Giuseppe Arcimboldo 9781780426426, 1780426429, 9781781607091, 1781607095

Giuseppe Arcimboldo (Milan, 1530 environ OCo1593)A ses d(r)buts, les contemporains d'Arcimboldo n'auraient pas

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English Pages 80 pages: color illustrations, color portraits [81] Year 2014;2008

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Giuseppe Arcimboldo
 9781780426426, 1780426429, 9781781607091, 1781607095

Table of contents :
BIOGRAPHIE......Page 75
LISTE DES ILLUSTRATIONS......Page 80

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Giuseppe Arcimboldo

Texte : Liana De Girolami Cheney Traduction : Karin Py Mise en page : BASELINE CO LTD 33 Ter - 33 Bis Mac Dinh Chi St., Star Building, 6e étage District 1, Hô Chi Minh-Ville Vietnam © Parkstone Press International, New York, USA © Confidential Concepts, worldwide, USA Tous droits d’adaptation et de reproduction réservés pour tous pays. Sauf mention contraire, le copyright des œuvres reproduites se trouve chez les photographes qui en sont les auteurs. En dépit de nos recherches, il nous a été impossible d’établir les droits d’auteur dans certains cas. En cas de réclamation, nous vous prions de bien vouloir vous adresser à la maison d’édition. ISBN :

978-1-78042-642-6

Giuseppe Arcimboldo

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ils de l’artiste Biagio Arcimboldo et de Chiara Parisi, Giuseppe Arcimboldo naquit à Milan en 1527. D’ascendance noble, la famille d’Arcimboldo est originaire d’Allemagne du Sud. Certains de ses membres s’installèrent en Lombardie dès le Moyen Âge. On découvrit de très nombreuses variations dans l’orthographe de leur nom : Acimboldi, Arisnbodle, Arcsimbaldo, Arzimbaldo ou Arczimboldo, le suffixe « boldo » ou « baldo » dérivant du germanique médiéval. De même, Arcimboldo signait son prénom de diverses manières : Giuseppe, Josephus, Joseph ou Josepho. Dans son ouvrage Della nobilità di Milano, Paolo Morigia rapporta l’histoire de la famille d’Arcimboldo. Morigia, dont les sources restent très incertaines, confirmait la noblesse de la famille en faisant remonter ses origines jusqu’à l’époque de Charlemagne, où un noble nommé Sigfrid Arcimboldo avait servi à la cour de l’empereur. Parmi les seize enfants Arcimboldo, trois furent annoblis et l’un d’entre eux s’installa en Lombardie. C’est ainsi que fut fondée la branche italienne. Pour soutenir ses dires, Morigia déclara que son récit émanait « directement de M. Giuseppe Arcimboldo, un gentleman digne de foi au mode de vie respectable ». Morigia fit remarquer qu’à l’époque où Arcimboldo travaillait à la cour impériale de Maximilien II de Habsbourg, on lui avait remis un ancien parchemin germanique mentionnant les deux cimetières où apparaissait le nom de la famille Arcimboldo : celui de la cathédrale d’Augsburg et de la cathédrale de Regensburg. Là, dans les enclos funéraires, se dressaient de grandes pierres tombales de marbre rouge ornées des armoiries de la famille Arcimboldo, figurant leur nom gravé et entouré de rainures rouge et jaune. Dans Della nobilità di Milano, Morigia continua à développer l’histoire de la famille Arcimboldo, mais en se limitant à la branche italienne résidant à Milan. Il déclara que le veuf Guido Antonio Arcimboldo, l’arrière-arrière-grand-père de Giuseppe, avait été élu archevêque de Milan en 1489, succédant à son frère décédé, Giovanni Arcimboldo. Entre 1550 et 1555, Giovanni Angelo Arcimboldo, fils naturel de Guido Antonio, régna en tant qu’archevêque de Milan. Giovanni Angelo conseilla et guida Giuseppe parmi les artistes, les humanistes et les écrivains de la cour milanaise. À Milan, Arcimboldo fut formé aux arts par son père et des artistes de l’école lombarde tels que Giuseppe Meda (actif à Milan de 1551 à 1559) et Bernardino Campi (1522-1591), un distingué peintre de Crémone. Une certaine fascination artistique et scientifique pour Léonard de Vinci est également perceptible dans l’art d’Arcimboldo. En effet, son père, Biagio, avait eu la bonne fortune d’être l’ami de Bernardino Luini, un élève de Léonard de Vinci, qui, à la mort de Léonard, hérita de plusieurs cahiers de notes et d’esquisses de son maître. Biagio Arcimboldo les étudia certainement et, des années plus tard, enseigna à son fils, Giuseppe, le style artistique et scientifique de Léonard. Pour sceller leur amitié, Luini portraitura Biagio de profil et le lui offrit ; ce dessin se trouve aujourd’hui au British Museum de Londres. Les artistes italiens, Biagio, Meda et Campi étaient en contact avec les artistes germaniques travaillant sur des projets destinés à la cathédrale de Milan ou encore créant des tapisseries pour la famille Médicis. D’après les archives de la cathédrale de Milan, Arcimboldo s’établit comme maître en 1549, travaillant avec son père à la peinture et à la conception de

1. Sainte Catherine s’entretient avec l’empereur sur la foi véritable (réalisé d’après un carton d’Arcimboldo de 1551, exécuté en vitrail en 1566). Vitrail, 116 x 67 cm. Dôme, Milan.

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2. Portrait en buste de l’une des filles de Ferdinand Ier (l’archiduchesse Hélène ou Barbara ?), vers 1560. Huile sur bois, 43,5 x 33,5 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne. 3. Portrait de l’une des filles de Ferdinand Ier (l’archiduchesse Barbara ou Eléonore ?), vers 1562-1565. Huile sur bois, 32,5 x 25 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne. 4. Portrait en buste de l’une des filles de Ferdinand Ier (l’archiduchesse Marguerite ?), vers 1563. Huile sur bois, 44 x 34 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne.

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conception de cartons pour les vitraux, les portes de l’orgue et le baldaquin de l’autel de la cathédrale de Milan. Les vitraux les plus importants, situés dans l’abside de la cathédrale, illustrent les Histoires de la vie de sainte Catherine d’Alexandrie (p. 4). La légende chrétienne se concentre sur le martyre de Catherine, qui refusa de sacrifier aux dieux païens Zeus et Aphrodite. La décoration de ces scènes était relativement élaborée, reposant sur une combinaison de motifs classiques (amphore, guirlandes et putti) et de symboles chrétiens (coquilles Saint-Jacques, trône et parures de cérémonie). La conception architecturale et ornementale reflétait l’illusionnisme de l’art et du goût maniériste. Ces formes démontraient également l’influence de Léonard sur Arcimboldo, acquise par le biais de l’art du Milanais Gaudenzio Ferrari (1471-1546), qui travailla lui aussi aux vitraux de la cathédrale de Milan. Un document, daté de 1556 des archives de la cathédrale de Milan, mentionnait que les cartons d’Arcimboldo pour cette commande furent transposés sur verre par Corrado de Mochis, maître verrier à Cologne. À cette époque, Arcimboldo peignit cinq insignes emblématiques pour Ferdinand, roi de Bohême, futur Ferdinand Ier, empereur du Saint-Empire romain germanique (aujourd’hui perdus). Après la mort de son père en 1551, Arcimboldo continua à travailler en Lombardie jusqu’en 1558, puis entreprit de se rendre à Côme et Monza. Ce déplacement est attesté par les livres de comptes de la cathédrale de Milan, contenant un enregistrement des activités d’Arcimboldo en Lombardie : « Maître Giuseppe Arcimboldo fut payé 159,19 lires pour la conception et le modèle du Celone (tapisserie des Gobbelins) » de la cathédrale de Côme. Arcimboldo composa des cartons sur des sujets de l’Ancien et du Nouveau Testament pour les tapisseries de la cathédrale de Côme. Les artisans flamands Johannes et Ludwig Karcher (actifs de 1517 à 1561), employés au service de la Manufacture des Gobbelins, réalisèrent une tapisserie d’après les cartons d’Arcimboldo. Les noms des tisserands apparaissaient sur un rouleau de la tapisserie. Arcimboldo composa huit scènes agrémentées de somptueuses bordures festonnées comprenant des fleurs, des fruits, des parchemins et des grotteschi dans le style classique, tels que la scène de La Mort de la Vierge (p. 10). Dans un jardin privé ou hortus conclusus, dont l’architecture évoque le Moyen Âge et la Renaissance, la Vierge repose dans un cercueil entouré par les apôtres en deuil, tandis qu’à l’arrière-plan se dresse l’église de Santa Maria delle Grazie. Pour la cathédrale de Monza, Arcimboldo conçut également des cartons de tapisseries (aujourd’hui perdus) et, entre 1556 et 1558, acheva un cycle de fresques sur L’Arbre de Jessé inspiré d’un passage du prophète Isaïe. Au centre se dresse un énorme tronc d’arbre, une croix renfermant l’image du Christ crucifié. Un Adam âgé repose sur les racines de l’arbre, dont les branches étendues portent les figures des rois de Judée, les ancêtres du Christ. Arcimboldo continua d’instiller dans ses œuvres une combinaison de motifs classiques et chrétiens, obéissant à l’illusionnisme du XVIe siècle. En raison de certaines similitudes stylistiques de son traitement des figures et des festons ou grotesques (grotteschi) avec les fresques que conçut Raphaël pour les appartements papaux, les Loges du Vatican, et encore les Loges de Psyché au palais Farnèse de Rome, et avec l’École Renaissance romaine en général, certains érudits affirmèrent qu’Arcimboldo avait dû se rendre à Rome à cette époque

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cette époque pour s’imprégner des motifs all’antica. Cependant, la familiarité d’Arcimboldo avec ce type d’ornementation fantaisiste n’était pas uniquement le résultat d’une assimilation des influences artistiques de l’Antiquité romaine et de la Renaissance, mais s’inscrivait aussi dans une tradition de l’Italie septentrionale. Il avait pu, en effet, admirer des exemples dans les œuvres religieuses ou profanes d’Andrea Mantegna (1431-1506), comme son retable de Zénon à Vérone ou sa Camera degli Sposi à Mantoue, ou dans les nombreux retables du peintre vénitien Carol Crivelli (1430-1500), dans les décorations de Francesco Colonna pour son Hypnerotomachia Poliphili (Venise 1499) et plus encore, dans les décorations picturales de Léonard de Vinci dans la Sala delle Asse (1495-498) au Castello Sforzesco de Milan. Satisfait de l’insigne réalisé par Arcimboldo en 1551, Ferdinand Ier de Bohême l’invita plusieurs fois à accepter une fonction artistique à la cour impériale de Prague. En 1562, Arcimboldo finit par agréer : il se rendit tout d’abord à Vienne puis s’installa ensuite à Prague comme peintre de portrait et copiste pour l’empereur, remplaçant le « vieux » Jacob Seisenegger. Dans l’Historia dell’antichità di Milano de 1592, Morigia nous livra une autre interprétation de ce patronage si important pour Arcimboldo à la cour impériale de Ferdinand Ier et de ses successeurs, Maximilien II et Rodolphe II. Selon lui, Arcimboldo « était apprécié et bien traité, et reçu avec une grande bonté, et l’empereur lui donnait un bon salaire digne de son mérite et lui montrait aussi son affection de nombreuses autres façons ». L’Étude pour un autoportrait d’Arcimboldo datant de 1575 (Národni Galerie, Prague) reflétait parfaitement l’analyse du personnage d’un courtisan proposée par Morigia, celui d’un homme cultivé et raffiné, un artiste-prince ou un artiste-philosophe de la Renaissance tel que le présentaient respectivement Baldassare Castiglione dans Le Courtisan (1535) et Giovanni della Casa dans son Galateo (1558). Le dessin à la grisaille propose un portrait de face de l’artiste portant un béret de peintre et la traditionnelle fraise. Son visage de forme ovale, avec sa barbe taillée, son regard intense, son nez aquilin et ses lèvres fines, révéle sa douce nature. La bouche entrouverte et le regard concentré créant un lien puissant et un agréable dialogue visuel entre le modèle, Arcimboldo, et le spectateur. La personnalité d’Arcimboldo et ses manières cultivées étaient, de fait, complètement de mise à la cour impériale. Un autre autoportrait tiré de son Étude pour un autoportrait est L’Homme de Lettres de 1587 (au Palazzo Rosso, Gabinetto Disegni e Stampe de Gênes). Le dessin fut réalisé sur papier blanc à la plume et au pinceau, à l’encre et au lavis bleu avec quelques traces de crayon. Arcimboldo se dépeignit sous les traits d’un noble, contrastant ainsi avec sa précédente étude le représentant comme un artiste. Dans ce dessin, Arcimboldo recréait l’image d’un humaniste vêtu de manière sophistiquée, à la mode de son temps, portant d’élégants atours et une fraise épaisse, encadrant un visage à la barbe soignée. Cette image était un portrait en buste de profil. L’Autoportrait d’Arcimboldo de 1570, à l’huile sur bois, fut décrit dans un inventaire de la collection de Prague comme celui d’ « un grand homme arborant une longue barbe noire. » Malheureusement son lieu de conservation nous est inconnu. Un autre portrait ultérieur, métaphorique dans sa composition et moins naturel que ses œuvres antérieures, était un

5. La Mort de la Vierge (d’après un carton d’Arcimboldo), 1561-1562. Tapisserie, 423 x 470 cm. Cathédrale de Côme, Côme.

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6. Portrait en buste de l’archiduchesse Jeanne, vers 1562-1565. Huile sur bois, 34 x 26 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne. 7. Maximilien II, sa femme Marie et ses trois enfants, vers 1563. Huile sur toile, 240 x 188 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne.

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dessin d’une Allégorie de la Mort des années 1590 (collection d’œuvres sur papier de la JeanLuc Baroni LTD). La personnification de la mort était composée de la manière suivante. Un jardin privé, ou hortus conclusus, contenait un visage de la forme d’une tour médiévale. Le hortus conclusus suivait la forme ronde d’une fraise d’un personnage de cour. La bouche ouverte et la langue représentaient respectivement une porte et un escalier, les yeux symbolisent les fenêtres et la tête où la couronne était conçue comme un château aux murs crénelés. Un homme gravissant une échelle entrait par la fenêtre gauche de la tour, tandis qu’on apercevait un autre homme fermant les volets de la fenêtre de droite. Il est possible que cette allusion à la mort ne fasse pas uniquement référence à la propre maladie d’Arcimboldo mais aussi à son départ de la cour royale des Habsbourg. Il pourrait aussi s’agir d’une allusion à la mort d’un membre de la famille royale, car, dans le dessin, la tête couronnée pouvait être un symbole de souveraineté. À son arrivée à Vienne en 1562, sous le mécénat de Ferdinand Ier, Arcimboldo peignit plusieurs portraits de la famille impériale (maintenant perdus ou dispersés), et en 1563, le premier cycle des Quatre Saisons. Les archives autrichiennes nous offrent une description lumineuse des commandes d’Arcimboldo durant ses années de service à la cour impériale des Habsbourg, sous Ferdinand Ier (1503-1564, r. 1556-1564), Maximilien II (1527–1576, r. 1564-1576) et Rodolphe II (1552-1612, r. 1576-1612). En 1565, Maximilien II, fils de Ferdinand Ier, conféra à Arcimboldo le titre de Hof-Conterfetter (peintre de portrait de la cour). Ce dernier peignit plusieurs portraits et tableaux durant cette période. En 1565, les archives mentionnaient un salaire de 20 florins. Arcimboldo continua à recevoir des paiements exceptionnels de la cour impériale en 1566, 1570, 1574 et 1575. Atteint du mal du pays, il se rendit en Italie en 1566. En 1580, sous le règne de Rodolphe II, fils de Maximilien II, il reçut une confirmation de son titre de noblesse. En 1582, Arcimboldo parcourut l’Allemagne pour faire l’acquisition d’antiquités et d’animaux rares. Ses commandes augmentèrent aussi - de 1581 à 1586 - son salaire mensuel montant à 50 florins. Des documents révèlent qu’Arcimboldo perçut son dernier salaire en novembre 1586. Le 12 août 1587, il fut gratifié d’un don de 1500 florins en guise de Hofabfertigung (« attendant à la cour royale »). Plus tard cette année-là, Arcimboldo rentra dans son Milan natal, mais continua à produire des œuvres d’art pour la cour impériale. En 1592, Rodolphe II le nomma comte Palatin. Arcimboldo mit toute son ingéniosité au service de la création des Quatre Saisons. Les multiples versions du cycle des Quatre Saisons, accompagné de celui des Quatre Éléments occupèrent une grande part de son entreprise artistique durant sa résidence à la cour impériale. Arcimboldo répéta ce couple thématique plusieurs fois en 1563, 1569, 1573 et 1575-77. Dans sa conception, le cycle des Quatre Saisons était lié à celui des Quatre Éléments. Tous les tableaux de ces cycles ne furent pas achevés, ils ne sont pas tous réunis ou n’ont pas tous survécu. La dispersion de certains tableaux du cycle ou d’un cycle entier complique notre compréhension des mérites d’Arcimboldo. Ces cycles furent admirés et

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loués par des artistes, théoriciens et écrivains de la fin du XVIe siècle, tels que Giovanni Paolo Lomazzo dans Idea del tempio della pittura (Milan, 1590), Gregorio Comanini dans Il Figino, ovvero del fine della pittura (Mantoue, 1591) et Paolo Morigia dans Historia dell’antichità di Milano (Venise, 1592). Sous le nouveau patronage royal, le peintre et organisateur de festivités, Arcimboldo mit sa formation artistique et son talent au service de la conception de cartons pour des tapisseries et des vitraux, investissant également son énergie dans des fresques dépeignant des personnifications de la nature ou des portraits allégoriques. L’inventivité et la magnificence des décorations et de l’ornementation de ces allégories et de ces personnifications de la nature, des éléments et des individus, révèlent son assimilation de la fantaisie classique et des capricci de la Renaissance, auxquels il mêlait ses propres jeux d’esprit. Passant d’un patronage dédié à la construction d’un édifice religieux à Milan à celui d’une cour séculière à Vienne et à Prague, il fut prompt à créer un style qui, bien que maniériste dans sa conception, était dénué d’implications morales et religieuses déclarées. Des documents de 1568-1571 découverts par Thomas Dacosta Kaufmann, à la Bibliothèque Nationale de Vienne, expliquent en grande partie la commande des Quatre Saisons et des Quatre Éléments ainsi que le symbolisme de ces cycles incroyables. Le brillant essai de Kaufmann sur les « Allégories d’Arcimboldo » démontre clairement l’importance du patronage de l’artiste et éclaire le sens de son imagerie. Kaufmann contredit les interprétations erronnées développées au XVIe siècle par les contemporains d’Arcimboldo, telles que celle de Lomazzo suggérant que les Quatre Éléments s’inspiraient de « tableaux de tavernes », celle de Comanni voyant ses tableaux comme des scherzi (plaisanteries), et celle de Morigia les appelant bizzarie (bizarreries). Ces conceptions fantastiques ou capricieuses de l’œuvre d’Arcimboldo se perpétuèrent au XVIIe siècle avec P. A. Orlandi et Luigi Lanzi, et jusqu’au XXe siècle avec Benno Geiger. La découverte par Kaufmann de textes et de poèmes en latin dédiés à l’empereur Maximilien II par Giovanni Baptista Fonteo (Joannes Baptista Fonteius Primio) expliqua la signification de la représentation des Quatre Saisons et des Quatre Éléments pour Arcimboldo. Ils étaient en effet conçus pour célébrer la cour impériale des Habsbourg et ses souverains. Les personnifications étaient proposées comme des grilli, concepts intellectuels, destinés à magnifier le pouvoir bienveillant de l’empereur Habsbourg et faisaient allusion à la nature harmonieuse de son règne. Kaufmann défiait la vision traditionnelle des cycles des Quatre Saisons et des Quatre Éléments selon laquelle il s’agissait de plaisanteries personnelles, de curiosités humoristiques ou de moqueries à l’encontre de la cour impériale des Habsbourg. La discorde entre érudits tournait principalement autour des multiples interprétations du mot italien du XVIe siècle, grilli. Pour certains, grilli signifiait plaisanteries ou jeux de mots, pour les autres il signifiait concepts intellectuels. Cette dernière interprétation s’accordait au style maniériste et à sa propension à composer une imagerie intégrant un symbolisme complexe et ambigu à l’intention de

8. L’Été, 1563. Huile sur bois, 67 x 50,8 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne. 9. Le Printemps, 1563. Huile sur bois, 66 x 50 cm. Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, Madrid. 10. Le Bibliothécaire, 1562. Huile sur toile, 97 x 71 cm. Château de Skokloster, Skokloster.

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l’intelligenzia des humanistes et des artistes. Les manuscrits découverts par Kaufmann véhiculent une vision radicalement différente où l’objectif de l’imagerie était un concept intellectuel, associant personnification et célébration de la nature (saison et éléments). De plus, les documents clarifient la position d’Arcimboldo à la cour, où il n’était pas seulement peintre, mais l’inventeur d’arrangements musicaux, de jeux, de tournois, de spectacles et de costumes pour les parades et les diverses festivités. Les activités d’Arcimboldo faisaient de lui un personnage similaire à Léonard de Vinci dans son rôle artistique auprès du duc de Milan et de Giorgio Vasari, impresario auprès du duc de Florence. Au cours de sa carrière à la cour impériale, Arcimboldo peignit plusieurs versions des Quatre Saisons et des Quatre Éléments. Ses mécènes royaux offrirent certains de ces cycles en guise de présent extraordinaire à d’autres souverains ou membres de leur famille. On ne sait pas toujours avec certitude quelle version fut offerte et à qui. Pour d’autres, la famille des Habsbourg les conservait dans leurs demeures, et parfois les plaçait même dans leurs chambres à coucher. Bien que les connaissances relatives au patronage de ces cycles commandés par la cour des Habsbourg soient bien établies, le débat demeure concernant leurs dates, leur localisation actuelle, l’appariement des images, et la signification de ces cycles. Les Quatre Saisons ou les Quatre Éléments, conçus comme des portraits en buste de profil, furent réalisés comme des pendants l’un de l’autre, ou se faisant face. Cet appariement symétrique établit un dialogue entre eux. Leur interaction se traduit aussi par la manière dont les images se regardent ou réagissent l’une à l’autre : surprise, rire, étonnement, déception. L’appariement est aussi lié à la personnification des âges des individus : une expression enfantine pour l’Air et le Printemps contraste avec une apparence juvénile, souriante et anxieuse pour l’Été et le Feu. Le bien-être de la Terre et de l’Automne révèle l’âge adulte, tandis que les luttes de la vieillesse sont incarnées par l’Hiver et l’Eau. Arcimboldo introduisit aussi une dimension sexuée dans ces cycles, faisant ainsi référence à l’humanité : l’Été étant représenté par une jeune femme, le Printemps par un jeune homme, l’Automne par un homme mûr et l’Hiver par homme âgé. Arcimboldo connaissait bien les traditions de l’Antiquité et de la Renaissance associant les éléments à un symbolisme anthropomorphique. Seznec observa que « depuis l’Antiquité, un système de concordance dans lequel les planètes et les signes du zodiaque servaient de base à la classification des éléments, des saisons et des humeurs ou des tempéraments » était établi. Dans ce système cosmologique, l’individu de la Renaissance était vu comme un condensé du monde, mais en même temps, dépendant des forces cosmiques universelles (théologique, géographique, minéralogique et médicale). En d’autres termes, l’individu était un microcosme dans un macrocosme, comme l’illustrait le schéma cosmologique de Seznec. 11. Le Feu, 1566. Huile sur bois, 66,5 x 51 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne.

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Outre la connexion cosmologique des éléments, les philosophes de l’Antiquité expliquaient encore que l’articulation naturelle de chacun de ces éléments naissait d’une combinaison de deux principes naturels élémentaires : l’eau dérive des principes du froid et de l’humide, l’air du chaud et de l’humide, le feu du chaud et du sec et la terre du froid et du sec. Cette

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identification s’élaborait et se déroulait dans un cycle qui commençait avec le premier élément, comme l’eau, et finissait avec le dernier élément, la terre, En étant passée à travers les états intermédiaires de l’air et du feu. De plus, les quatre éléments naturels correspondent, et par conséquent, affectent d’autre phénomènes naturels, à la fois dans le temps et l’espace, créant un quadruple ordre de la nature, c’est-à-dire que l’eau et l’air modifient les qualités de l’atmosphère (chaud-humide, chaud-sec, froid-sec et froid-humide). L’eau influence les états de l’atmosphère (liquide, gazeuse, dense et solide) et l’air change les forces de la nature, tels que les vents (nord, sud, est et ouest). Ces phénomènes naturels intègrent aussi les organes du corps humain (cœur, foie, rate et cerveau), qui, à leur tour, modifient les sensations individuelles (le sucré, l’amer, l’acide et le salé) ou affectent les humeurs (sang, bile jaune, bile noire et phlegme ou glaire). Ces humeurs correspondent au psychisme de l’individu. Le tempérament du sanguin par exemple, était associé avec l’humeur du sang, le colérique avec la bile jaune, le mélancolique avec la bile noire, et le phlegmatique avec le phlegme ou glaire. Ces considérations transparaissent dans les Quatre Saisons et les Quatre Éléments d’Arcimboldo. La gravure du XVIe siècle de la Quinta essentia, réalisée par L. Thurneysser en 1574, illustre la conception grecque des quatre humeurs du corps humain et de leur corrélation naturelle et céleste. Par ailleurs, les livres médicaux illustrés montrent comment les médecins, dans le traitement de leurs patients, ajustaient et reliaient les déséquilibres des fluides corporels aux humeurs et à leurs influences astrologiques et saisonnières. Par exemple, la page enluminée représentant les Quatre Humeurs dans le Guide des Barbiers-Chirurgiens de York, un manuscrit anglais du XVe siècle, appartenant aujourd’hui à la bibliothèque du British Museum, révèle l’importance des humeurs ainsi que leurs liens avec le rôle et les responsabilités d’un individu dans la société. En outre, la succession des divers cycles de la nature tels que les saisons (printemps, été, automne et hiver), incarnées par les bourgeons, les fleurs, les fruits et le fruit gâté, était aussi associée avec les quatre éléments et leur phénomène naturel, comme dans la tradition de la Picta Poesis d’Anulus Barptolomäus (Lyon 1552). Sous forme de roue, l’emblème Aeterna Hominum Natura de Barptolomäus dépeignait les transformations des quatre saisons, tandis que l’image 101 d’Alciato, Les Quatre Saisons de l’année (« In Quatour Anni Tempor »), classifait les oiseaux de saison et leurs chants respectifs, représentant la nature, le temps et la saison. L’alternance des saisons ponctue le rythme de la vie et les étapes de l’évolution (naissance, croissance, maturité et déclin) ; les cycles étaient donc liés aux états de la vie humaine ou aux différents âges de la vie (enfance, adolescence, maturité et vieillesse). Par exemple, sur l’emblème de Joannes Sambucus, Partes Hominis tiré de l’Emblemata de 1564, l’individu est représenté comme un microcosme contrôlé par les phénomènes naturels des saisons et les signes céleste du zodiaque.

12. Le Juriste, non daté. Huile sur toile, 70 x 54 cm. Collection privée, Milan. 13. Le Juriste, 1566. Huile sur toile, 64 x 51 cm. Nationalmuseum, Stockholm. 14. L’Eau, 1566. Huile sur bois, 66,5 x 50,5 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne.

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Elizabeth Sears, dans Les Âges de l’homme : une interprétation médiévale du cycle de la vie, et John Burrows, dans Les Âges de l’homme, expliquent tous deux comment le concept pythagoricien des âges de la vie fut associé aux saisons à la Renaissance. Ils mentionnent aussi la multiplication des cycles de la vie, passant de quatre à six voire sept cycles de vie, comme un résultat de l’impact de la science et de la médecine arabes au Moyen Âge. Dans l’Antiquité, au Moyen Âge et à la Renaissance, le cycle de la vie était associé au comportement humain ainsi qu’à sa culture sociale, ainsi que l’a dépeint Guariento dans ses Sept Cycles ou Âges de la vie vers les années 1330, pour le chœur de l’église des Eremitani à Padoue. Pour élaborer sa théorie cosmologique, le philosophe néoplatonicien de la Renaissance, Marsilio Ficino, se basa sur les écrits des philosophes classiques, Pythagore, Empédocle et Aristote. Ficino fut principalement influencé par la théorie de Platon selon laquelle les quatre éléments - air, feu, terre et eau – sont des symboles astrologiques en relation avec la nature et avec son rôle de création ou de destruction au moyen de ces éléments (Timée, 56-57). Ficino n’écrivit-il pas : « Chaque esprit, puisqu’il est naturellement plutôt fougueux, et léger et volatile comme l’air, est aussi comme la lumière, et par conséquent semblable aux couleurs et à la voix, aux odeurs et aux mouvements de l’âme. Pour cette raison, l’esprit peut être mû rapidement et façonné par ces choses » ? Le résultat de cette connexion céleste est que les éléments naturels de l’air, du feu, de la terre et de l’eau étaient associés aux planètes et aux signes du Zodiaque. Ficino continuait en approfondissant le lien unissant le naturel et le spirituel.

15. L’Amiral, non daté. Collection privée. 16. L’Hiver, 1563. Huile sur bois, 66,6 x 50,5 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne. 17. Le Cuisinier, vers 1570. Huile sur bois, 52,5 x 41 cm. Nationalmuseum, Stockholm. 18. Le Cuisinier, vers 1570. Huile sur bois, 52,5 x 41 cm. Nationalmuseum, Stockholm.

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« Vous savez bien que le corps brut est nourri par les quatre éléments bruts. Vous savez aussi que le corps spirituel est nourri par ses propres quatre éléments subtils : le vin correspond à la terre ; l’arôme du vin prend la place de l’eau ; les chants et les mélodies sont l’air ; et la lumière tient lieu de feu. L’esprit est principalement nourri par ces quatre choses. »

Bien qu’Arcimboldo n’ait eu aucunement l’intention d’associer les Quatre Éléments avec les signes du zodiaque, leur implication cosmique se manifesta dans leur représentation ainsi que dans les Quatre Saisons. Ainsi force est de constater que la philosophie néoplatonicienne de la Renaissance contenue dans la vision maniériste du macrocosme et du microcosme imprègne la personnification des phénomènes naturels chez Arcimboldo. Les portraits des Quatre Saisons et des Quatre Éléments sont constitués de quatre parties : un visage de profil avec une expression, une tête surmontée d’une couronne, un large col, et un torse couvert d’un motif sphérique. Ces parties de la composition sont des références à un symbolisme impérial : images d’un souverain, couronne, chaîne honorifique et spectre. Chaque saison possédait un élément naturel propre, par exemple : pour le Printemps un iris ou une fleur, pour l’Été un artichaut ou un légume, pour l’Automne une rose ou une fleur, et pour l’Hiver un citron ou un fruit ; et dans le cas des éléments : pour l’Air un oiseau, le Feu un élément qui brûle, la Terre un animal chassant, et l’Eau un poisson. Concernant la succession des Quatre Saisons et l’expérience des Quatre Éléments, l’individu les percevait à travers ses sens (selon la classification aristotélicienne du goût, du toucher, de l’odorat, de la vue et de l’ouïe). En représentant les Quatre Saisons et les Quatre Éléments, Arcimboldo connaissait parfaitement

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la signification et le potentiel d’identification des objets et de leurs propriétés par les sens. Il révéla dans ces tableaux les sensations du goût, du toucher, de la vue, de l’odorat et de l’ouïe. Dans le premier cycle des Quatre Saisons (1562-1563), la saison de l’Automne a été perdue mais les trois autres ont survécu : La saison du Printemps se trouve à la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando à Madrid, et les saisons de l’Été (p. 14) et de l’Hiver (p. 25) au Kunshistorisches Museum de Vienne. Bien que seules trois saisons de ce premier cycle des Quatre Saisons aient survécu, les inscriptions au dos des tableaux révèlent que dès leur conception, Arcimboldo prévoyait d’apparier les Quatre Saisons aux Quatre Éléments. Le cycle des éléments accompagnait celui des saisons de la façon suivante : Air et Printemps, Été et Feu, Terre et Automne, et Hiver et Eau. La saison du Printemps de 1563 (p. 15), commandée par Ferdinand Ier de Habsbourg, était probablement un cadeau destiné à Philippe II, roi d’Espagne, ce qui expliquerait pourquoi elle se trouve aujourd’hui à Madrid. Au dos du tableau, on peut lire une notation incomplète : « LA PRIMAVERA Va accompagnata con L’Aria ch... una testa di uccelli » (« Le Printemps est accompagné de l’Air, qui...une tête d’oiseaux »), indiquant la relation de pendant qui existe entre l’Air et le Printemps. Le tableau est aussi signé « Giuseppe Arcimboldo F [ecit] ». Les fleurs décorant la tête (caput) forment une couronne de couleurs douces variant du rose au blanc. La sélection des fleurs et des couleurs n’est pas fortuite, par exemple la corolle à six branches tendues vers le haut est une allusion à la couronne impériale, tandis que la tulipe rose formant l’oreille est une référence au récent cadeau d’une fleur rapportée de Constantinople par un diplomate des Habsbourg. Les lys, les roses, les ancolies (en guise de boucles d’oreille) et les iris (sur le torse) sont des allusions au mois de mai, le début de la saison des fleurs. Le col, dans le Printemps, est composé de jasmin, de jasmin étoilé et de pâquerettes. Une grande rose orange définit le menton, du muguet crée les dents, et des boutons de rose forment les lèvres. Les variations de vert sur la robe sont une allusion à la fertilité du Printemps. Les plantes comprennent une tête de laitue (torse), des feuilles de mauve, des orties, du persil, du trèfle, de la sauge et des fraises sauvages. La corolle foncée de l’iris contraste avec le vert clair de la laitue. Les versions de Berlin (1572), Paris (1573) et Munich (non datée) sont similaires dans leur dessin, seuls la taille et le schéma des couleurs varient légèrement. La version parisienne (p. 37) possède une bordure décorative renforçant le caractère de la saison et créant l’illusion de cette mise en abyme, un tableau dans le tableau. L’autre saison, l’Été (p. 14), est également signée « Giuseppe Arcimboldo F[ecit] » dans la fraise du col, formant un motif tissé. La date de 1563 apparaît en suivant la courbe de l’épaule (aujourd’hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne). La couronne est composée d’un aggrégat de fruits, incluant des abricots, des pêches, des poires, des cerises, des fraises et des prunes. Le profil du visage est dessiné par des pommes pour la joue, des cerises pour les lèvres, du raisin blanc pour les dents, et des poires pour le menton. Les oreilles sont composées d’épis de maïs et le nez d’un gros concombre. Le cou est formé de paille et d’une gerbe de maïs ou de froment. Le torse est celui d’une femme ; d’entre ses seins s’élève un artichaut proéminent. Les versions de Berlin (1572 ou celle de la collection privée des USA), de Paris (1573) (p. 30) et de Munich (non datée) varient légèrement dans la sélection des fruits de

19. L’Automne, non daté. Huile sur toile, 92,71 x 71,76 cm. Collection privée, États-Unis. 20. L’Automne, non daté. Huile sur toile, 76,8 x 56,7 cm. Collection privée, Berlin.

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21. L’Été, 1573. Huile sur toile, 76 x 64 cm. Musée du Louvre, Paris. 22. L’Été, 1572. Huile sur toile, 92,2 x 71,1 cm. Denver Art Museum, Denver.

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la couronne. La version de Munich représente un torse d’homme dont les épaules sont formées par des bottes de paille entrelacées de gerbes de maïs. Le portrait de l’Été est encadré de colonnes. La version parisienne contient cette splendide bordure ornementale. La version de l’Été berlinoise est de composition similaire à la version de 1563-1569 mais la tonalité de l’ornementation de la tête est moins verte. L’Automne est plus difficile à localiser. La première version de 1563 est aujourd’hui perdue, celle de 1572 appartient à une collection privée de Berlin (p. 29), la version de 1573 est aujourd’hui à Paris (p. 35). La tête est composée de légumes et de fruits. Une grosse citrouille tient lieu de couronne. Une variété de raisins rouges, noirs et blancs forme les cheveux, une pomme est la joue, une poire le nez, de gros champignons forment l’oreille à laquelle est suspendue une figue comme un pendentif en perle, un marron brun forme la bouche, une grenade est le menton. Divers types de poires et de racines forment le cou et des brins d’osier maintiennent le torse composé de planches provenant d’un tonneau à vin cassé. Une étrange baie garnie de feuilles en forme d’oiseau dépasse du torse. De vives couleurs automnales intensifient l’expression joviale et humoristique de l’Automne. La saison de l’automne est souvent associée au dieu du vin, Bacchus, à cause de l’amas de grappes de raisin et des ceps noueux qu’il porte sur la tête. Seules deux versions de l’Automne ont survécu, la version parisienne de 1573, comportant une bordure fleurie, et celle de Berlin de 1572, d’une taille supérieure, peinte dans des couleurs plus vives, affichant quelques modifications dans le torse, et deux rangées de brins d’osier maintenant les planches du tonneau. La saison de l’Hiver est signée dans le coin inférieur droit « Giuseppe Arcimboldo F. » et au dos il y a une date « 1563 » et un titre « Hjems ». Le personnage est différent, il n’est pas composé d’une profusion de fleurs, de fruits ou de plantes, mais d’une seule plante, un tronc d’arbre sec en forme d’homme. Ce n’est pas une tête composée comme les autres saisons, constituées de fleurs, de fruits et de plantes. Au lieu de cela, l’Hiver est symbolisé par un tronc d’arbre en forme de tête, couronné de feuilles et de branches entrelacées, une branche portant deux citrons émergeant de sa poitrine. La série de versions de Berlin, Paris et Munich comporte de légères variations dans le traitement du bois pour la formation de la couronne et du col. Le citron et l’orange émergeant de la partie supérieure du buste changent de texture. Par ailleurs, la version parisienne est encadrée d’une bordure décorative, tandis que la version de Munich est bordée par des colonnes. Le portrait de Munich est d’un aspect plus texturé et l’agencement du bois est complexe, contenant beaucoup de branches desséchées. Dans toute la série, le manteau de paille varie dans sa texture et dans son lettrage, comprenant parfois un « M » (pour Maximilien II), si la lettre « M » est vue à l’envers, l’initiale « A » (pour Arcimboldo) est visible dans les versions de Berlin et de Vienne alors que dans la version de Paris il a choisi de dépeindre l’insigne royal. Après la mort de Ferdinand Ier, Arcimboldo composa un second cycle des Quatre Saisons en 1569 pour son nouveau patron, Maximilien II (aujourd’hui perdu à moins qu’il ne s’agisse

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du cycle retravaillé de 1573 situé au Louvre). Cette série s’accompagnait des Quatre Éléments et d’un poème de Giovanni Battista Fonteo (1542-1587). Le titre du poème et une note de la seconde version des cycles confirment la tradition des artistes et des poètes de la cour impériale, consistant à présenter un cadeau à l’empereur pour la nouvelle année. Pour Arcimboldo comme pour Fonteo, le cadeau pour la nouvelle année consista en ces cycles peints des Quatre Saisons et des Quatre Éléments accompagnés d’un poème descriptif. Cette entreprise reprend le concept d’Horace, « ut pictura poesis » (« dans le tableau comme dans la poésie »). La découverte du manuscrit du poème de Fonteo se révéla importante car celui-ci nous offrait une clavis interpretandi pour la signification des cycles d’Arcimboldo dans le contexte du patronage des Habsbourg. Le savant Fonteo est bien connu pour son érudition en histoire latine et pour son traité sur le latin. Son style poétique dithyrambique, s’inspirant de la littérature néo-latine de la Renaissance et de la philosophie néoplatonicienne, complète l’imagerie complexe d’Arcimboldo et ses concepts maniéristes. Pour le poète et l’artiste, le but était de révéler au monde entier la glorieuse puissance impériale des Habsbourg. Magnifier leur patron, l’empereur, était une manière détournée de révéler leur bravoure et leur virtuosité d’artistes. Ainsi, le poète et l’artiste cherchèrent dans le passé antique et dans les événements récents des éléments pour la création de leur utopie mythique. En tant qu’humaniste, Fonteo fut influencé par la tradition classique du XVIe siècle. À l’instar des artistes de cette période, il consulta aussi les livres d’emblèmes et les manuels mythologiques comme une source potentielle de concepts visuels et littéraires. Chargés de connotations morales, ces manuels contenaient des représentations verbales et visuelles des vertus, des vices, des passions et des tempéraments, révélant au passage une philosophie néoplatonicienne. Les ouvrages disponibles les plus importants étaient ceux d’Andrea Alciato, Emblematum Libellus, publié pour la première fois en 1531, de Vincenzo Cartari, Imagini delli Dei degl’Antichi (1556), de Natale Conti, Mythologiae (1551), de Lilio Gregorio Giraldi, De Deis Gentium (1548), de Francesco Colonna, Hypnerotomachia Poliphili (1499), d’Horapollo, Hieroglyphica (1505), de Pierio Valeriano, Hieroglyphica (1556), de Paolo Giovio, Dialogo dell’Imprese Militari et Amorose (1556), et de Johannes Sambucus, Emblemata (1564). Ces textes étaient des compilations de « mythologie antique, d’écriture égyptienne arbitrairement interprétée, de motifs bibliques et d’allégories chrétiennes médiévales, où l’on assignait toutes sortes de significations absconses aux expressions et aux actions humaines, aux animaux, aux plantes, et où l’on imposait aussi des couleurs aux objets naturels et artificiels constituant leurs attributs symboliques ». Ces textes incluaient des mythographies antiques et médiévales, des sources hiéroglyphiques et numismatiques. Les textes servaient de manuels et de livres de recettes pour les humanistes et les artistes du Cinquecento – une sorte d’encyclopédie illustrée ou de « dictionnaire - album destiné à une consultation superficielle quand le temps manquait pour lire un texte ou une référence dans leur intégralité ». Puisque ces manuels étaient bien

23. L’Hiver, 1573. Huile sur toile, 76 x 63,6 cm. Musée du Louvre, Paris. 24. L’Hiver, 1572. Huile sur toile, 76,8 x 56,7 cm. Collection privée, Berlin.

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25. L’Air, vers 1572. Huile sur toile, 74,4 x 56,6 cm. Collection privée, Bâle. 26. L’Automne, 1573. Huile sur toile, 77 x 63 cm. Musée du Louvre, Paris. 27. Le Printemps, 1573. Huile sur toile, 76 x 63,5 cm. Musée du Louvre, Paris.

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connus des artistes et des lettrés du XVIe siècle, ces derniers empruntaient ou copiaient librement des informations de ces ouvrages sans mentionner la source originale. L’imagerie d’Arcimboldo doit donc être considérée dans le contexte de la culture du XVIe siècle telle qu’on la pratiquait à Vienne et à Prague dans les cours impériales de Maximilien II et de Rodolphe II. Il s’inspira des humanistes de la cour, en particulier de Fonteo, qui écrivit aussi un livre sur les ancêtres de la famille Cesi de Bologne. En tant que peintre de cour et décorateur, Arcimboldo révélait son souci d’honorer la cour royale qui le soutenait. Durant sa résidence à la cour impériale, Fonteo inspira et collabora avec Arcimboldo sur le symbolisme des tableaux. Leur amitié et leur partenariat contribua à la création de nombreuses fêtes, incluant la célébration du mariage de l’archiduc Charles de Styrie avec Marie de Bavière à Vienne en 1571. Les deux artistes aimaient concevoir et composer des costumes, des ornements et des décorations pour les festivités impériales. En 1572, Arcimboldo répéta le thème des Quatre Saisons (aujourd’hui dans une collection privée Berlin). Toujours intact, l’image du portrait des Quatre Saisons diffère légèrement des autres séries. En effet, dans ce cycle, le thème anthropomorphique est aussi traité avec un arrière-plan plus sombre et l’ornementation de la tête est exagérée et plus méticuleuse. Un an plus tard, en 1573, Arcimboldo dépeignit une version similaire des Quatre Saisons (p. 30, 32, 35, 37) et des Quatre Éléments. Une splendide bordure florale correspondant à la saison et créant l’illusion d’un cadre, permet une identification rapide de cette quatrième version. Certains chercheurs affirment qu’Arcimboldo ajouta la guirlande du cadre ultérieurement, peut-être quand il retravailla le cycle de 1569 afin de différencier ce groupe des cycles précédents. Probablement entre 1575 et 1577, Arcimboldo peignit deux autres cycles des Quatre Saisons (trois saisons seulement sont à la Bayerische Staatsgemäldesammlungen de Munich, p. 62, 64, 65). Le cycle de Munich fut réalisé sur panneaux de bois, alors que tous les autres cycles étaient peints sur toile. La version de Munich affiche de plus grands contrastes de couleur que les versions précédentes, et dans certaines zones, la couleur est aussi appliquée avec moins de fermeté. Ces portraits sont plus grands et riches d’une ornementation plus copieuse correspondant à chaque saison. Deux pilastres, créant l’illusion d’un tableau dans un tableau, encadrent l’image anthropomorphique. À la demande de Maximilien II, Arcimboldo peignit d’autres versions en guise de cadeau pour le prince-électeur de Saxe. Bien que le thème soit similaire, ces versions ne doivent pas être considérées comme des copies mais bien comme des « variations sur le thème ». Le cycle des Quatre Éléments est plus difficile à reconstituer car plusieurs panneaux sont dispersés dans de nombreux musées et autres collections privées. Cependant, Arcimboldo avait clairement l’intention de le coupler avec les Quatre Saisons. Son intérêt scientifique et le goût de l’empereur pour les collections de raretés de tous types se reflètent dans les tableaux des Quatre Éléments (Air, Feu, Terre et Eau). Dans son poème, Fonteo annonce que « les Éléments ont rejoint les Saisons en revêtant des formes humaines comme des têtes pour adorer

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le demi-dieu de la gloire autrichienne ». Arcimboldo explique avec nombre de détails comment les Quatre Saisons sont liées aux Quatre Éléments et comment les traités de cosmologie de l’Antiquité et de la Renaissance symbolisaient également cette analogie. On trouve par exemple, que l’Été est chaud et sec à l’instar du Feu ; l’Hiver est froid et humide comme l’Eau ; le Printemps et l’Air sont tous deux chauds et humides ; et l’Automne et la Terre sont froids et secs. Ainsi, Fonteo composa son poème comme un dialogue entre les Quatre Éléments et les Quatre Saisons, tout comme Arcimboldo travaillait à l’appariement symétrique de ses cycles, tel l’Air faisant face au Printemps. La Saison du Printemps est accompagnée de l’Élément de l’Air, l’association de cette saison avec cet élément est une conséquence des liens naturels avec le début du Printemps : le début de la croissance ; la renaissance de nouvelles fleurs, plantes et de la végétation ; et la capacité des oiseaux à voler sans en être empêchés par les conditions atmosphériques. La version de 1566-1573 est aujourd’hui dans une collection privée à Bâle. Arcimboldo dépeint le concept de l’air comme une encyclopédie ornithologique imagée. La tête est composée d’une nuée d’oiseaux extrêmement dense qui donne l’illusion d’une chevelure. On identifie aisément un corbeau, une fauvette, des chouettes, et en particulier un gros paon sur le torse, un symbole de dynastie, et l’aigle, un symbole de l’empire. De petits oiseaux chasseurs et des perroquets forment la couronne, une dinde forme le nez ; les queues d’un faisan et d’un coq forment la bouche et la barbiche ; le bec ouvert d’un canard forme les yeux, et une oie, un cygne, un perroquet et une chouette forment le cou ou le col de l’Air. Dans cette personnification, les animaux volants évoquent le milieu de l’espace et du vent, un royaume majestueux. Arcimboldo coupla l’Élément du feu avec la Saison de l’Été, reliant les deux éléments pour leur aspect mercurien. Il fit aussi contraster leur volatile nature en dépeignant l’Été comme une femme et le Feu sous les traits d’un militaire. Le Feu appartient aux premiers cycles, datant de 1566 (Kunsthistorisches Museum de Vienne, signé dans le coin inférieur droit du barrillet « Josephus Arcimboldus Menensis, F. ». La date, « 1566 Ignis », apparaît au dos du tableau. Une seconde version est située dans une collection privée en Suisse. Le personnage du Feu est composé d’instruments produisant des flammes et des objets de lumière, des éclats de torches et des canons, et des objets servant à fabriquer du feu comme les bougies, des silex et des fusées. On y trouve différent types de feu. La couronne contient un énorme feu de bois, le visage est constitué de deux pièces de métal pour le nez et les oreilles, d’une petite bougie pour l’œil, de feuilles de papier pour les joues, d’une lampe à huile pour le menton, d’un paquet de mèches pour la moustache, d’un rouleau de mèche à chandelle pour le front ridé. Une grande bougie servant à allumer le feu de bois crée le cou et relie le visage au col. Le col est orné d’une chaîne de la Toison d’Or, un ordre militaire puissant. Le jour de son mariage, le 10 janvier 1430, Philippe de Bourgogne fit don de la chaîne en or à la famille de Habsbourg, devenant ainsi membre de la famille royale. L’imagerie de la Toison d’or est également associée aux Habsbourg. La partie la plus impressionnante du Feu est le torse. Il est composé de divers symboles martiaux comme les canons et les fusils ainsi que de médaillons couverts d’un aigle double, symbole du Saint-Empire romain germanique. En introduisant ces diverses éléments, Arcimboldo faisait clairement allusion à la supériorité militaire des Habsbourg face à la Turquie.

28. Le Sommelier (La Cantina), 1574. Huile sur toile, 87,5 x 66,6 cm. Collection privée, Londres. 29. Ève et la pomme avec son vis-à-vis, 1578. Huile sur toile, 43 x 35,5 cm. Collection privée, Bâle.

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La Terre de 1570 (aujourd’hui dans une collection privée à Vienne, p. 68) est une huile sur bois. Cette personnification est couplée avec la saison de l’Automne. Dans Il Figino, Comanini décrit le tableau de La Terre : Le front contient une multitude d’animaux : une gazelle indienne, un chamois, un daim, un léopard, un chien, un cerf, un lucane, une biche et un gros animal. Un bouquetin, animal des montagnes du Tyrol forme la nuque avec un rhinocéros, une mule, un singe, un ours et un sanglier. Au-dessus du front on aperçoit un chameau, un lion et un cheval. Il est intéressant de noter que tous les animaux à bois ont arrangé leurs armes autour du front de manière à former une couronne royale...la zone à l’arrière de la joue est formée par un éléphant, dont l’oreille est assez grande pour être celle du personnage. Un singe sous l’éléphant remplit la mâchoire inférieure. Pour la partie avant de la joue, un loup a été utilisé, sa gueule grande ouverte, sur le point d’attraper une souris, sa bouche ouverte est l’œil et la souris la pupille de l’œil. La queue et la patte de la souris forment une moustache juste au-dessus de la lèvre supérieure. Sur le front, assis parmi les autres animaux, un renard à la queue enroulée forme le sourcil. Sur l’épaule du loup se trouve un lièvre formant le nez, et une tête de chat, qui est la lèvre supérieure. Au lieu du menton, il y a un tigre, supporté par la trompe de l’éléphant. La trompe est enroulée et forme la lèvre inférieure de la bouche du personnage. On aperçoit un lézard sortant de la bouche ouverte. Un bœuf couché et un faon forment la courbure de tout le cou.

30. Vertumnus, vers 1590. Huile sur bois, 68 x 56 cm. Château de Skokloster, Skokloster. 31. L’Homme-potager, vers 1590. Huile sur bois, 35,8 x 24,2 cm. Museo Civico Ala Ponzone, Crémone. 32. L’Homme-potager, vers 1590. Huile sur bois, 35,8 x 24,2 cm. Museo Civico Ala Ponzone, Crémone.

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La description fait plus penser à un rêve de chasseur. Geiger et Porzio suggèrent en effet que l’encombrement de mammifères de cette personnification de la terre est un inventaire de parc national ou de zoo, où par exemple le nez forme la croupe d’un lapin accroupi, la couronne est constituée des cornes d’une gazelle, d’un bouquetin et d’un lucane. Elle contient pourtant bien des éléments de la faune. La peau de mouton et la peau du lion sont aussi une référence aux Habsbourg et indirectement à la Toison d’or illustrée dans le Feu. Arcimboldo évoque également le fait que les Habsbourg seraient des descendants du demi-dieu Hercule, à l’instar de l’empereur romain Auguste qui affirmait être un descendant de Vénus. L’Eau, royaume de la mer, correspond à la saison de l’Hiver. Dans son ouvrage Trattato della pittura, Lomazzo remarque « tous ces poissons et ces huîtres [sont] si bien agencés qu’on pourrait croire que le tableau est rempli d’eau ». Le tableau de 1566 comporte la note « Eau » au dos (aujourd’hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne). Ce dernier est composé d’une couronne faite de coraux et de diverses espèces aquatiques, incluant des baleines, un morse, un hippocampe et une étoile de mer. Le visage de profil est composé d’une multitude de poissons différents, comme par exemple le lump, le scalaire, le poisson globe, le poisson plat, les huîtres, les crapauds, la crevette et le filet. Ces vertébrés aquatiques sont couverts d’écailles et de nageoires. Une grosse perle est suspendue à une grande conque formant l’oreille, un bernard l’ermite forme les sourcils, une raie plate fait office de joue et la bouche ouverte d’un

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requin dotée de dents aiguisées correspond à la bouche ouverte et aux dents de l’image. Le col est formé par une anguille enroulée sur elle-même. Un splendide rang de perles autour du cou de l’image contraste avec le gros crabe hideux du torse, qui est couvert de tortues, de homards, de pieuvres, de grenouilles, de grosses moules et autres coquillages. L’Eau est l’un des premiers aquariums. L’ambiance de cette demeure froide, humide et aqueuse est rendue par sa coloration argentée, ponctuée de teintes rouges (corail, homard et crevette), de jaunes (anguille, carapace de tortue et de crabe) et de blanc (conque et perles). L’allusion à la cour royale de Maximilien II est présente grâce à une représentation métaphorique des armoiries, symbolisées par un crabe géant au milieu du torse et par la couronne faite de trois rameaux de corail et de quelques arrêtes de poissons. Cette collection encyclopédique d’animaux aquatiques véhicule la symbolique du règne universel de la famille des Habsbourg, de leur expansion territoriale incarnée par l’élément de la Terre et de leur puissance navale dans la Méditerrannée. Arcimboldo continua d’explorer le monde naturel et celui de l’imagination. Ces images artistiques étaient le fruit de l’esprit ingénieux d’un artiste s’inspirant du monde naturel et puisant aux sources de la littérature et du domaine visuel. Néanmoins, Arcimboldo osait défier les lois universelles de la nature (les saisons, les éléments et les humeurs) afin de réinventer ces lois dans l’art (originalité, imagination, idéalisation et embellissement). En tant que peintre maniériste du XVIe siècle, Arcimboldo était confronté à la crise de l’Église - conflits entre la Réforme et la Contre-Réforme dans le monde chrétien - et des gouvernements - l’hostilité des états européens à l’encontre des Habsbourg et les Habsbourg combattant l’empire Ottoman. Aussi, Arcimboldo s’échappait-il en utilisant son génie pour créer un monde de « l’art pour l’art » où tous les éléments de la nature coexistaient en paix aussi bien dans l’air, que dans l’eau, dans le feu ou sur la terre ; où les quatre saisons fournissaient les richesses de la vie, même en hiver lorsque la vie est au repos. Arcimboldo inventa une utopie artistique, un royaume kaléidoscopique de couleurs et de formes où seule régnait l’imagination. Le monde d’Arcimboldo ne se limitait pas aux phénomènes naturels ; il créait aussi d’autres types de portraits, comme nous pouvons le constater avec Le Bibliothécaire (p. 16), Le Juriste de 1566 (p. 21), Vertumnus de 1590 (p. 43) et Flora I, II et III de 1591-1592 (Flora I est aujourd’hui dans une collection privée à Paris (p. 46) tandis que les II et III sont dans des collections privées à New York). Ces images ne ressemblent pas aux têtes composées des Quatre Saisons ou des Quatre Éléments ; ce sont plus des projets d’animation où coexistent l’inanimé et la vivant. Avec Le Bibliothécaire ou Le Libraire, Arcimboldo réalise la personnification d’un érudit. La composition du portrait en buste est pleine de livres. La chevelure est un livre ouvert, tandis que la tête, les joues, le nez, la bouche et le cou sont tous composés de plusieurs types de livres, petits et grands, ouverts et fermés. Des lentilles optiques forment les yeux. Le torse est composé de livres empilés. Les bras sont faits de gros livres aux couvertures rouge et beige. La reliure des livres rappelle le design et la décoration italienne du XVIe siècle. Dans la section droite de l’arrière-plan, une vieille porte marron contraste avec le rideau

33. Flora, vers 1591. Huile sur bois, 72,8 x 56,3 cm. Collection privée, Paris. 34. Tête réversible avec corbeille de fruits, vers 1590. Huile sur bois, 55,9 x 41,6 cm. French Company, New York. 35. Tête réversible avec corbeille de fruits, vers 1590. Huile sur bois, 55,9 x 41,6 cm. French Company, New York.

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36. Deux Portraits de Rodolphe II avec la couronne du royaume de Bohême et du SaintEmpire romain, 1575. Encre noire et plume sur papier, 16,8 x 16,5 cm (gauche) et 15,8 x 15,7 cm (droite). Národní Muzeum, Prague. 37. Paysanne se rendant au marché, non daté. Plume, encre brune, lavis bleu-gris sur papier, 25,1 x 18,1 cm. Biblioteca Nacional, Madrid.

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théâtralement élaboré qui repose partiellement sur l’épaule gauche de l’érudit. Le rideau sert de vêtement d’apparat qui drape le côté gauche du savant. Les franges du livre forment ses doigts. Il s’agit d’une personnification d’un homme de lettres, peut-être Wolfgang Lazius (1514-65), historien, médecin et cartographe de la cour impériale. Son livre sur la cartographie autrichienne, Typi chorographici provinciarum Austriae (1561), est probablement l’un des plus anciens atlas historiques. Lazius devint le conservateur de la collection impériale, voyageant à travers l’Europe pour acquérir et, parfois dérober des manuscrits, des livres et autres documents dans les monastères et les bibliothèques. Dans ses écrits, Lomazzo mentionnait le portrait d’un homme constitué de livres, tandis que dans Il Mondo illusorio, Porzio affirmait qu’il s’agissait d’une satire de la philosophie médiévale, révélant l’humour de la cour impériale des Habsbourg. Il existe d’autres versions de ce tableau : l’une à Linköping, Stifts OchLandesbibliothek, et deux autres dans des collections privées suédoises. Le Libraire, à l’instar des personnages des Quatre Saisons et des Quatre Éléments, est un amalgame d’idées humanistes sous forme de livres, une allégorie de l’apprentissage, contrastant avec ses tableaux ultérieurs : les deux versions de Rodolphe II sous les traits de Vertumnus, et les trois versions de Flora et Le Juriste, représentant tous des personnages ayant existé. Le Juriste de 1566 (Gripsholm Slott, Statens Konstsamlingar, Stockholm) comporte au dos l’inscription « Giuseppe Arcimboldi F. 1566 ». Les savants se demandent si une autre version appartenant à une collection privée de Milan serait bien de la main d’Arcimboldo. Le Juriste offre un buste vu de trois-quarts. Élégamment vêtu d’un manteau de laine marron agrémenté de peau de renard, un érudit des lois tient deux livres. D’après le critique d’art Lomazzo, le tableau dépeindrait Johannes Ulrich Zasius, un juriste renommé, conseiller et vice-chancelier de Maximilien II. Un autre critique d’art, Comanini, affirmait quant à lui qu’il s’agissait du portrait d’« un certain savant dont le visage aurait été dévoré par le mal français, au point qu’en réalité il ne lui restait plus que quelques poils au menton. Il composa son visage

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38. Composition à partir d’animaux. Aquarelle et gouache. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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entièrement de viande et de poisson frit et cela se révéla être un tel succès que quiconque le regardait, reconnaissait immédiatement le vrai visage du savant ». Le visage du juriste est composé de différents types de poisson et de volaille, comme par exemple un poulet plumé pour le nez et les yeux, deux types différents de poisson pour la bouche et le menton, et le corps d’un poulet pour le front et les joues. Les pattes de l’animal et les yeux ressemblent plus à ceux d’un aigle que d’une volaille, l’aigle étant, comme nous l’avons vu le symbole royal des Habsbourg. Bien que le commentaire de Comanini selon lequel le portrait représenterait une personne atteinte du « mal français », ou de la « vérole française », soit curieux, il est difficile d’imaginer qu’Arcimboldo ait pu réaliser un tel portrait du vice-chancelier de la cour impériale des Habsbourg. Il se peut également que ce visage soit une allusion au dicton italien : « ne carne, ne pesce » (« ni poisson, ni volaille »), évoquant l’impartialité d’un juge en matière légale ; un juge ne pouvant opter pour une cause ou une autre au nom de l’impartialité. Le contenu du visage pourrait faire référence à l’ambiguité du juriste face aux affaires religieuses, soulignant également l’indifférence religieuse de Maximilien II, la même indifférence religieuse, peut-être, ressentie par Zasius. Les inscriptions des livres sont difficiles à lire. Sur le premier tome on lit les lettres « Iserbia », tandis que le second porte un titre indéchiffrable commençant par « Les ». L’inscription du premier tome ne serait pas seulement une allusion à la guerre avec les Turcs, mais aussi à l’exode du peuple serbe vers le Saint-Empire romain germanique. Le torse du portrait est formé par la sacoche d’un avocat contenant plusieurs feuillets. Ici l’écriture est

illisible. Bien que formant une minorité, des chercheurs comme Geiger affirment que Le Juriste est un portrait satirique du réformateur de l’Église, Jean Calvin. L’affirmation de Geiger est basée sur une certaine tradition consistant à dépeindre des figures religieuses d’une manière satirique, comme l’illustrent les gravures satiriques du pape de Tobias Stimmer ou encore le tableau ironique de Jean Calvin par Arcimboldo dans Le Juriste. Par ailleurs, le peintre Stimmer imita le style d’Arcimboldo dans son portrait du pontife. Revenant à un thème biblique, Arcimboldo exécuta, en 1578, deux portraits en pendants ayant pour sujet une représentation plutôt inhabituelle d’Adam et Ève : Ève et la pomme avec son vis-à-vis (p. 40-41). Les portraits de profil sont ceux de deux individus qui restent encore à identifier : le portrait féminin est une personnification d’Ève, et le portrait masculin celle d’Adam. Le visage de la femme est composé de petits enfants se livrant à divers jeux érotiques. Deux putti s’accrochent à un rang de perles ornant sa coiffe, tandis qu’un autre putto tient une grosse perle en guise de boucle d’oreille. Un épais collier de perles décore sa gorge. Son décolleté expose la partie supérieure de ses seins, agrémentés d’une chaîne en or qui se termine par une rose. Son vêtement noir est orné de dentelle blanche. Les manches sont décorées de trois rubans rouges, noués comme des « nœuds d’amour ». On aperçoit un épais ruban noir noué à son poignet gauche qui tient fermement une pomme ou une poire. Elle fait un geste inhabituel de son auriculaire bagué. Ses lèvres étant entrouvertes, on devine que la femme est engagée dans une conversation avec son compagnon. Le portrait d’Adam dépeint un homme vêtu de manière décontractée, contrastant avec les atours élégants d’Ève. Sa tête et son visage sont aussi composés d’enfants se livrant à des actes érotiques. Sa gorge est formée des corps étendus de deux figures. Adam tient un livre ouvert avec un marque-page. Les inscriptions disent peut-être « Sapi… casa » (« reste...maison »). L’élément intéressant est le feuillet qu’il serre dans sa main droite. Bien que le texte supérieur soit difficile à déchiffrer, en observant les pendants, on déduit qu’un dialogue semble s’est instauré entre les figures. Mais au regard de leurs gesticulations, leur conversation n’est pas des plus plaisantes. En effet, la femme confronte l’homme avec une pomme de discorde et un anneau de mariage, tandis que l’homme brandit un contrat nuptial. Pour autant, les deux ont le sexe à l’esprit comme l’attestent les nus érotiques qui composent leurs visages et leurs têtes. Dans L’École de Prague, Kaufmann mentionnait d’autres œuvres d’Arcimboldo associées aux saisons, comme Janus, Vertumnus, Flora et Bacchus. Traditionnellement, Vertumnus est associé avec l’été, Flora avec le printemps, Bacchus avec l’automne et Janus avec l’hiver. Les personnifications de Janus et de Bacchus, mentionnées dans les inventaires autrichiens, sont à présent perdues, alors que le tableau illustrant Les Quatre Saisons en une tête se situe dans une collection privée à New York (p. 69)

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39. Étude d’un faucon crécerellette (Falco naumanni) et fleurs. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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40. Étude d’un hocco à pierre (Pauxi pauxi). Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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Quelques années plus tard, à la cour, Arcimboldo revint au thème de la personnification des saisons et des éléments. Mais il s’attacha alors aux concepts de l’allégorie ou de la métaphore d’un personnage particulier, comme l’empereur Rodolphe II sous les traits de Vertumnus ou un portrait d’une noble dame sous les traits de Flora. Dans son atelier milanais, Arcimboldo représenta Flora tout en peignant le portrait de Rodolphe II en Vertumnus. En 1589, il envoya d’abord son tableau Flora à Prague, puis une année plus tard, il fit parvenir à l’empereur Vertumnus. Cependant, au cours du sac de Prague par les Suédois, les deux tableaux furent emportés dans un château en Suède. En 1896, Flora fut vendu à compte privé pour 12 francs ; Vertumnus est toujours en Suède (Château de Skokloster, Skokloster). Le portrait de Rodolphe II en Vertumnus (p. 43) est le dernier tableau qu’exécuta Arcimboldo pour la cour impériale des Habsbourg. Comanini, un proche ami d’Arcimboldo, qui possédait une version des Quatre Saisons, composa un magnifique poème en s’inspirant de cette image. Le long poème glorifie Rodolphe II comme un souverain bienveillant, mettant en parallèle la fertilité de Vertumnus et les réalisations de l’empereur. Dans ce portrait, non seulement Arcimboldo représente Rodolphe II sous les traits du dieu étrusque de la transformation et de la végétation, Vertumnus, mais il saisit la psychologie de l’empereur. Succédant à son père Maximilien II, Rodolphe II était, comme nous l’avons vu, empereur du Saint-Empire romain germanique, roi de Bohême et roi de Hongrie ; Maria, sa mère était la fille de Charles V d’Espagne. Sujette à des crises de folies et à une forte mélancolie, la personnalité imprévisible de l’empereur formait un fort contraste avec son éducation humaniste et ses manières raffinées. Ce portrait, que l’on peut admirer à la Pinacothèque du Museo Civico de Brescia, représente le dieu étrusque, Vertumnus, une figure allongée dans un jardin clos, entouré d’un parapet classique sur lequel est juchée une chouette qui observe le spectateur. Dans le lointain, un paysage alpin un peu flou contraste avec la vitalité du premier plan qu’occupe une tapisserie de fruits. Le traitement du corps constitué de fruits et de légumes exotiques est une vivante fantaisie en trompe-l’œil. Quelques années plus tard, en 1592, un autre artiste de la cour des Habsbourg, Johannes van Aachen, acheva un portrait de Rodolphe II, arborant l’accoutrement impérial, un chapeau à plumes et les insignes impériaux, ainsi qu’une chaîne en or agrémentée d’une boucle de l’Ordre de la Toison d’or. Il se distingue par ses mâchoires saillantes, propres à la physionomie des Habsbourg. Ce portrait naturel de Van Aachen contraste singulièrement avec la représentation allégorique de l’empereur par Arcimboldo dont le portrait de face, contenant des fruits et des légumes des quatre saisons, est une allusion aux cinq sens. En outre, il existe trois versions de la nymphe Flora de 1591, l’une est actuellement dans une collection privée à Paris, les deux autres dans une collection privée à New York. Cette dernière, qui comporte une inscription dans le haut du tableau, « La Flora dell’Arcimboldo »,

41. Étude d’un lézard, d’un caméléon et d’une salamandre. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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fut peinte à Milan en 1588. Une seconde version fut achevée deux ans plus tard. Dans Idea, Lomazzo décrivit le tableau, remarquant qu’il fut achevé vers 1598. Comanini composa un madrigal, dans Il Figino, en l’honneur de ce tableau et l’envoya, ensuite, avec le tableau à Rodolphe II. Suis-je Flora ou de simples fleurs ? Si je suis fleurs, comment se fait-il Que mon visage s’éclaire du sourire de Flora ? Et si je suis Flora Comment se fait-il que Flora ne soit que fleurs ? Je ne suis ni fleurs ni Flora ; Et pourtant je suis Flora et fleurs Un millier de fleurs et une seule Flora, Des fleurs vivantes et une Flora vivante Car les fleurs composent l’image de Flora, et la déesse Flora crée les fleurs Savez-vous comment ? L’ingénieux peintre a mué les fleurs en Flora Flora en fleurs.

Inspiré par le paradigme de la Flora de Botticelli dans le Printemps de 1475, Arcimboldo inverse dans son tableau l’image du visage de Flora peint par Botticelli. Sa Flora en fleurs regarde le spectateur de gauche à droite. Comme dans les précédentes personnifications du Printemps, il crée une couronne avec une infinie variété de fleurs, et les tresses de cheveux se transforment en une guirlande florale. Ce portrait jusqu’à la taille est rehaussé par le col blanc de fleurs tressées, qui orne la robe faite de feuilles vertes et souligne le décolleté de Flora composé de pétales de roses et de pâquerettes blanches. Les fleurs blanches de ce chefd’œuvre illusionniste nous offre une vibrante célébration du printemps. En comparant les versions de Flora – l’une dans une collection privée en France, et les autres dans des collections privées à New York – on peut noter les distinctions suivantes. Dans la Flora parisienne, la peinture des fleurs de la couronne est de plus petite taille, le visage est moins rond, son sourire révèle ses dents, l’ouverture du décolleté est moins importante et un splendide lys jaune ouvert dépasse de sa poitrine, sa couleur faisant écho à celle du lys jaune formant son nez aquilin. Sur le manteau vert qui couvre l’épaule de Flora et constitue ses atours, il manque d’une part les petites fleurs blanches parsemant la texture et d’autre part la bordure décorative autour du col blanc fait de roses, de pâquerettes et de jasmin. La Flora parisienne camoufle adroitement les traits du portrait d’une femme bien précise. Aussi, l’expression générale de Flora est-elle moins audacieuse que la Flora de New York. L’image de Flora est une allusion à la déesse et messagère du printemps, puisqu’elle fut conçue par Chloris (« verdure ou fraîcheur »), déesse de la végétation, et par Zéphyr, le dieu du vent d’Ouest. Ainsi, Flora fait naître les fruits frais et les fleurs sur terre. Toutes les fleurs dépeintes dans le tableau sont des symboles universels de vie, de régénération et de fertilité, en particulier le lys jaune. Les nombreux pétales étoilés peints par Arcimboldo dans le tableau

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42. Étude d’un poussin déplumé à trois pattes. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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43. Bubale roux et antilope cervicapra. Biblioteca Universitaria, Bologne.

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44. Céphalophe à flancs roux et coati des montagnes. Biblioteca Universitaria, Bologne.

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sont autant de signes d’association de la fleur avec des propriétés psychotropes. Ils incarnent le domaine de la vie – la joie de vivre – des influences cosmiques, celui de la domaine de la nature – en particulier celui de la renaissance (transition de l’hiver au printemps) - et du triomphe de la vie sur la mort. L’association des couleurs des fleurs peintes signifie aussi la vitalité et la passion pour le rouge, la fertilité pour le jaune et le vert, la dévotion pour le bleu et le violet, enfin la croissance et la prospérité quand toutes les couleurs sont associées. Une troisième version de Flora de 1589-1590 (dans une collection privée de New York, anciennement la collection de Wildenstein and Company de New York) représente une femme inconnue incarnant Flora. D’après Kaufmann, « le traitement de la peinture, des formes des feuilles et des fleurs, et leur coloration pâle sont tous très semblables à la première version de Flora ». La Flora III d’Arcimboldo représente une femme dans la pose des portraits traditionnels italiens du XVIe siècle. C’est un portrait en buste. La chevelure de Flora est décorée de fleurs, et la guirlande de son col ouvert révèle un sein droit dénudé, une allusion érotique évoquant Laura de Giorgione. Cette référence érotique est liée, par le biais d’un symbolisme hermétique de la nature, à la fertile saison du printemps. Cette allusion à la nature est reprise avec une fructueuse imagination artistique dans le tableau d’Arcimboldo, inspiré par la richesse poétique des sonnets de Pétrarque, Laura, et par le passage ovidien sur Apollon et Daphné dans les Métamorphoses. Mais aussi familier que soit le spectateur avec les concepts d’Arcimboldo, il continue de se faire piéger par cette image peinte. Le splendide tableau de Flora III révélant son tempérament et manifestant de manière symbolique le développement de la nature, recèle également un détail déroutant – une fourmi grimpant vers le bouton de fleur, qui forme le mamelon de Flora. Dans l’un des premiers bestiaires grecs, Physiologus, l’auteur anonyme décrit l’importance de la fourmi qui, comme l’abeille, est un symbole de diligence, d’endurance et de prévoyance, ainsi qu’on peut l’observer dans la nature patiente de l’insecte qui engrange sa nourriture avant l’hiver. Arcimboldo étendit l’art de l’illusionnisme à d’autres types d’imagerie, comme le portrait réversible de scènes de genre, avec Le Cuisinier ou Le Chef, à l’envers Le Plat de viande de 1570 (Nationalmuseum de Stockholm, p. 26, 27) et L’Homme-potager, à l’envers Le Plat de légumes, de 1590 (Museo Civico Ala Ponzone de Crémone, p. 44, 45). Arcimboldo dépeignit des calembours visuels, calembours rappelant le monde à l’envers (il mondo alla rovescia) de Jérôme Bosch et de Peter Bruegel l’Ancien. Ces plaisanteries de l’artiste étaient accompagnées de messages didactiques transmis à travers une représentation trompeuse pour les sens. Le Cuisinier est le portrait d’un homme hideux. Son visage est composé de différents types de viandes cuites : poulet, lapin, porc. Un plat d’argent sert de chapeau, dont le bord reflète d’autres viandes cuites, accentuant ainsi le rôle du cuisinier. Une rondelle de citron et un rameau de chêne forment une plume, une allusion à l’image d’un imbécile au carnaval (Mardi Gras) ou « Fête des idiots ». Cette célébration tourne en dérision la moralité, les lois et les codes pour le plaisir de la violence et de rituels associés avec des débordements sexuels et physiques. C’est le triomphe du plaisir de la chair, incluant la nourriture. Peut-être, d’une subtile manière,

45. Le Printemps, non daté. Huile sur bois, 84 x 57 cm. Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich. 46. L’Été, non daté. Huile sur toile, 84 x 57 cm. Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich. 47. L’Hiver, non daté. Huile sur bois, 84 x 57 cm. Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich.

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48. Le Feu, non daté. Huile sur toile, 75 x 66 cm. Collection privée, Suisse. 49. La Terre, non daté. Huile sur bois, 70,2 x 48,7 cm. Collection privée, Vienne. 50. Les Quatre Saisons en une tête, non daté. Huile sur bois, 60,4 x 44,7 cm. Collection privée, New York.

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Arcimboldo a-t-il voulu créer une allusion à l’un des sept péchés capitaux, la gourmandise. Lorsque le tableau est renversé, une image différente apparaît : il s’agit de deux mains soulevant le couvercle d’un plat en argent garni de succulentes viandes rôties. Cette image pourrait être une référence au sens du goût, la rondelle de citron, en référence de l’odorat, venant renforcer cette allusion. Dans l’autre tableau réversible, L’Homme-potager ou Le Plat de légumes, un autre type de signification nous est révélée. Dans un sens, nous voyons une variété de beaux légumes dans un plat : oignons, carottes, champignons, courge, épinards, navets et divers types de légumes verts. Dans l’autre sens, il s’agit du portrait allégorique d’un jardinier rieur. Certains chercheurs voient cette image comme une référence à Priape, le protecteur grec du bétail et du potager (fruits, plantes et légumes), ou au dieu de la fertilité, en raison de l’allusion phallique suscitée par l’agencement et les formes des légumes de la composition. Les humanistes du XVIe siècle, Pietro Aretino (l’Aretin) et Paolo Giovio, décrivirent l’intérêt des Romains pour la gravure de scènes obscènes sous forme de tête composée illustrées sur des pièces ou des médailles. Dans ce types d’images, Arcimboldo se concentre sur le sens réversible des objets, « et si ? » ajoutant une ambiguité à son art et une part de mystère. L’objectif des empereurs Habsbourg était de créer un glorieux empire, de peupler la cour des plus distingués humanistes, scientifiques et dignitaires du temps, tel Johannes Sambucus, un humaniste, scientifique, historien et collectionneur d’art hongrois, qui devint l’historiographe de la cour des empereurs Habsbourg Ferdinand Ier, Maximilien II et Rodolphe II. Outre ce texte emblématique, il conçut, en 1572, des arcs de triomphe pour Maximilien II. À la cour impériale, il ne fait nul doute qu’Arcimboldo et Fonteo échangèrent et partagèrent leurs idées sur la manière de rendre gloire à la cour impériale à travers leurs tableaux, spectacles et poésies. Lorsqu’Arcimboldo arriva à la cour viennoise, il se rapprocha de Georg Bocskay, secrétaire de Ferdinand Ier. En 1556, Bocskay composa un manuscrit de prières en latin, Mira Calligraphiae Monumenta (aujourd’hui au Getty Museum of Art de Los Angeles, CA). Trente ans plus tard le manuscrit fut illustré. Bien que le texte religieux soit difficile à lire en raison de sa petite calligraphie et de son intérêt limité lié à son contenu liturgique, ce qui est tout à fait inhabituel ici est la transformation d’un texte liturgique en une encyclopédie botanique. En effet, Ferdinand Ier commanda au miniaturiste Joris Hoefnagel d’illustrer les prières latines de fleurs, de fruits, d’animaux et de plantes. Hoefnagel inclut un abécédaire à la fin du manuscrit. À travers sa superbe maîtrise technique transparaît une fascination encyclopédique pour la flore et la faune, probablement acquise grâce à l’œuvre d’Arcimboldo. En 1576, Rodolphe II prit les rênes de l’empire Habsbourg. Son intention était de faire de son règne un second Âge d’or (le règne de Charles IV fut le premier). Il fut l’un des plus importants patrons des arts et des sciences européen de la fin du XVIe siècle. Rodolphe II invita à sa cour humaniste, des scientifiques tels que Tycho Brahe (1546-1601), un célèbre mathématicien, et Johannes Kepler (1571-1630), qui servit d’abord comme assistant de Brahe,

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puis lui succéda en 1601, fondant un observatoire astronomique à Prague. Les artistes aussi étaient encouragés, comme par exemple Bartholomeus Spranger (1546-1611) et Hans Von Aachen (1552-1615). Rodolphe II soutint également le travail d’alchimistes tels que John Dee (1527-1608/1609) et Edward Kelley (1555-1597). Avide collectionneur d’art et d’objets rares, il possédait des cabinets regorgeant des collections et des curiosités les plus extraordinaires telles que kunstkammer et wunderkammer. Arcimboldo succomba au charme d’un patron aussi merveilleux et son art reflète la magie de la cour impériale. Malheureusement, une grande partie de cette collection fut disséminée par les Français, les Espagnols ; en particulier les Suédois s’approprièrent une grande partie de celle-ci lors de la Guerre de trente ans (1618-1648). Perpétuant la tradition du XVIe siècle qui consistait à composer des dessins et esquisses en guise d’exercices ou d’études pour des commandes, Arcimboldo prépara divers types de dessins au début des années 1560. Les dessins étaient des scènes de genre, éxécutées à l’encre et à la sépia avec des lavis gris ou bleu, comme La Paysanne se rendant au marché de 1563 (p. 51). Plus tard, Arcimboldo composa des recueils à thèmes festifs et emblématiques, tels les folios de Vienne (1571) et de Florence (1585) qu’il offrit à Rodolphe II, réunis dans un portfolio de cuir rouge contenant plus de 150 dessins avec une dédicace en latin qui signifiait : À l’invincible Empereur, son éternel et très aimé Souverain et Majesté Rodolphe II De la part de Giuseppe Arcimboldo de Milan, des idées multiples et variées conçues de sa propre main pour la prestation des tournois. En l’an de grâce 1585.

Cette collection contenait plusieurs dessins et esquisses qu’Arcimboldo composa pour des célébrations royales - apparat, fêtes et processions. La plupart de ces dessins furent composés au crayon et lavis bleu, les sujets allant d’animaux comme les éléphants et les dragons, à des objets comme des attelages et des luges. D’autres dessins représentaient des costumes pour les spectacles, portés par les membres de la cour qui assistaient au défilé, accompagnés d’inscriptions expliquant leur fonction. Pour les arts libéraux par exemple, il avait dessiné une robe pour la Géométrie avec une inscription en haut : « Géométrie sous l’égide d’Archimède le Sicilien et Archita le Calabrais. Robe grise » ; et une robe pour l’Astrologie avec la notation, « Astrologie sous l’égide de Ptolémée l’Alexandrin et de Julius Hyginus, le Romain. Robe blanche, les bords en rouge avec des étoiles dorées ». La plupart de ces dessins, qui sont à Vienne et à Florence, étaient des études en préparation des festivités pour le mariage de l’archiduc Charles de Styrie et de Marie de Bavière. Fonteo en fit le récit poétique, comprenant une longue description de la fête, de la procession et de la cérémonie. Avec son aide Arcimboldo conçut le spectacle, glorifiant le patronage de l’empereur.

51. Sanglier. Aquarelle. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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D’autres types de dessins furent consacrés aux sujets de genre, comme les treize dessins décrivant l’art de cultiver la soie et sa transformation de 1585 (aujourd’hui au Boston Museum of Fine Arts). L’ensemble fut réalisé au crayon et à l’encre bleue, au pinceau et au lavis bleu. Chaque dessin contenait une méticuleuse description de la transformation des fibres. Outre les tableaux, dessins, costumes, cérémonies et spectacles, Arcimboldo conçut des machines hydrauliques, inventa une nouvelle méthode de notation musicale utilisant des couleurs, et développa une série de kunstkammer et wunderkammer (chambres d’art et de merveilles), lui valant le surnom de « Léonard de Habsbourg ». Ces salles étaient une forme primitive de musée rassemblant des collections d’objets, incluant des astrolabes, des téléscopes, des horloges astronomiques, des animaux empaillés, des coquillages et des objets exotiques provenant du nouveau monde, comme des perroquets empaillés, et de l’ancien monde comme des momies égyptiennes. De plus, il existait des collections d’objets précieux et semi-précieux, faits de cristal, d’ivoire, de corail, de bronze. Maximilien II et en particulier son fils, Rodolphe II, étaient d’avides collectionneurs de ces objets fantaisistes. Il mourut le 11 juillet 1593 dans sa ville natale. La sépulture d’Arcimboldo repose dans l’église de San Pietro della Vigna. Dans le Magistro della Sanità de Milan, le certificat de décès mentionne qu’il mourut à l’âge de soixante-six ans de calculs rénaux et d’une occlusion du canal urinaire « sans suspicion de peste ». Lors de ses funérailles, le célèbre poète, Cesare Besozzo, lui offrit une épitaphe :

Au peintre Giuseppe Arcimboldo homme le plus illustre Le plus brillant, comte Palatin Qui fut toujours très apprécié par les empereurs Ferdinand, Maximilien II, Rodolphe II Cesare Bezozzo, très proche de ce grand homme

L. S. Bien que partiellement oublié du XVIIe au XIXe siècle, l’héritage artistique d’Arcimboldo fut 52. Chamois et bouquetin. Aquarelle. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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réinterprété par des peintres symbolistes comme Odilon Redon et Arnold Böcklin ainsi que des artistes surréalistes comme Salvador Dalí, Marcel Duchamp, Max Ernst et René Magritte. Aujourd’hui, l’imagerie d’Arcimboldo continue de défier l’imagination du spectateur en déployant tous les ressorts de sa créativité artistique et tout son enchantement.

53. Cerf élaphe. Aquarelle. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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BIOGRAPHIE 1527

Giuseppe Arcimboldo naît à Milan d’une famille noble. Son père, le peintre Biagio Arcimboldo est ami de Bernardino Luini, élève de Léonard de Vinci.

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24 décembre. Le nom de l’artiste apparaît pour la première fois dans les annales des œuvres de la cathédrale de Milan, où avec son père, il crée des cartons pour les vitraux de la cathédrale.

1551

Arcimboldo peint cinq insignes pour le roi de Bohême, futur empereur Ferdinand Ier. Son oncle, Giovanni Angelo Arcimboldo, devient archevêque de Milan. Ce dernier va, avec le père d’Arcimboldo, influencer la formation de peintre de Giuseppe et lui passer des commandes pour les projets de la cathédrale de Milan. Son père meurt, Arcimboldo continue à travailler à la cathédrale de Milan.

1555

Des documents des annales des œuvres de la cathédrale de Milan font mention du grand talent d’Arcimboldo dans l’exécution des portes de l’orgue pour la cathédrale de Milan et de la rivalité entre les peintres Giuseppe Meda et Bernardino Campi. Ferdinand de Bohême devient empereur du Saint-Empire romain germanique.

1556

Corrado de Mochis, maître verrier de Cologne compose un vitrail pour la cathédrale de Milan basée sur les cartons d’Arcimboldo. Le sujet choisi est les Histoires de sainte Catherine d’Alexandrie.

1558

Il met fin à ses activités à la cathédrale de Milan mais il continue de travailler dans la région lombarde. A Côme, il crée des cartons pour des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament destinés à des tapisseries, La Mort de la Vierge est toujours visible à la cathédrale de Côme. Les tisserands flamands Johannes et Ludwig Karcher réalisent les tapisseries. À Monza, il réalise les fresques dépeignant L’Arbre de Jessé pour la cathédrale de Monza et des cartons pour des tapisseries, aujourd’hui perdus.

1562

Ferdinand Ier, roi de Bohême, puis plus tard empereur du Saint-Empire, requiert le talent artistique d’Arcimboldo pour la copie et le portrait à cour impériale des Habsbourg. Le peintre italien remplace dès lors Jacob Seisenegger.

54. Faucon aplomado. Aquarelle. Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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1563-1566 Peint la première série des Quatre Saisons pour Ferdinand Ier. 1565

Mort de Ferdinand Ier, son fils, Maximilien II, devient, à son tour, empereur du Saint-Empire romain germanique. Le nom d’Arcimboldo apparaît pour la première fois dans les archives de la cour des Habsbourg, cité comme peintre de portrait de cour.

1566

Arcimboldo peint Le Juriste et entame la série des Quatre Éléments. Il voyage en Italie pour livrer des dessins de scènes fantastiques destinées à être gravées par l’imprimeur vénitien Francesco Camocio.

1568

Arcimboldo commence à collaborer avec Giovanni Battista Fonteo, humaniste et poète, sur des sujets thématiques et emblématiques.

1569

Pour la Saint-Sylvestre, Arcimboldo livre à l’empereur Maximilien II les Quatre Saisons et les Quatre Éléments accompagnés d’un poème descriptif écrit par Giovanni Battista Fonteo.

1570

À Prague, il prépare la scénographie et les décorations pour un tournoi célébrant le mariage de la fille de Maximilien II, Élisabeth avec Charles IX, roi de France.

1571

À Vienne, avec l’aide du poète érudit Fonteo et l’artiste-philosophe Jacopo Strada, il décore les apparti pour les festivités des noces de l’archiduc Charles d’Autriche avec Marie de Bavière.

1572-1573 À la demande de Maximilien II, l’empereur de la lignée des Habsbourg, Arcimboldo peint deux autres cycles de Quatre Saisons et de Quatre Éléments, dont l’un sera donné en cadeau au prince-électeur de Saxe.

55. Faisan de colchide. Aquarelle, Östereichische Nationalbibliothek, Vienne.

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1574

Arcimboldo peint Le Chef et Le Jardinier décrits dans certains documents aujourd’hui perdus. Il peint aussi des portraits pour les appartements privés de l’empereur, pour lesquels il reçoit 54 florins.

1575

Le fils naturel d’Arcimboldo, Benedetto Arcimboldo, naît le 14 juillet à Prague. L’empereur signe un certificat légitimant la naissance.

1576

Avant sa mort, Maximillien II honore Arcimboldo d’un cadeau de 200 florins. Son fils, Rodolphe II, devient empereur du Saint-Empire romain germanique, au décès de Maximilien II.

77

78

1577

Arcimboldo peint un autre cycle des Quatre Saisons et des Quatre Éléments.

1580

Rodolphe II confirme le titre de noblesse d’Arcimboldo et modifie les armoiries de sa famille.

1582

Rodolphe II charge Arcimboldo de trouver des objets rares et des œuvres antiques pour ses kunst et wunderkammer (cabinets de curiosités). À cette fin, Arcimboldo se rend à Aix-la-Chapelle et Kempten.

1584

Le théoricien milanais Giovanni Paolo Lomazzo publie son traité, Trattato dell’arte e della pittura à Milan. C’est la première exégèse de l’art d’Arcimboldo.

1585

Arcimboldo offre à Rodolphe II un portfolio contenant une série de 150 dessins représentant des costumes, des coiffures, des ornements, des traîneaux et chars de défilé, aujourd’hui aux Offices.

1586

Arcimboldo conçoit des décorations pour la nouvelle résidence du baron Grünbuchel, ministre du cabinet de Rodolphe II.

1587

Arcimboldo quitte Prague pour s’installer définitivement à Milan. En gage de gratitude, Rodolphe II le récompense de 1500 florins pour son service « long, fidèle et attentif ».

1589-1590 Arcimboldo envoie à Rodolphe II à Prague le tableau Flora accompagné d’un madrigal composé par le prélat Gregorio Comanini. À Milan, Giovanni Paolo Lomazzo publie Idea del tempio della pittura, un traité sur l’art milanais. 1591

À Mantoue, Comanini publie Il Figino, ovvero delle fine della pittura, une célébration poétique sur les toiles d’Arcimboldo. Comanini parle d’Arcimboldo comme d’un « virtuose ». La même année, Arcimboldo envoie à Rodolphe II, un portrait de lui sous les traits de Vertumnus. L’empereur est satisfait et en gage de reconnaissance, le nomme « Arcimboldo comte Palatin ».

1592

À Venise, Paolo Morigia publie Historia dell’antichità di Milano, louant Arcimboldo et sa famille. Trois ans plus tard, l’ouvrage de Morigia Della nobilità di Milano est imprimé à Venise.

1593

11 juillet, Giuseppe Arcimboldo meurt à Milan. Il est enterré dans l’église de San Pietro della Vigna.

56. Autoportrait, vers 1571-1576. Plume et lavis bleu sur papier, 23,1 x 15,7 cm. Národní Galerie, Prague.

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LISTE DES ILLUSTRATIONS A L’Air L’Amiral L’Automne Autoportrait B Le Bibliothécaire Bubale roux et antilope cervicapra C Céphalophe à flancs roux et coati des montagnes Cerf élaphe Chamois et bouquetin Composition à partir d’animaux Le Cuisinier D Deux Portraits de Rodolphe II avec la couronne du royaume de Bohême et du Saint-Empire romain

34 23 28, 29, 35 78

16 60

61 73 72 52 26, 27

50

E L’Eau 22 L’Été 14, 30, 31, 64 Étude d’un faucon crécerellette (Falco naumanni) et fleurs 54 Étude d’un hocco à pierre (Pauxi pauxi) 55 Étude d’un lézard, 56 d’un caméléon et d’une salamandre Étude d’un poussin déplumé à trois pattes 59 Ève et la pomme avec son vis-à-vis 40-41 F Faisan de colchide Faucon aplomado Le Feu Flora 80

77 74 19, 67 46

H L’Hiver L’Homme-potager

25, 32, 33, 65 44, 45

J Le Juriste M Maximilien II, sa femme Marie et ses trois enfants La Mort de la Vierge

20, 21

13 10

P Paysanne se rendant au marché 51 Portrait de l’une des filles de Ferdinand Ier (l’archiduchesse Barbara ou Eléonore ?) 7 Portrait en buste de l’archiduchesse Jeanne 12 Portrait en buste de l’une des filles de Ferdinand Ier (l’archiduchesse Hélène ou Barbara ?) 6 er Portrait en buste de l’une des filles de Ferdinand I (l’archiduchesse Marguerite ?) 9 Le Printemps 15, 37, 62 Q Les Quatre Saisons en une tête

69

S Sainte Catherine s’entretient avec l’empereur sur la foi véritable Sanglier Le Sommelier (La Cantina)

4 70 38

T La Terre Tête réversible avec corbeille de fruits V Vertumnus

68 48, 49

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