Ce n’est guère agréable de s’enfiler un sac en plastique sur la tête, même si vous savez que vous pouvez le retirer à tout moment. Mais c’est encore pire de se voir infliger un tel supplice par une autre personne, même quand celle-ci vous est chère - et qu’elle est persuadée de vous étouffer pour votre bien ! Arrêtons-nous un instant sur ce point. Je vous ai demandé de réfléchir à ce qui distingue une fumeuse d’une non-fumeuse. La réponse - la première fume, la seconde ne fume pas - est si évidente, si incontestable, qu’elle nous conduit à prendre le problème à l’envers. En d’autres termes, nous essayons de résoudre la dif¬ ficulté en décidant simplement de renoncer à la ciga¬ rette. Cela peut sembler logique, mais en réalité il n'en est rien, comme je vais à présent vous l’expliquer. Imaginez qu’il manque une tuile à votre toit. Chaque fois qu il pleut, une tache humide se forme sur votre tapis persan. Comment régler le problème ? Plusieurs possibilités s’offrent à vous. Vous pouvez enlever le tapis ou installer un seau à l’emplacement de la fuite. Vous pouvez même envisager un déménagement. Mais la seule solution sensée et bon marché consiste à atta20

quer le mal par la racine, et donc à remplacer la tuile manquante. Nous avons tendance à réagir de la même façon face à d’autres petits tracas de la vie quotidienne : nous rechignons à nous attaquer aux causes véritables. Si l’un des pneus de votre voiture est à plat, vous tenterez probablement de régler le problème en le faisant regon¬ fler. Si le phénomène se répète au bout de quelques jours, et si vous péchez par paresse ou par excès d’opti¬ misme (ou bien par les deux, ce qui est mon cas), vous renouvellerez l’opération. Mais tôt ou tard vous devrez regarder la réalité en face : il y a une petite fuite dans votre pneu, et le seul remède durable consiste à le faire réparer. La grande différence entre une fumeuse et une nonfumeuse ne réside pas dans le fait de fumer ou de ne pas fumer. La cigarette n'est que la conséquence d’une authentique difficulté. Il est aussi vain d'espérer s’en sortir en décidant simplement d'arrêter que de disposer un seau sous une tuile manquante plutôt que de la rem¬ placer, ou bien de regonfler un pneu crevé plutôt que d'y mettre une rustine. Ce qui distingue une fumeuse d’une non-fumeuse, c'est l’envie de fumer. Voilà l’équivalent de la tuile arrachée ou du pneu poreux. Vous devez accepter cette vérité incontestable : personne, si ce n’est vous-même, ne vous oblige à allumer une cigarette. Même si vos proches remuent ciel et terre pour vous en dissuader, vous trouverez toujours un moyen de neutraliser leurs tentatives. Vous devez aussi accepter le fait que lors¬ que vous essayez de réduire votre consommation ou d’en finir avec le tabac, une partie de votre cerveau vous répète sans cesse : « Il me faut une cigarette ! » Sinon, arrêter de fumer serait un jeu d’enfant. Cepen¬ dant, même si cela vous semble incroyable, n’importe quelle fumeuse peut y arriver facilement - vous y compris —, à condition de suivre la bonne méthode. 21

Il faut prendre le mal à la racine, autrement dit sup¬ primer une bonne fois pour toutes le besoin ou l’envie de fumer. Les autorités médicales ont peine à admettre qu’on puisse y parvenir sans recourir à la force de la volonté. C’est pourtant évident : si vous n’éprouviez aucune envie d’allumer une cigarette, vous n’auriez pas besoin de faire le moindre effort pour vous en abstenir. À cet instant précis, vous pouvez m’objecter : « Très bien, vous avez raison. Je suis obligée de reconnaître que personne ne me force à fumer. C’est donc qu’il existe en moi un penchant autodestructeur. Et je ne vois pas comment un livre pourrait en venir à bout. » Bravo ! Vous venez de toucher du doigt le nœud du problème. De même qu’il faut remplacer la tuile ou réparer le pneu, la seule solution se résume à faire dis¬ paraître définitivement le désir de fumer. Ce qui est plus facile à dire qu’à mettre en pratique. Nous devons donc passer à l’étape suivante. Pour être en mesure de supprimer ce besoin ou cette envie, il est nécessaire d’en comprendre l’origine. Après tout, nous ne naissons pas dépendants. L’espèce humaine a vécu des centaines de milliers d’années sans tabac. Et qui prétendra qu’il est naturel de s’emplir les poumons de fumées malodorantes et cancérigènes ? Personne n’éprouve le besoin de fumer avant d’avoir allumé sa première cigarette. Si vous avez eu le malheur de tom¬ ber dans le piège à un âge si précoce que vous ne vous souvenez même plus de l’époque où vous n’étiez pas encore dépendante, ne vous faites pas d’illusion : vous aussi, vous auriez très bien pu vous passer de tabac. Je vous redonne la définition de l’expression « lavage de cerveau » telle qu'elle est formulée dans mon diction¬ naire : « Action psychologique conduisant une personne à changer radicalement d'idées ou de convictions. »

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Dès notre plus jeune âge, on nous bourre le crâne avec de prétendues vérités. On nous répète que le tabac a des effets relaxants, qu’il favorise la concentration, qu’il nous aide à chasser le stress et l’ennui. On nous dit aussi que c’est une habitude répugnante et ruineuse qui ne mène qu’à la dépendance et ruine la santé de ceux qui s’y adonnent. Le paradoxe veut que les gens qui nous mettent en garde - à commencer par nos parents - le fassent souvent une cigarette au bec... Ils ont beau insister sur les méfaits du tabac, nous ne som¬ mes pas stupides : nous savons très bien que maman cherche son paquet chaque fois qu’elle est énervée, et que papa ne peut pas répondre au téléphone sans sortir son briquet. Combien de fois les avons-nous entendus s’écrier : — Je meurs d'envie d’en griller une ! Ou encore : — Sortons d'ici, il faut que je fume une cigarette ! Combien de fois avons-nous constaté que le besoin de nicotine les mettait dans une humeur massacrante ? Au stade de l'enfance, il est trop tôt pour parler de lavage de cerveau, car les idées et les convic¬ tions sont en cours de formation. En outre, ce bombar¬ dement d'informations contradictoires n’exerce aucune influence véritable. Nous croyons aussi bien les parti¬ sans que les adversaires du tabac. Mais, comme nous n'éprouvons aucune envie de fumer et que nous n’en avons besoin ni pour profiter des bons moments ni pour combattre le stress, nous nous trouvons dans une situa¬ tion idéale face à la cigarette : nous n’avons absolu¬ ment rien à gagner et beaucoup à perdre. Dans l’his¬ toire de l’humanité, il n’existe pas un seul fumeur - ni d’ailleurs un seul alcoolique ou un seul toxicomane qui ait envisagé le risque de la dépendance. Sinon, le piège n’aurait pas fonctionné. Et c’est uniquement parce que la première cigarette a un aussi mauvais goût qu’on s’imagine à l’abri de la dépendance. 23

À peine le piège s’est-il refermé que le lavage de cerveau se met en route. Avant de mordre à l’hameçon, nous considérions le tabac comme une habitude mal¬ saine et très coûteuse. La première cigarette nous confirme dans cette idée et va même jusqu’à dynamiter le mythe selon lequel fumer serait une activité agréa¬ ble. Mais la cigarette nous procure très vite du plaisir, un apaisement et une certaine assurance. Puis elle devient indispensable. Nous n’avons même plus cons¬ cience du rythme auquel s’est produite cette évolution. Mais à l’évidence notre perception du monde s’est modifiée. L’optimiste y verra surtout des avantages, le pessimiste des inconvénients. Lequel a raison ? LE VERRE EST-IL À MOITIÉ PLEIN OU À MOITIÉ VIDE ?

2 Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ?

Si le verre contient exactement 50 % de sa capacité, cela signifie que tout le monde a raison : les optimistes comme les pessimistes. Les uns et les autres perçoivent simplement la réalité de manière différente. Chacun a le droit d'avoir son opinion, mais cet ouvrage s’inté¬ resse aux faits et non aux opinions. Si le verre contient moins de 50 %, ou plus de 50 % de sa capacité, cela signifie que soit les optimistes, soit les pessimistes ont une vision déformée de la réalité. Quand on leur demande comment les centres Allen Carr les ont aidés à en finir avec la cigarette, certaines patientes fournis¬ sent l’explication suivante : — Ils m'ont fait un lavage de cerveau pour me per¬ suader que je n'aurai plus jamais besoin de fumer. Cette réponse me consterne, car elle pourrait laisser croire que nous utilisons des techniques similaires à celles qui permettent aux sectes de contrôler l’esprit de leurs membres. Pis encore, elle sous-entend qu’il suffit d’inverser le processus et de convaincre les fumeuses que le tabac ne leur sera plus jamais nécessaire. Nos centres ont recours, entre autres techniques, à l’hypnothérapie. À la fin de la séance, nos patientes

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croient dur comme fer qu’elles n’auront plus du tout envie de fumer. Mais quand on leur pose des questions précises sur ce qui s’est passé durant la séance, la plu¬ part d’entre elles ne parviennent qu’à donner des répon¬ ses très vagues, du style : — Pour moi, c’est un mystère, mais ça marche. Laissez-moi vous assurer que le mysticisme n’est pas notre tasse de thé. Ali Baba a sans doute éprouvé un sentiment grisant lorsque son « Sésame, ouvretoi !» lui a donné accès au trésor des quarante voleurs. Mais vous n’avez pas besoin de formule magique pour ouvrir la porte de votre appartement : vous êtes bien plus rassurée de savoir que vous êtes la seule à possé¬ der la clef. Je le répète : je n’ai jamais exercé de lavage de cerveau. Au contraire, La méthode simple consiste à lutter contre le lavage de cerveau. Il est temps de définir précisément ce que j’entends par ces deux expressions : « Exercer un lavage de cerveau, c’est faire croire à une personne que des faits ou des convictions sont vraies alors qu 'elles reposent sur le mensonge. »

À l’inverse : «Lutter contre le lavage de cerveau, c'est dissiper les mensonges afin d'aider une personne à regarder la vérité en face. »

Vous vous dites peut-être à cet instant précis : « Oh non ! Il ne va tout de même pas nous seriner que le tabac est une habitude nocive et ruineuse... » Bien sûr que non, car vous le savez déjà parfaite¬ ment, et c’est d ailleurs ce qui vous rend si anxieuse. Or, comment une fumeuse réagit-elle au stress ? Elle tend la main vers son paquet de cigarettes. La société a tendance à considérer les fumeuses comme des femmes un peu sottes et dénuées de toute volonté, et à les traiter en parias. La majorité des 26

fumeuses ont la même opinion d’elles-mêmes. Après tout, elles ont beau être compétentes dans leur travail et maîtriser les différents aspects de leur vie quoti¬ dienne, elles ne contrôlent plus rien dès que le tabac intervient. Voilà une nouvelle manifestation du lavage de cerveau : en réalité, vous avez autant de volonté que les non-fumeuses et les anciennes fumeuses, peut-être même davantage, mais pour l'instant vous l’utilisez de manière négative. Vous aurez probablement du mal à accepter certai¬ nes de mes affirmations. Peut-être même serez-vous parfois tentée de balancer ce livre à la poubelle. N’en faites rien, je vous en prie. Car il ne contient aucune histoire épouvantable. Au contraire, je n'ai que de bon¬ nes nouvelles à vous annoncer - même si votre situa¬ tion ressemble à celle du philosophe qui se demandait si la poule avait précédé l'œuf ou vice versa. Si de nombreuses fumeuses ne veulent même pas essayer d'arrêter, c'est avant tout parce qu’elles ont peur. Peur de devoir traverser une période de souffrances, voire de tortures, avant d'entrevoir la victoire. Peur de ne pas avoir assez de volonté. Peur de l’échec. Et plus encore, de manière paradoxale, peur du succès : peur de ne plus jamais retirer autant de plaisir des dîners entre amis et des soirées de fête. Quelle femme a envie de s’infliger le calvaire qu’elle a pu observer chez ses proches ? Peur de ne plus pouvoir compter sur le sou¬ tien d'une cigarette pour répondre au téléphone ou affronter le stress. Peur de passer le reste de ses jours à se plaindre d’une voix pleurnicharde que plus jamais elle n’osera en griller une. Inutile de nier l’évidence : ces peurs sont bien réel¬ les et très puissantes. Si vous avez eu recours à une méthode de sevrage fondée sur la volonté - comme je l’ai fait à de nombreuses reprises -, vous savez quelle impression on en retire : celle de renoncer à la vie, celle de détruire le mécanisme qui vous permet de fonc27

donner. Par conséquent, autant admettre que vous nour¬ rissez une ou plusieurs de ces peurs - et que vous aurez besoin de courage pour tenter d’arrêter. Mais le simple fait que vous soyez parvenue à ce stade signifie que vous avez déjà franchi l’obstacle. La bonne nouvelle, c’est que ces peurs sont liées au lavage de cerveau et qu’elles pourront être éliminées avant que vous n’en finissiez avec la cigarette. Toutes les fumeuses sont schizophrènes. Elles consi¬ dèrent le tabac comme un danger mortel, comme une habitude ruineuse, comme un maître despotique. En même temps, elles ne peuvent se passer du plaisir, de la compagnie, du soutien qu’il leur apporte. Enfin, soyez honnête : vous n’aimez pas vraiment fumer, comme le prouve l’exemple de la jeune maman à la maternité. Mais vous ne pouvez pas profiter des bons moments de la vie ou affronter ses difficultés sans ciga¬ rette. Comme toutes les drogues, le tabac vous met en face d’un dilemme : vous avez peur de ses effets toxi¬ ques, et en même temps vous craignez de ne pas pouvoir vous en sortir sans son aide. Deux motifs d’angoisse qui sont totalement étrangers aux nonfumeuses. Le piège est d’une redoutable simplicité. Il vous amène à redouter l’avenir : « Bien sûr, je m’expose au cancer du poumon, mais la chance sera peut-être de mon côté. » Dès l’instant où vous envisagez d’arrêter, vous êtes assaillie par une série d’appréhensions : la certitude de traverser des moments terribles, l’éventua¬ lité d’un échec, la perspective de devoir continuer à vivre sans fumer. Tout naturellement, vous êtes tentée de repousser la décision en vous disant que la maladie vous épargnera peut-être, que vous vous ferez écraser par un bus avant de contracter un cancer, ou encore que vous vous réveillerez un beau matin, délivrée comme par miracle de votre dépendance. Moi aussi j ai entendu parler de cas de ce genre. 28

Pendant trente ans, j ai prié pour que cela m’arrive. Mais il vaut mieux prendre conscience une bonne fois pour toutes que le piège de la nicotine, comme toutes les formes de toxicomanie, vous transforme en esclave : plus votre santé et vos finances sont affectées, plus votre servitude est assurée. Il est exact qu’une petite minorité de fumeurs perdent du jour au lende¬ main toute envie d'allumer une cigarette. Mais cela signifie uniquement qu’ils ont atteint un stade où ils ne peuvent plus s’aveugler sur les bienfaits prétendus du tabac - et dans la plupart des cas cette prise de conscience intervient trop tard. J’ai eu la chance de m'affranchir de la dépendance avant de contracter un cancer du poumon. Sinon, je suis persuadé que mes yeux se seraient dessillés instantanément et que je me serais maudit : « Espèce d’idiot ! Pauvre crétin ! Tu as eu la bonne fortune de naître avec une santé de fer. Quelle ingra¬ titude, et quelle stupidité, d'avoir passé ta vie à t'empoisonner les poumons avec cette cochonnerie ! Ton égoïsme t’a conduit à ignorer l’angoisse des gens qui t’aimaient. Tu te prenais pour un être rationnel et intelligent, alors que tu n’étais qu’un faible et un imbé¬ cile. » Hélas ! ce type de pensées ne vous vient à l’esprit que lorsqu'il est trop tard. Voilà pourquoi le piège est aussi efficace : rappelez-vous l’étemelle histoire de l’œuf et de la poule. La bonne nouvelle, c’est que tou¬ tes ces peurs sont partie intégrante du lavage de cer¬ veau. et que par conséquent ce livre peut vous aider à les surmonter. Alors préparez-vous. Sachez par avance que vous serez parfois tentée d’interrompre votre lec¬ ture, provisoirement ou définitivement, pour vous occuper de choses plus urgentes : votre maison, vos enfants, votre carrière. La vie est un jeu de hasard. Dans notre quête du bonheur, nous ne sommes jamais certains que telle ou 29

telle décision aura des effets positifs ou négatifs. Mais dans certains cas, très rares, nous n’avons rien à perdre et tout à gagner. Vous vous trouvez aujourd’hui dans cette position enviable. Et n’allez surtout pas croire que j’exagère. Je veux que vous me promettiez, et surtout que vous vous engagiez vis-à-vis de vous-même à lire cet ouvrage jusqu’à la dernière page. N’oubliez jamais que le piège est conçu pour vous garder prisonnière toute votre existence. Ne vous faites pas d’illusions : VOUS N’AVEZ ABSOLUMENT RIEN À PERDRE !

Si vous le désirez, vous pourrez continuer à fumer. D’ailleurs vous vous sentirez mieux, une fois débar¬ rassée de votre sentiment de culpabilité. Vous pourrez dire à votre famille et à vos amis : — J’ai fait de mon mieux. J’ai lu ce bouquin d’un bout à l’autre, et pourtant je n’ai pas arrêté ! Après avoir fait tout ce qu’on attendait de vous, vous continuerez à fumer la conscience tranquille. Puisque vous n’avez absolument rien à perdre, ne poursuivez pas votre lecture avec cet air morose. Je vous promets que je n’ai que de bonnes nouvelles à vous annoncer. Je ne vous demanderai pas d’arrêter de fumer ni même de réduire votre consommation. Au contraire. Ce conseil peut vous paraître stupide, mais tant que vous n’aurez pas décidé d’en finir une bonne fois pour toutes avec la cigarette, il est inutile de vous rationner avant d’avoir achevé ce livre. Cela dit, n’en profitez pas pour lire une ligne par jour ! Et si votre décision est prise, terminez-le le plus vite possible. Quand je parle de cigarettes, j’entends bien sûr la nicotine sous toutes ses formes : pipe, cigare, tabac à rouler, tabac à priser, gomme à mâcher, patch ou spray nasal. Et n oubliez jamais que, si vous n’avez rien à perdre, cette méthode peut en revanche vous rapporter gros. Vous aurez davantage d’argent dans vos poches et vous sentirez moins mauvais, mais votre succès ira 30

bien au-delà. Laissez-moi vous citer deux phrases de remerciement adressées par des femmes qui ont recou¬ vré leur liberté. La première m’écrit : « Merci de m'avoir redonné la vie. » La seconde ajoute : « Ma vie a commencé le jour où j'ai arrêté de fumer. » Je reçois beaucoup de lettres de « grands fumeurs » dépendants depuis de longues années, hommes et fem¬ mes, mais aussi de jeunes gens. Quand on est esclave de la nicotine, on ne peut pas ignorer les risques encou¬ rus. Comme vous, sans doute, j’avais échoué si souvent que j’avais de plus en plus de mal à m'illusionner sur mes chances d’arrêter avant que l’inévitable se pro¬ duise. Je m’étais résigné à la perspective de mourir à cause du tabac, et, curieusement, cela ne me dérangeait pas outre mesure. J'étais descendu si bas que la mort m'apparaissait comme une option acceptable. Bien sûr, je n’avais pas compris (vous non plus, sans doute) que cette dégringolade était directement liée à la cigarette. Si je savais qu'elle était à l’origine de mes problèmes respiratoires, en revanche j’attribuais mon manque d’énergie et ma fatigue chronique à l’âge et au surme¬ nage. L'idée que la nicotine puisse avoir des effets psy¬ chologiques ne m’avait pas traversé l’esprit. Au contraire, je croyais sincèrement qu’elle stimulait mon courage et ma confiance en moi. Nous savons tous qu’un café sans cigarette est comme un jour sans pain, et qu’il est extrêmement difficile de jouer les bouteen-train dans une soirée sans le secours du tabac. Celui-ci était indispensable à ma concentration, et le seul moyen d'échapper un instant à la pression de la foule consistait à aller en griller une. Mon paquet de cigarettes était mon meilleur ami, ma source d’énergie. 31

Sans lui, je n’étais plus qu’une loque dénuée de tout désir et de toute volonté. Quand enfin le brouillard s’est levé, j’ai eu l’impres¬ sion de m’éveiller d’un cauchemar. Cet univers noir et blanc, angoissant, déprimant, a cédé la place à un monde en technicolor, lumineux, dynamique, rassurant. Pour la première fois depuis trente-trois ans, j’ai res¬ senti le bonheur tout simple d’être en vie. Comme pour la plupart des fumeurs, ma dépendance remontait à l’adolescence, et j’avais mis la perte de ma joie de vivre sur le compte du vieillissement et des responsa¬ bilités de l’âge adulte. En arrêtant de fumer, j’espérais avant tout préserver ma santé et mes finances. Mais d’autres bénéfices se sont avérés encore plus impor¬ tants : 1. Le remplacement du mépris de soi par l'estime de soi. 2. La disparition du sentiment d’insécurité au profit d’une confiance en soi illimitée. 3. La dispersion des ombres de plus en plus menaçan¬ tes qui pèsent sur tous les toxicomanes dès leur deuxième dose. À partir de ce moment-là, nous sommes condamnés à nous mentir, consciemment ou inconsciemment. Nous commençons par nous dire que nous ne sombrerons pas dans la dépen¬ dance, puis nous nous promettons d'arrêter - pas aujourd’hui, mais demain. Toujours demain. Je vous expliquerai plus loin pourquoi ces lendemains tant espérés n'arrivent jamais.

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4 La fin de l’esclavage. Nous consacrons une telle énergie à résister aux pressions sociales et à notre propre désir d arrêter que nous ne nous rendons même pas compte du peu de plaisir que nous pro¬ cure le tabac. De nombreuses fumeuses prétendent que leur cigarette préférée est celle qu’elles fument 32

à la fin du repas. Examinons d’un peu plus près cette affirmation. Pourquoi diable une cigarette aurait-elle meilleur goût que le reste du paquet ? Absurde, puisque sa composition est identique ! En réalité, les fumeuses n'apprécient pas davantage la cigarette d’après le repas, mais ressentent un man¬ que particulièrement douloureux si d'aventure elles doivent s’abstenir de fumer à ce moment-là. Les non-fumeuses ignorent cette servitude de tous les instants. Quel étrange plaisir que celui qui n’appa¬ raît jamais aussi délicieux que lorsqu'on en est privé ! En dehors de la toxicomanie, aucune activité n’obéit à ce genre de règles. Vous rêvez de pouvoir fumer quand cela vous est interdit, et dès que cela redevient possible, vous voudriez ne jamais avoir commencé ! Cependant, les avantages de l'abstinence sont encore plus écrasants. Avant d'en finir avec la cigarette, je me réveillais tous les matins fatigué, léthargique - même après dix heures de sommeil. Je devais m’obliger à me lever et à affronter les épreuves de la journée. Aujour¬ d'hui, à soixante-sept ans, je me réveille détendu, débordant de tonus, impatient de me mettre au travail. Voilà ce que signifie cette phrase déjà citée : «Ma vie a commencé le jour où j'ai arrêté de fumer. »

J’ai reçu une lettre particulièrement instructive d’une jeune femme nommée Debbie Sekula : « Je trouve ça risible d'avoir atteint un tel degré de désespoir qu 'il m'a fallu acheter un livre pour arrêter de fumer. Ça me semble à la fois illogique et pathéti¬ que. Comment accepter le fait qu'un livre a réussi là où les méthodes scientifiques avaient échoué ? »

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Comme dans bien d’autres domaines, les femmes désireuses d’en finir avec la cigarette se tournent d’abord vers les soi-disant experts afin de mettre toutes les chances de leur côté. Malheureusement, dans l’uni¬ vers des esclaves de la nicotine, les idées les plus répandues sur le piège du tabac et sur les moyens d’en sortir sont totalement erronées. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce livre modi¬ fiera votre regard sur la cigarette, non pas de manière éphémère, mais pour toujours. Ce qui me passionne, c’est de vous fournir les informations, et par là même les outils intellectuels dont vous avez besoin pour vous libérer. Savoir, c’est pouvoir. Une fois muni des connaissances nécessaires, l’impuissant se sent pousser un moral de vainqueur. Debbie ne dit rien d’autre : « À ma grande surprise, je me suis alors rendu compte qu ’un sourire triomphal illuminait mon visage. Quand j’ai tourné la dernière page de votre livre en ce dimanche après-midi, j’ai compris que j’étais guérie une bonne fois pour toutes. « C’était un sentiment stupéfiant. Je ne peux pas vous l’expliquer, mais je suis certaine que vous savez de quoi je parle... « Près de deux semaines se sont écoulées, et je res¬ sens le même bonheur, la même excitation qu ’en ache¬ vant la lecture de votre livre. C'est peut-être même encore plus fort. Je découvre un nouvel univers d’odeurs, de goûts, d’énergie. Je ne peux pas croire qu 'on puisse se sentir aussi bien ! « En ce moment, ma vie est un vrai miracle. Tout me semble nouveau, c’est fantastique. C'est vous qui m avez ouvert la porte, et je ne pourrai jamais assez vous remercier. Vous parlez d'une révélation qui peut survenir à n’importe quel moment dans un délai de trois semaines environ. Pour moi, ç’a été une question de secondes ! Je ne pense même plus au tabac. 34

« Pour conclure, je vous dis merci. « J’espère avoir un jour l’occasion de vous le dire en personne, mais en attendant : merci du fond du CŒUR POUR M'AVOIR APPRIS À VIVRE !

« Avec tout mon amour et mes souhaits de bonheur pour vous et pour votre famille qui à l’évidence vous aime tant. « Debbie Sekula. »

J’ignore combien de milliers de lettres similaires j’ai reçues au fil des années. Mais je vous rappelle quelle a été ma réaction quand moi aussi j’en ai fini avec la cigarette : « Quand le miracle s’est produit, j’ai eu le sentiment de m’éveiller d’un cauchemar interminable. » On retrouve la même idée dans la lettre de Debbie : « En ce moment, ma vie est un vrai miracle. » D’autres correspondants emploient le mot magie ou des expres¬ sions du même ordre. Il est donc temps d’examiner ces deux termes jumeaux : MIRACLE OU MAGIE ?

3 Miracle ou magie ?

En réalité, il ne s’agit ni d’un miracle ni d’un tour de magie - bien que ce soit toujours pour moi ce sen¬ timent qui l’emporte après dix-huit années d’absti¬ nence. J’ai fumé comme un sapeur pendant trente-trois ans, non pas tant pour le plaisir que j’en retirais que parce que je ne pouvais pas m'en passer. Je ne me souviens plus combien de fois j’ai essayé d’arrêter, et j’ai même réussi à survivre pendant six mois sans ciga¬ rettes. Mais à aucun moment je ne me suis considéré comme un non-fumeur. À l’époque, je m'imaginais - tout comme vous aujourd'hui - qu’il existait diffé¬ rents types de fumeurs. D’abord, l’« amateur», celui qui se contente d’accomplir les gestes rituels. Il suffit de le regarder pour constater que le tabac ne lui procure aucun plaisir. Il veut simplement se fondre dans la foule et ne fume qu’en société. Il a l’air mal à l’aise, il n’avale pas la fumée, il oublie de faire tomber la cendre et ne fume que les cigarettes des autres - en particulier les vôtres ! Ensuite, le consommateur occasionnel, très envié par les « grands » fumeurs parce qu'il semble profiter intensément de chaque cigarette. Il inspire profondé¬ ment sans jamais tousser et manifeste toutes les petites 36

manies liées à son vice. Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, ses besoins se limitent à cinq ciga¬ rettes par jour. La grande majorité des fumeurs appartient au type classique déjà mentionné plus haut, celui qui consomme vingt cigarettes par jour mais n’en apprécie que deux. À première vue, le tabac ne lui apporte pas grand-chose, c’est juste une mauvaise habitude qu’il a acquise sans y prendre garde, et il prétend qu’il arrêtera dès que sa santé commencera à en être affectée. La dernière catégorie - la mienne - regroupe les véritables fumeurs, les accros : ceux qui savent en leur for intérieur qu’ils sont totalement dépendants et qu’il leur est impossible de profiter de la vie, de se concen¬ trer ou de maîtriser leur stress sans l’aide d’une ciga¬ rette. De même que beaucoup d'alcooliques pensent présenter des différences physiologiques par rapport aux buveurs ordinaires, je croyais alors que des carac¬ téristiques d'ordre chimique me distinguaient des fumeurs classiques. J’étais également convaincu que, quelle que soit ma force de volonté, et même si j’arri¬ vais à en finir avec la cigarette, je resterais jusqu’à mon dernier jour un fumeur qui n’a pas le droit d’assouvir son vice. Et puis, soudain, le voile épais qui m’aveuglait depuis si longtemps s’est levé, et j’ai vu le tabac tel qu'il est, sans le lavage de cerveau qui masque d’ordi¬ naire la réalité. Avant même d’avoir éteint ma dernière cigarette, j’ai su que j’étais déjà redevenu un nonfumeur. J’ai su que plus jamais je n’éprouverais l’envie ou le besoin de fumer. La seule chose que je n’ai pas comprise sur le moment, c’est pourquoi tout me parais¬ sait aussi facile. Pourquoi les bouffées d’angoisse qui m’avaient assailli lors de mes tentatives précédentes m’épargnaient-elles cette fois-ci ? Non seulement je ne ressentais aucun manque, mais le sevrage était un vrai bonheur. 37

À ce stade, j'imagine que vous avez plusieurs ques¬ tions à me poser. Et que la première est la suivante : « Expliquez-moi ce qui vous est arrivé et comment vous pouvez me faire vivre la même expérience. » Vous faire vivre la même expérience ? J’en suis incapable, voyons ! Mais vous, vous êtes déjà sur la bonne voie. Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est lire ce livre jusqu’au bout en gardant l’esprit ouvert. Vous ne devez surtout pas accepter docilement tout ce que je vous raconte. Au contraire, vous devez remettre en cause mes affirmations et toutes les idées avec lesquel¬ les la société vous a bourré le crâne. Ainsi, lorsque vous serez confrontée à certains choix un peu plus loin dans cet ouvrage, vous pourrez prendre vos décisions en parfaite connaissance de cause. Peut-être pensez-vous que si vous aviez atteint mon degré de délabrement, vous non plus vous n’auriez pas eu de mal à vous arrêter. Ce n’est pas vrai : bien qu’en danger de mort, j’étais incapable de renoncer à la cigarette. Vous connaissez sans doute des gens décé¬ dés prématurément à la suite d’une maladie liée au tabagisme, et qui n’avaient pas cessé de fumer pour autant. A leur place, vous agiriez comme eux. Cela nous déprime d’aller rendre visite à des amis malades, surtout s’ils ont un cancer en phase terminale, mais la honte et le sentiment de culpabilité qui nous étreignent sont des raisons supplémentaires de nous tourner vers notre soutien habituel. Si vous en voulez la preuve, regardez les mégots qui jonchent le trottoir à l'entrée des centres anticancéreux. En lisant mon catalogue des différents types de fumeurs, peut-être vous êtes-vous demandé si ma méthode s’appliquait aussi à votre cas. Je me suis posé la même question jusqu’au jour où j'ai compris que le tabac était une prison volontaire. Chaque serrure a sa clef, et La méthode simple est la clef qui permet aux fumeuses de s’échapper du piège de la nicotine. Il 38

existe plusieurs catégories de fumeuses, mais de même que les jumeaux ne sont jamais parfaitement identi¬ ques, chaque fumeuse est unique. J’espère que vous me connaissez déjà de réputation et que vous lisez ce livre sur les conseils d’une « éva¬ dée ». Il n'est pas exclu que vous ayez lu un ou plu¬ sieurs de mes ouvrages précédents, ni même que vous ayez fréquenté l’un de mes centres. Dans ce cas, vous savez que certaines personnes ont échoué malgré le recours à ma méthode. La raison en est simple : je peux leur fournir la clef, mais pas les obliger à s’en servir ! Je devine votre réac¬ tion : vous craignez vous aussi qu’une partie de votre cerveau refuse d'utiliser cette clef. En effet, bien que votre état de fumeuse vous répugne et que vous n’y voyiez strictement aucun avantage, c’est tout de même vous et personne d'autre qui allumez vos cigarettes. De manière consciente ou inconsciente, une part de votre cerveau neutralise vos pensées rationnelles, sinon vous seriez déjà une non-fumeuse. Pour l’instant, il est inu¬ tile de s’attarder sur cette difficulté : La méthode simple dissipera vos doutes en temps voulu. Rappelez-vous que vous n'avez absolument rien à perdre. Terminez d'abord ce livre, et alors vous prendrez votre décision. Comme Debbie, vous recouvrerez votre liberté. Actuellement, votre vision du tabac est floue, et elle le demeurera aussi longtemps que votre approche sera incorrecte. Mais à l'instant précis où vous considérerez votre situation d’un point de vue entièrement renou¬ velé, elle deviendra claire comme de l’eau de roche. Plusieurs raisons m’ont amené à citer des passages de la lettre de Debbie, sur laquelle je voudrais revenir à présent : « Je trouve ça risible d'avoir atteint un tel degré de désespoir qu’il m’a fallu acheter un livre pour arrêter de fumer. Ça me semble à la fois illogique et pathéti-

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que. Comment accepter le fait qu’un livre a réussi là où les méthodes scientifiques avaient échoué ? »

À l’évidence, Debbie était très sceptique à l’égard de La méthode simple, comme toutes les fumeuses au début. Pourtant, elle a achevé sa lecture, et cela s’est conclu par un succès indiscutable. Mais peut-être vous demandez-vous si sa victoire a été définitive. Après tout, elle avait abandonné la cigarette depuis moins de deux semaines lorsqu’elle m’a écrit cette lettre, et la plupart des gens pensent qu’un délai beaucoup plus long est nécessaire. Encore un exemple ridicule du bourrage de crâne auquel nous sommes soumis ! Les « experts » exigent un an d’abstinence avant de parler de guérison. Vous trouvez cela scientifique ? Pourquoi un an ? Sur quelle donnée sérieuse se fonde une telle estimation ? Si c’était vrai, aucune rechute ne se produirait une fois passé ce laps de temps ! Or, d’innombrables fumeuses redeviennent accros après plusieurs années d’interrup¬ tion. Et nos centres accueillent beaucoup de patientes qui ont réussi à arrêter puis à résister à la tentation grâce à leur volonté : que diable viennent-elles donc chercher auprès de nous ? L’explication est toute simple : elles se sentent encore vulnérables et doivent produire des efforts incessants pour ne pas rechuter. Dans nos centres, elles apprennent à détruire l’idée même de tentation. Je n’aime pas qu’on me considère comme un gourou, car ce mot sous-entend que La méthode simple serait fon¬ dée sur des pouvoirs mystiques ou spirituels. Bien sûr, elle peut apparaître miraculeuse, mais elle est fondée sur des réalités scientifiques, sur le bon sens et sur les faits. Tout comme moi, Debbie a su qu’elle était enfin libre avant même d’avoir éteint sa dernière cigarette. « En toute honnêteté, mes doutes ont disparu vers le milieu du livre. À ma grande surprise, je me suis 40

alors rendu compte qu’un sourire triomphal illuminait mon visage. Quand j’ai tourné la dernière page de votre livre en ce dimanche après-midi J'ai compris que j’étais guérie une bonne fois pour toutes. »

Ce genre de phénomène se produit souvent dans nos centres. Au milieu de la séance de thérapie de groupe, il arrive souvent qu'une de nos patientes déclare : — Inutile d'ajouter un seul mot. Je sais que je ne fumerai plus jamais. Néanmoins, nous préférons aller jusqu’au bout. Beaucoup de lectrices m'ont raconté qu'elles avaient vécu la même expérience avant d'avoir terminé mon livre. J'espère qu'il en sera de même pour vous. Mais même si vous avez cette chance, lisez-le jusqu'à la dernière page. Il ne suffit pas de parvenir à l’état euphorique remarquablement décrit par Debbie : nous devons être certains qu'il se prolongera et vous garan¬ tira contre une éventuelle rechute. Cela m'amène à un sujet que je déteste traiter, mais qu'il est de mon devoir d’aborder. Certaines personnes, en effet, ont arrêté de fumer pendant plusieurs semai¬ nes, voire plusieurs années, grâce à La méthode simple, avant de retomber dans le piège - comme si leur état euphorique n'avait été que passager. Ces cas sont indis¬ cutables. Imaginons, à titre d’exemple, que Debbie rechute au bout de trois mois. Il se trouvera alors un médecin (un « expert ») pour secouer la tête et commenter avec fatalisme : — Vous voyez bien ! Elle n’était pas vraiment gué¬ rie. Une fumeuse ne peut être considérée comme tirée d'affaire qu’au bout d'un an. Ledit « expert » oublie de manière très commode le fait qu’une ancienne fumeuse peut très bien retomber dans la dépendance après un an d’abstinence. Il néglige aussi l'état d’esprit dans lequel elle se trouve durant cette période - comme si cela n’avait aucune impor41

tance. Voilà pourquoi je mets toujours des guillemets au mot « expert ». En finir avec la cigarette est de loin la résolution la plus répandue la veille du nouvel an. J'ai connu plu¬ sieurs personnes qui ont réussi à tenir jusqu’au lei jan¬ vier suivant. — Ça y est ! c’est gagné ! se sont-elles alors excla¬ mées. Pour fêter cela, croyant être hors de danger, elles ont allumé une cigarette. Et le piège s’est refermé sur elles. Vous avez peut-être vécu une expérience compa¬ rable. Pour ces personnes, l’année d’abstinence n’a pas été la clef du succès, mais celle de l'échec. Les méde¬ cins préfèrent ne pas insister sur le fait que les techni¬ ques de sevrage fondées sur la volonté se soldent par un taux de réussite inférieur à 10 %. Dans nos centres, nous remboursons les patients qui ne réussissent pas à s’arrêter pendant un minimum de trois mois. Or, notre pourcentage est radicalement inverse : à l’échelle mon¬ diale, moins de 10 % de nos patients demandent à être remboursés, et plus de 80 % d’entre eux viennent nous voir sur la recommandation d’un proche. Ces chiffres éveilleront peut-être votre scepticisme. On nous a même reproché d’en faire état. Pourtant ils sont exacts. Sachez que, contrairement à certaines ins¬ titutions, je ne bénéficie d’aucune aide des associations caritatives ni de parrainages mirifiques. Je ne dispose pas non plus de l’assise financière qui permet aux mul¬ tinationales pharmaceutiques de lancer chaque année, à grand renfort de spots télévisés, un nouveau médica¬ ment ou un nouveau patch. Des produits dont je vous expliquerai plus loin qu’ils ne sont que des gadgets. Je suis un homme seul, et je ne fais aucune publicité. Cependant, mon premier livre, La méthode simple pour en finir avec la cigarette, figure tous les ans dans la liste des best-sellers, et ce depuis la première édition en 1985. Il a été traduit en plus de vingt langues, il a 42

été n° 1 des ventes en Allemagne, n° 2 aux Pays-Bas. Nos quarante centres sont répartis sur tous les conti¬ nents, à l’exception de l’Antarctique. Tous nos théra¬ peutes sont d’anciens fumeurs qui se sont libérés du tabac grâce à La méthode simple. Songez que Debbie vit à des milliers de kilomètres de chez moi, et que ma réputation est néanmoins parvenue jusqu'à elle. Pour¬ quoi donc le nom d'Allen Carr est-il associé dans le monde entier à la lutte contre le tabagisme, tout comme celui de Tiger Wood au golf ? Pour une raison toute simple : parce que ma méthode marche. Mais halte aux digressions : revenons-en à la ques¬ tion que vous devez vous poser en ce moment. Puis¬ qu’il est impossible de se fier aux « experts », COMMENT SAVOIR SI VOUS ÊTES GUÉRIE ?

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Comment savoir si vous êtes guérie ?

Avant d’avoir découvert La méthode simple, je croyais sincèrement qu’on ne pouvait jamais être sûr d’en avoir fini avec la cigarette. Les « experts » m’avaient conforté dans cette idée : il suffit d’examiner n’importe quelle tentative fondée sur la « volonté ». Selon ma définition, toutes les méthodes autres que la mienne sont fondées sur la volonté, y compris celles qui ont recours à des substituts tels les gommes à mâcher à la nicotine, les patches et les sprays nasaux. En général, vous vous lancez dans ce genre d’expé¬ rience avec un certain fatalisme mêlé d’espoir : la vic¬ toire sera peut-être au bout du chemin si vous parvenez à surmonter les souffrances liées à la privation. Mais combien de temps allez-vous devoir attendre ? Nous avons vu que même une année entière d’abstinence n’est pas une garantie contre l’échec. Vous vous trouvez dans une situation à la foi lamen¬ table et un peu ridicule : vous attendez que rien ne se produise ! Ce à quoi les « experts » répondent par une de leurs platitudes habituelles : — Plus vous tiendrez le coup longtemps, plus vos chances de succès augmenteront. Ils cherchent ainsi à stimuler votre volonté. Le pro44

blême, c’est que cela marche. Vous êtes donc tentée de suivre leurs conseils, du moins jusqu’au moment où vous analysez le mécanisme en jeu. On peut le résumer ainsi : si je réussis à me priver de cigarettes pendant dix ans, j’ai plus de chance de m'en sortir que si je recommence à fumer au bout d’une heure. Félicitations ! Il fallait y penser ! En réalité, ce type de conseil a pour seul effet de prolonger votre calvaire. Voilà ce que j’entends par l’« utilisation néga¬ tive » de la volonté. Prenons une comparaison : un enfant désire un jouet, et vous l’en privez. Que va-t-il se passer ? S'il n'a pas trop de caractère, l'enfant oublie très vite l'incident, et l'affaire est close. Si au contraire il possède une volonté très affirmée, il vous reprochera longtemps votre attitude, parfois même jusqu’à l’âge adulte, en particulier lorsque l’alcool lui déliera l’esprit et la langue. De manière identique, quand elle sera en état d'ébriété ou dans une situation de stress, une ancienne fumeuse se plaindra de ne plus pouvoir comp¬ ter sur le soutien de la nicotine. Laissez-moi vous raconter la dernière fois que j’ai fait appel à ma force de volonté. J’avais survécu pen¬ dant six mois sans une seule bouffée de cigarette ou de cigare. Des personnes qui s’étaient libérées du taba¬ gisme grâce à cette méthode énergique m’avaient per¬ suadé que, à condition de tenir le coup, les accès de manque s’espaceraient peu à peu et deviendraient très supportables. En toute franchise, les premiers temps n’avaient pas été trop terribles, sans doute parce que je me savais condamné à mort en cas d’échec. Hélas ! comme vous le savez probablement, c’est l’inverse qui s’est produit : au lieu de s’atténuer, le manque n’a fait qu’empirer. Au bout de six mois, j’étais une loque humaine incapable d'achever le moindre travail exi¬ geant un peu de matière grise. Et j’ai abandonné. Je pleurais comme un gamin, parce que je me sentais hor¬ riblement mal, que j’avais échoué, et que je devais 45

renoncer à recouvrer la liberté. Et je me méprisais parce qu’il s’en était fallu d’un jour, d’une semaine ou d’un mois. Des sentiments que vous aussi, j’en suis certain, vous avez éprouvés. Aujourd’hui, le tabagisme n’a plus de secrets pour moi (et il commence à en avoir un peu moins pour vous). Je sais donc parfaitement que, même en persé¬ vérant, je n’avais pas plus de chances d’en finir avec la cigarette que de monter à ski jusqu’au sommet du mont Blanc. Ma volonté ne servait qu’à prolonger la torture. Bien qu’elle ne m’ait pas paru rationnelle à l’époque, j’ai pris une décision qui l’était parfaitement compte tenu de mon état et des informations dont je disposais : « Puisque l’existence sans nicotine est un enfer, autant vivre moins longtemps de manière plus agréable. » (Si jamais vous partagez ce point de vue, sachez que la vie du fumeur est effectivement plus courte, mais en aucune façon plus agréable. Une vérité que je développerai un peu plus loin.) N’oubliez pas l’essentiel : si j’ai enduré toutes ces souffrances, c’est parce que j’étais tombé dans un piège, et non pas parce que j’essayais de m’en échap¬ per. Les non-fumeurs n’ont pas la moindre idée de ce que peut être ce calvaire. Mais je vous en fais la pro¬ messe : lisez ce livre jusqu’au bout, suivez mes conseils, et vous comprendrez bientôt ce qu’est le bienêtre authentique. Vous vous demandez peut-être par quel miracle une fumeuse peut se passer de « volonté ». Je pourrais vous l’expliquer, mais ni vous ni moi n’avons de temps à perdre, et il vaut mieux se concentrer sur les moyens rapides et indolores d’en finir avec la cigarette. Cela dit, il est indéniable que certaines femmes réussissent à S’arrêter grâce à un effort de volonté. Ensuite, elles en sont réduites à l’espoir de tenir bon, et la plupart d’entre elles préfèrent vivre au jour le jour, à la manière des anciennes alcooliques en voie de guérison (pour 46

reprendre la formule d’un de mes collègues de travail). Leur liberté, autrement dit, est conditionnelle. Réfléchissez bien à cet aspect de la question : quand saurez-vous si vous êtes guérie ? Une fois que vous serez parvenue à une réponse satisfaisante, comparez-la à celles que nous font les patientes de nos centres : 1. Quand je pourrai rester une journée (ou une semaine, ou un mois) sans fumer. Dans sa lettre, Debbie m’expliquait que toutes ses tentatives précédentes avaient échoué au bout de quel¬ ques heures. Il m'arrive de rencontrer des fumeuses endurcies qui prétendent aimer tellement la cigarette qu’elles n'ont jamais eu envie d’arrêter. Autrefois, je les croyais. Mais en réalité, c’est la peur qui les empê¬ che d'essayer. Vous aussi, vous apprendrez bientôt que même les femmes d’une honnêteté scrupuleuse se met¬ tent à mentir, y compris à elles-mêmes, dès que le tabac entre en jeu. Elles ne peuvent pas faire autrement ! Hélas ! le fait de réussir à s’arrêter pour la première fois après de multiples tentatives éphémères ne garantit pas une victoire définitive. 2. Quand j’aurai tenu un an sans cigarette. Nous avons déjà fait un sort à cette opinion très répandue. Ajoutons simplement qu’elle risque d’effrayer les femmes de la catégorie précédente. Il y a de quoi être découragée avant même d’avoir commencé. 3. Quand je serai capable de profiter d’une soirée sans tabac. C'est déjà mieux, mais comment savoir si vous vous amuserez lors de la fête suivante ? 47

4. Quand j’aurai le sentiment d’être une nonfumeuse. Autrefois, je m’imaginais que les fumeurs se sen¬ taient différents des non-fumeurs. Mais ces derniers ne se considèrent pas comme des non-fumeurs, pas plus que les gens qui ne prennent pas d’héroïne ne se consi¬ dèrent comme des non-drogués. Ce genre d’impression ne concerne que les fumeurs. Cela n’a rien d’agréable de se sentir incapable d’apprécier l’existence sans ciga¬ rette, et vous aurez bientôt le plaisir de modifier du tout au tout votre point de vue. 5. Quand je serai en mesure de me concentrer sans cigarette. C’était pour moi la clé de la dépendance. Si tel est votre cas, vous regretterez amèrement de ne plus pou¬ voir fumer chaque fois que vous serez confrontée à un blocage mental, et vos plaintes ne feront que rendre votre concentration encore plus difficile. 6. Je ne sais pas. Cette réponse n’est pas très encourageante, mais elle a le mérite d’être honnête. Les personnes qui se rabat¬ tent sur cet aveu ont déjà compris que les réponses nos 1 à 5 conduisaient à une impasse. 7. Jamais ! C’était aussi mon avis, et je me réjouis d’avoir eu tort. 8. Quand je cesserai d’y penser. Ici, je dois citer la lettre de Debbie : « Je ne pense même plus au tabac. » 48

Mes correspondants reviennent souvent sur ce thème. Alors, s’agit-il du chaînon manquant ? Est-ce le nœud de La méthode simple ? La joie de Debbie n'est-elle pas indiscutable ? «À ma grande surprise, je me suis alors rendu compte qu'un sourire triomphal illuminait mon visage... Près de deux semaines se sont écoulées, et je ressens le même bonheur, la même excitation qu'en achevant la lecture de votre livre. C'est peut-être même encore plus fort. Je découvre un nouvel univers d'odeurs, de goûts, d'énergie. Je ne peux pas croire qu’on puisse se sentir aussi bien... En ce moment, ma vie est un vrai miracle. Tout me semble nouveau, c’est fantastique... C'était un sentiment stupéfiant. Je ne peux pas vous l’expliquer, mais je suis certaine que vous savez de quoi je parle... C'est vous qui m’avez ouvert la porte, et je ne pourrai jamais assez vous remercier. »

Oui. Debbie. bien que dix-huit ans se soient écoulés, je me souviens très bien d'avoir éprouvé ce sentiment de libération. Et je trouve que vous l’exprimez à mer¬ veille. On me demande souvent : — Comment fonctionne votre Méthode simple ? Ce à quoi je réponds : — Nos centres accueillent des fumeuses dans un état de panique plus ou moins aigu. Elles s’attendent en effet à endurer une longue période de souffrances. Même en cas de succès, elles craignent de ne plus avoir les moyens de goûter les plaisirs de la vie et d’affronter le stress. Mais au bout de quatre heures, plus de 90 % d’entre elles repartent avec l’impression délicieuse d’être déjà des non-fumeuses. — Qu’est-ce que vous pouvez bien leur raconter? 49

— Il me faudrait quatre heures pour vous l’expli¬ quer. Les gens pensent que je me défile, et vous partagez peut-être leur opinion. Je vous assure qu’il n’en est rien. À l’évidence, Debbie s’est donné beaucoup de mal pour exprimer avec précision son sentiment d’euphorie, et elle a eu la générosité de m’en attribuer tout le crédit : « C’est vous qui m’avez ouvert la porte. » Mais son euphorie n’est apparue qu’une fois cette porte franchie. Et elle n’explique pas comment La méthode simple lui a permis de s’arrêter, elle qui jusqu’alors n’avait jamais résisté plus de quelques heu¬ res à la tentation. En fait, sa lettre contient un indice. Je ne fais pas allusion aux .bénéfices qu’elle a retirés de sa décision, car elle les connaissait déjà avant d’ouvrir le livre. Toutes les fumeuses savent que l’abs¬ tinence leur sera très profitable. Sinon, pourquoi vou¬ draient-elles arrêter ? L’indice réside-t-il dans la phrase déjà citée : « Je ne pense même plus au tabac » ? Non, car les conseils prodigués par les « experts » ne font que rendre les méthodes fondées sur la volonté encore plus cauchemardesques. — Vous devez vous changer les idées, dit T« expert » avec une apparence de logique. Évitez les situations qui vous remettent la cigarette en mémoire. — Génial ! répliquez-vous. Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Bien sûr, je vis avec un fumeur, mais nous pouvons nous séparer. Quant à mes amis, je n’ai qu’à en changer. Cela dit, pour m’en faire de nou¬ veaux, je serai amenée à fréquenter des restaurants, des bars ou d’autres lieux publics dans lesquels les gens fument. Tant pis, je m’en passerai. Je n’irai que dans les endroits où personne ne fume. Mais attendez une minute : cela signifie que je ne pourrai plus jamais sor¬ tir, parce qu il y a des débits de tabac à chaque coin

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de rue. Et que je devrai aussi abandonner mon travail à cause de mes collègues accros à la cigarette. — Allons, allons, intervient l’« expert ». Vous exa¬ gérez. Il vous suffit d'éviter les fumeurs jusqu’à votre guérison. — Et combien de temps cela me prendra-t-il ? — Au moins un an. — Vous me rassurez ! Et que me suggérez-vous en attendant ? Je dois rester chez moi à faire des réus¬ sites ? Pas étonnant que si peu de fumeuses s’en sortent avec une méthode fondée sur la volonté... Il vous est sans doute déjà arrivé de ne pas trouver le sommeil parce que vous aviez des soucis. Avez-vous réussi à vous endormir en comptant les moutons ? Ou bien le problème a-t-il continué à vous harceler sans relâche ? Je suis sûr que la fatigue n’a rien arrangé à l’affaire, et que l’inquiétude et l’insomnie se sont nour¬ ries l'une de l’autre. Je parierais que vous avez fina¬ lement sombré dans une torpeur agitée - cinq minutes à peine avant la sonnerie du réveil. Le tabac absorbe des vies entières. Lorsqu’elle m’a écrit. Debbie y pensait toujours : sa lettre y est entiè¬ rement consacrée. Moi aussi je passe mon temps à y penser. Le tabac obsède également tous ceux qui s'efforcent de s'arrêter grâce à leur volonté. Pendant des heures, des jours, des semaines ou des mois, ils se répètent : « Quand ce cauchemar prendra-t-il fin ? Quand le manque cessera-t-il de me torturer ? » Debbie et moi, à l’inverse, nous voyons les choses de la manière suivante : « C’est fantastique ! Je suis libre ! Je n’éprouve pas la moindre envie d’allumer une ciga¬ rette. » La clef du succès est-elle aussi simple que cela ? Chaque fois que vous aurez envie de fumer, vous suf¬ fira-t-il de répéter : « C’est fantastique ! Je suis libre ! Je n’éprouve pas la moindre envie d’allumer une ciga51

rette » ? Cela marchera peut-être durant quelques jours, mais ne vous fatiguez pas avec ce genre d’autopersua¬ sion. Inutile de vous leurrer : ces mots ne seront effi¬ caces que s’ils sont sincères. Qu’ils aient ou non le courage de l’admettre, tous les fumeurs se considèrent comme des minables dénués de volonté. En société, je me fais souvent harponner par quelqu’un qui veut me convaincre du plaisir et du soutien que lui apporte le tabac. Et n’allez pas croire qu’il s’agisse d’une forme de résistance à mon désir de le convertir à l’abstinence. Quand vous y consacrez dix heures par jour, sept jours par semaine, la dernière chose dont vous ayez envie de parler dans une soirée, c’est bien du tabagisme ! En outre, j’ai appris très vite qu’il est plus facile de convaincre une huître de s’ouvrir qu’un fumeur de renoncer à la cigarette avant qu’il l’ait lui-même décidé. C’est pourquoi j’écoute docilement mon interlocuteur, tout en songeant en mon for inté¬ rieur : « C’est tout de même bizarre. Moi qui adore les petits pois, je n’éprouve pas le besoin de me justifier auprès de ceux qui ne les aiment pas. » Quand ma patience a atteint ses limites, je me contente de lui demander s’il encourage ses enfants ou ses petitsenfants à l’imiter. Le fumeur passe alors le reste de la soirée à m’expliquer à quel point il est heureux que ceux-ci aient écouté ses conseils et ne soient pas tom¬ bés dans le piège, ou au contraire à quel point il se désole de ne pas avoir su les en dissuader. Lorsque je lui fais remarquer qu’il est paradoxal de tirer autant de plaisir de la cigarette et de vouloir en priver sa progé¬ niture, il me dévisage comme si c’était moi qui avais le cerveau détraqué... Comme je l’expliquerai plus loin, les grands fumeurs sont souvent des gens très intelligents et très volontai¬ res. Mais la plupart d’entre eux estiment qu’ils sont stupides de fumer, quelques-uns allant jusqu’à penser qu’ils fument par stupidité. Ils se trompent : même les 52

génies commettent parfois des bêtises. N’importe qui peut tomber du haut d’un toit ou être écrasé par un bus, mais il ne le fera de son plein gré que pour se suicider. À l’inverse, ni les génies ni les déficients men¬ taux ne continuent à fumer contre leur gré. C’est notre subconscient qui nous conduit à saisir notre paquet et à allumer notre briquet. Mais quand nous sommes à court de cigarettes, le fait d’aller au bureau de tabac ou de taper un proche est un acte conscient et délibéré. J’insiste sur ce point: aucune cigarette n’est consommée sans raison, mais l’explication ne réside ni dans votre prétendue stupidité, ni dans votre absence de volonté. Et ne vous faites pas d’illusions : cette rai¬ son vous échappe complètement, sinon vous n’auriez pas besoin de lire ce livre. Vous seriez déjà une nonfumeuse épanouie - et définitivement guérie. La seule chose qui compte, c’est l’efficacité. Vous avez débuté cette lecture avec le moral en berne, mais bientôt vos appréhensions feront place à l’euphorie. Cessez de vous demander comment fonctionne La méthode simple. Souvenez-vous du scepticisme initial de Debbie : elle ne voulait pas croire qu’un livre puisse l’aider à arrêter de fumer. Pourtant cela a marché. Comme elle, sans effort, des millions de fumeurs en ont fini avec la cigarette grâce à La méthode simple. À présent, laissez-moi vous présenter MES PROPOSITIONS.

5 Mes propositions

Je dis souvent que ma méthode n’est pas unique¬ ment la plus facile, mais la seule efficace. Cette affir¬ mation m’a valu d’être traité d’imbécile et de préten¬ tieux. Mais attention : je ne nie pas qu’il en existe d’autres. J’y ai même déjà fait référence à plusieurs reprises, en précisant qu’elles sont fondées sur la « volonté ». Si La méthode simple est la seule efficace, c’est parce que, avec les autres, il est beaucoup plus difficile d’arrêter. Et je vais vous expliquer pourquoi. Aujourd’hui, les professionnels de la santé se comportent comme des maîtres nageurs qui suggére¬ raient à leurs élèves de remplacer leur bouée par une ceinture de plomb ou de s’attacher les jambes. Bien qu’ils croient agir ainsi dans l'intérêt de leurs clients, le bon sens nous dit qu’ils se trompent. Attardons-nous un instant sur cette analogie. Quelles recommandations feriez-vous à quelqu'un qui désire apprendre à nager ? Vous pourriez lui conseiller soit d’apprendre d'abord la brasse, le crawl ou le dos crawlé, soit de commencer par patauger et par faire la planche. Il est tout à fait naturel que certaines personnes préfè¬ rent la première méthode, tandis que d’autres estiment la seconde plus satisfaisante. Mais vous conviendrez 54

avec moi que l’idée de remplacer la bouée par une ceinture de plomb est absurde - et qu’aucun maître nageur n’aura l’idée stupide de la proposer à ses élèves. C’est exactement la même chose pour la lutte contre le tabagisme. Imaginez que vous connaissiez une méthode pour en finir avec la cigarette dont les avan¬ tages seraient les suivants : • FACILE, INSTANTANÉE ET DÉFINITIVE ; • AUCUN SYMPTÔME DE MANQUE ; • AUCUN RECOURS À LA VOLONTÉ ; • NI MÉDICAMENTS. NI GADGETS. NI PHASE INITIALE DOU¬ LOUREUSE ; • UNE VIE EN SOCIÉTÉ ENCORE PLUS AGRÉABLE ; • DES ARMES PLUS EFFICACES POUR COMBATTRE LE STRESS ; • MOINS DE NERVOSITÉ ET DE TENSION ; • DAVANTAGE DE CONFIANCE EN SOI ET DE COURAGE ; • UN POUVOIR DE CONCENTRATION RENFORCÉ ; • UNE DISPARITION DÉFINITIVE DE TOUTE ENVIE DE FUMER ; • AUCUNE PRISE DE POIDS.

Comment réagiriez-vous face à un tel programme ? Selon les « experts », tout cela est trop beau pour être vrai. Ils ne peuvent même pas concevoir une méthode dont les effets seraient radicalement opposés à ceux de méthodes qui se fondent sur la volonté, et qui permettrait d'arrêter sans effort. Mais admettons que cette méthode existe - et que par-dessus le marché vous puissiez continuer à fumer pendant toute la durée de la thérapie. Dans ce cas, pourquoi iriez-vous cher¬ cher ailleurs ? Si vous constatez par vous-même qu’elle fonctionne exactement comme je viens de l’exposer, et qu’elle 55

s’applique à toutes les personnes qui souhaitent en finir avec la cigarette, pourquoi diable iriez-vous proposer un autre système qui rend le sevrage beaucoup plus difficile ? Ne serait-ce pas l'équivalent du maître nageur et de sa ceinture de plomb ? J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer : cette méthode existe, et vous êtes déjà en train de l’appliquer. Si mes propositions s’appuient sur la réalité, pour¬ quoi le corps médical les ignore-t-il ? Ne trouvez-vous pas qu’en recourant à d’autres méthodes, il complique la tâche des patients ? À cause du lavage de cerveau, nous nous imaginons qu’il est très difficile d’arrêter de fumer. Néanmoins, des milliers de personnes y sont parvenues du jour au lendemain, sans problème particulier, et sans aucune aide extérieure - la mienne pas plus que celle de qui que ce soit. Vous connaissez sans doute des cas de ce genre. Ces personnes n’éprouvent pas le même senti¬ ment euphorique que Debbie et que la plupart des uti¬ lisateurs de La méthode simple, mais leur sevrage s’est déroulé en douceur. La différence entre eux et moi, c’est qu’ils ne savent pas pourquoi ils ont rencontré aussi peu de difficultés. Ils essaient d’analyser le phénomène et de faire profiter d’autres fumeurs de leur expérience. Avant d’avoir découvert La méthode simple, j’ai eu recours moi aussi à ces méthodes. Certaines d’entre elles sont efficaces, mais seulement à court terme. J’ai également entendu des gens vanter leurs mérites dans mes centres. Lors de nos séances de groupe, il arrive parfois qu'un patient commence par recommander sa « méthode » aux autres participants. Je lui demande alors pourquoi il est venu au centre s il dispose déjà d’une technique si efficace. Je vous assure que ça marche. Je n’ai pas eu envie de fumer pendant plusieurs années. Mais un jour j’ai fait la bêtise d’allumer une cigarette dont je n’avais même pas besoin... 56

Inutile de me raconter la suite. Il me suffit de l’inter¬ roger sur les raisons qui l’empêchent d’appliquer une fois de plus la même méthode. La réponse est invaria¬ ble : — J’ai essayé, mais cette fois-ci ça n’a pas marché. La société en général, y compris les gens qui n’ont jamais fumé, estime qu’il est très difficile d’arrêter. De nombreux fumeurs (c'était mon cas) croient même que parfois c’est impossible. Attardons-nous un instant sur cette opinion. Nous avons déjà établi que personne ne nous a jamais obligés à allumer une cigarette. Si vous choisissez d'arrêter, pourquoi donc serait-ce une telle gageure ? C’est simple comme bonjour : il vous suffit de prendre votre décision, et vous voilà déjà une nonfumeuse ! Les « experts » vous rétorqueront que les choses sont un peu plus compliquées : chacun sait que le taba¬ gisme est une habitude, et qu'on ne rompt pas aussi aisément avec une habitude. Mais ils ne font là qu’en¬ tonner une vieille rengaine - révélant par là même leur incompréhension du phénomène. Ils ont doublement tort : nous ne fumons pas par habitude, et même si c’était le cas, ce serait un jeu d’enfant que de s’en affranchir. Rejetons donc une bonne fois pour toutes ce mythe éculé. Qu’est-ce qu’une habitude ? Un type de comporte¬ ment sans cesse répété. Supprimez la répétition, et l'habitude disparaît. Ce qui nous intéresse ici, c’est l’origine de la répétition. Deux exemples vous aideront à y voir plus clair. Pendant presque toute mon existence, j’ai roulé à gauche. Ce n’est pas seulement une question d’habi¬ tude : quand je traverse la Manche ou l'Atlantique, mon comportement se modifie sur-le-champ et sans aucun problème, pour des raisons évidentes. Vous voyez ce que je veux dire : la répétition d’un geste ne s’explique jamais par la force de l'habitude. Et il suffit de sup57

primer les raisons de cette répétition pour que l’habi¬ tude s’évanouisse aussitôt. J’ai la chance de ne m’être jamais rongé les ongles, mais je connais des gens qui donneraient cher pour se libérer de cette manie. S’ils rencontrent de telles difficultés, c’est parce qu’ils igno¬ rent la raison véritable de cette habitude, ou bien parce qu’ils ne savent pas comment agir sur cette raison. Si nous fumions par habitude, pourquoi diable serait-ce si difficile d’arrêter? Nous n’aurions qu’une seule chose à faire : ne plus allumer de cigarettes. Autrement dit, rester passifs ! L’autre raison avancée par les « experts » réside dans les terribles bouffées d’angoisse liées au sevrage. Là encore, il s’agit d’un mythe qui ne résiste pas à l’examen. Je dois avouer que le jour où j’ai éteint ma dernière cigarette, avec la certitude d’être définitive¬ ment guéri, je m’attendais tout de même à devoir affronter des souffrances physiques. Rien de tel ne s’est produit. Pourquoi m’ont-elles été épargnées, alors que je n’avais eu recours à aucun produit de substitution ? Je me suis alors souvenu que je n’avais rien éprouvé non plus lors de mes précédentes tentatives. Dans nos centres, la plupart des patientes n’ont besoin que d’une séance de quatre heures. Mais il arrive que l’une d’entre elles me téléphone ensuite : — Vous m’aviez dit que je ne ressentirais aucune douleur physique. — Où avez-vous mal ? — C’est comme si j’avais la grippe. — Et votre médecin vous a expliqué que c’était dû au manque de nicotine ? — Je n’ai pas consulté mon médecin, parce que je sais que ce n’est pas la grippe. — Décrivez-moi vos symptômes. — Je n’arrête pas de piquer des suées ! — Les coureuses de 100 mètres aussi, et cela n’a pas l’air de les gêner. 58

— Mais je ne dors pas de la nuit. — Tout le monde souffre d'insomnies un jour ou l’autre. — Je n’arrive pas non plus à me concentrer. — Je n'ai aucun doute sur la véracité de vos dires, mais aucun de ces symptômes ne peut être considéré comme une douleur physique. S’il suffisait de couver une grippe pendant quelques jours pour arrêter de fumer, tout le monde sauterait sur l’occasion. Bien sûr, c’est une maladie désagréable qui peut nous mettre à plat, mais nous n'en faisons pas un drame. Ne vous méprenez pas : je ne cherche pas à minimiser l'épreuve endurée par cette patiente. J’en suis d'autant plus conscient que j'ai vécu le même cal¬ vaire pendant six mois. Mais en aucun cas on ne peut parler de souffrance physique. Une fumeuse peut très bien dormir comme une marmotte pendant huit heures sans tabac. Elle ne se réveille pas au milieu de la nuit en s’arrachant les cheveux. Dans la très grande majo¬ rité des cas, elle prend la peine de se lever, voire de boire une tasse de café ou de thé, avant d’allumer sa première cigarette. Rares sont celles qui fument dans leur chambre. Beaucoup attendent d’être sorties dans la rue, ou même d'arriver à leur travail. Sans piquer une crise ni pousser des cris d’orfraie ! Mais une fois qu’elles se sont assises derrière leur bureau et qu’elles s’apprêtent à actionner leur briquet, n’essayez surtout pas de leur arracher la cigarette des lèvres ou de sub¬ tiliser leur paquet, car elles vous arracheraient un bras ! Si vous alliez consulter votre médecin pour lui expo¬ ser les symptômes de manque énumérés plus haut, seriez-vous capable de décrire vos sensations et d'en localiser l’origine ? Vous pouvez faire le test en vous privant volontairement de fumer lorsque l'envie vous saisit, disons au bout d’une demi-heure d’abstinence. Représentez-vous votre corps sous la forme d’un schéma anatomique comme en utilisent les acupunc59

teurs. Êtes-vous capable de désigner un point, même de manière imprécise ? Non, bien sûr que non. Vous éprouvez un vague malaise, que vous pourriez dissiper à tout moment en allumant une cigarette. À présent, imaginez que vous décidiez de mettre un terme à l’expérience, et que soudain vous vous rendiez compte que vous êtes à court de tabac. Aussitôt, c’est la pani¬ que à bord : vous fouillez dans vos tiroirs, dans votre sac, mue par le désir frénétique de trouver une dose de nicotine ! Un sentiment si désagréable que les fumeu¬ ses prennent d’ordinaire les devants. Ce genre de panique survient souvent quand vous sortez le soir et que vos réserves s’épuisent. Il s’ag¬ grave encore au moment où vous effectuez un petit calcul mental : « Je vais encore rester deux heures dans cette fête, et il ne me reste que quatre cigarettes. » Vous vous rationnez comme vous le feriez avec de l’eau durant une traversée du Sahara. Vous vous amu¬ sez de moins en moins, pour une raison très simple : depuis que votre panique s’est déclenchée, vous gardez les yeux rivés sur votre montre. Au début de la soirée, vous avez pourtant rencontré un homme très séduisant. Comme par hasard, il est le seul fumeur parmi les invi¬ tés - un fumeur qui visiblement peut très bien se passer de cigarettes, puisqu’il n’en a pas sur lui. Vous ne prê¬ tez d’abord aucune attention à ces détails, mais son charme commence à se dissiper quand il vous reproche votre consommation exagérée. Pourtant, lui aussi fume comme un sapeur. Et il fume vos cigarettes, ce qui explique pourquoi vos réserves s’épuisent à un rythme aussi rapide ! Le plus insupportable dans l’histoire, c’est qu’il laisse entendre qu’il n’en aurait pas allumé une seule si vous ne lui aviez pas donné le mauvais exemple ! Bien entendu, la politesse vous empêche de lui dire le fond de votre pensée. Quand vous découvrez le niveau alarmant de vos réserves, vous cessez de lui en 60

proposer. Le casse-pieds finit par saisir l’allusion et par s’évanouir dans la foule. Vous estimez alors pou¬ voir allumer en toute sécurité votre avant-dernière ciga¬ rette. À cet instant précis, le type surgit à la vitesse de l’éclair et, sans même attendre votre réponse, cherche à s’emparer de la dernière. — Ça vous ennuie si je la prends ? — Si ça m’ennuie ? Espèce de crétin ! Pauvre mina¬ ble ! Mais bien sûr que ça m’ennuie ! Voilà ce que vous aimeriez lui envoyer à la figure. Il a touché un point vital. Mais pour ne pas perdre la face, vous lui répondez : — Pas du tout, voyons. Je suis comme vous, je m'en passe très facilement. Il ne saisit pas du tout votre ironie, se fourre votre dernière cigarette dans la bouche, et vous laisse en rade. Soyons clairs et nets : une fumeuse n’éprouve aucune douleur physique quand elle essaie d’arrêter, et il lui est facile de rompre l'habitude, pourvu qu’elle l’ait décidé. C’est vrai pour vous comme pour toutes les autres femmes. Cependant, la plupart des fumeuses estiment qu'il est excessivement difficile, voire impos¬ sible d’en finir avec la cigarette. Cette réalité indiscu¬ table est due à la peur panique de se retrouver en état de manque et de ne pas pouvoir y remédier. Inutile de s’aveugler : ces craintes sont très puissantes. Une fumeuse offrira volontiers une cigarette à un parfait étranger, mais si celui-ci lui demande la dernière du paquet, seule la nécessité de sauver la face la retiendra de répliquer : — Je suis prête à vous donner un litre de sang, et même un de mes reins, si vous me le demandez gen¬ timent. Mais ma dernière cigarette, jamais ! La seule torture endurée par les fumeuses, soit avant, soit après leur décision d’arrêter, c’est de savoir qu’elles n’auront plus le droit d’allumer une cigarette si elles en éprouvent l’envie. Autrement dit, la satis61

faction d’un besoin leur sera interdite. Ce supplice est d’ordre mental, d’autant plus que vous ignorez à quel : moment il prendra fin - si jamais il prend fin. Mais je le répète : cette torture mentale ne rend pas votre gué¬ rison PLUS DIFFICILE.

Examinons d’un peu plus près les méthodes fondées sur la force de volonté. Au début, nous sommes par¬ tagés entre le fatalisme, la morosité et l’espoir que nous aurons le cran nécessaire pour supporter ce cauchemar jusqu’à la délivrance. Mais pourquoi s’infliger un tel calvaire ? Après tout, nous venons de décider d'arrêter de fumer, ce qui devrait nous réjouir. Vous me répondrez que la cause en est sans doute la panique évoquée plus haut. Mais cela n’explique rien. Nous avons déjà établi que cette panique affecte uniquement les person¬ nes qui ont envie de fumer mais n'en ont pas le droit. Or, vous venez justement de décider d’arrêter de votre plein gré. Peut-être pensez-vous que la nicotine crée une dépendance, et que les drogués en cours de désintoxi¬ cation sont condamnés à souffrir du manque pendant une période indéterminée. Bien que cela semble logi¬ que, l’explication ne tient pas. Qu’entendons-nous par « envie » ? Dans ce contexte précis, il ne signifie rien d’autre que : « Je veux une cigarette ! » Mais puisque je viens de décider d’arrêter, pourquoi en ai-je envie ? C’est totalement illogique. Imaginez deux amies en train de bavarder autour d’une tasse de café : — J’aimerais beaucoup aller faire des courses avec toi un samedi. — Ce serait formidable. Je déteste aller toute seule dans les magasins. — Malheureusement, John a un match de rugby, et il faut que j’aille le voir. C’est à mourir d'ennui. Je dois rester plantée là, en plein vent et sous une pluie battante. Et puis il n’est plus tout jeune, et j’ai une peur bleue qu’il se brise la colonne vertébrale. Et le pire. 62

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c’est de devoir écouter ces chansons ridicules après le match. — Il serait temps qu’il mûrisse un peu. Tu as tort de l’encourager. — Tu as absolument raison. Ça fait déjà un moment que je le menace de ne plus l’accompagner. C’est décidé : nous allons faire les magasins. Mais le samedi suivant, la jeune femme se laisse remorquer par son amie de rayon en rayon, et ne cesse de répéter sur un ton lamentable : — Je suis désolée, mais j'ai une envie folle d’aller au match de rugby. Je tente désespérément de me contrôler. J’espère ne pas devoir subir un tel supplice tous les samedis. Malgré mon imagination débordante, il ne me vien¬ drait jamais à l’idée de réagir ainsi, même si à titre personnel je déteste le shopping et j’adore le rugby. Vous pensez peut-être que cet exemple n’a aucun rap¬ port avec les méthodes de sevrage fondées sur la volonté. Pourtant, vous avez sans doute déjà entendu des gens déclarer : — C’est décidé ! J’en ai assez de cette manie répu¬ gnante. Je dépense des fortunes pour avoir le privilège de me ruiner la santé. J’arrête de fumer ! Une bonne résolution typique, comme on en prend au nouvel an. Mais au cours des jours ou des semaines suivantes, les mêmes personnes vous répètent : — Je serais prête à tuer pour une cigarette ! Vous avez peut-être vécu vous-même cette expé¬ rience totalement illogique. En ce qui me concerne, cela m’est arrivé à de nombreuses reprises. Le mot « dépendance » nous sert à décrire cette situation. Mais il n’explique nullement pourquoi des gens intelligents finissent par proférer des inepties aussi énormes que : — C’est une mauvaise habitude. Pourquoi agissons-nous de façon irrationnelle ? La réponse réside dans le sens que nous donnons au mot 63

« arrêter ». Celui-ci implique un véritable renoncement, du moins dans le cadre des méthodes fondées sur la volonté. Une fumeuse peut regretter d’être l’esclave de la cigarette et trouver illogique que le fait d’aspirer des fumées mortelles l’aide à se concentrer ou à combattre l’ennui et le stress. Mais elle est certaine d’en retirer un certain plaisir. Arrêter signifie donc consentir un sacrifice. Vous ne vous demandez jamais pourquoi cer¬ tains aliments sont plus savoureux que d’autres, pour¬ quoi on a mal quand on se donne un coup de marteau sur le pouce, ni pourquoi une ampoule s’allume quand on presse l’interrupteur. De même, vous acceptez sans discussion le fait que la cigarette rend vos repas et vos soirées plus agréables, et qu’elle favorise votre concen¬ tration ou votre détente. Si vous nourrissez de telles certitudes avant d’étein¬ dre ce que vous espérez être votre dernière cigarette, vous n’avez aucune raison de changer d’avis ensuite. Rien d'étonnant, par conséquent, à ce que votre cer¬ veau vous incite à en allumer une nouvelle dès que le téléphone sonne ou qu’une contrariété se dresse sur votre chemin. Quand vos amis se mettent à fumer à la fin d’un repas, il est naturel que vous éprouviez un sentiment de privation. Bien entendu, vous espérez que le problème se résoudra avec le temps. Mais est-ce si sûr? Comme dit le proverbe: l’absence fortifie l’amour. Allez-vous vraiment vous réveiller un beau matin en vous écriant : « hourra ! j’ai vaincu la dépendance ! Je suis libre... » ? Cela se produit rarement à force de volonté. Je ne nie pas qu’une minorité y parvienne. Ni que certaines femmes se réjouissent d’être devenues des non-fumeu¬ ses et affirment en toute sincérité ne pas souffrir du manque. Le temps joue en leur faveur. Petit à petit, leurs envies s’espacent et s’atténuent, et elles finissent par accepter leur nouveau statut. Mais la majorité 64

d’entre elles avouent que le tabac leur manque tou¬ jours, en particulier à la fin des repas. Ce sont d’ailleurs ces plaintes qui inquiètent les autres personnes désireuses d'arrêter, car elles renfor¬ cent le mythe selon lequel une fumeuse ne sera jamais complètement guérie et ne recouvrera jamais une liberté totale. À propos, vous avez sans doute remarqué que ces fumeuses repenties hurlent beaucoup plus fort que les non-fumeuses quand par malheur quelques volutes de fumée les frôlent dans un restaurant. Pour elles, en effet, il s'agit d'autodéfense. Cette bouffée de tabac leur rappelle qu'elles n’ont plus le droit de fumer : en cherchant à vous humilier, elles se blindent contre la tentation. Si les méthodes fondées sur la volonté sont si ardues pour la majorité des fumeurs, voire inaccessibles pour certains, c'est parce que nous sommes victimes depuis l'enfance d'un lavage de cerveau : on nous rabâche qu'il est très difficile d'arrêter. Si malgré tout nous avons le courage de tenter l'aventure, l’expérience ne fait que confirmer cette croyance. Voilà d’ailleurs pourquoi les fumeurs ne font une tentative sérieuse que tous les cinq ans environ. C'est le délai nécessaire pour que le souvenir du calvaire commence à s’estomper. Quand vous aurez réussi grâce à La méthode simple, vous voudrez bien entendu en faire profiter vos amis. Ne vous vexez pas s'ils ne bondissent pas d’enthou¬ siasme. Leurs réticences seront dues à un certain scep¬ ticisme, ou bien à la conviction qu’une méthode qui a marché pour vous ne marchera pas automatiquement pour eux. Même s’ils vous croient, ils seront peut-être encore sous le coup d'un récent échec. Dans ce cas, c’est comme si vous suggériez à un marathonien qui vient de s’effondrer cent mètres avant la ligne d’arrivée de se reposer une demi-heure, puis de repartir pour un tour ! Cependant, la principale faiblesse des méthodes fon65

dées sur la volonté provient du doute qui les accom¬ pagne. Elles nous offrent un vague espoir, et non pas la conviction ou la certitude de réussir. Il en résulte un état d’esprit négatif. Apprendre à nager peut être dif¬ ficile et très angoissant, mais il n’y a rien de plus magnifique que la joie d’un enfant qui commence à s’en sortir. Peu importe s’il boit une tasse monumen¬ tale après avoir parcouru deux ou trois malheureux mètres. Cela ne retire rien à son plaisir car il est sûr désormais de pouvoir se maintenir à la surface sans bouée et sans l’aide de personne. Il sait nager ! Et il lui suffira d’un peu d’entraînement pour couvrir une longueur de piscine. Il faut au moins remporter une médaille d’or aux Jeux olympiques pour éprouver un bonheur comparable à celui du gamin qui avec ses quelques brasses vient de relever un défi majeur. Si votre objectif consiste à tenir un an sans fumer, vous ne l’atteindrez qu’au bout de ce laps de temps. C’est l’évidence même. Si vous décidez d’en finir pour toujours avec la cigarette, il est tout aussi indubitable que votre réussite se confondra avec votre mort. Autre¬ ment dit, même en cas de succès, vous n’en saurez rien de votre vivant. Quelle perspective réjouissante de pas¬ ser toute son existence à espérer ne pas faillir, sans en être jamais sûre ! Les méthodes fondées sur la volonté présentent une faiblesse majeure : leurs utilisateurs ont l'impression de consentir un grand sacrifice. Ils savent que les inconvénients du tabagisme l’emportent de beaucoup sur ses avantages. Néanmoins, ils croient sincèrement que la cigarette leur apporte un plaisir ou un soutien. Et il suffit d'un moment d’inattention ou d’un verre de trop pour qu’ils retombent dans le piège. Il est donc très difficile d’arrêter de fumer avec ces méthodes. Dans le chapitre précédent, je vous ai demandé de réfléchir à cette question : « Comment saurez-vous que vous avez réussi ? » Ensuite, j’ai pris soin de réfuter 66

en détail les réponses formulées par les patientes dans nos centres. Peut-être avez-vous remarqué que je n’ai avancé de mon côté aucune suggestion particulière¬ ment brillante. J’ai seulement laissé entendre que per¬ sonne ne peut être sûr de ne plus jamais fumer avant d avoir rendu son dernier soupir. Alors, pourquoi Debbie, et même Allen Carr, affichent-ils une telle assu¬ rance ? Demandez à un trappeur : — Pouvez-vous affirmer de manière catégorique que vous ne tomberez jamais dans un piège à ours ? Sa réponse sera sans doute négative. Maintenant, modifiez un tout petit peu la question : — Pouvez-vous affirmer de manière catégorique que vous ne tomberez jamais volontairement dans un piège à ours ? Même s'il est poli, sa réaction risque d’être vigou¬ reuse : — Vous me prenez pour un demeuré ? Un trappeur peut craindre toute sa vie de connaître ce genre de mésaventure par accident, mais en aucune façon à la suite d’un choix délibéré. La comparaison peut vous paraître un peu faiblarde, et vous avez raison si vous songez aux méthodes fon¬ dées sur la volonté. Après tout, les femmes qui y ont recours croient sincèrement qu’il leur faut renoncer à un plaisir ou à un soutien. Lorsqu’elles souffrent trop et qu'elles ne voient pas le bout de leur calvaire, elles décident souvent de recommencer à fumer. C’est ce qui se produit dans plus de 90 % des cas. A présent, imaginez que vous ayez sombré dans la dernière drogue à la mode, avant de vous en sortir par miracle. Vous avez sans doute déjà entendu parler de ce redoutable stupéfiant connu sous le nom de : « DÉVASTATION ».

6 Dévastation

On appelle « Dévastation » l’extrait d’une plante sud-américaine appartenant à la même famille que la douce-amère, réputée pour sa toxicité. Cette drogue est l’une des plus redoutables de la planète : il suffit d’une seule dose pour créer une dépendance. Dans les tribus indigènes qui en font usage, plus de 60 % des adultes sont accros. Elle contient un poison très puissant, et on la commercialise sous forme d’insecticide. Elle détruit peu à peu le système immunitaire, entraîne des diffi¬ cultés respiratoires et des phénomènes léthargiques, et finit par tuer un utilisateur sur trois. Dotée d’une odeur épouvantable, elle s’attaque directement au système nerveux, provoquant un sentiment d’insécurité et un manque de confiance en soi. Ses victimes lui consa¬ crent une moyenne de 70 000 euros au cours de leur vie. Et que leur donne-t-elle en échange ? Rien, abso¬ lument rien. Quel plaisir en retirent-elles ? Aucun, absolument aucun. Maintenant que vous connaissez les caractéristiques de « Dévastation », pourrait-on vous convaincre de ten¬ ter l’expérience ? Même les individus les plus aventu¬ reux, les plus intrépides et les plus stupides ne vou¬ draient pas courir le risque d’être intoxiqués par la 68

première dose. Mais que se passerait-il si on vous avait bourré le crâne depuis l’enfance en vous rabâchant que cette drogue présente certains avantages, que ses dan¬ gers n’affectent que les gens accros, et que la dépen¬ dance n’apparaît qu’au bout de plusieurs années de consommation ? Dans ce cas, les plus téméraires d’entre nous sauteraient le pas. À présent, imaginez que vous êtes accro depuis des années, que vous ne vous faites plus la moindre illusion sur ses propriétés, et que vous en avez assez. Vous avez la chance de trouver une méthode capable de vous libérer sur-lechamp, sans effort et de manière définitive. Allez-vous hésiter une seconde à la mettre en pratique ? Et si elle porte ses fruits, ALLEZ-VOUS RETOMBER VOLONTAIREMENT DANS LE PIÈGE ?

Bien entendu, vous avez compris que cette drogue n'est autre que votre vieille amie la nicotine. Certaines de mes affirmations peuvent vous paraître contestable, en particulier le fait qu'« elle s’attaque directement au système nerveux, provoquant un sentiment d’insécurité et un manque de confiance en soi », et qu’elle ne vous offre « absolument rien » en échange. Pour l'instant, je vous demande d’accepter ma description, et de la relire en essayant de ne pas penser au tabagisme. Auriezvous encore envie de fumer ? : • Si vous aviez conscience que le tabac ressemble à s’y méprendre à cette drogue imaginaire. • Si vous saviez que le tabac ne vous aide pas à vous détendre ni à vous concentrer, qu’il ne vous donne ni courage ni assurance, qu’il ne combat ni le stress ni l’ennui. • Si vous étiez persuadée qu’il vous suffit de ne plus allumer une seule cigarette pour être libérée. 69

• Si, chaque fois que l’idée du tabac vous traverse l’esprit, vous vous disiez : « Hourra ! J’ai vaincu la dépendance ! Je suis libre ! », au lieu de : « Je_don¬ nerais cher pour une cigarette », ou encore : « Quand serai-je enfin tranquille ? ». La cigarette ressemble à un nectar empoisonné. La fumeuse a envie du nectar, mais pour assouvir son désir elle doit aussi absorber le poison. Si vous dressiez la liste des avantages et des inconvénients du tabac, les seconds l’emporteraient largement sur les premiers. Puisque la part rationnelle de votre cerveau vous en dissuade, pourquoi donc continuez-vous à fumer ? Parce que ce nectar empoisonné contient un troisième ingrédient : la dépendance, une force mystique qui s’oppose à votre côté rationnel. Grâce à son adresse, le prestidigitateur peut nous faire croire à ses pouvoirs magiques. Mais une fois qu’il a révélé le secret de ses manipulations, l’illusion s’évanouit. Ici, le secret magnifique, c’est qu’il n’y a pas de nectar dans le flacon. La méthode simple révèle les mystères de la dépen¬ dance et la façon dont ses victimes sont amenées à croire que le tabac leur apporte un plaisir et un soutien. Une fois délivrée du lavage de cerveau, vous verrez enfin le tabac sous son vrai jour : celui d’une drogue comparable à l’héroïne ou à « Dévastation ». Vous comprendrez alors que vous n’avez rien à perdre et tout à gagner. Il ne sera plus question ni de fatalisme, ni de morosité, ni de sacrifice. À la fin du livre, vous aurez hâte de pratiquer le rituel de la dernière cigarette - et de savoir que vous êtes désormais, et pour tou¬ jours, une non-fumeuse. Le tabagisme est le piège le plus insidieux que l'humanité ait jamais confectionné en association avec la Nature. De nombreuses personnes s’imaginent qu’elles fument de leur plein gré. Il est vrai que per70

sonne ne les force. Mais il est tout aussi indéniable que personne ne décide de devenir fumeur. Dès que vous aurez assimilé les mécanismes du piège, vous serez automatiquement guérie, et vous n’aurez pas plus envie de recommencer que le trappeur n’a envie de tomber dans un piège à ours. Qu’est-ce qui m’empêche de dévoiler dès à présent les secrets de la dépendance ? Une raison toute simple : vous ne me croiriez pas. Je ne pourrais pas vous per¬ suader que depuis les origines le tabac n'a jamais offert ni plaisir ni soutien à quiconque. Révéler cette illusion est un jeu d’enfant, mais pour être en mesure de vous convaincre, je dois d’abord démontrer que les préten¬ dues vérités qu’on nous rabâche depuis l’enfance constituent en fait un lavage de cerveau. Cependant, une question encore plus urgente se pose à nous. Si elle marche avec certains fumeurs, POURQUOI LA MÉTHODE SIMPLE N’EST-ELLE PAS EFFICACE POUR TOUS LES FUMEURS ?

7 Pourquoi la méthode simple n’est-elle pas efficace pour tous les fumeurs ?

Mettez-vous dans la peau d’une adolescente. Vous franchissez les grilles d’un vaste jardin public, et vous vous y trouvez si bien que vous ne voulez plus le quit¬ ter. Les années passent, et vous commencez à suspecter le fruit qui assure votre subsistance d’être aussi un poi¬ son. Vous n’êtes pas trop inquiète, bien que ses effets soient manifestes sur certaines personnes vivant avec vous dans ce parc. Cela vous rassure de savoir qu’il s’agit de gens intelligents, tout comme vous. De temps en temps quelques-uns s’en vont, mais ils finissent en général par revenir. Un beau jour, l’envie de partir vous gagne à votre tour. Vous avez découvert que le jardin est un gigan¬ tesque labyrinthe dont l’unique sortie est aussi l'entrée. Ce labyrinthe comporte vingt croisements, et chaque fois vous devez choisir la bonne direction si vous vou¬ lez vous échapper - ce qui vous laisse à peine plus d’une chance sur un million. Votre premier essai est un échec. Vous recommencez. Hélas ! vous ignorez à quel moment vous avez commis l'erreur fatale. Alors vous errez, sans savoir si vos choix sont corrects ou erronés. Et vous finissez par décider qu'il est inutile d'insister. 72

Cette histoire vous rappelle peut-être les métho¬ des de sevrage fondées sur la volonté. Car l’analogie est frappante. À présent, supposons qu'il existe un plan du laby¬ rinthe indiquant la direction à prendre à chaque carre¬ four. Vous en conclurez qu’il suffit de se le procurer pour trouver la sortie. Mais si ce plan, bien que dessiné par des experts réputés, ne fournissait que de fausses informations, il vous serait très difficile, voire impos¬ sible, de vous enfuir. Telle est la situation des fumeuses qui tentent d’échapper au piège de la nicotine. Grâce aux conseils des « experts », elles croient tout savoir sur le tabagisme. Et justement, le moment est venu de s’attarder un peu sur les « connaissances » qui leur ont été transmises. Je voudrais que vous répondiez au questionnaire sui¬ vant par « oui » ou « non », en reprenant l’opinion de madame Tout-le-Monde. Laissez de côté pour l’instant votre avis personnel, et mettez-vous à la place de la majorité silencieuse. Pour ma part, je déteste répondre aux questionnai¬ res. N'allez donc pas vous imaginer que je cherche à améliorer mon marketing ou à vous voler vos idées. Je n'ai pas non plus l'intention de vous noter. Vous pou¬ vez donc faire cet exercice en toute liberté. QUESTIONNAIRE

1. Les fumeuses ont-elles choisi de fumer ? 2. Les gens fument-ils par habitude ? 3. Les fumeuses de longue date sont-elles plus dépen¬ dantes que les adolescentes ? 4. Les grandes fumeuses sont-elles plus dépendantes que les fumeuses occasionnelles ? 73

5. Les jeunes filles commencent-elles à fumer par désir de paraître adultes, décontractées ou rebelles ? 6. Les fumeurs sont-ils stupides ? 7. Les fumeurs apprécient-ils le goût de certaines ciga¬ rettes ? 8. Certaines

cigarettes

sont-elles

meilleures

que

d’autres (par exemple, à la fin d’un repas) ? 9. Le tabac vous aide-t-il à surmonter l’ennui ? 10. Le tabac favorise-t-il votre concentration ? 11. Le tabac vous aide-t-il à vous détendre ? 12. Le tabac soulage-t-il votre stress ? 13. Les fumeuses aiment-elles fumer ? 14. Certaines personnes sont-elles particulièrement vulnérables à la dépendance ? 15. Le tabac fait-il maigrir ? 16. Les gommes à mâcher, les patches et les sprays nasaux aident-ils à s’arrêter ? 17. Faut-il de la volonté pour arrêter ? 18. Le sevrage implique-t-il obligatoirement des souf¬ frances physiques ? 19. Les anciennes fumeuses traversent-elles obligatoi¬ rement une période de manque et d’irritabilité ? 20. Est-il difficile d’arrêter ?

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Vous avez sans doute noté tantôt « oui », tantôt « non ». Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraî¬ tre, il fallait répondre « non » à chaque fois. Le plus incroyable, c’est que j’ai soumis un questionnaire simi¬ laire à un échantillon représentatif d’« experts » lors de la 10e Conférence mondiale sur le tabac et la santé, organisée en 1998 à Pékin. Ils ont totalisé en moyenne 75 % de réponses erronées ! Les conseils prodigués par ces « experts » sont le pendant du plan du labyrinthe. On comprend donc aisé¬ ment pourquoi les fumeuses estiment difficile, voire impossible, d’en finir avec la cigarette. A l'inverse, j’affirme que La méthode simple permet à 100 % des fumeuses d'arrêter facilement. Dans ce cas, pourquoi mon taux de réussite n’atteint-il pas 100 % ? Parce qu’un certain nombre de patientes ont du mal à comprendre les instructions ou à les mettre en pratique. Dans l’exemple du labyrinthe, il suffisait de s’engager une seule fois dans une seule mauvaise direction pour rester prisonnier. En ce qui concerne le tabagisme, vous pouvez négliger une, voire plusieurs de mes recommandations et parvenir tout de même à arrêter de fumer. Mais cela vous compliquera les cho¬ ses et augmentera les risques de rechute. Je peux dire sans aucune exagération que l’échec est exclu si vous suivez La méthode simple au pied de la lettre. Je reçois parfois des lettres dont la teneur est la suivante : « J’ai assimilé tout ce que vous avez dit et j’ai suivi vos instructions. J’ai même acheté des patches et mal¬ gré ça je continue à fumer. » Dois-je rappeler que je déconseille l’emploi de tous les substituts, et en particulier de ceux qui contiennent de la nicotine ? N’ayez aucune crainte : les recomman¬ dations à suivre ne sont ni nombreuses ni complexes, et elles n’exigent nullement le cerveau d'un Einstein.

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La première instruction, et la plus déroutante au début, est la suivante : GARDEZ L'ESPRIT OUVERT.

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Je suppose que vous êtes assise dans votre fauteuil, et que vous vous dites avec un grand sourire : « Si c’est cela le plus difficile, sa méthode doit être simple comme bonjour ! » Attention : ce genre de réaction ris¬ que de vous conduire tout droit à l’échec. Si vous posez la question à vos amis, je serais très étonné que l’un d’entre eux vous réponde : — Moi, je n’ai pas du tout l’esprit ouvert. Bien au contraire, je porte des œillères. C’est incroyable ce que les gens peuvent se leurrer sur eux-mêmes, y compris vous et moi. Chacun s'ima¬ gine qu’il sort du lot : qu’il a l'esprit ouvert, qu’il ne tire jamais de conclusions hâtives, qu’il attend toujours d’avoir réuni tous les éléments d’un dossier et écouté toutes les parties en présence avant d’émettre une opi¬ nion. Ne sous-estimez jamais le pouvoir considérable du lavage de cerveau auquel nous sommes soumis. Vous devez non seulement accueillir mes propos avec scepticisme, mais aussi remettre en cause vos certitu¬ des et les « vérités » avec lesquelles les « experts » vous ont bourré le crâne. La deuxième instruction est presque aussi exigeante : RESTEZ DE BONNE HUMEUR.

Je sais que le tabagisme vous a détruit le moral et que la perspective de l’échec vous terrifie. Comment pourriez-vous manifester de l’optimisme dans un moment pareil ? Laissez-moi vous rappeler que votre situation est pourtant très enviable : vous avez beau¬ coup à gagner et absolument rien à perdre. Le pire qui puisse vous arriver, c’est de vous retrouver à la case départ. 76

Certaines personnes pensent que La méthode simple est une sorte de méthode Coué. Vous voyez ce que je veux dire : à force de se répéter qu’on en est capable, on finit par atteindre son objectif. En réalité, cela va plus loin. J’ai toujours eu une approche positive des problèmes, car c’est pour moi la plus logique : il est évident qu’une personne n’arrivera jamais à rien si elle commence par se dire : « J’en suis incapable. » Mais une attitude positive ne garantit nullement le succès. En particulier quand il s’agit d’arrêter de fumer, car on retombe alors dans les travers du recours à la volonté. Réfléchissez une seconde : vous n’avez pas besoin d'adopter une approche positive pour vous abstenir de vous injecter de l'héroïne, de sniffer de la cocaïne ou d’avaler des amphétamines. La réalité est beaucoup moins compliquée : vous n’en avez pas envie, un point c’est tout. La méthode simple se révèle efficace pour tous les patients qui la suivent intégralement. Et j’ajouterai que plus le tabagisme vous fait de mal, plus vous avez de chances de remplir cette condition. Abandonnez vos pensées négatives. Considérez cette nouvelle expé¬ rience comme un défi. Vous allez accomplir ce dont rêvent en secret toutes les fumeuses de la planète : VOUS ALLEZ ÉCHAPPER À L'ESCLAVAGE DE LA NICOTINE.

La troisième instruction est la suivante : N’ESSAYEZ PAS D’ARRÊTER OU DE RÉDUIRE VOTRE CONSOMMATION AVANT D’AVOIR FINI CE LIVRE.

Nous avons brièvement abordé ce point dans le cha¬ pitre 2. Vous comprendrez pourquoi en temps voulu. En attendant, voici la quatrième instruction : NE BRÛLEZ PAS LES ÉTAPES.

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J’entends par là que vous devez lire ce livre dans l’ordre - et ne sauter de chapitre sous aucun prétexte. En revanche, n’hésitez pas à revenir en arrière pour vous rafraîchir la mémoire ou pour lever un doute. Ainsi, il vous sera très profitable de relire ces instruc¬ tions et de vous demander pour chacune d’entre elles : « Est-ce que je les suis vraiment, ou bien est-ce que je me contente de faire semblant ? » Ces instructions sont accessibles à tout moment, puisque je les redonne dans l’Appendice A, à la fin du volume. Aux quatre précédentes s’en ajoute une cin¬ quième, que j’exposerai un peu plus loin, car je dois d’abord revenir sur le titre du chapitre : POURQUOI LA MÉTHODE SIMPLE N’EST-ELLE PAS EFFICACE POUR TOUS LES FUMEURS ?

La réponse est évidente à présent : parce que certai¬ nes personnes ne suivent pas toutes les instructions. Il n’y en a pourtant que cinq, et elles ne sont ni difficiles à remplir ni compliquées. Pour connaître l’état d’euphorie décrit par Debbie, il suffit de vous y confor¬ mer. Debbie est très généreuse de m’en attribuer tout le crédit, et sa modestie la pousse à omettre sa propre contribution. Ce n’est pas moi qui rends le sevrage facile. La vérité, c’est qu’il est facile d’arrêter de fumer. Je me contente de vous guider. Il ne vous reste donc plus qu’à vous engager sur la bonne voie. Une fois parvenue à ce stade, vous vous dites peutêtre : « Ne nous emballons pas. Debbie n’en était qu’à sa deuxième semaine d’abstinence quand elle a écrit cette lettre. Qu’est-ce qui m’assure qu’elle ne s'est pas remise à fumer comme un sapeur ? » Vous avez parfaitement raison. J'ignore si Debbie a connu une rechute, mais je ne peux en écarter la pos¬ sibilité. Il existe deux sortes d'échec : dans le premier cas, la patiente n’atteint pas cet état d’euphorie ; dans 78

le second, elle y parvient, avant de retomber dans la dépendance. L'une des femmes les plus intelligentes et les plus délicieuses qu'il m'ait été donné de rencontrer se nomme Emma Freud. Après avoir fréquenté mon cen¬ tre en tant que patiente, elle a eu la gentillesse d’appa¬ raître au début de mon film vidéo. Et ses paroles méritent d'être longuement méditées : « La seule chose que j'ai vraiment regrettée dans ma vie, c'est d'avoir fumé ma première cigarette à l’âge de quatorze ans. Douze ans plus tard, je consommais un paquet par jour. J'aimais ça, on peut même dire que j'adorais ça, tout en m’effrayant des conséquences sur ma santé. Chaque fois que j'ouvrais un journal, je tombais sur un article traitant du cancer ou des effets néfastes du tabac, et je tournais la page le plus vite possible. Chaque fois qu’on me disait que j’étais en train de me suicider à petit feu, j’allumais une autre cigarette. Celle-ci m'inspirait un mélange d’amour et de haine. Les choses n 'ont fait qu 'empirer lorsqu 'une de mes amies est allée voir un thérapeute et s’est arrê¬ tée du jour au lendemain, sans le moindre effort. « Nous avions commencé ensemble. Elle fumait autant que moi, y trouvait autant de plaisir, mais elle, elle avait réussi à arrêter, alors que j’en étais incapa¬ ble. Quelques semaines plus tard, trois autres de mes amies sont allées voir ce thérapeute et ont obtenu le même résultat, en douceur, sans tambours ni trompet¬ tes. Sans prendre un seul kilo. Sans manifester le moin¬ dre symptôme de manque. Sans me faire de sermons : elles avaient quitté le club, et moi j’en étais toujours membre. Lorsque ma septième amie est ressortie gué¬ rie de chez cet homme, j'ai compris que je ne pouvais plus continuer à fermer les yeux. « Ma séance avec Allen Carr, le 10 décembre 1988, a été l’un des moments essentiels pour moi depuis le

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jour où j’avais allumé ma première cigarette, à l’âge de quatorze ans. Les gens me demandent souvent ce qu’il peut bien raconter à ses patients pour qp’ils s’arrêtent aussi facilement. Je leur réponds qu’il me faudrait des heures pour leur expliquer, et je leur donne son numéro de téléphone. Si je n ’avais pas peur de le mettre dans l’embarras, je vous dirais qu’il a changé ma vie. C’est un homme extraordinaire. Sa méthode est facile, vraiment efficace, et elle ne vous fait pas du tout grossir. Alors la vie est belle ! »

Vous comprenez pourquoi j’étais persuadé qu’Emma s’était définitivement affranchie de la dépendance. Pourtant, elle a fait une rechute. Celle-ci soulève une question très importante, mais que je traiterai plus loin, car j’aime aborder les problè¬ mes dans un ordre logique. Pour quitter l’état d’eupho¬ rie, il faut d’abord l’avoir atteint. Je vous suggère donc de vous concentrer d’abord sur les moyens qui permet¬ tent de devenir une non-fumeuse épanouie. Dans le der¬ nier chapitre, nous verrons ce qu’il faut faire pour le rester toute sa vie. Venons-en maintenant à la cinquième instruction : TENEZ UN JOURNAL DE BORD.

Tous les fumeurs - hommes ou femmes - sont enfer¬ més dans la même prison. La clef pour en sortir consiste à se libérer du lavage de cerveau. Et l’objectif de La méthode simple est justement d’aider ses lecteurs à se débarrasser de ce bourrage de crâne. Mais il existe des différences réelles ou supposées entre les hommes et les femmes, de sorte que chacun doit aborder le pro¬ blème à sa manière. Arrêtez-vous une seconde, et réfléchissez à vos rap¬ ports avec le tabac : d’après vous, quels effets exercet-il sur vous ? Pourquoi fumez-vous ? Pourquoi dési¬ rez-vous arrêter ? Plus vous avancerez dans votre 80

lecture, plus le lavage de cerveau se dissipera. Profi¬ tez-en pour noter dans votre journal de bord les points qui vous ont le plus frappée, en précisant chaque fois le numéro de la page. Cette précaution vous semblera peut-être inutile sur le moment, mais ensuite elle vous aidera à ne pas commettre la même erreur qu’Emma. Le piège de la nicotine est l’abus de confiance le plus subtil et le plus insidieux jamais concocté par l’humanité en association avec la Nature. Un prestidi¬ gitateur ne révèle jamais son « truc », sinon son numéro perd son aura de mystère, les illusions s’envolent, et les spectateurs se demandent comment ils ont pu se laisser berner une seule seconde. C’est exactement la même chose avec le tabagisme. Une fois le piège démonté, ses mécanismes apparaissent dans leur incroyable simplicité. Et quand vous comprenez enfin qu'il s’agit d'un abus de confiance, vous êtes à l’abri de toute rechute. Autrement dit, l’envie de fumer vous déserte pour toujours. Dans ce cas. pourquoi ne pas expliquer le fonction¬ nement du piège ? Mais c’est ce que je suis en train de faire : je vous aide à ouvrir les yeux sur la réalité. Le questionnaire joue un rôle capital. Avant ma décou¬ verte, personne n’avait saisi la véritable nature du piège. On s’était ingénié à rendre extrêmement compli¬ qué un sujet d’une aveuglante simplicité. La société, et en particulier les soi-disant « experts », perpétuent ces illusions et ces idées fausses, le plus souvent par inad¬ vertance. Et nous les croyons. Cependant, certains de ces « experts » sont des loups déguisés en agneaux, des gens froids, pervers et calculateurs qui veillent à ce que le plan du labyrinthe demeure inutilisable. Avant de vous montrer le piège de la nicotine dans toute sa sim¬ plicité et son authenticité, je dois vous persuader que vous avez été soumis à un lavage de cerveau depuis l’enfance. Quand j’affirme qu’il faut répondre « non » aux 81

vingt rubriques du questionnaire, cela implique qu’une fumeuse ne trouve ni plaisir ni soutien dans le tabac - et que par conséquent il n’est pas difficile d’grrêter. Chacun sait que la cigarette est désastreuse sur le plan médical et financier. Je pourrais vous démontrer de façon imparable que, par-dessus le marché, elle engen¬ dre le stress et l’ennui, et qu’elle nuit à la relaxation et à la concentration. Vous serez sans doute d’accord avec moi pour en conclure qu’il est aussi agréable de renoncer au tabac qu’à la drogue que j’ai décrite sous le nom de « Dévastation » au chapitre 6. Franchissons une étape supplémentaire sur le che¬ min de la délivrance et étudions de plus près : LE LAVAGE DE CERVEAU.

8 Le lavage de cerveau

Pour l'instant, je ne cherche pas à démontrer que les faits acceptés par la société sont complètement erronés. Je vous demande seulement de vous interroger sur la véracité des idées reçues. Nous avons déjà remis en cause le mythe le plus répandu, à savoir que les gens fument par habitude. C’est exactement l'inverse : le taba¬ gisme devient une habitude parce que les gens fument. On ne peut pas forcer une personne à arrêter de fumer. Quand elle y parvient, nous estimons donc que son sevrage résulte d'un choix. Comme moi, la plupart des fumeuses n'ont pas oublié leur première cigarette. Paradoxalement, ce souvenir est d’autant plus vif que l'expérience a été désagréable : mauvais goût, quintes de toux, nausées. Nous n’y avons pris aucun plaisir, mais c’est justement ce qui nous précipite dans le piège. Comme elles s’imaginent que les fumeuses apprécient la cigarette, les adolescentes écartent d’em¬ blée leur réaction naturelle qui consisterait à dire : « Comment peut-on devenir accro d’un truc aussi répu¬ gnant ? » Elles ne se rendent pas compte qu’en cédant à cette illusion, elles mordent à l’hameçon, tel un poisson attiré par un appât. 83

Vous me rétorquerez que le tabagisme est un plaisir acquis, et non inné. Mais pourquoi diable se donner la peine d’acquérir un tel plaisir ? Par la suite, quand vous changez de marque ou que vous tapez une cigarette à une amie, un certain temps d’adaptation vous est néces¬ saire. Et si vous vous êtes rabattue sur des ultralégères, vous avez sans doute augmenté la cadence afin d’obte¬ nir votre dose habituelle de nicotine. Personne n’a jamais éprouvé le besoin de fumer avant de tomber dans le piège. Seuls les fumeurs sont incapables de se déten¬ dre, de se concentrer, d’apprécier un repas ou de répon¬ dre au téléphone sans le secours d’une cigarette. Lors de votre prochaine sortie, observez les non-fumeurs, et vous verrez que rien n’influe sur leur comportement. Revenons-en à votre première cigarette « expéri¬ mentale ». À l’origine, ce ne devait être qu’un simple essai, et puis les choses ont pris une tournure très dif¬ férente. Vous rappelez-vous avoir décidé consciem¬ ment de devenir une fumeuse régulière, d’avoir choisi de consommer du tabac tous les jours et de vous expo¬ ser à l'angoisse, voire à la panique, en cas de manque ? Bien sûr que non, car aucune fumeuse ne s’est jamais engagée dans cette voie de son plein gré. Nous ne déci¬ dons pas davantage de fumer que de parler notre langue maternelle. Le tabac est partie intégrante de la civili¬ sation dans laquelle nous avons grandi. La plupart des gens finissent par allumer une première cigarette, et 90 % deviennent accros. La vérité, c’est que nous n’exerçons aucun pouvoir de décision, ni au début ni par la suite. Sinon, pourquoi aurions-nous autant de mal à arrêter ? Et pourquoi seriez-vous en train de lire ce livre ? Chaque fois que j’ai tenté d’en finir avec la cigarette, j’ai échoué. C’est bien la preuve que le tabagisme ne résulte pas d’un choix, et que nous sommes détenus dans une prison dont nous ne savons pas comment nous évader. Bien entendu, il n’y a ni barreaux ni geôliers - autres que 84

nous-mêmes - pour nous retenir. Mais c’est précisé¬ ment la définition de la dépendance : quand vous rêvez de délivrance, vous n’avez pas le pouvoir de mettre ce rêve en pratique. Dès que j’ai découvert comment acquérir ce pouvoir, je me suis libéré sur-le-champ et de manière définitive. Et il en sera de même pour vous. Puisque nous considérons le tabagisme comme une habitude, il est logique d’en déduire que les personnes qui fument beaucoup et depuis longtemps sont celles chez qui l'habitude est la plus enracinée. Pourtant, les faits sont têtus : ce sont les gros consommateurs, les fumeurs invétérés qui arrêtent, et non pas les jeunes gens ni les fumeurs occasionnels. La société a échoué lamentablement dans la prévention auprès des adoles¬ cents - et en particulier auprès des jeunes filles. Vous me répondrez que les fumeuses débutantes n’éprouvent ni le besoin ni l'envie d’arrêter. Admettons que vous ayez raison. Mais tant qu’une personne n’a pas compris qu’elle est tombée dans un piège, elle n’éprouvera pas le désir de s’échapper, et n'aura donc pas la moindre chance de s’en sortir. La conscience d’être en prison n'est pas une garantie de succès, évidemment, mais elle offre tout de même une issue. Si je vous demande pourquoi vous fumez, vous allez vraisemblablement me dire : « Parce que j’aime le goût du tabac, surtout à la fin des repas. » Cependant, vous ne mangez pas votre cigarette. Vous ne la mâchonnez même pas. Alors, que vient faire le goût dans cette histoire ? En outre, comment deux ciga¬ rettes venant du même paquet pourraient-elles avoir un goût différent en fonction des circonstances ? Vous êtes bien en peine de me répondre, non ? Vous ne collez pas une étiquette sur chacune de vos cigarettes : « petit déjeuner », « pause café », « fin du repas »... Vous allez peut-être ajouter que le tabac vous aide à combattre le stress et l’ennui, et qu’il facilite la concentration et la détente. Attendez un peu ! L’ennui est le contraire de 85

la concentration, de même que le stress se situe à l’opposé de la détente. Les fumeuses ne sont pas stu¬ pides ! Si j’essayais de vous vendre un remède piiracle dont les effets seraient radicalement différents à une heure d’intervalle, vous me prendriez pour un charlatan - ou pour un demeuré. Mais cela n’empêche pas la société, et en particulier les fumeurs, de conférer au tabac des « vertus » parfaitement contradictoires. D’où vient cette incohérence ? Pourquoi envoyonsnous promener le charlatan qui tente de nous vendre un remède miracle, alors que nous croyons naïvement aux prétendues vertus « contradictoires » du tabac, un produit ruineux qui présente des effets secondaires épouvantables ? L’incohérence ne s’arrête pas là. Il n’y a pas un père ou une mère dans les pays occidentaux qui ne dissuade ses enfants de fumer - et ce avec d’autant plus de véhé¬ mence qu’ils sont eux-mêmes fumeurs. Pourtant, ces mêmes parents sont prêts à vous parler pendant des heu¬ res - en général loin des oreilles de leur progéniture du plaisir et du soutien que leur apporte la cigarette. En fait, cette hypocrisie n’est qu’apparente : les fumeuses savent au fond d’elles-mêmes qu'elles sont tombées dans un piège, et que leur dépendance ne résulte pas d’un choix délibéré. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je préfère que vous continuiez à fumer à ce stade de votre lecture : si vous arrêtiez, vous ne pourriez plus vérifier l’authenticité de mes propos. Et je ne veux surtout pas que vous renonciez à la cigarette tout en croyant qu'elle vous procure des sensations merveilleuses, sinon vous risquez de conserver cette illusion jusqu'à la fin de vos jours. Vous devez d’abord vous rendre compte qu’elle ne vous apporte aucun plaisir pour ne plus jamais éprouver le moindre symptôme de privation. Si l’idée que le tabac vous procure une jouissance délicieuse est enracinée en vous, faites-en l’expérience. Allumez une cigarette. Concentrez-vous, aspirez profondément à six 86

reprises, et interrogez-vous sur la nature exacte de votre plaisir. Pour que cela marche, vous devez analyser le phénomène en détail et suivre le parcours de la fumée depuis la cigarette jusqu’aux poumons en passant par la bouche. L’exercice est beaucoup plus ardu que vous ne pour¬ riez l’imaginer, car nous fumons la plupart du temps de manière automatique. Mais l’illusion du plaisir se dissiperait vite si vous vous disiez, chaque fois qu’une fumée âcre et empoisonnée vous emplit les poumons, que cette cigarette particulière est peut-être celle qui déclenchera votre cancer, et que cette manie répugnante vous coûtera 70 000 euros au cours de votre existence. Ainsi s’expliquent notre hypocrisie et notre propen¬ sion à faire deux poids, deux mesures. Voilà pourquoi des personnes par ailleurs très honnêtes en arrivent à mentir - aux autres comme à elles-mêmes - dès qu’il est question du tabac. Elles ne souhaitent tromper per¬ sonne, mais elles n’ont pas le choix. Elles doivent mener une vie survoltée avec le soutien apparent des cigarettes et se rabattent sur les arguments habituels pour justifier leur tabagisme. Ces arguments sont encore plus rabâchés par les femmes que par les hommes, car celles-ci ont pris l'habitude depuis leur plus jeune âge de discuter entre amies, d'échanger des idées, de se donner des conseils, mais aussi de se fournir des prétextes. D’où l’extraor¬ dinaire efficacité de ces raisonnements fallacieux. Tout au long de sa vie, une femme utilise une vaste gamme de prétextes pour continuer à fumer, confortée dans son entêtement par ses amies fumeuses. En cas de rupture sentimentale, la cigarette la console. En cas de stress ou de relations personnelles mouvementées, la cigarette l'empêche de s'arracher les cheveux et lui offre des moments de répit dans ses mon¬ tagnes russes émotionnelles. Quelques années plus tard, lorsque l’organisme féminin est soumis à des change¬ ments naturels qui créent un déséquilibre hormonal, la 87

fumeuse prétend trouver dans la cigarette un moyen irremplaçable de rétablir une certaine harmonie. À cha¬ que étape de son existence, elle se rabat donc sur des prétextes pour se masquer la vérité. Elle n’ose pas tenir tête à ses amies, avouer qu’elle se sent horriblement mal et dire qu’elle en est arrivée à la conclusion suivante : « QUELLE IDIOTE JE SUIS ! MAINTENANT IL FAUT QUE J’ARRÊTE ! »

Cette prise de conscience soulève une perspective encore plus effrayante : la peur d’arrêter et de devoir continuer à vivre sans cigarettes. Alors notre fumeuse temporise : « Je vais le faire, mais pas aujourd’hui. Le moment n’est pas bien choisi. » En attendant, pourquoi se gâcherait-elle la vie à se répéter qu’elle est une idiote chaque fois qu’elle allume une cigarette ? C’est ainsi que son esprit se détourne de la vérité. Elle continue à fumer pour se détendre, se concentrer, fêter tel ou tel événement, lutter contre le stress et l’ennui. Elle ne s’interrompt que pour manger (et encore, puisque la cigarette de la fin du repas est sacrée !) et pour dormir. Elle ne semble pas comprendre que le moment idéal ne se présentera jamais. C’est l’un des aspects les plus insidieux de la nicotine et de toutes les autres drogues : quand le piège se referme, c’est pour la vie. Je n’ai pas encore démontré que le tabac ne procure ni plaisir ni soutien. Mais si vous avez gardé l’esprit ouvert, vous conviendrez avec moi que les « faits indis¬ cutables » avec lesquels la société nous a bourré le crâne ne tiennent pas debout. Ce ne sont que des pon¬ cifs confus et contradictoires. Un examen superficiel suffit à démolir ce lavage de cerveau. À présent, pour nous approcher de la vérité, étudions de plus près LA DÉPENDANCE À LA NICOTINE.

9 La dépendance à la nicotine

Le tabac appartient à la même famille que des plan¬ tes toxiques comme la douce-amère. C’est un redouta¬ ble poison qui entre dans la composition de certains insecticides. Dans les laboratoires où on les fabrique, les scientifiques portent des combinaisons étanches qui ressemblent beaucoup à celles dont on se sert pour manipuler les déchets nucléaires. Il faut une autorisa¬ tion spéciale pour acheter un flacon d’insecticide de 15 ml (la taille d'une petite bouteille de collyre). Et il est aussi difficile de se procurer un gramme de nicotine que d'acheter un gramme d’héroïne au coin de la rue. De nos jours, le tabagisme tue 3,5 millions de per¬ sonnes par an. Vous serez peut-être surprise d’appren¬ dre que ce nombre ne cesse d’augmenter. L’Organisa¬ tion mondiale de la santé estime que dans les années 2030 il dépassera 10 millions. Si vous vous injectiez le contenu d’une seule ciga¬ rette en intraveineuse, vous n’auriez aucune chance d'en réchapper. Croyez-moi sur parole, je vous en prie, et n’allez surtout pas tenter l’expérience... La nicotine est de loin la drogue la plus puissante de la planète, et celle qui produit la dépendance la plus rapide. Il fut un temps où plus de 90 % des Occiden89

taux de sexe masculin subissaient son emprise. Chaque bouffée entrant dans les poumons envoie dans le cer¬ veau une petite dose de nicotine dont l’action est plus rapide qu’une dose d’héroïne injectée dans une veine. Si vous tirez vingt fois sur une cigarette, ce sont donc vingt doses qui atteignent votre cerveau. Dès que vous avez éteint votre mégot, la nicotine commence à évacuer votre organisme, et vous ressen¬ tez les premiers symptômes du manque. Vous vous imaginez que celui-ci provoque de terribles souffrances physiques chez les personnes qui tentent d’arrêter. En réalité, le manque ne produit que des effets très limi¬ tés : un sentiment de vide et d’insécurité comparable à la faim. On apprend vite à identifier ce symptôme, qui se manifeste par le désir de tripoter quelque chose, et qu’on traduit par : « J’ai envie de fumer. » La quantité de nicotine contenue dans le sang dimi¬ nue de moitié en une demi-heure et des trois quarts en une heure. Voilà pourquoi la majorité des fumeuses consomment une vingtaine de cigarettes par jour. Dès que vous en rallumez une, la nicotine afflue, et le sen¬ timent d’insécurité s’évanouit. Un phénomène que les fumeuses qualifient d’agréable, de plaisant ou de relaxant : elles ont un peu l’impression de retirer une paire de chaussures trop petites. Les adolescentes, quant à elles, « partent dans un trip » ou « s’éclatent ». Si elles n’emploient pas les mêmes termes que les adultes, c’est parce que les apprenties fumeuses ont encore beaucoup de mal à qualifier l’expérience d’« agréable ». J’ai surnommé ce sentiment de vide et d'insécurité le « petit monstre ». Pour une raison très simple : ce malaise physique est presque imperceptible. En fait, 99,99 % des fumeuses vivent et meurent sans s’être rendu compte de son existence. Pendant des années, je me suis considéré comme un accro à la nicotine, mais aussi comme un accro au golf. Je n’avais pas cons¬ cience d’être sous l’emprise d’une drogue. Je croyais 90

que la nicotine était seulement une substance marron et plutôt sale qui me tachait les doigts et les dents. Je ne me doutais pas que l’insatiable appétit du « petit monstre » était la seule et unique raison qui me pous¬ sait à allumer cigarette sur cigarette. Ne vous inquiétez pas si vous avez encore un peu de mal à accepter cette idée. Vous pensez sans doute : « Si la vérité était aussi simple. Allen Carr ne serait pas le seul à l’avoir décou¬ verte. » Mais rien n'est plus évident qu’un tour de pres¬ tidigitation une fois qu’on vous a expliqué le « truc ». Avant Galilée, chaque fois que le soleil se levait à l’est et se couchait à l’ouest, les « experts » et tous les autres habitants de la planète étaient confortés dans leur cer¬ titude : le Soleil tournait bien autour de la Terre. C’était tellement évident que personne n’aurait osé soulever la question. Nous savons désormais que cette illusion reposait sur un mauvais énoncé du problème. Mais elle était si convaincante que l’humanité a mis plus d’un million d'années à s’en affranchir. Aujourd’hui encore, il nous est plus facile d'imaginer que le soleil se lève à l'est et se couche à l’ouest, plutôt que de nous dire que la Terre tourne autour de son axe et que le Soleil apparaît ou disparaît durant cette rotation. Néanmoins, plusieurs éléments rendent le piège de la nicotine très difficile à repérer. Un : le « petit mons¬ tre » n’est qu’une impression, donc quelque chose d’impalpable, même si ses effets ne le sont pas. Deux : cette impression est quasiment imperceptible. Trois : cette impression ressemble à la faim et à une vague appréhension, ce qui complique encore les choses. Quatre : l’illusion se caractérise surtout par son action à contretemps. Le « petit monstre » se tient tranquille pendant que nous fumons, et il s’écoule un certain délai entre le moment où nous écrasons une cigarette et celui où nous éprouvons le besoin d’en allumer une autre. En revanche, le soulagement est presque instantané : il 91

suffit d’avaler les premières bouffées pour sentir le. stress s’évacuer. C’est un véritable miracle, compara ble à ce qui se produit quand nous pressons up inter- : rupteur et que la lumière jaillit. Peu importe si nous en ignorons la cause. L’essentiel, c’est que cela marche. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que les fumeurs considèrent le tabac comme un plaisir et un soutien. Notons en passant que toutes les drogues fonction- i nent à contretemps. Une personne qui n’a jamais été dépendante de l’héroïne serait horrifiée de voir une toxicomane s’injecter une dose. Aux yeux d’un témoin exté- ( rieur, il est évident que la malheureuse ne cherche pas à obtenir de fantastiques hallucinations, mais simple- f ment à soulager les souffrances propres à son état de i manque. De plus, le phénomène de la dépendance est i d’une extrême subtilité : le piège commence à fonction¬ ner dès la première dose, mais le processus est d'ordi¬ naire si insidieux et si progressif qu’il peut s’écouler des années avant que nous ne prenions conscience d’être i accros. La vérité se fait jour lorsque nous tentons d’arrê¬ ter et que nous n’y parvenons pas. Même à ce momentlà, nous nous berçons d’illusions. Nous cherchons des : excuses : « Je n’ai pas choisi le bon moment. » La dépendance ressemble au vieillissement : elle ; s’installe de manière si graduelle que nous ne remar¬ quons rien. Nous ne nous sentons pas différents d'un jour sur l’autre, et tous les matins nous contemplons le même visage dans le miroir. Cependant, si vous regar¬ dez une photo de vous prise dix ans plus tôt, le chan¬ gement vous saute aux yeux. Il en est de même avec le tabac. Nous avons oublié que jadis nous étions capa¬ bles de nous amuser, de nous concentrer et de combat¬ tre le stress sans cigarette. Et si notre manque d’énergie devient trop évident, nous l’attribuons à l’âge plutôt I qu’au « petit monstre ». Si seulement vous pouviez retrouver vos sensations d’autrefois ! Je voudrais avoir les moyens de vous pro-1

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jeter dans le passé, à 1 époque où vous n'étiez pas encore tombée dans le piège, ou bien dans le futur : trois semaines après que vous ayez écrasé votre der¬ nière cigarette. Je ne parle pas seulement de bien-être physique et de dynamisme, mais aussi de confiance en soi et de plénitude. Vous devez vous demander : « Est-ce que ce sera vraiment aussi formidable ? » Oh oui ! Et vous n’arriverez pas à comprendre pourquoi vous n'avez pas réagi plus tôt. Les fumeurs ne vous inspireront aucune envie : ils vous feront pitié, comme des toxicomanes. Hélas ! je ne peux pas vous projeter dans trois semaines. Mais vous, vous en êtes capable. À condition de garder l'esprit ouvert, de suivre les ins¬ tructions et d'utiliser votre imagination. Vous avez peut-être déjà arrêté de fumer pendant trois semaines ou davantage, sans éprouver l'état d'euphorie que je viens de décrire, bien au contraire. Cela m'est arrivé à moi aussi. Mais ni vous ni moi ne connaissions encore La méthode simple. Il me reste à souligner un autre aspect très ingénieux du piège de la nicotine avant de pouvoir me consacrer au sujet central de cet ouvrage : le tabagisme au fémi¬ nin. Je veux parler de l’immunité. Vous êtes-vous déjà demandé comment les animaux distinguent un aliment sain d’un aliment toxique ? Pour nous, cela ne pose aucune difficulté : pourvu qu’ils aient deux sous de bon sens, nos parents font en sorte que nous ne puissions pas accéder aux poisons avant d'avoir l’âge nécessaire pour les identifier. Mais les animaux sauvages ? En fait, la Nature a doté tous les êtres vivants de systèmes très sophistiqués qui favorisent leur survie. Bien entendu, votre chat est un animal domestique, et il ne vous vien¬ drait pas à l’idée de l’empoisonner. Mais lui, il l’ignore. Avez-vous remarqué sa manière de renifler sa nourri¬ ture quand il n’est pas certain de son innocuité. Ensuite, il s’empare d’un morceau minuscule et opte pour l'une des trois solutions suivantes : soit il l’avale avec plaisir, 93

soit il le mordille d’un air hésitant, soit il le laisse tom¬ ber et s’éloigne avec dédain, la queue dressée en l’air, comme si vous aviez tenté de l’empoisonner. C’est d'ailleurs ce que vous avez fait involontairement! L’odorat et le goût sont l’apanage de tous les êtres vivants, nous y compris. Si un aliment sent mauvais, c’est qu’il est toxique. En cas de doute, il vous suffit de goûter un morceau pour avoir une réponse définitive. Le système est tellement perfectionné qu’un excellent aliment acquiert un mauvais goût et une odeur fétide dès qu’il commence à se dégrader. Voilà pourquoi les premières cigarettes et les premiers verres d’alcool nous semblent aussi désagréables. Notre organisme nous met en garde : « C’est du poison ! je n’en veux pas ! » Cer¬ tains d’entre nous ont la chance d’entendre cet avertis¬ sement et renoncent définitivement au tabac et à l’alcool. La Nature pourrait dire à tous les autres : « Je vous avais prévenus. Puisque vous êtes trop stupides pour écouter les bons conseils, eh bien tant pis pour vous ! » Pourtant, elle ne nous abandonne pas à notre triste sort. Elle nous offre même une seconde chance en nous faisant tousser, en nous causant des nausées et des vertiges, et même en nous obligeant à vomir. Certaines personnes considèrent ces phénomènes de rejet comme des maladies, alors qu’ils constituent en fait des symptômes du mal qui nous menace, et d’une certaine façon des moyens de lui échapper. La toux et le vomissement sont des techniques de survie dont nous a dotés la Nature pour expulser les poisons de nos pou¬ mons et de notre estomac. Son rôle de protectrice ne s’arrête pas là. Si nous continuons à fumer et à boire régulièrement, elle en déduit que nous y sommes contraints, et non pas que nous agissons ainsi par pure bêtise. Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est elle qui a raison. Elle déclen¬ che alors une autre technique de survie qui tient vrai¬ ment du miracle : NOTRE SYSTÈME IMMUNITAIRE.

10 Notre système immunitaire

Comme la plupart des gens, je ne me suis jamais penché sur mon système immunitaire ni sur aucune de mes fonctions organiques - et encore moins sur les manifestations de la puberté, sujet tabou par excel¬ lence. Mon éducation m'a amené à considérer les mala¬ dies bénignes comme des phénomènes naturels, et il me paraissait presque impossible de contracter une pathologie invalidante ou mortelle avant la vieillesse. Quand il m'arrivait de tomber malade, on me condui¬ sait chez le médecin. Chaque fois j’attribuais ma gué¬ rison aux comprimés, à la pommade ou aux autres médicaments qu'il m’avait prescrits, et non pas à mon système immunitaire. J’avais déjà un âge respectable lorsque je me suis rendu compte que les animaux sauvages s’en sortaient très bien sans médecin - à condition que leur habitat ne soit pas empoisonné. De fait, l'espèce humaine a survécu pendant des centaines de milliers d’années sans le secours d’aucun médicament. Tous les médecins vous le diront : le facteur de guérison le plus efficace, et de très loin, c’est le système immunitaire. Ce moyen de survie perfectionné dont la Nature nous a dotés ne se contente pas de soigner les maladies. 95

Si nous infligeons des doses toxiques régulières à notre organisme, il développe une immunité partielle au poi¬ son concerné. Ainsi, Raspoutine était capable d’absor¬ ber une quantité d’arsenic vingt fois supérieure au seuil mortel pour un sujet ordinaire - et ce parce qu’il s’était peu à peu immunisé contre ce poison. De même, les rats et les souris parviennent à résister à un anticoagu¬ lant aussi puissant que la warfarine au bout de seule¬ ment trois générations. Lorsque nous nous accoutumons à fumer ou à boire de l’alcool, nous développons des défenses contre leur mauvais goût et leurs effets toxiques. Je devine votre réaction : « C’est formidable ! Mon système immuni¬ taire va donc me protéger contre le cancer du poumon, l’emphysème, l’artériosclérose et toutes les autres pathologies mortelles. » Vous oubliez que cette immu¬ nité - partielle - ne s’applique pas uniquement aux effets de la drogue, mais aussi à la drogue elle-même. Il est ici nécessaire d’apporter quelques explications complémentaires. Une non-fumeuse a ses bons et ses mauvais jours, exactement comme une fumeuse. Pour simplifier, disons qu’elles partent toutes les deux à égalité. Et puis un jour, la seconde allume sa première cigarette. Ne nous occupons pas de ses quintes de toux, de son ver¬ tige, ni des autres effets toxiques du tabac, et admettons qu’elles sont encore à égalité. Mais, dès qu’elle éteint cette première cigarette, la nicotine quitte son orga¬ nisme et produit une sensation de manque. À ce stade, ce symptôme est trop ténu pour que la fumeuse en ait conscience. Elle se sent à peine moins bien que la nonfumeuse. Si elle rallume une cigarette, la nicotine afflue, l'impression de vide et d'insécurité disparaît, et elle se retrouve dans la même situation qu’avant d’avoir allumé sa première cigarette. Ahurissant, non ? Si ma démonstration est exacte, cela signifie que les gens continuent à fumer dans le 96

seul but de connaître de nouveau le bien-être qui était le leur avant d’avoir allumé leur première cigarette. Autrement dit, le plaisir et le soutien que vous procure le tabac se résument à vous donner L’IMPRESSION D’ÊTRE UNE NON-FUMEUSE.

Vous obtenez réellement un plaisir et un soutien, mais ce serait une illusion que d'en attribuer le crédit à la cigarette. Au contraire, celle-ci est responsable de la perte de votre bien-être initial. Elle ne vous aide pas davantage à vous relaxer qu’une paire de chaussures trop petites. La cigarette suivante ne résout pas le pro¬ blème, bien entendu : elle ne fait qu’introduire une nou¬ velle dose de nicotine dans votre organisme et crée par là même l'état de manque dont vous allez souffrir durant toute votre existence. 11 existe d’ailleurs un bon moyen de distinguer le plaisir authentique de la dépen¬ dance. J'adore le homard, mais je peux rester des années sans en manger - et sans souffrir le moins du monde de cette privation. Je ne ressens aucune insécu¬ rité ni aucune angoisse en l'absence de homard, et je n'ai pas besoin de m'en accrocher une vingtaine autour du cou pour me rassurer ! Alors que le tabagisme pro¬ voque une réaction en chaîne : chaque cigarette rend la suivante indispensable. Au fur et à mesure que notre organisme s’immunise contre la nicotine, nous avons de plus en plus de mal à retrouver notre état antérieur. Allumer une cigarette ne suffit plus. Nous souffrons d’une sorte de gueule de bois permanente, d'un vague malaise qui nous semble normal. Le plus triste, c’est que nous croyons disposer désormais d’une arme pour chasser ce sentiment d'inconfort. Comme tous les toxicomanes, nous avons tendance à augmenter notre consommation, ce qui ne fait qu'aggraver le problème. Pendant ce temps, les effets toxiques et financiers s’accentuent. Comme tou¬ tes les autres drogues, plus le tabac nous entraîne dans 97

un gouffre, plus nous le considérons comme un ami fidèle. Lorsque j’ai atteint le stade de fumeur à la chaîne, j’étais complètement immunisé contre les effets du tabac, et je n’avais plus aucune illusion sur sa capa¬ cité à me procurer un plaisir et un soutien. Ma santé était si déplorable que je voyais la mort arriver. Mais ma dépendance psychologique était telle que j’aurais préféré mourir plutôt que d’arrêter. Le moment est venu d’aborder un aspect capital de la dépendance. Quand vous êtes jeune et en pleine forme, vous ne vous préoccupez guère de votre santé, et, pourvu que vous en ayez les moyens financiers, vous n’avez aucune envie d’arrêter de fumer. Votre système immunitaire vous permet de satisfaire le « petit monstre », votre consommation augmente, et le pro¬ blème s’accentue. Vous vous mettez à tousser, vous souffrez de léthargie et de difficultés respiratoires. Vos besoins en nicotine s’accroissent au même rythme que votre stress et que vos ennuis de santé. Jusqu’au jour où vous comprenez enfin que le tabac ne vous procure aucun plaisir. Vous pourriez envisager de réduire votre consommation, mais vous êtes parvenue à ce que j’appelle le « point critique ». Une notion propre à tous les toxicomanes, et dont vous devez mesurer l’impor¬ tance. C’est l’équivalent de la situation d’un insecte sur une plante carnivore : une fois repu de nectar, il voudrait s'en aller, mais il est pris au piège, et il s’aper¬ çoit que la plante est en train de le dévorer. Tandis qu’une partie de votre cerveau exige sans cesse davantage de nicotine, une autre partie voudrait fumer de moins en moins. Et vous vous retrouvez dans la position très peu enviable de celle qui s'interdit de fumer davantage, mais qui continue néanmoins à fumer beaucoup trop. À partir de ce moment-là, vos illusions s’envolent : il n’est plus question de plaisir ! Puisque le « petit monstre » est capable de transfor¬ mer une jeune fille pleine de joie et de vitalité en une 98

véritable épave, vous me rétorquerez peut-être qu’il doit avoir en réalité des proportions gigantesques. Mais je préfère garder l'expression de « petit monstre », car l’aspect physique du manque n’est pas le problème majeur. Comme je l’ai déjà expliqué, il est si ténu qu’on le remarque à peine. Il ne se manifeste que par une simple sensation : « J’ai envie d'une cigarette. » Cependant, il est loin d'être nul en certaines circons¬ tances. Observez par exemple une fumeuse qui n’a pas pu allumer de cigarette pendant un laps de temps inha¬ bituel. Elle s’énerve, s’agite en tous sens, joue avec son briquet ou tripote son paquet. Puis elle porte les doigts à sa bouche, et sa mâchoire se durcit. Ce comportement propre à la fumeuse qui « ne sait pas quoi faire de ses mains » est totalement inconnu des non-fumeuses. Au début des séances de thérapie collectives, je reproche toujours à mes patients de ne pas suivre mes instructions au pied de la lettre. Ainsi, bien que je les encourage à fumer jusqu’à la fin, il arrive souvent un moment où toutes les cigarettes se sont éteintes, et où personne ne veut être le premier à en rallumer une nouvelle. Quand ils commencent à s’agiter et à se tou¬ cher les lèvres, je m'interromps pour leur faire remar¬ quer leur état d’énervement. Je leur explique que ce n'est pas du sadisme de ma part, et que je ne cherche pas à les embarrasser, mais que j’ai deux bonnes rai¬ sons d’intervenir. Premièrement, ils doivent regarder la vérité en face : ce n’est pas le tabac qui permet de se détendre, mais l’absence de tabac qui entraîne des tensions. Deuxièmement, leur énervement s’accompagne d’une perte de concentration. Voilà pourquoi je préfère que mes lecteurs continuent à fumer jusqu’à la fin du livre. Ils doivent être relaxés afin de mieux assimiler les vérités qui y sont exposées. Cela signifie-t-il que le tabac favorise la concentra99

tion ? Au contraire. Comme je vous l’expliquerai plus loin, cela prouve qu’il est un obstacle à la concentra¬ tion. ^ Heureusement, votre dépendance vis-à-vis du tabac proprement dit n’est pas trop grave. Le « petit mons¬ tre » n’est qu’un composant de l’illusion d’ensemble. L’élément catalyseur qui crée le véritable problème, c’est LE GRAND MONSTRE.

11 Le grand monstre

Le « grand monstre », c’est le lavage de cerveau. C'est lui qui nous a bourré le crâne avec les mensonges suivants : le tabac nous procure un plaisir et un sou¬ tien ; il faut avoir une volonté de fer et endurer de terribles souffrances pour arrêter de fumer ; si nous accomplissons cet exploit, nous ne nous amuserons plus jamais autant en société et nous aurons du mal à combattre le stress. Le « grand monstre » inclut aussi les vingt idées fausses énumérées dans le question¬ naire. Et la liste est loin d’être exhaustive. J'aborde à présent la partie la plus délicate - et de très loin - de cet ouvrage. On m’a accusé d’arrogance et de prétention, mais ce type d’attaques ne me touche guère, car j’ai de bonnes raisons d’afficher une telle attitude. Mon insistance à opposer mes vérités aux erreurs des « experts » est née de la frustration. J’ai vu tant de soi-disant « spécialistes » se plier aux idées reçues, aborder le problème avec des œillères et refuser d'adopter mon approche radicale malgré des preuves évidentes d’efficacité ! J’ai dû attendre dix-huit ans pour voir enfin des « experts » de plus en plus nom¬ breux admettre que l’état psychologique de la personne dépendante est beaucoup plus important que la subs101

tance proprement dite. Mon expérience de la toxico¬ manie repose sur dix-huit années de travail avec des gens qui me demandaient de répondre à leurs questions et d'apaiser leurs craintes. Si certains lecteurs de La méthode simple échouent dans leur tentative, c’est uniquement parce qu'ils ne suivent pas mes instructions. Et s’ils ne s’y conforment pas, c’est parce qu'ils consultent parallèlement un médecin ou quelque autre « expert ». Je m’abstiens d’affaiblir mes arguments en jouant les modestes, parce que dans ce cas mes instructions seraient moins convaincantes, et que vous seriez tentée de ne pas les appliquer à la lettre. J’aimerais beaucoup pouvoir attribuer à mon intel¬ ligence ma découverte de la clef qui ouvre la porte de la prison. Mais je sais qu’il s’agit d’une combinaison d’incidents, d’événements plus marquants et de déduc¬ tions dont j’ai été l’acteur, et qui sont accessibles à n’importe quel fumeur. Un peu comme un nouvel appa¬ reil ménager dont tous les foyers devraient s'équiper. JE N’AI JAMAIS CRU UN SEUL INSTANT QUE CERTAINES CIGARETTES AIENT MEILLEUR GOÛT QUE LES AUTRES.

Lorsque j’ai commencé à fumer, les « mélanges » étaient moins raffinés qu’aujourd’hui et ne contenaient pas d’édulcorants du style huile d’amande, vanille ou glycol destinés à vous humecter la gorge et à vous « aider » à fumer. Je me souviens encore du goût infect de mes premières cigarettes, mais cela ne m’a pas empêché de devenir un fumeur invétéré. Aucun accro à la cigarette ne se fait d’illusion sur le prétendu plaisir qu’il en retire. J’ai toujours été fier de ne pas suivre le troupeau et très jaloux de mon indépendance. En voyant mon père tousser et cracher tous les matins, j’avais compris que pour lui non plus le tabac n’avait rien d’agréable. J’étais conscient de posséder une grande force de volonté et de maîtriser les différents 102

aspects de mon existence. Pour rien au monde je ne me serais laissé dominer par qui que ce soit. Mais le tabac était beaucoup plus fort que moi. malgré la répu¬ gnance qu’il m'inspirait et la certitude qu’il allait me tuer. Chaque fois que j'essayais d'arrêter, je n’arrivais plus à me concentrer, à m’amuser ni à juguler mon stress, j’étais déprimé et en même temps incapable de résister à la tentation. C'est alors que mon fils m’a persuadé de consulter un dictionnaire familial de médecine. Je n’ai pas eu le courage de lui expliquer que je savais déjà que le tabac était en train de me tuer. J'ai donc commencé à lire ce charabia plein de vaisseaux capillaires, d’adrénaline, de noradrénaline, de réactions chimiques, de cellules inhibitrices, et ainsi de suite. J’ignore pour quelle rai¬ son j'ai continué jusqu'au bout, puis relu plusieurs fois le passage. C’était une expérience très bizarre, compa¬ rable à ce qui se produit quand on regarde une image pendant très longtemps, et que soudain une autre image apparaît en filigrane. Il suffit alors de cligner des yeux pour que l'illusion se dissipe. Peu à peu. le sens de ces mots s’est imposé à moi : lorsque la nicotine quitte l’organisme, le fumeur éprouve une sensation de vide et d’insécurité, et ne trouve de soulagement qu’en allumant une autre ciga¬ rette. J’ai cligné des yeux à plusieurs reprises. Mais la nouvelle image, loin de disparaître, est demeurée par¬ faitement distincte de l’ancienne. Soyons clairs et nets : je n’ai pas découvert ce jour-là que le fumeur éprouve une sensation de vide et d’insécurité quand la nicotine quitte l’organisme, et qu’il ne trouve de soulagement qu’en allumant une autre cigarette. Ce phénomène était déjà connu des médecins — et des industriels du tabac depuis de longues années, et il était considéré comme l'un des obstacles majeurs au sevrage. En revanche, j’ai découvert que si les gens conti103

nuent à fumer, c’est uniquement pour gratter cette « démangeaison » - et en aucun cas pour en apprécier le goût, se détendre, rendre les repas plus agréables, lutter contre le stress ou se concentrer. Cela ne vien¬ drait à l’idée de personne de plonger sa main dans l’eau bouillante pour avoir le plaisir de la retirer. C’est pour¬ tant ce que font les fumeurs. Une fois qu’ils ont compris les ressorts de leur comportement, ils arrêtent aussitôt, sans effort et pour toujours. Au début, je pensais être capable de guérir n’importe qui en lui disant simplement : — Écoutez. La seule raison qui vous pousse à fumer, c’est que vous éprouvez un malaise quand la nicotine quitte votre organisme, et que vous retrouvez votre assurance en inhalant une nouvelle dose. C’est comme si vous portiez des chaussures trop petites pour éprouver un soulagement quand vous les enlevez. Quelle naïveté ! Rappelez-vous Galilée qui décla¬ rait : — Non, le Soleil ne se déplace pas vraiment dans le ciel. C’est la Terre qui pivote sur elle-même et qui crée cette illusion. Bien loin de convaincre ses contemporains, il s’atti¬ rait des répliques du style : — Si la Terre tournait sur elle-même, je m’en ren¬ drais compte. La seule chose qui pivote, c’est votre cerveau ! De même, mes interlocuteurs me répondaient sou¬ vent : — Quand vous affirmez n’avoir jamais apprécié la cigarette, je vous crois. Alors pourquoi ne me croyezvous pas quand je vous dis que moi, j’aime ça ? J’en ai vite déduit qu'avant de pouvoir convaincre un patient, je devais d’abord déblayer le lavage de cer¬ veau et lui démontrer la fausseté de ses convictions. La méthode simple comporte deux parties : la neu¬ tralisation du lavage de cerveau et la mise en lumière 104

du piège de la nicotine. L’une comme l’autre reposent sur la communication. Par ailleurs, il est évident que les deux sexes présentent des différences fondamenta¬ les, tant sur le plan physique qu'émotionnel. Des motifs opposés m'ont amené à écrire cette ver¬ sion de ma méthode destinée aux fumeuses. Le premier est d'ordre négatif : je reçois souvent des lettres de femmes dont l'existence est ruinée par le tabac, et dont les efforts désespérés pour se libérer de cet esclavage n'ont jamais abouti. Le second motif est beaucoup plus réjouissant : Debbie et toutes celles qui s'en sont sorties m’encouragent à poursuivre mon combat contre la dépendance à la nicotine, et je pense que leur exemple peut grandement stimuler les femmes qui n'ont encore rencontré que l’échec. J'ai déjà dit que la lettre de Debbie ne fournit aucune explication sur le mode de fonctionnement de La méthode simple. Mais elle illustre à merveille l’état d'esprit euphorique qui sera bientôt le vôtre. Comme je l'ai déjà annoncé, vous ne penserez pas : « Je ne dois plus jamais fumer une seule cigarette. » Au contraire, votre attitude sera celle d’une personne qui n'a jamais pris d'héroïne face à un toxicomane. Quand vous verrez quelqu’un allumer une cigarette, je veux que vous pensiez d’instinct : « Pauvre tille ! Comme je la plains ! Et comme je suis heureuse d’être libre ! » Et non pas : « Qu’est-ce que j’aimerais pou¬ voir en fumer une de temps en temps ! » Pour parvenir à cet état d'esprit, vous devez d abord vous débarrasser du lavage de cerveau et regarder en face la réalité du tabagisme : une épouvantable dépen¬ dance. Nous avons déjà dissipé un certain nombre d'illusions. Mais il en reste encore. À propos : QUEL EST VOTRE PARFUM PRÉFÉRÉ ?

12 Quel est votre parfum préféré ?

J’ai toujours éprouvé beaucoup d’admiration à l’égard des femmes soucieuses de leur apparence. Cer¬ taines d’entre elles sont prêtes à dépenser une petite fortune pour le vêtement ou l’accessoire idéal, à risquer l’asphyxie sous le casque du coiffeur, à consacrer des heures aux soins du corps et des dents, au maquillage ou au choix d’un parfum ni trop bon marché ni trop entêtant. Le résultat est une authentique œuvre d’art. Mais tous leurs efforts peuvent être ruinés par une haleine aux relents de cendrier. Joanna Lumley en est le cas typique : cette actrice d’une beauté exception¬ nelle a reçu tous les dons, y compris celui de se trans¬ former instantanément en épouvantable mégère dès qu’elle allume son clope ! Mais vous savez déjà tout cela, bien entendu. Peutêtre même vous êtes-vous exercée à fumer « avec élé¬ gance » devant un miroir... Il paraît même qu'il existe un site dédié à la « cigarette sexy » sur Internet ! Cela dit, avez-vous envie de prendre la pose et de faire des ronds de fumée suggestifs quand une caméra ou un caméscope se braque dans votre direction ? Bien sûr que non ! Prise de panique, vous cherchez plutôt un endroit pour écraser votre cigarette ! 106

Je reçois beaucoup de lettres à ce sujet : « Je me demande pourquoi je me donne autant de mal. Autant me rouler sur un tas de fumier ! Je ne sais pas comment je peux être aussi stupide. » Ne vous affolez pas : tou¬ tes les fumeuses se méprisent, même si elles refusent de l'admettre, et aucune d'entre elles ne comprend pourquoi elle continue à fumer. Il ne s’agit pas de bêtise crasse, mais de peur. Une preuve supplémentaire de l'incroyable pouvoir de la nicotine. Autre thème souvent abordé par mes correspondan¬ tes : les effets du tabac sur le teint et la circulation sanguine. Mon père et ma sœur aînée ont été emportés par le cancer après de terribles souffrances. Vous aussi, vous avez sans doute vu des êtres chers mourir à cause de la nicotine. Et, comme moi, vous avez continué à fumer après avoir traversé cet enfer. A mes yeux, le cancer du poumon était une sorte de pile ou face : soit la chance est de votre côté, soit elle ne l’est pas. Et n'allez surtout pas croire que j'essaie de vous faire peur, comme les médecins. Cette technique classique ne m'a pas aidé le moins du mpnde. Si elle pouvait marcher dans votre cas, vous seriez déjà libre depuis longtemps. Si vous aviez la certitude que votre prochaine ciga¬ rette vous déclenchera un cancer du poumon, l’allume¬ riez-vous ? Pour ma part, je crois sincèrement que j'aurais arrêté si j’avais su ce qui se passait à l’intérieur de mon corps. Je ne parle pas de mes poumons encras¬ sés par la nicotine. Après tout, mes dents et mes doigts jaunis ne me gênaient pas beaucoup. Ce genre d’incon¬ vénients est très mal ressenti par la plupart des femmes, mais elles n'arrêtent pas de fumer pour autant ! En général, elles préfèrent recourir à des moyens ingé¬ nieux pour masquer l’odeur du tabac, et elles se frottent les doigts avec des rondelles de citron pour faire partir les taches... Non, je fais allusion à l’encrassement progressif de 107

mes vaisseaux sanguins. Les effets du tabac sont assez comparables à ceux des engrais chimiques destinés aux plantes d’appartement. Ceux-ci sont des poisons,«jmais quand le dosage est modéré, ils donnent aux plantes une apparence de robustesse. En réalité, la plante doit puiser dans ses réserves afin de former des couches protectrices contre les doses toxiques quotidiennes. Au bout d’une certain temps, elle finit par présenter des signes de dépérissement : feuillage décoloré, taches noires, flétrissement des petites branches. Les effets du tabac sont tout aussi visibles. L’oxygène et les subs¬ tances nutritives qui alimentent les organes, les mus¬ cles et les os sont progressivement remplacés par du monoxyde de carbone et divers autres poisons. C’est pourquoi j’avais en permanence un teint grisâtre. Mais l’être humain étant trop sophistiqué pour attribuer sa mauvaise mine au tabac, il préfère le mettre sur le compte d’un défaut de pigmentation naturel ou d'une vie trépidante. Et puis vous commencez à vous faner. Des taches livides apparaissent sur votre peau, de petits points noirs vous brouillent la vue quand vous vous levez trop brusquement, ou encore vous souffrez de varices. Et vous accusez l’âge de tous vos maux. Mais le plus grave selon moi, c’est que cet encrassement progressif entrave le bon fonctionnement du système immuni¬ taire. Or, celui-ci fonctionne comme un compte en ban¬ que : on ne peut pas tirer dessus indéfiniment, sous peine de faire des chèques sans provision. Nous n’avons pas besoin d’entendre les médecins nous répéter que le tabac entraîne des difficultés res¬ piratoires, de l’asthme, des bronchites ou de l’emphy¬ sème. Nous le savons déjà. Mais nous oublions trop souvent que notre système immunitaire doit mener une bataille permanente contre les maladies bénignes ou graves, y compris le cancer. En cas de défaillance, il devient incapable de remplir sa mission et se retrouve 108

contraint de déterminer des priorités - exactement comme un être humain qui accepte trop de tâches dif¬ férentes et s’avère incapable de les accomplir correc¬ tement. Observez un fumeur invétéré : vous constaterez qu’il a toujours le teint grisâtre, la peau tirée, le regard terne. Voilà ce qui vous attend - du moins si vous avez la chance de ne pas contracter une maladie grave. Vous avez sans doute entendu parler de ces patients auxquels un médecin annonce qu'ils sont atteints de la gangrène et qu'il faudra les amputer des orteils s’ils n’arrêtent pas de fumer. Pourtant, ils continuent. Après l’opération, on les prévient que ce sera bientôt le tour des pieds, voire d'une partie de la jambe. Ils savent très bien que le médecin ne bluffe pas, mais ils ne renoncent pas pour autant à la cigarette ! Pouvez-vous imaginer une seule seconde de vous retrouver un jour dans une pareille situation ? Inutile d’insister. Je vous avais promis de privilégier les messages d'espoir plutôt que de raconter des his¬ toires horribles. Cet exemple illustre néanmoins un point essentiel : croyez-vous qu’un fumeur soit prêt à se faire amputer d'une jambe parce que le tabac lui procure un plaisir et un soutien ? Souvenez-vous de l'enthousiasme manifesté par Debbie - simplement parce qu’elle venait d'arrêter de fumer. Avez-vous déjà entendu une non-fumeuse déli¬ rer de joie parce que ses cheveux et sa peau ne déga¬ gent plus de mauvaises odeurs, et qu’elle se sent merveilleusement bien ? Ne vous y trompez pas : son euphorie était bien réelle, mais elle était due au fait qu’elle venait d’échapper à la sinistre condition des accros à la nicotine ! Bien sûr, vous connaissez des fumeuses qui ont réussi à arrêter sans l’aide de La méthode simple. Il est possible qu’elles y soient parvenues assez facilement. Mais je doute fort qu’elles manifestent une joie compa¬ rable à celle de Debbie et d’Allen Carr. En effet, elles 109

subissent encore pour une bonne part l’emprise du lavage de cerveau. Aussi ont-elles le sentiment d’avoir renoncé à quelque chose de précieux, d’avoir acecunpli un sacrifice. — C’était si délicieux de fumer une cigarette à la fin du repas, disent-elles d’une voix plaintive. Mais je n’ose pas courir le risque d’en rallumer une. Avec La méthode simple, il n’est question ni de renoncement ni de sacrifice, mais d’évasion et de liberté retrouvée ! Hélas ! les histoires de patients prêts à mourir plutôt que d’arrêter de fumer renforcent deux préjugés déjà solidement enracinés : d’une part, l’idée que le tabac apporte un plaisir et un soutien ; d’autre part, la convic¬ tion que la dépendance à la nicotine est une prison dont on ne s’échappe pas. Je devine par avance votre réac¬ tion : « Si certains fumeurs préfèrent subir une ampu¬ tation, je ne vois pas comment Allen Carr pourrait me convaincre que tout le monde peut arrêter facilement, sans souffrir des symptômes du manque. » Je préfère m’intéresser d’abord à un autre phénomène auquel les femmes paraissent plus sensibles que les hommes : LA FAIM.

13 La faim

Pourquoi les femmes sont-elles plus concernées que les hommes par les questions alimentaires ? Nous retrouvons une fois de plus les effets du lavage de cer¬ veau. Depuis des décennies, les femmes sont les cibles de campagnes de marketing sur le thème de la « ligne idéale » et de la « silhouette de rêve ». Les hommes commencent d'ailleurs à tomber à leur tour dans le panneau. L'image du corps est devenue une véritable norme sociale. Cependant, les femmes demeurent les principales victimes du phénomène, et beaucoup d'entre elles ne s’accordent de valeur et n’envisagent les rapports avec les autres qu’en fonction de leur apti¬ tude à se rapprocher de cette norme. Les sociétés occidentales considèrent désormais la nourriture sous un angle « pratique ». Les supermar¬ chés, les groupes agro-alimentaires et les agences de publicité aux budgets colossaux travaillent main dans la main pour déterminer ce que nous mangerons : des produits appétissants, nourrissants et plutôt savoureux, mais bourrés d’additifs, de sucre et de sel. Autrement dit, des aliments qui ne tiennent pas leurs promesses. Les manipulations qu’ils subissent pour avoir belle allure et n’exiger presque aucune prépara111

tion réduisent leur valeur énergétique et détruisent une bonne part des éléments nutritifs. Ils sont donc inca¬ pables de fournir les sucres lents et les vitaminesmécessaires à l’organisme. Celui-ci doit produire des efforts pour extraire les maigres substances dont il a besoin, ce qui débouche sur une carence, et donc sur une impression de faim perpétuelle. Voilà pourquoi nous consommons beaucoup trop d’aliments industriels, qui se transforment vite en graisses. Cette nourriture trop artificielle est un piège redou¬ table auquel les femmes, en général plus soucieuses de leur apparence que les hommes, s’efforcent d’échap¬ per. Malheureusement, elles choisissent souvent des solutions encore plus néfastes. Ainsi, certaines femmes consacrent le plus clair de leur existence à lutter contre la prise de poids, passant d’un régime miracle à un autre. La plupart de ces méthodes amaigrissantes pri¬ vent l’organisme d’éléments essentiels à la santé. Il est absurde de remplacer trois repas raisonnables par trois verres d’un mélange chimique ayant l’apparence et le goût du plâtre. Nous avons tendance à considérer la faim comme une terrible menace, alors qu’il n’en est rien. La faim est un procédé génial élaboré par la Nature pour que nous survivions de gré ou de force. Nous avons déjà évoqué la manière dont les animaux sauvages distin¬ guent les aliments sains des matières toxiques. Deman¬ dons-nous à présent ce qui les pousse à les consommer. La réponse est évidente : s’ils ne mangeaient pas, ils mourraient. Mais en ont-ils conscience, ou bien obéis¬ sent-ils simplement à la faim ? Examinons ce qui se passe chez l’homme. À l’évi¬ dence, nous nous alimentons pour survivre. Mais vous êtes-vous dit une seule fois dans votre existence : « Il faut que je mange maintenant, sinon je vais mourir d’inanition » ? Bien sûr que non. Quand vous vous exclamez : « Je meurs de faim ! », l’expression n’est 112

pas à prendre au pied de la lettre. Il s’agit d’une manière imagée de s’exprimer. Au pire, vous avez éprouvé une faiblesse ou un léger vertige à cause de votre estomac vide. Vous voulez simplement dire : «J’ai une faim de loup et je suis prête à tout pour l’apaiser. » De la même façon, les bébés ne pleurent pas parce qu’ils ont peur de mourir, mais parce qu’ils ont faim. La faim est un phénomène fantastique. Si vous man¬ gez des aliments naturels à intervalles réguliers, elle ne viendra jamais vous tourmenter entre les repas. Vous jouirez donc du plaisir de la satisfaire trois fois par jour durant toute votre existence. Formidable, non ? Un bonheur sans cesse renouvelé, et qui ne présente aucun inconvénient. Si vous croyez qu'il faut manger du car¬ ton-pâte pour bien se porter, vous vous trompez : les aliments les plus sains sont aussi les plus savoureux. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je vous assure que c'est vrai. Même quand la faim nous harcèle et que nous sommes incapables de la satisfaire pour une raison ou pour une autre, cela n'a rien d’alarmant. Et ce n'est pas parce que notre estomac gargouille que nous éprouvons une douleur physique. Les symptômes se limitent à une vague sensation de vide et de malaise qui se traduit par les mots : — J’ai faim. Si la situation se prolonge, nous dirons : — Il faut que je mange. Ensuite, si aucune nourriture n’est accessible, la peur entre en jeu, et nous nous écrions : — Si je ne trouve rien à manger, je vais mourir. Gardez toujours en tête l’idée que chacun des ins¬ tincts dont la Nature nous a dotés a pour but d’assurer notre survie. La peur de mourir - même quand elle ne s’accompagne d’aucune souffrance physique - est donc extrêmement puissante. C’est elle qui pousse les pré¬ dateurs à attaquer des proies adultes et vigoureuses 113

quand aucun jeune ni aucun individu affaibli n’est dis¬ ponible. De même, en cas d’absolue nécessité, les êtres humains recourent au cannibalisme. Vous pensez peutêtre - et c’est aussi mon cas - que pour rien au monde vous ne vous abaisseriez à commettre un tel acte. Mais ni vous ni moi ne sommes jamais restés l’estomac vide plus de vingt-quatre heures d’affilée... J’ai dit que le manque est semblable à la faim. En réalité, il exerce un effet encore plus puissant. De même qu’un clochard alcoolique auquel on fait l’aumône s’achètera du vin en priorité, un fumeur contraint de choisir entre des cigarettes et de la nour¬ riture optera pour les premières. De fait, nous ne devons manger que trois fois par jour, alors que le besoin de nicotine se manifeste beaucoup plus fré¬ quemment. Le consommateur moyen le ressent vingt fois par jour, soit 7 300 fois par an. Et il est normal que nous cherchions d’abord à soulager la privation la plus gênante. Or, la « démangeaison » due à la nicotine l'emporte sur tout le reste. Certaines personnes prétendent fumer parce qu’elles apprécient le goût de la cigarette ou le rituel qui l’accompagne. Leur préférence va souvent à la pre¬ mière de la journée : celle qui curieusement les fait tousser et crachoter. Puisque à l’évidence elle n’a rien d’agréable, pourquoi l’allumez-vous ? Parce que vous venez de passer huit heures sans nicotine. Il en est de même pour la nourriture, bien entendu, mais vous commencez par satisfaire votre besoin en nicotine. Même si les deux phénomènes sont identiques, soula¬ ger votre faim n’aurait aucun effet sur votre état de manque. Imaginez la confusion à laquelle doit faire face votre cerveau - un problème inconnu des non-fumeuses. Cel¬ les-ci ressentent aussi une impression de vide au réveil, mais elles n’ont aucun doute sur son origine : leur dîner remonte à une dizaine d’heures au moins, et elles ont 114

hâte de manger. Le petit déjeuner est le repas favori de nombreuses non-fumeuses pour une raison très sim¬ ple : plus on reste longtemps l’estomac vide, plus il est agréable de le remplir. Une fois la faim satisfaite et l’organisme rechargé en substances énergétiques et nutritives, l'impression de vide s’évanouit, et la jour¬ née s’annonce bien. Les fumeuses, elles, se réveillent avec un handicap supplémentaire. Si elles consomment un paquet par jour, cela signifie qu’elles soulagent leur manque envi¬ ron une fois par heure. Huit heures sans fumer est donc l’équivalent de trois jours sans manger pour une nonfumeuse. Rien d'étonnant, par conséquent, à ce que leur premier geste soit d’allumer une cigarette, malgré l’odeur répugnante de la fumée. C'est vrai, elles se sentent aussitôt moins tendues, mais leur estomac crie toujours famine. En outre, compte tenu de l'action du système immunitaire, elles ne soulagent qu’en partie leur manque, et le cercle vicieux de la nicotine recom¬ mence à tourner dès qu’elles écrasent leur mégot. Cela me rappelle l'actrice célèbre à laquelle on demandait : — Vous ne croyez pas que vous seriez plus en forme si vous preniez un petit déjeuner ? Elle fit alors cette réponse mémorable : — Mais je prends un petit déjeuner ! Il se compose de cinq cigarettes et trois tasses de café ! Puisque le manque se confond avec la faim, il est impossible d’évaluer leur importance respective. Et comme une cigarette n’est pas suffisante pour soulager le besoin de nicotine, les fumeuses ont faim en perma¬ nence. Voilà d’ailleurs pourquoi la cigarette de la fin du repas revêt une telle importance à leurs yeux. En fait, elle ne rend pas leur repas plus agréable : c’est simplement qu’elles sont incapables de l’apprécier avant d’avoir enfin nourri le « petit monstre ». Les choses se compliquent encore quand vous tentez d’arrêter de fumer avec une méthode fondée sur la 115

volonté. Au cours de votre existence, combien de fois avez-vous allumé machinalement une cigarette, alors que votre corps réclamait des éléments nutritifs, ef non pas du poison ? Quand vous décidez de renoncer au tabac, la nicotine disparaît de votre organisme en quel¬ ques jours, mais vous continuez à éprouver une impres¬ sion de vide et d’insécurité pendant un certain temps. Une impression que vous traduisez par : « J’ai envie ou j’ai besoin d’une cigarette. » Le résultat est très déconcertant : vous avez en tête la longue liste des rai¬ sons qui vous ont poussée à arrêter, et pourtant vous éprouvez un désir irrationnel de fumer. Faute de pou¬ voir apaiser ce besoin avec une cigarette, vous avez tendance à vous rabattre sur un morceau de chocolat, un bonbon ou un chewing-gum. Autant de substituts qui ne satisfont en rien le « petit monstre », mais qui vous collent du sucre sur les dents, vous coupent l’appétit, vous font prendre des kilos, et ne vous appor¬ tent que des ennuis de toute sorte et de la frustration. Vous devinez vite - sans savoir exactement pourquoi que le seul moyen de combler ce vide est d’allumer une cigarette. Vous luttez contre la tentation, et votre état ne fait que s’aggraver. Car votre envie de fumer s’accroît au même rythme que votre frustration. Cette spirale ne peut avoir qu’une seule issue : une fois vos réserves de volonté épuisées, vous trouvez un bon prétexte pour allumer une cigarette sans trop per¬ dre la face. Quand le piège de la nicotine n’aura plus de secret pour vous, vous ne vous demanderez plus pourquoi des personnes douées par ailleurs d’un carac¬ tère très fort n’arrivent pas à arrêter en faisant appel à leur volonté, mais comment de telles méthodes ont jamais pu aider qui que ce soit. En réalité, le pourcentage de succès est très faible. Même celles qui parviennent à tenir bon jusqu’à la mort du « petit monstre » ne sont jamais sûres d’être définitivement libérées. Comme le manque ressemble 116

beaucoup à la faim et au stress, chaque fois qu’elles ressentent une impression de vide et d’insécurité, elles la traduisent par: «J’ai besoin de fumer.» Et cette confusion peut se prolonger pendant des semaines, des mois, voire des années après leur dernière cigarette et la mort du « petit monstre ». Si vous avez bien suivi mes explications, vous devez vous interroger sur le laps de temps nécessaire pour tuer le « petit monstre » et sur les indices prouvant que celui-ci est bien mort. Je regrette de ne pouvoir répon¬ dre à ces deux questions essentielles à vos yeux : elles n'ont en fait aucune importance. Une comparaison vous aidera à comprendre pourquoi. Imaginez que vous affrontez un ennemi implacable au fond de la mer. Vous réussissez à trancher le tuyau qui le relie à sa bouteille d'air comprimé. Dès lors, son destin est scellé, et il est totalement superflu de s'interroger sur le temps qu'il lui reste à vivre ou sur le moment exact où il va se noyer. De même, le « petit monstre » est condamné à périr à l’instant même où vous décidez de le priver de nicotine. Peut-être craignez-vous de souf¬ frir jusqu’à ce que votre organisme ne soit plus sujet à l'impression de vide et d’insécurité ? Eh bien vous avez tort. N'oubliez pas que cette impression accom¬ pagne les fumeurs pendant toute leur vie et qu’elle est si ténue qu'ils ne se rendent même pas compte de son existence. Seule l’incompréhension peut provoquer angoisse et frustration. Quand vous vous serez rendu compte que ce manque est dû à la cigarette précédente et qu’en le comblant, vous ne faites que repousser le problème, c’est l’euphorie, et non l’angoisse, qui vous envahira. Nous reviendrons sur ce point dans le cha¬ pitre 19. De nos jours, la majorité des gens considèrent le tabagisme comme une activité asociale. Même les fumeuses semblent partager cette opinion, puisqu’elles sont nombreuses à s’abstenir dans leur chambre à cou117

cher et à s’obliger à prendre un petit déjeuner. D’autres n’allument leur première cigarette qu’en quittant leur domicile. Durant mon footing matinal, cela me faii tou¬ jours de la peine, surtout en hiver, de voir des jeunes filles tenant une cigarette allumée dans leur main gan¬ tée. Le lavage de cerveau voudrait qu’elles pétillent de bonheur, mais en réalité elles ont l’air maussade, triste, déprimé. La dépendance à la nicotine n’est aussi puissante que parce qu’elle ressemble à la faim. Dans un cas comme dans l’autre, vous pouvez obtenir un soulage¬ ment immédiat pour peu que vous disposiez d’aliments savoureux ou de votre marque de cigarettes favorite. Vous éprouvez alors un « plaisir » apparent, sans avoir à subir le moindre inconvénient en contrepartie. Un examen minutieux montre qu’il n’y a aucun rap¬ port entre l’agrément inépuisable que nous retirons de nos trois repas et celui que semblent nous apporter nos vingt cigarettes quotidiennes. À vrai dire, les deux phé¬ nomènes sont diamétralement opposés : 1. La nourriture nous procure santé, énergie, bien-être et longévité. Le tabac nous ruine la santé, nous rend tristes et léthargiques, et abrège notre existence. 2. La nourriture flatte le palais et nous donne un contentement authentique en apaisant notre faim. La fumée nauséabonde et cancéreuse que nous envoyons dans nos poumons produit des sensations extrêmement déplaisantes. 3. Manger n’entretient pas la faim, mais la satisfait. Cet apaisement n étant pas définitif, nous pouvons jouir de ce plaisir toute notre vie durant. À l’inverse, notre première cigarette donne naissance au « petit monstre ». Celui-ci disparaîtrait sans que nous ayons eu conscience de son existence si nous n’en fumions jamais d autre. Dans le cas contraire, cha118

que nouvelle cigarette ne fait qu’entretenir l’appétit du « petit monstre ». Un seul moyen permet de le satisfaire une bonne fois pour toutes : il faut lui cou¬ per les vivres ! N’oubliez pas un point capital : la seule chose qui vous pousse à fumer, c’est le désir de retrouver l’état de bien-être dont jouissent en permanence les non-fumeuses. Or, votre système immunitaire vous empêche de goûter cette détente merveilleuse, même pendant les quelques minu¬ tes qui suivent la prise d'une nouvelle dose de nico¬ tine. Un bon repas dans un restaurant sympathique constitue un rituel très agréable, même si sa fonc¬ tion principale consiste à satisfaire un besoin naturel à une heure donnée de la journée. De la même façon, les briquets en or et les emballages luxueux (tout comme les tabatières ouvragées d’autrefois) visent à enjoliver une manie répugnante. Tout ce rituel n'a qu'un seul objectif : essayer d'apaiser le « petit monstre ». Lorsque nous allumons une ciga¬ rette, que nous la glissons entre nos lèvres et que nous aspirons cette saleté dans nos poumons, nous voulons uniquement INHALER UNE DOSE DE NICOTINE.

Certaines personnes ont du mal à accepter que le seul plaisir offert par le tabac soit un soulagement incomplet et illusoire de l’état de manque. Soyons clairs : vous vous sentez réellement moins tendue, moins inquiète, moins triste, et vous avez moins de peine à vous concentrer. Mais vous vous faites des illu¬ sions si vous pensez que chaque cigarette vous apaise, puisque c’est elle qui est à l’origine du problème. L’exemple du tabac à priser vous aidera à considérer la question sous son jour véritable. Vous savez sans doute que le tabac en poudre était la forme la plus répandue de dépendance à la nicotine 119

avant la production industrielle de cigarettes. Aussi incroyable que cela puisse paraître de nos jours, cette habitude était jugée tout à fait inoffensive. Pourquoi les toxicomanes sniffent-ils de la cocaïne ? Pour le plai¬ sir d’introduire des substances étrangères dans leurs narines ? Ou bien pour ressentir les effets de la dro¬ gue ? Pourtant, les amateurs de tabac à priser s’inven¬ taient des prétextes tout aussi fallacieux que les fumeurs aujourd’hui. La seule raison qui puisse pous¬ ser quelqu’un à allumer une cigarette, c’est l’impres¬ sion d’insécurité créée par la cigarette précédente. À propos, n’espérez surtout pas vous tirer d’affaire en vous convertissant au tabac à rouler, au cigare ou à la pipe. Même si la composition de ces produits n’est pas inscrite sur l’emballage, ils contiennent de la nico¬ tine. Je parle toujours de cigarettes pour des raisons pratiques, mais il est évident que ce terme englobe l’ensemble des articles contenant de la nicotine, y compris le tabac à priser, la chique, les cigares, les cigarillos, les gommes à mâcher, les patches et les sprays nasaux. Mettez-vous cela dans le crâne une bonne fois pour toutes : vous n’êtes pas accro à la nico¬ tine parce que vous fumez ; vous fumez parce que vous êtes accro à la nicotine ! Vous devez absolument comprendre que le « petit monstre », comme la faim, est une réaction physiolo¬ gique. À l'évidence, il ne s’agit pas d’un organisme étranger du genre ver solitaire, mais ses effets sont identiques. Cela vous aidera de le considérer comme un parasite qui se nourrit de nicotine. Plus il grossit, plus votre malaise augmente. Vous l’avez créé avec votre première cigarette, et depuis lors vous n’avez cessé de l'alimenter. Dès que vous vous serez affran¬ chie du lavage de cerveau, vous le réduirez à la famine. Mais à la différence du ver solitaire, vous ne pourrez le faire mourir de faim qu’en vous infligeant à vousmême des privations momentanées. Lui seul, cepen120

dant, en souffrira. Quant à vous, vous aurez la joie de ne plus être obligée de vous empoisonner. Avant d’aller plus loin, nous devons établir un cer¬ tain nombre de vérités sur la dépendance. Bien que la nicotine soit la drogue la plus puissante de la planète, son unique atout est la rapidité avec laquelle elle prend ses victimes au piège. Heureusement pour nous, LA DÉPENDANCE À LA NICOTINE N’EST JAMAIS GRAVE.

L’expression « dépendance à la nicotine » n’est d’ailleurs pas très appropriée. Il est exact que la sen¬ sation presque imperceptible de manque nous amène à croire que le tabac procure un soutien et un plaisir. Mais c’est cette illusion qui nous rend accro, et non la nicotine proprement dite. En neutralisant le lavage de cerveau, on neutralise automatiquement la dépendance. On vous a sans doute dit que chaque cigarette réduit votre espérance de vie de cinq minutes, et qu’il faut dix ans pour évacuer les saletés accumulées dans l’organisme. Ces chiffres ne sont exacts que chez les personnes qui continuent à fumer ou qui ont déjà contracté une maladie mortelle. Dans tous les autres cas. il est possible de récupérer 99 % de ces minutes sacrifiées. Quant aux saletés déposées par le tabac, elles ne disparaîtront jamais complètement (on en trouve même des traces chez les non-fumeurs en contact avec des fumeurs), mais elles seront déjà considérablement réduites au bout de quelques semaines. Quand nous soumettons nos idées reçues à un exa¬ men minutieux, nous nous apercevons qu’elles sont truffées de contradictions et de paradoxes. Ainsi, tous les mystères qui entourent la cigarette ne servent qu’à dissimuler une vérité toute simple : bien loin d’être une habitude agréable de bon vivant, le tabagisme consiste à inhaler des fumées mortelles dans le vain espoir de chasser l’impression de vide et d’insécurité créée par la première cigarette. 121

Regardez-vous dans une glace, observez les autres fumeuses, et une évidence vous sautera bientôt aux yeux : vous n’appréciez pas la cigarette, mais san^elle, vous êtes incapable d’apprécier les petits bonheurs de la vie quotidienne - ce qui est très différent. Mettezvous bien dans la tête que lorsqu’on décide d’en finir avec la cigarette. LA VIE CONTINUE.

Je ne veux pas que vous arrêtiez de fumer parce que cette manie répugnante vous mine la santé, vous appau¬ vrit, vous prive de votre liberté et plonge votre famille dans le désarroi, mais pour une raison beaucoup plus égoïste : PARCE QUE VOUS PROFITEREZ ENFIN DE LA VIE.

Si vous vous sentez incapable d’avoir de bons moments et de maîtriser le stress sans cigarette, s’il vous paraît impossible d’arrêter, alors vous devez regarder la mort en face. Chaque année, quatre millions de fumeurs s’engagent sur cette voie. En fait, ils n’ont pas le choix. Ils préfèrent mourir plutôt que de renon¬ cer au tabac, parce qu’ils ne voient aucun moyen d’échapper à leur destin. Fort heureusement, les symp¬ tômes physiques de l’état de manque sont presque imperceptibles, et ils ne s’aggraveront pas lorsque vous aurez écrasé votre dernière cigarette. Ce sont vos illu¬ sions qui risquent de vous mettre au supplice. Mais vous pouvez neutraliser le lavage de cerveau avant de sauter le pas. À 1 instant précis où vous arrêterez, pourvu que vous ayez suivi toutes mes instruction, vous deviendrez une non-fumeuse épanouie. Nous devons donc continuer sur notre lancée, et nous poser une nou¬ velle question. Cela vaut-il la peine d'arrêter si vous avez la chance d’appartenir à une catégorie à part : LES FUMEUSES OCCASIONNELLES ?

14 Les fumeuses occasionnelles

Les accros à la nicotine ont du mal à croire à l’exis¬ tence de cette étrange créature : la fumeuse occasion¬ nelle. Si vous appartenez à cette catégorie, vous n'en êtes pourtant guère satisfaite. Sinon, vous ne seriez pas en train de lire ce livre. Toutes les fumeuses mentent, aux autres comme à elles-mêmes. Comme elles se comportent d’ordinaire en honnêtes citoyennes dans tous les autres domaines, nous avons tendance à les respecter, et donc à avaler leurs mensonges. Mais il suffit d'un rapide examen pour faire voler en éclats le mythe patiemment tissé dans lequel elles se voilent. Pourquoi les femmes accros envient-elles les fumeu¬ ses occasionnelles ? Lorsque j’étais un golfeur fanati¬ que et que je jouais tous les deux jours, j’étais plutôt porté à plaindre les malheureux qui ne fréquentaient les greens qu'une seule fois par semaine. Et j’étais jaloux des professionnels qui consacraient leur vie entière au golf. Après tout, si les accros envient les fumeuses occasionnelles, elles n’ont qu'à les imiter ! Voici le discours habituel de la fumeuse occasion¬ nelle : — J’aime bien ça, mais je peux m’en passer. Il 123

m’arrive de ne pas allumer une seule cigarette pendant une semaine (ou un mois, ou un an). Vous devez penser : « Quelle chance elle a ! J’aime¬ rais être comme elle. » Cela dit, si elle apprécie sincè¬ rement le goût des cigarettes à la fin des repas ou en répondant au téléphone, pourquoi diable s’en priveraitelle pendant un semaine ? En outre, il faudrait qu’elle soit complètement idiote pour fumer alors qu’elle peut s’en passer : tout le monde sait que le tabac crée une dépendance, coûte cher et représente la première cause de mortalité dans le monde occidental. Pour toucher à un produit aussi dangereux, il faut être soit stupide, soit accro. Prenez l’exemple de l’héroïne. Que pense¬ riez-vous de moi si je vous déclarais : — J’aime bien ça, mais je peux m’en passer. Il m’arrive de ne pas me piquer pendant une semaine. Il faut donc se demander ce qui peut pousser une fumeuse à dire une chose pareille. Si je vous annonce : — Je peux m’abstenir de manger des carottes pen¬ dant une semaine, sans en souffrir le moins du monde. Vous me répliquerez : — Et alors ? Moi aussi ! Il n’y a pas de quoi se vanter. Une personne qui s’injecte de l’héroïne, même épi¬ sodiquement, n’est pas une consommatrice, mais une toxicomane. Il en est de même pour le tabac : rappe¬ lez-vous de la plante toxique que nous avons baptisée « Dévastation ». Aucune personne sensée n’y touche¬ rait de son plein gré. Les fumeuses occasionnelles vous disent parfois : — J’aime bien ça, mais je peux m’en passer pen¬ dant une semaine entière. Elles essaient ainsi de vous convaincre (et de se convaincre) qu’elles n'ont aucun problème avec le tabac. En réalité, c’est une sorte d’aveu. Si elles n avaient aucun problème, elles n’éprouveraient pas le besoin d en parler. De plus, elles prononcent toujours 124

ce genre de phrase sur le ton de la vantardise. Effec¬ tivement, elles ont une bonne raison d’être fières : elles ont réussi à se retenir de fumer pendant une semaine ! Si vous êtes déjà parvenue à diminuer votre consom¬ mation, vous connaissez bien cette vanité qu’on éprouve durant les premiers jours. Vous venez d’attein¬ dre le nirvana du fumeur : votre consommation est si modérée que vos dépenses sont devenues insignifiantes et que vous n’avez plus peur du cancer. Par ailleurs, vous n’avez pas eu besoin de renoncer complètement à la cigarette. La situation idéale, en somme. Mary, une jeune mère de famille qui est venue me consulter, est un exemple typique de ces fumeuses qui croient pouvoir s'arrêter en diminuant leur consomma¬ tion. Elle en était à quarante cigarettes par jour lorsque soudain, prise de dégoût, elle froisse son paquet et le jette à la poubelle. Une heure plus tard, la voilà en train de chercher une cigarette parmi les épluchures de pom¬ mes de terre. Le lendemain, nouvel accès de répulsion. Trop intelligente pour commettre deux fois la même erreur, elle répand de la moutarde sur ses cigarettes avant de les balancer. Une heure plus tard, la voilà en train de fouiller parmi les épluchures de pommes de terre et les traînées de moutarde ! La plupart des fumeuses ont vécu une expérience similaire, et pour¬ tant, certaines se sentent obligées de claironner qu’elles adorent le parfum délicieux du tabac ! Persuadée de ne pas pouvoir supporter les effets du manque. Mary décide de contourner l’obstacle grâce au raisonnement suivant : « Je fume quarante cigarettes par jour. Si j’en supprime une toutes les vingt-quatre heures, ça ne devrait pas me demander trop de volonté. Je ne m’en rendrai peut-être même pas compte, et je n’aurai qu’à m’en tenir strictement au programme pour en finir avec le tabac. » Nous avons tous tenté ce genre d’expérience à un moment ou à un autre, car il n’y a rien de plus logique 125

en apparence. Au bout de six semaines, Mary en est arrivée à une cigarette par jour. L’ennui, c’est qu’elle ne parvient pas à la supprimer. Cela dure trois-mois - jusqu’à ce qu’elle vienne me soumettre son pro¬ blème : — Une fois que mon mari est parti à son travail et mes enfants à l’école, je m’assieds, je sors la cigarette du paquet, puis je la remets en me disant que je vais d’abord faire la vaisselle. Après la vaisselle, le phénomène se répète avec le repassage. Toute la journée, elle agite la cigarette comme une carotte sous son nez, mais elle n’est pas dupe. Elle sait parfaitement qu’elle finira par l’allumer juste avant le retour de ses enfants. Après une telle torture, vous pouvez imaginer à quel point elle lui semble délicieuse. Mais ne me dites pas que son plaisir est authentique : cette cigarette a les mêmes relents répugnants que toutes les autres. Cette jouissance illusoire est née d’un désir longtemps refoulé. En effet, cette cigarette n’a pas mis un terme à son malaise, mais a prolongé son calvaire et l’a conduite à venir me consulter. Supposons que vous ayez rencontré Mary durant les trois mois où sa consommation quotidienne était tom¬ bée à une seule cigarette. Vous savez désormais qu’elle essayait de toutes ses forces de se libérer - et qu’elle croyait encore être en passe de réussir. Si vous lui aviez demandé comment elle se sentait, elle vous aurait sans doute répondu : — Oh ! très bien. Je n’ai plus besoin que d’une seule cigarette par jour. Votre réaction naturelle aurait été de l’envier, alors qu il aurait fallu la plaindre. Une fumeuse occasion¬ nelle n est pas plus digne d’envie qu'une personne per¬ pétuellement au régime : l’une rêve de nourriture, l’autre de poison ! La situation véritable de Mary mérite qu’on s’y 126

attarde. En toute logique, elle pensait ne plus être qu’à une cigarette de la délivrance. Mais cette cigarette dominait son esprit vingt-trois heures par jour et lui infligeait une réelle souffrance physique. Le seul plaisir que procure le tabac, c’est de mettre fin à l’état de manque. Le besoin de nicotine a les mêmes caractéris¬ tiques que la faim : plus la douleur se prolonge, plus le soulagement semble divin. Bien loin de s’affranchir de la dépendance, Mary ne faisait qu'enraciner dans son esprit la croyance selon laquelle la cigarette est le bien le plus précieux en ce bas monde. Toutes celles qui ont essayé de réduire leur consom¬ mation savent que cela ne marche qu’à court terme. Certaines personnes m'ont affirmé qu’elles avaient réussi à arrêter grâce à ce procédé. Mais la plupart d’entre elles m'expliquaient leur succès avec une ciga¬ rette au bec, ou en mâchant une gomme à la nicotine ! Si jamais une fumeuse est parvenue à un résultat grâce au sevrage progressif, je lui tire mon chapeau. Car elle doit avoir une force de volonté phénoménale. Et en même temps je la plains de s’être infligée un pareil supplice. Pourquoi vous semble-t-il envisageable de limiter votre consommation, soit de manière permanente, soit dans le but ultime d'arrêter complètement ? Parce que c’est logique, compte tenu des données dont vous dis¬ posez. Vous connaissez des fumeuses occasionnelles et satisfaites de leur sort, et vous vous dites : si elles y arrivent, pourquoi pas moi ? Après tout, vous aussi vous avez été une fumeuse occasionnelle entre vos pre¬ mières tentatives pour avaler la fumée sans tousser et le moment où votre consommation est devenue alar¬ mante. Arrêtez-vous un instant, et essayez de vous sou¬ venir de cette période. Parmi les milliers de cigarettes que vous avez fumées, combien sont encore présentes dans votre mémoire ? Combien de fois avez-vous inhalé profon127

dément en pensant : « Quelle merveilleuse expé¬ rience ! » ? Vous est-il arrivé une seule fois de vous réjouir de votre état : « J’ai vraiment eu une idée for¬ midable. Quelle chance d’être une fumeuse !» ? Ou bien vous êtes-vous laissé emporter par le courant, en vous promettant vaguement d’arrêter un jour, lorsque les conditions seraient favorables ? Reprenons le début du témoignage d’Emma Freud : « La seule chose que j’ai vraiment regrettée dans ma vie, c’est le jour où j’ai fumé ma première ciga¬ rette, à l’âge de quatorze ans. Douze ans plus tard, je consommais un paquet par jour. J’aimais ça, on peut même dire que j’adorais ça, tout en m’effrayant des conséquences pour ma santé. »

La contradiction est évidente. Puisque Emma regrette plus que tout au monde sa première cigarette, on peut en déduire que les inconvénients l’emportent largement sur les avantages. Elle explique très bien ce qu’elle redoute, mais ne fournit aucune indication sur les raisons qui lui font aimer, et même adorer le tabac. Curieusement, toutes les fumeuses sont dans le même cas, quels que soient leur âge et leur consommation. Certaines adolescentes s’exclament : — Ça me fait tourner la tête ! Demandez-leur si elles sont prêtes à dépenser 70 000 euros et à s’exposer à des maladies épouvan¬ tables, alors qu’il leur suffirait de tourner en rond les yeux fermés pour obtenir le même résultat, et elles en resteront muettes de stupeur. Il faut aussi souligner qu’Emma a fait cette décla¬ ration plusieurs mois après avoir arrêté, et qu’elle était encore persuadée d’avoir adoré fumer. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle est retombée dans le piège par la suite. Elle ne s’était pas complètement affranchie du lavage de cerveau ! La nature humaine nous pousse à oublier les mau128

vais moments et à chérir les bons souvenirs. D'où l’expression « le bon vieux temps » : cette époque où vous pouviez encore prendre un taxi, manger des plats authentiques dans un bon restaurant et aller voir un spectacle magnifique pour un billet d'une livre. Et par¬ dessus le marché on vous rendait de la monnaie ! C’est oublier que des foules de chômeurs erraient dans les rues les poches vides, et qu'il fallait se contenter d'eau froide en hiver et d'un cabanon en guise de toilettes. A l'inverse, quand les fumeurs se retournent sur leur passé, ils ne se rappellent que les mauvais moments. Le goût infect de leur première cigarette, par exemple. Ou bien la recherche effrénée d’un débit de tabac ouvert en pleine nuit. Quant à la fameuse cigarette de la fin du repas, sur les milliers que vous avez fumées, y en a-t-il une seule dont vous ayez conservé le sou¬ venir ? En revanche, vous vous rappelez très bien tous les repas gâchés par l'impossibilité de fumer à table. La jeune femme qui avait rencontré un homme plutôt séduisant dans une fête n’oubliera jamais l'épisode des deux dernières cigarettes - pas plus que Mary n'oubliera l'humiliation de devoir essuyer une cigarette maculée de moutarde, en se maudissant d’être l'esclave de la nicotine. Si vous pensez que votre consommation excessive s’explique par la force de l'habitude, vous en déduisez logiquement qu'il doit être possible d’inverser la ten¬ dance. En d’autres termes, si vous parvenez à réduire peu à peu le nombre de cigarettes quotidiennes grâce à l’autodiscipline, vous prendrez vite l’habitude de fumer moins, et vous n’aurez même plus envie d’aug¬ menter la cadence. Encore un petit effort, et la force de l'habitude vous aidera à ne plus fumer du tout. C’est l’évidence même, non ? Dans ce cas, pourquoi est-ce que cela ne marche pas ? Pourquoi tant de fumeuses qui ont réussi à arrêter grâce à leur volonté ont-elles encore souvent envie d’une cigarette après des années 129

d’abstinence ? Et pourquoi sont-elles si nombreuses à retomber dans le piège ? »»»

PARCE QUE LE TABAGISME N'EST PAS UNE HABITUDE, MAIS UNE CONSÉQUENCE DE LA DÉPENDANCE À LA NICOTINE.

Nous savons à présent qu’il est inutile de réduire sa consommation. Si cela marchait, nous serions tous des fumeurs occasionnels ou d’anciens fumeurs. Quand vous aurez compris la manière dont fonctionne le piège, vous vous rendrez compte que les tentatives de sevrage ou de contrôle de la consommation ont pour seul effet d’enraciner dans votre esprit la croyance selon laquelle il est impossible de profiter de la vie ou de lutter contre le stress sans tabac. Représentez-vous le « petit monstre » comme une irritation presque imperceptible. Comment réagissezvous quand quelque chose vous démange ? Vous vous grattez. Peut-être serez-vous d’accord avec ma femme, Joyce, pour dire que cela ne fait qu’aggraver la déman¬ geaison. En ce qui me concerne, je préfère gratter une piqûre de moustique jusqu’au sang, pendant un mois si nécessaire, plutôt que de m’obliger à ne pas y tou¬ cher. C’est exactement la même chose quand vous allu¬ mez une cigarette : vous obtenez un soulagement immédiat, mais vous avez conscience qu'il sera éphé¬ mère. Arrivé à ce stade, je vous prie de m'autoriser une petite digression. Dans leurs publicités, les industriels du tabac avaient l’habitude de proclamer que leurs cigarettes nous apporteraient toute « satisfaction ». Pas besoin d’être un génie pour savoir que la satisfaction d’un besoin ne peut avoir lieu qu'après une période d’insatisfaction. Prenons quelques exemples : le désir sexuel, la faim, la soif. Vous ne satisferez jamais votre désir sexuel en mangeant ou votre soif en allumant une cigarette. Le seul besoin que le tabac puisse soulager, c'est la fameuse « démangeaison » liée à la nicotine. 130

mais ce soulagement ne sera que temporaire puisque la « démangeaison » est causée par la nicotine. Un pro¬ cessus totalement inconnu des non-fumeuses. Quand nous commençons à fumer, un laps de temps assez long s’écoule entre le moment où nous nous grat¬ tons et le retour de l’irritation. Puis nous nous mettons à acheter nos propres paquets, à fumer régulièrement en dehors des rencontres entre amis, à avoir peur de nous retrouver sans réserves. Cela n’a rien à voir avec l'habitude : c’est la nature même du poison. Une fois que l'immunité s'est installée, la «démangeaison» devient permanente, et votre envie de vous gratter éga¬ lement. Bref, vous vous mettez à fumer comme un sapeur ! Pourquoi ne sommes-nous pas tous de gros fumeurs ? Parce qu'il faut avoir de sacrés poumons, croyez-moi ! Beaucoup de femmes ne peuvent supporter physique¬ ment plus de cinq à dix cigarettes par jour. D’autres ne fument que de manière épisodique pour des raisons financières. Et la plupart des non-fumeuses ne le doi¬ vent pas à leur intelligence. Elles ont eu peur des effets toxiques du tabac, elles n'ont pas pu s’habituer aux relents infects de la fumée, ou bien elles ont eu la chance de fréquenter des amies qui, pour une raison ou pour une autre, n’étaient pas tombées dans le piège. Aujourd’hui, beaucoup de femmes ne fument qu’occasionnellement pour diverses raisons : sentiment de culpabilité, mépris de soi, recours vigoureux à l’auto¬ discipline. En limitant leur consommation, elles sou¬ haitent souvent montrer l’exemple à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. L’exemple de Christine est à la fois typique, amusant et pathétique : Je me sentais déjà coupable d’être un mauvais exemple pour ma fille Sarah. Un jour, en revenant de l’école, elle m’a fait tout un sermon sur les méfaits du tabac et sur sa peur de me voir mourir. Alors j’ai vrai«•

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ment essayé d’arrêter. Au début, c’était facile, et j’étais fière de moi. Je croyais être définitivement tirée d’affaire. Et puis un soir, après avoir couché Sur ah, je me suis dit bêtement que j’avais droit à une petite récompense. Une seule cigarette ne pourrait pas me faire de mal. Inutile d’ajouter que c’est devenu une habitude, et que l’unique cigarette s’est vite multipliée. L’honnêteté m’oblige à avouer que je fumais beaucoup après le dîner. Un soir où Sarah n’arrivait pas à s’endormir, je suis sortie de sa chambre très en colère. Je savais que ce n ’était pas sa faute, mais je ne pouvais plus attendre. Je venais d’allumer une cigarette et de commencer ma vaisselle quand une petite voix s’est élevée dans mon dos : “Tu ne fumes quand même pas, maman ?” J’ai réussi à éteindre ma cigarette sous le robinet, avant de me retourner : “Bien sûr que non, ma chérie. ” Des larmes lui coulaient sur les joues. J’ai éclaté en sanglots. J’avais menti à ma fille. Croyez-moi si vous voulez, mais j’étais si malheureuse que j'ai allumé une autre cigarette devant elle. J'ai honte de moi. Non seulement je n’ai pas arrêté, mais à présent je fume du matin au soir. Je vous en prie, je vous en prie, pouvez-vous m ’aider ? »

Je suis heureux de pouvoir vous dire que mon aide s’est avérée efficace. Mais j’insiste sur un point capi¬ tal : si vous aviez discuté avec Christine lorsqu’elle ne fumait qu’une seule cigarette dans la soirée, vous auriez été convaincue d’avoir affaire à une fumeuse occasionnelle et équilibrée. C'était d’ailleurs le cas. Mais, à cause de la nature de ce poison, CELA NE POUVAIT PAS DURER.

De nombreuses personnes se retiennent de fumer en voiture, dans leur chambre ou même à leur domicile. Beaucoup de jeunes filles ne fument pas devant leurs parents. Mais le fait de se priver dans telle ou telle 132

circonstance n’a guère d’importance : le tabagisme est un engrenage qui dure toute la vie. Penchez-vous sur le cas de ces femmes qui prétendent pouvoir allumer une cigarette ou s’en abstenir selon leur bon plaisir. Vous remarquerez vite qu’elles commencent à s’éner¬ ver au bout d'un certain temps et qu'elles saisissent le premier prétexte venu pour en griller une en douce. Et n’oubliez pas que cette cigarette ne soulage pas leur « démangeaison », mais remplace simplement la nico¬ tine qui a quitté leur organisme. Elles tirent dessus comme des affamées, mais l'irritation les reprend dès qu'elles ont écrasé leur mégot. Car elles sont écartelées entre deux forces: d’une part, une «démangeaison» permanente et donc une envie de se gratter tout aussi permanente ; d’autre part, le désir d’échapper à ce cer¬ cle vicieux. Il est impossible de réduire sa consommation ou de ne fumer qu'à l’occasion (ce qui revient d’ailleurs au même), car le seul plaisir que vous procure le tabac consiste à gratter votre « démangeaison ». Plus vous vous grattez, moins vous ressentez de soulagement, et plus votre consommation augmente - avec des consé¬ quences néfastes pour votre santé, vos finances, votre système nerveux, votre pouvoir de concentration et vos réserves de courage. La dépendance est un piège redou¬ table : une partie de votre cerveau vous pousse à fumer davantage, l’autre partie vous intime de faire le contraire. Sans même vous en rendre compte, vous vous trou¬ vez toujours dans une situation inconfortable. Avant d’avoir décidé de diminuer votre consommation, vous allumiez une cigarette chaque fois que vous en éprou¬ viez le besoin ou l’envie. Cela vous rendait malheu¬ reuse, sinon pourquoi auriez-vous choisi de faire marche arrière ? À présent, vous devez vous contrôler, et par conséquent vous vous privez d’un certain nom¬ bre de cigarettes. Vous voyez ce que je veux dire ? 133

Plus vous fumez, moins vous en avez envie. Et moins vous fumez, plus vous en avez envie. Une véritable impasse. Je sais que vous en avez conscience, mais je voudrais que vous compreniez le mécanisme du piège et que vous acceptiez l’inévitable. Un skieur peut des¬ cendre un versant de montagne sans aucune dépense d’énergie, mais il apprend vite qu’il est épuisant de remonter une pente. Or, tous les toxicomanes passent leur existence à s’efforcer de remonter la pente. Quand vous réduisez votre consommation, vous vous obligez à ne pas soulager immédiatement la « démangeaison ». La comparaison avec des chaussu¬ res trop petites s’impose : plus vous souffrez long¬ temps, plus votre illusion de plaisir sera intense quand vous vous autoriserez enfin à vous gratter. Et cette illu¬ sion aura pour effet de diminuer votre désir d’arrêter. Vous me répliquerez qu’en fumant moins vous préser¬ vez un peu mieux votre santé, et que vous ne voyez pas ce qu'il y a de mal à cela. La réponse est pourtant évidente : EN RÉDUISANT VOTRE CONSOMMATION, VOUS RÉDUISEZ VOTRE DÉSIR D'ARRÊTER.

Voilà pourquoi les fumeuses occasionnelles sont encore plus dépendantes que les grandes fumeuses. Je reçois régulièrement des lettres sur le thème : « J’ai suivi toutes vos instructions, mais votre Méthode sim¬ ple n a pas marché avec moi. » Je suis particulièrement frustré par celles qui ajoutent : « Cependant, le côté positif, c’est que je ne fume plus que cinq cigarettes par jour, alors que j’en étais à deux paquets avant de venir dans votre centre ! » Les « experts » seraient enchantés d’un tel résultat. Mais à mes yeux, ces patientes n’ont pas compris comment fonctionne le piège. Une femme qui se prive de nicotine pendant une semaine éprouvera un incroya¬ ble soulagement lorsqu elle se résoudra enfin à gratter 134

la « démangeaison ». C’est un peu le même phénomène que la délivrance qui suit la constipation, à ceci près qu’il ne viendrait à l’idée de personne de se retenir d’aller aux toilettes pendant une semaine. Ces tentatives pour réduire votre consommation ou arrêter complètement renforcent votre croyance selon laquelle le tabac vous procurerait un plaisir et un sou¬ tien. Comme l'abstinence vous fait souffrir et que votre malaise se dissipe dès que vous allumez une cigarette, il semble logique d’en conclure que celle-ci est source de bien-être. Cependant, quand vous vous remettez à fumer sans la moindre contrainte, ce prétendu plaisir disparaît. Bizarre, très bizarre ! Quand vous avez le droit de fumer, vous voulez arrêter. Quand le tabac vous est interdit, vous ne pensez plus qu’à cela. C’est à dessein que j'insiste sur ce point. Le lavage de cerveau n’est aussi efficace que parce qu’il consiste en idées fausses rabâchées depuis l'enfance. Si vous avez enduré le calvaire lié à une méthode fondée sur la volonté, vous avez peine à croire qu’on puisse en finir avec la cigarette sur-le-champ, facilement et même de manière très agréable. Reprenons le parallèle avec la constipation. Pour éprouver un vif soulage¬ ment, vous devez d'abord avoir été constipée. Mais allez-vous ensuite regretter cette impression de déli¬ vrance si le problème est résolu ? Bien sûr que non. Peut-être avez-vous déjà réussi à vous abstenir pen¬ dant une période suffisante pour vous estimer guérie. Un jour, pour en avoir confirmation, vous décidez d’aspirer deux ou trois bouffées. Non seulement la fumée vous semble infecte, mais vous ne ressentez aucun effet. À présent, vous êtes sûre d’être hors de danger. Une semaine ou deux s’écoulent, et vous vous jugez de taille à fumer une cigarette entière sans courir le moindre risque. C’est ainsi que vous mordez au même hameçon que le jour où vous avez allumé votre première cigarette. C'est ainsi que des millions 135

d’anciennes fumeuses sont retombées dans le piège dont elles se croyaient à l’abri. ^ Rappelez-vous que nous cherchons à atteindre un état d’esprit dans lequel nous n’avons pas plus envie d’allumer une cigarette que de nous injecter de l’héroïne dans une veine. Voilà pourquoi réduire votre consommation ne sert à rien : au contraire, cela aug¬ mente l’illusion du plaisir. Non seulement vous main¬ tenez le « petit monstre » en vie, mais vous renforcez le pouvoir du « grand monstre » (autrement dit, du lavage de cerveau). C’est la raison pour laquelle cer¬ taines cigarettes « spéciales » conservent leur attrait malgré une longue période d’abstinence : la première de la journée, celle de la fin du repas ou encore celle d’après l’amour. Le seul plaisir que puisse vous procurer le tabac consiste à limiter l’augmentation du désir. Et je n’ai pas besoin de vous répéter que vous n’apaiserez pas ce désir en absorbant une nouvelle dose de nicotine. Si une cigarette « spéciale » vous apparaît comme une source de plaisir ou de soutien, alors toutes les cigarettes de la terre auront la même image à vos yeux. Je sais que selon certains « experts », il vous suffit de résister à l’envie de fumer une seule cigarette : la pro¬ chaine. Le pire, c’est qu’ils ont raison. Mais ils oublient d’ajouter que si cette cigarette conserve toute sa séduc¬ tion à vos yeux, vous allez passer le reste de votre existence à lutter contre la tentation ! Un sort très peu enviable... Diminuer votre consommation est inutile, car la nature du poison exacerbe votre envie de gratter la « démangeaison ». C’est exactement comme un régime alimentaire. Vous pouvez réussir à force de volonté, mais la nourriture ne perd pas pour autant son attrait à vos yeux, et elle finit par vous obséder du matin au soir. Apiès chaque repas, soit vous vous reprochez d avoir pris des libertés avec votre régime, soit vous 136

êtes affamée et malheureuse parce que vous l’avez res¬ pecté. Quand vous limitez vos doses de nicotine, vous souffrez à la fois de la « démangeaison » et de l’inter¬ diction de vous gratter - ce qui exige une grande volonté et une autodiscipline de tous les instants. Une victoire est possible, à titre provisoire. Mais n’oubliez jamais qu’une telle méthode augmente l’envie de fumer et réduit le désir d’arrêter. Même si vous avez la force de résister pendant toute votre existence, êtes-vous sûre de vouloir endurer un pareil calvaire ? Une fois ses réserves de courage épuisées, la pauvre fumeuse se retrouve à bout de nerfs, taraudée par la honte, et persuadée d'être une loque incapable de vivre sans nicotine. Il lui faudra sans doute cinq ans pour rassembler la volonté nécessaire à une nouvelle tenta¬ tive. Voilà pourquoi je ressens une telle frustration quand on me dit : — Le côté positif, c’est que je ne fume plus que cinq cigarettes par jour. Malgré tout, peut-être restez-vous convaincue que certaines fumeuses occasionnelles sont parfaitement heureuses et n’éprouvent jamais le besoin de dépasser cinq cigarettes par jour. Je vous répondrai sur deux plans différents. D’abord, même si chaque cas est uni¬ que, il obéit à des règles fondamentales. Or, j’ai aidé en personne 25 000 fumeurs, et mes échanges réguliers avec les thérapeutes des quarante centres Allen Carr répartis à travers le monde n’ont fait que confirmer mes conclusions. N'oubliez pas non plus que les gens qui viennent nous consulter laissent tomber tous les masques et les faux-semblants. Le second point a trait aux fumeuses proprement dites. Il ne faut jamais partir du principe qu’une fumeuse occasionnelle se satisfait de son sort simple¬ ment parce qu’elle vous l’affirme. Des milliers de per¬ sonnes prétendent fumer parce qu’elles aiment cela, 137

mais vous n’en trouverez aucune qui encourage ses enfants à suivre son exemple - qu’elle consomme cinq cigarettes ou deux paquets par jour. En tête à têt?, ces fumeuses soi-disant épanouies reconnaissent qu’elles préféreraient ne pas fumer. Et vous comprenez vite que leurs fanfaronnades ne sont qu’un moyen de se défen¬ dre contre la peur. De ce point de vue, le cas de Deirdre est très représentatif. Un beau jour, elle téléphone au centre pour prendre un rendez-vous individuel. À l’évidence, elle sait exac¬ tement ce qu’elle veut et a l’habitude de l’obtenir. Je lui explique que j’anime des thérapies de groupe dix heures par jour, sept jours par semaine, et qu’en atten¬ dant une hypothétique diminution du nombre de patients, je n’ai pas le temps d’organiser des séances individuelles. Elle me répond que l’argent n’est pas un problème, ce qui a le don de m’irriter. Autant j’estime que toute peine mérite salaire, autant je me hérisse quand on me croit mû par le seul intérêt financier. Je réplique que ce n’est pas une question d’argent, mais de temps, et qu’à cause d’elle je suis justement en train de le gaspiller. Alors elle fond en larmes. Ses sanglots sont sincères. Ils ont pour origine le poison qui a réduit en esclavage des millions de per¬ sonnes équilibrées, heureuses et en bonne santé. Moi aussi jadis, la nicotine m’a fait verser des larmes de désespoir. Tout cela vous semble assez banal ? Ce qui l’est moins, c’est que Deirdre n'a jamais fumé plus de deux cigarettes par jour depuis douze ans. Le rêve incarné de la fumeuse invétérée ! Comment une consommation aussi réduite a-t-elle pu la mettre dans un pareil état ? Souffre-t-elle d’un cancer ou d'une autre maladie mortelle ? Pas du tout. Deirdre est une sportive fana¬ tique, et sa forme est éblouissante. Néanmoins, le can¬ cer du poumon n est pas étranger à ses angoisses : il a 138

tué son père et sa mère avant qu’à son tour elle ne tombe dans le piège. Comme moi, elle avait très peur du tabac avant de mordre à l’hameçon. Comme moi, elle a fini par céder au conformisme social : elle a tenté l’expérience, et la fumée lui a paru infecte. Ensuite elle a résisté, alors que de mon côté je me suis vite mis à fumer comme un sapeur. Mais la schizophrénie du fumeur ne l'a pas épargnée. Selon un mécanisme iden¬ tique à la faim, plus vous attendez avant d’allumer une cigarette, plus celle-ci vous paraît délicieuse. Et moins vous fumez, moins vous nuisez à votre santé et à vos finances, et moins vous éprouvez le besoin d’arrêter. Comme le cancer du poumon a emporté ses deux parents, Deirdre en a conclu à une prédisposition héré¬ ditaire. Mon frère partage cette peur morbide du can¬ cer, parce que notre sœur et notre père en sont morts vers l'âge de cinquante-cinq ans. Pourtant, l’espèce humaine a vécu des centaines de milliers d’années sans se soucier de ce fléau. En 1900, celui-ci provoquait le décès d'un Britannique sur cinquante, alors qu’aujour¬ d'hui nous en sommes à un sur quatre. Mais il est absurde d'en rendre responsable nos parents ou le Créa¬ teur de l'univers. Si nous étions assez stupides pour arroser notre voiture tous les jours avec de l’eau salée, irions-nous reprocher la rouille au constructeur ? Nous empoisonnons nos poumons, nos aliments, nos rivières, l’air que nous respirons, et ensuite nous dépensons des milliards pour élaborer des médicaments. La solution est pourtant évidente : il suffirait de supprimer les cau¬ ses de nos maladies. Avec une infime partie de cet argent gaspillé, je me fais fort d’éradiquer le tabagisme et toutes les autres formes de toxicomanie. Les parents de Deirdre sont morts pour la même raison que ma sœur et mon père : ils fumaient comme des sapeurs. Voilà pourquoi elle a une peur bleue de consommer plus de deux cigarettes par jour. Vous allez 139

me dire que, dans ces conditions, cela ne doit pas être trop difficile d’arrêter. Encore une illustration parfaite du lavage de cerveau ! Pour limiter sa consommation à ce niveau très bas, Deirdre a donc eu recours à la volonté et à l’autodis¬ cipline. Dieu sait s’il en faut pour ne se gratter que deux fois par jour quand on ressent une « démangeai¬ son » permanente. Je vous rappelle à ce propos que celle-ci procure une impression de vide, d’insécurité, et qu’elle sape votre courage et votre confiance en vous. Plus vous souffrez longtemps, plus votre résis¬ tance s’amenuise, et plus votre « amie » la cigarette vous semble merveilleuse lorsque vous vous résolvez enfin à l’allumer. La vie des fumeuses occasionnelles n’a rien d’enviable : cette impression de vide les accompagne pendant le plus clair de leur existence. Et puis, si Deirdre avait été satisfaite de son état, pourquoi serait-elle venue me demander de l’aide ? Pendant douze ans, elle n’a pu se gratter que vingt minutes par jour ! Et vous, combien de temps avez-vous tenu lors de votre dernière tentative pour arrêter de fumer ou pour limiter votre consommation (ce qui revient au même) ? Avez-vous une idée de la façon dont Deirdre se comportait avec ses amis et ses collègues de travail non-fumeurs ? Elle avait si honte d’elle-même qu’elle n’aurait fumé à aucun prix en leur présence. Elle ne voulait pas s’exposer à des jugements trop sévères : — Je ne la comprends pas. Elle a du caractère et une intelligence remarquable. Avec une consommation aussi réduite, elle ne peut pas être vraiment accro. Alors pourquoi continue-t-elle ? Elle doit pourtant se rendre compte que son haleine sent le tabac, tout comme ses cheveux et ses vêtements. A l’inverse, je suis certain qu’elle suscitait la jalou¬ sie de ses amies et de ses collègues fumeuses : elle ne leur avait jamais parlé, évidemment, du calvaire qu’elle 140

vivait. Comme tous les toxicomanes, elle ne voulait pas leur avouer sa faiblesse et sa stupidité. Avez-vous conscience de l’extraordinaire force de volonté qu’il lui a fallu pour dissimuler la vérité pendant douze ans ? Et du désespoir que devait éprouver cette femme de caractère, brillante, indépendante, pour me supplier de l’aider alors qu’elle devait avoir une envie folle de me raccrocher au nez ? Je me réjouis qu’elle n’en ait rien fait. Mais cela montre bien que cette plante diabolique s’attaque aussi à l'équilibre psychologique de ses vic¬ times, et pas seulement à leur santé physique. Deirdre est sans doute la femme la plus volontaire que j’aie jamais rencontrée. Dans le chapitre suivant, nous détruirons le mythe selon lequel les personnes qui n’arrivent pas à arrêter manquent de volonté - et l’idée reçue qui en découle : si les femmes fument plus que les hommes, si les adolescentes deviennent plus faci¬ lement accros que les garçons, cela serait dû au fait qu'elles sont en général moins fortes, moins intelligen¬ tes et davantage portées à obéir à leurs émotions qu’à un raisonnement logique. Mais nous devons d’abord mettre à mal une autre contrevérité. Je veux parler de ces personnes qui pré¬ tendent que « ce n'est pas un problème d’arrêter », et qu’elles en finiront avec la cigarette à l’instant même où elles le décideront. Comment ne pas envier de tels privilégiés ? Du moins si vous les croyez sur parole. Car il n’est pas besoin d'être Sherlock Holmes pour déduire que les individus capables d'arrêter à n’importe quel moment n’existent pas. Il y a d'abord une contradiction dans les termes : s’ils en avaient vraiment fini avec la ciga¬ rette, ils n’auraient pas recommencé à fumer à une ou plusieurs reprises. Et pourquoi voudraient-ils arrêter ? Personne ne les y oblige. La réponse est évidente : aucun fumeur ne souhaiterait renoncer au tabac s’il était satisfait de son état. Et pourquoi diable recom141

mencent-ils ensuite à fumer ? Parce qu’ils ne sont pas non plus satisfaits d’être des non-fumeurs. Si vous croyez que ces personnes ont à la fois le beurre et l’argent du beurre, vous vous trompez. Comme tous les autres fumeurs, invétérés ou occasion¬ nels, ils mangent continuellement leur pain noir ! Quand ils fument, ils rêvent de ne plus fumer : sinon, pourquoi parleraient-ils d’arrêter ? Durant leurs pério¬ des d’abstinence, ils sont en manque et malheureux. Sinon, pourquoi mordraient-ils de nouveau à l’hame¬ çon ? Bien sûr, tous les fumeurs sont différents, mais n’oubliez jamais qu’ils sont tous dépendants de la même drogue. Cela n’a rien à voir avec certains ali¬ ments qui conviennent aux uns et pas aux autres. Le tabac est toxique pour tous les êtres vivants : C’EST UN POISON MORTEL.

Je suis sûr qu’à présent vous en êtes convaincue. Mais vous craignez peut-être d’être condamnée au sort funeste de ces femmes qui n’arrêtent de fumer que pour recommencer un peu plus tard, et qui sont aussi mal¬ heureuses avec que sans cigarettes. Comme le dit l’adage populaire : fumeur un jour, fumeur toujours. En d’autres termes, même après de nombreuses années d’abstention, une repentie ne connaîtra pas la même sérénité qu’une personne qui n’est jamais tombée dans le piège. Tout cela est exact pour la grande majorité des anciennes fumeuses, car les méthodes fondées sur la volonté leur font croire qu’elles ont renoncé à un plaisir et à un soutien. Avec La méthode simple, en revanche, vous vous sentirez encore mieux qu’une non-fumeuse. Car celleci, tout en étant satisfaite de son sort, s’imagine parfois qu’elle rate quelque chose. Après tout, elle est soumise au même lavage de cerveau que le reste de la popula¬ tion. Et personne ne tenterait jamais l'expérience de la 142

première cigarette s’il n'avait pas la perspective de découvrir un plaisir inconnu. Grâce à La méthode sim¬ ple, vous aurez pleinement conscience DE VOUS RÉVEILLER D’UN CAUCHEMAR TERRIFIANT.

Maintenant, nous allons balayer l'une des illusions les plus répandues et les plus nocives : IL FAUT DE LA VOLONTÉ POUR ARRÊTER.

15 Il faut de la volonté pour arrêter

Ce mythe est tellement enraciné que les autorités de tutelle de l’audiovisuel exigent que les spots publici¬ taires pour les substituts nicotiniques comportent une mention bien particulière : il doit être précisé que l’effi¬ cacité de ces produits dépend de la ferme volonté d’arrêter du fumeur. Voici la conversation que j’ai eue avec l’un de ces responsables, à qui j’avais soumis un texte rédigé par mes soins. — Je suis désolé de ne pouvoir accepter votre annonce sous sa forme actuelle. Vous devez inclure une déclaration en vertu de laquelle votre méthode ne marchera qu’en conjonction avec la volonté du fumeur. — L’un des principes fondamentaux de La méthode simple, c’est justement de ne pas faire pas appel à la volonté. — Écoutez, monsieur, là n’est pas le problème. Il vous suffit d’ajouter quelques mots dans ce sens. — Je croyais que l’objectif de votre institution était de protéger le public contre les publicités mensongères. — C’est exactement ça. (La réponse est prononcée sur un ton très suffisant). — Dans ce cas, comment pouvez-vous me conseil¬ ler de mentir ? 144

— Ce n’est pas un mensonge. (La suffisance se transforme peu à peu en embarras). Personne ne peut arrêter de fumer sans recourir à sa force de volonté. — Vous êtes expert en la matière ? — Absolument pas. — Savez-vous que de nombreuses personnes me considèrent comme le meilleur spécialiste dans ce domaine ? — Je connais votre réputation, mais il est de noto¬ riété publique qu'il faut de la volonté pour arrêter de fumer. — Dites-moi, si vous ne voulez pas monter dans le bus de la ligne n° 9, avez-vous besoin de volonté pour rester sur le trottoir ? — Bien sûr que non. — Vous avez sans doute entendu parler de person¬ nes qui perdent soudain toute envie de fumer et qui arrêtent sans difficulté. Eh bien, c’est comme cela que fonctionne La méthode simple. Si vous ne voulez plus fumer, pourquoi auriez-vous besoin de volonté pour arrêter ? — Écoutez, je veux bien vous rendre service, mais le règlement, c’est le règlement. (Les dernières traces de fatuité ont fait place à la colère.) — Si la volonté permettait aux gens d’arrêter, vous n'auriez plus besoin d’autoriser les publicités pour tous ces gadgets. Plus de 2 000 Britanniques meurent cha¬ que semaine du tabagisme. D’innombrables fumeurs recherchent désespérément une méthode facile et qui ne recourre pas à la volonté. Vous admettez vousmême que votre raison d’être est de protéger les consommateurs. Je ne vois donc pas pourquoi votre règlement empêcherait le public d’avoir accès à une méthode efficace et respectueuse du consommateur. Pourtant, votre institution ne fait que les conduire tout droit à la mort ! Quand un article du règlement est idiot, il faut en changer ! 145

— Je suis d’accord avec vous, mais seul le médecin qui a établi cet article peut le modifier. Un autre article dudit règlement m’a interdit de pren¬ dre contact avec ce soi-disant « expert », et on a même refusé de me communiquer son nom. Il ne faut pas s’étonner si les fumeurs qui n’arrivent pas à arrêter ont l’impression d’être des mollusques dépourvus de toute volonté. Depuis notre naissance, on nous rabâche qu’il est très difficile de renoncer au tabac, mais que nous pouvons néanmoins y parvenir avec du caractère. Quelqu’un comme moi, qui rêve depuis toujours d’en finir avec la cigarette, et dont les innombrables tentatives se sont soldées par des échecs, en conclut logiquement qu’il n’est qu'une larve. J’étais convaincu de ma veulerie, mais en même temps je me demandais pourquoi j’étais capable de faire preuve de courage dans tous les autres domaines de l’existence. Tout simplement parce que ce n’est pas une question de courage, mais un affrontement entre deux forces antagonistes. Arrêtons-nous un instant sur quelques faits indiscu¬ tables. Quand vous étiez à l’école, certaines de vos camarades commençaient à fumer leurs premières ciga¬ rettes, alors que d’autres s’en abstenaient. Essayez de vous rappeler lesquelles étaient le plus portées à tenter l’expérience : les bûcheuses timides et renfermées sur elles-mêmes, ou bien les filles énergiques et extraver¬ ties ? La réponse est évidente, et elle fait voler en éclats le mythe de la volonté. C’est en copiant des actrices ou des mannequins comme Elle Macpherson, Joanna Lumley ou Kate Moss que tant d’adolescentes sont tombées dans le piège. Tous les ans, la presse britannique organise une cam¬ pagne le deuxième mercredi de mars. Ce « Jour sans tabac » est censé aider les gens à prendre la décision d’arrêter. Pourtant, tous les fumeurs vous diront qu'ils mettent un point d’honneur à résister à la pression 146

médiatique, voire à fumer ostensiblement et à multi¬ plier par deux leur consommation quotidienne. Ils détestent se voir dicter leur conduite par des gens qui ignorent tout de leurs problèmes, même si c’est pour leur bien. Le gouvernement et les « experts » nous prennent-ils pour des imbéciles ? Le lien entre le tabac et le cancer du poumon a été établi voilà près d’un demi-siècle. A quoi bon répéter un jour par an que le tabac est nuisible à la santé, puisque c’est écrit sur chaque paquet de cigarettes depuis de longues années ? Pourquoi les prétendus « experts » ne comprennentils pas que le véritable enjeu consiste à supprimer les raisons profondes qui poussent les gens à continuer de fumer ? Parce que la nature même du piège de la nico¬ tine leur échappe. Tous les fumeurs savent d’instinct que la cigarette n’est pas bonne pour leur santé. Disons-le une fois pour toutes : il ne sert à rien d’agiter la peur du cancer, car l’impossibilité d’arrêter n’est pas due à un manque de volonté, mais à un affrontement entre deux forces antagonistes. En outre, même si l’influence de nos amis, la publi¬ cité et le lavage de cerveau contribuent souvent à nous faire tomber dans le piège, rien ni personne ne peut nous obliger à fumer ou à ne pas fumer. Il va également de soi que si nous n’éprouvions pas l’envie d’allumer une cigarette, il serait très facile d’arrêter. Mais le lavage de cerveau nous fait croire que le tabac procure un plaisir et un soutien. Sur un des plateaux de la balance, je dispose les atouts : les effets néfastes du tabac sur notre santé et sur nos finances. Vous allez m’objecter que ce ne sont pas des atouts, mais des inconvénients. Eh bien, vous avez tort ! Le véritable ennemi, c’est la croyance que le tabac nous apporte un plaisir et un soutien, car cette illusion nous pousse à continuer. À l’inverse, les dan¬ gers bien réels pour notre santé et notre portefeuille 147

nous encouragent à arrêter : dans ce contexte précis, ils sont donc salutaires. Mais la balance n’est pas statique, et le rapport etïtre atouts et inconvénients ne cesse d’évoluer. Quand nous n’avons aucune intention d’arrêter, nous chassons de notre esprit les préoccupations liées à notre santé et à nos finances. En revanche, quand nous décidons d’arrê¬ ter, notre esprit s’ouvre aux dangers encourus. Autre¬ ment dit, notre niveau de conscience s’élève, augmen¬ tant par là même le poids des atouts. Dès lors, même quand le « petit monstre » envoie des signaux vers notre cerveau, nous lui répondons : « Tu as peut-être envie d’une cigarette, mais le temps des bêtises est terminé, et tu vas devoir t’en passer. » C’est alors que le « grand monstre » entre en jeu. Une simple démangeaison ne pose guère de problème, pourvu que vous puissiez vous gratter. Mais dans le cas contraire, elle peut vous rendre folle ! Ce n’est déjà pas drôle quand le point sensible est inaccessible : sous un plâtre, par exemple, ou dans le dos. À ce propos, vous avez sans doute remarqué que les moustiques ont le don de choisir le seul centimètre carré de peau hors de votre portée. Après des contorsions inutiles, vous en êtes réduite à vous frotter contre un mur de brique ou à supplier un parfait étranger de bien vouloir gratter votre piqûre ! C'est encore bien pire quand la démangeaison est accessible, mais qu’une partie de votre cerveau vous interdit d’y toucher. Imaginons que deux personnes soient confrontées à ce dilemme : l’une très volontaire, l’autre sans beaucoup de caractère, et toutes deux en proie à un conflit intérieur. Il est difficile de prévoir laquelle résistera le plus longtemps. La démangeaison peut très bien disparaître au bout de cinq minutes chez la seconde et se prolonger pendant six mois chez la première. Or, il faut une volonté d’acier pour résister pendant six mois à un pareil supplice. Si cette personne 148

finit par céder à la démangeaison permanente - en l’occurrence l’envie de fumer -, la société en conclura qu’elle a moins de volonté que celle qui a subi la ten¬ tation pendant cinq minutes. Encore une erreur de juge¬ ment provoquée par le lavage de cerveau. La schizophrénie du fumeur, écartelé entre deux for¬ ces antagonistes, se retrouve dans de nombreux aspects de la vie quotidienne. Autrefois, quand le lien entre le tabac et le cancer du poumon n’était pas encore établi, les fumeurs étaient prêts à accepter sans rechigner des maux mineurs tels que la toux, l’asthme, la bronchite ou la léthargie. Puis le risque de cancer est devenu un atout de poids, et de nombreuses personnes ont décidé que le jeu n'en valait pas la chandelle. D’autres ont estimé que le lien de cause à effet n’était pas vraiment démontré, et que de toute façon on ne pouvait pas vivre dans une bulle protectrice, à l’écart de tous les dangers. Après tout, personne n'est à l’abri de se faire écraser par un bus ! Alors, les fumeurs qui renoncent au tabac sont-ils des gens volontaires et raisonnables, ou bien des couards qui cèdent à la panique ? Durant la Pre¬ mière Guerre mondiale, on fusillait pour lâcheté les soldats qui osaient abandonner les tranchées parce que la situation leur paraissait absurde. De même, il faut du courage pour assumer le risque du cancer et résister à la pression qui s’exerce aujourd’hui sur les fumeurs. Peut-on en déduire que ceux-ci possèdent une grande force de volonté ? Dans la plupart des cas, je répondrai par l'affirma¬ tive. Si vous jugez les fumeurs sur leur personnalité globale, et non pas sur leur capacité à arrêter, vous vous apercevrez qu’ils ont souvent beaucoup d’autorité et de caractère. Nos cigarettes préférées - ou du moins celles qui nous donnent cette illusion - coïncident avec nos périodes de détente, par exemple à la fin d’un repas ou dans une soirée, et sont associées à la notion de plaisir. Mais les cigarettes auxquelles nous avons le 149

plus de mal à renoncer sont celles dont nous avons un besoin vital : celles qui nous aident à nous concentrer et à lutter contre le stress. Or, les personnes très volon¬ taires ont en général plus de responsabilités que les autres, et sont donc plus sujettes au stress. C’est la raison pour laquelle les cigarettes occupent une telle place dans leur vie quotidienne. Je dois ici aborder un autre mythe très répandu. Pourquoi votre marque favorite a-t-elle meilleur goût que les autres ? Parce que vos poumons se sont en partie immunisés contre un mélange de poisons parti¬ culier. Mais vous avez bien sûr remarqué qu’une per¬ sonne dont les cigarettes habituelles ne sont pas disponibles se rabattrait sur un vieux bout de ficelle plutôt que de s’abstenir. Des millions de fumeurs ont changé de marque ou se sont convertis au tabac à rou¬ ler, au cigare ou à la pipe dans l’espoir que cela les aiderait à arrêter, à réduire leur consommation ou à faire des économies. Et en un rien de temps, la nouvelle marque a détrôné l’ancienne dans leur échelle de pré¬ férences - ce qui prouve bien que le parfum et le plaisir n’ont aucune importance. La seule chose qui compte, c’est la nicotine. Des publicités habiles, mettant en scène des modèles attirants, convainquent certaines personnes qu’elles trouveront du plaisir dans le rituel du tabac, voire dans le tabac lui-même - et que la nicotine et les autres poisons ne représentent que des effets secondaires malencontreux. « Ah ! si seulement quelqu’un pouvait inventer la cigarette propre... » soupirent parfois les fumeurs. Mais elle existe déjà depuis longtemps : c’est ce qu’on appelle la cigarette à l’eucalyptus. Si vous l'avez essayée, vous savez qu’on peut aspirer cette fumée infecte pendant des heures sans jamais éprouver la moindre illusion de plaisir. Tout simplement parce qu’elle ne contient pas de nicotine.

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Voilà pourquoi la même cigarette vous semblera délicieuse à la fin d’un repas et répugnante au réveil après une nuit agitée. L’important, ce n’est pas la ciga¬ rette en elle-même, mais le moment précis où vous grattez la « démangeaison ». À la fin d'un repas, vous venez d’assouvir votre faim et votre soif, et vous êtes donc détendue. La cigarette d'après dîner est encore meilleure que celle d'après déjeuner, car votre journée de travail est terminée : vous vous accordez le droit de souffler et de vous relaxer. C'est d’autant plus vrai au restaurant, car à la maison, la journée d’une femme ne s'achève pas après le dîner : il lui reste à desservir et à faire la vaisselle. Si vous êtes avec des amis ou avec l'homme que vous aimez, si vous fêtez Noël, un anni¬ versaire ou quelque autre occasion particulière, c’est encore mieux. Les ennuis sont oubliés momentané¬ ment, votre bonheur est complet, vous êtes sur un petit nuage. Mais soyez franche : à ce moment-là, sous la table, ne retirez-vous pas discrètement les souliers neufs qui vous martyrisent ? Ils vont merveilleusement bien avec votre robe, mais le propre des jolies chaussures est de ne jamais être disponibles dans votre pointure ! Et il est impossible de rester longtemps sur un petit nuage avec les pieds pris dans un étau. La dépendance à la nicotine produit exactement le même effet. Les ciga¬ rettes n'ont pas meilleur goût à la fin des repas, mais les fumeuses ne peuvent se détendre que si on les auto¬ rise à gratter la « démangeaison ». En cas d’impossi¬ bilité, elles se sentent frustrées et malheureuses. À cet instant précis, le simple fait d’allumer une cigarette revêt une importance capitale : il peut les faire sortir du purgatoire et leur ouvrir les portes du paradis. D’où le goût divin de la fameuse cigarette d’après-dîner. En fait, cette histoire de force de volonté n’est qu’un faux-semblant. 151

Vous pouvez estimer que les gens qui ont arrêté de fumer quand un lien a été établi entre le tabac et le cancer du poumon ont fait preuve de volonté et d’intel¬ ligence. Vous pouvez aussi les considérer comme des peureux. Peu importe, puisque dans un cas comme dans l’autre le poids des atouts s’en est trouvé augmenté. Pour certaines personnes, le risque de cancer a fait pen¬ cher la balance du bon côté. Pour moi comme pour beaucoup d’autres fumeurs, cela n’a pas suffi. En effet, dès qu’on prend la décision d’arrêter, le poids des atouts a tendance à diminuer. Les maladies mortelles s’éloignent. La toux, l’asthme, la bronchite se volati¬ lisent. Vous oubliez l’argent dilapidé et la honte cui¬ sante d’être l’esclave de la nicotine. Toutes vos bonnes raisons d’en finir avec la cigarette s’affaiblissent peu à peu. Ce ne sont pas les faits qui changent, mais la perception que vous en avez, et celle-ci joue un rôle essentiel dans l’affrontement des forces antagonistes. Simultanément, l’autre plateau de la balance s’abaisse sous le poids croissant des inconvénients. Depuis que vous ne fumez plus, vous avez davantage d’argent, et vous pourriez sans problème vous offrir un paquet de temps en temps. Pis encore, vous avez le sentiment d’avoir consenti un sacrifice : vous avez dû vous retenir de vous gratter pendant plusieurs jours, ce qui vous a démoralisée. Nous savons tous que les atouts l’emportent de beaucoup sur les inconvénients. Hélas ! il suffit d’un moment d’ébriété, de stupidité ou d’inat¬ tention pour que la balance se renverse et que nous rallumions une cigarette. Comme le tabagisme est une forme de toxicomanie, il n’en faut pas davantage pour que le piège se referme de nouveau. Cessez donc de considérer les fumeuses comme des mollusques et l’incapacité à arrêter comme un manque de volonté. Il s’agit d’un conflit entre deux forces anta¬ gonistes dont le poids respectif ne cesse de varier. 152

Regardez la vérité en face : le tabac ne procure ni plai¬ sir ni soutien, mais sape votre système nerveux, votre confiance en vous, votre courage, votre aptitude à vous concentrer et à vous détendre. Loin de vous protéger contre l’ennui et le stress, il vous rend plus vulnérable. Si vous pouviez vous abstraire de vos tensions internes et de votre confusion mentale, si vous pouviez vous libérer du lavage de cerveau, le tabac vous apparaîtrait sous son vrai jour, celui d’une drogue dévastatrice, et plus jamais vous n’éprouveriez le besoin ni l’envie d'allumer une cigarette. Alors votre plus ou moins grande force de caractère n’aurait aucune importance. Car elle n’est qu'un faux-semblant. Dans ce cas, pourquoi me suis-je attardé aussi long¬ temps sur le sujet ? Parce que toutes les formes de toxicomanie ont pour effet désastreux de persuader leurs victimes qu'elles présentent une tare physique ou mentale, et qu’elles ne peuvent profiter de la vie ou lutter contre le stress sans les pouvoirs magiques de la drogue. En réalité, l'impression de faiblesse à la fois physique et psychologique que ressentent les fumeuses est une conséquence du tabagisme, et en aucune manière une prédisposition personnelle. Certaines personnes ont compris que la dépendance à la nicotine crée une illusion de plaisir ou de soutien, elles sont convaincues qu’elles ne refumeront plus jamais, mais leur bonheur est terni par le sentiment qu’il leur manque désormais quelque chose. C’est ce qu’exprime Fiona dans une lettre dont voici un extrait : « Je suis d’accord avec tout ce que vous dites dans La méthode simple. Je me rends compte que le taba¬ gisme a joué un rôle primordial dans l’échec de mon mariage. Soyons clairs : l’idée d’être devenue une nonfumeuse me rend folle de joie, et je suis certaine de ne jamais recommencer. Pourtant, il reste un problème 153

que je n’arrive pas à régler. Je travaille dans un bureau où il est interdit de fumer, je n ’ai jamais fumé dans la rue, et c’est impossible dans le métro. ~Je ne me souviens pas d'avoir accordé autrefois une atten¬ tion particulière à la première cigarette que j’allumais en rentrant chez moi, mais après mon divorce elle a pris une importance vitale. Je sais que d’après vous je devrais sans cesse me réjouir d’avoir arrêté : “C’est formidable ! À présent je suis libre !” En toute sincé¬ rité, c’est mon état d’esprit permanent, sauf lorsque j’ouvre la porte de ma maison vide. À ce moment-là, je ne peux m ’empêcher de penser : “Si seulement je pouvais allumer une cigarette. ” Comme je sais très bien qu’il y en aurait d'autres ensuite, je me retiens. Mais cela fait maintenant six mois que j’ai arrêté. Pourriez-vous m’aider, s’il vous plaît ? »

Fiona m’inspire de la sympathie, et à vous aussi j’en suis sûr. Je l’admire d’avoir su résister à la tentation, dans des circonstances où de nombreuses fumeuses seraient retombées dans le piège. Quand je lui ai demandé comment elle aurait réagi si sa maison n’avait pas été vide, sa réponse a été catégorique : — Je n’aurais eu aucun problème. Nous sommes en présence d’un syndrome très répandu chez les personnes tristes ou stressées : « J’ai droit à une petite compensation. » Comme elles demeu¬ rent persuadées que le tabac leur faisait un peu oublier leurs soucis, elles ont l’impression d’avoir dû renoncer à un plaisir - même si celui-ci était illusoire. Dans les cas de ce genre, mon conseil est le suivant : — Vous pouvez obtenir exactement le même effet en portant des chaussures trop petites. Chaque fois que vous aurez envie de recevoir une compensation, vous n’aurez qu’à les retirer pendant quelques minutes. Les anciennes fumeuses croient que c’est une plai¬ santerie, mais cette comparaison les aide tout de même 154

à regarder les choses en face. Le véritable problème de Fiona, c’est que son mari avait quitté la maison. Dieu merci, elle a été assez lucide pour voir qu’elle ne sou¬ lagerait pas sa tristesse en retombant dans le piège. La leçon vaut pour toutes les anciennes fumeuses qui s'imaginent que la cigarette leur offrait une petite compensation à leurs soucis. Si vous ne voulez pas croire que la solution consiste à porter des chaussures trop petites, pourquoi diable feriez-vous appel à l’ennemi public numéro un du monde occidental ? Si vous vous ennuyez ou si vous êtes stressée, changez de mode de vie. Comme moi, vous vous apercevrez alors que l’ennui et le stress disparaissent avec le taba¬ gisme. Fiona ayant parfaitement compris que le tabac ne résoudrait pas son problème, j'ai réussi à la convain¬ cre qu'elle n'avait aucune raison de continuer à se tor¬ turer en rentrant chez elle avec cette histoire de ciga¬ rette ! Quand vous arrêtez de fumer, vous n’avez besoin de rien pour remplacer le tabac. Vous pouvez reprendre goût à la vie et contrôler votre stress sans soutien illu¬ soire ni béquilles imaginaires. Vous vous sentez peutêtre faible et désorientée, même si vous ne fumiez qu’à l'occasion. Souvenez-vous des larmes de Deirdre, dont la consommation n’était pourtant que de deux cigaret¬ tes par jour. Ces moments de faiblesse sont dus au fait que les femmes sont soumises à un lavage de cerveau encore plus odieux que les hommes. On leur ressasse à longueur de temps qu'elles sont moins fortes physi¬ quement, mais aussi moins intelligentes, moins ration¬ nelles, plus émotives, moins aptes à assumer des res¬ ponsabilités. Ce sentiment de vulnérabilité et d’insécurité est par¬ faitement authentique. Mais il n’est qu’une consé¬ quence du tabagisme. Si vous suivez toutes mes ins¬ tructions, vous retrouverez en un rien de temps le courage et la confiance que vous avez perdus. Je sais 155

que vous aurez du mal à me croire si vous avez déjà essayé d’arrêter avec une méthode fondée sur la volonté. Néanmoins je vous assure que c’est la vérité. À présent, il est grand temps d’aborder une question cruciale : QUEL EST LE SEXE FORT ?

16 Quel est le sexe fort ?

Aujourd'hui encore, une idée reçue voudrait que les hommes soient plus forts que les femmes, tant sur le plan physique que mental. Après tout, nous avons été conditionnés pendant des générations à croire ce genre de « vérité étemelle ». Ce qui est certain, en revanche, c’est que dans les pays occidentaux les femmes fument désormais davantage que les hommes, et que cette ten¬ dance se confirme chez les adolescentes. Quelle est l’origine de cette évolution ? Les soi-disant « experts » expliquent sans l’ombre d’une hésitation que les individus les plus intelligents ont mesuré les risques encourus et décidé d’arrêter, et que ceux qui avaient suffisamment de volonté ont atteint leur objectif. Une manière détournée de dire que les hommes sont en général plus malins et plus coura¬ geux que les femmes. Ce n’est pas une coïncidence si la majorité de ces « spécialistes » sont de sexe mascu¬ lin... Mais laissons de côté ces théories pour examiner les faits. Nous avons déjà établi que les individus des deux sexes les plus énergiques et les plus volontaires servent de modèles aux autres et les attirent ainsi dans le piège du tabac. Autrefois, quand 90 % des hommes fumaient, 157

ceux qui s’en abstenaient passaient pour des mauviet¬ tes. Ce préjugé n’est d’ailleurs pas dénué de logique : il faut avoir des poumons solides pour aspirer*- des fumées répugnantes et une certaine volonté pour mener l’apprentissage jusqu’à son terme. Les 10 % qui échap¬ paient au piège n’étaient pas les plus intelligents, mais les plus faibles physiquement ou les plus pauvres. Les « experts » sont capables de discuter pendant des heures pour déterminer les raisons qui poussent les adolescents à fumer. Comme pour tous les autres aspects de la dépendance à la nicotine, ils feraient mieux de se demander pourquoi certains d’entre eux ne tombent pas dans le piège. En tout cas, si les fumeurs sont plus forts sur le plan physique et mental que les non-fumeurs, il faut en déduire qu’aujourd’hui la femme est supérieure à l’homme. La vérité, c’est qu’elle l’a toujours été ! J’ai décrit le fonctionnement de la «démangeai¬ son », c’est-à-dire du « petit monstre » qui suscite en nous le désir d’allumer une cigarette. J’ai aussi parlé de l’agitation et du malaise qui s’emparent du fumeur lorsque celui-ci, pour une raison ou pour une autre, n’a pas la possibilité de « se gratter ». C’est ce que j’appelle les « tics » du fumeur : la main qui se porte vers la bouche, les grincements de mâchoire, les doigts qui tripotent une cigarette ou un briquet. Quand une de vos amies vous déclare : « Il faut que je mange quelque chose », vous comprenez qu’elle a l’estomac vide et qu’elle n’aura l’esprit en paix qu’une fois rassasiée. La distinction entre une faim de loup et une simple envie de grignoter est évidente pour tout le monde. À l’inverse, beaucoup de non-fumeuses ne compren¬ nent absolument pas comment on peut avoir envie d’une cigarette, et encore moins comment on peut en éprouver le besoin. Cependant, il leur suffit d’observer une accro du tabac pour se rendre compte qu’il s’agit d un besoin authentique, et non d'un vague désir. Bien 158

que les causes d'un tel comportement demeurent obs¬ cures à leurs yeux, elles n’ont aucun doute sur son état de dépendance, sur 1 esclavage auquel elle est soumise. Ma mère ne fumait pas. Nous étions elle et moi atter¬ rés par ce qu’elle appelait avec ironie « le concert mati¬ nal » : au réveil, mon père crachait littéralement ses poumons, avec les yeux larmoyants. Pour nous, il était évident que le tabac ne lui procurait aucun plaisir. Après l'avoir vu mourir du cancer, elle a dû beaucoup souffrir quand je me suis mis à fumer, malgré ses vains appels à la raison. Comme elle savait que ma femme avait de l’influence sur moi, elle lui a demandé un jour : — Pourquoi ne menacez-vous pas de le quitter s’il ne se décide pas à arrêter ? Joyce lui a répondu : — Parce qu’il est incapable d’arrêter et qu’il me laisserait partir. Joyce, qui elle non plus ne fumait pas, était aussi consternée que ma mère devant un comportement aussi stupide. Elle était témoin de mes efforts désespérés pour en finir avec la cigarette, et elle savait que je n’avais pas choisi de continuer à fumer, mais que je craignais de ne plus avoir ni le goût ni la force de vivre sans tabac ! J'ai honte de l’avouer, car je l’aime de tout mon cœur, mais un ultimatum de sa part n’aurait eu aucun effet. Une bonne illustration de la peur engen¬ drée par le tabagisme chez ses victimes. La distinction entre « vouloir » et « avoir besoin » est très importante pour les fumeuses. Elles diront volontiers qu’elles ont besoin de manger un morceau ou - pour peu qu’elles ne soient pas alcooliques - de boire un verre. Mais elles n’emploieront jamais ce mot à propos d’une cigarette. Conscientes du rejet social dont elles sont l’objet, elles mettent souvent un point d’honneur à ne pas fumer dans la voiture ou au domi¬ cile d'amis non-fumeurs. Vous avez beau leur dire : 159

— Vous avez peut-être besoin d’une cigarette ? Ne vous gênez pas, faites comme chez vous. Elles répondent invariablement qu’elles n’éprouvent jamais le besoin de fumer, mais qu’elles apprécient une cigarette de temps en temps. Et pour montrer qu’elles se contrôlent parfaitement, elles s’obligent à attendre un bon moment avant de sortir leur paquet. Elles ne se rendent pas compte qu’ainsi elles démontrent le contraire de ce qu’elles voudraient prouver. Une fois leurs capacités de résistance épuisées, elles se lèvent de table et annoncent qu’elles vont faire un petit tour dehors. Leurs amis ont beau leur dire de rester, qu’une cigarette n’a jamais gêné personne, elles refusent tout net sous prétexte de ne pas vouloir afficher un compor¬ tement asocial. Elles devraient pourtant se rendre compte que l’amitié va de pair avec la tolérance, et qu’il est difficile d’imaginer un comportement plus asocial que le leur ! Comme la fameuse cigarette de la fin du repas, cel¬ les qu’on fume dans une soirée sont particulièrement appréciées, mais les fumeuses parviennent à s’en pas¬ ser. En revanche, pour rien au monde elles ne renon¬ ceraient à celles qui les aident à lutter contre le stress. Les individus les plus brillants et les plus énergiques occupent souvent des postes importants, et ce pour diverses raisons : prestige, salaire élevé, métier stimu¬ lant. Comme les responsabilités s’accompagnent d’un stress supplémentaire, ces personnes sont fréquemment de grandes fumeuses. En toute logique, leur intelli¬ gence et leur volonté devraient les amener à moins fumer que les autres. Mais les faits ont tendance à contredire la logique - du moins tant qu’on n’a pas entièrement assimilé la nature du piège. Les femmes d'aujourd’hui mènent de front beau¬ coup plus d’activités différentes que les hommes. Cependant, il n’y a pas si longtemps, leurs biens tom¬ baient encore sous la coupe de leur époux le jour de 160

leur mariage, et celui-ci était considéré comme leur seigneur et maître ! Le poids de la tradition confinait les femmes aux tâches domestiques : chez elles, ou si elles n’avaient pas de famille, dans les hôpitaux, dans les asiles de vieillards ou dans les demeures aristocra¬ tiques. Même les aristocrates de sexe féminin étaient cantonnées aux œuvres charitables. Je suis toujours très triste quand je demande sa pro¬ fession à une patiente et qu'elle me répond d'une voix humble, en baissant la tête : — Je ne suis qu'une femme au foyer. Pour examiner de près l’emploi du temps de la « femme au foyer » typique, je me servirai de l’exemple que je connais le mieux, à savoir celui de mon épouse Joyce. Ma vie entière est dédiée à la mission que je me suis fixée : ramener la consommation de cigarettes au même niveau que celle du tabac à priser ! Pour que je puisse m'investir à fond, Joyce assume 99 % des tâches nécessaires à notre vie de couple. Elle se charge des corvées classiques : lessive, repassage, courses, ménage, cuisine, vaisselle. Non seulement elle m’achète mes vêtements, mais elle me prépare ce que je dois mettre tous les matins, sinon je passerais des heures à hésiter entre différents costumes. Autrefois, elle s’occu¬ pait aussi de nos enfants et se relevait la nuit quand ils pleuraient, sans jamais se plaindre. Et cette liste ne représente que le dixième de ses activités réelles. Oubliez un instant mes défauts, et reportez toute votre attention sur Joyce. Outre les tâches ménagères, elle est ma collaboratrice dans mon combat contre le tabagisme. Elle répond au téléphone, reçoit les patients, règle les factures et tient la comptabilité. Si nous avons besoin d’un plombier ou d’un électricien, elle s’en charge. En voyage, c’est elle qui prend les billets, réserve les chambres d’hôtel, s’occupe du change et des voitures de location. Enfin - et surtout - elle me prodigue ses conseils et me remonte le moral. 161

Grâce à elle, je peux me concentrer sur un unique objectif. Car en toute franchise, je suis incapable de faire deux choses à la fois. De temps en temps^elle me demande de réparer une prise électrique ou de véri¬ fier le niveau d’huile de notre voiture. À ma grande honte, je dois avouer qu’il m’est arrivé de lui répondre de suivre un stage de mécanique ! Bien entendu, j’ai oublié de préciser qu’elle s’occupe aussi du jardin, et que nous n’avons ni jardinier ni femme de ménage. Comme la plupart des femmes, Joyce peut accom¬ plir mille tâches différentes avec une grande efficacité. Certaines sont extrêmement répétitives. De même que les gens qui n’y sont pas habitués sont vite débordés par les responsabilités, les personnes brillantes s’ennuient énormément si on les cantonne à la routine. Bien qu’elle possède une intelligence très vive, Joyce accomplit ces corvées quotidiennes avec bonne humeur, sans jamais se plaindre. Comme son prénom l’indique, c’est une joie permanente de partager sa vie. Quand on me fait des compliments sur ma réussite professionnelle, elle hoche la tête en signe d’assenti¬ ment, sans penser qu’elle y a beaucoup contribué. Je ne me rappelle plus qui a dit : « Derrière chaque grand homme, vous trouverez une femme remarquable. » En tout cas, il a commis une petite erreur. Il aurait dû dire : « Derrière chaque homme ordinaire, vous trouverez une femme remarquable. » Joyce n’est pas mon esclave. Si elle fait preuve d'un tel altruisme, c’est parce qu’elle m’aime et qu’elle a autant foi que moi dans notre cause. Je manque peut-être d'objectivité, mais à mes yeux elle est l’être humain le plus merveil¬ leux qui ait jamais vécu. Le grand mouvement de libération des femmes leur a apporté le droit de vote, l’égalité face à la loi, de meilleures conditions de salaire et d’accès aux postes de responsabilité. L'ironie du sort a voulu que ces conquêtes se traduisent également par une vie quoti162

dienne plus stressante. Pour être traitée sur un pied d’égalité dans les métiers réservés jusque-là aux hom¬ mes, une femme doit être dix fois meilleure que ses collègues masculins. En outre, le stress professionnel vient s’ajouter aux épreuves traditionnelles de la mère de famille : grossesses, accouchements, éducation des enfants, petits soucis quotidiens, y compris lorsque ceux-ci ont atteint l'âge adulte. Attention, mesdames ! N’allez pas en conclure que vous aurez plus de mal que les hommes à arrêter de fumer, ou même que vous feriez mieux de continuer. Je constate simplement que les femmes mènent en général une existence plus stressante que les hommes. Elles sont donc plus susceptibles de tomber dans le piège et de ne pas réussir à en sortir. Que les choses soient bien claires : le tabac ne soulage pas du stress, bien au contraire. Non seulement la dépendance à la nicotine en est la source principale chez de nombreuses fumeuses, mais elle rend les différents aspects de leur vie quotidienne encore plus stressants. Je ne fais pas uniquement référence aux effets du poison sur la santé physique et mentale, sur le dyna¬ misme et sur l’amour-propre. Je pense aussi au senti¬ ment de vide et d'insécurité, ainsi qu’aux accès de panique créés par la nicotine. Ainsi, les petits ennuis sans importance qui jalonnent l’existence des nonfumeuses prennent des dimensions catastrophiques chez les fumeuses. Si la cigarette soulageait du stress, les fumeuses seraient plus calmes et plus décontractées que les autres femmes. Or, vous savez comme moi qu’il n’en est rien. Elles sont plus tendues, plus nerveuses, surtout quand elles n’ont pas la possibilité de fumer. Vous-même, n’avez-vous jamais hurlé à vos enfants d’aller se cou¬ cher, tant vous aviez hâte de fumer « tranquillement » une petite cigarette ? Si le tabac les détendait, pourquoi 163

les fumeuses passeraient-elles leur temps à tripoter des objets ou à chercher un moyen de se calmer les nerfs ? Vous serez beaucoup moins stressée quand vous^en aurez fini avec la cigarette. La Nature vous a dotée des moyens de lutter contre le stress ordinaire, mais pas contre les méfaits du tabac. Heureusement, elle vous envoie des signaux d’alarme pour vous mettre en garde contre les dangers qui vous guettent. Parmi tous les aspects sinistres du tabagisme, l’un des pires est, à coup sûr, LA CIGARETTE PENDANT LA GROSSESSE.

17 La cigarette pendant la grossesse

Voilà sans aucun doute l’un des comportements les plus sévèrement condamnés par la société - et dont les fumeuses ont le plus honte. Les femmes enceintes qui continuent à fumer partagent en effet le point de vue de leurs accusateurs et contribuent à se couvrir d'opprobre. Les nombreuses lettres qu’elles m’adres¬ sent sont pleines d’autocritiques acerbes et de haine de soi. Les mères de famille se reprochent de donner un mauvais exemple à leurs enfants et de prendre le risque d’en faire des orphelins. Les plus mal à l’aise sont celles qui s’étaient promis de renoncer à la cigarette quand elles tomberaient enceintes. Jean est de ce point de vue un cas extrême : «L'ironie du sort a voulu que durant nos quatre premières années de mariage nous ayons pris d’infi¬ nies précautions pour éviter une grossesse. Nous som¬ mes tous les deux en pleine forme (malgré mon taba¬ gisme), et l’idée ne nous avait même pas effleurés que nous puissions avoir des problèmes de stérilité quand le moment serait venu. Je ne vais pas vous infliger le récit des tests épouvantables auxquels nous nous som¬ mes soumis. Disons qu’au bout de huit ans d’essais infructueux, nous étions tout près de renoncer, et nous 165

commencions à envisager sérieusement un recours à l ’adoption. « C’est alors que le miracle s’est produit. Ma joie était indescriptible. Je mourais d’impatience que mon mari rentre à la maison pour lui annoncer la nouvelle. A l’époque, je me rationnais à un paquet par jour. Au moment de sortir mon briquet, je me suis aperçue qu ’il ne me restait plus que deux cigarettes. Il était 5 heures de l’après-midi, et j’avais fumé comme un sapeur depuis mon retour. Ce n ’était pas étonnant compte tenu des circonstances. Mais j’ai eu un choc en me rappe¬ lant que j’avais promis à Éric {et que je m’étais promis à moi-même) d’arrêter de fumer si un jour j’avais la chance de tomber enceinte. A vrai dire, cette perspec¬ tive était même l'une des raisons qui me faisait autant désirer une grossesse. Soudain, ma joie a fait place à une panique incontrôlable. « Je n 'ai rien dit à Éric. Bien qu 'il n ’ait jamais fumé et que le tabac le dégoûte, il m'avait toujours soutenue, sans me harceler pour que j’arrête. J’en suis à présent au cinquième mois, mon ventre s’arrondit, et je ne lui ai toujours rien dit. Au début, j’ai trouvé un bon pré¬ texte : il était encore trop tôt, et il ne fallait pas lui donner de faux espoirs. Aujourd’hui, je sais pourquoi je garde le silence : je suis incapable d’accepter l’idée d’arrêter de fumer. « Comment pourrait-il comprendre mon attitude, surtout après toutes les épreuves que nous avons endu¬ rées ? Je suis complètement déprimée. Je ne me senti¬ rais pas plus mal si je l’avais trompé. Oui, c’est exactement ça, j’ai l’impression de lui avoir été infi¬ dèle. Je ne suis pas idiote d’habitude, mais en ce moment j’ai du mal à me limiter à deux paquets par jour. Je suis consciente qu’il vaudrait mieux lui dire avant qu’il ne s’en aperçoive. Je sais que d’après vous n 'importe quel fumeur peut arrêter facilement, et que vous allez me le répéter une fois de plus. Malgré ça. 166

je n ’arrive même pas à envisager une simple tentative de sevrage.

« Vous connaissez l’adage : “Ne juge pas si tu ne veux pas être jugé. ’ J'ai failli perdre ma meilleure amie parce que je la sermonnais sous prétexte qu’elle fumait cinq cigarettes par jour pendant sa grossesse. Bon sang ! elle va pouvoir s’en donner à cœur joie quand elle découvrira la vérité ! Ce n’est pas comme si j ignorais les effets nocifs du tabac pour mon bébé. Je sais très bien que ma santé en est affectée, et je rêve toutes les nuits que j’accouche d'un enfant monstrueux. Mais je n arrête pas pour autant. J'imagine que vous ne pouvez pas faire grand-chose pour un cas aussi désespéré. » Je n'ai pas conseillé à Jean de s’efforcer d’arrêter. J'ai préféré lui dire de venir dans mon centre avec son mari, afin que je leur explique quel pouvoir terrifiant la dépendance à la nicotine exerce sur ses victimes. Ainsi, elle se sentirait moins coupable, et son mari aurait les moyens de mieux comprendre le cauchemar qu’elle vivait. Jean était très consciente des effets de la nicotine : — Ce poison a un tel pouvoir sur moi que je n’arri¬ verai jamais à lui échapper - et certainement pas à arrêter sans difficulté. Ce « pouvoir » réside dans le sentiment de panique qui vous envahit à l’idée de ne plus pouvoir profiter de la vie ni affronter les épreuves sans le secours d’une cigarette. Mais quand vous vous rendez compte que chaque cigarette entretient votre panique au lieu de l’apaiser, vous vous libérez automatiquement de son emprise. Et ce fameux « pouvoir » devient votre atout essentiel pour annihiler toute envie de fumer. Beaucoup de patientes ont du mal à assimiler ce point essentiel aussi longtemps qu’elles demeurent pri¬ sonnières de la nicotine. Mais elles saisissent très bien 167

de quoi il retourne dès qu’elles s’affranchissent de la dépendance. Jean et Éric étaient des gens intelligents. À la fin de la séance, il a enlacé sa femme et lui a-dit : — Maintenant je comprends. Tu ne dois pas essayer d’arrêter avant de le vouloir vraiment. Je vous rappelle qu’il ignorait encore son état. Elle lui a répondu : — J’ai déjà fumé ma dernière cigarette. Puis elle lui a révélé qu’elle était enceinte En dix-huit ans de guerre contre la toxicomanie, j’ai traversé des drames, des épreuves terribles, des moments de grande tristesse. Mais la scène dont j’ai été le témoin privilégié ce jour-là m’a remboursé au centuple. Jamais encore je n’avais assisté à une pareille consommation de mouchoirs en papier ! Jean représente un cas extrême du point de vue quantitatif, mais sur le fond elle n’a rien d’extraordi¬ naire. Je suis révolté de voir nos société regarder les adolescentes tomber dans le piège sans lever le petit doigt. Mais dès qu’elles sont enceintes, notre attitude change du tout au tout. Alors qu’elles abordent la période la plus stressante de leur vie et qu’elles ont besoin plus que jamais du soutien illusoire que leur offre le tabac, nous les soumettons à un véritable chan¬ tage à la culpabilité pour qu’elles y renoncent. La gros¬ sesse se présente aujourd’hui sous la forme d'une succession d’épreuves, de choix, de décisions, de joies, de moments d’excitation et d'accès de frayeur. Quand une jeune femme ne réussit pas à arrêter de fumer dans les délais fixés, nous la traitons avec mépris et l’accu¬ sons de « faiblesse ». Une telle attitude peut se comprendre de la part des médecins, même si elle n’est profitable ni pour la mère ni pour l’enfant à naître. Mais les non-fumeurs, les anciens fumeurs, les membres de la famille et les par¬ faits étrangers se sentent obligés d'en rajouter une cou¬ che. Même les fumeuses se joignent à la curée et 168

accablent leur malheureuse amie avec des commentai¬ res du style : Je ne comprends pas que tu puisses continuer à fumer alors que tu es enceinte. Si c’était moi, j’arrête¬ rais aussitôt. Notons au passage que leur point de vue se modifie radicalement quand vient leur tour d’attendre un enfant... Ce manque de compassion est une constante de la nature humaine. Quand vous avez un gros rhume et que vous vous sentez affreusement mal, combien de fois vous a-t-on lancé : — Pourquoi en fais-tu tout un plat ? Ce n’est qu’un rhume ! Les seules personnes qui vous témoignent un peu de sympathie sont celles qui ont attrapé la même cochon¬ nerie et qui savent d'expérience dans quel état elle peut vous mettre. Hélas ! nous avons tous tendance à mépri¬ ser les petits malheurs des autres. Certaines jeunes femmes ont de la chance : lorsque la Nature les amène à modifier leurs habitudes alimen¬ taires dans leur intérêt et dans celui du bébé, elles per¬ dent toute envie de fumer. Le fonctionnement du corps humain est un véritable prodige ! D’autres mères déci¬ dent d'arrêter, mais n’y parviennent pas. Même si l’enfant naît en bonne santé, cet échec (dont elles ne sont pas responsables) leur donne un sentiment de culpabilité qui les harcèlera toute leur vie durant. Et ne parlons pas de ce qu’elles éprouvent si le bébé présente une malformation. Certaines jeunes femmes réussissent à s’abstenir de tabac pendant leur grossesse. Au bout de neuf mois d’inconfort, de craintes, d’espoirs et d’excitation sur¬ vient le moment le plus stressant de toute leur exis¬ tence : les souffrances physiques et psychologiques de l’accouchement, qui culminent dans le miracle de la naissance. La mère et l’enfant se portent bien, les crain169

tes se sont évanouies, la douleur et la fatigue sont pro¬ visoirement oubliées. La jeune femme passe de l'enfer au paradis. À cet instant précis, un mécanisme^ se déclenche dans son cerveau, qui réclame à cor et à cri : « IL ME FAUT UNE CIGARETTE ! »

Certaines de mes patientes, qui avaient cessé de fumer pendant presque toute leur grossesse, m'ont raconté qu’elles ont rallumé une cigarette avant même que le cordon ombilical soit coupé, ou dans les secon¬ des qui ont suivi ! D’autres résistent à cette pulsion brutale, mais finissent par céder au cours de la dépres¬ sion postnatale. Et rares sont celles qui profitent de leur maternité pour arrêter définitivement. C’est d’ail¬ leurs une règle générale : une fois qu’on n’a plus de raison précise de se priver de tabac, l’envie de fumer réapparaît. Une de mes patientes avait perdu tout désir de fumer pendant sa première grossesse, mais elle était redeve¬ nue accro aussitôt après l’accouchement. Elle m’a avoué qu’elle était volontairement retombée enceinte, non pas parce qu’elle souhaitait avoir un autre enfant, mais dans l’espoir d'en finir avec la cigarette. Au début, cela m’a paru un peu bizarre, mais à la réflexion, j’ai trouvé sa réaction très logique. Malheureusement, sa tentative était vouée à l’échec. Beaucoup de femmes enceintes refusent de croire aux effets nocifs du tabac sur leur bébé, ou cherchent à justifier leur attitude : — Je crois que ça lui ferait encore plus de mal si j’essayais d’arrêter maintenant. Certaines vont jusqu’à prétendre que leur médecin leur a interdit toute tentative de sevrage. Je pourrais écrire un livre entier sur les prescriptions du corps médical ! Beaucoup de ces conseils ahurissants sont authentiques, mais je pense que leurs déclarations sont souvent rapportées hors du contexte ou enjolivées. Et 170

il arrive souvent que, pour se justifier, une femme cite une prescription médicale qui concernait une autre fumeuse - en partant du principe que ce qui est valable pour l'une s’applique à toutes les autres. Au cours d’une de mes séances de thérapie collec¬ tive, une jeune asthmatique a affirmé que son médecin lui avait dit de fumer afin de lutter contre ses crises - et ce, en présence d'une trentaine de fumeurs ! Mais le tabac est une des causes principales de l’asthme, lui ai-je rétorqué. J’ai du mal à croire que votre docteur vous ait donné un tel conseil. Comme elle maintenait ses dires, je me suis exclamé : — C'est scandaleux ! J’aimerais avoir son nom et son adresse, car les choses ne vont pas en rester là. Alors elle a commencé à faire marche amère : — Enfin, il n’a pas dit ça exactement. Mais quand je lui ai expliqué qu'une cigarette me faisait du bien pendant une crise d’asthme, il a hoché la tête. Si je n’avais pas insisté, trente fumeurs auraient quitté mon centre avec l’idée que certains praticiens jugeaient le tabac bénéfique pour les asthmatiques... Avec les meilleures intentions du monde, de nom¬ breux médecins conseillent aux femmes enceintes qui ne parviennent pas à arrêter d’essayer au moins de réduire leur consommation. Cela semble raisonnable, mais, comme je l’ai déjà expliqué, c’est la plus mau¬ vaise des trois options qui s’offrent à la future maman. Au lieu de subir pendant quelques jours les effets phy¬ siques et mentaux du sevrage, elle va endurer pendant neuf mois le stress additionnel produit par les restric¬ tions qu’elle s’imposera - sans parler du sentiment de culpabilité qui l’assaillira chaque fois qu’elle aura dépassé son quota de cigarettes quotidien. Le pire, c’est qu’à cause de ce rationnement s’enracine dans son esprit l’illusion que chaque cigarette est précieuse. Elle attend pendant si longtemps avant de gratter la 171

« démangeaison » qu’elle éprouve chaque fois un extraordinaire soulagement, et que la cigarette devient une récompense pour sa patience. Après l’accouohement, elle se retrouve dans la même situation qu’une femme qui ne peut supporter un régime alimentaire extrêmement strict. L’une se venge en dévorant comme une ogresse, l’autre en fumant comme une locomo¬ tive ! Je n’ai pas l’intention d’étudier en détail les effets toxiques du tabac, qui peut nuire à la santé du bébé, produire des malformations, et même entraîner sa mort. Ce sujet a déjà été traité dans de nombreux ouvrages, et je pense que c’est la dernière chose qu’une femme enceinte ait envie d’entendre. Elle est déjà au courant, et malgré cela elle continue à fumer. Tous ces gens bien intentionnés qui stigmatisent les femmes enceintes qui fument devraient se rendre compte que celles-ci sont les premières à déplorer le risque qu’elles font courir à leur bébé. Même si elles refusent de l’admettre, même si elles cherchent à se justifier, elles se sentent coupables. Au fond, elles se comportent comme les autres fumeuses dans n’importe quelle circonstance de la vie. Plus elles sont anxieuses, plus on les met mal à l’aise, plus elles ont besoin du soutien illusoire que leur offre le tabac. Outre les risques pour l’enfant et la mise au ban de la société, les jeunes futures mères doivent encaisser un choc supplémentaire. La plupart d’entre elles se croyaient capables d’arrêter de fumer en cas de besoin. Leur grossesse leur ouvre les yeux : elles se rendent compte qu’elles sont dans la même situation que des millions d’autres « droguées » à la nicotine ! Je dois tout de même mentionner l’une des consé¬ quences du tabagisme maternel sur la santé du bébé. J’ai lu que les enfants de femmes héroïnomanes souf¬ fraient eux aussi de l'état de manque. Cela semble par¬ faitement logique, puisque le même sang coule dans 172

les veines de la mère et dans celles du fœtus. Il est donc probable que le principe s’applique aussi à la nicotine. Chaque fois que j’ai eu recours à une méthode fon¬ dée sur la volonté, l’interdiction de fumer me mettait sur les nerfs. Mais lorsque j'ai enfin compris que l'impression de vide était un effet de la cigarette et disparaîtrait bientôt, je n'ai plus souffert le moins du monde de la privation de tabac. Je ne connais person¬ nellement que deux cas de figure : celui où l'on s’ima¬ gine que la cigarette peut combler le vide, et celui où l'on sait qu'elle est à l'origine du vide. En revanche, je n’ai jamais souffert d’une sensation de manque qui ne soit pas liée à la cigarette d’une manière ou d’une autre. J’ai donc du mal à apprécier ce problème particulier. Mais il existe tout de même un point de comparaison très utile. J'ai expliqué que le manque est une sensation identique à la faim. Or, le bébé est programmé pour pleurer lorsqu’il veut manger. S’il souffre d’un manque de nicotine, il va donc être affamé en permanence et passer son temps à pleurer. Les aliments ne lui appor¬ tant pas la satisfaction escomptée, sa mère, épuisée et déboussolée, aura tendance à trop le nourrir, ce qui ne fera qu’exacerber le problème. Il faut donc repartir de zéro. Que vous soyez enceinte ou non, je veux que vous arrêtiez de fumer par pur égoïsme : pour mieux profiter de la vie. Je ne nie pas que celle-ci ne soit pas toujours rose. Si vous avez un vrai problème et que vous connaissez la solution, allezy ! Si au contraire vous n’y pouvez rien, faites-vous une raison : de toute façon, cela ne servira à rien de broyer du noir. Le tabagisme est un vrai problème, pour lequel il existe une solution simple comme bonjour : ARRÊTEZ DE FUMER !

À ce moment-là, vous vous rendrez compte — comme moi-même et comme des milliers d autres 173

personnes - que toutes vos difficultés apparemment insolubles s’évaporeront en une fraction de seconde. Vos blocages, vos complexes, qu’ils soient réels^ou illusoires, vous paraîtront infiniment plus légers une fois que vous vous serez libérée du piège de la nicotine. Venons-en maintenant à un autre mythe auquel des millions de femmes croient dur comme fer : LA CIGARETTE EMPÊCHE-T-ELLE DE GROSSIR ?

18 La cigarette empêche-t-elle de grossir ?

Je ne compte plus le nombre de patientes qui m’ont dit s’être mises à fumer dans l’espoir de perdre du poids. Il s’agit d’une pure illusion : en réalité, les effets du tabac vont à l'encontre du but recherché. Et même si la cigarette faisait maigrir, je doute fort que des fem¬ mes s’exposeraient au risque de fumer toute leur vie pour atteindre cet objectif. Vous devez à tout prix vous convaincre de cette vérité. Nous subissons tous l’influence des autres fumeurs : ce sont eux qui nous poussent à tomber dans le piège de la nicotine, puis qui nous font croire que nous nous privons d’un grand plaisir quand nous réussissons à arrêter. Il est donc essentiel de comprendre que personne ne décide de fumer, que le tabac ne procure aucun avantage, et que tous les fumeurs souhaiteraient n’avoir jamais com¬ mencé. Quelle serait votre réaction si j’utilisais le même argument pour condamner une autre pratique dange¬ reuse ? Si je vous disais par exemple : « Personne n’a jamais décidé de plonger régulièrement sa main dans l’eau bouillante pour éprouver le soulagement de la retirer. » Vous vous demanderiez pourquoi je prends

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la peine de formuler une pareille évidence. La seule différence avec le tabac, c’est qu’on nous fait croire que celui-ci nous apporte un plaisir et un soutien. Vous serez d’accord avec moi pour affirmer que si la véri¬ table nature de ce poison était apparente, personne ne tomberait dans le piège. Mais le lavage de cerveau nous persuade qu’il procure certains avantages. Pourtant, ces prétendus avantages ne sont pas suffi¬ sants pour amener une personne raisonnable à choisir de devenir accro. Le tabac est-il agréable, comme le prétendent ceux qui nous bourrent le crâne ? La pre¬ mière cigarette nous apporte la preuve que cet agré¬ ment n’est pas franchement indispensable... Le tabac nous aide-t-il à nous concentrer, à nous détendre, à lutter contre le stress et contre l’ennui ? Jusqu'alors, nous avons réussi à nous concentrer, à nous décontrac¬ ter, à nous amuser et même à contrôler notre stress sans être obligés d’aspirer des fumées nauséabondes. Alors, pourquoi diable s’exposer à des risques bien réels dans l’espoir d’obtenir des avantages dont nous disposons déjà ? La seule raison logique qui puisse pousser quelqu’un à devenir accro, c’est la volonté de se suicider. Et encore ! Car il est difficile d’imaginer un moyen de mettre fin à ses jours plus long, plus douloureux, plus cruel et plus absurde. Vous me répondrez qu’une jeune fille qui souffre d'une surcharge pondérale et qui souhaite séduire un garçon peut très bien s’imposer délibérément cet apprentissage afin de perdre du poids. À mon avis, vous sous-estimez l’intelligence des adolescentes. Même une gamine aux capacités intellectuelles limi¬ tées sait très bien que la seule méthode sensée pour maigrir consiste à modifier ses habitudes alimentaires sur le plan quantitatif et qualitatif. L'image du corps féminin véhiculée par les médias a entraîné une telle augmentation des déséquilibres nutritifs dans les 176

années 1990 que les sphères gouvernementales ont cherché à inverser la tendance en déconseillant l’em¬ ploi systématique de mannequins émaciés (des deux sexes). Depuis, les publicités se sont modifiées radicale¬ ment, et les industriels du tabac ne présentent plus leurs produits sous un jour « sexy » ou « décontracté ». Lors¬ que des adolescentes voient fumer des actrices ou des mannequins aussi minces et séduisants qu’Elle Macpherson, elles ont envie d’acheter cette image. En fait, elles sont happées dans le piège par de la publicité gratuite. C'est tout de même triste que des femmes aussi sublimes soient utilisées par les gros cigarettiers sans toucher un centime. Pis encore, ce sont elles qui paient pour promouvoir inconsciemment un poison qui tinira par les tuer. Toutes les fumeuses font d’ailleurs de la publicité gratuite pour l’industrie du tabac, mais seules les plus célèbres d’entre elles apparaissent avec une cigarette dans les médias. Au fait, je vous propose de jouer à un petit jeu la prochaine fois que vous sortirez : il consiste à compter le nombre de fumeurs obèses. Je vous garantis que vous serez surprise du résultat ! La première chose à faire quand on veut maigrir, c’est de modifier ses habitudes alimentaires. Il faut vraiment avoir essayé tous les régimes en vain pour faire appel à l’ennemi public n° 1 et pour se résoudre à sacrifier 70 000 euros ! Vous me répliquerez que ces femmes ne savaient pas qu’elles deviendraient accros et n’avaient pas calculé à combien leur reviendrait la cigarette au cours de leur existence. Je suis d’accord avec vous. Le piège est très subtil, et si beaucoup de jeunes filles « fumotent », c’est parce qu’elles sont per¬ suadées de pouvoir y échapper. Mais comment des ado¬ lescentes qui ne possèdent même pas l’autodiscipline nécessaire pour surveiller leur alimentation pourraientelles résister à la nicotine ? Nous connaissons sa capa177

cité à nous réduire en esclavage. C’est pourquoi, dans les années 1960, lorsque les prétendues drogues « dou¬ ces » étaient à la mode, je me suis bien gardé de tenter l’expérience : comme beaucoup de fumeurs invétérés, j’avais trop peur de devenir dépendant de produits que je croyais beaucoup plus puissants que le tabac. En outre, le fait que ces femmes n’aient pas calculé le coût d’un paquet de cigarettes par jour durant une vie entière apporte de l’eau à mon moulin. Avant de prendre une décision, on commence par peser le pour et le contre. Avant d’apprendre à skier, on se demande si l’on peut se l’offrir et, quand on a mon âge, si l'on est prêt à courir le risque de se casser une jambe - ou bien pire. Imaginons qu’un skieur sur trois meure dans l’exercice de son sport favori : dans ce cas, les jeunes gens les plus intrépides y renonceraient. Croyez-vous que beaucoup d’adolescentes se mettraient à fumer en sachant que cela va leur coûter 70 000 euros - même dans le but illusoire de maigrir ? En réalité, la plupart d’entre nous ne serions jamais tombés dans le piège si nous avions dû payer nous-mêmes nos premières ciga¬ rettes. Même quand nous sommes accros depuis des années et que nous n’avons plus aucun doute sur notre état de dépendance, nous rechignons à estimer nos dépenses passées et à venir. Demandez à n’importe laquelle de vos amies combien lui coûtent ses cigarettes : aucune ne vous avouera la vérité. Et quand enfin nous nous efforçons d’arrêter, nous continuons à déformer les faits : pourquoi prétendre économiser tant d’euros par semaine, au lieu d’avouer que nous cessons de gaspil¬ ler cette somme ? Le but est de rendre la pilule moins amère, un peu comme lors de l’achat d’un logement : nous préférons donner le montant de chaque mensua¬ lité plutôt que la somme totale à rembourser. Aucune fumeuse n’a envie de se souvenir qu’elle devra régler une dépense globale de 70 000 euros. Quand nous nous 178

endettons, nous avons au moins l’avantage de décider en connaissance de cause. Et lorsque nous avons l’impression de tramer un boulet, nous pouvons nous dire qu’au bout du compte nous serons propriétaires de notre logement - ce qui justifie bien des sacrifices. Toutes les fumeuses mentent, sans même s’en ren¬ dre compte. Dès qu’elles trouvent une explication en apparence logique - « Je me suis mise à fumer pour maigrir » -, elles s’y raccrochent désespérément. Elles passent des heures à tenter de se justifier. Il existe pour¬ tant une preuve irréfutable qu’elles n’ont pas choisi de fumer : tous les parents occidentaux sans exception déconseillent le tabac à leurs enfants. Personne n’est stupide au point de payer 70 000 euros pour devenir dépendant d’une drogue inutile qui réduit ses victimes en esclavage et en tue une sur trois. Même si vous croyez sincèrement qu'elle vous procure un plaisir et un soutien, vous savez que vous vous en passiez très bien avant de devenir accro, et qu’il en est de même pour les non-fumeuses. Vous n’avez pas besoin de moi pour deviner d'instinct que vous êtes tombée dans un piège. Mais je veux vous faire admettre qu’aucune fumeuse ne se réjouit de son état - et qu'il n’y a donc aucune raison de l’envier. Beaucoup de gens reconnaissent qu’ils aimeraient recouvrer leur liberté. D’autres déforment la vérité afin de sauver la face : vous comme moi, nous nous som¬ mes mentis un jour ou l’autre. Mais bientôt vous serez libre. N'oubliez jamais que toutes les fumeuses rêvent d’abandonner le navire avant qu’il ne sombre. Ne les enviez pas : ayez pitié d’elles ! D’où vient cette croyance selon laquelle la cigarette ferait maigrir ? Chaque fois qu’une de nos amies se vante de ne pas avoir fumé depuis six mois, nous la félicitons pour sa bonne mine. Mais en notre tor inté¬ rieur nous pensons : « Sa nouvelle garde-robe a dû lui coûter une fortune ! » Effectivement, la plupart des 179

gens qui ont recours à une méthode fondée sur la volonté prennent du poids. Depuis votre enfance, vous avez dû entendre bien des fois cette phrase immorteUe : — J’ai essayé d’arrêter, mais je grossissais telle¬ ment que j’ai recommencé. Au début, vous n’y prêtiez guère d’attention. Mais quand à votre tour vous avez voulu sortir du piège, cette pseudo-vérité vous est revenue à l’esprit. Il est indéniable que beaucoup d’anciennes fumeuses ont ten¬ dance à grossir. On est donc tenté d’en conclure que le tabac aide à maigrir. Là encore, quand vous aurez compris la vraie nature du piège, vous verrez que c’est exactement le contraire. Pour illustrer ce phénomène, je ne vois pas de meilleur exemple que le mien. J’ai déjà expliqué que l’impression de manque est identique à la faim, et que pour une fumeuse il est plus facile d’allumer une cigarette que de consommer un repas. Les femmes accros ont d’ailleurs tendance à sau¬ ter le petit déjeuner, voire le déjeuner. Le dîner prend donc à leurs yeux une importance particulière - ce qui n’a rien d’étonnant puisque leur organisme réclame sa pitance. Le soir, même lorsqu’elles ont très bien mangé, elles ressentent souvent une impression de vide, qu’elles interprètent ainsi : « J’ai encore faim parce que j’ai eu l’estomac vide toute la journée. » En fait, les choses se sont déroulées de manière très différente. Depuis le réveil, votre organisme a exigé de la nourriture, mais votre cerveau a traduit : « Je veux une cigarette. » Au lieu de vous alimenter, vous avez donc fumé. Le soir, à l'inverse, votre organisme réclame sa dose de nicotine, et votre cerveau traduit : « J’ai encore faim. » En ce qui me concerne, je me resservais copieusement. Le manque est indiscernable de la faim, mais la nourriture ne peut pas remplacer la nicotine, et vice versa. Du fait de cette confusion, nous fumons toute la journée sans satisfaire nos besoins alimentaires ; le soir. 180

nous dévorons comme des ogres sans être jamais ras¬ sasiés, car nous avons besoin de nicotine. Avec un seul repas par jour, je pesais au moins 12 kilos de trop. Pourquoi grossit-on quand on essaye d’arrêter ? La réponse est simple : bien que la nicotine évacue rapi¬ dement l'organisme, le « petit monstre » ne meurt pas aussitôt et continue à réclamer sa dose pendant une brève période. Et nous avons tendance à compenser avec de la nourriture. Je vous expliquerai plus loin pourquoi les substituts nicotiniques rendent le sevrage plus difficile, facilitent les rechutes ou entretiennent le désir de fumer, même après plusieurs années d’absti¬ nence. Dans ce cas, il s’agit d’un besoin purement men¬ tal, car le « petit monstre » est mort depuis belle lurette. Nous en arrivons maintenant au stade crucial de La méthode simple, celui où se concentrent les risques d'échec. Il est donc capital que vous assimiliez parfai¬ tement les paragraphes suivants. La lettre de Barbara est typique des expériences négatives (relativement peu nombreuses par rapport aux constats de victoire) : « Mon cher Allen, « Je connais plusieurs persoimes qui ont arrêté de fumer après avoir lu votre livre. Je le trouve formida¬ ble et je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Je l'ai lu plusieurs fois, mais malheureusement ça ne mar¬ che pas dans mon cas. « J'ai essayé à plusieurs reprises, mais je n’ai pas tenu plus de trois semaines. Je suis mariée à un agri¬ culteur, et nos quatre fds travaillent sur la ferme. C’est une vie stressante, avec des journées très longues. Cha¬ que fois que j’essaye d’arrêter, je ne pense plus qu’à fumer. Ça me déprime, j’en ai les larmes aux yeux. Je sais que vous êtes un homme très occupé, mais j aime¬ rais tant que vous puissiez m'aider. »

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Avant de revenir sur les points abordés par Barbara, il est temps que je vous fournisse un certain nombre d’éléments nouveaux. Je vous ai dit que vous n'avîèz que cinq instructions à suivre. C’est exact, mais elles s’appliquent uniquement à la durée de votre lecture. Elles visent à vous mettre dans l’état d’esprit idéal pour fumer votre dernière cigarette. Les instructions que je vais vous exposer maintenant s’appliquent à la vie de non-fumeuse qui s’ouvre devant vous. J’en ai abordé certaines, j’ai fait allusion à plusieurs autres. Ne vous inquiétez pas si vous ne les avez pas notées au passage, car j’en dresserai la liste le moment venu. Chacune de ces instructions est importante - un peu comme si vous deviez choisir à plusieurs reprises la bonne direction pour sortir d’un labyrinthe. Voici la première : ne cherchez pas à ne plus penser au tabac une fois que vous aurez arrêté de fumer. Pour en revenir à la lettre de Barbara, votre décision d’en finir avec la cigarette est sans doute la plus salu¬ taire que vous prendrez jamais. Mais comment pour¬ riez-vous chasser le tabac de votre esprit ? Quoi que vous fassiez, le « petit monstre » se rappellera à votre bon souvenir durant les premiers jours d’abstinence. Des gens pourtant bien intentionnés vous demanderont si vous tenez le coup. Il est même possible que certains de vos amis vous soufflent leur fumée en plein visage pour tenter de vous convaincre - et eux aussi par la même occasion - que vous vous privez d'une chose délicieuse. Il n’est donc pas imaginable de ne plus y penser, et toute tentative en ce sens ne ferait que vous saper le moral encore un peu plus. Pourquoi voudriez-vous ignorer la décision la plus salutaire et la plus courageuse que vous ayez jamais prise ? Vous n’avez rien à regretter : un avenir mer¬ veilleux se dessine devant vous. Dix-huit ans après ma victoire contre la nicotine, je consacre encore 90 % de mes journées à la lutte contre le tabagisme ! Et je 182

rayonne encore de bonheur à l’idée d’avoir reconquis ma liberté. « Chaque fois que j’essaye d’arrêter, écrit Barbara, je ne pense plus qu’à fumer. » À l’évidence, elle croit encore renoncer à un bien précieux, sinon elle ne serait pas aussi obsédée par cette idée. Elle insiste aussi sur sa vie stressante. Je ne le conteste pas, mais dans ce cas, pourquoi dépenser une fortune dans un poison qui ne fait qu'augmenter le stress ? Barbara n'a pas encore entièrement saisi le message que je veux lui faire passer. Et cette incompréhension n'est pas l'apanage des personnes qui éprouvent des difficultés avec La méthode simple. Curieusement, cel¬ les qui réussissent à arrêter s’exposent parfois à une rechute inéluctable. Souvenez-vous des paroles de Debbie : « Je ne pense même plus au tabac. » Parce qu'elles se sentent en manque et qu’elles en souffrent, les personnes qui ont recours à une méthode fondée sur la volonté espèrent ardemment qu’un jour la ciga¬ rette cessera de les harceler. La phrase de Debbie ris¬ que de les induire en erreur, car elle semble indiquer qu'il suffit de ne plus y penser. Or, plus elles s’effor¬ ceront de chasser la cigarette de leur esprit, plus celle-ci tournera à l’obsession. La question n’est donc pas de penser au tabac ou de ne pas y penser, mais de savoir sous quel angle aborder le sujet. Si vous vous répétez à longueur de temps : « Quand aurai-je enfin l’esprit libre ? », ou bien : « Quand cesserai-je de souffrir du manque ? », vous pouvez être certaine de la réponse : « Jamais ! » Le meilleur moyen de mettre fin à vos difficultés, c est de clamer haut et fort : — La vie est belle ! Je suis libre ! Est-ce aussi simple que cela ? Vous suffira-t-il de pousser des cris de joie chaque fois que le souvenir du tabac vous reviendra en mémoire ? Bien sûr que non : on peut répéter mille fois la même chose sans qu elle 183

se concrétise pour autant. Si vous fumez, ce n’est pas par snobisme ou pour rouler les mécaniques, mais tout simplement parce que vos tentatives de sevrage vous ont appris que sans cigarette vous êtes incapable de vous concentrer, de répondre au téléphone, de vous amuser ou de combattre le stress. Vous ignorez si cette dépendance est la conséquence d’une prédisposition personnelle ou bien si le tabac a vraiment des pouvoirs magiques. La seule chose dont vous êtes certaine, c’est que l’état de manque est un vrai calvaire et qu’il ne sert à rien de crier sur les toits qu’on est libre. Mais une fois que vous aurez compris que le piège de la nicotine repose sur un abus de confiance, et que c’est lui qui vous empêche de vous concentrer et de vous décontracter, alors vous ne pour¬ rez plus vous abriter derrière un prétendu « besoin » de fumer. Je n’ai aucun effort à faire pour me dire : « La vie est belle ! Je suis libre ! » Car c’est une évidence à mes yeux. La raison pour laquelle les anciennes fumeuses ont tendance à grossir s’explique aisément : durant les pre¬ miers jours d’abstinence, le « petit monstre » continue à produire un sentiment de vide et d'insécurité. Comme nous n’avons pas le droit de gratter la « démangeai¬ son » et que le manque est identique à la faim, nous nous rabattons sur les bonbons ou sur les chewinggums. Nous y sommes d’ailleurs encouragés par le fait que la cigarette représentait une petite récompense, une sorte de compensation à l’ennui et au stress quotidiens. Il lui faut donc des substituts. Nous savons que les friandises font grossir, mais nous les considérons comme un palliatif temporaire auquel nous renoncerons dès que notre dépendance au tabac se sera estompée. Malheureusement, les sucreries ne comblent pas le manque de nicotine, de sorte que nous augmentons notre consommation. Bien loin de constituer une récompense, ces bonbons nous parais184

sent de plus en plus écœurants. Pis encore, ils perpé¬ tuent notre mauvaise habitude de nous accorder de peti¬ tes compensations. C est ainsi que nous finissons par prendre 12 kilos, par haïr les bonbons et par rêver d'allumer une cigarette. Par-dessus le marché, cela nous fournit une bonne excuse : « Je me ruine la santé avec ces sucreries et je dépense une fortune en vête¬ ments. Autant me tuer avec des cigarettes ! » Les fumeuses qui ont recours à une méthode fondée sur la volonté ont tendance à prendre du poids pour les raisons que je viens d'exposer. Mais ne vous y trompez pas : elles ne grossissent pas parce qu’elles ont arrêté de fumer, mais parce qu’elles sont tombées dans le piège autrefois. La dépendance à la nicotine produit une sensation de faim permanente et vous rend plus vulnérable à 1 excès de poids. Vous connaissez peutêtre des fumeuses qui ont la taille mannequin. Mais pour reprendre la formule d'Anita Roddick, la fonda¬ trice de la chaîne Body Shop, il y a sept top models dans le monde, toutes les autres femmes étant norma¬ les... Vous devez comprendre que la plupart des substituts vous font grossir, vous sapent le moral et rendent le sevrage plus difficile. J’insiste sur ce point : avec La méthode simple, vous ne devez pas prendre un seul kilo, même de manière très provisoire. Représentez-vous le « petit monstre » sous la forme d'un ver solitaire qui vit dans votre corps et se nourrit de nicotine. Pendant combien de temps allez-vous devoir l’affamer avant qu’il ne trépasse ? On peut effectuer des tests médicaux pour déterminer à quel moment la nicotine a entièrement évacué l’organisme. Mais il n’existe aucun moyen de savoir à quel moment le « petit monstre » cesse de réclamer sa dose, car le besoin physique est presque imperceptible et identique au sentiment de vide et d’insécurité provoqué par la faim. Les estimations que je vais vous donner reposent 185

donc sur mon expérience personnelle et sur les décla¬ rations de milliers d’autres fumeurs. PAS DE PANIQUE !

Comme une femme avertie en vaut deux, le fait de savoir à quoi vous attendre devrait apaiser vos craintes. À partir de l’instant où vous interrompez l’approvision¬ nement en nicotine, le manque augmente petit à petit et atteint le point critique au bout de cinq à sept jours. Ensuite, la tension se relâche. L’organisme se désin¬ toxique et revient à un état d’homéostasie, c’est-à-dire d’équilibre. Après environ trois semaines d’abstinence, vous sentez que le « petit monstre » est mort. Et tout à coup vous vous rendez compte que non seulement vous n’avez pas fumé une seule cigarette, mais que l'idée ne vous en a pas traversé l’esprit. Vous êtes capa¬ ble de profiter de la vie et d’affronter les difficultés quotidiennes sans nicotine. Vous prenez conscience de votre totale liberté. C’est un moment merveilleux pour une ancienne fumeuse, quelle que soit la méthode utilisée. C'est aussi un passage périlleux, qui provoque de nombreux échecs. Cette sensation de liberté, en effet, peut vous inciter à allumer une cigarette en guise de test. Un défi redoutable ! Après trois semaines d’abstinence, la fumée a un goût bizarre et désagréable. Vous vous demandez comment vous avez pu y trouver du plaisir. Mais en même temps la nicotine que vous venez d inhaler commence à quitter votre organisme et crée aussitôt un nouveau « petit monstre ». Normalement, vous vous abstenez de gratter la « démangeaison », mais quelques jours ou quelques semaines plus tard, vous risquez d’être de nouveau soumise à la tentation : « J’ai fumé une cigarette l’autre jour, et il ne m’est rien arrivé. Il n’y a donc aucun mal à recommencer. » Alors le piège se referme : avant d’avoir compris ce qui se 186

passait, vous revoila en train de fumer cigarette sur cigarette. Il ne faut surtout pas confondre cette période de trois semaines avec ce que ressentent pendant très long¬ temps les personnes qui ont employé une méthode fon¬ dée sur la volonté. Car celles-ci n’ont pas pris conscience de l’existence puis de la mort du « petit monstre ». Des années après sa disparition, chaque fois qu’elles ressentent une impression de vide et d’insécu¬ rité causée par la faim, par le stress, par l'angoisse ou par la joie, leur cerveau traduit : « Tu as envie d’une cigarette, ce qui montre bien que tu es toujours dépen¬ dante ! » Je viens d’expliquer que le manque s’accroît pro¬ gressivement après l’interruption de la fourniture de nicotine et qu'il atteint un seuil critique au bout d’une semaine. Vous en avez peut-être déduit qu’il faut se préparer à subir des assauts très douloureux et à oppo¬ ser une vive résistance pendant un certain temps. Eh bien, pas du tout ! N'oubliez pas que la sensation phy¬ sique est presque imperceptible. C’est pour cette raison que les fumeurs occasionnels se passent facilement de cigarettes pendant une semaine. Rappelez-vous égale¬ ment que cette impression de vide accompagne les fumeurs en permanence sans qu’ils s’en rendent compte, et qu’elle n’empire pas avec l’abstinence. Lorsque j’ai arrêté, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi je n’éprouvais plus aucune envie de fumer ni aucune sensation de manque. Je nageais en plein bon¬ heur, et celui-ci s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui. En fait, l’organisme ne peut réclamer une dose de nicotine avec plus de vigueur qu’une ration de nourriture. Son rôle se borne à envoyer un message au cerveau : « J’ai faim », ou « Je veux une cigarette ». Dans le premier cas, il s’agit d’un dispositif de sécurité, un peu comme une alarme d’incendie, qui vous permet de mener une vie longue et heureuse. Dans le second cas, un abus de 187

confiance cruel et très ingénieux vous amène à consom¬ mer un redoutable poison qui vous détruit peu à peu, à la fois physiquement et mentalement, sans rien vous donner en échange. Vous devez savoir que le « petit monstre » survivra durant vos premiers jours d’abstinence et que vous entendrez peut-être le message: «J'ai envie ou j’ai besoin d’une cigarette. » Nous en arrivons au point cru¬ cial qui distingue La méthode simple de celles qui se fondent sur la force de volonté. Ces dernières proposent une approche rationnelle des diverses raisons pour lesquelles il est stupide de fumer. Pourtant, il arrive qu’une partie de votre cer¬ veau réclame encore une cigarette quelques minutes avant que vous ne décidiez d’arrêter pour toujours. C’est très déroutant, car vous ignorez qu’il s’agit en fait des ultimes convulsions du « petit monstre ». Vous pensez donc avoir besoin du plaisir ou du soutien que vous procurait le tabac - ce qui tendrait à prouver que vous êtes l’esclave de la nicotine. Mais peu importe : retenons simplement que vous résistez à la tentation, et que vous ressentez une impression de manque et de tristesse. Entre-temps, le « petit monstre » n’a pas reçu la compensation partielle à laquelle il était habitué, de sorte que votre désir de fumer s’accroît, augmentant par là même votre détresse. À quel moment précis avez-vous le plus besoin d'une cigarette ? Quand vous êtes bien stressée, évi¬ demment. Nous sommes donc en présence d’un cercle vicieux : plus vous êtes stressée, plus vous avez envie de fumer. Et plus votre besoin de nicotine demeure longtemps insatisfait, plus votre stress s’intensifie. Il n’est pas étonnant que les adeptes de la volonté soient tendues à craquer et aient autant de mal à s’en sortir. Avec La méthode simple, vous vous préparez à res¬ sentir cette envie ou ce besoin de fumer. Quand elle vous envahit, vous n’éprouvez donc aucune surprise. 188

Vous savez que le « petit monstre » jette ses forces ultimes dans la bataille avant de périr. Vous connaissez le mécanisme du piège : le manque a pour origine la dernière cigarette que vous avez fumée. Comme vous n attendez plus ni plaisir ni soutien du tabac, vous êtes très loin de broyer du noir. Vous vous dites au contraire : « La ruse ne marche plus avec moi. Pas question d’aspirer une seule bouffée de poison supplé¬ mentaire. C’est fantastique ! Je suis libre ! » Et vous sautez sur 1 occasion d approfondir votre connaissance du phénomène chaque fois que vous sentez que la nico¬ tine est en train d’évacuer votre organisme. Vous me rétorquerez que, quelle que soit l’origine de ce désir, votre cerveau réclame une cigarette. Ce n est pas tout à fait exact : il ne s'agit pas d’une envie instantanée, mais du prolongement d'un besoin non satisfait. Vous avez peut-être remarqué que quand on achète une nouvelle voiture, les commandes sont sou¬ vent inversées par rapport à l’ancienne. Telle est la triste destinée du conducteur : il veut mettre son cli¬ gnotant, et l'essuie-glace se déclenche. Une fois, j’ai voulu klaxonner une voiture qui me coupait la route, et je n’ai réussi qu’à envoyer un jet d’eau sur mon pare-brise ! La seule victime de cet incident a été mon amour-propre, et il me serait sorti de la tête depuis longtemps si Joyce ne s’exclamait pas, chaque fois que je suis confronté à un chauffard : — Donne-lui un coup de lave-glace, Allen ! Dans le travail comme dans tous les domaines de la vie quotidienne, les nouveautés exigent un temps d'adaptation, même quand elles sont entièrement posi¬ tives. Quand vous mettez en marche l’essuie-glace au lieu du clignotant, cela ne vous cause pas le moindre stress. Vous ne vous accrochez pas désespérément à vos vieilles habitudes. Vous comprenez qu’une petite transition sera nécessaire, et vous continuez à vivre. Et puis n’oubliez jamais que ces inconvénients mineurs 189

ne sont pas dus à l’abstinence, mais au fait qu’autrefois vous êtes tombée dans un piège. Vous devez donc vous préparer à entendre votre cêrveau hurler pendant les premiers jours : « Il me faut une cigarette ! » Vous serez alors confrontée à un choix. Vous pouvez très bien penser : « Je donnerais n’importe quoi pour en fumer une petite... Combien de temps ce calvaire va-t-il durer ? Est-ce que je m’en sortirai un jour ? » Si vous suivez ce type de raisonne¬ ment, vous vous condamnez à souffrir - ce qui est complètement idiot - et vous pouvez dire adieu à la liberté. Je vous ai expliqué qu’aucune fumeuse n’a choisi de fumer, mais qu’elle est tombée dans un piège dont elle ne sait pas comment s’échapper. Mais soyons clairs : il existe bel et bien une issue. En vous fournis¬ sant la clef, La méthode simple vous assure une évasion immédiate, facile et définitive. Lorsque votre cerveau réclamera une cigarette, plutôt que de céder à la pani¬ que et de vous lamenter sur votre sort, vous n’aurez qu’à vous dire : « Il s’agit simplement des derniers sou¬ bresauts du “petit monstre” à l’agonie. C’est fantasti¬ que ! Je suis déjà libre ! » ET CE SERA LA VÉRITÉ.

Comment pourrez-vous être sûre que vous ne vous racontez pas d'histoires, et que vous avez réussi à vous échapper ? La question de la dépendance ne pose guère de difficultés, car personne n’est vraiment dépendant de la nicotine, pas même les fumeuses : on leur a sim¬ plement fait croire qu'elles l’étaient. Avec les métho¬ des fondées sur la volonté, les patientes écrasent ce qu’elles espèrent être leur dernière cigarette et passent les jours suivants à se répéter : « J’ai envie de fumer, mais je dois tenir bon ! » Dans certains cas, cette ten¬ tation reviendra les harceler périodiquement jusqu’à leur mort. 190

Pouvez-vous imaginer un plus triste exemple de confusion mentale ? La véritable différence entre une fumeuse et une non-fumeuse, c est que la seconde n'a ni besoin ni envie de tabac. Quelle que soit la méthode à laquelle elles ont recours, que recherchent les femmes qui essayent d arrêter ? Souhaitent-elles éprouver réguliè¬ rement une envie de fumer qui leur brise le moral ? Bien sûr que non ! Elles nourrissent l’espoir de tenir le coup le plus longtemps possible, et de se réveiller un beau matin totalement délivrées : « FABULEUX ! FANTASTIQUE ! JE SUIS LIBRE ! JE SUIS UNE NON-FUMEUSE ! »

Eh bien ! elles peuvent être certaines que cela n’arri¬ vera jamais. Comme je l'ai expliqué plus haut, elles se font du tort à elles-mêmes et mettent tout en œuvre pour ne jamais parvenir à cet état de plénitude. Aucun délai n'est nécessaire avant de devenir une nonfumeuse. Mais vous n'avez aucune chance d’atteindre cet objectif si vous croyez encore que le tabac vous procure un plaisir ou un soutien au moment d’écraser votre dernière cigarette. C'est pourquoi il vaut mieux commencer par déblayer les mythes, les confusions et les doutes. Ainsi, lorsque vous éteindrez votre dernière cigarette, vous saurez que vous n'avez rien à regretter : bien loin de favoriser la concentration et la détente, le tabagisme les contrecarre ; bien loin d’alléger l’ennui et le stress, il les aggrave. Il est tout de même plus logique de se pénétrer de cette magnifique vérité avant de passer à l’action ! De comprendre qu’on ne renonce à rien, mais qu’au contraire on s’affranchit de la maladie mortelle la plus répandue en Occident, d’un fléau déprimant et ruineux, d’une forme insidieuse d’esclavage. Il est tout de même plus logique de commencer par cette prise de conscience : 191

« FABULEUX ! FANTASTIQUE ! JE SUIS LIBRE ! JE SUIS UNE NON-FUMEUSE ! »

C’est ce qui m’est arrivé. C’est aussi l'expérience vécue par Debbie et par les centaines de milliers de personnes qui ont arrêté de fumer avec La méthode simple. Pour être du nombre, il vous suffit de suivre mes instructions. Si vous commencez par éprouver ce sentiment de plénitude, inutile d’attendre une hypothé¬ tique révélation : VOUS ÊTES DÉJÀ UNE NON-FUMEUSE.

Et vous pourrez vous en réjouir toute votre vie durant. Pourquoi diable attendriez-vous pendant cinq jours, trois semaines ou davantage le moment d’accé¬ der à un état dans lequel vous vous trouvez déjà ? Inu¬ tile de perdre votre temps : il ne va rien se passer ! Comme les fumeuses et les non-fumeuses, les anciennes fumeuses ont des jours avec et des jours sans. Avec les méthodes fondées sur la volonté, les patientes ont tendance à attribuer tous leurs ennuis à leur abstinence forcée. Avec La méthode simple, vous rencontrerez vous aussi des obstacles. Mais n’oubliez jamais qu’à l’instant précis où vous avez éteint votre dernière cigarette, la nicotine et toutes les autres saletés contenues dans le tabac ont commencé à évacuer votre organisme. Peut-être avez-vous lu des articles selon lesquels il faut entre sept et dix ans pour éliminer ce magma infâme ? Ne tenez aucun compte de ces affir¬ mations avancées par des médecins pour vous faire peur et vous inciter à arrêter de fumer. Ce genre de procédé ne mène à rien : en jouant sur vos craintes, il vous donne envie d’allumer une cigarette ! Bien sûr, la peur renforce votre désir d’en finir avec le tabac, mais vous remettrez sans cesse votre décision, si bien que ce désir ne se concrétise jamais. Il restera des traces de saletés dans votre organisme 192

aussi longtemps que vous croiserez des fumeurs. Même les non-fumeurs en inhalent, de même que nous respi¬ rons les autres poisons avec lesquels nous polluons la planète. Heureusement, la Nature nous a dotés d’une incroyable résistance. Avec tout ce que j’ai fumé, je me demande comment j’ai échappé au cancer du pou¬ mon et aux autres maladies mortelles liées au taba¬ gisme. C'est bien la preuve que nous avons de la ressource ! Je n éprouve donc aucune inquiétude à 1 idée d inhaler les quantités de poison relativement fai¬ bles émises par les fumeurs qui m’entourent. Vous devez néanmoins avoir conscience que la majeure partie de ces saletés évacue votre organisme dès les premiers jours d'abstinence. N’attendez plus ! Eteignez votre dernière cigarette, et très vite vous allez devenir plus forte aussi bien sur le plan physique que mental. Quand vous traversez un jour sans, faites-vous une raison. Dites-vous : « C'est un mauvais moment à pas¬ ser, mais je suis mieux armée physiquement et psycho¬ logiquement qu'à l’époque où je fumais. » Comme moi, vous constaterez vite que les jours sans se raré¬ fient, tandis que les jours avec se multiplient. Quand vous n’avez pas le moral, la moindre taupinière prend des allures de montagne infranchissable. Quand vous êtes en pleine forme, vous prenez à bras-le-corps des problèmes qui autrefois vous paraissaient insolubles. Tant pis si j’ai l'air de rabâcher, car il est essentiel que vous compreniez bien cet aspect de la question : le « petit monstre » existe vraiment, mais il n’a rien d'une créature tyrannique. Comme tout ce qui concerne le lavage de cerveau, il peut vous donner envie d’allu¬ mer une cigarette, mais vous avez le pouvoir de refu¬ ser. Il vous est certainement arrivé de mettre la main sous un robinet d’eau bouillante. L’y avez-vous laissée pendant que vous vous demandiez si vous alliez la reti¬ rer ? Bien sûr que non ! C'est exactement la même 193

chose avec la cigarette. Quand l’envie de fumer vous tenaille, la question qui se pose est très claire : « Ai-je envie oui ou non de retomber sous la dépendance .de ce poison ? » Quand vous éprouverez une sensation de vide durant vos premiers jours d'abstinence, comment saurez-vous si elle correspond à l’agonie du « petit monstre » ou à la faim ? Là encore, la réponse est simple : vous n’en saurez rien, mais cela n'a aucune importance. Il vous suffit de manger de vrais repas au cours de cette période, plutôt que de grignoter à longueur de journée. Ainsi, vous pourrez en déduire que vos tiraillements sont les ultimes soubresauts du « petit monstre ». De toute manière, ils se remarquent à peine, et bien loin de vous inquiéter, ils devraient vous réjouir. Vous êtes peut-être une affamée chronique qui passe son temps à picorer entre les repas. C’est sans doute une conséquence de votre dépendance à la nicotine. J’ai déjà expliqué pourquoi le tabagisme produit une impression de faim permanente - ce qui prouve bien que la cigarette n’empêche nullement de grossir. Si vous avez déjà des kilos en trop, vous n’avez rien à perdre. Il est même probable qu’en arrêtant de fumer vous réglerez votre problème de poids et la plupart de vos autres problèmes - comme les centaines de milliers de personnes qui se sont libérées du tabac avec La méthode simple.

Lorsque vous vous bourrez de bonbons ou de gâteaux, vous continuez à ressentir la faim. Et vous vous privez d'un des plus grands plaisirs de l'exis¬ tence. Les sucreries vous font grossir, vous sapent le moral, vous écœurent, et par-dessus le marché détrui¬ sent un de vos atouts capitaux : l’appétit. Ce n’est pas par hasard que dans les pays où la gastronomie n'est pas un vain mot, on vous souhaite « Bon appétit ! » et non pas « Bon repas ! ». En Angleterre, nous avons tendance à considérer la faim comme une sensation 194

déplaisante. C est une erreur, car sans elle il est impos¬ sible d’apprécier un bon repas. De plus, il suffit de s’alimenter raisonnablement pour en limiter les effets. Si malgré cela votre estomac proteste durant les pre¬ miers jours d abstinence, vous devriez le supporter facilement. Plus vous aurez faim, plus les plats vous paraîtiont délicieux lorsque enfin vous vous mettrez à table. Le tabagisme augmente la sensation de faim, tout en détiuisant le goût et 1 odorat. L'une des conséquen¬ ces bénéfiques du sevrage est donc la résurrection de ces deux sens. Vous pouvez en profiter dès l’instant où vous éteignez votre dernière cigarette - sauf si vous recourez aux sucreries comme substituts à la cigarette. Celles-ci vous feront grossir et vous saperont le moral. Bref, elles vous causeront des tas d'ennuis. Le moment venu, je soulignerai la nécessité de briser certaines associations et de combler le vide. Or, dans un cas comme dans l’autre, les substituts ne font que rehaus¬ ser les obstacles. Ils vous empêchent également de savoir si oui ou non vous avez recouvré la liberté. Et même s'ils étaient efficaces, vous seriez confrontée à un nouveau problème : comment en finir avec les subs¬ tituts ? À présent, il est temps de dresser la liste des progrès effectués. Je vous avais demandé dans le chapitre 7 de remplir un questionnaire portant sur les vingt idées reçues les plus répandues. Nous pouvons donc nous poser la question suivante : COMBIEN DE MYTHES AVONS-NOUS BALAYÉS ?

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Combien de mythes avons-nous balayés ?

Relisez chacune des vingt questions qui vous ont été soumises aux pages 74-75. Prenez le temps de la réflexion et, lorsque vous serez prête, notez vos répon¬ ses. Puis comparez-les avec celles que vous aviez ins¬ crites précédemment. Y a-t-il des différences ? Maintenant vous pouvez lire les explications corres¬ pondantes. Chaque fois que vous le jugerez nécessaire, reportez-vous au chapitre indiqué afin d’être certaine que vous avez bien compris.

1. Les fumeuses ont-elles choisi de fumer ? Nous avons clairement démontré (chapitre 7) que l’on ne choisit pas plus de fumer que de parler sa lan¬ gue maternelle. Pensez à l’anecdote fameuse du tou¬ riste américain auquel un escroc a réussi à vendre le Pont de Londres. Puisque personne ne l’a obligé à effectuer un tel achat, vous pouvez affirmer qu’il avait le choix. Mais il s’agissait d’un abus de confiance, et il n’a pas décidé d’être victime d’une arnaque. La sou¬ ris choisit-elle de manger le morceau de fromage fixé sur le piège ? L’insecte choisit-il de butiner sur une plante carnivore ? Bien sûr que non ! Leur décision 196

serait très différente s’ils pouvaient se déterminer en toute connaissance de cause. Mais que faire en face d’une arnaque ? 2. Les femmes fument-elles par habitude ? Non, elles fument parce qu’elles sont tombées dans le piège le plus ingénieux que l’humanité et la Nature aient jamais élaboré en commun : la dépendance à la nicotine (chapitre 5). 3. Les fumeuses de longue date sont-elles plus dépendantes que les adolescentes ? (chapitre 5) Les « experts » sont incapables de préciser à quel moment une adolescente qui fumote devient accro. Quand le sort de l'insecte est-il scellé ? C’est évident : à la seconde où il capte l'odeur du nectar, il n’a plus d'autre possibilité que d’obéir à son instinct naturel. Les adolescentes se condamnent à devenir accros à l'instant précis où elles décident de tenter l’expérience d'une première cigarette. Dans ce cas, pourquoi certai¬ nes d'entre elles échappent-elles au piège ? Pour la même raison que certains insectes échappent à la plante carnivore ou certains poissons à l’hameçon : elles ont de la chance ! 4. Les fumeuses invétérées sont-elles plus dépen¬ dantes que les fumeuses occasionnelles ? (cha¬ pitre 9) Que préférez-vous : être enlisée dans les sables mou¬ vants jusqu'aux chevilles ou jusqu’au cou ? D’une cer¬ taine façon, cela revient au même. La seule qui ait une chance de s’en sortir, c’est celle qui a conscience d’être prise au piège et qui essaie de se libérer. À l’inverse, celle qui croit fumer parce qu’elle aime cela, et qui s’imagine que son tabagisme résulte d’un choix déli¬ béré, n’a pas la moindre de chance de s’échapper ! 197

5. Les jeunes filles commencent-elles à fumer par désir de paraître adultes, décontractées ou rebel¬ les ? Il n’y a aucun doute là-dessus : les jeunes filles aiment avoir l’air plus mûres et plus à leur aise qu’elles ne le sont vraiment. Après tout, l’enfance et l’adoles¬ cence sont le prélude à l’âge adulte. De même, un esprit rebelle peut être très bénéfique, à condition d’être nourri de bonnes intentions et d’être dirigé dans un sens positif. J’ai quatre enfants, et je suis très fier de pouvoir dire qu’ils ont tous traversé une période contestataire. J’ai essayé de les mettre en garde contre le tabac, et je leur ai inculqué les principes de la prévention routière. Deux d’entre eux se sont mis à fumer, mais aucun n’a jamais joué au malin en traversant la rue. À vrai dire, je ne connais pas un seul enfant qui se soit révolté contre le code de la route. Alors, pourquoi acceptent-ils les règles de sécurité tout en refusant d’écouter les arguments contre la cigarette ? N’est-ce pas la preuve qu’ils se mettent à fumer pour une tout autre raison ? Le plus étrange, c’est que les adolescentes ne trou¬ vent pas les fumeuses adultes particulièrement chic ou décontractées. Elles les considèrent plutôt comme des imbéciles qui sont tombées dans le piège de la dépen¬ dance. Mais ce piège leur est totalement incompréhen¬ sible. De la même façon, elles n’imaginent même pas qu’à leur tour elles vont vieillir. Souvenez-vous de Sarah, la fille de Christine, qui pleurait parce qu’elle croyait que sa mère allait mourir. Il est très probable qu’aujourd hui elle est devenue accro à la cigarette ! Quand mon père crachait ses poumons, ses yeux vitreux et injectés de sang, ses doigts et ses dents jau¬ nes, son haleine fétide ne me semblaient ni chic ni décontractés. Mais cela ne m'a pas empêché de suivre son exemple — pas plus que des centaines de milliers 198

d autres gamins. Les adolescents timides admirent les rebelles. Or, la cigarette est toujours un symbole d’indépendance, une manière de couper avec ses parents, un rite de passage vers l’âge adulte. Mais en dehors de ces explications parfaitement recevables, les jeunes fument pour la même raison que vous et moi : à cause d’une arnaque. 6. Les fumeurs sont-ils stupides ? Dans ce cas, Bertrand Russell, Freud, Einstein et Sherlock Holmes sont des imbéciles. Je sais bien que Sherlock Holmes est un personnage de fiction, mais cela fait partie du lavage de cerveau. L’illustre détec¬ tive avait coutume d’évaluer la difficulté d’un pro¬ blème en fonction du nombre de pipes nécessaires à sa résolution - comme si seul le tabac avait pu stimuler ses pouvoirs de déduction. J’imagine que Holmes n’a plus tellement de jeunes lecteurs aujourd’hui - et que son équivalent actuel est Mel Gibson dans la série de films L'arme fatale. Pourquoi diable croyons-nous qu'il est impossible de se concentrer sans cigarette ? Bien sûr, nous pouvons dire que la souris est stupide de grignoter le fromage d’un piège, ou l’insecte de buti¬ ner le nectar d’une plante carnivore, car nous savons que dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’un appât. Mais la dépendance à la nicotine est d’une autre nature. C’est un dispositif subtil mis au point par des êtres humains pour piéger d’autres êtres humains. Il y a une ou deux générations, 90 % des hommes adultes s’y laissaient prendre. Aujourd’hui, plus de 30 % de nos enfants mordent à l’hameçon, les filles davantage que les garçons. Ce poison a provoqué plus de décès précoces que n’importe quelle maladie, que la faim ou que la guerre au cours de l’histoire. De nos jours, la dépendance à la nicotine tue plus de quatre millions de personnes par an, et l’Organisation mondiale de la 199

santé estime que le nombre de victimes atteindra dix millions d’ici une vingtaine d'années. Croyez-vous que les souris grignoteraient le mor¬ ceau de fromage si elles connaissaient le fonctionne¬ ment du piège ? En ce qui nous concerne, nous avons beau répéter à nos enfants que le tabac est ruineux et très mauvais pour la santé, cela ne sert à rien. Il ne sont pourtant pas plus stupides que vous et moi, et le piège est identique à celui dans lequel nous sommes tombés. Les avertissements ne suffisent donc pas : nous devons leur expliquer de manière très précise comment le piège fonctionne. Il y a dix-huit ans, j’étais le seul défenseur de La méthode simple. Aujourd'hui, des milliers de person¬ nes peuvent confirmer mes dires. Elles savent que cela marche. Lorsque vous aussi vous en aurez fait l’expé¬ rience, je vous serais très reconnaissant de ne pas vous contenter de m’envoyer une lettre de remerciements. Ecrivez aux médias, à votre médecin, à votre député, et demandez-leur pourquoi ils laissent se perpétuer des illusions qui permettent à cet épouvantable fléau de ravager notre planète. Encouragez-les à passer du Moyen Âge au xxie siècle. Il est tout de même dom¬ mage que les fumeurs doivent attendre de contracter un cancer du poumon pour comprendre enfin le méca¬ nisme du piège. Il ne leur reste plus qu’à ruminer leurs regrets et à se maudire d’avoir été aussi stupides. Mais ils se montrent injustes envers eux-mêmes : ils ne sont que les victimes d’un piège très ingénieux qu'ils auraient pu déjouer avec un minimum d’informations. Le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos enfants, c’est de leur donner une chance de ne pas tom¬ ber dans la dépendance à la nicotine. Même les rebelles sont accessibles à la voix de la raison, pourvu qu’on n’essaye pas de leur faire peur - comme l’ont constaté les thérapeutes des centres Allen Carr qui organisent des réunions dans les établissements scolaires.

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7. Les fumeurs apprécient-ils le goût de certaines cigarettes ? (chapitre 5) 8. Certaines cigarettes sont-elles meilleures que d’autres (par exemple, à la fin d’un repas) ? Pour avoir une réponse aux questions 7 et 8, il fau¬ drait manger des cigarettes ! Si vous vous êtes déjà roulé une cigarette, ou si vous avez déjà récupéré un mégot dans un cendrier, vous connaissez le vrai goût du tabac. Vous voyez ce que je veux dire... Certaines personnes prétendent apprécier le parfum du tabac, mais toutes les fumeuses se mettent à tousser et à protester quand elles entrent dans une pièce enfu¬ mée. La seule différence avec les non-fumeuses, c’est qu'elles s'acclimatent beaucoup plus vite à cette atmo¬ sphère viciée et qu’au bout de très peu de temps elles ne remarquent plus rien. L'aspect olfactif de la cigarette mérite qu’on s’y attarde. Pour les non-fumeuses, l’odeur du tabac est absolument infecte, surtout à table. Mais certaines d'entre elles disent l’apprécier dans d’autres contextes. Cela signifie qu'elles commencent à subir les effets de la dépendance et par ressentir de l’attirance : il n’est pas nécessaire de fumer pour faire connaissance avec le « petit monstre ». C’est d’ailleurs l’aspect le plus sinistre du tabagisme passif : ces fumées cancérigènes contiennent de la nicotine et peuvent donc créer une dépendance chez les anciennes fumeuses, en particulier dans deux types de circonstances que vous devez connaître. La première période à risque se situe durant les jours qui suivent le moment où vous avez éteint votre der¬ nière cigarette. Le « petit monstre » affamé réclame sa pitance à cor et à cri. Pour une personne qui ignore la nature du piège à laquelle elle vient d’échapper, la fumée de tabac peut être aussi attirante que pour un 201

insecte la fragrance du nectar. Voilà pourquoi vous voyez de temps en temps une ancienne fumeuse humer les volutes qui viennent lui chatouiller les narines. Cette odeur déclenche chez elle un réflexe acquis qui la pousse à allumer une cigarette pour se sentir plus à l’aise. Si vous venez d’arrêter de fumer, vous pouvez vous aussi être décontenancée en ressentant de nou¬ veau, sans le moindre préavis, un signal trop connu : «J’ai envie d’une cigarette ». Heureusement, les fem¬ mes qui ont conscience du danger ne s’affolent pas pour autant. Elles analysent le phénomène et se réjouis¬ sent de ne plus avoir besoin d’en allumer une. Elles savent très bien que cette envie ne va pas tarder à s’éva¬ nouir. Il faut aussi comprendre que ces fumées ne sont agréables que lorsqu’on ne fume pas. Certains fumeurs de pipe reniflent leur paquet de tabac avant de craquer une allumette, un peu comme les gourmands qui vont humer les vapeurs d’un délicieux ragoût avant de se mettre à table. L’odeur et le goût du tabac perdent tout attrait une fois le « petit monstre » rassasié. Devez-vous éviter le tabagisme passif de peur de retomber dans la dépendance ? Surtout pas ! Que les choses soient claires : ce n’est pas le « petit monstre » qui vous réduit en esclavage, mais le « grand monstre » - autrement dit, la croyance selon laquelle le tabac vous apporterait un plaisir ou un soutien. Le morceau de fromage attire la souris sur le piège. Mais si elle comprenait son mécanisme, elle en déduirait que le fro¬ mage n’est pas destiné à la nourrir mais à lui briser la colonne vertébrale. Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’appât n’est même pas comestible dans le cas du tabagisme : c’est le poison le plus meurtrier du monde occidental. L’autre contexte dont vous devez vous méfier, c'est l’atmosphère de fête que l’on rencontre tout particuliè¬ rement à Noël et au jour de l'an. Vous avez sans doute 202

remarqué que les gens les plus agressifs à l’égard de la fumée de cigarette ne sont pas les non-fumeurs, mais les anciens fumeurs repentis — devenus plus royalistes que le roi. Après avoir passé une bonne partie de leur vie à défendre leur liberté de fumer, ils sont prêts à tout pour faire valoir leur droit de respirer un air pur. On aurait tort de les accuser d’égoïsme ou de manque de compassion. Il se trouve simplement que le taba¬ gisme passif a réveillé leur « petit monstre ». Même si 1 odeur du tabac leur semble infecte, une petite voix tentatrice leur murmure à l’oreille : « Tu allumerais volontiers une petite cigarette. » Aussi se sentent-ils très vulnérables. Ils savent très bien qu’ils n’ont rien à envier aux fumeurs, mais ceux-ci ont l’air si gai, si heureux — d’autant que personne ne leur interdit de fumer. L’agressivité des nouveaux convertis est donc une réaction de défense. En s’en prenant aux fumeurs, en les humiliant, ils se convainquent qu’ils ont eu rai¬ son d'arrêter. La solution consiste-t-elle à fuir les fumeurs ? Cela semble logique, et c'est d’ailleurs ce que préconisent les « experts », mais dans les faits c’est aussi difficile que de ne plus penser au tabac. Réfléchissez un instant à ce qu’une telle mesure impliquerait. Vous devriez éviter les réunions, les mariages, les enterrements, les fêtes, les cafés et les restaurants où vous risqueriez de croiser des fumeurs. Il vous faudrait vous séparer de vos amis fumeurs ou insister lourdement pour qu’ils s'abstiennent en votre présence. Et si jamais votre compagnon refusait d’arrêter et même s’obstinait à allumer des cigarettes en votre compagnie, vous en seriez réduite à la rupture. Bref, vous seriez condamnée à vous retirer dans un couvent ou dans une commu¬ nauté antitabac... Vous n’avez absolument pas besoin d’éviter les fumeurs. La vie continue ! 203

Au moment où vous éteindrez votre dernière ciga¬ rette, vous aurez résolu le problème. Dès que vous ces¬ serez d’empoisonner votre organisme, vous redevien¬ drez plus forte sur le plan physique et mental. Vous profiterez immédiatement des petits bonheurs de l’exis¬ tence, à condition bien sûr de ne pas verser des larmes sur un plaisir et un soutien qui n’ont jamais existé. Un petit incident survenu au cours d’un dîner illustre par¬ faitement ce point. Je n’ai rencontré Margaret qu’une seule fois, et à cette occasion elle a paru gênée de fumer en ma pré¬ sence. Les gens connaissent mes activités profession¬ nelles et redoutent que je ne les assomme avec des discours moralisateurs. Il se trouve que lors de ce dîner, elle est la seule fumeuse parmi nous. Je ne crois pas qu’elle ait peur de déranger les autres convives avec sa fumée, mais elle a conscience d’être isolée au milieu d’une assemblée de non-fumeurs. Une fois le repas ter¬ miné, elle commence à s’agiter. Tandis que les autres bavardent, Margaret se met à tripoter son briquet et son paquet de cigarettes. Comme je ne supporte pas de voir quelqu’un dans cet état, je lui dis : — Margaret, personne ne vous en voudra mainte¬ nant que nous avons fini de manger. Si vous avez besoin d'une cigarette, allez-y. — Je n’en ai pas besoin, me réplique-t-elle, j’en ai envie. Je ferais mieux de me taire, évidemment, mais sa réponse est une vraie provocation. Je ne peux donc pas m’empêcher de rétorquer : — Si vous n’en avez pas besoin, ce n’est pas la peine de vous asphyxier. — Très bien, je vais m’en passer. Et elle repose la cigarette qu’elle s’apprêtait à allu¬ mer. Tout en bavardant avec Shelagh, ma voisine, dont 204

je viens de faire la connaissance, je garde un œil sur Margaret. Je veux voir comment elle va se sortir d'une pareille situation. Bien entendu, son supplice devient vite intolérable. Vous éprouvez sûrement de la sympathie pour Mar¬ garet. En tant que fumeuse, vous avez traversé bien des fois ce genre d’épreuves, et c’est aussi mon cas. Mais ne vous trompez pas de cible : je ne joue pas le rôle du méchant dans cette histoire. Le seul coupable, c'est ce poison répugnant. Les non-fumeuses ignorent totalement la souffrance vécue par Margaret. À un moment donné, celle-ci se lève pour aller aux toilettes. Elle saisit son paquet et son briquet, avant de jeter un coup d'œil dans ma direction et de se rasseoir aussitôt. Elle a dû penser que j'allais faire une remarque ironi¬ que. Je commence à être embarrassé : bien loin d’arran¬ ger les choses, je n'ai fait que les envenimer. Je suis en train de chercher un moyen de sortir de cette impasse, lorsque tout à coup Shelagh se tourne vers moi : — Je meurs d’envie de fumer. Cela me sidère, car je sais qu’elle ne fume pas. Je pensais même qu’elle n’avait jamais fumé. Mon erreur vient de son visage très délicat, de son teint de porce¬ laine, et surtout du fait qu'elle est mariée à un pasteur. Pourquoi une femme de pasteur ne fumerait-elle pas ? C’est absurde. Mais on a toujours des idées préconçues sur les gens. — Je suis désolé, je ne savais pas que vous fumiez. Surtout ne vous abstenez pas à cause de moi, cela ne me dérange pas du tout. Autrefois, j’étais le pire intoxi¬ qué de toute la planète ! — Non, non ! J’ai arrêté depuis huit ans, et je ne recommencerais pour rien au monde. Mais j’adorais fumer à la fin du repas, et ça me manque beaucoup en ce moment. Entre-temps, me croyant occupé avec la femme du 205

pasteur, Margaret a allumé une cigarette, et elle tire dessus le plus discrètement possible. Cette anecdote illustre bien le caractère totalement absurde du tabagisme. D'un côté, Margaret fume en douce, honteuse, mal à l’aise, avec l’espoir que per¬ sonne ne le remarquera, et en rêvant de recouvrer un jour sa liberté, comme toutes les personnes réunies autour de la table. De l’autre côté, Shelagh, qui n’a pas fumé depuis huit ans, regrette amèrement un esclavage que par ailleurs elle n’aurait jamais voulu subir ! Quelle situation ridicule ! Il n’y a rien de plus stu¬ pide que d’envier les autres, même s’ils vous semblent mieux lotis que vous. Or, ces deux femmes s’envient mutuellement, alors que l’une comme l’autre peut choi¬ sir de fumer ou de ne pas fumer. Je suis d’autant plus embarrassé qu’avant de me mettre à table j’ai eu une conversation très cordiale avec Margaret : pendant une demi-heure, je lui ai fait miroiter les délices de la liberté, en m’efforçant de la persuader qu’elle peut y arriver. Pour prendre un langage imagé, elle se trouvait au fond d'un puits, mais je lui ai attaché une corde autour de la taille, et j’ai commencé à la hisser vers la surface. Margaret est l’une de ces personnes qui ne peuvent pas survivre une seule journée sans tabac. Vous pouvez donc imaginer ce qu’elle a ressenti en entendant Shelagh avouer qu’elle meurt d'envie de fumer huit ans après avoir arrêté ! Un grand quotidien britannique a récemment consa¬ cré une page entière au témoignage d’une femme qui avait décidé de se remettre à fumer au bout de huit ans d’abstinence. Elle racontait en détail ces huit années déprimantes durant lesquelles elle avait eu le moral en berne et avait beaucoup grossi. Elle décrivait en termes lyriques le bonheur qui l’avait envahie en prenant sa décision et le goût sublime de sa première cigarette. Cette femme m'inspire la plus grande sympathie. 206

J ai évoqué plus haut mes échecs lamentables avec les méthodes fondées sur la volonté. J ai également conscience d’avoir beaucoup dramatisé ma situation à l’époque. Bien qu’à l’évidence cette femme n’ait pas été une non-fumeuse épanouie, son témoignage mérite un examen plus poussé. Tout d’abord, si elle trouve le tabac si merveilleux, pourquoi a-t-elle arrêté huit ans plus tôt ? Ensuite, pourquoi a-t-elle résisté si longtemps avant de mettre fin à son supplice ? N’est-ce pas la preuve qu'elle haïssait son état de dépendance ? Et j’ai du mal à croire qu’elle se soit réjouie de voir ces huit années de « pénitence » se conclure par un échec total ! Je me souviens d’avoir ressenti un immense soula¬ gement chaque fois que j’ai abandonné le combat, à l’époque où j'essayais d’arrêter grâce à ma force de volonté. Mais je ne me rappelle pas m’être dit : « For¬ midable ! Je recommence à fumer. Cette cigarette est vraiment délicieuse. » Au contraire, mon soulagement était terni par un sentiment d’échec et par une funeste prémonition, et les premières cigarettes avaient un goût bizarre. La diarrhée n’est pas un phénomène agréable, mais pour quelqu'un qui sort de huit années de constipation, elle doit produire une impression fabuleuse. Je suis cer¬ tain qu’une femme qui ne pense qu’à fumer pendant huit ans éprouve un soulagement intense en rallumant une cigarette. Mais de là à en apprécier le goût, il y a de la marge... Comme je l’ai déjà souligné, tous les toxicomanes sont des menteurs. Ils ne peuvent pas faire autrement. L’aveu de Shelagh à la fin du dîner était parfaitement innocent - même s’il a eu un effet désas¬ treux sur Margaret et réduit à néant la conversation que j’avais eue avec elle précédemment. Vous pouvez donc imaginer les conséquences de cet article de journal pour toutes les femmes qui viennent d’arrêter de fumer, qui subissent les tortures inhérentes aux méthodes fondées 207

sur la volonté, ou qui envisagent de se libérer de leur dépendance. Vous avez sans doute assisté à des scènes similaires à l'incident du dîner, et vous pouvez comprendre la situation évoquée dans l'article du quotidien. Malgré cela, je vous déconseille d'éviter la présence des fumeurs. Ceux-ci peuvent exercer un effet très positif en vous rappelant que vous avez la chance fantastique de ne plus être condamnée à partager leur sort jusqu’à votre dernier jour ! Grattez un peu le vernis, sondez leur cœur derrière la façade mensongère, et vous découvrirez la vraie nature des fumeurs : occasionnels ou invétérés, ce sont tous de pitoyables toxicomanes. Alors vous n’éprouverez plus pour eux qu’une grande compassion. Si la perspective de participer à une soirée sans fumer vous fait peur, jetez-vous à l’eau le plus vite possible après avoir éteint votre dernière cigarette. Abandonnez vos craintes : il ne va rien vous arriver. Vous venez d’échapper à une peine de prison à perpé¬ tuité pour un crime que vous n’avez pas commis. Vous vivez un moment fantastique : l’horizon se dégage devant vous. Vous êtes sur le point d’atteindre l’objectif dont rêvent les fumeurs de la terre entière : la liberté. Voici l’occasion de démontrer que la victoire est à votre por¬ tée. Profitez sans attendre des petits bonheurs de l’exis¬ tence, tels que les repas et les fêtes. Vous en serez la vedette, l'objet de toutes les attentions. Les fumeurs guetteront votre moindre plainte, votre moindre gri¬ mace. Mais même si vous êtes la seule non-fumeuse de l’assemblée, vous susciterez leur envie. Certains n'au¬ ront pas le courage de l'admettre. D'autres vous enver¬ ront délibérément leur fumée dans la figure, ou vous offriront une cigarette au moment où ils vous jugeront le plus vulnérable. Ne les méprisez pas, ayez plutôt pitié d’eux. La dépendance à la nicotine produit une telle panique que les personnes les plus charmantes et 208

les plus altruistes sont capables de se comporter comme des barbares. Dans votre sentiment de plénitude, vous risquez même d’oublier que vous avez arrêté et de ten¬ dre la main machinalement vers le paquet qu’on vous offre. Avant que vous ayez eu le temps de saisir une cigarette, votre amie va s'exclamer : — Je croyais que tu avais arrêté ! Et tous les autres fumeurs de s’esclaffer. Le bras tendu dans le vide, vous resterez plantée là, penaude, et vous vous direz : « Moi aussi je le croyais ! » Nous avons déjà parlé de ce type de situation criti¬ que qui permet au doute de s'insinuer dans notre esprit. Vous êtes amenée à vous demander : « Suis-je vrai¬ ment libre, ou bien n’est-ce qu'une illusion ? » Ne vous inquiétez pas : vous avez simplement confondu le klaxon avec le clignotant. Dites-vous plutôt que c’est absolument formidable d’avoir déjà oublié que vous ne fumiez plus. N’est-ce pas la preuve que vous profitez déjà de la vie sans contraintes, et que vous n’êtes plus obsédée par l’idée que vous avez arrêté ? Vous pouvez réagir de différentes manières quand on vous offre une cigarette. Vous pouvez l’accepter, la réduire en miettes et faire un commentaire ironique : — Je n'avais pas l'intention de l’allumer. Je voulais juste neutraliser un des clous qui refermera ton cer¬ cueil. Pour ma part, ce n’est pas du tout mon genre. Vos amis ont dû sentir que vous aviez sincèrement oublié, et que votre toute nouvelle liberté vous comblait de joie. Alors, pourquoi ne pas pousser la franchise jus¬ qu’à son terme : — Je n’en reviens pas. Lors de mes précédentes tentatives, j’étais affreusement malheureuse et obsédée par l’interdiction de fumer. Si on m’avait dit que ça me serait déjà sorti de la tête au bout de deux jours et que j’aurais un plaisir fabuleux à refuser une cigarette, je n’en aurais pas cru un mot ! 209

Vous jugez peut-être cette réplique un peu trop sar¬ castique. En fait, c’est un service que vous leur rendez. Pensez aux bagarres incessantes qui opposent J.es fumeurs aux personnes qui ont arrêté avec une méthode fondée sur la volonté. Celles-ci répètent à longueur de journée qu’elles se sentent en bien meilleure santé, qu’elles économisent des sommes considérables, que le tabagisme est une habitude écœurante et malsaine. Ce à quoi les fumeurs leur rétorquent que le tabac leur procure des plaisirs divins, que c’est de l’argent bien dépensé, et que de toute façon ils peuvent être écrasés demain matin par un bus. Quand vous arrêtez avec La méthode simple, il n’est plus nécessaire de bluffer. Vous avez un carré d’as dans les mains, et vos inter¬ locuteurs une malheureuse paire de deux. Même les fumeurs qui vous aiment et vous souhaitent de réussir espèrent plus ou moins consciemment votre échec. Et ce pour une raison élémentaire : vous venez de rejoin¬ dre les millions de rescapés qui ont abandonné le navire à temps, et ils redoutent plus que tout d’être les der¬ niers passagers engloutis dans le naufrage. Ce sont les anciennes fumeuses larmoyantes, telles Shelagh et la femme de l’article, qui rendent l'idée d’arrêter encore plus terrifiante. Vous ne devez donc fuir les fumeurs à aucun prix. Quand ils s’apercevront que vous profitez déjà de la vie et que le tabac ne vous manque absolument pas, ils vous prendront pour une Superwoman. Vous aurez en outre la satisfaction de donner l’exemple à vos amis et aux membres de votre famille. Mais le plus important, c’est la fierté que vous en retirerez. N’hésitez plus. Lancez-vous dans la plus grande aventure de toute votre existence, pour repren¬ dre la formule de nombreux adeptes de La méthode simple. Comme tous les gens qui ont connu la prison, vous éprouverez un sentiment de liberté qui ne vous quittera plus jamais. 210

Un autre thème revient souvent dans les lettres que je reçois : l’idée qu’il est impossible d’en finir avec la cigarette quand le conjoint continue à fumer. Ne commettez pas 1 erreur d insister pour qu'il arrête en même temps que vous. Car vous risquez de le perdre, ou du moins de 1 amener à saper secrètement vos efforts - et ce même s’il fait semblant de vouloir lui aussi se libérer. En cas de succès, vous ferez de lui un des individus les plus malheureux qu’on puisse imagi¬ ner : les fumeurs clandestins ! Contentez-vous de sui¬ vre les conseils exposés plus haut. Quand ils comprendront que vous êtes vraiment libre, vos pro¬ ches suivront votre exemple de leur plein gré. Nous avons déjà balayé les illusions correspondant aux questions 1 à 8. Il est préférable de traiter ensemble les quatre sui¬ vantes. 9. Le tabac vous aide-t-il à surmonter l’ennui ? 10. Le tabac favorise-t-il votre concentration ? 11. Le tabac vous aide-t-il à vous détendre ? 12. Le tabac soulage-t-il votre stress ? J'ai déjà noté que la détente s’oppose au stress et l’ennui à la concentration. Comment deux cigarettes fumées à une heure d’intervalle pourraient-elles exer¬ cer des effets radicalement antagonistes. Même les « experts » sont incapables d’expliquer une pareille contradiction. En fait, il s’agit d’un phénomène très simple. Quand la nicotine quitte l’organisme de la fumeuse, elle déclenche une sensation de stress. Si la fumeuse se trouve dans une situation tendue, si par exemple elle vient d’avoir un accident de voiture, elle attribuera son stress à cet événement. Quand vous allu¬ mez une cigarette et qu’aussitôt après vous vous décon¬ tractez, votre cerveau en déduit que le tabac a exercé 211

un effet positif. C’est une erreur. Vous oubliez qu’au moment même où vous tirez sur cette cigarette, vous restez plus tendue que si vous étiez une non-fumeuse. De fait, elle ne soulage qu’en partie le syndrome de manque. À l’inverse, même dans un contexte très apai¬ sant, vous ne pouvez pas vous sentir complètement détendue, car vous êtes sous l’emprise de la fameuse « démangeaison ». Voilà pourquoi les fumeuses occa¬ sionnelles ont tendance à griller cigarette sur cigarette dans les soirées. Je ne vous demande pas de me croire sur parole : vous pouvez observer cette attitude de vos propres yeux. L’ennui et la concentration exigent des explications un peu plus poussées. Il est presque impossible de per¬ suader quelqu'un qui exerce une profession souvent fastidieuse (un gardien de nuit, par exemple) que le tabac ne l’aide pas à lutter contre l’ennui. C’est un peu comme ces gens qui se figurent que le chewing-gum favorise la relaxation. L’une des manifestations classi¬ ques du stress est le grincement de dents. Le seul inté¬ rêt du chewing-gum est de vous donner une bonne raison de grincer des dents ! Il assure peut-être ainsi une protection à votre émail, mais n’a strictement aucun effet sur le stress. Si c’était le cas, personne n’aurait besoin de mâchonner à longueur de journée. Là encore, ne me croyez pas sur parole. La prochaine fois que vous verrez un amateur de chewing-gum, demandez-vous s’il a l’air décontracté ou stressé. La vérité devient évidente quand on se débarrasse du lavage de cerveau. L’unique raison pour laquelle nous pensons que le tabac est une arme contre l’ennui, c'est que nous avons tendance à allumer une cigarette quand nous nous embêtons. Mais c’est notre esprit qui est en cause : l’ennui est un moyen de nous avertir qu'il n’a plus rien pour s’occuper. Nous pouvons y remédier en faisant 212

dôs mots croises, en lisant un bon bouquin ou en nous livrant à un passe-temps intéressant. Mais fumer une cigarette n est pas une activité particulièrement gri¬ sante pour l’intellect. Même le fait de l’allumer devient vite un automatisme. Bien sûr, lorsque des adolescen¬ tes expérimentent leurs premières cigarettes, elles peu¬ vent y avoir été encouragées par l’ennui et le tromper ainsi pendant quelques minutes. Mais une fois accros, elles fument de manière inconsciente. Quand vous allu¬ mez une cigarette par désœuvrement, vous dites-vous soudain : « C'est vraiment passionnant d’inspirer des fumées cancérigènes, puis de les expirer ! Je m amuse comme une folle ! » Vous n’éprouvez jamais un tel enthousiasme, même quand vous fumez vos ciga¬ rettes « préférées », à la fin du repas par exemple. De même que le chewing-gum, bien loin de soulager du stress, ne sert qu’à le mettre en relief, le tabac traduit l'ennui qui vous envahit, sans vous aider le moins du monde à le combattre. Pourquoi allumez-vous une cigarette quand vous êtes désœuvrée ? D’abord, parce que le lavage de cerveau vous a inculqué que le tabac chasse l’ennui. Ensuite et surtout, parce que vous n’avez pas conscience de la « démangeaison » quand votre cerveau est occupé par une activité qui ne provoque pas de stress et n’exige guère de concentration. À l’inverse, quand vous n’avez rien pour vous meubler l’esprit, il ne vous reste plus qu’à gratter « votre démangeaison ». Je vous rappelle que j’ai fumé cigarette sur cigarette, jour après jour, pendant plus de trente ans. Pouvezvous imaginer une activité plus ennuyeuse, plus répu¬ gnante et plus stupide ? La dépendance à la nicotine est en fait une source majeure d’ennui. Comme nous sommes persuadés que le tabac nous distrait un peu, nous nous en contentons plutôt que de rechercher une solution efficace pour lut213

ter contre l’ennui. Comme il nous rend léthargiques et nous coûte très cher, nous n’avons plus l’énergie nij,es ressources financières nécessaires pour nous engager dans de nouvelles activités. Mais le plus grave est ail¬ leurs : puisque nous supportons de plus en plus mal les contextes dans lesquels il nous est interdit de fumer, nous cherchons à les éviter. Ce n’est sans doute pas par hasard que j’ai arrêté de jouer au football, au rugby, au cricket et au tennis plusieurs années avant mes camarades non-fumeurs, et que je me suis pris de pas¬ sion pour le golf, un sport que l’on peut pratiquer en fumant. J’ai dit que les mots croisés étaient un excellent anti¬ dote contre l’ennui. Mais comme de nombreux fumeurs, je n’aurais pas envisagé de me livrer à ce passe-temps sans une cigarette. Quand on veut se concentrer, il faut éliminer toutes les sources de dis¬ traction. Or, la « démangeaison » du fumeur en est une, et de taille - même quand elle est inconsciente. Voilà pourquoi la plupart des fumeuses allument une ciga¬ rette avant de passer un coup de fil. Comme il est plus difficile de communiquer par téléphone qu'en tête à tête, elles commencent par neutraliser toutes les inter¬ férences éventuelles. C’est d’autant plus vrai quand la conversation s’annonce délicate. Mais même pour bavarder avec une amie, vous avez besoin de vous relaxer. Et si elle a le don de vous casser les pieds, vous ne manquerez pas de prévoir des réserves de ciga¬ rettes ! Un illustre professeur d’Oxford, très compétent dans sa spécialité, a jugé bon de déclarer un jour à la télé¬ vision : « Indéniablement, le tabac favorise la concen¬ tration. » C’est ce que nous a inculqué le lavage de cerveau. Dans ce cas, pourquoi n'obligeons-nous pas les conducteurs de train, les pilotes d’avion ou les chi¬ rurgiens à fumer durant leurs heures de travail ? Pour214

Quoi, au contraire, leur est-il interdit de fumer pendant leur service ? Tout simplement parce que nous devi¬ nons d instinct que seules les personnes qui sont tom¬ bées dans le piège sont incapables de se détendre, de se concentier, de combattre 1 ennui et le stress sans l’aide de la nicotine. Au cours de mes nombreuses tentatives avortées, il me semblait impossible de réfléchir sans tabac, tout simplement parce que je croyais qu’il était indispensa¬ ble à la concentration. Chaque fois que je me retrouvais bloqué, je restais assis derrière mon bureau ; au lieu d'essayer de résoudre le problème, je me disais qu’une cigarette m aurait fourni la solution, et je me lamentais de ne plus pouvoir fumer. Dans de telles conditions, il n'est effectivement pas facile de se concentrer ! Les fumeurs actifs ou repentis sont-ils les seuls à rencontrer ce genre de difficultés ? Si c’était le cas, il vaudrait mieux incriminer le tabac plutôt que de lui attribuer des vertus imaginaires. Mais il est évident que les non-fumeurs ne sont pas épargnés. Comment réa¬ gissent-ils lorsqu'un obstacle se dresse sur leur che¬ min ? Ils font exactement ce que nous faisions avant d'être accros : ils s’efforcent de le surmonter. Comme la nicotine n’apporte qu’un soulagement partiel à la « démangeaison », le tabagisme exerce finalement des effets nuisibles à la concentration. En outre, le magma infâme qui se dépose dans notre corps n’épargne aucun organe, le cerveau pas plus que les autres. Après avoir arrêté grâce à La méthode simple, j’ai continué à avoir des blocages, mais je n’ai plus perdu mon temps à me lamenter sur mon sort. Je viens par exemple de me heurter à un obstacle en écrivant ce chapitre. Autrefois, j’aurais allumé une cigarette et pataugé un bon moment avant de m’en sortir. Aujourd'hui, je sais que le tabac n’est pas une solution, mais une distraction ; j’ai donc abordé la question sous l’angle de la logique, et le dia¬ gnostic a débouché sur un remède. Après cinq heures 215

d’intense concentration, mon cerveau a alors réclamé un peu de répit : c’est incroyable comme les problèmes en apparence les plus insurmontables s’évanouissent comme par miracle après une bonne nuit de sommeil ! Nous avons donc balayé les mythes 1 à 12. Atta¬ quons-nous maintenant à deux illusions particulière¬ ment tenaces. 13. Les fumeuses aiment-elles fumer ? Même quand vous comprenez la nature du piège et le mécanisme de l’illusion, vous avez du mal à admet¬ tre que le tabac ne vous a jamais apporté de plaisir. Il est encore plus difficile d’accepter le fait qu’aucun fumeur n’a jamais apprécié le goût de la cigarette, du cigare ou de la pipe. Il faut s’affranchir complètement du lavage de cerveau pour regarder la vérité en face : la dépendance à la nicotine n’est rien d’autre que le fléau décrit sous le nom de « Dévastation » au chapi¬ tre 6. Relisez ce passage, et vous aurez du mal à comprendre comment tant de personnes ont pu s’ima¬ giner que le tabac leur apportait du plaisir. Quand on interroge une femme sur les raisons de son tabagisme, la réponse habituelle est la suivante : — Je fume parce que cela me plaît, bien sûr. Mais il suffit de lui demander ce qu’il y a d’exaltant dans le fait d’inhaler des fumées cancérigènes pour qu’elle devienne beaucoup moins catégorique. Nous avons déjà montré que la plupart des prétextes avancés par les fumeuses ne sont que des arguments illusoires. Je connais beaucoup de femmes qui avouent porter des chaussures trop étroites - mais aucune qui prétende y prendre du plaisir. Au restaurant, elles les enlèvent dis¬ crètement sous la table au moment où une autre irrita¬ tion se manifeste : le désir de gratter la « démangeai¬ son ». Fumer est une activité aussi désagréable que porter des souliers trop petits. 216

Cependant, les fumeurs les plus lucides avancent une autre explication dont je n’ai pas encore parlé : le rituel. Laissez-moi vous citer un extrait de lettre : «Je suis psychiatre et je fume énormément. N’étant pas complètement idiote, j’en ai déduit que le tabac me procutait un certain plaisir. Sinon je ne fumerais pas, et des millions d’autres personnes non plus. J’ai analysé les raisons habituelles avancées par les fumeurs, et aucune ne m’a paru valide. J’ai d’abord pensé que la seule explication possible était une vul¬ nérabilité personnelle à la dépendance, mais ma for¬ mation professionnelle m'a permis de voir que c’était absurde. J’en suis arrivée à la conclusion que le seul aspect agréable réside dans le rituel : le plaisir de manipuler un paquet élégant, de retirer la cellophane et le papier doré, de le tendre à un ami, de saisir une cigarette roulée à la perfection, de l’allumer, de tirer les premières bouffées, à condition bien sûr de ne pas être assise à côté d'un non-fumeur ! J’associe ce rituel avec certains des moments les plus agréables de ma vie, et, en toute franchise, je n’imagine même pas devoir y renoncer. »

Cette lettre soulève deux autres points importants, mais commençons par la question du rituel. Si celui-ci était si agréable, il devrait être possible de continuer à le pratiquer sans allumer de cigarette. Certaines per¬ sonnes ont tenté l’expérience et se sont aperçues que cela ne marchait qu’à court terme. David Bryant, le célèbre joueur de boules britannique, tenait une pipe vide entre les dents durant les tournois en salle, où il lui était interdit de fumer. On comprend aisément pour¬ quoi le subterfuge ne dure qu’un temps si on le compare au rituel de la table. Je suis peut-être un snob, mais j’adore les restau¬ rants dotés d’un joli décor, d’une ambiance sympathi¬ que et d’une vue pittoresque. Si le service est efficace 217

et que je me trouve en compagnie de bons amis, c’est encore mieux. La nappe d’une blancheur immaculée, les verres en cristal, l’argenterie et la porcelaine contri¬ buent à rendre ces moments délicieux. Maintenant, imaginez que le parfum de votre plat préféré vient vous chatouiller les narines et que vous avez une faim de loup. Les commandes arrivent. Vous attendez patiem¬ ment qu’on ait servi vos voisins. Vous vous apprêtez à goûter un premier morceau quand le garçon vous tape sur l’épaule et vous dit : — Je suis désolé, mais vous avez payé pour le rituel, pas pour manger. Apprécieriez-vous autant le rituel si l’on vous inter¬ disait de toucher à la nourriture ? Bien sûr que non. Il y a de quoi blêmir. Le rituel de la table a pour but d’accroître le plaisir de satisfaire sa faim. Sinon, il devient absurde, déplaisant et très frustrant. Dans le cas du tabac, les emballages soignés, les briquets en or, les étuis à cigarettes en argent et les cendriers en cristal remplissent une fonction diamétra¬ lement opposée : il s’agit de vous faire croire qu’il est agréable et chic d’inhaler des fumées infectes et can¬ cérigènes. Mais là encore, ce rituel n’aurait aucun sens si l’on vous interdisait de gratter votre « démangeai¬ son ». Le recours aux cigarettes à l’eucalyptus est très comparable. Si vous en avez déjà fumé, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin. Sinon, tentez l’expé¬ rience, et vous verrez ce que je veux dire. 14. Certaines personnes sont-elles particulièrement vulnérables à la dépendance ? Cette question me semble extrêmement intéressante, car il est impossible de prouver que quelque chose n’existe pas. Il faut donc peser le pour et le contre, se fier à son intelligence et opter pour l’hypothèse la plus probable. 218

Beaucoup de gens en arrivent à la conclusion qu’ils sont « naturellement » sujets à la dépendance, parce que c’est la seule explication rationnelle. Mais même si ce danger menaçait davantage certaines personnes, cela resterait absurde. Imaginons que je sois de nature grégaire et donc avide de contacts avec les autres. Dans ce cas, il me sutfirait de rencontrer beaucoup de gens pour être heureux. Imaginons à présent que je sois porté à la dépendance : cela signitierait que j'ai un penchant non seulement pour la nicotine, mais aussi pour 1 héroïne et toutes les autres drogues qui rendent accro. Pourtant, je n'ai jamais rencontré personne qui ait som¬ bré volontairement dans la toxicomanie. Tous ces arguments ne servent qu’à brouiller les pis¬ tes. Laissez-moi vous poser le problème sous une forme caricaturale : pourquoi les Egyptiens se noientils plus souvent dans le Nil que les Ukrainiens ? Est-ce à cause d'une faiblesse psychologique plus répandue chez les premiers que chez les seconds ? Vous n’aurez pas besoin de vous creuser longtemps la cervelle pom¬ me donner votre réponse : les Ukrainiens ne se noient pas dans le Nil parce qu'ils n’habitent pas à proximité. Quant aux Egyptiens, ils ne souffrent d’aucune fai¬ blesse psychologique, mais ils passent leur temps à se baigner et à faire du bateau sur le Nil. De la même façon, si vous n’êtes pas dépendante à l’héroïne, c’est parce que vous n’en avez jamais pris. Pour devenir accro à une drogue, il faut d’abord en avoir consommé. Curieusement, des milliers de personnes qui se croyaient vulnérables à la dépendance ont eu une révé¬ lation en lisant La méthode simple : elles ont découvert qu’il n’en était rien. Ce n’est pas vous qui êtes accro, c’est la drogue qui vous rend accro. La drogue, mais aussi la croyance qu’elle vous apporte un plaisir et un soutien, et que sans elle vous seriez incapable de profiter de la vie ou de résister au stress. Autrement dit, il s’agit d’une 219

dépendance physique, mais aussi d’une pure illusion. Une fois cette illusion dissipée, la dépendance disparaît sur-le-champ. 15. Le tabac fait-il maigrir ? Nous avons analysé et anéanti cette contrevérité dans le chapitre 18. N’hésitez pas à vous y reporter. Nous venons donc de balayer les mythes 1 à 15. Avant de nous attaquer aux cinq derniers, nous devons aborder les questions soulevées dans la lettre citée plus haut : «J’associe ce rituel avec certains des moments les plus agréables de ma vie, et, en toute franchise, je n’imagine même pas devoir y renoncer. » Car il est

essentiel de ROMPRE LES ASSOCIATIONS.

20 Rompre les associations

La méthode simple convient à toutes les fumeuses. Cependant, malgré mes efforts et ceux de mes collè¬ gues, le succès n’est pas au rendez-vous pour un faible pourcentage des patientes qui viennent dans nos cen¬ tres. Nous nous refusons toutefois à parler d’échec, car nous sommes persuadés que chacun a les moyens d'arrêter facilement. Notre devise est la même que celle de la police montée canadienne : « Nous finissons tou¬ jours par avoir notre homme » - ou notre femme ! Cha¬ que fois qu'un cas délicat se présente, nous essayons d'en analyser les raisons. Toutes mes instructions sont importantes, mais je vous demande de prêter une atten¬ tion particulière au point suivant, parce qu’il est à l’ori¬ gine de la plupart des échecs : N'ALLEZ SURTOUT PAS CROIRE QUE VOUS ÊTES DIFFÉRENTE ET QUE LA MÉTHODE SIMPLE NE MARCHE PAS POUR VOUS.

Avec un tel défaitisme, vous partiriez battue d’avance. Si votre première tentative avec La méthode simple se solde par un échec, c’est que vous n’avez pas compris ou pas appliqué une ou plusieurs des instructions. Il est donc facile d’y remédier. Vous n’êtes pas différente des 2 milliards d’êtres humains qui sont tombés dans 221

le piège et voudraient s’en échapper. La seule chose qui vous distingue d’eux, c’est que vous n’en êtes*plus réduite aux théories fumeuses et aux vagues hypothè¬ ses : vous connaissez la réalité des faits, et désormais vos idées sont claires et nettes. Pourquoi seriez-vous déprimée et pleine d’appréhen¬ sion, comme si vous vous attaquiez à une tâche ardue ? Il n’y a vraiment pas de quoi broyer du noir. Vous avez choisi la liberté, et ce n’est pas tous les jours qu’on s’apprête à sortir de prison après de longues années de détention. Soyez gaie et sûre de vous, pré¬ parez-vous à relever un défi enthousiasmant. Vous n’avez rien à perdre et tout à gagner. Est-ce que par hasard vous n’auriez pas saisi que la seule raison qui vous pousse à fumer, c’est le désir de nourrir le « petit monstre » ? Le « petit monstre » est une forme de dépendance physiologique. Il crée l’illusion selon laquelle le tabac vous procurerait un plaisir et un soutien. C'est à cause de lui que vous éprouvez un malaise, un déséquilibre intérieur. En voulant neutraliser cette impression, votre cerveau estime à tort qu’une cigarette permettra de réta¬ blir l’équilibre. À présent, cette tromperie n’a plus de secrets pour vous : vous savez que chaque nouvelle cigarette, bien loin de chasser le sentiment de vide et d’insécurité, ne fait que le perpétuer. Le seul remède définitif consiste à détruire le « petit monstre ». Vous n’avez peut-être pas compris que le « petit monstre » survit durant les quelques jours qui suivent l'extinction de la dernière cigarette ? Au cours de cette période, vous risquez d’éprouver un brusque désir de fumer. Rappelez-vous qu’il ne s’agit pas d’une envie consciente, mais des ultimes sou¬ bresauts du « petit monstre » à l’agonie. C'est donc l’occasion de vous réjouir et de persister dans votre décision. 222

VOUS DEVEZ IDENTIFIER, PUIS ROMPRE LES ASSOCIATIONS D'IDÉES.

J’en reviens à mon histoire de lave-glace. Il nous arrive à tous d agir en fonction de vieilles habitudes comportementales. Ainsi, certaines personnes se tripo¬ tent les cheveux pour maîtriser leur nervosité - comme lorsqu'elles étaient enfants. Quant aux fumeuses, elles s’exagèrent les conséquences négatives de l’abstinence. Elles se demandent comment elles vont pouvoir télé¬ phoner ou résoudre un problème difficile sans l’aide d’une cigarette - et ce parce qu’elles associent la pri¬ vation de tabac à la souffrance. La peur de se sentir très mal en toutes circonstances a de quoi décourager les femmes qui envisagent d’en finir avec la cigarette. Si au début de votre tentative vous avez du mal à concevoir une fin de repas sans tabac, que va-t-il se passer ? C'est très simple. Admettons qu’après quatre ou cinq jours d'abstinence vous alliez au restaurant avec des amis. Ils allument une cigarette à la fin du repas, la fumée vient vous chatouiller les narines, et le « petit monstre », qui n’est pas encore passé de vie à trépas, réclame sa pitance. Vous avez le choix entre résister grâce à votre force de volonté ou céder. Au bout de cinq jours, le goût vous paraît bizarre, mais le soulagement obtenu en grattant la « démangeaison » satisfait partiellement le « petit monstre », prolonge sa durée de vie et enracine dans votre esprit la croyance qu’il est impossible de profiter d’un repas sans une cigarette. Tant que vous aurez peur de ce type d’associations d'idées, vous devrez produire un effort de volonté pour résister à la tentation. Et le « petit monstre » n’est pas le seul à déclencher cette envie de fumer : n’importe laquelle des associations d’idées évoquées plus haut peut avoir le même effet. Voilà pourquoi Shelagh 223

«mourait d’envie de fumer» après huit ans d’absti¬ nence. Voilà pourquoi les personnes qui suivent,june méthode fondée sur la volonté ne se sentent jamais totalement libérées. Vous devez absolument rompre le plus d’associa¬ tions d’idées possible avant d’éteindre votre dernière cigarette. Cela va vous demander de l’imagination et sans doute un certain courage. Mais la récompense sera à la hauteur de vos efforts. Répétez-vous sans cesse que vous allez y arriver. D’abord, vous devez vous convaincre que toutes les situations agréables que vous associez avec le tabac le demeureront quand vous aurez arrêté. Vous le savez déjà, d’ailleurs, sans avoir nul besoin de vous référer à ce que vous avez lu dans ce livre. Les non-fumeuses profitent autant que vous de ces moments privilégiés, et il en était de même pour vous avant que vous ne tombiez dans le piège. Rappelez-vous qu’en réalité le tabagisme avait plu¬ tôt tendance à vous gâcher la vie, à cause des habitudes comportementales propres aux personnes dépendantes. Il suffit qu’une fumeuse ne puisse pas allumer une ciga¬ rette pour que le contexte le plus plaisant lui devienne pénible. Et c’est le tabac qui en est responsable. Si vous abordez ce genre de situations après avoir renoncé à la cigarette, mais en conservant l’état d'esprit d’une fumeuse, vous ne les apprécierez pas non plus. Si vous vous dites : «Je ne pense pas pouvoir m’amuser sans cigarette », vous courez droit à l’échec. Dans le chapitre précédent, je vous ai recommandé de vous rendre à une soirée le plus vite possible après avoir arrêté de fumer. Je réitère mon conseil, en ajou¬ tant que cette occasion doit vous servir de test. Recher¬ chez les différentes associations d’idées, réfléchissez-y, utilisez-les pour modifier vos schémas de pensée conscients et inconscients. Vous pouvez ainsi repro224

grammer votre cerveau. Prouvez-vous à vous-même que vous êtes capable de devenir une non-fumeuse sans délai ni souffrances inutiles. De cette manière, vous vous débarrasserez au même rythme du poison qui vous rongeait l’esprit que du magma infect qui ruinait votre organisme. Il existe des dizaines d’associations d'idées, et nous allons maintenant nous attarder sur quelques-unes des plus typiques. Vous côtoyez un groupe de fumeurs dans un mariage ou en vacances. Ils débordent de bonne humeur et pas¬ sent à l’évidence un excellent moment. Les paquets de cigarettes circulent de main en main, et vous êtes tentée de vous dire : « Ce n'est pas juste. C’est normal qu’ils s'amusent. Ils ont le droit de fumer, eux ! » Bien sûr qu’ils ont l’air heureux, mais le tabac n’y est pour rien : c’est tout simplement parce qu’ils sont en vacances. Ils ne l’avoueraient pour rien au monde, mais chacun d'entre eux vous envie. Si vous commencez à regretter vos cigarettes, vous regrettez un bonheur qui n’a jamais existé. Vous risquez de lâcher la proie pour l’ombre. Et vous vous condamnez à un triste dilemme : soit vous vous morfondez tout en résistant à la tentation, soit vous cédez, et vous devenez encore plus malheureuse. Supposons qu’outre leur dépendance à la nicotine ces fumeurs souffrent tous d’une infirmité : la mutila¬ tion d’un membre par exemple. Ils pourraient très bien respirer la joie de vivre, mais il ne vous viendrait pas à l’esprit de les jalouser parce que vous, vous avez la chance d'être parfaitement valide. Les salles d’attente des aéroports constituent égale¬ ment un terrain périlleux pour les anciennes fumeuses, surtout en cas de vol retardé. Vous pouvez vous asseoir où vous voulez, vous êtes cernée par des cartouches en vente duty free. Vous vous ennuyez, l’impatience vous gagne, et tout autour de vous les gens se vantent d’avoir acheté leurs cigarettes à un prix imbattable.

225

« Moi aussi, vous dites-vous, j’économisais beaucoup d’argent grâce aux duty free. Si j’allais prendre^un paquet ? » N’y allez surtout pas ! Souvenez-vous plu¬ tôt qu’en fait d’économie, une fumeuse dépense 70 000 euros au cours de son existence pour avoir le privilège d’être réduite en esclavage et de miner sa santé. Observez ces fumeurs d’un peu plus près, surtout ceux qui attendent le même vol que vous. Ont-ils vrai¬ ment l’air radieux ? Vous vous retrouverez obligatoirement dans des situations où resurgiront de vieilles associations d’idées, et celles-ci vous feront saliver comme les chiens de Pavlov ! Comme les femmes sont davantage à l’écoute de leurs émotions et les identifient sur-lechamp, celles-ci ont tendance à remonter plus facile¬ ment à la surface. Vous devez donc vous préparer à éprouver des sentiments perturbants et à agir en consé¬ quence. Dès que la petite sonnette retentit, dites-vous que votre première réaction (« J’ai envie d’une ciga¬ rette ») n’est qu’un réflexe conditionné, un vestige du passé réveillé par une sensation d’inconfort. Si vous subissez un choc dans les semaines qui suivent le moment où vous avez arrêté de fumer, ce réflexe condi¬ tionné peut être assez puissant. Mais rappelez-vous qu'il y a deux forces en présence, et non pas une seule. Votre organisme est peut-être en train de se purger des derniers restes de nicotine, d’où des troubles impor¬ tants d’ordre physique. Le choc qui vous a affectée peut aussi avoir des effets psychologiques marquants. Votre cerveau n’est pas capable de faire automati¬ quement la part des choses et de vous dire : « Ce malaise est dû pour moitié aux conséquences physiques du manque de nicotine et pour une autre moitié à des troubles d’ordre émotionnel. » 226

VOUS VOUS SENTIREZ STRESSÉE, UN POINT C'EST TOUT !

Comme les chiens de Pavlov, vous avez été condi¬ tionnée à répondre à la sonnette et à croire que le tabac vous soulagera. Vous serez donc tentée d’allumer une cigarette. Mais vous savez désormais que celle-ci ne vous apportera qu’un apaisement provisoire et qu’elle déclenchera de nouveau le sinistre processus de la dépendance. Ne vous affolez pas quand la sonnette retentira. Au contraire, profitez-en pour vous rappeler la réalité des faits. Ne remettez jamais en cause votre décision d arrêter. Répétez-vous que vous avez beaucoup de chance d’être une non-fumeuse. Les petits incidents de la vie quotidienne représen¬ tent également des dangers potentiels. En cas d’accro¬ chage avec une autre voiture, une idée peut vous tra¬ verser l'esprit : « Dans un moment comme celui-ci, j'aimerais bien pouvoir allumer une petite cigarette. » Pensez plutôt à l’époque où vous fumiez. Dans un cas de ce genre, vous auriez allumé une cigarette, et sans doute même plusieurs, mais vous ne vous seriez pas dit pour autant : « C’est fantastique ! Ma voiture est pliée en deux, mais je n’en ai rien à faire, car cette délicieuse cigarette me fait oublier tous mes soucis. » En regrettant d’avoir renoncé au tabac, vous ne réus¬ siriez qu’à vous torturer inutilement. Autre situation moins commune mais tout aussi cri¬ tique : vous pouvez être amenée à rencontrer l’amie avec laquelle vous avez fumé pendant tant d’années. Vous avez peut-être noté qu'Emma Freud avait subi l’influence très positive d’une camarade avec laquelle elle avait grillé ses premières cigarettes. Mais cette influence peut aussi être négative. Si vous avez l’habi¬ tude d’évoquer le passé et d’envisager l’avenir avec une amie très chère, autour d’un verre de vin et d’une cigarette, vous craignez peut-être que cette relation pri227

vilégiée ne se détériore du fait de votre nouvelle abs¬ tinence. Souvenez-vous de la remarque d’Emma : « Elles avaient quitté le club, et moi j’en étais toujours mem¬ bre. » Votre amie va-t-elle se sentir mal à l’aise et vous reprocher votre trahison ? Vous devez vous préparer avant de la rencontrer, et vous répéter que le club que vous venez de quitter a des allures de léproserie. Même si votre amie essaie de vous attirer de nouveau dans le piège, n’oubliez jamais qu’elle envie votre liberté. Sou¬ venez-vous également qu’Emma a vu sept de ses connaissances arrêter de fumer avant de se résoudre à suivre leur exemple. Songez à la fierté de celle qui s’est engagée la première dans cette voie, et qui a pu ainsi aider toutes ses amies, y compris Emma. Vous éprouverez bientôt la même satisfaction. Si le tabac possédait toutes les vertus qu’on lui prête, il aurait dû VOUS PROTÉGER DU STRESS ET DE L’ENNUI, VOUS AIDER À VOUS DÉTENDRE ET À VOUS CONCENTRER EN TOUTES CIRCONSTANCES.

Était-ce vraiment le cas du temps où vous fumiez ? Vous seule pouvez répondre. Venons-en à la sixième cause (et la plus redoutable) susceptible de provoquer votre échec malgré La méthode simple : le « vide ».

21 Le « vide »

Le « vide », c'est la croyance selon laquelle, quelle que soit 1 origine de l’humanité, chacun de ses mem¬ bres est incomplet. Vous pouvez penser avoir été créée par Dieu, par l'Évolution ou par un mélange des deux, cela ne change strictement rien à l’affaire. Nous savons que les espèces les plus évoluées, tels le gorille, le tigre ou l'éléphant, possèdent une force physique inouïe et peuvent survivre dans la nature sans vêtements, ni abris, ni hôpitaux, ni médecins, ni médicaments, ni piqûres, ni vaccins. Vous pouvez m’objecter que ces animaux sont menacés d'extinction. Cela est dû au fait qu’une espèce encore plus puissante a établi son monopole sur la pla¬ nète, et que, non contente de détruire leur habitat, de polluer les rivières, la terre et jusqu’à l’air qu’elle res¬ pire, elle a massacré ces créatures magnifiques dans le seul but commercial et esthétique d’accaparer ivoire et fourrures. Bien que la résistance du gorille, du tigre et de l’élé¬ phant nous impressionne, nous possédons exactement les mêmes caractéristiques. On nous a même appris que 96 % de notre ADN est identique à celui du chim¬ panzé. Il est également indiscutable qu’Homo erectus 229

s’est passé de feu pendant d’innombrables millénaires, ainsi que des soins médicaux et des filets de sauvetage sans lesquels nous serions incapables de survivre. Pourquoi un petit d’homme a-t-il besoin d’un an pour apprendre à marcher, alors qu’un girafeau gam¬ bade au bout de quelques heures ? Pourquoi les socié¬ tés occidentales traitent-elles un processus aussi naturel que l’accouchement comme une véritable maladie ? Après tout, une mère aborigène peut mettre son bébé au monde avec l’aide d’une seule femme, puis se rele¬ ver et reprendre ses activités vingt minutes plus tard. Je ne veux pas dire par là que nous devrions revenir à un stade plus primitif de notre évolution. Et je ne nie pas que la médecine moderne a permis de réduire le taux de mortalité chez les mères comme chez les bébés. Je fais simplement remarquer que nous en sommes arri¬ vés au point où non seulement les enfants, mais aussi les adultes sont considérés comme des êtres fragiles et incomplets. Combien de fois nous a-t-on répété cette phrase éculée : « L’enfance est la plus belle époque de la vie » ? Le pire, c’est que nous y croyons, alors que la nais¬ sance est la pire épreuve qu’un être vivant doive affron¬ ter. Le fait que la Nature ait la bonté de nous rendre inconscients, ou de nous aider à oublier rapidement ce traumatisme, n’y change rien. Au cours de l’enfance et de l’adolescence, nous devons nous adapter aux dures lois de l’existence, mûrir et acquérir notre indépen¬ dance. Notre vie ne devrait être ensuite qu’une vallée de roses, mais il n’en est rien. En guise d’explication, nous nous rabattons sur divers prétextes : les traites de la maison, les impôts, les charges écrasantes des parents qui doivent nourrir, vêtir et élever leurs enfants. Mais pourquoi nous plaindre de ces responsabilités librement consenties, et qui devraient donc nous appor¬ ter plus de plaisir que de stress ? Tout simplement parce que nous subissons un lavage 230

de cerveau, un conditionnement, depuis notre nais¬ sance : on nous ressasse que nous ne pourrons nous améliorer et atteindre un sentiment de plénitude que grâce à certains produits miraculeux ou à certains gad¬ gets. En réalité, la combinaison du corps et de l’esprit humain fait de nous la machine la plus puissante et la plus sophistiquée qui vive à la surface de la planète. Nous croyons être très supérieurs sur le plan intellec¬ tuel et très inférieurs sur le plan physique au tigre ou à l’éléphant, alors que c’est exactement le contraire. Si la jeunesse est la plus belle période de la vie, pourquoi le taux de suicide des adolescents ne cesse-t-il d’aug¬ menter dans les sociétés occidentales ? Pourquoi som¬ mes-nous la seule espèce animale qui ait appris à pleurer - et à se donner la mort ? Notre prétendue intelligence est utilisée à des fins d autodestruction. L'adolescence est indéniablement une phase difficile, mais la Nature nous a pourvus des moyens nécessaires pour la surmonter, comme toutes les autres espèces. Je suis persuadé que notre meilleur arme de survie est notre conscience, autrement dit, nos facultés de raisonnement. Dans le chapitre 18, nous avons vu que le piège de la nicotine nous pousse à allumer une cigarette chaque fois que nous éprouvons une sensation de vide ou d’insécurité - que cette impression soit due à l’effet de manque ou bien à un stress tout à fait naturel. Non seulement nous en avons pris l’habitude, mais nous sommes convaincus que cette cigarette nous soulage. Heureusement, vous connaissez désormais le méca¬ nisme de cet abus de confiance. Vous allez donc pou¬ voir modifier vos habitudes aussi rapidement que vous vous adaptez à une nouvelle voiture. Vous ne considé¬ rerez plus le tabac comme un moyen de lutter contre le vide, ni son absence comme une source de frustra¬ tion. La cigarette sera maintenant à vos yeux la source de tous les maux, et vous vous féliciterez d’être sortie 231

du cercle vicieux de l’esclavage, car vous aurez réglé le problème de la dépendance. ^ Aussi longtemps que l’ignorance prévaudra sur la nature véritable de l’abus de confiance, certaines per¬ sonnes continueront à exploiter la situation en recou¬ rant à des procédés déloyaux. En voici quelques-uns. Depuis des décennies, les cigarettiers utilisent des techniques psychanalytiques dans leurs campagnes de marketing. Les études menées par les pouvoirs publics et les industriels ont montré que la plupart des gens souhaitent acheter des produits de consommation afin de se valoriser. L’individu moyen désire être quelqu’un dans la société, et les biens matériels sont pour lui un moyen d’acquérir un statut. Les cigarettiers ont parfai¬ tement saisi cette aspiration et ont mené des études spécifiques pour adapter leur production en fonction des différentes cibles présentes sur le marché. Ils ont recruté d’éminents psychanalystes afin que ceux-ci, en étroite coopération avec leurs départements de marketing, élaborent des logos et des images publi¬ citaires correspondant aux besoins et aux désirs des différentes catégories d’acheteurs potentiels. Ainsi, les couleurs et les images associées à la jeunesse, au suc¬ cès professionnel et à l’intégration sociale sont utilisées pour conquérir de nouvelles parts de marché. Ce pro¬ cessus se poursuit aujourd’hui, avec succès apparem¬ ment, puisque l’industrie du tabac continue à prendre au piège de nouvelles générations de fumeurs. Des documents obtenus clandestinement et cités au cours des procès engagés contre certaines grandes sociétés révèlent le cynisme de ces techniques de mar¬ keting. Les personnes qui tombent dans la dépendance sont qualifiées d'« illogiques et stupides ». En effet, la plupart d'entre elles ne se rendent même pas compte qu'on leur fourgue une drogue qui va les réduire en esclavage, et celles qui restent lucides sont incapables de se libérer. 232

On aurait pu espérer qu’ après de telles révélations les gouvernements du monde entier interviennent pour bannir ce type de publicités. Il n’en a rien été. La publi¬ cation de tels documents lors du procès de la compa¬ gnie Philip Morris, organisé en 1998 dans le Minne¬ sota, n’a nullement gêné les agissements de l'industrie du tabac et n’a pas non plus encouragé les différents gouvernements à prendre des mesures. Les affaires sont les affaires... Vous-même, vous fournissez peut-être des rensei¬ gnements précieux aux cigarettiers : par exemple en répondant aux enquêtes qui sont régulièrement menées dans les points de vente. Même si les résultats ne leur parviennent pas directement, ils finissent par obtenir qu'on les leur vende. À l'avenir, prenez bien soin de cocher la case relative à la confidentialité des informa¬ tions, afin de prévenir ce détournement de données. Dans les années 1960, 60 % des hommes fumaient, contre 40 % des femmes. La proportion de fumeurs chez les hommes est ensuite descendue de moitié, pour atteindre 27 %, alors que chez les femmes elle s’éta¬ blissait à 30 %. Les cigarettiers ont conclu de ces chif¬ fres que les hommes réussissaient davantage que les femmes à échapper au piège. Les femmes étaient beau¬ coup moins réceptives aux campagnes antitabac, car celles-ci visaient surtout les hommes ; elles leur sont donc apparues comme une cible privilégiée pour arrê¬ ter la chute vertigineuse de leurs ventes dans les pays occidentaux. Le pourcentage de fumeurs est aujourd’hui équiva¬ lent pour les deux sexes. Mais on peut être inquiet en voyant la proportion s’élever rapidement chez les ado¬ lescentes, qui ont même dépassé les garçons dans cer¬ tains pays. La cause de cette évolution réside dans la stratégie de marketing des cigarettiers. Depuis les années 1960, ils exploitent à fond les changements liés à l’émancipation des femmes et à leur accession à 233

l’indépendance financière, et ils leur consacrent une part très importante de leurs budgets annuels de publi¬ cité et de marketing. Les documents cités devant les tribunaux révèlent l’existence d’une analyse systéma¬ tique « des souhaits et des besoins » de la femme moderne afin d’être en mesure de satisfaire ce segment du marché. Les recherches les plus alarmantes concernent le style de vie des jeunes femmes et la conception des produits qui leur sont destinés : les cigarettiers s’effor¬ cent de définir la vision du monde et les désirs de cette classe d’âge, d’exploiter les phénomènes de mode et de prévoir les futures tendances. Ainsi, certaines mar¬ ques visent à mettre en valeur l’image de la femme d’aujourd’hui. L’objectif avéré de l’industrie du tabac est d’une clarté limpide : il s’agit de « compenser les fatigues de la vie quotidienne ». « Les femmes, peut-on lire dans ces documents, ont souvent envie de souffler et de récupérer. (...) Non seulement ce produit leur apportera un moment de répit (quand les enfants jouent en hurlant, par exemple), mais il leur offrira une récom¬ pense (je mérite bien une petite cigarette après avoir abattu tout ce travail). » Cela vous rappelle quelque chose, n’est-ce pas ? Si vous fumez des Marlboro Light, laissez-moi vous dire que vous vous êtes bien fait avoir. Toutes les ciga¬ rettes « light », d’ailleurs, sont une supercherie. Elles sont destinées aux femmes soucieuses de leur santé, mais en réduisant leur nocivité, elles fournissent aux fumeuses une raison en apparence légitime de ne pas arrêter. Les industriels reconnaissent eux-mêmes qu’« il s’agit d'une arnaque ». Les fumeuses tirent davantage sur ce type de cigarette afin d’obtenir la quantité de nicotine nécessaire à l’« équilibre » de leur organisme. Si vous en doutez, essayez de vous souve¬ nir de votre comportement la dernière fois que vous avez fumé une « ultralight ». 234

Enfin, l’industrie du tabac a conçu des cigarettes spécialement destinées aux femmes jouissant de faibles revenus. Rien de tel qu un peu de papier doré pour vous donner une illusion de luxe et de grande classe ! Jetez un coup d'œil sur les schémas des pages 237-238. Je suis certain que vous identifierez aisément la catégorie dans laquelle vous range l'industrie du tabac. Je pourrais vous parler pendant des heures des pro¬ cédés utilisés pour vous attirer dans le piège de la nico¬ tine. Retenez simplement que vous n'auriez jamais imaginé des ruses aussi ingénieuses et sinistres le jour où vous avez allumé votre première cigarette. Ce tableau devrait modifier votre vision du tabac et vous éviter une rechute, car il illustre à merveille la prison dans laquelle certains cherchent à enfermer les femmes. Vous connaissez la formule rituelle : « Ah, si j'avais su ! » Eh bien, vous, vous savez ce qu’est la réalité du tabagisme. Et c’est parce que vous voulez vous en échapper que vous êtes en train de lire ce livre. La vie d'une fumeuse ne va jamais en s’améliorant: elle ne peut qu’empirer. Si votre situation actuelle vous dégoûte, il en sera toujours de même. Supposons que vous ayez les moyens de remonter le temps jusqu’à cette première cigarette : quel conseil donneriez-vous aujourd'hui à la jeune fille que vous étiez alors ? Cette possibilité vous sera bientôt offerte, lorsque vous éteindrez votre dernière cigarette et que vous sor¬ tirez de ce cauchemar, libre comme l’air. Vous retrou¬ verez alors votre joie de vivre d’antan. Avec tout ce que vous avez appris dans l'intervalle, nul doute que vous saurez vous donner un bon conseil. Vous pourrez enfin choisir en toute connaissance de cause : SOIT VOUS RESTEZ EN PRISON POUR LE RESTANT DE VOS JOURS, AVEC LA CERTITUDE D’ÊTRE MALHEUREUSE ;

235

SOIT VOUS FÊTEZ LA RÉUSSITE DE VOTRE ÉVASION ET VOUS SAVOUREZ VOTRE LIBERTÉ RETROUVÉE

'

^

Vous ignoriez la sensation de manque avant votre première cigarette. Depuis lors, vous essayez de combler un vide créé artificiellement par le tabac, sans vous rendre compte que chaque nouvelle cigarette ne le remplit que momentanément, et en creuse aussitôt un nouveau. Prendre de son plein gré une drogue qui nuit au bon fonctionnement de l’être le plus évolué de la planète est aussi absurde que de dérégler un outil parfaitement calibré. Soyons clairs : vous n’avez pas besoin de fumer, NI DE PRENDRE QUOI QUE CE SOIT À LA PLACE.

Cela nous ramène au questionnaire, et plus précisé¬ ment à l’illusion n° 16 :

16. Les gommes à mâcher, les patchs et les sprays nasaux aident-ils à s’arrêter ? Je vais à présent vous expliquer pour quelle raison... ... LES SUBSTITUTS RENDENT LE SEVRAGE PLUS DIFFICILE.

LES FEMMES VUES PAR L'INDUSTRIE DU TABAC

Ces informations proviennent d’une étude intitulée « Seg¬ mentation structurelle et psychologique du marché féminin adulte ».

FEMMES ACTIVES

La femme qui a choisi d’être active et qui s’investit dans son travail Engagement unique

Double engagement Épouse Mère Famille Elle peut être : Épanouie ou Exaspérée ou

À la recherche d’un équilibre

La femme qui n’a pas choisi d’être active et qui travaille par nécessité Engagement unique

Double engagement Épouse Mère Famille Elle peut être :

Désireuse de s’occuper ou Contrariée de devoir travailler

FEMMES AU FOYER

La mère de famille (18-30 ans*) (Jeune) mère épanouie

Mère exaspérée/frustrée/résignée

Trop occupée pour se poser des questions

Se sent débordée/insatisfaite

La femme d’intérieur (+ de 30 ans) Apprécie et accepte son rôle

Apprécie son rôle avec des réserves

S’est adaptée/résignée à son sort La ménagère (+ de 30 ans) Passive/mal dans sa peau (se réfugie chez elle)

Frustrée/révoltée

Se sent prise au piège/ A peur de changer de vie

Se sent prise au piège/Changera peut-être de vie

* Ces âges n’ont qu’une valeur indicative. Entre 18 et 30 ans, les femmes au foyer sans enfants sont de plus en plus rares.

22 Les substituts rendent le sevrage plus difficile

Notre objectif est de supprimer toute tentation de rallumer une cigarette. Peut-être pensez-vous encore qu'il est difficile de parvenir à un tel état d’esprit ? Je vous assure qu’il n’en est rien, à condition que vous suiviez mes instructions. Vous ne serez pas à la merci des hasards de l’existence, bien au contraire : vous exercerez désormais un contrôle absolu sur vousmême. L'une des instructions consiste à ne recourir à aucun substitut. J'ai insisté sur la nécessité de renoncer à la croyance selon laquelle l’arrêt du tabagisme vous pri¬ verait d’un ingrédient vital à votre sensation de pléni¬ tude. Le fait de se rabattre sur un substitut revient à dire : « Je sais que le tabac est nocif à ma santé et à mes finances, et j’aimerais bien m’en débarrasser; mais comme il me procure un plaisir et un soutien, il faut que je le remplace par autre chose. » Ainsi, loin de dissiper l’illusion d’une prétendue dépendance à la nicotine, vous ne faites que la renforcer. Pourquoi dia¬ ble auriez-vous besoin de remplacer la cigarette par autre chose ? Quand vous venez d’avoir la grippe, cherchez-vous 239

à attraper une autre maladie ? Bien sûr que non : vous vous réjouissez d’être guérie. Maintenant, relisez la définition de « Dévastation » au chapitre 6, et vous ver¬ rez de quelle maladie vous venez de réchapper. Je sais que vous avez encore un peu de mal à considérer le tabac sous un jour aussi sinistre, mais je vais essayer de vous en convaincre. Prenez un alcoolique parvenu au stade de la clochardisation. Tout le monde comprend que, quelles que soient les raisons qui l’ont poussé à boire, l'alcool ne résout rien et constitue aujourd’hui son problème majeur. La seule personne incapable de saisir la réalité de la situation, c’est lui. Toutes les dro¬ gues produisent d’ailleurs cet effet sur leurs victimes. Plus elles vous entraînent vers le bas (je ne parle pas des effets physiques, faciles à observer), plus elles sapent votre courage et votre confiance en vous, et plus vous avez besoin de leur soutien illusoire. Il vous faut de l'imagination et du courage pour regarder la vérité en face. Et alors ? La Nature ne vous a-t-elle pas dotée de ces deux qualités ? Plus vite vous réduirez le « petit monstre » à la famine, plus vite vous liquiderez le « grand monstre », et mieux vous vous en porterez. Fort heureusement, le « grand monstre » n’est qu’une créature imaginaire, une pure illusion dont vous pouvez vous libérer avant même d’avoir éteint votre dernière cigarette. Les substituts ne font que prolonger la vie du « grand monstre ». Si vous n’arrivez pas à vous en affranchir avant d avoir arrêté de fumer, comment y parviendriezvous ensuite ? Les substituts qui contiennent de la nico¬ tine présentent l’inconvénient supplémentaire de pro¬ longer la vie du « petit monstre ». Je fais bien sûr référence aux gommes à mâcher, aux patches et aux sprays nasaux. A première vue, ces produits répondent à une certaine logique, en vertu de laquelle vous devez vaincre deux adversaires redoutables : les terribles souffrances physiques occasionnées par le manque et 240

1 accoutumance pioprement dite. Or, dans une telle situation, seul un imbécile s attaquerait simultanément à deux ennemis , le bon sens commande de les affron¬ ter l’un après l’autre. Cette théorie vous propose donc de satisfaire les besoins en nicotine de votre organisme pendant que cous vous efforcez de venir à bout de l’accoutumance. Une fois ce premier objectif rempli, vous pourrez vous îetourner vers votre second adversaire et le vaincre sans trop de problèmes en diminuant progressivement les doses de nicotine. Tout cela semble parfaitement rationnel - du moins de prime abord. Mais dans ce cas, pourquoi n’attein¬ drait-on pas le même résultat en réduisant progressive¬ ment sa consommation de cigarettes ? Ce serait beau¬ coup plus simple, non ? On affaiblirait ainsi l’accou¬ tumance tout en limitant les souffrances liées à l’effet de manque. Vous vous souvenez peut-être de l’histoire de Mary, évoquée dans le chapitre 13. Celle-ci s’était engagée dans une expérience de ce genre ; bien loin de se libérer de sa dépendance illusoire, elle s’était murée dans la croyance qu'il n’y avait rien de plus merveil¬ leux sur terre qu'une cigarette. Le recours aux substituts thérapeutiques, en appa¬ rence logique, repose en fait sur trois principes erro¬ nés : 1. Le tabagisme est une accoutumance. 2. Il est difficile de détruire une accoutumance. 3. Le manque de nicotine provoque de terribles souf¬ frances physiques. Nous avons déjà fait un sort à ces trois idées fausses. Vous avez peut-être remarqué que les personnes qui ne réussissent pas à arrêter malgré l'utilisation d’un patch donnent en général l’explication suivante: «Il m’a beaucoup aidé à atténuer les conséquences physiques 241

du manque, mais il n’a rien pu faire sur le plan psy¬ chologique. » Autrement dit, le patch est utile pour régler un problème imaginaire, mais s’avère incapable d’apporter une solution au problème véritable. J’ai demandé à des dizaines de médecins de m’expli¬ quer en termes scientifiques pourquoi la réduction pro¬ gressive de la consommation ne produit pas les mêmes effets que les substituts thérapeutiques - et pourquoi ils prétendent que ces derniers facilitent le sevrage, alors qu’il est prouvé que la réduction graduelle le rend beaucoup plus difficile. Aucun d’entre eux n’a pu avan¬ cer le moindre argument convaincant. Je leur ai aussi posé la question suivante : « Comment peut-on favori¬ ser la guérison d’un toxicomane en lui prescrivant la drogue dont il est victime ? » Là encore, pas de réponse. Cela ne leur a même pas traversé l’esprit que c’était à leur pratique médicale que je faisais réfé¬ rence ! Prescrire à une fumeuse des chewing-gums conte¬ nant de la nicotine est absurde. C’est comme si l’on conseillait à une toxicomane qui a l'habitude de fumer sa drogue de se l’injecter directement dans les veines ! Les termes mêmes de substitut thérapeutique sont un leurre, car il n’y a ni thérapie ni substitution. Cela se résume simplement à consommer la même drogue sous une forme différente. Voilà pourquoi des milliers d’anciens fumeurs viennent dans nos centres afin de se libérer de leur dépendance aux gommes à mâcher à la nicotine. Au fond, que recherchons-nous dans les substituts ? Un produit qui nous apporte les mêmes avantages que la cigarette sans en présenter les inconvénients ? Un remède miracle qui combatte l’ennui, nous stimule, favorise la concentration et la détente ? Allons, un peu de sérieux ! Vous ne croyez tout de même plus au Père Noël ! Ce à quoi vous aspirez, vous le possédez déjà : ni votre corps ni votre cerveau n'ont besoin d'aide exté242

rieure. Ils ne réduiront pas votre stress à néant d’un coup de baguette magique (pas plus que le tabac, d’ail¬ leurs), mais ils vous fourniront l'adrénaline qui vous permettia de 1 affronter. Ensuite, une fois le danger passé, vous pourrez compter sur eux pour vous donner les dopamines qui vous aideront à vous relaxer et à jouir de l’existence. Ne soyons pas trop durs avec ces médecins. Un généraliste ne peut pas se cantonner au sevrage des patients atteints de tabagisme ; il doit aussi être capable de traiter toutes les autres pathologies susceptibles d affecter 1 espèce la plus sophistiquée de la planète. Moi, il m a fallu une vie entière pour percer les mys¬ tères du piège de la nicotine. Comme pour les autres maladies, ils ont tendance à prescrire les médicaments prônés par les grands groupes pharmaceutiques. En fait, la plupart des généralistes n’en savent pas plus long sur la dépendance au tabac que monsieur Tout-leMonde. Et nos centres accueillent davantage de méde¬ cins que de représentants de n’importe quelle autre profession. J'ajoute qu'ils ne viennent pas se former, mais se guérir eux-mêmes du tabagisme ! Il ne nous reste plus que les quatre dernières illu¬ sions recensées dans le questionnaire : 17. Faut-il de la volonté pour arrêter ? 18. Le sevrage implique-t-il obligatoirement des souffrances physiques ? 19. Les anciennes fumeuses traversent-elles obliga¬ toirement une période de manque et d’irritabi¬ lité ? 20. Est-il difficile d’arrêter ? Nous avons déjà traité en partie ces quatre questions. Si vous avez bien suivi les instructions, vous pouvez répondre à chaque fois par un « non » franc et massif ! 243

Vous êtes maintenant arrivée à un stade très enthou¬ siasmant de l’aventure. Mettez-vous dans la p^au d’Edmund Hillary ou du sherpa Tenzing Norgay, et imaginez que vous vous trouviez à trente mètres du sommet de l’Everest. Les préparatifs et l’approche épuisante sont derrière vous. Le temps est clément, et rien désormais ne peut plus vous empêcher d’atteindre votre but. Vous ressentez de la nervosité ou de l’inquiétude ? Peu importe. Pensez à Nelson Mandela juste avant que ses gardiens ne viennent ouvrir la porte de sa prison. Lui aussi devait avoir le cœur qui battait un peu plus vite ! Vous êtes dans la même situation que Hillary et Tenzing - avec encore davantage d’atouts dans votre jeu. Aucun accident de parcours, aucun hasard ne peut plus se mettre en travers de votre route. Il vous suffit de vous conformer aux ULTIMES RECOMMANDATIONS.

23

Ultimes recommandations

Avant d’en venir aux dernières instructions, il reste un sujet important dont nous n’avons pas encore parlé : le timing. Car vous vous demandez peut-être : « Est-ce le moment idéal pour m’arrêter de fumer ? » Surtout, ne tombez pas dans ce piège sournois. Car vous ne trouverez jamais de moment idéal. Vous vous direz que c’est idiot d’arrêter juste avant un mariage, juste avant Noël, juste avant les vacances... Ou bien votre stress vous servira de prétexte pour retarder l’aventure : « Je vais attendre d’être un peu plus déten¬ due, ou bien d’avoir réglé tel ou tel problème. » Ce genre d'atermoiements vous pompe toute votre énergie et finit par vous tuer. Il y aura toujours une fête, un gros ennui, un événement qui vous conduira à repous¬ ser l’échéance. Supposons qu’une personne souffre d’une maladie grave et qu’il existe un remède simple et bon marché. Dans quel délai lui conseilleriez-vous de commencer le traitement ? Sans la moindre hésitation, vous lui hur¬ leriez dans les oreilles : « tout de suite ! immédiate¬ ment ! » Pouvez-vous imaginer un seul instant que Hillary, parvenu à trente mètres du sommet de l’Eve¬ rest, se soit arrêté pour réfléchir et ait fini par conclure : 245

«Je ferais peut-être mieux d’attendre l’année pro¬ chaine. » Le seul risque que vous couriez, c’est de vivre une expérience fantastique : ALLEZ, JETEZ-VOUS À L’EAU !

Pendant la lecture de ce livre, vous avez disposé d’un mode d’emploi. Il n’est pas question de revenir dessus une fois de plus. Cependant, avant que vous n’accomplissiez le rituel de la dernière cigarette, il faut que vous soyez certaine d’avoir assimilé le principe fondamental de La méthode simple : le tabac ne vous procure ni plaisir ni soutien sous quelque forme que ce soit. Je me permets d’insister lourdement : cela ne signifie nullement que les inconvénients de la cigarette l’emportent de beaucoup sur ses avantages. N’importe quelle fumeuse en est consciente avant de devenir accro, durant sa période de dépendance et après avoir arrêté (même si elle éprouve toujours l’envie de fumer). Cela signifie que le tabac ne présente strictement aucun avantage. Cette illusion de plaisir et de soutien est due au fait que la nicotine, en quittant l’organisme, entraîne une impression de vide, d’insécurité, de déséquilibre. Loin d’aider à combattre l’ennui et le stress, loin de favori¬ ser la concentration et la détente, elle produit des effets diamétralement opposés. LA NICOTINE EST À L'ORIGINE DU DÉSÉQUILIBRE, ET ELLE LE FERA RENAÎTRE CHAQUE FOIS QUE VOUS TROUVEREZ UN PRÉTEXTE POUR ALLUMER NE SERAIT-CE QU’UNE SEULE CIGARETTE.

Vous devez comprendre que ce scénario s’applique à l’ensemble des fumeuses, et pas seulement à vous. Si ces deux points vous paraissent encore obscurs, je vous conseille de relire le livre et de ne pas essayer d’arrêter dans votre état d’esprit actuel. Si les choses 246

ne sont pas parfaitement claires après une seconde lec¬ ture, vous pouvez vous adresser à l’un des centres Allen Carr (voir la liste en page 270). Nous devons également dissiper une bonne fois pour toutes les quatre dernières illusions du questionnaire ; 17. Faut-il de la volonté pour arrêter ? 18. Le sevrage implique-t-il obligatoirement des souffrances physiques ? 19. Les anciennes fumeuses traversent-elles obliga¬ toirement une période de manque et d’irritabi¬ lité ? 20. Est-il difficile d’arrêter ? Nous avons déjà abordé ces quatre questions dans différents chapitres, et elles ne devraient pas vous poser de problèmes si vous avez assimilé le mécanisme du piège. À présent, j’espère que vous piaffez d’impa¬ tience à la perspective d’éteindre votre dernière ciga¬ rette et de recouvrer votre liberté. Si vous avez déjà subi plusieurs échecs (ce qui était mon cas), vous aurez peut-être du mal à accepter l’idée d’un sevrage facile et agréable. Mais vos doutes ne doivent pas vous empê¬ cher de tenter l’expérience. Après tout, vous êtes comme saint Thomas : vous ne croyez que ce que vous pouvez toucher ! Aussi, peu importe que vous soyez fébrile et un peu inquiète. Votre réussite est assurée, pourvu que vous continuiez à suivre mes instructions. VOICI MES ULTIMES RECOMMANDATIONS :

1. Contrôlez votre état d’esprit. Rappelez-vous que ce qui distingue une fumeuse d’une non-fumeuse, ce n’est pas le simple fait de fumer ou de ne pas fumer. La seconde n’éprouve aucun besoin ni aucune envie de fumer : ni aujourd’hui, ni demain, ni dans un 247

avenir plus lointain. Si vous avez du mal à admettre que vous ne pourrez plus jamais allumer de ciga¬ rette, songez aux deux autres options qui s’offrent à vous : a) Soit vous devrez lutter contre l’envie de fumer pour le restant de vos jours ; b) Soit vous continuerez à fumer jusqu’à la fin. Votre nervosité et votre appréhension ne doivent pas vous démoraliser. Vous devez vous lancer dans cette aventure - et la poursuivre - en conservant votre bonne humeur. N’oubliez jamais que le tabac est une drogue effroyable. Vous vous apprêtez à accomplir quelque chose d’extraordinaire - et dont rêvent toutes les fumeuses de la planète : VOUS ALLEZ VOUS LIBÉRER D'UN VÉRITABLE ESCLAVAGE : LA DÉPENDANCE À LA NICOTINE.

2. À aucun moment vous n’avez décidé de devenir une fumeuse pour la vie entière. Comme tout le monde, vous avez été attirée dans un piège dont il ne faut surtout pas sous-estimer l’ingéniosité. Jadis, 90 % des adultes en étaient prisonniers. Contrairement aux condamnés à perpétuité, votre détention ne prendra pas fin au bout de trente ans, et vous n’aurez aucune remise de peine pour bonne conduite. Cette prison est conçue pour vous maintenir en esclavage jusqu’à ce qu'elle ait votre peau. Le pire, c’est que vous êtes punie pour un crime que vous n’avez pas commis. Et ne comptez pas sur un miracle : la seule solution consiste à s’évader. Vous êtes sur le point de « vous faire la belle ». Certaines décisions ne sont pas faciles à prendre. Quand vous achetez une nouvelle voiture, par exem¬ ple, vous devez tenir compte de nombreux paramè¬ tres. Mais la décision d'arrêter de fumer est sans 248

doute la plus importante de toute votre existence. Ne croyez surtout pas que j’exagère. Comme des milliers d autres personnes qui se sont libérées grâce à La méthode simple, vous vous apercevrez par la suite des conséquences de cette décision dans tous les domaines de votre vie quotidienne. Le choix qui s’offre à vous ne se résume pas à arrêter ou à conti¬ nuer de fumer. Il s agit de savoir si vous voulez passer le restant de vos jours en prison ou à l’air libre. Ne vous racontez pas d’histoires : si vous remettez à demain ce que vous pourriez faire aujourd’hui, cela signifie que le piège vous a déjà engloutie, et qu'il ne vous lâchera plus jamais. Heu¬ reusement, la décision d'en finir avec la cigarette n'est pas seulement capitale : elle est aussi très facile à mettre en pratique. Vous n'avez pas à peser le pour et le contre, puisque le tabac ne présente aucun avantage. Et ses inconvénients sont si effrayants que les accros n'ont pas le courage de les regarder en face. Je vous demande néanmoins de jurer solennel¬ lement que cette cigarette sera bien la dernière - et que vous ne toucherez plus jamais à ce poison, quoi que l'avenir vous réserve. Une fois que vous avez pris la bonne décision, ne la remettez jamais en cause. Depuis l’enfance, nous subissons un lavage de cerveau visant à nous faire croire que le tabac nous procure un plaisir et un soutien. N’oubliez jamais que le tabagisme n’est rien d’autre qu'une dépendance à la nicotine, et que la nicotine n’est rien d’autre qu’une drogue dévas¬ tatrice. Votre vision du tabac était complètement déformée, et vous n’êtes pas à l'abri d’une nouvelle illusion d’optique. Mais voilà pourtant la réalité incontestable. Certaines personnes ont peine à croire que le sevrage puisse constituer une expérience facile et agréable. J'insiste sur ce point : même si des milliers 249

d’anciennes fumeuses croient aux vertus miraculeu¬ ses de La méthode simple, il n’en est rien. En fgit, n’importe qui peut aisément sortir d’un labyrinthe, à condition d’avoir le plan. Contrairement à certains critiques qui la considèrent comme un ensemble de trucs et d’astuces, La méthode simple est une sorte de plan qui permet à toutes les fumeuses d’en finir facilement avec la cigarette - pourvu qu’elles sui¬ vent les instructions. Les deux seuls obstacles qui puissent leur compliquer la tâche sont les suivants : — Elles ont le sentiment de se priver d’un plaisir ou d’un soutien authentique ; — Elles éteignent donc leur dernière cigarette en espérant être définitivement libérées, mais elles regrettent d’avoir arrêté dès le lendemain et passent le reste de leur vie à lutter comme des âmes en peine contre l’envie de fumer. La source de tous les maux, c’est le doute, le manque de certitude, la vague attente d’on ne sait pas trop quoi. Si vous ne deviez suivre qu’un seul de mes conseils, voici le plus important de tous : soyez sûre que vous avez pris la bonne décision, et par conséquent, ne vous punissez pas en la remettant en cause. Ainsi, vous n’aurez aucun mal à arrêter : a) Vous ne souffrirez pas du sevrage, mais vous vous en réjouirez. b) Quand vous verrez quelqu’un allumer une ciga¬ rette, vous éprouverez de la compassion, et non pas de l’envie. Si vous n’êtes pas sûre d’avoir pris la bonne déci¬ sion, vous vous placez dans une situation impossi¬ ble : vous regrettez un bonheur qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais. Et vous vous retrouvez face à une alternative peu engageante : soit vous résistez à la tentation, ce qui vous condamne à souffrir du manque et de la déprime ; soit vous cédez et vous

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allumez une première cigarette, puis une deuxième, puis une troisième, et vous retombez dans l’escla¬ vage de la nicotine, ce qui vous rend encore plus déprimée. DANS UN CAS COMME DANS L'AUTRE, VOUS ÊTES PERDANTE.

Heureusement, une troisième voie vous est offerte : celle qui consiste à admettre que vous avez subi un lavage de cerveau. 11 vous arrivera peut-être de jalouser les fumeuses, voire d éprouver l'envie d'allumer une cigarette. Par exemple, après être restée assise dans une atmosphère enfumée et avoir absorbé passivement une faible dose de nicotine, vous pouvez être victime d’une réaction physique. Il n’est pas non plus exclu que vous ayez 1 impression de rater quelque chose en voyant des fumeuses en apparence très satisfaites de leur sort. Ce sont autant de signaux d'alarme : le conditionnement et le lavage de cerveau recommencent à agir sur vous. N'oubliez pas que l'industrie du tabac dépense des for¬ tunes pour vous bourrer le crâne. Mais vous possédez à présent une arme très efficace pour contrer leur pro¬ pagande insidieuse : vous savez que celle-ci fait partie du piège et qu'elle vise à maintenir en esclavage les accros à la nicotine jusqu’à leur destruction finale. Réjouissez-vous : le piège n’a plus de secrets pour vous, et vous avez déjà accompli le rêve de tous les fumeurs de la planète. Au lieu de laisser le doute s’insi¬ nuer dans votre esprit, utilisez ces petits passages à vide pour vous rappeler trois vérités essentielles : LA LIBERTÉ EST UN TRÉSOR INESTIMABLE. VOUS POUVEZ LA CONQUÉRIR SANS TRAVERSER DE PURGATOIRE. VOUS POUVEZ DEVENIR UNE NON-FUMEUSE IMMÉDIATEMENT.

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À quoi bon attendre ? Pourquoi laisser le doute vous envahir ? Vous n’avez plus une seconde à perdre. Comme moi et comme tous les fumeurs, vous savez d’instinct que la cigarette est un attrape-nigaud. Allez-y, jetez-vous à l’eau. Vous allez vivre une expé¬ rience merveilleuse : LE RITUEL DE LA DERNIÈRE CIGARETTE.

Si cette formule réveille votre appréhension, sachez que c’est justement cette appréhension qui risque de créer un effet de manque et de vous empêcher de pro¬ fiter de l’existence. Vos craintes sont bien réelles, mais souvenez-vous : elles n’existaient pas avant que vous ne tombiez dans le piège. Examinons ce rituel sous son jour véritable. Depuis que vous avez commencé à fumer, vous vous préparez à ce moment crucial : celui où vous allez écraser votre dernière cigarette. Vous vous apprêtez à accomplir un geste que la société considère comme très difficile - et qui paraît totalement irréalisable à de nombreux fumeurs. Vous êtes parvenue à moins de trente mètres du sommet. En fait, vous l’avez déjà atteint. Le rituel de la dernière cigarette représente plutôt la consécra¬ tion, la remise du trophée. Les Oscars auraient-ils autant d’influence sans la cérémonie qui se tient cha¬ que année à Hollywood ? Edmund Hillary et Tenzing Norgay n’avaient pas de spectateurs pour les applaudir, mais cela ne les a pas empêchés de planter leur drapeau sur la cime de l'Eve¬ rest. Et le monde entier a appris leur exploit. Votre famille, vos amis, vos collègues vont bientôt appren¬ dre, eux aussi, que vous avez réussi. Le rituel de la dernière cigarette est donc la célébration de votre vic¬ toire personnelle sur un esclavage cauchemardesque : LA DÉPENDANCE À LA NICOTINE.

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Si vous avez continué à fumer en lisant ce livre, conformément à mes instructions, le moment est venu d allumer votre dernière cigarette. Si au contraire vous aviez déjà arrêté avant d'entamer cette lecture, ne vous sentez pas exclue ; le fait que votre dernière cigarette soit déjà loin derrière vous ne doit pas vous dissuader de fêter votre succès. Cela peut même vous être utile. Dans votre cas, le « petit monstre » est à l’agonie - à moins qu'il ne soit déjà mort et enterré. Quel dommage que nous ne puissions pas louer le Hollywood Bowl afin d’y célébrer la victoire de tous les fumeurs qui ont réussi à arrêter au cours de l’année écoulée ! Je suis sûr que si un tel événement recevait autant de publicité que la remise des Oscars, la dispa¬ rition inéluctable du tabagisme dans les sociétés occi¬ dentales en serait grandement accélérée. Vous pouvez célébrer ce rituel en compagnie des membres de votre famille et de vos amis. Mais, pour diverses raisons, il est possible que vous préfériez res¬ ter seule. Quel que soit votre choix, dites-vous bien que vous êtes en train de fumer votre dernière cigarette. Prenez conscience de son goût détestable et de l’absurdité d’inhaler des fumées infectes et cancérigènes. Même si vos proches n’assistent pas à la cérémonie, n’oubliez pas qu’ils vont bientôt vous applaudir. En réalité, tous les fumeurs de la planète vont vous applaudir - qu’ils l’admettent ou pas -, car chaque fois que l’un d’entre eux brise les chaînes de cet esclavage, leur espoir de s’échapper à leur tour en est renforcé. J’ai affirmé plus haut qu’aucun fumeur vivant ou mort n’avait jamais pris de plaisir en fumant une ciga¬ rette. Je dois maintenant nuancer cette déclaration. Je crois en fait qu’une cigarette peut procurer une certaine satisfaction, et même provoquer une véritable extase - à condition évidemment que ce soit la dernière ! Quel que soit votre degré d’impatience, vous pouvez 253

maintenant recouvrer votre liberté et faire vos adieux définitifs à la prison dans laquelle vous étiez détenue. Fumez votre ultime cigarette, introduisez la clef dans la serrure et ouvrez la porte. VOUS N'ÊTES PLUS ESCLAVE DE LA NICOTINE.

Quand vous l’aurez éteinte, vous serez déjà une nonfumeuse. Il ne vous restera plus ensuite qu’à accepter le fait que les fumeuses, les anciennes fumeuses et les non-fumeuses ont toutes des jours avec et des jours sans. Attendez-vous à être un peu désorientée pendant quelques jours. Mais pas de panique : cela signifie que votre guérison est en bonne voie. Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir que les fumeurs sont des prisonniers ! Chaque fois que le souvenir du tabac vous traversera l’esprit - les jours avec comme les jours sans -, ne remettez pas votre décision en cause. Prenez plutôt l’habitude de vous exclamer : « HOURRA ! JE SUIS UNE NON-FUMEUSE ! »

Ce n’est pas une simple incantation que vous devez répéter machinalement pour finir par vous en convain¬ cre. C’est la pure vérité. Vous avez été conditionnée à croire que le tabac avait le pouvoir de soulager en par¬ tie votre sentiment de vide et d’insécurité. Le but de La méthode simple consiste à prouver que c’est exac¬ tement le contraire. Un certain délai est nécessaire pour assimiler la réalité des faits. En attendant, contentezvous de suivre mes instructions, et si ce n’est pas encore le cas, vous vivrez d’ici quelques jours une mer¬ veilleuse expérience : vous aurez ce que j’appelle la « révélation ». On éprouve ce genre d’impression lorsqu’on nage pour la première fois sans bouée ou qu’on est reçu au permis de conduire. C’est fantasti¬ que : le monde vous appartient. Vous pouvez enfin aller n’importe où sans devoir demander à quelqu’un de ris¬ quer sa vie pour vous accompagner. Vous êtes indé254

pendante, comme le jour où vous avez trouvé votre équilibre sur un vélo d’enfant, sans l’aide des petites loues ni le soutien de vos parents. Ce moment magique a été superbement évoqué dans un spot de publicité à la télévision. On voit un petit garçon qui n’arrête pas de répéter : « Ne me lâche pas, papa. » Soudain, il se retourne et constate que son père l’a lâché depuis un bon bout de temps, et qu’il vient de parcourir une cin¬ quantaine de mètres sans l’aide de personne. Ce sont des instants magnifiques, car on a l’impres¬ sion d'avoir conquis sa liberté et de ne plus devoir compter sur personne. La « révélation » l’emporte de beaucoup par son intensité sur les exemples que je viens de citer. Il est très agréable de devenir autonome par rapport à des gens qui vous aiment et ne demandent qu'à vous aider. Mais cela n'a rien à voir avec la cer¬ titude d’avoir vaincu un poison répugnant aux effets mortels, de ne plus jamais avoir honte de gaspiller une fortune, et d'avoir brisé les chaînes de votre esclavage. Cet événement fabuleux se produit en général quel¬ ques jours après le début du sevrage - quand on vient de traverser une épreuve qu’on se serait cru incapable d’affronter sans cigarette. En sortant d’une fête, par exemple, ou après avoir surmonté une tâche particuliè¬ rement stressante. Tout à coup, vous vous rendez compte que non seulement vous n’avez pas eu besoin de fumer, mais que vous n’y avez même pas songé. Vous comprenez alors que ce que je vous ai dit est vrai : vous pouvez profiter des bons moments, vous êtes mieux armée pour combattre le stress, vous n’êtes pas condamnée à souffrir du manque pour le restant de vos jours, et l’adage populaire, «Fumeur un jour, fumeur toujours », n’est qu’une sottise. De même que le tabac risque de devenir une obses¬ sion si vous essayez de ne pas y penser, de même vous ne parviendrez jamais à la « révélation » si vous tentez de la provoquer. Les personnes qui recourent à une 255

méthode fondée sur la volonté connaissent rarement la « révélation », car elles ne sont jamais certaines de Lgur succès. Quand vous vous efforcez d’arrêter de fumer pendant une semaine ou une année, vous ne pouvez pas savoir si vous avez réussi avant que le délai soit écoulé. Et lorsque vous décidez d’en finir une bonne fois pour toutes avec la cigarette, vous restez à la merci d’une rechute jusque sur votre lit de mort. Pourquoi La méthode simple est-elle différente ? Parce qu’elle éclaire la nature du piège. Imaginez un banc de poissons qui se battent pour attraper un appât. Celui qui sait que cet appât dissimule un hameçon n’essaiera même pas d’en grignoter un morceau ; il aura pitié des autres, et en particulier du vainqueur de la compétition. Vous êtes déjà une non-fumeuse. Le cauchemar est terminé. Le principal objectif de ce livre n’était pas de vous aider à arrêter de fumer, mais de vous permettre de trouver le bonheur. Allez-y, la vie est belle ! Certaines personnes, très minoritaires, en finissent facilement avec la cigarette grâce à La méthode simple et n’ont aucun problème de rechute, mais elles ne par¬ viennent pas à la « révélation » parce qu’elles n’ont pas suivi toutes les instructions. Vous vous rappelez peut-être la lettre de Liona au chapitre 15 : « Je suis d’accord avec tout ce que vous dites dans La méthode simple. Soyons clairs : l'idée d’être deve¬ nue une non-fumeuse me rend folle de joie, et je suis certaine de ne jamais recommencer. Je sais que d’après vous je devrais sans cesse me réjouir d’avoir arrêté : “C’est formidable ! À présent je suis libre !” En toute sincérité, c’est mon état d’esprit permanent, sauf lorsque j’ouvre la porte de ma maison vide. À ce moment-là, je ne peux m ’empêcher de penser : “Si seu¬ lement je pouvais allumer une cigarette. ” Comme je sais très bien qu'il y en aurait d’autres ensuite, je me

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retiens. Mais cela fait maintenant six mois que j’ai arrêté. Pourriez-vous m’aider, s'il vous plaît ? »

Lorsque j’ai rencontré Fiona, je lui ai dit qu’elle avait dû omettre ou mal comprendre l’une de mes ins¬ tructions. Nous avons ainsi découvert qu’elle n’avait pas brisé 1 association d'idées entre le moment où elle rentrait dans sa maison désertée par son ancien mari et le soulagement illusoire de la cigarette. En réalité, elle rendait ce moment encore plus triste en regrettant un plaisir interdit - alors que le tabac était incapable de résoudre son vrai problème, à savoir la maison vide et le poids de la solitude. Nous avons ensuite approfondi 1 examen de sa situation, et elle a fini par reconnaître que le moment où elle rentrait chez elle la déprimait, car elle n'avait plus personne avec qui partager les bons et les mauvais moments de sa journée. Comme elle avait une nature très sociable, elle souffrait de cette absence de contacts humains. Et ce n’était pas le tabac qui allait arranger les choses. En relisant son «journal de bord ». elle s'est rendu compte qu’elle en avait vrai¬ ment eu assez de fumer cigarette sur cigarette dans cette maison vide, de s’empoisonner à la nicotine et de ne pas profiter de la vie. Les êtres humains ont la fâcheuse habitude de ne pas apprécier leurs succès à leur juste mesure et de chercher sans cesse à s’amélio¬ rer. Le cas de Fiona montre à quel point il est essentiel de remettre en cause ses idées reçues et son compor¬ tement afin de ne pas retomber éternellement dans les mêmes travers. Fiona a alors décidé que chaque fois qu’elle ouvrirait sa porte, elle se rappellerait sa victoire sur un ennemi méprisable, le tabac. Elle est ainsi par¬ venu à la « révélation » : « J’ai suivi vos recommandations depuis lundi jus¬ qu’à jeudi, et tout s’est bien passé. Je redoutais le ven¬ dredi, le pire soir de la semaine - un week-end toute seule dans une maison vide ! Curieusement, quand je

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suis entrée, je n ’ai pas du tout pensé au plaisir d’avoir arrêté de fumer. Encore plus étonnant, je me suis réjouie d’arriver chez moi. Et pas seulement parce que je m’étais totalement libérée de la cigarette. J’ai sou¬ dain compris que mon divorce était l’équivalent de la fin de la dépendance. Excusez mon langage, mais ce type était un salopard, un égoïste et un goujat ! Avant d’être tombée amoureuse de lui et de l’avoir épousé, j’étais heureuse et sûre de moi. Ce n’est pas pour me vanter, meus je n ’avais jamais manqué de petits amis. Il a sapé mon assurance, transformé ma vie en enfer, et je n’étais plus qu’une loque quand il m’a quittée. C’est comme la cigarette : je regrettais quelque chose qui n ’avait jamais existé. »

Cette lettre évoque celle de Debbie. Je ne cherche pas à m’attribuer des succès qui ne m’appartiennent pas, mais il est indéniable que la plupart des gens consi¬ dèrent le fait d’arrêter de fumer comme une sorte d’exploit. Une fois que vous l’avez accompli, vous retrouvez votre confiance en vous et votre propre estime, ce qui vous permet de reprendre votre vie en main. Là réside la conséquence la plus appréciable de votre victoire sur la nicotine. Pour ma part, j’ai eu la « révélation » avant d’étein¬ dre ma dernière cigarette. Dans nos centres, beaucoup de patientes l’éprouvent bien avant la fin de la thérapie. Elles nous disent en substance : « Inutile d’ajouter un seul mot. Les choses sont très claires désormais. Le tabac est un gigantesque abus de confiance, et je sais que je ne fumerai plus une seule cigarette de ma vie. » Il est possible que vous aussi vous l’ayez déjà ressen¬ tie. Si ce n’est pas le cas, ne vous inquiétez pas, car de nombreux facteurs entrent en jeu : votre degré de dépendance ; votre imagination débordante ou au contraire votre propension à ne croire que ce que vous pouvez toucher ; votre tendance plus ou moins accen258

tuée à vous plier à 1 opinion générale, même si elle est absurde ; votre capacité à garder l'esprit ouvert et à accepter de regarder la vérité en face. Mais tout cela n’a finalement pas grande importance. Si vous avez suivi mes instructions, vous serez bientôt une nonfumeuse épanouie. Après le moment de « révélation », il vous apparaîtra même impossible de retomber dans le piège. Je vous demande tout de même de lire le dernier chapitre afin d'apprendre COMMENT RESTER TOUTE VOTRE VIE UNE NON-FUMEUSE ÉPANOUIE ?

24 Comment rester toute votre vie une non-fumeuse épanouie ?

En parvenant à la « révélation », j’ai su que je ne retomberais jamais dans le piège de la nicotine. Dixhuit ans plus tard, cette certitude est demeurée intacte. Elle s’est même renforcée. Je croyais donc que toutes les personnes qui réussiraient à se libérer grâce à La méthode simple seraient invulnérables. Mais quelques mois ont suffi pour que je commence à déchanter. Ima¬ ginez le chagrin que j’ai ressenti lorsque Emma Freud m’a demandé de retirer son apparition de mon film vidéo. Je me suis aussitôt plié à son désir. Bien que très fier de son témoignage et de l’effet déterminant qu’il avait exercé sur de nombreux fumeurs, je n’aurais voulu pour rien au monde me recommander d’une jeune femme qui avait recommencé à fumer. Je savais déjà que si des personnes dans son cas conseillaient à leurs amies de recourir à ma méthode, l’impact serait très négatif. La fumeuse à laquelle on chanterait ainsi mes louanges répondrait : — Oh, vraiment ? Tu as arrêté de fumer après avoir passé quatre heures dans son centre, et ça t’a coûté 260

dans les 200 euros ? C’est la meilleure affaire de ta vie ! Je te promets d’essayer. Mais en son for intérieur elle se dirait : « Elle me prend pour une idiote. Si c est aussi facile et aussi agréable, pourquoi s’est-elle remise à fumer ? » Excellente question... Depuis que j’ai mis au point La méthode simple, j'ai consacré davantage de temps à cet aspect du tabagisme qu à tous les autres réunis. On peut bien sûr répondre avec cynisme : « Des tas de gens réussissent à arrêter de fumer pendant des pério¬ des plus ou moins longues, et ils s’en réjouissent. Mais comme ils ne sont pas vraiment libérés de la dépen¬ dance, un jour ou l'autre ils recommencent. En fait, ils s'aveuglent sur leur situation. » Je dois avouer que j'aurais eu exactement la même réaction si je n’avais pas été le concepteur de La méthode simple. On aurait eu beau me vanter les mérites de cette nouvelle tech¬ nique, jamais je n’aurais gaspillé 200 euros dans une telle tentative. Je sais d’expérience - et je dois l’accepter - qu’un certain nombre de personnes ne parviennent pas à arrê¬ ter malgré trois mois de traitement. Je suis extrêmement fier d'avoir réduit leur proportion de 24 % au cours de ma première année de pratique à 5 % aujourd’hui. Je sais également qu’il est beaucoup moins dramatique d’échouer au terme d'une première tentative que de réussir puis de redevenir accro. Là encore, tout me porte à penser que le pourcentage de rechute a fortement diminué, mais malheureusement je ne dispose pas de statistiques précises. L’objectif de ce dernier chapitre est de vous éviter d'entrer dans cette catégorie. La méthode simple permet d’en finir facilement, et définitivement, avec la cigarette. Comment puis-je pro¬ noncer une telle affirmation, et en même temps admet¬ tre qu’un certain pourcentage de fumeuses retombera dans la dépendance ? On ne peut pas prétendre s’être libérée définitivement, m’objecterez-vous, si par la 261

suite on redevient accro. D’accord, mais on peut très bien sortir d’un piège, recouvrer une liberté totale, puis tomber plus tard dans un autre piège. J’ai expliqué à plusieurs reprises qu’une personne qui arrête de fumer grâce à une méthode fondée sur la volonté n’est jamais complètement tirée d’affaire et demeure vulnérable jusqu’à son dernier jour. Avec La méthode simple, il suffit de balayer le lavage de cer¬ veau pour être délivrée sur-le-champ. Le cas de Doris, l’une des premières patientes du centre de Birming¬ ham, mérite qu’on s’y attarde. Elle est arrivée en lar¬ mes, totalement déprimée. Et elle est repartie en pleurant de joie. Je m’empresse d’ajouter que tous les participants avaient les yeux humides, moi y compris. Elle était dans un tel état d’euphorie qu’elle m’a embrassé comme du bon pain. Le soir même, elle est allée annoncer la bonne nouvelle à sa fille et à son gendre. Celui-ci avait promis d’arrêter, non pas parce qu'il en avait envie, mais en signe de soutien à sa bellemère. Comme il comptait sur sa force de volonté, la joie évidente de sa belle-mère n’a fait que renforcer sa frustration. — Pourquoi êtes-vous aussi excitée ? lui a-t-il demandé. Vous n’êtes pas encore restée une seule jour¬ née sans fumer ! L’effet a été catastrophique : en quelques secondes, il a anéanti les efforts que j’avais déployés pendant quatre heures pour la sortir du gouffre. Merci pour le soutien ! Doris n’a pas allumé de cigarette en leur pré¬ sence, mais le doute s’était insinué dans son esprit, et il aurait pu y faire des ravages. Vous me direz qu’elle avait très peu de chances de rester une non-fumeuse pour toujours, puisqu’il suffi¬ sait de quelques mots pour la menacer d’une rechute. Heureusement, Doris est revenue me voir. Je lui ai rap¬ pelé qu'une véritable guerre opposait les fumeurs aux non-fumeurs, et qu’elle devait se mettre à la place de 262

son gendre. Il n avait pas voulu lui nuire : ce n’était qu une manière de se protéger. Elle rayonnait de bon¬ heur à la suite de son succès, et lui de son côté souffrait comme un beau diable de ne pas réussir à arrêter. Il n’avait pas supporté ses airs triomphants. Dès que vous avez balayé le lavage de cerveau et que votre esprit s’est ouvert, la liberté vous est offerte. Mais attention au péché d orgueil ! La méthode simple recèle une faiblesse : elle rend le sevrage si facile que certaines personnes peuvent en tirer "une confiance excessive. La Nature, dans son extrême bonté, nous encourage à nous souvenir des bons moments et à oublier les mauvais. Un avantage qui peut, hélas !, se muer en inconvénient. À la fin de la séance, la patiente sait qu'elle a de nombreuses raisons d’arrêter définiti¬ vement, et aucune raison valable de continuer à fumer. Mais petit à petit, les mauvais côtés du tabagisme s effacent de la mémoire. Durant les premiers jours, le risque de rechute est très faible parce que vous vous tenez sur vos gardes et que le cauchemar est encore très présent à votre esprit. Ensuite, je vous conseille de relire votre « journal de bord » afin de vous rappeler à quel point vous avez apprécié votre liberté retrouvée. À ce propos, prenez bien soin de noter vos impressions au moment où vous éprouvez la « révélation ». Chaque fois que je rencontre une femme qui a arrêté de fumer pendant une longue période avant de recommencer, je lui demande : — Etiez-vous satisfaite durant ces années de liberté ? La réponse est toujours la même : — C’était merveilleux ! Toutes ces femmes me décrivent ensuite le bonheur qu’elles ressentaient à ne plus fumer. Et quand je les interroge sur leur état actuel, là encore leur réponse est identique : — Je m’en veux ! Pourquoi suis-je aussi stupide ? 263

La réaction des personnes qui ont réussi à arrêter durant quelque temps grâce à leur force de volonté^est similaire. Vous devez donc tirer les leçons de leurs erreurs. Pourquoi ai-je été aussi abattu en apprenant qu’Emma Freud avait recommencé à fumer ? Après tout, elle était jeune, en bonne santé et très à l’aise financièrement, et elle avait donc moins de raisons pressantes d’en finir avec la cigarette. En outre, elle exerçait une profession très exigeante et très stressante, et la tentation était donc permanente. Mais il se trouve que j’avais rare¬ ment eu le privilège de rencontrer une personne aussi brillante et aussi délicieuse. Le fait qu’elle soit une descendante du grand Sigmund Freud renforçait encore son charisme naturel. Je comprends parfaitement qu’elle m’ait demandé de retirer son témoignage de mon film vidéo. Elle devait se juger très hypocrite et souffrir des remarques de ses amis qui étaient au cou¬ rant de sa rechute dans le tabagisme. Je respecte sa décision et n’éprouve pas la moindre rancune à son égard. Mais je m’en veux d’avoir accédé à sa requête. Si la vie m’a appris une chose importante, c’est que l’honnêteté est la meilleure des politiques, non pas en fonction de considérations morales ou idéa¬ listes, mais par simple pragmatisme : l’honnêteté finit toujours par payer. J’aurais dû insister pour maintenir ce passage où elle paraissait si sincère et si heureuse de sa liberté retrouvée. Ainsi, j’aurais pu me servir de ce témoignage comme d’une mise en garde : attention ! Il est facile d’arrêter de fumer. Mais ne sous-estimez surtout pas l’ingéniosité du piège. Vous vous êtes enga¬ gée solennellement à ne plus jamais allumer de ciga¬ rette. L’instruction la plus vitale de La méthode simple est la suivante : une fois que vous avez pris la bonne décision, ne la remettez plus jamais en question. Cha¬ que fois que l’idée du tabac vous traversera l’esprit, dites-vous simplement : 264

« HOURRA ! JE SUIS UNE NON-FUMEUSE ! »

De cette manière, vous n’aurez même pas besoin de faire appel à votre volonté pour demeurer fidèle à votre serment. Je veux que vous compreniez qu’en suivant mes instructions, le succès est garanti, non seulement au début, mais pour le restant de vos jours. Si certaines patientes se heurtent à un échec - dans la phase initiale ou bien ultérieurement - ce n'est pas parce que La méthode simple ne leur convient pas, c’est parce qu'elles n'ont pas suivi toutes les instructions. Je terminerai en vous rappelant l’exemple de Fiona. Celle-ci avait négligé une seule instruction : celle qui concerne la destruction des associations d’idées. Sa victoire sur le tabagisme la rendait néanmoins folle de joie, et elle savait qu'elle ne fumerait plus jamais. Pour¬ tant, ni elle ni moi ne pouvions être certains que le succès était définitif, car il fallait encore balayer un dernier vestige du lavage de cerveau. Une fois cette mission accomplie, elle serait libre pour toujours. Une ultime question vous trotte peut-être dans la tête : « Comment puis-je être sûre de ne pas avoir raté l'une ou l'autre des instructions de La méthode sim¬ ple ? » Vous n'avez aucun moyen d’en être sûre, mais la sagesse populaire vous fournit la réponse : « Tant que ça marche, pourquoi gaspiller son temps et son argent à le faire réparer. » Si toutefois vous aviez un doute, maintenant ou par la suite, consultez l’appendice B. Je vous prie d’ailleurs de le lire dès à présent. Ne sautez aucun des points, même s’ils vous semblent évi¬ dents. Vous vous êtes donnée beaucoup de mal et il serait dommage de gâcher tous ces efforts par excès de confiance. Étudiez chaque instruction et demandezvous si vous y croyez vraiment, si vous l’avez assimi¬ lée. Quant à moi, je me contenterai de répéter les mots d’Emma : LA VIE EST BELLE !

Appendice A

Instructions à suivre pendant que vous lisez ce livre 1. Gardez l’esprit ouvert. 2. Restez de bonne humeur. 3. N’essayez pas d’arrêter ou de réduire votre consommation avant d’avoir fini ce livre. 4. Ne brûlez pas les étapes. 5. Tenez un journal de bord.

Appendice B

Instructions à suivre pour en finir facilement et défi¬ nitivement avec la cigarette 1. N’oubliez jamais que le tabac n’a rien à vous offrir, ni à vous ni à aucune autre fumeuse. 2. N’enviez pas les fumeuses : ce sont elles qui vous envient. Pour elles, l’avenir n’est pas rose, mais marron foncé ! 3. Maintenant que vous avez pris la bonne décision, ne la remettez jamais en question.

4. Sachez que le « petit monstre » va survivre pen¬ dant quelques jours et que vous risquez de tendre la main machinalement vers un paquet de cigaret¬ tes. Si cela se produit, ne vous inquiétez pas. Pro¬ fitez de l’occasion pour vous réjouir d’avoir recouvré votre liberté. 5. Amusez-vous à briser les associations d’idées. Recherchez-les systématiquement pour les détruire. 6. Ne recourez à aucun substitut : vous n’en avez pas besoin. 268

7. Acceptez le fait que vous aurez des jours avec et des jours sans. Mais n’oubliez jamais que les jours avec seront de plus en plus agréables, et les jours sans de moins en moins pénibles et de plus en plus rares. 8. Ne fuyez pas les situations dangereuses et ne chan¬ gez pas de mode de vie pour la simple raison que vous avez arrêté de fumer. Après tout, vous en avez tini avec la cigarette, mais pas avec la vie !

9. Relisez régulièrement votre « journal de bord » : c'est le meilleur moyen d’éviter une rechute.

10. Rappelez-vous qu'il est inutile de réduire ou de contrôler votre consommation de tabac : la seule solution consiste à arrêter. 11. N'écoutez pas les conseils des « experts » ni ceux de vos proches s'ils contredisent ces instructions - et ce quelles que soient leurs prétendues compé¬ tences ou leur éloquence.

12. N’attendez pas la «révélation» ni le «bon moment » pour arrêter, car vous êtes déjà une nonfumeuse. Profitez plutôt de la vie.

13. N'essayez surtout pas de chasser la cigarette de votre esprit. Chaque fois que vous y pensez, ditesvous : « HOURRA ! JE SUIS UNE NON-FUMEUSE ! »

Les Centres Allen Carr

FRANCE Website : www.allencarr.fr Tous les centres Allen Carr en France sont joignables au n° vert 0800 386 387 (0800 FUMEUR). Paris 125, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris Tél. : 01 43 21 24 69 E-mail : [email protected] Thérapeutes : Erick Serre et son équipe Côte d’Azur Porte de l’Arénas - hall C 455, promenade des Anglais, 06299 Nice Cedex 3 Tél. : 04 93 47 35 71 Mob : 06 18 32 66 04 E-mail : [email protected] Thérapeute : Elaine Mahon Languedoc 1051, rue de Las Sorbes, 34070 Montpellier Tél. : 04 67 41 29 60 Mob : 06 79 69 95 69 E-mail : [email protected] Thérapeute : Dominique Hertogh 270

Poitou Charentes 34, boulevard Solférino, 86000 Poitiers Mob : 06 82 83 61 27 E-mail : [email protected] Thérapeute : Agnès Moreau Provence (siège social) 11 bis, rue Saint-Ferréol, 13006 Marseille Tél. : 04 91 33 54 55 Fax : 04 91 33 32 77 E-mail : [email protected] Thérapeute : Erick Serre Rhône 33, rue de Bourgogne, 69009 Lyon Tél. : 04 37 64 69 06 Mob : 06 64 36 04 53 E-mail : [email protected] Thérapeute : Michel Guyot Guadeloupe Lot du moulin. 97190 Gosier Tél. : 05 90 84 95 21 E-mail : [email protected] Thérapeute : Fabiana De Oliveira Réunion 15 bis, rue Lamartine Grande montée, 97438 Sainte Marie Tél. : 02 62 53 94 24 E-mail : [email protected] Thérapeute : Sébastien Ddoumbé

AFRIQUE DU SUD Le Cap P.O. Box 5269, Helderberg Somerset West 7135 Tél. : 083 600 5555 Fax. : 083 8 600 5555 271

Thérapeute : Dr Charles Nel E-mail : [email protected]

ALLEMAGNE Website : www.allen-carr.de E-mail : [email protected] Séances dans toute l’Allemagne N° vert : 0800 07282436 Centre de réservations : 01803 201717 Aussere Munchener Str. 34B D-83026 Rosenheim Tél. : 08031 463067 Fax : 08031 463068 Thérapeutes : Erich Kellermann et son équipe

AUSTRALIE Melbourne 148 Central Road Nunawading, 3131, Victoria Tél./Fax : 039894 8866 Thérapeute : Trudy Ward E-mail : [email protected]

AUTRICHE Website : www.allen-carr.at Séances dans toute l’Autriche N° vert et centre de réservations : 0800 7282436 Sonnenring 21 A-8724 Spielberg Tél. : 03512 44755 Fax : 03512 44768 Thérapeutes : Erich Kellermann et son équipe E-mail : [email protected] 272

BELGIQUE Website : www.allen-can-.be Anvers Koningin Astridplein 27 B-9150 Bazel Tél. : 03 281 62 55 Fax : 03 744 0608 Thérapeute : Dirk Nielandt E-mail : [email protected]

CANADA Vancouver 412-2150 W.Broadway BC V6K 4L9 Tél. : 604 737 1113 Fax : 604 737 1116 Portable : 604 785 1717 Thérapeute : Damian O'Hara E-mail : [email protected]

COLOMBIE Bogota Cra. 9 No. 77-19 Tél. : 313 3030 ou 211 7662 Thérapeutes : Felipe Calderon et José Manuel Duran E-mail : [email protected]

DANEMARK Website : www.easywaydk.dk Copenhague Asger Rygsgade 16. lth Copenhagen V 273

Tél. : 03331 0476 Portable : 5190 3536 Thérapeute : Mette Fonss E-mail : [email protected]

ÉQUATEUR Quito Gaspar de Villarroel E9-59y Av. Shyris, 3e r piso Tél./Fax : 02 56 33 44 Tél. : 02 82 09 20 ou 02 46 94 68 Thérapeute : Ingrid Wittich E-mail : [email protected]

ESPAGNE Website : www.comodejardefumar.com Madrid et Barcelone (d’autres régions sont couvertes)

Tél. : 902 10 28 10 Fax : 942 83 25 84 Thérapeutes : Geoffrey Molloy, Rhea Sivi et leur équipe E-mail : [email protected]

IRLANDE Connaught Tél./Fax : 094 67925 Thérapeute : Pat Melody Dunne Dublin 44 Beverly Heights Knocklyon, 16 Tél. : 01 494 1644 Tél./Fax : 01 495 2757 274

Thérapeute : Brenda Sweeney E-mail : [email protected]

Munster Tél./Fax : 056 54911 Thérapeute : Catherine Power Hernandez E-mail : [email protected]

ISLANDE Reykjavik Ljosheimar 4, 104 Tél. : 354 553 9590 Fax : 354 588 7060 Thérapeutes : Petur Einarsson et Valgeir Skagfjord E-mail : [email protected]

ITALIE Milan Studio Pavanello Piazza Arsentina 2, 20124 Portable : 0348 354 7774 ou 0329 980 350 Thérapeute : Francesca Cesati E-mail : [email protected]

NOUVELLE-ZÉLANDE Auckland Tél. : 096265390 Thérapeute : Vickie Macrae E-mail : [email protected]

PAYS-BAS Website : www.allencarr.nl E-mail : [email protected]

275

Amsterdam Pythagorasstraat 22 1098 GC Tél. : 020 465 4665 Fax : 020 465 6682 Thérapeute : Eveline De Mooij E-mail : [email protected]

Nimègue Dominicanenstraat 4, 6521 KD Tél. : 024 360 33 05 Thérapeute : Jacqueline van den Bosch E-mail : [email protected]

Rotterdam Mathenesserlaan 290 3021 HV Tél. : 010 244 07 09 Fax : 010 244 07 10 Thérapeute : Kitty van’t Hof E-mail : [email protected]

Utrecht De Beaufortlaan 22B 3768 MJ Soestduinen (gem. Soest) Tél. : 035 602 94 58 Thérapeute : Paula Roodduijn E-mail : [email protected]

PORTUGAL Porto Rua Femandes Tomas 424-2° Sala 5 4000-210 Porto Tél. : 351 225 102840 Fax : 351 229 407234 Thérapeute : Fatima Helder (centre d’amaigrissement uniquement) E-mail : [email protected] www.fatimahelder.com 276

Rua dos Castanheiros, 97 4455-089 Lavra-Matosinhos Tél. : 229 958698 Fax : 229 955507 Thérapeute : Ria Monteiro E-mail : [email protected]

ROYAUME-UNI Permanence téléphonique : 0906 604 0220 Website : www.allencarreasyway.com E-mail : [email protected]

Londres le Amity Grove Raynes Park, SW20 OLQ Tél./Fax : 0208 944 7761 Thérapeutes : John Dicey, Sue Boshaw, Crispin Hay, Colleen Dwyer

Birmingham 415 Hagley Road West Quinton, B32 2AD Tél./Fax : 0121 423 1227 Thérapeute : John Dicey

Bournemouth & Southampton Tél. : 01425 272757 Thérapeute : John Dicey

Brighton Tél. : 01425 272757 Thérapeutes : John Dicey et Colleen Dwyer

Bristol & Swindon Tél. : 0117 908 1106 Thérapeute : Charles Holdsworth-Hunt ✓

Edimbourg

48 Eastfield 277

Joppa, EH 15 2PN Tél. : 0131 660 6688 Thérapeute : Derek McGuff E-mail : [email protected] Glasgow Tél. : 031 466 2268 Thérapeute : Joe Bergin E-mail : [email protected] Kent Des centres fonctionnent à Canterbury, Maidstone et Whitstable Tél. : 01622 832 554 Thérapeute : Angela Jouanneau (tabac et amaigrissement)

E-mail : [email protected] Manchester 14 The Circuit Alderley Edge, SK9 7LT N° vert : 0800 804 6796 Tél. : 01625 590 994 Fax : 01625 590 989 E-mail : [email protected] Website : www.easywaymanchester.co.uk Thérapeutes : Rob Graves et Eva Graves (amaigrisse¬ ment seulement)

Nord-Est 10 Dale Terrace Dalton le Dale, Seaham County Durham SR7 8QP Tél./Fax : 0191 581 0449 Thérapeute : Tony Attrill Reading Tél. : 01425 272757 Thérapeutes : John Dicey et Colleen Dwyer

278

Yorkshire Des centres fonctionnent à Leeds Tél. : 0700 900 0305 ou 01423 525556 Fax : 01423 523320 Portable : 07931 597 588 Website : www.dianaevans.co.uk E-mail : [email protected]

SUISSE Website : www.allen-caiT.ch N° vert informations et réservations : 0800 7282426 Schontalstrasse 30 8486 Zurich-Rikon Tél. : 052 383 3773 Fax : 052 383 3774 Thérapeutes : Cyrill Argast et son équipe E-mail : [email protected]

1 *0^=11 Évolution Des livres pour vous faciliter la vie ! Allen carr

La méthode simple pour en finir avec la cigarette Mane-Josèphe challamel

Mon enfant dort mal Stéphane clerget

Nos enfants aussi ont un sexe Marie-Hélène colson

Réaliser sa sexualité Jocelyne daman

Se séparer sans se déchirer Luœ JANIN-DEVILLARS

Changer sa vie Françoise dolto

La cause des adolescents La cause des enfants Thérèse ellul-ferrari

130 recettes minceur en 5 à 10 minutes Frédérique gruyer

Du bonheur sexuel Hugues lagrange

Les adolescents, le sexe et l’amour Gérard lopez et Arianne Casanova

Cesser d’être une victime Lee lozowick

Le courage d’éduquer Pierre pallardy

Et si ça venait du ventre ? Marie-Danielle pierrelêe et Agnès baumier

Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe Gérard poussin

Rompre ces liens qui nous étouffent Stéphane szerman

Le guide du bien-être Deborah tannen

Si je dis ça, c’est pour ton bien Maryse vaillant

L’adolescence au quotidien Judith viorst

Les renoncements nécessaires Renoncez à tout contrôler !

"Envie d'air pur ?"

Voilà une méthode simple et peu onéreuse pour enfin arrêter de fumer. Qu’on consomme une cigarette de temps en temps, ou deux paquets par jour, Allen Carr répond avec un taux de réussite record aux TOCKET

besoins de tous. A l’inverse de nombre de méthodes, qui nécessitent effort, privation et facilitent la rechute, (Pocket n°11895)

celle d’Allen Carr se soucie avant tout du bien-être de chacun. Pas de prise de poids, pas d’angoisse ou de sensation de manque, pas de traitement de choc... que demander de plus ?

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an< •:

"Le plaisir de mincir"

Allen Carr

Gourmandes et

simple pour perdre du poids Maigrir, en fait c'est facile ;

gourmands, ce livre est fait pour vous. Parce que manger peut être synonyme de bien-être, ou d’équilibre et de satiété, Allen Carr propose dans cet ouvrage de se réapproprier les valeurs du goût. C’est avec logique et bon sens qu’il proscrit les obligations

MOOd

et les interdits - qui dictent souvent notre conduite alimentaire — et qu’il

(Pocket n° 11141)

prône la liberté de se laisser guider par ses envies et ses besoins. Car ce n’est qu’à partir de ce plaisir retrouvé que l’on peut aboutir à une alimentation plus saine et... perdre du poids.

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"Réveillez vos papilles, oubliez les kilos"

i our toutes celles et ceux qui rêvent de manger équilibré ... mais qui n’ont le temps que d’avaler un sandwich, voici le livre miracle. L’auteur, diététicienne,

son mari cuisinier des

POCKE

a concocté avec l’aide de Appétissantes, peu caloriques, faciles et rapides à réaliser

caloriques à faire frémir et

recettes très peu

fondre de plaisir les plus gourmands : fondue de

(Pocket n°11952)

poivrons, pavés de rumsteck à l’italienne, brochette de fruits rouges en papillotes... Un concentré de minceur en 10 minutes chrono !

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24334 - La Flèche (Sarthe), le 17-05-2004 Dépôt légal : juin 2004 POCKET - 12, avenue d’Italie - 75627 Paris cedex 13 Tél. : 01.44.16.05.00

Imprimé en France

LA solution révolutionnaire qu’attendaient toutes CELLES qui veulent cesser de fumer4-:

■ rapide et sans douleur, ■ sans médicaments ni substituts, ■ aussi efficace pour les adolescentes que pour les fumeuses de longue date, ■ elle respecte les différents moments de la vie d’une femme, ■ elle renforce la confiance en soi et élimine toute sensation de stress ou de manque, ■ elle préserve la féminité de chacune en évitant la prise de poids, ■ elle agit une fois pour toutes et sans contrainte. Également chez Pocket : La méthode simple pour en finir avec la cigarette.

To Stop Smoking

122225 Évolution Des livres pour vous faciliter la vie! Texte intégral Iner / Corbis Sygma.

9782266142434 2015-11-20 11:14

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