La loi des XII Tables: édition et commentaire 2728313482, 9782728313488

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La loi des XII Tables: édition et commentaire
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LA LOI DES XII TABLES ÉDITION ET COMMENTAIRE

SOURCES ET DOCUMENTS publiés par l’École française de Rome

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LA LOI DES XII TABLES ÉDITION ET COMMENTAIRE par

michel humbert

ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME 2018

Humbert, Michel, 1939La loi des XII tables : édition et commentaire / par Michel Humbert Rome : École française de Rome, 2018 (Sources et documents / publiés par l’École française de Rome ; 7) ISBN 978-2-7283-1348-8 (br.) 1. Loi des Douze Tables -- Critique et interprétation 2. Droit romain -- Sources CIP – Bibliothèque de l’École française de Rome

© - École française de Rome - 2018        ISBN 978-2-7283-1348-8

Pour ma femme et nos enfants

AVANT-PROPOS

Ce travail remonte, par son origine, au milieu des années quatrevingts. John Crook, activement engagé dans la préparation du projet et l’élaboration collective des Roman Statutes, me proposait alors de rejoindre le groupe et de prendre en charge l’édition, avec un commentaire succinct, de la Loi des XII  Tables. Immédiatement conquis par la perspective d’un travail où j’étais sûr de bénéficier des suggestions stimulantes d’une équipe formée de Maîtres, d’amis de longue date et de collègues historiens, Peter Stein, Emilio Gabba, Claude Nicolet, Umberto Laffi, Hartmut Galsterer, Michael Crawford, JeanLouis Ferrary, Philippe Moreau, et surtout du dynamisme souriant de l’incomparable John Crook, je me lançais avec enthousiasme dans un travail soutenu et apportais au groupe, au terme de quelques années, le résultat de mon étude. L’issue finalement donnée à mon travail, je dois le dire, ne m’a alors satisfait ni par sa forme définitive, ni par la méthode suivie, ni par son contenu. Je décidais donc de reprendre la tâche. Entrecoupée de trop nombreuses interruptions, celle-ci s’achève enfin. Je dois cette publication à l’accueil que lui donne aujourd’hui l’École française, à laquelle je devais tant, que je ne pensais plus pouvoir mériter encore sa faveur. Que la Directrice de l’École, Madame Catherine Virlouvet et le Directeur des études pour l’Antiquité, Nicolas Laubry, acceptent ici ma reconnaissance, à laquelle j’associe Richard Figuier qui, à la tête du Service des Publications, a donné tout son soin à la mise en forme de mon manuscrit. En mettant un dernier point à ce travail, je ne dirai pas qu’il me paraît définitif. Je ne suis pas près d’oublier ce qu’écrivait, dans une de ses lettres, Bernardo Albanese qui, jusqu’à sa disparition, donna des contributions majeures à l’interprétation de ces lois si discutées. Il y avouait que l’étude des XII  Tables ne pouvait trouver sa place qu’au milieu des tourments et des supplices dont Dante nourrit l’Inferno… Mais il faut reconnaître ce que je dois à ceux qui ont permis à cette recherche d’aboutir, malgré des limites dont je suis bien conscient. Mon souvenir me ramène inlassablement vers celui qui en fut l’origine. Par sa générosité et une bonté sans fard, grâce à la justesse de ses critiques et à l’aide d’un scepticisme quasi systématique dont j’essayais de triompher pour le plus grand profit de ma réflexion, John Crook a provoqué une stimulation sans pareille. Les discussions qu’il organisait

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AVANT PROPOS

dans son appartement de St John’s College et surtout la rencontre d’une semaine dont il fut l’inspirateur avec l’un des derniers géants de la science du droit romain du siècle écoulé, Franz Wieacker, restent pour moi inoubliables. Par la suite, j’ai trouvé en deux amitiés indéfectibles une aide décisive. Dario Mantovani, m’encourageant à poursuivre, a organisé autour des XII  Tables, en 2003, le premier de ces ‘Cedant’, appelés à prendre dans la recherche romanistique actuelle leur place de premier rang. Au sein de séminaires restreints et intensifs, il m’offrait, grâce à la curiosité et à la science de jeunes chercheurs, le climat idéal de recherches nouvelles. En m’ouvrant l’hospitalité des collèges et des bibliothèques de Pavie, il m’assura des mois de travail propices. Et Jean-Louis Ferrary, qu’une vieille complicité, née en 1973 sous les oliviers de Bolsena, m’a toujours gardé très proche, avec la discrétion mais aussi les convictions fermes que tous lui reconnaissent et lui envient, n’a cessé de m’inciter à ‘terminer’ ce chantier, auquel j’avais fini peu à peu par m’identifier dangereusement. À ces deux compagnons d’étude va mon amicale gratitude, dans laquelle je glisse, in fine et ab initio, l’affection de tous mes proches, qui ne m’ont jamais dissuadé de poursuivre, de corriger, de reprendre, puis de recommencer pour enfin publier. Paris, décembre 2017

INTRODUCTION

1. Notre connaissance de la loi Alors que pour nombre de lois romaines, dont certaines remontent à la fin du IIe s. (loi de Bantia, lex dite agraria …), l’original gravé sur bronze est parvenu jusqu’à nous, alors qu’en Crète, la cité de Gortyne a transmis trente plaques sur pierre gravées sur 12 colonnes et 621 lignes d’un texte législatif de peu antérieur à la loi des XII Tables, alors que le Proche-Orient, que ce soit sur pierre ou sur des tablettes d’argile a livré des textes législatifs parfois complets et d’âge beaucoup plus reculé (1750 av. J.-C. pour le Code d’Hammurabi, le XIe  s. pour les copies les plus anciennes des lois assyriennes), de la loi des Douze Tables au contraire, aucun témoignage direct ne nous est parvenu : ni par une inscription, ni par une œuvre littéraire, celle d’un juriste ou autre, qui eût permis de disposer d’un texte authentique ou, à défaut, de fragments significatifs. Ce fut, depuis le début du XVIe s., l’une des tâches entreprises par l’École humaniste que de reconstituer un document dont l’historicité n’est plus mise en doute par personne aujourd’hui 1,

1  Au début du siècle dernier, en France, d’abord, puis en Italie, un brusque mouvement iconoclaste s’est développé – dont les tréfonds psychologiques sont peut-être à attribuer à une certaine irritation devant une splendide érudition, dont l’étude des XII Tables a profité, mais qui s’affirmait surtout hors de France –.  C’est ainsi que le comparatiste lyonnais, Édouard Lambert, tenta de démontrer avec talent, que les fameuses Douze Tables ne pouvaient avoir vu le jour au milieu du Ve s. et qu’elles étaient pour l’essentiel l’œuvre de faussaires habiles du IIe-Ier s.  (à partir d’arguments philologiques : langue inconcevable pour le Ve  s., économiques, historiques (par ex. la réglementation associative : 8.27), juridiques (pas un style législatif, mais plutôt du genre prophétique ; coexistence de conceptions juridiques disparates : talion et peine fixe), comparatistes… : Ed.  Lambert, dans NRHD 26 (1902), 149-200 ; Rev.  Gén.  de Droit 1902, 379  s., 481  s., 1903, 15 s. ; Mél.  Appleton, 1903, 503 s. En Italie E.  Pais (Storia di Roma I, 1898, 598 s. ; II, 546-670 ; Storia critica di Roma, 1913, 205-301) a inscrit les XII T. dans un plus vaste mouvement de critique radicale de l’histoire des premiers siècles de Rome. Mais l’entreprise de déconstruction a totalement échoué. La réponse des philologues (Bréal, Journ. des Savants 1902, 599), des juristes (Lenel, dans ZSS 26 (1905) 498-524 = Gesam. Schr. V, 171-197, tout particulièrement, qui a réduit en miettes la démonstration de Lambert ; réplique tout aussi ferme de P.F.  Girard, dans NRHD 26 (1902) 381-436 = Mél.  de droit romain I, 1912, 1  s., que Mommsen, dans Mél.  Boissier, Paris, 1903, 2, jugea « un excellent sauvetage des XII T., combattues et malmenées par notre chère jeunesse, plus zélée que réfléchie ») a définitivement condamné l’entreprise de critique radicale, non dé-

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à partir des fragments nombreux, mais isolés et dont la transmission allait poser de redoutables problèmes de critique. Deux problèmes se sont immédiatement posés : celui des éléments de reconstitution d’une part et celui, probablement insoluble, de l’ordre de leur classement. 1.1. Les éléments de reconstitution Deux types d’auteurs ont cité la loi des XII Tables. Les juristes, dans un but utilitaire ou comme élément de culture, ont commenté diverses dispositions de la loi ; les philosophes, hommes politiques, orateurs, les amateurs d’antiquité ou de curiosités historiques et les grammairiens, de leur côté, ont trouvé dans ces lois anciennes la matière de leur savoir, qu’il s’agît de convaincre, de persuader ou d’exercer leur art de la philologie. Les citations (avec référence explicite aux XII T.) que l’on doit aux divers spécialistes du droit sont au nombre de 106 (d’après mes calculs). Celles que les auteurs littéraires ont sauvées de l’oubli dépassent légèrement ce chiffre : 128 approximativement. On dispose donc de quelque 230 références explicites qui ont permis de reconstituer l’existence, sinon toujours la teneur, d’une norme (ou prescription ou verset). On parvient ainsi au chiffre de 106 dispositions identifiables, auxquelles s’ajoutent quelques fragments isolés, traditionnellement considérés comme ‘de place incertaine’, expression des plus trompeuses, car elle laisse entendre que dans sa grande majorité l’attribution des autres versets à l’une des douze Tables échapperait à l’incertitude. Ce qui n’est pas le cas. Ces fragments résiduels sont simplement trop réduits pour donner prise à une interprétation quelconque. 1.1.1. L’apport des juristes Parmi les juristes, Gaius tient le premier rang. Cela s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, nous disposons depuis deux siècles d’un exemplaire (du IIIe s.) de son manuel, les Institutes, qui nous est parvenu directement (et presque complet) ; cet exemplaire a donc échappé aux coups de ciseaux des rédacteurs du Digeste qui, en moyenne, ont fait subir aux œuvres classiques qu’ils avaient pour mission de réduire, syn-

nuée d’arrière-pensées hostiles de la part de Lambert, contre ce qu’il appelait ‘l’école de Niebuhr et de Mommsen’. Le calme revenu, K.J.  Beloch pouvait écrire dans sa Römische Geschichte 1926, 236, que la législation décemvirale est l’un des faits les plus dignes de foi de l’histoire primitive de Rome. Sur le détail de cette controverse, autres références dans A.  Berger, Tabulae Duodecim, dans RE 4 (1932) 1900 s. Le mouvement critique n’a plus la vogue de nos jours, sauf dans un essai surprenant (à mon sens, peu heureux) de la regrettée M.Th. Fögen, Römische Rechtsgeschichten, 2002, qui marque un simple retour à Ed. Lambert.

INTRODUCTION

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thétiser, uniformiser un taux de contraction et d’amputation d’environ 95%. Les références historiques, considérées comme superflues, ont été tout particulièrement victimes de ce travail de miniaturisation 2. Le Gaius, dit de Vérone, au contraire, a échappé à cette politique éditoriale de compression systématique, et conservé ses références extrêmement précieuses et abondantes à la loi des XII  Tables. Mais plus encore que cette transmission fortuite et inespérée, qui a préservé une œuvre intégrale, la personnalité de son auteur explique la richesse de cette mine d’informations pour la reconstitution du code décemviral. Gaius, en effet, mû par une curiosité de savant et par la préoccupation d’un maître soucieux de toujours placer dans l’histoire, en partant de leur origine, les institutions qu’il décrit, à chaque fois qu’il le pouvait, plus exactement chaque fois qu’il le devait, a indiqué l’apport des XII Tables à la formation du droit de l’époque d’Hadrien 3. Nous disposons donc, avec les Institutes, d’un exposé systématique du droit classique, dont les origines ou racines décemvirales n’ont jamais été omises – même quand la référence historique n’était pas nécessaire à l’intelligence du droit exposé. Cet ouvrage constitue pour ces deux raisons la source la plus sûre et la plus solide de notre information. De sorte qu’il est inutile, pour toutes les institutions analysées par Gaius d’imaginer une source décemvirale qui nous échapperait. C’est un élément précieux à retenir pour répondre à la question (cf. infra) : quelle est l’étendue de nos lacunes ? L’autre avantage considérable que l’on doit à Gaius comme source privilégiée de la connaissance de la loi des XII  Tables est qu’il en fut sans doute le dernier commentateur direct. Son ad legem duodecim tabularum (rédigé en c. 159) 4 était de dimensions imposantes (six livres alors que les Institutes n’en comptent que quatre). Malheureusement ce commentaire a été massivement réduit à presque rien par les compilateurs qui n’en ont conservé que 28 courts extraits (Lenel, Palingenesia, Gaius 418 à 445).

Voir l’étude très neuve et convaincante de D.  Mantovani, Legum multitudo e diritto privato.  Revisione critica della tesi di Giovanni Rotondi, dans Leges publicae. La legge nell’esperienza giuridica romana, a c. J.-L. Ferrary, Pavia 2012, 709-767. 3  Nous avons insisté sur cette dimension historique de l’œuvre de Gaius dans Gaius et les XII Tables, dans Gaius, a c. U. Babusiaux – D. Mantovani, Pavia 2018. Nous pensons avoir montré que l’information de Gaius, systématique, dans la référence historique à la source de l’institution, ne peut jamais être prise en défaut.  Ni ses autres œuvres, ni celles des autres juristes ne parviennent à compléter son travail d’historien, donc à révéler une lacune dans son information (sauf quand le palimpseste de Vérone souffre d’une lacune ou quand il s’agit d’un développement dont Gaius a fait l’économie). 4  S.  Morgese, Appunti su Gaio ad legem Duodecim Tabularum, dans Il modello di Gaio nella formazione del giurista, Atti Convegno in on. S. Romano, Torino 1978, Milano, 1981, 109 s. 2 

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Au total, on doit à Gaius 48 références précises à la loi des XII T. : 31 proviennent des Institutes, 9 viennent des autres œuvres dont les fragments ont été transmis par le Digeste, 8 sont la contribution du commentaire ad leg. XII tab. En somme, près de la moitié des références apportées par la littérature juridique a Gaius pour origine. Après Gaius, ceux qui fournissent le plus sont dans l’ordre : Ulpien : 16 citations ; Paul : 14 ; l’auteur anonyme de l’Epitome dite Ulpiani (ou Tituli ex corpore Ulpiani) : 12 ; Pomponius : 8, dont une histoire retraçant celle de l’élaboration de la loi ; Julien et les Pauli Sententiae : 2 ; Tryphoninus, Modestin, Marcellus, Marcien, les Fragmenta Vaticani ainsi que l’epitome tardive dite Gaius d’Autun : 1 chacun. Pour les constitutions impériales : 2 citations ; et 6 dans les Institutes de Justinien. La Paraphrase de Théophile aux Institutes, avec 2 références, apporte le témoignage le plus tardif de l’utilisation de l’ancienne loi. Les citations de la loi ou les références explicites à ses prescriptions de la part des juristes sont donc très éloignées dans le temps du document original, puisqu’elles remontent, pour les plus anciennes, à l’époque d’Hadrien, et nous emportent, pour les plus récentes, en Orient jusqu’à Justinien, et en Occident jusqu’au Ve s. 1.1.2. La contribution des sources littéraires Les sources littéraires se sont montrées plus généreuses : 128 références explicites. L’auteur le plus riche est incontestablement Cicéron, avec 37 citations ou références directes, et parfois plusieurs références au même verset (comptées une seule fois). Il est également, avec Varron (4 références), le plus ancien 5. Tous les types d’ouvrage apportent leur contribution : plaidoyers civils, traités de théorie politique, notamment le De legibus, ouvrages philosophiques. La connaissance du texte même de la loi, chez Cicéron, est des plus sûres, directe même. Non seulement il peut en citer le texte de mémoire (un exercice d’école élémentaire à son époque – leg. 2.59 –, et encore à l’âge d’Horace 6) mais sa familiarité

5  La date relativement tardive de ces témoignages ne signifie pas que l’existence ou la connaissance des XII T.  n’apparaisse qu’au Ier s.  av.  J.-C.  Les preuves de références à des actes illicites dont la répression est fixée par les XII T. nous semble apportée pour Plaute (v. notre analyse du crime d’occentatio, XII T. 8.1). Elle est, en outre, directement attestée (par l’intermédiaire de Festus) pour la disposition sur le status dies cum hoste (XII T. 2.2). Le reflet de la législation décemvirale établissant une liste d’excuses légitimes permettant le report d’audience a été également perçu chez Polybe 6.26.4 : F.W. Walbank, A Historical Commentary on Polybius I, Oxford, 1957, 708 ; F. D’Ippolito, XII T. 2.2, dans Index 18 (1990) 434-449. On aurait ainsi les plus anciens témoignages sur la loi des XII T. V. E. Romano, Effigies antiquitatis. Per una storia della persistenza delle Dodici Tavole nella cultura romana, dans Le Dodici Tavole, cit. 462-464. 6  Sur la connaissance approfondie des XII T., acquise probablement sur les

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avec les versets de la loi (une familiarité qu’il a probablement acquise auprès de son maître Aelius Stilo, le premier commentateur non juriste de la loi), lui permet d’en intégrer plusieurs dispositions dans un projet de constitution idéale (cf. Table X). Il puise dans les versets du code des éléments de défense, de sa propre défense : les XII T. restent dans la première moitié du Ier s. av. J.-C. le pilier de la protection individuelle et de l’État de droit contre les menées subversives et l’illégalité (XII T. 9.1-2). Après Cicéron, les citations les plus nombreuses – mais avec une tout autre portée : on quitte la lutte politique, la réflexion philosophique ou la défense oratoire pour le goût de l’érudition et de la culture du passé –, sont chez Aulu-Gelle (24 citations, souvent les plus complètes dont on dispose), suivi de Festus (21), qui a puisé l’essentiel de son information chez Verrius Flaccus (époque d’Auguste), donc proche de l’âge des premiers, Varron et Cicéron. Contemporain de Cicéron, l’auteur de la Rhétorique à Herennius a transmis 5 citations. Au Ier s. de notre ère, on trouve des historiens (Denys d’Halicarnasse : 3 ; Tite-Live : 4 références explicites), Pline l’Ancien : 9 ; Sénèque le Rh. : 2 ; Quintilien : 2 ; puis des citations occasionnelles, uniques pour chacun, chez Horace, Ovide, Tacite, Apulée, Arnobe. Le commentateur de Virgile, Servius, en apporte 3 et Augustin : 2, en rapport avec son utilisation du de rep. Le dernier en date est le moine marseillais Salvianus (vers 425) mais pour une référence à notre avis apocryphe (XII T. 9.5) 7, qui a seulement pour intérêt de confirmer que le souvenir prestigieux du code décemviral était resté vivant, même si la mémoire de son texte s’était perdue. L’écho lointain de ce monument se maintient encore à une époque où l’accès au document a disparu : on n’en cite plus des fragments, on ne le lit certainement plus, mais on aime, dans l’étalage d’une culture précieuse, convenue et de goût rhétorique, invoquer son autorité 8.

bancs de l’école, chez Horace : O.  Diliberto, La satira e il diritto : una nuova lettura di Horat., sat.  1.3.115-117, dans AUPA 55 (2012) 387-402 (allusion à l’actio de arboribus succisis : 8.11) ; R.  Hassan, La poesia e il diritto in Orazio. Tra autore e pubblico, Napoli, 2014. 7  La source de Salvien doit avoir été Augustin, civ. Dei 1.19 ; la mention des XII T.  est un ajout rhétorique de Salvien, qui donne une interprétation libre de lois authentiques (9.1-2) et non la teneur d’un verset spécifique. Voir le commentaire détaillé à ce pseudo ‘verset’, que nous avons maintenu à sa place traditionnelle, en 9.5. 8  Ainsi pour le dédicataire du fameux éloge (ILS III2, 8987 = AE (1902) 245) offert par la province Tertia Lugdunensis en l’honneur de son rector Valerius Dalmatius, entre le IVe et le Ve s., dont est vantée la culture nourrie des trois sources du droit, la loi dite bis sex scripta ( = les XII T.), l’édit du préteur et les constitutions impériales : Mommsen, Weihe-Inschrift für Valerius Dalmatius (1902) = Gesam. Schr. II, 151 ; bibliogr. compl. O. Diliberto, Conoscenza e diffusione delle XII Tavole nell’età del Basso Impero, dans Nozione, Formazione ...  del diritto, Ricerche dedicatae F.  Gallo, Napoli, 1997, 205-227 (222-224). On retrouve le même jeu de mot, devenu un cliché convenu, auquel se prête le nombre des Tables (bis sex tabulae), chez Prudence, Contra Symmachum 2.463-464 (vers 450) et Sidoine Apollinaire, Carmen 23.446-449

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1.1.3. Citation des ipsissima verba Les références directes à la loi sont de deux types. Les unes, en particulier chez les amateurs d’étymologies et de mots rares, procèdent par la citation directe de quelques mots, voire d’un seul, amputé de tout contexte. L’avantage, pour l’interprète, est de disposer d’une citation qui a toutes les chances de reproduire, dans une langue évidemment rajeunie – les cas où les termes de la loi restent énigmatiques sont l’exception : lanx (8.15), lessus (10.4) – un texte original. Les éditeurs successifs, depuis le début du XVIe s., ont toujours tenu à isoler, pour mieux les identifier, ces ipsissima verba par une typographie particulière (petites capitales). Nous avons naturellement respecté cette tradition. Mais la difficulté que présente ce type de citation – et son intérêt même – est que son sens véritable reste à découvrir. Ainsi la citation cicéronienne adversus hostem aeterna auctoritas, dépourvue de son contexte (Cicéron ne retient ces termes que pour le sens archaïque d’hostis) a justement suscité d’inévitables et apparemment irréductibles divergences d’interprétation (6.4). Ces divergences appellent un commentaire auquel nous avons tenté d’apporter la plus grande attention. Parfois (ex. 1.5), l’interprétation butte sur une impasse : mais c’est l’exception. Il y a une quarantaine de citations littérales, c’est-à-dire de versets ou de fragments de versets, dont on peut penser que la forme sous laquelle ils ont été transmis correspond, ou peut correspondre, au texte même de la loi : soit un peu moins de la moitié des 106 versets reconstitués. Mais il faut aussitôt apporter un correctif. Quand nous parlons d’un verset authentique en la forme, c’est un abus de langage. Car il est certain que, si haut que l’on remonte, l’usage que

(deuxième moitié du Ve s.) (sur cette évocation et sa source, D.  Liebs, Römische Jurisprudenz in Gallien (2. bis 8. Jahrhundert), Berlin, 2002, 53-54) ; déjà auparavant, chez Ausone, Griphus 2.61-62 = Idyllia 11. 61-62  (adressé en 368 à Symmaque), mais autour du chiffre trois : les ‘Tables au nombre de trois fois quatre’, dont le poète affirme qu’elles ont réuni les trois sources du droit (‘sacré, privé, public’), une trilogie symbolique qui se retrouverait dans les trois types d’interdits prétoriens et dans les trois formes d’affranchissement. Ces jeux de mots érudits, courants dans les milieux intellectuels des Gaules, témoignent certes d’une certaine culture juridique, mais surtout d’une culture uniforme dans son affectation, qui n’apporte pas (au contraire) la preuve d’un accès encore maintenu avec la loi elle-même ni de sa propre circulation. Peut-être faut-il faire une exception pour Sidoine Apollinaire, Epistulae 8.6.7 (seconde moitié du Ve s.) qui, à propos d’une prescription législative impériale sur les délais de prescription, déclare que ‘pour le dire comme les XII Tables, cette loi sur la prescription de trente ans avait été proquiritata’ (Per ipsum fere tempus, ut decemviraliter loquar, lex de praescriptione tricennii fuerat ‘proquiritata’).  Terme énigmatique, de provenance insaisissable et de sens impénétrable : cf.  Fragments incertains X, mais qui pourrait indiquer qu’à cette époque, Sidoine avait encore à sa disposition un texte de la loi ou un commentaire de celle-ci (à moins que l’on soit en présence d’une pédanterie et de l’étalage d’une culture affectée).

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l’on faisait du texte de la loi nous empêche le plus souvent d’atteindre l’archétype ou une sorte d’Urdokument. Plusieurs formes d’un même verset circulent à la même époque et même sont citées par le même auteur (Cicéron le premier) pourtant dans des circonstances on ne peut plus solennelles et publiques. Il faut s’expliquer sur ces usages, si différents de nos scrupules modernes qui s’attachent à reproduire fidèlement les termes cités, surtout quand il s’agit d’une autorité normative. Lorsque Cicéron donne deux ou trois versions différentes de la même prescription (de capite civis… : 9.1-2), notamment dans des ouvrages qui, après le feu de la plaidoirie, ont été soumis au filtre de la rédaction, cela ne signifie pas, comme on l’a soutenu, que le texte de la loi était fluctuant, donc incertain, mais que les Anciens n’attachaient pas à la lettre de la norme (en dépit de leur goût pour le formalisme) l’importance que nous attendrions. C’est plus le sens substantiel qui leur importe et qu’ils expriment, un sens qui, dans l’esprit de l’interlocuteur, qu’il soit un lecteur, l’avocat adverse, le sénat ou le peuple assemblé pour juger, renvoie immédiatement à un texte certain, dénué d’ambiguïté ou de possibilités de divergences. Quand, chez les juristes, la norme décemvirale uti legassit suae rei, ita ius esto (texte authentique, selon nous : 5.3) connaît des variations (uti super familia pecuniaque sua legassit, ita ius esto, ou uti legassit super pecunia tutelave suae rei, ita ius esto), on n’en déduira pas que chaque milieu avait sa propre version et qu’aucune ne l’emportait sur l’autre. Il est prouvé maintenant que les écoles de rhétorique ne travaillaient pas avec une version différente de celle des juristes (cf. 5.3). Tous disposaient du même texte, mais ne voyaient pas d’inconvénient à le présenter enrichi (ou alourdi) de compléments, des sortes de gloses, qui ne modifiaient pas le sens initial, mais compliquent d’autant la tâche de l’historien en quête de la version authentique. Il en était de même pour Cicéron : il n’avait pas dans l’esprit deux ou trois versions concurrentes et divergentes du même verset, mais c’était toujours le même (qu’il nous reste à restituer) qu’il accommodait selon la résonance qu’il voulait lui donner. Les témoignages indirects, sous forme de commentaire à la loi ou de référence à une disposition non directement rapportée, sont les plus nombreux (une soixantaine sur 106). Ils émanent surtout de juristes. Ceux-ci trouvent dans la référence à la loi l’origine d’une institution passée ou encore en vigueur (sous la forme fréquente in lege duodecim tabularum cautum erat, ou haec actio descendit ex lege duodecim tab.), ou leur fournit un argument d’interprétation. Il n’est pas certain que tous eussent disposé du texte, ou d’un texte de la loi. Ils ont dû, comme ils le pratiquaient méthodiquement pour l’ensemble de leurs œuvres, s’inspirer étroitement des ouvrages des maîtres qui les avaient précédés. Dans ce cas, les principaux commentaires à la loi ont pu jouer une influence décisive, depuis le plus ancien, celui de

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Sextus Aelius Paetus Catus (cos. 198) 9, puis celui de Labéon, en deux livres au moins, sans doute plus, jusqu’au dernier, celui de Gaius déjà mentionné. Il est à peu près sûr que ce dernier avait sous les yeux, pour le commenter, un texte complet de la loi, un texte resté même complet depuis les origines, puisque non diminué de ses dispositions sorties d’usage ou d’application depuis plus de six siècles 10. Ces preuves permettent d’écarter l’idée d’une réécriture, ou d’une recomposition de la loi après les soi-disant destructions provoquées, en 390, par la prise de la ville par les Gaulois. Voilà le matériau transmis par les sources antiques. Mais selon quel ordre procéder à sa reconstitution ? 1.2. L’ordre des fragments, ou la quête d’un plan insaisissable Les informations explicites concernant le plan des XII T. (du moins celui qui circulait à partir du Ier s. av. J.-C.) ne sont pas totalement absentes, mais désespérément pauvres. On dispose cependant de quelques informations sérieuses. On sait par Cicéron, soucieux de rappeler que les enfants de son temps apprenaient le texte par cœur, que le texte commençait par la citation à comparaître devant le tribunal (in ius vocatio). On en déduit raisonnablement que les règles générales d’organisation du procès (citation, choix de la procédure, exécution de la sentence), valables pour toutes les actions en justice, dont le code dresse ensuite l’inventaire, occupaient les premières tables. Denys d’Halicarnasse, deuxième information, attribue à la Table IV le verset ‘si pater ter filium venum duit’ (placé en 4.2). Tite-Live attribue à l’œuvre du second décemvirat (donc dans l’une des deux dernières tables, puisque le premier collège avait achevé la rédaction des dix premières) l’interdiction des conubia patricio-plébéiens (= 11.1). Cicéron (leg. 2.64) déclare avoir emprunté à la Table X, les prescriptions limitatives du deuil, qu’il reprend dans sa constitution idéale (= 10.1-10). Festus v° Reus, s’attachant au

9  Auteur du fameux ouvrage Tripertita, constitué comme son titre l’indique, de trois parties.  La première donnait le texte de la loi des XII T., accompagné de son commentaire ; la seconde recueillait l’apport de l’interpretatio, compléments, extensions analogiques, innovations, œuvre des interprètes, essentiellement du collège pontifical ; la troisième contenait le dernier élément constitutif du droit privé, les actions de la loi.  Cet ouvrage a été qualifié par Pomponius lib.  sing.  enchiridii D. 1.2.2.38 qui liber veluti cunabula iuris continet, de berceau du droit. 10  C’est ainsi que Gaius avait encore sous les yeux l’interdiction de mariages mixtes patricio-plébéiens, mesure abandonnée dès 445 av. J.-C. : v. XII T. 11.1. Cicéron, de même, connaissait le même texte.  Ulpien, à son tour, même s’il ne les cite pas, connait les dispositions, pour nous partiellement perdues, dont la lex Aquilia, du début du IIIe s., a provoqué la désuétude (Ulp. 18 ed. D. 9.2.1). 

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sens de ce mot, précise que la prescription contenant ce terme se trouvait in secunda tabula secunda lege. On doit en déduire une attribution certaine à la Table II, même s’il n’est pas sûr ni même vraisemblable que les diverses normes, sur chaque table, eussent été précédées d’une numérotation comme les lois plus récentes. On tire encore de Macrobe, qui indique que le second collège aurait fait voter par le peuple une loi sur l’intercalation, la preuve que l’une des deux dernières tables contenait le calendrier réformé. Nous montrerons que l’interprétation de ce passage de Macrobe est inexacte, déformée par une surinterprétation. S’il n’est pas niable que les décemvirs ont effectivement réformé le calendrier (et un texte de Varron, négligé jusqu’ici, confirme cette réforme décemvirale), il nous paraît certain que cette réforme n’a pas été insérée dans la loi elle-même, mais sous la forme d’une publication extérieure et indépendante émanant du deuxième collège décemviral. Voir le verset 11.2, que nous avons maintenu artificiellement dans le code, par pure tradition. Enfin, une dernière précision formelle, que l’on doit à Ulpien (l. 44 ed. D. 38.6.1 pr.), atteste que les XII T. ont traité de la succession testamentaire avant la succession ab intestat (ordre suivi au sein de la Table V). Ce sont les seules informations précises, formelles et sûres dont on dispose. C’est bien maigre pour prétendre retrouver le plan initial du code et distribuer selon ce plan les quelque 106 versets candidats au classement. Depuis le début du XVIe s. 11 et les premiers travaux de l’École humaniste, qui correspond à l’essor de la circulation des ouvrages imprimés, l’intérêt pour les XII Tables n’a cessé de s’affirmer. En un siècle, entre 1515, date de la première édition de l’ouvrage précurseur d’Aymar du Rivail 12 et l’apport révolutionnaire de Jacques Godefroy en 1616,

L’intérêt pour la loi des XII Tables doit être aujourd’hui remonté dans le temps.  Un manuscrit inédit, le Reg.  lat.  450, conservé à la Vaticane, découvert, édité et commenté par O.  Diliberto (en collab.  avec M.  Buonocore et A.  Fiori), Un manoscritto inedito in tema di legge delle XII Tavole : il Reg. Lat. 450, dans Miscellanea Bibliothecae Apostolicae Vaticanae XV (2008) 49-99, et que l’on peut dater de la fin du XVe – début du XVIe, apporte la preuve qu’un juriste de formation traditionnelle eut, avant les premiers ouvrages des humanistes, la curiosité de rassembler les fragments contenus dans le Digeste et les citations d’Aulu-Gelle, en une sorte de reconstitution embryonnaire de la loi, sans préoccupation palingénétique ni prétention philologique. 12  Du Rivail, dauphinois né en 1490, formé à l’Université de Pavie, auteur des Civilis historiae Iuris, sive in XII Tab. Leges commentariorum libri quinque, Valentiae 1515. Sur l’homme : J.-L. Ferrary, Un juriste étudiant à l’Université de Pavie : Aymar du Rivail, dans Bollettino della Società Pavese di Storia Patria, 1995, 163s. ; sur les éditions successives  de cet ouvrage - pas moins de sept au 16e s. : O.  Diliberto, Bibliografia ragionata delle edizioni a stampa della Legge delle XII Tavole (Secoli XVIXX), Roma, 2001, 47-50 ; sur l’œuvre, H.E. Dirksen, Übersicht der bisherigen Versuche zur Kritik und Herstellung des Textes der Zwölf-Tafel-Fragmente, Leipzig, 1824, 29-31 ; J.-L.  Ferrary, Saggio di storia della palingenesi delle Dodici Tavole, dans Le Dodici 11 

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pas moins de trente-sept essais de reconstitution ou palingénésies de la loi des XII Tables ont vu le jour, provenant de juristes – professeurs de France, Italie, Allemagne, Hollande, Espagne, Angleterre, Belgique, dont les œuvres et les enseignements circulent auprès de toutes les Universités européennes. Nombre de ces ouvrages connaissent plusieurs rééditions, presque immédiates 13. Tous, certes, ne témoignent pas d’une originalité certaine et l’influence, rarement reconnue, des prédécesseurs est souvent manifeste ; mais tous expriment la même quête passionnée pour découvrir et recueillir tous les testimonia permettant une restitution de la loi. Tous, surtout, ont dû affronter inévitablement la question d’un plan. Selon quel ordre répartir les fragments retenus ? Sur l’histoire de cette palingénésie, on dispose de deux apports décisifs. Tout d’abord, l’enquête extrêmement fouillée publiée par Dirksen il y a deux siècles, en 1824, et qui, en 747 pages, a procédé au dépouillement systématique de quasiment tous les essais de reconstitution parus jusqu’alors. Verset après verset, les propositions antérieures de restitution sont reprises, confrontées, analysées, passées au crible (souvent très critique) 14. Cette somme est indispensable pour toute entreprise d’édition et de commentaire. Nous avons utilisé systématiquement cette mine d’informations. En outre Dirksen a fait précéder son enquête méthodique d’un long chapitre (p. 23-100) sur l’histoire des systèmes ou plans de reconstitution adoptés depuis Du Rivail. Mais surtout, la toute récente et excellente analyse de J.-L. Ferrary (2005) retrace, en mettant en évidence les lignes de force de ce grand mouvement intellectuel, l’histoire de ces efforts palingénétiques, de Du Rivail à nos jours, et la conclut par des réflexions fort peu optimistes. 1.2.1. Les débuts de l’École humaniste : reconstituer un texte, plus qu’un ordre systématique Les premiers auteurs de reconstitutions ne se sont guère souciés d’établir ce qui aurait pu être le plan originel de la loi dont ils rassemblaient les fragments. Étaient-ils intimement convaincus de l’impossibilité de l’entreprise ? Ils ne manquaient pourtant pas des quelques éléments solides énumérés plus haut – et dont leurs sources leur donnaient connaissance –, mais toujours est-il qu’ils ne s’en sont pas servis

Tavole. Dai Decemviri agli Umanisti a c. M. Humbert, Pavia, 2005, 503-558, p. 506510 = J.-L. Ferrary, Recherches sur les lois comitiales et le droit public romain, Pavia, 2012, 229-282 et p. 629. Cette étude fondamentale sera ensuite citée dans sa version de 2005, sauf exception. 13  Sur ces rééditions, Diliberto cit. (n.12). 14  Dirksen est sensible à l’attitude, qu’il réprouve vigoureusement, de ces auteurs qui, sans en avertir leurs lecteurs, puisent sans scrupule leurs informations chez leurs devanciers.

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et ont préféré, les uns, en mêlant les lois de Solon, les lois dites royales, les pseudo-lois fabriquées par Cicéron pour son Traité des Lois et les fragments des XII T., procéder à un classement artificiel, au sens de dénué de toute prétention à l’historicité. Ainsi en est-il pour Du Rivail qui, sans souci d’ordre, réécrit les lois, sans distinguer les lois dites de Cicéron et les fragments des XII T. 15 De même Alessandro d’Alessandro, dans son ouvrage Geniales Dies (1522), regroupe une soixantaine de fragments sans références ni ordre, mais, dans un souci de rigueur, n’insère pas les lois cicéroniennes et se limite aux fragments décemviraux recueillis, qu’il se garde de réécrire 16. D’autres, dans une préoccupation purement pratique, qui se défend dans la mesure où le plan original paraissait alors inaccessible, s’inspirent du plan des Institutes de Justinien et répartissent la matière du droit privé en autant de subdivisions : puissance paternelle, tutelle, successions, procédure, droit des choses, crimes et délits, tout en conservant les lois cicéroniennes (sur la religion, sur les magistratures), mêlées aux XII T. Ainsi en est-il pour la reconstitution de Oldendorp, parue en 1539 17, dont le principe de classement est repris chez la plupart des auteurs par la suite 18. C’est le cas pour Anton Agustin (Saragosse c. 1516), qui, même s’il soupçonne (l’un des premiers à en avoir eu l’intuition, avant les travaux de J. Godefroy) l’intérêt que pourrait présenter l’ordre des fragments du commentaire de Gaius ad legem XII tab. conservés au Digeste, choisit un plan qui n’a aucune prétention historique, mais présente l’avantage de la clarté 19.

Tout est présenté comme verba legitima.  Jugement sévère de Dirksen, cit. 29-31. 16  Alessandro est né à Naples en 1461 ; sur son ouvrage, Diliberto cit. 51-52 ; sur l’œuvre, Dirksen cit. 27-29 ; Ferrary cit. 510-511. 17  Ainsi Johann Oldendorp (Hambourg, c.  1480), dans ses Iuris naturalis, gentium et civilis εἰσαγωγή Leges XII.  Tabularum, interpretationibus ad forum accomodatis, illustratae, Cologne, 1539. Sur l’ouvrage et l’œuvre, Dirksen 32-34 (critique : lui reproche son étroite dépendance à l’égard de Du Rivail, notamment dans son insertion des ‘lois’ cicéroniennes, et sa répartition des matières de droit privé selon un ordre qui ne cherchait aucune correspondance possible avec ce qui aurait pu correspondre à la distribution décemvirale) ; Diliberto 57-59 ; Ferrary 511-513. Comme l’indique son titre, l’ouvrage répond à des fins pratiques : offrir un enrichissement aux praticiens contemporains du droit, qui justifie le plan choisi. 18  À l’exception de François Bauduin, dit Balduinus (Arras 1520), auteur des Libri duo ad leges Romuli, regis Rom., leg.  XII. Tabularum, Lyon, 1550.  Le plan est original : il ne correspond ni au plan des Institutes, ni à celui du Digeste : droit public, y compris les crimes et délits ; droit de propriété et limites légales ; successions ; droit sacré ; partage successoral ; statuliber ; mariage ; patria potestas ; tutelle ; organisation judiciaire ; calendrier.  L’effort de l’auteur, qui exercera une influence profonde, a porté surtout sur le choix des éléments constitutifs de la loi (élimination des pastiches cicéroniens), plus que sur le plan. Sur Bauduin : Dirksen 37-39 ; Ferrary 514-519. L’ouvrage connut au moins quatre rééditions au XVIe s. : Diliberto cit. 64-65. 19  Antonio Agustì, dit Agustin ou Augustinus, archevêque de Tarragone, auteur 15 

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La même résignation, qui n’est pas dépourvue de bon sens, guide les essais de reconstitution de Louis Le Caron (1554) 20, d’Antoine Leconte (1555) 21, de Pardoux Duprat (1559) 22, de François Hotman (1564) 23, dont l’ouvrage, le De Legibus XII Tabularum Tripertita, a emprunté son titre et son plan général au célèbre diptyque d’Ausone (Idyll. 11.61-62) : Ius triplex, tabulae quod ter sanxere quaternae: / Sacrum, privatum, Populi commune quod usquam est 24. Le modèle des Institutes domine encore après Hotman : chez Fulvio Orsini, qui, publiant l’ouvrage d’Agustin en 1583, s’en écarte pour le plan et reprend celui d’Hotman, avec une distribution arbidu De Legibus et Sctis liber : adiunctus legum antiquarium senatusconsultorum fragmentis cum notis Fulvi Ursini, Rome 1583. Œuvre rédigée autour des années 15441545, inédite jusqu’en 1583. V. Dirksen 56-57 ; Ferrary 514-516. 20  Ou Charondas (Paris 1534), auteur des … XII.  tab.  leges ab ipso Charonda restituta(e), Paris 1554.  Le Caron, fort de sa possession d’un manuscrit de Festus, s’attribue le mérite d’avoir considérablement enrichi de l’apport du lexicographe l’établissement du texte. Mais son plan, en 75 chap., ne traduit pas une cohérence quelconque (mancipation, revendication, parricide, témoignage judiciaire, usucapion, associations, succession, tutelle, puissance paternelle, statuliber, succession aux affranchis, mariage, procédure, délits, limites à la propriété, usure). Cf. Dirksen 48, n. 75d. On s’écarte ici du modèle des Institutes. 21  Ou Contius (Noyon 1526), auteur du Lectionum subsecivarum iuris civilis liber primus, Lyon 1555. Son plan (Dirksen 40- 43 et n. 68) présente une certaine originalité, qui, après un premier moment d’étonnement, révèle implicitement une certaine prise en compte du ‘plan’ de Gaius ad XII tab. (ainsi Dirksen 43) : actions et procès, pâture des troupeaux, vol, injure, exécution des jugements, limites à la puissance paternelle (placées dans la T. IV), successions, tutelle et curatelle, mariage, divorce, usucapion, police des routes, partage successoral, usure, gage.  Leconte aurait eu l’idée (reprise et exploitée par J.  Godefroy) de l’unité de chaque table autour d’un thème central. 22  Ou Prateius, né en 1515, auteur de Iurisprudentia vetus … ac XII. Tabularum Leges Collectae Interpretataeque, Lyon, 1559. Cf. Dirksen 48-50 ; Ferrary 520. Dirksen 50, n.  78a donne le plan de sa restitution, où l’on peut percevoir un écho du plan d’Oldendorp, lui-même inspiré de celui des Institutes : puissance paternelle, conubium, limites à la propriété, dommages dus aux animaux, tutelle, succession, droit funéraire, succession aux dettes, patron infidèle, procédure, obligations, crimes, Sanates, faux témoignage, manus acquise par l’usus. 23  Ou Hotomanus, Paris 1524. 24  « Ce droit triple, qu’ont sanctionné les trois fois quatre Tables, droit sacré, droit privé et celui qui sert au bien du peuple ». Il ne s’agit pas, comme on l’a longtemps cru, de la structure ternaire du code décemviral qui aurait été constitué de trois parties distinctes. Dans cette image poétique, Ausone fait allusion au caractère universel de la législation qui aurait englobé les trois branches du droit, sacré, privé et public. Les humanistes ont souvent utilisé ces deux vers pour distribuer les éléments recueillis (avec confusion fréquente d’éléments étrangers : ‘lois’ cicéroniennes et ‘lois royales’), n’hésitant pas, pour modifier l’ordre des matières et placer le droit public avant le droit privé (ainsi Hotman), à accuser Symmaque de ne pas avoir respecté le plan originel pour des raisons de métrique. Dans l’organisation du droit privé, Hotman s’inspire du plan des Institutes. Sur l’œuvre, Dirksen 50-52 ; Ferrary 527.

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traire des fragments entre les trois masses choisies par Hotman pour structurer sa reconstitution 25 ; chez Jacques Reyvaert 26 ; Jean Crespin 27 et Denis Godefroy (le père), dont l’ouvrage, par ses défauts, donnera peut-être à son fils l’idée de faire autre et mieux. En effet, ses Legum XII. Tabularum libri duo, partim ex Cicerone, partim ex aliis : quorum posterior ad ordinem Pandectarum digestus est 28, reviennent, comme leur titre l’indique, aux essais antérieurs, dépassés car condamnés, d’intégrer dans la reconstitution tout un matériau étranger : les lois royales, le droit dit coutumier, les lois attribuées à Solon. Le résultat fut qualifié par Dirksen de ‘monstrueux’. Quant au plan, qui devait suivre celui du Digeste et du Code, il reflète l’état d’esprit d’un ouvrage utilitaire dépourvu du souci palingénétique qui sera l’honneur de son fils. La dernière avancée avant l’œuvre de J. Godefroy est due aux frères Pithou 29, qui tentent, pour la première fois, d’établir un plan en s’inspirant du commentaire de Gaius aux XII T. : l’ordre des commentaires de Gaius pouvait servir à reconstituer l’ordre originel des versets dans la loi. La palingénésie est brève : ses auteurs renoncent à un commentaire et à l’indication des sources. Tout leur intérêt porte sur l’ordre successif des fragments, mais sans essayer (ce que fera Godefroy) de distribuer ces fragments entre chacune des XII T. et donc de donner une unité substantielle – ou un thème unitaire à chaque Table 30. 1.2.2. L’œuvre de J. Godefroy : une nouvelle palingénésie En 1616 paraît à Heidelberg la première édition des Fragmenta XII. Tabularum suis nunc primum tabulis restituta, probationibus, notis et indice munita 31. Comme le titre l’indique, c’est la première fois que

Orsini, dit Ursinus, né en 1529. V. Dirksen 57-59. Dit Raevardus (Bruges c. 1533), ad Leges Duodecim Tabularum Liber singularis, Bruges 1563. Cf. Dirksen 52-53; Diliberto 81-82 ; Ferrary 521 n. 46. 27  Dit Crispinus (Arras 1520).  Ses Leges XII Tab.  explicatae, s.l.  1568  (Diliberto 88-91) sont sans grande originalité : Dirksen 61-64. 28  Publié à Lyon en 1583 (Diliberto 106-110).  Sur l’ouvrage : Dirksen 59-61 ; Ferrary 528-533. 29  L’ouvrage a été publié par Cujas à Paris en 1586 : Diliberto 111-115.  Sur les Pithou : Ferrary 523 n. 54 ; sur l’œuvre : Dirksen 64-66 ; Ferrary 526-527 30  L’ordre qu’ils suggèrent pour l’ensemble des fragments est le suivant (Dirksen 65 n. 102 ; Ferrary 526-527) :1) Procès civil ; 2) Privilèges, justice criminelle, provocatio, lex posterior ; 3) Furtum ; 4) Nexum et crédit ; 5) Mancipatio, vente, dépôt ; 6) Trahison ; 7) Conubium ; 8) Mariage ; 9) Patria potestas ; 10) Divorce ; 11) Patronat ; 12) Sodalités  ; 13) Coetus nocturni  ; 14) Lois des bâtiments, prescription  ; 15) Incendie, limites à la propriété ; 16) Usure ; 17) Injures ; 18) Successions ; 19) Tutelle ; 20) Lois funéraires ; 21) Noxia. 31  Sur cette édition et les suivantes, Diliberto 127-129. 25 

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les fragments attribués aux XII T. sont répartis entre chacune d’entre elles. L’œuvre aura un immense retentissement. En dépit des réserves fondamentales exprimées depuis près de deux siècles (depuis Puchta, en 1823 – infra), elle reste la base d’une répartition toute traditionnelle – et que nous avons conservée, par pure commodité. Mais avant d’en exposer les faiblesses, il convient d’exposer les articulations d’une reconstitution extrêmement ingénieuse. Le système, car il s’agit d’une méthode articulée en une suite de principes déductifs, de Godefroy repose sur un ensemble de postulats qui s’emboitent les uns dans les autres. Le premier postulat, exprimé explicitement, est que Gaius, dans son commentaire à la loi des XII T., suivait scrupuleusement, dans leur déroulement originel, l’ordre des prescriptions de la loi. Il suffirait donc de suivre l’ordre des 28 fragments conservés au Digeste, pour se faire une idée de la succession des thèmes concernés et les transposer à la loi. De fait, il convient de marquer les limites de l’exercice : sur les 28 fragments effectivement disponibles, 7 doivent être écartés, car ils sont trop succincts ou trop peu précis pour laisser découvrir le point juridique en question, et donc pour les rapprocher avec quelque certitude d’un verset décemviral précis 32. Le second postulat, lui aussi ouvertement exprimé, est celui d’une correspondance exacte entre le nombre de livres (six) du commentaire de Gaius et le nombre des Tables. Gaius aurait rédigé un livre pour commenter deux Tables successives 33. Mais la combinaison des postulats ne s’arrête pas là. Pour répartir les fragments disponibles, au nombre d’environ 106, à partir des quelques très minces indications tirées du commentaire de Gaius, Godefroy a dû poser comme principe que chaque Table répondait à un thème unitaire – seule condition pour attirer à partir d’un indice isolé tout un groupe de versets et regrouper tous ces versets dans la même Table. 34 Mais le système allait encore plus loin dans sa perfection mathématique. Comme l’on sait, par la tra-

32  Ils sont d’ailleurs marqués d’un point d’interrogation dans la Palingénésie de Lenel.  Il s’agit notamment de Gaius 425 (commentaire du mot telum, dont le rapprochement avec le furtum est considéré, à juste titre, par Lenel comme dénué de certitude), 430, 432, 433, 439, 443, 444. Les doutes de Lenel sur la signification des fragments 436 et 442 sont moins justifiés.  33  On aboutit à la répartition suivante : L.  1 de Gaius = Tables I et II ; L.  II = T. III et IV ; L. III = T. V et VI, et ainsi de suite. 34  Par exemple, à partir du fragment 425 de Gaius définissant le sens de telum (et que Godefroy rattachait au furtum cum telo), placé dans le Ier Livre du commentaire de Gaius, il s’en suivait logiquement que tous les versets relatifs au furtum devaient être regroupés dans la même Table I (ou II) puisque le mot telum avait été défini au Livre I.  Cette déduction se trouvait renforcée par la présence, dans le même Livre I, de deux fragments portant sur le sens du mot et du concept d’arbor (Gaius 426 et 427), qu’une interprétation inexacte du délit décemviral et de l’action d’arbores furtim caesae (v. le commentaire du verset 8.11) rattachait au délit de furtum.

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dition, que l’œuvre des décemvirs s’est faite en deux temps et qu’aux dix Tables d’abord rédigées, le second collège en avait ajouté deux autres pour compléter l’œuvre inachevée, Godefroy supposa que la onzième table complétait les cinq premières et la douzième, les tables VI à X. Une harmonie parfaite était donc restituée. Le plan interne de la Table XI suivait l’ordre des sujets affectés successivement aux Tables I à V, et il suffisait de suivre le déroulement des thèmes occupés par les Tables VI à X pour dévoiler le classement propre de la Table XII. Dans sa reconstruction, Godefroy avait naturellement tenu le plus grand compte des quelques indications précisant la localisation de certains versets. Mais on doit reconnaître que la conjonction des ces deux sources d’information n’apporte aucune véritable certitude ni confirmation. De fait, l’hypothèse de Godefroy n’est exactement vérifiée que pour l’attribution (grâce au témoignage de Cicéron) à la Table I de l’ouverture du procès et de la citation à comparaître (Gaius 419, 420, 421, 422, 423, éventuellement 424). Les autres précisions, données par Festus pour la Table II 35, par Denys d’Hal. pour la Table IV, par Cicéron pour la Table X, ne trouvent pas de correspondance dans l’enchaînement des fragments rescapés du commentaire de Gaius ad XII tab. L’hypothèse de Godefroy n’est donc pas vérifiée. On peut, au mieux, la considérer comme seulement possible. Mais l’est-elle vraiment ? S’il est vrai que Dirksen lui apporta une adhésion complète – il s’efforça même de la perfectionner 36 : sa propre palingénésie se fonde totalement sur l’enchaînement des hypothèses déductives de Godefroy –, des critiques de plus en plus vigoureuses et pertinentes ont vu le jour dès 1823, pour culminer avec l’édition des XII Tables par Rudolph Schöll

35  La citation que Festus attribue à la Table II trouve sa correspondance dans le commentaire de Gaius (n° 428), mais elle provient du Livre II, donc devait, si l’on suit Godefroy, avoir sa place dans la Table III ou IV et non II. 36  Pour Dirksen 15, le commentaire de Gaius « prouve, ou du moins rend vraisemblable, que la législation décemvirale formait une unité par groupe de deux tables ». L’unité était donc formée par deux tables successives. Dirksen pousse plus loin encore le principe dégagé par Godefroy : v. pour le détail, Ferrary 541 n. 123. Il se laisse entièrement conduire, dans sa palingénésie, par cette conviction de tables organisées autour d’un thème unique (en réalité autour de catégories juridiques qui ont toutes les chances de n’être que le reflet de concepts anachroniques, plus proches des théories des pandectistes que des représentations des décemvirs, largement inaccessibles).  C’est ainsi qu’il déplace les versets consacrés à la sanction du furtum, et que Godefroy, sur la base de trois fragments de Gaius (n.  425-427), abusivement rattachés au furtum (mais un rattachement que Dirksen ne mettait pourtant pas en doute), plaçait dans la Table I, et les affecte à la Table VIII, pour la seule raison qu’il la définissait comme la ‘Table des délits’. Une nouvelle rationalité guide désormais la palingénésie.  Mais on peut douter de son authenticité.  Elle est le fruit d’une spéculation évoluée, séduisante et confortable, mais périlleuse, car elle plonge les divers versets dans un contexte artificiel et fallacieux, produit par une mentalité qui leur reste étrangère.

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en 1866. Puchta, le premier, dénonça le postulat sur lequel, bien que non exprimé, reposait le système reconstitutif de Godefroy 37 : l’idée selon laquelle chaque Table répondait à un thème unitaire et cohérent, avec, pour conséquence nécessaire, une longueur différente pour chaque table. Or, lui objecta Puchta (et les romanistes, à la suite, ne l’ont pas contredit 38), la table (pas plus que le livre) ne traduit jamais une subdivision rationnelle (comme le fait un chapitre de nos jours), mais uniquement une surface d’écriture, totalement recouverte, et qui ne tient aucun compte des articulations du texte gravé ou incisé. On passe à la table suivante, quand la place vient à manquer. Le plan (il devait bien y en avoir un, même si sa logique nous est complètement étrangère et, de la sorte, inaccessible) ne peut donc pas être déduit de la subdivision du code en XII Tables – pas plus que le plan des Institutes de Gaius ne peut être déduit de la subdivision de son ouvrage en quatre livres 39. Ces objections de principe, jointes à la fragilité des preuves rassemblées par Godefroy en faveur de sa reconstitution, ont entraîné un scepticisme radical, qui culmine avec la dernière édition scientifique de la loi des XII Tables et que l’on doit à Rudolf Schöll, parue en 1866. Schöll critique vigoureusement les bases mêmes de la reconstitution Godefroy–Dirksen, comme dépourvue de contenu scientifique et de confirmation textuelle convaincante. Mais il n’en propose pas d’autre : car « il n’y a pas d’espoir de jamais retrouver l’ordre de l’ensemble des lois » 40. Et comme il est nécessaire de présenter les fragments selon

Sur la critique, par Friedrich Puchta, des présupposés sur lesquels est établie la palingénésie de Godefroy, Ferrary 544-545. Après Puchta, ce fut le tour de Gustav Hugo, de prendre ses distances, de plus en plus nettes envers Godefroy et surtout Dirksen : Ferrary, 545, 556-557.  38  Voir sur ce point la note additionnelle de J.-L.  Ferrary dans Recherches de droit public romain, Pavia, 2012, 629.  39  L’exemple est connu : à la fin du premier tiers de son livre III, Gaius (3.88) déclare brusquement, Nunc transeamus ad obligationes et commence un développement (3.88 à 3.225), bien distinct de la partie qui précède (droit des choses et successions), dont le traitement (2.1-3.87) chevauche la division en livres, qui n’est qu’un découpage mécanique selon un nombre uniforme de pages (pour le codex).  40  De universo legum ordine umquam restituendo desperandum sit : R.  Schöll, Legis Duodecim Tabularum reliquiae, edidit constituit prolegomena addidit, Lipsiae 1866, 70. L’ouvrage comporte quatre chapitres : 1) l’histoire de la codification après sa promulgation (1-21) ; 2) les interprètes et commentateurs antiques de la loi (2239) ; 3) les testimonia recueillis, avec la critique de la palingénésie adoptée par Dirksen (39-72) ; 4) remarques sur le style des décemvirs et leur mode d’expression législatif ou les précautions à observer pour la restitution formelle des versets (72112).  Puis est publié le texte reconstitué de la loi (115-164).  Chaque verset est accompagné des sources permettant son établissement et utiles à son interprétation, mais sans véritable commentaire.  L’ordre des fragments reste celui de Dirksen ; Schöll s’explique de cette décision : infra. Publiée alors qu’il n’était âgé que de vingtdeux ans, l’édition de Schöll (1844-1893) attira aussitôt l’attention de Mommsen qui l’associa, dès 1866, à l’entreprise du CIL. 37 

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un ordre et qui soit aussi un ordre certain (donc reconnu de tous), Schöll décida de suivre les usages plus que la raison. Il considère que l’attitude la plus solide est d’en rester à l’ordre de Dirksen : « Je me suis fait scrupule de ne jamais m’écarter de l’ordre suivi par Dirksen, même quand il m’apparaissait être erroné » 41. Aux critiques de Schöll, nous ajouterons un élément de plus. Les fondements de la palingénésie de Godefroy, repris par Dirksen, impliquent, de la part de Gaius, qu’il eût rédigé, afin de s’en tenir étroitement au plan des XII  Tables et de coller au texte de la loi, un commentaire rigoureusement formaté, dédiant à chaque table, par groupe de deux, le même nombre de pages, le même nombre de lignes, pour aboutir à un livre pour deux tables. Cette hypothèse nécessaire, s’il fallait l’accepter, réduirait la tâche du juriste à un travail soumis à des contraintes inacceptables. Devait-il, quand le commentaire, par des difficultés particulières d’interprétation ou par la richesse du texte, appelait des développements nourris, s’obliger à lui fixer des bornes, uniquement pour réserver l’espace prescrit à remplir des pages désespérément vides ? Quel intérêt pouvait présenter au juriste la Table X, dont le contenu (de droit privé) est quasi inconsistant ? Même question pour la Table IX, dont l’objet, certes artificiellement reconstitué, mais selon l’esprit et la logique même de Godefroy-Dirksen, ne pouvait présenter aucun intérêt particulier pour le spécialiste des Institutiones ? Pour toutes ces raisons, nous nous sommes entièrement rallié aux objections de Schöll 42, même si celui-ci n’a pas toujours évité de se plier aux impératifs de la palingénésie décriée 43, et nous avons fait nôtre sa profession de foi : nihil de Dirkseni ordine mutavi (p. 72). C’est d’ailleurs avec le plus grand bon sens que les éditeurs ultérieurs

Cum tamen ad aliquem certe normam necesse sit fragmenti disponi, et tutissimum visum est et aptissimum Dirkseni ordinem retinere.  Neque enim meum est novam rationem quaerere, et omnino praestat in his usui quam rationi consulere … Numquam ab illo discedere religioni habui, ne tum quidem, si quando ratio eum fefellise videretur, op. cit. 70.  42  Exposées vigoureusement p. 67-72 de son édition. 43  Car Schöll cède à son tour à cette tendance à regrouper ‘rationnellement’ – c’est-à-dire selon une raison, dont il a lui-même dénoncé les trompeuses apparences –, des fragments qu’il réintroduit (ainsi pour le verset sur le repudium, qu’il place dans la Table IV = 4.3, la table affectée aux affaires domestiques, et, pour cette raison, ne tient pas compte de l’indication de Gaius n° 431, qui aurait dû l’inciter à l’attribuer à la Table V ou VI, puisque provenant du Livre III ad leg. de Gaius). De même, lorsqu’il refuse, pour ne pas modifier l’ordre de Dirksen, de déplacer un verset, dont il affirme qu’il serait plus à sa place dans une autre table, Schöll montre qu’il ne s’est pas complètement débarrassé de l’idée de tables unitaires. Ainsi pour le verset (très obscur) sur les Sanati… Forcti ( = 1.5), dont il estime qu’il serait plus à sa place dans la table IX ‘consacrée au droit public’ ou dans la Table VI, avec le nexum, ou pour le cas de l’enfant posthume (4.4), plus à sa place dans la Table V avec les normes successorales. 41 

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de la loi, dans leur grande majorité 44, renonçant à l’impossibilité d’une palingénésie scientifiquement fondée, ont repris avec résignation l’ordre de Dirksen. Ainsi Karl Georg Bruns, dans son édition des Fontes publiée en 1870, avec l’aide Mommsen notamment, ‘pour ne pas bouleverser le mode de citation’ 45. Salvatore Riccobono, pour l’édition, en 1909, du premier volume des Fontes Iuris Romani Anteiustiniani, se rallie à l’édition de Bruns, pour son établissement du texte des XII Tables, affirmant ‘s’être préoccupé de conserver les usages, considérant que dans des questions âprement disputées et dépourvues de toute raison, le plus sûr de ne pas accroître sans profit les difficultés’ 46 ; Paul-Frédéric Girard enfin, pour l’édition de ses Textes de droit romain4, avertit que, ‘comme Schöll, Bruns et Riccobono, uniquement pour ne pas troubler les habitudes de citation et faute d’un procédé de classification plus scientifique, nous reproduisons ici les textes dans la disposition généralement suivie depuis Dirksen’ 47. 1.2.3. L’appel aux séquences d’Aulu-Gelle : une issue possible ? Des efforts ont été entrepris en Italie, depuis 1990, pour sortir de l’impasse où les tentatives de reconstitution se trouvent depuis les premières critiques adressées à Godefroy et Dirksen 48. Pour cela,

44  À l’exception, notamment, de Moritz Voigt, dans l’ouvrage monumental, mais inégal, qu’il consacra en 1883 aux XII T. : Die XII Tafeln.  Geschichte und System des Zivil- und Kriminalrechts wie –Prozess der XII Tafeln nebst deren Fragmenten, I-II, Leipzig 1883 (Nachdruck 1966). Si le plan de la reconstitution est contestable, l’ouvrage, véritable traité du droit civil et criminel à l’époque présumée des XII T., s’impose par la richesse de l’information, l’audace des interprétations, la profondeur des analyses, non sans avoir évité l’écueil de reconstitutions souvent aventureuses (cf.  Girard (1902) cit.  (n.1), 419).  Pour en rester à l’ordre selon lequel sont distribués les divers fragments (I, 693-737) : 1.  – 2.  – 3.  Procès (et in iure manum conserere ; testimonium falsum ; vindicatio in libertatem) ; 4. Testament ; 5. Puissance paternelle, viae, usus auctoritas ; 6. Divortium, succession ab intestat, tutelle, curatelle ; 7.  Furtum, tignum iunctum, arbores succisae, membri ruptio, iniuria, usure ; 8. De finibus, usucapio intra fines, arbores inclinatae, aqua pluvia, excantare, glandes, sodales ; 9.  Parricidium, iudex corruptus, de capite civis ; 10.  Droit des tombeaux ; 11. Calendrier, provocatio, nexum ; 12. Action noxale, vindicia falsa.  45  Quod constituit Diksen systema XII tabularum licet non ubivis satisfaciat, ut Schoellius ita ego quoque retinui, ne modus citandi turbaretur : « Bien qu’il ne soit pas partout satisfaisant, comme l’a fait Schöll, à mon tour j’ai conservé le système de reconstitution de Dirksen, afin de ne pas bouleverser le mode de citation ». 46  In hac sylloga Brunsii recensionem (VII ed.  a.  1909, cura Mommseni et Gradenwitz) secutus sum, in rebus enim multifariam vexatis et quae omnino rationibus carent, tutissimum est usui consulere, alioquin augentur difficultates et quidem sine fructu. 47  Girard, Textes4, 11.  Ces lignes sont précédées d’une critique sans recours des postulats sur lesquels Dirksen, après Godefroy, avait construit sa palingénésie. 48  Les premières critiques à la reconstitution de Dirksen sont à la fois générales (des doutes sur la correspondance entre l’ordre de Gaius et le plan des XII T. sont

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O.  Diliberto 49 eut l’idée fort séduisante de compléter, voire corriger les acquis actuels en utilisant de façon rigoureuse l’ordre selon lequel Aulu-Gelle, lorsqu’il procède à une énumération de dispositions décemvirales, cite ces fragments. L’idée est que l’antiquaire, comme avait dû, à son tour le faire Gaius commentateur de la loi, procède de façon ni aléatoire, ni arbitraire, mais suit scrupuleusement l’ordre dans lequel les versets auxquels il emprunte ses citations se plaçaient dans le code. Des exemples tirés des citations d’Homère ou de Virgile prouveraient que, pour ces œuvres poétiques intégralement connues, Aulu-Gelle applique un principe dont il n’a pas dû s’écarter quand il cite les XII  Tables. L’hypothèse est séduisante. Mais, je le dirais sans détour, elle ne me paraît pas emporter l’adhésion. Pour trois raisons. La première est l’extrême exiguïté de l’échantillon. On ne dispose que de quelques séquences, certaines déjà parfaitement intégrées dans la palingénésie traditionnelle ; les autres sont des plus ténues et ne permettent pas une nouvelle répartition. Mais à cet inconvénient se joignent deux objections plus lourdes de conséquences. Une séquence détermine un ordre relatif et nullement absolu. Lorsque Aulu-Gelle cite deux vers d’Homère, sans doute ne cite-t-il pas le chant 24 de l’Iliade avant le fragment tiré du chant 4. Mais qui aurait l’idée de déduire de cet usage, que les deux vers se suivent ? Or, c’est bien le grand pas que nous demande d’accomplir cette nouvelle hypothèse. Peut-on rationnellement considérer que, parce que Aulu-Gelle cite la peine des vingt-cinq as et celle du talion ou encore la procédure de perquisition

exprimés : A. Longo, Il commento di Gaio e il sistema delle XII Tavole, dans RIL 21 (1888) 619-635 ; M. Lauria, Ius Romanum I/1, Napoli, 1963, en faveur d’un rapprochement entre le plan des XII T.  et l’édit du préteur – déjà en ce sens, Lenel, Das Sabinussystem, dans Festgabe für R.  v.  Jhering, Strassburg, 1892 = Gesam.  Schr.  II, Napoli 1992, 3-104, mais dans la Palingenesie Lenel démontre (plan et notes) qu’il est convaincu de l’identité des plans des deux œuvres, les XII T. et le commentaire de Gaius ; v. L. Amirante, Per una palingenesi delle XII Tavole, dans Index 18 (1990) 391-401 ; O.  Diliberto, Considerazioni intorno al commento di Gaio alle XII Tavole, dans Index 18 (1990) 403-434), à la fois particulières.  L’une des principales objections faites à Dirksen est d’avoir placé le furtum dans la Table VIII, appelé à cet endroit en tant que délit. On a voulu lui objecter plusieurs arguments, en eux-mêmes inconsistants. Ainsi, pour le premier, le fait que Labéon, dans son commentaire aux XII T. avait traité du furtum dans son livre II (Gell. 6.15.1), donc ‘au début d’un commentaire qui devait être beaucoup plus long’. De fait, on ne sait rien de ce commentaire et toute hypothèse sur ses dimensions relève de la pure fantaisie. Contre cette hypothèse (tenace), on invoquera Festus v° Nec, qui, citant sans doute dans l’ordre deux versets, l’un sur la tutelle du fou et du prodigue (5.7), l’autre sur le furtum nec manifestum (8.  16) apporte la preuve que le furtum ne pouvait avoir appartenu à l’une des deux premières tables du code : ainsi F. Bona, cité ap. Amirante, cit. 392. 49  Contributo alla palingenesi delle XII Tavole.  Le « sequenze » nei testi gelliani, dans Index 20 (1992) 229-277; Id.  Materiali per la palingenesi delle XII Tavole I, Cagliari, 1992, 333-402.

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lance licioque après des exemples d’antiquités empruntés à la Table I, l’iniuria, la sanction du membrum ruptum et le furtum avaient trouvé place dans la Table I ? L’argument tiré des séquences poétiques me paraît prouver exactement le contraire. Acceptons (ce qui est d’ailleurs douteux) que le code ait, dans des tables successives, évoqué, dans l’ordre, les proletarii, les vades, l’iniuria, la membri ruptio, et le furtum, cela n’implique pas que tous ces souvenirs d’archaïsme se réfèrent à la même table. Quand le même auteur (Gell. 9.2) cite deux vers de l’Énéide, Aen. 2.436 et 10.706, sans doute respecte-t-il l’ordre du poème, mais huit livres et des milliers de vers séparent les deux citations. On ne peut raisonner différemment pour les quelques séquences d’Aulu-Gelle. Il y a enfin, une dernière objection. Quand on parle de séquence, on s’attend à un ordre strict. Mais s’il y a des exceptions à l’observation de cette discipline, en nombre à peu près aussi nombreux que les cas où se vérifie la supposée règle, alors le doute l’emporte. Or, c’est bien ce qui affecte les séquences d’Aulu-Gelle : quand l’auteur cite les proletarii avant les adsidui (Gell. 16.10.8) il ne fait aucun doute qu’il renverse l’ordre de la loi (1.4), qui mentionnait les adsidui avant les proletarii. De même, selon la tradition juridique la plus sûre, on sait que les trois délits globalement compris dans le concept large d’iniuria, étaient, dans l’ordre, le membrum ruptum, puis l’os fractum (que saute Aulu-Gelle) et enfin l’iniuria. Une nouvelle fois, il y a bien une séquence, mais elle est inversée, puisque Aulu-Gelle se réfère à la sanction de l’iniuria avant le talion du membrum ruptum, donc sans égard pour l’ordre de la loi. Cette nouvelle hypothèse de palingénésie ne me semble donc pas ouvrir des perspectives fructueuses, surtout quand elle se combine avec une conception lourdement erronée de la signification de la législation décemvirale. Affirmer que le furtum et l’iniuria avaient leur place nécessaire dans la table qui organisait le procès, parce que chacun de ces faits illicites appelait une sanction judiciaire 50, c’est méconnaître la nature et la vocation du code décemviral, qui est un code d’organisation judiciaire ou processuelle. À ce titre et avec cet argument, quasiment tous les versets (à l’exception de la table X) auraient le même titre à figurer dans la Table I ! Il faut trouver une autre piste si l’on veut abandonner Godefroy et Dirksen. 1.2.4. Conclusion La conclusion peut paraître brutale. Mais il convient de la présenter sans réserve. Le plan de la loi des XII  Tables nous échappe dans ses grandes lignes et dans le détail. Nous ne pouvons reconstituer selon

50  Ainsi, après Diliberto, cit. (1992) 240-244, 270, Crawford, qui en a fait un pilier de sa tentative de ‘nouvelle’ palingénésie, suivi par Flach, Die Zwölftafeln, Darmstadt, 2004. 

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quelle démarche logique (sûrement fort éloignée de nos catégories mentales) l’ensemble des dispositions fut réparti entre les XII  Tables disponibles. Est-ce à dire que les six siècles qui nous séparent des premiers essais de l’École humaniste n’ont rien apporté ? Évidemment pas. L’établissement du texte a fait des progrès considérables, et l’interprétation de chaque verset ne peut négliger l’apport de siècles d’érudition patiente et collective. Mais il faut, je le pense à mon tour, renoncer à l’illusoire perspective de ‘découvrir’ le plan du code décemviral, si nous ne voulons pas, pour le dire avec Charles Perrault, reproduire la scène de l’ombre d’un cocher, à l’ombre d’un rocher, Qui tenant l’ombre d’une brosse Nettoyait l’ombre d’un carrosse.

Mais convient-il d’abandonner la répartition de Godefroy, louée par Dirksen, critiquée par tous ses successeurs comme dépourvue de bases scientifiques solides, mais conservée sans illusion ? Certainement pas. Le bon sens et la nécessité de conserver un mode référence commun impose de maintenir l’ordre traditionnel, tout en sachant que cet ordre n’est qu’artificiel – à peu près autant que l’était l’ordre des éditeurs du XVIe s. qui s’alignaient sur celui, à eux familiers, des Institutes de Justinien. J’ai donc conservé cet ordre, pour consacrer mes efforts au commentaire de chaque verset, pris isolément, en me gardant systématiquement d’établir des correspondances entre le verset étudié et la Table où il a trouvé refuge. Mais si, dans l’analyse et le commentaire, chaque verset doit être pris individuellement et séparé de la masse où les éditeurs le tiennent confiné, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des groupes de versets constituant des ensembles et que l’on peut rattacher au même concept. Par exemple, une notion commune d’auctoritas m’apparaît unir les versets 6.3, 6.4, 8.17, 7.12. De même plusieurs versets reflètent une même conception de l’usus : en 5.2, en 6.3, en 6.5, en 7.2 et 7.4, en 8.17, en 10.10. Étaient-ils regroupés dans le texte originel ? Je ne l’affirmerais pas, et cela est finalement sans importance. Le même exercice pourrait être tenté autour de la notion commune de noxia (noxiam sarcire) ou de celle, bien différente, de damnum (notamment de damnum decidere). Mais les correspondances, que le commentaire a pour vocation de mettre en évidence, n’auraient rien gagné à déboucher sur une répartition nouvelle, qui aurait été perçue, à juste titre, comme un chamboulement présomptueux. Sans doute pour briser définitivement les enchaînements fallacieux que le plan trop beau dessiné par Godefroy risque toujours de faire naître, une solution radicale eût été préférable aux mises en garde de Schöll, Bruns, Riccobono, Girard au seuil de leurs éditions. Le plus scientifique eût été de classer de façon totalement arbitraire, par ordre alphabétique, les divers versets. Mais j’y ai renoncé, reculant devant

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deux obstacles : la difficulté, voire l’impossibilité, pour les citations seulement indirectes, de choisir le mot initial déterminant ; et surtout je suis resté guidé par la nécessité pratique de conserver les usages, n’ayant pas l’illusion que cette édition-commentaire remplacera les précédentes et servira, pour les six siècles à venir, de référence universelle… 2. Les XII Tables dans l’Histoire : la naissance de la loi 2.1. But et caractères de la codification Il faut replacer dans le contexte des luttes politiques qui ont marqué la première moitié du Ve s. la rédaction de la loi, qui, aux yeux des Annalistes, 51 en marque le point d’aboutissement. Après la rédaction du code, la dernière grande conquête du mouvement révolutionnaire plébéien sera l’accès aux magistratures, c’est-à-dire la fin d’un monopole du pouvoir que l’oligarchie patricienne avait méticuleusement constitué, puis protégé jusqu’en 367. La plèbe, dans les trente premières années de son existence 52,

51  Sur l’histoire des XII T., on dispose de trois traditions  : E.  Täubler, Untersuchungen zur Geschichte des Decemvirats und der Zwölftafeln, Historische Studien 148, Berlin 1921 (réimpr. 1965). La première est représentée par les Histoires de Diodore (12.26) et par Cicéron (de rep.2.61-62) ; mais le récit du premier est extrêmement bref ; il n’accorde aucune place aux revendications politiques de la plèbe (dont il ignore l’existence ; il place en 450 seulement la création du tribunat de la plèbe) ; l’ouvrage du second souffre de graves lacunes, et, par conviction politique, rechigne à reconnaître au mouvement plébéien sa place véritable dans la constitution de la cité républicaine ; la seconde est illustrée par Pomponius (D.  1.2.2.4,24) et Zonaras (7.18) ; la troisième, par la tradition annalistique beaucoup plus riche – ce qui ne veut pas dire, comme le soutient Täubler, plus suspecte d’adjonctions récentes, parce que plus détaillée – : Tite-Live et Denys d’Halicarnasse (réf. citées par la suite). J’ai été convaincu par la position équilibrée de Gabriella Poma, Tra legislatori e tiranni.  Problemi storici e storiografici sull’età delle XII Tavole, Bologna 1984, bien plus que par l’essai de W.  Eder, The Political Significance of the Codification of Law in Archaic Societies: An Unconventional Hypothesis, dans Social Struggles in Archaic Rome, ed.  K.A Raaflaub, Univ.  California 1986, 239-267 (prête aux revendications plébéiennes une dimension sociale – l’accès à la terre – et juridique – l’accès à l’égalité des droits privés –, dont l’a. ne trouve aucune confirmation dans l’œuvre législative réalisée et, plutôt que d’en déduire que l’hypothèse est infondée, soutient l’échec du mouvement de réforme. La méthode, bien que non sans exemple – cf. n. 58 –, surprend néanmoins). 52  Nous donnons à ‘plèbe’ le sens nouveau, qui est désormais le sien, depuis sa constitution en une commune insurrectionnelle, sur le Mont Sacré en 494, avec la création d’organes spécifiques (tribunat, édiles, sanctuaire ; puis d’une assemblée conçue sur un modèle nouveau : v.  notre art.  L’inspiration démocratique de l’insurrection de la plèbe (494) : les institutions plébéiennes, les XII Tables et les plébiscites, dans RHDFE 93 (2015) 393-443, not. 393-395. Qu’il ait existé, avant les bouleverse-

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a déjà mené beaucoup de combats. Mais ils sont restés partiels, ou inaboutis, comme ce fut le cas pour ses tentatives répétées de diffuser, sans pouvoir l’imposer, le principe de la compétence exclusive du peuple à prononcer la mort, qu’il s’agisse de crimes publics ou privés de droit commun 53. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’appel à la codification et expliquer sa vocation isonomique. À partir de 462, la lutte devient frontale. La plèbe s’engage derrière une revendication politique fondamentale : introduire dans la res publica le principe d’une loi souveraine, d’une loi écrite supérieure au pouvoir du magistrat, en un mot, d’une loi encadrant l’exercice de l’imperium. La plèbe tente d’imposer le principe d’une juste répartition, attribuant à chaque citoyen la part qui lui est due. Principe révolutionnaire, dont on chercherait en vain l’existence à Rome, avant son introduction en 450 par la loi des XII Tables. Ce principe évoque, à s’y méprendre le concept grec du nomos (se référant à un principe supérieur d’égale répartition) et d’eunomia. Que les leaders plébéiens aient puisé leur inspiration hors de Rome ne semble pas faire de doute 54. On trouve chez les Annalistes tous les éléments sur lesquels cette interprétation s’appuie, mais il faut reconnaître que ceux-ci ont été singulièrement malmenés par une lecture orientée. En 462, donc, la plèbe, en la personne du tribun Terentilius Harsa fait voter un plébiscite (le premier de l’histoire de la plèbe), c’est-à-dire une exigence de réforme, dont l’urgence trahit bien le prix que lui attache la plèbe. La vigueur de la lutte engagée pour triompher de la résistance de l’oligarchie confirme et l’enjeu de la revendication plébéienne et l’ampleur de sa victoire. Pendant pas moins de dix années la plèbe trouve dans le secours de moyens illégaux 55 l’arme efficace pour contraindre l’oligarchie des patres à accepter la rédaction de lois. La résistance de l’oligarchie

ments de 494, une plèbe, c’est certain, mais avec une tout autre signification politique. Rome, de même, a connu successivement plusieurs types de patriciats. Celui auquel nous nous référons ici est celui qui s’est constitué en caste héréditaire par la confiscation progressive du pouvoir consulaire, définitivement défini et formé à partir des années 445-440.  Les patres de l’époque monarchique répondent à une réalité politique (et sociologique) aussi différente des patres après 445, que la plèbe avant et après 494. 53  Sur ces tentatives, M. Humbert, Les procès criminels tribuniciens du Ve au IVe s. av.  J.-C.  in Mél.  H.  Ankum I, 159-176 = Recherches 257-275.  Cette revendication trouvera sa consécration dans la refonte décemvirale de la justice criminelle (9.1-2).  54  Dans l’Athènes démocratique contemporaine, celle de Clisthène nous semble le plus vraisemblable. Cette inspiration athénienne ne se confond pas formellement avec la légende tardive de l’ambassade députée par le sénat à Athènes, pour s’inspirer, avant de procéder à la rédaction des XII Tables, d’un modèle grec, notamment celui des lois de Solon. V. infra.  55  Année après année, le même Terentilius est porté au tribunat. Il trouve dans le secours de moyens illégaux (les seuls accessibles à une organisation non légalement reconnue), menace de grève de la guerre, sécession, insurrection, des moyens de

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montre ce que celle-ci savait perdre si elle devait céder à l’exigence d’une loi écrite. Or, que pouvait craindre l’aristocratie sénatoriale d’une rédaction du droit ? La mission des magistrats finalement investis de cette charge, en 451, donne exactement la réponse. Les décemvirs, selon le témoignage de Tite-Live, un témoignage singulièrement défiguré par Mommsen, ont reçu le pouvoir « de rédiger des lois sur l’imperium consulaire » (leges de imperio consulari scribendae 3.9.5) 56. Tite-Live le redit à satiété : l’exigence de Terentilius était de « réduire un imperium consulaire excessif et intolérable dans une cité libre » (consulare imperium tamquam nimium nec tolerabile liberae civitati – 3.9.2) ; une loi, destinée à « réduire la souveraineté des consuls » (lex minuendae suae [= consules] maiestatis causa promulgata – 3.24.9), placerait un frein à un pouvoir, dont les consuls, échappant à toute règle (soluti atque effrenati), abusaient pour faire retomber sur les plus faibles la rigueur de leurs châtiments (omnia supplicia verterent in plebem – 3.9.4). Mais Tite-Live n’est pas isolé dans cette lecture, si mal reçue, de la législation décemvirale. Cicéron, tenant pourtant d’une autre tradition que celle des Annalistes, ne dit rien d’autre quand, au de rep. (2.59), il concède aux tribuns de la plèbe le mérite d’avoir été contra consulare imperium constituti. Sans doute, n’évoque-t-il pas ici directement la vocation ou l’esprit de la législation décemvirale et de la mission donnée aux décemvirs, mais il se situe dans les prolongements de l’action réformatrice du tribunat. Chez Denys d’Halicarnasse, avec, d’autres expressions, c’est bien la même idée qui s’exprime : stigmatisant la superbia et la licentia du pouvoir consulaire, Denys met en cause tout particulièrement les pouvoirs juridictionnels des consuls, car il leur appartenait « en toute matière de décider entre les parties ce qui était juste » (10.1.3). « Parce qu’il n’existait pas encore de lois écrites », parce qu’il n’y avait pas « l’égalité des droits (isonomia) », les consuls exerçaient leur pouvoir comme les rois avant eux : « ils rendaient la justice à ceux qui leur demandaient et leurs jugements avaient valeur de loi » (10.1.2).

contrainte finalement efficaces, puisque le sénat céda et, en 451, accepta la nomination et la mission des décemvirs législateurs. 56  L’affirmation a surpris. Dans les fragments conservés de la loi, il n’est apparemment question ni d’imperium, ni de la puissance consulaire (ou prétorienne).  D’où la tendance, au mieux, à ne pas tenir compte de l’affirmation de l’historien, ou, au pire, à l’accuser de confusion, au point que Mommsen, Staatsr. 702 n. 2, soupçonna Tite-Live d’avoir mal compris le pouvoir officiellement donné aux décemvirs (confirmé par les Fastes) decemviri consulari imperio legibus scribundis et transposé leur titre officiel de ‘décemvirs munis de l’imperium consulaire pour rédiger les lois’ en ‘décemvirs munis du pouvoir de rédiger des lois sur l’imperium consulaire’. Un lourd contresens de collégien, en quelque sorte. L. Lange, Römische Alterthümer I3, Berlin, 1876, 617, 625 dénonça justement l’acrobatie insoutenable de Mommsen.

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Mais il faut bien reconnaître qu’en dépit de leur netteté ces interprétations anciennes du code décemviral n’ont pas été reçues par les Modernes. Pas plus lorsque les annalistes orientent la lecture du code vers une direction politique dominante, égalitaire, que lorsque les mêmes interprètes antiques soulignent l’œuvre positive immense des décemvirs, à qui revient le mérite d’avoir rendu le droit égal pour tous, iura aequasse 57. Que vient faire l’imperium consulaire dans une loi qui ne prononce pas ce mot ? Où se trouve l’égalité des droits dans une loi qui, ou ne semble avoir apporté aucune réforme en faveur de l’amélioration de la condition civile de plébéiens au statut inférieur, ou même n’aurait pas eu le souci d’effacer l’incapacité originaire des plébéiens d’épouser un ou une patricienne ? Mais la réponse est immédiate. Cet imperium que les décemvirs ont reçu mission de mettre par écrit, c’est-à-dire de transposer dans des lois, est l’imperium consulaire (ou plus exactement, à cette époque, prétorien) dans sa dimension civile ou juridictionnelle. L’œuvre des décemvirs ne fut, ni de rédiger un traité de droit constitutionnel (qui aurait emporté l’organisation du pouvoir 58), ni de rédiger un code égalitaire en supprimant des inégalités qui n’ont jamais existé que dans l’imagination des Modernes, ni surtout, comme le voudrait une tradition tenace victime du mythe d’une réaction anti-pontificale qui aurait arraché au patriciat la désignation des décemvirs et leur aurait inspiré une entreprise de laïcisation du droit 59, mais elle consista à poser dans une loi, le pouvoir

57  Liv. 3.34.3 : omnibus, summis infimisque, iura aequasse ; v. de même Liv. 3.31.7 ; 3.34.3 ; 3.36.7. 58  L’idée en avait été suggérée par Fr.  Wieacker, Die XII Tafeln in ihrem Jahrhundert, dans Origines de la République romaine, Genève, 1967, 305 : le code aurait contenu des dispositions d’ordre constitutionnel, mais qui, peu à peu dépassées, n’auraient pas été conservées.  Mais l’hypothèse d’une constitution écrite, ou du moins de lois d’organisation des magistratures et déterminant les règles de fonctionnement des principaux organes du pouvoir est absolument contraire à l’esprit et à la pratique des trois premiers siècles de la République. C’est, entre autres raisons, le motif pour lequel nous ne pouvons accepter l’interprétation que C.  Cascione a donnée d’un passage confus de Dion. Hal., où serait fait allusion à une disposition, jusqu’ici non décelée, de la loi des XII T.  limitant à une année le pouvoir des magistrats : Una norma dimenticata delle XII Tav. ? Dion.  Hal.  10.60.6, dans Index 28 (2000) 187-201. 59  On doit qualifier de mythe romantique la vision selon laquelle la mission des décemvirs traduirait, fondamentalement, la volonté de briser le monopole pontifical de la connaissance du droit et de leur arracher le secret de leur science pour le confier au peuple.  Tout s’oppose à cette lecture (anachronique) d’une révolution anticléricale.  1) D’abord, les sources ignorent parfaitement cette dimension de la rédaction de la loi – sauf à défigurer le témoignage de Tite-Live, qui évoque, après 390, la reconstitution partielle des archives sacrées de la part d’un pontificat préoccupé de ne pas divulguer les règles d’organisation cultuelle et des

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– jusque-là souverain, car d’essence royale – de rendre la justice ou de dire le droit, la iuris dictio. La réforme est considérable, car c’est la première fois, à Rome, que le pouvoir suprême du magistrat dans sa dimension civile, se trouve défini comme subordonné au respect et à l’application de normes, supérieures, car il n’en n’est plus la source. On assiste à un véritable renversement. Jusqu’ici, par l’acte de ius dicere, l’imperium du magistrat, se trouvait à la source du ius. Désormais, la lex est devenue la source immédiate du ius. Le magistrat se trouve soumis au respect de la loi. Le commentaire des divers versets en apportera la confirmation. Le destinataire premier de la norme édictée par la loi n’est pas le particulier, à qui un droit (ou une protection) serait garanti, mais principalement le magistrat, dont l’activité juridictionnelle ne relève plus comme auparavant d’une licentia, d’un arbitraire incontrôlé. Sans doute, cette liberté inquiétante du magistrat était-elle, dans les faits, limitée par le poids de coutumes qu’évoque Pomponius. Mais le passage

cérémonies sacrées. À supposer que cela fût exact, l’historien ne confond pas la loi et les rites sacrés : les XII T. au contraire (à supposer qu’elles eussent disparu au cours de l’assaut gaulois) auraient été aussitôt reconstituées ‘à partir des éléments conservés’. 2) Par sa technicité, la loi des XII T. n’a pas pu être rédigée contre la volonté des pontifes, ni sans leur collaboration active : sans abus, on doit même penser que la rédaction de la loi fut leur œuvre (soit parce que les décemvirs choisis étaient, pour certains, membres du collège pontifical, soit par la mise en place d’une étroite collaboration). 3) La loi rédigée, de fait, n’a rien arraché à une science que l’on se figure comme tenue jalousement secrète, car simplement ésotérique : la participation quotidienne des pontifes à l’administration de la justice, à l’interprétation technique de la loi, à la pratique d’actes formalistes reste, avant comme après la rédaction du code, une nécessité technique, car le recours au savoir des spécialistes est indispensable. Les partisans modernes de cette soi-disant révolution anti-pontificale, dans l’incapacité de trouver la moindre brèche, après 450, dans le monopole pontifical de la connaissance du droit (ce qui aurait dû les convaincre que la rédaction du code n’était pas dirigée contre le savoir des pontifes…) ont imaginé une revanche du collège sacerdotal récupérant aussitôt une puissance que la loi leur aurait vainement disputée. C’est une impasse. S’il se produira une ouverture et une remise en cause (partielle) du monopole pontifical de la science du droit, elle ne verra le jour qu’avec la censure d’Appius Claudius, un siècle et demi après la rédaction du code.  La lecture politique de ce moment essentiel de la codification se situe ailleurs : contre l’arbitraire d’un imperium d’essence monarchique dans l’administration de la justice et non contre les dépositaires d’une science séculaire. Sur cet aspect contesté de la révolution décemvirale et de la victoire de la plèbe, Humbert (2005-1) 20-24 = 558-561 ; Id.  (2015) cit.  (n.  51) 421 et 418 n.  69 (bibliogr.) contra F.  D’Ippolito, Le XII tavole, il testo e la politica, dans Storia di Roma (A.  Momigliano-A.  Schiavone ed.) I, Torino, 1988, 401 ; L.  Capogrossi Colognesi, Sino alle XII Tavole ed oltre, dans Studi in on. R. Martini I, Milano 2008, 375 s. D’une manière générale (mais fondamentale) sur l’importance des pontifes dans la création, l’interprétation et la sanction du droit, cf. l’étude classique de Fr.  Wieacker, Altrömische Priesterjurisprudenz, dans Iuris Professio. Festg. M. Kaser, Wien-Köln-Graz, 1986, 347-370. 

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de la coutume à la loi marque ici une conversion politique de première importance, puisqu’il a pour raison d’être la soumission à un principe supérieur d’égale répartition, (lex ou nomos), d’une puissance jusque-là souveraine (l’imperium consulare). C’est en ce sens que Tite-Live, dans une expression irréprochable, put dire que la loi des XII Tables s’était trouvée devenir la source de tout le droit privé et public (fons omnis publici privatique iuris – 3.34.6 – ; corpus omnis Romani iuris – 3.34.7). Il convient maintenant d’illustrer et de justifier cette formule en jetant un coup d’œil d’ensemble sur la nature et la signification des versets décemviraux. 2.1.1. Fons omnis privati iuris Toutes les dispositions conservées (à l’exception de la Table X, règlement de police funéraire et de la Table XI reconstituée à l’aide d’une œuvre des décemvirs – la réforme du calendrier – mais qui n’a certainement pas été insérée dans le code : 11.2 et 11.3) concernent au premier chef (exclusivement dans l’esprit des rédacteurs) l’exercice par le magistrat de ses fonctions de juge. Chaque verset doit être initialement compris comme constituant la condition d’ouverture d’une action en justice, donc d’une protection judiciaire que le magistrat (consulpréteur) devra honorer. On peut dire ainsi que le code, et c’est sa fonction éminente, constitue la liste exhaustive de toutes les situations que la loi a recueillies pour en imposer la sanction judiciaire au titulaire de l’imperium. En dehors des cas prévus, c’est-à-dire en l’absence d’une action (dite justement de la loi), il n’y a pas de protection juridictionnelle possible. Les plaintes de particuliers doivent impérativement se glisser dans une hypothèse préalablement prévue par la loi (l’interpretatio pontificale, par ses hardiesses contrôlées, introduira un peu de souplesse par la suite), pour conduire à une instance devant le magistrat. Celui-ci ne dispose plus d’aucun pouvoir pour ouvrir son tribunal à une requête non préalablement définie et reçue par la loi, pas plus qu’il ne pourra, en rupture avec les abus passés, rester sourd à la plainte d’un citoyen fondée sur un ‘moyen’ inscrit sur une des Tables du code. La puissance créatrice inhérente à un imperium souverain s’est éteinte, totalement confisquée par la loi souveraine. On peut donner quelques exemples de la nature des versets conservés. La démonstration, pour tous les versets regroupés dans la Table VIII (crimes ou délits), est trop facile pour être engagée. Précisons seulement que l’indication, par la loi, de la peine ou de la sanction (réparation au simple, condamnation au double) doit être comprise non pas comme la détermination de ce que la victime est en droit d’obtenir, mais, selon la formulation précise de la sanction légale, comme la mesure de la sanction dont la loi impose le respect au magistrat. Car,

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il faut le rappeler, c’est au magistrat principalement que sont adressés les ordres (sur le mode impératif) inscrits dans la loi 60. Si l’on jette un œil sur le contenu (restitué) de la Table V : là encore, ce serait une erreur grave de perspective de croire que l’on se trouve en présence de l’organisation légale de la dévolution successorale (testamentaire et légale), suivie du tableau synthétique des incapacités (minorité, folie, prodigalité). En réalité, l’ambition de la loi fut beaucoup plus modeste et ne peut être comparée aux préoccupations d’un code moderne. La loi, de fait, a appréhendé l’acte du testateur (uti legassit, 5.3), sans se soucier de dévoiler les formes du testament ni ses conditions de validité, uniquement comme la source d’une action (une action de la loi) en faveur de l’héritier institué (sens particulier de ita ius esto). Le testament n’entre dans la loi qu’à la faveur de sa dimension processuelle, de plus particulière. Les versets suivants (5.4-5), s’ils fixent l’ordre des héritiers légitimes, c’est uniquement afin de garantir à chacun, dans le respect de l’ordre fixé, l’action en revendication qui lui permettra d’obtenir les biens de la succession. Il en est de même pour l’organisation de la tutelle : fixer autant de droits à agir pour obtenir la puissance et l’autorité du tuteur et du curateur désignés par le testament ou appelés par la loi. La table IV rassemble quelques dispositions éparses. Elles sont intéressantes, plus par ce qu’elles ne disent pas que par ce qu’on a voulu abusivement leur faire dire, dans des préoccupations tout à fait étrangères à la mentalité décemvirale, du moins si l’on s’en tient à la vocation, éminemment politique, du code. Le verset 4.4 énonce une règle dénuée de toute surprise. En clair le posthume né plus de dix mois après la mort de son père présumé n’est pas considéré comme légitime. Il s’agit, clairement, de fixer une condition à l’ouverture de l’action en pétition d’héritage, en fixant les critères de la filiation légitime. Le but du verset ne va pas au-delà. Mais dans un travail de surinterprétation, dans la conviction que le code ne pouvait pas avoir omis d’inscrire dans la légalité la patria potestas, charpente incontestable de toute l’organisation familiale, on a voulu voir dans le modeste verset 4.4 la petite porte par laquelle toute la légitimité de la puissance paternelle se glissait, bénéficiait d’une reconnaissance légale et faisait son entrée solennelle dans le droit. La démarche révèle une attitude qui ne correspond en rien à l’esprit ou à la vocation du code décemviral. Les décemvirs n’ont pas cherché à recueillir l’ensemble des normes régissant la vie sociale. Ils n’ont pas prétendu annexer tous les comportements déviants, fixer les conduites attendues des citoyens ordinaires, organiser les règles de la

60  Sur cet aspect, v.  notre étude La codificazione decemvirale : tentativo di interpretazione, dans Le Dodici Tavole, cit. (n.8) 48-49 = Recherches, cit. Pavia, 2013, 586-587.

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vie en société (comme le font les divers codes modernes). Le législateur décemviral a eu un appétit sélectif. Conformément à la mission qui lui était impartie, il n’a placé dans la loi que les situations qui relevaient, pour leur sanction ou leur protection, de la iuris dictio consulaire. Il a capté en totalité cette activité processuelle, mais elle seule. Le code décemviral, à la grande différence de la loi de Gortyne, sa contemporaine, ne se soucie nullement de réformer le droit antérieur (aucune allusion au passé, aucune référence aux conflits que la succession de deux systèmes de règles différentes et se succédant dans le temps n’auraient pas manqué de faire naître 61), ni de dresser la liste des droits reconnus à chacun. Alors que la loi de Gortyne donne l’exemple d’une réglementation s’adressant aux individus, mais sans prétendre procéder à un exposé complet de leurs droits, au contraire, la loi des XII Tables, par toutes ses dispositions conservées, s’affirme comme la charte de l’activité judiciaire ou processuelle à venir. D’où sa vocation totalisante : il lui importe d’assécher complètement l’activité juridictionnelle du magistrat, pour la déposer désormais dans la loi et la placer au service de la loi. C’est la raison pour laquelle la loi s’adresse au juge, au magistrat chargé de rendre la justice, et non aux particuliers. Sans vouloir donner plus d’exemples 62 (que le commentaire complétera à chaque occasion nécessaire), on perçoit en quoi la protection égalitaire inscrite au cœur de l’eunomia triomphe avec la rédaction du code. Chercher des cas où le droit dit ‘plébéien’ aurait été assimilé à celui du patricien est faire fausse route, car au sein de la cité, il n’y a pas deux groupes juridiquement distincts, soumis à une organisation familiale, à un type de rapport à la terre, à une structure matrimoniale ou successorale différenciés et que les décemvirs eussent eu pour tâche d’uniformiser. Tout ce que l’on sait de la structure civique au Ve s. dément totalement de telles hypothèses, qui n’ont d’ailleurs jamais pu s’articuler sur des indices solides. Il y a bien sûr la célèbre disposition sur les conubia (11.1). Mais elle est une tentative, aussi maladroite qu’éphémère (la plèbe, par le second plébiscite de son histoire est

61  La loi de Gortyne témoigne d’un esprit tout différent.  À maintes reprises, cette loi précise qu’elle ne se réfère qu’à l’avenir et se soucie de régler les situations conflictuelles que la succession dans le temps de deux règles différentes ne manqueront pas de faire naître. Elle précise ainsi que ses dispositions nouvelles s’appliqueront sans rétroactivité. La loi est donc une législation qui réforme substantiellement le droit en vigueur et procède à l’exposé des solutions neuves, sans prétendre à l’exhaustivité.  Elle est une loi réformatrice, à la différence du code décemviral : la loi des XII Tables, véritable code par sa prétention à l’exhaustivité, canalise toute l’activité juridictionnelle, sans réformer substantiellement le droit applicable. Elle se présente comme la charte de la conduite des procès à venir, de tous les procès qui viendront à s’ouvrir devant le magistrat et uniquement de ceux-ci.  62  Nous avons procédé à un échantillonnage plus large dans La codificazione decemvirale, cit. 28-40 = Recherches, cit. Pavia, 2013, 566-578.

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parvenue à contraindre l’oligarchie à renoncer à cette volonté de se constituer en caste) de la part du patriciat en cours d’achèvement, de parfaire son monopole du pouvoir. C’est une innovation et non un reliquat du passé. La mesure est directement associée à la serrata del patriziato qui s’achève autour de 445. 2.1.2. Les apparentes lacunes des décemvirs Quelques mots sur les limites que se sont fixées les législateurs jettent une lumière précieuse sur leurs ambitions et les confirment. Nous avons vu que la patria potestas était restée en dehors du domaine de la loi – sauf dans le cas unique où son interruption prématurée entraînait des incidences juridiques importantes, notamment processuelles (4.2 b ; 12.2 b). Il faut l’expliquer. La patria potestas, de fait, échappe complètement à la juridiction du magistrat. Les atteintes à celle-ci, la détermination de sa durée et de son contenu, la protection de ses prérogatives, rien de tout cela ne peut concerner le tribunal de la cité et la juridiction du magistrat. C’est la raison toute simple qui explique que l’on ne trouve rien dans le code qui réglemente une institution, certes cardinale, mais purement privée (au sens d’échappant au contrôle normatif et juridictionnel de la cité). Ce n’est pas que le groupe n’exerce pas un contrôle, certainement efficace, sur l’exercice individuel de cette puissance qui peut se révéler abusive ou perverse. Mais la sanction de ces désordres n’est pas confiée aux organes de la cité. Elle reste du domaine du groupe familial étendu ; par sa nature, la sanction fait appel à la sacratio du coupable (une élimination nécessaire confiée à la vigilance du groupe). Ce système de répression ne relève pas du tribunal du magistrat 63. C’est la raison pour laquelle, le législateur s’en est désintéressé et a laissé à la garde du groupe tous les crimes intrafamiliaux, qu’ils manifestent l’abus de la puissance paternelle, ou, au contraire, sa négligence aussi redoutable. Les dites leges regiae, recueil de ces traditions sans âge, au-delà de la législation décemvirale qui ne les a ni absorbées 64 ni condamnées au déclin, ont continué à perpétuer une forme de justice non civique, non officiellement civique.

63  Sur les leges regiae et les XII T., M. Humbert, Les XII Tables, une codification ?, dans Droits. Revue française de théorie juridique, 27 (1998) 87-111, part. 97-103 ; Id., Le Dodici Tavole, cit. 42-48 = Recherches, cit. 579-586. 64  Ce n’est que dans les cas où, vraisemblablement, le contrôle du groupe était devenu défaillant et la peine de la sacratio inefficace ou inappliquée, que le législateur a intégré dans la loi, mais au prix d’une conversion de la nature du crime, un crime primitivement placé hors du champ de la justice publique.  Ainsi pour le cas du patronus infidèle (8.21) et, peut-être, 8.9, 8.23, 8.24.  On ne peut savoir si la ‘désacralisation’ de ces crimes était depuis longtemps consommée à l’époque de la codification.  Ce qui est sûr, c’est que leur intégration à la loi implique que leur

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2.1.3. Fons omnis publici iuris L’affirmation a intrigué. Les XII  T. auraient-elles comporté un règlement de l’organisation des pouvoirs, qui n’aurait pas survécu ? L’hypothèse en a été présentée. Mais surtout, on a pu accuser TiteLive d’un enthousiasme excessif, car on ne pourrait voir, dans ce que l’on connaît de la loi, la source de tout le droit public. Mais avant de répondre à l’énigme, la question doit être correctement posée. Que peut-on attribuer, en 450, au ius publicum, c’est-à-dire, rigoureusement compris, qui ne corresponde pas strictement aux droits qu’exerce le populus dans l’exercice de la justice ? 65 La réponse est alors possible. Le code décemviral, dans une réforme fondamentale de la justice criminelle, a confié au peuple, aux comices réunis en centuries, au comitiatus maximus, une compétence présentée comme exclusive (9.12) dans la répression criminelle capitale. Ce déplacement de la justice criminelle capitale, qui répondait exactement aux vœux de la plèbe avant 450, suffit à épuiser la compétence du peuple au milieu du Ve s. On ne peut donc soupçonner Tite-Live d’avoir attribué à cette réforme fondamentale (même si son domaine d’application exacte continue de diviser) une dimension exagérée et inexacte. 2.1.4. Conclusion L’analyse politique que nous proposons rejoint simplement les témoignages antiques. Que le conflit ait été des plus âpres 66, entre les chefs plébéiens et le sénat, les Annales en ont gardé l’écho. Mais ce conflit, le premier et le plus significatif, ne peut s’expliquer que par son enjeu. Croira-t-on que les patres résistèrent dix années pour ne pas fixer dans une loi (7.1) les cinq pieds de large que chaque travailleur du sol doit respecter en bordure de son champ ? Que les pontifes luttèrent

répression est confiée au tribunal du magistrat. Le souvenir de la répression à l’aide de la sacratio ne subsiste plus que dans la forme rituelle du châtiment. 65  Il ne peut s’agir d’autres compétences du peuple, i.e. des centuries. Pour deux raisons : le peuple, à cette date, ne participe ni au vote de la loi, ni à l’élection des magistrats ; en outre, je ne pense pas que ces compétences, qui n’apparaîtront que progressivement et peu après, eussent pu être qualifiées correctement de ius.  Il faudrait alors accuser Tite-Live d’un double anachronisme. 66  Ce n’est pas la tradition suivie par Cicéron au de rep. 2.61. Après avoir placé de façon curieuse la nomination des décemvirs ‘quelques années avant’ la loi Aternia que Cicéron date de 452, il situe l’installation du collège dans un climat apaisé. Le peuple est soumis et docile (populo patiente atque parente) et l’autorité du sénat est au plus haut. Le rôle incitatif de la plèbe a été consciencieusement effacé. Ce déni de vérité historique a pour but d’écarter tout ce qui pourrait ternir une législation rédigée avec la plus grande équité et science (summa legum aequitate prudentiaque), à l’inspiration du modèle solonien, transmis à Rome grâce à l’ambassade des décemvirs à Athènes : une légende que Cicéron contribue à diffuser : cf. infra).

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pour ne pas révéler que la durée ordinaire de la grossesse (4.4) ne dépasse pas dix mois ? Que les plébéiens se révoltèrent pour avoir accès aux actes du ius civile, alors que la totalité du ius Quiritium leur était ouverte comme à tous les citoyens ? Les décemvirs ont-ils vraiment réduit la puissance de l’imperium en fixant (3.4) la ration de farine que le créancier versera au débiteur enchaîné ? Le conflit ne se trouvait pas là, ni dans la résistance des pontifes, jaloux de leur science, alors que la rédaction de la loi impliquait une collaboration active, sinon une rédaction complète de leur part. La loi n’a pas davantage cherché à transformer le fond du droit (les preuves d’une réforme ou innovation décemvirale sont rares et jamais sûres). On assiste à un moment politiquement essentiel : à la fondation nouvelle du droit, à la fondation de tout le droit privé et public sur la loi. C’était, ni plus ni moins, l’introduction à Rome du concept athénien du nomos. Ce principe conduit à distribuer à chacun sa part, mais avant tout soumet chacun, et d’abord les magistrats, au respect d’une loi souveraine. 2.2. L’ambassade en Grèce et l’influence attribuée à Solon On a pu montrer (voir pour le détail Table X, Introduction 1-2,-3 et -4), le caractère récent de cette double légende. Cicéron est le premier 67 à avoir pris connaissance des lois de Solon et à les avoir confrontées avec la loi des XII  Tables (notamment pour les versets conservés de la Table X). Cette découverte, par Cicéron, dans le De legibus, vers 52-51, de ressemblances ou de similitudes entre les lois de Solon et la loi des XII  Tables eut un retentissement rapide. Non pas tant auprès des juristes, qui, à part Pomponius (Enchir. D. 1.2.2.3 et 4) et Gaius (pour deux rapprochements entre des versets décemviraux et les lois de Solon : 7.2 et 8.27), n’exploitent pas cette invention, qu’auprès des historiens, qui vont immédiatement s’en emparer et l’enrichir de détails légendaires. Dès les années 27-26, Tite-Live répand la fable d’une triple ambassade députée à Athènes et dans d’autres cités grecques, pour « copier les célèbres lois de Solon et prendre connaissance des institutions, des mœurs et du droit des autres cités grecques » 68, que l’on retrouve peu après chez Denys d’Halicarnasse, mais avec une mission d’informa-

67  V.  ici fondamentalement les études de Ruschenbusch (1963) et de Siewert (1978), cités infra Table X, Introduction. 68  Liv.  3.31.8 : Missi legati Athenas iussique inclitas leges Solonis describere et aliarum Graeciae civitatium instituta, mores iuraque noscere ; 3.33.5 : Legati tres qui Athenas ierant… peritos legum peregrinarum ad condenda nova iura usui fore credebant.

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tion élargie confiée aux émissaires des décemvirs 69. Une autre tradition, sensiblement contemporaine, remonte probablement à Varron, née elle aussi après le De legibus : elle est personnifiée par la figure mythique d’Hermodore d’Éphèse, exilé en Italie, qui aurait aidé les décemvirs à traduire des lois que les décemvirs auraient ensuite recopiées 70. Il est certain que l’on est en présence de pures inventions, mais qui laissent intacte la question de convergences et d’emprunts, que des éléments précis rendent plus que possibles 71, sans oublier l’apport de l’idéologie de l’Athènes démocratique qui, selon nous, inspira directement non seulement le mouvement de codification, mais l’esprit des institutions plébéiennes primitives 72. 2.3. La promulgation et la publication de la loi Tout est ici incertitude. On aimerait, avec une partie de la tradition ancienne, pouvoir accepter l’idée d’une promulgation en deux temps : à la fin de leur année de charge pour les dix premières Tables rédigées par le premier collège décemviral ; par l’œuvre des consuls Valerius et Horatius, en 449, lors du rétablissement de la légalité consulaire, pour les deux autres Tables ou pour l’ensemble du code. Mais on ne dispose d’aucun élément solide. Ni sur l’identité des membres du premier et du second collège, bien que des listes circulent 73, ni même sur l’historicité du second collège, dont Mommsen, qui ne partageait pourtant pas les excès de l’hypercritique 74, pensait qu’il avait été inventé, de même que l’aurait été l’idée d’une rédaction en deux temps, uniquement pour épargner aux auteurs du code le reproche d’y avoir

69  Dion. Hal.2.51 : « Des ambassadeurs furent envoyés, les uns dans les villes italiques, les autres à Athènes, s’informer des meilleures lois et surtout pour rapporter celles qui s’adapteraient le mieux à notre vie ». 70  Plin. nat. 34.21 ; Strabo 14.1.25 ; Pompon. D.1.2.2.24. 71  Notamment au niveau du style, ou pour l’emprunt de certains concepts, qu’il n’est d’ailleurs pas nécessaire de retarder à l’époque de la codification.  Ils peuvent être antérieurs : v. l’état de la question présenté infra table X, Introduction 1-4-2. 72  Article cité supra n. 52. 73  Listes complètes chez Diodore, qui distingue bien deux collèges successifs et met fin au second décemvirat par l’enlèvement suivi du meurtre d’une jeune ‘patricienne’ dont il ne donne pas le nom 12.23-25.  Pour le détail, T.R.  Broughton, The Magistrates of the Roman Republic I, New York, 1951, 45-47.  74  Dem Köhlerglauben an die keusche Verginia folgt wie billig der entgegengesetzte Radicalismus, beide gleichmässig bestimmt im freihen Luftzug der ernsten Forschung zu verflattern, dans Jurist. Schr. III, 373 (« accorder la foi du charbonnier à la chaste Verginia produit naturellement un radicalisme inverse, mais ces deux attitudes sont également destinées à voler en l’air, emportées par le souffle d’une critique historique rigoureuse »).

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inscrit la loi infâme sur les conubia et en reporter la responsabilité sur un second collège-bis fabriqué ad hoc. Les contradictions entre les sources semblent irréductibles. En suivant les stratifications esquissées par Täubler, voici ce que l’on trouve : chez Diodore, 12.26 : « Les consuls (Horatius et Valerius) terminèrent la rédaction des lois, interrompue par la sédition [provoquée par l’enlèvement et le meurtre de Verginia]… Les décemvirs avaient rédigé dix des lois appelées les Douze Tables ; les deux dernières ont été ajoutées par les consuls. Le code achevé, les consuls le firent graver sur douze tables de bronze, clouées aux rostres, à l’entrée du sénat. Ce code s’est conservé jusqu’à nos jours ». Selon Diodore, l’historien le plus ancien de ces événements – mais dont le témoignage a été fortement suspecté et corrigé 75 –, il n’est pas question d’une ratification par le peuple, ni du premier groupe des X tables, ni de l’ensemble achevé. Les auteurs des deux dernières Tables sont les deux consuls de 449, qui auraient fait graver et afficher l’ensemble du code sur des tables de bronze. Cicéron 76 (mais l’ouvrage est incomplet) n’attribue au premier collège que la rédaction des dix premières tables (cum decem tabulas … conscripsissent) et ne dit rien de leur promulgatio, ni de leur publication ou affichage. Au contraire chez Tite-Live 77 et Denys d’Halicarnasse 78, c’est toute une procédure de consultation populaire et sénatoriale qui est mise en place, avant le suffrage des comices centuriates auxquels sont soumises les X tables rédigées par les bons décemvirs. Si Tite-Live repousse à plus tard l’affichage des lois, Denys (10.57.7) attribue cette publication au premier collège, qui fit graver sur des tables de bronze les dix premières tables. Pour Tite-Live, ce sont les consuls de 449, une fois la légalité constitutionnelle rétablie, qui firent graver l’ensemble des lois et exposèrent les XII  Tables de

75  Par Täubler, cit.15-19, qui ne croit pas en l’existence de deux collèges successifs et, à la suite de Mommsen, justifie cette invention par le souci de libérer le collège (unique) des décemvirs de la charge d’avoir inséré dans le code la prohibition des conubia.  Mais Täubler reconnaît qu’il est encore plus absurde d’avoir, comme Diodore, placé cette responsabilité chez deux consuls ouvertement favorables au peuple, Valerius et Horatius. 76  De rep. 2.62-63. 77  Tite-Live donne le nom des décemvirs du 1er collège (3.33.3). Puis il se lance dans la description d’une procédure de consultation populaire, tout à fait invraisemblable, destinée à permettre une sorte de navette entre le peuple, à qui avait été communiqué un avant-projet des lois, et les décemvirs, soucieux de profiter de cette collaboration, pour « ajouter ou retrancher » de leurs lois ce que le peuple proposerait : 3.34.2-6. Au terme de ces échanges publics, centuriatis comitiis decem tabularum leges perlatae sunt. 78  Dion. Hal. 10.57 : vote solennel et suffrage unanime des centuries en présence des pontifes, des augures et des autres représentants des sacerdoces. 

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bronze 79 : mais rien n’est dit d’une éventuelle ratification populaire de l’ensemble du monument – en particulier des deux dernières Tables, de sombre réputation. Le courant représenté par Pomponius apporte un motif de plus de perplexité : c’est sur des Tables d’ivoire, affichées devant les rostres que les dix premières Tables auraient été affichées 80. Sans aller jusqu’à nier l’existence du second collège, admise par tous, sauf par Diodore, extrêmement concis, donc incomplet, on remarque que le vote d’une lex rogata par les comices centuriates, ne réunit pas beaucoup d’arguments en sa faveur. On n’en trouve l’affirmation (mais limitée à l’œuvre du premier collège) que chez Tite-Live, au terme d’un processus d’élaboration parfaitement fantastique. On pourrait certes déplacer le vote définitif de l’ensemble du corpus à l’année 449 et l’attribuer aux deux consuls Valerius – Horatius, auteurs de leges rogatae célèbres, et dont l’authenticité ne semble pas douteuse, en dépit de la thèse hypercritique de Herzog 81. Mais admettons qu’une ratification comitiale de la loi, si elle n’est pas impossible, toutefois ne semble pas suffisamment documentée. Le lieu et la forme de publication laissent également planer des doutes. En un lieu public, pour les uns, aux rostres (mais il faudrait dans ce cas repousser à l’année 338, date de la victoire navale d’Antium, le choix de cet emplacement), enfin, pour d’autres, au forum plus vaguement. Mais aucune tradition ne s’appuie sur un témoignage formel. Ces XII  Tables ont-elles mêmes été affichées, comme l’avaient été les lois soloniennes mais sur des supports mobiles, des axones ? C’eût été, si on en accepte l’idée, un affichage plus symbolique que justifié par son utilité. On ne peut imaginer auprès du peuple une pratique suffisante de la lecture 82 pour croire qu’il était permis à chacun, en parcourant les versets du code, d’y trouver exactement le moyen de son action, les conditions de la saisine du iudex ou la voie judiciaire accueillant sa

Liv.  3.57.10 : Leges decemvirales, quibus tabulis duodecim est nomen, in aes incisas in publico proposuerunt.  Sunt qui iussu tribunorum aediles functos eo ministerio scribant. D’après certains, ce seraient les édiles, sur l’ordre des tribuns, qui auraient rempli cette fonction. 80  D.  1.2.  2.4 : quas in tabulas eboreas perscriptas pro rostris composuerunt, ut possent leges apertius percipi.  Le eboreas, impossible, a été corrigé en roboreas (en bois) par Scaliger, en aereras (en bronze) par Mommsen, Jurist. Schr. III, 302, n. 4. 81  Herzog, Über die Glaubwürdigkeit der aus der römischen Republik überlieferten Gesetze, Tübingen 1881. 82  Certes l’écriture est connue, puisque la loi est écrite.  Mais l’écriture n’apparaît pratiquée dans aucun acte privé, entre particuliers ou judiciaire.  Tous les actes sont oraux, accomplis devant témoins (citation en justice, jugement, adoption, stipulation, testament, nexum, mancipatio …).  Quelle place, dans ces conditions, reconnaître à la lecture ? 79 

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plainte. Mais surtout, l’hermétisme de bien des dispositions et leur extrême technicité étaient un obstacle à ce que le code fût d’un accès immédiat et populaire. Celui-ci, rappelons-le, sollicitait, pour chacune de ses applications, l’intervention d’un spécialiste, l’assistance du dépositaire d’une science, non pas secrète, mais impénétrable, car inaccessible au profane. Le code était un catalogue d’ouvertures de procès, de possibilités d’agir. Mais il manquait la formule de chaque action, qui pour des siècles encore restera de la compétence et du savoir exclusif des pontifes. En un mot, affiché ou pas, l’autorité du code et son importance pour l’administration de la justice n’en étaient guère affectées. Si les Gaulois 83 se sont chargés, comme d’un prestigieux et précieux butin, des tables de bronze, ou si le feu qu’ils ont allumé a réduit en cendres, avec des tables de bois 84, le fruit de tant d’efforts, cela ne pouvait rien changer. Le texte depuis longtemps était ancré dans la mémoire des spécialistes. Exposé au forum ou non, rien n’indique que les Romains aient tenu à l’y placer ou à l’y replacer après 390. Nos témoignages les plus anciens ne s’appuient jamais sur un monument inscrit et publiquement exposé, mais se réfèrent à un petit volume écrit (un libellus 85) ou à la mémoire 86, gardiens de la tradition législative. Il n’est même pas sûr, comme on l’a cru longtemps, que la colonie romaine de Carthage eût disposé, sur son forum, d’un exemplaire de la loi 87, comme d’autres colonies avaient, autre symbole, leur statue de Marsyas.

83  Le témoignage de Tite-Live (6.1.10) manque de netteté. Les tribuns militaires « donnèrent l’ordre de rechercher les traités et les lois - c’étaient les lois des XII T. et certaines lois royales - que l’on pouvait retrouver. Les unes furent divulguées même dans le peuple ; celles qui touchaient aux choses sacrées, ils les tinrent cachées ». In primis foedera ac leges - erant autem eae duodecim tabulae et quaedam regiae leges – conquiri, quae comparerent, iusserunt. L’historien ne parle pas d’une disparition par la suite de l’invasion. Il évoque les documents que l’on pouvait retrouver – dont les XII T. – ce qui prouve qu’ils n’auraient pas disparu. Ces flottements s’accordent mal avec l’idée d’un document détruit et aussitôt reconstitué.  84  L’hypothèse d’une publication par affichage sur des tables de bois n’est guère vraisemblable, en réalité. Elle n’apparaît dans aucune tradition, sauf par suite d’une correction arbitraire du témoignage de Pomponius. Elle serait sans exemple ou en Grèce ou à Rome. L’album du préteur, par sa durée de validité limitée à un an, ne peut être invoqué ici. 85  Cic. de orat. 1.195 : Fremant omnes licet : dicam quod sentio : bibliothecas mehercule omnium philosophorum unus mihi videtur XII tabularum libellus, si quis legum fontis et capita viderit, et auctoritatis pondere et utilitatis ubertate superare [« Je le dirai sans détour, dussé-je révolter tout le monde.  Le petit volume des XII T., à lui seul, par le poids de son autorité et l’étendue de son utilité, dépasse, à mes yeux, tous les livres de tous les philosophes »]. Voir sur ce point la belle étude d’E. Romano, Effigies antiquitatis. Per una storia della persistenza delle Dodici Tavole nella cultura romana, dans Le Dodici Tavole, cit. Pavia, 2005, 456-457. 86  Cic. leg. 2.59 ; Horat. supra n. 6. 87  Cette tradition repose sur deux témoignages, de Cyprien et de Salvien. Pour le premier, l’évêque de Carthage, dans une lettre adressée à Donat (Cypr. ad Donat. 10,

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2.4. La langue des XII Tables. Le nom de la loi 2.4.1. La langue de la loi Du fait de son utilisation incessante, et de sa lettre non figée au sein d’un document écrit de référence unique, le texte de la loi a certainement été soumis à un travail de rajeunissement formel permanent, dont ceux qui le citaient n’avaient sans doute pas une parfaite conscience. Le résultat est certain : ce texte que l’on apprenait par cœur au dernier siècle de la République était, en sa forme, plus proche de la langue de Cicéron que de celle de la tombe des Scipions, dont on peut situer l’elogium au milieu du IIIe s. 88 Pourtant, en dépit de cette mise à jour constante, bien des mots attribués au

datée de 246), dénonçant la perversité et la corruption générale, écrit : plura illic quae detesteris invenies, magis oculos tuos inde devertes. Incisae sint licet leges duodecim tabulis et publico aere praefixo iura praescripta sint : inter leges ipsas delinquitur, inter iura peccatur [« Ne crois pas que ce lieu soit plus épargné [par ces péchés] que n’importe quel autre lieu.  Regarde donc.  Les lois ont beau être gravées sur douze tables, les droits ont beau être publiquement inscrits sur le bronze, c’est au milieu de ces lois que l’on commet des crimes, c’est parmi ces droits que l’on pèche »]. Schöll cit. 15-17 (suivi par Girard cit. (n. 1) 396 n.1) y a vu la preuve de l’affichage d’un exemplaire de la loi, remontant à la refondation de la colonie de Carthage, sous César ou Auguste.  Lenel cit.  (n.  1) 503 = 173, beaucoup plus prudent, a proposé une autre interprétation : rien ne prouve que ces lois étalées sur douze tables fussent les XII Tables.  De fait, Cyprien oppose l’immoralité générale à la légalité, et qu’il désigne, par métonymie, de lois publiquement affichées et qui sont vraisemblablement les lois officielles de la colonie. Carthage, comme toutes les cités de fondation romaine, colonies ou municipes, tenait, affiché solennellement au forum, le règlement de son statut.  C’est cette charte coloniale qui personnalise la légalité et incarne, aux yeux de Cyprien, l’autorité de la loi. Le nombre de douze, simple coïncidence, a abusé les interprètes. L’autre témoignage émane de Salvianus gub.  Dei 8.24 (entre 440 et 450) (reporté sous XII T.  9.6) : des moines, menacés d’exécution sommaire par la population chrétienne (enflammée par la crise donatiste) à Carthage, auraient sauvé leur vie « grâce aux décrets des XII T. qui défendent de mettre à mort un individu non condamné » (Interfici indemnatum quemcumque hominem etiam duodecim tabularum decreta vetuerunt).  Schöll 16-17 notamment, partisan de l’authenticité de ce verset (contra, infra 9.6), a estimé, de plus, que l’on disposerait ainsi d’un second argument en faveur de la présence, à Carthage, au milieu du Ve s., d’un exemplaire affiché de la loi. L’existence d’une copie carthaginoise ne se confond pas avec la lecture qu’aurait pu en donner Salvien, se contentant d’une paraphrase approximative.  Mais rien ne permet de supposer que ce verset apocryphe, amalgame de plusieurs versets authentiques, résulte de la lecture fautive d’une copie locale ; elle peut tout aussi bien constituer une affirmation sans fondement, inspirée à Salvien par la connaissance du de civ.  Dei.  1.19 (426-427) (mais qui ne mentionne pas les XII T.), ou de quelque autre source (Cic. de rep.?), que le clerc, dont la culture classique n’est pas irréprochable (attribution à Socrate des Dialogues de Platon, gub. Dei 7.23), aura mal interprétée.  88  Au témoignage de Polybe 3.22.8, le latin du VIe-Ve s. n’était plus compris par les Romains de son temps.

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texte originel ne sont attestés que là. Ainsi pour les Forctes et Sanates (1.5), pour obvagulare (2.3), pour duplio (8.16 ; 12.3) qui ne trouvera d’usage par la suite que dans la langue des mathématiques, pour hortus (7.3) qui, entre les XII T. et Plaute, subira un rétrécissement (d’exploitation rurale à jardin potager), pour forum (10.10) au sens non ailleurs attesté d’espace consacré situé devant le tombeau, pour portus (2.3) qualifiant l’entrée de la maison, ou hostis (2.2 ; 6.4 et probablement 8.17) au sens de peregrinus… Parfois, le changement de sens est perçu (ainsi pour hostis, qui fait figure d’archaïsme), mais le plus souvent – d’où la difficulté de l’interprétation, et son intérêt –, le glissement sémantique n’est pas ressenti par les Anciens qui donnent à un terme ou à un concept décemviral une valeur déformante, car rajeunie : ainsi pour le sens d’usus, gagné et défiguré par la notion plus récente d’usucapio, pour damum, noxia, fraus, malum carmen, flagitium … Il ne s’agit là que d’exemples. La structure syntaxique, en dépit de ses retouches progressives, a conservé bien des stigmates du passé : ergo, préposition postposée, précédé du génitif (avec le sens de ‘en raison de’ : 10.4 ; 10.7) ; quo, adverbe au sens de ut, à valeur finale ou consécutive ; l’emploi régulier de si (si membrum rupsit, 8.2 ; de même 5.4 ; 8.4 ; 8.12 ; 8.16) ou de qui (qui malum carmen incantassit, 8.1 ; de même 8.22), là où par la suite s’imposera la forme si quis ; ou encore l’omission du subjonctif dans des propositions régies par si et par ni ; l’absence de l’ablatif absolu ou la succession de propositions conditionnelles, dont la seconde est reliée à la première par la conjonction ast (10.8 ; 5.7) et l’élision des sujets, alors que les verbes qui se suivent renvoient à des acteurs différents (1.1-3 ; 3.2-4) mais non individualisés 89.

89  J’ai utilisé les ouvrages suivants : M. Bréal, Étude sur la langue de la loi des XII T., dans Journ. des Savants 1902, 599-608 ; A. Grenier, Étude sur la formation et l’emploi des composés nominaux dans le latin archaïque, Paris, 1912 ; E. Norden, Aus altrömischen Priesterbüchern, Lund-Leipzig 1939 ; E. Benveniste, Les futurs et subjonctifs sigmatiques du latin archaïque, dans BSL 23, 32-63 ; D. Daube, Forms of Roman Legislation, Oxford, 1956 ; Fr. Sbordone, Per la sintassi delle XII Tavole, dans Synteleia Arangio-Ruiz I, 1964, 334-339 ; G.  Radke, Rechtsbegriff und sprachlicher Ausdruck; Beobachtungen zu den leges XII Tab., dans Mitteilungsblatt des Landesverbands Berlin im deutschen Altphilologenverband, XI.3 (1965), 5 s.; Id, Sprachliche und historische Beobachtungen zu den leges XII Tab., dans Festg. U. v. Lübtow, Berlin, 1970, 233-246; J. Guillen, dans Helmantica 18 (1967) 341-401 ; 19 (1968) 43-111, 193-246 ; 20 (1969) 67-103 (et bibliogr. 94-103) ; d’Elia (1976) ; Gabriel Jullien, Étude sur la langue de la loi des XII Tables, Univ. Paris IV, Mémoire de Maîtrise 1979, 111 p. ; Coleman (1996) ; Salvatore Marino, Studio sulle proposizioni relative e condizionali nel linguaggio legislativo romano.  Parte Prima, dans Quaderni Lupiensi di Storia e Diritto 7 (2017) 91-126.

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2.4.2. Le nom de la loi La tradition la plus ancienne désigne le code décemviral du nom de duodecim Tabulae. Chez les historiens (Tite-Live et Denys d’Halicarnasse), les auteurs littéraires (Cicéron, Varron, Sénèque, Pline) et les grammairiens (Verrius Faccus, source de Festus), la loi n’est pas qualifiée de lex duodecim tabularum, expression qui n’apparaît qu’avec les juristes classiques (lex duodecim tabularum, leges duodecim tabularum). Mais il ne faudrait pas en déduire que la conception de la loi comme un tout unitaire est tardive. Même chez les auteurs qui restent attachés à l’expression traditionnelle de ‘XII  Tables’, il ne fait aucun doute que le monument législatif constitue globalement ‘la loi’. Ainsi chez Aulu-Gelle (par ex. verba sunt haec de lege : 20.1.25 et 42). L’unité conceptuelle est donc certaine 90.

90  V.  pour plus de détails, Humbert, Les XII Tables, une codification, cit. (n.  63) 88-89.

LISTE DES FRAGMENTS SELON LEUR RECONSTITUTION PROPOSÉE Afin d’éviter confusion ou malentendu, un mot d’explication est nécessaire pour justifier la présentation qui suit. Sont reproduits en CAPITALES les versets, dont nos sources affirment qu’ils rapportent, en tout ou en partie, les ipsissima verba de la loi. Les mots ou lettres ajoutés sont placés entre < > obliques ; les mots ou lettres supprimés figurent entre [ ] droits. Lorsqu’il y a des compléments plus importants, ils se signalent par le recours à l’italique ordinaire. À titre d’exemple, les versets 1.5 ou 4.2 a. Par contre, les versets reconstitués sont, eux, entièrement composés en italique ordinaire. Dans un souci de clarté, j’ai renoncé à reproduire par des signes ou des caractères distincts, les divers degrés de probabilité dans la recherche du modèle ‘authentique’, même quand des indices solides font présumer que les termes ou expressions utilisés ne s’écartent guère du texte originel. Pour ces précisions complémentaires et indispensables, on se reportera, pour chaque verset, au développement consacré à cette quête de reconstitution, possible pour la plupart des prescriptions du code décemviral. Mais lorsque du fait des sources disponibles, on manque d’éléments pour une reconstitution même hypothétique, l’auteur du témoignage antique est identifié en tête du verset, et il est suivi de l’exposé succinct de la prescription qu’il rapporte : e.g. les versets 2.1 a et b ; 3.5 ; 4.3 ; 4.4 (en précisant les quelques termes authentiques ou supposés tels) ; 5.1 etc… Pour aucun des versets reconstitués, partiellement ou complètement, je n’ai tenté de fabriquer du latin du Ve s. L’exercice aurait supposé des compétences dont j’étais dépourvu et j’ai trop de respect envers les Humanistes du XVIe s. pour les affronter dans un art où ils se sont montrés maîtres. SI IN IVS VOCAT [IO], NI IT, ANTESTAMINO. IGITVR IM 1. 1 –  CAPITO.  1. 2  – SI CALVITVR PEDEMVE STRVIT, MANVM ENDO IACITO.  1. 3 –  SI MORBVS AEVITASVE [VITIVM] ESCIT, [QVI IN IVS VOCABIT] IVMENTVM DATO.  SI NOLET, ARCERAM NE STERNITO. 

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LA LOI DES XII TABLES

1. 4 –  ADSIDVO VINDEX ADSIDVVS ESTO ; PROLETARIO CVI QVIS VOLET VINDEX ESTO. 1. 5 –  NEX FORTI SANATIQ cum populo Romano habento. 1. 6  – REM, VBI PACVNT, ORATO. NI PACVNT, IN COMITIO AVT IN FORO. 1. 7 – ANTE MERIDIEM CAVSAM COICIVNTO.  TVM PERORANTO AMBO PRAESENTES. 1. 8  – POST MERIDIEM PRAESENTI LITEM ADDICITO. 1. 9  –  SI AMBO PRAESENTES, TEMPESTAS ESTO. 

SOL

OCCASVS

SVPREMA

1. 10  – ... VADES, SVBVADES ... 2. 1 a – Gai.  4.12-14 : Lege agebatur ...  sacramento …. Ita lege XII tab. cautum erat .... 2. 1 b – Gai.  4.17 a : Per iudicis postulationem age, si … lex iussisset, si lex XII tab. .... … MORBVS SONTICVS … AVT STATVS 2. 2 –  DIES CVM HOSTE … QVID HORVM FVIT IVDICI ARBITROVE REOVE, DIE DIFFSVS ESTO. CVI TESTIMONIVM DEFVERIT, IS TERTIIS DIEBVS OB 2. 3 –  PORTVM OBVAGVLATVM ITO. AERIS CONFESSI REBVSQVE IVRE IVDICATIS XXX DIES 3. 1 –  IVSTI SVNTO. 3. 2  – POST DEINDE MANVS INIECTIO ESTO. IN IVS DVCITO. NI IVDICATVM FACIT AVT QVIS ENDO EO IN IVRE 3. 3. –  VINDICIT, SECVM DVCITO, VINCITO AVT NERVO AVT COMPEDIBVS.  QVINDECIM PONDO NE MINORE AVT SI VOLET MAIORE VINCITO. 3. 4 – SI VOLET, SVO VIVITO.  NI SVO VIVIT, QVI EVM VINCTVM HABEBIT, LIBRAS FARRIS ENDO DIES DATO.  SI VOLET, PLUS DATO. 3. 5 – Gell.  20.1.46-47 : … habebantur in vinculis dies sexaginta …

LISTE DES FRAGMENTS SELON LEUR RECONSTITUTION PROPOSÉE

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Trinis nundinis in comitium producebantur … Tertiis nundinis capite poenas dabant aut trans Tiberim venum ibant. TERTIIS NVNDINIS PARTIS SECANTO.  SI PLVS MINVSVE 3. 6 –  SECVERVNT, SE FRAVDE ESTO. 4. 1 – Insignitus PVER CITO NECATVS . SI PATER iure FILIVM OCCIDERIT, se fraude caesus esto. 4. 2 a –  SI PATER TER FILIVM VENVM DVIT, A PATRE FILIVS 4. 2 b –  LIBER ESTO. Cic. Phil. 2.69 : … suas res habere iussit, … clavis ademit, exegit.  4. 3 –  Gell.  3.16.12 : … decemviri IN DECEM MENSIBVS gigni homi4. 4 –  nem, non in undecimo scripsissent. Gai. 1.144-145 : Veteres voluerunt feminas, etiamsi perfectae aetatis 5. 1 –  sint … in tutela esse … exceptis virginibus Vestalibus quas etiam veteres … liberas esse voluerunt ; itaque etiam lege XII tabularum cautum est. 5. 2  – Gai.  2.47  : [Res] Mulieris, quae in agnatorum tutela era[n]t, res mancipi usu capi non poterant, praeterquam si ab ipsa tutore traditae essent : id ita lege XII tabularum ca. 5. 3  – VTI LEGASSIT SVAE REI, ITA IVS ESTO.  SI INTESTATO MORITVR, CVI SVVS HERES NEC ESCIT, 5. 4 –  ADGNATVS PROXIMVS FAMILIAM HABETO. –  SI ADGNATVS 5. 5  .

NEC

ESCIT,

GENTILES

FAMILIAM

Si intestato moritur cui impubes suus heres escit, agnatus proxi5. 6 –  mus tutelam habeto. 5. 7 – SI FVRIOSVS ESCIT, AST EI CVSTOS NEC ESCIT, ADGNATVM GENTILIVMQVE IN EO EIVS POTESTAS ESTO. 5. 8. – Si manu missus moritur, cui suus heres nec escit, res eius EX EA FAMILIA IN EAM FAMILIAM. Nomina inter heredes ercta sunto. 5. 9 – 

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5. 10  – Gaius, D. 10.2.1 pr.: Haec actio (familiae erciscundae) proficiscitur e lege duodecim tabularum.  –  CVM NEXVM FACIET MANCIPIVMQVE, 6. 1  NVNCVPASSIT, ITA IVS ESTO.

VTI

LINGVA

6. 2 – Si infitias ierit, dupli damnas esto. 6. 3  – VSVS AVCTORITAS FVNDI BIENNIVM ESTO : ceterarum rerum annuus VSVS ESTO. 6. 4  – ADVERSVS HOSTEM, AETERNA AVCTORITAS .  6. 5 – Si TRINOCTIVM a viro VSVRPANDI CAVSA in anno abest, VSVRPATA est mulier.  6. 6 a  – SI [QVI] IN IVRE MANVM CONSERVNT ... et mancipationem et in iure cessionem lex XII tab. confirmat. 6. 6 b –  6. 7 – Ast si liberali causa manu adserat, SECVNDVM LIBERTATEM VINDICIAS dato. 6. 8  – TIGNVM IVNCTVM AEDIBVS VINEAVE E[T] CONCAPI[T] NE SOLVITO. 6. 9  – … QVANDOC SARPTA, DONEC DEMPTA ERVNT ... 7. 1  – AMBITVS PARIETIS SESTERTIVS PES .  7. 2 – INTRA QVINQVE PEDES VSUS NEC ESTO. Cf. 7.4 7. 3 –  Plin.  nat.  19.50 : HORTVS … HEREDIVM … ; Festus, 486 L : TVGVRIVM … 7. 4  – INTRA … QVINQVE PEDES VSVS CAPIO NEC ESTO. 7. 5 –  SI IVRGANT de finibus, ARBITRI TRES FINES regunto.  IN PORRECTO VIII PEDES SVNTO. IN ANFRACTO 7. 6 –  XVI PEDES SVNTO.  7. 7 –  VIAS MVNIVNTO : NI SAM DILAPIDASSVNT, QVA VOLET, IVMENTA AGITO. 7. 8  – SI AQVA PLVVIA NOCET, arbiter dato.

LISTE DES FRAGMENTS SELON LEUR RECONSTITUTION PROPOSÉE

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7. 9 –  SI ARBOR IN vicini AGRVM impendet, XV PEDES ALTIVS sublucato. 7. 10 – GLANDEM in alienum AGRVM procidentem tertio quoque die colligere liceto. 7. 11 – Quod venum dat non aliter emptoris fit, nisi aes solverit aut satisfecerit. 7. 12 – Si statuliber venum datur, aeterna auctoritas esto. –  QVI MALVM CARMEN INCANTASSIT 8. 1  AVT MALVM VENENVM AVT QVI OCCENTASSIT SIVE CARMEN CONDISSIT QVOD INFAMIAM FLAGITIVMVE ALTERI FECERIT … 8. 2  – SI MEMBRVM RVPIT, NI CVM EO PACIT, TALIO ESTO. 8. 3 – MANV FVSTIVE SI OS FREGIT LIBERO, CCC, SERVO, CL POENAE SVNTO. 8. 4  – SI INIVRIA ALTERI FAXSIT, VIGINTI QVINQVE POENAE SVNTO.  8. 5 – Si alteri RVPITIAS faxsit, noxiam SARCITO. 8. 6 – SI QVADRVPES PAVPERIEM FAXSIT, (AVT) NOXAE DEDITO (AVT) NOXIAM . Si immissum pecus GLANDEM alienam in AGRO alieno depa8. 7 –  scatur, de PASTV actio esto. 8. 8 – QVI FRVGES EXCANTASSIT ALIENAM SEGETEM PELLEXERIT ... Qui alienam FRVGEM FVRTIM NOX pavit secuitve, caput eius 8. 9 –  Cereri sacrum esto infelicique arbori suspendito. INPVBES PRAETORIS ARBITRATV VERBERATO damnumque DVPLIONE decideto. 8. 10 – Si AEDES acervumve frumenti iuxta positum combusserit, vinctus verberatus igni necatus esto. Si casu, NOXIAM SARCITO. 8. 11 – Si arborem alienam succiderit, XXV . 

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8. 12  – SI NOX FVRTVM FAXSIT IM OCCISIT endoque plorato, IVRE CAESVS ESTO.  8. 13 –  LVCI, SI SE TELO DEFENDIT ENDOQVE PLORATO, iure caesus esto. 8. 14 – Furtum manifestum capital esto.  Ex ceteris manifestis furibus, liber, verberatus addictusque esto cui furtum factum sit.  Si servus, item verberatus deque saxo deiectus esto. Inpubes praetoris arbitratu verberatus noxiaque ab his facta sarta esto. 8. 15 – Si concapit furtum, triplo damnum decideto.  Adversus eum qui rem obtulit, idem vindicito.  Si prohibuerit, nudus, lancem habens, licio (linteo ?) cinctus, quaesito.  Si concapit, furtum manifestum esto. SI ADORAT FVRTO QVOD NEC MANIFESTVM ERIT, 8. 16 –  .  8. 17 – Quod subruptum erit, eius rei aeterna auctoritas esto. 8. 18 – Tac.  Ann.  6.16.2 : Nam primo duodecim tabulis sanctum ne quis unciario faenore amplius exerceret.  Cato agri cult., praef. : Maiores … in legibus posiverunt, furem dupli condemnari feneratorem quadrupli ...  8. 19 – Mosaic. et Rom. leg. Collatio 10.7.11 : Ex causa depositi lege XII tab. in duplum actio datur ... 8. 20 – Si tutor dolo malo pupillum fraudaverit, quis volet nomen suspecti deferto duplioneque damnum pro tutela decideto. 8. 21  – PATRONVS SI CLIENTI FRAVDEM FECERIT, SACER ESTO. QVI SE SIERIT TESTARIER [LIBRIPENSVE FVERIT], 8. 22 –  NI TESTIMONIVM , INPROBVS INTESTABILISQVE ESTO. 8. 23 – Gell. 20.1.53 : si nunc quoque ... qui falsum testimonium dixisse convictus esset, e saxo Tarpeio deiceretur... SI TELVM MANV FVGIT MAGIS QVAM IECIT, ARIETEM 8. 24 –  subicito.  [8. 25 – MALVM VENENVM : réuni avec 8.1].

LISTE DES FRAGMENTS SELON LEUR RECONSTITUTION PROPOSÉE

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8. 26 –  Si in urbe coetus nocturnos agitaverit, capital esto. 8. 27 – Si rem sodales pacunt, fraudem ne faciunto. 9. 1 – Privis (ou in privos) ne roganto. DE CAPITE CIVIS NISI PER MAXIMVM COMITIATVM NE 9. 2 –  FERVNTO. 9. 3 – Gell.  20.  1.7-8 : duram esse legem … quae iudicem arbitrumve iure datum, qui ob rem dicendam pecuniam accepisse convictus est, capite poenitur. 9. 4 – Pomponius, D.  1.2.2.23 : Quia de capite civis Romani iniussu populi non erat lege permissum consulibus ius dicere, propterea quaestores constituebantur a populo, qui capitalibus rebus praeessent: hi appellabantur QUAESTORES PARRICIDII, quorum etiam meminit lex XII tab. 9. 5 – Marcianus, D.  48.4.3 pr. : Lex XII tab.  iubet eum, qui hostem concitaverit quive civem hosti tradiderit, capite puniri. [9. 6 – Salvianus, gub.  Dei 8.24 : Interfici indemnatum quemcumque hominem etiam duodecim tabularum decreta vetuerunt. ] Verset apocryphe. HOMINEM MORTVVM IN VRBE NE SEPELITO NEVE 10. 1 –  VRITO.  10. 2  – ... HOC PLVS NE FACITO. ROGVM ASCEA NE POLITO ... 10. 3 – Cic. leg. 2.59 : Extenuato igitur sumptu tribus RICINIIS et tunicula purpurea et decem tibicinibus … 10. 4  – MVLIERES GENAS NE RADVNTO, NEVE LESSVM FVNERIS ERGO HABENTO. 10. 5 –  HOMINI MORTVO NE OSSA LEGITO QVO POST FVNVS FACIAT. SERVILIS VNCTVRA tollitur, omnisque CIRCVMPOTATIO : 10. 6 –  ne sumptuosa RESPERSIO, NE LONGAE CORONAE, NE ACERRAE.  MVRRATA POTIONE usos antiquos indicio est, quod ...  XII tab. cavetur, NE MORTVO INDATVR.

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10. 7  –  QVI CORONAM PARIT IPSE PECVNIAVE EIVS, VIRTVTISVE SVAE ERGO DVITVR EI.  EI PARENTIQVE EIVS MORTVO INPONETVR SE FRAVDE ESTO. 10. 8 – NEVE AVRVM ADDITO ; CVI AVRO DENTES VINCTI ESVNT AST IM CVM ILLO SEPELIET VRETVE, SE FRAVDE ESTO. 10. 9 – Cic.  leg.  2.61 : Rogum bustumve moliri vetat propius sexaginta pedes aedes alienas invito domino.  10. 10. – Cic. leg. 2.61 : forum bustumve usu capi vetat. 11. 1  – CONVBIA PLEBEI CVM PATRIBVS NE SVNTO. [11. 2 – a – Varro Ant. Rer. XX: decemviri cum fuissent arbitrati VII.nos (septenos) nundinum divisum habuisse …  b – Macr.  Sat.  1.13.21 : Tuditanus refert … decemviros, qui decem tabulis duas addiderunt, de intercalando populum rogasse.] Ces réformes du calendrier sont l’œuvre des décemvirs mais elles n’ont pas été intégrées dans la loi elle-même. [11. 3 –  Cic. ad Att.6.1.8 : publication du calendrier ou des jours fastes.] Œuvre, là encore, des décemvirs, mais sous la forme d’un document indépendant, non inséré dans l’une des XII Tables.  12. 1 – Gai.  4.26, 28 : lege introducta est pignoris capio velut lege XII tab. adversus eum, qui hostiam emisset nec pretium redderet ; item adversus eum, qui mercedem non redderet pro eo iumento, quod quis ideo locasset, ut inde pecuniam acceptam in dapem… inpenderet. SI SERVVS FVRTVM FAXSIT NOXIAMVE 12. 2 –  NOXIT, aut noxae dedito aut NOXIAM SARCITO.  12. 3  – SI VINDICIAM FALSAM TVLIT, SI VELIT IS , ; EORVM ARBITRIO TOR ARBITROS TRIS DATO  FRVCTVS DVPLIONE DAMNVM DECIDETO. Gai.  6 ad leg.  XII tab.  D.  44.6.3 : Rem de qua controversia est 12. 4 –  prohibemur in sacrum dedicare. Liv.  7.17.12 : in duodecim tabulis legem esse, ut quodcumque 12. 5 –  postremum populus iussisset, id ius ratumque esset.

LISTE DES FRAGMENTS DITS « DE PLACE INCERTAINE » 1. Festus v° Nancitor 166 L : NANCITOR in XII.  nactus erit, praenderit.  Item in foedere Latino : ‘pecuniam quis nancitor, habeto’ et : ‘si quid pignoris nanciscitur, sibi habeto’. 2. Festus v° Quando 310 L : nuntiatur, significat […].  In XII quidem cum c littera ultima scribitur , idemque significat.  V.  également le lemme plus complet des Pauli excerpta 311 L : Quando cum gravi voce pronuntiatur, significat idem quod, quoniam, et est coniunctio ; quando acuto accentu, tunc est temporis adverbium.  3. Festus v° Sub vos placo 402 L : Sub vos placo, in precibus fere cum dicitur, significat id, quod ‘supplico’, ut in legibus : ‘TRANSQVE DATO’, et ‘ENDOQVE PLORATO’. 4. Donatus Commentum Terenti, Eunuchum 515 (éd. Wessner I, Leipzig 1902, 383) : Aux vers : Iam tum erat suspicio / Dolo malo haec fieri omnia, Donat précise : ‘DOLO MALO’. Quod autem addidit ‘malo’ aut ἀρχαϊσμός est, quia sic in duodecim tabulis a veteribus scriptum est, aut ἐπίθετον doli est perpetuum. 5. Cicero De re publica 2.54 : Itemque ab omni iudicio poenaque provocari licere indicant XII tabulae compluribus legibus. 6. Cicero De officiis 3.111 : Nullum enim vinculum ad adstringendam fidem iure iurando maiores artius esse voluerunt. Id indicant leges in XII tabulis, indicant sacratae, indicant foedera […], indicant notiones animadversionesque censorum, qui nulla de re diligentius quam de iure iurando iudicabant. 7. Augustinus De civitate dei 21.11 : Octo genera poenarum in legibus esse scribit Tullius : damnum, vincula, verbera, talionem, ignominiam, exilium, mortem, servitutem. Idem Isidorus Orig. 5.27. 8. Gaius Institutiones 1.122 : Ideo autem AES et libra adhibetur, quia olim aereis tantum nummis utebantur, et erant asses, dupondii, se-

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misses et quadrantes, nec ullus aureus vel argenteus nummus in usu erat, sicut ex lege XII tabularum intellegere possumus. 9. Gaius libro quinto ad legem duodecim tabularum D.  50.16.237 : Duobus negativis verbis quasi permittit lex magis quam prohibuit : idque etiam Servius animadvertit. 10. Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D.  50.16.238.1 : ‘Detestatum’ est testatione denuntiatum. : Per ipsum fere tempus, 11. Sidonius Apollinaris Epistulae 8.6.7  ut decemviraliter loquar, lex de praescriptione tricennii fuerat ‘[PROQVIRITATA ?]’. 12. Glossam lexici Philoxeniani : Duicensus διταβ. (pour XII tabulis selon la correction de B. Vulcanius 1538-1614) δεύτερον ἀπογεγραμμένος. Festus (Pauli exc.) v° Duicensus 58 L : Duicensus dicebatur cum altero, id est cum filio census.

TABLE DE CONCORDANCE ENTRE LA PRÉSENTE ÉDITION ET LES ÉDITIONS ANTÉRIEURES (SCHÖLL, BRUNS, RICCOBONO = FIRA) I. 1 – 10 = FIRA = Bruns = Schöll II. 1 – 3 = FIRA = Bruns = Schöll III.  1 – 6 = FIRA = Bruns = Schöll, ces deux derniers placent le verset 6.4 en 3.7. IV. 1 – 4 = FIRA = Bruns = Schöll V. 1 – 10 = FIRA = Bruns = Schöll VI.  1 – 9 = FIRA = Bruns = Schöll , à l’exception de 6.4 placé en 3.7, entraînant le décalage suivant, chez Bruns et Schöll : 6.5 = 6.4 ; 6.6 = 6.5 ; 6.7 = 6.6 ; 6.8 = 6.7 ; 6.9 = 6.8. VII. 1 – 12 = FIRA = Bruns = Schöll VIII. 1, réuni avec 8.25 dans la présente édition 2 – 3 – 4 = FIRA = Bruns = Schöll 5 = FIRA = Bruns, non admis par Schöll 6 – 14 = FIRA = Bruns = Schöll (en décalage d’une unité) 15 – 24 = FIRA = Bruns = Schöll 25 = 8.1 (FIRA et Bruns) ; Schöll 8.25 = 9.4 et 9.6 26 = FIRA = Bruns ; Schöll 8.26 = 8.1 et 8.25 27 = FIRA = Bruns ; Schöll 8.27 = 8.26 ; Schöll 8.28 = FIRA – Bruns 8.27 IX. 1 – 3 = FIRA = Bruns = Schöll 4 = FIRA = Bruns = Schöll 8.25 5 = FIRA = Bruns = Schöll 9.4 [6] = FIRA et Bruns 9.6 = Schöll 8.25 X. 1 -10 = FIRA = Bruns = Schöll XI. 1 = FIRA = Bruns = Schöll 12.1 [2-3] = FIRA = Bruns 11.2-3 XII.  1 = FIRA = Bruns = Schöll 12.2 2 = FIRA = Bruns = Schöll 12.3 3 = FIRA = Bruns = Schöll 12.4 4 = FIRA = Bruns = Schöll 12.5 5 = FIRA = Bruns = Schöll 12.6

LISTE DES OUVRAGES CITÉS SOUS FORME ABRÉGÉE

Bruns  Bruns (Karl Georg), Fontes Iuris Romani Antiqui7 (les 5e et 6e éd.  revues par Mommsen, la 7e par Gradenwitz), Tübingen, 1909. Cujas Cujas (Jacques), Observationum et emendationum libri XXVIII, jam a Carolo Annibale Fabroto j.c. dispositarum, recueillis dans le T. III des Opera de Cujas parus à Naples 1758, ex Typographia Moriana. Dirksen Dirksen (Heinrich Eduard), Übersicht der bisherigen Versuchen zur Kritik und Herstellung des Textes der Zwölf- Tafel- Fragmente, Leipzig, 1824, 747 p. Ernout-Meillet DE4  Ernout (Alfred)-Meillet (Antoine), Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, 4e éd., Paris, 1959. Girard Manuel  Girard (Paul Frédéric), Manuel élémentaire de droit romain5-7, Paris, 1911-1929. Girard OJ Girard (Paul Frédéric), Histoire de l’organisation judiciaire des Romains I.  Les six premiers siècles de Rome, Paris, 1901. Godefroy Godefroy (Jacques), Fragmenta XII.  Tabularum suis nunc primum tabulis restituta, probationibus, notis et indice munita, Heidelbergae 1616 (republié dans le Thesaurus Juris Romani III de Evrard Otto, Trajecti ad Rhenum, 1733 – éd. utilisée ici). Karlowa RRG I-II Karlowa (Otto), Römische Rechtsgeschichte I (Staatsrecht und Rechtsquellen) Leipzig 1885; II.1 (Privatrecht) Leipzig, 1901. Kaser AJ  Kaser (Max), Das altrömische Ius.  Studien zur Rechtsvorstellung und Rechtsgeschichte der Römer, Göttingen, 1949. Kaser EB  Kaser (Max), Eigentum und Besitz im älteren römischen Recht, Köln, 1943 (2e éd. 1956). Kaser RPR, RPR2  Kaser (Max), Das römische Privatrecht I.  Das altrömische, das vorklassische und klassische Recht, München 1955/1971 (1./2.Aufl.).

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ÉDITION ET COMMENTAIRE

SOMMAIRE

I. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. 2 – 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. 6 – 7 – 8 – 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II. 1 a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II. 1 b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . III. 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV. 2 a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV. 2 b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 4 – 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI. 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

61 67 75 81 85 95 99 109 113 121 125 143 149 155 161 171 173 177 183 195 205 211 221 229 235 241 257 261 273 279 287 297 307 313 315 323 329 337

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VII. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 6 – 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII. 12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 2 – 3 – 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 12 – 13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 21 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 22 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 24 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 25 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII. 27 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX. 1 – 2 a – 2 b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX. 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

341 351 361 371 379 385 397 403 433 455 465 473 477 485 493 501 511 529 541 555 567 575 589 595 609 619 629 635 645 647 653 665 681 687 695 699 715 735 741 745 749 755 759 763 769

ÉDITION

X. 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X. 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII. 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII. 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII. 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII. 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fragments non attribués à une Table précise . . . . . . . . . . . . . . . .

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771 773 777 785 791 797 805 817 827 831 841

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1. 1 – : SI IN IVS VOCAT [IO], NI IT, ANTESTAMINO. IGITVR IM CAPITO.

: S ’il (= le plaignant) l’appelle (= l’adversaire) à se rendre devant le tribunal et s’il refuse, qu’il (= le plaignant) prenne des témoins. Ensuite, qu’il (= le plaignant) le saisisse (= l’adversaire).

Sources principales a) Porphyrio Commentum in Horatii saturas 1.9.75 (éd. Holder 1894) : Adversarius molesti illius Horatium consulit, an permittat se antestari, iniecta manu extracturus ad praetorem, quod vadimonio non paruerit. De hoc autem lege duodecim tabularum his verbis cautum est : SI IN IVS +VOCATIONITANTESTAMINIGITVR +. ENCAPITO. Antestari est ergo ante testari scilicet antequam manum iniiciat. [« L’adversaire de l’encombrant ami d’Horace demande à celui-ci s’il l’autorise à le prendre comme témoin, afin de procéder à la manus iniectio et traîner devant le préteur son adversaire qui n’a pas répondu à la citation à comparaître (vadimonium). La loi des XII T. a réglé cette procédure par ces termes : ‘S’il l’appelle…’. Antestari c’est donc ‘prendre à témoin avant’, à savoir, avant de procéder à la manus iniectio »]. b) Horatius Saturae 1.9.74-78 : Casu venit obvius illi Adversarius et « Quo tu, turpissime ? » magna Inclamat voce, et : « Licet antestari ? » Ego vero Oppono auriculam ; rapit in ius ; clamor utrimque, Undique concursus. [« Voilà que, de fortune, l’adversaire de mon homme vient à sa rencontre et crie d’une voix terrible : ‘Où vas-tu, ignoble individu ?’ Et, s’adressant à moi : ‘Puis-je te prendre à témoin ?’. Moi, alors, de lui présenter l’oreille. Il traîne l’autre au tribunal. Clameur de part et d’autre, et, de tout côté, grand concours de gens »]. c) Rhetorica ad Herennium 2.19 : Lege ius est id quod populi iussu sanctum est ; quod genus, ut in ius eas cum voceris. [« Le droit fondé sur la loi est celui qui a été sanc-

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tionné par une décision du peuple. Par exemple, comparaître devant le tribunal, quand on est cité »]. d) Cicero De legibus 2.9 : A parvis enim, Quinte, didicimus ‘SI IN IVS VOCAT’ atque alia eius modi leges {alias} nominare. [« À l’époque où nous étions petits, nous avons appris à désigner les lois en citant, par exemple, ‘Sil l’appelle à se rendre devant le tribunal…’ et de même pour d’autres lois du même type »]. e) Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.25 : Verba sunt haec de lege : ‘SI IN IVS VOCAT’. f) Nonius Marcellus 1.11.10 (éd. Lindsay) : rapporte un passage des Satires de Lucilius, qui citait un fragment de la loi : ‘ SI NON IT, CAPITO’ inquit. EVM, ET SI CALVITVR’... g) Festus – Paul vis Eum 67 L ; Im 92 L ; Igitur 93 L : Eum antiqui dicebant pro eorum ; em pro eum […] ; Im ponebant pro eum, a nominativo is ; Igitur nunc quidem pro conpletionis significatione valet, quae est ergo. Sed apud antiquos ponebatur pro inde et postea et tum. [« Les Anciens disaient eum pour eorum ; em pour eum… Ils employaient im pour eum, du nominatif is. De nos jours, igitur a une valeur complétive ; il signifie ‘donc’. Mais chez les Anciens, il était utilisé au sens de ‘de là’ (inde), ‘ensuite’ (postea), ‘alors’ (tum) »]. h) Le scholiaste Acron (Pseudoacro Scholia in Horatium, éd. Keller, 1904, 105, ad Sermones 1.9) confirme les formes de la prise à témoin, préalable nécessaire à la saisie du vocatus : Quid est antestari ? Olim qui antestabatur, auriculam contingebat… Tangens autem auriculam his verbis loquebatur : ‘licet antestari ?’ Si ille respondisset : ‘licet’, per iniectionem manus adversarium suum in iudicium trahebat. Quod si antestatus non esset et manum iniecisset, iniuriae reus constitui poterat. [« Que signifie ‘faire appel aux témoins’ ? Autrefois, celui qui lançait cet appel touchait une oreille… En touchant une oreille, il prononçait ces mots : ‘me permets-tu de te demander de témoigner ?’ Si celui-ci répondait ‘oui’, alors en recourant à la manus iniectio, il tirait son adversaire jusqu’au tribunal. Mais s’il n’avait pas appelé à témoigner et saisissait par manus iniectio, il pouvait être poursuivi pour délit d’outrage »].

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Reconstitution L’établissement du premier verset de la première table s’appuie pour l’essentiel sur le passage, corrompu, de Porphyrion, complété par d’autres témoignages fragmentaires. Le début de la citation, SI IN IVS VOCAT, est confirmé par les sources c, d, e. La fin de la prescription légale, à son tour, est établie par f, qui, après CAPITO, fait immédiatement le lien avec le verset suivant 1.2. La principale difficulté est de savoir si, entre SI IN IVS VOCAT et NI IT, il faut insérer un IO.  La suggestion en fut présentée pour la première fois par Unterholzner ( Zeitschr. für gesch. Rechtswiss. 2 [1816] 432-437) : s’appuyant sur une lecture traditionnelle (depuis Godefroy) de Cic. leg. 2.9 (si in ius vocat atque eat), Unterholzner affirma qu’un subjonctif d’ordre ne correspondait pas au style législatif archaïque et corrigea eat par ito. Mais l’argument reposait sur une lecture fautive, aujourd’hui abandonnée, du texte de Cicéron.  C’est ainsi que Dirksen 129-139 repoussa l’intégration de ITO, privée de tout support. Par la suite, Schöll 115, suivi par Bruns, Girard, Düll, FIRA, revint à la suggestion de Unterholzner, mais en se fondant cette fois sur la citation de Porphyrion, complétée ainsi : Si in ius vocat io ni t antestamin igitur … Mommsen (ap. Bruns7, 18) resta partisan de la lecture de Dirksen (mihi ITO videtur rectius abesse). Il en fut de même pour Noailles (19422) [1948] 170-172,  pour Daube (1956) 28, Lévy-Bruhl (1960) 158-159, Boscherini (1984) 52-54. L’insertion, ou non, de ITO ne change pas la signification générale de la prescription ; mais les parallèles stylistiques et rythmiques établis par Daube avec XII T. 5.5 et par Boscherini avec 8.2 (si membrum rupsit ni cum eo pacit, talio esto) sont déterminants. Les décemvirs se servent d’une seule proposition pour exprimer l’ordre et les conséquences de son inobservation.  ITO est ainsi redondant. On remarque, de même, en 3.3 que ni iudicatum facit présuppose l’obligation (non exprimée) d’exécuter le jugement : un non attesté ‘iudicatum facito’ n’aurait rien apporté de plus. Il en est de même pour le supposé ITO dans 1.1. EN, attesté par Porphyrion au sens de eum, doit être corrigé en EM ou IM (source g). Le parallèle établi avec 8.12 (si nox furtum faxsit, si im occisit) et avec 10.8 (ast im cum illo sepeliet) privilégie IM. Commentaire 1. – Place de l’in ius vocatio Le témoignage de Cic. leg. 2.9 (source d) établit avec certitude que la loi débutait par ces mots SI IN IVS VOCAT, donc par les formes et conditions de l’ouverture du procès. L’édit du préteur fera

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de même (in ius vocati ut eant vindicem dant : Lenel EP3, 65-70). La vocation éminemment processuelle du code décemviral s’affirme ainsi. On remarque que les sujets des diverses actions prévues par la loi ne sont pas exprimés, alors qu’ils alternent de façon quasi régulière – il en est de même pour les versets suivants. De fait, aucun terme spécifique n’aurait permis de distinguer celle des deux parties qui avait l’initiative de l’action (le ‘demandeur’) et son adversaire (le ‘défendeur’). Mais si les deux plaideurs joueront par la suite un rôle quasi symétrique dans le déroulement de l’action devant le magistrat, la distinction entre le plaignant et le vocatus est essentielle pour l’in ius vocatio. Le premier a l’initiative et dispose de moyens efficaces pour triompher de la passivité du second. Sur l’alternance de sujets non exprimés, caractéristique de la langue décemvirale : Karlowa RRG I, 115 ; Wieacker (1967) 331, 351 ; Id. RRG I, 298 n.  68 ; Pascucci (1968) 12 ; Radke (1981) 225, 227. L’interprétation de Daube (1956) 57-61, selon laquelle le recours à la troisième personne exprimerait une personne impersonnelle (une non-personne, comme dans ‘il pleut’) – sur cette fonction de la ‘troisième personne’ : Benveniste (1969) 88-95 – ne semble pas s’accorder avec les usages du latin archaïque et ne répond pas à la signification du verset qui, au contraire, identifie très précisément, même sans les nommer, les personnes en cause. 2. – IVS La valeur locative de ius (le tribunal) ne fait pas de doute : cf.  de même 3.2 (in ius ducito), 3.3 (in iure vindicit), 6.6 a (in iure manum conserere) ; 6.6 b (in iure cessio). Le passage du sens primitif de ius (rite ou situation confirmée par le groupe des Quirites – ius Quiritium –, par la communauté civique – ius civile –, par la proclamation du magistrat ou du iudex – ius dicare, ius dicere – …) au sens du lieu où ces situations prennent ordinairement consistance, à savoir le tribunal du magistrat, est donc déjà achevé au milieu du Ve s. Cf.  Kaser AJ 11-12 ; Gioffredi (1955) 49-57 ; Buti (1984) 49-54 ; Albanese (1987) 27-28. L’opinion divergente de Nicosia (1980) 68-80, pour qui ius signifierait ‘formes rituelles requises’ (si in ius vocat : ‘s’il l’appelle selon le processus rituel’) n’est pas défendable. 3. – Formes de l’in ius vocatio La sommation de comparaître, extrajudiciaire, s’accomplissait vraisemblablement à l’aide de formules solennelles ou consacrées par l’usage (in ius te voco, ambula in ius), de gestes rituels (simulacres de saisie par le cou ou par l’oreille) et d’appel à des témoins (antestari) en cas de velléité de résistance. Les comédies de Plaute en conservent de

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vivantes illustrations : Asin. 480 (In ius te voco) ; Curc. 621-625 (Ambula in ius. - Non eo. – Licet antestari ? – Non licet) ; Pers. 745-749 (Ambula in ius. – Quid me in ius vocas ? – Illi apud praetorem dicam ; sed ego in ius voco. – Nonne antestaris ? – Tuan ego causa … cuiquam libero auris atteram ?) ; Poen. 1225-1233 (In ius vos voco. – Vin hanc ego adprendam ? – Ite in ius. Antestare me atque duce. – In ius vos voco, nisi honestiust prehendi) ; Rud. 852-870 (Rapi te obtorto collo mavis an trahi? – In iure causam dicito; hic verbum sat est. Sequere. – Rapior optorto collo). – Antestari : sens à la fois actif (appeler à témoigner : sens ici du verset) et passif (antestatus : celui qui fournit son témoignage). Cf.  B. Brisson (Brissonius), De verborum signif. (1743) h.v° ; Priscian. Inst. Gramm. 8.16 (= Gramm. Latini, éd. Keil II, 1865, 382) ; Flobert (1975) 76 : an-testari et non pas ante-testari (avec Porphyrion, généralement suivi). V. de même Ateius Capito, ap. Macr. Sat. 1.14.5 (an = circum). – Plin. nat. 11.251 accompagne l’antestatio d’un rite expressif : pincer l’oreille, siège de la mémoire, de celui que l’on appelle à témoigner (est in aure ima memoriae locus quem tangentes antestamur ; cf. source a : oppono auriculam, et Acro, source h). Le rite se retrouve, avec la même signification, chez d’autres auteurs (Verg. Ecl. 6.3-4) et dans d’autres civilisations (Bouchand [1803] I, 264-265. – Voir encore sur ces formes : Paoli (1952) (en faveur d’un modèle grec chez Plaute) ; Paratore (1964) ; Witt (1971) ; MacCormack (1973). Il est probable que, dès la loi des XII T., la citation à comparaître pouvait être lancée de n’importe quel lieu, privé ou public, à l’exception du domicile de l’adversaire. L’y saisir de force aurait constitué un acte de violence ou d’outrage, la violation de la domus. Ainsi Gaius dans son commentaire aux XII T., livre I (D. 2.4.18,20,22 pr.). Cf. Licandro (1991) 238-242. 4. – Moyens de contrainte sur le vocatus 4. – 1. S’il refuse de comparaître et de suivre le vocans, le vocatus est contraint par la force (CAPITO), après appel aux témoins, de suivre le plaignant devant le tribunal. Doit-on voir, dans ce recours à la force privée, les éléments constitutifs d’une procédure légale, d’une action de la loi, de la manus iniectio ? On y répondra affirmativement au verset suivant. Mais il faut remarquer que la loi marque les étapes d’un recours progressif à la contrainte, que nous résumerons ainsi dans un souci de clarté. Il y a d’abord la saisie physique, une fois les témoins appelés selon les formes rituelles. Puis, si la résistance persiste (verset 1.2), commence le déroulement d’une procédure qui s’achèvera devant le magistrat, in iure, une procédure techniquement qualifiée de manus iniectio (et à laquelle fait allusion, de manière elliptique et raccourcie, le verset 1.2). Il ne s’agit pas d’une procédure privée (que l’on a voulu qualifier du nom, non attesté, de manus iniectio vocati), mais de la

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même action de loi que celle qui est accordée contre le iudicatus incapable d’exécuter le jugement le condamnant : la manus iniectio iudicati (3.1). Cette procédure de contrainte suppose la présence in iure du vocatus récalcitrant (notamment refusant de participer aux rites sans lesquels l’action ne peut se dérouler). La passivité du vocatus, qui en fait un indefensus, peut toutefois être corrigée par l’intervention d’un vindex (1.4). Celui-ci se substituera au vocatus et prendra sa place dans le déroulement de la procédure (comme il peut se substituer au damnatus à l’heure de l’exécution du jugement : 3.3). L’existence d’une manus iniectio extrajudiciaire, dite vocati, a été soutenue notamment par Noailles (1942-2) 169-186 ; même position, ferme et convaincante, d’Albanese (1987) 34-41, que nous suivons. 4. – 2. La comparution du vocatus doit suivre sans délai la citation à comparaître. Aucune excuse, telle l’âge ou la maladie (recevables cependant pour repousser le déroulement de la procédure : XII T. 1.3) ne peut entraver ou retarder la comparution devant le magistrat, une fois l’in ius vocatio engagée. Le vocatus ne peut obtenir un report d’audience, même par une promesse dûment garantie. Dès que la vocatio est enclenchée, elle doit se dérouler jusqu’à son terme par la comparution des deux parties devant le magistrat. À une époque avancée (Ier s. ap. J.-C.), il en restera de même : si les parties s’entendent pour retarder l’in ius vocatio, la promesse du défendeur de comparaître à une date fixe (vadimonium : 1.10) doit nécessairement précéder l’in ius vocatio. Reportée, la citation en justice se déroulera alors au jour convenu entre les parties (Wolf [1985-1] 59 s.). Après avoir obéi à la vocatio et s’être présenté devant le magistrat, l’adversaire cité peut, in iure, obtenir avec l’agrément du magistrat qu’un tiers (vindex : 1.4) intervienne et suspende les effets de la vocatio. Cette intercession libératoire implique que le vocatus se soit laissé préalablement conduire au tribunal, de plein gré ou sous la contrainte d’une manus iniectio.

I. 2 – 3

1.  2  – : SI CALVITVR PEDEMVE STRVIT, MANVM ENDO IACITO. SI MORBVS AEVITASVE [VITIVM] ESCIT, [QVI IN IVS 1. 3 – :  VOCABIT] IVMENTVM DATO. SI NOLET, ARCERAM NE STERNITO.

2 – : S  ’il (= l’adversaire) cherche à tromper ou oppose de la résistance, qu’il (= le plaignant) mette la main sur lui.



3  – : S  ’il (= l’adversaire) est malade ou âgé, qu’il (= le plaignant) fournisse un attelage. S’il (= l’adversaire) refuse, qu’il (= le plaignant) n’équipe pas un véhicule couvert.

Sources principales a) Festus v° Struere 408-410 L : Struere, antiqui dicebant pro adicere, augere [...] aut in XII quod est ‘Si calvitur pedemve struit, manum endo iacito’, alii putant significare retrorsus ire: ali in aliam partem: ali fure : ali gradum augere: ali minuere ; +ac+ vix pedem pedi praefert, otiose it, remoratur. [« Les Anciens employaient le mot struere pour dire ‘ajouter’, ‘augmenter’... ; ou encore, selon ce passage des XII T., ‘Si calvitur pedemve struit…’, dont les uns pensent qu’il signifie ‘faire volte-face’, d’autres ‘partir dans une autre direction’, d’autres ‘fuir’, d’autres ‘précipiter sa course’, d’autres ‘traîner les pieds’ : celui qui met à peine un pied devant l’autre avance lentement et retarde »]. b) Festus v° Pedem struit 232 L : ‘PEDEM STRVIT’ in XII significat fugit, ut ait Ser. Sulpicius. c) Nonius Marcellus 1.10-11 (éd. Lindsay) : Calvitur dictum est frustratur : tractum a calvis mimicis, quod sint omnibus frustatui […] Lucilius Satyrarum lib. XVII : SI NON IT, CAPITO, inquit, EVM, et SI CALVITVR. Ergo fur dominum [...]. [« Calvitur signifie ‘tromper’; le mot vient des mimes chauves (calvi) qui trompent tout le

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temps… Lucilius au l. 17 de ses Satires, rapporte ‘S’il n’y va pas, qu’il le saisisse et s’il cherche à tromper’. Par conséquent le voleur (trompe) le propriétaire »]. d) Gaius libro primo ad legem duodecim tabularum D. 50.16.233 pr. : ‘SI CALVITVR’ : et moretur et frustretur. Inde et calumniatores appellati sunt, quia per fraudem et frustrationem alios vexarent litibus. [« ‘S’il trompe’ : de façon à retarder et à duper. D’où le nom des calomniateurs : ils persécutent les autres par des procès engagés par perfidie et fourberie »]. e) Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.11-29. (11) Favorinus – Si homo in ius vocatus morbo aut aetate aeger ad ingrediendum invalidus est, arcera non sternitur, sed ipse aufertur et iumento imponitur atque ex domo sua ad praetorem in comitium nova funeris facie effertur [...] (24) Sex. Caecilius Africanus – Sed cur tibi esse visa est inhumana lex omnium mea quidem sententia humanissima, quae iumentum dari iubet aegro aut seni in ius vocato ? (25) Verba sunt haec de lege ‘SI IN IVS VOCAT’ : ‘SI MORBVS AEVITASVE VITIUM ESCIT, QVI IN IVS VOCABIT, IVMENTVM DATO ; SI NOLET, ARCERAM NE STERNITO’. (26) An tu forte morbum appellari hic putas aegrotationem gravem cum febri rapida et quercera iumentumque dici pecus aliquod unicum tergo vehens? [...] (27) Hoc, mi Favorine, nequaquam ita est. Nam ‘morbus’ in lege ista non febriculosus neque nimium gravis, sed vitium aliquod inbecillitatis atque invalentiae demonstratur, non periculum vitae ostenditur. Ceteroqui morbum vehementiorem vim graviter nocendi habentem legum istarum scriptores alio in loco non per se ‘morbum’ sed ‘MORBVM SONTICVM’ appellant. (28) ‘IVMENTVM’ quoque non id solum significat, quod nunc dicitur; sed vectaculum etiam, quod adiunctis pecoribus trahebatur, veteres nostri ‘iumentum’ a iungendo dixerunt. (29) ‘ARCERA’ autem vocabatur plaustrum tectum undique et munitum quasi arca quaedam magna vestimentis instrata […]. [(11) (Favorinus : le peuple romain a abrogé par désuétude des lois inhumaines, à l’exemple de celle qui) « n’oblige pas à fournir un chariot couvert à l’homme que la maladie ou l’âge empêche de marcher et qui est appelé devant le tribunal ; elle ordonne de l’emporter juché sur une bête de somme et de le conduire de sa maison au comitium devant le préteur, comme si on le menait au bûcher… (24) (Sextus Caecilius Africanus) : Mais comment as-tu pu qualifier d’inhumaine la loi, à mes yeux la plus humaine de toutes, qui ordonne de fournir un iumentum au malade ou au vieillard cité devant le tribunal ? (25) Voici le texte de la loi : ‘Si…’. (26) Tu penses peut-être qu’il s’agit d’une maladie grave avec fièvre violente et que iumentum signifie bête de somme portant une charge sur son

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dos… (27) Il n’en n’est rien, mon cher Favorinus. La maladie dont parle la loi, n’est qu’une simple indisposition, sans fièvre, une faiblesse qui ne met pas la vie en danger. D’ailleurs, les auteurs de ces mêmes lois, pour désigner en un autre passage une maladie grave, n’emploient pas ‘morbus’ mais ‘morbus sonticus’. (28) ‘Iumentum’ n’avait pas non plus son sens actuel ; il signifiait un chariot traîné par des bêtes attelées, car nos pères ont formé ‘iumentum’ à partir de iungere (unies par un joug). (29) Arcera désignait un chariot couvert et fermé de tous côtés, une sorte de grand coffre tapissé d’étoffes… »]. Sources complémentaires – Pour la définition du morbus, qui n’est pas admis ici comme une excuse valable du refus de répondre à l’in ius vocatio (à la différence de 2.2 – ajournement d’instance) : Modestin. 9 different. D. 50.16.201.2. – Sur le sens de arcera : Varro ling. 5.140 : Arcera quae etiam in XII tabulis appellatur: quod ex tabulis vehiculum erat factum ut arca, arcera dictum. Echo de la norme décemvirale chez Varro Sat. Men. 188 (éd. J.P. Cèbe V) : Vehebatur cum uxore vehiculo semel aut bis anno : cum arceram, si non vellet, non sterneret. Non. Marcellus (55.3 Marx = 77 Lindsay) : Arcera: hoc autem vehiculi genere senes et aegroti vectari solent. – Sur la valeur de escit : Festus 68 L, au sens de erit. En réalité, il s’agit d’un indicatif présent avec suffixe inchoatif : Schöll 98 ; Fraenkel (1925) 444-445 ; Boscherini (1984) 50. Même valeur de escit = est dans 5.4 ; 5.5 ; 5.7 a. ; 10.8. – Endo, archaïque pour in : cf. 3.4 ; Ennius Ann. 238. Utilisé comme préfixe dans 8.13 : endoplorato (= inplorato). Reconstitution Depuis Dirksen 144-148, suivi par Schöll 115 et toutes les éditions modernes, la citation de Festus (source a) est préférée à celle de Lucilius (source c) pour la reconstitution du texte. Mais il faut savoir que la fin de la citation chez Lucilius, obscure et probablement corrompue sous la forme ergo fur dominum, a donné lieu à plusieurs tentatives d’amélioration. La plus séduisante revient à Louis Carrion (Libri emendationum, Paris 1583, 2.12, p. 55) qui, au prix d’une légère correction suggéra : endo ferto manum. Le précepte décemviral aurait donc été formulé ainsi : SI CALVITVR…, ENDO MANVM FERTO et rejoindrait, par son sens, avec ferto au lieu de iacito, le témoignage de Festus. Carrion fut suivi par D. Godefroy (1586), P. Merula (fin 16e), J.  Godefroy (1616, puis 1653). Dirksen a adopté cette lecture de Lucilius, mais préféra le texte de Festus, qui semble bien rapporter les ipsissima verba du code décemviral.

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La citation du texte par Aulu-Gelle (source e) donne : ‘si morbus aevitasve vitium escit’. Mais Fraenkel cit. 442-445 a montré que vitium au sens de défaut créant un empêchement est impossible à l’époque des XII T. et doit être une glose postérieure, peut-être due à Gell. Mommsen (Gesam. Schr. I, 232) avait déjà condamné vitium à propos de 2.2. Les éditeurs, depuis Schöll 116, considèrent comme une glose l’inutile précision, chez Gell., ‘qui in ius vocabit’. On peut ainsi proposer la reconstitution suivante  : 1.2  : SI CALVITVR PEDEMVE STRVIT, MANVM ENDO IACITO – 1.3 : SI MORBVS AEVITASVE ESCIT, IVMENTVM DATO. SI NOLET, ARCERAM NE STERNITO. Commentaire 1. – Calvi, pedem struere Calvi, au sens de ruser, ergoter, chercher une échappatoire afin de retarder l’in ius vocatio est confirmé par Gaius dans son commentaire à la loi (source d). Le rapprochement avec calumnia se retrouve de même chez Priscianus, gramm. II, 506 (éd. Keil) ; v. de même Boscherini (1970) 51-59, mais avec des déductions juridiques impossibles. Pour Bréal (1899), calvi, chicaner, forgé sur calumnus, doit être rapproché de καλούμενος, le plaignant (l’accusateur conduit directement au chicaneur). Ce serait un exemple d’emprunt de la langue décemvirale au grec. Si Festus donne à pedem struere le sens, parmi d’autres, de tenter de fuir, le sens primitif a dû, plus certainement, être celui de résister, au sens propre de traîner les pieds pour ne pas avancer. On a proposé de traduire plus généralement par ‘offrir de la résistance’. 2. – Manum endo iacito La difficulté soulevée par le verset 1.2 porte sur la nature juridique de cet ordre. La doctrine moderne, divisée, suit schématiquement trois axes d’interprétation. 2. – 1. La manus iniectio (m.i.) accordée au plaignant sur la personne du vocatus récalcitrant n’aurait rien de commun avec la procédure légale d’exécution du même nom, organisée par la loi (3.2) contre celui qui, ayant avoué sa dette (confessus in iure) ou ayant été condamné par un jugement (iudicatus damnatusque), n’exécute pas la sentence. Tout séparerait ces deux m.i. : nature, caractère et effets. Celle que le plaignant exercerait contre le vocatus rétif commencerait après l’acte d’arrestation (im capito), après l’appel aux témoins (antestari). Elle tend à traîner de force le vocatus devant le tribunal, mais ses effets cesseraient une fois ce résultat obtenu, avant et hors toute

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intervention du magistrat. Il ne s’agirait pas d’une procédure légale, d’une ‘action de la loi’ au sens technique, mais d’une appréhension privée admise par la loi. Ses origines remonteraient à l’âge reculé encore dominé par la justice privée ; puis l’initiative privée aurait été réduite au pouvoir de traîner de force l’adversaire devant le tribunal. Le manum endo iacito n’établirait qu’une fausse similitude avec la m.i. proprement dite. Malgré l’identité des termes, rien ne les unirait. Ainsi, très vigoureusement, Lenel (1881) 43-54 = 309-320 ; Kaser AJ 191-201 ; Gioffredi (1955) 88-91 ; Lévy-Bruhl (1960) 164-166, 284286 ; Pugliese (1962-1) 254 et n. 60 ; Kaser RZPR1 (1966) 48 et n. 12 ; Kaser-Hackl RZPR2 (1996) 66-67 (plus nuancé). Même prudence chez Talamanca (1987) 9. 2. – 2. À l’opposé, une autre conception refuse de donner à la même expression, manus iniectio et manum injicere, des natures et des portées si divergentes. Elle voit donc dans la m.i. organisée contre le vocatus une procédure contraignante susceptible de conduire à l’exécution sur la personne, comme la m.i. décrétée contre le iudicatus. La m.i. sur le vocatus se déroulerait ainsi : d’abord une saisie privée (im capito : 1.1), entourée de témoins, conduit de force le vocatus in ius. Puis, si, par sa passivité, ses dérobades, ses tentatives de fuite, son esprit de chicane, ce dernier refuse de collaborer au rituel processuel et le bloque inexorablement, le magistrat accorde la m.i., c’est-à-dire la saisie du vocatus avec toutes ses conséquences décrites au verset 3.2. Comme à l’encontre du iudicatus, le plaignant pourra emmener le vocatus rebelle chez lui (secum ducito), l’enchaîner (vincito), le vendre… Selon cette théorie, il n’y aurait qu’une seule m.i., toujours judiciaire, car se déroulant nécessairement in iure. Sans l’imperium du magistrat, point de pouvoir d’emmener, ni d’enchaîner. Il n’y aurait de saisie privée qu’avant la production devant le magistrat : il s’agirait d’une captio et non de la m.i. proprement dite. Ainsi Karlowa (1872) 321 ; Albanese (1987) 36-47 ; Id. (1998-3) 25-28 = 551-554. 2. – 3. Noailles a suggéré en 1942, 169-186, une voie médiane. La m.i. vocati serait une procédure technique, une action de la loi comme la m.i. iudicati, mais extrajudiciaire. Elle se déroulerait hors de la présence du magistrat et puiserait sa force dans l’efficacité rituelle de ses formes. Elle n’aurait d’ailleurs que des effets limités : entraîner de force l’adversaire devant le magistrat. Au contraire, la m.i., aux effets plus étendus (pouvoir de secum ducere et d’exécution sur la personne), serait judiciaire, autorisée par le magistrat. 2. – 4. Aucune de ces interprétations n’échappe à des objections. Il est très difficile d’admettre avec la première et la troisième que, sous le même nom de m.i., deux procédures sans rien de commun se définissent.

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De plus il est inconcevable que les effets contraignants de la m.i. dite vocati cessent avec la présentation du vocatus devant le magistrat. Car, comment vaincre la résistance passive de l’adversaire cité, comment le contraindre à participer activement aux rites de l’action (notamment pour le sacramentum), sans lesquels il ne peut y avoir ni condamnation par défaut, ni jugement ? Ainsi justement, Albanese cit. Comme l’a bien vu la seconde interprétation, il est nécessaire d’étendre les effets de la m.i. au-delà de la comparution.  Seule celle-ci permettra au magistrat de prononcer l’addictio du vocatus, en accordant au plaignant les mêmes droits que si son adversaire avait avoué (confessus) ou avait été condamné (iudicatus). L’intervention d’un vindex (1.4), nécessairement in iure (cf.  1.4), interrompra les effets de la m.i. subie par le vocatus. On tient là une preuve décisive : la m.i. vocati prolonge ses effets (ou sa menace) au-delà de la présentation in ius du vocatus. Par contre, il est inexact, comme le voudrait la seconde interprétation, de retarder les débuts de la m.i. contre le vocatus, et qu’il est légitime d’appeler vocati, pour la distinguer de celle qui s’abattra sur le iudicatus damnatusque, après la comparution devant le tribunal. Les sources, unanimes, prouvent que l’appel aux témoins est destiné à justifier la saisie privée, qui reste un élément fondamental de la m.i. On proposera donc le schéma suivant : 2. – 5. Conclusion En cas de résistance du vocatus, la loi permet au plaignant, en un premier mouvement, de retenir son adversaire (im capito). Ce n’est pas encore la m.i. Celle-ci débute une fois les témoins appelés et les formules prononcées. Cette saisie, purement privée en sa première étape, se retrouve dans tous les autres cas de m.i. : iudicati, au profit de celui qui a gagné son procès (3.2 : in ius ducito ; la partie triomphante a le pouvoir d’user de la force privée pour conduire le condamné en justice à reparaître devant le magistrat). De même au profit de celui dont la créance est née d’un acte per aes et libram (un nexum, par ex. : 6.1). Mais que la m.i. soit vocati, iudicati ou pro iudicato, ses effets ne s’arrêtent pas là. Le magistrat intervient ensuite. Il prend le relais du particulier et convertit la saisie, jusque-là privée, en une procédure d’exécution sur la personne. La loi, à l’occasion de la m.i. iudicati (3.2-6) a scrupuleusement décrit toutes les phases de l’exécution personnelle. Il ne fait aucun doute qu’elles s’appliquent aussi au nexus, assimilé, à l’échéance de sa dette, à un débiteur judiciairement condamné : sous le contrôle du magistrat, in iure, le créancier exerce, mais sans jugement, le pouvoir d’emmener, enchaîner, de vendre … Il n’y a aucun motif à vider la m.i. vocati de cette efficacité. Car, pour vaincre l’obstination du vocatus, plus périlleuse que son refus de marcher spontanément vers le tribunal,

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il faudra nécessairement une addictio, inhérente à la m.i. sous toutes ses formes. Il n’y a pas deux ou trois types de m.i., mais un seul. Qu’elle s’applique à un vocatus récalcitrant, reluctans, à un iudicatus insolvable, à un nexus incapable de restituer le prêt, la m.i. se décompose en deux moments : une saisie privée, préalable à la présentation devant le magistrat et nécessaire ; puis l’intervention de ce dernier. C’est à lui seul qu’il appartient d’approuver le bien-fondé de la saisie et d’en ordonner éventuellement la poursuite. La m.i. répond à une vocation originale : elle conduit à l’exécution sur la personne sans qu’un jugement soit prononcé. Soit parce que ce jugement a déjà été prononcé (cas du iudicatus et du confessus assimilé : 3.1-6), soit parce que le vocatus a empêché qu’un jugement soit prononcé (1.1-2), soit parce que l’acte obligatoire dispense de recourir à un jugement (cas du nexus, 6.1, ou du vol flagrant, 8.14). La m.i. n’est certainement pas une invention des XII T. Mais en réglementant la saisie du vocatus et en l’assortissant d’une sanction légale, la loi a proscrit toute résistance : que celle-ci se fonde sur la force, la pression familiale ou sociale, ou l’intervention d’une autorité publique (magistrat ou tribun). Cf.  par opposition : Liv. 3.11.3 et Dion. Hal. 10.5-7 (avant les XII T.) et Liv. 3.44.8-9 (après les XII T.). Le commandement décemviral fut respecté. L’histoire, riche en plaintes de débiteurs saisis et enchaînés, n’offre pas d’exemple de résistance à l’in ius vocatio. 3. – Arceram ne sternito. Morbus aevitasve Le sens de la prescription si nolet, arceram ne sternito est obscur. On peut comprendre (avec Gell.) : si le vocatus âgé ou malade refuse l’attelage que la loi impose de mettre à sa disposition, le plaignant ne sera pas obligé de fournir un véhicule luxueux. Mais, grammaticalement, on peut aussi bien comprendre : ‘si le plaignant refuse de fournir au vocatus une arcera, la loi ne l’y forcera pas’ (si nolet , arceram ne sternito). La prescription aurait donc pour objet de limiter l’obligation du plaignant à fournir un iumentum et non une arcera. Le choix entre ces deux interprétations reste ouvert ; mais il est certain que le sens primitif d’arcera (Non. Marc., sources compl.) n’est pas un véhicule luxueux (ainsi chez Gell.), mais un moyen spécialement affecté au transport des vieillards et des malades (une sorte de litière couverte). L’hypothèse de Bürge (1993) est ingénieuse, mais fragile ; elle tend à donner à arceram ne sternito un sens positif (‘si le vocatus refuse le iumentum, que le plaignant lui fournisse une arcera’). Aucun argument d’ordre syntaxique n’étaye cette hypothèse ; il est certain qu’il n’y a pas double négation ici. Ne sternito ne dépend pas de si nolet.

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Morbus aevitasve : on remarque une différence entre 1.3 et 2.3. Alors que la maladie est une cause légitime d’ajournement pour le déroulement de l’action elle-même, devant le magistrat ou le iudex, elle ne l’est pas pour la comparution du vocatus. La différence entre maladie légère et maladie grave (morbus sonticus) pour justifier cette différence (Gell., source e) est inconsistante. Mais celle-ci s’explique par la nature de la vocatio (simple présentation devant le magistrat et communication au vocatus du motif du litige, avec fixation de la date de l’audience), bien différente de la phase contentieuse elle-même, riche de rites et de déclarations formalistes, dont on ne peut demander l’accomplissement à un malade.

I. 4

1. 4 – : ADSIDVO VINDEX ADSIDVVS ESTO ; PROLETARIO CVI QVIS VOLET VINDEX ESTO.

:  Qu’un propriétaire soit libéré par un propriétaire. Qu’un citoyen prolétaire soit libéré par le citoyen qui le voudra.

Sources principales a) Gellius Noctes Atticae 16.10.2,5-6,15 : (2) Tum ibi quaeri coeptum est, quid esset proletarius […] (5) Nam Q. Ennius verbum hoc ex duodecim tabulis vestris accepit, in quibus, si recte commemini, ita scriptum est : ‘ADSIDVO VINDEX ADSIDVVS ESTO. PROLETARIO CVI QVIS VOLET VINDEX ESTO’(1). (6) Petimus igitur, ne annalem nunc Q. Ennii, sed duodecim tabulas legi arbitrere et, quid sit in ea lege PROLETARIVS CIVIS(2), interpretere. [...] (15) ADSIDVVS in XII tabulis pro locuplete et facile facienti dictus aut ab assiduis id est aere dando, cum id tempora reipublicae postularent, aut a muneris pro familiari copia faciendi adsiduitate. [« (2) On en vint à la question : qu’est-ce qu’un proletarius? … (5) Ennius a pris ce mot dans vos XII T., où, si j’ai bonne mémoire, il est écrit ‘adsiduo…’. (6) Supposons maintenant qu’au lieu des Annales d’Ennius, on lise la loi des XII T. : explique-nous ce qu’est un citoyen prolétaire dans cette loi … (15) Adsiduus dans les XII T. se dit d’un homme riche, qui a les moyens. Ce nom dérive de ‘donner de l’argent’ (assem dare), ce que l’on faisait quand l’État l’exigeait, ou de adsiduitas, du fait de leur constance à remplir leur devoir du fait de l’abondance de leurs ressources »]. (1) Les ms. donnent, les uns, proletario cui quis volet, les autres proletario iam civi cui quis volet. Nous suivons la correction minime de P.K. Marshall (éd. Oxford 1968). Il ne fait pas de doute que, pour Gell., le texte décemviral donnait la valeur d’un adjectif à proletarius et contenait PROLETARIVS CIVIS, cité ainsi la deuxième fois. Pour d’autres restitutions : Schöll 116 (proletario iam civi quis volet vindex esto), suivi encore par Albanese (1998-3) 543-545, puis par De Simone (2014) ; W. Heraeus, in Rh. Mus. 82 (1933) 315-324 ; Wieacker (1956) 464 ; Radke (1970) 223 s. (2) La précision CIVIS accolée à PROLETARIVS doit être admise. On s’explique qu’elle ne figure pas pour l’adsiduus : à l’égard de ce dernier, la condition de la citoyenneté, nécessaire pour accéder à la propriété du sol, est implicite, à la différence du non-propriétaire, proletarius. La loi ne s’est souciée de l’intervention libératoire d’un vindex que pour le proletarius citoyen et non pour le vocatus hostis,

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l’étranger jouissant du commercium et appelé à comparaître devant le magistrat romain (cf. 2.2 ; 6.4).

b) Cicero Topica 10 : Tum notatio, cum ex verbi vi argumentum aliquod elicitur, hoc modo ‘cum lex adsiduo vindicem adsiduum esse iubeat, locupletem iubet locupleti’. Is est enim adsiduus, ut ait L. Aelius, appellatus ab asse dando. [« L’étymologie tire argument de la valeur d’un mot. Ainsi : ‘Puisque la loi dispose que celui qui intervient pour libérer un propriétaire soit également propriétaire, elle prescrit de même qu’il soit riche, s’il libère un riche’. Car, comme le dit Aelius, adsiduus vient de asse dando »]. c) Nonius Marcellus 93-94 L : Proletarii dicti sunt plebei, qui nihil rei publicae exhibeant, sed tantum prolem sufficiant... Varro De vita populi Romani lib.1 quibus erant pecuniae satis locupletis, adsiduos; contrarios proletarios. Adsiduo neminem vindicem voluerunt locuplet. [« Sont appelés proletarii les plébéiens qui n’offrent à l’État rien d’autre que leur progéniture (proles). Varron, De vita pop. Rom. l.1, désigne du terme de locupletes, ou d’adsidui, ceux qui avaient une fortune suffisante, par opposition aux proletarii. Les Anciens n’acceptaient comme vindex pour un propriétaire qu’un individu qui fût lui-même propriétaire, c’est-à-dire riche »]. V. de même, Festus – Paul v° Adsiduus 8 L ; Cic. rep. 2.40. Sources complémentaires d) Festus v° Vindex 516 L : Vindex ab eo, quod vindicat, quo minus is, qui prensus est ab aliquo, teneatur. [« Le mot vindex vient de ce qu’il agit pour libérer (vindicare), de façon que celui qui est saisi par un autre soit relâché »]. e) Gaius libro primo ad legem duodecim tabularum D. 2.4.22.1 : Qui in ius vocatus est, duobus casibus dimittendus est : si quis eius personam defendet, et si, dum in ius venitur, de re transactum fuerit. [« Il faut laisser partir celui qui est cité à comparaître dans deux cas : si quelqu’un intervient pour prendre sa défense et si, alors que les parties sont en route vers le tribunal, elles transigent sur leur litige »]. f) Gell. 19.8.15 : Ite ergo nunc et … quaerite, an ‘quadrigam’ et ‘harenas’ dixerit e cohorte illa dumtaxat antiquiore vel oratorum aliquis vel poetarum, id

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est classicus adsiduusque aliquis scriptor, non proletarius. [« Allez donc et recherchez si quadrigae ne se rencontre pas au singulier ou arena au pluriel chez quelque orateur ou poète des temps anciens, à condition que celui-ci soit un écrivain qui ait de la classe et de l’autorité et qu’il ne soit pas perdu dans la masse des prolétaires »]. Commentaire 1. – Vindex L’étymologie en reste obscure. À côté du terme vindex, les XII T. connaissent VINDICERE (3.3), qui définit le rôle libérateur du vindex, et VINDICIA (12.3). On peut ajouter vindicare, vindicta, élément du rituel de la revendication. Si ces deux derniers termes ne sont pas attestés dans les fragments conservés de la loi, ils remontent certainement à l’âge décemviral. Les deux tentatives d’explication les plus répandues (voir, pour le détail, 12.3) se fondent : – l’une sur vin- (ombr. ven-) ou ve-, préfixe de négation, + dicere. Ainsi, notamment, Devoto (1934) 15-35 ; Id. (1963) 339. Cette hypothèse, pourtant juridiquement la plus fructueuse (et que nous adoptons), ne fut pas maintenue par son auteur lui-même, qui l’abandonna ensuite devant les critiques (injustifiées) de certains juristes. À la suite de Devoto, Gioffredi (1955) 92-95, 117 s. ; Lévy-Bruhl (1960) 42-43 ; Santoro (1967-2) 183-188. Selon cette interprétation étymologique, le vindex est celui qui ‘dit non’, qui conteste ou dénonce : en libérant le vocatus ou le iudicatus menacés, l’un ou l’autre, d’une manus iniectio. De même, le vindicans refuse la violence dont il est victime en tant que propriétaire dépossédé (rei vindicatio) ou dont est victime l’homme libre retenu esclave (vindicatio in libertatem : 6.7) ; la vindicia (12.3) est l’objet soumis à contestation.  – l’autre, qui garde encore de solides partisans et peut invoquer l’opinion (pourtant sans valeur) des Anciens (Gell. 20.10.10), voit au cœur des interventions du vindex une déclaration de violence (vim dicere). Le vindex serait celui qui dénonce la violence de son adversaire et conteste le bien-fondé de la manus iniectio (Mommsen, Röm. Gesch. I, 153) ; le vindicans : celui qui engage le combat judiciaire et dénonce la violence dont il a lui-même été victime. Ainsi, Düll (1934) 111 s.; Id. (1935) 9 s. ; Kaser AJ 194 ; Magdelain (1984) 263-268 ; Id. (1986) 20-22 (et bibliogr. compl. sous 12.3, Commentaire 1). Mais cette étymologie (vim + dicere) n’est pas acceptée par Ernout-Meillet, Dict. Etym.4, 737. Si la préhistoire du vindex a nourri de fécondes et invérifiables hypothèses (Düll, cit. ; Broggini [1959] 113-148 ; Magdelain, cit.), on trouvera un bon état de la question, pour les vieilles querelles, dans Maria (1895) et, pour les plus récentes, dans Pugliese (1962-1) 30, 60-61 ;

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Wesener (1971) 885-895 ; bibliogr. De Simone cit. Les pages consacrées au vindex par Noailles (1949) 143-176 restent décisives. L’intervention du vindex, dans les XII T., se situe à deux moments opposés de la procédure : 1. – 1. À son terme, comme moyen offert au iudicatus (3.3) d’obtenir in iure sa libération, alors que, n’ayant pas exécuté à l’expiration du délai légal, il a fait l’objet d’une manus iniectio. Le vindex le délivre définitivement (manum depellit : Gai. 4.21), mais il s’engage lui-même personnellement dans un nouveau procès avec le plaignant vainqueur (pro se causam agere solebat : il agit pour lui-même, et non comme un garant aux lieu et place du iudicatus – Gai. 4.21). Le vindex prend donc sur lui les risques de contester le bien-fondé du iudicatum (et d’être condamné au double). Cf. 3.3. 1. – 2. À son début, comme moyen d’interrompre les effets de la manus iniectio, à laquelle s’expose le vocatus refusant de répondre à la citation ou de collaborer à la procédure. Le vindex, là encore, s’engage personnellement envers le plaignant. Mais à quoi ? À rien, selon Demelius (1881) 3-13, qui soutint, sans grand succès, que le vindex n’avait pour rôle que d’interrompre provisoirement la saisie du vocatus. Tout au contraire, pour une grande partie de la doctrine (notam. Noailles cit.) soulignant la symétrie des deux rôles du vindex, celui-ci libère définitivement le vocatus. Le vindex n’est donc pas le garant de la comparution, remise à plus tard, du vocatus. Il se substitue à celui-ci (à la différence du garant du vadimonium). Le vindex reporte sur lui-même l’action et se soumet au risque d’être condamné. Favorables à cette extinction de l’action contre le vocatus et à cette substitution de personnes : Noailles cit. 167-170 ; Gioffredi (1955) 92-93 ; Broggini cit. 144-145 ; La Rosa (1962) 314-317 ; Albanese (1987) 38-40. Différem. : Lenel (1904) 232-254 ; Id., EP3, 67 (après de nombreux flottements) et Kaser (1962-2) 100-103 ; Id., RZPR1, 48-50, au profit d’une solution médiane (à notre sens moins vraisemblable) : le vindex ne libérerait le vocatus que provisoirement et ne prendrait pas à son compte la défense de ce dernier. Il n’encourrait sa propre responsabilité (pénale ?) que pour le cas où le vocatus, bénéficiant d’un report d’instance grâce à l’intervention libératoire du vindex, ne se présenterait pas in iure. La fonction du vindex étant de se substituer au vocatus, il assume le risque d’être condamné à sa place. D’où l’exigence d’une solvabilité (adsiduus) identique. 2. – Adsiduus, proletarius Les conditions de solvabilité posées par le verset 1.4 se retrouvent, en des termes rajeunis, dans la lex de Gallia Cisalpina, c. XXI, 23 :

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vindex locuples, pour le vindex du vocatus (FIRA I, 174 ; Rom. Stat. I, 466), et dans la lex colon.  Genet., c. LXI, 4  (FIRA I, 179 ; Rom. Stat. I, 400) : vindex locuples esto, pour le vindex du iudicatus accepté par le magistrat de la colonie. Gaius 2 ad leg. XII tab. D. 50.16.234.1 définit le terme locuples : qui satis idonee habet pro magnitudine rei, quam actor restituendam esse petit. Il s’agit du vindex des XII T. ; mais de celui du vocatus (1.4) ou celui du iudicatus (3.3) ? La présence de la définition au l. 2 du commentaire incite à rattacher celle-ci plutôt à 3.3 ; v. Albanese (1998-3) 558-559. Le sens primitif d’adsiduus ne fait pas difficulté. C’est le propriétaire, résident sur son propre fonds, qui peut se prévaloir d’une fortune assise : Festus- P. v° Adsiduus 8 L : qui in ea re… quasi consedisse videatur ; Mommsen, Staatsr. III, 237-238 ; André (1976) 22-23 ; Radke (1981) 128, 135 et n.  98. Il s’agit donc de riches : d’où l’étymologie fausse, mais très répandue chez les Anciens : adsiduus ab asse ou ab aere dando (depuis Aelius Stilo : Cic. rep. 2.40 ; Top. 10 ; Quint. Inst. 5.10.55 ; Gell. 16.10.15). Les adsidui sont les premiers à avoir constitué la classis, lors de la création servienne (Cic. rep. 2.40). D’où leur nom de classici (Gell. 19.8.15). Kübler (1899) 2628 ; v. Bolla (1950) et Gell. (source f). Par contre, le sens originel de proletarius est moins sûr. Les auteurs anciens (Cic. rep. 2.40 ; cf.  Mommsen cit.) sont unanimes à rapprocher proletarius de proles, pour qualifier celui qui n’a pas d’autres biens que sa progéniture. De même Ernout-Meillet, Dict. Etym.4, v° alo, 24. Selon l’étymologie, à notre sens, beaucoup plus vraisemblable de Pagliaro (1967), 395 s. (avec analyse de toutes les hypothèses formulées) ; Id. (1971) : proletarius dériverait, à la suite d’une métathèse consonantique, d’un protelarius signifiant la ‘file de bêtes de somme’, puis le ‘migrant’, par opposition au citoyen stable. L’opposition serait ainsi marquée entre le citoyen installé et propriétaire et le citoyen venu de l’extérieur, sans possession stable. Cette étymologie a été notam. repoussée par Richard (1978-2) 438 s. et par Albanese (1998-3) 563. Ce dernier savant a en particulier suggéré d’éclairer la condition du proletarius en la confrontant au statut (opposé) de l’inprolis (selon Festus 96 L, qui nondum esset adscriptus in civitate) : le proletarius serait donc celui qui vient d’acquérir la citoyenneté (proletarius iam civis). Quoi qu’il en soit, il est certain que, dans l’esprit des décemvirs, adsiduus et proletarius sont deux catégories antinomiques mais susceptibles de contenir tous les citoyens. Les difficultés majeures apparaissent quand on tente de replacer l’opposition propriétaire foncier et non propriétaire, certainement au cœur de l’antithèse originelle adsiduus-proletarius, sur les réalités politiques du Ve s. La thèse de Mommsen cit., qui pensait identifier les adsidui aux tribules et ne placer dans les tribus (donc dans les centuries,

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donc dans l’armée) que les propriétaires fonciers jusqu’à la censure d’Appius Claudius de 312, a été définitivement ruinée par Fraccaro (1933) ; Id. (1934), puis par Last (1945) 39-40 : les adsidui et les non propriétaires sont tous, dès le VIe s., inscrits dans les tribus. Les plus riches, que leur fortune soit foncière ou mobilière, font partie de la classis ou des premières classes. Les proletarii ne sont donc pas les non propriétaires fonciers, mais les individus dénués de toute fortune (et pour cette raison placés parmi les non combattants). Différem. Richard (1978-1) 367-373. Il ne nous paraît pas possible d’exclure tous les non propriétaires fonciers fortunés des rangs de l’armée servienne et de celle du Ve s. (ainsi, à juste titre, Last). On est donc contraint : – ou d’admettre que, dès 450, le terme d’adsiduus aurait perdu sa connotation foncière et serait devenu synonyme de locuples ; et que proletarius serait, de même, passé du sens de non propriétaire à celui de démuni, équivalent aux capite censi. Nous ne pensons pas cette interprétation acceptable : l’opposition rigoureuse, dans notre verset, entre adsiduus et proletarius reflète le fossé que le législateur a voulu maintenir entre le propriétaire foncier et le non propriétaire. – ou de penser que, pour des raisons rigoureusement techniques de solvabilité immédiatement constatables, les décemvirs se sont laissés guider, dans le choix d’un vindex, par le critère simpliste des ‘biens au soleil’. Pour distinguer les riches, solvables par définition, des individus de fortune douteuse, ils ont retenu l’archaïque distinction des propriétaires et des non propriétaires de terre. Ils se sont aidés pour cela d’un langage désuet, dont il serait vain de chercher une confirmation dans les institutions politiques du Ve s. C’est, à notre sens, l’hypothèse de loin la plus vraisemblable. Ce n’est plus que dans le domaine très limité de la constitution (contrôlée par le magistrat) d’un vindex, que la distinction adsiduus – proletarius conserva sa première signification. À l’époque de Gell. 16.10.7 (cf.  1.10), elle n’est plus comprise. Quant à l’organisation centuriate ou servienne, elle avait, plus d’un siècle avant les XII T., fondamentalement rejeté la distinction adsiduus – proletarius et ouvert l’honneur de combattre aux riches, aux classici, qu’ils fussent propriétaires fonciers ou non. Bibliogr. compl. : Albanese (1998-3) ; De Simone (2014) 107-108.

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1. 5  – : NEX FORTI SANATIQ...

: Que les Forcti et les Sanates (aient accès?) au nexum et au mancipium  …

Sources a) Festus v° 426 – 428 L : ti appellat ....... dici inferio ..... ut Tiburtes .... populo Tibur, idem .... riorisque loci .... in XII : ‘NEX(1).... FORTI SANATIQ .... id est bonor .... cos Latinos .... [...]. Ne Valerius in XII explanatio …. […] forc …. duas gentis finitimas …. egem hanc scrip …. ut id IVS MAN quod populu>s Romanus haberent. …. RCTOS ET SANA …. nificare …. (1) Ainsi Lindsay. Il est préférable de lire NEX et de ne pas se laisser influencer par l’expression, assurément anachronique, de Messala qui a traduit un très probable ‘nexum mancipiumque’ authentique par ‘ius mancipii nexique’, pour exprimer l’accès à l’acte du nexum et du mancipium. On ne peut attribuer aux décemvirs un concept tel que le ‘droit du nexum et de la mancipatio’.

b) Festus v° Sanates 474 L : Sanates dicti sunt, qui supra infraque Romam habitaverunt. Quod nomen his fuit, quia cum defecisset a Romanis, brevi post redierunt in amicitiam, quasi sanata mente. Itaque in XII cautum est, ut idem iuris esset Sanatibus quod Forctibus, id est bonis, et qui numquam defecerant a populo Romano. [« On appelle Sanates ceux qui ont habité au-dessus et au-dessous de Rome. Leur nom leur vient de ce que, après avoir fait défection, ils revinrent rapidement dans l’amitié du peuple romain, faisant preuve, peut-on dire, d’un esprit sain (sanata). C’est pourquoi les XII T. ont décidé qu’ils jouiraient du même droit que les Forctes, autrement dit que les ‘bons’, et que tous ceux qui n’ont jamais fait défection d’avec le peuple romain »].

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c) Festus – Paul v° Forctes 74 L ; v° Horctum 91 L : (74 L) : Forctes, frugi et bonus, sive validus. (91 L) : Horctum et forctum pro bono dicebant. Reconstitution Un lemme de Festus, exceptionnellement long (426-428 L), mais terriblement mutilé, traitait des Sanates et des Forcti, deux peuples voisins de Rome et jouissant d’une situation juridique privilégiée. À deux reprises, Festus y évoque une disposition des XII T. – dont l’une commentée par M. Valerius Messala –, relative au statut de ces peuples. Il est impossible de reconstituer la lettre de cette disposition.  Mais il est très vraisemblable qu’elle portait sur le nexum mancipiumque, normalement soudés par la loi (6.1) et comme on peut le déduire de deux passages cumulés de la source a. De ces débris, on peut encore retenir que ces peuples, cités par Festus parmi les Prisci Latini, ont joui d’une situation enviable (peut-être après avoir fait deditio), même si leur nom se prêtait à des jeux de mots faciles (Sanates  = sanata mente ; Forctes = fortes). La prudence de Bruns (suivi par FIRA) qui n’osa pas intégrer dans le texte décemviral lui-même le complément (nex Forti Sanati) qu’il avait adopté pour le texte de Festus (Bruns II7, 35) nous paraît justifiée. La reconstitution de Festus par Bruns fut d’ailleurs jugée phantasiereich par Kaser AJ 12 n.  5, qui releva à juste titre l’inconvenance d’une expression telle que ‘ius nexi’ à l’époque décemvirale. D’où la restitution différente que nous proposons. Le précepte, par sa teneur, devait étendre aux Forcti et aux Sanates (Sanati), les actes fondamentaux du ius civile, notamment le nexum mancipiumque. On pourrait penser alors à une expression telle que : NEXVM MANCIPIVMQVE FORCTI SANATIQVE CVM POPULO ROMANO HABENTO Commentaire L’emplacement de cette loi dans la Table 1 est purement conventionnel. On pourrait (à partir de critères modernes, sans plus de valeur) la placer dans la Table 6. On peut seulement se prévaloir de l’argument fragile tiré d’Aulu-Gelle (16.10.8), qui cite, parmi les curiosités les plus archaïques et déconcertantes des XII T. (cf. 1.10), les Sanates après les adsidui et les proletarii, mais avant les vades, subvades et les 25 as de l’iniuria … Les tentatives pour percer le mystère de l’identité de ces deux populi, les Forcti et les Sanates (ou Sanati) sont dues essentiellement

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à Hülsen (dans Gradenwitz, Die Gemeindeordonnanzen der Tafel von Heraclea, in Heidelberg. Sitzungsb. 14 [1916] 53) et à Rosenberg (1919) 127-132. Le premier a soutenu à juste titre que ces deux cités, proches de Rome, donc situées dans le Latium, devaient nécessairement figurer dans la liste plinienne des populi Latini (nat. 3.69). Il ne fait guère de doute qu’ils s’y trouvent sous les noms de Foreti et Manates, qu’une légère correction doit rétablir en Forcti et Sanates (les Manates sont à leur place selon l’ordre alphabétique dans la liste de Pline). Rosenberg (ainsi que Philipp (v° Manates, in RE 14 [1928] 985-987) suit Hülsen et va plus loin. Estimant que ces populi (dont l’identité était mystérieuse pour les Romains eux-mêmes : d’où les discussions de Messala) ont dû être suffisamment significatifs pour avoir bénéficié d’une extension (exemplaire ?) du commercium par les XII T., il suggère de manière hypothétique, d’y voir le nom de populi repris ensuite par une cité connue (sur le type des Laurentes – Lavinium ; Quirites – Roma, Rutilii – Ardea) et propose de reconnaître Tibur ou les Tiburtes dans les Sanates et, dans les Forcti, Gabii (liée à Rome par le fameux foedus Gabinum). V. encore Catalano (1965) 111-115, 125 ; Grandazzi (1999). La lecture minimale du témoignage de Festus, malgré toutes ses lacunes, permet cependant d’affirmer, avec d’autres témoignages (2.2 ; 6.4) que certains pérégrins, Latins ou non, dans la mesure où ils jouissaient du commercium, avaient accès, non seulement aux legis actiones, mais aux actes du ius civile tels que les actes per aes et libram (nexum, mancipatio) (6.1 ; 6.4). Cf.  Kaser (1953) 282-286 ; Id. (1988) 145-146 ; Guarino (1973) 268 ; Luraschi (1979) 281 ; Kremer (2005) 194-195.

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1. 6 – :  REM, VBI PACVNT, ORATO. NI PACVNT, IN COMITIO AVT IN FORO. 1. 7 – : ANTE MERIDIEM CAVSAM COICIVNTO. TVM PERORANTO AMBO PRAESENTES. 1. 8 – : POST MERIDIEM PRAESENTI LITEM ADDICITO. 1. 9 –  :  SI AMBO PRAESENTES, SOL OCCASVS SVPREMA TEMPESTAS ESTO. 6 – : Qu’ils engagent l’affaire au lieu que leur accord aura choisi. S’il n’y a pas eu accord, ce sera au forum ou au comitium. 7 – : Qu’ils exposent, avant midi, le motif de leur différend. Puis qu’ils débattent au fond, tous deux étant présents. 8 – : Passé midi, qu’il (= le juge) tranche le litige en faveur de celui qui se sera présenté. 9 – :  S’ils sont tous deux présents, que le coucher du soleil marque l’heure ultime. Sources principales a) Rhetorica ad Herennium 2.20 : Ex pacto ius est, si quid inter se pepigerunt, si quid inter quos convenit. Pacta sunt, quae legibus observanda sunt, hoc modo : ‘REM VBI PAGVNT, ORAT; NI PAGVNT, IN COMITIO AVT IN FORO ANTE MERIDIEM CAVSAM CONICITO’. [« Le droit peut naître d’un pacte, si deux parties ont établi entre elles un accord ou une convention. Il y a des pactes dont les lois imposent le respect, sur ce type : ‘Qu’il engage l’affaire…’ »]. La ponctuation résulte d’une lecture dépassée du texte de la loi : infra Reconstitution 2. La citation est confirmée par Priscianus, Inst. Gramm. 10.32 : Sed antiqui ‘pago’ quoque dicebant pro ‘pasciscor’. Cicero in II ad Herennium : ‘pacta sunt quae legibus observanda sunt, hoc modo : REM VBI PAGVNT +ORATIONI+ PAGVNT’. b) Cicero Pro Murena 27 : Iam illud mihi quidem mirum videri solet tot homines tam ingeniosos post tot annos etiam nunc statuere non potuisse, utrum ‘diem tertium’

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an ‘perendinum’, ‘iudicem’ an ‘arbitrum’, ‘rem’ an ‘litem’ dici oporteret. [« Je reste stupéfait que tant de personnes aussi intelligentes n’aient pu, depuis tant d’années, décider s’il fallait employer ‘surlendemain’ ou ‘après-demain’, ‘juge’ ou ‘arbitre’, ‘procès’ ou ‘litige’ »]. c) Quintilianus Institutio oratoria 1.6.11 : Nam cum legeremus in XII tabulis ‘NI ITA PAGVNT’, inveniebamus simile huic ‘cadunt’ ; inde prima positio, etiamsi vetustate exoleverat, apparebat ‘pago’ ut ‘cado’. [« En lisant dans les XII T. ‘ni ita pagunt’, j’étais conduit par son analogue ‘cadunt’ à reconnaître que l’indicatif, tombé depuis en désuétude, était ‘pago’ comme ‘cado’ »]. d) Aulus Gellius Noctes Atticae 17.2.2,10 : (2) Velut haec verba ex Q. Claudii primo annali, quae meminisse potui, notavi, quem librum legimus biduo proximo superiore [...] (10) ‘Sole’ inquit ‘occaso’. ‘Sole occaso’ non insuavi vetustate est [...] In duodecim autem tabulis verbum hoc ita scriptum est : ‘ANTE MERIDIEM CAVSAM CONICIVNTO, TVM PERORANTO(1) AMBO PRAESENTES. POST MERIDIEM PRAESENTI LITEM ADDICITO. SI AMBO PRAESENTES, SOL OCCASVS SVPREMA TEMPESTAS ESTO’. [«  (2) J’ai noté de mémoire ces expressions du premier livre des Annales de Quintus Claudius, que je lisais il y a deux jours… (10) ‘Le soleil couché’, l’archaïsme n’est pas dénué de grâce. On trouve cette expression dans la loi des XII T. : ‘ Qu’avant midi…’ »]. (1) Les ms. : cum perorant, corrigé par Mommsen (suivi par Marshall, éd. d’Oxford) en tum peroranto.

e) Varro De lingua Latina 6.5 ; 7.51  : (6.5) Suprema summum diei, id ab superrimo. Hoc tempus XII tabulae dicunt occasum esse solis. (7.51) Supremum ab superrumo dictum ; itaque duodecim tabulae dicunt : SOLIS OCCASV DIEI SVPREMA TEMPESTAS ESTO. f) Festus v° Suppremum 396 L : Alias extrem …..in legibus XII: ‘SOLIS MA TEMPESTAS ESTO. g) Plinius Naturalis historia 7.212 : XII tabulis ORTVS tantum et OCCASVS nominantur : post aliquot annos adiectus est et MERIDIES, accenso consulum id pronuntiante,

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cum a curia inter Rostra et Graecostasim prospexisset solem ; a columna Maenia ad carcerem inclinato sidere supremam pronuntiavit, sed hoc serenis tantum diebus, usque ad primum Punicum bellum. [« Les XII T. ne mentionnaient que le lever et le coucher du soleil ; mais après un certain nombre d’années, on y inséra l’heure de midi, qu’annonçait un héraut des consuls, observant le soleil de la curie, en se plaçant entre les Rostres et la Graecostasis. Pour l’heure ultime, qu’il annonçait au moment où l’astre avait fini sa course, il se plaçait dans l’axe de la colonne Maenia et de la Prison.  Mais ce système, possible seulement les jours de soleil, dura jusqu’à la première guerre punique »]. h) Censorinus De die natali 23-24 : (23) Horarum nomen non minus annos trecentos Romae ignoratum esse credibile est; nam XII tabulis nusquam nominatas horas invenies, ut in aliis postea legibus, sed ‘ANTE MERIDIEM’ [...] (24) ... Hinc SVPREMA. Quamvis plurimi supremam post occasum solis esse existimant, quia est in XII tabulis scriptum sic : SOLIS OCCASVS SVPREMA TEMPESTAS ESTO’. [« (23) Il faut croire que pendant plus de trois cents ans, on ne connut pas, à Rome, le nom des heures ; en effet, on ne trouve jamais dans les XII T. les heures désignées par leur nom, comme, par contre, dans les lois postérieures, mais ‘avant midi’ … (24) Après vient la dernière heure (suprema), bien que plusieurs pensent que la dernière heure se place après le coucher du soleil, car il est écrit dans les XII T. : ‘que le coucher du soleil marque l’heure ultime’»]. i) Macrobius Saturnalia 1.3.14 : … Et mox suprema tempestas, hoc est diei novissimum tempus, sicut expressum est in duodecim tabulis : ‘SOLIS OCCASVS SVPREMA TEMPESTAS ESTO’. Source complémentaire j) Lex municipi Irnitani c. LXXXXI (tab. XB l. 11-15) : Itaque iis omnibus, de ea re et in eos dies in quos ex h(ac) l(ege) licebit, denuntiandi intra it municipium et mille passus ab eo municipio, aut ubi pacti erunt, diem diffidendi, iudicandi in foro eius municipi aut ubi pacti erunt, dum intra fines eius municipi [...]. [« C’est pourquoi, que tous, pour les litiges et aux jours où cette loi le permet, aient le droit de : notifier le jour de l’audience et fixer le lieu où elle se tiendra dans les limites de ce municipe ou dans un rayon de mille pas au plus, ou à l’endroit que les parties auront décidé par leur accord ; de procéder à un report d’audience ; de prononcer le jugement sur le forum de ce

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municipe ou au lieu que les parties auront décidé par leur accord, à condition que ce soit dans le territoire de ce municipe … »]. Reconstitution Les citations cumulées de l’ad Her. (source a) et de Gell. (source d) constituent une séquence cohérente d’une exceptionnelle valeur. Les points douteux sont peu nombreux. 1. – Il n’y a aucune raison de suspecter REM, établi par la citation irréprochable de l’ad Her., elle-même renforcée par sa reprise par Priscianus. On en trouvera la confirmation chez Cic. Mur. 27 (source b), dont les sarcasmes visant l’incapacité des juristes à distinguer des termes techniques pratiquement équivalents s’éclairent parfaitement à la lecture de la séquence décemvirale en question, qui utilise res d’abord, puis lis ensuite, pour qualifier l’action, l’affaire en litige, le procès. Il est établi, aujourd’hui (cf.  infra, le témoignage décisif de la loi d’Irni) que le sens de ubi pacunt ne peut être celui d’un pacte extinctif, transactionnel, qui mettrait fin à l’action, mais se réfère au lieu du litige, que les parties ont choisi au terme d’un accord. Rem ne peut plus passer pour le complément de pacunt, mais d’orato. D’où la nécessité d’insérer (pour le confort moderne de la lecture) une virgule après rem. Sur le sens d’orare, infra. 2. – PAGVNT : orthographe rajeunie pour PACVNT ; CONICIVNT, ou mieux COICIVNT, doit figurer à l’impératif COICIVNTO, de même que PERORANT. Boscherini (1988) 47 (suivi par Flach (1995) 118) a soutenu que le texte portait coicito (2e personne sing.) : à tort, comme le prouve la définition que Non.  Marcel. (409 L) donne de coicere = agere, à partir d’une citation d’Afranius : causam coicere hodie ad te volo : / ambon adestis ? Profuturos arbitror. [« Je veux aujourd’hui me présenter à toi pour t’informer de l’objet du litige. – Mais serez-vous présents tous les deux ? Je pense qu’il y va de votre intérêt »]. L’allusion à la prescription décemvirale est claire : le juge n’acceptera d’entendre l’exposé du litige que s’il est contradictoire. – CAVSAM : forme rajeunie pour CAVSSAM ? Ainsi Boscherini cit. 49. – PERORANT, chez Gell., a fait l’objet de plusieurs corrections. Depuis Schöll 102, il est de tradition de préférer l’orthographe archaïsante COM. Mais la collaboration nécessaire des deux parties est suffisamment exprimée par AMBO PRAESENTES. La proposition de Mommsen (ap. Bruns 19) TVM, pour marquer la progression de la procédure (cf. Gai. 4.15) est préférable. – SOL OCCASVS : occasus, part. passé qualifiant sol. Ainsi plusieurs ms. de Gell. (lecture adoptée par Marshall) ; même expression dans la lex Plaetoria, selon ses termes rapportés par Censorinus (source  h). Cette lecture, adoptée par Dirksen 185-187 et Schöll 3, fut ensuite

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abandonnée au profit de solis occasus (ainsi chez Varro, Festus, Macr., sources e, f, i), à tort, car cette forme est probablement plus récente : Boscherini cit. 46-47. – TEMPESTAS : équivaut à tempus (Festus 98 L, 498 L). – ANTE MERIDIEM – POST MERIDIEM. Selon le témoignage formel de Pline (source g), le texte originel de la loi ignorait la césure de midi. Le magistrat devait rester à la disposition des parties jusqu’au soir, avant de constater la défaillance d’un plaideur. Puis la loi aurait été modifiée : midi marquera l’heure ultime pour la comparution des deux parties. Si l’une est défaillante, l’autorité judiciaire est libérée de ses obligations (on ne pourra lui reprocher de litem suam facere). Mais, selon Pline, l’obligation nouvelle de comparaître avant midi aurait été insérée après coup dans la loi elle-même. L’idée d’une modification apportée au texte de la loi a étonné : aussi suspecte-t-on ordinairement l’affirmation de Pline (ainsi Petot [1912-1] 5-10 ; Behrends [1974-1] 87 et n.  313, 91). Mais une étude très attentive d’Albanese (1992-2), apportant pour la première fois à ce dossier le témoignage de Macr. Sat. 3.16.15, fournit des arguments séduisants en faveur de Pline. Macrobe cite le discours de l’orateur C. Titius en faveur du vote de la loi Fannia contre le luxe (161 av. J.-C.). Dans un pastiche évident des versets 1.6-9 (cf.  Lemosse [1944] 167 ; Albanese cit. 100-103), Titius dénonce le fait que des juges, pris de vin, n’arrivent au forum entendre l’exposé des parties qu’après la dixième heure (midi est la sixième) : la règle du meridies était donc encore inconnue, de la loi des XII T. et de toute autre loi. V. encore Humm (1999) 624 s. On tient ici un indice très sérieux de l’altération du contenu des XII T. par une adjonction revêtue de l’autorité même du code. À l’appui de cette démonstration on ajoutera un autre argument : l’incohérence, dans leur séquence actuelle, des versets 1.7-8-9. La précision SI AMBO PRAESENTES n’a pas de sens dans 1.9, puisque, par définition, passé midi, il ne peut y avoir de débat que contradictoire, en présence des deux parties. La répétition, injustifiée, de ambo praesentes avait poussé Schöll 119 à supprimer ces mots. Ils devaient, par contre, figurer dans la version primitive, non corrigée de la loi, puisque la constatation du défaut restait possible jusqu’à la suprema. Ils ne sont devenus redondants qu’après l’adjonction (décidée par les Pontifes ? par une loi ?) des mots ANTE MERIDIEM et POST MERIDIEM. Commentaire 1. – REM, VBI PACVNT, ORATO. NI PACVNT IN COMITIO AVT IN FORO La critique moderne, jusqu’à ces dernières années, se divisait sur le sens de cette alternative, particulièrement elliptique. Le cœur des

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divergences portait sur le sens que l’on devait reconnaître à VBI : une valeur temporelle ou une valeur locative. Selon la première, parfaitement acceptable grammaticalement, la prescription aurait porté : ‘si les parties règlent par un accord transactionnel leur litige (rem pacere, au sens de terminer une affaire litigieuse par un accord de paix, est largement attesté à l’époque de Plaute – Manfredini [1988] 77-78), qu’il en soit fait état publiquement. Si les parties ne transigent pas, qu’elles comparaissent au comitium ou au forum avant midi, pour y exposer leur différend’. Si l’on donne à VBI une valeur locative, le sens change complètement : ‘que les parties (ou que le demandeur) engagent l’action au lieu sur lequel elles se seront accordées. S’il n’y a pas accord, qu’elles comparaissent au comitium ou au forum’. Mais ces divergences radicales n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. En une résurgence remarquable, le règlement flavien du municipe d’Irni (source j), reprenant les termes mêmes de la prescription décemvirale (Mantovani [2001] 232 ; Wolf [2002] 90-91), a tranché définitivement la question en faveur de la seconde interprétation. Le pactum ne porte pas sur la res pour l’éteindre par une transaction, mais il concerne l’accord des parties sur le lieu où se déroulera la controverse, sur l’endroit où la res, ou litige, fera l’objet de l’action (sens de orare). Ce témoignage décisif rend désormais caduques les interprétations anciennes, qui ne présentent plus qu’un intérêt historiographique. On rappellera, à ce titre : Bethmann-Hollweg I (1864) 119 ; Karlowa (1872) 344 ; Id. (1900) 882-884 ; Girard OJ 85 ; Gioffredi (1955) 151 ; Id. (1973) 275-280 ; MacCormack (1971) 248-250 ; Behrends (1974-1) 77-79 ; Archi (1980) 493 n.  28 ; Albanese (1987) 132-133 ; Wieacker RRG I, 242 n. 28, 432-433; Manfredini (1988) ... Mais il faut reconnaître que, dans une intuition qui s’est révélée ensuite exacte, une fraction minoritaire de la doctrine avait déjà soutenu la valeur locative de l’expression ubi pacunt et, devançant en quelque sorte la confirmation apportée par la loi flavienne, avait exactement compris l’alternative comme portant sur le lieu où, devant le juge, devait se dérouler le débat suivi du jugement final. Ainsi Luzzatto (1948-1) 331 ; Lévy-Bruhl (1960) 206-207 ; Pugliese (1962-1) 217-218, 402-403 (non sans des objections justifiées) ; Wolf (1968) 39 ; Id. (1991) 88-89 ; Kaser (1964) 329 s. ; Id. RZPR1, 83-84 (sans certitude, mais abandonnant son interprétation antérieure : (1944) 398-399) ; Nicosia (1984) 88 ; Corbino (1988) 1183. À partir du moment où la signification de l’accord n’est plus contestable, il est sûr que la reconstitution de la séquence traditionnelle 1.6 et 1.7 doit être rectifiée. L’interprétation jusqu’ici dominante coupait la citation de la loi, par la Rhet. Heren., en deux propositions opposées que plus rien ne justifie désormais. On comprenait : ‘si un pacte extinctif vient mettre fin à la contestation, la procédure s’évanouit ; mais si

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aucune transaction ne vient bloquer la marche de la procédure, alors celle-ci suit son cours, au comitium ou au forum, par l’exposé contentieux et contradictoire des parties qui devra avoir lieu avant midi’. Mais cette lecture n’est plus possible : la phase contentieuse ne débute pas avec l’hypothèse du ni pacunt ; et le forum ou le comitium ne peuvent plus apparaître comme les lieux réservés aux débats contentieux. De fait, in comitio aut in foro est destiné à répondre exclusivement au cas éventuel où les parties n’auraient pas choisi un autre cadre pour faire juger leur controverse. Il est donc nécessaire de rompre avec la restitution traditionnelle de la séquence (que rien ne justifiait sinon l’interprétation que l’on pensait lui donner) et lire désormais  dans un seul verset (1.6) : Rem, ubi pacunt, orato. Ni pacunt, in comitio aut in foro. Ensuite, la loi se prononce sur les diverses étapes de la procédure, depuis la comparution des parties jusqu’au jugement. Il est évident que cette démarche judiciaire vaut pour les deux cas de figures envisagés : la confrontation devant le juge en un lieu choisi par les parties ou, à défaut, en un lieu placé sur le comitium ou au forum. Commence ainsi une nouvelle proposition, indépendante de la précédente : Ante meridiem causam coiciunto. Tum peroranto ambo praesentes. Cette prescription qui vaut, répétons-le, autant pour l’ubi pacunt que pour le ni pacunt, a une unité certaine. Elle doit se retrouver en un seul verset (1.7). Mais elle doit être séparée logiquement des diverses étapes de la procédure contentieuse qui sont ensuite énumérées en autant de versets spécifiques. On a ainsi : Ante meridiem … (1.7) ; Post meridiem … (1.8) ; Si ambo praesentes ... (1.9). Cette nouvelle lecture s’impose. Elle avait déjà été soutenue, à titre d’hypothèse, dès 1984, par Nicosia (1984) cit., puis par Wolf (1991) 88-89. Elle est aujourd’hui reprise par Wolf (2002) 91, mais confirmée cette fois par le témoignage d’Irni. 2. – REM ORATO Le verbe, dont le sujet n’est pas exprimé, n’est pas des plus aisés à expliquer. Il est possible de l’attribuer à l’une des parties, ou au iudex, ou aux deux parties (y compris éventuellement le iudex), en s’aidant de la correction minimale orato. Ce qui semble exclu, c’est de le rattacher au magistrat, car on ne peut accepter que le magistrat fût appelé à monter son tribunal et à ius dicere en un lieu laissé à l’arbitraire des deux parties. On sait que orare a des liens étroits avec l’action judiciaire : adorare (XII T. 8.16, au sens d’agir en justice : si adorat furto ‘si on agit pour

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dénoncer un vol’ : Wieacker RRG I, 327 et n.  92), perorare (1.7, ambo praesentes peroranto : ‘que les parties réunies débattent au fond’). Orare, selon Festus, 218 L est synonyme d’agere : orare antiquos dixisse pro agere ; de même pour Cic. off. 3.43 : orandae litis tempus ; Quinct. 43 : ‘agir en justice, plaider’ ; Tab. Osca Bantina, l. 14 et 16 : agere cum populo). Orare rem équivaut à orare litem. On comprendra donc : ‘que les parties agissent pour l’affaire qui les oppose’ et on admettra la lecture ORATO, préférable à ORATO. 3. – ANTE MERIDIEM CAVSAM COICIVNTO. TVM PERORANTO AMBO PRAESENTES. POST MERIDIEM PRAESENTI LITEM ADDICITO Une fois déterminé l’endroit où se déroulera la procédure, les différentes étapes de cette dernière sont spécifiées par la loi. Mais un doute majeur a longtemps subsisté : ces étapes prescrites par la loi se succèdent-elles devant le magistrat, ou devant un juge privé, ou devant le magistrat, mais dans sa fonction de juge ? Le procès décemviral (procédure du sacramentum) est-il déjà divisé en deux phases (in iure, apud iudicem) et sous quelle forme ? L’interprétation moderne a successivement suivi trois courants majeurs. Selon les analyses du XIXe s., l’ensemble de la procédure, de 1.6 à 1.9 se déroulerait devant le magistrat et sous son autorité : cf.  Bethmann-Hollweg I (1864) 75, 88, et, pour d’autres références, Petot (1912-1) 12-13. Puis, à partir des travaux de Karlowa (1872) 368369, et surtout de Wlassak (1893) ; Id. (1904) 91-95, la stricte bipartition du procès est affirmée dès la codification décemvirale et les versets 1.6 à 1.9 ne concerneraient que le iudex privatus, choisi par les parties et investi, par le magistrat, du pouvoir de prononcer le iudicatum. Ainsi Petot, cit. 19-28, 76-95 ; Lévy-Bruhl (1960) 209-211 ; Pugliese (1962-1) 77-80, 159 ; Kaser RZPR1, 83-84 (différem. [1944] et [1983] : cf. infra) ; Wolf (1968) 39 ; Id. (1991) 88-89. Plus récemment, l’idée d’un procès décemviral resté sous l’autorité unique du magistrat a repris une vigueur nouvelle, soit que l’on voulût nier toute division, soit que l’on affirmât, dans une structure unique, une fonction double exercée par le magistrat : celle de ius dicere d’une part, celle de iudicare de l’autre. Ainsi Behrends (1974-1) 58-65, 77-89 ; Kaser (1983) 87-88 (cf.  déjà 1944) ; Selb (1984) 393 ; Albanese (1987) 132 ; Wieacker RRG I, 433 n. 19 ; Magdelain (1990-1) 239-245. Mais il est certain que ce retour en faveur de l’activité du magistrat ne peut plus être accepté depuis qu’il est établi que l’ensemble des phases décrites en 1.6 à 1.9 se déroule nécessairement devant un juge privé. Le tribunal placé au lieu choisi par les parties, ou au forum ou au comitium, ne peut concerner le siège du magistrat. La causae coniectio, la peroratio, l’addictio litis au profit de la partie présente en cas de défaillance de

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l’adversaire passé l’heure de midi, concernent l’activité du iudex et non du magistrat. 3. – 1. La causae coniectio Sur ce bref exposé contradictoire de l’objet du litige devant le juge : Gai. 4.15 (cum ad iudicem venerant, antequam apud eum causam perorarent, solebant breviter et quasi per indicem rem exponere, quae dicebatur causae coniectio ; Afranius ap. Non.  Marcel. 409 L (supra Reconstitution) ; Gell. 5.10.9 ; Pseudo Ascon.  (231) in Cic. Verr. 1.9.26. Cet exposé contradictoire, qui implique la présence des deux parties, doit avoir lieu avant l’heure de midi. V. ici Lévy-Bruhl (1960) 208 ; Santoro (1967-2) 563-568 ; Behrends (1975) 162 s. 3. – 2. Forum – comitium L’avantage du choix du comitium, comme lieu du déroulement de la procédure, est que l’heure (d’abord la SVPREMA, plus tard le MERIDIES : cf supra établiss. du texte et Humm (1999) 682) pouvait être facilement fixée par un appariteur-héraut (accensus) du magistrat et être proclamée. Mais le forum pouvait être également choisi par le juge. 3. – 4. Peroratio Examen au fond de l’affaire, avec plaidoiries (cf. oratores), audition des témoins, examen des preuves. Phase contradictoire, qui implique, de nouveau, la présence des deux parties. 3. – 5. Post meridiem praesenti litem addicito Si l’heure de midi écoulée, la défaillance de l’une ou l’autre partie (sans excuse valable : cf.  XII T. 2.2) a empêché la causae coniectio et, éventuellement, la peroratio, le jugement est prononcé par défaut au profit de la partie présente. Le sens d’ADDICERE est donné par FestusPaul (12 L) : addicere est proprie idem dicere et adprobare dicendo ; alias dicere damnare est. Ce sens primitif de confirmer ou d’approuver se retrouve dans la langue augurale : aves addicunt (ou admittunt) : Wlassak (1893) 349-351. Addicere litem praesenti équivaut donc à dare litem secundum praesentem (Cic. Rosc. Com. 1.3), littéralement : ‘se dire d’accord avec la partie présente relativement au litige’ ou ‘trancher le litige en faveur de la partie présente’. Lis peut signifier l’objet litigieux (ou res : Varro ling. 7.93) ou le litige. C’est ce dernier sens qu’il faut adopter ici, car la prescription dépasse l’hypothèse d’un sacramentum in rem et ne peut signifier ‘qu’il attribue la chose litigieuse à la partie présente’. Cf. Hackl (1989) 175.

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La principale difficulté est de savoir si l’acte d’addicere se rapporte au magistrat ou au juge : le défaut, constaté à l’heure de midi, concernet-il la phase in iure ou apud iudicem ? Lévy-Bruhl cit. 208-211 (et bibliogr. antérieure), tout en étant conscient que l’acte d’addicere se réfère normalement au magistrat, a soutenu, avec d’excellents arguments, que le défaut d’une des parties n’était envisageable qu’apud iudicem. C’est donc au juge, et non au magistrat qu’il revenait de prononcer l’addictio au profit de la partie présente. De même Pugliese (1962-1) 80-87 ; Wolf (1968) 39 ; Id. (1991) 87 s. ; Behrends (1975) ; Cannata (1980) 58 n.  2. Différemment, Kaser (1944) 117 ; Id. AJ 109-110 ; Id. RZPR1 92 n.  26 ; Gioffredi (1955) 151 ; Santoro (1967-2) 555-561 n’excluent pas un retour devant le magistrat, qui, après les débats judiciaires, serait seul habilité à prononcer l’addictio. V. encore Buti (1984) 29-33 ; Hackl (1989) 175-176 ; Kaser - Hackl RZPR2 93 n. 27, 129 n. 58 ; Fiori (2003) 77-80. 3. – 6. Ante meridiem … sol occasus Il faut accorder crédit à l’affirmation de Pline (source g) – et supra, établissement du texte. La loi aurait longtemps ignoré l’obligation pour les deux parties de se présenter devant le juge avant l’heure de midi. C’est vraisemblablement peu après 160 que la mi-journée constitua la limite temporelle à ne pas dépasser, sous peine de perdre son procès (Albanese [1992-2] cit. ; Id. [1995-1]). Le motif de cette réforme de la journée judiciaire peut fort bien être le souci d’aménager le temps des magistrats et des juges. En cas de défaut, les autorités n’auront pas à attendre jusqu’au soir. La limite de la nuit se retrouve dans la lex Plaetoria (IIIe-IIe s.) – cf.  Crook, in Athaeneum 72 (1974) 586-595. Sur le thème de la nuit, Carbonnier (1959) 344-345. Il est impossible de savoir si la nuit marquait un terme définitif pour toute procédure (donc impliquait la nécessité de prononcer le jugement le jour même), ou si elle suspendait seulement jusqu’au lendemain le procès. V. ici Metzger (1997) 108 s.

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1. 10  – :  … VADES, SVBVADES … : … garants, sous-garants … Source Aulus Gellius Noctes Atticae 16.10.7-8 : (7) ‘Ego vero’ inquit ille ‘dicere atque interpretari hoc deberem, si ius Faunorum et Aboriginum didicissem. (8) Sed enim cum PROLETARII et ADSIDVI et SANATES et VADES et SVBVADES et VIGINTI QVINQVE ASSES et TALIONES furtorumque QVAESTIO CVM LANCE ET LICIO evanuerint omnisque illa duodecim tabularum antiquitas nisi in legis actionibus centumviralium causarum lege Aebutia lata consopita sit, studium scientiamque ego praestare debeo iuris et legum vocumque earum, quibus utimur’. [Un spécialiste du ius civile, appelé en consultation sur des termes obscurs des XII T., répond : « (7) Assurément je devrais les connaître et les interpréter, si j’avais étudié le droit des Faunes et des Aborigènes. (8) Mais les ‘prolétaires’ et ‘propriétaires’ (1.4), les ‘Sanates’ (1.5), les ‘garants et sous-garants’ (1.10), les ‘vingt-cinq as’ (8.4), les ‘talions’ (8.2), l’‘enquête sur le vol par le plateau et le cordon’ (8.15) sont dépassés. Toute cette vieillerie des XII T. sommeille depuis la loi Aebutia, sauf dans les actions de la loi portées devant les centumvirs. Mais moi j’ai dû m’attacher à l’étude du droit, des lois et de leurs termes que nous utilisons »]. Sources complémentaires 1. – VAS. Les étymologies anciennes (Porphyr. In Hor. Serm. 1.1.11 et Pseudo Acro, sous le même passage, II p. 3, éd. Keller) sont sans valeur : vades ideo dicti, quod qui eos dederit, vadendi habet potestatem [« Les vades tirent leur nom du fait que celui qui les fournit a le pouvoir de les mettre en route (vadere) vers le tribunal »]. L’étymologie la plus communément admise (Walde-Hofmann, LEW3, 735-736 ; Ernout-Meillet, Dict. Etym.4, 714) fait dériver le mot d’une racine vadh (cf.  got. wadi ; all. wetten, s’engager par un pari). Le vas, originellement, est celui qui s’engage (selon des formes probablement orales) : à l’époque historique, pour assurer la comparution en justice (sistere) d’un défendeur.

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Les origines de l’institution semblent très reculées. On a tenté, sans résultat convaincant, essentiellement à partir d’un texte équivoque de Varro ling. 6.74 (Vas appellatus qui pro altero vadimonium promittebat [« On appelait vas celui qui garantissait la re-comparution en justice de l’autre (i.e. du défendeur) » ou tout différemment « On appelait vas celui qui garantissait la comparution en justice d’un autre (i.e. de l’auctor, garant du mancipio dans) » : sur cette discussion : De Simone [2009] 170-180), de lui trouver un domaine archaïque en dehors de la procédure. Le vas, s’offrant comme otage, garantirait la dette (quelconque) d’un créancier : Lenel (1902) 96 ; Leifer (1937) 159, 195. Si l’on abandonne ces hypothèses, le vas n’apparaît que dans la sphère processuelle : dès une très haute époque dans l’esprit des Romains. Ainsi Tite-Live, lors de l’accusation de meurtre lancée par la plèbe contre Kaeso Quinctius (3.13.6, 461 av. J.-C.), met en place des cautions (vades), tenues individuellement et collectivement de payer une somme si l’accusé ne se présente pas au jour du jugement. Dans le théâtre de Plaute, le vadimonium présente les mêmes caractères : Rud. 777-778. Vadari y apparaît avec un sens actif (exiger un vas : Aul. 319) et passif (fournir un vas : Bacch. 180). Le passage de vas à vadimonium est confirmé chez Plaute, dans un sens concret (fournir des garants de comparution : Epid. 685) et abstrait (promesse de revenir devant le tribunal, garantie par l’engagement des cautions, vades). C’est le sens que retiendra principalement l’époque classique. Albanese (1987) 115 et n. 395. Le profil du vadimonium archaïque apparaît très proche de la définition qu’en donne Gaius, 4.184, pour son temps : cum autem in ius vocatus fuerit adversarius neque eo die finiri potuerit negotium, vadimonium ei faciendum est ; id est, ut promittat se certo die sisti [« si l’adversaire a été appelé devant le tribunal et si la procédure n’a pu s’achever le jour même, il faudra recourir à un vadimonium, c’est-àdire obtenir du vocatus qu’il s’engage (et fournisse des cautions) de comparaître à nouveau à un jour fixé »]. On voit mal ce qui pouvait distinguer le vadimonium décemviral, ou des actions de la loi, de celui de Gaius ou de la procédure formulaire. On ne comprend pas en quoi ces vades méritaient de figurer dans la liste, chez Gell., des curiosités dépassées et inintelligibles. 2. – SVBVAS. Le mot et la chose sont inconnus en dehors de ce passage de Gell. Les tentatives d’explication n’ont pas manqué (cf. Fliniaux [1908] 13) : garant du demandeur, par opposition au garant du défendeur (vas) : ainsi Godefroy 163; garant du défendeur in iudicio, alors que le vas le serait, mais in iudicio, selon Huschke (1869) 314. Mais il faut très probablement y voir une figure bien connue des sûretés personnelles : la caution en sous-ordre (caution de la caution, comme il existe le fidéjusseur d’un fidéjusseur). Le subvas s’engage, derrière

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le vas, à payer si le défendeur fait défaut et si le vas est insolvable : Karlowa (1872) 324 n. 2 ; Girard OJ 72-73 ; Fliniaux cit. Commentaire L’engagement du vas, comme celui de toute caution, présente un caractère accessoire. L’obligation du vas, par sa nature ou sa fonction, se confond donc avec la nature de l’engagement principal, ou vadimonium, de la partie au procès. Ces deux obligations se superposent exactement. À l’époque des actions de la loi le vadimonium n’a pas pour objet d’accorder au vocatus un délai de grâce ou un report d’instance. En effet, entre l’in ius vocatio et la comparution devant le tribunal du magistrat, aucun ajournement ne peut être accordé, aucune promesse de comparaître à plus tard ne peut retarder la présentation devant le tribunal. Le vocatus n’a pas d’autre choix que d’obtempérer ou de fournir un vindex, ou, à défaut d’une transaction, de subir la manus iniectio. Il ne peut solliciter, même en proposant des vades, de promettre qu’il comparaîtra après un certain délai. Sur ce point, pacifique, chez les auteurs modernes : Fliniaux (1908) 14-18, 25-31 ; Steinwenter (1943) ; Pugliese (1962-1) 266-267  ; Kaser RZPR1, 51 (et bibliogr. compl.)  ; 2 Kaser-Hackl RZPR , 226. Les documents processuels plus récents (Ier s. ap. J.-C.) à Murecine confirment que l’in ius vocatio et la phase in iure sont restées soudées, sans interstice possible. Lorsqu’un vadimonium est consenti, il précède l’in ius vocatio, qui se trouve elle-même non pas interrompue, mais repoussée. Cf.  Wolf (1985-1) 59-69. Le vadimonium présente alors un caractère amiable ; pour éviter de comparaître immédiatement, le futur vocatus s’engage avec ses cautions, ses vades, à répondre à une in ius vocatio retardée. Le vadimonium n’a pas non plus de fonction à jouer lors du déroulement de la phase judiciaire du procès. Il est inutile, en effet, pour le demandeur craignant le défaut de son adversaire d’exiger une promesse renforcée par l’engagement de cautions : la défaillance est sanctionnée par la condamnation (1.8 : praesenti litem addicito). Reste alors comme domaine exclusif – en dehors du cas de vadimonium amiable et extra-judiciaire, déjà vu –, sous l’empire des actions de la loi, le cas où, après la comparution in ius du vocatus, les débats in iure n’ont pu s’achever dans la journée et aboutir à la litis contestatio. Le report nécessaire crée une faille périlleuse pour le plaignant. Le vadimonium la comble : Gai. 4.184 cit. Sur ordre du magistrat, l’adversaire s’engage (par un acte oral) à revenir ; il fournit des vades, qui s’obligent personnellement à assurer sa re-comparution in ius à une date fixée. Sa défaillance contraindra les cautions à payer la somme promise, mais elle n’éteint pas l’action

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principale du demandeur. Les praedes litis et vindiciarum (que ne mentionnent pas explicitement les fragments conservés des XII T.) ont une tout autre fonction : garantir la restitution éventuelle de l’objet litigieux, dont la garde intérimaire a été confiée à l’une des parties par le magistrat (cf. 12.3, VINDICIAE).

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2. 1 a – : Gaius Institutiones 4.12-14 : (12) Lege autem agebatur modis quinque : sacramento, per iudicis postulationem, per condictionem, per manus iniectionem, per pignoris capionem. (13) Sacramenti actio generalis erat ; de quibus enim rebus, ut aliter ageretur, lege cautum non erat, de his sacramento agebatur. Eaque actio proinde periculosa erat falsi […] : nam qui victus erat, summam sacramenti praestabat poenae nomine, eaque in publicum cedebat praedesque eo nomine praetori dabantur […]. (14) Poena autem sacramenti aut quingenaria erat aut quinquagenaria. Nam de rebus mille aeris plurisve quingentis assibus, de minoris vero quinquaginta assibus sacramento contendebatur ; nam ita lege XII tabularum cautum erat. si de libertate hominis controversia erat, etiamsi pretiosissimus homo esset, tamen ut L assibus sacramento contenderetur, eadem lege cautum est, favore scilicet libertatis ne onerarentur adsertores.

: (12) On agissait en justice en recourant à cinq procédures rituelles : par la consécration d’une somme à titre d’enjeu, par la demande d’un juge, par la fixation d’un délai, par la mainmise, par la saisie d’un gage. (13) L’action par la consécration d’un enjeu était une procédure générale. On engageait cette procédure pour tous les litiges pour lesquels la loi n’avait pas décidé que l’on agirait différemment … Mais cette action n’était pas sans danger : en effet, celui qui succombait devait payer, à titre de peine, la somme de l’enjeu consacré ; il devait la verser au Trésor et fournissait de ce fait des garants au préteur. (14) L’enjeu encouru était de 500 ou de 50 as. Pour les affaires d’une valeur de 1000 as ou plus, on se provoquait par un enjeu de 500 as. Pour les affaires de moins de valeur, l’enjeu était fixé à 50 as. Ainsi en avait disposé la loi des XII Tables. Mais s’il y allait de la liberté d’un individu, même s’il avait une grande valeur, la même loi avait décidé que l’on se défierait en consacrant un enjeu de 50 as, évidemment par faveur pour la liberté, afin de ne pas trop charger ceux qui agissaient pour réclamer la liberté d’autrui.

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Sources complémentaires a) Varro De lingua Latina 5.180 : Sis(1) ea pecunia quae in iudicium venit in litibus, sacramentum a sacro; qui petebat et qui infitiabatur, de aliis rebus uterque quingenos aeris ad pontem(2) deponebant, de aliis rebus item cert(3) alio legitimo numero assum ; qui iudicio vicerat, suum sacramentum e sacro auferebat, victi ad aerarium redibat. [« L’enjeu judiciaire que l’on apporte pour qu’un jugement résolve un litige tire son nom d’‘enjeu consacré’ (sacramentum), de son caractère sacré (sacrum). Le demandeur et le défendeur déposaient chacun auprès du pont ( ? du Pontife ?), pour certaines affaires 500 as, et pour les autres ils s’affrontaient pour un enjeu différent fixé par la loi. Celui que le jugement donnait victorieux reprenait son enjeu (sacramentum) en lui ayant fait perdre son caractère sacré ; tandis que l’enjeu de la partie vaincue allait au Trésor »]. (1) Correction minime suggérée par Cloud, The lex Papiria de sacramentis, in   Athenaeum 80 (1992) 164 n. 4. (2)  Ad pontem Sublicium ? ad pontem ? Cf.  Mommsen Staatsr. II, 69 n.  1 ; Wissowa RKR2 432 ; Varro ling. 5.83. (3)  Les ms. ont certo ; certest accepté par Ernout-Meillet Dict. Etym.4 586 et Cloud, cit.

b) Festus v° Sacramentum aes 468 L : Sacramentum aes significat, quod poenae nomine penditur, sive eo quis interrogatur, sive contendi. Id in aliis rebus quinquaginta assium est, in aliis rebus quingentorum inter eos, qui iudicio inter se contenderent …. Sacramenti autem nomine id aes dici coeptum est, quod et propter aerari inopiam, et sacrorum publicorum multitudinem, consumebatur id in rebus divinis. [« L’argent consacré (sacramentum aes) qualifie la somme qui menace à titre de peine, soit qu’elle fasse l’objet d’une interrogation (de la part de l’une des parties), soit qu’elle fasse l’objet d’un affrontement (entre les parties). Entre les parties qui s’affrontent en justice la somme est de 50 as pour certaines affaires et de 500 as pour les autres …. Cet argent a commencé à recevoir le nom de sacramentum le jour où, le Trésor étant à sec et les cultes publics devenus très nombreux, on affecta cette somme à des sacrifices »]. c) Festus v° Sacramento 466 L : Sacramento dicitur quod ne interposita actum mento dicitur interrogari, quia .... [« Prêter serment, c’est s’engager à quelque chose sous la menace d’une malédiction jurée. De là, on dit que quelqu’un est soumis à la prestation d’un serment, parce

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que …. »]. Cf.  Festus ex Pauli exc. 467 L : Sacramentum dicitur, quod iurisiurandi sacratione interposita geritur. d) Gai. 4.11: Actiones, quas in usu veteres habuerunt,‘legis actiones’ appellabantur vel ideo, quod legibus proditae erant, quippe tunc edicta praetoris, quibus conplures actiones introductae sunt, nondum in usu habebantur, vel ideo, quia ipsarum legum verbis accommodatae erant et ideo immutabiles proinde atque leges observabantur. [« Les Anciens appelaient les actions qu’ils utilisaient ‘actions de la loi’, soit parce qu’elles avaient été mises au jour par des lois (en effet, en ce temps-là, les édits des préteurs, source de la plupart des actions, n’existaient pas encore), soit parce qu’elles étaient strictement calquées sur les termes mêmes des lois et étaient scrupuleusement respectées comme les lois »]. Reconstitution Pas de reconstitution possible ici. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Lege agere, legis actiones. 2. – Sacramentum, serment et sacratio. 3. – Le déroulement de la procédure. 4. – La désignation du magistrat dans le code. 5. – Domaine d’application de la legis actio sacramenti. 1. – Lege agere, legis actiones Gaius (4.11, source d) hésite pour le sens de legis mais non d’actio. Agere signifie respecter les formes prescrites pour la validité d’un acte, et actio, tout acte qui tire son efficacité du respect des formes prescrites ou rites : rituel d’un sacrifice, déclarations solennelles et gestes imposés pour le déroulement d’un procès, formulaire d’un acte de vente (Varro rust. 2.5.11 ; 2.7.6) ; cf. Santoro (1984) 202-203. Des cinq legis actiones (= l.a.) énumérées par Gaius, quatre ont été reconnues (ce qui ne signifie pas créées) par les XII T. ; la cinquième est une création récente (IIIe s.). Ces actions constituent des modus agendi, des procédures polyvalentes, accessibles aux plaideurs qui justifient d’un droit lésé reconnu par la loi. On dira plus tard qu’ils justifient d’une actio spécifique : a. furti, a. aquae pluviae arcendae, rei vindicatio … Le premier terme du binôme, legis, est moins clair. Sans doute les hésitations de Gaius sont futiles. Car, entre une procédure fondée sur la loi et une procédure qui recourt à des formules dictées par la loi, donc aussi contraignantes que la loi elle-même, il n’y a guère de différence.

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La loi, fondamentalement, reste l’autorité située en amont des rituels. Cette loi, qui ne peut être que la loi des XII T., en constitue la source immédiate ou médiate. En ce sens, Kaser (1973) 197-202 ; Gioffredi (1980) 175-190 ; Id. (1983) 327 s. ; Magdelain (1986) 324-329 = 60-65 ; Wieacker RRG I, 437-438 ; Humbert (1990-1) 270-271. Mais beaucoup ont repoussé la définition, proposée par Gaius, de la l.a. comme procédure tirant son autorité de la loi. Car lex ne se référerait pas à la norme politique et de droit public que l’on attend, mais qualifierait la formule, orale, rituelle, créatrice de droit (Spruchformel). L’actio est dite legis et la procédure est qualifiée de lex parce qu’elle recourt à des certa verba qui lui confèrent son efficacité. Il n’y aurait donc à rechercher dans les l.a. aucun support législatif, ni confirmation, ni création.  Ainsi : Pugliese (1962-1) 8-26 ; Santoro (1967-2) 189-199, 233-235; Id. (1984) 203-205, 214; Stein (1966) 11-13; Id. (1971) 313-319; Schmidlin (1970) ; Albanese (1987) 12-14. Le dilemme appelle une solution qui nous paraît être la suivante. Les l.a. (de même que les actes qualifiés de legitimi), pour l’essentiel antérieurs aux XII T., n’ont pas attendu la législation décemvirale pour voir le jour ; l’efficacité des rites et des verba est antérieure à la loi et ne lui doit rien.  Il est de même fort probable que les termes ‘lex’, ‘legitimus’, ‘lege agere’ ont servi, avant les XII T., à traduire la force créatrice des rites et la validité des actes. Mais il est non moins certain que la loi des XII T. a globalement reconnu l’ensemble de ces sources de ius et procéda ainsi à une conversion. Le rite est reconnu par la loi nouvelle comme une source de ius : le rite s’intègre au sein d’une réorganisation du droit dominée par la lex. De la sorte, après 450, lege agere n’a plus d’autre signification que celle d’un acte formé conformément aux prescriptions légales (donc en respectant les rites auxquels renvoie la loi), ou d’un acte créé pour sanctionner un droit reconnu par la loi. L’acte ainsi accompli, qu’il soit source d’obligation (e.g. un acte per aes et libram) ou procédure judiciaire (l.a.), s’affirme comme revêtu d’une efficacité incontestable, liant toute la cité et, en tout premier lieu, ses magistrats. C’est exactement cette valeur que donne à lege agere (relatif à une l.a.) un texte législatif archaïque : la charte de la colonie de Bantia (Tabula Osca Bantina l. 24-25 = Bruns 52-53 ; Roman Stat. I, 281) probablement calquée sur le statut des colonies latines des IVe-IIIe s. : Praetor sive praefectus […] si quis apud eos cum altero lege agere volet aut pro iudicato manum inicere earum rerum, quae his legibus scriptae sunt, ne quem prohibuerit […] Si quis adversus ea prohibuerit, multa tanta esto. [« Si un citoyen veut agir devant le préteur ou son suppléant … par une action de la loi ou par une manus iniectio en exécution d’un jugement relatifs à des contestations prévues par ces lois, que l’on ne l’en empêche pas. Si (le préteur…) l’en empêche, qu’il soit condamné à une amende de tant… »]. ‘Legis’ actio ou ‘lege’ agere, non seulement parce que ces formes ont

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été reconnues par la loi, mais parce que ces procédures ont été placées par la loi au service des situations conflictuelles (res) énumérées dans les divers versets du texte normatif de référence (res quae his legibus scriptae sunt). 2. – Sacramentum, serment et sacratio La nature du sacramentum (= s.), qui a donné son nom à l’ensemble de la legis actio, est bien connue pour une époque tardive : par Gai. 4.14-15 dans une description à l’imparfait, et par Valerius Probus (Notae 4.1.3 = FIRA II, 456) pour la fin de la République. In rem ou in personam, cette procédure archaïque contraint les plaideurs à un détour. Chaque partie lance un défi à l’autre en le ‘provoquant par un sacramentum’ (te provoco sacramento) : non pas à justifier sa prétention ni à prouver directement son droit, mais à démontrer que son s. est iustum. La tâche incombant au juge sera de déterminer quel s. est iustum, ou au contraire iniustum. L’incitation au s. est bilatérale, même pour le s. in personam (on affirme fréquemment le contraire, mais à tort ; v. les justes remarques d’Albanese [1987] 100-102 et n.  338). À l’époque tardive (i.e. classique), le s. est matérialisé par un enjeu pécuniaire, dont le montant est fixé par la loi ; chacune des parties doit le consigner. Le perdant (celui dont le s. sera jugé comme iniustum) abandonnera le sien au profit du Trésor, alors que la partie triomphante récupérera son dépôt. L’étymologie de s. appelle nécessairement une dimension sacrée primitive, sur laquelle l’accord est loin d’être fait. Si Gaius 4.12-14 (cité supra) néglige complètement cette valeur sacrée, Varron (source a) et Festus (source b) justifient celle-ci par la destination sacrificielle de l’enjeu confisqué au profit du Trésor. L’approche n’est pas à condamner, mais il est certain que l’on ne peut s’en contenter. Il reste, il est vrai, un lemme de Festus (source c) qui définit tout différemment le s. par un iusiurandum prononcé en réponse à une interrogatio et sanctionné, à l’égard du parjure, par la peine de la sacratio : un serment sacro sanctus donc, impliquant la malédiction du parjure, devenu sacer. Sans doute, aucun élément ne contraint de rattacher ce lemme (très lacuneux) au s. judiciaire : il peut fort bien s’agir du serment militaire (cf. Tondo (1969) 320-330). Mais si la peine de la sacratio ne paraît pas conciliable avec le fonctionnement de la procédure civile (cf. infra), il faut certainement conserver comme sûr le lien primitif entre le recours au s. et l’existence d’un serment prononcé par l’une et l’autre des parties. L’étymologie implique en effet qu’à un moment historique donné, la prétention de chaque partie fut corroborée par un serment, dont les implications religieuses appelaient l’intervention de la justice de la cité : Talamanca (1987) 13-15 et notes 89, 107 (contre l’idée d’un serment probatoire : le s. est un serment assertoire) ; Wieacker RRG I, 256 n. 96.

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On peut donc, avec beaucoup d’auteurs, reconstituer une phase primitive, mais historiquement non datable. Les deux adversaires étayent, au moyen d’un iusiurandum, le bien-fondé de leur prétention et se placent conditionnellement sous la vengeance divine. Dans l’impossibilité de croire que le perdant fût dévoué aux dieux et devînt sacer (on croira difficilement que tout procès, réel ou personnel, eût conduit nécessairement à l’élimination physique de l’un des deux plaideurs, voire des deux pour le cas où ni l’un ni l’autre n’aurait réussi à prouver l’exactitude de son serment : contre l’idée d’une automalédiction, d’une Selbstverfluchung du plaideur qui s’engage par le s. et qui serait frappé de la peine du sacer en cas de s. iniustum, voir, à juste titre, Santoro [1967-2] 480-489), on doit admettre qu’un piaculum, ou sacrifice de substitution (selon un principe d’expiation connu des XII T. : 8.24), sanctionnait alors le parjure : des animaux fournis par l’auteur du parjure sont voués aux divinités offensées. Plus tard, mais dès avant les XII T. (après la lex Aternia Tarpeia de 454, qui remplaça les têtes de bétail par un équivalent de bronze), l’aes, bronze, puis monnaie, remplace les animaux destinés à être sacrifiés, et fait l’objet du dépôt. En ce sens, Kaser AJ 14 s., 25 ; Id. RZPR1, 22, 40-42, 61-62 (et bibl. critique) ; Luzzatto (1948-2) II 107-109 ; Marrone (1955) 530 s.; Pugliese (1962-1) 50-59 ; Santoro (1967-2) 475- 537; Albanese (1987) 10-11 ; Talamanca (1987) 15 ; Wieacker RRG I 256 n.  95-96 ; Kaser-Hackl RZPR2,83-85. Selon une hypothèse qui reste à vérifier, la sacratio du bétail aurait assuré le fonctionnement d’un système de preuves ordaliques : Noailles (1949) 275-283 ; Marrone (1955) 530-532 ; Lévy-Bruhl (1960) 72-79 ; cf. Wieacker cit. 273 n. 27. Les Anciens ont gardé le souvenir de la deuxième étape, marquée par une poena sacramenti en forme de têtes de bétail, remplacées par un équivalent de bronze par l’effet des lois Aternia Tarpeia (454 circiter, selon Cic. rep. 2.60), Menenia Sestia (452, de multarum aestimatione : Cic. rep. 2.60 ; Festus v° Ovibus 200 L ; v° Peculatus 268-270 L ; ex Pauli exerc. v° Aestimata poena 23 L), Papiria (430 : Liv. 4.30.3) : favorable à l’historicité de ces mesures, Effer-Uhe (2013). À l’époque des XII T., la procédure est totalement laïcisée. La somme consacrée, perdue pour l’adversaire victus et condamné en outre à payer sa dette ou à restituer la chose, est analysée comme une poena. La sanction d’un s. falsum ou iniustum est purement patrimoniale, dénoncé comme une source d’iniuria ? En ce sens, Wolf (1985-1) 1-39. En une hypothèse audacieuse, Magdelain (1990) ; Id. (1995) 113-145 a reporté dans la loi des XII T. et maintenu jusqu’au IVe s. le principe de la sacratio du plaideur victus : le ‘partis secanto’ permis contre le iudicatus insolvable (3.6) constituerait l’élimination rituelle d’un parjure (auteur du s. iniustum). Mais des objections majeures se profilent. La mise à mort nécessaire du victus sacer, si on devait l’admettre, ne saurait être restreinte au cas du s. in personam et du défendeur seulement, du fait

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de la bilatéralité de l’action ; il faudrait donc supposer cette mise à mort inéluctable pour tout plaideur défait en justice ! L’idée surtout d’une sacratio mise en échec par une composition entre les parties ou par l’exécution volontaire du jugement (de la part du iudicatus damnatus ayant par définition prononcé un sacramentum iniustum, donc parjure) est impossible : la peine frappant l’individu sacer est non rachetable. ‘Partis secanto’ relève, de fait, de l’exécution du jugement et non de la sanction du s., ou iusiurandum, iniustum. On citera enfin la thèse originale de Santoro (1967-2) 475-547, pour qui le iusiurandum n’a jamais eu pour effet de menacer d’exsecratio l’auteur du serment en tant que parjure, mais d’apporter à la déclaration jurée une force créatrice ; la poena sacramenti pour déclaration inexacte n’aurait pas été sanctionnée par la sacratio, mais par un simple piaculum. 3. – Le déroulement de la procédure Dans l’exposé qu’il présente des actions de la loi, Gaius attribue à la division du procès en deux phases, in iure devant le magistrat, apud iudicem devant un iudex privatus, un rôle caractéristique, qui se maintiendra à l’époque de la procédure formulaire. Mais cette division, à la fois structurelle et fonctionnelle, remonte à quelle époque ? Qu’en est-il pour le procès décemviral ? Les positions les plus récentes conduisent à placer la procédure toute entière, à l’époque des XII T., en une phase unique, in iure, sous l’autorité exclusive du magistrat. Sans doute un juge peut-il, à l’occasion, membre de son consilium et désigné par le magistrat, aider ce dernier. Mais s’il y a division des tâches, l’unité de la procédure reste intacte. Seul le magistrat prononcerait, selon cette reconstitution, le jugement (pronuntiatio, iudicatum, condemnatio, addictio). Le juge, lui, ne proposerait qu’un avis, une sententia. La fonction de ce dernier serait préjudicielle : déterminer, en passant en revue les preuves des parties, quel s. est iustum/iniustum. La phase préliminaire du s. proprement dit ne se terminerait pas par un jugement prononcé par le juge. Le schéma-type du procès par s., sous les XII T., se reconstituerait ainsi. Après la sentence du juge sur le s., le magistrat prononce l’addictio litis. Le perdant est alors iudicatus. Selon les cas, il est livré au gagnant pour que celui-ci exerce son droit de vengeance (cas du talion : 8.2). Ou bien le perdant, afin d’échapper à cette addictio, demande l’évaluation d’une peine compensatoire (procès portant sur une vindicia falsa : 12.3). Ce n’est qu’après la phase estimatoire, confiée à des arbitres (arbitrium litis aestimandae, que l’on se gardera de confondre avec la iudicis arbitrive postulatio : 2.1 b – car l’arbitre estime et ne juge pas), que le iudicatus devient damnatus, c’est-à-dire ‘condamné à payer une somme compensatoire’ – ainsi Magdelain [1980] 262-270

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= 638-644). Dans d’autres hypothèses (vol non flagrant : 8.16), le magistrat, d’autorité, désigne l’arbiter chargé de fixer le montant de la compensation (égale au double de la valeur de la chose volée). Si, enfin, le droit contesté est une somme certaine (e.g. née d’une stipulation), le iudicatus est, par définition, aussi damnatus. Dès le iudicatum, il doit payer (dare oportere) la somme fixée. En faveur d’une procédure ainsi ramenée à une phase unique, in iure, placée sous l’autorité du magistrat : Magdelain (1980) ; Selb (1984), dont les conclusions, dès avant leur publication officielle, ont été acceptées par Kaser (1983) 88-92 ; Albanese (1987) 118-122, 132. Ce ne serait pas avant le IVe s., peut-être à l’occasion de la création de la préture (ainsi Albanese cit. 62, 121-123), que la procédure du s. aurait connu sa division classique en deux phases, avec le pouvoir nouveau du juge de iudicare. Mais cette vision d’un procès décemviral dominé par une phase unique placée sous l’autorité du magistrat et reculant au IVe s. sa division en deux phases, ne fait pas l’unanimité. Voir, pour l’essentiel de la vision traditionnelle, Lévy-Bruhl (1960) 102-271 ; Talamanca (1987) 22-24 (et littér. ant.) qui place résolument avant le code décemviral la division en deux phases ; Marrone (1989). À preuve, l’action de la loi dite iudicis arbitrive postulatio qui, dès les XII T. – et peut-être même avant –, confiait toute l’organisation de la procédure, le jugement y compris, à un iudex privatus. Ajoutons que la lecture et l’interprétation nouvelles de XII T. 1.6-7, ne s’accordent pas avec l’idée d’une procédure restée concentrée en une phase unique et placée sous l’autorité du magistrat. 4. – La désignation du magistrat dans le code décemviral Les citations authentiques conservées des XII T. désignent toujours le magistrat du nom de praetor (8.9 ; 8.14 ; 12.3). Parfois, un iudex est mentionné (2.1 b ; 2.2). L’idée de remaniements formels s’impose : on sait que le magistrat, dans sa fonction juridictionnelle exercée domi, portait primitivement le titre de IVDEX, alors que ‘praetor’ était réservé à l’activité des consuls déployée militiae. On pensera donc que, après la création de la préture, praetor remplaça systématiquement IVDEX, chaque fois que la loi s’était référée à une fonction propre au magistrat. Par contre, le terme de IVDEX fut maintenu sans inconvénient chaque fois que le code s’était rapporté à une activité propre au iudex privatus : ainsi pour la iudicis arbitrive postulatio (2.1 b), action de la loi confiant à un privatus la fonction de juger, ou lorsque le code se réfère à une activité se déroulant lors de la phase apud iudicem (2.2). V. (mais avec des conclusions différentes) : Lévy-Bruhl (1960) 139, 211-214 ; Magdelain (1980) 275 (= 648) ; Id. (1990-1) 238-239 ; Buti (1984) 32, 38 ; Nicosia (1984) 208-210 ; Wieacker RRG I, 254 n. 82.

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5. – Domaine d’application du sacramentum L’action de la loi offre une procédure polyvalente, ouverte à tous les cas où la prétention du demandeur doit aboutir à la condamnation de son adversaire : délit ; promesse de payer ou de faire, revendication d’une chose ou de la puissance sur un individu. Toutes les sources d’actions énumérées par les divers versets des XII T. entrent donc dans le champ d’application de la procédure par sacramentum. Kunkel (1962) 9-45, dans une reconstitution révolutionnaire, a soutenu que les crimes de sang, traditionnellement définis comme des crimes publics et relevant de la justice criminelle capitale du peuple (comices centuriates), faisaient l’objet d’une action privée se déroulant selon la procédure du s. La doctrine est aujourd’hui partagée. Le mutisme des sources rend difficile le choix entre la thèse traditionnelle, illustrée notam. par Mommsen, Strafr. 151-179 (procédure publique pour les crimes du sang, relevant d’un iudicium populi, de type inquisitorial) et la thèse de Kunkel, soumettant les mêmes crimes à une procédure privée accusatoire et conduisant, par le s., à une peine privée (mort ou transaction). Sur ce débat, infra 9.2. Le procès de liberté (vindicatio in libertatem) ressortit aussi à la legis actio sacramento. On en reconstitue pour partie les traits spécifiques grâce aux formes de la manumissio vindicta, acte de juridiction gracieuse, qui s’aide d’un procès simulé pour obtenir du magistrat qu’il prononce la liberté d’un individu jusque là de condition servile. Sur les liens entre manumissio et vindicatio in libertatem, Wolf (1991) 6196. La vindicatio in libertatem contentieuse oppose à celui qui prétend posséder un individu comme esclave un adsertor libertatis, défenseur de la liberté de l’individu. Ce procès est calqué sur la vindicatio in rem, mais déroge au déroulement ordinaire de la procédure sous deux aspects : le magistrat attribue la possession intérimaire de l’individu exclusivement à l’adsertor. Ce procès, en second lieu, constitue une entorse au principe selon lequel il n’y a pas de représentation possible d’une des parties dans le jeu des actions de la loi : par force, l’individu, objet du procès, ne peut se défendre lui-même. Un tiers (l’adsertor) doit assurer sa défense et bénéficie du taux de s. le plus bas (Gai. 4.14, cité supra). Sur la vindicatio in libertatem, verset 6.7.

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2. 1 b – :  Gaius Institutiones 4.17 a (1) : Per iudicis postulationem ageb, si de re, ut ita age, lex iuss, si lex XII tabularum de , quod ex stipulatione petitur. Eaque res talis ( ?)(2) erat : qui agebat, sic dicebat : Ex sponsione te mihi x milia sestertia dare oportere aio ; id postvlo, aias an neges(3). Adversarius dicebat non oportere. Actor dicebat : Qvando tv negas, te praetor ivdicem sive arbitrvm postvlo, vti des. Itaque in eo genere actionis sine poena quisque negabat. Item de hereditate dividenda inter coheredes eadem lex per iudicis postulationem agi iussit […] Itaque no causa, ex qua agebatur, statim arbiter petebatur.

: On agissait par la demande d’un juge dans les cas où la loi avait permis que l’on agît ainsi : ce que fit la loi des XII T., lorsque l’on réclame quelque chose en vertu d’une stipulation.  Voici en quoi consistait la procédure. Le demandeur disait : ‘J’affirme que tu dois me verser 10  000 sesterces du fait de l’engagement par sponsio. Je te demande de le reconnaître ou de le nier’. L’adversaire répondait qu’il ne devait rien.  Alors le demandeur : ‘Puisque tu nies, je te demande, préteur, de donner un juge ou un arbitre’. Dans ce type d’action, on le voit, celui qui nie n’encourt pas de peine. La même loi a également permis d’agir par la demande de juge pour les partages successoraux … Aussi, sitôt après avoir indiqué la cause de l’action, on demandait un arbitre.

(1)  Le témoignage de Gaius a été révélé en 1933 par la découverte, au Caire, de fragments sur parchemin (deux feuillets et demi) d’un manuscrit des IVe-Ve s. des Institutes, complétant une lacune du palimpseste de Vérone et permettant de reconstituer une disposition essentielle du code décemviral. Editio princeps par Arangio-Ruiz (1935-1) ; Id. (1935-2) ; corrections et commentaire de Levy (1934) 265-266, 296-311. (2)  Quatre lettres illisibles. Arangio-Ruiz cit., proposa de restituer fere ; mais si le terme est fréquent chez Gaius, il introduit une approximation inconcevable pour une procédure formaliste. Dans son Editio minor de Gaius (Leyde 1964), M. David a rejeté à juste titre cette intégration, conservée cependant par Meylan, in GirardSenn, Textes de droit romain7, Paris, 1967, et par U. Manthe, Gaius Institutiones, Darmstadt, 2004. (3)  Le parchemin porte ‘aies an negas’. Dans une formule identique relative à l’action de la loi par condictio (Gai. 4.17 b), le copiste a écrit ‘aias aut neges’. La correction s’impose : aias an neges. Le formulaire, qui implique une réponse par

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oui ou non, se retrouve sous des formes voisines dans le sacramentum in personam (Valerius Probus, Notae 4.2, 3 = FIRA II, 456) et la condictio.

Source complémentaire Cicero Pro Murena 27 : voir 1.6-9, source b : citant des expressions décemvirales devenues obscures, Cicéron donne, comme exemple de termes apparemment synonymes employés dans un même verset iudex et arbiter. Reconstitution Pas de reconstitution possible. Mais il est vraisemblable que la loi recourait aux termes ‘per iudicis postulationem agere’ et ‘ex sponsione’. Commentaire Avant la découverte des dits « Nouveaux fragments de Gaius », la iudicis arbitrive postulatio (= i.a.p.) restait mal connue dans sa vocation.  On datait traditionnellement cette action de la loi du IIIe s. On saisit désormais les innovations fondamentales que cette action a apportées dans le domaine de la procédure et dans le concept d’obligation. Ces réformes peuvent être considérées vraisemblablement comme une œuvre des décemvirs. 1. – Innovations d’ordre procédural Elles sont considérables. Non pas (comme l’a cru Gaius, frappé par cet aspect relativement mineur) pour avoir épargné à la partie défaite la poena du sacramentum (= s.), mais pour avoir créé une procédure beaucoup moins complexe que celle du s. Le principe de la division du procès en deux phases (in iure, apud iudicem) est, sinon introduit dans l’organisation judiciaire (cf.  2.1 a, Commentaire 4.), du moins appliqué. Le rôle du magistrat est réduit. Après avoir écouté les parties et entendu l’objet de leur différend, il désigne un iudex qui est aussi arbiter. Le iudex sive arbiter de Gaius équivaut au iudex arbiterve de Valerius Probus 4.8 (-ve ayant une valeur copulative et non disjonctive) ; il vérifie l’existence de la dette, en évalue éventuellement le montant et prononce la condemnatio du défendeur. La procédure s’est allégée. Ces innovations sont encore plus considérables pour la partie de la doctrine qui repousse au IVe s. (cf. 2.1 a) la division du s. en deux phases et réserve la charge du jugement (iudicatum, addictio) au magistrat : en ce sens Magdelain (1980) 230-240 = 611-619. La question de savoir si la i.a.p. est une création décemvirale (en ce sens, Talamanca [1999-1] 158-159) ou si elle avait déjà été imaginée par la pratique quelque temps auparavant (ainsi Talamanca [1987] 17-19) peut être tranchée en faveur de la première interprétation (infra, 2.)

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Cette procédure ignore le détour du s. La question posée est directement celle de l’existence d’un devoir de payer (dare oportere). Le concept d’obligation est au cœur du débat et au centre du jugement. Les deux parties ne s’opposent plus dans l’affirmation symétrique de prétentions identiques. Il y a désormais un demandeur qui affirme un droit et un défendeur qui le nie. 2. – Innovations dans le concept d’obligation non délictuelle Jusqu’en 1933, on n’attribuait à la i.a.p. qu’un rôle modeste : celui, faiblement contentieux, de liquider par un jugement provisoire une indivision successorale. Or, il apparaît maintenant que, outre cette fonction, la i.a.p. a joué un rôle décisif dans l’émergence de la stipulation comme source d’obligation non délictuelle. Il est très vraisemblable qu’avant la création de la i.a.p. (donc avant les XII T. probablement), l’engagement né verbis d’une stipulation (ou sponsio) ne permettait pas au débiteur de contester judiciairement sa dette, mais le soumettait immédiatement, à l’échéance, au pouvoir du créancier (par l’effet d’une manus iniectio pro iudicato). Voir ici Levy (1934) 298-299 ; Kaser AJ 277-280. On peut dire que la stipulation, comme le nexum, n’était pas encore conçue comme un acte créateur d’obligation (source d’un dare ou facere oportere), mais comme la source d’un pouvoir d’exécution personnelle au profit du créancier. Tout change avec la i.a.p., telle que les XII T. la configurent. La stipulatio n’est plus perçue comme un pouvoir de saisie, mais elle s’isole comme une source d’obligation.  Le débiteur (qui, par sa sponsio, adhère à la stipulatio du créancier) s’engage à accomplir une prestation ou à payer une somme – et à rien de plus –. Le créancier, de son côté, tire de l’acte verbis le droit d’exiger une prestation, et rien d’autre. Le pouvoir d’exécution découle désormais d’une intervention nécessaire de l’autorité publique : d’un iudicatum. La stipulatio se résout en la source d’un dare (facere) oportere. L’innovation est remarquable : pour la première fois une obligation non délictuelle voit le jour. Le nexum connaîtra la même évolution, mais elle sera plus laborieuse : ce n’est qu’avec la lex Poetelia Papiria (ca. 326) que cette source d’engagement per aes et libram, dépouillée du pouvoir d’exécution directe du créancier, sera définie comme une pure source d’obligation (au sens concret de ‘devoir juridique de payer’). L’attribution aux XII T. de cette réforme peut s’appuyer sur plusieurs arguments. La profondeur de l’innovation, tout d’abord, qui confirme la stipulation dans sa vocation à devenir une source polyvalente d’obligation.  Le parallèle, ensuite, qu’offre l’histoire plus récente du nexum, qui subit une refonte comparable par l’effet là aussi d’une loi. Enfin, la fonction hybride de la i.a.p., déséquilibrée dans ses deux volets, l’un donnant sur la stipulatio, l’autre sur le partage successoral.

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Cette absence d’unité trahit la transformation subite d’une procédure antérieure. On pensera qu’une forme coutumière, pré-décemvirale, d’arbitrage successoral a fourni un expédient aux décemvirs. Sur cette souche transmise par la tradition (et qui ne confiait au magistrat qu’un rôle des plus restreints : la nomination d’un iudex-arbiter), ils ont greffé la sanction de la stipulation et ont donné le jour à une nouvelle action de la loi. On remarque que (à la différence du s., procédure abstraite, non causée, ne prenant jamais en compte, dans ses formules dialoguées et stéréotypées, la cause de l’action), la i.a.p. est causée : EX SPONSIONE TE DARE OPORTERE AIO, que commente très exactement Gaius, en évoquant la nominata causa. On y verra le signe d’une grande maturité juridique : Levy (1934) 298-301. 3. – Domaine d’application : stipulation certaine et incertaine Gaius attribue à cette action de la loi deux applications : les dettes certaines nées d’une stipulation et les actions en partage successoral. Dès 1934, E. Levy cit. 303-307, avait fermement soutenu que la stipulatio certae pecuniae n’était, chez Gaius, qu’un exemple parmi d’autres et que la stipulation incertaine (rei ou ayant un facere pour objet) relevait aussi de cette action.  On n’expliquerait pas, sinon, la fonction arbitrale du iudex, puisqu’une estimation n’est indispensable (pour aboutir à une condemnatio certa) que lorsque la promesse du débiteur est incertaine. Cette analyse a pourtant été vigoureusement rejetée par Arangio-Ruiz (1935-2) 614-617 (= 131-133) et par Pugliese (1962-1) 131-133, 336-342, limitant le rôle de l’arbiter (distinct, selon ces auteurs, du iudex) à l’action en partage. Mais Magdelain (1980) 218228, 230-238 (= 601-608, 611-616) est revenu avec de solides arguments vers la thèse de Levy. Toute stipulatio, certaine ou incertaine, entre dans le champ de cette procédure. De même, maintenant, Kaser (1983) 111, n.  110 ; Selb (1984) 433. Le iudex détermine d’abord l’existence de la dette : il rend iudicatus le débiteur. Puis, dans sa fonction d’arbiter, il fixe le montant de la dette (damnatio, condemnatio), et rend ainsi le débiteur non seulement iudicatus, mais damnatus. Par son domaine, cette action recoupe celui, général, du s. Selon toute apparence, le demandeur est libre de choisir l’action de la loi qu’il préfère. Le terme iussisset, employé par Gaius, exprime la permission légale et non l’ordre (cf. Kaser [1983] 111). Les actions en partage successoral se déroulent selon la même procédure. Le juge y déploie une double activité (non contestée) : arbiter pour le partage et iudex pour l’adiudicatio : cf.  Broggini (1957) 157, 190 ; Kaser RZPR1, 91 ; Liebs (1968) 237 ; Magdelain (1980) 232 (= 613). Sur l’arbiter en général, Kaser RZPR1, 41-42 ; Albanese (1987) 128 (étymologie). Sur l’action en partage, XII T. 5.10.

II. 2

2. 2 – :  … MORBVS SONTICVS … AVT STATVS DIES CVM HOSTE … QVID HORVM FVIT +VNVM+ IVDICI ARBITROVE REOVE, DIE DIFFSVS ESTO

: … S’il y a empêchement dû à la maladie … ou si un procès pendant a été fixé avec un étranger, … si le juge, l’arbitre ou l’une des parties invoque l’une de ces causes, que ce jour de l’instance soit reporté.

Sources principales et complémentaires La norme décemvirale, sous cette forme, résulte du rapprochement de trois fragments isolés. Mais la reconstitution (infra) paraît certaine. 1. – MORBVS SONTICVS a) Ulpianus libro septuagensimo quarto ad edictum D. 2.11.2.3 : Si quis ‘iudicio se sisti’ promiserit et valetudine vel tempestate vel vi fluminis prohibitus se sistere non possit, exceptione adiuvatur [...] Et ideo etiam lex duodecim tabularum, si iudex vel alteruter ex litigatoribus morbo sontico impediatur, iubet diem iudicii esse diffisum. [« Si quelqu’un a promis de comparaître et en a été empêché par une maladie, par la tempête ou par la violence d’un fleuve, on lui accordera une exception … C’est ainsi que la loi des XII T. ordonne également que le jour du jugement soit ajourné en cas de maladie du juge ou de l’une ou l’autre des parties »]. b) Festus v° Sonticum morbum 372 L : Sonticum morbum in XII significare ait Aelius Stilo certum cum iusta causa ; quem nonnulli putant esse, qui noceat, quod sonte significat nocentes. Naevius ait ‘Sonticam esse oportet causam quam ob rem perdas mulierem’. [« Sonticus morbus dans les XII T. signifie selon Aelius Stilo un empêchement de maladie sérieux pour motif grave. Plusieurs pensent que c’est une maladie grave, car sontes signifie nuisible (nocentes). Pour Naevius, ce doit être une raison sérieuse, celle pour laquelle tu perds de réputation une femme »].

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c) Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.27 : Nam ‘morbus’ in lege ista non febriculosus neque nimium gravis, sed vitium aliquod inbecillitatis atque invalentiae demonstratur, non periculum vitae ostenditur. Ceteroqui morbum vehementiorem vim graviter nocendi habentem legum istarum scriptores alio in loco non per se ‘morbum’ sed ‘morbum sonticum’ appellant. [« La maladie dont parle la loi (=1.3) n’est pas autre chose qu’une simple indisposition, sans fièvre, sans danger de mort. D’ailleurs, dans un autre endroit (=2.2), pour désigner une maladie grave, dangereuse, les rédacteurs de ces lois ne disent pas maladie tout court, ‘mais maladie malfaisante’ (morbus sonticus) »]. d) Festus v° Sontica causa 464 L : [Sontica] causa dicitur a morbo [sontico ...] gerendum agere [... M. Porci]us Cato de re A. Atili : [...]tisse timidus ne [...] ibi causam sonticam ... 2. – STATVS CONDICTVSVE DIES CVM HOSTE e) Cicero De officiis 1.37: Hostis enim apud maiores nostros is dicebatur quem nunc peregrinum dicimus. Indicant duodecim tabulae ‘AVT STATVS DIES CVM HOSTE’. [« Hostis était employé par nos ancêtres pour qualifier l’étranger que nous appelons aujourd’hui peregrinus. À preuve les XII T. : … »]. f) Festus v° Status dies 414-416 L : Status dies vocatur qui iudici causa est constitutus cum peregrino ; eius enim generis ab antiquis hostes appellabantur, quod erant pari iure cum populo Romano, atque hostire ponebatur pro aequare. Plautus in Curculione : ‘Si status condictus cum hoste intercedit dies, tamen est eundum, quo imperant, ingratis’. [« La citation à comparaître avec un étranger, c’est le jour que l’on fixe à celui-ci pour un procès ; on appelait autrefois les étrangers ‘hostes’ parce qu’ils étaient juridiquement à égalité avec les Romains : hostire équivalait à aequare. Plaute dans le Curculio (v.  5-6) (il s’agit d’un rendez-vous amoureux ; aux vers précédents, le galant déclare: ‘Que la nuit soit déjà pleine ou que le soir soit seulement à sa première heure’) : ‘S’il y a rendez-vous pris et fixé avec un étranger, il faut de toute façon obéir et s’y rendre coûte que coûte’ »]. g) Macrobius Saturnalia 1.16.14 : ‘Stati’ : qui iudicii causa cum peregrino instituuntur, ut Plautus in Curculione, ‘Si status condictus cum hoste intercessit dies’. Hostem nunc

II. 2

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more vetere significat peregrinum. Macrobe a utilisé la même source que Festus pour définir, à l’aide de Plaute, l’expression technique ‘status condictus dies cum hoste’. h) Varro De lingua Latina 5.3 : Multa verba aliud nunc ostendunt, aliud ante significabant, ut hostis: nam tum eo verbo dicebant peregrinum qui suis legibus uteretur, nunc dicunt eum quem tum dicebant perduellem. [« Beaucoup de mots expriment aujourd’hui autre chose que dans le passé : ainsi pour hostis. Autrefois, en effet, ce terme signifiait l’étranger vivant sous ses propres lois, alors que maintenant il qualifie l’ennemi que l’on désignait alors à l’aide du mot perduellis »]. i) Festus – Paul v° Hostis 91 L : Hostis apud antiquos peregrinus dicebatur, et qui nunc hostis, perduellio. j) Gaius libro secundo ad legem duodecim tabularum D. 50.16.234 pr. : Quos nos hostes appellamus, eos veteres perduelles appellabant, per eam adiectionem indicantes cum quibus bellum esset. 3. – QVID HORVM FVIT +VNUM+ IVDICI ARBITROVE REOVE, IS DIE DIFFSVS ESTO k) Cicero Pro Murena 28 : cf. 1.6-9, source b ; 2.3. l) Festus v° Reus 336 L : Reus nunc dicitur, qui causam dicit : et item qui quid promisit sponditve ac debet. At Gallus Aelius lib. II significationum verborum, quae ad ius pertinent, ait: ‘Reus est, qui cum altero litem contestatam habet, sive is egit, sive cum eo actum est. Reus stipulando est […] Reus promittendo est […]’. At Capito Ateius in eadem quidem opinione est, sed exemplo adiuvat interpretationem, Numa in secunda tabula secunda lege, in qua scriptum est ‘QVID HORVM FVIT VNVM IUDICI ARBITROVE REOVE EO DIE DIFFENSVS ESTO’. [« Aujourd’hui, on appelle reus celui qui, inculpé, doit présenter sa défense, et de même celui qui, ayant promis, se trouve débiteur. Mais Aelius Gallus , au l. 2 de son lexique des termes juridiques, dit : ‘Est appelé reus celui qui est en litige avec un autre, qu’il soit demandeur ou défendeur. Créancier, celui qui … Débiteur, celui qui... Ateius Capito est du même avis, mais il s’aide d’un exemple ;

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+Numa+ ainsi dans la seconde Table, deuxième loi, où il est écrit : ‘Si l’un de ces motifs est invoqué par le juge, l’arbitre ou l’une des parties, que la date de l’audience soit reportée »]. Ce passage est assurément corrompu. Numa n’a pas de sens : Ursinus (A. Orsi) suggéra de le remplacer par nam. Pour QVID, Scaliger et Godefroy ont proposé, parmi d’autres, QVID, introduisant une proposition conditionnelle. Ulpien (source a) soutient cette hypothèse, préférable à celle de Warmington, Remains of Old Latin I, 435, donnant à quid la valeur d’un relatif indéfini, quidquid. VNVM, redondant, a éveillé des soupçons : on suggéra de le corriger par verum (Turnèbe), utrum (Charondas et bien d’autres), vitium (Cujas, s’appuyant sur Gell. source c, suivi par Schöll 120, mais repoussé par Godefroy, par Dirksen 202, par Mommsen, Gesam. Schr. I, 232). De fait, l’élimination de VNVM peut être proposée. Le report du jour de l’instance est exprimé au moyen du verbe technique diffindere (cf.  Ulp., source a, et Gell. 14.2.1 (in dierum diffissionibus comperendinationibusque) et 14.2.11). Diffensus donné par Festus (source k) doit être corrigé en DIFFISSVS (Cujas, suivi par Dirksen 203), comme l’a définitivement établi Voigt XII T. I, 543, citant Pseudo Acro, ad Hor. Sat. 2.1.79 : iuris verbo usus est : praetor enim dicere solebat : ‘Hic dies diffissus esto’. DIES est donc, dans cette formule consacrée, le sujet du verbe diffindere ; EO DIE fait alors problème. On peut donner à EO la valeur d’un adverbe : ‘en ce cas’ (Ernout, Recueil de textes latins archaïques [1957] 116). On peut aussi corriger EO par HIC ou IS, en s’appuyant sur la formule proclamée par le préteur. Mais on pourrait également songer à EIS, qui reprendrait les trois datifs d’intérêt (iudici, arbitro, reo) qui précèdent. Toutes ces suggestions restent hypothétiques. Mais le modèle prétorien nous incline à choisir IS. Reconstitution Godefroy, le premier, a établi le lien entre ces trois citations indépendantes des XII T. ; il les réinséra dans une liste, certainement plus longue, d’excuses légitimes autorisant un report d’audience (diei diffissio). Godefroy a été suivi par Dirksen 191-208, par Schöll 95, par les éditeurs plus récents des XII T. et les commentateurs de ce verset : D’Ippolito (1993) 93-114 ; Albanese (1995-2) 176-198. La démonstration de Godefroy s’appuyait sur deux arguments, auxquels on peut en ajouter un troisième, fourni par la lex coloniae Genetivae d’Urso. 1. – Le rapprochement d’Ulpien (source a) et de Festus (source k) prouve que les fragments 1 (MORBVS SONTICVS) et 3 ( QVID HORUM FVIT…) forment un tout. De plus HORVM appelle nécessairement, au-delà de la maladie, d’autres motifs d’excuse.

II. 2

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2. – La liste officielle des excuses que peut valablement invoquer une recrue pour ne pas se rendre, le jour prescrit, à la levée (dilectus militaris) a été précieusement conservée par Gell. 16.4. Or, cette liste place à côté du morbus sonticus le status condictusve dies cum hoste : Militibus autem scriptis dies praefinibatur […] his additis exceptionibus : ‘nisi harunce quae causa erit : funus familiare feriaeve denicales […] morbus sonticus auspiciumve, quod sine piaculo praeterire non liceat, sacrificiumve anniversarium […] vis hostesve, status condictusve dies cum hoste ; si cui eorum harunce quae causa erit, tum se postridie, quam per eas causas licebit, eo die venturum aditurumque eum, qui eum pagum delegerit’. Il est certain que si l’assignation à comparaître à jour fixe devant un tribunal, dans un procès avec un étranger, l’emporte sur l’obligation de répondre à l’appel militaire, le même ajournement devait l’emporter dans une procédure entre deux citoyens quand les jours d’audience des deux procès, l’un avec un étranger, l’autre avec un citoyen, se chevauchaient. Le témoignage de Plaute (source f) confirme le caractère prioritaire de l’audience avec un étranger. La liste des excuses militaires conservée par Gell. remonte au moins au IIIe s. à l’époque de Polybe (cf. D’Ippolito [1990] 447). Elle permet, avec une très forte probabilité, de reconstituer la liste décemvirale des excuses judiciaires, du moins pour le status condictusve cum hoste. 3. – À ces arguments est venu s’ajouter, depuis un siècle, le témoignage de la lex col. Genetivae (c. 95, ll. 21 s. et 28 s. = FIRA I, 188 ; Rom. Stat. I 407). Cette loi coloniale dresse la liste des excuses légitimes que juges récupérateurs et magistrats locaux peuvent invoquer pour être dispensés de rendre la justice au jour fixé (hypothèse même du iudex et arbiter dans 2.2). En dépit de quelques rajeunissements, cette liste se confond pour l’essentiel avec la liste des excuses militaires : Si privatus […] non aderit […] neque excusabitur ei harum quam causam esse, quo minus atesse possit, morbum sonticum, vadimonium, iudicium, sacrificium, funus familiare, ferias denicales … Mommsen n’eut guère de peine à rapprocher (mais non à identifier) vadimonium et iudicium du status dies cum hoste. Dans les deux cas, il s’agit d’un empêchement résultant du conflit de deux procès pendants et dont le déroulement devrait avoir lieu le même jour. Il est certain que, parmi d’autres excuses, les XII T. admettaient au moins deux motifs légitimes de défaillance : le morbus sonticus et le status dies cum hoste. Le double témoignage et de Plaute Curc. 5-6 (repris par Festus et Macrobe, sources f et g) et de Gell. 16.4 prouve que la convocation in ius ou in iudicium (cf. infra) pour un procès avec un étranger était techniquement formulée ainsi : status condictusve dies (cum hoste). Cicéron off. 1.37 (source e) a cité une version abrégée. Cette restitution, proposée par de nombreux auteurs avant Godefroy (références ap. Dirksen

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197) a été rejetée, sans motif et certainement à tort, par Godefroy, suivi par Dirksen et par Schöll 120. V. ici les justes remarques d’Albanese (1995-2) 195-197, soulignant que Cicéron, qui ne s’intéressait qu’au sens archaïque de hostis, n’a probablement retenu qu’une citation tronquée de l’expression décemvirale. En s’inspirant de la formule du serment militaire et de l’exception d’excuses légitimes, on peut penser à une prescription du type suivant : ‘qu’appelés à juger ou à comparaître, juge, arbitre, plaideurs viennent, sauf si l’un de ces motifs se présente’ : (nisi harunce quae causa erit) : MORBVS SONTICVS … STATVS CONDICTVSVE DIES CVM HOSTE … SI QVID HORVM FVIT IVDICI ARBITROVE REOVE, IS DIES DIFFISSVS ESTO. Commentaire 1. – Les excuses légitimes 1. – 1. Morbus sonticus L’étymologie possible de sonticus, à partir de sons (participe présent de esse) donnerait comme sens premier une maladie ‘essentielle’, faisant obstacle à l’activité envisagée, quelle qu’elle soit. Le passage à maladie ‘nuisible’ est aisé. Comme l’ont remarqué Petot (1912-1) 79-90 ou Manthe (1982) 73-84 (stratigraphie des fragments du Digeste permettant de remonter aux Digesta de Cassius), les sources juridiques n’affectent pas au morbus sonticus un degré de gravité objectif ou uniforme. Est telle toute maladie dont l’effet paralysant entrave l’activité projetée (ainsi Julian.  5 dig. D. 42.1.60). La même valeur se retrouve dans la causa sontica de Caton (fragm. 215, Malcovati, ap. Festus, source d) et dans le morbum certum cum iusta causa d’Aelius Stilo (source b). L’accent, sémantiquement très proche, mis sur le dommage causé par ce type de maladie invalidante remonte au moins à Cassius, cité par Venuleius 5 actionum D. 21.1.65 (Manthe cit.) ; de même Iavol. 14 ex Cassio D. 50.16.113 : morbus sonticus est, qui cuique rei noceat. Festus (source b) connaît cette valeur de sonticus, trouvée chez nonnulli. 1. – 2. Status condictusve dies cum hoste La nature de cet empêchement légitime est discutée. Un procès pendant avec un étranger (bénéficiant du commercium) obéissait sans doute, et dans son introduction et dans son déroulement, à une procé-

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dure particulière (cf. 6.4). L’in ius vocatio ne recourait probablement pas aux formes romaines ; on peut songer à un ordre du magistrat, fixant autoritairement (status dies) le jour de la présentation in ius. Quant au condictus dies, il pourrait se référer à la proclamation (par sommation solennelle), par l’une des parties à l’autre, de la date de la comparution, telle que le magistrat l’avait préalablement fixée. Statuere se réfère à l’autorité qui fixe ; condicere à la partie qui somme l’adversaire de se présenter au jour fixé (cf.  Gai. 4.18 : condicere est denuntiare prisca lingua). Ainsi Karlowa (1872) 226-228, critiquant Voigt XII T. II, 191 (status dies marquerait la date des débats apud iudicem ; condictus dies : celle de la procédure in iure ; il faudrait donc, selon Voigt, renverser l’ordre status condictusve dies). En dépit des objections décisives de Karlowa, l’interprétation de Voigt a été reprise par Eisele (1896) 269284 et par Petot (1912-1) 91-95, à tort. En toute hypothèse, le procès avec l’étranger dont la date est fixée crée une excuse aussi bien pour le juge /magistrat que pour les parties à ce procès. La priorité absolue accordée au procès avec un étranger (que l’on soit juge ou partie), qui passe avant le dilectus et avant tout acte de procédure entre Romains, n’a suscité que des explications hypothétiques : lourdeur de la procédure avec un étranger par le recours à des récupérateurs, crainte de complications diplomatiques… (cf. Girard OJ 103-104 ; Lévy-Bruhl [1960] 140, 212 ; Kremer [2005] : supériorité du traité international sur la loi interne romaine). On ne peut savoir si les XII T. avaient également admis, comme motif d’ajournement, un procès antérieur déjà engagé ou fixé avec un citoyen romain (comme le fait la lex col. Genetiv. : vadimonium et iudicium). Dans ce cas, le procès avec l’étranger perdrait son caractère privilégié (mais qu’il conserve, en toute hypothèse, comme excuse pour la levée militaire). On serait alors en présence, simplement, d’un principe élémentaire de solution de conflits de lois dans le temps : prior tempore, potior iure. 1. – 3. Autres causes d‘excuses admises par les XII T. ? Il est tentant de compléter l’énumération certainement lacunaire de 2.2 à l’aide des listes officielles plus récentes, militaires et judiciaires. Mommsen cit. 232 s’y était employé et l’exercice a été repris depuis, notam. par Albanese (1995-2) 183-194. Il est très probable que les tabous liés à la mort (funus familiare et les rites de purification associés, feriae denicales), le sacrifice annuel, de même que les contraintes de l’auspicium, tant privées que publiques, étaient déjà mentionnés dans le code : ainsi Albanese cit. 183-188. Par contre, l’absence ‘pour le service de l’État’ (propter magistratus potestatemve, lex col. Genetivae c. 95 l. 24-25), ainsi que le iustitium ou le iudicium, voire le vadimonium (contra Mommsen cit. ; Girard OJ 88 n.  1) ne peuvent, avec autant de vraisemblance, être réintroduits dans le catalogue décemviral.

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Il est remarquable que cette liste continuera au IIe s. de notre ère à servir de base à la pratique judiciaire. Dans deux passages de son commentaire à la loi des XII T., Gaius rajeunit la liste, mais en conserve l’esprit : Gai. 1 ad leg. XII tab. D. 2.11.6 : le motif de l’absence rei publicae causa s’est sans doute ajouté plus tard. De même convient-il d’expliquer par le même contexte Gai. 1 ad leg. XII tab. D. 50.16.233.1 : post kalendas Ianuarias die tertio pro salute principis vota suscipiuntur. Les vœux annuels pour la santé de l’empereur sont un anniversaire religieux (sacrificium anniversarium), source de vacances judiciaires pour tous, juge et plaideurs. Cf. Lauria (1963) 34 ; Diliberto (1992) 60. 2. – Le report d’instance : iudici … dies diffissus esto L’effet de l’excuse est de provoquer de plein droit un report d’instance (dies diffissus), que l’empêché soit l’une des parties, le juge, l’arbitre ou (selon certains, récusant la division du procès en deux phases : cf. 2.1 a) le magistrat dans sa fonction de juge. Voir ici, concrètement, pour les cas de figure envisageables, Petot (1912-1) 98-100. On ignore à combien de jours, après la disparition de l’obstacle (au surlendemain, perendinus dies ou comperendinum ? Discussions chez Petot 115-128) était remise l’audience nouvelle. Mais quelle obligation de comparaître était-elle repoussée par le jeu de l’excuse ? L’in ius vocatio est exclue. Le morbus n’est pas une cause admise de report pour celle-ci (1.3). Les efforts de Gell. 20.1.27 (source c) pour discerner entre 1.3 et 2.2 une différence de gravité dans le morbus sont erronés. L’obligation de répondre à la vocatio, sitôt déclenchée, ne tolère ni délai, ni excuse, ni report. Le vadimonium (supra 1.10) ne servait pas à interrompre une vocatio pour la reprendre ensuite. La re-comparution in iure, lorsque la procédure devant le magistrat n’a pu s’achever (domaine d’élection du vadimonium) fournit une hypothèse où entrent en jeu les excuses légales. Le défendeur, absent mais excusé, évitera à ses garants (vades) de subir une condamnation. L’ouverture de la phase judiciaire, après la litis contestatio, devait réunir outre les parties, le juge et l’expert. Faut-il voir dans le iudex le magistrat (ainsi pour la partie de la doctrine, dont Albanese cit. 193-194, qui refuse de reconnaître, pour la période décemvirale, la division du procès en deux phases - à l’exception de la iudicis arbitrive postulatio : sur cette question, cf. 2.1 a). On pensera difficilement que des sanctions pénales eussent pu frapper le magistrat, défaillant dans sa fonction (supposée) de iudex.

II. 3

2. 3 – :  CVI TESTIMONIVM DEFVERIT, IS TERTIIS DIEBVS OB PORTVM OBVAGVLATVM ITO.

: Que celui à qui un témoignage aura fait défaut, chaque fois que cela se produira, qu’il aille le surlendemain devant la maison (du témoin défaillant) pour réclamer à cris retentissants.

Sources a) Festus v° Portum 262 L : Portum in XII pro domo positum omnes fere consentiunt : ‘CVI TESTIMONIVM DEFVERIT, [H]IS TERTIIS DIEBVS OB PORTVM OBVAGVLATVM ITO’. [« Presque tout le monde est d’accord pour penser que ‘portum’ dans les XII T. remplace le mot maison : ‘Que celui…’ »]. b) Festus v° Vagulatio 514 L : Vagulatio in XII significat quaestio cum convicio. ‘CVI TESTIMONIVM DEFU[G]ERIT, IS TERTIIS DIEBVS OB PORTVM OBVAGVLATVM ITO. [« Vagulatio dans les XII T. signifie ‘chercher à obtenir en menant grand tapage’ (= réclamer à cris retentissants) : ‘Que celui…’ »]. Commentaire TERTIIS DIEBVS. Le pluriel (tertiis diebus pour tertio die) a une valeur distributive : ‘chaque fois que… on ira le surlendemain (tertio die)’. Le pluriel confère à la norme sa généralité. Mais on ne peut décider de manière tranchée, si la généralisation concerne en premier lieu les victimes de la défaillance (‘chaque fois que la partie à un procès ou à un acte aura souffert de la défaillance d’un témoin, qu’elle aille le surlendemain …’) ou sur l’acte de défaillance lui-même (‘chaque fois qu’un témoignage aura fait défaut, que l’on aille le surlendemain …’). Par contre, la traduction ‘tous les trois jours’ (procéder au charivari tous les trois jours, pendant une période indéfinie) n’est pas acceptable. Ainsi, cependant, Mommsen, Rezens. à J. Esher, De testium ratione quae Romae Ciceronis aetate obtinuit 1842 [1844] = Gesam. Schr. III, Berlin 1907, 500-512, notam. 507 ; Radin (1937) ; Arias Bonet (1956) 299 ;

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Pugliese (1962-1) 419. Moins acceptable encore, la traduction par ‘rite renouvelé trois jours de suite’ : ainsi Voigt XII T. I, 535 ; Lévy-Bruhl (1947-4) 87. En faveur de ‘surlendemain’ (= tertio die) : J. Wordsworth, Fragments of Early Latin, Oxford 1874, 518; Huvelin (1903) 369 s.; MacCormack (1973) 239. Dans la langue technique de la religion ou du droit, l’équivalent de tertio die (ou de tertiis diebus) est perendinus dies ou comperendinus dies. Ainsi Gell. 10.24.9 : Sacerdotes quoque populi Romani, cum condicunt in diem tertium, ‘die perendini’ dicunt. Cette formule d’ajournement au surlendemain se retrouve dans le passage ironique du pro Murena 27, empli de réminiscences décemvirales (cf.  1.6-9, source b ; 2.1 b), dans lequel Cicéron raille les juristes qui ont abandonné l’esprit du ius civile pour en rester aux verba ipsa (in omni denique iure civili aequitatem reliquerunt, verba ipsa tenuerunt) et donne comme exemple trois couples de termes, certainement empruntés aux XII T., qui employaient des termes apparemment synonymes : RES et LIS, IUDEX et ARBITER, DIES TERTIVS et PERENDINVS. On en déduira que tertius dies (ou tertiis diebus) et perendinus dies figuraient tous deux dans le code, avec une signification quasi équivalente. L’emplacement du verset 2.3 dans la 2e Table est purement conventionnel. On ne saurait affirmer que la norme concerne particulièrement les témoins appelés lors de l’in ius vocatio ou du rite de la litis contestatio, ni même qu’il s’agit des témoins judiciaires cités lors d’un procès. Il peut tout aussi bien s’agir des témoins dits instrumentaires (cf. 8.22). Sur quaestio (Festus, source b) : pour questus ( ?), au sens de querela ; sur portus (pour porta ?), Radin cit. 1750. La portée de la prescription est obscure. La loi organise un charivari devant la maison du témoin défaillant avec prise à partie du voisinage. Mais s’agit-il d’une sanction en soi (source d’une véritable infamie frappant le témoin sans parole) ou d’un moyen de pression destiné à briser la résistance du témoin et à l’amener à fournir son témoignage ? À cette première question s’en ajoute une seconde, inséparable. Le verset 8.22 prononce contre le témoin qui a accepté de témoigner et qui fait défaut une peine (improbus intestabilisque esto), qui entraîne une sorte d’exclusion juridique du groupe, ou mort civile. Or, il est impossible d’accepter pour un même fait deux sanctions différentes. Ou 2.3 n’édicte qu’un avertissement solennel et ne fulmine pas une peine, ou, dans les deux cas, on est en présence d’une sanction, mais alors les comportements diffèrent dans chaque cas. Usener (1901) reconnut dans l’obvagulatio un rite magique par lequel le groupe, en une véritable Volksjustiz, prononcerait par une formule de malédiction l’exclusion du témoin défaillant. Plus tard, pour le même fait, la loi aurait ajouté sa propre sanction (peine de l’intestabilis) et placé côte à côte deux peines relevant de cultures très différentes.

II. 3

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Dans le même sens, Biscardi (1971-2) 402-403 : malédiction magique frappant le témoin à la litis contestatio coupable de défaillance. Mais cette thèse a été combattue. En effet, dans la procédure légale instaurée par les XII T., il n’y a pas, par définition, de place pour une justice populaire. En reprenant le rite de l’obvagulatio, la loi l’a dénaturé en l’intégrant dans une procédure légale : Wieacker (1956) 478-480 ; Id. RRG I, 245 n. 46, 297 ; Kaser RZPR 19, 87 n. 38 ; Behrends (1974) 96. Déjà Mommsen cit. avait vu dans l’obvagulatio décemvirale un rituel retravaillé, auquel la loi ne reconnaissait qu’une efficacité mesurée : celle de produire une infamie de fait, une dénonciation spectaculaire de la part du groupe n’appréciant guère la dérobade d’un témoin.  Et cette marque de désapprobation ne se confond pas avec la menace de sanctions plus graves : celle précisément qui sanctionne, par la peine de l’intestabilis, le crime du témoin défaillant (8.22). Il est donc admissible de cumuler 2.3 et 8.22, en y relevant une progression aménagée par la loi qui récupéra, à cette fin, des sanctions de nature et d’âge différents. L’obvagulatio, vestige d’une époque révolue où le peuple se faisait justicier, est devenue, avec le code, un avertissement rituel, susceptible de dénoncer la passivité de tout témoin défaillant. Au terme d’un délai de deux jours (le surlendemain de la défaillance constatée), un vacarme est organisé devant la porte du témoin négligent et le rappelle à ses obligations. Puis, sinon pour tous les types de témoins, du moins certainement pour plusieurs catégories d’entre eux (les témoins instrumentaires, qui ont accepté de prêter leur concours à un acte formaliste : stipulatio, mancipatio, litis contestatio…), si l’obvagulatio est restée sans effet, la peine ultérieure de l’intestabilis (8.22) sera encourue : Arias Bonet (1956) 293-301 ; MacCormack (1973) 238-240. Le délai aménagé pour le déclenchement de l’obvagulatio correspond au délai d’ajournement (comperendinatio) dans la procédure des actions de la loi. L’avertissement devait donc concerner au moins tous les témoins judiciaires (appelés à rapporter un fait et à participer à la litis contestatio) : Lévy-Bruhl (1910-2) 54-59.

III. 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6

3.1 – :  AERIS CONFESSI REBVSQVE IVRE IVDICATIS XXX DIES IVSTI SVNTO. 3.2  – :  POST DEINDE MANVS INIECTIO ESTO. IN IVS DVCITO. 3.3  – : NI IVDICATVM FACIT AVT QVIS ENDO EO IN IVRE VINDICIT, SECVM DVCITO, VINCITO AVT NERVO AVT COMPEDIBVS. QVINDECIM PONDO NE MINORE AVT SI VOLET MAIORE VINCITO. 3.4 – : SI VOLET, SVO VIVITO. NI SVO VIVIT, QVI EVM VINCTVM HABEBIT, LIBRAS FARRIS ENDO DIES DATO. SI VOLET, PLVS DATO. 3.5  – : Aulus Gellius 20.1.46-47 : (46) Erat autem ius interea paciscendi ac, nisi pacti forent, habebantur in vinculis dies sexaginta. (47) Inter eos dies trinis nundinis continuis ad praetorem in comitium producebantur, quantaeque pecuniae iudicati essent, praedicabatur. Tertiis autem nundinis capite poenas dabant aut trans Tiberim peregre venum ibant. TERTIIS NVNDINIS PARTIS SECANTO. SI PLVS MINVSVE 3.6 – :  SECVERVNT, SE FRAVDE ESTO.

1 – : Au cas où la somme due aura fait l’objet d’un aveu et à l’égard des litiges réglés par un jugement, que s’écoulent les trente jours prescrits.



2 – : Ensuite qu’il (= le plaignant) mette la main sur lui (= le défendeur). Qu’il (le) conduise devant le tribunal.



3  – : S’il n’exécute pas le jugement, ou si personne n’intervient devant le tribunal pour le libérer, qu’il (= le plaignant) emmène (le défendeur) avec lui. Qu’il l’attache ou avec un nerf ou avec des fers. Qu’il l’attache avec un poids de quinze livres au moins, ou plus s’il veut.



4  – : Qu’il (= le défendeur) se nourrisse, s’il veut, à ses frais. S’il

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ne se nourrit pas à ses frais, que celui qui le tiendra lié donne une livre d’épeautre par jour, ou plus s’il veut. 5  – : Aulu-Gelle, 20.1.46-47 : (46) Cependant, on avait encore le droit de transiger ; mais à défaut de pacte, on les retenait dans les liens pendant soixante jours. (47) Durant ce temps, ils étaient présentés devant le préteur, au comitium, lors de trois jours de marché successifs. On annonçait publiquement la somme pour laquelle ils avaient été jugés. Une fois passé le troisième marché, ils subissaient la peine de mort ou étaient vendus à l’étranger, au-delà du Tibre. 6  – : Une fois passé le troisième marché, qu’ils le découpent en morceaux. S’ils (en) découpent plus, ou moins, ils n’auront pas manqué au respect de la loi.

Sources principales a) Gell. 15.13.11 : ‘Confessi’ autem ‘aeris’, de quo facta confessio est, in XII tabulis scriptum est his verbis : AERIS CONFESSI REBVSQVE IVDICATIS XXX DIES IVSTI SVNTO. b) Gell. 20.1.19, 42-52 : Dialogue entre le philosophe Favorinus et le juriste Sextus Caecilius Africanus sur la loi des XII T. (19) (Favorinus) ‘Nam de inmanitate illa secandi partiendique humani corporis, si unus ob pecuniam debitam iudicatus addictusque sit pluribus, non libet meminisse et piget dicere. Quid enim videri potest efferatius, quid ab hominis ingenio diversius, quam quod membra et artus inopis debitoris saevissimo laniatu distrahebantur, sicuti nunc bona venum distrahuntur ?’ (42) (Sex. Africanus) ‘Confessi igitur aeris ac debiti iudicatis triginta dies sunt dati conquirendae pecuniae causa, quam dissolverent, (43) eosque dies decemviri ‘iustos’ appellaverunt, velut quoddam iustitium, id est iuris inter eos quasi interstitionem quandam et cessationem, quibus diebus nihil cum his agi iure posset. (44) Post deinde, nisi dissolverant, ad praetorem vocabantur et ab eo, quibus erant iudicati, addicebantur, nervo quoque aut compedibus vinciebantur. Sic enim sunt, opinor, verba legis : (45) ‘AERIS CONFESSI REBVSQVE IVRE IVDICATIS TRIGINTA DIES IVSTI SVNTO. POST DEINDE MANVS INIECTIO ESTO, IN IVS DVCITO. NI IVDICATVM FACIT AVT QVIS ENDO EO IN IVRE VINDICIT, SECVM DVCITO, VINCITO AVT NERVO AVT COMPEDIBVS. QVINDECIM PONDO NE MINORE AVT SI VOLET MAIORE VINCITO. SI VOLET, SVO VIVITO. NI SVO VIVIT, QVI EVM VINCTVM HABEBIT, LIBRAS FARRIS ENDO

III. 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6

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DIES DATO. SI VOLET, PLVS DATO’.(46) Erat autem ius interea paciscendi ac, nisi pacti forent, habebantur in vinculis dies sexaginta. (47) Inter eos dies trinis nundinis continuis ad praetorem in comitium producebantur, quantaeque pecuniae iudicati essent, praedicabatur. Tertiis autem nundinis capite poenas dabant aut trans Tiberim peregre venum ibant. (48) Sed eam capitis poenam sanciendae, sicuti dixi, fidei gratia horrificam atrocitatis ostentu novisque terroribus metuendam reddiderunt. Nam si plures forent, quibus reus esset iudicatus, secare, si vellent, atque partiri corpus addicti sibi hominis permiserunt. (49) Et quidem verba ipsa legis dicam, ne existimes invidiam me istam forte formidare : ‘TERTIIS, inquit, NVNDINIS PARTIS SECANTO. SI PLVS MINVSVE SECVERVNT, SE FRAVDE ESTO. (50) Nihil profecto inmitius, nihil inmanius, nisi, ut reapse apparet, eo consilio tanta inmanitas poenae denuntiatast, ne ad eam umquam perveniretur. (51) Addici namque nunc et vinciri multos videmus, quia vinculorum poenam deterrimi homines contemnunt, (52) dissectum esse antiquitus neminem equidem neque legi neque audivi, quoniam saevitia ista poenae contemni non quitast. [Favorinus : « (19) ‘Quant au pouvoir monstrueux de découper et de se répartir le corps d’un homme, lorsqu’un débiteur condamné pour dette a été attribué à plusieurs créanciers, il serait choquant d’en parler et il vaut mieux l’oublier. Quoi de plus barbare, de plus contraire à la raison humaine, que de dépecer avec cruauté, pour se les partager, le corps et les membres d’un débiteur insolvable, comme on divise aujourd’hui ses biens pour les vendre au détail ?’. Sext. Caecilius : (42) ‘Aux débiteurs, donc, qui ont avoué leur dette ou qui ont été condamnés par un jugement, trente jours étaient donnés pour chercher de l’argent et s’acquitter. (43) Ces jours furent appelés iusti, légaux, parce qu’il y avait en quelque sorte une trêve (iustitium) entre les parties et suspension des relations juridiques : durant ce délai aucune poursuite ne pouvait avoir lieu. (44) Ensuite, si les débiteurs n’avaient pas payé, on les appelait à comparaître devant le préteur qui les adjugeait à celui qui avait obtenu un jugement contre eux ; ils étaient liés par un nerf ou par des chaînes. (45) Voici, je crois, les mots mêmes de la loi : ‘Au cas où la dette aura fait l’objet d’un aveu …’ (= 3.1-4). (46-47) Cependant, on avait encore… Tibre (= 3.5). (48) Or, cette peine de mort, dont le but était, je l’ai déjà dit, d’assurer le respect du crédit, les législateurs, par une cruauté calculée, en avaient fait un objet d’horreur et d’épouvante. Si la condamnation avait été prononcée au profit de plusieurs créanciers, ils avaient le droit de couper son corps en morceaux et de se les partager. (49) Je citerai les termes mêmes de la loi, pour que tu ne croies pas que leur caractère odieux me fait reculer : ‘Une fois passé …’ (= 3.6). (50) Quoi de plus atroce, quoi de plus barbare ? Mais n’est-il pas évident que la cruauté de la peine a été organisée à dessein, afin que l’on n’eût jamais à y recourir ? (51) Aujourd’hui, nous voyons nombre de débiteurs être adjugés et être

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enchaînés : n’est-ce pas la preuve, par leur nombre, que ces hommes pervers se moquent des fers ? (52) Mais que, dans le passé, un débiteur ait été dépecé, je ne l’ai jamais lu, jamais entendu. La raison ? Il n’était pas possible de braver une peine aussi effroyable »]. c) Quintilianus Institutio oratoria 3.6.84 : Sunt enim quaedam non laudabilia natura, sed iure concessa, ut in duodecim tabulis debitoris corpus inter creditores dividi licuit, quam legem mos publicus repudiavit; et aliquid aecum, sed prohibitum iure, ut libertas testamentorum. [« Il y a des actes qui ne sont pas louables par nature, mais permis par le droit ; par exemple, une disposition des XII T., qui a été répudiée par l’usage, autorisait les créanciers à partager entre eux le corps du débiteur ; et il y a aussi des actes équitables, mais prohibés par le droit, comme la liberté testamentaire »]. d) Tertullianus Apologeticum 4.9 : Sed et iudicatos retro in partes secari a creditoribus leges erant ; consensu tamen publico crudelitas postea erasa est, in pudoris notam capitis poena conversa est : bonorum adhibita proscriptio suffundere maluit hominis sanguinem quam effundere. [« Et encore, il existait autrefois des lois qui permettaient aux créanciers de couper en morceaux leurs débiteurs condamnés ; d’un commun accord, cette loi cruelle fut plus tard abolie. La peine de mort fut commuée en note d’infamie : on eut recours à la confiscation des biens et l’on préféra faire monter le sang au visage du débiteur plutôt que le répandre »]. e) Gaius Institutiones 3.78 : Bona autem veneunt aut vivorum aut mortuorum : vivorum veluti eorum, qui fraudationis causa latitant nec absentes defenduntur ; item eorum qui ex lege Iulia bonis cedunt ; item iudicatorum post tempus quod ei parti lege XII tablarum, partim edicto praetoris ad expediendam pecuniam tribuitur. [« On vend les biens, soit des vivants, soit des morts : ceux des vivants qui, par exemple, se dissimulent dans une intention frauduleuse et qui, absents, ne se défendent pas. De même ceux qui font abandon de leurs biens en vertu de la loi Iulia ; ou qui, condamnés, ont laissé passer le délai qui leur a été accordé pour s’acquitter, en partie par la loi des XII., en partie par l’édit du préteur »]. f) Cassius Dio 4, fr. 17.8 (Boissevain) : Évoquant le problème des dettes au début de la République, notamment lors de la sécession de la plèbe, Dion précise :

III. 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6

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ἄλλα τε γὰρ πολλὰ κατὰ τῶν ὑπερημέρων αὐτοῖς ἐδέδοτο, καὶ εἰ δή τινες πλείους δεδανεικότες ἔτυχον, κρεουργηδὸν αὐτοῦ τὸ σῶμα πρὸς τὸ μέρος ὧν ὢφειλεν ἐξουσίαν εἶχον κατανέμεσθαι. καὶ τοῦτο μὲν εἰ καὶ τὰ μάλιστα ἐνενόμιστο, ἀλλ’ οὔτι γε καὶ ἔργῳ ποτὲ ἐγεγόνει. [« Parmi bien d’autres moyens de contrainte, les puissants pouvaient surtout invoquer contre ceux qui payaient avec retard la disposition suivante : au cas où plusieurs créanciers auraient prêté de l’argent à un seul débiteur, ils avaient le droit de se partager son corps au prorata des créances de chacun.  Bien que cette règle eût été pleinement valable, elle ne fut jamais appliquée. Car, comment aurait-on pu commettre un acte aussi cruel quand on laissait souvent des individus convaincus de crimes quitter le pays pour sauver leur vie ? »]. g) Ambrosius De Tobia 10.36 : Hae sunt enim feneratoris leges. Dixi itaque: ‘Tenete reum vestrum ; et ne vobis possit elabi, domum ducite, claudite in cubiculo vestro, carnifibus duriores, quoniam quem vos tenetis, carcer non suscipit, exactor absolvit. Nihil interest inter funus et fenus, nihil inter mortem distat et sortem […]. [« Voici quelles sont les lois de l’usure : ‘Saisissez votre adversaire ; et, pour qu’il ne puisse vous échapper, conduisez-le chez vous, enfermez-le dans votre chambre, vous qui êtes plus durs que des bourreaux, puisque celui que vous retenez, la prison le refoule et le percepteur le laisse libre ! Aucune différence entre le cadavre (funus) et l’usure (fenus), rien ne sépare mort (mors) et prêt à intérêt (sors)…’ »]. Sources complémentaires h) Lex coloniae Genetivae seu Ursonensis, c. 61 (FIRA I, 179; Rom. Stat. I, 400) : …num inicere iussus erit, iudicati iure manus iniectio esto itque ei s(ine) f(raude) s(ua) facere liceto. Vindex arbitratu IIviri quive i(ure) d(icundo) p(raerit) locuples esto. Ni vindicem dabit iudicatumve faciet, secum ducito. Iure civili vinctum habeto. Si quis in eo vim faciet, ast eius vincitur, dupli damnas esto […]. [« Que celui qui aura reçu l’autorisation de procéder à la manus iniectio, y procède à l’encontre de celui qui aura été jugé conformément au droit ; qu’il ait le pouvoir de le faire, sans porter atteinte au droit. Que celui qui intervient pour le libérer (vindex) soit solvable selon l’avis du duumvir ou de celui qui sera chargé de la juridiction.  S’il n’a pas fourni de libérateur, et s’il n’a pas exécuté le jugement, qu’il (= le demandeur) l’emmène avec lui. Qu’il le maintienne enchaîné conformément aux dispositions légales (ius civile). Si quelqu’un est intervenu en sa faveur pour le libérer, mais a été vaincu (= défait en justice), qu’il soit condamné au double »].

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i) Gaius Institutiones 4.21 : Per manus iniectionem aeque his rebus agebatur, de quibus, ut ita ageretur, lege ala cautum est, veluti iudicati lege XII tabularum. Quae actio talis erat : qui agebat, sic dicebat : ‘Quod tu mihi iudicatus sive damnatus es sestertia X milia, quandoc non solvisti, ob eam rem ego tibi sestertium X milium iudicati manu inicio, et simul aliquam partem corporis eius prendebat. Nec licebat iudicato manum sibi depellere et pro se lege agere, sed vindicem dabat, qui pro se causam agere solebat. Qui vindicem non dabat, domum ducebatur ab actore et vinciebatur. [« On agissait aussi par la m.i. dans les cas où une loi l’avait prévu, par exemple la m.i. au titre d’un jugement en vertu de la loi des XII T. Cette action consistait en ceci. Celui qui agissait, disait : ‘du fait que tu as été jugé et condamné à me payer 10 000 HS, puisque tu n’as pas payé, pour cette raison, je mets la main sur toi au titre du jugement portant sur 10  000 HS’. Et aussitôt il saisissait une partie de sa personne. Mais il ne lui était pas permis de se libérer ni d’agir en justice pour lui-même : mais il devait fournir un libérateur, qui engageait une cause en son propre nom. S’il n’avait pas fourni de libérateur, il était emmené dans sa maison par le demandeur, qui l’y enchaînait »]. j) Gaius libro secundo ad legem duodecim tabularum D. 50.16.234.1-2 : (1) Locuples est, qui satis idonee habet pro magnitudine rei, quam actor restituendam esse petit. (2) Verbum vivere quidam putant ad cibum pertinere ; sed Ofilius ad Atticum ait his verbis et vestimenta et stramenta contineri, sine his enim vivere neminem posse. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Aeris confessi rebusque iure iudicatis XXX dies iusti sunto. 1. – 1 : rebus iure iudicatis ; 1. – 2 : iure iudicatum ; 1. – 3 : confessus ; 1. – 4 : XXX dies. 2. – Manus iniectio esto. In ius ducito. 3. – Ni iudicatum facit, aut quis endo eo in iure vindicit, secum ducito. 4. – Vincito ... si volet ... plus dato. 5. – Ius interea paciscendi. 6. – Inter eos dies trinis nundinis… 7. – Trans Tiberim peregre venum ibant. 8. – Partis secanto. Si plus minusve secuerunt… Dans son unité actuelle, reconstituée surtout à partir d’Aulu-Gelle, la table III est, en totalité, consacrée à la manus iniectio (= m.i.) en exécution d’un jugement (techniquement m.i. iudicati : Gai. 4.21, source i). La procédure d’exécution porte sur la personne même du débiteur condamné. C’est la seule forme que connaissent, entre particuliers, la législation décemvirale et le droit républicain même tardif. Le débiteur qui ne veut, ou ne peut exécuter dans les délais impartis, saisi par

III. 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6

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le créancier-demandeur, est remis (addictus) à celui-ci, qui dispose du pouvoir de l’emmener, de le retenir entravé, de le vendre et, selon nos sources, de le tuer. Sur la condition d’addictus, Peppe (1981) 85-181 ; Kaser-Hackl RZPR 141 s. ; Fiori (2001) 395-405 ; Salomone (2007) 84-91. L’exécution sur les biens (pignoris capio, ou prise de gage) remonte certes aux XII T., mais elle n’a qu’un domaine limité au droit sacré et au droit public (12.1). 1. – AERIS CONFESSI REBVSQVE IVRE IVDICATIS XXX DIES IVSTI SVNTO Telles sont les deux conditions déclenchant la procédure d’exécution : l’aveu d’une dette certaine (certae creditae pecuniae, dans le langage plus récent) et le jugement définitivement prononcé. 1. – 1. La structure syntaxique du fragment rapporté par Gell. (sources a et b) a donné bien du souci aux interprètes modernes, qui ont d’abord tenté de multiples corrections. Schöll 106, refusant d’attribuer à la langue décemvirale ce qu’il interprétait comme un ablatif absolu, supprima rebusque iure, ne conservant que iudicatis (un datif, relatif aux personnes ‘jugées à la suite d’une dette avouée’), et réduisant de manière inacceptable la portée de la prescription à la seule hypothèse de l’aveu judiciaire. Kleineidam (1904) 12-14 accepta, par contre, l’ablatif absolu (à valeur temporelle : ‘une fois le jugement rendu’), accolé à un génitif absolu de même valeur (‘une fois la dette avouée’), mais refusa de donner à iure une portée technique quelconque. Plus radical, Gradenwitz (1912) 505-509 dénonça rebusque iudicatis comme une glose tardive : la loi n’aurait aménagé le délai de 30 jours que pour l’aveu (aeris confessi iure XXX dies sunto), ce qui est arbitraire. Hägerström (1932) 113 s. proposa la correction judicieuse de rebusque par reisque : mais elle ne s’impose pas et rend déséquilibrée la structure syntaxique de la phrase (les compléments de sunto devenant d’un côté l’aveu, de l’autre, des individus). Il est infiniment plus sage de garder le texte tel qu’il a été transmis, comme y conduit la démonstration de Funaioli (1934) 71-78 : la lectio difficilior : rebusque iure iudicatis doit être admise. XXX dies iusti sunto a deux compléments : 1) aeris confessi, génitif possessif ou d’attribution (et non un génitif de relation, ni un génitif absolu de type grec comme l’acceptait Horn [1918] 88) ; 2) rebusque iure iudicatis, datif de même valeur, possessif ou d’attribution (et non un ablatif absolu). La loi a donc accordé un délai de grâce à deux hypothèses distinctes, mais complémentaires qui épuisent l’activité judiciaire : l’aveu et le jugement portant condamnation, tous deux compléments (à des cas différents) du même verbe dies sunto. 1. – 2. Reste à élucider le sens de iure, que l’on ne saurait détacher de iudicatis (différem. Berger [1934] 68 corrige en confessi in iure, sur

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la foi d’expressions tardives). Kleineidam cit. 13-14 a dressé la liste de presque toutes les valeurs possibles de iure, pour les réduire à néant. Mais on peut en ajouter une qui nous semble s’imposer. Iudicatus entre dans des expressions variées : res iudicata (3.1) : l’affaire jugée ; iudicatum (3.3) : ce qui a fait l’objet d’un jugement ; mihi iudicatus es  … milia aeris : pour qualifier, dans la formule très archaïque de la m.i. (Gai. 4.21, source i), le débiteur condamné par jugement à payer une somme déterminée. Mais iure ? Dénoncer une redondance destinée à préciser, en un pléonasme suspect, que le iudicatum est source de ius ou qu’il a été prononcé dans le respect des règles de procédure, ne convainc guère. La valeur est autre. En partant d’une hypothèse très suggestive de Magdelain (1980) 239-251 (= 619-628), on doit désormais, dans le jugement, distinguer deux éléments, deux étapes. Le premier (acte de iudicare), qui relève du iudex et qui fait de l’individu un iudicatus, a pour objet de vérifier la réalité du délit (sacramentum in personam) ou de constater l’existence de la dette (une stipulatio, dans le jeu d’une iudicis arbitrive postulatio) ou (car cette structure est commune au sacramentum in personam et au sacramentum in rem) d’établir le titre de propriété sur la chose revendiquée. Mais ce jugement n’emporte pas de condamnation ; il n’est pas exécutoire. Il appelle l’intervention d’un autre organe (ou d’une autre activité, si, comme nous le pensons, la première étape est confiée non pas au magistrat, mais à un iudex privatus) : l’arbiter. C’est à ce dernier qu’il appartient, par l’arbitrium litis aestimandae, de prononcer, dans un deuxième temps, la condemnatio (ou damnatio) qui fera du iudicatus aussi un damnatus. Iudicatus, parce que le fait constitutif du délit (ou la promesse de payer, ou le titre de propriété) a été établi contre lui ; damnatus ensuite, car condamné à payer à la victime (au créancier, au propriétaire évincé) une somme à vocation compensatoire, à titre de damnum (sur ce concept : 8.5). Ces deux actes, iudicare et damnare, sans lesquels il n’y a pas de condemnatio ni de jugement exécutoire ou parfait, sont souvent confondus sous le terme ambigu de iudicatum. Il nous paraît sûr que IVRE IVDICATVM ou RES IVDICATA est une expression rigoureusement technique, posant l’exigence d’un jugement complet et exécutoire pour que la procédure complexe de la m.i. débute. Le débiteur doit non seulement avoir été reconnu auteur du délit, mais la sentence estimatoire doit avoir fixé le montant de sa condamnation.  Différem. Lévy-Bruhl (1960) 237, 287 admet qu’un jugement portant sur une res soit exécutoire (donc dépourvu de condamnation pécuniaire : contra 3.5) ; de même Albanese (1987) 36-51 selon qui la Table III ne se rapporterait qu’au sacramentum in personam (rien ne l’indique : la procédure de l’action de la loi m.i. est générale). En dépit des apparences, le rapprochement entre le ‘rebusque iure iudicatis… dies iusti sunto’ décemviral et la prescription de la lex col. Genetiv. (num inicere iussus erit, iudicatis iure manus

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iniectio esto – source h) n’est pas possible (contra Gradenwitz ZSS 51 [1931] 430) : cette dernière prescrit comme conforme au droit (iure) l’ouverture de la m.i. iudicati (‘au titre du jugement’) au profit de celui qui, dans l’intérêt du populus, a reçu autorisation de le faire. 1. – 3. CONFESSVS. L’aveu est assimilé au jugement. On en retrouve le principe dans la lex Rubria (c. 21-22) (= FIRA I, 172-173 ; Rom. Stat. I, 465-466) et durant toute l’époque classique : confessus pro iudicato est (Paul. 56 ed. D. 42.2.1) : cf. Scapini (1973) ; Thomas (1986) 90-95. Les prudents, par la suite, discuteront de la valeur, assimilable ou non à un jugement, de l’aveu d’une dette incertaine (i.e. non estimée en argent) ou d’une chose due. Cf.  Scapini cit. 55-72. Il est possible que, malgré l’assimilation de l’aveu au jugement, l’aveu, sous les XII T., ait dû être sanctionné par un jugement (même pour une dette certaine – pour une dette incertaine, la sentence damnatoire de l’arbiter s’impose) : Demelius (1880) 49-50 ; Giffard (1900) 11-15 ; Kaser (1983) 84 n. 15. 1. – 4. Les triginta dies accordés pour l’exécution volontaire seront qualifiés plus tard de spatium pro iudicato non contra iudicatum per legem constitutum : délai aménagé par la loi pour que le débiteur respecte la condamnation et n’enfreigne pas le jugement. Ces 30 jours sont qualifiés de iusti. Ce qualificatif n’a pas trouvé d’explication satisfaisante. On peut très facilement l’appliquer à la durée du délai : 30 jours dits iusti, car fixés par la loi (le droit classique utilisera legitimus pour définir cette trêve (D. 22.1.3 pr. ; D. 42.1.4.5 ; D. 42.1.7). Mais on peut aussi bien associer iusti à la qualité de ces jours : ‘jours pendant lesquels il est conforme au ius de …’, ou ‘jours consacrés au droit’. La confirmation de cette seconde explication (à nos yeux préférable) vient non pas de Gell. 20.1.43 – source b), car ces jours quibus nihil cum his agi iure posset mériteraient plutôt d’être dits iniusti (Kleineidam cit. 131) ; mais de Gai. ad ed. praet. urb. D. 42.1.7 : spatium pro iudicato constitutum). Le délai est consacré au ius, car destiné à respecter le iudicatum et à permettre au débiteur d’échapper à la m.i. Il est inexact d’affirmer (ainsi Behrends [1974-1] 129-131 ; Horak [1976] 279) que durant ce délai légal le iudicatus ne peut se libérer en payant : cf.  Kaser (1983) 90-91. Le rapprochement fait par Gell. 20.1.43 (après Sex. Aelius) (source b) avec le iustitium n’est qu’une image, dépourvue de signification juridique. 2. – POST DEINDE MANVS INIECTIO ESTO. IN IVS DVCITO À l’expiration du délai de trente jours, et s’il n’y a eu ni paiement, ni transaction entre les parties (pactum), ni remise de la dette, la procédure d’exécution par la m.i., action de la loi, commence. Exactement

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comme pour la m.i. vocati (1.1-3), cette action de la loi est décidée par le magistrat : elle implique donc la présence des deux parties devant le tribunal (in iure). Si le défendeur-débiteur refuse spontanément de s’y présenter, le demandeur-créancier l’y traînera de force (IN IVRE DVCITO).Cette saisie privée préalable indispensable est un des éléments constitutifs de la m.i., bien qu’elle précède l’ordre du magistrat légitimant la procédure d’exécution dans son ensemble. La thèse de Noailles (1949) 165-168 ; Id. (1942-1) 109-142, voyant dans la m.i. un acte extrajudiciaire, puisant son efficacité dans la force seule du rite et non dans la puissance du magistrat, n’est pas acceptable. En faveur d’un acte d’autorité, Pugliese (1962-1) 303-306 ; Kaser RZPR 94-104 (et bibliogr.) ; Albanese (1987) 36-51. Il est très probable, bien que les sources fassent défaut, que la m.i. dite pro iudicato, ‘comme s’il y avait eu jugement’, attachée à l’inexécution de certains actes formalistes (testament comitial, actes per aes et libram : cf.  6.1), ait obéi aux mêmes prescriptions, rites et étapes que la m.i. iudicati, mais à l’exception du délai préalable de 30 jours : on ne peut affirmer pour ce dernier qu’il devait être aussi respecté avant que le magistrat n’ouvre la procédure d’exécution (v. Kaser RZPR 97).  Le magistrat vérifie que toutes les conditions de l’exécution sont réunies : qualité de iudicatus (reconnu débiteur) et de damnatus (condamné à payer une somme fixée) ; inexécution ; respect du délai. Alors le plaignant se saisit du condamné et prononce la formule conservée par Gai. 4.21 (source i). 3. – NI IUDICATVM FACIT, AVT QVIS ENDO EO IN IVRE VINDICIT, SECVM DVCITO Si la partie condamnée n’exécute pas spontanément le jugement (sur le sens et la portée de l’‘obligation’ d’exécuter la sentence rendue par l’expression, négative, de iudicatum facere : Salomone [1997] 399 s., 417 s. ; Ead. [2007] 69-76), le magistrat prononce alors l’addictio, la remise du débiteur au créancier (Gell. 20.1.45 – source b ; Cic. Flac. 48 ; lex col. Genetiv. c. 61 – source h). Cette addictio ne doit pas être confondue avec l’addictio du délinquant (cas du vol flagrant : 8.14), attribué à la victime pour qu’il satisfasse sa vengeance. Dans l’exécution du jugement, la remise au créancier ne confère à ce dernier que les droits limités d’un manum injiciens (Cannata [1983-1] 164-166). Deux motifs suspendent l’exécution sur la personne : le paiement (iudicatum facere), même tardif,  et l’intervention d’un vindex. Déjà placé sous la maîtrise du créancier saisissant, le débiteur saisi n’a plus qu’une capacité juridique limitée (mais non supprimée : 3.4). Il ne peut, notamment, repousser rituellement la m.i. (manum depellere), ni contester par les voies du droit le bien-fondé de la saisie. Il ne peut

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pro se lege agere (Gai. 4.21, source i). Mais un tiers, le vindex, peut agir à sa place. Ce vindex, que l’on a déjà vu à l’œuvre pour dénoncer une m.i. vocati et libérer le vocatus (1.4), doit être solvable, du moins jouir d’une fortune en rapport avec celle du débiteur : lex col. Genetiv. (source h : locuples esto) ; Gaius (source j). Accepté sur décision du magistrat (arg. lex col. Genetiv.), le vindex dénonce la situation du débiteur, afin d’en obtenir la libération (Festus 516 L). On a rapproché son action de la vindicatio in libertatem, mais il est préférable d’y voir l’affirmation d’une prétention qui entre en conflit avec celle d’autrui (v. la bibliogr. considérable chez Kaser RZPR 49-51, 99-102 ; Wieacker RRG I, 270 et n. 19). Quoi qu’il en soit, le vindex libère le saisi. Aussitôt, un nouveau procès s’engage (par le sacramentum) entre le créancier saisissant et le vindex sur le bien-fondé de la m.i. Mais les possibilités d’action du vindex sont réduites : contester le contenu du jugement ou prouver que le paiement libératoire a été effectué. S’il échoue, le vindex paiera deux fois le montant de la condamnation initiale (principe de la litiscrescence : 6.2) et pourra se retourner contre celui qu’il a définitivement libéré par son intervention : Schlossmann (1904) 156-173 ; Kleineidam cit. 146-212 ; Kaser (1962-2) 98-104. Le vindex ne représente pas le débiteur condamné, car il agit en son propre nom (pro se causam agit – Gai. 4.21 – source i) ; il n’est pas non plus un garant, car son rôle (il attaque la force exécutoire du jugement) est beaucoup plus étendu que celui que l’on attend d’une caution : payer, à titre subsidiaire, la dette du débiteur. 4. – VINCITO … SI VOLET ... PLVS DATO Sans le secours d’un vindex, le saisi est emmené chez le créancier pour y être retenu prisonnier, entravé. Le magistrat n’intervient plus. La loi veille seulement, en fixant le poids des chaînes, en pesant la ration de farine, à éviter les abus. Le texte transmis par Gell. 20.1.45 (source b) relatif au poids des entraves n’a jamais satisfait – v. l’état de la question dans Wenger (1941) 372-375 – : prévoir un poids minimal, mais laisser au créancier (plutôt qu’au débiteur) la liberté d’imposer un poids supérieur défie la logique. Cujas, in Observ. et emendat. l. XXVIII 3.39 = Opera (1836) I, 137, proposa d’intervertir minore et maiore (‘qu’il n’enchaîne pas à l’aide d’un poids supérieur à 15 livres, mais avec un poids inférieur, s’il le veut’). Une hypothèse récente (Bürge [1993] 7481) suggère de comprendre ne comme nei ou nisi, ce qui donne à la phrase un sens moins difficile : ‘qu’il l’attache avec un poids de 15 l. ; et s’il ne l’attache pas à l’aide d’un poids inférieur, qu’il ne l’attache d’un poids supérieur que si (l’enchaîné) l’accepte’. Quatre siècles plus tard (lex col. Genetiv., cit.), ces formes de contrainte subsistent telles quelles.

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L’enchaîné n’est pas astreint à un travail compensatoire. Il conserve son patrimoine (d’où le suo vivito), donc ses droits et sa capacité de citoyen. Sur le sens de nervum : Festus v° Nervum 160-162 L. Le binôme in compedibus aut in nervo est fréquent : Liv. 8.28.8 (relatif aux nexi : prouverait que ces débiteurs subissaient une m.i. pro iudicato comparable à la m.i. iudicati de notre verset – infra 6.1) ; Cato ORF 8.71, 224. Pour l’obligation de nourrir les débiteurs emprisonnés, Ter. Phorm. 2.2.20. 5. – Ius interea paciscendi Ici, comme dans la Table 8.2 et 8.27, le pactum est une convention par laquelle l’une des parties renonce à un droit. La transaction éteint les droits du créancier sur l’enchaîné : soit il accepte un paiement tardif, ou une somme inférieure, ou il substitue un état de dépendance rémunérateur à l’impasse où se trouve réduit le saisi. Il nous paraît probable que la mancipation du débiteur dans la puissance du créancier, pour une période déterminée, devait être l’une des issues conventionnelles les plus fréquentes à la situation des iudicati vincti. Un pacte de re-mancipation, ou d’émancipation (cf. Gai. 1.140) fixait la durée de l’asservissement. Cette mancipation, ou auto-mancipation du vinctus ne pouvait se greffer sur sa condition d’enchaîné (et la remplacer) qu’au terme d’un pactum. On étend sans difficulté le lien vinctus /in mancipio, établi grâce au pactum, à la situation des nexi. Ceux-ci (cf.  6.1) sont placés, lorsqu’ils sont insolvables à l’échéance, dans la même situation que les iudicati nexi : ils subissent la m.i. pro iudicato comparable à la m.i. iudicati du verset 3.2. L’astreinte durable sous laquelle les sources anciennes les présentent, contraints de travailler pour leur créancier, tire sa source ni de la m.i., ni des droits du créancier fondés sur le nexum, mais du pacte par lequel celui-ci a renoncé, sous certaines conditions, aux droits que lui conférait la m.i. (pro iudicato). Les confusions sont certes fréquentes : autant chez les Anciens que chez les Modernes. Mais il faut distinguer l’addictus (condition éphémère : 60 jours au plus ; pas d’astreinte à un travail compensateur), et l’in mancipio. De même, le nexus et l’addictus ne se confondent pas. Le nexus ne devient addictus qu’à l’échéance, s’il ne rembourse pas. Mais il peut convertir sa condition d’addictus-vinctus, grâce au ius paciscendi, et établir un nouveau rapport de dépendance, que l’on peut qualifier de Schuldknechtschaft ou de semi-liberté (in mancipio). La Table d’Héraclée, l. 110-114 (FIRA I, 149) a accordé une place importante à la transaction in iure (source d’infamie, quand elle révèle une insolvabilité partielle du débiteur iudicatus).

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6. – Inter eos dies trinis nundinis … Beaucoup ont cru que les deux délais prescrits (habebantur in vinculis dies sexaginta et trinis nundinis poenas dabant) se heurtaient. Il n’en est rien.  Les trois marchés consécutifs (occupant au minimum 27 jours) doivent trouver place dans un espace de 60 jours au plus. La durée de l’emprisonnement oscillera donc entre 27 jours au moins et 60 jours au plus. Lors de ces trois marchés, l’appel à la solidarité est lancé sous la surveillance du magistrat. Si l’appel reste vain, l’éventail des sanctions s’ouvre au créancier. On remarque l’archaïsme de certains termes repris par Aulu-Gelle dans sa paraphrase (3.5) de la loi. Ces termes ont sans doute figuré dans la loi même : nundinae (cf.  11.2), poenas dare, praedicare, venum ire (cf. 4.2 b : venum dare). 7. – Trans Tiberim peregre venum ibant Selon Norden (1939) 166 n.  3, la norme devait porter : uls Tiberim peregri ou peregrei (pour trans Tiberim peregre, per- = über hinaus) au sens de ‘territoire étranger qui se trouve au-delà du territoire romain’. L’expression n’implique pas que la rive droite du Tibre fût, en 450, terre étrangère (contre Alföldy (1965) 304-310). Des témoignages antérieurs aux XII T. prouvent que, en 450, la rive droite était déjà romaine (Binder (1909) 509 ; Wieacker (1956) 477 ; Humbert (1978) 54-57). Simplement, c’est au-delà du Tibre que l’on accède le plus rapidement aux territoires étrangers : l’expression est stéréotypée. Au IVe s. encore (Liv. 8.14.5 ; 8.20.9), le Tibre reste symboliquement une frontière interdite à une partie des Veliterni et Privernati défaits. Le sens de la prescription est clair. La vente dont il est question est une vente à titre d’esclave, interdite ou juridiquement impossible sur le sol romain selon le ius Quiritium, mais pratiquée avec des populations (étrusques ?) ne jouissant pas du commercium, donc n’appartenant pas au Latium. Il n’y a donc aucun conflit entre 3.5 et 4.2. Même si venum ibant et venum duit ne se distinguent guère, il est sûr que la ‘vente’ du fils par son père (4.2 b), ‘vente’ réalisée par un Romain avec un Romain ou un pérégrin jouissant du commercium, ne réduit pas le fils à la condition d’esclave. Cette aliénation (à la différence de la vente de l’addictusiudicatus) est une aliénation à titre onéreux, non définitive (elle peut se répéter trois fois) de la potestas du père sur le fils. Ce dernier passe provisoirement sous le mancipium de l’acquéreur (mais n’en devient pas la propriété). Sur la non-confusion entre la vente à l’étranger et la vente, sur le sol romain, du fils par le père, v., fondamental, Mommsen (1885) 4-9 ; contra De Martino (1974) 168-171 affirme l’absurdité qu’il y aurait à admettre une vente trans Tiberim, mais à l’interdire sur le sol romain ; suggère ainsi (à partir aussi de Gai. 3.189 – en réalité équivoque) d’ad-

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mettre la vente comme esclave de l’addictus, à Rome même, lors d’un des trois marchés, et, en cas d’échec, la vente à l’extérieur. 8. – Capite poenas dabant. PARTIS SECANTO. SI PLVS MINVSVE ... SE FRAVDE ESTO Le châtiment, qui a soulevé l’indignation des Anciens, a excité l’imagination des interprètes modernes. Depuis le XVIe s., on s’est ingénié à donner à la prescription décemvirale un autre sens que celui, littéral, que Quintilien (source c) le premier, puis Aulu-Gelle (source b), Tertullien (d), et Dion Cassius (f) lui ont reconnu. Pour ceux-ci, à l’expiration des délais, le créancier peut mettre à mort le débiteur et, s’il y a concours de créanciers, ils se partageraient son corps au prorata de leurs créances. Mais la loi, bienveillante, aurait toléré une marge d’approximation dans ce découpage atroce : le fait d’en découper un peu trop ou un peu moins ne serait pas considéré comme un manquement à la loi et n’entraînerait, pour leurs auteurs, aucun dommage : on ne saurait leur en faire grief : se (= sine) fraude esto. Sur le sens de FRAVS : 10.7. Ces témoignages sont certes assez tardifs, mais ils sont formels : il s’agit bien d’une mise à mort et d’un découpage macabre. Mais tous les auteurs anciens s’accordent à déclarer qu’à leur connaissance la cruauté barbare du châtiment n’eut jamais d’autre effet que celui, positif, d’inciter les débiteurs à régler leurs dettes. Avant de passer en revue les principales pistes d’interprétation, on écartera sans hésiter l’argument fréquemment invoqué pour ruiner globalement ce témoignage : l’absence de confirmation historique. Il est vrai que le problème des dettes fut récurrent sous la République et que les Annalistes ne font jamais allusion à cette peine ou à sa menace. Mais ce silence ne prouve rien : selon ce même argument, on devrait expurger des XII T. la peine du talion ou la vente trans Tiberim, jamais confirmées, ou même les divers supplices capitaux qui répriment les divers crimes décemviraux, ignorés par les sources qui n’en donnent pas d’exemples. Il faut des arguments plus consistants pour donner à partis secanto et à capite poenas dabant une explication moins littérale et sanguinaire que celle des Romains. Ainsi, on a proposé d’affecter au découpage : 8. – 1. – Le patrimoine du débiteur. Ainsi Bynkershoeck, Observationes iuris romani (1710), in Opera omnia, Leyde 1767, 1.17 ; Schlossmann (1904) 61-69, reprenant la thèse patrimoniale soutenue par Huschke (1846) 83-92 ; Lenel (1905) 507-511 ; de même Radin (1922) 38-48 : la cité confisque le patrimoine, le remet à des sectores (sorte de liquidateurs judiciaires), chargés de vendre les ‘parts du patrimoine’ (partis

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secanto) lors de trois marchés successifs. Mais l’hypothèse est anachronique (pas de liquidation au Ve s.) et fantaisiste (une liquidation implique un calcul rigoureux et ne souffre pas un partage approximatif ‘plus minusve’). Thèse patrimoniale également soutenue par Behrends (1974-1) 143-151. Selon Flach (1994) 126, ce seraient les lingots de bronze (aes rude) produits par la vente du débiteur qui seraient répartis et découpés entre les créanciers. De même Kaser-Hackl RZPR 2 142-144.   Mais deux objections : que devient la peine de mort (capite poenas dabant) ? De plus, jamais les lingots n’ont été découpés à froid : Zehnacker (1990) 309, dénonçant le mythe moderne de lingots débités pour faire l’appoint. 8. – 2. – Le cadavre du débiteur, mais frappé de mort naturelle avant l’expiration des 60 jours ; on échappe ainsi à la barbarie de la mise à mort par les créanciers : Kaser RZPR 102 ; MacCormack (1968) 509-518 : les créanciers se partagent le corps du débiteur qu’ils n’ont pu vendre. L’abandon noxal, à la victime, du corps du filius-servus préalablement mis à mort (Gai. Augustod. 4.81-84 = FIRA II, 223 ; cf. Buonamici (1900) 294-299 : moyen de pression sur les parents du coupable, pour qu’ils réparent le dommage plutôt que de laisser le corps du coupable ignoblement dépecé et laissé sans sépulture) répondrait à la même idée : contraindre la parenté du débiteur à racheter le corps du coupable en payant sa dette. 8. – 3. – Une partie du corps du débiteur : ses parties viriles, selon Collinder (1968), qui imagine un rite d’émasculation (contra Guarino [1971] 90-91) ; ou ses ongles et cheveux, pour Georgescu (1949) 367 s., dans un rite de magie sympathique, destiné à faire perdre au débiteur sa capacité juridique (caput). 8. – 4. – L’esprit du débiteur, donné en partage aux divinités infernales. Cette interprétation magico-sacrée remonte à Jobbé-Duval (1924) 236-320. Par esprit de vengeance, les créanciers dépècent le corps du débiteur, le privant de sépulture et lui infligent les tourments éternels des di inferi. Lévy-Bruhl (1934) a renforcé l’hypothèse, mais sans mise à mort par le ou les créanciers. Capite poenas dabant serait à prendre au figuré : caput au sens de la capacité juridique, dont le débiteur serait déchu au terme des 60 jours. Quiconque pouvait alors le tuer et laisser les divinités infernales se partager symboliquement son corps. Le sujet de secanto serait les di inferi et non les créanciers. Avec un humour équivoque, la loi aurait permis aux dieux ‘d’en couper plus ou moins’, sans encourir de sanction. Les objections de Düll (c.r. à l’ouvrage de Lévy-Bruhl, in ZSS 56 [1936] 289-290) paraissent décisives. Le sens abstrait de caput n’est pas acceptable à haute époque ; la permission aux dieux d’un partage approximatif n’est pas sérieuse.

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8. – 5. – Le partage de la masse des créanciers. Les créanciers deviennent cette fois le sujet et l’objet de secanto. La trouvaille en revient à Kleineidam (1904) 251-254 : de même que senatus secare signifie ‘diviser le sénat’ en groupes d’opinion, de même partis secanto intimerait aux créanciers l’ordre de faire leur choix afin de se répartir selon trois alternatives : opter pour un pactum, ou décider la mort, ou préférer la vente du débiteur. La décision sera prise à la majorité. Opinion justement rejetée par Erman (c.r., in ZSS 26 [1959] 556). Assez comparable, mais encore moins justifiable, l’hypothèse de Da Nobrega (1959) : les créanciers s’entendant collectivement sur leurs droits respectifs, ‘annoncent leurs parts’ (quel lien avec secare ?). 8. – 6. – Contagion avec le talion ? Cannata (1983-2) ; Id. (2009) a justement relevé les difficultés auxquelles se heurte le concours des créanciers. Il faudrait pour cela supposer une addictio du débiteur à plusieurs ou une m.i. collective non attestée et improbable. Aussi, Cannata suggère-t-il une confusion, chez Gell., avec les dispositions du talion (8.2). C’est donc la victime du membrum ruptum qui pouvait rendre la pareille par l’acte de secare (couper un membre en réponse à un membre amputé). Mais il resterait à expliquer le pluriel secanto. 8. – 7. – Retour à la tradition antique. Si douloureuse soit-elle, la tradition a paru à beaucoup devoir s’imposer : à Franciosi (1978) : la mise à mort rituelle doit être acceptée comme un vestige très archaïque (bien antérieur à la vente trans Tiberim), en liaison avec des rites agraires de fertilisation des champs. Le sang et les cendres du cadavre dépecé seraient répartis sur les terres. Sans tenter une explication, forcément invérifiable, tout un courant admet comme l’issue normale de la m.i., à une époque très ancienne, la mise mort de l’insolvable : ainsi Bekker (1906) 25-28, invoquant le témoignage de Plaut. Poen.  1349-1354 (le vocatus s’attend à perdre la vie) ; Luzzatto (1948-1) 36 ; Pugliese (19621) 316-318 ; Peppe (1981) 111-140 ; Polay (1984). Pour Magdelain (1943) 176 ; Id. (1982) 287-292 = 653-657 ; Id. (1990) 212-217, le iudicatus, sacer (parce qu’il a prononcé un sacramentum iniustum), doit perdre la vie (cf.  2.1 a). Il est offert en pâture à la foule qui le met en pièces (partis secanto). 8. – 8. – Conclusion.  Aucune explication ne s’impose. Le cas de partis secanto, sans doute désespéré, continuera d’alimenter les discussions. Pourtant, au terme de cette revue (sans prétention à l’exhaustivité : pour quelques compléments, Caimi (2005) 121 s.), quelques points résistent. Le pouvoir de mise à mort paraît s’inscrire dans les prolongements extrêmes de la m.i. L’addictio confère un pouvoir plein : vendre, provoquer la déchéance, tuer. La signification religieuse primitive de ce pouvoir échappe. Mais son maintien dans le droit évolué des XII T.

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appelle une explication.  La plus convaincante (et respectueuse des témoignages antiques) a été lumineusement présentée par Jhering (1884) 232-243 : la mort n’est qu’une menace, un ‘Schreckmittel’ destiné à réveiller les solidarités (familiale ou autres), au même titre que la vente trans Tiberim (il en sera de même du talion). Normalement, ce moyen de pression aura pour issue un pactum, une transaction infiniment moins ruineuse économiquement que la mort, inutile et irréalisable pratiquement. Rationalisme excessif ? L’esprit des XII T. le supporte. Mais partis secanto et plus minusve ? Si un découpage du débiteur a jamais existé, il n’y en a aucune trace, même dans les mythes. Et la formule décemvirale ne peut avoir organisé cette sinistre mise en scène. Il ne s’agit pas davantage du patrimoine, car la sectio bonorum ne remonte pas au Ve s. Mais il reste une possibilité. Quel que soit le sort qui l’attend, le débiteur, en tant qu’insolvable, est dégradé civiquement. Il a dû, publiquement, bonam copiam iurare ou dicere (cf.  Cic. fam. 9.16.7 ; Varro ling. 7.105 ; Tab. Heraclea l. 112 = FIRA I, 149), c’est-à-dire reconnaître son incapacité de payer (cf. XII T. 6.1). Sa place dans le census, donc son statut et ses perspectives d’une carrière publique sont définitivement compromis. Il doit alors céder l’élément constitutif de ce statut (ou ce qui lui en reste), abandonner l’aes qui, jusqu’ici, déterminait sa place dans la constitution timocratique (sur cette fonction primitive d’aes : Zehnacker cit. 309-314). La remise de cet aes, qu’elle ait pour origine une dette (aes alienum) ou un délit, se fera entre les mains du ou des créanciers. Ce tas de bronze, qui constitue fondamentalement une unité (il détermine l’estimation censitaire), est l’objet du secare. Il ne s’agit ni du prix de la vente du débiteur (dérisoire, probablement), ni des lingots eux-mêmes. Or ce partage portait sur des unités de compte rudimentaires et non fractionnaires ; il ne pouvait être qu’approximatif. La loi en tint compte et toléra que la répartition ne visât pas une impossible exactitude : si plus minusve secuerunt, se fraude esto.

IV. 1 4. 1 – : Cicero De legibus 3.19 : Cum esset cito necatus, tamquam ex XII Tabulis insignis ad deformitatem puer …

: Après qu’on l’eut promptement fait mourir, comme on le faisait, en vertu de la loi des XII Tables, pour un enfant marqué d’une tare physique …

Source Cette allusion à une prescription décemvirale provient de la célèbre diatribe que Cicéron, au De legibus, place habilement dans la bouche de son frère Quintus contre la puissance tribunicienne, qualifiée de pestifera potestas : Nam mihi quidem pestifera videtur, quippe quae in seditione et ad seditionem nata sit. Cuius primum ortum si recordari volumus, inter arma civium et occupatis et obsessis urbis locis procreatum videmus. Deinde, cum esset cito legatus (corrigé en necatus), tamquam ex XII Tabulis insignis ad deformitatem puer, brevi tempore nescio quo pacto recreatus multoque taetrior et foedior natus est. [« À mon avis, le pouvoir des tribuns est un fléau, comme doit l’être un pouvoir né dans la subversion et pour la subversion. Si nous voulons en rappeler l’origine première, c’est au milieu des guerres civiles, quand étaient occupés et assiégés des quartiers de la ville, que nous le voyons venir au jour. Ensuite, après qu’on l’eut promptement fait mourir, comme on le faisait en vertu de la loi des XII T. pour un enfant marqué d’une tare physique, peu de temps après, par je ne sais quelle convention, on l’a recréé, et il est né de nouveau, encore plus monstrueux et répugnant »]. Le sens de la prescription décemvirale est clair : l’élimination, peu de temps après sa naissance, de l’enfant mal formé est rapprochée de la suppression, lors de la création du décemvirat constituant, de la puissance tribunicienne, qualifiée d’être monstrueux. La re-création, peu de temps après, de cette même puissance en 449, n’est pas un argument contre l’élimination physique et définitive de l’enfant difforme (ainsi, cependant, Flach [2004] 75 et 195-196). Car la reconstitution du tribunat est due à une nouvelle ‘procréation’ ; il ne s’agit pas du retour d’un être simplement mis provisoirement à l’écart. Concernant cette mise à mort rapide, les ms. contiennent tous legatus, impossible – car signifierait exactement l’inverse : le fait de

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recueillir un enfant difforme –. Les propositions de correction n’ont pas manqué : ablegatus (B. Brisson, puis Dorat, suivis par Schöll 124), leto datus (‘mis à mort’) selon la suggestion possible d’Orelli. Mais avec la grande majorité des éditeurs, la correction eatus, suggérée par Puteanus (Pierre Dupuis, 1582-1651) et accueillie à juste titre par les éditeurs du De legibus, paraît la plus plausible. Cf.  Dirksen 264-268, mais qui conserve legatus, dans un sens ‘archaïque’ (mais non attesté) d’ablegatus. Reconstitution On tiendra compte des très bons arguments présentés par Albanese (1999) 663 s. en faveur d’une citation quasi littérale du verset décemviral par Cicéron.  Le terme PVER est attesté dans les XII T. (8.14) et dans la loi dite royale ‘si parentem puer verberit…’. Selon Gell. 10.28.1, ce terme qualifie un mineur de 17 ans, qui peut être soit impubère (8.14), soit pubère. Le mot INSIGNIS exprime le défaut d’un être humain ‘porteur d’une anomalie susceptible d’être un grave signum sacré négatif’, ou d’un animal marqué d’une tare qui le rend impropre à un sacrifice : cf.  Festus – P. v° Insignes, 101 L : Insignes appellantur boves, qui in femine et in pede album habent, quasi insigniti. Insignis s’emploie avec une valeur absolue (cf. Th. L. L., v° insignis 1903 : Curt. 9.1.24 : infantes insignes ; Tert. resurr. 57 : et caeci et claudi et ut quis insignis excesserit). Cet emploi est à envisager ici de préférence à insignis accompagné d’un datif (précisant la nature du défaut) ou de ad (comme le fait Cicéron : ad deformitatem, emploi plus tardif). Mais on peut aussi songer, en complétant l’analyse d’Albanese, à insignitus (à valeur également absolue), dont l’emploi se trouve chez Plaute dans une comédie (Sitellitergus) dont il ne reste que deux vers, et qui pourrait correspondre à l’expression décemvirale : … ea mihi insignitos pueros pariat postea aut varum aut valgus aut compernem aut paetum aut brochum filium. [« … si bien qu’elle m’enfantera des enfants difformes ou un fils aux pieds rentrants, aux jambes arquées, dont les genoux se touchent, ou qui louche, ou dont les dents lui sortent de la bouche »]. Cet emploi archaïque et rare a été recueilli par Festus v° Valgos, 514 L. Sur les naissances anormales, Delcourt (1938) 50-52 ; les monstres et les procédés rituels d’élimination, Breglia Pulci Doria (1983) 67-88 (et bibliogr.). En faveur de CITO NECATVS, v. également Albanese cit. : NEX, NECARI sont attestés dans les XII T. : 8.10 : igni necari iubetur ; 4.2 a : vitae necisque potestas ; 8.9  : necari iubere (mise à mort par pendaison pour apaiser Cérès). Necare, à la différence de occidere, exprime la mort donnée sans porter de coups, mais soit en laissant mourir, soit en recourant au poison. Occidere, au contraire, et dans les XII T.,

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traduit la mort donnée par des coups : 8.12 : si im occisit… Cf. Festus 158 L : Neci datus proprie dicitur, qui sine vulnere interfectus est, ut veneno, aut fame ; et 190 L : Occisum a necato distingui quidam, quod alterum a caedendo atque ictu fieri dicunt. Dans son commentaire à la lex Cornelia de sicariis et veneficis, Marcianus respecte la distinction que la loi observait entre occidere cum telo et veneno necare (D. 48.8.1 pr.; 3 pr.-2). Sans trop d’audace, on peut ainsi proposer : Insignitus PVER CITO NECATVS esto. [« Que l’on fasse mourir sans tarder l’enfant mal formé »].   Commentaire 1. – La nature de la prescription décemvirale L’élimination de la progéniture malformée est-elle un pouvoir reconnu aux pères ou, très différemment, un devoir prescrit aux pères ? Si l’on adopte la première interprétation, on sera conduit à admettre que la loi des XII T. a défini la patria potestas et dressé l’inventaire de ses prérogatives. Mais l’hypothèse est à exclure – comme le confirmera l’étude du verset suivant –. En effet, un pouvoir absolu par essence, comme l’est dès l’origine et le restera jusqu’à son terme (règne de Constantin ou de Justinien) la patria potestas, ne peut par définition entrer dans le corset d’une description limitative. Elle n’avait besoin d’aucune reconnaissance légale ; cf. Thomas (1984) 499-548. On ne peut donc trouver dans la loi des XII T. de pouvoirs spécifiques concédés au pater dans un aménagement légal de sa puissance. À cette première raison, il s’en ajoute une seconde. Les XII T. ne se sont pas, par principe, intéressées au domaine de la patria potestas, car celle-ci ne relève pas de la juridiction du magistrat. Elle n’a donc pas sa place dans un code, dont la vocation est de fonder sur une base légale la juridiction du magistrat. La puissance paternelle, domestique et privée, échappe au contrôle et à la sanction de la cité, de ses magistrats, de la loi. Les rares versets relatifs à la patria potestas sont tous justifiés par la nécessité, exceptionnelle, de borner les abus d’une puissance susceptible de devenir perverse. Sur la puissance paternelle dans le code, Humbert (1990-1) 268-269 = 617-618, 281 = 628 ; Id. (2005-1) 28-29 = 567-568. Le verset 4.1 a ainsi posé une obligation (limitative de la puissance paternelle) et non une permission (constitutive ou récognitive de cette puissance). C’est d’ailleurs bien ainsi (cf. exactement Dirksen 269-270) que les sources classiques percevront l’élimination des enfants monstrueux : Sen. de ira 1.15 : portentosos fœtus extinguimus, liberos quoque si debiles monstrosique editi sunt mergimus. Nec ira, sed ratio est, a

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sanis inutilia secernere. [« Nous supprimons les avortons monstrueux, et les enfants nés débiles ou difformes également, nous les noyons. Ce n’est pas colère, mais raison que de séparer des parties saines, celles qui sont inutiles »]. 2. – Leges regiae et code décemviral 2. – 1. Quel lien doit-on établir entre cette prescription et la disposition coutumière attribuée à une ‘loi royale’ de Romulus (Dion.  Hal. 2.15 = FIRA I, 4) ? « Romulus imposa aux citoyens l’obligation d’élever toute leur progéniture mâle et leurs filles aînées, de ne tuer aucun enfant de moins de trois ans, sauf, sitôt après la naissance, les enfants nés malformés ou monstrueux ; mais il n’interdit pas aux parents d’exposer les enfants (de moins de trois ans), à condition qu’ils les présentassent d’abord à cinq voisins et que ceux-ci les approuvent. À l’égard de ceux qui violeraient ces lois, il établit des peines, notamment la confiscation de la moitié de leurs biens ». La comparaison entre la prescription décemvirale et le petit ‘code de conduite paternelle’, de nature coutumière, placée conventionnellement sous l’autorité de Romulus, est instructive. On remarque d’abord, que là où, selon la loi de Romulus, l’élimination de l’être difforme n’apparaît que comme une tolérance, comme une exception à l’interdiction de tuer les enfants de moins de trois ans, dans les XII T., l’élimination est érigée en une obligation.  C’est une première nouveauté, introduite vraisemblablement par les décemvirs. De même, très probablement, la sanction a été modifiée. Alors que les lois royales ne recourent jamais à une sanction publique relevant de l’ordre juridictionnel, mais placent au contraire dans la religion – la sacratio du coupable, ou un sacrifice expiatoire ou le paiement ou l’exécution d’un piaculum – la sanction de leurs interdits, la loi des XII T. ne connaît que la justice publique pour assurer le respect de ses prescriptions. Pour l’interdiction de tuer un enfant de moins de trois ans (sauf cas de difformité), la peine fixée par la coutume est la consécration de la moitié du patrimoine du pater coupable, dans laquelle il faut voir (Kaser [1938-1] 70-72 ; Id. [1950-2] 478) un effet de la sacratio (sacratio capitis et bonorum, réduite ensuite à une confiscation – au profit des pontifes ? – de la moitié du patrimoine paternel). On ignore quelle était la sanction de l’obligation décemvirale de mettre à mort - ou de laisser mourir – l’être disgracié ; mais la peine ne pouvait relever que de la juridiction du magistrat, ici comme partout ailleurs. Hypothèse, chez Mommsen (Strafr. 1005), d’une amende pontificale : perçue par les Pontifes, peut-être (à l’image du montant du sacramentum), mais si elle devait être prononcée par les Pontifes, le cas serait unique dans les XII T. 2. – 2. Cette confrontation entre une loi royale et un verset décemviral d’inspiration très proche fournit l’occasion de formuler sur la place,

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discutée, des lois royales et de la loi des XII T., une réflexion plus générale, qui vaudra pour d’autres versets. Les leges regiae ont fourni aux décemvirs des modèles de comportement qui furent intégrés dans la loi, mais au terme d’une métamorphose. La qualification du crime est désormais légale, et sa sanction fait appel à une répression publique, qu’il est du devoir de l’imperium d’organiser. Les modalités du supplice peuvent (pour des raisons rituelles que la loi n’ignore pas, ne méprise pas, n’abandonne pas nécessairement et sait parfois maintenir : cf.  à titre d’exemple, le supplice de la mort par pendaison pour apaiser le courroux de Cérès, 8.9) rappeler le substrat religieux de la peine primitive. Mais les incidences religieuses du supplice ne doivent pas masquer la transformation fondamentale opérée par les décemvirs. C’est la loi qui fixe la peine et en assure le respect. Ce n’est plus le groupe qui, par le moyen de la sacratio, est appelé, en exprimant la conscience sociale, à éliminer sans jugement le coupable. L’infraction lèse désormais l’équilibre civique avant la pax deorum. Aussi la vengeance des dieux a-t-elle laissé la place à la lex, pour punir les violations de l’ordre social – du moins celles que la loi a décidé de prendre sous son contrôle. Car la loi n’a pas prétendu occuper systématiquement le champ placé jusque-là sous la garde des leges regiae. Et ceci pose la question fort débattue de la coexistence du code décemviral et du corpus des lois dites royales : une coexistence qui prouve la survivance de ces prescriptions coutumières, avec leur sanction spécifique, au-delà de la promulgation du code. On peut poser comme certain que les lois royales, dont les Anciens ont durablement conservé le souvenir, ne sont pas des préceptes coutumiers dont la promulgation des XII T. aurait provoqué l’abrogation ou dont le code aurait repris le contenu en les transposant dans une loi. Les chevauchements sont en effet rarissimes (cf.  4.2) ; on tient ici la preuve que les deux systèmes d’organisation civique, concurrents et parallèles, ont vécu côte à côte, répondant, chacun en son domaine, à une vocation spécifique, qu’il est nécessaire de préciser, afin d’éclairer les objectifs que s’étaient fixés les décemvirs. La loi des XII T. n’a pas systématiquement confisqué le domaine de compétence des leges regiae. Elle ne l’a fait que lorsque la force de la prescription était menacée : chaque fois, on peut le penser, que la sacratio avait perdu de sa puissance dissuasive. De la part des décemvirs, on est en présence d’une quête purement politique d’efficacité, dans laquelle il serait particulièrement erroné (en suivant une partie de la doctrine moderne) d’y chercher les signes d’une idéologie laïcisante et antireligieuse. La loi vient simplement prendre le relais d’un type de régulation qui a fini par montrer ses limites, mais uniquement là où le contrôle social traditionnel a révélé son dysfonctionnement. La preuve que les annexions légales faites au détriment du domaine des lois royales ont été ciblées et limitées est fournie par les lois royales

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elles-mêmes, qui, après 450, poursuivent une existence autonome, nullement menacée par la rédaction du code. La mémoire conservée des lois royales établit exactement les champs de compétence que la loi n’a pas repris à son compte, non pas parce qu’elle les négligeait, mais parce que le législateur estima que ces espaces pouvaient continuer, comme par le passé, à relever du contrôle des mores et échapper à la justice des tribunaux. Ce résultat est particulièrement net pour la patria potestas. Ici, les intrusions de la loi sont extrêmement limitées. Il ne fut pas question, pour le législateur, de mettre la main sur une puissance pourtant de première importance pour l’organisation civique, sociale, politique, économique, mais dont la régulation n’appelait pas l’intervention du magistrat ni la mise en branle de son imperium. C’est la raison pour laquelle, mises à part 1) l’élimination (devenue obligation par la volonté de la loi) de l’être malformé ; 2) l’interdiction de tuer le fils sine iusta causa (4.2 a) ; 3) la déchéance de la patria potestas en cas de triple vente (4.2. b), la loi s’est complètement désintéressée de la puissance paternelle et a laissé aux lois royales le soin de réguler, à sa façon, cette puissance domestique. On se gardera surtout d’extrapoler les rares apparitions de la patria potestas et d’imaginer que les décemvirs (dans la préoccupation d’un législateur moderne, construisant le droit comme un système) voulut donner une reconnaissance légale à la puissance paternelle, la fonder sur la loi, l’intégrer dans l’ordre juridique romain.  C’est une perspective on ne peut plus déformante, historiquement infondée et juridiquement inexacte.

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4. 2 a – : Gaius Fragmenta Augustodina 4.85-86 : (85) … cum patris potestas talis est ut habeat vitae ac necis pot. (86) De filio hoc tractari crudele est, sed ….. non est post …. rdere sine iusta causa, ut constituit lex XII tabularum. : (85)… puisque la puissance du père emporte le pouvoir de vie et de mort. (86) Il est douloureux de traiter cette question au sujet du fils, mais …. il n’est pas …. permis ( ?) au père de tuer (son fils) sans un juste motif, comme l’a établi la loi des XII Tables. Source Ce fragment, mutilé, de l’interprétation tardive (IVe-Ve s.) des Institutes, connue sous le nom de Gaius d’Autun, complète une lacune du palimpseste de Vérone (Gai. 4.80), qui fait suite à l’exposé que Gaius a consacré à l’abandon noxal. La référence aux XII T. est sûre, puisque les seules lettres lisibles du palimpseste (4.80) contiennent la même référence aux XII T. (….XII> tabul). La paraphrase tardive complète donc les Institutes. Gaius aura trouvé dans les XII T. l’écho d’un pouvoir, limité par la loi, du pater de mettre à mort son fils, probablement en dehors de toute hypothèse d’un délit pouvant conduire à l’abandon noxal ou à la mise à mort d’un fils coupable d’un crime quelconque. L’exposé de Gaius sur la vitae necisque potestas est dissocié de celui qu’il donna sur l’abandon noxal. La restitution [pe]r[missum], séduisante, a été proposée par De Visscher (1943) 81. Sur les éditions des fragments d’Autun, découverts en 1899, cf.  FIRA II, 207 ; J. D. Rodríguez Martín, Fragmenta Augustodunensia, Granada 1998 (non vidi). Nous n’hésitons pas à insérer parmi les fragments du code décemviral ce témoignage, curieusement négligé par Bruns2 (1909), par Girard6 (1930), par FIRA I (1941) et Flach (1994) 129 – mais inséré dans Flach (2004) 75 –. En revanche, nous écartons résolument le fragment que Riccobono (FIRA I, p. 35), suivi par Flach (1994) 129 ; Id. (2004) 74, introduisit dans la Table IV (4.2 a), emprunté à un extrait du liber sing. de adulteriis de Papinien (transmis par la Collatio legum

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Mosaicarum et Romanarum) : cum patri lex regia dederit in filium vitae necisque potestatem … La suppression du mot regia par Riccobono, afin de forcer l’entrée de ce texte dans le corpus décemviral, est arbitraire. Elle surprend d’autant plus que l’on connaît la loi, dite royale, qui, selon la tradition, aurait ‘fondé’ la patria potestas et établi ses prérogatives : Dion.  Hal. 2.26 (l’attribuant à Romulus). Cf.  infra. Il n’y a pas à chercher dans le code la charte de la patria potestas, ni sa reconnaissance légale : cf. 4.1, Commentaire 2. – 2. Reconstitution Il ne semble pas possible de reconstituer les termes par lesquels le code a subordonné à l’existence d’une iusta causa le pouvoir disciplinaire du pater familias. Si les termes de iusta causa sont anachroniques, peut-être la limite au pouvoir discrétionnaire du pater s’est-elle exprimée à l’aide des termes iure (ici avec le sens de ‘conforme au droit’, par opposition à iniuria - cf. 8.4 -) et se fraude (sur le modèle de 3.6 et de 10.6), ce qui donnerait : si PATER iure FILIVM OCCIDERIT, se fraude caesus esto. Commentaire 1. – Les XII T. et la patria potestas Il est vain de chercher dans la loi une définition de la patria potestas ; car cette puissance absolue et primordiale – cf.  Thomas (1984) 533 – se passe de base légale ou d’habilitation législative. Aucune référence n’est faite à un substrat légal ni à une reconnaissance législative de la patria potestas, hypothèses qui, toutes deux, ne peuvent que défigurer la spécificité de cette puissance et égarer sur la vocation de la codification décemvirale (cf.  4.1). Différemment, Magdelain (1986) 326 = 61, qui, cherchant un ancrage législatif indispensable de la patria potestas dans le ius, supposa que la loi aurait indirectement annexé la puissance paternelle dans sa globalité et lui aurait conféré sa légitimité. Mais c’est se méprendre sur la vocation du code décemviral : Humbert (2005-1) 28-29 = 567-568. Aucune source, de fait, ne rattache à la loi l’essence de cette puissance ou les droits qui lui sont inhérents, en particulier le plus révélateur, le pouvoir de tuer le fils (ou la fille) : pouvoir si essentiel qu’il suffit à définir la patria potestas dans le rituel de l’adrogation, dont la formule est rapportée par Gell. 5.19.9 (et confirmée par Cic. Dom. 77) : ‘Velitis, iubeatis, uti L. Valerius L. Titio tam iure legeque filius siet, quam si ex eo patre matreque familias eius natus esset, utique ei vitae necisque in eum potestas siet, uti patri endo filio est.’ De même le fragment du Gaius d’Autun cité ci-dessus : patris potestas talis est ut habeat vitae necisque pot.

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Le pouvoir de vie et de mort du pater est juridiquement qualifié de potestas, et non de ius, en dépit d’une confusion fréquente chez les interprètes modernes : ainsi chez Albanese (1948) ; Kaser (1950-2) 477 ; Amunátegui (2009) passim. Cette puissance ne s’analyse pas comme un ius occidendi, droit de mettre à mort l’enfant auteur d’un crime qualifié dans des hypothèses précises (vol nocturne ou avec résistance armée, adultère de la fille prévu par la lex Iulia de adulteriis…), mais comme un pouvoir non limité en son principe de châtier des comportements non définis, même si, et c’est l’objet de la prescription décemvirale, il est entouré de limites et ne doit pas être abusif. Son exercice est abondamment illustré sous la République : liste exhaustive chez Amunátegui cit. 54-94. Il n’a donc rien de symbolique. 2. – Leges regiae et XII Tables Si le pouvoir de tuer sans jugement un fils indemnatus n’est pas d’essence législative, il n’y a aucun obstacle, au contraire, à en placer la source dans les ‘leges regiae’, car il est certain que ces recueils de traditions purement coutumières n’ont rien d’une loi, au sens décemviral du terme. Ainsi, on acceptera Dion.  Hal. 2.26 : ‘(Romulus) accorda au père tout pouvoir sur son fils, sa vie durant … et même le pouvoir de le tuer’. L’attribution à une ‘loi royale’ fournit la preuve ultime que la loi des XII  T. n’a pas tenté de récupérer et de définir cette puissance domestique. Le fonctionnement de celle-ci ne concernait en rien la juridiction de la cité ni l’imperium juridictionnel des magistrats. Voir le verset 4.1, Commentaire 2. - 1 et 2, sur les spécificités respectives des lois royales et de la codification décemvirale. La loi n’empiéta pas sur le domaine de la coutume. Mais il reste que la loi fixa des limites à cette puissance extra – légale pour en déjouer les abus. On l’a vu (XII T. 4.1) lorsque la loi impose l’élimination des êtres malformés. On le constate de nouveau ici, quand la loi subordonne à l’existence d’une iusta causa l’exercice de la vitae necisque potestas. 3. – La limite (iusta causa) imposée par la loi. Rôle, discuté, d’un consilium domesticum 3. – 1. Iusta causa L’existence d’un juste motif fait problème : dans son fondement, dans son application, dans sa sanction. 3. – 1. – 1. La tradition contenue dans les leges regiae semble heurter la disposition décemvirale. Les lois royales, en effet, ignorent apparemment la condition d’un juste motif : Dion.  Hal. (2.26, cité supra) n’en dit rien. Plus même : les lois royales semblent contredire le pouvoir de

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châtiment capital du père, puisqu’elles en interdisent l’exercice tant que les fils n’ont pas atteint l’âge de trois ans (Dion. Hal. 2.15). En réalité, il n’y a pas de contradiction ou de conflit entre la tradition coutumière et la loi. Il suffit de comprendre (ainsi Perozzi [1915] 125) que le fils mineur de trois ans, parce qu’il est présumé innocent, est soustrait à la vitae necisque potestas. Du fait de son jeune âge, cet enfant ne peut fournir une iusta causa : il ne peut donc être tué. Il faut donc expliciter le témoignage et la portée des leges regiae en ce sens : 1) Ces lois placent dans la patria potestas un pouvoir de tuer (ou de ne pas tuer) ; 2) elles soumettent celui-ci à une limite implicite, à savoir l’existence d’une faute (iusta causa), dont le fils, trop jeune, ne peut être soupçonné. L’état du droit décemviral a été reçu par la tradition que les Romains ont ensuite placée conventionnellement sous le patronage des rois. 3. – 1. – 2. L’analyse des cas (historiques ou non, peu importe) où un pater aurait effectivement exercé cette puissance permet de dessiner les contours de cette iusta causa. Le pater intervient lorsque l’honneur de la familia est en jeu – ou la liberté d’un de ses membres – : ainsi le meurtre paternel de Virginia, pour la soustraire à l’appétit d’Appius Claudius (Liv. 3.44-48 ; Val. Max. 6.1.3) ou la décision (non datable) de Pontius Aufidianus, qui lave une souillure par le meurtre de sa fille (Val. Max. 6.1.3 ; Harris [1986] 87). La mort prononcée par Q. Fabius Maximus – entre 102 et 100 – contre son fils pour sa conduite qualifiée d’infâme (homosexualité ?) est, en revanche, dénoncée comme un châtiment injustifié (Val. Max. 6.1.5 ; Oros. hist. 5.16.8 ; Kaser [1938-1] 69 ; Albanese [1948] 360 ; Harris cit. 84-85 ; Amunátegui [2009] 79-83). Relèvent encore de la morale domestique la condamnation (suivie du suicide) du fils du censeur Fabius Censorinus (Oros. hist. 4.13.18) et l’accusation (suivie d’absolution) d’adultère commis avec sa noverca du fils de L. Gellius, cs. 72 (Val. Max. 5.9.1 ; Kunkel [1966] 219). Les infractions à la discipline militaire constituent également un motif d’exécution paternelle considéré comme juste, alors qu’elles n’entrent pas nécessairement dans le crime public de proditio : M. Aemilius Scaurus (fin du IIe s.) (Val. Max. 5.8.4 et Harris 84 s.). Même type de désobéissance dans le cas de la condamnation de A. Postumius (en 431 av. J.-C. : Liv. 4.29.6 ; Val. Max. 2.6.7) ou de T. Manlius Torquatus (en 340 : Liv. 8.7 ; Val. Max. 2.7.6 et 9.3.4 ; Oros. hist. 3.9). La défense de la République enflamme la terrible justice paternelle dans le cas (légendaire, mais paradigmatique) de L. Brutus (Liv. 2.5.5. ; Val. Max. 5.8.1 ; Verg. Aen. 6.820 s. ; Harris 82 ; Rabello [1979] 118 ; Voci [1980] 59). Ces exemples portent une double leçon. Le pater ne réprime jamais un crime légalement qualifié : la fonction disciplinaire de la patria potestas n’a pas vocation à concurrencer ni à chevaucher la répression criminelle publique. En second lieu, ces cas permettent de circonscrire précisément ce qu’il faut entendre par iusta causa. V. ici Amunátegui cit. 119-122.

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3. – 1. – 3. La limite imposée par la loi appelle en principe une sanction pour le cas où le pater aurait abusé de son pouvoir. On a songé au contrôle vraisemblable du censeur et à l’effet de sa nota censoria (Kaser [1938-1] 73-76). Mais les sources attestent aussi pour des époques diverses une action criminelle maniée par les tribuns contre le pater outrepassant les limites d’une iusta causa. Ainsi l’accusation de meurtre lancée par un tribun contre Q. Fabius Maximus qui, à la fin du IIe s., tua son fils sans motif (Oros. hist. 5.16.8). Déjà plus tôt, la même accusation (sûrement non historique) avait été utilisée par un tribun (en 362, accusation du tribun M. Pomponius contre le châtiment paternel infligé par le dictateur L. Manlius Imperiosus : Liv. 7.3.9 ; Val. Max. 5.4.3). Mais lorsqu’on invoque le contrôle censorial ou les poursuites tribuniciennes, ces recours sont par force postérieurs au code décemviral qui n’a pu les envisager. On ne peut aller plus loin dans les intentions du législateur. Il est sûr que l’abus de sa puissance constitue un crime, ou meurtre, qualifié par les maiores de scelus (selon Marcellus 5 dig., D. 11.7.35 ; cf. Voci [1980] 55). Mais on ignore quelle forme pouvait éventuellement prendre l’accusation contre le pater. La divergence entre les auteurs sur la nature (coutumière ? légale ?) des principes que le pater devait respecter dans l’exercice de son pouvoir ne paraît pas fondamentale. En faveur de la première, Kaser (1938-1) 66-76 ; Rabello (1979) 113. En faveur de la seconde, Albanese (1948) 357-360. La iusta causa est d’essence coutumière – c’est-à-dire non légalement qualifiée – mais sa sanction ne peut être que légale, puisque prévue par la loi. 3. – 2. Le contrôle d’un consilium domesticum ? Deux thèses irréductibles se sont affrontées. Pour les uns, notamment Kunkel (1966), après Düll (1943) 56-69 et récemment encore Ruggiero (1984), la potestas du pater s’inscrit dans une fonction et sous des formes juridictionnelles : le pater exerce sa puissance au sein et sous le contrôle d’un consilium. C’est ce conseil qui serait le véritable juge des infractions intrafamiliales, prononçant un iudicium domesticum. C’est donc à ce conseil domestique que revenait le soin de vérifier la iusta causa. À l’opposé, Volterra (1948-2 et 1949) a affirmé l’inconsistance de cette pseudo justice familiale. Il n’y avait ni tribunal domestique, ni jugement du conseil. L’expression même de iudicium domesticum n’est pas romaine, mais a été élaborée à partir de textes de portée douteuse (Cic. Pis. 39 : iudex domesticus ; Sen.  benef. 3.11.2 : quasi magistratus domesticos et Sen. contr. 2.3.18 : iudicium amicorum) : ainsi Kaser (1938-1) 68-69 ; Volterra (1948-2) 109 = 133. L’analyse détaillée des occurrences du pouvoir paternel de tuer penche incontestablement en faveur de la seconde position. S’il est vrai

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que, dans certains cas, le pater associe à sa décision un conseil élargi, c’est en guise de précaution, afin de ne pas contrevenir à l’exigence d’une iusta causa et devancer le risque de se voir ensuite reprocher un meurtre injustifié. Mais il ne s’agit que d’une opportunité laissée à l’appréciation du pater. Son pouvoir reste entier et solitaire. Voir ici la position équilibrée et modérée de Watson (1975-1) 40-46 ; Voci (1980) 57-58 ; Bauman (1984) 1287 ; Amanátegui (2009) 130-133. Sur le pouvoir du père sur son fils, v. plus généralement Lanfranchi (1938) 246-254 ; Sachers (1953) 1084-1089 ; Rabello cit. 89-94. Sur le droit d’exposition, distinct du pouvoir de vie et de mort, Weiss (1921) 463-471 ; Sachers (1953-1) 1091-1093.

IV. 2 b

4. 2 b – :  SI PATER TER FILIVM VENVM DVIT, A PATRE FILIVS LIBER ESTO.

: Si le père vend trois fois son fils, que le fils soit libéré de son père.

Sources a) Gaius 1.132 : Lex enim XII tabularum tantum in persona filii de tribus mancipationibus loquitur his verbis : ‘SI PATER FILIVM VENVM DVI, A PATRE FILIVS LIBER ESTO’. [« La loi des XII T. n’envisage une triple mancipation qu’à l’égard de la personne du fils, à l’aide de ces termes : ‘Si le père…’ »]. b) Gaius 4.79 : Cum autem filius familias ex noxali causa mancipio datur, diversae scholae auctores putant ter eum mancipio dari debere, qui lege XII tabularum cautum sit, exeat, quam si ter fuerit mancipatus; Sabinus et Cassius ceterique nostrae scholae auctores sufficere unam mancipationem crediderunt et illas tres legis XII tabularum ad voluntarias mancipationes pertinere. [« Quand un fils en puissance est mancipé à titre noxal, les auteurs de l’école adverse estiment que celui-ci doit être soumis à trois mancipations, car la loi des XII T. a prescrit que sortir que s’il a été mancipé trois fois. Mais Sabinus, Cassius et les autres auteurs appartenant à notre école ont estimé qu’une seule mancipation suffisait, car la loi des XII T. ne rattache la règle des trois mancipations qu’aux mancipations volontaires »]. c) Tituli ex corpore Ulpiani 10.1 : Sed filius quidem ter mancipatus ter manumissus sui iuris fit; id enim lex duodecim tabularum iubet his verbis: ‘SI PATER FILIVM TER VENVM DABIT, FILIVS A PATRE LIBER ESTO’. [« Mais le fils trois fois

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mancipé et trois fois émancipé accède à la capacité juridique; c’est ce que prescrit la loi des XII T. par ces termes : ‘Si le père…’ »]. d) Dion. Halicarnensis 2.27 : Kαὶ οὐδ’ ἐνταῦθα ἔστη τῆς ἐξουσίας ὁ τῶν Ῥωμαίων νομοθέτης, ἀλλὰ καὶ πωλεῖν ἐφῆκε τὸν υἱὸν τῷ πατρί, … καὶ τοῦτο συνεχώρησε τῷ πατρί, μέχρι τρίτης πράσεως ἀφ’ υἱοῦ χρηματίσασθαι, μείζονα δοὺς ἐξουσίαν πατρὶ κατὰ παιδὸς ἢ δεσπότῃ κατὰ δούλων. Θεραπόντων μὲν γὰρ ὁ πραθεὶς ἅπαξ, ἔπειτα τὴν ἐλευθερίαν εὑρόμενος αὑτοῦ τὸ λοιπὸν ἤδη κύριός ἐστιν, υἱὸς δὲ πραθεὶς ὑπὸ τοῦ πατρὸς εἰ γένοιτο ἐλεύθερος ὑπὸ τῷ πατρί πάλιν ἐγίνετο, καὶ τὸ δεύτερον ἀπεμποληθείς τε καὶ ἐλευθερωθεὶς δοῦλος ὥσπερ ἐξ ἀρχῆς τοῦ πατρὸς ἧν· μετὰ δὲ τὴν τρίτην πρᾶσιν ἀπήλλακτο τοῦ πατρός. Τοῦτον τὸν νόμον ἐν ἀρχαῖς μὲν οἱ βασιλεῖς ἐφύλαττον εἴτε γεγραμμένον εἴτε ἄγραφον (οὐ γὰρ ἔχω τὸ σαφὲς εἰπεῖν) ἁπάντων κράτιστον ἡγούμενοι νόμον. Καταλυθείσης δὲ τῆς μοναρχίας, ὅτε πρῶτον ἐφάνη Ῥωμαίοις ἅπαντας τοὺς πατρίους ἐθισμούς τε καὶ νόμους ἅμα τοῖς ἐπεισάκτοις ἐν ἀγορᾷ θεῖναι φανεροὺς ἅπασι τοῖς πολίταις, ἵνα μὴ συμμεταπίπτῃ τὰ κοινὰ δίκαια ταῖς τῶν ἀρχόντων ἐξουσίαις, οἱ λαβόντες παρὰ τοῦ δήμου τὴν ἐξουσίαν τῆς συναγωγῆς τε καὶ ἀναγραφῆς αὐτῶν δέκα ἄνδρες ἅμα τοῖς ἄλλοις ἀνέγραψαν νόμοις, καὶ ἔστιν ἐν τῇ τετάρτῃ τῶν λεγομένων δώδεκα δέλτων, ἃς ἀνέθεσαν ἐν ἀγορᾷ. [« Mais le législateur romain (Romulus) ne se contenta pas d’avoir donné ce pouvoir (de vie et de mort) aux pères ; il permit en outre au père de vendre son fils … et lui concéda même le pouvoir de tirer profit de son fils en le vendant jusqu’à trois fois. Ainsi, la puissance que le père avait reçue dépassait même celle d’un maître sur son esclave. Car, quand un esclave est vendu, puis affranchi, il accède à la capacité juridique ; au contraire, un fils vendu puis libéré retombe sous le pouvoir de son père. De nouveau vendu, puis libéré une seconde fois, il redevient l’esclave de son père et c’est seulement après la troisième vente qu’il sort de la puissance paternelle. Les premiers rois observèrent cette loi, écrite ou non écrite (car on ne peut rien savoir sur ce point). Mais après la fin de la monarchie, lorsque le peuple romain jugea bon de procéder à la publication, au forum, et de mettre sous les yeux de tous les citoyens à la fois les coutumes des ancêtres, les lois et les dispositions récentes, les décemvirs, chargés par le peuple de rassembler les lois, recueillirent, parmi d’autres, cette disposition.  Elle est placée dans la quatrième de ces Douze Tables, puisque tel est le nom que l’on donne à ces tables qui furent placées au forum »]. Reconstitution La lecture VENVM DVIT, déjà proposée avant Cujas, a été adoptée par Godefroy 93, sur la base des Tit. ex corp. Ulp. (cf.  Dirksen 280281). Elle s’impose depuis la confirmation apportée par le palimpseste de Vérone. Schöll 125, sans raison valable, est pourtant resté fidèle

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à venum duuit, suggéré par Cujas et suivi par les éditeurs modernes – sauf par Flach (1994) 130 ; Id. (2004) 76. Pour la forme duit, LeumannHofmann-Szantyr, Lat. Gram. I (1977) 528. L’ordre des mots varie légèrement dans les citations de Gaius et des Tit. Ulp. Dion. Hal. (source d) attribue le verset à la Table IV, apportant une information précieuse et exceptionnelle à la reconstitution du plan général des XII T. Commentaire Si les sources classiques livrent toutes les informations souhaitables sur le lourd mécanisme de la triple vente paternelle, le mobile initial de la prescription décemvirale reste controversé. 1. – La triple vente, décrite comme un procédé technique d’extinction de la patria potestas L’exposé le plus circonstancié est dû à Gai. 1.132 : Emancipatione desinunt liberi in potestatem parentum esse. Sed filius quidem tribus mancipationibus, ceteri vero liberi sive masculini sexus sive femini una mancipatione exeunt de parentium potestate; lex enim XII tabularum tantum in persona filii de tribus mancipationibus loquitur his verbis : SI PATER … Eaque res ita agitur : mancipat pater filium alicui ; is eum vindicta manumittit ; eo facto revertitur in potestatem patris; is eum iterum mancipat vel eidem vel alii (sed in usu est eidem mancipari) isque eum postea similiter vindicta manumittit ; eo facto rursus in potestatem patris revertitur ; tertio pater eum mancipat vel eidem vel alii (sed hoc in usu est, ut eidem mancipetur) ; eaque mancipatione desinit in potestate patris esse, etiamsi nondum manumissus sit, sed adhuc in causa mancipii. [« Les enfants cessent d’être dans la puissance de leurs parents par l’émancipation.  Le fils sort de la puissance de son père par trois mancipations, alors que pour les autres descendants mâles ou pour les filles, une seule mancipation suffit. La loi des XII T., en effet, n’a parlé de trois mancipations qu’à propos des fils… On procède ainsi : le père mancipe son fils à quelqu’un ; celui-ci l’affranchit par la vindicta ; de ce fait, le fils retombe dans la puissance de son père ; ce dernier le mancipe de nouveau, soit au même, soit à un autre – d’ordinaire, c’est au même –, qui l’affranchit. Le fils retombe alors sous la puissance de son père. Pour la troisième fois, son père le mancipe, soit au même soit à un autre (mais selon l’usage, c’est au même) : le fils cesse alors d’être dans la puissance de son père, même s’il n’a pas été de nouveau affranchi. Dans ce cas, il reste placé dans le mancipium de celui qui l’a acquis »]. En décrivant ce mécanisme complexe, devenu purement artificiel, Gaius apporte d’autres informations précieuses. In causa mancipii, le fils est servi loco (1.138), assimilé à un esclave, mais il n’est pas esclave.

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Car il reste libre, citoyen, capable de contracter mariage et de procréer des enfants légitimes (1.135), mais qui, à leur tour, seront placés sous le même mancipium que leur père. Soumis à un pouvoir domestique, le mancipatus est astreint à travailler pour le compte du mancipio accipiens, tant que celui-ci ne l’aura pas affranchi ou vendu à un autre par une mancipatio. On sait encore que, par une convention (lex : Gai. 1.140 ; ou pactum : Gai. 3 leg. XII tab. D. 2.14.48, cité sous 6.1), intégrée à l’acte de la mancipatio, le pater pouvait fixer la durée pendant laquelle son fils demeurerait in mancipio. Il obtenait du mancipio accipiens l’engagement de remanciper le filius à son pater, ou de l’affranchir : ce qui aurait le même effet, puisque la patria potestas n’était pas éteinte (mais seulement en sommeil) ; tant qu’il n’y avait pas eu trois mancipations, celle-ci renaissait aussitôt. L’engagement du mancipio accipiens était fondé sur la fides. Cette obligation de fiducia connut une sanction sacrale, puis censoriale, puis, tardivement (IIIe s. av. J.-C. : actio fiduciae), juridique : Leifer (1936) 188 ; Kaser EB 161-162. Sous la République, le censeur a pu, d’autorité (cf.  Gai. 1.140 : affranchissement censu) mettre fin à la condition d’aliénation dans laquelle se trouve l’in mancipio, s’il la considérait comme abusive : notamment quand aucun pacte de rétrocession n’avait été prévu ou accordé au pater. Mais le système décemviral est encore éloigné de ces protections. 2. – La vocation originaire de l’effet libératoire de la triple vente Si tous les interprètes sont convaincus que la loi des XII T. a innové en couplant triple vente et extinction de la patria potestas (l’attribution, chez Dion.  Hal., à une loi royale est sans valeur), point d’accord, par contre, sur la signification de cette réforme. 2. – 1. Pour les uns, les décemvirs ont inventé un mécanisme complexe, formant un acte juridique soudé, constitué de trois mancipations successives et artificielles, afin de permettre la rupture d’une puissance paternelle en principe perpétuelle jusqu’à la mort du pater. Son caractère intangible pouvait en effet se retourner contre le pater lui-même, incapable d’interrompre cette puissance. Ainsi lorsqu’il veut livrer à la victime son fils coupable d’un dommage (abandon noxal), ou pour donner son fils en adoption, ou pour émanciper l’ingrat. Cette explication, fort ingénieuse, revient à Lévy-Bruhl (1947-4) 80 s. ; Id. (1953-2). Elle fut accueillie sans réserve par Kaser (1950) ; Id. RPR I2 70-71 ; de même Mayer-Maly (1958) 119-122. 2. – 2. Mais la grande majorité des interprètes propose de la norme décemvirale une analyse toute différente. Pour ceux-ci, les décemvirs ont cherché à réprimer un abus, à sanctionner une puissance paternelle perverse, en limitant à trois le nombre des ventes lucratives décidées par

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un pater soucieux d’exploiter la force de travail de son fils. Ce sont donc bien trois ventes réelles (et non fictives), échelonnées dans le temps qui seront sanctionnées par la déchéance définitive de la patria potestas. Cette explication nous semble s’imposer. Les arguments en sa faveur sont nombreux. Tout d’abord, le droit comparé fournit des rapprochements suggestifs (Yaron [1968-2] 57-72). Il est en outre invraisemblable que les décemvirs, à la recherche d’un mécanisme destiné à rompre volontairement la puissance paternelle, eussent imaginé un acte aussi complexe : une seule mancipation aurait suffi (Wieacker RRG I, 332, n. 112 et 116, avec référence à l’exemple des Latins). Justifier cette triple vente par la nécessité de permettre l’abandon noxal est contredit par les sources (Gai. 4.79, source b) : tout un courant (et le plus fidèle à la tradition décemvirale) estimait que, pour l’abandon noxal (sur celui-ci XII T. 12.2), une seule mancipation suffisait. La terminologie le confirme : dedere n’est pas dare. L’abandon noxal n’implique pas la rupture qu’entraîne la triple datio qu’exprime le ter venumdat (v. ici les remarques de Rabello [1979] 102104). Ajoutons que l’exposé général consacré par Gaius à la mancipatio filii dépasse très largement l’hypothèse de trois mancipations simultanées et concertées. Celles-ci sont, dans l’exposé de Gaius, devenues dérivées et non principales. Il convient donc d’inverser la première tentative d’explication : la fiction des trois mancipations bloquées est un artifice greffé sur une disposition décemvirale vouée à condamner un abus, et non l’inverse. Les termes du verset ne trompent pas : VENVM DARE et non mancipio dare. Les mots insistent sur le caractère lucratif, rémunérateur des trois aliénations. Ils mettent en relief leur motivation économique et négligent leur nature juridique (une mancipation). Si les décemvirs avaient eu en vue une triple mancipation symbolique nummo uno, ils n’auraient pas stigmatisé l’acte en le dénonçant comme un venum dare. On attribuera à l’ingéniosité des Pontifes, habiles à jouer sur les mots et à privilégier la lettre d’une règle sur son esprit, l’extension du verset à la rupture volontaire de la patria potestas dans l’intérêt du pater : pour réaliser une adoption, pour émanciper un fils…). C’est déjà à l’interprétation pontificale que l’on doit l’extension (au moindre coût : une mancipation suffira) de la règle aux filles et aux petits-enfants, selon le témoignage de Gai. 1.132, source a) : les XII T. n’avaient envisagé que le cas du filius, du fils proprement dit. En faveur d’une intervention du législateur restreignant une puissance paternelle abusive et perverse, v. encore : Kunkel (1956) ; Kaufmann (1964) 45-50 ; Yaron cit. ; Kelly (1974) (mais donne à venum duit le sens de louer et non de vendre : précision invraisemblable, car ne correspond pas au concept romain de locatio ; le sens d’aliénation à titre onéreux serait préférable) ; Watson (1975-1) 118-120 ; Wieacker (1956-1) 588 (réfute la thèse de Lévy-Bruhl) ; Id. (1986) 347-370 (l’interprétation pontificale à partir de la norme décemvirale) ; Id. RRG I, 331-332 ; Russo Ruggieri (1990) 16-42.

IV. 3

4. 3 – :  Cicero Philippicae 2.69 : Mimulam suam suas res habere iussit ex duodecim tabulis clavis ademit, exegit.

: À sa petite danseuse, conformément à la loi des XII Tables, il a donné l’ordre de reprendre ses biens, lui enlevé les clés, l’a mise à la porte.

Sources complémentaires a) Gaius libro undecimo ad edictum provinciale D. 24.2.2.1 : In repudiis autem … comprobata sunt haec verba : ‘tuas res tibi habeto’, item haec ‘tuas res tibi agito’. In sponsalibus quoque discutiendis placuit renuntiationem intervenire oportere. In qua re haec verba probata sunt: ‘condicione tua non utor’. [« Les termes admis pour les répudiations sont ceux-ci : ‘Reprends tes biens’ ou ‘Reprends la gestion de tes biens’. Pour rompre les fiançailles, il faut aussi communiquer sa décision ; on se sert alors valablement de ces mots : ‘Je ne donne pas suite à l’arrangement convenu avec toi’ »]. b) Gaius libro tertio ad legem duodecim tabularum D. 48.5.44 : Si ex lege repudium missum non sit et idcirco mulier adhuc nupta esse videatur, tamen si quis eam uxorem duxerit, adulter non erit. [« Si un avis de répudiation conforme à la loi n’a pas été communiqué, et si, de la sorte, la femme est toujours considérée comme épouse, celui qui l’épousera malgré cela, ne sera pas coupable d’adultère »]. Reconstitution Pris au pied de la lettre, le témoignage de Cicéron attribue à l’époque décemvirale une forme de divorce – ou de répudiation – et prévoit en conséquence la restitution à l’épouse des biens apportés en mariage : pour ces deux motifs, une partie de la doctrine moderne s’est acharnée contre ce témoignage pour en ruiner l’autorité. Ces a priori ne sont pas de bonne méthode.

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L’allusion de Cicéron aux XII T. se trouve dans un contexte marqué par l’ironie, mais qui renforce la valeur de la norme prêtée aux décemvirs. Antoine s’est débarrassé de la mime Cytheris avec qui il vivait en union certainement libre. Pour marquer l’événement, (‘Quel citoyen considéré à présent et estimé ! L’action la plus honnête de sa vie est son divorce avec une comédienne’ : Quam porro spectatus civis, quam probatus ! Cuius ex omni vita nihil est honestius quam quod cum mima fecit divortium), Cicéron prête à Antoine la forme la plus solennelle de répudiation (qualifiée de divortium) revêtue de l’autorité des XII T. La flèche manquerait son but si les XII T. n’avaient pas effectivement évoqué ou prescrit une formule de rupture. V. Kaser (1938-1) 83. La ponctuation du passage est controversée. Doit-on, avec les uns, faire porter ex XII Tab. sur suas res habere iussit (et placer une virgule après tabulis) ou sur clavis ademit (et placer une virgule après iussit) ? Les choix sont subjectifs ou arbitraires. En faveur de la première solution, Schöll 125 ; Levy (1925) 5 ; Yaron (1960) 1 ; Astolfi (2002) 114 n.  6 ; de la seconde, Bruns ; FIRA ; l’édition Teubner des Philippiques ; Esmein (1884) 19 n. 1 ; Corbett (1930) 218, 224 ; Watson (1975-1) 33. De fait, comme les nombreux témoignages postérieurs aux XII T. en apporteront la confirmation, la formule canonique de répudiation comportait deux éléments soudés (‘prends tes affaires et va-t-en’). La prescription décemvirale se référait nécessairement à la fois au suas res habere iussit et à l’ordre d’expulsion (claves ademit et exegit). Vouloir dissocier les deux faces de la rupture est dépourvu de signification. Godefroy fut le premier à insérer dans le corpus décemviral le témoignage de Cicéron (mais à partir d’un texte incertain, révisé depuis), conforté, à ses yeux, par le commentaire de Gaius (source b) et son allusion à la lex (XII T. pour Godefroy). Cette interprétation du fragment de Gaius a soulevé des objections : Balduin, c. 35 ; Augustin § 8 et surtout une critique radicale (et définitive, bien que rarement évoquée) de Dirksen 295-301, qui démontra que la lex évoquée par Gaius ne pouvait être que la lex Iulia de adulteriis, dont Gaius commente au présent la portée actuelle. Dirksen fit même remarquer que si la référence complète à la loi d’Auguste ne figure plus au Digeste, cela est dû à la suppression systématique (opérée par les compilateurs) des références précises que Gaius ne manquait jamais de faire figurer (Dirksen 296). Restés en faveur de l’interprétation condamnée par Dirksen, Levy (1925) 18-21 ; Yaron cit. Aujourd’hui, il ne fait plus guère de doute que Gaius se référait à la législation augustéenne et non à la loi des XII T. : ainsi, à juste titre, Volterra (1965) ; Thomas (1970) 643 ; Venturini (1992) 133 s. ; Astolfi (1996) 204 ; Id. (2002) 114-115. Mais s’il est certain que Gaius ne se référait pas expressément aux XII T., il est non moins assuré qu’il a commenté la disposition de la lex Iulia sur les formes de la répudiation à l’occasion (ad legem duodecim tab.) d’une disposition du même ordre des XII Tables. Gaius confirme

IV. 3

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donc directement l’existence d’un verset décemviral sur les formes de la rupture, raison pour laquelle D. 48.5.44 mérite de figurer parmi les sources complémentaires et renforce indirectement le témoignage de Cicéron (que Dirksen, emporté par sa critique de Gaius, rejeta complètement : exclu du corpus décemviral, le fragment des Philippiques fut réintroduit (sans commentaire) par Schöll et maintenu ensuite par toutes les éditions postérieures des XII T.). Commentaire 1. – Reconstitution de la formule et son efficacité. 2. – Jalons pour une histoire du divorce. 3. – Res suas habere et restitution de la dot. 1. – Reconstitution de la formule et son efficacité Des XII T. à Plaute, et de Plaute à Gaius (source a), une remarquable continuité s’avère dans l’emploi de la formule de divorce – répudiation. On peut ainsi citer : Plaut. Amph. 928 (Valeas, tibi habeas res tuas, reddas meas : ‘adieu, garde tes biens et rends-moi les miens’, de la part de l’épouse qui répudie son mari) ; Trin.  266 (Apage te … ; tuas res tibi habeto : ‘va-t-en d’ici, prends tes affaires’, de la part du mari) ; Titinius, Comoedia Togata 56 (at vestorum aliquis nuntiat Geminae, ut res suas procurat, et facessat aedibus. Mulier credo advorsus illum suas res conqueritur : ‘qu’elle reprenne ses affaires et sorte de la maison.  Sa femme, je crois, porte plainte contre lui pour récupérer son bien’) ; Mart. epigr. 10.41.2 (maritum deseris atque iubes res sibi habere suas : ‘tu quittes ton mari et tu l’invites à garder ses biens pour lui’ – répudiation par l’épouse – ) ; Petron. satyr. 79.11 (parodie d’une répudiation entre époux : res tuas ocius tolle et alium locum … quaere : ‘enlève tes affaires au plus vite et va chercher un autre endroit’) ; Quint. decl. 262 (éd. Ritter p. 72, l. 29 s. : Tunc repudiatam tu credis uxorem, cum res suas sibi habere iussa est ? Cum egredi de domo ?) ; Apul. met. 5.26  (Confestim toro meo divorte tibique res tuas habeto : ‘quitte à l’instant mon lit et prends ce qui t’appartient’) ; Sen. suas.1.6 (res tuas tibi habeto) ; contr. 2.5. L’ordre de décamper alterne avec ces formules : Plaut. Cas. 210 (ei foras : ‘sors d’ici’) ; Varro ap. Nonius Marcel. 108 L v° Baetere : id est ire, et dont est cité un vers extrait des Satires Ménippées : annos multos quod parere non poterat, mulierem foras baetere iussit, ‘sa femme n’ayant pu, pendant des années, lui donner d’enfant, il lui ordonna de partir’. La formule, on le voit, comporte deux éléments, tantôt soudés (cas le plus fréquent : Plaute, Titinius, Cicéron, Martial, Pétrone, Quintilien, Apulée), tantôt disjoints : l’ordre de reprendre ses biens et celui de partir. C’est exactement la même structure que l’on retrouve, attribuée aux XII T., chez Cicéron. Peut-on accepter l’idée d’une forme ou d’une formule de divorce

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prescrite à peine de nullité ? Certainement pas, car, sinon, on ne s’expliquerait pas les variantes (certes mineures, mais sûres) dans l’emploi des expressions, ni la validité (admise, mais après d’âpres discussions entre les juristes les plus fameux : Cic. de orat. 1.183-184 et 238) d’un divorce-répudiation considéré comme effectif sans forme aucune ni manifestation formelle de volonté de la part du conjoint mettant fin unilatéralement au mariage. La structure même du mariage ne pouvait tolérer, par essence, que la libre volonté, pour chaque époux, de rompre l’union dépendît d’une forme quelconque (Volterra [1940] passim). Gaius (source b) l’affirme pour l’époque classique : même si la forme prévue par la lex Iulia (repudium missum) n’est pas respectée, le mariage est rompu. Il n’y a pas de raison de ne pas envisager la même structure essentielle du mariage à l’époque la plus ancienne. Mais si le formalisme est absent, les juristes ont cependant admis l’utilité des formes consacrées pour exprimer sans ambiguïté la volonté de divorcer. On justifiera ainsi (partiellement pour le moment) la prescription décemvirale. 2. – Jalons pour l’histoire du divorce Les interprètes modernes, séduits par une légende élaborée à des fins moralisantes, reprise et diffusée par Denys d’Halicarnasse, ValèreMaxime, Aulu-Gelle et Plutarque, ont placé en 304 ou en 231 le premier divorce de l’histoire de Rome. Ils ont été ainsi conduits à vider de sa substance le témoignage des XII T. qui implique la pratique du divorce dès le Ve s. av. J.-C. 2. – 1. Valère-Maxime (2.1.4) et Aulu-Gelle (4.3.1) – Val. Max. 2.1.4 : Repudium inter uxorem et virum a condita urbe usque ad centesimum et quinquagesimum annum nullum intercessit. Primus autem Sp. Carvilius uxorem sterilitatis causa dimisit. Qui, quamquam tolerabili ratione motus videbatur, reprehensione tamen non caruit, quia ne cupiditatem quidem liberorum coniugali fidei praeponi debuisse arbitrabantur. Valère-Maxime est formel : aucune répudiation n’aurait vu le jour à Rome avant celle dont se serait rendu coupable en 603 av.  J.-C. (objet d’une répréhension non précisée) Sp. Carvilius Ruga, au motif de la stérilité de son épouse. On remarquera que Val. Max. se contredit, puisqu’en 2.9.1, il place en 309 la répudiation de son épouse par L. Annius, frappé de la nota censoria pour avoir, non pas répudié son épouse, mais l’avoir fait sans s’entourer de l’avis de ses proches. – Gell. 4.3.1-2 : Memoriae traditum est, quingentis fere annis post Romam conditam nullas rei uxoriae neque actiones neque cautiones in urbe Roma aut in Latio fuisse, quoniam profecto nihil desiderabantur nullis etiamtunc matrimoniis divertentibus. (2) Servius quoque Sulpicius

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in libro quem composuit ‘De dotibus’ tum primum cautiones rei uxoriae necessarias esse visas scripsit, cum Spurius Carvilius, cui Ruga cognomentum fuit, vir nobilis, divortium cum uxore fecit, quia liberi ex ea corporis vitio non gignerentur, anno urbis conditae quingentesimo vicesimo tertio. Aulu-Gelle ajoute que Sp. Carvilius, dans un choix cornélien, voulut que la fidélité au serment traditionnel prêté au censeur l’emportât sur l’amour qu’il portait à son épouse. V. encore Gell. 17.21.44, mais qui place, cette fois, en 231 (et non en 235) la répudiation de Ruga. La pureté des mœurs anciennes est soulignée à son tour par Plutarque (Numa 25.13), où l’on retrouve, mais placée en 524 av. J.-C., la répudiation de son épouse par Ruga (‘Les Romains se souviennent que le premier qui divorça fut Sp. Carvilius, alors que pendant les deux cent trente années qui suivirent la fondation de Rome, on n’avait jamais rien vu de pareil’), que l’on peut rapprocher de la loi royale prêtée à Romulus (Plut. Rom. 22) qui n’aurait anciennement toléré la répudiation d’une épouse que pour trois fautes, et réprimé une répudiation injustifiée par la confiscation des biens du mari (dont la moitié parviendrait à l’épouse). Quant à Dion.  Hal. 2.25, il place en 231 le premier divorce de l’histoire de Rome. En dépit des contradictions évidentes qui obèrent la portée de ces ‘témoignages’ (sur la date : qui oscille entre 603, 524, 309, 235, 231 ; sur le contenu : comment concilier la sanction de la répudiation d’une épouse innocente (Plut. Rom. 22) et l’affirmation qu’il n’y eut aucune répudiation de ce type avant le milieu du IIIe s. ? Cf.  Solazzi (1899) 167  s.) : il est certain que ces anecdotes édifiantes infirment exactement, si on leur accorde crédit, le verset décemviral : la liberté du divorce, par répudiation, ne pourrait remonter au Ve s. 2. – 2. Pas de distinction entre repudium et divortium Pour sortir de ces difficultés, une partie des interprètes, de Brini (1888) 220 s. à Corbett (1930) 218-230, et de celui-ci à nos jours (Giunti [2004] 130-141) en passant par Watson (1965-1) a tenté de soutenir que Val.-Max. et Gell. auraient eu en vue le divortium et non le repudium. Mais la tentative est désespérée, pour plusieurs raisons. 1) Gell. parle certes de divortium : mais pour qualifier la décision de Sp. Carvilius qui n’est autre qu’un repudium (la rupture unilatérale du lien ; ainsi, exactement, Valère-Maxime).  2) La distinction divortium – repudium n’a, à Rome, aucune portée juridique. Si le mariage peut être dissous par la volonté unilatérale de l’un (ou de l’autre) des époux, il peut, à plus forte raison, l’être par l’accord des deux époux. De fait le repudium est la manifestation de la volonté de rompre et il suffit à rompre le lien conjugal, donc à provoquer un divortium. Entre une répudiation unilatérale et un divorce consenti, il y a une nuance d’ordre psychologique, social et affectif,

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mais celle-ci n’a aucune incidence sur la nature du lien conjugal et sa dissolubilité fondamentale. L’essentiel est de relever que cette dissolubilité unilatérale (dont dispose l’époux, l’épouse ou le pater respectif de chacun des époux) est affirmée au Ve s. avec les XII T. et continue, cela va de soi, à l’être en 309 (L. Annius), ou en 304 ou en 231 (Sp. Carvilius Ruga, pour la datation la plus basse). 3) Il n’y a pas à insister sur les tentatives, fantastiques, imaginées pour prêter à l’époque archaïque un soi-disant mariage à l’essai : un ‘mariage sans manus’, conclu pour une durée d’un an, jusqu’au moment où la fécondité confirmée de l’épouse viendrait à la fois placer l’épouse dans la manus du mari, à la fois rendre l’union définitive et indissoluble. Ainsi, prolongeant une hypothèse aventureuse de Lévy-Bruhl (1935 et 1947-1), reprise par Piro (1994) 152 s. et par Peppe (1997) 175 s., Giunti (2004) 290 s., 333 s. limite l’hypothèse décemvirale au repudium de l’épouse restée stérile durant la période d’essai. Mais s’il n’y a pas mariage, il ne peut y avoir repudium ! Et la manus (acquise au terme d’une année : 6.5) n’a rien à voir avec la formation du lien conjugal. La contradiction entre les touchantes chroniques des moralistes d’une part, et la législation décemvirale de l’autre, ne peut être dissimulée. Elle est flagrante. 2. – 3. Le tournant du IIIe s. : mesures destinées à renforcer la protection de l’épouse innocente, répudiée sans que sa dot soit restituée La solution, à notre avis, ne peut être que la suivante. ValèreMaxime et Aulu-Gelle, se méprenant sur l’interprétation du juriste Servius Sulpicius, n’ont pas compris le changement placé à la fin du IVe ou au milieu du IIIe s. En réalité, ce qui préoccupait le juriste n’était pas de faire l’histoire (une histoire romantique !) du divorce, mais, et c’était le point important pour ce juriste de la fin du Ier s. engagé dans la rédaction d’un traité De dotibus, d’expliquer, historiquement, l’émergence de nouveaux moyens processuels (essentiellement des cautiones rei uxoriae), imaginés par la pratique pour renforcer l’obligation maritale de restituer les biens de l’épouse en cas de rupture du lien.  Et pour les expliquer, le fameux Ruga, qui défraya la chronique avec la répudiation de son épouse (à une date qui se promène sur près de quatre siècles, entre 600 et 230 av. J.-C.) a fourni un expédient commode : celui d’une répudiation, non pas scandaleuse en soi (car le motif de la stérilité avait dû être invoqué, à tort ou à raison, plus d’une fois !), mais scandaleuse parce que Ruga n’aurait pas restitué à son épouse innocente de toute faute la dot à laquelle elle avait droit. C’est l’élément nouveau (produit à une date dont la précision importe peu) et choquant (voir dans le même sens le jeu de mots douteux de Carvilius Ruga sur le sens et la portée du serment prêté au censeur

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par chaque époux à chaque lustre. La malhonnêteté rusée de Ruga ne fait pas de doute). Cet élément nouveau aura incité les veteres à garantir aux épouses les moyens d’une meilleure protection : non contre une répudiation, mais contre une répudiation ayant pour effet (voire pour but) de spolier celles-ci. Voir ici, en filigrane, Solazzi (1899) 353 ; Humbert (1972) 132-133 et la position équilibrée de Fayer III (2005) 81 s. L’affaire de Ruga ne concerne pas l’histoire du lien conjugal, mais celle de la dot. 3. – Res suas habere et restitution de la dot Quelle vocation reconnaître au verset décemviral et quelle application lui attribuer jusqu’au moment où seront mises en place les stipulations de garantie, puis la formule de l’action rei uxoriae ? Le verset décemviral n’a certainement pas eu pour fonction d’imposer une forme de divorce. La rupture du mariage par la répudiation de l’épouse (coupable ou non), que le mariage fût accompagné de la manus ou pas, est admise par principe par le code sans consécration législative. Le divorce par répudiation sera qualifié par la suite de divortium (au sens de divergence mettant fin à une convergence de volontés et de vie commune). La répudiation du mari par l’épouse (restée sui iuris ou placée dans la potestas de son pater ; pour l’épouse entrée sous la manus de son mari, c’est moins clair) n’est pas à exclure pour le Ve  s., à preuve le théâtre de Plaute qui, au début du IIe s., en confirme l’existence : cf. les sources citées supra et Schuhmann (1976). Mais la loi a pris certaines précautions. Non de forme, mais de fond, à savoir la restitution de ses biens à l’épouse, lorsqu’aucune faute ne peut lui être reprochée. Ce que l’on a ensuite compris comme un rituel, comme une déclaration-type, doit recevoir son sens plein : la restitution à l’épouse de son apport – que l’on qualifiera plus tard de dot, puisque tout ce que la femme, notamment passée sous la manus de son mari, lui apporte, constitue un apport dotal. Cf.  Cic. Top. 23 : Cum mulier viro in manum convenit, omnia quae mulieris fuerunt, viri fiunt dotis nomine – cf. Solazzi (1899) 129-139 –. Par le verset 4.3, les XII T. ont ainsi fixé le moment et les conditions de la rupture du lien. C’est au moment où l’épouse reprend ‘possession’ de son apport en mariage, et à la condition que les deux patrimoines se séparent définitivement par l’exclusion matérielle de l’épouse, à qui le domicile, jusque-là conjugal, est désormais interdit : c’est à ce moment et sous la condition de cette restitution (habere, reddere) que le lien du mariage est considéré comme rompu. Fixer si et quand le mariage est dissous emportait suffisamment de conséquences juridiques majeures, d’ordre familial (légitimité des enfants, crime ‘sacré’ d’adultère) ou successoral (cas de l’épouse placée sous la manus de son conjoint) pour que la loi fût intervenue de façon aussi impérative et contraignante.

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On sait que la dot, au moment où sa restitution est contestée (dans son principe et surtout dans son montant), prend le nom, au début de l’époque classique, de res uxoria au sens de patrimoine de l’épouse, avec la connotation judiciaire que revêt le mot res. Les XII T., anticipant le terme de res uxoria, ont employé res tuas dans le même contexte (cf. ici Yaron [1960] 1-3 ; Söllner [1969] 66-69). Il ne paraît pas justifié (autrement que dans le souci de retarder au IIe s. av. J.-C. toute forme de rupture du mariage) de déprécier ces ‘biens de l’épouse’ et de n’y voir que les menus objets intimes de l’épouse que le mari lui céderait à l’instant où il la répudie (ainsi Watson [1965-1] 48-49 ; Treggiari [1991] 447 ; Varvaro [2006] 247-248). Le pluriel décemviral démontre seulement que l’idée d’une globalité de biens, d’un ensemble abstrait d’une universalité juridique que l’on trouve dans res uxoria, ne remonte pas au Ve s. Ce n’est pas une surprise. On retrouve la même incapacité de généralisation­ou d’abstraction pour les res iure iudicatae (3.1), alors que l’on attend re iure iudicata (une fois le jugement prononcé définitivement sur l’affaire) ou pour les mulieris res mancipi (au sens de ‘ toute res mancipi appartenant à l’épouse’ : 5.2). Nous définirons donc le verset 4.3 comme une prescription qui subordonne l’existence de la rupture à la restitution de l’apport, puisque c’est de cette restitution que la loi fait dépendre la réalité de la rupture. Nous en déduirons (contre Bechmann [1863] 71) que la dot ne peut pas à haute époque être considérée comme ‘logiquement et historiquement indépendante de l’avenir du mariage’, au point que, jusqu’au IIe  s. av. J.-C., le divorce n’aurait pas affecté le sort de la dot, propriété du mari. Contra, Solazzi (1889) 168. L’émotion qu’aurait causée auprès des juristes la conduite de Ruga prouve bien qu’une répudiation sans restitution était inouïe et scandaleuse. Sous cette forme, la prescription n’appelle aucune sanction d’ordre processuel. Le verset, dans son efficacité – pas de répudiation sans restitution –, n’avait guère besoin d’ouvrir à l’épouse (ou à son pater ou à ses tuteurs) une action de la loi pour exiger la restitution. Mais si le mari violait la prescription, au-delà de la faible (et illusoire) consolation, pour la femme ‘répudiée’, de s’affirmer toujours l’épouse du mari, il restait la pression morale, sociale et, rapidement avec la création de la censure, censoriale. Le retentissement prêté à l’affaire de Sp. Ruga prouve que le lien indissoluble établi par le code entre restitution et répudiation a été longtemps respecté, puisqu’il faut attendre le milieu du IIIe s. pour constater que ce lien s’est relâché ou a été rompu. Des maris, dès lors, répudient et s’enrichissent de la dot de leur épouse. D’où le recours à des cautiones. Sans prétendre ouvrir le problème très complexe des origines de l’a. rei uxoriae, action civile, donc jamais prétorienne, et de bonne foi, on doit rechercher un modèle, un précédent législatif qui, aménagé

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ou étendu par les prudents, aura conduit le préteur, à la fin du IIe s. à proposer l’action civile rei uxoriae. Entre le Ve s. et la fin du IIe, notre information souffre d’une lacune trop profonde. Mais on peut envisager, si l’on considère avec Lenel EP3  304 s., l’a. rei uxoriae comme une action certaine, que la non restitution, en violation de la prescription légale, sera un cas d’enrichissement sans cause relevant de la condictio. Si, comme il a été soutenu récemment (Varvaro 2006), on opte pour une action incertaine, le relais de la condictio est à exclure. Il faudra alors songer à une innovation prétorienne, mais assise sur le verset décemviral, ce qui assurera à l’action son caractère civil. De toute façon, on ne peut se débarrasser de ce précédent. Sur les cautiones, garanties de restitution sous forme de stipulations, elles peuvent remonter plus haut que ce que laisse penser Servius Sulpicius (qui, de fait, ne rattache que ces cautiones au précédent de Ruga, et non l’a. rei uxoriae assurément beaucoup plus récente). Ces stipulations de garantie peuvent avoir ouvert une iudicis arbitrive postulatio. On peut aussi songer à l’efficacité de stipulationes poenae (Astolfi [2002] 153-155) qui, avant même l’invention des cautiones rei uxoriae (peut-être dès le IIIe s.), auraient garanti le droit de l’épouse à la restitution de son apport dotal. Conclusion Les XII T. mettent en présence d’un lien conjugal dissoluble par répudiation unilatérale ou par accord des époux. Le mariage romain affirme déjà sa spécificité et son absolue originalité. La seule condition posée par la loi est la restitution de ses biens à l’épouse (sauf, probablement, si elle est coupable d’un comportement jugé criminel, tel que l’adultère…). La sanction de cette obligation incombant au mari a dû, sous la pression des mores et sous le contrôle de la nota censoria, protéger efficacement les épouses jusqu’au moment où (milieu du IIIe s.), la pression sociale se relâchant, la menace de répudiations injustifiées et non accompagnées de la restitution du patrimoine de l’épouse, incita la pratique à inventer des moyens efficaces de protection.  Les premières mesures de garantie, qualifiées de cautiones rei uxoriae, stipulations de peine (pour non restitution) ou promesses formalistes de restitution en cas de répudiation, ont dû voir le jour au cours de la deuxième moitié du IIIe s. Plus tard, l’action civile de bonne foi, l’a. rei uxoriae, viendra compléter le dispositif de protection. Un mythe a fourni un décor à cette histoire très technique des origines des actions dotales. Sp. Carvilius Ruga aurait introduit la répudiation à Rome au VIIe s., voire au VIe s. S’il faut en retenir un enseignement, ce sera en faveur d’une dissolubilité du lien conjugal aussi ancienne que le mariage romain.  Le même Ruga refait surface au milieu du IIIe s. Il attache alors son nom à la découverte d’actions

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de restitution en faveur des épouses. Le mythe sert cette fois à dater de manière plausible cette manifestation de l’ingéniosité des veteres. La prescription décemvirale avait perdu son souffle. Il fallait en prendre le relais.

IV. 4

4. 4 – : Aulus Gellius Noctes Atticae 3.16.12 : […] quoniam decemviri in decem mensibus gigni hominem, non in undecimo scripsissent.

: ... puisque les décemvirs avaient écrit qu’un être humain vient au monde dans les dix mois et non au cours du onzième mois.

Sources a) Gell. 3.16.12 : Praeterea ego de partu humano, praeterquam quae scripta in libris legi, hoc quoque usu venisse Romae comperi : feminam bonis atque honestis moribus [...] in undecimo mense post mariti mortem peperisse, factumque esse negotium propter rationem temporis, quasi marito mortuo postea concepisset, quoniam decemviri in decem…[« De plus, à propos de la gestation humaine, outre ce que j’ai lu, j’ai appris que l’affaire suivante était arrivée à Rome. Une femme de bonnes et honnêtes mœurs avait accouché au cours du onzième mois après la mort de son mari. On lui avait fait des ennuis à cause de la longueur du délai, dans l’idée qu’elle avait conçu après la mort de son mari, puisque les décemvirs … »]. b) Ulpianus libro quarto decimo ad Sabinum D. 38.16.3.9-11 : (9) Utique et ex lege duodecim tabularum ad legitimam hereditatem is qui in utero fuit admittitur, si fuerit editus […] (11) Post decem menses mortis natus non admittetur ad legitimam hereditatem. [« (9) En vertu de la loi des XII T., l’enfant conçu est admis à la succession légitime, s’il est né viable. (11) Mais s’il naît plus de dix mois après la mort (de son père), il ne sera pas admis à la succession légitime »]. Reconstitution De la teneur originelle de la loi, on ne peut rétablir vraisemblablement que IN DECEM MENSIBVS (PROXIMIS ?, selon la suggestion

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de Godefroy 93, qui complète ainsi : si qui ei IN DECEM MENSIBVS PROXIMIS postumus natus escit, iustus esto. Commentaire La détermination légale de la durée de la grossesse tranche le problème de la légitimité des postumi. La précision des décemvirs intéresse au premier chef le droit des héritiers à la succession du défunt. Elle est un préalable à l’exercice de la pétition d’hérédité. Reconnu posthume, donc légitime, le filius, heres suus, selon le cas, écartera les héritiers testamentaires ou viendra en concours avec les heredes sui appelés par la loi. La surinterprétation du verset par Magdelain (1986) 326 = 62 (par le biais de la détermination de la grossesse et des conditions de la qualité d’enfant légitime, les décemvirs auraient cherché à faire entrer dans la loi l’institution de la patria potestas pour lui donner une base légale) n’est pas acceptable. La patria potestas n’a reçu aucune reconnaissance légale dans le code. Son domaine, sa source, son étendue échappaient (sauf rares exceptions, justifiées) à la vocation du code décemviral (Humbert [2005-1] 37 = 575). Sur la vocation successorale des postumi (et l’extension progressive de la norme décemvirale qui, dans sa portée originelle, ne concernait que la succession ab intestat) : Voci (1960) 378-383 ; Robbe (1937) 32-33 ; Sachers (1953-2) 956-958. Sur la durée de la grossesse, Roussier (1959-1) ; Id. (1959-2). Le délai de dix mois est déjà connu des ‘leges regiae’, mais avec une signification différente, religieuse, comme délai de viduité : Plut. Num. 12.2 (Loi de Numa 10 = FIRA I, 12). Sur le tempus lugendi, Rasi (1947) ; Humbert (1972) 113-131.

V. 1

5.  1  – : Gaius 1.144-145 : (144) Veteres enim voluerunt feminas, etiamsi perfectae aetatis sint, propter animi levitatem in tutela esse. (145) […] Loquimur autem exceptis virginibus Vestalibus quas etiam veteres in honorem sacerdotii liberas esse voluerunt; itaque etiam lege XII tabularum cautum est.

:  Les Anciens ont voulu que les femmes, même majeures, fussent en tutelle, du fait de la légèreté de leur esprit. Mais nous parlons des femmes à l’exception des Vestales que déjà les Anciens ont voulu libres en l’honneur de leur sacerdoce ; et la loi des XII T. en avait déjà disposé ainsi.

Source principale a) Aulus Gellius Noctes Atticae 1.12.18 : In commentariis Labeonis, quae ad duodecim tabulas composuit, ita scriptum est : ‘Virgo Vestalis neque heres est cuiquam intestato, neque intestatae quisquam, sed bona eius publicum redigi aiunt. Id quo iure fiat, quaeritur’. [« Il est écrit dans les Commentaires que Labéon composa aux XII T. : ‘Une Vestale n’hérite de personne ab intestat, et personne n’hérite d’elle ab intestat ; mais ses biens reviennent au peuple, comme on dit. Quelle en est la raison juridique, telle est la question’ »]. Sources complémentaires b) Gaius 1.130 : Praeterea exeunt liberi virilis sexus de parentis potestate, si flamines diales inaugurentur, et femini sexus, si virgines Vestales capiantur. [« En outre, les enfants de sexe masculin sortent de la puissance paternelle, s’ils sont inaugurés flamines de Jupiter, et ceux du sexe féminin, s’ils sont pris comme Vestales »]. c) Gell. 1.12.9 : Virgo autem Vestalis, simul est capta atque in atrium Vestae deducta et pontificibus tradita est, eo statim tempore sine emancipatione ac sine

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capitis minutione e patris potestate exit et ius testamenti faciundi adipiscitur. [« Dès qu’une Vestale a été prise, amenée dans l’atrium de Vesta et livrée aux Pontifes, aussitôt, sans émancipation, et sans perdre son statut juridique, elle sort de la puissance paternelle et acquiert le droit de faire un testament »]. d) Plutarque Numa 10.5 (= Lois de Numa 9 = FIRA I, 11) : Τιμὰς δὲ μεγάλας ἀπέδωκεν αὐταῖς (= aux Vestales) ὧν ἔστι καὶ τὸ διαθέσθαι ζῶντος ἐξεῖναι πατρός καὶ τἆλλα πράττειν ἄνευ προστάτου διαγούσας ὥσπερ αἱ τρίπαιδες. [« Il accorda de grands honneurs aux Vestales, notamment le droit de faire un testament du vivant de leur père, et d’accéder à tous les autres actes juridiques, sans tuteur, comme si elles jouissaient du ius trium liberorum »]. e) Autres sources : Gell. 1.12.10-17 ; Tit. ex corp. Ulp. 10.5 (= Gai. 1.130, source b). Reconstitution Pas de reconstitution possible. Commentaire 1. – Disposition des veteres ou des XII Tables ? Le témoignage de Gaius (source a) surprend par sa forme. Alors que Gaius s’attache, avec la plus grande rigueur, à identifier systématiquement l’origine décemvirale des institutions qu’il décrit (Humbert [2018-1]), ici, la décision (voluerunt) des veteres précède la norme décemvirale, qui donne elle-même le sentiment d’avoir suivi (itaque … cautum est) une prise de position (que Gaius qualifiera ensuite de préjugé infondé) antérieure. Il est difficile de voir, comme à l’ordinaire, dans les veteres les auteurs d’une interprétation donnée à posteriori. Et il est tout aussi impossible d’adopter une lecture réductrice qui confondrait veteres et décemvirs, dans un amalgame tout à fait étranger aux scrupules historicisants de Gaius. L’anomalie n’avait pas échappé à Solazzi, mais pour des déductions impossibles. Solazzi soutint, en effet, sans désemparer, la thèse d’une glose, éliminant radicalement la référence aux XII T. (itaque etiam lege XII T. cautum est), qui aurait été abusivement insérée dans l’exposé de Gaius : ainsi (1936) 168-171 ; Id. (1937) 151-152 ; Id. (1943) 113-116. Mais il ne convainquit personne, comme il le reconnut sans détour (1943) 113-114. V. la critique de cette tentative chez Guizzi (1968) 4-30. Reste à justifier l’étrange présentation historique de Gaius. Il est

V. 1

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fort vraisemblable que, à travers les veteres dotés ici d’une autorité normative (voluerunt), Gaius fait allusion à l’archaïsme du statut exceptionnel des Vestales (certainement bien antérieur aux XII T.) ; ces veteres rejoignent le législateur Numa de Plutarque et se confondent avec une norme sacrée non datable. On comprend la réception par le code de ce statut anomal : non dans le souci de codifier des coutumes (ainsi Guizzi [1968] 25), mais par l’importance que revêt ce statut dérogatoire pour la sanction des droits dont le code dresse l’inventaire : droit à la succession légitime et testamentaire, validité et efficacité des actes d’aliénation par mancipation accomplis par la Vestale sans l’assistance d’un tuteur (déroge à 5.2). 2. – Le statut de droit privé des Vestales Pour l’ensemble : Düll (1953) ; Guizzi cit. Mais un point particulier retient l’attention, puisqu’il embarrassait Labéon (quaeritur, ap. Gell. source a). Certes, l’incapacité des Vestales de transmettre ou de recueillir des biens ab intestat s’explique fort bien : la Vestale sort de sa famille, rompt ses liens agnatiques sans en acquérir d’autres (comme ce serait le cas pour une adoption ou un mariage cum manu). La Vestale, nécessairement isolée, est privée de la succession agnatique. Mais si le fondement de l’incapacité est limpide, ses conséquences font problème. La destination de ses biens in publicum intrigue les Modernes, comme, de son temps, Labéon.  V. ici Mommsen, Staatsr. II, 54 ; Kaser (1952) 84-85 ; Guizzi cit. 165-167 ; mais surtout Pernice (1873) 182 : le patrimoine de la Vestale, dédiée ou consacrée à Vesta (Gell. 1.12.11 : eam pontifex maximus capiat eaque Vestae fiat), devient, comme les biens des temples, propriété sacrée et publique ‘aut sacrum aut publicum’. 3. – Le statut cultuel des Vestales Dans une bibliographie infinie, quelques repères suffiront : Wissowa RKR2, 507-508 ; Latte (1960-1) 108-111 ; Radke (1965) 329-334 ; Dumézil (1965) 576 s. ; Hommel (1972) ; Beard (1980).

V. 2

5. 2 – : G  aius 2.47 : [Res] Mulieris, quae in agnatorum tutela era[n]t, res mancipi usu capi non poterant, praeterquam si ab ipsa tutore traditae essent : id ita lege XII tabularum ca.

:  Les choses mancipables, appartenant à une femme qui était placée sous la tutelle de ses agnats, ne pouvaient pas être usucapées, sauf si ces choses avaient été aliénées par la femme elle-même avec l’autorisation de son tuteur.

Sources complémentaires a) Gaius 1.157 : Sed olim quidem, quantum ad legem XII tabularum attinet, etiam feminae agnatos habebant tutores. Sed postea lex Claudia lata est, quae, quod ad feminas attinet, tutelas sustulit. [« Mais autrefois, pour ce qui concerne la loi des XII T., les femmes avaient les agnats pour tuteurs. Mais vint ensuite la loi Claudia, qui supprima à l’égard des femmes la tutelle des agnats »]. b) Gaius 1.192 : Sane patronorum et parentum legitimae tutelae vim aliquam habere intelleguntur eo, quod hi neque ad testamentum faciendum neque ad res mancipi alienandas [...] auctores fieri coguntur [...]. Eaque omnia ipsorum causa constituta sunt, ut, quia ad eos intestatarum mortuarum hereditates pertinent, neque per testamentum excludantur ab hereditate neque alienatis pretiosioribus rebus […] minus locuples ad eos hereditas perveniat. [« Les tutelles légales des patrons et des ascendants (sur les femmes) ont une efficacité certaine, car on ne peut contraindre les tuteurs à autoriser soit la confection d’un testament soit l’aliénation d’une chose mancipable. Et tout ceci a été établi dans leur propre intérêt : puisque la succession des femmes leur revient après la mort de ces dernières, ils ne seront pas exclus de cette succession par un testament et ne recevront pas une succession amputée par l’aliénation des biens les plus précieux »].

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c) Gaius 2.80 : Nunc admonendi sumus neque feminam neque pupillum sine tutore auctore rem mancipi alienare posse ; nec mancipi vero feminam quidem posse, pupillum non posse. [« Remarquons maintenant que ni la femme, ni le mineur ne peuvent aliéner une chose mancipable sans l’autorisation de leur tuteur ; pour une chose non mancipable, la femme le peut, mais non le mineur »]. d) Cicero Pro Flacco 84 : In manum (Valeria) convenerat […]. Sed quaero : usu an coemptione ? Usu non potuit ; nihil enim potest de tutela legitima nisi omnium tutorum auctoritate deminui. Coemptione ? Omnibus ergo auctoribus; in quibus certe Flaccum fuisse non dices. [« Valeria était passée sous la manus de son époux … Mais je demande : par l’usage ou par une coemptio (rituel de la mancipatio) ? Par l’usage, c’est impossible, car aucune atteinte ne peut être portée aux droits de la tutelle légitime si tous les tuteurs n’ont pas donné leur autorisation.  Par coemptio ? Mais il fallait l’accord de tous les tuteurs, et tu ne feras pas croire que Flaccus était du nombre »]. Reconstitution Le texte de Gai. 2.47 reproduit ici s’écarte, sur certains points, de la version certainement corrompue du palimpseste de Vérone. On y lit en effet : Res mulierisque in agnatorum tutela erant, res mancipi usucapi non poterant. Il y a un res de trop. Et puisqu’il ne peut s’agir (Gai. 2.80, source c, confirmé par Vat. 259) que des res mancipi, à l’exclusion des res nec mancipi, c’est le premier res qui doit être supprimé (contrairement au choix de David-Nelson dans leur édition de Gaius, suivis par Meylan (ap. Textes de droit romain de Girard7 [1967] ; Id. [1971] 185 s.) et par Manthe, Gaius. Institutionen 2004). Quant à faire de res le sujet de in tutela erant, c’est audacieux : la tutelle archaïque porte sur des individus et non sur des choses. Nous suggérons donc de corriger erant par erat (contrairement à Meylan cit.), après Baviera (= FIRA II, 55). Le mot auctore, enfin, doit être sûrement ajouté (cf.  Gai. 2.80, source c). Nous proposons donc de corriger ainsi le texte de Gai. 2.47 : [Res] Mulieris, quae in agnatorum tutela era[n]t, res mancipi usu capi non poterant, praeterquam si ab ipsa tutore traditae essent ... Commentaire La prescription décemvirale présente un double intérêt. Elle veille d’abord à placer sous le contrôle des agnats les res mancipi d’une

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femme sui iuris. Celle-ci ne peut aliéner ces biens sans l’accord de ses tuteurs. Mais la règle des XII T. place aussi la femme elle-même sous la puissance de ses tuteurs : elle ne peut, sans leur participation à l’acte, passer sous la manus de son époux. 1. – Usucapi non poterant, praeterquam … tutore auctore Comment passer de la défense ‘d’usucaper’ à la défense d’aliéner ? L’usucapion décemvirale se définit comme le délai aménagé à l’exercice du droit du propriétaire, qualifié d’usus (sur ce concept : Humbert 2005-2), d’un an pour les meubles et de deux ans pour les immeubles (6.3), qui s’ouvre au lendemain d’une acquisition par une mancipatio. Le droit du mancipio accipiens sur la chose acquise est un véritable droit de propriété. Mais la situation juridique de cet acquéreur est fragile durant le délai fixé par la loi. Si son titre est contesté par un tiers (agissant par une rei vindicatio), il devra, pour se défendre, apporter la preuve qu’il a acquis cette chose par un juste titre (par une mancipatio régulière) et d’un individu qui était lui-même propriétaire quiritaire de cette chose – il sera donc conduit à prouver la propriété de son auteur. C’est ici que la loi est intervenue au secours de ce nouvel acquéreur. Lorsque ce dernier a exercé (a ‘mis en pratique’ : sens qu’il convient de donner à usus) pendant le délai prescrit (un/deux ans) son titre de propriétaire, il est libéré de la charge lourde et périlleuse d’apporter la preuve qu’il a acquis d’un juste propriétaire. Son droit de propriété est définitivement consolidé : il n’a plus à prouver que seulement l’écoulement du délai prescrit depuis son acquisition.  Il triomphera de toute revendication par la simple preuve qu’il a ‘usucapé’ (non pas qu’il a, comme on le dit, converti une possession de fait en un titre de propriété : mais qu’il a, par l’exercice continu de son droit de propriété – par l’usus –, acquis – sens de capere – une situation juridiquement inattaquable, processuellement inébranlable). Ce n’est que beaucoup plus tard qu’apparaît l’idée de la prescription acquisitive de la propriété par une possession prolongée. Le concept décemviral d’usucapio lui est parfaitement étranger. Les XII T. ignorent l’idée d’une acquisition de la propriété par la possession prolongée (différem. Mayer-Maly [1960] 21-28, dont l’analyse ne s’accorde pas avec le contexte décemviral de l’acquisition de la propriété). L’usucapion décemvirale, définie ici une fois pour toutes, joue un rôle purgatoire. Elle confère, au terme du délai aménagé à l’exercice d’un droit de propriété (6.3 ; 6.4 ; 7.4 ; 7.12 ; 8.17 ; 10.10) ou d’une puissance domestique, manus ou patria potestas (6.5), une situation consolidée ou renforcée. L’usucapion ne crée pas le titre, mais le renforce contre toute contestation ultérieure. La traduction la plus exacte d’usucapio nous semble être : ‘ce que l’on gagne (capere) par l’exercice (usus) d’un droit’. Durant le délai d’usucapion, l’acquéreur, on l’a dit, a besoin de

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protection : c’est l‘objet de l’auctoritas, ou obligation de garantie, qui incombe à l’aliénateur (mancipio dans) – cf. 6.3 –. Tant que l’acquéreur n’a pas ‘usucapé’, le vendeur doit l’assister judiciairement et assurer sa défense contre tout tiers revendiquant le bien. Le verset 5.2 peut alors s’expliquer. Aliénés sans l’autorisation de son tuteur, les biens de la femme ne pourront apporter à leur acquéreur le bénéfice de l’usucapion, quelle que soit la durée de sa possession. Il ne disposera jamais d’un titre de propriété inattaquable erga omnes ; il devrait, en principe, perpétuellement invoquer l’assistance de son auteur (la femme, auteur de l’aliénation non consentie par son tuteur). Mais la prohibition de l’usucapion aura-t-elle pour effet de prolonger indéfiniment l’obligation d’auctoritas, de garantie, à la charge de la femme, puisque les XII T. ont lié de manière systématique l’auctoritas de l’aliénateur et l’usucapion de l’acquéreur (6.3 ; 6.4 ; 8.17) ? Certainement pas (contra, mais à tort, Yaron [1967] 206). La loi sanctionne le mépris de la participation du tuteur à l’aliénation de la femme en privant l’acquéreur des bienfaits de l’usucapion.  Mais la loi ne compense pas cette infériorité par une prolongation éternelle de l’auctoritas (à la différence de 6.4, de 7.12, de 8.17). Car c’eût été placer la femme, donc le patrimoine de ses agnats, sous la menace éternelle d’avoir à payer deux fois la valeur de la chose aliénée. L’acquéreur évincé ne pourra donc pas faire jouer l’obligation de garantie. La mancipatio faite par la femme non autorisée (sans la participation effective des tuteurs à l’acte per aes et libram) est doublement inefficace. L’acquéreur ne bénéficiera pas des bienfaits de l’usucapion, et il n’aura pas droit à une auctoritas en principe limitée à la durée de l’usucapion. Il ne pourra donc pas se défendre contre la revendication des tuteurs eux-mêmes. Il est enfin fort possible que la règle des XII T. s’applique aussi aux res mancipi simplement livrées par traditio par la femme : Kaser (c.r. de Watson [1975] in Tijschr. 45 [1977] 166-167). 2. – L’application du précepte décemviral à la manus Un passage éclairant de Cic. Flac. 84 (source d) indique que la disposition des XII T. a eu aussi pour effet de subordonner au consentement de tous les tuteurs légitimes le passage d’une femme sui iuris sous la manus de son époux. L’acquisition de la manus par l’époux est en effet une aliénation (deminutio) aux yeux des tuteurs agnatiques qui perdent le droit de succéder ab intestat : d’où l’exigence préalable de leur auctoritas. Valeria n’a pu passer sous la manus de son mari. Flaccus, tuteur agnatique, était donc appelé à revendiquer, en tant qu’héritier légitime, la succession de l’épouse. Est-on ici en présence d’une interprétation extensive et post-décemvirale, ou le verset 5.2 valait-il aussi pour cette aliénation qu’est

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l’acquisition de la manus par le mari ? Watson (1967) 20-25 ; Id. (1975-1) 99, 119 a soutenu l’extension tardo-républicaine. Mais Kaser a résolument (et justement, à notre avis) réfuté cette hypothèse : (c.r. de Watson [1967] in Tijdschr. 36 [1968] 430-43 ; Id. cit. [1977] 166-177 : dès les XII T., la femme sui iuris a besoin pour toute conventio in manum (même par usus) de l’auctoritas de tous ses tuteurs. Car la femme qui peut être mancipée (cf.  la coemptio) est elle-même une res mancipi (ibid. 167 n. 54). Dans le même sens Zannini (1976) 136-143 ; Id. (1979) 78-80. Il est certain qu’un même souci unit les deux applications du même principe : éviter que les femmes, appelées par la loi à partager à égalité avec les mâles les successions légitimes, ne ruinent ensuite, par des aliénations ou par mariage, les droits de leurs agnats. V. encore, en particulier pour le Pro Flacco, Kaser (1950-1) 96100 ; Id. (1951) 148 ; Voci (1952) 161 ; Mayer-Maly (1961-1) 262-264. L’institution du trinoctium (6.5) permettait à l’épouse d’échapper à la manus et de rester sous la tutelle légitime de ses agnats (Wolff (1938) 177-178).

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5. 3  – :  VTI LEGASSIT SVAE REI, ITA IVS ESTO.

: De la manière dont on aura disposé par testament de son patrimoine, que tel soit le droit.

Sources principales La reconstitution de ce verset, farouchement débattue, est conjecturale. Elle s’appuie sur trois traditions, qui se répartissent chronologiquement. 1 – La tradition juridique ancienne a) Pomponius libro quinto ad Quintum Mucium D. 50.16.120 : Verbis legis duodecim tabularum his ‘VTI LEGASSIT SVAE REI, ITA IVS ESTO’ latissima potestas tributa videtur et heredis instituendi et legata et libertates dandi, tutelas quoque constituendi. Sed id interpretatione coangustatum est vel legum vel auctoritate iura constituentium. [« On voit que l’efficacité la plus étendue a été reconnue à cette disposition des XII T. ‘De la manière dont on aura disposé par testament de son patrimoine…’ : à la fois le pouvoir d’instituer un héritier, à la fois celui d’attribuer des legs et la liberté, à la fois celui d’établir les tutelles. Mais cette puissance a été réduite autant par l’interprétation des lois (ultérieures) que par l’autorité de ceux qui fondent le droit »]. b) Gaius 2.224 : Olim quidem licebat totum patrimonium legatis atque libertatibus erogare nec quicquam heredi relinquere praeterquam inane nomen ‘heredis’ ; idque lex XII tabularum permittere videbatur, qua cavetur, ut, quod quisque de re sua testatus esset, id ratum haberetur, his verbis : VTI LEGASSIT SVAE REI, ITA IVS ESTO. Quare, qui scripti heredes erant, ab hereditate se abstinebant ; et idcirco plerique intestati moriebantur. [« Autrefois, il était certes licite de vider tout son patrimoine par des legs et des affranchissements, et de ne laisser à l’héritier qu’un titre vain.  Cela paraissait permis par la loi des XII T., dont les termes ‘ De

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la manière dont on aura disposé de son patrimoine…’ prescrivaient que toutes les dispositions du testateur relatives à son patrimoine devaient être respectées. Il en résultait que ceux qui étaient inscrits héritiers s’abstenaient d’accepter la succession et que, de la sorte, la plupart des individus mouraient intestats »]. Cette tradition courte du verset (uti legassit suae rei) se maintient jusqu’à Justinien (Inst. 2.22 pr.) et à ses Novelles (Nov. 22.2 pr.) – bien que les Institutes donnent à legare suae rei le sens étroit (et inacceptable) de ‘disposer de son patrimoine sous forme de legs’. Cette première tradition est précieuse, car elle remonte à l’un des pères fondateurs du ius civile, Quintus Mucius Scaevola (Pont. Max., cos. 95). C’est dans le commentaire sur le ius civile de Q. Mucius que Pomponius a trouvé les verba de la loi. Il les cite soigneusement, avant d’en venir à l’interprétation restrictive des maîtres fondateurs, dont Q. Mucius lui-même. Or l’on sait que les 39 livres consacrés par Pomponius ad Q. Mucium suivent de très près le plan (Schiavone [1976] 72-74) et la lettre de l’œuvre (Schulz [1946] 204). Gaius reproduit les mêmes ipsissima verba : il les aura trouvés soit directement dans les XII T., soit indirectement chez Quintus, dont, après Pomponius, il rédigera, de son œuvre, un commentaire résumé, ex Quinto Mucio (Gai. 1.188). On remarque, pour ces deux sources, une tournure archaïque : legare + génitif de relation (et non un génitif partitif : l’acte de legare porte sur tout le patrimoine). On reviendra sur ce sens de legare. Coli (1956) 626 voit à tort dans suae rei un datif. 2. – La tradition rhétorique ou littéraire c) Rhetorica ad Herennium 1.23 : Lex : Paterfamilias uti super familia pecuniave sua legaverit, ita ius esto. [« Telle est la loi : de la manière dont un père de famille aura disposé de son patrimoine et de sa fortune, que tel soit le droit »]. d) Cicero De inventione 2.148 : Lex : Paterfamilias uti super familia pecuniave sua legassit, ita ius esto. Ces deux sources n’en forment qu’une. La loi n’est pas citée pour soumettre ses termes à un travail d’interprétation, mais comme l’expression, parmi d’autres, de la voluntas testantium. On relève deux différences avec les sources du premier groupe : legare super + ablatif, et l’extension legare super familia pecuniave, au lieu du très concis et presque équivoque legare suae rei. L’emploi de super au lieu de de

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ne surprend pas pour l’époque de Cicéron (ad Att. 14.22.2 ; 16.6.1) et cf. Leumann-Hofmann-Szantyr, Lat. Gram. II, 281. Il faudra, par contre, expliquer la divergence notable res / familia pecuniave. Sur la version longue du verset, attribuée à la tradition littéraire, Agnati (2002) 215-227 ; Id. (2005). Un témoignage inédit, découvert par Mantovani (2014), prouve que la version courte circulait aussi dans les milieux rhétoriques, ce qui renforce l’idée que cette dernière est la plus proche du texte authentique de la loi : source e. e) Pseudo Quintilien, Declamatio minor 264: Antequam ius executio et vim legis, quae per se satis manifesta est, intueor, primum illud apud vos dixisse contentus sum : adsum testamento. […] Interest tamen supremae hominis voluntati legem favere, ut (= uti), quod de bonis suis (= suae rei) constituit (= legassit), in supremis dominus fecerit iure (= ita ius esto). [« Avant d’examiner en détail le droit et de considérer attentivement le sens de la loi, qui en soi est clair, je suis heureux avant de l’affirmer devant vous : j’interviens en défense du testament … Il est important que, de toute manière, la loi protège la dernière volonté de l’individu, de sorte que ce que le propriétaire a décidé concernant ses biens à l’heure de sa mort, soit valide selon le droit »]. Sur ce fragment, Mantovani cit. 3. – La tradition juridique plus récente f) Paulus libro quinquagensimo nono ad edictum D. 50.16.53 : Nam cum dicitur apud veteres ‘adgnatorum gentiliumque’, pro separatione accipitur. At cum dicitur ‘super pecuniae tutelaeve suae’, tutor separatim sine pecunia dari non potest. [« Chez les veteres, –que a valeur disjonctive, lorsqu’ils disent ‘les agnats ou les membres de la gens’ ; mais –ve a valeur conjonctive, lorsqu’ils disent ‘sa fortune et sa tutelle’, car le tuteur ne peut être désigné sans que le testament ne dispose aussi de la fortune »]. g) Tituli ex corpore Ulpiani 11.14 : Testamento quoque nominatim tutores dati confirmantur eadem lege XII tabularum his verbis: ‘VTI LEGASSIT SVPER PECVNIA TVTELAVE SVAE REI, ITA IVS ESTO’. [“Les tuteurs peuvent également être désignés par un testament, ainsi que le prouvent ces termes de la loi des XII T. : ‘comme on aura disposé de son patrimoine, c’est-à-dire de sa fortune et de la tutelle, que tel soit le droit’ »]. L’interprétation de ce fragment de l’Epitome traditionnellement attribué à Ulpien fait problème. Certains ont rattaché suae rei à tu-

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tela, et y ont vu une allusion au formulaire de la mancipatio familiae (cf.  Gai. 2.104 : familia pecuniaque tua in mandatela tua custodelaque mea), sensiblement plus récente que le testament décemviral. Mais cette hypothèse ne résiste pas. L’epitomator, dans le passage cité, n’avait en vue que la tutelle testamentaire (tutela tout court), et non la garde provisoire des objets de la succession confiés au familiae emptor. Il n’a pu traiter d’une soi-disant tutela suae rei. Il est donc sûr que l’auteur a écrit ‘uti legassit super pecunia tutelave’ et rien de plus. Le ‘suae rei’, qui ne peut être rapproché que de legassit, pour lui être attribué, est une glose, insérée maladroitement par un copiste, comme une référence équivalente à super pecunia tutelave. Deux versions du précepte décemviral (uti legassit suae rei et uti legassit super pecunia tutelave) se sont trouvées fondues en un amalgame impossible : uti legassit super pecunia tutelave suae rei, au mépris de la syntaxe et du sens. Paul (source f) ne connaît que le binôme super pecunia tutelave sua. Mais il ne prétend pas l’avoir trouvé dans la lex. Il l’a emprunté aux veteres. Certes, ce n’est pas une preuve que l’expression ne pouvait se trouver déjà dans la loi (on pourra le prouver pour l’autre binôme cité par Paul, adgnatorum gentiliumque : cf.  5.7). Mais sauf à forcer le témoignage de Paul, rien ne permet d’affirmer que la version ‘uti legassit super pecunia tutelave (sua)’ remonte aux XII T. Sources complémentaires h) Gaius libro sexto ad edictum provinciale D. 5.3.1 : Hereditas ad nos pertinet, aut vetere iure aut novo. Vetere e lege duodecim tabularum vel ex testamento, quod iure factum est. i) Ulpianus libro secundo ad legem Iuliam et Papiam D. 50.16.130 : Lege obvenire hereditatem non improprie quis dixerit et eam, quae ex testamento defertur, quia lege duodecim tabularum testamentariae hereditates confirmantur. De ces deux fragments, g et h, il découle que si la loi des XII T. est la source législative qui a fondé l’efficacité juridique de la dévolution testamentaire (= h), les formes du testament ont évolué depuis les XII T. Gaius (= g) ne place donc pas dans les XII T. les conditions de validité du testament de son temps, mais dans le ius vetus. j) Tit. ex corp. Ulp.19.17 : Lege nobis adquiritur velut caducum vel ereptorium ex lege Papia Poppaea, item legatum ex lege duodecim tabularum, sive mancipii res sint sive nec mancipii. Cf. Commentaire 7.

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k) Tit. ex corp. Ulp. 1.9 : Vt testamento manumissi liberi sint, lex duodecim tabularum facit, quae confirmat. Cf. Commentaire 7. l) Tit. ex corp. Ulp. 2.4 : Sub hac condicione liber esse iussus, ‘si decem milia heredi dederit’, etsi ab herede abalienatus sit, emptori dando pecuniam ad libertatem perveniet : idque lex duodecim tabularum iubet. Cf. le verset 7.12. m) Paulus libro nono ad Plautium D. 50.16.80 : In generali repetitione legatorum, etiam datae libertates continentur ex mente legis duodecim tabularum. [« Dans la récapitulation générale des legs (à la fin d’un testament), on tire de l’esprit de la loi des XII T. que les affranchissements énoncés dans le corps du testament y sont également repris »]. Sur l’interprétation large, conforme à la volonté du testateur (dont la source est dans les XII T.), de cette pratique d’un résumé succinct à la fin du testament, Voci (1960) 72. n) Gaius libro duodecimo ad edictum provinciale D. 26.2.1 : Lege duodecim tabularum permissum est parentibus liberis suis sive femini sive masculini sexus, si modo in potestate sint, tutores testamento dare. Sur ce fragment, infra Commentaire 7. ; Humbert (2018-1). o) Paulus libro trigesimo octavo ad edictum D. 26.2.20 : Testamento quemlibet possumus tutorem dare, sive praetor sive consul sit, quia lex duodecim tabularum id confirmat. Cf.  ci-dessous Commentaire 7. Reconstitution Si VTI LEGASSIT ... ITA IVS ESTO est attribué sans hésitation au texte de la loi, il n’en va pas de même pour l’objet de legare. On est en présence de trois versions : 1) SVAE REI (sources a et b) ; 2) SVPER FAMILIA PECVNIAVE (sources c et d) ; 3) SVPER PECVNIA TUTELAVE (sources f et g). Elles ne pèsent pas toutes du même poids. 1. – Pour éviter de tomber dans un cercle vicieux, on n’invoquera pas, comme argument, l’invraisemblance du terme pecunia à l’époque des XII T. (ainsi Santoro [1968-1] 399-407) ; car l’absence de ce terme, dans les XII T., resterait à prouver.

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2. – Le mot tutela est certainement une adjonction au texte primitif de la loi. Il n’a été inséré ni par Paul lui-même, ni par l’epitomator, mais par les veteres auxquels ces deux auteurs ont emprunté leur citation (sources c et d). En effet, les textes a et b n’auraient eu aucun sens si tutela avait figuré dans la loi. Si Q. Mucius a choisi l’acte de legare décemviral comme exemple d’extrême concision et comme le modèle d’une puissance aux développements insoupçonnés, c’est bien parce que le pouvoir inclus de désigner un tuteur n’y était pas formellement exprimé. Tutelave est une expansion plus récente, sûrement républicaine ; elle répond à l’esprit, mais non à la lettre du précepte décemviral. 3. – Les deux constructions legare suae rei et legare super familia pecuniave ne sont pas équivalentes. La première est ambigüe ; la seconde explicite. On voit mal les prudentes troquer une formulation limpide pour une expression absconde et problématique. La version difficilior, la première, est la plus crédible. La seconde, forgée par les interprètes républicains, très bien accueillie par les non-spécialistes (sources c et d), a fini par gagner les juristes tardifs (f et g). 4. – Le contexte est essentiel. Le commentaire de la norme en ellemême et pour elle-même est avéré seulement en a et b. Les autres sources s’attachent à la portée du précepte mais non à sa formulation. La démonstration de Q. Mucius (ap. Pomponius et probablement Gaius) implique que la disposition législative fut formulée de manière absolument concise. 5. – Conclusion.  L’expression authentique s’est trouvée, comme on pouvait s’y attendre, chez le spécialiste du ius civile, Q. Mucius : VTI LEGASSIT SVAE REI, ITA IVS ESTO. Cette formulation a bénéficié d’une ‘traduction’ moins ésotérique due aux veteres. Super, plus explicite, a été préféré sans inconvénient au génitif de relation. À ce premier rajeunissement s’en sont ajoutés d’autres, œuvre des interprètes : familia, pecunia, plus tard encore tutela. Si familia, au sens à la fois de patrimoine et de groupe d’individus soumis à la puissance domestique, est attesté pour l’époque décemvirale (5.4 ; 5.5 ; 5.8), rien, pour le moment, ne confirme pecunia comme authentiquement décemviral – certainement pas 5.3 -. RES, déjà attestée dans de multiples acceptions (1.6 ; 3.1 ; 4.3 ; 5.2) est le seul complément de LEGASSIT à devoir être maintenu avec certitude. Quant à l’âge de ces rajeunissements, il est fort possible que la version profane (c et d) remonte à l’époque de Q. Mucius : familia pecuniaque est en effet attesté dans le formulaire de la mancipatio familiae (IVe-IIIe s.). Nous ne suivons donc pas les éditions antérieures des XII T. qui, de Schöll à Bruns, de Girard à FIRA, adoptent la version des Tit. ex corp.

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Ulp. (source g), et ont été suivies par nombre d’auteurs : Solazzi (1932) 42 ; Albanese (1949) 310 ; Id. (1998-2) 534-538 ; Lévy-Bruhl (1951) 165 ; Magdelain (1985) 666-667, qu’ils comprennent tutela au sens classique de la fonction de tuteur (Magdelain), ou celui de la garde du patrimoine, par référence à l’emptor de la mancipatio familiae (Albanese, Lévy-Bruhl). Crawford (1993) a tenté une reconstitution nouvelle de 5.3, mais, en négligeant le témoignage le plus précieux, celui de Q. Mucius, pour un résultat inacceptable. De même Lepri (1942) 13-47, privilégiant également la version rhétorique. En faveur de la version uti legassit suae rei : Appleton (1903) 59 ; Wlassak (1910) 205 ; v. Woess (1911) ; Kaser AJ 147, 155 ; Coli (1956) 624-626 ; Grosso (1962) 7 ; Voci (1960) 3-5 ; Bretone (1996) 19-25. Diósdi (1970) 23-24 refuse de se prononcer et affirme équivalentes les trois versions fournies par la tradition. Commentaire 1. – Legare suae rei Le verbe legare, dénominatif de lex (Ernout-Meillet, DE4, v° lēgo), confère à la volonté privée du disposant – appelons-le provisoirement le testateur – la valeur d’une loi. Legare suae rei équivaut à dicere, ou imponere, ou dare legem suae rei. Les XII T. reconnaissent ainsi au testateur le pouvoir de fixer impérieusement la destination post mortem de ses biens. Cette volonté s’exprimait certainement en recourant à l’impératif caractéristique de la loi (Coli cit. 642). Ce mode sera conservé pour toutes les dispositions contenues dans le testament per aes et libram classique. À la suite de Schulz (1954) 310, suivi par Biondi (1955) 40, Coli cit. 635, Grosso (1962) 13, Magdelain (1985) 667, on rejettera deux interprétations divergentes qui aboutissent à analyser legare : – soit comme un acte de délégation, dans une allusion à l’entremise du familiae emptor (ainsi, Bonfante [1891] 150 ; Appleton [1932] 24 ; Lévy-Bruhl [1949] 165 ; Id. [1951] 69) ; – soit comme un procédé de répartition, sous forme de legs, des divers éléments du patrimoine du disposant (ainsi Mitteis RPR 82, n. 24 ; Lenel [1913] 120 ; Wlassak [1910] 217-219 ; Wieacker [1941] 2-4 ; Kaser AJ 147-150 ; Id. RPR I2, 110, mais Id. [1978] 24 : legare = legem dicere suae rei ; Gioffredi [1955] 52 ; Voci [1960] 14, 21). Dans le premier cas, legare suae rei est confondu avec legare aliquem ; dans le second, avec legare rem. Ces deux confusions sont à repousser. L’objet du legare est la res sua. Ce terme désigne le patrimoine du disposant pris dans son ensemble. Il est rigoureusement synonyme de familia, dans son acception décemvirale contemporaine (5.4 ; 5.5 ; 5.10), réelle : le patrimoine constitué de ses éléments corporels. Il est, ou

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plutôt il sera, l’équivalent du concept abstrait, plus récent, d’hereditas, lorsque ce terme apparaîtra après les XII T. (cf.  sub 5.4). Le pouvoir de disposer du pater ne connaît donc aucune restriction. Il n’est limité ni à la pecunia, ni aux res nec mancipi, ni à une catégorie (ignorée des Romains) qui correspondrait à une propriété personnelle (Eigengut), par opposition à une propriété familiale indisponible (Hausgut), réservée aux descendants du groupe. Voir fondamentalement contre cette dichotomie Kunkel (1949) 63 n.  4, 318 n.  6 ; Kaser AJ 149, 160-167 ; Albanese (1949) 134-138, 220-227 – soutenue par contre par Wlassak (1933) et surtout par Wieacker (1941-1) 18. V. encore sub 5.4. La res sua équivaut au patrimoine en son entier, du moins dans tous ses éléments transmissibles. En sont exclus les droits qui s’éteignent à la mort de leur titulaire (patria potestas, manus) et ceux qui, ne relevant pas de la succession, sont acquis par les seuls descendants agnatiques, héritiers ou non : sacra, ius sepulchri, iura patronatus… (Biondi [1950] 153-165). Acte de disposition global et impératif, l’uti legassit décemviral a tout d’un testament. Mais de quel testament s’agit-il ? 2. – L’opinion dominante écarte le testament calatis comitiis À une écrasante majorité, la doctrine moderne, convaincue pourtant de l’archaïsme du testament calatis comitiis (t.c.c.), antérieur certainement aux XII T., refuse de reconnaître en ce dernier le testament auquel semble se référer l’uti legassit. Pour quels motifs et au profit de quelle autre solution ? On a d’abord soutenu que le t.c.c. tiendrait plus de l’adrogation que de la désignation d’un héritier recueillant un patrimoine : Mitteis RPR 82 ; Wlassak (1910) 210 s. ; Id. (1933) 17 ; Wieacker (1941-1) 6, 17 ; Kunkel (1949) 307, 318 n.  8 ; Kaser AJ 148 ; Id. RPR I2  105 ; Paoli (1962) 532 ; Voci (1960) 16, 19-23. Sans autres preuves que celles tirées du droit comparé (droit grec notam.), on affirma que le t.c.c. tendrait, mais exclusivement en l’absence d’un descendant agnatique, à intégrer un étranger pour lui donner d’abord la qualité de suus, ensuite celle d’heres. Il s’agirait donc d’un procédé d’intégration dans la famille et non d’un mode de disposition des biens. On affirma aussi que le rôle des curies ne se réduisait pas à prêter assistance au testateur, mais consistait à voter une loi. Le véritable auteur de l’institution d’héritier serait donc le populus, attribuant au testateur l’heres-descendant que la nature lui avait refusé : Mommsen Staatsr. III, 363 ; Kübler (1934) 987 ; Kunkel (1949) 317 ; Voci (1960) 16-21. Dans ces conditions, quelle utilité pouvait présenter, pour les décemvirs, la confirmation d’un acte déjà muni de l’efficacité parfaite d’une lex publica, dans la conviction (erronée) que les décemvirs ne publièrent que des solutions neuves ou des cas controversés ? Il y a

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plus : l’absence de liberté qui définit le t.c.c. identifié à une lex publica ne s’accorde pas avec la puissance que reconnaît à la volonté du pater familias le uti legassit… ita ius esto. Le t.c.c. fut donc expulsé du verset 5.3. Les interprètes suivirent alors deux pistes, souvent entremêlées. 3. – L’opinion dominante, partagée entre le legs et la mancipation Selon une première direction, l’uti legassit n’aurait ouvert, en marge du testament comitial, qu’un domaine restreint à la volonté privée : la possibilité de léguer, c’est-à-dire de modifier par des legs, la part successorale de l’héritier institué (par un testament extérieur). Ainsi Bonfante (1894) 362, 391 ; Wlassak (1933) 35. Mitteis RPR 82 songea à un testament privé, non comitial, sans institution d’héritier (sous forme d’un legs global, limité à la pecunia), idée que reprit Lenel (1913) 125 et qu’il développa sous la forme fantastique d’un testament-legs, amputé de cette institution d’héritier sans laquelle, pour les Romains, il n’y a pas de testament. L’autre piste a conduit à la fameuse mancipatio familiae, institution transitoire placée entre le t.c.c. et le testament per aes et libram classique (Gai. 2.103-108). Cette explication du verset 5.3 a bénéficié d’une faveur exceptionnelle partagée notamment par : Mommsen Staatsr. III 364 n.  1 ; Wieacker (1941-1) 18 ; Albanese (1949) 310-315 ; Lévy-Bruhl (1949) 165 ; Id. (1951) 69-77 ; Kaser AJ 148, 153 ; Id. RPR I2, 107-109 ; Grosso (1962) 10 s. L’acte hybride, mi-legs, mi-mancipatio, qualifié de ‘Legatentestament’ ne comporterait pas d’institution d’héritier, mais procéderait à la dévolution globale du patrimoine sous la forme d’un legs per vindicationem en recourant au formalisme efficace de la mancipatio. 4. – Critique de l’opinion dominante Le recours supposé à la mancipatio soulève une série d’objections : 4. – 1. On est contraint de prêter aux décemvirs deux versets (5.3 et 6.1) proclamant deux fois l’efficacité juridique (particulière : ita ius esto – cf.  6.1) du même acte, la mancipation, la première fois en matière successorale, la deuxième de manière générale. L’objection, bien que lucidement ressentie (Kaser AJ 149), et pourtant dirimante (Magdelain [1985] 665), aurait dû condamner le rapprochement de l’uti legassit et de la mancipatio. 4. – 2. La fonction reconnue à cette mancipation à usage successoral ne correspond pas à l’interprétation que les juristes romains donnent de l’uti legassit. Il lui manque tous les traits fondamentaux du véritable testament que Pomponius (source a) et Gaius (source b) percevaient dans l’uti legassit décemviral. Il est clair que l’uti legassit constituait pour les Romains la charte du testament privé avec institution d’héritier. La

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mancipatio successorale, plus récente, n’a aucun titre à occuper cette place. La mancipatio familiae, que Gaius se garde de qualifier de testament, est, en réalité, un expédient post-décemviral (ainsi exactement Girard Manuel8 854 ; Appleton [1903] 82-84 ; Mitteis RPR 82 ; Pflüger [1908] 40 ; Wlassak [1910] 209, 217 ; Kunkel [1949] 317), imaginé par la pratique, mais pour compenser partiellement et très imparfaitement les inconvénients du seul testament connu par les XII T : et qui n’est autre que le testament calatis comitiis. 5. – Le testament calatis comitiis, objet de l’uti legassit Dans deux articles fondamentaux, Coli (1956), puis Magdelain (1985) ont soumis à une révision opportune le testament c.c. Dès ses origines, l’acte consiste en une lex privata, expression d’une volonté privée par laquelle le testateur institue son héritier et dispose de ses biens. Les curies ne votent pas ; elles apportent leur témoignage : testimonium, d’où testamentum. L’objet de ce testament est d’instituer un héritier et non de l’adroger (acte qui, au contraire, implique l’approbation des curies, exprimée par un vote). L’heres n’est pas introduit dans la famille ; heres et non suus, il ne recueille que les droits transmissibles et corporels (la res sua), à l’exclusion des droits patrimoniaux. Institué héritier par le t.c.c., l’heres recueille les biens : l’idée d’un testament instituant un héritier, mais qui ne répartirait pas les biens et impliquerait un complément nécessaire et concomitant sous la forme d’une mancipatio familiae (ainsi Lévy-Bruhl [1949] 150 s.) est une hypothèse désespérée. La mancipatio familiae n’est pas un testament (Coli cit. 630-631). Il est donc sûr que Gaius et Pomponius ne pouvaient penser à cet ersatz de testament, à ce bricolage de fortune, lorsqu’ils attribuaient la latissima potestas du testateur à l’uti legassit décemviral. L’institution d’un héritier ne peut être retardée jusqu’à l’apparition du testament per aes et libram (IVe-IIIe s.) ; et, comme la mancipatio familiae n’était pas apte à instituer un heres, le testament c.c. et son rituel ont dû se prolonger jusqu’à leur absorption par le testament libral. La référence, dans les formules de ce dernier à la lex publica (iure testamentum facere possis secundum legem publicam– Gai. 2.104), ne peut que faire allusion à la reconnaissance, par les XII T., de l’efficacité du t.c.c. Ce testament comitial n’était-il accessible qu’aux testateurs privés de descendants agnatiques, de sui ? Coli et Magdelain, op. cit., l’ont affirmé, après bien d’autres. Mais sans preuve décisive. Il nous paraît certain que, dès avant les XII T., le t.c.c. était le seul instrument dont disposait le pater pour éviter un morcellement fatal de son patrimoine entre plusieurs sui. Le consortium (5.10) n’était pas une solution définitive. La répartition des biens sous forme de legs implique le pouvoir de tester en présence de sui. V. encore 5.4, dont l’interprétation la plus

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immédiate implique le pouvoir de tester en présence de sui, donc de les écarter en recourant au testament. Cf. 5.6. 6. – La signification du verset décemviral Il n’y a pas à chercher dans l’intégration légale du t.c.c. le signe d’une innovation quelconque. C’est bien l’acte tel qu’il existait auparavant que les décemvirs ont reconnu et auquel ils ont accordé une efficacité désormais fondée sur l’autorité de la loi. Le ita ius esto ne donna pas naissance à un acte neuf ni ne reconnut même des possibilités élargies à un testament ancien. La même expression marque l’entrée, dans le catalogue légal, de la mancipation et du nexum (6.1). Il est vraisemblable que l’on doit reconnaître la même portée juridique à l’ita ius esto du testament c.c. et à celui qui traduit la reconnaissance légale de la mancipatio et du nexum : dans les deux cas une force exécutoire particulière. Le ita ius esto, en matière réelle comme en matière personnelle, permit de faire l’économie d’une procédure de condamnation et d’exécution.  L’heres, sans le recours nécessaire à une rei vindicatio (sacramentum in rem), obtiendra du magistrat, sur la simple preuve du testament c.c. (acte éminemment public, jouissant de force exécutoire), l’addictio des objets de la succession. V. ici Kaser EB 101-106, 120-123 ; Simon (1965) 152. 7. – Etendue de la ‘latissima potestas’ du testateur Les juristes classiques reconnaissent au testament décemviral un très large domaine : outre la dévolution des biens et l’institution d’héritier, ce testament aurait permis la disposition de legs (sources j et m), l’affranchissement post mortem (sources k, l, m et 7.12 pour l’affranchissement conditionnel du statu liber), et enfin la désignation de tuteurs (sources n et o). Il est vrai que dans son expression authentique, le principe décemviral de la liberté testamentaire ne fait aucune allusion à ces pouvoirs spécifiques. De fait, la loi ne formule qu’un bref LEGARE SVAE REI. Aussi peut-on se demander si, dans leur extrême variété et dans leur étendue si remarquable, ces manifestations de volonté furent contenues, dès la rédaction du code, dans l’acte de legare ? Sans aucun doute. Mais la loi s’est-elle souciée d’en fournir une description ou d’en dresser le catalogue ? Certainement pas. Tout d’abord, aucune source attentive (et nous pensons notamment à Gaius, dont les scrupules historiques, dans ses références aux XII Tables, ne sont jamais défaillants), n’attribue formellement à aucune disposition légale spécifique l’un des pouvoirs placés par la tradition dans le legare suae rei du pater familias (Humbert [2018-1]). Mais toutes les sources situent médiatement ou obliquement, à l’aide d’expressions non équivoques (permissum est, permittere – sources b, n – ; lex confir-

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mat - sources g, k, o - ; ex lege - source j -), dans le verset en question l’origine directe de la vastissima potestas reconnue par la loi au testateur. L’explication en est simple. De même que la loi n’a pas tenté de codifier la patria potestas, extérieure et étrangère par la plupart de ses manifestations à la vocation purement processuelle du code, et que les décemvirs n’ont posé dans la loi, ni la source, ni les prérogatives, ni la durée ni les conditions d’exercice (sauf pour restreindre quelques rares et exceptionnels abus ; v. ici Humbert [2005-1] 28-30, 36-40 = 566-568, 574-575) de cette puissance, de même ne fallait-il pas attendre de la loi qu’elle déterminât ou définît le domaine de l’acte qui exprime au plus au point la puissance extra-légale du pater familias : son testament. L’éventail des puissances révélées par le testament calatis comitiis se confond en réalité avec les pouvoirs contenus dans la patria potestas. La tutoris nominatio (aux femmes, aux mineurs), la manumissio de ses esclaves, l’institution de legs au profit de sui jusque-là soumis à sa puissance ne sont pas des pouvoirs reconnus avec le temps, grâce à l’œuvre d’une interprétation indulgente et extensive de l’acte de legare suae rei. Mais, parce qu’ils sont inhérents à la patria potestas, ces pouvoirs sont contenus par définition dans la puissance discrétionnaire de disposition post mortem du pater familias.

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5. 4 – :  SI INTESTATO MORITVR, CVI SVVS HERES NEC ESCIT, ADGNATVS PROXIMVS FAMILIAM HABETO. 5.  5  –  :  SI ADGNATVS .

NEC

ESCIT,

GENTILES

FAMILIAM

4 – : S  i meurt intestat celui qui n’a pas d’héritier sien, que son agnat le plus proche ait son patrimoine.  5 – :  S’il n’a pas d’agnat, que ses parents gentilices aient son patrimoine. Sources a) Rhetorica ad Herennium 1.23 : même citation chez Cicero de inventione 2.148 : Lex : si paterfamilias intestato moritur, familia pecuniaque eius agnatum gentiliumque esto. [« La loi : si le père de famille meurt intestat, que son patrimoine et sa fortune reviennent à ses agnats et à ses parents gentilices »]. b) Pomponius libro secundo ad Sabinum D. 50.16.162 pr. : In vulgari substitutione, qua ei qui ‘supremus’ morietur heres substituitur, recte substitutus etiam unico intellegitur, exemplo duodecim tabularum, ex quibus PROXIMVS ADGNATVS et solus habetur. [« Dans la substitution vulgaire, celui qui est substitué à l’héritier qui mourra le dernier est valablement substitué, au cas même où il n’y aurait qu’un seul héritier, à l’exemple de la loi des XII T. qui, en faisant mention de ‘l’agnat le plus proche’, s’applique aussi au cas où il n’y aurait qu’un seul agnat »]. c) Ulpianus libro singulari regularum, ap. Mosaicarum et Romanarum legum Collatio 16.4.1-2  (FIRA II, 587) : (1) […] cautum est lege duodecim tabularum hac : ‘SI INTESTATO MORITVR, CVI SVVS HERES NEC ESCIT, AGNATVS PROXIMVS

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FAMILIAM HABETO’. (2) Si agnatus defuncti non sit, eadem lex duodecim tabularum gentiles ad hereditatem vocat his verbis: ‘SI AGNATVS NEC ESCIT, GENTILES FAMILIAM ’. Nunc nec ullus est heres hinc nec gentilicia iura in usu sunt. d) Tituli ex corpore Ulpiani 26.1-1a : (1) ... cautum est lege duodecim tabularum hac: ‘si intestato moritur, cui suus heres nec est, agnatus proximus familiam habeto. (1 a) (reconstitué à l’aide de Coll. 16.4.2.). e) Paulus libro primo ad Sabinum D. 28.2.9.2 : Si heres institutus omiserit hereditatem, erit legitimus heres: quoniam haec verba ‘SI INTESTATO MORITVR’ ad id tempus referuntur, quo testamentum destituitur, non quo moritur. [« Si l’héritier institué (= le fils) n’accepte pas la succession, le petit-fils sera appelé par la loi : puisque ces termes ‘s’il meurt intestat’ ne se rapportent pas au temps de la mort, mais à celui où le testament cesse de produire ses effets »]. f) Ulpianus libro quadragensimo sexto ad edictum D. 50.16.195.1 : ‘Familiae’ appellatio qualiter accipiatur, videamus. Et quidem varie accepta est: nam et in res et in personas deducitur. In res, ut puta in lege duodecim tabularum his verbis ‘ADGNATVS PROXIMVS FAMILIAM HABETO’. Ad personas autem refertur familiae significatio ita, cum de patrono et liberto loquitur lex : ‘EX EA FAMILIA, inquit, IN EAM FAMILIAM’. [« Voyons le sens que l’on donne à familia. Il y en a plusieurs. On applique ce terme à des choses et à des personnes. À des choses, comme par exemple dans la loi des XII T. ‘Que l’agnat le plus proche ait le patrimoine’. À des personnes, lorsque la loi (5.8) parle du patron et de son affranchi : ‘De cette famille, à cette famille’ »]. Sources complémentaires g) Ulpianus libro quadragensimo quarto ad edictum D. 38.6.1 pr. : Posteaquam praetor locutus est de bonorum possessione eius qui testatus est, transitum fecit ad intestatos, eum ordinem secutus, quem et lex duodecim tabularum secuta est : fuit enim ordinarium ante de iudiciis testantium, dein sic de successione ab intestato loqui. [« Après avoir parlé dans son édit de la possession des biens de celui qui a fait un testament, le préteur est passé aux successions ab intestat. Il a suivi, de la sorte, l’ordre même suivi par la loi des XII T. : il est en effet conforme

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au bon ordre de traiter de la volonté des testateurs avant d’en venir à la succession ab intestat »].

h) Les règles de la succession légitimes, posées par XII T. 5.4-5, resteront inchangées jusqu’à ce que Justinien étende aux parents cognatiques les droits de la famille agnatique (C. 6.58.14 – 531 –). D’où de très nombreuses références aux XII T. dans les sources classiques : – pour rappeler l’ordre de la dévolution ab intestat (sui, agnats, gentiles) : Gai. 3.9, 11, 17, 18-24 (= Collat. 16.2.1, 9, 11, 17 ; 16.3.3 ; 16.4.2) ; Pomponius 10 ad Q. Mucium D. 38.16.11 ; Paul. Sent. 4.8.3 ; Inst. 3.2 pr., 5, 11 ; 3.9.2. – pour déterminer la qualité de suus et ses droits : Tit. Ulp. 26.78 (pas de succession agnatique entre mère et enfant) ; Callistrate, D. 50.16.220 pr. (descendants en ligne directe) ; Ulpian.  D. 38.16.3.9 et C. 6.55.4 (Dioclétien) : droits de l’enfant conçu. C. 6.55.3 (Dioclétien) : représentation par souche. –  pour déterminer les cas où la qualité de suus se perd : captivitas (Julien, D. 38.6.28) ; exheredatio (Julien, D. 38.16.6 et Inst. 3.3 pr.). – pour définir la parenté agnatique : Paul, D. 38.10.10.2 ; Paul. Sent. 4.8.20 ; Inst. 3.5.5. Reconstitution 1. – L’ordre des versets 5.3, puis 5.4 et 5.5 est assuré par le témoignage d’Ulpien (source g). La loi traitait d’abord du testament (5.3), puis de la succession légitime (5.4 et 5.5). 2. – Deux versions s’offrent pour reconstituer la teneur des deux versets. L’une rhétorique, l’autre juridique. La citation rhétorique ne donne qu’un raccourci très infidèle – mais qui suffisait à l’argumentation (le testament d’un parricide est-il valide ? S’il ne l’est pas, la succession légitime s’ouvrira). Manquent, en effet, et la précision CVI SVVS HERES NEC ESCIT (établie par les sources c et d) et le terme PROXIMVS établi par les sources b, c, d, f). Les deux hypothèses de la dévolution agnatique, puis gentilice ont été contractées en une seule, comme si le droit des agnats et des gentiles était équivalent ou concurrent ; le sujet, pater familias, a été abusivement ajouté. On note enfin le binôme familia pecuniaque en une formule identique à celle employée par les mêmes sources rhétoriques pour le testament (cf. 5.3), mais différente de celle que ces mêmes sources utilisent pour le fou et le prodigue (5.7). Ce binôme, non confirmé par les sources juridiques, est probablement récent.

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Les sources juridiques (c, d et f) ne connaissent que le terme FAMILIA. Le témoignage d’Ulpien (f) est particulièrement net : appliqué à définir familia dans son acception patrimoniale, il n’aurait pas manqué de préciser pecuniaque, qui renforce la valeur réelle de la familia, si le texte avait porté familia pecuniaque. L’élimination du doublet familia pecuniaque, reçu par la tradition rhétorique (cf.  5.3), s’impose. Il y a accord sur ce point : Albanese (1949) 150-154, rejetant à juste titre (v. de même Solazzi [1951] 261 s.) la position de Lepri (1942) 48-69 qui voulut privilégier la tradition fautive de la rhétorique. À la suite de Lepri, Guarino (1944) ; Id. (1989) 85 = 171. 3. – ESCIT = est (indicatif présent). Cf. XII T. 1.2-3. Commentaire Les deux dispositions appelant les proches parents du défunt en l’absence d’un testament soulèvent un problème âprement débattu. Quelle place reconnaître, à haute époque, respectivement à la succession légitime et à la succession testamentaire ? Dans quelle mesure la volonté individuelle est-elle limitée par la présence des proches, en particulier par celle des descendants agnatiques ? L’étendue de la patria potestas est concernée au premier chef par l’interprétation des deux versets, qui tourne autour de ces deux questions : 1 – Le pater peut-il tester en présence de sui ou, au contraire, la présence de descendants agnatiques ouvre-t-elle nécessairement la succession légitime ? 2 – Sur quoi porte le pouvoir de disposition du pater ? La familia dévolue par la loi aux héritiers ab intestat est-elle distincte du patrimoine dont le pater peut disposer au profit de l’heres qu’il choisit ? 1. – Si intestato moritur cui suus heres nec escit : capacité de tester et droits de la famille 1. – 1. Intestatus. Les Romains n’ont pas forgé de mot spécifique pour qualifier la situation de l’individu laissant à la loi le soin de répartir son patrimoine entre ses héritiers. Le terme in-testatus, témoigne de la priorité conceptuelle du testament sur la succession légitime. Tester est l’hypothèse normale dès l’époque la plus archaïque et le restera par la suite : v. Woess (1911) 15-17 ; Humbert (1990-2) 133 = 423. La loi intervient, avec une vocation corrective ou supplétive, seulement en l’absence d’un testament. 1. – 2. Cui suus heres nec escit. Deux traductions-interprétations sont possibles, mais nullement équivalentes. Selon la première, on traduira :

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‘Si celui qui n’a pas d’héritier sien meurt intestat’ et l’on comprendra que l’absence de suus, condition première, commande l’absence de testament, seconde condition. La succession légitime ne s’ouvrira que si les deux conditions sont réalisées, mais dans cet ordre : pas de descendants agnatiques (ou sui) et ensuite, pas de testament. La possibilité de tester ne s’ouvrira qu’en l’absence de sui. Mais la seconde interprétation est tout aussi possible : l’ordre sera inversé et l’on comprendra : ‘si meurt intestat celui qui n’a pas d’héritier sien’. L’appel aux agnats se fera si, première condition, il n’y a pas de testament, et si, deuxième condition, il n’y a pas de descendants ou sui. L’existence du testament précède la question de savoir si le testateur a ou non des sui. Le testament est donc admis en présence d’enfants. Aucune de ces interprétations ne saurait s’imposer à partir d’arguments exclusivement syntaxiques. Il faut recourir à d’autres indices. Or, ceux que la doctrine moderne a recueillis aboutissent tous à refuser au pater le pouvoir de tester en présence de sui. Quels sont ces arguments ? 1) Les leçons du droit comparé condamneraient l’hypothèse d’un pouvoir de disposer contre les droits égaux des parents les plus proches. 2) La patria potestas n’aurait acquis que progressivement, tardivement, la puissance que l’on sait. Elle aurait été dominée encore par la grande famille à l’époque des XII T. 3) Le consortium archaïque confirmerait la force des droits des descendants et n’aurait concédé au pater, de son vivant, qu’un pouvoir d’administration sur ses biens et non de disposition.  4) L’étymologie de heres exclurait primitivement que le pater pût désigner un suus comme héritier, donc faire un testament en présence d’enfants, même pour confirmer les droits de l’un d’eux. Ainsi Mitteis RPR 77 ; Lenel (1913) 120-122 ; Siber (1928) 329 ; Rabel (1930) 330 n. 5 ; Wlassak (1933) 15 ; Wieacker (1941-1) 14-18 ; Coli (1956) 651-660 ; Voci (1960) 16, 19-20; Kaser RPR I2 93; Magdelain (1985) 668-670, 674-675. Fait exception Bonfante (1891) 101-103 ; Id. (1930) 60-63, mais dont la conception du testament (succession à la puissance et non aux biens) a justement été dénoncée comme insoutenable ; à la suite de Bonfante, Appleton (1903) ; De Visscher (1926) 68, 86-88 ; Solazzi (1932) 40-45 ; Lévy-Bruhl (1949) 140-147. Que valent ces arguments ? 1) Les données du droit comparé (droit grec pré-solonien, et surtout usages germaniques) sont peu pertinentes pour des structures familiales dominées par une puissance paternelle sans équivalent. 2) L’histoire de la patria potestas, marquée à l’origine par un droit de vie et de mort, par la possibilité d’exclure du groupe l’un de ses sui, de le donner en adoption, de l’abandonner, implique certainement le pouvoir de disposer de ses biens en présence d’enfants (v. les justes observations d’Albanese [1949] 72-75). 3) Le consortium, après l’étude d’Albanese cit. 26-93 et sub 5.10, doit être réinterprété. L’indivision successorale, créée entre les sui par l’effet de la

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loi quand il n’y a pas de testament, ne reflète ni l’existence d’un droit des enfants au patrimoine familial, ni le vestige d’une communauté familiale négatrice d’un droit d’aliénation du pater. Car l’indivision ne naît qu’à la mort du pater ; car l’indivision maintient intact le droit de chaque suus de disposer de sa part en provoquant le partage ; car l’indivision marque seulement le souci du législateur de retarder un morcellement fatal du patrimoine, à défaut, précisément, du testament qui fût parvenu bien mieux à l’éviter. Le consortium, en réalité, répond à la même finalité que le testament. Il n’en condamne ni l’esprit ni l’existence. 4) L’étymologie de heres (cf. χῆρος : ‘bien tombé en déshérence à défaut de fils’ ou ‘collatéral appelé à succéder à défaut de fils’ – cf. Benveniste [1969] 83-85 –) conduit certes à définir l’heres comme celui qui, par définition, n’est pas suus, mais appelé par la loi à défaut de suus. Mais à l’époque historique, il ne reste rien de cette reconstitution, puisque les XII T. qualifient précisément de heres le suus, et même ne qualifient strictement d’heres que le suus ! L’hypothèse d’un pouvoir de tester paternel subordonné à l’absence de sui nous semble ne pas pouvoir être conservée. En revanche, nous relevons que : – si seul un pater sans suus pouvait tester, la précision ‘cui suus heres nec escit’, redondante, n’aurait pas de sens. Il eût suffi de prescrire ‘si intestatus moritur, agnatus proximus familiam habeto’, puisque l’hypothèse de l’acte de testari (ou de son refus) engloberait par définition l’absence de suus. Au contraire, la loi a précisé, parce que cela n’allait pas de soi, que l’absence de testament ne suffit pas à fonder le droit des agnats ; il faut en outre l’absence de sui. –  La formulation du verset place la condition négative d’intestatus en tête. On tient là la condition commandant les autres, comme tous les interprètes anciens le comprendront. Car ce verset, qui ne concerne pas les soi-disant conditions fixées à la capacité de tester – acte libre et souverain, selon la portée immédiate de VTI LEGASSIT –, règle simplement l’ordre des successibles quand s’ouvre la succession ab intestat : les sui, les agnats, les gentiles. –  L’utilité du testament décemviral, en présence de sui, reste entière. Seul le testament (comitial : cf.  5.3) permet d’éviter le fractionnement du patrimoine, d’exclure la veuve, la fille dotée, la bru, les petits-fils. Seul le testament permet d’attribuer un tuteur au fils impubère, à la fille non mariée, à la veuve. Or, si l’on condamne le testament en présence de sui, on doit nier l’existence de la tutelle testamentaire (formellement reconnue par 5.6). 2. – Agnatus proximus familiam habeto 2. – 1. Le mot familia a suscité une énorme littérature. La première moitié du XXe s., convaincue de trouver dans la familia l’écho d’une

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propriété collective primitive soumise aux droits du groupe, voulut restreindre le terme à une fraction du patrimoine et l’opposer à la pecunia. La familia représenterait les biens les plus précieux (fonds de terre et res mancipi) ou Hausgut, placée à ce titre hors du pouvoir de disposition du pater. La pecunia (meubles, res nec mancipi, menu bétail, monnaie ou équivalent) désignerait la propriété personnelle du pater, ou Eigengut, aliénable sans restriction entre vifs ou à cause de mort. Pour les uns, seul un vote du populus (testament comitial) permettrait au pater de transmettre à l’heres testamentaire la familia, alors que la pecunia pourrait faire l’objet d’un legs informel : Karlowa RRG II, 941 ; Mitteis RPR 82 n.  24 ; Wlassak (1910) 216-218 ; Cuq Inst. (1917) 764. Pour les autres, l’inaliénabilité de la familia serait complète, réservée aux parents par le sang qui la recueilleraient ab intestat. Au contraire, les actes de disposition à cause de mort (testament comitial, ‘Legatentestament’) ne concerneraient que la pecunia : Lenel (1913) 125 ; Siber (1928) 322, 329 ; Wlassak (1933) 7 n.  14, 35-37, et plus fortement encore après la découverte du consortium familial révélé par le Gaius d’Arsinoe (XII T. 5.10), Wieacker (1936) 156-158 ; Id. (1941-1) 18 ; Guarino (1949) ; v. Lübtow (1956) 440-444.  Mais les critiques décisives de Kaser EB 4-6, 167-174 ; Id. AJ 149, 160-173 et de Albanese (1949) 134-227 ont démontré l’inconsistance – au moins à l’époque historique – de cette dichotomie. Les XII T. reconnaissent à FAMILIA une double signification.  Un sens personnel (5.8 : le cercle familial ; cf. de même pater ‘familias’ ; mater- ; filius-), et un sens réel (5.4 ; 5.5 ; 5.10) que l’on retrouve dans des témoignages contemporains (Liv. 3.55.7) ou d’âge medio-républicain (lex Silia de ponderibus publicis = FIRA I, 79 ; Loi osque de Bantia, l. 23). Le sens réel, qualifie, sans équivoque, la totalité du patrimoine d’un individu. Il est synonyme de RES SVA (5.3) ou de l’expression, plus tardive et redondante, familia pecuniaque, ou encore de la notion plus abstraite de hereditas. Après les XII T., le sens personnel de familia tend à l’emporter. Pour éviter l’ambiguïté, on s’aide du mot pecunia pour exprimer la valeur strictement patrimoniale de familia. D’où le binôme familia pecuniaque, attesté dans le formulaire de la mancipatio familiae, dans la version rhétorique des XII T. et chez les antiquaires : Cicéron et Aulu-Gelle. Plus récemment encore, pecunia suffira à exprimer, isolée, la valeur archaïque de familia, au sens de patrimoine (chez Cicéron : 5.7 a) et dans la tradition juridique tardive (Paul, D. 50.16.53 ; Tit. Ulp. 11.14). Cf. XII T. 5.3, sources e, f, et 5.7, Commentaire 1.-3. 2. – 2. La situation des agnats et des gentiles. La loi (5.4 et 5.5) ne reconnaît pas aux agnats et aux parents plus éloignés le titre d’heres : familiam habento et non heredes sunto. ; cf.  Coppola (1987) 109-133 ;

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Talamanca (1998). Mais, en dépit de Lenel (1913) 120-122, de Bonfante (1915) 490, Solazzi (1932) 118-119 et Grosso (1962) 11 n.  3, il n’y a pas à en déduire que le titre d’heres serait refusé à ces successibles (Kaser AJ 160-167 ; Albanese [1949] 205-210 ; Biondi [1950] 182-187 et Ulpian.  Collat., source c) ni qu’il serait réservé aux sui appelés par la loi ou par le testament. La masse recueillie (= la familia) est la même, qu’il s’agisse d’un suus, d’un agnat ou d’un gentilis et le titre est le même. Dans tous les cas, le patrimoine transmis est composé des seuls éléments corporels. 2. – 3. Familia, adgnatio, gentiles. Les structures de la parenté forment un ensemble de cercles concentriques, dessinés par la familia (les sui), les agnats, la gens. 2. – 3. – 1. Familia. Constituée par tous les descendants du pater familias encore vivant, la familia, au sens personnel (5.8) représente le noyau élémentaire de la parenté. Ce groupe restreint se caractérise par la puissance de son chef, par son pouvoir de disposition et d’autorité sur les personnes et sur les biens. Au pouvoir de choisir son heres parmi ses sui, de lui donner un tuteur, de choisir un heres extraneus en dehors de la familia ou de sa parenté plus vaste, font écho la vitae necisque potestas et le pouvoir d’exclure un suus de la familia. Bref, familia, sui et patria potestas se recouvrent. 2. – 3. – 2. Adgnatio. Le groupe agnatique n’existe pas en tant que cercle distinct et délimité par un degré de parenté déterminé au sein de la gens. Les agnats sont un ensemble d’individus liés par un lien de parenté civile : ce sont tous ceux qui descendent par les mâles d’un ancêtre commun et dont ils peuvent prouver le lien de parenté. Les agnats ne forment pas un groupe, mais une parentèle : Perozzi (1921) 3-59. Au sein de cette parentèle, les agnats sont classés par degré, défini par rapport à un individu-repère quelconque (cf. agnatus proximus). Dans quelle mesure cette grande famille, constituée de plusieurs familiae adgnatae, peut-elle réduire les pouvoirs dont jouit chaque pater au sein de sa propre familia ? Un conflit peut-il naître entre la patria potestas et l’agnatio ? L’agnatio surplombe-t-elle la patria potestas ? En réunissant les diverses normes décemvirales relatives aux droits des agnats, on peut reconnaître à ceux-ci une fonction supplétive. Ils ont vocation à combler les vides éventuels affectant une familia donnée. Ainsi les agnats recueillent les biens du pater f. mort intestat et sans descendant (5.4) : un frère, un oncle paternel, un cousin à défaut seront appelés. Ces mêmes agnats (et dans le même ordre de proximité) jouissent de la puissance du tuteur sur l’heres mineur ou incapable du fait de son sexe (5.6). Si un pater f. sombre dans la démence ou est affecté de prodigalité, ses agnats auront la garde de la personne du

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fou et de son patrimoine et feront prononcer l’interdiction du prodigue (5.7). Dans toutes ces hypothèses, l’intervention des agnats s’explique par leur intérêt (sauvegarder leur droit au retour éventuel des biens), mais cela n’est vrai qu’en partie. On ne peut pas parler d’un conflit entre la volonté du pater et les droits de la ‘grande famille’. Car la loi n’organise l’ingérence de la parenté que dans les cas où la volonté du ‘pater’ (femme héritière, mineur, prodigue, fou) est déficiente, donc absente. Les données d’un conflit ne sont pas réunies. La grande famille n’exerce aucune sujétion sur la puissance entière du pater f. Voir en celui-ci un fiduciaire du groupe (Treuhänder), un représentant des intérêts de la communauté agnatique (ainsi Westrup [1944] 45-50 ; De Francisci [1959] 140-160 ; Broggini [1959] 123-125) n’est pas acceptable. Sur le contenu du lien agnatique, en général, Hanard (1980). 3. – Les consortes Le problème du consortium (5.10) concerne un groupe différent, qui n’est ni la familia ni l’adgnatio, mais qui se trouve à cheval entre les deux. Le consortium est le maintien provisoire et volontaire entre des frères, entre des sui devenus patres à la mort de leur père, de l’indivision successorale. Cette communauté, fondée sur l’intention unanime des indivisaires, ne coïncide ni avec l’adgnatio beaucoup plus vaste, ni avec la familia que la mort du pater a fait disparaître. 4. – Gens et gentiles La gens, comme la familia (mais à la différence de l’adgnatio), constitue un groupe. Celui-ci est formé de tous les parents agnatiques descendant d’un ancêtre commun, mais sans pouvoir prouver, ni avoir à prouver (autrement que par la possession du même nom gentilice) leur place exacte dans le groupe. Aucun classement par degré n’est possible au sein de la gens : cf. Perozzi (1921) 38-40. Si les affranchis font partie de la gens et portent le nomen de leur patron, ils ne sont pas comptés au nombre des gentiles (Cic. Top. 29 ; Humbert [1987] 140-141 = 393-394). Les droits des gentiles sont équivalents à ceux des agnats, dont ils comblent l’absence : succession ab intestat (5.5) ; tutelle des incapables (5.6, que complète la ‘Laudatio Turiae’ pour la tutelle sur les femmes) ; cura du furiosus (5.7) et très probablement interdiction et curatelle du prodigue (cf. 5.7). La manière dont les gentiles, au sein de la gens, sont appelés reste obscure. On a remarqué (Kübler [1910] 1189) que ce sont les gentiles, et non collectivement la gens, qui succèdent : on peut hésiter entre la désignation d’un seul (un homme de confiance) ou une forme de succession globale (v. Lübtow [1956] 424 ; Kaser EB 165 ; Id. AJ 168 n.  41 ; Id. RPR I2, 54 n.  27). La gentilité a fini par disparaître (source c).

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La question de savoir si les plébéiens connurent les liens de la parenté gentilice a soulevé une littérature considérable et peu utile. La négation des gentes plébéiennes affirmée par Liv. 10.8.9 en 300 ne peut, à une époque aussi tardive, n’avoir d’autre signification que politique : les lignages plébéiens n’ont pas le lustre des lignées aristocratiques ou patriciennes. Ainsi Botsford (1907) 663-692 ; Richard (1978) 180-184. L’affirmation est donc sans valeur pour les structures familiales. Le système onomastique romano-latino-étrusque confirme la possession de gentilices (donc l’existence de gentes) chez des familles non nobles : ainsi pour l’Étrurie aux VIIe-VIe s. (Colonna [1977-1] 186-188) ; de même Wieacker (1977) 65, contre Guarino (1975) qui restreint 5.5 aux patriciens ; de même Giuffre (1970) et surtout Franciosi (1984) 121-179 ; Id. (1988) 23). Il est évident que l’appel aux parents éloignés, dans l’esprit des décemvirs, ne voulait prescrire et n’a prescrit aucune infériorité à l’encontre des plébéiens. Sur la nature de la plèbe, au Ve s. infra 11.1.

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5. 6 – : Gaius Institutiones 1.155 : Quibus testamento quidem tutor datus non sit, iis ex lege XII agnati sunt tutores, qui vocantur legitimi.

–  : Paulus libro trigesimo octavo ad edictum D. 26.4.6 : Intestato parente mortuo adgnatis defertur tutela.

: Gaius: Ceux à qui un testament n’a pas donné de tuteur ont leurs agnats comme tuteurs en vertu de la loi des XII Tables.



: Paul : Si un parent meurt intestat, la tutelle est déférée à ses agnats.

Sources principales a) Paul. 38 ed. D. 26.4.6 : Intestato parente mortuo adgnatis defertur tutela. Intestatus autem videtur non tantum is qui testamentum non fecit, sed et is qui testamento liberis suis tutores non dedit: quantum enim ad tutelam pertinet, intestatus est. Idem dicemus, si tutor testamento datus adhuc filio impubere manente decesserit: nam tutela eius ad adgnatum revertitur. [« Si un parent meurt intestat, la tutelle est déférée à ses agnats. Or, on considère que l’‘intestat’ ce n’est pas seulement celui qui n’a pas fait de testament, mais celui qui, dans son testament, n’a pas donné de tuteur à ses enfants : il est ‘intestat’ sous le rapport de la tutelle. Nous en dirons autant si le tuteur désigné par le testament vient à mourir : la tutelle fera retour à l’agnat (du de cujus) »]. Ce fragment ne se réfère pas expressément aux XII T. Mais le texte que cite Paul (intestato parente mortuo adgnatis defertur tutela), sans précision sur sa nature ni sa provenance, pour le soumettre à un commentaire attentif, peut être considéré comme le verset décemviral réglant la dévolution de la tutelle en l’absence de tuteur testamentaire. Et c’est à ce précepte décemviral que Gai. 1.155 se réfère – mais pour n’en donner que le contenu. La découverte de la référence implicite aux XII T. chez Paul a été faite simultanément par De Visscher (1926) 23 s. et par Solazzi (1928).

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Cette trouvaille s’impose, mais, naturellement, sans que l’on puisse affirmer que le texte analysé par Paul reproduirait les ipsissima verba des XII T. Si les mots INTESTATVS, ADGNATVS, TVTELA sont sûrs, les tentatives de reconstitution : ‘si intestato moritur parens impuberis vel feminae, adgnatum gentiliumque in eo eave tutela esto’ (De Visscher) ou ‘si intestato parens … moritur, adgnatum gentiliumque … tutela esto’ (Solazzi) restent conjecturales. V. infra sur une reconstitution possible. Les objections de Voci (1960) 67-69 contre l’attribution aux XII T. de la citation de Paul ne paraissent pas fondées. b) Ulpianus libro quartodecimo ad Sabinum D. 26.4.1 pr. : Legitimae tutelae lege duodecim tabularum adgnatis delatae sunt et consanguineis, item patronis, id est his qui ad legitimam hereditatem admitti possint. Sur ce texte, en faveur de l’authenticité de la référence aux XII T (et de même pour les sources f et g) : Berger (1935). c) Gaius libro duodecimo ad edictum provinciale D. 26.4.9 : Si plures sunt adgnati, proximus tutelam nanciscitur et, si eodem gradu plures sint, omnes tutelam nanciscuntur. [La loi avait probablement prévu l’ordre des agnats pour l’accès à la tutelle, sur le modèle de la dévolution de la succession légitime (5.4)]. d) Gai. 1.157 : Sed olim quidem, quantum ad legem XII tabularum attinet, etiam feminae agnatos habebant tutores. Sed postea lex Claudia lata est, quae quod ad feminas attinet, tutela sustulit. [« Autrefois, pour ce qui concerne la loi des XII T., les femmes mêmes avaient leurs agnats comme tuteurs. Mais ensuite intervint la loi Claudia qui supprima, envers les femmes, ces tutelles »]. e) Tituli ex corpore Ulpiani 11.3 : Legitimi tutores sunt, ex lege aliqua descendunt: per eminentiam autem legitimi dicuntur, qui ex lege duodecim tabularum introducuntur, seu palam, quales sunt agnati, seu per consequentiam, quales sunt patroni. f) Ulpianus libro trigesimo octavo ad Sabinum D. 26.4.3 pr. : Tutela legitima, quae patronis defertur e lege duodecim tabularum, non quidem specialiter vel nominatim delata est, sed per consequentias hereditatium, quae ex ipsa lege patronis datae sunt.

V. 6

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g) Autres sources : Ulpian.  35 ed. D. 26.4.5 pr. (legitimos tutores nemo dat, sed lex duodecim tabularum fecit tutor) ; Paul. 11 ed. D. 4.5.7 pr. (la tutelle légitime, déférée à l’agnat, disparaît par l’effet d’une capitis deminutio) ; Inst. 1.15 pr. = Gai. 1.155 cit. Reconstitution À partir des sources a et c, on peut proposer : SI INTESTATO MORITVR cui impubes suus heres escit, AGNATVS PROXIMVS TVTELAM habeto. Cette reconstitution ne s’écarte guère de celle que proposa Godefroy 46 : ‘si paterfamilias intestato moritur, cui impubes suus heres escit, agnatus proximus tutelam nancitor’. Commentaire 1. – Tutelle testamentaire et testament en présence de sui Le pouvoir d’attribuer un tuteur par testament découle directement de la loi des XII T. : ainsi Gai. 1.155 (la loi n’organise la tutelle qu’à défaut de tuteur testamentaire) et Gaius D. 26.2.1 pr. (5.3, source m). Mais cela n’implique pas que la loi ait formellement reconnu au pater l’organisation de la tutela : celle-ci fut comprise dans le pouvoir général de LEGARE SVAE REI. Repousser à une étape postérieure aux XII T. et attribuer à une interprétation extensive l’apparition de la tutelle testamentaire (Voci (1960) 69-71) n’est pas admissible. Le pouvoir de donner un tuteur n’existe qu’à l’égard des sui qui, à la mort du pater, devenus sui iuris, resteraient incapables (impubères, sui de sexe féminin : source d). L’existence de la tutelle testamentaire décemvirale tranche définitivement le problème de la capacité de tester en présence de sui : la datio tutoris prouve que le pater pouvait tester en présence de sui (cf. 5.3). 2. – Intestato parente mortuo Les conditions de l’ouverture de la tutelle agnatique, telles que Gai.1.155 les tire de la loi, sont exprimées de manière ambigüe : quibus testamento tutor datus non sit. Deux interprétations sont possibles. La loi désigne les tuteurs, soit parce qu’il n’y a pas eu de testament (‘À ceux qui n’ont pas reçu de tuteur par testament’), soit parce que le testament n’a pas désigné de tuteur (‘À ceux à qui le testament n’a pas donné de tuteur’). Mais le commentaire de Paul lève opportunément les doutes. Son interprétation de intestato parente mortuo prouve que les deux hypothèses ont été englobées dans l’interprétation de la norme décemvirale. La tutelle agnatique s’ouvre quand le défunt meurt intes-

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tat et quand il a désigné l’héritier par testament, mais est resté muet sur le sort de la tutelle. 3. – Heres tutor ou tutelle sur l’heres ? De quelle tutelle s’agit-il ? De la tutelle sur l’heres (impubère) ou de la tutelle que l’heres (nécessairement pubère) exercera sur les sui impubères ? Ou s’agit-il des deux ? La réponse a été inutilement compliquée. Solazzi, suivi par La Pira et Lévy-Bruhl, a tiré de la norme décemvirale l’identité nécessaire des deux qualités d’heres testamentaire et de tutor : si bien que lorsque le testament institue l’heres mais omet le tutor, l’héritier serait, de plein droit, investi de la tutelle sur les incapables du groupe. L’heres testamentaire ne pourrait donc être que majeur et capable, susceptible de relever dans sa fonction de chef le pater mourant. Cet heres ne serait donc pas compris parmi ces incapables (sui impubères et femmes), dont la loi voulait la protection.  Selon cette interprétation, les agnats ne seront appelés par la loi à prendre la tutelle des sui qu’en l’hypothèse d’une succession ab intestat : sur des sui héritiers, par conséquent : Solazzi (1928) ; La Pira (1930) 292-297, 318 ; Lévy-Bruhl (1948) ; Id. (1953-1). Mais cette interprétation est infirmée par le double témoignage de Gai. 1.155 et de Paul (26.4.6, source a), qui donnent de la norme décemvirale une portée exactement inverse : les agnats sont appelés à la tutelle, notamment quand il y a un testament qui a désigné l’héritier et non le tuteur. V. d’ailleurs les critiques de Rabel (1930) 316-319 contre l’interprétation de Solazzi. La suggestion de v. Lübtow (1956) 438-440 n’est pas acceptable non plus : au prix d’une amputation du texte commenté par Paul (suppression d’intestato), elle en renverse la portée. Car la loi, ainsi, aurait réservé aux agnats la tutelle en toute hypothèse, testament ou pas. Et ce serait grâce aux veteres que le pater-testateur aurait acquis le pouvoir de choisir (mais au sein des ses agnats) le tuteur de ses descendants impubères institués héritiers. Reste la lecture la plus respectueuse du texte, sans arrière-pensées interprétatives. La loi, que nous n’atteignons que par les commentaires de Gaius et de Paul, se substitue à la volonté défaillante du défunt. Elle organise à sa place la tutelle quand il n’y a pas de testament et quand le testament désigne l’heres et non le tutor. Elle appelle les agnats selon la proximité du degré (source c) et, à défaut, les gentiles (argument tiré de 5.5 et de 5.7) ; ce sont les premiers intéressés à surveiller un patrimoine qui leur reviendra si le pupille héritier meurt avant l’âge de tester. L’impubère en question est en premier lieu l’heres testamentaire ou les sui héritiers ab intestat. Mais les destinataires de la tutelle (légitime, à défaut d’un tutor datus) peuvent aussi bien être les incapables du groupe (mineurs et femmes), descendants du pater, mais non appelés à lui succéder. Dans ce cas, ils seront placés sous la tutelle non pas de

V. 6

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l’heres, mais des agnats. Cf. Arangio-Ruiz (1930) ; Rabel cit. ; Kaser RPR I2 88 et n.  20. De Visscher (1926) 87-91 a justement critiqué l’identité nécessaire héritier et tuteur, mais au profit d’une explication qui ne convainc pas : l’institution d’un heres impubère sans désignation d’un tuteur aurait eu pour effet de libérer de toute tutelle, dont celle des agnats, l’héritier impubère. 4. – Tutelle sur les femmes. Tutelle des gentiles et des patroni La tutelle sur les femmes (source d) englobe l’hypothèse de la fille héritière : en faveur du testament comitial instituant une femme héritière, Volterra (1941). L’appel aux gentiles, à défaut d’agnats (sur ces cercles de parenté : 5.4-5) pour exercer la tutelle légitime sur les femmes, a été confirmée par la laudatio dite de Turia (CIL 6. 1527 = FIRA III 211), col. 1, l. 21-24, corrigeant ainsi Dirksen 368. Cette tutelle féminine exercée par la gens est tombée en désuétude avant l’époque de Gaius (1.157 ; 3.17 ; Ulp. Collat. 16.4.2). En raisonnant par analogie, les veteres ont étendu aux patroni la tutelle agnatique sur les descendants de leurs affranchis (sources b, e, f). Les raisons de cette extension sont simples. Les affranchis sont par définition démunis d’agnats, puisqu’ils accèdent à la liberté sans ascendants ni collatéraux. La tutelle agnatique n’est d’aucun secours pour leurs héritiers impubères et de sexe féminin. Les patroni remplacent les agnats. Cela se justifie : puisque les XII T. donnent à l’agnat la double qualité d’héritier ab intestat et de tuteur légitime, les patroni, appelés par la loi à recueillir les biens de leurs affranchis morts intestats et sans sui (5.8), doivent aussi détenir la potestas d’un tutor : Gai. 1.165 et sources e, f.

V. 7

5. 7 – : S  I FVRIOSVS ESCIT, AST EI CVSTOS NEC ESCIT, ADGNATVM GENTILIVMQVE IN EO EIVS POTESTAS ESTO.

:S  ’il est fou ou prodigue, et s’il n’est sous la garde de personne, que lui-même et son patrimoine soient sous la puissance de ses agnats ou des membres de sa gens.

Sources 1. – La tradition rhétorique et littéraire a) Rhetorica ad Herennium 1.23 (même texte chez Cic. de inventione 2.148) : Lex : Si furiosus existet, adgnatum gentiliumque in eo pecuniaque eius potestas esto. [« Telle est la loi : S’il est fou, que lui-même et ses biens soient sous la puissance de ses agnats ou des membres de sa gens »]. b) Cicero Tusculanae disputationes 3.11 : Hanc enim insaniam […] a furore distinguimus [...] Qui ita sit adfectus, eum dominum esse rerum suarum vetant duodecim tabulae; itaque non est scriptum ‘si insanus’, sed ‘SI FVRIOSVS . [« Nous ne confondons pas l’esprit dérangé (insania) avec la folie furieuse (furor)  … À celui qui en est affecté, les XII T. ont interdit la maîtrise de ses biens ; c’est pourquoi il n’est pas écrit ‘s’il est dérangé’, mais ‘s’il est fou’ »]. c) Cicero De re publica 3.45 : … Nec vero convenit, cum furiosorum bona legibus in adgnatorum potestate sint, quod eorum iam [...]. (Passage incomplet, qui compare l’État où la foule domine, au patrimoine d’un dément soumis au pouvoir de ses agnats).

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2. – Sources juridiques subordonnant l’ouverture de la curatelle légitime à l’absence d’un tuteur d) Ulpianus libro trigesimo septimo ad Sabinum D. 26.1.3 pr. : Qui habet tutorem pupillus vel pupilla si furere coeperint, in ea causa sunt, ut in tutela nihilo minus durent : quae sententia Quinti quoque Mucii fuit et a Iuliano probatur eoque iure utimur, ut cesset cura, si tutelae aetas indigeat. Quare si tutores habent, per furorem in curam non rediguntur, sive non habent et furor eis accesserit, nihilo minus tutores accipere poterunt: quia lex duodecim tabularum ita accepta est, ut ad pupillos vel pupillas non pertineat. [La curatelle du fou ne s’ouvre qu’à partir du moment où cesse la tutelle de l’âge. Si un mineur, pris de folie, est sans tuteur, on lui donnera un tuteur et non un curateur : « Les mineurs, garçon et fille, qui ont un tuteur et sombrent dans la démence, restent toujours soumis à la tutelle. C’était l’avis de Quintus Mucius, repris par Julien et c’est cette position que nous suivons : la curatelle ne s’ouvre que si la tutelle de l’âge n’est pas organisée. Aussi, si ces mineurs ont un tuteur, leur démence ne les place pas en curatelle. Mais s’ils n’ont pas de tuteurs et que la folie les prend, ils pourront néanmoins avoir des tuteurs parce que la loi des XII T. (sur le prodigue) a été ainsi comprise qu’elle ne s’applique pas aux mineurs de sexe masculin ou féminin (qui sont en tutelle) »]. e) Tituli ex corpore Ulpiani 12.2-3 : (2) Lex duodecim tabularum furiosum itemque prodigum, cui bonis interdictum est, in curatione iubet esse agnatorum. (3) A praetore constituitur curator, quem ipse praetor voluerit, libertinis prodigis itemque ingenuis, qui ex testamento parentis heredes facti male dissipant bona: his enim ex lege curator dari non poterat, cum ingenuus quidem non ab intestato, sed ex testamento heres factus sit patri, libertinus autem nullo modo patri heres fieri possit, qui nec patrem habuisse videtur, cum servilis cognatio nulla sit. [« La loi des XII T. ordonne que le fou ainsi que le prodigue, à l’égard duquel l’interdiction a été prononcée, soient placés sous la curatelle de leurs agnats. Un curateur datif choisi librement par le préteur est attribué aux prodigues affranchis ainsi qu’aux prodigues ingénus qui, institués héritiers par leur père, dilapident leurs biens. Ces prodigues, en effet, ne pouvaient recevoir leur curateur de la loi : l’ingénu parce qu’il n’était pas héritier ab intestat, mais institué héritier par le testament de son père, et l’affranchi, parce qu’il ne peut être institué héritier par son père, puisqu’il passe pour ne pas avoir de père puisque la parenté servile n’existe pas »].

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3. – Le lemme de Festus : fragment erratique ou constitutif de la norme décemvirale ? f) Festus v° Nec 158 L : Nec coniunctionem Grammatici fere dicunt esse disiunctivam, ut nec legit, nec scribit, cum [...] intellegi possit, eam positam esse ab antiquis pro non, ut et in XII. est : ‘AST EI CVSTOS NEC ESCIT’ item ‘SI ADORAT FVRTO, QVOD NEC MANIFESTVM ERIT’. [« La majorité des grammairiens dit que la conjonction nec a une valeur disjonctive, par ex. ‘il ne lit pas et n’écrit pas’ ; et l’on peut comprendre que les Anciens l’employaient pour non, comme c’est le cas pour les XII T. ‘mais s’il n’est pas sous la garde de quelqu’un’ ou ‘s’il dénonce un vol qui n’est pas flagrant’»]. 4. – L’incapacité du furiosus et du prodigus g) Gai. 2.64 : Ex diverso agnatus furiosi rem furiosi alienare potest ex lege XII tabularum. h) Gaius libro tertio ad edictum provinciale D. 27.10.13 : Saepe ad alium e lege duodecim tabularum curatio furiosi aut prodigi pertinet, alii praetor administrationem dat, scilicet cum ille legitimus inhabilis ad eam rem videatur. [« Il arrive souvent que la curatelle d’un fou ou d’un prodigue est déférée à quelqu’un par la loi des XII T. et que le préteur la donne à un autre : ainsi lorsque le curateur désigné par la loi ne paraît pas apte à exercer la curatelle »]. i) Ulpianus libro primo ad Sabinum D. 27.10 pr. : Lege duodecim tabularum prodigo interdicitur bonorum suorum administratio, quod moribus quidem ab initio introductum est. j) Pauli Sententiae 3.4 a. 6-7 : (6) Et mulieri, quae luxuriose vivit, interdici potest. (7) Moribus per praetorem bonis interdicitur hoc modo: ‘quando tibi bona paterna avitaque nequitia tua disperdis liberosque tuos ad egestatem perducis, ob eam rem tibi ea re (aere ?) commercioque interdico’. k) Johannes Lydus De magistratibus 1.42 : Τῆς δὲ τύχης τὰ Ῥωμαίων εἰς ὕψος ἀναφερούσης, ἠκολούθησαν εἰκότως καὶ πταίσματα, καὶ διαφερόντως ἀσωτία ·ὥς μετὰ δυοδεκάδελτον καὶ τὸν περὶ

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ἀσωτίας νόμον, παρὰ Κορινθίων πάλαι τεθέντα, γράψαι Ῥωμαίους. [« La fortune porta la puissance de Rome jusqu’à son sommet ; les vices et surtout la prodigalité suivirent ; de sorte que les Romains, en plus des XII T., rédigèrent une loi sur la prodigalité, comme elle avait auparavant vu le jour à Corinthe »]. 5. – Agnats et gentiles, curateurs légitimes l) Paulus libro quinquagensimo nono ad edictum D. 50.16.53 pr. : Cum dicitur apud veteres ‘adgnatorum gentiliumque’ pro separatione accipitur. Cf. 5.3, source e. m) Inst. 1.23.3 : Furiosi quoque et prodigi, licet maiores viginti quinque annis sint, tamen in curatione sunt agnatorum ex lege duodecim tabularum. n) C. 5.70.5 (Anasthase 498) : […] curatores nihilo minus eos pro duodecim tabularum lege furiosis fratribus et sororibus utpote legitimos existere hac legis sanctione decernimus. [« Nous décidons par cette constitution que les (frères émancipés) seront curateurs légitimes de leurs frères et sœurs fous, nonobstant la loi des XII T. »]. Reconstitution Il s’agit d’un puzzle. Le noyau de la prescription est donné par la tradition rhétorique (sources a à c), mais rien n’en garantit la rigoureuse fidélité. Deux témoignages indirects prêtent leur concours. Le premier fut découvert par Godefroy 106-108, le second est nouveau. Ils aboutissent tous deux à confirmer exactement la reconstitution proposée par Godefroy il y a près de quatre siècles, mais que toutes les éditions ultérieures des XII T. ont négligée ou rejetée. En effet, les sources d et e ne laissent pas le choix. Elles contraignent à la fois d’assimiler le cas du prodigus à celui du furiosus, à la fois d’intégrer au cœur du précepte décemviral la condition négative (AST EI CVSTOS NEC ESCIT) que Festus (source f) avait retenue pour son intérêt syntaxique, mais sans la localiser dans le code décemviral. Depuis Q. Mucius, les juristes s’attachent à deux spécificités de la curatelle légitime des fous et des prodigues : l’appel, comme curateurs, à des agnats implique chez l’incapable d’une part l’absence d’un tuteur, d’autre part sa qualité d’héritier ab intestat.

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1. – L’absence d’un tuteur : AST EI CVSTOS NEC ESCIT Godefroy avait bien vu que l’interprétation de Q. Mucius (source d) appelait un point d’ancrage dans les XII T. L’appel à des curateurs légitimes (les agnats) suppose vérifiée une condition négative : l’absence de tuteurs (de l’âge ou du sexe). Les XII T. avaient donc nécessairement prescrit, sous une forme quelque peu obscure, l’incompatibilité de la tutelle et de la curatelle. Et l’interprétation ultérieure en avait déduit la supériorité (en cas de conflit) de la tutelle sur la curatelle. AST EI … doit être rétabli dans la loi, sinon l’interprétation de Mucius part à la dérive. L’analyse de Godefroy fut sommairement rejetée par Dirksen 376-377, suivi par Bruns, Girard, FIRA, estimant que l’on ne pourrait voir dans le CVSTOS du lemme de Festus une allusion au tutor dont la présence eût empêché l’ouverture de la curatelle légitime. De même, Audibert (1892) 83-85 ; Solazzi (1932) 140-142. Guarino (1944) ; Id. (1949) ; Id. (1989) récusa tout lien entre AST EI … et la curatelle du fou et rejeta la citation de Festus parmi les fragmenta incertae sedis. Contra, Diliberto (1984) 5-19 ; Zuccotti (2009) 3  s., notam. 48 s. Les arguments de Godefroy gardent de fait leur valeur, comme l’ont, en leur temps, reconnu Schöll 109, 130 et Mommsen (ap. Bruns5 24, critiquant la reconstitution de Bruns : ‘neque erravit opinor Schoellius’). Voir de même Kübler (1910) 1191 ; Bonfante (1925) 650 ; Perozzi (1928) 524 ; Wlassak (1933) 6 ; Diliberto cit. ; Zuccotti cit. Nous proposons donc la réintégration, sous la forme d’une condition négative, de AST EI CVSTOS NEC ESCIT. Le custos, dont la présence fait obstacle à l’ouverture de la curatelle du furiosus (et du prodigus : cf. infra) ne peut être que le tutor (et non le pater) du furiosus. 2. – L’assimilation du prodigue au fou : SI FVRIOSVS ESCIT Godefroy cit. avait proposé de reconstituer SI FVRIOSVS AVT PRODIGVS … Ses arguments : les sources classiques associent fréquemment, dans le même règlement décemviral de la tutelle, le fou et le prodigue (source e, h, m), mais sans les confondre puisque seul le prodigue fait l’objet d’un décret d’interdiction (sources e, i, j et infra). Godefroy n’eut pas de succès. Aucun interprète ne l’a suivi. Schöll 13 a refusé toute disposition relative au prodigue, dont le cas ne relèverait que de l’interprétation post-décemvirale. Les autres commentateurs affectent au prodigue un verset spécial (5.7 c) ainsi formulé (e.g. Bruns et FIRA) : Lex XII tab. … prodigum, cui bonis interdictum est, in curatione iubet esse agnatorum (Tit. Ulp. 12.2). Mais cette reconstitution présente un double défaut. Elle attribue au code un système d’interdiction probablement extérieur à la loi ; elle dissocie le prodigue et le dément, qui méritent d’être unis dans

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la même organisation de la tutelle. En effet, une particularité de la curatelle du prodigue, remarquée (Audibert cit. 11-21) mais non expliquée, mise en relief par l’Epitome Ulpiani (source e), est à prendre en considération.  L’epitomator relève, comme remontant aux XII T., que seul le prodigue héritier ab intestat de son pater puisse être placé sous la curatelle légitime de ses agnats. La loi, au contraire, n’a rien prévu pour le cas du prodigue héritier ex testamento patris. Le rapprochement avec le verset 5.6, dont la signification est rapportée par Paul (D. 26.4.6) s’impose. Un parens intestatus, c’est un père mort sans avoir fait de testament, ou mort sans avoir, dans son testament, désigné un tuteur à son fils. La règle décemvirale à laquelle fait allusion l’epitomator inspiré d’Ulpien est le pendant exact, pour les prodigues, du AST EI CVSTOS NEC ESCIT admis pour les furiosi. Pour que la curatelle des agnats s’ouvre, il faut que le prodigus n’ait pas reçu d’un testament paternel un tutor (= custos). Le prodigus est placé dans la même situation que le furiosus pour la dévolution de la curatelle agnatique ou légitime. Cette assimilation laisse naturellement de côté la question du contenu de la curatelle des fous et des prodigues ou celle des formes de l’interdiction. 3. – AST En dépit de Festus (Pauli exc. 5 L), ‘ast significat at, sed, autem’, AST a incontestablement une valeur conditionnelle. La conjonction sert en particulier à introduire une proposition conditionnelle en seconde position : Schöll 109-112 ; Leumann-Hofmann-Szantyr, Lat. Gram.II 489 ; XII T. 10.8 4. – PECVNIA ou FAMILIA ? Le terme qu’auraient utilisé les XII T. pour qualifier le patrimoine du fou (et du prodigue) n’apparaît que dans la tradition rhétorique : PECVNIA. Il est suspect. Chez les contemporains, on trouve res suae (source b), bona (source c), res (Gaius, source g), pour qualifier le patrimoine du fou dans sa globalité, équivalent à familia pecuniaque que les mêmes sources emploient pour le patrimoine du défunt. La tradition rhétorique n’est pas fiable : pecunia est un rajeunissement pour familia. Le glissement était sans incidence, puisque, à la fin de la République, pecunia et familia (au sens patrimonial du terme) s’équivalaient. La préférence accordée à pecunia au lieu de l’authentique familia peut encore s’expliquer par le souci de mettre l’accent sur le contenu patrimonial de la puissance qu’exerce le curateur – en plus de la puissance qu’il exerce cumulativement sur la personne (IN EO) de l’incapable.

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Nous proposons ainsi la reconstitution suivante : SI FVRIOSVS ESCIT, AST EI CVSTOS NEC ESCIT, ADGNATVM GENTILIVMQVE IN EO EIVS POTESTAS ESTO. Commentaire 1. – Cura furiosi 1. – 1. Furiosus Sur la folie, ses diverses manifestations ou degrés (furor, dementia, insania…) Audibert (1892) 11-61 ; Lanfranchi (1938) 196-200 ; Michel (1981) ; Nardi (1983) ; Diliberto (1984) 22-40. Le cas du furiosus englobe, il semble, celui du fou furieux et du lunatique, de l’aliéné en permanence et du malade jouissant d’intervalles lucides, avec des incidences sur le traitement juridique de l’incapacité. L’ouverture de la curatelle légitime est réservée à la situation d’un sui iuris (disposant d’un patrimoine), mâle et pubère : hypothèse d’un paterfamilias. 1. – 2. Curator  La loi n’a pas voulu que le pater sombrant dans la démence passât sous la potestas de ses héritiers futurs, de ses sui. Motif de décence (v. Lübtow [1956] 440) ? Plus vraisemblablement parce que Rome ignore la déchéance de la patria potestas ou son extinction prématurée. Les sui exclus, les agnats font constater la démence et nommer par le magistrat le curator choisi par les agnats ou désigné par la proximité du degré (comme pour le choix de l’héritier ab intestat). La potestas du curator s’ouvre de plein droit : sans décret d’interdiction, à la différence du prodigue. Horace Sat. 2.3.214-218 évoque la ‘tutelle’ d’un fou ‘interdit’. L’expression est poétique et non technique : Audibert cit. 48-49. À défaut d’agnat, la gens alerte le magistrat et remplit cette fonction grâce à un membre du groupe que ce dernier a investi. Sur la vocation des agnats et, à défaut (le –que de gentiliumque est disjonctif), des gentiles, supra XII T. 5.4-5. 1. – 3. Les pouvoirs du curator Ils portent, selon nos sources, in eo pecuniaque. Le mot pecunia a soulevé nombre de discussions et éveillé force d’hypothèses. Beaucoup, qui n’ont pas mis en doute l’authenticité du terme, se sont ingéniés à expliquer pourquoi la loi aurait spécialement placé sous le pouvoir des agnats les biens considérés comme de moindre valeur (meubles, menu bétail) et se serait tue sur le sort des biens les plus précieux, définis comme la familia. Les tenants de la dichotomie pecunia (Eigengut,

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res nec mancipi) – familia ( Hausgut, res mancipi, bona avita et paterna) – supra XII T. 5.4-5, Commentaire 2-1 –, ont alors été contraints d’imaginer l’éclatement du patrimoine du furiosus, frappé d’une sorte de mort civile. Les agnats hériteraient immédiatement de sa familia, à titre provisoire pour tenir compte d’un rétablissement toujours possible de sa santé (Wlassak [1933] 9-12 ; Siber (c.r. de Wlassak [1933] in ZSS 54 [1934] 410-414) ou à titre définitif (Guarino [1949] 155-156), tandis que le furiosus ne conserverait que la pecunia, mais soumise au pouvoir d’administration et de disposition du groupe agnatique en la personne du curator. Dans le même sens, selon Leifer (1939) 249-250, la loi, muette quant à la familia, aurait réservé à la ‘Sippe’ tout pouvoir sur ce Familiengut et ne serait intervenue, mais pour limiter l’intrusion des agnats – gentiles, qu’à l’égard de la pecunia du furiosus. De manière comparable, v. Lübtow (1956) 441-442 envisagea une dévolution successorale immédiate des biens du furiosus et la constitution vivo patre d’un consortium entre ses sui. V. encore d’Ors (1980) : la prescription ne viserait que l’heres suus furiosus, dont le patrimoine, par une véritable substitution anticipée, passerait au groupe agnatique. Pour Diliberto (1984) 45-70, la pecunia serait la ‘monnaie d’échange’ placée sous le contrôle agnatique. Mais toutes ces tentatives butent sur un obstacle : l’absence, à Rome, d’une extinction prématurée de la patria potestas et d’une succession anticipée (sauf le cas tout différent de la perte de la civitas, ou de la triple vente du fils) : Kunkel (1949) 64 et n.  7 ; Kaser AJ 170. Surtout ces hypothèses ont inutilement compliqué les choses. – Le mot pecunia, attesté par une tradition isolée (rhétorique), a reçu, à l’époque de cette tradition, le sens de patrimoine dans sa globalité (supra Reconstitution 4). – À l’époque archaïque, la pecunia se distinguait incontestablement de la familia. Celle-ci équivalait au patrimoine dans son ensemble, synonyme de res sua (XII T. 5.3), tandis que pecunia exprimait la richesse mobilière : troupeaux, res nec mancipi, équivalents monétaires (cf. Benveniste [1969] 47-61 ; Gnoli [1978] 204-218 et bibliogr.). De fait, ce sens est attesté dans les XII T. : 10.7. – Le sens de familia a rapidement évolué sous la République. On est passé de la signification réelle à celle, personnelle, de famille : Albanese (1949) 156-227 et supra 5.3. De la sorte, à l’époque cicéronienne, le terme propre à qualifier le patrimoine ne pouvait plus être familia, mais celui, archaïsant, de familia pecuniaque (Albanese cit. 213-222) ou, plus courant, de pecunia. – Citant un précepte décemviral contenant le mot familia (au sens premier de patrimoine), les écoles de rhétorique l’ont remplacé par celui de pecunia. Il s’agit d’un simple rajeunissement du vocabulaire. La construction audacieuse de la curatelle du fou de la part des Modernes, fondée sur une soi-disant opposition entre pecunia et familia, n’a pas

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de fondement. C’est tout le patrimoine du fou, globalement qualifié de familia, qui est soumis à la potestas du curator. En ce sens, Kaser EB 169 ; Id. AJ 170-173. 1. – 4. La potestas du curator La fonction du curator est d’exercer une cura, sans que la preuve de la présence de ce mot dans le code puisse être apportée. Le terme, que l’on ne peut pas rapprocher de κοίρανος (au sens de pouvoir souverain : ainsi cependant Kunkel [1949] 305 n. 1 ; mais cf. Ernout-Meillet DE4, v° cura), exprime l’idée d’une prise en charge des intérêts du fou (Perozzi [1928] 525), conciliable avec les intérêts des agnats. Mais le concept de potestas, beaucoup plus certainement, qualifiait l’étendue des pouvoirs du curator. Le terme est commun au pouvoir du pater et du tutor (Gallo [1956] 211-215 ; Id. [1984] 29-51 ; Capogrossi Colognesi [1970] 404-406 ; ambiguïté du terme de potestas ; celle du curator ne peut se confondre avec celle du pater ; Id. [1984] 53-76). Dans quelle mesure cette potestas portant et sur la personne et sur le patrimoine du furiosus était-elle compatible avec la propre puissance du furiosus sui iuris ? Kaser (1939) 45-48 a pensé que la capacité du furiosus entrait en sommeil durant la cura, prompte à se réveiller pendant des intervalles de lucidité ou lors du rétablissement. V. encore Archi (1962) 179-191 ; Diliberto (1984) 46-48 ; 106-107. 2. – Cura prodigi Le sui iuris, libre de toute tutelle, qui dilapide l’héritage paternel acquis ab intestat et menace d’appauvrissement ses proches, subit, sur requête de ses agnats, l’interdiction de disposer de ce patrimoine. Devenu incapable, le prodigue est placé sous la cura d’un agnat, éventuellement d’un membre de sa gens. 2. – 1. L’interdiction La curatelle du prodigue présente des différences avec celle du fou. Alors que pour celui-ci le magistrat se borne à constater la folie, le prodigue est frappé d’un décret d’interdiction. Les Paul. Sent. (source j) en ont conservé la formule ; elle touche en premier lieu les biens de famille (bona paterna avitaque), mais affecte sans doute la totalité du patrimoine. Il est possible que le consul, puis le préteur, aient trouvé dans la pratique pré-décemvirale (mores) l’esprit et le fonctionnement de cette procédure. V. ici Kaser (1953) 294-303. Les sources (notam. e et i) ne permettent pas de savoir si la procédure d’interdiction a été organisée par les XII T. ou si elle est une adaptation postérieure de la mise en curatelle du prodigue. La ‘loi sur la prodigalité’ à laquelle fait allusion J. Lydus (source k), en liaison avec

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la création de la censure, ne peut être historiquement appréciée. On sait seulement qu’elle ne se confond pas avec les XII T. Sur la notion de prodigalité, thème de la comédie et des exercices rhétoriques, Audibert (1892) 91-106, 121-142 ; Voutyras (2013) 311-329. Le fonctionnement de l’interdiction et de la curatelle a été clairement analysé par Audibert (1890) et par Voigt XII T. I, 715 ; II, 720-729 (avec essai de reconstitution de la formule originelle de l’interdiction). 2. – 2. Le prodigue institué héritier par testament Le prodigue institué héritier testamentaire échappe à la curatelle de ses agnats : ceux-ci ne peuvent que demander au préteur la désignation d’un curateur datif (Ulpien, source e). Les interprètes ont tenté d’expliquer ce qui leur paraissait être une particularité du prodigue (Kaser RPR I2 85). Solazzi (1929) 245-267 l’expliqua par le souci de ne pas permettre aux agnats de contester le choix du pater : l’heres de celui-ci, même prodigus, doit rester maître de son patrimoine. Mais l’explication n’a pas convaincu. Très différemment, De Visscher (1926) 23-107 a distingué, pour l’époque archaïque, la curatelle légitime (seule organisée) et l’interdiction, apparue plus tard et liée à l’organisation, par le magistrat, de la curatelle dative. Leifer (1939) 250 et n.  74 a repris l’hypothèse. Mais toutes ces hypothèses sont invérifiables. Nous avons proposé (supra Reconstitution 2) une explication : le testament, dans sa complétude, doit organiser une tutelle (de l’âge et du sexe) qui, pour le prodigus comme pour le furiosus (source d), fait obstacle à l’ouverture de la curatelle agnatique (ou légitime). D’où le principe : le testament empêche la curatelle des agnats. Mais si le testament est incomplet, muet sur la tutelle, le prodigue est réputé héritier ab intestat. La curatelle agnatique, à la requête des agnats, peut s’ouvrir. L’interprétation ultérieure a quelque peu obscurci ces principes simples. Elle a vu, semble t-il, dans le testament un empêchement dirimant à la curatelle agnatique. L’héritier testamentaire prodigue a été assimilé à l’affranchi prodigue qui, lui, dépourvu d’agnats, ne peut recevoir son curateur que du préteur. Le rapprochement de l’héritier testamentaire et de l’affranchi est tardif. Il date du moment où la curatelle du prodigue a pris en compte plus l’intérêt du déséquilibré que celui de sa famille. Car l’affranchi n’a pas, par définition, de bona paterna avitaque à dilapider, ni d’agnats à qui il devrait conserver ces biens.

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5. 8 – : Tituli ex corpore Ulpiani 29.1 : Civis Romani liberti hereditatem lex duodecim tabularum patrono defert, si intestato sine suo herede libertus decesserit [...]

–  : U  lpianus libro quadragensimo sexto ad edictum D. 50.16.195 pr. : [...] ad personas autem refertur familiae significatio ita, cum de patrono et liberto loquitur lex: ‘EX EA FAMILIA, inquit, IN EAM FAMILIAM’. Et hic de singularibus personis legem loqui constat.

:L  a loi des XII T. défère la succession de l’affranchi citoyen romain à son patron, si cet affranchi meurt intestat sans héritier sien.



:M  ais c’est à des personnes que se rapporte le sens du mot ‘familia’ quand la loi, traitant du patron et de l’affranchi, utilise ces termes : ‘ce qui provient de cette famille, dit la loi, doit retourner à cette famille’. Il est certain que dans ce cas la loi parle des individus qui forment la familia.

Sources principales a) Gaius Institutiones 3.40 : Olim itaque licebat liberto patronum suum pune testamento praeterire ; nam ita demum lex XII tabularum ad hereditatem liberti vocabat patronum, si intestatus mortuus esset libertus nullo suo herede licto. Itaque intestato quoque mortuo liberto, si is suum heredem reliquerat, nihil in bonis eius patrono iuris erat [ = Inst. 3.7 pr.; v. de même Ulp. 10 leg. Iul. et Pap. D. 37.14.11 ; Tit. Ulp. 27.5]. [« Jadis il était permis à un affranchi de passer impunément sous silence son patron dans son testament ; en effet, la loi des XII T. appelait le patron à la succession de son affranchi si celui-ci était mort intestat et sans laisser d’héritier sien. En conséquence, même si l’affranchi était mort intestat, s’il laissait un héritier sien, le patron n’avait aucun droit sur ses biens »]. b) Fragmenta Vaticana 308 (Paul. 71 ed.) : Sed tantum patronum a liberto excipit (lex Cincia). Quidam putant

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etiam liberos patroni exceptos, quoniam libertus continetur servi appellatione et sicut in XII tabulis patroni appellatione etiam liberi patroni continentur, ita et in hac lege. [« La loi Cincia exclut (de la prohibition des donations) les donations du patron à son affranchi. Certains pensent que les enfants du patron figurent aussi parmi les personnes exceptées par la loi, parce que le mot servus comprend aussi le libertus et que dans la loi des XII T. patronus englobe les enfants du patronus. Il en est donc de même pour cette loi (Cincia) »]. c) Théophile Paraphrase aux Institutes de Justininien 1.17 : Ὁ νόμος ὁ δυοδεκάδελτος τοὺς πάτρωνας καὶ τοὺς τῶν πατρώνων παῖδας ἐπὶ τὴν τούτων ἐπιτροπὴν καλεῖ. - - λέγεται δὲ καὶ αὕτη λεγίτιμα, ἐπειδὴ ὑπὸ τοῦ δυοδεκαδέλτου εὑρέθη. - - ἀλλ’ ἐροῦμεν ὡς εἰ μὴ σαφῶς τοῖς ῥήμασι τοῦ νόμου περὶ αὐτῆς διηγόρευται, ἀλλ’ οὖν ἐκ τῆς ἐννοίας τοῦ δυοδεκαδέλτου ἔστι τοῦτο λαβεῖν. φησὶ γὰρ ἔν τινι μέρει τῆς οἰκείας νομοθεσίας· « ἐάν τις ἄπαις καὶ ἀδιάθετος τελευτήσῃ, οἱ ἀδνάτοι παραγενέσθωσαν ἐπὶ τὴν τούτου κληρονομίαν ». καὶ πάλιν ἐν ἑτέρῳ μέρει φησίν· « ἐάν τις δεῖται ἐπιτρόπου, οἱ ἀδνάτοι ἐπιτροπεύουσιν ». - Ταῦτα περὶ εὐγενῶν. Ἐλθὼν δὲ εἰς τοὺς ἀπελευθέρους εἶπεν· « ἐὰν ἀπελεύθερος ἢ ἀπελευθέρα ἄπαιδες καὶ ἀδιάθετοι τελευτήσωσι, τὴν τούτων κληρονομίαν οἱ πάτρωνες ἤγουν οἱ παῖδες τῶν πατρώνων διαδέχονται ». [« La loi des XII T. appelle les patrons et les enfants des patrons à la tutelle (des affranchis). Cette tutelle est même appelée légitime, car elle fut créée par la loi des XII T. ; disons plutôt que s’il est vrai que la loi ne l’a pas organisée expressément, il est cependant permis de la rattacher à l’esprit de la loi. En effet, la loi dit, en l’une de ses dispositions : ‘Si quelqu’un meurt sans enfant et intestat, que ses agnats accèdent à sa succession’ et en un autre endroit, la loi déclare : ‘Si quelqu’un est privé de tutelle, ses agnats seront ses tuteurs’. Ceci vaut pour les ingénus. Passant aux affranchis, la loi dit : ‘Si un affranchi ou une affranchie meurt sans enfant et intestat, que ses patrons ou les enfants de ses patrons reçoivent sa succession’»]. Sources complémentaires Elles appliquent le principe du retour des bona liberti à la familia du patronus. Sont compris dans cette familia les enfants et descendants agnatiques du patronus (d), mais en sont exclus les héritiers externes du patron (e) ; la patrona est assimilée au patronus (f), sauf, naturellement, pour les descendants agnatiques. Par analogie, les interprètes ont étendu à la tutelle sur l’affranchi les principes suivis pour la dévolution légitime de sa succession (g, h). d) Gai. 3.45-46 (de même Tit. Ulp. 29.5) : Quae diximus de patrono, eadem intellegemus et de filio patroni […]

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(46) Filia vero patroni et neptis ex filio et proneptis ex nepote filio nato prognata olim quidem ius, quod ex lege XII tabularum patrono datum est. e) Gai. 3.48 (de même Gai. 3.58) : Ex his apparet extraneos heredes patronorum longe remotos esse ab omni eo iure, quod in intestatorum bonis […] patrono competit. f) Gai. 4.49 (de même Tit. Ulp. 29.6 ; Collat. 16.8.2 et cf. Gai. 3.51) : Patronae olim ante legem Papiam hoc solum ius habebant in bonis libertorum, quod etiam patronis ex lege XII tabularum datum est. g) Gai. 1.165 : Ex eadem lege XII tabularum libertarum et impuberum libertorum tutela ad patronos liberosque eorum pertinet. Quae et ipsa tutela legitima vocatur, ea lege de hac tutela cavetur, sed quia proinde accepta est per interpretationem, atque si verbis legis introducta esset; eo enim ipso, quo hereditates libertorum libertarumque, si intestati decessissent, iusserat lex ad patronos liberosve eorum pertinere, crediderunt veteres voluisse legem etiam tutelas ad eos pertinere, quia et agnatos, quos ad hereditatem vocavit, eosdem et tutores esse iusserat. (Sur ce fragment, caractéristique des scrupules historiques de Gaius dans le maniement des sources, Humbert [2018-1]). h) Tituli ex corpore Ulpiani 11.3 (v. de même Ulp. 14 ad Sab. D. 26.4.1 pr. ; Ulp. 38 ad Sab. D. 26.4.3. pr.) : Legitimi tutores sunt, qui ex lege aliqua descendunt: per eminentiam autem legitimi dicuntur, qui ex lege duodecim tabularum introducuntur, seu palam, quales sunt agnati, seu per consequentiam, quales sunt patroni. Reconstitution Les XII T., c’est sûr, ont connu une disposition attribuant au patronus, ou, plus exactement à la familia du patronus, les biens de l’affranchi mort sans suus. Les sources se réfèrent explicitement (Tit. Ulp. 29.1 et sources a, b) ou implicitement (sources d à h) à ce droit de retour. Mais du fait des ajouts de l’interprétation, la reconstitution de la teneur, voire de la lettre de la loi, est délicate. On peut être tenté par la tradition la plus brève (Ulp., D. 50.16.195.1, cit.) : EX EA FAMILIA, IN EAM FAMILIAM et refuser de rien ajouter à

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cette formulation elliptique, sûrement authentique (mais est-elle complète ?). Ainsi Mommsen Staatsr. III, 22 n. 5 : ‘ex ea familia in eam familiam’. Selon cette option, on considère comme implicite la mort sans sui du libertus ; mais surtout, on se garde d’insérer, comme y conduit l’autre version, la condition de l’affranchi intestatus, lourde de conséquence. On peut aussi opter pour une version longue. La loi, pour l’affranchi comme pour l’ingénu (XII T. 5.4), appellerait à la succession légitime le patronus et sa familia, en cas d’absence de testament et d’héritier sien. En faveur de cette reconstitution, on invoque la double condition négative si intestato sine suo herede libertus decesserit (Tit. Ulp. 29.1) ou si intestatus mortuus esset libertus, nullo herede relicto (Gai. 3.40, source a), qui rappelle immanquablement le verset 5.4, si intestato moritur cui suus heres nec escit. Depuis le XVIIe s., les interprètes se divisent entre les partisans de la formulation la plus concise (ainsi Marcilius [1600], cité par Dirksen 388) et les tenants de l’expression plus étalée. Ainsi Godefroy 101-103 qui proposa : ‘Si libertus intestato moritur, cui suus heres nec escit, ast patronus patronive liberi escint, ex ea familia in eam familiam proximo pecunia adduitor’. On peut poser quelques certitudes. La loi (c’est la portée négative des sources complémentaires) ne mentionnait ni les liberi patroni (source d), – contrairement à l’affirmation de Théophile (source c), paraphrase et non citation, et à la reconstitution de Godefroy –, ni la patrona (source f), ni l’indisponibilité testamentaire des biens acquis par le patronus (source e), ni la tutelle (sources g, h). La présence même des mots libertus ou patronus, qui semblent nécessaires (sources b et f pour patronus ; passim pour libertus), n’est absolument pas sûre. Manumissor et is qui liberatus est seraient aussi légitimes. Pour qualifier le patrimoine de l’affranchi : si familia est impossible vue l’ambiguïté qui naîtrait entre les deux acceptions du terme (cf.  XII T. 5.6), si pecunia est dénué de vraisemblance, si hereditas est anachronique, restent bona et res sua. La tradition ultérieure donne l’avantage au premier (cf.  D. 38.2 ‘De bonis libertorum’ ; Lenel EP3 350), mais le parallèle avec XII T. 5.3 ferait pencher pour le second. Nous pensons que, sous une forme qui n’a pas dû beaucoup s’écarter de l’élément central ‘ex ea familia in eam familiam’, riche d’énormes possibilités d’interprétation, la loi a formellement posé, comme seule condition, l’absence de sui pour ouvrir le retour du patrimoine de l’affranchi au patronus. La condition ‘si intestatus’ est en revanche extrêmement douteuse (infra, Commentaire). On pourrait penser à la reconstitution hypothétique suivante (débarrassée des ajouts d’une interprétation particulièrement prolixe) : Si manu missus moritur, cui suus heres nec escit, res eius EX EA FAMILIA

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IN EAM FAMILIAM. La tentative de Talamanca (1999-2), après Id. (1994) 511 s., de réécrire la norme décemvirale (mais sans en donner le texte conjectural) afin de scinder dans la destination des biens du libertus deux groupes : le patronus et ses sui d’une part, un membre du groupe gentilice de l’autre, reste très hypothétique. V. les objections de Masi Doria (1999) 260, 287. Commentaire Les deux fragments d’Ulpien jettent les bases du statut des biens de l’affranchi au regard du groupe familial, dont il est sorti par la manumissio. 1. – La dévolution héréditaire des biens de l’affranchi La loi reconnaît (certainement explicitement) au libertus le pouvoir de transmettre ses biens à ses heredes sui. Il est possible que la succession ab intestat de l’affranchi soit une innovation : Kaser (1938-2) 105106. Les sui du libertus, quels qu’ils soient (filli in potestate, extraneus adopté, épouse in manu) l’emportent sur le patronus manumissor. Mais la loi a-t-elle aussi reconnu au libertus la capacité de tester, donc d’écarter par le choix d’un heres extraneus la vocation successorale du patronus ? Si, avec les témoignages récents (Gaius, source a ; Tit. Ulp. 29.1), on insère ‘intestatus’ dans le verset décemviral, la réponse sera positive. Mais les conséquences, inacceptables, condamnent cette hypothèse. Il est, en effet, impossible d’admettre que le libertus, originellement, eût pu priver la familia du patronus de ses bona pour les attribuer à un extraneus. Les droits de la familia du patronus sont si étendus que le patron lui-même ne peut disposer des biens acquis de son affranchi et en priver sa familia ! À moins d’imaginer une capacité de tester du libertus placée sous la potestas du patronus, on récusera la possibilité, pour l’affranchi, de tester en l’absence de sui. L’idée même de l’accès d’un libertus privé d’heredes sui aux comices calates pour instituer un heres extraneus et priver ainsi la familia de son patronus du retour de sa res sua est une vue de l’esprit. Elle est dépourvue de vraisemblance. On ne peut prêter aux décemvirs d’en avoir organisé la possibilité. Sans doute, Gaius et Ulpien se réfèrent-ils expressément à cette capacité d’écarter le patron par le testament ; mais pour mieux opposer un droit ancien (olim), dont les racines remontent certes aux XII T. (mais qui a évolué et ne se confond pas avec la réglementation décemvirale), aux réformes prétoriennes qui réservent au patronus une part nécessaire (bonorum possessio dimidiae partis) des biens de son affranchi, en présence d’un heres extraneus et même d’un heres suus (ab intestat). Cette capacité de tester et d’écarter le patronus est

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certainement postérieure à la législation décemvirale : cf.  Voci (1960) 37 et n. 91 ; Kaser RPR I2, 102, 119. Le verset décemviral ne peut avoir posé la condition négative ‘intestatus’ à l’ouverture du droit de retour de la res sua au profit du patronus. Contra : Cosentini (1948) 45, 48 (favorable à une liberté de tester illimitée reconnue par les XII  T.) ; de même Watson (1975-1) 109 (sans autre argument que Gai. 3.40 s.) ; Fabre (1981) 302-305 (hésite à reconnaître une capacité de tester à l’affranchi, mais ne conteste pas la condition négative posée par la loi intestatus – ce qui n’est pas cohérent) ; Masi Doria (1996) 57-60 (une capacité testamentaire limitée à la ‘res sua’, distincte de la ‘familia’ du libertus qui serait réservée au patronus et à sa familia) ; Ead. (1999) 260 s. ; Talamanca (1999-2) 165 s. 214. 2. – Ex ea familia, in eam familiam L’adage, très expressif dans sa concision, pose le principe du retour des biens de l’affranchi à la famille dont il est issu. Cette familia englobe les trois cercles appelés, dans l’ordre, à recueillir les bona liberti : le patronus et ses sui d’abord (sources b, d), les agnats ensuite et, à défaut, ses gentiles (Cic. de orat. 1.176 ; Mommsen Staatsr. III, 27 ; Kaser RPR I2  102 n.  13). Les veteres, en raisonnant par analogie (à partir du parallèle établi par la loi entre la qualité d’héritier aux biens des ingénus et celle de tuteur), étendront à la tutelle sur les affranchis impubères ou de sexe féminin les principes de la dévolution des bona liberti : sources g, h ; Watson (1971) 119 n. 3. Talamanca (1994) 511 s et surtout (1999-2) 165 s. Comment analyser le droit de la familia au retour des bona ? On a pensé à un droit collectif (Lambert [1956] 484), très éloigné d’un droit de succession fondé sur le titre d’heres : plutôt un ius habendae familiae, le ‘droit de recueillir le patrimoine de l’affranchi’ (Solazzi [1932] 168. L’hypothèse est acceptable, mais insuffisante. Elle n’éclaire pas les traits spécifiques de la dévolution des bona liberti au sein de la familia du patronus. Or, c’est là que se trouve l’originalité du droit patronal à la succession de l’affranchi. 3. – L’inaliénabilité mortis causa des bona liberti Le patrimoine de l’affranchi mort sans descendant est destiné à la familia de son patronus : IN EAM FAMILIAM. Le patron, successeur aux bona, ne peut en disposer par testament au profit d’un extraneus. Exhérédés ou non, les sui du patronus ont un droit égal et intangible à ces bona : Gaius, source e. Cette indisponibilité mortis causa en faveur des sui, des agnats et des gentiles remonte aux XII T. et se maintiendra durant toute l’histoire du droit romain (seulement restreinte aux sui au début de l’Empire). Plusieurs auteurs y ont vu la confirmation de la

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thèse largement répandue, selon laquelle le pater, en présence de sui, véritables copropriétaires indivis de son patrimoine, n’aurait joui que d’un pouvoir d’administration et non de disposition. Cette inaliénabilité générale se serait progressivement assouplie entre les XII T. et le IIIe ou IIe s. Le pater se serait vu reconnaître le pouvoir de tester en présence de sui, mais avec une exception surprenante : les bona liberti, restés toujours à l’abri de cette liberté de tester envahissante. Ainsi, fondamentalement, Rabel (1930) 313 ; Wlassak (1933) 18 ; Wieacker (1941-1) 1-57 ; Voci (1960) 18 ; Magdelain (1985) 675-677. Mais cette hypothèse d’une copropriété des sui du vivant même du pater est des plus fragiles, dénuée de confirmation dans la loi des XII T. (cf. 5.3 ; 5.10) et pour la période qui suit. On ne voit pas pourquoi, tel un témoin attardé, les bona liberti auraient maintenu jusqu’au VIe s. ap. J.-C. l’idée d’une copropriété familiale absente ailleurs. En réalité, l’autonomie des bona liberti est la dimension patrimoniale d’un lien spécifique que la manumissio a tissé entre le patronus et son libertus. Il s’agit d’un lien personnel, que l’on a pu justement qualifier de quasi-agnation (Voci cit. 37) et rapprocher du lien de clientèle (Mommsen Staatsr. III, 63-66 ; Premerstein [1901] 30-33). Or ce lien, extrapatrimonial, est indépendant de la volonté du patronus, comme tout lien de parenté ou d’agnatio. Le droit aux bona liberti ne fait pas partie de l’hereditas ou de la res du patronus. Il est transmis aux sui, comme les sacra, le devoir de vengeance ou l’accès au tombeau. Le pater ne peut en disposer entre vifs ni mortis causa. Jamais un membre extérieur à la familia, au sens le plus large, ne peut les acquérir (Perozzi [1928] 444, 582). Leurs titulaires nécessaires sont, dans l’ordre, les sui, à défaut les agnats puis les gentiles du patronus. Les gentiles et les agnats recueillent ce lien, à l’égal des sui : argument de plus, qui rend moins acceptable encore la thèse analysant les bona liberti comme le vestige d’une indisponibilité primitive et générale organisée au profit des seuls sui du patronus.

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5. 9 – : Imp. Gordianus A. Pompeio militi, Codex Iustinianus 3.36.6 : Ea quae in nominibus sunt non recipiunt divisionem, cum ipso iure in portiones hereditarias ex lege duodecim tabularum divisa sunt.

– : I mpp. Diocletianus et Maximianus AA. et CC. Corneliae, Codex Iustinianus 2.3.26 (a. 294) : […] ex lege duodecim tabularum aes alienum hereditarium pro portionibus quaesitis singulis ipso iure divisum […].



:L  ’empereur Gordien Auguste au soldat Pompeius : Les biens de la succession qui consistent en des créances n’appellent aucun partage ; car, par l’effet de la loi des XII T., ces biens sont divisés de plein droit entre les héritiers en fonction de leur quote-part.



:L  es empereurs Dioclétien et Maximien Augustes et les Césars à Cornelia : … En vertu de la loi des XII T., les dettes de la succession sont divisées de plein droit entre les héritiers en proportion de leurs parts …

Sources a) Paulus libro vicensimo tertio ad edictum D. 10.2.25.9 : An ea stipulatio, qua singuli heredes in solidum habent actionem, veniat in hoc iudicium, (= actio familiae erciscundae) dubitatur : veluti si is qui viam iter actus stipulatus erat decesserit, quia talis stipulatio per legem duodecim tabularum non dividitur, quia nec potest. Sed verius est non venire eam in iudicium, sed omnibus in solidum competere actionem et, si non praestetur via, pro parte hereditaria condemnationem fieri oportet. [« S’il se trouve dans la succession une stipulation au profit du défunt, telle que chaque héritier puisse exercer l’action pour le tout, cette stipulation entre-t-elle dans le champ de l’action en partage successoral ? Par exemple : le défunt s’est fait promettre une servitude de passage : cette stipulation n’est pas divisée par l’effet de la loi des XII T., parce qu’elle est indivisible par nature. Mais il est exact de soutenir que cette action née de la stipulation ne relève pas de l’action en partage successoral ; chaque cohéritier pourra agir pour le tout et si celui qui

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doit fournir le passage ne le fait pas, il sera condamné envers chaque cohéritier à la mesure de la part de chacun »].  b) Paulus ibid. D. 10.2.25.13 : Idem iuris est in pecunia promissa a testatore, si sub poena promissa sit : nam licet haec obligatio dividatur per legem duodecim tabularum, tamen quia nihilum prodest ad poenam evitandam partem suam solvere, sive nondum soluta est pecunia nec dies venit, prospiciendum est per cautionem, ut de indemnitate caveat per quem factum fuerit, ne omnis pecunia solveretur, aut ut caveat se ei qui solidum solverit partem praestaturum : sive etiam solvit unus universam pecuniam quam defunctus promittit, ne poena committeretur, familiae erciscundae iudicio a coheredibus partes recipere poterit. [« Il en est de même (obligation in solidum grevant les cohéritiers) si le testateur avait promis une somme sous la menace d’une peine. Sans doute, en application de la loi des XII T., l’obligation de payer est-elle divisible. Mais un cohéritier n’a aucun avantage à payer sa part dans le souci d’échapper à la peine. Aussi les héritiers doivent-ils, avant qu’un seul ait payé et avant même l’échéance, se donner réciproquement caution et promettre que celui par le fait de qui le paiement n’aura pas été intégralement fait, indemnisera ses cohéritiers. Si un héritier a payé toute la somme afin d’échapper à la peine, il pourra, par l’action en partage successoral, réclamer leur part à ses cohéritiers »]. c) Ulpianus libro nono decimo ad edictum D. 10.2.4 pr. : Ceterae itaque res praeter nomina veniunt in hoc iudicium (actio familiae erciscundae). [« Cette action (en partage successoral) embrasse tous les biens de la succession, à l’exception des obligations »]. De même Ulp. ibid. D. 10.2.2.5 (in hoc iudicium, nomina non veniunt) ; Paul. 23 ad ed. D. 10.2.25.1 (cessat familiae erciscundae iudicium, cum nihil in corporibus, sed omnia in nominibus sunt). d) Plusieurs constitutions, échelonnées de Septime-Sévère à Dioclétien, confirment que la loi des XII T. avait posé le principe de la divisibilité de plein droit des créances et des dettes de la succession : –  Impp. Severus et Antoninus AA. Modestino C. 4.2.1 (a. 204) : Neque aequam neque usitatam rem desideras, ut aes alienum patris tui non pro portionibus hereditariis exsolvatis tu et frater coheres tuus, sed pro aestimatione rerum praelegatarum, cum sit explorati iuris hereditaria onera ad scriptos heredes pro portionibus hereditariis, non pro modo emolumenti pertinere. Quod nec ipse ignorare videris, cum creditoribus secundum formam iuris pro portione tua caveris. [« Tu réclames une

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chose injuste et contraire à l’usage, en demandant que toi et ton frère, ton cohéritier, vous ne payiez pas les dettes de votre père au prorata de vos parts, mais selon la valeur des choses laissées à titre de prélegs, alors qu’il est de droit incontestable que les héritiers institués doivent supporter les charges de la succession en proportion de leur quote-part et non en fonction de ce qu’ils ont retiré de la succession.  Toi-même montres ne pas l’ignorer, puisque tu t’es engagé envers les créanciers proportionnellement à ta part, selon la règle du droit ancien »]. –  Imp. Antoninus A. Claudio C. 8.35.1 (a. 212) : Debitores quidem hereditarii unicuique heredum pro portione hereditaria antiqua lege obligati sunt. – Impp. Valerianus et Gallienus AA. Tauro C. 8.31.1 (a. 257) : Manifesti et indubitati iuris est defuncto creditore multis relictis heredibus actionem quidem personalem inter eos ex lege duodecim tabularum dividi, pignus vero in solidum unicuique teneri. –  Impp. Diocletianus et Maximianus AA. et CC. Apolausto C. 4.16.7 (a. 294) : Creditores hereditarios adversus legatarios non habere personalem convenit actionem, quippe cum evidentissime lex duodecim tabularum heredes huic rei faciat obnoxios. [« Les créanciers de la succession n’ont pas d’action contre les légataires, puisque, à l’évidence, la loi des XII T. ne leur donne d’action personnelle que contre les héritiers »]. Cette série de textes appelle quelques explications : –  Le droit archaïque, remontant au moins aux XII T. (sources a, b, d), a distingué deux masses dans la succession. D’une part, les créances et les dettes (nomina), de l’autre les choses corporelles. L’action en partage successoral (iudicium familiae erciscundae – i.f.e.) ne concerne que les choses de la succession (XII T. 5.10), dont les cohéritiers, au terme d’une indivision plus ou moins prolongée, demandent le partage. Les rapports d’obligation ne sont pas concernés par cette action (source c). – Les nomina sont soumis à un autre principe de partage : la division de plein droit entre les cohéritiers (XII T. 5.9). – Certaines obligations, indivisibles ou in solidum, ont fait problème aux juristes classiques. Les unes, indivisibles par nature (fournir un droit de passage : source a), ne peuvent se plier au principe de la division de plein droit. C’est aussi le cas de la stipulation de peine (source b), car la peine n’est pas divisible. Les juristes ont hésité sur le sort de ces nomina non divisibles. Devait-on, pour cette raison, les intégrer dans la masse soumise au i.f.e. ? Ils ont répondu par la négative, au profit de solutions intermédiaires. – L’expression ‘per legem XII T.’ (sources a et b) surprend, en particulier pour le fragment b où, s’agissant d’une application immédiate de la loi, on attendrait plutôt ex lege ou lege XII T. Mais les sources classiques fournissent assez d’exemples d’équivalence entre les expressions ex lege,

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lege, per legem, pour que l’on refuse, sur ce seul argument formel, d’attribuer la divisibilité des nomina à l’interpretatio post-décemvirale. Aucune divergence donc entre Paul (per legem : source b) et les constitutions du IIIe s. (ex lege : C.3.36.6 et C. 2.3.26 ; sources d). Il y a donc unanimité pour placer, avec la jurisprudence classique, dans le code décemviral la source du principe de la divisibilité de plein droit des rapports d’obligation. Reconstitution Les tentatives ne dépassent pas l’hypothèse. Citons celle de Godefroy 46, 103 : nomina inter heredes pro portionibus hereditariis ercta cita sunto, s’aidant de Festus-Paul 72 L – cf.  XII T. 5.10, source b - pour exprimer la division.  On pourrait aussi tirer de C. 3.36.6 une formulation du type : nomina ipso iure divisa sunto. Mais cette forme élégante a été dénoncée comme trop récente (Berger [1936] 613 ; Kaser [1952-2] 533) en particulier pour nomina et ipso iure. Mais nomen au sens de dette, déjà attesté chez Plaute (Cist. 189), peut avoir eu, à haute époque, le sens général d’obligation (cf.  D. 50.16.6 pr.). On peut aussi invoquer l’étymologie de nuncupare (XII T. 6.1). Différem. Talamanca (2005) 337-338 (en faveur de aes alienum). Par contre ipso iure trahit une facture plus récente ; en outre l’expression n’est pas indispensable, car la division, imposée par la loi, qui ne requiert ni initiative ni volonté des héritiers ou des créanciers de la succession, se produit forcément de plein droit. On suggérera donc : Nomina inter heredes divisa sunto ou, mieux, Nomina inter heredes ercta sunto (mais certainement pas ercta cita, car cita exprime la démarche volontaire et judiciaire des héritiers, par le biais du iudicium : XII T. 5.10). Commentaire La loi 5.9 formule une règle de caractère technique et d’importance relativement mineure. Elle fixe les modalités du partage entre héritiers des créances et des dettes de la succession.  Mais au-delà de ce règlement de la liquidation, elle présuppose comme admis – et cela devient fondamental – le principe général de la transmissibilité active et passive des obligations. 1. – La transmissibilité des obligations Le principe de la transmission héréditaire des obligations heurte la structure de l’obligation archaïque, éminemment personnelle dans sa nature (un lien personnel) et dans ses effets (la personne du débiteur supporte la dette, d’où le principe de l’exécution sur la personne). Sans doute le principe de la transmissibilité connaît-il quelques

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exceptions. À l’époque classique encore, il ne s’applique pas aux obligations délictuelles et ne s’est pas étendu à l’engagement de la caution né d’une sponsio ou d’une fidepromissio (Gai. 3.120) : Biondi (1950) 165-169 ; Kaser (1952-2) 508-512. Mais pour les autres obligations, nées d’un acte de crédit (prêt d’argent, nexum, stipulatio, obligation née d’une mancipatio), il faut admettre comme remontant au moins au code décemviral la transmissibilité de l’obligation en général. La tentative de Korošec (1927) pour démontrer l’apparition tardive (une création prétorienne) du principe de la transmissibilité et soutenir comme une falsification la prétendue origine décemvirale, a été unanimement saluée comme désespérée et infructueuse : Bonfante (1928) 129-142 ; Id. (1930) 197-207 ; Rabel (1929) 580 s. ; Solazzi (1932) 77-82 ; Id. (1933) 205 ; Berger cit. 608-614 ; Albanese (1949) 301 ; Kaser (1952-2) cit.; Voci (1960) 44-50. La jurisprudence n’a jamais, par la suite, rattaché à une disposition formelle du code le principe de la transmissibilité. C’est la preuve que les XII T. n’ont pas formulé ce principe. Il peut s’agir d’une découverte pontificale antérieure au code (Kaser, cit. 532-535). Mais c’est en s’appuyant sur la règle de la divisibilité de plein droit que ce principe général a fait son entrée dans le code. Le verset 5.9 dépasse donc, en portée, la seule question de la liquidation des dettes de la succession. 2. – La règle de la divisibilité Il est difficile de préciser à quel moment précis le partage de plein droit des obligations a lieu : en particulier lorsque les héritiers décident de rester dans l’indivision. Ou l’on pensera que, pendant le maintien de l’indivision, le partage des obligations est retardé, repoussé jusqu’au résultat du i.f.e. qui met fin au consortium. La responsabilité in solidum de chaque cohéritier pour la totalité des dettes du défunt se maintiendrait jusqu’à la liquidation. Ainsi De Zulueta (1935) 28 ; Levy (1934) 286-287. Ou l’on admettra (ainsi Kaser cit. 539 ; Voci cit. 48-49) que les obligations sont fractionnées dès la mort du défunt, donc dès la naissance du consortium. Chaque coindivisaire agit pour sa part et est poursuivi en fonction de sa quote-part. La solidarité qui unit les cohéritiers pour les choses constituant la familia ne s’étend pas aux obligations. C’est, à nos yeux, l’hypothèse la plus vraisemblable. Les sources répètent à satiété tout ce qui sépare la division des créances et la liquidation de la masse lorsque le consortium prend fin (sources a, b, c). Leurs règles ne sont pas les mêmes. La divisibilité de plein droit des obligations joue comme un correctif immédiat à une indivision destinée à se prolonger. Elle protège les tiers (les créanciers) qui ne peuvent souffrir d’un consortium qui leur est étranger.

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3. – Incidences théoriques sur le concept de succession et d’obligation Deux théories opposées se sont rattachées à l’autorité du verset 5.9. La première (Bonfante cit. ; Solazzi [1933] 204-212) a trouvé dans la transmissibilité des obligations la confirmation de la théorie de l’héritier continuateur de la personne et de la puissance du chef. Mais la seconde pense tenir, avec la transmissibilité, la preuve que la succession archaïque prolonge fondamentalement une communauté familiale. Les enfants, non-distincts du pater sa vie durant, perpétueraient après sa mort les rapports d’obligation créés par ce dernier : Rabel (1930) 318-320 ; Collinet (1932) 249-256. Mais Kaser cit. 522, 527-532, 543 a souligné les faiblesses de ces deux interprétations. Notamment, si la seconde était justifiée, seuls les sui (les seuls pour lesquels l’idée de permanence du groupe pourrait convenir) seraient tenus des dettes et des créances du défunt. Or, ce n’est pas le cas : le principe de la transmissibilité vaut pour tous les héritiers, sui et extranei, descendants du pater et étrangers à son groupe. Il reste certain que la transmissibilité rompt avec le caractère personnel de l’obligation qui eût dû conduire à l’intransmissibilité des rapports obligatoires. La raison de ce hiatus théorique est sans doute due à des préoccupations pratiques. Dans l’intérêt général du crédit, les Pontifes, avant la rédaction du code, ont partiellement rompu avec l’idée d’un lien personnel. Ils ont contraint les héritiers, successeurs aux biens et enrichis par cette succession, d’honorer les dettes de leur auteur. Il reste sûr que les nomina ne font pas partie de l’hereditas (Albanese [1949] 329-335 ; Biondi [1950] 167-169 ; Kaser cit. 535), mais ils sont rattachés à l’hereditas par le lien factice de la loi.

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5. 10 – : G  aius libro septimo ad edictum provinciale D. 10.2.1 pr. : Haec actio (familiae erciscundae) proficiscitur e lege duodecim tabularum.

:L ’action en partage successoral provient de la loi des XII Tables.

Sources complémentaires a) Quintilianus Institutiones Oratoriae 7.3.13 : Opus est aliquando finitione obscurioribus et ignotioribus verbis : quid sit clarigatio, erctum citum. [« La définition est parfois nécessaire pour expliquer des mots un peu obscurs ou mal connus, tels que clarigatio (dénonciation solennelle) ou erctum citum (demande en partage) »]. b) Festus Pauli excerpta, v° Erctum citumque 72 L : Erctum citumque (pour citum quae ?) fit inter consortes, ut in libris legum Romanorum legitur. Erctum a coercendo dictum. Unde et erciscendae et ercisci. Citum autem est vocatum a ciendo. [« La demande en partage se produit entre des indivisaires, comme on le lit dans les recueils de lois romaines. Erctum (partager, diviser) vient de coercere (enserrer, contraindre). D’où les mots (actio familiae) erciscendae (action en partage successoral) et ercisci (partager). Citum vient de ciere (provoquer, demander) »]. Cf. ibid. 97 L : Inercta indivisa [« Les choses non partagées, ce sont des biens indivis »]. c) Cicero De oratore 1.237 : Nec si parvi navigii et magni eadem est in gubernando scientia, idcirco qui quibus verbis erctum cieri oporteat nesciat, idem herciscundae familiae causam agere non possit. [« De ce que la direction d’un petit ou d’un gros navire exige la même science, il ne s’ensuit pas que celui qui ignore la formule requise pour demander le partage sera, pour ce fait, incapable de plaider une affaire de partage successoral »].

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d) Aulus Gellius Noctes Atticae 1.9.12 : Omnes, simul atque a Pythagora in cohortem illam disciplinarum recepti erant, quod quisque familiae, pecuniae habebat, in medium dabat, et coibatur societas inseparabilis, tamquam illud fuit anticum consortium, quod iure atque verbo Romano appellabatur ‘ercto non cito’. [« Dès qu’ils étaient reçus par Pythagore dans la cohorte des disciples, les novices mettaient chacun en commun leur patrimoine ; il se formait une société indivise semblable à l’antique communauté qu’on appelait, dans une formule de droit romain, ‘ercto non cito’ (masse dont le partage n’a pas été demandé) »]. e) Gaius Institutiones 3.154 a-b (= PSI 1182) : (a) Olim enim mortuo patre familias, inter suos heredes quaedam erat legitima simul et naturalis societas, quae appellum’ enim dode ‘erus’ dominus dicitur ; ‘ciere’ au dividere est ; unde ‘caedere’ et secare et dividere dicimus. (b) Alii quoque, qui volebant eandem habere societatem, poterant id consequi apud praetorem certa legis actione. In hac autem societate fratrum ceterorumve, qui ad exemplum fratrum suorum societatem coierint, illud proprium t, quod vel unus ex sociis communem servum manumittendo liberum faciebat et omnibus libertum adquirebat : item unus mmunem manc »]. –  Glossarium Ansileubi (Glossaria Latina I, éd. Lindsay, Paris, 1926, 202): Endoplorato : inplorato. – Pseudo-Philoxenus (Gloss. Labbaei, Götz, Corpus glossariorum latinorum II, 1888, p. 61, 39) : endoplorato ἐπικάλεσον. Plan de la notice : Reconstitution : 1. – La prescription relative au fur nocturnus ; 1. – 1 : sa formulation ; 1. – 2 : la clameur de la victime (endoploratio), commune aux deux hypothèses du vol nocturne et du vol diurne avec défense armée. 2. – L’attribution de 8.12-13 à la table VIII ; 2. – 1 : le commentaire de Gaius ;  2. – 2 : celui de Labéon.  3. – Reconstitution proposée. Commentaire : 1. – Définition de furtum. 2. – Les conditions posées au droit de tuer : 2. – 1 Fur nocturnus. 2. – 2 Luci…si se telo defendit. 2. – 3 Endoplorare : appel au secours, à un tribunal précivique, à des

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témoins. 3. – Iure caesus esto. 4. – L’évolution vers l’idée tardive de légitime défense. 5. – Perspectives comparatives. Reconstitution 1. – La prescription relative au fur nocturnus 1. – 1. Sa formulation – AST doit être restitué à la place de SI (Si im occisit), que donne Macrobe (source a) citant les verba de la loi : ainsi Schöll 107-112. Cette restitution est conforme à la langue archaïque, qui répugne à introduire deux conditionnelles successives par le même si, surtout lorsque la seconde est, comme ici, incluse dans la première. Cf. sur ce type, 5.7 et la loi royale attribuée à Numa (ap. Festus, 260 L, source o). Sur la structure syntaxique du verset avec deux conditionnels, reflet d’une expression archaïque de la pensée, Lotito (2005) 214 : la première proposition exprime une circonstance générale ; la seconde, une circonstance spéciale. Macrobe a certainement emprunté sa citation à Aulu-Gelle, au livre VIII de ses Noctes Atticae (cf. source i) perdu pour la quasi-totalité. – FAXSIT (au lieu de factum sit donné par Macrobe), optatif athématique en -sim, comme OCCISIT. ‘S’il fait’ exprime l’indétermination du sujet, et équivaut à ‘si on vole’ ou ‘si un vol a été fait’. De même pour OCCISIT, ‘Si le voleur est tué’. – NOX : adverbe formé d’un génitif *noctes, ‘de nuit’. Cf.  Ennius, Ann. 431 (= 423 Skutch) ; Plaut. Trin. 864. 1. – 2. Le problème de la clameur de la victime (endoploratio) Parmi les sources, exceptionnellement nombreuses, qui rattachent aux XII T. le droit de tuer le voleur pris en certaines circonstances, il en est deux, deux seulement (sources b et e), qui posent à la légitimité du meurtre une condition : celle de faire appel aux voisins ou endoploratio. Mais alors que Cicéron (source b) mentionne cette condition restrictive uniquement pour le voleur de jour qui résiste avec une arme, Gaius, au contraire (source e), englobe et le vol nocturne et la résistance de jour mais armée sous la même condition (ou précaution) de l’endoploratio. Doit-on, avec Gaius, étendre au fur nocturnus la condition de l’endoploratio ? À quelques notables exceptions près (Mommsen Strafr. 620 ; Wieacker [1944] 134-137 et RRG I, 244 ; Kaser EB2 [1956] 39 n. 18 ; plus récemment, La Rosa [1990] 58 ; Corbino [1993] 257-259 ; De Francesco [2005] 429-430), la doctrine est à peu près unanime à soutenir que le témoignage de Gaius n’est pas authentique et que l’endoploratio n’aurait été prescrite que pour le voleur de jour si is cum telo se defendat. Le

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meurtre du voleur de nuit aurait été admis au contraire sans condition.  Ainsi : Godefroy 84 (le témoignage de Gaius serait défiguré par un tribonianisme évident) ; Cujas Observ. 14, c. 15, après avoir, dans un premier temps (ibid. 11, c. 27), défendu l’authenticité de Gaius ; Dirksen 528 : l’adjonction de l’appel à témoins pour le fur nocturnus émanerait de Gaius lui-même ; Schöll 144-145 ; Ferrini (1902) 78 ; Hitzig (1910) 391 ; Berger (1935) 381-397 ; Luzzatto (1934) 168-171 ; Id. (1946) 163164 ; Id. (1956) 53-54 ; Bohaček (1953) 171-172 ; Guarino (1994) 183 ; Magdelain (1995) 85-86. Mais les arguments invoqués contre l’assertion de Gaius sont faibles. 1. – 2. – 1. Il est ainsi inexact d’affirmer que ‘tous les textes’ (e.g. Magdelain cit. 85-86) poseraient la condition de l’endoplorare pour le seul vol de jour aggravé (cum telo), alors qu’un seul (par conséquent suspect : il s’agit de Gaius) établirait cette condition pour le vol nocturne. En réalité, le témoignage de Cicéron pour le vol de jour aggravé est aussi isolé que celui de Gaius pour le vol de nuit (et de jour aggravé). L’exigence de l’endoplorare pour le vol de jour – qu’il n’est pas question de mettre en doute – ne se retrouve ni chez Cicéron lui-même (source c), ni chez ses utilisateurs (Quintilien, Sénèque – source d - ; Augustin – source m - ), ni chez Aulu-Gelle (sources h et j), ni chez les juristes autres que Gaius (source e) : ainsi, elle n’est pas reprise ni confirmée par Gaius lui-même (source f), ni par Ulpien ou Paul (utilisés par la Collatio, source l), ni par les Institutes de Justinien (source n). On doit donc constater que le rite de l’endoplorare est plongé dans un isolement complet, qu’il soit attribué au vol nocturne (par Gaius) ou au vol de jour aggravé (par Cicéron et par Gaius). Il est vain de jouer Cicéron contre Gaius, afin de ruiner le témoignage de ce dernier. 1. – 2. – 2. Il est tout aussi inexact d’affirmer (comme on le fait depuis Godefroy 84) que le droit de tuer le voleur nocturne aurait été posé par la loi ‘sans condition’ : quoquo modo (Cicéron, source c ; Augustin, source m) ou omni modo (Ulpien, source l), sous-entendu à la différence du droit de tuer le jour (qui aurait été subordonné à la condition de l’endoploratio, d’un appel à témoins). Car ces précisions ‘de toute manière’ ou ‘en toute hypothèse’ ont pour objet, dans leur contexte, d’opposer le meurtre diurne, excusable uniquement lorsque le coupable a opposé une résistance armée, au vol nocturne qui ignore cette condition de légitimité : tuer le voleur nocturne est permis ‘en toute hypothèse’. Il n’est jamais question, dans ces passages, d’opposer le meurtre avec endoploratio au meurtre sans endoploratio. 1. – 2. – 3. Restent les soupçons d’interpolation ou de gloses parasites dont le fragment de Gaius (source e) porte le fardeau depuis Godefroy : v. notam. Riccobono, in FIRA I2 qui englobe dans la même condamna-

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tion les deux précisions ut tamen cum clamore testificetur et les élimine. En revanche, pour Ferrini, Berger, Luzzatto, Bohaček, Magdelain, la condition de la clameur ne serait apocryphe que pour le vol nocturne. Mais les arguments de forme sont évanescents : la répétition ut tamen… est commandée en réalité par la symétrie des hypothèses (vol de nuit, vol de jour et défense cum telo) que les XII T. avaient certainement distinguées mais juxtaposées. Quant aux arguments de fond, ils sont inconsistants : pourquoi Justinien ou un glossateur post-classique aurait-il introduit la condition relative à l’endoploratio pour le voleur nocturne, alors que nulle part, dans les œuvres tardives (Collatio, Digeste, Institutes), cette restriction n’apparaît ? Il est donc difficile de dénoncer une altération tardive (ainsi Berger [1935] 396-397) inspirée du souci de restreindrel’exécution privée sur le voleur, surtout dans un fragment qui, comme c’est le cas pour Gaius, source e, a conservé au contraire les signes les plus incontestables de la conception archaïque du droit de tuer (cf. infra Commentaire, 4. -). Nous pensons donc que, dans les deux cas où la loi permet le meurtre du voleur, à savoir la nuit ou lorsque le voleur se défend avec une arme, les XII T. ont prescrit une condition identique, celle d’ENDO PLORARE, d’‘ameuter’ les voisins (cf. infra sur le sens de ce terme, discuté). Par les mots ENDO PLORATO (ou ENDOQVE PLORATO : Festus, source o) était posée cette exigence, à défaut de laquelle la victime du vol, auteur du meurtre, risquait d’être accusée d’homicide. 2. – L’attribution de 8.12-13 et s. à la Table VIII  Le choix de placer dans la Table VIII l’ensemble des versets relatifs au vol (8.12 à 8.17) n’est fondé que sur la logique (des Modernes) soucieuse de maintenir groupés les divers délits. Préoccupation peutêtre futile, mais nous ne voyons pas d’argument solide contre cette attribution conventionnelle. Certes, depuis Godefroy 83, les partisans d’une autre localisation n’ont pas manqué, favorables à l’attribution à la Table I ou à la Table II, avec les arguments suivants : 2. – 1. Le commentaire de Gaius à la loi des XII T. aurait, par deux fois, traité du furtum dans son livre premier, présumé relatif aux Tables I et II, preuve incontestable que le furtum avait globalement trouvé place dans l’une ou l’autre des deux premières tables du code. Mais cet argument est, pour partie, inconsistant et, pour partie, non déterminant. 2. – 1. – 1. Le délit d’arbores furtim caesae que Gaius évoque effectivement au livre 1 de son commentaire ad XII T. (D. 47.7.2) et dans lequel on crut (de Godefroy à Mommsen Strafr. 772 s., suivi par Huvelin [1915] 16-32, 61 s., Santalucia [1988-2] 447, Corbino [1993] 247-248) trouver un type de vol, n’a, en réalité, probablement rien à voir avec le furtum.

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L’assimilation avec le vol est le fruit d’un contresens sur le mot furtim (cf. 8.11 et Albanese [1953] 12 s.) Mais une question demeure. Pourquoi le délit de destruction volontaire des arbres d’autrui a-t-il trouvé place dans une table consacrée à l’organisation du procès ? Ce peut être, nous l’avons suggéré, parce qu’il constituait un cas particulièrement instructif de cumul d’actions : cumul de l’action de arboribus succisis, de l’a. furti (car la destruction des récoltes peut éventuellement, bien que non nécessairement, entrer dans la qualification d’un vol) et probablement d’autres actions réprimant le dommage aux biens d’autrui (cf.  8.5). Il n’est pas question de vol dans tout cela. 2. – 1. – 2. La deuxième preuve que Gaius aurait traité du furtum au début de son commentaire est fournie par l’explication qu’il donne de telum, placée également au livre 1 ad XII T. Godefroy eut l’idée de rapprocher la glose sur telum du meurtre du voleur qui cum telo se defendit : il attribua, de la sorte, l’ensemble du furtum à la table I ou II. Mais si ce rapprochement est possible, il ne s’impose pas. Telum, en effet, apparaît dans les XII T. au moins à deux occasions : à propos du vol (circonstance aggravante du vol de jour : 8.13), mais aussi pour qualifier le meurtre involontaire (si telum magis fugit quam iecit : 8.24), par opposition à la définition (non conservée) de l’assassinat. La lex Cornelia, à la suite des XII T., continua à s’aider de telum pour qualifier le meurtre prémédité. Les quatre définitions conservées par les sources juridiques du mot telum se répartissent entre ces deux thèmes. La première, que Gaius a donnée dans son commentaire aux XII T. (D. 50.16.233.2 – source g –), ne nous informe pas si elle concernait le furtum ou l’homicide (parricidium) ; la seconde, due aussi à Gaius (D. 47.2.55 (54).2 – source f –) concerne le furtum décemviral. La troisième (Paul. Sent.5.23.7, source l) est relative au meurtre (lex Cornelia de sicariis). Il en est de même pour la quatrième (Inst. 4.18.5 ; source n), pour laquelle Justinien se borna à recopier exactement (en citant sa source) la définition que Gaius avait donnée dans un contexte non précisable, au livre 1 ad XII T. À quel verset décemviral Gaius avaitil destiné sa définition du telum et dont s’est inspiré Justinien ? On l’ignore : ce pouvait être pour éclairer le furtum tout autant que le meurtre. Mais la récupération explicite, par Justinien, de cette définition pour qualifier l’homicide fait pencher la balance plutôt en faveur du parricidium que du furtum. Quoi qu’il en soit, arme d’un meurtre volontaire ou involontaire, ou circonstance aggravante d’un vol accompli de jour, il faut expliquer la présence du mot telum dans la table I ou II. Ici encore, on peut se demander si l’impact processuel de la qualification d’un délit, susceptible de poser au début du procès de graves difficultés dans le choix de l’action, voire de la procédure, ne suffit pas à expliquer pourquoi les violences physiques accomplies cum telo auraient figuré dans la table I

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(ou II). Le meurtre ou la blessure faite cum telo ouvre à la victime un grand choix d’actions. Si le meurtre est volontaire, le crime est public. S’il est involontaire, l’auteur se soumet à un sacrifice expiatoire. Si l’attentat a blessé, la victime dispose d’actions privées pour obtenir le talion ou une poena. Si le meurtre est légitime (cas du voleur qui se défend avec une arme, par ex.), il n’y a pas d’action. On le voit : l’usage d’un telum se révèle, selon les cas, suspensif d’action ou, au contraire, source d’une pluralité d’actions ou de procédures. La partie initiale du code, consacrée au déroulement de l’instance (et non aux actions, car c’est l’objet du code en son entier !), a voulu démêler cet écheveau. Il n’est pas nécessaire de lier telum et furtum. Il n’y a rien à en tirer pour insérer l’ensemble du furtum dans l’une des deux premières tables. 2. – 2. Au premier argument tiré de telum, Godefroy 163 en ajoutait un second. Gell. (source k) précise que Labéon traitait du furtum au livre 2 de son commentaire aux XII T. D’où la déduction audacieuse de Godefroy : on aurait là la preuve que Labéon avait consacré un livre à chaque table ! Dans la mesure où l’on ignore tout des dimensions de ce commentaire, il n’y a rien à tirer de l’indication d’Aulu-Gelle. Tout ce que l’on sait, c’est que cet ouvrage devait comporter au moins trois livres (cf.  Gell. 20.1). Il pouvait y en avoir plus, mais combien ? Nous ne suivrons pas la démarche tout aussi fragile de Wieacker RRG I, 290 n.  21, qui réduit à trois les livres du commentaire de Labéon, dans la conviction que son livre II, traitant du furtum, devait nécessairement correspondre à la table VIII qui aurait traité du vol. Convenons-en : rien ne prouve que le furtum se trouvait dans la T. VIII. Mais aucun motif scientifique ne permet de détacher le vol de la ‘Table des délits’. Le plan conventionnel, uniquement parce qu’il est devenu un langage commun, mérite d’être conservé. 3. – Reconstitution proposée 8. 12 : SI NOX FVRTVM FAXSIT IM OCCISIT endoque plorato, IVRE CAESVS ESTO. 8. 13 : LVCI, SI SE TELO DEFENDIT ENDOQVE PLORATO, iure caesus esto. Commentaire 1. – La définition de ‘furtum’ Furtum, de ferre, ‘emporter’, ne s’applique primitivement qu’aux meubles : Niederländer (1950) 253 ; Albanese (1953) 11-13 ; Kaser EB2 36 (souligne la proximité du furtum et de la vindicatio). Dès les XII T. coexistent le sens abstrait (furtum = vol) : ainsi furtum facere (8.12 ; 12.2 a), et l’emploi de furtum au sens concret de ‘chose volée’ (8.15 :

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concipere furtum, ‘découvrir l’objet volé’ ; furtum oblatum, ‘chose volée confiée à un tiers’…). Pour furtum manifestum, nec manifestum, c’est le sens concret qui prédomine sans doute encore : la chose est saisie en même temps que le voleur ; puis on passera à l’idée de vol flagrant ou non flagrant. Si la soustraction de la chose d’autrui est fondamentale (Kaser AJ 219) la clandestinité de la soustraction n’est pas un élément originellement constitutif du délit : la dépossession violente entre dans la notion de vol : Albanese (1953) 1-42, contre Huvelin (1915) 51-96 (qui englobe dans la notion décemvirale du furtum les malversations du tuteur, la non-restitution du dépôt et tout délit contre la chose d’autrui) et Niederländer (1950) 186-188, 216-218. L’élément subjectif du vol est encore inconnu (contra Perrin [1951] : à preuve, l’action de vol (a. furti concepti) ouverte contre le tiers détenteur ou possesseur de bonne foi de la chose volée. Sur l’élargissement progressif du concept de furtum, Albanese (1953 et 1957). Sur le furtum en général, bibliographie (non critique) de tout ce qui a été publié depuis le XVIIe s. dans Fenocchio (2008) 2-7. 2. – Les conditions posées au droit de tuer La loi reconnaît à la victime un droit (ius constitutum est, selon l’analyse exacte de Cicéron, source b, § 52), celui de mettre à mort le voleur. L’interprétation de la norme est quasiment unanime sur ce point : XII Tabulae interfici impune voluerunt (Cic., source c) ; lex occidi iubet (Sen., source d) ; lex occidere permittit (Gai., sources e et f ; Gell., source h) ; lex ius occidendi tribuit (Gell., source j). Il est fort probable que l’interprétation d’Aulu-Gelle – de même que celle de Gaius, sabinien – proviennent du traité de furtis de Masurius Sabinus (cf. Dirksen [1852] 43). En revanche, on expliquera par les besoins de la cause à défendre la présentation très déformante que donne Cicéron au Pro Tullio (source b, § 50) : occidi vetant XII Tabulae…nisi... (mais cf. ibid., § 47 : lex permittit ut furem … liceat occidere). La loi a donc reconnu à la victime le pouvoir de tuer. Mais elle l’a entouré d’un certain nombre de précautions. 2. – 1. Fur nocturnus. Première hypothèse : le voleur doit avoir été surpris la nuit. Il s’agit certainement d’un vol avec effraction, qui viole l’intégrité de la domus : ainsi Wieacker (1944) 164 ; Bohaček (1953) 171 ; Magdelain (1995) 86. Les sources vont en ce sens : Cic. (source b, § 48 : num furatum domum P. Fabi noctu venerunt ?) ; Sen.  (source d, contexte) ; Collatio (source l, I.1, dans le parallèle établi entre la loi de Moïse et la loi des XII T. : si perfodiens nocte parietem inventus fuerit fur). Ce type de vol par intrusion permet de le distinguer du vol nocturne ‘ouvert’, qu’il s’agisse de récoltes (8.9) ou de bétail (avec perquisition particulière : lance et licio : 8.15).

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2. – 2. Luci…si se telo defendit. Pris sur le fait en plein jour, le voleur ne peut être mis à mort que s’il résiste à son arrestation au moyen d’une arme. Il ne s’agit pas, pour la victime, d’une légitime défense contre une agression à main armée. Il n’est pas question de ‘vol à main armée’ (ainsi cependant Huvelin [1915] 22). La loi a en vue l’élimination de celui qui, du fait de sa résistance armée, fait obstacle à la sanction judiciaire du flagrant délit (procédure expéditive, simplifiée à l’extrême – cf. 8.14 – qui débouche sur l’addictio et probablement la mise à mort du voleur) : ainsi, exactement Bohaček (1953) 148-149, 167. La procédure de la flagrance (furtum manifestum) ne peut en effet fonctionner que si le voleur a été saisi et immobilisé (Ulp., D. 47.2.7.1 : deprehensione fieri manifestum furem), afin d’être produit devant le magistrat. V. encore Arangio-Ruiz (1932) 376 ; Carrelli (1939-2) 116-117. On le voit, la loi, expéditive, soumet immédiatement au sort du fur manifestus (qui peut être mis à mort après l’addictio) le voleur qui, par sa résistance armée, a tenté d’échapper au sort du fur manifestus. Mais même lorsque la défense armée n’a pas empêché l’arrestation, le pouvoir de tuer reste entier : ainsi Gaius, source e (interdiu deprehensum permittit (lex) occidere…). C’est donc sur un voleur immobilisé et arrêté, qu’il eût été possible de traîner devant le magistrat, que la victime exerce, dans ce cas, la permissio occidendi. Cf.  Wieacker (1944) 158 ; Niederländer (1950) 218-219. L’idée, défendue notamment par Mommsen Strafr. 620 d’un droit de tuer justifié par le péril où s’est trouvé le volé (la nuit ; utilisation, de jour, d’une arme) ne semble pas rendre compte du droit décemviral. La présomption absolue d’un danger de mort est infirmée par le droit de tuer le voleur déjà deprehensus. Mais il est certain que les deux hypothèses de mise à mort légitime constituent les cas les plus redoutables, ceux pour lesquels la loi maintient intact un pouvoir de tuer primitivement sans limite. Voir infra pour l’idée de légitime défense et de meurtre excusable. 2. – 3. Endoplorare. Le terme, forme archaïque d’implorare, exprime les cris d’appel de la victime. Mais à qui et pour quoi ? Appel à la rescousse pour se défendre ? Pour juger ? Pour témoigner ? 2. – 3. – 1. Un appel à la raison du voleur ? Pour Guarino (1994) 180-183, il s’agirait d’une invocation ou d’une supplication (à finalité religieuse ?) que le volé adresserait au voleur, l’implorant de ne pas persister dans sa résistance violente. À défaut de ce rituel, le volé risquerait l’accusation d’homicide volontaire. On retrouverait le même rituel, préalable à l’élimination du puer (sacer) auteur de violences contre le parens (supra, source o). Dans le même sens, Pepe (2004) 47-50. Mais rien n’indique que le voleur (pas plus que le puer) serait le destinataire de cette forme bien surprenante de courtoisie : les commentateurs anciens

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de l’endoplorato l’excluent. L’idée d’un rituel magique (Pelloso (2008) 144 s.), facile et dépourvue d’arguments, ne résout rien. 2. – 3. – 2. Un appel au secours adressé aux parents et aux voisins, lancé par la victime en détresse, a été défendu par Wieacker (1944) 143-145, à l’aide de rapprochements avec des usages germaniques. L’endoploratio serait une clameur (Gerüft), un appel à renfort pour éliminer l’individu qui, par son agression, s’est lui-même placé hors la loi (Friedelos). Selon cette analyse, partagée par Broggini (1957) 34-35, les voisins accourus sont les auteurs et les témoins de la mise à mort. 2. – 3. – 3. Luzzatto (1934) 162-169 ; Id. (1946) 158-164 ; Id. (1956) 53-54 et n.  39 a donné à endoplorare une tout autre nature. Par ses appels, la victime réunit un véritable tribunal : mais cet organe d’une justice collective privée fonctionne sans magistrat. Les voisins et proches sont les instruments de cet ‘Urprozeß’, acte processuel indispensable pour conférer la légitimité à la sentence de mort. Ces juges sont les arbitri auxquels Cicéron fait encore référence (source b, § 51 : testes et arbitri). L’objection contre Wieacker est sérieuse : lorsque l’endoploratio est postérieure à la mise à mort (ainsi la nuit – Luzzatto [1934] 168-169 ; Kaser-Hackl RZPR 27 n. 14, 120 n. 44 – ou le jour quand la résistance armée a déclenché une réaction immédiate), il ne peut s’agir d’un appel au secours, mais uniquement d’un ‘jugement’ établissant après-coup la légitimité du meurtre. Mais il reste une objection : si tribunal il y a, il est éminemment partiel, donc partial. Endo plorato et non endo ploranto. Curieuse définition d’un tribunal qui ignorerait l’une des parties… 2. – 3. – 4. Bohaček (1953) a soulevé des critiques décisives contre ces deux dernières explications. Selon la Friedelosigkeit, le droit de tuer le voleur devrait appartenir à tout membre du groupe, donc ‘au premier venu’. Or tout laisse à penser que seule la victime (ou ses renforts) peuvent tuer le voleur (ainsi Bohaček, 164-165, suivi par Luzzatto [1956] 54 n. 28). En réalité, les voisins ont vocation à remplacer (et non à devancer, voire à écarter) la justice civique, lorsque le voleur, par son comportement, a rendu inopérantes les règles processuelles. L’arrestation du voleur, condition nécessaire pour la sanction processuelle simplifiée du furtum manifestum, est impossible (ou particulièrement difficile) la nuit ou lorsque le voleur se défend avec une arme et entrave la deprehensio qui devrait le conduire devant le magistrat. L’intervention du magistrat devenue impossible, les voisins ou les proches en tiendront lieu. Ces derniers deviennent alors testes et arbitri, les témoins et les juges du forfait. Ils reçoivent de la loi la mission de constater que l’exécution se déroule en conformité avec la loi – ou qu’elle s’est déroulée en conformité avec la loi si, comme cela devait être le plus fréquent, les proches arrivaient sur les lieux après la mise à mort (mais

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avant le lever du jour : cf. la loi de Moïse citée par la Collatio, source l, I.2) pour confirmer la régularité de l’exécution. 3. – IVRE CAESUS ESTO La loi a posé les conditions de la mort ‘juste’, au sens de légitime ou de conforme au droit : la nuit ; la défense armée ; l’appel, dans l’un et l’autre cas, à l’assistance des proches de la victime. Au terme d’une conversion dont elle est coutumière, la loi décide d’intégrer dans le droit un acte qui, en réalité, n’a relevé que de la justice privée. La loi décide que la mise à mort aura valeur de ius : soit qu’elle aura la même valeur que l’exécution prononcée au terme d’un jugement, ‘comme s’il y avait eu jugement’, en donnant à ius le sens technique de jugement, sur le modèle de XII T. 5.3 et de 6.1 (ITA IVS ESTO) ; soit qu’elle aura la même pureté rituelle (sens encore de ius : ainsi Wieacker [1984] 3110-3111) que l’addictio du fur manifestus, prononcée par le magistrat dans un acte qui relève de sa iurisdictio (cf.  8.14). C’est avec la même valeur que le père d’Horace déclara (Liv. 1.26.9) que, selon son autorité domestique, son fils avait tué sa propre sœur conformément au droit (se filiam iure caesam iudicare). En déclarant légitime l’exécution, la loi assure en outre à la victime du vol qu’elle ne tombera pas sous le coup d’une accusation de meurtre. On écartera ainsi les diverses tentatives proposées jusqu’ici pour rendre la signification de l’absolution législative IVRE CAESVS ESTO : 1) avec une valeur faible, celle de ‘légitimement’, car ce sens est incapable de restituer aux verba de la loi leur puissante portée juridique. Ainsi Gioffredi (1970) 67 ; Manfredini (1977) 39 (‘conforme aux principes de justice’) ; Pόlay (1986) 73 (‘l’acte ne sera pas qualifié d’iniuria’) ; Cantarella (1991) 274. 2) dans un sens toujours imprécis et non technique de ius, destiné à faire entrer le meurtre dans le cadre d’un meurtre légitime (légitime défense) : Mommsen Strafr. 620 n. 6 ; Arangio-Ruiz (1932) 375 ; Luzzatto (1946) 163. 3) La tentative de Serrao (1974) 12 s. pour replacer l’expression de la loi dans un contexte de tension entre la lex patricio-plébéienne et le ius (qui serait ‘patricien’) ne peut se prévaloir ni d’arguments textuels ni de preuve historique. De fait, il n’y a pas de conflit entre le ius et la lex. La loi (des XII T.) s’affirme source exclusive du ius et décide, en 8.12, d’intégrer dans le ius le meurtre autorisé. Après Serrao, Gagliardi (1999) 436-437 : la loi n’aurait pas eu la force de décider la légitimité d’un homicide et ‘aurait dû recourir de façon fictive (?) au ius pour y parvenir’. 4) On écartera également l’interprétation de Nicosia (1980) 76 : ‘qu’il soit tué conformément aux formes établies’. Par sa redondance,

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la formule n’a guère de sens. Si la loi fixe au meurtre du voleur des conditions de temps, de lieu et d’action, c’est pour qu’elles soient respectées. Dans le même sens, Albanese (1987) 76 n.  7 : ‘conformément à ce qui a été approuvé par la loi’. 5) Il nous paraît également impossible de suivre l’interprétation de Magdelain (1995) 85-86, qui, tout différemment, surcharge l’expression décemvirale d’un contenu difficile et comprend si im occisit iure caesus esto au sens de ‘s’il le tue, qu’il le tue par une formule rituelle’. La victime, pour que l’exécution ne fût pas dénoncée comme meurtre, aurait dû prononcer la formule ‘sacer esto’, ce qui aurait eu pour effet (et pour objet) d’assimiler à un jugement la déclaration ‘sacer esto’ et l’élimination de l’être maudit. Mais l’hypothèse est infondée, doublement. Rien dans l’élimination immédiate du voleur nocturne ou diurne armé d’un telum ne permet (en dépit de Lovisi [1999] 38-39, 58-60) un rapprochement avec le statut du sacer : Wieacker (1944) 167 ; Bohaček (1953) 164-165 ; Luzzatto (1956) 53 n. 39. En second lieu, la caractéristique de la sacratio est de soustraire l’élimination de l’être maudit à la condition d’un jugement préalable. Affirmer que le voleur doit être préalablement déclaré sacer pour que son élimination puisse alors être considérée comme l’exécution d’un jugement est logiquement impossible. Si le voleur surpris la nuit peut être exécuté ‘comme s’il y avait eu un jugement’, sens décemviral de iure, ou de ita ius esto, c’est précisément parce que dans ce cas (comme dans ceux où apparaît la formule i.i.e.) il n’y a pas de jugement. Cf. Kaser AJ 12-13 ; Niederländer (1950) 215. 4. – L’évolution vers l’idée tardive de légitime défense Les XII T. ont reconnu à la victime le droit de tuer, alors même que sa vie n’est pas en danger ou que le voleur a été immobilisé (meurtre du voleur de jour et armé, mais deprehensus). Il n’y a aucune idée de meurtre par autoprotection dans cette conception primitive : cf. Brunnenmeister (1887) 142. Mais les interprètes modernes sont divisés. Pour les uns, on doit parler d’un véritable droit de mettre à mort, qui se substitue à la justice publique, entravée du fait du comportement du voleur. Il n’y a aucune idée de légitime défense. Ainsi : Pernice (1895) 73-78 ; De Visscher (1922) 442 s.; Luzzatto (1934) 161-164 ; Wieacker (1944) 169 s. ; Bohaček (1953) 171 ; Albanese (1988-2) 154 ; Humbert (1991) 174 et n. 1  (= 323 n. 141) ; Cantarella (1991) 334 s. ; Magdelain (1995) 85 s. ; Talamanca (2008) 50-51, 76. Pour les autres, on est en présence d’une excuse légale, d’une justification qui, du fait du danger où se trouve la victime, décriminalise un meurtre perpétré par un particulier (comme dans les cas de légitime défense). La victime du vol ne dispose pas d’un droit de tuer, mais bénéficie d’une excuse légale dans la condition précise de la dangerosité

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particulière du voleur. Ainsi : Rein (1844) 298 ; Mommsen Strafr. 620 ; Arangio-Ruiz (1932) 375 ; Aru (1936) 128 s. ; Carrelli (1939-2) 120 ; Luzzatto (1946) 163 ; 375 ; Corbino (1993) 252-253 ; Manfredini (1996) 510. À l’appui de l’une et de l’autre interprétation, on peut invoquer la même autorité, Cicéron. Lorsqu’il se charge de défendre Tullius, l’orateur soutient la thèse de l’excuse légale exceptionnelle (lex quae permittit ut…liceat) : une simple tolérance encadrée de conditions strictes (telo defendere, nox, endoplorato). On est dans le cadre de l’excuse légale, proche de la légitime défense. Mais lorsqu’il défend Milon (accusé d’un meurtre), il invoque au contraire le ius occidendi, fondé tant sur la loi (lex constituit) que sur la nature. Même divergence chez les autres auteurs anciens. Le meurtre est analysé tantôt comme une permission (excuse légale : Gell. 11.18.7 – source h – ; Gaius, D. 9.2.4.1 – source e – ; Coll. – source l – : pour les deux hypothèses de luci cum telo et de nox ; occidere licere, simple excuse, pour Quint. inst. 5.10.88 – source c – pour l’hypothèse du fur nocturnus), tantôt comme l’exercice d’un droit (ius occidendi : Gell. 20.1.7 – source i – ; Sen.  contr. 10.6.2 (lex iubet) – source d –) : une exécution capitale infligée directement par la victime dans l’hypothèse du vol de nuit ; v. ici Pepe (2004) 16-18 et, sur le droit d’Athènes (légitime défense uniquement), ibid. 20-30. En réalité : la thèse qui attribue à la victime le rôle d’assurer l’exécution de la peine aux lieu et place de la cité n’est pas fondée. Mais la thèse qui voudrait que l’on fût en présence d’un acte d’autodéfense, d’un meurtre excusable, ne répond pas à toutes les questions. Selon nous, uniquement quand le fonctionnement normal de la justice a été rendu impossible par le comportement du coupable, le meurtre est admis : mais non comme une excuse légale, ou comme un acte d’autoprotection ou un geste de vengeance pardonnable, mais, beaucoup plus fortement, en tant que meurtre intégré dans l’ordre juridique et processuel. Le meurtre, occisio, reçoit, de par la loi, la même consécration que si la mort émanait d’une décision publique au terme d’un procès régulier. Le meurtre est accompli IVRE. La loi ne proclame pas une dispense de peine, comme dans le cas du ‘paricidas nec esto’. Sa formulation a une valeur autrement plus forte, puisqu’elle hisse la mise à mort décidée par la victime au niveau d’une sanction relevant du pouvoir du magistrat. Mais dire que la loi confie ainsi un acte de justice publique à la victime relève d’une conception certainement étrangère à la mentalité décemvirale. Avec le temps, on passera du droit de tuer à l’idée d’un meurtre excusable dans la mesure seulement où la vie du volé a été mise en danger ou lorsque le voleur, en résistant, rend son arrestation impossible ou périlleuse. Comme l’a démontré Wolff (1949) 67-68, 85-86, cinq degrés au moins sont perceptibles dans cette évolution. 1) Gaius (source e ou f) a maintenu la tradition décemvirale ; 2) mais Pomponius (ap. Ulpien,

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dans la version de la Collatio, source l, – lex ne peut, par le sens, se référer qu’aux XII T.) doute de la permanence de cette conception ; 3) Ulpien, avant les remaniements qui ont déformé sa position (transmise par la Collatio : cf. Wolff cit.), a certainement conservé pour le fur nocturnus le droit inconditionnel de tuer, mais limité le pouvoir de tuer, en cas de vol de jour avec défense armée , au cas de nécessité (si, cum posset adprehendere, maluit occidere, magis est, ut iniuria fecisse videatur) ; 4) la Collatio étend cette limite au fur nocturnus (texte transmis en l’état, source l) ; 5) Justinien, par une série de remaniements (cf. le fragment d’Ulpien transmis par la Collatio et le même fragment tel qu’il figure au D. 9.2.5 pr. ; Ulp., 37 ed. D. 48.8.9 a certainement été remanié – en dépit de Longo [1970] 322-323 -) a supprimé toute référence à la tradition décemvirale ; il assimile le jour et la nuit et ne tolère plus la mise à mort que si elle est justifiée par une crainte vitale de la victime : si quis noctu furem occiderit (Ulpien, transmis par la Collatio) est remplacé par si metu quis mortis furem occiderit (Ulp., D. 9.2.5 pr.). Sur cette évolution, v. encore Pernice (1895) 78-81 ; Berger (1935) 391-394 ; Wieacker (1944) 137-142 ; 171-174 ; Luzzatto (1946) 163-164 ; Bohaček (1953) 149-150 ; Longo (1970) 322-326. 5. – Perspectives comparatives Le Proche-Orient (Sumer, Akkad, Hébreux), l’Égypte, la Grèce, les Germains offrent de multiples parallèles : Schulze (1918) 160-189 ; Latte (1931-2) 39 n. 1, 130 (= 259, 269-270) ; Luzzatto (1934) 155-156, 162-166 ; Wieacker (1944) 146-158, 166-174) ; Niederländer (1950) 222225 ; Kaufmann (1979) 329-366 ; Bain (1981) 169-171 ; Szlechter (1954) 116.  Étude comparative exemplaire entre le droit d’Athènes et celui des XII T., par Pepe (2004), qui laisse de côté, à juste titre, la question d’une influence possible. Simple juxtaposition, en revanche, des droits grec et égyptien et des XII T., par Pelloso (2008). L’origine solonienne de la loi que Démosthène attribue à Solon et qui permet de tuer le voleur surpris la nuit ou de le blesser s’il s’enfuit, a été rejetée par Ruschenbusch (1966) 76.

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8. 14 – : Aulus Gellius Noctes Atticae 11.18.8 : Ex ceteris autem manifestis furibus liberos verberari addicique iusserunt ei, cui furtum factum esset, si modo id luci fecissent neque se telo defendissent ; servos item furti manifesti prensos verberibus adfici et e saxo praecipitari, sed pueros inpuberes praetoris arbitratu verberari voluerunt noxiamque ab his factam sarciri.

: Mais pour les autres voleurs pris sur le fait, ils (les décemvirs) prescrivirent que les hommes libres fussent frappés de verges et remis à celui qui avait subi le vol, si, toutefois ils avaient agi de jour et ne s’étaient pas défendu avec une arme ; que les esclaves, pris de même en flagrant délit de vol, subissent les verges et soient précipités du haut de la roche (Tarpéienne) ; mais que les impubères fussent frappés de verges à la discrétion du préteur et que le dommage causé par leur fait fût réparé.

Sources principales a) Gaius Institutiones 3.189 : Poena manifesti furti ex lege XII tabularum capitalis erat. Nam liber verberatus addicebatur ei, cui furtum fecerat ; utrum autem servus efficeretur ex addictione, an adiudicati loco constitueretur, veteres quaerebant. In eum aque verberat a postea inprobata est asperitas poenae et tam ex servi persona quam ex liberi quadrupli actio praetoris edicto constituta est. [« Le vol flagrant était frappé par la loi des XII T. d’une peine capitale. En effet, l’homme libre, frappé de verges, était livré à celui qui avait subi le vol ; mais, sur la question de savoir s’il devenait esclave du fait de cette décision ou s’il prenait la place d’un individu condamné par un jugement, les juristes anciens se divisaient. L’esclave également, frappé de verges, subissait le supplice. Mais par la suite, la rigueur du châtiment fut réprouvée et l’édit du préteur créa une action au quadruple tant contre la personne de l’esclave que contre celle d’un homme libre »]. b) Gai. 4.111 : Furti quoque manifesti actio, quamvis ex ipsius praetoris iurisdictione proficiscatur, perpetuo datur ; et merito, cum pro capitali poena

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pecuniaria constituta sit. [« C’est vrai aussi de l’action de vol flagrant qui, quoique tirant son origine de l’édit du préteur, est accordée sans limitation de durée. Et c’est justifié : la peine pécuniaire a été établie à la place de la peine capitale »]. c) Gell. 20.1.7 : Dure autem scriptum esse in istis legibus quid existimari potest ? Nisi duram esse legem putas […] quae furem manifestum ei, cui furtum factum est, in servitutem tradit, nocturnum autem furem ius occidendi tribuit. [« Que pourrait-on trouver qui soit écrit avec dureté dans ces lois (= XII T.) ?... À moins que tu ne juges dure cette loi qui livre comme esclave à celui qui a subi le vol le voleur pris sur le fait, ou qui accorde le droit de tuer le voleur pris la nuit ? »]. d) Gell. 11.18.10 : Sed nunc a lege illa decemvirali discessum est. Nam si qui super manifesto furto iure et ordine experiri velit, actio in quadruplum datur. [« Mais aujourd’hui, on s’est écarté de cette loi décemvirale. Et si quelqu’un veut faire valoir son droit pour un vol flagrant et agir selon le droit en saisissant les tribunaux, il lui est accordé une action au quadruple »]. e) Gell. 6 (7).15.1 : Labeo in libro ‘de duodecim tabulis’ secundo acria et severa iudicia de furtis habita esse apud veteres scripsit […]. [« Labéon, au livre II de son Commentaire aux XII T., a écrit que, chez les Anciens, les jugements prononcés en matière de vol étaient pleins de sévérité cruelle »].  f) Théophile Paraphrase aux Institutes de Justinien 4.12 pr., (ed. Lokin et alii (2010) 888) : Ἀλλ’ ἔχει τις εἰπεῖν· καίτοι ἡ FURTI ἀγωγὴ ἔγνωσται τῷ δυοδεκαδέλτῳ· πῶς οὖν PRAETORIAN αὐτὴν καλεῖς ; ἀλλ’ ἡ ἀπολογία αὕτη ἐστίν· ὁ δυοδεκάδελτος ἐπινοήσας τὴν FURTI κεφαλικὴν κατὰ τοῦ κλέπτου ὥρισε τιμωρίαν, ὁ δὲ PRAETOR χρηματικήν. ἐπειδὴ οὖν διὰ τὴν τραχύτητα ἡ τοῦ δυοδεκαδέλτου κατεφρονήθη νομοθεσία, πολιτεύεται δὲ ἡ τοῦ PRAETOROS (δίκαιον γὰρ ἦν τὸν εἰς χρήματα ἀδικήσαντα εἰς χρήματα τιμωρηθῆναι), διὰ τοῦτο PRAETORIAN αὐτὴν καλοῦμεν. PERPETUA δὲ γέγονε διὰ τοῦτο· ἄτοπον ἐνόμισεν ὁ PRAETOR διὰ πάντων συντρέχειν τοῖς κλέπταις, τὴν κεφαλικὴν τιμωρίαν χρηματικὴν ποιῶν καὶ τὴν PERPETUAN ANNALIAN.  εἴασεν οὖν ἐπὶ σχήματος τὸ PERPETUON. [Enrichissant d’une glose érudite le texte des Institutes, Théophile

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relève ici l’incongruité d’une action prétorienne perpétuelle – l’a. furti manifesti – et l’explique : « Mais quelqu’un pourra dire que l’action de vol était connue des XII T. : comment peut-on alors l’appeler prétorienne ? Voilà la vraie réponse. La loi des XII T., en introduisant l’action de vol a établi contre le voleur la peine capitale. Mais le préteur, lui, a créé une peine pécuniaire. C’est la raison pour laquelle, à cause de sa dureté, la loi des XII T. a été abolie et le droit prétorien s’est appliqué. Mais le préteur l’a faite perpétuelle : il a considéré qu’il serait absurde de venir en aide aux voleurs s’il transformait de capitale en pécuniaire et de perpétuelle en annuelle l’action de vol. C’est pourquoi il l’a laissée dans son statut de perpétuelle »]. Sources complémentaires g) Gell. 11.18.18 : Sed enim M. Cato in oratione, quam ‘de praeda militibus dividenda’ scripsit, vehementibus et inlustribus verbis de inpunitate peculatus atque licentia conqueritur. Ea verba, quoniam nobis inpense placuerant, adscripsimus : ‘fures’ inquit ‘privatorum furtorum in nervo atque compendibus aetatem agunt, fures publici in auro atque in purpura’ (Or. Rom. Fragm., éd. Malcovati 8.71.224, p. 81). [« Mais Marcus Caton, dans le discours qu’il a écrit ‘Sur le partage du butin aux soldats’, se plaint en des termes brillants et forts de l’impunité du péculat et du laisser-faire. Ces mots nous ont plu infiniment et les avons rapportés : ‘Les voleurs qui ont volé des particuliers passent leur vie dans des chaînes et des entraves, mais les voleurs de l’État dans l’or et la pourpre.] h) Ulpianus libro quarto ad edictum D. 2.14.7.14 : In ceteris igitur omnibus ad edictum praetoris pertinentibus, quae non ad publicam laesionem, sed ad rem familiarem respiciunt, pacisci licet : nam et de furto pacisci lex permittit. [« Dans tous les autres moyens relevant de l’édit du préteur, s’ils concernent du moins une affaire privée et non un dommage causé à la collectivité, la transaction est admise : en effet, même pour l’action de vol, la loi permet que l’on transige » ; cf. XII T. 8.16]. i) Servius ad Aeneidem 8.205 : Pro ingenti sceleri furis nomen posuit : capitale enim crimen apud maiores fuit ante poenam quadrupli. [« Il (Virgile) a employé ce nom de voleur pour qualifier un forfait inouï ; de fait, avant la peine du quadruple, le vol, chez les Anciens, était un crime capital »].

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j) Isidorus Origines 5.26.18 : Furtum autem capitale crimen apud maiores fuit ante poenam quadrupli. Plan de la notice : Reconstitution ; Commentaire : 1. – Furtum manifestum. – 2. – L’addictio du fur manifestus. 3. – Poena capitalis. 4. – Divergences des veteres. 5. – Le pactum entre le voleur et le volé ? 6. – La répression et la peine : nature publique ou privée ? Verberatio ; précipitation de saxo Tarpeio. 7. – Les peines du vol flagrant  / non flagrant. Reconstitution Les tentatives (Dirksen 579-581, pour les plus anciennes) s’appuient sur Gell. 11.18.8, acceptable dans l’ensemble, à condition de ne pas négliger Gaius (source a) : l’allusion à des difficultés d’interprétation, chez les veteres, prouve la présence d’un terme ambigu dans la loi (probablement le terme capital). 1) Le verset ne mentionnait probablement pas, pour les écarter, les circonstances particulières du vol nocturne et du vol de jour avec résistance armée. La précision ex ceteris manifestis furibus était par elle-même suffisamment explicite. 2) Le destinataire premier de la loi est le magistrat. C’est à lui que s’adressent, sur le mode impératif, les divers types de sanction prévus par la loi et que les voleurs sont destinés à subir passivement : addictus esto, verberatus esto, de saxo praecipitatus esto, verberibus adfectus esto, noxiam sarciri. Contrairement à la paraphrase d’Aulu-Gelle, c’est un singulier à valeur collective (‘le voleur’ pour ‘tout voleur’) que devait employer la prescription.  3) Il ne fait aucun doute que le rapprochement tenté par Kunkel (1962) 102-103 entre la procédure du sacramentum d’une part et, de l’autre, la traditio du coupable d’un crime à la victime (à partir de Festus 466, 7-8 L : scelera nefaria fie[ri sacrame]nto traderetur lege est) n’a pas sa place ici. Kunkel ne commet d’ailleurs pas une aussi grossière erreur : on sait que la sanction du furtum manifestum fait, par principe, l’économie du sacramentum. 4) Le seul point qui peut prêter à discussion porte sur l’intégration, ou non, dans le dispositif de la loi, d’un recours éventuel à un pactum entre les parties (sur le modèle ‘ni cum eo pacit’) à partir d’Ulpien (source h). La question est débattue depuis Godefroy 88  (réponse négative : pas de transaction prévue pour le furtum manifestum, à la différence du furtum nec manifestum ; de même Schöll 147-148). Après Cujas (Obs. l.10, C.11), Dirksen 215-218, 726, se prononçait pour la possibilité d’une transaction expressément reconnue par la loi pour

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toute espèce de furtum (dans une prescription spécifique). En faveur de l’intégration d’une telle possibilité dans le verset même 8.14, Kunkel (1962) 103 n.  378, suivi par Selb (1984) 422 n.  131. Kaser (1983) 94 n. 51 ne se prononce pas. Mais v. infra les arguments présentés contre l’hypothèse d’un pacte légal, c’est-à-dire d’un droit spécifique du voleur à écarter l’addictio par l’offre d’une composition pécuniaire. Le de furto pacisci prévu par les XII T. (par la lex : Ulpien, source h) ne concernait que le furtum nec manifestum. 5) Nous pensons, après Wlassak (1904) 100, suivi par Levy (1930) 11-12 (= 330-331), que la loi dut employer le terme ‘CAPITAL’ pour qualifier la sanction du furtum manifestum. C’est ce terme que Gaius reprend (sources a et b ; voir également les auteurs tardifs, Théophile, Servius, Isidore : sources f, i, j), avant de préciser les incidences de ce pouvoir fondamental reconnu à la victime et les moyens de l’effectuer : verberatio et addictio. L’expression législative a embarrassé les interprètes, divisés, à l’époque tardive, sur la valeur à donner à ce pouvoir exorbitant (et rapidement dépassé). Les uns ont réduit à la servitude le châtiment suprême ; les autres ont voulu assimiler le fur manifestus remis à sa victime au débiteur jugé et livré au terme d’une procédure régulière (adiudicati loco). Expliquer poena capitalis comme une ‘peine entraînant la capitis deminutio’ inhérente à toute exécution sur la personne (au terme d’une manus iniectio iudicati) est impossible. Gaius ne peut être accusé d’autant à la fois de naïveté (où se serait trouvée l’originalité de l’addictio du fur manifestus ?) et de maladresse (qualifier de poena l’exécution sur la personne d’un iudicatus damnatus). Pour Magdelain (1984) 566-567 (= 534-535), la peine serait ‘capitale’ dans la mesure où elle réduit en esclavage (du fait de l’addictio) le coupable, dans un statut qui ne se confond pas avec celui du iudicatus insolvable. Mais voir infra, dans le commentaire (3.-), les arguments en faveur d’un pouvoir de mort reconnu à la victime. 6) Nous proposons : Furtum manifestum capital esto. Ex ceteris manifestis furibus, liber, verberatus addictusque esto ei cui furtum factum sit. Si servus, item verberatus deque saxo deiectus esto. Inpubes praetoris arbitratu verberatus noxiaque ab his facta sarta esto. Commentaire 1. – Furtum manifestum L’étymologie de manu-festum est obscure. Si le premier terme évoque certes la main, on hésite pour le second. Mommsen Strafr. 750 n. 5

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a rapproché ce dernier de fendere (prendre, saisir) : le fur manifestus est celui que l’on capture, que l’on empoigne sur le fait et dont on se saisit. Walde, par contre (Walde-Hofmann L.E.W.3 698-699), a rapproché manifestus d’infestus : le voleur, dans un geste d’hostilité, se saisit de l’objet. Mais la première hypothèse semble la bonne : cf. Ernout-Meillet D.E.4 385. Le ‘voleur manifeste’ est celui qui est capturé sur le champ, pris par la victime (et non celui qui est ‘surpris’, sens dérivé et plus tardif). Le sens premier (cf. Plaut. Poen. 790 ; Amph. fr. 15) se maintient à l’âge classique : Ulpien (41 ad Sab., D. 47.2.3 pr.) : fur est manifestus … qui deprehenditur cum furto. La capture effective et immédiate tient, de fait, une place essentielle dans la répression spécifique du vol dit manifeste. Cf. Rabel (1932) 473-474 ; Arangio-Ruiz (1932) 379-380 ; Bohaček (1953) 167, contre De Visscher (1922) 444-448 (= 143-147). La flagrance est un élément constitutif du délit ; elle ne relève pas d’un fait extérieur au délit, relatif, par ex., à la preuve. Le coupable n’est pas admis à contester. Voir, sur ce point, les réflexions de Gernet (1968) 267-269. Autres tentatives d’étymologie : Huvelin (1915) : ‘la chose volée que l’on touche de la main – mani-festum - ; Pugsley (1969) 139 s.: mani-festus serait à rapprocher des res mancipi, les seules pour lesquelles le furtum aurait été primitivement qualifié de manifestum (infondé). Pour Kelly (1966) 143, le furtum est manifestum dans la mesure où la preuve en est apportée (par la flagrance ou par la perquisition lance et licio). Pour De Visscher (1922) 148, manifestus qualifierait le fur (‘celui qui tient la chose à la main’) et non le furtum. Etymologies invraisemblables ou invérifiables, qui ne remplacent pas l’analyse précise des conceptions des juristes eux-mêmes : v. ici Pepe (2004) 65-86, 132-135 (avec des rapprochements pertinents avec le droit d’Athènes) : la flagrance résulte de l’appréhension du voleur au moment où il s’empare de l’objet dérobé. Sur le sens de furtum à l’époque décemvirale, supra XII T. 8.12-13. 2. – L’addictio du fur manifestus 2. – 1. Comparée à la sanction du furtum nec manifestum (XII T. 8.16), la répression du furtum manifestum est dans un isolement complet. Le vol non flagrant (et les vols assimilés : conceptum, oblatum : XII T. 8.15) implique, comme la plupart des délits décemviraux, le recours à une procédure contentieuse : l’a. furti nec manifesti exercée par le sacramentum (in personam). Cette procédure débouche sur une iudicatio-damnatio (au double de la valeur de l’objet volé), suivie éventuellement de l’exécution sur la personne si le damnatus est insolvable (manus iniectio et addictio : cf. XII T. 3.2-6). La thèse de La Rosa (1990), qui exclut le sacramentum au profit d’une manus iniectio, procédure cognitoire et exécutoire à la fois, a été (à juste titre) rejetée par Guarino (1994) 183 s. Au contraire, le furtum manifestum décemviral échappe à toute forme processuelle (pas d’action suivie d’exécution). La victime

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tient déjà entre ses mains le coupable, traîné devant le magistrat. Et celui-ci, dans une intervention qui réduit au strict minimum le rôle de la cité, se borne à confirmer (ad-dicere) le droit de la victime sur le corps du coupable. La production devant le magistrat ne constitue pas une manus iniectio (vocati) ; l’addictio ne conclut pas davantage une manus iniectio (iudicati). V. ici, fondamental, Wlassak (1904) 96-98 ; Kaser EB 78 et n. 35 ; Selb (1984) 423 suivi par Kaser (1983) 94 n. 49 et par Kaser-Hackl RZPR 87 n. 6, 134 n. 17 (différem. Broggini [1957] 36 ; Kaser (dans un premier temps : RZPR [1966] 95 n.  10) ; Albanese [1987] 47-48 ; Varvaro [2007] 360-368 (pas de manus iniectio, mais des effets analogues, sinon identiques, à la manus iniectio iudicati). Les auteurs qui, comme Broggini (1957) 33 s.; Santoro (1967-2) 223 ; Marrone (1992) 57  ou Talamanca (1987) 11 et n.  81 admettaient avec prudence – du fait de l’absence complète de sources – une manus iniectio prononcée par le magistrat et source de l’addictio, reconnaissaient cependant des différences substantielles avec la m.i. iudicati (pas de vindex ; la condition de l’addictus, assimilé à un servus, est distincte de celle de l’adiudicatus). V. de même Kaser AJ 201. En revanche, ne peut être acceptée la position de Nicosia (1980) 10, 84-87 ; Id. (1984) 36-37 ; Id. (1992) 640-649, pour qui, en l’absence à l’époque des XII T., d’un magistrat chargé de la iurisdictio, l’addictio du voleur n’aurait pu relever d’un acte de l’autorité publique mais seulement d’un acte privé de nature autosatisfactoire (une m. i. exercée comme acte privé sans intervention publique). Sur cette hypothèse, cf. XII T. 12.3). Le coupable ne bénéficie pas des garanties que la procédure contentieuse ordinaire assure au iudicatus–damnatus ; il n’a pas la possibilité de se libérer au terme d’une condamnation pécuniaire ; il ne bénéficie pas du recours éventuel à un vindex ; il ne profite pas des limites, certes relatives, que la loi a fixées au pouvoir sur la personne du condamné insolvable. 2. – 2. Les efforts n’ont pas manqué pour nier (Arangio-Ruiz [1932] ; La Rosa [1990]) ou pour nuancer (Selb cit. 424) la spécificité de la répression du furtum manifestum. Mais ils ne sont pas fondés. Ainsi, notamment, Arangio-Ruiz nia qu’il y eût dans la sanction des deux types de vol, flagrant et non flagrant, une différence substantielle. Le fur nec manifestus, condamné au double mais insolvable et livré de ce fait (par une m.i. iudicati) au volé, ne serait-il pas assimilable, par le sort qui l’attend, au fur manifestus immédiatement addictus ? (Sic Arangio-Ruiz cit. 379-382). Mais ce raccourci simplificateur ne s’impose pas. L’addictio sans jugement n’est pas comparable à l’addictio prononcée après un jugement et après l’expiration des délais d’exécution.  On ne peut raisonnablement soutenir que le voleur non flagrant, parce qu’il serait par définition insolvable, donc incapable de payer la peine

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du double, serait condamné à perdre sa liberté et à rejoindre le sort du voleur manifeste, soumis hic et nunc au pouvoir du volé. Les sanctions classiques du furtum manifestum et du furtum nec manifestum prouvent en outre que l’on se trouve en présence de deux systèmes primitivement totalement différents de répression.  D’un côté, une action in factum, création prétorienne sans antécédent légal (a. furti manifesti), de l’autre, l’action civile furti nec manifesti, descendue directement des XII T. 3. – Poena capitalis. Le cas de l’inpubes Une fois exclu que la poena capitalis soit une allusion à la capitis deminutio qui frappe ordinairement le damnatus insolvable livré à la puissance de son créancier (ainsi, cependant, Lévy-Bruhl [1960] 288 n.  1), il reste à expliquer cette nouvelle spécificité du furtum manifestum : sans avoir été jugé ni condamné, le voleur flagrant subit une peine qui lui est propre. Cette poena capitalis ne peut être primitivement que la peine capitale. V. exactement Wlassak (1904) 100 ; Levy (1930) 11-12 (= 330-331) ; Kaser AJ, 214-215 ; différem. Magdelain (1984) 566-567 (= 534-535) : perte de liberté, mais sans pouvoir de mettre à mort ; v. encore Wieacker RRG I, 245 n. 41. L’hypothèse de Selb (1984) 422-424, selon laquelle la poena frappant le fur manifestus serait une somme destinée à lui permettre, en s’en acquittant, d’échapper à l’addictio, n’est pas confirmée par les sources. Mieux, elle est condamnée par l’affirmation (répétée) de Gaius : la poena est c a p i t a l i s. Plus encore : si cette faculté libératrice avait existé, il faudrait non seulement greffer sur la comparution devant le magistrat un arbitrium litis aestimandae (alors qu’il n’y a pas de lis !), mais insérer une damnatio par définition exclue dans l’addictio du fur manifestus. Enfin, il n’est pas douteux que si le droit des décemvirs avait conçu le détour (nécessaire ou seulement possible) d’une procédure d’estimation et de condamnation, alternative à la mise à mort potestative du voleur par le volé, le préteur se serait appuyé sur cette procédure pour forger l’a. furti manifesti classique. Ce ne fut pas le cas. Cette action (au quadruple) est purement prétorienne, in factum. On tient là la preuve, contraignante, que, lorsque le préteur rompit avec la sanction archaïque qui livre sommairement le coupable au bon vouloir de la victime, il ne trouva aucun support pour une condamnation pécuniaire. Il n’en fut pas de même pour l’a. furti nec manifesti, issue de la composition légale imposée par la loi aux deux parties (XII T. 8.16). C’est donc bien un pouvoir de vie et de mort que la loi reconnaît à la victime sur le voleur. Le même pouvoir s’affirme, mais sans la précaution de la confirmation par le magistrat, en cas de vol nocturne et de vol de jour avec défense armée. Pour le vol flagrant non aggravé, dans un timide progrès de la justice civique, la loi pose

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une condition : celle de l’addictio par le magistrat. Cf.  exactement Albanese (1970) 60. Sur le cas de l’inpubes, soumis à l’obligation de noxiam sarcire : cf ; XII T. 8.5 ; 8.6 ; 8.14. 4. – Les divergences des veteres Infiniment précieuses, elles ne se comprennent que si l’on reconnaît sa spécificité à la répression du furtum manifestum. La traditio in servitutem (Gell., source c) ou, plus rigoureuse, la question posée par Gaius (source a) : utrum servus efficeretur ex addictione, ne sont pas des approximations (inconcevables chez Gaius) destinées à décrire l’effet d’une m.i. iudicati : on sait que le damnatus addictus n’était pas réduit à la servitude. Au contraire, Aulu-Gelle et les veteres mentionnés par Gaius confirment que le volé a le pouvoir – s’il laisse la vie sauve au voleur – de le réduire à la condition d’esclave. Avec le temps, la dureté de la sanction la fit évoluer vers la ‘Schuldknechtschaft’ des iudicati, addicti à leurs créanciers. Mais le rapprochement n’alla pas jusqu’à la confusion. Pour les veteres les plus indulgents, les deux statuts restent fondamentalement distincts. Le fur manifestus n’est qu’adiudicati loco (au sens de iudicati et addicti loco : Albanese [1987] 48 n. 160). S’il partage concrètement le sort du condamné insolvable, contraint d’effectuer dans les fers un travail compensateur (Caton, source g), il n’en partage pas juridiquement la condition.  5. – Le pactum entre voleur et volé ? Qu’un pacte entre eux soit à tout moment possible, c’est certain. La victime a l’initiative de la répression : elle peut y renoncer ; elle peut l’abandonner en cours de route ; elle peut opter pour une peine plus douce ou pour une somme transactionnelle. La loi n’avait pas à prévoir cette faculté. Mais la loi aurait-elle, comme Kunkel (1962) 103 n. 378, puis Selb (1984) 422 n.  131 l’ont soutenu (après Dirksen), expressément prévu un ‘ni cum eo pacit’, avec la même portée que pour 8.2 (membrum ruptum) ? Cette hypothèse nous paraît impossible. Dans XII T. 8.2, le pactum est une porte de sortie offerte par la loi au coupable, jugé et condamné, au terme d’un sacramentum, à subir le talion.  Le magistrat reçoit le pouvoir et l’obligation d’imposer à la victime du membrum ruptum la transaction fixée au terme d’un arbitrium litis aestimandae. Or ce schéma complexe n’a pas sa place dans la répression du furtum manifestum, on l’a vu. Le magistrat est dépourvu du moyen d’imposer à la victime une transaction raisonnable (car judiciairement évaluée). La victime ne peut être privée de son droit à la personne du voleur. Il est donc beaucoup plus simple de rapporter au furtum nec manifestum les textes

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tardifs qui font allusion à la transaction en matière de vol. Dans le cas du vol non flagrant, en effet, la répression décemvirale est fondée sur l’idée de transaction (damnum decidere). Voir, fondamental encore, Huschke (1855) 118-121 ; Huvelin (1915) 74-76 ; Hägerström (1927) 476 ; Albanese (1970) 60 et la discussion sous XII T. 8.5. 6. – La répression et la peine : nature privée ou publique ? La répression a un caractère privé : l’initiative de la sanction dépend de la victime qui peut y renoncer librement ou préférer le principe d’une composition débattue avec le coupable. Mais, une fois l’autorité saisie, une fois le coupable produit devant le magistrat, la nature de la peine prévue par la loi est beaucoup moins nette. 6. – 1. Dans tous les cas de figure (liber adulte, servus, inpubes), la loi a prévu le préalable d’une flagellation (verberatio). Sa fonction varie. Pour l’impubère, il ne s’agit pas d’une peine, mais d’une mesure de correction (Mommsen Strafr. 984-985 ; Waldstein [1976] 469). Pour l’homme libre et l’esclave, menacés de mort ou destinés à perdre la vie, la flagellation qui précède la mort a une fonction purificatrice (cf.  Gladigow [1972] 310-312). Mais dans la majorité des cas (pour l’homme libre, surtout à l’époque récente), la verberatio n’est plus un supplice précédant l’exécution principale. Elle est une mesure coercitive, laissée à l’arbitraire du magistrat et, selon toute vraisemblance, exécutée sous son contrôle. En dépit de Mommsen Strafr. 751 suivi par Kaser-Hackl RZPR 143 n.  187 (l’addictio livrerait le voleur à la victime pour que celle-ci procède ellemême à la flagellation), la verberatio précède l’addictio (Gell. 11.18.8 ; Gai., source a) : elle relève donc de l’autorité du magistrat et revêt un caractère public. Voir ici Wlassak (1904) 97-100 ; Hägerström (1927) 474 ; Carrelli (1939-2) 119-120 ; Fuhrmann (1962-3) 1590 ; Nippel (1988) 44-45, 199 n. 38 (bastonnade infligée par huit licteurs à un fur manifestus : Plaut. Asin.  569 s. ; Amph. 153 s. ; à l’époque de la peine du quadruple, plus récente, la verberatio, peine publique, complète la peine privée de l’a. furti manifesti) ; Balzarini (1992) 62-64 ; Santalucia (1992) 195 ; Gebhardt (1994) 136-137. Il n’y a pas de verberatio, en revanche, pour le fur nec manifestus (contra, mais sans argument, Selb [1984] 423). Sur la verberatio, coercition publique, v. encore XII T. 8. 9. 6. – 2. La précipitation de la Roche Tarpéienne. Le type de supplice que la victime pouvait éventuellement faire subir au voleur liber est inconnu ; le supplice servile, lui, est de nature discutée. Supplice privé pour Mommsen Strafr. 751 et 931 et Ferrini (1902) 151 ; mais public pour la majorité des auteurs : ainsi Pais (1921) 3-11 qui, partant de l’idée que la précipitation serait propre aux crimes de perduellio et

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d’atteinte à l’État, contesta l’authenticité des prescriptions décemvirales 8.14 et 8.23 ; Carrelli (1939-2) 114-117 ; Magdelain (1986) 333 n.  204 (= 68 n. 204). Sur les lieu et formes du supplice, David (1984) 131-137 ; Coarelli (1988) 80-87. La principale question ne concerne pas tant la forme du supplice ; son exécution est, sans aucun doute, placée sous le contrôle de l’autorité publique et délaissée à un bourreau officiel. Mais il s’agit avant tout de savoir si le volé est libre ou non de renoncer au supplice et de préférer une transaction avec le maître de l’esclave. Or, ici, tout indice fait défaut. Le caractère privé ou public de la précipitation de saxo ne peut donc être résolu. 7. – Les peines des vols flagrant et non flagrant Pour en rester à l’essentiel (cf.  infra XII T. 8.15, les sanctions spécifiques du furtum oblatum et du furtum conceptum), la différence de sanction entre les deux types de vol, manifestum – nec manifestum (alors que leur gravité est la même) saute aux yeux : la mort potentielle pour le vol flagrant (et l’addictio du coupable à cette fin), la peine du double pour le vol non flagrant. On a tenté d’expliquer ce phénomène intrigant. Jhering, Geist I11, 129-140, invoqua la vengeance, plus impulsive, plus excessive quand elle s’exerce ‘à chaud’. D’autres ont soutenu (après Gell. 20.1.8) la théorie de l’audace : le cynisme du voleur qui agit à découvert n’est-il pas plus menaçant pour l’ordre social (ainsi Carrara (1878) 91-115 ; de même encore Balzarini [1992] 55) ? Mais Arangio-Ruiz [1932] 372-373 (et bibliogr.) n’eut guère de peine à démonter l’argument : l’habile qui réussit à ne pas se faire prendre n’est-il pas finalement plus dangereux que le maladroit pris sur le fait ? Mommsen Strafr. 62-63 et 750 vit dans la rigueur à l’encontre du fur manifestus une ultime concession de la loi à la pression de la justice privée, désormais cantonnée à la flagrance et interdite dans les autres cas. L’intuition est précieuse – encore qu’incapable d’expliquer les différences entre f. manifestum, f. conceptum et f. nec manifestum. Plus radicalement (et assurément erronément), Arangio-Ruiz cit. nia toute différence substantielle entre les deux types de vol (cf.  supra), tandis que De Visscher (1922) 444-448 (= 139-143) y vit le reflet de deux procédures distinctes (justice privée d’une part, action judiciaire de l’autre), ce qui est répondre par la question posée. L’explication la plus sûre nous paraît être d’un autre ordre. Tout sépare ces deux peines : leur étendue (poena capitalis v. peine pécuniaire au double) et leur application (peine quasiment privée simplement confirmée par le magistrat pour l’une, peine prononcée dans un jugement pour l’autre). En réalité ces deux peines sont les témoins de conceptions profondément différentes de la justice. Le vol flagrant relève d’un système de répression archaïque, dominé par l’idée d’une

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justice privée (et que l’on retrouve à l’état pur lorsque le vol est accompagné de circonstances aggravantes : XII T. 8.12-13). La place de la cité est réduite à sa plus simple expression.  Le magistrat se contente de constater l’exercice d’un droit de mort reconnu à la victime. À l’opposé, la répression du vol non flagrant relève d’une conception évoluée de la justice entièrement prise en main par la cité. Ces deux strates historiques se sont trouvées se superposer et coexister dans une profonde mais naturelle incohérence. V. ici les exactes réflexions de Luzzatto (1934) 149-152 ; Kaser AJ 214-216 ; Albanese (1970) 60. Sur la différence de sanction entre le furtum conceptum ou oblatum (au triple) et le f. nec manifestum (au double), infra XII T. 8.15.

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8. 15 a  – : Gaius Institutiones 3.191 : Concepti et oblati poena ex lege XII tabularum tripli est.

: Si la chose volée a été saisie chez toi, la peine, en vertu de la loi des XII Tables, est celle du triple ; si la chose t’a été apportée, la peine (contre celui qui te l’a confiée) est, de même, au triple.

8. 15 b  – :  … LANCE LICIO….

:  … Avec un plat et un pagne ( ?) ….

Sources 1. – Furtum conceptum, furtum oblatum a) Gai. 3.191 : Concepti et oblati poena ex lege XII tabularum tripli est, eaque similiter a praetore servatur. [« Si la chose volée a été saisie chez toi, la peine, en vertu de la loi des XII T., est celle du triple ; si la chose t’a été apportée, la peine (contre celui qui te l’a confiée) est, de même, au triple. Le préteur a également conservé cette peine du triple »]. b) Gai. 3.186-187 : (186) ‘Conceptum’ furtum dicitur, cum apud aliquem testibus praesentibus fura res quaesita et inventa sit. Nam in eum propria a constituta est, quamvis fur non sit, quae appellatur ‘concepti’. (187) ‘Oblatum’ furtum dicitur, cum res furtiva tibi ab aliquo oblata sit eaque apud te concepta sit, vel utique si ea mente data tibi fuerit, ut apud te potius qua p eum, qui dederit, conciperetur. Nam tibi, apud quem concepta est, propria adversus eum, qui optulit, quamvis fur non sit, constituta est actio, appellatur ‘oblati’. [« (186) L’objet volé est qualifié de ‘saisi’ (furtum conceptum), lorsque, après une perquisition faite en présence de témoins, on trouve la chose volée chez quelqu’un. En effet, cette action, qui prend le nom d’action ‘de découverte d’objet volé’ (actio concepti), est exercée spécifiquement contre

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celui chez qui la chose est saisie, même s’il n’est pas le voleur. (187) On qualifie d’‘apportée’ la chose volée (furtum oblatum), lorsque celle-ci t’a été confiée par quelqu’un et qu’elle est saisie (concepta) chez toi ; en particulier si elle t’a été donnée dans l’idée qu’il vaudrait mieux qu’elle fût saisie chez toi plutôt que chez celui qui te l’a apportée. Cette action, appelée action de ‘dépôt d’objet volé’ (actio oblati) t’est spécialement accordée contre celui qui t’a remis la chose, même s’il n’est pas le voleur »]. c) Aulus Gellius Noctes Atticae 11.18.12 : Furti concepti, item oblati, tripli poena est. 2. – Furtum prohibitum et quaestio lance et licio. d) Gai. 3.192-194 : (192) Prohibiti actio quadrupli est ex edicto praetoris introducta. Lex autem eo nomine nullam poenam constituit ; hoc solum praecepit, ut, qui quaerere velit, nudus quaerat, linteo 3 cinctus, lancem habens ; qui si quid invenerit, iubet id lex furtum manifestum esse. (193) Quid sit autem linteum, quaesitum est. Sed verius [eam] consuti genus esse, quo necessariae partes tegerentur. Quae res [lex] tota ridicula est. Nam qui vestitum quaerere prohibet, is et nudum quaerere prohibiturus est, eo magis quod ita quaesita r inventa maiori poenae subiciatur. Deinde quod lancem sive ideo haberi iubeat, ut manibus occupa[n]tis nihil subiciat, sive ideo, ut, quod invenerit, ibi imponat, neutrum eorum procedit, si id, quod ratur, eius magnitudinis aut naturae sit, ut neque subici neque ibi inponi possit. Certe non dubitatur, cuiuscumque materiae sit ea lanx, satis legi fieri. (194) Propter hoc tamen, quod lex ex ea causa manifestum furtum esse iubet, sunt, qui scribunt furtum manifestum aut lege aut natura. [« (192) L’action au quadruple dite d’ ‘obstruction’ (prohibitum) (refus de se soumettre à la perquisition) a été introduite par l’édit du préteur ; la loi (des XII T.), en effet, n’a pas prévu de peine à ce titre. Elle a seulement prescrit ceci : que celui qui voudra perquisitionner, le fasse nu, ceint d’un pagne (?) (ou d’un bandeau ?) tissé de lin et tenant un plat à la main.  S’il découvre l’objet, la loi ordonne que le vol soit considéré comme flagrant (furtum manifestum). (193) Quant à savoir ce qu’est un linteum (ou un licium), on en discute. C’est probablement une espèce d’étoffe destinée à cacher les parties naturelles. Mais toute

3  Manthe, Gaius. Institutionen (2004) 192 rejette la correction traditionnelle du palimpseste de linteo en liceo et conserve la lecture linteo.

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cette affaire est parfaitement ridicule. Car celui qui s’oppose que l’on perquisitionne chez lui habillé, s’opposera que l’on perquisitionne nu, d’autant plus que, dans ce cas, si l’on découvre la chose recherchée, il sera soumis à une peine plus rigoureuse. En outre, si la loi ordonne de tenir un plat, ce serait soit pour empêcher l’enquêteur, dont les mains sont occupées, d’introduire un objet quelconque, soit pour l’obliger à y placer ce qu’il aurait trouvé. Mais aucune de ces deux explications ne vaut lorsque l’objet recherché est d’une taille ou d’une nature telle qu’il ne pourrait être ni introduit subrepticement ni placé sur le plat. Quelle que soit la matière dont est fait le plat, la loi est respectée. (194) Tirant argument de ce que la loi ordonne que le vol découvert au terme de cette procédure soit considéré comme flagrant, certains auteurs soutiennent que le vol est qualifié de flagrant soit par sa nature soit par l’autorité de la loi »]. e) Gai. 3.188 : Est etiam ‘prohibiti furti’ adversus eum, qui furtum quaerere volentem prohibuerit. [« Il y a en outre l’action ‘de vol pour cause de refus’, donnée contre celui qui s’est opposé à ce que l’on perquisitionne chez lui »]. f) Petronius Satyrica 97.3 : Ascyletos stabat amictus discoloria veste, atque in lance argentea indicium et fidem praeferebat. [« A. était là, vêtu d’un vêtement bigarré, et, dans un plat d’argent, il portait le signalement et la récompense pour la découverte (il s’agit d’une perquisition pour un esclave en fuite) »]. g) Gell. 11.18.9-10 : (9) Ea quoque furta, quae per lancem liciumque concepta essent, proinde ac si manifesta forent, vindicaverunt. (10) Sed nunc a lege illa decemvirali discessum est. Nam si qui super manifesto furto iure et ordine experiri velit, actio in quadruplum datur. h) Gell. 16.10.8 : Sed enim cum ‘proletarii’ et ‘adsidui’ […] et ‘viginti quinque asses’ et ‘taliones’ furtorumque quaestio ‘cum lance et licio’ evanuerint omnisque illa duodecim tabularum antiquitas […] lege Aebutia lata consopita sit […]. [Cf. supra XII T. 1.10].

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i) Festus Excep. Pauli, v° Lance et licio 104 L : Lance et licio dicebatur apud antiquos, quia qui furtum ibat quaerere in domo aliena licio cinctus intrabat, lancemque ante occulos tenebat propter matrum familiae aut virginum praesentiam. [« On disait, chez les Anciens, ‘par le plat et le pagne (?)’, parce que celui qui venait rechercher un objet volé dans la maison d’un autre entrait ceint d’un pagne ( ?) (ou d’un bandeau ?) et tenait devant ses yeux un plat, par égard pour les femmes et les jeunes filles qui se trouvaient présentes »]. j) Glose au manuscrit des Institutes dit de Turin (n° 339 Savigny, = 466 Krüger, = 604 Alberti) 4 : Ita enim fiebat, ut is, qui in alienam domum introibat ad requirendam rem furtivam, nudus ingrediebatur discum fictile in capite portans, utrisque manibus detentus. k) Pauli Sententiae 2.31.22 : Qui furtum quaesiturus est, antequam quaerat, debet dicere, quid quaerat, et rem suo nomine et sua specie designare. [« Celui qui part à la recherche d’une chose volée, doit, avant de commencer la perquisition, énoncer ce qu’il cherche, désigner la chose par son nom et préciser son type »]. l) Lex Romana Burgundionum 12.1-2 (FIRA II, p. 726) : (1) Si quis ingenuus querentem animalia aut res suas, domum ad inquirendum intrantem prohibuerit, pro fure teneatur, ita ut rem, quae requiritur, quadruplum solvat, ea tamen ratione, ut cum tribus ingenuis testibus, ubi suspicionem inveniendi furti habet, ingrediatur. (2) Quod si aut colonus aut servus taliter querentem prohibuerit, fustuario supplicio a iudicibus eius praesumptio vindicetur, et ab his res perdite simplo solvantur, secundum speciem Gai, qui hoc de prohibitis statuit. [« (1) Si un ingénu interdit l’accès à sa maison à celui qui veut y entrer à la recherche d’un animal ou d’une chose lui appartenant, il sera considéré comme le

4  Cette glose, partiellement conservée sur un manuscrit des Institutes de Justinien conservé à Turin, est une œuvre produite à Rome au VIe s., mais émanant probablement d’un professeur oriental (Beyrouth ? Constantinople ?) : cf. D.  Liebs, Die Jurisprudenz im spätantiken Italien (260-640 n. Chr.) Berlin (1987) 195-220. Elle fut éditée par Savigny, Geschichte des römischen Rechts im Mittelalter III, Heidelberg 1822, 671-717 (= Histoire du droit romain au Moyen Âge IV, Paris 1839, 394) et par Krüger, Die Turiner Institutionenglose in Zeitschr. f. Rechtsgesch.7 (1868) 44-78, non dépassé par A. Alberti, La Glossa Torinese e le altre glosse del ms. III 13 della Biblioteca Nazionale di Torino, Torino 1933.

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voleur : qu’il paie quatre fois la valeur de la chose recherchée. L’objectif est que l’on puisse pénétrer dans la maison soupçonnée d’abriter la chose volée en étant accompagné de trois témoins également ingénus. (2) Si c’est un colon ou un esclave qui interdit l’entrée il sera présumé être le voleur ; les juges lui infligeront le supplice de la bastonnade ; une action au simple réparera la perte de la chose, selon l’exposé que Gaius a consacré aux refus (de procéder aux perquisitions) »]. Plan de la notice : 1. – L’apport de Gaius et l’interprétation de Reconstitution  Vangerow. 2. – Objections de Schöll contre le témoignage de Gaius. 3. – Réfutation de Schöll. 4. – Reconstitution de la portée du verset. Commentaire : 1. – Furtum manifestum, conceptum, oblatum, nec manifestum. 2. – La quaestio lance et licio. Reconstitution 1. – Apport de Gaius. Interprétation de Vangerow Avant la découverte des Institutes, on ne disposait, pour la reconstitution du verset, que d’un bref passage de Gell. (source g), qui n’avait retenu de la loi que la disposition la plus exotique, la perquisition rituelle lance et licio et sa peine. Le tout était affecté d’une grave impropriété : vindicare est inacceptable, car inconciliable avec l’addictio sans procès du fur manifestus (auquel est assimilé le voleur, confondu au terme de la perquisition). Pour les reconstitutions antérieures au XIXe s., sans valeur, Dirksen 582-584. Les Institutes devaient bouleverser les données du problème, grâce aux informations qu’apporte Gaius sur la perquisition décemvirale et ses issues. Les difficultés ont commencé en grande partie à cause d’une hésitation, d’inspiration très conservatrice, quand il fallut corriger le schéma traditionnel pour intégrer les éléments nouveaux. La source incomparable offerte par Gaius (sources a, b, d) a très vite donné lieu à une reconstitution intuitive, mais excellente, de Huschke (1839) 10 n.  17 et, peu après, à un bref commentaire, lumineux, de Vangerow (1845). Ce dernier a établi définitivement, nous le pensons, que la loi s’est référée à deux types de perquisition (par conséquent à deux modes de sanction), selon que le suspect, soupçonné d’abriter une chose volée (furtum), résistait, ou non, à la visite domiciliaire. S’il se prête à l’enquête, la découverte de l’objet volé (le furtum est alors conceptum) le soumet à une peine calculée sur trois fois la valeur de la chose. Mais il peut, le cas échéant, se retourner par une action, au triple également, contre celui qui lui a remis l’objet volé. Si, par contre,

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il s’oppose à la perquisition, la procédure ritualiste (quaestio lance et licio) se déroule. La découverte de la chose volée le soumet alors à la peine du fur manifestus. Si certains (Jhering, Geist II4 159 ; Girard, Manuel7 436) ont suivi Gaius et l’analyse de Vangerow et attribué aux XII T. la double sanction (peine du triple ou addictio) découlant des deux types de perquisition, l’interprétation de Vangerow ne s’est pourtant pas imposée. 2. – Objections de Schöll Schöll 42-46 a, de manière surprenante, rejeté radicalement cette reconstitution et dénoncé l’inconsistance du témoignage de Gaius, accusé d’être empli de contradictions et désavoué par le témoignage d’Aulu-Gelle. Les actions au triple (a. furti concepti et a. furti oblati) ne peuvent être, selon Schöll, décemvirales ; elles seraient prétoriennes. De même, les XII T. n’auraient pas connu deux types de perquisition, mais une seule quaestio, formaliste, lance et licio. Dans son réquisitoire contre Gaius (et ceux qui lui accordèrent crédit), Schöll s’appuya sur deux arguments : le rôle que joue l’obstruction (prohibitio) du maître de maison soupçonné et la signification des termes furtum conceptum. 1) Gaius (3.192, source d) affirme que le préteur a créé une action spécifique, l’a. prohibiti au quadruple pour réprimer l’obstruction à l’enquête. Le préteur a ainsi comblé une lacune, preuve, selon Schöll, que, sous les XII T., la prohibitio du maître soupçonné était sans incidence. Il n’y aurait donc pas lieu de distinguer selon l’attitude du maître, coopérant à la recherche ou la bloquant par son refus, deux types d’enquête. L’enquête informelle conduite avec l’accord du maître et sa sanction en cas de découverte (action au triple) ne pourraient être que prétoriennes. 2) Aulu-Gelle (§ 9, source g) précise que si un vol (furtum) est découvert (conceptum) au terme de l’enquête lance et licio, le détenteur de la chose est puni en tant que fur manifestus. Or Gaius (3.186, source b) affirme qu’un vol découvert (furtum conceptum) au cours d’une enquête amiable, informelle, est soumis par les XII T. à la peine du triple. Contradiction intolérable selon Schöll : le furtum ne peut être uniformément qualifié de conceptum en se référant à deux hypothèses aussi différentes et sanctionné par deux peines que tout oppose. Gaius a donc confondu deux étapes successives. L’a. furti concepti (de même que l’a. furti oblati) serait en réalité prétorienne. 3. – Réfutation de l’analyse de Schöll Les arguments invoqués par Schöll contre le témoignage de Gaius sont spécieux : 1) concernant la prohibitio. Gaius n’a pas tort d’affirmer que les XII

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T. n’ont pas réprimé, en tant que telle, la prohibitio du maître de maison soupçonné. Il est vrai qu’il ne subit pas de poena par le simple fait de son obstruction.  Mais cela n’implique pas (comme le voulait Schöll) que son refus fût sans incidence, et même sans incidence grave. Car s’ouvre alors la procédure d’enquête formaliste aux conséquences que l’on sait si l’objet est découvert – ce qui est fort probable, si le maître a refusé l’enquête informelle -. Mais ces conséquences ne peuvent être analysées comme une poena attachée à l’obstruction.  Il est donc vrai que le préteur a innové en sanctionnant immédiatement la prohibitio de la peine du quadruple. Il n’y a aucune contradiction dans l’exposé de Gaius. 2) concernant le concept de furtum conceptum. Dans le maniement, par Gaius, des mots furtum et conceptum, il n’y a pas davantage d’ambiguïté. Dire, comme le font Gaius et Aulu-Gelle, que le furtum est conceptum signifie simplement que l’objet volé a été saisi, décelé, découvert, au terme d’une perquisition.  Celle-ci peut répondre aux conditions strictes (de forme et de fond) de la quaestio lance et licio (Gell., source g), ou, différemment, elle peut se dérouler spontanément (Gai. 3.186, source b). Le résultat est le même dans les deux cas, qualifié des mêmes termes : un objet volé a été ‘saisi’. Il n’y a aucune incohérence à ce que, à ce résultat identique, soient attachés des effets différents. L’enquête informelle conduite avec l’accord du suspect, ouvre à la victime une action (a. furti concepti : pas d’autre nom possible !) et la condamnation du détenteur. Dans l’autre perquisition, la saisie n’avait pas besoin d’être autrement qualifiée puisqu’elle livrait, sans procès ni action, le voleur à la vengeance de la victime. Dès l’époque décemvirale, furtum conceptum a un double sens : concret et global (saisir une chose volée grâce à une perquisition, quelle qu’en soit la forme) ; technique et spécifique, dans le souci de rattacher à la découverte faite dans le cadre d’une enquête exclusivement informelle, les incidences processuelles de la saisie. À une date que l’on ne peut préciser (mais qui peut remonter aux XII T.), la notion abstraite de furtum conceptum est dégagée et qualifie le ‘vol constaté au moyen d’une visite domiciliaire’. Elle définit alors le seul cas où la saisie de la chose a une portée juridique précise. Il était inutile de qualifier le vol découvert dans l’autre cas (au cours de la quaestio lance et licio), puisque la découverte assimile le vol à la flagrance. Le furtum devient manifestum. Il n’est plus conceptum. L’influence de Schöll fut pourtant décisive : ainsi sur Krüger (1884) 219-222 ; Mommsen Strafr. 752 ; Hitzig (1902) 329-331 et (1910) 393394 ; Huvelin (1915) 43-55 ; De Visscher (1925), pour partie : ce dernier attribue aux XII T. l’a. furti concepti, mais rejette la dualité des enquêtes, vidant de la sorte de toute cohérence les normes décemvirales ; Carrelli (1939-2) 132 n. 1 ; Ehrhardt (1962) 173 ; La Rosa (1990) 69-70. Bibliogr. complémentaire dans Fenocchio (2008) 181-192. Pour tous

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ces auteurs, les deux types de perquisition seraient à rattacher à deux étapes successives. Il faut attendre Daube (1937) 69-77, pour constater un retour décidé à Gaius et à Vangerow (que Daube ne semble pas avoir connu) ; voir de même Kaser EB 40-41 ; Id. (1962-2) 82-84 et RPR I2, 159-160. Différemment, Pepe (2004) 182-186 attribue aux XII T. les deux procédures de perquisition (avec des sanctions différentes en cas de découverte de l’objet volé), mais ne les explique pas par l’attitude du maître perquisitionné (adhésion ou obstruction) ; le choix entre elles deux serait à la discrétion de la victime, selon que celle-ci souhaite l’addictio du coupable ou préfère la peine du triple. Solution qui ne paraît ni vraisemblable ni confirmée par Gaius. 4. – Reconstitution de la portée du verset Le verset traite globalement de la recherche domiciliaire d’une chose volée (furtum). Tout repose sur l’attitude du maître de maison suspecté (celle-ci est au centre de l’exposé de Gaius). 4. – 1. Il accepte sans résistance la perquisition. Celle-ci est conduite par la victime accompagnée de témoins (testibus praesentibus, § 186, source b), mais sans formes particulières. L’enquêteur reste vêtu (a contrario § 193, source d). Si la chose recherchée (quaesita) est découverte (inventa) et saisie (concepta), son détenteur, voleur ou non (quamvis fur non sit - § 186, source b), qu’il soit recéleur ou de bonne foi, est condamné par une action au triple, l’a. furti concepti. De structure certainement identique à celle de l’a. furti nec manifesti contemporaine, l’a. furti concepti, action de la loi, se fonde sur un damnum decidere oportere sur le modèle de l’a. furti nec manifesti : 8.16), avec une condamnation au triple (cf. Lenel EP3, 324-328). C’est à dire que la loi enjoint au détenteur, s’il veut échapper, du fait de sa condamnation, aux incidences du sacramentum, d’accepter une transaction légale avec la victime, fixée par la loi au triple de la valeur de la chose. La victime n’a pas à prouver que le détenteur est fur (d’où l’absence des mots ‘pro fure’, que l’on trouve en revanche dans la formule de l’actio furti nec manifesti : pro fure duplione damnum decidere oportet (8.16), mais simplement qu’il y a eu vol. Si la chose volée a été apportée (furtum oblatum) au détenteur par un tiers, voleur ou non, (quamvis fur non sit, Gai. 3.187, source b), celui-ci sera condamné au profit du perquisitionné par l’action au triple furti oblati. Une succession de recours s’enchaîne ainsi jusqu’au voleur, en une cascade de mises en cause qui évoque le même phénomène mis en place par la loi pour l’obligation de garantie contre l’éviction à la charge du vendeur (auctoritas : XII T. 6.3–4). Ces deux actions, concepti et oblati, ont subsisté telles quelles à l’époque classique : cf. Paul. Sent. 2.31.3 et 5.

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4. – 2. Il s’oppose à la perquisition.  La prohibitio est naturellement perçue comme un aveu de culpabilité. Si la chose est découverte, il ne fait aucun doute que son possesseur est le voleur : il est sommairement attribué à la victime, comme s’il avait été arrêté en flagrant délit. Mais la loi, pour surmonter l’obstruction, impose une procédure d’enquête formaliste et rituelle, la quaestio lance et licio  (sur celle-ci infra). L’hypothèse de Tumulescu (1968), selon laquelle la preuve manifeste que le possesseur de la chose est le voleur devrait être recueillie au cours de cette enquête, est dépourvue de fondement et de vraisemblance. À l’époque évoluée, probablement dès avant l’époque de Plaute, cette perquisition ritualiste est sortie d’usage – encore que son souvenir soit encore vivant, dans le registre comique, au Ier s. de notre ère : source f - . Aurait-on effacé la différence, capitale, entre le suspect qui résiste et celui qui ouvre spontanément sa porte ? En aucune façon. Le préteur a maintenu ce contraste, mais sous une autre forme. S’il maintient inchangé le cas du suspect coopérant (cf.  supra), il persiste à identifier le suspect récalcitrant à un voleur pris sur le fait. Par l’action (prétorienne) furti prohibiti, l’opposant est frappé de la peine du quadruple, sanction prétorienne du furtum manifestum. La logique décemvirale a inspiré de part en part les réformes prétoriennes, au demeurant modestes. 4. – 3. Pour la reconstitution du rituel de la perquisition, on dispose de cinq sources d’information : – Gell. 11.18.9 (source g) : furta … lancem liciumque concepta ; 16.10.8 (source h) : quaestio cum lance et licio ; – Festus-Paul 104 L (source i) : lance et licio dicebatur …  licio cinctus … lancemque tenebat … – Petron.  Satyr. 97.3  (source f) : amictus veste … atque in lance argentea ... praeferebat. –  Gai. 3.192-193 (source d) : Hoc solum praecipit (lex), ut qui quaerere velit, nudus quaerat, linteo (corrigé en liceo : cf.  source d) cinctus, lancem habens. Quid sit autem linteum (corrigé en licium)… –  Glose de Turin (source j) : nudus … discum fictile in capite portans … La nudité a certainement été prescrite par la loi (quel que soit le sens qu’il faille donner à ce terme). Le nom donné à la quaestio, lance licioque (mieux que lance et licio : cf.  Norden [1939] 18 n.  2) peut résulter d’une contraction sans prétention à l’authenticité. On peut lui préférer, dans la description sommaire du rituel, licio cinctus (ainsi Festus-Paul et Gaius, où linteum, que donne le palimpseste, s’est substitué au liceum décemviral) et lancem habens (Festus-Paul : lancem tenens ; Gaius  : lancem habens ; Glose de Turin : discum portans). La description que donne Gaius doit être très proche du texte décemviral :

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Lex hoc solum praecepit ut, qui quaerere velit, nudus quaerat linteo (pour licio ?) cinctus lancem habens ; qui si quid invenerit, iubet id lex furtum manifestum esse… (ainsi, exactement, Huvelin [1915] 44-45 ; Ehrhardt [1962] 173-174 ; Horak [1963] 788). Mais dans la restitution, il faut remplacer linteum par liceum ou compléter liceum à l’aide de linteum.  On proposera donc : Si concapit furtum, triplo damnum decideto. Adversus eum qui rem obtulit, idem vindicito. Si prohibuerit, nudus, lancem habens, licio (linteo ?) cinctus, quaesito. Si concapit, furtum manifestum esto. « S’il découvre l’objet volé, que l’on transige au triple en guise d’indemnité compensatoire. À l’encontre de celui qui a apporté la chose, qu’il (celui qui a été découvert en possession de la chose volée) agisse pour la même somme. S’il s’oppose (à la perquisition), qu’il (le volé), nu, tenant entre ses mains un plat et ceint d’un pagne (ou d’un bandeau) de lin, recherche la chose. S’il la découvre, que le vol soit considéré comme flagrant ». Commentaire 1. – Furtum manifestum, conceptum, oblatum, nec manifestum La loi des XII T. a distingué quatre types, non pas de vols, mais de choses volées : plus exactement, la loi a distingué les quatre situations où ‘une chose volée’ (furtum) a pu se trouver : cf. XII T. 8.12-13. Entre les mains du voleur pris sur le fait (manifestum) ; en la possession d’un individu qui n’est pas nécessairement le voleur (conceptum) ; entre les mains d’un intermédiaire (oblatum) ; enfin si la chose a été entre les mains du voleur et a disparu, détruite, consommée ou aliénée (nec manifestum). À chacune de ces situations, une action spécifique ou une procédure particulière est affectée. Les commentateurs de la loi et les spécialistes du ius civile, tels Servius Sulpicius et Masurius Sabinus, conserveront le sens concret de ces quatre situations où s’est trouvé le furtum, condition d’ouverture, à l’époque de la procédure formulaire, d’une a. furti. À partir de Labéon, une réflexion plus théorique tente de plaquer le concept abstrait de vol sur ces quatre types d’action.  Deux types de vol (furtum manifestum et nec manifestum) seulement sont distingués, auxquels sont rattachées (actiones cohaerentes), plus ou moins adroitement, les a. furti concepti et oblati. Ainsi Gai. 3.183 : Furtorum autem genera Ser. Sulpicius et Masurius Sabinus IIII esse dixerunt, ‘manifestum’ et ‘nec manifestum’,‘conceptum’ et ‘oblatum’  ; Labeo duo, ‘manifestum’ ‘nec manifestum’ ; nam ‘conceptum’ et ‘oblatum’ species potius actionis esse furto cohaerentes quam genera furtorum ; quod sane verius videtur…

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Il reste à justifier les sanctions divergentes réprimant ces situations diverses. Pourquoi le vol, dont la gravité est toujours la même, appellet-il une peine qui varie, de l’addictio du coupable (identifiable à sa mise à mort possible : vol flagrant – 8.14 - ) à la peine du double (f. nec manifestum – 8.16), en passant par la peine du triple (f. conceptum et oblatum – 8.15) ? Le f. manifestum et le f. nec manifestum relèvent de deux conceptions profondément différentes de la justice : cf.  8.14, Commentaire 7. -. Mais entre le f. nec manifestum et le f. conceptum ou oblatum, les différences ne peuvent s’expliquer ainsi. C’est en revanche la certitude plus ou moins forte de la culpabilité du détenteur de la chose qui est ici déterminante. Quand la preuve de la culpabilité est immédiate et absolue, la peine maximale s’applique : ainsi pour le possesseur de la chose qui s’est opposé à la recherche domiciliaire (peine du quadruple, identique à la peine plus récente du vol flagrant). Quand le voleur n’a pas la chose entre les mains (ou ne l’a plus), la peine est réduite de moitié (peine du double pour le f. nec manifestum). Quand le vol est présumable, mais non prouvé, la peine est médiane (au triple : f. conceptum et oblatum). Voir, en ce sens, Kunkel RPR3, 1949, 253 n. 5 ; Kelly (1966) 141-14 ; Kaser RPR I2, 159 n. 35. 2. – La quaestio lance et licio Les civilisations du groupe indo-européen (Inde, Grèce, populations germaniques) et du Proche-Orient (notam. les Hébreux) ont connu aussi une procédure rituelle, destinée à faire ouvrir à la victime d’un vol toute habitation suspecte. Cf.  Leist (1884) 246-250 et (1892) 401-409. Pour l’Ancien Testament : Genèse 31 et Daube (1937) 48-68 et (1947) 201-240 ; Ehrhardt (1962) 158-161. Pour la Grèce : Aristoph. Nub. 497-499 ; Plat. Lois 12, 954a et Glotz (1904) 201-208. Pour la civilisation germanique, Schwerin (1924) (et bibliogr. antérieure) ; Ehrhardt (1962) 163-169. Pour Rome, Weiss (1922) 455-46 ; Horak (1963), dans une synthèse équilibrée et complète ; Wolf (1970) ; Manthe (2005) ; Gamauf (2007). En dépit de l’intérêt de ces recherches d’ethnologie comparée, le détail des rites romains reste obscur, que l’on opte pour une interprétation magico-religieuse, symbolique ou rationnelle. La disparition précoce du rituel de la perquisition n’arrange rien : il n’y en a plus aucune trace vivante à l’époque de Plaute (cf. Poen. 760-795), dans une longue scène de perquisition, alors que le formalisme de la quaestio lance et licio aurait fourni des effets comiques faciles s’il avait encore été pratiqué. Rien, de même, chez Macrobe (Sat. 1.6.30) dans un contexte semblable ; et chez Pétron. 97 (source f), on ne peut songer, à la rigueur, qu’à des réminiscences (Horak [1963] 789 et bibliogr. ; Gamauf [2007] 2038 s.). Gell. (source h) prétend, sans que son affirmation soit à prendre au sérieux quant au fond, que la loi Aebutia (IIe s. av. J.-C.) aurait, parmi d’autres fossiles, aboli ce rituel. Mais si ces rites s’étaient maintenus

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à l’époque historique, les Anciens en auraient discuté la signification, mais pas la forme, restée certaine. La précision si surprenante apportée par la glose de Turin (source j) s’explique soit comme une digression érudite d’un professeur qui commentait les Institutes de Justinien en s’aidant des Institutes de Gaius, soit (moins vraisemblablement) comme la convergence fortuite d’un rite comparable venu d’ailleurs (influence germanique ?). De façon arbitraire, Ehrhardt cit. 171, rattache à l’antique procédure formaliste décemvirale les enquêtes organisées par les Paul. Sent. source k et par la loi romaine des Burgondes (source l) : il s’agit en réalité de perquisitions informelles, testibus praesentibus. La perquisition rituelle ne s’ouvrait que si le suspect refusait d’ouvrir son domicile aux investigations de la victime. Les précautions prises s’expliquent par la nécessité de triompher de la résistance du suspect et de ne pas heurter les divinités protectrices de cet espace inviolable que constitue la domus. Très probablement, la victime devait décrire au préalable l’objet recherché (cf. Paul. Sent. source j et Weiss (1922) 463), puis se soumettre aux prescriptions rituelles : se dévêtir ; se ceindre du licium ; saisir la lanx. 2. – 1. Il faut probablement comprendre la nudité, première condition, au sens figuré de ‘sans arme’ et non, comme les Anciens se le sont figurés au sens propre. L’explication magico-religieuse (une nudité apotropaïque) ne tient pas, car, dans ce cas auraient été dévoilées les parties du corps que le rituel (par le licium, sorte de pagne) maintenait cachées : cf.  Horak cit. 791. En faveur d’une nudité rituelle, Ehrhardt cit. 166, 182, 189. Pour Manthe (2005), nudus doit être compris comme sommairement vêtu, d’un tablier en toile de lin (linteum) ou de laine, désigné par les fils très fins (licium) qui en formaient la trame. Il s’agirait d’une tenue rituelle. En faveur d’une nudité complète, Peruzzi (1968) 77 s. 2. – 2. Les Anciens comprenaient le licium dont était ceint (cinctus) l’enquêteur, comme une sorte de pagne ou de tablier destiné à ménager la pudeur des assistants (en particulier Gai. 3. 192-193, source d, qui évoque ce vêtement à l’aide du tissu de lin, dont il devait être tressé). Les Modernes y ont vu tour à tour : un fil magique à valeur apotropaïque qui aurait retenu une amulette (contra, Horak 796) ; la corde destinée à ramener le bétail volé (Kunkel RPR3, 254 n. 10) ou à ligoter le voleur (Kaser AJ 340), mais laissant toujours inexpliqué cinctus. La tentative de Schwerin (1924) 31-35, de corriger licio par lace (‘par ruse’) a été à juste titre repoussée (Goldmann, 1925). Horak cit. 793-795, songe à un pagne (à la suite des Anciens) ; de même Manthe (2005) cit., tandis que Wolf (1970) marque un retour à l’interprétation religieuse (mais non magique) : la victime du vol se ceint la tête d’un bandeau de laine (comme les Flamines ; attesté également chez les Etrusques) pour

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accomplir in limine un sacrifice et apaiser les Lares, heurtés par l’intrusion d’un étranger. L’idée d’un rituel de sacrifice n’est pas impossible, mais la religio ne l’aurait-elle pas maintenu en usage un temps suffisant pour qu’il ne disparût pas au point de devenir incompréhensible ? 2. – 3. La fonction de la lanx est tout aussi inconnue. Le rôle que Festus (source i) lui prête est absurde : on ne voit pas en quoi, placé devant les yeux de l’enquêteur, ce plat ou plateau aurait protégé la pudeur de l’assistance féminine (dont la présence ne s’imposait d’ailleurs pas : contra Ehrhardt 189). En outre, portée devant le visage, la lanx aurait entravé toute recherche effective. Les explications de Gaius (source d) n’ont guère plus de sens. L’hypothèse envisagée par Mommsen Strafr. 748 à partir de Pétrone (source f) (un plat destiné à recevoir la récompense du dénonciateur) n’est pas convaincante. Goldmann (1925) 461-469, a suggéré de prêter au plat de métal ou recouvert d’eau la fonction d’un miroir à vocation divinatoire, placé ‘devant les yeux’ du visiteur : le recours à l’hydromantie l’aiderait à découvrir la cachette de l’objet. Enfin on peut hésiter entre une explication rationnelle (tenant ce plat des deux mains sur sa tête, l’enquêteur, en une sorte de ‘haut les mains’, assure de ses sentiments pacifiques : cf. Horak 797) ou religieuse avec Wolf (1970) 71 : la lanx serait la patène de libation inséparable du sacrifice préalable (déjà en ce sens, Leist [1892] 406 ; Pernice [1895] 180-183 ; contra Weiss [1922] 459 n. 2). S’il s’agit bien du même objet, sa matière aurait évolué (cf.  Gaius, source d, §193 ; Pétrone, source f ; glose de Turin, source j). La sagesse recommande probablement de pratiquer avec Horak l’ars ignorandi.

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8. 16 – :  SI ADORAT FVRTO QVOD NEC MANIFESTVM ERIT, ... .

:  Si l’on agit pour un vol qui n’est pas flagrant, … que l’on (= la victime) transige, en payant à titre de voleur le double en guise d’indemnité compensatoire.

Sources principales a) Festus v° Nec 158 L : Nec coniunctionem Grammatici fere dicunt esse disiunctivam, ut nec legit, nec scribit, cum si diligentius inspiciatur, ut fecit Sinnius Capito, intellegi possit, eam positam esse ab antiquis pro non, ut et in XII. est : AST EI CVSTOS NEC ESCIT, item : SI ADORAT FVRTO, QVOD NEC MANIFESTVM ERIT. [« Les grammairiens disent à peu de choses près que la conjonction nec a une valeur disjonctive : il ne sait ni lire ni écrire. Mais une étude plus précise, comme celle de Sinnius Capito, montre que pour les Anciens nec était employé pour non.  Ainsi dans les XII Tables : ‘et s’il n’a pas de tuteur’ ou encore ‘si l’on agit pour un vol qui n’est pas flagrant’ »]. b) Cato De agri cultura, praef. : Maiores […] in legibus posiverunt furem dupli condemnari, feneratorem quadrupli. [« Nos ancêtres ... ont établi dans leurs lois que le voleur serait condamné au double et l’usurier au quadruple »]. c) Gaius Institutiones 3.190 : Nec manifesti furti poena per legem (XII) tabularum dupli inrogatur, eamque etiam praetor conservat. d) Aulus Gellius Noctes Atticae 11.18.15 : Aliis deinde furtis omnibus, quae ‘nec manifesta’ appellantur, poenam imposuerunt (decemviri) dupli.

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Sources complémentaires 1. – Adorare, orare e) Festus – Paul v° Adorare 17 L : Adorare apud antiquos significabat agere ; unde et legati oratores dicuntur, quia mandata populi agunt. [« Adorare, chez les Anciens, signifiait ‘agir par la parole’ (agere) ; c’est pourquoi les ambassadeurs sont appelés oratores (‘porte-parole’), parce qu’ils accomplissent les missions (= transmettent les messages) que le peuple leur a confiées »]. f) Festus v° Orare 218 L : Orare antiquos dixisse pro agere, testimonio sunt [quod] et oratores, et i qui nunc quidem legati, tunc vero oratores, quod reipublicae mandatas partis agebant. [« Les Anciens employaient orare pour agere (parler, agir par la parole, agir en justice) : à preuve les oratores (les plaideurs) et ceux que nous appelons maintenant les ambassadeurs (legati), mais qui sont véritablement des porte-parole (oratores), jouant le rôle (agere) que l’État leur a confié »]. Voir de même Paul 219 L : Orare antiqui dixerunt pro agere. Vnde et oratores causarum actores, et oratores, qui nunc legati, quod reipublicae mandata peragerent. Le défenseur d’une cause est orator – actor, comme le légat. Chacun joue un rôle et exécute sa mission par le jeu de la parole. À cette idée d’action par la parole (allusion évidente à la place que tient la formule orale dans la procédure archaïque), entreprise pour le compte du plaideur ou au nom d’autrui (patronus causae, legatus), s’ajoute l’idée de supplication (orare, implorare) indéniable dans l’attitude du legatus (cf.  Festus 196 L). À l’époque récente, orare au sens de agere (plaider, agir en justice) ne soulève pas de problème : cf.  Cic. off. 3.43 ; Quinct. 43, parmi d’autres. 2. – La transaction entre les parties au cœur du mécanisme processuel (sous forme d’une composition judiciaire ou légale) g) Gai. 4.37 : Si furt agat peregrinus aut cum eo agat, in formula ita concipitur : ‘iudex esto ; si paret [...] furtum factum esse [...], quam ob rem eum, si civis Romanus esset, pro fure damnum decidere oporteret’ et reliqua [ ...]. [« Si l’action de vol est exercée par un pérégrin ou contre celui-ci, la formule, si l’on agit contre un pérégrin, est élaborée ainsi : ‘Que T. soit juge. S’il est vérifié que le vol a été commis …, raison pour laquelle il conviendrait, comme si le voleur était citoyen

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romain, de transiger, afin de fixer l’indemnité compensatoire due à titre de voleur’ etc. … »]. h) Gai. 4.45 : Sed eas quidem formulas in quibus de iure quaeritur, ‘in ius conceptas’ vocamus, quales sunt quibus intendimus ‘nostrum esse aliquid ex iure Quiritium’ aut ‘nobis dari oportere’ aut ‘pro fure damnum ’ […]. [« Mais ces formules qui posent une question de droit, nous disons qu’elles sont construites sur le droit : telles sont celles par lesquelles nous prétendons que quelque chose nous appartient en vertu du droit des Quirites, ou que l’on doit nous payer quelque chose ou que l’on doit transiger afin de fixer l’indemnité due à titre de voleur… »]. i) Africanus libro octavo quaestionum D. 47.2.62.1-2 : (1) His etiam illud consequens esse ait, ut et si is servus, quem mihi pignori dederis, furtum mihi fecerit, agendo contraria pigneraticia consequar, uti similiter aut damnum decidas aut pro noxae deditione hominem relinquas. (2) Idem dicendum de eo, quem convenisset in causa redhibitionis esse, uti, quemadmodum accessiones et fructus emptor restituere cogitur, ita et e contrario venditor quoque vel damnum decidere vel pro noxae deditione hominem relinquere cogatur. [« (1) Si l’esclave que tu m’as remis en gage m’a volé une chose, j’obtiendrai de toi par l’action contraire de gage ou que tu paies à titre transactionnel l’indemnité compensatoire (damnum decidere) pour vol, ou que tu me remettes l’esclave par l’abandon noxal. (2) Même solution dans l’hypothèse d’un pacte rédhibitoire : de même que l’acheteur est tenu de restituer les accessions et les fruits, de même le vendeur, de son côté, est obligé de payer l’indemnité transactionnelle pour vol (damnum decidere) – vol commis par l’esclave – ou d’abandonner noxalement l’esclave »]. j) Ulpianus libro quarto ad edictum D. 2.14.7.14 : In ceteris igitur omnibus ad edictum praetoris pertinentibus, quae non ad publicam laesionem, sed ad rem familiarem respiciunt, pacisci licet : nam et de furto pacisci lex permittit. [« Dans tous les autres moyens relevant de l’édit du préteur, et qui ne concernent pas un intérêt public mais domestique, la transaction est permise : en effet, pour le vol aussi, la loi permet de transiger »]. k) Codex Iustinianus 6.2.13 : Post decisionem furti leges agi prohibent. Quod si non transegisti, sed de sublatis partem tantum accepisti, residuam vindicare vel condicere et

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actione furti apud praesidem agere potes (a. 293). [« Une fois que l’on a transigé sur le montant du vol, les lois interdisent l’action.  Si tu n’as pas transigé mais seulement reçu une partie de ce qui t’a été dérobé, tu peux à la fois revendiquer le reste ou en réclamer la valeur (par la condictio ex causa furtiva), à la fois agir auprès du gouverneur par l’action de vol »]. 3. – La transaction extrajudiciaire ou composition privée l) Tabula Heracleensis, l. 110, (env. 45 av. J.-C.) : […] quei furtei, quod ipse fecit fecerit, condemnatus pactusve est erit […]. [« … celui qui, pour un vol qu’il aura commis en personne, aura été condamné ou aura conclu une transaction… »]. m) Paulus libro tertio ad edictum D. 2.14.17.1 : Quaedam actiones per pactum ipso iure tolluntur : ut iniuriarum, item furti. [« Certaines actions cessent de plein droit d’exister sous l’effet d’un pacte : ainsi l’action d’injures ou celle de vol »]. n) Ulpianus libro undecimo ad edictum D. 4.4.9.2 : […] Placet in delictis minoribus non subveniri […]. Nam et si furtum fecit vel damnum iniuria dedit, non ei subvenietur. Sed si, cum ex damno dato confiteri possit, ne dupli teneatur, maluit negare : in hoc solum restituendus sit, ut pro confesso habeatur. Ergo et si potuit pro fure damnum decidere magis quam actionem dupli vel quadrupli pati, ei subvenietur. [« ... Il a été décidé qu’en cas de délit, le mineur ne bénéficie pas de la restitution : ainsi, pas de restitution si le mineur a causé un dommage par sa faute ou a commis un vol. Mais si, ayant causé un dommage, le mineur aurait pu échapper à la condamnation au double en avouant, et qu’il a subi cette condamnation en niant le dommage, il sera restitué comme s’il avait avoué. De même, si, à l’occasion d’un vol, il aurait pu éviter la condamnation au double ou au quadruple en fixant, par une transaction, l’indemnité compensatoire due à titre de voleur, il sera restitué »]. Plan de la notice Reconstitution : 1. – La reconstitution traditionnelle. 2. – Celles des commentateurs anciens et leur critique. 3. – Propositions nouvelles. Commentaire : 1. – Si adorat furto. 2. – Quod nec manifestum erit. 3. – Pro fure duplione damnum decideto.

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Reconstitution 1. La reconstitution traditionnelle du verset, qu’il n’y a pas de motif à mettre en doute (mais qu’il est possible d’améliorer), résulte du rapprochement de deux éléments : – le fragment que Festus trouva chez le grammairien républicain Sinnius Capito expliquant l’emploi archaïque de NEC : SI ADORAT FVRTO QVOD NEC MANIFESTVM ERIT. Sur le sens de QVOD (a ici valeur de ‘si’) v. D’Elia (1976) 191 s.; Colemann (1996) 403 s. – un élément absolument original, conservé à travers les siècles par la formule in ius de l’action furti nec manifesti : ‘pro fure damnum decidere oportet’ – sources g, h, i, j, k -. Ce vestige remonte au formulaire de l’action de la loi furti nec manifesti, copiant lui-même les termes du verset organisant la répression de ce délit. Grâce à cette formule tralatice exprimant l’‘obligation’ du défendeur, et que l’on ne retrouve naturellement pas dans l’a. furti manifesti, création prétorienne, on tient la preuve que les XII T. avaient imposé aux parties, plus exactement à la victime du vol, une transaction légale (DECIDERE). Selon ce schéma, le voleur, condamné au terme du sacramentum (cf. infra le détail de la procédure) échappe à l’addictio en payant à la victime, sous la forme d’une transaction – dont cette dernière ne peut refuser ni le principe, ni le montant –, une indemnité compensatoire (DAMNVM), fixée autoritairement par la loi, au terme d’une procédure d’estimation, au double de la valeur de la chose volée. Il se trouve que le même mécanisme processuel (une composition légale au double, sous forme d’une transaction imposée au vainqueur du litige) a été prévu par les XII T. dans une hypothèse voisine et dont les ipsissima verba ont été conservé : REI FRVCTVS DVPLIONE DAMNVM DECIDETO (XII T. 12.3). L’adversaire à la revendication et qui se rend coupable d’avoir falsifié l’objet du litige, doit, en vertu d’une transaction imposée par la loi, payer le double de la valeur de la chose et des fruits. C’est certainement la même expression qu’utilisait XII T. 8.16. Et c’est celle qu’a conservée, inchangée, la formule classique de l’a. furti nec manifesti. Entre ces deux éléments, la qualification du délit, puis sa sanction, il subsiste une lacune que les éditeurs renoncent à combler. Mais le verset devait certainement faire allusion à la procédure complémentaire (arbitrium litis aestimandae) nécessaire pour fixer le damnum au double. 12.3, ici encore, fournit le modèle : TOR ARBITROS TRIS DATO. Le préteur désigne les experts, peut-être au nombre de trois. 2. Les commentateurs anciens (Dirksen 215-218 ; 726-727), sur la foi de sources plaçant dans la lex ou les leges la possibilité de transiger en cas de furtum (sources j et k), ont pensé que les XII T. avaient spécia-

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lement reconnu la composition volontaire (ou pacte extra - judiciaire) comme apte à bloquer l’exercice de l’a. furti (nec manifesti et manifesti). La large pratique de ces transactions volontaires est incontestable : l’époque classique le confirme (sources l, m, n). On aboutissait aux reconstitutions suivantes : – ou la loi ordonne la condamnation au double à défaut de la composition volontaire ; ainsi Fr. Hotman (1564) : ‘ut qui nec manifesti damnatus esset, nisi cum domino pacisceretur, duplum solveret’ ; J. Godefroy (reconstitution de la Table 2 et p. 87) : ‘si adorat furto, quod nec manifestum escit, duplione decidito’ et ‘si pro fure damnum decisum escit, furti ne adorato’ ; ou encore Dirksen qui, en deux versets, propose : ‘nam et de furto pacisci lex permittit’ (Table 2. 4), puis (Table 8.16) : Si adorat furto quod nec manifestum escit … nec manifesti furti poena per legem XII T. dupli inrogatur’. – ou la loi organise la transaction légale au double à défaut de la transaction volontaire ; ainsi Math. Magnus (cité par Dirksen 217 n. 282a) : ‘si furtum faxit, ni pro fure damnum decisit, duplione damnum decidito’. Mais ces tentatives de reconstitution se heurtent à des objections, à nos yeux décisives. 2. – 1. L’effet extinctif du pactum, que l’on y voie une transaction, une composition volontaire ou une renonciation des parties à agir, n’est pas propre à l’a. furti : déjà fondé sur la loi (XII T. 3.5, selon la paraphrase d’Aulu-Gelle ; 8. 27, selon notre hypothèse), il n’avait pas à être spécialement mentionné pour l’action de vol non flagrant. La loi, qui répugne aux redondances, ne peut avoir prévu la transaction en amont de l’action pour en reconnaître de manière banale la valeur extinctive. 2. – 2. La nature transactionnelle de l’a. furti nec manifesti est essentielle (au sens propre du terme). La loi (évidemment à défaut d’un pacte antérieur) impose aux parties un pacte transactionnel. En une véritable fiction, la loi fait comme si les parties avaient renoncé à requérir la livraison du coupable (son addictio) et avaient transigé en fixant le damnum au double. Il est donc nécessaire d’opter pour une reconstitution qui mette en évidence l’essence transactionnelle de la répression : ce qui condamne les tentatives de Hotman et surtout de Dirksen, dont la reconstitution, trop frileuse, concède une place exagérée à la version de Gaius (source c), passé de damnum à poena (ce qui défigure complètement le système décemviral). Quant à celle de Godefroy, elle mérite de subir deux correctifs : la sanction légale ne peut avoir été duplione decideto mais pro fure damnum duplione decideto ; et la seconde proposition ‘si pro fure … ne adorato’, superflue, n’est pas à conserver.

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2. – 3. L’allusion au pro fure damnum decidere ne se réfère donc pas à l’éventualité d’une composition extrajudiciaire, toujours ouverte, mais à la transaction processuelle que la loi a ordonné au magistrat d’imposer aux parties (en particulier à la victime suspecte de vouloir exiger plus). Restent à expliquer les références à la lex, aux leges, à l’ipsum ius (sources j, k, m), qui expriment l’effet extinctif de la transaction libre. Nous y verrons le fruit de l’interpretatio qui, partie de la nature transactionnelle de l’a. furti nec manifesti, analysa avec une impeccable rigueur cette action comme l’équivalent d’une transaction extinctive. L’interpretatio en a déduit la validité du pacte de transaction et de son effet extinctif pour toutes les actions de vol, nec manifesti et manifesti. Ce travail extensif fut particulièrement utile pour l’a. furti manifesti, restée toujours étrangère, par sa nature, à l’idée d’une composition légale. L’équivalence du pacte antérieur à l’exercice de l’action et de l’action (d’où le caractère extinctif du pacte) méritait d’être affirmée pour les deux actions de vol. 3. Propositions de reconstitution.  Nous en proposerons deux. La première, minimale, reprend complètement le formulaire de l’a. furti nec manifesti classique et intègre les mots . Sur le sens de ces termes ‘en tant que voleur’, ‘en qualité de voleur’, Pernice (1888) 236 n. 2 ; Lenel EP3, 328 n. 8 ; et non ‘à la place du voleur’ (ainsi Voigt XII Tafeln, § 136 n.  8, repris par De Visscher [1928] et par Santoro [1967-1] 74 n. 200). La tentative de La Rosa (1990) 103-109, expliquant la formule de l’action donnée par Gai. 4.37, 45 (sources g et h) par l’hypothèse d’un complice poursuivi ‘comme s’il était le voleur’ est infondée. On proposera donc une première reconstitution : SI ADORAT FVRTO QVOD NEC MANIFESTVM ERIT … . La seconde, plus extensive, insère la phase de la procédure estimatoire postérieure à la condemnatio, sur le modèle de XII T. 12.3 : SI ADORAT FVRTO QVOD NEC MANIFESTVM ERIT, . [« Si l’on agit pour un vol qui n’est pas flagrant, que le préteur désigne trois arbitres-experts ; à partir de leur estimation, que l’on (= la victime) transige en payant, à titre de voleur, le double en guise d’indemnité compensatoire »]. C’est cette reconstitution, préférable, que nous proposons en dernière analyse. Commentaire 1. – SI ADORAT FVRTO Adorare signifie agir par la parole : intenter une action (Wieacker RRG I, 327 et n. 92). Le sujet de la proposition ne peut-être que la vic-

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time du vol. L’interprétation de Broggini (1957) 64-65, donnant le sens de addicit et attribuant l’action au magistrat a été justement critiquée par Selb (1984) 421. La forme FVRTO surprend. Mais plutôt que supposer un de furto ou un accusatif archaïque complément de adorat, ou dénoncer une transmission corrompue de Festus ou par Festus, nous préférons adopter l’excellente suggestion, malheureusement restée dans l’oubli, de Huschke (1855) 124 : furto appelle un gérondif après adorare, sur le modèle de agere communi dividundo ou agere rationibus distrahendis. On songera à decidendo. Agere (adorare) furto decidendo au sens de ‘agir en justice pour régler un vol par un accord’. Deux études ont critiqué la lecture canonique de si adorat furto. Lemosse (1959) 179-186, soucieux d’éliminer l’objection, à ses yeux majeure, tirée de la sanction différenciée du vol flagrant (peine capitale) et du vol non flagrant (au double) – sur cette question, XII T. 8.15 – soutint qu’adorare ne signifierait pas agere, mais confiteri. L’hypothèse concernerait le cas où le voleur, repenti, ‘avoue le vol’ (si adorat furto) et restitue spontanément la chose (‘s’est dessaisi de la chose’, sens de quod nec manifestum erit). Mais adorare n’a nulle part et à aucune époque le sens d’avouer et furtum nec manifestum n’a pu désigner un objet volé revenu entre les mains de son propriétaire. Yaron (1966) 510-524, de son côté, mit en évidence la formulation apparemment surprenante du verset : au lieu de partir de l’hypothèse d’un vol déjà commis (par ex. ‘si furtum faxit’), comme c’est le cas pour la plupart des délits : XII T. 8.2 ; 4 ; 8 ; 12 ; 22 ; 24, la loi, ici, commence par l’action judiciaire qui dénonce le délit, et lui-même est présenté au futur (qui nec manifestum erit). D’où il résulterait que l’acte incriminé ne serait pas le furtum, mais l’accusation (adorare), calomnieuse, car lancée sur la foi de faux témoins contre un innocent, accusé ‘d’un vol qui n’aura pas été pris sur le fait’ au sens ‘d’un vol que l’accusé n’aura pas commis’. Mais malgré quelques parallèles possibles avec les droits orientaux (Westbrook [1988] 108), cette interprétation ingénieuse est stylistiquement impossible. Furtum quod nec manifestum erit ne peut qualifier ‘un vol qui n’aura pas été commis’, mais un vol, dont l’auteur (fur) n’a pas été pris sur le fait. L’idée d’une accusation calomnieuse ne peut se glisser dans le verset. Erit, en second lieu (forme dont on ne peut garantir absolument l’authenticité) peut avoir la valeur du futur antérieur (fuerit) : la loi marque le caractère hypothétique du cas. Enfin, la sanction au double serait ridiculement faible pour une accusation calomnieuse qui risquait d’entraîner la mort de l’innocent. Quant à la formulation originale du verset, elle trouve ailleurs son explication.  La loi part de l’idée du règlement amiable du cas (transaction volontaire). À défaut de cette solution  pacifique et non contentieuse, si la victime (trop exigeante) saisit le magistrat, alors la

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loi impose la transaction sur laquelle les parties n’ont pu préalablement s’entendre. La tentative de Watson (1975-1) 193-196 de réécrire le verset (‘Si adorat furto nec manifesto … furtum manifestum esto’) ne se justifie ni par sa méthode ni par ses résultats. 2. – QVOD NEC MANIFESTVM ERIT 2. – 1. Furtum nec manifestum. Furtum a le sens concret (ici comme partout ailleurs dans les XII T. : cf. Commentaire 1, verset 8.15) d’objet volé (et non de vol) ; il est qualifié de façon négative, par élimination, et signifie littéralement : ‘lorsque l’objet volé n’est plus entre les mains du voleur’. Il s’oppose à trois autres situations. Celle où l’objet est découvert entre les mains du voleur (furtum manifestum : 8.14) ou à son domicile au terme d’une perquisition particulière (8.15) ; celle où l’objet est découvert (furtum conceptum : 8.15) dans la maison d’un détenteur, peut-être de bonne foi et qui n’a opposé aucune résistance à la recherche domiciliaire ; celle où la chose a été apportée par le voleur chez un tiers de bonne foi (furtum oblatum : 8.15), au domicile duquel elle est découverte. Le furtum nec manifestum concerne tous les cas où le voleur n’a plus la chose entre les mains, mais a réussi à s’en défaire en la cachant, en l’aliénant, en la détruisant, en la consommant ou du fait d’un vol commis à ses dépens. L’originalité de ce type de vol tient à sa sanction et à la procédure qui l’assure. 2. – 2. Les différences qui séparent la répression du vol flagrant (une addictio non contentieuse pouvant conduire à la mise à mort du coupable remis à la victime – même en l’absence de circonstances aggravantes  –) et celle du vol non flagrant (indemnité au double au terme d’une procédure judiciaire) sont considérables et irréfutables. Les tentatives pour nier ces différences (celle d’Arangio-Ruiz [1932] – supra 8.14, Commentaire 2. – 2.  – ; de même celle, plus récente, de La Rosa [1990] 57-109 : cf.  Hackl ZSS 110 [1993] 757-758 ; ou celles, citées supra, de Lemosse ou de Yaron) sont restées vaines. On se trouve en présence de deux conceptions historiquement hétérogènes. L’une est restée imprégnée des formes de la justice privée ; l’autre traduit l’emprise quasi-complète de la cité sur le mécanisme de la répression. 2. – 3. La procédure originale de l’a. furti nec manifesti, action de la loi et ancêtre direct de la formule classique de l’action du même nom, se caractérise ainsi : contentieuse, elle recourt au sacramentum in personam et conduit le voleur, dont le sacramentum est déclaré iniustum, à être condamné (il est iudicatus) à subir probablement l’addictio (cf. Guarino [1992] 326-330). Mais la loi – et c’est là l’innovation majeure, peut-être

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à placer au crédit des décemvirs – généralise l’usage probablement déjà diffus d’une transaction amiable et impose à la victime, à condition que le voleur en saisisse l’opportunité, d’accepter la transaction légale au double. L’insertion d’une procédure complémentaire d’estimation (l’arbitrium litis aestimandae, confié à des arbitres-experts) dans la procédure du furtum nec manifestum a été reconnue depuis longtemps : Huvelin (1915) 74-76 ; Hägerström (1927) 475-476 ; Santoro (1967-1) 56-60 ; Magdelain (1980) 210-214 = 595-599. Mais on pouvait hésiter sur sa signification.  Selb (1984) 421-424 a, nous semble-t-il, définitivement précisé la nature de cette procédure annexe (Nachverfahren). Celle-ci ne conduit pas à un jugement (ainsi, cependant Magdelain cit. 215-217 = 599-601) ; car le voleur est déjà iudicatus, déjà condamné au terme du sacramentum. L’appel aux arbitri aide seulement à estimer le montant du damnum, cette indemnité compensatoire qui permet au coupable d’échapper à la condamnation en acceptant la transaction que la loi oblige la victime (c’est-à-dire directement le juge) de lui proposer. C’est donc bien la victime du vol qui est le sujet de DECIDETO (et non le voleur) et à qui est intimé l’ordre de renoncer à poursuivre la condamnation en s’engageant sur la voie d’une transaction. Voir ici Magdelain (1980) 207-211, 270 = 593-596, 643 (contre Santoro [1967-1] 56-57 et Selb cit. 422-423 n.  132). La sanction de la vindicia falsa (XII T. 12.3) est exactement la même. Il ne s’agit pas d’une poena, en dépit de Gaius (source c) et de Gell. (source d), mais d’un damnum. Sur le sens de ce terme dans les XII T. (une indemnité, ici transactionnelle, calculée sur la base d’un multiple : duplione, ou plus – 8.15), cf. la discussion sous XII T. 8.5 et 12.3. Voir  encore Huschke (1855) 121 n.  19 ; Hägerström (1927) 474476. L’expression soudée DVPLIONE DAMNVM DECIDETO ne peut pas, comme l’a soutenu une partie de la doctrine (Kaser AJ 124 n. 28 ; 217-218 ; Broggini [1957] 110 ; Santoro [1967-1] 69-75 n. 200 ; La Rosa [1990] 16-27 ; 70-80) signifier ‘couper un lien’, ‘mettre fin à la sujétion dans laquelle se trouve le condamné’. DECIDERE est une référence explicite à la transaction sur laquelle est fondé le mécanisme libératoire. DAMNVM n’a jamais pu signifier le lien.  Damnum signifie la somme appauvrissante destinée à compenser le dommage causé. Cf. XII T. 8.5. 3. – DVPLIONE DAMNVM DECIDETO Dans les sources classiques, le mécanisme de la transaction, en cas de vol, remplit une double fonction.  Ou les parties, en amont de tout contentieux, s’entendent sur une composition volontaire : cf. sources l, m, n ; et la transaction éteint le droit à l’action : sources j et k. Ou les parties ne parviennent pas à s’entendre : entre alors en jeu la transaction légale autour de laquelle s’articule l’a. furti nec manifesti (sources

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g, h, i). Les termes qualifiant le mécanisme transactionnel sont les mêmes dans les deux cas : pro fure damnum decidere (source n pour la transaction volontaire ; de même D. 47.2.46.5 ; et, pour la transaction légale : sources g et h). Ces vestiges apportent une lumière précieuse sur la protohistoire de l’a. furti nec manifesti. Le système décemviral a visiblement pris son inspiration dans la pratique extra-judiciaire. Celle-ci a non seulement fourni le moyen de passer de l’exécution sur la personne à la sanction pécuniaire, mais elle a soufflé à la loi les termes à utiliser : pro fure duplione damnum decidere. La justice privée recule grâce au détour d’une transaction selon le modèle fourni par la pratique : Huvelin (1915) 72-76 ; Albanese (1970) 60 ; Magdelain (1980) 262-273 = 637-646. Le vol non flagrant doit être rapproché du délit de membrum ruptum (XII T. 8.2). Dans les deux cas, l’effet du sacramentum est de condamner le coupable à être remis à la victime pour subir le châtiment (talio, addictio) ; dans les deux cas, la loi tend une chance au coupable : celle d’une transaction.  Mais, alors que pour le membrum ruptum la loi a seulement prévu la pactio (ni cum eo pacit), afin de laisser au magistrat le soin d’évaluer celle-ci et le pouvoir de l’imposer à la victime, pour le furtum nec manifestum, la loi s’est montrée plus contraignante ou directive : elle impose la transaction et la tarifie. On relève ici un certain parallélisme entre deux types de délit qui lèsent de manière particulièrement grave, l’un les biens, l’autre la personne d’un citoyen. Ce parallélisme entre les atteintes aux biens et aux personnes peut être poursuivi à la suite d’une vision intuitive de Huschke (1855) 118121. La magie contre les personnes (8.1) et contre les récoltes (8.8) : même peine, la mort. L’iniuria légère contre les personnes (8.4) et contre les biens (arbores caesae : 8.11) : même poena fixe de 25 as. Le vol par effraction nocturne (8.12) et le vol nocturne de récolte (8.9) : la mort. Le meurtre volontaire (par déduction de 8.24) et la destruction volontaire de récoltes (de nuit ou par le feu : 8.9 ; 8.10) : même peine, la mort. Les atteintes les plus graves à la personne (membrum ruptum : 8.2) et à la propriété (le vol : 8.16 – à l’exclusion du vol flagrant) : même peine, marquée par une exécution privée sur le coupable à défaut d’une transaction que la loi impose ou se donne les moyens d’imposer.

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8. 17 – : G  aius Institutiones 2.45 : Rem furtivam lex XII tabularum usucapi prohibet.

: La loi des XII T. interdit l’usucapion d’une chose volée.

Sources principales a) Gai. 2.45 : Sed aliquando, etiamsi maxime quis bona fide alienam rem possideat, non tamen illi usucapio procedit, velut si quis rem furtivam aut vi possessam possideat; nam furtivam lex XII tabularum usucapi prohibet, vi possessam lex Iulia et Plautia. [« Mais parfois, alors même que l’on possède avec une entière bonne foi la chose d’autrui, l’usucapion n’est cependant pas accordée : par exemple si l’on possède une chose volée ou possédée par suite de violence. En effet, la loi des XII T. interdit l’usucapion d’une chose volée et la loi Iulia et Plautia celle d’une chose possédée par suite de violence »]. b) Gai. 2.49 : Quod ergo vulgo dicitur furtivarum rerum et vi possessarum usucapionem per legem XII tabularum prohibitam esse, non eo pertinet, ut n f per vim det, usucapere ssit (nam huic alia ratione usucapio non competit, quia scilicet mala fide possidet), sed nec ullus alius, quamquam ab eo bona fide emerit, usucapiendi ius habeat. c) Iulianus libro quadragensimo quarto digestorum D. 41.3.33 pr. : Non solum bonae fidei emptores, sed et omnes, qui possident ex ea causa, quam usucapio sequi solet, partum ancillae furtivae usu suum faciunt, idque ratione iuris introductum arbitror : nam ex qua causa quis ancillam usucaperet, nisi lex duodecim tabularum vel Atinia obstaret, ex ea causa necesse est partum usucapi, si apud eum conceptus et editus eo tempore fuerit, quo furtivam esse matrem eius ignorabat. [« Non seulement les acheteurs de bonne foi, mais tous ceux qui possèdent en vertu

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d’un titre qui leur permet d’usucaper, acquièrent par usucapion l’enfant né d’une esclave volée. Cela me paraît fondé en droit. Car toutes les fois qu’on possède une esclave à un titre qui donnerait lieu à usucapion si la loi des XII T. ou la loi Atinia ne s’y opposaient pas, on peut acquérir par usucapion l’enfant que cette esclave a conçu et auquel elle a donné le jour en un temps où l’on ignorait qu’elle eût été volée »]. d) Institutiones Iustiniani 2.6.2 : Furtivae quoque res et quae vi possessae sunt, nec si praedicto longo tempore bona fide possessae fuerint, usucapi possunt: nam furtivarum rerum lex duodecim tabularum et lex Atinia inhibet usucapionem, vi possessarum lex Iulia et Plautia. Sources complémentaires e) Aulus Gellius Noctes Atticae 17.7 : Legis veteris Atiniae verba sunt : ‘Quod subruptum erit, eius rei aeterna auctoritas esto’. Quis aliud putet in hisce verbis quam de tempore tantum futuro legem loqui? Sed Q. Scaevola patrem suum et Brutum et Manilium, viros adprime doctos, quaesisse ait dubitasseque, utrumne in post facta modo furta lex valeret an etiam in ante facta; quoniam ‘subruptum erit’ utrumque tempus videretur ostendere, tam praeteritum quam futurum. [« Les termes de la vieille loi Atinia sont : ‘Que la garantie de la chose qui aura fait l’objet d’un vol soit éternelle’. Qui pourrait penser que ces mots concernent autre chose que l’avenir ? Pourtant Quintus Scaevola rapporte que son père, ainsi que Brutus et Manilius, personnages d’une science rare, ont douté que la loi regardât seulement les vols futurs et se sont demandés si la loi ne concernerait pas aussi les vols déjà commis. Subruptum erit leur semblait embrasser à la fois le passé et l’avenir »]. f) Paulus libro quinquagensimo quarto ad edictum D. 41.3.4.6 : Quod autem dicit lex Atinia, ut res furtiva non usucapiatur, nisi in potestatem eius, cui subrepta est, revertatur, sic acceptum est, ut in domini potestatem debeat reverti, non in eius utique, cui subreptum est. Igitur creditori subrepta et ei, cui commodata est, in potestatem domini redire debet. [« Lorsque la loi Atinia dit que les choses volées ne peuvent être usucapées qu’autant qu’elles sont revenues sous la puissance de celui à qui elles ont été volées, cela signifie qu’elles doivent être revenues entre les mains de leur propriétaire, et non simplement entre les mains de celui à qui elles ont été volées. Ainsi si la chose a été volée

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à un créancier (gagiste) ou à celui qui l’a reçue en prêt, il faut qu’elle revienne entre les mains de son propriétaire »]. Reconstitution La loi des XII T. et la lex Atinia poursuivent, à première vue, le même objet : prohiber l’usucapion des choses volées et en tirer certaines conséquences. Les auteurs anciens distinguent mal, voire pas du tout, ces deux sources législatives : Gaius (sources a et b) ne connaît que les XII T. ; d’autres ne citent que la lex Atinia (sources e et f) ; d’autres attribuent globalement l’interdiction d’usucaper aux deux lois, sans faire de différences (sources c et d). On y a vu la preuve d’un doublet et trouvé l’occasion d’éliminer la référence aux XII T., dénoncée comme une erreur ou un faux. Ainsi Huvelin (1915) 272-290, au terme d’un raisonnement particulièrement spécieux. Les XII T., selon Gaius, auraient visé les res furtivae, catégorie large englobant l’abus de confiance, alors que la lex Atinia n’aurait concerné que les res subruptae, notion restreinte à la soustraction frauduleuse. Comme il est impossible d’accepter une évolution restrictive du champ de la loi, on devrait écarter comme apocryphe la disposition attribuée aux XII T. par Gaius, par Julien et par Justinien. Daube (1938) 19-20 a dénoncé l’inconsistance de l’argument. Tout indique que Gaius n’a pas cité les termes mêmes de la loi (cf. vulgo dicitur). Et le concept de furtum ne s’est étendu à l’abus de confiance qu’à une date récente, postérieure à la loi Atinia. Sont, de même, partisans de l’élimination du verset 8.17 au profit d’une disposition unique attribuée à la loi Atinia : v. Lübtow (1951-1) 265 ; Magdelain [1950] 152-153 = 705 (objections de Solazzi [1953] 13-14 = 486 s.). Datable du milieu du IIe s. av. J.-C. (Mayer-Maly [1962-1] 100-101 ; Stein [1984] 599), la loi Atinia a certainement innové par rapport aux XII T. : d’où les discussions rapportées par Gell. (source e), sur la rétroactivité, ou non, du précepte quod subruptum erit. Et puisqu’il est exclu de reprocher à Gaius d’avoir attribué aux XII T. une disposition en réalité plus récente de trois siècles, il est nécessaire de considérer ces deux lois comme distinctes, bien que d’un contenu et d’une expression certainement très proches. Gaius ne donne pas les termes du texte décemviral. Il n’a retenu que la teneur du principe sous-jacent, à savoir la prohibition d’usucaper les choses volées (principe auquel les juristes s’attacheront par la suite). Il est probable que les décemvirs se sont servis de termes très proches (au point qu’on put les confondre) de ceux qu’utilisera la lex Atinia. On peut proposer, pour les XII T. : Quod subruptum erit, eius rei aeterna auctoritas esto.

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Cette expression rejoint celle que le code avait employée dans les transactions avec les pérégrins privilégiés (6.4 : adversus hostem aeterna auctoritas esto) et, selon notre interprétation, dans le cas du legs concernant un statuliber (7.12 : si statuliber venum datur, aeterna auctoritas esto). Dans les trois hypothèses, le souci de protéger un acquéreur contre les effets extinctifs de l’usucapion se manifeste : au profit de l’acquéreur de bonne foi d’une chose volée, au profit du pérégrin acquéreur d’une res mancipi, au profit de l’acquéreur d’un esclave susceptible à tout moment de revendiquer sa liberté. Commentaire 1. – Quod subruptum … et res furtiva La notion de vol englobe-t-elle, à l’époque archaïque, la soustraction violente du bien d’autrui (source d’une possession vi), qualifiée plus tard de rapina, ou est-elle restreinte à la seule dépossession clandestine ? La conception globalisante semble la plus vraisemblable. En ce sens, Dirksen 592 ; Karlowa RRG II, 409 ; Albanese (1953) 30-35. Ce n’est pas avant la lex Plautia de vi (78-63 av. J.-C.) que la distinction res furtiva – res vi possessa verra le jour. Gai. 2.49 (source b), attribuant aux XII T. l’interdiction d’usucaper et les choses volées et les choses tenues par violence, est acceptable quant au fond, sinon en la forme (Voci [1952] 163). Différemment, pour Niederländer (1950) 192-193, 230-236, le vol archaïque aurait exclu la dépossession violente ; celle-ci aurait été sanctionnée avant la lex Plautia an tant que damnum iniuria datum. De même Ebert (1968) 83 n. 28. 2. – Usus et auctoritas Le verset 8.17, comme les versets relatifs au pérégrin (adversus hostem aeterna auctoritas : 6.4) et, selon notre hypothèse, à l’acquisition de bonne foi d’un esclave soumis à la condition de statuliber (si statuliber venum datur, aeterna auctoritas esto : 7.12), introduit une nouvelle exception au principe, posé par 6.3, de l’effet prescriptif de l’usus, ou usucapion.  Rappelons ce principe : l’usus, compris comme l’exercice effectif et durable du droit de propriété (Humbert 2005-2), renforce par sa durée (un an/deux ans) la situation processuelle de l’acquéreur. À terme, il rend superflue la garantie (auctoritas) due à l’acquéreur par le mancipio dans. Au cœur de la règle quod subruptum erit … aeterna auctoritas esto, on retrouve les mêmes notions d’usus et d’auctoritas soudés et interdépendants, posées par le verset 6.3. À l’usus de l’acquéreur de bonne foi de la chose volée correspond l’auctoritas du vendeur de la

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chose volée (il s’agit du voleur qui a mancipé la chose volée). L’usus et l’auctoritas se superposent. Mais ici, au lieu que l’usus provoque à terme l’extinction de l’auctoritas, la loi a déchu l’usus de son efficacité ordinaire. Quelle que soit la durée de l’exercice de son droit de propriété, l’acquéreur de bonne foi ne peut invoquer l’usucapion (ou un délai d’usus consolidateur) pour résister à la revendication du volé. C’est la raison pour laquelle, avec une logique impeccable, afin de protéger l’acquéreur de bonne foi contre une éviction toujours menaçante, la loi, pour protéger ce dernier, prolonge éternellement l’obligation de garantie (ou l’auctoritas) à la charge du vendeur, c’est-à-dire à la charge du voleur qui a aliéné la res furtiva par mancipatio. Cf.  Mitteis RPR 120 n. 29 ; Voci (1952) 48-49 ; Kaser (1988) 137-139 ; Humbert (2005-2) 397-399 = 609-611. Pas plus pour le verset 8.17 que pour 6.3 ou 6.4, on ne donnera à auctoritas le sens de ‘titre de propriété’, pour l’attribuer à perpétuité au volé afin qu’il récupère son bien entre les mains de tout acquéreur sans considération de délai. Auctoritas ne peut, en 8.17, avoir un sens différent de celui que nous avons retenu comme seul possible pour 6.3 et 6.4. Cependant, en faveur du sens de ‘titre perpétuel du volé’ : Huvelin (1915) 281 ; Giffard (1938) 340-342 ; Lévy-Bruhl (1947-2) 1415, 28-29 ; Magdelain (1950) 148-153 = 701-705 ; Kaser, dans un premier temps (1951) 160-162 ; Id. RPR I2  138 – et l’ensemble de la discussion sous 6.3 –. 3. – Res furtivae, mancipi et nec mancipi Si l’on retient comme authentiquement décemvirale la formulation reprise par la lex Atinia, on remarque aussitôt que la loi des XII T. ne s’est pas prononcée directement sur l’usus de l’acquéreur pour le déclarer inefficace, mais simplement sur l’auctoritas : quod subruptum erit, eius rei aeterna auctoritas esto. Bien évidemment, la prolongation illimitée de l’auctoritas de l’aliénateur présuppose l’inefficacité définitive de l’usus. Mais il est remarquable que la loi n’ait pas cru utile d’édicter formellement la prohibition d’usucaper la chose volée. La loi s’est contentée de tirer une conséquence de la déchéance de l’usus : la perpétuité de l’auctoritas au profit de l’acquéreur de bonne foi (certain d’être évincé par le propriétaire volé, mais assuré d’obtenir la garantie contre l’éviction qui grève durablement l’aliénateur-voleur). Pourquoi le rejet de l’usucapion des choses volées est-il seulement ? Très certainement parce que l’imprescriptibilité des sous-entendu  choses volées était un principe si évident que la loi n’avait pas à le formuler. La loi n’a nulle part déclaré le voleur incapable d’usucaper – contrairement aux affirmations d’une grande partie de la doctrine. Le verset sur l’aeterna auctoritas ne concerne pas l’action de la victime contre le voleur, pas plus qu’elle n’a expressément reconnu à la victime

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un droit de revendication perpétuel contre tout possesseur. C’était superflu. Ainsi exactement Kaser EB 95 ; Lübtow (1951-1) 265-266 ; Mayer-Maly (1961-1) 265 ; Kaser (1988) 139, contre : Mommsen Strafr. 756 n.  1 ; Daube (1938) 231-232 ; Kaser (1951) 168 ; Id. RPR I2  137, qui ont tenté de limiter la portée de la loi à une simple revendication éternelle du volé contre le voleur et reconstitué ainsi le verset : adversus furem aeterna auctoritas esto. Bien que non exprimée, la prohibition d’usucaper n’en reste pas moins fondamentale. Les juristes de l’Empire (ainsi Gaius) devront interpréter le verset Quod subruptum erit pour en tirer un principe que les décemvirs avaient seulement sous-entendu : rem furtivam lex XII tabularum usucapi prohibet. On doit donc souligner les limites de 8.17. Le verset ne se réfère qu’à l’hypothèse limitée de la revendication d’une res mancipi volée, acquise par un tiers de bonne foi : seule hypothèse où l’auctoritas du voleur sera mise en jeu. Par contre, 8.17 ne concerne ni la revendication du volé contre le voleur, ni la revendication par le volé d’une res nec mancipi. On n’en déduira pas, il va de soi, que les XII T. reconnaissaient au voleur ou à l’acquéreur d’une res nec mancipi dérobée le droit d’opposer l’usucapion (ou usus) à la revendication du volé. La conclusion s’impose. Le principe général de l’inopposabilité de tout usus à la victime d’un vol est admis par le code comme allant de soi. C’est un présupposé. La prohibition d’usucaper (ou l’inopposabilité d’un usus défini comme inopérant) vaut pour toutes les choses, mancipi et nec mancipi, et à l’égard de toute personne, voleur ou acquéreur de bonne foi. De ce principe général sous-entendu, la loi n’a dégagé qu’une conséquence formellement exprimée : l’obligation d’auctoritas du mancipio dans indéfiniment prolongée. 4. – La loi 8.17 et la lex Atinia Les deux dispositions successives semblent se répéter. Où placer la nécessaire différence ? Plusieurs hypothèses ont été envisagées. 1) La répétition sans changement, par la loi républicaine, de la norme décemvirale : Pernice (1895) 338 n.  2 ; Albanese (1953) 30-32. Mais le témoignage de Gell. (Reconstitution) implique une innovation apportée par la loi Atinia. 2) L’attribution erronée aux XII T. : supra Reconstitution. 3) Le code n’aurait interdit l’usucapion qu’au seul voleur. L’extension au tiers acquéreur de bonne foi serait une innovation de la loi Atinia : Mommsen Strafr. 756 n. 1 ; Daube (1938) 231-231 ; Mayer-Maly (1962-1) 103-104 ; Kaser (1951) 168 ; Id. (1962-2) 89-91 ; Id. RPR I2  137. Mais objections sous 3. -. 4) Les XII T. auraient édicté la prohibition d’usucaper et permis la revendication contre l’acquéreur de bonne foi, mais omis de prescrire

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contre le voleur mancipio dans la pérennité de son obligation d’auctoritas. L’usus n’aurait joué qu’à moitié : il aurait éteint l’auctoritas du voleur, mais sans consolider la situation processuelle de l’acquéreur. La lacune aurait été comblée par la loi Atinia : ainsi, Mommsen (1843) 465 ; Voigt XII T. II 207 ; Karlowa RRG II 407 ; De Visscher (1937) 583587 = 186-190 ; Id. (1958) 485-487 = 279-280. Mais une aussi lourde bévue de la part des décemvirs, brisant, pour trois siècles, le couple ; Id. usus-auctoritas, est invraisemblable : Mayer-Maly (1961-1) 270  (1962-1) 102-103. 5) La lex Atinia aurait étendu aux res nec mancipi une prohibition d’usucaper limitée jusque là aux res mancipi : Kaser (1988) 140. Contra supra 3. –. 6) La loi des XII T. prohiberait l’usucapion à l’encontre du seul possesseur de mauvaise foi (le rituel de l’endoplorare – 8.13 - mettrait en garde tout acquéreur éventuel contre la possession d’une res furtiva). La loi Atinia aurait étendu la prohibition à tout acquéreur de bonne foi : Kaser EB 97. 7) La lex Atinia aurait repris substantiellement le verset 8.17, mais en y ajoutantl’exception de la reversio in potestatem eius cui subreptum erit (le retour de la chose entre les mains du volé rétablit la possibilité d’une usucapion future). En ce sens Berger (1925) 2334 ; Giffard (1938) 342-343 ; Kunkel (1949) 135 ; Voci (1952) 162-165 ; Solazzi (1953-2) 9-10 = 482 ; Stein (1984) 599-600. Mais Mayer-Maly (1962-1) 102 a justement fait observer que l’innovation à laquelle Gell. fait allusion ne porte pas sur cette reversio, mais sur quod subruptum erit. 8) Après de nombreuses hésitations, Kaser (1988) 140 nous semble avoir trouvé la solution la plus satisfaisante. Alors que les XII T. n’ont visé que l’acquéreur immédiat du voleur, la lex Atinia a étendu la prohibition d’usucaper et la pérennité de l’auctoritas à tous les acquéreurs de bonne foi successifs. L’inefficacité de l’usucapion résulte désormais d’un vice attaché à la chose (quod subruptum erit) et qui la suit éternellement, quel que soit son possesseur. La revendication du volé fait tomber en cascade les titres successifs. La chaîne des acquéreurs remonte jusqu’au voleur, qui répare au double l’éviction du dernier possesseur.

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8. 18 a  – : Tacitus Annales 6.16.2 : Nam primo duodecim tabulis sanctum ne quis unciario fenore amplius exerceret […]  : Tout d’abord les XII T. ont prescrit que l’on ne pratiquerait pas un intérêt supérieur à un douzième …

b – : Cato De agri cultura, praef. : Maiores […] in legibus posiverunt, furem dupli condemnari, feneratorem quadrupli […]



:N  os ancêtres ont établi par leurs lois que le voleur serait condamné au double, mais le prêteur à intérêt au quadruple.

Sources complémentaires a) Tac. ann. 6.16.1-2 : (1) Sane vetus Vrbi faenebre malum et seditionum discordiarumque creberrima causa eoque cohibebatur antiquis quoque et minus corruptis moribus. (2) Nam primo duodecim tabulis sanctum ne quis unciario fenore amplius exerceret, cum antea ex libidine locupletium agitaretur ; dein rogatione tribunicia ad semuncias redactum, postremo vetita versura. Multisque plebei scitis obviam itum fraudibus, quae toties repressae miras per artes rursum oriebantur. [« (1) Certes l’usure était pour la Ville un mal endémique et la cause trop fréquente de séditions et révoltes. C’est pour cette raison que dès les temps reculés et sous des mœurs moins corrompues qu’aujourd’hui, on tentait de les contenir. (2) Tout d’abord les XII T. ont prescrit que l’on ne pratiquerait pas un intérêt supérieur à un douzième, alors qu’avant tout était dominé par le bon plaisir des riches. Ensuite, sur proposition des tribuns, le taux fut ramené à un vingt-quatrième. Enfin, on interdit d’emprunter (pour rembourser). Et de nombreux plébiscites s’opposèrent aux fraudes : si souvent réprimées, elles renaissaient toujours sous l’effet d’étranges artifices »]. b) Livius 7.16.1 (357) : Haud aeque laeta patribus insequenti anno, C. Marcio Cn.  Manlio consulibus, de unciario fenore a M. Duilio L. Menenio tribunis plebis

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rogatio est perlata ; et plebs aliquanto eam cupidius scivit. [« Guère plus appréciée des patriciens, la proposition des tribuns Marcus Duilius et Lucius Menenius limitant l’intérêt à un douzième fut conduite jusqu’à son terme l’année suivante, sous le consulat de Caius Marcius et de Gneus Manlius. La plèbe éprouva beaucoup de joie à voter cette proposition »]. c) Livius 7.27.3 (347) : Idem otium domi forisque mansit, T. Manlio Torquato C. Plautio consulibus. Semunciarium tantum ex unciario fenus factum et in pensiones aequas triennii, ita ut quarta praesens esset, solutio aeris alieni dispensata est. [« La même tranquillité, à l’intérieur et à l’extérieur, persista sous le consulat de Titus Manlius Torquatus et de Caius Plautius On réduisit le taux de l’intérêt, qui était de un douzième, à seulement un vingt-quatrième ; on répartit le paiement des dettes en quatre versements égaux sur une durée de trois ans, le premier étant à payer immédiatement »]. d) Livius 7.28.9 (344) : Iudicia eo anno populi tristia in feneratores facta, quibus ab aedilibus dicta dies esset, traduntur. [« On rapporte que, la même année, le peuple prononça des jugements impitoyables contre les prêteurs à intérêt, cités à comparaître par les édiles »]. e) Livius 7.42.1 (342) : Praeter haec invenio apud quosdam L. Genucium tribunum plebis tulisse ad plebem ne fenerare liceret. [« Outre ces faits, je trouve chez certains auteurs que Lucius Genucius, tribun de la plèbe, porta devant la plèbe une proposition visant à interdire le prêt à intérêt … »]. f) Appien Bel. Civ. 1.54 (232-236) : (232) τοῦ δ’ αὐτοῦ χρόνου κατὰ τὸ ἄστυ οἱ χρῆσται πρὸς ἀλλήλους ἐστασίασαν, οἳ μὲν πράττοντες τὰ χρέα σὺν τόκοις, νόμου τινὸς παλαιοῦ διαγορεύοντος μὴ δανείζειν ἐπὶ τόχοις ἢ ζημίαν τὸν οὕτω δανείσαντα προσοφλεῖν. … (234) ἔθους δὲ χρονίου τοὺς τόκους βεβαιοῦντος, οἳ μὲν κατὰ τὸ ἔθος ᾔτουν, οἳ δὲ οἷον ἐκ πολέμων τε καὶ στάσεων ἀνεβάλλοντο τὰς ἀποδόσεις· εἰσὶ δ’οἳ καὶ τὴν ζημίαν τοὺς δανείσαντας ἐκτίσειν ἐπηπείλουν. (235) ὅ τε στρατηγὸς Ἀσελλίων, ᾧ ταῦτα προσέκειτο, ἐπεὶ διαλύων αὐτοὺς οὐκ ἔπειθεν, ἐδίδου κατ’ ἀλλήλων αὐτοῖς δικαστήρια, τὴν ἐκ τοῦ νόμου καὶ ἔθους ἀπορίαν ἐς τοὺς δικαστὰς περιφέρων. (236) οἱ δανεισταὶ δὲ χαλεπήναντες, ὅτι τὸν νόμον παλαιὸν ὄντα ἀνεκαίνιζε, κτείνουσιν αὐτὸν ὧδε·

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[« (232) À la même époque, Rome connut des troubles entre des débiteurs et leurs créanciers : ces derniers se faisaient rembourser leurs prêts avec des intérêts, alors qu’une loi archaïque avait interdit le prêt à intérêt et frappait d’une peine celui qui prêtait à ces conditions. (234) Mais comme un long usage avait fini par concéder aux intérêts une quasi légitimité, les uns les réclamaient en invoquant la coutume, tandis que les autres, évoquant les guerres et les séditions, en différaient le paiement. Il y en avait même qui menaçaient de faire condamner à la peine prévue les créanciers qui prêtaient à intérêt. (235) Le préteur Asellio, qui avait ces affaires sous sa juridiction, échouant à faire s’entendre les parties adverses, leur donna des juges aux uns contre les autres, reportant sur les juges le soin de résoudre les incertitudes nées du conflit entre la loi et la coutume. (236) Les créanciers supportèrent mal qu’il remît ainsi la loi antique : ils le massacrèrent »]. g) Gai. 4.23 : Sed aliae leges […] constituerunt quasdam actiones per manus iniectionem, sed ‘puram’, id est non ‘pro iudicato’ : velut […] ; item lex Marcia adversus feneratores, ut, si usuras exegissent, de his reddendis per manus iniectionem cum eis ageretur. [« Mais d’autres lois ont encore créé des actions par saisie directe : mais une saisie ‘pure et simple’ et non une saisie ‘en guise de jugement’. Ainsi […] ; de même la loi Marcia portée contre les prêteurs à intérêt : s’ils avaient réclamé ces intérêts, on disposait, pour se les faire restituer, d’une action par saisie »]. h) Festus v° Quadruplatorem 308 L : allus que actio …. Cf.  Paul 309 L : Quadruplatores dicebantur, qui eo quaestu se tuebantur, ut eas res persequerentur, quarum ex legibus quadrupli erat actio. [«  Aelius Gallus dit qu’un quadruplator était celui qui vivait du profit tiré de la poursuite des délits que les lois avaient sanctionnés de la peine du quadruple »]. i) Paulus Excerpta ex lib. Festi, v° Fenus 76 L : Fenus et feneratores et lex de credita pecunia fenebris, a fetu dicta, quod crediti nummi alios pariant, ut apud Graecos eadem res τόκος dicitur. Fenum quoque pratorum ab hac causa est appellatum, quando id ipsum manens quotannis novum parit. [« Fenus, feneratores, lex fenebris (= loi sur le taux de l’intérêt), viennent du mot fetus (produit du sol), car les espèces prêtées en produisent d’autres à leur tour ; d’ailleurs, chez les Grecs, on appelle tokos (= produit par les générations) la

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même chose (= l’intérêt produit par la somme prêtée). Le foin des prés (fenum) tient aussi son nom de là : chaque année, sans disparaître, il en produit de nouveau »]. j) Pseudo-Asconius In divinationem in Q. Caecilium 7.24 (p. 194 éd. Stangl) : Quadruplatores delatores erant criminum publicorum, in qua re quartam partem de proscriptorum bonis, quos detulerant, consequebantur. Alii dicunt, quadruplatores esse eorum reorum accusatores, qui convici quadrupli damnari soleant, aut aleae aut pecuniae gravioribus usuris feneratae quam pro [selon Mommsen] [l’éd.] aut eiusmodi aliorum criminum. [« Les quadruplatores étaient les dénonciateurs de crimes publics : activité qui leur permettait d’acquérir le quart des biens de ceux qu’ils faisaient condamner. Mais d’autres disent que les qu. sont les accusateurs de prévenus condamnés au quadruple, pour des crimes liés au jeu, aux prêts d’argent dont les intérêts dépassaient le taux légal, ou pour d’autres crimes du même genre »]. Reconstitution Impossible en l’état actuel de nos connaissances. Commentaire Plan du commentaire : 1. – L’unciarium fenus : sa signification.  2. – La place de la prohibition décemvirale au sein de la réglementation républicaine de l’intérêt : 2. – 1. La norme décemvirale ; 2. – 2. La limitation de 347 ; 2. – 3. La prohibition de l’intérêt par la lex ‘Marcia I’ de 342 ; 3. – Les sanctions légales ; 3. – 1. La loi des XII T. ; 3. – 2. Le plébiscite de 357 ; 3. – 3. La lex de 347 ; 3. – 4. La lex ‘Marcia I’ de 342 ; 3. – 5. La lex ‘ Marcia II’ du début du IIe s ; 4. – Nexum et prêt à intérêt. 1. – Unciarium fenus Selon le témoignage (unique) de Tacite, les XII T. auraient limité le taux de l’intérêt à une once pour une livre, c’est-à-dire, selon le comput libral (une livre = 12 onces), à un douzième. Par mois ou par an ? Si c’est par mois, l’intérêt, sur une année, sera égal à 12/12è, donc à 100% de la valeur prêtée. Si c’est par an, l’intérêt sera de 8,33% par an (pour une année de 10 mois) ou de 10% (pour une année de douze mois). Les deux interprétations ont été soutenues. Au XIXe s., depuis Niebuhr (I, 646 ; III, 61-69), c’est la seconde interprétation qui domina. Elle invoqua le fait que les prêts portaient

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sur du bronze (en lingots) (aes, d’où la dette, aes alienum, le bronze d’autrui) ; que l’acte de prêt recourait au nexum (dont l’objet est le prêt d’aes) ; et qu’un prêt d’échéance annuelle à 100% l’an serait absolument invraisemblable. Ainsi Mommsen Röm. Gesch. I8, 151, 282 (mais dans le Strafr. 849-850 passe sous silence le montant de l’intérêt) ; Voigt XII T. II, 582 n.  6 ; Karlowa RRG II, 554 ; Billeter (1898) 116-119 ; Klingmüller (1902) 68-71 ; Id. (1909) 2191-2192 (avec large aperçu bibliog. et écartant à juste titre une troisième interprétation d’unciarium fenus : 1% par an : ibid. 2189) ; Cuq (1917) 428-429. Mais un article décisif d’Appleton (1919), notam. 468-498, a replacé dans un contexte pré-monétaire et exclusivement agricole la disposition décemvirale. Les prêts portent exclusivement sur les produits du sol (ainsi le lien fenus/fetus), biens de consommation (froment, semence). Il s’agit de prêts d’urgence, à très courte durée. L’intérêt se calcule par mois et l’histoire comparée prouve qu’un taux de 100% l’an n’est nullement invraisemblable. À la suite de Appleton : Scialoja (1923) ; Kübler (1925) 48-49 ; Balogh (1948-1) 314-323 ; Wieacker (1956-2) 478, insistant à juste titre sur les risques économiques de ce type de prêt, que le prêteur supporte seul ; Michel (1962) 108 ; Kaser RPR I2, 168 (prudent, mais plutôt favorable à cette interprétation) ; Zehnacker (1980). Les tentatives postérieures à l’article pionnier de Appleton et retournant vers l’interprétation du siècle précédent, ou n’apportent pas d’argument neuf (par ex. Nicolau [1933-2], 925-948), ou partent de prémisses économiquement erronées. Ainsi De Martino (1975 a) 49-70 ; Id. (1979) 143-146 (suivi par Cervenca [1992] 1127), affirmant que le prêt à intérêt ne peut exister que dans une économie de type monétaire, repousse à la première moitié du IVe s. ce type d’économie (alors que non seulement la frappe, mais l’usage d’une monnaie n’apparaissent qu’un siècle plus tard) et place en 357 seulement, pour ces soi-disant raisons, un taux légal maximum de 10% l’an. De même Behrends (19741) 5, qui condamne l’idée de prêt de biens de consommation au profit d’un prêt décemviral de monnaie (qualifié d’aes), soumis au taux légal de 1/12 par an. Mais ces analyses sont viciées par une conception fausse de l’aes. L’aes n’est pas une monnaie, mais constitue un système de comput. L’aes (qui s’est lui-même substitué, peu avant 450, à un autre système de comput, la tête de bétail, bœuf et mouton) sert seulement à traduire la valeur du bien échangé, ou vendu, ou prêté. On est en présence d’un système de calcul ou d’une grille d’équivalence qui ne nous informe pas sur la nature du bien, ou de la res vendue, échangée, prêtée. Il est donc inexact de poser, comme le font ces auteurs – et comme le faisait la doctrine du XIXe s. – que l’idée d’un taux d’intérêt, fixé en onces par livre, unciarium fenus, impliquerait un prêt en argent (sous sa forme primitive d’un prêt de bronze) et qu’il n’aurait pas sa place dans l’économie décemvirale. Le nexum, prêt à intérêt par définition et

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qui se trouve visé par la réglementation décemvirale de l’intérêt, n’est absolument pas un Gelddarlehn, un prêt d’argent, dont l’objet serait la monnaie (ou l’aes qui sert de monnaie). Le nexum est un prêt qui porte sur des biens de consommation. Il ne recourt à l’aes que pour traduire par son équivalent ‘monétaire’ (exprimé en poids de bronze) la valeur des biens prêtés et la valeur de l’intérêt convenu. Prêt à très court terme de biens de consommation, le nexum est soumis au taux de 8,33% par mois, mais dont la valeur est exprimée à l’aide de l’aes. Ce système est de type proto-monétaire. Il s’est maintenu au moins jusque vers 280-270. V. Zehnacker (1987). L’apparition relativement tardive de la monnaie à Rome ne met pas en cause la réglementation du prêt à intérêt en 450, à condition de ne pas confondre prêt de denrée et prêt d’espèces monnayées. Sur la datation, désormais acquise, du monnayage romain, v. les conclusions concordantes de Thomsen (1961) 49-77 ; Crawford (1972) 28-40 ; Zehnacker (1973) 222-250 : 289 av. J.-C. pour les bronzes libraux ; 280 pour les didrachmes ; 212-211 pour les deniers. Sur l’origine possible (Sicile) des termes et du système libra – uncia, Peruzzi (1985) 39-63. Comme les Romains l’ont bien vu (Festus, source i ; de même Varron ap. Gell. 16.12.7), fenus, de même racine que fetus, évoque les fruits du sol, destinés, comme le foin (fenum) à se reproduire chaque année. V. Ernout-Meillet DE4 225 ; Walde-Hofmann LEW3 479. On ne peut savoir si le terme fenus remonte aux XII T. Le mot usura, différemment, exprime l’idée d’une mise à la disposition, pour en user, d’un certain bien moyennant rétribution.  En eux-mêmes, fenus, fenerator, usura sont des termes neutres qualifiant le prêt à intérêt, le prêteur, l’intérêt, même légal et non excessif. Mais peut-être du fait des lois qui finiront par prohiber tout prêt à intérêt (cf.  sources a, e, f, g), fenus, fenerator et usura, dans les sources de toute époque, ont qualifié à la fois le prêteur respectueux du taux légal, à la fois l’usurier transgresseur. Cf. Royer (1967) 237-238. 2. – La place de la prohibition décemvirale au sein de la réglementation républicaine de l’intérêt L’histoire républicaine du prêt à intérêt est marquée de trois dates essentielles : 1) la limitation de l’intérêt à un douzième attribuée aux XII T. par Tac. ann. 6.16 (source a) et à une « loi » de 357 par Liv. 7.16.1 (source b) ; 2) la réduction de moitié de ce taux légal, attribuée à une loi de 347 par Liv. 7.27.3 (source c) ; 3) la prohibition complète de l’intérêt, confirmée par Tacite (source a) et placée en 342 par Liv. 7.42.1, qui l’attribue à une soi-disant ‘lex Genucia’ (source e). Cette même mesure, abolissant toute forme d’intérêt, est également mentionnée par Appien (sous les termes de ‘loi archaïque’ : B.C. 1.54 (232) : source f) et par Gai. 4.23 (sous le nom de lex Marcia, non datée : source g).

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2. – 1. La norme décemvirale Le témoignage de Tacite, attribuant aux XII T. une première limitation de l’intérêt (1/12e), semble entrer en conflit avec Liv. 7.16.1 qui rattache la même mesure à une rogatio proposée par les tribuns Duilius et Menenius et votée avec joie par la plèbe en 357 (et plebs aliquanto eam cupidius scivit). La contradiction, en réalité, n’existe pas, contrairement à ce que plusieurs ont affirmé, soucieux de déposséder le code décemviral d’une limitation de l’intérêt. Ainsi : Mitteis RPR 247 ; Pais (1921) 35-43 ; Appleton (1919) 534 soutenant une soi-disant contradiction entre les sources ; selon ce dernier, la loi à laquelle Caton (XII T. 8.18 b) se réfère punirait les fenatores, donc tous les prêteurs à intérêt, alors que les XII T. ne répriment que le dépassement du taux légal : mais cette distorsion entre les deux sources n’existe pas, car les fenatores visés par Caton sont non pas tous les prêteurs à intérêt, mais uniquement ceux qui dépassent le taux légal – v. plus haut le sens ambivalent de fenerator - : Caton et Tacite s’accordent donc parfaitement ; Nicolau (1933-2) 928 ; De Martino (1975 a) 49-52 ; Id. (1979) 144. De fait, Tite- Live ne dit pas que la mesure de 357 fut la première ou qu’elle a innové : nous pensons, avec la majorité des auteurs (Billeter [1898] 11-120 ; Klingmüller [1909] 2188 ; Kaser [1977] 35-36) que la rogatio Duilia Menenia a eu simplement pour objet de réactiver la prescription décemvirale, vouée à être contournée ou vidée de sa substance par l’âpreté des prêteurs. Et nous ajouterons, en faveur d’une simple réanimation, un argument qui nous paraît décisif. Tite-Live (source b) reconnaît à la mesure votée à la suite de la rogatio des deux tribuns une valeur normative. Or cette perception du plébiscite est anachronique, impensable avant 287 – même si la déformation de l’annaliste est absolument constante, pour tous les plébiscites qu’il évoque des origines jusqu’à la loi Hortensia de 287. Dans le cas précis de la rogatio Duilia Menenia, il est certain qu’une décision plébéienne (plebs scivit) ne pouvait prétendre imposer unilatéralement à toute la cité une réglementation de l’usure : les décisions de la plèbe n’ont aucune autorité normative (et elles n’y prétendent pas). Elles n’ont d’autre prétention que d’être des injonctions au sénat, pour qu’il opère la réforme formulée par la plèbe. V. ici Humbert (1998), notam. 223-228  (= 668-669) ; Id. (2012) 323. Il est clair que l’initiative plébéienne de 357 entre dans ce schéma. Menée par ses tribuns, la plèbe a exigé par le vote de son plébiscite que la limitation de l’intérêt (nullement créée par le plébiscite) soit appliquée. Aucune loi n’a donné suite à cette exigence. C’était inutile, car la norme existait déjà : celle que les XII T. avaient posée près d’un siècle plus tôt et dont la plèbe exige qu’elle soit respectée. 2. – 2. La limitation légale de 347 Une seconde mesure, placée en 347 par Tite-Live (source c), reçoit, chez Tacite (source a) et chez Tite-Live, la même portée : la réduction

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de moitié du taux légal antérieur, fixé donc désormais à 1/24e. Les consuls, probablement sous la pression d’un plébiscite, décident par une loi (que, par une étrange confusion, Rotondi (1912) 224, qualifie de plebiscitum, alors qu’il qualifiait de ‘lex’ (sic) Duilia Menenia’ le plebiscitum de 357) de réduire de moitié le maximum légal et d’accorder un moratoire aux débiteurs. 2. – 3. La prohibition de l’intérêt par la lex ‘Marcia I’ de 342 La dernière mesure, la mieux attestée (Tacite, Tite-Live, Appien, Gaius : sources a, e, f, g), mais la plus discutée aussi, attribuée par TiteLive à l’année 342 et aux efforts du tribun Genucius, a tout simplement interdit le prêt à intérêt. Par sa brutalité radicale, la mesure a été suspectée. On en a nié l’existence comme ‘contraire à la nature’, ‘impensable’, ‘économiquement insoutenable’ : v. parmi beaucoup Huschke (1846) 121-127 ; Karlowa (1872) 194-198 ; Id. RGG II.1, 558. Mais ces arguments subjectifs ne peuvent éliminer quatre témoignages, irrécusables par leur cohérence, même si l’on doit envisager bien des tentatives pour contourner cette prohibition.  Ainsi, selon ces témoignages, tombe sous le coup de la prohibition, le fait, sans restriction, de fenerare (Livius, source e) ; selon Appien, une loi, dite archaïque, a interdit le prêt à intérêt et soumis à des peines les contrevenants (source f) ; prohibition totale d’usuras exigere, selon Gaius (source g) et, selon Tacite (source a), interdiction de la versura (manœuvre intégrant les intérêts au capital afin de les dissimuler). Sur cette pratique frauduleuse, Karlowa (1872) 196. Cette prohibition complète ne semble pas avoir été rapportée jusqu’à la fin du IIe s., même si elle fut régulièrement bafouée (Appien, source c). L’existence de la mesure attribuée au tribun de 342 ne peut donc pas être mise en cause. Mais certainement pas sous la forme d’un plébiscite réformateur, bien incapable de poser une interdiction légale de l’intérêt. Il faut rectifier l’iter législatif et placer la norme positive dans une lex que le sénat fit voter sous la pression victorieuse du plébiscite voté à l’initiative du tribun Genucius. Nous donnerons à cette loi le nom de lex ‘Marcia I’, du nom de l’un des consuls de l’année, C. Marcius Rutilus, en distinguant cette loi de la lex ‘Marcia II’, d’époque beaucoup plus récente (début du IIe s. av. J.-C. et dont la sanction est relatée de façon relativement précise par Gaius (source g). Nous distinguerons donc deux mesures législatives différentes, séparées par un bon siècle et demi, et qui toutes deux, du même nom de lex Marcia, ont porté la même prohibition.  L’hypothèse d’une interdiction formulée par deux mesures législatives successives ne va pas de soi. Aussi la quasi-totalité des auteurs s’accorde-t-elle à placer dans une seule loi, dite lex Marcia (du nom que lui donne Gaius, source g), la prohibition de l’usure, mais

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à une époque qui oscille entre 357 (Hölkeskamp [1987] 98-99) ; 342 (Klingmüller [1902] 72-75 ; Kaser [1977] 37) ; 313 et 287 (Coarelli [1988] 107-110 : une loi votée à l’instigation de C. Marcius Censorinus, et destinée à alourdir les peines encourues par les feneratores qui, au mépris de la loi Poetelia Papiria, auraient continué à recourir à la manus iniectio pour récupérer leurs intérêts) ; entre 204 et 192 (Di Lella [1984] 16-20) ; 196 (Rivière [1997] 300 s.) ; au début du IIe s. (Billeter [1898] 127-129) ; 104 (Pais [1921] 35-43 ; Rotondi [1912] 326, avec hésitation). Pour des motifs de technique processuelle, on le verra, la lex Marcia évoquée par Gaius ne peut pas remonter au-delà du début du IIe s. Dans la nécessité de restituer une loi instituant la prohibition de 342, nous proposons de l’attribuer au consul C. Marcius Rutilius, attentif aux exigences plébéiennes, puisque, plébéien lui-même, il avait déjà accepté lors de son consulat précédent en 357, de renouer avec l’esprit de la législation décemvirale et, se conformant aux exigences inscrites dans le plébiscite Duilio-Ménénien, de ne pas laisser inappliquées les dispositions des XII T. Nous proposons donc de voir dans la lex ‘Marcia I’, de 342, la mesure législative qui conféra son efficacité normative au plébiscite voté à l’inspiration de Genucius. 3. – Les sanctions légales Le tableau qui suit a cherché une certaine cohérence. Mais on ne doit pas cacher qu’un certain nombre d’incertitudes subsistent. 3. – 1. La loi des XII T Les XII T. ont nécessairement sanctionné la prohibition (dépasser le taux maximal fixé à 1/12e le mois) qu’elles formulaient. On peut penser, avec la grande majorité des auteurs, que l’action au quadruple, appartenant à la victime seule, recourait à l’action de la loi du sacramentum, de la même manière que la sanction au double du furtum nec manifestum. Le rapprochement, de fait, est fait par Caton (source XII T. 8.18 [b]). Ainsi Billeter (1898) 117 ; Klingmüller (1909) 2188-2189 ; Kaser AJ, 134 ; Id. RPR I2, 160 ; Id. (1975) 35 (et bibliog. antérieure). Mais on ne peut pas exclure que, dans un souci d’efficacité, une manus iniectio pro iudicato ait permis à la victime de l’usurier d’agir directement contre celui-ci, sans passer par la phase contentieuse. S’il ne trouve pas de vindex, le créancier usurier est immédiatement condamné. Dans cette hypothèse, la loi se serait aidée d’un damnas esto pour formuler la sanction au quadruple. Il ne serait pas surprenant que la loi eût accordé au débiteur, victime d’intérêts usuraires, la même procédure expéditive que celle dont disposait le créancier pour réclamer la restitution du prêt et le paiement des intérêts (v. la sanction du nexum, acte formaliste de prêt, sous XII T. 6.1).

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3. – 2. Le plébiscite de 357 Ce dernier n’a pas modifié (il n’en n’avait pas les moyens) cette sanction pénale privée. Les consuls ou préteurs ont dû s’engager à ouvrir plus largement leur protection judiciaire aux débiteurs qui réclamaient, sans doute en vain, le respect des prescriptions décemvirales. Le plébiscite de 357 a surtout voulu mettre fin à des dénis de justice, comme il s’en produisit, dans les mêmes circonstances, au début du Ier s. av. J.-C. (Appien, source f ; Liv., Per. 74 ; Val. Max. 9.7.4). 3. – 3. La lex de 347 Cette loi a non seulement réduit de moitié l’intérêt (taux maximum de 1/24e par mois), mais a assorti d’une sanction nouvelle le respect de la prescription légale. Il convient très probablement d’attribuer aux consuls de cette année-là la création d’une accusation criminelle confiée aux édiles, faisant prononcer par le peuple une amende en cas de violation de la loi. Ces multae inrogationes relèvent de la juridiction criminelle des édiles curules (créés en 367) : aucun indice ne permet d’associer les édiles plébéiens à cette répression publique (contra Garofalo [1989] 97-98). Ces procès édiliciens sont bien connus des sources, mentionnés dès les lendemains de la lex de 347 : en 344 (Liv. 7.28.9) ; en 304 (Liv. 9.46.1 ; Plin. nat. 33.19 : un temple à la Concorde est élevé ex multaticia feneratoribus condemnatis) ; en 296 (Liv. 10.23.1112) ; en 192, dernier attesté (Liv. 35.41.9-10). Comme l’a vu Mommsen Strafr. 849, la procédure, exceptionnelle, ne réprimait les cas d’usure que lorsque, par ses dimensions, elle revêtait un caractère public. On y verra un renforcement de l’action privée (ou de la procédure d’exécution privée) décemvirale au quadruple, qui se maintient. 3. – 4. La lex ‘ Marcia I’ de 342 On peut attribuer à cette loi, qui édicte la prohibition absolue de l’intérêt, un élargissement de la sanction : à deux niveaux, nous semblet-il. Il est possible, en effet, que remonte à cette loi, que nous avons qualifiée de lex ‘Marcia I’, la création de l’action populaire privée (iudicium publicum rei privatae, selon l’expression rapportée par Cic. nat. deor. 3.74), à l’origine de l’activité des quadruplatores qui, à l’époque de Plaute (Persa 62 s.; Truc. 759-762) en faisaient encore profession. L’idée d’une action populaire privée prétorienne, accessible au premier venu, ne paraît pas impossible au milieu du IVe s., sur le modèle de l’action populaire dont l’exemple le plus archaïque remonte à la lex Licinia de modo agrorum (367) – mais, dans ce cas, pour faire prononcer l’amende légale –. La procédure ouverte au dénonciateur ne pouvait être qu’une manus iniectio pro iudicato (sur le modèle de la procédure organisée par la lex luci Lucerina, du IIIe s.), ouverte à quivis volet (mais pour

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faire appliquer une peine légale). La m.i. pro iudicato, on doit le penser, a été également (à supposer qu’elle n’était pas déjà auparavant prévue par les XII T.) étendue au profit des débiteurs, bénéficiant, comme les quadruplatores contre les créanciers usuriers, de la même procédure et pour le même résultat. Sur les actions populaires, Fadda (1894) 18-31 ; Mantovani (1989) 131-142 (et bibliog. ant.). Sur les quadruplatores, les informations sont éparses. À une époque tardive (cf.  source j), le terme qualifie à la fois ceux qui, délateurs, obtiennent le quart des biens du condamné, à la fois ceux qui, du fait de la nature de la sanction du crime qu’ils poursuivent, obtiennent une condamnation au quadruple. Pour l’époque ancienne, c’est bien certainement le second sens, le seul qui réponde au terme de quadruplator, qui s’applique : Mommsen Staatsr. II, 598 ; Strafr. 849-850 ; état de la question (et bibliog. complém.) dans Rivière (1997) 579-595. Il faut remarquer toutefois que ni Aelius Gallus (ap. Festus, source h), ni le Pseudo-Asconius (source j), expliquant le terme comme « celui qui fait condamner au quadruple », n’affirment que la totalité de la somme parvenait à l’accusateur. À l’époque de Plaute (Persa 62), le terme quadruplari implique un enrichissement au quadruple, mais une évolution a pu se produire sur ce point. V. encore Wesener (1963-1) 710-711. Comme l’a justement démontré Klingmüller (1902) 74, suivi par Kaser AJ 134, contre Billeter (1898) 114-119, s’il y a une différence incontestable entre la procédure criminelle publique (instruite par les édiles) et les deux actions privées au quadruple (l’une exercée par le débiteur, l’autre par quivis ex populo), il n’y a aucune incompatibilité entre ces deux procédures. Il n’est donc pas justifié de les faire se succéder et de reculer de deux siècles l’apparition de l’action populaire privée du quadruplator, repoussée jusqu’au moment où les procédures édiliciennes disparaissent de nos sources. 3. – 5. La manus iniectio pura de la lex ‘Marcia II’ Nous ne pensons pas, contrairement à la doctrine dominante, que la loi Marcia (lex ‘Marcia II’), dont Gaius restitue la portée avec précision (4.23-24), ait créé l’action populaire des quadruplatores au quadruple. Nous pensons que l’objet de cette loi fut de soumettre à une même réforme (introduction de la manus iniectio pura en remplacement de la m.i. pro iudicato) la procédure alors identique, suivie tant par le débiteur réclamant la peine du quadruple que par le quadruplator agissant de même, mais en tant que quivis ex populo. Cette loi Marcia implique, comme nous l’avons soutenu, l’existence préalable (attribuée à la lex de 342, que nous avons appelée lex ‘Marcia I’) des deux procédures privées au quadruple recourant toutes deux à la m.i. pro iudicato et exercées par le débiteur ou par le quadruplator contre le créancier s’étant fait promettre des intérêts supérieurs au taux légal. Ce sont ces

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deux procédures qui vont être affectées par la réforme introduite par la lex ‘Marcia II’. L’exposé de Gaius, on le remarquera, ne concerne que la procédure ouverte au débiteur : adversus feneratores, ut si usuras exegissent, de his reddendis per manus iniectionem cum eis ageretur. Le terme reddere ne peut se référer qu’à l’action du débiteur. Mais il est très probable – et la doctrine est uniforme sur ce point – que la réforme a aussi concerné les quadruplatores, bien que son objectif principal n’ait pas été ces derniers et moins encore la création au profit de ces derniers d’une action populaire privée. En quoi consista la réforme ? À la place de la m.i. pro iudicato, remontant, comme il est possible, aux XII T., une m.i. pura prend place (ainsi Kaser AJ 134 et n.  71). Cette procédure est sans doute moins brutale pour le prévenu : il peut se défendre lui-même (Gai. 4.24) au lieu de s’en remettre, éventuellement, à un vindex ; cette procédure marque les progrès d’une cognitio aux lieu et place d’une procédure d’exécution.  V. ici : Lévy-Bruhl (1960) 308-311  ; Kaser (1983) 114-123 ; Selb (1984) 440 ; Nicosia (1992) 178-181 ; Kaser-Hackl (1996) 140-141 ; rapprochement avec la lex Laetoria (protection des mineurs), contemporaine, par Di Salvo (1979) 200 (même procédure au quadruple, accessible à la fois au mineur lésé et au premier citoyen venu, défenseur de l’intérêt général). Cette loi reste le modèle de cette catégorie désignée tardivement de ‘leges minus quam perfectae’ (Tit. Ulp. 1.2) : la prohibition légale n’est pas sanctionnée par l’inexistence de l’acte, mais par une peine qui n’affecte pas la validité du prêt usuraire : cf. Senn (1902) 985 ; Kaser (1977). L’application de la lex ‘Marcia II’ aux procédures conduites par les quadruplatores est soutenue, à juste titre, sur la foi d’un passage de Plaute (Persa 60), mais qui soulève beaucoup de questions. Ce sont en effet les tres viri capitales qui y apparaissent comme juges (ou du moins devant qui se déroule la m.i. contre le créancier usurier) : v. ici Cancelli (1956) 25 s. ; De Martino (1955) 32 s. ; La Rosa (1957) 235-240 ; Kaser (1977) 37 et n.  19 ; Di Salvo (1979) 136 n.  89 ; Kaser-Hackl RZPR 39 n. 23 ; Rivière (1997) ; Cascione (1999) 185-194. Les allusions de Plaute permettent de dater cette réforme de la manus iniectio, objet de la lex Marcia, des premières années du IIe s. C’est cette procédure que le préteur Sempronius Asiello, en 89, voulut, sous la pression des débiteurs, remettre en vigueur devant son tribunal et que décrit Appien (source f) : les débiteurs réclament une peine privée ; le préteur s’apprête à les introduire in iure et à leur donner des juges, ἐδίδου κατ’ ἀλλήλων αὐτοῖς δικαστήρια, quand il tombe sous les coups des créanciers enragés (v. Klingmüller [1902] 73-74 : la procédure décrite par Appien correspond à celle que, par Gaius, on peut prêter à la loi Marcia).

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4. – Nexum et prêt à intérêt Le nexum fut très probablement (plus que la stipulation) l’instrument du prêt à intérêt. V. Huschke (1846) 121-127 ; Cuq (1917) 423 ; Lübtow (1936) 239-255 (= 10-31) ; Id. (1950) 112-161 (= 199-246, notam. 211-216, 221-226) ; Kaser AJ 232-235 ; Id. RPR I2, 167 ; MacCormack (1967) 350-355. On a même vu dans la peine du quadruple frappant l’usurier le dédoublement de la peine du double inhérente (du fait de la litiscrescence attachée à la m.i. pro iudicato) à l’acte per aes et libram, donc au nexum (XII T. 6.1). V. ici Huschke cit. 143 ; Karlowa (1872) 197 ; Kaser AJ 119-130 ; Id. (1977) 34 n. 6. Il est tentant de penser que la prohibition de l’intérêt, en 342, provoqua le déclin du nexum (cf. Michel [1962] 108). La loi Poetelia Papiria, quelques années plus tard, en supprimant la m. i. pro iudicato, donna le coup de grâce au nexum.

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8. 19 – : M  osaicarum et Romanarum legum Collatio 10.7.11 : Ex causa depositi lege duodecim tabularum in duplum actio datur, edicto praetoris in simplum.  : A  u titre du dépôt, il est accordé une action, au double par la loi des XII Tables, au simple par l’édit du préteur. Source complémentaire Ulpianus libro trigensimo ad edictum D. 16.3.1.1 : Praetor ait : ‘Quod neque tumultus neque incendii neque ruinae neque naufragii causa depositum sit, in simplum, earum autem rerum, quae supra comprehensae sunt, in ipsum in duplum […] iudicium dabo’. [« Le préteur déclare : ‘À l’égard de ce qui aura été déposé, si ce n’est ni par suite d’une émeute, d’un incendie, de l’effondrement d’une maison, ni en raison d’un naufrage, j’accorderai une action au simple ; mais dans tous les autres cas énumérés ci-dessus, j’accorderai contre le dépositaire lui-même une action au double »]. Reconstitution : aucune reconstitution n’est possible à partir du témoignage de la Collatio, que nous conservons en l’état. Commentaire Le témoignage tardif de la Collatio, provenant d’un passage non conservé des Pauli Sententiae (2.12.11) – sur cette œuvre occidentale de la fin du IIIe s., Liebs (1993) 74 – est le seul qui rapporte la disposition décemvirale. Le texte est assurément médiocre. Il met sur le même plan, en une symétrie apparente mais trompeuse, l’action au double décemvirale (présentée comme si elle était encore en vigueur) et l’action prétorienne au simple : l’illusion d’un système cohérent et soudé est ainsi produite. Mais il est sûr que l’on ne peut accepter ni l’idée d’une succession pure et simple dans le temps (en effet, le système édictal ne se résout pas en une action au simple : l’auteur de la Collatio, dans sa présentation tronquée, a omis l’a. prétorienne au double du dépôt dit nécessaire) ni, moins encore, l’idée d’une complémentarité. Car l’action prétorienne au simple, non concomitante de l’action décemvirale au

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double, n’a pas eu pour vocation de compléter le dispositif décemviral, mais bien au contraire de se substituer à lui (cf. infra). On est en présence d’une rédaction bâclée qui, probablement à l’occasion du dépôt nécessaire (mais malencontreusement omis dans la version finale conservée), voulut apporter une précision érudite en évoquant le souvenir de l’action décemvirale. Mais, toute maladroite qu’elle soit, l’allusion savante est des plus précieuses. Son authenticité, de fait, n’a jamais été contestée. V. pour les auteurs anciens Dirksen 597-598. Les discussions portent sur la nature de l’action au double et surtout sur son champ d’application. 1. – In duplum actio datur S’agit-il d’une action propre au fait de deponere ? Certains l’ont nié, mais à tort. 1. – 1. Il ne peut s’agir de l’actio fiduciae. Voigt (1871) 541-542 ; Id. XII T. II 479, identifia l’a. au double ‘ex causa depositi’ à l’a. fiduciae, dont on sait (Gai. 2.60) que, lorsque la fiducia était conclue cum amico, elle pouvait sanctionner la non-restitution d’un objet transféré à titre de dépôt. Paoli (1933) 159-174, poursuivant la même hypothèse, tenta d’expliquer la condamnation au double par un phénomène de litiscrescence qui aurait découlé de la nuncupatio inhérente aux formes de la fiducia-mancipatio. Mais l’hypothèse se heurte à trois objections. Tout d’abord, l’a. fiduciae classique n’est pas au double, et elle ne l’a jamais été. Ensuite, s’il est certain que l’opération de dépôt, au cours de sa longue gestation, a pu emprunter le détour de la fiducie (donc recourir à la mancipatio pour transférer au dépositaire l’objet déposé), ce détour n’a pu qu’être exceptionnel, car limité au dépôt marginal de res mancipi exclusivement. Enfin, troisième objection, l’a. fiduciae est beaucoup trop récente pour remonter aux XII T. Elle n’apparaît qu’avec la procédure formulaire, au plus tôt au IIIe s. av. J.-C. Il ne saurait être question d’en attribuer la sanction aux actions de la loi, encore moins aux XII T. L’efficacité primitive de la fiducie découle du seul respect, judiciairement non sanctionné, de la fides. Voir ici, outre la réfutation ancienne de cette identification de l’action de dépôt au double et de l’action de fiducie : Niemeyer (1891) 298-316 (qui va jusqu’à nier, ce qui est abusif, que la fiducia eût jamais servi à réaliser un dépôt) ; Rotondi (1908) 15-15 ; Kaser AJ 219 n.  39 ; Id. RPR I2, 160 n.  49 ; Maschi (1973) 127-149 ; Litewski (1977) ; Bellocci (1974) 17-35 ; Ead. (1983) 180-195 ; Evans-Jones (1988) 190-191 ; Noordraven (1999) 286-297. 1. – 2. Il ne s’agit pas non plus de l’a. furti nec manifesti. Depuis Jhering (1879) 187-190, une partie importante de la doctrine soutient que la

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non restitution d’un objet déposé entrait primitivement dans la notion de vol. L’action pénale au double des XII T. ‘ex causa depositi’ se confondrait avec l’a. furti nec manifesti décemvirale (XII T. 8.16). Le dépôt ne serait né comme fait juridique autonome qu’au moment où le préteur créa ex nihilo une double action in factum de dépôt (iudicium dabo : D. 16.3.1.1, au simple et au double selon les deux hypothèses de dépôt). Pour les partisans de cette analyse, l’existence des actions de dépôt in factum condamnerait l’hypothèse d’une action de dépôt antérieure, légale et fondée sur un oportere : le préteur n’aurait pas recouru à l’expédient d’une action in factum, s’il avait disposé du modèle d’une action civile de dépôt précédente. Après Jhering et dans le même sens, Leonhard (1903) 235 et surtout Arangio-Ruiz (1912) 343-345 ; Burillo (1962) 239-240 ; Gandolfi (1976) 54-56. Mais l’interprétation de l’action décemvirale au double comme la manifestation d’une confusion primitive du vol et de la non-restitution du dépôt se heurte à une objection insurmontable. Le dépôt exclut la soustraction (contrectatio), inhérente au concept de vol. Il est impossible d’assimiler, pour l’époque archaïque, le dépositaire indélicat à un voleur. L’action ‘ex causa depositi’ n’est pas l’a. furti nec manifesti. V. ici Mommsen Strafr. 738 : l’a. décemvirale au double est apparentée à l’a. du vol non flagrant, de même que l’action contre le tuteur en est proche ; mais ni l’une ni l’autre ne s’identifient à l’a. furti nec manifesti ; de même, Rotondi (1908) 15-16, suivi par Kaser AJ 239 n. 39 et Watson (1965-2) 157-158. L’extension bien connue du furtum au furtum usus, par là à l’utilisation, par le dépositaire, de l’objet confié à sa garde, est beaucoup trop tardive (fin de la République : cf. Q. Mucius Scaevola ap. Gell. 6(7).15.2 ; Huvelin [1915] 329-336) pour servir ici d’argument – et l’hypothèse ne concerne pas la non-restitution du dépôt. L’a. au double décemvirale ex causa depositi ne se confond donc ni avec l’a. fiduciae ni avec l’a. furti nec manifesti. Il convient de reconnaître sa spécificité : ‘ex causa depositi’. Le fait de deponere (le terme est attesté chez Plaute : Bacch. 306 ; Curc. 536 ; cf. Rotondi cit. 12) est la source d’une obligation de nature délictuelle (oportere ex causa depositi). Mais quelle est la nature du délit ouvrant cette a. au double ? Quel est le champ d’application du dépôt ainsi sanctionné ? 2. – La causa depositi Par les deux actions in factum qu’il a crées, le préteur a distingué deux hypothèses de dépôt : le dépôt, tardivement qualifié de necessarium ou de miserabile, est un dépôt opéré sous la contrainte d’une urgence qui empêche le déposant de choisir le dépositaire et même d’obtenir son accord ; il est sanctionné par une a. au double. Et le dépôt dit ordinaire, sanctionné par une a. au simple, implique l’accord du dépositaire choisi pour la confiance qu’il inspire au déposant.

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Ces deux a. in factum ont été remplacées vers le IIe s. ap. J.-C. par deux a. in ius. En l’absence de témoignage direct, le domaine de l’a. ‘ex causa depositi’ décemvirale n’est saisissable qu’à partir des données processuelles classiques. Lorsqu’il sanctionna à sa manière les deux figures du dépôt, le préteur disposait-il d’un modèle transmis par le ius civile ? Si les preuves d’un emprunt au droit civil sont apportées, la continuité des XII T. au droit prétorien sera confirmée et il sera aisé de reconstituer l’édifice décemviral à l’aide de ses survivances classiques. Si, au contraire, les signes d’une rupture sont manifestes (en forme d’innovations prétoriennes rendues nécessaires par l’absence d’un modèle civil), la question du domaine de l’action décemvirale se posera en des termes tout différents. 2. – 1. La majorité des auteurs (en ne retenant que les partisans d’une a. de dépôt spécifique) soutient que les XII T. ont sanctionné par la même a. au double les deux hypothèses de dépôts, nécessaire et ordinaire confondus. La démonstration la plus argumentée revient à Pernice (1873) 433-438 : il vit dans le dépôt (sous toutes ses formes) la source d’un devoir de restituer fondé sur la fides. L’a. décemvirale au double sanctionnerait la violation de la fides, notamment en cas de dépôt ordinaire. Tout rapprocherait, selon Pernice, le dépositaire et le tuteur malhonnêtes : contre ce dernier, l’a. de rationibus distrahendis (XIIT. 8.20), pénale et également au double, sanctionne pareillement la violation de la fides dont le tuteur s’est rendu coupable envers le pupille. À l’époque classique, l’a. tutelae a repris, dans sa formule, le modèle décemviral ; de même, la sanction prétorienne du dépôt prolongerait celle du dépôt décemviral, et sous ses deux formes. Selon cette analyse, le dépositaire, dès les XII T., est grevé d’une obligation de restituer (qualifiée d’oportere) fondée sur la fides. Il en restera de même lorsque le préteur accordera à son tour sa protection aux deux hypothèses du dépôt. Rotondi (1908) 16-37 affirma à son tour la parfaite continuité entre l’a. décemvirale et les deux a. in factum prétoriennes (datées des années 40 av. J.-C.), avec la seule différence (tout à fait secondaire) de la réduction de la peine, passée du double au simple pour le dépôt ordinaire ou régulier. Le champ de l’a. des XII T. et celui des a. prétoriennes se superposeraient donc. Voir, de même, plus succinctement, Watson (1965-2) 160 ; Litewski (1977) 194. 2. – 2. D’autres interprètes, à l’opposé, ont soutenu que l’a. décemvirale, étrangère à toute idée de fides, n’aurait sanctionné que le dépôt nécessaire : ainsi Niemeyer (1891) 317-324, se fondant sur une interprétation littérale, non convaincante, de Coll. 10.7.11 et invoquant la formulation de l’édit, qui semble définir le dépôt volontaire comme une exception à la sanction générale du dépôt nécessaire : celui-ci aurait

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précédé celui-là (l’argument reste faible). Le préteur aurait innové en ajoutant à la sanction traditionnelle du dépôt nécessaire (au double) celle du dépôt volontaire (au simple). L’a. prétorienne au double serait donc la descendante directe de l’a. décemvirale. Voir de même Maschi (1973) 131-149 qui eut le mérite de réfuter l’idée d’une sanction légale de la fides à l’époque des XII T. On citera encore, pour mémoire, l’interprétation originale (mais dénuée d’arguments et de vraisemblance) d’Evans-Jones (1988) 207-208, pour qui seul le dépôt auprès des temples et des banquiers ( ?) aurait été reconnu par les XII T. 2. – 3. L’hypothèse d’une continuité de la notion de dépôt, des XII T. aux réformes prétoriennes, implique entre l’a. décemvirale ‘ex causa depositi’ et les a. pénales in factum une filiation.  Or cette filiation est impossible, ce qui ruine l’hypothèse d’un dépôt décemviral revenant plus ou moins aux catégories prétoriennes. Il est sûr que si l’acte juridique du dépôt avait été défini par les XII T. comme un rapport fondé sur la fides, source d’une responsabilité délictuelle in ius, le préteur n’aurait pas recouru à des a. in factum pour maintenir (au simple ou au double) la tradition décemvirale. Le parallèle établi avec l’a. de tutelle est pertinent : mais il démontre l’inverse de ce que Pernice voulut en déduire. La formule classique de l’a. tutelae s’inscrit certes dans la suite de l’a. décemvirale, de l’action de la loi de tutelle. Mais sa formule est in ius (précisément parce qu’elle descend directement de l’action de la loi) et non in factum ! Pour le dépôt, on doit donc admettre une nécessaire rupture entre le système décemviral (avec oportere civil au double), et la sanction in factum prétorienne. Les a. prétoriennes in factum de dépôt prouvent qu’elles n’ont pas d’antécédent dans le code. Le dépôt prétorien n’est pas l’héritier du dépôt des XII T. Les XII T. n’ont pas reconnu globalement le fait de deponere comme la source d’un oportere fondé sur la violation de la fides. C’est au préteur qu’il appartiendra de combler en ce sens le vide du droit civil, mais sans le pouvoir de créer un oportere, qui ne peut qu’être d’essence législative. On ajoutera que, pour le dépôt comme pour la fiducie, l’idée d’un devoir général de fides légalement sanctionné est anachronique pour l’époque des XII T. Car la fides, sauf exception (XII T. 8.21), est encore extérieure au domaine du ius et au champ des actions. La loi l’ignore. Les dépôts volontaires – les seuls pour lesquels on doit invoquer la fides – sont certainement fréquents dès le Ve s. : mais ils relèvent du domaine de l’amicitia, de la notion de credere (cf.  Albanese [1972] 1175-1176 ; Maschi [1973] 101-111, 119-127, 131-149). Ils sont restés en marge du système des actions de la loi. Aussi longtemps que les liens de la fides ont été ressentis comme contraignants, le droit se désintéressa et du dépôt (volontaire) et de la fiducie. Le domaine de l’a. décemvirale ‘ex causa depositi’ doit être cir-

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conscrit, par conséquent, aux hypothèses où la contrainte de la fides est absente : à tous les cas où le dépôt n’est pas fondé sur la fides parce que l’urgence, la nécessité, l’éloignement imprévu ont empêché que naisse un accord créateur des liens de fides. L’action décemvirale est assurément pénale. Mais la peine n’a rien à voir avec la sanction d’une obligation découlant de la fides. Lorsque le préteur créa peu après 43 av. J.-C. (Rotondi cit. 37) d’abord l’a. in factum du dépôt régulier ou volontaire puis, ensuite (ibid. 38 ; Litewski cit. 195), l’a. in factum du dépôt nécessaire, il innova absolument. Il prit en considération pour la première fois le lien de la fides pour réprimer le dol qu’implique la non-restitution de l’objet déposé. Il le fit sans prendre appui sur la tradition décemvirale : à l’oportere ex delicto au double des XII T., succède une a. in factum au simple (dépôt volontaire) sans oportere, destinée à intégrer dans le droit un devoir de fides dont la loi ne s’était pas souciée jusque-là d’assurer la protection.  L’a. in factum présente des caractères pénaux : annuelle, elle implique le dol du dépositaire (cf. Evans-Jones, 1986). Ces aspects répressifs sont certains, mais ils ne prouvent pas une filiation avec les XII T. ; ils s’expliquent par la volonté (nouvelle) du préteur de punir la transgression de la fides. Le préteur compléta peu après sa reconnaissance du dépôt, fait juridique, en étendant sa protection au dépôt nécessaire. La rupture est de nouveau manifeste avec l’a. décemvirale, même si, comme pour celle-ci, l’a. in factum est au double (on y verra la volonté du préteur de punir plus sévèrement celui qui abuse de la détresse du déposant), et pénale (perpétuelle). Dès lors le dépôt naît globalement au monde du « droit », au terme d’une évolution comparable à celle du commodat (mais sans action décemvirale pour ce dernier). Par la suite, les actions civiles de bonne foi de dépôt feront à leur tour entrer le dépôt (volontaire et nécessaire) parmi les contrats, sources d’obligations.

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8. 20 – : U  lpianus libro trigesimo quinto ad edictum D. 26.10.1.2 : Sciendum est suspecti crimen e lege duodecim tabularum descendere.   : T  ryphoninus libro quarto decimo disputationum D. 26.7.55.1 : Si ipsi tutores rem pupilli furati sunt, videamus, an ea actione, quae proponitur ex lege duodecim tabularum adversus tutorem in duplum, singuli in solidum teneantur.  : I l faut savoir que l’accusation de tuteur suspect provient de la loi des XII Tables.

 : S  i les tuteurs ont même volé le pupille, voyons si l’action au double que la loi des XII T. donne contre le tuteur peut être exercée pour le tout contre chacun d’entre eux.

Sources principales a) Ulp. 35 ed. D. 26.10.1.1-6 : (1) Primum igitur tractemus, unde descendat suspecti crimen et apud quos postulari quis possit suspectus tutor […], deinde quis et a quo et ex quibus causis removetur, deque poena suspecti. (2) Sciendum est suspecti crimen e lege duodecim tabularum descendere.[…] (5) Nunc videamus, qui suspecti fieri possunt. Et quidem omnes tutores possunt, sive testamentarii sint, sive non sint, sed alterius generis tutores. Quare et si legitimus sit tutor, accusari poterit. Quid si patronus ? Adhuc idem erit dicendum […] (6) Consequens est, ut videamus, qui possunt suspectos postulare : et sciendum est quasi publicam esse hanc actionem, hoc est omnibus patere. [« (1) Examinons d’abord d’où provient l’accusation de tuteur suspect, puis devant qui elle doit être portée, qui peut être accusé et pour quels motifs, enfin quelle peine frappe le tuteur suspect. (2) Il faut savoir que l’accusation de tuteur suspect provient de la loi des XII T…. (5) Voyons qui peut être accusé. Tous les tuteurs peuvent l’être, qu’ils soient testamentaires ou pas, ou même qu’ils soient d’un autre type. Par là, si le tuteur est légitime, on pourra l’accuser. Et si le tuteur est un patron ? La réponse est la même… (6) Reste logiquement à se demander qui peut présenter une accusation de tuteur suspect. Il

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faut savoir que cette action, comme si elle était publique, est ouverte à chacun »]. b) Tryph. 14 disp. D. 26.7.55.1 : Sed si ipsi tutores rem pupilli furati sunt, videamus, an ea actione, quae proponitur ex lege duodecim tabularum adversus tutorem in duplum, singuli in solidum teneantur et, quamvis unus duplum praestiterit, nihilo minus etiam alii teneantur : nam in aliis furibus eiusdem rei pluribus non est propterea ceteris poenae deprecatio, quod ab uno iam exacta est. Sed tutores, propter admissam administrationem, non tam invito domino contrectare eam videntur quam perfide agere : nemo denique dicet unum tutorem et duplum hac actione praestare et quasi specie condictionis aut ipsam rem aut eius aestimationem. [« Et si les tuteurs ont même volé le pupille, voyons si l’action au double que la loi des XII T. donne contre le tuteur peut être exercée pour le tout contre chacun d’entre eux et si, bien que l’un d’entre eux ait été condamné à la peine du double, les autres n’en sont pas pour autant libérés. Ordinairement, quand un vol est commis par plusieurs, la condamnation de l’un ne libère pas les autres. Mais pour les tuteurs, c’est différent. On ne peut considérer à leur égard, eux que l’on a appelés à administrer les biens d’autrui, qu’ils ont soustrait un bien à son propriétaire. Ils sont plutôt coupables d’avoir agi contre la fides. Et si le tuteur était unique, personne ne penserait qu’il devrait non seulement payer la peine du double par cette action (des XII T.), mais qu’il devrait en plus restituer la chose elle-même ou en payer la valeur par une sorte de condictio »]. c) Iustiniani institutiones 1.26 pr. : Sciendum est suspecti crimen e lege duodecim tabularum descendere. d) Cicero De officiis 3.60-61 : (60) Nondum enim C. Aquilius, collega et familiaris meus, protulerat de dolo malo formulas ; in quibus ipsis, cum ex eo quaererem quid esset dolus malus, respondebat : ‘Cum esset aliud simulatum, aliud actum’ […] (61) Quod si Aquiliana (doli mali) definitio vera est, ex omni vita simulatio dissimulatioque tollenda est […] Atque iste dolus malus et legibus erat vindicatus, ut tutela duodecim tabulis, circumscriptio adulescentium lege (P)Laetoria ; et sine lege iudiciis in quibus additur ‘ex fide bona’. [« (60) Mon collègue et ami Caius Aquilius n’avait pas encore publié ses formules sur le dol. Alors que je lui demandais ce qu’il entendait par dol, il me répondit : ‘C’est lorsque l’on feint une chose et que l’on en fait une autre’… (61) Si cette définition qu’a donnée Aquilius est vraie, il faut entièrement chasser de notre existence la feinte et la dissimulation….

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Or cette tromperie a été réprimée. Par des lois, comme la loi des XII T. pour la tutelle, ou la loi Laetoria pour les manœuvres circonvenant les jeunes gens. Et sans loi, par les actions dans lesquelles ont été ajoutés ces mots : ‘conformément aux exigences de la bonne foi’ »]. e) Cicero De oratore 1.167 : [Dans ce passage du de or. sont dénoncés les orateurs qui plaident mais sans connaître le droit. Hypsaeus, défendant un mineur, réclamait plus que ce que la loi lui permettait d’obtenir, tandis que son contradicteur, Octavius, au lieu de laisser son adversaire se fourvoyer et perdre l’affaire du fait de cette pluris petitio, s’acharnait à défendre le tuteur, son client, et à lui éviter l’infamie, conséquence du turpe tutelae iudicium]. Atqui non defuit illis patronis […] eloquentia […] sed iuris civilis scientia : quod alter plus lege agendo petebat quam quantum lex in XII tabulis permiserat, – quod quom impetrasset, causa caderet –, alter iniquum putabat plus secum agi quam quod esset in actione, neque intellegebat, si ita esset actum, litem adversarium perditurum. [« Ce qui manqua à ces avocats, ce ne fut pas l’éloquence, mais la connaissance du droit civil. L’un, dans son action fondée sur la loi, demandait plus que ce permettait la loi des XII T. – alors que s’il n’avait pas été interrompu dans sa demande, il aurait perdu l’affaire – ; tandis que l’autre dénonçait l’iniquité d’une exigence dépassant ce que l’action permettait d’obtenir, sans se rendre compte que, s’il avait laissé faire son adversaire, ce dernier eût perdu le procès »]. f) Donatus Commentum ad Terentium, Eunuchum 515 (éd. Wessner I, Leipzig 1902, 383) : Aux vers : Iam tum erat suspicio / Dolo malo haec fieri omnia, Donat précise : ‘dolo malo’quod addidit ‘malo’ aut ἀρχαϊσμός est, quia sic in duodecim tabulis a veteribus scriptum est, aut ἐπίθετον doli est perpetuum. [« Le dol est qualifié de ‘mauvais’, ou bien par archaïsme, comme on le trouve écrit de la main des Anciens dans la loi des XII T., ou bien parce que l’adjectif ‘mauvais’ qualifie toujours le dol »]. g) Inst. 4.10 pr. : Nunc admonendi sumus agere posse quemlibet aut suo nomine aut alieno : alieno veluti procuratorio tutorio curatorio, cum olim in usu fuisset alterius nomine agere non posse nisi pro populo, pro libertate, pro tutela. [« Nous savons que chacun, aujourd’hui, peut agir en son propre nom, par exemple au titre d’un représentant en justice, d’un tuteur, d’un curateur. Mais autrefois on ne pouvait agir pour le compte d’autrui, sauf, par exception, lorsque l’on agissait dans l’intérêt du peuple, ou en faveur de la liberté ou dans l’intérêt d’une tutelle »].

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Reconstitution Le tuteur qui met en danger ou qui lèse les droits du pupille est menacé, encore à l’époque classique et jusqu’à Justinien, d’une double sanction qui remonte aux XII T. L’accusation d’être suspect, tout d’abord, conduit à démettre prématurément le tuteur de sa fonction (source a) ; l’action pénale, ensuite, dite rationibus distrahendis, ou action en séparation de comptes, condamne le tuteur à payer le double de la valeur des biens dont il a dépouillé le pupille (source b). 1. – Il semble assuré que, pour l’une ou l’autre de ces procédures ou, plus probablement, pour l’une et pour l’autre, les XII T. se référaient explicitement au DOLVS MALVS du tuteur. Le témoignage combiné de Donat (source f) et de Cicéron (source d) va en ce sens. Sans doute Donat ne précise-t-il dans quel contexte les XII T. sanctionnaient le dolus malus, et les hypothèses de dol (par fraus, malhonnêteté, rupture de la fides…) sont nombreuses : par ex. 8.19  ou 8.21. C’est pour cette raison que les éditeurs modernes des XII T., depuis Dirksen, ont relégué la référence de Donat parmi les fragmenta incertae sedis (n° 4) : ainsi Schöll 163 ; Bruns 40 ; FIRA 74. Mais c’est oublier l’exposé pourtant célèbre de Cicéron sur l’origine des iudicia bonae fidei (off. 3.61, source d), qui permet de rattacher le témoignage de Donat en toute certitude à un fragment précis : au verset sur la sanction pénale des devoirs du tuteur, objet de XII T. 8.20. Le fragment du de off. porte sur les antécédents de la sanction aquilienne du dol (création de l’action de dol par l’édit prétorien d’Aquilius Gallus). Cicéron en dégage trois. 1) Les actions de bonne foi, tout d’abord. Mais il ne s’agit que d’un précédent implicite, puisque les formules de bonne foi ne se réfèrent pas explicitement au dolus malus, mais à son opposé, la fides bona. 2) Cicéron cite en second lieu, comme exemple de précédents fondés sur une loi (iste dolus malus legibus erat vindicatus) la circumscriptio adulescentium, sanctionnée par la lex Laetoria. Il est probable (Di Salvo [1979] 42-43, 256-260) que les termes dolo malo figuraient dans le texte même de la loi et qualifiaient les manœuvres destinées à tromper les mineurs de vingt-cinq ans. 3) Reste le troisième exemple d’une sanction primitive du dolus malus, fondée elle aussi sur une lex (dolus malus legibus vindicatus) ; il est fourni précisément par la sanction décemvirale du dol du tuteur (… erat vindicatus ut tutela duodecim tabulis). Le seul exemple, ou le meilleur peu importe, que Cicéron trouva d’une référence explicite au dolus malus dans les XII T. lui est fourni par la répression des délits du tuteur. Il nous paraît ainsi comme hors de doute que la tutelle, exemple-type pour Cicéron de la répression légale archaïque du DOLVS MALVS, contenait (peut-être en compagnie d’autres ver-

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sets) l’expression dont Donat affirme qu’elle était authentiquement décemvirale. Il convient ainsi de revenir à l’intuition de Godefroy (121-122 ; 177-178), raisonnablement suivi par quasiment tous les commentateurs anciens (cités par Dirksen 602-604) et de rétablir DOLVS MALVS dans la qualification du délit du tuteur. 2. – Les deux procédures faisaient-elles l’objet de deux prescriptions distinctes ? On ne peut dépasser l’hypothèse, mais quelques données nous paraissent sûres. 2. – 1. Les deux moyens ouverts contre le tuteur malhonnête sont tous deux perçus comme la sanction réprimant la violation d’un même devoir de fides (cf.  infra commentaire). Il n’y a pas d’obstacle à les maintenir groupés dans la même répression du dolus malus. 2. – 2. La doctrine moderne s’est plu à opposer ces deux procédures par leur champ d’application. À tort, on le verra. Tous les tuteurs, légitimes ou testamentaires, peuvent être condamnés par l’une et par l’autre de ces procédures, par l’accusation de malhonnêteté et par l’apurement des comptes préalable à la sanction du détournement. 2. – 3. L’accusation de suspicion vise un tuteur suspectus en exercice, pour le contraindre à se démettre, tandis que l’a. rationibus distrahendis implique la fin de la tutelle. Mais la complémentarité des deux moyens est évidente. La tendance des auteurs modernes à réserver au pupille l’a. rationibus distrahendis ne nous paraît pas fondée. Il n’y aurait aucun sens à maintenir un long délai entre la condamnation du tuteur dénoncé comme suspect (accusé par le premier venu) et le moment où il serait condamné à rendre gorge, accusé par le pupille seulement parvenu à l’âge adulte. Les sources permettent de reconstituer un schéma beaucoup plus simple : le tuteur fait d’abord l’objet d’un jugement d’éviction, puis, dans l’intérêt du pupille (et non directement par ce dernier s’il est encore incapable d’agir), il est condamné à payer la poena une fois que la séparation des comptes a été effectuée. 3. – On proposera finalement la reconstitution suivante : SI TVTOR DOLO MALO pupillum fraudaverit, quis volet nomen suspecti deferto duplioneque damnum pro tutela decideto. [« Si un tuteur a intentionnellement transgressé ses devoirs envers son pupille, que celui qui le voudra accuse le tuteur suspect et qu’il transige en payant au titre de la tutelle le double en guise d’indemnité compensatoire »].

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Remarque  : – le caractère populaire de l’accusation a pu s’exprimer à l’aide des termes ‘quis volet’ qui figurent dans la loi du bois sacré de Luceria (IIIe s. av. J.-C.) – Bruns 283. – sur le mot suspectus, infra, Commentaire 1. – 2. – 2. –  la grande proximité entre l’action au double contre le détournement opéré par le tuteur et l’actio furti nec manifesti incite à adopter le même type de condamnation (cf. XII T. 8.16). Le demandeur à l’action n’est pas forcément le pupille, mais quiconque agissant pro tutela, dans l’intérêt de ce dernier (infra, Commentaire 2. – 4.). Commentaire : 1. – Le crimen suspecti tutoris  : Plan du commentaire  1. – 1. Contre quels tuteurs ? 1. – 2. L’accusatio et le crimen suspecti tutoris : 1. – 2. – 1. Violation de la fides. 1. – 2. – 2. Dolo malo et suspectus. 1. – 2. – 3. La procédure criminelle primitive. 1. – 2. – 4. L’accusation ne constitue pas un agere alieno nomine pro tutela. 2. – L’actio rationi2. – 1. Finalité. 2. – 2. Contre quels tuteurs ? bus distrahendis : 2. – 3. Contre quels actes ? 2. – 4. Un iudicium publicum rei privatae ? 2. – 5. Actio rationibus distrahendis et actio tutelae. 1. – Le crimen (ou accusatio) suspecti tutoris 1. – 1. Contre quels tuteurs ? La doctrine moderne cantonne l’accusation aux seuls tuteurs testamentaires. L’extension aux tuteurs légitimes serait l’œuvre de la jurisprudence classique évoluée. Les arguments évoqués sont les suivants : 1) la manière dont s’exprime Ulpien (D. 26.10.5, source a) prouverait que, des origines à l’époque classique, l’accusation n’aurait concerné que les tuteurs testamentaires. Son extension aux tuteurs légitimes serait due à Ulpien ou à ses contemporains. 2) La tutelle légitime des premiers temps est définie comme vis ac potestas, de même essence que la patria potestas. Comme celle-ci, elle ne pourrait être qu’inamovible. Se préoccuper des intérêts du pupille et prévoir la déchéance prématurée du tuteur, mais seulement quand il est légitime, témoignerait d’un souci tardif. 3) En limitant aux seuls tuteurs testamentaires l’accusatio, on respecterait le ‘parallélisme parfait’ (Solazzi [1929-2]) qui sous-tend la tutelle archaïque dans son ensemble. À chaque type de tuteur correspondrait sa propre sanction : contre le tuteur testamentaire, l’accusatio suspecti ou la déchéance ; contre le tuteur légitime, l’a. rationibus distrahendis, pénale au double. Étendre la première au second aboutirait à rompre cet équilibre fondamental. Ainsi : Karlowa RRG I 282 ; Solazzi (1917) 204-210 ; Id. (1920) 288 ; Id. (1929-2) 207 ; Kunkel RPR2 (1935) 299 ; Sachers (1943) 1557 ; Arangio-Ruiz (1960) 496 n.  2 ; Kaser RPR I2 89, 90 n.  1 ; Albanese (1979) avec prudence (l’opinion majoritaire

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‘n’est pas totalement improbable’) 499 n.  360. L’opinion inverse de Voci (1960) 71 (l’accusation n’aurait d’abord concerné que les tuteurs légitimes) n’est pas fondée. Mais aucun des arguments invoqués n’apporte, pris isolément, la moindre preuve. 1. – 1. – 1. Ulpien (pour ne rien dire des remaniements dont ce fragment garde la trace visible) met l’accent sur le tuteur légitime. Sans aucun doute. Mais ce n’est pas du tout pour mettre en relief une unification récente des deux tutelles par l’extension au tuteur légitime d’un statut resté cantonné au tuteur testamentaire. La suite (négligée) du passage révèle les intentions de l’auteur : il cherche à expliquer l’extension récente de l’accusatio suspecti au tutor patronus. Le raisonnement est le suivant : puisque ce dernier n’est en réalité qu’un type particulier de tuteur légitime, il peut être, comme ce dernier, dénoncé comme suspect par quiconque (sauf par son affranchi). C’est la raison pour laquelle il insiste sur l’accusation dont un tuteur, en tant que légitime, peut faire l’objet. Il n’y a pas à chercher une extension récente dans ce raisonnement par analogie. 1. – 1. – 2. La tutelle en tant que potestas devrait-elle jouir de l’inamovibilité ? Ce serait oublier que la patria potestas, incomparablement plus forte, connaît de son côté une procédure de déchéance et d’extinction organisée par les XII T. elles-mêmes (4.2 b), lorsqu’elle devient abusive ou perverse. Les bornes placées à la puissance du père valent à plus forte raison pour celle du tuteur. 1. - 1. – 3. Si l’on réserve la procédure d’accusation et de destitution à la tutelle testamentaire, on privilégie la tutelle légitime. Pourquoi cette dernière serait-elle plus intouchable que la tutelle fondée sur le choix et la volonté du testateur ? La loi n’a qu’une vocation supplétive dans la dévolution successorale. Si l’un des tuteurs devait échapper à une procédure de destitution, ce serait plutôt le tuteur testamentaire. L’intrusion, choquante, aux yeux de beaucoup, de la justice dans un pouvoir domestique surprend plus encore à l’encontre du tuteur testamentaire. 1. – 1. – 4. Le parallélisme imaginé entre les deux tutelles, chacune assortie d’une sanction spécifique, résulte d’une pure pétition de principe. La preuve que l’accusatio suspecti serait réservée au tuteur testamentaire n’est pas plus apportée que celle d’une actio rationibus distrahendis limitée au tuteur légitime. Au contraire, ces deux procédures sont ouvertes toutes deux contre les deux espèces de tutelle. Nous pensons donc que l’accusatio est disponible contre les deux types de tuteurs. Les études anciennes ignoraient cette distinction

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erronée : v. Pernice (1873) 184-185, 296 et les justes observations de Laprat (1926) 38-45 (qui invoque en particulier contre l’interprétation du fragment d’Ulpien l’argument inverse que donnerait le même procédé de lecture si on l’appliquait à C. 5.43.4) ; de même Perozzi (1928) 501 et n. 1 (contre notam. Solazzi). 1. – 2. L’accusatio et le crimen suspecti tutoris À l’époque classique, l’accusation tend à destituer le tuteur déclaré suspect. On parle alors d’accusatio ou de postulatio, mais aussi, avec une référence explicite à l’origine décemvirale de la procédure, de crimen (Ulpien, source a ; et cf. Berger [1936] 599-600). On peut invoquer en faveur d’une procédure originellement criminelle trois groupes d’indices. 1. – 2. – 1. On citera en premier lieu le lien resté inaltéré entre fides et tutelle. Ainsi Cic. off. 3.61 (source d, relative, selon toute vraisemblance, à l’accusatio suspecti tutoris). De même, Gell. 5.13.2 (Constabat ex moribus populi Romani primum iuxta parentes locum tenere pupillos debere fidei tutelaeque nostrae creditos [« Il paraissait établi d’après les usages du peuple romain que, après les parents, les pupilles confiés à notre fides devaient occuper le premier rang »]) et 5.19.10 (Tutoribus in pupillos tantam esse auctoritatem potestatemque fas non est, ut caput liberum fidei suae commissum alienae dicioni subiciant [« Il n’est pas permis selon la loi divine que l’autorité et la puissance des tuteurs sur leurs pupilles soit assez fortes pour soumettre au bon vouloir d’un autre, une personne libre remise en leur fides » – allusion à l’incapacité du tuteur de soumettre le pupille à une adrogatio -]. V. encore Ulp. 1 resp., D. 26.7.19 (si non ex fide curam gerat, suspectum postulari posse) ; Iulian.  ap. Inst. 1.26.5 (Suspectus est autem, qui non ex fide tutelam gerit). Coupable d’avoir violé les liens sacrés de la fides, accusé de dolus malus ou de fraus, le tuteur n’est pas dans une situation différente de celle du patronus qui clienti fraudem fecerit (XII T. 8.21). Dans l’un et l’autre cas, on doit envisager une procédure criminelle (publique ?) déclarant sacer tant le tuteur que le patronus infidèle et les condamnant à la peine capitale. Dans les deux cas, la loi n’aura fait que prendre à son compte une sacratio antérieure menacée de désuétude ou inégalement appliquée. Sur les liens entre fides et tutelle : Pernice (1873) 185-186, 439-440 (receptio in fidem du pupille par le tuteur) ; Arangio-Ruiz (1930) 285286 ; Kaser (1939-1) 37-42 ; Krüger–Kaser (1943) 169-172 : Id. RPR I2, 363 ; Albanese (1979) 499-500. En faveur d’une procédure criminelle publique, Kaser AJ 44-45 ; Id. RPR I2, 90 n.1 et 363. 1. – 2. – 2. Dolo malo et suspectus. Les deux termes, si haut que l’on remonte, caractérisent le comportement intentionnel qui transgresse les devoirs découlant de la fides. Pour suspectus : Ter. Eun.  515 (source f),

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qui associe suscipere à dolo malo. Le tutor suspectus est celui qui est désavoué du fait du dolus malus dont il s’est rendu coupable. Pour dolus malus, dont l’emploi le plus anciennement attesté (après celui des XII T.) est fourni par la lex Lucerina du IIIe s. (Bruns 283) et par Plaut. Rud. 1380-1385 (dans une allusion à la lex Laetoria : cf. Di Salvo [1979] 22-23, 256-260), sa signification traduit l’intention de celui qui a transgressé la fides. V. ici, Carcaterra (1970) 123-130 ; Di Salvo 42-43, 227-244. 1. – 2. – 3. La procédure criminelle. La procédure classique, confiée à la cognitio du magistrat, est devenue purement disciplinaire. Elle conduit à retirer au tuteur suspect ses fonctions et a perdu son caractère criminel. Mais elle a conservé, à titre de vestige, certaines traces de sa nature antérieure. Ainsi le terme de crimen pour qualifier l’accusation, ou celui de delictum (Ulp. 35 ed. D. 26.10.3.5-6), ou l’expression poena suspecti (Ulp. 35 ed. D. 26.10.1.1), ou la sanction de l’infamia qui frappe le tuteur déposé (Iulian.  ap. Inst. 1.26.6 et Kaser [1956] 253 n.  151), ainsi que l’ouverture de l’accusation à tout citoyen.  Sur la procédure cognitoire classique et ses réminiscences pénales destinées à sanctionner la violation de la fides, les études les plus pertinentes restent celles de Pernice (1873) 185 ; Id. (1878) 296 et surtout Id. (1885) 54. L’hypothèse soutenue par Laprat (1926) 32-36 d’une procédure décemvirale non criminelle, mais en destitution, à l’image de l’interdiction du prodigue relevant de la cognitio du magistrat, butte sur les survivances criminelles classiques. 1. – 2. – 4. L’accusation ne constitue pas un agere alieno nomine pro tutela. Il est exclu que l’accusatio ait emprunté le schéma des actions de la loi (le sacramentum) : cf. Laprat cit. 31 ; Kaden (1928) 701 ; Pugliese (1962-1) 246-249 ; Kaser-Hackl RZPR 63 n. 28-29. Le passage des Inst. 4.10 pr. (source g) ne concerne pas l’accusatio suspecti tutoris (mais l’a. rationibus distrahendis). L’accusatio qui, à la différence de l’a. rationibus distrahendis, ne recourt pas à une action de la loi, mais à une procédure criminelle, ne constitue donc pas, quand l’accusation émane d’un citoyen quelconque, une entorse au principe selon lequel on ne pouvait, dans les actions de la loi, agere alieno nomine (contra, mais infondé, Wirbel [1911] 12-13 et n. 1 ; de même Cosentino [1964]). La signification précise de cet agere pro tutela qui constituait, de la même manière que l’agere pro populo ou pro libertate (cf. XII T. 6.7), une entorse à l’impossibilité de principe d’agere alieno nomine sous l’empire des actions de la loi, reste fort discutée. Il ne peut s’agir, on l’a vu, de l’action en destitution (a. suspecti tutoris), qui est de nature criminelle. L’interprétation suggérée par Théophile (dans sa Paraphrase aux Institutes 4.10 pr., éd. Lokin [2010] 874-875), artificielle, est dénuée de vraisemblance, tout autant que celle qu’elle a inspirée à Behrends (1971) 242-243. Voir dans cet agere pro tutela alieno nomine, de manière

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vague et globale, « les actions exercées par le tuteur dans l’intérêt de la tutelle » (ainsi Kaser-Hackl cit.) manque de précision et de pertinence. La solution proposée par Girard OJ 70 n. 1 et 97 n. 1 et reprise par Pugliese cit. 249 (les actions du pupille exercées par le tuteur) reviendrait à considérer comme exercées alieno nomine les actions du tuteur pour le compte du pupille, ce qui est inacceptable pour l’époque archaïque (juste critique de Lévy-Bruhl (1960) 125). À notre sens, la seule interprétation possible est la suivante : il s’agit exclusivement de l’action (pénale), l’actio rationibus distrahendis, que le premier venu (après avoir obtenu la destitution du tuteur par la voie criminelle) exercera (par le sacramentum) pour le compte et au nom du pupille afin d’obtenir, au profit de ce dernier, la peine du double. V. infra. 2. – L’actio rationibus distrahendis Cette action, restée en vigueur durant toute l’histoire du droit romain, est l’héritière directe de l’action décemvirale qui, sous un nom peut-être différent, sanctionne par la peine du double le détournement frauduleux, par le tuteur, d’un bien du pupille. 2. – 1. Avec quelle finalité ? Le gérondif de but est une preuve d’archaïsme (cf.  l’a. familiae erciscundae, l’a. communi dividundo, l’a. aquae pluviae arcendae), sans que l’on puisse affirmer en toute certitude que le nom même de l’action remonte aux XII T. Rien, toutefois, ne s’y oppose. Le sens de distrahere n’est pas discuté : séparer, diviser, détacher. Mais la signification de l’expression ‘rationes distrahere’ a suscité des divergences : ‘action en explication des comptes’ (Karlowa RRG II, 280), ‘action portant sur l’examen séparé des comptes du pupille’ (Kaser RPR I2 89). Nous préférons, et de loin, l’interprétationd’Arangio-Ruiz (1960) 496 : ‘action en séparation de comptes’ qui met clairement en relief la vocation de l’action, destinée à mettre un terme à la confusion entre les comptes du tuteur et ceux du pupille. De même, Albanese (1979) 503. Cette action qui tend à ‘faire sortir les comptes du pupille’, c’est-à-dire à isoler les éléments de son patrimoine, est exactement une action en liquidation.  Elle met fin à la tutelle ou encore, accompagnant la déchéance préalable du tuteur (l’accusatio suspecti tutoris), elle en tire les conséquences patrimoniales. 2. – 2. Contre quels tuteurs ? Une partie de la doctrine récente a cru trouver dans la manière dont Ulpien s’est exprimé (Ulp. 36 ed. D. 27.3.1.19 : Rationibus distrahendis actione non solum hi tenentur tutores, qui legitimi fuerunt, sed omnes qui iure tutores sunt et gerunt tutelam) un argument en faveur

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d’une action primitivement réservée aux seuls tuteurs légitimes. Les tuteurs testamentaires, par contre, auraient été la seule cible de l’accusatio suspecti tutori : ainsi Solazzi (1917) 202-206 ; Id. (1920) 286-288 ; Kaser RPR I2  , 364. Mais l’argument est sans valeur (tout autant que de vouloir limiter le crimen aux seuls tuteurs testamentaires : supra). Voir essentiellement Perozzi (1928) 497 n.  1, qui a montré que l’objet de l’a. rationibus distrahendis est d’assurer l’équivalent d’une action de vol contre le tuteur qui, par définition domini loco, ne peut être accusé d’avoir soustrait un bien dont il a la maîtrise. L’utilité de cette action reste la même, que l’acte coupable émane d’un tuteur légitime ou du tuteur testamentaire. Voir également, en tirant argument d’autres textes, Laprat (1926) et Albanese (1979) 504, favorables à l’ouverture contre tout tuteur. 2. – 3. Contre quels actes ? Sanction pécuniaire de la rupture de la fides (cf. Tryph., source b : perfide agere), l’a. rat. distr. est très proche de l’a. furti nec manifesti : au double, perpétuelle, intransmissible contre les héritiers du tuteur (Perozzi cit  . 498). Mais la proximité ne doit pas être poussée jusqu’à l’identification ou la confusion, comme le fit Huvelin (1915) 669. L’a. rat. distr., organisée sur le modèle de l’a. furti nec manifesti (Mommsen Strafr. 738 n. 2), a certainement été accordée à la place de cette action inutilisable contre un tuteur : Solazzi (1917) 205 n. 14 ; Id. (1920) 288, 292 ; Albanese cit. 504. Avec le temps, on finit par admettre que l’a. de vol puisse aussi être exercée contre le tuteur, source d’abord d’un concours électif (Tryph., source b), puis cumulatif (Paul. 8 Sab. D. 27.3.2.1). 2. – 4. Un iudicium publicum rei privatae ? La doctrine moderne reste fort discrète (faute de sources) sur une question pourtant inévitable : lorsque l’a. rat. distr. est exercée avant le terme naturel de la tutelle (cf. Solazzi [1917] 183-184 ; Id. [1929-2] 46, 254 ; Arangio-Ruiz [1960] 496 n. 2), par qui l’est-elle, puisque le pupille reste encore incapable ? Puisque le recours à un tuteur ad hoc (tutor praetorius : Gai. 1.184) est une solution relativement tardive, il est nécessaire d’envisager une réponse. Il en est de même lorsque l’accusatio suspecti tutoris a écarté le tuteur : qui agira contre lui pour reconstituer le patrimoine du pupille ? Bien que l’hypothèse (à notre connaissance) n’en ait pas été jusqu’ici présentée, l’idée d’une action privée (iudicium, ou iudicium rei privatae, au sens d’une action de structure privée et concernant un intérêt privé), mais ouverte à tous (donc un iudicium publicum) est envisageable. Comme l’accusatio suspecti tutoris, et exactement pour les mêmes raisons, la procédure contre le tuteur doit être populaire,

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publica. Mais, à la différence de l’accusatio (une procédure criminelle, devenue ensuite disciplinaire), l’a. rat. distr. est une action (un iudicium recourant à la procédure des actions de la loi), tendant à une peine privée (une res privata). Les deux procédures ont en commun le fait d’être populaires, car ouvertes à tous. Mais le rapprochement s’arrête là. Seule l’a. rat. distr. est un iudicium publicum rei privatae. Il n’est donc pas possible de suivre Savigny (1850) 334-335 qui, dans une approche intuitive remarquable mais restée sommaire, avait englobé l’accusatio suspecti tutoris et l’a. rat. distr. dans la même nébuleuse d’un iudicium publicum rei privatae. La sanction de la lex Laetoria, à la fin du IIIe s. av. J.-C., fournit l’illustration exacte de ce modèle processuel. Contre l’auteur du dol (dolo malo facere), dont un mineur de vingt-cinq ans est victime, quiconque peut agir par un iudicium rei privatae, par une action privée pénale à un multiple, qualifiée de publicum, car ouverte à tous (cf.  Cic. nat. deor. 3.74). Sur ce type d’action, v. l’étude définitive de Di Salvo (1979) 119-134, ainsi que 134-143 pour la reconstitution de l’a. legis Laetoriae. L’a. rat . distr. et l’action de la loi Laetoria relèvent du même contexte. Dans les deux cas, l’urgence fait appel au premier venu pour qu’il se substitue au pupille incapable de défendre son patrimoine. La sanction est la même (le double du préjudice subi par l’incapable). La procédure est identique : une action privée s’exerçant à l’aide du sacramentum. On peut donc penser que le iudicium publicum rei privatae auquel l’auteur de la lex Laetoria a eu recours a trouvé son modèle dans l’action décemvirale rationibus distrahendis. La référence à l’agere pro tutela (source g) en tant que manifestation exceptionnelle d’une action alieno nomine admise par les actions de la loi trouve, si l’on accepte cette hypothèse, son explication. Les actions de la loi ont admis que l’on agisse alieno nomine : cf.  la manus iniectio ouverte à quis volet par la lex luci Lucerina : v. Di Salvo cit. 137. L’agere pro tutela doit être pris dans son sens propre et fort. Le premier venu agit pour le compte et au nom du pupille – et c’est ce dernier qui percevra la peine du double. 2. – 5. Actio rationibus distrahendis et actio tutelae L’a. rat. distr. n’a pas été absorbée par l’action plus récente de tutelle (iudicium tutelae), action civile de bonne foi. L’une et l’autre subsistent côte à côte. L’action de tutelle diffère par sa nature : au simple (donc en réparation du préjudice), elle ne peut être exercée qu’une fois la tutelle achevée et donc seulement par le pupille devenu capable. Elle traduit l’idée d’une obligation – de nature quasi contractuelle –, celle, pour le tuteur de gérer scrupuleusement le patrimoine de l’incapable. Malgré ces différences avec l’a. rat. distr., on perçoit bien où le préteur a puisé son inspiration pour forger la formule de l’action civile de tutelle. Il

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s’est appuyé sur la notion de fides, sur la fides décemvirale déjà mise à contribution (à la fois pour l’accusatio suspecti tutoris, à la fois pour l’actio rationibus distrahendis), mais cette fois pour en faire sourdre un dare facere oportere, une obligation civile ou légale (car fondée sur le double précédent décemviral), et que le juge devra apprécier ‘ex fide bona’, c’est-à-dire‘conformément aux exigences de la bona fides’. Le préteur créait ainsi le type sans doute le plus ancien d’une action civile dite de bonne foi.

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8.  21  – :  PATRONVS SI CLIENTI FRAVDEM FECERIT, SACER ESTO.

: Si un patron a perfidement manqué à ses devoirs de fides envers son client, qu’il soit condamné comme voué aux divinités infernales.

Source principale a) Servius Commentarius in Aeneidem 6.609 : Au vers de l’Enéide 6.609, pulsatusve parens aut fraus innexa clienti (Enée rencontre au Tartare ceux qui ont commis les crimes de violence envers un parent ou de conduite perfide envers un client), le commentateur Servius, qui n’a retenu que le second crime, explique ainsi ce dernier : ‘aut fraus innexa clienti’ : ex lege XII Tab. venit, in quibus sic scriptum est : ‘patronus si clienti fraudem fecerit, sacer esto’. Sources complémentaires b) Dion. Hal. 2.10 : Denys place dans une lex regia, attribuée à Romulus (Rom. 2), le ‘code de la clientèle’, constitué d’obligations réciproques du patronus et du cliens et sanctionné par la peine de la sacratio, fulminée à l’encontre de l’un et de l’autre des transgresseurs : « Romulus établit ainsi le droit du patronage : c’était le devoir des patriciens d’expliquer le droit à leurs clients ; de prendre en justice la défense des intérêts de leurs clients si ceux-ci se trouvaient subir une offense. Quant aux clients, ils étaient obligés d’aider leur patron en contribuant à doter sa fille s’il n’en avait pas les moyens ; de payer la rançon à l’ennemi, si le patron ou ses enfants restaient prisonniers ; de payer à la place du patron sa condamnation dans un procès privé ou la peine infligée dans un procès public ; de partager avec le patron les dépenses faites à l’occasion des magistratures et autres honneurs. Ni la loi divine, ni la loi humaine ne permettaient aux patrons ni à leurs clients de se lancer une accusation dans un procès, ni de porter témoignage l’un contre l’autre, ni de prendre part à un vote l’un contre l’autre. Et

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si l’un d’eux était convaincu d’avoir commis l’un de ces crimes, on lui appliquait la loi sur la trahison, portée par Romulus, et il était permis au premier venu de le tuer comme consacré à Jupiter Infernal » [εἰ δέ τις ἐξελεγχθείη τούτων τι διαπραττόμενος, ἔνοχος ἧν τῷ νόμῳ τῆς προδοσίας, ὃν ἐκύρωσεν ὁ Ῥωμύλος, τὸν δὲ ἁλόντα τῷ βουλομένῳ κτείνειν ὅσιον ἧν ὡς θῦμα τοῦ καταχθονίου Διός]. Plutarque, Rom. 13.8, reprend l’essentiel de l’exposé de Denys, mais sans référence à la sanction de ces obligations réciproques. c) Cato Oratio in Lentulum, in Malcovati, Oratorum Rom. Fragm.4 (1976) 200, 80-81 : Quod maiores sanctius habuere defendi pupillos quam clientem non fallere. Adversus cognatos pro cliente testatur, testimonium adversus clientem nemo dicit. Patrem primum, postea patronum proximum nomen habuere. [« Les Anciens ont considéré comme le devoir le plus sacré de ne pas manquer à la défense d’un pupille ou d’un client ; le témoignage doit être porté en faveur du client même contre un cognat. Personne ne porte un témoignage contre un client. Après celui de père, c’est le nom du patronus qui est le plus proche »]. d) Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.40 : […] neque peius ullum facinus existimatum est, quam si qui probaretur clientem divisui habuisse [«  Aucun crime n’est considéré comme pire que celui de faire du tort à son client »]. e) Gell. 5.13.2 : Conveniebat autem facile constabatque ex moribus populi Romani primum iuxta parentes locum tenere pupillos debere fidei tutelaeque nostrae creditos; secundum eos proximum locum clientes habere, qui sese itidem in fidem patrociniumque nostrum dediderunt. [« On était aisément d’accord et il était établi selon les usages du peuple romain que le premier rang après les parents revenait aux pupilles confiés à notre confiance et notre tutelle ; puis venaient, à la place la plus proche, les clients qui s’étaient de même donnés à notre confiance et placés sous notre protection »]. Commentaire Plan du commentaire : 1. – L’attribution aux XII T. 2. – La sacratio primitive : 2. – 1 : sa nature ; 2. – 2 : sa sanction.  3. – Sacer esto dans les XII T. 4. –Fides et lien de clientèle. 5. – Portée du verset décemviral. 6. – Fraus clienti.

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1. – L’attribution aux XII Tables Virgile (source a) regroupe deux comportements illicites que la tradition attribue l’un et l’autre à des lois royales : les voies de fait commises à l’encontre d’un parent (cf. Festus v° Plorare 260 L = Leges Regiae, Serv. Tullius 6) et la fraus commise contre les droits d’un client (Leges Regiae, Rom. 2). Le scholiaste Servius n’en a retenu qu’un, la violation du lien de clientèle et il l’attribue, en un témoignage isolé, aux XII Tables. Les interprètes modernes, tout en prenant une distance nécessaire avec le témoignage romancé et pour partie anachronique de Denys (v. sur la soi-disant ‘Constitution de Romulus’, composée à partir d’un pamphlet d’époque syllanienne ou césarienne : Pohlenz [1924] 181 s. ; Gabba [1960] 175 s. ; objections cependant de Balsdon [1971] contre la thèse d’une Tendenzschrift), ne mettent pas en doute la très haute antiquité de la sanction, la sacratio, fulminée contre la violation du lien de clientèle, antérieure aux XII T., mais reprise et transformée par le code décemviral. Une fois posées comme certaines ces deux étapes successives, s’ouvrent les discussions portant principalement sur la nature de la sanction (avant et après la codification) et sur le destinataire de la sacratio : le patronus seul ou le patronus et le cliens. 2. – La sacratio primitive 2. – 1. Sa nature. Rapprochées, deux définitions antiques permettent de reconstituer la spécificité de l’individu sacer. Le juriste antiquaire de la fin de la République Aelius Gallus analyse la condition de l’être (ou de la chose) qualifié de sacer comme l’effet d’une consecratio, c’est-à-dire d’une appartenance complète et définitive aux dieux. Ainsi Festus v° Sacer mons 424 L : Gallus Aelius ait sacrum esse, quocumque modo atque instituto civitatis consecratum sit, sive aedis, sive ara, […] sive quid aliud, quod dis dedicatum atque consecratum sit. [« Aelius Gallus dit qu’est sacer tout ce qui a été consacré de quelque manière que ce soit, par une disposition établie ou par la cité, ou par un temple, ou par un autel …, ou tout ce qui aura été dédié et consacré aux dieux »]. De son côté, Macrobe, après Trebatius Testa, définit (Sat. 3.7.5) la condition de l’être sacer comme celle d’un individu consacré à la divinité : Hoc loco non alienum videtur de condicione eorum hominum referre quos leges sacros esse certis dis iubent, quia non ignoro quibusdam mirum videri quod, cum cetera sacra violari nefas sit, hominem sacrum ius fuerit occidi. [« Il semble à propos d’évoquer la condition de ces individus que les lois ordonnent de consacrer à certains dieux : car je n’ignore pas que certains s’étonnent de ce que, alors que la religion (fas) interdit de faire violence à tout ce qui est consacré (sacra), le droit (ius) permet de tuer un individu consacré (sacer) »]. Sur ce texte, Fiori (1996) 36-38. L’individu est sacer en tant que consecratus, terme qui

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exprime un processus de sacratio complet, achevé : con-sacrare, comme con-ficere. Cette consecratio porte sur l’individu lui-même (consecratio capitis) et (ou) sur ses biens (consecratio bonorum) ; tête et biens sont devenus la propriété de la divinité au profit de laquelle la sacratio a été prononcée. La source (institutum) de la sacratio se trouve ordinairement dans la malédiction conditionnelle (ou exsecratio) que l’auteur d’un serment profère contre lui-même pour se rendre maudit (sacer) en cas de parjure. C’est le cas pour toutes les leges sacratae qui impliquent un serment (en particulier pour la lex tribunicia prima de 494 : cf.  Festus v° Sacer mons 424 L) ou pour le lien de clientèle, créé lui aussi par un serment fondamental. V. ici Fowler (1911) ; v. Fritz (1950) 901 s. ; Humbert (1988) 498-502 (= 227-231) ; Albanese (1988-2) [1992] 160-171. L’étonnement manifesté (ainsi Macrobe) devant une apparente contradiction entre les prescriptions du fas et celles du ius, entre la conception d’un sacer inviolable et celle d’un sacer éliminé sans forme, est superficielle. De fait, l’individu sacer, parce qu’il appartient en totalité au dieu, doit être éliminé sommairement et inéluctablement, car tel l’exige la prescription rituelle établie en relation avec la divinité. On passe ainsi du statut à la sanction. 2. – 2. Sa sanction.  Les sources antiques fournissent sur la sanction infligée à l’être sacer, un témoignage extrêmement net, singulièrement malmené par les études récentes. Selon ces sources, l’individu sacer, en rupture avec la pax deorum (Voci [1953] 58 s.), peut (mieux : doit) être éliminé « par le premier venu » (τῷ βουλομένῳ), ce qui ne signifie qu’une chose : une élimination de type sacrificiel, immédiate, sans procédure judiciaire ni jugement de condamnation, et sans procédure contrôlée d’exécution (Wissowa RuK2 388 n.  1). Devant la rupture de l’ordre religieux, on ne voit pas ce qu’une instance humaine (un jugement) pourrait apporter. De même qu’il ne peut y avoir de recours en grâce (provocatio) pour le crime d’incestum de la Vestale, ou pour la décision du tribun d’éliminer l’être sacer qui a violé sa sacrosancta potestas (i.e. sanctionnée par la sacratio), de même il n’y a pas de place pour un procès (ou un simulacre de procès), ni pour une condamnation ou une absolution à l’égard de celui qui transgresse l’une de ces prescriptions sacrées conservées sous le nom traditionnel de leges regiae. Ainsi en est-il expressément pour le déplacement de bornes (Dion. Hal. 2.74.3 : ἵνα τῷ βουλομένῳ κτείνειν αὐτὸν ὡς ἱερόσυλον ἥ τε ἀσφάλεια καὶ τὸ καθαρῷ μιάσματος εἶναι προσῇ [« le coupable sera consacré (à la divinité des bornages), de façon que le premier venu pourra le tuer comme sacrilège. Il jouira de l’impunité et sera considéré comme pur de tout crime »] ; de même pour la violation du lien de clientèle (Dion.  Hal. 2.10, cité supra). On retrouve encore la même expression dans la lex sacrata de 494 (Festus v° Sacer mons), où il est précisé à propos de celui qui tue

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l’homo sacer : Qui occidit, parricidi non damnatur : ‘si quis eum, qui eo plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit’. Voir ici, en faveur de l’élimination automatique de l’individu sacer, dans les cas prévus par les leges regiae, et dans l’application de la lex sacrata de 494 : Kaser AJ 51 s. ; Burdese (1966) 350-351 ; Albanese (1988-2) [1992] 160-171 ; Humbert (1988) 498-502 (= 227-231)  ; Id. (1998) 99-101  ; Id. (2005-1) 42-45 (= 580-585) ; Fiori (1996) 479-485. L’idée qu’une ‘certaine forme’ de justice aurait été nécessaire pour conduire à une déclaration ‘judiciaire’ de l’état de sacer a été abondamment soutenue, mais avec des arguments qui ne résistent pas à l’analyse. Cette thèse remonte à Mommsen Strafr. 565 n.  5 et 934 n.  3 (« la procédure de la preuve exige que le fait punissable se soit manifesté extérieurement par des actes significatifs »), mais qui, sur la base de Dion. Hal., avait glissé du statut de sacer à l’accusation du crime de perduellio (glissement rendu nécessaire, selon Mommsen, par le besoin d’assurer à la fraus du patronus une sanction efficace). Mais il n’y a pas de preuves d’un tel glissement qui déboucherait nécessairement sur l’ouverture d’un procès. À la suite de Mommsen, Fowler (1911) (jugement de l’homo sacer avec intervention du roi et des pontifes – hypothèse gratuite -) ; de même Santalucia (1981) 39- 41 (= 361-363) ; Id. (1984-1) 50-51 (= 118-119) ; Id. (1988-2) 433-434  (= 14-15) : une procédure publique devant le roi (avec accusation, enquête, jugement) déboucherait sur la sacratio, peine prononcée par les comices curiates. Pour étayer cette hypothèse, l’a. invoque le rôle des témoins à l’acte sacrilège, témoins à charge dans l’accusation.  Mais les sources ne confirment pas cette lecture. Ces témoins sont certes utiles, mais uniquement pour éviter à l’éliminateur de l’homo sacer d’être accusé ensuite du meurtre d’un individu innocent (parricidium) : on tient même là une preuve manifeste de l’absence de toute procédure. Une thèse plus radicale a été soutenue par Lovisi (1999) 59-62, celle d’une ‘sacerté universelle’ : de même que toute damnatio judiciaire conduirait à la ‘sacerté’, de même tous les crimes sanctionnés par ‘sacer esto’ impliqueraient un jugement préalable, formel ou informel. L’endoploratio (du parens verberatus) aurait valeur d’un appel à témoins (peut-être : cf. supra), voire d’arbitres (sûrement pas), qui constitueraient un tribunal populaire ( ?) prononçant une ‘sentence’ de ‘sacerté’. 3. – Sacer esto dans les XII Tables En intégrant dans la loi la vieille prescription religieuse, en la faisant passer du fas à l’institutum pour reprendre les termes d’Aquilius Gallus, les décemvirs ont fait subir à la vieille prescription une métamorphose complète. La loi, et elle seule désormais, qualifie le crime (clienti fraudem facere), édicte la peine (sacer esto : avec une forme d’exécution que

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nous ignorons : privée – avec abandon du corps du patronus au cliens outragé – , ou publique – pendaison à un arbre stérile -), et organise une procédure : celle qui, sous les XII T., est applicable aux crimes publics de droit commun, le tribunal des quaestores parricidii – cf. XII T. 9.4 -. La loi prononce sacer esto : mais elle n’est pas pour cela une lex sacrata (cf.  Fugier [1963] 233-234 ; Albanese [1988-2] [1992] 160 s.). Alors qu’une lex sacrata rend sacer (sacrare = rendre sacer, comme aequare = rendre égal), les XII T. ne rendent pas sacer. Le jugement de condamnation prononce la qualité de sacer, du fait de la violation d’un tabou que la loi n’a pas institué, mais qu’elle ne fait que sanctionner. C’est la violation de la fides qui rend sacer et non la condamnation judiciaire de l’infraction. Si la peine reste très probablement religieuse (par ses formes d’exécution), le crime est devenu purement laïc (Brecht [1938] 42-43). La répression du crime religieux dépendait, jusqu’en 451, de la force de la religio et de la crainte de laisser impunis les troubles à la pax deorum. Le crime entre maintenant, après 451, dans la liste des conduites que la cité décide de prendre à sa charge. Une décision judiciaire doit dès lors précéder le ‘meurtre légal’ du patronus – cf. Burdese (1966) 351. L’importance de cette conversion ne peut échapper. Elle illustre la rupture introduite par la loi des XII T. Mais elle n’est pas isolée. Dans le domaine du droit public, on peut citer la reprise, par une loi consulaire (de 449 : Liv. 3.55) de la lex sacrata de 494, mais avec une différence. La charte jurée de 494 ne pouvait pas être abrogée par la loi consulaire de 449. D’où deux formes concurrentes de sanction, pendant toute la République : soit le recours, par un procès criminel régulier, à une accusation devant le peuple et une sentence (consecratio capitis / bonorum) ; soit l’application (toujours possible) directe et immédiate de la lex sacrata primitive (Humbert [1988], pour le détail). V. sur ce passage de la lex sacrata à la lex consularis, Albanese (1988-2) [1992] – mais avec une analyse, à mon sens, inexacte de la lex de 449 : Humbert (1988) 478-481, 499-501 (= 209-212, 227-230) ; peu utile, Marottoli (1979) 89-90 (confusion entre lex sacrata et loi consulaire). Il ne pouvait en être ainsi pour la sacratio du patronus. L’intégration légale a absorbé complètement le crime primitif. Quant à la nature de la peine, la loi n’a pas rompu avec la tradition : elle en a simplement pris le relais pour pallier une probable défaillance de celle-ci. De cette concession au passé (sacer esto : mis à mort selon un rituel apte à apaiser les dieux et pas seulement à châtier un crime public lésant la collectivité publique ; il est possible que la mise à mort ait été destinée à apaiser Dius Fidius, dont le sanctuaire a été érigé précisément en 466 – Wissowa RuK2 131 – et cf.  Wieacker [1956-2] 480), la loi fournit bien d’autres exemples. Nombre de crimes publics, de droit commun (mais qui ont pu entrer dans le droit avant la

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codification décemvirale), légaux, connaissent des formes d’exécution rituelle. La cité, à un moment donné (au plus tard avec les XII T.), a incriminé un comportement dénoncé comme heurtant l’ordre social, mais a laissé subsister une forme d’exécution valant apaisement des divinités courroucées (XII T. 8.9 : exécution par pendaison offerte à Cérès ; 8.14 : précipitation e Tarpeio saxo ; de même pour 8.23). Différemment, Santalucia (cit.) estime que les hypothèses criminelles retenues par les XII T. sont des innovations, qui échappaient jusque-là à la répression. C’est douteux. À supposer qu’il y eut des innovations, elles ne concernent pas le cas du patronus : la seule innovation est, on l’a vu, l’intégration dans la loi d’un comportement illicite qui relevait jusqu’alors de la seule sphère religieuse. Le délit du patronus n’a pas été suivi, dans ce processus d’absorption législative, par les autres cas de sacratio restés de la sphère de la religion.  Ces derniers ont continué à être du domaine des leges regiae, ce qui les a sauvés de l’oubli, et à survivre à la codification.  Pourquoi n’ont-ils pas éveillé l’appétit du législateur ? À la fois parce qu’ils ne relevaient pas, en tant qu’actes illicites, de la juridiction consulaire ni de l’imperium - objet de l’œuvre législative des décemvirs –, et à la fois (de manière hypothétique) parce qu’ils ne présentaient qu’un intérêt public mineur (le renversement d’une borne est socialement moins périlleux que la fraus clienti). V. ici Humbert (1998) 101-103 ; Id. (2005-1) 44-47 (= 579-586). 4. – Fides et lien de clientèle Il est très probable que le lien de clientèle archaïque (contrairement à l’image qu’en donne Dion.  Hal. pour l’époque royale, celle d’un ensemble harmonieux de droits et de devoirs réciproques – représentation acceptée par Watson [1972] 100-102), soutenue par Serrao [1987] 298304 et suivie par Fiori [1996] 226-227) est fondamentalement déséquilibré. Établi entre un puissant et un groupe de subordonnés (sortis de l’esclavage, ennemis vaincus ?), de nature comparable à la deditio, le lien entre le patronus et le cliens est une relation essentiellement unilatérale. Le cliens s’en remet à la puissance discrétionnaire du patronus : se in fidem dat (où fides trouve son sens originaire, potestatif, équivalant à dicio ou potestas). V. ici sur cette fides potestative, Lombardi (1961), notam. 63-64, 100-101. Cette analyse purement juridique s’accorde avec les conclusions des études sur le lien de clientèle primitif : De Martino (1953) 46-47 (= 70-71) ; Id. (1994) 343 s. ; Richard (1978-1) 157-163. Cette structure potestative, d’essence unilatérale, place le client dans le bon vouloir du patronus ; mais cette puissance n’est pas illimitée. Car la fides exprime simultanément l’idée que le patronus assure la protection du plus faible : le client trouve sécurité et garantie dans son abandon en la puissance du patron. Celui-ci se trouve lié par un devoir

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de protection – c’est l’aspect promissoire de la fides –. L’étymologie que l’on s’accorde à donner du mot fides convient bien à cette idée de lien, qui engage le patron envers son protégé : v. ici Heinze (1929) 64 s. ; Beseler (1934) 135 s. ; Fraenkel (1916) ; Lombardi, cit. 100-118 ; Freyburger (1986) 149-155. La question principale qui se pose alors est de préciser la source de la sanction (sacratio capitis) de ce double devoir du patronus. On pense généralement à un ius iurandum. Mais ce serment ne peut pas être compris comme la source de la fides due : la fides naît exclusivement de la réception in fidem du cliens par le patronus et de l’abandon volontaire de ce dernier dans la puissance du patron. V. Karlowa RRG I, 37-38 (mais qui songeait à un serment bilatéral, très probablement à exclure) ; Premerstein (1901) ; Fraenkel (1916) (appel à la sanction divine du lien de fides) ; Kaser (1938-2) 96 ; Carcaterra (1984) 213-214 (comprend fides comme le lien né du serment). On proposera de voir dans le serment du patronus non pas la source de la fides potestative (née, elle, de la deditio in fidem), mais la source de la fides promissoire. Par ce serment qui lui est spécifique, le patronus s’engage à assurer protection et assistance au client. La sacratio capitis retrouve tout naturellement sa place : elle est la sanction du serment du patron. Lui seul en subit la menace. L’irrespect par le client de ses propres devoirs ne relève pas de cette sanction : cf. infra § 5. Sur le ius iurandum, moyen privilégié pour sanctionner la fides, Cic. har. resp. 36 ; off. 3.104 et autres références chez Lombardi cit. 118119. Il est possible qu’un fragment des XII T. ‘de place incertaine’ (n° 6), reconnaissant l’efficacité du serment, soit à rapprocher du verset sur la fides patroni : Nullum vinculum ad astringendam fidem iureiurando maiores artius esse voluerunt, id indicant leges in XII tabulis (Cic. off. 3.111) [« Le lien le plus rigoureux qu’aient voulu les Anciens pour contraindre au respect de la fides est celui qui naît du serment. C’est ce qu’indiquent plusieurs lois dans les XII T. »]. En compagnie d’autres versets (dont 8.22), XII T. 8.21 doit faire partie de ce groupe de lois. 5. – Portée du verset décemviral La signification politique du verset a été diversement appréciée, selon la représentation que l’on se fait de l’époque pré-décemvirale. On ne croit plus guère (depuis Voigt [1876] 574, bien que suivi encore par Serrao [1987] cit.), que la période des ‘lois royales’ ait connu une double sanction sacrale, contre le client d’une part, contre son patron de l’autre. On doit penser que le patron, dans l’exercice de sa puissance et dans l’affirmation de ses droits, n’avait pas à recourir à l’arme de la sacratio. Il disposait à cette fin d’une puissance d’ordre domestique (extra-judiciaire) : Premerstein (1901) 24-25 ; Brecht (1938) 34-35 ; Ferenczy (1977) ; Albanese (1988-2) [1992] 149 n.  9. Les XII T.

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ne touchent pas à ce rapport de puissance, très certainement parce que, suffisamment efficace, celui-ci n’avait pas besoin d’être renforcé par une sanction légale. En revanche, la reprise par la loi de l’obligation du patron de ne pas abuser de sa puissance et le souci de protéger le client seul contre tout abus, témoigne incontestablement d’une attitude pro-plébéienne, ou plus exactement anti-aristocratique et anti-seigneuriale. Mais cette sanction, ou cette menace de sanction, avait-elle vocation à s’appliquer ? On en a douté, mais pour des motifs peu consistants. On a invoqué l’autorité de Mommsen, mais en déformant son interprétation. Loin, en effet, de dénoncer la vanité grandiloquente (comme on l’a affirmé) du précepte décemviral, Mommsen Strafr. 57 ; 60 justifia le verset 8.21 par la volonté de substituer à l’action privée du cliens (la sanction primitive, selon Mommsen), privée d’effet réel, le recours efficace à une action publique confiée aux questeurs et poursuivie d’office par ces derniers (comme le meurtre d’un citoyen, l’incendie volontaire de récoltes, le vol de récoltes sur pied), et jugée par le peuple. L’incrimination légale était donc dictée par la recherche la plus urgente de l’efficacité. Naturellement on ignore, pour ce crime comme pour tous les autres, si la peine fut appliquée ou si la menace de la peine eut un effet dissuasif. Puis le doute a commencé à s’emparer des interprètes plus récents. Pour Brecht (1938) 39-42, l’exécution du patronus ne devait pas être prononcée par le magistrat ni par l’autorité publique. Mais ni preuve ni argument ne sont venus étayer cette incrédulité. Plus nettement Heinze (1929) 75-76 stigmatisa la vanité de la qualification du crime, un ‘vœu pieu dépourvu de portée pratique’ (diese mehr einem frommen Wunsch als einer praktischen Norm gleichsteht). De même pour Magdelain (19901) 219, suivi par Lovisi (1999) 62-64 : norme inapplicable, car le statut déférent du client lui interdirait toute action contre son patron.  On serait en présence d’un anathème théorique. Mais ces soupçons d’une protection fallacieuse et ‘pour la galerie’ ne tiennent pas devant le caractère public du crime. 6. – Fraus clienti Le code décemviral a recouru trois fois (voire cinq fois : cf.  8.20 ; 8.27) au concept de fraus, dans des situations différentes, mais qui doivent toutes s’analyser de la même façon.  Par son étymologie (cf.  Walde-Hofmann LEW3 543 ; Ernout–Meillet DE4 252 ; et cf.  Bréal [1902] 146-147), le terme doit être rapproché de frustrare, frustra, et exprime l’idée d’un manquement, d’un acte positif ou négatif d’abstention, causant un dommage à autrui. L’acte est intentionnel et implique une volonté malveillante. Ce point de départ est précieux pour mieux analyser les trois emplois de FRAVS dans les XII T. Dans notre verset 8.21, la fraus qualifie l’attitude nuisible du pa-

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tron qui a « manqué à ses devoirs envers son client », qui a frustré ce dernier dans son attente de protection.  Bréal cit. justifiait cet emploi en l’expliquant par la défaillance du patron qui n’a pas répondu à l’aide judiciaire que le client est en droit d’appeler. Mais le sens vaut aussi pour l’ensemble des obligations patronales comprises dans la notion de fides. De cette idée de manquement, ou de défaillance malveillante, on passe facilement à l’idée d’un tort accompli par dol. Cf. également 8.20. Qu’en est-il pour les deux autres emplois, tous deux similaires, figurant dans le code ? Dans ces deux cas (3.6 ; 10.8), il s’agit d’excuser par avance un acte qui, exceptionnellement, « ne sera pas considéré comme un   manquement à la loi » (sine fraude esto). Le créancier qui découpe une portion du cadavre de son débiteur en outrepassant la part de sa créance ne sera pas considéré comme ayant manqué au respect de la loi (3.6). En clair, on ne lui en fera pas grief et il ne subira aucun dommage. Il en est de même pour le parent qui inhume ou brûle le corps du défunt sans avoir ôté ses dents en or : il n’aura pas manqué à l’observation de la prescription rituelle et légale (10.8). On ne lui en tiendra pas compte : on ne lui en fera pas grief. Et puisqu’il n’y a pas de défaillance, l’intéressé ne subira pas de dommage. Ces trois occurrences authentiques conduisent au même résultat. La fraus qualifie une faute par défaut, essentiellement par l’inobservation d’un devoir (découlant de la fides ou exprimé par la force de la loi). Ce manquement est sanctionné ; sauf les cas exceptionnels où il est par avance excusé. Et lorsqu’il est réprouvé, il est perçu comme la source d’un dommage. Un dommage subi par qui ? Dans les deux hypothèses d’« excuses légales » (3.6 et 10.8), le dommage, qui devait être subi par l’auteur de la fraus, épargne ceux qui agissent sine fraude. Lorsqu’il y a ‘fraude à la loi’, fraus legi, il en est fait grief à l’auteur de l’infraction, qui subira un dommage (à titre de peine). Mais dans l’hypothèse du ‘fraus clienti facere’, c’est le client qui subit la fraude : le patron ‘fait subir au client un manquement dommageable’ ; de même pour 8.20 : c’est le pupillus qui subit la fraus du tutor. Le client est le destinataire ou la victime du dommage causé par la défaillance. On reprochera alors au patron (il lui en sera fait grief) sa défaillance qualifiée de fraus et il subira la sanction (sacer esto). Sur la fraus, v. plus généralement, Krüger-Kaser (1943) 173  ; Freyburger (1986) 84-90 ; Wieacker RRG I, 476 et n.  25 (bibliogr.). Dépouillement du matériel épigraphique plus récent, Fascione (1983) 13-35.

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8. 22 –  :  QVI SE SIERIT TESTARIER [LIBRIPENSVE FVERIT], NI TESTIMONIVM , INPROBVS INTESTA BILISQVE ESTO.

: Celui qui aura consenti à se constituer témoin [ou aura été porte balance], s’il ne porte pas témoignage, qu’il soit déclaré déchu et interdit de témoignage.

Sources principales a) Aulus Gellius Noctes Atticae 15.13.12 : Item ex isdem tabulis id quoque est : ‘Qui se sierit testarier libripensve fuerit, ni testimonium fateatur, inprobus intestabilisque esto’. Dans ce passage consacré aux mots surprenants (inopinata verba), Aulu-Gelle illustre l’emploi de testor par la citation d’un verset décemviral. Les ms. donnent fariatur, que Schöll 92-95, 149 (suivi par FIRA) corrige en fatiatur. Mais les philologues, que nous suivons, proposent fateatur : Ernout-Meillet DE4 v° farior ; Flobert (1975) 54. Le sens, quoi qu’il en soit, ne fait pas de difficulté. Il s’agit, selon une expression plus récente (cf.  XII T. 8.23), de testimonium dicere. SIERIT est un parfait de l’indicatif archaïque pour siverit ou siierit : Norden (1939) 131-132. TESTARIER, archaïque, pour testari signifie ‘fournir son témoignage’. L’adjonction libripensve fuerit est une glose tardive, car le porte-balance, dans le rituel archaïque de la mancipation et des actes per aes et libram, ne joue nullement le rôle d’un témoin : Gai. 2.107. Il faut écarter ces deux termes du verset décemviral. b) Gell. 7.7.2-3 : (2) Qua lege ei plurimi honores fiunt, inter quos ius quoque testimonii dicendi tribuitur testabilisque una omnium feminarum ut sit datur. Id verbum est legis ipsius Horatiae; (3) contrarium est in duodecim tabulis scriptum : ‘Inprobus intestabilisque esto’. [« La loi (Horatia) honora (la Vestale Taracia) de plusieurs privilèges, notamment du droit de donner son témoignage ; elle fut la seule femme à jouir de la capacité d’être témoin (testabilis). C’est le mot même employé par la lex Horatia. Il s’oppose à intestabilis que l’on trouve dans les XII T. : ‘qu’il soit déchu et

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interdit de témoignage »]. Selon l’annalistique, cette loi Horatia daterait de 449. Sources complémentaires c) Plautus Curculio 30, 33 : Semper curato ne sis intestabilis [...] Quod amas ama(to) testibus praesentibus. [« Prends toujours bien garde de ne pas manquer de témoins (= de ne pas être privé des témoins de ta virilité) … Si tu fais l’amour, fais-le, mais tâche de le faire devant de bons témoins (= en gardant les témoins de ta virilité) »]. La traduction donnée par Ernout (CUF) ‘Prends toujours bien garde de conserver ton pouvoir de témoignage’ est impossible. La mise en garde concerne le pouvoir d’avoir des témoins ou de disposer du secours de témoins (d’où le jeu de mots un peu lourd) et non la capacité de porter témoignage en faveur d’autrui. d) Plaut. Miles gloriosus 1414-1421 : Py. Iuro per Iovem et Mavortem me nociturum nemini [...] Et si intestatus non abeo hinc, bene agitur pro noxia. Pér. Quid, si id non faxis ? Py. Vt vivam semper intestabilis […] Ca. Ergo des minam auri nobis. Py. Quam ob rem ? Ca. Salvis testibus Vt te hodie hinc amittamus, Venerium nepotulum. [« Py. Je jure par Jupiter et par Mars que je n’en voudrai à personne pour ce que j’ai subi. Et si je sors d’ici avec mes témoins (de ma virilité), la réparation du dommage n’aura pas été excessive. – Pér. Et si tu manques à ton serment ? – Py. Que je vive alors désormais privé de mes témoins. – Ca. Donne–nous une mine d’or ! – Py. Mais pour quoi faire ? – Ca. Mais pour que nous te laissions partir d’ici avec tes témoins sains et saufs, joli petit-fils de Vénus ! »]. e) Horatius Satirae 2.3.179-181 : Iure / iurandi obstringam ambo ; uter aedilis fueritve / vestrum praetor, is intestabilis et sacer esto. [« Je vous lierai tous deux par un serment ; que celui de vous deux qui sera édile ou préteur devienne intestabilis et maudit »]. Et le commentaire ad h. l. de Porphyrion : Antiqui eos, quos in testimonium dimitti nolebant, intestabiles vocabant. [« Les Anciens appelaient intestabiles ceux dont ils ne voulaient pas qu’ils témoignassent »], ainsi que celui du Pseudo- Acro, au même passage, in Hor. Serm. 2.3.181 (éd. Keller, II, 150) : intestabilis] Periuri

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sic dicebantur tamquam sacri, hoc est obnoxii ei numini, per quod iuraverant. Intestabiles appellabantur, quorum testimonium non valebat. Sacer] Execrabilis vel execrandus κατὰ ἀντίφρασιν et hoc secundum duodecim tabulas [« Les parjures étaient qualifiés de intestabiles, en tant qu’individus maudits (sacri), c’est-à-dire dévoués à la puissance divine qu’ils avaient invoquée dans leur serment. On appelait intestabiles ceux dont le témoignage n’était pas accepté. Sacer (‘consacré’), au sens, par antiphrase, de ‘maudit’, ‘voué à l’exécration’, comme on le trouve dans les XII Tables »]. f) Gaius libro vicesimo secundo ad edictum provinciale D. 28.1.26: Cum lege quis intestabilis iubetur esse, eo pertinet, ne eius testimonium recipiatur et eo amplius, ut quidam putant, neve ipsi dicatur testimonium. [« Lorsque la loi déclare quelqu’un d’intestabilis, il s’ensuit que l’on ne peut recevoir son témoignage et même, selon certains, que l’on ne peut témoigner à son égard »]. Le terme lege renvoie à la lex Cornelia de iniuriis et non à la loi des XII T. Cf. Berger (1934) 64 n. 77 ; v. également infra source i. g) Papinianus libro singulari de adulteriis D. 22.5.14 : Scio quidem tractatum esse, an ad testamentum faciendum adhiberi possit adulterii damnatus : et sane iuste testimonii officio ei interdicetur. Existimo ergo neque iure civili testamentum valere, ad quod huiusmodi testis processit, neque iure praetorio [...]. [« Je sais que l’on discute le point de savoir si celui qui a été condamné pour adultère peut participer comme témoin à la confection d’un testament. Assurément, c’est avec raison qu’il n’est pas admis à fournir son témoignage en justice : j’estime donc qu’un testament auquel on aurait associé un tel témoin n’est valide ni selon le droit civil, ni selon le droit prétorien »]. h) Paulus libro tertio sententiarum D. 22.5.15 pr. : Repetundarum damnatus nec ad testamentum nec ad testimonium adhiberi potest. [« Le condamné pour concussion ne peut être appelé à participer à un testament, ni à témoigner »]. i) Ulpianus libro quinquagensimo sexto ad edictum D. 47.10.5.9 : Si quis librum ad infamiam alicuius pertinentem scripserit composuerit ediderit [...], si condemnatus sit qui id fecit, intestabilis ex lege esse iubetur. [« Si quelqu’un a écrit, composé, publié un ouvrage destiné à porter atteinte à la réputation d’autrui, s’il est condamné, la loi ordonne qu’il soit déclaré intestabilis »]. Cf. source f (ex lege).

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j) Ulpianus libro primo ad Sabinum D. 28.1.18 pr.-1 : Is cui lege bonis interdictum est testamentum facere non potest et, si fecerit, ipso iure non valet […]. Merito ergo nec testis ad testamentum adhiberi poterit, cum neque testamenti factionem habeat. (1) Si quis ob carmen famosum damnetur, senatus consulto expressum est, ut intestabilis sit : ergo nec testamentum facere poterit nec ad testamentum adhiberi. [« Celui contre qui l’interdiction a été prononcée ne peut faire un testament, et s’il le fait, il est sans valeur. C’est donc à bon droit qu’on lui refusera de participer à un testament comme témoin, puisqu’il n’a pas la capacité de faire un testament. (1) Si quelqu’un est condamné pour un écrit diffamatoire, il est déclaré intestabilis par le s.c. : il ne pourra donc pas faire de testament, ni participer au testament d’un autre »]. Cf. Arcadius Charisius sing. de testibus D. 22.5.21 pr. k) Iustiniani institutiones 2.10.6  : Testes autem adhiberi possunt ii, cum quibus testamenti factio est. Sed neque mulier neque impubes neque servus neque mutus neque surdus neque furiosus nec cui bonis interdictum est nec is, quem leges iubent improbum intestabilemque esse, possunt in numero testium adhiberi. [« Ont la capacité de participer comme témoins à l’élaboration d’un testament, ceux qui jouissent de la même capacité de faire un testament. Mais sont privés de cette capacité d’être témoins la femme, l’impubère, l’esclave, le muet, le sourd, le fou, le prodigue et celui que les lois ont condamné comme déchu et intestabilis »]. l) Livius 10.9.5 : Valeria lex autem cum eum, qui provocasset, virgis caedi securique necari vetuisset, si quis adversus ea fecisset, nihil ultra quam ‘inprobe factum’ adiecit. Id, qui tum pudor hominum erat, visum, credo, vinculum satis validum legis : nunc vix serio ita minetur quisquam. [« La loi Valeria (de 300) avait interdit de frapper de verges et de décapiter à la hache le citoyen qui aurait fait appel au peuple ; et si un magistrat violait la loi, celle-ci n’avait rien ajouté d’autre que ceci : ‘l’acte serait réputé comme déshonorable’. Le sentiment de l’honneur était suffisamment fort, je crois, pour que la sanction de cette loi parût alors suffisante. Aujourd’hui, personne ne prendrait au sérieux une menace de ce genre »]. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Portée du verset 8.22 : testimonium ad solemnitatem et aussi ad probationem. 2. – Sens et étendue de INTESTABILIS. 3. – INPROBVS.

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1. – La nature du témoignage Les interprètes modernes donnent au verset 8.22 une portée limitée. Ne serait concerné par la déchéance frappant le témoin défaillant qu’un seul type de témoins : ceux qui sont appelés à concourir à la formation d’un acte, dit libral, dont la validité exige la présence de cinq témoins : la mancipatio et ses dérivés (coemptio, emancipatio), le nexum, le testament libral, la solutio per aes et libram. Ces témoins sont traditionnellement désignés comme ad solemnitatem, car ils participent au formalisme inhérent à tous ces actes. Au contraire, les témoins dits ad probationem, appelés à établir l’existence d’un fait ou d’un acte processuel (les témoins de l’in ius vocatio, de la litis contestatio, d’une stipulatio …) ne seraient pas touchés par la déchéance prononcée par 8.23, mais relèveraient, en cas de défaillance, du rite public de l’obvagulatio (XII T. 2.3). Ainsi Mommsen (1907) 507 ; Kaser (1934) 1026 ; Lévy-Bruhl (1960) 218-219 ; Vincenti (1989) 18-20 ; Kaser–Hackl RZPR 119. Mais les arguments invoqués en faveur de cette distinction ne résistent pas à la critique. 1. – 1. L’obvagulatio d’une part, et la peine d’intestabilis de l’autre, ne sont pas deux peines attachées à deux délits distincts, mais sont deux peines d’âge et de mentalité différents sanctionnant un seul et même délit : la défaillance d’un témoin, quel que soit le rôle que l’on attendait de lui. La peine prononçant le statut d’intestabilis implique une procédure judiciaire (recourant à une action de la loi privée), au cours de laquelle le délit sera constaté et la peine (inprobus intestabilisque esto) sera prononcée, en une sorte de condamnation à une déchéance civile infamante (contra Mommsen [1907] cit., pour qui il n’y aurait pas eu besoin de condamnation). Au contraire l’obvagulatio, qui n’est pas un rituel de convocation, car elle implique la défaillance consommée (cui testimonium defuerit, selon l’expression même de la loi 2.3) est une forme très archaïque de justice populaire maintenue par les décemvirs par respect de la tradition.  Elle n’est pas destinée, comme on l’a soutenu, à remédier à la défaillance d’une partie des témoins (ceux abusivement qualifiés de ad probationem), ni à compléter par une sorte de large publicité la peine de l’intestabilité (ainsi Arias Bonet [1956] 293 s. ; Kaser-Hackl RZPR 119). Le verset 2.3 ne complète pas 8.22. Les deux versets font double emploi, si l’on peut qualifier ainsi la présence dans le même code d’une forme de justice pré-civique et populaire (d’essence, à l’origine, magico-religieuse) et d’une condamnation pénale prononcée par un magistrat et conduisant à une sorte de mort civile. 1. – 2. La présence du libripens parmi les témoins visés par 8.22 (dans la version transmise par Aulu- Gelle) ne saurait apporter la preuve que seuls les témoins à l’acte formaliste per aes et libram seraient concer-

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nés par la peine de l’intestabilis. Car il est certain que l’adjonction du libripens est tardive. Ce n’est qu’à une époque récente (cf.  Gai. 2.107) que le libripens a été rangé parmi les témoins et a été soumis (du fait de l’interprétation pontificale) au même régime : ainsi Wieacker (1956-2) 464 s.; Broggini (1960) 169 n. 99. 1. – 3. La distinction entre témoins instrumentaires et témoins probatoires est artificielle et ne revêt probablement aucune réalité juridique. Les témoins de l’acte libral participent activement, certes, à la formation de l’acte juridique, mais ils remplissent également une fonction probatoire. Réciproquement, il est impossible de réduire à un simple rôle d’observateurs les témoins de la litis contestatio. Sans leur présence et leur participation active au rite, celui auquel correspond le testes estote, la litis contestatio ne se forme pas. Cf. Festus-Paul v° Contestari litem 50 L ; Biscardi (1971-2) 386. Opposer la preuve et la formation de l’acte est une fausse opposition ; elle ne correspond pas aux réalités romaines : Broggini (1960) 169. Nous pensons donc que cette distinction doit être abandonnée (ainsi MacCormack [1973] 232). Tous les types de témoignage répondent aux mêmes critères (appel aux témoins – rite de l’antestamino – et réponse positive de leur part) et au même vocabulaire (testimonium dans les deux versets 2.3 et 8.22). Toutes les formes de témoignage sont donc concernées par la sanction de la défaillance établie par 8.22. 2. – Sens et étendue de INTESTABILIS Convient-il de donner à intestabilis le sens d’une déchéance active exclusivement (le témoin défaillant est privé pour l’avenir du pouvoir de témoigner pour autrui) ou faut-il reconnaître à ce terme la valeur d’une déchéance passive, incomparablement plus grave ? L’individu, en ce sens, désormais privé du secours du témoignage d’autrui, se voit de la sorte interdire la plupart des actes du ius civile qui requièrent la participation de témoins.Les interprètes modernes se sont divisés. En faveur de la double déchéance, Greenidge (1894) 168-169 ; Lévy-Bruhl (1910-2) 40-43 ; Manigk (1916) 1729-1730 ; Cuq (1928) 109 ; Girard, Manuel8 (1929) 215 ; Westrup (1939) III.1, 171. En faveur, à l’opposé, d’une déchéance active seulement : Pernice (1873) 241 ; Gardner (1993) 118-121. La position de Mommsen est à part (Strafr. 991 ; suivi par Albanese [1979] 402). Pour Mommsen, la double portée de la déchéance, active et passive, résulterait de l’association d’inprobus (au sens de ‘incapable de témoigner’) et d’intestabilis (au sens de ‘incapable de citer des témoins’). Mais il n’y a pas d’argument à l’appui de cette interprétation. Toutes ces prises de position souffrent d’être fondées sur des motivations purement subjectives et de ne pas avoir invoqué en leur faveur

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d’arguments textuels. Si, pour les uns, la déchéance active serait, à elle seule, trop légère au regard de la faute du témoin défaillant (Greenidge cit. 169 ; Westrup cit. 171), pour les autres, à l’inverse, une déchéance active et passive est jugée comme une peine disproportionnée pour une simple défaillance (Gardner cit. 118). Mais ces impressions fondées sur le ‘bon sens’ ne s’imposent pas. Pourtant les sources existent. Elles apportent une double confirmation. 2. – 1. Les sources prouvent directement, et pour l’époque la plus ancienne (Plaute, sources c et d), que intestabilis a le sens de ‘qui ne peut invoquer l’aide de témoins’ ou de ‘dépourvu de l’assistance de témoins’, et non, simplement, le sens de ‘qui ne peut témoigner pour autrui’. C’est donc bien la déchéance la plus grave, celle qui interdit au témoin défaillant l’accès à la quasi-totalité des actes du ius civile, qui est prévue par le verset 8.22. Quant à l’incapacité de fournir son témoignage pour autrui, elle est englobée dans la première déchéance, il n’y a aucun doute. On voit donc que la déchéance est double, active et passive à la fois. 2. – 2. Les sources permettent en second lieu de déceler le lien insoupçonné, mais nécessaire, entre les deux faces de la même déchéance : l’incapacité infligée d’appeler autrui à témoigner et l’incapacité de témoigner pour autrui. On est en présence d’un mécanisme soudé, car, juridiquement cohérent. Il se révèle comme un tout indissociable : Humbert (2007). Le ressort de ce mécanisme est le suivant. Pour participer à l’élaboration d’un acte formaliste, le témoin doit jouir lui-même de la capacité d’accomplir cet acte. Le témoin doit être capable de constituer l’acte auquel il collabore à titre de témoin. Or, si, par l’effet de la peine d’intestabilis, il se trouve privé du témoignage d’autrui, s’il lui est donc interdit de ce fait d’accomplir l’acte per aes et libram auquel il est appelé à collaborer, il est nécessairement incapable de participer à cet acte en tant que témoin.  Les deux incapacités sont reliées par une cohérence élémentaire, dont les sources font état, implicitement et explicitement. – Implicitement : c’est le cas des divers privilèges qui honorent le statut de la Vestale (Gell. 7.7.3.2, source b). Parce qu’elle possède la capacité exceptionnelle d’accomplir les actes formalistes qui requièrent le témoignage d’autrui (notamment la capacité de faire un testament per aes et libram), la Vestale jouit de la capacité d’apporter elle-même son témoignage, c’est-à-dire de participer, en tant que témoin, à l’acte formaliste de même nature qu’accomplira autrui. C’est en ce sens, en ce double sens, qu’elle est qualifiée de testabilis. –  Explicitement : c’est l’apport de la jurisprudence classique (source j) et des Inst. (source k). Parce que le prodigue est interdit de testament, il ne peut se porter témoin et participer, par son témoignage, au

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testament d’autrui (Ulpien, source j). L’incapacité passive de bénéficier du témoignage d’autrui interdit ainsi au prodigue les actes fondés sur le témoignage d’autrui (comme le testament). Et la contrepartie est immédiate : incapable de faire un testament (car privé de témoins), le prodigue est déchu, pour cette raison, de la capacité de participer au testament d’autrui, c’est-à-dire d’y apporter son témoignage. Ce mécanisme est étendu par Ulpien lui-même (source j, plus nettement que par Gaius, qui, dans la même position, fait état de divergences doctrinales, source f) à l’individu condamné pour carmen famosum, frappé par la lex Cornelia (source i) d’intestabilis. Ce dernier ne peut bénéficier du témoignage d’autrui (donc faire un testament) ni apporter son témoignage à autrui (donc collaborer au testament d’un autre). Les Institutes de Justinien (source g), maintiennent en une expression, qui est une réminiscence troublante du verset décemviral (inprobus intestabilisque), l’ambivalence de l’intestabilité : active et passive. Pour pouvoir participer valablement, en tant que témoin, à la confection d’un testament, le témoin doit posséder, en partage avec le testateur, la capacité de faire un testament (la testamenti factio). Mais s’il est frappé d’une déchéance passive, à la suite d’une mesure d’interdiction ou parce qu’il est condamné à une peine criminelle, s’il devient de la sorte incapable de faire un testament (car dans l’impossibilité de solliciter le témoignage d’autrui), l’individu est aussitôt frappé d’une déchéance active : il ne peut participer, comme témoin, au testament d’autrui. Cf. Humbert (2007) 2552-2555 (= 463-467), pour le détail. On constate ainsi pour quelle raison, au sein du concept d’intestabilis, les deux aspects, actif et passif, depuis la plus haute époque, sont nécessairement liés. Une intestabilité unilatérale, active ou passive, n’a pas d’existence juridique. Il suffit, pour s’en convaincre, de citer les commentaires classiques aux lois pénales qui frappent un condamné (crime d’adultère, de repuntundis) de la peine exclusive de porter un témoignage (et de participer à un testament). Jamais (sources g et h ; dans le même sens, Ulp. 1 Sab. D. 28.1.20.6 ; Call. 4 cogn. D. 22.5.3.5), ni les lois pénales, ni les commentateurs ne qualifient d’intestabilis ce type de condamné, car il n’est pas déchu de la capacité de faire appel au témoignage d’autrui. L’intestabilité active (l’incapacité de se constituer témoin pour autrui) n’est que le reflet, secondaire, de la déchéance principale, l’intestabilité passive (l’incapacité de bénéficier du témoignage d’autrui). C’est la raison pour laquelle la peine d’intestabilis ne se résout jamais en une simple intestabilité active (cette peine existe, autonome, mais elle ne se confond pas avec la peine d’intestabilis). Des XII Tables à la lex Cornelia en passant par Plaute, de la lex Cornelia aux prudents et à Justinien, le concept d’intestabilis témoigne d’une longévité remarquable. Fondamentalement, l’individu est privé du témoignage d’autrui,

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frappé d’une véritable mort civile. Il perd simultanément, car c’en est le corollaire, la capacité de participer à la formation d’actes qu’il n’a plus la capacité d’accomplir lui-même, car déchu du secours de témoins. 3. – INPROBVS La connotation morale (probus au sens d’honnête ; inprobus au sens de désapprouvé, d’inconvenant) est récente. Elle ne convient pas, en particulier dans le contexte d’une norme législative. C’est pourtant (à la suite d’un lourd contresens) cette portée morale que Tite-Live attribue, dans son commentaire, à la lex Valeria de provocatione de 300 : Valeria lex […] si qui adversus ea fecisset, nihil ultra quam ‘inprobe factum’ adiecit. Id, qui tum pudor hominum erat, visum, credo, vinculum satis validum legis – source l -. Contresens de l’annaliste, mais généralement suivi, puisque la loi Valeria de 300 passe couramment, mais à tort, pour une lex imperfecta. En réalité, probus / inprobus revêt un sens juridique très fort. Il exprime : 3. – 1. La pureté rituelle. Le ver sacrum accompli conformément aux prescriptions rituelles est déclaré probum (probe factum : Liv. 22.10.5), de même que doit être purus et probus l’objet rituellement rendu (recte purgatus) au monde profane (Festus vis Puri, Probi 296 L). 3. – 2. La validité incontestable d’un acte juridique, qu’il s’agisse d’un fait établi par un jugement ou constaté par un comité d’experts assermentés. Ainsi la lex parieti faciendo Puteolana de 105 av. J.-C. III, l. 10 -11 (FIRA III, 474) : quod eorum viginti iurati probaverint, probum esto: quod ieis inprobarint inprobum esto. La réception des travaux permettra de vérifier la conformité de ces derniers aux engagements des entrepreneurs. L’exécution doit être conforme au droit, iuste ou recte facta, en un mot probe facta. V. encore, dans le même sens, Cic. off. 3.54 : num venditor id iniuste aut inprobe fecerit, et Th. L.L., v° Probus 1489, 70-75, pour d’autres références. 3. – 3. Dans la loi Valeria de 300 (source l), est qualifié d’inprobe factum l’acte du magistrat qui violerait la norme et exécuterait un citoyen sans le respect d’une provocatio ad populum devenue un droit fondamental du citoyen (indépendant de l’assistance tribunicienne – Humbert (1988) 486-489 (= 216-219). Cet agissement serait un acte contraire au droit, au sens le plus ferme : contraire à la loi civile, sans aucun doute, car le supplice contra legem s’oppose exactement à l’exécution légale, au iure caesum – cf.  Liv. 3.55.5. Le magistrat devient meurtrier, coupable de parricidium : cf. Mommsen Strafr. 633. Mais il est possible que l’acte du magistrat soit dénoncé en outre comme enfreignant la loi sacrée, dans la mesure où violant l’obligation de respecter la provocatio ad populum,

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le magistrat transgresse en même temps le veto tribunicien, expression d’un pouvoir sacro-saint : Dion. Hal. 5.70. 3. – 4. Reste à préciser le sens d’INPROBVS dans le verset 8.22, associé à INTESTABILIS. Parjure (sources d et e), le témoin défaillant a dû, à une époque primitive, être frappé d’exécration et subir le sort de l’être sacer. L’identification de l’intestabilis à l’homo sacer est bien établie pour les XII T. par la note du Pseudo-Acro (source e), de même que celle de l’homo sacer et de l’inprobus (Festus v° Sacer mons, 424 L : Ex quo quivis homo malus atque inprobus sacer appellari solet). Voir ici Fiori (1996) 217-218. Et puisque les Anciens ont gardé le souvenir que le parjure entraînait la sacratio du coupable, avec pour incidence de le rendre inprobus et intestabilis, il est tentant de rattacher la double condamnation du témoin infidèle (donc parjure) du verset 8.22 à une sacratio primitive. On verra dans ce verset, à côté de plusieurs autres (8.21….), un nouvel exemple du soin qu’ont pris les décemvirs à réprimer les violations diverses du iusiurandum (Cic. off. 3.111 = XII T. Frag. incert. sedis 6). INTESTABILIS exprime la dimension civile et juridique de cette déchéance frappant l’INPROBVS. Une fois dépassé le stade archaïque de la sacratio, le statut d’intestabilis constitue le moyen qui donne à l’inprobus la mesure de son exclusion.  À partir de là, tout s’enchaîne en un tout cohérent. Parce qu’il est privé de témoins, l’inprobus intestabilis se voit interdire la quasi-totalité des actes du ius civile. Et parce qu’il a perdu l’accès à ces actes, l’intestabilis, dans un effet réflexe de l’intestabilité, ne peut plus à son tour élaborer, en tant que témoin, des actes qui lui sont désormais interdits. À l’époque classique, inprobus, inprobe, a à peine évolué dans la langue du droit. Le terme exprime le défaut de titre ou l’absence de droit, donc l’échec d’une démarche juridiquement non fondée : Kaser (1940) 104-105.

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8. 23 – : Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.53 : […] si non illa etiam ex duodecim tabulis de testimoniis falsis poena abolevisset et si nunc quoque, ut antea, qui falsum testimonium dixisse convictus esset, e saxo Tarpeio deiceretur, mentituros fuisse pro testimonio tam multos, quam videmus ?

: […] Si la peine sur les faux témoignages, édictée par les XII Tables, n’avait pas aussi disparu, et si, aujourd’hui encore comme autrefois, l’individu convaincu de faux témoignage était précipité du haut de la Roche Tarpéienne, entendrait-on autant de mensonges en guise de témoignages ?

Reconstitution Pas de reconstitution possible, ni utile. Commentaire On doit partir de deux types, théoriquement distincts, de faux témoignages. Le premier, produit au cours d’une accusation criminelle capitale, convainc le juge et conduit un innocent au supplice. Le faux témoin doit alors être assimilé à un meurtrier volontaire. Mais le faux témoignage peut aussi être apporté en matière civile : soit dans l’hypothèse d’un témoin judiciaire (à l’occasion d’une in ius vocatio, ou pour une litis contestatio), soit dans celle d’un témoin instrumentaire (participant à un acte per aes et libram). La fausse déposition aboutit dans ce cas à condamner un individu non débiteur à payer. Le problème principal posé par le verset 8.23 aux interprètes modernes est de savoir s’il concerne la seconde hypothèse seulement ou les deux à la fois, et si la mise à mort du coupable par la précipitation de la Roche Tarpéienne est l’exécution d’un crime public de droit commun (assimilable à l’homicide volontaire) ou, différemment, l’exécution privée du coupable d’un crime privé. 1. – Magdelain (1984-2) 565 (= 534) ; Id. (1986) 332-333 (= 68-69) a fermement soutenu l’unité, sous ce point, des deux témoignages : « l’assimilation au meurtre est évidente lorsqu’il s’agit d’un procès capital. Mais la peine est la même s’il s’agit d’un procès civil… C’est que le

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débiteur, s’il ne paie pas, risque d’être coupé en morceaux.  Que la procédure soit capitale ou civile, le faux témoignage peut provoquer aussi bien une conclusion fatale ». Traduit devant le tribunal du meurtre, celui des quaestores parricidii, le faux témoin, dans les deux cas, sera condamné comme meurtrier. La précipitation e Saxo est une des variantes de la peine de mort, exécutée sous le contrôle de l’autorité publique. Le cas du juge (ou arbitre) qui s’est laissé corrompre (XII T. 9.3) n’est pas séparable. Lui aussi, coupable d’être la cause de la mort d’un non-débiteur, subit la même peine au terme d’une procédure criminelle publique identique. Voir déjà en ce sens, Burdese (1966) 346-351, qui qualifie de crimes publics instruits par les quaestores le parjure et le faux témoignage (de toute espèce), ainsi que la collusion du juge. La peine, e Saxo, tirerait sa spécificité de son origine sacrale. 2. – Mommsen, très différemment, a résolument distingué les deux types de faux témoignage. Seul le faux témoin déposant au cours d’une affaire capitale est assimilé à un meurtrier. Lui seul, traduit devant le tribunal des quaestores, sera mis à mort selon les formes usuelles (la peine du sac, selon Mommsen). Liv. 3.13 et 3.24-25 (affaire de Volscius Fictor) illustre cette procédure criminelle publique par un exemple placé au début du Ve s. La lex Cornelia de sicariis reprendra cette hypothèse et elle seule : lege Cornelia de sicariis et veneficis tenetur […] quive falsum testimonium dolo malo dixerit, quo quis publico iudicio rei capitalis damnaretur (Marcian.  14 inst., D. 48.8.1.1). Seul le faux témoignage produit dans une accusation capitale publique est qualifié de crime public et est assimilé au parricidium. Or, pour Mommsen Strafr. 635, le verset 8.23 ne concerne pas ce type de faux témoignage. L’incrimination du faux témoignage produit dans une instance capitale, ou n’aurait pas été prévue par la loi (mais résulterait d’une assimilation par analogie avec le meurtre, parricidium), ou découlerait d’une prescription décemvirale non conservée. Le faux témoignage privé, judiciaire ou instrumentaire, s’en distinguerait et 8.23 serait limité à ce seul crime. Mais il s’agirait, selon Mommsen, d’un crime privé, puni de la mort prononcée au terme d’une action délictuelle privée (procédure du sacramentum). L’exécution de la peine appartenait au demandeur, qui devait en assurer le déroulement, comme il en était pour la peine, de même forme et de même nature, frappant l’esclave voleur (8.14) et, sans doute aussi, pour le juge corrompu, au terme d’une instance pareillement privée (9.3). Le supplice tarpéien serait d’ailleurs le révélateur d’un supplice privé, à l’exemple du châtiment infligé par les tribuns, dépourvus à l’origine de toute autorité publique. À l’appui de cette interprétation, Mommsen invoqua la référence du de off. 3.111 aux XII T (= Fragm. incert. 6), où Cicéron rappelle que le faux serment y était puni de mort : allusion au serment que devait prêter le témoin privé (mais d’autres versets peuvent égale-

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ment être concernés : 8.21 ; 8.22). V. ici Strafr. 668, 751, 931 s. Sur le serment prêté par le témoin, Kaser (1934) 1027 s. V. également en ce sens, Zumpt (1865) I.1, 381, puis, à la suite de Mommsen, Ferrini (1902) 150-151 ; Strachan-Davidson (1912) I, 41 ; Costa (1921) 27 ; Latte (1940) 1610 : erlaubte Selbsthilfe de même nature que le meurtre du voleur de nuit ou la répression des violations de la puissance tribunicienne ; Pugliese (1962-1) 253 s. Contra Broggini (1960) 176 s. qui, après avoir considérablement révisé les différences (exagérées par les Modernes) entre procédure privée et procédure publique, ne sépare pas le crime public de faux témoignage porté dans une accusation capitale (telle que celle contre Volscius Fictor) et l’accusation privée de faux témoignage ; Vincenti (1988) 33 et n. 48. Dans une interprétation isolée, MacCormack (1973) 241-242 rejette tout lien entre faux serment et faux témoignage et réserve la disposition décemvirale sur le falsum testimonium aux esclaves, les seuls passibles du supplice tarpéien. Mais ce n’est pas soutenable. 3. – Il est difficile de trancher entre ces deux interprétations. Pourtant deux arguments permettent, il nous semble, de prendre position en faveur de la thèse unitaire. La lex Cornelia d’une part, le supplice tarpéien, de l’autre, prouvent que le verset 8.23 sanctionnait un crime commun aux deux espèces de faux témoin : le faux produit dans une action privée et celui déclaré dans une accusation criminelle publique. 3. – 1. En apparence, la législation syllanienne fournit un argument à l’appui de la position de Mommsen.  La lex Cornelia de sicariis ne connaît en effet comme crime public que la fausse déposition présentée dans une accusation criminelle capitale. Cette loi ignore donc le faux témoignage fourni dans un procès privé. Certes. Mais on ne peut exclure une évolution. Or celle-ci nous semble confirmée par le cas symétrique du juge qui s’est laissé corrompre. Alors que les XII T. (9.3) punissent le iudex arbiterve qui s’est fait acheter en matière civile, la loi Cornelia n’a retenu comme homicide judiciaire que le crime du juge corrompu qui, au terme d’un iudicium publicum, condamne un innocent : Marcian. 14 inst. D. 48.8.1.1 : Lege Cornelia […] tenetur […] quive, cum magistratus esset publicove iudicio praeesset, operam dedisset, quo quis falsum indicium profiteretur, ut quis innocens conveniretur condemnaretur. [« La loi Cornelia punit… celui qui, magistrat ou présidant à un jugement public, a manœuvré de manière qu’un faux témoignage soit produit afin d’accuser et de condamner un innocent »]. La lex Cornelia, dont les antécédents sont toujours à placer dans une disposition législative remontant aux XII T., implique l’existence d’une filiation directe entre le verset 9.3 et la loi syllanienne. Mais le champ d’application de la prescription décemvirale s’est restreint : la corruption du juge dans une

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instance privée a disparu avec le temps et la seule corruption dans une affaire capitale a subsisté. Or, il en est certainement de même pour le faux témoignage. À partir d’un verset qui englobait les deux hypothèses, et au terme d’une évolution que l’on ne peut dater, mais qui est clairement attestée par Gell. 20.1.53, cit., si non poena abolevisset, la loi Cornelia n’a conservé le faux témoignage que dans l’accusation de meurtre. L’explication de cette restriction est simple. Depuis longtemps, la condamnation d’un débiteur ne met plus sa vie en danger. Une condamnation truquée ne conduisait plus à un homicide qu’en cas d’accusation capitale. À limiter 8.23 (et 9.3) à la seule hypothèse de l’action privée (faux témoignage et corruption du juge), comme le voulait Mommsen, on brise, des XII T. à la législation syllanienne, un chaînon nécessaire. On introduit une solution de continuité et on prive la loi Cornelia de son antécédent législatif. Ce n’est pas possible. 3. – 2. Le supplice tarpéien est attesté dans au moins quatre cas à l’époque archaïque. À l’encontre du servus pris en flagrant délit de vol (8.10), exécuté par la victime après verberatio ; dans le cas des châtiments tribuniciens, avant ou après la reconnaissance légale de la sacro-sainteté tribunicienne ; pour le faux témoignage ; et pour le crime de perduellio. La théorie du caractère privé de ces exécutions, bien que généralement soutenue, ne peut être maintenue. En effet, les sanctions tribuniciennes ne sont pas des actes de vengeance privée, mais des modes publics d’élimination d’un individu sacer. La peine est donc publique, même si son exécution ne relève pas d’une autorité publique et même ne découle pas nécessairement d’une décision de justice (ainsi lorsque le tribun procède à l’élimination par la précipitation e Saxo en application du vieux serment primitif fondant la sacro-sainteté tribunicienne). Le crime de perduellio ne peut pas davantage entrer dans le cercle des accusations privées (Dion.  Hal. 8.78.5 ; Liv. 6.20.12). Quant au caractère privé du châtiment du servus auteur d’un vol flagrant, il est très douteux : la verberatio préalable est infligée sur ordre du magistrat : Carrelli (1939-3) 119 ; Magdelain (1986) 333 (= 68). Le principal argument de Mommsen, tiré du caractère privé du supplice et prouvant le caractère nécessairement privé du crime de faux-témoignage, disparaît donc. 3. – 3. On proposera, en conclusion, de réunir dans le même crime les deux hypothèses de faux témoignage : celui qui, porté dans une procédure privée, conduit à condamner un non-débiteur et celui qui, déposé au cours d’une accusation criminelle capitale, aboutit à infliger la mort à un innocent. Ces deux crimes font l’objet d’une accusation publique de meurtre, instruite par les quaestores parricidii et sont répri-

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més par la peine publique de la précipitation de la Roche Tarpéienne, supplice exécuté sinon par les magistrats, du moins sous leur autorité par les parents de la victime. Le praecipitari e Saxo conviendrait bien à l’élimination rituelle d’un individu sacer (ou tenu primitivement comme tel), ce qui impliquerait que le faux témoin fût d’abord dénoncé comme le parjure qu’il est indubitablement (Fiori [1996] 219). Mais il reste sûr que ce type de supplice n’est pas réservé, à l’époque archaïque, à un type spécifique de crime : ainsi pour le servus, subissant cette peine au terme de l’action privée de vol (Mommsen Strafr. 751 ; David (1984) 136-137). Que la précipitation, dans le cas du faux témoin, fût ordonnée par les quaestores ne fait pas difficulté, puisque les formes de supplice qu’ils ordonnaient étaient fort variées (XII T. 8.9 ; 8.10 ; peine du parricide, 8.24). Les interprétations sacrales de la deiectio e Saxo n’ont pas manqué : sacrifice expiatoire (Luzzatto [1934] 190) ; devotio ad inferos rituelle empêchant les esprits malfaisants du mort de troubler les vivants (Kaser AJ 186-187 et bibliogr.). Peine réfléchissante pour Kunkel (1962) 43 (le faux témoin qui a précipité à sa perte la victime sera lui-même précipité du haut de la roche). On ne peut exclure - mais à titre d’hypothèse – que cette précipitation ait également rempli une fonction d’ordalie : Glotz (1904) 8 s., 86 s  . ; Levy (1954) 416 ; Broggini (1960) 145-150 ; plus généralement, Cantarella (1991) 253 s. 3. – 4. Le faux témoin Volscius Fictor. L’illustration, placée peu avant la codification décemvirale, d’une accusation pour faux témoignage dans une affaire criminelle (accusation de meurtre) est rapportée par l’Annalistique pour l’année 459 (Dion.  Hal. 10.5-8 ; Liv. 3.12 et 3.2425 ; 3.29.6). L’affaire certainement dénuée d’authenticité (mais non d’historicité) a une portée didactique exemplaire. Elle est destinée à prouver : 1) que le faux témoignage, porté dans une action privée de meurtre (Kunkel [1967-1] 382-385 a démontré que l’accusation d’homicide volontaire recourt alors à une action privée conduite à l’aide de l’action de la loi du sacramentum) est considéré comme un crime capital ; 2) que la procédure mise en route pour sanctionner le crime est une procédure criminelle confiée aux quaestores parricidii (Liv. 3.24.3 et 3.25.2) ; 3) montée de toutes pièces, cette reconstitution a pour vocation, dans l’esprit des Annalistes, d’annoncer la réforme de la justice criminelle par l’œuvre des décemvirs (passage de l’action privée de meurtre, de structure archaïque, à l’accusation criminelle publique devant les comices : v. Humbert [1995-1] 170-176 = 247-254) ; 4) l’anecdote confirme exactement l’ambivalence du verset 8.23 : le faux témoignage, qu’il se produise au cours d’un procès privé (comme dans l’historiette attribuée à Volscius le Menteur) ou dans une accusation capitale, est un crime qui relève de la juridiction criminelle publique des quaestores parricidii.

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8. 24 – : S  I TELVM MANV FVGIT MAGIS QVAM IECIT, ARIETEM .

:S  i le projectile s’est échappé de sa main plutôt qu’il ne l’a lancé, que (l’homicide) offre un bélier de subsitution.

Sources principales a) Cicero Pro Tullio 51 : Quis est, cui magis ignosci conveniat, quoniam me ad XII tabulas revocas, quam si quis quem imprudens occiderit ? Nemo, opinor. Haec enim tacita lex est humanitatis, ut ab homine consili, non fortunae poena repetatur. Tamen huiusce rei veniam maiores non dederunt. Nam lex est in XII tabulis : SI TELVM MANV FVGIT MAGIS QVAM IECIT … [« Puisque tu me rappelles les dispositions des XII Tables, est-il quelqu’un à qui le pardon convienne mieux qu’à celui qui a commis un homicide par imprudence ? Personne, je pense. Car c’est une loi tacite pleine d’humanité qui veut que les hommes soient punis pour leurs intentions et non pour ce qui relève du hasard. Et pourtant, nos ancêtres n’ont pas accordé le pardon pour un tel acte. Telle est la loi que l’on trouve dans les XII Tables : ‘Si le projectile s’est échappé de sa main plutôt qu’il ne l’a lancé…’ »]. b) Cicero Topica 64 : Nam iacere telum, voluntatis est, ferire quem nolueris, fortunae. Ex quo aries subicitur ille in vestris actionibus : ‘SI TELVM MANV FVGIT MAGIS QVAM IECIT’. [« Lancer un projectile dépend de notre volonté, mais frapper celui qu’on ne vise pas tient du hasard ; d’où la substitution du bélier à laquelle vous recourez dans vos procédures : ‘Si le projectile…’ »]. Par un jeu de mots, Cicéron fait allusion au ‘bélier de substitution’, moyen de défense dont se servent les avocats dans les procès pour se mettre à l’abri des traits lâchés ‘involontairement’. c) Cicero De oratore 3.158 : Non numquam etiam brevitas translatione conficitur, ut illud ‘SI TELVM MANV FVGIT’. Inprudentia teli missi brevius propriis verbis

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exponi non potuit, quam est uno significata translato. [« Il arrive que l’on parvienne, grâce à une métaphore, à une concision achevée, comme dans le cas de ‘Si le projectile s’est échappé de sa main’. Le caractère non prémédité du lancement du trait n’aurait pu être exprimé avec moins de mots qu’il ne l’a été à l’aide d’une seule image »]. Sources complémentaires d) Festus v° Subigere arietem 476 L et v° Subici 470 L : Subigere arietem, in eodem libro Antistius esse ait dare arietem, qui pro se agatur, caedatur. [« ‘Conduire le bélier’, selon Antistius Labéon, dans le même livre (i.e. au livre 15 de son Commentaire au droit pontifical), signifie fournir un bélier qui se substitue et va, à sa place, subir la mort »]. Subici ar, … quod fit, ut ait Cincius consulti, exemplo At expiandi gratia aries m… lus admisit poenae p. [« On dit ‘mener un bélier’ lorsqu’il est offert en sacrifice pour le meurtre d’une personne… ce qui se produit, comme l’a dit Cincius dans son ouvrage De la fonction de jurisconsulte, à l’exemple des Athéniens chez qui un bélier est (sacrifié) par celui qui a commis un crime involontaire, à la place de la peine qu’il encourt »]. Texte très mutilé, avec des restitutions importantes de Scaliger, reçues par Müller (que nous avons suivi) et non par Lindsay (cf.  Brunnenmeister (1887) 158 n.  1). Malgré les lacunes, le bélier apparaît clairement dans sa fonction expiatoire, objet d’un sacrifice par substitution.  Entre subigere (Festus 476 L) et subicere (Cic. Top. 64 et Festus 470 L), on peut hésiter, bien que les sens se rejoignent. Subigere montre l’animal poussé devant soi pour être sacrifié (caedatur) à la place (qui pro se agatur) du meurtrier ; la fonction sacrificielle de l’offrande est certaine (Kunkel [1962] 40 et n.  149). Subicere exprime directement la substitution.  Cicéron (Top. 64, source b) fait pencher la balance en faveur de subicere, même si Labéon a sûrement commenté subigere, mais le terme est un archaïsme de philologue. On peut penser que subicere répond au texte décemviral  : Brunnenmeister (1887) 158 n.1. e) Servius Commentarii in Vergilii Bucolica 4.43 et in Georgica 3.87 : Deux fragments du grammairien Servius attribuent à une loi de Numa la sanction de l’homicide involontaire : In Bucol. 4.43 : Sane in Numae legibus cautum est, ut, si quis inprudens occidisset hominem, pro capite occisi et agnatis eius in cautione offerret arietem. Ergo hic bene videtur arieti dignitatem dare dicendo

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‘ipse’, qui oblatus homicidam crimine homicidii possit exsolvere. [« Il est prescrit par les lois de Numa que si quelqu’un tue un homme par imprudence, il offrira publiquement un bélier aux agnats du tué, en échange de la vie du tué. C’est à juste titre que l’on doit reconnaître le prestige du bélier qui, par son sacrifice, rachète le coupable du crime d’homicide »]. Variantes, dans les ms. : in cantione, in cautione. Scaliger suggérait de lire in contione. Et agnatis est une modeste correction proposée par Huschke, Iurispr. Anteiust., et adoptée aujourd’hui. In Georg. 3.387 : ‘aries sit candidus ipse’: bene ‘ipse’ addidit, quasi qui aut dominus gregis est, aut qui antea pro domino capital dari consueverat. Nam apud maiores homicidii poenam noxius arietis damno luebat: quod in regum legibus legitur. [« ‘Ipse’ est employé à juste titre pour le bélier, car c’est le chef du troupeau et c’est lui qui autrefois, à la place de son maître, supportait le châtiment capital. En effet, chez les Anciens, le coupable d’homicide se libérait de sa peine en livrant, au titre du dommage, un bélier. C’est ce qu’on lit dans les lois royales »]. f) Augustinus De libero arbitrio 1.4.9 : Si homicidium est hominem occidere, potest accidere aliquando sine peccato : nam et miles hostem et iudex vel minister eius nocentem et cui forte invito atque imprudenti telum manu fugit, non mihi videntur peccare, cum hominem occidunt, nam illi vel ex legibus faciunt vel non contra leges. [« Si l’homicide est le fait de tuer un homme, il peut y avoir homicide sans péché. Le soldat qui tue un ennemi, le juge ou son ministre qui condamne à la mort un coupable et celui qui, par hasard, laisse échapper de sa main imprudemment et sans le vouloir un projectile, ne me semblent pas pécher, alors qu’ils tuent un homme : tous ceux-là le font dans l’application de la loi ou sans violer les lois »]. g) Gaius libro primo ad legem duodecim tabularum D. 50.16.233.2 : Donne le sens du mot telum : vulgairement, la flèche tirée d’un arc ; mais au sens propre, tout projectile (de pierre, bois ou fer) que la main lance au loin. Reconstitution Les tentatives de reconstitution anciennes (jusqu’à Dirksen 614619, y compris) qui, par force, ne connaissaient pas les fragments du Pro Tullio découverts au début du XIXe s., sont inutilisables. C’est à partir de Schöll 150, que l’on dispose de sources utilisables, mais pour un résultat très limité et débattu. Les tentatives de reconstitution se fondent sur quatre éléments : 1) Un fragment de Plin.  nat. 18.12

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(= XII T. 8.9 : Frugem quidem aratro quaesitam furtim noctu pavisse ac secuisse puberi XII tabulis capital erat, suspensumque Cereri necari iubebant, gravius quam in homicidio), qui ferait allusion à un verset sur le meurtre (ainsi FIRA I, 62) ; 2) le témoignage formel de Cicéron sur si telum manu fugit ; 3) le sacrifice du bélier ‘aries subicitur’) ; 4) la tradition attribuée aux lois royales et incriminant l’homicide volontaire. On peut écarter le premier témoignage, trop ambigu pour alimenter le débat. Il signifie en effet, ou que la peine du crime de meurtre (qui aurait été formulée dans une disposition non conservée des XII T.) était plus légère que celle de la destruction volontaire de récoltes (une peine de mort moins cruelle ?) ou, différemment, que l’homicide (involontaire) n’entraînait qu’une peine douce (le sacrifice d’un bélier) en comparaison du supplice infligé au destructeur de récoltes. On ne peut en tirer argument pour affirmer que les XII T. ont spécifiquement qualifié le meurtre volontaire, l’ont défini (dans un verset non conservé), pour ensuite l’incriminer. Il reste tout à fait possible et, pour nous, vraisemblable, que le crime du meurtre volontaire n’apparaisse qu’à travers l’organe (les quaestores parricidii) chargés de sa répression (XII T. 9.4). Le parricidium n’est saisi qu’à travers les magistrats chargés de le réprimer. De fait, la législation criminelle syllanienne n’a pas non plus estimé utile de définir le meurtre volontaire, qu’elle qualifie seulement par les mots qui hominem occiderit (Ulp., Coll. 1.3.1 ; Marcian.  D. 48.8.1 pr. ; cf.  Ferrary [1991] 422 = 81). Elle a seulement dressé une liste de comportements entrant dans ce crime. Quant aux auteurs (surtout anciens : Dirksen cit.), qui ont tenté d’intégrer dans le verset la qualification (élaborée à partir d’une tradition reprise par les leges dites regiae) de l’assassinat ou meurtre volontaire – pour mieux l’opposer au meurtre involontaire –, il nous semble impossible de les suivre (infra, Commentaire 2.). Restent deux arguments textuels utiles pour la reconstitution du verset. Aries subicitur appartient selon toute vraisemblance au verset décemviral, d’où la restitution proposée : ARIETEM . L’allusion de Cic. Top. 64 (source b), corroborée par Festus (source d), n’a de sens que si les deux mots formaient, dans le verset cité des XII T., un tout avec SI TELUM. On ne peut donc suivre Wieacker (1956-2) 482, qui élimine ces mots dans l’idée que le sacrifice de l’animal relèverait du droit sacré, dont les XII T. ne s’occuperaient pas et les remplace par une expression du genre ‘Ungefährtötung, kein parricidium’. Réticences également de Kunkel (1962) 39, 42 devant l’intégration du sacrifice de l’animal. On proposera donc : SI TELVM MANV FVGIT MAGIS QVAM IECIT, ARIETEM subicito (plutôt que ARIES subicitur).

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Commentaire 1. – L’offrande du bélier de substitution : ARIES subicito Pas moins de quatre interprétations ont été présentées. 1. – 1. La fonction réparatrice. Soutenue par Voigt (1876), cette thèse accorde un crédit excessif à l’interprétation érudite, probablement dépourvue d’authenticité, de Servius, source e, qui voit dans la livraison du bélier un damnum, une indemnisation destinée à s’acquitter de la poena. V. de même Brunnenmeister (1887) 157-166 ; Tondo (1973) 90-110. 1. – 2. Le rachat de la vengeance, sous la forme d’un wergeld : ainsi Heuss (1944) 98 ; Wittmann (1972) 16-18 – mais qui soutient, de même que Polay (1984) 175 (en dépit de la vraisemblance), que le verset aurait concerné non seulement la mort par accident, mais toute blessure accidentelle, à partir d’un contresens sur ferire, Cic. Top. 64 (source b), que Wittmann traduit par ‘blesser’. Contra Wieacker (1986) 353. L’animal est de valeur trop faible, et la précision du sexe de l’animal, dans la loi, condamne cette interprétation : cf.  Mommsen Strafr. 85 n.  3 ; Kaser AJ 51 et n. 57 ; Kunkel (1962) 41. 1. – 3. Le sacrifice expiatoire : la thèse du piaculum est largement partagée depuis Mommsen (Strafr. 85 n.  3 ; 835). Ainsi Kaser AJ 50-51 : le ‘bouc émissaire’ se substitue au meurtrier sacer ; pour apaiser la vengeance des dieux, le meurtrier offre aux agnats de la victime un bélier, qui remplace la victime, ‘en échange de la victime’ (pro capite occisi). Victime expiatoire, l’animal prend sur lui la vengeance divine. Les agnats du tué doivent sacrifier l’aries s’ils veulent échapper euxmêmes à la colère des dieux. V. en ce sens, Hägerström (1927) 464 et n.  2 ; Wieacker (1956-2) 480-482 (et bibliogr.) ; Id. RRG I, 246. Contra Kunkel cit.  41 n. 153, qui fit observer que, selon cette analyse, c’est le meurtrier lui-même qui aurait dû accomplir le sacrifice pour apaiser les dieux. 1. – 4. Le bélier se substitue au meurtrier dans l’exercice de la vengeance du sang. L’animal représente l’auteur de l’homicide, il le remplace auprès des agnats de la victime qui assouviront sur lui la vengeance du sang. La norme édicte un déplacement. La vengeance ne sera plus exercée sur le groupe du coupable ni contre sa personne, mais sur l’animal qui subira la mort par équivalence (cf.  Festus 476 L (source d) caedatur). En ce sens, le plus convainquant sans doute, Latte (1940) 1610 ; Id. (1960-2) 211 ; Arangio-Ruiz (1957) 78 ; Kunkel (1962) 41 s.; Völkl (1984) 83-84 ; Santalucia (1979) 109-110 ; Id. (1981) 43-44 ; Id. (1988-2) 15-16 ; Lovisi (1999) 82-83.

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2. – Homicide involontaire et homicide volontaire Ce verset fixe la sanction de l’homicide involontaire. Affirmer (ainsi Kunkel cit.) que la prescription n’exprime aucun ordre, mais une simple recommandation ou consigne (Rezept) ne convient pas. L’intérêt de la cité à ce que le bélier soit livré et sacrifié est évident. À la fois pour éviter les incidences religieuses d’une mort restée impunie (v. Hägerström cit. 466, pour des préoccupations comparables en Grèce : les parents du mort doivent expier la mort), à la fois parce que cette libération du coupable mettra un terme définitif à toute velléité de vengeance, et de trouble. On est en présence d’une norme ; la livraison du bélier et son sacrifice public (in contione) s’imposent tant à l’auteur de l’homicide qu’aux agnats de la victime. En fixant la sanction de l’homicide involontaire, le verset implique logiquement la reconnaissance légale, a contrario, du meurtre volontaire. Or, il se trouve qu’aucune disposition décemvirale, n’a, selon toute vraisemblance, qualifié le meurtre intentionnel, ni proclamé sa peine, ni décrit les formes de son exécution. Mais on sait que le code a formulé le concept de meurtre volontaire (le parricidium) pour en organiser la répression (XII T. 9.4). Il s’agit de définir ce concept, pour l’opposer en tous ses aspects à l’homicide involontaire, objet de ce verset. Le parricidium, quelle que soit son étymologie, encore discutée (v. ici les synthèses bibliographiques de Cloud [1971] 4-12 ; Tondo [1973] 87 s., 131-186 ; Melis [1988] 169-170 ; Santalucia [1998] 16 n. 3 ; Lovisi [1999] 83-89), peut se définir comme le meurtre violent d’un homme libre, dont les XII T. 9.4 ont confié la répression aux quaestores parricidii, les questeurs du meurtre. À côté du parricidium au sens strict (meurtre violent, relevant du caedere), les XII T. ont encore qualifié et réprimé plusieurs types de meurtres volontaires, mais non violents (concept de necare) : l’incantation magique (8.1) ; l’incendie volontaire (8.10) ; le faux témoignage ayant entraîné la mort (8.23) ; la corruption du juge ayant eu pour effet d’entraîner la mort de l’accusé (9.3), tous assimilés au parricidium, puisque, selon une thèse vraisemblable (Magdelain [1984-2]), ils ont été pareillement soumis à la juridiction du même tribunal criminel, celui des quaestores parricidii. Ainsi le verset 8.24 d’une part, définissant et sanctionnant par un sacrifice de substitution l’homicide involontaire, et, d’autre part, la répression symétrique de tous les cas entrant dans la notion de parricidium (homicide volontaire), permettent d’affirmer que les XII Tables ont parfaitement distingué (en dépit de MacCormack [1981] 113-114), et dans leur concept et pour leur sanction, l’homicide volontaire (parricidium) et l’homicide involontaire, qualifié à l’aide de la métaphore ‘si telum…’. Voir ici, fondamentalement Mommsen Strafr. 613-615, 628 ; Magdelain (1984-2) 526-536. On peut en conclure que, sans qu’un verset particulier lui ait été spécialement consacré pour le qualifier

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formellement, le crime de parricidium est bien présent dans les XII T. Qualifiant primitivement l’assassinat, il a connu, dans ce même code, une extension : du meurtre volontaire avec violence ont été rapprochées les autres figures du meurtre volontaire, mais sans violence (magie, empoisonnement, rituels ou sortilèges mortifères (8.1) ; incendie volontaire ayant causé la mort (8.10) ; faux témoignage (8.23) ; corruption d’un juge afin de déclencher une condamnation mortelle (9.3), tous soumis au même tribunal, tous châtiés par l’exécution du coupable, mais au terme du supplices différents. Pour une interprétation toute différente du parricidium et des quaestores parricidii, v. Lovisi (1999) 81-89, qui, dans la lignée de la déconstruction mommsénienne engagée par Kunkel, a soutenu que : le parricidium qualifierait non pas un crime, mais une peine (la peine de mort infligée par un vengeur du sang versé) ; et que les quaestores ne constitueraient pas le tribunal du meurtre, mais des auxiliaires de justice, une sorte de bourreaux passifs, chargés d’assister aux exécutions capitales effectuées directement par la famille des victimes au terme d’une action privée recourant au sacramentum. Nous ne pouvons nous rallier à cette reconstitution - cf. XII T. 9.4. L’origine grecque de la distinction meurtre volontaire – meurtre involontaire a été soutenue par Delz (1966) 73, 80 n. 49 et 50 ; de même Wieacker (1967) 329, 352-353 ; Id. RRG I, 316. L’hypothèse peut trouver un certain appui chez Festus 470 L (source d), mais reconstitué par Scaliger. Si l’on admet cette suggestion, il faut relever que les décemvirs furent incapables de rendre, de manière abstraite, les concepts grecs de φόνος ἀκούσιος et de φόνος ἑκούσιος. 3. – La définition et la sanction des meurtres volontaire et involontaire : loi de Numa et XII Tables Les sources font état d’une double tradition : décemvirale et numéenne ou royale. Cicéron incarne la tradition décemvirale : le Code a formulé de façon imagée (si telum manu fugit…) le concept d’homicide involontaire, et il l’a sanctionné (arietem subicito). Le même code a réprimé le meurtre volontaire en instituant le tribunal des quaestores, mais sans avoir estimé utile de définir préalablement le concept d’homicide volontaire. La tradition numéenne est différente. Celle-ci est représentée à la fois par Servius (commentaire à Virgile, source e) et par Festus v° Parricidii quaestores 247 L. Au premier, on doit (reprise d’une loi de Numa, in Numae legibus cautum est) une définition de l’homicide involontaire (si quis inprudens occidisset hominem) différente de celle que Cicéron attribue aux XII T., et à laquelle est jointe la sanction du même crime, mais identique cette fois à la tradition rapportée par Cicéron (pro capite occisi… offerret arietem). Au second, on doit une

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définition de l’homicide volontaire ainsi que l’indication de sa sanction, l’une et l’autre empruntées à une loi royale attribuée à Numa : Parricidii quaestores appellabantur, qui solebant creari causa rerum capitalium quaerendarum. Nam parricida non utique is, qui parentem occidisset, dicebatur, sed qualemcumque hominem indemnatum. Ita fuisse indicat lex Numae Pompili regis his composita verbis : ‘Si qui hominem liberum dolo sciens morti duit, paricidas esto’. On voit que les deux meurtres, involontaire et volontaire, sont définis de manière symétrique dans les lois de Numa, avec recherche identique de l’intention déterminante du coupable : si quis inprudens occidisset hominem et si qui hominem dolo sciens morti duit. Ces deux ‘normes’, ou pseudo-lois, par leur degré commun et évolué d’abstraction, ne peuvent pas être archaïques (v., parmi beaucoup d’autres, Magdelain, après Kunkel cit.). Inprudens est incongru dans un texte archaïque, tout autant que le binôme dolo sciens (exemple unique chez Frontin.  aq. 129.4, mais sous la forme, différente, de sciens dolo malo). Dolus ne se rencontre jamais seul, mais toujours qualifié de bonus ou malus (notam. XII T. 8.20 et Fragm. Incert. 4). V. ici les critiques stylistiques de Tondo (1973) 76-86, mais dont l’interprétation de dolus (mot grec au sens d’arme, passé au latin par l’intermédiaire du sabin qui l’aurait déformé) est dénuée de vraisemblance. Par contre, sur les origines grecques de dolus (δόλος, avec le même sens), Delz (1966) 73 et n.  13. Les soupçons les plus sérieux conduisent à voir dans ces deux adages attribués à la ‘législation’ du bon roi Numa, la transposition élégante et commode – comme il sied à un mémento – des deux types de meurtre. Mais l’œuvre, certainement postérieure aux dispositions décemvirales, est le produit de la science pontificale. Pourquoi ces ‘à la manière de’ ? La réponse est immédiate. Les XII Tables manquaient d’une qualification spécifique du meurtre volontaire, du parricidium, envisagé seulement par sa sanction : les Pontifes ont comblé cette (légère) lacune. Et, à la place de la qualification, poétique mais bien archaïque du meurtre involontaire (SI TELVM…), les Pontifes ont élaboré une définition irréprochable de l’homicide involontaire. Démarquée, celle-ci servit en même temps à qualifier, par opposition, le meurtre volontaire. Ces pastiches pontificaux ne signifient pas que l’époque prédécemvirale ignorait la distinction (et la répression différente) des deux types de meurtre. Personne n’en doute : Mommsen Strafr. 612-613 ; Latte (1940) 1611 ; Kunkel (1962) 40 ; Cloud (1971) 18 ; Tondo (1973) 89 s. ; Santalucia (1998) 6-8, 15-17, pour ne donner que quelques exemples. Mais on ignore tout de ce qui a précédé les XII T., à part les preuves d’une révolution décemvirale qui affecta la répression du meurtre volontaire (sur celle-ci, XII T. 8.23 et 9.4). Pour la période royale, tout peut être soutenu : par exemple, l’idée d’une assimilation, par la ‘loi’, du meurtre du citoyen au meurtre d’un proche afin de livrer le coupable aux parents de la victime qui, par son

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supplice, devront renoncer à la vendetta (Cloud cit. 9-10 ; Santalucia cit. 6). Ou, pour la période postdécemvirale, le souci des Pontifes d’assimiler dans la même répression le meurtre violent (le ‘parricidium’) et le meurtre intentionnel par ruse (dolo sciens) (Magdelain [1984-2] 534 s.). Autant d’hypothèses ingénieuses, mais invérifiables. 4. – La ‘main’, pour ‘l’homme’ La formulation de l’homicide involontaire est des plus curieuses, mais cette périphrase (‘la main laisse échapper’, pour exprimer l’absence d’intention) n’est pas isolée dans le monde antique. Cf.  Lois Hittites 3-4 : R. Haase in Westbrook (2003) I, 645, où ‘sa main pèche’ qualifie l’homicide involontaire.

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8. 25  – : G  aius libro quarto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.236 pr. : Qui VENENVM dicit, adicere debet, utrum malum an bonum ; nam et medicamenta venena sunt. Voir  : XII T. 8.1

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8. 26 – : D  eclamatio in Catilinam 19  (ex ms. Decani Traiectensis) : Primum duodecim tabulis cautum esse cognoscimus, ne quis in urbe coetus nocturnos agitaverit.

:N  ous savons que les XII Tables ont, pour la première fois, interdit d’organiser dans la Ville des rassemblements nocturnes.

Source principale La suite du texte de la declamatio poursuit : Deinde lege Gabinia promulgatum fuisse, qui coitiones ullas clandestinas in urbe conflavisset, more maiorum capitali supplicio mulctaretur. De te itaque, Catilina, sciscitor, tu non coetus istos commilitionum contra praecepta XII Tabularum, contra leges nostras, contra vero senatus ac plebis auctoritatem noctu cogendos esse putavisti ? Quid leges igitur nostras violas, Catilina ? … Maiores olim nostri, sapientissimi homines et sine dubio gravissimi, num leges e Grecia per legatos suos accersendas esse putaverunt, quibus hanc imperii magnitudinem perpetuo stabilirent, ut tu homo recens, severitate illarum cum barbatulis tuis abutereris ? [« Par la suite fut votée une loi Gabinia qui prescrivit la peine de mort exécutée selon la tradition (i.e. par décapitation) contre celui qui aurait organisé des réunions clandestines dans la Ville. Aussi aimerais-je que tu me dises, Catilina, n’as-tu pas pensé que ces attroupements formés la nuit heurtaient les prescriptions des XII T., nos lois, les décisions du sénat et de la plèbe ? Comment as-tu pu violer nos lois, Catilina ? … Nos ancêtres, hommes pleins de sagesse et d’expérience, n’avaient-ils pas cru bon d’envoyer des émissaires en Grèce pour qu’ils en rapportent nos lois, ces lois qui ont fondé pour toujours la grandeur de notre empire : l’ont-ils donc fait pour que toi, individu sans passé, entouré de ces blancs-becs qui t’accompagnent, tu te joues de la sévérité de nos lois ? »]. La mesure est attribuée aux XII T. avec insistance, pas moins de trois fois (avec l’allusion à l’ambassade en Grèce – sur celle-ci, Table X, Introduction), mais par une source unique, la Declamatio contra L. Sergium Catilinam. Il s’agit d’une Catilinaire apocryphe, découverte au XVe s. par un prélat d’Utrecht, s’ajoutant aux quatre prononcées par Cicéron, mais dont la date et l’auteur sont inconnus. Peut-être s’agit-il d’une œuvre du IIe s., mais il est sûr que, en dépit d’une tradition tenace (maintenue encore par Bruns et FIRA dans leurs éditions des XII T.), on

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ne peut pas l’attribuer à Porcius Latro, ami de Sénèque. V. ici H. Zimmerer, Declamatio in Lucium Sergium Catilinam, eine Schuldeklamation aus der römischen Kaiserzeit, nach einer münchener Handschrift des XV. Jahrhunderts München 1888, 77 s.; A.J.M. Kunst, Die lex XII Tabularum VIII,26 und der Decanus Traiectensis, in ZSS 82 (1965) 329-339. La mesure est déjà intégrée au texte des XII T. par Franciscus Balduinus (Commentarii de legibus XII Tab. 3e éd., 1557) et par Godefroy, qui ne doute pas de son authenticité, à la différence de Dirksen 623-624, qui n’exclut pas qu’il puisse s’agir de mentions purement fictives, tant pour les XII T. que pour la lex Gabinia. Des doutes sur l’authenticité de l’attribution aux décemvirs n’ont pas manqué : Liv. 39.15 cite, à propos de la prohibition des réunions secrètes, les maiores et non la loi (ainsi Schöll 151). On a relevé que Cicéron et Salluste, à propos de la crise de 63, parlent beaucoup de rassemblements nocturnes et d’attroupements séditieux et clandestins, mais n’invoquent jamais la caution des XII T. ni d’une lex Gabinia (cf. Cic. leg agr. 2.12). Zumpt (1865) I.1, 383 accepte l’authenticité, mais Mommsen Strafr. 563 a exprimé des réserves. Voigt XII T. II, 791 s., en revanche (et infra), y voit un crime public décemviral, puni de mort, dont la sanction, sous la République, fournira la base légale de nombreuses quaestiones criminelles instruites par des consuls ; de même, et pour les mêmes raisons, Mantovani (1989) 16-21. La tradition qui attribue la prohibition des coetus nocturni aux XII T. est sûre également pour Wieacker (1971) 770. Quant à la lex Gabinia, son existence est mise en doute par Mommsen cit. ; par Rotondi Leges publicae : loi du tribun Q. Gabinius de 139 ? Pour Pailler (1988) 259 n. 48 : un faux fabriqué à l’aide de précédents remontant à la répression des Bacchanales comme justification a posteriori des poursuites contre les Catiliniens. Position nettement plus favorable chez les auteurs anciens : Rein (1844) 473 ; Rudorff (1857) I, 82 ; Zumpt (1868) II.1, 428 n. 124 ; Kübler (1928) 546. En dépit de ces incertitudes, l’existence d’un crime constitué par des menées subversives, séditions nocturnes, rassemblements clandestins, proche de la seditio ou complot contre la sûreté publique dans un contexte civil, qualifié et sanctionné par les XII Tables, ne soulève aucune objection. Le meilleur argument positif en faveur de l’authenticité est sans doute fourni par les quaestiones républicaines qui impliquent (cf.  Voigt et Mantovani cit.) une incrimination et une qualification légales : celles des XII T. précisément. Sources complémentaires a) Lex Coloniae Genetivae Iuliae (= lex Ursonensis) CVI : Quicumque c(olonus) c(oloniae) G(enetivae) erit, … ne quem in ea col(onia) coetum conventum con[iurationem]...[« Qu’aucun colon de la

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colonie Genetiva … ne tienne une réunion secrète, ni un rassemblement ni ne forme une conjuration … »]. b) Seneca Excerpta controversiarum 3.8 (éd. A. Kiessling) : Qui coetum et concursum fecerit, capital sit. […] Non quotiens convenerunt in aliquem locum plures coetus et concursus est, sed quotiens convocati, quotiens parati quasi ad ducem suum concurrerunt. […] Lex non eum punit propter quem coetus factus est, sed eum a quo factus est. [« Que subisse la peine capitale celui qui aura organisé un attroupement ou un rassemblement. […]  Il n’y a pas attroupement et rassemblement chaque fois que plusieurs individus se retrouvent en un même lieu, mais chaque fois qu’ils accourent répondant à une convocation, prêts à suivre un meneur. La loi ne punit pas celui en faveur de qui s’est fait l’attroupement, mais celui qui l’a organisé »]. c) Lex Flavia Irnitana, cap. 74 : R(ubrica) : de coetu, sodalicio, collegio. Ne quis in eo municipio coetum facito neve sodalicium conlegiumve eius rei causam habeto, neve habeatur coniurato neve facito quo quid earum rerum fiat. [« Rubrique  : de la participation à une réunion séditieuse, à un club, à un collège. Que personne, dans ce municipe, n’organise de réunion secrète et que personne, membre d’un club ou d’un collège, ne tienne de réunion dans le but d’organiser un rassemblement secret. Que personne ne s’engage par serment à organiser une telle réunion et que l’on ne fasse  rien  qui  puisse y conduire »]. Reconstitution En s’aidant des Controv. de Sénèque (source b), on peut suggérer la reconstitution suivante : si in urbe coetus nocturnos agitaverit, capital esto. Commentaire La qualification du crime, au témoignage de la Declamatio, consiste en l’organisation (agitare) de rassemblements nocturnes (coetus nocturni). La lex Gabinia reste dans le même registre (conflare, au lieu d’agitare, coitiones clandestinae). Ces règlements n’ont pas précisé, à l’aide des termes dolo malo ou adversus rem publicam, l’intention séditieuse des coupables. Mais le caractère subversif, de nature, nous dirions, politique, de ces menées est impliqué par le cadre des réunions incriminées, privé, de nuit, clandestin. La nuit, par les terreurs qu’elle suscite, est d’ailleurs un thème récurrent dans les XII T., qu’il s’agisse

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de la destruction de récoltes (8.9), du vol aggravé (8.12) ou du temps judiciaire, qui doit soigneusement éviter les heures obscures (1.9). Cf. Carbonnier (1959) 349. Bien que proche de la perduellio ou de la proditio (quand le complot est fomenté en faveur de l’ennemi de l’extérieur), et quelque fois confondu avec l’adfectatio regni, le fait de coetus agitare doit être isolé en tant que crime public spécialement qualifié et réprimé par les XII T. Alors que la perduellio n’a pas fait l’objet d’une incrimination légale et que l’adfectatio regni (loi Valeria de 509 ?) relève plutôt de la sacratio, les exemples conservés, plus ou moins historiques, de la répression du coetus nocturnus montrent tous que, du fait de l’existence d’une base légale (la loi décemvirale précisément), qui, par contre fait défaut pour la perduellio (d’où la nécessité d’une rogatio populaire préalable à toute poursuite pour l’autoriser), il appartenait au sénat de lancer les poursuites et d’organiser, de sa propre autorité, une quaestio ad hoc, extraordinaria, confiée soit à un dictateur, soit aux consuls. Voir ici Voigt cit. 792-793 et, fondamentalement, Mantovani (1989) 17-21. La liste des affaires relevant de ce crime peut être ainsi reconstituée : – avant la législation décemvirale, on trouve deux dénonciations, toutes deux en liaison avec la sécession sur le Mont Sacré : Liv. 2.27.13 (494), non clamoribus modo apertis, sed, quod multo magis perniciosius erat, secessione occultisque conloquiis, et 2.28.1, coetus nocturnos facere (le caractère séditieux est incontestable ; les consuls s’en rapportent au sénat qui reproche à ces derniers une coupable inertie) ; Liv. 2.32.1 (494), Timor inde patres incessit ne, si dimissus exercitus foret, rursus coetus occulti coniurationesque fierent (le sénat, qui veille à la sûreté de l’État, craint le retour des conjurations secrètes). Ces menaces, restées sans poursuite ni sanction, sont exploitées par l’Annalistique pour faire prendre conscience de la nécessité d’une incrimination légale, qui manque encore. –  Aussitôt après la publication du Code, il n’est pas surprenant de voir l’un de ses auteurs tenter d’appliquer (pour sa défense) la sanction nouvelle : Liv. 3.48.1 (449), où Appius estime de son devoir d’exercer sa coercitio contre le mouvement séditieux qui nocte tota coetus in urbe factos esse ad movendam seditionem. On y trouve tous les éléments du crime décemviral : nocte, coetus, in urbe et sa finalité subversive, ad seditionem. Le décemvir se munit d’une escorte ut turbantes civitatis otium pro maiestate imperii coerceret « pour réduire par la force les perturbateurs de la paix publique dans le souci de prendre la défense de la grandeur de son pouvoir de magistrat ». Avec un anachronisme évident, mais révélateur d’une continuité certaine, on y trouve cette atteinte que toute sédition inflige à la maiestas populi ou imperii, que reprendront à leur compte les lois de maiestate de la fin de la République et de l’Empire. Naturellement, la menace intéressée d’Appius tourne court.

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–  Par la suite, poursuites contre Sp. Maelius (Liv. 4.13.9-10), accusé de coetus plebis in privata domus et d’y avoir tenu domi contiones. Un dictateur est nommé pour causam dicere et répondre du crimen. Le suspect est tué avant qu’une quaestio (semble t-il) ne soit ouverte. Trois quaestiones extaordinariae seront ensuite organisées selon le même schéma. Sur celles-ci, Venturini (1984)  112-122 ; Id. (1987) 160-165. En 314, contre la noblesse de Capoue, accusée d’avoir organisé des occultae coniurationes, dirigées contre l’autorité de Rome, afin de se réserver les magistratures locales, un décret du sénat décide, contre ces cives sine suffragio, d’ouvrir des enquêtes et de confier les poursuites à un dictateur (Liv. 9.26.5). L’affaire est ensuite déplacée à Rome, pour le même crime : in universum qui usquam coissent coniurassentve adversus rem publicam quaeri senatum iussisse, et coitiones honorum adipiscendorum causa factas adversus rem publicam esse (Liv. 9.26.810). En 303-302, contre les nobles de Frusino, eux aussi cives sine suffragio, une quaestio est organisée par les consuls, sur décision du sénat : capita coniurationis eius quaestione ab consulibus ex senatus consulto habita virgis caesi ac securi percussi (Liv. 10.1.3). Enfin en 184 éclate l’affaire des Bacchanales, déclenchée par l’accusation de coetus nocturnus et de intestina coniuratio (Liv. 39.8.3 ; 39.14.4-10 ; 39.15.12). Une quaestio extraordinaria de clandestinis coniurationibus senatu decreta est et confiée aux consuls. Les tresviri capitales sont, à cette occasion, chargés exceptionnellement (Cascione [1999] 122-125) d’empêcher tout rassemblement nocturne (ne qui nocturni coetus fierent, Liv. 39.14.10). Il est vraisemblable que la lex Iulia de maiestate (d’Auguste, plutôt que de César : Ferrary [2009] 230-232 = 470-471), la première, a absorbé l’ancien crime décemviral de coetus nocturnus. Dans son dispositif (v. Cloud [1963] 208-210), à partir d’Ulp. 7 de off. procons. D. 48.4.1, on retrouve l’essentiel, en plus développé, du crime d’attroupement séditieux : crimen (maiestatis) illud est quod adversus populum Romanum vel adversus securitatem eius committitur, quo tenetur is, cuius opera dolo malo consilium initum erit […] quo armati homines cum telis lapidibusve in urbe sint conveniantve adversus rem publicam, locave occupentur vel templa, quove coetus conventusve fiat hominesve ad seditionem convocentur. [« Le crime d’atteinte à la puissance du peuple romain est celui qui est dirigé contre le peuple romain ou sa sûreté. En est coupable celui qui, par ses actes, son intention malveillante, ses conseils, a fait que… des hommes armés de traits ou de pierres se sont rassemblés dans la Ville contre l’État, ont occupé des places ou des temples, se sont attroupés et assemblés pour pousser des individus à la sédition »]. La lex Gabinia ne fut pas, en revanche, une lex de maiestate (Zumpt [1868] II.1, 428 n.  124, contre Rudorff [1857] I, 82). Quant à la lex Cornelia de maiestate, on ne peut se prononcer.

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Les statuts coloniaux ou municipaux (sources a et c), d’époque césarienne et flavienne, ont maintenu l’essentiel de la tradition décemvirale, en dénonçant toute réunion secrète (coetum facere, dans les deux chartes municipales) et toute association jurée (coniuratio, de même dans les deux règlements). Mais, à la différence de la lex de maiestate, ces comportements suspects ne menacent pas la sûreté de l’État. Ce ne sont plus des crimes, mais de simples troubles à l’ordre public, relevant des pouvoirs de police des duumvirs.

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8. 27 – : Gaius libro quarto ad legem duodecim tabularum D.47.22.4 : His (sodalibus) potestatem facit lex (= XII Tab.) pactionem quam velint sibi ferre, dum ne quid ex publica lege corrumpant; sed haec lex videtur ex lege Solonis tralata esse.

: La loi (des XII Tables) reconnaît aux membres des associations le pouvoir de se donner les conventions qu’ils veulent, pourvu qu’ils ne heurtent en rien la loi publique. Mais cette loi semble avoir été empruntée à celle de Solon.

Source Gaius, après avoir donné la définition de sodales (Sodales sunt qui eiusdem collegii sunt : quam Graeci ἑταιρείαν vocant) reproduit le texte de la loi attribuée à Solon, retranscrit ici dans la version améliorée de Ruschenbusch (2010) F 76 a (77) 145 : ἐὰν δὲ δῆμος ἢ φρατόρες ἢ ὀργεῶνες ἢ γεννῆται ἢ σύσσιτοι ἢ ὁμόταφοι ἢ θιασῶται ἢ ἐπί λείαν οἰχόμενοι ἢ εἰς ἐμπορίαν ὅτι ἂν τούτων διαθῶνται πρὸς ἀλλήλους, κύριον εἶναι, ἐὰν μὴ ἀπαγορεύσῃ δημόσια γράμματα [« Si les membres d’un même dème ou d’une phratrie, si des orgéons, des parents ou les associés d’un banquet ou d’un sépulcre commun, si les membres d’un thiase ou ceux qui partent faire du butin ou du commerce conviennent de quelque chose les uns avec les autres, que cela soit observé, si les lois de la cité ne s’y opposent pas »]. La mention des XII T. figurait certainement dans le commentaire de Gaius ; elle a été supprimée par les compilateurs. Sur les motifs de ces derniers, Berger (1936) 639. La place qu’aurait occupée cette disposition dans le code varie selon la portée que l’on a voulu lui attribuer. Godefroy 39-40, 125, la plaça parmi les iura praediorum et le règlement des conflits de voisinage, jugeant, dans un premier temps, que le verset, destiné au collège des Frères Arvales, attribuait à ce dernier le pouvoir arbitral de juger les conflits de territoire avec ses voisins. L’hypothèse se fondait sur une glose discutée du Pseudo-Philoxène (Goetz, Glossaria Latina II, 149 AR 9). Mais l’attribution aux sodales Arvales d’une juridiction territoriale, soutenue également par Cujas, a été condamnée par Rudorff (1857) 233 et par Scheid (1990) 35-39. V. également Dirksen 451-452. Godefroy abandonna en partie sa première interprétation au profit d’une seconde (suivie ici par Dirksen 452, 629). Le

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verset, qu’il conviendrait de rapprocher de 8.26, aurait une vocation répressive : contrôler des sodalités irait de pair avec la répression des rassemblements nocturnes subversifs et justifierait l’emplacement, dans la table des prescriptions pénales, de ces deux versets. D’autres auraient préféré les attribuer à la dixième Table, parmi les prescriptions funéraires rituelles, dans l’idée que les sodales seraient des confréries religieuses. Certains éditeurs modernes (Roman Statutes II [1996], 694-695, suivi par Flach [2004] 136-137), à la suite d’une lecture superficielle et impossible du témoignage de Gaius (qui se confondrait avec l’interdiction des rassemblements ou attroupements séditieux : ‘the remarkable thing is that a rule of the Lex Flavia would provide a perfect basis for the comment of Gaius’) (!), réunissent en une prescription unique les versets 8.26 et 8.27. La présence du verset dans la Table VIII s’explique pour partie par la place que Gaius lui a donnée dans son commentaire (livre 4) et pour partie par la tradition humaniste, qui mérite d’être conservée pour de simples raisons de commodité. Reconstitution Avant de proposer une reconstitution possible (infra Commentaire V), il est nécessaire de procéder à une critique sérieuse de l’interprétation, grossièrement anachronique, de notre source unique, Gaius. Commentaire Les grandes difficultés rencontrées jusqu’ici pour établir la portée, donc les termes du verset, tiennent au fait que Gaius, très éloigné du contexte décemviral pour ce qui concerne l’autonomie des collèges, n’a donné du verset qu’une interprétation indirecte et libre, non seulement exprimée dans un style très lourd (sodalibus potestatem facit lex pactionem quam velint sibi ferre), mais qu’il a adaptée à son époque, d’où le présent : lex facit. L’important est de préciser, pour commencer, ce que Gaius crut percevoir dans un règlement décemviral qui reste probablement à reconstituer complètement. De fait, Gaius a déduit de la prescription légale, qu’elle aurait jeté les bases du principe de l’autogestion des collèges. Il vit en celle-ci la charte fondatrice de l’autonomie associative. Est-ce historiquement plausible ? Nous ne le pensons pas. Plan du commentaire : 1. – La ‘liberté d’association’ reconnue par les XII T. ? 2. – Les sodales, de Mommsen au Lapis Satricanus. 3. – Potestatem facit lex pactionem quam velint sibi ferre, dum ne quid ex publica lege corrumpant. 4. – De la pactio au PACERE. 5. – La reconstitution proposée. 6. – Le modèle solonien.

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1. – La liberté d’association reconnue par les XII Tables ? Les auteurs de la fin du XIXe et du début du XXe s., engagés dans le débat contemporain entre la puissance étatique et la liberté associative, ont cru percevoir dans le verset 8.27, tel que Gaius l’interprétait, la consécration législative d’une liberté d’association inconnue à Rome avant 450. Ainsi Lambert (1902) qui, après avoir (erronément) interprété le verset comme le fruit d’un ‘compromis entre les intérêts de l’État et la liberté d’association’, déclara impossible de l’attribuer au Ve s. et y trouva un argument décisif en faveur de la non authenticité du code décemviral dans son ensemble, qui ne pourrait, selon cet auteur, remonter au-delà du IIe s. av. J.-C. On trouve la même idée de la reconnaissance subite d’une liberté nouvelle reconnue aux associations (mais cette fois placée à l’époque traditionnelle des XII T.) de la part de Neubecker (1908) 65 : la liberté de se constituer en association ou collège répondrait aux vœux de la plèbe, qui pourra alors tenir des réunions politiques. D’autres cependant, tirant de la même analyse une conclusion opposée, affirmèrent que les XII T. auraient mis un terme à la liberté naturelle d’association et soumirent les collèges futurs au principe d’une autorisation préalable : Conrat (1873) 33 s. ; Schnorr v. Carosfeld (1933) 259. Mais toutes ces interprétations, qu’elles se prononcent pour une reconnaissance légale ou pour la limitation légale d’une liberté primitive, souffrent toutes d’un même anachronisme. Les XII T. ne se soucient nullement de fonder ou de délimiter la liberté associative, concept étranger, en dépit de l’interprétation qu’a voulu retenir Gaius, à la mentalité archaïque. Pour la critique de cette lecture : Waltzing I (1895) 79 s. ; Lenel (1905) 513-515 = 186-188, en deux pages décisives contre Lambert ; De Robertis (1938) 50 s. ; Id. (1971-1) 47 et (1971-2) 259. Tous ces auteurs reviennent à l’interprétation de Mommsen (1843) : antérieures à la naissance de la cité, les confréries n’ont pas attendu les XII T. pour recevoir un certificat de constitution (libre ou entouré de précautions), pour se former et pour vivre en toute liberté. La vocation du précepte à l’origine de la pseudo paraphrase de Gaius doit être cherchée ailleurs. 2. – Les sodales, de Mommsen au Lapis Satricanus Dans sa thèse de 1843, Mommsen avait soutenu que seules les organisations cultuelles, sur le modèle des Sodales Titii, des Saliens ou des Frères Arvales étaient concernées par le verset 8.27 (sodales ad sacra consociationes tantum referant, loc. cit. 35). La loi n’aurait eu en vue que les confréries sacrées, publiques ou semi-publiques, nées pour conserver les cultes pratiqués pro populo par des gentes éteintes ou sur le déclin.  Selon cette lecture politico-religieuse, la loi serait

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intervenue pour favoriser la constitution (pactionem sibi ferre, au sens de ‘se former par un règlement intérieur’) d’organisations appelées à supplanter dans sa dimension sacrale le lien gentilice moribond. Cette analyse a reçu l’adhésion de Liebenam (1890) 18, de Waltzing I (1895) 34-38, qui confirma par des dépouillements étendus le caractère religieux de ces sodalités primitives, et de Lenel cit., en faveur de sakrale Bruderschaften. La première dissension exprimée émana de Coli (1913) 8-11, sur deux points d’inégale importance : rejet de l’identité sodales – confréries religieuses au profit d’un élargissement des collégialités en question à des ‘clubs’ de nature politique ; mais surtout, Coli, 43-49, souligna (v. infra) que donner aux membres de confréries le pouvoir de se lier entre eux par une règle interne n’avait guère de sens et qu’il faudrait expliquer autrement le pactionem sibi ferre. La découverte du Lapis Satricanus a relancé, récemment, l’intérêt pour les sodalités primitives. Il est prouvé maintenant que, dans le sillage d’aristocrates puissants (Publius Valerius, en l’espèce), des groupes (des milices privées plus ou moins contrôlées) se livrant à des activités belliqueuses pour le compte du chef de bande, portaient le nom de sodales. Les sodales de P. Valerius ont ainsi offert, au cours des années 509-500, une dédicace dans le temple de Mars à Satricum. Les sodales de XII T. 8.27 ont certainement aussi concerné ce type d’organisation para-militaire, pré-civique, pré-hoplitique, et dont on trouve encore mention parmi les clients et les sodales qui combattent avec les Fabii lors de la bataille de la Crémère (Liv. 2.49.5). Sur cette inscription, Versnel et alii (1980) ; Ampolo (1988) 209 ; Torelli (1988) 245, 253 ; Bremmer (1982) ; Fiori (1999) notam. 106 et n. 25.  Une fois ces sodales identifiés et replacés dans le contexte décemviral, il reste à éclairer le sens du précepte qui les concerne. 3. – Potestatem facit lex pactionem quam velint sibi ferre, dum ne quid ex publica lege corrumpant Partons de l’affirmation de Gaius. Selon l’interprète de la loi des XII T., celle-ci aurait reconnu le principe d’une liberté associative conditionnelle et attribué aux sodalités le pouvoir de se donner les lois internes qu’elles souhaiteraient, sous la réserve de ne pas contrevenir aux dispositions, nous dirions d’ordre public. Cette lecture, qui n’a aucune prétention archéologique (d’où l’emploi du présent : lex facit) décrit parfaitement le régime juridique en vigueur à l’époque de Gaius, mais il est radicalement inacceptable pour l’époque décemvirale. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord (cf.  supra), on ne peut prêter aux décemvirs l’idée (moderne) d’avoir ‘posé’ le principe de la liberté associative. Les sodalités se sont librement constituées avant et après le code décemviral. Elles n’avaient ni à être confirmées, ni à être autorisées, ni à recevoir le pouvoir de se donner des règlements internes.

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En second lieu, le régime associatif que Gaius décrit, et qu’il rattache aux dispositions du code qu’il commente (avec la référence au ‘modèle’ solonien), est celui de son temps, entièrement modifié par la législation impériale. Celle-ci, en introduisant le principe de l’autorisation préalable, a bouleversé les principes antérieurs. À la place d’une liberté constitutive naturelle (et non d’essence législative) antérieure, la lex Iulia de collegiis a instauré le principe d’un contrôle préventif, préalable à la permission de se constituer, accordée à un petit nombre d’associations (paucis in causis concessa sunt collegia selon l’expression même de Gaius, 3 ad ed. prov. D. 3.4.1.1, qui commente cette loi), et qui, de fait, tiennent maintenant de la loi (potestatem facit lex) leur pouvoir d’autonomie interne, celui de se donner les règlements qu’elles veulent (pactionem quam velint sibi ferre) sous la réserve de ne pas déroger aux dispositions d’ordre public (dum ne quid ex publica lege corrumpant). On conviendra sans peine qu’aucun de ces éléments relatifs à la constitution d’un collegium, de quelque nature qu’il soit, ou professionnel, ou religieux, ou politique, ou paramilitaire, n’a sa place au Ve s. av. J.-C. Aucun des termes utilisés par Gaius pour décrire la réalité du droit associatif de son temps et tel qu’il l’attribue aux XII T. ne peut d’ailleurs s’y prêter. 3. – 1. Ainsi en est-il pour le mot pactio. Ce terme, à supposer qu’on veuille l’attribuer au code décemviral, ne peut signifier, employé par Gaius, qu’une chose : la convention constitutive ou l’accord (pactum), donc le règlement interne liant entre eux les membres du collège. Or, attribuer à la loi le pouvoir, pour un groupe d’individus, de se lier dans une organisation commune (potestatem facit lex pactionem quam velint sibi ferre) n’a aucune signification, en dehors du régime impérial récent (que Gaius prend en considération), qui introduisit le principe de l’autorisation préalable. À l’époque républicaine, les individus sont libres de se lier entre eux. Il n’y a aucun doute ici : Liebenam (1890) 14, 225 ; Waltzing I (1895) 83 ; Coli (1913) 43-50 ; Magdelain (1978) 47-49. Si l’on voulait reconnaître à la loi des XII T. un quelconque pouvoir constitutif dans la formation des collèges, celui-ci ne pourrait concerner que l’attribution aux collèges d’un pouvoir législatif externe : un pouvoir d’autorité, de juridiction, de coercition et celui d’infliger des amendes ou d’édicter des règlements sur des tiers et non sur les membres qui sont affiliés au collège. Il est sûr que ce pouvoir d’autorité, de nature semi-publique, est attesté, bien que pour une époque relativement tardive : Liebenam (1890) 205 n.  7 ; 220. L’étymologie de collegium va également en ce sens : ‘partageant le même pouvoir législatif’ ou ‘auteur de la même lex’, bien plus que ‘soumis à la même loi interne’. Mais il est certain que, par les mots pactionem s i b i ferre, Gaius n’a pas pu faire allusion à ce pouvoir législatif externe. Il n’y a, de pactio (organi-

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sation interne) à lex (pouvoir d’autorité externe) aucune continuité ni confusion possible. Gaius n’a pu traduire un pouvoir législatif externe d’origine décemvirale à l’aide du mot pactio, même pour attribuer, en une vision anachronique, un pouvoir constitutif interne aux collèges primitifs. On ne pourra, en conséquence, suivre les auteurs qui, de Ferrini (1892) à Archi (1980), en passant par Bonfante (1920), ont tenté de sauver l’authenticité décemvirale de pactionem sibi ferre, avec des arguments douteux (selon Archi, un hapax, garant d’authenticité – mais ce n’est pas exact : pactionem sibi ferre relève, bien au contraire, du langage de la rhétorique avancée : Sen. suas. 7.2). Il est au demeurant vain de vouloir faire remonter aux XII T. le concept d’un pactum en tant qu’accord constitutif de droits et d’obligations entre les membres du collège, car les XII T. ne se sont pas souciées de ‘codifier’ la liberté associative ni d’en fonder le principe. Il faudra expliquer autrement, à la suite de quel glissement ou confusion, un terme originellement décemviral de la famille de pactum / pactio / pacere s’est trouvé dénaturé dans le commentaire de Gaius. 3. – 2. Potestatem facit lex … Potestatem facere au sens de ‘donner le pouvoir de’, ‘concéder la possibilité de’, ne peut être attribué aux décemvirs. L’expression n’apparaît pas avant César ou Tite-Live, rarement utilisée par la langue juridique. Cette valeur non technique et dépréciée de potestas est incompatible avec les emplois précis et riches de ce terme à haute époque (tribunicia p., patria p., adgnatum gentiliumque potestas – XII T. 5.7 -). V. ici Humbert (2009) 38-39 = 694-695. On doit donc l’attribuer à Gaius (ou aux commentateurs dont il s’est inspiré), mais certainement pas au verset originel. 3. – 3. ... dum ne quid ex publica lege corrumpant. La subordination de la pactio au respect de la lex publica, mise en évidence par Gaius, est aussi lourdement anachronique. Gaius s’est fait l’écho des schémas, répétés à satiété à partir de Papinien, proclamant le caractère non dérogeable du ius publicum, hors de l’atteinte de toute pactio privata qui tenterait de le violer : Pap. 2 quaest. , D. 2.14.38 : ius publicum privatorum pactis mutari non potest. V. ici Ankum (1980) 302-305 ; Kaser (1986) 79-87 ; Humbert cit. 36-37 = 691-693, pour d’autres références. Le verbe corrumpere est aussi suspect. En dépit des efforts de Conrad (1873) 33 et n.  47, suivi par De Robertis (1971-1) 44 et n.  9, corrumpere ne présente pas ici les traits d’un terme archaïque (cum-rumpere) qui aurait ensuite disparu. On est en présence d’une expression classique particulièrement appréciée par Gaius (1.58 ; 1.163 ; 4.38 ; ed. praet. urb. D. 9.4.30 et cf. VIR, hoc v°) pour traduire l’idée d’enfreindre une prescription légale (ius ou iura corrumpere). La lecture critique du témoignage de Gaius donne un premier ré-

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sultat. Soucieux avant tout d’exposer la situation de son temps, Gaius ne fournit pas d’éléments solides pour reconstituer la portée du verset décemviral. L’allusion à la loi de Solon n’apporte rien, car elle s’insère dans la vision anachronique de Gaius. On ne peut que s’accorder avec la conclusion négative de Lenel (1905) 513 = 186 : « ni l’autorité de Gaius, ni le soi-disant parallèle établi avec la loi de Solon, n’aident à comprendre la signification authentique de la disposition décemvirale ». Pourtant, nous pensons qu’il est possible, à partir du terme de pactio employé par Gaius, de reconstituer la portée originelle du verset. 4. – De la pactio au PACERE Pactio, synonyme à partir du IIe s. av. J.-C. de conventio ou de pactum (Plaut. Aul. 200 est le témoignage unique dans le théâtre de Plaute et, en même temps, le plus ancien, de l’emploi de ce terme avec la valeur de convention), se rattache par son étymologie au terme pacere, bien attesté à l’époque décemvirale. Il est nécessaire de passer de pactio à pacere, de dépasser la pactio, noyau de la définition de Gaius, pour atteindre pacere, afin de retrouver le sens authentique de la prescription. Le terme PACERE est attesté dans les XII T. en quatre occurrences : 1.6 ; 3.5 ; 8.2 ; et sous la forme douteuse de pactio dans notre verset 8.27. La doctrine s’est longtemps divisée autour de deux valeurs différentes, voire antagonistes. Ainsi chez deux célèbres interprètes, Manenti (1891) 7-8 et Ferrini (1892) 245. Selon le premier, au terme d’une analyse aussi intuitive que géniale, la valeur dominante de pacere serait, dans le code décemviral, celle d’un pacte transactionnel, à valeur extinctive : et Manenti invoquait les versets 1.6 (rem si pacunt, orato, alors compris unanimement comme se référant à l’accord transactionnel conclu entre les parties sur le litige (rem pacere) avant la comparution devant le magistrat) ; le verset 3.5 (pacte transactionnel entre les deux parties, après le jugement, mais avant l’exécution de la sentence) ; 8.2 (pactum conduisant à écarter l’application du talion). Le seul obstacle à l’application générale de cette valeur de pacere était apporté, aux yeux de Manenti, par 8.27, interprété, ainsi que le voulait alors le courant dominant, comme la charte de l’autonomie interne concédée aux collèges par le législateur. Inversement, Ferrini, se fondant avant tout sur la même interprétation de 8.27, affirma le caractère général de la valeur constitutive du pactum, mais butta cette fois devant 1.6, qui ne pouvait se référer qu’à la valeur transactionnelle donc, extinctive de pacere. Sur cette controverse et les arguments respectifs invoqués, Humbert (2009) 40, 47-48 = 696-697. Depuis, l’interprétation traditionnelle de 1.6 a été mise en doute, dès 1948 par Luzzatto (1948-1) 331, puis fermement par Lévy-Bruhl (1960) 206, qui convainquit plusieurs interprètes (Pugliese [1962-1] 402-403; Kaser [1964] 350 ; Nicosia [1984] 67-87 ; sur cette question, v.

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XII T. 1.6), jusqu’à la découverte de la loi d’Irni qui a définitivement réglé la question (Mantovani [2001] 232). Le verset doit désormais être compris ainsi : rem, ubi pacunt, orato : « que l’affaire se déroule au lieu sur lequel les parties se seront mises d’accord ». Le pactum n’est pas un accord transactionnel apportant au litige une solution paisible, mais une convention constitutive déterminant le lieu où se déroulera l’instance (devant le magistrat ou le juge, peu importe ici). La res n’est pas l’objet du pactum, mais de l’activité exprimée par orare. Il faut se rendre à l’évidence. Les XII T. mettent en présence de deux valeurs de pacere, pacisci : 1) une convention engageant les parties pour l’avenir (1.6) ; 2) un accord de nature transactionnel à effet extinctif (3.5 ; 8.2). Le pacere / pactum de 8.27 doit se ranger du côté de l’une ou l’autre de ces valeurs. Et ici, il n’y a pas de place pour l’hésitation. Nous pouvons écarter le sens d’un accord constitutif conclu entre les sodales, en tant qu’acte fondateur du collegium ou de la sodalité, anachronique et sans signification en 450. Il reste le sens, largement attesté, non seulement formellement (ainsi 3.5 ; 8.2), mais implicitement à de nombreuses étapes de la procédure, donnant à la nature et à la mesure de la condamnation une dimension transactionnelle, que cette transaction soit l’œuvre des parties au litige, ou, plus fréquemment, qu’elle leur soit imposée par le magistrat, lui-même soumis aux prescriptions de la loi. Les cas bien attestés où la solution du litige résulte d’un damnum decidere (XII T. 8.16 ; 12.3 ; et cf.  8.9 ; 8.20) replacent la solution du litige dans le contexte d’une transaction légalement imposée aux parties (par l’intermédiaire du magistrat, destinataire au premier chef de l’organisation judiciaire dont la loi est devenue la source). C’est dans cette perspective qu’il faut reconsidérer le ‘pacere’ de 8.27. Il devait constituer le noyau de la prescription et, par sa valeur amphibologique, il a entraîné les interprètes successifs des XII T. jusqu’à Gaius à glisser du sens de ‘éteindre le litige par la voie de la transaction’ à celui de ‘se lier par une convention’. Dans la littérature la plus ancienne, c’est le sens transactionnel de pacere qui l’emporte largement (alors que pactio, au sens de convention, est d’un emploi exceptionnel, beaucoup plus récent que les XII T.). On remarque tout particulièrement chez Plaute l’expression rem pacere, qui peut fournir un indice, non pour justifier un impossible rem pacunt en 1.6 (pourtant en ce sens Manfredini  [1988] ; Biscotti [2002] 32-50 ; 83-92 ; 129-133), mais pour donner (éventuellement) un objet à l’accord transactionnel et extinctif conclu entre les sodales et aider à la reconstitution hypothétique du verset. Les arguments sont les suivants : Bacch. 878 : ducentis philippis rem pepigi (« j’ai conduit l’affaire à la paix pour deux cents philippes » – j’ai arrangé l’affaire, j’ai transigé –) ; de même Poen. 1157 : pactam rem habeto (« tenez l’affaire pour ‘portée à la paix’, c. à d. conclue ») ; ibid.

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854 : Habe rem pactam ; Stich. 566 : Habeon rem pactam ; Trin.  500 : Quae res bene vortat. Habeon pactam ? La vocation du verset 8.27 ne pouvait être de reconnaître aux sodales le pouvoir de recourir à ces pactes transactionnels que la loi a aménagés, définis, imposés aux parties et au magistrat pour le règlement de nombreux litiges. Les versets décemviraux s’appliquent collectivement aux sodales, comme aux individus. Les uns et les autres en bénéficient semblablement. Mais à l’égard des sodales, bandes difficilement maîtrisables et qui risquent d’enfreindre les règles du procès, le législateur a voulu éviter qu’elles ne soient transgressées ou détournées. Par exemple, il eut le souci d’interdire qu’après une transaction extinctive, portant sur le règlement d’un dommage ou d’une lésion corporelle, les modalités légales de la transaction ou du talion ne soient contestées et que la lutte ne reprenne. Nous pensons que le verset est venu, non pas ouvrir aux sodalités un espace de transaction qui ne leur aurait pas été accessible, mais, au contraire, les contraindre de s’en tenir aux règles du procès fondées sur cette idée omniprésente de la transaction. Ces transactions judiciaires ne pourront se conclure en heurtant ou en lésant les prescriptions légales, donc au prix d’une fraus, au sens absolu de contourner ou d’enfreindre la loi (XII T. 3.6 ; 10.8 ; 8.21 avec un datif d’attribution qualifiant la victime ou l’objet de la fraus ; 8.20 : pupillum fraudare). Le code processuel aménage impérativement toutes les formes de règlement judiciaire jusqu’à prévoir, comme il le fait en 8.27, un mode alternatif, mais dans le respect des prescriptions légales, qu’il s’agisse d’individus isolés ou de puissantes solidarités. 5. – Reconstitution proposée . Le mot RES, au sens de l’objet du litige ou, globalement, de la controverse, est bien attesté dans les XII T. (1.6 : rem orato ; 3.1 : rebus iure iudicatis ; 9.3 : iudex ‘qui ob rem iudicandam pecuniam accepit’ ; 9.4 : res capitales ; 12.4  : rem de qua controversia est ; v. encore rei vindicatio, res furtiva…). Il nous semble possible de restituer ce mot res, encore que le sens absolu de pacere, sans complément d’objet, ne puisse pas être totalement exclu. Il n’est pas utile de donner un attribut à FRAVS (pas plus qu’en 3.6 et 10.8). Les termes de lex publica ne méritent pas d’être conservés, car ce n’est pas avant la fin de la République que les XII T. sont globalement qualifiées de lex ou lex duodecim tabularum. Sibi est également inutile, car il est clair que le pactum transactionnel est fait entre les sodalités, bien plutôt qu’entre les membres d’une même confrérie. De Gaius à la reconstitution proposée, on mesure le chemin parcouru : His sodalibus potestatem facit lex pactionem quam velint sibi

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ferre, dum ne quid ex publica lege corrumpant. Gaius (ou plus vraisemblablement l’interprétation antérieure, à la suite du renversement provoqué par la législation restrictive césarienne ou augustéenne) s’est mépris sur le sens de pacere. On y a vu, conformément à la législation de l’époque, l’acte constitutif du collège soumis à autorisation préalable : la reconnaissance d’une liberté associative conditionnelle subordonnée au respect du droit public existant. Tout trahit le contresens. L’incroyable lourdeur du style (potestatem facit lex pactionem sibi ferre !) peut, à la rigueur, être excusée par le souci de conserver pactio, seul écho défiguré de la prescription décemvirale. La FRAVS originelle a elle-même produit le peu heureux (et déformant) dum ne quid ex publica lege corrumpant. Le style des décemvirs méritait mieux. 6. – Le modèle solonien Les interprètes oscillent entre une attitude hypocritique (e.g.Tondo [1976] et une position hypercritique (Volterra [1937] 176-190 ; Ducos [1978] 34 s. ; Siewert [1978] 331 s.), mais qui toutes deux restent superficielles. Des critiques ont été formulées contre le texte solonien (pas de dèmes avant Clisthène, selon Ducos cit. : mais cf.  Arist. A.P. 16.5), mais elles sont infondées. D’autres ont conclu à une convergence substantielle entre la législation solonienne et l’interprétation donnée par Gaius de la législation décemvirale : ainsi Lenel (1905) 513 ; Magdelain (1978) 46 ; réserves de Wieacker (1971) 770-771 ; Id. RRG I, 301 s. : les décemvirs auraient surtout eu en vue le contrôle étatico-policier des attroupements et des factions, ce qui n’aurait pas correspondu à l’esprit des lois de Solon. En réalité le supposé précédent solonien doit être analysé à deux niveaux distincts : 1) Solon et Gaius, d’une part ; 2) Solon et les XII T. de l’autre. 1) Gaius a-t-il eu tort de rapprocher l’idée (fausse) qu’il avait de la législation décemvirale et la législation de Solon, telle qu’il la rapporte ? Certainement pas. Gaius ne pouvait que conclure à l’identité des préoccupations. Dans les deux cas, la loi reconnaît et exprime le principe de la liberté d’association : ὅτι ἂν τούτων διαθῶνται πρὸς ἀλλήλους, κύριον εἶναι, équivaut exactement à potestatem pactionem sibi ferre, et limite cette dernière au respect des règlements publics ; ἐὰν μὴ ἀπαγορεύσῃ δημόσια γράμματα correspond à la lettre à dum ne quid ex publica lege corrumpant. Dans les deux cas s’affirme l’idée d’une liberté associative concédée par la cité ou par l’État, et subordonnée au respect de l’ordre public. La liste prolixe d’associations à Athènes (toutes regroupées sous le nom d’hétairies), territoriales (dèmes préclisthéniens), sociales (phratries), religieuses (orgéons et thiases), conviviales (syssities), funéraires et professionnelles (associations de marins et de commerçants) répond, dans son foisonnement, à la variété des collèges romains. Gaius n’a donc pas

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eu tort de rapprocher le modèle solonien et le modèle romain (mais faussement attribué aux XII T.), calqué sur la réalité quotidienne de Gaius. 2) Solon et les XII T. Le rapprochement ne peut être fait – comme y a procédé Gaius – qu’au prix d’une analyse inacceptable de la réalité décemvirale. L’idée d’un modèle solonien, source ici d’inspiration décemvirale est donc sans consistance. Elle doit être abandonnée.

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9. 1 – : Privatis leges ne inroganto.  E CAPITE CIVIS NISI PER MAXIMVM COMITIATVM NE 9. 2 a – : D FERVNTO Ab omni iudicio poenaque provocari licere indicant XII 9. 2 b – :  Tabulae compluribus legibus.

: Qu’ils ne soumettent au peuple aucune mesure dictée par un intérêt particulier. : Qu’ils ne présentent au peuple le châtiment capital si ce n’est devant l’assemblée la plus étendue. : En plusieurs lois, les XII Tables révèlent qu’il était permis de faire appel au peuple contre tout jugement ou peine.

Sources principales a) Cicero De domo sua 43 : Quo iure, quo more, quo exemplo legem nominatim de capite civis indemnati tulisti ? Vetant leges sacratae, vetant XII tabulae leges privatis hominibus inrogari : id est enim privilegium. Nemo umquam tulit […]. Proscriptionis miserrimum nomen illud […] quid habet quod maxime sit insigne ad memoriam crudelitatis ? Opinor, poenam in cives Romanos nominatim sine iudicio constitutam. [« Au nom de quel droit, de quel usage, de quel exemple as-tu présenté une loi qui condamnât nommément à la peine de mort un citoyen n’ayant fait l’objet d’aucun jugement ? Les lois sacrées, les lois des XII Tables interdisent que l’on réclame une peine contre des personnes prises individuellement : c’est ce que l’on appelle un privilegium. Jamais personne n’a présenté une telle mesure… Dans le nom affreux de proscription, qu’y a-t-il de plus significatif pour évoquer la cruauté ? C’est, à mon avis, de prononcer un châtiment personnel contre des citoyens romains qui n’ont pas été jugés »]. b) Cicero Pro Sestio 65 : Cur cum de capite civis […] et de bonis proscripti ferretur, cum et sacratis legibus et XII tabulis sanctum esset ut ne cui privilegium inrogari

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liceret, neve de capite nisi comitiis centuriatis rogari, nulla vox est audita consulum constitutumque est […] iure posse per operas concitatas quemvis civem nominatim tribuni plebis concilio ex civitate exturbari ? [« Pourquoi, alors que l’on proposait un projet de proscription visant la vie et les biens d’un citoyen, alors que les lois sacrées et les XII T. défendent de faire prononcer une peine dictée par un motif personnel (privilegium), et réservent la peine de mort aux comices centuriates, pourquoi les consuls n’ont-ils élevé aucune protestation ? Pourquoi fut-il établi par une loi qu’une bande d’excités rassemblés par un tribun de la plèbe pourrait chasser de la ville un citoyen que l’on visait particulièrement ? »]. c) Cicero De legibus 3.11 : Privilegia ne inroganto. De capite civis, nisi per maximum comitiatum [...] ne ferunto. [« Que l’on ne soumette pas au vote du peuple des mesures inspirées par un intérêt personnel (privilegia) ; que l’on ne soumette pas au peuple une peine capitale, si ce n’est devant l’assemblée du peuple la plus nombreuse »]. d) Cic. leg. 3.44-45 : (44) Tum leges praeclarissimae de XII Tabulis tralatae duae, quarum altera privilegia tollit, altera de capite civis rogari nisi maximo comitiatu vetat […] In privatos homines leges ferri noluerunt : id est enim privilegium, quo quid est iniustius, cum legis haec vis sit, scitum et iussum in omnes ? Ferri de singulis nisi centuriatis comitiis noluerunt : discriptus enim populus censu ordinibus aetatibus, plus adhibet ad suffragium consili quam fuse in tribus convocatus. (45) Quo verius in causa nostra vir magni ingeni summaque prudentia L. Cotta dicebat, nihil omnino actum esse de nobis; praeter enim quam quod irrita illa essent armis gesta servilibus, praeterea neque tributa capitis comitia rata esse posse neque ulla privilegi. [« J’en viens à ces deux lois célèbres entre toutes, transcrites des XII T. : l’une dénonce les mesures individuelles (privilegia), l’autre interdit que l’on fasse voter une sentence capitale par une assemblée autre que les comices les plus amples. Ils (les ancêtres) ont voulu qu’aucune loi ne soit inspirée par un motif personnel : car c’est cela le privilège. Quoi de plus de plus contraire à la justice ? Car la loi tire sa force de ce que la décision et l’ordre s’adressent à tous. Ils n’ont pas voulu qu’on jugeât un individu sinon par les comices centuriates ; le peuple, classé par fortune, ordre et âge, est plus disposé à exprimer son vote que lorsqu’il est convoqué et mélangé par tribus. (45) Dans notre affaire, un homme d’une grande intelligence et d’une sagesse extrême, Lucius Cotta, ne pouvait pas dire plus vrai quand il affirmait que la procédure conduite contre nous était

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nulle ; non seulement parce que ces comices étaient dominés par des esclaves en armes, mais aussi parce que les comices tributes ne peuvent se prononcer sur la vie d’un citoyen et ne peuvent prendre une décision dictée par un intérêt personnel »]. Sources complémentaires e) Tabula osca de Bantia (éd. et trad. latine dans Roman Statutes (M. Crawford éd.) I, 281 : I (2)  Si quis prohibuerit (comitia), antequam …, iurato palam luci in comitio sine dolo malo se ea comitia magis rei (publicae) causa, quam cuiusquam gratiae aut inimicitiae causa [...] prohibere. II (4) quicumque posthac comitia habebit magistratus de capite (?) in pecuniam, facito ut populus iurati sententiam dicant, se de iis id sententiae dicere, quod optimum publicum censeat esse. [« I (2) Si un magistrat interdit la tenue des comices, avant …, qu’il jure en pleine lumière et devant le peuple qu’il interdit la convocation sans dol et dans l’intérêt de la cité et non pour quelque motif personnel de reconnaissance ou d’inimitié. II (2) Tout magistrat qui tiendra par la suite les comices réunis pour se prononcer sur une peine capitale ou infliger une amende, devra veiller à ce que le peuple jure de prendre dans cette affaire la décision qui lui paraisse conforme à ce qu’il juge le meilleur pour le peuple (de Bantia) »]. f) Aulus Gellius Noctes Atticae 10.20.2 : Ateius Capito, publici privatique iuris peritissimus, quid ‘lex’ esset, hisce verbis definivit : ‘Lex, inquit, est generale iussum populi aut plebis rogante magistratu’. [« Ateius Capito, excellent connaisseur du droit public et privé, définit par ces termes le sens du mot loi : ‘La loi, dit-il, est un ordre du peuple ou de la plèbe  répondant à l’intérêt général sur une question d’un magistrat »]. g) Festus – Paul vis Privos privasque 252 L : Privos privasque antiqui dicebant pro singulis. Ob quam causam et privata dicuntur, quae uniuscuiusque sint ; hinc et privilegium et privatus. [« Les Anciens disaient ‘privi’, ‘privae’ pour désigner des individus. D’où le mot privata pour ce qui appartient à chacun. D’où aussi les mots privilegium et privatus »]. h) Cicero De re publica. 2.54 : Provocationem autem etiam a regibus fuisse declarant pontificii libri, significant nostri etiam augurales ; itemque ab omni iudicio poenaque

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provocari licere indicant XII Tabulae compluribus legibus; et quod proditum memoriae est, decemviros qui leges scripserint sine provocatione creatos, satis ostendit reliquos sine provocatione magistratus non fuisse. [« Or, ce droit d’appel au peuple existait déjà contre le jugement des rois : c’est ce que prouvent les livres des pontifes et indiquent aussi nos livres d’augures. De même, plusieurs lois des XII T. révèlent qu’il était permis de faire appel au peuple contre tout jugement et contre toute peine. D’autre part, et la mémoire s’en est conservée, les décemvirs chargés d’écrire les lois ont été désignés avec le droit de juger sans appel au peuple, ce qui prouve bien que les autres magistrats n’étaient pas soustraits à l’appel au peuple »]. i) Cic. rep. 2.61 : Sed aliquot ante annis, [...] inita ratio est ut et consules et tribuni plebis magistratu se abdicarent, atque ut decemviri maxima potestate sine provocatione crearentur, qui et summum imperium haberent et leges scriberent […] In annum posterum decemviros alios subrogaverunt, quorum non similiter fides nec iustitia laudata. Quo tamen e collegio laus est illa eximia Gai Iuli, qui hominem nobilem L. Sestium, cuius in cubiculo effossum esse se praesente mortuum diceret, cum ipse potestatem summam haberet quod decemvirum sine provocatione esset, vades tamen poposcit, quod se legem illam praeclaram neglecturum negaret quae de capite civis Romani nisi comitiis centuriatis statui vetaret. [«  Quelques années auparavant, on adopta un nouveau règlement : les consuls et les tribuns démissionneraient ; on désignerait des décemvirs munis de pleins pouvoirs et soustraits à l’appel au peuple ; jouissant d’un commandement suprême, ils pourraient rédiger les lois… L’année suivante, d’autres décemvirs les remplacèrent, mais que l’on ne peut pas louer pareillement pour leur conscience et leur justice : à l’exception d’un membre de ce collège, Caius Iulius, qui mérita une louange exceptionnelle. En sa présence, disait-il, un cadavre avait été déterré dans la chambre d’un certain noble, Lucius Sestius. Bien qu’il eût un pouvoir suprême en qualité de décemvir, à l’abri de tout appel au peuple, il demanda à l’accusé de fournir un garant de comparution. Il disait en effet qu’il voulait respecter cette fameuse loi qui interdisait que l’on se prononçât sur la vie d’un citoyen romain sauf dans les comices centuriates »]. j) Cic. rep. 4.12 : Nostrae contra duodecim Tabulae, cum perpaucas res capite sanxissent, in eis hanc quoque sanciendam putaverunt, si quis occentavisset […]. [« Nos XII T., au contraire, qui n’édictaient la peine de mort que pour un très petit nombre de crimes, réclamaient ce châtiment pour celui qui s’était rendu coupable d’occentatio – cf. 8.1 – »].

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k) Livius 3.32-33 : 3.32.6 : Placet creari decemviros sine provocatione ; 3.33.8 : Decimo die ius populo singuli reddebant ; 3.33.9-10 : Moderationis eorum argumentum exemplo unius rei notasse satis erit : cum sine provocatione creati essent, defosso cadavere domi apud P. Sestium, patriciae gentis virum, invento prolatoque in contionem, in re iuxta manifesta atque atroci C. Iulius decemvir diem Sestio dixit et accusator ad populum exstitit, cuius rei iudex legitimus erat, decessitque ei iure suo, ut demptum de vi magistratus populi libertati adiceret. [« (3.32.6) : On décida de créer des décemvirs non soumis à l’appel au peuple ; (33.8) : Tous les dix jours chacun rendait la justice au peuple ; (33.9-10) : Pour donner une idée de leur modération, un seul exemple suffira : alors qu’ils avaient été désignés avec un pouvoir de juger sans appel, on déterra un cadavre dans la maison de Publius Sestius, de famille patricienne, et on l’apporta devant le peuple. Le crime était flagrant et atroce. Néanmoins, le décemvir Caius Iulius assigna Sestius à comparaître et à soutenir l’accusation devant l’assemblée du peuple, alors que, légalement, il pouvait juger l’affaire. Mais il céda son pouvoir au peuple, pour accroître la liberté de celui-ci »]. l) Pomponius liber sing. enchiridii D. 1.2.2.16 et 23 : (16) Exactis deinde regibus consules constituti sunt duo : penes quos summum ius uti esset, lege rogatum est […] Qui tamen ne per omnia regiam potestatem sibi vindicarent, lege lata factum est, ut ab eis provocatio esset neve possent in caput civis Romani animadvertere iniussu populi : solum relictum est illis, ut coercere possent et in vincula publica duci iuberent. (23) Et quia, ut diximus, de capite civis Romani iniussu populi non erat lege permissum consulibus ius dicere, propterea quaestores constituebantur a populo, qui capitalibus rebus praeessent : hi appellabantur quaestores parricidii, quorum etiam meminit lex duodecim tabularum (cf.  9.4). [« Deux consuls sont institués après le départ des rois : une loi est votée qui leur confère le pouvoir suprême… Mais afin qu’ils ne se targuent pas de jouir d’un pouvoir monarchique, il fut prescrit, par une loi, qu’il y aurait appel au peuple de leurs décisions et qu’ils ne pourraient prononcer la peine capitale contre un citoyen romain sans un vote du peuple. Il ne leur resta donc que le pouvoir coercitif et le droit de procéder à l’arrestation des individus. (23) Puisque, comme nous l’avons dit, la loi n’avait pas permis aux consuls de prononcer par jugement la peine de mort contre un citoyen romain sans la décision du peuple, pour cette raison, des questeurs étaient désignés par le peuple pour prendre en charge les crimes capitaux : on les appelait les questeurs du meurtre, comme la loi des XII T. en conserve encore le souvenir »].

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Reconstitution 9.  1 :  Privis (ou in privos) ne roganto (infra, Commentaire 1. – in fine) 9. 2 :  DE CAPITE CIVIS NISI PER MAXIMVM COMITIATVM NE FERVNTO. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Privilegia ne inroganto. 2. – De capite civis... 2. – 1. La compétence générale des comices dans le châtiment capital. 2. – 2. L’interprétation minimaliste du ‘nisi per comitiatum maximum ne ferunto’. 2. – 3. La sanction privée du crime capital de meurtre. 2. – 4. Le préteur, juge criminel de droit commun. Par vagues successives, la critique moderne s’est acharnée sur l’ensemble de ces témoignages, en particulier sur Cicéron : du contresens au faux tendancieux, Cicéron apparaît aujourd’hui comme un maniaque de la persécution, un falsificateur aveugle et un piètre connaisseur du droit criminel républicain.  Mais que vaut cette critique radicale ? Et comment juger les objections (autrement plus mesurées) que les interprètes du XIXe s. ont opposées à Cicéron, coupable de confusions, mais non d’inventions diaboliques ? 1. – Privilegia ne inroganto À quatre reprises (dom. source a ; Sest. source b ; leg. sources c et d), Cicéron attribue expressément la prohibition des ‘privilèges’ aux leges sacratae d’abord, aux XII T. ensuite. Que Cicéron ne ressasse le précepte qu’en songeant à la double condamnation ad hominem que Clodius fit prononcer contre lui par l’assemblée tribute, c’est certain, mais il eût été grotesque, de la part de Cicéron, d’inventer, pour mieux crier vengeance, une prescription décemvirale inexistante. Le ressentiment, si vif fût-il, ne pouvait le pousser à insérer un verset de son cru dans un corpus que tous ses contemporains connaissaient par cœur. En particulier pour l’oratio de domo, prononcée devant le sénat, le peuple et … les Pontifes, interprètes et dépositaires par excellence des normes décemvirales. Ainsi, justement, Albanese (1989) 1703, dénonçant l’inconsistance du soupçon de faux. L’affirmation, soutenue et répétée d’un faux mûri par la rancœur de la victime de Clodius est insoutenable. En faveur de cette thèse : Guarino (1973) 71 s., 109, 160 s. ; Id. (1988) 87-105 ; Magdelain (1978) 81 ; Id. (1987-2) 17 s. Mais il y a plus. On a cru détenir, à travers la chronologie de ces citations, la preuve que Cicéron tâtonnait dans la fabrication de ses faux versets. Il lui aurait fallu pas moins de douze ans, entre l’oratio de domo (sept. 57), la pro Sestio (mars 56) et le de legibus (50-45) pour

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ciseler le ‘vrai faux’. Ainsi Venturini (1990) ; Guarino (1991) : contra Humbert (1995-1). Il y a certes des divergences entre la de domo, la pro Sestio et le de legibus. Mais si Cicéron tait la disposition ‘de capite civis’ dans son premier discours, c’est tout simplement par prudence. Il ne tient pas à ce que l’argument lui soit immédiatement renvoyé, utilisé contre lui (la condamnation des partisans de Catilina n’a pas exactement respecté le pouvoir souverain des centuries de prononcer la mort !). Le verset ‘de capite’ n’a donc pas été inventé après coup : il figurait bien dans la défense que Cotta (et non Cicéron !) avait prononcée en faveur de son ami (leg. 3.45, source d ; Sest.73) : une défense fondée sur l’autorité de deux versets, authentiques, mais dont la signification peut être discutée. Une fois posée comme un préalable nécessaire l’authenticité de ‘privilegia ne inroganto’ (ou privatis leges ne roganto), les difficultés d’interprétation commencent. La critique moderne, partie d’une conception évoluée, tardive, du privilegium, celle que la jurisprudence impériale a développée (cf. Orestano [1937] 108 s.), n’en trouva aucune confirmation dans la législation républicaine post-décemvirale. Si l’on donne en effet à privilegium le sens de ‘loi privée’, au sens d’une loi dont le destinataire est un individu ou un groupe d’individus (comme le fait Gell. 10.20.1-2, source f, incapable de comprendre la définition de Capito, lex = generale iussum : cf. infra), les démentis à la prohibition décemvirale se présentent en masse. On n’eut aucune peine à accumuler les exemples de lois ne concernant pas le peuple tout entier : la récompense votée en faveur de la dénonciatrice des mystères bachiques (Liv. 39.19) ; les concessions individuelles ou collectives de citoyenneté ; des distributions agraires ; les exemptions de charges fiscales ou militaires ; l’organisation de quaestiones extraordinariae pour réprimer l’inceste de Vestales nommément désignées. Il est clair que toutes ces mesures sont, en un sens, individuelles, mais qu’elles ne tombaient pas sous le coup de la prohibition décemvirale. Au lieu de chercher une autre interprétation du privilegium, la majorité de la doctrine a mis en cause cette prohibition : tardive et subrepticement insérée dans les XII T., elle serait porteuse de concepts tardo-hellénistiques (Wieacker RRG I, 279), ou inappliquée et douteuse : Mommsen Strafr. 172, 509-510 ; Legras (1908) 584-588 ; Bleicken (1975) 100 s., 129 s., 202-203  (et cf.  Frezza [1979] 309-311) ; Magdelain (1978) 81-82 ; Ducos (1984) 59-64 ; Guarino (1980) 109. Une autre explication fut tentée, respectueuse cette fois de l’authenticité de la prohibition. On pensa la trouver dans le rapprochement (poussé jusqu’à la confusion) des deux préceptes jumeaux cités par Cicéron, privilegia… et de capite civis…, replacés tous deux dans le contexte de la révolution plébéienne. Interdire à la plèbe les ‘décisions privées’, au sens de ‘Sondergesetze’, de mesures émanant d’une fraction de la cité et ne visant (comme on l’affirmait pour les plébiscites) qu’une

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fraction de la cité, et réserver la peine de mort aux centuries reviendrait au même. Il s’agissait de placer la cité à l’abri des sentences capitales rendues par les conciles plébéiens, mesures particulières, car n’émanant pas du populus. La prohibition aurait condamné la Lynchjustiz plébéienne, condamnation respectée par la suite. En ce sens, Siber (1936-1) 3-4, 18-20 ; Id. (1936-2) 26-28 (dissociant cependant 9.1 et 9.2) ; Id. (1951-1) 178 ; Heuss (1944) 116-118 ; Lübtow (1955) 95-96 ; Bleicken (1955) 107 ; Id. (1959-1) 352 ; Id. (1975) 202-203 ; Kunkel (1962) 31 et n. 100. Mais cette tentative de solution ne paraît pas acceptable, pour trois raisons : 1) Cicéron ne manque pas, en citant à deux reprises l’interdiction décemvirale des privilegia (dom. 43 ; Sest. 65 ; sources a, b) de préciser que ses origines se trouvent autant dans les leges sacratae que dans les XII T. Ces lois sacrées ne peuvent être que les premières ‘leges’ plébéiennes (Festus, 422 L), la charte primordiale jurée sur le Mont Sacré. Attribuera-t-on à la constitution primitive de la plèbe la condamnation de l’activité répressive plébéienne ? 2) In privatos homines rogari ne convient pas à une forme expéditive de ‘justice’ par lynchage, qui n’est pas une forme de justice, mais un massacre tumultueux. Les termes employés par la prohibition (rogari/inrogari) ne s’appliquent, pour l’interdire, qu’à une instance décisoire constituée, formellement reconnue et légitime. On ne peut y voir une allusion, pour en condamner l’exercice, à une pseudo-justice. 3) Rapprocher 9.1 et 9.2 au point de conclure à une redondance dans la prohibition d’une justice criminelle plébéienne (‘Interdire les châtiments sommaires plébéiens’ et ‘Réserver aux comices centuriates les châtiments capitaux pour en priver les assemblées plébéiennes’), c’est dire deux fois la même chose. L’attribution exclusive du châtiment capital aux centuries coupait court de facto à toute ‘justice’ plébéienne. Inutile de le répéter. Il faut suivre une autre direction. Il suffit de relire la définition que Ateius Capito (ap. Gell. 10.20.2, source f, mais qui n’a pas compris la pensée du juriste) donne de la lex : un generale iussum. L’expression ne peut se comprendre, comme le fait Aulu-Gelle, comme ‘une disposition s’appliquant à tous’. Mais elle correspond exactement au iussum in omnes qui permet à Cicéron (leg. 3.44, source d) d’opposer la loi au privilegium. Par generale ou in omnes, c’est l’essence du iussum qui est qualifiée : servir l’intérêt général. On voit alors ce qui oppose ce dernier aux leges in privatos homines, dictées par un intérêt particulier (inimitié personnelle ou faveur individuelle) et qui, seules dénoncées, entrent dans le concept républicain du privilegium. Ce n’est pas le nombre des destinataires qui importe, mais l’inspiration de la mesure, qu’elle relève de la juridiction ou de la législation.  En veut-on des exemples ? Par définition, tout législateur affirme ou feint de croire qu’il sert l’intérêt général. Le cas des lois viciées, car déviées par une préoccupation personnelle, ne peut qu’être rarissime. Cicéron le reconnaît (dom. 43,

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source a). Outre les lois de Clodius, on ne peut, de fait, n’en citer que quelques très rares exemples (Humbert (1995-1) 157-158 = 262-264). Faut-il attribuer aux décemvirs la conscience, exprimée sous la forme d’un précepte, mais dépourvu de sanction, que la loi, encore dans l’enfance, doit servir l’intérêt de la collectivité, que les comices soient réunis pour juger (poenam inrogare, iudicare) tout autant que pour légiférer (rogare) ? La réponse est positive. La table osque de Bantia, qui reprend des concepts de droit public romain probablement transmis par des chartes coloniales latines, révèle une conscience très vive de ce souci du bien collectif, opposé à l’égoïsme et au calcul individuel des autorités. À deux reprises : le magistrat qui bloque une réunion comitiale ou la renvoie à plus tard doit jurer que la mesure qu’il prend « est dictée par l’intérêt public et non par quelque mouvement personnel d’inimitié ou de reconnaissance » (se ea comitia magis rei publicae causa, quam cuiusquam gratiae aut inimicitiae causa … prohibere : source e). Et les comices locaux, convoqués pour prononcer la mort ou une peine d’amende, devront jurer, sous la responsabilité du magistrat, qu’ils se décideront en se laissant guider le mieux possible par le sentiment du bien commun (populi iurati sententiam dicant, se de iis sententiae dicere, quod optimum publicum censeat esse : ibid. source e). Si, comme il est très vraisemblable, cette disposition de Bantia, tralatice (et dont on retrouve l’écho dans la loi municipale d’Irni, cap. 79, prescrivant aux municipes de jurer, avant de décider une distribution de pecunia communis, qu’ils n’ont pris en considération que l’intérêt collectif : eam sententiam laturos quam maxime e re communi municipum esse censeant), s’est inspirée du statut de la colonie de Venusia (fondée en 291), elle-même déduite sur le modèle de la col. lat. de Calès (fondée en 334), on parvient au milieu du IVe s. : v. Humbert (1995-1) 155 n. 10 = 260 n. 10 ; Kremer (2006) 81. Un siècle seulement nous sépare des XII T. La distinction publicus / privatus nous paraît être, en conclusion, au cœur de l’avertissement décemviral. Même si l’organisation du droit autour des concepts de ius publicum et ius privatum est récente (Kaser (1986) 56 s.), les concepts différenciés, antagonistes, de publicus et de privatus (comme celui de sacrum : cf. le Lapis Niger) doivent remonter beaucoup plus haut. Il n’est pas exclu que l’on y retrouve le reflet de l’idéologie de l’isonomia, inspiratrice de la législation décemvirale. Le mot privilegium est de facture trop récente ou trop évoluée pour avoir figuré dans la loi. Cicéron ne l’affirme d’ailleurs pas. Au contraire. Le terme privilegium l’aide seulement à traduire élégamment une expression qui a toutes les chances de reproduire les termes de la loi : leges privatis hominibus inrogari : id est enim privilegium (dom. 43, source a) et in privatos homines leges ferri noluerunt : id est enim privilegium (leg. 3.44, source d). Privi (cf. Festus, source g) à la place de privati homines s’impose. Pour le reste, on ne peut trancher entre privis (ou

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in privos) leges poenamve ne roganto (ou inroganto) et privis (in privos) ne roganto (inroganto). Rogare serait plus à même de qualifier l’activité législative du magistrat, et inrogare son activité juridictionnelle. Mais on ne peut exclure l’emploi de rogare /inrogare avec une valeur absolue, sans objet exprimé, comme le fit Cicéron dans son pastiche de style législatif archaïque (leg. 3.6) : cum magistratus iudicassit inrogassitve. Si le verset 9.2 a pu fournir un modèle, on pourrait proposer pour la reconstitution de 9.1 : Privis (ou in privos) ne roganto (ou inroganto) 2. – De capite civis nisi per maximum comitiatum ne ferunto (9.2) L’attribution aux XII T. et surtout l’interprétation de ce verset, pierre angulaire des reconstitutions modernes du droit criminel républicain, sont des plus discutées. Avant d’en venir à des questions de fond, on écartera d’abord les accusations de falsification, destinées à écarter des témoins gênants. Les témoignages de Cicéron (Sest. 65 ; leg. 3.11 et 44 ; rep. 2.54 – sources b, c, d, h) sont globalement fiables. Quant à l’expression surprenante transmise par Cicéron de comitiatus maximus, son sens a été définitivement éclairé par Gabba (1986) 44-47 ; Id. (1987) – et cf.  Albanese (1988-1) 1689 s. - : il faut comprendre ‘l’assemblée comitiale réunissant le plus grand nombre (possible ?) de citoyens’. L’allusion aux comices centuriates est claire. Position isolée ici de Siber (1937) suggérant les comices curiates. Tombe alors l’interprétation maximus = souverain, sur laquelle se fondait Magdelain (1969) 280-286 = 334339 ; Id. (1987-1)140-146 = 540-544 pour dater après le IIIe s. ce verset, dans l’idée que les comices n’auraient pu prétendre à la ‘souveraineté’ qu’après les dernières réformes de l’auctoritas senatus. L’expression est donc authentique. Une fois admise la solidité de la tradition textuelle, les difficultés d’interprétation commencent. On peut distinguer quatre axes majeurs. 2. – 1. La compétence générale des comices dans le châtiment des crimes capitaux Cette lecture encore dominante (bien que de moins en moins) remonte à la systématique mommsénienne. Selon cette analyse, le verset édicte l’interdiction absolue faite aux titulaires de l’imperium de juger les crimes capitaux (res capitales), qu’ils soient de droit commun (meurtre ou parricidium et crimes assimilés : empoisonnement et magie, faux témoignage…) ou politiques (proditio ou perduellio). Ces crimes relèvent de la juridiction comitiale. Les centuries, depuis 509 ou 450, ont acquis le pouvoir exclusif de prononcer la mort, à l’exclusion de tout autre organe (magistrat ou assemblée, formelle ou non). Le iussum populi (a contrario : iniussu populi : ainsi Pomponius, source l) qualifie

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le vote des centuries prononçant la mort. Le moment essentiel qui déplaça de l’imperium (d’abord royal, puis consulaire) vers le peuple cette compétence fondamentale fut placé par Mommsen dans la première lex Valeria de provocatione de 509. Selon cette analyse, provocatio ad populum et juridiction criminelle comitiale s’identifient. Les XII T., par le verset 9.2, ont simplement maintenu les acquis d’une réforme née avec les débuts de la République : Mommsen Jur. Schrift. III (1844) 486 ; Id. Staatsr. I, 164 ; II, 537-539 ; Id. Strafr. 154-156, 162 n.  2, 168-172, 615. Analyse conservée chez les auteurs plus récents comme : Jones (1972) 1-32 ; De Martino (1972) 174-175 ; Tondo (1981) 144 ; Santalucia (1984-2) 262-263 ; Id.(1988-1) ; Id. (1998) passim ; Garofalo (1985) ; Id. 1987 ; Id. 1988 ; Id. 1989 ; Id. 1990 ; Spagnuolo Vigorita (2001). Différemment, sans remettre en question la compétence générale et absolue des comices centuriates à prononcer la mort, Humbert (1988) (après Zumpt [1865-1868], Greenidge [1901] 306-310, 344 s. ; Brecht [1938] ; Id. [1939] a : 1) distingué juridiction comitiale et provocatio ; 2) attribué à l’initiative plébéienne (et non à des pseudo lois de provocatio, apocryphes avant la seule loi authentique de 300) les coups décisifs portés contre le pouvoir de l’imperium de prononcer la mort domi ; 3) placé en 450, avec la législation décemvirale, l’avènement de ce pouvoir nouveau reconnu aux centuries. En faveur de la compétence comitiale, devenue exclusive, il y a des arguments textuels. 2. – 1. – 1. S’il est vrai que les versions que Cicéron donne du verset dans un premier temps (Sest. et leg., sources b, c, d) peuvent s’accorder avec la thèse minimaliste (infra 2.-2), qui n’attribuerait la peine de mort aux centuries que pour en exclure d’autres assemblées, notamment plébéiennes, il n’en n’est pas de même pour le de rep. (sources h et i). Quand Cicéron affirme que la ‘provocatio’ (à corriger par ‘jugement comitial’ : car Cicéron, comme Tite-Live (source k), assimile, dans un raccourci repris par Mommsen, juridiction capitale et procès provocatoire (de même leg. 3.6 ; 3.27) – v. sur cette confusion, Humbert cit. 459-462 = 193-196) était organisée par la loi ‘pour tout jugement et pour toute peine’ (ab omni iudicio poenaque), il est difficile de ne pas en déduire que, pour Cicéron au moins : 1) ces ‘nombreux’ versets se confondent avec tous ceux qui édictent la peine de mort ; 2) il s’agit de crimes (de droit commun ou politiques) légalement qualifiés par les XII T. ; 3) le lien entre peine de mort et juridiction comitiale est nécessaire – car provocari ne peut se référer qu’à un acte de juridiction – ; 4) tous les crimes capitaux conduisent à une procédure comitiale, que Cicéron appelle provocatio. Il semble exclu, en conclusion, que, pour s’accorder avec une nouvelle analyse séduisante de la justice criminelle (infra 2.–4), on puisse comprendre Cicéron de cette manière : ‘tous les crimes légalement définis admettent implicitement la faculté pour le magistrat

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de sortir de la loi pénale et d’ouvrir, dans ce cas, un procès comitial’. On conçoit mal qu’une loi pénale, comme l’est la loi des XII T., prévoie comme un principe fondamental le droit du magistrat d’y déroger et d’organiser une procédure destinée à contourner la loi positive. L’histoire du bon décemvir C. Iulius (sources i et k), commune à Cicéron et à Tite-Live, confirme cette analyse. Le meurtre (parricidium), crime de droit commun certainement réprimé, sinon qualifié par les XII T. (8.24 et 9.4), perpétré par l’accusé Sergius, aurait dû être porté directement devant le décemvir C. Iulius. Or, celui-ci, soucieux de respecter une loi (sa loi : celle des XII T.) dont il était dispensé (la provocatio, confondue ici encore avec la compétence criminelle des comices, était suspendue du fait de la suppression du tribunat de la plèbe), confie néanmoins la res capitalis à la juridiction comitiale. Dans cet exemplum, reconstitué mais significatif, on voit que juridiction comitiale et peine de mort sont désormais indissociables pour tout crime puni par la loi du châtiment capital. Dans le même esprit, on citera l’exemple (tout aussi construit à des fins de démonstration) de Volscius Fictor. Dans une affaire relevant d’une action privée de meurtre (Kunkel [1967] ; Jones [1972] 38 s.), les efforts de la plèbe, initiatrice d’une juridiction populaire, sont couronnés de succès : un jugement comitial (questorien) est mis sur pied. La justice consulaire, fondée sur l’imperium (action privée relevant d’un sacramentum) a été mise en échec au profit d’une nouvelle procédure criminelle : celle qui triomphe avec XII T. 9.2 : Humbert (1995-2) 171-172 = 249-250. 2. – 1. – 2. Le morceau d’histoire juridique composé par Pomponius (source l) a gêné. Il attribue à une loi (qui ne peut être que la pseudo loi Valeria de 509) une rupture significative dans l’histoire de la juridiction criminelle. Cette loi aurait soumis les consuls à la provocatio (où l’on retrouve toujours la même confusion entre la provocatio et la juridiction criminelle comitiale), de sorte « qu’ils ne pussent prononcer la mort d’un citoyen iniussu populi et qu’il ne leur restât plus que le pouvoir d’infliger des peines disciplinaires (coercere) et de procéder à des arrestations ». La lecture immédiate de ce fragment incite à voir dans cette réforme le transfert de la juridiction criminelle consulaire (animadversio) à la compétence (iussu) du peuple. Le consul, privé des res capitales (légalement qualifiées et réprimées : s’il n’y avait pas en amont une loi pénale d’incrimination, il ne s’agirait pas d’une animadversio), ne dispose plus que d’un pouvoir disciplinaire, arbitraire, de nature policière, mais soumis à la provocatio. Une autre lecture (infra) semble difficile, tant la pensée en serait contournée : les consuls conserveraient intact leur pouvoir de prononcer la mort, mais uniquement dans la mesure où un texte légal (sens qu’il conviendrait de donner à iussu populi) incriminerait l’acte et en ferait une res capitalis. Et lorsque la loi serait

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muette, les consuls ne pourraient se prononcer qu’à la condition de se démettre au profit du peuple qui, par un iussum de nature législative et judiciaire à la fois, incriminerait l’acte et le jugerait (à la place du consul, mais dont on ne peut plus dire, dans ce cas, qu’il juge de capite civis). Selon cette lecture en spirale, trois hypothèses ouvriraient au consul le pouvoir de prononcer la mort : 1) en cas de res capitalis légalement définie ; 2) en dehors de ces cas, mais en laissant au peuple le soin de définir le crime et de le juger ; 3) dans le domaine de la coercitio, mais soumise à la provocatio (au sens techniquement exact du terme). Cette lecture ne nous paraît pas possible. 2. – 1. – 3. Pomponius apporte une précision (ibid. § 23). Il associe logiquement et chronologiquement à cette réforme la création des quaestores chargés des affaires capitales : quia de capite civis Romani iniussu populi non erat lege permissum consulibus ius dicere, constituebantur a populo quaestores, qui capitalibus rebus praeessent. Il était tentant de voir dans ces questeurs du meurtre, mentionnés par les XII T. (9.4), les magistrats ordinaires chargés d’accuser, d’instruire les crimes et de formuler la peine (sens de praeesse) pour soumettre celle-ci à la délibération des comices (iussum populi). Mommsen avait reconnu dans ces questeurs les suppléants des consuls, délaissant entre les mains de ces magistrats (de rang élevé, mais ne risquant pas, en cas de désaveu populaire, de mettre en jeu la dignité de l’imperium) la fonction subalterne d’instruire, mais non pas de juger souverainement. Quelques exemples (historiques ou pas, peu importe) de procès comitiaux-questoriens illustrent ce schéma qui aurait vu le jour par l’effet des XII T. (Liv. 2.41.10 ; 5.32.8-9 ; Dion. Hal. 8.79 ; Val. Max. 5.8.2 ; Plin.  nat. 34.15 ; on peut ajouter Liv. 3.24.3, 25.2, 29.6 annonciateurs des réformes décemvirales). L’imperium des consuls aurait ainsi subi une double atteinte : à la fois par l’introduction du principe de la légalité des peines qui contraint les consuls, premiers destinataires de la loi, à en respecter les dispositions ; à la fois par le renvoi au peuple de la peine de mort, même pour les crimes définis comme capitaux par la loi. 2. – 1. – 4. Il faut cependant reconnaître que, malgré l’appui des sources, cette reconstitution se heurte à des objections très fortes, auxquelles aucune réponse n’a jusqu’ici été trouvée. La première, consistante, tient à l’impossibilité matérielle d’attribuer aux centuries la charge de la répression capitale ordinaire. La lourdeur des convocations, la durée des débats, le nombre restreint des jours comitiaux contraindraient à limiter à une dizaine d’affaires capitales par an l’activité criminelle des comices (v. ici fermement et justement Mantovani [1990] 28-29). À cette objection majeure, ressentie depuis longtemps, on a tenté de trouver une parade. En cas de flagrance ou d’aveu (ainsi Zumpt [1865] 170 s. ; Mommsen Strafr. 804; Santalucia [1994] 15-16 ; Id. [1998] 89-97 ;

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Garofalo [1990-1]), la justice céderait la place à une exécution sommaire ; ou encore l’appel (à partir du IIIe s.) à des magistrats inférieurs (les triumviri capitales), liquidant de manière expéditive les crimes des bas-fonds (Kunkel [1968] 118-124, allégerait d’autant la charge des centuries. Mais l’objection reste entière. À cela s’ajoute l’absence d’exemple illustrant le jugement par les centuries d’un crime légalement qualifié (ainsi Mantovani [1990] 35-45). Il est vrai que l’on a pensé en trouver chez Plaute (Aul. 700 ; Pseud. 1232 ; Truc. 819) : Santalucia (1979) 110 n. 24 ; Id. (1988-1) 134-140 ; Pugliese (1982) 661 n.14 ; Magdelain (19871) 165 = 565 ; Garofalo (1990-1) 377. Contra Mantovani (1991) 612-613 : outrances caricaturales sans valeur. Le système d’inspiration mommsénienne souffre encore d’un autre défaut : il est incapable d’assurer un lien avec le fonctionnement plus récent des quaestiones, procédures criminelles d’enquête et de jugement confiées à un préteur prononçant la mort sans la participation du peuple. Cette solution de continuité a été perçue par tous : elle reste encore inexpliquée. 2. – 2. L’interprétation politique et minimaliste de ‘nisi per maximum comitiatum ne ferunto’ Pour échapper aux difficultés de la thèse mommsénienne, certains ont donné au verset une tout autre signification. Le code n’affirmerait pas de manière absolue que seul le peuple doit, à la place du consul, prononcer la mort, mais disposerait que, quand le peuple est appelé à se prononcer en matière capitale, seules les centuries seraient compétentes. La compétence reconnue à ces comices serait seulement relative. L’objectif de la prescription légale serait en fait de condamner toute prétention plébéienne à prononcer la mort. La disposition ne serait pas dirigée contre le pouvoir consulaire mais contre la plèbe. En ce sens, Heuss (1944) 115 s. ; Bleicken (1955) 107-119 ; Id. (1959-1) 351-352 ; Id. (1959-2) 2447 ; Wieacker (1967) 304 ; Id. RRG 227 n.  31 ; Kunkel (1962) 31 et n.  100 ; Amirante (1983) 11-12. Mais cette lecture n’a pas convaincu, à juste titre. La loi ne pouvait se dispenser de préciser quand les centuries seraient compétentes. Déclarer que, quand les centuries sont compétentes (mais sans dire quand elles le sont), elles sont compétentes à l’exclusion de tout autre formation populaire (notamment la masse plébéienne qui ne prétend pas être le populus), n’a guère de sens. 2. – 3. Rejet de la compétence comitiale au profit d’une action privée de meurtre Kunkel tenta de surmonter les faiblesses de la reconstitution de Mommsen.  Au principe d’une juridiction comitiale, Kunkel (1962) substitua, pour les crimes de droit commun, l’hypothèse d’une action privée empruntant la procédure de la legis actio (en ce sens déjà Heuss

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[1944] 96-97). Le meurtre et les crimes assimilés deviennent des crimes privés : le magistrat (consul ou questeurs, puis préteur) prononce l’addictio du coupable remis aux parents de la victime pour être mis à mort. L’écueil d’une activité juridictionnelle comitiale illimitée était certes évité, mais des objections décisives ont été apportées, outre l’absence de témoignage (mais c’est une faiblesse qui vaut pour toutes les reconstitutions modernes, les sources n’ayant quasiment pas conservé le souvenir d’une seule instance criminelle capitale !) : Crifò (1964) 97 s. ; Jones (1972) 1-32 ; Pugliese (1963-1) 170 s. ; Id. (1980) 270 s. ; Magdelain (1986) 332-334 = 68-69 ; Mantovani (1990) 20 n. 4. La thèse de Kunkel fut prolongée par Lovisi (1999) 72-76, 88, qui intégra les questeurs du parricide dans le schéma d’une action privée. Mais il semble difficile d’affecter ces magistrats au rôle d’administrateurs passifs de la peine de mort, chargés de surveiller l’exécution des condamnés, suppliciés de la main même des parents de la victime. 2. – 4. Le préteur, juge criminel de droit commun Cette thèse marque un progrès certain dans l’étude du droit criminel républicain. Rompant avec la vision de Mommsen, pour qui les comices centuriates sont le juge criminel ordinaire, Mantovani (1989) attribue cette fonction au préteur (aux questeurs avant 367, aux préteurs urbain et pérégrin après 241). Ces magistrats jugent les crimes capitaux de droit commun et les crimes politiques (proditio) ; ils prononcent la mort, mais dans la mesure seulement où un texte légal a qualifié le crime de res capitalis et a édicté la peine. Le populus n’est donc pas absent de la juridiction criminelle : il y serait même omniprésent puisque l’activité du préteur se déroule conformément à la loi pénale (sens de iussum populi). Et si, d’aventure, le magistrat décidait de poursuivre un comportement dénué d’une loi précise d’incrimination, les limites de sa compétence criminelle le lui interdiraient (de capite civis iniussu populi ne roganto). Mais il reste toujours la possibilité de confier l’affaire directement au peuple qui, dans un iussum d’essence législative et juridictionnelle à la fois, décidera (éventuellement) d’incriminer l’acte, d’édicter la peine (la mort) et de juger la culpabilité de l’accusé. Simplement, ce recours ultime au peuple est réservé aux comices centuriates (de capite civis nisi comitiis centuriatis ne ferunto). La poursuite criminelle républicaine reflète une dichotomie radicale. Tous les cas attestés d’une juridiction criminelle exercée directement par le préteur (témoignages cités par Mantovani cit. 36-41) ou par les consuls dans le cadre d’une quaestio décidée par le sénat (Mantovani 14-29) répondent à des poursuites fondées sur une loi pénale précise (les XII T.) ; et les comices n’interviennent jamais. Par contre, dès que le magistrat s’évade du carcan législatif (par exemple pour la perduellio que jamais aucune loi n’a pris le risque de qualifier), la convocation des comices, dans la quête du iussum nécessaire est avérée.

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Cette thèse très neuve, qui a suscité des objections (Garofalo [1990] ; réponses pertinentes de Mantovani [1991] ; réserves de Venturini [1993] 98-100) et des adhésions (Giuffrè [1991] 57) marque un réel progrès. Elle est cohérente avec le calendrier comitial ; étayée par des sources solides, elle est justifiée par des illustrations précises ; elle établit un lien continu entre la pratique républicaine archaïque et la procédure criminelle médio et tardo-républicaine, qui, avec les quaestiones, ignore complètement le jugement comitial pour toutes les affaires criminelles fondées sur une loi pénale. La participation des comices à la peine de mort, cantonnée à des cas limites, retrouve une place exceptionnelle. Mais le principe est sauf. Le populus, appelé à écrire la loi pénale et à en colmater, au coup par coup, les lacunes, reste le maître exclusif de la peine de mort. Toutes les difficultés ne sont pas encore surmontées. Le verset décemviral, tel que l’a transmis la tradition cicéronienne, est inadapté. De capite civis ne roganto ne peut se référer à l’activité criminelle ordinaire du magistrat, qui se déroulerait en dehors des comices, parce qu’elle serait ‘légalement fondée’. Rogari n’a de sens que si le magistrat se trouve devant le peuple. Il faudrait comprendre : lorsque le iussum initial ou la loi pénale originelle fait défaut. Mais à quoi servirait alors l’interdiction ‘nisi per comitiatum maximum’ ? Si l’on opte pour une formulation différente, plus proche de celle dont Pomponius s’inspire, ‘neve possent animadvertere iniussu populi’, il faudrait reconnaître aux décemvirs une capacité d’abstraction surprenante et donner à iussum populi une double portée : une référence à la fois à la loi pénale d’incrimination, à la fois à l’intervention du peuple pour qualifier le crime et le punir en l’absence d’une loi d’incrimination. Les sources (Cic. rep. : h et i ; Liv.  : k ; Pomp. : l) résistent à cette subtilité dogmatique (cf. supra 2.-1.-1.). De même, la célèbre expression de Polybe (6.11.2), qui affirme que le peuple est le seul appelé à juger les affaires capitales, se réfère uniquement à la juridiction du peuple et ne peut signifier que le peuple est maître de toute peine de mort (cf.  Garofalo [1997] 291-292) parce qu’il serait l’auteur des lois pénales.

IX. 3

9. 3 – :  Aulus Gellius Noctes Atticae 20.1.7-8 : (7) Dure autem scriptum esse in istis legibus quid existimari potest ? nisi duram esse legem putas, quae iudicem arbitrumve iure datum, qui ob rem dicendam pecuniam accepisse convictus est, capite poenitur […]. (8) Dic enim, quaeso, dic, vir sapientiae studiosissime, an aut iudicis illius perfidiam contra omnia iura divina atque humana iusiurandum suum pecunia vendentis [...] non dignam esse capitis poena existumes ?

: (7) Où trouverait-on dans ces lois la dureté que tu dénonces ? À moins que tu ne juges dure cette loi qui punit de mort le juge ou l’arbitre, nommé par le magistrat, qui a été convaincu d’avoir reçu de l’argent pour trancher le litige ? (8) Dis moi donc, je te prie, toi qui cultives la sagesse à ce point, dis moi si le parjure de ce juge qui, au mépris de tous les droits humains et divins, trafique pour de l’argent son serment, ne mérite t-il pas la peine de mort ?

Source principale L’allusion au verset des XII T., selon ce témoignage unique, provient du célèbre débat qui opposa le juriste Sextus Caecilius Africanus et le philosophe Favorinus, qui soutenaient, l’un le laxisme, l’autre la dureté excessive de la législation décemvirale. Sur cette confrontation, Casavola (1980) 4-106 ; sur Africanus, Kunkel (1967-2) 172-173 ; Liebs, in Herzog-Lebrecht-Schmidt, IV (1997) § 415.2; sur Favorinus, ibid. §§ 408, 459. Les ms. donnent dicendam. Les tentatives de correction par iudicandam ou ducendam ne sont pas nécessaires. Sources complémentaires a) Cicero Pro Cluentio 121 : Itaque non solum illud ostendam quod iam videtis, populi Romani suffragiis saepe numero censorias subscriptiones esse deletas, verum etiam iudiciis eorum qui iurati statuere maiore cum religione et diligentia debuerunt. [ « Je ne me contenterai pas de montrer, Juges, ce que

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vous voyez bien ; maintes fois les votes du peuple romain ont effacé les blâmes des censeurs, comme l’ont fait aussi les jugements de ceux qui, par la force de leur serment, ont dû se prononcer avec encore plus de scrupule et de conscience »]. La décision du juge, qui se prononce en conscience par l’effet de son serment, l’emporte sur le blâme du censeur qui n’est qu’une opinion. Restés fidèles à leur serment, les juges échappent à l’emprise de ces blâmes. b) Cicero De officiis 3.43-44 : (43) At neque contra rem publicam neque contra ius iurandum ac fidem amici causa vir bonus faciet, ne si iudex quidem erit de ipso amico […] (44) Cum vero iurato sententia dicenda sit, meminerit deum se adhibere testem, id est, ut ego arbitror, mentem suam, qua nihil homini dedit deus ipse divinius. [« L’homme de bien n’agira pas, à cause d’un ami, à l’encontre de l’État, ni à l’encontre de son serment et de la bonne foi, même s’il est le juge de son propre ami… (44) Mais lorsque, après avoir prêté serment, il doit prononcer son jugement, qu’il se souvienne qu’il prend la divinité à témoin, c’est-à-dire, je pense, qu’il prend à témoin sa propre raison, qui est ce que la divinité a donné à l’homme de plus divin »]. c) Cic. off. 3.111 : Nullum vinculum ad astringendam fidem iure iurando maiores artius esse voluerunt. Indicant leges in duodecim tabulis, indicant sacratae, indicant foedera […], indicant notiones animadversionesque censorum, qui nulla de re diligentius quam de iure iurando iudicabant. [« Les Anciens ont voulu qu’il n’y eût pas de lien plus efficace que le serment pour contraindre à respecter la parole donnée. C’est ce que prouvent les lois des XII T., c’est ce que prouvent les lois sacrées, ainsi que les traités, c’est ce que prouvent encore les enquêtes et les blâmes des censeurs, qui ne jugeaient rien de plus attentivement que les serments »]. Cette allusion aux XII T., ‘fragment de place incertaine’, peut concerner 9.3, aussi bien que 8.21, 8.22 et 8.23. d) Tabulae Irnitanae, cap. 69 et 91 : (69) […] priusquam sententias ferant, quisque eorum iuret per Iovem et divom Aug. […] se, quod aequum bonumque et maxime e re communi eius municipi esse censeat, iudicaturum. (91) […] diem diffindendi, dies diffisos iurandi, antequam iudicent, iudicandi litem aestumandi, per quos dies et ubi ex h(ac) l(ege) licebit oportebit [...] [« Qu’avant de prononcer leurs sentences, chacun d’entre eux (décurions et conscripti appelés à constituer les jurys vidant les litiges entre le municipe et

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un habitant du lieu) jure par Jupiter et par le divin Auguste… qu’il prononcera son jugement selon ce qu’il estimera être bon et juste et surtout en considération de l’intérêt commun de ce municipe. (91) En cas de report d’audience, que les juges jurent, avant d’avoir rendu leur sentence, d’avoir procédé au report dans le respect des délais et en conformité avec les motifs d’ajournement légalement prévus »]. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Le crime du juge : public ou privé ? 2. – La corruption du juge dans un procès criminel. 3. – Le serment du iudex et la sanction du ‘litem suam facere’. Les termes employés par la loi pour désigner l’auteur du crime, iudex arbiterve, visent nécessairement (mais peut-être pas exclusivement) le iudex privatus désigné par le magistrat (in iure datus) dans une instance privée : Voigt XII T. I, 519 n. 23 ; Magdelain (1980) 275-279 = 648-651, sur la double fonction de jugement (iudex) et d’estimation (arbiter) du juge privé. La peine fulminée contre le juge qui s’est laissé acheter est la mort. À partir de ces données sûres (les doutes de Lamberti [1990] 219223 sur l’authenticité du verset ne sont pas fondés ; v. Burdese [1998] 58), on peut hésiter sur :1) la nature, privée ou publique, du crime ; 2) son extension au cas d’un procès non plus privé, mais criminel, tranché par un juge corrompu ; 3) les liens éventuels entre cette prescription décemvirale et le comportement du juge qui ‘fait le procès sien’ à la suite d’un détournement dolosif ou d’une violation flagrante des règles de procédure. 1. – La nature du crime Mommsen Strafr. 668-669 suggéra qu’il s’agissait d’un crime privé, perpétré au cours d’une procédure privée, poursuivi par la victime et non, comme le serait un crime public, instruit d’office par le magistrat. Mommsen se fondait sur la nature de la peine, qui, comme on en convient unanimement, consistait en la précipitation de la Roche Tarpéienne (peine commune à ce crime et au faux témoignage : XII T. 8.23) – Voigt XII T., II, 813 - et que Mommsen définissait comme un peine privée. L’action aurait conduit à remettre à la victime le coupable afin de faire subir à celui-ci le supplice prévu. Dans le sillage de Mommsen, Kunkel (1962) 42 et n.  159 ; MacCormack (1982) 4-5 ; Guarino (1988) 99-100. Sur la peine frappant le parjure (perfidia, periurium), vouant primitivement le coupable, déclaré sacer, aux divinités infernales : supra XII T. 8.23 ; Voigt XII T. I, 554-556 (et réf. n. 11 et 12) ; Id. (1871-1875) III.1, 230 (et réf.) ; Latte (1931-1) 353-355. La permanence du serment

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du juge est largement attestée : Gell. 20.1.8 (cité supra) rattache la mise à mort du juge corrompu à la violation des lois divines et humaines auxquelles le serment du juge fait appel. De même, Cic. off. 3.43-44, 111 (sources b, c) ; Cluent. 121 (source a) ; l. Irn.  (source d). Sur le double serment du juge dans un procès de repetundis, voir Tabulae Bembinae (= l. Acilia repetund.) l. 36-38, 44 ; Behrends (1970) 16 n. 64. Mais si l’on doit considérer comme établis, et le serment du juge et sa sanction primitive (praecipitari e saxo), la déduction qu’en tirait Mommsen sur le caractère privé de la peine et de l’action contre le juge corrompu ne semble pas fondée (cf.  8.23 pour le caractère public de la peine du praecipitari). Le crime de parjure et sa sanction suffisent à faire de la corruption (passive) du juge un crime public. Même conclusion avec d’autres arguments pour Magdelain (1986) 338-339 = 63-64 : le juge corrompu, par le jugement civil qu’il prononce, provoque la mort d’un innocent (menacé du ‘in partes secanto’) : il est assimilé à un meurtrier. L’action est donc celle du meurtre (parricidium), de caractère public. De même Burdese (1966) 349-352 ; Id. (1998) 58 ; Santalucia (1988-2) 30. Jones (1972) 38 ne se prononce pas. 2. – La corruption du juge dans un procès criminel La norme fixée par 9.3 valait-elle aussi pour le juge (et pour le magistrat ?) engagé dans une instance criminelle ? Zumpt (1865) I.1, 385-387 l’affirma, mais sans autre argument que la gravité particulière de la vénalité dans une instance capitale. À vrai dire on ne dispose pas de preuves directes en faveur de cette ambivalence, mais celle-ci nous semble s’imposer à partir de plusieurs indices. Il y a d’abord la sanction parallèle du faux témoignage (8.23) qui s’applique en matière civile comme en matière criminelle. On invoquera en second lieu la législation syllanienne (lex Cornelia de sicariis et veneficis) qui assimile au meurtre la corruption du juge dans une instance criminelle (Marcian. 14 Inst. D. 48.8.1.1). La loi a sans doute maintenu la qualification antérieure, abandonnant seulement l’hypothèse (rapidement tombée en désuétude) de la corruption dans un procès privé. Le cas de Hostilius Tubulus, préteur corrompu (cepit pecunias ob rem iudicandam), qui présidait une quaestio de sicariis (Cic. fin.  2.54 ; nat. deor. 3.74), est plus délicat. Cette affaire concerne un magistrat et non pas un juge. Une quaestio extraordinaria fut décidée par le sénat pour le juger, mais après le vote d’un plébiscite (lex Mucia, à l’initiative du tr. pl. P. Mucius Scaevola) en 141 pour juger et condamner le préteur corrompu. Le vote d’une loi préalable à la décision du sénat d’organiser une quaestio pour juger le magistrat coupable pourrait être le signe qu’il n’existait pas de qualification légale antérieure : ainsi Mommsen Strafr. 197 et n.  2 ; 203 n.  1. Mais on a pu relever l’arrière plan politique de cette incrimination (Gruen [1968] 29-31). De même, le fait

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qu’il se fût agi, non pas d’un juge corrompu, mais d’un magistrat (un préteur présidant une quaestio), suffirait à expliquer la nécessité d’une loi d’incrimination : ainsi Mantovani (1989) 8-10, 14-33, 204-206. Sur cette affaire, v. encore Münzer, in RE 8.2 (1913) 2514-2515 ; StrachanDavidson (1912) II, 135-136 ; Alexander (1990) n° 5 ; Venturini (1979) 181-185 ; Id. (1996) 127-128. La tradition du serment du juge (et non du magistrat président) s’est maintenue en matière criminelle durant toute la République : Tab. Bembinae (deux serments distincts : l’un pro rostris in forum, l. 36/  37 ; l’autre (in consilium an]tequam (ioudices) ibunt ; Cic. Cluent. 121, source a). On peut penser, en conclusion, que le juge corrompu (et non le magistrat, contra Kelly [1966] 34), en matière civile et en matière criminelle, tombait sous le coup de la peine prévue par 9.3. 3. – Serment du ‘iudex’ et sanction du ‘litem suam facere’ Est-il possible d’établir un lien entre 9.3 et la sanction de nature édictale qui, à l’époque classique, frappe le juge coupable, par dol ou fraus, d’avoir ‘fait le procès sien’ et rendu une sentence partiale (ou refusé de condamner le défendeur) ? L’origine décemvirale de cette sanction des devoirs du juge en matière civile a été tantôt affirmée, tantôt niée. Parmi les partisans de la filiation décemvirale, une doctrine ancienne, remontant à Voigt XII T. I, 554, reprise par Karlowa RRG II, 1349, conservée par Petot (1912-1) 25-26 et, plus récemment, par MacCormack (1982) 4-5, a déduit de la liste des excuses légales fixées par la loi (2.2) et dispensant le juge de prononcer sa sentence à la date prescrite, la preuve qu’en cas de violation de ces règles processuelles, le juge subirait une sanction.  Le juge négligent ou acheté par le défendeur prendrait la place du défendeur injustement absous et subirait, à sa place, la manus iniectio en tant que iudicatus par substitution. On trouverait là le sens de l’expression, prise au pied de la lettre, litem suam facere. Le juge, à titre de peine, ‘fait le procès sien’, au sens de ‘prend la place du défendeur qu’il n’a pas voulu condamner’. Mais cette ingénieuse hypothèse a été justement repoussée : Lévy-Bruhl (1960) 222 ; De Martino (1988) 2-3 ; Lamberti (1990) 223-224 ; Burdese (1998) 54-56. Mais il y a une autre piste possible, qui relie directement 9.3 aux sanctions plus récentes (remodelées par l’édit) du fait de litem suam facere. À l’époque classique, la responsabilité du juge qui ne rend pas sa sentence ou ne la prononce pas dans les délais prescrits découle du serment qu’il a prononcé (le juge, de même que l’arbitre, jure de trancher le litige par une sentence) : Lamberti cit. 254-256 ; Burdese cit. 59-61. Or, ce serment a un contenu large : non seulement il engage le juge en cas d’absence injustifiée, ou en cas de violation des règles processuelles, mais aussi en cas de partialité : Lamberti 263 ; Burdese

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63 (obligation pour le juge de se prononcer conformément à l’aequum et bonum, notamment quand il doit trancher entre l’intérêt privé et l’intérêt municipal (lex Irnitana cap. 69 – source d). V. encore sur ce serment des juges Quint. Inst. Or. 5.6.4 ; Behrends (1970) 16 n.  24 ; Paricio (1987) 65-80 ; Kaser-Hackl RZPR 358 n. 35. Il nous paraît conforme à la vraisemblance d’établir une filiation entre l’obligation, pour le juge, de rendre une sentence à la date fixée (sanctionnée par l’édit, elle constitue la première mention attestée d’un juge qui ‘litem suam facit’ : Macr. Sat. 3.16.15 pour l’année 161 av. J.-C. : cf. De Martino cit. 4-7) et l’obligation de rendre une sentence impartiale exempte de toute corruption, bref, de placer dans le serment du juge, attesté des XII T. jusqu’à Aulu-Gelle, les fondements de sa responsabilité. La sanction de la violation de ce serment, en matière civile, a évolué. Peine sacrale de la précipitation e Tarpeio Saxo à l’origine, puis blâme infligé par la nota censoria à l’époque tardo-républicaine (Cic. Cluent. 121, source a), sans oublier l’action en réparation du préjudice subi par la partie lésée par la partialité du juge (Lenel EP3, 167-169). Il s’agit toujours d’assurer au mieux le respect du même serment.

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9. 4 – :  Pomponius libro singulari enchiridii D. 1.2.2.23 : Quia, ut diximus, de capite civis Romani iniussu populi non erat lege permissum consulibus ius dicere, propterea quaestores constituebantur a populo, qui capitalibus rebus praeessent : hi appellabantur QUAESTORES PARRICIDII, quorum etiam meminit lex duodecim tabularum.

: Puisque, comme nous l’avons dit, la loi n’avait pas permis aux consuls de prononcer par jugement la peine de mort contre un citoyen romain sans un vote du peuple, pour cette raison, des questeurs étaient désignés par le peuple pour prendre en charge les crimes capitaux. Ils portaient le nom de questeurs du meurtre. La loi des XII Tables en garde même le souvenir.



– Lydus De magistratibus 1.26 : Γάϊος τοίνυν ὁ νομικὸς ἐν τῷ ἐπιγραφομένῳ παρ’ αὐτοῦ ad legem XII tabularum, οἷον εἰς τὸν νόμον τοῦ δυοκαιδεκαδέλτου, αὐτοῖς ῥήμασι πρὸς ἑρμηνείαν ταῦτά φησιν· ‘… ἐπειδὴ δὲ περὶ κεφαλικῆς τιμωρίας οὐκ ἐξῆν τοῖς ἄρχουσι κατὰ ̔Ρωμαίου πολίτου ψηφίσασθαι, προεβλήθησαν κυαίστορες παρρικιδίου, ὡσανεὶ κριταὶ καὶ δικασταὶ τῶν πολίτας ἀνελόντων’.

: Le juriste Gaius, dans son commentaire ad legem XII tabularum, c’est-à-dire sur la loi des XII Tables, a donné son interprétation en employant ces mots mêmes : ‘Puisqu’il n’était pas permis aux magistrats de décider des peines capitales concernant un citoyen romain, on désignait des questeurs du parricide, pour être en quelque sorte les juges des meurtriers d’un citoyen’. [Sur la valeur de ce témoignage, infra, Reconstitution].

Sources complémentaires a) Varro De lingua Latina 5.81 : Quaestores a quaerendo, qui conquirerent publicas pecunias et maleficia, quae triumviri capitales nunc conquirunt [« Les questeurs, dont le nom vient de quaerere ‘rechercher’, rassemblent les deniers publics et conduisent sur les délits ces enquêtes, dont sont chargés aujourd’hui les triumvirs criminels »].

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b) Festus v° Quaestores 310 L ; Festus – Paul v° Parrici quaestores 247 L : Quaestores capitalibus, unde cidi appellantur. Parrici quaestores appellabantur, qui solebant creari causa rerum capitalium quaerendarum. Nam parricida non utique is, qui parentem occidisset, dicebatur, sed qualemcumque hominem indemnatum. Ita fuisse indicat lex Numae Pompili regis his composita verbis : ‘Si quis hominem liberum dolo sciens morti duit, paricidas esto’. [Traduction infra 9.6, source k]. c) Festus v° Sacer mons 422 L : At homo sacer is est, quem populus iudicavit ob maleficium ; neque fas est eum immolari, sed, qui occidit, parricidi non damnatur ; nam lege tribunicia prima cavetur, ‘si quis eum, qui eo plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit’. [Cf. infra 9.6, source l). d) Zonaras Epitome 7.13 (ap. Cassius Dio, fragm. 13, éd. Boissevain I, 40-41) : Κοιαίστωρας δ’ ἐκάλουν αὐτούς. οἳ πρῶτον μὲν τὰς θανασίμους δίκας ἐδίκαζον, ὅθεν καὶ τὴν προσηγορίαν ταύτην διὰ τὰς ἀνακρίσεις ἐσχήκασι καὶ διὰ τὴν τῆς ἀληθείᾳς τὴν ἐκ τῶν ἀνακρίσεων ζήτησιν· [« On leur avait donné le nom de quaestores. Ils connurent d’abord les actions capitales, d’où le nom qu’ils avaient reçu, du fait qu’ils procédaient à des enquêtes et recherchaient la vérité au moyen de leurs enquêtes »]. Création placée à l’époque de Publicola. Reconstitution On dispose, pour reconstituer, sinon les termes, du moins la portée du verset, de deux sources apparemment distinctes : le témoignage de Pomponius et celui que le fonctionnaire byzantin Lydus, dans son ouvrage de vulgarisation de magistratibus, rédigé après 552, prétend avoir trouvé dans un fragment non autrement conservé (il ne figure pas au Digeste) provenant du commentaire aux XII T. de Gaius. Outre l’invraisemblance de l’utilisation d’un exemplaire de ce commentaire au mépris de l’interdiction de l’empereur de recourir à toute littérature ancienne en dehors de ce que le Digeste avait recueilli, les doutes les plus certains ont été exprimés sur l’attribution à Gaius de la source de Lydus, dont le peu de sérieux dans son information historique n’est plus à démontrer. De fait, comme Dirksen (1827) en avait apporté la démonstration il y a près de deux siècles, c’est Pomponius que Lydus a

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recopié (et mal recopié). L’affirmation selon laquelle ‘les termes mêmes’ du juriste romain auraient été rapportés (constante, chez Lydus, en dépit de son travail dénué de rigueur et de scrupules scientifiques) ne doit pas tromper : des éléments essentiels du témoignage de Pomponius lui ont échappé. Ainsi ne retrouve-t-on pas la référence, majeure chez Pomponius, à l’intervention populaire, au iussum populi, dans la justice criminelle capitale ; la juridiction des ‘consuls’ est remplacée par un vague ‘magistrats’ ; l’indication de la loi (lege) qui, dans l’esprit de Pomponius (une lex Valeria de provocatione), a substitué la juridiction comitiale à la justice criminelle consulaire a été également omise ; le rôle reconnu aux questeurs du parricide par le juriste classique (qui capitalibus rebus praessent), enfin, a mis dans l’embarras son interprète tardif qui a tenté de se tirer d’affaire par un ‘en quelque sorte (ὡσανεὶ, habituel chez lui) κριταὶ καὶ δικασταὶ’, fautif, car la fonction des quaestores n’a jamais été celle de ‘juger’. Il n’y a donc aucune raison de vouloir compléter, voire corriger, Pomponius à l’aide de son écho, pâle, tardif et approximatif, en tentant d’y voir une source indépendante, qui plus est de s’efforcer d’y retrouver le Gaius des XII Tables. On ne dispose donc, pour rétablir ce que l’on pourrait attribuer aux XII T., que du témoignage de Pomponius. Sur la valeur de Lydus, voir la mise au point de Caimi (1984) 160174 (et bibliogr. antérieure) et surtout Cloud (1998) qui, après avoir soutenu (1971) la source gaïenne de Lydus, a révisé fondamentalement et définitivement son jugement et reconnu en Pomponius sa source exclusive. De même les éditeurs ancien ou récent du de mag. : R. Wünsch, (Teubner, Leipzig 1903) ; A.C. Bandy (Philadelphia 1983). Commentaire 1. – Parricidium, parricida, paricidas 1. – 1. L’interprétation traditionnelle de parricidium, homicide volontaire d’un citoyen, bien établie par les sources, s’impose. Sur le sens de liberum (loi dite de Numa, ap. Festus, source a), cf.  verset 9.6, Commentaire 2.1.1. L’évolution vers le sens restreint de parricide (meurtre d’un proche, ascendant ou descendant) est récente (cf.  Plut. Rom. 22.14). Peut-être faut-il la placer, et l’expliquer, au moment où, à la fin du IIe s. av. J.-C., la peine de mort ne fut plus réellement exécutée qu’à l’encontre du parricide proprement dit, alors que le meurtrier volontaire ‘ordinaire’ ne subissait plus que l’interdiction de l’eau et du feu (lex Cornelia de sicariis, à la suite de quaestiones antérieures). La procédure (jugement comitial pour le parricide, jurys des quaestiones pour les homicides volontaires) a peut-être contribué à isoler le parricide jusqu’à la lex Pompeia de parricidiis, qui étendit la peine du meurtre (interdiction) au meurtre parental. Aucun terme spécifique ne qualifie

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le meurtre à l’époque récente, après le transfert du sens de parricidium. L’interprétation de Thomas (1981), pour qui le parricidium aurait primitivement qualifié le meurtre d’un proche avant d’être étendu à l’homicide en général, se heurte à beaucoup d’objections. Sur le concept de parricidium, meurtre volontaire, voir le verset 8.24, Commentaire 3 – 4. 1. – 2. Sur la peine du meurtre : Mommsen Strafr. 922 : peine du sac. Mais les objections de Strachan-Davidson I (1912) 22-24 sont convaincantes : c’est la décapitation, après verberatio, qui fut employée sous la République. Pour Ferrini (1902) 145-148 : crucifiement. Le supplice du sac immergé n’a jamais été employé que pour les parricides. Sur ce supplice : Nardi (1980). 1. – 3. Parricida, paricidas esto Le sens et l’étymologie de ‘paricidas esto’, qui figure dans une loi attribuée à Numa (Festus, source b) en guise de sanction au crime de parricidium, perpétré par un parricida (Festus, source a), ont fait l’objet de controverses infinies. Sans trop forcer les interprétations, on peut les regrouper autour de trois axes principaux. – Le premier réunit paricidas, parricida, parricidium au sein d’un concept global, et interprète l’élément – cidas comme se référant au meurtrier, à celui qui tue. Le crime de parricidium qualifie ainsi : soit celui du ‘meurtrier pervers’ (cf. perduellio, la mauvaise guerre, celle d’un ennemi de l’intérieur) : ainsi Mommsen Strafr. 613 ; Ferrini (1902) cit. ; soit le meurtre d’un homme (parri-caedere ; parri–, du sanscrit *parso, homme) : Wackernagel (1930) 454-458 ; Magdelain (1984-2) 557-558 = 524-526 ; soit le meurtre d’un pater (patricidas), au sens d’un sénateur, d’un membre de la gens… : ainsi Bonfante (Corso I [1928], 208), Lévy-Bruhl (1934-3), Lübtow (1955) 252-258. Pour Gernet (1937) 25-29, le paricida est d’abord le meurtrier d’un gentilis, puis il se produit une extension : le meurtre de tout citoyen est assimilé au meurtre d’un membre de la gens (d’où la loi dite de Numa qui introduit cette extension : le meurtre d’un homme ‘libre’ est assimilé au meurtre d’un gentilice ; le meurtrier est assimilé au paricida. Il y a parricidium). Dans le même sens, Devoto (1938) ; Bonfante (1962) 92-95. Pour Kunkel (1962) 40, c’est tout simplement le sens de ‘meurtrier’ qui l’emporte. Cette piste d’interprétation nous paraît de loin la plus sûre. – Le second détache paricidas de parricidium et lui reconnaît la valeur d’un adjectif passif : paricidas esto, dans la même formation que damnas esto. Selon cette interprétation, c’est le meurtrier qui est visé mais sous l’angle de la peine qui l’attend : ‘qu’il soit tué par équivalent’ (-pari, de pariter) (Bonfante Storia I [1934] 216 ; De Visscher [1927] ; Coli [1955] ; Santalucia [1979] – contra Kunkel [1962] 40), ou ‘qu’il

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subisse la peine du sac’ (paricei datos esto : pari–, de parex selon Meylan [1928] ou de pera selon Tondo [1973] 87-214, notam. 169 s. [contra Bonfante (1976)], au même sens de ‘sac de cuir’). – Le troisième attribue un sens actif à la formule en question : ‘qu’il se trouve un parent vengeur’. Par un renversement métonymique du sens primitif, on serait passé de l’idée de ‘meurtrier d’un proche’ (qualification originelle du crime) à celle de ‘vengeur du meurtre’, c’est-à-dire ‘meurtrier par équivalence’. Ce serait la sanction du crime et non plus sa qualification légale qui s’exprimerait à l’aide de l’injonction paricidas esto. En se faisant vengeur du crime de sang, le groupe de la victime est appelé à tuer le coupable. Ainsi Lenel (1929) ; Lovisi (1999) 88-89 : parricidium compris comme le ‘contre-meurtre’ ; non pas le crime, mais le châtiment que le crime appelle contre son auteur. Contra Kunkel (1962) 40. De fait, aucun emploi de parricidium ne s’accorde avec le sens de châtiment du meurtre, pas plus que n’est attesté parricida ou paricida au sens de la victime d’un meurtre, dont on tolèrerait ou à qui l’on imposerait l’élimination du meurtrier. De même, de par leur titre, les quaestores parricidii (sur ceux-ci, infra) ne peuvent être compris comme ceux qui seraient chargés d’assurer le meurtre des criminels. Ces magistrats sont chargés de réprimer les meurtres, de châtier les meurtriers et non d’aider les victimes à tuer par représailles les homicides volontaires. Voir, pour un état plus complet des discussions avec la bibliogr. complémentaire, Leifer (1949) ; Wesener (1963-2) ; Coli cit. ; Cloud (1971) 2-8 ; Thomas (1981) 643-644 ; Santalucia (1998) 16-19 ; Garofalo (1990-2) ; Lovisi (1999) 81-87. 2. – Les quaestores parricidii 2. – 1. Les crimes de sang (parricidium) : meurtre volontaire et crimes assimilés Une fois admise l’équivalence parricidium-meurtre volontaire, la mission des quaestores parricidii ne devrait pas soulever trop de controverses. Les anciens s’accordaient sur le sens qu’il fallait attribuer à leur fonction : si l’expression de Pomponius (qui capitalibus rebus praessent) peut paraître vague, elle s’éclaire parfaitement à la lumière de Varron (source a) et de Festus (source b) : ils ont une fonction d’instruction et d’enquête dans les affaires capitales. Ils dirigent donc l’instruction (sens qu’il faut donner à praeesse), mènent l’enquête, mais ils ne jugent pas eux-mêmes et ne prononcent pas de condamnation.  Ainsi, justement Lovisi cit. 72-73 et n.  56. Cette fonction limitée et relativement subalterne est bien comprise par Pomponius qui souligne qu’ils ont remplacé (à un moment que l’on peut discuter : à la suite de la (pseudo) lex Valeria de 509 pour Pomponius ; plus certainement du fait de

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la réforme décemvirale de la justice criminelle selon nous : Humbert [1988] et supra verset 9.1-2) les consuls iudices (non erat lege permissum consulibus ius dicere), en imposant la collaboration du populus (iussum populi) et des quaestores. Il est tentant d’analyser ainsi, sans forcer la valeur de ces témoignages, cette association : aux quaestores, la poursuite (sur plainte de la victime, mais pas seulement) et l’instruction du crime, aux comices le jugement et le prononcé de la peine de mort. Ce schéma correspond à celui dont Zonaras a conservé le souvenir (source d), associant lui aussi l’apparition de la questure à la réforme de la justice criminelle attribuée également aux premières années de la République. Sur les origines de la questure : Wesener (1963-2) 803-805. Le rôle reconnu aux questeurs, chez les interprètes modernes, est très étroitement conditionné par les diverses hypothèses qui dominent les reconstitutions de la juridiction criminelle, de droit commun et politique, sous la République. La difficulté est de tenir compte, sans éliminer aucun des deux acteurs, des deux éléments considérés comme constitutifs de la procédure criminelle capitale : la phase de l’instruction dirigée par les questeurs, et celle du jugement exprimé par le iussum populi. Voir pour l’essentiel, supra verset 9.1-2. Bien des reconstitutions se sont affranchies du témoignage dépourvu d’ambiguïté de Pomponius. Elles ont cherché principalement à rejeter le rôle, pourtant considéré comme crucial, du iussum populi, et d’affirmer (contre Pomponius) le maintien de la juridiction criminelle capitale du consul. De la sorte, les questeurs ne seraient pas des magistrats instructeurs, dirigeant les enquêtes, mais des jurés, membres du consilium du consul (Kunkel [1962] 39-45), ou des auxiliaires de justice, chargés de procéder en guise de bourreaux officiels à l’exécution des criminels, condamnés au terme d’une action privée de meurtre (Lovisi [1999] 72-74, 88, 308). Magdelain (1984-2) 559 = 530 rejette pareillement la compétence juridictionnelle comitiale (considérée, en dépit du verset 9.1-2, comme apocryphe), tout en soutenant la nature publique du crime de meurtre, instruit d’office par le questeur au cours d’une procédure inquisitoire. Sur une autre tentative pour expliquer différemment (et non pour effacer) le iussum populi : Mantovani (1989) (supra verset 9.1-2, Commentaire 2.-4). Pour la thèse la plus respectueuse des sources disponibles : Mommsen, Staatsr. II, 525 ; Id. Strafr. 60, 151 s. ; Brecht (1938) 266 s. ; Id. (1939) (corrigeant à juste titre la conception trop extensive de la provocatio chez Mommsen) ; Pugliese (1980) 270 ; Santalucia (1998) 31 ; Garofalo (1985). La compétence questorienne est illustrée par quelques exemples : le jugement questorien de Volscius Fictor, accusé de faux-témoignage, crime assimilé au meurtre quand il a causé la mort d’un innocent (Liv. 3.2425,29 en 459) ; la procédure, dont on voit qu’elle a fort bien pu, dans des précédents isolés (Humbert [1995-2]), avoir été pratiquée avant même les XII T., s’est maintenue telle quelle au moins jusqu’au IIIe s. : Varro ling.

IX. 4

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6.90-92. V. encore Oros. Hist. 5.16.8 (accusation du parricide Q. Fabius Maximus ; Mommsen Strafr. 174 n. 2 ; 614 n. 1 ; Jones [1972] 5-6). 2. – 2. Les crimes politiques Si l’on admet que le pouvoir consulaire a été globalement dépouillé par la loi des XII T. (9.2) du pouvoir souverain de prononcer des condamnations capitales, on doit penser que l’abandon, entre les mains des quaestores parricidii de la tâche subalterne d’instruire les affaires capitales tranchées par le iussum populi vaut autant pour les crimes politiques que pour les crimes de droit commun. Il n’y a aucune raison de limiter la compétence des quaestores parricidii aux crimes de sang. Mommsen, il est vrai, cantonna les quaestores aux affaires de meurtre et attribua aux duumviri, dits abusivement perduellionis, les affaires politiques (avec jugement comitial) : Strafr. 154 s., 587. Mais la distinction entre la compétence des quaestores et celle des duumviri est des plus ténues. De fait, deux procès capitaux questoriens ont été rendus dans des accusations de perduellio (ou adfectatio regni) : Sp. Cassius en 486 (Cic. rep. 2.60 ; Liv. 2.41.11 ; Dio. Hal. 8.77-79 ; Val. Max. 5.8.2) et Camille en 390 (Plin. nat. 34.13 ; Liv. 5.32.8). On verra dans les duumvirs, désignés qui perduellionem iudicent, et dans les quaestores, des magistrats ad hoc, nommés par les consuls pour les suppléer dans le jugement des crimes politiques lorsque le besoin s’en faisait sentir. En faveur d’une juridiction politique questorienne (et jugement comitial) : Kunkel (1962) 35-36 ; Humbert (1988) 435 s., 464 s. = 172-178, 198-199. 2. – 3. Désignation des quaestores parricidii D’abord choisis et désignés par les consuls, les quaestores furent ensuite élus (creati) par le peuple (Tac. ann.  11.22 ; Pomp. cit. supra ; Festus –P., source b). Il est tentant d’étendre aux questeurs du parricide la précision donnée par Tacite pour les questeurs militaires. Il faudrait alors placer en 446, soit au lendemain de la promulgation des XII T., l’instauration, comme tribunal permanent et régulier, du tribunal questorien du meurtre. Le transfert du choix, passé des consuls au peuple, répondrait au transfert identique de la compétence criminelle. Sur les origines de la censure : Zumpt I.1 (1865) 52 s., 415 n. 41 ; Madvig I (1881) 438 ; Mommsen Staatsr. II, 523 s. ; Latte (1935) 359 s. (audacieux) ; Wesener cit. ; Cloud (1971) 18 s.

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9. 5 – : Ulpianus libro septimo de officio proconsulis D. 48.4.1.1 : Maiestatis crimen illud est, quod adversus populum Romanum vel adversus securitatem eius committitur.  : L  e crime de lèse majesté est celui qui est commis contre le peuple romain ou contre sa sécurité.

–  : M  arcianus libro quarto decimo institutionum D. 48.4.3 pr. : Lex duodecim tabularum iubet eum, qui hostem concitaverit quive civem hosti tradiderit, capite puniri. Lex autem Iulia maiestatis praecipit eum qui maiestatem publicam laeserit, teneri : qualis est [...].

 : L  a loi des XII Tables ordonne que celui qui aura excité l’hostilité d’un ennemi ou qui aura livré un citoyen à l’ennemi, soit puni de la peine capitale. Or, la loi Iulia sur la lèse majesté ordonne que celui qui aura porté atteinte à la sûreté de l’État soit considéré comme coupable, tel que … Sources complémentaires a) Varro De lingua Latina 5.3 : Multa verba aliud nunc ostendunt, aliud ante significabant, ut hostis : nam tum eo verbo dicebant peregrinum qui suis legibus uteretur; nunc dicunt eum quem tum dicebant perduellem. [« Beaucoup de mots signifient aujourd’hui une chose, alors qu’auparavant ils en signifiaient une autre. Ainsi ‘hostis’ : on désignait par ce terme l’étranger vivant selon ses propres lois ; alors que pour nous aujourd’hui, c’est l’ennemi, celui que les Anciens appelaient ‘perduellis’ »]. b) Cicero De officiis 1.12 : Hostis enim apud maiores nostros is dicebatur, quem nunc peregrinum dicimus. Indicant duodecim tabulae : AVT STATVS DIES CVM HOSTE, itemque ADVERSVS HOSTEM AETERNA AVCTORITAS. c) Festus – Paul v° Hostis 91 L : Hostis apud antiquos peregrinus dicebatur, et qui nunc hostis, perduellio.

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d) Gaius libro secundo ad legem duodecim tabularum D. 50.16.234 : Quos nos hostes appellamus, eos veteres ‘perduelles’ appellabant, per eam adiectionem indicantes, cum quibus bellum esset. Reconstitution Le témoignage, unique, de Marcien ne permet pas de proposer même une hypothèse de reconstitution.  La version équivalente des Basiliques LX.36.3 n’est d’aucun secours, car, tronquée, elle n’a pas retenu la référence aux XII Tables : γʹ. Μαρκ. Ὁ τοὺς πολεμίους ἐρεθίσας, ἢ παραδοὺς αὐτοῖς πολίτην, εἰς κεφαλὴν τιμωρεῖται1. τῷ αὐτῷ νόμῷ ἐνέχεται καὶ ὁ ἐν πολέμοις παραχωρῶν … [« 3. Marc. Celui qui aura excité des ennemis ou qui leur aura livré un citoyen sera puni de la peine capitale. En vertu de la même loi (il s’agit de la lex Iulia) sont tenus et celui qui a cessé le combat et celui qui … »].1) La référence manquante aux XII T. a été rétablie par une scholie : Ἀπὸ τοῦ δυωδεκαδὲλτου. Marcianus a probablement rajeuni les termes de la loi. On sait en effet que le terme hostis avait, dans le code, le sens de peregrinus (Varr., Cic.,  Festus, Gaius : sources a, b, c, d), et comme il est impossible que le même mot eût désigné dans la même loi à la fois l’étranger ayant des liens juridiques privilégiés avec Rome (ainsi XII T. 2.2 ; 6.4), à la fois l’ennemi (de l’intérieur ou de l’extérieur), c’est le mot perduellis qui devait figurer dans notre verset. Mais cela n’implique naturellement pas que le crime dénoncé fût la perduellio. Infra, Commentaire. Commentaire Marcianus cite les XII T. dans son commentaire à la lex Iulia de maiestate. Pour les juristes classiques, il ne faisait pas de doute que le crime sanctionné par 9.5 était l’antécédent du crime de lèse majesté, du crime public par excellence d’atteinte aux intérêts supérieurs de l’État. Quelles que soient les difficultés pour se représenter ce crime décemviral, on tient là une donnée sûre. Il s’agit d’un crime contre la collectivité civique dans son ensemble, et non d’une atteinte particulière à un membre du corps civique. La tentative de Magdelain (1984-2) 566 = 534 ; Id. (1986) 328 = 63 pour faire entrer ce crime dans le concept du meurtre individuel (exciter l’hostilité d’un ennemi, c’est l’inciter à tuer un citoyen ; livrer un citoyen à l’ennemi, c’est l’envoyer à la mort), donc pour l’analyser comme une offense privée (dans le même sens, Lovisi [1999] 152-153), procède d’une lecture contournée et ne peut convaincre. Il faut, au contraire, avec l’ensemble de la doctrine, comprendre

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les faits incriminés comme deux comportements relevant du concept de trahison, du crime de proditio. Depuis les recherches, toujours valables, de Brecht (1938)  7-10, 27-112 ; Id. (1939) ; Id. (1944), suivi par Fuhrmann (1962-2) 1224-1227, on doit, et par le concept et plus encore par la procédure criminelle appliquée, distinguer la trahison (Landesverrat – Kriegsverrat) ou proditio au sens propre d’une part, et la perduellio (Hochverrat) de l’autre. Les sources, du fait de leur extrême rareté, ne permettent pas de dresser un tableau cohérent de la notion de proditio. On peut seulement affirmer qu’en principe la qualification de la proditio (dont le concept est sous-jacent, à travers ses deux illustrations précisées par le code : ainsi justement Brecht [1938] 28-29, contre la position trop entière de Siber [1936-1] 27 ; d’autant plus qu’il est vraisemblable que le tradiderit employé par Marcianus remplace un proderit originel) ne vaut que pour les actes de trahison ne relevant pas de la discipline militaire, celle-ci relevant de la coecitio arbitraire du commandant. Mais la frontière, comme Brecht l’a montré, entre les faits de trahison en campagne (Kriegsverrat) et la haute trahison civile (ou domi, Landesverrat) est parfaitement poreuse (Brecht [1938] 56-60). L’incrimination décemvirale a donc dû empiéter sur un domaine de répression qui ne relevait pas en principe de la iuris dictio. Aucun indice ne peut être invoqué en faveur d’une qualification et d’une incrimination décemvirales du crime de perduellio. Non pas (ainsi Guarino [1988] 335 = 101) parce que les XII T. se seraient gardées d’empiéter sur le ‘ius publicum’. Mais pour deux raisons. Tout d’abord (et essentiellement) parce que ce crime, de nature politique (l’atteinte aux intérêts majeurs de la cité, le comportement hostile de la part d’un magistrat), n’aurait rien gagné (si ce n’est d’être enfermé dans des limites mutilantes) à être précisément défini ; et, en second lieu, parce que ce crime est bien présent, non par sa qualification, mais par la procédure criminelle spécifique (compétence des comices centuriates : XII T. 9.2) qui en permet la répression (sur le modèle historiquement attesté à partir du IIIe s. du procès tribunicien magistro-comitial : Brecht [1938] 125-190 ; Id. [1939]). Pour le crime de proditio, seul qualifié par le code décemviral, aucun exemple historique utilisable n’informe sur la procédure ni sur les formes du supplice, quand on ne se trouve pas dans le domaine de la coercition militaire. V. ici Brecht cit. 76-77.

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9. 6 –  : Salvianus De gubernatione dei 8.24 : .

: 

Source principale a) Salv. gub. 8.23-24 : (23) Intra Carthaginem vero apparere in plateis et competis dei servos sine contumelia atque execratione vix licuit. (24) Persecutionem hoc quidam fuisse non putant, quia non et occisi sunt. Latrones quidem hoc proverbio uti solent ut quibus non auferunt vitam, dedisse se dicant. Sed in urbe illa non tam hominum fuerunt haec beneficia, quam legum. Interfici enim indemnatum quemcumque hominem etiam duodecim tabularum decreta vetuerunt. Ex quo agnoscitur quod magna illic praerogativa dominicae religionis fuit, ubi ideo tantum dei servis licuit evadere, quia a pagano iure defensi sunt ne Christianorum manibus trucidarentur. [« (23) Mais dans Carthage, c’est à peine si les serviteurs de Dieu pouvaient se montrer dans les rues et sur les places publiques, sans provoquer l’exécration et l’outrage. (24) On pense qu’on ne les persécutait pas parce qu’on ne les tuait pas. Les brigands ont un proverbe : ‘il donne la vie celui qui ne l’ôte pas’. Mais dans cette ville ce bienfait ne fut pas dû aux habitants, mais aux lois : les décrets des XII T. défendent en effet de mettre à mort tout homme qui n’a pas été condamné. On voit donc le grand avantage que procura alors la religion du Seigneur : les serviteurs de Dieu n’ont échappé au massacre perpétré par des mains chrétiennes que grâce à la protection du droit païen ! »]. Sources complémentaires b) Cicero Pro Tullio 47 : Atque ille legem mihi de XII tabulis recitavit, quae permittit, ut furem noctu liceat occidere et luci, si se telo defendat, et legem antiquam de legi-

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bus sacratis, quae iubeat impune occidi eum, qui tribunum pl. pulsaverit. Nihil, ut opinor, praeterea de legibus. [« Il m’a donné lecture de la loi des XII T. qui permet de tuer de nuit le voleur et de jour, s’il se défend avec une arme, et de cette loi antique sur la sacratio, qui ordonne de tuer impunément celui qui aura frappé un tribun de la plèbe. Il n’y a rien de plus, à mon avis, à tirer de ces lois »]. c) Cicero De domo sua ad pontifices 26 ; 33 ; 43 ; 47 ; 77 ; 110  : (26) An de peste civis, quemadmodum omnes iam di atque homines iudicarunt, conservatoris rei publicae, quemadmodum autem tute ipse confiteris, non modo indemnati, sed ne accusati quidem, licuit tibi ferre non legem, sed nefarium privilegium [...]? [« Pour perdre un citoyen que les dieux et les hommes unanimes ont jugé sauveur de l’État, et qui, tu l’as avoué toi-même, n’était ni condamné ni même accusé, comment as-tu pu faire voter non pas une loi, mais une mesure personnelle sacrilège ? »]. (33) Nego potuisse iure publico, legibus iis quibus haec civitas utitur, quemquam civem ulla eius modi calamitate adfici sine iudicio; hoc iuris in hac civitate etiam tum cum reges essent dico fuisse, hoc nobis esse a maioribus traditum, hoc esse denique proprium liberae civitatis ut nihil de capite civis aut de bonis sine iudicio senatus aut populi aut eorum qui de quaque re constituti iudices sint detrahi possit. [« J’affirme que, d’après le droit public et les lois dont use cette cité, aucun citoyen ne pouvait subir un tel malheur sans avoir été jugé ; je déclare que tel fut le droit appliqué dans cette cité même au temps des rois, telle fut la tradition transmise par nos ancêtres, tel est enfin le propre d’une cité libre : un citoyen ne peut se voir enlever quoi que ce soit concernant sa personne ou ses biens sans un jugement du sénat ou du peuple ou de ceux qui ont été constitués comme juges pour chaque type d’affaire »]. (43) Quo iure, quo more, quo exemplo legem nominatim de capite civis indemnati tulisti ? Vetant leges sacratae, vetant XII tabulae leges privatis hominibus inrogari : id est enim privilegium. [« De quel droit, selon quel usage, à partir de quel exemple as-tu présenté une loi qui visât nommément un citoyen non condamné ? Les lois sacrées interdisent, les XII T. interdisent de faire voter une loi dirigée nommément contre des particuliers : c’est ce qu’on appelle un privilegium »]. (47) At quid tulit scriptor peritus et callidus ? ‘Velitis iubeatis ut M. Tullio aqua et igni interdicatur’.  Crudele nefarium, ne in sceleratissimo quidem civi sine iudicio ferundum! [« Mais quelle proposition a faite ce rédacteur de lois expérimenté et subtil ? ‘Veuillez et ordonnez que Marcus Tullius soit interdit de l’eau et du feu’. Mesure cruelle et impie qui, même dans le cas du citoyen le plus scélérat, ne peut être subie sans jugement ! »]. (77) Esto, non fuit in me poena ulla peccati; at fuit iudicii. Cuius?

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Quis me umquam ulla lege interrogavit, quis postulavit, quis diem dixit ? Potest igitur damnati poenam sustinere indemnatus ? Est hoc tribunicium, est populare ? [« Soit, je n’ai jamais subi le châtiment d’aucun crime ; mais j’ai subi la peine d’un jugement. De quel jugement ? Qui m’a jamais interrogé, poursuivi, assigné à comparaître ? Peut-on donc subir la peine d’un condamné, sans avoir été condamné ? Est-ce là le comportement d’un tribun, d’un démocrate ? »]. (110) ...cum me indemnatum exturbares privilegiis tyranicis inrogatis…[« …  alors que tu me chassais sans que j’eusse été condamné en faisant voter des mesures individuelles de nature tyrannique… »]. d) Cicero Pro Sestio 65 ; 73  : (65) Cur, cum de capite civis […] et de bonis proscripti ferretur, cum et sacratis legibus et XII tabulis sanctum esset ut ne cui privilegium inrogari liceret, neve de capite nisi comitiis centuriatis rogari […]. [« Pourquoi donc, lorsqu’on présentait un projet de proscription visant les droits civiques et les biens d’un citoyen, alors que les lois sacrées et les XII T. défendent de proposer une loi portant nommément sur un particulier et de présenter une accusation capitale ailleurs que devant les comices centuriates… »]. (73) Tum princeps rogatus sententiam L. Cotta dixit, id quod dignissimum re publica fuit, nihil de me actum esse iure, nihil more maiorum, nihil legibus ; non posse quemquam de civitate tolli sine iudicio; de capite non modo ferri, sed ne iudicari quidem posse nisi comitiis centuriatis; vim fuisse illam, flammam quassatae rei publicae perturbatorumque temporum, iure iudiciisque sublatis. [« Appelé le premier à donner son avis, Lucius Cotta déclara en des termes absolument dignes de l’État, que l’on n’avait respecté à mon égard ni le droit, ni la coutume des ancêtres, ni les lois ; que personne ne pouvait, sans jugement, être privé de sa qualité de citoyen ; qu’en ce qui concerne l’existence d’un citoyen, on ne pouvait se prononcer par une loi ou par un jugement, si ce n’est au sein des comices centuriates ; qu’il n’y avait là que violence, qu’un incendie dévastant un État ébranlé et des temps troublés, le droit et la justice ayant disparu »]. e) Cicero In Pisonem 30 : Nam si illam legem non putabatis, quae erat contra omnis leges indemnati civis atque integri capitis bonorumque tribunicia proscriptio […] Sin illam vos soli legem putabatis, quisquam vos consules tunc fuisse aut nunc esse consularis putet, qui eius civitatis in qua in principum numero voltis esse non leges, non instituta, non mores, non iura noritis ? [« Car si vous ne considériez pas comme une loi ce qui n’était que la proscription tribunicienne de la vie et des biens d’un citoyen non condamné et non déchu, mesure contraire à toutes les lois… Et si

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vous seuls vous la considériez comme une loi, qui pourrait alors vous considérer comme avoir été des consuls, comme étant aujourd’hui des consulaires, alors que vous ne connaissez ni les lois, ni les institutions, ni les coutumes, ni le droit ? »]. f) Cicero Partitiones oratoriae 106 : ‘Iure feci, salutis omnium et conservandae reipublicae causa’, relatumque ab  Decio est ‘Ne sceleratissimum quidem civem, sine iudicio, iure ullo necare potuisti’, oritur illa disceptatio ‘potueritne recte, salutis rei publicae causa, civem, eversorem civitatis, indemnatum necare?’ [« ‘J’avais le droit d’agir ainsi (dit Opimius, le meurtrier de C. Gracchus) pour le salut de tous et dans l’intérêt de l’État’, à quoi répond Décius : ‘Même le plus criminel des citoyens, tu n’avais pas le droit de le tuer sans jugement’. La question à résoudre est la suivante : A-t-il pu à juste titre, pour sauver l’État, tuer un citoyen qui renversait la cité mais qui n’avait pas été condamné ? »]. g) Cicero De legibus 1.42 : Nihilo, credo, magis illa quam interex noster tulit, ut dictator quem vellet civium vel indicta causa impune posset occidere. Est enim unum ius, quo devincta est hominum societas, et quod lex constituit una, quae lex est recta ratio imperandi atque prohibendi. Quam qui ignorat, is est iniustus, sive est illa scripta uspiam sive nusquam. [(Toutes les lois, en particulier les lois tyranniques, sont-elles justes ?) « Absolument pas, je pense, pas plus que la loi de notre interroi qui permit au dictateur (Sylla) de tuer impunément tout citoyen de son choix, sans qu’il ait été condamné et sans jugement. Il n’y a en effet qu’un droit unique, celui qui soude la société humaine et que fonde une Loi unique. Cette Loi est la raison droite, qui ordonne et interdit. Celui qui ignore cette Loi, qu’elle soit écrite ou qu’elle ne le soit pas, commet l’injustice »]. h) Velleius Paterculus 2.45 : P. Clodius […] legem in tribunatu tulit, qui civem Romanum indemnatum interemisset, ei aqua et igni interdiceretur : cuius verbis etsi non nominabatur Cicero, tamen solus petebatur. [« Au cours de son tribunat, Publius Clodius fit voter une loi qui disposait que ‘celui qui mettrait à mort un citoyen non condamné serait interdit de l’eau et du feu’. Bien que Cicéron ne fut pas nommément désigné, il était le seul visé »]. i) Valerius Maximus 7.2.15 : Nihil etiam Agesilai facto sapientius, siquidem, cum adversus rem publicam Lacedaemoniorum conspirationem ortam noctu conperisset, leges

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Lycurgi continuo abrogavit, quae de indemnatis supplicium sumi vetabant: conprehensis autem et interfectis sontibus e vestigio easdem restituit [« Rien de plus sage que la conduite d’Agésilas. Ayant découvert pendant la nuit une conspiration contre la cité de Sparte, il abrogea aussitôt les lois de Lycurgue qui interdisaient de mettre à mort un citoyen qui n’eût pas été condamné ; mais, sitôt les coupables saisis et exécutés, il rétablit ces lois »]. j) Augustinus De civitate dei 1.19 : Vos appello, leges iudicesque Romani : nempe post perpetrata facinora nec quemquam scelestum indemnatum impune voluistis occidere ? [« J’en appelle à vous, ô lois et juges de Rome : n’est-il pas vrai que vous n’avez jamais voulu que fût mis à mort impunément le coupable d’un crime avant qu’il ne fût condamné ? »]. k) Festus – Paul v° Parrici quaestores 247 L : Parrici quaestores appellabantur, qui solebant creari causa rerum capitalium quaerendarum. Nam parricida non utique is, qui parentem occidisset, dicebatur, sed qualemcumque hominem indemnatum. Ita fuisse indicat lex Numae Pompili regis his composita verbis: ‘Si qui hominem liberum dolo sciens morti duit, paricidas esto’ [« On appelait questeurs du parricide (du meurtre) ceux que l’on avait l’habitude de nommer pour instruire les crimes capitaux. En effet, le ‘parricide’ ne désignait pas avant tout le meurtrier d’un parent, mais celui qui tuait un individu quelconque non condamné. C’est ce qu’indique la loi du roi Numa Pompilius, dont les termes sont : ‘Si quelqu’un donne la mort à un homme libre, par ruse et volontairement, qu’il y ait paricidas’]. l) Festus v° Sacer mons 424 L : At homo sacer is est, quem populus iudicavit ob maleficium ; neque fas est eum immolari, sed, qui occidit, parricidi non damnatur ; nam lege tribunicia prima cavetur, ‘si quis eum, qui eo plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit’ [« Est maudit (sacer) celui que le peuple a jugé coupable d’un crime ; il n’est pas permis rituellement de le sacrifier ; mais si quelqu’un le tue, il n’est pas coupable de meurtre ; en effet, la charte primordiale de la plèbe dispose que : ‘Ne sera pas considéré comme meurtrier celui qui aura tué un individu déclaré sacer en application de cette décision de la plèbe’»]. Reconstitution Nous considérons ce verset, sans aucun doute possible, comme apocryphe. Les arguments feront l’objet du commentaire qui suit.

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Le témoignage, isolé, de Salvien, évêque marseillais du Ve s., est le fruit d’une interprétation libre, fondée soit sur les versets qualifiant l’homicide volontaire (parricidium : cf.  8.24) et fixant sa répression (9.4), soit sur la prescription décemvirale attribuant aux centuries le jugement des crimes capitaux (9.2), soit sur la combinaison de l’ensemble de ces textes qui organisent la sanction de toutes les hypothèses d’homicide volontaire. Cujas fut le premier (Observ. 4.12, à partir de 1526) à intégrer aux XII T., en un fragment autonome, l’attribution de Salvien. Il la rapprocha de l’allusion (mais sans aucun rattachement aux XII T. !) d’Augustin (source j) et suggéra de placer l’origine de ce soi-disant verset dans les lois de Lycurgue (source i). L’hypothèse fut d’abord acceptée : par Antoine Conte (1555 : indemnatum hominem ne occidito), Charondas (1555), Hotman (1564), Pithou (1566), D. Godefroy (1600) et bien d’autres : v. ici la recension de Dirksen 632-634. Puis vint la critique radicale de Godefroy (Praef. et Not. Brev. 182183, exprimée en 1616), refusant de voir dans la référence de Salvien autre chose qu’une allusion libre à une disposition connue (9.2, selon Godefroy). Dirksen 632-635, 646, suivit Godefroy et refusa d’insérer dans le code décemviral l’interprétation populaire du clerc marseillais (qui, pour Dirksen, se rapportait plus à 9.1 qu’à 9.2). Par la suite, la doctrine s’est divisée, sans pour autant soumettre le terme d’indemnatus à l’étude approfondie qui eût permis de trancher la question d’authenticité. Les clivages ont porté fondamentalement sur deux points : sur l’authenticité ou non ; et sur le sens de la prescription.  S’agit-il de l’interdiction de tuer un homme non condamné, se confondant avec la répression de l’homicide volontaire (parricidium) ? Ou l’interdiction s’adresse-t-elle au magistrat, celle de soumettre au supplice un individu, présumé coupable, mais non jugé et condamné dans le respect des procédures ? En réalité, cette distinction n’est pas fondée. Les sources les plus sûres prouvent que la mise à mort de tout citoyen non condamné, de la part de quiconque (un particulier, dans un acte de ‘justice’ privée,  ou par une autorité violant les principes de la répression criminelle), est qualifiée de meurtre (parricidium), au moins dans le contexte décemviral du Ve s. Schöll (57-58 ; 150) opta pour l’authenticité et rapprocha le ‘verset’ de la répression du meurtre (parricidium), d’où son insertion dans la Table VIII (8.25-1). Bruns (suivi par FIRA) rejeta l’interprétation de Schöll, mais conserva l’authenticité d’une prescription comprise comme interdisant de supplicier un accusé non condamné ni jugé et plaça celle-ci dans la Table IX (9.6), que l’opinion d’alors affectait au droit criminel public. Se sont ensuite prononcés en faveur de l’authenticité : Magdelain (1943) 143-145 (pour supprimer le lynchage de l’individu sacer) ; Wieacker (1944) 160-170 (supprimer la vengeance privée et soumettre

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toute forme d’exécution à un jugement ou à un rituel public, l’endoploratio) ; de même Kunkel (1962) 87-88 ; Kaser AJ 53 (contre l’exécution immédiate de l’individu sacer) ; de même Gioffredi (1955) 52 n.  9 ; Santalucia (1981) 39 s. ; Id. (1987) 320-321 ; Fiori (1996) 389, 501 ; Lovisi (1999) 56-64 (insérer avant toute forme d’exécution, un jugement ou un ersatz de jugement) ; Garofalo (2005) 137 (empêcher les tribuns de mettre à mort les contempteurs de l’inviolabilité tribunicienne). Pour tous ces auteurs, le verset attribué aux XII T. revêt une importance considérable. Il pose un principe fondamental, pierre angulaire d’un État de droit. Il réserve (contre des formes archaïques de justice privée ou de sacratio) le monopole de la répression criminelle aux organes de la justice publique. Les critiques contre l’authenticité n’ont pas manqué. La plus argumentée revient à Brunnenmeister (1887) 200-216, qui fournit les éléments les plus convaincants contre l’historicité de l’attribution décemvirale. Le dossier cicéronien (cf.  infra, Commentaire) prouve que le ‘verset’ ne peut en aucun cas être considéré comme décemviral. Il s’agit de l’interprétation tardive (née à partir du IIe s. av. J.-C.) d’authentiques versets décemviraux (notam. sur le parricidium, mais pas seulement) et destinée à lutter contre les abus des magistrats. À la suite de Brunnenmeister, Brecht (1938) 166-169 (interprétation politique, pro-gracchienne ou popularis, de 9.1-2) ; de même Lübtow (1955) 256261 (double emploi de cette norme avec celle réprimant le meurtre ou parricidium) ; Liebs (1968) 217-218 n. 190 (argum. : Cic. dom. 43). Commentaire Plan du commentaire : 1. – Les XII T. ont ignoré l’interdiction formelle d’exécuter un civis indemnatus. 1. – 1. Témoignage de l’annalistique. 1. – 2. C’est l’auxilium tribunicien et non les XII T. qui protège contre l’exécution sans jugement. 1. – 3. L’opposition au s.c. ultime. 1. – 4. Cicéron victime des leges Clodiae. 2. – Inutilité et invraisemblance du verset attribué par Salvien aux XII T.. 2. – 1. La répression du parricidium. 2. – 2. Une attribution impossible. Dans son de gubernatione dei, composé entre 439 et 451, le clerc Salvien attribue aux XII T. l’interdiction de tuer un citoyen non préalablement condamné (indemnatus). Cette prescription aurait sauvé des moines parvenus à Carthage en pleine crise donatiste et menacés d’exécution sommaire par la population chrétienne du lieu. Si l’on a pu voir dans cette information, invérifiable, qu’un exemplaire de la loi fût encore exposé au Ve s. sur le forum de l’ancienne colonie romaine (le verset, non authentique, aurait été inséré tardivement, selon une hypothèse de Brunnenmeister (1887) 204-205), nous pensons que les sources condamnent l’authenticité pour deux séries de motifs : 1) un nombre

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décisif de sources infirme l’attribution aux XII T. ; 2) ce ‘verset’ est le fruit d’une paraphrase, dont l’attribution au code est non seulement inutile, mais impossible. 1. – Les XII T. ont ignoré l’interdiction formelle d’exécution d’un civis indemnatus 1. – 1. Le témoignage de l’annalistique La mise à mort d’un civis indemnatus (au sens incontesté de celui qui n’a pas été condamné au terme d’une procédure régulière : Liebs [1968] 215-220) constitue un crime qualifié et sanctionné bien avant la rédaction du code. Dans l’élaboration de récits mythiques antérieurs à 450, l’annalistique a illustré un principe élémentaire de justice qui n’a pas pu voir le jour seulement avec la loi des XII T. Horace, condamné en tant que meurtrier de sa sœur, civis indemnata (Liv. 1.26 ; Cic. inv. 2.79 ; Zumpt [1865] 88-89 ; Brunnenmeister cit. 212), aussi bien que les poursuites contre Kaeso Quinctius (en 461), qui ne peut subir le supplice avant d’avoir été jugé (eum indemnatum indicta causa non debere violari : Liv. 3.13.4.5) prouvent que pour l’annalistique la qualification comme meurtre de l’exécution d’un indemnatus est antérieure et extérieure à la loi des XII T. Il ne peut s’agir que d’une règle coutumière, d’un principe non écrit, comme on le trouve appliqué en Grèce, au moins dès le VIe s. Tuer un individu ἀκρίτος est le propre d’un régime tyrannique : Hdt. 3.80.30 ; Eur. Andr. 549 s. ; Lys. Arist. (19) 7 ; Frum. (22) 2 ; Dem. Foed. (17) 3 ; Plu. Cleom. 10.3 et Kelly (1964) 674-676. Lorsqu’en 449 le décemvir Ap. Claudius craint de subir le châtiment indemnatus et indicta causa (Liv. 3.56.11-13), ce n’est pas la législation toute fraîche qu’il vient de promulguer, dont il réclame le respect, mais les lois sur l’appel de 449, sur l’appel au peuple. L’absence de toute référence aux XII T. se confirme en 436 (accusation contre Servilius Ahala d’avoir commis une caedes civis indemnati, Liv. 4.21.4). Avec l’accusation lancée par Caton en 190 contre Q. Minucius Thermus, on entre dans l’ère historique. Or, il est révélateur que Caton dénonce un nefarium scelus dans la condamnation de dix individus non jugés (decem hominibus vitam eripis indicta causa, iniudicatis, incondemnatis - Malcovati ORF4, 59 = Gell. 13.25.12). Aucune allusion n’est faite à la prescription attribuée au code par Salvien, mais le crime est dénoncé comme contraire au fas, à la loi naturelle, à l’ordre du monde. Il s’agit là d’un principe d’origine immémoriale (Cicéron le confirmera : leg., source g). Les XII T. n’y ont pas leur part. 1. – 2. L’auxilium tribunicien, garantie contre l’exécution sans jugement Par tradition (alors même que la loi Valeria de 300 a fait de la provocatio une protection individuelle immédiate), l’auxilium du tri-

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bun reste l’articulation de la provocatio. Aucune référence n’est jamais faite à une protection décemvirale de l’indemnatus. C’est l’auxilium du tribun et non la loi des XII T. qui assure, en principe, l’indemnatus de ne pas subir le châtiment capital (dans le cadre de la coercitio ou dans les rapports entre particuliers) : Plaut. Curc. 695-696 ; Capt. 907-908 ; Cic. Rab. Perd. 12. 1. – 3. L’opposition au senatus consultum ultimum Avec l’application contestée du s.c.u., le thème du meurtre du civis indemnatus envahit la vie politique et l’activité judiciaire. Le tournant semble marqué par la lex Sempronia de capite civis (123) qui, pour les Anciens, dénonce la condamnation d’un citoyen non préalablement jugé (indemnatus, ἀκρίτος), en vertu du pouvoir coercitif d’un magistrat même placé sous les ordres du sénat. Cf. Plu. C. Gr. 4.1 : ‘si un magistrat bannit un citoyen sans jugement (ἀκρίτον πολίτην), le peuple aura le droit de juger ce dernier’. Sur cette brusque émergence du concept de civis indemnatus, Siber (1936-1) 10-12 ; Brecht (1938) 166-168 ; Ungern v. Pürkel (1969) 36-37, 43 n.  53. Avec la multiplication des recours au s.c.u., la violation de la ‘norme’ protégeant la vie et les biens des cives indemnati est dénoncée toujours plus fortement : mais sans jamais faire allusion à la soi-disant norme décemvirale. Il en est ainsi lors de l’accusation de L. Opimius, coupable du meurtre de C. Gracchus et de ses milliers de partisans, innocents, tirés de prison pour être exécutés sans jugement (Liv. perioch. 61 ; Oros. hist. 5.12.10 ; Malcovati, ORF4, 156), crime perpétré contra leges (Cic. de orat. 2.132, 134), absolument contraire au ius (Cic. part. 106, source f). Même constat résolument négatif lors de l’accusation lancée en 63 contre Rabirius, coupable d’avoir fait exécuter sans jugement L. Appuleius Saturninus, tué en 100 par l’effet d’un s.c.u. L’affaire (cf. infra) est dénoncée (pour la première fois sans doute) comme un crime de perduellio (et non plus comme un meurtre, parricidium : on passe du crime d’homicide à celui, politique, d’atteinte à la maiestas populi). Aucune mention n’est faite à la prescription que Salvien attribue aux XII T. et qui pourtant, si elle avait existé, eût été violée et dénoncée comme telle par le recours au s.c.u. Et lorsque Cicéron feint de croire à l’imminence de l’exécution de Rabirius, menacé, dans cette tragi-comédie, de subir la mort prononcée par les IIviri perduellioni (comme si l’appel au peuple n’avait pas d’effet suspensif !), il s’offusque de voir Rabirius menacé de mourir sans avoir bénéficié d’un jugement (indicta causa), en violation de omnia exempla maiorum, omnes leges, omnem auctoritatem senatus, omnes religiones atque auspiciorum publica iura (Rab. perd. 12, 17). L’accumulation de tous ces éléments constitutifs d’une coutume immémoriale condamne, par son silence caractéristique, l’hypothèse d’une norme écrite décemvirale. Il en est de même pour l’exécution de Catilina (Cass. Dio 37.42 ;

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38.14.4 ; Cic. fam. 5.2 ; Liv. perioch.103) : non conforme à la coutume et contraire au droit (Plu. Caes.7.8) ; c’est à la tyrannie des Trente que se réfère César (Sall. Catil. 51.28 s.). Le principe grec de la justice naturelle tient la place qu’eût dû occuper la loi des XII T. 1. – 4. Cicéron, victime des leges Clodiae La critique contre l’authenticité du verset prend ici une vigueur particulière, notamment à partir des arguments présentés dans la de domo sua ad pontifices. Dans ce discours prononcé devant les gardiens de l’orthodoxie décemvirale, Cicéron proclame sans relâche l’illicéité de la mesure qui l’a frappé : une condamnation capitale prononcée par deux leges Clodiae (mars- avril 58 : Vell. 2.45, source h), qui le frappaient (d’exil et de confiscation) alors qu’il n’avait subi aucune condamnation prononcée au terme d’une procédure régulière. Cicéron distingue soigneusement les deux motifs d’illégalité, de nullité (Sest. 73, source d) entachant la mesure décriée : une sanction prononcée nominatim, donc relevant de la catégorie légale honnie du privilegium (XII T. 9.1) et, en second lieu, une condamnation prononcée par une loi et non par un jugement, donc frappant un indemnatus. Aucune confusion n’est possible entre ces deux violations du droit. Cicéron isole le caractère nominatim de la peine qui l’a frappé (dom. 26, 43, 110, source c) et le distingue soigneusement du défaut de jugement qui fit de lui un condamné indemnatus (dom. 26, 33, 43, 47,110 : source c ; Pis. 30, source e). Alors que le premier moyen d’opposition invoque expressément les XII T., dont la lettre a été violée, le second motif ne se réfère jamais à la législation décemvirale. Il suffit de comparer mot à mot dom. 43 et dom. 47. Dans le premier, la référence au code n’est faite que pour dénoncer le privilegium et non la condamnation d’un indemnatus (Vetant leges sacratae, vetant XII Tabulae leges privatis hominibus inrogari), alors que dans le second, exclusivement consacré à l’illégalité de la peine frappant un indemnatus, Cicéron invoque le ius publicum, les leges, le ius (respecté par les rois eux-mêmes), la tradition des maiores. Aucune place n’est accordée aux XII T. La confrontation de Sest. 65 et 73 (source d) apporte la confirmation, à la fois du soin avec lequel Cicéron identifie la source des normes qu’il invoque, à la fois l’impossibilité d’insérer dans le corpus décemviral la prescription sur l’indemnatus. Dans Sest. 73, Cicéron (rappelant la défense que lui apporta L. Cotta) cite, groupés, les deux principes dont il réclame le respect. Ne pas être condamné sans iudicium et n’être jugé, dans une affaire capitale, que par les centuries. En associant ces deux principes d’essence et de source différentes, Cicéron-Cotta leur donnent comme fondement le ius, le mos maiorum, les leges sans autre précision.  Mais lorsque Cicéron cite, isolée, la norme de capite civis (Sest. 65), il peut alors la rattacher formellement aux XII T. et il n’y

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manque pas (cum XII tabulis sanctum esset ut ne cui privilegium inrogari liceret, neve de capite nisi comitiis centuriatis rogari). Il est clair que Cicéron n’a pas trouvé dans le corpus décemviral la moindre prohibition explicite du châtiment d’un indemnatus. L’important, pour Cicéron, est qu’il y ait jugement. Peu importe l’autorité dont ce dernier émane (dom. 33, source c) : le sénat (allusion à la validité du s.c.u.), ou le peuple, ou des juges institutionnels (les iudices constituti des quaestiones). Ce qui fait le prix d’un jugement, ce sont les règles de procédure (délais de comparution, accusation et défense, audition des témoins, non-cumul des peines patrimoniales et du châtiment individuel). Or, ces iudicia moderata ont été maioribus constituta. L’interdiction de punir un indemnatus n’a pas été formulée par une prescription isolée. Elle se déduit de tout un ensemble de principes d’organisation judiciaire. Augustin (source j) ne se départit pas de cette rigoureuse exactitude, juridique et historique à la fois. Il tire la norme protégeant l’indemnatus de leges non autrement définies et de la conscience des juges. Il était impossible d’être plus précis. La conclusion est donnée par le de legibus. Écrivant sa constitution idéale, Cicéron insère deux prescriptions (la prohibition des privilegia ; la compétence des centuries de capite civis, leg. 3.11) empruntées textuellement aux XII T. (leg. 3.44). On est surpris de ne pas trouver trace dans cette constitution idéale de la prohibition de frapper un indemnatus. Cicéron aurait-il avec le temps surmonté son ressentiment envers Clodius ? En rien.  Le principe fondamental est évoqué, mais ailleurs. Il figure (leg. 1.42, source g) parmi ces principes de droit non écrit, fondement, en tant que recta ratio, de la société humaine. Il est donc vain de vouloir à tout prix insérer parmi les lois rédigées par les décemvirs une norme … qui ne pouvait qu’être non écrite ! 2. – L’inutilité et l’invraisemblance du verset attribué par Salvien aux XII Tables Considérons comme établi que la prescription relative au civis indemnatus n’a pas figuré dans les XII T. Mais la critique peut être prolongée, en exposant : 1) l’inutilité de cette prescription, largement recouverte par au moins un autre verset ; 2) l’impossibilité qu’elle ait vu le jour sous une forme aussi absolue en 450. 2. – 1. Le crime de parricidium réprime le meurtre d’un civis indemnatus Le parricidium et sa sanction retirent au verset apocryphe une grande partie de son utilité. La qualification du meurtre volontaire a dû, d’une manière ou d’une autre, figurer dans la loi. De fait, la présence du parricidium est commandée à la fois par la compétence, déterminée

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par la loi (9.4), des quaestores parricidii, à la fois par la sanction de l’homicide involontaire (8.24) qui appelle a contrario la répression du parricidium défini comme l’homicide volontaire. V. ici Dirksen 614619 ; Schöll 57-58 ; Mommsen Staatsr. II, 42, 52 ; Brunnenmeister cit. 117-118, 198-205 ; Pernice II.2 (1895) 138 ; Id. (1896) 215 n. 3 ; Lübtow (1955) 258. Certes, le verset décemviral ne nous est pas parvenu, mais on dispose d’un texte attribué à Numa (réélaboré par l’interprétation pontificale : cf. 8.24) qui comble cette lacune : Si quis hominem liberum dolo sciens morti duit, paricidas esto’ (source k). 2. – 1. – 1. La définition du parricidium On peut laisser de côté le sens du mot paricidas, qu’une doctrine foisonnante n’est pas parvenue à élucider, partagée entre deux interprétations : ou paricidas qualifie le meurtrier (paricidas esto : ‘qu’il soit considéré comme coupable de meurtre volontaire (parricidium)’, ou ce terme énonce la sanction du crime (paricidas esto : ‘qu’il subisse à son tour la mort’, ‘qu’il soit tué pareillement’). Ces incertitudes (cf. 9.4) n’affectent pas la qualification de l’homicide volontaire et sa sanction, certainement incorporées dans le code décemviral. –  La signification de liber homo. La loi dite de Numa a servi à Verrius Fl. (ap. Festus, source k) à restituer le sens primitif de parricidium, meurtre de tout citoyen, de tout liber homo, avant d’être restreint au meurtre d’un proche parent. Or, Verrius transpose les termes ‘liber homo’ (qui liberum hominem morti duit) en ceux de ‘homo indemnatus’ (qui qualemcumque hominem indemnatum occidisset). Que vaut cette traduction de liber homo, expression authentique qui se trouvait dans l’adage pontifical et que Verrius a éprouvé le besoin de transposer par une formule plus récente ? Pour la grande majorité des interprètes, liber homo aurait eu le sens très large, donnant toute sa portée au crime de parricidium : celui de l’assassinat de tout citoyen.  L’idée de restreindre la portée de l’expression à celle du meurtre d’un individu non préalablement condamné par une instance criminelle (indemnatus) serait récente. Verrius serait l’auteur ou l’un des représentants de cette réduction. Différemment, pour Magdelain (1984-2) 558-560 = 527-529, Verrius aurait ajouté à l’adage le mot liber (au sens d’idemnatus) afin d’étendre la qualification d’homicide volontaire à l’élimination du sacer non préalablement condamné par un jugement capital. Mais l’hypothèse, contournée, n’est pas vraisemblable. Si Verrius avait réécrit l’adage pour qu’il englobât le sacer indemnatus, dans l’idée au demeurant inexacte (Magdelain en convenait) que toute sacratio dût découler d’un jugement, il aurait inséré directement indemnatus dans l’adage et non un terme équivoque (liber) qu’il devait ensuite traduire par indemnatus.

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Mais il reste une troisième perspective (Garofalo [2005] 134-143), dont le point de départ est convaincant. L’adage qualifierait de parricidium le meurtre d’un homo dit liber au sens de non sacer : libre, parce que non lié par une devotio ou une execratio à une divinité offensée et non destiné, par une mise à mort rituellement prescrite, à apaiser celleci. À l’opposé, le sacer est éliminé sans jugement, mais sans que son meurtre relève du crime de parricidium. En qualifiant le parricidium comme meurtre du tout individu non sacer, l’adage a placé au centre de la définition du crime l’absence d’un jugement préalable et d’une sentence de condamnation. Le sacer, qui n’est ni jugé ni damnatus, est le seul individu à pouvoir être mis à mort sans que son meurtre soit un parricidium. Verrius, en traduisant liber par indemnatus, a quelque peu restreint la portée de l’adage, mais, sans le déformer, il en a repris l’essentiel. – Le parricidium, défini comme le meurtre d’un individu non préalablement condamné. Pour la tradition érudite que représente Verrius, la mise à mort d’un indemnatus équivaut strictement à l’homicide volontaire ou parricidium. On en déduira deux observations. La première conduit à rejeter toute distinction entre tuer (mortem dare, occidere) et ordonner la mise à mort (necare, interficere). Que la mort émane de la pulsion d’un individu ou qu’elle procède de la décision abusive (car de nature non judiciaire) d’une autorité quelconque, le crime est le même, de nature privée ou politique, individuelle ou publique. Dans les deux cas, on est en présence d’un parricidium, car la mort frappe un indemnatus. Le meurtre d’Horatia, cas exemplaire du meurtre d’un citoyen accusé mais non jugé et qualifié pour cette raison de parricidium, démontre l’équivalence du parricidium et de toute forme d’homicide volontaire. La seconde observation conduit à exclure l’hypothèse de l’incrimination spécifique, par les XII T., du meurtre de l’indemnatus en présence de la qualification du parricidium. Les XII T. n’ont pas l’habitude de se répéter en des termes différents. 2. – 1. – 2. Sacratio et parricidium Un document authentique, antérieur aux XII T. confirme l’équivalence entre parricidium et mise à mort d’un indemnatus. Il s’agit de la lex tribunicia prima de 494, dont Festus (source l) rapporte les termes : ‘si quis eum qui eo plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit’ et à laquelle Cic. Tul. 47, source b, fait allusion : legem antiquam de legibus sacratis, quae iubebat impune occidi eum qui tribunum plebis pulsaverit. L’homo sacer, selon le serment de la plèbe conjurée, est un individu qui, par définition, ne fait pas l’objet d’un jugement. Il est mis à mort sans avoir été jugé ni condamné. Bien qu’indemnatus, il doit être éliminé par

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le premier venu. Dans la tradition la plus pure de la sacralité, l’exécuteur de la malédiction n’encourt pas la peine de l’homicide : parricida ne sit ou lex iubeat impune occidi. Mais les termes du plébiscite impliquent que, en dehors de l’application en tout point exceptionnelle du serment plébéien, le supplice d’un indemnatus est englobé dans la répression du parricidium. Ce serait une erreur de déduire de la lex tribunicia prima l’idée que tout sacer subirait le même sort que le contempteur de la sacro-sainteté tribunicienne et périrait sans jugement. Le droit de tuer impunément n’est affirmé, dans le serment collectif, qu’en cas d’atteinte à la puissance tribunicienne. Les autres cas de sacratio ne sont pas concernés. Qu’en est-il de ceux-ci ? Où les situer quant à l’application de la peine du parricidium qui concerne en principe tous les indemnati ? Il faut distinguer deux hypothèses distinctes de sacratio. Selon la première, la sacratio ne découle pas d’un jugement : le sacer, voué aux dieux, donc non-liber homo, sera mis à mort indemnatus sans soulever contre l’exécuteur de la sacratio une accusation de parricidium. Selon la seconde, au contraire, la sacratio, fulminée par la loi, implique une procédure et une condamnation judiciaire qui fait de l’être sacer un individu mis à mort en tant que damnatus. Pour le premier type, on peut citer (cf. 8.21, Commentaire 2) tous les crimes ‘religieux’ maintenus dans les lois dites royales et restés en dehors de la codification décemvirale. Pour tous ceux-ci, l’organisation judiciaire de la cité est restée inopérante : la loi des XII T. n’a pas annexé ces crimes ni leur sanction, pas plus que la sacratio protégeant l’inviolabilité du tribun.  Pour toutes ces sources de sacratio, l’élimination sommaire, sans jugement, de l’être maudit subsiste comme une sanction religieuse et place ‘le premier venu’ qui, au nom du groupe, tue le sacer à l’abri de l’accusation de parricidium. Mais il reste (deuxième type) les autres cas de sacratio : ceux qui formulés par la loi elle-même (ainsi 8.21) et ceux qui, incorporés à la loi, se sont rétrécis dans une forme rituelle de supplice exécuté au terme d’une procédure criminelle publique et d’un jugement (ainsi : 8.8 ; 8.9 ; 8.14 ; 8.22 ; 9.3 ; et cf.  8.21, Commentaire 3). La sacratio, dans tous ces cas, s’est intégrée dans un processus juridictionnel et n’est plus susceptible de frapper un indemnatus. Sur la nature de la sacratio, exclusive, par principe, d’une damnatio, fondamentalement Jhering I (1886) 279-287 ; Brunnenmeister (1887) 149-156 ; Mitteis RPR (1907) 25 n. 5 ; Kaser AJ 51 s. ; Gioffredi (1945) 46-48 ; Voci (1953) 57-60 ; Burdese (1966) 350-351 ; MacCormack (1979) 247-250 ; Albanese (1988-2) 160-171 ; Magdelain (1984-2) 569537 ; Humbert (1988) 498-502 = 227-231 ; Id. (1997) 99-111 ; Id. (2005-1) 42-45 = 582-586 ; Garofalo (1990-2) 238-244 = 30-37 ; Agamben (1995) 90-92. On ne peut suivre, en revanche, car sans appui dans les sources, les interprétations selon lesquelles un ‘jugement’, dénué d’exécution,

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sous la forme d’une déclaration publique après enquête, eût été nécessaire à la condition d’être sacer, préalable à l’abandon du coupable à la Lynchjustiz rendue par les particuliers. En ce sens : Rein (1844) 31-33 ; Lange (1867) ; Mommsen RG I, 178 ; W. Fowler (1911) 8 ; StrachanDavidson I (1912) 3-15 ; Bennett (1930) 5-18 ; Crifò (1984) 456-459 ; Santalucia (1981) 39-41 ;Id. (1984-2) 4-6 ; Id. (1987) 320-321 ; Lovisi (1999) 59-62. Cette pseudo-déclaration (non confirmée par les sources) ne parvient pas à constituer un jugement. Elle est un expédient imaginé par les Modernes pour donner un sens à la prétendue prescription que Salvien, dans son approximation, avait cru pouvoir attribuer aux XII T. En réalité, sous l’empire de la sacralité primitive, l’être sacer représente le type même du civis mis à mort indemnatus. L’histoire de la sacro-sainteté tribunicienne illustre deux types juridiquement distincts de sacratio. Tout dépend du fondement de cette sacratio : s’est-elle est intégrée ou non dans une prescription légale ? Lorsque la sacratio se réfère au serment collectif, qui en constitue la source, la peine n’a que faire d’une procédure criminelle. Ainsi, le serment primitif de la plèbe, indélébile, a toujours permis aux tribuns de réprimer les atteintes à leur puissance sans le détour d’un procès criminel : en prononçant la consecratio bonorum (en 169 : Liv. 43.16.10 ; cf. Salerno [1990] 117-118) ou la consecratio capitis (en 86 : par la précipitation du coupable, sans jugement, du haut de la roche Tarpéienne : Vell. Pat. 2.24.2), le tribun agit sans jugement et frappe dans sa vie ou ses biens un indemnatus (Wissowa RuK2 389 n. 1 ; Cass. Dio 53.17). Mais à la suite de la reconnaissance légale de la puissance tribunicienne (en 449 par les leges Valeriae Horatiae), l’atteinte à la puissance tribunicienne se définit aussi comme un crime : le châtiment est alors légal et il est prononcé par un jugement. À partir de cette date, deux modes de répression des atteintes à l’inviolabilité tribunicienne coexisteront : l’une légale et juridictionnelle, l’autre extra-légale. Le choix est laissé à la volonté du tribun offensé. Ou il dénonce un crime de perduellio, accuse et obtient le supplice d’un individu damnatus ; ou, se référant à l’efficacité toujours actuelle du serment primitif, il élimine sans procès le coupable sacer et procède à l’exécution d’un indemnatus. Festus (source l) n’a pas su distinguer ces deux modes différents de sanction de la sacratio, qui ont cheminé côte à côte durant toute la République. D’où la contradiction flagrante qui, dans la même définition, lui fait définir l’homo sacer, tantôt comme ‘is … quem populus iudicavit ob maleficium’, comme celui que le peuple a condamné à mort par son jugement, tantôt comme celui qui est impunément mis à mort sans jugement (si quis eum occiderit, parricida ne sit). Flottements très nets, par la suite, de Mommsen, où sont tirés de Festus et la preuve qu’aucun jugement n’était nécessaire, et l’inverse (Staatsr. I, 151 n.  1 ; II, 286 n.  2, 306 n.  1 ; Strafr. 900 s.). V. ici Humbert (1988) 478-481, 498 s. = 209-212, 227 s.

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On ne peut ainsi accepter les interprétations (Santalucia cit. ; Garofalo [1990-2] 255 = 48 ; Id. [2005] 132) qui invoquent le verset 9.6 pour affirmer que toute exécution d’un individu sacer non préalablement condamné fut prohibée après 450. Pour deux raisons : XII T. 9.6 est dépourvu d’authenticité et, en second lieu, la condition de l’être sacer, éliminable sans jugement par le premier venu, les exemples historiques le prouvent, fournit la preuve la plus forte qu’il n’y eut aucune prescription de ce genre dans le code décemviral. On posera, en conclusion, que le meurtre de l’individu non condamné, hormis les cas extra-légaux de sacratio, entre dans la qualification du crime de meurtre volontaire (parricidium). Cette incrimination ne laisse pas de place au verset sur l’indemnatus. L’attribution de ce verset aux XII T. est non seulement ignorée des sources, mais elle est superflue. 2. – 2. Une attribution impossible Il est impossible d’admettre la formulation sous sa forme absolue d’une telle prescription. Les exceptions heurtent de front une telle proclamation de principe. Outre les hypothèses déjà vues de sacratio, on doit encore rappeler l’exécution, sans jugement, du fur nocturnus – et ce n’est pas le rite public de l’endoploratio qui joue le rôle d’un ersatz de jugement : Cic. Tul. 47 (source b) place sur le même niveau l’élimination du sacer et du fur nocturnus. Dans les deux cas il s’agit de la mise à mort d’un indemnatus. Il faut y ajouter tous les cas du châtiment relevant de la coercitio discrétionnaire du magistrat. Avant la lex Valeria de 300, le châtiment capital (si un tribun ne décide pas d’interposer son veto pour contraindre indirectement à saisir le peuple pour ouvrir une provocatio ad populum) est une des prérogatives de l’imperium. Les décemvirs ont été chargés de rédiger des lois sur l’imperium, mais ils ne l’ont pas amputé de sa dimension coercitive. Après 450, celleci subsiste intacte. Les premières atteintes, obliques, viendront de la reconnaissance légale de la puissance tribunicienne (en 449). Mais en 450, il n’y a guère de place pour un principe général qui, pris à la lettre, eût coupé court à tout châtiment coercitif. Pendant un siècle et demi, aussi longtemps que les haches se maintiennent dans les faisceaux, le pouvoir des consuls de décider la mort sans jugement reste intact dans son principe Cf. Humbert (1988) 468-484 = 201-214. Si les moines de Carthage ont eu la vie sauve, ce n’est certainement pas grâce à l’autorité des XII Tables…

X.

Introduction Plan de l’introduction : 1. Le de iure Manium dans le De legibus. 1.1. Les leges de religione. 1.2. La vocation des leges de religione. 1.3. Deorum Manium iura sancta sunto. 1.3.1. Les honneurs dus aux morts. 1.3.2. Réduction des dépenses funéraires. 1.4. La légende des contacts entre les décemvirs et la Grèce. 1.4.1. Contacts : représentations romaines. 1.4.2. Les emprunts des décemvirs au monde grec. 1.4.2.1. Syntaxe, langue et style. 1.4.2.2. Emprunts ponctuels. 1.4.2.3. La koinè méditerranéenne. 1.4.2.4. Le concept de nomos. 2. Analyse anthropologique des rites funéraires archaïques. 3. Une législation somptuaire ? La Table X témoigne, pour une fois, d’une unité certaine et que l’on peut considérer comme authentique. Tout entière consacrée au règlement des cultes funéraires et au statut juridique des tombeaux, elle forma, dans l’œuvre du premier collège décemviral, la dixième et dernière table. Cette table soulève trois séries de questions : 1) L’importance du traité cicéronien De legibus, ici notre source quasi exclusive, pour l’histoire de la codification décemvirale – et particulièrement pour la question de l’influence de la législation solonienne sur les décemvirs – ; 2) L’analyse anthropologique des rites funéraires évoqués par les décemvirs ; 3) La portée politique, économique et sociale de ce règlement au milieu du Ve s. à Rome. Ces questions méritent d’être traitées, l’une après l’autre, globalement, avant de procéder à l’établissement du texte et au commentaire de chacun des versets. 1. – Le de iure Manium dans le De legibus 1. – 1. Les leges de religione Le De legibus (entre 53 et 51 av. J.-C.) devait être composé de trois éléments : le ius divinum d’abord (ou les leges de religione), les magistratures ensuite, et enfin le ius civile (ou les rapports entre les particuliers. Commencer par les rapports avec les dieux et par les moyens d’inscrire la vie en société dans la pax deorum répond à un schéma ancré dans la mentalité romaine : le ius divinum est le premier fondement de l’État (Troiani [1982] 325 et n. 63, pour la bibliogr. compl.). On en retrouve la confirmation dans l’ordre suivi par les statuts coloniaux (cf. lex coloniae

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Genetivae, c. 54-74), de même que dans les classifications fondamentales des juristes (Ulp. 1 inst. D. 1.1.1.2 ; cf.  Fontanella [1997] 499). Il n’y a pas à s’étonner de ne pas le retrouver dans la loi des XII T. qui, si elle mérite bien d’être analysée comme une codification, n’a rien d’une constitution systématique. La place de la Table X, en fin de l’œuvre, s’explique, non pas comme on l’a sous-entendu (Diliberto [1992] 414 s.), comme la manifestation d’un plan rationnel modelé sur les âges de la vie : après l’activité processuelle (Tables 1 et s.) viendrait le rendez-vous avec la mort. Cette vision romancée est dépourvue de vraisemblance. Tout simplement, les décemvirs ont placé en annexe de leur code un ensemble de prescriptions, dont la nature juridique semble, à première vue, trancher avec le reste des autres tables, mais que l’on peut présenter sommairement comme un règlement relatif à la police des funérailles et dont la publication parut, pour des raisons éminemment politiques (infra 3.3), urgente en 450. La spécificité des règles – exclusivement des interdictions – contenues dans cette table ne doit pas les condamner comme un complément tardif, donc inauthentique : ainsi Magdelain (1987-2) 14 s. dans l’idée que le règlement des sépultures relèverait du droit pontifical et non de la loi et que les XII T. ne sauraient avoir empiété sur le domaine du ius pontificale. Raisonnement difficile à partager, à deux points de vue. Le ius pontificale et le ius civile ne sont pas deux sphères antagonistes, mais relèvent d’autorités distinctes et les passages de l’un à l’autre sont largement attestés (cf. Mantovani [2009] 330-333). Ainsi pour les sacra familiaria, dont la perpétuité s’est nourrie de la collaboration étroite du ius civile et du ius pontificale, car tous deux tendent à la même fin (leg. 2.46-53). En intégrant dans la lex certaines prescriptions rituelles, les XII T. ont absorbé une parcelle du droit pontifical. Mais aucune confusion n’en découle. Les dispositions décemvirales sont devenues des leges et elles ont perdu leur nature de prescriptions sanctionnées par les pouvoirs répressifs spécifiques (amendes, sacrifices expiatoires …) des pontifes. Quant à dire que les XII T. ne sauraient s’occuper de questions relevant jusque-là des pontifes, c’est une affirmation de principe que, précisément, la table X infirme. 1. – 2. La vocation des leges de religione (leg. 2.17) Il faut s’entendre sur le sens de leges. Les prescriptions rédigées par Cicéron, auxquelles il joindra les versets transmis par les XII T., ne sont pas des normes à caractère juridique, munies de la sanction ordinaire des lois. Mais il s’agit de préceptes moraux, de règles de comportement rituel, d’obligations cultuelles qui se rattachent à trois principes énumérés au leg. 2.19 : la pureté rituelle (ad deos adeunto caste) ; la piété, c’est-à-dire la régularité dans l’observation des rites (pietatem adhibento) et la réduction des dépenses et des manifestations

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religieuses en général (opes amovento). Ces trois principes sont pourvus d’une sanction purement divine (qui secus faxit, deus ipse vindex erit) [« Pour celui qui se comportera différemment, le dieu sera son justicier » –2.19)]. Il est donc certain que les leges qui entrent dans la constitution idéale de Cicéron n’ont pas eu pour effet de transformer la nature des propositions qu’elles reprennent. Ce qui appartient au ius divinum conserve, dans le traité cicéronien, le même caractère. Ainsi en est-il, par exemple, pour le parjure. Ce crime relève à la fois de la loi divine (d’où le châtiment divin de l’exitium) et à la fois de la loi humaine (peine de l’infamie) : periurii poena divina exitium, humana dedecus est (2.22). Au contraire, les prescriptions empruntées au ius civile et au ius pontificium, deux genres distincts d’une même lex (droit humain) (2.29 ; 46 ; 55), conservent au sein de la constitution cicéronienne leur nature de normes juridiques, dont la cité assure elle-même la sanction (par ses magistrats et par ses pontifes). Les lois sur la religion sont destinées à servir (utilitas : 2.16) à la formation du citoyen, sources de règles de vie (leges vivendi) et de disciplina (1.57). Mais citoyen doit être pris dans un sens large, sous une double identité. Le citoyen est d’abord celui qui s’identifie à l’habitant d’un lieu limité enfermé de murailles (1.61), le citoyen au sens politique du terme. Mais ce citoyen se dédouble, en accédant à la vraie sagesse, en citoyen d’un monde conçu comme une ville unique (civem totius mundi quasi unius urbis, 1.61). D’où le souci, pour Cicéron, de conférer à ses lois un caractère naturel, c’est-à-dire universel. Et pour cela, il doit leur trouver un double fondement. Il doit les ancrer tout d’abord dans le ius (ius civile, leges populi Romani, ius pontificium : decreta, instituta, interpretatio), dans ce droit propre aux citoyens romains et constitutif de leur propre identité locale. Mais il doit, plus encore, s’inspirer d’une loi universelle, puisqu’il place sa constitution dans un ordre naturel. Or, ce droit, général dans l’espace, lui est fourni par le modèle des législations étrangères, mythiques ou historiques (Lois de Pittacheus, de Solon, de Démétrius de Phalère, de Platon : 2.64-67) et, immuable dans le temps, c’est-à-dire éternel, il se retrouve dans les lois de Numa, dans les XII Tables, dans le mos maiorum (2.23 ; 58-62). Cicéron a donc été conduit à démontrer le caractère naturel de sa brève série de lois (2.19-22) à l’aide d’une partie justificative très détaillée, fouillée et certainement personnelle (Rawson [1972] 38 ; Ead. [1973]). C’est dans cette longue partie documentaire (2.23-69) que Cicéron, avec le bagage d’antiquaire dont il disposait, fonde dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire dans la nature, son corpus législatif. Les XII T. tiennent ici une place particulière. Leurs versets ont une portée exemplaire, qui apporte la caution d’un ius civile archaïque, mais toujours d’actualité, donc immuable, car inscrit dans la nature. Haec habemus in XII, sane secundum naturam quae norma legis est (2.61).  Mais les XII T. ne fournissent pas seulement à Cicéron un morceau d’éternité,

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donc d’expression de la loi de la nature. Au terme d’une enquête qui a toutes les chances de lui être personnelle, Cicéron découvre dans la législation solonienne la source immédiate de la Table X. Les XII T. apportent ainsi à la construction cicéronienne une contribution de premier ordre : à l’archaïsme et à leur conformité au mos maiorum, les XII T. ajoutent la preuve d’une communauté d’esprit et de législation universels. Elles font partie de cette loi naturelle, dont Cicéron affirme avoir maintenant découvert les vestiges et les traces les plus sûrs. 1. – 3. Deorum Manium iura sancta sunto (leg. 2.22 ; 54-59) L’obligation de respecter les droits des dieux Mânes se décompose en deux propositions que Cicéron distingue nettement : 1) le respect dû aux cadavres en tant qu’êtres divinisés (Suos leto divos habento : 2.22, selon la correction adoptée par Dyck [2004] et Powell [2006]) ; 2) la nécessité de réduire à l’égard des défunts les dépenses de funérailles et les manifestations du deuil (Sumptum in ollos luctumque minuunto : 2.22). Ces deux prescriptions qui terminent les leges de religione entrent parfaitement dans les principes énoncés in limine. Les devoirs envers les cadavres exigent à la fois la castitas (par les sacrifices imposés pour les divers rites d’inhumation et de consécration du sepulcrum) et la pietas (observation régulière des fêtes en l’honneur des morts, par ex. les feriae denicales : 2.54-55). Quant à la loi portant sur la réduction des frais des funérailles, elle est l’expression même du principe liminal : opes amovento. Jusqu’à son terme, la structure du traité témoigne de la même rigueur (sur celle-ci, Dyck [2004] 388-390 ; Mantovani [2009] 335-337). Le même souci réussi de composition se retrouve dans la partie justificative. 1. – 3. – 1. Les honneurs dus aux morts (2.54-58). Le respect dû au cadavre appelle un certain nombre de prescriptions, toutes formulées sur un mode impératif : sacrifice d’une hostia maxima, obligation d’inhumer au sein du sépulcre gentilice, rites de fin de deuil, sacrifices divers (au Lare, en cas de mort en mer…). Cicéron dégage de tous ces rites une leçon importante : l’inhumation répond aux rites les plus anciens, car elle seule exprime véritablement la divinisation du cadavre. Pour ce qui est des sources invoquées comme références, Cicéron cite les coutumes perses, les lois de Numa, les mores de la gens Cornelia (2.56) et surtout le ius pontificale (2.55 ; 57). Le plus large substrat historique et géographique est ainsi fourni à l’appui de ces lois rituelles. Après cet exposé fondé essentiellement sur le droit pontifical, Cicéron, qui se laisse conduire par la nature des sources qu’il découvre à l’appui de ses propres lois, en vient au témoignage des leges : Video quae sint in pontificio iure, sed quaero ecquidnam sit in legibus (2.58). Ici commence un témoignage capital pour l’histoire des XII T., de

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l’Antiquité à nos jours. Visiblement, Cicéron a voulu respecter l’unité du bloc de dispositions fourni par les XII T., représenté par la Table X dans son ensemble. La première loi dont il donne le contenu (Hominem mortuum in urbe ne sepelito neve urito = XII T. 10.1) fait encore partie du principe attaché aux honneurs rituels dus aux cadavres (Suos leto datos divos habento). C’est ainsi, du moins, que Cicéron l’interprète, car, par une observation très fine et dont il est certainement l’auteur, il remarque que le terme sepelire, dans la langue des décemvirs, ne se rapportait qu’à l’inhumation (et non à l’enfouissement d’un cadavre incinéré). Cicéron y voit une confirmation de l’antériorité (et de la supériorité) de l’inhumation. Quant à l’explication, mutilée, credo vel propter ignis periculum (2.58 : [reconstitution de Powel (2006)]), elle ne peut permettre de deviner la pensée de Cicéron. Il est possible qu’il ait partiellement justifié cette interdiction par la crainte d’incendies – ce qui, de toute manière, laisse inexpliquée la prohibition des inhumations et ne peut concerner que le neve urito –. Puis viennent, fondées sur des raisons d’État (virtutis causa), les exceptions qui furent apportées par la suite à la prohibition décemvirale, et l’extension de cette dernière (par les pontifes) au locus publicus. 1. – 3. – 2. Dans la deuxième partie de son exposé des leges, Cicéron reproduit les dispositions des XII T. destinées tout particulièrement à réduire les dépenses du deuil et les lamentations extérieures (2.59 à 2.62). La plupart des prescriptions reproduites entrent parfaitement dans le plan annoncé, mais pas toutes. Ces entorses à la rigueur de l’exposé sont précieuses, car elles prouvent que Cicéron a voulu maintenir, dans sa cohérence originelle, la séquence des versets décemviraux et n’a pas cherché à répartir ces derniers selon un ordre qui correspondît plus parfaitement au plan qu’il s’était fixé. On tient là un indice des plus solides de la distribution authentique des versets dans la Table X, témoignage unique et sûr de la structure d’une des tables du code. L’ordre suivi par Cicéron correspond donc exactement à l’ordre interne de la Table X. C’est l’ordre de Cicéron que nous suivons ici - et qui reproduit l’ordre même suivi par les décemvirs - . a) Iam cetera in XII minuendi sumptus sunt lamentationisque funebris, translata de Solonis fere legibus (2.59) [« Le reste des dispositions que l’on trouve dans les XII T. portent sur la réduction des dépenses et des manifestations funèbres ; elles sont traduites à peu près des lois de Solon »]. L’exagération est certaine, car toutes les prescriptions qui suivent ne concernent pas exclusivement les dépenses et le deuil. Mais Cicéron est soucieux d’une démarche cohérente. b) ‘Hoc plus’ inquit ‘ne facito ; rogum ascea ne polito’ [= 10.2] (nostis quae sequuntur ; dicebamus enim pueri XII ut carmen necessarium, quas

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iam nemo discit) (2.59) [« ‘Que l’on n’en fasse’, disent-elles, ‘pas plus ; qu’on n’utilise pas la hache pour égaliser le bûcher’. Vous connaissez la suite, car, quand nous étions enfants, nous apprenions les XII T. comme un chant obligatoire : mais aujourd’hui, plus personne ne l’apprend »]. On ne connaît pas la loi de Solon qui aurait, comme l’affirme Cicéron, servi de modèle à cette loi. Mais on est en présence, certainement, d’une mesure destinée, à Rome, à réduire le luxe des funérailles. c) Extenuato igitur sumptu tribus riciniis et tunicula purpurea et decem tibicinibus [= 10.3], tollit etiam lamentationem : ‘mulieres genas ne radunto neve lessum funeris ergo habento’ [= 10.4]. Hoc veteres interpretes, Sex. Aelius L. Acilius, non satis se intellegere dixerunt, sed suspicari vestimenti aliquod genus funebris ; L. Aelius lessum quasi lugubrem eiulationem, ut vox ipsa significat ; quod eo magis iudico verum esse, quia lex Solonis id ipsum vetat. Haec laudabilia, et locupletibus fere cum plebe communia ; quod quidam maxime e natura est, tolli fortunae discrimen in morte (2.59) [« La dépense ayant été réduite à trois ricinia, à un vêtement de pourpre et à dix joueurs de flûte (= 10.3), la loi supprime également la lamentation : ‘Que les femmes ne se déchirent pas les joues, et qu’elles ne procèdent pas à un lessus’ (= 10.4). Les vieux interprètes, Sextus Aelius Paetus et Lucius Acilius ont dit qu’ils ne comprenaient pas bien ce mot, mais qu’ils soupçonnaient qu’il pût s’agir d’une sorte de vêtement. Lucius Aelius Stilo pense qu’il s’agit de cris funèbres, comme l’indique la parole ‘Las, hélas’ elle-même. Moi, je pense que c’est d’autant plus exact que la loi de Solon porte la même interdiction. Voilà des mesures louables, communes aux riches et à la masse. Il est bien conforme à la nature de supprimer toute distinction de fortune dans la mort »]. Après une prescription destinée à réduire les dépenses (10.3 – et que l’on retrouve, attestée par une autre source, Plut., Sol. 21, dans les lois de Solon – cf.  infra, Commentaire -), Cicéron cite une défense décemvirale visant cette fois à réduire les démonstrations de deuil (lamentatio), avec une discussion fructueuse sur le sens du mot lessus. La controverse oppose, d’une part, les premiers commentateurs des XII T., L. Acilius et Sex. Aelius Paetus, auteur des Tripertita aux alentours de 198 av. J.-C. (Lenel Pal., Aelius 4) et, de l’autre, le grammairien L. Aelius Stilo (fin IIe – début du Ier s. av. J.-C.). Les premiers suggèrent, sans certitude, le sens d’un vêtement, alors que le second, selon son habitude, au prix d’une étymologie probablement fondée sur une quasi homonymie et sur une onomatopée (lessus  / fletus, Cic. Tusc. 1.117), voyait dans ce terme, resté obscur, les cris et gémissements de pleureuses. Cicéron s’invite dans le débat : sa connaissance des lois de Solon lui permet de trancher (iudico) la discussion. Le modèle solonien (car pour Cicéron, il s’agit bien d’un modèle) imposerait, selon Cicéron, le sens de ‘lamentations bruyantes’.

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Solon et ses lois se trouvent au cœur du problème. Il ne fait aucun doute (ainsi Ruschenbusch [1963[ ; Siewert [1978] ; Albanese [1998-5] 411) que si les premiers commentateurs, notamment Sex. Aelius, avaient connu les lois de Solon, ils auraient fait le rapprochement des deux prescriptions funéraires et éclairé le lessus décemviral à l’aide de Solon.  On peut donc affirmer que les lois de Solon n’ont pas encore pénétré à Rome au tout début du IIe s. av. J.-C. (contra, mais sans preuve, D’Ippolito [1993] 121-127). Quant au grammairien L. Aelius Stilo (dont Cicéron utilise largement les étymologies), il est tout aussi certain qu’il n’a pas eu accès à la législation solonienne (cf.  Funaioli, Gram. Rom. Fragm.) ; car, là encore, il aurait fait le rapprochement, au lieu de proposer une étymologie parfaitement saugrenue. On arrive ainsi à une conclusion qui s’impose (ainsi Ruschenbusch et Siewert, loc. cit., mais dont l’analyse n’a malheureusement pas eu chez les romanistes  un écho immédiat : D’Ippolito  [1993] ; Albanese [1998-5] ; mais parfaitement reçue et développée par Mantovani [2009] 340-342) : Cicéron est le premier à avoir pris connaissance des lois de Solon et à les avoir confrontées avec la loi des XII T. On verra plus loin les conséquences de cette découverte, autour des années 52-51. Quant à savoir par quel intermédiaire Cicéron a eu un accès direct à la législation de droit privé (axones) de Solon, on peut hésiter. Pour Ruschenbusch (1963) 252, ce pourrait être par l’intermédiaire d’un commentaire aux XII T. rédigé par son ami Servius Sulpicius Rufus. Mais il n’est pas prouvé – v. cependant Lenel Pal., Servius 17, n. 1 – que ce dernier ait jamais rédigé un commentaire aux XII T., ni qu’il ait eu accès aux axones de Solon.  On peut alors songer (ainsi Ruschenbusch [1966] 46-51) au commentaire que Asclépiade de Myrléa composa à Rome, à l’époque de Pompée, sur les lois de Solon, ou encore à l’arrivée à Rome, en 82, de la bibliothèque d’Aristote et de son commentaire aux lois de Solon, à moins qu’il ne faille songer (Siewert [1978] 337 : aucune preuve n’est apportée que Cicéron ait utilisé les lois de Solon elles-mêmes ; Troiani [1982] 327 n.  77) à l’intermédiaire de Démétrios de Phalère, contemporain d’Aristote et dont il a certainement utilisé le commentaire aux lois de Solon, lui-même auteur d’une législation funéraire somptuaire, que Cicéron connaît et apprécie (leg. 2.66) (ainsi Siewert [1978] 337). En tout état de cause, Cicéron, par le commentaire qu’il a donné de XII T. 10.4, prouve être le premier à avoir rapproché la législation de Solon et celle des décemvirs et à avoir affirmé y déceler une filiation directe1.

1  La législation de Solon est citée pour la première fois dans la littérature latine chez Plaute (Asin.  598) ; il  ne s’agit pas de sa législation de droit privé, mais de sa constitution, le nomos patrios auquel les hommes politiques d’Athènes se référeront jusqu’au IIIe s. Après ce témoignage, il faut attendre Cicéron : pro Rosc.

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d) Cetera item funebria, quibus luctus augetur, XII sustulerunt. ‘Homini’, inquit, ‘mortuo ne ossa legito quo post funus faciat’ [= 10.5] : < credo quod erat factitatum ut uni plura fierent lectique plures sternerentur, quod ne fieret lege sanctum est. > Excipit bellicam peregrinamque mortem. (2.60) [« De même toutes les autres manifestations destinées à renforcer le deuil ont été supprimées par les XII T. : ‘De l’homme mort, que l’on ne recueille pas les ossements pour remettre à plus tard ses funérailles’ (= 10.5) : < je crois que c’est parce qu’alors on avait l’habitude de célébrer plusieurs fois les funérailles d’un seul défunt et d’exposer plusieurs lits funéraires ; la loi a donc décidé qu’on ne le ferait plus >. Mais elle a fait exception pour le cas de la mort à la guerre et à l’étranger »]. Il semble qu’avec cette nouvelle restriction, on soit revenu plus à la préoccupation de réduire les dépenses qu’à celle de limiter les manifestations du deuil. Le sens de la prescription n’est pas clair. L’aspect réduction des dépenses est peut-être dû à l’interprétation de Cicéron. e) Haec praeterea sunt in legibus : de unctura, quod ‘servilis unctura’ tollitur ‘omnisque circumpotatio’, quae et recte tolluntur, neque tollerentur nisi fuissent ; ‘ne sumptuosa respersio’, ‘ne longae coronae’, ‘ne acerrae’ [= 10.6] : praetereantur illa ; iam significatio est laudis ornamenta ad mortuos pertinere, quod coronam virtute partam et ei qui peperisset et eius parenti sine fraude esse lex impositam iubet [= 10.7] (2.60). [« On trouve encore ceci dans les lois : au sujet de l’onction, ‘l’onction servile’ est supprimée, ainsi que ‘tout usage de répandre (du vin ?) tout autour’. L’une et l’autre sont supprimés et ils ne le seraient pas s’ils n’avaient pas existé. ‘Pas d’aspersions coûteuses’ ‘pas de couronnes à guirlandes’, ‘pas de brûle-parfums’ (= 10.6). Passons. Mais voilà qui exprime bien l’idée que les morts ont droit aux marques d’honneur : ‘que la couronne gagnée par le courage soit posée, sans qu’il en soit fait grief, ou sur celui qui l’a gagnée ou sur son parent’ (= 10.7) »]. f) Qua in lege cum esset ‘neve aurum addito’, quam humane excipiat altera lex : {praecipit altera lege ut} ‘cui auro dentes vincti esunt ast im cum illo sepeliet uretve, se fraude esto’ [= 10.8]. Et simul illud videtote, aliud habitum esse sepelire et urere (2.60). [« Alors qu’il était prescrit dans la loi ‘que l’on ne joigne pas d’objets d’or’, voyez avec quelle humanité une autre loi apporte une exception : ‘mais si celui à qui les dents sont reliées par de l’or, si on l’inhume ou on le brûle avec cet or, que l’on n’en fasse pas grief’ (= 10.8). En même temps, vous

Amer. 70 (constitution de Solon) ; de orat. 1.197 (comparaison dépréciative à l’égard de l’œuvre de Solon, entre la législation de ce dernier et celle des décemvirs. Mais Cicéron a-t-il déjà accédé personnellement à la législation solonienne ? On peut en douter : cf. Ruschenbusch [1963] 252 ; Siewert [1978] 338-339).

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voyez que inhumer et brûler sont deux usages différents »]. Le thème est à nouveau, de toute évidence, celui de la limitation des dépenses funéraires, par l’interdiction d’enfouir des objets d’or. g) Duae sunt praeterea leges de sepulcris, quarum altera privatorum aedificiis, altera ipsis sepulcris cavet. Nam quod rogum bustumve moliri vetat propius sexaginta pedes {adici} aedes alienas invito domino, incendium veretur aedium {vetat} [= 10.9] ; quod autem forum (id est vestibulum sepulcri) bustumve usu capi vetat, tuetur ius sepulcrorum [= 10.10] (2.61). [« Il y a encore deux lois relatives aux tombeaux : l’une protège les maisons particulières, l’autre les tombeaux eux-mêmes. En effet, quand la loi interdit que l’on installe un foyer ou un bûcher à moins de soixante pieds de la maison d’autrui sans son accord, c’est visiblement par crainte de l’incendie. Mais quand elle défend que sur l’accès (au tombeau) ou sur (l’emplacement du) bûcher (bustum), on exerce son droit de propriété, elle protège le droit des tombeaux »]. Avec ces deux prescriptions qui ne concernent ni le deuil, ni les dépenses, mais le statut du tombeau, Cicéron a achevé son exposé de la législation décemvirale. Le reste du livre 2 apporte le témoignage des législations étrangères. Celle, légendaire, de Cécrops, puis celle de Solon, qui donne à Cicéron une nouvelle occasion pour rapprocher les règlements soloniens de ceux des Décemvirs. Cette législation solonienne, qui a supprimé les manifestations excessives et coûteuses de deuil, se retrouverait, selon Cicéron, mot pour mot dans la dixième Table : cum[…] sumptuosa fieri funera et lamentabilia coepissent, Solonis lege sublata sunt. Quam legem eisdem prope verbis nostri decemviri in decimam tabulam coniecerunt ; nam de tribus riciniis et pleraque illa Solonis sunt. De lamentis vero expressa verbis sunt : ‘Mulieres genas ne radunto, neve lessum funeris ergo habento’(2.64). Puis, attachées toujours au souci de limiter les dépenses, sont citées en renfort les législations de Pittacus, de Démétrios de Phalère et de Platon. 1. – 4. La légende des contacts entre les décemvirs et Athènes 1. – 4. – 1. Les contacts entre les décemvirs et la Grèce : représentations romaines La découverte, par Cicéron, dans le De legibus, de ressemblances ou de similitudes entre les lois de Solon et la loi des XII T. eut un retentissement rapide. Non pas tant auprès des juristes, qui, à part Pomponius et Gaius (pour deux rapprochements) n’exploitent pas cette découverte, mais auprès des historiens qui vont activement travailler l’invention et l’étoffer d’apports légendaires. On a pu reconstituer au-

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jourd’hui de manière à peu près définitive la formation progressive de cette légende (Ruschenbusch [1963] ; Siewert [1978]), dont on résume les principaux arguments. Très vite, après le De legibus, les Annalistes (Tite-Live le premier, aux alentours de 27/26) rattachent l’influence attribuée à Solon à l’existence supposée d’une délégation de décemvirs partis pour Athènes recopier et rapporter les lois de Solon et réunir du même coup, pour s’en inspirer, les lois, les institutions et les mœurs des autres cités grecques (Liv. 3.31.8 ; 32.1 ; 32.6 ; 33.3-5). Peu après, Denys d’Hal. (10.51.5 ; 52.4 ; 55.3 ; 56.2 ; 57.5) reprend ce thème de l’ambassade, en Grèce mais aussi en Grande-Grèce : le code décemviral aurait ainsi été une synthèse entre les lois grecques et des coutumes non écrites romaines. L’ambassade est encore présente chez Ammien Marcellin (16.5 : très vraisemblablement, en dépit des approximations ou confusion entre Lycurgue et Solon –, l’allusion à la réception, à Rome de lois somptuaires empruntées aux législateurs grecs doit refléter la même tradition mythique) et chez Zonaras (7.18.2). Denys n’ayant pas utilisé Tite-Live, il faut trouver à ces deux auteurs une source commune. Siewert (1978) suggéra l’ami de Cicéron, Aelius Tubero, historien et juriste, qui aurait inventé l’ambassade pour expliquer (et justifier) les emprunts affirmés par Cicéron. Une autre tradition, sensiblement contemporaine et qui se développera parallèlement, remonte probablement à Varron, née elle aussi après le De legibus. Cette représentation fabuleuse est incarnée par la figure mythique d’Hermodore d’Ephèse qui, exilé en Italie, aurait aidé les décemvirs à traduire (legum interpres), selon Pline (nat. 34. 21) – et de même Strabon 14.1.25 – des lois que les décemvirs auraient ensuite mises par écrit. La tradition autour d’Hermodore est suivie par les Antiquaires. Elle est indépendante de la vulgate des historiens. Seul Pomponius mélange les deux traditions (Enchir. D. 1.2.2.4 – cf.  Nörr [1976] 520-521) : les décemvirs sont dépêchés en Grèce pour demander leurs lois aux cités de Grèce ; mais selon certains, les lois auraient été élaborées par un certain Hermodore d’Ephèse). Sur ces deux traditions parallèles, Wieacker (1967) 344 ; Id. (1971) 766. ; Ducos (1978) 25-29. Plus tard encore, effaçant les nuances et gommant l’intermédiaire, ambassadeur ou traducteur, les auteurs tardifs voient dans les XII T. un emprunt pur et simple aux lois de Solon : Aug. civ. 2.16.1 (ab Atheniensibus mutuarentur leges Solonis) ; de même Isid. Etym. 5.1.3 ; Lydus de mag. 1.34 ; Florus 1.17  (1.24). La critique ancienne (par ex. Täubler [1921]) a tenté de dater, en remontant jusqu’à Fabius Pictor (ainsi Wieacker), la formation de ces légendes. En fait, comme le prouve la composition du De legibus, elles sont beaucoup plus récentes. Il est certain que l’on est en présence de pures inventions. Reste à savoir si ces inventions expriment une réalité : les XII T. ont-elles profité de l’influence de la Grèce ? Est-il possible de déceler des emprunts de Rome à la Grèce et lesquels ?

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1. – 4. – 2. Les emprunts des décemvirs au monde grec Peut-on déceler la réception ou l’emprunt (on évitera le mot influence par tout le flou ambigu qui le baigne) de termes, d’usages stylistiques, d’institutions, de concepts que les décemvirs auraient fait à la Grèce ou la Grande–Grèce ? La réponse à cette question, tout à fait indépendante du problème de la nature ou du lieu de ces contacts qui auraient permis cette réception, est infiniment complexe. Les réponses sont d’une grande variété, car la rigueur, dans la définition d’une similitude, voire d’un emprunt, est difficile à maintenir. Pour introduire un peu d’ordre, on peut distinguer cinq registres où la question d’emprunts peut être légitimement posée. 1. – 4. – 2. – 1. L’emprunt du style, de la syntaxe, de certains mots. L’apport des linguistes et des philologues domine ici. Ainsi Bréal (1889) ; Id. (1899) a-t-il pu suggérer l’origine grecque de mots (et de concepts) comme dolus ou poena (au sens premier de rachat du sang ou de compensation en cas de crime). Malgré Ciulei (1942) ; Id. (1969) 22, 40, l’accord est aujourd’hui acquis pour l’emprunt de poena (Fuhrmann [1962-1] 843 et bibl.). Wilamowitz (1921) 31 n.  3 affirmait que seul un Grec pouvait avoir écrit les XII T. (Die Juristen sollten die solonische Fabel endlich aufgeben, aber auch nicht mehr den Stil der XII T. für autochton halten – le modèle étant en Grande-Grèce -). De fait, la syntaxe, par sa concision, par la structure de la phrase évoque la loi de Gortyne. L’absence systématique du sujet renvoie aux lois de Cyrène. Les tournures stylistiques telles que ne minore aut si volet maiore (3.3), hoc plus ne facito (10.1) seraient (pour la dernière, moins sûrement) la transposition de tournures grecques. Ainsi Norden (1939) 254-256, suivi pour l’essentiel par Sbordone (1964), Wieacker (1967) 344-350, Crifò (1972) 123-126. Ces rapprochements sont pertinents et le très haut degré d’expression et de concision atteint au Ve s. par le code décemviral, et que le style législatif ultérieur n’atteindra jamais, conduit à admettre la réception directe de modèles grecs (ou de Grande-Grèce). En revanche, d’autres rapprochements (Gioffredi [1961] ; Delz [1966] 81) sont, contrairement aux apparences, à rejeter : ita ius esto ne peut signifier δικαίον  ἔστω. L’expression romaine (5.3 ; 6.1 ; cf.  8.12) a une valeur spécifique (équivalant à ‘comme s’il y avait jugement’). De même se fraude esto (3.6 ; 10.8) (‘qu’il ne lui soit pas fait grief’ – cf.  Bréal –) n’a pas besoin d’un modèle pour voir le jour et peut se passer de l’équivalent ἄπατον ἤμην. On peut donc accepter des emprunts significatifs, mais limités. 1. – 4. – 2. – 2. Des emprunts substantiels ? Les Romains semblent avoir distingué trois cas où les décemvirs auraient puisé leur inspiration dans les lois de Solon. Il s’agit de Cicéron, dans le De legibus, à propos de la

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législation funéraire solonienne, et Gaius, à propos des versets 7.2 et 8.27. Que valent ces rapprochements ? On remarque (cf. infra, commentaire à XII T. 10.2-4) que l’inspiration solonienne, affirmée par Cicéron, reste fort restreinte. Elle concernerait : 1) l’interdiction ‘d’en faire plus’ (hoc plus ne facito) ; 2) la prohibition des trois ricinia ; 3) la défense de se lacérer le visage et de pousser des gémissements. C’est limité. De plus, l’existence d’interdictions du même type à des dates variées dans plusieurs régions du monde grec prouve que l’on se trouve en présence d’usages répandus. La nécessité d’une source grecque précise pour justifier la prescription romaine se fait alors moins contraignante. On est en présence d’usages diffus dans le monde antique. Quant aux deux ‘modèles’ soloniens commentés par Gaius dans son ad legem XII tab., on peut dire, pour l’un, que le rapprochement établi par Gaius est le résultat d’un contresens à peu près complet de l’auteur sur la signification du verset qu’il commente (cf.  8.27), et que, pour l’autre (7.2), Gaius n’affirme nullement, contrairement à ce que l’on affirme, que la disposition décemvirale tire sa source d’un règlement solonien, mais que le verset (dont Gaius ne donne pas le texte) ‘a été écrit en quelque sorte sur le modèle de la loi dont on dit qu’elle aurait été faite à Athènes par Solon’, et dont le texte est cette fois reproduit. Gaius n’affirme rien de plus qu’une identité d’esprit. Le résultat est donc des plus maigres. 1. – 4. – 2. – 3. L’hypothèse d’un droit indo-européen ou d’une koinè méditerranéenne. L’idée d’un comparatisme à tout va a eu ses représentants. Peu de versets décemviraux, avec un peu d’effort ou d’imagination, qui n’aient trouvé un correspondant dans une législation grecque. On doit citer ici, parce qu’il est l’un des tout premiers, l’essai de Hofmann (1870) 1-42 qui a dressé une liste impressionnante de correspondances (Übereinstimmungen) : mais ces similitudes n’impliquent pas nécessairement influence ou emprunt. Cette prudente réserve n’a pas été maintenue par la suite. La procédure lance et licio, la mise à mort du voleur nocturne, la peine du double pour le vol, le talion, le testament (Coli [1956] 59-60) proviendraient de Solon… La liste est interminable. De fait, aucun rapprochement ne s’impose. Soit il est trop vague : le talion est connu dans tout le Proche-Orient ; soit il correspond à une nécessité anthropologique universelle (le vol de nuit) ; soit il se fonde sur quelques similitudes superficielles et non significatives (la perquisition à domicile : Weiss [1922] 458 ; en faveur d’un droit pré-italique, v. Schwerin [1924]). Pais (1915) 147-168, préoccupé de retarder la rédaction des XII T. à l’époque de l’hellénisation de Rome, s’était lancé dans cette démonstration vouée à l’échec. D’autres, plus raisonnablement (Delz [1966] 79-82), mais sans vraiment convaincre, ont cherché (et trouvé !) les manifestations d’une promiscuité profonde, générale, entre les XII T. et la Grèce. Toujours en ce sens, Tondo (1976),

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avec un systématisme dépourvu de toute vraisemblance ; plus mesuré, Martini (1999) en faveur d’une influence précise et abondante, surtout provenant du code de Gortyne (dans le même sens, Ferenczy [1984]. Mais la Grèce n’a pas fourni la seule source d’inspiration.  On l’a tenté pour le monde babylonien (Yaron [1974] ; Westbrook [1988] 78-121) ou biblique (Balogh [1948-2] 21-27), mais sans avoir encore identifié l’émissaire romain venu consulter le code d’Hammurabi… Contre des rapprochements avec ce code, déjà Berger (1932) 1923, et contre ce comparatisme élargi et, plus précisément, contre l’hypothèse d’emprunts de Rome au droit pénal grec, Latte (1931-2) 272 et passim. On peut certes établir des parallèles, mais guère plus. On ne peut parler ni de similitudes ni d’emprunts autres que formels et linguistiques. Mais l’influence de la Grèce, d’Athènes en particulier, n’est pas exclue pour autant. C’est dans une autre direction qu’il faut la chercher, sans passer par la légende solonienne fabriquée par Cicéron pour les besoins de son Traité des Lois. 1. – 4. – 2. – 4. Si l’on accepte la signification générale que nous avons proposée de la législation décemvirale, un règlement politique de l’administration de la justice imposé aux consules-praetores, titulaires de l’imperium, la possibilité, plus encore la nécessité d’un modèle grec s’impose. Replacé dans le contexte de crise politique qui marque le premier demi-siècle de l’histoire républicaine, de la naissance de la plèbe en tant que force d’opposition à partir de 493 jusqu’aux leges Valeriae Horatiae de 449, l’appel aux décemvirs sous la pression exclusive des chefs plébéiens prend tout son sens. La mission confiée à ces législateurs ou nomothètes n’est pas de réformer le droit, mais de placer dans une loi intangible et supérieure la conduite du procès, donc la sanction du droit, donc la source de tout le droit. Ce qui est nouveau dans la Rome post-monarchique, c’est l’apparition d’une lex supérieure à l’imperium, d’une lex, qui a peut-être été formellement acceptée par le populus, mais qui a certainement été présentée au populus et peut-être été placée symboliquement au centre politique de la cité. Le destinataire de cette loi fondamentale n’est pas immédiatement le citoyen, mais le magistrat. À lui s’impose le sens que l’on doit donner à chaque verset, celui d’une compétence liée, qui ne laisse plus d’espace, dans l’administration de la justice, dans la défense des individus, à son initiative incontrôlée, à son arbitraire, à la licentia du magistrat- iudex. V. ici Humbert (1997) 103-111 ; Id. (2005-1) 11-15, 48 s. = 549-553, 586 s. Il faut bien reconnaître que ce concept est révolutionnaire à Rome au Ve s., sans équivalent avant, ni même après (Schulz [1934] 5). Cet apax est peut-être sorti de l’imagination des chefs plébéiens. Mais il est infiniment plus vraisemblable de songer à la réception de modèles grecs, d’autant plus que les innovations institutionnelles de la première moitié du même siècle, avec la création des institutions plébéiennes,

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conduit à la même orientation (Humbert [2015] 417-422, 441-443). Mais quel modèle ? Athènes, avec Solon, l’inventeur du concept et du nom de nomos, peut convenir. Le nomos, qui exprime l’idée d’un principe de répartition supérieur (Laroche 1949), nourri d’un besoin d’équilibre entre citoyens et magistrats (Ostwald [1969] 20-21, 57-59, 65-67), est le modèle le plus pertinent (ainsi Wieacker [1941-2] 41-44, 49) ; Gioffredi [1947] 37-38) pour comprendre ce que la loi des XII T. a eu pour mission d’introduire à Rome et a effectivement établi. Entre Solon et les décemvirs, la chaîne peut paraître bien longue. Mais Clisthène, avec l’isonomia, plus proche dans le temps, en a repris le principe dans un sens plus égalitaire ; et, contemporaines, les multiples législations des colonies de Grande-Grèce, elles aussi réduites le plus souvent à des propositions processuelles (Gagarin [1986] 55, 77 s., mieux que Hölkeskamp [1999] 262-284), ont montré la voie. L’équilibre et la cohésion politique dans la cité passent d’abord par le règlement de la justice. Dans ces conditions, nous semble-t-il, les Annalistes (Tite-Live et Denys d’Halicarnasse) ont vu juste en cherchant en Grèce le modèle d’inspiration d’une révolution qu’ils plaçaient justement sous le signe de l’isonomia (Humbert 2005-1). Qu’ils l’aient habillé sous la forme d’une ambassade légendaire, n’a guère d’importance. C’est un détail qui ne mérite ni qu’on le juge crédible, ni qu’on en démontre l’invraisemblance. Cicéron, pour ancrer dans le droit de la nature sa législation funéraire, était allé chercher le patronage de Solon. Les annalistes, pour illustrer une filiation dont ils étaient fondamentalement (et justement) convaincus, lui ont emboîté le pas et ont opté pour l’ambassade. Athènes ou une autre cité grecque ? Solon ou un autre législateur refondateur ? Le modèle clisthénien nous est apparu comme le plus complet, et le plus fécond. Mais il ne peut dépasser le stade de l’hypothèse. L’idée essentielle, devenue inhérente à la polis grecque du Ve s., une fois passée l’ère de l’aristocratie, puis de la tyrannie – dont Rome venait d’achever l’expérience –, était d’organiser la cité, de la soumettre à une loi supérieure. C’est cette idée qui inspire les chefs plébéiens, qui anime le décemvirat, et qui, pour un temps, s’impose à l’oligarchie patricienne. 2. – Les rites funéraires archaïques Les XII T. révèlent l’usage de rites funéraires, dont la signification, qui se maintiendra longtemps, peut être éclairée par le rapprochement d’usages comparables attestés dans des mentalités dites primitives. 2. – 1. Les croyances ‘primitives’ n’acceptent pas la mort dans sa brutalité et son caractère soudain. Entre le décès physique et les rites qui marquent la clôture des funérailles, s’étend une période de transition, marquée par de véritables rites de passage, étalés sur plusieurs jours.

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Leur fonction est de préparer progressivement la collectivité des vivants et le mort lui-même à s’adapter au statut nouveau auquel tous accéderont à l’achèvement des funérailles (Hertz [1906] ; Lévy-Bruhl [1910-1] 350 s. ; Humphreys [1982] ; Scheid [2005] 161-209). 2. – 2. Pour les vivants, les rites ont une signification complexe : – une valeur de purification ou de protection, afin d’écarter les esprits malfaisants (Frazer [1934]) : d’où, pour la famille mise en contact avec le mort, les vêtements de deuil, le jeûne (à fonction d’isolement), les manifestations bruyantes (cris, cors, flûtes) ; – une affirmation de solidarité ou une réaction de vitalité (Lévy-Bruhl [1927] 319-327) : ébranlée et atteinte par le décès, d’un chef surtout, la famille, par le caractère collectif des rites (cortège, manifestations groupées de deuil, banquet funèbre), affirme une cohésion rétablie intacte au terme des cérémonies ; – un étalage de puissance particulièrement entretenu dans les traditions aristocratiques : l’exposition du mort, puis son ensevelissement sont l’occasion privilégiée, dans des rites d’ostentation, d’afficher puissance, richesse, réussite de la gens ou du clan. Un esprit de compétition anime ici les familles rivales : Colonna (1977-2) ; Id. (1981). 2. – 3. Le mort ne sera vraiment « mort » qu’après la cena novendialis, ou après des sacrifices de clôture de même signification, repoussée à plus tard encore (Lévy-Bruhl [1927] 291-315, sur la survie du mort). Durant les funérailles, le passage de la vie au séjour éternel est progressif, et périlleux. Pendant cet intermède, le mort doit être protégé, par le bruit (pour le ‘réveiller’) ; il est oint et couronné, placé à l’abri des esprits qui rodent autour d’un être sans défense (Mau [1897] 348 ; Frazer, cit.). Des sacrifices vengent le mort et le satisfont dans son refus d’accepter son départ du monde des vivants : sacrifices humains, remplacés progressivement par des combats ou des jeux, par des sacrifices d’animaux, par des effusions rituelles de sang (joues lacérées des femmes participant aux lamentations), par des libations de vin (Hubert – Mauss [1899] 8 s. ; Eitrem [1915] ; Burkert [1984]). Mais dans la préparation pour l’au-delà, le corps est paré d’un habit définitif (avec superposition de vêtements), entouré surtout d’un mobilier funéraire qui revêt au moins une triple vocation.  Une partie des objets déposés, souvent systématiquement détruite, représente la ‘part du mort’ : le mort ne disparaît pas seul ; il emporte sa fortune (Bruck [1926] 96-98). Mais ces objets ont aussi pour fonction de perpétuer symboliquement le mort et affirment, par les inscriptions qu’ils portent, s’identifier à lui (Lévy-Bruhl [1927] 319-325 ; Colonna [1981] ; Ampolo [1984] 74-76). Enfin le mobilier, à usage domestique (armes, parure, service de banquet), déposé aux côtés du mort, continue à le servir dans sa survie dans l’au-delà (Zevi [1982] ; Burkert [1984] 279 s. ; Ampolo, cit.).

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3. – Portée politique de la Table X. Une législation somptuaire ? Cicéron attribue à ses lois relatives aux iura Manium une portée incontestablement somptuaire : opes amovento. Cicéron rattache donc, sur ce point, sa législation funéraire à l’ensemble des lois qui, à Rome, de la fin du IIIe s. au début de l’Empire, luttent contre les dépenses ostentatoires (toilettes, moyens de transport, art de la table et raffinement des mets), dont le luxe choquait une partie de la population romaine et dont les répercussions économiques risquaient d’être fatales à la consistance des patrimoines, dont le maintien était la base de l’ordre censitaire. V. ici Kübler (1931) ; Clemente (1981) ; Gabba (1981) 35-36 ; Id. (1985) 71 ; Bottiglieri (2002) 175-181. Cette préoccupation égalitaire surprend chez Cicéron et, en particulier, l’insistance avec laquelle il donne à sa législation funéraire une vocation (exagérément) somptuaire : sumptum in ollos luctumque minuunto (2.22) ; opes amoveri iubet […] sumptum esse removendum. Paupertatem cum divitiis etiam inter homines esse aequalem velimus, cur eam sumptu ad sacra addito deorum aditu arceamus ? (2.25) ; nostrae quidem legis interpretes, quo capite iubentur sumptus et lucrum removere a deorum Manium iure, hoc intellegant in primis, sepulcrorum magnificentiam esse minuendam (2.62). Il est clair que si Cicéron a accordé dans ses lois une place de choix au ius Manium, c’est en grande partie afin d’en récupérer l’esprit de lois somptuaires. Or, cette volonté de placer, à l’heure de la mort, à égalité la richesse (divitiae) et la pauvreté (paupertas) intrigue, quand on pense à la structure profondément inégalitaire de la société censitaire romaine, et dont Cicéron se fait immédiatement le farouche défenseur, au livre 3 du De legibus. Ici, toute tentative (création de la plèbe au Ve s., législation agraire, introduction du vote secret…) qui a conduit ou qui eût pu conduire à placer au même niveau le populus ou les tenuiores d’une part, et les optimates – boni viri ou principes de l’autre, est dénoncée avec une extrême vigueur (3.16 ; 19-20 ; 24 ; 25 ; 33-35 ; 38 …). On peut alors se demander si la sensibilité égalitaire – à l’heure de la mort – qu’exprime pesamment Cicéron dans le livre 2 ne serait pas destinée à tempérer, par une concession politiquement neutre (ou nulle), sa défense d’une constitution inégalitaire, où la hiérarchie des fortunes occupe la place d’un principe constituant. Toujours est-il que cette préoccupation de Cicéron d’affecter aux iura Manium une vocation égalitaire rejaillit sur les sources qu’il invoque au titre de précédents prestigieux. Présenter, comme il le fait, les réglementations grecques des funérailles et la loi même des XII T. comme les premiers modèles d’une législation somptuaire était certes nécessaire pour sa démonstration. Mais était-ce fondé ? 3. – 1. Il faut tout d’abord réduire la portée globale que Cicéron attribue à l’ensemble des prescriptions contenues dans la Table X. Des dix ver-

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sets cités à l’occasion du de iure Manium, une partie seulement répond objectivement au souci de réduire le coût des funérailles. C’est le cas de 10.2 ; 10.3 ; 10.6 et 10.8, mesures portant sur la construction du bûcher, sur le nombre de vêtements (couvrant le mort ? habillant les femmes participant au cortège ?) et celui des joueurs de flûte, sur les onctions d’huile et de vin, les couronnes funèbres et l’interdiction d’enfouir des objets d’or. En revanche, sont sans lien avec la restriction des dépenses, les versets 10.4 (lamentations) ; 10.5 (funérailles retardées), 10.7 (couronne honorifique). Pour 10.1 ; 10.9 ; 10.10, Cicéron précise lui-même qu’il s’agit de tout autre chose. Mais, ceci précisé, il reste certain que les quelques versets cités relèvent d’un dispositif qui évoque celui d’une législation somptuaire. Mais qu’il s’agisse du soi-disant modèle d’inspiration grec ou du précédent décemviral, l’interprétation somptuaire ou égalitaire de Cicéron est-elle historiquement justifiée ? 3. – 2. Les règlements funéraires grecs. Sur ces règlements : Lois de Solon : Ruschenbusch (1966) 96 s. ; règlement de la phratrie des Labyades : Rougemont (1977) 35 s. ; loi de Ioulis (Kéos) : Dareste-HaussoulierReinach (1895) I, 10 s. ; Sokolowski (1969) 188 s. Ces législations, variées dans l’espace (Athènes, Gortyne, Delphes, Kéos) et dans le temps (du VIIe à la fin du IVe s.), présentent, dans leurs prescriptions détaillées, des parallèles souvent troublants avec les prescriptions décemvirales. On y reviendra pour le détail. Quelle finalité politique leur reconnaître ? Une interprétation unique semble exclue. Dans certains cas (Labyades à Delphes, loi de Ioulis à Kéos), ces dispositions, situées dans un contexte aristocratique, étaient dépourvues de toute vocation égalitaire ou démocratique. Elles tendaient à maintenir, entre les grandes familles, un équilibre nécessaire et à protéger chacune contre une course ruineuse à la dépense somptuaire, en particulier à l’heure des funérailles. Il s’agissait donc d’assurer la survie d’une société aristocratique en la gardant de déviations internes : Toher (1986) 316-320. Il est possible que la législation néo-solonienne reprise par Démétrios de Phalère (et que Cicéron connaît et cite), ait eu dans l’Athènes des années 317-307, la même fonction : Habicht (2000) 74-75 ; Bernhardt (2003) . Mais il est certain qu’en d’autres situations, des régulations comparables ont servi d’autres ambitions politiques. On doit alors leur reconnaître une portée égalitaire (abaisser l’orgueil des grands et réduire l’insolence d’un étalage provocant de richesse mobilière), relevant de l’aspiration tyrannique à établir une certaine égalité et l’idéal isonomique. Ainsi en est-il pour la législation solonienne (pour laquelle il semble impossible de suspecter une inspiration de type aristocratique), de même pour les règlements attribués à Pisistrate, puis à Clisthène, ou que l’on retrouve à Corinthe à l’époque de la tyrannie : Bruck (1926) 149-151 ; Mazzarino (1947) 193-194 ; 214-216 ; Will (1955) 513-514 ;

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Pleket (1969) 49-50 ; Kurtz-Boardmann (1971) 89 s. ; 121 s. ; Colonna (1977-2) 160 s. 3. – 3. Qu’en est-il à Rome ? On peut hésiter, pour dégager la signification politique de la Table X, entre deux interprétations différentes. L’une (Toher [1986] cit.) attribuerait à cette législation une portée éminemment aristocratique. Les prescriptions décemvirales tendraient à protéger les gentes puissantes contre leur propre émulation à enfouir des trésors stériles dans des dépenses funéraires de pur prestige. Il s’agirait d’assurer l’équilibre interne de ces gentes et de garantir leur survie contre cette compétition fatale. La pression plébéienne, dont on a souligné le rôle décisif dans l’élaboration du code décemviral (cf. Intoduction), serait ici hors de cause. Que la lutte contre un luxe tapageur ait été décidée par le gouvernement oligarchique des patres soucieux de s’auto-protéger n’est pas impossible, mais une autre explication se profile à la suite des découvertes archéologiques des trente dernières années. La prohibition décemvirale, bien que limitée, du luxe funéraire a eu des précédents immédiats qui ne s’accordent pas avec cette analyse. Autour du règne de Servius Tullius les usages cultuels se sont brusquement transformés dans les nécropoles romano-latines par la réception de modèles grecs égalitaires. Le luxe funéraire disparaît brusquement. Or l’esprit de ces règlements est d’inspiration tyrannique et isonomique : animée de l’idéologie égalitaire athénienne, cette législation n’avait pas pour objectif de protéger des équilibres seigneuriaux ou aristocratiques contre leur propre désintégration. Au contraire. Et c’est cette législation qui se prolonge dans la règlementation décemvirale ; son idéologie et le détail même de ses prescriptions s’y retrouvent. « Les XII Tables ont codifié des normes déjà appliquées à Rome sous Servius Tullius » (Colonna [1977-2] 159 ; Id. [1981] ; Zevi [1977] ; Id. [1982] ; Ampolo [1984]). Nous avons donc le précédent immédiat des prescriptions décemvirales. Elles ne s’inscrivent pas dans un contexte de restauration aristocratique, mais elles expriment, à l’opposé, un idéal égalitaire et vigoureusement anti-seigneurial. Réitérer des prescriptions funéraires de plus d’un siècle et affirmer solennellement la condamnation de l’étalage insolent du luxe devaient bien présenter une certaine actualité en 450. L’archéologie (pour le moment) n’apporte aucune information sur ce point. Mais les sources littéraires offrent des indices sérieux et concordants. Entre 500 et 450, les sources annalistiques évoquent la renaissance d’usages aristocratiques – ceux précisément que la règlementation servienne avait réussi à contenir. On peut penser que la réaction patricienne de 509 avait permis le retour de traditions gentilices contrariées depuis 580. Les fondateurs de la République sont ainsi les premiers à

X. INTRODUCTION

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violer, eux et leurs descendants, les règlements funéraires dont leurs aïeux avaient été les destinataires et les victimes. Les ‘funérailles nationales’ des Valerii, des Iunii, des Postumii, des Maenenii, sont la résurgence d’usages bannis. Ainsi pour le privilège insigne (et héréditaire), pour Valerius Publicola cos. 508 s. (Arnobe, adv. nat. 6.7 rapporte un fragment de Fabius Pictor mentionnant l’inhumation d’un Publilius Valerius sur le Capitole) et pour Postumius cos. 505 s., de se faire inhumer dans la Ville (Cic. leg. 2.58 ; Plut. Popl. 28). Le deuil d’une année entière imposé à toute la cité implique une participation massive d’étrangers à la famille et une démonstration exceptionnelle de deuil, certainement contraires, l’une et l’autre, aux règlements funéraires qui vont réagir contre ces pratiques ostentatoires (XII T. 10.3) : Liv. 2.7.4 ; Dion. Hal. 5.16.17 ; Dio frag. 13.1 pour Iunius Brutus ; Liv. 2.16.7 ; Plut. Quaest. Rom. 79 pour Valerius Publicola ; Dion.  Hal. 6.96.2-3 pour Menenius Agrippa cos. 477, enterré aux frais du public (αὐτὸν ἔθαψεν ἡ πόλις δημοσίᾳ). Des tombeaux somptueux (où durent certainement être engouffrés de riches mobiliers funéraires) sont édifiés à grand frais, financés par des contributions imposées aux particuliers. Pour Menenius Agrippa, les tribuns de la plèbe auraient appelé le peuple à contribuer à ces funérailles, « les plus splendides qui honorèrent jamais un défunt », et fixèrent la contribution que chacun dut apporter, au point que le sénat s’en serait inquiété et aurait décidé qu’à l’avenir la dépense devrait être supportée par des fonds publics. L’annalistique tente de camoufler ce système de taxation aristocratique en invoquant la pauvreté exemplaire de ces vertueux défunts (cf. RE 15 [1955], v° Valerius Poplicola, 187 ; Plut. Popl. 23 et Solon./Popl. 1 ; Liv. 2.16.7 ; 33.11 ; Plin. nat. 33.138  et Liv. 3.18.11 pour P. Valerius Poplicola cos. 460 ; Dion. Hal. 6.96.2, pour Menenius Agrippa). Dans ce concert d’usages seigneuriaux ressuscités, dans cette course au faste et à l’ostentation, on cherche vainement l’esprit de la réglementation servienne. L’idéal égalitaire servien n’a pas été oublié en 508, il a été rejeté. Aussi les décemvirs, en 450, en reprenant les prescriptions bafouées ont-ils de fait condamné la résurgence de l’orgueil gentilice et la démesure du patriciat. La pression politique plébéienne, sans laquelle les XII T. n’auraient pas vu le jour, semble bien avoir joué ici un rôle décisif.

X. 1

10. 1 – :  HOMINEM MORTVVM IN VRBE NE SEPELITO NEVE VRITO.

:  L’homme mort, qu’on ne l’ensevelisse ni ne le brûle dans la ville.

Source principale a) Cicero De legibus 2.58 : [Atticus] Video quae sint in pontificio iure, sed quaero ecquidnam sit in legibus. [Marcus] Pauca sane, Tite, et ut arbitror non ignota vobis ; sed ea non tam ad religionem spectant quam ad ius sepulcrorum. ‘Hominem mortuum’, inquit lex in XII, ‘in urbe ne sepelito, neve urito’ ; credo vel propter ignis periculum ; quod autem addit ‘neve urito’, indicat non qui uratur sepeliri, sed qui humetur. [Pour le contexte, supra Introduction Table X] [« [A.] Je vois bien le contenu du droit pontifical, mais je demande : que trouve-t-on dans les lois ? – [M.] Bien peu de choses et, je le pense, que tu n’ignores pas. Mais ces dispositions concernent moins les devoirs rituels envers les morts que le statut des tombeaux. ‘L’homme mort, dit la loi dans les XII T., qu’on ne l’ensevelisse ni ne le brûle dans la ville’. C’est, je crois, , soit en raison du danger d’incendie. Quant à l’adjonction des mots ‘ni ne le brûle’, elle prouve que celui qui est enseveli, n’est pas celui qui a été brûlé mais qui a été inhumé »]. Sources complémentaires b) Cic. leg. ibid. : [Atticus] Quid qui post XII in urbe sepulti sunt clari viri ? [Marcus] Credo, Tite, fuisse aut eos quibus hoc ante hanc legem virtutis causa tributum est, ut Publicolae, ut Tuberto, quod eorum posteri iure tenuerunt, aut {eos} si qui hoc, ut C. Fabricius, virtutis causa soluti legibus consecuti sunt. Sed in urbe sepeliri lex vetat, sic decretum a pontificum collegio, non esse ius in loco publico fieri sepulcrum. [« [A.] Mais comment se fait-il que des hommes célèbres aient été après les

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XII T. ensevelis dans la ville ? [M.] Je crois, Titus, qu’il s’agit ou bien de ceux qui, avant cette loi, avaient reçu ce droit en vertu de leur mérite, tel Publicola, tel Tubertus et dont les descendants conservèrent ce droit, ou bien de ceux qui, comme Caius Fabricius, dispensés de l’observation de la loi en vertu de leur mérite, ont obtenu ce droit. Mais de même que la loi interdit l’ensevelissement dans la ville, de même le collège des pontifes a décrété qu’il ne pouvait, juridiquement, y avoir un tombeau dans un lieu public »]. c) Lex coloniae Genetivae Iuliae sive Ursonensis (44 av. J. – C.) : c. 73 : Ne quis intra fines oppidi colon(iae)ve, qua aratro circumductum erit, hominem mortuom inferto neve ibi humato neve urito neve hominis mortui monimentum aedificato. Si quis adversus ea fecerit, is c(olonis) c(oloniae) G(enetivae) Iul(iae) HS IϽϽ d(are) d(amnas) esto, eiusque pecuniae cui volet petitio persecutio exactioq(ue) esto […] Si adversus ea mortuus inlatus positusve erit, expianto uti oportebit. [« Que personne à l’intérieur des limites de la cité ou de la colonie, dans les limites fixées par la charrue, ne dépose un homme mort, ni ne l’inhume, ni ne le brûle, et que personne n’élève un monument à un homme mort. Si quelqu’un agit contre cette prescription, qu’il soit condamné à payer aux colons de la colonie Gen.  Iul. 5000 HS, et que l’action en réclamation, poursuite et paiement appartienne à qui le voudra. […] Si néanmoins, un mort a été déposé ou exposé, que l’expiation soit faite comme il le faudra »]. d) Servius ad Aeneidem 11.206 : Et meminit antiquae consuetudinis : nam ante etiam in civitatibus sepeliebantur, quod postea Duellio consule senatus prohibuit et lege cavit, ne quis in urbe sepeliretur : unde imperatores et virgines Vestae quia legibus non tenentur, in civitate habent sepulchra. [« Rappel d’une coutume ancienne : on ensevelissait autrefois même dans les villes, usage que le sénat proscrivit ensuite sous le consulat de Duilius (cos. 260) et interdit par une loi à quiconque d’être enterré dans la ville : de là le fait que les imperatores et les Vestales, parce qu’ils ne sont pas tenus par les lois, ont leur tombeau dans la ville »]. e) Isidorus Origines 15.11.1 : Sepulchrum a sepulto dictum. Prius autem quisque in domo sua sepeliebatur. Postea vetitum est legibus, ne foetore ipso corpora viventium contacta inficerentur. [« Jadis, chacun était enseveli dans sa propre maison. Les lois l’interdirent par la suite, afin d’éviter qu’au contact de cette souillure, les vivants ne soient infectés »].

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Reconstitution Il n’y a rien à changer à la citation du de legibus. On remarquera que le mot HOMO n’apparaît que deux fois dans les XII T., chaque fois pour désigner un mort (homo mortuus : 10.1 et 10.5), objet et non sujet. Quant à MVLIER, le terme est attesté sûrement (10.5) (douteux pour 5.2), en relation aussi avec les funérailles, mais pour désigner les pleureuses du cortège. Stylistiquement, le verset, caractéristique de la syntaxe des décemvirs, est marqué par une allitération (en m), par un rythme répétitif (cf.  10.5, retour de homini mortuo) ; de même (10.8 : aurum…auro), par des expressions soudées (ne sepelito neve urito, repris en 10.8 : sepeliet uretve), par la répétition de la défense exprimée, en fin de prescription par un impératif futur précédé de ne (ne sepelito neve urito (10.1) ; de même : ne facito, ne polito (10.2), ne radunto neve habento (10.4), ne legito (10.5), neve addito, se fraude esto (10.8). Rythme, musicalité et répétition aidaient la mémoire à retenir les propositions successives de ce véritable carmen. La copule –ve a le sens de –que. Commentaire Le verset 10.1 contient une prescription tralatice interdisant aux morts le monde habité par les vivants et prouve qu’à Rome, au Ve s. au moins, les rites de l’inhumation et de l’incinération étaient également en usage. 1. – L’urbs et le tabou de la mort La séparation des zones d’habitation et des sépultures d’adultes (nécropoles ou tombes isolées) remonte très haut. La norme, dont fait état le texte décemviral, est certainement coutumière. Elle est même probablement antérieure à la fondation institutionnelle de la cité. On sait, en effet, que la nécropole située à l’emplacement du futur forum disparaît au VIIIe s. alors que la cité n’est pas encore fondée. Cette nécropole est condamnée au moment où l’aire du futur forum devient un espace occupé par des habitations (cabanes et sépultures d’enfants, celles-ci non touchées par l’incompatibilité maisons et sépultures). Ce n’est qu’après le troisième quart du VIIe s. (630-620) que le forum devient un espace public lié à la fondation juridique de la cité. Le tabou de la mort est donc antérieur à l’Urbs. V. sur ce problème discuté : Müller-Karpe (1962) (place au VIIIe s. la naissance progressive de Rome, se fondant précisément sur la disparition de la nécropole du forum). Contra : Ampolo (1980) 567-576 dissocie les deux phénomènes : les habitations, antérieures à la fondation rituelle de la cité, ont refoulé les tombes, donc le tabou n’est pas né avec

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la cité mais il lui est antérieur ; Colonna (1974) 274-345. De même pour une date de fondation placée à l’époque de la monarchie tarquinienne (donc bien après l’affirmation du tabou), Magdelain (1976) 71 s.= 155 s. Sur les tombes des très jeunes enfants, inhumés au lieu même de l’habitation, Gjerstad (1954) 291-296 ; Id. (1953) 152 et (1956) 146 s. 2. – Inhumation, incinération La théorie vieillie expliquant la dualité des formes de sépulture par une diversité ethnique primitive (encore ainsi De Visscher [1963] 1742) est abandonnée. Cf. Audin (1960) 312-322 ; 518-532 ; Dumézil (1974) 76-80 ; Franciosi (1984) 35 s. Sur les données capitales apportées par les fouilles des nécropoles du Latium, Colonna (1977-2) ; Zevi (1977) 241-273 ; Bartoloni (1984) ; Ampolo (1984) 74-75. L’archéologie prouve, pour le Latium, la coexistence des deux rites au IXe s., puis la prédominance progressive de l’inhumation du VIIIe au VIIe s. ; quant aux XII T., dont les dispositions funéraires reflètent des usages ou des règlements remontant au début du VIe s. (supra, Introduction - 3), elles placent sur un même plan les deux traditions, ensevelissement et crémation (10.1 ; 10.2 ; 10.8). 3. – Rôle de la prescription décemvirale dans l’argumentation cicéronienne 3. – 1. En commentant le tabou de la mort, proscrit des limites de la ville, Cicéron lui trouve deux explications ( vel…, selon la restitution de l’éditeur, Powel), dont seule la seconde (crainte des incendies) a été conservée. Il est probable que la première justification, et qui devait avoir les préférences de Cicéron, établissait un lien entre l’interdit décemviral et la pratique de l’inhumation, qui, de fait, tient une place considérable dans le de iure Manium de Cicéron. À plusieurs reprises, Cicéron insiste sur l’antériorité et la supériorité (antiquissimum sepulturae genus, 2.56) de l’inhumation du cadavre par rapport à l’incinération. Il est exact que l’interprétation littérale du verset oblige à limiter le fait de sepelire, donc la sepultura ou le sepulcrum au sens propre de ces termes, à l’inhumation du défunt. Au contraire, le dépôt des cendres (urere) n’a pu être rattaché à la sepultura qu’à la suite d’une extension abusive et tardive, postérieure au code décemviral. Cicéron revient avec une insistance particulière sur la supériorité de l’inhumatio sur la crematio : ainsi en 2.60 (à propos de XII T. 10.8), ou encore, toujours dans le commentaire du de iure Manium, en 2.56 et 57. Pourquoi cette attention spéciale ? L’inhumation, pour Cicéron, constitue un retour du corps à la terre (‘comme s’il s’était mis à l’abri sous le couvert d’une mère’ (redditur enim terrae corpus, et ita locatum ac situm quasi operimento matris obducitur, 2.56). Le corps n’est pas

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détruit (dissipatum), comme il le serait par le feu, mais il est replacé (locatum ac situm, conditum) au sein de la terre nourricière. La sepultura n’est plus un lieu commémoratif, mais la résidence même d’un corps humain divinisé par la mort, relevant dès lors de la religio (à la différence du lieu de crémation : locus ille ubi crematum est corpus, nihil habet religionis, 2.57). Par son caractère naturel (cf. encore 2.63), l’inhumation rattache à la loi naturelle de l’univers les rituels funéraires et répond, par sa noblesse, au caractère divinisé des restes humains (Suos leto datos divos parentes, 2.22). D’où l’importance, dans l’argumentation constituée par Cicéron, du témoignage des XII T. : à côté de l’inhumation de Numa et des mores de la gens Cornelia (2.56), il fournit une preuve supplémentaire de la supériorité de l’inhumation. 3. – 2. La solutio legibus virtutis causa L’attention de Cicéron porte, en second lieu, sur plusieurs dispenses exceptionnelles de l’observation de la prescription décemvirale. Cicéron, convaincu de l’archaïsme du tabou de la mort, fait même remonter les dispenses ‘pour le mérite’ à l’époque précédant les XII T. (hoc ante hanc legem virtutis causa tributum est), en un siècle où le tabou était donc d’essence coutumière. Et la pratique de ces dérogations, individuelles et familiales, s’est maintenue après la promulgation du code (aut eos si qui hoc… virtutis causa legibus consecuti sunt). L’insistance (non nécessaire, semble- t-il, à la cohérence de l’exposé) sur les dispenses surprend dans un traité consacré aux lois, notamment au principe de la légalité – tout le livre 3 lui est consacré – si opportun en ce dernier siècle d’une République malmenée. Mais ce n’est pas tout. Dans la suite de son exposé sur la législation décemvirale de iure Manium, Cicéron aime présenter les diverses prescriptions relatives au caractère sacré des défunts et à la réduction du deuil comme dépourvues de rigidité ; au contraire même, comme tolérant de multiples exceptions. Ainsi pour 10.5 : ne ossa legito… excipit bellicam peregrinam mortem ; ou pour 10.7 : Cicéron présente implicitement l’autorisation légale (lex iubet) de déposer une couronne sur le défunt comme une exception justifiée virtutis causa à la prohibition générale des longae coronae (citée en 10.6). La prohibition d’enterrer de l’or est aussitôt suivie, chez Cicéron, de ce qu’il présente comme une exception légale (excipit altera lex), dictée par des considérations d’humanité (humane). On est, pour l’essentiel, en présence d’une présentation personnelle de Cicéron : soit sous la forme d’un complément d’information, dont il tient à enrichir la portée de la prescription (10.1), soit par l’effet d’une présentation qui veut mettre en évidence un ensemble de prohibitions dépourvu de toute rigidité (10.6 ; 10.7 ;10.8 a et b). Pourquoi cette orientation donnée à la loi – et que l’on doit per-

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cevoir comme le reflet des propres préoccupations de l’auteur ? On ne peut présenter que des hypothèses. Peut-être Cicéron a-t-il voulu nuancer le caractère quelque peu péremptoire et absolu de ses propositions législatives, abruptes et sans nuance dans leur extrême concision. Mais, plus probablement, Cicéron, par cette présentation habile de la loi des XII T., préparait-il un élément (non composé ? à coup sûr non conservé) de son De legibus, consacré au principe de la légalité et au caractère impératif de l’ordre législatif. Et ce principe ne pouvait être absolu. Cicéron (par ex. dans le Pro Balbo ou dans le De lege Manilia sive de imperio Pompei) savait mieux que quiconque que les lois les meilleures doivent tolérer des dérogations, mais exclusivement virtutis causa (Balb. 26 ; 37 ; 44). On peut penser que les XII T. ont été l’occasion, pour Cicéron, par la présentation qu’il en a donnée, de nourrir le dossier des dérogations individuelles dans l’intérêt de l’État.  

X. 2

10. 2 – :  … HOC PLVS NE FACITO. ROGVM ASCEA NE POLITO…

: … Que l’on n’en fasse pas plus. Qu’on n’utilise pas la hache pour égaliser le bûcher…

Source principale Cicero De legibus, 2.59 : Iam cetera in XII minuendi sumptus sunt lamentationisque funebris, translata de Solonis fere legibus. ‘Hoc plus’ inquit, ‘ne facito ; rogum ascea ne polito’ (nostis quae sequuntur ; discebamus enim pueri XII ut carmen necessarium, quas iam nemo discit). [« Le reste des dispositions que l’on trouve dans les XII T. porte sur la réduction des dépenses et des manifestations publiques de deuil ; elles sont presque traduites des lois de Solon : ‘Que l’on n’en fasse pas plus. Que l’on n’utilise pas la hache pour égaliser le bûcher’. Vous connaissez la suite, puisque, enfants, nous apprenions les XII T. comme un chant obligatoire : aujourd’hui, plus personne ne l’apprend »]. Reconstitution Le principe général Hoc plus ne facito, à valeur de sanction préventive, introduit une longue série de prescriptions limitatives. Cellesci concernent aussi bien les dépenses funéraires relatives au bûcher (10.2), aux vêtements décoratifs (ricinia) ou au nombre des musiciens (10.3), que les manifestations excessives de la lamentatio : effusion de sang et hurlements rituels (10.4), pratique de funérailles multiples (10.5), libations abusives, consumation d’encens, usage de bandelettes démesurées (10.6), honneurs exagérés et immérités décernés au défunt (10.7), enfouissement stérile d’objets d’or (10.8). Il est donc inexact de rattacher cette mise en garde générale ‘Hoc plus ne facito’, destinée à couper court aux interprétations fallacieuses, à seulement deux types d’interdictions arbitrairement choisies (10.2 et 10.3) et de les regrouper en une seule prescription. Cette mise en garde, à valeur de précaution, vaut pour toutes.

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Commentaire Avec 10.2 commence le développement, dans le de legibus, du principe opes amovento, de la modération nécessaire des dépenses funéraires et des démonstrations extérieures de deuil. C’est à partir de cette loi que Cicéron établit un parallèle étroit entre la législation solonienne et la Table 10. Sur cette question, supra Introduction à la Table X. 1. – La tournure hoc plus ne facito Plusieurs interprètes (Norden [1939] 257-258) ; Wieacker [1956-2] 490 ; Id. RRG I, 298 n. 68) ont vu dans cette expression la transposition certaine de formules grecques archaïques, signe d’une parenté entre les XII T. et plusieurs législations grecques. Ainsi la loi de Gortyne (X. 14-20) : ‘cent statères ou moins, et pas plus’, πλίον δέ ; de même I. 37-38 ; ou les lois funéraires grecques limitant le deuil. Le règlement somptuaire de Ioulis (île de Kéos, Ve s., mais reprenant des dispositions plus anciennes d’inspiration solonienne) prescrit ‘Que l’on apporte du vin au tombeau, pas plus de trois conges (μὲ πλέον τριῶν χῶν), et de l’huile, pas plus d’un conge’ (μὲ πλέον ἑνος) ; que l’on ensevelisse le mort dans trois linceuls, mais il est permis d’en mettre moins’ (ἐξεῖναι δὲ καὶ ἐν ἐλάσσονι). De même dans le règlement de Delphes, conservé sur le cippe des Labyades (fin du VIe-début du Ve s. ; là encore sur le modèle solonien) : μὴ πλέον πέντε καὶ τριάκοντα δρ. [« On ne mettra pas dans la tombe pour plus de trente-cinq drachmes »]. Les lois de Solon, du moins dans la version de Plutarque (Sol. 21.6), recouraient déjà à la même construction : ‘il défendit d’enterrer le mort avec plus de…’ (οὐδέ … πλέον …) trois habits’. Norden pensait même que l’expression hoc plus devait être complétée par aut minus si volet (attestée en XII T. 3.4), afin de rendre plus pertinente la confrontation avec la législation grecque présentée comme modèle (notam. la loi de Ioulis). Mais il faut reconnaître que ces rapprochements sont trop superficiels pour être, à eux seuls, révélateurs d’un emprunt. À vrai dire, l’expression ‘pas plus de’ semble inévitable dans toute législation cherchant à limiter les déploiements de faste excessifs sans donner lieu à d’interminables discussions. La réception, à Rome, de dispositions d’inspiration solonienne n’est pas pour autant remise en cause (supra Introduction 1.4.2 et 3.3. à la Table X). 2. – Rogum ascea ne polito La disposition reste obscure. Selon Cicéron, elle serait commune à Solon et aux XII T., mais rien ne peut le confirmer. Un tabou exclusivement romain, destiné à éloigner du bûcher sacré un objet en fer,

X. 2

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est à exclure. Il n’y a (à part le cas des Flamines) aucune preuve d’un tabou général du fer dans les pratiques religieuses à Rome (cf. Albanese [1998-5] 398). Il est difficile de supposer qu’en prohibant la hache, on voulait proscrire le sacrifice d’un bœuf (qui était interdit par les lois de Solon, selon Plut. Sol. 21). Il est plus simple de comprendre que l’interdiction décemvirale vise à prohiber l’édification d’un bûcher coûteux, constitué non pas de bûches sommairement entassées, mais construit au moyen de poutres équarries (sens de polire) à l’aide d’une hache ou, plus précisément, d’une doloire. L’archéologie prouve que, sur le tard pour le moins, le règlement somptuaire ne fut guère respecté (Mau [1897] 355). Les rites d’incinération, auxquels se rapporte le bûcher, avaient déjà fait l’objet d’une interdiction attribuée à Numa, celle d’asperger de vin le bûcher (vino rogum ne respargito). Il est possible que la vieille interdiction ait été reprise par XII T. 10.6 a, ne sumptuosa respersio, qui, en dépit de Albanese cit., ne concerne pas la seule inhumation.  L’hypothèse de Sacchi (2007), suggérant d’attribuer l’interdiction de l’usage de la hache au creusement par le fer de la fosse sépulcrale ne peut convenir. Il s’agit d’un bûcher et non d’une tombe. La formule dédicatoire tardive sub ascia dedicare est sans lien avec le verset décemviral. Sur celle-la, Mau (1896) 1522.

X. 3

10. 3 – : Cicero De legibus 2.59  : Extenuato igitur sumptu tribus RICINIIS et tunicula purpurea et decem tibicinibus […].

: La dépense ayant été réduite à trois manteaux, une tunique pourpre et dix joueurs de flûte […].

Sources principales a) Cic. leg. 2.59 ; 64.  : (59) Iam cetera in XII minuendi sumptus sunt lamentationisque funebris, translata de Solonis fere legibus […]. Extenuato igitur sumptu tribus riciniis et tunicula1 purpurea et decem tibicinibus, tollit etiam lamentationem […]. (64) Postea, cum (ut scribit Phalereus) sumptuosa fieri funera et lamentabilia coepissent, Solonis lege sublata sunt. Quam legem eisdem prope verbis nostri decemviri in decimam tabulam coniecerunt ; nam de tribus riciniis et pleraque illa Solonis sunt. [« (59) Le reste des dispositions que l’on trouve dans les XII T. porte sur la réduction des dépenses et des manifestations publiques de deuil ; elles sont presque traduites des lois de Solon […]. La dépense ayant été réduite à trois manteaux, une tunique pourpre et dix joueurs de flûte, la loi supprime également les lamentations […]. (64) Mais ensuite, ainsi que l’a écrit Démétrius de Phalère, comme les funérailles et les lamentations commençaient à entraîner de grandes dépenses, Solon les supprima par une loi. C’est cette loi que nos décemvirs ont insérée presque sous les mêmes termes dans la dixième Table ; car la disposition relative aux trois ricinia et la plupart des autres sont de Solon »]. b) Festus v° Recinium 342 L : Recinium omne vestimentum quadratum [h]i qui XII interpretati sunt, esse dixerunt + vir toga + mulieres utebantur,

1  Le terme tunicula (purpurea) est restitué par la plupart des éditeurs. Certains ms. ont et vincla, corrigé par certains (dont Schöll 57) en tribus riciniis et uno vinclo (purpurae) ou (Albanese (1998-5) 398) en tribus riciniis et vinclo (purpureo). Le sens serait alors : trois manteaux munis d’une bande pourpre ou trois manteaux et une seule ceinture pourpre.

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LA LOI DES XII TABLES

praetextam clavo purpureo […] Quam rem diligenter exsequitur Santra lib. II de antiquitate verborum. [« Les interprètes de la loi des XII T. donnaient au mot recinium le sens de toute pièce de vêtement de forme carrée ; que portaient les femmes, robe prétexte bordée de pourpre. […] Cette question est traitée exhaustivement par Santra au livre II de ses Recherches Etymologiques »]. Sources complémentaires c) Varro De lingua Latina 5.132 : Antiquissimi amictui ricinium ; id quod eo utebantur duplici, ab eo quod dimidiam partem retrorsum iaciebant, ab reiciendo ricinium dictum. [«  Ricinium est l’ancien nom du manteau dont on rejetait la moitié en arrière du fait de son ampleur ; ricinium vient du verbe reicere (rejeter) »]. d) Nonius (III, 869 L) : Ricinium quod nunc mafurtium dicitur, palliolum feminem breve. Varro de vita P. R. …. ‘ex quo mulieres in adversis rebus ac luctibus, cum omnem vestitum delicatiorem ac luxuriosum….ponunt, ricinia sumunt’. [« On appelait ‘ricinium’ ce que l’on désigne maintenant de ‘mafurtium’ (châle), c’est-à-dire une courte cape portée par les femmes. Ainsi Varron, dans sa Vie et usages du peuple romain : ‘dans les circonstances pénibles et les deuils, les femmes délaissent tout vêtement élégant et coûteux et s’enveloppent dans des châles »]. e) Plutarque Solonis vita 21.5 et 12.8 : La loi de Solon réglait « les sorties des femmes, les lamentations et les fêtes » pour réprimer « le désordre et la licence ». La loi disposa que « dans leurs sorties, les femmes ne puissent porter plus de trois vêtements (ἱματίων τριῶν μὴ πλέον), ni emporter avec elles de la nourriture et de la boisson pour une valeur dépassant une obole…» et que la nuit, « elles ne puissent se déplacer autrement que sur un char, et précédées d’un flambeau ». En outre, « il leur interdit de se meurtrir la peau en se frappant, de pousser des lamentations affectées (πεποιημένα), et de pleurer durant les funérailles d’une autre personne (s.e. que celles d’un parent) ». Enfin Solon « interdit que l’on sacrifie un bœuf et que l’on ensevelisse un mort en le revêtant de plus de trois vêtements (οὐδε … πλέον ἱματίων τριῶν) et que l’on rende visite aux tombes de personnes étrangères à la famille en dehors du jour de l’enterrement ». V. également Plut. Sol. 12.8 : Epiménide de Phaestos… « se lia d’amitié avec Solon et le guida dans l’établissement de ses lois. Il accoutuma les

X. 3

747

Athéniens à plus … de mesure dans les manifestations de deuil, … en supprimant des pratiques rudes et barbares, auxquelles la plupart des femmes s’astreignaient auparavant ». Commentaire 1. – Les tria ricinia et l’interprétation cicéronienne de la législation de Solon Les tria ricinia concédés concernent-ils la décoration du cadavre ou le costume des femmes participant aux funérailles ? On dispose de deux sources indépendantes et utilisables. Pour les antiquaires romains, il s’agit du costume des femmes porté spécialement à l’occasion des cérémonies funèbres. Le grammairien Santra (milieu du Ier s. av. J.-C.) (source b) définit en effet le ricinium comme une robe prétexte bordée de pourpre, de forme carrée. Il s’agit certainement du sens décemviral, puisque Santra cite les interprètes des XII T. (très probablement Sext. Aelius Paetus et L. Acilius : ainsi Albanese [1998-5] 403) pour élucider ce terme. La prescription décemvirale ne visait donc pas le vêtement du mort, mais celui des femmes associées au deuil. Cette interprétation est confirmée par Varron (source c et surtout d, cité par Nonius). Selon Cicéron, cette prescription limitative aurait été empruntée à la législation solonienne. Peut-on vérifier cette affirmation ? Il se trouve que, par chance, la législation somptuaire solonienne est connue sur ce point par une source indépendante, Plutarque. Les lois de Solon (source e) font allusion, à deux reprises, à une prohibition de porter plus de trois vêtements superposés, avec la même expression (τρία ἱματία) : à l’égard des femmes en toutes circonstances dès qu’elles sortent à l’extérieur ; et, dans le contexte précis des funérailles, à l’égard du cadavre qui ne pourra pas être revêtu de plus de trois habits d’apparat. La seule mesure entrant dans la réduction des frais des funérailles et des manifestations excessives de deuil ne concerne donc, dans la législation de Solon, que l’ornement du cadavre et non le costume des femmes. L’esprit de la prescription athénienne est confirmé par les règlements funéraires grecs hors d’Athènes. La loi de Ioulis (Kéos) interdit que l’on ensevelisse le mort dans plus de « trois vêtements blancs (ἐν ἑματίοις τρισὶ λευκοῖς), un par-dessous, un pour envelopper le corps, un par-dessus ». L’inscription de la phratrie des Labyades, à Delphes, règle la nature et la consistance du linceul et du coussin sur lequel reposera le mort. Il n’y a donc pas de similitude entre la prescription décemvirale, relative au cortège féminin funèbre, et les prescriptions grecques, qui concernent la présentation du cadavre (pourtant en ce sens, Delz [1966] 69-83 ; Colonna [1977-2] 159). La conclusion s’impose. Le rapprochement fait par Cicéron entre la législation solonienne et la loi des XII T., ne tient pas sur ce point précis (contra Albanese cit.). Différemment, Wieacker

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LA LOI DES XII TABLES

(1971) 775-777, soutient que l’interprétation de la prescription décemvirale par Varron est erronée ; il ne s’agirait nullement d’une limitation du costume des femmes, mais, conformément à la législation solonienne, d’une réduction des dépenses funéraires touchant à l’ornement du cadavre. Il y avait bien chez Solon une mesure fixée à trois vêtements et destinée à réduire les frais du deuil : mais elle concernait l’ultime présentation du défunt et non le costume des femmes associées aux funérailles et participant au cortège funèbre. Le rapprochement tendancieux de Cicéron, inexact dans le détail (mais justifié par l’identité des préoccupations chez les deux législateurs), s’explique facilement par le souci, chez Cicéron, de rendre plus convaincante sa thèse d’un emprunt direct ou d’une transposition fidèle. D’autres interprétations ont été proposées pour les tria ricinia et la tunica purpurea (qui, elle aussi, devait se référer à la tenue des vivants). Mais elles sont sans appui dans les sources. Pour Marquardt (1885) 341 s. = [1892] II, 218), il s’agirait de draperies ou de tapis ornant le lit funèbre ; pour d’autres, de coiffes (limitées à trois) ornant la coiffure de la défunte, ou, pour le défunt, de l’ornement d’une tunique pourpre (Wieacker [1971] 775). 2. – Les dix tibicines Sur leur place dans les manifestations bruyantes de deuil, cf.  le commentaire sous XII T. 10.4. La prescription décemvirale (à laquelle Plut. Qu. Rom. 55 pourrait avoir fait allusion, en évoquant une mesure, appliquée au lendemain des XII T. et privant les flûtistes d’honneurs, provoquant ainsi leur retraite à Tibur avant qu’ils ne revinssent à Rome) a dû tomber en désuétude. Elle aurait été remise en vigueur par un édile en 311 av. J.-C. (Ov. Fastes 6.663-664) : Adde quod aedilis, pompam qui funeris irent, Artifices solos iusserat esse decem. [« Ajoute qu’un édile avait ordonné qu’il ne devait plus y avoir que dix musiciens pour suivre un cortège funèbre »]. Sur le relief d’Amiternum, Cumont (1942) 239.

X. 4

10 . 4 –  : MVLIERES GENAS NE RADVNTO, FVNERIS ERGO HABENTO.

NEVE

LESSVM

:Q  ue les femmes ne se déchirent pas les joues et qu’elles ne procèdent pas à un ‘lessus’ pour des funérailles.

Sources principales a) Cicero De legibus 2.59 : […] tollit (lex) etiam lamentationem : ‘Mulieres genas ne radunto neve lessum funeris ergo habento’. Hoc veteres interpretes, Sex. Aelius L. Acilius, non satis se intellegere dixerunt, sed suspicari vestimenti aliquod genus funebris ; L. Aelius lessum quasi lugubrem eiulationem, ut vox ipsa significat ; quod eo magis iudico verum esse, quia lex Solonis id ipsum vetat. [Voir supra Introduction 1.3.2.c. à la Table X, pour la traduction et le contexte de la citation]. b) Cic. leg. 2. 64 : Quam legem (Solonis) eisdem prope verbis nostri decemviri in decimam tabulam coniecerunt. […] De lamentis vero expressa verbis sunt : ‘Mulieres genas non radunto, neve lessum funeris ergo habento’ [Voir Introduction, ibid.]. c) Cic. Tusculanae disputationes 2.55 : Ingemescere non nunquam viro concessum est, idque raro, eiulatus ne mulieri quidem ; et hic nimirum est fletus, quem duodecim tabulae in funeribus adhiberi vetuerunt. [Les éditeurs corrigent fletus en lessus, ce qui n’est pas nécessaire : «  Un soupir peut, parfois, être accepté venant d’un homme, mais les lamentations sont refusées même aux femmes, et c’est précisément ces cris plaintifs, dont les XII T. ont interdit l’usage lors des funérailles »]. d) Plinius Naturalis historia 11.157 : Infra oculos malae homini tantum, quas prisci ‘genas’ vocabant, XII Tabularum interdicto radi a feminis vetantes. [« Au-dessous des yeux, et

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LA LOI DES XII TABLES

chez l’homme seulement, il y a les joues (malae), que les anciens appelaient genae, et que les XII T. interdisaient aux femmes de se déchirer »]. e) Festus v° Radere 338 L. : Radere ge lege XII, id est, unguibus . [« Se déchirer les joues est interdit par la loi des XII T., c’està-dire se lacérer les joues avec les ongles »]. f) Servius ad Aeneidem 12.606 : Sciendum cautum lege duodecim tabularum, ne mulieres carperent faciem, his verbis : ‘mulier faciem ne carpito’ [« Il faut savoir que les XII T. interdisaient aux femmes de se lacérer le visage par ces mots : ‘Que la femme ne se lacère pas le visage’ »]. Sources complémentaires g) Cic. Tusc. 3.62 : Ex hac opinione sunt illa varia et detestabilia genera lugendi, […] muliebres lacerationes genarum, pectoris, feminum, capitis percussiones. [« Cette opinion est à l’origine de ces manifestations de deuil, variées et abominables, […] les femmes se déchirent les joues, on se frappe la poitrine, les cuisses, le visage »]. h) Servius ad Aeneidem 3.67 : Varro quoque dicit mulieres in exsequiis et luctu ideo solitas ora lacerare, ut sanguine ostenso inferis satisfaciant, quare etiam institutum est, ut apud sepulcra et victimae caedantur. [« Varron dit que les femmes participant à des funérailles ou prenant le deuil ont coutume de se déchirer le visage afin de satisfaire par la vue du sang les divinités infernales, d’où la coutume de sacrifier des victimes auprès des tombeaux »]. i) Plutarque Vita Solonis 21.6 : « Il leur (aux femmes) interdit de se meurtrir la peau en se frappant, de pousser des lamentations affectées, et de pleurer à l’occasion des funérailles d’autrui ». Commentaire 1. – Mulieres genas ne radunto La correspondance entre la loi de Solon (connue, indépendamment de Cicéron, par Plutarque, source i) et la législation décemvirale est

X. 4

751

ici parfaite. Cicéron a donc raison de relever la similitude. Il le répète même deux fois (leg. 2.59 et 2.64, sources a et b). C’est le seul exemple qu’il cite d’une correspondance complète entre les deux législations. On en déduira qu’il ne devait pas y en avoir d’autres exemples. Le dossier des emprunts se réduit à très peu de choses, ce qui, on l’a vu (Introduction 1.4.2.4 à la Table 10), laisse intacte la question de l’inspiration grecque du code décemviral. Il est possible que genae ait signifié ‘paupières’, pour s’appliquer ensuite aux joues. À l’époque classique, le sens de joues est réservé au langage poétique (Albanese [1998-5] 406). Avec cette prescription (mais déjà la précédente ainsi que la suivante), on sort du cadre d’une législation réductrice des dépenses pour entrer dans celui des manifestations, jugées excessives et brutales, du deuil. Les lois des cités grecques n’ont pas conservé, en dehors de Solon, d’exemple d’auto-mutilation poussée jusqu’au sang, alors que, à Rome, l’usage en est bien confirmé (Pline, Festus, Servius, sources d ; e ; f ; h). Quelle est la signification de ce rite ? Servius (source f) interprète la lacération comme destinée à faire couler un sang qui apaise les dieux infernaux (ut sanguine ostenso inferis satisfaciant). On peut donc voir dans ce rituel une « survivance ou une dérivation de cette théologie du sang qui revivifie l’âme du défunt » (Ville [1981] 11). Par cette pratique, il s’agit de répandre près du tombeau un sang qui entretient la survie de l’âme. Le sang est pour l’âme un aliment de vie. Les formes les plus nettes sont l’égorgement de prisonniers sur la tombe du guerrier mort (immolation de prisonniers grecs par les Caeritains après la bataille d’Alalia, et de Romains par les Tarquiniens en 358 – Liv. 7.15.10). Le thème se retrouve avec le sacrifice de prisonniers troyens aux funérailles de Patrocle (Heurgon [1961] 263). Il se maintient à Rome avec la lacération rituelle des femmes, dont on peut rapprocher, semble-t-il, la coutume de répandre sur le tombeau des fleurs de couleur pourpre (Serv. ad Aen. 5.79 : flores ad sanguinis imitationem ; Cumont [1949] 31, 45) ou encore la libation de vin sur la tombe (cf.  XII T. 10.6) en un succédané de sang ( ?) : Kircher (1910) 12 s. ; Burkert (1972) 64-65 : ces manifestations agressives (en se frappant, en se déchirant) sont un réflexe du groupe contre un ennemi de l’extérieur ; la main qui ne rencontre pas l’ennemi finit par s’abattre sur soi-même. Serv. ad Aen. 3.67 (source h), place les origines des combats de gladiateurs, jeux funéraires, dans des sacrifices humains primitifs. Cette substitution se serait produite en 264, lors des funérailles grandioses de D. Junius Brutus : Apud veteres etiam homines interficiebantur, sed mortuo Iunio Bruto cum multas gentes ad eius funus captivos misissent, nepos illius eos qui missi erant, inter se conposuit, et sic pugnaverunt : et quod muneri missi erant, inde munus appellatum. V. Ville (1981) 9, 11 et n. 39, 42.

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2. – Neve lessum funeris ergo habento Ergo, préposition postposée, précédé du génitif, a le sens de ‘en raison de’, ‘afin de réaliser’ : cf. XII T. 10.7 et Festus, cité ibid. source. Le mot lessus est encore sans étymologie (Ernout-Meillet DE4 ; de même Walde-Hofmann LEW.3 : unerklärt) et l’on est donc réduit aux interprétations divergentes des Anciens. Cf.  Dyck (2004) 404-405. Sur la démarche originale de Cicéron qui, le premier, eut l’idée d’invoquer les lois de Solon pour expliquer l’incompréhensible lessus, supra Introduction 1.3.2.c. On sait par Plutarque (source i) que les lois de Solon avaient interdit aux femmes de pousser des vociférations affectées (θρηνεῖν πεποιημένα) à l’occasion des funérailles probablement d’autrui, donc de se livrer à une gesticulation artificielle. Il s’agit probablement de pleureuses professionnelles. Mais il est impossible de vérifier si l’affirmation de Cicéron, selon laquelle le lessus décemviral équivaut à la pratique athénienne est vraie ou fausse. L’assertion est invérifiable, mais il y a quelques motifs d’en douter : – Cicéron se livre à une lecture orientée des XII T., tout à la recherche d’arguments en faveur d’une origine solonienne afin de fonder ce qui, en réalité, est une thèse (ou une hypothèse) personnelle. Cf. XII T. 10.3. – Aucune source romaine (à part Tusc. source c : mais de Cicéron lui-même et postérieure au leg.) ne confirme la pratique à Rome de vociférations organisées à l’occasion d’un deuil. Les lamentationes (clamor, conclamor) sont une chose. Un concert de cris en est une autre. Seul Aelius Stilo donne le sens de eiulatio, mais en se fondant sur une étymologie sans valeur. – Les plus anciens interprètes, du IIe s., dans leur grande perplexité, avaient opté pour le sens d’un vêtement particulier porté spécialement à l’occasion des funérailles (funeris ergo). La construction lessum funeris ergo habere est particulière : la précision funeris ergo implique que le lessus n’est pas en soi nécessairement lié aux funérailles ; il peut avoir lieu (ou mieux être porté, s’il s’agit d’un vêtement) à d’autres occasions. On en déduira que le sens ‘vêtement’ ou ‘accoutrement’ se prête davantage à la précision funeris ergo qu’un rituel bruyant et organisé qui, par définition, serait spécifique aux funérailles (sorte de long hululement lugubre, ponctué de clameurs et de cris). Différemment, Wieacker (1971) 773-774, qui privilégie le sens de vociférations rituelles, essentiellement à partir du ‘modèle’ solonien. Les XII T. employaient habere dans au moins trois cas : 3.4 (vinctum habere) ; 5.4 (adgnatus proximus familiam habeto) et 10.4. Pour le troisième, le sens de ‘posséder, revêtir’ un vêtement serait parfaitement compatible avec un emploi archaïque, décemviral (cf.  ThLL, v° Habeo c. 2397-2398). Mais habere au sens de agere, facere, fieri (cf.  comitia

X. 4

753

habere), ‘procéder à’ (ibid. c. 2441-2442), donc procéder à un lessus, présente les mêmes garanties d’archaïsme. Il n’est donc pas possible de trancher et de décider : 1) si lessus a le sens de vêtement (privilégié par les plus anciens interprètes et mieux adapté à la forme de la prescription), ou, différemment, selon le seul témoignage de Cicéron, le sens de vociférations rituelles ; 2) si Cicéron a vu juste en rapprochant cette prescription et les lois de Solon. 3. – Les manifestations bruyantes et la procession funèbre Les versets 10.3 et 10.4 proscrivent les démonstrations publiques démesurées : expressions excessives de la douleur (joues lacérées jusqu’au sang), joueurs de flûte surabondants, lamentation ou cortège avec appel à des participants professionnels. On retrouve dans la plupart des civilisations dites primitives des manifestations rituelles comparables. Par sa fonction apotropaïque, le bruit (flûtes, cors, cris stridents) peut ‘réveiller le mort’ (Mau [1897] 348 : rite de la conclamatio, où le mort est appelé par son nom) ; il écarte les puissances infernales ou démoniaques (Eitrem [1915] 52 s., 124, 228-229), menaçantes pour les vivants, mais susceptibles aussi de troubler le mort qui n’a pas encore trouvé sa condition définitive. Les pleurs et les processions rituelles, de leur côté, sont le déroulement d’un rite de passage progressif : par lui, la collectivité des vivants se prépare à assumer son statut nouveau et réaffirme sa cohésion, ébranlée par le départ du défunt. Sur tous ces aspects : Eitrem cit. (fondamental) ; Rohde (1898) ; Hubert-Mauss (1899) ; Hertz (1906) ; Frazer (1934) ; Cumont (1942) 351 s. ; De Martino (1975-b) ; Kurtz-Boardmann (1985) ; Humphreys (1993) ; Burkert (1984) 279 s. Mais ces rites ont aussi une évidente portée sociale : ils sont l’occasion d’affirmer le prestige de la famille du défunt. Pour rabaisser les manifestations trop orgueilleuses des grandes familles, les lois de nombreuses cités grecques ont interdit ou limité les lamentations publiques : Lois de Solon (Plut. Sol. 21.6, source i) ; de même à Marseille, selon Val. Max. 2.6.7 (corpora ad sepultura locum […] devehuntur sine lamentatione sine planctu) ; à Delphes, dans le règlement des Labyades : « on portera le mort en silence ; on ne fera pas de lamentation hors de la maison avant d’arriver au tombeau ; […] ni le lendemain, ni le dixième jour, ni les jours anniversaires, on ne gémira ni ne se lamentera […] ». À Ioulis de Kéos, la procession doit se dérouler en silence. V. encore les Lois de Platon (Lois 960 a). On complètera cette liste par KurtzBoardmann (1985) 200 s. ; Ampolo (1984), 93-94.

X. 5

10. 5 – : Cicero De legibus 2.60 : HOMINI MORTVO NE OSSA LEGITO QVO POST FVNVS FACIAT : credo quod erat factitatum ut uni plura fierent lectique plures sternerentur, quod ne fieret lege sanctum est. Excipit bellicam peregrinamque mortem.

:  ‘De l’homme mort, que l’on ne recueille pas les ossements pour faire plus tard des funérailles’ : je crois que c’est parce qu’on avait l’habitude d’accomplir plusieurs cérémonies pour un seul mort et d’exposer plusieurs lits. La loi a décidé qu’on ne le ferait plus. Elle fait exception pour la mort à la guerre et à l’étranger.

Source principale a) Cic. leg. 2.60 : Cetera item funebria, quibus luctus augeretur, XII sustulerunt. ‘Homini’, inquit, ‘mortuo ne ossa legito quo post funus faciat’ : . Excipit bellicam peregrinamque mortem. [La phrase entre < >, placée par les ms. après la prescription reproduite en 10.7, doit certainement être replacée ici. En ce sens, Schöll 55-56 ; Powell (2006) 230, 13]. [« De même, les autres manifestations funèbres, qui augmentent le deuil, ont été supprimées par les XII T. ‘De l’homme mort…’ »]. Source complémentaire : b) Papinianus libro secundo quaestionum D. 3.2.25.1 : Si quis in bello ceciderit, etsi corpus eius non compareat, lugebitur. [« Si quelqu’un est mort à la guerre, même si son corps n’est pas retrouvé, il devra être pleuré »]. Commentaire QVO : adverbe au sens de ut, à valeur finale ou consécutive. Il est difficile de préciser le sens précis de ces prescriptions

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cultuelles enchevêtrées, dont l’objet n’est sans doute pas globalement, en dépit de la présentation cicéronienne, de réduire le coût ou le luxe des funérailles. Certaines sociétés primitives pratiquent des doubles funérailles dans la fonction d’une sorte de potlatch : cf.  Toher (1986) 324-325. Mais il n’est guère possible d’établir un lien avec le verset en question.  Certes un rituel funéraire est perceptible, même si son sens nous échappe. Cf. Burkert (1972) 60 : hinter jeder Totenbestattung steht ein Totenritual. On doit distinguer plusieurs prescriptions : 1) Celle qui concerne ‘ossa ne legito, quo post funus faciat’ ; 2) L’interdiction ut uni plura fierent lectique plures sternerentur  a peut-être figuré dans la loi : d’où le quod ne fieret lege sanctum est ; mais cette interdiction, en dépit de Cicéron, n’a pas de lien avec les deux prescriptions qui l’encadrent ; 3) Le cas du mort à l’étranger. Ces trois hypothèses sont absolument distinctes. 1. – La première prohibition part d’un décalage dans le temps entre la crémation (ossa legito se rapporte à la réunion des restes non consumés du cadavre) et l’inhumation nécessaire (Burkert cit. 64). On sait que l’inhumation des cendres était insuffisante, et pour donner au lieu d’enfouissement le statut juridique et religieux de la sepultura ou du sepulcrum, et pour purifier la famille du défunt, qui restait, sinon, funesta (Mau [1896] 357). Un sacrifice d’expiation était nécessaire pour rendre juridiquement efficace l’inhumation.  La loi a-t-elle voulu que le funus (et le début du délai affecté au luctus) soit placé lors de l’incinération (au moment où les ossa sont lecta) et non lors des rites prescrits pour que l’inhumatio soit iusta ? Ceci afin que la famille du défunt soit aussitôt purifiée et que les ossa ne restent pas découverts, mais recouverts le plus rapidement de terre (cf. Cic. leg. 2. 55-57). 2. – L’interdiction de plusieurs lits de parade montés pour un seul défunt a peut-être figuré dans la loi. Cicéron, cherchant des arguments somptuaires même là où ils ne se trouvent pas,  rapproche prudemment (credo) cette prescription des deux autres pour leur conférer une dimension somptuaire tout à fait inappropriée. 3. – Le cas du guerrier mort au combat et du voyageur mort à l’étranger (apud hostes : cf.  XII T. 2.2 et 6.4). Il s’agit de deux exceptions (supra XII T. 10.1, Commentaire 3.2, sur l’importance des exceptions aux yeux de Cicéron). La loi admet dans ces deux cas un décalage entre le moment de l’incinération (sur une terre non romaine) et celui où l’inhumation rituelle d’un fragment du corps du défunt pourra avoir lieu. On voit que l’exception ne concerne pas l’interdiction d’un cumul de festivités coûteuses. Il ne saurait y avoir eu de cérémonies à la guerre ou à l’étranger. L’exception, ou la tolérance, a pour objet de concéder un délai à l’accomplissement de deux rites – et c’était ce

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délai que la loi a voulu contracter pour les funérailles ordinaires. Le souci d’économie n’existe que dans l’interprétation que Cicéron donne de la prescription. L’interdiction du cumul de lits de parade, insérée par Cicéron, est sans lien avec les deux prescriptions rituelles décemvirales. Le règlement porté par la phratrie des Labyades « sur les tombeaux des morts les plus anciens, on ne fera pas de thrène ni de lamentation » est probablement sans lien avec la prescription rituelle décemvirale. Le texte de Papinien est relatif, en dépit des apparences, à un tout autre problème. Il concerne l’obligation de lugere, de respecter le deuil (luctus), incombant aux proches parents, et dont l’inobservation est sanctionnée par l’infamia – dont la déchéance du droit de postulare en justice : cf. Julien 1 ed., D. 3.2.1 -. Même si le corps du défunt n’a pas été retrouvé et si donc le funus (incinération ou inhumation) n’a pu avoir lieu, l’obligation de lugere doit être respectée. Sur le luctus, Kübler, in RE (1927) 1697-1705.

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10. 6 a –:  Cicero de legibus 2.60 : SERVILIS VNCTVRA tollitur, omnisque CIRCVMPOTATIO ; ne sumptuosa RESPERSIO, NE LONGAE CORONAE, NE ACERRAE.

b – : Varro Antiquitates rerum divinarum et humanarum I : MVRRATA POTIONE usos antiquos indicio est, quod […] XII tabulis cavetur, NE MORTVO INDATVR.



: L’onction dite servile est supprimée, ainsi que tout usage de répandre (du vin ?) tout autour. Pas d’aspersion coûteuse, pas de couronnes à guirlandes, pas de brûle-parfums.



:  Les Anciens utilisaient une potion à base de myrrhe. La preuve en est apportée par […] les XII T. qui interdisent que l’on en répande sur un mort.

Sources principales a) Cic. leg. 2.60 : Haec praeterea sunt in legibus : de unctura, quod ‘servilis unctura’ tollitur ‘omnisque circumpotatio’, quae et recte tolluntur, neque tollerentur nisi fuissent ; ‘ne sumptuosa respersio’, ‘ne longae coronae’, ‘ne acerrae’ : praetereantur illa. [« On trouve encore ceci dans nos lois. Au sujet de l’onction, ‘l’onction dite servile’ est supprimée, ainsi que ‘tout usage de répandre (du vin ?) tout autour’ ; ces suppressions le sont à bon droit, et on ne les aurait pas supprimées, si elles n’avaient pas été en usage. [V. ici Dyck (2004) 407 ; Mantovani (2009), 343]. Quant aux ‘pas d’aspersion coûteuse’, ‘pas de couronnes à guirlandes’, ‘pas de brûle-parfums’, laissons-les de côté »]. b) Festus v° Murrata 150 L. : Murrata potione usos antiquo indicio est, quod etiam nunc aediles per supplicationes dis addunt ad pulvinaria, et quod XII tabulis cavetur, ne mortuo indatur, ut ait Varro in Antiquitatum lib. I. [« Les Anciens utilisaient une potion à base de myrrhe. À preuve le fait que les édiles, encore maintenant, en apportent auprès des banquettes lors

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des suppliques en l’honneur des dieux, et à preuve aussi les XII T. qui interdisent que l’on en répande sur le mort, comme le rapporte Varron au l. I de ses Antiquités »]. Sur ce témoignage de Varron, Mantovani, cit. Sources complémentaires c) Plinius Naturalis historia 14.88 : Numae regis Postumia lex est : vino rogum ne respargito. [« La loi du roi Numa porte : ‘Que l’on ne répande pas de vin sur le bûcher’ »]. d) Festus v° Resparsum 318 L. :  … significat … ovendia … spargebatur. Cf. Festus-Paul 319 L. : Resparsum vinum dixerunt, quia vino sepulcrum spargebatur. [« L’aspersion de vin se faisait sur le tombeau lors des sacrifices du neuvième jour »]. e) Festus-Paul v° Acerra 17 L. : Acerra ara, quae ante mortuum poni solebat, in qua odores incendebant. Alii dicunt arculam esse turariam, scilicet ubi tus reponebant. [« Acerra : autel placé devant le mort, sur lequel brûlaient des parfums. Selon d’autres : petite boîte à aromates où l’on plaçait l’encens »]. Reconstitution En présence de ces fragments épars, cités en vrac par Cicéron, qui ne veut pas s’y attarder (praetereantur illa : « laissons-les de côté, ne nous y attardons pas »), toute tentative de reconstitution organisée semble vaine. Certains termes peuvent remonter aux XII T. (servilis unctura, respargito, acerra, murata potio, longa corona, circumpotatio), d’autres non (sumptuosa). L’idée générale est claire : il s’agit d’usages variés et de pratiques cultuelles diverses dénoncés et proscrites de par leur caractère dispendieux. Commentaire Les rites concernent en premier lieu la préparation du défunt (oint d’huile et de parfum) : la précision ‘servilis’ qualifiant l’unctura doit se référer à l’appel à des esclaves spécialisés  (les pollinctores) dans ce genre de rituel funéraire. V. ici Dyck (2004) 406 et les références. L’usage de verser sur le cadavre un mélange de vin et de myrrhe, selon le témoignage formel de Varron (source b), a fait l’objet d’une interdiction particulière et absolue (ne mortuo indatur). Peut-être faut-il s’aider de

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ce témoignage authentique pour comprendre l’expression cicéronienne ‘omnisque circumpotatio tollitur’. L’interprétation traditionnelle y voit l’allusion à la consommation collective de vin lors de repas funèbres, lors du silicernium (banquet se déroulant le jour de l’inhumation) ou lors de la cena novendialis (fête collective du neuvième jour, marquant la clôture rituelle des funérailles) [sur la signification rituelle de ces banquets, Burkert (1972) 61-62]. Mais, à notre sens, il n’est pas question de ‘boire à la ronde’. En donnant au préfixe circum un sens fort et dominant (comme pour tous les préverbes et préfixes attestés dans les XII T.), celui de ‘tout autour’, on y verra un rite consistant à verser un mélange liquide (potio, potatio), pas plus destiné à être bu ou consommé que dans le témoignage de Varron, mais à être répandu tout autour du cadavre. C’est un rituel qui ne se confond pas avec la respersio. Celle-ci concerne certainement l’aspersion du bûcher et non celle du cadavre. On remarque d’ailleurs (ce qui permet de les distinguer nécessairement) que, tandis que l’aspersion du cadavre à l’aide de cette potio est totalement proscrite (sans exception, selon Varron ; omnisque selon Cicéron), la respersio n’est dénoncée par le législateur que lorsqu’elle dépasse une certaine mesure (sumptuosa dans l’interprétation de Cicéron). L’interdiction de répandre du vin sur le bûcher (pour l’éteindre ?) apparaissait déjà, mais de manière absolue, dans une loi attribuée à Numa. Elle aura inspiré les décemvirs, mais qui en auront seulement limité l’abus. La culture de la vigne et la consommation de vin importé remontent pour le Latium au moins au VIIe s. : Ampolo (1984) 77. Sur la signification rituelle du vin (substitut d’un sacrifice sanglant ?), Kircher (1910) 12 s. ; Eitrem (1915) 455 s. ; Ville (1981) 10 s. ; Burkert (1972) 62, 68 ; Id. (1984) 50 s., 57 s. Le rapprochement avec le règlement de Ioulis est possible :  « on apportera du vin au monument, pas plus de trois conges, et de l’huile, pas plus d’un ». Pour les banquets (silicernium et cena novendialis), De-Marchi (1896) 192 s. (et cf. lex Urson. c. 95 l. 23) ; Burkert (1984) 50 s. ; Engels (1998) 166 (l’objet de ce règlement somptuaire aurait été de déplacer de l’espace public vers la sphère privée le lieu de ces manifestations collectives de deuil). L’usage de petits autels de terre (acerrae : Peruzzi [1990]), sur lesquels étaient disposées des coupes à encens provient probablement de Grande-Grèce ou de Sicile : Colonna (1977-2) 162, n. 84. Pour la portée rituelle de la fumée, Eitrem (1915) 228 (et son lien avec les joueuses de flûte, 229). Couronnes et guirlandes funéraires (fleurs ou feuillage) sont un usage commun à la Grèce et à Rome : Blech (1982) 81-108 ; communes aux hommes et aux dieux, les couronnes sont une marque de divinisation (ibid. 98-99) ; v. encore Baus (1940) 113-142 : les couronnes et

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les onctions (d’huile, notamment) sont destinées autant aux tombeaux (ibid. 119 : Pétron.  71.6 ; Tibul. 2.4.47) qu’aux défunts. Ces couronnes ont une fonction d’héroïsation (Baus cit. 125-128) que le christianisme rejettera : nec mortuos coronamus, alors que Deubner (1933) 94-96 = 413-415, leur reconnaissait une fonction apotropaïque.

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10. 7 –  :  QVI CORONAM PARIT IPSE PECVNIAVE EIVS, < HONORIS > VIRTVTISVE SVAE ERGO DVITVR EI. EI PARENTIQVE EIVS MORTVO < DOMI FORISVE > INPONETVR SE FRAVDE ESTO.

: Si quelqu’un, par lui-même ou en disposant de ses biens, gagne une couronne, qu’elle lui soit acquise en raison de l’honneur et du mérite. Et si, après sa mort, elle est déposée sur lui ou sur son parent, soit à l’intérieur soit à l’extérieur, qu’on n’y fasse pas grief.

Sources principales a) Cicero De legibus 2.60 : Iam significatio est laudis ornamenta ad mortuos pertinere, quod coronam virtute partam et ei qui peperisset et eius parenti sine fraude esse lex impositam iubet. [« Voici la preuve que les morts conservent les signes de leurs honneurs : la loi permet que, sans que l’on subisse de sanction, la couronne gagnée par le mérite soit placée et sur celui qui l’a gagnée et sur son parent »]. b) Plinius Naturalis historia 21.7 : Namque ad certamina in circum per ludos et ipsi descendebant et servos suos equosque mittebant. Inde illa XII tabularum lex : QVI CORONAM PARIT IPSE PECVNIAVE EIVS, VIRTVTISVE1 SVAE ERGO DVITVR EI. Quam servi equive meruissent PECVNIA PARTAM lege dici nemo dubitavit. Quis ergo HONOS ? Vt IPSI MORTVO PARENTIBVSQVE EIVS, dum intus positus esset forisve ferretur, SINE FRAVDE ESSET INPOSITA. [« En effet, lors des jeux, les citoyens non seulement descendaient eux-mêmes dans le cirque, mais y envoyaient leurs esclaves et leurs chevaux. D’où cette loi des XII T. : ‘Celui qui, par lui-même ou en dispo-

(1) Tous les ms. ont virtutisve, corrigé par les éditeurs (Teubner, CUF, Loeb) en virtutis. Mieux vaut garder le mot tel que la tradition l’a conservé.

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sant de ses biens, gagne une couronne, qu’elle lui soit acquise en raison de son mérite’. Personne n’a jamais douté que, par les mots, ‘gagnée du fait de ses biens’, la loi ait fait allusion à une couronne que ses esclaves ou ses chevaux ont remportée. Où était donc l’honneur ? Dans le droit, pour le mort lui-même et pour ses parents, de porter la couronne sans que l’on y fasse grief, lorsque leur corps serait exposé dans leur maison ou lors de son transport à l’extérieur »]. Sources complémentaires c) Festus-Paul v° Ergo 73 L. : Ergo […] hoc est gratia […] : statua donatus est honoris virtutisque ergo, id est honoris virtutisque causa. [« ‘Ergo’ signifie en ‘en considération de’, au sens de ‘gratia’ (‘en récompense de’) […] : une statue a été donnée en considération (ergo) de l’honneur et du mérite, c’est-à-dire en raison (causa) de l’honneur et du mérite »]. d) Servius ad Aeneidem 11.80 : In antiquis disciplinis relatum est, quae quisque virtute ornamenta consecutus esset, ut ea mortuum condecorarent. [« On rapporte que dans les usages anciens, les distinctions honorifiques dues au mérite décoraient, lors de sa mort, celui qui les avait obtenues »]. Reconstitution et commentaire PARIT : indicatif présent (de paro, -are, se procurer, obtenir). QVI… : proposition relative, remplace une conditionnelle, ici pour mettre l’accent sur l’action accomplie par une personne particulière (cf. 2.3 ; 8.8 ; 10.8). DVITVR : indicatif présent passif de dare (cf. venum duit, 4.2 b ; induit, 10.6).  : reconstitué ici (pour le sens, cf. 10.8). La reconstitution et donc l’interprétation du texte sont difficiles et discutées. Le recours aux lettres capitales, ci-dessus, a seulement pour objet de souligner les correspondances entre les fragments transmis par Cicéron et ceux qui proviennent de Pline. 1. – L’honneur de la corona. Les témoignages de Cicéron et de Pline sont ici très proches. Pour Cicéron, la couronne a été gagnée de son vivant par le mérite (ou le courage) de son titulaire (virtute partam) – et c’est en raison de ce mérite qu’il jouit du privilège, accordé par la loi, de la conserver sur le bûcher funèbre. Chez Pline, la prescription décemvirale est plus développée (chez Cicéron, elle a dû subir une contraction). La couronne a été gagnée (même verbe, parit) par l’honoré lui-même, ou par sa pecunia (ipse et pecunia, mis à égalité, sont les deux sujets

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de parit). La loi décide que cette couronne lui sera ‘donnée’, (duitur ei, optatif aoriste, à valeur de futur) à l’heure de la mort, virtutis ergo, en raison de ses mérites. Le duitur ne peut se rapporter qu’à l’honneur post mortem, un honneur que la loi annonce, mais n’a pas encore défini. 2) Virtutis. Cicéron ne mentionne que ce titre à obtenir la couronne et à la conserver lors des funérailles. Il est très vraisemblable que, à la suite de Festus-Paul (source c), il faille compléter le texte de Pline (qui donne virtutisve) et lire honoris virtutisve ergo, afin de justifier le –ve de virtutisve et d’illustrer d’un emploi (unique : précisément celui qu’offrirait la citation de Pline) le lemme de Festus. De fait, dans la littérature latine, si virtutis ergo est très rare (Liv. 25.7 ; 31.15 ; Sisenna 120 ; Cic. de optimo gen.  orat. 19), si honoris ergo n’est attesté qu’une fois (Liv. 1.18), honoris virtutisve ergo ne se rencontre que chez Festus et ne serait illustré que par la citation des XII T. de Pline, ainsi complétée. À cet argument s’ajoute l’allusion à l’honos chez Pline (Quid honos ?), qui commande presque mécaniquement de compléter cette citation et de lire : HONORIS VIRTVTISVE ERGO. 3) La nature de l’honneur : SINE FRAVDE ESTO. Cet honneur consiste en une dérogation à une disposition légale. Cicéron et Pline, citant la loi, précisent que l’exposition de la couronne sur le corps du défunt pourra se faire sine fraude, donc sans que grief puisse en être fait à la famille du défunt. Celle-ci ne subira donc aucun dommage (poena, sacrifice expiatoire ?) qui devait accompagner la transgression de la prohibition légale (formulée dans le verset précédent : inhumer ou brûler des couronnes). Sur le sens de fraus dans les XII T. (cf. 3.6 ; 8.21 ; 8.27 ; 10.8) : dommage ou perte patrimoniale subie par l’auteur de la transgression fautive d’une prescription légale. Sine fraude esto signifie littéralement : ‘il n’en subira aucun dommage’, ‘il n’en sera pas fait grief’. Sur le passage du sens de ‘dommage’ à celui de ‘fraude, tromperie’ (sanctionnées par une peine) : Ernout-Meillet, DE4, v° fraus ; Walde-Hofmann LEW3, 543. L’interprétation de Krüger-Kaser (1943) 120-121 (fraus, au sens de violation d’une prescription légale, ne me semble pas correspondre au sens littéral et archaïque du terme attesté dans le code décemviral). Sur la fraus legi, v. généralement Fascione (1983) 13-15. Cet honneur est rapporté de façon plus complète (et donc plus authentique) chez Pline que chez Cicéron. Chez ce dernier : coronam et ei qui peperisset et eius parenti impositam esset ; Chez Pline : (corona) ut ipsi mortuo parentibusque eius, dum intus positus esset forisve ferretur, esset inposita. Mais l’idée est la même. Parens, chez Cicéron, est préférable à parentibus chez Pline : il ne peut être question des parents des deux sexes, mais du titulaire, au moment du décès, de la patria potestas (pater, avus) génériquement qualifiés de parentes et sur qui rejaillit l’honneur de recevoir (duitur ei) la couronne (cf. de même Plin. nat. 16.10).

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La précision du lieu d’exposition (dedans/dehors) ne peut avoir été inventé par Pline, alors que Cicéron l’aura supprimée, car sans utilité pour ce qu’il voulait faire dire au texte : en tirer la preuve d’une exception (justifiée) à la prohibition des coronae. Sur la place des dérogations dans la thèse cicéronienne de la légalité, supra Table 10.1, Commentaire 3.2. On suivra donc Mommsen Staatsr. I3, 426 n.  2, qui a maintenu les précisions de lieu sous la forme (possible) DOMI FORISVE. On remarquera que, selon l’expression de la loi, la prise en considération du mérite et de l’honneur ne se réfère pas l’attribution de la couronne, mais aux motifs qui guident le législateur pour tolérer qu’elle soit posée (inposita, chez Cicéron et Pline) sur la dépouille du défunt. C’est en considération de ces vertus qu’elle sera attribuée (duitur) et posée sur le défunt ou son ancêtre. 4) IPSE PECVNIAVE. La mention de la pecunia comme constituant, à côté de la conduite personnelle (ipse) du gratifié, le second motif de l’attribution d’une couronne n’apparaît que chez Pline, mais avec un rôle essentiel, puisque c’est en fonction de ce terme (et de ce qu’il exprimait) que Pline cite le texte décemviral. C’est une garantie d’authenticité. Soit la couronne a été obtenue de son vivant par les mérites personnels du défunt (ipse), soit elle l’a été grâce à sa fortune ou son patrimoine (pecunia). Et Pline explique immédiatement de quel genre de dépense (selon son avis) il s’agissait : celle qu’entraînaient les courses, auxquelles les Romains participaient, soit en descendant eux-mêmes dans l’arène, soit en y envoyant leurs esclaves et leurs chevaux (constitutifs de la pecunia) et qui rapportaient aussi des couronnes de victoire. Ces explications de pecunia (s.e. coronam) partam, couronne conquise grâce au patrimoine, sont présentées comme absolument hors de discussion – ce qui, probablement, cache en réalité un grand embarras des interprètes et fort peu de certitudes. Les romanistes ont fait leur bonheur de ce témoignage et l’ont sollicité pour reconstituer la préhistoire de la familia et de la pecunia, présentées comme, ou complémentaires, ou synonymes, ou incluses l’une dans l’autre. Pour n’en rester qu’à quelques exemples : Mommsen Staatsr. III. 1., 23 n. 5 (pecunia = les chevaux), suivi par Thormann (1943) 164 et déjà par Wlassak (1933) (mais qui, en dehors de l’emploi restreint attesté par XII T. 10.7, donne à pecunia le sens général de Eigengut, par opposition à la familia, Gemeingut : ibid. 8) ; pour Voci (1960) 4-25, 26-27 : familia et pecunia ont toutes deux le sens de patrimoine et pecunia, tantôt un sens global (XII T. 5.7), tantôt un sens limité (esclaves et chevaux : XII T. 10.7) ; selon Diòsdy (1970) 19-30, pecunia qualifie les res mancipi (à preuve XII T. 10.7 : esclaves et chevaux) et il n’y aurait donc aucune différence entre familia et pecunia. Pour Diliberto (1984) 73-79 et bibliog. compl. 50-53, la pecunia qualifierait la propriété meuble ou l’argent permettant d’acquérir esclaves et chevaux (à preuve : XII T. 10.7).

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Mais toutes ces discussions partent d’une interprétation du témoignage de Pline qui ne peut plus aujourd’hui être acceptée. Si l’on pouvait encore en 1981 (Ville [1981] 16-17 ; de même Rawson [1981] 4-5) écrire sur la foi du texte de Pline que la Rome du Ve s. « avec ses aristocrates envoyant dans le cirque leurs chevaux, leurs cochers et leurs chars aurait pu être chantée par Pindare » (Ville cit.), on ne le peut plus maintenant. Il est démontré (Thuillier [1990] que ce n’est pas avant le IIIe s. av. J.-C. que Rome importa le modèle hellénistique des jeux entre aristocrates, avec, pour récompenses, des couronnes, végétales ou en or (Plin. nat. 21.6) peu importe. La couronne pecunia parta de XII T. 10.7 ne concerne donc ni les chevaux, ni les esclaves, ni les jeux du cirque. L’interprétation de Pline, anachronique, n’est d’aucune utilité pour percer le mystère de pecunia et de ses rapports compliqués avec familia, ni pour découvrir la nature des honneurs qu’un Romain pouvait acquérir par lui-même (par sa conduite personnelle) ou par sa pecunia. Corriger pecunia par familia (au sens des individus soumis à la potestas du pater) n’aurait aucun sens. La correction, brutale, supposerait : 1) de donner à familia un sens absolument personnel (non attesté à l’époque décemvirale, en dépit de Voci [1960] 23, 26) ; 2) de supposer un glissement de familia à pecunia, facilité par le binôme familia pecuniaque : mais dans ce binôme, familia a le sens rigoureusement patrimonial, dont il faudrait se défaire. Il faut donc conserver pecunia. Mais avec quelle signification ? La distinction entre ipse et pecunia d’une part, entre l’honos et la virtus de l’autre, esquisse une solution possible. Si la couronne due au mérite personnel concerne sans difficulté les actes exceptionnels de bravoure ou d’héroïsme, la couronne en récompense de la pecunia, source d’honos, peut qualifier la conduite exemplaire du citoyen ayant mis à profit son patrimoine pour, sur ses deniers, acheter du grain, sauver d’une disette, construire ou réparer un édifice public. Ces actes d’évergétisme sont fréquents au Ve s. Ils méritent récompense. Les décemvirs n’ont pas confondu la conduite personnelle et la récompense de la générosité. L’extension du droit à la couronne posthume au parens ne concerne, certes, que le premier type de reconnaissance publique – le filius familias ne pouvait détenir la pecunia qui lui aurait permis d’obtenir (parare) la couronne (végétale sans doute). En toute hypothèse, il ne peut s’agir ici d’une mesure somptuaire, mais d’une application curieuse de la patria potestas : le père porte la couronne pour son fils. Il ne s’agit plus de restreindre les dépenses funéraires, mais d’encourager les démonstrations exceptionnelles de générosité publique, faites de leur vivant par les grands de la cité.

X. 8

10. 8 – : C  icero De legibus 2.60 : NEVE AVRVM ADDITO ; CVI AVRO DENTES VINCTI ESVNT AST IM CVM ILLO SEPELIET VRETVE, SE FRAVDE ESTO.

:Q  ue l’on ne joigne pas d’objets d’or. Mais si celui à qui les dents sont reliées par de l’or, si on l’inhume ou on le brûle avec cet or, que l’on n’en fasse pas grief.

Source : Cic. leg. 2.60 : Qua in lege cum esset ‘neve aurum addito’, quam humane excipiat altera lex ‘cui auro dentes vincti esunt1 ast im cum illo sepeliet uretve, se fraude esto’. Et simul illud videtote, aliud habitum esse sepelire et urere. [« Quant à la prescription qui était dans la loi ‘Que l’on ne joigne pas d’objets d’or’, voyez avec quelle humanité une autre loi apporte une exception : ‘si celui à qui les dents sont reliées par de l’or, si on l’inhume ou on le brûle avec cet or, que l’on n’en fasse pas grief’. Et vous voyez en même temps que inhumer et brûler sont deux usages différents »]. 1 Les ms. ont essent, corrigé en esunt (= erunt), escunt (Lambinus, 1565), ou essint (Coleman, 1996). Nous avons suivi l’éd. Powell (2006) (de même que Dyck (2004) 408), qui adopte la correction de J. Raevardus, Ad leges duodecim tabularum, 1563. On pourrait également adopter escunt, présent à valeur de futur (forme inchoative) ‘sont et seront’ (cf.  escit avec cette valeur : 1.3 ; 5.4 ; 5.5 ; 5.7). Autres suggestions ap. Dirksen 688-691. Vincti (et nom iuncti): ainsi Powell.

Commentaire On est en présence de deux prescriptions séparées. La première exprime une interdiction générale. La seconde, constituée de deux propositions conditionnelles, introduit une exception à la première prescription à l’aide d’une formule syntaxique caractéristique : introduite par un pronom relatif à valeur de conditionnel, cui = si cui (cf. 10.7 ; de même 2.3 ; 8.8) (première condition), elle utilise ensuite une conjonction de subordination, AST, au sens de ‘et si’, pour introduire une deuxième condition, subordonnée à la première (cf. 5.7 b), incluse donc dans la relative précédente. IM, forme archaïque de eum, (cf. 8.12), équivaut à

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EM (cf. 1.1). Volet, uret : futurs. SE FRAVDE = sine fraude : sur le sens de fraus, cf. supra 10.7. Le luxe du mobilier funéraire est visé ici. L’enfouissement de tout objet d’or est proscrit, à l’exception des couronnes honorifiques (10.7) publiquement décernées (et dans la mesure où l’usage de couronnes en or serait passé de la Grèce à Rome par l’intermédiaire des Étrusques) et de l’or intimement lié à la personne (dents ou prothèses en or). V. ici Gjerstad (1956) 329 n. 1 pour un témoignage archéologique ; Ampolo (1984) 81 (tombe de la fin du VIIe s., à Satricum, hors de tout contact étrusque, mais en situation romano-latine) ; Waarsenburg (1991). Il est possible que l’ensemble du mobilier funéraire (céramique de prix, armes, bijoux, vêtements somptueux et objets de toilette et d’apparat rares) ait été atteint par cette disposition légale. Ainsi, Ampolo cit. 84-86. Les lois grecques portent des interdictions du même type. À Delphes (phratrie des Labyades) : « on ne mettra pas dans la tombe pour plus de 35 drachmes, tant en achats qu’en objets pris dans la maison » ; à Ioulis : «  les vases (ayant servi aux libations) seront remportés ; le lit et les linceuls seront rapportés à la maison ». Les usages funéraires, dans le Latium, au VIIe s., témoignent de changements décisifs et subits, sous l’effet d’une législation somptuaire, que les décemvirs, selon toute apparence, reprennent à leur tour. Dans le Latium, et aux alentours immédiats de Rome, le mobilier funéraire, très riche, du VIIIe s. à la fin du VIIe s., se composait de deux séries d’objets. Les uns, sous forme de vases, s’identifiant au défunt, ou marquant du moins sa propriété, étaient systématiquement brisés et éparpillés autour du cadavre lors des funérailles (Colonna [1983]. Les autres, laissés intacts et disposés harmonieusement en un service préparé pour un banquet raffiné, devaient assister le mort lors de sa survie dans l’au-delà. Or ces deux types de mobilier, témoignage d’un grand luxe, désertent brusquement le Latium et les régions placées sous l’autorité de Rome aux alentours de 600/580 (Colonna [1977-2] ; Ampolo [1984] 80-82). Ce ne peut être que sous l’effet de règlements interdisant ces dépenses ruineuses – et que l’on peut placer à l’époque et sous l’autorité de Servius Tullius. Les XII T. en reprennent l’essentiel. V. supra Introduction 3.- 3 à la T. 10. Sur ces usages funéraires, leur interprétation archéologique, idéologique et historique (application de règlements somptuaires) : Colonna (1977-2) 131 s.; Id. (1981) 229-232  ; Zevi (1977) 241-273  ; Bartoloni-Cataldini Dini-Zevi (1982) 257-273 ; Ampolo (1984) 79 s. Ces témoignages rendent caduque l’idée, soutenue par Romano (1982) de l’invraisemblance d’un règlement tel que celui des XII T. au Ve s., et de sa place au mieux à la fin du IIIe s. avec l’apparition des premières lois somptuaires. Quant à savoir si cette réglementation décemvirale fut appliquée ou respecté, supra Introduction 3.3.

X. 9

10. 9 – : Cicero De legibus 2.61 : Rogum bustumve moliri vetat propius sexaginta pedes aedes alienas invito domino.

: La loi interdit que l’on installe un foyer ou un bûcher à moins de soixante pieds de la maison d’autrui sans son accord.

Source : Cic. leg. 2.61 : Duae sunt praeterea leges de sepulcris, quarum altera privatorum aedificiis, altera ipsis sepulcris cavet. Nam quod rogum bustumve moliri vetat propius sexaginta pedes {adici} aedes alienas invito domino, incendium veretur aedium {vetat}. [« Il y a encore deux lois relatives aux tombeaux. L’une protège les maisons particulières, l’autre les tombeaux eux-mêmes. En effet, quand la loi interdit que l’on installe un foyer ou un bûcher à moins de soixante pieds de la maison d’autrui sans son accord, c’est visiblement par crainte de l’incendie »]. Commentaire Mesure d’urbanisme, qui ne relève plus de la législation funéraire. Citée ici par Cicéron dans un souci d’exhaustivité. Le mot AEDES, au sens de maison, devait figurer dans la loi (cf.  Gai. l. 4 ad leg. XII tab. D. 47.9.9 et XII T. 8.10 ; 6.8).

X. 10

10. 10 – :  Cicero De legibus 2.61 : forum bustumve usu capi vetat.

: La loi défend que sur l’accès (au tombeau) ou sur (l’emplacement du) bûcher on exerce son droit de propriété.

Sources principales a) Cic. leg. 2.61 : Duae sunt praeterea leges de sepulcris, quarum […] altera ipsis sepulcris cavet. […] Quod autem forum (id est vestibulum sepulcri) bustumve usu capi vetat, tuetur ius sepulcrorum. [« Restent deux lois sur les tombeaux, dont l’une […], et l’autre protège les tombeaux eux-mêmes […]. En interdisant que l’exercice du droit de propriété porte sur l’accès (au tombeau), c’est-à-dire sur l’entrée du tombeau et l’emplacement du foyer, la loi protège l’exercice du droit de sépulture »]. Sources complémentaires b) Festus-Paul v° Forum 74 L. : Forum sex modis intellegitur […] ; quarto, cum id forum antiqui appellabant, quod nunc vestibulum sepulcri dicari solet [« Forum a six significations […]. Quatrièmement, les anciens appelaient forum ce que l’on désigne maintenant comme l’accès au tombeau »]. c) Festus-Paul v° Bustum 29 L. : Bustum proprie dicitur locus, in quo mortuus est combustus et sepultus, diciturque bustum, quasi bene ustum ; ubi vero combustus quis tantummodo, alibi vero est sepultus, is locus ab urendo ustrina vocatur ; sed modo busta sepulcra appellamus. [« Bustum c’est exactement l’endroit où le mort a été brûlé et inhumé : bustum au sens, à peu près, de ‘bien brûlé’ (bene ustum). Mais l’endroit où le corps a été brûlé et s’il a été inhumé ailleurs, s’appelle ustrina (du verbe urere, brûler). Nous appelons sepulcrum le bustum seulement »].

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LA LOI DES XII TABLES

Commentaire 1) Festus-Paul confirme Cicéron (leg. 2.57) dans ses précisions relatives au droit des tombeaux. L’emplacement de la crémation n’est pas qualifié de tombeau et n’entre pas dans le ius religionum, ni dans les res extra patrimonium. Il faut pour cela que la crémation ait été suivie, au même endroit, de l’inhumation (Cic. leg. 2.57). 2) Forum. Le terme apparaît deux fois dans les XII T., avec des sens différents (1.6 ; et ici 10.10). L’étymologie et le sens primitifs sont discutés : ‘espace qui se trouve en dehors’ : vestibulum pour le sepulcrum, place publique en dehors des habitations (forum de l’urbs) ; ou encore, espace entouré d’un enclos, d’une palissade (cf.  Walde-Hoffman LEW3 537 s.) ; ou encore lieu réservé aux sépultures : espace où est installé le bûcher (bustum) et espace primitif de réunions publiques entouré de lieux d’inhumation ( ?). V. (avec la bibl.) Ruoff-Väänänen (1978) 4-7. 3) En entrant dans la catégorie des res religiosae (extra patrimonium), l’emplacement ne peut plus usu capi. Cela ne veut pas dire que l’emplacement ne pourra pas faire l’objet d’une usucapion (acquisition de la propriété par la possession prolongée d’un possesseur sans titre, ce qui n’aurait guère de signification pour un sepulcrum ; en outre, l’institution de l’usucapion est bien postérieure à la loi des XII T.), mais cela signifie que le propriétaire du terrain sur lequel se trouve l’accès (iter, vestibulum) au sepulcrum, rituellement défini, ne pourra pas mettre en pratique ou exercer son droit de propriété dans toutes les prérogatives que ce dernier comporte. Exactement : l’espace ainsi défini ne peut pas ‘être pris en usage’, usu capi, par son propre propriétaire pour qu’il y exerce les prérogatives du propriétaire qu’il est. La prescription décemvirale n’est pas dirigée contre l’usurpation d’un tiers (dont la possession sans titre, mais prolongée, conduirait à acquérir la propriété), mais bien contre le propriétaire de l’espace concerné, dont la maîtrise est réduite par le statut fixé par le législateur. Le forum et le bustum  (en tant que lieu d’incinération, et non pas, comme l’affirme Festus-Paul, en tant que lieu d’incinération et d’inhumation : car alors, le locus deviendrait religiosus ; il sortirait du commercium et toute idée de propriété serait exclue. Il ne saurait être question d’y interdire, comme le fait la loi, l’exercice (usus) du droit de propriété) conservent donc leur condition de loci privati. Ils ne se confondent pas avec le sepulcrum qui, lui, est religiosus. On voit donc que, tout en restant des loci privati, le forum et le bustum sont frappés d’une amputation.  Leur propriétaire ne peut y exercer ses prérogatives de propriétaire (en l’exploitant par ex.). Ce sens archaïque d’usu capi se retrouve dans tous les emplois décemviraux du terme : XII T. 5.2 ; 6.3 ; 6.4 ; 6.5 ; 7.4 ; 7.12 ; 8.17. Le concept clas-

X. 10

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sique d’usucapion n’a rien à voir ici. Le verset 10.10, contrairement à l’idée générale, n’a pas pour objet d’interdire à un tiers d’acquérir par la possession prolongée (deux ans) la propriété ou l’usage du forum bustumve. Le législateur (de fait, la science pontificale compétente pour définir le droit des tombeaux et leurs annexes) a élaboré un statut particulier pour ces accès au tombeau. Leur condition juridique reste celle des biens privés ; mais ils sont marqués d’une inexploitabilité, gelés, en quelque sorte, dans leur vocation économique naturelle. Sur ce concept d’usus capio, Humbert (2005-2) 388-389 = 600-601. Les études sur l’usucapion, Mayer-Maly (1961-1) 257 s. ; Id. (1962-1) 467 s. sont sans utilité ici. Bien qu’il soit frappé dans son exercice (et limité dans son étendue), le droit du titulaire du sepulcrum sur le forum (accès) et sur le bustum (emplacement réservé aux crémations), ne lui interdit pas d’y procéder à d’autres crémations. C’est donc un usage limité et spécifique qui lui est concédé. Mais c’est un droit qui lui est propre (comme tout droit de propriété) et qui reste fermé à tout tiers qui prétendrait occuper ces espaces pour y procéder à des rites funéraires. Sur le statut juridique du tombeau, propriété des dii Manes, et res extra commercium, échappant donc au droit privé (ni servitude, ni aliénation, ni usucapion – au sens récent –, ni revendication), v. De Visscher (1963) 65-90 ; Kaser (1978) 31-34, 74 s.

XI. 1

11. 1 – : Cicero De re publica 2.61, 63 : (61) Qui (decemviri) cum decem tabulas summa legum aequitate prudentiaque conscripsissent, in annum posterum decemviros alios subrogaverunt, quorum non similiter fides nec iustitia laudata […]. (63) Ergo horum ex iniustitia subito exorta est maxima perturbatio et totius ; qui duabus tabulis iniquarum commutatio rei publicae  legum additis, quibus etiam quae diiunctis populis tribui solent conubia, haec illi ut ne plebei cum patribus essent, inhumanissima lege sanxerunt (quae postea plebiscito Canuleio abrogata est) […].

: (61) Les décemvirs , qui rédigèrent d’abord dix tables avec le plus grand souci de faire des lois égales pour tous, furent ensuite remplacés par dix autres décemvirs, dont on n’a pu louer pareillement la conscience ni la justice… (63) C’est donc leur injustice qui provoqua brusquement un très grand trouble et un bouleversement complet de la Cité. Aux tables précédentes, ils ajoutèrent deux tables de lois iniques, qui décidèrent, par une disposition tout à fait inhumaine, que les mariages mixtes, qui sont d’ordinaire permis même avec des cités étrangères, seraient refusés entre les plébéiens et les patriciens. Cette loi fut ensuite abrogée par le plébiscite Canuléien.

Sources principales a) Livius 4.4.5, 9 : (5) Hoc ipsum, ne conubium patribus cum plebe esset, non decemviri tulerunt paucis his annis pessimo publico, cum summa iniuria plebis ? An esse ulla maior aut insignitior contumelia potest quam partem civitatis velut contaminatam indignam conubio haberi ? (9) Verum enimvero lege id prohiberi et conubium tolli patrum ac plebis, id demum contumeliosum plebi est. [« (5) L’interdiction même de contracter un mariage légitime entre la plèbe et les patriciens, n’est-elle pas une loi que les décemvirs ont faite il y a peu d’années, sinistre exemple pour tous et injustice extrême envers la plèbe ? N’est-ce pas le plus grand et le plus scandaleux des affronts que de prendre une partie des citoyens

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pour des individus tarés, indignes d’être épousés ? ... Faire une loi pour interdire ces unions, retirer aux patriciens et aux plébéiens le droit de se marier, c’est au fond insulter la plèbe »]. b) Denys d’Halicarnase 10.60.5 : Οἱ δὲ περὶ τὸν Ἄππιον τοὺς λοιποὺς συγγράψαντες νόμους ἐν δέλτοις δυσὶ καὶ ταύτας ταῖς πρότερον ἐξενεχθείσαις προσέθηκαν∙ ἐν αἷς καὶ ὅδε ὁ νόμος ἦν, μὴ ἐξεῖναι τοῖς πατρικίοις πρὸς τοὺς δημοτικοὺς ἐπιγαμίας συνάψαι. [« Appius et ses collègues placèrent dans deux tables les lois qu’ils ajoutèrent aux précédentes. On y trouvait notamment cette disposition, qu’il ne serait pas permis aux patriciens de jouir avec les plébéiens du droit d’intermariage (épigamie) »]. Sources complémentaires c) Liv. 4.1.1 ; 4.3.4 : à propos de l’abrogation, en 445, de l’interdiction décemvirale : 4.1.1 : de conubio patrum et plebis C. Canuleius tribunus plebis rogationem promulgavit ; 4.3.4 : altera (rogatio) conubium petimus, quod finitimis externisque dari solet : nos quidem civitatem, quae plus quam conubium est, hostibus etiam victis dedimus. d) Florus Epitoma de Tito Livio 1.17 (1.25) : Tertiam seditionem excitavit matrimoniorum dignitas, ut plebei cum patriciis iungerentur; qui tumultus in monte Ianiculo duce Canuleio tribuno plebis exarsit. [« La troisième sédition fut provoquée par la question de la dignité des mariages, qui permît aux plébéiens de s’unir aux patriciens. L’émeute éclata sur le Janicule, à l’instigation du tribun de la plèbe Canuléius »]. e) Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.238 pr : ‘Plebs’ est ceteri cives sine ‘senatoribus’. Reconstitution Au terme du commentaire, nous proposerons : CONVBIA PLEBEI CVM PATRIBVS NE SVNTO. L’expression patribus cum plebe ne sunto, ou, quasiment équivalente, plebei cum patribus ne sunto, est confirmée et par Tite-Live (4.4.5, source a), et par Cicéron (rep. 2.63 cit.), auquel nous donnons la préférence.

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Commentaire Plan du commentaire : 1. – Une innovation décemvirale. 2. – Proclamer une interdiction des unions mixtes, mais qui n’affecte pas l’existence de ces mariages. 3. – La signification politique de l’interdiction éphémère des mésalliances : la fermeture du patriciat. 4. – L’historicité du second décemvirat. 1. – L’interdiction des conubia, une innovation des décemvirs Unanimes, les sources (Cicéron, Tite-Live, Denys Hal.) analysent la prescription décemvirale comme une innovation, l’odieuse abrogation d’un droit jusqu’alors en vigueur. Par suite, la vive et immédiate réaction de la plèbe, qui parvint dès 445 à faire rapporter l’inhumanissima lex, est présentée comme le rétablissement du ‘conubium’ – au sens de la parfaite licéité des unions mixtes, dont patriciens et plébéiens jouissaient avant 450 (cf. Liv. 4.5.5 : conubiis redditis, qu’il faut comprendre comme ‘les unions mixtes (conubia) rétablies dans leur licéité’). Il faut garder cette tradition uniforme et admettre qu’avant 450, les unions mixtes étaient conformes au droit et qu’elles n’emportaient aucune déchéance pour les enfants issus de ces mariages. On ne peut réduire l’innovation à la simple confirmation légale d’une prohibition antérieure mais coutumière des mariages mixtes. Cela reviendrait, au fond, à nier l’innovation et surtout à introduire entre une norme coutumière et une prescription légale une différence d’efficacité, ce qui n’est pas acceptable. Ainsi, cependant J. Bayet, Le problème du conubium entre le patriciat et la plèbe, in Tite-Live, IV, éd. C.U.F. (1946), 126-132 ; De Visscher (1952) 409. Il convient également, par la force de ces témoignages homogènes, de rejeter les interprétations anciennes, mais régulièrement reprises, qui voudraient, dans une conception très douteuse et du patriciat et de la plèbe, conçus comme deux groupes ethniques différents, construire une dualité juridique qui trouverait sa confirmation dans l’absence ancestrale d’une communauté juridique, et donc dans l’impossibilité de contracter des unions légitimes, qualifiées de mariages. Voir sur la théorie du dualisme, et sa critique, Humbert (1999) 282-285 = 337-340. Il faut revenir à la démonstration décisive de Last (1945) 31-33 : la plebs est une partie intégrante du populus dès le VIe s. ; elle partage la même communauté de droits avec les patres, donc le droit d’établir des unions légitimes depuis au moins Servius Tullius. La tentative maladroite du deuxième collège décemviral doit être interprétée autrement. La plèbe n’est pas porteuse d’une infériorité juridique originelle. Également en faveur d’une innovation (avec des interprétations diverses), Tondo (1993) 49-50 ; Corbino (1999) 86-87.

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2. – Une interdiction, qui ne frappe pas d’inexistence les unions contractées en dépit de la prescription Tite-Live emploie alternativement, comme s’il s’agissait de synonymes, conubium et conubia. Mais il s’agit d’approximations, dont on ne peut se satisfaire, car un véritable fossé sépare les deux emplois. Le terme de conubium, abstrait (et probablement bien postérieur à la mentalité décemvirale), se réfère toujours à une condition d’existence (ou de formation) du mariage (conditions d’âge, de consentement, d’appartenance à la même communauté juridique, et respect du tabou de l’inceste). Si l’une de ces conditions est défaillante, l’union ne se forme pas, les enfants n’ont pas de père, l’‘épouse’ ne peut avoir de dot, aucun lien familial n’unit les enfants entre eux, car la parenté naturelle n’existe pas. Il est bien certain que le collège des décemvirs n’a pu déchoir une partie du corps civique de sa capacité à contracter mariage. Il n’a pu suspendre ou retirer le conubium, une mesure qui serait absolument sans équivalent dans l’histoire de Rome. En revanche, ce qui est tout différent, les décemvirs ont pu (et c’est la mesure effectivement prise) proclamer une interdiction de contracter mariage, dont l’effet fut – comme il y en eut de nombreux exemples au cours des siècles suivants – de soumettre les époux et leurs enfants légitimes, à des peines, à des déchéances, à diverses incapacités (d’ordre successoral, politique, social…), mais qui n’affectent pas la validité de l’union contra legem. Il s’agira dans tous ces cas de véritables mariages, mais amputés de certains de leurs effets juridiques. C’est bien certainement ce qui s’est produit avec la prohibition osée par les mauvais décemvirs. Ils ont frappé les conubia ; ils ont marqué de certaines déchéances les unions mixtes, les conubia au sens rigoureux et technique du terme. Mais ils n’ont pas confisqué le conubium. Tite-Live, passant alternativement sans y prendre garde, de conubium à conubia, n’a pas eu la rigueur d’un Cicéron, qui, avec le texte de la loi sous les yeux, reproduit le ‘conubia’ qui s’y trouvait (rep. 2.63, cité supra). Parfois Tite-Live tombe juste : ainsi quand il évoque les conubia reddita, le rétablissement dans leur licéité des mariages mixtes – 4.5.5 ; 9.34.4 - ; mais parfois le terme de conubium lui sert, dans une approximation excusable, bien que fautive, à qualifier ces mariages interdits (4.4.9 ; 4.6.2). Sur le concept de conubium, Gaudemet (1949)  328-335 = 124-131; Volterra (1950) ; Humbert (1987) et sur son emploi abusif appliqué à l’interdiction décemvirale : Humbert (1999) 287-295 = 341-346. Nous proposerons ainsi de rétablir la teneur du verset de la façon suivante : CONVBIA PLEBEI CVM PATRIBVS NE SVNTO « qu’il n’y ait pas de mariages mixtes entre patriciens et plébéiens ». Se pose alors la sanction de cette interdiction, puisqu’il est entendu qu’il ne peut pas s’agir de la nullité du mariage contrevenant (figure qui n’apparaî-

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tra à Rome qu’au début du IIIe s. ap. J.-C.), ni d’une invraisemblable inexistence. 3. – La dimension politique de l’interdiction et sa destinée En 450, le patriciat achève de se définir comme la caste des consulaires et se ferme définitivement. Le sénat, par la sélection toujours plus étroite de ceux qu’il appelle à recevoir la dignité auspiciale et à s’emparer de l’imperium, achève d’éliminer de son sein ceux qui ne pouvaient se définir comme parents ou descendants de patres ou patricii. La disposition sur les mariages mixtes correspond au moment où le patriciat (ou le sénat) a érigé en monopole de droit sa récente conquête du pouvoir. Le sénat se soucie d’empêcher que les privilèges politiques et religieux qui définissent le patriciat ne parviennent à des individus considérés comme indignes, parce qu’ils n’appartiendraient pas, par leur père et par leur mère, à une famille patricienne, c’està-dire consulaire. Le sénat détient les moyens de sanctionner l’union notamment d’un patricien et d’une plébéienne. Non pas en déclarant bâtard ou spurius l’enfant né de cette union, mais en lui fermant l’accès au sénat, en l’excluant désormais de la caste constituée, en le privant de sa qualité de patricien.  Nous trouvons là la sanction dont dispose, après 450, le sénat pour faire respecter comme il l’entend la prohibition des mésalliances qui vient d’être glissée dans la loi. La manière dont fut si rapidement rapportée la discrimination honnie s’accorde avec l’analyse proposée. C’est, on le sait, un plébiscite pris à l’initiative de Canuleius qui parvint à l’‘abroger’ (selon Cic. rep. 2.63, cit.). Le terme est imprécis et juridiquement inapte à rendre compte du chemin qui a conduit à l’abandon de la loi accusée. Un plébiscite, forcément dénué de toute prétention à la normativité (Humbert (1998) 219-220 = 658-660), ne pouvait conduire à l’abrogation d’une loi. De fait, c’est la pression plébéienne, usant de l’arme de la sédition (Florus, source d), qui contraignit le sénat à se soumettre. Mais comment ? Le sénat « se laissa faire » nous dit Tite-Live, en ce sens qu’il laissa la plèbe voter son plébiscite. Mais il faut immédiatement corriger : la défaite du sénat ne consista pas à laisser la plèbe voter sa revendication, mais à renoncer lui-même à déchoir de leur qualité de patriciens et de sénateurs ceux qui avaient transgressé l’interdiction, et contracté l’union dépréciée ou qui en étaient nés. Il n’y a pas à chercher un texte officiel qui aurait jeté les bases d’une définition nouvelle du mariage. Il s’est simplement produit un revirement dans la pratique constituante du sénat. Il est même très vraisemblable que l’interdiction de 450 ne fut pas effacée du texte de la loi (profitant de la soi-disant retranscription du texte que l’incendie gaulois aurait rendue nécessaire en 390). Cicéron, sinon, n’en n’aurait pas eu connaissance, ni Gaius, quand deux siècles

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plus tard, il commenta un texte authentique qu’il avait sous les yeux et l’incita à définir les termes devenus peu compréhensibles de PLEBS et de PATRES (Humbert (2018-1). 4. – Le problème de l’historicité du second décemvirat, auteur des Tables et XI et XII Selon la tradition antique, une fois les dix premières tables adoptées par les centuries (Liv. 3.34.6 ; Wieacker RRG I, 289 n. 12 et bibliogr.), on se serait rendu compte que deux tables manquaient pour que l’ensemble fût parfait. D’où la désignation d’un second collège (Cic. rep. 2.61 ; Diod. 12.24 ; Dion.  Hal. 10.59-60 ; Liv. 3.35 ; selon Pomp. D. 1.2.2.4 et 24, le même collège aurait rédigé les tables en deux temps, dix, puis deux), formé pour moitié de patriciens (dont un seul rescapé du premier collège, Ap. Claudius) et de plébéiens (Liv. 3.35.11 ; 4.3.17 ; Dion.  Hal. 10.58). Ce collège conserva une réputation chargée : celle d’avoir rédigé des lois iniques (Cic. rep. 2.63) et d’avoir abusé de son pouvoir (Cic. rep. 2.62-63 ; Liv. 3.36 ; Dion. Hal. 10.60). L’historicité de ce second décemvirat est repoussée par une large partie de la critique : Täubler (1921) 103-114 ; Beloch (1926) 236-246 ; Ogilvie (1970) 461-463 ; Ranouil (1975) 101 s. Contra De Martino (1972) I2, 300-301. On reproche surtout à ce second collège de compter en son sein des noms plébéiens (Poetelius, Duilius, Oppius, Antonius). L’appel à ces derniers, pour une partie des Modernes, serait une invention de l’annalistique, imaginée à la fois pour disculper le premier collège d’avoir été l’auteur des lois ‘scélérates’ (dont la responsabilité retomberait sur un collège de mauvais législateurs), à la fois pour donner des ancêtres célèbres (mais inventés) à des familles plébéiennes récentes (Poetelii, Oppii, Duilii : Ranouil cit. 104-105). Mais ces prétendues falsifications sont invraisemblables. Des plébéiens en quête d’ancêtres glorieux ne les auraient pas glissés dans un collège de piètre renommée, coupable d’avoir pris la décision de supprimer la licéité des conubia. Les Oppii, les Poetelii, les Duilii n’étaient pas en panne d’aïeux authentiques : ces noms se trouvent parmi les tout premiers chefs de la plèbe (en 470, 449, 442, 441). Le second décemvirat, en l’état actuel de la recherche, garde donc ses droits à l’existence. On admettra qu’il comprit des plébéiens et que ces plébéiens admirent la disposition sur les conubia, de la même manière, inversement, que les deux consuls Valerius et Horatius lâchèrent, en 449 (sous la menace d’une sécession, certes), les leges Valeriae Horatiae si favorables à la plèbe, comblant, par la reconnaissance officielle du tribunat de la plèbe, une omission bien volontaire du code décemviral. On le devine, la rédaction de la loi des XII T., épreuve de force entre deux idéologies adverses, dut se prêter à bien des marchandages et concessions réciproques. Le verset 11.1 en fait évidemment partie, mais

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il est indissociable de l’immédiat lendemain, qui, avec le plébiscite Canuléien, répara sans attendre l’outrageante concession des décemvirs plébéiens.

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11. 2 a – : Varro Rerum Humanarum vicesimo libro, cité par Nonius Marcellus (éd. Lindsay 317 L) v° Nundinae : ‘decemviri cum fuissent arbitrati VII.nos (= septenos) nundinum divisum habuisse’.

: Alors que les décemvirs avaient décidé de marquer la division des nundinae tous les sept jours …



b – : Macrobius Saturnalia 1.13.21 : Tuditanus refert […] decemviros, qui decem tabulis duas addiderunt, de intercalando populum rogasse. Cassius eodem scribit auctores.



: Sempronius Tuditanus rapporte que ces décemvirs, qui aux dix tables en ajoutèrent deux, firent voter par le peuple une loi concernant l’intercalation.  Cassius Hemina fait également de ces personnages les auteurs de cette réforme.

Sources principales a) Varro Rer. Hum. 20, cité supra : Ce témoignage de Varron, essentiel, puisqu’il attribue explicitement aux décemvirs l’introduction du cycle nondinal dans le calendrier réformé, n’a jamais été utilisé dans la reconstitution de l’œuvre des décemvirs. Le texte transmis par Nonius Marcellus est fautif et doit être corrigé. Les ms. donnent en effet  au lemme nundinae : decemviri cum fuissent arbitrari vi nos nundinum divisum habuisse, ce qui ne donne aucun sens satisfaisant. D’où diverses tentatives de corrections non convaincantes. Mommsen Staatsr. I, 38 n.  4, corrigeant le texte, comprenait le témoignage de Varron comme relatif à la durée, par roulement, de la fonction des décemvirs : huit jours pour deux, soit quatre jours chacun. Pour la leçon proposée ici, après de minimes corrections, voir, pour le détail, Humbert (2011), notam. 13-14 = 645-646. b) Ovidius Fasti 2.47-54 : Sed tamen, antiqui ne nescius ordinis erres, Primus, ut est, Iani mensis et ante fuit.

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Qui sequitur Ianum, veteris fuit ultimus anni: Tu quoque sacrorum, Termine, finis eras. Primus enim Iani mensis, quia ianua prima est: Qui sacer est imis Manibus, imus erat. Postmodo creduntur spatio distantia longo Tempora bis quini continuasse Viri. [« Mais, pour que, par ignorance, tu ne te trompes pas sur l’ordre des mois, sache que le mois de Janus était, jadis, le premier comme il l’est aujourd’hui. Celui qui suit Janus (février) était le dernier de l’année de l’année ancienne ; quant à toi, Terminus, tu formais aussi la fin des fêtes sacrées. Janus est le premier mois, parce que la porte (ianua) est à la première place ; et celui qui est consacré aux Mânes inférieurs (février) était le plus bas (dans l’ordre des mois). Par la suite, on croit que les décemvirs ont fait se succéder ces deux mois que séparait un long intervalle »]. c) Macrobius Sat. 1.13.20-21 : Quando autem primum intercalatum sit varie refertur. Et Macer quidem Licinius eius rei originem Romulo adsignat. Antias libro secundo Numam Pompilium sacrorum causa id invenisse contendit. Iunius Servium Tullium regem primum intercalasse commemorat, a quo et nundinas institutas Varroni placet. Tuditanus refert libro tertio Magistratuum decemviros, qui decem tabulis duas addiderunt, de intercalando populum rogasse. Cassius eosdem scribit auctores. Fulvius autem id egisse M’. Acilium consulem dicit ab urbe condita anno quingentesimo sexagesimo secundo [...] sed hoc arguit Varro scribendo antiquissimam legem fuisse incisam in columna aerea a L. Pinario et Furio consulibus, cui mensis intercalaris adscribitur. Haec de intercalandi principio satis relata sint. [« Quand eut-on recours à l’intercalation pour la première fois? Les avis sont divergents. Il y a même Licinius Macer qui en attribuait l’origine à Romulus ! Valerius Antias, au livre II, prétend que l’inventeur en fut Numa Pompilius pour des motifs religieux. Marcus Iunius Gracchanus rappelle que le roi Servius Tullius fut le premier à recourir à l’intercalation : c’est à celui-ci que Varron voulut attribuer l’institution des nundinae. Sempronius Tuditanus rapporte que ces décemvirs qui, aux dix tables, en ajoutèrent deux, firent voter par le peuple une loi concernant l’intercalation.  Cassius Hemina également fit de ces personnages les auteurs de cette réforme. Fulvius cependant raconte que le consul Manius Acilius en fut l’auteur en l’an 562 après la fondation de la Ville (191 av. J.-C.) … Mais cette opinion est rejetée par Varron qui écrit qu’une loi très ancienne, à laquelle la mention d’un mois intercalaire est attribuée, fut gravée sur une colonne de bronze par ordre des consuls Lucius Pinarius et Furius (en 472 av. J.-C.). Mais en voilà assez sur les origines de l’intercalation »].

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Reconstitution Nous ne proposerons aucune reconstitution, même hypothétique, car, contrairement à Schöll, à Bruns-Mommsen, à FIRA et autres éditions des XII Tables, nous pensons que le calendrier publié par les décemvirs ne figurait pas dans la loi. Aucune source ne rattache, de fait, la publication de ce calendrier réformé au code décemviral. V. infra, Commentaire 1. – Commentaire Ce ‘verset’, dont le commentaire ne peut être dissocié de celui qui suit (11.3) attribue au second collège de décemvirs une réforme profonde du calendrier romain.  Cette réforme complexe aurait comporté : 1) l’introduction d’une intercalation (Macrobe, source c) ; 2) une modification de l’ordre des mois (Ovide, source b) ; 3) l’introduction du système nondinal (Varron, source a) ; 4) la publication de ce calendrier profondément transformé (infra 11.3). Avant d’analyser le contenu de cette réforme, et de se prononcer sur son authenticité, il convient de savoir si, pour les Anciens, cette réforme, œuvre des décemvirs, a figuré ou pas parmi les dispositions affichées sur l’une des douze tables. Plan du commentaire : 1. – La réforme du calendrier, œuvre des décemvirs, n’a pas été intégrée au texte de la loi. 2. – Les trois réformes du calendrier, œuvre des décemvirs : 2. – 1. L’intercalation, 2. – 2. Le début de l’année, 2. – 3. Le cycle nondinal 1. – La destinée de la réforme décemvirale Les quatre sources principales utilisées (sources a, b, c, et 11.3, source a) présentent une particularité insigne : aucune n’attribue l’une ou l’autre des réformes évoquées à un verset du code ou à la loi elle-même. Mais, tout différemment, toutes rapportent ces réformes exclusivement à l’activité spécifique des décemvirs. Alors que toutes les dispositions du code sont sans exception identifiées par la tradition (littéraire, juridique, antiquaire) comme des fragments des XII T. et jamais comme l’œuvre directe des décemvirs (du premier ou du deuxième collège, peu importe), ici, au contraire, les réformes sont rattachées soit à une lex rogata que les décemvirs auraient présentée au peuple (Macrobe, source c), soit à une œuvre spécifique des décemvirs (Varron, source a ; Ovide, source b), soit à une disposition des XII T., mais qui aurait été aussitôt supprimée pour être dissimulée (11.3 : Cicéron, source a) : une hypothèse invraisemblable qui a seulement le mérite de confirmer que le fameux calendrier rénové ne figurait pas (et n’avait jamais figuré) intégré dans le texte canonique du code. En

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faveur, cependant d’une publication du calendrier comme partie intégrante du code : Mommsen (1859) 31, n. 35a ; Id. (1864) 304 ; Id. CIL I.12 (1893) 283-284 ; Seek (1885) 49 ; Wissowa (1909) 2016 ; Schöll (1866). De cette anomalie sensible dans les sources, on a voulu tirer la preuve d’une falsification discréditant ou le code dans son ensemble (comme Lambert et Pais : pour le détail Humbert (2011) 4-5 = 636-639), ou condamnant l’historicité du second collège décemviral (Poma 1984) 275-277). Mais, dans des pages négligées, Lenel (1905) a dénoncé cette critique simpliste. Car, il est pour le moins surprenant de porter ses coups contre des dispositions qui n’ont certainement jamais fait partie du code proprement dit. Il est vain de vouloir introduire de force ces réformes dans le code. On doit les placer à côté du code (en annexe), ce qui n’implique nullement, bien au contraire, qu’il faille douter de leur historicité et de la paternité du second collège décemviral. 2. – Les trois réformes du calendrier, par l’œuvre des décemvirs 2. – 1. La réforme, complexe, améliora tout d’abord le système de l’intercalation.  On peut distinguer dans l’histoire du calendrier républicain trois périodes. On peut faire remonter à Servius Tullius (pour le moins), le principe d’une année luni-solaire, de douze mois, marquée par des dates fixées par les phases de la lune (kalendes, nones, ides) et complétée par des intercalations périodiques. Peut-être faut-il dater de la ‘lex’ Pinaria Furia (certainement pas une loi comitiale, mais une prescription sacrée émanant des pontifes : Berger, in RE Suppl. 7 [1940] 403) l’établissement nouveau d’un cycle intercalaire de quatre ans. Mais il devait pêcher par excès et fut probablement amélioré par les réformes des décemvirs, qui ouvrent la troisième période. L’attribution aux décemvirs d’une loi sur l’intercalation repose sur le témoignage de Sempronius Tuditanus (source c), cos. 129, qui, membre d’une famille de pontifes (Rüpke [1995] 205 n. 62), ne peut être suspecté de légèreté. La réforme améliora certainement le principe de l’intercalation, selon le système décrit par Macr. Sat. 1.13.8-15 ; par Censorinus de die natali 20.8 et par Celse (D. 50.16.98.1). Périodiquement, afin de rattraper le déficit de douze mois lunaires (de 27/28 jours) sur l’année solaire, 22 jours étaient insérés, par intercalation, avant la fin du mois de février. V. ici Kirsopp Michels (1967) 145-172 ; Samuel (1972) 159-167. 2. – 2. Le déplacement du début de l’année. Ce fut le mérite de Samuel (1972) 166 n.  2, suivi ensuite par Brind’Amour (1983) 218, 227 et par Rüpke (1995) 205-206, d’avoir utilisé le passage, notoirement négligé, d’Ovide (source b) et de l’avoir intégré au bloc des réformes décemvirales. Selon ce témoignage, les décemvirs ont déplacé le début de l’année : avant la réforme (dont Ovide donne un résumé qui n’est pas des plus

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clairs), février terminait l’année, avec une vocation naturelle (conservée par la suite) à accueillir le mois intercalaire. Après la réforme, février se place après janvier, qui marque désormais le début de l’année. V. ici Rüpke cit. 205-206. Pour Brind’Amour (1983) 220, l’année nouvelle commencerait en mars. 2. – 3. L’adoption fondamentale du rythme nundinal. Les travaux ; de Kirsopp Michels (1949) ; Ead. (1967) 119-144, notam. 122-126  Brind’Amour (1983) 217-222, 225-237 ; Rüpke (1995) 204-244, notam. 230-244 s’accordent pour compléter les réformes attestées décemvirales d’une véritable révolution : l’adoption d’une nouvelle division temporelle de l’année (définie par le cycle solaire) et marquée par la succession régulière de ‘semaines’ de sept jours, avec la répétition, tous les neuvièmes jours, d’un jour de fête, la nundina. Ce jour de repos, de détente, de marché est également ouvert à l’activité judiciaire et aux rassemblements comitiaux. Les nundinae sont donc, à partir de 450, à la fois dies fasti et dies comitiales (marqués des lettres F et C), jusqu’à la lex Hortensia qui supprima la qualité comitiale des nundinae (désormais NC) mais maintint leur nature de dies fasti (F). Kirsopp Michels (1967) 103-111 ; Rüpke (1995) 274-282. L’adoption de ce nouveau calendrier, dont l’existence n’était qu’une supposition, vraisemblable, mais non confirmée, devait poursuivre de multiples objectifs : 1) Assurer une meilleure organisation de la justice, en permettant aux gens des campagnes, profitant d’un jour de marché, d’accéder au tribunal du magistrat – d’où le rôle que la loi devait reconnaître au délai du nundinum (un espace de sept jours entre deux nundinae) dans la procédure : XII T. 3.6, à l’état simple, ou (3.5) à l’état multiple, trinundinum. 2) Faciliter les échanges par la tenue de marchés placés à intervalles fixes et réguliers. 3) Fixer la durée moyenne des mois, élément essentiel pour calculer l’engagement d’un débiteur et le montant de sa dette  (Kirsopp Michels [1967] 127). 4) Introduire la certitude et diffuser la maîtrise publique du temps dans un calendrier rénové. En effet, ce rythme régulier et connu d’avance pour le déroulement de toute l’année à venir s’oppose à l’ancien calendrier lunaire (marqué par les kalendes, les ides et les nones), qui subsiste (les deux calendriers se superposent) mais dont les dates essentielles, jamais connues d’avance, restaient soumises aux phases de la lune et à leur proclamation officielle par les pontifes (Rüpke [1997] 102). Cette réforme (qui resta en vigueur jusqu’au calendrier julien) est d’une précocité telle dans le monde antique qu’elle entraîna certains (comme Beloch [1927] 256-260) à douter de cette réforme. L’interprétation présentée jusqu’ici était fondée sur un postulat : l’attribution aux décemvirs n’était qu’une hypothèse, infiniment séduisante, mais avec toute la fragilité de l’hypothèse. Avec le témoignage

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de Varron (source a ; Humbert [2011]), on ne peut plus douter de sa validité, de son historicité, de son authenticité. On est donc en présence d’une réforme globale (intercalation, ordre des mois, fixation du début de l’année, adoption du rythme nundinal), cohérente et que des sources convergentes attribuent, en chacune de ses dimensions, non pas au code décemviral, mais au collège décemviral (le second, si l’on veut). Cette réforme a cependant été contestée. Humm (2005) 441-480 dénie aux décemvirs la refonte du calendrier pour en créditer Gn. Flavius, le scribe du censeur Ap. Claudius. Mais cette position ne nous paraît pas acceptable. Elle ne s’accorde pas avec les sources disponibles, dont aucune (cf. 11.3) ne reconnaît à Flavius une audace autre que celle d’avoir publié (et non réformé) un calendrier, alors que, au contraire, toutes les sources (a, b, c citées supra) rattachent chacune de ces innovations majeures à l’activité décemvirale. La difficulté d’insérer cette réforme dans le code décemviral (ibid.  458-460) n’emporte pas davantage la conviction, car, on l’a vu, ce n’est pas sous la forme d’un verset inséré dans la loi que la réforme a vu le jour, mais comme une loi, annexe au code, inséparable de celui-ci, puisque destinée à rendre opératoire la réforme de l’administration de la justice, vocation première du code dans son ensemble. Quant à savoir sous quelle forme  ce calendrier fut publié et si la (re)publication par Gn. Flavius apporta du nouveau, cf. 11.3.

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11. 3 – : Cicero ad Atticum 6.1.8 (= CCXLV, 50 av. J.-C.) : Quos (sex libros de re publica) tibi tam valde probari gaudeo. E quibus unum ἱστορικὸν requiris de Cn. Flavio, Anni filio. Ille vero ante Xviros non fuit, quippe qui aedilis curulis fuerit, qui magistratus multis annis post Xviros institutus est. – Quid ergo profecit quod protulit fastos ? – Occultatam putant quodam tempore istam tabulam, ut dies agendi peterentur a paucis. Nec vero pauci sunt auctores Cn.  Flavium scribam fastos protulisse actionesque composuisse, ne me hoc […] commentum putes.  :  Je suis heureux que tu approuves si vigoureusement mes six livres. Tu ne fais qu’une réserve, c’est sur un point d’histoire, au sujet de Gnaeus Flavius, fils d’Annius. Ce personnage, en vérité, n’est pas antérieur aux décemvirs, puisqu’il fut édile curule, magistrature instituée bien des années après les décemvirs. – Alors, à quoi cela a-t-il servi qu’il rendît publics les jours fastes ? – On peut penser que cette table fut, à une certaine époque, tenue cachée, afin qu’il n’y eût que peu de gens qui pussent indiquer les jours où l’on pouvait agir en justice. Et il ne manque pas d’autorités pour affirmer que le scribe Gn. Flavius rendit publics les jours fastes et composa un recueil des formules d’action. Ne va donc pas croire que je l’ai inventé. Sources complémentaires a) Cic. ad Att. 6.1.18 (= CCXLV) : Nam illud de Flavio et fastis, si secus est, commune erratum est. [« Pour ce que j’ai dit de Favius, si ce n’est pas exact, l’erreur est générale »]. b) Cicero Pro Murena 25 : Posset agi lege necne pauci quondam sciebant ; fastos enim vulgo non habebant. Erant in magna potentia qui consulebantur; a quibus etiam dies tamquam a Chaldaeis petebatur. Inventus est scriba quidam, Cn.  Flavius, qui cornicum oculos confixerit et singulis diebus discendis fastos populo proposuerit et ab ipsis capsis iuris consultorum sapientiam compilarit.

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Itaque irati illi, quod sunt veriti ne dierum ratione pervulgata et cognita sine sua opera lege agi posset, verba quaedam composuerunt ut omnibus in rebus ipsi interessent. [« Bien peu savaient autrefois si l’on pouvait exercer une action de la loi. De fait, le public n’avait pas la connaissance des jours fastes. D’où la puissance de ceux que l’on consultait sur cette question. On les interrogeait sur la nature des jours, comme des astrologues. Mais il s’est trouvé un certain greffier, Gnaeus Flavius, qui a, comme on dit, crevé les yeux aux corneilles. Pour que le peuple connût la nature de chaque jour, il lui révéla, en l’affichant, la liste des jours fastes et vola aux juristes leur savoir en puisant dans leurs propres archives. Mais ceux-ci, furieux, craignant que la diffusion et la connaissance du calendrier ne permissent d’accéder aux actions de la loi sans leur assistance, ont composé certaines formules de façon à s’interposer dans toutes les affaires judiciaires »]. c) Cicero De oratore 1.186 : Primum quia veteres illi, qui huic scientiae praefuerunt, optinendae atque augendae potentiae suae causa pervolgari artem suam noluerunt ; deinde, posteaquam est editum expositis a Cn. Flavio primum actionibus, nulli fuerunt, qui illa artificiose digesta generatim componerent. [Cicéron affirme qu’il n’est pas de connaissance plus facile à acquérir que celle du ius civile ; si l’on est d’un avis différent, c’est par la faute des juristes, réticents à ouvrir leur science : « D’abord, chez les maîtres anciens du droit, ceux qui dominaient cet art, soucieux de conserver et même d’accroître leur puissance, refusèrent de divulguer un savoir qu’ils considéraient comme leur propre bien. Et quand, par la suite, Gn. Flavius diffusa pour la première fois les formules d’action, on ne trouva personne pour classer par genre et pour structurer avec art ces éléments dispersés »]. d) Titus Livius 9.46.5 : Civile ius, repositum in penetralibus pontificum, evulgavit fastosque circa forum in albo proposuit, ut, quando lege agi posset, sciretur. [« Gn.  Flavius divulgua le droit civil, que les pontifes gardaient caché, et il afficha le calendrier sur une table placée au forum, de sorte que l’on sût quand il était permis d’agir par une action de la loi »]. e) Valerius Maximus Memorabilia 2.5.2 : Ius civile, per multa saecula inter sacra caerimoniasque deorum immortalium abditum solisque pontificibus notum, Cn. Flavius [...] vulgavit ac fastos paene toto foro exposuit. [« Pendant des siècles, le droit civil est resté caché au milieu des rituels concernant la religion et le culte des dieux immortels, connus des seuls pontifes. Mais Gn. Flavius le divulgua et afficha la liste des jours fastes partout au forum »].

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f) Plinius Naturalis historia 33.17 : Hic (Cn.  Flavius) namque publicatis diebus fastis, quos populus a paucis principum cotidie petebat, tantam gratiam plebei adeptus est – libertino patre alioqui genitus et ipse scriba Appi Caeci, cuius hortatu exceperat eos dies consultando adsidue sagaci ingenio promulgaratque - , ut aedilis curulis crearetur. [« Celui-ci publia la liste des jours fastes, que le peuple demandait chaque jour à quelques uns des grands de la cité. Flavius était né d’un père fils d’affranchi et était lui-même le secrétaire d’Appius Claudius Caecus ; c’est ce dernier qui le poussa à relever le caractère faste des jours, grâce à son intelligence pénétrante et à une recherche approfondie, et à l’afficher. Sa faveur auprès de la plèbe fut telle qu’il fut nommé édile curule »]. g) Pomponius libro singulari enchiridii D. 1.2.2.7 : Postea cum Appius Claudius proposuisset et ad formam redegisset has actiones, Gnaeus Flavius scriba eius libertini filius subreptum librum populo tradidit [...] Hic liber, qui actiones continet, appellatur ius civile Flavianum, sicut ille ius civile Papirianum : nam nec Gnaeus Flavius de suo quicquam adiecit libro. [« Par la suite, alors qu’Appius Claudius avait mis en forme et exposé les formules d’action de la loi, son secrétaire, Gn.  Flavius, fils d’un fils d’affranchi, déroba son ouvrage et le répandit auprès du peuple… Ce livre, qui contient les actions, est désigné comme le ‘droit civil Flavien’, comme on parle du droit civil Papirien.  Gnaeus Flavius, non plus, n’a rien ajouté de personnel à cet ouvrage »]. h) Macrobius Saturnalia 1.15.9 : Priscis ergo temporibus, antequam fasti a Cn.  Flavio scriba invitis patribus in omnium notitiam proderentur, pontifici minori haec provincia delegabatur ut novae lunae primum observaret aspectum visamque regi sacrificulo nuntiaret. [« En ces temps anciens, avant que le scribe Gnaeus Flavius, bravant l’hostilité des patriciens, eût répandu auprès de tous la connaissance des jours fastes, cette compétence avait été confiée au pontife mineur, chargé d’observer la première apparition de la nouvelle lune et de l’annoncer au roi des sacrifices »]. Commentaire 1. – Les soi-disant manipulations pontificales La question soulevée par le verset 11.3 est exactement la même que celle que Atticus avait posée à Cicéron.  Quelle utilité avait la publication du calendrier par Flavius en 304, puisque, un siècle et demi plus tôt, les décemvirs avaient déjà affiché le calendrier ?

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La réponse de Cicéron a un certain mérite. Elle confirme l’attribution, indiscutée, aux décemvirs (cf.  11.2), mais nullement aux XII Tables, d’un calendrier qu’ils avaient certainement réformé et probablement publié. Mais cette réponse a aussi ses faiblesses. Car sa tentative pour répondre à l’énigme ne résout rien.  Cicéron, en effet, suggère, sans trop y croire (c’est peut-être faux, mais tout le monde le dit : Cicéron, l’avoue, ad Att., source a), que les décemvirs, ou les pontifes, ou les patriciens, peu après l’affichage, pris de remords, auraient fait disparaître le calendrier pour garder la haute main sur l’administration de la justice. Mais cette explication (de même Mur. source b ; de orat. source c), répandue chez ses contemporains (Liv., source d) et encore par la suite (Val. Max., source e ; Plin., source f ; Pompon., source g ; Macr., source h), encore largement diffusée aujourd’hui (v. pour tous D’Ippolito [1993] 57-78 ; [2003] 20-28 ; autres réf. dans Humbert [2011] 5 n. 11 = 638 n. 11), pèche par une certaine naïveté. L’ensemble des témoignages anciens a subi une déformation anachronique, victime de l’idée que les pontifes (les patriciens) auraient pratiqué la rétention d’informations (concernant les formules des actions de la loi, les solemnia verba requis à peine de nullité, la connaissance du calendrier judiciaire), au détriment du vulgus, du populus, de la plebs, de tout le forum (sources b, d, f, g), afin de garantir au profit d’une minorité (les pauci, les principes, les patres : sources b, f, h) le monopole jaloux (qui huic scientiae praefuerunt, optinendae atque augendae potentiae causa : Cic., sources b, c) d’un savoir technique (ars, scientia, sapientia, notitia : sources b, c, h). Mais cette vision traditionnelle, simpliste (les pontifes sont toujours accusés de ruse, de tricherie, de manipulation : cf. Kirsopp Michels [1967] 168 pour les lois successives d’intercalation), ne correspond pas au mode de fonctionnement de la juridiction ni à ses exigences quotidiennes, aussi bien à l’époque des décemvirs, qu’à celle d’Appius Claudius ou de Gn. Flavius. Cicéron en convient lui-même (source b). Car la soi-disant révélation tardive, tant attendue, du calendrier, des dies fasti et des formules rituelles des actions de la loi n’a rien changé. Elle n’a donné aucun pouvoir au peuple, car elle ne pouvait rien lui donner. En effet, la médiation des spécialistes des formules, des rites, de la forme des actes (cautiones et verba), et donc l’intervention des pontifes sont restées indispensables même après la publication de Flavius : ut omnibus in rebus ipsi interessent (source b). Les juristes ont conservé la totalité d’un savoir inaccessible (tout simplement du fait de sa technicité et non par souci de défendre un monopole du savoir). Et puisque, de l’avis de Cicéron lui-même, les pseudo-révélations d’Appius Claudius n’ont rien apporté à la masse des justiciables, il est certain que ces soi-disant divulgations n’étaient pas destinées à déchirer le voile de la loi, ni à briser un monopole de la connaissance. Il reste que l’ouverture d’Appius Claudius marque, sinon la fin du monopole pontifical, du

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moins un certain recul. Non pas tant (cf.  infra) pour ce qui concerne le calendrier, mais pour l’édition des actions de la loi. Cette mesure annonce l’ouverture, par le plébiscite Ogulnien de 300, du pontificat à l’élite plébéienne : Bauman (1983) 24-30 ; D’Ippolito (1985) ; Wieacker RRG I, 524 s. (et bibliogr.). Sur la récupération tardive, et faussée, de l’œuvre de Flavius, Wolf (1980). 2. – L’œuvre de Gn. Flavius / Appius Claudius : sa signification Gn.  Flavius est crédité d’une œuvre double : la publication du calendrier d’une part, celle des formules d’action de l’autre. Les deux volets sont certainement liés, même si les sources (dans des contextes différents) les distinguent le plus souvent. Évoquent la publication des seules formules, Cicéron (source c) et Pomponius (source g) ; des seuls fasti, Cicéron (source b), Tite-Live (source d), Pline (source f), Macrobe (source h). Associent les deux : Cicéron (source principale), Valère Max. (source e, dérivant clairement de Tite-Live). On doit tout d’abord accepter comme nécessaire une première publication par les décemvirs, car la refonte fondamentale d’un calendrier non publié serait irréaliste. Cette publication a dû voir le jour sous la forme d’une tabula (non confondue avec les tabulae contenant le texte de la loi), comme une besondere Kalendertafel (ainsi Lenel [1905] 503 = 178), à laquelle Cicéron fait allusion dans sa lettre à Atticus (source principale). Le plus important est de déceler en quoi cette publication, à l’initiative partagée du censeur et de son scribe, différait de celle qui l’avait précédée un siècle et demi plus tôt. Pour Mommsen (1859) 210, Flavius aurait publié un calendrier resté identique, mais l’aurait complété par les verba sollemnia des legis actiones. Hartmann (1882) 110-131 s’en tient au texte du seul calendrier, qui devait faire l’objet d’une nécessaire toilette du fait des intercalations successives des pontifes qui auraient fini par obscurcir les fasti ; même schéma pour De Sanctis (1907) 63-64, mais afin de diffuser, dans une langue rajeunie, le calendrier décemviral auprès des cives éloignés du centre urbain.  Dans le souci de laisser à la publication de Flavius le mérite d’une certaine innovation, Kirsopp Michels (1967) 110-118, 129-130 et Rüpke (1995) 245-274 ont pensé que la publication décemvirale n’aurait pas accompagné l’indication des nundinae de la qualité faste ou non de ces mêmes jours. L’hypothèse est très douteuse : à quoi aurait servi la publication d’un tel calendrier si la qualité religieuse (faste ou néfaste) de chacune des nundinae ne figurait pas ? Le document publié aurait été dépouillé de toute utilité pratique, notamment judiciaire. Si l’on retire au calendrier décemviral sa qualité de Fasti, c’est-à-dire, d’un calendrier perpétuel avec l’indication des jours fastes et néfastes, c’est toute la cohérence et l’utilité du calendrier décemviral qui disparaît. Il

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n’y a d’ailleurs aucun doute sur ce point : pour Cicéron, comme pour Atticus, il n’y a aucune différence de nature (donc de fonction) entre la version publiée en 450 et celle que republiera Flavius en 305. Il s’agit, dans les deux cas de Fasti, au sens technique du terme, au sens d’un calendrier précisant la nature de chacun des jours de l’année. La question de la publication des modus agendi peut être laissée de côté, une fois admis qu’elle n’apportait aucune information qui eût permis aux justiciables de se passer de l’aide toujours aussi nécessaire des spécialistes de la scientia iuris. Cicéron l’affirme sans détour (source b). L’interprétation de Humm (2005) 449-480, conduisant à déplacer des décemvirs vers Gn. Flavius – Ap. Claudius l’ensemble des réformes du calendrier et de leurs publications, n’est pas confirmée par les sources disponibles. Cf. 11.2. On conclura donc en faveur d’un simple réajustement technique, en 305. Le calendrier d’Ap. Claudius chasse les chevauchements, élimine les obscurités, renforce sa lisibilité dans l’intérêt des particuliers. Il a en outre l’avantage, par ses améliorations de détail, de mettre les pontifes à l’abri des soupçons, toujours prompts à être dénoncés, dans leur interprétation, qui reste, avant comme après 304, une constante du calendrier judiciaire romain.

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12. 1 – : Gaius 4.26, 28 : (26) Per pignoris capionem lege agebatur de quibusdam rebus moribus, lege […] (28) Lege autem introducta est pignoris capio velut lege XII tabularum adversus eum, qui hostiam emisset nec pretium redderet ; item adversus eum, qui mercedem non redderet pro eo iumento, quod quis ideo locasset, ut inde pecuniam acceptam in dapem, id est in sacrificium, inpenderet.

: (26) On recourait à l’action de la loi dite ‘saisie de gage’, dans certains cas en vertu de la coutume, et dans d’autres en vertu de la loi… (28) La ‘saisie d’un gage’ a été introduite par la loi comme ce fut le cas, par exemple, de la loi des XII Tables dans les hypothèses suivantes : contre celui qui avait acheté un animal destiné à être sacrifié, mais qui n’en payait pas le prix ; de même contre celui qui, ayant pris à bail un animal de trait, ne versait pas le prix du bail, mais payait un loyer destiné à des offrandes, c’est-à-dire à assurer un sacrifice.

Sources complémentaires a) Gai. 4.28-29 : (28) Item lege censoria data est pignoris capio publicanis vectigalium publicorum populi Romani adversus eos, qui aliqua lege vectigalia deberent. (29) Ex omnibus autem istis causis certis verbis pignus capiebatur, et ob id plerisque placebat hanc quoque actionem legis actionem esse ; quibusdam autem placebat, primum quod pignoris capio extra ius peragebatur, id est non apud praetorem, plerumque etiam absente adversario, cum alioquin ceteris actionibus non aliter uti posset quam apud praetorem praesente adversario ; praeterea quod nefasto quoque die, id est, quo non licebat lege agere, pignus capi poterat. [« (28) Par une loi censoriale, également, la ‘saisie d’un gage’ est accordée aux fermiers des impôts du peuple romain contre ceux qui en vertu d’une loi (censoriale) sont les débiteurs de ces impôts. (29) Dans tous ces cas, la ‘prise d’un gage’ s’effectue à l’aide de formules consacrées et c’est pourquoi on estimait le plus généralement que l’on se trouvait en présence d’une action de la loi. Mais d’autres étaient d’un avis opposé. D’abord parce que le gage était saisi en dehors de toute procédure

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juridictionnelle, donc hors la présence du préteur et le plus souvent même en l’absence de la partie adverse, alors que les autres actions de la loi ne pouvaient se dérouler que devant le préteur et en présence de l’adversaire ; et surtout, parce que la ‘saisie du gage’ pouvait avoir lieu même un jour néfaste, où il n’était pas permis d’exercer une action de la loi »]. b) Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.238.2 : ‘Pignus’ appellatum a pugno, quia res, quae pignori dantur, manu traduntur. [« Le gage (pignus) tire son nom du poing (pugnus), car les choses remises en gage passent de la main à la main »]. c) Festus-Paul v° Daps 59 L : Daps apud antiquos dicebatur res divina, quae fiebat aut hiberna sementi, aut verna. [« Les Anciens appelaient daps le repas d’offrande accompli au moment des semailles d’hiver ou de printemps »]. Sur ce repas offert en l’honneur de Jupiter : Benveniste (1969) I, 74 s. ; Dumézil (1974) 193 s., 559. d) Festus v° Nancitor 166 L (cf. XII T. fragments ‘de place incertaine’) : Nancitor in XII nactus erit, praenderit. Item in foedere Latino: ‘pecuniam quis nancitor, habeto’ et : ‘si quid pignoris nanciscitur, sibi habeto’ [« Nancitor, dans les XII T., signifie celui qui s’est saisi, qui a pris. De même dans le traité romano-latin : ‘celui qui aura pris la pecunia, qu’il la garde’ et ‘si l’on saisit un bien à titre de gage, qu’on l’acquière pour soi’ »]. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Per pignoris capionem lege agebatur. 2. – Champ d’application de la p.c. 3. – Enseignements apportés par la p.c. des publicani. 4. – Fondement de la saisie privée légalement autorisée. 1. – Per pignoris capionem lege agebatur Gaius, unique témoin de la p.c. décemvirale, attribue un rôle créateur aux XII T. À côté des mores, la loi aurait innové et introduit la saisie de gage pour deux hypothèses très particulières relevant de la pratique cultuelle. L’affirmation est invérifiable et probablement infondée. La p.c., manifestation de justice privée et de Selbsthilfe, peu ou mal contrôlée par la cité, est certainement antérieure à la lex qui l’a recon-

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nue, comme ici dans deux cas limités, sans doute pour en restreindre l’application et en contrôler l’exercice. Sur l’archaïsme de cette forme d’exécution extra-judiciaire, Girard OJ 142-144 ; Steinwenter (1941) 1236 ; Albanese (1987) 56 ; Id. (2002-1) 956 s. La qualification d’action de la loi a fait l’objet de discussions érudites rapportées par Gaius, qui, lui, ne doute pas de sa nature de legis actio. De fait, la p.c. achève l’excursus consacré aux legis actiones (4.11-29). Ces discussions sont tardives. Elles ne remontent pas au-delà d’une pensée systématique, soucieuse de dégager des catégories (fin du IIe s. av. J.-C.) : Cannata (1984) 1873 s. ; Talamanca (1987) 20-21. Elles n’eurent aucune incidence sur la pratique de la p.c. maintenue jusqu’à la fin du Haut-Empire. Elles s’expliquent sans doute par la question, importante, de savoir si l’abolition quasi-totale des actions de la loi par les leges Iuliae (Gai. 4.30) avait également affecté la pratique de la p.c. (de fait, il n’en fut rien : infra 3.). Gaius, pour sa part, se range résolument du côté de ceux qui placent la vieille p.c. parmi les legis actiones, non pas tant du fait de sa source législative (les XII T., les leges censoriae) que par son formalisme (certa verba), un formalisme qui nous échappe, mais qui a dû se maintenir au moins jusqu’à la récupération de la p.c. par la procédure formulaire. Pour certains auteurs modernes, l’insertion de la p.c. parmi les actions de la loi serait tardive et discutable. L’assimilation serait d’autant plus abusive que Gaius évoque lui-même un type de ‘prise de gage’ moribus introducta et néanmoins qualifiée de legis actio (4.26). Il y aurait incompatibilité entre une action fondée en tant qu’action de la loi sur l’autorité de la loi et une procédure en partie d’origine coutumière. Ainsi, Kaser AJ 75 ; Magdelain (1954) 22-23. Mais il y a une autre explication possible, et préférable. Il est certain que la p.c. est un moyen d’agir, certes privé et extra ius, mais auquel la loi a reconnu une efficacité comparable à celle d’une procédure exécutoire légale (donc ex lege). Ainsi la loi, dans des hypothèses limitées, a reconnu la légitimité et la légalité d’une saisie, à l’égal (mais avec des effets bien différents) de l’exécution prononcée par le magistrat. L’assimilation ex lege d’un agere extra ius à un agere in iure justifie parfaitement la qualification de legis actio. V. encore sur ce point Pugliese (1962-1) 322. 2. – Champ d’application de la pignoris capio La p.c. décemvirale est limitée à deux cas précis : l’achat d’un animal destiné à être sacrifié (hostia), alors que le prix dont il a été fait crédit, n’est pas payé ; le louage d’un animal de trait, donné spécialement à bail par son propriétaire afin de se procurer, grâce au loyer reçu, les moyens d’offrir un repas d’offrande. L’interprétation de Luzzatto (1948-1) 80 (un individu aurait reçu de l’argent pour acheter une victime et n’aurait pas respecté son engagement) n’est pas fondée.

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Ces deux hypothèses relèvent du domaine de la religion. Il est clair que le législateur a voulu protéger particulièrement ceux qui, par scrupule religieux, fournissent le bétail rituellement propice ou célèbrent à leurs frais les sacrifices agraires. Dans ces deux cas, le vendeur impayé d’une part, et le propriétaire qui n’a pas perçu le loyer convenu d’autre part, pourront saisir un bien quelconque du ‘débiteur’ ou de l’adversaire, si l’on ne veut pas, avec le terme de ‘débiteur’, introduire un concept anachronique. On remarquera que ces hypothèses témoignent de pratiques déjà évoluées : la vente à crédit d’une part, la locatio avec merces de l’autre. Il est certain que ces techniques ne se cantonnaient pas au domaine très particulier que les décemvirs ont placé sous la protection de la loi. Voilà pour les éléments incontestables. Au-delà, on entre dans le domaine des hypothèses. La saisie privée a-t-elle pour objet de créer un lien que le droit aurait, sinon, ignoré ? Autrement dit, la saisie du gage est-elle un moyen de pression (une sorte de droit de rétention) destiné à créer médiatement le devoir de payer le prix ou la merces ? Selon cette interprétation, la saisie permettrait au saisissant d’agir contre le ‘débiteur’ (qui n’en serait pas un, puisqu’aucun devoir juridiquement sanctionné ne le lierait envers le saisissant) pour l’obliger à racheter le gage et à payer la somme due. Ou, très différemment, ne vient-elle que renforcer, dans deux hypothèses que la loi a voulu spécialement protéger, une obligation de payer, un dare oportere préexistant ? La première interprétation est généralement soutenue. Sans le secours de la loi qui fait pression sur l’adversaire, le vendeur et le locator resteraient sans défense. Ainsi : Wlassak (1888) 251 ; Girard Manuel7 1030 ; Steinwenter (1941) 1235 ; Lévy-Bruhl (1960) 317 ; Pugliese (19621) 323-325 ; Kaser (1976) 13 et n. 7 ; Kaser-Hackl RZPR 146. Mais la seconde explication nous paraît cependant préférable. Certes, ni la vente ni le louage n’existent à l’époque des XII T. comme figures autonomes de sources d’obligation.  Mais il ne fait guère de doute que la pratique avait déjà découvert les moyens de rendre indirectement efficaces des conventions annexes (par une stipulatio incerti ou certi, par l’engagement d’un praes) et de les greffer sur une vente au comptant ou sur la remise d’une chose à titre de louage. Le paiement du prix au terme fixé (cf. 7.11), ou la fourniture d’une somme ou d’un bien en nature équivalant au loyer constituaient donc des obligations juridiquement sanctionnées : Arangio-Ruiz (1952) 42 s.  ; Kaufmann (1964) 35 s., 326 s. (et bibl. antérieure). Les deux hypothèses prévues par le code témoignent d’une pratique confirmée de la vente à crédit et du louage de bétail. Il est sûr que les parties avaient prévu, en dehors des cas où la p.c. était assurée, le moyen d’assurer l’exécution du devoir de payer. L’hypothèse d’une lacune jusqu’à la découverte des iudicia bonae fidei empti venditi et locati conducti (en ce sens Pugliese [1962-1]

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326 ; Talamanca [1987] 21-22 ; Maganzani [2002] 121-122) ne paraît pas vraisemblable. En réalité, l’idée d’un artifice ou d’un détour destiné à faire venir au jour un devoir que la loi n’aurait pas autrement reconnu ne peut plus être soutenue aujourd’hui. C’est l’enseignement, auquel il faut en venir, qu’apportent de nouveaux documents éclairant la p.c. des publicani et dont la leçon éclaire à son tour la p.c. décemvirale. 3. – Enseignements apportés par la pignoris capio des publicani Instituée également lege (Gai. 4.28), mais par une lex censoria (singulier collectif, car la procédure de perception des vectigalia pouvait être modifiée à chaque lustre), la p.c. des publicains, moins mal connue que celle que les XII T. ont instituée, fournit des rapprochements précieux. Il semble aujourd’hui acquis (fondamentalement Maganzani [2002] 3-40 ; adhésion de Nörr [2008]), que les publicains, à l’époque de la procédure formulaire, disposaient de deux moyens distincts pour contraindre les contribuables à payer l’impôt : d’une part une prise de gage (p.c.) effective, encore attestée à l’époque d’Hadrien, mais ouvrant une action en contestation à l’assujetti : lex rivi Hiberiensis § 10 (Nörr cit. 175 s.) ; et, d’autre part, en alternative, une actio pigneraticia contre le contribuable. Cette action figurait dans l’édit (contra Wlassak [1921] 278 s., suivi par Lenel EP3  389 et par Magdelain [1995] 155). Cette dernière, action in ius in personam (se fondant sur un dare oportere : cf.  lex agraria de 111, l. 36 et Maganzani cit. 18-19), était caractérisée par une condemnatio originale, qui a permis à Gai. 4.10 d’illustrer ces actiones quae ad legis actionem exprimuntur, ‘actions qui se sont inspirées du modèle d’une action de la loi’. Sur le sens, discuté, de cette expression, Maganzani cit.26, rejetant Magdelain (1995) et rectifiant Albanese (2004-2) 1025 s. Cette formule de l’a. pigneraticia reprend, en les enserrant dans une fiction, les termes mêmes de la condemnatio qui sanctionnait auparavant (olim) la vieille action de la loi pigneraticia. On remonte ainsi de la procédure formulaire à l’action de la loi pigneraticia si mal connue. Selon les termes rapportés par Gaius (4.32) : talis fictio est, ut quanta pecunia olim, si pignus captum esset, id pignus is a quo captum erat, luere deberet, tantam pecuniam condemnetur [« L’effet de cette fiction est : qu’il soit condamné à payer la somme qu’il aurait dû payer pour libérer le gage, comme si, ainsi que cela se produisait autrefois, un gage avait été saisi »]. La condamnation représente le prix de la libération du gage. À l’époque de la procédure formulaire, l’exercice de l’a. pigneraticia n’implique plus qu’un gage ait été réellement saisi. Selon les termes de la fiction insérée dans la formule, le ‘saisissant’ (le publicain, créancier de l’impôt : c’est désormais un saisissant fictif, puisqu’il ne saisit plus rien) dispose du même pouvoir de faire condamner qu’à

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l’époque où le gage était effectivement saisi. L’action de la procédure formulaire a maintenu fictivement un mécanisme qui se trouvait au cœur de l’action de la loi antérieure. C’est celui-ci qu’il convient de développer en remontant dans le temps pour accéder aux deux cas de p.c. décemvirale prévus par le verset 12.1. La legis actio pigneraticia se fondait donc sur une prise de gage effective, dont l’effet était de permettre au saisissant de faire condamner le débiteur (l’assujetti au vectigal) à pignus luere : à ‘libérer le gage’ (cf.  XII T. 8.11 : poenam luere), c’est-à-dire à payer pour racheter le gage ou pour éteindre l’obligation grevant le pignus, obligation qui ne peut être que civile. Le dare oportere affirmé dans l’intentio de la formule de l’a. pigneraticia – cf.  Maganzani, 123-140 – n’est pas sorti de rien.  Son origine immédiate se trouve nécessairement dans un dare oportere identique, de même nature, qui donnait à l’action de la loi pigneraticia son fondement et qui justifiait la condamnation reprise sans changement par l’action plus récente à l’aide de la fiction.  La filiation directe entre les deux actions pigneraticiae, l’action de la loi et l’action de la procédure formulaire, explique non seulement la réception de la même condamnation, mais implique la nécessité de fonder l’action de la loi sur un dare oportere, sur une obligation fondée sur le ius, donc découlant de la loi. On en déduira qu’est désormais prouvée l’existence d’une action de la loi pigneraticia qui accompagnait une prise de gage effective et dont l’intérêt était de permettre : 1) au saisi de se défendre en contestant le bien-fondé de la saisie ; 2) au saisissant de contraindre le saisi à payer pour libérer le gage ; 3) au saisissant de renforcer par ce gage une obligation juridique préexistante, qualifiée de dare oportere et sur laquelle se fondait la condemnatio condamnant le saisi à payer pour libérer le gage. Les conséquences de cette nouvelle analyse des moyens offerts au publicain par la lex censoria sont les suivantes : 1) La théorie brillamment soutenue par Pugliese (1963-2) 280 = 327, après Biscardi (1953-2) 312, et suivi par Bianchi (1997) 224 s., puis par Talamanca (1999-1) 106-110, 253 s., selon laquelle la p.c., tant à l’époque des actions de la loi qu’à celle de la procédure formulaire (sous la forme d’un expédient technico-juridique, une fiction de prise de gage) aurait eu pour vocation de combler un vide, de colmater l’absence d’une obligation grevant l’assujetti, doit être abandonnée. La prise de gage effective n’a pas disparu sous la procédure formulaire, puisqu’elle est une option offerte au publicain.  Mais surtout, quand ce dernier ne l’exerce pas mais recourt à l’a. pigneraticia fictice, cette action n’a pas pour finalité de faire venir au jour artificiellement une obligation inexistante. Elle est au contraire la sanction d’un dare oportere (que la saisie du gage ne crée pas, mais dont celle-ci renforce le

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caractère obligatoire : Maganzani 17-22). La prise de gage, lorsqu’elle est effective, n’est qu’un moyen de pression, destiné à rendre plus efficace un dare oportere reconnu et préexistant. L’histoire tardive de la p.c. sous l’Empire (étendue des publicains à des magistri pagi : Nörr [2008]) confirme cette fonction. 2) Mais cela vaut d’autant plus pour la phase des actions de la loi. On peut affirmer (cette fois contre Maganzani 122) que la prise effective du gage ici encore renforce une obligation, renforce un dare oportere préexistant. La condemnatio de l’action de la loi pigneraticia l’implique. On ne peut donc attribuer à la p.c. de l’époque des actions de la loi un rôle créateur, celui de parvenir, par le détour d’une prise de gage, au même résultat que si l’assujetti était grevé d’un devoir de payer. Ce détour n’est pas justifié. La p.c. renforce, mais ne crée pas l’obligation de payer. Cela était vrai pour la procédure formulaire, mais le reste pour l’étape antérieure des actions de la loi. 3) Il nous semble ainsi possible de faire remonter à l’époque des actions de la loi la procédure contentieuse, définitivement confirmée pour les publicains, et de l’étendre aux autres cas de p.c., y compris à ceux que Gaius a rattachés aux XII Tables. Le rachat du gage (pignus luere) n’est pas une éventualité laissée à la discrétion de l’assujetti, mais une obligation. La saisie du gage renforce donc une dette préexistante. L’obligation de payer le prix de la vente ou de verser la merces du louage n’attend pas le détour de la prise de gage pour venir au jour. La prise de gage a seulement pour finalité de renforcer, dans deux cas particulièrement protégés, la position du ‘créancier’. 4. – Fondement de la saisie privée légalement autorisée Deux attitudes s’affrontent. L’histoire comparative fournit de bons arguments en faveur de la thèse de l’autodéfense, dont la prise de gage serait un vestige récupéré par la loi : Summer Maine (1874) 309-370 ; Lenel (1913) 132 = 473 ; Pugliese (1962-1) 33. Mais, pour la plupart, c’est l’idée d’une délégation de pouvoir qui se trouve au cœur de l’institution et justifie le privilège exceptionnellement accordé au ‘créancier’ saisissant. Sur le modèle de la coercition du magistrat prenant à titre de gage le bien d’un individu récalcitrant (cf. Mommsen Staatsr. I, 177), la loi et les mœurs auraient étendu cette puissance à certains particuliers : Collinet (1893) 33 s. ; Girard OJ 142 s. ; Steinwenter (1941) 1236 ; Luzzatto (1948-1) 87 s. ; Kaser AJ 206 ; Lévy-Bruhl (1960) 321 s. ; Kaser-Hackl RZPR 147 n.  9. L’hypothèse s’impose pour les prises de gage coutumières du domaine de la fiscalité. Elle est vraisemblable pour le domaine sacré qui est celui de la loi des XII T. : privilège légal, à l’image des prérogatives de la puissance publique ou inspiré d’un archaïque privilège sacerdotal, pour garantir la pérennité de certaines dévotions.

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12. 2 – : Iulianus, cité par Ulpien libro octavo decimo ad edictum D. 9.4.2.1 : Iulianus [...] scribit ‘SI SERVVS FVRTVM FAXIT NOXIAMVE NOXIT’ etiam ad posteriores pertinere.

: Gaius 4.75-76 : (75) Ex maleficio filiorum familias servorumque, veluti si furtum fecerint aut iniuriam commiserint, noxales actiones proditae sunt, uti liceret patri dominove aut litis aestimationem sufferre aut noxae dedere. Erat enim iniquum nequitiam eorum ultra ipsorum corpora parentibus dominisve damnosam esse. (76) Constitutae sunt autem noxales actiones aut legibus aut edicto praetoris : legibus, velut furti lege XII tabularum, damni iniuriae [velut] lege Aquilia […]. (77) Omnes autem noxales actiones capita sequuntur.



:  Julien ... a écrit que (la disposition des XII Tables) ‘Si un esclave commet un vol ou cause un dommage par son délit’ s’applique aussi aux lois plus récentes.



: (75) À cause des délits des fils de famille et des esclaves, tels que le vol ou l’injure, on a introduit les actions noxales, de façon qu’il fût permis au père ou au maître soit de supporter l’estimation du litige, soit de livrer (les coupables) au titre du dommage. Il était en effet inique que la méchanceté de ceux-ci conduisît leurs parents ou maîtres à supporter un dommage supérieur à la valeur de leur propre personne. (76) Les actions noxales ont été instituées ou par des lois ou par l’édit du préteur. Par des lois, comme, par exemple, la loi des XII T. en cas de vol, ou comme la loi Aquilia en cas de dommage illicite […]. (77) Toutes les actions noxales suivent la personne du délinquant.

Sources principales a) Ulpianus 18 ad ed. D. 9.4.2.1 : Celsus tamen differentiam facit inter legem Aquiliam et legem duodecim tabularum: nam in lege antiqua, si servus sciente domino furtum fecit vel aliam noxam commisit, servi nomine actio est noxalis nec dominus suo

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nomine tenetur, at in lege Aquilia, inquit, dominus suo nomine tenetur, non servi. Vtriusque legis reddit rationem, duodecim tabularum, quasi voluerit servos dominis in hac re non obtemperare, Aquiliae, quasi ignoverit servo, qui domino paruit, periturus si non fecisset. Sed si placeat, quod Iulianus libro octagensimo sexto scribit ‘SI SERVVS FVRTVM FAXIT NOXIAMVE NOXIT’ etiam ad posteriores leges pertinere, poterit dici etiam servi nomine cum domino agi posse noxali iudicio, ut quod detur Aquilia adversus dominum, non servum excuset, sed dominum oneret. Nos autem secundum Iulianum probavimus, quae sententia habet rationem et a Marcello apud Iulianum probatur. [« Celse fait cependant une différence entre la loi Aquilia et la loi des XII T. En effet, selon la loi la plus ancienne, lorsqu’un esclave est l’auteur d’un vol ou de quelque autre délit commis au su de son maître, l’action est donnée contre l’esclave à titre noxal, et le maître n’est pas tenu en son nom propre pour son propre fait. Mais selon la loi Aquilia, poursuit Celse, dans ce même cas, le maître est tenu pour son propre fait et non pour le fait de son esclave. Il explique l’esprit différent de chacune de ces lois. La loi des XII T. aurait voulu empêcher les esclaves d’obéir à leurs maîtres dans cette hypothèse, alors que la loi Aquilia aurait voulu en quelque sorte pardonner à l’esclave qui a obéi à son maître et qui aurait perdu la vie s’il ne l’avait pas fait. Mais si l’on est d’accord avec Julien qui, au l. 86 (de ses Digesta), écrit que la disposition des XII T. ‘si un esclave commet un vol ou cause un dommage par son délit’ s’applique aussi aux lois plus récentes, alors on pourra dire que le maître (dans l’application de la loi Aquilia) peut aussi être poursuivi à titre noxal par une action délivrée contre l’esclave pour son propre fait. Si bien que le fait que l’action de la loi Aquilia soit accordée contre le maître (pour son propre fait) n’a pas pour objet d’excuser l’esclave, mais d’aggraver la responsabilité de son maître. Nous avons approuvé l’avis de Julien, qui est fondé et qui a été également approuvé par Marcellus dans ses Remarques sur Julien »]. La correction de NOCVIT en NOXIT, défendue par Pithou, a été reprise ensuite, non par Dirksen 708-714, mais par Schöll 96. Sources complémentaires b) Festus v° Noxia 180 L : No>xia ut Ser. Sulpicius Ru apud poetas autem, et oratores ponitur pro culpa ; at noxa peccatum, aut pro peccato poenam ut Accius in Melanippo (429) : ‘Tete esse huic noxae obnoxium’. Item, cum lex iubet noxae dedere, pro peccato dedi iubet. [« Noxia, comme le dit Servius Sulpicius Rufus, , mais en poésie et chez les orateurs, ce terme équivaut à faute. Mais noxa a le sens de délit ou de peine, comme le montre Accius dans son Melanippos, v. 429 : ‘Tu t’es toi-même grevé de cette

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peine’ (noxa). De même, lorsque la loi ordonne d’abandonner à titre de ‘noxa’, elle ordonne la remise du coupable en expiation du délit »]. Cf. Festus-Paul 181 L : Noxia apud antiquos damnum significabat, sed a poetis ponitur pro culpa : noxa ponitur pro peccato aut pro peccato poena, cum lex iubet noxae dedere pro peccato. c) Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.238.3 : ‘Noxiae’ appellatione omne delictum continetur. d) Pomponius libro vicesimo ad Quintum Mucium D. 44.7.56 : Quaecumque actiones servi mei nomine mihi coeperunt competere vel ex duodecim tabulis vel ex lege Aquilia vel iniuriarum vel furti, eaedem durant, etiamsi servus postea vel manumissus vel alienatus vel mortuus fuerit. [« Toutes les actions qui me sont parvenues par l’intermédiaire de mon esclave, soit en vertu de la loi des XII T., soit en vertu de la loi Aquilia, ou par suite d’un outrage ou d’un vol (dont cet esclave a été victime), continuent de m’appartenir même après l’affranchissement, l’aliénation ou la mort de cet esclave »]. On se trouve dans l’hypothèse d’un délit commis par un fils de famille ou par un esclave et dont la victime est un esclave : le maître de ce dernier, sur le fondement des XII T. notamment, dispose, contre l’auteur du délit, de l’action pénale noxale et la conserve même après l’aliénation de l’esclave victime du délit. Sur l’authenticité de la référence aux XII T., Berger (1936) 632 (contre Pringsheim). e) Marcellus libro octavo digestorum D. 47.6.5 : Et si servus communis alterius iussu damnum dederit, etiam quod praestiterit alter, si modo cum eo quoque ex lege Aquilia vel ex duodecim tabulis agi potest, repetat a socio, sicuti cum communi rei nocitum est. [« Si un esclave commun, sur ordre de l’un de ses deux maîtres, a causé un dommage, ce que l’autre aura payé, si toutefois on peut agir contre lui en vertu de la loi Aquilia ou de la loi des XII T., il en demandera restitution à son associé, comme ayant subi un dommage dans la chose commune »]. Le délit d’un esclave commun engage la responsabilité noxale des deux maîtres sur le fondement de la loi des XII T. Mais si l’esclave a agi sur l’ordre de l’un seulement, l’autre associé dispose d’une action en répétition contre celui qui a donné l’ordre. Sur la référence aux XII T., Berger cit. 632. f) Ulpianus libro sexagensimo sexto ad edictum D. 42.1.6.1 : Decem aut noxae dedere condemnatus iudicati in decem tenetur: facultatem enim noxae dedendae ex lege accipit. [« Celui qui est condamné

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à payer dix ou à procéder à l’abandon noxal est tenu par l’action en exécution du jugement (a. iudicati) à payer dix. La possibilité offerte de procéder à l’abandon noxal découle, quant à elle, de la loi »]. Si l’abandon noxal est une faculté alternative aménagée par la loi (des XII T. entre autres), ouverte pour tout jugement condamnant le maître d’un esclave ou le pater d’un filius, l’action prétorienne en exécution du jugement ne concerne que l’une des alternatives, payer et non abandonner. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Sens de NOXIA, NOXA, NOCERE. 2. – Les fondements de la responsabilité noxale. 3. – Domaine de la responsabilité noxale. 4. – Reconstitution du verset. 1. – NOXIA, NOXA, NOCERE Ces trois termes appartiennent à la langue des XII T. Ils doivent être distingués et précisés. 1. – 1. Noxia qualifie le dommage, de nature délictuelle, causé à la chose d’autrui. Source d’appauvrissement, ce dommage appelle une réparation, toujours au simple : il s’agit alors de noxiam sarcire. L’expression traduit l’idée de remettre en l’état la chose endommagée par une réparation déduite en justice. Ainsi, 7.8 (réparation du dommage causé par le ruissellement des eaux de pluie : si aqua pluvia nocet) ; 8.6  : aestimationem noxiae offerri (proposer une estimation du dommage causé par un quadrupède) ; 8.10 : noxiam sarciri (réparer le dommage causé par un incendie volontaire) ; 8.14 : noxiam sarciri (réparer le dommage causé par le vol flagrant d’un impubère). On remarque que dans toutes ses acceptions décemvirales, noxia se réfère à des faits illicites (illicites, car source d’un dommage), mais qui ne révèlent pas une intention criminelle particulière. Il s’agit du dommage causé par le ruissellement (7.8), ou par un animal (8.6), ou par un impubère dénué de responsabilité pénale (8.14), ou par un accident imprévisible (8.10 : casus id est neglegentia). Aucune confusion ne peut être faite à l’époque des XII T. entre noxia et damnum : sur la valeur de ce dernier, voir 8.5. Dans le verset 12.2, le terme noxia ne peut avoir reçu un sens différent. Il qualifie l’appauvrissement que le délinquant, dépourvu de capacité juridique, fait subir : ‘si servus noxiam noxit’. Mais fait subir à qui ? Si l’on répond : à la victime, il faudra écarter du domaine des actions noxales et de la responsabilité pénale en général, tous les délits des alieni iuris et des servi qui, sanctionnés par une poena (os fractum, membrum ruptum, iniuria), sont étrangers au domaine et au concept de la noxia. Ce qui est insoutenable. Il faut alors comprendre différemment le noxiam noxit, dont se rend coupable l’incapable par son délit.

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Il ne peut s’agir que de l’appauvrissement que ce dernier fait subir, non pas à la victime, mais au pater ou au dominus, obligés de réparer le dommage éprouvé par la victime. Le délit, quel qu’il soit, dont se rend coupable l’incapable, crée, à la charge du père ou du maître, une obligation de payer ou de réparer (que sa source soit un fait sanctionné ou par la simple réparation du dommage – noxia – ou par une poena). Autrement dit, le père est condamné à réparer le délit de son fils et à s’appauvrir du fait de ce dernier s’il ne préfère pas livrer celui-ci à la victime. La seule façon d’intégrer dans la responsabilité noxale la variété des délits dont peut être accusé un alieni iuris sans déformer le concept de noxia suppose que l’on reconnaisse cette valeur rigoureuse et précise au terme de noxia. Dans presque toutes ses occurrences décemvirales, le concept de noxia s’applique aux délits d’êtres dénués de personnalité juridique : filius familias ou servus (12.2) ; impubère (8.14) ; quadrupes (8.6) ; dommage causé par une force naturelle (7.8). Mais pas dans toutes. En effet, le verset 8.10 concerne l’hypothèse d’un incendie involontaire, allumé par un individu muni d’une pleine capacité juridique. Il est donc vrai (Daube [1939] 34 ; De Visscher [1947] 563) que les emplois de noxia et les cas de responsabilité noxale (délits des in potestate et des servi) ne se recouvrent pas parfaitement. Mais il reste vrai que les termes noxia, noxa, nocere concernent tous des cas où l’élément délictuel, pénal, est soit absent (impubère, 8.14 ; quadrupède, 8.6 ; dégât des eaux, 7.8 ; incendie accidentel, 8.10), soit faiblement affirmé du fait de l’absence de personnalité juridique de l’auteur du dommage (dommage que le servus/filius fait subir au pater du fait de son délit, 12.2). V. ici : Mommsen Strafr. 824 ; Pernice (1900) 15 s. ; Daube (1939) ; Lisowski (1940) 587-598, 605-608 et bibliogr. 661-662 ; Kaser AJ 219221 ; Liebs (1968) 194-197 et les commentaires aux versets cités, et tout particulièrement la discussion sous 8.5. 1. – 2. Le terme NOXA est plus abstrait, bien que très proche et parfois confondu avec NOXIA. Le mot noxa renvoie à l’idée d’une conduite préjudiciable qui crée le devoir de payer une somme compensatoire. L’accent est mis sur le fait illicite dommageable et non sur le dommage causé. Ainsi dans 7.8 : si aqua pluviae nocet… ut noxae domino caveatur (‘que l’on se garde envers le fonds voisin de toute conduite préjudiciable’). L’abandon noxal de 12.2, la noxae deditio, trouve ainsi son explication. L’expression signifie (avec un génitif de cause : Pernice [1900] 15 s.)  ‘abandon à cause d’un acte nuisible’. Ce qu’il faut comprendre, non pas ‘abandon pour punir le fils d’un acte dommageable et appelant réparation’ (ce qui, ici encore, ne saurait se concilier avec les délits sanctionnés d’une poena et conduirait à exclure ces derniers de la responsabilité noxale du chef de la domus), mais, différemment : ‘abandon du fait de la charge de réparer incombant au père’ ou encore

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‘abandon, pour épargner au père le dommage de la condamnation’. C’est bien, d’ailleurs, dans l’intérêt du père et non dans celui de la victime que la construction très originale de la noxalité a été imaginée. Les deux termes noxia et noxa sont très proches : pas de noxia sans noxa, pas de dommage réparable sans une activité nuisible et délictuelle. Mais ils ne se confondent pas, du moins dans leur contexte originel et authentique. De l’idée de responsabilité (noxa), on passera facilement à l’idée de peine (cf.  Liv. 3.55.3 : noxa capitalis). Mais cet emploi n’est pas attesté dans le code décemviral. 1. – 3. NOCERE traduit l’infraction dans son accomplissement : ‘porter une atteinte (cf.  Liv. 3.55.7). NOXIAM NOCERE signifie ‘porter une atteinte par un acte dommageable’ ou, plus élégamment, ‘nuire en causant un dommage’. 2. – Les fondements de la responsabilité noxale À l’époque classique, lorsqu’un délit est commis par un individu privé de capacité juridique (filius, servus), la victime dispose de l’action du délit, mais accordée à titre noxal contre celui qui tient le coupable sous sa puissance (pater, dominus). Condamné, ce dernier jouit, grâce au caractère noxal de l’action, d’une alternative : subir la condamnation ou livrer le coupable en procédant à la noxae deditio. Les sources classiques attribuent aux XII T., explicitement (Gai. 4.76 et source f) ou implicitement (sources a, d, e) cet abandon noxal alternatif, dont le choix serait laissé à l’arbitraire du titulaire de la puissance et qui aurait été aménagé dans son intérêt, afin d’échapper à une condamnation dépassant la valeur du coupable. Le mécanisme de l’action noxale a été institué par la loi des XII T. : assurément pour les cas de vol non flagrant et pour les dommages matériels appelant réparation ; probablement pour tous les délits n’appelant pas une peine physique contre le coupable – cf. infra -). Ce mécanisme, avec son alternativité de principe, fut ensuite étendu : à l’action de la loi Aquilia (qui ne l’avait pas spécifiquement envisagé, mais l’avait sous-entendu : De Visscher [1918] 92 s. ; Lisowski [1940] 655 ; Pugliese [1972] 85), puis à toutes les créations prétoriennes, si bien qu’à terme toutes les actions pénales civiles ou prétoriennes sont susceptibles d’être accordées noxaliter, lorsque le coupable est un servus ou un in potestate. Ce système de responsabilité, qui n’est pas sans exemple dans d’autres civilisations, a été diversement compris. 2. – 1. La thèse dominante y voit le vestige de la solidarité collective primitive. Selon cette interprétation, ce n’est pas le coupable, mais le groupe, qui est primitivement perçu comme l’auteur du délit : d’où l’action dirigée à titre exclusif contre le chef, unique responsable. Puis,

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avec le recul de cette solidarité, on admit (à partir des XII T. au plus tard) que le titulaire de la puissance pût se libérer de cette responsabilité personnelle et abandonner le coupable à la vindicte de la victime. La noxae deditio serait le moyen pour le pater d’échapper à une dernière forme de responsabilité collective, voire clanique. Ainsi Girard (18871888) [1923] 310-382 ; Lisowski (1940) 604-606 ; Lévy-Bruhl (1947-3) 128 s. ; Id. (1963) 193 s. ; De Visscher (1947). Lévy-Bruhl cit. (1947-3) expliqua notamment ainsi la différence, relevée par Celse (source a), entre le système décemviral et celui de la lex Aquilia. Dans le droit le plus ancien, le maître peut toujours écarter du groupe l’auteur matériel de l’infraction, que celui-ci ait agi de lui-même ou sur l’ordre du maître. 2. – 2. Mais on peut, et à notre sens plus raisonnablement, expliquer autrement le système noxal. Car celui-ci implique en réalité une idée déjà évoluée de la responsabilité individuelle du coupable, donc le dépassement définitif de la responsabilité collective archaïque. L’incapable est tenu de son délit. Mais, dans l’impossibilité de saisir l’in potestate ou l’in mancipio, la victime doit agir contre le chef de la domus qui subira la condamnation par ricochet. Ou celui-ci refuse de livrer le coupable : il affronte alors la victime et subit la peine ; ou il rompt le lien-écran qui l’attache au coupable et il le livre (pour échapper ‘au dommage de la condamnation’, à la noxa). En toute hypothèse, le dominus n’est jamais dénoncé comme le coupable (comme l’eût voulu la théorie de la responsabilité collective). La responsabilité de l’auteur de l’infraction est entière et primordiale. Cf. pour cette analyse, Kaser RPR I2, 163 (et bibliogr.). Quant à la solution rapportée par Celse, elle n’apporte aucun argument en faveur de la thèse de la solidarité – au contraire même. Elle donne simplement une analyse rudimentaire du partage de culpabilité entre le maître et l’esclave lorsque le délit a été accepté par le maître et exécuté par l’esclave. On y chercherait en vain un indice en faveur de la responsabilité du dominus en tant que chef, puisque c’est la solution inverse qui fut suivie par la législation décemvirale (ou, plus exactement, par l’interprétation pontificale successive). 2. – 3. Une interprétation toute différente de la noxalité décemvirale a été présentée lors d’une des dernières prises de position en la matière par Pugliese (1950) 117-120 et surtout Id. (1972) 84-92, à partir de De Visscher (1918) 18, 96, 153, 200, mais dépassant de beaucoup ce dernier. Pour reconstituer le dispositif de la loi des XII T., Pugliese réunit deux éléments disparates. Il associe à la citation textuelle de Julien (SI SERVVS FVRTVM FAXIT NOXIAMVE NOXIT, source a) l’allusion de Festus (source b) à l’abandon noxal (Cum lex iubet noxae dedere, pro peccato dedi iubet) et en fait un tout. Il en déduit que la loi aurait rendu

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obligatoire l’abandon sans ouvrir d’autre alternative au pater-dominus. La noxae deditio ne serait pas l’une des issues possibles de l’action pénale, mais l’objet exclusif de l’action destinée à permettre à la victime de satisfaire sa vengeance directement sur le coupable. Pour échapper à l’ordre légal d’abandon, le pater n’aurait disposé que de la possibilité d’un pacte relevant du bon vouloir de la victime. Les XII T. ne seraient donc pas à l’origine de l’action noxale que l’histoire lui aurait faussement attribuée. Puis, selon des étapes rapides (de fait non attestées), le système aurait évolué ou, mieux, se serait inversé. La possibilité d’une condamnation pécuniaire aurait fait son apparition – mais sans que l’on comprenne pourquoi le principe de la sanction pécuniaire, qui est admis pour tous les délits par le système répressif décemviral, ne serait apparu que tardivement pour les délits des alieni iuris -. On serait ainsi passé d’une obligation de livrer à une possibilité de livrer pour échapper à la condamnation pécuniaire. Au terme de cette évolution, qui n’aurait pas laissé de traces, le pater aurait joui de cette alternative caractéristique du mécanisme noxal. Cette révolution serait déjà achevée avant le vote de la lex Aquilia qui suppose la noxalité déjà en place. Mais convient-il de donner au ‘lex iubet noxae dedere’ une signification aussi forte et d’affirmer que la loi, dans son iubere, n’aurait pas prévu, à côté de la noxae deditio, la condamnation du pater-dominus à payer la poena ou la noxia ? De fait la reconstitution de Pugliese ne paraît pas acceptable. –  En rejetant du système processuel décemviral l’alternative caractéristique de la noxalité, elle va contre le témoignage formel des juristes classiques. Pour ceux-ci, ce n’est pas la deditio qui remonte aux XII T., mais la deditio en guise de condamnation pécuniaire pour échapper à la condamnation pécuniaire. – En inventant cette deditio nécessaire et inéluctable, Pugliese transforme les délits de furtum (sanctionnés par une poena) et ceux qui sont sanctionnés par une obligation de réparer (hypothèses de noxia) en véritables monstres juridiques lorsque le coupable est un alieni iuris ou un servus. Les XII T. (ou l’étape précédente) ont partout rejeté le principe de la responsabilité pénale sur la personne au profit d’une sanction pécuniaire (à l’exception du vol flagrant). Or, pour les cas de noxae deditio, le législateur serait resté (ou revenu) à un système partout abandonné au profit d’une exécution exclusivement sur la personne. Ce n’est pas vraisemblable. D‘autant que cette remise de la personne du coupable engloberait les délits les moins chargés de substance pénale (vol flagrant de l’impubère : 8.14). Sui iuris, l’impubère supportera une réparation au simple ; mais alieni iuris, il serait abandonné au bon vouloir de la victime du vol. – L’ actio de pauperie, action noxale (ainsi très fermement Lenel [1927]  267, contre Biondi [1925] 3-10), qui ne se confond pas avec

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la noxalité mais qui en est très proche, a déjà, pour les dommages causés par les animaux, posé le principe de l’alternative, payer ou livrer (8.6 : lex voluit aut dari quod nocuit aut aestimationem noxiae offerri). Confirmée pour le quadrupes, l’alternative n’aurait pas existé pour le filius ? – Le noxae dedere est une obligation à la charge du maître, mais elle est alternative. Elle n’est pas l’objet d’une revendication réelle sur le corps du coupable (Lenel cit. 12 s., contre Biondi cit. 25-30, 295 s.). Cette reconstitution de la loi, même si elle eut des partisans dans le passé (cf. Dirksen 713-714, mais sans en tirer les mêmes conséquences pour la noxalité décemvirale) n’est pas acceptable. Le commentaire de Festus ne peut être pris comme une citation textuelle et complète de la loi. Il s’intéressait uniquement au dispositif de la loi aménageant la remise du coupable. C’est forcer le sens de ce commentaire que d’en déduire que la condamnation alternative de payer était exclue. Il n’y a aucun obstacle à compléter (c’est même nécessaire) : lex noxae dedere aut noxiam sarciri damnumve decidere iubet. Voir infra. 3. – Le domaine de la responsabilité noxale SI FVRTVM FAXIT : cette première hypothèse ne présente pas de difficulté. On y verra le cas du furtum nec manifestum commis par un servus ou un filius, auquel on peut ajouter le furtum manifestum de l’impubère alieni iuris (8.14). Dans le premier cas, la peine est ‘duplione damnum decidere’ (cf.  8.5), dans le second, le paiement de la noxia. Dans les deux cas, le pater peut se libérer de la noxa lui incombant en pratiquant la noxae deditio, la remise ‘à la place du dommage de la condamnation’ (que celle-ci consiste en une poena ou en un noxiam sarcire). On discute en revanche sur l’étendue des autres délits entrant dans le champ de la noxalité. De Visscher (1947) 182 s. (après des prises de position antérieures en ce sens) a soutenu que les délits d’atteinte à la personne (8.2-3-4) en auraient été exclus. Contra Daube (1939) 47 s. ; Kaser RPR I2 163 et n. 6. Il faut admettre que, outre les délits d’atteinte aux biens, l’ensemble des atteintes à la personne conduisait à la noxae deditio. Sur la question de savoir si la responsabilité noxale concerne aussi les individus in manu et in mancipio, les sources restent muettes. Réponse positive (prudente) de Beseler (1937) 381 n.  5 ; négative : De Visscher (1947) 223 s. Girard (1888-1889) 323 s. refuse de se prononcer. Sur les procédés et les finalités de la remise du coupable : mancipatio pour les res mancipi et les in potestate (cf.  4.2 b, interprété par LévyBruhl [1947-4] 84-88 en relation précise avec l’abandon noxal, ce qui n’est pas certain). Des conventions greffées sur la mancipatio pouvaient

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limiter la durée de la remise du coupable au temps nécessaire à l’indemnisation par le travail compensatoire du deditus. Mais on ne peut dater l’origine de cette pratique. 4. – Conclusion : reconstitution du verset On exclura sans hésitation ‘SI SERVVS FVRTVM FAXIT NOXIAMVE NOXIT, NOXAE DEDITVS ESTO’ qui ampute la noxalité de son alternative fondamentale. Il est nécessaire de restituer l’option de l’abandon alternatif. La difficulté principale n’est pas là. Le problème essentiel consiste à rétablir en amont de la condamnation ou de l’abandon par le maître/pater du coupable tous les types de délit susceptibles d’engager médiatement la responsabilité du pater-dominus : les divers délits sanctionnés soit par une poena (peine fixe ou peine déterminée par un multiple), soit par une condamnation au simple (noxiam sarcire), soit par une condamnation au double (duplione damnum decidere, sur le modèle de 8.9, 8.16, 8.20, 12.3, – et cf. 8.5 -). Or, la loi ne cite apparemment, comme cause susceptible de déclencher le mécanisme noxal, qu’un seul délit (le furtum nec manifestum, sanctionné par une peine du double). L’extension analogique n’est pas envisageable. Mais une solution immédiate se présente. Il convient, comme nous l’avons proposé, de comprendre différemment la signification des mots NOXIAMVE NOXIT employés par la loi. Si, comme on l’a fait jusqu’ici, on les rattache au dommage infligé à la victime par le délit du coupable, l’impasse est totale. Les sources du mécanisme noxal restent inexorablement amputées de la quasi-totalité des délits y conduisant. En revanche, en définissant le pater-dominus comme le véritable destinataire du dommage (noxia), destinataire réflexe ou par ricochet, causé par le filius-servus, le problème disparaît et l’expression de la loi ne souffre plus d’aucune obscurité ni lacune. Dans le NOXIAMVE NOXIT, ce sont, en réalité, toutes les causes d’appauvrissement que le servus inflige au dominus par la variété de tous les délits d’atteinte aux biens dont il peut se rendre coupable, qui sont envisagées. La loi n’avait pas à dresser un inventaire inutile et coûteux. On comprendra donc les ipsissima verba du code de la façon suivante : ‘si un esclave a commis un vol ou, par un délit quelconque, est la cause d’un appauvrissement infligé à son maître…’. Répétons-le : ce n’est pas le dommage éprouvé par la victime que la loi prend en considération, lorsque s’ouvre le mécanisme noxal, mais bien le dommage que le titulaire de la puissance doit s’apprêter à supporter, s’il ne préfère y échapper en abandonnant la personne du coupable. Il est difficile de penser que l’on doive compléter les deux hypothèses envisagées par la loi et ajouter quoi que ce soit au furtum et à la noxia qui englobe, confondus, tous les autres types de délits. Les actes d’acquisition d’esclaves témoignent de la permanence, dans la

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pratique, d’un formulaire qui confirme le dispositif décemviral, maintenu inchangé : garantie de livraison d’un esclave furtis noxisque solutus (Varro rust. 2.10.5). On pourra alors songer à la reconstitution suivante : Si servus furtum faxsit noxiamve noxit, noxiam sarcito aut in noxam dedito. Mais une reconstitution formellement préférable, à la fois pour rester plus proche du modèle fournit par Gai. 4.75, par Festus, source b, par Ulpien, source f (en faveur de noxae dedito plutôt que in noxam dedito), à la fois pour tenir compte de l’ordre suivi par XII T. 8.6 dans la présentation de l’alternative (noxae dedito aut noxiam sarcito), nous incite à proposer finalement : SI SERVVS FVRTVM FAXSIT NOXIAMVE NOXIT, AVT NOXAE DEDITO AVT NOXIAM SARCITO [Si un esclave ou un fils de famille commet un vol ou cause un dommage appauvrissant (le pater/dominus), que le (pater/dominus) abandonne (l’esclave/filius) pour éviter le dommage de la condamnation ou qu’il répare le dommage causé].

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12. 3 – : Servius Sulpicius, ap. Festus v° Vindiciae 516-518 L : …. XII : ‘SI VINDICIAM FALSAM TVLIT, SI VELIT IS , TOR ARBITROS TRIS DATO  ; EORUM ARBITRIO FRVCTVS DVPLIONE DAMNVM DECIDETO’.

: …. dans les XII Tables : ‘Si l’on a apporté l’objet du litige sous de fausses apparences, que le préteur attribue trois arbitres ; on transigera par une compensation fixée au double de la valeur de la chose et des fruits, en suivant l’avis des arbitres’.

Source principale a) Festus v° Vindiciae 516 L : Vindiciae appellantur res eae, de quibus controversia est : quod potius dicitur vis quam fit inter eos qui contendunt. [M.] Cato in ea quam scribsit L. Furio de aqua : « ……s praetores secundum populum vindicias dicunt ... ». Lucilius : « Nemo hic vindicias neque sacra en veretur ». De quo verbo Cincius sic ait : « Vindiciae olim dicebantur illae, quae ex fundo sumptae in ius adlatae erant ». At Ser. Sulpicius iam singulariter formato vindiciam esse ait ua de re controversia est, ab eo quod vindicatur XII : « Si vindiciam falsam tulit, sivelitis (si velit is ? sive litis ? stlitis ?) … tor arbitros tris dato ; eorum arbitrio … fructus duplione damnum decideto ».[« On appelle vindiciae les choses sur lesquelles il y a procès : le mot exprime surtout la violence qui se produit de la part de ceux qui se disputent la chose. Ainsi Marcus Caton, dans son ouvrage à Lucius Furius au sujet de l’eau : ‘… les préteurs se sont prononcés sur (la possession intérimaire) des objets revendiqués (vindiciae) en faveur du peuple’. Quant à Lucilius : ‘Personne ici n’a d’égard pour les choses objet de contestation (vindiciae), ni pour les choses sacrées’. Mais Cincius comprend ainsi ce terme : ‘On appelait autrefois vindiciae les éléments prélevés sur un fonds (sous-entendu, objet de revendication) et apportés devant le tribunal’. Mais Servius Sulpicius dit que, employé au singulier, le mot vindicia qualifie la chose sur laquelle il y a procès, du fait qu’elle est revendiquée, ainsi, dans les XII T. : ‘Si…’ » (cf. supra].

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Sources complémentaires b) Aulus Gellius Noctes Atticae 20.10.7 : Nam de qua disceptatur in iure praesenti, sive ager sive quid aliud est, cum adversario simul manu prendere et in ea re omnibus verbis vindicare, id est ‘vindicia’. [« La vindicia, c’est quand la chose litigieuse, devant le tribunal ou sur les lieux mêmes, qu’il s’agisse d’un fonds de terre ou de toute autre chose, est appréhendée simultanément par les deux adversaires qui la revendiquent en employant tous les termes consacrés »]. Sur la correction, non nécessaire, de omnibus par sollemnibus, proposée par B. Brisson, v. XII T. 6.6). c) Festus-Paul v° Duplionem 58 L : Duplionem antiqui dicebant, quod nos duplum. Venit autem a Graeco διπλοῦν. [« Les Anciens employaient le mot duplio pour notre mot duplum. Il vient du grec… »]. d) Gai. 4.16 : Postea praetor secundum alterum eorum vindicias dicebat, id est interim aliquem possessorem constituebat, eumque iubebat praedes adversario dare litis et vindiciarum, id est rei et fructuum. [« Ensuite, le préteur prononçait l’attribution intérimaire de l’objet revendiqué au profit de l’une des deux parties et enjoignait à celle-ci de fournir des cautions pour le procès et pour l’objet de la revendication, c’est-à-dire pour la chose elle-même et pour les fruits »]. e) Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 22.1.19 : Videamus, an in omnibus rebus petitis in fructus quoque condemnatur possessor. [« Examinons si, dans toutes les actions réelles, le possesseur doit être condamné aux fruits de la chose »]. Établissement du texte ; reconstitution du verset : Le texte appelle quelques restitutions de trois ou quatre lettres chacune, mais d’incidence inégale. 1 – La première, TOR, ne fait pas difficulté. On sait qu’il appartient au magistrat devant qui s’ouvre l’action par le sacramentum in rem de procéder, dans le cadre d’une procédure estimatoire accessoire (simple annexe au procès principal), à la désignation d’arbitres-experts chargés d’une double mission.  D’abord, trancher la question de

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l’identification de la chose produite devant le tribunal et objet de la revendication (chose qualifiée de vindicia : cf. infra). Ensuite, d’évaluer la valeur de cette chose par un arbitrium litis aestimandae. L’hypothèse de Nicosia (1980) 27-62 ; Id. (1984) 171-239, qui rejette la juridiction du magistrat et donc du préteur à l’époque de la loi des XII T. et suggère de compléter la lacune de Festus en TOR n’est pas acceptable : v. Buti (1984) 35 s., 60 s., Kaser (1987) 684 ; Albanese (1987) 24-25. La suggestion de D’Ippolito (1993) 155-157, de lire TOR – la fraude consisterait à apporter une vindicia falsa pour obtenir du magistrat la nomination de trois arbitres – n’est pas suffisamment étayée. 2 – Au contraire, l’insertion (dans une lacune de trois lettres) du mot REI, qui a ses partisans (dont nous sommes), peut être discutée. Kaser (1962-1) 22 s. a suggéré REVS (déjà ainsi Müller dans son édition de Festus). Mais cette restitution se heurte à des objections de fond (cf.  infra) et de forme, car elle serait doublement inutile. Le sujet du verbe tulit est explicite : il ne peut s’agir que de la partie contre laquelle agit le revendiquant et qui doit apporter devant le tribunal l’objet litigieux : on ne voit pas pourquoi, alors que le sujet reste le même, la loi aurait expressément tenu à préciser ensuite reus. De plus, le terme reus ne saurait apporter d’éclaircissement, car il signifie, à l’époque archaïque, aussi bien l’une que l’autre des parties, dans une procédure où il n’y a ni demandeur ni défendeur. V. ici Santoro (1967-1) 34 s. En faveur de REI (double de la valeur de la chose) : Lübtow (1951-2) 331 ; Broggini (1957) 127 ; Santoro (1967-1) 52 ; Albanese (1987) 93-94. Il faut comprendre FRVCTVS comme une asyndète : le double de la valeur de la chose et des fruits. 3. – Le texte de Festus contient le mot SIVELITIS : à découper en SIVE LITIS ou en SI VELITIS ou en STLITIS ? Depuis Cujas, on s’interroge. Pour les plus anciennes lectures (ap. Dirksen 717-718) : sive litis, sive stlitis (Pithou) ; à partir de Huschke : si velit is, accepté par Mommsen ap. Bruns, mais non par Schöll 92 et 161 (sive litis). Mais en dépit de partisans encore récents (Santoro [1967-1] 58 ; Magdelain [1980] 207-210 = 593-597), le retour à la vieille lecture sive litis ou sive slitis ou, mieux encore, stlitis semble préférable, car on ne voit pas l’utilité de ce ‘s’il le veut’ qui, destiné à l’une des parties (la victime de la ruse de l’adversaire) enclencherait la procédure estimatoire annexe. En faveur de STLITIS (sans retenir un sive inutile et fautif), Albanese (1987) 96, 99 n. 336, que nous suivons. Cf. infra 2. – 2. En tenant compte du commentaire qui suit, on proposera la reconstitution suivante : Si vindiciam falsam tulit stlitis, praetor arbitros tris dato ; eorum arbitrio rei et fructus duplione damnum decideto.

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[« S’il (= le possesseur de la chose revendiquée) présente, en guise de chose litigieuse, un objet substitué, que le préteur désigne trois arbitres, et que, suivant leur avis, soit imposée aux parties une transaction fixée au double de la valeur de la chose revendiquée et de ses fruits »]. L’attribution de 12.3 à la table 12 Cette attribution remonte à Godefroy et, après l’adhésion de Dirksen, elle ne fut plus remise en question.  Cette attribution découle du rapprochement de 12.3 et de deux fragments de Gaius ad leg. XII T. qui, tous deux, proviennent du livre 6 de ce commentaire : D. 22.1.19 (source e) et D. 44.6.3 (= XII T. 12.4). Mais l’objet de ces deux fragments est, en réalité, étranger à la question posée par 12.3. Le premier fragment (D. 22.1.19) porte sur le comput des fruits que la chose revendiquée a produits pendant l’instance, alors que le possesseur provisoire doit restituer cette chose à l’issue du procès qu’il a perdu. Mais la vindicia falsa, objet du verset 12.3, porte sur un tout autre problème et ne concerne pas, contrairement à l’opinion dominante, la possession intérimaire de l’objet litigieux. De même D. 44.6.3 (= 12.4) touche au statut, durant le procès, de l’objet revendiqué (il est frappé d’une interdiction particulière d’aliénation in sacrum, qui vise le possesseur intérimaire). Il s’agit, là encore, de la possession intérimaire, donc d’une question étrangère à la vocation de 12.3 (contre Nicosia [1984] 204, 230-232). L’une des dernières tables (XI ou XII) contenait certainement au moins une disposition relative à la possession intérimaire, donc au sort de l’objet litigieux pendant la durée du procès (sort des vindiciae). Mais 12.3 doit être sorti de ce contexte. On ne dispose, de fait, d’aucun indice pour attribuer ce verset à l’une des tables du code. Son rattachement actuel à la table XII est, sans aucun doute, le résultat d’une analyse défectueuse, mais, par pure commodité, il n’y a aucun intérêt à vouloir le déplacer. Commentaire Plan du commentaire : 1. – Vindicia – vindiciae. 2. – SI VINDICIAM FALSAM TVLIT : 2. – 1. La lis vindiciarum. 2. – 2. SIVELITIS. 2. – 3 FRVCTVS. 2. – 4. DVPLIONE DAMNVM DECIDETO. 1. – Vindicia – vindiciae Les Anciens ne s’accordaient pas sur le sens technique de vindicia / vindiciae. Pour les uns (Cincius, cité par Festus, source a), le terme se réfère aux mottes de terre apportées devant le tribunal (cf.  Gai. 4.17) pour représenter symboliquement, lors d’une revendication

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immobilière, le fonds litigieux. Mais cet usage ne peut qu’être récent. Car, à l’époque archaïque, le magistrat se transportait sur le lieu de la controverse. Mais on doit (ainsi, formellement, Ser. Sulpicius, ap. Festus cit.) distinguer soigneusement l’emploi au singulier, vindicia, du pluriel, vindiciae. Au singulier, vindicia qualifie l’objet concret sur lequel porte la revendication (de même, Gell. source b). C’est le cas de la vindicia falsa à laquelle est consacré le verset 12.3 (cf. infra 2. – 2). Au pluriel, vindiciae se rapporte à la possession intérimaire de l’objet du litige, dont l’attribution est décidée discrétionnairement par le magistrat au profit de l’une des deux parties (ainsi 6.7 : vindicias det secundum libertatem ; Caton, ap. Festus cit. : praetores secundum populum vindicias dicunt ; Gai. 4.16 (source d) : praetor secundum alterum … vindicias dicebat) ; d’où les praedes litis et vindiciarum qui garantissent la restitution de l’objet litigieux, dont la possession a été provisoirement décidée. De même, Ps. Asconius in Cic.Verr. II.115, cité infra. Ces deux emplois ne doivent pas être confondus : v. fondamentalement Buonamici (1890) 381 s., même si d’un mot à l’autre le glissement est immédiat : vindicia ou vindiciae, il est toujours question de l’objet d’une revendication. L’étymologie, remontant aux anciens et rattachant à vis tous les mots de la famille vindicere, vindex, vindicia, vindiciae, vindicare, bien que rejetée par les philologues (cf. Ernout-Meillet DE4 737 v° Vindex), a conservé des partisans : remontant à K.O. Müller (1833), elle fut acceptée notamment par Düll (1934) 111 ; Id. (1935) 9 s. ; Noailles (1949) 52-80 ; Kaser AJ 194 ; Wolf (1985-2) 37-38 ; Magdelain (1986) 283-285 = 20-22 ; Wieacker RRG I, 248 ; Kaser-Hackl RZPR 96 (et bibliogr.). Mais cette interprétation qui ferait du revendiquant celui qui dénonce la violence (vim dicere), dont il s’estime la victime et qui demande réparation par la restitution de son bien, est difficile. Elle est, de plus, étymologiquement impossible. Aussi, reprenant une piste ouverte par Devoto (1934) 29-30, nous pensons que le sens le plus apte à éclairer tous les emplois de vin-dicere est celui de ‘dire non’ (ven-dicere), de ‘faire opposition’, de ‘contester’ une situation de fait (de la part du revendiquant) ou de droit (de la part du vindex qui s’oppose à l’exécution du jugement ou à la manus iniectio). À la suite de Devoto, Gioffredi (1955) 93, 117 s. ; Santoro (1967-2) 183 ; Lévy-Bruhl (1960) 42-43, 174-175. Dans le rituel du sacramentum in rem, on comprendra ainsi ‘tibi vindictam imposui’ comme ‘j’ai manifesté mon opposition contre toi’ ; vindicare : ‘manifester son opposition’ ; ‘qua ex causa vindicaveris ?’ : ‘en vertu de quel droit, as-tu contredit mon affirmation ?’ ; ‘ius feci sicut vindictam imposui’ : ‘j’ai fait un acte conforme au ius en déclarant mon opposition’. Avant de prendre le sens dérivé de baguette (festuca), la vindicta est l’‘opposition déclarée’, la ‘contestation exprimée’, puis deviendra le symbole qui traduit matériellement l’opposition.

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Dans le rituel de la mancipatio, les mêmes paroles sont prononcées (meum esse aio…), mais par une seule des parties, car elles ne soulèvent aucune opposition.  Il n’y a, dans ce cas, ni vindicta, ni vindicatio, et pas de vindicia. Le vindex (XII T. 1.4) ou l’acte de vindicere (3.3) trouvent leur place dans ce contexte étymologique homogène. Il n’y a pas, de la sorte, à retenir les interprétations qui voient dans le vindex le ‘redresseur de torts’, celui qui ‘déclare la guerre’ : ainsi Magdelain (1986) 283-285 = 20-22, pour qui le vindex est tout à la fois celui qui attaque (en ayant l’initiative des poursuites – sans preuves -) et celui qui défend en dénonçant la violence. En revanche, on verra en celui-ci celui qui déclare son opposition à l’exécution du jugement ou à la saisie du manu iniectus. Vindex ou vindicans : l’un défend, l’autre attaque, mais toujours en manifestant leur opposition. En faveur de cette conception, on peut invoquer Festus v° Vindex 516 L : Vindex ab eo, quod vindicat, quo minus is, qui prensus est ab aliquo, teneatur (il s’oppose à ce que celui qui a été saisi par un autre soit retenu). 2. – SI VINDICIAM FALSAM TVLIT 2. – 1. La lis vindiciarum, greffée sur l’action réelle principale Une glose du Ps. Asconius in Cic. Verr. II.115 (ap. Bruns II, 72) éclaire le procès accessoire, ou lis vindiciarum, qui peut naître au sujet de l’attribution provisoire de l’objet litigieux ou de sa restitution garantie par des praedes : Lis vindiciarum est, cum litigatur de ea re, cuius apud praetorem incertum est quis debeat esse possessor ; et ideo, qui eam tenet dat pro praede litis vindiciarum adversario suo, quo illi satisfaciat nihil se deterius in possessione facturum, de qua iurgium esset. Deux fragments du l. 6 du commentaire de Gaius aux XII T. ont un lien direct avec les vindiciae : D. 44.6.3 (= 12.4) et D. 22.1.19 pr. (source d). À l’époque tardive (Paul. Sent. 5.9.1 et 1.13 b.8), la peine du double des fruits (à l’encontre du possesseur de mauvaise foi, condamné à restituer la chose revendiquée) se maintient par l’effet d’une stipulation. Les interprètes actuels, quasi unanimes, ont placé le verset 12.3 au cœur du procès intérimaire portant sur la possession de l’objet litigieux. Il s’agirait toujours de sanctionner un acte illicite commis par le possesseur intérimaire à l’occasion de sa possession. Mais au-delà de cette explication convergente, il y a nombre de divergences de détail. Ainsi : Petot (1912-2) 219 s. comprend : ‘si le possesseur intérimaire restitue une chose détériorée’ (falsam vindiciam tulit) (déjà en ce sens Buonamici (1890) 389 : restitution frauduleuse d’une chose différente) ; de même Broggini (1957) 131 s. : restitution d’un objet différent ou détérioré ; Lévy-Bruhl (1960) 176 s., suggérant de corriger SI VELIT IS en SI VILIS SIT FACTA, pour renforcer l’hypothèse de la restitution

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d’une chose détériorée ; Nicosia (1984) 228-230. L’hypothèse de Broggini a été acceptée pour l’essentiel par Pugliese (1962-1) 440 s., définissant l’illicite comme la restitution frauduleuse, assimilable au vol, d’une autre chose au terme du procès. Betti (1915) 7 s., fort différemment, attribuait l’illicite aux cautions (praedes litis vindiciarum) qui eurent le tort de soutenir de leur garantie (ferre au sens de spondere reddi) l’attribution de la vindicia à la partie finalement défaite. Falsam prendrait alors le sens de falsam datam. Et lorsque le possesseur ne restitue pas, le praes pourrait (SI VELIT IS), pour se libérer, fournir une composition.  À la suite de Betti, ArangioRuiz (1952-2) 117 s. ; Lübtow (1951-2) 351 s. Mais cette interprétation, qui voit dans le praes l’auteur de l’acte illicite, se heurte à une difficulté : tulit peut difficilement signifier ‘ soutenir au moyen de sa garantie’. Kaser, à partir de 1943, ouvrit une nouvelle perspective, largement suivie ensuite : Kaser EB (1943) 72 ; Id. AJ 153 ; Id. (1962-1) 27 s., 31 ; Id. (1983) 94-100 ; Id. (1987) 684, suivi par Gioffredi (1955) 138 s., par Magdelain (1980) 208 s., 270 (= 593 s., 643), par Hackl (1989) 158-159 ; Id. (1992) 154-158. Selon cette hypothèse, l’illicite découlerait du fait, pour la partie qui succombera, d’avoir ‘emporté à tort’ la vindicia (vindiciam falsam ferre) : d’avoir accepté à tort, de la part du magistrat, la remise provisoire d’une chose qu’il savait ne pas lui appartenir. Falsum serait synonyme d’iniustum ou d’iniuria. Ainsi, pour Kaser, l’illicite résulterait de l’appropriation frauduleuse des fruits produits par la chose durant le procès, d’où la peine, limitée selon cet auteur, au double des fruits (et non au double des fruits et de la valeur de la chose). Le délit serait proche d’un furtum usus. Mais Santoro (1967-1) 46 s., 58 a objecté que ce ne pouvait pas être l’acquisition frauduleuse des fruits pendant la durée (très brève avant la lex Pinaria : deux jours au plus entre les deux phases du procès) qui pût avoir été prise en considération par le législateur, mais bien plus le falsum sacramentum de la partie qui obtint, par ce moyen, l’attribution provisoire de la vindicia et le droit de l’emporter (tulit). Vindicia falsa devrait être compris comme ‘la possession de la chose obtenue par un faux serment’. La tentative de soustraire l’objet serait comparable à un furtum rei et appellerait la même sanction.  À la suite de Santoro, Selb (1984) 431-433 ; Hackl (1989) 159 ; (1992) 155 ; Magdelain (1990-1) 231-234, abandonnant sa position antérieure de 1980. Mais une autre lecture plus récente et beaucoup plus proche des termes mêmes de la prescription légale nous paraît préférable : Albanese (1987) 96-99. Nous suivons Albanese qui reproche à toutes ces interprétations de confondre VINDICIA et VINDICIAE. L’emploi du premier terme, au singulier (supra la position de Ser.  Sulpicius), est étranger à l’attribution intérimaire décidée par le magistrat. Il n’est donc pas question de savoir si le fait d’avoir obtenu la possession au

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terme d’un faux serment ou d’avoir perçu abusivement des fruits insignifiants, ni même de rendre, à l’issue du procès, une chose différente ou détériorée, a ému le législateur : il eût employé dans tous ces cas le mot vindiciae et non pas vindicia. Beaucoup plus simplement, le verset évoque le cas plus grave de l’adversaire qui a apporté (tulit au sens propre) au tribunal l’objet contesté (VINDICIA), mais en se rendant coupable d’une fraude : en remplaçant l’objet ou l’animal par un autre et faisant courir le risque au revendiquant d’être à coup sûr confondu. La vindicia falsa, c’est un objet de substitution. 2. – 2. SI VELIT IS – SIVE LITIS – STLITIS On sait, grâce à des textes plus récents (source d), que l’attribution des vindiciae s’accompagnait de l’engagement de cautions, les praedes litis (et) vindiciarum. Santoro (1967-1) 58 a soutenu que, par les mots SI VELIT, la loi aurait ouvert une option : permettre au gagnant, soit d’exiger le versement du damnum estimé par les tres arbitri litis aestimandae, soit d’obtenir la saisie des praedes. Le choix de la composition aurait libéré les cautions. Sur le praes, Mommsen (1855) 355 s. ; Viard (1907) 47. Pour Magdelain (1980) 209-212 (= 593-597), l’option se limiterait au choix entre trois arbitres au lieu d’un seul (différem. Id. [1990-1] 231-234 : option ouverte au perdant, auteur du sacramentum iniustum, qui lui permettrait d’écarter sa mise à mort en tant que sacer, en payant la condamnation au double estimée par les trois arbitres). Mais ces hypothèses sont fondées sur une lecture du texte qui ne convient pas, puisque, on l’a vu, il n’est question ni de possession provisoire, ni de cautions pour en garantir la restitution. En cas de vindicia falsa, les tres arbitri, certainement désignés sur l’ordre du magistrat, auront pour mission de vérifier l’accusation de vindicia falsa émanant du revendiquant, en une question préjudicielle, et de condamner le cas échéant le défendeur qui a présenté au tribunal un objet falsifié. La lecture du SIVELITIS donné par le ms. de Festus fait problème. Le découper en SI VELIT IS, comme on le fait traditionnellement, n’a pas de sens. De qui dépendrait la décision arbitraire de recourir à l’investigation des trois arbitres ? Des parties ou de l’une d’elles ? Mais le magistrat n’a pas à recevoir des parties le pouvoir de nommer et d’investir de leur tâche les trois arbitres. Ou la loi aurait-elle voulu laisser à la discrétion du magistrat, sans qu’il y fût obligé, la nomination d’arbitres ? C’est extrêmement douteux. Ce serait bien le seul exemple d’un verset qui ouvrît au magistrat un libre choix. Le magistrat est le destinataire des ordres de la loi ; aucune prescription conservée n’édicte, à son profit, la possibilité d’accomplir ou de ne pas accomplir un acte. Il faut donc revenir à une lecture ancienne, STLITIS, et rattacher probablement aux mots ‘vindicia falsa’ la précision : ‘du litige’ (stlitis

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étant une forme archaïque de litis). En ce sens, Albanese (1987) 95-96. On comprendra : « Si la chose revendiquée (vindicia), objet du litige (stlitis), que son possesseur a apportée devant le tribunal (tulit), est dénoncée comme fausse (falsa), que le préteur… ». 2. – 3. FRVCTVS, au sens de REI ET FRVCTVS La conception, trop restrictive, de l’illicite chez Kaser limitait la peine du double aux fruits perçus pendant la durée du procès. La restitution de l’asyndète REI FRVCTVS pour REI ET FRVCTVS a pour elle la vraisemblance et l’appui des sources connexes (12.4 pour le cas où la restitution a été rendue impossible du fait d’une dedicatio in sacrum). De même Gai. 4.16, dans le système plus avancé des praedes litis et vindiciarum. La condamnation au double de la valeur de la chose et des fruits (perçus depuis l’ouverture du procès) sanctionne la ruse du défendeur-possesseur qui a présenté au tribunal un objet différent de celui que revendiquait son adversaire. 2. – 4. DVPLIONE DAMNVM DECIDETO L’étymologie et la valeur archaïque de damnum sont discutées : voir l’état de la question et une hypothèse de solution exprimés sous le verset 8.5. Le mot decidere exprime l’idée d’une transaction, donc d’une composition, dont l’offre et le montant sont imposés par la loi. Il s’agit d’une transaction processuelle que la loi ordonne au magistrat d’imposer aux parties. Le gagnant n’est pas libre d’en refuser le principe ou d’en modifier le calcul en exigeant plus. On retrouve ce mécanisme original en trois autres occurrences : comme sanction du vol non flagrant (8.16) – la transaction processuelle s’impose à la victime du vol, suspectée de vouloir exiger plus –, et, selon nous, dans l’hypothèse de la destruction volontaire d’une récolte, accomplie par un impubère (8.9) et dans l’hypothèse de l’a. rationibus distrahendis contre le tuteur malhonnête (8.20). V. les commentaires à ces versets pour le détail de la procédure et les interprétations contrastées que ceux-ci ont suscitées.

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12. 4 – : Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 44.6.3 : Rem de qua controversia est prohibemur in sacrum dedicare : alioquin dupli poenam patimur, nec immerito, ne liceat eo modo duriorem adversarii condicionem facere. Sed duplum utrum fisco an adversario praestandum sit, nihil exprimitur : fortassis autem magis adversario, ut id veluti solacium habeat pro eo, quod potentiori adversario traditus est.

: Il nous est interdit de consacrer à une divinité une chose sur laquelle porte un litige ; sinon, on subit la peine du double. À juste titre : afin qu’il ne soit pas permis, par ce moyen, de rendre pire la condition de l’adversaire. Mais il n’est pas indiqué si la condamnation au double profite au fisc ou à la partie adverse. Peut-être est-ce plutôt à celle-ci, afin qu’elle soit consolée du fait d’avoir été confrontée à un adversaire plus puissant.

Source complémentaire Gai. 6 ad leg. XII T. D. 22.1.19 pr. : Videamus, an in omnibus rebus petitis in fructus quoque condemnatur possessor [« Examinons si dans toutes les actions réelles, le possesseur doit être condamné aux fruits de la chose »]. Etablissement du texte : Quelques voix se sont élevées contre l’authenticité de la référence aux XII T : Pernice (1900) 77 ; Mitteis RPR 247 n.  47. Mais elles sont restées à juste titre isolées : cf. Messina-Vitrano (1925) 334 n. 2. Il n’est pas nécessaire de supposer (avec Berger [1936] 639) que Gaius aurait fait une référence explicite aux XII T., supprimée ensuite par les compilateurs. Quoi qu’il en soit, le modèle décemviral est resté très présent à Gaius : le terme exprimitur laisse penser qu’il avait le verset sous les yeux (ainsi Dirksen 719). La loi ne précisait pas le destinataire de la poena dupli, d’où l’embarras de Gaius, hésitant sur l’identité, à son époque, du condamné : ce qui peut surprendre pour une disposition restée actuelle. Mais le doute a dû naître de la concurrence d’une autre prohibition, émanant d’un

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édit d’Auguste (daté de 23 : Gai. 4.117), qui interdisait l’achat, au cours d’un procès, d’une res litigiosa et, non seulement soumettait l’acheteur à la peine du double (au profit du fiscus), mais frappait d’inefficacité la vente, dont l’exécution était paralysée par une exception. L’époque classique n’a conservé que quelques rares actions pénales délictuelles remontant aux XII T. On peut citer, à côté de l’action au double sanctionnant la dedicatio in sacrum de la res litigiosa, les actions de tigno iuncto, de rationibus distrahendis, de pauperie, de pastu pecoris et l’action en cas d’incendie volontaire. V. ici Kaser RPR I2, 611. L’attribution de 12.4 à la table XII est fondée sur la place du fragment de Gaius au sixième livre de son commentaire. L’argument vaut aussi pour D. 22.1.19 pr. (source complémentaire), qui porte aussi sur une question relative à la possession intérimaire d’une chose revendiquée – et aux délits auxquels cette possession provisoire, qualifiée de vindiciae – peut donner lieu. Sur la distinction entre vindiciae et vindicia, voir le verset 12.3. Commentaire 1. – Dedicatio in sacrum Il s’agit d’un acte privé de consécration à une divinité, au service d’un culte privé ou domestique, donc suae religionis causa sans iussum populi ni intervention des pontifes : De Marini Avonzo (1967) 17-43. Sur la dedicatio in sacrum, Wissowa (1901) 2356 s. ; RuK2 385 ; De Ruggiero in DE I (1895) 144; II (1910) 1553. 2. – Res de qua controversia est Selon De Marini Avonzo cit. 58-99, la res de qua controversia est serait distincte de la res litigiosa et se référerait exclusivement au sort de la chose avant l’ouverture du procès en revendication. La dedicatio aurait pour objet d’empêcher l’ouverture de la rei vindicatio (qui implique que l’adversaire du revendiquant soit en possession de l’objet). Mais cette interprétation (déjà soutenue par Voigt XII T. II, 544 s.) est infondée : Santoro (1967-1) 15 n.  27 ; Kaser RPR I2  160 ; Kaser-Hackl RZPR 100 n. 72. La dedicatio in sacrum constitue, en réalité, une aliénation frauduleuse par la partie au procès qui a obtenu la possession intérimaire et qui se met volontairement dans l’impossibilité de restituer la chose à l’issue du procès. Le comportement délictuel du dédicant, par la soustraction dolosive et définitive de la chose d’autrui, est assimilable à un furtum nec manifestum, d’où la même peine du double. Ainsi Kaser (1962-1) 37 ; Id. (1962-2) 96 ; Id. RPR I2, 160 n. 60. Différemment Selb (1984) 421 ; Hackl (1989) ; Kaser-Hackl cit. 100 n.  72 : peine du

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double pour permettre à la partie défaite d’échapper à l’exécution sur la personne. La prohibition de la consécration de l’objet en litige concerne la possession intérimaire (vindiciae) de cet objet et non la présentation de la chose litigieuse devant le tribunal (qualifiée techniquement de vindicia). Elle est donc distincte de la question de la vindicia falsa, en dépit de la confusion ou de l’amalgame faits ordinairement entre ces deux problèmes distincts : voir la discussion sous 12.3. Le système décemviral, avec le temps, sans perdre sa pertinence, fut complété par l’édit d’Auguste prohibant la vente de la chose litigieuse. L’acheteur, complice, ne pourra obtenir du vendeur malhonnête (qui se trouve être le défendeur à la revendication engagée par un tiers et le possesseur provisoire de la chose) la délivrance de la chose : l’acte est donc proche d’un acte nul (De Marini Avonzo cit. 173 s., 267 s. ; Kaser [1977] 55). Le demandeur à la revendication n’est pas sans secours, mais sa situation processuelle a empiré. En cas de dedicatio, la révocation de la consécration est devenue possible avec le temps (sur cette évolution tardive, De Marini Avonzo 120 s.), mais elle est difficile à mettre en œuvre. D’où l’explication de Gaius, anachronique, mais acceptable pour son époque : le défendeur a rendu plus difficile (durior) la position du revendiquant, car celui-ci doit affronter désormais avec les dieux un adversaire redoutable (potentior) : ainsi De Marini Avonzo 16, 121 s. ; Kaser, in ZSS 86 (1969) 521. Le dédicant doit maintenant révoquer les dieux bénéficiaires de la dedicatio frauduleuse.

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12. 5  – : Livius 7.17.12 : In duodecim tabulis legem esse, ut, quodcumque postremum populus iussisset, id ius ratumque esset.

: Il y a dans les XII Tables une loi selon laquelle, ce que le peuple aurait ordonné par la décision la plus récente serait considéré comme ayant juridiquement force de loi.

Sources principales a) Livius 7.17.12-13 (355 av. J.-C.) : (12) In secundo interregno orta contentio est, quod duo patricii consules creabantur, intercedentibusque tribunis interrex Fabius aiebat in duodecim tabulis legem esse, ut, quodcumque postremum populus iussisset, id ius ratumque esset; iussum populi et suffragia esse. (13) Cum intercedendo tribuni nihil aliud quam ut differrent comitia valuissent, duo patricii consules creati sunt. [« (12) Lors du second interrègne, une discussion s’éleva parce qu’on nommait consuls deux patriciens : les tribuns s’y opposant, l’interroi Fabius affirmait qu’il y avait dans les XII T. une loi selon laquelle, ce que le peuple aurait ordonné par la décision la plus récente serait considéré comme ayant juridiquement force de loi. Or, les élections aussi constituent une décision prise sur l’ordre du peuple. (13) Comme par leur opposition les tribuns n’avaient pu que différer la réunion des comices, deux patriciens furent nommés consuls »]. b) Livius 9.33.4-9 et 9.34.6-7 (310 av. J.-C.) : 9.33 (4) Ap. Claudius censor, circumactis decem et octo mensibus, quod Aemilia lege finitum censurae spatium temporis erat, […] nulla vi compelli ut abdicaret potuit. (5) P. Sempronius erat tribunus plebis, qui finiendae censurae intra legitimum tempus actionem susceperat, non popularem magis quam iustam […] (6) Is cum identidem legem Aemiliam recitaret, auctoremque eius, Mam. Aemilium dictatorem, laudibus ferret, qui quinquennalem ante censuram […] intra sex mensum et anni coegisset spatium : (7) « Dic agedum », inquit, « Ap. Claudi, quidnam facturus fueris, si eo tempore, quo C. Furius et M. Geganius censores fuerunt, censor fuisses ».(8) Negare Appius interrogationem tribuni magno opere ad causam pertinere suam ; (9) nam, etsi tenuerit lex Aemilia eos censores,

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quorum in magistratu lata esset, quia post illos censores creatos eam legem populus iussisset, quodque postremum iussisset, id ius ratumque esset, non tamen aut se aut eorum quemquam, qui post eam legem latam creati censores essent, teneri ea lege potuisse. [« (4) Le censeur Appius Claudius, une fois écoulés les dix-huit mois auxquels la loi Aemilia avait limité la durée de la censure … ne put être contraint à abdiquer. (5) Publius Sempronius était tribun de la plèbe ; il lui avait intenté, pour qu’il mît fin à sa censure dans le délai légal, une action aussi juste que populaire … (6) Comme de temps à autre, il lisait la loi Aemilia et faisait l’éloge de son auteur, le dictateur Mamercus Aemilius, pour avoir réduit la censure, auparavant quinquennale … à une durée d’un an et demi, il ajouta un jour : (7) ‘Dis-moi, Ap. Claudius, qu’aurais-tu donc fait, si tu avais été censeur au moment où le furent Caius Furius et Marcus Geganius ?’ (8) Appius déclara que la question du tribun ne se rapportait pas à sa cause ; (9) car, si la loi Aemilia obligeait les censeurs sous la magistrature de qui elle avait été votée – parce que le peuple l’avait votée après leur nomination comme censeurs et puisque la décision populaire la plus récente devait être considérée comme constituant le droit applicable –, cependant, ni lui ni aucun des censeurs désignés après l’adoption de cette loi ne pouvait être tenu de l’observer »]. 9.34 (6) ‘Itane tandem, Ap. Claudi, cum centesimus iam annus sit a Mam. Aemilio dictatore, tot censores fuerint, nobilissimi fortissimique viri, nemo eorum duodecim tabulas legit? Nemo id ius esse, quod postremo populus iussisset, sciit? (7) Immo vero omnes sciverunt, et ideo Aemiliae potius legi paruerunt quam illi antiquae, qua primum censores creati erant, quia hanc postremam iusserat populus, et quia, ubi duae contrariae leges sunt, semper antiquae obrogat nova’. [« (6) Alors donc, Appius Claudius, quand cent ans déjà se sont écoulés depuis la censure de Mamercus Aemilius, quand il y a eu depuis tant de censeurs d’une grande noblesse et d’une si grande force de caractère, aucun d’eux n’aurait lu les XII T. ? Aucun d’eux n’aurait su que le droit est produit par ce que le peuple a ordonné dans sa décision la plus récente ? (7) Bien au contraire, tous l’ont su : c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas obéi à la loi ancienne sous laquelle les censeurs ont d’abord été nommés, mais à la loi Aemilia, car celle-ci est la mesure la plus récente votée par le peuple. En effet, quand deux lois se contredisent, toujours l’ancienne est abrogée par la plus proche »]. Sources complémentaires Elles évoquent le même principe, mais sans se référer aux XII T. c) Rhetorica ad Herennium 2.15 : Illa defensio tenuis est, cum ostenditur id factum esse quod ea lex

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sanciat cui legi obrogatum aut derogatum sit, id quod posteriori lege sancitum sit esse neclectum. [« La défense est faible, si l’on montre que l’on a agi en respectant une loi abrogée ou partiellement modifiée et négligé ce qu’une loi plus récente a prescrit »]. d) Cicero De inventione 2.144-145 : (144) Ex contrariis autem legibus controversia nascitur, cum inter se duae videntur leges aut plures discrepare […] (145) Deinde, utra lex posterius lata sit ; nam postrema quaeque gravissima est. [« Quand deux ou plusieurs lois semblent contradictoires, une discussion naît de cette opposition… On recherche quelle est la loi la plus récente ; c’est en effet la plus récente qui l’emporte sur les autres »]. e) Cicero Pro Balbo 33 : (Porte sur l’hypothèse d’un conflit de lois dans le temps entre un foedus et une loi postérieure) De quibus igitur etiamsi latum esset nequem civem reciperemus, tamen id esset quod postea populus iussisset, ratum [« Même si l’on avait (dans le traité entre Rome et Gadès) proposé de n’admettre comme citoyen aucun Gaditain, on devrait considérer comme valide ce que le peuple aurait décidé par la suite »]. Reconstitution : aucune n’est possible Commentaire Plan du commentaire : 1. – L’attribution du verset aux Tables 11 ou 12. 2. – Sa signification selon Tite-Live. 3. – Interprétations modernes ; 4. – Conclusion. 1. – L’attribution du verset aux Tables XI ou XII Cette attribution à l’une des deux dernières tables, par conséquent à l’œuvre complémentaire du deuxième collège décemviral, est arbitraire. L’idée première en remonte à Godefroy 185, qui pensa que le deuxième collège n’aurait pu compléter, rectifier, voire corriger le travail des premiers décemvirs sans fonder cette légitimité sur un principe législatif : lex posterior derogat priori. Il plaça donc ce verset en tête de la table XI. Mais Dirksen 698-701 rejeta cette analyse. Rien, d’abord, ne prouve que les compléments apportés aux dix premières tables aient été perçus comme des abrogations. Jamais, en outre, le principe de la substitution de la norme antérieure par la plus récente n’est utilisé par les juristes romains dans le domaine du droit privé, mais seulement en droit

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public. Et Dirksen de conclure (sans se prononcer davantage sur la portée du verset dans la pratique constitutionnelle romaine) : puisque la disposition ne peut concerner que le droit public, elle ne peut trouver sa place qu’à la fin de la table XII (sic p. 701). L’argument est évidemment sans consistance. Aussi toute tentative pour expliquer le verset par une arrière-pensée du second collège décemviral se condamne-t-elle par elle-même. 2. – Son interprétation par Tite-Live Tite-Live est la seule source qui attribue aux XII T. ce principe qui, tel qu’il le présente et l’applique en deux circonstances distinctes, règle le conflit des lois dans le temps. La loi la plus récente abroge la mesure antérieure. Cicéron évoque aussi ce principe, reconnu par toutes les législations anciennes ou modernes, mais ne l’attribue pas aux XII T. Voyons d’abord le rôle que joue ce verset dans les deux épisodes rapportés par l’historien. 2. – 1. Le rétablissement de la dualité consulaire patricienne en 355 Le conflit (source a) oppose d’une part le patriciat, soucieux de rétablir son monopole et, de l’autre, la plèbe qui venait, pour les élections de 366, de briser ce monopole et avait réussi à maintenir, pour les élections suivantes, le partage du consulat. Interprété rigoureusement, le conflit ne se situe pas, comme l’affirment les interprètes modernes (e.g. Di Porto [1981] 323-325 ; Albanese [1998-6] 34-36), entre une ‘loi’ (la soi-disant loi Licinio-Sextienne de 367) et un iussum populi réduit à l’élection de deux candidats au consulat, mais entre deux cas de iussum populi successifs, de même nature juridique (sinon de même portée politique). En 367, la réforme ‘constitutionnelle’ majeure a revêtu l’aspect le plus simple : le sénat a admis une candidature plébéienne et a ensuite accordé son auctoritas à l’élection du candidat plébéien (cf. Liv. 6.42.10 ; Humbert [1998] 222-224 = 662-664). D’une loi, il ne fut pas question (sauf dans l’imagination des Modernes). En 355, ce que prétend l’interroi patricien – ce qu’il obtient –, c’est tout simplement de revenir à ce monopole contesté et de réserver à deux patriciens la candidature au consulat. Dans l’esprit de cet interroi, ce qu’une élection, un iussum populi, avait pu faire en 367, une élection plus récente pourrait le défaire en 355. Et c’est effectivement ce qui s’est produit. Iussum populi et suffragia esse : cette affirmation, si l’on peut la prêter effectivement à l’interroi patricien, répond exactement – mieux sans doute que ne le pensait Tite-Live, qui, dans une approximation excusable pour un non spécialiste du droit public, n’hésite pas à qualifier (7.21.1) la réforme de 367 de ‘lex Licinia’ – au conflit ouvert en 355. L’accès de la plèbe au consulat en 367 ne dépassait pas la portée

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d’une simple élection populaire (pour laisser de côté sa signification politique, assurément immense). Elle pouvait (et a pu) être remise en cause par une élection successive, de même valeur juridique. 2. – 2. L’organisation de la censure Le principe ‘quod postremum’ reçoit une seconde illustration en 310 chez Tite-Live, lorsque le censeur Ap. Claudius tente (et réussit) de se maintenir en fonction au-delà des limites qu’aurait fixées une lex Aemilia (d’historicité douteuse : Siber [1936-2] 62 ; Id. [1951-2] 67 ; Magdelain [1968] 5-11), placée par Tite-Live en 434 (4.24.5-6). Ici, les deux adversaires, Ap. Claudius et le tribun opposant P. Sempronius, invoquent le même principe de l’autorité de la décision populaire la plus récente, mais pour des conclusions opposées. Ap. Claudius affirme que la loi limitatrice de 434 ne concernait, simple mesure de circonstance, que les censeurs alors en fonction. Elle ne pouvait affecter les censeurs qui se sont succédé par la suite, régulièrement élus par un iussum populi. Chaque élection, à chaque lustre, obéirait à sa propre loi : la décision populaire la plus récente l’emporte sur la plus ancienne. À cela, le tribun, évoquant dans le discours reconstitué que lui prête Tite-Live l’autorité des XII T., soutient une autre conception de la censure. Cette magistrature aurait été constituée par deux lois successives. La première (en 443, Liv. 4.8.5), sans limitation de durée ; la seconde (la lex Aemilia en 434), établissant définitivement la durée de dix-huit mois. La lex Aemilia, plus récente, s’imposerait et aurait de iure abrogé la loi plus ancienne. On retrouve ici le principe de la succession de deux lois contraires. Les arguments d’Ap. Claudius semblent tendancieux et constitutionnellement infondés – et c’est bien ce que Tite-Live veut faire sentir. Mais ce n’est pas sûr. La doctrine moderne a dénoncé, à juste titre, ces pseudo-lois d’organisation des magistratures, invention de l’annalistique de la fin de la République (Siber et Magdelain, cit.). Il n’y eut donc ni une loi constitutive de la censure en 443 (cf. Liv. 4.8.7), ni une loi postérieure constitutive de ses pouvoirs limités (en 434). Mais il y eut seulement des créations successives, à l’initiative du sénat, en tant qu’innovations, sources ensuite de précédents. Appius avait certainement raison de mettre l’accent sur le caractère créateur de chaque élection à la censure et de rejeter tout principe constituant obérant l’avenir, tant qu’une loi nouvelle n’aurait pas vu le jour. Mais, de son côté, P. Sempronius, défigurant en des lois fondatrices successives des mesures qui n’étaient que des précédents à valeur constituante, manquait de rigueur juridique, mais non de réalisme politique. Car, il est tout aussi certain que la décision du sénat de procéder à l’élection de censeurs en 444, puis de limiter leur pouvoir en 434 sans se lier par une charte constitutive, avait bien procédé à des innovations durables, une fois confirmées, solidifiées par un siècle et demi de pratique constitutionnelle.

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L’opposition des deux adversaires, on le voit, n’a rien d’un débat rhétorique, dont les éléments anachroniques auraient été inventés. Les arguments invoqués par Appius sont certes tendancieux, mais parfaitement acceptables si l’on se place dans une conception strictement légaliste, anachronique, mais techniquement irréprochable, des procédés de création de la censure (et des magistratures en général). Cette interprétation colle donc étroitement au sens que l’on peut attribuer au verset décemviral. Ce qui n’implique pas qu’il n’y ait pas d’obstacle à procéder à cette attribution. 3. – Les prises de position tranchées pour ou (surtout) contre l’attribution aux décemvirs 3. – 1. Arguments de forme et de fond contre l’authenticité du verset Kaser AJ 13 a dénoncé la redondance de l’expression ius ratumque : tautologique, car ratum n’ajouterait rien qui ne fût déjà dans ius, et peu conforme au style lapidaire décemviral, la tournure apparaîtrait au contraire fréquemment dans les lois tardo-républicaines (lex Rubria 1.20, 2.21 ; lex Urson.  I.4.15, III.1.12 ; ou chez Cicéron ad fam. 8.8.3 : décisions valides quand elles sont prises à la majorité des juges : quod eorum iudicum pars iudicarit, id ius ratumque esto). Mais on objectera qu’il n’y a pas de redondance. Ius et ratum ne s’identifient pas. La loi nouvelle, plus récente, est source de ius : elle est la norme qui engage le populus de qui émane le iussum (quel que soit son contenu : électoral, choix d’un candidat …). Quant à ratum, on écartera sûrement l’une des significations du terme, symétrique de iubere et marquant la reconnaissance a posteriori d’un acte. Ici le terme marque la validité, l’efficacité. La décision qu’exprime le peuple par son iussum novateur est valide, donc créatrice de ius. Il n’y a pas de redondance. Pour des raisons de fond, Biscardi (1971-1) a affirmé que le principe de l’abrogation automatique par la loi plus récente serait infirmé par les clauses d’impunité qui, dans les lois de la fin de la République, assurent l’impunité de ceux qui ‘par l’observation de la loi nouvelle auraient transgressé une loi plus ancienne’. Ce serait la preuve qu’il n’y avait pas d’abrogation automatique de la loi antérieure et que le verset serait une invention maladroite. Mais cette analyse de la clause d’impunité résulte d’un contresens : cf. Moreau (1988) 159-160. Elle ne peut être acceptée. Attaché à soutenir que les XII T. ne contenaient pas de dispositions sur le ius publicum, Guarino (1988) 95-99 a dénié toute historicité à ce verset ; il serait impossible qu’il remontât au-delà du IIe s., puisque la souveraineté populaire qu’il reconnaît serait anachronique. Mais l’objection est fondée sur une interprétation fautive de quodcumque postremum, compris comme ‘ce que le peuple a décidé définitivement,

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en dernier ressort’. Postremum ne peut avoir cette valeur, mais signifie ‘ce que le peuple a décidé le plus récemment’, comme l’a démontré Badian (1996) 211. Postremum équivaut au proxime que l’on retrouve avec le même sens et la même préoccupation dans la lex Irnitana (c. 91) : Ferrary (1998) 153 n. 11 = 377 n. 11. C’est encore en dénonçant une souveraineté populaire usurpée que Magdelain, avec insistance, (1969) 286 = 339 ; Id. (1978) 77 ; Id. (1986) 65-66 ; Id. (1987-2) 16 ; Id. (1995) 80, 106-107, a rejeté l’attribution aux XII T. Mais là encore, la non-authenticité du verset résulte de sa dénaturation. Car, il est inexact d’affirmer que le iussum populi exprime en soi une souveraineté quelconque du populus. Il n’est même pas question de lex : ni le texte prêté au code par Tite-Live, ni l’interprétation qu’il en donne ne reconnaît au populus l’élaboration souveraine de la lex, source de ius. Le terme iussum, neutre, se réfère à l’activité du peuple et laisse de côté l’intervention respective d’autres organes, sénat et magistrats. À la suite de Guarino et de Magdelain, Ferrary (1998) 159 = 385 n. 41 : ‘manifestement anachronique’. 3. – 2. Les partisans de l’authenticité Ils n’ont pas manqué, mais avec des arguments non décisifs. Pour Rabello (1979) 83 s., la loi des XII T. aurait proclamé l’intangibilité de ses dispositions en posant que seul le peuple aurait le pouvoir de défaire ce que le peuple avait voulu. Mais cette lecture ne correspond pas au sens précis du ‘verset’ et implique, en outre, que le code aurait reçu la consécration d’une ratification populaire, nullement prouvée. Pour Serrao (1977) 32 s. ; Id. (1981) 426 s. ; Id. (1997) 294-300, le verset exprimerait la reconnaissance du pouvoir législatif du peuple (ce qui est inexact). Différemment, mais plus fidèle au sens de la norme, Bretone (1987) 81-82 ; Behrends (1987) 94 s. ont pensé que les décemvirs ont voulu réserver l’avenir et reconnaître la non-pérennité de leur œuvre : ils auraient ouvert la voie à des retouches à venir (cf.  infra). La tentative de La Rosa (1994) 25 s. pour rattacher la norme prêtée aux XII T. à la juridiction criminelle du peuple a été justement critiquée par Albanese (1989) 35 s. Enfin, Albanese (1989) 29-35 ; Id. (1998-6), mais dont la position a consisté essentiellement, mais utilement, à réfuter les arguments invoqués contre l’authenticité. Autre hypothèse de la part de Cascione (2008) : verset inséré par les décemvirs de la seconde vague pour se maintenir au pouvoir. 4. – Conclusion 4. – 1. L’attribution du verset à une période récente n’est pas démontrée. L’état même de la législation républicaine tardive, marquée par un profond désordre, par des lois généralement non datées, par la nécessité

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de reprendre des morceaux entiers de lois antérieures dont on ne veut pas l’abrogation (alors qu’il n’y avait ni conflit, ni contradiction), ou, au contraire, par l’abrogation explicite de mesures antérieures contraires à la législation nouvelle (sur ce désordre et sur les imperfections de la technique législative aux deux derniers siècles de la République, v. fondamentalement Ferrary [1998] 155, 158-159 = 380, 384-385) rend invraisemblables, aussi bien la découverte tardive de ce principe de bon sens, que son affirmation en l’affublant de l’autorité des XII T. La technique législative tardive ne semble pas s’être souciée d’établir une hiérarchie des normes par leur date de promulgation, mais elle n’ignore pas le principe de la supériorité de la loi plus récente : cf. Rhet. Her. 2.15 (source c) ; Cic. inv. 2.144 (source d) ; Balb. 33 (source e : le conflit naît lorsque deux décisions populaires de même nature se succèdent et se contredisent ; le problème ne se pose pas entre un traité international et une loi postérieure) ; Gai. 3.122. Le principe de la postériorité est admis par tous ces témoignages sans aucune référence aux XII T. L’hypothèse d’une découverte récente et d’une attribution aux XII T. dans une préoccupation de justification tardive n’est pas fondée. 4. – 2. L’utilisation, chez Tite-Live, de la règle attribuée aux XII T. reflète une application rigoureuse et cohérente de ce principe au IVe s. et qui ne soulève pas d’obstacle de principe contre une datation remontant à cette époque. Les objections traditionnellement invoquées, notamment celles soulignant l’anachronisme d’une souveraineté populaire au Ve s. sont, on l’a vu, sans consistance. Tite-Live n’identifie pas lex et iussum populi. Le verset lui-même n’affirme pas que le iussum populi est créateur de ius, mais, ce qui est tout différent, que le iussum populi crée les conditions d’un pouvoir (celui du magistrat) qui s’exercera iure. Cette analyse est irréprochable et vaut pour toutes les décisions populaires (élection, attribution d’un triomphe, engagement d’une opération militaire). Ces décisions populaires garantissent la légitimité du pouvoir accordé par le iussum. Voir ici, décisif, Bleicken (1975) 91, 233. Telle qu’elle est rapportée par Tite-Live, la norme attribuée aux XII T. ne tranche pas la question de savoir si la lex est source de ius ou peut contrevenir au ius. Sur cette question, âprement discutée à la fin de la République, v. Pugliese (1948) 82. 4. – 3. Mais doit-on, sous la forme que lui donne Tite-Live et avec le sens qu’il lui reconnaît, insérer ce verset dans le code décemviral ? Prise en l’état, au pied de la lettre, la prescription exprimerait de la part des décemvirs un extraordinaire aveu d’humilité ou d’impuissance, dans la conviction que l’avenir méritera de corriger et compléter leur œuvre. Les décemvirs auraient admis par avance les limites de leur code et fait solennellement appel à des rajeunis-

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sements, dont ils auraient voulu reconnaître par avance l’autorité. Cette lecture, la seule possible, n’est pas vraisemblable. Ce serait bien la première fois qu’un législateur ne serait pas convaincu qu’il a légiféré pour l’éternité et n’affirmerait pas que son code mérite de passer intact à la postérité. Tite-Live aurait-il déformé, pour lui donner le sens qu’il a pris alors, un verset d’une autre signification ? La question reste ouverte.

FRAGMENTS NON ATTRIBUÉS À UNE TABLE PRÉCISE (DITS ‘DE PLACE INCERTAINE’)

Fragm. 1 –  : Festus v° Nancitor 166 L : NANCITOR in XII. nactus erit, praenderit. Item in foedere Latino : ‘pecuniam quis nancitor, habeto’ et : ‘si quid pignoris nanciscitur, sibi habeto’.  : Nancitor, dans les XII Tables, signifie ‘il aura pris’ (nactus erit), ou ‘il aura saisi’ (praenderit). On trouve ce même terme employé dans le traité romano-latin (le foedus Cassianum de 493) : ‘que celui qui aura saisi la pecunia la conserve’ et encore : ‘s’il a saisi un bien à titre de gage, qu’il en soit maître’. Source complémentaire Festus v° Rena 346 L : Rena .... [Verrius ?] nificare ait rep dicimus nanciscitur et reconstitué à l’aide des Pauli excerpta, v° Renancitur 347 L : Renancitur significat reprehenderit. Unde adhuc nos dicimus nanciscitur et nactus, id est adeptus. [« Renancitur signifie ‘il aura repris’. D’où les termes actuels par lesquels nous disons qu’il prend et a obtenu, c’est-à-dire qu’il a acquis »]. Commentaire Il porte sur deux points distincts : la forme et le sens de nancitor d’une part, son lien éventuel avec une disposition connue des XII T., de l’autre. 1. Schöll 88 a rapproché la forme nancitor du mot arduuitur (XII T. 10.7) et y a vu deux formes très archaïques d’un futur antérieur passif. Il a donc, à juste titre, rejeté les interprétations antérieures, notamment de Godefroy et de Dirksen 360-361, qui avaient vu dans nancitor un impératif actif, équivalent à habeto et avaient, sur cette base inexacte, proposé de reconstituer le verset 5.5 ‘gentilis familiam nancitor’ à la place de ‘gentiles familiam habento’ attesté par les œuvres juridiques. Il est sûr que nancitor n’est pas un impératif. Mais faut-il y voir, avec

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Schöll, un futur (antérieur) ou, avec Mommsen (1860) 464, un présent (en partant de l’idée que la loi ignorerait l’usage du futur) ? Il nous semble que le rejet, par Schöll 88-89, de la position de Mommsen est justifié ; car les quatre exemples d’emploi du terme donnés par Festus (nancitor – ou nancitur - et renancitur) confirment la valeur de futur de la forme verbale. V. encore Walde-Hofmann, LEW3, II, v° nancio 141-142 ; Ernout–Meillet, Dict. Etym.4, v° nancior, nancio, 428429. Les formes nancitor, nanxitor, nancitor ont eu leurs défenseurs. Pour la seconde, Müller (éd. de Festus) : contra Mommsen cit. ; pour la troisième, Radke (1981) 134 ; pour la première, Schöll cit. 2. Deux rapprochements ont été tentés pour le témoignage de Festus. Si le premier (avec attribution de nancitor à 5.5) est impossible et inutile (habere avec un sens possessif est bien attesté), il reste possible de supposer qu’il existât un lien entre le mot nancitor et le verset 12.1 relatif à la pignoris capio (ainsi Bruns, mais sans les précautions nécessaires). Il faut toutefois reconnaître que rien ne prouve que l’emploi décemviral de nancitor avait un lien quelconque avec la prise d’un gage, que Festus place dans le foedus Cassianum et non dans la loi des XII T. Festus, de fait, atteste la présence du même mot nancitor dans deux contextes différents : comme un effet de la pignoris capio entre les citoyens des cités unies par le traité romano-latin d’une part, et, de l’autre, son emploi dans les XII T, sans autre précision. Ainsi, justement, Dirksen 360-361, critiquant les auteurs anciens qui avaient rattaché le lemme de Festus au verset relatif à la pignoris capio décemvirale. Mais rien n’interdit de supposer, à titre de simple hypothèse, que l’emploi du verbe nancitor se rapporterait dans les deux cas, celui des XII T. et celui du foedus Cassianum, à l’acquisition définitive d’un bien régulièrement saisi par un créancier gagiste. Fragm. 2  –  : Festus v° Quando 310 L : nuntiatur, significat […]. In XII quidem cum c littera ultima scribitur , idemque significat. Voir également le lemme plus complet des Pauli excerpta 311 L : Quando cum gravi voce pronuntiatur, significat idem quod, quoniam, et est coniunctio ; quando acuto accentu, tunc est temporis adverbium.  : Quando, prononcé avec un accent grave, est une conjonction et signifie ‘parce que’, ‘étant donné que’ ; avec un accent aigu, il est un adverbe de temps. [...] Dans les XII T., quando s’écrit avec un ‘c’ et sa signification reste la même. Cf. XII T. 6.9.

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Fragm. 3  –  : Festus v° Sub vos placo 402 L : Sub vos placo, in precibus fere cum dicitur, significat id, quod ‘supplico’, ut in legibus : ‘TRANSQVE DATO’, et ‘ENDOQVE PLORATO’.  : Lorsque dans les supplications rituelles on dit sub vos placo, cela équivaut à supplico (‘je vous supplie’). De même, dans les lois, transque dato et endoque plorato (équivalent à tradito et enplorato : ‘qu’il livre’ et ‘qu’il implore’). Cf. Festus v° 480 L, selon la restitution vraisemblable de Müller 352 : vit Aelius in XII signi ; Schöll 28-30. Voir encore Festus v° Ob vos sacro 206 L : Ob vos sacro, in quibusdam precationibus est, pro vos obsecro, ut sub vos placo, pro supplico. Commentaire Si l’emploi de endo plorato  est confirmé pour 8.13, il n’en est pas de même pour trans dato ou transque dato : les occurrences de tradere (7.11 : res traditae ; 9.5 qui civem hosti tradiderit) sont des transpositions ou le produit de paraphrases récentes, sans prétention à l’authenticité. Le verset (ou les versets) utilisant la forme transque dato avec la valeur du plus récent tradito ne nous est pas parvenu. Autres formes verbales avec préfixe séparé : endo iacito (1.2), venum duuit (2.2).

Fragm. 4 –  : Donatus Commentum Terenti, Eunuchum 515 (éd. Wessner I, Leipzig 1902, 383) : Aux vers : Iam tum erat suspicio / Dolo malo haec fieri omnia, Donat précise : ‘DOLO MALO’. Quod autem addidit ‘malo’ aut ἀρχαϊσμός est, quia sic in duodecim tabulis a veteribus scriptum est, aut ἐπίθετον doli est perpetuum.  : Le dol est qualifié de ‘mauvais’, ou bien par archaïsme, comme on le trouve écrit de la main des Anciens dans la loi des XII T., ou bien parce que l’adjectif ‘mauvais’ qualifie toujours le dol. Voir XII T. 8.20 ; 8.24.

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Fragm. 5 –  : Cicero De re publica 2.54 : Itemque ab omni iudicio poenaque provocari licere indicant XII tabulae compluribus legibus.  : De même, plusieurs lois des XII Tables révèlent qu’il était permis de faire appel au peuple contre tout jugement et contre toute peine. Voir XII T. 9.2, Commentaire 2.1.1. Fragm. 6 –  : Cicero De officiis 3.111 : Nullum enim vinculum ad adstringendam fidem iure iurando maiores artius esse voluerunt. Id indicant leges in XII tabulis, indicant sacratae, indicant foedera […], indicant notiones animadversionesque censorum, qui nulla de re diligentius quam de iure iurando iudicabant.  : Les Anciens ont voulu qu’il n’y eût pas de lien plus efficace que le serment pour contraindre à respecter la parole donnée. C’est ce que prouvent les lois des XII T., c’est ce que prouvent les lois sacrées, ainsi que les traités, c’est ce que prouvent encore les enquêtes et les blâmes des censeurs, qui ne jugeaient rien avec plus d’attention que les serments. L’allusion aux XII T. est substantiellement confirmée par : 2.1 b ; 8.21, Commentaire 4 ; 8.22, Commentaire 3.4 ; 8.23, Commentaire 2 ; 9.3, Commentaire 1. Fragm. 7 –  : Augustinus De civitate dei 21.11 : Octo genera poenarum in legibus esse scribit Tullius : damnum, vincula, verbera, talionem, ignominiam, exilium, mortem, servitutem. Idem Isidorus Orig. 5.27.  : Cicéron écrit que l’on trouve dans les lois (des XII T. ?) huit types de peines : la peine du damnum, les fers, les verges, le talion, l’infamie, l’exil, la mort, la servitude. Ce que confirme Isidore, dans ses Origines 5.27. Commentaire Ce témoignage, qui n’a pas été retenu par Bruns, est considéré comme non douteux par Schöll 164 ; il est repris par FIRA. Si

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l’on doit considérer que les leges, ici, se réfèrent exclusivement aux XII T., il faut reconnaître que si les peines du damnum (8.9 ; 8.15 ; 8.16 ; 8.20 ; 12.3), des vincula (3.3-5), des verbera (8.9 ; 8.10 ; 8.14), du talion (8.2) ; de l’ignominia (transposition libre de la déchéance du condamné inprobus intestabilisque : 8.22) ; de la mort (passim) ; de la servitude (3.5) sont confirmées, il n’en est pas de même pour l’exilium. On remarquera, en outre, que la liste, si elle devait concerner spécifiquement les XII T., serait incomplète. Il serait, certes, tout à fait exact de ne pas y avoir inclus les hypothèses (nombreuses), où la condamnation tend à réparer l’appauvrissement causé par l’auteur du dommage (notion de noxiam sarcire ou de noxae dedere : 8.5 ; 8.6 ; 8.10 ; 8.14 ; 12.2), car il ne s’agit pas de peines. Mais il serait difficile d’expliquer pourquoi les cas précisément qualifiés de poena par la loi (condamnation à une peine fixe déterminée par la loi : 8.3 ; 8.4 ; 8.11) ne sont pas spécialement identifiés et n’ont pas constitué un genus poenarum spécifique. Remarquons que Cicéron donne d’autres listes de ces châtiments prononcés par des ‘leges’ non autrement définies (qui englobent les XII Tables, mais les dépassent  par leur généralité : de orat. 193-195), notamment contre ceux qui rompent le lien social : off. 3.23 (Quam (civium coniunctionem) qui dirimunt, eos morte, exsilio, vinclis, damno coercent) ; de orat. 1.194 (vitia hominum atque fraudes damnis, ignominis, vinclis, verberibus, exiliis, morte multantur). Il est donc difficile d’établir un lien précis avec la législation décemvirale. Nous n’attribuerons donc pas aux XII T. cette référence, car trop générale et approximative, aux divers types de sanctions légales.

Fragm. 8  –  : Gaius Institutiones 1.122 : Ideo autem AES et libra adhibetur, quia olim aereis tantum nummis utebantur, et erant asses, dupondii, semisses et quadrantes, nec ullus aureus vel argenteus nummus in usu erat, sicut ex lege XII tabularum intellegere possumus.  : La raison pour laquelle on se servit du bronze et de la balance est qu’à l’époque ancienne on n’utilisait que des monnaies de bronze ; as, double-as, demi-as, quart-d’as ; aucun monnayage d’or ou d’argent n’était en usage, comme nous pouvons le comprendre de la loi des XII T. Cf. XII T. 2.1 a ; 8.11. Cf. Schöll Praef. VIII-IX.

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Fragm. 9  –  : Gaius libro quinto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.237 : Duobus negativis verbis quasi permittit lex magis quam prohibuit : idque etiam Servius animadvertit.  : Lorsqu’elle recourt à une double négation, la loi permet plutôt qu’elle n’interdit. Servius lui-même en a fait la remarque. Rapprochement possible (mais non exclusif) avec XII T. 9.2 : de capite civis nisi per maximum comitiatum ne ferunto. Fragm. 10 –  : Gaius libro sexto ad legem duodecim tabularum D. 50.16.238.1 : ‘Detestatum’ est testatione denuntiatum.  :  [DETESTARI ?], c’est procéder à une notification à l’aide de témoins (en guise de renonciation ? En l’absence de l‘intéressé  - Paul. D. 50.16.39.2 - ?). Considéré comme douteux par Schöll 164. Pas de rapprochement possible avec un verset connu de la loi. Fragm. 11  –  : Sidonius Apollinaris Epistulae 8.6.7 : Per ipsum fere tempus, ut decemviraliter loquar, lex de praescriptione tricennii fuerat ‘[PROQVIRITATA ?]’.  : À peu près à la même époque, pour le dire comme les XII T., la loi sur la prescription de trois ans a été bruyamment contestée. Témoignage douteux pour Schöll 164, et sans identification possible. Jeu de mots à partir d’un sens archaïque indéchiffrable ? Fragm. 12  – : Glossa lexici Philoxeniani : Duicensus διταβ. (pour XII tabulis selon la correction de B. Vulcanius 1538-1614) δεύτερον ἀπογεγραμμένος.

FRAGMENTS NON ATTRIBUÉS À UNE TABLE PRÉCISE

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–  : Festus (Pauli exc.) v° Duicensus 58 L : Duicensus dicebatur cum altero, id est cum filio census.  : Duicensus (dans les XII T. ?) qualifie celui qui fait l’objet d’une double inscription sur les registres du cens. On appelait duicensus celui qui était recensé avec un autre, c’est-à-dire avec son fils. Témoignage isolé, sans rattachement possible, suggéré avec réserve (fortasse addendum) par Bruns 39 n. 1. Maintenu par FIRA. Sur cette glose, Max Cohn, ‘Ein Wort’ zu den 12 Tafeln, in ZSS 2 (1881) 111-115.

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INDEX index des mots et expressions employés par les xii tables

N.B. L’emploi (mots ou références) de crochets < > indique qu’il s’agit d’une reconstitution, vraisemblable mais non absolument sûre.

a : IV.2 b acerra : X.6 addico : I.8 litem addicito : I.8 addo : X.8 adoro : VIII.16 si adorat furto : VIII.16 adsiduus : I.4 adversus : VI.4 aedes : VI.8 ; VIII.8 ; X. 9 aes : III.1 ; fragm. 8 aeternus : VI.4 aeterna auctoritas : VI.4 ; aevitas : I.3 ager :  ;  ; adgnatus : V.4 ; V.5 ; V.7 ; ago : VII.7 alienus  : VIII.8 ;  ;  ;  ;  ; alter : VIII.4 altius : VII.9 ambitus : VII.1 ambitus parietis : VII.1 ambo : I.7 ; I.9 anfractum : ante : I.7 antestor : I.1 aqua : VII.8 aqua arcenda : si aqua pluvia nocet : VII.8 arbiter : II.2 ; VII.5 ; XII.3 ; praetor arbitros tris dato  : XII.3 ;

arbitritres fines  : VII.5 arbitratus : VIII.9 arbitrium : XII.3

arbor : VII.9 ;  ; arcera : I.3 aries : VIII.24 arietem  : VIII.24 ascea : X.2 ast : V.7 ; X.8 ;  ; at : auctoritas : VI.3 ; VI.4 usus auctoritas fundi : VI.3 aeterna auctoritas : VI.4 aurum : X.8 ; X.8 aut : I.6 ; II.2 ; III.3 ; III.3 ; III.3 biennium : VI.3 caedo : VIII.12 calvor : I.2 capio : I.1 caput : IX.2 a carmen : VIII.1 si carmen incantassit : VIII.I si carmen condissit : VIII.1 causa : I.7 causam coiciunto : I.7 centumquinquaginta : VIII.3 circumpotatio : X.6 cito : IV.1 civis : I.4 ; IX.2 a cliens : VIII.21 comitiatus : IX.2 a per maximum comitiatum : IX.2 a comitium : I.6 compes : III.3 concapes : e concapi : condico :

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INDEX DES MOTS EMPLOYÉS PAR LES XII TABLES

condictus dies cum hoste : condo : VIII.1 si carmen condissit : VIII.1 confiteor : III.1 aes confessum : III.1 conicio : I.7 causam coiciunto : I.7 consero : VI.6 si in iure manum conserunt : VI.6 conubium : corona : X.6 ; X.7 cum : II.2 ; VI.1 ; VIII.2 ; X.8 custos : V.7 ast ei custos nec escit : V.7 damnum : XII.3 duplione damnum decidere  : XII.3 ;  ;  ; de : IX.2 a decido : XII.3 ;   defendo : VIII.13 si se telo defendit : VIII.13 deinde : III.2 delapido : VII.7 demo : VI.9 donec dempta erunt : VI.9 dens : X.8 cui auro dentes vincti esunt : X.8 desum : III.3 detestor (?) : fragm. 10 dies : II.2 ; II.2 ; II.3 ; III.1 ; III.4 diffindo : II.2 diffissus dies : II.2 ; duitur) : I.3  ; III 4  ; III.4  ; do (dato  X.7 ; XII.3 dolus malus : fragm. 4 ; domus (domi) : domi forisve : donec : VI.9 duco : III.2 ; III.3 duicensus ( ?) : fragm. 12 dupli damnas esto : duplio  : VIII.9 ; XII.3 ;  ;

duplione damnum decidere  : XII.3 ;  ;  ; e : VI.8 endo : I.2 ; III.3 ; III.4 ; VIII.13

endo ploro : VIII.13 ; fragm. 3 eo (ito) : I.1 ; II.3 erctum : ergo : X.4 ; X.7 ex : V.8 excanto : VIII.8 qui fruges excantassit : VIII.8 facio  : III.3 ; VI.1 ; VIII.1 ; VIII.4 ; VIII.6 ; VIII.12 ; VIII.21 ; X.2 ; X.5 ; XII.2 ni iudicatum facit : III.3 cum nexum faciet mancipiumque : VI.1 malum venenum fecerit : infamiam flagitiumve fecerit : VIII.1 si iniuria alteri faxsit : VIII.4 si quadrupes pauperiem faxsit : VIII.6 si nox furtum faxsit : VIII.12 si clienti fraudem fecerit : VIII.21 hoc plus ne facito : X.2 ne … quo post funus faciat : X.5 si servus furtum faxsit : XII.2 falsus : XII.3 familia : V.4 ; V.5 ; V.8 ; V.8 ; adgnatus proximus familiam habeto : V.4 gentiles familiam  : V.5 ex ea familia in eam familiam : V.8 in eo familiamque eius potestas esto :

far : III.4 fateor : fero : IX.2 a ; XII.3 filius : IV.2 a ; IV.2 b fines : VII.5 flagitium : VIII.1 Forti : I.5 foris : X.7 forum : I.6 frango : VIII.3 fraus  : III.6 ; VIII.21. ; X.7 ; X.8 ;

se fraude esto : III.6 ; X.7 ; X.8 fructus : XII.3 fruges : VIII.8 fugio : VIII.24 fundus : VI.3 funus : X.4 ; X.5 furiosus : V.7

INDEX DES MOTS EMPLOYÉS PAR LES XII TABLES

fur : furtim : VIII.9 furtum : VIII.12 ; VIII.16 ; XII.2 si nox furtum faxsit : VIII.12 si adorat furto : VIII.16 si servus furtum faxsit : XII.2 fustis : VIII.3 gena : X.4 gentilis : V.5 ; V.7 gentilium potestas : V.7 glans : VII.10 ; VIII.7 habeo : III.4 ; V.4 ; X.4 ;  ; qui eum vinctum habebit : III.4 familiam habeto : V.4 ; res suas (uxoris) habere : ne lessum funeris ergo habento : X.4 heredium : VII.3 heres : V.4 cui suus heres nec escit : V.4 hic : II.2 ; X.2 homo : X.1 ; X.5 ; homo mortuus : X.1 ; X.5 honor : hortus : VII.3 hostis : II.2 ; VI.4 iacio : I.2 ; VIII.24 manum endo iacito : I.2 igitur : I.1 ille : X.8 in : accus. : I.1 ; III.2 ; V.8 ; abl. : I.6 ; I.6 ; I.7 ; III.3 ; V.7 ; VI.6 ; X.1 incanto : VIII.1 qui malum carmen incantassit : VIII.1 indo, are : X.6 ne mortuo indatur : X.6 infamia : VIII.1 infitias ire : iniectio : III.2 iniuria : VIII.4 si iniuria alteri faxsit : VIII.4 inpono : X.7 inprobus : VIII.22 inpubes : VIII.9 insignitus : IV.1 intestabilis : VIII.22 intestatus : V.4

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ipse : X.7 is (ea, ei, eius, en, em, eo, eum, im) : I.1 ; II.2 ; II.3 ; III.3 ; III.4 ; V.7 ; V.7 ; V.7 ; V.8 ; VIII.2 ; VIII.12 ; X.7 ; X.7 ; X.8 ; XII.3 ita : V.3 ; VI.1 iudex : II.2 ; iudico : III.1 ; III.3 iungo : VI.8 iumentum : I.3 ; VII.7 qua volet iumenta agito : VII.7 iurgo : VII.5 ius  : I.1 ; III.1 ; III.2 ; III.3 ; V.3 ; VI.1 ; VI 6 ; VIII.12 si in ius vocat : I.1 in ius ducito : III.2 in iure : III.3 ; VI.6 ita ius esto : V.3 ; VI.1 iure caesus esto : VIII.12 res iure iudicatae : III.1 iustus : III.1 lanx : VIII.15 lessus : X.4 lego, are : V.3 uti legassit suae rei : V.3 lego, ere : X.5 liber : IV.2 b ; VIII.3 a patre filius liber esto : IV.2 b si os fregit libero : VIII.3 libertas : VI.6 secundum libertatem vindicias dato : VI.6 libra : III.4 licium : VIII.15 lingua : VI.1 uti lingua nuncupassit : VI.1 lis : I.8 longus : X.6 lux : VIII.13 magis : VIII.24 maior : III.3 malus : VIII.1 malum carmen : VIII.1 malum venenum : VIII.1 (VIII.25) mancipium : VI.1 ; manifestus : VIII.16 quod nec manifestum erit : VIII.16

910

INDEX DES MOTS EMPLOYÉS PAR LES XII TABLES

manus : I.2 ; III.2 ; VI.6 ; VIII.3 ; VIII.24 manum endo iacito : I.2 manu fustive : VIII.3 maximus : IX.2 a membrum : VIII.2 mens : meridies : I.7 ; I.8 minor : III.3 minus : III.6 morbus : I.3 ; II.2 morior : V.4 mortuus : X.1 ; X.5 ; X.6 ; X.7 mulier : X.4 ; munio : VII.7 vias muniunto : VII.7 murratus : X.6 nanciscor : fragm. 1 ne : I.3 ; III.3 ; V.4 ; V.5 ; V.7 ; VI.8 ; IX.2 a ; X.1 ; X.2 ; X.4 ; X.5 ; X.6 ; X.6 ; X.8  nec : VIII.16 neco,are : IV.1 nervus : III.3 neve : VIII.8 ; X.1 nexum : I.5 ; VI.1 ni  : I.1 ; I.6 ; III.3 ; III.4 ; VII.7 ; VIII.2 ; VIII.22 nisi : IX.2 a de capite civis nisi … ne ferunto : IX.2 a noceo : VII.8 ; XII.2 si aqua pluvia nocet : VII.8 nolo : I.3 nomen : (?) nox (adv.) : VIII.12 noxa : VIII.6 noxae dedere : VIII.6 ; noxia : VIII.6 ; VIII.10 ; XII.2 noxiam sarcire : VIII.10 ; si servus … noxiamve noxit : XII.2 nuncupo : VI.1 uti lingua nuncupassit : VI.1 nundinae : III.6 ob : II.3 obvagulo : II.3 obvagulatum ito : II.3 occido : I.9 ; IV.2 a ; VIII.12 sol occasus : I.9 occento : VIII.1

si quis carmen occentavisset : VIII.1 oro : I.6 rem orato : I.6 os, ossis : VIII.3 ; X.5 octo : VII.6 paco, ere (paciscor, pango)  : I.6 ; VIII.2 ;

ubi pacunt … ni pacunt : I.6 ni cum eo pacit : VIII.2 parens : X.7 ei parentique eius mortuo : X.7 paries : VII.1 paro, are : X.7 parricidium : IX.4 pars : III.6 pater : IV.2 a ; IV.2 b si pater filium occiderit : IV.2 a si pater ter filium venum duit : IV.2 b patronus : VIII.21 patronus si clienti fraudem fecerit : VIII.21 patres : pauperies : VIII.6 pecunia : X.7 ipse pecuniave eius : X.7 pelliceo : VIII.8 neve alienam segetem pellexerit : VIII.8 per : IX.2 a perendinus (dies) : II.3 peroro : I.7 pes  : I.2 ; VII.1 ; VII.4 ; VII.6 ; VII.9 ;

plebs : plus : III.4 ; III.6 ; X.2 hoc plus ne facito : X.2 pluvia : VIII.8 pignus : poena : VIII.3 ; VIII.4 centum quinquaginta poenae sunto : VIII.3 polio : X.2 pondo : III 3 porrectum : portus : II.3 post : I.8 ; III.2 ; X.5 potestas : V.7 adgnatum potestas in eo eius : V.7

INDEX DES MOTS EMPLOYÉS PAR LES XII TABLES

potio : X.6 praesens : I.7 ; I.9 ; I.8 tor : XII.3 pro : prodigus : proletarius : I.4  : fragm. 11 proximus : V.4 puer : IV.1 qua : VII.7 quadrupes : VIII.6 quaestor : IX.4 quaestores parricidii : IX.4 quandoc : VI.9 ; fragm. 2 -que : III.1 ; VI.1 ; VIII.13 ; VIII.22 ; X 7 quam : VIII.24 qui  : II.3 ; III.4 ; V.4 ; VIII.1 ; VIII.8 ; VIII.22 ; X.7 ; X 8 ; X.8 quid : II.2 quindecim : III.3 ; quis : I.4 ; III.3 ; VIII.1 quo : X.5 quod : VIII.1 ; VIII.16 rado : X.4 res  : I.6 ; III.1 ; V.3 ;  ;  ;

res iudicatae : III.1 res sua : V.3 res mulieris : res mancipi : rei (et) fructus duplio : respersio : X.6 reus : II.2 ricinium : X.3 rogus : X.2 rumpo : VIII.2 rupitia : VIII.5 sacramentum : sacer : VIII.21 sam (=eam) : VII.7 Sanati : I.5 sarcio : VIII.5 sarpio : VI.9 se (réfléchi) : VIII.13 ; VIII.22 se (prép. =sine) : III.6 ; X.7 ; X.8 seco : III.6 ; III.6

911

secum : III.3 secundum : VI.6 seges : VIII.8 sepelio : X.1 ; X.8 servilis : X.6 servus : VIII.3 ; XII.2 sestertius : VII.1 solvo : VI.8 sonticus : II.2 sponsio (ex sponsione) : si  : I.1 ; I.2 ; I.3 ; I.3 ; I.9 ; II.2 ; III.3 ; III.4 ; III.4 ; III.6 ; IV.2 b ; V.4 ; V.5 ; V.7 ; VI.6 ; VII.5 ; VII.8 ; VIII.1 ; VIII.2 ; VIII.3 ; VIII.4 ; VIII.12 ; VIII.13 ; VIII.16 ; VIII.21 ; VIII.24 ; XII.2 ; XII.3 sive : VIII.1 sol : I.9 status : II.2 sterno : I.3 stlis : struo : I.2 subicio : subvades : I.10 sum : erit, erunt : VIII.16 ; VIII.9 sum : escit : I.3 ; V.4 ; V.5 ; V.7 ; V.7 ; X.8 sum : esto  : I.4 ; I.4 ; I.9 ; II.2 ; III.2 ; III.6 ; IV.2 b ; V.3 ; V.7 ; VI.1 ; VI.3 ; VI.3 ; VI.4 ; VIII.2 ; VIII.12 ; VIII.21 ; VIII.22 ; X.7 ; X.8 ;  ;  ; VII.1> ; sum : esunt : X.8 sum : fuit : II.2 sum : sierit : VIII.22 sum : sunto  : III.1 ; VIII.3 ; VIII.4 ;  ;  ; supremus : I.9 suus : III.4 ; III.4 ; V.3 ; V.4 ; X.7 talio : VIII.2 telum : VIII.13 ; VIII.24 si telum manu fugit magis quam iecit : VIII.24 tempestas : I.9 ter : IV.2 b tertius : II.3 ; III.6 testimonium : II.3 ; VIII.22 cui testimonium defuerit : II.3 ni testimonium  : VIII.22 testor : VIII.22

912

INDEX DES MOTS EMPLOYÉS PAR LES XII TABLES

qui se sierit testarier : VIII.22 tignum : VI.8 tignum iunctum aedibus : VI.8 trans do : fragm. 3 trecenti : VIII.3 tres : VII.5 triginta : III.1 trinoctium : VI.5 tris : XII.3 tugurium : tum : I.7 tutela :  ; V.6 tutor : ubi : I.6 unctura : X.6 urbs : X.1 uro : X.1 ; X.8 usurpo : VI.5 usurpandi causa : VI.5 usurpata  : VI.5 usurpatum eo : VI.5 usu capere : usus  : VI.3 ; VI.3 ; VII.4 ;  ;  ; usus capio  : VII.4 ;  ;  ;

usus auctoritas fundi : VI.3 annuus usus esto : intra quinque pedes usus capio nec esto : VII.4 ; vades : I.10 -ve  : I.2 ; I.3 ; II.2 ; III.6 ; VIII.1 ; VIII.3 ; X.1 ; X.4 ; X.7 ; X.8 ; X.8 ; XII.2 venenum : VIII.1 (= VIII.25) venum do : IV.2 b via : VII.6 ; VII.7 vigintiquinque : VIII.4 vincio : III.3 ; III.3 ; III.4 ; X.8 vindex : I.4 vindicia : XII.3 si vindiciam falsam tulit : XII.3 vindiciae : secundum libertatem vindicias dato :

vindico : III.3 vinea : VI.8 virtus : X.7 virtutisve suae ergo : X.7 vivo : III.4 ; III.4 suo vivito ; ni suo vivit : III.4 voco : I.1 volo : I.4 ; III.3 ; III.4 ; III.4 ; VII.7

index des sources

Sources littéraires Pseudo-Acron Scholia in Horatium (ed. Keller 1902) Epistulae 2.1.154 : 406 Saturae (Sermones) 1.1.11 : 95 1.9 : 62 2.1.79 : 116 2.1.86 : 406 2.3.181 : 620 Afranius (ap. Non. Marcellus 409 L) : Scenicae Materterae (éd. Ribbeck) 216 : 93

Agennius gromaticus De controversiis agrorum ­­ 66.19 : 328 Ambrosius De Tobia 10.36 : 129 Ammianus Marcellinus 16.5 : 724 30.5.16 : 424 Appianus Bella civilia 1.54 (232-236) : 576 Apuleius Apologia

INDEX DES SOURCES

913

2.2 : 429 9.1 : 429 25.5 : 429 26.6-9 : 429 30.10 : 429 41.5 : 429 42.2-3 : 429 43 : 423 47 : 478 47.3 : 429 48.1 : 429 59.4 : 412, 429 67.3 : 429 71.1 : 429 84 : 409 84.1 : 429 84.3 : 412, 429 90.1 : 429 91.4 : 412, 429 102.1 : 429

Augustinus De civitate Dei 1.19 : 5, 37, 703 2.9 : 404 2.12-14 : 407, 416 2.16.1 : 724 8.19 : 478 21.11 : 844 De libero arbitrio 1.4.9 : 637 Quaestiones in Heptateuchum 2.84 : 515

Metamorphoses 1.9 : 425 1.14-15 : 425 1.20 : 423 2.5 : 425 5.26 : 163

Cassius Dio Historiae Romanae (éd. Boissevain) fragm. 13.1 : 733 fragm. 17.8 : 128 37.42 : 707 38.14.4 : 707 53.17 : 713

Aristophanes Nuées 497-499 : 551 Aristoteles Athenaion Politeia 16.5 : 662 Arnobius Adversus nationes 4.20 : 281 4.34 : 406 6.7 : 732 Asconius (Pseudo-) Scholia in orationes Ciceronis (éd. Stangl) In divinationem 7.24 : 578 In Verr.I.9.26 : 93 II.1.114 : 291 II.115 : 822

Ausonius Idyllia 11.61-62 (=Gryphus) : 6, 12 Boetius In Ciceronis Topica (éd. Orelli) 3.14 : 280 4.23 : 262

Cato De agri cultura Praef. : 555, 575 32-33 : 314 146.5 : 394 149.1 : 360 149.7 : 394 150.5 : 394 160 : 415 Orationum fragmenta (éd. Malcovati) 200 : 610 215 : 118 224 : 136 Origines 4.4 : 436 Censorinus De die natali 20.8 : 788 23-24 : 87

914 Cicero Epistulae Ad Atticum 6.1.18 : 791 15.7 : 291 Ad Familiares 5.2 : 707 7.13.2 : 292 8.8.3 : 836 9.16.7 : 140, 253 Orationes Pro Balbo 26 : 740 33 : 833 37 : 740 44 : 740 Pro Caecina 54 : 261, 269, 352 74 : 318, 360 97 : 306 102 : 244 Pro Cluentio 121 : 681 148 : 413 De domo sua 26 : 700 33 : 700 43 : 665, 700, 708 47 : 708 77 : 150, 700 77-78 : 299 78 : 306 80 : 299 110 : 701 Pro Flacco 48 : 134 84 : 178, 283 De haruspicum responso 14 : 244 36 : 616 De lege agraria 2.12 : 648 Pro Milone 9 : 512 Pro Murena 3 : 244 25 : 289, 791 26 : 289, 292 s. 27 : 85, 110, 122

INDEX DES SOURCES

28 : 115 30 : 292 Philippicae 2.69 : 161 In Pisonem 30 : 701 39 : 153 Pro Quinctio 43 : 92, 556 Pro Rabirio perduellionis reo 12 : 707 17 : 707 Pro Roscio Amerino 70 : 721 Pro Roscio comoedo 3 : 93 Pro Sestio 65 : 665, 701, 708 73 : 701, 708 Pro Tullio 47 : 699, 711 47-52 : 511 51 : 635 Opera philosophica Brutus 106 : 484 217 : 412, 415 De divinatione 2.45.2 : 349 De finibus 2.54 : 684 De inventione 2.79 : 706 2.144-145 : 833 2.148 : 184, 195, 211 De legibus 1.42 : 702, 709 1.55 : 327, 337 ; 341 1.57 : 717 1.61 : 717 2.9 : 62 2.16 : 717 2.17 : 716 2.19-22 : 717 2.22 : 718, 730, 739 2.23 : 717 2.25 : 730 2.29 : 348 s., 717 2.46 : 717

INDEX DES SOURCES

2.46-53 : 716 2.54-61 : 718-723 2.55 : 717 2.55-57 : 756 2.56 : 738 2.57 : 739, 774 2.58 : 732, 735 2.59 : 36, 741, 745, 749 2.60 : 738, 755, 759, 763, 769 2.61 : 717, 771 2.62 : 730 2.63 : 739 2.64 : 745, 749 2.64-67 : 717 3.6 : 675 3.11 : 666, 709 3.16 : 730 3.19 : 143 3.19-20 : 730 3.24-25 : 730 3.27 : 675 3.33-35 : 730 3.44 : 709 3.44-45 : 666 De natura deorum 3.74 : 584, 606 De officiis 1.12 : 695 1.37 : 114, 273 3.43 : 92, 556 3.43-44 : 682 3.54 : 627 3.60-61 : 596 3.65 : 257 3.66 : 259 3.104 : 616 3.111 : 616, 682, 844 De optimo genere oratorum 19 : 765 De oratore 1.41 : 292 1.167 : 597 1.176 : 226 1. 183-184  : 164 1.186 : 792 1.195 : 36 1.197 : 721 1.237 : 235 1.238 : 164

1.235 : 241 2.132 : 707 2.134 : 707 3.110 : 283 3.158 : 635 3.159 : 243 Orator 129 : 415 Paradoxa Stoicorum 35 : 244 Partitiones oratoriae 106 : 702 De republica 2.40 : 76, 79 2.54 : 667, 844 2.59 : 24, 253 2.60 : 104, 693 2.61 : 668, 777, 782 2.61-62 : 22 2.62-63 : 34 2.63 : 777, 782 3.44 : 299 3.45 : 211 4.8 : 341 4.12 : 404, 668 6.27 : 275 Topica 10 : 76, 79 14 : 280 23 : 167, 261 24 : 316 28 : 243 29 : 203 39 : 361 43 : 342, 362 64 : 447, 635 Tusculanae disputationes 1.117 : 720 2.55 : 749 3.11 : 211 3.62 : 750 4.4 : 405, 416 Q. Curtius Historiae Alexandri 9.1.24 : 144 Cyprianus Ad Donatum 10 : 37

915

916

INDEX DES SOURCES

Declamatio in Catilinam 19 (ex ms. Decani Traiectensis) : 647

Adelph. 194 : 304 Eun. 515 : 597, 843

Demosthenes Harangues 17 3 (Sur le traité avec Alexandre) : 706

Ennius (éd. Vahlen, 1928) Annales 218 : 354 238 : 69 242-244   : 287 412 : 485 431 : 517

Diodorus Siculus Bibliotheca historica 12.23-25 : 33 12.24 : 782 12.26 : 22, 34 Dionysius Halicarnensis Antiquitates Romanae 2.10 : 609 2.15 : 146, 152 2.25 : 165 2.26 : 150 s. 2.27 : 156 2.51 : 33 2.74.3 : 612 5.16.17 : 733 5.66 : 254 5.68 : 254 5.70 : 628 6.28.2 : 254 6.83.4 : 251 6.96.2 : 733 8.77-79 : 693 8.78.5 : 632 8.79 : 677 10.1.2-3 : 24 10.5-7 : 73 10.5-8 : 633 10.51.5 : 724 10.52.4 : 724 10.55.3 : 724 10.56.2 : 724 10.57 : 34 10.57.5 : 724 10.58-60 : 782 10.60.5 : 778 11.30.3-4 : 298 16.5.2 : 243 Donatus, Aelius Commentum Terenti (éd. Wessner, 1902-1904)

Euripides Andromache 549 s. : 706 Festus Grammaticus De verborum significatu cum Pauli epitome (éd. W.M. Lindsay 1913) v° Acerra 17 L : 760 v° Addicere 12 L : 93 v° Adorare 17 L : 556 v° Adsiduus 8 L. : 76, 79 v° Aestimata poena 23 L : 104 v° Aliuta 5 L : 440 v° Ambitus 5 L, 15 L : 317 v° Amsegetes 19 L : 352 v° Bustum 29 L : 773 v° Callim 41 L : 354 v° Centuriatus 47 L : 330 v° Contestari litem 50 L : 624 v° Daps 59 L : 798 v° Delapidata 64 L : 352 v° Duicensus 58 L : 847 v° Duplionem 58 L : 818 v° Endoplorato : 516 v° Erctum citum 72 L : 232 v° Erctum citumque 72 L : 235 v° Ergo 73 L : 764 v° Escit 68 L : 69 v° Eum 93 L : 62 v° Fenus 76 L : 577 v° Forctes 74 L : 82 v° Forum 74 L : 773 v° Heredium 89 L : 330 v° Heres 88 L : 331 v° Horctum 91 L : 82 v° Hortus 91 L : 330 v° Hostis 91 L : 115, 273, 695 v° Igitur 93 L : 62

INDEX DES SOURCES

Im 92 L : 62 Inercta 97 L : 235 Inprolis 96 L : 79 Insignes 101 L : 144 Insulae 98-99 L : 317 Iurgatio 92 L : 348 Lance et licio 104 L : 544 Murrata 150 L : 759 Nancitor 166 L : 798, 841 Nec 158 L : 213, 555 Neci datus 158 L : 145 Nexum 160 L : 243 Nexum aes 162 L : 243 Nervum 160-162 L : 136 Noxia 180 L, 181 L : 466, 806, 807 Nuncupata pecunia 176 L : 241 Occentassit 190 L : 409 Occisum 190 L : 145 Orare 218 L : 92, 556 Ovibus 200 L : 104 Parricidi quaestores 247 L : 703 Patres 288 L : 330 Pauperies 246 L : 466 Peculatus 268-270 L : 104, 439 Pedem struit 232 L : 67 Plorare 260 L : 516 s., 611 Portum 262 L : 121 Privos 252 L : 667 Probi 296 L : 627 Quadruplatores 308-309 L : 577 Quaestores 310 L : 688 Quando 310 L : 313, 842 Radere 338 L : 750 Rena 346 L : 841 Recinium 342 L : 745 Reus 336 L : 38, 44, 115 Rupitia 321 L : 455 Rupitias 320 L : 455 Sacer mons 422-424 L : 611, 628, 672, 688, 703, 711 v° Sacramento 466 L : 100, 532 v° Sacramentum aes 468 L : 100 v° Sam 433 L : 354 v° 426-428 L : 81 v° Sanates 474 L : 81 v° Sarcito 430 L : 455 v° 428-429 L : 313 v° piuntur 474 L : 313 v° Sarte 428 L : 456 v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v° v°

917

Sertorem 460 L : 300 Sontica causa 464 L : 114 Sonticum morbum 372 L : 113 Statuliber 414 L : 398 Status dies 414-416 L : 114 v° Struere 408-410 L : 67 v° Sub vos placo 402 L : 516, 843 v° Subici 470 L : 636 v° Subigere arietem 476 L : 636 v° Sublucare 474 L : 372 v° Superstites 394 L : 290 v° Supremum 396 L : 86 v° Talio 496 L : 435 v° Tignum 502 L : 307 v° 480 L : 843 v° Tuguria 486 L : 329 v° Vagulatio 514 L : 121 v° Valgos 514 L : 144 v° Viae 508 L : 351 v° Vindex 516 L : 76, 135, 822 v° Vindiciae 516 L : 290, 300, 817 v° Vinginti quinque poenae 508 L : 435, 503 v° v° v° v° v°

Florus Epitoma de Tito Livio 1.17 (24) : 724 1.17 (25) : 778 Frontinus De aquaeductu 125 : 360 129.4 : 642 Opus gromaticum (éd. Thulin), De controversiis 3.2-4 : 342 4.5 : 342 5.3-4 : 342 5.5 : 345 5.10-11 : 342 33.19-23 : 347 Fronto Epistulae ad amicos (éd. Loeb II, p. 180) 2.7.14 : 502 Gellius Noctes Atticae

918 1.9.12 : 236 1.12.9 : 173 1.12.10-17 : 174 1.12.11 : 175 1.12.18 : 173 2.6.16 : 269 3.2.12-13 : 279 3.16.12 : 171 4.3.1 : 164 5.10.9 : 93 5.13.2 : 602, 610 5.19.9 : 150 5.19.10 : 602 6 (7).15.1 : 514, 530 6 (7) 15.2 : 591 7.7.2-3 : 619 8 fr. 1 : 514 8.18.18 : 531 10.15.4 : 284 10.20.2 : 667 10.24.9 : 122 10.28.1 : 144 11.2 : 439 11.18.6-7 : 513 11.18.8 : 529 11.18.9-10 : 543 11.18.10 : 530 11.18.12 : 542 11.18.15 : 555 13.25.12 : 706 14.2.1 : 116 14.2.11 : 116 15.13.11 : 126 15.13.12 : 619 16.4 : 117 16.10.2 : 75 16.10.2-15 : 75 16.10.5-6 : 75 16.10.7 : 80 16.10.7-8 : 95 16.10.8 : 82, 435, 543 16.10.15 : 75, 79 16.12.7 : 580 17.2.2 : 86 17.2.10 : 86 17.7 : 567 17.21.44 : 165 18.6.9 : 280 s. 19.8.15 : 76, 79

INDEX DES SOURCES

20.1.7 : 514, 530, 681 20.1.8 : 538, 681 20.1.11-29 : 68 20.1.12-38 : 433 20.1.13 : 436 20.1.19 : 126 s. 20.1.25 : 62 20.1.27 : 114 20.1.40 : 610 20.1.42-53 : 126 s. 20.1.46-47 : 126 20.1.53 : 629 20.10.1-10 : 287 20.10.7 : 818 20.10.9 : 294 Glossaria Latina (éd. Lindsay, 1926 s.) 1.202 : 516 Glossa lexici Philoxeniani : 846 Herodotus Historiae 3.80.30 : 706 Horatius Epistulae 2.1.152-155 : 406, 427 Epodi 2.1.32 : 349 2.2.171 : 349 Saturae (Sermones) 1.9.74-76 : 61 2.1.82-86 : 405 2.3.179-181 : 620 2.3.214-218 : 217 Scholia in Horatium  : v. Porphyrio

Acro,

Hyginus De generibus controversiarum (éd. Thulin) 89.1-6 : 337, 343 90.15-18 : 338 Ps. Hyginus De limitibus (éd. Lachmann) 110.4 : 333 Isidorus Origines (Etymologiae)

INDEX DES SOURCES

5.1.3 : 724 5.25.30 : 262 5.25.31 : 244 5.26.18 : 532 5.27.24 : 437 9.4.45 : 244 15.11.1 : 736 15.16.1 : 317 Livius Ab urbe condita libri 1.18 : 765 1.26 : 706 1.26.6 : 486, 491 1.26.9 : 525 2.5.5 : 152 2.7.4 : 733 2.16.7 : 733 2.23.7 : 249, 251 2.24.7 : 252 2.27.1 : 252 2.27.13 : 250 2.28.1 : 650 2.30.1 : 254 2.32.1 : 650 2.33.11 : 733 2.41.10 : 677 2.41.11 : 693 2.49.5 : 656 3.9.2 : 24 3.9.4-5 : 24 3.11.3 : 73 3.12 : 633 3.13 : 630 3.13.4-5 : 706 3.13.6 : 96 3.18.11 : 733 3.24.3 : 677 3.24.9 : 24 3.24-25 : 630, 633,692 3.25.2 : 677 3.29 : 692 3.29.6 : 633, 677 3.31.7 : 25 3.31.8 : 32, 724 3.32.1 : 724 3.32.6 : 669, 724 3.33.2-5 : 724 3.33.3 : 34

3.33.5 : 32 3.33.8-10 : 669 3.34.2-6 : 34 3.34.3 : 25 3.34.6 : 782 3.35 : 782 3.36 : 782 3.36.7 : 25 3.44.5 : 305 3.44.8 : 305 3.44.8-9 : 73 3.44.12 : 297 3.44-48 : 152 3.45.1-2 : 297 3.46.7 : 305 3.47.7 : 305 3.48.1 : 650 3.55 : 614 3.55.3 : 810 3.55.5 : 627 3.55.7 : 201, 306, 486, 491, 810 3.56.4 : 297 3.56.11-13 : 706 3.56-58 : 306 3.57.10 : 35 4.1.1 : 778 4.3.4 : 778 4.3.17 : 782 4.4.5 : 777 4.4.9 : 777 4.5.5 : 779, 780 4.8.5 : 835 4.8.7 : 835 4.13.9-10 : 651 4.21.4 : 706 4.24.5-6 : 835 4.29.6 : 152 5.13.7 : 349 5.32.8-9 : 677, 693 6.1.10 : 36 6.14.3 : 251 6.14.10 : 251 6.15.9 : 251 6.20.12 : 632 6.27.6-10 : 251 6.34.2 : 251 6.42.10 : 834 7.3.9 : 153 7.15.10 : 751

919

920 7.16.1 : 575 7.17.12 : 831 7.19.5 : 249 7.21.1 : 834 7.27.3 : 576 7.28.9 : 576, 584 7.42.1 : 576 8.14.5 : 137 8.18.4 : 411 8.18.4-11 : 418 8.18.6-10 : 413 8.18.17 : 413 8.20.9 : 137 8.21.11 : 333 8.28 : 249, 252 8.28.2 : 249 8.28.8 : 136, 252, 254 8.28.8-9 : 242 9.26.5 : 651 9.26.8-10 : 651 9.33.4-9 : 831 9.34.4 : 780 9.34.6-7 : 832 9.46.1 : 584 9.46.5 : 792 10.1.3 : 651 10.8.9 : 204 10.9.5 : 622 10.23.11-12 : 584 22.10.5 : 457, 627 25.7 : 765 27.37.7 : 422 31.15 : 765 35.41.9-10 : 584 38.51.8 : 349 39.8.3 : 651 39.14.4-10 : 651 39.15 : 648, 651 39.19 : 671 39.38.3 : 419 39.41.2 : 419 40.37.4-7 : 419 40.43.2-3 : 419 40.44.6 : 419 43.16.10 : 713 Periochae 8.8 : 418 48.13 : 419 61 : 707

INDEX DES SOURCES

74 : 584 103 : 707 Lucanus Pharsalia 6.505-509 : 412 6.580 : 412 Lydus, (Johan.) De magistratibus 1.26 : 687 1.34 : 724 1.42 : 213 Lysias Discours 19 (Sur les biens d’Aristophane 7) : 706 22 (Contre les marchands de blé 2) : 706 Macrobius Saturnalia 1.3.9 : 280 1.3.14 : 87 1.4.19 : 485, 511 1.6.30 : 551 1.13.20-21 : 786 1.14.5 : 65 1.15.9 : 793 1.16.14 : 114 3.7.5 : 611 3.16.15 : 89, 686 Maecianus (Volusius) Distributio partium 46 (éd. Huschke, Iurisprudentia Anteiustiniana) : 315 Martialis Epigrammata 10.41.2 : 163 Martianus Capella De nuptiis Philologiae et Mercurii 9.928 : 480 Naevius Tragoediae 38 : 440 Nonius Marcellus De compendiosa doctrina (éd. Lindsay) v° Arcera 77 L : 69 v° Calvitur 10-11 L : 62, 67

INDEX DES SOURCES

v° v° v° v° v° v° v° v°

Proletarii 93-94 L : 76 Baetere 108 L : 163 Nundinae 317 L : 785 Coicere 409 L : 88 Citum 405-406 L : 236 Iurgium 695 L : 341 Pauperies 792 L : 468 Ricinium 869 L : 746

Orosius Historiae adversum paganos 3.9 : 152 3.10.1-3 : 418 4.13.18 : 152 5.12.10 : 707 5.16.8 : 152 s., 692 Ovidius Fasti 2.47-54 : 785 6.663-664 : 748 Remedia amoris 249-256 : 479 Petronius Satyrica 71.6 : 762 79.11 : 163 97 : 551 97.3 : 543 Plato Leges 843 d : 472 843 e : 320 936 d-e : 472 954 a : 551 960 a : 753 Plautus Amphitruo fr. 15 : 534 153 s. : 538 928 : 163 Asinaria 480 : 65 569 s. : 538 598 : 721 Aulularia

190 : 468 200 : 659 319 : 96 700 : 678 722 : 468 Bacchides 180 : 96 306 : 591 878 : 660 Captivi 907-908 : 707 Casina 210 : 163 Cistellaria 189 : 232 Curculio 5-6 : 114 30-33 : 620 145-154 : 407, 425 156-157 : 407, 425 198 : 426 490-495 : 269, 304 536 : 591 621 s. : 65 668 : 304 695-696 : 707 709 : 304 Epidicus 516 : 426 685 : 96 Mercator 404-423 : 408, 425 s. Miles gloriosus 142-143 : 319 694 : 426 1414-1421 : 620 Persa 60 : 586 62 s. : 584 s. 523-525 : 401 532 : 401 567-574 : 408, 425 s. 589 : 401 717 : 304 745 s. : 65 Poenulus 145-148 : 269 760-795 : 551 790 : 534

921

922 854 : 661 905 : 304 964 : 304 1102 : 304 1157 : 660 1225 s. : 65 1348 s. : 140, 304 Pseudolus 1232 : 678 Rudens 777-778 : 96 852 s. : 65 973 : 304 1380-1385 : 603 Sitellitergus : 144 Stichus 566 : 660 571-573 : 409, 425, 430 Trinummus 217-222 : 269 266 : 163 395 : 275 500 : 661 612 : 426 864 : 517 Truculentus 759-762 : 584 819 : 678 Plinius maior Naturalis historia 3.69 : 83 7.10 : 765 7.212 : 86 9.117 : 245 11.157 : 749 11.251 : 65 14.88 : 314, 760 16.15 : 379 16.16 : 381 16.19 : 381 17.7 : 501 18.2 : 333 18.7 : 329 18.12 : 485, 637 18.41-42 : 412, 478 19.50 : 329 21.6 : 767 21.7 : 763 28.10 : 404, 416

INDEX DES SOURCES

28.17-18 : 404, 477 33.17 : 793 33.19 : 584 33.138 : 733 34.13 : 693 34.15 : 677 34.21 : 33, 724 Plutarchus Quaestiones Romanae 55 : 748 79 : 733 Vitae Caesar 7.8 : 708 Cleomenes 10.3 : 706 C. Gracchus 4.1 : 707 Numa 10.2 : 174 12.2 : 172 25.13 : 165 Poplicola 1 : 733 23 : 733 28 : 732 Romulus 13.8 : 610 22 : 165 22.14 : 689 Solon 1 : 733 12.8 : 746 21 : 720 21.5 : 746 21.6 : 742 s., 750 23.7 : 324 24 : 472 Polybius Historiae 3.22.8 : 37 3.22.9 : 274 6.11.2 : 680 Porphyrio Commentum in Horatii Saturas (éd. Holder 1894)

INDEX DES SOURCES

1.1.11 : 95 1.9.75 : 61 2.1.82 : 406 2.3.181 : 620 Commentum in Epistulas 2.1.154 : 406 Priscianus Institutiones grammaticae Grammatici Latini, éd. Keil) 2.506 : 70 6.18.93 : 485 8.16 : 65 10.32 : 85

Rhetorica ad Herennium 1.23 : 184, 195, 211 2.15 : 832 2.19 : 61 2.20 : 85 4.35 : 428

(in

Probus Valerius De litteris singularibus (éd. FIRA II, 454 s.) 4.1.3 : 103 4.2.3 : 110 4.4 : 291 4.7 : 269 4.8 : 110 Prudentius Contra Symmachum 2.463-464 : 5 Quintilianus Institutiones oratoriae 1.6.11 : 86 3.6.84 : 128 5.6.4 : 686 5.10.55 : 79 7.3.13 : 235 Declamationes minores 262 : 163 264 : 185 Ps. Quintilianus Declamationes maiores 289 : 431 292 : 431 292.2 : 430 293.8 : 431 299 : 431 300 : 431 305-306 : 430 307 : 430

Sallustius De coniuratione Catilinae 51.28 s. : 708 Salvianus De gubernatione Dei 8.24 : 37, 699 s. Seneca Philosophus De beneficiis 3.11.2 : 153 Fragmenta minora (éd. Haase) 90 : 349 De ira 1.15 : 145 Medea 737-739 : 412 Naturales quaestiones 4.7 : 477 Seneca rhetor Controversiae 2.3.18 : 153 2.5 : 163 5.6 : 414 Excerpta controv. 3.8 : 649 10.6 : 513 Suasoriae 1.6 : 163 7.2 : 658 Servius grammaticus Commentarius in Aeneidem 3.67 : 750 5.79 : 751 6.609 : 609 8.205 : 531 8.642 : 236 11.80 : 764 11.206 : 736 12.606 : 750 Comm. in Eclogas

923

924

INDEX DES SOURCES

4.43 : 636 8.71 : 477 8.99 : 477 Comm. in Georgica 1.31 : 280 3.87 : 636 Siculus Flaccus De condicionibus Lachmann) 153.26-30 : 333

Tertullianus Apologeticum 4.9 : 128 De resurrectione mortuorum 57 : 144

agrorum

Sidonius Apollinaris Carmina 23.446-449 : 5 Epistulae 8.6.7 : 6, 846 Sisenna Historiae fragmenta (éd. Peter) 120 : 765 Solon Nomoi (éd. Ruschenbusch) 76 a : 653 Strabo Geographica 14.1.25 : 33, 724 Tacitus Annales 2.69.3 : 412 2.69-70 : 415 2.71.2 : 415 3.13.2 : 412 6.16.1-2 : 575 11.22 : 693 15.43.4 : 322 Terentius Afer Adelphoe 194 : 304 Eunuchus 390 : 269 515 : 602 Heautontimoroumenos 498-501 : 342, 347 Phormio 2.2.20 : 136

(éd.

Tibullus Elegiae 1.8.19-23 : 479 2.4.47 : 762 Titinius Comoediarum fragm. 56 : 163 Valerius Maximus Facta et dicta memorabilia 2.1.4 : 164 2.5.2 : 792 2.5.3 : 411, 418 2.6.7 : 152, 753 2.9.1 : 164 5.4.3 : 153 5.8.1 : 152 5.8.2 : 677, 693 5.8.4 : 152 5.9.1 : 152 6.1 : 249 6.1.3 : 152 6.1.5 : 152 6.3.2 : 498 6.3.8 : 419 7.2.15 : 702 9.7.4 : 584 Varro Antiquitates humanae I : 759 XX : 785 De lingua Latina 5.22 : 315 5.3 : 695, 115, 273 5.81 : 687 5.83 : 100 5.132 : 746 5.140 : 69 5.180 : 100 6.5 : 86 6.60 : 244 6.64 : 290, 292, 299

925

INDEX DES SOURCES

6.74 : 96 6.85 : 244 6.90-92 : 692 7.15 : 351 7.51 : 86 7.93 : 93, 348 7.105 : 140, 242, 251, 253 Res rusticae 1.20.2 : 329 2.1.15 : 385 2.2.5 : 385 2.5.11 : 101 2.7.6 : 101 2.10.4 : 263 2.10.5 : 815 Saturae Menippeae 188 : 69 ap. Non. Marcel. 108 L : 163 Velleius Paterculus Historiae Romanae 2.24.2 : 713 2.45 : 702 Vergilius Aeneis 6.820 s. : 152 Eclogae 6.3-4 : 65 8.95-96 : 412, 479 Vituvius De architectura 1.1.10 : 316 Zonaras Epitome 7.13 (= Cass. Dio fr. 13) 688 7.18 : 22 7.18.2 : 724 Textes juridiques Basilicorum libri 30.16.13.7-9 : 373 60.36.3 : 696 Codex Iustinianus 2.3.36.6 : 229 3.36.6 : 229 4.2.1 : 230

4.16.7 : 231 4.38.8 : 390 4.38.9 : 390 4.38.12 : 390 4.49.1 : 390 4.54.3 : 390 5.43.4 : 602 5.70.5 : 214 6.2.13 : 557 6.55.3 : 197 6.55.4 : 197 6.58.14 : 197 8.10.12.2 : 322 8.31.1 : 231 8.35.1 : 231 Codex Theodosianus 2.26.3 : 347 2.26.4 : 347 2.26.5 : 344, 347 9.16.3 : 412, 482 Collatio legum Romanarum 1.3.1 : 638 2.5.4-5 : 436 4.8 : 149-150 7.1.3 : 514 10.7.11 : 589 12.6 : 494 16.2.1 : 197 16.2.9 : 197 16.2.11 : 197 16.2.17 : 197 16.3.3 : 197 16.4.1 : 195 16.4.2 : 197, 209 16.8.2 : 223

Mosaicarum

Digesta Iustiniani 1.1.1.2 : 716 1.2.2.4 : 22, 35, 724, 782 1.2.2.7 : 793 1.2.2.16 : 669 1.2.2.23 : 669, 687 1.2.2.24 : 22, 33, 298, 782 1.2.2.29 : 306 1.2.2.38 : 8 1.15.1 : 499 2.4.18 : 65

et

926 2.4.20 : 65 2.4.22 pr. : 65 2.4.22.1 : 76 2.11.2.3 : 113 2.11.6 : 120 2.14.7.14 : 531, 557 2.14.17.1 : 558 2.14.38 : 658 2.14.48 : 158, 241 3.2.1 : 757 3.2.25.1 : 755 3.4.1.1 : 657 4.4.9.2 : 487, 558 4.5.7 pr. : 207 4.8.44 : 347 5.3.1 : 186 6.1.23.6 : 307 6.1.59 : 313 8.1.15.1 : 358 8.2.14 : 316 8.3.1 pr. : 360 8.3.7 pr. : 353 8.3.8 : 351 8.3.13.1-3 : 352 8.5.6 pr. : 376 8.5.8.5 : 376 8.5.14.1 : 376 8.5.17.1 : 376 8.6.6.1 (b)-(d) : 353 9.1.1 pr. : 465 9.1.1.1 : 466 9.1.1.3-4 : 466 9.1.1.11 : 467 9.2.1 : 8 9.2.1 pr. : 456, 463 9.2.2.2 : 470 9.2.4.1 : 513 9.2.5 : 515 9.2.27.25 : 490 9.2.32 pr. : 324 9.4.2.1 : 805 9.4.30 : 658 10.1.1 : 345 10.1.2.1 : 344 10.1.4.3 : 343 10.1.13 : 318, 323 10.2.1 pr. : 235 10.2.2.5 : 230 10.2.4 pr. : 230

INDEX DES SOURCES

10.2.25.1 : 230 10.2.25.9 : 229 10.2.25.13 : 230 10.2.57 : 349 10.4.6 : 308 10.4.7 : 309 10.4.9.1 : 380, 382, 473 11.7.35 : 153 12.2.28.6 : 502 13.1.7 pr. : 487 14.4.5.18 : 387, 390, 394 16.3.1.1 : 589 17.2.52.13 : 321 18.1.19 : 386, 390, 393-395 18.1.53 : 386, 390, 393 18.1.74 : 390 18.6.12 : 497 19.1.6.5 : 269 19.2.25.5 : 501 19.5.14.3 : 379, 473 21.1.65 : 118 21.2.4 pr. : 269 21.2.39.3 : 400 21.2.39.4 : 398 21.2.62.2 : 376 21.2.63.1-2 : 269 21.2.76 : 269 22.1.19 pr. : 827 22.1.19 : 818 22.5.3.5 : 626 22.5.14 : 621 22.5.15 pr. : 621 22.5.21 pr. : 414, 622 23.1.3 pr. : 133 24.1.63 : 308 24.2.2.1 : 161 26.1.3 pr. : 212 26.2.1 : 187 26.2.11 : 239 26.2.20 : 187 26.4.1 pr. : 206, 223 26.4.3 pr. : 206, 223 26.4.5 pr. : 207 26.4.6 : 205, 216 26.4.9 : 206 26.7.19 : 602 26.7.55.1 : 595 26.10.1.1 : 603 26.10.1.2 : 595

INDEX DES SOURCES

26.10.3.5 : 603 27.3.1.19 : 604 27.3.2.1 : 605 27.10 pr. : 213 27.10.13 : 213 28.1.18 pr.-1 : 622 28.1.18.1 : 414 28.1.20.6 : 626 28.1.26 : 621 28.2.9.2 : 196 37.14.11 : 221 38.2 : 224 38.6.1 pr. : 9, 196 38.6.28 : 197 38.10.10.2 : 197 38.16.3.9 : 197 38.16.3.9-11 : 171 38.16.6 : 197 38.16.11 : 197 39.3.1.18 : 367 39.3.1.1 : 365 39.3.5 : 369 39.3.6.5 : 363 39.3.6.6 : 368 39.3.14.2-3 : 368 39.3.22.1 : 363 39.3.22.2 : 363 39.3.24 pr.-2 : 362 40.7.21 pr. : 361 40.7.25 : 397 40.7.29.1 : 397 41.1.7.10 : 308 41.1.9.3-8 : 389 41.3.2 : 283 41.3.4.6 : 567 41.3.33 pr. : 567 41.5.5 : 283 42.1.4.5 : 133 42.1.6.1 : 807 42.1.7 : 133 42.1.60 : 118 42.2.1 : 133 43.4.3 pr. : 695 43.8.5 : 361, 366 s., 378 43.27.1.7-8 : 371 s. 43.27.1.9 : 371 s. 43.27.2 : 371, 376 43.28.1 pr. : 382 43.28.1 pr.-1 : 379

44.6.3 : 820, 827 44.7.56 : 807 45.1.84.5 : 269 46.3.98.8 : 308 47.2.3 pr. : 534 47.2.7.1 : 523 47.2.21 pr. : 490 47.2.46.5 : 565 47.2.55(54).2 : 513 47.2.62.1-2-5 : 487 47.2.62.1-2 : 557 47.3.1 pr. : 307 47.3.1.1 : 309 47.6.5 : 807 47.7.1 : 502 47.7.2 : 503, 519 47.7.3 pr. : 503 47.7.3.4 : 503 47.7.7.1 : 490 47.7.11 : 502 47.9.9 : 493, 771 47.10.2 : 427 47.10.5.9 : 621 47.10.15 pr. : 428 47.10.15.2 : 428 47.10.15.4-7 : 427 47.10.15.11-12 : 427 47.12.5 : 322 47.22.4 : 653 48.4.1 : 651 48.4.1.1 : 695 48.5.44 : 161 48.8.1 pr. : 145, 493, 638 48.8.1.1 : 413, 630 s., 684 48.8.3 pr.-2 : 145 48.8.13 : 430 48.19.28.12 : 493 50.16.6 pr. : 232 50.16.53 pr. : 214 50.16.53 : 185, 201 50.16.62 : 308 50.16.80 : 187 50.16.98.1 : 788 50.16.113 : 118 50.16.120 : 183 50.16.130 : 186 50.16.162 pr. : 195 50.16.180 pr.-1 : 330 50.16.195 pr. : 221

927

928 50.16.195.1 : 196 50.16.201.2 : 69 50.16.220 pr. : 197 50.16.233 pr. : 68 50.16.233.1 : 120 50.16.233.2 : 389, 513, 637 50.16.234 pr. : 115, 273 50.16.234 : 695 50.16.234.1 : 79 50.16.234.1-2 : 130 50.16.235 pr. : 353 50.16.235.1 : 309 50.16.236 pr. : 405 50.16.236 : 318 50.16.236.1 : 379, 473 50.16.238 pr. : 778 50.16.238.1 : 846 50.16.238.2 : 798 50.16.238.3 : 807 Fragmenta Vaticana 50 : 287, 292 259 : 178 308 : 221 Gaius Institutiones 1.58 : 658 1.110 : 279 1.111 : 271 1.119 : 245 1.121 : 244 1.122 : 845 1.130 : 173 1.132 : 155 1.135 : 151 1.138 : 157 1.140 : 136, 158 1.144-145 :173 1.148 : 281 1.155 : 205 1.157 : 177, 206, 209 1.163 : 658 1.165 : 209, 223 1.184 : 605 1.188 : 184 1.192 : 177 2.17 : 360 2.19-20 : 386, 390

INDEX DES SOURCES

2.29 : 360 2.31 : 360 2.42-44 : 261 2.45 : 567 2.47 : 177 2.49 : 567 2.53-54 : 261 2.60 : 590 2.64 : 213 2.65 : 277 2.80 : 178 2.90 : 285 2.103-108 : 191 2.104 : 186, 192, 244 2.107 : 619, 624 2.118 : 324 2.126 : 324 2.157 : 239 2.224 : 183 3.9 : 197 3.11 : 197 3.17 : 197, 209 3.18 s. : 197 3.27 : 259 3.40 : 221 3.45-46 : 222 3.48 : 223 3.51 : 223 3.58 : 223 3.78 : 128 3.122 : 838 3.154 a-b : 236 3.171 : 259 3.173-174 : 249 3.183 : 550 3.186-187 : 541 3.188 : 543 3.189 : 137, 529 3.190 : 555 3.191 : 541 3.192-194 : 542 3.220 : 438, 447 3.223 : 435 4.3 : 360 4.9 : 257, 259 4.10 : 801 4.11 : 101, 501 4.12-14 : 99 4.14 : 300

INDEX DES SOURCES

4.14-15 : 103 4.15 : 93 4.16 : 293, 439, 444, 818, 825 4.17 : 820 4.17 a : 109 4.17 b : 109 4.18 : 119 4.21 : 78, 130, 258 4.22 : 259 4.23 : 577 4.26 : 797, 799 4.28 : 797 4.29 : 797 4.30 : 799 4.32 : 801 4.37 : 487, 556 4.38 : 658 4.42 : 343 4.45 : 557 4.49 : 223 4.60 : 324 4.75-76 : 805 4.79 : 155 4.80 : 149 4.111 : 529 4.117 : 828 4.184 : 96 s. Gaius, fragm . Augustoduna 4.81-82 : 466 4.81-84 : 139 4.85-86 : 149 Institutiones Iustiniani 1.15 pr. : 207 1.23.3 : 214 1.26 pr. : 596 1.26.5 : 602 1.26.6 : 602 2.1.41 : 385, 390, 393 2.6.2 : 567 2.10.6 : 622 2.22 pr. : 184 3.2 pr. : 197 3.2.5 : 197

929

3.2.11 : 197 3.3 pr. : 197 3.5.5 : 197 3.7 pr. : 221 3.9.2 : 197 4.6.20 : 347 4.9 pr. : 465 4.10 pr. : 597 4.17.6 : 344, 347 4.18.5 : 389, 515 Leges regiae Romulus 1.4 : 144 2 : 610 4 : 151-152 8 : 156 Numa 9 : 174 10 : 172 16-17 : 641-642 Serv. Tullius 6 : 611 Lex Duodecim Tabularum1 I.2 : 65 I.3 : 66 I.6 : 188, 658, 660, 774 1.6-7 : 106 I.8 : 97 II.1 a : 845 II.1 b : 106, 844 II.2 : 76, 93, 106, 300, 696 II.3 : 74, 623, 764, 769 II.6 : 274 III.1 : 188 III.2 : 64, 70 s. III. 2-6 : 72 III.3 : 63 s., 78 s., 248, 439, 725 III.3-6 : 252 III.4 : 742 III.5 : 451, 658, 660 III.5-6 : 789 III.6 : 618, 765 IV.2 b : 137, 144, 148, 764, 813

1  Ne figurent ici que les seuls renvois internes aux divers versets de la Loi des XII Tables.

930

INDEX DES SOURCES

IV.3 : 188 V.1 : 444 V.2 : 188, 263, 266, 444, 774 V.3 : 197, 207, 239, 248, 399, 525 V.4 : 188 s., 192, 206, 401 V.4-5 : 217 s., 240 V.5 : 63, 188 s., 203, 240 V.6 : 193, 202, 216 V.7 : 186, 197, 203, 517, 658, 769 V.8 : 202 V.9 : 231, 238 V.10 : 112, 189, 192, 199, 203, 231 VI.1 : 73, 136, 158, 191, 193, 257, 439, 525, 587 VI.2 : 135, 248 VI.3 : 179, 246, 262, 275, 282, 400, 571, 774 VI.4 : 76, 119, 179, 263, 266 s., 571, 696, 774 VI.5 : 179, 263, 265 s., 326, 339, 774 VI.6 a : 64 VI.6 b : 64 VI.7 : 107, 603, 821 VI.8 : 313 s., 381, 771 VI.9 : 310, 842 VII.2 : 326, 338, 346, 509, 725 s. VII.4 : 179, 265, 326, 346, 509, 774 VII.5 : 338 VII.8 : 378, 458, 808 s. VII.9 : 328, 372, 381, 509 VII.10 : 328, 374 s., 474, 476 VII.11 : 800, 843 VII.12 : 179, 187, 193, 263, 266, 339, 571, 774 VIII.1 : 442, 499, 565, 641 VIII.2 : 63, 105, 136, 537, 565, 660 VIII.4 : 150, 422, 565 VIII.5 : 452, 487, 499, 538, 564, 809, 813 s. VIII.6 : 448, 458, 488, 496, 499, 808 s., 813, 825 VIII.7 : 470, 488, 496 VIII.8 : 403, 412, 419, 499, 712, 764, 769 VIII.9 : 106, 144, 448, 452, 457-459, 468, 483, 496, 498 s., 538, 615, 638, 712, 814, 825 VIII.10 : 144, 458, 469, 487 s., 641, 771, 808 s.

VIII.11 : 439, 520, 845 VIII.12 : 63, 145, 439, 444, 485, 565, 769 VIII.12-13 : 451 VIII.14 : 106, 134, 144, 458, 469, 488, 491, 496, 551, 615, 630, 712, 808 s., 812 s. VIII.15 : 534 VIII.16 : 91, 452, 457, 459, 462, 488, 534, 814, 825 VIII.17 : 179, 263 s., 264, 266 s., 326, 339, 401, 774 VIII.20 : 459, 592, 618, 642, 814, 843 VIII.21 : 439, 712, 765, 844 VIII.22 : 123, 712 VIII.23 : 615, 623, 641 s., 684, 844 VIII.24 : 104, 438, 447 s., 491, 496, 499, 520, 565, 704, 709 s., 843 VIII.27 : 136, 451, 618, 725 s., 765 IX.1 : 708 IX.1-2 : 705 IX.2 : 107, 693, 697, 704, 844, 846 IX.3 : 630, 641, 712, 844 IX.4 : 614, 642, 677, 691 s., 704, 709 IX.5 : 843 X.1 : 725, 766 X.2 : 439, 725, 730 X.3 : 725, 730 X.4 : 265, 725 X.5 : 439, 739 X.6 : 730, 751, 764 X.7 : 218, 739 X.8 : 63, 216, 618, 730, 739, 764 s. X.10 : 179, 326, 339 XII.2 : 159, 458, 488, 499 XII.3 : 98, 105 s., 291, 300, 345, 452, 457, 459, 559, 814 Lex Romana Burgundionum 12.1-2 : 544 Novellae Iustiniani 22.2 pr. : 184 Pauli Sententiae 1.13 b.8 : 822 1.15.1 : 467, 474 1.19.1 : 259 2.12.11 : 589

INDEX DES SOURCES

2.17.1 : 269 2.31.3-5 : 548 2.31.22 : 544 3.4 a.6-7 : 213 4.8.3 : 197 4.8.20 : 197 5.4.6 : 406, 415, 435 5.4.15 : 415 5.6.13 : 372 5.9.1 : 822 5.23.15 : 409, 430 Theophilus antecessor Institutionum graeca paraphrasis 1.17 : 222 4.10 pr. : 603 4.12 pr. : 530 Tituli ex corpore Ulpiani 1.2 : 586 1.9 : 187 2.4 : 187, 397 10.1 : 155 10.5 : 174 11.3 : 208, 223 11.14 : 185, 201 12.2 : 215 12.2-3 : 212 19.1 : 470 19.4 : 274 19.8 : 262 19.17 : 186 26.1-1a : 196 26.7-8 : 197 27.5 : 221 29.1 : 221, 224 29.5 : 222 29.6 : 223 Sources épigraphiques CIL 1.38 (= ILS 6) : 306 9.2827 (= ILS 5982) : 347

931

Lapis Satricanus (éd. Versnel et alii [1980])  : 656 Laudatio dite de ‘Turia’ (CIL 6. 1527 = FIRA III, 211) 1.1.21-24 : 209 Lex agraria Tabulae Bembinae (éd. M.H. Crawford, Roman Statutes, n. 2) ll. 36-37 : 685 ll. 36-38 : 683 l. 44 : 683 Lex Coloniae Genetivae sive lex Ursonensis (éd. Rom. Stat. cit., n. 25) c. c. c. c. c. c. c. c.

64-74 : 715 61 : 79, 129, 132-133, 253, 258 63 : 836 73 : 736 79 : 360 92 : 836 95 : 117, 119 s., 761 106 : 648

Lex Flavia Irnitana (éd. J. González, in JRS 76 [1986] 147-243) c. c. c. c.

69 : 74 : 79 : 91 :

682 649 673 87, 682, 837

Lex Osca Tabulae Bantinae (éd. Rom. Stat. cit., n. 13) I (2) : 667 II (4) : 667 l. 14 : 92 l. 16 : 92 l. 23 : 201 l. 24-25 : 102

ILS

Lex parieti faciendo Puteolana (éd. Arangio-Ruiz, FIRA III, 474)

III2 8987 = AE (1902) 245 : 5

III, l. 10-11 : 627

932

INDEX DES MATIÈRES

Lex rivi Hiberiensis (éd. D Nörr, in ZSS 125 [2008] 108 s.) 10 : 801 Lex [Rubria] de Gallia Cisalpina (éd. Rom. Stat. cit., n. 28) c. c. c. c. c.

20, l. 20 : 836 21, l. 20 : 836 21, l. 23 : 78 21-22 : 133 23, l. 54-55 : 237

Loi

de

Papyrus Halensis 1 (= Dikaiomata d’Alexandrie) ll. 79-99 : 324 ll. 195-197 : 320 Tabula Heracleensis (éd. Rom. Stat. cit., n. 24) l. l. l. l.

110 : 558 110-114 : 136 112 : 140 113 : 253

Tablettes d’Herculanum (éd. ArangioRuiz, Parola del Passato 40 [1955] 448-452)

Gortyne

I.37-38 : 742 X.14-20 : 742

76-78 : 347

index des matières

Abandon noxal : – filius 158 s. – animal (pauperies) 471 – filius et servus XII.2 Acervus frumenti, incendie 496 s. Lucius Acilius X.4, 720, 747 Acte per aes et libram, rituel 247  ; litiscrescence 257 Actio : – aquae pluviae arcendae VII.8 ; finalité décemvirale 368 ; extension par l’interpretatio 369 s. – de arboribus caedendis : inexistence (legis actio) 375 – de arboribus succisis 376, 504, 509 ; et furtum 505 ; furtim caesis 504-506 ; 509 – auctoritatis, au double 258  ; litiscrescence 248 – depensi (au double) 259 – ex causa depositi 590 ; et fides 592 ; a. depositi in factum : pas d’antécédent décemviral 593 – familiae erciscundae 237 s.

– de finibus regundis 325 – finium regundorum (en bornage) 325, 338, VII.5  ; interdiction de l’usus sur le confinium 345-347 – furti nec manifesti 559 – de incendio 828 – legis Aquiliae, abandon noxal 810 – de modo agri (au double) 258 – negatoria (arbor in vicini fundum inclinata) 377 – noxalis XII.2 – de pastu pecoris VIII.7, 828 – de pauperie : VIII.6 ; noxalité 470 s., 812-813, 828 – pigneraticia (action de la loi) 801 – rationibus distrahendis (en séparation des comptes de tutelle) VIII.20, 604 s., 606 s., 828 – rei uxoriae, origines IV.3, 167-170 – de tigno iuncto VI.8, 828 – tutelae VIII.20 ; agere pro tutela 603, 606 Actus, servitude de passage 356, 360 Addicere litem, iudex 93, 105

INDEX DES MATIÈRES

Addictus : iudicatus III.3, 131, 134, 140 ; fur manifestus 534 s. Adoption, filius 158 Adorare 91-92 ; furto (decidendo) VIII.16, 561 s. Adserere manu VI.7, 292 Adsertor libertatis, servitutis 107, 304 Adsiduus 78-80 Sextus Aelius Paetus X.4, 720, 747 Lucius Aelius Stilo 5, X.4, 720-721 Aelius Tubero 724 ; rude  : 139 ; Aes : 104, 579 s., 845  partis secanto  : 141 ; aes confessum III.1, 131, 133 Adgnati  : définition  : 202  ; situation successorale V.4, 200 s. ; tutelle légitime V.6, 207 s. Ager VII.9 ; adsignatus, via VII.6, 355 ; divisus, via  : 355 ; centuriatus : 333 Ambitus parietis ou aedium VII.1, 319-322 Amsegetes 357 Anfractum, définition 354 s. Appius Claudius Caecus, publication des Fasti XI.3 ; liber de usurpationibus 284 Apud iudicem (phase) 92 Aqua pluvia, dommage potentiel 366 s. ; aquam arcere VII.8 Arbiter aquae arcendae 367 Arbitri (tres) VII.5, XII.3 ; controversia de finibus 349 ; distincts de l’arbiter de la iudicis postulatio 350 Arbitrium litis aestimandae 105, 132, 452, 559, 564, 819 Arbor VII.9, VII.10, VIII.7, VIII.9, VIII.11 ; furtim caesa 519 ; en surplomb, autodéfense 376 ; infelix 508 Aristote, commentaire aux lois de Solon 721 Aspersion du bûcher (respersio) 761 Asclépiade de Myrléa 721 Athènes, influence sur les décemvirs 32-33, 723-728 Auctoritas : définition : obligation de garantie à la charge du mancipio dans V.2, VI.1, VI.3, 179 s., 246, 269, 570-573 ; auctoritas et usus : 267270  ; vente d’un statuliber VII.12 ;

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aeterna auctoritas VI.4, VII.12, VIII.17, 268, 275, 400 s. Aulu Gelle, séquence des citations des XII T. 19-20 Auxilium tribunicien, provocatio ad populum 706-707 Bélier, sacrifice, homicide involontaire VIII.24 Bona liberti, réservés à la familia patroni : V.8  ; indisponibles par le testament du patronus 227 Bona paterna avitaque, prodigue 219 Bonam copiam iurare 141 ; lex Poetelia Papiria 253 Bornage, délimitation intra quinque pedes usus nec esto 326 Bûcher funéraire, emplacement X.9 Bustum, lieu du bûcher X.10 Cadavre, aspersion (circumpotatio) X.6 Caedere, qualification du meurtre 640 Calendrier, réforme et publication XI.2, 787 s. Calumnus 70 Canuleius, plébiscite (445) XI.1, 781 Capitalis (poena) : VIII.26, IX.5, 138141, 649 Carvilius Ruga, divortium 164-165 Carmen incantare, condere : magie criminelle : VIII.1, 410 Carthage, lieu d’affichage de la loi (??) 37, 705 Castigatio levis 495 Casu (id est neglegentia) 495 Causa liberalis VI.7, 300 s., 305 Cautiones rei uxoriae 169 Cena novendialis 729, 761 Ciere = agere 238 Circumactus aratri, confinium 33, 346 Circumpotatio (aspersion du cadavre) 761 Classis 79 Cliens, devoirs 616 Codification décemvirale : – affichage (?) de la loi 35-36 – authenticité 1 – fons omnis privati iuris 27-30

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– fons omnis publici iuris 31 – influence de la Grèce 31-33 – langue de la loi 37-38 ; sujet non exprimé 63, 292  ; emploi de la troisième personne 64 – lex et nomos 27 – loi sur l’imperium 24-26 – promulgation et publication 33 s. -pseudo réaction anti-pontificale 25-26 – signification politique 22-32 – vocation isonomique 23-25, 727728, 732-733 Coetus agitare VIII.26 ; nocturni 649 s. Collège pontifical, collaboration avec les décemvirs 26 Collegia : cf. sodales Comitium 93 Comitiatus maximus 674 Commercium 83, 118 ; accès au ius civile 274 ; nature et effets 277 Communauté familiale et patria potestas 234, 239 Comperendinatio 120, 123 Condictus dies 119 Confessus (reus) 73, 133 ; interdiction de Confinium VII.4  l’usus 338, 346 ; a. finium regundorum VII.5 Coniuratio VIII.26 Consecratio 612 Conserere manum VI.6 Consilium domesticum 153 Consortium V.4, 199-203  ; entre sui 238-239 ; testament du pater f. : 239240 ; division des obligations 233 Controversia de finibus = a. fin. reg. 348 ; c. de loco 345 ; c. de fine 345 Conubia plebei cum patribus XI.1 Convicium, édit de convicio 427 Corrumpere 658 Corruption du juge IX.3 Coronae : funéraires 761-762 ; honorifiques X.7 Crimen maiestatis IX.5 Crimen suspecti tutoris : – action en destitution 600 s. ; -tuteur testamentaire et tuteur légitime 601 s. Croix, supplice 427

Curatelle légitime (fou, prodigue) des agnats : conditions (absence de tuteur et qualité d’héritier ab intestat) 215-217 Cura furiosi V.7, 217-219 Cyrène (lois de) 725 Damnatio, damnatus 105-106, 132 Damnum, étymologie 459-462 ; multiple du dommage : 459-460, 468, 564, 808, VIII.5, VIII.16, XII.3 Damnum duplione decidere 461-463, 559-561, 488-489, 814, VIII.9, VIII.16, XII.3 Decemviri stlitibus iudicandis 306 Décemvirs, emprunts au monde grec 724-728 ; second collège : historicité 33-34 : œuvre XI.1, 782-783 Decem tibicines X.3 : transaction imposée aux Decidere  parties 461 s., VIII.16, 824 Dedicatio in sacrum XII.4 Delapidare VII.7 Démétrios de Phalère, lois somptuaires 721, 723, 731, X.3 Destruction volontaire de récolte VIII.9 ; sanction  : – impubère : peine du double 490 – pubère : procédure criminelle et supplice 490-491 Diei diffissio II.2, 120 Dispenses virtutis causa X.1, 739 Division du procès en deux phases 92, 105-106, 110-111, 120 Divortium, formule IV.3, 161 s. ; conditions (restitution de la dot) 167 s. Dolus, emprunt au grec 725 ; tuteur VIII.20, 598 s. ; dolus malus 843 ; dolo sciens 642 Dos, restitution, divortium IV.3, 161 s. Duicensus fragm. 12 ; 846 Duplione damnum decidere : v. damnum duplione Duumviri (qui perduellionem iudicent) 693 Ediles curules, juridiction criminelle 584 Eigengut, pecunia 190, 201

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Emancipation, filius 158 Encens, rite funéraire 761 Endoploratio : nature 523-524 ; condition imposée au vol de nuit et de jour cum telo 517-519, VIII.13, 705 Erctum ciere, demander le partage = erciscere 237 ; ercto non cito : indivis 237 s. Etres difformes, élimination IV.1, 143 s. Evergétisme, source d’honos post mortem 767 Exécution privée (pouvoir d’auto-exécution) VII.9, VII.10, 375, 381 Excantare (action magique sur les végétaux) VIII.8, 480 s. Excuses légitimes au défaut de comparaître II.2, 118-120 Facere (sens dans les XII T.) 439-440 Familia : – sens réel, synonyme de res sua V.4, V.5, V.8, V.10, 188, 190, 198, 201 ; cf. familia pecuniaque 198, 201, familia erciscunda 111 ; définie à tort comme Hausgut ou res mancipi 218-219 – passage du sens réel au sens personnel 202, V.7, 218, 225 Fasti, publication, deuxième collège décemviral XI.3  Favor libertatis 302 Femme sui iuris, tutelle V.2, 178 s. Fenus VIII.18 Fictor (Volscius), accusation 633 Fidem emptori sequi VII.11, 388, 391-392 Fides : mancipatio 246 ; dépôt 592-593 ; lien de clientèle 615 ; tuteur VIII.20, 602 ; 844 ; pas de sanction générale décemvirale 593 Fiducia 158, 590 Filius familias, délits XII.2 Filius in mancipio IV.2 b, 158 Fines regere (établir un bornage) VII.5, 345 s. Flagellation 427 Flagitium, atteinte à l’honneur 421,426 Flamen Dialis, trinoctium 284

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Gn. Flavius, publication des Fasti XI.3 Forum, accès au sepulcrum X.10 ; place publique 93 Foedus Latinum (Cassianum) fragm. 1, 841 Fou (furiosus), curatelle agnatique 214 s. ; incompatible avec la tutelle 216, V.7 Fraus 138, 141, 617, 661, 765, 770 ; III.6, VIII.21, VIII.27, X.8 Funérailles, réduction des dépenses 718-722 Furtim (frugem furtim noctu pavisse) VIII.9, 485, 490, 505 Furtum, concept 521 ; sa place dans le code 519-521 Furtum conceptum, f. oblatum, action au triple VIII.15, 545-548 Furtum : – nocturnum VIII.12, 522, 714 – cum telo VIII.13 ; ius occidendi reconnu à la victime VIII.12-13 Furtum manifestum VIII.14 ; impubes, verberatio 536, 538 ; pubes, addictus 537 Furtum nec manifestum VIII.16, 536, 563 ; damnum duplione decidere 537 Furtum prohibitum VIII.15, 546 Gaius, commentaire ad legem XII Tab. 14-15 Gens, propriété gentilice, distribution 333 Gentes, plèbe 204 Gentiles, définition 203 Gentiles, curatelle du furiosus 217 Gentiles, tutelle légitime sur l’heres ab intestat 209 Gentiles, capacité successorale, 201-202 Genucium, plebiscitum de usuris (342) = lex Marcia I, 582 Gestation, durée 171-172 Glans ex arbore aliena 475 Gortyne (lois) 725 Grèce, influence des concepts d’isonomia et d’eunomia 23-25 ; la légende des emprunts aux lois de Solon 3133, 720, 723-724,726-728

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Guirlandes funéraires 761 Habere, emploi décemviral 752-753 Hasta, iumentum agere 358 Hausgut, prétendument équivalent de familia 190, 201 Heredium prédécemviral, propriété collective ? : VII.3, 332 Heredium décemviral (enclos entourant la domus) : bien aliénable et transmissible 332, 334-335 Heres V.3, 192 ; qualité de suus 200 ; continuateur de la personne 234 Hermodore d’Ephèse 724 Homicide volontaire, crime de droit commun, action privée de meurtre 678-679 ; v. Meurtre, Parricidium Homicide involontaire, loi de Numa 641-642 Honos 765, 767 Hortus VII.3, 332 Hostis IX.5 ; = peregrinus cum commercio II.2, 118-119, 274, VI.4 Imperium et XII T. : 24-26, 147-148, 151, 727 Imperium consulaire amputé de la justice criminelle capitale IX.2, 675-677 Incendie criminel, assimilé au meurtre : VIII.10, 495, 497-499 Incendie involontaire 495 s. Incinération-inhumation X.1-X.2, 718-719 Indefensio 66 Indemnatus, meurtre d’un : X.6 Inerctum, indivis 237 In iure : – in iure-apud iudicem 92, 94, 105-106 – in iure-ex iure (valeur spatiale : en présence, en l’absence du magistrat) 293 Iniuria, concept : acte contraire au droit : 150, 422, 439, 440 (iniuriam facere), 444 s., 507 In ius vocatio I.1-3, 97, 118-120 Inploro, fragm. 3, 843 Inprobus 627 Inrogare–rogare 673-674

Insignis IV.1, 144 Intercalation XI.2 Interdits : de arboribus succisis (précédents décemviraux) 376 ; de glande legenda 375, 381 ; quod vi aut clam (aquae pluviae arcendae) 368 Interpretatio post décemvirale (pontifes, veteres) : 159,174-175, 209, 226, 232, 294, 364-365, 368, 381, 561, 624, 642 Intestabilis 123, VIII.22, 625 s. Intestatus, définition 216 Ioulis (Kéos), règlement funéraire 731, 742, 747, 753 Isonomie, loi des XII T., 673, 728, 731 Ita ius esto : – signification et portée VI.1, 247, 252, 259-260, VIII.12-13, 525 – source d’une manus iniectio pro iudicato 191, 193 – suppression par la lex Poetelia pour le nexum 252-253 Iter, servitude de passage 356, 360 Iudicatus-damnatus 105 Iudices decemviri VI.7, 302, 306 Iudicis arbitrive postulatio 105, II.1 b, 109 ; domaine 240, 350, 368 Iudicium familiae erciscundae 231 Iudicium publicum ex lege Cornelia 430 Iudicium publicum rei privatae 584, VIII.20, 606 Iumentum agere, servitude 360 Iunii, funérailles 732 Iure : – (au sens de iusta causa) IV.2 a, 150 – (en conformité avec le ius) III.1, 131-132 (res iure iudicatae)  ; VIII. 12-13, 525 s. (iure caesus esto) Iurgare, acte de iurisdictio 348-349 Ius divinum, De legibus 715 s. Ius pontificale 716 Ius iurandum 103, VIII.2, 628, fragm.6, 844 Iussum populi 837 Iusta causa, vitae necisque potestas IV.2 a, 151-152 Jeux, couronne X.7

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Jeux funéraires 751 Juge corrompu, instance privée 632 Jugement par défaut 94 Juridiction criminelle capitale : compétence comitiale 674-678 Labyades (règlement funéraire, inscr. de Delphes) 731, 742, 747, 753, 757, 770 Lamentatio X.3 Latrocinium 506 Legare (suae rei) 188-189 Lege agere 101-103 Leges de religione, De legibus 715-723 Leges regiae et Loi des XII T : 30, 146-148 Leges et rogationes républicaines : Lex Aeternia Tarpeia 104 Lex Aquilia 509 Lex Atinia, res furtiva 569, 572 Lex Cornelia de sicariis et veneficis 145, 412, 416 s., 429-430, 499, 626, 630, 684, 689 ; falsum testimonium 630 ; intestabilis 673 Rogatio Duilia Menenia de feneratoribus (357) (plebis scitum) 581 Lex Gabinia (de coitionibus clandestinis) VIII.26, 648, 651 Lex Iulia de adulteriis 162 Lex Iulia de collegiis 657 Leges Iuliae de iudiciis 799 Lex Iulia de maiestate 651, 696 Lex Laetoria de minoribus 88, 586, 598, 603, 606 Lex Licinia de modo agrorum (367) 584 Lex Menenia Sestia de multarum aestimatione (452) 104 Lex Marcia I de usuris (342), prohibition absolue de l’intérêt 582, avec double sanction : 584 s. Lex Marcia II adversus feneratores (début du IIe s.), avec double sanction : 585 Lex Papiria (de poena sacramenti) (430) 104 Rogatio Manlia Plautia de usuris (347) 584

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Lex Poetelia Papiria (ca 326) 111, 242, 587 Lex Pompeia de parricidiis 689 Lex Pinaria Furia 788 Lex Plaetoria, v. lex Laetoria Lex Silia de ponderibus publicis 201 Lex Sempronia de capite civis (123) 707 Lex Valeria de provocatione (300) 627 Leges Valeriae Horatiae (449) 713 Legs per damnationem, action au double 259 Législation funéraire antiseigneuriale, Rome 732 Législation funéraire grecque 731 Législation somptuaire, Servius Tullius 770 Legis actio 101-103 Legis actio, pignoris capio 799 Legis actio sacramenti II.1 a, 99 s. Légitime défense, conception tardive, non-décemvirale 526 s. Lessus 720-721, 752-753 Lex définie comme iussum in omnes : IX.1, 672 Lex / imperium 727 Lex et ius 102 Lex publica 192, 249 (solutio per aes et libram), 658 Libellus famosus 416 Liber homo 689, 710 Liberté associative, sodalitates : VIII.27, 656 s. Libertus : – pas de capacité de tester en l’absence de sui 225 – succession ab intestat, heredes sui 225 – mort sans sui : retour de la res sua à la familia patroni 225-226 Lis 88 Lis vindiciarum 822 Litem suam facere 685-686 Litis contestatio 624 Litiscrescence, ita ius esto 259-260 ; vindex 258 Locatio rei, pignoris capio 800 Locuples 79-80

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Magie agraire, procès édilicien d’amende 483 s. Magie criminelle VIII.1  ; iudicium publicum, procédure 419 Magistrat : – destinataire des prescriptions légales 532 – désignation : iudex, praetor 106 Maenenii, funérailles 732 Maiestas populi 707 ; crimen IX.5 Main (pour l’homme), meurtre involontaire 643 Malum carmen, peine de la croix 416 Mancipatio, structure et fonction  : 245 ; fides 246 ; filius IV. b, 157-159 ; noxali causa 157 s. Mancipatio familiae 191-192 Mancipium = mancipatio Manum conserere, rituel 294 ; interpretatio 294 Manum depellere 134 Manumissio post mortem 193 Manus IV.3, 167, 284 Manus iniectio iudicati I.1-3, 6566, 72-73, 130 s., III.1-6 ; addictio 534-535 Manus iniectio pro iudicato 72, 111, 134, 584, 585 ; effet de la mancipatio 248 et du nexum 251 ; vindex, litiscrescence 258-259 Manus iniectio dite vocati 70-73, I.1-2 Mariage illicite, effet : 780-782 Membrum ruptum, définition  : 442 ; responsabilité subjective 446 Menenius Agrippa, funérailles 733 Mensores, a. finium regundorum 346 Meridies 89 Meurtre volontaire (parricidium) répression 642 ; peine 690 Meurtre involontaire 641-642 Mobilier funéraire 770 Morbus sonticus 69, 74, 118 Mort, tabou, fondation de la cité X.1 Mort au combat (bellica mors) X.5 Mulier sui iuris, manus, auctoritas tutoris 180-181 Mulier, res mancipi, aliénation V.2, 168

Nancitor, fragm.1, 841 Necare, qualification du meurtre 144, 640 ; v. Nex Nex , meurtre violent IV.2 a, 144 Nexum : – 72, 111, 579 – structure et fonction 248-253 – acte de prêt 249 ; formule nuncupatoire 249 ; force exécutoire (ita ius esto) 251 ; auto-mancipation conditionnelle (rejet) 251 ; nexum et fides 254 ; et mancipatio 254 ; v. Lex Poetelia Papiria Nexus 136  ; condition avant et à l’échéance  : 250-252 ; vinctus mais non iudicatus : 251-252 Nocturnus (thème de la nuit) I.9, VIII.9, VIII.12, VIII.26 Nomina, succession, divisibilité V.9, 230-234 Nomos/législation décemvirale 727 Novendialis 760 Noxa 366-367, 809-810 Noxae deditio 470 s., 809 Noxia (par opposition à damnum) 457-459, 468, 808-809 Noxiam nocere 808-810, 814 Noxiam sarcire 456-463, VIII.5, 494, 808 Nuncupare (nomen capere) 232, 246, 257 Nuncupatio, nexum, 247 Nundinae 137, dies fasti, création décemvirale XI.2 Obcantare, v. Occentare 420, 428 Obvagulatio 122, 426, 623 Obligations, transmissibilité, origine pré-décemvirale 233 Occentare, magie criminelle (envoûtement dénaturant) VIII.1, 410, 419 Occidere 144 Oportere (dare facere) 111 ; ex causa depositi 591 Orare : rem orare 90-91 Ordalie 104, 633 Os fractum, définition 442 ; responsabilité subjective 447

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Pacere, double valeur dans les XII T : I.6 ; VIII.27, 659 s. Pacere rem 659 Pactio : v. Pactum 659 s. Pactum extinctif : III.5, VIII.2, VIII.27, 136, 450-452, 560, 659 s. Pactum et talio VIII.2, 450-452 Pactum sur le lieu du procès I.6-7, 89-91 Palingénésie des fragments de la loi des XII T. : 8-22 Paries communis 319 Partis secanto 138-141 Patria potestas : – place résiduelle dans le code 30, 145-148, 172 – vitae necisque potestas IV.2 a, 149-153 – déchéance IV.2 b, 157-159 – disposition à cause de mort en présence de sui V.4, 198-200 – désignation des tuteurs V.6, 200, 207 – usus de la potestas sur la filia fam. VI.5, 282 – furiosus 217, 219 – p. potestas et communauté familiale archaïque 200, 239-240 Patriciat, fermeture 781 Patroni : – droit aux bona liberti V.8, 225 – tutelle légitime sur les liberti morts : extension des veteres intestats  209 Paricidas 690-691, IX.4 Parricidium 638, 640, IX.4, 676, IX.6, 707, 709-713 Pauperies VIII.6, 468 Pecunia, res nec mancipi 201, 218  ; au sens de familia : 200-201, 764, 766-767 ; disponible par testament 201 Peine réfléchissante, incendie criminel 498 Pendaison à une arbor infelix 491 Perduellio 650, 697, 707, 713 Perduellis IX.5 Peregre 137 Peregrinus, v. Hostis

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Perendinus = comperendinus dies 120, 123 Periurium 717 Perorare 92 Perquisition lance et licio 549-553, VIII.15,  726 ; furtum conceptum 548 ; furtum prohibitum 549 Pignoris capio XII.1 ; dare oportere préexistant XII.1 ; v. fragm. 1, 842 Piaculum 104 ; homicide involontaire 639 Pietas envers les défunts 718 Pittacus, législation somptuaire 723 Platon, législation somptuaire 723 Plèbe, définition 204, 779-782, XI.1 Plèbe, idéologie : causa liberalis 302, 306, VI.7 ; code décemviral 727-728 Pluie, ruissellement naturel 363 ; intervention humaine VII.8 Pluralité de sépultures X.5 Plus minusve 141 Poena, emprunt au grec 725 Poena capitalis, fur manifestus 533, 536 Porrectum 354 Portus (= porta ?) 122 Postumii, funérailles 732 Postumus, iustus IV.4, 172 Potestas 658 ; curator 217-218 Praedes litis et vindiciarum 98, 824 Praetor 106, XII.3 ; juge criminel de droit commun 679-680 Privilegium IX.1 ; concept et prohibition 670-674 ; 708 In privos leges rogare (ferre) IX.1 Propriété privée limitée à deux jugères (heredium) : falsification des Antiquaires 332-333 Propriété (atteintes au droit de) : VI.8, VII.1, VII.2, X.10 Prodigus : – curatelle légitime des agnats (incompatible avec la tutelle) V.7, 214-216 – héritier testamentaire 220 – intestabilis 625 s. Pro fure damnum decidere VIII.16, 561 Proletarius 78-80 Proquiritari ( ?) fragm. 11, 846

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Proditio IX.5 Provocatio ad populum (au sens de jugement comitial de première et dernière instance) 675-676, 707,714, fragm. 5, 844 Publicani, pignoris capio 801-803 Publicus, opp. à privatus 673 Quadruplatores (action au quadruple contre le fenerator : lex Marcia I et II) 584-585 Quaestio lance et licio VII.15, 546 s., 548 Quaestiones de veneficis 458 Quaestiones extraordinariae ex senatu 651 Quaestores parricidii, compétence : crimes de (instruction, enquête)  sang et politiques – perduellio) : 691-693, IX.4 ; v. encore 491, 630, 633, 638, 677 Quindecim pedes altius : au dessous de quinze pieds VII.9, 373 Quinque (intra) pedes usus nec esto : VII.2, 326 Quodcumque postremum populus iussisset : XII.5 Report d’instance II.2, 118-120 Repudium v. Divortium Rites funéraires, signification 728-729 Res, au sens de litige ou controverse : I.6, III.1, IX.3, IX.4, VIII.27, XII.4, 661 Res iure iudicatae III.1, 168 Res, au sens de chose (res mancipi, res furtiva : 570) ou d’un ensemble de choses (= familia : V.3, 201 ; IV.3 : res suas habere) Res mancipi et res nec mancipi, usus (garantie contre l’éviction)  : V.2, VI.3, 179-180, 270 Responsabilité noxale, alieni iuris XII.2 Respersio (aspersion du bûcher) 761 Rumpere, signification 443 Rupitia, dommage matériel causé à autrui, source de damnum VIII.5, 457-459

Sacratio du criminel : – seule la forme du supplice rappelle cette étape pré-décemvirale : 499, 628, 632, 704 s., 710-711 – nature de la sacratio 611 s., 613 s. – spécificité de la sacro sancta potestas du tribun 713-714 Sacramentum (legis actio) II.1 a Sang, rite funéraire X.4 Santra X.3 Satisfactio, garantie d’un tiers assurant l’effet translatif d’une vente à crédit : VII.11, 393-394 Sciens prudensque VIII.10, 495 Se (= sine) fraude III.6, IV.2 a, X.7 Seditio VIII.26, 652 Segetem perlicere VIII.8, 480 s. Sempronius Tuditanus XI.2 Sénatus consultes d’extension analogique de la lex Cornelia de veneficis 430 Senatus consultum ultimum 707 Servitudes foncières, inexistence dans les XII T. : 355-359 Servius Sulpicius Rufus 721, 806, 817 ; traité De dotibus 169 Servius Tullius, législation funéraire 732 Servus : V.8, VI.7, VII.2, VIII.3, VIII.14, X.6, XII.2 Servus : os fractum 448-449 ; membrum ruptum , talion 448 ; deiectio e Saxo 632 ; délits XII.2 Sextus Aelius Paetus 8 Silicernium 761 Societas 238 Sodales VIII.27 Sol occasus 88 Lois de Solon, modèle pour les décemvirs  ? VII.2, 324-325, VIII.27, 662 s.; 719-728 Solutio legibus 739 Sonticus 118 Sponsio II.1 b, 111 s. Statuliber, aliénation VII.12, 397 s. Status dies 119 ; cum hoste 118 s. Stillicidium, ambitus parietis 321 Stipulatio incerti II.1 b, 112

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Succession, divisibilité des dettes et créances V.9, 232 s. Supplico, fragm. 3, 843 Suspectus (tutor) VIII.20, 602 Suus V.3, 192 Tabulae defixionis 415 Talion 140, 443, 450 s., 498, 726, fragm. 7, 844 Tarpeium Saxum, supplice 538, 630, 683-684 ; caractère public 632 Telum 520, VIII.13, VIII.24 Témoin ad solemnitatem 623 ; ad probationem 623 ; v. Testis Testament : – forme : calatis comitiis 190-191 ; per aes et libram 192 – effet (patria potestas) 198-199, choix d’un suus 192, 200, 208  ; fille héritière 209 Testamenti factio, intestabilis 625 Testimonium, défaillance 121-123, falsum 629 s. Testis, in ius vocatio I.1 ; fragm. 10, 846 Tignum furtivum, concapitum 318 ; alienum 311 Tignum iunctum VI.8, 311, VI.9 Traité romano-punique (VIe s.) 277 Trans dare = tradere, fragm. 3, 843 Trans Tiberim III.5, 137 Tria ricinia X.3 Trinoctium 181, VI.5, 282 s. Tresviri capitales 499, 586, 678 Tribules 79-80 Tunicula purpurea X.3 [Tutela] V.3, 188 s. Tutelle agnatique, conditions d’ouverture V.6, 207-209 Tutor, testament du pater, 193, V.6, 207 Tutor suspectus, fraus, sacratio ,620 Unciarium fenus VIII.18, 578 s. Usura 580 Usurpare = usum rapere 281-282, 284, VI.5 Usurpata uxor 281 Usurpatum ire 282-283

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Usus : – définition : exercice d’un droit (sur une chose, sur une personne) : 179-180, 265 : V.2, – occurrences décemvirales  VI.3, VI.4, VI.5, VII.2, VII.4, VII.12, VIII.17, X.10 – effet : met fin à l’obligation d’auctoritas : VI.3, 270, VI.4, VII.12, 401 s., VIII.17, 570-571 ; consolide la position processuelle de l’acquéreur 265, 270 Usus du confinium VII.2, 326, VII.4, 339-340 Usus d’une res furtiva VIII.17, 266 Usus d’une res mancipi aliénée par une femme V.2, 266 ; vendue à un pérégrin VI.4, 266 Usus d’une res nec mancipi VI.3, 270 Usus d’un statuliber VII.12, 266 Usus de la puissance sur l’épouse (manus) VI.5, 283-285 ; de la patria pot. sur la fille 282 Usucapion = usus capio ou usum capere 179-180, 265 Vadimonium 66, 96-97, 120 Valerii, funérailles 732 Vas 97 Veneficium v. Venenum Veneficus 413 Venenum (malum), magie criminelle VIII.1, 411 s., 413, 417 Vente, transfert de la propriété et paiement du prix : VII.11, 390-392 Vente à crédit, transfert de la propriété et engagement (satisfactio) d’un garant : VII.11, 393-396 Vente de l’insolvable (iudicatus addictus) III.5, 137-138 Vente (triple) du filius IV.2 b, 157 s. Vente à crédit, pignoris capio 800 Verba nuncupata, source de l’obligation d’auctoritas VI.1, 247 Verberatio 491, 497, 538 Versura 582 Vestales, statut de droit privé 174-175 ; capacité de témoigner 625 Veteres v. Interpretatio

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Viae, agri divisi 355 Viae, routes d’accès collectif et non servitudes de passage  : VII.6-7, 356-359 Vindex : – étymologie 77, 821-822 – in ius vocatio 66, 77-78, I.4

– exécution du jugement III.3, 135 – causa liberalis 305 Vindicatio in rem 77, VI.6 ; in libertatem 107, 303 s., VI.7 Vindicia 77, 293, XII.3, v. falsa 824 Vindiciae 98, 300-301, 821, 829 Vinum (aspersion funéraire) X.6, 761

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Abt : 429 Agamben : 712 Agnati : 185 Albanese : 64, 66, 71 s., 75, 78-80, 89, 92, 94, 96, 102-106, 112, 116, 118120, 132, 134, 144, 151-154, 189, 191, 198-202, 218, 233 s., 238, 240, 246, 249, 250-252, 254, 262, 267269, 280, 284, 291 s., 294 s., 301, 305, 314, 364, 366-369, 411, 413, 421, 426, 439-441, 445, 461, 483, 490, 520-522, 526, 535-538, 540, 565, 570, 572, 593, 600, 602, 604 s., 614 s., 624, 670, 674, 712, 721, 743, 745 s., 751, 799, 801, 819, 823, 825, 834, 837 Albertario : 237, 239, 388, 391 s., 395 Alexander : 685 Alföldy : 137 Amarelli : 429 Amirante : 29, 678 Ampolo : 656, 729, 732, 737 s., 753, 761, 770 Amunátegui : 151 s. André : 79, 315, 491 Ankum : 658 Annequin : 412, 415, 418 Appleton : 189, 192, 199, 303 s., 384, 391, 396, 443, 579 Arangio-Ruiz : 109, 112, 209, 237-240, 346, 348, 350, 357, 360, 374, 376, 388, 390-392, 396, 523, 525, 527, 534 s., 539, 563, 591, 600, 602, 604 s., 639, 800, 823 Arcaria : 430

Archi : 90, 219, 391 s., 395, 658 Arias Bonet : 121, 123, 623 Arico Anselmo : 240 Arù : 358, 527 Astolfi : 162, 169 Audibert : 215, 217, 220 Audin : 738 Badian : 837 Bain : 528 Balogh : 579, 727 Balsdon : 611 Balzarini : 538 Bartoloni : 738, 770 Bauman : 154, 419, 795 Baus : 761, 762 Beard : 175 Bechmann : 168 Beckmann : 420, 482 s. Behrends : 89 s., 90, 92-94, 123, 133, 139, 249, 451, 579, 603, 684, 686 Bekker : 140 Bellocci : 247, 590 Beloch : 2, 782, 789 Benedetto : 450 Bennett : 713 Benveniste : 38, 64, 200, 218, 331, 460, 798 Berger : 2, 131, 206, 232 s., 253, 322, 353, 504-506, 518 s., 528, 573, 602, 653, 727, 780, 807, 827 Bernhardt : 731 Beseler : 246, 255, 391, 616, 813 Bethmann-Hollweg : 90, 92 Betti : 823 Bianchi : 802

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Bianchini : 239 Bignardi : 373-375, 377 Billeter : 579, 581, 583, 585 Binder : 137 Biondi : 189 s., 202, 233 s., 374-376, 471, 504, 509, 812 s. Birks : 439, 441, 445 Biscardi : 123, 250, 252 s., 375, 390, 624, 802, 836 Biscotti : 420 s., 424, 660 Blech : 761 Bleicken : 671 s., 678, 838 Boha�ek : 518 s., 522-524, 526, 528, 534 Böhm : 443 Bolla : 79 Bonfante G. : 690-691 Bonfante P. : 189, 202, 215, 233 s., 310, 320, 373, 375, 658, 690 Boscherini : 63, 69 s., 88 s. Botsford : 204 Bottiglieri : 730 Bouchand : 65 Branca : 364, 366-368 Bréal : 1, 38, 70, 439, 617 s., 725 Brecht : 421, 426, 428, 491, 614, 616 s., 675, 692, 697, 705, 707 Breglia Pulci Doria : 144 Bremmer : 656 Bretone : 189, 237, 239 s., 837 Brind’Amour : 788 s. Brini : 165 Broggini : 77 s., 112, 203, 345, 347349, 368, 451, 524, 535, 562, 564, 624, 631, 633, 819, 822 Bruck : 729, 731 Brugi : 319 s., 322, 345, 356, 360 Brunnenmeister : 526, 636, 639, 705 s., 710, 712 Bruns : 18, 21, 63, 82, 88, 102, 149, 162, 188, 215, 242, 262, 273, 280, 292, 301, 366, 403, 411, 420, 438, 440, 598, 600, 603, 647, 704, 787, 819, 822, 842, 844, 847 Buckland : 350 Buonamici : 139, 821 s. Buonocore : 9 Burckhard : 364, 366, 368 Burdese : 484, 613 s., 630, 683-685,712

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Bürge : 73, 135 Burillo : 591 Burkert : 729, 751, 753, 756, 761 Buti : 64, 94, 106, 295, 819 Caimi : 140, 689 Cancelli : 586 Cannata : 94, 134, 140, 292, 294, 456, 463, 799 Cantarella : 421, 424, 426 s., 491, 497 s., 525 s., 633 Capogrossi Colognesi : 219, 319, 332, 356 s., 359 s., 377 Carbonnier : 94, 650 Carcaterra : 603, 616 Cardascia : 450, 499 Carrara : 539 Carrelli : 489-491, 504, 507-509, 523, 527, 538 s., 547, 632 Casavola : 681 Cascione : 25, 586, 651, 837 Castagnetti : 427 Catalano : 83 Cataldi Dini : 770 Ceglie : 373 Cervenca : 579 Ciulei : 324, 328, 725 Clemente : 730 Cloud : 100, 640, 642 s., 651, 689, 691, 693 Coarelli : 539, 583 Colemann : 539 Coli : 184, 189, 192, 199, 656 s., 690 s., 726 Collinder : 139 Collinet : 234, 803 Colonna : 204, 460 s., 729, 732, 738, 747, 761, 770 Condanari-Michler : 450, 495 s. Conrat : 658 Coppola : 201 Corbett : 162, 165 Corbino : 90, 351, 355-358, 360, 517, 519, 527, 779 Cosentini : 226 Cosentino : 603 Costa : 631 Crawford : 20, 189, 334, 580 Crifò : 679, 713, 725 Cujas : 13, 116, 135, 156 s., 309 s., 314, 366, 474, 518, 532, 653, 704, 819

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INDEX DES AUTEURS MODERNES

Cumont : 748, 753 Cuq : 201, 320, 579, 587, 624 Cursi : 356-360, 439, 449 D’Elia : 38, 559 D’Ippolito : 4, 116 s., 284, 721, 794 s., 819 D’Ors A. : 483 s. D’Ors X. : 218 Da Nobrega : 140, 426, 446 Dareste-Haussoulier-Reinach : 731 Daube : 38, 63, 447, 450, 458, 461 s., 476, 548, 551, 569, 572, 809, 813 David J.M. : 539, 633 David M. : 109, 178 De Francesco : 517 De Francisci : 203 De Marini Avonzo : 828 s. De Martino E. : 753 De Martino F. : 137, 579, 581, 586, 615, 675, 685 s., 782 De Robertis : 655, 658, De Sanctis : 795 De Simone : 75, 78, 80, 96 De Visscher : 199, 205 s., 209, 220, 266, 268 s., 276, 458, 469, 471, 475, 487, 526, 534, 539, 547, 561, 573, 690, 738, 775, 779, 809-811, 813 De Zulueta : 233, 237, 250, 350 Delcourt : 144 Delz : 324, 328, 440, 641 s., 725 s., 747 De-Marchi : 761 Demelius : 78, 133 Deubner : 762 Devoto : 77, 690, 821 Di Lella : 583 Di Paola : 440, 443, 445 s., 449 Di Porto : 834 Di Salvo : 586, 598, 603, 606 Diliberto : 5, 9 s., 11, 13, 19 s., 120, 215, 217 s., 716, 766 Diósdi : 189, 268, 360, 766 Dirksen : 9-21, 63, 69, 88, 116-118, 144 s., 156, 162, 209, 215, 224, 264, 273, 301, 309, 314, 318, 331, 354, 357, 366, 380, 403, 411, 419, 438, 440, 455, 474 s., 480, 486, 494, 508, 518, 522, 532, 537, 545, 559 s., 570, 590, 599, 637 s., 648, 653, 688, 704, 710, 769, 806, 813, 819, 827, 833 s., 842

Domisch : 265 Donatuti : 398 Ducos : 324, 328, 662, 671, 724 Düll : 63, 77, 139, 153, 175, 273, 821 Dumézil : 175, 738, 798 Dyck : 718, 752, 759 s., 769 Ebert : 570 Eder : 22 Effer-Uhe : 104 Ehrhardt : 547, 550-553 Eisele : 119 Eitrem : 729, 753, 761 Elvers : 319, 322, 356 s. Engels : 761 Ernout-Meillet : 77 s., 95, 189, 219, 237, 282, 331, 426, 450, 470, 534, 580, 617, 619, 752, 765 Esmein : 162 Evans-Jones : 590, 593 s. Fabre : 226 Fadda : 585 Falcone : 294, 372 Fascione : 618, 765 Fayer : 167 Feenstra : 388, 392 Fenocchio : 522, 547 Ferenczy : 302, 616, 727 Ferrary : 3, 9, 10-13, 15 s., 413, 500, 638, 651, 837 s., Ferrini : 389, 456, 458, 468, 491, 518 s., 538, 631, 658 s., 690 Filhol : 284 Fiori A. : 9 Fiori R. : 94, 131, 611 s., 615, 628, 633, 656, 705 Flach : 20, 88, 139, 143, 149, 157, 654 Fliniaux  : 96 s., 470, 475 s., 504, 506-508 Flobert : 65, 300, 619 Fontanella : 716 Fowler : 482, 612 s., 713 Fraccaro : 80 Fraenkel : 69 s., 421, 426, 428, 482 s., 616 Franciosi  : 140, 204, 301, 303-306, 319, 322, 356-358, 360, 738 Frazer : 729, 753 Freyburger : 616, 618 Frezza : 671

INDEX DES AUTEURS MODERNES

Fritz : 612 Fugier : 614 Fuhrmann : 439, 538, 697, 725 Funaioli : 131, 721 Fustel de Coulanges : 320 Gabba : 333, 611, 674, 730 Gagarin : 728 Gagé : 497 Gagliardi : 306, 525 Gallo : 219 Gamauf : 551 Gandolfi : 375, 591 Gardner : 624 s. Garofalo : 484, 584, 675, 678, 680, 691 s., 705, 711 s., 714 Garosi : 412, 415, 418 Gaudemet : 240, 319, 322, 780 Gebhardt : 538 Génin : 413 Georgescu : 139 Gernet : 534, 690 Giangrieco Pessi : 470, 475 Giffard : 133, 266, 268, 275, 451, 571, 573 Gioffredi : 64, 71, 77 s., 90, 94, 102, 189, 246, 294 s., 446, 525, 705, 712, 725, 728, 821, 823 Girard : 1, 18, 21, 37, 63, 90, 97, 109, 119, 149, 178, 188, 192, 215, 269, 306, 348, 366, 373, 375, 398, 400, 443, 469-472, 474, 504, 507, 546, 604, 624, 799 s., 803, 811, 813 Giuffrè : 204, 680 Giunti : 165 s. Gjerstad : 738, 770 Gladigow : 538 Glotz : 551, 633 Gnoli : 218 Godefroy D. : 13, 69, 704 Godefroy J. : 9, 11-18, 20-21, 63, 69, 98, 116-118, 156, 162, 172, 207, 214 s., 224, 232, 238, 260, 264, 273, 293, 302, 309, 314, 318, 331, 357, 366, 369, 372 s., 402, 411, 413, 474 s., 480, 486, 494, 506, 508, 518-521, 532, 560, 599, 648, 653, 704, 820, 833, 841 Goldmann : 552 s. Gradenwitz : 83, 131, 133

945

Graf : 412, 415 Grandazzi : 83 Gras : 314 Greenidge : 624 s., 675 Grosso : 189, 191, 202, 356 s., 371 Gruen : 684 Guarino : 83, 139, 198, 201, 204, 215, 218, 283 s., 518, 523, 534, 563, 670 s., 683, 697, 836 s. Guillen : 38 Guizzi : 174 s. Habicht : 731 Hackl : 71, 93 s., 97, 104, 131, 139, 292, 368, 451, 524, 535, 538, 563, 586, 623, 686, 800, 803, 821, 823, 828 Hagemann : 440, 443, 447 Hägerström : 131, 400, 402, 461, 486, 488, 490, 538, 564, 639 s. Hanard : 203 Harris : 152 Hartmann : 795 Hassan : 5 Haymann : 470 s. Heinze : 267, 616 s. Hendrickson : 421, 426 Herdlitzcka : 450 Hertz : 436, 729, 753 Herzog-Lebrecht : 681 Heurgon : 751 Heuss : 498, 639, 672, 678 Hinker : 310-312 Hinrichs : 348, 350 Hitzig : 518, 547 Höbenreich : 430 Hofmann : 726 Hölkeskamp : 583, 728 Hömke : 430 s. Hommel : 175 Horak : 249, 550-553 Horn : 131 Hubert-Mauss : 753 Humbert : 26, 30, 102, 145, 167, 179, 187, 193 s., 223, 265 s., 274 s., 282, 340, 367, 393, 397, 401 s., 430, 491, 570 s., 612-615, 625-627, 658, 671, 675 s., 712 s., 728, 775, 779-782, 785, 794, 834 Humm : 89, 93, 790, 796

946

INDEX DES AUTEURS MODERNES

Humphreys : 729, 753 Huschke : 96, 138, 242, 247 s., 252, 260, 310, 314, 443, 447, 486, 538, 545, 562, 564 s., 582, 587, 637, 819 Huvelin : 122, 266, 268, 275, 310, 414, 420 s., 424, 426, 439 s., 443, 445, 481, 486, 490 s., 506 s., 519, 522 s., 534, 538, 547, 550, 564 s., 569, 571, 591, 605 Imbert : 254 Impallomeni : 360, 399 Ioannatou : 253 Jackson : 470 Jhering : 141, 246, 539, 546, 590, 712 Jobbé-Duval : 139 Johnstone : 497 Jones : 675 s., 679, 684, 693 Jullien : 38 Kaden : 603 Karlowa : 64, 71, 90, 92, 97, 119, 201, 276, 319, 339, 347, 373, 570, 573, 579, 582, 587, 600, 604, 616, 685 Kaser : 64, 71, 77 s., 82 s., 90, 92, 94, 97, 102, 104, 106, 111 s., 123, 131, 133-135, 139, 146, 151-153, 158, 162, 175, 180 s., 189-191, 193, 199, 201 s., 203, 209, 218-220, 225 s., 232-234, 239 s., 246, 248 s., 253255, 259 s., 264, 266, 269-271, 274, 276 s., 281 s., 284 s., 292, 294 s., 301, 305, 333-335, 348, 350, 356, 364, 366, 368, 375, 377, 388, 391 s., 396, 398-400, 402, 443, 447 s., 450 s., 456, 458, 461 s., 471, 475, 487, 490, 495 s., 518, 522, 524, 526, 533, 535 s., 538, 540, 548, 551 s., 564, 571-573, 579, 581, 583, 585-587, 590 s., 600, 602-605, 613, 616, 618, 623, 628, 631, 633, 639, 658 s., 673, 686, 705, 712, 765, 775, 799 s., 803, 809, 811, 813, 819, 821, 823, 825, 828 s., 836 Kaufmann E. : 528 Kaufmann M. : 159, 800 Kelly : 159, 534, 551, 685, 706 Kerr Wylie : 471 Kiessling : 504 Kircher : 751, 761 Kirsopp Michels : 788 s., 794 s.

Kleineidam  : 131-133, 135, 140, 250-252 Klíma : 450 Klinck : 253 Klingmüller : 579, 583, 585 s. Knütel : 348-350 Korošec : 233 Kremer : 83, 119, 274, 278, 673 Krüger H. : 602, 618, 765 Krüger P. : 544, 547 Kübler : 79, 190, 203, 215, 306, 507, 579, 648, 730, 757 Kunkel : 107, 152 s., 159, 190, 192, 218 s., 239, 246, 249, 268, 273, 318, 418, 443, 484, 495, 498, 532 s., 537, 551 s., 573, 600, 633, 636, 638-642, 672, 676, 678 s., 681, 683, 690-693, 705 Kunkel-Wittmann : 484 Kurtz-Boardmann : 732, 753 La Pira : 208 La Rosa F. : 78, 586, 837, La Rosa R. : 517, 534 s., 547, 561, 563 s. Lachmann : 328, 337, 342 s., 436, 438 Lambert E. : 1 s., 655, 788 Lambert J.N. : 226 Lamberti : 683, 685 Lanfranchi : 154, 217, 283 Lange : 24, 713 Laprat : 602 s., 605 Laroche : 728 Last : 80, 779 Latte : 175, 484, 491, 498, 508, 528, 631, 639, 642, 683, 693, 727 Lauria : 19, 120 Le Bonniec : 491 Legras : 671 Leifer : 96, 158, 218, 220, 264, 266, 268, 274, 691 Leist : 551, 553 Lemosse : 89, 247, 254, 562 s. Lenel : 1, 3, 14, 19, 37, 64, 71, 78, 96, 138, 169, 189, 191, 199, 201 s., 224, 249 s., 255, 305, 310, 348, 353, 364, 376, 398, 411, 467-471, 474, 504, 548, 561, 655 s., 659, 662, 686, 691, 720 s., 788, 795, 801, 803, 812 s. Leonhard : 339, 591

INDEX DES AUTEURS MODERNES

Lepri : 189, 198 Levy E. : 109, 111 s., 162, 233, 237 s., 239 s., 350, 369, 491, 504, 533, 536 Lévy J.Ph. : 633 Lévy-Bruhl H. : 63, 71, 77, 90, 92-94, 104, 106 s., 119, 122 s., 132, 139, 158, 166, 189, 191 s., 199, 208, 251, 266, 268, 275, 285, 292, 295, 305 s., 451 s., 536, 571, 586, 604, 623 s., 659, 685, 690, 800, 803, 811, 813, 821 s. Lévy-Bruhl L. : 729, Licandro : 65 Liebenam : 656 s. Liebs : 6, 112, 248, 260, 430, 439, 460 s., 484, 486, 488 s., 490, 505 s., 508 s., 544, 589, 681, 705 s., 809 Linderski : 281 Lisowski : 366, 458, 468-471, 475, 486488, 490, 809-811 Litewski : 590 s., 594 Lokin : 530, 603 Lombardi : 254, 615 s. Longo A. : 19 Longo C. : 390 Longo G. : 528 Lotito : 517 Lovisi : 491, 498, 526, 613, 617, 638, 640 s., 679, 691 s., 696, 705, 713 Lübtow : 201, 203, 208, 217 s., 334, 440 s., 443, 445, 449, 451, 456, 569, 572, 587, 672, 690, 705, 710, 819, 823 Luraschi : 83 Luzzatto : 90, 104, 140, 518 s., 524528, 540, 634, 659, 799, 803 MacCormack : 65, 90, 122 s., 139, 251 s., 471, 495-500, 587, 624, 631, 640, 683, 685, 712 Madvig : 693 Maganzani : 345, 347 s., 350, 801-803 Magdelain : 77, 92, 102, 104-106, 112, 132, 140, 172, 189, 191 s., 199, 227, 246-248, 251-253, 255, 259 s., 268 s., 273, 275, 349 s., 368, 451 s., 461 s., 491, 498, 518 s., 522, 526, 533, 536, 539, 564 s., 569, 571, 617, 629, 632, 640, 642 s., 662, 670 s., 674, 678 s., 683 s., 690, 692, 696, 704, 710, 712, 716, 738, 799, 801, 819, 821-824, 835, 837

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Manenti : 659 Manfredini : 90, 414, 420 s., 424, 437, 439, 445, 447, 481, 525, 527, 660 Manigk : 624 Manthe : 109, 118, 178, 542, 551 s. Mantovani : 3, 90, 185, 418 s., 585, 648, 650, 660, 677-680, 685, 692, 716, 718, 721, 759 s. Marchesi : 431 Maria : 77 Marottoli : 614 Marquardt : 748 Marrone : 104, 106, 301, 305 s., 311, 382, 388, 392, 394, 396 535 Martin : 320 Martini : 359, 367, 727 Maschi : 590, 593 Maschke : 304, 420 Masi Doria : 225 s. Massonneau : 420, 429 Mau : 429, 743 Mauss : 753 Mayer-Maly : 158, 179, 181, 263 s., 266 s., 269 s., 276, 283 s., 318, 499, 569, 572 s., 775 Mazzarino : 731 Meissel : 239 s. Meizen : 332 Melillo : 311 s. Melis : 640 Messina Vitrano : 827 Metzger : 94 Meyer : 320 Meylan : 109, 178, 246, 305, 388, 391 s., 394, 396, 691 Michel : 217, 579, 587 Milella : 497 Minieri : 311, 314 Mitteis : 189-192, 199, 201, 248-251, 260, 274, 276 s., 285, 349, 450, 497, 571, 581, 712, 827 Möller : 355 s., 358-360 Momigliano : 421, 426 Mommsen : 1, 5, 16, 18, 24, 33-35, 70, 77, 79, 86, 88, 100, 107, 116 s., 119, 121, 123, 175, 190 s., 215, 224, 226 s., 269 s., 306, 310, 323, 332-334, 411, 414, 418, 427 s., 436, 438 s., 443, 445, 450, 455 s., 458, 461, 468, 470, 475,

948

INDEX DES AUTEURS MODERNES

482 s., 486, 490 s., 495 s., 499, 519, 523, 525, 527, 533, 538 s., 547, 553, 572 s., 578 s., 584, 591, 605, 613, 617, 623 s., 627, 630 s., 633, 639-642, 648, 654 s., 671, 674 s., 677-679, 683 s., 690, 692 s., 710, 713, 766, 785, 787 s., 795, 803, 809, 819, 824, 842 Monaco : 280, 418 Monier : 259, 305, 310-312, 314 Moreau : 836 Morgese : 3, 506 s. Müller : 472 Müller-Karpe : 737 Musumeci : 309-312 Nardi : 217, 690 Neubecker : 655 Nicolau : 301 s., 304-306, 579, 581 Nicosia : 64, 90 s., 106, 295, 525, 535, 586, 659, 819 s., 823 Niederländer : 521-523, 526, 528, 570 Niemeyer : 590, 592 Nippel : 538 Noailles : 63, 66, 71, 78, 104, 134, 267 s., 276, 303 s., 821 Nogrady : 430 Noordraven : 590 Norden E. : 38, 137, 247, 422, 425, 549, 619, 725, 742 Norden F. : 429 Nörr : 274, 277, 724, 801, 803 Ogilvie : 782 Önnerfors : 415 Orestano : 671 Ostwald : 728 Pagliaro : 79 Pailler : 648 Pais : 1, 538, 581, 583, 726, 788 Palma : 320 s. Paoli J. : 190, 590 Paoli U.E. : 65, 323 Paratore : 65 Paricio : 686 Partsch : 320 Pascucci : 64 Pellecchi : 428, 430 Pelloso : 524, 528 Pepe : 523, 527 s., 534, 548 Peppe : 131, 140, 166, 252, 430 Pernice : 495 s., 504, 526, 528, 553,

571, 572, 592 s., 602 s., 624, 710, 809, 827 Perozzi : 152, 202 s., 215, 219, 227, 358, 360, 375 s., 602, 605 Perrin : 487, 490 s., 522 Peruzzi : 552, 580, 761 Petot : 89, 92, 118-120, 685, 822 Petschow : 499 Pflüger : 192, 249 Pikulska-Robaszkiewicz : 328, 350 Piro : 166, 282-284 Pleket : 732 Pohlenz : 611 Pöhlmann : 333, 335 Polara : 347 Pólay : 140, 448, 639 Poma : 22, 788 Powell : 299, 341, 718, 756, 769 Premerstein : 227, 616 Pringsheim : 388-390, 392, 394 s., 807 Puchta : 14, 16, 355 s., 360 Pugliese : 77, 90, 92, 94, 97, 102, 112, 122, 134, 140, 292, 294 s., 305, 348, 368, 398, 420, 440, 443, 446 s., 471, 499, 508, 603 s., 631, 659, 678 s., 692, 800-803, 810-812, 823 Pugsley : 534 Quadrato : 311 s. Rabel : 199, 208 s., 227, 233 s., 239, 534 Rabello : 152-154, 159, 837 Radin : 121 s., 138 Radke : 38, 64, 75, 79, 165, 842 Rainer : 319 s., 322 Ranouil : 782 Rasi : 172 Rawson : 484, 717, 767 Reggi : 305 s. Rein : 490, 496, 499, 527, 648, 713 Richard : 79 s., 204, 615 Rives : 429 Rivière : 583, 585 s. Robbe : 172, 471 Rodger : 322, 364, 436 Rodriguez Alvarez : 418 Rohde : 753 Romano A. : 770 Romano E. : 4, 36 Ronconi : 420

INDEX DES AUTEURS MODERNES

Rosenberg : 83 Roth : 365 Rotondi : 582 s., 590-592, 594, 648 Rougemont : 731 Roussier : 572 Royer : 580 Rudorff : 648, 651 Ruelle : 421, 426 Ruggiero : 153 Ruoff-Väänänen : 774 Rüpke : 788 s., 795 Ruschenbusch : 32, 323 s., 528, 653, 721 s., 724, 731 Russo Ruggieri : 159 Sablayrolles : 497 Sacchi : 743 Sachers : 154, 172, 600 Salerno : 713 Saliou : 316, 320-322 Salomone : 131, 134 Samuel : 788 Santalucia : 430, 519, 538, 613, 615, 639 s., 642 s., 675, 677 s., 684, 690692, 705, 713 s. Santoro : 77, 93 s., 101 s.,104 s., 187, 246, 248, 282, 294 s., 461, 535, 561, 564, 819, 821, 823 s., 828 Santucci : 322 Sargenti : 246, 364, 366 Sautel : 276 Savigny : 544, 606 Sbordone : 38, 725 Scapini : 133 Scarano Ussani : 442 Scheid : 653, 729 Schiavone : 184 Schilling : 418 Schipani : 508 Schlossmann : 135, 138, 255 Schmidlin : 102, 451 Schnorr v. Carolsfeld : 655 Schöll : 15-18, 21, 37, 63, 69 s., 75, 88 s., 116, 118, 131, 144, 156, 162 s., 188, 215 s., 264, 273, 291 s., 301, 309 s., 314, 323, 354, 366, 403, 411, 419, 438, 440, 455, 480, 487, 517 s., 532, 545-547, 598, 619, 637, 648, 704, 710, 745, 755, 787 s., 806, 819, 841-846

949

Schönbauer : 364, 366, 368, 388, 391, 394, 396 Schuhmann : 167 Schulz : 184, 189, 284, 727 Schulze : 528 Schwerin : 551 s., 726 Scialoja : 375, 579 Sciortino : 301, 303, 306 Scognamiglio : 429 Seek : 788 Selb : 92, 106, 112, 248, 451-453, 461 s., 498 s., 533, 535-538, 562, 564, 586, 823, 828 Senn : 586 Serrao : 525, 615 s., 837 Siber : 199, 201, 218, 672, 674, 697, 707, 835 Siewert : 32, 662, 721 s., 724 Simon : 193, 440, 443, 445, 447 Simshäuser : 323 Sitzia : 364, 366-368 Sokolowski : 731 Solazzi : 165, 167 s. 174, 189, 198 s., 202, 205 s., 208, 215, 220, 226, 233 s., 238, 357, 569, 573, 600, 602, 605 Söllner : 168 Spagnuolo-Vigorita : 675 Stein : 102, 249, 569, 573 Steinwenter : 97, 799 s., 803 Stolfi : 280 Strachan-Davidson  : 484, 631, 685, 690, 713 Summer Maine : 803 Szlechter : 528 Talamanca : 71, 103 s., 106, 110, 202, 225 s., 232, 240, 258, 346 s., 368, 449, 526, 535, 799, 801 s. Täubler : 22, 34, 724, 782 Tellegen : 239 Thomas J.A.C. : 162 Thomas Y. : 133, 145, 150, 690 s. Thomsen : 580 Thormann : 246, 766 Thuillier : 767 Thulin : 337, 342 s. Toher : 731 s., 756 Tondo : 103, 292, 639 s., 642, 662, 675, 691, 726, 779 Torelli : 656

950

INDEX DES AUTEURS MODERNES

Treggiari : 168 Troiani : 715, 721 Tumulescu : 549 Tupet : 412, 415, 426, 481 s. Ungern-Sternberg : 707 Usener : 122, 420, 424, 426 Valditara : 448, 459 s., 462 s. Van Oven : 303 Vangerow : 373, 545 s. 548 Varvaro : 168 s., 288, 535 Venturini : 418, 651, 671, 680, 685 Versnel : 656 Viard : 824 Ville : 751, 761, 767 Vincenti : 623, 631 Voci : 152-154, 172, 181, 187, 189 s., 199, 206 s., 226 s., 233, 274, 276, 570 s., 573, 601, 612, 712, 766 s. Voigt : 18, 116, 119, 122, 220, 306, 310, 314, 335, 355 s., 360, 411, 486, 490, 504, 507, 571, 576, 579, 590, 616, 639, 648, 650, 683, 685, 828 Voisin : 491 Völkl : 439, 443, 445, 447 s., 450 s., 453, 495, 639 Volterra : 153, 162, 164, 209, 281 s., 662, 780 Voutyras : 270 Waarsenburg : 770 Wacke : 495 s. Wackernagel : 690 Walbank : 4 Walde-Hofmann : 95, 282, 331, 426, 450, 460, 470, 534, 580, 617, 752, 765, 842 Waldstein : 538 Waltzing : 655-657 Watson : 154, 159, 162, 165, 168, 180 s., 226, 250, 252, 268, 281, 285, 309, 360, 364-367, 373, 376 s., 399, 443, 447, 449 s., 468, 470, 475, 563, 591 s., 615 Weber : 332

Weiss : 154, 551-553, 726 Wenger : 135 Wesener : 78, 585, 691-693 Westbrook : 450, 562, 643, 727 Westrup : 203, 335, 624 s. White : 314 Wieacker : 25 s., 64, 75, 90, 92, 102104, 106, 123, 135, 137, 159, 189191, 199, 201, 204, 227, 238 s., 246, 248 s., 253, 255, 259 s., 274, 276, 284, 324, 328, 334 s., 358, 420, 426, 448, 480, 484, 491, 499, 517, 521526, 528, 536, 561, 579, 614, 618, 624, 638 s., 641, 648, 662, 671, 678, 704, 724 s., 728, 742, 747 s., 752, 782, 795, 821 Wilamowitz-Moellendorff : 725 Will : 731 Wirbel : 603 Wissowa : 100, 175, 491, 612, 614, 713, 788, 828 Witt : 65 Wittmann : 443, 445 s., 448, 451, 457, 484, 495, 639 Wlassak : 92 s., 189-192, 199, 201, 215, 218, 227, 306, 334 s. 533, 535 s. 538, 766, 800 s. Woess : 189, 198 Wolf : 66, 90-91, 94, 97, 104, 107, 246, 294, 305, 551-553, 795, 821 Wolff : 181, 283, 285, 527 s. Yaron : 159, 162, 168, 180, 266, 268, 275, 282, 562 s., 727 Zaccaria Ruggiu : 321 s. Zachariae v. Lingenthal : 356 Zannini : 181 Zehnacker : 139, 141, 579 s. Zevi : 729, 732, 738, 770 Zocco-Rosa : 507 Zuccotti : 215, 481, 483 Zumpt : 490, 496, 499, 631, 648, 651, 675, 677, 684, 693, 706

TABLE DES MATIÈRES

Avant-Propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1

1. Notre connaissance de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1.1. Les éléments de reconstitution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 1.1.1. L’apport des juristes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 1.1.2. La contribution des sources littéraires . . . . . . . . . . 4 1.1.3. Citation des ipsissima verba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 1.2.  L’ordre des fragments, ou la quête d’un plan insaisissable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 1.2.1. Les débuts de l’École humaniste : reconstituer un texte, plus qu’un ordre systématique . . . . . . . . . . . . 10 1.2.2. L’œuvre de J. Godefroy : une nouvelle palingénésie 13 1.2.3.  L’appel aux séquences d’Aulu-Gelle : une issue possible ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 1.2.4. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 2. Les XII Tables dans l’Histoire : la naissance de la loi . . . . . . . 22 2.1. But et caractères de la codification . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1. Fons omnis privati iuris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2. Les apparentes lacunes des décemvirs . . . . . . . . . . 2.1.3. Fons omnis publici iuris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.4. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. L’ambassade en Grèce et l’influence attribuée à Solon . . 2.3. La promulgation et la publication de la loi . . . . . . . . . . . 2.4. La langue des XII Tables. Le nom de la loi . . . . . . . . . . . 2.4.1. La langue de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2. Le nom de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

22 27 30 31 31 32 33 37 37 39

Liste des fragments selon leur reconstitution proposée . . . . . . . 41 Liste des fragments dits « de place incertaine » . . . . . . . . . . . . . . 49 Table de concordance entre la présente édition et les éditions antérieures (Schöll, Bruns, Riccobono = FIRA) . . . . . . . . . . . . 52 Liste des ouvrages cités sous forme abrégée . . . . . . . . . . . . . . . . 53

952

TABLE DES MATIÈRES

Édition

et commentaire .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

55

Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Table Table Table Table Table Table Table Table Table Table Table Table

I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

61 99 125 143 173 241 315 403 665 715 777 797

Fragments non attribués à une Table précise (dits « de place incertaine » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 841 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

849

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

907 Index des mots et expressions employés par les XII Tables . . . 907 Index des sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 912 Index des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 932 Index des auteurs modernes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 942

Table

des matières .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

951

omposition : Scuola Tipografica S. Pio X Achevé d’imprimer en juillet 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma

omposition : Scuola Tipografica S. Pio X Achevé d’imprimer en octobre 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma

Composition : Scuola Tipografica S. Pio X Achevé d’imprimer en août 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma

Composition : Scuola Tipografica S. Pio X Achevé d’imprimer en novembre 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma

Composition : Scuola Tipografica S. Achevé d’imprimer en septembre 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma

Composition : Scuola Tipografica S. Achevé d’imprimer en décembre 2018 sur les presses de la Scuola Tipografica S. Pio X Via degli Etruschi, 7 00185 Roma