Le Christ est né en Orient. Depuis plus de deux mille ans, de la Terre Sainte jusqu'en Inde, de la Chine au Caucas
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French Pages 192 [168] Year 2023
Table of contents :
Couverture
Introduction
Préface
Introduction. Visages du christianisme oriental
1. Une traversée du temps
2. À travers le monde
3. Paysages et itinéraires
4. Trésors et objets
5. Une floraison d’images
6. Langues, livres, musiques
7. Églises et monastères
Conclusion. Des communautés vivantes
La civilisation
des ch1·étiens d'01·ient Une traversée du temps et du monde
e Christ est né en Orient. Depuis plus de deux mil e ans de la Terre Sainte jusqu'en Inde, de la Chine au Caucase, de l'Éthiopie au monde slave, des communautés chrétiennes ont vécu, essaimé, grandi, souffert, survécu au nom du Christ. On aurait du mal à décrire aujourd'hui les frontières dès (Peter Brown). Sanctuaires, tombes et reliques étaient devenus autant de check points entre le ciel et la terre. Les chrétiens ne cessent plus alors de tapisser l'Orient de leurs louanges. Rien n'e st trop beau pour la gloire de Dieu. En célébrant la poésie du mystère, ils mêlent leurs voix aux chants des étoiles et participent à l'enchantement du monde. Le livre de Charles Personnaz a le grand mérite de rappeler que cet Orient vit en nous, paifois à notre insu, comme il avait vécu chez ceux qui nous ont précédés, et qui avaient reposé leur cœur dans la consolation d'une tradition sacrée, venue du très lointain. Le christianisme oriental forme une immense cathédrale avec de nombreuses chapelles: maronites, arméniennes, grecques orthodoxes, grecques catholiques, melkites, syriaques, chaldéennes, coptes, etc. Qye nous soyons croyants, -chrétiens, juifs, musulmans-, ou incroyants, nous devons nous demander quel serait le visage du monde le jour où ceux qui se sont succédés pendant deux mille ans pour animer cette histoire invisible dis paraitraient. L'ombre de la croix, « cette paire d'ailes attachée aux épaules de tout chrétien ,> , comme l'écrit Claudel, continue de s'allonger chaque jour au crépuscule sur de nombreuses cités d'Orient, de Mossoul à Beyrouth. Qy'il nous soit permis de penser que cette ombre demeure plus que jamais essentielle à cet Orient lointain, en un temps où tant de réconciliations paraissent impossibles. Daniel Rondeau de l'Académie-française
Int1·0uction Visages du ch1·istianisme 01·iental
alentom Très tôt, le lieu de naissance du Christ devient objet de vénération et de En ce lieu, tout commence. Dans la pèlerinage. Et dès après nuit de oël, Jésus naît son édit, Constantin à Bethléem, à quelques fait édifier une kil omètres au sud de basilique. consacrée Jérusalem. La tradition en 339 après J.-C., dont la plus ancienne place on suppose que l'autel cet humble événement central se trouvait à la aux conséquences verticale de la grotte. incalculables dans une L'édifice est reconstruit grotte hors des murs par Justinien et cette de la vill e, un abri pour grotte de la naissance les bergers qui paissent devient une des c,yptes leu rs troupeaux de l'église nouvelle Une basilique sur le lieu de naissance du Christ à Bethléem
qui accuei lle de très nombreux pèlerins. Dans cet espace exigu, ils peuvent toucher ou embrasser la pierre de la naissance. polie depuis par des millions de mains. La grotte de Bethléem ou le point de départ du christianisme, occidental et ori ental. le li eu de rencontre de toutes les confessions chrétien nes.
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La place éminente de Rome dans l'Empire puis ans l'Église ne peut occulter l'extraordinaire d namisme de la diffusion oiientale du christianisme.
Édicule du ai nt-Sépulcre
ur le lieu de la mort, de l'ensevelissement et don c de la Résurrection de Jésus-Christ, Constantin fait bâtir une vaste basilique qui préserve et offre es Lieux saints, éparés de quelques dizaines de métres, à la dévotion des pèlerins. Malgré de nombreux reman iements et un partage entre les di ffére ntes confessions chrétiennes, le SaintSép ulcre répond toujours à sa foncti on première. Sous une vaste coupole, à l'aplomb du tombeau, se dresse un édicule, dans son dernier état datant du début du x1xe siècle, récemment restauré en 2016. Depuis les débuts du christianisme. les chrétiens du monde entier se so nt rendus sur les li eux de la vie du Christ. 01; les lieux de la Passion
et de la Résurrection se retrouvent, à partir du VIIe siècle, sous domination musu lmane. Malgré cela, les pèlerinages se poursuivent. Il faut attendre le xre siècle et les destructions du calife Al-Hakim pour que la route so it coupée. Les croisades la rétablissent pour un temps avant que l'établi ssement durabl e de l'Empire ottoman ne sécurise l'accès à Jérusalem. Mais la Vill e sainte n'est pas seulement une destinati on de voyageurs lointains. Depuis l'époque du Christ, elle abrite une communauté chrétienne jamais déracinée et représentant tous les horizons de l'Orient chrétien: palestiniens catholiques ou orthodoxes, grecs, arméniens, coptes, syriaques, maronites, éthiopiens et latins.
C'est à Bethléem, en Judée, que naît Jésus. C'est à Nazareth qu'il grandit, à Jérusalem qu'il meurt et ressuscite. L'inscription de la vie du Christ dans le cadre géographique, culturel et historique du peuple juif est entière: Israël, la Palestine, le Proche et le Moyen-Orient, la Méditerranée orientale. Et il est naturel que ses premiers disciples aient dirigé leurs pas vers leur environnement le plus proche, la Syrie, l'Anatolie et l'Égypte, avant de poursuivre plus loin à l'est, au sud et au nord, vers la Mésopotamie, le Caucase, l'Arabie ou l'Éthiopie. La prédication de saint Paul vers la partie occidentale de l'Empire romain, la place éminente de Rome dans l'Empire puis dans l'Église ne peuvent occulter l'extraordinaire dynamisme de la diffusion orientale du christianisme. Les chrétiens essaiment d'abord dans les régions où sont installées des communautés juives, plus ou moins réceptives à l'annonce qui leur est faite. Ces communautés vivent dans les cités de tradition hellénistique de la partie orientale de l'Empire romain, en Anatolie, en Syrie, en Palestine, mais aussi en dehors des frontières romaines, en Mésopotamie. Le réseau de ces villes constitue le terreau de la première évangélisation: Alexandrie, Antioche, Damas, Édesse. Le christianisme y rencontre les cultures grecque, sémitique, égyptienne dans un espace où la paix romaine permet les voyages, la circulation des personnes et des idées. Les premières Églises réunissent quelques personnes dans un cadre domestique, ce qui explique l'absence de traces archéologiques dans les deux premiers siècles qui suivent la mort du Christ. Les Romains distinguent mal ces premiers chrétiens des juifs, d'autant que des liens plus étroits qu'on ne le pensait demeurent entre eux. Dans un premier temps, ils laissent prospérer la nouvelle religion avant de mieux discerner ce qui fonde son originalité manifeste et d'y voir une remise en cause de leurs institutions. Cette crainte d'un bouleversement des fondements de la civilisation romaine et de son organisation politique entraîne un mouvement de persécutions culminant au me siècle dont les sources nous font connaître qu'il a été réel, mais plus ou moins violent suivant les lieux et les époques. Pour autant, les martyrs qui ont donné leur vie pour marcher à la suite du Christ vont servir de modèles de la vie chrétienne dans tout l'Orient. Leur culte est extrêmement vivace, d'autant que le retour de persécutions épisodiques après l'arrivée de l'islam ravive leur souvenir et leur exemple. C'est ainsi que l'Église copte s'intitule volontiers elle-même l'Église des martyrs. Les persécutions n'e mpêchent pas la prédication inaugurée par les apôtres et les premiers disciples de se poursuivre. En Égypte, à la suite de l'apôtre Marc venu à Alexandrie dans les
Édicule du Saint-Sépulcre: le modèle de
arbonne Découverte à Narbon ne au xv11e siècle et présentée dans le musée de la ville, cette sculpture de marbre est un modèle unique représentant l'édicule du Saint-Sép ulcre de Jérusalem. Datée du ve siècle, commandée par l'évêque Rusticus. l'œ uvre atteste d'une part de la place des ports de la Gaul e méridionale dans le transit des pèleri ns occidentaux vers la Terre sainte et d'autre part du rayon nement de Jérusalem en cette fin de l'Empire romain, y comp ri s à l'a utre extrémité de la Méditerranée. C'est aussi un témo ignage archéologiq ue impo1tant en ce qu'il nous donne à voi r, en
réduction, une image rare de l'édicule du Saint-Sépulcre dans la basiliq ue construite par Constantin. Si l'on observe notre maquette, il s'agirait d'un octogone protégeant la pierre du to mbeau entouré de colonnes et devancé d'un portique. Enfin. la présence d'une rigole creusée dans le marbre nous renseigne su r la diffusion en Occident du rite oriental qui consiste à sanctifier par contact en faisant couler de l'hui le ou de l'eau sur la partie sacrée du reliquai re pour les consacrer. L'édicule de Narbonne a sans doute servi à la fois pour la bénéd ictio n du Saint-Chrême et pou r la dévotion des fidèles pour lesquels le voyage outre-mer s'avérait une aventure trop radicale, trop coûteuse ou trop périlleuse.
années 40, le christianisme a d'abord touché la nombreuse communauté juive d'Alexandrie avant de déborder sur les populations de culture grecque et de se répandre vers le sud, le long de la vallée du Nil où demeure le traditionnel substrat de la civilisation égyptienne. En Mésopotamie, la ville d'Édesse revendique avoir été évangélisée directement par le Christ, grâce â un échange de lettres entre Abgar, roi d'Édesse, et Jésus. D'autres traditions mettent en valeur le rôle de l'apôtre saint Thaddée, revendiqué aussi par les peuples caucasiens comme étant leur premier évangélisateur. En Syrie et en Anatolie, c'e st saint Paul qui fonde les premières communautés avant de diriger ses pas vers la Grèce et vers Rome, étape ultime de ses périples d'évangélisation. Peu de témoignages directs existent de ces premiers chrétiens mais, â partir du me et surtout du ive siècle, se révèle l'ampleur de la place qu'ils occupent désormais. En 313, l'empereur Constantin institue la liberté de culte pour les chrétiens. Dans les années qui suivent, la place publique du christianisme s'affirme. Ses monuments prennent de l'importance et des œuvres d'art commencent à apparaître au grand jour. À partir de ce moment, les témoignages écrits et archéologiques abondent. Après les Pères apostoliques dont les écrits s'étaient échelonnés dans les décennies qui avaient suivi la mort du Christ (œuvres de saint Clément, de saint Ignace d'Antioche, de saint Polycarpe de Smyrne, de Papias d'Hiérapolis, œuvres anonymes comme la Didachè, le Pasteur d'Hermas, )'Épître à Diognète), après une génération d'auteurs du 11e et du me siècle qui poursuivent cette première énonciation de la pensée chrétienne (Justin de Naplouse, Tertullien de Carthage, Irénée de Lyon, Origène) s'ouvre le temps des Pères de l'Église. Leurs œuvres vont préciser et enrichir la compréhension du message de l'Ancien et du Nouveau Testament. En Orient, essentiellement en langue grecque, la floraison intellectuelle et spirituelle de cette époque est remarquable. Elle éclôt principalement entre le ive et le v11e siècle. Plusieurs générations se succèdent: saint Clément, saint Cyrille, saint Athanase, saint Jean Chrysostome, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Naziance. Leurs œuvres se diffusent largement. Elles sont traduites en syriaque, langue dans laquelle d'autres Pères vont écrire directement: saint Ephrem, Jacques de Saroug, Jacques d'Édesse. Après une période d'apologétique, de défense et d'illustration de la foi chrétienne, les différents Pères sont amenés à défendre l'orthodoxie de la foi contre de nombreuses hérésies. En Orient, les principales, l'arianisme, _le nestorianisme et
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le monophysisme, tournent autour de la question de la nature du Christ, vrai homme et vrai Dieu. Dans un premier temps, l'arianisme refuse que Dieu le Père et Dieu le Fils soient de la même substance et suppose que le Fils est une créature du Père qui ne préexistait pas à son incarnation de toute éternité. Cette doctrine est condamnée au concile de Nicée (325) et, après de nouvelles querelles, la condamnation est confirmée au premier concile de Constantinople (381). Dans un deuxième temps, surgit la querelle du nestorianisme. Certains chrétiens orientaux proclament que les deux natures, humaine et divine, du Christ ne communiquent pas entre elles, qu'ainsi seule la nature humaine a souffert sur la croix et que Marie n'est pas la mère de Dieu mais la mère de Jésus, un homme exceptionnel. Le concile d'Éphèse, réuni en 431, rappelle l'enseignement de l'Église sur les deux natures qui communiquent dans l'unique personne du Christ. Marie y est proclamée theotokos, mère de Dieu. Cette querelle vient doubler l'éloignement qui s'est accru entre les Églises de l'Empire romain d'Orient et celles qui se développent à l'extérieur de ses fronti ères, dans le monde sassanide, et qui vont connaître un prodigieux essor en Asie jusqu'a u x111e siècle. Elles refusent le concile d'Éphèse et vont désormais suivre leur voie propre, sans qu'il soit simple de déterminer si la réalité des positions nestoriennes est bien celle qui est refusée au concile d'Éphèse. La troisième grande étape de ces querelles christologiques est celle qui se conclut au concile de Chalcédoine en 451. Certains adversaires du nestorianisme, en réaction , n'admettent plus que la nature divine du Christ qui aurait seulement pris la forme et l'apparence d'un homme. Là encore, cette doctrine finalement condamnée recoupe des dissensions profondes, religieuses mais surtout politiques, entre Constantinople et les provinces orientales de son empire, l'Égypte et la Syrie en particulier. L'Arménie refuse également les conclusions du concile de Chalcédoine et garde ainsi son indépendance, tout comme le font les Églises copte en Égypte et syrienne dite jacobite en Syrie. La Géorgie, quant à elle, suivra le chemin inverse. Au-delà des frontières de l'Empire, à ses marges, dans des zones où son autorité est remise en cause, naissent ainsi des Églises particulières qui, pour certaines, deviendront nationales. À la fin du ve siècle, les Églises orientales se sont donc fragmentées. D'une part demeurent les communautés qui se réclament de Constantinople et des patriarcats grecs installés dans les grandes métropoles du bassin de la Méditerranée. D'autre part, les nestoriens, de culture syriaque, vont poursuivre leur expansion vers l'est et le sud. Enfin, les coptes
Saint Marc et ses successeurs Sans doute sculpté dans la deux ième mo itié du vie siècle dans un atelier d'Égypte ou de Syrie, cet ivoire représente un apôtre, peut-être saint Marc, entouré de ceux q ue l'on suppose être ses successeurs au siège patriarcal d'Alexandrie. Au-dessus d'eux apparaît une ville aux monuments soignés, à la popu lation nombreuse. À-chaque fenêtre un homme se tient, venant observer ou écouter. Qlloi qu'il en soit du sujet exact de ce chef-d'œuvre d'expressivité, il évoque remarquablement la p remière prédication de l'Évangi le, dans les années qui su ivent la mort du Christ. Le
collège des apôt res se disperse et certains d'entre eux pa rtent anno ncer la bonne nouvell e de Jésus ress uscité. Pour cela, ils choisissent les grandes cités de la Méditerranée o rientale où se croisent des peuples variés et o ù vivent des com munautés juives q ui peuvent les accueill ir et les entendre. C'est ainsi que saint Marc se rend à Alexand rie et q u'il y fon de la p remière église d' Égypte. Au jo urd'h ui encore, le patriarche copte s'intitule lOCKf:D WIN.DOW.'> l'>LOCKE:D TRACE:._. f'OIH,1E:R)IAI.L
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Découverte en 1932 par une équipe d'archéologues francoPendant les premiers siècles du christianisme, américains dans la ville du fait de l'interdiction antique de Dourade leur culte, les Europos dans l'est de la Syrie, à côté d'une chrétiens se réunissent synagogue, une maison dans des demeures abrite une salle de privées. à l'abri des prière et un baptistère. regards extérieurs. les deux espaces étant Dans ces maisons particulières, on ornés de fresques à consacre ensu ite motif chrétien. les plus parfois une pièce à cette anciennes connues. fonction religieuse: elle va devenir le monument que nous nommons église. Cette transition s'opère en Orient dès avant le règne de Constantin (310-337) . alors que sévissent enco re sporadiquement des persécutions. La première église connue date ainsi de 232 après J.-C. Premières églises:
Doura-Europos
européennes et de représenter une menace pour l'islam. Le nationalisme turc dans l'Empire ottoman finissant prend des formes de plus en plus violentes. Aux massacres sporadiques d'Arméniens, de syriaques et de Grecs qui culminent à la fin du x1xesiècle succèdent les plans d'anéantissement qui conduisent en 1915 aux génocides arméniens (entre 1,2 et 1,5 million de victimes) et assyro-chaldéo-syriaques, à la destruction de la communauté grecque d'Asie Mineure, à la grande famine de la montagne libanaise entraînant la mort de centaines de milliers de maronites. La présence des chrétiens est éradiquée de régions entières qui formaient depuis les origines un cœur certes affaibli mais toujours battant du christianisme. La Cappadoce, pour la première fois depuis presque deux mille ans, ne compte plus de chrétiens sur son sol. Dans son ensemble, la Turquie de 1927 ne totalise plus que 67 000 Arméniens dans son premier recensement. De nombreux réfugiés prennent le chemin de l'exil. Si beaucoup étaient déjà partis vers l'Europe ou l'Amérique, poussés par la soif de trouver des conditions de vie meilleures, ce sont maintenant, en ce début des années 1920, des rescapés qui tentent de prendre le même chemin et qui s'arrêtent aussi en Syrie, au Liban, en Égypte. Ce temps des nations et des nationalismes n'a cependant pas terminé de faire des victimes. Les chrétiens du nord de l'Irak se retrouvent ainsi pris au piège et endurent une répression terrible dans les années 1920 et 1930. S'effrite ensuite dans toute la région l'idée d'une citoyenneté pleine et entière des chrétiens à mesure que l'islam politique croît, se nourrissant des échecs des États nés après la Première Guerre mondiale puis des déboires du socialisme arabe. À partir des années 1950, l'idéal d'une participation pleine et entière des chrétiens à la vie politique des pays arabes s'estompe. La réislamisation du droit, engagée en Égypte dès la période de Nasser, restreint leurs marges d'action et les cantonne à leurs enjeux communautaires. Ce n'est évidemment le cas ni dans le Caucase soviétique, ni en Inde du sud ni en Éthiopie. Ce n'est pas non plus la situation libanaise qui fait figure d'exception jusqu'à l'éclatement de la guerre en 1975 sous l'effet conjoint des dissensions internes et des crises régionales. Depuis cette date, les crises semblent désormais succéder aux crises et menacer les communautés de la région dans leur existence. En Irak, la guerre avec l'Iran, la répression contre les Kurdes puis les deux interventions américaines déstabilisent les chrétiens et les poussent à quitter leurs terres et leurs villes d'origine. En Palestine, le conflit avec Israël qui, après l'échec du processus de paix ouvert par les accords d'Oslo, ne semble pas trouver d'issue,
incite aussi au départ. Depuis les « printemps arabes ,> , les flambée s de violence en Égypte marquées en 2013 par de nombreuses destructions d'églises, l'émergence puis la chute de l'État islamique, la guerre en Syrie et la crise profonde que traverse le Liban ne laissent pas de répit à des populations souvent tentées ou forcées de prendre le chemin de l'exil. Les chrétiens souffrent particulièrement des convulsions d'une région en plein doute, qui ne parvient pas à concilier so n génie propre avec les défis de la modernité. Les chrétiens orientaux, même diminués, à leur mesure étiolée, y jouent encore leur rôle de ferment de dialogue entre toutes les parties d'un monde déchiré. Leurs souffrances ne s'arrêtent plus désormais aux frontières du monde arabe. Ils sont en proie au nationalisme hindou, aux guerres du Caucase et de l'Éthiopie. Mais leur enracinement demeure, malgré tout, même si ces racines prennent des forme s immatérielles et fragiles comme la survie des langues et des musiques. Et il peut s'abreuver à la source continue des beautés d'une civilisation que les pages suivantes ont comme vocation d'illustrer.
Conciles Les m osaïques du registre inféri eur d e la nef de la basilique d e la Nativité d e Bethl éem, d'ép o que cro isée (x11esiècl e) mais réalisées par des arti stes byzantins. représentent la successio n de sept co nciles œcuméniques sur le côté sud et d e six co nci les régio naux sur le côté no rd. Les inscriptio ns rappellent les grandes d écisio ns pri ses en ces occasio ns. À partir du ivesiècle, les conciles. rassemblant tous les évêques. p erm ettent d e tranch er d éfinitivem ent di ffé rents p o ints d e d o ctrin e soulevés par les hérésies qui se développ ent
d ès les origines du chri sti anism e. Ainsi le concil e de N icée, le premi er d'entre eux, convoqué en 325 par l'empereur Con stantin, établit, contre l'arian ism e, que dans la Tri nité le Père et le Fils sont d e m ême substance. Successeu r du collège ap osto lique. le co ncile p erm et de résoudre les conflits en réaffirmant la co mmunio n entre tous les évêques, no tamment ceux d o nt les sièges occupent une primauté d'honn eur, au premi er ran g d esquels les patriarcats d'Al exandrie, d'Antio che, de Jérusalem, de Co nstantino ple etde Ro m e.
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