Jean-Marie m'a tuer…

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François Brigneau

½

Chroniques du mauvais temps Avec 22 dessins de

Auto-édition FB Couverture de François ALLOT Maquette : Frank Marest - Frédérique Ferrey

SOMMAIRE

PREFACE ....................................................................p.

9

AVERTISSEMENT .....................................................p.

49

CHRONIQUES I

- PETITS FAITS VRAIS DE SOCIETE ..........................p.

51

II - LA FRANCE VUE DE FRANCE ................................p. 111 III - L'ETRANGER VU DE FRANCE ................................p. 199 IV - HISTOIRES JUIVES .................................................p. 235 V - AVANT LA CASSURE ..............................................p. 259 VI - LA CASSURE ..........................................................p. 269

SIX MOIS PLUS TARD ... (Fable) .............................p. 301 ANNEXES ...................................................................p. 307

s)

DU MEME AUTEUR

Les propos de Coco--Bel-CEil (Chroniques) Bcllcs amics du temps passé (Roman) Le manoir de Malheur-1' Amour (Roman) Paul Monopol (Roman)

*Froissart Publications FB Froissart Froissart *Froissart Publications FB

Lcs aventures dc Valentin Vey (Roman) : I. Le notaire de Concameau 2. Le crimine) de guerre 3. La beauté qui meurt (Gra11d prix de la li1téra111re policière)

Marte! Marte) Marte)

L'aventure est finie pour eux (Rcportages) Quand !es arrnes se soni tues (nouveau titrc) Deux femmes (Roman) Mon après-guerre (Souvenirs) Mes Pamphlets (Chroniqucs) Jules l'impostcur (Histoire) Mon village à l'heure socialiste (Chroniques) 39-40, L'année terriblc (Histoire) La Terreur, mode d'emploi (Histoirc) 24 "Dcmicrs calùcrs"

Gallimard *Publications FB Albin Miche) •Le Clan-Présent (épuisé) Le Clan *Préscnt • Martin Morin *La Tablc ronde (épuisé) Publications F B *Publications FB *Publications FB

- doni : un certain racismc juif, La haine anti-Lc Pcn, Mais qui est donc le professeur Faurisson ?, Le Jour où ils ruèrent Philippe Henriot, Devine qui vieni télé-diner ce soir? "Mon" affaire Dreyfus, A Fresncs avcc Robert Brasillach, Le Racisme judiciaire. Un hold-up raté (la dissolution), Xavier Vallat et la qucstion juive, Pour prendre congé. etc ...

* Livres et cahiers encore disponibles aux Publications FB 21, rue Mademoiselle, 75015 Paris

PRÉFACE

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:' aimais beaucoup les BBR. Cette fete, d'abord cham­ l petre, imaginée par Michel Collinot, en 1981, à la Roche Coulon, et ces dernières années supérieurement organisée par Serge Martinez à la Porte Dorée, était devenue, au fil du temps, le premier des deux grands rassemblements nationaux des sympathisants du Front. L'autre était le Premier Mai. Mais, au Premier Mai, on avait à peine le temps de se voir ... Tandis qu'aux BBR... Ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas, ceux qui se demandaient si la France n'était pas morte en 1792 et ceux qui, malgré le titre républicain - les Bleus-Blancs-Rouges -, savaient qu' elle n'était pas née en 1789 ; ceux qui venaient de la Droite trahie par la Droite ; ceux qui venaient de la Gauche trompée par la Gauche ; ceux qui avaient cru au Général jus­ qu'à l'Algérie, ceux qui croyaient toujours au Maréchal, se retrouvaient, à la fin de l'été, au début de l'année studieuse, avec des visages heureux, des poignées de mains qui n' en finissaient pas, des tapes dans le dos, des « Tu te rappelles ? »,

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« Tu te souviens ? », des nouvelles des absents, des plaisan­ teries, des rires pour cacher l'émotion de se retrouver encore une fois, tous ensemble, au coude à coude, au creur à creur, dans le camp retranché de la France française. Le Chant des partisans

En 1997, poussée sans doute par le désir de réconciliation, à moins que ne la travaillat déjà la promotion de Charles de Gaulle, le civil, le petit-fils du militaire, la direction du Front national avait cru utile de nous faire écouter le Chant des partisans. Ce fut un chant de guerre civile, dirigé autant contre !es pétainistes que contre !es Allemands. La musique serait inspirée de celle d'un hymne soviétique. Les paroles sont françaises. Joseph Kessel, juif d'origine russe, et son neveu, Maurice Druon, les avaient écrites à Londres où ils résistaient dans !es services de la Propagande. En 39-40, Kessel fit la guerre comme correspondant. C'est également comme correspondant que Druon la termina en 44-45, quand il revint d' Angleterre. Leur expérience du maquis n' avait pas du !es inspirer beaucoup. Néanmoins le Chant des partisans fait partie du folklore politique. Connaissant mon triste passé, des amis, qui ne me voulaient pas forcément que du bien, me demandaient si je n'étais pas choqué de l'entendre aux BBR. Je répondais - Non. Je regrette seulement de n'avoir pas avoir entendu aussi Maréchal, nous voilà. Et pour montrer que je n'avais rien oublié, je fredonnais, incorrigible : Maréchal, nous voilà Devant toi, le sauveur de la France, etc... Voilà en effet qui eut été symbolique de la réconciliation

-------- ;fY' (IJ(JfUR, f>/Otufll'l. ------... française précomsee, depuis toujours, par Jcan-Marie Le Pen. J'en profitais pour rappcler commcnt je fis sa connaissance. C'était en 1948, au Moulin dc la Gaiette. J'y tenais une réunion sur ]es prisons de l'Epuration et !'amnis­ tie. Un beau gaillard, grand, costaud, blond, souriant, vint me trouver. M• Jacques Isorni, l'admirable défenseur du maré­ chal Pétain et de Robert Brasillach, lui avait demandé de venir, avec quelques camarades, assurer le service d'ordre. Il me dit son nom : -Jean-Marie Le Pen. Dr Jekyll et Mister Hide

. Aux BBR, j'occupais les 3 m2 que National Hebdo louait aux Publications FB. La directrice, Anne Le Pape, et un colone} d'aviation m'assistaient. Il profitait d'une perm' pour jouer les garçons livreurs bénévoles. Il était si jeune que je l'avais surnommé "le gamin". J'avais convaincu Jean Nouyrigat d'ouvrir dans les coulisses du journal la succursale du Père Tranquille. Efficace et prompt, il s'occupait des contròles de ravitaillement. J'étais paré pour l'étape. Dans l'allégresse puis l'application, je signais livres et cahiers. Attendant leur tour, les lecteurs commentaient : -Il va attraper la crampe de l'écrivain, disaient les uns. -Il a une écriture de sergent-major, remarquaient les autres. Et certains, penchés sur moi, suggéraient, à mi-voix : - Vous devriez éditer vos chroniques. Pour les garder ce serait plus facile. Flatté de l'intéret, touché par la gentillesse, je répondais : -Plus tard. Nous y pensons. Je n'en étais pas moins décidé à n'en rien faire. Meme sì j'y ai consenti deux fois < 1> le genre ne me plait guère. Je trouve

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qu'il faudrait réécrire les articles qu'on décide de publier, mais leur témoignage perdrait alors de son authenticité. Pourquoi gacher un temps, déjà si limité, à réécrire des textes déjà publiés, alors que l'on aimerait écrire tant de choses nouvelles et diverses ? Et puis, soyons frane, s'il m'arrive d'etre content de ce que j'écris au moment où j'écris, les jours et les mois passés je n'aime pas me relire, remarquant !es défauts plus que les qualités. Me voici dans un esprit différent. Je n'irai plus signer aux BBR, !es lauriers sont coupés, et j'éprouve le besoin puéril de rappeler ce que j'ai signé à National Hebdo. J'y suis demeuré onze ans. Roland Gaucher m' avait accueilli en 1987. Nous n'eGmes aucun conflit rédactionnel. Martin Peltier lui succéda en 1993. Après quelques réglages et une période d'adaptation, nous n'eGmes pas de différends. Ni Roland Gaucher ni Martin Peltier ne passent pour avoir le caractère facile. Je ne prétends pas l' avoir non plus. Avec le second, le problème de I' age, le fameux fossé des générations, aurait pu exister. Il n'en fut rien. Pendant onze ans, chaque semaine, dans une grande liberté et avec un certain bonheur, j' ai accompli mon travail de vieil écrivain de presse. Je connais­ sais une vieillesse heureuse : celle où l'on a l'impression de servir encore à quelque chose. A la fin de l'an dernier, brusquement, en quelques semaines, tout s'est effondré. Une secousse sismique (et caractérielle) a jeté à terre le fragile édifice. J'ai quitté NH parce que je ne pouvais plus y rester. J'ai cessé d'écrire parce que je ne pou­ vais plus écrire. Si politiquement je considérais l'explosion du Front national comme un suicide collectif, personnelle­ ment la manière dont s'accomplissait cette rupture me détrui­ sait physiquement et mentalement. J'étais groggy, sonné, comme on dit d'un boxeur KO debout. Un jour, en souvenir de la rentière de Grasse trouvée assassinée dans sa cave, j' ai dit : 12

-Jean-Marie m'a tuer ! On a ri. A tort. Ce n'était pas une boutade et nous devions etre nombreux dans cet état, à souffrir de mi Ile morts en voyant un homme que nous estimions, que nous admirions, que beaucoup d'entre nous considéraient comme un homme d'Etat, ou plus exactement comme un homme possédant !es qualités qui auraient pu en faire un homme d'Etat, se con­ duire comme un énergumène vociférateur, un histrion hysté­ rique, un Dr Jekyll définitivement métamorphosé en Mister Hyde, et nous jouant un acte inédit du Père Ubu. J'étais démoli. Je me sentais sali, atteint, ridiculisé, blessé par l'af­ fligeant spectacle auquel s'abaissait le président du Front national. A huis clos, ou en privé, ce torrent d'insultes, d'ac­ cusations, de menaces : traitres, félons, vendus, je ne serai pas César, j'égorgerai Brutus (avec les gestes), ce déferle­ ment de haine contre le compagnon d'armes de la veille était déjà insupportable. Le pire, c'est qu'il se passait en public, dans !es joumaux, à la radio, à la télé, devant l'ennemi fré­ tillant qui n' en croyait pas ses yeux émerveillés. Cette mise à mort du Front national, il y avait si longtemps qu'il l'atten­ dait, si longtemps qu'il l'espérait. C'était son reve, son obsession. Il lui avait consacré énormément d'efforts, d'ima­ gination, de ressources et !es siennes sont inépuisables. Devant notre lente mais siìre progression, il redoutait de ne jamais atteindre son but. On se souvient encore du concert de lamentations et de colère que provoquèrent nos succès aux Régionales, et le coup tactique qui faillit etre historique. Cette destruction qui semblait s'éloigner, voilà qu'elle se produisait aujourd'hui, de l'intérieur, en surface et en pro­ fondeur, dans les cadres et dans !es troupes, au moment meme où le Front national était donné vainqueur de la course européenne ... A une condition toutefois : que sa liste fùt conduite par le tandem Le Pen - Mégret. Malheureusement Le Pen refusait cette condition. Il la reje-

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tait. On sait en quels termes. Il la déclarait contraire à la nou­ velle ligne du parti. Le combat contre la Bande des quatre était remplacé par la guerre entre nous. Une guerre à mort ! Tel était l'ordre du Président. Qui n'était pas avec lui était déclaré contre lui. L'ombre de Stirbois

Le conflit Le Pen - Mégret ne datait pas d'hier. En 1991,j'en avais eu un signe avant-coureur, une sorte d'avertissement. Nous sommes au congrès de Nice. Je me trouve au deuxième rang, dans le magnifique amphithéatre construit par Jacques Médecin, à quelques mètres de la scène. Cari Lang vient de terminer son discours. Il a parlé derrière un pupitre assez haut, hérissé de micros. Cette hauteur ne l'a pas gené. Lang est très grand. Mégret lui succède. Il a prévu la difficulté et préparé un marchepied. Malheureusement quelqu'un a éloi­ gné celui-ci sous le pupi'tre. Mégret essaie de le récupérer en tendant lajambe. Impossible. Il lui faut se baisser pour s'en saisir. Quelques rires. Sur la scène la plupart des hauts digni­ taires du Front se tapent sur la cuisse et s'esclaffent. Alors la salle ne se retient plus. Un énorme fou-rire la balaie. Le gag est digne d'un Charlot. Mégret se redresse. Il a un petit sou­ rire crispé. Il a conservé son sang-froid. J'admire sa mai'trise. Le voici debout sur sa marche. Quand il commence à parler une vague d'applaudissements remplace les rires. Je suis sou­ lagé et note sur mon carnet : « Celui qui a monté le coup n'avait peut-etre pas demandé l'accord de J.-M., mais il devait savoir que la farce ne lui déplairait pas. » La présence de Schoenhuber et l'accueil triomphal qu'il reçoit du congrès font oublier l'incident. Je m'en alarme d'autant moins que ce genre de rivalité entre le n ° 1 et le ou !es possibles n ° 2 a toujours existé, de tous temps, dans tous les partis, meme au Front national. Voici encore une anecdote. Cette fois nous sommes en mars-

avril 1986. Le Front vient d'avoir 35 députés. Jean-Pierre Stirbois nous rend visite à Présent. Vers 13 heures nous allons boire une bière, chez l'Alsacien. Nous sommes sous le porche. Stirbois dit le plus tranquillement du monde : - Maintenant, il faut préparer l'après-Le Pen. Le propos me stupéfie. Pi erre Durand est avec nous. C'est le meilleur ami de Jean-Marie, le plus intime, le plus fidèle, le plus complice. Stirbois devait savoir que ces propos seraient vraisemblablement rapportés. Il ne s'en soucie pas, du moins en apparence. Mais pourquoi envisager l'après-Le Pen au soir de la grande première victoire du Front national ? Eut-on songé remplacer Napoléon le soir d'Austerlitz ? En 1986, Le Pen n'avait que 58 ans. Ce n'est pas l'age de la retrai te. Sans doute ... Mais Stirbois n'en avait que 41. Il fai­ sait partie de la deuxième vague frontiste qui ne rejoignit le chef charismatique qu'en 1977. Avec son équipe, il avait entrepris une méthodique opération de quadrillage du parti, qui le conduisit au secrétariat général. Officiellement nommé en 1981, il s'y révéla dynamique, autoritaire, organisateur, conquérant, audacieux, ambitieux, manreuvrier. Après deux échecs électoraux dans l'Eure, il conclut des alliances de cir­ constance avec le RPR et l'UDF. Elu aux municipales de Dreux, il en devint le maire-adjoint. Ce fut le fameux Tonnerre de Dreux, qui marquait la percée du Front national. « L'avenir nous appartient », écrivait Jean-Pierre Stirbois. Les législatives de 1986 lui donnaient raison. La suite fut moins heureuse. Malgré la phrase dite à Prése11t, sous le porche, je n'eus conscience des différends opposant le Président à son Secrétaire général que le 7 novembre 1988, le surlendemain de l'accident où Stirbois avait trouvé la mort, sur la route de Dreux à Paris. C'était chez Sébillon, à la Porte Maillot, restaurant réputé pour ses hui'tres et son gigot. J' en ai gardé_ un souvenir très vif. Roland Gaucher et moi atten-

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dions Miche! Collinot. li était très en retard. Gaucher, sombre et soucieux, ne parlait pus. C'est un homme qui peut etre très secret. Collinot arrive à la fin. Il a les yeux rouges, le visage gontlé de larmes. Le chagrin voute sa grande taille. Son pro­ pos est confus. ll fait allusion à des événements que j'ignore. Peu doué pour l' int1igue, y répugnant meme, je n'ai aucun gout pour les querelles d'appareils, les guéguerres de clans, les complots. C' est dire que je suis inapte à l'organisation sociale actuelle car la politique n'a pas le monopole de ces activités de base. On les trouve dans toutes les entreprises de plus de cinq employés. A travers ce que bredouille Collinot, je comprends que Stirbois a laissé une note qui prend aujour­ d'hui l'importance d'un testament. Il est terrible pour Jean­ Marie Le Pen. Stirbois ne l'accuse de rien d'autre que de tra­ hir le mouvement avec I'aide de Mégret. Al' ordinaire, Miche! Collinot est un ancien marchand de vin, taillé comme une armoire bourguignonne, barbu comme une foret vierge, bon vivant, jovial (mais sujet aux coups de déprime), avec une idée par minute qu'il a le tort de croire toutes géniales. Sa détresse n'en est que plus poignante. II boit. Il mange. Il s'essuie les lèvres et le poil. Il pleure et se demande: - Que faut-il faire de ce texte ? Je le répète : j'ignore tout ou presque tout des coulisses du Front. Je livre pourtant mon avis. Il ne faut pas donner l'im­ portance qu'elle n'a pas à cette note que le destin a transfor­ mée en testament. Elle n'a pas été écrite dans ce but, avec la sérénité et la lucidité nécessaires. Stirbois était très fatigué. Cette fatigue est d'ailleurs la cause de l'accident mortel. Il revenait d'un voyage épuisant en Nouvelle-Calédonie. lei sa tache était sans fin. II ne quittait son bureau, et l'interminable procession de réunions, discussions, rendez-vous, que pour courir en province, de Fédération en Fédération, régler des conflits. II était amer: Le Pen l'avait écarté de la campagne

présidentielle, au profit de Mégret. Il était déçu : après la dis­ solution de I' Assemblée nationale, sa candidature (dans les Bouches-du-Rhòne) s'était soldée par un échec. Un échec honorable, certes. 44 %, au scrutin majoritaire, dans la conjoncture cela méritait les applaudissements des connais­ seurs.. . Mais enfin, un échec tout de meme. Si l'on ajoutait des problèmes personnels à ces facteurs, honnetement on voyait qu' il ne fallait pas prendre au pied de la lettre celte note d' outre-tombe. Ce serait meme un service à rendre à la mémoire de Stirbois que de ne pas ébruiter ce pseudo­ testament. Classer aux archives, top secret, et attendre, en silence, telle était, à mon avis, la seule attitude que !es responsables devaient observer. Je prechais des convaincus. Il n'y eut pas de bavure, à ma connaissance tout au moins. La cérémonie funèbre fut d'une grande dignité. Devant Saint-Augustin, la foule attendait, silencieuse, debout, comme au garde-à-vous. Les hommes regardaient leurs souliers en ruminant sur le malheur. Les femmes pleuraient dans leur mouchoir. Le ciel était gris et bas. Il faisait froid. Il allait pleuvoir. J'étais avec mon ami Serge Jeanneret, un homme cultivé, fin, nuancé, ancien cagoulard devenu radical-nationaliste. Il aurait pu en raconter sur les pali­ nodies en politique. Le Pen fit un beau discours - Nous savons aussi qu'il faut que le grain meure et que c'est le meilleur qui, souvent, donne les meilleures récoltes. L'émotion lui nouait la gorge. Nous étions trop loin pour apercevoir les larmes que virent certains. Elles irritèrent le clan Stirbois. « Comédien ! », dit-on. Je ne le crois pas. Je ne nie pas les talents d'acteur de Jean-Marie Le Pen. Ils sont très grands. Quel homme politique n'est-il pas entrainé à feindre des sentiments qu'il n'éprouve pas toujours ? Dans le cas pré­ sent, je crois à la sincérité du président du Front national. Son Secrétaire général n'était plus en mesure de mettre sa construction en pé1il. Rien ne l'empechait de rendre hommage

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au disparu, rappeler une fois encore "J'avais un camarade" et laisser libre cours à son chagrin. L'ascension de Mégret

Pour le profane, non initié aux troublants mystères de l'Eglise politicienne, le successeur de Jean-Pierre Stirbois ne faisait pas de doute. Ce serait Bruno Mégret. Non seulement il avait toutes !es qualités demandées à un Secrétaire général, mais il devait à Jean-Marie Le Pen la fulgurante carrière qu' il venait de réussir au sein du Front national. Venant du RPR, via !es CAR (Comités d' Action Républicaine), Mégret ne découvrit le FN qu'en 1985. Ses titres (polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées) flat­ tèrent le Président. Qu' un Mégret quittat l'opposition clas­ sique pour rejoindre Le Pen, n' était-ce pas le signe de la ren­ verse et du succès ? En 1986, Mégret devenait député du Front (baptisé Rassemblement national) et plus encore le vice-président du groupe parlementaire. Encore un an et, en 1987, Le Pen chargeait Mégret de diriger la campagne prési ­ dentielle. Il le nommait président de son Comité de soutien. Choix doublement heureux si l ' on considère les résultats. Le 24 avril 1988, Jean-Marie Le Pen obtenait un score jamais atteint : plus de quatre millions de voix (4 351 465), 14,5 % des suffrages exprìmés, ce qui, dans une élection législative à la proportionnelle intégrale, seul thermomètre vrai de l' opi­ ni on, aurait valu une centaine de députés au Front national. Le tempie en tremblait déjà. La réussite de Mégret était éclatante. Songez donc qu'en 198 I , Le Pen n 'avait pu se présenter à I' élection présiden­ tielle, Stirbois, secrétaire général de son comité, ne réussis­ sant pas à rassembler les 500 signatures d'élus indispen­ sables à la candidature. Quelle transformation à vue ! Devant la démonstration sur le terrain de ses dons d'organisateur et de coordinateur, la nomination de Bruno Mégret était

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acquise. Surprise, il n'en fut rien. Que se passa-t-il ? Le Pcn prit-il soudain conscience de la médiocre taille de celui qu'il n'allait pas tarder à baptiser Naboléon, « en toute amitié et en toute affection » (discours de Toulon, septembre 1998) ? En tout cas ce fut Cari Lang qui succéda à Stirbois. ça jasait. On se perdait en conjectures. S'agissait-il d'un coup d'arret à l'ascension fulgurante du jeune loup que les vieux de la vieille, !es grognards de l'époque héroYque, et )es jeunes solidaristes, arrivés avec Stirbois, considéraient du meme ceil méfiant, pour ne pas dire hostile ? Cela y ressem­ blait. Et pourtant, cette manifestation de rejet s'accompagnait de promotions nouvelles. Non seulement Mégret conservait son poste de Délégué général et la haute main sur son équipe, mais le Président en faisait un député européen en 1989, troi­ sième de liste derrière Le Pen et Martine Lehideux, un élu régional en 1992, tete de liste dans les Bouches-du-Rhòne, s'il vous plai't, avec la mairie de Marseille dans la tigne de mire, à nouveau un député européen en 1994, et cette fois second de liste denière le n ° 1 - le premier ticket Le Pen Mégret en somme -, un des quatre maires du Front lors des municipales de 1995. Certes, nous entendions parfois des remarques désobligeantes. Nous étions les témoins de colères qui éclataient comme des orages dans le ciel de Montretout. Il était évident que des que­ relles d'influence, de préséance et d'intendance divisaient et opposaient l'état-major. Mais le Président paraissait s'en accom­ moder, et parfois s'y complaire. Il aimait s'habiller à Hong­ Kong, prétendant y faire des économies. Peut-etre oubliait-il de compter le cout du voyage dans le prix de revient ? Est-ce au cours des essayages qu'il fut conquis par la philosophie chi­ noise des contraires complémentaires du yang et du yin ? Ce n'est pas impossible. Les voies de Dieu sont impénétrables. Il considérait ces discordes subaltemes comme utiles. Mieux valait entendre l'un dire à l'autre et l'autre dire à l'un ses

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quatre vérités que d'avoir à les fonnuler lui-meme. Cette situation n'était pas pour déplaire à Bruno Mégret. Préférant le silence aux clameurs, il continuait à grignoter son espace vital. Malgré quelques manifestations d'un cour­ roux d'essence divine, Neptune, quoique gardant le trident levé, abandonnait à Mégret la fonnation des cadres, la librai­ rie, le contròle de fait de Français d 'abord, un luxueux magazine sur papier glacé mais en couleur, bradé à des prix de dumping, ce qui ne l'empechait pas d'etre plus distribué que vendu, peut-etre parce que le contenu ne valait pas le contenant. C'était cela l'important. Dans la classe dirigeante du Front on lisait peu, mais on regardait beaucoup. Mieux encore... Mégret, sans doute pour asseoir un peu plus son autorité, caressait le projet de posséder son quotidien. Le Pen ne s'opposa pas à la création du Peuple. C'était le titre qui avait été choisi. Malheureusement il appartenait à la CGT. Quoique la campagne de lancement fGt fortement engagée, il fallut se rabattre sur Le Français. Les meilleurs organisateurs ne sont pas toujours bien secondés. Il y eut un Jéger flottement. Heureusement Mégret bénéficiait d'un atout puissant : l'appui intégral de Pierre Durand. J'ai dit que Durand était l'ami intime, le "petit frère" de Jean-Marie. On le retrouvait comme trésorier, principal ou adjoint, poste 6 combien précieux, dans presque tous les mouvements, par­ tis, associations, créés par Le Pen. Enfin il assurait, aux cotés de Jean Madiran, la direction de Présent. Je l'y avait poussé, en 1981, avec ce titre, et presque à son corps défendant. Il ne croyait pas à cette aventure exceptionnelle : à la fin du XX· siècle, le premier quotidien "national" depuis L'Action française, fondé par une poignée de joumalistes et d'écri­ vains et uniquement financé par le public qui avait envie de le lire ! Pierre Durand avait tort de traìner les galoches. Ce fut la grande situation de sa vie. Ce qui ne l'empechait pas de favoriser la naissance d'un second quotidien de la Droite

l

nationale. Un journal au service du rivai n° 1 de son ami intime, de son "grand frère" Jean-Marie Le Pen. Un quotidien qui ne pourrait pas ne pas menacer l'existence déjà difficile de Présent, le quotidien dont il était devenu l'un des deux directeurs. La vie n' est pas simple. Seuls les initiés, les intrigants, les courtisans et les jouma­ listes de la presse ennemie connaissaient les dessous du puzzle, et encore pas tous. J'en apprenais plus en lisant Libération, Le Monde, Le Canard, Le Figaro qu'en allant à National Hebdo. Flattés d'entretenir des relations privilé­ giées avec des personnages aussi éminents que M. Zemmour ou Mme Chombeau , des membres de la nomenklatura du Front, et non des moindres, leur réservaient l'exclusivité de leurs informations et de leurs potins. Ils croyaient servir leurs clans. 11s minaient surtout notre camp. Mais enfin il n'y avait encore rien d'alarmant. Les partis ne sont pas de grands fleuves tranquilles. Tous connaissent leurs crues et leurs sai­ sons de basses eaux. Des courants les traversent et des remous les creusent. La nature et les hommes les resserrent, les détournent, leur font parfois barrage. Dans l'estuaire, la marée les refoule et le mascaret les gonfie avant qu'ils s'en aillent, tous, se noyer dans l'océan de l'histoire. Ainsi allaient les choses. Ces oppositions souterraines, je craignais surtout qu'elles ne soient responsables d'une certaine stagnation. Depuis que le Front avait pignon sur rue, il me semblait qu'il avançait moins. Avec l'embourgeoisement, l'autodénigre­ ment s'était installé. A entendre certains propos, l'inquiétude me venait. Je me rassurais en faisant mon petit stratège en chambre : - Jean-Marie est un vieux routier. Un vieux finaud. Nous avons déjà trop de fronts sur le poil pour qu'il aille ouvrir un front intérieur au Front. Ce fut au mois de juillet 1997 qu'une sonnette d' alam1e se mit à tinter. Dans ma vie, j'ai fait souvent ce reve. Je suis

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dans une petite gare de campagne, comme il en existait jadis, avec sa lampisterie, ses barrières, ses quais déserts. Le soir tombe. Des lumières jaunes et falotes s'allument et palpitent. Un homme à casquette bianche sort et fait un geste à quel­ qu'un. Une sonnerie se met à tinter, grele. Elle s' arrete. Elle repart. Elle insiste. Une voyageuse, qui attendait, court, un enfant dans les bras. Là-bas, sous le pont, plus noir que la nuit, une locomotive énorme, monstrueuse, allumée de lueurs et de feux fonce en mugissant et j'entends toujours grelotter la sonnette,la sonnette du danger. En juillet 1997, le Bureau politique du Front national se réunit en séminaire à Strasbourg. A l'ordre du jour, les thèmes de la campagne des Régionales de 1998, avec deux sujets majeurs : l'immigration et l'insécurité. Sur quoi le Président donne la parole à Jean-Claude Martinez. On sait depuis longtemps que Jean-Claude Martinez déteste Mégret. Ils ont le meme age. Ils sont tous les deux riches en diplòmes. Si Mégret est polytechnicien, master of science de l'Université de Berkeley (Califomie),Martinez est agrégé de droit public, lauréat du concours général, major de sa pro­ motion. C'est un esprit brillant, étincelant parfois, toujours en effervescence,en ébullition. S'il aborde de graves sujets la fiscalité,l'agriculture,il est aussi chansonnier moqueur et persifleur. Comme il phosphore, dans tous les domaines, et qu'il touche à tout,on ne le prend pas assez au sérieux. Il en souffre et redouble ses pointes contre "l'horloger". Cette fois il ne s'agit pas de moqueries perfides,distillées en coulisses. C'est une attaque frontale de la politique du Délégué général, une critique violente, acerbe, une diatribe, un réquisitoire. Les membres du Bureau politique se regar­ dent,genés,et regardent le Président. Le Président ne regarde que Ies dossiers posés devant lui. Le Président ne dit rien. Il ne freine, ni n 'approuve. II écoute et, soudain, Jean-Claude Martinez Iaisse tomber cette phrase terrible, qui est tout à la

fois un aveu, un défi et une provocation : lui et d'autrcs de ses amis avaient tremblé à l'idée que Bruno Mégrct puisse etre élu député le l cr juin 1997. 1997 : le commencement de la fin

Le séminaire extraordinaire du BP se tenait à huis-clos. Naturellement tout se racontait le lendemain dans les salles de rédaction: la virulence de Martinez, le silence de Le Pen, la réplique de Mégret, calme jusqu'à la froideur, détaché comme s'il n'avait pas été la cible de l'attaque. Il avait exa­ miné les résultats obtenus dans sa région par Jean-Claude Martinez et n' en avait trouvé aucun qui put I' autoriser à don­ ner des leçons. Quelques jours plus tard Jean-Marie Le Pen me téléphone, pour me demander mon avis. C'était une habitude. « Qu 'e11 penses-tu ? » Pendant que je réfléchissais à ce que je pensais, . il m'expliquait ce qu'il pensait. Généralement cela lui suffi­ sait. Cette fois je réussis à placer : - J' ai trouvé cela déplaisant et complètement con. C'est rapide, un peu vulgaire, peut-etre, mais suffisant. Il y a un silence, ce qui me surprend. Avec Le Pen, ils sont rares. Puis, sans irritation, il dit: - Il fallait que certaines choses fussent dites. - Par Maitinez ? - Pourquoi pas ? Là il s'énerve un peu. A sa façon inspirée, éloquente et péremptoire, il chante !es mérites de Jean-Claude Martinez. Parce qu'il est dr61e, on le prend pour un rigolo, on a tort. C'est un grand esprit, perspicace, pe1tinent, lucide. Il sait beaucoup de choses. C'est lui qui, le premier, a révélé le scandale de la vache folle et dénoncé !es dangers. Il va. Il monte. Il développe. Tout cela n' est pas faux. �

PRÉF A CE

Personnellement je n'aì 1ìen contre les rigolos. Je ne fuis que les sìnìstres. Jean-Claude Maitinez m'amuse. Il peut etre d'une dròlerie épatante. Je me souviens d'un sketch qu'il improvisa à la télévision avec la Mère du Peuple, Ariette Laguìllier : - Ariette ... Vous permettez que je vous appelle Ariette ? Appelez-moi Jean-Claude. Dit d'une voix pétillante et sucrée, avec les mines, l' ceil facé­ tieux derrière les lunettes, la bouche gourmande, le sourire malin-calin, l'effet était irrésistible. Cela valait Bourvil dans l' Eauferrugi11euse. Seulement Bourvil ne faisait pas de poli­ tique. Martinez, si. Je ne pouvais oublier qu'il avait été membre de la section socialiste de Sète (Hérault) jusqu'en 1981. ]'r'ayant pas été retenu comme candidat ayant des chances sérieuses d'etre élu, lors des législatives qui suivi­ rent l' élection de François Mitterrand à la présidence de l a République, le gauchisme de Jean-Claude Martinez com­ mença à mollir. Il offrit sa candidature à l'UDF, puis au RPR. Ils la refusèrent. Alors il se rabattit sur le Front national. Il y entra au début de 1986. En mars il devenait député de l'Hérault. C'était une promotion ultra-rapide. Elle se réalisait au détriment d'Alain Jamet. Grièvement blessé durant la guerre d' Algérie, ami de jeunesse de Pierre Durand, puis de Jean-Marie Le Pen, militant du Front depuis sa fondation, fils de Claude Jamet, normalien, agrégé de lettres, critique litté­ raire (spécialiste de Victor Hugo), écrivain (Fifi-roi), pacifiste, homme de gauche épuré en 1944, frère de Dominique Jamet, un des meilleurs joumalistes français de ces demières années, Alain Jamet devait conduire la liste du Rassemblement national dans l'Hérault. On le remplaça par Jean-Claude Martinez dont il n 'avait, il faut le dire, ni le brillant, ni la faconde, ni l'arrivisme. Sitot à I'Assemblée nationale, celui-ci faillit tomber dans un piège. Des joumalistes monteurs de coups lui firent miroiter

la possibilité d'entrer dans le gouvemement Chirac s'il quit­ tait le Front. Il y eu un rendez-vous, au Lutétia si mes souve­ nirs sont fidèles. La discussion commença, mais l'affaire touma court. Martinez était-i l tenté ? Voulait-il piéger les piégeurs ? On ne le sut jamais. Les avis sont partagés. Il resta une ombre, une gene . . . Quand Le Pen s'enthousiasme, ce sont des vétilles qui ne sauraient ralentir son élan. Comme i l utilisa Mégret contre Stirbois, il va utiliser Martinez contre Mégret. J'enregistre l 'incident. II ne me surprend pas outre mesure. Je dois à la vérité d'avouer que je n'en mesure pas l'importance. Ce ne sera que bien des mois plus tard que tous ces directs sur images, isolés et dispersés, se classeront, se relieront et se mettront en marche pour former un film cohérent. Me retour­ nant sur ce passé encore vi vant, un peu perdu comme le Petit Poucet dans sa foret, je découvrirai alors que les cailloux laissés en chemin jalonnent l a route d'une catastrophe pré­ méditée. Mais les dés rouleront déjà et ce sera trop tard. A la fin du mois de mars 1997, le X· Congrès du FN se tint à Strasbourg. Rien à voir avec le séminaire de Juillet, encore que le second sera une conséquence du premier. On se sou­ vient encore du climat d'émeute qui l'entourait. L'extreme gauche, mobilisée, arrivait par trains gratuits. L'émeute cou­ vait, tandis que les séances du congrès se déroulaient dans le calme et la sérénité. Les observateurs notaient l ' efficacité de l'organisation, l' application des congressistes, le sérieux des travaux, l a qualité des discours. C'était un grand congrès. Lors de l'élection au comité centrai, Le Pen et Mégret arri­ vèrent largement en tete, devant Le Gallou (troisième) et Gollnisch (quatrième). Instance supérieure du mouvement. le congrès consacrait le ticket Le Pen - Mégret des Européennes de 1 994. En revanche il refusait à Marine Le Pen le droit de siéger au Comité centrai. Elle n'obtenait pas le nombre de voix nécessaires. Les lepénistes ctièrent au complot. Le mot

f P R É F ACE

est un peu gros pour une vacherie somme toute subalterne. Qu'il y ait eu des consignes de vote contre la fille cadette du Président semble par contre évident. « Je n 'en sais rien, mais j'e11 suis siìr », selon la forte expression que l'on preta à Charles Maurras. Sur le premier vote, Le Pen ne broncha pas. Il n'était pas besoin pourtant d'etre licencié en psychologie pour imaginer les conclusions qu'il pouvait tirer de cet avertissement. Sur le second, il réagit. Il passa outre. Il excipa d'un dysfonction­ nement des appareils enregistreurs et déclara Marine Le Pen régulièrement élue. Ce n'était pas la première fois. A Port­ Marly, le précédent congrès avait blackboulé Jean-Michel Dubois, auquel le Président voue une amitié dont les raisons sont toujours restées mystérieuses. De Duboisje ne connais qu'un bon mot. Sa femme venait de mettre au monde deux jumeaux. Il expliqua : - C'est parce que-queje suis bègue. Antoine Blondin eut apprécié. Pour faire un conseiller de premier pian, le bagage demeure un peu mince. Malgré le veto du Congrès, Jean-Michel Dubois n'en fut pas moins coopté au Comité centrai par volonté présidentielle. Le passe-droit familial en faveur de Marine devenait banal. Je ne le retins pas. Je jugeais normai le bon score de Mégret etje ne le retins pas non plus. Je manque souvent de subtilité et plus encore de méfiance. L'affaire Susini me frappe davantage. Dans les premiers jours du mois de mai 1997, j'apprends que Jean-Jacques Susini sera candidat du Front à Marseille. - Jean-Jacques est dans !es Bouches-du-Rhone en mission commandée, me dit Pierre Desmaret, un journaliste replié dans le Midi. Je l'avais eu dans mon service lorsque j'étais rédacteur en chef de Minute. Nous avions conservé des rela­ tions d'amitié.

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La nouvelle me stupéfie. J'avais connu un pcu Susini. Jc l' avais caché chez moi deux ou Lrois semaines quand il était traqué par la police. Au cours de celle hospitalité, Susini ne cacha pas le peu d'estime qu' il nourrissait pour Le Pcn. Il niait ses qualités politiques et ses possibilités de réussite. De son coté, Le Pen détestait Susini. Il critiquait son comporte­ ment lors du procès des Barricades et son action dans l'OAS. Il le trouvait dangereux et douteux. Il me reprochait de lui avoir donné asile. Certes, depuis lors, du temps avait passé. Il devait bien y avoir vingt ans que Jean-Jacques Susini ne m'avai t pas donné signe de vie. Il n'était plus clandestin. Cet antagonisme vite allumé et tranchant entre deux chefs m'était cependant demeuré vivace en mémoire. J'interroge Le Pen sur les raisons de celte surprenante alliance. Bonhomme, il me répond, tout débordant d'une sagesse nouvelle : - A quoi bon trafoer de vieilles querelles ? Et puis Susini ; bien mérité quelques égards. Dans Un hold-up raté, le "Dernier Cahier" que j'écris sur !es élections de la dissolution, je me contente de noter : « C'est une surprise ». Je ne suis pas dupe. Je gamberge ferme. Je me refuse à admettre que Le Pen ait dépeché Susini dans la PACA pour y contrer Mégret, parce que ce serait reconnaitre que la guerre est déclarée. Je ne le crois pas. Je ne veux pas le croire. Je suis comme !es copains : je n' aime pas voir ce que je n'ai pas envie de voir. Roland Gaucher, lui, ne s'y est pas trompé. Dans Militant, il analyse la manreuvre. Je la tem­ père en me disant que Gaucher a un compte à régler avec Le Pen. ça continue de me turlupiner. Je pense aux cathos frontistes de Marseille, Maurice Gros et ses amis. Ils tenaient Mégret pour un dangereux pai"en. Maintenant ils ont I ' antéchrist. Sur ce, comme au Chatelet, la scène toume,le décor change. Nous sommes le 31 mai , à Mantes-la-Folie. Mmie-Caroline Le Pen, qui a quitté Neuilly-sur-Seine, banlieue douce , pour

PRÉFACE

Mantes, banlieue dure, est aiTivée en téte au premier tour, devant le député-maire sortant RPR et la candidate socialiste Annette Peulvast-Bergeal. Son père vient l'assister dans l� demière visite du dernier marché. Le projet devait étre garde secret, mais le secret existe-t-il quand il concern e le Front ? En tout cas, les télés, radios et presse ont été prévenues. Par qui ? Elles sont là. Le comité d'accueil coco-socialo- trotsko­ vert-Ras \'Front est en piace. Ses munitions sont prétes : bou­ lons, pierres, reufs. C'est l'ernbuscade civile dans toute sa splendeur. Il serait préférable de l'éviter et de continuer à rouler. La première voiture, celle des policiers s'arréte. Celle de Le Pen s'immobilise. Il en sort. Aussitot c'est la tornade anùllaise, \es cris, \es poings dressés, le bombardernent. Le torse et le mufle en avant, Le Pen fait front. La télévision ne le quitte pas. On ne voit pas ses agresseurs, mais on le voit marcher sur eux, \es poings serrés. On l'entend les apostro­ pher : - Je vais te faire courir, pédé. Il plastronne un peu. Il a l'air à son affaire. Il ajoute. - ça me rajeunit ! Et : - Je n'aijarnais eu peur d'un homrne. De plusieurs non plus. Ce qui pourrait passer pour de la forfanterie n'est que l'ex­ pression de la vérité. Il découvre l'instigatrice du guet-apens : Mme Peulvast-Bergeal. Elle avait ceint son écharpe, pour qu'on la reconnaisse. Maintenant, devant l'échauffourée, elle a peur. Elle est recroquevillée contre un mur. Le Pen l'invee­ ti ve. Elle le regarde, horrifiée. Vingt fois, cinquante fois, toutes les chafoes passeront et repasseront cette image. France-Soir la publiera en première page, avec un titre en caractères d'affiche : LE PEN u.. HA/NE. Dans mon fauteuil télé à bascule, où je suis les érnissions pour Mathilde Cruz, un cahier de notes sur les genoux,je rumine. Que diable est-il

allé faire dans celte galère ? Les militants vont étre ravis de voir le chef en action. Mais l'électeur moyen ? Celui à qui Le Pen fait peur, mais qui voterait Marie-Caroline parce qu' elle est une jeune femme jolie, charmante, courageuse, disant simplement des choses justes ? Jean-Marie a trop d'expérience électorale pour n'y avoir pas pensé. Si l'un de ses lieutenants s'était permis celte bavure,il l'aurait frictionné au savon noir et au gant de crin. Il sait faire ... Alors pour­ quoi,pourquoi ? Je m'interroge. Après bien des hésitations et avec beaucoup de regrets, il avait suivi le conseil de la plu­ part de ses amis,dont j'étais : il avait renoncé à se présenter à ces élections législatives. Nice ne lui réussissait guère. L'adversaire eut concentré ses forces contre lui. Un médiocre résultat l'eut affaibli à l'intérieur comme à l'extérieur du Front. Il écoutait nos arguments, fermé, et s'il finit par s'y rendre, ce fut à contre-creur, pas convaincu, arcbouté sur un de ses axiomes favoris : quand on va à la chasse,on n'est pas sfir de ramener du gibier,mais si on n'y va pas,on est certain de ne pas en avoir. Cette campagne électorale où il n'était pas candidat, directement impliqué, en première ligne, avait diì l'exaspérer. A Mantes il se défoulait. Il était au creur de la mélée. Il montrait à la France entière, aux femmes, aux hommes, aux jeunes, aux vieux, aux copains et à ceux qui font comme si, que le grand-père avait de la moelle, une sacrée péche, Jobic ! et qu'on le trouvait quand on le cher­ chait,et méme quand on ne le cherchait pas. Qu'importaient les résultats. Il n'en était pas comptable. On lui avait demandé de ne pas étre candidat et il ne l'était pas. Alors ? Je gam­ berge. Je trouve dix explications,mais pas celle-ci que j'enten­ dis un jour dans la bouche d'un lepéniste délirant : - Ce sont Marie-Caroline et Philippe Olivier (son compa­ gnon, un des seconds de Mégret) qui ont monté le coup de Mantes-la-Jolie,pour nuire au Président ! Sans commentaires.

PR ÉFACE

Après l'épisode sanglant du séminaire strasbourgeois, deux incidcnts marquèrent mon été. Le premier appartient au genre burlesque. N'ayant pas encore réussi à etre élu au suf­ frage universel président réel de la République française, Jean-Marie Le Pen décide d'en devenir le président virtuel en constituant un gouvemement fictif qui exercera ses pouvoirs illusoires à l'hotel Crillon. Le choix était heureux. L'hotel Crillon doit son nom à un illustre homme de guerre appelé "le brnve des braves" par Henri IV. C'est un des hotels les plus luxueux du monde, fréquenté uniquement par le gratin du grntin. Les représentants du populisme triomphant n e pouvaient rever mieux. Sur la piace de la Concorde, il fait foce au Palais Bourbon qui, de l'autre coté de la Seine, ab1ite l'Assemblée nationale. L'Elysée est à deux pas. On peut s'y rendre à pied, en voisin. Le choix du Premier ministre révèle bien les arrière-pensées du moment et la machin ation en cours. Le Président choisit le meilleur, c'est-à-dire Jean­ Claude Martinez. L' objectif étant la provocation soumoise, les portefeuilles les plus prestigieux ne sont pas réservés aux mégrétistes. Le Conseil se réunit dans un salon de cinquante places loué pour la circonstance 15 000 F la séance. La réus­ site d·une entreprise de celte ampleur n'a pas de prix. A la porte, un huissier à collier annonce solennellement l'arrivée des grands serviteurs de la VI' République. Je ne sais si ce ministère d'entrainement exerce toujours son magistère. On n·en entend plus parler. Lorsqu'il fonctionnait, il est vrai qu·on n'en parlait pas davamage. Le deuxième incident relève des histoires édifiantes, comme aimaient en lire les creurs tendres quand il en existait encore. Je vais étre décoré. Au mois d'avril, Ies deux Bruno, Mégret et Gollnisch, m' ont averti par coun-ier séparé. Le Président et le comité de la Fiamme ont décidé de distinguer mes mérites ainsi quc mon dévoucment à la cause nationale en me confé­ rant la Fiamme d'Honneur du Front national. A l a lettre cir­ culaire dactylographiée, Bruno Gollnisch ajoutait quelques

mots à la piume. Il est émouvant de les lire aujourd'hui Mon cher François, Honneur à toi, l'ancien ! A toi dont la piume vaut mille épées et dont le courage est un modèle. PS. Le Racismejudiciaire m'a regontlé la mécanique. Si tu n'écrivais pas tout cela, on aurait tendance à l' oublier. Et il est bon qu 'on ne l'oublie pas . . . Ah ! le� salauds . . .

La cérémonie fixée au 1., mai fut remise à la fin du mois de septembre, aux BBR. Le 19 de ce mois, Martin Peltier me prévient. Bruno Mégret et quelques autres dirigeants du FN, dont Martial Bild, venaient de décider d'interdire à l'étalage Xavier Vallat et la Questionjuive, le "Dernier Cahier" que je venais d'écrire à l'occasion du cinquantième anniversaire de son procès en Haute Cour. J'écrivis aussitot au Délégué général : Je ne doute pas de la pertinence des raisons qui vous ont amené à prendre cette décision. Pourtant mon premier rétlexe fut de manifester, par mon absence aux BBR, contre le traitement qui m'était intligé. Et puis j'ai pensé à notre combat, à votre combat à Vìtrolles, au plaisir que nous allions donner à l'ennemi. J'ai décidé de ne pas gontler l'incident. Je serai donc présent, à la piace que me loue Narional Hebdo dans son stand, et j'y signerai )es ouvrages que vous n'aviez pas interdits l'an passé. En revanche, je ne participerai pas à la céré­ monie de la Aamme où vous m'aviez prié. Il n'est pas souhaitable que le Front national décore publiquement un homme dont vous ne tolérez )es écrits que sous le manteau. De mon còté, je ne puis accepter d • etre décoré - essentiellement pour mon travail de joumaliste et d'écri­ vain engagé - le jour où vous interdisez d'étalage, donc de vente. mon dernier ouvrage, un de ceux qui me tiennent le plus à creur. Cette distinction - que je n'avais pas sollicitée - c'est vous­ meme et le Secrétaire général, M. Bruno Gollnisch. qui me l'aviez apprise en avril. Le Président ne m'en ajamais soufflé mot. Peut-etre l'ignore-t-il ? Si ce n'est pas le cas, il vous reviendra, et à Bruno Gollnisch, de lui expliquer )es raisons de ma carence et de lui présenter mes excuses.

P RÉFAC E

Je regrettemì cette décoration. Je n'en ai jamais eu. Meme pas la Fmncisque, ce doni je ne me consolerai jamais. La Fiamme du Front national eut éclairé mon curriculum vitre si le Wlw s W/10 ne m'avait pas chassé de ses colonnes, voilà cinq ans, pour des raisons qui ne sont pas tellement éloignées des vòtres. Je me consolerai, cette fois, en me disant que s'il me faut choisir entre la Fiamme d'Honneur et l' honneur d'écrire (et d'éditer) Xavier Val/at et la Q11estio11 juive, j'ai la faiblesse de preférer avoir écrit (et édité) Xavier Vallat.

Pour dactylographie, celte lettre est d' abord faxée à National Hebdo. Jean-Claude Varanne, son directeur, l ' intercepte et la communique au Président avant que le destinataire ne l ' ai t reçue. On ne saurait lui en vouloir. I l n e fait que son travail dont l'essentiel est de regarder, d'écouter, de rendre compre avec diligence et d' appliquer les consignes avec rigueur. Le Pen infonné, tout s' arrange aussi rapidement, artificielle­ ment et harmonieusement que le dénouement d'une comédie de Molière. Je reçois de Bruno Gollnisch le mot suivant : C'est moi le fautif. Ils ont repris une réglementation à l'édiction de laquelte j' ai contribué en 96. J'en avais marre de voir !es télés, en guise de recension des BBR, se précipiter sur te! ou te! bouquin vantant !es mérites d'Adolf ou !es bienfaits de l'ordre SS. Je déteste le "politiquement correct" mais je ne voìs aucune raison d'etre plus germanophile que !es Allemands. Naturellement cela ne visait pas tes ouvrages. Mais l a Joi vit de s a vie propre et d u zèle de ceux qui l' appliquent. Tout est rentré dans l'ordre aujourd'hui. Alors, vieux frère, viens recevoir cette Fiamme à Iaquelle Jean-Marie tient beaucoup. Tu nous ferais plaisir à tous.

Sur l'estrade, en m'enflammant, Jean-Marie Le Pen me mur­ mure à l'oreille, pour montrer qu'il était au parfum de l a Francisque : - Je n'ai pas mieux à te donner. II rit. Je vois Mégret. Je lui présente mes excuses. Il est sur-

pris. Je lui raconte la carte de Gollnisch : « C'est mai le fau­ tif ». Il est encore plus surpris. L'histoire m'enchante. Elle jure avec le feuilleton sordide que l'on ne cesse de nous raconter. Elle prouve que rien n'est perdu. Le pire peut toujours etre évité. Je me dope à l'angé­ lisme. Si j'ouvrais une auberge, je l'appellerais : "Au rendez­ vous des pas trop moches ". Malgré !es salades, le sordide ambiant, le merdique vertical, horizontal et en profondeur, le venin, la saloperie qui suinte, le tcha-tcha-tcha des cloportes, il y aura du monde. 1998 : La fin du commencement.

Je dois ressembler au brave soldat Chveik. C'est un person­ nage du folklore antimilitariste des années 20. Toujours battu, jamais abattu. C'est l'hiver. Il fait un froid de canard. La cabane de Chveik est sans feu. L'eau gèle dans le broc. Quand il sort, ses méchantes bottes s'enfoncent dans la neige et elle tombe, du ciel gris, en flocons serrés sur les sapins déjà blancs. Mais ça ne fait rien. Le brave soldat Chveik chante : C' est le doux printemps qui revient Qui revient... Le feu d'artifice des Régionales de 98 rend ridicule le mélo­ drame de la rupture du Front. La campagne a été tonique. Venant de la classe politique et des médias, les vagues de haine n'ont cessé de gronder et de déferler. Les vrais son­ dages doivent donc nous etre favorables. Cette fureur à son paroxysme ne peut que nous souder. Comment pourrions­ nous nous déchirer devant elle ? Après l'angélisme, c'est la logique qui me donne un moral d'acier. On ne se soude bien que contre. Les faits me donnent raison. Nous gagnons deux points. De 13 % et des poussières aux demières Régionales, nous passons à 15 et quelques . . . Naturellement, certains font l a fine bouche. Tout particuliè-

r

P RÉFACE

rement ceux qui annonçaient 18, 20 %, des chiffres ballon, des chiffres bidon, dorés et dopés à la poudre de perlimpin­ pin. Cette manie me met en rage. Meme quand nous gagnons, nous perdons, puisque nous sommes bien au-dessous des résultats espérés. Reste que nous progressons sur des terrains qui généralement ne nous étaient pas favorables et, surtout, que le Front occupe une position d' arbitre dans la moitié des régions. Si l'UDF et le RPR continuent de souscrire à l'engagement qu'ils prirent, au cours des forums organisés par l'internatio­ nale raciste juive, connue sous le nom étrange pour nous de B'nar B'rith - en hébreu !es "Enfants de l' Alliance" - de ne s'allier en aucun cas avec le Front national (Le Monde, 16 mars 1986), l'UDF et le RPR vont livrer à la gauche socialo­ communiste et à l'extreme gauche verts-trotsko ces régions où ceux-ci sont minorité. Dans le cas contraire, si l'UDF et le RPR rompent avec l'intemationale raciste juive (seuls !es juifs peuvent faire partie des B'nai" B'rith), établissant avec le Front national !es bases d'un accord minimum, une dizaine de régions ne basculera pas à gauche et non des moindres : Paris - Ile-de-France, Rh6ne-Alpes, la PACA se trouvent dans ce cas de figure. Etre arrivés à imposer cette situation constitue une victoire forrnidable. Nos ennemis ne s'y trompent pas. Ils adjurent les élus concemés de ne pas tomber dans le piège et leurs véhé­ mentes prières sont assorties de promesses, de menaces et de pressions. A l'opposé, je note des réticences chez quelques­ uns de nos amis. Elles sontjustifiées. La manreuvre ne va pas sans risques. Au stade de développement où il se trouve, le Front national a le choix entre deux politiques. Une politique dure, de continuer dans la solitude et l'isolement, sans com­ promissions, sans ententes négociées. Une politique plus souple qui, à coups d'accords locaux et limités, nous permet­ trait de sortir de la quarantaine où nous sommes enfermés. Il

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...

y a là un vrai sujet de débat, qui dépasse les querelles de bonshommes. Je m'y préte volontiers. Je comprends les deux positions. Par nature, la première me retient. Par réalisme, la seconde m'attire. Que ce soit l'une ou l'autre, toutes deux exigent un parti uni, soudé au feu comme je l'écrivais tout à l'heure, solidaire, et manreuvrant au sifflet. Voilà ce que je pensais en ce printemps de 1998. Je viens de l'écrire dans Avant de prendre congé , mon demier "Demier Cahier". Pennettez que je me cite. Après avoir montré que je n'étais dupe ni des dangers, ni des truquages de l'élection, je poursuivais : . . . c'est la seule chance qui nous reste, une toute petite chance, mais une chance, de conquérir le pouvoir - ambition haute -, de peser sur la politique de notre pays - ambition moyenne -, d'empécher le pire, ou de le freiner - ambition basse, celle qui nous est tolérée pour l ' instant [ . . . ] Si Jean-Marie Le Pen n'avait pas donné au mouvement nationaliste français cet outil d'un rassemblement pour l'élection, formé, forgé, soudé, tendu par elle, il n' existerait plus que dans les banquets d' anciens combattants. Grace aux suffrages, ce qu'ils s'époumonent à appeler l'extréme droite, dans l ' espoir de lui nuire toujours davantage, est devenu le centre de la politique française. Les Régionales et leurs turbulences ont fait du Front national !'arbitre et l'atout maitre de la situation. C'est une chance. Devant la coalition de l'extréme gauche, de la gauche et du parti communiste, et la trahison en rase campagne des appareils parisiens de l'UDF et du RPR, jamais le pays n'a eu, plus qu' aujourd'hui, besoin du Front national.

A la relecture, ces mots sonnent comme un glas. On pourrait les croire venus d'un passé très lointain. Ils ne datent pour­ tant que de l'an demier, d'avril 1998 exactement. Une année aura suffi pour que méme l'ambition basse nous soit inter­ dite alors que nous aurions pu étre, en nombre de voix, devant l'UDF, les centristes et le RPR. Ces phrases, je les sors de I'oubli où elles dormaient, bien au frais, parce qu'elles sont révélatrices de mon état d'esprit au lendemain des grands remous de 1997. Rien n'est résolu. En

PRÉFACE

décembre, en pleine campagne électorale, Le Pen est allé à Munich, pour recevoir le livre que S choenhuber, ancien Waffen SS et député européen, a écrit sur lui : Le Pen, le rebelle. A une questi on du joumaliste-provocateur de service, il nous a refait le coup du détail. Cela ne me choque pas, on s'en doute. J'ai toujours et partout soutenu Le Pen dans cette histoire. Le mot n'est peut-etre pas très heureux. On sait dans quelles circonstances il fut prononcé. Le Pen demandait que la liberté de discussion soit accordée aux historiens et spé­ cialistes. Est-ce scandaleux ? Mais, à Munich, il n'y avait pas de surprise. Le Pen savait ce qui l' attendait. Le lieu et la date étaient mal choisis. Tlze big orchestra de l' intox permanente se mit à ronfler de tous ses orgues. Nos militants toussaient. II fallait se remettre à expliquer le "détail". Je reçus une dizaine de coups de fil de province. Certains se lamentaient. D'autres rouspétaient. D'autres encore - plus grave - sus­ pectaient. Ces petites phrases qui échauffaient les esprits, alors qu'il eut fallu apaiser, étaient-ce seulement des bévues de hasard ? L'antagonisme demeurait aux aguets. Le dimanche 8 février 1998, à 1 9 heures, Miche! Field, le successeur d' Anne Sinclair à TFI, reçoit le président d u Front national. Il évoque le ròle de Mégret. Que se passerait­ il lors de la succession, s'il prenait trop d'importance ? Des millions de téléspectateurs voient le Président se fermer. Son masque se durcit. Son rei! flamboie. - Si tel était le cas un jour, je prendrais les mesures qui s'imposeraient, répond-il d'un ton qui aurait glacé les creurs les plus intrépides. Ce sont des faits. Ils montrent à l'évidence que la tension n ' a pas beaucoup baissé. Cela ne change rien à m a conviction : l'intéret commun des deux hommes sera plus fort que leurs divisions, plus fort que les ambitions exacerbées par les jalousies, les rancreurs, les intrigues des courtisans, et àussi par le temps, le terrible temps qui n' arrete jamais, le temps

qui passe et rétrécit inexorablement les chances. Conclusion il ne se passera rien de définitif avant les Européennes. En voici encore une preuve. Dans Avallt de prendre congé (deuxième partie), Anne Le Pape me demande quelques scé­ na1ios d'avenir. Pas un n'envisage l 'éclatement du Front. Quand on prétend regarder loin, il arri ve de ne pas voir le fossé qui se creuse sous vos pas. Je vais donc tomber de plus haut. Jean-Marie me téléphone. Le procès de Mantes a eu lieu à Versailles. Le jugement est proche. Et si l'établissement en profitait pour prononcer l'inégibilité du président du Front ? - Ne t'en fais pas, dit-il, jovial. Le nom de Le Pt:n sera tou­ jours en tete de la liste des Européennes. Il ne précise pas. Je songe à Marie-Caroline, à Marine, dont on dit que c' est son père en jupon. Pas un instant je ne pense à sa femme. Pourquoi ? Si je la connais peu, je la trouve sym­ pathique. La demière fois que je l'ai vue, c'était à Saint­ Nicolas du Chardonnet. L'abbé Laguérie célébrait une messe à la mémoire de Jacques Perret. Jany Le Pen y représentait son mari empeché. Après l'office, sans manières, elle nous accompagna chez Amar, le Kabyle, manger le couscous. Le gourbi convenait mal au manteau de fourrure et à la robe de haute couture. Elle fut naturelle, pas appretée pour un sou. Quoiqu' elle déclarat ne pas connaltre grand-chose de Perret, elle se mela à notre conversation avec aisance. Tout le monde s'accorda à la trouver épatante de simplicité. De là à l'imagi­ ner en tete de la liste maudite, entrant dans la cage aux fauves où les chacals de la téloche l' auraient attendue en se pourlé­ chant les babines, il y avait un pas. Je n 'envisageais meme pas qu'il put etre franchi. Aux premiers colporteurs de la rumeur : « Jany n ° 1 », je rétorque, catégorique et compact - Impossible. - Et pourquoi ?

PR ÉFAC E

- Jean-Marie a fait appel du jugement de Versailles. Parler dès maintenant de la candidature de son épouse reviendrait à considérer la Cour acquise à la décision du tribunal. Le Pen a trop le sens et le gout de la bataille judiciaire pour com­ mettre un parei) impair. Voilà qui est raisonné et parlé. Je n'oublie qu'un petit "détail". Et si l'annonce précipitée de la candidature de Jany Le Pen ne servait pas seulement à préparer le terrain et I' opi­ ni on ? Et si elle servait aussi à faire sortir Mégret du bois ? A l'obliger à accepter ou à réagir ? En un mot comme e n cent, à le provoquer, afin qu'il commette publiquement l a faute de résister au Président ? Cette éventualité m'a échappé. Je ne fréquente pas la Cour. J'ignore que le projet est déjà engagé. Le Pen e n a parlé lors du Conseil exécutif qui s'est tenu le lundi 6 juillet, au matin. Il a exprimé sa volonté de présenter Jany Le Pen au cas où la Cour d'appel confirmerait son inégibilité. Seul Bruno Mégret a marqué son désaccord. J'ignore aussi que le Délégué général et le Président se sont vus en tete-à-tete pour en parler. Je ne l'apprendrai que plu­ sieurs mois plus tard, quand Jean-Marie Le Pen me commu­ nique le rapport secret de Franck Timmermans, où l' on peut lire ceci : 8juillet 1998 - B. Mégret rencontre à Montretout le Président pour lui expliquer les raisons de son désaccord et pour lui dire qu'il est volontaire, à toutes fins utiles, pour conduire la l iste, mais qu' i l n e pense pas opportun de parler des investitures européennes avant d e connaitre l a décision de la Cour d'appel d e Versailles. J.-M. Le Pen conteste évidemment son point de vue et énonce les avantages que présenterait la candidature de sa femme . . . Après un long débat explicatif entre eux, frane e t courtois, les deux hommes se quittent en se mettant d' accord pour ne pas bruler les étapes. Jean-Marie Le Pcn, pour prendre le temps de la réflexion,

(}JOJu.E________ � f?'atuP/l. ------ira meme jusqu'à envisager de tenter un sondage panni les élccteurs pour lenir compie du sentiment de la "base".

Je fais partie dé cette "base". Le Pen sonde lui-méme, camme toujours moins pour entendre mes raisons que pour m'exposer )es siennes. - Qu' en penses-tu ? - C'est une erreur Ge crois que j' ai meme dit : "connerie"), et ressentie com me teli e par tous )es gens que j 'ai rencontrés. - Mais non. Vous vous trompez. Avec Jany, nous allons créer la surprise. C'est une femme élégante, parisienne, avec du charyne. Elle a des origines grecques et hollandaises. C'est ça, l'Europe. Elle fera entendre la voix nouvelle d'une femme qui ne fait pas de politique. Elle plaira à tous ceux qui en ont assez des rhéteurs et des idéologues. Je suis certain qu'elle fera plus de voix que moi. -Alors n'hésite pas. Si tu redeviens éligible, conserve-la en n° 1, pour le succès de la liste. Il rit, mais ne répond pas. Tout va s'enchainer très vite, dans un mouvement irrésistible, celui du toboggan. On ne parie plus que de Jany Le Pen. Lors d'un entretien avec Martin Peltier, elle fond en larmes. Cette aventure l'effraie. Mais Jean-Marie le veut. Je ne rencontre pas une personne qui y soit favorable. Les fidèles, les grognards, ceux de la première caravane à travers la France, avant Tixier, baissent la tete, accablés. Ils se taisent ou, quand ils parlent, ils disent : - Que veux-tu qu'on fosse ? Tu le connais ... Bientot l'évidence s'impose. La candidature de Jany est une machination pour empecher la candidature Mégret, si l'inéli­ gibilité est maintenue. On peut lire dans une interview du Figaro :

Questio11 : N'y a+il pas aussi des ar!!uments en faveur de la candidature de Mégret ?

PRÉFACE

Répcmse : Si on choisit quelqu'un d'autre qu'un membre de ma familk, beaucoup peuvent y prétendre dans notre parti. Ce serait un comble. en tout cas. que certains veuillent profi ter des coups qui me sont portés pour se promouvoir dans le parti (21 juillet 1998).

Les appels téléphoniques de J.-M. se font plus rares. Sa voix est devenue hargneuse. II suit alors une de ces fréquentes cures d'amaigrissement qui le laissent épuisé ou surexcité. L'un l'a vu assoupi, absent, comme vidé, dans u n entretien. L'autre, à l'opposé, l'a trouvé vindicatif, emporté, aboyant des reproches. Je ne l'ai jamais vu plus imperméable aux remarques qui ne vont pas dans son sens. L'affrontement aura Iieu à l'Université d'été qui se tient à Toulon. Les images que la télévision diffuse avec une générosité inhabituelle permet­ tent de redouter le pire. On voit Mégret isolé, errant dans les couloirs, essayant de sourire sans y parvenir. Des groupes se forrnent. Sur les visages on lit l'animosité, la suspiscion. La haine nous cernait. Elle nous divise. Le Pen traverse l ' arène le torse bombé, dominateur et furibond. Si l 'on n ' a pas com­ pris, on va comprendre. Son discours est sans réplique. Il n'y a en effet, etje le dis en toute amitié et en toute affection, il n'y a qu'un seul numéro, le numéro 1, élu à l'unanimité par le Congrès. Alors j'annonce que je serai en tele de la liste aux élections euro­ péennes. Si le complot politico-judiciaire monté contre moi à Mantes-la-Jolie devait aboutir à mon inégibilité, c'est moi qui constituerais la liste des 87 candidats.

Ni le Comité centrai, ni le Bureau politique, ni le Conseil exécutif n 'auront leur mot à dire. C'est le n ° I et lui seul qui retiendra !es noms des 87 candidats et camme le n ° I est favorable à la candidature de son épouse, Jany Le Pen sera téte de liste. C'est une fin de non-recevoir publiquement donnée à Mégret. Fin aout, le Délégué général a fait savoir qu'il poserait sa candidature devant !es hautes instances du Front. Il a donné les raisons de son comportement dans une grande i nterview,

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professionnelle, leur liberté, parfois leur sang. Responsable des triomphes, il est responsable des défaites. Responsable des splendeurs, il est responsable des catastrophes, et notre division est la pire qui pouvait arriver. Responsable et cou­ pable de l'échec, car la division, c'est l'impuissance, il lui fallait tout mettre en reuvre pour réduire nos divisions et mettre un terme aux querelles, cette maladie organique des Gaulois. Il le sait mieux que tout le monde. Ne sait-il pas tout mieux que tout le monde ? En aoGt, dans son fameux dis­ cours de Toulon, il déclarait encore Restons vigilants, parce que • vous avez pu voir comment sont interprétées, à notre détriment ou à notre avantage, les moindres discussions et les moindres divergences. Mise en scène d'une façon souvent impudique, cene tactique vise à troubler la raison de nos militants.

Or le metteur en scène du misérable feuilleton de nos misé­ rables querelles, qui est-ce, sinon lui ? Qui mime à la télévi­ sion César égorgeant Brutus ? Qui a l'impudeur d'expliquer le choix politique de sa fille Marie-Caroline par l'arnour qui la lie à Philippe Olivier, un des lieutenants de Mégret ? (Quel sujet de rnélodrame politique ... ) Comme le lutteur dans les foires de jadis faisait la parade sur l'estrade, qui se vante de sa force, de ses muscles, de ses "pompes", de sa jeunesse qui ne doit rien aux élixirs ? Quand on pousse à la réconciliation, qui répond, superbe, et l'on entend Pierre Brasseur jouant Frédéric LemaHre : - Oui, qu'ils viennent, mais en chemise et la corde au cou. Qui ose utiliser les mots de l'ennerni : « racistes, antisémites » pour dénoncer les camarades de combat. La LICRA peut pavoiser. Le Pen lui donne raison. Quel argument contre nous dans !es prétoires ! Qui permet à Christian Baeckeroot d'écrire dans Le Figaro : « C ' est autour de Mégret qu 'il y a le plus de s11bstit11ts i11tel­ lectuels du racisme » (6 novembre 1998) ?

PRÉFACE

Dans une conférence de presse, qui ose révéler aux joumalistes cnnemìs quc Le Gallou a épousé la fille d' un Waffen SS ? Le Gallou étant né cn 1948, on ne peut lui reprocher son com­ portement durant les années Ies plus sombres de notre h istore. Alors Le Pen, dans une fureur frénétìque et aveugle, pour nuire à Le Gallou, s'en prend à son beau-père. Il a bien changé, Le Pen. En 1963, avec qui fonde-t-il la SERP ? Avec Léon Gaultier, ancien Waffen SS, grièvement blessé sur l e front de l'Est, ouvert du ventre aux poumons, et qui, pour c e fait d'arrnes, touchait une pension de guerre de l'Etat allemand. . . On a honte d'avoir à rappeler ces faits. Il est vrai q u ' à l'époque, Jean-Marie Le Pen n'envìsageaìt pas de faire de Charles de Gaulle son numéro 2. Le Pen s'est beaucoup plaint des incidents (insultes, invec­ tives, coups) qui troublèrent le Conseìl natìonal du 5 décembre. Mais n'était-ce pas provoquer ces incidents que d'exclure deux jours auparavant deux éléments clés de l' équipe Mégret : Hubert Fayard, chargé de mission au FN, membre du Comité centrai, premier adjoint au maire de Vitrolles, et Nathalie Debaille, chargée de mission à la Délégation générale et éga­ lement membre du Comìté centrai ? Jusqu' à la fin du mois de décembre, j 'ai tenu com me j' ai pu. Vous trouverez à la fin de ce livre, les chroniques qui se rap­ portent à cette pé1iode et à l'aggravation de l a situation, ainsi que quelques précisions et documents en annexes. Quand est venu le temps des purges (Françoise Monestier, PieJTe Vial, Jean-François Galvaire) et des censures (Konk, Maitin Peltier), j'ai compris qu'il fallait s'en aller. Je n'ai pas écrìt une ligne politique depuis janvier. Je ne comptais donner à ce recueil d'aiticles sur des sujets divers qu'une courte présentation. Je ne me suis résolu à cette pré­ face qu'après avoir eu connaissance d'un discours d u prési­ dent du Front national, prononcé le 20 juin 1999, lors d ' une réunion du CNC, à Ncuvy-sur-Barangeon. Voici le passage

qui ne me parait pas admissible : Tout cela était paralysé par les insurgés, les révolutionnaires qui bénéficiaient, ce qui est mirobolant, mirobolant, du soutien de ce que ) 'on appelait autrefois la presse arnie et qui, par sa neutralité entre les agresseurs et les agressés, s'est conduite comme une presse ennemie. J'avoue ne pas bien comprendre comment des monarchistes ou des nationalistes, les maurrassiens du quotidien Absellt, ont pu expliquer à leurs lecteurs qu'entre Le Pen qui représentait la léga­ lité, l'autorité et la hiérarchie, i l fallait choisir, meme contre Louis XVI, Robespierre et Marat. Car c'est bien de cela qu 'il s'agissait. On est tenu par ses principes ou on n 'est rien du tout, ou I ' on n 'est rien du tout. Et moi je dis que quand on ne choisit pas entre la vieille dame qui se fait voler son sac et poignarder, et le voyou qui I' a volée et assommée, eh bien, on est complice, plus ou moins, de l' assassin.

Dans le meme mouvement se comparer à Louis XVI et à une vieille dame, Mégret devenant RobespietTe ou Jojo le suri­ neur, pour déclarer complice d'assassinar un journal qui vous a soutenu pendant seize ans, comme dit Le Pen : c'est miro­ bolant ! Après le Chant des partisans, le Front chanterait-il Du passé faisons table rase ? Je sais bien que Neuvy-sur­ Barangeon est l'ancien chateau de Bokassa. II y a des comportements de rois nègres dont il vaudrait mieux faire l'économie. François Brigneau ( I ) Pampl,/e/s, nux Editions du Clan (épuisé) et M1111 village (Publicn1ions FB).

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AVE RTI S S EMENT

1 - Ces chroniques parurent toutes dans National Hebdo durant les mois et les années qui précèdent le suicide. Quelques amis les ont rassemblées. J'ai respecté leur choix. le n 'ai apporté que quelques modifications deforme. le n 'ai rien touché aufond. le n 'ai modifié aucun desjugements que je portais alors sur lean-Marie Le Pen et le Front national. La vérité est la vérité. L'Histoire est l'Histoire. le n 'ai ni l'envie, ni le droit, de la/arder. Au demeurant, sur l'essentiel, je n 'ai pas le sentiment d 'avoir changé. 2 - Les Publications FB ayant cessé leur activité en 1998, cet ouvrage est édité à compte d'auteur à la meme adresse : Auto-édition FB 21, rue Mademoiselle, 75015 Paris. 3 - Toute reproduction est interdite sans autorisation écrite de l'auteur.

le remercie celles et ceux qui m 'ont soutenu dans ce travail. Sans leur aide, j'aurais renoncé.

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·, e poids des mots était inutile. Le choc des photos suffisait. Cene fois, . il ne s' agissait plus d'images surprises à la sauvette, au cours de reportages à l' abordage ou par effraction. C' étaient des images officielles prises avec l' assentiment des familles intéressées, l' autorisation de M. Rousselet, l' exécuteur testamentaire, la bénédiction du cardinal-archeveque, preuves incontour­ nables que la vie privée n'existe pas pour l'homme public. Le spectacle était édifiant. On voyait la veuve de la main droite et la veuve de la main gauche suivre, à petits pas, et dans le recueillement général, le cercueil du roi de la République, nappé de tricolore. • • Les obsèques du roi de la République

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Le jour n'était pas �ncore le;é. La· veuve de la main droite était la première. Ses fils l' entouraient. Petite mais résolue, el�e affrontait l' épreuve, impassible, à visage découvert, sans chapeau ni voilette. On souffrait pour elle. Nom1al. Le cocu est un ròle masculin. Il est ridicule. Il met les salles en gaieté. Il n'y a pas de femme cocue. Il n'y a que des femmes�trom­ pées. On ne s'esclaffe pas quand elles passent. On les plaint.

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A deux pas venait la veuve de la main gauche, celle du cceur. Avec chapeau et voilette, la tete haute, le regard dur, la bouche commandante et le menton impérieux, elle donnait le bras à la fille qu'elle avait eue, hors mariage, du premier secrétaire du parti socialiste en chemin vers le trone. A vue de nez, s'il avait fallu désigner la légitime, Mme Anne Pingeot efit obtenu, sans hésitation, le premier prix. Malgré la tension du moment, la situation tenait du vaudevil­ le. Le deuil sortait de l'immeuble où l'ancien roi de la République vivait en concubinage avec son épouse de la main gauche et leur fille, et où 1 'épouse de la main droite était venue constater le décès de son mari, père de ses deux enfants. On imagine !es effets que Feydeau aurait pu en tirer, dont le prin­ cipal ressort du comique consistait à mettre ensemble des per­ sonnes qui n'auraientjamais dfi se rencontrer. On me trouvera bien frivole, et d'un ton peut-etre déplacé. Pas du tout. Je suis dans la tradition de nos campagnes. Le rire accompagne souvent la mort (comme une défense, sans doute). J'ai connu des veillées funèbres et des sorties de cimetière qui n'engendraient pas la mélancolie. C'était à qui raconte­ rait la meilleure sur !es polissonneries du défunt, Arsène, un gaillard s'il en fut, tu te souviens, avec la Toinette, l a fille au Bombé, ça c'était de la manivelle, etc. Dans le cas présent, la vérité m'oblige à dire que l ' envie ne venait à personne de faire le boute-en-train. Les réflexions étaient de tous ordres, sauf comiques. Ainsi je me disais, et il n'y avait pas de quoi se taper sur les cuisses, que nous assis­ tions à la naissance d'un nouveau phénomène de société. Désormais le glissement des mceurs et la non-observance des signes extérieurs de la morale courante étaient affichés, meme par des personnages qui, autrefois, prenaient un soin extreme à les dissimuler.

-------- � (IJ()f,J,e, ,.-/atiJ/1/l_ ------M. Mitterrand n'était pas le seul roi, républicain ou non, à avoir eu deux ménages, en plus des distractions annexes. Mais j'avais beau chercher, je ne m'en souvenais pas qui eut étalé avec autant de complaisance et officialisé sa bigamie de fait. C'est vrai que l 'adultère n'est plus puni par la loi pénale. Mais il est toujours sanctionné par la loi civile. Socialement il demeure une faute. Sans etre particulièrement à cheval sur les principes, on peut estimer regrettable que le premier magistrat de l'Etat ait pu s'en rendre coupable, avec autant d'ostentation. Imaginons . . . Un de vos fils, marié, fonde une seconde famille, une famille de complément. Vous ne lui en faites pas compliment Il se cabre : - Alors, maintenant, c'est mal de faire comme le président de la République ? Que répondre ? Surtout si vous etes socialiste, électeur du Bourreau des creurs ? Au risque de passer pour un vieux crouton, rabacheur et rétrograde, je trouve qu'un chef d'Etat aurait toujours avan­ tage à se montrer exemplaire. S'il ne l ' est pas (personne n'est parfait), i l se devrait de faire comme si, et afficher le moins possible la réalité. Quand on est gardien des lois, l'hypocri­ sie peut devenir salutaire. Je me disais aussi que le roi Mitterrand avait bien de la chance. Sans la foudroyante évolution de l'Eglise catholique, la pré­ sence de ses deux régulières derrière son cadavre lui aurait­ e:ìe permis de bénéficier d'un double enterrement religieux ? . . . Et meme de trois, puisque l 'hymne maçonnique monta, à Jamac, pendant que le cercueil sortait de l 'église ? Rien n'est moins sfir. . . A cet instant, je songeais, avec un brio d'émotion, aux vieux ligueurs d' Action française, les "manants du roi" comme les appelait La Varende, bons époux, bons pères, bons catho-

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liques, dont la dépouille demeurait sur le parvis, à la porte de l'églìse, parce qu'ils avaient continué à lire Maurras . . , . , Aujourd'hui, c'était la plus haute figure· de l'Eglise j udéo­ catholico-humaniste, Son Eminence le èardinal-archevéque Lustiger, qui officiait devant -un parterre de rois, de princes, de grands de ce monde, qui n' avaient pas I' air convaincus . . , . ;,, . . . � ._ . que tout est vanité.. . . . , . � Seule ombre à la cérémonie : fin lettré; le roi a dfi troùver l e sennon bien plat. Il l'était. Bossuet faisait mieux. O n n'en­ tendait pas la grande voix de. Dieu tonner dans le ciel zébré d' éclairs. Tout était lisse, propret, sous cellophane, "clean", camme à Monoprix. C'était du cardinal-archevéque. L'état de santé du Saint-Père étant ce qu'il est, le roi ne pouvait pré• • • tendre à mieux. Je me disais encore

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- Deux femmes, deux églises, voilà !es demiers signes de l'ambivalence du roi républicain, cet homme qui fut décoré de la Francisque avant de passer à la Résistance, et élu à droite avant de siéger à gauche ; ce ministre de l'Intérieur engagé contre le FLN qui milita poi.Jr la défaite de l 'Algérie française ; cet antigaulliste achamé dans l'opposition, devenu gaullièn de stricle orthodoxie au pouvoir ; ce corrompu-corrupteur qui dénonçait l'argent et ses vices, mais s'entourait d'affairistes milliardaires ; ce haut dignitaire de la justice qui protégea Bousquet le superbe, mais fit traquer et arréter l' h u mble Touvier ; cet esprit supérieur, mais qui ne croyait qu' à lui­ meme, qui avait commencé par annoncer son gofit des coups tordus, mais secrets, en naissant à Jamac. Avec ses deux madames en deuil, sa fin était digne du début. Il me vint pour tenniner deux remarques. L'une était saugrenue, l'autre moins. Disons d'abord la seconde. Le lamentable éloge anonné par Chirac, ajoulé à la prodigieuse apothéose ordonné par !es médias, prouvait hien que la gauche était de retour. .. ,

--------- o,\QJ>')('J-, - �a� -------... La première. Le roi de la gauche avait favorisé l'invasion des mahométans en France depuis 198 1 . On avait dit que c'était par idéologie, anti-nationalisme, etc. Et si c'était aussi par volonté d' étendre et d' officialiser la bigamie, dont il avait tenu, par-delà la tombe, à s'affirmer comme un fervent partisan ? .

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(]Bjanvier 1996)

· e pétrole jaillissant du désert transforma en guerre le problème L'affaire algérien. Ce qui entraina le · • • se corse problème corse vers un chaos confus et sanglant, c'est le soleil, la mer qui étincelle et palpite comme un miroir brisé, c'est cette ile, la plus belle de la Méditerranée, que l'on pourrait transformer en paquebot-casino géant, à un peu moins ou un peu plus d'une heure d'avion des nations cossues d'Occident, un Titanic équipé pour les vacances, le plaisir et les jeux, baptisé Las Vegas, et qui serait, de surcroit, un super-Monopoly offert à tous les délices de l'immobilité. Quelle tentation ! Et comment y résisterait-on quand, depuis Urba, l'Etat de droit a étatisé le droit à la corruption, au dessous-de-table, au racket et à la concussion ? Si cette tentation n'avait pas existé, nous n' aurions jamais quitté les rivages enchantés du particularisme corse . . . Les chants des guitares pleurant dans la nuit, et pas seulement pour les touristes, les conteurs inspirés qui, dans l' ombre des arrière-boutiques, vous entrainaient derrière Napoléon, quand la Corse occupait l'Europe . . . Et, au fond de la nature secrète, sauvage et douce, contrastée, où l' on avait marché dans le temps sur les traces de Colomba et de Mateo Falcone, l'hospitalité corse, à l'antique, inoubliable, où tout avait le gofit simple du pain, du vin et du creur.



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Ces pastorales ne sont plus de saison. Autrefois, dans l a Corse de la tradìtìon, on tuaìt pour l'honneur de l a famille et, meme s'ìl étaìt parfoìs mal piacé, cela n'allait pas sans gran­ deur. Aujourd'huì, dans la Corse du progrès, on tue pour ajouter un ìmpéìt perso aux impéìts de la fiscalité sociale o u libérale-démocrate. Au pays du Petit Tondu, o n tue sans com­ plexe pour transformer les casemes en complexes h6teliers. On tue pour installer des circuits de laveries automatiques qui servìront à bianchir automatiquement l'argent sale. On tue pour s'arroger le monopole du trafic et du fric. Le monopole ! Le voilà le mot clé ! Celui qui résume toute la situation. On tue et on se tue pour s'arroger le manopole du crime et éliminer la concurrence jusque dans la mort. Ces Al Capone au petit pied tuent pour s'arroger le manopole de la Corse. lls veulent en faire le paradis des machines à sous, jusqu'à ce qu'elle soit elle-meme une machine à sous, colos­ sale, gigantesque, la machine à sous symbole de l' armée des machines à sous qu'ils y auront implantées, à coups de Beretta 9 mm, s'il le faut. • La classe politique aux affaires à Paris a paru plus sensible au meurtre de Claude Erignac, le préfet de la République, qu'elle l'avait été, dans le passé, à la mise à mort de gendarmes de la République, de soldats de la République, voire de civils aussi républicains que ceux du continent, meme s'il leur arrivait de voter bonapartiste par fidélité à l'histoire. La République est la République de tous, mais elle compte plus quand elle est incamée par un préfet que par un gendarme, un soldat ou un quidam. Quoi qu'en dise laDégradation des Droits de l'homme, l'égalité n'existe ni à la naissance, ni dans la vie, ni dans la mort. • Avec son enflure naturelle, M. Chevènement a lourdement insisté sur le mot République. La République par ci . . .

La République par là . . . La République ne tolérerait pas . . . La République exigeait. . . La loi de la République . . . Le droit républicain . . . Et patin, et couffin. Cette verbosité républicaine finissait par donner des boutons. Si intolérante qu'elle se solt montrée au long de ses différents numéros, la République a tellement clamé qu' elle ne tolérerait jamais, pour se dépécher de tolérer toujours, que ces rodomontades ne s'entendent plus sans irritation. J'avais dix-sept ans, en 1936, quand Albert Sarraut, éminent radsoc, président du Conseil et noble figure de la Troisième, déclara solennellement, avec un mou­ vement tout à fait convaincant du menton, qu'il « ne tolére­ rait jamais que Strasbourg soit sous · le feu des canons alle­ mands ». Sur quoi le chancelier Hitler envoya ses soldats réoccuper la rive gauche du Rhin. Sarraut ne bougea pas un nougat. Il déchira l 'ordre de mobilisation qu'il avait préparé, à tout hasard. Il ne fallait pas risquer de faire perdre au Front Populaire les élections qui allaient avoir lieu au printemps. Je ne l ' ai jamais oublié. En outre si la mafia avait trempé dans le meurtre, comme le ministre le laisse entendre, ce n' était pas au représentant de la République, ni à la République elle-meme qu'elle en avait : la République n ' a jamais empeché de faire des affaires. La mafia avait simplement décidé de supprimer l'homme qui, par ses fonctions, était capable de contrarier ses projets et qui, par son caractère, était résolu à le faire. Ce n'était pas un attentat idéologique. C' était un crime crapuleux. Il n'était pas utile de tirer des accents déchirants du biniou républicain. Si les tueurs appartenaient aux séparatistes - appelés natio­ nalistes pour nuire aux nationalistes français - il était tout aussi abusif et malvenu de parler de la République avec des trémolos de gorge. Les séparatistes sont aussi bons républi­ cains que M. Chevènement. S'ils en avaient la possibilité, c'est une République corse qu'ils installeraient à Corte . . . Ce n'est pas à la République qu'ils en ont. C'est à la France.

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C'est la Frnnce qui aurait du mal à etre la France sans l a Corse, comme elle aurait du mal à etre la France sans l a Bretagne, le Pays basque, l a Provence et le comté d e Nice, l a Savoie, I ' Alsace et la Lorraine, les Flandres, l a Normandie, la Bourgogne et meme le Berry, n' est-ce pas, cher Francis Bergeron ? M. Chevènement le sait très bien. S'il dit l a République quand i l faudrait dire la France, c'est qu'il craint qu'on )'accuse de parler comrne Le Pen. • M. Chevènement a demandé au « peùple corse » de.ne plus etre « complice » par son silence. Va-t-il pour autant se trans­ fonner en délateur républicain ? On peut en douter. D'autant plus que !es assassins courent toujours alors que je termine celte chronique (I>. Les coups de filet annoncés avec fracas n'ont ramené que du menu fretin politique. Il aura fallu l a mort criminelle d'un préfet pour que l'on découvre que des Corses possédaient des annes et des explosifs. Tout permet de penser que sous le manteau bien dépenaillé du séparatisme, le grand banditisme d'affaires va continuer de se développer et de s'organiser. Jusqu'au jour où se produira un autre évé­ nement que, naturellement, la République ne tolérera pas, mais qui permettra à M. Barre de revenir de Davos pour dire aux Corses : - Vous voulez l'indépendance ? Prenez-la ! (19 février 1998) ( I ) Et que J'assassin présumé n•a toujours pas été pris au moment où je corrige ceci (aout 1 999) . :·

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« Travail/ez, prenez de la peine... » Le laboureur et ses enfants

Pour le troisième centenaire de la mort de Jean de la Fontaine ·et les nouvelles dispositions budgétaires de Juppé-Chirac.

n laboureur, sentant sa mort prochaine, fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Il avait été riche. Il ne l 'était plus. · Mais, en ces temps d'humanitarisme d'Etat et d'inquisition fiscale, meme quand on n'a plus à transmettre que ses vérités demières, pour éviter les dénon• ciations on ne saurait etre trop prudent. On l' appelait Magloire. Dans le pays, sa fortune était aussi établie que sa générosité. Le fait n'est pas fréquent. Dur au . travail, apre au gaio, le père Magloire donnait volontiers aux offices et pas seulement des boutons. Il avait meme ses pauvres. Un versificateur locai, qui comme beaucoup d'ar­ tistes cherchait toujours dix-neuf sous pour faire un frane, lui avait composé une ode qui collll?ençait ainsi . , Soyons chrétiens - . Voilà Magloire, · • Notre espérance et mon soutien. . . • Puis la mode des politiques de justice sociale et distributive était venùe. · . Des gouvemements d'étiquettes différentes, mais d'inspiration idèntique, décidèrent de tenir leurs pro­ messes électorales. L'initiative ne s'était jamais vue. Elle pouvait conduire au pire. C' est ce qui arriva. .. Plus progressistes les uns que les autres et aussi avides d' in­ novations que le désert de rosée, ces simili différents pou­ voirs gigognes se donnèrent la mission de rendre la charité lai'que, obligatoire et financée par un impot nouveau, dit impot SG, selon grosseur, comme les homards.

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Aussitòt les pauvres se mirent à proliférer. On se serait cru chez !es Chinois, adorateurs du Père et de sa Sainte Loi « Croissez. et 11111/tipliez. » Il en venait de partout, de plus en plus nombreux. Jamais on n'aurait cru le dénuement si étendu. C'était normai. Autrefois, chacun s'appliquait à cacher ses misères, par décence et fierté. « Il y a plus malheureux que nous », disait-on pour se consoler. Mais aujourd'hui que l a pauvreté était une maladie remboursée par l a Sécu, tout l e monde avait intéret à la montrer et à l'outrer. Ainsi se multi­ plièrent !es nouveaux pauvres de M. Mitterrand. Au début, le père Magloire essaya de continuer, comme devant, à distribuer ses aumònes. Pour y arriver, i l vendit le Pré du Bas, une belle terre grasse, le long de la Serpente, où les breufs aimaient venir ruminer, en revant d' avenir, avec des frites. Tres vite, cela ne suffit plus. Le nombre des malheureux ne cessant d'augmenter, il fallait augmenter d' autant le montant des impots. Bientòt ce fut pour acquitter ceux-ci - plus les taxes, les contributions volontaires mais obligatoires, les retenues provisoirement définitives, sans parler des traites aux intérets cumulatifs progressifs qu'i l avait bien fallu signer pour le tracteur, la moissonneuse-lieuse, I' électrifica­ tion de l 'étable, la nourriture des vaches, avant que l a pro­ duction de Iait ne soit taxée - que le père Magloire dut se séparer du Pré du Haut, une terre sèche, à moutons, d' où l' on voyait le solei! monter sur le causse quand l ' aube violette arrivait avec l 'odeur des fougères et des ceillets sauvages. Suivirent aussi, dans le désordre, le petit bois de chataigniers, Fantòmas, le taureau, et meme le Grand Domaine, la plaine à blé, dont on était si fier quand revenait la lumière dorée des moissons. Rien que dans la ferme, !es traces laissées sur les murs par !es meubles venus des anciens et qu'il avait fallu céder racon­ taient la longue route du déclin.

- Mes enfants, dit le Père Magloire, quand ils se furent ras­ semblés autour du lit, mes enfants, avant de passer, je vou­ drais vous demander pardon du mal que je vous ai fait. Je ne vous ai dit que des mensonges, des somettes à curé. J' ai honte. J'ai honte de vous avoir appris que rien n'était plus important que le travail. Que la malédiction, c'était la fai­ néantise . . . L'oisiveté, la mère de tous les vices . . . « Propre à rien », on ne connaissait pas de pire injure . . . Jusqu'à ce que vous soyez devenus des hommes et meme après, je n'ai cessé de vous rabacher des imbécillités : travaillez, prenez de la peine, e' est le fonds qui manque le moins. Remuez votre champ dès qu' on aura fait l' aoiìt. Creusez, fouillez, bechez, ne laissez nulle piace où la main ne passe et repasse. Labourez, semez et soyez achamés. Priez Dieu que la pluie vienne à la saison des pluies, et qu'elle soit douce, et que la chaleur monte quand il faut. Priez Dieu et craignez-le. Ne ••

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comptez pas trop sur son infinie nùséricorde. Elle a des limites. Ne récrinùnez jamais. Si vous ne savez pas pourquoi il vous frappe, lui le sait. . . Des aneries . . . des aneries . . . En mangeant la soupe, en fumant ma pipe, le soir, malgré la fatigue qui vous plombait les yeux, ces paroles, je les ai répé-

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tées, comme un perroquet,. tout gonflé de mon importance que j'appelais mon expérience . . . N'ayez qu'une parole · et qu'elle vaille l'écrit. .. Sot que j'étais ! . .. Je me vantais d' avoir acheté la Pierre-qui-mousse et deux juments, la Grise et Coquette, sans un papier, à la Saint-Martin, tope-là, juste un canon à l'Auberge du Lion qui tete, et c'était fait ; cochon qui s'en dédìt. . . Pauvre crétin ! . .. J'aurais voulu vous prépa­ rer à etre roulés dans la farine par n'importe quel beau cau­ seur, marchand de poudre de perlimpinpin; voleur de filles, voleur de poules, voleur de biens, que je n'àurais pas agi ,. . , autrement. J'ai honte ... Pardonnez-moi.·. · : La voix du Père Magloir� était tombée, camme l a'1t.1mière du . jour. Il fallait faire un effort pour l'entendre. Les enfants qui étaient devenus des parents à leur tour, faisaient toujours cercle autour du lit où ils étaient nés; où leur mère était morte et où leur père allait mourir aussi. • - Je vous ai menti, murmurait le père Magloire. Je vous ai trompés. C'était le contraire qu'il fallait enseigner. Ne tra­ vaillez pas. Soyez malpropres à tout. Défilez en clamant que le travail est un droit, mais en réclamant d'en faire le moins possible. N'économìsez pas. Faites des dettes. Plus elles seront considérables, plus vous serez invulnérables. Exemple Tapie. Exemple !es Etats nègres, à commencer par l e n6tre . ; . Pardonnez-moi. Je vous ai empechés;. parfois en usant de moyens qui n'étaient pas bien honnetes, de quitter cette terre, parce qu'elle était la terre de mon père, du père du père de mon père, et que je voulais qu'elle soit la v6tre. Toi, Gustave, j' ai gardé poche restante ta lettre pour entrer aux Chemins de fer. Toi, Léon, je t'ai refusé de marier la Josette des Quatre­ chemins, parce qu'elle n'avait que des idées de la ville sous son indéfrisable. Je vous demande pardon . . . Je vous ai meme . raconté des boniments à la graisse de chevaux de bois� Les • yeux dans !es yeux, je vous ai dit : " Gardez-vous· de vendre l'héritage que vous laisseront vos parents, un trésor est caché •

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dedans ". Ce n'est point vrai. Il n'y a point de trésor et, si par miracle vous en trouviez un, je vous en supplie, n'en soufflez mot à personne, i l ne vous resterait rien, que des emmerde­ ments. Mes enfants . . . N'exigez rien de vous et demandez tout aux autres, c'est votre père qui vous le dit à l'heure de sa vérité. Ce fut Jeanne, la fille atnée qui lui ferma les yeux. Elle se chargea de prévenir- la mairie et la famiJle. Comme le curé, qui restait au Gros-Bourg, ne se dérangeait plus pour les enterrements, on se contenterait de faire dire une messe dimanche. Après avoir convenu de se retrouver pour la veillée, chacun s' en alla à ses demières taches de la journée. Seuls demeurèrent les deux jumeaux, Albert et Jérome, char­ gés de la toilette du défunt. - Le voilà tranquille, dit Albert: . . - Surtout qu'il est pa-parti sans lire le jou-joumal, dit Jérome qui bégayait un peu. Les dé-.demières gateries de Ju­ juppé, ça l'aurait achevé . . . - Il a pris les devants. Mais nous, qu'est-ce qu'on va faire ? . Que veux-tu qu'on-qu'on fasse ? - Après tout-tout ce que le pé-père nous a déclaré, dit Albert, qui ne pouvait s'empecher de bégayer aussi quand il parlait à son frère, ori est o-obligé de faire quelque chose. - Non, dit Jérome. C'est trop-trop tard. On est trop-trop vieux pour chan-chailger de mentalité. 21 septembre 1995)

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ous vivons des moments histo­ riques. Les experts et spécia­ Épargnez•VOUS listes du gouvernement vien­ d'épargner nent de découvrir la cause du malaise économique où nous stagnons. C' est l'épargne. En conséquence, après avoir été invités pendant des années, de manière pressante et cajoleuse, à confier leurs économies dans les différentes caisses d'épargne, SICAV, groupements financiers divers créés à cet effet pour assurer la pérennité de la France, les épargnants devront payer la facture de la fracture sociale. Pour une fois que les responsables sont déclarés coupables , on ne peut qu'applaudir. Ce n'est pourtant pas sans mélancolie que je pense à ma pauvre mère. Si elle nous regarde, de là-haut, elle doit avoir les sangs retournés. En s'attaquant à l'épargne, c'est un des dogmes de son église familiale que le gouvemement de M. Juppé cherche à détruire. Je la revois, dans mes années d'enfance. Au début du mois, mon père lui remettait son maigre salaire. Ma mère le divi­ sait en sept parts inégales auxquelles sept enveloppes étaient affectées. Il y avait l'enveloppe des dépenses extraordinaires prévues ; l'enveloppe des dépenses extraordinaires irnprévues ; les quatre enveloppes des dépenses courantes et ordinaires heb­ domadaires ; enfin l'enveloppe dite du "livret", celle de l' épargne. L'enveloppe distractions, sorties, loisirs, voyages, était remplacée par un coup de sifflet long. A la fin des années vingt, mon père devait gagner un peu plus de mille francs par mois. Meme avec un logement de fonc­ tion et un potager, pour faire vivre quatre personnes ce n' était pas le Pérou. Je n'aijamais entendu de plaintes. D'ailleurs on parlait rarement d'argent à la maison. Parfois ma mère mur­ murait, avec un gros soupir : « le ne sais pas comment ça se fait, mais je suis juste, ce mois-ci, je suis juste ... » Le plus souvent, elle évitait le sujet. Un jour, elle avait trouvé sa mère

en larmes. La vieille femme regrettait d'etre "à charge". Quand il n'y avait pas de dépenses extraordinaires impré­ vues, on ne mettait pas pour autant du beurre dans les épi­ nards (c'était un légume inconnu chez nous, la pomme de terre étant la base des deux repas quotidiens). L'enveloppe allait rejoindre celle du "livret". Ainsi mes parents purent acheter la maison où mon père mourut. Elle était à deux numéros de la bicoque de pecheur où il était né. Mon père n'avait pas l'ame nomade . . . A l ' époque, ce comportement n ' avait rien de particulier. C'était un réflexe de pauvres gens qui savaient ne pouvoir compter que sur eux-memes pour se préserver du pire. Les temps étaient durs. Les grévistes ne pouvaient espérer que leurs jours de grève leur fussent payés. Les chòmeurs ne recevaient pas d'allocation. Pour les aider à survivre, après etre allées mendier chez ]es paysans, les familles organisaient des soupes populaires sous la halle. La mairie délivrait des bons de charbon. Il y avait beaucoup de misère. Alors ma mère ajoutait une huitième enveloppe. Celle de la charité. Cela ne l'empechait pas de continuer à épargner. Comme d' Aboville, elle épargnait, elle épargnait toujours. Après la guerre, cette mentalité régressa. Une certaine prospé­ rité, le plein emploi, des systèmes d'Etat de protection sociale, des retraites et de la santé rendirent moins nécessaires les systèmes personnels de défense familiale. On annonçait l'age d'or prédit par !es ancetres. On vivrait cent quatre-vingts ans, comme dans la Bible, nourri de miei et abreuvé d' hydromel, le nectar des Dieux. Les seuls problèmes qui se poseraient à l'humanité radieuse seraient de distribution, de consommation et de circulation automobile. Ce miracle s' accompagnait d'une inflation galopante, d'une vie à crédit sans restriction (« prenez tout de suite, vous paierez plus tard »), d'une décomposition mercantile de la société qui rendait insolite et meme ridicule toute idée d'épargne. On vivait au jour le jour

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et sans avenir, puisque après nous le déluge ! Mais le déluge fut là plus vite que prévu. De l a prospérité, année après année, on glissa dans la récession, et du plein emploi dans le chòmage aggravé par l' immigration. Les mauvaises habitudes, acquises durant le temps des vaches grasses, rendaient insupportable la vie au temps des vaches maigres. Le cosmopolitisme galopant avait détruit nos immunités nationales. L'illusion européenne toumait au c au­ chemar. La drogue de la publicité et du crédit exaspérait le manque. On continuait à vivre au jour le jour, mais sous le déluge, qui ne pourrait que cro1tre et empirer, et avec la peur de l' avenir. Menaçant et bouché, que pouvait-il réserver de bon à nos enfants ? Alors le besoin d'épargner revint, comme une réaction de défense des peuples menacés. C' est lui que le gouvemement de M. Juppé accuse désorrnais de tous les péchés d'Israel. Le bas de laine étouffe la France. « Epargnez-vous d'épargner ! » C'est le cri du jour. Plus d'ar­ gent de còté. Laissez-le denière. Claquez-le. Jetez-le par !es fenetres, c'est la mode nouvelle, mademoiselle, et le seul moyen de faire repartir la machine. On disaitjadis : « L'lzomme pense et lafemme dépense. » Maintenant que la femme pense également, l'homme peut dépenser à son tour, et à tout va ! Vive les mange-bazars, !es gouffres à fric, !es prodigues. N'oubliez jamais l'exemple du fils prodigue. C'était pour lui qu' on sacrifiait le veau gras et que !es demoiselles dodelinaient du corsage. Le fils économe, uniquement préoccupé de préser­ ver son pécule, n'avait droit qu'aux rogatons et aux souillons de vaisselle. li faut le signaler à M. Juppé. La France qui déteste la sélection adore les décorations. Créons l' Ordre du Veau gras. Ceux qui auront cassé leur tirelire, pour vivre leur vie dispendieusement, recevront des médailles, en grande pompe, dans les flonflons de l'orphéon, et sur les banderoles des estrades d'honneur on lira, en Iettres d'or : « Aux dépensiers futi/es, la patrie reco1111aissa11te ! »

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Nous vivons une révolution. Une révolution des mccurs, dcs mentalités, en méme temps qu' une révolution économique et politique. Il est bien évident que des invitations à la valse du pognon, méme assorties de rubans, ne suffiront pas à détour­ ner !es Français du piège de l'épargne où ils sont depuis si longtemps attirés, par atavisme. Il faudra les y contraindre par des moyens autrement efficaces. J' en vois trois. Malgré les déclarations solennelles et !es exigences du mys­ térieux "pacte républicain", le gouvernement du due de Bordeaux augmentera !es imp6ts qui frappent !es revenus, tout particulièrement ceux provenant de I' épargne. En méme temps !es intéréts et avantages qui avaient été pro­ mis à grands sons de réclame, pour allécher l'épargnant potentiel, seront abaissés. Enfin, si cela ne suffit pas, on laissera à nouveau gonfler l'in­ flation, comme le fit l'avisé M. Barre, le meilleur économiste du monde, l'homme à l'oseille cassée. Sous sa judicieuse gouverne, plus on épargnait, plus ça vous coutait de l'argent. On plaçait 100 francs. Un an plus tard on touchait 104 francs, mais qui ne valaient plus que 90 francs. La dépréciation de la monnaie était passée par là. M. Juppé, dont on connatt le doigté et l ' aisance, va conjuguer avec bonheur ces différents moyens. Leurs résultats ne peu­ vent qu'étre heureux. Quand il aura disparu dans la mer des sondages, comrne le scaphandrier de Léo Ferré, M. Chirac le remplacera par M. Séguin. Celui-ci continuera la polìtìque qu'il préconise depuis toujours, sans avoir à en porter le poids de la patemité. C'est un avantage. Après quoi le gouveme­ ment, qui aura toujours besoin d'argent, appellera au nom du salut public les économies des épargnants qui, comme leur nom l'indique, n'auront pas cessé d'épargner, contres vents, marées, propagandes et brimades, dans les catacombes. ( 11 jam'Ìl'r 1996)

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Ce désal'mant monsieur Chirac

urprise ! Chirac encore plus mauvais que d'habitude ! . . . »

Cette phrase, empruntée à Roger Nimier - qui, lui, s' adressait à Jean­ Louis Barrault, lors d'une générale à Marigny -, s'applique parfaitement au président de la République, tel qu' il nous est apparu, jeudi à la télévision. Il s'y montre rarement très bon. Cette fois, il fut exécrable. Le sujet était pourtant frémissant. Le chef de l'Etat venait ,ious annoncer la mort de l' Armée française, née en 1880 de la conscription, dont on sait l'importance qui fut la sienne dans l'histoire de France, et la place ardente, passionnelle et controversée qu'elle occupait dans le creur des Français. En meme temps, il esquissait l'ébauche du système rnilitaire qui serait mis en place en six ans, et à tatons, pour la rem­ placer. Il y avait de quoi fouetter l'imagination et la sensibilité. Mais non. . . M. Chirac avait choisi d'en parler sur le ton d'un grand commis, sans émotion ni fiamme. J'ai connu des épi­ ciers qui nous entretenaient de leurs sardines à l'huile et de leurs cafés avee plus de ferveur. Empesé, le visage comme lessivé, le regard fixe et vide, le geste mécanique, la voix nasillarde, M. Chirac n'avait pas un mot pour évoquer tous les drames qui pesèrent sur le destin de I' Armée française depuis les commencements de la III' République. L'antimilitarisme, au premier chef. Ce n'est pas la droite, ce n'est pas l'extreme droite qui essayèrent de dresser le peuple contre I' Armée. C' est la gauche socialiste, c' est l' extreme gauche, qui chantaient, et qui chantent toujours, ce couplet de

I' lntenzationale que M. Chevènement a dO oublier : Déclarons la guerre aux Armées, Crosses en l'air et rompons les rangs. S'ils s'obstinent ces cannibales A faire de nous des héros, Ils sauront bientot que nos balles Sont pour nos propres généraux.

Avant la guerre de 1914 circulait dans Ies Ecoles normales d'instituteurs une revue tout à fait officielle, La Revue de l 'Enseignemellt primaire. Elle publiait des poèmes comme celui-ci, sobrement intitulé Le Soldat. Je ne resiste pas au plaisir de vous en recopier trois strophes. Elles valent leur pesant de bonnets phrygiens. II a vingt ans, l 'heure splendide De la jeunesse des humains. II va rougissant !es chemins De son accoutrement sordide, Le pas lourd et le regard fou, Le pioupiou . . . Dans !es blés et dans !es luzernes, Il passe, nouvel Attila, Sur la terre qu'il travailla Avant d'errer dans )es casernes De la Provence et du Poitou, Le pioupiou . . . Nous lui crions : Fils de l a terre, Le Peuple veut tous ses enfants Sains, généreux et triomphants, Au faite du grand phalanstère ! Déchire ta feuille d'écrou ! Viens, pioupiou . . .

(27 mars 1904)

"Nous", c'était naturellement La Revue de l 'E11seig11eme11t primaire, qui appelait !es jeunes conscrits à déchirer leur

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feuille de route appelée ici "feuille d' écrou", puisque r Arn1ée française était un bagne. Ainsi. dans les Ecoles normales d'instituteurs où se for­ maient les ·'hussards noirs de la République", une publica­ tion offtcielle pouvait-elle appeler les soldats à l a désertio n en toute impunité. Après avoir apprécié camme il convient le talent du poète, on mesurera l'ampleur et l'épaisseur de la croisade contre I' Armée, à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette croisade reprit de plus belle après la Victoire. Un des chefs d'orchestre était Bernard Lecache. Il ten ait à l'Humanité une rubrique intitulée Les Gueules de vaches. Les G11e11les de vaclzes étaient !es officiers patriotes. Lecache donnait leurs noms, garnisons, adresses, habitudes, lectures. Il !es dénonçait à la vigilance des soviets de soldats. Cela ne l'empecha pas de devenir un des personnages !es plus en vue de la République du Grand Orient, de fonder la LICA, mère de la LICRA, et de pousser frénétiquement à la guerre une armée qu'il avait contribué à désarmer. De 1918 à 1936, on peut dire sans craindre !es démentis que la gauche socialiste, communiste, libe1taire, fut d'un anti­ militarisme absolu. En 1 932, alors qu'Hitler arrivait au pou­ voir, Aragon écrivait : Les trois couleurs à la voirie, Le drapeau rouge est le meilleur, La France, jeune travailleur, N'est aucunement ta patrie.

Sa patrie, c'était l'Union soviétique et son arrnée, l ' Armée Rouge. Dans le meme temps, cette gauche, qui condamnait l ' Armée française de la conscription, devenait hystérique quand o n évoquait l a possibilité d'une armée de métier. Jamais, j amais,

jamais . . . Le mot seul lui faisait horreur. D'abord parce qu'elle s'était employée à déconsidérer le métier des armes. Ensuite parce que l'armée de métier serait sans coup férir l'armée de prétoriens dont le futur dictateur se servirait pour imposer son pouvoir au peuple dit souverain. Le fait que, sous Staline, Hitler et Mussolini, le service mili­ taire était obligatoire, ne troublait pas !es certitudes de la gauche. L'armée de métier, jamais ! La réalité est plus forte que !es idéologies. Les fantastiques progrès techniques imposèrent bientot une évidence : l'année nouvelle n'avait plus besoin de l'ami Bidasse. Les soldats qu'elle exigeait devaient étre des soldats techniciens de métier, des professionnels. Peu à peu, celte mue commença au sein meme de. la vieille année. Dans certaines armes et dans certaines unités, le noyau des engagés grossit et !es volontaires venus du contingent ne furent plus qu'un com­ plément, dont l ' ambition était d'étre considérés comme des "pros". Celte évolution était en cours lorsque le général de Gaulle la stoppa. Sous son raion de fer - auquel la gauche entière apporta son poids - il écrasa l'élite de l 'Année française d' Algérie en l'opposant au contingent. Il s'ensuivit un schisme masqué mais réel, un trouble, des interrogations, des doutes. Ce furent !es causes du retard pris aujourd'hui et de l'urgence qu'il y a à précipiter la transformation. Le cocasse, c'est que de Gaulle publia en 1934 un livre intitulé : Vers l 'année de métier. On n'a pas de pire ennemi que soi-meme. M. Chirac pouvait difficilement le rappeler. Mais il pouvait parler avec moins de détachement, et pas seulement en termes économiques, des régiments qui vont etre dissous, et des villes qui vont les perdre. C'est ignorer beaucoup du sen­ timent français que d'ignorer celui qui existe entre la popu­ lation civile et le régiment incamé par !es soldats, sous-offs,

- PETITS FAITS ( V R A I S ) D E S O C I É T É -

officiers, qui se sont succédé sous son uniforme et son numéro. Quand le passé me revient, je nous revois, après la défaite de 40, défilant derrière nos musiques, dans les villes de la zone libre. Je revois la foule sur \es bas-cotés de la rue, les fernmes qui se signaient, ou qui pleuraient, parfois à genoux. Notre vue leur rappelait-elle leurs garçons ou leurs maris prison­ niers ? Les hommes, graves et sombres, se découvraient lentement. Il y avait le vent dans les drapeaux, le roulement des tam­ bours, la reprise des cuivres. Alors, pour échapper à l' émo­ tion qui montait, tout en nous appliquant au pas cadencé et à la position de "l'anne sur l'épaule, droite", nous cherchions dans l'assistance à repérer un rninois mutin . . . La ville de garnison qui perd son régiment devient veuve. Elle subit une défaite sans appel. M. Chirac n' a pas dfi y pen­ ser. Sinon il n'en aurait pas parlé en expert-comptable. (29 février 1996)

oute la semaine, j ' ai eu les boules. Comme ça . . . Je n'enten­ Sur la réforme dais parler que de la réforme de de la Poste (ex-PTI) la Poste. Réforme est un mot pour lequelje nourris la plus vive méfiance. Pas sur le papier, bien sfir. La modifi­ cation d'un système par l'observation, la réflexion, la déci­ sion, dans le but d'améliorer son fonctionnement et ses résul­ tats, il faudrait etre un àne baté, doublé d'un fieffé imbécile, pour y etre hostile. Mais entre les principes et la réalité, il y a une marge . . . Voyez l' école. Rien que sous la Cinquième, nous avons eu la réforme Boulloche, la réforme Louis Joxe, la réforme Guillaumat, la

dR,

-------- pi (IJorfl'J'a M--?_ ------réforme Paye, la réforme Sudreau, la réforme Fouchet, la réforme Peyrefitte, la réforme Edgar Faure, la réforme Haby, la réforme Savary, la réforme Chevènement, la réforme Monory, la réforme Jospin, la réforme Lang, la réforme Bayrou. J'en oublie certainement et ce n'est pas fini, mais c'est sans importance. Le résultat est suffisamment conster­ nant. La catastrophe . . . Sur cinq Français, un ne sait pas lire et deux anonnent. L'autre jour, dans le train qui va de Saint-Cloud à Saint-Lazare, j ' en­ tendais des jeunes gens et des jeunes filles de quinze-seize ans parler. Je me croyais à l'étranger, chez !es Bachi-Bouzouk. Je ne comprenais pas un mot sur deux, tant e' était jargon et pata­ quès, déformations, abréviations, onomatopées, hullulements et sabir. En face de moi, une dame hochait la tete et, ]es yeux au ciel, murmurait : « Pauvre France ! » C'était peut-etre ridi­ cule, mais il n'y avait rien d'autre à dire. Encore deux ou trois réformes et ils seront fin prets pour entrer à la télévision comme animateurs de jeux et variétés. Alors, la réfo1me de la Poste, je tremble. II me suffit de revas­ ser à la Poste de ma jeunesse (on disait )es PIT) pour mesu­ rer )es dégats. Je vais encore me faire trailer de vieux réac, Bon-Papa gateux, toujours à dire « De mon temps.. . De mon temps. . . », ce qui n'est pas tout à fait faux, ni tout à fait vrai non plus, car je sais bien que le passé n' était pas l' age d' or que nous racontent nos souvenirs . . . Mais il n'empeche que, de mon temps, i l y avait trois distributions de courrier par jour, deux le matin, une l' après-midi. J'habitais pourtant un petit port, au bout du Finistère, cinq mille habitants l'hiver, quinze mille l' été. Le train mettait douze hèures ùepuis Paris et il fallait changer. Il n'y avait pas d'avion. Mais !es jour­ naux auxquels mon père était abonné parvenaient toujours à la date prévue. Les facteurs faisaient partie de la famille. Pour ma mère, la population male se divisait en deux catégories : ici, ceux qui

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buvaient ; là, ceux qui ne buvaient pas. Elle disait : - Je viens de voir Arsène Le Floch, le facteur du vendredi. Il n'était pas tout seul, je vous le dis. La rue n'était pas assez large pour lui. Quand il m'a vue, il a fait un grand geste du bras et son képi à sauté par terre. Avec sa bo'ìte, il n'arrivait pas à le ramasser. Je me demande comment il va finir sa tour­ née. Si c'est pas malheureux. de se mettre dans des états pareils . . . Ou : - Vous avez remarqué Alexandre Le Goff, quand i l est entré pour faire signer le recommandé. Je lui ai offert un verre de vin. li a répondu : « Merci, madame. Jamais pendant le ser­ vice. » ça, c'est un homrne sérieux.. J'aurais bien voulu que Lisette l'épouse, au lieu qu'elle s'entiche de ce charpentier. - Un Espagnol, disait ma grand-rnère. - Il n'est pas Espagnol. Il est de La Rochelle, disait ma mère. - C'est parei!, c'est le Midi . . . (Ma grand-mère, on ne l ' au­ rait jamais prise, aux PIT, pour trier le courrier.) Le facteur était un personnage, et un parti très apprécìé. Il avait un salaire fixe que ne menaçaient ni le chòmage, ni les rigueurs des saisons. L'Administration lui foumissait deux unifonnes, l'un pour l'hiver, l 'autre pour l'été, deux paires de brodequins, et meme un vélo, avec un grelot en guise d'aver­ tisseur, si son service l'entrafoait dans la campagne. On le saluait dans la rue. Il répondait, la main à la visière de son képi, martial et débonnaire, et toujours de bonne humeur, alors que les préposées des guichets l'avaient le plus souvent mauva1se. Cela est toujours vrai. Aujourd'hui, où la plupart des gens sont reveches, les factrices attachées à ma rue sont aimables,

souriantes, prévenantes. Leurs remarques sur le fond de l 'air ou le temps qui s'annonce ne manquent jamais de pertinence. En revanche !es demoiselles des guichets sont visi blement d'une naissance supérieure, à considérer la manière dont elles toisent le malheureux qui s'est mélangé !es pinceaux dans la rédaction de son mandat. Au temps où je parie, !es PIT étaient ouverts six jours en semaine et le dimanche matin. C'était pratique. Aujourd'hui, ceux ou celles qui travaillent doivent consacrer une partie de la matinée du samedi à leurs opérations postales. Il y a des files d'attente partout. Il faut prendre un numéro. C'est la Poste des technocrates où une lettre met souvent deux jours pour venir de Paris à Saint-Cloud, distant de six ou sept kilo­ mètres. Que va donner la réforme ? J' ai entendu sur LCI un repré­ sentant de l'intelligentsia de la Poste déclarer que l'on chan­ geait tout sans toucher à rien. Il faut donc craindre le pire. Ce qui est en quelque sorte normai. En effet la réforme d'une Administration consiste essentiel­ Iement à : 1 ° - Justifier l'existence des réformateurs attachés, au sein de cette Administration, au service de la Prospective. 2 ° - Plaire à l ' idéologie dominante, aux idées fixes, lubies, de la direction de cette Administration. 3 ° - Réaliser des économies de détail, meme genantes pour le public, afin de permettre des dépenses de fond qui accroitront le prestige de I' Administration. 4 ° - Prouver par des changements permanents qu'on est dans le mouvement meme de la vie. 5° - Satisfaire (dans une mesure beaucoup moindre) quelques revendications mineures du personnel. Lors des discussions, cette précaution permettra d'établir le souci socia! de la direction.

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L'avis de l'usager, ses souhaits, ses revendications, ne sont jamais pris en considération. La technocratie supérieure s' en fout. La base aussi. On s'en est aperçu pendant les grèves de la fin de 1995. Les grévistes n' ont pas hésité à ruiner nos petites entreprises de vente par correspondance, alors que nous n'avions aucune responsabilité dans le conflit qui les opposait à leur hiérarchie. C'est pourquoi, au lieu de réformer, c'est former qu' il fau­ drait faire, former des hommes et des femrnes responsables, conscients des besoins vitaux de ceux qui les font vivre. Rien ne sert de changer l'ernballage si le contenu demeure ce qu' il était La voilà la grande réforme, la réforme de fond, la réforme essentielle, à laquelle il faudrait s'atteler. En écrivant ces rnots, j' entends une petite voix qui me dit : « A quoi bon ! Les hornmes étant ce qu'ils sont, cette réforme­ là serait sans doute aussi factice et vaine que les autres. » (22 février 1996)

aut-il arreter le Tour, comme le Monde, ou plus l'exige Le Tour se dernander s' il rnodesternent, dans la seringue faut l'arreter ? •� Poser la question, c'est d'abord poser la question des victimes. Les seules victirnes, au demeurant : les coureurs. Meme fortifiés aux hormones de croissance, ils ne sont pas sans excuses. Le vélo n' est pas le foot. Il ne se joue pas à vingt-deux pendant 90 minutes, avec un ballon, sur un terrain de 1 1 O rnètres sur 90. Sur le Tour, le vélo se pratique six ou sept heures par jour, par tous les terrips, sur tous les terrains, depuis les rnontagnes où la neige s' accroche eneore, aux plaines surchauffées qu' écrase le solei!. S ' ils font partie d'une équipe, les coureurs sont seuls sur leur vélo.

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C'est une discipline qui exige une énergie et un couragc sur­ humains. Quand vous lirez ceci, ils sortiront des Alpes. La semaine dernière, nous !es avons vus dans !es Pyrénées, sur des routes patinoires et en lacets zigzaguant entre la falaise et le ravin, dégringoler à tatons dans un brouillard comme on n'en renco�tre plus que dans ]es romans policiers anglais. C' était hallucinant. Ajoutons, cela compte, gue le vélo n'est pas pour ses cham­ pions le pactole que le ballon est pour les stars du foot. Quant aux porteurs de bidons, pédaleurs de seconde classe toujours guettés par la voiture-balai, ils quittent le Tour de souffrance aussi mitouilles qu'ils l'étaient en arrivant. Telle est aussi la réalité. Elle suffit à prier les moralistes en chambre, smtout ceux qui ne détestent pas se requinquer le mora] au petit rhum avant d'affronter l'adversité, de mettre la pédale douce sur la remontrance. Cela rappelé, la compassion ne change rien. Les larmes de Virenque, !es coups de gueule de Laurent Jalabert, Luc Leblanc ou Jacki Durand n'empechent pas que l'air de ce sp01t sous perfusion est devenu irrespirable. - Nous faisons notre métier, répètent !es coureurs. Mais est-ce faire son métier que de transgresser !es lois écrites de ce métier, qu'ils ont choisi, en continuant de s'in­ jecter des produits interdits et dangereux ? Ils ont de larges circonstances atténuantes. En meme temps que le choix des braquets, ils ont appris celui des reconsti­ tuants et des remontants clandestins. Depuis que la draisienne est devenue vélo, cette contrebande se pratique traditionnel­ lement dans le mensonge des employés et l'hypocrisie des employeurs. Les premiers nient systématiquement l 'évidence et le flagrant délit. La seringue en pogne, ils crient à l'erreur judiciaire. Les seconds font semblant de condamner, au nom de la morale, !es délits qu'ils couvrent en s'employant à

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la fois d'en nùnimiser l'importance et de les chercher là où ils ne sont plus. Jamais les coureurs ne se sont plus grave­ ment fortifiés qu'aujourd'hui. Jamais les contròles positifs n' ont été moins nombreux. Jamais les tartuffes officiels ne s'en sont félicités avec plus d'assurance. Ces attitudes existent dans toutes les sociétés. Partout elles ont conduit et conduisent à l' anarchie et au chaos. La société du Tour de France n'échappe pas à la règle. Sourrùse à l' extérieur à de féroces luttes d'intérets, la voici menacée d'effondrements intérieurs. En refusant d'admettre la vérité, alors que la chimie des savants remplaçait l'alchirrùe des sorciers, elle arrive au mornent où les solutions, de plus en plus difficiles à prendre, feront de plus en plus mal. L' organisation actuelle va devoir sol­ der l'arriéré. Ce sera lourd et douloureux . . . Tant que l' Argent sera le moteur du cyclisme professionnel ; tant que les examens ne distingueront pas les globules rouges naturels des globules rouges fabriqués par l' EPO ; tant que l'invention des drogues dures du sport aura une longueur d'avance sur leur détection, il est peu probable que les équipes changent de méthode. Il faudrait des mesures autori-

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taires. Il n'est pas difficile de les décider. Mais quand l 'auto­ rité est partout critiquée et condamnée, en premier lieu par Le Monde, les mesures autoritaires sont pratiquement impos­ sibles à appliquer. Je vais donc regarder ce qui va se passer avec une curiosité teintée de mélancolie. Ce qui arrive au Tour de France, ce monument prestigieux et qui paraissait indestructible, on peut redouter que ce soit aussi le mauvais tour qui est en train d'arriver à la France. Elle aussi est dans la seringue et si dopée aux idéologies funestes que le pire est à redouter. (30 juillet 1998)

onnaissez-vousAriane Mnouchkire? Oui ? Non ? Rayez la menti01 Pardon inutile. Certains la tiennent Molière pour une "idole", un monument que l ' on peut actuellement visiter en Avignon. Elle y donne un Tartuffe islamisé, inspiré de Molière, mais présenté comme étant son reuvre. D' autres la considèrent comme une pétroleuse de théatre. Sa scène est une barricade. Elle y fait monter ses troupes pour y défendre des pièces à thèses qu' elle prend pour des pièces d'idées. Trois ou quatre heures durant, jamais moins, on n'est pas là pour rigoler, la révolution est d'un sérieux mortel, ses comédiens s'affrontent avec une énergie du diable. Selon le canevas permis par 1' idéologie unique, ils échangent leurs répliques comme des balles et n'utilisent que des arguments­ massues. Après quoi le rideau tombe. Les morts se relèvent. Vainqueurs et vaincus se retrouvent au bistrot où il répètent ce qu'ils ont lu dans Libération et Le Monde. Le lendemain on recommence à dénoncer le fascisme étemel, toujours

- P ETITS FAITS ( V R A I S ) DE S O C I É T É -

le meme, sous les différents masques historiques dont i l peut s'affubler. Aujourd'hui, c'est celui de l'intégrisme islamique que porte le Tartuffe d'Ariane Mnouchkine. Le sujet est d ' ac­ tualité. L'actualité, c'est la mode et, pour Ariane Mnouchkine, tout ce qui est à la mode est sien. Tartuffe en barbu de l'Islam, on dira pourquoi pas ? Il en a déjà tant vu, le pauvre. Lucien Guitry, le père de Sacha, le protégé de Sarah Bemhardt, l'un des grands comédiens de la Belle Epoque, le jouait en auvergnat. Un jour, dans une peti te ville d' Auvergne, il avait rencontré un curé épais, mafflu, les cheveux longs et la soutane pleine de taches. Attablé dans un restaurant, il biìfrait. - ça va bien, monsieur le curé ? - Cha va bien. Ch'est bon. A l'ami qui l'accompagnait, Lucien Guitry s'écria : - Je tiens mon Tartuffe. Et Molière se mit à parler en auvergnat, ce à quoi il n ' avait jamais pensé, lui qui s'y connaissait en accents de province où l'Illustre Théatre avait longtemps toumé. Rappelons en passant que le Tartuffe de Molière n'est pas un pretre, mais un homme qui, par commodité sociale, feint de suivre les enseignements de l'Eglise jusqu'à les dépasser. Le Tartuffe de Jouvet était maigre. Comme lui, il avait les joues creuses, l'reil enfoncé et brulant, la bouche mauvaise et fanatique. Il était sorti tout droit des dessins de l ' anticlérica­ lisme révolutionnaire et républicain. Pourtant, le Tartuffe de Molière est un fourbe bien en chair. Dorine l'a décrit : . . .Il se porte à merveille, Gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille.

Plus près de nous, quand il était à Villeurbanne, Planchon voulut un Tartuffe homosexuel. On se demande par quelle

lubie. La mode aussi, sans doute. Et Freud. . . Homosexuel ? Mais comment serait-il aussi ardent et paillard dans les jupons et autour du corsage d'Elmire, préférant les appats épanouis de la mère, une belle femme dans la quarantaine, aux charmes plus innocents de Mariane, la fille qu'Orgon, mari et père, voudrait lui faire épouser ? A Paiis, Planchon c01Tigea son tir. Son Tartuffe était jeune, joli garçon, tentateur, avec des ombres sous le charme, le vice velouté et sensible, si bien qu'Elmire ne s'en tirait pas sans tentation ni trouble. Le Ta1tuffe de Molière est tout différent, répétons-le. C' est un goinfre : Et fort dévotement il mangea deux perdrix Avec une moitié de gigot en hachis.

Il n'est pas d'un aspect attirant. C'est un « vilain museau », dit Dorine. Mariane « l 'abhorre ». De comportement patelin, c'est un pique-assiette calculateur mais grossier. Les femmes ont percé son jeu. Si Orgon ne le voit pas, c'est parce que la piété simulée de Tartuffe l'enchante et, surtout, parce que !es aveuglements d'une foi poussée aux extremes se nourrissent de sa niaiserie. Tartuffe, c'est une canaille hypocrite ; un faux dévot qui s'inscruste chez un vrai croyant en singeant la piété ; un imposteur qui profite du délire religieux du mailre de maison pour s'empiffrer, boire son vin, manger son ròt, essayer de sauter sa femme en cachette et s'emparer de ses biens. Hypocrite, imposteur, faux dévòt, on retrouve ces qualifica­ tifs dans !es titres des trois versions qu'eut Tartuffe. La pièce est ciblée. Le nom du personnage est devenu celui d'un type humain : celui d'un moralisateur sans morale qui fait des dupes en prònant la religion la plus haute, mais en se gardant bien d'en observer les enseignements !es plus élémentaires.

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En un mot, Tartuffe est une comédie sur la duplicité humaine dans un milieu où la religion catholique, parfois mal comprise, est la règle. Ce n' est pas ce qui intéresse Ariane Mnouchkine et ses principaux comédiens. Ceux-ci s'appellent : Brontis Jodorowsky (Orgon), Shahrok Meshkin Chalam (Tartuffe), Nirupama Mityanondant (Elmire), Renata Ramos Maza (Mariane). Pour jouer le vieux répertoire français, c ' est un choix qu'on pourrait discuter. Il est vrai qu'ici nous ne sommes pas dans une maison bour­ geoise et catholique, à Paris, sous le règne du Roi Solei! et au temps de la Contre-Réforme. Le Théàtre du Solei! - c ' est le nom de la troupe d' Ariane Mnouchkine - nous a transpor­ tés quelque part dans le pays des imams et celui des mollahs. Madame Pemelle, inoubliable personnage de bigole obsti­ née, qui ne comprend rien à rien mais en remontrerait à son curé, a les yeux cemés de khol et fait marcher au sifflet per­ san ses suivantes porteuses de tchador. Le Tartuffe de Molière était un aventurier qui escroquait un nai'f en profitant d'une situation. Le Tartuffe de Mnouchkine, de faux dévot est devenu vrai fanatique, une sorte d' agent du FIS, violent, violeur, secoué de crises de rage. Orgon, le personnage comique de la pièce, le benet qui fait tout pour etre cocu et ruiné, r6le qui faisait rire et que tenait Molière, porte le fez, la moustache et la barbe. Quand il revient de voyage, Dorine enlève ses chaussures. Il s 'assied comme un vizir. Il est l'autorité, le pouvoir absolu, le mari, le père, le maitre, l'ordre, la loi, le représentant de Dieu dans la famille, donc le mal. D'ailleurs il porte un grand manteau noir. On pourrait le prendre pour un pretre. Ce n 'est pas par hasard. Le noir est la couleur du mal. Ariane Mnouchkine emprunte sa psychologie aux spectacles de catch. Elle a du se souvenir de I' Ange Blanc. C'est la nouvelle culture. Molière avait écrit une comédie sur l'escroquerie à la foi. Mnouchkine joue un drame sur le machisme, le fanatisme et

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l'intégrisme - qui n'est pas seulement musulman. Dans Le Monde, Brigitte Salino a tenu à le souligner, au cas où nous ne l 'aurions pas compris. Le Tartuffe d' Ariane Mnouchkine est : Une mise à nu du pouvoir dans son désir de possession, de viol, de meurtre. Un appel à la résistance humaine, active et collective. Il faut voir les images que le Solei} en donne. Ells font oublier que les barbus de Tartuffe sont peut-etre trop repérables. D'une menace lointaine, ils deviennent les représentants d'un ordre proche. Celui qui, par exemple, envoie des commandos anti-avortements dans les hopitaux.

Bel exemple de détoumement de pièce. Le théatre engagé est devenu le théatre enragé. Pardon, Molière ! (20 juillet 1995)

- P E T I T S F A I T S ( V R A I S ) D E S O C I É T É -Mondial de football : victoire de la France

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L'apothéose du Franchouillard

e l'avoue. Inutile de faire le malin. Quoique me piquant d'une certaine culture footballistique, je ne voyais pas l'équipe de France gagner le Mondial. Si nous étions arrivés en demi-finales, j'aurais meme trouvé le résultat flatteur. Compter au nombre des quatre meilleures équipes de l a pla­ nète, ce n'est pas rien. Or nous avons réussi l 'exploit de rem­ porter la coupe d'or, à la régulière, grace à vingt-deux joueurs, grace à l' école française de football et au tissu conjonctif de ses techniciens, grace au dévouement et au bénévolat de dizaines de milliers d'éducateurs, de cadres, de dirigeants . . . Grace surtout à un homme de devoir, u n Français comme on les aime, solide, modeste, courageux, enteté, opiniatre, fidèle à ses principes, aux vertus de l'expérience, retenant les leçons du passé, se méfiant des modes et des idéologies, sensible néanmoins aussi sous une apparence assez rude, un homme, quai ! Avec un prénom à l'ancienne qui dit naYvement le bon­ heur de la famille devant l'enfant qui vient de naitre : Aimé. Un nom camme on en trouvait chez les paysans d'autrefois, ceux qui ne faisaient pas de différence entre le droit du sang et le droit du sol : Jacquet. C'est pourquoi les intellos dogmatiques de L'Equipe, au pre­ mier rang desquels se trouve le père Ubureau, le directeur de la rédaction, l'avaient surnommé le Franchouillard. Le mot se veut méprisant pour tout ce qui appartient, dans la forme et le fond, à la France traditionnelle. Il montrait Aimé Jacquet, cachant des idées d'un autre age sous son béret basque et déambulant, parmi les Dieux du stade, la baguette de pain sous le bras. Un Franchouillard ! Ses mérites n'en ont été que plus grands. Le premier fut de vaincre. C' était ce dont la France des gra-

dins avait le plus besoin : une victoire, une victoire en chan­ tant, une victoire enchantée, contre des équipes réputées supérieures à la notre Pour réussir, M. Jacquet s'est servi de ce qu'il possédait. Il a pris ce qu'il avait de meilleur : des techniciens blancs et des joueurs tricolores. Il n ' a pas craint de rappeler à l' opinion que nous avions été un grand empire colonia!, et que notre colonisation, si décriée dans les écoles d'aujourd'hui, avait beaucoup apporté aux peuples qu'elle civilisait, à commen­ cer par ce jeu dont elle leur enseignait !es règles, la science et )es secrets. L'équipe de France de M. Jacquet a démontré, comme au tableau noir, que les éléments d'origine étrangère pouvaient se fondre dans le corps de la nation, à condition d'etre choi­ sis et sélectionnés, de se soumettre aux lois, à la discipline, aux exigences, aux contraintes du groupe, et d'apporter, avec une solidarité sans failles, quelque chose qui ressemblait à l'amour. Malgré son air de Franchouillard et peut-etre à cause de lui, M. Jacquet réussit alors une série de miracles complémen­ taires. A un pays miné par l'individualisme, i l apprit que le football n'était pas un divertissement de stars, mais un jeu d'équipe. A une société fascinée par l' argent, i l révéla que des merce­ naires milliardaires et blasés avaient une fune et qu 'ils trou­ vaient un bonheur enfantin à gagner des matchs entre copains, pour eux, pour leur entra1neur, et pour le pays dont i ls portaient fièrement les couleurs. A des populations qui s'en croyaient éloignées, i l fit décou­ vrir le frisson de la préférence nationale, celle qui faisait exploser les villes de joie melée d'orgueil. Alors vinrent !es matchs et les marches du succès, gravies les

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unes après les autres, les victoires, la Victoire, déclenchant celte vague de fond inoubliable de ferveur, le triomphe, l'apothéose du Franchouillard, que l' outrance de ceux qui voulaient se faire pardonner d'avoir p1is le train à l 'arrivée ne réussit pas à gacher. Le fiasco du père Ubureau anni !es ingrédients du ciment qui souda I' équipe de France, j'en ai oublié un : le sentiment d'inj ustice qui révolta les joueurs, les techniciens et le public, devant les attaques dont M. Jacquet fut la cible pendant quatre ans. Les plus féroces, les plus venimeuses, les plus destructrices vinrent de L'Equipe. Ce quotidien qui se veut le Journal 0fficiel du sport jouit d'un manopole de fait. Or, camme disaient les tailleurs, une partie de sa rédaction porte à gauche, ou à l'extreme gauche. Dans cette citadelle d u capi­ talisme de presse le plus absolu et verrouillé, on rencontre beaucoup de soixante-huitards demeurés. Ainsi, le père Ubureau, responsable de la teneur du journal, mélange de jalousies cachées, d'ambitions réchauffées, de calculs sour­ nois, de servilité, d'autoritarisme, de prudence et d'audace, appartint à la mouvance de la Ligue communiste révolution­ naire du camarade Krivine. Elle l'a beaucoup marqué. Dans la guerre à mort qu'il engagea pour déstabiliser M. Jacquet, le père Ubureau mela les mécanismes brutaux d u profit à ceux, plus étranges, de l'idéologie. L'échec inél uc­ table du Franchouillard, entratnant l'élimination précoce de l'équipe de France, aurait eu des conséquences fàcheuses sur la vente de L'Equipe et les négoces adjacents. Le père Ubureau se devait donc de protéger !es intérets d u grand patronat. D'autant plus qu'en abattant le Franchouillard, il détruisait le symbole de la France française, l'ennemi abhorré du cosmo-

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politisme et de l'intemationalisme de la Ligue communiste. En somme, d'une pierre deux coups. Pendant quatre ans, terrible et grotesque, le père Ubureau ne cessa d'agresser Aimé Jacquet. Il refusait tout : ses sélec­ tions, ses méthodes d'entratnement, son calendrier, son sys­ tème de jeu. Meme ses victoires dans les matchs prépara­ toires, il Ies trouvait lugubres. Il eut préféré des défaites flamboyantes et annonçait le naufrage corps et biens du foot­ ball français, dans le ridicule, de surcrott. Tant que le remplacement de M. Jacquet paraissait possible, cette politique, si outrancière qu'elle ffit, pouvait s'admettre. Plus l'échéance se rapprochait, plus elle devenait absurde et criminelle. En admettant que M. Ubureau dise vrai, le départ de M. Jacquet eut ajouté le chaos à l 'incurie. Et s' il restait, c'était l'équipe meme que L'Equipe démolissait. Le père Ubureau n' en poursui vit pas moins sa besogne jusqu' à ce que j ' ai dit : les premières marches du succès, les victoires, la Victoire, le triomphe, l' apothéose du Franchouillard. Alors, toute honte bue, mais pas plus gené que cela du fiasco, le directeur de la rédaction de L'Equipe réclama le pardon, au nom de la bonne foi et des Evangiles. Nous étions loin de l'opium du peuple. Il fit mieux. Camme on lui demandait pourquoi il n'avait pas offert sa démission, I' ancien communiste révolutionnaire répondit : - J'y ai pensé. Mais mon patron m'a répondu qu'il n'en était pas question (L'Equipe, 14 juillet 1998, éditorial, page 2). Cette fois nous étions loin de la dictature du prolétariat. L'exploité se déculottant devant l'exploiteur et se dépechant de reprendre la démission qu'il avait " pensé " donner ! Quel sujet de tableau pour l'édification des camarades !

(26 juil/et 1998)

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' honneteté sous toutes ses formes est aujourd' hui une vertu en voie de disparition. Elle est devenue synonyme de sottise. C' est elle pourtant qui m'oblige à confesser publiquement les abominables sentiments qui m'habitent. Quand je vois les tourments dont souffrent actuellement les messieurs-dames du corps enseignant, ce n'est pas de compassion que s'emplit mon cceur, comme il le devrait : c'est de rigolade. J'ai honte, mais je ne puis m'en empecher. C'est nerveux. Je rigole, comme Thérèse . . . Cette réaction est d'autant plus répugnante que je suis fils d'instituteur lai'que. Je suis né pour ainsi dire dans une école. J'y ai grandi. J'y ai vécu jusqu'à la guerre. Ma mère a souf­ fert le martyre que son fils ne devienne pas, à son tour, un instituteur de campagne, dans une école à la façade fleurie de roses trémières. J'ai connu le petit monde des instits et des profs dans sa diversité. Meme si les mceurs ont beaucoup changé, si la rigueur et le devoir d'exemplarité ne sont plus ce qu'ils étaient, je sais qu'il y a parmi eux de très braves gens, dévoués à leurs classes, et que la dégradation des conditions de leur travail plonge dans l' affliction. Mais je sais aussi que le calvaire qu'ils connaissent dans les établissements scolaires de certaines villes et banlieues peut etre considéré comme une manifestation de la justice imma­ nente. Ce qu'ils subissent procède de la révolution de Mai 68 qui fut essentiellement une révolution idéologique et péda­ gogique de la nébuleuse enseignante. Ce fut la victoire de l'école sans règle, sans respect, sans dis­ cipline, sans héritage. La grammaire était fasciste, le "par cceur" réac. On savait d'intuition et d'imprégnation, sans s'etre donné la peine d'apprendre. La culture étant de droit, il n'était plus besoin de travailler pour essayer d'en acquérir quelques rudiments. Les maitres étaient tutoyants-tutoyés. Ecole : l'héritage de Mai 68

Rien ne les grisait devantage que d'etre traités comme des copains par les gamins. Il était interdit d'interdire. On fumait pendant les cours. L'explosion sexuelle commençait à la sor­ tie de l ' école matemelle et, aujourd'hui, il n'est pas rare d'entendre des mouflets de huit ans vanter les charmes de Jeur ma1tresse, avec une connaissance du corps humain et de ses plaisirs, une richesse d'expressions et d'images qui étaient jadis le privilège des cochers. Ce mouvement fut amplifié et précipité par l'immigration­ invasion africaine et nord-africaine. Dès son amorce. )es syn­ dicats et associations d'enseignants, )es partis politiques qui les représentaient dans leur majorité, s'en firent les ardents défenseurs, au nom de l'intemationalisme, de la France terre d' accueil, de la fratemité universelle, etc. J'essayais d'attirer l'attention des instituteurs et professeurs que je connaissais sur cette colonisation à rebours. Je parlais des races, des religions, des natures, des mentalités diffé­ rentes. Des croissances physiques qui ne coYncidaient pas forcément. Dix ans ici et dix ans là, ce n 'était pas la meme chose . . . On me considérait d' un ceil navré. J'étais un raciste soumois, obsessionnel, rétrograde et taré. Je disais : - Attention, les gars . . . Ne faites pas trop les malins. C'est vous qui allez etre en première ligne. Au contact. Vous allez dérouiller les premiers. ça peut faire mal. Très mal. Toumer vite au cauchemar, à l'enfer. Et après, pour la pleurniche,­ vous aurez le bonsoir. Mon succès était immédiat. Je déclenchais des rires, en rafales. Je me souviens du gros Poithou qui hoquetait de la bedaine et pleurait des larmes de joie dans son haricot de mouton. Comme comique social, j'étais imbattable. - Mais, sé1ieusement, dans quelle époque vis-tu ? me demandait-on. L' Afrique n' est plus celle de Savorgnan de

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Brnzza. Tombouctou ne ressemble plus à la ville où René Caillé était entré, déguisé en mahométan. On ne trouve plus d'anthropophages qu'à la Foire du Tr6ne et, après la séance, ils vont, comme tout le monde, se taper un couscous­ brochettes chez le Berbère . . . J'étais heureux de les mettre en pareille gaieté. J'ai toujours aimé distraire mes concitoyens. Pourtant la vérité m'oblige à dire que les rires changèrent de camp lorsque mes amis comptèrent dix bronzés gutturaux dans une classe de vingt­ cinq élèves, puis douze, puis quinze. Nous y sommes. Certes, grace à la loi Fabius-Gayssot, les races n ' existent plus. Il n'y a plus qu'une race unique : la race humaine. Elle est née en 1789 comme nous l'a appris M• Badinter. Depuis cette date, tous les hommes naissent libres et égaux en droits, semblables, tribuables, assujettis à la Sécu et titulaires du baccalauréat. Pourtant, dans les écoles, il apparait, et de plus en plus, qu'il existe des étrangers (fussent-ils naturalisés). Ils ne pensent pas comme nous. Ils ne sentent pas comme nous. Ils ne réagissent pas comme nous. Ils n'aiment pas camme nous. Certains conseillent de niquer sa mère. Ils ne se battent pas comme nous. Ils ont très tot un goiìt très vif, trop vif, des armes blanches. Meme ceux qui veulent s' assimiler y par­ viennent difficilement. Ceux qui sont résolus, et entrainés, à ne pas s'assimiler, sont totalement inassimilables. Ils consti­ tuent des peuplades dans un peuple. Ils se sentent différents. Ils entendent le montrer et le rester. C' est cela le droit à la différence que les instituteurs reconnaissent aux étrangers, mais refusent souvent aux Français. Quand les immigrés étaient peu nombreux, une petite mino­ rité, la vie en commun pouvait etre sans heurts et meme har­ monieuse. Mais ils sont devenus le nombre, paifois la majo­ rité, presque toujours la force. Cela s'explique. Ils sont nour­ ris à l'européenne. Leur croissance est plus rapide que celle des petits Français. Et puis il y a l'atavisme. Je ne me fais pas

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beaucoup d'illusions sur l'ame humaine, quelle que soit la couleur de la peau. Ce que j ' ai vu au Congo et au Maghreb, ce qui se passe au Rwanda et en Algérie, m'incline pourtant à penser qu'ils sont encore plus près que nous du sauvage, lequel, quoi qu'en fe.ATTAfJT .

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Dans le cas contraire, si la policière avait été noire et les voyous blancs, on aurait fait passer ceux-ci pour des sympa­ thisants du Front national. L' affaire serait devenue d'Etat. On aurnit vu le président de la République dans la rue et sur les écrans. Le Pen aurait été empalé, une fois de plus. Après quoi Hanin aurait fait un film sur le racisme et la tolérance. Ce n'est pas le cas. C'est la policière qui est bianche et ses bourreaux noirs ou basanés. Alors méfions-nous, taisons­ nous, des oreilles ennemies nous écoutent. Chirac positive, en silence. Quoique indignée par Munich et exaltée par la Résistance, l'Opinion est devenue ultra-pacifiste. L'Armée n'a plus bonne presse. Chirac positive. II transforme ses hommes de guerre en soldats de la paix et lance le nouveau tube à la mode : Monsieur d'Charette a dit à ses conscrits (bis) Mes amis Il va falloir distribuer du riz. Prends ton frichti, Grégoire, Tes sacs et les mangeoires. Prends ton bidon pour boire, Faut distribuer le riz Aux Nègres de Zambie.

Qu'est-ce que vous voulez, c'est camme ça la réal-politique. Meme pour Chirac, le Zambèze passe avant la Corrèze. C' est­ positif. Hier encore, un pauvre pédalo malade était un déchet humain, objet de plus de mépris que de pitié. Aujourd' hui c'est un séropositif. II passe à la télé. Après !es restos du creur, on organise des souscriptions nationales pour fonder les h6pitaux du cui. On positive. Les événements de Cayenne auront eu le mérite de nous rap­ peler celte exigence. Chirac s'est employé à rafrai'chir les esprits échauffés en disant aux lycéens, noirs et casseurs : « le vous ai compris I », et à M. Bayrou, plus bonne pate à

rnodeler que jarnais : « Démerdez-vous, mon vieux. Et qu 'ça saute ! » C'est ça etre gaulliste, donc positif. Il faut positiver. (21 novembre 1996)

Mon petit garçon, Lettre à un lycéen

u me dernandes ce que je pense du « formidable mouvement des lycéens ». Je vais te le dire. Mais d' abord permets-rnoi de te féliciter. Rien ne rn' enchante plus que de t' entendre ernployer le rnot juste. C' est le cas. Forrnidable vient de forrnidare : craindre, redouter. Depuis cinq siècles, il signifie : « qui inspire ou qui est de nature à inspirer une grande crainte ». C'est exacternent ce que j'ai éprouvé. J'ai eu peur. Non pas à cause des casseurs. Si vieux croiìton que je sois, je vis avec rnon ternps. Je sais bien que, désormais, on ne peut organiser une fete foraine, un bal charnpetre, une rnanif citoyenne sans que surgissent des bandes de « jeunes », pro­ tégées par SOS-Racisrne. La police laisse faire, soit qu'elle ait des ordres de rnettre la pédale douce, soit qu'elle en ait ras le bol d'arreter le soir des lascars qu'elle retrouve dans la rue le rnatin. Et puis, cornrne disait un cornrnissaire jeudi, à la télévision, ce n'est pas parce qu'on voit un rnanifestant arri­ ver casqué et porteur d'une barre de fer (on devrait dire une barre de laisser-faire) qu'on peut l'appréhender. Et la pré­ sornption d'innocence si chère à Mrne Guigou ? De rneme, si vous suspectez un basané crépu, autant arreter un blond aux yeux clairs puisque les races n'existent pas et qu'il n'y a plus

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de délit de faciès, sauf si vous avez les cheveux courts. Enfin, les casseurs, ils ne font jamais que bruler les voitures qui sont trop nombreuses et polluent, et piller les petits commerçants qui sont de toutes façons condamnés par la nouvelle écono­ mie de marché. Donc ne radotons pas avec les casseurs. J' ai eu peur en regardant sur mon écran, à Lille comme à Grenoble, à Marseille camme à Rennes, des dizaines, des cen­ taines de milliers de jeunes gens et de jeunes filles, pareille­ ment fringués, se trémousser de l a meme manière devant les caméras, désarticulés comme des pantins au bout de leurs ficelles. J' ai eu peur que cette jeunesse, aussi naive et sans défense, sous ses airs, que la jeunesse d' autrefois, ne soit vie­ time des illusions dont on l'a intoxiquée. J' ai eu peur qu'elle soit le jouet de ce Mammouth désireux de chatier, sans risque, l'impudent ministre qui se promettait de le dégraisser, alors que le Mammouth ne pense qu'à se gaver toujours davantage. J' ai eu peur pour vous. J' ai eu peur pour toi. Je suis certain que ce n'est pas seulement l'envie de fo utre le borde! dans le borde! qui vous motive, ni le besoin d'etre pris en considération qui vous pousse. Je suis persuadé qu'il existe d'excellentes raisons à votre agitation : Ies classes de cin­ quante élèves - encore que le fait doit etre rare, meme s'il est présenté comme fréquent -, le manque de professeurs, l'absentéisme de certains, la violence et l'insécurité chro­ nique qu'elle entraìne. Mais enfin, comment se fait-il que vous ne dénonciezjamais l'immigration-invasion qui a beau­ coup aidé à la dégradation de la situation ? Seriez-vous igno­ rants à ce point ? Ou manipulés par Ies habiles agitateurs de l'extreme gauche dont ]es réseaux, montés contre le Front national, peuvent servir à d'autres opérations ? Je ne vous entends pas non plus dénoncer cet Etat dans l 'Etat, cette citadelle dans la cité, qu'est l'Education nationale. Elle est essentiellement une construction de gauche, controlée par la franc-maçonnerie, travrrJa � ---------------- o - ()J()f�

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- Rien, répond en substance le Premier ministre Et il explique pourquoi Le Parti communiste français s'inscrit dans le Cartel des gauches. dans le Front populaire, dans !es combats de la Résistance, dans !es gouvernements de la gauche en 1 945. Il n'a jamais porté lui­ meme la main sur !es libertés. Meme s'il n'a pas pris ses distances assez tot avec !es phénomènes du stalinisme, le Parti comrnuniste a tiré !es leçons de son histoire. Il est représenté dans mon gou vernement et j' en suis fier.

Que M. Jospin soit fier d'avoir des communistes dans son gouvemement, s'il le dit, ce doit etre vrai. C'est d'ailleurs tout ce qu'il y a de vrai dans son émouvante intervention. Celle-ci n'est qu'un assemblage de contre-vérités. Reprenons point par point. (1 924-1926). Celui-ci fut essen­ tiellement monté par la franc-maçonnerie. En 1924, Ies réunions préparatoires se tinrent dans un tempie de la Grande Loge, rue de Puteaux, au tempie de la loge L'Union Plzilantropique, à Saint-Denis, et au Grand Orient, rue Cadet 01• L'Intemationale communiste considérait la franc-maçonnerie comme une ennemie. En 1922, le JVc Congrès de l'lntemationale communiste avait pris la résolution suivante : LE CARTEL DES GAUCHES

Celui qui, avant le premier janvier 1923, n'aura pas déclaré ouver­ tement à son organisation et rendu publique par la presse du parti sa rupture complète avec la franc-maçonnerie est, par là-mème, automatiquement exclu du Parti communiste, sans droit d'y jamais adhérer à nouveau, à quelque moment que ce soit. La dissimulation de son appartenance à la franc-maçonnerie sera considérée comme pénétration dans le parti d'un agent de l'ennemi et flétrira l'individu en cause d'une tache d' ignominie devant tout le prolétariat i:>.

Ce n'était pas de la plaisanterie. En 1924, le Parti commu­ niste ne pouvait donc pas s'inserire dans le Cartel des gauches. Il en profila. Ce n'est pas la meme chose. Le groupe communiste comptait 13 députés dans la chambre sortante.

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lls revinrent 26, qui menèrent une vie d' enfer au président Herriot, premier Président du conseil du Cartel (juin 24 avril 25), en partie à cause de la guerre du Rif, et à l a majo­ rité socialiste et radicale-socialiste. Ce fut l' époque où le fameux capitaine Treint, un des dirigeants du PC, parlait de « plumer la volaille socialiste ». Les socialistes étaient les « social-traftres » et les « social-fascistes ». Dans un de ses poèmes les plus fameux, Aragon commandait « Feu sur Léo11 Blum ». M. Jospin a du l'oublier. LE FRONT POPULAIRE (1936- 1938). Bis repetita. Jusqu'aux élections, le Parti communiste fut sur les estrades et à la tete des défilés. Cela lui permit de profiter de l'élan. Sortis à 10, les députés communistes revinrent à 73. En remerciement et signe d'accord profond, ils refusèrent, immédiatement, de prendre leurs responsabilités dans le gouvemement Blum. Le seul ministère qu'ils réclamèrent fut le « ministère des masses ». Ils commencèrent par déclencher les grèves tour­ nantes avec occupation d'usine. Elles genèrent considérable­ ment le pouvoir socialiste et provoquèrent des dévaluations catastrophiques. Ensuite l ' action du Parti communiste consista à essayer d'entrai'ner Léon B lum dans l a guerre d'Espagne avant de déclarer la guerre à l ' Allemagne. Ce fut Edouard Daladier, le troisième larron du Front popu, qui le fit. Mais, entre temps, Staline s'était allié à Hitler (23 aout) et, le 26 septembre 1939, l a Chambre du Front Populaire votait la déchéance des députés communistes par 522 voix contre 2. On notera que, dans cette chambre du Front popu­ laire, ]es socialistes étaient 206, les radicaux-socialistes 1 1 1 . LES COMBATS DE LA RÉSISTANCE. Ils ne commencèrent que tardivement pour le Parti communiste : au mois de juin 1 941, alors que la France était envahie depuis un an. C 'est moins contre ]es occupants que le Parti communiste se souleva que contre I' Armée allemande qui, le 22 juin, de la B altique à l a mer Noire, était entrée en URSS.

U!- -------_________ a~,,w/'J()!�a� ... Alors que la Résistance, de Londres, recommandait de ne pas se lancer dans les attentats individuels, le Parti communiste les déclencha. Ils entrafneront les exécutions d' otages de Chateaubriand et de Nantes. Désormais le terrorisme engen­ drant le contre-terrorisme, qui provoquera une recrudescence du terrorisme, allaient changer le visage de l 'Occupation. Ce que voulait Moscou. M. Jospin semble considérer que la Résistance est la prolon­ gation du Carte] des gauches et du Front populaire. C'est abuser. Il y avait beaucoup de résistants de droite à Vichy, à Londres et sur le territoire occupé. Il y avait beaucoup de gens de gauche dans la collaboration, dont M. Jospin père, le pacifiste intégral. En revanche, dans les maquis, les socia­ listes ne se rencontraient qu' à doses homéopathiques. M. Jospin, fils, ne devrait pas laisser M. Schrameck préparer ses improvisations. 1945. Il n 'y eut aucun gouvemement de gauche en 1945. En 1945, il n'y a eu que deux gouvemements d' union nationale des Epurateurs, tous deux présidés par le général de Gaulle. Le second prit fin le 26 janvier 1 946. Si les communistes entrèrent dans les gou­ vemements de Félix Gouin et de Georges Bidault qui suivi­ rent, ils ne firent pas partie du gouvemement socialiste de Léon B lum (16 décembre 1946 - 23 janvier 1947). En revanche, on devait les retrouver dans le ministère du socia­ liste Paul Ramadier, le 22 janvier 1947. Ils étaient cinq : Thorez, Billoux, Croizat, Tillon, Marrane. Ils y demeurèrent un peu plus de trois mois. Mais, le 4 mai, après leur refus de voter la confiance au gouvernement dont ils faisaient partie, Vincent Auriol, président socialiste de la République, et Paul Ramadier, président socialiste du Conseil, les prièrent d'aller faire le ministre ailleurs. Ils se vengèrent en organisant, en novembre et décembre 1947, )es grèves insurrectionnelles, avec sabotages et batailles rangées, qui firent des dégats

LES GOUVERNEMENTS DE GAUCHE EN

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considérables et une vingtaine de morts. Le petit Lionel • Jospin avait dix ans. Il devrait s'en souvenir. IL N' A JAI\IAIS PORTÉ LA MAIN SUR LES LIBERTÉS.

Allons donc ! Chaque fois qu'il l'a pu, il a au contraire porté la main, lui-meme, sur nos libertés. Ne fut-il pas, par statut, le parti de la « dictature du prolétariat » ? Ceux qui ont vécu 44 et la suite savent que le parti des fusillés fut surtout le parti des fusilleurs. Ceux qui ont vécu dans des villes à mairie com­ muniste peuvent raconter le cas qu' on y faisait des libertés. LES DISTANCES AVEC LE STALINISME. Pendant le stalinisme, le Parti communiste n'a jamais pris de distance avec lui. Il fut au contraire le farouche partisan de ses « phé110111è11es ». Il nia le goulag, les déportations, les exécutions massives et le reste. Il en fut le complice. Il poursuivit de sa haine ceux qui racontaient la vérité sur la vie en URSS. Rappelez-vous Kravchenko. La repentance du Parti communiste a été aussi tardive que discrète, et limitée à Staline, jamais à Lénine et aux autres bourreaux, res­ ponsables au moins de 85 millions de morts. IL A TIRÉ LES LEçONS DE SON HJSTOIRE. Est-ce si siìr ? En tout cas, M. Papon a aussi tiré les leçons de la sienne. Cela ne I'empeche pas d'etre jugé, et il sera condamné si le Bon Dieu n'a pas la bonté de le rappeler à lui avant le verdict. A l'évidence M. Jospin a toutes les raisons d'etre fier d'avoir des ministres communistes dans son gouvemement. Mais pourquoi n'en a-t-il pris que trois ? S'il en avait six, neuf ou douze, il pourrait etre encore plus fier. On ne l'est jamais trop. A condition de savoir où mettre sa fierté.

(I) Voir Henry Coston : La République du Gra11d Orielll. Publications HC. BP 98- 1 8 75862 Paris Ccdcx 18.

(2) Roland Gaucher : /listoire secrète du Parti co1111111111iste. Albin Miche!.

(20 novembre 1997)

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algré les funestes consé­ quences qu'il prépare, le Chevènement spectacle des idéologues saisis dans la seringue par la réalité offre aux amateurs éclairés de sombres délectations. Ce n' est pas d'aujourd'hui. Les artistes d'hier n'étaient pas mauvais non plus. Mais la suffisance intellec­ tuelle de la gauche ajoute un brillant particulier à ses numéros. M. Toubon n'était qu'un médiocre supérieur, dépassé par les promotions qu'il devait à la réussite de son parti et à sa ser­ vilité. Le comique de Mme Guigou est d'une autre épaisseur et la morale qu'on en tire d'une autre qualité. L'intelligence fourvoyée dans l'incompétence est la mère de réjouissants • effets. Il faut aussi attendre beaucoup de M. Allègre, au patronyme délicieux. C' est un personnage . . . Je ne dirai rien de M. Gayssot. Il serait cruel d'assombrir son triomphe. Visiblement, tous les matins, il doit se réveiller et se pincer en disant : « Je reve I » Etre ministre des transports le transporte. Il en a fait du chemin, le cheminot. Dans la cour de l'Elysée, il marche camme le bourgeois gentilhomme et pro­ mène un visage si satisfait que les photographes, blasés et reve­ nus de tout, se sentent au creur une gaieté soudaine. Ayez l' reil sur M. Gayssot. Vous ne serez pas déçus. Il va nous régaler. Depuis sa loi, il nous doit bien ça. Pour l'instant, je ne m'intéresse qu' à M. Chevènement. C'est un cas navrant, qui relève de la tragi-comédie. Par arnbition, vanité, impatience, sottise, que sais-je, il s'est fourré lui­ mème dans un piège infornai, la seringue qui tue . . . On se souvient peut-etre de la formule superbe, et citoyenne, comme on dit maintenant, qu' il jeta un jour aux joumalistes : « Quand on est ministre, on ferme sa gueule ou on s'en va I » Le mal­ heureux ! C'était son drame qu'il annonçait. A ceci près qu' actuellement M. Chevènement ne peut pas plus fem1er sa gueule que s' en aller.

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Il est déjà parti une fois du gouvemement. C'était pendant la guerre du Golfe. Ministre de la Défense nationale, il claqua la porte de son bureau mussolinien pour ne pas se faire le complice des Américains désireux d' écraser l'Irak. lsrael et le pétrole l' exigeaient. Pour refuser, il fallait du courage et un sens élevé du devoir. M. Chevènement les eut. Il lui en sera beaucoup compté. Malheureusement ce départ en fanfare, avec pertes et fracas, l'empéche aujourd' hui de quitter dere­ chef le gouvemement et son bureau, moins monumental, mais tout de méme important, du ministère de l'Intérieur. On en ferait un maniaque, atteint par la maladie chronique du changement. Le voici donc obligé de demeurer ministre, et ministre soli­ daire d'une politique dont il condamne formellement certains des aspects essentiels. Alors il ouvre sa gueule. C' est plus fort que lui. ça le brule. ça le révolte. Il éructe. Il faut qu'i l crie, les sourcils hérissés, l e regard flamboyant, dressé comme un petit coq de combat ! ça lui est arrivé au conseil des Ministres. Le petit délateur illustré, je veux dire Le ca11ard enchafné, a raconté la séance, la semaine demière. A propos du sommet européen d'Amsterdam, contrairement aux usages, Jean-Pierre Chevènement prit la parole d'autorité. II dénonça )es résultats. Il rappela son hostilité d'avant-hier à Maastricht et d'hier au pacte de stabilité monétaire. Il s'en prit meme aux négociateurs français qui, à l'entendre, avaient « tout laché aux Allemands ». Récit : Autour de la table du salon Murat, !es visages des ministres socialistes se crispent et le communiste Jean-Claude Gayssot a l' air encore plus sidéré que d'habitude. Lione! Jospin ne pipe pas mot. Chirac sourit légèrement, sans doute satisfoit d'entendre un membre du gouvernement se payer devant lui le Premier ministre et ses collègues des Affaires étrangères (Hubert Védrine) et de !'Economie (Dominique Strauss­ Kahn) (. . . ] A la fin de son intervention, Chevènement fait encore plus fort. Il se retourne vers la petite table où se tient le secrétaire général, Jean-Marie Sauvé, et déclare :

"Monsieur le secrétaire général du gouvememe11t, je sais que les comptes rendus du conseil des ministres soni couverts par le secret pendant trente ans, mais je veux que vous y 111entio1111iez 111011 interve1lfion. Quand /es historiellS pourront y accéder; ils remarquerom q11 'u11 ministre avair dénoncé /es co11séquences du pacte de stabilité monétaire. "

Bonjour l 'ambiance ! Jusqu'à la fin de l'année et durant toute l'année prochaine, le problème de l'Europe sera au creur des préoccupations essentielles du gouvemement. On mesure donc la gravité du divorce et ce qu'on peut redouter de la gueule d'un ministre qui ne la ferme pas et refuse de s'en aller. On va très vite arriver aux invectives, aux noms d'oiseaux, aux mots grossiers, aux coups. Avec une euro-pétardière féroce comme Martine Aubry, on peut s'attendre à tout, aux prises en vache, au-dessous de la ceinture, genre torsion sauvage sous la melée comme à Brive-hGaillarde. Rien n'est cxclu. L'euro, I 'Europe, la monnaie unique ne seront pas les seuls sujets de friction. M. Chevènement, dans tous ]es domaines, ne connait qu'une référence : la République, le modèle républicain. Or la manière dont M. Jospin entend régler l'histoire des clandestins sans-papiers ne s'inspire nullement de l'esprit républicain. Meme dans la période où la République fondatrice leur fut le plus favorable, seuls Ies étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans pouvaient obtenir la nationalité fran­ çaise, et encore à condition qu'ils eussent preté le sen11ent . civique. Cette disposition ne dura pas longtemps. Sous la Convention, les étrangers résidant à Paris étaient tenus de déclarer leur présence aux sections de leur domicile. Bientòt ils furent systématiquement expulsés de l' armée, des clubs, des sociétés populaires. Si l ' envie de défiler leur était venue, les sans-culottes du quartier la leur auraient vite òtée. Non seulement ils ne· recevaient ni subventions ni secours d'aucu­ ne sorte, mais leurs biens furent placés sous séquestre. A par­ tir de 1794, seuls les étrangers ayant obtenu un certificar de

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civisme purent résider à Paris et, en 1796, sous le Directoire, la République une et indivisible supprima toutes les autorisa­ tions de residence.

Dans sa rigueur originelle, la République ignorait la faiblesse. Aux étrangers, comme aux autres, elle imposait l 'ordre répu­ blicain. Les temps ont bien changé. Les exigences civiques d'un républicain comme M. Chevènement doivent mal s'en accommoder. Sans doute est-il tempéré par son conseiller, M. Sami Nai"r, le pertinent auteur d' Immigration et tlzéma­ tiques identitaires (Kimé, 1996). On est en droit pourtant de se demander si un tempérament comme le sien tolérera long­ temps ces consignes ambigues aux préfets. Quand il verra reti­ rer les allocations à 700 000 familles lai"ques et républicaines pour Ies donner à des smalas de fétichistes, ou d'islamistes, sujets de potentats africains, le sentiment républicain qui bout dans ce tempérament de feu ne peut qu' exploser. Rien qu' à me représenter les horreurs dont le salon Murat sera le théatre, ma piume tremble déjà etj'ai ha.te d'etre à demain. 0

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vraies, sur l'amitié, à travers une vie . . . on ne se voit pas . . . on remet à demain . . . unjour c'est trop tard . . . Quand j'ai levé les yeux de mes signatures, il avait disparu. Maintenant c'est vrai­ ment trop tard. Je pense beaucoup à vous, Suzanne. (6 aout 1998)

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est le triomphe du paradoxe. Des sondages annoncent cette Voyage en France semaine que plus de 70 % des pa radoxale I J Français seraient favorables à l' eutha­ nasie. Un pays qui interdit la peine de mort aux coupables va donc l'appliquer aux innocents. l i

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Jospin doit etre jaloux. C' était un gouvernement de droite qui permit aux mères de tuer I' enfant qu' elles portent. Il veut rétablir I' équilibre. Ce sera un gouvernement de gauche qui donnera aux familles le droit de supprimer les vieillards qu' elles supportent de plus en plus mal.

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Passé quatre-vingts balais, l'oncle Alfred risque le pire si on lui propose de faire venir le médecin pour soigner sa mémoire qui flanche, sa rate qui se dilate ou ses genoux qui coincent. En revanche, Mlle Florence Rey peut dormir tranquille. Co­ responsable de la mort violente de trois flics et d'un civil, tout ce qu'elle risque, c'est d'étre obligée de venir regarder la télévision à Fleury-Mérogis pendant quelques années de sa précieuse existence. Le Pacte civil de solidarité qui doit étre adopté dans les jours prochains par l' Assemblée ne parait pas beaucoup plus logique. De quoi s'agit-il en effet ? De satisfaire des asociaux qui veulent profiter d'une société dont ils se refusent à recon­ naitre les principes. D'un c6té, nous trouvons des couples hétéro-sexuels. Ils vivent en concubinage parce qu'ils sont hostiles au mariage civil pour toutes sortes de raisons philosophiques et de réflexes épidemtiques. Néanmoins ils en réclament !es avan­ tages. Ils exigent d'étre considérés comme des couples léga­ lement mariés, sans l'étre. La Gauche idéologique qui a de tous temps célébré les émouvantes beautés de l ' union libre va leur accorder cet exorbitant privilège, et la droite, de crainte de paraitre extréme, n' opposera que des objections secondaires. C'est bouffon. De l'autre c6té, nous trouvons des couples homosexuels. Tout en continuant à proclamer leur droit à la différence, ils entendent étre traités comme tout le monde. Leur anormalité doit étre estimée comme normale. Leurs pratiques contre nature doi­ vent etre acceptées comme naturelles, alors que si la nature était homosexuelle il n'y aurait pas de vie sur la terre. Dans leur grande majorité, les législateurs souffriraient de mille chagrins en apprenant que leurs gamins-gamines sont devenus gays ou lesbiennes. Ils vont pourtant donner satisfac­ tion à ceux-ci. C'est que le lobby homo est puissant et, quand

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on est homme politique, les lobbies, ça compte. Il y a de la logique dans cet illogisme. En quelques années, ce lobby homo a fait accomplir à sa cause des progrès stupéfiants. Dans ma jeunesse, la plupart de ceux que l'on appelait les "pédés" dissimulaient leur état comme une honte et une tare. Aujourd'hui ils le revendiquent. Ils l'af­ fichent. Ils s'en font gioire. C'est une preuve de supériorité. Tous )es grands hommes "en étaient". Pour le crier, ils défilent, bariolés, peinturlurés, déguisés, dépenaillés, au son des tam­ tams de guerre, dans des manifs provocatrices où ils deman­ dent des subventions, qu'ils obtiennent. Derrière la mobilisation contre le sida se cachait la volonté d' obtenir la reconnaissance et la prise en charge par la société de l 'homosexualité qui n'est jamais qu' une maladie mentale et qu' un vice. C'est fait. Le PACS est l' étape suivante. Il vise à permettre aux ménages homosexuels de faire comme s'ils étaient des familles où les homos joueront à étre le papa et la maman de l'enfant qu'ils n'auront jamais. Après quoi les législateurs seraient bien avisés de mettre dare-dare en chan­ tier une nouvelle loi pour aggraver la répression de la pédo­ philie au foyer. Le président Chirac signera l'une et l' autre d' un méme élan. Les paradoxes ne l ' effrayent pas. Gaulliste de vocation, de fondati on, d' oraison, de cceur et de raison, il a toujours consi­ déré la Constitution gaulliste de 1958 comme le modèle des constitutions et la clé de voute de la construction gaulliste. En conséquence, il n'a cessé et ne cesse de s'employer à la modifier. Après !'anarchie parlementaire de la Quatrième, cette Constitution concentrait tous les pouvoirs entre les mains du président de la République. Fort de son imperturbable logique, le président Chirac s'est donc évertué, par la disso­ lution et une cohabitation de bonne compagnie, à diminuer

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les pouvoìrs du Président en augmentant ceux du Parlement et du gouvemement. Dans l' absurde, il y a mieux encore. Au nom de la France et de la République plurielle, le président Chirac a signé le traité d'Amsterdam. Malheureusement le Conseil constitutionnel a décrété que ce traìté est anticonstitutionnel, car il impose une perte de la souveraineté nationale. Pour le ratifier, le prési­ dent Chirac se trouvait donc devant un choix. Ou changer le traité. Ou changer la Constitution. En gaulliste conséquent, il a choisi de changer l'admirable Constitution gaulliste. La logique, vous dis-je . . . Pour se faire, il pouvait soit poser l a question au peuple, soit demander l'avis des assemblées parlementaires où les gaul­ listes sont en minorité. Démocrate convaincu et gaulliste fidèle, le président Chirac a choisi la seconde solution. Grace à un président gaulliste, la Constitution gaulliste sera modi­ fiée pour permettre l'application d'une politique radicale­ ment opposée à ce qui fut une des constantes de la politique gaulliste : la défense de la souveraineté nationale dans l'Europe des nations. Paradoxalement (encore) le peuple souverain regarde s'effi­ locher cette souveraineté d'un reil atone, sans bouger un sourcil ni émettre une protestation. II est vrai que ce peuple que I' on disait cartésien, épris de justice et d' équité, sensible aux faibles, rebelle aux puissants, laisse persécuter sans dire un mot, sans faire un geste, un homme dont le seul crime est de vouloir organiser sa défense, la défense de la France et des Français. C' est évidemment de Jean-Marie Le Pen dont je veux parler. La justice française l'avait condamné à l'inégibilité et à la prison (avec sursis) pour etre tombé dans un gtiet-apens pré­ paré par la gauche socialo-communiste et I' extreme gauche, avec le complicité des autorités chiraquiennes de Mantes-la-

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Folie. Aujourd'hui, la justice allemande demande à son tour au parlement européen de Strasbourg de lever l'immunité parlementaire de Jean-Marie Le Pen. Elle )'accuse d'un grave délit de tribune. Pour avoir répété à Munich ce qu'il avait dit à Paris sur le "détail" de I 'Histoire, elle veut le condamner à cinq ans de prison ferme. Personne n'est dupe. Le "détail" n'est qu'un prétexte. Mantes-la-Folie n'est qu'un leurre. Ce que l'on veut, c'est mettre un terme à l'action de Jean-Marie Le Pen. C'est empe­ cher le Front national de progresser en proposant aux citoyens et aux citoyennes sa politique pour une France fran­ çaise dans une Europe des patries. Jusqu'ici, si l'on avait pu freiner Le Pen, on n' a pas réussi à I' abattre politiquement. Alors on veut en finir en le détruisant, judiciairement, dans l'indifférence du peuple pour lequel il n'a cessé de se battre. C'est là le paradoxe des paradoxes. Le plus terrible. Le plus honteux, aussi. (]" octobre 1998)

C H R O N I Q U E S

lii • L'Etranger vu de France

uand l ' empire soviétique s' effondra, mystérieusement, Les vérités comrne un chateau de cartes de la guerre truquees, les hommes de gauche, oracles réputés - dont la lucidité est reconnue depuis juillet 1914, où Jean Jaurès garantit que jamais un ouvrier allemand n'envahirait la France - déclarèrent solennellement que, désormais, la paix était établie, pour toujours. En conséquence le désarmement universel s'imposait Il n'y avait plus un instant à perdre. Il fallait d'urgence consacrer aux Beurs l' argent des canons. « Désarmons ! Désarmons ! », psal­ modiaient les pèlerins de la paix. Je me croyais revenu en 1930. Six mois plus tard, c' étaient les memes qui exigeaient une intervention militaire massive en Bosnie. Il y allait de notre honneur. L'histoire repassait les plats. On m' accordera que, sur ce sujet, je me suis tenu sur une pru­ dente réserve. Cela ne signifie pas que je me désintéresse de la situation et que je néglige d'en tirer les leçons qu'il

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convient. Si tragiques et inutiles que soient souvent les guerres, il arrive qu'elles éclairent la réalité d'une lumière brutale et vraie. Le conflit compliqué qui laboure cruellement les malheureux peuples de l'ex-Yougoslavie a le mérite de rappeler des vérités méconnues ou escamotées par le pret-à-penser actuel. Par exemple il montre, à l' évidence, que le communisme n' était pas la seule cause des guerres qui ensanglantèrent la planète depuis 1917. Il en fut un des moteurs importants mais il y en eut d'autres qui s'appellent : la faim, la misère exploi­ tée, la haine, l'argent, les démons de puissance, la conquete du monde, les religions agressives, les races. En un mot l'homme. Qu'un de ces moteurs cesse momentanément de toumer n'implique pas que les périls ont disparu et qu'il faut baisser la garde, comme nous y invitaient les idéologues évo­ qués plus haut. Seulement, voilà, garder la garde haute, c'est dur. Il faut des muscles, de la farce, car il n'y a pas de droits, meme les plus essentiels, comme le droit à la vie et le droit à l'indépendance de la patrie, sans farce capable de les défendre. C'est-à-dire sans soldats et sans armées nationales, qui sont de loin les plus efficaces. Malheureusement les idéologies à la mode, intemationalistes et mondialistes, haYssent presque physiquement la nation et ce qui l'incarne : la famille, le travail, le paysan attaché à sa terre et celui qui la défend : le soldat. L' armée dont ils revent est une armée abstraite, sans vertus militaires, sans drapeaux ni frontières, faite pour tous et au besoin contre tous, camme le sabre de Joseph Prud'homme, obéissant à une direction anonyme et dénationalisée. C'est là une vieille chimère, une utopie que les Loges se sont transmises des siècles durant. On la vit refleurir après la Première Guerre mondiale, dans les banquets où, après le

cassoulet républicain, des barbus parlaient de la cité idéale avec l'accent de Toulouse. Les Etats-Unis venaient de fabri­ quer la Société des Nations, la SDN, à usage exteme puis­ qu'ils se gardèrent d'y adhérer, et la SDN promettait d'em­ pecher la guerre, en volant partout au secours de l ' agressé. - Mais si l'arrnée de la SDN est vaincue, que se passera-t-il ? demandait dans L'Action française Jacques Bainville, grand historien, grand prophète, grand esprit. On ignore encore ce qui se fiìt passé, la SDN ayant pris soin de ne pas se doter d'armée, ce qui l'empecha d'empecher la guerre. L'ONU qui l'a remplacée s'est constitué cette fois une armée, une armée de soldats sans armes, !es soldats de la paix, qui ont été vaincus sans combattre et sans réussir à empecher la guerre de couver, de monter, d'éclater, de s'étendre. Jusqu'où ? Qui peut le dire avec certitude, aujour­ d'hui que B ainville n'est plus là. Comme les guerres de la fin des années trente avaient fait prendre conscience de l'impuissance ridicule et sinistre de la SDN, la guerre dans l'ex-Yougoslavie aura au moins permis aux plus aveugles de voir l'impuissance ridicule et sinistre de l'ONU, cette construction américaine qui n'est efficace que quand elle sert les intérets américains. Le vent de la guerre qui toume en ouragan sur les Serbies, la Croatie, les Bosnies (musulmane et non musulmane), entre mille inconvénients a un avantage. II chasse les idées toutes faites, !es faux-semblants, !es mensonges des propagandes. Ce n'est pas vrai que les ex-communistes sont dans un camp et !es anti-communistes dans l'autre. II y a partout des héri­ tiers de Tito. Ce n' est pas vrai que !es bons sont ici, qui pro­ tègent la veuve et I' orphelin, et là !es méchants qui !es vio­ lent, les torturent et !es tuent. La cruauté est partout, et par­ tout féroce, selon !es circonstances, !es individus et le degré des passions. Ce n'est pas vrai que ceux-ci ont totalement tort

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et ceux.-là totalement raison. Comme entre Palestiniens et Juifs, la vérité est partagée. J'entends qu'on pleure beaucoup sur les populations civiles. De qui se moque-t-on ? Les populations civiles sont toujours Ies prernières victimes des guerres. Les Américains, grands mar­ chands de morale, à Hiroshima, à Nagasaki, à Dresde, Hambourg, Cologne, Berlin, au Havre, à Rouen, Brest, Rennes, Nantes, Marseille, Paris, etc, se sont-ils préoccupés beaucoup des populations civiles qu'ils écrasaient sous leurs bombes ? M. Chirac, cet humaniste, nous a fait un numéro de grande sen­ sibilité sur les quelques dizaines de Casques bleus retenus en otages par les Serbes. Ces prisonniers interdisaient toute riposte. Mais quand il a accusé le maréchal Pétain de s'etre soumis aux ordres du vainqueur, ce n'était pas des dizaines de soldats fran­ çais que les Allemands tenaient en otages, prisonniers en Allernagne, mais un million et demi - et, à travers eux, quelque trois rnillions de farnilles françaises ligotées. Cela méritait aussi qu'on s'interrogeat sur la riposte la plus adéquate. Mieux que tous les écrits et discours, la guerre en ex­ Yougoslavie a démontré l'inexistence de l 'Europe. Les nations qui géographiquement la composent ne sont d'accord sur rien, ou presque rien. Il n 'y a pas de politique commune, pas de force et de volonté comrnunes. Meme ceux qui par­ laient - qui parlaient. . . - éventuellement de se battre, ne par­ tageaient pas les memes buts de guerre. Bruxelles n'a pas fait entendre sa voix. A Strasbourg, c'est un concours de glapis­ sements entre ]es différentes nuances des écolos gauchards qu' on a écouté. Consciente de sa solitude, la France s' est réfugiée dans de nobles propos vides de sens. Après trois années de vains pourparler, nos diplomates se consolaient en affirmant « qu 'il n'y a pas de solutio11 militaire », alors meme qu'ils se flat-

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taient d'y avoir dépeché nos meilleurs guerriers. Plus la situa­ tion nous échappait et plus notre présence s'avérait inutile dans l' ex-Yougoslavie. « Pourquoi nos soldats sont-ils morts là-bas ? » Si l'on avait posé la question aux Français, une très large majo­ rité aurait répondu : « Pour rien. ». C'est la denùère vérité de la guerre. (17 aoiit 1995) Faut-il préciser que cela fut écrit avant le Kosovo. A deux on trois détails près, il n'y a rien à changer.

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e président des Etats-Unis, l ' oncle Sam Clinton, que l' on L'air amérlcaln présente volontiers comme un grand niais légèrement attardé, arna­ teur de drogues douces, de femmes fortes et de saxophone, a donc imposé sa solution demi-finale au problème de l'ex-Yougoslavie, à l'heure américaine, comme il lui convenait et à la barbe des premiers intéressés. Beaucoup de nos compatriotes s'en réjouissent. Ils croient

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que les Etats-Unis sont intervenus en 1917 et en 1942 par amitié et solidarité. lls en éprouvent de la reconnaissance. Je suis d'un avis différent. Pour les Etats-Unis, seuls comptent les intérets et l'idéologie dominante des lobbies qui les diri­ gent. Leurs interventions ne furent que des étapes de leur conquete du monde. Les voici au terme de leurs efforts. Les USA sont arrivés à un tel sentiment de supériorité qu'ils ne peuvent s'empecher de soumettre économiquement, cul­ turellement et s'il le faut militairement, les nations qui ne veulent pas se démettre totalement de leur indépendance. Dès lors qu' elles n' obéissent pas au doigt et à I' ceil, I' Amérique a tendance à les considérer comme des adversaires et à les trai­ ler comme des ennemis. C'est ce qu'on appelle l'ordre mon­ dial américain. Nous l'avons supporté en croyant qu'il nous protégeait de l 'impérialisme soviétique - que pouvions-nous faire d' autre dans l'Europe en ruines ? Il n'est pas sGr, pourtant, que le cal­ cul fGt aussi juste qu'il nous apparaissait alors. L'URSS ne devait sa naissance, sa survie et une partie de sa puissance qu' à la banque et au grand capitai américains. Il n 'est pas du tout assuré que Washington eGt hiroshimatisé Moscou pour empecher I' Armée Rouge d' occuper le Moulin Rouge. A une centaine de milles de ses c6tes, il n' a toujours pas délogé Castro. Peu imporle. Ces supputations sont hors de saison. Meme s'il ne faut pas négliger la menace souterraine du communisme, elle a changé de degré. Ce n' est pas demain que Boris Eltsine accomplira ce que Staline n'a pas osé tenter. Nous n'avons plus besoin du bouclier américain. En conséquence nous ne devrions pas continuer d'accepter l a soumission qu'il impliquait. Or c'est c e que nous faisons. Nous venons de le voir dans l'ex-Yougoslavie. Pendant des années, !es pays qui occupaient le terrain, suivant les injonc-

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tions de l'ONU - organisation américaine des Nations Unies - demeurèrent l 'reil fixé sur l ' oncle Sam Clinton. De temps à autre, ils disaient d' une voix mourante : - Bombarderai-je, papa ? - Wait and see, répondait l'oncle Sam. Il y eut des morts par dizaines de milliers, des atrocités affreuses - ces peuples n'ont pas la réputation d'étre particu­ lièrement débonnaires, mais, selon les camps auxquels on croit utile d' appartenir, leurs dérapages s' appellent "crimes contre l ' humanité" ou "malheureuses bavures". Rien de nou­ veau sous le soleil. Il y eut des destructions, tout le cortège des malheurs de la guerre où ce sont les plus misérables qui connaissent toujours les plus grandes misères . . . L'oncle Sam ne bougeait toujours pas. Il se contentait de tenir le champ des batailles sous haute surveillance, grace à ses satellites­ espions et ses avions spéciaux. Et puis un jour, pour contrer son congrès et parce que la campagne électorale approchait, l ' oncle Sam Clinton donna l 'ordre à l' ONU de faire ouvrir le feu, en Europe, dans la guerre serbo-croato-bosniaque. Tant sur terre que dans les airs, les nations européennes se dépéchèrent d'obtempérer. N' avaient-elles pas satisfaction ? N'était-ce pas le moyen révé de prouver que si la force d'in­ tervention n' était pas aussi rapide qu' on l' avait annoncé, elle était au moins à petite vitesse ? . . . Bref, les Etats-Unis purent démontrer, sans difficulté ni dom­ mage, que la puissance n ° 1 en Europe n'était pas la France, ni l ' Allemagne, ni la Grande-Bretagne, ni la Belgique, ni le Luxembourg, e' était l ' Amérique. Si désagréable qu'elle soit, cette constatation n'a rien de sur­ prenant. Elle n 'est que l'expression sur le terr.iin de la guerre et de la diplomatie, de la réalité des activités dans les autres domaines.

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Par la musique - s i j 'ose m ' exprimer ainsi -, par la drogue, les mreurs, les fringues, le ciné, la télé, une sorte de barbarie cool et parfois pas si cool que ça, la pire des Amériques a mis la main sur l'Europe. Par ses méthodes commerciales et ses blitzkrieg financiers, elle tient l'Europe à la gorge. Dans ces conditions, il eGt été normai qu'une entente entre !es nations européennes se construisit contre la colossale boulimie yankee, toujours avide de nouveaux marchés et de profits accrus. Il n'en a rien été. Economiquement, la Grande­ Bretagne colle avec !es Etats-Unis. Politiquement, !es Teutons filent le train. Leur heure n'est pas encore venue . . . La mani­ pulation monétaire et la corruption, aux postes clés, des per­ sonnages idoines et adéquats qui les occupent, font le reste. Quand on voit les vertueux Etats-Unis, berceau des Droits de l'homme, condamner le peuple irakien à la famine en mainte­ nant l'embargo, pour empecher la baisse du prix du pétrole, il n'y a plus d'iilusions à se faire. Il faut s'attendre à tout. Ne craignez rien. Je ne suis pas arrivé au stade du Grand Satan. Pas encore . . . Il y a des traits du caractère américain

que j 'aime. Il y a des réactions et des comporternents du peuple arnéricain que j 'airne. Comrne chez nous, je sais faire la différence entre ce qu' il est et ceux qui parlent et agissent en son nom. Il n'empeche que j'ai de plus en plus de diffi­ cultés à respirer l' air américain. (7 septembre 1995)

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avez-vous pourquoi les bom­ bardements sauvages du peuple Le terrorisme, tchétchène - hommes, femmes, c'est les autres enfants, vieillards melés - par l'aviation et l'artillerie russes n'ont pas tou­ ..__ ché le creur, pourtant si humain, de· Nations Unies, alors que quatre attentats terroristes en lsraei cruels certes, mais limités, ont mobilisé les dirigeants de la planète, réunis dare-dare au coup de sifflet du grand Bill, le président de la République mondiale arnéricaine ? La réponse est simple, mais capitale. Parce que la Tchétchénie n'a pas de diaspora et qu'il n'ex.iste pas, aux Etats-Unis, de lobby tchétchène capable d'empe­ cher, ou de gener, l' élection d'un président. En revanche, la diaspora israélienne existe, de meme qu' existe aux Etats-Unis un lobby israélien puissant, riche, habile, organisé et entrainé, qui pèse sur l' élection présidentielle, non seulement par le vote de ses adhérents, mais par le poids qui est le sien dans les rnilieux politiques, d'argent, d'af­ faires, dans !es médias, la diplomatie et les services secrets arnéricains. En conséquence la politique étant essentiellement la défense de ses intérets - sauf en ce qui concerne les intérets français, qui ne peuvent ètre que l'expression du nationalisme le plus

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étroit et frileux - tout ce qui touche Israel touche aussitot, et au plus vif, le grand Bill. Pour lui, défendre Israel, c'est défendre son beefsteak. C'est défendre son avenir personnel, et ceci, qui est vrai en toutes saisons, l'est encore plus à quelques mois des élections à la Maison-Bianche. En revanche - outre qu'il est plus facile de déquiller le Hamas que de rnettre au pas la Russie, rnerne disloquée, du batelier de la vodka - défendre la vie du peuple tchétchène ne rapporterait pas une voix dans l'Arizona, ni dans l'Ohio, ni dans le Maine, ni ailleurs. Alors pourquoi Clinton il fau­ drait qu'il se décarcasse ? Et comme !es Nations Unies, c'est d'abord !es Etats-Unis, pourquoi seraient-elles sensibles à cette tentati ve de génocide, par Moscou, d'un petit peuple du Caucase ? Notez encore ceci. Il ne s'agir pas là d' une action terroriste, mais d'une opération de guerre intérieure. Or la guerre, inté­ rieure ou extérieure, n'est pas hors la loi. Il n'y a que le ter­ rorisme qui soit hors la loi. Ce qui est on ne peut plus logique, puisque !es Nations Unies sont ma1tresses du monde, que les Etats-Unis sont les rna1tres des Nations Unies, et que seules !es opérations terroristes peuvent encore gener les Etats-Unis. Je le répète : tout cela est d'une logique adrnirable. Les Etats­ Unis d' Amérique possèdent l 'armée la plus performante. Sur terre, sur mer, dans les airs et les étoiles, sa puissance de feu est terrifiante. Engagée dans une guerre de grande dimen­ sion, elle écraserait n'importe quel ennerni. Meme sans le nucléaire. Qu'elle n'hésiterait pas à utiliser, si le besoin s'en faisait sentir. Hiroshima, mon amour, rappelle-toi, Barbara. Mieux vaut tuer les boys des autres que laisser tuer les siens. C'est encore on ne peut plus logique. La seule forme de guerre où la supériorité de l' arrnée arnéri-

caine est moins absolue est la guérilla, !es commandos sui­ cides, !es sabotages, !es attentats, en un mot, le terrorisme. Il est donc normai et logique que les Etats-Unis mettent le ter­ rorisme hors la loi et invitent les autres nations à l'imiter. Ce qu'elles s'empressent de faire quoique tous les gouvemements, à un moment ou à un autre, se soient servis du terrorisme. A commencer par Israel : son comportement dans les régions "sous controle" relève du terrorisme. A commencer par la France. L'explosion du Rainbow Warrior, qu'était-ce, sinon une opération terroriste, montée sous la responsabilité du président socialiste François­ Tartuffe Mitterrand, celui qui exigeait le retrait des bombes des bombardiers du Bourget avant d'honorer le Salon aéro­ nautique de sa présence ? A commencer par les Etats-Unis. Laisser le blocus assassiner 500 000 enfants irakiens depuis le fin de la guerre du Golfe, c'est du terrorisme, sur une grande échelle. Le terrorisme, c'est camme l'enfer. C'est les autres . . . Et il n'y a que le ter­ rorisme des autres qui puisse gener Israel, la France ou les Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, en obtenant du gouvemement mondial de fait qu'il mette le terrorisme hors la loi, le grand Bill a prouvé une fois de plus que ce gouvemement existait, qu'il en était le président, quelquefois discuté, mais le président tout de meme, et qu'il l'obligeait à défendre des intérets qui étaient au premier chef des intérets américains. Cette nouvelle avance vers la mondialisation de la politique américaine, symbolisée par le "talon de fer" dont parlait Jack London, parait de mauvais augure. Certains spécialistes prétendaient récemment que l'Europe n 'intéressait plus les Américains. Ils se concentraient sur leur cote ouest, le Pacifique, l'Ex.treme-Orient.

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C'est possible. Ce n' est pas une raison pour qu' ils se désintéressent de l 'Est. Ils ne le peuvent pas. Ne serait-ce qu'à cause d'lsrael, du pétrole et du marché russo-européen. A-t-on jamais vu un candidat américain à la présidence mésestimer le lobby israélien ? A-t-on jamais vu un financier américain ne pas tenir compte du pétrole ? A-t-on jamais vu un riche, si riche qu'il fGt, refuser de nou­ velles richesses ? Un profiteur ne plus profiter ? Un mar­ chand bouder le commerce ? Nous avons, me semble-t-il, beaucoup à craindre des Etats­ Unis d' Amérique et dans beaucoup de domaines : écono­ mique, politique, technique, commerciai, sans parler de la vie quotidienne et de l'indépendance de la patrie, « le bien le plus précieux », disait Maurras. Normalement l'Europe devrait constituer une force de résistance à l a pénétration américaine. A considérer ce qui se passe à Bruxelles, l 'Europe actuelle serait plut6t une faiblese et une aide à l ' in­ vasion. Au lieu de se grouper autour du grand Bill, il serait plus utile de se grouper contre lui. Ce ne serait pas un mauvais ciment. Il pourrait aider à la coalition des nations d'Europe conscientes du péril. Est-ce possible ? Je laisse à mes amis, Ies vrais politiques, mieux informés que moi, le soin de répondre. (21 mars 1996)

la mi-décembre, M. Chirac invita à l'Elysée cinq jouma­ Quatre funeste& listes de modeste format. IJ leur tendances expliqua que les Français étaient des gens impossibles, conservateurs de surcroit, ce qui rendait les réformes difficiles. Selon les sondages, une majorité de Français fut satisfaite de ces màles propos. Quinze jours plus tard, M. Chirac s'invita dans vingt millions de foyers. Il leur expliqua que les Français étaient des types épa­ tants, ingénieux, entreprenants, enthousiastes. Il suffisait de leur souhaiter : bonne année, bonne santé, et le paradis à la fin de vos jours, pour qu' ils entreprennent de grandes choses. Curieusement les Français apprécièrent moins ces compliments. Se laisseraient-ils moins bourrer le mou que par le passé ? Je n'ose l'espérerer . . . Mais les vreux échangés manquaient de confiance et d'élan. Visiblement un grand nombre de Français paraissaient douter que 1997 fiìt en mesure de modi­ fier les funestes tendances de 1996. A savoir : la surpuissance américaine, l' absence européenne, l' impuissance française, la naissance de l' antiracisme. 1 - La réélection de M. Clinton marque l' apogée des Etats­ Unis, première puissance économique, financière, militaire, politique et "culturelle" du monde. Cette volonté d'hégémo­ nie planétaire est partagée par son riva! républicain. Celui-ci trouve meme que Clinton n'y va pas assez fort avec les "natives" récalcitrants d'lrak, de Palestine, de Serbie, de France. En ce qui nous concerne, le veto mis par Washington à la nouvelle candidature de Boutros-Ghali, l' élection de Kofi Annan, les manreuvres américaines à Bruxelles, le tor­ pillage des initiatives de Paris au Rwanda et dans l'ex­ Yougoslavie, sont les signes les plus récents de l'hostilité américaine à une indépendance réelle de la France. L'ONU est devenue ostensiblement la Chambre Haute du gouveme-

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ment planétaire américain. L'ennemi n ° I de celui-ci est le nationalisme. Il pourrait cristalliser la résistance des indi­ gènes à la colonisation en cours. Les dirigeants américains et leurs alliés sont donc décidés à l'éradiquer partout et d'abord en France. Il y a ses lettres de noblesse. Il y trouve de puis­ sants échos dans le peuple. La France est devenue l'alliée cabocharde. Ses velléités de résistance pourraient servir d'exemple aux autres. Il faut la mettre au pas et la mater. 2 - Cette surpuissance agressive des Etats-Unis est facilitée par l'absence européenne. L'Europe, c 'est la nouvelle Arlésienne. On en parie toujours. On ne la rencontre jamais. Elle n'existe que sur le papier ; dans les plans des financiers qui mènent le monde et pour lesquels le seul avenir qui compte est celui des marchés ; dans les calculs des politiciens embourbés et qui espèrent que l'addition des problèmes per­ mettra de les résoudre ; et dans )es chimères contradictoires des astro-idéologues. On ne se soude que contre, c'est bien connu. L'Europe n 'avait pas réussi à se souder quand la Russie soviétique et son glacis, avancés jusqu'à Berlin, la menaçaient de la Baltique à la mer Méditerranée. Elle ne se soudera pas davantage aujourd'hui qu'elle se refu se à reconnaitre la menace américaine et les périls de l'immigration-invasion turque, arabe et noire. Non seulement l'Europe ne s'oppose pas à la colonisation, mais elle la facilite. La Grande-Bretagne est la tete de pont historique du pan-américanisme en Occident. D 'autres pays y sont acquis : des petits comme la Belgique ; des anciens grands devenus moyens comme l'Espagne ; des géants éco­ nomiques qui sont des nains politiques, comme l' Allemagne. A chaque événement, meme les europhiles doivent recon­ na1tre que les intérets des nations européennes ne convergent pas et qu'il n'y a ni solidarité ni politique européennes.

_________ a'iQ!)')('Jomf~ �aò.Jtzr/. ________ ... Des Français de bonne foi sont persuadés que la France trou­ verait dans l'Europe sans frontières une force supplémentaire et un remède à leurs maux. Ils se trompent. Ceux-ci seraient aggravés et la force est illusoire quand on ne la commande pas. L'abandon d'une partie de notre souveraineté à une nébuleuse cosmopolite ne nous profiterait en rien. Pour en etre convaincu, il suffit de considérer l'état (et les Etats) de l 'Europe d'aujourd'hui. Si la France est le seul pays euro­ péen (avec l ' Autriche peut-etre) à posséder un mouvement national fort, vigilant, talentueux, ce n 'est pas un hasard. Croyez-vous que le Front se renforcerait en se dissolvant dans des pays où la pression du cosmopolitisme est encore plus grande que chez nous ? 3 - L'idéal serait une France forte dans une Europe solidaire. Nous en sommes loin. L'Europe est éparse et la France impuissante, à l'extérieur comme à l'intérieur. M. Chirac a pris le pouvoir à la hussarde avec une majorité colossale mais des pieds d'argile, sans plans arretés, immédiatement applicables, comme s'il n'avait pas cru à son élection. Depuis bientot deux ans, il patauge. Il patouille, il fait des lois qu'il n'applique pas et des expériences, généralement malencontreuses, qu'il ne conduit pas à leur terme. Il dit qu'il y a urgence, mais il tem­ porise et renonce. Il n' a pas apporté un début de commence­ ment de solution au chomage, pas plus qu'à l'insécurité, à l'imrnigration, à l'enseignement, à la Corse, etc. Le pays est un immense chantier judiciaire, une gigantesque entreprise de démolition et de décomposition; Voilà maintenant que le géné­ ral Hiver se met contre lui. C'est l'impuissance française dans tous les domaines, y compris l 'étranger où M. de Brouette n'a plus qu'une roue à son carrosse. Cette impuissance française vient de l 'abandon par la gauche intemationaliste, comme par le centre et la droite mondia­ Iistes, de la patrie, terre des pères, et de tout ce qui la com­ pose : la terre, l ' histoire, la langue, le sang, la race, la reli-

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gion, les mreurs, les tombes et les berceaux. Pourquoi lutterait-on pour un pays que personne ne vous apprend plus à aimer, à respecter, à honorer, ne serait-ce qu'en lui rendant un peu de ce qu'il vous a donné ? Pour un enfant, rien ne remplace sa mère. Pour un peuple, rien ne devrait remplacer sa patrie, surtout lorsque cette patrie s' ap­ pelle la France, cette nation aussi diverse que son sol et que son ciel, où !'on ne se sent ni à l'étroit, ni trop au large tant elle est à l'échelle humaine . . . Elle fut le pays courtois où le courage avait de la grace et du panache, la terre de la tradi­ tion et de l'imagination, du travail, du sacrifice et de la fete. Elle est à la base de toute bonne politique, la politique des hommes et des femmes de France, conscients du privilège d'etre français et qui sont résolus à le rester. C'est avec un peuple ainsi formé que l'on peut entreprendre une politique de mesure et de sagesse, mais aussi de présence et d'exigence, à base d'alliances et d'échanges. Hors de ces humbles vérités nationalistes, il n'y a qu'impuissance et l'on ne peut rien construire sur l'impuissance. 4 - Il faut donc toujours et encore revenir à la nation : la terre ne ment pas, ce qui est la hantise du mondialisme. Devant la progression du Front national, il a inventé l' antiracisme. C' est un leurre, e' est une glu. Elle pennet de coaguler tous les tenants de l 'impuissance française que leurs intérets poli­ ticiens semblaient séparer. C'est la franc-maçonnerie qui se charge de tendre des passerelles entre les partis et les organi­ sations hier encore divisés. Les lobbies d'influence, les syn­ dicats de pression, le parti médiatique, les Eglises, l ' aident. Il est certain que s'il devient délictueux de parler de la race, de l'héritage, de la préférence nationale, des droits différents qui doivent etre ceux des Français chez eux et des étrangers chez nous, il devient difficile d'exalter la nation. Bient6t il sera suspect de se dire français et interdit de s'affinner national. Nous avons assisté à la naissance de cet antiracisme de paco-

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sur un banc de maison, et regardait s'éloigner un groupe de soldats qui chantaient. Avant de disparaitre, l'un d'entre eux se retournait. Il faisait un grand geste du bras. Au revoir, petite Monica, ma chère compagne, nous reviendrons, au pas allègre de la paix . . . Le monde a changé, les mceurs aussi, ]es sentiments . . . Aujourd'hui, Monica, c'est un nom d'hotel de passe. Je la vois dans les couloirs de la Maison Bianche, l'air décidé sous son casque de cheveux noirs, tout scurire, éclairs d'yeux fri­ pons, roulades de gorge, faisant tournoyer son sac à lanière, en route vers le Bureau Ovale. On devrait dire Avale . . . Vous trouvez peut-etre que j'ai l'allusion graveleuse. C'est le sujet, et l'air du temps. Et puis je m'y sens autorisé. Le Figaro, !'arbitre des bonnes manières, donne l'exemple. Et en première page, s'il vous plait. Jeudi, Jacques Faizant, si réservé, si pudique, qui pour ses lecteurs ne s'autorisait à monter que sur son vélo, plaçait toute l'affaire sous le patro­ nage de Saint-Claude. François Mauriac a diì se retourner dans sa tombe. Vendredi, toujours dans l'austère Figaro, Faizant en a remis une couche. Monica Lewinski était devenue une ingénue. Légende : Quand elle a entendu le président des Etats-Unis lui dire : « Regardez le petit oiseau qui va sortir », elle a compris qu'il allait la photographier, et elle est restée bouche bée !

Ce n'est pas à l'époque de Pierre Brisson que les lecteurs du Carnet mondain auraient trouvé une plaisanterie de celte farine. Ce n'est pas qu'elle me déplaise. Faizant a raison de se moquer. Les dimensions prises par ce scandale me paraissent disproportionnées au regard de sa cause. Je trouve dérisoìre l'émotion provoquée par un événement aussi mineur. Il faut bien que les bureaux officiels servent à quelque chose. Depuis que le monde est monde, un nombre colossal d'em­ pereurs, de rois, de monarques de tout gcnre, de chefs de tout

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poil, de présidents, catholiques, protestants, mahométans, animistes, bouddhistes, francs-maçons, a culbuté les ber­ gères, puis les secrétaires, quand les bergères cessèrent de promener leurs blancs moutons pour taper à la machine. Un nombre aussi impressionnant d'entre eux s'est arraché, un instant, au service du peuple, pour consentir aux gateries que venaient leur offrir, à dornicile, des bienfaitrices de l 'huma­ nité, soucieuses du confort de l'homme d'Etat. Sans remonter plus loin que sous Mitterrand, s'il avait fallu mettre en branle la Justice à chaque robe tachée, un service spécial de policiers et de magistrats enqueteurs n' y eut pas suffi. Heureusement, de Gaulle était un sage. Il prévoyait les débordements. Aux termes de sa Constitution, le président de la République est pratiquement intouchable. Je veux dire par la loi. C'est d'autant plus généreux de sa part que lui n'y touchait guère. Ni Londres, ni Alger, ni Paris ne l'ont repré­ senté camme la terreur des secrétariats. Tante Yvonne ne pra­ tiquait pas l'échangisme. Tout ce remue-ménage n' est pas bien grave. Ce qui est grave, c'est le monde américain qu'il fait apparai'tre et les consé­ quences politiques directes ou indirectes qu'il provoque. J' ignare si l' ancien joueur de saxophone de l 'Arkansas a jamais entendu parler d' Arthur Meyer, le directeur du Gaulois. En tout cas il se comporle camme lui. Meyer avait enfreint les règles d'un jeu de société. Lors d'un duel avec Drumont, il saisit d'une main l'épée de son adversaire, pour lui planter la sienne au travers de la cuisse. Horrifié par ce manque de délicatesse, il s'effondra ensuite en balbutiant : - Il faudrait une grande guerre pour faire oublier tout ça ! Pour faire oublier qu'il baissait volontiers son pantalon devant )es personnes du beau sexe, que Mlle Lewinski l' avait embou­ ché pendant les heures de travail, et qu'il avait nié sous ser-

ment la réalité de faits qui finiraient par etre prouvés, le prési­ dent des Etats-Unis envisagea froidement de provoquer une seconde guerre contre l'Irak - pays mille fois plus faible que le sien et affaibli par le bloèus. Ses troupes d'élite se massèrent au Koweit. La marine et I' aviation furent mises en alerte rouge. Le compte à rebours commençait. L'ONU était sommée de couvrir l'opération. A la stupéfaction du monde entier, le secrétaire général refusa. L'histoire de la petite Monica devait lui donner des audaces nouvelles. Il voulait conduire une der­ nière négociation. La paix fut sauvée. Mais l'homme le plus puissant de la terre avait perdu la face. Ce scénario-catastrophe pour des amuse-bouche ne faisait pas très sérieux. Ce qui l'était encore plus, c'est de renoncer à une guerre déclarée juste, nécessaire et indispensable. Israel, la communauté juive des Etats-Unis, sa puissance électorale et son lobby considérèrent cette volte comme une reculade. C'était la seconde. Une première fois, le président Bush s' était dérobé. Il n' avait pas voulu écraser Saddam Hussein dans les ruines de Bagdad. Bush l'avait payé cash. Sa réélec­ tion s'annonçait t1iomphale. Elle se solda par une défaite. Le président Clinton paierait aussi. Il paye déjà. Soutenu par !es Juifs américains, Jérusalem nargue Washington. Il consi­ dère !es accords signés sur !es territoires occupés et le pro­ cessus de paix comme des chiffons de papier. Il viole les résolutions de l'ONU. Il tient le peuple palestinien sous la botte militaire et le talon de fer de l'économie. La situation a échappé au président des surpuissants Etats-Unis d' Amérique. Bill Clinton est comme tenu en laisse. Tout est exploité contre lui. Méme les attentats contre les ambassades de Nairobi et de Daar el-Salaam de la semaine dernìère. A mots couverts, on laisse entendre qu' ils seraient la preuve de la fai-

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blesse du Président. Il n' a pas de politique. Il n 'est plus res­ pecté. Il n' est plus craint. Un "spécialiste", très proche des milieux sionistes britan­ niques, tient d'autres propos - plus effarants. - Juste en plein rebondissement du feuilleton lubrique, alors que des copies de l'interrogatoire de Mlle Lewinski courent sous le manteau, ces attentats font un bruit bizarre. Les causes peuvent en etre multiples et croisées. Nous sommes dans le domaine de la manipulation. Mais à qui profite le crime ? Aux islamistes égyptiens ? C'est bien vrai ce mensonge-là ? Qui aurait intéret à faire diversion ? A souder le peuple américain autour de son président défaillant ? Ou à le faire croire ? Car le billard est à quatre bandes . . . Etrange pays. Les Etats-Unis d' Amérique veulent se donner en modèle au monde. Il suffit pourtant d'une misérable affaire de mreurs pour découvrir que leur Président exemplaire est un maniaque sexuel, un obsédé de la turlute, rusé, roublard, mais aussi benet et naif, comme peuvent I' etre les gamins vicieux ; un excellent comédien mais qui devrait laisser à d'autres le choix de ses roles et l'écriture de ses textes ; un persévérant avec du charme, de la séduction, de l'intuition, peu de scrupules, la volonté d'arriver et de se maintenir par tous !es moyens ; un débrouillard, compromis dans vingt affaires louches, dont il arri ve toujours à se tirer de justesse ; un menteur, un truqueur, un tricheur qui vit entouré d'aven­ turiers, d'aigrefins, d'intrigants, d'espions, d'agents secrets, d'une bonne femme qui enregistre les confidences de sa meilleure arnie pour les refiler au juge, d'une pute qui planque sa robe souillée pour s' en servir le cas échéant contre son amant. . . Quel cloaque social . . . Comme je préfère ma petite Monica de jadis, assise devant sa maison de bois, qui regardait s' en aller les soldats. (13 aoz'ì.t 1998)

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- Que pensez-vous de l'ajfaire Pinochet ? - Je pense que le général Augusto Pinochet Pinochet a été mal informé, mal conseillé et imprudent. S'aventurer dans la barbarie européenne, sans garanties ni protections, n'est pas digne de l'homme qui sauva le Chili du chaos, rétablit l' ordre et la prospérité, se maintint au pouvoir jusqu'en 1990, et à la tete de l'armée jusqu'en 1997. A son age (il est né en 1915), il aurait dfi faire confiance aux médecins et chirurgiens chiliens et se méfier de la tyrannie universelle des soi-disants Droits de l'homme. - Comment expliquer l'attitude de la Grande-Bretagne ? - L'attitude de la Grande-Bretagne n'est pas encore définitivement arretée. Cependant les décisions de la Justice et des Law Lords révèlent la montée du mondialisme et la puissance de 1' idéologie gauchiste dans les organismes qui en préparent le pouvoir en détruisant celui des nations. - Pinochet est accusé de crimes contre l 'humanité. Qu 'en est-il réellement ? - La notion de crimes contre l'humanité est récente et à géo­ métrie variable. Elle fut inventée essentiellement pour rendre imprescriptibles les crimes dont la communauté juive avait été victime pendant la guerre. Mais à Katyn, Dresde, Hiroshima, Deir Yassin, Sabra et Chatila, Hébron, et dans tant d'autres lieux où des milliers et des millions d'innocents furent sacrifiés à une cause, on chercherait en vaio les crimes contre l'humanité. Je n' ai lu nulle part que le général Pinochet était antisémite. Ce qui est certain, c'est qu'il était anti-marxiste. Cela suffit à rendre imprescriptibles les crimes de guerre civile qui lui sont reprochés. - Pouvez-vous préciser ? - L'Etat chilien date de 1817, où O'Higgins, descendant

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d'Irlandais, réussit à battre les Espagnols, à Chacabuca. Il entra à Santiago et fut nummé « directeur supreme ». Dès lors le Chili allait connaitre des affrontements réguliers, allantjusqu'à l a guerre civile et le coup d'Etat, entre les libé­ raux et les conservateurs. Les premiers voulaient un régime fédéral, les seconds un Etat centralisé, l' ordre et le progrès. Au cours des années, on constata un glissement à gauche de la politique chilienne. Le Front populaire fut au pouvoir de 1938 à 1952. Le Chili fut le premier pays de l' Amérique latine à posséder des ministres communistes. Moscou en avait fait un de ses bastions. L'extrème gauche (MIR) y était aussi très active. Ce qui explique l'émotion et la fièvre actuelles. L'Union populaire de Salvatore Allende arri ve au pouvoir en 1970. Elle n'est majoritaire au Parlement qu'avec les voix des démocrates-chrétiens. En 197 1, ceux-ci se retirent de la coalition. Le rapprochement avec Castro effraye les possé­ dants. On assiste à un effondrement économique et financier du pays (180 % puis 300 % d'inflation). La récolte de blé chute de moitié. La balance commerciale est en déficit. Les ménagères descendent dans la rue, suivies des commerçants et les camionneurs. Le Chili est paralysé. Un régiment de blindés se soulève. Allende nomme le général Pinochet chef d'état-major, puis commandant en chef de l'armée. La majo­ rité parlementaire craint qu' Allende n'impose une dictature de gauche et d'extrème gauche, comme le demande le MIR. C' est le contrai re qui se produit. Pinochet déclenche le coup d'Etat. Il balaye le gouveme­ ment. Dans son palais déserté, Allende se suicide. Le général Pinochet qui a pris la tète de la junte militaire engage une batai lle impitoyable contre les éléments armés du camp marxiste. Les étrangers y sont nombreux : les nouvelles Brigades intemationales sont dans l ' air. Ce qui explique aussi la mobilisation actuelle. Il y a des atTestations, des dis­ paritions, des exécutions sommaires, des torturesé

- D 'où crimes contre l'lmmanité ?

- II serait plus exact de dire : crimes révolutionnaires ou contre-révolutionnaires, comme on voudra. C'est le lot de toutes les guerres civiles, lesquelles sont !es plus terribles, surtout pour les vaincus. L'appellation « crimes contre l'lm­ manité » n'a été choisie que pour empecher la prescription. Mais ce qui s'est passé au Chili s'est passé dans de nombreux pays de la planète. Rares sont les pays qui n' ont pas imposé leur système dans la violence et le sang, la répression et la persécution. A commencer par le n6tre. - Nous avons commis des crimes contre l'lmmanité ?

- Auriez-vous oublié la Révolution française, glorifiée dans nos écoles et dont on a feté fastueusement le Bicentenaire ? Qu'est-ce donc que la Révolution sinon une polìtique concer­ tée et une pratique systématique de la violence, de la police, de la torture, de l'assassinar, de la terreur pour imposer une idéo­ logie à un peuple ? Faut-il rappeler !es massacres dans les pri­ sons, la politique d'extermination de la Convention en Vendée, à Lyon, partout . . . La guillotine à roulettes, les tribunaux révo­ lutionnaires, la délation instaurée comme une vertu républicaine. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! tous !es aristos à la lanterne, c'est du génocide citoyen . . . Or tous !es responsables de cette sauvagerie, les Robespierre, Saint-Just, Couthon, Danton, Marat, Fouquier-Tinville n 'étaient que des enfants. La Résistance allait fai re beaucoup mieux. Ce n'est pas moi, c'est M. Teitgen qui l'a dit, le garde des Sceaux et ministre de la Justice du général de Gaulle, puis de Félix Gouin Vous jugez sans doute que par rapport à Robespierre. Danton et d'autres, le garde des Sceaux qui est devant vous est un enfant. Eh bien, messieurs, ce sont eux qui sont des enfants si l'on en juge par les chiffres (Assemblée nationale, 6 aofit 1 946).

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M. Jospin et Mme Guigou comprennent, justifient, approuvent les crimes contre l'humanité commis par l a Résistance et la Révolution. Comment peuvent-ils s'indigner quand des crimes semblables ont été couve1ts par le général Pinochet, un homme qui, après avoir stoppé net la révolution marxiste au Chili, a décrété l' amnistie, permis le retour des exilés et ramené au pouvoir les démocrates-chrétiens ? Un homme qui, après avoir été nommé « chef supreme de l 'Etat », à l'imitation de O'Higgins, s'est contenté, plus démocratiquement, du titre de président de la République ?

- Les crimes contre l'lmmanité dont vous parlez appa11ie1111ent au passé. - Je vous l'ai dit. La prescription n'existe pas pour !es crimes contre l'humanité. Les applaudir, c'est en etre les complices. Et puis il y a le présent. Mme Guigou demande l'extradition du général Pinochet, comment peut-elle accepter que le « pré­ sident » Kabila et deux douzaines de rois nègres, dont beau­ coup ont du sang jusqu'aux oreilles, puissent venir en toute impunité parader et palabrer en France, la patrie des Droits de l'homme ? M. Jospin se félicite que le dictateur Pinochet soit punì au nom de la Démocratie uni verselle. Mais cela ne l' em­ peche pas d'entretenir !es meilleurs rapports commerciaux, culturels et autres avec ces dictatures que sont l 'Iran et la Chine communiste. C'est l'usage de la torture au Chili, il y a plus de vingt ans, qui décida trois Law Lords sur cinq, lord Hoffmann, lord Steyn (originaires d' Afrique du Sud) et lord Nicholls (travailliste) à permettre l'extradition du général Pinochet. Pourquoi ne demandent-ils pas l 'extradition et la comparution devant le tribuna! de La Haye de Benyamin Netanyahou qui, aujourd'hui, autorise officiellernent la pra­ tique de la torture dans les prisons d'Israel ? - En conclusion ? - J'espère que la Grande-Bretagne, malgré son gouverne-

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ment travailliste et ses lords, finira par obéir à la loi de l'hos­ pitalité en refusant la loi de la jungle que veulent imposer )es tartuffes rouges omniprésents dans tous )es médias. Ce n'est pas extrader le général Augusto Pinochet qu'il fau­ drait, mais lui édifier une statue. Il a sauvé son pays du pire. Cela mérite reconnaissance. Je regrette qu'il ne soit pas né à Moscou, vers 1880. En 1917 il aurait écrasé la révolution bolchevique. Cela eGt évité au monde quelques malheurs. (3 décembre 1998)

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CHRONIQUES

IV • Histoires juives

Les malédictions d'lsrael

Après de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac...

es initiales sont les mèmes : JC. L'idée ne viendrait pour­ tant à personne de dire : Notre-Seigneur Jacques Chirac. Mème à Jérusalem, la semaine dernière, sur les lieux du crime des crimes, quand nous l'avons vu monter la rue étroite de la vieille ville, pressé par les gardes hostiles, ce n'était pas à Jésus-Christ que Chirac faisait songer mais à ses prédécesseur, de Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand, victimes comme lui de la vindicte d'Israel. Le général de Gaulle nourrissait pour l'Etat hébreu une amitié particulière. On cite souvent son toast : « Israel, notre ami, notre allié... », prononcé d'une voix vibrante, quoiqu'il n'exis­ tat aucune alliance entre Paris et Tel-Aviv. Au nom de ces liens mystérieux et privilégiés, en 1967, il avait mis en garde le ministre des Affaires étrangères d'Israel, Abba Eban : « Ne

faites pas la guerre. En aucim cas ne soyez /es premiers à ouvrir [es hostilités. »

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Pour donner plus de poids à son avertissement, il décidait « / 'arret tota[ et immédiat » des envois d'armes au Moyen­ Orient. C'était le 2 juin. Le 5, l'armée israélienne attaquait sur tous !es fronts. La guerre des Six jours s'ouvrait par l'écra­ sement, au sol, de l'aviation égyptienne. Elle était finie le 11. Partout victorieux, !es soldats de la Paix (Shalom ! Shalom !) occupaient le Sinai', le Golan et la Cisjordanie. L'embargo - qui ne fu t ni ne devait etre jamais respecté - ne les avait pas genés. De Gaulle le maintenait néanmoins. Il condamnait Israel. Il refusait de « tenir pouf acquis les changements réulisés sur le terrain par l 'action militaire. » Le 27 novembre, dans une conférence de presse demeurée célèbre, le général de Gaulle osait parler de l'implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables [ . . .] l'Etat d'lsrael guenier et résolu à s'agrandir [ . . . ] un peuple sfir de lui et dominatcur [ . . .] organise sur les tenitoires qu'il a pris l'occupation qui ne peut aller sans oppressions, répressions, expulsions, et il s'y mani­ feste contre lui une résistance qu'à son tour il qualifie de terrorisme.

Aussitot les schofars sonnaient dans tous les coins. Le Grand Rabbin Kaplan accusait le général de Gaulle de donner la plus haute des cautions à des campagnes de discrimi­ nation.

Raymon Aron, que l'on tenait pour un esprit supérieur et modéré, écrivait : Le général de Gaulle a sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l'histoire juive et peut-etre de l'antisémitisme.

Six mois plus tard, en mai 1968, un chahut d'étudiants, conduit par des meneurs en majorité juifs, orchestré par !es radios, toumait au soulèvement et ébranlait le pouvoir gaul­ lien. Encore onze mois et il s'effondrait, au soir du référen­ dum perdu. Commentaires François Mauriac : (I).

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J'ai vu quelques mais avant le référendum des hommes que la poli­ tique du général vis-à-vis de Jérusalem rendait fous. Et ce n'étaient pas des individus dépourvus de moyens.

Léon Noel, ambassadeur. Il dénonçait les "Israéliens de France" : Lors du fatai référendum d'avril 1969, leur opposition a pesé sur le résultat au point qu'il n'est pas exagéré de !es tenir pour respon­ sables, en grande partie, du résultat.

Edmond Michelet, ancien déporté, ministre de la Justice, ministre d'Etat : Ceux qui ont fait basculer effectivement la majorité, ce sont des centaines de milliers de Ju ifs [ . . . ] Ils ont entre leurs mains une grande partie des moyens de communication.

L'é)ection de Georges Pompidou fut aussi bien accueillie dans la Communauté qu'à Tel-Aviv. Le nouveau Président s'était formé chez les Rothschild. Ses ministres, Michelet, Frey, Pleven, Schumann, Chalandon, Duvillard, Mondon, étaient des amis d'Israel, à commencer par le Premier : Chaban-Delmas. Lorsque les vedettes de Cherbourg quittè­ rent le port, dans la nuit de Noel 1969, malgré !es instructions du gouvemement français, et gagnèrent la haute mer en direction d'Haifa, Pompidou s'écrasa. Il n'exprima qu'un mécontentement mesuré et saluait bientòt l'ambassadeur Asher Ben Nathan d'un vigoureux "shalom !". Pompidou ne leva pas l'embargo, mais accepta qu'il ffit toumé : En tant que président de la commission de la Défense nationale pendant cinq ans, je puis vous assurer que la somme des pièces détachées que nous envoyions à Israel lui permettait de reconstituer intégralement ses Mir�ges.

déclara Sanguinetti au Monde (16 octobre 1973). Mais avec Israel on n'a rien donné quand on n'a pas tout donné. Pompidou voulait commercer avec les pays arabes.

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La vente de Mirages à la Libye déclencha l'incendie. En février 1970, invités par Richard Nixon aux Etats-Unis, M. et Mme Pompidou allaient rencontrer la fureur juive. A Chicago, l'hotel Palmer House où ils résidaient fut encerclé par une foule frénétique. Douze mille personnes levaient le poing et criaient : « Honte à vous, Monsieur Pompidou. » Des énergumènes à papillotes réussirent à pénétrer dans le hall. Le Président et sa femme, sortant de l'ascenseur, furent bousculés et insultés. - Ces manifestations mettent une tache sur le front de l'Amérique, dit Pompidou. Il parla aussi d'Israel comme d'un « Etat racial et religieux ». Sa mort prématurée empecha la désagrégation d'aller plus avant et l'animosité se concentra sur son ministre des Affoi • • res étrangères : Michel Jobert. Avec Giscard d'Estaing tout commença très bien et se gata très vite. Comme pour ses devanciers, notre politique arabe exaspérait l'Etat juif et la Communauté en France. Ils n'ac­ ceptaient pas que les intérets français pussent etre différents des intérets israéliens (voire opposés). L'affaire de la centrale atomique de Bagdad (négociée par Chirac), l a libération d'Abou Daoud (le terroriste palestinien dont Israel réclamait l'extradition), l'absence du Président lors de l'attentat contre la synagogue de la rue Copemic, aggravèrent encore les conflits. A l'instigation de l'actuel président du CRIF, et avec la tacite approbation du gouvemement israélien, i l se forma, dans la Communauté, un mouvement électoral contre Giscard. La passion poussant, on alla jusqu'à la fabrication d'un faux. Un montage photographique représenta le Président regardant Israel à la jumelle, depuis un fortin jor­ danien. Giscard fut battu. Chirac, son ex-Premier ministre, participa à l'exécution. Il avait beaucoup à se faire pardonner. François Mitterrand n'échappa pas à la malédiction. Malgré

--------- o�0or� ~ r>Ja� -------son intéret pour l'histoire juive et l'engagement d'un de ses fils dans un kibboutz, malgré une politique globalement favorable à l'Etat et au peuple juifs, malgré Carpentras et sa présence à la manifestation (c'était la première fois depuis la Libération qu'un chef de l'Etat participait à de semblables exhibitions), durant ses deux septennats Mitterrand fut per­ sonnellement pris à partie, conspué et menacé par des patriotes juifs. On le vit, rue des Rosiers, après l'attentat ; rue Copemic, lors de la manifestation contre l'arrivée d'Arafat à Paris, où la foule cria ce que Le Monde retint en titre le lende­ main : Mitterrand tralzison (3 mai 1989) ; devant la plaque commémorative de la rafie du Vel'd'Hiv' où les injures étaient si vives que Badinter dut prendre la parole pour calmer l'in­ dignation. Sans parler de nombreux autres incidents aussi vifs que révélateurs. Voici le tour de Chirac. Depuis 1980, on sait à qui il a fait allégeance. Ovadia Soffer (ambassadeur d'lsrael en 1981), le B'nar B'rith, ce sont les mots de passe d'une réussite. Son atti­ tude à Jérusalem peut etre un piège où ùonneront Jes Palestiniens, dont il parait désormais le défenseur. Dans le cas contraire, il connaitra, en pire, ce qu'ont connu ceux dont il est l'héritier. On s'en consolerait s'il n'essayait pas de se défendre, de se bianchir et se réhabiliter, en aggravant les lois dites antiracistes et toutes les démonstrations extérieures qu'elle appellent. (I) Citations prises dans l'ouvrage de Samy Cohen : De Gaulle, /es gaullisres ti /srall (Alain Morcau, 1974, p. 209). Ce n'cst pas un livre hostile awt sionistes.

(31 octobre 1996)

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National Hebdo - L'Etat d'lsraelfete le cinquantième anniversaire de sa Cadeau création. La plupart des pays du d'anniversaire monde participent à l'hommage. Néanmoins, un peu partout et jusque dans la communauté juive, on observe des réserves. Pour la première fois l'adhésion n'est pas una­ nime ni totale. On a meme parlé d'échec. Qu'en pensez-vous ? François Brigneau - Depuis quelques années, l'Etat d'lsrael a perdu son aura magique et l'impunité dont il bénéficiait depuis sa naissance. Le mythe du peuple de soldats-paysans, travaillant dur le jour dans le désert devenu jardin et veillant la nuit, fusil au poing, auprès des berceaux, s'est estompé. On a vu apparaitre l'image du colon agressif et brutal, n'hésitant pas à triquer l'indigène. Le massacre dans la mosquée, le meurtre d'Itzak Rabin, avec la complicité d'une fraction des services secrets, la non-observation des accords d'Oslo, la reprise des affrontements violents dans les territoires occupés ont retourné une partie de l'opinion. Elle a découvert la réa­ lité d'une politique qui existait depuis les origines mais qui avait été plus adroitement menée par des hommes de gauche (Ben Gourion) ou plus habiles (Begin). Beaucoup de gens ont pris conscience qu'Israel est un Etat militariste, théocra­ tique, raciste, au sens le plus étroit du mot, pratiquant offi­ ciellement une rigoureuse préférence raciale, et policier. Le pays que l'on prenait pour la patrie des opprimés s'était trans­ formé en pays d'oppresseurs. D'où un certain flottement dans le grand public, toujours sentimental. - Mais peut-on parler d'échec ? - Oui, mais en nuançant. Le cinquantenaire d'lsrael tombe en meme temps que le centenaire de son père fondateur : Theodor Herzl. Judenstaat (l'Etat juif), son livre dont tout est parti, parut en 1 896. L'aventure sioniste commença en 1 898. Il y a cent ans, Herzl, très préoccupé par l'affaire Dreyfus,

voulut résoudre le problème juif en créant un Etat juif, pour les Juifs, où viendraient s'installer tous les Juifs du monde entier, parce que là, et là seulement, ils seraient en sécurité. Si l'on considère l'histoire sous cet angle, force est de dire que l'entreprise de Theodor Herzl s'est soldée par un échec. PREMIÈREMENT. La création de l'Etat d'Israel n'a pas résolu le problème juif. Le preuve, c'est que dans toutes les nations d'Europe et d'Amérique, les communautés juives réclament un durcissement des lois contre l'antisémitisme, ou ce qui est considéré comme tel. Par exemple la critique des opinions véhiculées par les associations juives. DEUXIÈMEMENT. Tous les Juifs du monde entier -et en parti­ culier les Juifs de France - ne manifestent pas le désir de s'installer définitivement en terre promise, et désormais acquise. Ils continuent de psalmodier le vreu d'espérance : « L'an pro­ clzain à Jérusalem » (pourquoi attendre l'an prochain ?). Mais ils restent chez !es goyim. TR0ISIÈMEMENT. Enfin, le demier échec, et peut-etre le plus grave : les Israéliens sont moins en sécurité à Jérusalem ou Tel-Aviv que les Juifs à Paris, Londres, New York ou Moscou. - Alors, échec ? - Oui et non. Disons : apparence d'échec plus qu'échec réel. Echec et réussite . . . Le reve de Theodor Herzl et des premiers pionniers est demeuré une utopie. Il n'est pas impossible non plus que la politique d'Israel ait temi l'image du judai"sme. Mais, à coté de ces restrictions, il n'est pas douteux que l'existence de l'Etat d'Israel a augmenté considérablement la présence juive, et son importance politique, dans le monde. - Donc réussite ? - Incontestablement. On peut la mesurer à ceci. Longtemps les sionistes et leurs sympathisants ne furent qu'une petite

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minorité dans la diaspora. Ils en constituent ]'immense majo­ rité aujourd'hui. Les critiques ne visent plus la fondation de l'Etat juif, comme ce fut le cas. Elles s'adressent à l'actuel gouvemement et elles sont très modérées, pour ne pas appor­ ter de l'eau au moulin de l'adversaire. De leur c6té, quand les Israéliens reprochent aux Juifs de n'avoir pas suivi l'alyah - la loi du retour - c'est plus pour la forme que pour le fond. La diaspora est indispensable à l'Etat d'Israel. Sans elle il ne serait pas né. C'est la diaspora qui a arraché, en 1917, la déclaration Balfour, autorisant la création d'un Foyer national juif en Palestine. C'est la diaspora qui, en 1948, obtint aux Nations Unies les votes conjoints de l'URSS - jusque là hostile - et les USA, d'où naquit l'Etat hébreu. Sans la diaspora, Israel n'aurait pas survécu. Tout au Iong de son histoire, lors de toutes les guerres, de toutes les épreuves, de tous les événements, de tous les refus d'obéir aux résolutions de l'ONU, à l'occasion de tous les privilèges et passe-droits impudemment extorqués, Israel fut soutenu financièrement, militairement, diplomatiquement, politiquement, morale­ ment, par la diaspora. La diaspora savait qu'lsrael servait les intérets de la diaspora. Ceux - dont j'étais - qui crurent (ou espérèrent) que le sionisme, en transformant des ratiocineurs en soldats, en ajoutant le droit du sol au droit du sang, et en donnant une terre à un peuple de colporteurs errants, allait réduire l'influence des communautés juives dans leurs pays d'accueil étaient des niais. C'est le contraire qui s'est produit. Israel a donné plus de force, d'audace, d'autorité, d'exigences à ces communautés. Il leur a donné un autre visage, une patrie, un drapeau, une base arrière - et parfois un repaire pour des malfaiteurs issus de ces communautés. Israel a été un ciment supplémentaire à ce peuple dispersé et un avenir à cette immense famille éparpillée, qui n'avait qu'un passé. Certains Juifs redoutaient qu'Israel rétrécisse et affaiblisse le mondialisme de la diaspora. Il l'a au contraire élargi, tout en lui apportant un dynamisme nouveau. Israel a donné une

puissance accrue aux associations de pression et de défense des Juifs. Il en a augmenté l'impact. On en eut une époustou­ flante démonstration lors de la diablerie de Carpentras. A l'appel du CRIF, tout l'establishment politique était descendu dans la rue. Du PC au RPR, ils étaient tous venus, derrière le président Mitterrand, pour promener de la République à la Bastille le mannequin de Jean-Marie Le Pen, empalé sur un piquet, au milieu d'une foret de drapeaux israéliens. Sans avoir été mis en examen, le président du Front national était déjà condamné et exécuté. Tout le monde ne s'appelle pas Roland Dumas. A l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Etat d'lsrael, si je n'avais qu'une image à garder de sa réus­ site, je choisirais celle-là. Le Pen empalé au milieu d'une foret de drapeaux israéliens, quel aveu ! « C'est fabulezcc », disait Drumont, quand on lui rapportait des faits de ce genre.

- Certe réussite, la croyez-vous durable ? Pa,fois la télévi­ sion diffuse des images qui font froid dans le dos. C'esr un clzaudron où bout un concentré de /zaine. C'est vrai. Tout le monde veut s'étriper. Juifs contre Palestiniens, Juifs entre eux, traitant Rabin de nazi et l'abat-

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En terminant je voudrais ajouter une remarque. L'Eglise n'a pas toujours la vocation du martyre. Il arrive qu'elle pactise avec ses bourreaux et recherche la protection des puissants. On l'a vu sous la Révolution de 89, avec le clergé jureur. On l 'a vu à la fin du siècle demier .avec le Ralliement à la République maçonnique. On l'a vu lors de l'apothéose de la bourgeoisie capitaliste. Oublieux des misères des pauvres, nombre de prélats avaient leur couvert au nouveau chateau. Ce fut le temps de mon curé chez !es riches. La puissance a glissé. L'expiation de Drancy le montre. Désormais l'épisco-

--------- o-,\Qf>'l(JJOJIJ!, �a� -------­ �. pat joue mon curé chez les Juifs. C'est un signe. Que ce soit Mgr Lustiger, archeveque de Paris qui le trace en est un autre. (2 octobre 1997)

e vendredi 14 aoùt 1998, nous avons assisté à l'événement de D'où vient l'été : la repentance des banquiers l'argent ? suisses. Comme ce sont des calvinistes acharnés, èlle a dù beaucoup leur coùter. Exactement 1 ,25 milliard de dollars. Le geste n'en a été que plus beau. Venant après la repentance spirituelle de nos éveques et la repentance politique du président Chirac, cette repentance financière a été très appréciée· du peuple français. Pour lui, l'essentiel est le bonheur de la communauté juive. C'est en tout cas ce qui ressort de la lecture des journaux, de l'écoute des radios et de la vue de la télévision. Est-elle bien, la Communauté ? C'est la première question qu'il se pose le matin, au rév.eil, et le soir avant de l'abandonner au sommeil. Est-elle satisfaite de son sort ? S'estime-t-elle assez aimée et suffisamment appréciée ? Célèbre-t-on comme il convient ses réussites individuelles et collectives, qui sont prodigieuses, nul ne saurait en douter ? Rappelle-t-on • assez souvent et assez haut la longue liste de ses malheurs et sa grandeur dans les épreuves que D. infligea au peuple élu ? N'a-t-elle pas trop chaud, l'été, quand monte la canicule,· et trop froid, l'hiver, quand la bise pousse les frimas ? Quelqu'un ou quelque chose lui porte-t-il ombrage ? Qu'elle le dénonce sur-le-champ pour qu'on répare l'outrage et chatie l'impudent. Bref l'attention à la Communauté est le souci majeur du peuple français. C'est dire s'il vit aujourd'hui dans un état voisin de la félicité.

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11 aura fallu trois ans de discussions de marchands de tapis pour que l'Union des banques suisses consente à verser au Congrès juif mondial 1,25 milliard de dollars en dédommage­ ment des préjudices subis durant la Seconde Guerre mondiale. Par une bénédiction du ciel, ce vendredi-là, jour de sabbat (« le perir sabbar de Noel », dirait Alain Sanders), le dollar en a profité pour remonter et crever le plafond des six francs fran­ çais. Ce qui fait que le pactole toume autour de 7 ,5 milliards de francs français. Ce n'est pas rien. Certes nous sommes loin des sommes réclamées par les orga­ nisations juives. Celles-ci n'exigeaient pas moins de 20 mil­ liards de dollars et entendaient ne pas discuter. De leur coté, les Suisses, qui tondraient un reuf pour offrir une toison, déclaraient, la main sur l'arbalète de Guillaume Tel1, qu'ils ne dépasseraient jamais 600 millions de dollars. Dans l'impasse, la bataille de chiffonniers, commencée en 1995, s'étemisait. Depuis l'arrestation, la condamnation et la crucifixion de Notre-Seigneur Jésus-Christ jusqu'à l'assassinat d'Ytzhak Rabin, on sait que certains Juifs ne lésinent pas sur les moyens pour arriver à leurs fins. Pour faire plier les ban­ quiers, un vaste programme de boycott des intérets suisses aux USA fut mis au point par le lobby j uif, très puissant aux Etats-Unis. Il devait etre déclenché le 1 er septembre. Le 14 aout, les Suisses ont mis les pouces. ps sont passés de 600 millions à 1 ,25 milliard de dollars. Quoique s'obstinant à réclamer 20 milliards, le Congrès juif mondial s'est déclaré satisfait. Dans le commerce, il faut accepter de perdre pour gagner gros. Aux termes de cet accord, !es communautés j uives affirment

« re11011cer à route exigence à l'égard de l'Etat suisse, de sa Ba11que et de ses emreprises ». Il ne viendra à personne l'idée

de mettre en doute la qualité de cet engagement. Dans ces domaines, il arri ve cependant que le définitif ne soit que pro­ visoire. Genève annonce déjà que les compagnies d'assu-

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rances suisses seraient toujours dans le collimateur. M. Georges Quioc écrit dans le Figaro : Stimulées par l'accord signé avec les banques suisses. les organisa­ tions vont sans doute redoubler d'efforts sur d'autres pays. Et la France pourrait bientòt etre en tete de liste (14 aotìt 1998, pages saumo11).

Des chiffres circulent, justifiés par la position prise par le président Chirac. Selon les estimations officielles, la V< République va devoir verser 6,3 milliards de francs aux Juifs spoliés par le gouvemement de Vichy. On voit mal M. Strauss-Kahn s'opposer à cette réparation. Cette décision n'aura pas que des retombées financières. Ses conséquences politiques seront considérables. La V" République reconnait ainsi la légalité du pouvoir du maré­ chal Pétain. Donc la légalité de l'armistice. Du coup les dizaines et dizaines de milliers de condamnations à mort, au bagne, à la prison, à l'indignité nationale, prononcées par !es tribunaux de l'Epuration au nom de l'article 75, sont illégales. Toutes les familles des condamnés, victimes de ce préjudice d'Etat, seront en droit d'exiger des dédommagements. Quant à les obtenir, c'est une autre paire de manches. Pour faire plier les juges, les banques et l'Etat, il est certain qu'elles n'ont pas les moyens dont dispose le Congrès juif mondial. Il n'en reste pas moins que nous allons devant un tohu-bohu politico­ judiciaire sans précédent. Dans )'attente d'un nouveau procès, il faudra commercer par enterrer le Maréchal à Douaumont. Comment voulez-vous que je prenne ma retraite ? Ces considérations n'arreteront pas l'action de la communauté juive. Il n'y a pas que la spoliation faite par Vichy. Il y a les spoliations particulières. Depuis un an une commission ad hoc, la commission Matteoli, s'emploie à en dresser l'in­ ventaire, le compte précis. Parait que c'est déjà coquet. Ce qui finit par donner à penser. . .

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Si on ajoute aux biens et avoirs juifs, plus ou moins détour­ nés, captés, emplatrés, chouravés pendant les années les plus sombres de notre histoire, les biens et avoirs juifs qui n'ont pas disparu, qui sont là, et meme un peu là, on anive à des totaux astronomiques . . . des comètes de chiffres avec des queues flamboyantes, qui n'en finissent pas . . . On en a les yeux pleins d'étoiles et une question e n tete, qui vous turlupine : comment ont-ils fait, comment font-ils pour amasser, en si peu de temps, autant d'or, d'argent, de pierres, de terres, de chateaux, de tableaux, d'actions vagabondes qui volent d'un bout de la terre à l'autre, de Bourse en Bourse, à la vitesse du fax ? Quel est leur s_ecret ? Quel est leur don ? L'intelligence ? Bien sfir. . L'opiniatreté ? C'est certain. Mais enfin, depuis mon enfance, j'ai connu beaucoup de pay­ sans, de marins, d'artisans, de petits commerçants, de fonc­ tionnaires, de membres des professions libérales mais pas libérées, de soldats, qui ne manquaient ni d'intelligence ni d'opiniatreté. Je n'ai vu nulle part surgir ces fortunes fabu­ leuses, et d'autant plus que leurs bénéficiaiies étaient arrivés il y a cinquante, cent, cent cinquante ans, venant d'on ne sait quelles misères, une main devant, une main derrière, avec pour toutes richesses, trois hardes et une paire de croquenots serrées dans un baluchon. Qui éclairera ce mystère ? Nul n'est plus content que moi quand je vois les banquiers débrider la lourde porte de leurs coffres-forts et payer. Mais devant cet énorme tas d'argent empilé, comment ne pas inter­ roger ceux qui le détenaient : d'où venait donc cet argent ? (20 aout 1998)

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ne fois n'est pas coutume. Celte Ne l'oubliez pas, année, dès l'ouverture, la télévi­ nous sommes sion s'est intéressée à notre en guerre civile Université d'été. Il faut dire que le pro­ gramme est alléchant. Georges-Paul Wagner parie de Libérer la justice. Marie-France Stirbois de Libérer la femme du féminisme, Emmanuel Ratier des Réseaux d'influence, Bemard Antony, du Nationalisme à la française, etc, tous sujets passionnants et occultés par la pensée à quatre pattes. Pourtant ce n'est pas là ce qui retient l'attention des équipes de télé. Ce qui l'intéresse, c'est le différend Le Pen - Mégret dont on parie à propos de la future élection européenne. Sujet délicat, dira-t-on. Sans doute, et si je l'aborde aujour­ d'hui, c'est pour trois raisons : 1 ° - Il s'agit d'un problème électoral. Il regarde d'abord les militants, les adhérents et les sympathisants du Front natio­ nal, mais aussi ses électeurs. J'en suis. . 2° - Bruno Mégret a rappelé dans son interview au Parisien Libéré (libéré surtout d'objectivité à notre endroit) que NH n'était pas le joumal du Front. C'est vrai. Ce n'est qu'un jour­ nal proche et ami du Front, partisan du Front et qui essaye d'appuyer son action à toutes occasions. 3° - Jean-Marie Le Pen et .Bruno Mégret ont ouvert la dis­ cussion dans des joumaux qui sont nos adversaires. Pourquoi ne pourrions-nous pas donner notre sentiment (amicai) dans un joumal ami où, si nous pouvons nous tromper - qui ne commet pas d'erreur ? - tout est toujours fait pour et jamais contre le Front. Je ne m'exprimerai d'ailleurs pas sur le fond. Il est du ressort des instances supérieures. Elles seules ont la compétence et la connaissance complète du dossier - plus complexe qu'il n'y parait.

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Cela dit, je ne crois pas qu'on puisse comparer l a Municipale de Vitrolles, la Législative de Toulon et l'Européenne de demain. Mais il me semble qu'ici ou là l'électeur aimerait que la décision ffit prise, non par l'invalidé, mais, après sa propo­ sition, par les instances dont je parlais plus haut. En tant qu'électrice regardant la télévision, je trouve le débat prématuré. Les élections européennes n'auront lieu qu'au prin­ temps 1999. D'ici là beaucoup de choses peuvent changer. Pourquoi se dépècher et limiter ainsi le champ de manceuvres ? Est-ce très adroit de faire comme si le président Le Pen était déjà invalidé ? La Cour d'appel peut ne pas suivre l'avis du tribunal. Pourquoi mettre l'eau à l a bouche de certains magis­ trats en leur montrant les remous qu'ils pourraient causer au sein du Front, s'ils confirmaient le premier jugement ? Depuis quinze ans les remarquables succès. obtenus par le Front national sont dus à la qualité de ses analyses, à la jus­ tesse de ses choix politiques, mais aussi à son unité et à sa fidélité. Ne nous hatons pas de les affaiblir. Personne n'y gagnerait. Je voudrais que les cadres supérieurs et dirigeants du Front sachent que nous sommes en état de guerre c.ivile idéolo­ gique. Sur dix joumalistes de la presse écrite et audio­ visuelle, huit (et je suis au-dessous de la vérité) sont nos adversaires et se considèrent comme nos ennemis. Enfin, si Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret estiment indis­ pensables de livrer au public des informations aussi retentis­ santes, qu'ils commencent par en donner le scoop et l'exclu­ sivité à la presse arnie. Ils aideraient ainsi à augmenter notre audience. Donc la leur. (27 aotìt 1998)

CHRONIQUES

V • La cassure

vec mes amis Henry Coston et François Leger, je suis un des Le devoir vétérans de la presse nationale. du doyen Je dois etre le doyen de la presse nationale hebdomadaire. J'ai débuté en 1946, à Paroles Françaises, avec B outang et Antoine Blondin. Ensemble nous fimes • La, Dernière La.nterne, illustrée par Ben. Je connus Jean Madiran à L'Indépendance française, de Marcel Justinien. Je faillis les tuer tous les deux en automobile. Ce qui arreta net ma carrière dè conducteur. Madiran· signait alors Jean-Louis Lagor et _moi Julien Guemec. Avec Maurice Ga'it nous fondames La, Fronde, puis, sous la pression de Malliavin, Rivarol dont je fus le premier rédac­ teur en chef adjoint. Après une quinzaine d'années à France­ Dimanche, Semaine du monde (Robert Hersant), Paris­ Presse, Télé-dimanche, L'Aurore, je suis entré à Minute avec Jean-François Devay et Jean Boizeau. Rédacteur en chef adjoint, rédacteur en chef, envoyé spécial tout terrain, du Vietnam en Israel, chroniqueur, « porte-drapeau », disait Devay, j'y suis resté vingt-trois ans. J'ai participé à TV

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Demai11, le joumal du Comité Tixier-Vignancour. Le mattre d'reuvre en était Serge Jeanneret, ancien rédacteur en chef de Fratemité Jra11çaise, l'organe du Mouvement Poujade (une cinquantaine de députés en 1956). J'ai collaboré à Itùzéraires, la belle revue de culture catholique et nationaliste de Jean Madiran. J'y ai donné en feuilleotn Jules l'imposteur et Emile l'apostat, biographies polémiques de Jules Ferry et Emile Combes. La seconde est inachevée. Depuis douze ans, le petit père Combes attend, sur une marche d'escalier, que je l'aide à monter l'étage. Il va finir par avoir des crampes.

J'étais à la création de Présent, avec Madiran, Bemard Antony, Hugues Kéraly, Pierre Durand. J'en fus le co­ directeur politique et le gérant. J'ai permis la n aissance du Choc du mais. J'en fus l'éditorialiste bénévole et critiqué. J'ai lancé et dirigé L'Anti-89, avec le soutien chaleureux de l'abbé Aulagnier, plus modéré de l'abbé Coache, et l'approbation bienveillante de Mgr Marce! Lefebvre. J'ai fondé les Editions du Clan, les Dossiers du Clan, les Publications FB, les Demiers cahiers. J'ai aidé Emmanuel Ratier à créer Faits et Documents, bi-mensuel de documen­ tation unique en France. Grace à Roland Gaucher, j 'ai rejoint National Hebdo en 1987. Depuis douze ans, ce que je sais faire, je l'ai mis au service du Front national et de son président : Jean-Marie Le Pen, sans briguer d'autre recon­ naissance que l'honneur d'etre un joumaliste engagé dans le combat national. Ce parcours aussi long et obstiné n'a pas été toujours rose. J'ai connu beaucoup d'épreuves et de dangers. Je n'ai pas oublié la bombe chez mai, blessant gravement un éboueur, alors qu'elle était faite pour atteindre la femme et les enfants du joumaliste Brigneau, à défaut du joumaliste Brigneau lui­ meme. Il m'arrive aussi de songer aux échecs, aux décep­ tions, aux intrigues, mais pas souvent, et pas longtemps, tant je me sens en paix, heureux et fier d'appartenir à la presse

nationale de mon pays. Ce n'est pas une presse facile. Elle peut paraitre ingrate et rude tant elle manque de moyens. Quand vous arrivez d'un grand joumal, vous découvrez que vous manquez de tout : d'archives, de documentation, de correspondants, de réseaux d'informateurs, de relations dans les ministères, à la police, etc. Les maisons d'édition se ferment. Les propositions de collaborations extérieures s'évanouissent. Au cinéma et à la télé, vous etes tricard. Si vous cherchez la fortune et les hon­ neurs, cherchez un autre tremplin. Peu considéré des v6tres, pour les autres vous etes déconsidéré. Mais vous faites partie d'une presse debout dans la persécution, l'indifférence et la haine. Une presse qui compose le moins possible. Une presse que l'ennerni peut réussir à étouffer et saigner à blanc, mais qu'il ne fait pas plier. On y apprend ce qui est l'essentiel : la lucidité, le courage, la ténacité, le dévouement à la cause française, l'espérance quand le découragement rode dans les esprits et les creurs. A l'heure des bilans, je suis heureux de terminer ma vie à National Hebdo, au coude à coude avec Présent, Rivarol (l'hebdo doyen), Le Libre Journal, le décadaire de Serge de Beketch, Monde et Vie, le bi-mensuel de Claude Giraud, Minute, etc. Depuis le début des rumeurs sur les remous au sein du Front, l'attitude de la presse nationale a été exemplaire. Sans concertation, d'instinct, elle a essayé d'éviter l'incendie en se refusant à verser de l'huile sur le feu. lei, à NH, à l'ex­ ception d'une chronique à la fois allusive et pointue de Mathilde, de dix lignes en conclusion d'un Carnet de balles, et, surtout, d'un magistral article de Martin Peltier, écrit bien après que le débat ait été porté sur la piace publique par !es intéressés, nous avons gardé nos réflexions pour nous et observé un silence réfléchi. Le joumaliste de tempérament et d'humeur que je suis a par­ fois trouvé ce silence excessif. J'avais to1t. J'oubliais que la

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situation qui nous est faite nous interdit le joumalisme de déballage. Que cela plaise ou non, nous sommes devenus, par la force des choses, des joumalistes-soldats. Il faut donc nous comporter comme tels. C'est très exactement ce que fut le comportement de la presse nationale. Les commis-voyageurs en discordes l'ont bien compris, Ils ont vite cessé de colporter chez nous leurs ragots venimeux. Nous pouvions avoir nos préférences. Nos opi­ nions sur telle décision pouvaient diverger. Nous étions tous d'accord qu'il ne fallait rien faire qui piìt gener !es réconcilia­ tions souhaitables. Les arrangements à l'amiable valent mieux que !es cassures. Nous avions le triste sentiment que le Front national était en train de perdre un temps précieux et des avantages acquis, à la grande satisfaction de l'adversaire­ ennemi. Il suffit d'ouvrir Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, France-Soir, pour en etre persuadés. Pour en etre affligés, aussi. Au bout d'une guerre achamée qui dure depuis quelque quinze ans, l'adversaire-ennemi n'a pu nous diviser. En quelques mois nous risquons d'y parvenir. La presse nationale pourra se féliciter de n'avoir aucune part dans ce suicide. Ce ne sera qu'une maigre consolation. Nous comprenons fort bien que le Front national hésite et s'interroge sur !es politigues à suivre. Faut-il se tenir serré sur une stratégie de rupture, arc-bouté dans l'effort, seul contre tous ? Faut-il rechercher des accords, voire des alliances, pour éviter d'etre battu au second tour par 5 1 % des voix contre 49 ? Quand on a décidé de prendre le pouvoir par le suffrage et le suffrage seul, cela demande réflexion. Faut-il, selon les circonstances, adopter l'une ou l'autre de ces atti­ tudes ? Il est tout à fait normai que ]es responsables du Front en débattent, argumentent, s'opposent dans des discussions qui sont forcément passionnées. Mais à une condition. Qu'ils n'oublient jamais que, quelle que soit la décision prise, celle-

--------- o,\Q[T)()Joni!, - �a� -------­ .. ci ne sera conduite au succès que si le mouvement national - les adhérents, les sympathisants, les électeurs comme les chefs - demeurent unis et soudés dans le combat. En prenons-nous le chemin ? C'est la question que je me per­ mets de poser. En tant que journaliste-soldat, je n'en ai peut­ etre pas le droit. Mais en qualité de doyen de la presse heb­ domadaire nationale, j'en ai le devoir. Et j'ai essayé, toute ma vie, de faire mon devoir. (19 novembre 1998)

Ces querelles d'hommes

au suffrage universel Iéiuélection président de la République a

rendu les affrontements plus féroces entre les concurrents d'un meme parti qu'entre les adversaires politiques. Dans un climat empoisonné, les querelles d'hommes deviennent des guerres. On dit que Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Peut-etre n'est-ce pas Jupiter, mais seulement le pouvoir, sa conquete, son exercice et sa défense. Espérons que le ciel, dans sa miséricorde, nous préserve d'un tel fléau, en nous permettant de ne combattre que nos enne­ mis. (26 novembre 1998)

-------- L A CASSURE -------La division du Front ne pouvait que réjouir ses ennemis, ses adversaires et ses concurrents. Madelin - qui signa l'accord avec les B'naY B'rith - en fit l'aveu. Je répondis ceci : our guérir, [écrivez-vous] le Front doit « se diviser ou se L'aveu transformer au travers d'une d'Alain Madelin rupture ». Je souligne les mots-clés. Vous pourriez alors accepter sans danger l'alliance de la partie saine sur laquel­ le ne pèsera plus la malédiction du B'naY B'rith Alors, mais alors seulemen� ayant récupéré ces voix lavées du soupçon d'infamie que vous aviez fait peser sur elles, vous pourriez espérer regagner la majorité que la dissolution vous avait fait perdre ! J'ai dit que ce second aveu était pour nous aussi précieux que le premier. Je le répète. Grace à vous, Monsieur Madelin, tous les numéros du Front, les dirigeants, les cadres, les mili­ tants ne peuvent plus ignorer où est la priorité des priorités. C'est l'unité, c'est l'union. Rester compacts, au coude à coude, pour la manreuvre, c'est l'essentiel. Il suffit de vous lire pour en etre convaincu. Aujourd'hui, le Front se trouve devant le problème des alliances. Faut-il en multiplier les tentatives et les élargir, au risque de perdre notre origine, notre identité, notre ame comme disait l'autre, et par-dessus tout, notre vocation à rassembler les Français parce qu'ils sont français ? Ou faut-il continuer notre route en nous contentant d'etre nous-memes, au risque de voir s'en aller les électeurs déçus d'avoir si peu d'élus malgré tant de suffrages ? Les deux positions disposent d'arguments sérieux, qui méri-

------- o�()Jonl!, - f>')'O.� -----.., tent examen, réflexion, discussion. Il faut peser, soupeser, imaginer et surtout se dire que tout peut etre envisagé à condition de faire le contraire de ce que vous suggérez. A condition que le Front ne se divise pas, ni ne se transforme pas au travers d'une rupture. S'il se divisait, s'il se transformait au travers d'une rupture, il ne pounait ni profiter des alliances qu'il aurait contractées, ni demeurer un parti solitaire, mais redouté, s'il les avait refusées. Tous les maux que l'on espère éviter par la division se retrou­ vent aggravés dès qu'on y a cédé. Merci, Monsieur Madelin, de nous l'avoir rappelé en quelques lignes. Elles ne pouvaient pas mieux tomber. (10 septembre 1998)

Mégret A Polémique, le 29 novembre, à 12 h 10, sur a VII à la télé : France 2 [. . . ] le seul sujet qui valait d'etre examiné, battu et débattu était les que­ rel les à l'intérieur du Front, les conflits de personnes (qui existent dans les familles les plus unies), les rivalités, les jalousies, les jugements que Pierre portait sur Paul -jugements défavorables bien sfir -, on citait celui de Mme Stirbois, on oubliait celui de Jean-Marie Le Pen faisant l'éloge de Mégret, après sa candidature aux élections muni­ cipales de Marseille. Bref, Mme Cotta voulait du déballage, encore du déballage, toujours du déballage: Elle se pourlé­ chait déjà. Elle avait tort. Calme et placide, mesuré, refusant de se laisser entrainer où l'on voulait le mener, Bruno Mégret s'en tenait à sa ligne : ne rien dire qui pourrait nuire au Front. C'est celle que nous avons adoptée et suivie. J'ai écrit iciMathilde

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meme, tout au début, qu'il fallait attendre l'arret de la Cour d'appel de Versaille avant de commencer à se disputer sur une éventuelle candidature de Mme Le Pen. Avais-je tort ? Souriant mais ferme, Mégret répétait qu'il ne voulait que l'unité et l'efficacité du mouvement. C'est une règle que tout le monde devrait toujours respecter, aujourd'hui plus stricte­ ment, plus étroitement que jamais.

Le Pen Dimanche soir, 6 décembre, sur LCI, à 18 h 30 très précises, le Grand Jury RTL-Le Monde attendait le président Le Pen, de pied ferme et l'reil allumé. Le « coup de tabac » et le « coup de torclzon » qui avaient secoué la veille le Conseil national du Front éclairaient les visages d'Anita Hausser (LC/), de Mazerolle (RTL) et de Jarreau (Le Monde) d'une douce lumière. L'reil de Mlle Hausser pétillait. C'est vous dire. Généralement empruntée et laborieuse, elle se faisait gracieuse comme un mouton endimanché, dans les bergeries de Marie-Antoinette. M. Mazerolle avait perdu cet air austère de Procureur impla­ cable et inconuptible qui lui va si bien. Ce chevalier à la triste figure semblait meme affligé des défaillances dans la timo­ nerie qui avait pu affecter le samedi du commandant Le Pen. Encore que celui-ci, remonté à temps sur le pont, paraissait fort réjoui de sa manreuvre, et communiquait son entrain à son grand juré. Chez M. Jarreau (du Monde), lajubilation était plus intérieure, comme il se doit. Elle nourrissait son inquiétude sur l'avenir du Front national. Heureusement, le commandant Le Pen calmait ses craintes. Ces turbulences n'étaient l e fait que d'une « minorité d'extrémistes et de racistes. . . La droite avait bien le droit d'avoir une extréme droite », etc. Il ne s'agissait là que d'incidents dc parcours qu'un grand mouvement sur-

montait sans difficultés. M. Jarreau (du Monde) opinait. Il était rassuré. Mme Chombeau, sa talentueuse consreur, ne manquerait pas de dissertation. J'espère que les belligérants de la veille ont vu ces images parlantes. Ils ont réussi à rendre suaves des gens qui nous détestent - et le mot est trop faible. C'est un joli résultat. C'est la morale que j'ai tirée de cette émission. mais je dois à la vérité de dire que je l'ai mal sui vie. Ces querelles me font mal. Je les trouve catastrophiques. Tous les camouflages, argumentations ou arguties n'y changeront rien. Disons sim­ plement que le président Le Pen m'a paru plus convaincant dans la deuxième partie du Grand Jury que dans la première. Martinez

Lundi 7 décembre, dans la soirée. Sur l'écran de LCI surgi1 Serge Martinez. Pour le téléspectateur moyen, c'est un inconnu. Le Martinez que !'on connatt, c'est Jean-Claude le bouillon­ nant, agrégé de droit public, spécialiste des problèmes de fis­ calité, mais aussi fantaisiste, amuseur, auteur de 150 chan­ sons, que Jean-Marie Le Pen a choisies pour orchestrer la campagne des Européennes. Serge est moins brillant. Il joue pourtant un role très impor­ tant dans la machine du Front, chef du personnel, chargé des grandes manifestations et de beaucoup d'autres responsabili­ tés, discret, effacé, efficace. Brillant chef d'entreprise, dans l'électronique (plus de cinq cents employés), il fit une fortune rapide et décida d'appliquer ses méthodes à la politique (RPR d'abord, Front national ensuite) et au joumalisme politique. Il racheta Minute, tenta une nouvelle formule (Minute La France, puis La France), avec notre ami Serge de Beketch, puis le revendit. Conseiller régional du Languedoc, il est conseiller national du Front (coopté sur le contingent de Jean-Marie Le Pen).

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Et voilà ce soir qu'il déclare, dans une conférence de presse télévisée, se désolidariser de la démarche de son président. Il demande la convocation d'un Congrès extraordinaire, en jan­ vier. J'écoute ce monologue, accablée. Si j 'avais encore quelques illusions en commençant cette chronique, elles ne sont plus possibles. Un congrès extraordinaire, est-ce la bonne solution ? A voir ce qui s'est passé samedi, il ne se déroulerait pas sans heurts violents. Ce dont nous n'avons pas besoin. Mais sans consultation de la base, sanctionnée par un vote, nous allons vers des exclusions en chai'ne, le clash, la scission, sous }es applaudissements de la B ande des Quatre. J'en suis là de mes amères réflexions quand la préposée au joumal de 1 9 heures s'interrompt pour annoncer l'exclusion de Serge Martinez. C'est à pleurer. Gollnisch

Toujours ce lundi et toujours sur LCI, Ruth Elkrief reçoit Bruno Gollnisch, le secrétaire général du Front. J'ai beau­ coup de sympathie pour lui. C'est un esprit délicieux, mali­ cieux, curieux, omé comme on disait autrefois. Un repas avec lui est toujours une fete . . . On le critique parfois en qua­ lité de secrétaire général. Je n'ai jamais connu un secrétaire général qui ne fut pas critiqué. Quelques mais avant la mort du premier, Jean-Pierre Stirbois, je fis un tour de France poli­ tique. Je recueillis beaucoup de plaintes et doléances. Elles concemaient le courrier, l'administration des cartes, les déci­ sions arbitraires, le choix des responsables, etc. Quelques mois après son accident morte}, à l'occasion de l'élection pré­ sidentielle où, malgré (ou à cause) du détail , Jean-Marie fit un tabac, je refis le meme tour de France politique. Je n'en­ registrai que des regrets. « En perdant Jean-Pierre, le Front

avait fait une perte irréparable. Jamais nous ne retrouve­ rions un secrétaire général de son envergure : sens politique,

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fidélité, efficacité, il avait tout. » Je m'empresse d'ajouter que je ne souhaite pas que Bruno Gollnisch disparaisse pour que soit vanté le travail qu'il accomplit au secrétariat général. Ce soir, il n'a pas la tache facile. Mme Elkrief ne le lache pas sur « les extrémistes et [es racistes ». Elle ne comprend pas. Selon la pensée unique, le fasciste à connotation raciste était Le Pen. Et voilà que les extrémistes et les racistes soutien­ nent Mégret qui n'est cependant pas des leurs. C'est à y perdre son latin. D'autant plus que LCI a sorti du placard un certain Saint­ Affrique, ancien conseiller du président Le Pen, et que ce Saint-Affrique, en 1994, reprochait déjà à Mégret des atti­ tudes fascisantes . . . lui qui avait fondé les CAR (comités d'Action Républicaine). Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. En outre, Stéphane Durbec, Antillais, vient à l'écran déclarer (avec émotion) que Le Pen est tout le contraire d'un raciste. A qui se fier ? S'ils avaient eu la bonne idée d'interviewer Cohen cornaqué par B ernard Antony, l'imbroglio eGt été complet. Le front de Ruth Elkrief se plisse sous !'intense effort de réflexion qu'elle fournit. Avec le calme des vieiltes troupes, Bruno Gollnisch essaye de délabyrinther sa pensée. Je ne trouve pas qu'il y parvienne totalement. Rien n'est plus diffi­ cile à réussir que les figures imposées. J'aurais aimé qu'il nous expliquat les raisons politiques de la rupture. Il ne l'a pas fait. Je constate que le fossé va s'élargissant, sans qu'on sache pourquoi. . . Mais peut-etre est-ce que c'est moi qui ne comprends rien.

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a France n'est que souffrances. Samedi et dimanche, le téléthon Ce mal qui répand nous le rappelait encore. Il n'est la terreur question que de la chomagite aigue qui nous accable et du sida où l'homme perd ses immunités physiques, men­ tales et parfois parlementaires. Ce n'est pas gai. En revanche on parie moins de l'épidémie de divisionnite chronique qui sévit actuellement. Tous les partis, de la majo­ rité comme de l'opposition, en sont pourtant frappés. On n'en trouve plus d'occupés à chercher les secours, ni le soutien d'une mourante vie. Ils ne pensent qu'à se diviser pour régner. C'est un mal qui répand la terreur. Voyez la gauche plurielle. Elle se portait comme le Pont-Neuf. Superbe et généreux, Lione! pavoisait dans les sondages. Il inventait la cohabitation à une seule tete. Le Président de la Corrèze patrouillait dans les Zambèzes pour fourguer des Airbus et des Moulinex. Lui, le Premier ministre, intra muros, grace à sa méthode, résolvait l'insoluble. Il lui suffisait de placer Coco Gayssot aux Transports pour éviter les grèves. Le questionnaire aux lycéens permettait à des millions de clampins de se défouler en exprimant leurs désirs. Du coup les programmes étaient allégés. Les classes ne comptaient plus que vingt-cinq élèves. Plus un prof ne manquait à l'appel. 11s n'étaient plus obligés de passer leur cotte de mailles pour aller apprendre à Kémal et Mamadou que leurs ancetres n'étaient pas les Gaulois. Depuis que la super-Trautmann avait subventionné le rap pour interpréter la romance du Front popu Allons au devant de la vie, Allons au devant du matin, nous n'entendions plus dans les cités mugir ces féroces sol­ dats sur fonds de tambours de guerre :

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Gros con de flic, groc flic obtus, Fais gaffe à tes miches, Gros con de flic, grosflic obtus Fais gaffe à ton cui ! Aussitot Ies casseurs, qui n'avaient jamais cassé trois pattes à un canard, ne cassaient meme plus les pieds des conducteurs d'autobus. Les usines ferrnaient, et le chòmage baissait puisque Mme Aubry embauchait des gardiens de square à tout va. Pour éviter d'avoir Mamère sur le haricot. Lionel ne renvoyait pas !es clandestins dans leurs douars d'origine mais, comme il évitait de les compter, c'était camme s'ils n'existaient pas. Chevènement pouvait rouler les méca­ niques, ça lui redonnait des couleurs. DSK reprenait de la main gauche ce qu'il venait de donner de la droite. La métho­ de, vous dis-je . . . ça baignait. Et brusquement, sans qu'on sache pourquoi, en deux coup les gros, camme disait Allègre, tout bascule dans la cha­ maille. Voynet est au piquet. Elle veut régulariser la smala des sans-papiers jusqu'au demier. « ça vafaire un appel d'air », dit Jospin. « Appel d'air toi-meme », réplique Mamère, tou­ jours gracieux. Bref, c'est la chicaya. Le PACS n'arrange pas les bidons. Pour plaire à la Joyeuse Pédale du Marais, une association culturelle où Delanoe a des amitiés, les socialos de la jaquette s'achament sur cette histoire de come-cui. Si une chambrette d'amour n'est pas officiellement réservée jusqu'aux demiers jours de leurs amours à Tonton et Tata, on offense la personne humaine. Le conflit sépare des Frères siamois, initiés à la meme loge. 11s refusent de continuer à se presser les mains. Ils se toument le dos. Ce qui est d'une imprudence extreme quand on aborde les problèmes d'homosexualité. Masculine, je précise. Ces palabres exaspèrent Jospin. Il trépigne. Il voit rouge. Vu ses apprentissages chez !es faucons, c'est forcé. Malgré le

-------- LA CASSURE -------douloureux exemple de Rocard, et son dérapage dans une Question au Gouvememellt sur l 'Affaire Dreyfus, le Premier ministre recidive. Il pète les plombs. Il traite de « marginale » une représentante du peuple. Du peuple de centre droite, certes . . . c'est moins grave. Mais tout de meme . . . chez un huguenot républicain qui cultive le self contro[ en famille, avec sa seconde épouse:, philosophe, cet éclat révèle la ten­ sion. Emotion. Larmes. Vociférations. Le bouquet de roses ne calme pas les esprits. Au contraire, i l souligne la grossièreté et l'arrogance du pouvoir social-démocrate. C'est le moment que choisit super-Trautmann pour se prendre les gaufrettes dans la choucroute. Son projet de réforme de l'audiovisuel provoque la constemation du gouvememerit et les sarcasmes de la majorité. Depuis vingt ans, les chaines publiques ont cofité 100 (cent) milliards aux contribuables. Cela ne suffit pas. Sur instructions de Jospin, super-Trautmann veut les priver de ressources publicitaires. C'est de la folie ! Zéro pointé. Copie à revoir. Bonjour l'ambiance . . . Hue Coco en profite. I l annonce des Européennes révolu­ tionnaires. Il veut prendre tout le monde bilie en tete : Ariette et Krivine, les hitléro-trotskistes ; Voynet et les Verts, des éoliennes et du char-à-bancs. Hue Coco déterre la hache de guerre. Il improvise la danse devant la Buffet, terrorisée. « Il faut prendre l'argent là où qu 'elle est. » Tue ! Tue! Lénine reconnaitra les siens. Les ch6meurs sont dans la rue. Ils ne croient pas au Père Noel. Mais ils exigent que le Père Noel leur apporte une prime de 3 000 F. A chacun selon ses besoins . . . A Marseil le, le SO de la CGT, qui les encadrait, à pris la trouille. Il a appelé la police au secours. Un monde ! Coco Gayssot ne contr6Ie plus ses contr6lèùrs. Des régions entières sont sans trains. C'est ce qui va améliorer la trésore­ rie de la SNCF. Des lycées sont en grève à nouveau. Le mam-

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mouth dégraisse Allègre. Le présence de Ducohn-Bandit dans le borde} est symbolique. C'est le retour de Mai 68. La chienlit. L'anarchie partout. L'extreme gauche transforme la gauche plurielle en gauche multiplurielle. ça s'engueule. ça se délite. ça s'affronte. ça s'émiette. Tout le monde parie. Personne n'écoute. L'épidémie de la divisionnite chronique s'étend. Elle gagne la minorité présidentielle. Celle-ci a cru combattre le fléau en faisant l'Alliance entre le RPR, l'UDF et Démocratie libérale. Mais il y a quatre RPR. Celui de Séguin, celui de Sarkozy, celui de Paqua et celui, virtuel, feutré et masqué, de Balladur. Il y a l'UDF de Bayrou - le négociateur dopé à la Blédine, comme Virenque - et l'UDF de Douste, !'anguille de Lourdes, glissant comme une savonnette, malheureusement trahi par un physique de fourbe de mélodrame, qui suffit à mettre en alerte le plus innocent des nai'fs. Il y a la Démocratie libérale des deux Madelin : le Madelin du passé faisons table rase, demain le libéralisme rasera gra­ tis, et le Madelin pragmatique, qui croit aux leçons du passé et sait qu'on n'arrivera nulle part si l'on ne parvient pas, au départ, à trouver des accords électoraux à droite et à droite de la droite. Partout, ce n'est qu'une désagrégation collective de coteries concurrentes et rivales ; un poudingue, où les calculs person­ nels, les jalousies, les ambitions, ont depuis longtemps détruit le ciment. Une poignée de graviers. Ouvrez la main. Il grele. Nous, ici, jusqu'à l'été demier, nous pouvions en rire . . . Nous voici, hélas, à notre tour touchés. Longtemps j'ai espéré qu'avec l'aide de la Providence nous serions épargnés. Peut­ on encore le croire ? Ignorer l'évidence ? Les signes sont là. Les images, les visages, les voix . . . Cette étrange fureur qui

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transfom1e des camarades en adversaires et jette, les uns contre les autres, des hommes indispensables à leur salut commun . . . Ces exclusions dans un parti d1exclus . . . Cette vague de purges et d1épuration alors que nous savons bien qu'un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure . . . Ces riva­ lités soudain exacerbées, ces querelles d'hommes et de femmes, de places, de rangs, de clans, qui tendent à détruire la diversité, force et souplesse du mouvement national . . . Ce sont des symptomes alarmants. Je pense à la piétaille qui a tant donné, en temps, en argent, en efforts. Elle va etre très déçue. C'est pourquoi j'espère encore. J'espère toujours. Je suis pour ma part bien décidé à ne rien faire qui risquerait d'aggraver l'état du malade. Les guérisons miraculeuses exis­ tent. Elles commencent par le silence, la prière et la paix. (10 décembre 1998)

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es chocs qui déchirent le Front n'affectent pas tout le monde. Michel Field a paru rarement aussi réjoui que dimanche soir, Samedi 12 décembre, à Public, sur TF1, à 19 heures. Plus le président Le Pen avançait dans sa présentation du champ de bataille, où les excités, les extré­ mistes, les racistes, les félons, les trartres et les malhonnétes s'étaient ligués contre lui, plus Field buvait de l'hydromel, ce nectar de la félicité réservé aux dieux. Son petit reil de hyène, souvent fureteur et aux aguets, brillait de plaisir. Son visage était éclairé par la lumière que donne l'accomplissement des espérances les plus chères. La dernière fois qu'il reçut le président Le Pen, il avait pris une raclée homérique. Cueilli à froid par un bolo-punch au menton, il n'avait pas touché terre. Méme Mme Giroud, dont la bien­ veillance à l'égard du président Le Pen fut toujours des plus mesurée, en convint. Field n'avait pas fait le poids et l'on se souviendrait longtemps de cette pàtée. Eh bien, dimanche, on en avait perdu le souvenir. Sitot que le président Le Pen cessait de régler ses comptes, Field, d'une question, le remettait sur les bons rails et le massacre des cou­ pables recommençait. Quel bonheur ! A l'avenir, il n'y aurait plus besoin de faire appel aux républicains de Ras l'Front pour troubler les meetings du Front national, agresser les sympathi­ sants et éloigner les auditeurs. En s'invectivant, en s'affrontant, les militants du Front feraient eux-mémes le vide. Il était inutile désonnais d'appeler les casseurs à venir saccager les perma­ nences du Front. Les frontistes s'en chargeaient. Field respirait la joie de vivre. Quand à la fin de l'entretien il dit : « le vous remercie, monsieur Le Pen », pour la première fois je trouvais qu'il pouvait y avoir de la sincérité dans sa voix. A la télévision

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Et Le Pen Nous avons beaucoup vu le président Le Pen à la télévision ces demiers jours. Cette succession d'images m'a inspiré deux réflexions. D'abord son étonnante vitalité. Il est entré dans sa soixante et onzième année depuis le 20 juin demier. Il mène une vie hale­ tante, harassante, sous pression, sous tension. Il multiplie les interventions, les discours, les meetings, toujours en discus­ sions, en affrontements, en épreuves de force ou en séances de charme. Ce doit etre épuisant. Dimanche, après une semaine d'enfer, il est apparo le teint frais, l'reil vif, la bouche moqueuse, lui qui, quarante-huit heures plus tot, à Metz, avait le muffle mussolinien, dur et fermé. • Comment fait-il ? Où trouve-t-il chaque jour ces forces nouvelles ? Ces facultés de vaincre la fatigue et surmonter l'épuisement ? Je l'avoue . . . J'ai pensé à Virenque, survolant dans l'allégresse les demières étapes du tour 97. Il n'y a pas de controle anti­ dopage pour les hommes politiques et pourtant ce qu'accom­ plit physiquement le président Le Pen est aussi exténuant qu'un Tour de France, dont on dit souvent qu'il ne se dispute pas en buvant seulement de la camomille. Mais peut-etre qu'en l'occurrence l'EPO s'appelle tout simplement la passion. La seconde réflexion toume autour des rapports des hommes politiques et de la télévision. Ils sont fascinés par elle. Elle les conditionne, les modèle, modifie l'expression de leur visage et change leur voix. On racontait l'histoire d'un acteur d'autrefois, nommé Dieudonné, j e crois, qui, à force de jouer le raie de l'Empereur, se prenait pour Napoléon. La télévision donne à l'homme politique le pouvoir de l'acteur. Elle lui confère une autorité, une audience, une réalité. Elle le sacre. Aujourd'hui, avant de se demander si X. est intelligent, s'il a des idées justes et du caractère, on se demande s'il passe bien à la télévision. Un homme de grande valeur qui passerait mal

à la télévision ne saurait retenir l'attention des électeurs. L'importance prise par la télévision est telle que l'homme politique qui en est privé déprime. Et celui qu'elle distingue se sent comme désigné par le doigt de Dieu. Blu avant de l'etre . . . Malgré la gravité de la situation et le regard sarcas­ tique de Field, dimanche, le président Le Pen semblait heu­ reux d'etre la vedette de TFl .

onsoir tristesse ! Au téléphone, c'est la seule réponse que je Bonsoir trouve à faire. Les appels ont tristesse... rarement été aussi nombreux. Ils viennent de toute la France. Je n'ajouterai pas : de tous les ages. Les cheveux grij . et blancs l'emportent sur les gamins. Tous me connaissent. I savent que je ne suis d'aucune coterie, d'aucun clan, et que si je ne dis pas toujours tout ce que je pense, je pense tqujours tout ce que je dis. Depuis le début de la crise, je n'ai jamais caché mon senti­ ment. lei, à mots couverts : c'est normai, National Hebdo appartient &u Front depuis quelques années. Jean-Claude Varanne, le président-directeur général n'a pas manqué de me le rappeler : « L'actionnaire principal, e' est Le Pen. » A bon entendeur, salut. En privé, je fus plus direct. A plusieurs reprises, avec le meme Varanne, ensemble, d'une meme voix, nous déplo­ rames la vilaine toumure que prenait le conflit et le méchant climat qui montait. La chasse au Brutus n'avait pourtant pas encore commencé. Récemment, je fus convié, au bénéfice de l'age et de l'amitié,

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à un d1ner des directeurs de la presse nationale. L'invité d'honneur était Jean-Marie Le Pen. Nous n'en étions encore qu'aux grandes manreuvres et à la paix armée. Je déclarai tout net que si nous voulions balayer les rumeurs, désespérer Saint-Germain-des-Prés, clouer le bec des médias, enchanter les notres, ramener les électeurs et réussir une brillante Européenne, le ticket Le Pen-Mégret s'imposait. Je ne suis pas pour autant mégretiste. Mes racines sont bien différentes de celles de Mégret, de Blot ou de Le Gallou. Mégret et Blot viennent du RPR. Le Gallou du PR. Le pre­ mier est polytechnicien, ingénieur des mines, master of Science de l'Université de Berkeley (Califomie). Les deux autres sont énarques. Le Gallou fut lauréat du concours géné­ ral de géographie, et de celui d'histoire. Je ne sors que de l'école primaire supérieure de Quimperlé (Finistère), et de la prison de Fresnes où je fus détenu quatorze mois en qualité de soldat du Maréchal. Aux BBR de 1997, quand Jean-Marie me décora de la Fiamme du Front, il me glissa à l'oreille : - Je sais que tu aurais préféré la Francisque, mais c'est tout ce que j' ai à t'offrir. Quand je comparais en justice, si j'ose m'exprimer ainsi, les avocats des parties civiles, toujours nobles et généreux, me présentent comme un individu d'extreme droite, à tendances xénophobes, racistes et antisérnites, ce qui ne m'attire pas les sympathies du tribunal. Ce lourd et constemant héritage n'est généralement pas celui des « horlogers ». C'est ainsi qu'on nornme parfois les mégré­ tistes, dont beaucoup appartiennent au fort distingué Club de l'Horloge. Ce n'est pas non plus mon cas. Néanmoins j'ai apprécié ce que les « lzorlogers » ont apporté en rigueur, sérieux, formation, documentation, organisation au mouve­ ment national. Il ferait une grande perte en s'en séparant. Le bannissement n'est jamais un facteur d'enrichissement. On le

sait depuis la révocation de l'édit de Nantes. Au moins. Mes rapports avec Jean-Marie Le Pen sont tout différents. Je le connais depuis cinquante ans. Je le fréquente depuis qua­ rante. C'est un homme d'un courage de lion, d'un tempéra­ ment de feu, dont les défauts sont ceux de ses exceptionnelles qualités. Il est doué d'une double intelligence. Sur une intel­ ligence d'instinct se greffe une intelligence de visionnaire. Ajoutez des facultés d'assirnilation, d'improvisation et de déci­ sion hors du commun. Son caractère n'est pas facile. Notre amitié ne fut pas sans orages. Elle est demeurée vivace. Lors des premières épreuves du Comité TV (Tixier­ Vignancour), j'avais pris conscience du phénomène dans sa complexité. Cela ne m'empecha pas de convaincre les diri­ geants d'Ordre Nouveau d'offrir à Jean-Marie Le Pen la pré­ sidence du Front national. Ils n'en furent pas récompensés. Mai non plus. Quelques années plus tard, en 1979, eurent lieu )es premières élections européennes au suffrage universel. Ordre nouveau, devenu le PFN, prit Tixier-Vignancour comme tete de liste. Naturellement Le Pen entendait se présenter sous le drapeau du Front. Pour éviter ce choc fratricide, j'organisai, pendant plusieurs semaines, un référendum à Minute. On votait, par bulletin, pour la liste Tixier, pour la liste Le Pen, ou pour une liste d'union. Le succès fut considérable. Il fallut embaucher du personnel intermédiaire, pour assurer le dépouillement (devant huissier). L'union l'emporta, avec une majorité écra­ sante, au grand dépit du PFN, qui m'accusa de trahison. La liste unitaire ne réussit pourtant pas à se constituer, malgré les bons offices cecuméniques de Miche} de Saint-Piene. Tixier demeura seul sur le terrain. La liste d'Union française pour l'Eurodroite, avec Pascal Gauchon, Alain Robert et Joseph Ortiz, en numéros 2, 3 et 4, n'obtint que 265 000 voix. Elle n'eut aucun élu. Les électeurs avaient sanctionné la division.

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li fallut auendre Prése111 pour que celle-ci pnt fin. Jean Madiran, PieITe Durand et moi, nous réussfmes à obtenir l a réconciliation publique de Jean-Louis et de Jean-Marie. Ils se donnèrent l'accolade. Il n'y a pas de spectacle plus prenant que les retrouvailles des amis désunis. La salle, debout, applaudissait. Elle tanguait, comme i vre d'émotion, de grati­ tude, de bonheur. Depuis 1980, j'ai soutenu Jean-Marie Le Pen dans tous ses combats, politiques et judiciaires. Je l'ai défendu dans l'affaire des tortures, dans celle du détail, dans l'histoire de l'Irak, où beaucoup de nos amis ne le suivaient pas, par réflexe anti­ fellagha. Je n'ai pas cessé de répéter que, sans lui, le FN ne serait pas où il est encore aujourd'hui. Personnellement, je n'oublierai jamais ce que nous lui devons, nous autres, les­ épurés de 1944. Jean-Marie Le Pen fut le premier jeune chef politique, non mélé aux tumultes de la guene civile, à faire de la réconciliation française le premier ciment du mouve­ ment national. Cependant je ne peux laisser croire - ne fut-ce que par mon silence - que j'adhère au comportement actuel du président Le Pen. Ce comportement me navre. Il m'accable. Il me déses­ père. Je continue d'avoir la profonde conviction que nous pou­ vions faire l'économie de cette autodémolition . .Je continue de croire que les rctombées de cet affrontement seront terribles, pour tout le monde. Je ne puis cacher que je suis atteITé . . . Je n'oublie pas que j'écris dans le joumal de Jean-Marie Le Pen. J'ai parfaitement conscience que celte chronique peut très bien ne pas parai'tre et etre la demière de ma vie. II y a huit jours, le dessin de Konk fut censuré par Jean-Claude Varanne, sans que vous fussiez avenis, comme je l'avais demandé. Il n'y a pas de quoi s'indigner. Les joumaux sans ce·n sure n'existent pas. Encore faudrait-il avoir l'honnéteté d'en avertir Ies lecteurs? Est-ce trop demander ? S ans doute. Cela fait dr61e de penser que l'article qu'on écrit sera peut�étre

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le dernier. Mais tant pis. « la vie n'est pas neutre », disait le Maréchal. J'ai pris mes responsabilités. J'ai e�sayé de parler le plus dignement possible, etavec ma sensibilité propre, de cette lamentable histoire. Je n'ai pas melé ma voix aux clarneurs. Je ne serai jamais du coté de ceux qui prornettent la grande vergue aux Révoltés du Bounty. Je ne serai jarnais avec ceur. qui répliquent en rappelant Ouragan sur le Caine. Mon César à moi, c'est celui de Pagriol. Il n'a pas· envie de tuer Marius, meme si son fils l'a quitté, et qu'il a quitté la petite Fanny, pour voir naitre, • un matin, à l'horizon, les Iles Sous-le-Vent. . . Je ne pourrai jamais considérer comme des traitres à leur parti, et à leur patrie, les dirigeants qui ont demandé la convocation d'un congrès exlraordinaire. C'est la prem.ière fois que je me sens proche du général de Gaulle : j'ai envie d'al1er pleurer de chagrin dans rnon village. Bonsoir tristesse. (17 décembre 1998) (:1J 1./0